d'après

!P',IRRITl',IDI
DESSIN d'après MODÈLE
SECRETSET ASTUCESDÉCRYPTÉSAU TRAVERS DE 100 ŒUVRES
HELEN BIRCH

Dessin en atelier ou sur le vif, autoportrait ou croquis d'inconnus, silhouette nue

ou portraits de groupe : le dessin d'après modèle prend des formes variées. Cet
ouvrage se présente comme une source d'inspiration et de conseils. Il met à l'honneur
une centaine de créations originales, à la facture soignée et parfois décalée. Diverses
techniques sont ainsi présentées et vous donneront l'élan nécessaire pour découvrir
ou retrouver le plaisir du dessin d'après modèle.

14,90 €

11
9 782350 173979
Dessin d'après modèle
est édité par Pyramyd éditions
www.pyramyd-editions.com
1 d'après

© 2017 RotoVision SA
HELEN BIRCH
Texte français
© Pyramyd éditions , 2017

Édition française . Céline Remechido et Christelle Doyelle

Traduction . Nadia Fischer
Correction : Marine Perrier
Maquette : Agata Rybicka
Adaptation de la couverture : Philippe Brulin

Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission ,

Crédits iconographiques
même partielle , sous quelque forme que ce soit , est interdite
Couverture (de gauche à droite , en haut puis en bas ) :
sans autorisation écrite du détenteur des droits. Mark Tennant , Ekaterina Koroleva , Phillip Dvorak , Julian Landini , Agata Marszalek ,
Manuel San·Payo , Harry Ally, Mark Horst
ISBN: 978·2·35017-397-9
Dépôt légal : 1" semestre 2017 4' de couvert1.ue (de gauche à droite ) :
Imprimé en Chine Agata Marszalek , Paul Heaston , Loui Jover
En feuilletant ce livre Index visuel. . .......... 06
Le dessin d 'après modèle vivant ... 10

Outre le sommaire de la page ci-contre, nous avons inclus un index visuel et une liste des Les dessins ........ , . ................. ,. 13
artistes pour mieux vous aider à parcourir cet ouvrage. Ils vous seront utiles pour retrouver
Contours et formes ...... 14
sans peine informations spécifiques et illustrations.
Trait ........ ....... ...... .. ........ ........ 56
IN D EX V ISUE L I NDE X DE S A RTI STE S
Parce que cet ouvrage traite autant d 'inspiration visuelle Si vous préférez retrouver des images par le biais de Lavis ..... 96
que de technique, nous proposons un index visuel leurs auteurs, un index regroupant les artistes par ordre
Valeurs et ombres ... ···· ····· ··· ·· ...... 108
(p. 6-9). Ainsi , vous pourrez facilement retrouver ce que alphabétique se trouve aux pages 204-205, avec leurs
vous avez repéré dans ce livre : une illustration, un style , blogs et sites web, afin de mieux connaître leurs Couleur .............. 162
ou encore une couleur spécifique. Les numéros de page réalisations.
figurent sur chaque vignette. À noter que lorsqu 'un Techniques mixtes ............... ........ 180
chapitre contient plus d 'une illustration , seule l'une
d'entre elles apparaîtra dans cet index. Les bases .................. .. ....................... 197

Pour aller plus loin .... . . . . . . . . . . ... 203

Index des artistes ... 204
Index. . .... 206
Remerciements. . .. 208
Ekaterina Koroleva
JOUER
Encre, aquarelle, numérique
Le dessin d'après modèle vivant
L'expression s 'applique le plus souvent au dessin en
atelier , dont on a tous à peu près la même image en
tête un modèle au milieu de la pièce, et de studieux
disciples qui s'appliquent à le dessiner « correctement »,
installés derrière des chevalets.
Si vous avez déjà assisté à ce genre de cours, vous
savez que l'idée que l'on s'en fait n'est pas tout à fait
exacte. Loin du cliché du lieu sacré, l'atelier permet
avant tout d'observer la figure d'un œil neuf, de tenter
de nouvelles techniques et de gagner en confiance
pour interpréter la forme humaine. Nombre de dessins
présentés dans cet ouvrage ont été réalisés dans de tels
endroits. Ce genre de séances in situ est accessible
à tous, avec modèles nus ou vêtus.
Le dessin d'après modèle vivant ne se limite
évidemment pas à l'atelier: on peut le pratiquer en
voyage, à la plage, au café ou au restaurant, ou tout
simplement chez soi. La solution la plus facile reste
l'autoportrait: le modèle se trouve toujours à
10
disposition I Avec un petit carnet de croquis et un
minimum d 'équipement, on peut travailler partout ,
et réaliser aussi bien un dessin extrêmement abouti
qu 'un très rapide croquis.
Inutile de jouer les puristes : si vous préférez dessiner
d'après photo, n 'hésitez pas. Gardez juste à l'esprit
qu'une photo aplatit les tons, modifie les couleurs et
déforme les perspectives.
Travailler d'après modèle aboutit à une interprétation
plus personnelle, et participe d'une tradition artistique
séculaire. Cette discipline n'a pas nécessairement
vocation à atteindre la ressemblance. Il peut s 'agir
d'étudier la position du corps, l'impression que laisse
son mouvement. Cet ouvrage vous dévoilera l'étude de
la figure sous toutes ses formes : à petite ou à grande
échelle, traditionnelle ou expérimentale, sophistiquée
ou épurée.
Dway ne Bell
A LEX
Helen Birch
Stylo, numérique
11
 Les dessins
•

; ~rrs

Maria Gil Ulldem ol in s

LIZA, BRIDGETT, KATHERINA , STELLA , CHIGNONS ET
PEIGNES, PENSÉES DE GEISHA, REBECCA, BIANCA
Feutre fin, encre de Chine
CONTOU RS ET FORMES
Passage du temps
Présentés ainsi , côte à côte , ces deux dessins de Horst
figurent le même modèle au même endroit. Ils nous
permettent de constater combien l'expérimentation
de l'artiste au sein d 'un même cadre peut altérer
l'apparence d 'un dessin. Horst est peintre. Il utilise
ses dessins pour réfléchir et s'amuser, et pour préparer
ses peintures , à la manière de mémos visuels à sa
propre attention.
La mise en scène reste relativement simple : le coin
d'une pièce , une chaise , un modèle. Réunis de la sorte ,
ces deux dessins semblent extraits d 'un story-board
(présentation illustrée d 'un film ou d 'un dessin animé)
La scène est éclairée par la droite, comme l'indique
l'ombre portée. La source lumineuse semble naturelle.
La subtile variation des masses géométriques formées
par les ombres témoigne du passage du temps .
14
MARK HO R ST
La représentation qu 'offre Horst suggère un recours
à la photographie, non seulement pour imprimer la
marque du temps et capturer la nuance du mouvement ,
mais aussi pour obtenir un tracé précis de la silhouette.
L'artiste a posé les formes au crayon, puis défini
sommairement une partie du périmètre des espaces
en négatif à l'aide de pastels Les contours dévoilent
un tracé irrégulier, à l'instar des notations qu 'un
photographe laissait jadis sur ses planches -contacts.
On obtient un résultat de ce genre en calquant la
projection (au moyen d'un projecteur numérique)
de l'image choisie.
Photocopiez l'image sélectionnée sur film acétate avant
de la projeter et d'en calquer les contours.
J . L. AVEC UNE MA IN SUR LA TÊTE, J. L. LES MA INS JOINTES
Carré Conté et pastel
15
 CO T OUR S ET FORMES
Utiliser les bords
L'effet premier de ce dessin s'exerce à travers sa
composition insolite. Ses éléments principaux -
personnage recroquevillé et table basse - y occupent
une place étrange, aucun des deux ne rentrant dans le
cadre imparti. Ils dépassent du bord de la feuille. Au vu
du titre de l'œuvre , ce débordement, que l'on pourrait
aussi qualifier de« périphérie latente», fait sens.
La composition forme une partie importante de tout
dessin abouti. Composer une image consiste à décider
comment agencer les choses au sein d'un espace donné
(en général, celui d 'une feuille de papier). L'agencement
et la combinaison de ces éléments ou ingrédients
peuvent découler de l'observation directe de l'artiste: la
figure et ce qui l'entoure, une représentation des choses
« telles qu'elles sont>> ou, comme ici, manipulées après
une première observation. La dynamique de cette
œuvre vient de la façon dont ont été découpés, puis
reconstruits, les éléments du dessin : ici, avec le logiciel
Photoshop, mais une technique plus basique de couper-
coller fonctionnerait tout aussi bien.
16
ANN PAJUVA LI
Le personnage est dessiné à la mine de plomb , travaillé
à partir d 'un modèle et d 'une photo de référence. Le
trait prend ici diverses formes : contours gris , ombré
léger pour la silhouette, petites lignes parallèles pour le
short, et quadrillage délicat pour la chemise. Des traits
multidirectionnels au feutre noir suggèrent la texture du
tapis, tandis qu'un gribouillis noir simule les cheveux au
creux de la nuque du personnage. La forme organique
(en noir et blanc) de ce dernier est contrebalancée par
la géométrie colorée de la table et par la forme du tapis,
découpée à l'aide de Photoshop. Les quelques tubes et
bâtons disposés au sol ajoutent un tout dernier détail
de composition.
Dessiner de cette manière s'avère étonnamment
difficile . L'observation et le trait occupant toute notre
attention , notre dessin finit bien souvent au centre de
la feuille de papier.
JE CROIS QUE J 'AIVOLÉTA MÉMOIRE
M ine de plomb , crayon de cou leur, feutre , Photoshop
17
 O TOURS ET FORMES

Chercher une pose CR AW FURD A DAMS ON

Il est judicieux d'envisager plusieurs points de départ
différents lorsqu 'il est question de dessiner une figure
humaine. On ne peut pas toujours compter sur les cours
de dessin académique pour nous offrir les poses que
nous souhaitons. Mais l'enseignant et les élèves de
votre cours seraient sans doute intéressés par les
nouvelles idées que vous pourriez leur soumettre.
Comme Adamson , faites appel à la mythologie antique
comme point de départ pour votre dessin. Ici, l'artiste a
choisi de développer son idée à partir de l'une des trois
figures féminines nommées « Moires », divinités du
Destin. De la même façon. inspirez -vous de la
mythologie (ou de l'histoire) pour travailler des poses
porteuses de récit. Quelques recherches suffiront à vous
constituer une banque d'images. Les artistes utilisent
très souvent les personnages et les légendes de la
mythologie comme source d'inspiration. Une visite dans
un grand musée vous fournira nombre d'exemples, aussi
bien en peinture qu'en sculpture ou en dessin.
Peintre figuratif, Adamson réalise ce type de recherches
afin de mieux cerner ses choix : le mouvement de son
personnage, les meilleurs angles, la place et le rôle des
éléments dans la composition finale , etc.
Ici, la position du coude se révèle particulièrement
intéressante. L'artiste a décidé d'exagérer la longueur
du bras et de le grossir, de sorte que le geste de la main
apparaisse amplifié. Les différentes pressions exercées
sur la mine tendre (68) permettent de nuancer les
valeurs, du noir au gris clair. Le tracé semble chercher
la bonne position et nous dévoile les coulisses de la
recherche graphique.
ÉTUDE POURTRIUMV IRAT
Mine de plomb

19
18

• CONTOU RS ET FORMES
Manier la forme géométrique
Le travail dans l'urgence prévaut lorsque l'on saisit une
figure, même si le modèle s 'avère professionnel, comme
dans cet exemple. Certaines poses sont difficiles à tenir :
observez la position des jambes. Imaginez l'inconfort de
cette posture . le poids du buste repose entièrement sur
les poignets et les mains.
Un trait rapide permettra donc de mieux évoquer la
posture. Ici, l'artiste a vite cerné la forme basique
suggérée par la figure. Le haut du triangle se situe au
niveau des épaules , et sa pointe à la base de la colonne
vertébrale. Voyez comment la masse olivâtre au pastel
accentue la position inclinée en arrière. La cambrure
des côtés du triangle semble ancrer le modèle à son
support et lui fournir un dossier.
20
r
JYLIAN GUSTLIN
Une autre forme géométrique façonne la tête , au rendu
assez rudimentaire. Ce cercle gribouillé de manière
presque rageuse parvient à figurer la tête inclinée du
modèle , et saisit le seul point de relâchement de la
posture dans son ensemble. Sa noirceur trouve son écho
au bout de la diagonale opposée , dans la plante du pied.
Les traits au crayon dessinent les parties les plus
complexes de la pose : la vue en perspective de la cuisse
gauche, la main repliée et le gros orteil. Combiné aux
épaisseurs grasses du pastel et du fusain , le crayon est
manié en toute simplicité. La pose est saisie juste avant
qu 'elle ne disparaisse.
DESSIN 3
Fusain, pastel, crayon
21
 CO T OU RS ET FORMES
Études en camaïeu
Le dessin au stylo-bille échappe bien souvent à la
considération dont jouissent les techniques plus
trad itionnelles. La raison réside peut-être dans le fait
que ces stylos sont très répandus , sans grande valeur ,
jetables. Combien d'entre nous s 'en servent pour
gribouiller sur un bout de papier, pendant une
conversation téléphonique? Combien d'écoliers
décorent de la sorte les marges de leurs cahiers? Le
dessin au stylo a pourtant toute sa place dans notre
pratique artistique.
L'acquisition d 'un carnet de croquis (ici, un Moleskine)
vous fournira un bon prétexte pour vous lancer , comme
le fera aussi un stylo bon marché. On en trouve partout ,
et on en change facilement si le trait ne nous convient
pas (le tracé peut s'avérer parfois irrégulier , trop épais
ou trop fin) Helen Striim a exploité toutes les capacités
graphiques de son stylo par le biais de différentes
pressions (en particulier pour les cheveux et les traits du
visage), et a utilisé la contre -hachure pour établir le ton .
22
H ELE N STR Ô M
Avec le stylo , les couleurs disponibles restent limitées.
L'artiste a choisi le rouge, une couleur souvent associée
aux corrections dans les fameux cahiers d 'écolier. C'est
un choix audacieux . Son dessin utilise toute la double
page de son carnet , et comme on y découvre plusieurs
études mêlées de portraits masculins en camaïeu
(monochrome), il est considéré dans son ensemble. Des
touches d 'aquarelle s 'invitent également (l'encre du
stylo-bille est à base d 'huile; elle est donc résistante à
l'eau) . un rouge orangé sur le col de la veste , et, ailleurs,
un rouge écarlate pour remplir le dessin et renforcer le
thème chromatique.
De tels croquis découlent rarement d'une pose formelle.
Ils naissent généralement de circonstances aléatoires.
HOMMES EN ROUGE
Stylo , aquarel le
 CONTOURS ET FORMES
Suggérer le mouvement
Derek Overfield est un artiste qui ne dessine et ne peint
que la figure humaine. Il puise une très large partie de
son inspiration dans les formes de la statuaire antique.
Ici, le choix d'un point de vue en contre-plongée tend
à rendre son sujet plus grand, plus théâtral. il l'élève
et le met sur un piédestal imaginaire. Il donne ainsi au
spectateur l'impression d'être plus petit. Cette astuce
visuelle se retrouve souvent dans les œuvres classiques :
statues et tableaux aux proportions monumentales
parviennent de cette manière à étayer leur signification
ou leur message .
Le point de vue spectaculaire se voit équilibré par
une composition forte. Les mains prennent le devant
de la scène et expriment quelque chose par leur geste,
leur mouvement suggéré. L'artiste a eu recours à une
méthode contemporaine pour observer et enregistrer
ces moments : une caméra a capturé le modèle entre
24
DERE K OV ERFIELD
chaque pose et ralenti son mouvement pour offrir des
attitudes intéressantes .
Par son travail combinant modèle vivant et vidéo, et par
son usage du volume et des contours, l'artiste crée un
dessin à la fois délicat et grandiloquent. La craie grise
cartographie le mouvement, tandis que le fusain en
délimite le contour. L'œuvre est spontanée, et pourtant
organisée soigneusement. Avant toute chose, elle n'est
pas trop travaillée. Mesurant 23 x 30 cm, ce dessin
relativement petit renferme néanmoins une forte charge
dramatique . Il fait partie d'une collection privée.
DESS IN 286
Fusain,craie
25
CO TOURS ET FORMES
Pratique spontanée
Ce dessin dans un dessin dévoile la manière dont Heidi
Burton fait usage de son carnet Moleskine. Il prouve
également combien le dessin d'après modèle vivant
peut se révéler spontané. L'artiste se prend pour modèle
et dessine dans un environnement au sein duquel elle
se sent bien (ici, chez ses parents). Cette approche
informelle et décontractée se veut tout aussi sérieuse
dans son intention d'étudier la figure humaine que les
autres œuvres présentées dans cet ouvrage.
« J 'aime dessiner les gens, et plus précisément les
mains et les pieds, car, bien qu'expressifs et uniques,
ils sont souvent oubliés parce qu'ils s'avèrent difficiles
à exécuter>>, commente l'artiste. « Je me suis lancé le
défi d'apprendre à les représenter en m 'ex erçant sans
relâche à dessiner mes propres mains et pieds. »
26
HE IDI B URTO N
L'avantage lorsque l'on a toujours avec soi du matériel
de bonne qualité - ici, un carnet et un crayon 3B -, c'est
que l'on obtient souvent des occasions comme celle-ci.
Le carnet de croquis Moleskine constitue un choix
populaire chez les artistes pour plusieurs raisons . ses
fameux coins arrondis et son papier ivoire bien lisse
conviennent à diverses techniques de dessin; la reliure
cousue permet aux pages de rester à plat à l'ouverture ;
la couverture en toile cirée noire, pareille à du cuir,
voyage bien, et ses petits détails sont très appréciés
(ruban marque-page, pochette interne à soufflet et
élastique maintenant la couverture fermée). Son papier,
sans acide, permet une bonne conservation des œuvres.
Nombre d'artistes en accumulent sur leurs étagères.
JAMBES SUR MARIMEKKO
Crayon
27
CONTOUR S ET FORMES
Choisir un lieu
Ce dessin a été réalisé sur un banc public. Cette
méthode de dessin en plein air diffère des autres poses
de cet ouvrage. Rien n'y est prédéterminé L'artiste
s'appuie sur ce qu'elle trouve, mais l'adapte aussi,
esquissant un nu à partir d 'un modèle habillé.
Choisir un lieu où dénicher des figures humaines dans
leur état le plus naturel constitue un bon départ. La
plage reste le scénario idéal. Comme dans cet exemple,
pensez à amener votre matériel là où les gens viennent
se détendre, et où l'on trouve une diversité de postures
maintenues suffisamment longtemps pour permettre un
dessin d'observation. La difficulté principale du travail
en extérieur reste sa propre préparation : quel matériel
emporter, où s'installer, comment braver les intempéries
et, parfois, le regard d'autrui, etc.
28
_J
JYLIAN GUSTLIN
La méthode choisie pour dessiner votre sujet dépendra
\
;)
de ce que celui-ci fait (ou de ce qu 'il s'apprête à faire),
de sa distance et de sa conscience ou non de votre
présence. Ici, le tracé est fluide, continu, en recherche.
Certains traits semblent plus définis que d 'autres. Des
zones d 'ombre ont été rapidement appliquées.
En extérieur, on peut préférer la sécurité et dessiner
avec les fondamentaux, crayon et papier. Cette artiste a
également opté pour le fusain et le pastel, qui viennent
enrichir son œuvre. On peut les trouver sous forme de
bâtons ou de crayons, qui permettent un transport facile
et sans salissures.
DESSIN 4
Fusain, pastel, crayon
I
29
 CO . TOU RS ET FORMES
(Ré)arranger des figures
Deanna Staffa est illustratrice et enseignante. Elle a
réalisé cette image lors d 'une séance en extérieur avec
ses étudiants. La vue de ces derniers . concentrés sur
leur travail , lui a donné envie de sortir son carnet et
son crayon. Professionnelle aguerrie , Deanna Staffa
a conscience que la pratique régulière constitue un
facteur important pour entretenir son talent artistique.
Dessiner aux côtés de ses élèves est également un
moyen de leur montre r l'exemple.
Comme elle se devait en même temps de les conseiller ,
l'artiste manquait de temps. Elle a dessiné chaque
élément séparément , mais les a agencés de sorte que
l'ensemble paraisse harmonieux. Cette combinaison
de croquis individuels donne un dessin composite, où
les étudiants sont ingénieusement replacés dans leur
environnement pour suggérer leur position par rapport
aux autres. Seule l'échelle des deux figures dans le coin
gauche nous laisse pe nser que cet agencement pourrait
être artificiel.
30
DE A NN A ST A FFO
Deanna Staffa fait appel à la ruse pour représenter la
profondeur de champ. Les élèves au premier plan sont
plus grands et se tiennent directement devant elle. Le
cadrage, juste sous les épaules, représente sans doute le
bord du carnet de l'artiste qui regarde par-dessus. Dans
la diagonale située à droite , un personnage est assis en
tailleur devant une surface surélevée, surface dont la
forme ramène notre regard vers la silhouette sur le banc.
Plus les figures sont éloignées , plus leur taille diminue.
Essayez de déplacer mentalement les figures du coin
gauche. Où les placeriez-vous afin que leurs proportions
conviennent à la composition?
CROQUI S
M ine de plomb
 T OU RS ET FORMES
Carré Conté
Cette figure féminine a été réalisée avec des carrés
Conté. Ce sont des pastels secs sous forme de bâtonnets
de 63 x 6 mm. Leur mélange de graphite , argile (kaolin)
et pigments naturels les rend plus fermes et gras que
la plupart des autres pastels. On peut les réduire à une
taille mieux adaptée à notre main , et leur composition
produit moins de poussière que le fusain ou la craie
(détail important si vous dessinez dans un musée ou
un espace public).
Cette pièce a été finalisée sur chevalet, dans un atelier
avec modèle vivant. L'artiste n 'a pas opté pour le carré
Conté dans le but d'éviter de générer de la poussière ,
mais pour sa grande polyvalence. En le frottant contre le
papier , sur la tranche , on obtient de très bons aplats de
couleurs, des traits larges et des ombres efficaces. Pour
un tracé plus délicat , on l'utilisera sur l'arête ou sur la
pointe taillée en biseau à l'aide d'un papier de verre.
32
HARRY ALLY
Ce dessin articule la figure par couches successives.
Des arcs de cercle forment la courbe de l'épaule ,
l'intérieur de la cuisse , le genou , le dos de la main et la
tête. Des lignes plus foncées accentuent le galbe de la
silhouette. La représentation du modèle est élaborée à
partir d 'une structure offerte à notre regard , qui nous
permet de suivre la construction du dessin. Les lignes
y apparaissent surlignées , ajustées et repositionnées.
Il est à noter que la richesse en pigments des carrés
Conté permet de travailler sur papier teinté. Pour fondre
les couleurs , mieux vaut recourir à une estompe ou à
une gomme mie de pain plutôt qu'aux doigts.
ÉTUDE DE FIGURE N° 1
Carré Conté
33
CONTOU RS ET FORMES
Environnement neutre
Ce modèle fém inin pourrait tout à fait avoir été dessiné
dans un espace public , tel une plage , ou dans un lieu
plus conventionnel , comme un atelier de dessin. La
figure semble regarder nonchalamment à l'horizon (à
moins qu'on ne lui ait demandé d 'adopter une pose
précise, avec le corps penchan t légèrement à gauche).
Le langage corporel est tel que coexistent différentes
lectures. Faute d 'informations sur le contexte pour
nous livrer une piste, libre à nous de décider.
Le dessin est réalisé au fusain. Des traces linéaires
suivent le bord de la silhouette, qui se découpe sur
l'espace vide qu 'elle semble observer. Les diverses
épaisseurs du trait révèlent le mouvement de la main
de l'artiste, qui appuie le fusain contre le papier,
s 'interrompt pour observer la pose du modèle , puis
reprend son tracé. Pas d 'esquisse préalable.
34
PH I L L IP DV OR A K
La façon dont l'ombre tombe sur le corps suggère un
éclairage zénithal , issu d 'au moins deux sources. Dans
un atelier de dessin d'après modèle , diverses lampes
permettent généralement d'obtenir un effet tonal
intéressant. En extér ieur , on peut retrouver ce genre
d 'effets lorsque le soleil se réfléchit sur les objets
environnants avant d 'éclairer le sujet. Attentif au jeu
de l'ombre et de la lumière , Dvorak applique le fusain
par petites touches, puis l'estompe par des mouvements
circulaires pour décrire le modelé. L'espace sous le bras
gauche possède l'ombre la plus profonde, ainsi que les
cheveux rassemblés au niveau de la nuque. Ailleurs,
une gamme de demi-tons révèle le creux au bas du dos,
quelques vertèbres de la colonne, le lustre des cheveux
et , détail piquant, la marque de bronzage laissée par le
maillot de bain.
SANS TIT RE (N U FÉM ININ )
Fusain
35
• CONTOU RS ET FORMES
Dessin génératif
Cette image représente une interprétation d'une statue
du Bernin , travaillée à partir d'une photographie de
la sculpture. Comme pour toute représentation de la
figure humaine, l'artiste a choisi le point de vue le plus
intéressant pour atteindre son objectif: ici , une petite
portion de ce marbre baroque très sophistiqué, qui
décrit l'enlèvement de Proserpine par Hadès.
La surface de l'image ondoie et frémit sous le regard ,
effet généralement attribué à l'usage d 'un papier
texturé. Cette illusion d'optique est en fait due à la
réalisation même du dessin. En apparence dessinée à la
main, l'image est en fait le fruit d 'un travail numérique.
En effet, son auteur est un artiste exclusivement
numérique , qui s 'attache à représenter des images
à l'aide d 'une seule spirale continue.
36
PAOLO èERlé
Celle-ci démarre au centre de la page, au niveau de la
hanche de Proserpine, puis se déroule en une ligne noire
qui modifie son épaisseur et sa densité pour simuler les
différentes valeurs tonales. L'image se construit peu à
peu, au rythme de cette ligne imitant l'ombre et la
lumière, et acquiert ainsi un rendu en 3D.
L'art génératif ou algorithmique constitue une part
extrêmement importante des arts visuels depuis la fin
des années 1970, lorsque les ordinateurs sont devenus
accessibles à tous , et notamment aux artistes.
L'algorithme s 'est alors appa renté à une recette simple
pour mener à bien une tâche. On pourrait argu er qu'il
ne s'agit pas vraiment d 'un d es sin comme ceu x qui
sont présentés dans ce recuei l, puisqu'il n'a pas été
dessiné par la main humaine. Il possède pourtant une
qualité esthétique qui dépas se largem ent sa production
mécan ique. Si un artiste suiv ait la même cc rec ette » à la
main. il obtiendrait un résul tat identiq u e
PROSERPIN E
Numérique
37
C ON T O URS ET FORMES
Élaboration d'un plan
Un cours de dessin d'après modèle vivant réclame
bien souvent un subtil équilibre entre démonstration et
supervision. Il est très utile et stimulant d'y écouter les
recommandations du professeur tandis qu 'il dessine,
surtout face à un modèle professionnel, en temps réel.
Ce dessin a été réalisé selon cette formule , entièrement
à la mine de plomb.
La pose s 'avère particulièrement complexe. La jeune
femme est repliée vers l'avant , les genoux supportant
la majeure partie du poids de son buste , qu 'elle incline
vers son épaule droite, la tête tournée à gauche. Son
bras droit replié vers l'intérieur repose sous sa tête, ce
qui provoque la torsion du dos . C'est cette torsion qui
fait toute la difficulté du dessin.
Regardez le coin droit de la feuille. L'artiste y a esquissé
une structure simplifiée reprenant la pose du modèle à
l'aide de lignes droites pour déconstruire le mouvement
et mieux l'appréhender. La colonne vertébrale devient
une diagonale traversée de lignes horizontales. Leur
38
MICHAE L REEDY
orientation et leur espacement varient pour suggérer
l'emplacement des côtes , ainsi que cette fameuse
torsion. Une fois achevée, cette prévisualisation a
servi à élaborer la structure du modèle en lui-même.
Une fois l'ossature du torse mise en place , les autres
parties du corps se sont agencées plus facilement (par
exemple , l'angle et la position de la jambe). Le crayon à
bout de bras, un œil fermé , il est aisé de déterminer la
distance entre les objets , ainsi que leurs proportions.
Cette méthode , appelée « visée ». joue un rôle important
dans le dessin d 'observation, puisqu 'elle permet de
vérifier rapidement et constamment ses mesures. Une
fois satisfait des proportions, Michael Reedy a alors
renforcé son tracé et introduit des détails. Observez la
tenue délicate de la mine de plomb, qui a petit à petit
amené les épaisseurs. Ce dessin d 'étude illustre à
merveille ce procédé.
SA NS T ITRE
M ine de plomb
 CONTOURS ET FORMES
--
Traits et volutes YAD GAR AL I

