Sunteți pe pagina 1din 176

Droit civil II Jérémy Stauffacher

Droit civil II :
1. Cours du 21 septembre 2011 :
La notion de droit réel :
Un droit réel est un droit subjectif privé (de jouissance) qui confère à son
titulaire, à l’exclusion de toute autre personne, la maîtrise (totale ou partielle)
d’une chose ou d’un animal. Un droit subjectif privé est une prérogative, un
avantage, qui découle du droit au sens objectif. Il permet à quelqu’un d’exiger
quelque chose de la part d’un tiers, qui subit l’inconvénient corrélatif à la
création de l’avantage. On parle de droits de jouissance (par opposition aux
droits de compétence). Les droits de jouissance ou droits primaires donnent
directement un avantage à une personne et imposent un inconvénient à une
autre (la plupart des droits privés). Les droits de compétence ou droits
secondaires sont des droits qui ne donnent pas d’avantage immédiat mais donne
la compétence de changer les choses par la suite. Un bailleur peut par exemple
décider de résilier le contrat de bail (compétence de résiliation). Le bénéficiaire
d’un droit de compétence peut donc modifier la situation juridique lorsqu’il le
souhaite (création d’une nouvelle situation juridique).
Les droits réels entrent dans la catégorie des droits de maîtrise. Il y a donc
création d’un pouvoir sur un bien, au contraire des droits de créance qui visent à
obliger une seule personne à effectuer une prestation. Les droits corporatifs
découlent eux de l’appartenance à un groupe, une société ou une association
(l’actionnaire d’une SA a le droit de toucher des dividendes par exemple). Les
droits de maîtrise confèrent au titulaire le pouvoir sur une chose envers tous
(erga omnes). Ce sont donc des droits absolus Les droits de maîtrise résultent du
fait que le titulaire est en droit d’exiger de tout le monde l’abstention vis-à-vis de
la chose. Le pouvoir sur la chose découle donc de l’absence de comportement des
tiers (tout le monde doit s’abstenir d’agir : le contenu du droit n’est donc pas
énoncé). Les droits de créance sont à l’opposé des droits de maîtrise puisqu’ils
obligent une seule personne à effectuer un comportement actif. La conséquence
de cette notion de droit de maîtrise est que le droit n’est à l’origine pas actualisé.
Le droit n’est véritablement « actif » que lorsque la maîtrise est menacée. Le
droit donne alors deux prérogatives : les actions réparatrices et défensives.
L’objet des droits de maîtrise est la chose (catégorie des droits réels), mais pas
uniquement. Les droits de la personnalité sont une catégorie des droits de
maîtrise. Les droits réels touchent la chose (objet ou animal) alors que les droits
de la personnalité touche la personne directement. Il existe en outre une 3ème
catégorie : les droits de la propriété immatérielle, comprenant les droits d’auteur
entre autre. Les droits réels sont des droits sur des choses. Toutefois, selon
l’article 641a CC, on applique aux animaux les mêmes dispositions qu’aux choses.
Il y a donc des similitudes entre choses et animaux. En résumé, on peut dire que

1
Droit civil II Jérémy Stauffacher

les droits réels sont absolus (erga omnes), latents (inactifs, sans menaces
d’atteinte), sans contenu précis (contenu général) et patrimoniaux (estimable en
argent). Il est important de bien distinguer le droit réel de la possession. Le droit
réel trouve son fondement dans le système juridique. Il y a donc des règles qui
justifient un droit réel (acquisition valable). La possession n’est qu’une situation
de fait, une maîtrise matérielle. En général, le propriétaire est possesseur, mais
ce n’est pas toujours vrai (cas du voleur). Malgré tout, le possesseur est protégé
par certains mécanismes juridiques.

Éléments liés :
Le droit réel est lié à un certain nombre d’éléments. Premièrement, le droit de
suite permet au titulaire du droit réel de suivre son objet où qu’il se trouve afin
de le récupérer. Cette faculté découle du caractère erga omnes du droit réel. Cela
souligne une fois de plus la différence avec les droits de créances. Le droit de
suite est toutefois limité dans le but de protéger la bonne foi du tiers. Si un tiers
acquiert de bonne foi la possession d’un objet qui appartient à quelqu’un d’autre,
on peut qualifier la chose d’objet volé (cas où une personne à qui on a confié une
chose la revend à un tiers, sans l’avertir que la voiture ne lui appartient pas : le
droit suisse donne la priorité au tiers de bonne foi, qui devient propriétaire de
l’objet qu’il achète, le propriétaire originel ne peut donc demander que des
dommages et intérêts auprès de la personne qui a trahi sa confiance, mais plus la
restitution de l’objet). Deuxièmement, le droit de préférence donne la priorité au
titulaire d’un droit réel par rapport aux droits de créance (droits personnels). Si
le propriétaire d’une maison vend cette maison alors qu’un tiers en était
usufruitier, la vente de la maison se fera avec la qualité d’usufruitier du tiers (la
maison est grevée d’une servitude). Le droit réel de l’usufruitier l’emporte donc
sur le droit de créance de l’acheteur de la maison.

Les types de droits réels :


Il existe deux grands types de droits réels : la propriété et les droits réels limités.
La propriété donne la maîtrise totale sur un bien alors que les droits réels limités
n’accordent qu’une maîtrise limitée. La maîtrise totale est divisée en trois
composantes : l’usus, le fructus et l’abusus, autrement dit l’usage, la perception
des fruits et la disposition du bien (aliénation totale ou partielle, destruction). Un
propriétaire a un pouvoir total sur l’objet et réunit donc ces trois composantes.
L’art. 641 CC précise toutefois que ce pouvoir s’exerce dans les limites de la loi. Il
existe donc un certain nombre de restrictions imposées par la loi. La propriété
peut également être individuelle (propriétaire unique) ou collective
(propriétaires multiples). Dans ce dernier cas, le droit de propriété est unique,
mais il est exercé, détenu, par plusieurs personnes. On distingue deux formes de
propriété collective : la copropriété (propriété par étages) et la propriété

2
Droit civil II Jérémy Stauffacher

commune. Dans un cas de copropriété, plusieurs personnes sans lien apparent


deviennent propriétaire d’un bien et possèdent des quote-parts idéales de ce
bien (qui peuvent être vendues). Une fois la copropriété créée, une relation naît
entre les copropriétaires (communauté incidente). La propriété par étages est un
type de copropriété (on devrait dire copropriété par étages). Les copropriétaires
par étages doivent se répartir le bien (au contraire des copropriétaires qui
possèdent tous le bien dans son ensemble, sans répartition). Comme le nom
l’indique, des copropriétaires par étages possèdent chacun un droit localisé sur
une partie du bien. Les copropriétaires par étages sont propriétaires du bien tout
entier mais procèdent ensuite à une répartition, un partage (droit localisé). La
propriété commune quant à elle exige que les propriétaires communs soient liés
entre eux par une certaine relation juridique (héritiers par exemple :
communauté héréditaire, hoirie). La différence massive réside en outre dans
l’absence de quote-part. Un propriétaire commun ne peut donc pas vendre
l’objet sans l’accord des autres propriétaires.
Les droits réels limités sont absolus mais ne confèrent qu’une maîtrise partielle
(usage et / ou jouissance ou valeur de garantie). Les biens ont en effet un intérêt
pour l’usage que l’on peut en faire mais également pour leur valeur pécuniaire.
Certains droits réels limités permettent d’avoir la maîtrise exclusive sur la valeur
de garantie (droit de gage : droit sur le prix que l’on pourrait tirer en vendant un
objet : le créancier gagiste, par exemple, a donc le droit de prendre l’exclusivité
du prix). Il existe trois types de droits réels limités :
Les servitudes permettent d’avoir l’usage et / ou la jouissance d’un bien. Selon
l’art. 730 al. 1 CC, les servitudes peuvent être de différents types. Elles peuvent
tout d’abord être affirmatives (permettant au titulaire d’exercer certains droits
sur la chose : servitude de passage) ou négatives (obligeant le propriétaire à
s’abstenir de tout comportement : interdiction de bâtir). Il existe ensuite un
certain nombre de distinctions à établir :
- Les servitudes mobilières : ce sont alors toujours des usufruits.
- Les servitudes immobilières : il en existe deux types :
o Les servitudes immobilières foncières grèvent un immeuble au
profit du propriétaire actuel d’un fond. Exemple de la servitude de
passage : c’est le propriétaire de la maison située à côté du fond
sur lequel le passage se fait qui bénéficie de la servitude de
passage. La servitude immobilière foncière est donc liée à la
qualité de propriétaire d’un fond (en faveur du fond dominant). La
servitude est donc accordée en lien avec la qualité de propriétaire.
o Les servitudes immobilières personnelles font primer la personne
et non le fond. La qualité de propriétaire d’un autre fond
n’influence donc pas la servitude, qui est liée à la personne et non à
un fond dominant. Exemple de la servitude de parking accordée à
une personne travaillant en ville. Ces servitudes peuvent être :

3
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 Les servitudes immobilières personnelles proprement dites


(ou régulières) : indissociables du titulaire (aucune
transmission possible), on peut citer l’usufruit (art. 745 CC)
et le droit d’habitation (art. 776 al. 1 CC).
 Les servitudes immobilières personnelles improprement
dites (ou irrégulières) que l’on peut diviser en deux
groupes :
 Les servitudes cessibles, à savoir les droits
personnels de superficie, permettant à son titulaire
de construire sur le fond d’un tiers (art. 779 al. 1 CC)
ou de source, permettant à son titulaire d’utiliser
l’eau d’une source (art. 780 CC).
 Les servitudes incessibles, à savoir les différentes
servitudes de l’art. 781 CC (droit personnel de
passage entre autre).

2. Cours du 28 septembre 2011 :


Les droits de gage, autre type de droits réels limités, permettent de faire réaliser
à son profit l’objet grevé, si la créance garantie n’est pas payée. Si un propriétaire
doit de l’argent à un créancier (souvent une banque en matière immobilière) et
ne paye pas, le créancier peut poursuivre le débiteur pour faire exécuter la
créance et se faire verser en priorité (à concurrence du montant de sa créance) la
somme ainsi obtenue. Un créancier chirographaire est un type particulier de
créancier : il a une créance personnelle mais sans gage. Il se sert donc après les
créanciers gagistes, s’il reste un solde. En résumé, le gage permet de profiter en
priorité de la valeur de réalisation d’un bien. Il existe deux types de droits de
gage :
- Les trois formes de droits de gage immobiliers (art. 793 ss) :
o L’hypothèque (art. 824 à 841 CC) : il s’agit alors d’un gage sans
dépossession (la personne conserve sa maison). Les hypothèques
sont en général constituées volontairement pour obtenir un prêt
bancaire. Il existe pourtant également des hypothèques légales
(imposées par la loi ou découlant de la loi) directes (art. 836 CC)
ou indirectes (la loi donnant au créancier le droit d’obtenir une
hypothèque).
o La cédule hypothécaire (art. 842 à 874 CC) : elle se distingue de
l’hypothèque car la créance et le gage sont indissociables, liés par
un papier-valeur (pas de gage sans créance ou inversement). La
cédule hypothécaire est une créance personnelle garantie par un
gage immobilier. Le débiteur répond alors non seulement sur
l’immeuble, mais également sur tous ses biens.

4
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o La lettre de rente (art. 842 à 874 CC) : abrogée le 31 décembre


2011 (entrée en vigueur de la révision des droits réels), la lettre de
rente est peu utilisée (2 dans toute la Suisse). Il s’agit d’une
créance constituée en charge foncière sur un immeuble,
n’obligeant que le propriétaire de l’immeuble grevé. Au contraire
de la cédule hypothécaire, ce dernier ne répond que sur l’objet du
gage, et non sur ses propres biens. De même, au contraire de la
cédule hypothécaire et de l’hypothèque, le débiteur est forcément
le propriétaire de l’objet du gage (de l’immeuble).
- Les droits de gage mobiliers (art. 884 ss), pouvant prendre les formes
principales suivantes :
o Le nantissement (art. 884 CC) : dans les cas de nantissement, le
débiteur qui constitue le gage doit se dessaisir de l’objet qu’il met
en gage (objet remis au créancier, la banque en général).
o Le droit de rétention (art. 895 CC) : ce droit permet dans certains
cas au créancier de conserver l’objet du gage tant que le débiteur
n’a pas payé la créance (exemple du garagiste qui a le droit de
conserver le véhicule tant que le facture n’est pas payée). Le
propriétaire confie donc son objet a un tiers, qui a le droit de
retenir l’objet jusqu’au paiement de la facture.
o Les hypothèques mobilières (art. 885 CC) : lorsque le nantissement
n’est pas possible (dessaisissement impossible), on inscrit les
gages dans un registre, ce qui permet au débiteur de conserver la
possession de l’objet (cas d’avions, de bateaux ou de bétail).
Le troisième et dernier groupe de droits réels limités est les charges foncières
(art. 782-792 CC). Il s’agit du droit d’exiger du propriétaire actuel d’un immeuble
certaines prestations (par exemple livrer une certaine quantité de bois), dont ce
propriétaire ne répond que sur cet immeuble. La prestation doit être en relation
avec le fond d’un propriétaire.
Contrairement aux créances normales, dans le cadre d’une charge foncière, le
débiteur ne répond que sur l’immeuble en question (art. 782 al. 1 CC). Le
créancier ne peut donc pas faire réaliser autre chose que l’immeuble. On dit donc
parfois que ce n’est pas véritablement une créance. Il s’agit d’une sorte de droit
de gage limité à l’immeuble grevé.
C’est donc un désavantage par rapport aux créances normales. Cependant, sur
l’immeuble en question, le titulaire dispose d’un droit de gage (droit réel limité
opposable à tous). Les charges foncières protègent donc les biens du propriétaire
de l’immeuble mais menacent en même temps l’immeuble directement puisqu’il
est grevé.

5
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Droits analogues aux droits réels :


Certains droits ressemblent à des droits réels sans en avoir les capacités. On leur
donne juste une image qui les rapproche des droits réels. Il existe 4 droits
analogues aux droits réels :
- Les obligations réelles ou propter rem : ce sont des créances pour
lesquelles le débiteur et / ou le créancier sont désignés par le fait qu’ils
sont propriétaires d’un bien : la créance suit donc la propriété du fond ou
de l’objet en question et non pas la personne directement.
- Les droits personnels renforcés : ce sont des créances (droits personnels),
liées par exemple au droit d’emption (droit d’acheter sans obligation),
renforcées par une annotation au registre foncier. Le droit d’emption
annoté permet à l’empteur de l’emporter sur les droits réels limités,
servitudes postérieures à son droit d’emption par exemple. Ainsi,
l’empteur qui achète un immeuble pourra faire radier une servitude qui
aurait été constituée sur l’immeuble après l’annotation du droit
d’emption (radiation des droits réels limités possible entre l’annotation
du droit d’emption au registre foncier et l’achat de l’immeuble par
l’empteur). Il en va de même pour les droits de préemption octroyés par
la loi dans certains cas.
- Les droits d’appropriation : ces droits permettent de devenir propriétaire
de certaines choses ou animaux. L’art. 699 CC évoque l’appropriation des
baies en forêt. Il ne s’agit pas de droits réels qui confèrent une maîtrise,
mais de droits préférentiels en attribution d’un tel droit réel (propriété).
- Les expectatives de droits réels : ce sont des situations d’attente de
création de droit réel. Dans l’exemple d’un achat par acomptes par
exemple, la propriété passe une fois que le dernier acompte est payé.

L’objet des droits réels :


L’objet des droits réels est la chose (portion délimitée et impersonnelle de
l’univers, qui est susceptible d’une maîtrise humaine et n’est pas un animal). La
chose doit donc présenter les caractéristiques suivantes :
- Il doit s’agir d’un objet matériel. Les droits, les énergies ou le patrimoine
ne sont donc pas des choses.
- L’objet doit être délimité, présenter une certaine cohésion. Cela pose
problème pour les liquides et les gaz. On considère que la cohésion est
créée par le récipient qui les renferme.
- L’objet doit être susceptible d’appropriation. Cela exclut donc l’air libre, la
lumière ou l’eau courante (usage commun : res communes omnium).
- L’objet doit être impersonnel, excluant le corps des personnes vivantes
(et les prothèses, mais pas les perruques ou les dentiers).
- Enfin, il ne doit pas s’agir d’un animal (art. 641a CC).

6
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les choses soustraites au droit privé :


Le droit public soustrait totalement ou partiellement certaines choses au
domaine privé : il s’agit des choses publiques et des choses hors du commerce :
- Les choses publiques : affectées directement et de façon permanente à des
buts d’intérêt public ou à l’usage commun, leur aliénation est en
conséquence restreinte ou supprimée. Il en existe deux groupes :
o Les choses du patrimoine administratif : ce sont les choses qui
servent directement à l’accomplissement d’une tâche publique
(immeubles administratifs, écoles, casernes). Cette catégorie
comprend également les choses totalement ou partiellement
religieuses (res divini juris), comme les lieux de culte (res sacrae)
ou les cimetières (res religiosae).
o Les choses dans l’usage commun (art. 664 CC) : l’art. 664 CC
désigne ces choses par l’expression « choses sans maître ». Il ne
faut alors pas confondre les choses dans l’usage commun avec les
choses sans maître (au sens original) qui désigne des choses
susceptibles d’appropriation mais qui ne sont actuellement dans la
propriété de personne.
 Les glaciers, les cours d’eau (s’ils sont qualifiés de choses),
les terrains impropres à la culture.
 Les choses dans l’usage commun par affectation, comme les
routes, les places ou les parcs publics.
- Les choses hors du commerce (res extra commercium) : l’aliénabilité est
supprimée ou restreinte en raison de leur nature ou pour des motifs
d’intérêt général (organes ou tissus humains, stupéfiants, poisons).

Pluralités de choses :
Il arrive parfois que plusieurs choses aient entre elles des traits communs qui
ont une importance juridique. On dénombre trois cas : les universalités de fait,
les universalités de droit et la relation chose principale – chose accessoire :
- Les universalités de fait : il s’agit d’une pluralité de choses distinctes qui,
en raison de leur commune affectation économique, forment une unité
dans les affaires (une bibliothèque, un paquet d’actions, une collection de
timbres : rapport de coordination, par opposition au rapport de
subordination). Pour les droits réels, l’universalité de fait n’a aucune
importance (la maîtrise portant sur chaque chose individuelle qui
compose l’universalité, principe de spécialité). En revanche, en droit des
successions ou en droit des obligations, il est possible de traîter une
universalité de fait comme un ensemble de choses. Il ne faut alors pas
confondre universalité de fait et chose multiple, cette dernière étant
considérée comme une chose unique au regard des droits réels.

7
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Les universalités de droit : il s’agit d’un ensemble de choses et de droits


assujettis à un but et formant de ce fait une certaine unité. L’universalité
de droit n’est pas objet de droits réels (principe de spécialité) mais son
unité est reconnue par le droit dans une mesure plus large que
l’universalité de fait. On peut citer trois principaux cas d’universalité de
droit : le patrimoine (ensemble des droits pécuniaires appartenant à une
personne, droits réels, droits corporatifs, créances, etc), le patrimoine
séparé (droits pécuniaires détachés du patrimoine) et l’entreprise
(ensemble organisé de choses, de droits et de relations de fait).
- La relation chose principale – chose accessoire (art. 644) : l’accessoire est
un objet mobilier qui, d’après l’usage local ou la volonté clairement
manifestée du propriétaire de la chose principale, est affecté d’une
manière durable à l’exploitation, à la jouissance ou à la garde de celle-ci et
qui est joint, adapté ou rattaché pour le service de la chose. Dépendant
économiquement de la chose principale (rapport de subordination), la loi
présume qu’il suit le sort juridique de celle-ci.

Classification des choses :


Comme en droit romain, il existe un certain nombre de distinctions à établir
parmi les choses pour mieux les définir :
- Meubles et immeubles : un meuble est une chose qui peut être
transportée d’un lieu dans un autre sans altération de sa substance (art.
713 CC). Un immeuble est une portion de la surface terrestre (biens-
fonds), comprenant ce qui y est étroitement rattaché (constructions,
plantes ou droits immatriculés au registre foncier, art. 655 al. 2 CC). La
distinction est essentielle : propriété mobilière (art. 713-729) et propriété
immobilière ou foncière, (art. 655-712t) ou gage mobilier (art. 884 à 918)
et gage immobilier (art. 793 à 883).
- Choses fongibles et choses non-fongibles : les choses fongibles (vins,
argent, fruits) sont des choses désignées habituellement par leur nombre,
leur poids ou leur mesure. Elles sont donc remplaçables par une chose du
même type (au contraire des choses non-fongibles : une œuvre d’art, un
immeuble, des fers à béton façonnés pour une construction). Le critère de
distinction est objectif, c’est l’usage des affaires et non la volonté des
parties qui est décisif.
- Choses de genre et choses d’espèce (ou corps certains) : au contraire des
choses fongibles et non fongibles, le critère de distinction entre choses de
genre et choses d’espèce est subjectif. Autrement dit, c’est la volonté des
parties qui est déterminante. Il faut donc se demander si l’objet en
question a une valeur « unique » aux yeux des parties. Une chose de genre
est donc généralement remplaçable, alors qu’un corps certain ne l’est pas.

8
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Choses consomptibles et choses non consomptibles : une chose est


consomptible lorsque son utilisation provoque sa disparition juridique
(denrées alimentaires, carburants, argent). Les choses consomptibles ne
sont donc pas destinées à être consommées (immeuble, habits).
- Choses divisibles et indivisibles : une chose est divisible si elle peut, sans
diminution sensible de sa valeur, être décomposée en plusieurs choses
ayant économiquement la même valeur (liquides, pièce d’étoffe et même
argent, par interprétation économique). Une chose est donc indivisible
lorsqu’il n’est pas possible de la diviser sans entraîner une perte sensible
de sa valeur économique.
- Choses simples et choses complexes : une chose simple constitue une
unité homogène ou infrangible. L’unité peut être donnée par la nature
(pierre, plante) ou par l’homme (feuille de papier, pièce de monnaie). Une
chose complexe (art. 642 al. 2 CC) au contraire est faite de parties (parties
intégrantes) qui conservent leur existence physique mais qui ne sont plus
considérées par le droit comme des choses distinctes (voiture, armoire,
immeuble). Au contraire de l’accessoire, la partie intégrante n’est donc
pas une chose mais un élément constitutif d’une chose.
Enfin, il existe trois catégories d’éléments qui ne sont pas des choses et qui
pourtant y sont, dans une certaine mesure, assimilées. Ce sont :
- Les animaux : selon l’art. 641a CC, les animaux ne sont pas des choses
mais sont tout de même régis par les dispositions applicables aux choses
(respect de la sensibilité animale et du sentiment d’affection). Précisons
que seuls certains animaux ont un régime distinct de celui des choses :
o Les animaux de compagnie vivant en milieu domestique qui ne
sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain : art. 651a, 722
al. 1bis, 728 al. 1bis, 934 al. 1 CC, 43 al. 1bis CO et 92 LP.
o Le bétail : art. 613a, 715 al. 2, 885 CC et 15 LDFR.
o Les animaux échappés : art. 719 CC.
- Les forces naturelles : l’art. 713 CC assimile les forces naturelles aux
choses mobilières. Toutefois, l’application des règles relatives aux
meubles ne peut se faire que par analogie, les forces naturelles n’étant pas
des choses (comme les animaux et les droits). La force naturelle doit être
comprise dans son sens physique, à savoir la capacité de fournir un travail
(énergie hydraulique, chimique, électrique, atomique). Ils sont donc
objets de droits réels (pour autant qu’ils soient captés et utilisés).
- Certains droits : cela concerne :
o L’art. 646 al. 3 CC : aliéner ou engager le droit d’un copropriétaire.
o L’art. 655 al. 2 CC : assimilant certains droits à des immeubles.
o L’art. 745 al. 1 CC : disant que l’usufruit peut porter sur des droits.
o L’art. 899 al. 1 CC : précisant que des droits (créances) peuvent
être objet de droits de gage.

9
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les principes de règlementation :


Certains principes règlementent les droits réels (6 principes). Premièrement, il
existe un nombre limité de droits réels, on parle du principe du numerus clausus.
En effet, comme vu précédemment, il existe quatre types de droits réels : la
propriété, les servitudes, les droits de gage et les charges foncières. Cela est
logique puisque l’une des caractéristiques du droit réel est d’être opposable à
tous. Chacun doit donc pouvoir clairement identifier le contenu des droits réels
existants (question des sécurités des transactions).
Deuxièmement, les droits réels doivent se voir et être perceptibles par les autres.
On parle du principe de publicité des droits réels. Il doit y avoir une forme
extérieure, reconnaissable par tous les tiers. Pour les meubles, la loi organise la
publicité des droits réels autour de la possession. Le fait de posséder un meuble
montre l’existence d’un droit réel. Pour les immeubles, la possession ne joue pas
le même rôle. On utilise en effet le registre foncier pour assurer la publicité des
droits réels visant les immeubles. Cela a deux conséquences :
- Premièrement, on présume que le possesseur d’un meuble et la personne
inscrite au registre du foncier sont bien titulaires du droit qu’ils
prétendent avoir (art. 930, 931 et 937 CC).
- Deuxièmement, le tiers qui se fie de bonne foi à l’apparence créée et
acquiert sur cette base un droit réel est protégé dans son acquisition (art.
933 à 935 et 973 CC).
Troisièmement, on parle également du principe de processus d’acquisition
(constitution ou transfert), qui veut que l’on applique toujours les mêmes
mécanismes en matière d’acquisition des droits réels. Dans ce cadre-là, il faut
alors distinguer :
- L’acquisition moyennant modification de la possession ou inscription au
registre foncier (respect du principe de publicité). L’acquisition peut avoir
lieu de deux manières :
o Acquisition dérivée : l’acquéreur tire son droit de l’aliénateur. Dans
une vente, l’acheteur va acquérir le droit du vendeur. Si le droit du
vendeur était valable, le droit de l’acheteur le sera également. Pour
que l’acquisition ait lieu, il faut :
 Un titre d’acquisition : une personne s’engage à vous faire
parvenir son droit. Il s’agit donc d’un contrat / acte
générateur d’obligations. Sans titre d’acquisition, il est
impossible d’acquérir valablement. À la signature du
contrat générateur d’obligations, le vendeur reste
propriétaire de l’objet (au contraire de la France, où la
vente fait passer la propriété, sans qu’il soit nécessaire
d’exécuter la vente).

10
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 Une opération d’acquisition : la personne doit exécuter son


engagement et réaliser ce qu’elle a promis de faire, réaliser
la vente dans le cas de la vente d’un immeuble par exemple.
Cette opération d’acquisition est constituée de deux
éléments :
 Un acte de disposition : il s’agit d’une manifestation
de volonté par laquelle l’aliénateur relâche son droit
et y renonce. En matière immobilière, il est
nécessaire de procéder à une réquisition
d’inscription au registre foncier (inscrire le nouveau
propriétaire de l’immeuble).
 Un acte matériel : il s’agit du changement effectif de
la possession (transfert physique ou inscription au
registre foncier). A ce moment-là uniquement, la
propriété est transférée à l’acheteur.
o Acquisition originaire : on acquiert alors par soi-même, sans tirer
son droit de quelqu’un d’autre. On peut acquérir de manière
originaire une chose sans maître (animal sauvage par exemple, art.
718 CC). On peut citer l’occupation comme exemple d’acquisition
originaire. Il faut une manifestation de publicité mais l’acquisition
se fait sans l’intervention d’un tiers, sans transfert de propriété.
- L’acquisition sans modification de la possession ou inscription au registre
foncier (exemple des héritiers reprenant les droits du de cuius). Ce sont
donc des cas exceptionnels, influencés par les circonstances de la vie
(dérogation au principe de publicité).
Quatrièmement, le principe de causalité signifie que l’opération d’acquisition
n’est valable que si le titre d’acquisition (contrat de vente par exemple) l’était
également. Il n’est énoncé expressément qu’en matière immobilière (art. 974-
975 CC) mais il s’applique également aux meubles.
Cinquièmement, le principe de spécialité veut que chaque droit réel porte sur un
objet déterminé. Il y a ainsi autant de droits réels que d’objets. Il est donc
impossible de vendre directement tous ses biens.
Sixièmement, le principe de priorité dans le temps fixe la relation entre plusieurs
droits réels. Selon ce principe, les droits réels limités priment sur la propriété (le
propriétaire acceptent de limiter sa maîtrise absolue de la chose). Il n’y a donc
pas de question de priorité temporelle entre propriété et droits réels limités. Par
contre, entre les différents droits réels limités, le droit le plus ancien prime :
prior tempore, potior jure : le premier dans le temps dispose du droit le plus fort.
Le moment décisif est celui de la date de constitution d’un droit (exemple à l’art.
893 al. 2 CC). Il existe toutefois une exception : en matière de droits de gage
immobiliers, le rang des droits réels est déterminé par la case hypothécaire qui
est assignée aux droits de gage immobiliers (art. 813 CC).