Depuis des siè cles , le nu allong é compte , dans les arts, Un dessin aussi grand que celui-ci (59 x 84 cm) sera
parmi les pos es classiques. Le modèle y apparaît la plus facile à exécuter debout , devant un chevalet. Les
plupart du temps sans détour , le corps étendu sur toute résidus charbonneux qui dégringolent sur la surface du
la largeur de la composition. Mains et pieds sont le plus papier indiquent d 'ailleurs que le dessin a été réalisé
souvent compris dans le cadre. Traditionnellement , le ainsi. Pour créer de telles marques et visualiser ce que
sujet représenté est féminin , et fait face au spectateur. l'on fait , il est impor tant de prendre régulièrement du
recul et de cligner des yeux afin de rassembler et de
Ce fusain explore l'idée de pose classique , mais en la
clarifier l'image. En position assise , l'artiste obtiendrait
revisitant dans un mode contemporain. On n 'y décerne
un résultat tout autre, car les marques graphiques
pas de contours à proprement parler. Les nombreuses
manqueraient très probablement d'ampleur.
marques graphiques qui le composent effleurent la
surface du papier , comme agitées , saccadées : un trait
ici , un serpentin là Elles dansent , elles s'agitent dans
l'espace . Observez chacun de ces traits séparément: ne
singent -ils pas une sorte d'écriture cryptique? On peine
à croire qu'une fois rassemblés , ils forment une figure .
Pourtant , c'est bien le cas I
~

)
ÉTUD E DE DESSIN (10)
Fusain

40
 1·
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tONTOU RS ET FORMES

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Préparation de la surface JYLIAN GUSTLIN .·-
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Réalisées à la va-vite , les esquisses <<d'échauffement » Cette section sup erposée pourrait constituer le pivot i
,/
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I
1
(
sont une pratique courante au sein d 'un atelier avec de ce dessin. Observez comment les trois figures se - f
modèle vivant. Elles permettent de se détendre et rejoignent autour de ce point précis . Seuls la cheville 1. i -f
d'accorder plus d'importance à l'observation qu'à la et le pied de la figure de droite sont représentés; or, les
-~\ 1
1

,/
simple élaboration d 'une image. Le fait de tenter de deux autres figures semblent aussi se les partager. Au
dessiner un modèle en plusieurs positions sur une gré de ses mouvements , le modèle nous apparaît de dos ,
même feuille, comme ici, est assez rare (sans doute de face , de profil. Étudiés séparément, ces trois dessins
·~
parce qu 'il est difficile de détourner son regard de ce sembleraient inachevés. Combinés de cette manière, ils '
qui est déjà sur le papier). Aussi déroutante qu 'elle
puisse paraître , cette méthode aboutit très souvent
à un dessin captivant et dynamique.
forment une étude dynamique à vues multiples.
\~
Veillez à préparer votre papier avant de commencer à
dessiner. Les marques à la surface aident souvent à
\
\ i
ancrer notre regard (voir page 144 comment préparer
son papier). Ici, le papier n 'est ni lisse ni immaculé.
Fusain estompé et taches olivâtres sont venus atténuer
\
sa blancheur. À sa surface, on retrouve des plis , ainsi
que du papier collé. La bande de papier fait office de
plateforme : les pieds du modèle y sont positionnés. DESSIN 5
Fusain, paste l, crayon. pe inture

43
42
 CONTOURS ET FORMES
Calque du contour
Ce t ouvrage contient plusieurs exemples de dessins en
ligne continue (voir pages 53, 103 et 187). Cependant,
les caractéristiques de celui-ci diffèrent légèrement.
Le trait y apparaît de manière plus nette, plus fluide et
sinueuse , son épaisseur est la même partout. En outre ,
une ligne supplémentaire détoure le bord des zones
d'ombre , ainsi que le contour de la silhouette . Ces
caractéristiques se révèlent lorsque le calque est
utilisé comme méthode graphique .
Disons-le une bonne fois pour toutes : le calque est une
te chnique parfaitement valide pour saisir une figure sur
papier. J'ai parfois entendu des étudiants protester :
<< C'est de la triche. » Pas selon moi. Le fait de décalquer
peut sembler facile, mais j'ai vu un grand nombre de
mauvais dessins réalisés ainsi. Utilisé correctement, le
calque constitue une méthode de dessin comme une
autre, et bien utile.
44
ALEXANDR IA ANGELO
Ce dessin compte parmi les exemples d'images
décalquées à la fois épurées et élégantes. L'artiste
a pris le parti de dessiner à partir d'une pose réalisée
en studio. Son expérience dans l'illustration de mode
lui a donné accès à de nombreuses photos issues de
magazines , et elle a ainsi pu choisir les caractéristiques
d 'une pose convenant exactement à sa composition.
Il existe plusieurs façons de procéder un calque
translucide posé par-dessus l'image à reproduire,
une application installée sur son smar tphone ou sur
sa tablette (il suffira dans ce cas d 'importer une image
et de la calquer sur l'écran), un projecteur numérique
(parfait pour une fresque murale) ou encore un logiciel
d'illustration sur ordinateur.
LUC IA
Crayon
45
j:ONTO URS ET FORMES
Une pose expressive
Certaines des œuvres présentées dans ce livre explorent
l'expressivité des marques graphiques. Ce dessin
accorde ainsi une grande importance à l'expressivité de
la pose elle-même, avec ce modèle qui enfouit sa tête au
creux de ses bras repliés. Cette silhouette contorsionnée
évoque à bien des égards l'œuvre d'Egon Schiele , artiste
autrichien du début du xx• siècle. Le fait de rechercher,
d'observer et d'analyser les œuvres d'artistes figuratifs
célèbres permet bien souvent de trouver de nouvelles
approches du dessin d'après modèle vivant. Je suggère
d'étudier autant que possible les sources physiques; si
vous le pouvez, allez voir des dessins, des tableaux et
des sculptures dans les musées et les galeries
Phillip Dvorak dévoile un style graphique bien à lui.
Sa méthode consiste à employer du fusain comprimé
(plus noir que le bois de fusain ou le saule naturel) afin
de détourer la silhouette du modèle. Il privilégie les
compositions où la silhouette sort du cadre imposé par
le papier. Il a frotté le fusain du bout des doigts, de
manière à l'amener vers l'intérieur des contours.
46
PH ILLIP DV O RAK
Quelques-unes de ces marques tiennent de la ligne,
mais à une échelle bien plus large. Elles interviennent
pour marquer la colonne vertébrale et pour foncer les
zones tonales (sur les doigts , sous les aisselles et sur les
cheveux très noirs) Dvorak ajoute une touche singulière
en formant des volutes du bout des doigts, un motif qui
dépasse la pose du modèle pour investir l'espace blanc
en négatif qui l'entoure. (À comparer avec les motifs de
surface de Mirco Marcacci, page 189, et les marques
expressives de Marilyn Kalish, page 131 )
Les contorsions, bras tenus en l'air, ne sont pas des
positions faciles à garder longtemps pour un modèle .
L'artiste n'a eu besoin que de vingt minutes pour
réaliser ce dessin. Ses compétences graphiques
étendues , son assurance et son expérience lui ont
permis d'y parvenir.
SANS TITRE (NU MASCULIN ) 6
Fusain
47
• CO TOUR S ET FORMES
Gros plan
L'orientation du carnet de croquis influence la façon
dont on dessine , en termes de composition. Paul
Heaston a ici sélectionné un petit carnet spiralé
format paysage. Ce type de reliure permet de changer
rapidement de page pour enchaîner les croquis , tout en
offrant une surface toujours bien lisse. Un petit bloc de
papier s'avère plus maniable - on le tient d'une main,
tandis que l'on dessine de l'autre-, surtout en position
debout. C'est le support idéal pour immortaliser des
moments tels que celui -ci.
Ces carnets s 'emportent aisément en voyage . En effet ,
ils se glissent dans la poche ou dans une sacoche , et se
font discrets en public . Cependant , ils conviennent to ut
aussi bien à la maison. La naissance de son enfant a dû
chambouler bien des choses dans sa vie , mais Heaston
n'a pas laissé son nouvel emploi du temps l'empêcher
de dessi ner.
48
PA UL HE A STO N
L'enchaînement des deux dessins est intéressant . Le
premier suggère que l'artiste ne savait pas combien de
temps il avait devant lui avant que le bébé ne se réveille.
Il a tenté sa chance , armé d 'un feutre fin et de son
carnet. Bébé et transat sont représentés , mais les détails
vont à l'essentiel , et on note de multiples espaces
blancs . Pour sa seconde tentative , il s 'est rapproché,
conscient qu 'une variation autour du premier dessin
était possible. Ce dessin-là tient davantage du portrait.
Le tran sat y occupe moins d'e space , et on y découvre
plus de détails. Les lignes de contour et les hachures
soulignent les différentes matières (vêtements , peluche
et tétine).
J UN I FA ISAN T LA SIESTE 1 & 2
Feutre fin
49
_C0,N TOU RS ET FORMES
Étude comparative
D'habitude , la durée d 'une pose se décide au début
d 'une séan ce de dessin d'après modèle vivant, afin de
mieux pouvoir déterminer ce que l'on peut faire pendant
le temps imparti. Cet artiste a pour habitude de dessiner
plusieurs fois la même pose , afin d 'aller à l'essentiel ou
de trouver ce qu 'il a pu négliger.
Ici , il utilise le même matéri el pour chaque croquis
- cra ie graphite et papier A2 épais (90 g/m 2) -, et
fusionne ou alterne diverses techniques pour bousculer
un peu ses habitudes graphiques. Ainsi , il dessine
parfois de l'autre main, en changeant de main à chaque
pose , ou alors il choisit de se servir de ses deux mains
sur la même image , afin d 'évite r de tomber dans une
certaine routine de travail.
50
PA UL RICH A RDS
« Lorsque l'on trouve une méthode nous convenant , on
peut avoir tendance à vouloir refaire la même chose
pour obtenir toujours le même résultat », explique -t-il.
« Sima production actuelle , qui s 'appuie sur la rapidité
d 'exécution , peut s 'avérer dogmatique , je constate que
les "accidents " sont plus fréquents et satisfaisants. De
temps à autre, quand cela fonctionne , je parviens à
atteindre une "zone " où j'ai l'impression d 'être moins
conscient des endroits du papier où je décide de poser
mes marques . À un moment donné , cela changera ,
et une nouvelle approche s 'imposera , c'est ce qui est
/
,J
'~
très st imulant . »
1
SANS TITRE 2 & 1
'.
Craie graphite
51
CONTOU RS ET FORMES ------
~-

Portrait multiple JYLIAN GUSTLIN

Ce dessin est fascinant, car il représente les portraits L'observation est ici primordiale. Celui qui regarde doit
combinés de plusieurs des neveux de l'artiste lorsqu 'ils s'attarder plus longtemps sur la personne à dessiner que
étaient enfants. Chaque couche montre une personne sur le dessin lui-même (sans s 'y fixer durant une trop
différente; or, le spectateur les envisage comme un seul grande pér iode , mais en passa nt sans cesse du modèle
et même individu. au papier). L'artiste a appliqué cette méthode plusieurs
fois, tout en diversifiant ses outils graphiques , chaque
Pour parvenir à dessiner sur un mode aussi intimiste
épaisseur s 'approchant un peu plus de la forme idéale.
- surtout lorsque l'on réalise le portrait de proches - , il
Les premières marques au fusain restent visibles, mais
faut de l'entraînement. Ce dessin, en apparence fluide
ont été estompées afin de ne pa s occulter le tracé final,
et spontané, fonctionne grâce aux décisions prises
plus assuré et plus noir. Une fois ces éléments mis en
avant même son exécutio n: la composition, l'espace
place , les lèvres rouges et le trait commun à tous les
investi par l'ovale préliminaire au fusain , ou encore les
membres de cette famille , c 'est -à-dire les yeux marron,
règles à suivre concernant les proportions du visage .
ont été ajoutés .
La méthode suivie est celle de la ligne continue . L'outil
graphique de l'artiste reste en contact permanent avec
. -
le papier , et ce, non seulement lorsque son regard se
pose sur la feuille , mais également lorsqu'elle observe
son sujet . Le trait énergique et fluide convient
parfaitement au sujet; les lignes sont exubéra ntes,
DESSIN 6
toujours en mouvement. Fusain, pastel, crayon

52 53
• C ON T OU RS ET FORMES
Ligne et volume
N'hésitez pas à vous prendre pour modèle. Un
autopo rtrait exécuté à l'aide d'un miroir placé en biais
peut offrir une composition intéressante. Ce dispositif
est très prisé des artistes (on le retrouve notamment
chez les peintres Lucian Freud et Jenny Saville)
Cet imposant dessin combine deux techniques : le
dessin de « contour pur » et le dessin ((en masse », qui
saisit le mouvement et le volume. Ces deux techniques
fonctionnent mieux lorsque l'on garde les yeux fixés sur
le modèle presque constamment , tandis que l'outil- ici,
la craie - reste en contact quasi permanent avec la
feuille de papier.
La ligne unique et sinueuse de cet autoportrait est
typique du dessin de contour pur Il s'agit ici d'imaginer
que la pointe de l'outil utilisé est réellement en contact
avec le sujet. Pour ce faire , il est nécessaire de ne pas
bouger les yeux plus vite que ce que l'on peut dessiner.
54
D ERE K O V ERF I E L D
Démarrez par le contour extérieur de votre sujet en
suivant cette ligne lorsqu 'elle passe à l'intérieur. Ne
repassez pas sur votre tracé et n 'effacez rien.
La technique dite du (( dessin en masse » consiste à
réaliser de larges aplats afin de créer du modelé plutôt
qu 'un contour. La craie, dont la pointe a d 'abord servi
à tracer la silhouette , est alors couchée sur toute sa
longueur, parallèle au papier. Les gestes accomplis avec
la craie ne visent pas à obtenir une ressemblance avec
le sujet , mais à décrire les rapports entre les différents
volumes. Observez les tons plus foncés du flanc et de la
pommette . Cette œuvre traite de poids et de substance.
Il est important de noter qu'avec la craie ou le fusain,
cette technique fonctionne mieu x sur une grande feuille
et au chevalet. Cet autoportrait mesure 45 x 60 cm .
DESSIN 145
Craie
( 55
TRAIT
Un projet graphique
Nous envisageons généralement le portrait comme le
dessin du visage et des épaules d 'une personne , le
visage tourné vers nous. Une alternative intéressante
consiste à faire des cheveux du modèle l'objet de
l'étude.
Ici, un mélange de souvenirs personnels et de
découvertes récentes a poussé l'artiste à réaliser
cette suite d'études de coiffures : en premier lieu, la
(re)découverte d 'u n manuel de dessin de son enfance,
Le Jeu et l'élément créateur - Point et ligne, ainsi que,
plus récemment , un groupe Flickr baptisé << Braid
Wednesday ))(« La tresse du mercredi ))).Ce projet lui
a demandé deu x année s de travail. On remarque des
variations stylistiques dans le trait, variations qu'une
telle durée explique.
Ces dessins partagent certaines caractéristiques :
portraits inversés, feutre noir et fond blanc. Tous sont
représentés afin d'offrir le meilleur angle de vue sur la
56
MA RI A G IL ULLDE MO LINS
coiffure. L'artiste a scruté avec attention les cheveux
des modèles: leur façon de retomber, ce qu'ils montrent
une fois rassemblés, coiffés et attachés .. Elle a travaillé
une seule partie des cheveux à la fois, en suivant
l'orientation des mèches, concentrée sur les motifs
ainsi formés. Elle n'a pas cherché à représenter chaque
cheveu (une maladresse récurrente). Le tracé épuré et
méthodique confère toute leur qualité graphique aux
différents dessins.
Prenez l'habitude de noter sur un carnet ou sur votre
smartphone les idées de dessins qui vous passent par
la tête. Choisir un projet graphique qui vous inspire,
vous plaît et vous motive s'avère très satisfaisant.
BIANCA , BRIDGETI, KATHER INA , STELL A ,
CHIGNONS ET PEIGNES , PENSÉES DE GEISHA,
REBECCA, LIZA
Feutre fin, encre de Chine
57
TRA I T

Kit de voyage B RYCE WYMER

L'un des meilleurs endroits pour dessiner la figure Un portemine vous offrira une pointe toujours bien
humaine reste les transports en commun . Les usagers taillée: pas besoin d'un taille-crayon ou d 'un scalpel.
qui les empruntent chaque jour vous offriront une En outre , cet outil comporte généralement une gomme
infinité de modèles vivants. Le fait de connaître à sur son embout.
l'avance la durée de son trajet est un facteur important.
Cet artiste n 'est pas du genre à dessiner à la va-vite.
Lors d'un vol en avion, comme ici, vous disposerez d'un
Outre ces accessoires , il utilise des feutres de bonne
délai suffisamment long . Un modèle distrait par un écran
qualité. Le Pigma Micron (ici, rouge) est un feutre
vous permettra de dessiner en toute tranquillité, sans
jetable à l'encre pigmentée très appréciée des
vous faire remarquer.
illustrateurs et graphistes. Comme le Moleskine,
Votre travail sera facilité et bien plus agréable si vous il ne contient pas d'acide, ce qui garantit une meilleure
emportez avec vous un matériel de qualité. Un carnet stabilité, et donc conservation, du dessin.
de croquis de bonne facture, comme le Moleskine utilisé
ici, constitue un bon début. Son beau papier ivoire est
sans acide, et l'élastique qui maintient sa couverture
permet un transport à plat et sans heurts, alors que les
carnets à la couverture trop souple exposent les dessins
qu'ils contiennent aux plis et aux taches.

HURRICA NE SAN DY
Portemine, feutre Pigma Micron, gouache

58
TRAIT
Palette restreinte
Ce dessin essentiellement rouge et noir a été réalisé
au stylo roller. Ces stylos contiennent une encre gélifiée
délivrée par une bille. Ils diffèrent du stylo -bille, car ils
n'offrent pas de contraste tonal dû aux changements de
pression. Dès que leur pointe touche le papier, l'encre
est déposée. Une pression plus forte peut cependant
aboutir à un tracé un peu plus large. Si vous avez besoin
de davantage de diversité dans l'épaisseur du trait, pas
de problème : ces stylos existent généralement en
plusieurs tailles de pointe.
Le dessin de Julian Landini fait bon usage de cet outil.
Son exécution assurée lui confère une qualité proche
de l'imprimé, avec sa palette réduite, son usage du
blanc et sa composition insolite. Une scène telle que
celle-ci a forcément été travaillée à partir d 'une photo,
source sans doute à l'origine de ce bord« rogné ».
L'appareil photo est un bon moyen de cadrer une figure ,
car il propose des angles originaux.
60
JULIAN LANDIN !
Un rapide crayonné a permis la mise en place du dessin.
Le stylo ne pouvant s 'effacer , il est important d'avoir
quelques repères visuels préalables. L'équilibre en tre
noir et rouge semble parfait , tout comme le choix du
trait qui décrit les divers contours et surfaces. Les
étoffes sont remplies à l'aide d 'un trait vigoureux, avec
des lignes parallèles les unes par rapport aux autres.
Les cheveux du personnage et les poils du chat
semblent beaucoup plus fluides et organiques (les poils
du chat sont obtenus à l'aide d'une pointe plus fine).
La ligne de démarcation entre les blancs - le visage
et le dos du chat qui se découpent sur le fond blanc
- met de façon très astucieuse à profit les deux couleurs
principales. Des touches de couleur supplémentaires -
le turquoise des yeux du chat et le rose des joues de la
femme - viennent compléter l'ensemble.
PORTRAIT INTERROMPU À CA USE D' UN CHAT I
Stylos de coul eur
61
TR AI T
(

Dessin rapide KATIE LOUISE TOM L INSON

1

Un carnet de croquis , un crayon à mine tendre et un
gros feutre sont tout le matériel dont Katie Louise
Tomlinson a eu besoin pour réaliser ces dessins de type
reportage sur une plage d 'Italie (voir page 155 d 'autres
dessins de reportage ). Un bon dessin d 'après modèle
vivant ne nécessite pas forcément d 'en pousser la
complexité. L'atmosphère détendue de la scène et la
propre implication de l'artiste se retrouvent dans
l'approche décontractée de l'ensemble.
Son carnet à couverture rigide lui a procuré une surface
assez stable pour pouvoir opérer debout, même s'il
semblerait que, comme ceux qui l'entourent, l'artiste ait
adopté une position bien plus détendue. La mine tendre
de son crayon lui a permis de diversifier l'épaisseur de
L'artiste ne s 'es t pas souciée des valeurs dans cette
compilation de dessins. La lumière semble provenir du
soleil à son zénith, si bien que les ombres apparaissent
minimes. Les détails - motifs des maillo ts , chaise
longue - sont dessinés au feutre orange , qui trace
également la silhouette d 'un seul personnage isolé .
Comparez ces dessins avec ceux de Deanna Staffa ,
page 31. Ici , l'artiste n 'a pas cherché à représenter
l'environnement de ses modèles , même si le papier
\
ivoire et les multiples dessins, qui évoquent une plage
de sable bondée , y parviennent tout aussi bien.

}
son trait - de fin à épais , et de gris à noir- , en nuançant
simplement la pression de sa main. On sent une
véritable urgence dans le tracé , l'artiste souhaitant
saisir les caractéristiques essentielles des postures ou
mouvements individuels avant qu'ils ne disparaissent.
( \Î'
PERSONNES SUR LA PLA GE
La rapidité est ici le maître-mot. Feutre, crayon graphite I
./
63
62
 T
TR A I T

Support improvisé LEO VAN DER MEER

Dans l'espace public , nous sommes souvent confrontés Si le dessin de la figure humaine vous intéresse , sachez
aux panneaux publicitaires, affiches et écrans divers , qu 'il est bon d 'établir des parallèles entre les séances en
dont les images nous cernent en permanence Si atelier et les scènes du monde extérieur retenant votre
quelque chose attire votre regard , n'hésitez pas à en attention. Un rapide croquis sur un morceau de papier
saisir les grands traits sur papier. Et inutile de dire que peut souvent aider à résoudre des problèmes visuels
vous n 'avez pas pris votre matériel de dessin . Les survenant au sein de l'atelier.
matériaux directement à portée de main constituent
Comme de nombreux artistes , Leo Van der Meer puise
parfois le seul moyen de faire exister un croquis. Ici , un
son inspiration dans la multitude d'images qu 'il trouve
bout d'enveloppe et un stylo-bille bleu ont fait l'affaire.
autour de lui dans l'espace public L'interprétation
L'idée , d'abord gribouillée, a ensuite été étoffée en
et la combinaison de références multiples aboutissent
fonction des stimuli visuels reçus par l'artiste.
souvent à des résultats tout à fait insolites, comme ici.
L'orientation du visage , presque à l'envers , est un choix N 'hésitez pas à tenter vous aussi cette approche.
surprenant , car déviant des attentes ordinaires. Une
croix préliminaire très légère fournit un repère , marque
utile en ce qui concerne les portraits de face , surtout
avec une telle orientation. Elle sert ici à positionner les
traits principaux .

T IRZA
Stylo-b ille

64 65
TRAIT
Triptyque
Les cartes postales font partie des travaux que Dwayne
Bell réalise chaque jour lors de son trajet en bus. Son
travail de formateur en illustration nécessite un trajet
quotidien de deu x heures aller-retour, un temps qu'il
emploie de manière créative , désormais habitué aux
caho ts et à l'espace confiné du bus.
L'agencement de ces trois images en triptyque fait
référence à un dispositif visuel qui existe depuis le
Moyen Âge, notamment dans l'art chrétien. Des œuvres
d 'art contemporaines reprennent elles aussi cette idée
(les toiles de Francis Bacon en sont l'un des plus beaux
exemples). La bordure que Bell laisse autour de ses
dessins est un élément récurrent dans les compositions
photographiques agencées en triptyque. Un dessin
en trois parties tel que celui-ci peut être réalisé grâce
à un appareil photo de smartphone. La plupart de ces
appareils disposent d 'un mode ((panoramique », qui
permet de modifier les paramètres de l'image prise en
étirant le format dans sa longueur. Le partage en trois
peut également s 'effectuer sur l'écran.
66
D WAYNE BELL
Observez le panneau central de ce dessin. Isolez-le des
deux autres. Dans cette configuration , l'arrière de la tête
du personnage situé au premier plan ne fait pas
vraiment sens et revêt presque une forme abstraite.
L'appareil photo peut résoudre ce souci et prouver que
cela fonctionne. Faites donc confiance à votre intuition
et commencez à dessiner avec assurance, en vous
aidant de votre écran de smar tphone si besoin.
Avec cette vue panoramique réunissant les trois cartes
postales , Bell ouvre les perspectives et nous propose de
voir l'espace élargi de son environnement. On obtient
ainsi une meilleure idée de son emplacement , de son
champ de vision depuis son siège, ainsi qu 'une vraie
sensation d 'espace.
PANORAMA AUX HACHURES
Stylo -plum e
 TRAIT
Crayon noir
Savoir saisir sa chance reste bien souvent le meilleur
moyen de capturer une pose aussi naturelle que celle-ci.
Cet ouvrage contient plusieurs dessins de gens dans les
transports en commun . En effet, nombre d'artistes font
bon usage de leur trajet quotidien (se rendre du point A
au point B tout en gardant un souvenir graphique de
ce périple) Les dessins de ce type s'avèrent précieux.
Ils nous poussent à observer, à chercher, à sélectionner
et à réfléchir. D'excellentes habitudes à entretenir I
Ceci est un dessin au crayon (à comparer avec celui
du trajet en train de Steve Wilkin, page 87, réalisé au
portemine). La profondeur du noir y est remarquable. Un
crayon graphite, même à la mine très tendre, ne pourrait
donner cette densité: il resterait dans les tons gris. En
revanche, un crayon carbone, au pigment à base d'huile
ou de fusain, produira de belles marques veloutées. Ce
crayon se révèle ici parfait pour reproduire le lustre de
la veste en cuir de la femme.
68
MARTIN ÉTIENNE
Selon la manière dont on manipule le crayon, on obtient
diverses qualités de traits. Avec une pointe taillée, le
dessin sera fin et plus précis, tandis qu 'u ne mine plus
ronde permettra de remplir le papier de manière plus
vigoureuse. Comparez les traits qui organisent l'image
(très visibles sur les sièges), puis le visage de la femme ,
et enfin ses vêtements. On perçoit combien, au fil du
temps , la mine s 'est émoussée. Et tant mieux, car cela
a produit toute une gamme de tons et de lignes. Ces
crayons se taillent au couteau, puis au papier de verre.
Quelques marques recommandées : crayon carbone
Wolff, crayon « pierre noire » de Con té, Cretacolor Nero ,
crayon carbone Lyra Rembrandt.
/
SIESTE DANS LET RAIN /
Crayon
69
T R AIT

Répétition B RIDGET FARMER

\
Cette série de quatre représentations de la même forme aux proportions beaucoup moins « vraisemblables », à
nous dévoile comment chaque dessin d 'observation l'image des mannequins évoluant dans l'industrie de la
diffère légèrement des autres , tout en saisissant à
chaque fois quelque chose d'essentiel. On ne peut
mode , mannequins qui ont pour mission de rendre les
vêtements plus attrayants , et ce, sans forcément
Jj .
s'empêcher de penser au jeu des sept différences. Il est
ici difficile de ne pas comparer la rondeur des courbes
et les différen ts choix de l'artiste. Il est aussi compliqué
incarner une réalité morphologique I

Ce qui compte ici , c 'est que le mannequin - fidèle ou

),:
! 1 1
\

non à la réalité - ne risque pas de bouger. On peut ( \ \

de ne pas marquer sa préférence I
Ce dessin a été exécuté au crayon. L'objectif était
de réaliser de rapides croquis en s 'appuyant sur la
répétition. Inutile de recourir à la vitesse et à la
spontanéité pour saisir le sujet: l'artiste ne dessinait
pas à partir d'un modèle vivant. En effet, il s'agissait
ici d'un mannequin.
/
prendre tout son temps pour achever son dessin.
L'artiste aurait donc pu réaliser le sien plus lentement ,
elle aurait pu le retoucher un peu, et peut -être renforcer
le tracé, mais la perfection n 'était pas son objectif.
L'idée était en réalité de créer du mouvement, de
s'entraîner et d'étudier la forme du mannequin.

Artistes et designers ont souvent recours à ce genre

d'accessoires , qu 'il s 'agisse d 'un modèle en taille réelle
reproduisant l'anatomie humaine de manière précise
(également utilisé en médecine) , ou bien d'un modèle
)
QUATRE FEMM ES
Crayon

70 71

TRAIT
Connaître son sujet
Ce dessin de Katie Louise Tomlinson fait partie
d'une série dont l'idée consistait à représenter le
cheminement créatif-du début jusqu'à la fin - d'un
étudiant en dernière année de création de mode. Ici,
nous voyons un étudiant occupé à coudre sur une
machine industrielle, alors qu'il commence à tester
et à façonner l'un de ses patrons.
Dessiner ainsi, sur le vif, imprime au dessin une vraie
dynamique la situation à laquelle l'artiste fait face
influe sur ses choix graphiques et donne un résultat plus
énergique, moins statique. Tomlinson a évalué ce qui
était immobile et constant dans cette scène, et ce qui
ne l'était pas, afin de mieux déterminer son tracé.
72
/
I !'
_;,
KATIE LOUI SE TOMLINSON
V
:___../
~" ) 1
En raison de sa palette restreinte, l'image fait penser à
une gravure. L'encre y est employée sous diverses
formes : feutre fin, ProMa rker et rouleau. Le feutre définit
rapidement les canettes de fil au premier plan, la
machine à coudre et la position de l'étudiant au centre,
ainsi que les mannequins à l'arrière-plan. Le tracé se
veut leste et sobre. Il installe la scène. Les marqueurs
introduisent des lignes plus franches pour représenter
l'entrecroisement des fils, la texture du pull, les cheveux
ébouriffés et les aplats de jaune. Le passage du rouleau
ajoute une touche spectaculaire de texture noire sur la
b
droite du dessin.
MACH INE À COUDRE
Feutre fin, ProMarker,rouleau
TRAIT
Connaître son modèle
Emily Isabella est une designer dont les travaux
s 'appliquent aussi bien à l'illustration de livres qu 'au
packaging ou au design textile. Comme pour de
nombreux artistes qui gagnent leur vie en dessinant,
fabriquant et visualisant au quotidien , ses loisirs
consistent à poursuivre toutes ces activités. La
différence est que ce dessin n'a pas été fait dans l'idée
d 'une « utilisation » : c'est une étude (du mari de
l'artiste) qui se suffit à elle-même.
Dans ce croquis , il s'agit avant tout de capturer un
moment ordinaire sur le vif, à l'aide de matériaux
basiques. Le crayon graphite pose les premiers traits
avec légèreté, tandis que les crayons aquarelle (l'un
rouge, l'autre noir) emmènent les choses plus loin,
sans surcharge. Tout semble très naturel et fluide.
Le support est ici une feuille de papier journal, un
matériau très économique et souvent utilisé dans les
ateliers avec modèle vivant pour les croquis rapides,
saisis à la volée, afin d'éviter la préciosité qui marque
74
EMILY IS ABELLA
parfois les dessins expérimentaux ou exploratoires.
Comme son nom l'indique , ce papier est utilisé dans
l'industrie de la presse écrite (à noter que le papier
journal n'est pas imprimé quand on le commande chez
le papetier: il est vierge) Gardez à l'esprit qu'il ne se
conserve pas bien. Sa haute teneur en acide le rend
jaune et cassant une fois exposé à la lumière. Ne
l'utilisez pas pour des travaux destinés à être exposés :
ils se détérioreraient tout de suite. Photographiez ou
scannez votre travail, ou bien faites-le paraître dans un
livre , comme c 'est le cas ici I
Dans un contexte informel comme celui-ci, il est utile de
bien connaître la personne que vous dessinez. En effet,
vous avez alors une meilleure idée de la durée de la
l
« pose », et votre trait, grâce à l'observation répétée de
la même personne , gagne en assurance. L'artiste affirme
d 'ailleurs que sa complicité avec son mari fait de lui un
sujet facile à dessiner.
RECHERCHE AU COTTAGE
Crayon graph ite , crayon aquarel le
\
(
TR AIT
Changement de position
Le fait de dessiner un nu aboutit parfois à une œuvre
modeste et sans prétention. Cette pièce de Jonathan
Kréillse distingue par sa simplicité. L'équipement est
minimal , et le trait proche du gribouillage L'espace
restreint occupé par le dessin recentre notre attention.
La composition est bien choisie , car elle nous pousse
à nous demander : « Que se passe-t-il? »
Un dessin tel que celui -ci , à la simplicité trompeuse,
s 'avère plus complexe qu'à première vue. Observez
la position du modèle , recroquevillé dans une sorte
de position fœtale, bras croisés , jambes repliées vers
le corps. Est-ce une per sonne qui est en train de dormir
paisiblement, ou une posture psychologiquement
régressive? La forme an onyme a été conçue en deu x
parties d istinctes . Les jambes repliées ont été dessinées
de face, tandis que le haut du corps est représenté de
dos. Une partie surmonte l'autre, générant ainsi une
sensation d 'étrangeté et de désarticulation.
76
J ON A TH AN K RÔ L L
Cette œuvr e démont re que dessiner un nu ne nécessite
pas forcément une observation prolongée . Comparez la
méthode graph ique utilisée ici avec un rapide croquis
exécuté à la volée dans un carnet. L'approche est en fait
identique : dessiner maintenant , avant que le mom ent
ne s 'évanouisse . En travaillant sans chevalet , il est plus
facile de circuler autour du modèle. Celui -ci n 'a alors
plus à varier les poses : c'est à vous de changer votre
position. Lors d 'une session avec modèle vivant , si vous
préférez produire plusieurs dessins plutôt qu'une seule
pièce , pourquoi ne pas construire une série de croquis ,
petits mais intenses, à l'image de celui -ci?
Sollicitez votre ((mauvaise » main pour varier et enrichir
la qual ité du trait. Cela peut paraître inconfortable , mais
c'est en fait très libérateur I
CROQUIS 24-04-2013 !
Feutre fin, encre de Chine f
77
 TR AI T
Recycler de vieux papiers
Quelques vieux papiers constituent ici un support. Les
feuilles sont agencées de manière à n 'en former plus
qu 'une. Le papier n 'est pas bien massicoté , et les bords
abîmés et déchirés par endroits constituent un élément
important de l'ensemble. La surface révèle des plis, des
fronces , des trous et des fendillements. Ce vieux papier,
jauni par le temps et la lumière, insuffle de la chaleur à
l'image qu 'il accueille.
La jeune femme nous tourne le dos. La distance est
suggérée par un pan oblong situé dans le coin supérieur
gauche (une zone délavée). Trois trous carrés pourraient
évoquer de petites fenêtres laissant filtrer la lumière. Le
chiffre 3 apparaît derrière l'une de ces ouvertures. En
bas à droite , se détache une série de chiffres à l'envers.
Un usage si assumé de vieux papiers s 'avère inhabituel
dans un dessin aussi soigné.
Le cou, les épaules, ainsi que les oreilles du modèle sont
exécutés avec simplicité. Représen tée de dos , la jeune
femme reste anonyme et nous apparaît surtout à travers
78
LOUI JOVER
sa coiffure , observée avec soin et dessinée au crayon
noir et à la plume. Il est à noter que la raie n'est pas à
proprement parler dessinée : elle est simplemen t formée
par une non-convergence des lignes. Les mèches qui
s'échappent de la coiffure semble réelles. L'encre noire
renforce la profondeur tonale et prodigue leur lustre aux
cheveux. (Voir également le travail au crayon noir de
Martin Étienne page 69, et l'observation des cheveux
de Maria Gil Ulldemolins page 57.)
Si vous optez aussi pour de vieux papiers , gardez à
l'esprit qu 'ils ne peuvent pas être exposés et qu 'ils
ne se conservent pas très bien. La lumière du jour les
décolorerait et les endommagerait davantage. Scannez
ou photographiez votre travail en haute résolution
pour l'archiver convenablement.
NAV IRE À VO ILE
Crayon, stylo, encre
79
J
TRAIT

Un modèle temporaire YADGAR ALI

Au fil du temps, j'ai pu constater que les étudiants en
art attendaient avec impatience leur cours de dessin
d'après modèle vivant. Une fois accompli le rituel de la
recherche du bon emplacement pour poser le chevalet,
du réglage de sa hauteur et de son orientation, de la
fixation de la feuille à son cadre, et de la disposition des
divers instruments, l'apparition du modèle constitue un
moment clé.
Or, il arrive que le modèle ne puisse pas venir, pour une
raison ou pour une autre. La déception est dans ce cas
palpable. Pourtant, inutile d'annuler la session: certains
étudiants peuvent choisir de se porter volontaires (sans
se dénuder 1).Prendre la pose constitue un excellent
exercice : cela vous apprend à ne pas sous-estimer la
difficulté du rôle de modèle. Cela renforce également
votre capacité à gérer et à négocier avec les modèles.
un tabouret, penchée en avant, les mains agrippant les
rebords d'une petite table , l'étudiante s'épargne ici le
syndrome « tremblote ». Il s 'agit en effet d 'une posture /
parfaitement solide.
Le contraste entre la forme géométrique et inanimée et
/
la forme organique du modèle donne un dessin singulier.
Yadgar Ali a choisi le crayon pour placer rapidement la
table (qui est primordiale , car elle accueille le poids du
modèle penché au-dessus d'elle) Il a ensuite consacré \
\
l'essentiel de son temps au plus important, à savoir la
figure elle-même. Si vous endossez un jour le rôle de
modèle, je préconise de ne pas dépasser une durée de
pose de quinze minutes. L'artiste avait conscience de
cette limite temporelle, et a donc identifié ses priorités.
\

Voici l'exemple d'une étudiante prenant la pose à la

place du modè le officiel. Cette pose est plus facile à
ÉTUDE DE DESSIN (4)
tenir, du fait du mobilier dont elle dispose. Assise sur )
Crayon

I _,,,;,.
80
/

I
TRAIT

Points d'ancrage BRYCE WYMER

Le ch oix d 'un lieu tout à fait insolite pour dessiner la
figure humaine vau t tout auss i bien que ce lui d 'un
ate lier classique. La différence est , dans le premier cas ,
q ue votre modèle risque de bouger davan tage I L'artiste
a ici tiré par ti de ce fait : les observa tions jetées sur son
carnet incluent les changements de position du modèle ,
changements représentés par le biais d 'une série de
juxtaposi tions. En résul te un dessin plus animé, où
s 'inscrivent différents mouvements.
Observez commen t la tête occupe deux positions , l'une
rele vée , l'autre appuyée contre le rebord de la baignoire.
Combien de paires de bras percevons-nous? Peut-être
cinq ou six. Se dégage l'impression d 'assister au rituel
quotidien du sujet , qui glisse dans la baignoire , se
rassoit , lève les bras , etc. L'astuce consiste à utiliser
des objets environnants comme « points d 'ancrage ,,.
En effet , les objets , eux , ne bougent pas : ils sont fixes ,
statiques. Une fois que l'artiste les a dessinés , la figure
peut s 'insérer parmi eux.
Tout le travail préparatoire a été exécuté à l'aide de
stylos pointe fine (0,005 microns) à encre permanente.
Rien n 'a été effacé. Le blanc de la gouache apporte de la
clarté au papier Moleskine ivoire , et devien t une sorte
de « lavis blanc "· voire de correcteur , là où retouches ou
rehauts sont nécessaires . Les encres de couleur - ici ,
rouge et bleue - contribuent à définir les étapes du
mouvement. Gribouillages, motifs et annotations sont
encore visibles à travers ces différentes couches. Ils
participen t eux aussi à l'œuvre finale . Il est à noter que
dessiner à l'encre permanente permet d 'ajouter des
lavis et médiums humides sans affecter le dessin réalisé
initialement au stylo.
BAIN
Styl o, aquarelle, gouache

82
TRAIT
Pierre noire
Sophie Rambert a opté pour une pose lui permettant de
se concentrer sur les mains et les pieds. Cette ébauche ,
réalisée en un minimum de t raits , vient orner une feuille
ivoire de 50 x 65 cm. Dessiner ainsi s 'avère très d ifficile :
pas de repères préa lables indiquan t le chemin à suivre .
Pour obtenir un tracé aussi précis , le choix de la
technique est important. L'artiste utilise ici un crayon
pierre noire Conté. Sa mine tendre délivre une marque
veloutée indélébile. Son noir mat et intense convient
très bien à son objectif. La pierre noire est un mélange
de carbone et d'argile , qui apparaît ici en gradation B :
elle est donc ni trop dure , afin de restituer les irnances
de pression du crayon sur le papier, ni trop tendre , pour
obtenir un tracé propre. (Voir aussi l'œuvre à la pierre
noire de Martin Étienne , page 69.)
84
S O PH IE RAM B ERT
Dans ce dessin , l'attention au trait est manifeste. On y
découvre les zones où l'artiste s 'est interrompue pour
réfléchir à la progression de son tracé. Celui-ci semble
palpite r il se fait épais ou fin, subtil ou vigoureux. Des
marques un peu plus foncées apparaissent au niveau
des épaules , des poignets , mais aussi des pieds. Ces
derniers ont dû constituer son plus grand défi , au vu
de leur complexité. Observez le pied gauche du modèle
les lignes de recherche et de retouche ne perturbent
pas du tout l'ensemble.
Le résultat est un dessin élégant , qui fait bon usage
de l'espace de composition et de la ligne sinueuse .
MÉLA NCOLIE 10 ~ ~
Pierre noire ;:
85
TRAIT