11
Droit civil II Jérémy Stauffacher

3. Cours du 5 octobre 2011 :


La possession :
Le code définit la possession à l’art. 919 CC (art. 919-941 CC) : il s’agit de la
maîtrise effective d’un bien. La possession est donc un pouvoir de fait sur un bien
matériel, au contraire des droits réels qui confèrent une maîtrise de droit,
caractérisée par la légitimité de sa cause. La possession par contre est
indépendante de tout droit et existe par le seul fait qu’un bien est maîtrisé.
Toutefois, même s’il s’agit d’une situation de fait, la loi lui attache certaines
conséquences juridiques. Le possesseur peut ainsi se défendre contre un
perturbateur, chasser un usurpateur, invoquer la présomption de droit et parfois
même reprendre un bien en se fondant sur le fait qu’il l’a possédé
antérieurement. La notion de possession retenue dans le CC provient
essentiellement du droit germanique (et non pas du droit romain). En effet, la
maîtrise matérielle (corpus) est requise, mais une maîtrise économique est
suffisante. L’idée d’animus n’est donc pas reprise comme telle en droit suisse,
même si la maîtrise effective n’existe que si elle est assortie de la volonté de
posséder. En outre, comme en droit germanique, la maîtrise multiple est possible
(fermier qui exploite un fond et propriétaire qui perçoit les fermages). Au final, la
possession est toujours la somme d’un élément de fait et d’un élément subjectif :
- L’élément de fait : il s’agit de la maîtrise de fait qu’une personne est en
mesure d’exercer sur un bien matériel, pour autant que cette maîtrise ne
résulte pas de circonstances de nature passagère qui interrompent la
maîtrise d’autrui. Il y a donc deux composantes :
o Une maîtrise de fait : la maîtrise peut être physique (rapport
spatial entre le possesseur et le bien : le bien doit se trouver dans
la sphère d’influence du possesseur) ou intellectualitée (par son
comportement, le possesseur affirme que le bien est dans sa
sphère d’influence). On peut citer comme exemples de rapport
spatial les vêtements que porte une personne, la voiture en
stationnement ou la machine agricole laissée sur le champ. Comme
exemples de maîtrise intellectualisée le propriétaire d’un
appartement qu’il loue à un tiers ou le propriétaire d’un tas de bois
entreposé en forêt.
o Aucune interruption passagère de la maîtrise d’autrui : la maîtrise
de fait acquise par suite de circonstances de nature passagère
suspendant la maîtrise d’autrui n’est pas suffisante pour fonder la
possession (art. 921 CC). Ainsi, le client qui prend en main les
articles dans un magasin n’en devient pas pour autant possesseur.
- L’élément subjectif : celui qui maîtrise effectivement un bien doit en plus
avoir la volonté de posséder. La possession est en effet un acte humain
qui met en cause l’intelligence et la volonté. L’intéressé doit donc avoir la
volonté générale de posséder des biens d’un genre déterminé ou

12
Droit civil II Jérémy Stauffacher

remplissant certaines conditions. Ainsi, le titulaire d’une boîte aux lettres


est automatiquement possesseur du courrier qui y est inséré car, en
plaçant la boîte, il a exprimé d’une manière générale la volonté de
maîtriser le contenu de celle-ci. Cette manifestation de volonté n’est pas
un acte juridique mais une action de fait (actus realis). Une certaine
capacité de discernement est donc requis, mais la capacité civile active
n’est pas en soi nécessaire (cela n’exclut donc pas d’office les personnes
mineures ou interdites). En outre, comme vu précédemment,
l’interruption passagère de la maîtrise ne conduit pas à la perte de la
possession (la possession repose alors uniquement sur la volonté).

La possession des droits :


L’art. 919 al. 2 CC régit la possession des servitudes et des charges foncières.
Dans ces deux cas, elle consiste dans l’exercice effectif du droit. En définitive, elle
n’est utile que si l’exercice du droit n’implique pas par lui-même une maîtrise du
bien sur lequel il porte. Ainsi, le titulaire d’une servitude affirmative sur un fonds
et qui exerce celle-ci obtient par cet exercice une maîtrise effective partielle du
fonds servant : la possession du droit ne semble donc rien ajouter à sa position.
En ce qui concerne les servitudes négatives, on considère que le titulaire exerce
son droit si le propriétaire du fonds servant s’abstient de certains actes
d’utilisation (dans le but de respecter la servitude). Pour les charges foncières, il
y a exercice du droit si les prestations sont fournies ou si l’ayant droit les a
réclamées. En outre, même si l’art. 919 al. 2 CC ne concerne que les servitudes et
les charges foncières, certains auteurs estiment qu’il est possible de posséder
une créance ou un droit de la propriété immatérielle.

La possession fictive :
Dans certains cas, le code admet une possession fictive faisant abstraction des
éléments énoncés (maîtrise de fait ou volonté) par l’art. 919 al. 1 CC :
- Le maître d’une maison habitée ou une entreprise publique est censé être
possesseur des objets perdus dans les locaux soumis à son autorité, qu’il
sache ou non que ces objets s’y trouvent (art. 720 al. 3 CC), faisant ainsi
abstraction de la volonté de posséder.
- Selon l’art. 921 CC, celui dont la maîtrise de fait est interrompue par des
faits de nature passagère, reste possesseur, sans prise en compte de
l’élément de fait.
- Enfin, selon l’art. 560 al. 2 CC, les héritiers sont, dès le décès, possesseurs
de plein droit des biens qui étaient en possession du de cuius. Ils
acquièrent en définitive la même possession (originaire, dérivée,
médiate) qu’avait le défunt. Dans ce cas, on fait donc abstraction de la
volonté de posséder et de la maîtrise de fait.

13
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Espèces de possessions :
Il existe tout d’abord trois notions voisines de la possession :
- La possession pour autrui : le possesseur pour autrui (auxiliaire de la
possession ou instrument de la possession) exerce directement la
maîtrise de fait sur un bien, mais seulement à titre subalterne, pour le
compte du véritable possesseur. Il y a donc un lien de subordination entre
le possesseur pour autrui et le véritable possesseur. On peut citer comme
exemples le travailleur par rapport aux outils mis à sa disposition,
l’employé d’un supermarché par rapport aux marchandises, le berger par
rapport au troupeau qu’il surveille, etc. Précisons que l’auxiliaire de la
possession ne bénéficie pas de la protection de la possession, ni de la
protection du droit (sauf éventuellement le droit de défense, art. 926 CC).
- La puissance : il s’agit d’une maîtrise de fait supposant un rapport spatial
assez étroit et indépendante de tout élément subjectif.
- La détention : utilisée en droit de la responsabilité civile, cette notion est
proche de celle de la puissance (art. 56 CO, 58 LCR).
A côté de ces deux notions proches de la possession, il existe plusieurs types de
possession répartis dans trois critères de distinction :
- Possession simple et possession multiple : lorsqu’il y a maîtrise de fait
totale, le bien maîtrisé ne faisant l’objet que d’une seule possession, on
parle de possession simple. Au contraire, lorsqu’un seul bien fait l’objet de
plusieurs possessions de qualités différentes, on parle de possession
multiple. Il existe alors deux types de possessions multiples, fondés
respectivement sur le genre de maîtrise exercée et sur le titre sur lequel
la maîtrise repose :
o Possession immédiate et possession médiate : la possession
immédiate est celle de la personne qui exerce directement, sans
intermédiaire, la maîtrise de bien sur un bien. La possession
médiate est celle de la personne qui exerce sa possession par le
truchement d’un tiers auquel elle a accordé un droit.
o Possession originaire et possession dérivée : il s’agit des seules
espèces de possession expressément mentionnées dans le code
(art. 920 CC). Dans ce type de possession, une relation lie le
possesseur originaire au possesseur dérivé. Le premier, possédant
un bien comme propriétaire ou à un autre titre, le remet à un tiers
pour lui conférer sur ce bien, un droit réel limité ou un droit
personnel. Le deuxième est celui à qui le possesseur originaire
remet un bien (usufruitier, locataire, emprunteur, dépositaire,
etc.). Le possesseur originaire doit donc posséder comme
propriétaire (ou à un autre titre), peu importe que celui-ci soit
valable ou non (cas du voleur). En outre, le possesseur dérivé doit

14
Droit civil II Jérémy Stauffacher

reconnaître qu’il tient sa possession d’un tiers qui pourra à tout


moment exiger la restitution de l’objet. Cela veut donc dire que si
le possesseur dérivé décide de ne plus reconnaître la possession
originaire de celui qui lui a confié l’objet, il devient lui-même
possesseur originaire (cas du voleur). Enfin, précisons que le
possesseur originaire est forcément un possesseur médiat alors
que le possesseur dérivé peut être un possesseur médiat ou
immédiat (cas du sous-locataire).
- Possession individuelle et possession collective : la possession
individuelle (peu importe son type) est celle qui est exercée par une seule
personne. Au contraire, la possession collective est celle qui est exercée
par plusieurs possesseurs, qui peuvent alors être :
o De même qualité : par exemple deux amis possédant une voiture
ont une possession collective immédiate et simple.
o De degrés différents : une personne déposant des biens à la
banque dans un coffre ne pouvant être ouvert que si le déposant et
un représentant de la banque agissent simultanément.
La possession collective peut être une copossession (chacun des
possesseurs peut exercer la maîtrise de fait sur le bien sans le concours de
l’autre : deux personnes ayant chacun la clé permettant d’ouvrir un
coffre-fort) ou une possession commune (les possesseurs ne peuvent
exercer la maîtrise de fait qu’ensemble : deux personnes ayant chacun
une des deux clés nécessaires à l’ouverture d’un coffre-fort). Le critère de
distinction est donc un critère de fait.
- Possession légitime et possession illégitime : la possession légitime est
fondée sur un droit réel ou personnel valable alors que la possession
illégitime n’est fondée sur aucun motif juridique (art. 938-940 CC).

L’acquisition de la possession :
La possession est en principe acquise par transfert, par remise (acquisition
dérivée, art. 922). Parfois cependant, une personne acquiert la possession de
manière originaire, sans transfert. Cette acquisition originaire n’est pas régie par
le code mais ses conditions découlent de la nature même de la possession : il faut
exercer une maîtrise de fait et manifester la volonté de posséder. Les cas
d’acquisition originaire sont règlementés par la loi : il en existe 5 :
- L’occupation de choses sans maître (art. 658 et 718 CC).
- La prise de possession :
o D’une chose ou d’un animal trouvés (art. 720 CC).
o D’un trésor (art. 723 CC).
o D’objets ayant une valeur scientifique (art. 724 CC).
o D’épaves (art. 725 et 700 al. 2 CC).

15
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Ces différents cas sont des situations où l’acquisition originaire est autorisée par
la loi. Il existe cependant un certain nombre de situations dans lesquelles
l’acquisition originaire est possible même si l’acquéreur n’est pas en droit de
l’opérer. Le voleur par exemple acquiert originairement la possession de l’objet
volé alors même qu’il n’a pas le droit de le faire. Enfin, on admet qu’il y a
acquisition originaire lorsque des personnes veulent procéder à une acquisition
dérivée, alors que les conditions de validité ne sont pas réalisées (incapacité de
discernement ou crainte fondée de l’aliénateur).
Comme on l’a dit précédemment, la possession s’acquiert en principe par
transfert. On parle alors d’acquisition dérivée (cession volontaire de la
possession à l’acquéreur). Le code régit l’acquisition dérivée aux articles 922-
925 CC (titre marginal : transfert). En plus, le code effectue des distinctions
supplémentaires entre :
- L’acquisition dérivée de la possession avec remise de la chose (art. 922 al.
1 et 923) : il est alors nécessaire de séparer ce mode d’acquisition selon
qu’il se fait entre présents ou entre absents :
o Entre présents (art. 922 al. 1 CC) : elle peut avoir lieu avec remise
de la chose ou avec remise des moyens de la possession :
 L’acquisition s’opère par la remise de la chose elle-même à
l’acquéreur. En matière mobilière, l’objet devra changer de
mains alors qu’en matière immobilière, l’acquéreur devra
s’installer dans les lieux.
 L’acquisition s’opère par la remise à l’acquéreur des
moyens de possession (instrumenta possessionis). Ce sont
eux qui permettent d’exercer la possession (clés d’un
appartement par exemple).
Dans les deux cas, un changement visible dans la maîtrise de la
chose doit survenir. Pour opérer un tel transfert de la possession,
trois conditions sont nécessaires :
 L’aliénateur doit avoir la possession qu’il entend
transmettre à l’acquéreur.
 L’aliénateur doit ensuite remettre la chose ou les moyens
de la possession à l’acquéreur.
 Enfin, aliénateur et acquéreur doivent la volonté
correspondante à l’acquisition dérivée. Elle doit être
manifestée par une double action de fait, supposant de part
et d’autre la capacité de discernement (mais pas forcement
la capacité civile active). Précisons enfin que seuls la crainte
fondée de l’aliénateur, le dol de l’acquéreur (controversé),
ou l’incapacité de discernement de l’aliénateur peuvent
affecter la validité de l’acquisition. Dans ces cas-là, la
possession est alors acquise originairement.

16
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o Entre absents (art. 923 CC) : lorsque l’aliénateur ou l’acquéreur,


voire les deux, sont absents, le code admet une certaine forme de
représentation (art. 32 CO). Il faut alors distinguer deux
situations :
 La représentation de l’acquéreur : là encore, il faut établir
deux catégories :
 L’intermédiaire devient possesseur dérivé : dans ce
cas, l’intermédiaire acquiert pour lui la possession
immédiate et dérivée, procurant par la même la
possession médiate et originaire au représenté. Ce
cas se produit lorsque l’intermédiaire est un
représentant direct de l’acquéreur au sens du droit
des obligations (art. 32 al. 1 CO) mais jouit, par
rapport au représenté, d’une position suffisamment
indépendante pour que l’on puisse admettre la
création d’une possession dérivée (un banquier
acquérant des titres au nom d’un client et les
gardant en dépôt).
 L’intermédiaire ne devient pas possesseur dérivé :
dans ce cas, l’intermédiaire est un auxiliaire de la
possession (instrument de la possession du
représenté, possession pour autrui). Ainsi, dès la
remise de la chose, le représenté devient possesseur
simple de la chose (employé de maison achetant des
produits pour son patron).
 La représentation de l’aliénateur : dans ce cas,
l’intermédiaire peut être un possesseur dérivé qui, en
remettant la chose au tiers, lui transmet sa propre
possession et la possession originaire du représenté.
L’intermédiaire peut ensuite également être un auxiliaire
de la possession qui, en remettant la chose à l’acquéreur, lui
transmet la possession simple qu’avait l’aliénateur.
- L’acquisition dérivée de la possession sans remise de la chose (art. 922 al.
2 et 924 CC) : il n’y a alors aucune modification apparente de la maîtrise
de fait, ni de la chose, ni des moyens de possession. L’acquisition s’opère
uniquement par échange de manifestations de volonté. Il existe 4 modes
d’acquisition dérive sans remise de la chose :
o Le transfert de possession ouverte ou longa manu traditio (art. 922
al. 2 CC) : ce mode de transfert permet l’acquisition dérivée de la
possession lorsque l’acquéreur est en mesure d’exercer la maîtrise
de fait sur la chose, mais ne veut pas le faire immédiatement. La
possession ne s’exerce alors pas directement sur l’objet (terrain à
bâtir, que personne ne peut véritablement maîtriser ou tas de bois

17
Droit civil II Jérémy Stauffacher

entreposés dans les forêts, jamais véritablement sécurisé ou


contrôlé par leur possesseur). Dans ce genre de cas, même si
l’acquéreur ne s’est pas saisi physiquement de l’objet, la seule
volonté fait changer la possession (sans manifestation concrète).
Trois conditions sont nécessaires :
 L’aliénateur doit avoir la possession immédiate de a chose.
 La possession transmise doit être ouverte (plusieurs
personnes doivent pouvoir exercer la possession sur la
chose, notamment l’acquéreur). Cela est le cas pour un tas
de bois entreposé, des matériaux déposés au bord d’une
chaussée, un vélo non-cadenassé, etc.
 Aliénateur et acquéreur doivent enfin manifester leur
volonté réciproque et concordante de procéder à un
transfert. On parle de contrat possessoire (acte juridique
exigeant la capacité civile des parties).
o La délégation de possession (art. 924 al. 1 CC) : la délégation de
possession rend possible l’acquisition dérivée de la possession
médiate sans que la possession immédiate d’un tiers en soit
affectée. L’aliénateur est donc un possesseur médiat qui convient
avec l’acquéreur que le possesseur immédiat (le tiers) possèdera
désormais pour l’acquéreur. Par exemple, une personne vend des
titres déposés en banque et transfert la possession en déléguant à
l’acheteur sa possession médiate des titres (la banque a la
possession immédiate). Pour qu’une délégation de possession soit
valable, il est nécessaire de respecter 3 conditions :
 L’aliénateur doit avoir la possession médiate de la chose.
 La chose doit être en possession dérivée d’un tiers, qui aura
en principe une possession immédiate (mais pas forcément,
cas du sous-locataire).
 Enfin, aliénateur et acquéreur doivent conclure un contrat
possessoire, sans forme prédéfinie.
Il faut ensuite s’intéresser aux effets d’un tel procédé, classés en
trois étapes successives :
 Avant la notification : dès la conclusion du contrat
possessoire, l’acquéreur devient possesseur médiat.
Toutefois, aussi longtemps que le tiers possesseur
immédiat n’a pas été averti de la délégation (notification), il
continue à posséder pour l’aliénateur (et non pas pour
l’acquéreur) et peut encore restituer valablement la chose à
ce dernier.
 La notification : l’aliénateur doit en principe aviser le tiers
qui procure la possession médiate à l’aliénateur. Cette
notification n’est soumise à aucune forme.

18
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 Après la notification : en principe le tiers qui possédait pour


l’aliénateur est tenu de posséder désormais pour
l’acquéreur. Toutefois, si le tiers est titulaire d’un droit réel
limité sur la chose, il peut naturellement l’opposer à
l’acquéreur (droit postérieur au sien). Par contre, si le tiers
n’a qu’un droit personnel, il ne peut l’opposer à l’acquéreur
(droit relatif opposable uniquement à l’aliénateur).
o Le constitut possessoire (art. 924 al. 1 CC) : le constitut
possessoire permet l’acquisition de la possession originaire alors
que l’aliénateur demeure en possession de la chose à un titre
spécial. L’aliénateur est un possesseur qui convient avec
l’acquéreur que celui-ci aura désormais la possession originaire et
médiate, alors que l’aliénateur conserve la possession dérivée à un
titre spécial. Par exemple une personne vend sa voiture mais passe
avec l’acheteur un contrat de bail en sa faveur. Ainsi, plutôt que de
d’abord transférer la voiture à l’acheteur pour ensuite la restituer
au vendeur (qui devient locataire), on supprime les étapes inutiles.
Comme pour les autres mode d’acquisition dérivée de la
possession sans remise de la chose, il existe trois conditions :
 L’aliénateur doit avoir la possession de la chose. Il s’agit en
principe d’un possesseur originaire qui veut devenir
possesseur dérivé.
 Le constitut possessoire n’est valable que si l’aliénateur
conserve la possession dérivée en vertu d’un titre juridique
(droit personnel ou réel acquis par acte juridique ou
découlant de la loi). Ce peut ainsi être un bail, un prêt, un
dépôt, un usufruit ou encore un droit d’administration.
 Enfin, comme précédemment, un contrat possessoire est
requis. L’aliénateur doit reconnaître l’acquéreur comme
possesseur originaire.
o La brevi manu traditio (non régie par le code) : découlant
directement du droit romain, la brevi manu traditio intervient dans
les cas où l’acquéreur est déjà possesseur de l’objet. Elle permet
l’acquisition dérivée de la possession lorsque l’acquéreur est déjà
en possession dérivée de la chose. L’aliénateur est possesseur
originaire d’une chose dont il a remis la possession dérivée à
l’acquéreur. Il convient alors avec l’acquéreur de renoncer à sa
possession originaire, de sorte que l’acquéreur aura désormais une
possession simple (originaire). Il s’agit donc de l’opération inverse
du constitut possessoire. Deux conditions doivent être réalisées :
 L’acquéreur doit avoir la possession dérivée de la chose à
un titre spécial (bail, dépôt, nantissement).
 A nouveau, un contrat possessoire doit être conclu.

19
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- La remise de titre représentatif de marchandises (art. 925 CC) : il s’agit


d’une remise de papier-valeur. Dans le cas d’un transport de
marchandises (art. 440 CO) achetées par un tiers par exemple, le
transporteur devient forcément possesseur dérivé des marchandises, le
vendeur ne conservant que la possession originaire. Lorsqu’il reçoit les
marchandises à transporter, le transporteur émet un papier-valeur ayant
une valeur juridique (un titre, un document). Le transporteur assure donc
avoir reçu les marchandises et s’engage à ne les restituer qu’à la personne
disposant de ce papier-valeur. Le transporteur remet donc le papier-
valeur au vendeur, qui va alors envoyer (en recommandé) le titre
d’acquisition à l’acheteur. Le transfert de ce document équivaut alors au
transfert de la possession originaire des marchandises. En remettant le
papier, le vendeur transfère la possession et exécute son contrat de vente.
Au moment où l’acheteur devient possesseur du papier, il acquiert
directement les marchandises en elle-même. Par l’envoi du papier, on lui
transfère la possession des marchandises, et par là la propriété de ces
mêmes marchandises. Lorsque le transporteur livre les marchandises,
l’acheteur doit alors présenter le papier-valeur pour obtenir
matériellement ce qu’il a acheté. Si le transporteur venait à vendre les
marchandises à un tiers de bonne foi (conflit entre détenteur du papier et
possesseur de bonne foi des marchandises), ce dernier l’emporterait sur
le détenteur du papier-valeur car on donne la priorité à la possession
effective. Il existe donc trois conditions :
o Les marchandises doivent avoir été confiées à un voiturier ou à un
entrepositaire, en vertu d’un contrat de transport (art. 440 CO) ou
d’un contrat d’entrepôt (art. 482 CO).
o Le voiturier ou l’entrepositaire doit avoir émis un titre
représentatif de marchandises et ce titre doit être un papier-valeur
(conditions : art. 1153 CO).
o Enfin, le papier-valeur doit être transféré à l’acquéreur dans les
formes prévues pour le genre de papier-valeur considéré (art. 967
al. 1 et 2 CO). Le transfert de possession suffit pour les titres au
porteur mais une cession écrite est nécessaire pour les titres
nominatifs et un endossement est requis pour les titres à ordre.
- L’acquisition dérivée de la possession des droits : lors de la création du
droit (principalement une servitude ou une charge foncière), l’acquisition
de la possession a lieu lors du premier acte d’exercice du droit. Ensuite, le
transfert dépend du type de droit considéré :
o L’exercice du droit implique la maîtrise d’une chose : la possession
du droit est transférée avec la possession de cette chose.
o L’exercice du droit ne confère pas la maîtrise d’une chose : la
possession du droit est transmise avec la possession du fonds
dominant ou, à défaut, avec la titularité du droit.

20
Droit civil II Jérémy Stauffacher

4. Cours du 12 octobre 2011 :


La perte de la possession :
Le code ne régit pas véritablement la perte de la possession. Il précise
uniquement que la possession n’est pas perdue lorsque l’exercice en est empêché
ou interrompue par des faits de nature passagère (art. 921 CC). C’est cette règle,
interprétée a contrario, permet de déterminer les cas dans lesquels la possession
est perdue. Ce sont en effet des cas où l’exercice de la possession est interrompu
par des faits dont la nature n’est pas passagère. Cette situation peut survenir de
deux façons, selon que la perte est voulue ou non :
- La perte volontaire :
o Par transfert : il y a alors forcément acquisition dérivée par un
tiers de la possession. Il s’agit de toutes les situations où la chose
fait l’objet d’une acquisition dérivée.
o Par abandon (déréliction) : une personne renonce alors à exercer
la maîtrise sur l’objet, sans toutefois la transférer à un tiers. Si un
tiers s’empare finalement de l’objet, il y a alors création d’une
possession originaire.
- La perte involontaire : il s’agit de cas où une personne est dessaisie de son
objet, par perte, vol ou soustraction. On peut également citer l’erreur dans
les transferts, lorsque l’aliénateur se trompe d’objet par exemple.
Dans les deux cas précédemment évoqués, la possession est perdue. Il s’agit à
présent de voir quand la possession n’est pas perdue et donc d’interpréter
directement l’art. 921 CC. Premièrement, lorsque la maîtrise effective est certes
interrompue, mais par des faits de nature passagère (la remise d’un objet à un
possesseur dérivé n’interrompt pas la possession, elle crée une possession
originaire, tout comme la remise d’un objet à un auxiliaire de la possession, qui
ne modifie absolument pas la possession). La nature passagère des faits doit être
appréciée selon l’expérience de la vie. Il faut donc considérer l’instant où
l’exercice de la possession est empêché, mais également envisager une certaine
durée et rechercher si l’interruption de la maîtrise effective ne devait être que
momentanée ou non. On peut citer comme exemples de faits de nature
passagère :
- Le dépôt d’actions auprès de l’autorité d’annulation.
- Le fait d’oublier un objet dans un bateau au cours d’une croisière.
- Le fait d’oublier un porte-monnaie dans une cabine téléphonique (pour
autant que celui qui a oublié l’objet se souvienne de l’endroit où se trouve
son bien (dans le cas inverse on parle de chose égarée ou perdue).
- Le fait de confier les clés donnant accès à un lieu à un tiers.
- La séquestration d’une chose pour les besoins d’une enquête pénale.
- Le fait de perdre son objet dans sa maison (même si on ne sait plus où, car
l’objet reste dans la sphère de maîtrise du possesseur).

21
Droit civil II Jérémy Stauffacher

5. Cours du 17 octobre 2011 :


La protection de la possession :
La possession étant indirectement liée au droit, il est logique qu’il ne doit pas
être facile de modifier allègrement la possession. Cela modifierait en effet
l’apparence du droit et favoriserait le règne du plus fort (protection de la paix
publique). Il existe donc une série de mesures (3 moyens de protection de la
possession en soi) permettant de protéger la possession en tant que telle,
indépendamment du droit de propriété (art. 926-929 CC) :
- Le droit de défense (art. 926 CC) : il s’agit du droit de repousser par la
force une attaque contre la possession. Il appartient en principe à tout
possesseur d’une chose, mobilière ou immobilière, d’un animal ou d’un
droit. L’attaque doit être dirigée contre l’auteur de l’acte d’usurpation ou
de trouble. En principe, le recours personnel à la force est interdit (pas de
justice personnelle). Le droit de défense est une exception puisqu’il
autorise la justice privée (propre). Le droit de défense peut prendre deux
formes :
o L’art. 926 al. 1 CC donne le droit de repousser une attaque alors
que le possesseur a encore la possession (légitime défense). On
peut citer par exemple la tentative de vol de sac, où la personne
résiste et lutte. Le recours à la force n’est toutefois légitime que s’il
est nécessaire et proportionné (art. 926 al. 3 CC).
o L’art. 926 al. 2 CC va plus loin en permettant de récupérer la
possession de son objet alors même qu’elle est perdue (droit de
contre-attaque). Il s’agit d’un droit de reprise. Naturellement, cette
tentative de récupération doit être immédiate (poursuite du voleur
par exemple). Il doit donc y avoir une situation de flagrant délit
(pas possible d’exercer ce droit le lendemain ou 1h après le vol).
En fait, l’objet doit avoir été enlevé au possesseur par violence ou
clandestinement et celui-ci doit réagir immédiatement pour
rétablir sa maîtrise par la force.
Pour exercer ce droit de défense, la personne doit avoir (eu) la possession
de la chose. De même, il doit y avoir un acte d’usurpation (dépossession,
en cas de vol d’objets quelconques) ou de trouble (perturbation ou
entrave de la possession, en cas de squat d’immeuble par exemple). Cette
usurpation ou ce trouble doivent être illicites (donc pas autorisés par le
loi ou par le possesseur). En effet, le droit privé ou le droit public peuvent
justifier une usurpation ou un trouble (légitime défense, art. 52 al. 1 CO,
nécessité, art. 52 al. 2 CO ou exécution forcée, art. 91 et 223 LP). De même,
le possesseur peut avoir donné son consentement et ainsi rendre
l’atteinte licite. Enfin, il est également nécessaire de respecter le principe
de proportionnalité (art. 926 al. 3 CC). Celui qui exerce son droit de
défense ne doit en effet pas commettre de voies de fait excessives.