Journal de voyage STE V E WI L KIN

Du fait des contraintes imposées par son emploi du d 'un projet graphique qui, autrement , pourrait se voir r
temps, qui inclut notamment l'enseignement du dessin abandonné. On apprend ainsi à mieux gérer son 1
et de l'illustration à des étudiants de second cycle, équipement et son temps, et l'on gagne en assurance
Wilkin ne trouve pas énormément de temps à consacrer (tout comme nos réalisations).
à ses propres créations . Conscient de l'importance de la
Grâce à ses dessins de voyage, Wilkin a obtenu une
pratique et de l'observation, il met donc à profit l'heure
bourse , bourse qui lui a permis de publier un journal -~
que dure son trajet quotidien vers son travail. Toujours
muni d 'un carnet de croquis et d'un portemine, il saisit
rassemblant certains travaux issus de son carnet de
croquis. Dans un esprit de reconnaissance envers ses
1'111:·
'~;.
'19-.;
le trajet matinal des usagers des transports au fil des
sujets , ce journal a été distribué aux usagers faisant le
saisons - ici, la chronique automne -hiver 2015 (les
vêtements chauds des passagers donnent une bonne
indication de la saison).
même trajet que lui. Ses dessins ont également été
publiés dans des livres , mais aussi sur de nombreux
@
/r'
(,
blogs. Pas mal, pour quelqu'un qui n'a pas vraiment
Se plier à un exercice quotidien (ou du moins régulier) le temps de dessiner !
comme celui-ci constitue une bonne habitude à \
prendre. Lorsque l'on s'oblige à adopter une telle
discipline, il est plus facile d'aller jusqu'au bout

PASSAGERS ENVOYANT DES SMS , PASSAGER

AVEC UN SODA, FEMME LISANT SURTABL ETIE
Crayon

86 87
 TRAIT
--
Éviter les déformations
Dessiner un modèle debout , dans toute sa longueur et
dans ses justes proportions , surt out sur une feuille aussi
YA DG A R AL I

fluidité à l'ensemble, tandis que que lques variations de

pression créent des zones plus affirmées. Le dos et les
\
large que celle-ci , peut s 'avérer très difficile. Selon la bras croisés sont venus ensuite , suivis par la tête et les
hauteur du papier , s 'il est sur chevalet, ou son angle épaules. Les trois études partagent la même touche
d 'inclinaison , s 'il est posé à plat , toutes sortes de rapide et assurée .
déformations peu vent apparaître. Séparer chaque
À ce stade , un choix s 'impose· on peut laisser le dessin
composant de la figure peut être un moyen de rés oudre
tel quel , ou recourir à une méthode propre à réunifier
ce problème. Cette méthode permet aussi de ne pas se
la figure. On peut ainsi choisir de découper , puis
laisser submerger par la forme globale. Déconstruire
d'assembler , ou bien de décalquer sur une nouvelle
ainsi le tout en différentes parties rend les choses
feuille de papier. (Voir aussi la figure déconstruite de
beaucoup plus manœuvrables.
Jonathan Kroll, page 77.)
Les jambes , qui ont souvent tendance à être dessinées
En ce qui concerne la distorsion , il existe par exemple
en dernier , constituent l'élément le plus susceptible de
des chevalets en position assise. Ces derniers, appelés
souffrir de disproportion. Ici, l'artiste a délibérément
« chevalets de marqueteur », sont munis d 'un banc sur
commencé par celles-ci. Il les a placées au centre de
lequel on s 'assoit face au chevalet incliné. N'oubliez pas
la page , en partant de la taille vers le bas. Le poids du
que le bas du dessin est plus près que le haut , ce qui
modèle semble se porter nettement sur la jambe gauche.
peut engendrer une déformation du rendu final.
Bien qu 'il s'agisse d'une esquisse préliminaire, la figure
fait l'objet d'une observation attentive. et le tracé d'un ÉTUDE DE DESSIN (14)
travail nuancé. Des lignes continues assurent une Crayon t r .::i

88 89
TRA I T I
/
Contre-plongée
Voici un exemple de portrait très naturel , qui convient
bien à la jeunesse du sujet reprèsenté. La jeune fille y
apparaît en contre -plongée , le cadre et la composition
rappelant à bien des égards une photo volée , prise par
A GA TA MA RSZ A LE K

Ce dernier se concentre essentiellement sur des traits

choisis , en l'occurrence le visage et les cheveu x de la
jeune fille (les lignes de son cou et de ses épaules sont
traitées de la même façon que celles de l'arrière-plan)
'--.
-1-...._

'

en dessous, comme lorsque l'on tient un appareil photo L'ensemble du dessin est réalisé au crayon, dont le tracé
à hauteur de hanche , sans regarder dans l'objectif. Le paraît nettement contrasté pa r endroits . La pression
résultat peut donner des points de vue auxquels on plus forte , qui fait naître un noir plus profond , est
n 'aurait jamais pensé autrement. particulièrement visible autour des yeux, de la lèvre

À l'instar d'une photo prise de cette façon , ce dessin

d'Agata Marszalek représente des éléments
environnants, au -dessus et derrière le sujet. Ceu x-ci
emplissent l'espace, mais apparaisse nt si stylisés
qu 'ils forment une série de motifs en forme de losanges.
Tout élément détaillé issu de ce plan secondaire aurait
distrait le regard posé sur le portrait.
supérieure et des mèches de la frange . Les cheveux qui /
s 'échappent du chignon on t été dessinés d 'un geste
leste. On sent une certaine assurance dans l'esquisse
qui est faite de l'oreille et de la mâchoire.
Comparez ce portrait informel avec l'autre dessin
de l'artiste , page 175.
r~

SANS TITRE
Crayon
/
90

- __ _
:,,.____
TRAIT

Planifier PAUL H EASTO N

Une esquisse au crayon forme la base de ce dessin au Il est bon de se rappeler que si le feutre est un excellent
feutre noir et au stylo gel blanc. Le ton foncé du papier outil de base, il ne possède en aucun cas la gamme de
dissimule bien ces lignes directrices. Il serait difficile de valeurs du crayon ou du fusain. Les diverses variations
dessiner cette figure avec une telle précision sans un de pression ne modifient pas vraiment son tracé, et on
repère préalable. Le tracé préliminaire a permis à Paul ne peut pas l'estomper pour créer un dégradé.
Heaston de centrer le modèle sm la page, et l'a aidé à
Conscient des limites du feutre - un trait noir calibré
choisir la position des membres, à déterminer comment
dont l'épaisseur dépend de la pointe choisie-, Heaston
la silhouette se détache sur le fond neutre, et à marquer
démontre pourtant qu'il est possible de produire, grâce
le plissé du tissu sous son corps.
au simple usage de la ligne, l'illusion de dégradé , et
L'artiste ne s'en est pas pour autant remis entièrement donc de volume. L'utilisation d'un stylo gel blanc pour
à son crayon. Cette pièce ne se contente pas d'être un les rehauts venant de l'éclairage de l'atelier renforce
simple dessin au feutre par-dessus un dessin au crayon. encore l'illusion de 3D.
Au fil de la séance de pose, il a continué à observer le
modèle, à découvrir des nuances, des détails. Une ligne
régulière et continue décrit le pourtour des différents
éléments, tandis que des hachures ve1ticales traduisent
le modelé.

MODÈLEÉTENDU
Feutre pointe fine, stylo gel blanc

92 93
Marqueur
La plupart des dessins que réalise l'artiste Paul Richards
au jourd 'hui s 'inspirent d'un cours qu'il a suivi il y
a des années , sur le dessin de la figure humaine
en mouvement. Certains des exercices alors proposés
comportaient la représentation d 'un modèle dont la
position ne cessait de changer, parfois toutes les trente
secondes. Une pose longue ne durait que deux minutes.
Les poses très courtes aiguisent bien la concentration .
L'attention au détail y est proscrite . Cette expérience
a durablement marqué l'artiste , désormais habitué à
travailler de manière rapide et spontanée. Le toucher ,
fluide et libéré , produit une forme abrégée qui résume
instantanément la pose . L'artiste considère ces croquis
comme des « gribouillages >> : « Simplificateurs dans leur
approche, ils éliminent le superflu et ne conservent que
l'expression essentielle . »
94
PAU L R I C HA RDS
Ces dessins ont été réalisés au marqueur indélébile. On
discerne assez clairement le mouvement des yeux et de
la main de l'artiste à travers la course nette de sa ligne
graphique noire. Le marqueur constitue l'un des outils
les plus ingrats avec lesquels dessiner. Une fois la
marque réalisée , on ne peut plus la modifier ou l'effacer.
Il nécessite assurance et précision. Paul Richards le
décrit comme ((brutal », même s 'il l'a encouragé à ((voir
le modèle par le regard de l'esprit » : en effet, il visualise
le dessin dans sa tête avant de marquer le papier.
Comble de la difficulté, l'artiste s 'est lancé le défi de
dessiner la figure assise de la main gauche (il est
droitier). Le trait apparaît légèrement plus épais, témoin
du passage plus lent du mar q ueur sur le papier, qui a
donc absorbé davantage d 'encre.
SANSTITRE 3 & 5 ~·-
Marqueur indélébile ~~
95
 LAV IS

Analogique et numérique E KA TE R I NA KO RO L EVA

Dans ce portrait, Ekaterina Koroleva fusionne diverses
techniques analogiques et numériques. On y découvre
un modèle au cou allongé et sans épaules, ce qui lui
donne l'apparence d'un mannequin de vitrine. Cette
présentation confère au dessin un caractère illustratif .
Les portraits féminins sont la spécialité de l'artiste, qui
les élabore à J'aide d'outils tout à fait traditionnels (tracé
au crayon et au stylo sur fond d 'aquarelle) , puis qui les
manipule numériquement : elle construit ainsi son
travail par couches successives , et le pousse plus loin
que ne le ferait l'analogique seul. L'aquarelle visible ici
n'existe que dans la ve rsion numérique.
plantent les fondations sur lesquelles les lignes
suivantes viennent se poser. La tresse est dessinée à
J'aide d'un trait moyen, trait d'épaisseur semblable à
celui du pourtour du visage . Des lignes plus appuyées,
plus foncées, décrivent l'ombre sous le chignon et sous
la frange , et relèvent les cils et les lèvres.
Essayez les crayons Faber Castell Jumbo 9000, dont
la mine graphite extra-large se décline en différentes
duretés , et notamment en 2B, 4B, 6B ou SB.

Trois pressions de d ifférentes intensités interviennent

dans ce dessin. Les lign es les plus légères s'enroulent
autour des joues et prod u isent un effet de masque. Elles
soulignent aussi la forme de la tête et. quelques mèches
de cheveux. On ne perçoit aucune volont é d 'effacer ou
de dissimuler ces ligne s de repérage; au contraire : elles
JOUER
Encre, aquarelle , numérique

96 97
 LAVIS

Papier fait main ELINA MERENMIES

Le papier offre un choix infini de supports. Son format et l'application de l'encre tient du<<maintenant ou jamais.
ses dimensions conditionnent la façon de dessiner, son On ne peut rien effacer. Il faut se concentrer afin que
grammage et sa capacité d 'absorption influent sur le tout se passe comme prévu, comme pour un spectacle ».
choix du matériel. Son coût lui octroie une certaine
Un très léger contour a fourni un cadre au pinceau
singularité (et s'avère parfois inhibant). Il augmente
qui a balayé la surface du papier. Le choix des variations
lorsqu'il est fabriqué à la main et/ou de qualité archive.
tonales était déjà fait : le trait du pinceau démarre
Ces deux facteurs priment lorsque l'on est artiste
depuis l'arrière de la tête, là où le noir se fait plus dense.
professionnel, car ils confèrent au papier une qualité
Il en va de même pour l'ombre des sourcils et des
exceptionnelle, qui transforme l'expérience graphique
orbites oculaires . Même si l'encre s'avère très noire,
en un vrai moment de plaisir et offre une plus grande
des nuances tonales s'insinuent dans les espaces vides
pérennité aux travaux exposés (ce dessin fait partie
laissés par le pinceau .
de la collection du HAM - Helsinki Art Museum).
Parmi les papiers fabriqués à la main, il existe un papier
Elina Merenmies est une artiste professionnelle qui
indien, appelé« khadi », réalisé à base de chutes de
attribue une importance extrême à la qualité de son
coton, et un autre à base de fibres d'écorce, le lokta.
matériel (ici, du papier fait main, travaillé à l'encre,
Préférez du papier sans acide .
au stylo et au pinceau) La façon dont ces éléments
s'étendent sur le papier, leurs caractéristiques et leurs
mouvements dans le dessin sont essentiels. À ses yeux,
BEAU
Stylo, pinceau, encre

98 99
 L AVIS
Préparation
Prenons-nous vraiment le temps d'observer nos repaires
favoris? Ils constituent pourtant des sujets tout à fait
valides. Ici, la fenêtre donnant directement sur la
cuisine du restaurant préféré de l'artiste nous offre
un aperçu des gens qui y travaillent : des silhouettes
anonymes derrière une vitre dépolie, qui s'agitent
dans la lumière bleue pour confectionner - à la main
- d'innombrables raviolis chinois. Bien que
constamment en mouvement, le personnel accomplit
des gestes répétitifs , gestes pouvant donc être aisément
assimilés, puis reproduits sur le papier. Mark Holmes a
compris que le cadre naturel de la fenêtre offrait une
excellente composition à son étude. Son format paysage
a déterminé l'orientation du papier.
Ce dessin au crayon et à l'aquarelle a été entièrement
réalisé dans l'enceinte du restaurant. L'arti ste ,
connaissant bien son tau x de fréquentation et les
meilleurs endroits où s'installer , a su quel équipement
prendre avec lui et a planifié sa visite. Travailler à
100
MARC TARO HOLMES
l'aquarelle exige un minimum d'organisation: il faut
penser à prendre pinceaux, eau, boîte de couleurs et
palette. Il a choisi un papier aquarelle de bonne qualité
(fibres de coton pressées à froid, grammage de 400 gm 2)
et assez grand. Il lui a aussi fallu une planche à dessin
portative, afin d'étendre la feuille (pour éviter qu'elle ne
gondole sous l'effet de l'eau) L'e squisse réalisée au
portemine capture l'image des cuisinières au travail.
Des lavis à l'aquarelle, qui passent du clair au foncé, des
grandes zones au x plus petites, complètent le dessin.
L'a rtiste a même poussé son geste un peu plus loin,
en se filmant à l'œ uvre (vimeo com/31158462).
CU ISINIÈRES CONFECTIONNANT DES RAVIOLIS
Crayonet aquarelle
 LAVIS
-
Travail au pinceau M I RC O MA RCACC I

L'a rtiste porte ici son attent ion sur une seule partie du exemple, l'outil, entre chaque observation du modèle ,
modèle. Ce mélange de dessin et de peinture est une ne quitte pas le papier , et avance au fur et à mesure des
étude d 'un torse d'homme semblant démembré : en décisions prises par l'artiste pour rendre avec précision 1
effet, il manque la tête, le corps s 'interrompt à la taille, sa vision du sujet masculin. \
et il n'y a rien sous les avant-bras. 1
Une fois la silhouette et quelques muscles abdominaux
J
La pose est faite de courbes : épaules , muscles de la représentés au stylo , Mirco Marcac ci a appliqué des tl
poitrine et côtes. Bien que l'on n 'aperçoive pas le dos , masses rectangulaires d 'acrylique noire , sur lesquelles I,
on le devine voûté, puisque le modèle se penche son pinceau a repassé de l'acrylique blanche, afin de
légèrement vers nous. Est-il au repos ou en action? moduler l'ombre et la lumière. Les différentes traces
Difficile de le dire avec certitude. et empreintes de doigts renforcent la nature expressive

r-·
1
de l'ensemble. .,: ...
Le galbe de la pose est saisi à coups de stylo noir et de i.
pinceau, dont la touche droite et anguleuse surprend \
dans une forme organique telle que celle -ci. Certains
I
,y
dessins en ligne continue procèdent moins d'un tracé
.,! ,;
fluide ininterrompu (qui produit un résultat bien plus
sinueux) que d 'un cheminement heurté . Dans cet j
BUSTE 031
Stylo. acrylique

102 103
 LAV I S
Valeurs et lavis
Ce dessin au carré Conté et à l'encre porte bien son
titre, car la qualité de la lumière y est particulièrement
bien saisie. La lumière du soleil vient de la droite et
illumine de ce côté le visage du modèle, visage dont
l'autre partie est plongée dans l'ombre. L'intensité du
contraste est rendue possible par la technique dite
« humide sur humide », qui permet d'obtenir ces effets
de dispersion.
Cette étude très aboutie des valeurs de gris - qui se
décline du gris clair au noir, en passant par toute une
gamme de demi-tons - est élaborée à partir de couches
successives de lavis , de plus en plus foncé. Parce qu'il
s'agit d'un médium translucide, on travaille toujours
du plus clair au plus foncé, et jamais l'inverse (veillez
à utiliser du papier aquarelle).
104
--
MA RK HOR S T
Avant même de poser le pinceau sur le papier , des choix
s 'imposent. En étudiant la façon dont la lumière tombe
sur le modèle, Mark Horst a estimé le nombre de valeurs
de gris nécessaires à son travail. Le papier lui-même
constitue le ton le plus clair. Vient ensuite le gris clair
du côté droit du modèle, puis celui des épaules et de
certains éléments du visage , et enfin le ton le plus foncé ,
celui des cheveux. L'artiste n 'a pas attendu que le
papier sèche entre chaque couche de lavis, provoquant
ainsi, par endroits, leur fusion . Grâce à ce mélange et à
la présence de coulures sur toute la longueur du portrait ,
le jeu de surface se fait bien plus intéressant.
Il est intéressant de noter que l'artiste n'a quasiment
posé aucun contour au carré Conté. Le visage n'en
montre pas du côté clair; or, nous avons malgré tout
l'impression d'en distinguer un.
UN MATIN CLA IR N° 1
Encre et carré Conté
105
 LAVIS
Dominer l'espace
Cette figure recroquevillée peut engendrer différentes
lectures: objectivement, il s'agit d'une position
intéressante, mais, subjectivement, elle compte parmi
les poses les plus troublantes. Il est possible d'y
percevoir une personne assoupie - quoique nue et
découverte-, ou bien repliée sur elle-même pour une
raison négative. Quelle qu'en soit notre interprétation,
cette composition reste saisissante.
Nous abordons cette figure par le haut de sa tête.
L'artiste a dessiné le corps de sorte qu 'il touche (ou
presque) trois des bords du papier. Ainsi, il domine et
remplit l'espace. Le genou et les orteils s'alignent sur
le bord droit de la feuille, le dos voûté se colle au bord
gauche, et la main paraît agripper le rebord inférieur.
La figure est dessinée à la pierre noire Conté, bien
adaptée au papier texturé . Pa rce qu'il est plus dur que
le fusain ou le pastel, ce crayon offre un tracé plus net,
au noir mat et profond. Sylvie Guillot a commencé en
esquissant plusieurs cercles, afin de déterminer
106
SYLVIE GUILLOT
l'emplacement de la figure dans l'espace. Elle a ensuite
défini le modelé. Il est intéressant de noter que les
saillies et les creux du bas du dos ont été développés
à partir du grand arc initial. Au sein même de la masse
corporelle se perçoivent d'autres boucles , qui dévoilent
comment l'artiste a cherché à traduire la forme
tridimensionnelle sur une surface bidimensionnelle.
L'ajout d'aquarelle complète l'ensemble.
Ce dessin a été réalisé sur un papier aquarelle Arches
de 50 x 65 cm. Ce papier d'excellente qualité est
fabriqué à partir de fibres 100 % coton. Il est sans acide,
et son PH est neutre (des facteurs importants lorsque
l'on souhaite exposer son travail, comme ici).
EMM A NUELLE BLOTI IE
Aquarelle,pierre noire Contê
107
VA L EURS ET OMBRES
Selfie expérimental
Voici un autoportrait issu d 'une série réalisée dans le
cadre d 'une exposition de fin d 'année d 'étudiants en art
et design. Pour son matériau photographique, Chelsie
Cater-Tooby a exploité diverses sources , et notamment
ses propres blogs , ses albums de famille et des selfies
réalisés pour l'occasion Désireuse d'explorer l'idée de
représentation et de stéréotype, l'artiste s 'est inspirée
des réactions provoquées par ses propres portraits
photographiques, selon le contexte dans lequel ils
étaient vus. Sur les réseaux sociaux , les commentaires
n 'ont , hélas , pas toujours été positifs , mais l'ont aidée
à déterminer quoi et comment dessiner.
Si ses sources étaient de petite taille (de type photo
de passeport) , ses dessins s'avèrent en revanche plutôt
grands . Mesurant 59 x 84 cm , celui qui nous intéresse
ici se révèle bien plus imposant qu 'un reflet dans un
miroir. À l'instar d'autres autoportraits présentés dans
cet ouvrage, l'introspection semble très souvent
produire de saisissants portraits.
108
CHE L S I E CATER-T O OBY
Comparez cet autoportrait avec ceux de Philip Tyler
(page 123), Derek Overfield (page 55) ou encore Mirco
Marcacci (page 189). Un dessin tiré d 'une photo peut
donner un résultat très différent de l'original Lumière
et volume sont déjà établis. Ils sont fixes. Souvent, le
contour des choses manque de netteté.
L'artiste ne cherche pas du tout à dissimuler l'origine
de son dessin; au contraire, elle tient à ce que l'on
sache qu'il provient d'une photo. Les contours au stylo
noir sont remplis d 'une multitude de traits diagonaux ,
mais aussi de contre-hachures. Le tracé est méthodique
et très consciencieux . L'artiste obtient ainsi, à l'aide
d 'un modeste stylo-bille , une gamme de valeurs
étendue . Des morceaux de bande adhésive recouvrent
certaines zones , pour nous rappeler qu'une fois que l'on
a accepté ses défauts, personne ne peut les utiliser
contre nous.
IMPERFECTIONS
Stylo-bille, Scotch
109
 VAL EURS ET OMBRES

Retouches KATI E LO UI S E TO ML I NS O N

Lorsque l'on so uhaite dessiner des personnes pratiquant
une activité sportive, le choix du poste d'observation
ne doit pas être négligé. L'emplacement doit permettre
d'observer les mouvements du modèle suffisamment
longtemps. En se plaçant au bout d 'un couloir de nage,
Katie Louise Tomlins on a réussi à voir et à saisir le
rythme et les gestes répétitifs du nageur progressant
vers elle. Il lui a fallu plusieurs observations de ses allées
et venues pour bien enregistrer ce qu'il se passait.
Tout dans ce dessin semble immédiat, entièrement
réalisé sur place. Or, il s 'avère que des retouches ont été
apportées ultérieurement. L'artiste a scanné sa page de
carnet avant d'ajouter des tons bleus. Ce qui était au
départ une rapide esquisse au crayon s 'est étoffé après
quelques coups de pinceau numérique. Le ton chair du
nageur a également été ajouté plus tard.