22
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- L’action réintégrante (art. 927 / 929 CC) : lorsque la première démarche


(droit de défense) ne suffit pas, il est tout à fait possible de poursuivre en
justice l’usurpateur. Il s’agit donc de l’action possessoire que celui dont la
chose a été usurpée peut intenter contre l’usurpateur pour récupérer
cette chose. Celui qui a perdu la possession de la chose doit avoir la
qualité pour agir et l’auteur de cette dépossession doit avoir la qualité
pour défendre (2 conditions personnelles). En outre, l’action réintégrante
reprend les mêmes conditions d’illicéité que le droit de défense. De plus,
le défendeur ne doit pas pouvoir établir un droit préférable (réel ou
personnel, art. 927 al. 2 CC) qui l’autoriserait à conserver la chose (2
conditions matérielles). Enfin, l’art 929 CC limite dans le temps
l’ouverture de l’action. Le demandeur est déchu de son action s’il ne
réclame pas la restitution aussitôt après avoir connu le fait et l’auteur de
l’atteinte (art. 929 al. 1 CC). De plus, le délai de péremption est fixé à 1 an
(art. 929 al. 2 CC). Il faut en effet que la possession de l’usurpé soit
récente (1 condition de temps). La situation juridique ne doit pas se
stabiliser au profit de l’usurpateur. Précisons que l’action réintégrante
doit être dirigée contre l’usurpateur de mauvaise foi directement
(l’auteur de la dépossession), pas contre un éventuel receleur ou un autre
tiers auquel le responsable de l’usurpation aurait donné l’objet. L’action
réintégrante peut prendre deux formes :
o La réintégrante proprement dite : elle tend à la restitution de la
chose ou de l’animal (art. 927 al. 3 CC).
o L’action en dommages-intérêts : elle tend à la réparation du
dommage (art. 927 al. 3 CC). Il s’agit cependant d’un simple rappel
de l’action générale en dommages-intérêts (art. 41 CO). La
réparation suppose donc un chef de responsabilité (une faute) et le
dommage doit être la conséquence des moyens employés par le
défendeur. Les conditions de temps fixées par l’art. 929 CC ne sont
alors pas applicables (prescription de l’art. 60 CO).
De plus, la procédure est plutôt rapide (procédure sommaire) en matière
d’action réintégrante. Cela est logique puisqu’il ne s’agit que d’une
question de possession (litige possessoire) et non pas de propriété. Enfin,
l’autorité de chose jugée d’une décision rendue sur la base de l’art. 927 CC
ne porte que sur la question de la possession (et non sur les rapports de
droit civil litigieux entre les parties).
- L’action en raison du trouble (art. 928 / 929 CC) : cette action est la même
que l’action réintégrante mais pour les cas de troubles. Les conditions
temporelles et personnelles (la qualité pour agir appartient à celui dont la
possession est troublée) sont les mêmes que pour l’action réintégrante,
tout comme pour la procédure. Par contre, l’action en raison du trouble
est purement possessoire (condition matérielle) : le défendeur n’est donc
pas admis à faire valoir un droit préférable sur la chose (art. 928 al. 1 CC).

23
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’action est donc admise chaque fois qu’il y a un trouble (entrave à


l’exercice de la possession n’entraînant pas une dépossession) illicite de la
possession. L’action en raison du trouble peut prendre deux formes (tout
comme pour l’action réintégrante) :
o L’action en raison du trouble proprement dite : elle peut alors
tendre à faire cesser le trouble ou à le prévenir :
 L’action en cessation du trouble : cette action suppose que
le trouble dure encore, que la chose soit troublée.
 L’action en interdiction du trouble : cette action peut viser
deux buts distincts :
 Soit éviter que des troubles qui se sont déjà produits
par le passé ne se reproduisent.
 Soit empêcher qu’un trouble très probable ne se
réalise dans le futur.
o L’action en dommages-intérêts : elle vise à obtenir la réparation du
dommage subi par l’effet du trouble de la possession. Ce sont donc
les effets du trouble et non plus sa cause qui sont concernés.

La protection du droit par la possession :


Les art. 926-929 traitent des moyens de défendre la possession comme telle
(l’art. 937 al. 1 CC, lorsqu’il parle d’action possessoire, ne renvoie pas à la
protection de la possession.). Les art. 930-937 précisent dans quelle mesure le
possesseur peut invoquer sa possession pour protéger le droit qu’il prétend
avoir sur la chose ou l’animal. En effet, s’il veut apporter la preuve de son droit, le
possesseur doit, chaque fois qu’il n’a pas acquis de façon originaire, établir aussi
le droit du titulaire précédent et ainsi de suite. Conformément au principe de
publicité, la possession est un signe important de l’existence d’un droit sur
l’objet. Ainsi, à certaines conditions, le possesseur d’un objet est privilégié en cas
de contestation portant sur l‘existence du droit qu’il prétend avoir. La protection
du droit fondée sur la possession ne s’applique qu’aux choses et aux animaux. En
matière immobilière, cette protection est attachée à l’inscription au registre
foncier (présomption de possession en faveur de l’inscrit au registre). En
revanche, le possesseur d’un immeuble peut invoquer les moyens de défense de
la possession en tant que telle. La protection du droit par l’intermédiaire de la
possession est assurée au moyen de deux groupes de dispositions :
- Les présomptions (art. 930 / 931 CC) : le possesseur d’un objet mobilier
est présumé titulaire du droit qu’il prétend avoir. La présomption de
propriété (si tel est le droit présumé) demande une possession qualifiée
(ni violente, acquises par des comportements violents, ni clandestine,
maîtrise de fait dissimulée aux tiers, ni équivoque, acquise dans des
circonstances peu claires, douteuses). Une présomption est une

24
Droit civil II Jérémy Stauffacher

conséquence (propriété ou droits réels limités, sauf hypothèque


mobilière, par exemple) tirée de faits probants (possession). La
présomption peut uniquement être tenue en échec par la contre-preuve
(le fait probant, de base, n’existe pas : il n’y a pas de possession qualifiée)
ou la preuve du contraire (le jugement fait par le législateur ne se
confirme pas dans le cas concret : le possesseur n’est pas propriétaire).
Dans le cas de la possession, on présume que celui qui est possesseur est
propriétaire. On distingue alors les présomptions suivantes : (p. 149)
o Les présomptions de propriété déduites d’une possession simple
ou originaire : selon l’art. 930 CC, la possession simple ou
originaire donnent naissance à deux présomptions de propriété :
 La présomption de propriété fondée sur la possession
actuelle : cela signifie le possesseur actuel d’une chose
mobilière en est présumé propriétaire. L’art. 930 al. 1 CC
présume la propriété du possesseur actuel, simple ou
originaire. S’il y a possession collective, il y a alors
présomption de propriété collective (c’est la copropriété
qui est choisie, forme la plus souple de propriété collective
ne nécessitant pas de relations juridiques préalables).
 La présomption de propriété fondée sur la possession
antérieure : l’alinéa 2 ajoute une règle concernant le
possesseur antérieur. Ainsi, les possesseurs antérieurs sont
présumés avoir été propriétaires pendant la durée de leur
possession. Si la présomption du possesseur actuel tombe,
le possesseur antérieur est alors présumé propriétaire.
o Les présomptions déduites d’une possession dérivée : déterminées
à l’art. 931 CC, elles sont au nombre de deux :
 La présomption du droit du propriétaire : l’art. 931 al. 1 CC
précise que le possesseur dérivé (d’un objet mobilier) peut
invoquer la présomption de propriété de la personne dont
il tient sa chose de bonne foi. Plus clairement, cela signifie :
 Que si le possesseur dérivé (usufruitier) tient l’objet
du propriétaire directement, alors il peut invoquer la
présomption de propriété du possesseur originaire
(qui est le propriétaire).
 Que si celui qui a remis l’objet au possesseur dérivé
(locataire) n’est pas le propriétaire, alors :
o Le possesseur dérivé peut invoquer la
présomption de l’existence du droit de celui
dont il tient l’objet (art. 931 al. 2 CC).
o Le possesseur dérivé peut invoquer la
présomption du droit du propriétaire.

25
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Toutefois, pour que les différentes présomptions ci-dessus


existent, le possesseur dérivé doit être de bonne foi. Il doit
en effet croire que la personne dont il invoque le droit est
bien titulaire de ce droit (par exemple que le propriétaire
est bien le propriétaire de la chose). En outre, l’art. 931 al. 1
CC ne crée pas une nouvelle présomption, il ne fait
qu’étendre le cercle des personnes autorisées à faire valoir
les présomptions des art. 930 al. 1 et 931 al. 2 CC. En effet,
au lieu de prouver le droit du propriétaire ou du possesseur
originaire, le possesseur dérivé peut se contenter
d’invoquer à titre individuel l’art. 931 al. 1 CC.
 La présomption du droit du possesseur dérivé : le
possesseur dérivé est présumé titulaire du droit (réel limité
ou personne) sur lequel il prétend fonder sa possession
(art. 931 al. 2 CC). Cette présomption se fonde donc sur
celui dont le possesseur dérivé tient son droit sur l’objet.
- Les fictions (art. 933 / 935 CC) : bien que les présomptions permettent
d’inverser le fardeau de la preuve, elles n’en restent pas moins des
présomptions, des idées, des suppositions. Les fictions vont plus loin
puisqu’elles protègent un possesseur de manière absolue, sans que
quiconque puisse briser la fiction de droit. Les fictions jouent un rôle dans
deux cas, lorsque les présomptions ne sont d’aucune utilité :
o L’aliénateur n’est pas propriétaire de l’objet mais le transfert tout
de même à l’acquéreur. Il n’a alors pas le pouvoir de disposer de la
chose mais le fait tout de même.
o L’aliénateur est propriétaire de l’objet mais là encore il n’a pas le
pouvoir d’en disposer (en raison d’une disposition légale ou à la
suite d’une décision judiciaire, comme la saisi judiciaire par
exemple) mais le transfère tout de même.
Ainsi, en l’absence du pouvoir de disposer, l’acquéreur, même en étant de
bonne foi, n’est pas protégé car nul ne peut transférer plus de droits qu’il
n’en a lui-même. Les présomptions sont inapplicables car la preuve du
contraire peut être apportée en démontrant l’absence du pouvoir de
disposer. Par contre, lorsqu’il est de bonne foi (croyant avoir acquis
l’objet d’une personne ayant le pouvoir de disposer), l’acquéreur peut
utiliser l’une des deux fictions énoncées par le CC. L’acquéreur-possesseur
est alors présumé propriétaire (ou titulaire d’un autre droit réel) mais il
est également fictivement considéré comme tel (la preuve du contraire
n’est donc plus possible). Au travers de cette fiction, on voit donc que la
loi privilégie les acquéreurs de bonne foi lorsque l’objet a été confié (art.
933 CC) ou consiste en monnaie ou en titre au porteur (art. 935 CC).
Toutefois, la bonne foi de l’acquéreur n’est protégée que s’il existe un
motif supplémentaire de protection (respectivement apparence du droit

26
Droit civil II Jérémy Stauffacher

par la possession ou sécurité des transactions). Il convient dès lors


d’analyser plus précisément les deux fictions du code :
o La fiction de la chose confiée, art. 933 CC : l’acquéreur est
maintenu dans son acquisition si l’aliénateur était possesseur d’un
objet mobilier confié et que, alors que l’acquéreur était de bonne
foi, cet objet a été valablement transféré à celui-ci en vue de
l’acquisition d’un droit réel (propriété ou limité). Exemple : un
possesseur originaire confie son objet à un tiers (possesseur
dérivé immédiat). Ce tiers, au lieu de rendre l’objet, décide de le
vendre à un tiers de bonne foi. Ce tiers de bonne foi est alors
concerné par l’art. 933 CC et devient propriétaire fictif de l’objet.
Le propriétaire d’origine perd ainsi la propriété sur son objet. On
décrète que le tiers de bonne foi qui acquiert un objet vendu ou
transmis par un aliénateur non-propriétaire devient propriétaire
(alors même que la vente, par exemple, n’était pas valable). Le tiers
est donc maintenu dans son acquisition et le propriétaire
précédent a perdu sa propriété (récupération du bien impossible).
Bien entendu, ce dernier pourra se retourner contre l’aliénateur
ayant vendu sans en avoir le droit. Si le tiers de bonne foi
n’acquiert pas la propriété mais un droit réel limité, la propriété
d’origine ne sera pas supprimée mais le droit réel limité restera
valable (gage par exemple). Cela permet d’éviter de freiner la vie
économique puisqu’un tiers de bonne foi acquérant un objet ne
doit en principe pas se méfier du vendeur. De même, le
propriétaire étant à l’origine de la situation juridique, il a décidé
seul de confier son objet à un tiers et doit donc en assumer les
risques et les conséquences. La réalisation de cette fiction suppose
toutefois la réalisation de 4 conditions :
 L’objet doit être une chose mobilière, un meuble ou un
animal, et donc pas un immeuble. Cela ne fait donc que
rappeler le champ d’application général des règles sur la
protection du droit par la possession.
 Il faut qu’au départ l’objet ait été confié au sens de l’art 933
CC. Il doit donc être remis volontairement à l’aliénateur.
Cela peut être possible dans trois situations :
 Une personne confie son bien en créant une
possession dérivée. Il y a donc création d’un droit
réel limité ou d’un droit personnel.
 Une personne a volontairement aliéné un bien dans
l’idée d’en transférer la propriété (vente par
exemple) mais le titre d’acquisition se révèle
finalement non-valable (l’opération d’acquisition est
alors invalidée également : le contrat est nul).

27
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 Une personne, propriétaire d’une chose, n’a pas (ou


plus) le pouvoir de disposer d’une chose (cas de
saisie par exemple, en cas de poursuite), mais décide
de l’aliéner (de la vendre).
 Le tiers acquéreur doit acquérir sur la chose un droit de
propriété ou un autre droit réel limité (servitudes).
L’aliénateur doit donc être devenu possesseur de l’objet qui
lui a été remis (cela exclut donc les auxiliaires de la
possession). Cela signifie que le transfert de l’objet doit être
valable (titre d’acquisition et opération d’acquisition).
 Enfin, il est nécessaire que le tiers acquéreur soit de bonne
foi (art. 3 CC). En somme, l’acquéreur ne doit pas avoir le
sentiment que l’acquisition qu’il fait est irrégulière. Pour
cela, il doit croire que l’aliénateur est propriétaire de l’objet
et a donc le pouvoir de disposer de celui-ci. De plus, la
bonne foi doit exister au moment de l’acquisition. Cela veut
dire que même si, après la vente, l’acquéreur apprend que
l’aliénateur n’était pas propriétaire, il reste propriétaire. En
outre, la bonne foi (au sens subjectif) est présumée (art. 3
al. 1 CC) mais l’acquéreur est déchu de son droit de
l’invoquer si elle est incompatible avec l’attention que les
circonstances permettaient d’exiger de lui (art. 3 al. 2 CC). Il
peut toutefois exister des cas (plus rares) où l’acquéreur
sait que l’aliénateur n’est pas propriétaire mais pense qu’il
va le devenir. C’est donc souvent l’ignorance de l’acquéreur
qui fonde sa bonne foi (dans la mesure de la diligence).
Comme précisé plus haut, il existe un devoir de diligence
(art. 3 al. 2 CC). Ainsi, lorsque les circonstances appellent de
la part du tiers acquéreur une certaine prudence, ce dernier
ne peut invoquer sa bonne foi. Il est en effet nécessaire de
prendre un certain nombre de précautions dans la vie
quotidienne. La naïveté n’est pas protégée par l’art. 3 CC. On
voit donc que la bonne foi de l’acquéreur permet en
quelques sortes de compenser l’absence du pouvoir de
disposer de l’aliénateur (soit parce qu’il n’est pas
propriétaire, soit parce ce pouvoir lui a été retiré).
Toutefois, la bonne foi ne l’emporte pas toujours sur les
restrictions mises, par la loi ou par une décision d’une
autorité : elle est ainsi parfois inopérante. Cela est le cas si
l’acquisition intervient après le prononcé de la faillite de
l’aliénateur ou si la chose acquise est, comme telle,
soustraite au droit privé (chose publique ou chose hors du
commerce, les biens culturels par exemple).

28
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o La fiction de monnaie et de tires au porteur, art. 935 CC :


l’acquéreur doit être maintenu dans son acquisition s’il a acquis de
bonne foi de la monnaie ou des titres au porteur, peu importe
qu’ils aient été confiés ou non à l’aliénateur. Dans le cas de l’art.
935 CC le critère ne se base plus sur la qualité de chose confiée
mais sur la nature de la chose mobilière (de l’argent ou un titre au
porteur, qui est un papier-valeur dont le texte ou la forme constate
que chaque porteur en sera reconnu comme ayant droit, art. 978
CO). Exemple : une personne confie de l’argent à un tiers. Si ce tiers
se sert de cet argent et achète quelque chose à un tiers de bonne
foi, ce dernier est protégé. En ce qui concerne les conditions, que
ce soit pour la bonne foi ou pour l’acquisition, ce sont les mêmes
que pour la fiction des objets confiés.
Lorsque les conditions de l’art. 933 ou de l’art. 935 CC sont réalisées, l’acquéreur
devient effectivement titulaire du droit en cause (propriété ou autre droit réel).
L’acquisition est considérée comme originaire et les droits réels qui existaient
déjà sur l’objet et inconnus de l’acquéreur s’éteignent dans la mesure où ils sont
incompatibles avec le droit acquis de bonne foi.

La protection judiciaire du droit du possesseur :


Le code prévoit aux art. 932, 934 et 936 CC les compléments judiciaires des
règles sur les présomptions et sur les fictions (art. 930-931 CC et respectivement
art. 933 et 935 CC). En effet, les présomptions liées à la possession produisent
deux effets sur le plan judiciaire :
- L’effet défensif : basé sur l’art. 932 CC (le possesseur d’une chose
mobilière peut opposer à toute action dirigée contre lui la présomption
qu’il est au bénéfice d’un droit préférable), l’effet défensif n’ajoute en
réalité rien aux présomptions des art. 930-931 CC. En effet, le possesseur
étant présumé titulaire du droit qu’il prétend avoir, il peut simplement
utiliser sa possession pour contrer une demande en restitution. L’art. 932
CC ne vise donc que les cas où le possesseur est défendeur au procès.
Naturellement, les présomptions ne sont invocables que si elles
remplissent diverses conditions. Ainsi, l’art. 932 CC réserve les cas
d’usurpation ou de trouble (art. 927-928 CC) car l’usurpateur et le fauteur
de trouble ne sont pas des possesseurs qualifiés (art. 930-931 CC). Si les
conditions de la présomption sont remplies, l’adversaire du possesseur
doit établir qu’il a un droit qui lui permet de reprendre l’objet. Autrement
dit, il ne suffit pas qu’il prouve que le possesseur n’a pas de droit sur cet
objet, il doit lui même prouver qu’il dispose d’un tel droit. Il devra donc
lui-même utiliser une présomption (présomption de la possession
antérieur par exemple).

29
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- L’effet offensif : en principe, la présomption du possesseur actuel (art. 930


al. 1 et 931 CC) l’emporte sur celle du possesseur antérieur (art. 930 al. 2
CC). Le possesseur actuel peut donc presque à chaque fois opposer à
l’action en restitution dirigée contre lui par un possesseur antérieur la
présomption qu’il est au bénéfice d’un droit préférable (art. 932 CC).
Toutefois, il existe deux situations dans lesquelles la présomption
attachée à la possession antérieure l’emporte, accordant au possesseur
antérieur une action dite mobilière :
o Lorsque le possesseur antérieur a été dessaisi sans sa volonté, par
un vol par exemple (art. 934 CC) : dans ce cas-là, l’art. 934 CC
permet au possesseur antérieur de récupérer son objet, peu
importe l’actuel possesseur. On distingue trois types de
conditions :
 Les conditions personnelles : la qualité pour agir appartient
à tout possesseur dessaisi d’un objet mobilier sans sa
volonté (le demandeur est donc un possesseur antérieur).
La qualité pour défendre appartient au possesseur actuel
(possession simple, originaire ou dérivée).
 Les conditions matérielles : le demandeur doit avoir été
dessaisi sans sa volonté (pas de choses confiées) d’un objet
mobilier (ou animal, mais pas argent ou titres au porteurs,
concernés par l’art. 936 CC) et le défendeur ne doit pouvoir
faire valoir d’exceptions (droit préférable ou inexistence du
droit du demandeur.
 Les conditions temporelles : le délai (de péremption) donné
au possesseur antérieur pour ouvrir l’action mobilière est
de 5 ans (art. 722 al. 1 CC). Toutefois, il existe concernant
les animaux domestiques un délai différent, fixé à 2 mois
(art. 722 al. 1 bis CC). De même, l’art. 934 al. 1 bis CC
modifie lui aussi le délai (fixé à 30 ans) pour les biens
culturels (œuvres d’art). Toutefois, en matière de biens
culturels, l’action doit être ouverte dans l’année qui suit le
moment où l’ancien possesseur a eu connaissance du lieu
où se trouve l’objet et de l’identité du possesseur de celui-ci
(art. 934 al. 1bis CC).
o Il s’agit à présent d’analyser les effets de l’action mobilière de 934
CC. En principe, l’action tend à la restitution de l’objet
(conformément aux règles relative au possesseur illégitime, art.
938-940 CC). Dans certains cas toutefois, le demandeur, en
échange de la restitution de l’objet, doit payer le prix que le
défendeur de bonne foi a lui-même payé pour acquérir l’objet (art.
934 al. 2 CC : enchères publiques, marché ou marchand d’objets de
même espèce). Cette restriction a pour but d’augmenter la sécurité

30
Droit civil II Jérémy Stauffacher

des affaires dans les trois hypothèses retenues par la loi. L’action
mobilière de l’art. 934 CC est donc ouverte à n’importe quel
possesseur antérieur, qu’il soit ou non propriétaire (présomption).
En outre, l’action de 934 CC ne se basant pas sur la mauvaise foi du
possesseur actuel, elle pourra être ouverte contre un tiers de
bonne foi. On peut résumer cela en disant que l’action de l’art. 934
CC est l’action du possesseur antérieur contre le tiers de bonne foi.
La loi avantage donc en général le possesseur antérieur. Il existe
toutefois une exception à ce principe : la spécification (art. 726
CC), qui est un cas d’acquisition de la propriété. On peut penser à
un voleur qui s’emparerait d’une certaine quantité d’or. L’or est
alors confié à un bijoutier qui en fait un bijoux. Si le possesseur
antérieur de l’or se manifeste, c’est le travail investi par le bijoutier
qui l’emportera sur la valeur de l’or non-travaillé. Dans ce genre de
cas, on donnera donc la priorité au tiers de bonne foi car il a acquis
la propriété à titre originaire en transformant (par spécification) la
matière première. Il devra donc payer la matière première mais
pourra conserver le fruit de son travail.
o Lorsque le possesseur actuel était de mauvaise foi lorsqu’il a
acquis la possession (art. 936 CC) : le critère de cette action
mobilière est la mauvaise foi de l’acquéreur. Autrement dit, pour
que cette action puisse être utilisée, l’acquéreur devait savoir que
l’aliénateur n’était pas propriétaire de la chose. Comme pour
l’action de l’art. 934 CC, il faut distinguer trois types de conditions :
 Les conditions personnelles : la qualité pour agir appartient
à tout possesseur antérieur, peu importe les circonstances
de cette dépossession (vol ou chose confiée). La qualité
pour défendre appartient au possesseur actuel de mauvaise
foi. S’il n’est plus en possession de l’objet, il reste tenu de
réparer le dommage subi par le demandeur.
 Les conditions matérielles : l’action peut concerner
n’importe quel type de choses mobilières ou n’importe quel
animal : seule compte la mauvaise foi de l’acquéreur.
Naturellement, le possesseur peut être effectivement de
mauvaise foi ou ne pas avoir été suffisamment prudent par
rapport aux circonstances du cas d’espèce (diligence). De
plus, comme pour la première action mobilière, le
défendeur ne doit pas pouvoir faire valoir d’exceptions.
 Les conditions temporelles : pour ce type d’action, il n’y a
aucun délai de péremption. L’art. 714 al. 2 CC (acquisition
de la propriété) ne s’applique donc jamais aux acquéreurs
de mauvaise foi. Un possesseur de mauvaise foi ne peut
donc jamais devenir propriétaire.

31
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’art. 936 al. 2 CC prévoit toutefois une exception : lorsque la


personne qui réclame l’objet est elle-même de mauvaise foi, elle ne
peut à valablement exiger la restitution à une seconde personne de
mauvaise foi (in pari turpitudine melior est causa possidentis : dans
la même turpitude, meilleure est la cause du possesseur). Dans ce
cas, le possesseur-défendeur de mauvaise foi l’emporte contre le
demandeur de mauvaise foi.
Précisons pour finir que si une personne dépossédée a le choix entre les deux
actions, elle devrait choisir l’art. 936 CC puisqu’il s’agit d’une action plus forte.
L’absence de délai en fait en effet un moyen plus sûr de récupérer son objet. En
fait, la voie de l’art. 934 CC est utile avant tout si le défendeur est de bonne foi.

La responsabilité du possesseur illégitime :


Les art. 938-940 régissent la responsabilité du possesseur qui n’a pas de titre à
posséder et qui doit restituer l’objet au véritable ayant droit. Il s’agit d’une lex
specialis par rapport aux règles du CO. Ces articles concernent autant les meubles
que les immeubles (portée générale) et s’appliquent surtout lorsque la
restitution est ordonnée (par le biais d’une action mobilière, d’une action
réintégrante ou d’une action en revendication) ou lorsqu’une personne devient
possesseur sur la base d’un acte non valable. Ces règles ne s’appliquent par
contre pas lorsque le droit réel ou personnel en vertu duquel une personne
possède un objet s’éteint (on applique alors les règles de l’usufruit ou du
nantissement par exemple). La question de la responsabilité du possesseur
illégitime traite de trois éléments. Il faut alors distinguer pour chacun de ces
éléments selon que le possesseur est de bonne foi (art. 938-939 CC) ou de
mauvaise foi (art. 940 CC) :
- Le droit d’usage et le droit de jouissance : il s’agit de se demander ce qu’il
advient des profits que le possesseur a tirés (fruits divers).
o Pour le possesseur de bonne foi : le possesseur de bonne foi peut
utiliser l’objet et en jouir. Il ne doit aucune indemnité à l’ayant
droit (art. 938 al. 1 CC), sous réserve de l’art. 939 al. 3 CC.
o Pour le possesseur de mauvaise foi : le possesseur de mauvaise foi
doit indemniser l’ayant droit de tous les avantages qu’il a retirés
de l’usage ou de la jouissance de l’objet (art. 940 al. 1 CC). Il doit
également indemniser l’ayant droit des fruits qu’il a négligé de
percevoir (conséquence de l’obligation de réparer tout dommage
résultat de l’indue détention). Ainsi, si le possesseur de mauvaise
foi oublie de percevoir le loyer d’un appartement, il devra tout de
même le rembourser à l’ayant droit. Il faut également précisé que
le possesseur de mauvaise foi répond même sans faute, sous
réserve de l’art. 940 al. 3 CC.

32
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Le droit de disposition : relatif à la responsabilité du possesseur en cas de


dommage, de détérioration ou d’aliénation.
o Pour le possesseur de bonne foi : le possesseur de bonne foi a le
droit de disposer de l’objet conformément à son droit présumé
(art. 938 al. 2 CC). Il ne doit donc aucune indemnité.
o Pour le possesseur de mauvaise foi : le possesseur de mauvaise foi
n’est pas en droit de disposer de la chose. Il doit donc indemniser
l’ayant droit de tout dommage résultant de l’indue détention (art.
940 al. 1 CC). On peut comparer sa situation à celle du débiteur en
demeure qui répond même du cas fortuit.
- Le remboursement des impenses : relatif aux dépenses utiles faites en
relation avec l’objet lui-même.
o Pour le possesseur de bonne foi : le possesseur de bonne foi peut
exiger le remboursement des impenses nécessaires et utiles (art.
939 al. 1 CC). Il reste toutefois nécessaire de mettre en balance les
profits réalisés et l’argent que devrait lui restituer l’ayant droit
(art. 939 al. 3 CC). Pour ce qui est des impenses somptuaires
(autres impenses), il n’a pas droit au remboursement. Il garde
toutefois le droit d’enlever ce qu’il a ajouté à l’objet si les trois
conditions suivantes sont réalisées :
 Le droit d’enlèvement doit être exercé avant la restitution.
 La séparation doit être possible sans dommage pour l’objet.
 Le demandeur n’offre pas de contre-valeur pour
l’embellissement (art. 939 al. 2 CC).
o Pour le possesseur de mauvaise foi : le possesseur de mauvaise foi
ne peut exiger que le remboursement des impenses nécessaires et
ce dans la seule hypothèse où l’ayant droit aurait aussi dû les faire
lui-même (art. 940 al. 2 CC). En général, le possesseur de mauvaise
foi a même le droit de refuser la délivrance de l’objet jusqu’au
remboursement des impenses (controversé).

6. Cours du 26 octobre 2011 :


Le registre foncier :
Le registre foncier n’est pas un livre, il s’agit d’un service public (bureaux et
arrondissements, art. 951-953 CC) chargé de donner l’état des droits en relation
avec les immeubles (art. 942 CC). Ces documents précisent qui est propriétaire
d’un immeuble et quels sont les droits réels limités qui grèvent celui-ci. Ils
renseignent également sur certains droits personnels. Il a donc pour fonction de
réaliser le principe de publicité en matière immobilière (il est donc public, art.
970 al. 1 CC). Ainsi, nul ne peut se prévaloir de ce qu’il n’a pas connu une
inscription portée au registre foncier (art. 970 al. 4 CC). De plus, l’inscription du

33
Droit civil II Jérémy Stauffacher

droit au registre du commerce est en principe nécessaire à la naissance du droit


(art. 971 al. 1 CC). On parle du principe absolu de l’inscription constitutive. Enfin,
le principe de causalité implique qu’une inscription au registre foncier ne
produit d’effets que si elle repose sur un titre d’acquisition valable. Il s’agit du
principe de la légalité matérielle de l’inscription, art. 974 CC. Il existe toutefois
une exception (art. 973 al. 1 CC) : celui qui a acquis un droit réel en se fiant de
bonne foi aux énonciations du registre foncier est maintenu dans son acquisition.
Selon l’art. 655 CC, les immeubles comprennent les biens-fonds, les parcelles, les
mines, les parts de copropriété, etc. Le registre foncier comprend également des
indications de fait par rapport aux immeubles (surface, contenu, description). Le
registre ne joue son rôle de publicité que dans le cadre des droits, pas des faits.
Cela est logique : il n’est pas nécessaire de modifier le registre foncier pour
détruire une maison ou raser une forêt sur un terrain. Les seuls faits descriptifs
qui font foi dans le registre sont les limites du terrain. Elles sont en effet
strictement fixées par le registre et cela est un fait auquel on peut se fier. Le
registre se fonde sur un principe de territorialité (principe réel, un document
pour chaque immeuble, art. 942 CC). Il existe donc un certain nombre de
principes régissant le registre foncier.
Quant à la règlementation du registre foncier, essentiellement contenue dans les
art. 942-977 CC. Ces règles ont été complétées par une ordonnance du Conseil
fédéral (22 février 1910, ORF). Il faut également ajouter le droit cantonal, qui
intervient dans certains domaines. Au final, on distingue :
- Le droit formel du registre foncier, relevant du droit administratif, qui
définit l’organisation de celui-ci et la procédure à suivre pour les
opérations à effectuer (art. 942-962 et 967-970a CC).
- Le droit matériel du registre foncier, lié au droit privé, qui régit les
conditions de fond des opérations au registre foncier ainsi que leurs effets
(art. 963-965 et 971-977 CC).

7. Cours du 2 novembre 2011 :


L’organisation du registre foncier :
Selon l’art. 953 CC, les cantons sont compétents pour régler la formation des
arrondissements du registre foncier, l’organisation des bureaux, la nomination et
le traitement des fonctionnaires ainsi que pour fixer les émoluments. Le droit
fédéral impose en effet la formation d’arrondissements pour la tenue du registre
(art. 951 al. 1 CC) mais laisse aux cantons le soin de régler la formation de ces
arrondissements. Dans chaque arrondissement doit se trouver un bureau du
registre foncier, dirigé par un conservateur du registre foncier. Enfin, les cantons
peuvent en principe percevoir des émoluments (rémunérations, sommes
d’argent) pour les opérations au registre foncier (comme d’ailleurs pour les
travaux de mensurations qui s’y rattachent, art. 954 al. 1 CC).

34
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les documents du registre foncier :


Les différents documents du registre foncier sont énumérés à l’art. 942 al. 2 CC.
On distingue deux catégories de documents, selon que ces documents produisent
ou non tous les effets du registre :
- Les documents constitutifs du registre foncier (art. 942 al. 2 CC) : ce sont
les documents officiels auxquels on peut se fier. Il s’agit :
o Du grand livre (art. 945 CC, 2-3, 8-9 ORF) : il s’agit de la base de
données fournissant les informations juridiques pour chaque
immeuble. Il existe aujourd’hui une version informatisée du grand
livre (art. 942 al. 3 CC). Dans le grand livre, chaque immeuble
reçoit un feuillet et un numéro distinct (art. 945 al. 1 CC), selon le
principe réel (un document pour un immeuble).
o Du journal (art. 2, 8 et 10 ORF) : il s’agit du livre dans lequel les
réquisitions d’opérations au registre foncier sont portées à mesure
qu’elles ont lieu et à la suite les unes des autres (art. 948 al. 1 CC).
Il s’agit donc d’un procès verbal chronologiques. L’effet de
l’inscription remonte au jour où elle a été faite au journal
(l’inscription au grand livre peut en effet prendre beaucoup de
temps et ainsi traîter inégalement les personnes).
o Des documents complémentaires : il s’agit de tous les
compléments au grand livre qui, en général, produisent les mêmes
effets que lui. Il existe 4 documents complémentaires : l’état
descriptif (indiquant la situation et la surface des immeubles, le
genre des cultures ou les bâtiments se trouvant sur un fond), les
plans, art. 950 CC (fruits de la mensuration officielle représentant
géométriquement les immeubles), les pièces justificatives, art. 948
al. 2 CC et 2 ORF (documents numérotés qui constatent les faits
juridiques sur lesquels le conservateur s’est fondé pour porter au
registre ou radier un droit ; le contrat de vente par exemple, dans
le cadre d’une vente) et le rôle (état des immeubles).
- Les registres accessoires (art. 11-13 ORF) : le but de ces registres est de
faciliter la tenue du registre foncier. Ces registres accessoires ne
produisent pas les effets du registre foncier. On peut citer le registre des
propriétaires, art. 11 ORF (il s’agit du registre inverse au registre foncier,
listant ce que chaque propriétaire possède) ainsi que le registre des
créanciers, art. 12 ORF (ce registre permet de retrouver plus facilement
les créanciers qui sont au bénéfice de gages). Enfin, l’art. 13 ORF parle
d’autres registres accessoires facultatifs, qui peuvent être mis en place
par les cantons.
Malheureusement, le registre tel qu’il a été présenté n’est pas encore totalement
en vigueur. En effet, il reste environ 15% du territoire à mesurer (les plans étant
des documents capitaux, il faut absolument terminer les mesures). Ainsi, en

35
Droit civil II Jérémy Stauffacher

attendant ce registre foncier fédéral, on applique ce qui était appliqué avant


1912. On utilisait alors des cadastres, basés sur le principe personnel (un
document par personne), au contraire du registre foncier basé sur le principe
réel. Il se pose toutefois la question des effets de ces cadastres. Lorsque ces
documents cadastraux sont bien établis, on s’y fie comme s’il s’agissait du
registre foncier (TF 46, 48 al. 1-2, GE, NE, FR, BE, etc.). Par contre, lorsque les
plans ne sont pas suffisamment précis, les cadastres ne produisent pas les effets
de la foi publique (TF 48 al. 3, VS, TI, etc.). En outre, le droit transitoire se base
également sur les règles du CC (TF 47). Les mécanismes des droits réels
s’appliquent donc partout, qu’un registre foncier fédéral existe ou non. En
résumé, c’est la forme du registre qui change mais pas le fond. Au final, précisons
que le registre foncier peut être tenu sur papier ou au moyen de l’informatique
(art. 942 al. 3 CC). Lorsque le registre est informatisé (art. 111 ORF), le système
étant complexe, la loi définit à quelles conditions les données contenues peuvent
produire des effets juridiques :
- Les données doivent être correctement enregistrées dans le système.
- Les appareils de l’office du registre foncier doivent permettre la lecture
des données sous forme de chiffres et de lettres par des procédés
techniques, ou sous forme de plan (art. 942 al. 4 CC).
Ainsi, les données relatives à un immeuble ne produisent les effets du grand livre
(en particulier la foi publique au sens de l’art. 973 CC) que si elles sont sécurisées
dans le système, au sens de l’art. 111i ORF, et si le système ne permet de les
modifier qu’au moyen d’une nouvelle procédure de traitement règlementée,
selon l’art. 111g ORF et l’art. 111b al. 1 ORF.

8. Cours du 9 novembre 2011 :


La publicité du registre foncier :
Le registre foncier est public. L’art. 970 CC régit la communication de
renseignements et la consultation du registre foncier alors que l’art. 970a CC
permet aux cantons de publier les acquisitions de propriété immobilières. Ce
sont principalement ces deux art. qui traitent du principe de publicité du registre
foncier. On distingue en outre deux types de données :
- Les données librement accessibles : selon l’art. 970 al. 2 CC, toute
personne a accès à la désignation d’un immeuble, à son descriptif, au nom
et à l’identité de son propriétaire ainsi qu’au type de propriété et à la date
d’acquisition de celle-ci. De plus, sur la base de 970 al. 3 CC, le CF a
autorisé la libre consultation des servitudes et des charges foncières ainsi
que de la plupart des mentions (art. 106a al. 1 ORF). Les données
librement accessibles doivent toutefois toujours être demandées en
relation avec un immeuble déterminé.

36
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Les autres données : l’art. 970 al. 1 CC précise que celui qui fait valoir un
intérêt a le droit de consulter le registre foncier ou de s’en faire délivrer
des extraits. Cela permet d’éviter que le registre foncier ne soit utilisé
dans un motif de pure curiosité et allège la charge de travail du
conservateur. Ainsi, sauf si le propriétaire consent à la consultation
d’éléments du registre le concernant, la consultation du registre n’est
ouverte qu’à la personne qui justifie d’un intérêt digne de protection
(intérêt juridique ou économique, scientifique, journalistique, personnel
voire même familial). L’intéressé peut alors prendre connaissance du
contenu du registre par consultation ou par demande d’extrait du registre
foncier (titres publics ne bénéficiant toutefois pas de la foi publique).
Les cantons peuvent publier les acquisitions de propriété immobilière (art. 970a
al. 1 CC). Ils déterminent alors librement les modalités de la publication
(publication ou non de la contre-prestation reçue par l’aliénateur). Concernant
les effets de la publicité au registre foncier, selon l’art. 970 al. 4 CC, nul ne peut se
prévaloir de ce qu’il n’a pas connu une inscription portée au registre foncier. Il
s’agit donc d’une fiction. La bonne foi de celui qui prétendrait ignorer le contenu
du registre ne peut être retenue car elle est incompatible avec l’attention que les
circonstances permettaient d’exiger de lui (art. 3 al. 2 CC, principe de diligence).

La surveillance du registre foncier :


La surveillance du registre est réglée par les cantons (art. 953 CC), qui doivent
instituer une autorité de surveillance, chargée d’exécuter les tâchées listées par
les art. 956-957 CC. La Confédération exerce en outre une haute surveillance sur
la tenue du registre. L’autorité de surveillance cantonale peut être soit une
autorité spécialement constituée (type collégial), soit une autorité qui exerce
également d’autres tâches (tribunal par exemple). Les organes de surveillance
ont des fonctions de deux ordres :
- Une fonction de surveillance générale, exercée par le biais d’une
surveillance régulière (art. 956 al. 1 CC) et par l’exercice du pouvoir
disciplinaire (art. 957 CC).
- Une fonction juridictionnelle : les décisions du conservateur peuvent faire
l’objet d’une plainte à l’autorité de surveillance (ou à l’autorité judiciaire
désignée par la loi).
La surveillance fédérale, quand à elle, est exercée par l’Office fédérale chargé du
droit du registre foncier (haute surveillance portant principalement sur des
questions techniques) et par le TF. Le TF est la juridiction de recours contre les
décisions des autorités cantonales de surveillance (art. 102 al. 1 ORF). Il est saisi
par la voie du recours en matière civile (art. 72 al. 2 LTF) ou par un recours
constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF).

37
Droit civil II Jérémy Stauffacher

La responsabilité pour la tenue du registre foncier :


Les cantons sont responsables de tout dommage résultat de la tenue du registre
foncier (art. 955 al. 1 CC). Le lésé doit donc diriger l’action en responsabilité
contre les cantons directement. Le canton dispose de son côté d’un droit de
recours contre les fonctionnaires, employés et autorités de surveillance
immédiate qui ont commis une faute. Ce système assure donc au lésé une
protection particulièrement efficace, expliquée notamment par l’importance des
intérêts en jeu, par l’obligation pour les particuliers de faire appel aux
institutions du registre foncier, par le risque de paralyser l’esprit d’initiative des
agents du registre foncier en leur faisant supporter une responsabilité primaire
(si les fonctionnaires étaient placés en première ligne) et par la difficulté de
découvrir, le cas échéant, l’auteur du préjudice.
La qualité pour agir au moyen d’une action en responsabilité appartient à toute
personne subissant un dommage résultat de la tenue du registre foncier. La
qualité pour défendre appartient au canton sur le territoire duquel a eu lieu la
gestion illicite du registre. La responsabilité du canton est alors engagé si un acte
relevant de la tenue du registre foncier est illicite et a causé un dommage. La
faute (des organes du registre foncier) n’est donc pas nécessaire. Reprenons les
trois conditions :
- Un acte relevant de la tenue du registre foncier : la tenue du registre est
l’ensemble des activités que les organes du registre foncier doivent
déployer pour assurer la publicité foncière telle qu’elle est prévue par le
droit fédéral ou cantonal. On peut donc citer les opérations faites dans le
grand livre, le journal, les documents complémentaires et les documents
accessoires, l’émission ou la radiation des titres de gage (art. 857 et 864
CC), la consultation du registre et la délivrance d’extraits ou encore la
conservation des pièces justificatives.
- Un acte illicite : l’illicéité suppose deux éléments :
o La violation d’une prescription relative à la publicité foncière et
destinée à protéger les intérêts du lésé : une norme, légale ou
règlementaire, relative à la tenue du registre foncier doit avoir été
violée. La norme doit ensuite avoir pout but de protéger les
intérêts du lésé. Tel n’est pas le cas des normes sur l’organisation
interne du registre ou sur les indications à faire figurer dans l’état
descriptif (sauf la surface).
o L’absence de motifs légitimes : le lésé ne doit ainsi pas avoir par
exemple consenti à l’acte dommageable. De même, si les organes
cantonaux se sont conformés à une directive de l’Office fédéral
chargé du droit du registre foncier, il ne sera pas possible
d’attaquer les organes cantonaux, mais plutôt directement la
Confédération (il s’agirait alors d’engager la responsabilité de la
confédération plutôt que celle du canton).

38
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Un acte causant un dommage : la responsabilité ne vise que la réparation


d’un dommage, comme par exemple les frais d’un procès perdu en raison
des manquements dans la tenue du registre foncier. Il doit naturellement
y avoir un lien de causalité naturelle et adéquate entre le manquement
dans la tenue du registre et le dommage subi par le lésé.
Précisons enfin que le délai de prescription est celui fixé par l’art. 60 CO (10 ans)
et que les cantons disposent d’un droit de recours (action récursoire) contre les
fonctionnaires, employés et autorités de surveillance qui ont commis une faute
(art. 955 al. 2 CC). Cela signifie que les cantons peuvent se retourner contre les
fonctionnaires seulement si ceux-ci ont commis une faute.

Les opérations au registre foncier :


Il existe 4 opérations au registre :
- L’immatriculation des immeubles : il s’agit de l’ouverture d’un feuillet
pour un immeuble au grand livre. L’immatriculation crée donc une unité
foncière, un objet de droits réels immobiliers (principe réel : un feuillet
correspond à un immeuble). On distingue 5 types d’immatriculation,
répartis en deux catégories, l’immatriculation des immeubles du domaine
privé pour les 4 premières, et l’immatriculation des immeubles publics
pour la dernière :
o L’immatriculation d’un biens-fonds : un bien-fonds est une surface
de terrain ayant des limites déterminées de façon suffisante (art. 3
al. 2 ORF). Comme il s’agit d’un objet distinct de droits réels, son
immatriculation n’est possible que s’il n’est l’objet que d’un seul
droit de propriété et si les droits réels limités qui le grèvent
portent sur le bien-fonds dans son ensemble. En général, les biens-
fonds doivent être immatriculés d’office (art. 3 al. 1 ORF).
L’immatriculation nécessite un plan, l’ouverture d’un feuillet et un
état descriptif (art. 1 ORF). Chaque immeuble reçoit alors un
feuillet et un numéro distincts dans le grand livre. Il faut encore
parler à propos des biens-fonds de division et de réunion :
 La division de biens-fonds : par division, on peut
comprendre soit la distraction d’une partie du bien-fonds,
avec maintien de l’ancien feuillet pour le reste (art. 85 al. 1
ORF), soit le parcellement , qui suppose la clôture de
l’ancien feuillet et la création d’un nouveau feuillet pour
chaque nouvelle parcelle (art. 85 al. 2 et 96 ORF).
 La réunion de biens-fonds : la réunion suppose la clôture
des anciens feuillets (art. 91-92 et 96 ORF) et l’adjonction,
qui est l’accroissement du bien-fonds primitif, qui conserve
le même numéro (art. 93 ORF).

39
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o L’immatriculation des droits distincts et permanents : ce type


d’immatriculation ne porte pas sur des réalités physiques mais sur
des droits (droit de superficie par exemple ou droits visés par l’art.
943 al. 1 ch. 2 CC). Le but de cette immatriculation est de dissocier
la valeur économique de la construction pour en faire un objet de
droit qui va pouvoir se traîter juridiquement. Lorsque ces droits
sont immatriculés au registre foncier, on les considère comme des
immeubles (art. 655 CC). L’art. 943 al. 1 ch. 2 CC vise avant tout :
 Les servitudes immobilières personnelles improprement
dites (principal), comme les droits de superficie et les droits
de sources (art. 943 al. 2 CC et 7 ORF).
 Les charges foncières personnelles (controversé).
 Les concessions octroyées sur les eaux publiques.
 Certains droits relevant de la législation cantonale.
De plus, comme précisé, ces droits doivent être des droits distincts,
c’est-à-dire des droits établis ni en faveur du propriétaire actuel du
fonds dominant, ni exclusivement en faveur d’une personne
déterminée (art. 7 al. 2 ch. 1 ORF). Ils doivent également être
permanents, et donc être établis pour 30 ans au moins ou pour une
durée indéterminée (art. 7 al. 2 ch. 2 ORF). Ces droits ne sont
toutefois immatriculés que sur demande écrite de leur titulaire
(art. 7 al. 1 ORF), au contraire des biens-fonds. Le consentement du
propriétaire du fond grevé n’est en outre pas nécessaire, pas plus
que celui d’autres titulaires de droits réels.
o Les mines : peu présentes en Suisse, les concessions minières
accordées par les cantons à des exploitants doivent être
immatriculées au grand livre. Les mines ne sont pas considérées
comme des terrains mais comme des droits d’exploitation. On peut
donc séparer la valeur du terrain et la valeur de la mine. La
technique est la même que pour les droits distincts et permanents
(dissociation de la valeur).
o Les parts de copropriété d’un immeuble : le mécanisme n’est pas
tout à fait le même que pour les droits distincts et permanents.
L’art. 655 CC précise entre autre que l’immatriculation des parts
de copropriété n’est pas une condition pour avoir la qualité
d’immeuble (au contraire des droits distincts et permanents). Le
but de cette immatriculation est de pouvoir traiter la valeur de la
part de copropriété indépendamment du biens-fonds lui-même et
des autres parts de copropriété. Il s’agit donc encore une fois de
créer un objet de droit indépendant. Ainsi, si une maison est la
propriété de trois copropriétaires, il existe un immeuble matériel
(le terrain) mais trois immeubles juridiques. Chaque
copropriétaire peut grever sa part de copropriété sans mettre en

40
Droit civil II Jérémy Stauffacher

danger la part de l’autre ou le biens-fonds en lui-même. Ces


différents processus permettent donc d’assouplir le système
juridique. Pour les parts de PPE, l’immatriculation est obligatoire
(art. 10a al. 2 ORF). En pratique, l’immeuble de base n’a pas de
propriétaire : le grand livre liste les parts de PPE mais pas les
copropriétaires. Les parts de copropriété par contre ne doivent
pas forcément être immatriculées (art. 10a al. 1 ORF).
L’immatriculation doit être faite si la situation juridique est assez
technique ou compliquée et rend donc l’immatriculation
nécessaire (présence de gages).
o Les immeubles publics : en principe, les immeubles qui ne sont pas
propriété privée et ne servent à l’usage public ne sont pas
immatriculés. Toutefois, il existe une exception en matière
d’immeubles appartenant à la collectivité publique. Leur
immatriculation est nécessaire afin de rendre possible l’inscription
de droits réels de nature privée. Elle peut également être prévue
directement par les cantons, pour obtenir une vue d’ensemble des
différents immeubles entre autre.
- L’inscription : ce sont des indications relatives aux droits réels qui
constituent les données les plus importantes que l’on trouve sur le feuillet
du grand livre. Ainsi, la plupart des droits réels immobiliers (art. 946 al. 1
CC) sont liés à une inscription au registre foncier. Dans certains cas,
l’inscription est nécessaire pour que le droit soit acquis ou transféré
(inscription constitutive) alors que dans d’autres cas, le droit existe de
par la loi, mais doit tout de même être inscrit pour être opposable aux
TdBF et pour que son titulaire puisse en disposer (inscription
déclarative). Précisons tout de même que certains droits réels
immobiliers existent (hypothèques légales directes) ou sont transférés
(droits de gage, servitudes personnelles cessibles ou charges foncières
personnelles) indépendamment d’une inscription. Dans les cas où
l’acquisition et / ou le maintien du droit réel immobilier sont liés au
registre foncier, on distingue entre l’inscription constitutive et
l’inscription déclarative :
o L’inscription constitutive (art. 963 al. 1 CC) : l’inscription est
constitutive lorsqu’elle est nécessaire à l’acquisition du droit réel
considéré (principe absolu de l’inscription, art. 963 al. 1 CC).
L’inscription constitutive est en générale la dernière étape du
processus d’acquisition dérivé d’un droit réel immobilier. Elle
constitue en fait l’acte matériel dans le processus d’acquisition.
Avant cela, il faut donc un titre d’acquisition (vente ou contrat
constitutif de servitude) puis une opération d’acquisition, divisée
en un acte de disposition (réquisition au registre foncier) et en un
acte matériel, l’inscription à proprement parler.

41
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o L’inscription déclarative (art. 963 al. 2 CC) : l’inscription n’est pas


nécessaire à l’acquisition du droit réel considéré mais joue tout de
même un rôle pour le maintien ou l’exercice du droit (principe
relatif de l’inscription, art. 963 al. 2 CC). L’inscription n’a donc pour
but que de mettre le registre en accord avec la réalité juridique.
Toutefois, tant que le nouveau titulaire du droit n’est pas inscrit au
registre, il ne peut disposer de son droit car il n’a pas le pouvoir
formel de disposer. De même, il court le risque de perdre son droit
par suite de l’acquisition d’un droit réel par un TdBF. Enfin, le
titulaire du droit ne bénéficie pas de la présomption attachée à
l’inscription dans un registre public.
Pour déterminer les cas dans lesquels une inscription constitutive ou
déclarative est requise, il faut se tourner vers les différentes dispositions
du CC, qui précisent en général pour chaque situation le type d’inscription
nécessaire. La règle est que l’acquisition se fait selon le principe absolu,
mais il existe bon nombre d’exceptions. Comme on l’a vu plus haut, les
inscriptions (à caractère déclaratif comme à caractère constitutif)
requiert deux conditions, un titre d’acquisition et une opération
d’acquisition (avec une réquisition en tant qu’acte de disposition et
l’inscription en elle-même en tant qu’acte matériel) :
o Les inscriptions à caractère constitutif :
 Le titre d’acquisition peut alors être un acte juridique (un
contrat générateur de l’obligation de transférer un
immeuble ou de le grever d’un droit réel limité), la loi (sous
forme d’une hypothèque légale indirecte, autrement dit une
créance propter rem) ou une déclaration unilatérale du
propriétaire de l’immeuble (le titre d’acquisition réside
donc dans la volonté manifestée du propriétaire).
 L’acte de disposition : la réquisition : il faut alors distinguer
selon le type de titre d’acquisition :
 Acte juridique : la réquisition est alors un acte de
disposition causal (valable que si l’acte juridique
l’est également) par lequel le propriétaire de
l’immeuble dispose de l’immeuble, en le transférant
à un tiers ou en constituant un droit réel limité. La
réquisition d’inscription ne peut en outre pas être
retirée unilatéralement. Quant aux conditions, le
requérant doit avoir le pouvoir de disposer
(condition de fond, en lien direct avec la qualité de
propriétaire de l’immeuble, art. 963 al. 1 CC). La
réquisition doit ensuite indiquer séparément chaque
inscription à faire (art. 12 al. 2 ORF), dans l’ordre
(art. 12 al. 3 ORF), et être faite par écrit (art. 13 al. 1

42
Droit civil II Jérémy Stauffacher

ORF). Cela est possible si le requérant signe une


formule de réquisition directement au bureau du
registre foncier (art. 13 al. 2 ORF). La réquisition
peut également être faite par un représentant (art.
16 ORF). Enfin, selon l’art. 963 al. 3 CC, les cantons
peuvent charger les officiers publics de requérir les
inscriptions des actes reçus (art. 16 al. 3 ORF).
 Loi : la réquisition d’inscription de l’hypothèque
légale indirecte obéit aux mêmes règles que la
réquisition fondée sur un acte juridique, sous
réserves des éléments suivants :
o La personne habilitée à requérir n’est pas le
propriétaire de l’immeuble mais le futur
titulaire de l’hypothèque. Ce dernier dispose
donc d’une sorte de pouvoir de disposer de
l’immeuble d’autrui.
o La réquisition doit souvent avoir lieu dans
un certain délai (art. 839 al. 2 CC).
o La réquisition d’inscription est un acte
unilatéral qui peut être révoqué tant que
l’inscription au grand livre n’a pas eu lieu.
 Déclaration unilatérale : là encore, les règles sont les
mêmes que lorsque la réquisition repose sur un acte
juridique, sauf :
o La réquisition consiste normalement en une
demande écrite du propriétaire (art. 20
ORF). Pour la constitution d’une PPE
toutefois, la demande doit être constatée en
la forme authentique ou dans les formes du
testament ou d’un pacte successoral (art.
712d al. 3 CC).
o La réquisition d’inscription est un acte
unilatéral qui peut être révoqué tant que
l’inscription au grand livre n’a pas eu lieu.
Selon l’art. 965 al. 1 CC, l’inscription ne peut avoir lieu sans
légitimation préalable du requérant quant à son droit de
disposition et quant au titre sur lequel il fonde l’opération. Par
rapport au droit de disposition, la légitimation du requérant porte
sur les points suivants :
 Identité : le requérant établit son droit de disposition en
prouvant son identité avec la personne légitimée aux
termes du registre (art. 13a ORF et 965 al. 2 CC).