Ce dessin fonctionne vraiment bien grâce au cadrage

de la figure, isolée asymétriquement sur une page du
carnet. La double page devient ainsi l'espace de l'eau
qui entoure le nageur. Tomlinson n'a pas laissé le pli de
la reliure gêner sa représentat ion. Ses rapides coups de
pinceau , ses taches d 'aquarelle (ici, le bleu et le noir), et
les traînées d 'encre et de crayon aquarelle renforcent la
profondeur tonale et impriment un mouvement à l'e au
On imagine sans pe ine l'instant d 'ap rès , celui qui voit
le nageur remonter les bra s pour compléter son geste.
NAGEUR
Techniques mixt es

110

J
VA LEURS ET OMBRES
La photo comme référence
Avant l'avènement de la photographie , se faire tirer le
portrait était réservé aux plus riches. Un portrait était
une œuvre d 'art que l'on commandait; il ne s 'agissait
pas d'une simple représentation de quelqu'un, mais
d 'un témoignage des qualités du modèle, témoignage
qui visait à établir sa richesse , son pouvoir , son statut
ou sa beauté. Aujourd'hui, les commandes de portraits
sont devenues rares. Les artistes ont plutôt tendance à
dessiner ceux qu'ils connaissent, et à leur dicter une
pose précise ou un style.
Plusieurs dessins figurant dans cet ouvrage ont pour
modèle une personne proche de l'artiste. Celui-ci en fait
partie . Il revisite astucieusement les codes du portrait
classique par le biais d'une approche photographique
informelle . Le modèle nous regarde d'un air amusé. Il
nous scrute , la tête légèrement inclinée, un sourcil
relevé, le regard interrogatif. Cheveux, barbe naissante
et vêtements lui donnent une allure très décontractée.
112
.,
D E NISE N ESTO R
Certains éléments de composition viennent néanmoins
formaliser l'ensemble: l'homme est placé de manière
conventionnelle dans le cadre , et rien à l'arrière-plan
ne distrait l'œiL Son emplacement central, au sein
d 'un espace totalement vierge , nous permet de nous
concentrer uniquement sur lui. L'attention que l'artiste
porte aux détails avec son crayon révèle une véritable
compréhension des valeurs de gris (du blanc au noir).
Les losanges rouges du pull tranchent avec la palette
grise et provoquent un choc chromatique , d'autant plus
que leur rendu semble moins travaillé.
Un tracé si détaillé ne peut être intégralement réalisé /
sur le vif, c'est -à-dire en présence du modèle. Une série
de photos a accompagné l'achèvement de ce portrait.
JAMES
Crayon, crayonde couleur
113
VALE U RS ET OMBRES

Papier kraft SY LVIE G UILL OT

Ces dessins revêtent un cachet historique. Ils
ressemblent aux académies réalisées en atelier dans
le but de s'exercer à la représentation de la musculature
et du modelé (deux fondamentaux de l'anatomie
humaine). Le ton sépia du papier et l'utilisation en
apparence traditionnelle des pastels de couleur noire,
blanche et sanguine renforcent cette impression.
La pratique en atelier constituait jadis un passage
inéluctable pour les étudiants en art, qui y suivaient
notamment des cours de dessin d'après modèle vivant,
afin de se familiariser avec la morphologie humaine.
De nos jours, rien ne nous oblige à acquérir ce niveau
de connaissance. Interpréter ce que nous voyons est
à présent ce qui compte. Sylvie Guillot a installé son
modèle de façon à saisir au mieux la tension physique,
et, ainsi, à accentuer la définition des mus cles. La
position, inconfortable, n'a sans doute pas pu être
maintenue longtemps. Il est à noter que la plupart des
modèles n'affichent pas de muscles particulièrement
bien dessinés. La plastique que peuvent présenter des
athlètes ou des bodybuilders n'importe que si l'on se
spécialise dans les représentations extrêmes du corps
humain (par exemple, les superhéros issus des comics).
Ces dessins sont grands (75 x 110 cm) et constituent
donc un espace relativement vaste à couvrir. C'est un
gros travail pour l'artiste. Elle a choisi de travailler sur
papier kraft, support en mi -teinte idéal pour le dessin
au fusain, comme ici (pastels et pierre noire Conté
interviennent également). Vergé sur une face (utilisée
ici), lisse et brillant sur l'autre, le papier kraft ne coûte
pas cher (il est préférable de choisir un grammage de
140 gm 2 ) Destiné à l'emballage, il offre résistance et
durabilité, et se révèle idéal pour les œuvres de grande
ampleur.
TENSION 2 - MICHEL, TEN SION 5 - MICHEL
Fusain,pastels, pierre noire Conté

114
VA LEURS ET OMBRES
Dégradé
D'emblée , ce dessin au fusain se distingue par la texture
de son support. Comme le pastel, le fusain fonctionne
mieux sur papier structuré, rugueux, dont le grain
accroche. Cette texture offre aux matières poudreuses
ou tendres une surface où adhérer. Plus il y aura
d'accroche , plus on pourra appliquer de matière.
Dans le cas du fusain , ce grain permet une meilleure
modulation des valeurs (du gris le plus clair au noir
le plus foncé).
Les papiers pour pastels se déclinent en différents
types, comme le Pastel Card , le papier velouté ou le
papier Ingres , dont la surface vergée se retrouve ici.
On aperçoit les vergeures (trame visible laissée par le
procédé de fabrication) de part et d'aut re du modè le,
en particulier là où l'artiste a frotté la tranche du fusain
pour ombrer l'arrière -plan.
116
GA MLET KHOUD AV ERDI A N
L'ensemble forme un excellent exemple de dégradé de
tons. L'artiste utilise très peu de lignes franches , leur
préférant une série de traits et de mouchetures pour
figurer les zones de convergence des tons. L'absence de
lignes renforce toujours le modelé du sujet , son réalisme.
Marquer les objets d 'un contour noir les aplatit. Cette
ligne n'existe pas dans la réalité ; or, la plupart d'entre
nous s 'obstinent à dessiner ainsi.
Pour réussir un dégradé , une très bonne lumière directe
s'impose , afin de placer les rehauts clairs et les ombres
ou tons foncés, et de repérer les multiples zones tonales.
Ne cherchez pas à trop travailler le dessin : laissez le
papier constituer lui-même les rehauts. Gardez à l'esprit
que le fusain ne donne que des dégradés gris ou noirs.
ÉTUDE DE NU
Fusain
117
VALEURS ET OMBRES
Papier demi -teinte
Voici un autoportrait. Il diffère des autres exemples
présentés dans ce livre, car le regard de l'artiste n'est
pas dirigé vers nous. Yadgar Ali a les yeux levés en
direction d'un point lointain, situé au-delà des bords
du papier. Le spectateur le regarde en contre-plongée.
L'artiste porte un carton à dessin d'une main et sa veste
de l'autre , comme s'il se tenait sur le départ. Il ne
semble absolument pas s'intéresser à nous. Ce portrait
traite de ce que cette personne s'apprête à faire. Nous
ne voyons que lui, et ce qu'il porte dans les mains.
Ali a choisi de ne pas dessiner d'arrière-plan, mais a
sélectionné un papier demi -teinte, au ton chaud, qui
forme une part importante de la composition: l'espace
en négatif autour du sujet . Ce choi x apparaît beaucou p
moins austère que le papier blanc ordinaire. Son tra it
s'y inscrit bien plus subtilement. Le papier possède une
surface mouchetée au grain très peu rugueux. Cette
texture veloutée convient mieux à la matière utilisée.
118
YADGA R A L I
Le contour tracé avec une grande délicatesse accueille
différentes valeurs tonales élaborées à l'aide d'un
mélange de marques diagonales et de contre-hachures.
Les diagonales régulières suivent, de gauche à droite,
un angle de 45°. De la même façon que la densité des
points d'un journal retranscrit l'ombre et la lumière, le
dégradé de ces lignes fait que plus les diagonales sont
proches, plus la valeur est foncée. La matière des
vêtements de l'artiste est rendue avec adresse grâce
à cette technique. Les contre -hachures marquent les
zones les plus foncées. Pourtant, même là où les valeurs
sont les plus denses, rien n'apparaît vraiment noir. Le
crayon fin et le papier demi -tei nte atténuent l'ensemble.
SOMBRE VOYAGE
Crayon
119
V ALEURS ET OMBRES
Capture de film
Dans le domaine du modèle vivant , cer tains sujets
nécessitent de recourir à la photo pour figer le moment
souhaité. Les éléments de ce dessin ont été tirés d'une
vidéo trouvée sur YouTube. Mark Horst s'est intéressé
au potentiel de certaines poses aperçues dans l'extrait
de film. Il a réalisé une capture d 'écran pour saisir les
poses souhaitées, puis les a combinées en une nouvelle
image. À aucun moment du film ces trois danseurs
n 'apparaissent dans cette configuration. L'artiste a
complètement réarrangé la disposition des figures,
afin d 'obtenir une composition satisfaisante.
On ne saurait dire ce qui retient notre attention et
pourquoi. Prendre le temps d 'étudier attentivement
une petite partie des myriades de vidéos , films , photos
et publicités que nous visionnons au quotidien s 'avère
tout à fait bénéfique. En ralentissant le rythme des
choses, on les regarde de plus près, et l'on parvient
mieux à y insuffler notre touche.
120
MARK HORST
Ici , les élémen ts d 'une courte vidéo sont transposés
au crayon Horst a produit un dessin avec de forts
contrastes , en accordant toute leur place aux deux
extrêmes des valeurs tonales : le blanc et le noir. Le
papier lui-même constitue la valeur la plus claire , et le
crayon introduit la plus foncée. La simplification des
valeurs tonales se retrouve souvent dans les créations
au pochoir.
Les marques au crayon sont toutes appliquées en
diagonale , certaines s'apparentant presque à un
gribouillage. On n 'aperçoit aucune esquisse préalable ,
ce qui suggère un procédé invisible dans le résultat
final peut-être l'utilisation d 'une table lumineuse
ou de différents calques à partir d 'un projecteur.
ÉTUDE POUR LES BREAKDANCERS D'ALBUOUEROUE
Mine de plomb
 VA LE U RS ET OMBRES
Expressivité du trait
Le fusain est , pour l'artiste figuratif, un out il clé. Il est
l'un des premiers matériaux utilisés dans un cours avec
modèle vivant. Dans ce dessin , on en identifie deux
types : le fusain naturel , ou saule , et le fusain comprimé .
Il est important de connaître la différence entre les deux.
Le fusain naturel n 'est rien d'autre qu 'une branche
carbonisée de saule ou de fusain , sans additif. Il produit
une trace légère qui s 'estompe et s 'efface facilement.
La plupart du temps , on l'achète en lot de bâtonnets
de forme irrégulière.
Le fusain comprimé délivre une marque plus dense , qui
adhère bien mieux à la surface du papier , et qui s 'avère
souvent difficile à effacer. Constitué d 'un mélange de
poudre de charbon et de liant, il se décline sous dive rses
formes : bâtons rectangulaires, bâtons cylindriques ou
encore crayons.
Comme d'autres artistes présentés dans cet ouvrage,
Philip Tyler s 'adonne régulièrement à l'autoportrait. Il
travaille ce thème depuis ses études d 'art , souvent à la
122
P H ILIP T YLER
peinture à l'huile. La facilité de manipulation, d e
mélange , mais aussi d 'estompage du fusain le
rapproche de la peinture , et en fait un outil idéa l
pour l'expérimentation et l'esquisse.
Un épais papier sans acide de 220 gm 2 lui sert ici
de support. Le grammage a son importance : ce portra it
a été réalisé avec une très grande vigueur et une
rapidité considérable , et le papier se de vait de résister à
cette énergique approche. L'artiste y explore son propre
désespoir , qu 'il rend avec une touche puissante. On
perçoit le mouvement physique dans les zones de noir
profond , et la vitesse de son geste dans les zigzags qui
descendent sous le menton (les zones estompées et
effacées de son visage procèdent également de cette
technique) Tyler travaille et retouche ses dessins de
nombreuses fois avant d 'en être satisfait.
ÉTUDE POUR EDWARD 1
Fusain
123
VA LEURS ET OMBRES
Matériau restreint
Rien ne prend moins de temps qu 'un selfie. Smartphone
ou appareil photo au bout du bras , on lève la tête et ..
clic I C'est fait. Forcément , quelque chose d 'aussi facile
à réaliser prend aussitôt un caractère jetable et tout à
fait insignifiant. John Paul Thurlow s 'approprie ce
nouveau format pour mieux le détourner , minimisant
son côté jetable en y consacrant du temps , afin de le
reproduire sous la forme d'une délicate esquisse au
crayon. L'attention minutieuse portée aux détails et
la volonté de précision interpellent.
Le regard du modèle attise , quant à lui, notre curiosité.
Contrairement aux autres portraits du livre, nous
observons ici en plongée, tandis que le modè le lève
les yeu x vers nous . Cette inversion de la position du
spectateur marque la différence entre l'autoportrait
dessiné à partir du reflet du miroir, et celui saisi à l'aide
d 'un smartphone. Nous sommes désormais conscients
qu'une photo prise ainsi sera plus flatteuse et plus
adaptée aux résea ux soc iau x.
124
JOHN PA UL T HU RLO W
Le visage et son expression dominent ce dessin : c'est
ce que l'on attend d 'une œuvre appelée « portrait >> . La
composition remplit la page . On discerne le trait délicat
de Thurlow dans le tissu de la chemise et les cheveux
du modèle. Seul le visage bénéficie d 'un rendu poussé
des valeurs tonales : l'artiste désire happer notre regard.
Le dessin a été réalisé à l'aide de portemines 0,7 mm et
d'un porte -gomme. L'économie de moyens encourage
ici la créativité de l'artiste. Ces outils lui sont vraiment
très familiers : il est inutile de compliquer les choses.
Notez qu'un portemine de 0,7 mm donnera un tracé plus
épais et plus doux qu 'un 0,5 mm. Il sera donc idéal pour
rendre les ombres : en effet, sa mine résiste mie u x à la
pression. Une mine 2B (ou plus tendre) offre une dureté
optimale; une mine HB serait trop dure. Il existe aussi
différentes largeurs de porte -gommes : choisissez celle
qui vous offre le plus de précision.
SELFIE - DAV E
Portemine. gomme I
_J _ __ ~~
125
V A LEURS ET OMBRES
Ambiguïté
La lecture de cette œuvre n'est pas évidente. Il pourrait
aussi bien s 'agir d'un adulte vu depuis un poste un peu
surélevé que d'un enfant à hauteur de regard. Si le
spectateur se place en hauteur, c'est la perspective
qui rapetisse la figure; si le sujet est un enfant , c'est
la proportion de la tête par rapport au reste du corps
qui nous le suggère.
Ce concept de proportio ns s'avère important lorsque
l'on cherche à représenter la figure humaine. Les
proportions changent avec l'âge. De manière générale ,
la tête d'un adulte mesure le huitième de la taille totale
du corps. Dans ce dessin, ces mesures se retrouvent
modifiées . La tête occupe un quart de la hauteur totale
de la figure, soit les proportions d'un enfant de deux ou
trois ans.
126
MA R IA MAN TEL LA
À mes yeux , il s 'agit d 'une jeune personne. La figure est
immobile , la jambe que l'on aperçoit est positionnée de
façon à soutenir le poids du corps incliné vers l'avant. Je
vois quelqu'un portant un sac à dos , qui s'amuse à un
jeu de mains avec un ami que l'image ne nous montre
pas. On dirait un dessin réalisé lors d 'une récréation.
Ici , on saisit un mouvement. Observez comment mains
et bras sont travaillés et retouchés.
Les zones où le trait se fait le plus dense déclinent
plusieurs valeurs de gris. Si elles semblent indiquer les
cheveux et les vêtements , elles pourraient également
figurer une forme superposée. Curieusement , ce dessin
s'intitule (( Pan thalassa », du nom de l'immense océan
qui entourait la Pangée , supercontinent terrestre formé
au carbonifère. Ces diverses zones de gris et le
mouvement de cet enfant seraient-ils une métaphore
de ce phénomène géographique ancien?
PANTHA LASSA
/
1
Crayon
127
 VALEURS ET OMBRES

Vignette YADGA R ALI

La vignette est ici une image qui se fond dans l'arrière - Les couches d 'encre noire décrivent la valeur tonale du
plan sans bordure définie. C'est une technique souvent petit espace. Les personnages portent le regard au -delà
employée pour encadrer des dessins et photos de petite de leur cadre, et nous observent d 'un air interrogateur.
taille, ou pour donner à certaines œuvres un cachet La mise en vignette de cette scène de voyage confère à
illustratif ou intimiste. l'image une qualité illustrative. Elle semble exister pour
raconter une histoire , et rend compte d 'un moment bref ,
Ce dessin impressionniste est tiré d 'un voyage effectué
éphémère , mais important pour l'artiste.
par l'artiste. Le confinement de son mode de transport
se retrouve dans l'e xiguïté de l'espace utilisé . Ainsi,
le dess in n 'occupe pas toute la surface du papier, et
s'interrompt avant les bords. De chaque côté apparaît
une bordure suggérée , sur laquelle le trait ne s'aventure
qu 'à peine. Le cadrage réduit un peu plus l'image et
resserre notre attention sur une zone encore davantage
limitée, zone que l'artiste remplit en entrelaçant de
délicates boucles.

SOMBRE VOYAGE 2
Crayon, encre

128 129
V AL EURS ET OMBRES
Dessin simultané
Voici le meilleur conseil que j'ai reçu pendant mes
études d 'art: << Ne travaille pas sur une seule idée à la
fois. » À l'époque , cette suggestion m'a déroutée. Je
considérais le dessin (et autres disciplines créatives)
comme une expérience linéaire : l'idée survient , on
rassemble des matériaux, on crée l'œuvre , on la finit,
et on passe à la suivante. Ce rythme de travail ne
convient que si les choses se passent bien. Mais ce
n'est pas toujours le cas I
Lors de l'un de mes cours les plus réussis , j'ai demandé
à mes élèves de réaliser plusieurs dessins en simultané.
Chacun a posé trois grandes feuilles de papier au sol.
Je leur ai dit que la pose du modèle allait durer trente
minutes. Fusain en main, ils ont commencé à dessiner.
Or, à plusieurs reprises , avant que la demi-heure ne
touche à sa fin, je leur ai demandé de passer à la feuille
suivante, puis à la suivante, etc. Les élèves ont d'abord
rechigné « Ça ne va rien donner , on n'a pas assez de
temps. » Pourtant, le processus a fini par prendre I
130
MA R ILYN KALISH
Marilyn Kalish travaille souvent sur plusieurs œuvres
à la fois (parfois jusqu 'à huit ou dix). Pour elle , permettre
à l'inspiration d'aller et venir sans inhiber sa créativité
est primordial. Elle applique la même idée dans ses
séries de dessins. Quand elle se sent bloquée , elle passe
au sui vant. Cette méthode peut s 'avérer prolifique.
Les étudiants ont pu constater avec surprise que la
plupart de leurs dessins étaient bons , et ont conservé
leurs trois feuilles comme un souvenir de cet exercice.
Pour mieux progresser , un artiste ne doit jamais cesser
de réévaluer son travail , afin que des œuvres fortes
puissent émerger du processus.
CHA NGÉ,TOTALEMENT
Fusain
131
V A LEURS ET OMBRES
Continuité
Les artistes de renom disent souvent trouver leur muse
lorsque l'œuvre produite ne se contente pas de décrire
leur sujet , mais qu 'elle est aussi inspirée par le modèle
lui-même. Représenter encore et toujours le même sujet
est une pratique courante dans le domaine du dessin
d 'après modèle vivant. La familiarité visuelle avec son
sujet encourage en effet la créativité. Bien connaître son
modèle permet une progression du dessin au fil du
temps. L'habitude peut sans aucun doute accélérer
le processus créatif.
Paul Heaston a fait de nombreux dessins de sa femme .
en voici deux, extraits d'une série conçue alors qu 'ils
attendaient la naissance de leur enfant. Les diverses
études comparatives - la réalisation et l'association de
dessins présentant une similarité de sujet - attisent
souvent la curiosité de l'artiste (et du spectateur), tant il
est naturel de chercher les ressemblances et différences
dans une même séquence. Des questions viennent ainsi
à l'esprit: qu 'est-ce qui a changé? Le sujet est-il
132
PAUL HEASTON
toujours au même endroit? Dans la même position?
Voit-on une progression dans les dessins?
En termes de langage visuel et d'utilisation des outils ,
on a tendance , face à plusieurs dessins similaires , à
rechercher les éléments de continuité et ceux de
changement , même avec des critères très restrictifs.
Il peut s'agir d'un signe aussi subtil que la teinte du
papier , ou la taille et la marque du carnet. L'artiste fait
peser le gros de sa composition sur la page de gauche ,
où il installe confortablement son épouse, qui est en
train de faire du crochet. Chacun des dessins de la série
affiche une continuité dans son utilisation du feutre fin
et de l'ombre, utilisation qui exploite les hachures
verticales et les contre-hachures. Certains placent le
canapé de face, d 'autres de biais (pour travailler - ou
non - la perspective longitudinale), et ainsi de suite.
LINDA FAISANT DU CROCHET 1 & 2
Feutre fin
133
VA LEURS ET OMBRES
Grande échelle
Dans son atelier , Michael Reedy consacre beaucoup
de temps à croquer des figures humaines , des portraits
et des autoportraits . Il y effectue également un travail
préparatoire conséquent pour ses peintures plus
about ies. Il dessine régulièrement d'après modèle
vivant , et enseigne aussi cette discipline (voir le
dessin de démonstration réalisé lors d 'un de ses cours,
page 39)
Une séance de dessin permet d 'expérimenter une
multitude de poses , d'idées et de rythmes. Ce dessin
a commencé comme un portrait . on en voit un bout
sur la gauche. Dans le temps limité qui lui était imparti ,
Michael Reedy a également dessiné un nu allongé en
perspective. Il n'est pas si courant de voir deux dessins
du même modèle combinés de la sorte. Pourtant, cela
fonctionne bien. La similarité du matériel utilisé permet
de les considérer comme un seul et unique dessin.
134
MICHAEL REED Y
Celui-ci compte parmi les plus grands présentés dans ce
livre (105 x 75 cm). Le papier est de la marque Utrecht
American Master 's Paper; il s 'agit d 'un papier souple
et velouté, disponible en rouleaux de 127 cm x 10 m ,
que l'on découpe à sa convenance. À cette échelle ,
le fusain s'avère idéal pour une couverture rapide.
On trouve trois différentes sortes de fusain : le fusain
naturel , parfait pour l'esquisse préalable , car il s 'e fface
aisément ; le fusain comprimé , pour de bonnes valeurs
tonales et un noir profond; le fusain en crayon, pour ce
qui concerne les détails. Ce dessin parvient fort bien à
créer une gradation très contrastée, du clair au foncé
(méthode du« clair-obscur»). Le passage d'une gomme
mie de pain a permis de « rétablir » certains des rehauts,
en travaillant en négatif pour aller chercher le blanc.
ALL ONGÉ
Fusain naturel,fusaincomprimé, crayonfusain
V AL EURS ET OMBRES

Raccourci PAUL HEASTON

Lorsque le modèle est ainsi allongé, certains angles de Les lignes droites et les verticales naturelles s'avèrent
vue s'avèrent bien plus complexes à dessiner. Saisir le bien utiles pour savoir par où démarrer. Ici, la jambe
modèle en entier lorsque l'on est placé à sa tête ou à ses droite du modèle semble plus ou moins parallèle au bord
pieds pose bien des problèmes de perspective. On se droit du papier. Observez les lignes de repère sous le
trouve en effet devant une forme en relief (3D), que l'on talon droit et les fesses : Heaston a cherché le bon angle
essaie de coucher sur une surface plane (2D). Afin de d'attaque. Une fois cela établi, les proportions peuvent
conserver les bonnes proportions, il faut comprendre être calculées. La méthode de la visée consiste à tenir
certaines des règles de perspective. un crayon à bout de bras, un œil fermé, pour mesurer la
distance entre les différentes parties du corps. Ce n'est
L'effet de raccourci, qui fait que certaines parties du
qu'après avoir déterminé les proportions que les valeurs
corps paraissent bien plus petites que dans la réalité,
tonales peuvent intervenir.
est fréquent, comme les pieds du modèle dans ce
dessin. À l'inverse , voyez comment la tête et le coude
semblent plus gros parce que situés plus près de nous.
L'échelle n'est pas rendue de manière régulière. Le
raccourci est donc une illusion d'optique, une astuce
visuelle qui fait apparaître le corps plus court qu 'il ne
l'est vraiment. Le bas du buste du modèle s'en trouve
particulièrement affecté. (Voir aussi le raccourci opéré
dans le dessin de Michael Reedy, page 135, et dans MODÈLE ÉTEND U 6
celui de Sylvie Guillot, page 107.) . Crayonde couleur