43
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 Qualité pour recourir : le requérant doit ensuite prouver


qu’il est la personne légitimée à requérir l’inscription (art.
15 al. 1 ORF). Il doit donc prouver qu’il est bien le
propriétaire inscrit (art. 15 al. 2 ORF), lorsque le titre
d’acquisition est un acte juridique ou une déclaration
unilatérale, ou qu’il est bien le titulaire de la créance
propter rem en cas d’hypothèque (titre d’acquisition : loi).
 Capacité civile : le requérant doit établir qu’il a la capacité
civile passive (art. 11 et 53 CC) et active (art. 12-19 CC). En
outre, si le conjoint est marié et que l’immeuble aliéné peut
servir de logement familial, soit les conditions de l’art. 169
CC ne doivent pas être remplies, soit le conjoint ou le juge
doivent avoir autorisé l’aliénation de l’immeuble en cause.
 Pouvoir de représentation : seulement pour les cas où le
propriétaire de l’immeuble se fait représenter.
 Compétence de l’autorité ou du fonctionnaire : seulement
pour les cas où ce sont les autorités cantonales qui
requièrent l’inscription de l’immeuble.
Quant à la légitimation par rapport au titre d’acquisition, l’art. 965
al. 3 CC dit que le requérant justifie son titre d’acquisition en
prouvant que les formes auxquelles la validité de celui-ci est
subordonnée ont été observées. Le requérant doit donc toujours
établir l’existence d’un titre d’acquisition (art. 965 al. 1 CC) et
ensuite démontrer, dans une certaine mesure, la validité matérielle
du titre. La légitimation varie ensuite en fonction du titre :
 Acte juridique : la légitimation consiste dans le dépôt de
l’acte en mains du conservateur (art. 18-19 ORF).
 Loi : le requérant doit prouver que les conditions de la
créance tendant à la constitution de l’hypothèque légale
sont remplies (art. 22-22a ORF).
 Déclaration unilatérale : la pièce justificative est alors
directement la réquisition en elle-même (art. 20 ORF).
o Les inscriptions à caractère déclaratif : les inscriptions déclaratives
exigent un titre d’acquisition et une opération d’acquisition (avec
une réquisition en tant qu’acte de disposition et l’inscription en
elle-même en tant qu’acte matériel) :
 Le titre d’acquisition : il s’agit de la loi.
 L’acte de disposition : la réquisition : les règles sont les
mêmes que l’acquisition par acte juridique selon le principe
absolu, sous réserves des points suivants :
 C’est l’acquéreur du droit qui a qualité pour requérir
l’inscription et non pas le titulaire du droit.

44
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 La réquisition d’inscription est un acte unilatéral qui


peut être révoqué tant que l’inscription au grand
livre n’a pas eu lieu.
- L’annotation (art. 959-961a CC) : d’une manière générale, l’annotation est
une opération qui confère à un rapport juridique des effets apparentés à
ceux des droits réels ou qui constatent que de tels droits existent. Il faut
distinguer trois espèces d’annotations :
o Les annotations des droits personnels (art. 959 CC) : ces
annotations ne sont faites que si elles sont expressément prévues
par la loi (art. 959 al. 1 CC). Ainsi, les cas d’annotations de droits
personnels sont les suivants :
 Les droits de préemption, d’emption et de réméré (art.
216a CO et 712c al. 1 CC).
 Le droit au bail, à loyer ou à ferme (art. 261b et 290 CO).
 Le droit de profiter des cases libres (art. 814 al. 3 CC).
 Le droit de retour en cas de prédécès du donataire (art. 247
CO et 71 al. 1 ORF ; droit personnel controversée).
 Le droit d’opposition en matière de PPE (art. 712c al. 2 CC).
 La convention excluant temporairement le partage d’une
copropriété (art. 650 CC).
 La convention supprimant un droit légal de préemption
(art. 681b CC).
 La convention dérogeant au régime légal en fin de droit de
superficie (art. 779e CC).
o Les annotations des restrictions du droit d’aliéner (art. 960 CC) :
l’art. 960 CC prévoit alors trois hypothèses :
 L’annotation d’une décision officielle, rendue pour la
conservation de droits litigieux ou de prétentions
exécutoires (art. 960 ch. 1 CC).
 L’annotation d’une saisie (art. 960 ch. 2 CC).
 L’annotation d’autres actes juridiques (art. 960 ch. 3 CC).
o Les annotations des inscriptions provisoires (art. 961 CC) : là
encore, trois groupes de cas sont prévus :
 Les inscriptions provisoires en vue de la conservation d’un
droit réel allégué : celui qui allègue un droit réel est
autorités à en demander l’inscription provisoire (art. 961 al.
1 ch. 1 CC). L’inscription provisoire permet d’éviter le
risque qu’un tiers n’acquière de bonne foi un droit réel sur
l’immeuble en se fiant à l’inscription pas encore à jour
figurant au registre (procès pour droit réel contesté).
 Les inscriptions provisoires afin de permettre un
complément de légitimation : selon l’art. 966 al. 2 CC,
lorsqu’une réquisition devrait être rejetée parce que le

45
Droit civil II Jérémy Stauffacher

requérant n’a pas justifié suffisamment de son droit de


disposition, il est possible de procéder à une inscription
provisoire du droit (art. 961 al. 1 ch. 2 CC).
 Les inscriptions provisoires d’hypothèques légales :
l’inscription provisoire des hypothèques légales indirectes
est prévue par les art. 22 al. 4 et 22a ORF.
Tout comme pour les inscriptions, il est nécessaire de distinguer les
annotations constitutives des annotations déclaratives. Les premières
sont nécessaires pour que l’effet prévu par la loi se produise (même à
l’égard des TdMF). Dans le cas des deuxièmes, l’effet existe même avant
l’annotation et celle-ci sert à éviter qu’un TdBF puisse échapper aux effets
prévus par la loi. Comme en matière d’inscription, la plupart des
annotations sont constitutives. On peut notamment mentionner les
annotations déclaratives suivantes : les annotations de saisie (art. 960 al.
1 ch. 2 CC), les annotations d’un droit réel allégué (art. 961 ch. 1 al. 1 CC),
les annotations d’une substitution fidéicommissaire (art. 960 al. 1 ch. 3 et
490 al. 2 CC) et les annotations d’un jugement ordonnant une annotation
(art. 665 CC, appliqué par analogie). Les conditions et la procédure des
deux types d’annotation sont les suivantes :
o Conditions et procédure en matière d’annotations constitutives :
l’annotation n’est possible que s’il existe un titre d’annotation (acte
juridique, décision officielle ou loi) suivi d’une réquisition émanant
de la personne compétente (le propriétaire dont la liberté est
limitée par l’annotation).
o Conditions et procédure en matière d’annotations déclaratives :
l’art. 963 al. 2 CC s’applique par analogie aux annotations
déclaratives. Le titre d’annotation peut être l’un des 4 éléments
cités ci-dessus (types d’annotation déclarative).
Pour terminer, il est nécessaire d’examiner les effets des annotations.
Selon les art. 959 al. 2, 960 al. 2 et 961 al. 2 CC, les annotations ont pour
conséquence de rendre le droit ou la restriction annotée opposables à
tout droit postérieurement acquis sur l’immeuble. L’effet principal des
annotations est donc de restreindre le pouvoir de disposer du
propriétaire. Cela n’est toutefois pas le seul effet produit par les
annotations, on parle également de l’effet de rattachement entre le droit
annoté propter rem et l’immeuble. Voyons donc ces deux effets :
o La restriction du pouvoir de disposer : le droit ou le rapport
juridique annotés auront, au besoin, la priorité sur les droits
postérieurement acquis sur l’immeuble. La restriction n’empêche
donc pas le propriétaire de transférer son immeuble ou de le
grever de droits réels limités (art. 961a CC). Elle se distingue donc
du blocage du registre foncier qui interdit toute opération
ultérieure sur le feuillet concerné. Il s’agit de l’effet typique des

46
Droit civil II Jérémy Stauffacher

annotations. Seules 5 types d’annotation ne produisent pas cet


effet : le droit d’opposition en matière de PPE (art. 712c al. 2 CC),
l’exclusion du partage de la copropriété (art. 650 CC), la
suppression des droits de préemption légaux (art. 681b CC), la
dérogation au régime légal en fin de droit de superficie (art. 779e
CC et la clause de transfert de la qualité d’associé d’une société
coopérative (art. 850 al. 3 CO). L’opposabilité aux tiers de
manifeste de 4 manières :
 Opposabilité à des mesures postérieures d’exécution forcée
(notamment en cas de saisie ou de faillite).
 Opposabilité à des droits ou restrictions annotés
postérieurement (principe de la priorité dans le temps
valable également entre droits ou restrictions annotés).
 Opposabilité aux droits réels limités constitués
postérieurement (seulement si le droit réel limité est
incompatible avec le droit annoté, art. 812 CC).
 Opposabilité à l’acquisition postérieure de la propriété par
un tiers.
o L’effet de rattachement : au contraire de l’effet typique, l’effet de
rattachement ne limite pas juridiquement la liberté de disposer du
propriétaire. Cette annotation a pour effet que l’acquéreur de
l’immeuble doit reprendre le rapport juridique qui a fait l’objet de
l’annotation (rapport lié à la propriété de l’immeuble). Les
annotations qui produisent un effet de rattachement sont celles
visées par l’art. 959 CC :
 Les annotations qui ne produisent pas l’effet typique : ce
sont les 5 types d’annotation listés précédemment. Ces
annotations ont donc pour seul but de rendre les
conventions annotées opposables aux tiers, mais pas de
restreindre le pouvoir de disposer du propriétaire.
 Les annotations visées par l’art. 959 CC (produisant déjà
l’effet typique) produisent aussi l’effet de rattachement.
- La mention : il s’agit d’une indication signalant dans le grand livre un
rapport juridique qui est en relation avec l’immeuble, mais dont
l’existence n’est en principe pas liée au registre foncier. Le but principal
de la mention est ainsi d’informer les utilisateurs du registre et de faciliter
les transactions immobilières. Seuls les art. 946 al. 2 et 962 CC rappellent
la possibilité de mentionner les accessoires de l’immeuble et certaines
restrictions de la propriété fondées sur le droit cantonal. Les mentions
doivent en outre être prévues par la loi (on ne peut pas mettre ce qu’on
veut dans le registre foncier). On peut par exemple mentionner, en droit
privé, les accessoires (art. 946 al. 2 et 805 CC), le règlement d’une
copropriété (art. 647 et 712g al. 3 CC), l’interdiction de disposer (art. 178

47
Droit civil II Jérémy Stauffacher

al. 3 CC) et le représentant légal (art. 962a CC) ou, en droit public, la
restriction de la propriété d’un immeuble (art. 962 al. 1 CC), les éléments
liés au droit foncier rural (art. 86 LDFR) et certains aspects de la loi sur la
prévoyance professionnelle (art. 30e al. 2 LPP). Comme les inscriptions et
les annotations, les mentions doivent reposer sur un titre d’acquisition (la
loi ou un acte juridique). La mention en elle-même est opérée soit d’office,
soit sur réquisition, selon ce que prévoit la règle matérielle applicable.
L’effet de la mention est en principe uniquement d’informer sur
l’existence du rapport juridique concerné. Cela signifie que,
conformément à l’art. 970 al. 4 CC (appliqué par analogie), nul ne peut se
prévaloir de ce qu’il n’a pas connu une mention portée au registre. La
mention n’a par contre pas de conséquence sur le rapport juridique en
question. L’existence et le contenu de ce dernier sont indépendants de la
mention. On peut toutefois citer l’exception de la mention des accessoires
(art. 805 al. 2 CC) qui fait présumer de la qualité d’accessoire. Cela signifie
que la mention inverse le fardeau de la preuve en matière d’accessoires.
De même, la mention des droits réels constitués avant 1912 produit en
réalité les effets d’une inscription déclarative (présomption d’existence
du droit mentionné et exclusion de la bonne foi du TdBF).

9. Cours du 16 novembre 2011 :


Ces 4 opérations peuvent être modifiées (la modification n’est pas véritablement
une opération car elle prend soit la forme d’une radiation car elle limite un droit,
soit la forme d’une inscription car elle étend la portée d’un droit) ou supprimées
(radiation). En matière d’inscription, on distingue les radiations extinctives et les
radiations rectificatives. Une radiation est une opération qui supprime une
inscription lorsque celle-ci n’a pas ou plus de justification. On dit qu’une
radiation est extinctive si elle est nécessaire pour entraîner la perte du droit
inscrit et qu’elle est rectificative si elle a pour but de remettre le registre foncier
en accord avec la réalité juridique (le droit inscrit n’a alors jamais existé ou s’est
déjà éteint, indépendamment de la radiation de l’inscription). On peut comparer
la radiation extinctive (art. 964, 969 CC) à l’inscription constitutive et la
radiation rectificative (par analogie, art. 963 al. 2 CC) à l’inscription déclarative.
Il est également possible de bloquer le registre foncier (art. 56 ORF). Le blocage
est une interdiction faite au conservateur du registre de procéder à des
opérations sur un feuillet déterminé du grand livre. Il est en général ordonné par
une autorité (juge, art. 178 al. 3 CC) mais résulte parfois de la loi et doit alors être
mis en œuvre d’office par le conservateur (art. 841 al. 3 CC). Le blocage a pour
conséquence le refus de donner suite aux réquisitions de procéder à des
opérations constitutives de droits. Cela signifie que les opérations n’ayant qu’une
portée déclarative peuvent être effectuées. Lorsque le blocage est ordonné sur la

48
Droit civil II Jérémy Stauffacher

base du droit cantonal, il doit être justifié par des motifs d’intérêt public et ne pas
être contraire au sens et à l’esprit du droit fédéral. Le but recherché par le
blocage ne doit donc pas pouvoir être atteint autrement que par cette mesure.
10. Cours du 23 novembre 2011 :
Décisions du conservateur et recours :
En principe, le conservateur n’agit que sur réquisition (art. 11 ORF). Le
conservateur doit successivement se prononcer sur la recevabilité de la
réquisition, puis le bien-fondé et rend pour finir une décision au sujet de
l’opération requise :
- Recevabilité de la réquisition : la réquisition parvenue au registre foncier
doit être immédiatement portée au journal (art. 948 CC et 14 ORF). Le
conservateur doit toutefois tout d’abord analyser la recevabilité de la
réquisition. Il doit donc se demander si la demande qui lui est faite
présente les caractéristiques d’une réquisition (art. 11 ss ORF).
L’éventuelle décision d’irrecevabilité est alors communiquée au
requérant et à tout intéressé et peut être attaquée par la voie du recours à
l’autorité de surveillance (art. 104 ORF).
- Bien-fondé de la réquisition : le conservateur doit s’assurer le plus vite
possible (art. 26 al. 2 ORF) que les conditions de légitimation fixées par
l’art. 965 CC sont remplies. Selon le principe absolu, la légitimation doit
exister au moment où la réquisition a été faite, car l’effet de l’inscription
remonte à l’inscription au journal (art. 972 CC et 26 al. 4 ORF). Le
conservateur ne doit donc pas prendre en considération la faillite ou le
décès du requérant survenus après la réquisition. Selon le principe relatif,
c’est au moment de l’inscription au grand livre que la légitimation doit
exister. De ce fait, le législateur doit tenir compte des modifications
intervenues depuis l’inscription au journal. Le conservateur doit donc
vérifier si les conditions des art. 966 al. 1 et 955 CC sont respectées. Il
contrôle donc à titre principal le droit de disposition du requérant et la
validité du titre d’acquisition. Le pouvoir de contrôle du conservateur
n’est toutefois pas illimité : concernant le titre d’acquisition, le contrôle
porte sur l’observation des formes auxquelles la validité de l’acte est
subordonné et sur les questions de fond (art. 965 al. 3 CC).
- Décision relative à l’opération requise : le conservateur peut alors rendre
trois types de décision :
o L’admission de la réquisition : le conservateur procède donc à
l’opération requise. Cette décision passe immédiatement en force
et ne peut pas faire l’objet d’un recours à l’autorité de surveillance.
Sauf si tous les intéressés y consentent, une modification de
l’opération effectuée ne peut être opérée que par la voie du
redressement du registre (action en rectification, art. 975 CC). Le

49
Droit civil II Jérémy Stauffacher

conservateur doit en outre aviser les intéressés de toute opération


au grand livre les concernant (art. 969 al. 1 CC).
o Le rejet de la réquisition : si les conditions de l’opération requise
ne sont pas remplies, le conservateur doit rejeter la réquisition
(art. 966 al. 1 CC et 24 al. 1 ORF), décision sujette à recours.
o La suspension de la procédure : dans certains cas, le conservateur
n’est pas obligé de rejeter directement la réquisition, il peut
suspendre la procédure afin que le requérant corrige les erreurs.
Cette suspension peut être autorisée par la loi ou par la pratique.

11. Cours du 30 novembre 2011 :


Les voies de recours contre les décisions du conservateur :
Le recours à l’autorité de surveillance n’est ouvert que si la loi ne prévoit pas la
voie judiciaire (art. 956 al. 2 CC). En principe donc, seule la voie judiciaire est
possible lorsque le conservateur a procédé à une opération au grand livre
(redressement du registre foncier). Les autres décisions (rejet d’une réquisition,
décision d’irrecevabilité, refus de délivrer un extrait ou d’autoriser la
consultation du registre, etc.), par contre, peuvent être attaquées par un recours
à l’autorité de surveillance, puis éventuellement par un recours au TF. Les
différentes conditions du recours à l’autorité de surveillance sont les suivantes :
- Conditions personnelles : la qualité pour recourir appartient à toute
personne touchée par la décision attaquée et qui a un intérêt digne de
protection à ce que cette décision soit annulée (art. 103-104 ORF). Le
recours est dirigé contre le conservateur du registre foncier. Les
personnes dont les droits sont en opposition avec ceux du recourant et
étant directement touchés par la décision rendue sont eux aussi parties à
la procédure et peuvent dès lors se déterminer sur le recours.
- Conditions matérielles : il y a deux conditions matérielles :
o Nature de la décision attaquée : toutes les décisions du
conservateur du registre foncier (sauf l’acceptation d’une
réquisition tendant à une opération au grand livre) sont
susceptibles d’être attaquées par le recours à l’autorité de
surveillance (rejet d’une réquisition, décision d’irrecevabilité d’une
réquisition, refus de mentionner les accessoires, etc.).
o Motif du recours : la décision doit ensuite avoir été prise à tort, soit
en violation du droit fédéral (ou du droit cantonal d’application),
soit sur la base d’une constatation inexacte des faits.
- Conditions temporelles : le recours doit être adressé à l’autorité dans les
30 jours qui suivent la communication du rejet de la réquisition (art. 103
al. 1 et 104 al. 1 ORF). Il n’existe par contre aucun délai en cas de recours
pour déni de justice ou pour retard injustifié (art. 104 al. 2 ORF).

50
Droit civil II Jérémy Stauffacher

La procédure est régie par le droit cantonal. Si le recours est admis, l’autorité de
surveillance invite le conservateur à procéder à l’opération ou à l’acte officiel en
cause. La date des effets des opérations au grand livre est celle de la date de
l’inscription au journal. La décision par laquelle l’autorité rejette le recours peut
être attaquée soit devant l’autorité cantonale supérieure de surveillance (si elle
existe) soit devant le TF (art. 956 al. 3 CC et 103 al. 4 ORF).
En principe, les décisions de l’autorité de surveillance peuvent être attaquées par
la voie du recours en matière civile au TF. Même si les règles relatives à la tenue
du registre foncier relèvement matériellement du droit public, ce n’est donc pas
le recours en matière de droit public qui est ouvert. Toutefois, lorsque la voie du
recours en matière civile n’est pas ouverte (valeur litigieuse insuffisante), il est
possible de déposer un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF). Selon
l’art. 116 LTF, le recourant ne peut alors invoquer par cette voie que la violation
de ses droits constitutionnels (interdiction de l’arbitraire, art. 9 Cst.).

12. Cours du 7 décembre 2011 :


Les effets des inscriptions valables :
On distingue les effets communs aux deux types d’inscription (inscription
constitutive et inscription déclarative), les effets des inscriptions constitutives
(selon le principe absolu), les effets des inscriptions déclaratives (selon le
principe relatif) et les effets des inscriptions indues :
- Les effets communs aux deux types d’inscription : ces effets résultent de
l’art. 937 al. 1 CC, qui établit la présomption que le droit inscrit existe (en
relation avec l’art. 9 CC) et assure à la personne inscrite une protection
particulière de son droit en justice. La présomption vaut aussi bien pour
le registre foncier que pour les registres cantonaux qui lui sont totalement
ou partiellement assimilés (art. 46 et 48 titre final du CC). La présomption
n’est toutefois pas suffisante pour faire présumer la titularité du droit
dans tous les cas (droits de gage, servitudes personnelles cessibles et
charges foncières personnelles, qui peuvent être cédées sans que cela
apparaisse au registre). Dans les autres cas, comme les présomptions
attachées à la possession d’une chose mobilière, la présomption de l’art.
937 al. 1 CC a pour effet d’inverser le fardeau de la preuve : c’est au tiers
qui conteste l’existence ou le contenu du droit inscrit de le prouver. L’art.
937 al. 1 CC légitime également la personne inscrite à faire valoir en
justice n’importe quelle prétention déduite de son droit sur l’immeuble.
La personne inscrite bénéficie donc de deux éléments :
o L’action tirée de l’inscription, élément offensif de la protection.
o L’exception correspondante, élément défensif de cette protection.
La personne inscrite a toujours qualité pour agir, sauf si l’inscription ne
fait pas présumer la titularité du droit. La qualité pour défendre

51
Droit civil II Jérémy Stauffacher

appartient à celui qui prétend que le droit n’existe pas ou qu’il a un


contenu ou un titulaire différent de celui qui ressort de l’inscription.
L’action n’est admise que si le défendeur ne peut pas faire valoir, par voie
d’exception, un droit préférable sur l’immeuble. Pratiquement, le
défendeur soutiendra que l’inscription que l’inscription est inexacte et
qu’il y a lieu de procéder à son profit à un redressement du registre
foncier. L’action tend donc le plus souvent à la restitution de la possession
de l’immeuble ou à la cessation du trouble de cette possession. Elle peut
également tendre à la constatation du droit inscrit ou à la réinscription du
demandeur comme titulaire du droit. On voit donc que l’art. 937 al. 1 CC
est le parallèle des actions mobilières puisqu’il permet d’obtenir un effet
défensif et un effet offensif.
- Les effets des inscriptions constitutives : précisés aux art. 971-972 CC, les
effets rappellent le principe absolu de l’inscription (art. 971 al. 1),
déterminent la date de la naissance du droit (art. 972) et précisent
l’importance de celle-ci pour fixer le contenu du droit (art. 971 al. 2 CC) :
o Le principe absolu : comme on l’a déjà vu précédemment,
l’inscription constitutive est nécessaire à la naissance du droit
(dernière phase du processus d’acquisition du droit réel).
o La date de la naissance du droit : selon l’art. 972 al. 2 CC, la date de
la naissance du droit est celle de l’inscription de la réquisition au
journal. Le droit ne prend donc naissance que s’il a été porté au
grand livre (art. 25 al. 4 ORF).
o Le contenu du droit inscrit : le contenu du droit inscrit peut être
précisé, dans les limites de l’inscription, par les pièces justificatives
ou de toute autre manière (art. 971 al. 2 CC). Cette règle revêt une
importance particulière (double portée) pour la copropriété (PPE),
pour les servitudes ainsi que pour les charges foncières.
Négativement, elle indique que l’interprétation ne peut conduire à
donner à un droit réel immobilier un contenu qui ne ressort pas de
l’inscription au registre foncier. Positivement, elle autorise
l’interprétation à l’aide des pièces justificatives et l’interprétation
de tout autre moyen utile.
- Les effets des inscriptions déclaratives : l’inscription déclarative n’est pas
nécessaire pour que le droit prenne naissance ou soit transféré : celui-ci
est acquis de par la loi. L’inscription ne renseigne donc ni sur la date de
constitution du droit, ni sur le contenu de celui-ci. Elle permet par contre
d’éviter la perte du droit en le rendant opposable aux tiers (dBF et dMF).
- Les effets des inscriptions indues : il faut distinguer selon le domaine :
o Selon le principe absolu : selon l’art. 974 al. 2 CC, l’inscription est
indue lorsqu’elle a été opérée sans droit ou en vertu d’un acte
juridique non obligatoire. Autrement dit, l’inscription est indue
chaque fois qu’il manque l’une de ses deux conditions matérielles

52
Droit civil II Jérémy Stauffacher

(titre juridique valable et réquisition émanant de la personne


compétente). On parle alors d’inscriptions initialement indues.
o Selon le principe relatif : une inscription peut être devenue
inexacte parce qu’un droit a été acquis de par la loi en dehors du
registre foncier (inscription subséquemment indue). Il est
également possible que l’inscription soit initialement indue parce
que ses conditions matérielles n’étaient pas réalisées (titre
d’acquisition et réquisition). Si le titre d’acquisition fait défaut,
l’inscription est clairement indue. En revanche, si seule la
réquisition n’était pas valable, l’inscription n’est pas déclarée
indue car le droit inscrit a été valablement acquis selon la loi (un
vice affectant la réquisition ne peut tenir en échec l’effet de la loi).
Quant aux effets, l’inscription, même indue, est présumée exacte au sens
des art. 9 et 937 al. 1 CC. La présomption d’existence du droit inscrit et la
protection judiciaire spécifique dont bénéficie son titulaire valent donc
également pour les inscriptions indues. Quant au fond, l’inscription indue
ne produit pas cependant pas d’effets, sous réserves de la protection de
l’acquéreur de bonne foi prévue à l’art. 973 al. 1 CC. Tout intéressé peut
donc tenir en échec la présomption de l’art. 937 al. 1 en apportant la
preuve que l’inscription est indue, sauf s’il entend par là contester le droit
réel qu’un tiers a acquis en se fiant de bonne foi à l’inscription (indue) au
registre. A l’égard de ce TdBF, la présomption est élevée au rang de
fiction, avec la conséquence qu’il est maintenu dans son acquisition.

La protection du tiers de bonne foi :


On parle du tiers de bonne foi acquéreur de droits réels sur l’immeuble. En
principe, le transfert de propriété d’un immeuble suppose que l’aliénateur puisse
valablement disposer du droit en question. En l’absence d’un tel pouvoir de
disposer (aliénateur inscrit à tort comme propriétaire d’immeubles), l’acquéreur,
même de bonne foi, ne devrait pas être protégé. Nul ne peut en effet transférer
plus de droit qu’il n’en a eu lui-même. Toutefois, dans le but d’assurer la sécurité
des transactions immobilières, le législateur a décidé de faire abstraction de ces
principes lorsqu’une personne acquiert un immeuble en se fiant de bonne foi au
registre foncier. L’art. 973 al. 1 CC élève donc la présomption de 937 al. 1 au rang
d’une fiction disant que le registre foncier est réputé exact et complet. Le TdBF
acquiert donc les droits réels sur l’immeuble tels qu’ils ressortent du registre et
les droits d’autres personnes qui entreraient en conflit avec les siens sont par là
même supprimés. La solution retenue en matière immobilière est donc très
proche de celle utilisée en matière mobilière (art. 933 et 935 CC). On peut
résumer l’ensemble en disant que l’acquéreur de bonne foi peut se fier à ce qui
figure au registre foncier (principe de la foi publique du registre foncier). Le
TdBF acquiert seulement aux conditions suivantes, il faut donc :

53
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Un tiers : il faut que la personne qui acquiert n’ait pas été mêlée comme
partie aux circonstances qui ont conduit à l’inscription (indue) à laquelle
il s’est fié. Il ne doit donc pas être concerné pas l’erreur dans le registre.
- De bonne foi : le tiers doit naturellement ignorer le caractère indû de
l’inscription. La bonne foi doit exister au moment de l’acquisition et est
présumée. Celui-ci est toutefois déchu du droit de l’invoquer si elle est
incompatible avec l’attention que les circonstances permettaient d’exiger
de lui (art. 3 al. 2 CC : principe de diligence). Comme en matière mobilière,
la bonne foi de l’acquéreur ne lui assure pas d’être protégé en toutes
circonstances. Elle ne permet de compenser que les inexactitudes de
l’inscription. Si l’immeuble acquis est soustrait au droit privé ou si le
registre foncier a fait l’objet d’une mesure de blocage, la bonne foi ne
suffit plus à protéger le TdBF dans son acquisition.
- Qui acquiert : mis à part le vice résultat de l’inscription indue,
l’acquisition du droit réel par le TdBF doit tout de même être valable. Il
faut donc que le TA et l’OdA soient valables. Le droit acquis doit pouvoir
faire l’objet d’une inscription et, s’il s’agit d’une inscription absolue, l’acte
juridique qui fonde l’inscription ne doit pas être vicié.
- Un droit réel : l’art. 973 al. 1 CC ne protège que le TdBF qui acquiert un
droit réel. Celui qui acquiert un droit personnel en relation avec
l’immeuble (bail par exemple) n’est pas protégé. La situation reste
similaire même lorsque le droit personnel est annoté au registre.
- En se fiant à une inscription : l’acquéreur n’est protégé que s’il a acquis en
se fondant sur une inscription du registre foncier. Cela comprend le
registre foncier fédéral mais aussi les institutions cantonales. Quant aux
documents, la foi publique est attachée au grand livre mais aussi aux
documents complémentaires et au journal. En outre, les annotations en
tant que telles (et pas les droits personnels qu’elles contiennent) font
également partie des documents du registre foncier sur lesquels un TdBF
peut se fier. Par contre, les mentions, n’ayant qu’un caractère informatif,
ne sont pas concernées par la règle de l’art. 973 al. 1 CC (à l’exception des
mentions des droits réels constitués avant 1912). Enfin, précisons que la
foi publique s’étend aussi à l’absence d’une inscription, dans la mesure où
cette inscription aurait été nécessaire pour maintenir le droit en cause
(servitudes ou droits de gage par exemples, mais pas hypothèque légale).
- Hors des prévisions de l’art. 973 al. 2 CC : la protection du TbBF ne
s’étend pas aux limites des immeubles compris dans les territoires en
mouvement permanents désignés comme tels par les cantons. La
restriction ne concerne que les limites de l’immeuble (les autres aspects
des inscriptions, comme l’existence même du droit réel, ne sont donc pas
concernés par la décision d’inclure un immeuble dans le périmètre d’un
territoire en mouvement permanent. Précisons que les immeubles
concernés sont signalés par une mention (art. 660a al. 3 CC et 8 ORF).