137
136
VA LEURS ET OMBRES

Illusion YA DG AR ALI

Trois personnes sont assises autour d 'une table. Peut- le faire sur chevalet pour que la poussière de charbon
être sont-elles en train de discuter , peut-être jouent -elles tombe plus facilement.
aux cartes. Ce que nous voyons est une illusion. Il s 'agit
Le dessin en lui-même est réalisé à la gomme . Celle-ci
en fait du même modèle repositionné trois fois. Avec le
doit être assez dure pour entamer le charbon. Une
rebord de la table en guise de constante - un élément
gomme plastique sera idéale. Sa forme rectangulaire
parfaitement immobile-, il est possible de dessiner le
offre une bonne tenue en main et une meilleure maîtrise
modèle en plusieurs positions. (Voir aussi la scène de
du geste . On perçoit ici la façon dont l'artiste est allé
bain de Bryce Wymer , page 83 )
chercher le blanc sous le noir (une méthode de dessin
À l'aide d'un fusain et d 'une gomme - une combinaison en négatif). Le fusain vient alors renforcer les contours
graphique polyvalente-, l'artiste imprime et évide la et les zones plus foncées. Au gré des mouvements du
matière à la surface , et peut ainsi effectuer toutes les modèle, les formes juxtaposées qui ne faisaient pas sens
retouches nécessaires . Si vous souhaitez tenter cette ont pu être refondues à la surface , puis redessinées.
technique , commencez par recouvrir votre papier de
fusain. Frottez-le sur la tranche pour un remplissage
rapide , puis étalez -le au doigt ou au chiffon. Le résidu
forme alors la surface à travailler. Optez pour le fusain
naturel, car le fusain comprimé s'avère bien plus difficile
à manipu ler. Le procédé n'e xige pas de se montrer
particulièrement soigneux, mais il est préférable de ÉTUDE DE DESS IN (5)
Fusain, gomme

138
VALEURS ET OMBRES
Croquis numérique
Manuel San-Payo est un portraitiste prolifique aussi
bien sur papier que sur support numérique. Ce dessin
a été réalisé sur iPhone. ce qui confère à son format
cet aspect disproportionné, plus haut et plus étroit que
d'ordinaire. Le format se rapporte à la proportion entre
longueur et largeur d'une surface. Si cette surface était
une feuille de papier, alors choisirait-on sans doute de
la couper à la taille standard. Comme il s'agit ici d 'un
écran d'iPhone, l'accent est mis sur la façon dont est
rempli le faible espace disponible.
Quand on se figure la taille d'un téléphone portable, on
constate que l'image imprimée ici n'est pas tellement
plus grande que l'écran en taille réelle. Le dessin
numérique est sûrement orienté ainsi (format portrait)
parce qu'il s 'avère que c 'est la façon la plus simple
de tenir l'appareil en main.
140
MANU E L SAN - PAYO
L'avantage quand on travaille sur ce support est que
l'on a toujours avec soi son matériel à dessin. San-Payo
utilise l'application Vellum, qui compte parmi les plus
simples pour dessiner, car elle réduit tout à l'essentiel.
Elle produit des lignes à la texture intéressante, lignes
qui forment des valeurs tonales et qui s'estompent ou
s'effacent. Son utilisation est on ne peut plus simple,
presque aussi simple que de dessiner sur une feuille au
crayon (sauf que l'on peut également créer des marques
semblables au fusain, au carré Conté ou à l'encre).
Le sujet représenté ici est une femme que l'artiste
dessine souvent. On imagine sans peine ce dernier lui
dire : « Ne bouge pas , reste exactement comme ça. »
Elle semble habituée à poser ainsi, la main sous le
menton , consciente que la réalisation de ce croquis
numérique ne va pas s'éterniser.
ANA
Numérique
141
VA LE U RS ET OMBRES

Sépia PA UL HE A STO N

Les images sépia ont toujours ce charme d'antan , leur
teinte évoquant celle des vieilles photos. Dans l'univers
du dessin , cette couleur brun -rouge existe depuis bien
plus longtemps. Le terme « sépia » fait référence à
l'encre brune obtenue à partir de celle de la seiche (en
latin , sepia) On l'emploie souvent par extension , pour
désigner les dessins des vieux maîtres réalisés à l'encre
ferro-gallique , qui noircit avec le temps (en Europe, du
xv• au x1x • siècle , et même jusqu 'au xx• siècle , l'encre
ferro-gallique, ou au gallo-tannate de fer, était utilisée
pour l'écriture et le dessin). Si le respect de la tradition
peut nous pousser à choisir cette encre brune , il est
désormais beaucoup plus facile d 'employer des tons
ocres et chauds .
Paul Heaston a sélectionné un feutre fin couleur sépia
pour réaliser ce dessin, où l'on perçoit très nettement
l'ambiance d' un cours avec modèle vivant. La femme
qui pose n 'est pas isolée de ce qui se passe autour
d'elle: elle en fait partie intégrante. La scène est tout
à fait typique de l'univers et du fonctionnement d'un
atelier de dessin. Un drap recouvre une petite estrade
sur laquelle on a placé une chaise pliante ordinaire. Un
autre drap adoucit la structure rigide de l'assise. Le
modèle est incliné en arrière, une jambe passée par -
dessus l'autre , le regard au loin.
On aperçoit une personne sur le côté; elle travaille sur
une planche à dessin placée en format paysage (dans
le sens de la largeur) , planche à dessin sur laquelle on
imagine la composition. Comme on peut le voir, la
planche repose sur un chevalet improvisé : le dossie r
d'une chaise.
Heaston n'a pas eu recours au chevalet . Il a dessiné sur
les deux pages de son carnet , et ce , sans se soucie r du
pli formé par la reliure ou des coutures.
FIGURE ASS ISE
Feutre fin sépia

142
V ALEURS ET OMBRES
-
Modulation au fusain MA R K TEN NAN T

Une délicate esquisse au fusain détermine la position de L'éclairage de l'atelier a permis de créer des valeurs
la tête et des épaules de ce modèle féminin. Le ton gris précises . Le résultat montre une gamme contrastée de
clair du papier suggère que sa surface a été préparée tons clairs et foncés , où les demi-tons se voient réduits
une légère couche de poudre de charbon dispersée , puis au minimum. Le modèle porte le regard au -delà du
étalée au chiffon, a permis d 'en atténuer la blancheur cadre du dessin , vers la source lumineuse. Les tons
d 'origine. les plus foncés du visage sont délicatement travaillés :
observez l'ombre autour de la paupière droite , sous le
Utilisé sur la tranche , le fusain rend facilement les aplats
nez et sous les lèvres. Rien ne souffre d 'excès. Un rapide
d 'ombre et la texture des cheveux. Avec de grands
rehaut sur la lèvre , le nez et la paupière se fait jour sous
mouvements circu laires , Mark Tennant a marqué les
l'action de la gomme. Le même traitement sur les yeux
épaules, le cou et l'oreille. Les ligne s de repère n 'ont pas
leur confère leur éclat et insuffle la vie à ce portrait.
nécessairement été suivies , mais ce balayage tonal fait
pourtant sens . Ailleurs, l'artiste a laissé des zones
inachevées, ou même totalement vides. Les rehauts se
fondent dans l'espace négatif autour du sujet , qui est
seulement isolé par le contour initial.

JAIME
Fusain

144
145
VALEURS ET OMBRES
Re cadrage
Le choix du papier dépend de l'outil utilisé et de la
méthode de travail adoptée. Ce dessin au fusain
présuppose un support doté d 'un certain grain, afin
d 'accrocher les particules de charbon à la surface et
de les y retenir.
Ici, il s 'agit d 'un papier Ingres, papier vergé de bonne
qualité, dont une face présente un grain rugueux , et
l'autre un agréable velouté. Phillip Dvorak a ici choisi
d'utiliser la face vergée , aux fines lignes horizontales
laissées par le processus de fabrication en moule.
Cette trame imite celle du papier utilisé par les vieux
maîtres , dont Ingres lui-même. Ce papier se décline
en de nombreuses couleurs. Ici, un ton chaud.
Le dessin de Dvorak attire aussitôt le regard par la
disposition de la figure , qui sort du cadre imposé par
la feuille. L'artiste prive sa composition de tête et
d 'épaules, et choisit de la couper dans sa largeur et
146
PHILLIP DV ORAK
dans sa longueur. Ce recadrage de l'image nous permet
de porter davantage d'attention aux mains et au pied.
Ce sont les éléments sur lesquels l'artiste a voulu
insister dans son étude. (Comparez avec les
compositions de Sylvie Guillot, pages 107 et 115.)
Dessiner hors du cadre du papier s 'avère difficile, le
fusain , dans son mouvement de va-et-vient , risquant de
buter contre les bords. Une bande d'adhésif sur tout le
pourtour - à moitié sur le papier , à moitié sur la planche
à dessin - permettra de pallier cet inconvénient. On
peut également recouper la feuille à sa convenance une
fois le dessin achevé. Le fait de cadrer l'image à l'aide
d 'un écran ou d 'un objectif d 'appareil photo constitue
aussi une alternative.
NU DE FEMME , SANSTITRE , 3
Fusain
147
V ALEURS ET OMBRES
,
Eléments contrastés
Ce dessin combine avec succès travail tonal raffiné
et collage plus sommaire de chutes de papier. L'objectif
de l'artiste était de créer un lien entre des éléments
contrastés. Il s 'agit ici d 'une démarche qu'il désigne
de cette manière : « technique académique contre
technique expressive».
Ces dessins sont réalisés sur de grandes feuilles de
papier fort (200 gm 2), papier assez robuste pour
supporter les retouches à la gomme et au crayon sans
être endommagé . Ici, il lui faut également résister à
l'application d'un médium humide (de la peinture
blanche), ainsi qu'à l'ajout de pièces de collage et de
broderies, et ce, sans que sa surface s'en retrouve
totalement déformée.
L'artiste a commencé par dessiner le visage des
modèles au crayon, avec patience et précision. Parce
que les dessins originaux sont de grande taille, mais
qu'ils sont ici reproduits en bien plus petits, les valeurs
148
-
MARTiN PALOTTINI
tonales semblent encore plus douces et finement
modulées. Martin Palottini a bousculé J'(( académisme »
de ce dessin en introduisant des bouts de papier or et
marron sommairement déchirés. Ceux-ci ne sont pas
collés à plat, mais révèlent des plis, ainsi que des bords
déchiquetés, et viennent même recouvrir le tracé au
crayon. La peinture blanche escamote le travail au
crayon de la tête des modèles, et le papier doré laisse
lui aussi entrevoir des traînées de peinture blanche ,
qui lui donnent l'aspect de tissu ou de cuir.
Les cheveux des modèles sont dessinés au Graphitone.
Ce bâtonnet de graphite soluble dans l'eau est entouré
d'une enveloppe en papier. On l'utilise comme un
crayon ordinaire ou, une fois le papier ôté, pour obtenir
une large variété de valeurs. Mart in Palottini a ajouté de
l'eau à certains endroits pour dissoudre le trait et créer
un lavis fluide.
l'.AUTRE CÔTÉ 1& 11
Techniquesmixtes
---- - -- ---- - -- - ---- ·- -·----
•
VA LEURS ET OMBRES

Dessiner avec de nouveaux outils KAR E N DARLING

Tradition et modernité se mêlent avec succès dans Ainsi , les grandes masses de ce dessin ont été conçues à
ce dessin. L'artiste y a d 'abord saisi à grands traits le l'aide d'un Derivan Liquid Pencil , crayon soluble à l'eau
mouvement général du modèle. On retrouve le parcours qui, encore humide, a été étalé au chiffon pour texturer
du crayon de Karen Darling, qui descend de la tête vers les contours. La capacité de cet outil à créer de larges
la courbe du dos , puis vire à gauche pour placer la jambe. aplats en un temps très court se révèle fort utile .
Le bras dévoile une spirale qui indique le coude, tandis
Ces crayons se déclinent en six teintes graphites, en
que la main et le pied sont à peine suggérés. Rien n'est
formule permanente (acrylique) ou diluée (aquarelle), et
surchargé, il n'y a aucun détail superflu. Ce sont les
s'appliquent au pinceau , à la plume ou autres outils. Le
composantes classiques d'un dessin représentant un
TerraSkin , comme la fibre de bois, craint la chaleur, la
mouvement. C'est un exercice d'observation. Main et
lumière du soleil et l'humidité prolongée. À l'instar du
œil travaillent ensemble pour définir les caractérist iques
papier archive de bonne qualité, il est sans acide, ce qui
générales du sujet. Notez le peu de marques capturant
est un facteur important lorsque l'on souhaite conserver
la morphologie et l'aplomb du modèle.
longtemps ses dessins.
La nouveauté introduite dans ce dessin réside dans les
matériaux utilisés. Le support est du TerraSkin , un papier
fabriqué à partir d'une poudre minérale et de résine,
sans recours à l'eau ou à la fibre de bois. Indéchirable et
étanche, il n'absorbe pas le liquide comme le ferait un
papier ordinaire, ce qui permet au trait de rester net. TORSION
Derivan LiquidPencil /

150
151
VA LEURS ET OMBRES
Contemporain historique
Ces portraits au crayon et au fusain possèdent un
indéniable cachet académique, traditionnel. Tennant
s'inspire de toute évidence des Français du x1x• siècle,
comme Manet , eux-mêmes influencés par les vieux
maîtres, mais mus par une volonté avant-gardiste.
L'artiste encourage ses pairs à visiter les collections
des musées et à dessiner les œuvres qu'ils contiennent .
En étudiant les pièces d'autres artistes , il a adopté
certaines des poses et des techniques observées.
Éclairage , cadrage et mesures en sont des éléments
clés.
Ces dessins mesurent 40,6 x 50,8 cm. Conscient que
certaines œuvres historiques souffrent parfois d'un
excès de sophistication, Mark Tennant tient à créer
des pièces au rendu moins abouti, ouvertes à
l'interprétation. Ses dessins dégagent ainsi une
sensibilité contemporaine.
152
-
MA R K TE N NAN T
Comme pour un grand nombre des œuvres de l'artiste ,
l'imprécision du fusain cache un très gros travail
préparatoire . L'artiste taille ses crayons jusqu 'à obtenir
une pointe ultra-fine , qu'il tient entre le pouce et l'inde x,
et sollicite tout son bras dans son geste pictural. Il a
également recours à la visée et à d'autres techniques
de mesure qui lui permettent de reproduire les justes
proportions dans son cadre, bras tendu, le crayon
toujours à la même distance de l'œil. Son emploi du
fusain tranche cependant avec ces prises rigides de
mesure , et lui donne l'occasion de se « laisse r aller » et
de trouver un équilibre autre que celui de la mécanique
pure.
TIM &VADIM
Crayon, fusain
153
V ALEURS ET OMBRES
Reportage
L'artiste vise ici à représenter le bouillonnement qui
caractérise une place de marché. Ce genre de dessins
d 'observation in situ, sur le vif, portent également le
nom de<<dessins de reportage», et s'attachent à saisir
la vie des gens, comme le fait la photo documentaire.
On retrouve des dessins de ce type dans les contextes
officiels, et notamment au tribunal , avec les « croquis
d'audience)). Un carnet de croquis s'avère souvent bien
plus discret qu 'un appareil photo ou qu 'une caméra.
Contrairement au reportage photographique , le dessin
prend acte du passage du temps et saisit davantage
qu'une simple fraction de seconde. La mission de
l'artiste consiste ici à épurer son dessin pour permettre
au spectateur de se concentrer sur le cœur de l'action.
Plusieurs choses sont à prendre en compte lorsque l'on
dessine dans un tel environnement. Il faut bien sûr
évaluer les avantages et les inconvénients des différents
outils , afin de vous équiper de manière aussi efficace et
légère que possible. Un autre point à ne pas négliger
154
KATI E LOUI S E TOMLINSON
est votre emplacement. Mieux vaut avoir un angle de
vue optimal sur la scène que vous avez choisie (ou que
l'on vous a demandé) de dessiner. Un premier repérage
I
est toujours une bonne idée. Réfléchissez également
aux techniques qui vous permettront de vous fondre
dans le paysage sans attirer l'attention, même si
mon expérience m'a montré que la plupart des gens
acceptent volontiers votre présence. C'est d'ailleurs
la plus grande différence entre le dessin et la photo.
Pour représenter cette scène, l'artiste a opté pour des
techniques mixtes : feutre , encre acrylique, lavis et
Posca. Ces outils sont pour elle le meilleur moyen de
générer rapidement lignes et valeurs. Des aplats en
lavis d'encre noire - technique« humide sur humide))
- forment des ombres modulées du noir au gris. Katie
Louise Tomlinson retouche parfois ses dessins en
atelier, en ajoutant des couleurs mates numériques
sur Photoshop.
RIDLEY ROA D MARK ET
Techniquesmixtes
 - ----------- ---===---------~-- = - =--=
··-= ==- -= ==-

VA LEURS ET OMBRES

Une pose sculpturale PHILLIP DVORAK

Il existe nombre d 'exemples d'utilisation de la figure nue vivant. Cela n'exclut cependant pas la pratique libre,
dans la statuaire classique et dans les ornementations dans les galeries de sculptures ou dans la rue.
architecturales. Ce dessin semble s'inspirer des deux.
Phillip Dvorak a ici utilisé du fusain sur du papier blanc
Il dégage un caractère sculptural, qui force le regard
légèrement texturé pour esquisser les contours de ce nu
à parcourir la forme de bas en haut , comme si elle se
masculin au cadrage asymétrique . Du bout des doigts,
trouvait en hauteur (à l'instar d 'une statue fixée sur
il a alors étalé pastel et poudre de fusain, selon une
un piédestal). Les bras levés en l'air suggèrent que le
méthode très sculpturale, créant le modelé au fur et à
modèle porte ou essaie d'atteindre une chose située
mesure . Les tons bleu froid dominent, même si les
hors du cadre . On pense aux atlantes (ou télamons),
touches de sépia apportent de la chaleur : après tout,
figures masculines servant de support aux ouvrages
il s'agit d'un modèle vivant.
architecturaux de !'Antiquité, dont la version féminine
porte le nom de ((cariatide». Notez que l'utilisation d'une poudre de fusain déjà prête
permet d'obtenir cet effet plus aisément . Les marques
Savoir dessiner, peindre ou sculpter était alors considéré
de fusain ou de graphite en poudre, comme Cretacolor,
comme le sommet de la pratique artistique. Jadis , dans
ou même les poudres génériques, sont toutes vraiment
leur vision idéalisée de l'anatomie et des proportions, les
très efficaces. On obtiendra de la poudre de pastel en le
artistes empruntaient à la statuaire grecque ou romaine .
grattant au scalpel X-Ac to, ou bien en le broyant dans
De nos jours, on s 'attache beaucoup plus à la figure
un mortier.
moderne, et on ne considère plus cette pratique comme
sacrée . N'importe qui peut suivre un cours avec modèle SANS TITRE (N U MASCULIN) 8
Fusain et pastel

157
156
VA LE U RS ET OMBRES

Dessin aux deux crayons PAU L HEAS TO N

Un rapide croquis tel que celui-ci permet de mieux
appréhender son projet. C'est un peu comme la version
visuelle des griffonnages dans la marge d'un exercice
de maths, par exemple : même si le résultat est faux,
on s 'en sort avec une bonne note, car le processus de
réflexion est visible.
Dans le cas présent, l'« exercice » consistait à très vite
déterminer les zones d 'ombre et de lumière. La posture
inconfortable du modèle, sans doute difficile à maintenir ,
a induit la rapidité du geste. Dans un contexte comme
celui-ci , qui exige que la pose ne dure qu 'un très court
instant, le choix du matériel prime sur le reste.
Le papier teinté s'avère précieux pour obtenir un bon
rendu des valeurs, car il offre d'emblée un demi-ton.
Quelques marques de papier pour obtenir cet effet :
carnet de croquis en papier recyclé Bee Paper Bogus ,
papier Velin BFK Rives , papier teinté Strathmore. Plutôt
que de toujours chercher à foncer les tons - en ajoutant
du gris ou du noir , comme sur du papier blanc- , l'idée
consiste ici à choisir un double traitement des rehauts
les plus clairs et des ombres les plus profondes Un
crayon 4B et un crayon blanc fournissent ces valeurs.
On devine que le contour du modèle a été rapidement
esquissé. La courbe de l'épaule , du dos et de l'extérieur
de la cuisse procède d 'une seule ligne continue. Mains
et pieds sont suggérés , il n 'y a aucun détail. Quelques
lignes internes pour décrire le buste replié, les côtes et
l'oreille ont été ajoutées à la hâte. Des hachures en
diagonale remplissent l'ombre de la forme repliée sur
elle -même, mais les tons les plus foncés sont réservés à
l'ombre portée sur le sol. Enfin , le ton le plus clair vient
compléter l'ensemble (du blanc sur les épaules, le dos et
le haut du bras)
FIGURE S'ÉTIRA NT
Crayon 48, crayon blanc