54
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Si toutes les conditions sont remplies, l’acquéreur de bonne foi est maintenu
dans son acquisition (art. 973 al. 1 CC). Ainsi, malgré le caractère indû de
l’inscription ou de l’annotation, le tiers conserve son droit. L’ayant droit
antérieur perd donc le droit correspondant. Le TdBF acquiert le droit réel
(respectivement l’effet réel), tel qu’il ressort des inscriptions (respectivement
des annotations) figurant au registre. Cela a deux conséquences :
- Positivement, cela signifie qu’à l’égard de l’acquéreur de bonne foi, le
registre foncier est censé être exact. Ainsi, l’acquéreur de bonne foi d’un
fonds devient propriétaire de celui-ci même si l’aliénateur était inscrit à
tort comme propriétaire.
- Négativement, cela signifie qu’à l’égard de la même personne, le registre
foncier est censé être complet. Cela signifie que si un droit de gage a été
radié à tort, le tiers acquiert l’immeuble sans cette charge.
Quant à l’ayant droit, la protection du TdBF a comme corollaire que les droits des
véritables titulaires s’éteignent dans la mesure où ils sont incompatibles avec
ceux de l’acquéreur de bonne foi. Ainsi, le véritable propriétaire (mais non
inscrit) perd son droit si la personne inscrite indûment comme propriétaire
transfère l’immeuble à un acquéreur de bonne foi.

Le redressement du registre foncier :


Le redressement du registre foncier est l’opération de modification d’une
écriture effectuée dans le but de mettre le registre en harmonie avec la réalité
juridique ou factuelle. Le redressement des inscriptions et des annotations (et de
leur éventuelle radiation) est régi par les art. 975-977 et 963 al. 2 CC. Le
principal problème est de délimiter les cas d’application de 975, 976 et 977 CC :
- L’action en rectification de l’art. 975 CC : l’action est possible si une
inscription a été faite, modifiée ou radiée sans cause légitime. Cette
situation se présente en général si l’inscription est illégitime dès le début.
L’action de 975 prévoit cependant des exceptions et est parfois ouverte
pour modifier des inscriptions devenues illégitimes après avoir été
portées au registre (cas d’extinction subséquente d’un droit à raison de la
perte de sa valeur juridique). En principe donc, l’action en rectification
concerne les cas d’absence initiale d’une cause légitime. L’action n’est
alors possible que si deux conditions sont réunies :
o Une opération attaquable : les inscriptions (toutes les opérations
relatives à un droit réel) ou leur radiation et les annotations (sauf
celles ordonnées par une autorité, art. 960 al. 1 ch. 1-2 et 961 CC)
peuvent être attaquées par l’action de 975 CC. Les mentions ne
peuvent donc pas faire l’objet d’une action en rectification.
o Une opération effectuée indûment : ce sont les cas où les
conditions matérielles de l’opération font défaut (titre

55
Droit civil II Jérémy Stauffacher

d’acquisition ou réquisition d’inscription). Dans le cadre du


principe relatif, un vice affectant la réquisition n’entraîne pas
directement l’invalidité de l’inscription.
- La rectification selon l’art. 976 CC : l’art. 976 al. 1 permet au conservateur
de procéder, sur réquisition du propriétaire grevé ou d’office, à la
radiation des inscriptions qui ont perdu toute valeur juridique. Pour
qu’elle puisse s’appliquer, 4 conditions doivent être remplies :
o L’inscription doit avoir été initialement valable.
o Le droit inscrit doit être éteint pour une cause intrinsèque (cause
qui tient à la nature même ou au contenu du droit).
o L’inscription doit avoir perdu toute valeur juridique. Même si le
droit est éteint, l’inscription peut conserver une valeur formelle, en
ce sens que le droit pourrait par exemple renaître à l’égard d’un
acquéreur de bonne foi (art. 973 al. 1 CC). Pour appliquer 976, il
faut que même une telle acquisition ne puisse pas être envisagée,
soit parce que le droit n’a plus de sens, soit parce que la bonne foi
du tiers n’est pas possible parce qu’il ressort de l’inscription elle-
même que le droit est éteint.
o Le conservateur ne doit avoir aucun doute quant à l’extinction du
droit inscrit. Ce point est déterminant, notamment lorsque
l’application de 976 est envisagée dans une hypothèse où la
radiation du droit doit en principe être obtenue par une action en
rectification du registre foncier.
- La rectification selon l’art. 977 CC : en relation directe avec les art. 98-99
ORF, l’art. 977 CC ouvre deux voies de redressement du registre :
o La rectification opérée avec le consentement des intéressés ou sur
ordre du juge (majorité des cas, principe général).
o La rectification décidée par le conservateur, qui agit de son chef et
sans autre formalité nécessaire (exception).
Pour l’une comme pour l’autre, il existe trois conditions :
o Les pièces justificatives doivent être valables et complètes, de
sorte qu’une inscription correcte aurait été possible.
o L’opération doit avoir été illégitime dès le début. L’hypothèse de
l’art. 977 est donc la même que celle de l’action de l’art. 975 CC.
o L’opération doit avoir été effectuée par mégarde, et ce
involontairement (art. 98 ORF). L’illégitimité de l’opération
provient d’une transcription erronée des pièces justificatives, due
à une inadvertance du conservateur (nom mal orthographié,
confusion dans le n° du fonds).
Pour savoir quelle voie choisir entre les deux procédures de l’art. 977, il
convient de distinguer les éléments suivants :
o La rectification touchant à la consistance du droit (art. 98 ORF) : le
droit est alors touché dans son existence, son rang, son objet, ses

56
Droit civil II Jérémy Stauffacher

qualités, ses modalités, la personne de son titulaire et celle


d’autres ayants-droit. L’art. 98 ORF prévoit que le conservateur
puisse rectifier directement l’inexactitude s’il la constate
immédiatement. Par contre, lorsque l’erreur n’est constatée
qu’après que les intéressés ou des tiers ont eu connaissance de
l’inscription inexacte, le conservateur doit obtenir le consentement
écrit des intéressés ou un ordre du juge (al. 3-4). Cette voie est
cependant exclue si dans l’intervalle un TdBF a acquis l’immeuble
(seule l’action en rectification de l’art. 975 sera alors ouverte).
o La rectification ne touchant pas à la consistance du droit (art. 99
ORF) : le conservateur peut alors en tout temps procéder de son
propre chef à la rectification de l’inexactitude.
La procédure de redressement diffère en fonction de la voie de rectification
choisie. Il faut donc analyser séparément la procédure pour chacune des trois
voies de rectification du registre foncier :
- L’action de rectification de l’art. 975 :
o Conditions personnelles : la qualité pour agir appartient à celui
dont les droits réels ont été lésés par l’inscription ou l’annotation
au registre foncier. Il faut donc être titulaire d’un droit réel et être
lésé directement ou indirectement par l’opération indue
(inscription, annotation ou radiation respective). Le droit réel en
cause doit exister au moment de l’introduction de l’action.
Précisons que l’annotation suffit pour conférer la qualité pour agir
au titulaire du droit annoté. La qualité pour défendre appartient à
tous ceux qui tirent avantage de l’opération indue. L’action doit en
outre être dirigée contre tous ceux qui ont qualité pour défendre.
o Conditions matérielles : le demandeur doit établir qu’il s’agit d’une
opération attaquable et que les conditions de fond de cette
opération n’étaient pas remplies au moment où elle a été effectuée.
Les principaux moyens que peut faire valoir le défendeur pour
contrer le demandeur sont les suivants :
 Le défendeur a acquis un droit réel ou a été libéré du droit
réel d’un tiers en se fiant de bonne foi au registre (art. 973).
 Le défendeur a acquis le droit par prescription ordinaire
(art. 661 et 731 al. 3 CC).
 L’opération indue a été validée.
 La demande constitue un abus de droit.
o Conditions temporelles : étant une action réelle, l’action en
rectification du registre foncier ne se prescrit pas.
o Effet du jugement et procédure : le demandeur peut obtenir
l’inscription provisoire de son droit chaque fois qu’il allègue un
droit réel (art. 961 al. 1 ch. 4 CC). L’AeRec du registre foncier est

57
Droit civil II Jérémy Stauffacher

une action en constatation de droit : le jugement constate le


véritable état des droit sur l’immeuble. Le demandeur qui a obtenu
gain de cause peut requérir lui-même la rectification du registre.
- La rectification selon 976 CC : la procédure de rectification peut d’abord
être déclenchée par une réquisition émanant du propriétaire de
l’immeuble grevé du droit dont l’inscription a perdu toute valeur
juridique (art. 976 al. 1 CC). Le conservateur doit alors rendre une
décision motivée, indiquant les faits ou circonstances qui l’ont conduit à
maintenir ou à radier l’inscription. Si la réquisition est rejetée, le recours
à l’autorité de surveillance. fondé sur l’art. 103 ORF est ouvert. Le
conservateur peut ensuite agir d’office (art. 976 al. 1 CC), ce qu’il doit
consigner au journal (art. 14 al. 1 ORF). Dans les deux cas, la décision
prise doit faire l’objet d’un procès verbal qui sera classé avec les pièces
justificatives. L’inscription rectifiée doit alors renvoyer au journal (art.
100 al. 3 ORF). Si le conservateur procède à la radiation, il doit en aviser
les intéressés (art. 976 al. 2 et 969). Les tiers dont les droits sont lésés par
la radiation peuvent contester le bien-fondé de celle-ci en ouvrant une
action en réinscription (art. 976 al. 3 CC). Ils peuvent le faire en tout
temps mais elle ne sera admise que si le défendeur ne peut établir un
droit qui l’emporte sur celui du demandeur. Le tiers qui entend agir en
réinscription a donc tout intérêt à le faire rapidement.
- La rectification selon 977 CC :
o Le redressement sans formalité : le conservateur qui constate une
inexactitude de l’inscription a alors le devoir de la corriger.
o Le redressement avec consentement des intéressés ou sur ordre
du juge : le conservateur a le devoir de mettre en œuvre d’office la
procédure de redressement s’il constate une inexactitude au sens
de l’art. 98 al. 3 ORF) : tout intéressé peut exiger que le
conservateur le fasse. Le conservateur entame la procédure en
avisant les intéressés de l’inexactitude et en leur demandant de
consentir par écrit à la rectification (art. 98 al. 3 ORF). S’il manque
le consentement d’un intéressé, le conservateur doit provoquer
une décision judiciaire (art. 977 al. 1 CC et 98 al. 4 ORF) portant
sur la possibilité d’effectuer la rectification.

13. Cours du 14 décembre 2011 :


La notion de propriété :
Le législateur définit la propriété aux art. 641-641a CC. Il s’agit d’un droit réel
(absolu, à contenu général et latent) donnant l’usage, la jouissance et la
disposition (maîtrise totale, matérielle et juridique) de la chose ou de l’animal
sur lequel il porte. La maîtrise conférée par le droit de propriété étant illimitée,

58
Droit civil II Jérémy Stauffacher

la liberté du propriétaire est présumée : c’est à celui qui prétend que le droit du
propriétaire est restreint de le prouver. L’ordre juridique apporte néanmoins de
nombreuses restrictions à cette maîtrise :
- Les restrictions volontaires : le propriétaire d’un objet peut lui-même
restreindre sa maîtrise, soit en conférant directement à un tiers un droit
réel limité, soit en constituant indirectement en faveur d’un tiers un droit
personnel en relation avec l’objet (bail à loyer ou prêt).
- Les restrictions légales : ces restrictions résultent de l’ordre juridique
dans son ensemble (et pas seulement de la loi, comme l’indique l’art. 641
al. 1 CC). On distingue deux types de restrictions légales :
o Les restrictions générales : nombreuses et indirectes, on peut citer
les limitations résultant de l'interdiction de l’abus de droit (art. 2
al. 2 CC), de la RC (obligation de réparation du préjudice causé), du
droit des successions (limitation du droit de disposer) ou encore
des art. 19-20 CO (restriction à la liberté contractuelle).
o Les restrictions spéciales : prévues par le droit privé ou public,
elles concernent avant tout la propriété foncière, et sont alors :
 Directes, découlant directement de la loi sans qu’aucune
inscription au registre foncier ne soit nécessaire (droit de
ramasser les champignons par exemple).
 Indirectes, la loi donnant au bénéficiaire le droit d’obtenir
une restriction dont la validité dépend d’une inscription au
registre foncier (hypothèque légale indirecte).

La protection de la propriété :
Selon l’art. 641 al. 2 CC, le propriétaire d’un objet peut le revendiquer contre
quiconque le détient sans droit et repousser toute usurpation. Cette disposition
donne deux moyens de défendre le droit de propriété :
- L’action en revendication : il s’agit de l’action du propriétaire
complètement dépossédé qui souhaite retrouver la possession de l’objet.
- L’action négatoire : il s’agit de l’action du propriétaire atteint dans son
droit mais non-dépossédé. L’action négatoire vise à faire cesser le trouble.
Outre ces deux actions, le propriétaire dispose d’autres moyens de droit privé
pour défendre son droit :
- Si le propriétaire est possesseur, il dispose des moyens de protection de la
possession (art. 926-929 et 937 al. 2 CC).
- Le propriétaire qui a été possesseur d’un objet mobilier peut intenter les
actions mobilières (art. 934 et 936 CC).
- Le propriétaire inscrit au registre foncier bénéficie de l’action tirée de
l’inscription, prévue par l’art. 937 al. 1 CC.

59
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Si les droits du propriétaire sont lésés par une inscription opérée sans
cause, l’action en rectification du RF est disponible (art. 975 CC).
- Si l’atteinte au droit de propriété a son origine dans l’exercice de la
propriété immobilière d’un voisin, l’action n’est possible que dans les
conditions de l’art. 679 CC. Dans ce genre de cas, l’atteinte causée à la
propriété résulte simplement du comportement d’un voisin, qui exerce
lui-même son droit sur son terrain. Il y a conflit entre deux droits de
propriété, chacun conférant, dans une certaine mesure, le droit de se
comporter comme on le souhaite sur son terrain. La loi doit donc arbitrer
le conflit et déterminer si le comportement du voisin gênant est excessif
ou non. La particularité de ce système est que, s’il y a excès, la règle de
l’art. 41 CO s’applique même sans faute. Le but de cette action est
d’atteindre une coexistence pacifique entre les propriétaires-voisins.
- D’autres moyens divers :
o Le propriétaire peut également invoquer le droit général à la
légitime défense, l’état de nécessité ou l’usage autorisé de la force.
o S’il y a un intérêt juridique, le propriétaire peut ouvrir une action
en constatation de la propriété (caractère subsidiaire).
o Lorsque le propriétaire fonde son titre sur la qualité d’héritier, il
peut agir par l’action en pétition d’hérédité (art. 598-600 CC).
o Lorsque le propriétaire agit contre un débiteur sujet à une
exécution forcée, il utilisera les actions de droit de poursuite
(effets de droit matériel, art. 107-109 CC).
o S’il existe une relation contractuelle entre le propriétaire et
l’auteur du trouble, les actions découlant du rapport juridique
peuvent être invoquées en concours avec l’art. 641 al. 2 CC.
Le propriétaire est donc protégé de par son droit mais également par les deux
instruments de publicité que sont la possession et le registre foncier. Pour finir,
on note les précisions suivantes :
- Lorsque le propriétaire n’a jamais été possesseur : seule la protection de
l’art. 641 CC est alors ouverte. On peut citer l’exemple d’une vente aux
enchères, pour lesquelles le propriétaire n’est pas forcément tout de suite
mis en possession de la chose. Les moyens de protection de la possession
ne sont alors pas accessibles.
- Lorsque les conditions des art. 934 et 936 CC ne sont pas remplies, par
exemple en cas de dessaisissement volontaire en faveur d’un TdBF : là
encore, seule l’action de 641 CC est possible. On peut citer l’exemple d’un
propriétaire louant volontairement sa voiture à un tiers, qui décide
finalement de ne pas la rendre à son propriétaire.
- Lorsque le possesseur n’est pas propriétaire : dans ce cas, seules les
actions mobilières (art. 934 et 936 CC) sont ouvertes au possesseur.

60
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’action en revendication :
Il s’agit de l’action en restitution d’un objet, fondée sur le droit de propriété du
demandeur. Ses conditions sont les suivantes :
- Conditions personnelles :
o Qualité pour agir : elle appartient au propriétaire qui n’a pas la
possession de l’objet de son droit (mobilier ou immobilier) ou qui
n’en a que la possession originaire et médiate (bailleur-
propriétaire agissant contre le locataire par exemple).
o Qualité pour défendre : elle appartient à celui qui possède l’objet
au moment de l’ouverture de l’action (peu importe le type de
possession : simple, médiat ou immédiat). Précisons que
l’auxiliaire de la possession n’a pas la qualité pour défendre.
- Conditions matérielles : le demandeur doit prouver qu’il a valablement
acquis la propriété de l’objet. S’il ne peut faire état d’un mode
d’acquisition originaire de la propriétaire, il doit également établir le droit
de propriété de celui dont il tient son droit à titre dérivé (probatio
diabolica). La restitution ne sera ordonnée que si le défendeur ne fait pas
valoir l’un des deux moyens suivants :
o Le défendeur ou un tiers est devenu propriétaire de l’objet (par
exemple par prescription acquisitive, art. 728 et 661 ss CC) ou par
acquisition de bonne foi (art. 933, 935 et 973 al. 1 CC).
o Le défendeur ou celui dont il tient sa possession à titre dérivé a le
droit de posséder l’objet, soit en vertu d’un droit réel limité, soit en
vertu d’un droit personnel (s’agissant d’un droit à caractère relatif,
le droit personnel n’est opposable au propriétaire que s’il a été
concédé par ce-dernier ou par une personne autorisée à le faire).
- Conditions temporelles : l’action en revendication est imprescriptible.
L’action tend à la restitution de l’objet : elle a donc un caractère condamnatoire
et non simplement déclaratoire. Le défendeur est en principe condamné à
remettre la possession (simple ou immédiate) de l’objet au demandeur (et non à
tolérer que celui-ci la reprenne). Seul le propriétaire peut ouvrir l’action en
revendication. Il ne peut céder sa prétention sans céder en même temps sa
propriété. L’incessibilité de l’action est justifiée car la solution contraire
permettrait d’éluder les règles du transfert de la propriété immobilière. Enfin,
précisons que l’importance pratique de la revendication n’est pas très grande car
le demandeur, dont le droit n’est pas souvent aisé à prouver (probatio diabolica)
cherchera à utiliser de préférence les autres voies de droit dont il dispose. En
matière immobilière, le propriétaire inscrit utilisera l’action tirée de l’inscription
et le propriétaire non-inscrit l’action en rectification du RF. En matière mobilière,
les actions mobilières permettent souvent au propriétaire d’obtenir la restitution
de l’objet. La revendication n’est véritablement utile que lorsque le propriétaire
n’a jamais été possesseur ou lorsqu’il s’est dessaisi volontairement de la chose.

61
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’action négatoire :
L’action négatoire est l’action par laquelle le propriétaire peut faire cesser tout
trouble de sa maîtrise sur une chose ou un animal. Ses conditions sont les
suivantes :
- Conditions personnelles :
o Qualité pour agir : elle appartient au propriétaire troublé dans sa
maîtrise de l’objet (mobilier ou immobilier).
o Qualité pour défendre : l’action doit être dirigée contre l’auteur,
direct ou indirect, du trouble. Elle vise tant la personne qui cause
le trouble que celle qui le tolère, la favorise ou l’encourage, et ce
indépendamment de toute faute.
- Conditions matérielles : l’action n’est admise que s’il y a :
o Un trouble de la propriété : il y a trouble de la propriété lorsque le
propriétaire n’est pas totalement dépossédé mais subit une
restriction dans son pouvoir juridique ou dans son pouvoir de fait.
o Qui ne résulte pas de l’exercice du droit de propriété sur un fonds
voisin : selon l’art. 679 CC, celui qui est atteint dans son droit de
propriété foncière parce qu’un autre propriétaire foncier excède
son droit peut agir en cessation du trouble. Cette règle, renvoyant
indirectement aux art. 684 ss CC sur les rapports de voisinage, est
une lex specialis par rapport à l’art. 641 al. 2 CC.
o Un trouble illicite : l’illicéité peut être levée si l’auteur du trouble
peut établir un motif justificatif fondé sur la loi (droit de passage,
droit d’accès ou droit à l’usage d’une source) ou sur le
consentement du lésé (il s’agit souvent d’un acte juridique
conférant à l’auteur du trouble un droit réel limité sur l’objet ou un
droit personnel en relation avec celui-ci).
o Un trouble actuel ou imminent : l’action n’est admise que si le
trouble dure encore ou s’il est sur le point de se (re)produire. Si le
trouble a pris fin et ne menace pas de se répéter, seule est ouverte
une action en dommages-intérêts (art. 41 ss ou 97 CO).
- Conditions temporelles : comme l’action en revendication, elle est
imprescriptible. Il faut toutefois réserver un abus de droit si le
propriétaire a toléré la situation pendant longtemps. De même, il faut
réserver les cas de déchéance prévus aux art. 674 al. 3 et 684 al. 2
(trouble résultant de la présence d’une construction).
Comme l’action en revendication, l’action négatoire a un caractère
condamnatoire puisqu’elle tend à supprimer le trouble s’il dure encore ou à
interdire le trouble s’il semble imminent. L’action négatoire est fondée sur le
droit de propriété du demandeur. Ce dernier doit donc prouver ce droit. Pour
éviter de devoir fournir la preuve de sa propriété, le propriétaire peut ouvrir, s’il
est possesseur, l’action à raison du trouble de la possession (art. 928 CC).

62
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’étendue de la propriété :
Comme les autres droits réels, le droit de propriété porte avant tout sur des
choses et, conformément au principe de spécialité, un seul droit de propriété ne
peut avoir pour objet qu’une seule chose. L’application de ce principe pose
problème lorsqu’on n’a ni affaire à des choses simples (unité visible) ni à des
choses distinctes (sans lien juridique ou factuel). Il existe en effet deux cas
intermédiaires. Il s’agit alors de délimiter la notion de chose pour bien cerner
l’étendue du droit de propriété. Les art. 642 à 645 CC apportent une réponse par
rapport à l’étendue du droit de propriété concernant :
- Les parties intégrantes, éléments composant une chose complexe.
- Les accessoires, choses mobilières affectées à une chose principale.
En revanche, les art. 642-645 CC ne traitent ni des universalités de fait (créées
par les habitudes de la vie sociale : bibliothèque de livres ou troupeaux de
moutons), ni des universalités de droit (basées sur le droit : patrimoine). Dans
les deux cas, malgré une apparence d’unité, les choses composant une
universalité ont un sort juridique distinct. L’universalité en tant que telle n’est
donc pas un objet de droit de propriété.

Les parties intégrantes :


L’art. 642 al. 2 définit la partie intégrante comme ce qui, d’après l’usage local,
constitue un élément essentiel de la chose et n’en peut être séparé sans la
détruire, la détériorer ou l’altérer. On peut citer comme exemples de parties
intégrantes les fruits naturels non-séparés (art. 643 al. 2) ou les choses jointes ou
mélangées au sens de l’art. 727 al. 2 CC. Trois conditions doivent être remplies :
- Il doit exister un lien matériel entre la partie intégrante et la chose
complexe à laquelle elle est intégrée. La partie intégrante doit donc être
physiquement reliée (vis, clous, ciment ou simplement pesanteur) à la
chose complexe. Cela implique que la partie intégrante comme la chose
complexe soient des entités matérielles. Le lien doit être tel que la
séparation impliquerait forcément la destruction, la détérioration ou
l’altération de la chose complexe ou de ses parties intégrantes.
- Il doit exister un lien intellectuel faisant apparaître la partie intégrante
comme un élément essentiel de la chose complexe. La partie intégrante
doit être, d’un point de vue économique, nécessaire à la chose complexe,
au point que celle-ci ne répondrait plus à sa destination si la partie
intégrante faisait défaut. L’absence de la partie intégrante doit donc faire
apparaître la chose complexe comme incomplète. En Suisse par exemple,
une maison ne peut se concevoir sans toit, sans porte ou sans fenêtre. Par
contre, un réfrigérateur (même encastré dans le mur) n’est pas un
élément essentiel d’un bâtiment.

63
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- L’usage local doit reconnaître que les parties intégrantes sont des
éléments constitutifs qui, pris isolément, ne constituent pas des choses.
Ainsi, en plus du lien matériel et du lien intellectuel, la connexité entre les
parties intégrantes et la chose complexe doit être accentuée par l’usage
local. Selon le TF, l’usage local joue toutefois un rôle subsidiaire, ne
permettant que de trancher les cas limites.
Selon l’art. 642 al. 1, le propriétaire d’une chose est propriétaire de tout ce qui en
fait partie intégrante. La partie intégrante partage donc le sort juridique de la
chose complexe à laquelle elle est reliée. On parle du principe de l’accession
(droit impératif), qui a pour but de mettre le régime juridique en accord avec les
unités économiques (lien intellectuel) et avec la réalité (lien matériel).
En ce qui concerne les parties intégrantes non-intégrées, elles demeurent des
choses distinctes tant qu’elles restent séparées. Les pneus d’hiver entreposés en
été restent des choses simples tant qu’ils ne sont pas rattachés à la chose
complexe (voiture). Cela veut donc dire que les parties intégrantes disparaissent
juridiquement lorsqu’elles sont intégrées à la chose complexe : il n’y a alors plus
qu’un droit de propriété sur le tout. Naturellement, le fait de rattacher les parties
intégrantes à la chose complexe cause la perte de la propriété sur les parties
intégrantes. Ainsi, l’entrepreneur qui construit une maison pour un client perd la
propriété des briques de construction au fil de l’évolution des travaux. Cela
signifie que le principe de l’accession est un mode d’acquisition originaire de la
propriété. Dans certains cas, la loi confère cependant à l’ancien propriétaire un
droit d’enlèvement (droit de reprise, ius tollendi) qui a le caractère d’un droit
d’appropriation. Lorsqu’un tel droit n’est pas accordé, l’ancien propriétaire n’a
droit qu’à des dommages-intérêts, pour autant que les conditions des art. 41 ss et
97 CO soient remplies, ou éventuellement à la restitution de l’enrichissement
illégitime (art. 62 ss CO). Précisons enfin que même si l’art. 642 al. 2 n’énonce le
principe de l’accession que pour le droit de propriété, ce principe vaut aussi pour
les autres droits réels. En revanche, la possession peut ne porter que sur une
partie intégrante (possession partielle), pour autant que la maîtrise effective de
la seule partie intégrante soit possible (locataire ne possédant que quelques
pièces d’un immeuble).

Les fruits naturels :


Les fruits naturels sont les produits périodiques et tout ce que l’usage autorise à
tirer de la chose suivant sa destination (art. 642 al. 2 CC). Il s’agit donc de tout ce
que la nature, avec ou sans intervention humaine, fait produire à une chose à des
intervalles plus ou moins réguliers (pommes, légumes, herbes, céréales, lait,
œufs). Outre les produits périodiques, tous les produits qui peuvent être tirés de
la chose sans porter atteinte à sa substance sont des fruits naturels (arbres,
petits animaux, sable, gravier, roches, sel, perle de l’huître).