158
 VALEURS ET OMBRES
Utiliser la lumière de l'atelier
Lorsque l'on réalise un dégradé, la façon dont la lumière
tombe sur le sujet est primordiale. Qu'elle soit naturelle
ou artificielle, la source de lumière doit générer une
large gamme de valeurs (ou de tons), du clair au foncé,
surtout dans le cadre d'une étude tonale comme ici.
Tout d'abord, veillez à bien positionner votre modèle
et, si vous utilisez une lampe, à la déplacer pour obtenir
l'exposition voulue. Mark Tennant a choisi un éclairage
zénithal , frontal et latéral. Il souligne : ((Comme le soleil
se trouve au-dessus de nos têtes, j'exagère l'éclairage
pour le côté théâtral et les effets qu'il produit. ))
Il commence par un schéma préliminaire (qui l'aide
à déterminer cadrage et contraste), souvent crayonné
dans un coin de la feuille, qu'il laisse ensuite comme
une trace du processus créatif. Ces croquis, ainsi
que les contours initiaux de la figure, sont réa lisés
au moyen d'un crayon.
160
MA RK TENN A NT
La forme des ombres est soigneusement délimitée, puis
remplie au fusain . L'éclairage permet à l'artiste de les
localiser et d'obtenir un très bon contraste entre les
zones foncées et les zones claires. La qualité poudreuse
des aplats de fusain offre la possibilité de les déplacer
et de les modifier: il en retire l'excès du dos de la main,
puis retravaille l'ensemble au crayon 2B. Enfin, s'il a
enlevé trop de matière, il en rajoute au fusain. Les
traces de ces modifications sont visibles dans chacun
des deux dessins.
LILIYA & CLA UDIA /
Crayon, fusain
161
• G O Ü LEUR
Introduire la couleur
Il est parfois intimidant de commencer à dessiner
sur une feuille de papier immaculée. Pourquoi ne pas
essayer de préparer certaines feuilles en y appliquant
gribouillages, taches ou touches de couleur? Posséder
une telle collection de papiers prêts à l'emploi peut
s'avérer utile. L'inspiration et la composition viennent
parfois plus facilement face à une feuille déjà dotée de
marques aléatoires.
Ce dessin affiche une dynamique essentiellement
verticale, comme le gribouillage orange sur l'épaule
du modèle, qui se tient assis et nous regarde, une main
devant le visage, un genou replié contre le bassin. La
diagonale formée par cette jambe repliée oriente notre
regard vers le pied, dans le coin inférieur gauche, mais
l'introduction de couleurs chaudes nous ramène vers
son visage et ses yeu x cernés d 'om bre.
Il ne faut pas croire qu'un dessin fonctionne
uniquement grâce à ses détails. On leur accorde
souvent trop d'importance, surtout lorsqu'il s'agit
162
HARRY ALLY
des traits du visage et des mains. Ici, le travail abstrait
au pastel et l'imprécision du fusain font la réussite
du dessin. Une observation très attentive des contours
et du jeu de l'ombre et de la lumière donne à l'artiste
suffisamment d'assurance pour paraître désinvolte
dans son geste graphique. Cela demande beaucoup
d'entraînement.
Dans un dessin, les couleurs chaudes, comme le rouge
ou l'orangé, ressortent davantage. Dans le cercle
chromatique, ce sont celles qui attirent tout de suite
le regard.
ÉTUDE DE FIGURE N° 4
Fusain,pastel
163
COWiEUR
Dessin sur iPad
Ici, l'artiste a puisé dans son album de famille pour
former la base de son dessin sur iPad . Le sujet y
apparaît dans une pose tout à fait typique des photos
de vacances : confortablement installé dans une chaise
longue , regard tourné vers l'objectif. Le cadrage
légèrement décalé de la photo d 'origine rend le dessin
encore plus intéressant. Le modèle n 'étant pas centré, le
poids de la composition se déplace vers la droite , où les
couleurs chatoyantes de la robe attirent le regard vers
l'angle inférieur. La lumière directe du soleil élimine la
plupart des ombres. Tout est clair et vif.
L'écran lumineux d'une tablette ou d'un smartphone
s'avère idéal pour générer les zones colorées. Ici, la peau
du visage , des épaules , de la poitrine et des bras ne
semble former qu 'une seule masse. Le jaune de la robe
a été rempli rapidement , puis agrémenté de motifs
floraux. Le dessin sur tablette offre d'infinies possibilités
de combinaisons et de juxtapositions de couleurs (par
exemple , du clair sur du foncé) Cela est impossible à
obtenir sur papier : les couleurs se mélangeraient.
164
CYN THI A WIC K
Outre le choix d 'une image forte , la réussite de ce
dessin tient aussi au fait que Cynthia Wick n'a pas
cherché un arrangement trop soigné. Une petite
pichenette sur l'écran suffit à zoomer sur l'image pour
y insérer un détail. Une touche de lilas crée une ombre
sous le menton , et une pointe de rose et de bleu clair
relève les pommettes , les lèvres et l'ombre à paupières ,
pour évoquer l'esthétique d 'une époque révolue.
L'application Brushes permet de revenir sur la
progression de son dessin. Elle enregistre chaque
action, et offre ainsi la possibilité de revoir l'évolution
de chacune de ses créations . Il serait intéressant de
découvrir le processus graphique de cette image.
MADAME COLE
iPad
165
COU LEUR
Couleurs chaudes et froides
Voici une relecture dynamique du portrait en buste.
On y décèle la superposition de couches de matières
diverses : carré Conté et pastel (médias secs) , encre
et gouache (médias humides) D'ordinaire , on utilise la
matière sèche pour esquisser l'image , puis la matière
humide en couche supérieure. Ici, Mark Horst a inversé
l'ordre des choses. Il ne considère pas l'application des
matières graphiques de manière figée, et préfère les voir
comme des substances malléables . Sans renoncer à une
certaine précision dans son traitement , il ne vise pas
pour autant un rendu réaliste , affirmant que l'on ne voit
pas les choses dans un état ((statique )), mais que l'on
perçoit davantage le mouvement, les déformations et
les fragments. Il s'efforce ainsi d'épurer, d'éliminer les
détails. On y retrouve à de nombreux égards le langage
de la peinture, rendu sous forme de dessin.
166
MARK HORST
Cette œuvre mixte fonctionne visuellement parce que
l'artiste y dévoile une bonne compréhension des valeurs
tonales. Les clairs et les foncés apparaissent à leur juste
place. La source lumineuse parvient de la droite , où se
situent par conséquent les couleurs les plus claires. Les
teintes les plus foncées se trouvent du côté opposé à la
lumière , et constituent les ombres. Chose intéressante ,
l'artiste joue aussi avec la théorie des couleurs chaudes
et froides : les couleurs chaudes , comme le rouge , sont
les plus éclairées , tandis que les ombres sont en bleu.
Le dernier geste de (( destruction n de Horst a consisté
à passer la main sur son travail. Sa théorie fonctionne :
l'arc produit ravive les parties isolées en mélangeant
couleurs et matières , et imprime mouvement et vitalité
au dessin.
UN DE CES MAT INS N° 1
Encre. carré Conté, gouache, pastel
167
GO ULE UR
Bloc de couleur
Ce portrait d'une petite fille assise sur un canapé remplit
l'espace de la feuille de papier format paysage. L'artiste
a pris pour point de départ la posture du sujet (qui est
confortablement appuyé contre l'accoudoir du canapé),
en la plaçant, de manière assez inhabituelle, à droite de
l'espace. L'asymétrie peut insuffler plus de dynamisme
à un dessin.
On perçoit ici les choix faits par l'artiste pour élaborer
son dessin. D'amples marques déliées au crayon, du
fusain appliqué avec robustesse, et de l'acrylique rose
vif s'assemblent pour construire cette œuvre pleine de
vitalité. Endre Penovac travaille avec de grands gestes
circulaires, dessinant avec tout le bras, plutôt qu'à la
seule force du poignet. Les outils semblent maniés avec
décontraction, sans crispation. Cette approche du
dessin sera grandement facilitée par l'utilisation du
chevalet. Dessiner debout permet de prendre souvent
du recul sur son travail, mais aussi de se sentir plus à
l'aise physiquement.
168
E N DRE PENO VÀC
Ce dessin dévoile différentes marques graphiques. Le
trait au crayon indique les contours. La peinture rose
recouvre pratiquement tout, à l'exception de la peau
des bras et du visage . Diluée et appliquée au pinceau
et du bout des doigts, elle reproduit les ombres sur les
bras de l'enfant, et relève la teinte de ses lèvres et de
ses pommettes. Une fois sèche, elle a accueilli des traits
de crayon supplémentaires, pour marquer la séparation
entre le mobilier et la figure humaine, ainsi que les
détails du visage et des cheveux.
Le fusain apparaît en masse tourbillonnante au niveau
de la jambe, au premier plan; plus estompé, il figure
les tons du visage et des cheveux. L'intervention
de la gomme en négatif , pour retirer le fusain, produit
quelques mèches de cheveux, ainsi que les rehauts
du visage de l'enfant.
RÉKA
Crayon,acrylique. fusain
• '
<!J..
COU.LE UR

Perspective linéaire D WAYNE BELL

Dans ce dessin très coloré, l'artiste a recours à un
point de vue familier. Comme dans ses autres dessins,
Dwayne Bell parvient à recréer avec succès l'ambiance
propre aux trajets en bus qu'il effectue au quotidien
parmi ces usagers anonymes. Une grande place est
accordée à l'espace que tous se partagent lors de
ces périples. Bell utilise l'un des fondamentaux de la
perspective en dessin : les choses les plus éloignées
sont plus petites, tandis que les éléments les plus
proches sont plus grands. En d'autres termes, l'artiste
se sert ici de la perspective linéaire. Cette composition
se divise en une série de plans superposés pour créer
une impression de profondeur (têtes au premier plan ,
barres verticales au centre, et passagers du « devant
du bus» à l'arrière-plan)
Beaucoup de ses travaux restent tels qu'ils ont été
réalisés initialement (voir page 67), mais d'autres
reçoivent également un traitement à l'aquarelle et au
pastel. Il lui arrive de photographier son carnet de
croquis, puis de prendre son iPad et d'ajouter de la
couleur à l'aide de l'application Procreate. Il note
souvent les couleurs dominantes autour de son dessin,
surtout lorsqu'il envisage de le reprendre plus tard.
Voici l'un de ses dessins retouchés sur iPad , où
se dévoilent toutes les facettes de ses méthodes
graphiques. Le travail de retouche enrichit son cadrage ,
ses couleurs et ses textures. Le croquis linéaire initial,
réalisé in situ, se voit ainsi métamorphosé.

Ce dessin fait partie d 'un e série de Dwayne Bell sur

ses trajets en bus. L'a rtiste profite de ces moments
pour explorer diverses approches graphiques, même si,
à ses yeux , tout commence par une esquisse au crayon. À l'.AVANT DU BUS 2
Feutre fin, encre de Chine, numérique

170
tOÜ LEUR
Carnet numérique
Voici un autre exemple de dessin réalisé au pied levé .
Rien n 'est mis en scène , aucune organisation formelle
n 'est en place. La belle-mère de l'artiste était
simplement en train de faire la sieste sur un transat ,
au bord d 'un lac. Pendant qu 'elle dormait , un iPad
a saisi sa pose.
Smartphones et tablettes constituent désormais des
éléments à part entière de l'équipement d 'un artiste ,
parce qu 'ils offrent la possibilité de dessiner partout.
Aujourd'hui , il existe une multitude d 'applications qui
aident à esquisser, juxtaposer , manipuler et retoucher
ses travaux. Ce dessin utili se l'application Brushes.
Les applications de ce genre mettent à notre disposition
une large palet te permettant de manipu ler l'opacité et
la transparence , ainsi qu'une vaste gamme de couleurs
personnalisables . La vitesse avec laquelle il est possible
de choisir la couleur transparaît ici. En effet , un rapide
croquis sur papier ne contiendrait pas une telle diversité
de tons.
172
--
CY NTH IA W ICK
La même barre d'outils permet un usage instantané de
divers matériaux graphiques. L'artiste a dessiné cette
œuvre du bout des doigts , directement sur l'écran de
son iPad , en variant l'épaisse u r de son trait. Elle préfère
cette méthode au stylet , affirmant que l'approche tactile
répond mieux à sa volonté de spontanéité et d 'intuition.
Ainsi , pour changer, pourquoi ne pas utiliser un support
numérique et l'adopter comme un carnet de croquis à
part entière? Gardez cependant à l'esprit qu 'il s 'agit de
couleurs émanant d 'une source lumineuse , et non de
pigments : si vous décidez d 'imprimer votre dessin
numérique , il se peut que les coule urs vous paraissent
moin s (( réelles )).
LE LAC
iPad
 C O Ü LEUR
Portrait au crayon de couleur
Ce portrait d 'une jeune fille a été réalisé sur un papier
ivoire qui apporte d 'emblée de la chaleur à l'image et
qui s 'accorde parfaitement à la teinte de la peau. Agata
Marszalek a eu recours au crayon graphite et au crayon
de couleur pour dessiner son modèle. Dans un premier
temps, de très légères lignes directrices ont été tracées
pour organiser la composition. Le modèle a été placé de
façon à occuper le centre de l'image. Le dessin montre
une bonne symétrie.
L'écart entre les épaules, le haut de la tête et le bord du
papier est identique. L'espace de la partie inférieure de
la feuille est plus large. En général , mieux vaut accorder
davantage d 'espace au côté inférieur du cadre qu'aux
trois autres, afin d 'éviter l'illusion d'optique qui, lorsque
la marge est la même des quatre côtés , tire l'image vers
le bas. Un espace inférieur plus important permet de
compenser cet effet.
174
AGA TA MARszA LE K
Une fois le positionnement de la jeune fille décidé,
les contours principaux ont été renforcés à l'aide d 'un
crayon graphite. Son gris délicat représente ici le ton
idéal (un trait noir serait bien trop sévère). Les valeurs
les plus foncées sont réservées aux cils , aux pupilles,
mais aussi aux reflets sombres des cheveux. La couleur
révèle , elle aussi, un traitement particulièrement délicat.
Le remplissage du tee-shirt est constitué d 'un mélange
de rose et de mauve , et les cheveux du modèle , de deux
bruns bien distincts. Ces deux zones affichent un rendu
légèrement texturé dû au grain du papier. Des tons
chauds font leur apparition dans la légère ombre
appliquée autour du nez et des yeux. Seules les lèvres
arborent une couleur unique .
I
La combinaison des matières, de la composition , des
techniques et des couleurs fait la réussite de ce dessin.
La personne dont on fait le portrait peut également
déterminer le succès d 'une œuvre.
SANS T ITRE
Crayon de couleur, crayon
175
COULEUR

Couleur intensifiée MA R iA CEREZO

Ce dessin fait partie d 'une série d 'autoportraits intitulée larme s 'échappe de la paupière fermée. Elle est verte.
« Je ne sais pas quoi faire de moi ». L'artiste a choisi de C'est la meilleure couleur à choisir pour nous faire
se représenter en buste et en camaïeu (différents tons remarquer ce détail : le vert est complémentaire du
d'une même couleur). Le rouge , vif et intense, ne rouge , à l'autre extrême du cercle chromatique ; c 'est
correspond pas à sa carnation réelle. Mais cette couleur donc celle qui ressort le mieux sur le rouge.
chaude se remarque rapidement et reprend les valeurs
Ce visage est couronné d 'une chevelure spectaculaire
tonales de la peau (des modulations de clairs et de
au dessin plus libre , réalisé à la plume et à l'encre noire.
foncés). Ici, elle attire notre regard vers le visage et
Bien que d'un style moins sophistiqué , les cheveux n'en
les épaules de l'artiste. Le travail du visage au crayon
sont pas pour autant moins bien observés . L'artiste a
apparaît délicatement velouté et fondu , tandis que, sur
attentivement étudié leur fluidité naturelle et les motifs
l'épaule, il forme un motif en spirale. Sur papier grenu, le
qu 'ils forment. Le noir profond se modifie en mèches
crayon de couleur crée un effet texturé intéressant.
aux reflets verts, bleus , orange et mauves.
Le traitement graphique du visage s'avère relativement
inhabituel. On remarque un espace blanc entre celui-ci
et la naissance des cheveux. Le visage s 'apparente alors
à un masque , un peu comme s'il n 'était pas vraiment à
sa place. Ce ci n 'est pas sans rappeler le titre de l'œuvre:
l'artiste semble offrir au monde un visa ge temporaire et
remplaçable. L'expre ssion est celle de l'abattement; une LETIE N (SÉRIE « J E NE SA IS PAS QUOI FAIRE DE MOI »)
Techniques mixtes

176
COULEUR
Peinture dessinée
À l'instar de beaucoup d'autres artistes présents dans
cet ouvrage, Mark Horst est avant tout peintre, et,
comme eux, considère ses dessins comme des études
préparatoires pour ses tab leau x. En revanche,
contrairement à la plupart d 'entre eux, il inclut du
dessin dans ses peintures, son trait devenant dès lors
un élément visible de l'œuvre, plutôt qu 'un canevas
«r ecouvert».
Ce mélange de dessin et de peinture est appliqué sur
gesso, apprêt blanc servant à rendre plus adhérente et
plus lisse la surface (ici, un panneau de bois). Pei nture
et fusain pénètrent ainsi mieu x le support.
Horst utilise une palette de couleurs ma tes incluant le
vert olive et le jaune moutarde pour remplir les masses
principales du modèle installé dans un fauteui l. Il s'agit
manifestement d 'u n portrait, bien que le sujet adopte
une pose bien moins formelle que ce qu'induit ce genre.
L'a gencement génère une dynamique en diagon ale, de
178
MARK HORST
l'angle supérieur droit vers l'angle inférieur gauche.
Tête appuyée contre la main, le modèle semble attendre
patiemment que l'artiste ait fini son travail. La pose
s'avère bien plus informelle que la plupart de celles
contenues clans ce livre ou que l'on observe clans les
cours avec modèle vivant.
Les aplats de peinture à l'huile mettent très longtemps
à sécher. Ils ne sont secs au toucher qu'au bout de
quarante -huit heures minimum. Le fusain ne reste clone
pas à la surface, mais creuse son sillon clans la peinture.
Peu conventionne lle et très salissante, cette technique
permet néanmoins à l'artiste d 'explorer les divers stades
d'o bservation, de construction et de déconstruction.
FEMME AVEC LA TÊTE DA NS LA MA IN
Peintureà l'huile et fusain
179
T E CHNIQUES MIXTES
Fils tendus
À première vue , on dirait un dessin au feutre. Or, la
méthode s'avère bien plus originale. Cette scène
urbaine est réalisée à l'aide de fils et d 'épingles. Ce
que nous voyons est le résultat de plusieurs procédés
graphiques inspirés du dessin.
Il s'agit ici d 'un détail extrait d'une installation bien plus
grande en fils tendus. Cette partie mesure à elle seule
environ 1 x 2 m. L'ampleur convient bien au sujet· un
paysage citadin , riche en détails architecturaux , avec
une foule de personnes.
Le travail de Debbie Smyth traite souvent d'expériences
individuelles ; il s'agit généralement de variations autour
du quotidien. L'artiste emporte son appareil photo dans
tous ses déplacements pour saisir le plus vite possible
ces moments. De retour à l'atelier, ces clichés servent à
réaliser des dessins. Ceux-ci sont ensuite projetés sur le
mur , afin de constituer une image composite à l'échelle
de l'installation . Des épingles viennent marquer les
points stratégiques de l'image projetée , formant ainsi
180
DEBBIE SMYTH
le squelette du dess in à venir. Ce sont les poin ts
d 'ancrag e entre lesquels les fils se rejoignent ,
s 'enroulent , se nouent et s 'entremê lent.
Ces formes linéaires inorganiques , artificielles et /ou
architecturales naissent donc de ces fils ten d us , qui
évoquent également les jeux de points à relier pour
enfants. Les pièces organiques et /ou figuratives
nécessitent davantage d 'épingles , entre lesquelles fils
et nœuds s 'accumulent pour façonner les contours.
Les extrémités flottantes des fils confèrent au dessin
un aspect textile, proche de la broderie. Cette relecture
inventive du dessin , qui brouille les frontières entre
graphisme et art textile, travail bidimensionnel et
tridimensionnel , illustration et broderie , a valu à Debbie
Smyth de nombreuses commandes de grande ampleur.
Parmi elles, des pièces pour Adidas , Hermès , Mercedes -
Benz , le New York Times ou encore l'orchestre
philarmonique de Hambourg.
ÉLIMÉ (DÉTA IL)
Épingles et fils
181
TECHNIQUES MIXTES
T
Deux en un DENISE NESTOR

Cette image figure sur la couverture d'un recueil de emplacement pour chaque élément, en déplaçant les
poésies décrit comme « une étude de la dislocation », dessins jusqu 'à trouver un arrangement satisfaisant.
« comme si l'on pénétrait dans un rêve ». On devine tout
Les retouches les plus visibles dans cette image sont
de suite pourquoi ce dessin complexe et multiforme
les formes blanches en haut et en bas. Pour faire écho
convient pour l'illustrer. Il se compose de deux points
au titre de l'œuvre (Jepus signifie en latin « lièvre »), de
de vue différents. Un portrait au trait apparaît de profil,
grandes oreilles couronnant les deux têtes ont été
tandis que l'autre , plus tonal, se présente de trois
ajoutées sur Adobe Illustrator.
quarts. Leur superposition rend compliquée la lecture
de l'un ou de l'autre séparément. Le regard change Si vous souhaitez réaliser un dessin aussi complexe que
constamment d'orientation, et s'efforce de s 'ancrer celui-ci, mieux vaut ajouter le fond coloré en dernier , à
sur les yeux du sujet pour démêler les divers éléments. l'aide du numérique. Tous les éléments originaux - sur
papier blanc - pourront alors être remaniés à un stade
De la même façon qu'il est difficile d'appréhender cette
ultérieur. Notez que le papier-calque se décline en
œuvre, il serait tout aussi compliqué de la dessiner sans
de multiples couleurs et grammages, et qu' Adobe
réflexion préalable. Une approche possible consisterait à
Illustrator est un logiciel de création vectorielle , logiciel
réaliser deux dessins séparés, pour ensuite les combiner
qui permet de manier et de redimensionner des objets
à l'aide d'un support numérique (en les superposant
graphiques numériques sans altérer la qualité de
avec un logiciel comme Photoshop). Une autre méthode
l'image.
serait de dessiner sur papier-calque. La transparence
de ce dernier s'avère idéa le pour déterminer le meilleur LEPUS
Crayon, numérique

182
183
TECHNIQUES MIXTES
Le réflexe « carnet ))
Utilisé régulièrement et méthodiquement, un carnet de
croquis se remplit vite , d 'autant plus si le projet choisi
vous motive et que l'équipement sélectionné est
agréable à manipuler. Qualité et constance sont les deux
piliers de cet exercice. Prenez l'habitude de vous rendre
souvent chez votre fournisseur de matériel graphique,
discutez avec le personnel , et testez les nouveautés
proposées. Un bon vendeur aura plaisir à vous conseiller ,
la plupart d'entre eux ayant reçu une formation en art .
Dwayne Bell utilise un Leuchtturm 1917 format A5
(assez similaire au carnet Moleskine), qui offre une
couverture rigide et s'ouvre à plat afin de pouvoir
dessiner facilement sur les deux pages. La particularité
de ce carnet est qu'il possède un papier blanc satiné
(plutôt qu'ivoire). L'artiste y dessine au stylo-plume
Kaweco Classic Sport ou Lamy, de ux stylos au tracé
velo uté et régulier. Les couleurs sont ajoutées plus tard,
à l'aide de diver s outils, dont un iPad et des encres
Winsor et Newton.
184
owAYNE B ELL
Bell prend chacun de ses projets à cœur. Tous les jours,
il fait le vide dans son esprit , esquisse un rapide croquis
des voyageurs qui l'entourent, ne se concentrant que
sur la page et sur la ligne. Il utilise ce trajet comme une
parenthèse temporelle entre son travail et la maison.
Quant à la réaction des sujets qu 'il dessine, il explique :
<<J 'essaie d'être discret. Je prends le même bus tous les
jours, comme la plupart des autres passagers. Je crois
qu'ils me considèrent comme un élément de ce trajet. »
Il poste ses dessins de bus tous les jours sur Instagram.
Tous les six mois , il reprend ses carnets et publie les
meilleurs extraits de ses Bus Books, qu 'il met en vente
via les réseaux sociaux .
POM M E D'A DA M
Stylo, numêrique
TEC HN IQUES MIXTES

,
Egayer un croquis JYLIAN G USTLIN

Ce dessin en techniques mixtes comporte de multiples Ce qui frappe lorsque l'on regarde ce dessin exécuté en
composants : des techniques traditionnelles propres vitesse , c 'est la manière dont les éléments initiaux ont
à l'atelier , et des retouches sur Photoshop qui viennent gagné en complexité au gré des changements réalisés
agrémenter le dessin initial. sur Photoshop. Il conserve le langage du dessin grâce

Tenir cette pose , un bras levé en l'air, s 'avère difficile.

à son tracé au crayon , mais , dans l'ensemble , tient /
L'œuvre a donc été assez influencée par la rapidité
davantage de la peinture. La surface semble révéler

!
_l
des marques , des motifs et des textures. Des couches
d 'exécution qu'exigeait la posture. Le dessin initial au
scannées tirées de diverses sources - dessins , photos ,
trait a été réalisé relativement vite. Le crayon n'a pas
expérimentations graphiques et peintures - sont aussi
quitté la feuille . Le contact continu avec la surface du
associées au dessin original. La bande fluorescente
papier reproduit le mouvement des yeux de l'artiste qui
jaune-vert du tiers inférieur de l'image vient enrichir
trace les contours du corps du modèle. Par endroits , la
le tout d 'un flot coloré à la fois revigorant et délicat.
ligne revient sur son tracé . observez les boucles au
niveau du nombril et du creux des reins, ainsi que le
demi-arc de cercle entre la poitrine et le dos. ,) ,
De tels dessins procèdent souvent d'un exercice
d 'échauffement ou d 'une volonté de saisir des poses
plus fugaces. Ils sont difficiles à réaliser, car ils obligent
l'artiste à sortir de sa zone de confort, à expérimenter
DESSIN 2
et à accepter que les choses puissent<< mal se passer ».
Crayon de couleur, paste l, pe inture , numé rique

186 187
 TECH NIQ UES MIXTES
Un angle inédit
Quand j'ai vu cette image pour la première fois, on n'y
percevait qu'un dégradé de gris (elle était en noir et
blanc). Quelle surprise de découvrir que l'original
s 'avérait dominé par le rouge I Les deux dessins sont
présentés ici pour comparaison.
À l'instar d 'autres dessins reproduits dans cet ouvrage ,
il s'agit ici d'un autoportrait . À une différence près:
dans cet exemple , l'artiste ne nous regarde pas. Il ne
s 'observe pas dans un miroir. Ses yeux , et les nôtres,
scrutent la scène depuis un point en hauteur.
Chercher à faciliter la pratique de l'autoportrait est
une bonne chose. Le recours au miroir constitue une
bonne solution, c 'est d'ailleurs la plus répandue. On
dessine bien sûr cc d 'après modèle vivant », mais l'image
obtenue représente en fait l'inverse de nous-même.
Une autre méthode consiste à prendre une photo Le
problème , lorsque l'on dessine d'après photo , c'est que
l'on n'est pas en face d'une forme tridimensionnelle.
188
MIRCO MARCACCI
L'image est déjà aplatie en deux dimensions. Dès lors,
on ne peut plus vraiment parler de cc modèle vivant >> .
Une autre solution est d 'installer une caméra ou un
appareil photo, et d'observer l'image renvoyée sur un
moniteur connecté (un peu comme dans une cabine
d'essayage , lorsque l'on se regarde à travers une série
de miroirs nous offrant des angles de vue inédits).
Cet artiste se prend pour modèle dans le but précis
d 'étudier l'anatomie humaine. La ressemblance faciale
ne l'intéresse pas plus que cela. Le dessin est réalisé
à partir d'un angle insolite : en plongée, depuis le haut
du crâne jusqu 'au haut des cuisses, la hanche gauche
basculée sur le côté. Tête , corps et jambes forment une
sorte de zigzag, dont l'écho se trouve renvoyé par les
motifs visibles sur le torse. Dans la version rouge , ces
derniers prennent plus d'importance et apparaissent
presque comme des marques tribales ou des graffitis.
AUTOPORTR A IT ROUGE 06,
A UTOPORTRA IT ROUGE EN NOIR ET BLA NC
Feutre fin, encre de Chine
189
TECHN I QUES MIXTES
Rehauts
Le positionnement de cette jeune femme contre le bord
droit du papier transforme ce dernier en dossier , un
choix très malin en termes de composition. D'autres
artistes dessineraient la même chose en plaçant le sujet
au centre de la feuille. Le bras posé nonchalamment
prend le devant de la scène , mais les traits du visage ,
vu de profil alors que le modèle regarde droit devant lui,
captent notre attention. Nous notons alors les cornes ,
et le sujet prend soudain une allure moins humaine.
Créatures mythologiques hybrides ou encore récits
de métamorphoses constituent depuis longtemps des
procédés visant à représenter la figure humaine (voir
aussi Lepus, de Denise Nestor, page 183). Ces motifs
se retrouvent dans de nombreuses cultures . Le pastel
rouge sur le visage de la femme évoque les peintures
cérémoniales; il agit comme un masque pour cacher
son identité , ou peut-être pour s'approprier la puissance
de la créature (ou de l'esprit) représentée.
190
HARRY A L LY
Ce dessin d 'observation a été essentiellement réalisé
au fusain . Le modèle adopte une pose relativement
décontractée , le coude droit appuyé contre un rebord.
Celui-ci n'est pas dessiné à proprement parler (tout
comme le dossier formé par le bord de la feuille) : il
se contente d 'être suggéré. D'après l'orientation des
ombres portées, la source lumineuse provient d 'en haut ,
et un peu de derrière. Le fusain constitue un bon outil
pour dégrader de la sorte les tons.
L'artiste a modifié la surface avec l'ajout d'un collage
et d'une peinture acrylique blanche. Ces deux
techniques servent parfois à rattraper ou à dissimuler
certaines erreurs graphiques . L'acrylique dévoile un
blanc plus pur et froid que le ton chaud du papier , et
met en valeur le rehaut des cornes, des épaules et de la
manche suggé rée. (Pour les combinaisons de peinture
et de dessin , voir aussi Endre Penovàc, page 169, et
Jylian Gustlin , page 187.)
J_
FEMME AU VISAGE ROSE ET AUX CORNES
Fusain, paste l. acrylique . adhés if
191
TECH NI QUES MIXTES
Exploiter ses influences
Nous sommes face à une figure féminine, les yeux clos,
visiblement endormie. Sa pose a quelque chose de
singulier. Ses jambes semblent légèrement de travers.
La position de la main appuyée contre la hanche paraît
bizarre. On dirait un mannequin de vitrine. Observez
son visage: deu x ronds roses , comme ceux d 'une
poupée , lui tiennen t lieu de pommettes.
Helena Pérez Garcia a construit cette figure au repos
à par tir de sources diverses. Beaucoup de chose s
l'inspirent : antiquités romaines , sols en mosaïque ,
peinture médiévale , art byzantin , statuaire classique,
panneaux de bois décoratifs , fresques , et même les
vieux films en noir et blanc. L'artiste célèbre ses
influences sur son blog , et partage ainsi son processus
créatif.
192
HELEN A PÉREZ GA RCI A
Elle n'a pas réalisé cette pièce dans le cadre d 'une
commande; il s 'agit ici d 'un travail personnel , d 'une
œuvre expérimentale qui s'apparente da vantage à un
croquis , à une ébauche de dessin conçue dans le but
d 'aider à la réalisation d'une pièce plus ab outie. L'artiste
a crayonné une première idée articulée autour de toutes
ses influences. L'aplatissement des formes en fait partie.
L'angle des jambes fait désormais sens. Les joues roses
et la main allongée puisent aussi leurs origines dans sa
collection de sources d'inspiration.
L'artiste combine influences historiques et influences
contemporaines. Elle habille son modèle à l'aide
de techniques numériques , et lui donne davantage
l'app arence d'un mannequin de magazine de mode
que d 'une figure d 'autrefois .
,..
SA NSTITRE 2
Crayon. numéri que
193
. TECHNIQUES MIXTES
Technique humide
Lorsque d'autres passagers passent leur temps de trajet
les yeux rivés sur des appareils électroniques, leur
attention se porte ailleurs . Ils deviennent alors des
candidats parfaits pour vos observations de dessinateur.
Cet ouvrage comporte plusieurs exemples liés à cette
situation. Ici, les choses se corsent un peu, puisque
l'artiste utilise encres et peintures à base d'eau dans
ses déplacements. Avec des techniques humides,
mieux vaut se préparer à l'avance!
Carnet de croquis, crayon, feutre et gomme constituent
les bases du dessin nomade. S'efforcer de les utiliser
dès que possible lors de ses voyages s'avère une bonne
habitude à prendre. Ces dessins dégagent souvent plus
de vitalité et d'atmosphère que des œuvres réalisées
à partir de photos. Ne vous laissez pas décourager
par le confinement des lieux. Les plateaux rabattables
dans les trains ou les avions, vos genoux ou le dos rigide
d'un carnet font des supports tout à fait convenables.
194
ROBERT SCHOLTEN
Ici, la scène d'ensemble a été ébauchée au crayon sur
la double page d'un carnet, puis a reçu un traitement
à l'encre. Il est possible d'emporter avec soi un petit
flacon d'encre pour y tremper une plume ou un pinceau,
ou bien d'investir dans un bon stylo pinceau, certes
moins durable, mais plus pratique pour éviter les fuites.
Dans ce dessin de voyage, l'épaisseur du trait varie: les
secousses du train et l'espace restreint ont sans doute
affecté l'application du matériau, tout comme ont joué le
maniement du pinceau - sur la pointe ou sur la tranche
- et la quantité d'encre chargée. Les aplats turquoise
ont été obtenus avec de la gouache opaque, et les motifs
du tissu au premier plan par de petites touches réalisées
au pinceau.
PASSAG ERS DANS LETRA IN
Pinceau.encre
 Les bases

Sylvi e Guillot
De gauche à droite: TENSION 2 - M ICHEL, TENSION 5 - M ICHEL
Fusain,pastels, pierre noire Conté
EMM ANUELL E BLOTIIE
Aquarelle, pierre noire Conté

196 197
OUTILS GRAPHIQUES
La mine d'un crayon est fabriquée à partir de graphite
et d'argile. Les proportions de ces ingrédients
déterminent sa dureté ou sa tendreté. Le degré
sélectionné affectera le résultat graphique. Je conseille
une dureté de 2B à lOB. Une mine plus dure (HB-10H)
produit un trait difficile à effacer, et s'avère moins
sensible à la pression, et donc, aux valeurs tonales.
Mines de plomb, bâtonnets, ou blocs de graphite pur
sont similaires aux crayons, mais dépourvus de gaine en
bois. Certains sont emballés dans du papier ou insérés
dans des étuis. Ils permettent un geste plus ample que
les crayons, et conviennent donc bien aux travaux à
grande échelle. Ils se déclinent néanmoins en une
gamme tonale plus réduite: en général, HB, 2B, 4B et
6B. Le Graphitone est une version soluble à l'eau. Les
portemines renferment une mine et présentent de
multiples avantages : affûtage inutile, tracé régulier,
recharge possible, pointe rétractable, gomme intégrée.
Le fusain constitue l'un des matériaux clés du dessin
sur le vif. Il existe sous deux aspects : naturel (bois de
saule carbonisé) ou comprimé. Le premier produit un
trait plus léger, s'estompe et s'efface facilement. Le
198
second est fabriqué à partir de poudre de charbon
reconstituée avec un liant. Il offre un noir bien plus
profond, moins facile à gommer. Les dessins au fusain
sont très volatils et nécessitent un fixatif.
Les crayons de couleur offrent des qualités très
inégales. Contrairement au graphite et au fusain , leur
pointe est fabriquée à partir de cire ou d'huile , et
contient des proportions variables de pigments et de
liants. Il existe également des versions solubles à l'eau
(aquarellables).
Pour des noirs plus intenses, privilégiez la pierre noire ,
plus tendre que le graphite et plus dure que le fusain.
Du fait de sa tendreté, sa mine nécessite une taille
délicate. Je conseille d'utiliser un scalpel.
Les pastels existent sous plusieurs formes : secs
(tendres ou durs), gras (huile ou cire) et en crayons.
Ces derniers sont constitués d'un mélange de pigment
pur en poudre et de liant. Les couleurs vives peuvent
se fondre et s'estomper facilement. Ils conviennent aux
papiers foncés ou grenus. Les pastels à l'huile offrent
une texture plus grasse et ne nécessitent pas de fixatif. Dway ne Bell
À t:AVANT DU BUS 2
Crayon, numérique
199
Les carrés Conté (pastels durs) sont des bâtonnets
de forme carrée, plus durs que le fusain et généralement
disponibles en noir, blanc et sanguine. On les utilise sur
la pointe ou sur la tranche. Ils sont aussi efficaces sur
surface texturée et colorée que sur papier lisse et blanc.
Les gommes servent autant à la réalisation d 'un dessin
qu 'à en effacer les marques indésirables . Une bonne
gomme doit retirer le graphite au moindre contact , sans
salir ni abîmer le papier, et ne laisser qu'un minimum
de traces résiduelles. Les gommes souples et malléables ,
comme la gomme mie de pain, s 'avèrent parfaites pour
le fusain , car elles permettent de dessiner en négatif et
de rétablir les rehauts sans étaler la matière. Les gommes
de précision , comme les gommes électriques , se prêtent
mieux aux œuvres illustratives, plus proches du design.
L'encre offre un tracé et une couleur intenses. Elle peut
être permanente ou soluble à l'eau, et s'applique au
pinceau , au stylo, au stylo pinceau , à la plume, au stylo-
plume ou au feutre. Le choix se fera en fonction du
résultat souhaité et de la permanence de l'encre.
La couleur
Le monochrome ou, du moins , une palette restreinte tend
à dominer le dessin de modèle vivant. Maîtriser la gamme
200
tonale et les différents types de traits constitue déjà un
défi suffisant. Pour commencer , mieux vaut limiter son
usage. Utilisez seulement la couleur pour les rehauts et
les ombres. Optez pour un même thème chromatique :
des tons ocres , par exemple, ou des couleurs qui
décrivent le mieux l' (( humeur ». Testez votre matériel
dans de bonnes conditions d 'éclairage avant de
sélectionner les teintes. L'éclairage artificiel d 'un atelier
de dessin ne permet pas toujours de se rendre compte
des véritables couleurs de sa palette. Testez vos couleurs
sur papier blanc et coloré. Il est utile d 'annoter son dessin
et d'ajouter la couleur plus tard à l'aquarelle, à l'acrylique
ou à la gouache. Il faut aussi mentionner ici la retouche
manuelle ou numérique. Diverses applications de dessin
existen t sur le marché. Smartphones et tablettes
permettent de pratiquer n'importe où, n'importe quand.
Les retouches sur supports numériques et les logiciels
comme Photoshop ou Illustrator ouvrent davantage
encore le champ des possibles.
Autres équipements graphiques
Scalpel, pour affûter les crayons (je déconseille l'usage
du taille-crayon) , tailler fusains et pastels , et découper
le papier.
Dway ne Bell
Ruban adhésif : diverses largeurs , facile à déchirer. MONSI EUR BELL
Stylo. aquarelle, crayons de coul eur
201
Pinces à dessin , pour maintenir le papier en place.
Estompe, pour fondre le fusain, la craie, le pastel.
par exemple). En règle générale, plus l'outil choisi
est délicat , moins le papier nécessite de grain.
Pour aller plus loin
Papier de verre , pour mettre en forme mines et Suggestions de papiers
tranches des crayons , mines de plomb , carrés Conté. Ouvrages sur le dessin d'après modèle Ouvrages généraux
Papier pastel · grenu , velouté ou Ingres.
Fixatif , pour stabiliser les matériaux volatils (pastel, BARRETI Robert, Le Dessin d'après modèle vivant , BARRINGTON Barber , Tout Je monde peut dessiner ,
Rouleaux de papier , pour les travaux de grande
fusain , craie). Eyrolles , 2014 Dessain et Tolra, 2013
ampleur.
Appareil photo/ caméra/ smartphone / tablette , pour
Papier-calque, pour juxtaposer, atténuer les teintes C1vARDIGiovanni , Dessiner mode d 'emploi: portrait , BrncHHelen, Illustrer, Pyramyd , 2014
la recherche, l'expérimentation et l'enregistrement
et décalquer. Artémis , 2016
du mouvement. GRAY
Peter , Apprendre à dessiner, Taschen , 2007
Matériel de collage : washi tape , chutes de papier.
Dessin d 'après modèles: Je nu , Parramon ,
COLLECTIF,
SUPPORTS GRAPHIQUES Papier sans acide , chiffon , papier archive, carnets Hoaas James , Encre et stylo , Pyramyd , 2016
2015
de croquis : format paysage/ portrait , à spirales ,
Le papier pour utilisation en atelier avec modèle vivant PIYASENASam et PHILPBeverly, À vos crayons!,
pour les voyages ou les travaux en atelier. FosTER Walter Thomas, Dessin mode d 'emploi:
ou dans un studio de graphisme est généralement Pyramyd, 2014
Bâton de colle/PVA, pour les collages. les visages , Vigot , 2015
acheté en quantités beaucoup plus importantes que
WILSON
Kate, Le Grand Livre du dessin et de la
dans un cadre moins formel. Les espaces de dessin ROIGGabriel Martin , Dessin d 'après modèles:
ÉQUIPEMENT POUR L'ATELIER peinture, Pyramyd , 2015
d 'après modèle vivant sont spécifiquement agencés Jeportrait , Parramon , 2015
pour l'observation de la figure humaine, et sont souvent Chevalets (debout/ assis).
WATSON Lucy , Dessiner d 'après modèle vivant:
équipés de façon à pouvoir pratiquer sur des supports Planche à dessin : diverses tailles, en général
nus et personnages, Eyrolles, 2003
de grande taille. Le papier cartouche (96-220 gm 2) offre un peu plus grandes que Al
un support idéal. Les novices se constitueront une Éclairage : spots orientables.
bonne réserve de papier journal bon marché. On choisit Tiroirs de rangement et cartons à dessin , pour
son support en fonction de l'endroit où l'on dessine, de conserver les grands formats.
sa taille, de la texture de sa surface, de son grammage,
de sa teinte et de sa destination (pour une exposition,

202 203

Index des artistes
Crawfurd Adamson 18
www.crawfurdadarnson.corn
Yadgar Ali 40, 80, 88, 118, 128, 138
www.yaclgar-ali.blogspot.co. uk
Harry Ally 32, 162, 190
www.harryally.corn
Alexandria Angelo 44
www. cargocollective. corn
/alexanclriaangelo
Dwayne Bell 11, 66, 170, 184 ,
199,201
www.dwayne-bell.corn
Heidi Burton 26
www.flickr.corn/photos
/heiclillustration
Chelsie Cater-Tooby 108
www .chelsiecatertooby.wordpress.corn
204
Maria Cerezo 176
www.flickr.corn/n uevaprirnavera
Paolo Cerié 36
patakk. turnblr. corn
Karen Darling 150
www.karendarling .ca
Phillip Dvorak 34, 46, 146, 156
www.phillipdvo rak.corn
Martin Étienne 68
www.rnartinetienne.corn
Bridget Farmer 70
www.b riclgetfarrnerprintrnaker.corn
Maria Gil Ulldemolins 12-13, 56
www.tinyrnighty.rne
Sylvie Guillot 106, 114, 196-197
www.sylvieguillot.corn
Jylian Gustlin 20, 28, 42 , 52, 186
www.jyliangustlin.corn
r
Paul Heaston 48 , 92, 132, 136,
142, 158
www.instagrarn.corn/paulheaston
Mark Horst 14, 104, 120, 166, 178
www.rnarkhorststudio.corn
Emily Isabella 74
www.ernilyisabella.corn
Loui Jover 78
louijover. turnblr.corn
Marilyn Kalish 130
www.rnarilynkalishfineart.corn
Gamlet Khoudaverdian 116
www.flickr. corn/photos/19246625@
N05/
Ekaterina Koroleva 4, 96
www.ekaterina-koroleva.de
Jonathan Kroll 76
www.jonathankroell.de
Julian Landini 60
julianlanclini.blogspot.corn.ar
Maria Mantella 126
www.flickr.corn/photos
/rnariarnan tella
Mirco Marcacci 102, 188
rnircornarcacci.turnblr.corn
Agata Marszalek 90, 174
www.behance.net/agatarnarszalek
Leo Van der Meer 64
leovclrn.turnblr. corn
Elina Merenmies 98
www.anhava.corn
Denise Nestor 112, 182
www.denisenestorill ustration.corn
Derek Overfield 24, 54
www.derekoverfielcl.corn
Ann Pajuviili 16
annpajuvali. turnblr.corn
Martin Palottini 148
www.rnartinpalottini .corn.ar
Endre Penovac 168
www. penovacenclre. corn
Helena Pérez Garcia 192
www.helenaperezgarcia.co.uk
Sophie Rambert 84
www.sophie -rarnbert.corn
Michael Reedy 38, 134
www.rnikereedy.corn
Paul Richards 50, 94
www.paulricharclsclesign.corn
Manuel San-Payo 140
www.flickr.corn/photos/rnanuel
_san-payo/
Robert Scholten 194
www.robertscholte n.corn
Debbie Smyth 180
www.debbie-srnyth.corn
Deanna Staffo 30
www.deannastaffo.corn
Helen Strom 22
helenstrorn.blogspot.fr
Marc Taro Holmes 100
www. ci tizensketcher. corn
Mark Tennant 144, 152, 160
www.rnarktennantart.corn
John Paul Thurlow 124
johnpau lthurlo w.turnblr.corn
Katie Louise Tomlinson 62, 72,
110, 154
www.ktillustration.corn
Philip Tyler 122
www.zirnrnerstewart.co .uk
Cynthia Wick 164, 172
www.cynthiawick.corn
Steve Wilkin 86
www.stevewilkin.co. uk
Bryce Wymer 58, 82
www.brycewyrner.corn
205
Index
Adobe Illustrator 182 de couleur 174. 198 humide sur humide , technique 104, 154 perspective linéaire 170 smartphone 44, 56, 66, 124, 164, 172. 200, 202
ambiguïté 126 Derivan Liquid 150 photographie 60, 108. 112, 188 stylo
Antiquité 156, 192 Faber Castell Jumbo 9000 96 influences historiques 192 photo volée 90 bille 22
Arches , papier aquarelle 106 pierre noire 68, 84, 106, 198 Ingres , papier 116, 146, 202 voir aussi smartphone gel 60
autoportrait 10. 54, 108, 118, 122. 124, 176, 188 iPad 164, 170. 172, 184 Photoshop 16, 154. 182, 186. 200 marqueur 94
déformation 88 Pigma. encre 58 permanent 94
Bacon . Francis 66 dégradé 104, 116 khadi , papier 98 planche à dessin 100, 142. 146, 202 plume 184
bloc de couleur 168 dessin kraft. papier 114 points d 'ancrage 82 pointe fine 92
broderie 148, 180 algorithmique 36 portraits
Brushes , applica tion 164, 172 en ligne continue 44. 52. 102 lokta , papier 98 angles insolites 64 tablette voir iPad
en négatif. technique 134, 138, 168 multiples 52 télamons 156
calquer 44 génératif 36 mannequins 70, 72 voiI aussi autoportrait TerraSkin 150
camaïeu 22. 176 rapide 62 marqueurs 72 pose triptyque 66
carnet de croquis 10, 48, 62. 86, 154, 158, 170, matériau restreint 124 académique 18
172, 184, 194 éclairage 160, 202 modèle expressive 46 Utrecht Arnerican Master 's , papier 134
Leuchtturm 1917 A5184 encre 200 connaître son 74 recroquevillée 106
Moleskine 22. 26, 58 études comparatives 50, 132 temporaire 80 poudre de fusain 156 vidéo 24, 120
carré Conté 32, 104, 140, 166 modulation 116, 144 pratique 26. 30 vignette 128
chevalet de marqueteur 88 fils tendus 180 mouvement , suggérer le 24 préparation 100 visée, technique 38, 136, 152
chevalets 10, 32. 40, 54. 76, 80, 88, 138, 142, formes géométriques 20 projets 56 voyage , dessins de 86, 194
168, 202 Freud. Lucian 54 papier-calque 182. 202 proportions voyage, kit de 58
clair-obscur 134 fusain 28, 54, 122. 144, 198 papier et âges 126
collage 148, 190, 202 comprimé 46, 122, 134, 138 Arches . aquarelle 106 éviter la déformation 88
composition dessin en négatif 134. 138, 168 cartouche 148, 202
réarranger des figures 30 naturel/saule 122. 134 chutes 32, 202 répétition 70
recadrage 146 épais 122 reportage 154
utilisation des bords 16 gesse 178 fait main 98 retouche 110, 182, 186, 200
continuité 132 gomme200 Ingres 116, 146, 202 ruban adhésif 200-202
contour pur 54 porte-gomme 124 journal 74. 202
contre-plongée 24, 90, 118 technique en négatif 134, 138, 168 pastel 116, 202 Sakura Pigma Micron 58
couleur 200 graphite , bâtonnets 198 préparer 42, 162 Saville, Jenny 54
chaude. froide 166 Graphitone 148, 198 recyclé 64 scalpel 200
cours avec modèle vivant 122. 142. 156, 178 gribouillis 16 teinté 118, 158 sépia 142
crayon 198 vieux 78 Sch iele, Egon 46

206 207