64
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Selon l’art. 643 al. 3, les fruits naturels non séparés font partie intégrante de la
chose. Cette qualité leur est reconnue de par la loi, indépendamment de la
réalisation des conditions de l’art. 642 al. 2. Le principe de l’accession s’applique
donc aux fruits naturels, avec ses conséquences et ses limites, en matière de
propriété (art. 643 al. 1), de droit réels limités, de possession ou de droits
personnels. Après la séparation, les fruits naturels deviennent des choses
mobilières indépendantes, qui font l’objet de droits réels distincts. Si le
propriétaire de la chose a la jouissance de celle-ci, il acquiert ipso iure la
propriété des fruits séparés (acquisition originaire de la propriété). Si un tiers a
la jouissance de la chose, il acquiert la propriété des fruits, en principe dès la
séparation (acquisition originaire de la propriété, cas de l’usufruitier, art. 756 al.
1 CC, du fermier, art. 275 CO ou du possesseur de BF, art. 938 CC). Lors de la
séparation des fruits, il y a création d’une nouvelle chose (nouvelle réalité
juridique). Il s’agit donc du schéma inverse de la situation du garagiste qui monte
des pneus d’été ou d’hiver sur une voiture.

Les accessoires :
L’art. 644 al. 2 CC définit la notion d’accessoire : ce sont des objets mobiliers qui,
d’après l’usage local ou la volonté clairement manifestée du propriétaire de la
chose principale, sont affectés d’une manière durable à l’exploitation, à la
jouissance ou à la garde de celle-ci et qu’il y a joints, adaptés ou rattachés pour le
service de la chose :
- Une chose mobilière : seule peut être accessoire une chose mobilière
indépendante de la chose principale. Cela exclut notamment les parties
intégrantes, les immeubles et les droits.
- Affectée : l’accessoire doit être mis d’une manière durable au service de la
chose principale, eu égard à la destination économique de celle-ci. Pour
apprécier ce rapport d’affectation, il faut considérer la chose principale
comme telle, mais aussi, surtout en matière immobilière, l’activité
artisanale ou industrielle qui s’exerce sur la chose principale. Il faut en
effet que l’essentiel de cette activité se déroule sur l’immeuble (chose
principale) en cause. De plus, le rapport entre l’accessoire et la
destination économique doit être objectif, en ce sens que le premier sert à
l’exploitation (machines, ustensiles), à la jouissance (chauffage d’appoint,
rideau) ou à la garde (bouteille, écrin) de la seconde (art. 644 al. 2). Enfin,
le rapport doit être durable (art. 644 al. 2 et 645). Il n’est pas nécessaire
que l’affectation soit définitive, elle peut même être limitée dans le temps
(mobilier d’un hôtel par exemple).
- A une chose principale : il ne peut y avoir d’accessoire s’il n’y a pas de
chose principale dont il puisse dépendre. La chose principale peut être
une chose mobilière (en principe) mais aussi un immeuble (art. 655 al. 2).

65
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Selon un rapport local : conformément au principe de publicité, l’art. 644


al. 2 exige qu’il y ait, entre la chose principale et l’accessoire, un rapport
local reconnaissable par les tiers. Les accessoires doivent en effet être
(visiblement) joints, adaptés ou rattachés à la chose principale. Précisons
toutefois que le lien ne doit pas nécessairement être aussi solide que celui
qui lie les parties intégrantes entre elles. Il n’est pas nécessaire que
l’accessoire se trouve dans ou sur la chose principale, ni que le rapport
local soit permanent (des wagons-citernes servant à l’exploitation d’une
industrie chimique peuvent être accessoires de l’immeuble en cause).
- D’après l’usage local ou la volonté du propriétaire : selon l’art. 5 al. 2, le
droit cantonal en vigueur avant 1912 est tenu pour l’expression de l’usage
local, à moins que l’existence d’un usage contraire ne soit prouvée. Le
renvoi à l’usage local est justifié parce que, le statut de l’accessoire étant
une exception à la règle selon laquelle des choses distinctes ont un sort
juridique distinct, il importe que ce statut corresponde aux habitudes des
intéressés. L’usage local permet en fait de trancher les cas limites. La
volonté du propriétaire de la chose principale peut conférer la qualité
d’accessoire à la chose mobilière même s’il n’y a pas d’usage local ou s’il
existe un usage local contraire. En principe, lorsqu’il n’existe pas d’usage
local, il appartient à la partie qui se prévaut de la qualité d’accessoire
d’établir la volonté du propriétaire. Le propriétaire a en outre la
possibilité de mentionner les accessoires d’immeuble au RF (art. 946 al. 2
CC et 79 al. 2 ORF), ce qui crée une présomption en faveur de la qualité
d’accessoire (art. 805 al. 2).
Concernant le régime juridique des accessoires, l’art. 644 al. 1 prévoit que tout
acte de disposition relatif à la chose principale s’étend aux accessoires, si le
contraire n’a pas été réservé. En effet, de par son union avec la chose principale,
l’accessoire forme avec elle une unité économique. Il existe donc une
présomption, établie par le code, que l’accessoire partage le sort juridique de la
chose principale. Au contraire de la partie intégrante, l’accessoire peut ainsi
avoir un sort juridique distinct de la chose principale. Il ne faut pas interpréter la
règle de l’art. 644 al. 1 dans un sens strict : il s’agit d’un principe établit par le
code en raison de l’unité économique formée par les deux choses, mais la volonté
des parties peut tenir ce principe en échec. Comme précédemment, même si elle
est énoncée en relation avec la propriété, la présomption de l’art. 644 al. 1 a une
portée générale, valable pour tous les droits réels et même en matière de
possession ou de droits personnels.
Enfin, conformément à l’art. 644 al. 1 CC, l’acquéreur de la chose principale
devient propriétaire de l’accessoire, sous réserve d’une convention contraire. La
propriété de l’accessoire passe à l’acquéreur en même temps que celle de la
chose principale, indépendamment du transfert de possession de l’accessoire.

66
Droit civil II Jérémy Stauffacher

14. Cours du 21 décembre 2011 :


La propriété collective :
Dans la plupart des cas, le droit de propriété est exercé par une seule personne
(propriété individuelle). Parfois cependant, un seul et même bien peut faire
l’objet d’un droit de propriété exercé par plusieurs personnes (propriété
collective). Cette propriété collective peut prendre deux formes (principe du
numerus clausus des droits réels) : copropriété (forme présumée en cas de
doute) et propriété commune. La distinction tient à la manière dont les deux
formes sont constituées et ensuite exercées. La copropriété, d’origine romaine,
ne suppose pas de liens antérieurs entre les copropriétaires et est exercée de
manière plutôt individualiste. Au contraire, la propriété commune, d’origine
germanique, n’est que la conséquence d’une communauté qui lie les
propriétaires communes et est exercée de façon collective, sans qu’existent des
parts dont chaque communiste puisse disposer.

La copropriété et la propriété par étages :


La copropriété est la forme de propriété collective qui n’exige pas l’existence
d’une communauté antérieure entre les propriétaires collectifs et dans laquelle
chaque titulaire à une part idéale de la chose ou d l’animal (art. 646 al. 1). Il s’agit
d’un droit de propriété unique, dont plusieurs personnes sont titulaires. La part
du copropriétaire est une fraction de la chose (quote-part), ne correspondant pas
à une partie déterminée du bien en copropriété (au contraire de la PPE). En fait,
chaque copropriétaire a un droit qui porte sur la totalité de la chose mais qui est
limité par l’existence du droit des autres copropriétaires : la part n’est donc
qu’idéale (entité non matérielle). Cette part constitue pourtant elle-même un
objet de propriété individuelle dont le titulaire peut disposer (art. 646 al. 3).
Précisons que la part de copropriété d’un immeuble constitue elle-même un
immeuble (art. 655 al. 2 ch. 4). Entre les copropriétaires se crée une sorte de
société légale (communauté, art. 649b). Le droit de copropriété se caractérise
par deux éléments : la titularité d’une part idéale et l’ensemble des droits et
devoirs de membre de la communauté des copropriétaires. La copropriété peut
en outre revêtir deux formes : la copropriété ordinaire (art. 646-651a) et, en
matière immobilière seulement, la (co)propriété par étages (PPE).
La PPE est une copropriété sur un immeuble, organisée de manière que chaque
copropriété a le droit exclusif d’utiliser et d’aménager intérieurement des parties
déterminées d’un bâtiment (art. 712a al. 1). Il s’agit donc d’un droit de
copropriété sui generis qui comporte deux éléments liés : un droit de copropriété
qui porte sur l’immeuble tout entier et un droit exclusif de jouissance et
d’administration sur des parties déterminées de l’immeuble. La PPE se distingue
de la copropriété par le fait qu’elle est, de par la loi, dotée d’une organisation plus
forte (art. 712g à 712t). La communauté formée par les propriétaires d’étages

67
Droit civil II Jérémy Stauffacher

bénéficie d’une certaine autonomie juridique (art. 712l). La PPE peut avoir pour
objet un bien-fonds ou un droit de superficie immatriculé. Elle se distingue de la
copropriété sur un immeuble en ce sens que la part du propriétaire d’étage est
assortie du droit exclusif d’utiliser certaines parties d’un bâtiment (dans la
copropriété ordinaire, le droit d’utilisation de chaque copropriétaire porte en
principe sur toute la chose). La délimitation entre le domaine exclusif et le
domaine de chaque propriétaire d’étage et le domaine commun joue donc un
rôle essentiel. L’art. 712b apporte les précisions suivantes :
- Les parties du bâtiment en jouissance exclusive doivent être nettement
délimitées dans l’espace. Le droit exclusif doit porter sur :
o Un étage ou une partie d’étage constitué en appartement, en locaux
commerciaux ou professionnels (pas simplement une place de
parc marquée sur le sol d’un garage).
o Un étage ou une partie d’étage qui forme un tout disposant d’un
accès propre (pas simplement une chambre ou une partie
d’appartement à laquelle on accède en traversant des locaux
faisant partie de la jouissance exclusive d’autrui).
- Des règles impératives tracent la ligne de démarcation entre le domaine
exclusif de chaque PdE et le domaine commun. Ainsi, le PdE ne peut
acquérir de droit exclusif ni sur le bien-fonds (ou le droit de superficie en
vertu duquel le bâtiment a été construit), ni sur les parties importantes
pour l’existence, la disposition ou la solidité du bâtiment (toit, murs
porteurs), ni sur les ouvrages ou installations qui servent aussi aux autres
PdE pour l’usage de leurs locaux (chauffage, ascenseur). Toutes ces
parties de l’immeuble sont donc nécessairement communes et objets
d’une gestion collective (art. 712b al. 2).
- Pour le reste, les PdE sont libres de définir, dans l’acte constitutif ou dans
une convention postérieure soumise à la même forme, d’autres parties
communes. Toutefois, à défaut d’une telle convention, toutes les parties
du bâtiment qui ne répondent pas aux critères de l’art. 712b al. 2 sont
présumées être l’objet du droit exclusif d’un PdE (art. 712b al. 3 in fine).

Constitution de la copropriété et de la PPE :


Il faut distinguer selon que la constitution résulte :
- De la loi : ce mode de constitution ne concerne que la copropriété
ordinaire (pas la PPE légales), principalement dans les cas suivants (cas
de copropriété naissant ex lege de par le droit fédéral) :
o Les biens des époux mariés sous le régime de la participation aux
acquêts ou de la séparation de biens leur appartiennent en
copropriété lorsque la preuve de la propriété de l’un ou de l’autre
ne peut être apportée (art. 200 et 248).

68
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o L’adjonction ou le mélange de choses appartenant à plusieurs


propriétaires fait naître entre eux une copropriété (art. 727 al. 1).
o Les démarcations communes appartiennent en copropriété aux
propriétaires des fonds voisins, sauf exception (art. 670).
o Les choses perdues trouvées par plusieurs personnes deviennent,
aux conditions des art. 720-722, copropriétés de ces personnes.
- D’un jugement : là encore, ce mode de constitution ne concerne que la
copropriété ordinaire. Il est possible qu’un juge ou une autre autorité
attribue une chose à plusieurs personnes qui ne sont pas / plus liées par
une communauté en main commune (propriété commune), faisant naître
une copropriété. Cela peut notamment être le cas :
o Dans une action en partage successoral (la constitution de la
copropriété ne produira de véritables effets que si le partage de
celle-ci n’est pas aussitôt possible au vu de l’art. 650 al. 3).
o Lorsqu’un immeuble est attribué à plusieurs enchérisseurs (art. 59
ORFI, ordonnance sur la réalisation forcée des immeubles).
- D’un acte juridique : la constitution d’une copropriété ordinaire ou d’une
PPE par acte juridique nécessite un titre d’acquisition et une opération
d’acquisition (selon les principes valables pour l’acquisition dérivée de
tous les droits réels) :
o Copropriété ordinaire : il s’agit alors en général d’un contrat, par
lequel plusieurs personnes acquièrent un bien en copropriété, en
relation avec une vente, une donation, un contrat de partage
successoral. Il peut également s’agir d’une disposition pour cause
de mort (bien attribué à plusieurs personnes). Sauf prescription
contraire, la forme du TA est celle qui doit être respectée pour le
transfert de la propriété (forme authentique pour les immeubles,
art. 657 al. 1). Quant à l’OA, les règles générales relatives à
l’acquisition des droits réels s’appliquent. En matière mobilière,
l’acquisition de la copropriété exige un transfert de la possession
aux copropriétaires (art. 714 al. 1 par analogie). En matière
immobilière, l’inscription de la copropriété au registre foncier est
nécessaire (art. 656 al. 1 par analogie).
o PPE : selon l’art. 712d al. 2, l’acte constitutif (titre d’acquisition)
d’une PPE peut être :
 Un contrat : la PPE naît par contrat (art. 712d al. 2 ch.1) :
 Lorsque plusieurs personnes acquièrent un
immeuble en PPE (vente en constitution simultanée
d’une PPE entre les acquéreurs).
 Lorsque plusieurs personnes déjà propriétaires de
l’immeuble (copropriétaires ou propriétaires
communs) conviennent de soumettre l’immeuble au
régime de la PPE (conversion en PPE).

69
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 Une déclaration unilatérale du propriétaire de l’immeuble :


l’art. 712d al. 2 ch. 2 donne au propriétaire du fonds (ou au
titulaire du droit de superficie distinct et permanent) la
possibilité de diviser idéalement sa propriété en parts
d’étage. Le propriétaire sera initialement titulaire de toutes
les parts d’étages, lui permettant d’organiser seul la PPE
avant de les aliéner. En général, l’acte unilatéral constitutif
d’une PPE prend la forme d’une déclaration (en la forme
authentique, art. 712d al. 3) adressée au conservateur du
RF. Précisons qu’il est aussi possible de constituer une PPE
par testament.
Peu importe le mode de constitution, l’acte constitutif (TA) doit
contenir, outre la volonté de créer une PPE (art. 712e al. 1) :
 La délimitation des étages ou parties d’étages : l’exigence de
l’art. 712e al. 1 est précisée par l’art. 33b ORF. L’acte
constitutif doit indiquer de manière claire et précise la
description, la délimitation et la composition des unités
d’étages (situation, surface, éléments constitutifs de l’unité,
locaux annexes, types). La loi n’impose toutefois pas de plan
de répartition, même si en pratique, cela se fait souvent.
 L’indication de la valeur de l’étage par rapport à la valeur
du bien-fonds : cette valeur doit être indiquée en pour-cent
ou en pour-mille de la valeur du bien-fonds ou du droit de
superficie (art. 712e al. 1). La valeur de la quote-part
modifie l’influence de son propriétaire lors des votes mais
aussi le pourcentage des frais que celui-ci doit payer. Ainsi,
le propriétaire d’une quote-part importante aura un poids
important dans le vote mais devra également payer une
part plus élevée des frais de l’immeuble.
Concernant l’OA, la PPE n’est valablement constituée que
lorsqu’elle est inscrite au feuillet du bien-fonds ou du droit de
superficie distinct et permanent sur lequel elle est constituée.
L’immatriculation de chaque part d’étage comme immeuble est
ensuite obligatoire (art. 10a al. 2 ORF). Contrairement à la
copropriété ordinaire, pour laquelle les noms des différents
copropriétaires sont inscrits sous un même feuillet, le
conservateur désigne les propriétaires d’étages par une référence
aux feuillets des diverses unités d’étages. Précisons enfin que
l’ouverture du feuillet pour les parts d’étages n’a pas pour effet de
clore le feuillet du bien-fonds ou du droit de superficie.
L’immeuble sur lequel est constituée la PPE reste ce qu’il était.

70
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Extinction de la copropriété et de la PPE :


En ce qui concerne l’extinction de la copropriété ou de la PPE, on distingue
l’extinction relative (copropriété ou PPE prend fin pour un seul des
copropriétaires) et l’extinction absolue (copropriété ou PPE prend fin pour tous
les copropriétaires.

Extinction relative :
Les causes d’extinction relative sont valables pour la copropriété et pour la PPE.
Elles sont au nombre de quatre :
- L’aliénation de la part : le copropriétaire peut aliéner sa part (vente,
donation), ce qui implique naturellement l’extinction relative de son droit.
- La renonciation à la part : le copropriétaire peut renoncer à sa part.
- La réalisation forcée de la part : la part de copropriété peut être l’objet
d’une réalisation forcée (art. 646 al. 3 in fine).
- L’exclusion : l’art. 649b permet d’exclure un copropriétaire de la
communauté, aux conditions suivantes :
o La violation d’une obligation découlant de la copropriété : la
violation peut être le fait du copropriétaire lui-même ou le fait de
personnes auxquelles il a cédé l’usage du bien ou dont il répond
(art. 649b al. 1). Il n’est pas nécessaire que la violation de
l’obligation lèse tous les autres copropriétaires et la faute n’est pas
non plus requise.
o Une violation présentant une gravité particulière : la violation doit
être telle que l’on ne puisse raisonnablement imposer aux autres
copropriétaires la continuation de la communauté. En outre,
l’exclusion a de telles conséquences pour le copropriétaire
concerné qu’elle ne saurait être prononcé à titre subsidiaire, si
toutes les sommations et tous les avertissements sont demeurés
vains (mesure ultima ratio).
Quant à la procédure d’exclusion, l’exclusion d’un copropriétaire ne peut
être prononcée que par le juge, au terme d’un procès ordinaire (art. 646b
al. 1 et 3). Le jugement a pour effet d’obliger le copropriétaire à aliéner sa
part (action condamnatoire et non constitutive). A défaut d’exécution
dans le délai fixé, le juge ordonne la vente aux enchères publiques de la
part de copropriété concernée (art. 649b al. 3). Enfin, précisons que les
règles sur l’exclusion d’un copropriétaire s’appliquent par analogie à
l’exclusion de l’usufruitier ou du titulaire d’un autre droit de jouissance
sur une part de copropriété, pour autant qu’il s’agisse d’un droit réel ou
d’une personnel annoté au RF (art. 649c).

71
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Extinction absolue :
Le législateur a voulu donner à la PPE une stabilité beaucoup plus grande qu’à la
copropriété ordinaire. Le propriétaire d’étage, au contraire du copropriétaire
ordinaire, ne peut demander le partage. Les causes d’extinction absolue sont
néanmoins en principe les mêmes pour les deux formes. Il existe tout de même
une cause d’extinction absolue propre pour chacune des deux formes. Il existe
donc 5 causes communes aux deux formes et deux causes propres :
- Les causes communes : elles sont au nombre de cinq :
o La perte de la chose ou de l’animal : mentionnée uniquement en
relation avec la PPE (art. 712f al. 1), cette cause a pourtant une
portée générale (art. 666 al. 1). Lorsque la copropriété est inscrite
au RF, la radiation a le caractère d’une rectification purement
déclarative. En matière immobilière, la destruction du bâtiment ne
constitue par une cause d’extinction de la copropriété. Toutefois,
l’art. 712f al. 3 donne au propriétaire d’étage (PPE) le droit de
demander la dissolution de la copropriété si le bâtiment est détruit
pour plus de la moitié de sa valeur et qu’une reconstruction serait
pour lui une charge difficile à supporter.
o L’extinction du droit de superficie sur lequel la copropriété est
constituée : comme pour la cause précédente, celle-ci a une portée
générale (pour la PPE art. 712f al. 1). Là encore, la copropriété
prend fin de par la loi, la radiation au RF est purement déclarative
et peut être opérée selon l’art. 976.
o L’extinction par acte juridique : les copropriétaires peuvent
décider de mettre fin à la copropriété (contrarius actus). Toujours
de portée générale (pour la PPE art. 712f al. 2 in initio), une telle
situation peut se produire en cas d’aliénation de l’objet à un tiers,
de reprise de celui-ci par un seul copropriétaire ordinaire ou de
partage sans aliénation. Dans ce cas, le partage s’opère, même pour
la PPE, selon les règles de la copropriété ordinaire (art. 651). Pour
la PPE, la limitée de convenir de la dissolution reste toutefois
limitée par l’art. 712f al. 2 in fine : la dissolution n’est possible que
du consentement de ceux qui ont des droits réels sur les parts
lorsque le transfert de ces droits sur l’immeuble n’est pas sans
inconvénient pour ces personnes.
o La réunion de toutes les parts dans les mains d’un seul
copropriétaire : pour la copropriété ordinaire, la réunion en mains
d’un seul copropriétaire de toutes les parts met en principe fin de
plein droit à la copropriété. Au contraire, en cas de PPE, cet état de
fait laisse subsister formellement la propriété collective, mais le
copropriétaire peut demander la radiation (art. 712f al. 2 et art.
712d al. 2 ch. 2). Dans les deux hypothèses, lorsque des tiers ont

72
Droit civil II Jérémy Stauffacher

des droits réels sur une part, l’extinction n’est possible que du
consentement de ces personnes si leurs droits ne peuvent être
transférés sans inconvénients sur l’objet (art. 712f al. 2 in fine).
o La réalisation forcée de la chose ou de l’animal : la copropriété
prend fin si le bien vient à être réalisé dans une procédure
d’exécution forcée, principalement en raison d’une poursuite en
réalisation de gage.
- L’extinction absolue de la PPE selon la procédure de l’art. 33c ORF :
lorsque la PPE a été constituée avant la construction du bâtiment et que
l’attestation officielle prévue à l’art. 33b al. 2 ORF n’est pas produite ou
lorsqu’il est constaté que la répartition des locaux n’est pas conforme à la
loi, le conservateur doit engager la procédure de conversion de la PPE en
copropriété ordinaire (art. 33c al. 4 ORF).
- L’extinction absolue de la copropriété ordinaire en cas de demande de
partage émanant d’un copropriétaire : les copropriétaires ordinaires
n’étant pas liés par une communauté préexistante, chacun d’eux peut en
principe exiger en tout temps le partage de la copropriété (art. 650 al. 1,
droit rattaché propter rem à la part de copropriété dirigé contre tout
copropriétaire actuel). Le code exclut par contre le droit au partage en
matière de PPE (art. 650 al. 1). La copropriété est en effet une situation
juridique instable, fragile, qui peut toujours être dissoute, au contraire de
la PPE qui est stable, fixe et durable. Le droit au partage en matière de
copropriété ordinaire est tout de même limité par la loi dans deux cas :
o Le droit au partage est d’abord exclu si l’objet en copropriété est
affecté à un but durable (art. 650 al. 1 in fine) : on apprécie donc si
l’objet est affecté à un but durable en examinant si le but poursuivi
par la constitution de la copropriété ne peut être atteint que par le
maintien de celle-ci. C’est l’application de ce principe qui exclut le
droit au partage en cas de PPE.
o Le droit au partage ne doit également pas être exercé en temps
inopportun (art. 650 al. 3) : le partage est inopportun si sa mise en
œuvre entraîne une charge excessive ou des inconvénients
sensibles pour les autres copropriétaires ou certains d’entre eux.
Le juge décide donc en tenant compte des intérêts des
copropriétaires concernés.
De même, le partage de la copropriété peut être temporairement (pas
plus que 30 ans, art. 650 al. 2) exclu par acte juridique (art. 650 al. 1). A
l’échéance du délai prévu, une exclusion du partage pour une nouvelle
période reste possible. Si le droit au partage est contesté, chaque
copropriétaire peut faire valoir ce droit par l’action tendant au partage. Il
s’agit d’une action en contestation de droit, par laquelle le demandeur fait
constater par le juge son droit au partage. Le for de cette action est prévu
aux art. 19 al. 1 lit. a et 20 LFors.

73
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Concernant le mode de partage, l’art. 651 al. 1 laisse les copropriétaires


libres de partager la copropriété comme ils le veulent. Le partage s’opère
alors de façon extrajudiciaire, par contrat. Si le partage implique le
transfert d’un immeuble, le contrat doit être passé en la forme
authentique. Si les copropriétaires ne s’entendent pas sur le mode de
partage, chacun d’eux peut ouvrir l’action en partage (art. 651 al. 2),
laissant le juge décider. Il ne peut toutefois décider librement du mode de
partage : il est en effet lié par les conclusions des parties (exclusion de la
vente aux enchères publiques par exemple) et par l’art. 651 al. 2, qui
détermine exhaustivement les possibilités du juge : le partage en nature,
possible uniquement si la chose peut être divisée en parts (pas forcément
égales, moyennant compensation par des soultes, art. 651 al. 3) sans
diminution notable de sa valeur (art. 651 al. 2), ou la vente aux enchères
publiques ou limitées aux copropriétaires (art. 651 al. 2). Le juge ne peut
donc pas transformer la copropriété ordinaire en PPE (jurisprudence). Il
existe toutefois quatre exceptions à la règle de l’art. 651 al. 2 :
o La copropriété entre époux ou entre partenaires enregistrés : les
art. 205 al. 2 et 251 prévoient alors un troisième mode de partage :
l’attribution du bien par le juge. Celui-ci peut en effet attribuer
entièrement le bien à celui des époux qui justifie d’un intérêt
prépondérant. L’art. 24 LPart établit le même principe pour les
partenaires enregistrés.
o La copropriété sur un animal : lorsque l’objet de la copropriété est
un animal qui vit en milieu domestique (vivant dans le proche
environnement des copropriétaires : maison, jardin, volière, etc.)
et qui n’est pas gardé dans un but patrimonial ou de gain (lien
affectif nécessaire), le juge doit, si plusieurs copropriétaires
demandent à recevoir l’animal, attribuer la propriété de celui-ci au
copropriétaire qui représente la meilleure solution pour l’animal
au vu des critères appliqués en matière de protection des animaux
(art. 651a al.1). Précisons que l’art. 651a al. 1 l’emporte, en tant
que lex specialis, sur les art. 205 al. 2 et 251.
o La copropriété sur une entreprise ou un immeuble agricoles :
chaque copropriétaire peut alors, aux conditions fixées par les art.
36 ss LDRF, demander que l’entreprise ou l’immeuble lui soit
attribué. Si l’un des copropriétaires d’un immeuble ou d’une
entreprise agricoles est sous tutelle et que cet immeuble vient à
être vendu (non application des art. 36 ss LDRF), l’art. 69 LDRF
exclut la vente aux enchères. Cette disposition exclut donc
l’application de l’art. 404 al. 2.
o Le copropriétaire sous tutelle : si l’un des copropriétaires est sous
tutelle, les enchères doivent être publiques (art. 404 al. 2), sous
réserve de l’art. 69 LDRF.

74
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les droits du copropriétaire quant à la part :


La part de copropriété exprime le droit de chaque copropriétaire sur l’objet en
copropriété. Ce droit porte sur cet objet dans son entier, mais il est limité par le
droit analogue des autres copropriétaires. Le droit de chacun est mesurée par
une quote-part (notion arithmétique qui définit la proportion du droit de
propriété revenant au copropriétaire concerné). Les quotes-parts sont
présumées égales (art. 646 al. 2), même si les parties ou le juge peuvent établir
une autre répartition. En cas de PPE, l’indication de la valeur de chaque part
d’étages est un élément nécessaire de l’acte constitutif. En outre, la part de
copropriété sur un immeuble est elle-même un immeuble (art. 655 al. 2 ch. 4).
L’immatriculation est obligatoire pour les parts d’étages (PPE) alors qu’elle n’est
exigée pour les parts de copropriété ordinaire que si la clarté et la précisions des
inscriptions l’exigent. Toutefois, si le RF est informatisé, les parts de copropriété
indépendantes doivent être immatriculées, lorsque l’une d’elles est grevée d’un
droit de gage (art. 943 al. 1 ch. 4, 10a ORF et 111c ORF).
Quant à la disposition de la part en copropriété, selon l’art. 646 al. 3, le
copropriétaire peut (sauf en cas de copropriété propter rem) :
- Aliéner sa part : en principe, tout copropriétaire peut aliéner (totalement
ou partiellement) sa part (vente, donation, échange), en respectant les
règles prévues pour le transfert de propriété de l’objet lui même. Cette
liberté fait toutefois l’objet de certaines restrictions. L’art. 201 al. 2
prévoit tout d’abord que lorsqu’un bien appartient en copropriété à des
époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts, aucun d’eux
ne peut, sauf convention contraire, disposer de sa part sans le
consentement de l’autre. Ensuite, en matière immobilière, la liberté
d’aliéner est sujette à diverses restrictions :
o Le droit de préemption légal en cas de copropriété ordinaire :
selon l’art. 682 al. 1, les copropriétaires ont un droit de
préemption légal contre tout acquéreur d’une part qui n’est pas
copropriétaire. Ce droit est lié à la qualité de copropriétaire (côtés
actif et passif, obligation propter rem). Il ne peut être aliéné
qu’avec la part de copropriété elle-même et se présente comme
une restriction légale directe du droit d’aliéner des
copropriétaires. Il ne peut être exercé qu’en cas de vente d’une
part de copropriété à une personne qui n’est pas déjà
copropriétaire de l’immeuble en cause (art. 681 al. 2). Le but de ce
droit est de donner à chaque copropriétaire un moyen de
s’opposer à l’entrée dans la communauté d’une personne
indésirable. Il a donc priorité sur les autres droits de préemption
conventionnels que le copropriétaire aurait constitués sur sa part
(art. 681 al. 3). Quant aux effets (art. 681 à 681b), le copropriétaire
qui aliène sa part (selon les conditions de l’art. 681 al. 1) doit en

75
Droit civil II Jérémy Stauffacher

informer les autres copropriétaires (art. 681a al. 1) afin que ceux-
ci déclarent dans un délai de trois mois (dès le moment où les
copropriétaires ont eu connaissance de la conclusion du contrat de
vente et de son contenu) s’ils entendent exercer leur droit (art.
681a al. 2). Ce droit ne peut toutefois plus être exercé s’il s’est
écoulé plus de deux ans depuis l’inscription de l’acquéreur au RF.
Le copropriétaire qui a exercé son droit peut exiger le transfert de
la part vendue. Si plusieurs copropriétaires exercent leurs droits,
la part vendue leur est attribuée (sauf convention contraire) en
proportion de leur part de copropriété au moment de l’attribution
(art. 682 al. 1). Lorsqu’un autre prix n’a pas été convenu, le
transfert au(x) copropriétaire(s) se fait au prix convenu entre le
vendeur et le tiers (art. 681 al. 1 in fine CC et 216d al. 3 CO). Si le
tiers a déjà été inscrit au RF, le préempteur peut agir directement
contre lui pour obtenir l’exécution du droit de préemption et la
rectification du RF (art. 665 et 975). L’effet du droit de préemption
légal est donc semblable à celui du droit de préemption
conventionnel annoté. En revanche, le titulaire du droit de
préemption légal ne pourra pas exiger la radiation des droits
inscrits ou annotés postérieurement à la création du rapport de
copropriété. Enfin, précisons que le droit de préemption légal est
une restriction de droit privé que les parties peuvent modifier,
voire supprimer (conditions de l’art. 681b al. 1). Le titulaire du
droit de préemption peut également renoncer à exercer son droit,
mais cette renonciation doit être faite par écrit et après la
survenance du cas de préemption (art. 681b al. 2).
o Les restrictions conventionnelles en cas de PPE : le code supprime
le droit de préemption légal en cas de PPE (art. 712c al. 1) car
l’existence de ce droit rendrait trop difficile l’aliénation des parts
d’étages. Les propriétaires d’étages ont cependant :
 La faculté de réintroduire le droit de préemption : ce droit
peut en effet être prévu dans l’acte constitutif ou par
convention ultérieure (art. 712c al. 1, 216 al. 3 CO et 71a
ORF). La clause réintroduisant le droit de préemption peut
être annotée au RF (art. 712c al. 1 in fine et 71a ORF), ce qui
rend le droit de préemption opposable aux tiers. L’effet de
l’annotation n’est pas limité à 25 (même si le droit de
préemption est d’origine conventionnelle) mais se poursuit
pour toute la durée de la PPE.
 Le droit d’opposition conventionnel des propriétaires
d’étages : ce droit peut être prévu dans l’acte constitutif ou
par convention ultérieure (art. 712c al. 2). Les conditions de
forme sont les mêmes que pour la réintroduction du droit

76
Droit civil II Jérémy Stauffacher

de préemption. La clause introduisant le droit d’opposition


peut également être annotée au RF rendant alors le droit
opposable aux tiers. L’exercice de ce droit nécessite la
réalisation de trois conditions :
 Il faut d’abord une décision des autres propriétaires,
prise à la majorité (art. 712c al. 2).
 L’opposition doit ensuite être formée dans les 14
jours qui suivent la communication de l’aliénation
(art. 712c al. 2).
 Enfin, l’opposition doit être fondée sur des justes
motifs. Le juge décide en cas de contestation et le
défendeur peut demander que la décision soit prise
en procédure sommaire (art. 712c al. 3).
- Constituer des droits réels limités et des droits personnels sur sa
part (engager sa part) : le copropriétaire peut en principe constituer sur
sa part un droit réel limité ou un droit personnel, en respectant les règles
de formes applicables à la constitution de tels droits sur l’objet en
copropriété. Les précisions varient selon le type de droit :
o Droits de gage : le copropriétaire peut engager sa part (art. 646 al.
3 et 800) même si l’objet en copropriété lui-même est déjà grevé
de droits de gage. L’inverse n’est cependant pas possible (art. 648
al. 3), sauf si tous les intéressés y consentent.
o Servitudes et charges foncières : la constitution de tels droits n’est
possible que dans la mesure où la part de copropriété se prête à
l’utilisation ou à la prestation promises. Tel est en principe le cas
pour l’usufruit. Pour les autres servitudes personnelles et pour les
servitudes foncières, la constitution n’est possible que si la part
permet une maîtrise localisée adéquate de l’immeuble. En cas de
PPE, la constitution d’un usufruit ou d’un droit d’habitation sur la
part peut être exposée au droit d’opposition (art. 712c al. 2). En
outre, les règles relatives à l’aliénation s’appliquent.
o Droits personnels : le copropriétaire peut louer sa part, la prêter,
accorder à son sujet un droit de préemption, d’emption ou de
réméré. En cas de PPE, la conclusion d’un bail peut être exposée au
droit d’opposition (art. 712c al. 2).
- Renoncer à sa part : un copropriétaire peut renoncer à sa part, soit, en
matière mobilière, par un abandon volontaire de la possession (art. 729),
soit en matière immobilière, par la réquisition de radiation adressée au
conservateur du RF (art. 666 al. 1).
- Subir une réalisation forcée de sa part : la part de copropriété peut faire
l’objet d’une exécution forcée (art. 646 al. 3, 23-23d ORFI et 73 ss ORFI).

77
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Enfin, quant à la protection de la part de copropriété, le copropriétaire peut


défendre sa part contre les tiers comme contre les autres copropriétaires :
- Contre les tiers : le copropriétaire peut utiliser toutes les actions du
propriétaire individuel : celles dérivant de son droit (not. art. 641 al. 2 et
679) et celles dérivant de la possession (art. 926 ss et 934 ss).
- Contres les autres copropriétaires : il peut également faire valoir les
actions dérivant de la propriété, notamment l’action de l’art. 670 et
l’action négatoire de l’art. 641 al. 2. Au besoin, le copropriétaire peut agir
en constatation de l’étendue de sa quote-part. Enfin, le copropriétaire
peut faire valoir toutes les actions qui dérivent de la communauté créée
par la copropriété (action en constatation de la nullité ou en annulation
d’une décision prise par les autres copropriétaires).

Les droits du copropriétaire quant à l’objet :


Outre les droits sur la part de copropriété, le copropriétaire a des droits sur
l’objet de copropriété en lui-même. Ces droits sont de deux ordres : le
copropriétaire a d’abord des droits qu’il peut exercer seul (sphère propre) et
ensuite des droits qu’il ne peut exercer qu’en commun avec les autres
copropriétaires (sphère commune). Les droits faisant partie de la sphère propre
du copropriétaire sont divisés en deux groupes :
- Les droits envers les autres copropriétaires : chaque copropriétaire a un
droit d’usage et de jouissance sur l’objet en copropriété et également une
certaine liberté en matière d’actes d’administration :
o Le droit d’usage et de jouissance : selon l’art. 648 al. 1, le
copropriétaire jouit de la chose et en use dans la mesure
compatible avec le droit des autres. Ce droit est mesuré par la
quote-part (art. 646 al. 3) et entre dans la sphère propre du
copropriétaire. Ce dernier ne peut donc en être privé.
Naturellement, pour ce qui est de son exercice concret, le
copropriétaire doit s’entendre avec les autres copropriétaires (le
juge décide, au besoin). En matière de PPE, ces principes sont
complétés par l’art. 712a al. 2 :
 Sur les parties de l’immeuble qui font l’objet de son droit
exclusif, le propriétaire d’étage a un droit d’usage et de
jouissance exclusif. Il peut librement aménager et utiliser
ces locaux (dans la limite du droit des autres
copropriétaires, art. 712a al. 2 et 3).
 Quant aux parties communes, le principe de l’art. 648 al. 1
s’applique : le propriétaire d’étage en a donc l’usage et la
jouissance dans la mesure de sa quote-part (modalité
définies par les propriétaires d’étages, art. 712g al. 3).

78
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o Le droit d’effectuer certains actes d’administration : les


copropriétaires ont un droit propre d’administrer l’objet en
copropriété dans trois cas (art. 647a et 647 al. 2) :
 Les actes d’administration courante : chaque copropriétaire
peut faire seul les actes d’administration courante (art.
647a al. 1 et 712g al. 1). Il agit en tant que représentant de
la communauté. En cas de PPE, la compétence sera souvent
attribuée à l’administrateur, excluant ainsi les autres
propriétaires d’étages.
 Les actes d’administration indispensables : chaque
copropriétaire peut exiger (au besoin par la voie judiciaire)
que soient exécutés les actes d’administration
indispensables au maintien de la valeur et / ou de l’unité de
la chose (art. 647 al. 2 et 712g al. 1). Cette règle est
impérative (art. 647 al. 2 in initio et 647a al. 2 in fine) et les
frais correspondants sont supportés par tous les
copropriétaires. Le juge doit décider selon une procédure
simple et rapide (procédure sommaire en principe).
 Les actes d’administration urgents : chaque copropriétaire
peut prendre lui-même les mesures urgents requises pour
préserver la chose d’un dommage imminent ou s’aggravant
(art. 647 al. 2 ch. 2 et 712g al. 1). A nouveau, le
copropriétaire agit comme représentant de la communauté.
En matière de PPE, le droit de chaque propriétaire d’étage
de faire les actes d’administration urgents est subsidiaire
par rapport au droit analogue de l’administrateur (art. 712s
al. 1). De même, les frais correspondants sont supportés par
tous les copropriétaires et la règle est impérative (art. 647
al. 2 in initio et 712g al. 2 in fine).
- Les droits envers les tiers : selon l’art. 648 al. 1, chaque copropriétaire
peut veiller aux intérêts communs, mais seulement dans la mesure
compatible avec le droit des autres. Cela implique :
o Le droit d’exercer dans l’intérêt de tous les prétentions indivisibles
découlant de la propriété : chaque copropriétaire peut agir en
revendication et intenter l’action négatoire ou l’action de l’art. 679
(même si les autres copropriétaires ont consenti au trouble). Le
copropriétaire n’agit pas en véritable représentant de la
communauté, même si son action profite aux autres
copropriétaires.
o Le droit de faire valoir pour sa quote-part les prétentions
divisibles : si la prétention est divisible (dommages-intérêts,
perception des fruits, etc.) le copropriétaire ne peut la faire valoir
que dans la proportion de sa quote-part.

79
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Relèvent de la sphère commune des copropriétaires tous les actes de disposition


affectant l’objet en copropriété ainsi que la plupart des actes d’administration :
- La disposition de l’objet en copropriété : les actes de disposition affectant
l’objet ne sont valables que si tous les copropriétaires y ont consenti (sauf
règles diverses, art. 648 al. 2). Cela concerne :
o L’aliénation de l’objet : il s’agit du transfert de la propriété (vente,
donation) à un tiers ou à un copropriétaire. Si la copropriété porte
sur un immeuble, le transfert doit être fait en la forme authentique
(art. 657 al. 1). L’aliénation de l’objet est un cas d’extinction
absolue de la copropriété.
o La constitution de droits réels limités : le consentement est alors
nécessaire pour les DRL grevant l’objet mais aussi pour les DRL
constitués en faveur de l’objet (sauf si le DRL est constitué à titre
gratuit et n’entraîne aucune obligation pour les autres
copropriétaires). Les copropriétaires ne peuvent en outre pas
grever l’objet en copropriété de droits de gage et de charges
foncières si des parts de copropriété sont déjà grevées de tels
droits (art. 648 al. 3). Toujours concernant les droits de gage et les
charges foncières, le législateur a prévu un ordre de priorité entre
la part de copropriété et l’objet en copropriété :
 Si l’objet a été grevé avant les parts, le droit de gage ou la
charge foncière sur l’objet en copropriété a la priorité.
 Si une ou plusieurs parts sont déjà grevées, l’objet en
copropriété ne peut plus être grevé (art. 648 al. 3). Cette
règle signifie en fait qu’un droit de gage (ou une charge
foncière) constitué sur l’objet ne peut être primé par
d’autres droits de gage (ou d’autres charges foncières)
constituées antérieurement sur une part de copropriété.
Ainsi, la constitution postérieure d’un droit de gage (ou
d’une charge foncière) sur l’objet reste possible si tous les
intéressés consentent à ce que ce droit ait la priorité sur les
autres droits grevant les parts.
o Le changement de destination de l’objet en copropriété (art. 648
al. 2) : chaque copropriétaire peut, sauf réglementation contraire
convenue à l’unanimité, s’opposer à toute décision impliquant une
modification importante du but de l’objet en copropriété.
- L’administration de l’objet en copropriété :
o Les règles impératives : il existe un certain nombre de dispositions
impératives établies par la loi qui limitent la liberté
conventionnelle des copropriétaires. Il s’agit d’abord de l’art. 647
al. 2 qui interdit qu’un copropriétaire soit privé de son droit de
faire seul les actes d’administration indispensables ou urgents. La

80
Droit civil II Jérémy Stauffacher

liberté des copropriétaires est ensuite limitée par quelques règles


impératives en cas de PPE. Il résulte de l’art. 712g al. 2 que les
propriétaires d’étage ne peuvent pas prévoir de modifier les règles
concernant les actes d’administration et les travaux de
construction autrement qu’à l’unanimité. En outre, les règles
impératives sur l’organisation de la PPE restreignent
indirectement la liberté d’aménager l’administration de
l’immeuble (existence, compétence et fonctionnement de l’AG).
o Les règles conventionnelles : on distingue alors :
 Les règles conventionnelles relatives aux actes
d’administration et aux travaux de construction : ces règles
permettent aux copropriétaires de convenir de règles
dérogeant à celles prévues aux art. 647a à b (actes
d’administrations) et aux art. 647c à e (travaux de
construction). Cette possibilité est prévue par l’art. 647 al. 1
qui renvoie directement à l’art. 712g al. 2. Ces règles
doivent alors être approuvées à l’unanimité, dans l’acte
constitutif ou par la suite (exception de l’art. 647a al. 2). Les
règles ainsi adoptées sont opposables à tout ayant cause
d’un copropriétaire (pour autant que les règles soient en
rapport direct avec l’administration et l’utilisation
commune de l’objet) et à tout acquéreur d’un droit réel sur
une part (art. 649a). Tout se passe comme dans une
société : le nouveau venu est soumis aux dispositions
statutaires, aux mesures administratives prises par les
copropriétaires et aux décisions et ordonnances judiciaires.
Les dispositions du règlement d’utilisation et
d’administration ne sont toutefois opposables à l’ayant
cause d’un copropriétaire que si elles ont un rapport direct
avec l’administration et l’utilisation commun de l’objet.
Précisons qu’aucune opération au RF n’est nécessaire,
même si l’art. 647 al. 1 donne aux copropriétaires la
possibilité de faire mentionner au RF l’existence d’un
règlement d’utilisation et d’administration.
 Les autres règles conventionnelles relatives à
l’administration de l’objet en copropriété : l’administration
de l’objet peut soulever diverses difficultés : organisation
des parties communes, répartition des charges, rôle de
l’assemblée, etc. La compétence pour adopter des règles
conventionnelles dépend du type de copropriété :
 Copropriété ordinaire : les règles peuvent prendre
place dans le règlement d’utilisation et
d’administration (unanimité et opposabilité).

81
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 PPE : les règles sont alors régies par l’art. 712g al. 3.
La code accorde à chaque propriétaire d’étage le
droit d’exiger un tel règlement, qui peut par la suite
être approuvé ou modifié par la majorité des
propriétaires d’étages, représentant en outre plus de
la moitié de la valeur des parts. Chaque propriétaire
d’étage peut également exiger la mention du
règlement au RF (cela n’est pas nécessaire pour que
l’effet de l’art. 649a se produise).
o Les règles de droit dispositif : ces règles s’appliquent aussi bien à
la copropriété qu’à la PPE (art. 647 a à e et 712g al. 1). Le code
distingue deux grandes catégories, selon le contenu :
 Les actes d’administration ne concernant pas les travaux de
construction : là encore, on distingue :
 Les actes d’administration courante : en principe,
chaque copropriétaire a le droit de les faire (art.
647a al. 1). Il s’agit d’actes relevant de la sphère
propre de chaque copropriétaire. Le copropriétaire
peut toutefois être privé de ce droit par une décision
prise à la majorité de tous les copropriétaires (sauf
pour les cas aussi visés par l’art. 647 al. 2).
 Les actes d’administration plus importante : pour
déterminer si l’acte d’administration relève de l’art.
647a ou de l’art. 647b, il faut tenir compte des
circonstances concrètes (importance de l’objet,
nombre de copropriétaire, coût, impact, etc.) et
s’inspirer des exemples donnés par le code. Pour les
actes d’administrations plus importants, l’art. 647b
exige une double majorité (par têtes et par parts).
 Les actes d’administration relatifs aux travaux de
construction : de même, on distingue, selon l’importance :
 Les travaux de construction nécessaires : il s’agit des
travaux d’entretien, de réparation ou de réfection
relatifs à une construction, immobilière ou
mobilière, pour autant qu’ils soient concrètement
indispensables au maintien de la valeur et/ou de
l’utilité de la chose (art. 647c), peu importe le coût.
La décision d’effectuer de tels travaux doit en
principe être prise à la majorité (art. 647c), sauf
pour les cas suivants :
o Si les travaux en cause constituent un acte
d’administration courante, c’est alors l’art.
647a qui s’applique).

82
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o Si une décision ne peut être obtenue par la


voie prévue par l’art. 647c, chaque
copropriétaire peut requérir le juge
d’ordonner les travaux, voire les faire
effectuer en cas d’urgence (art. 647 al. 2).
o En cas de PPE, l’art. 647c ne s’applique
qu’aux parties communes, même si l’un des
propriétaires d’étages a sur elles un droit
d’utilisation exclusif (art. 712a al. 2).
 Les travaux de construction utiles : l’art. 647d vise
les travaux de réfection ou de transformation qui
sont destinés à augmenter la valeur de la chose ou à
améliorer son rendement ou son utilité (ascenseur,
garage). De tels travaux ne peuvent être décidés qu’à
la majorité des copropriétaires représentant en
outre plus de la moitié de la valeur des parts (art.
647d al. 1). Ce principe est complété par deux règles
au caractère impératif :
o Chaque copropriétaire a un droit de véto
lorsque les travaux envisagés auraient pour
effet de le gêner notablement et
durablement ou compromettraient le
rendement de la chose (art. 647d al. 2).
o Par ailleurs, pour éviter d’imposer des
dépenses à un copropriétaire et éviter
d’empêcher les autres copropriétaires
d’effectuer les travaux, il reste possible
d’exécuter les travaux si les autres
copropriétaires se chargent de la part des
frais qui ne peuvent être demandés au
copropriétaire s’opposant aux travaux (art.
647d al. 3).
 Les travaux de construction somptuaires : ce sont les
travaux exclusivement destinés à embellir la chose, à en
améliorer l’aspect ou à en rendre l’usage plus aisé. En
principe, ces travaux doivent être décidés à l’unanimité (art.
647e al. 1). Toutefois, les travaux décidés à la double
majorité (têtes et parts) peuvent être exécutés pour autant
que l’opposant ne soit pas durablement entravé dans son
droit d’usage et de jouissance, que les autres
copropriétaires l’indemnisent de l’atteinte et qu’ils se
chargent de sa part des frais (art. 647e al. 2).

83
Droit civil II Jérémy Stauffacher

La communauté des copropriétaires ordinaires :


Le code prévoit l’exclusion de la communauté (art. 649b), l’opposabilité du
règlement d’utilisation et d’administration aux ayants cause des copropriétaires
(art. 649a) ainsi que diverses règles de majorité (art. 647a à e). Ces éléments
soulignent les liens corporatifs qui existent entre les copropriétaires. La loi ne
précise par contre pas comment la communauté doit être organisée. Les
copropriétaires peuvent prévoir des règles à ce sujet dans le règlement
d’utilisation et d’administration (art. 647 al. 1). La communauté n’a pas la
capacité d’exercer des droits en son nom, elle ne peut pas actionner ni être
actionnée en justice. Quant aux frais, il faut distinguer :
- Les rapports internes : la relation des copropriétaires avec les tiers est
régie par le CO (art. 32 ss, 41 ss, 70 et 143 CO).
- Les rapports externes : selon l’art. 649 al. 1, les copropriétaires doivent
supporter en proportion de leurs parts les frais d’administration, les
impôts et les autres charges résultant de la copropriété ou grevant l’objet.
Ils peuvent également convenir d’une autre répartition (sous réserve des
art. 647d al. 3 et 647e al. 2). En outre, si l’un des copropriétaires, dans les
rapports internes, a payé au-delà de sa part, il a un recours contre les
autres copropriétaires (art. 649 al. 2).

La communauté des propriétaires d’étages :


La PPE étant constituée en principe pour longtemps et réunissant en plus dans la
plupart des cas de nombreux propriétaires, le code régit de façon détaillée la
communauté des propriétaires d’étage. Il s’agit de détailler successivement la
nature juridique de la communauté, son organisation et son fonctionnement.
Quant à la nature juridique, la communauté des propriétaires d’étages se
constitue de par la loi, dès la constitution d’une PPE. Elle n’est pas propriétaire
de l’immeuble et a simplement pour but de permettre la gestion de l’immeuble,
dans la mesure où cette dernière relève de la sphère commune des propriétaires
d’étages. Le code confère une certaine autonomie juridique à la communauté :
selon l’art. 712l, le communauté peut être titulaire de droits et d’obligations, peut
exercer ces droits et exécuter ces obligations en son nom, peut actionner ou être
actionnée en justice, poursuivre ou être l’objet d’une exécution forcée. Toutes ces
aptitudes n’existent toutefois qu’en relation avec le but de la communauté
(gestion de l’immeuble, art. 712l al. 1 et 712h).
Par rapport à l’organisation, la communauté n’a qu’un organe nécessaire,
l’assemblée des propriétaires d’étages. Elle peut cependant avoir un
administrateur ou un comité. L’assemblée des propriétaires d’étages est régie
par les art. 712m à 712p (et à titre subsidiaire, selon l’art. 712m al. 2, par les art.
64-69 et 75, relatifs aux règles sur les associations). L’assemblée existe de droit

84
Droit civil II Jérémy Stauffacher

et constitue le pouvoir suprême de la communauté. Elle se tient normalement


sous la forme d’une AG (art. 66 al. 1) et est, sauf disposition contraire, convoquée
par l’administrateur ou par un cinquième des propriétaires d’étages. L’assemblée
tenue sans convocation n’est valable que si tous les propriétaires d’étages sont
présent (art. 701 et 844 CO par analogie). Quant aux attributions de l’assemblée,
elle prend les décisions importantes relatives au fonctionnement de la
communauté et à l’administration de l’immeuble (présomption générale de
compétences, art. 712m al. 1 ch. 1). On distingue les 3 types de pouvoir :
- Le pouvoir règlementaire : l’assemblée adopte le règlement
d’administration et d’utilisation et qui le modifie. Elle a également la
compétence pour adopter un règlement de maison (art. 712g).
- Le pouvoir administratif : l’assemblée est compétente pour nommer un
administrateur, un comité et un délégué (art. 712m al. 1 ch. 2-3). Elle a
également compétence pour toutes les affaires administratives qui ne
relèvent pas de l’administrateur ou d’un autre organe aux termes de la loi,
du règlement ou d’une décision précédemment prise (art. 712m al. 1 ch. 1
et 712s al. 1). Elle approuve également chaque année le budget et les
comptes ainsi que la répartition des frais entre les propriétaires d’étages.
Elle décide en outre de la création d’un fonds de rénovation et conclut les
assurances requises par la loi (art. 712m al. 1 ch. 4-6).
- Le pouvoir de contrôle (art. 65 al. 2) : l’assemblée surveille l’activité de
l’administrateur (art. 712m al. 1 ch. 2) ou le fait surveiller par le comité ou
le délégué (art. 712m al. 1 ch. 3). Elle peut révoquer l’administrateur (art.
712r) ou les autres organes (art. 65 al. 2 et 3).
Pour que l’assemblée puisse délibérer valablement, la moitié des propriétaires
d’étages (au moins deux), représentant en outre la moitié de la valeur des parts,
doit être présente ou représentée à l’assemblée (art. 712p al. 1, exigence d’un
quorum). Si ce quorum n’est pas atteint, une seconde assemblée peut être
convoquée au plus tôt 10 jours après la première et les exigences sont alors
moins strictes (art. 712p al. 2-3). Si à nouveau le quorum ne peut être atteint, il
reste à chaque propriétaire d’étage les compétences liées à sa sphère propre (art.
647 al. 2 entre autre). Les décisions sont en général prises à la majorité des voix
des membres présents (art. 67 al. 2). Chaque propriétaire d’étage dispose du
droit de vote, en principe égal pour chacun (vote par tête, art. 67 al. 1). La loi ou
le règlement peuvent toutefois imposer une majorité selon la valeur des parts.
Selon l’art. 712m al. 2, la contestation des décisions de l’assemblée a lieu par une
action en justice tendant à l’annulation de la décision prise (règles applicables à
l’association, art. 75). Il faut toutefois réserver le cas des décisions absolument
nulles, dont la nullité peut être constatée en tout temps. Il s’agit des décisions qui
vont à l’encontre de la structure fondamentale de la PPE ou violent les règles
destinées à protéger les tiers (créanciers notamment). Les conditions pour
l’action en annulation sont de trois types :

85
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Conditions personnelles : la qualité pour agir appartient à tout


propriétaire d’étage qui n’a pas adhéré à la décision contestée (en
n’assistant pas à l’assemblée, en s’abstenant ou en votant contre la
décision). La qualité pour défendre appartient à la communauté des
propriétaire d’étages.
- Conditions matérielles : l’action est donnée contre les décisions contraires
aux dispositions légales ou conventionnelles (art. 75 par analogie).
L’action ne permet pas de faire revoir par le juge l’opportunité ou
l’adéquation d’une décision.
- Conditions temporelles : l’action doit être ouverte dans le mois à compter
du jour où le demandeur a eu connaissance de la décision (délai de
péremption, art. 75).
L’action aboutit à un jugement formateur qui annule la décision avec effet
rétroactif et produit ses effets à l’égard de tous les propriétaires d’étages et des
autres intéressés, même s’ils n’ont pas participé à la procédure.
L’administrateur, bien que non imposé par la loi, est un élément capital dans le
cadre de l’administration interne et de la représentation de la communauté à
l’égard des tiers. Il est nommé par l’assemblée (art. 712m al. 1 ch. 2, sous réserve
de l’art. 712q al. 1). Si l’assemblée ne le fait pas, chaque propriétaire d’étage peut
demander au juge qu’il nomme un administrateur (art. 712q al. 1). Le même
droit appartient à tout tiers ayant un intérêt légitime à cette nomination (art.
712q al. 2). Il peut notamment s’agir d’un créancier gagiste ou d’un assureur. Les
rapports entre la communauté et l’administrateur sont réglés par un contrat
(mandat à titre onéreux, art. 394 ss CO ou contrat de travail, art. 319 ss CO). Ce
contrat détermine entre autre la durée des fonctions de l’administrateur (sous
réserve de l’art. 712r), sa rémunération et l’étendue de sa responsabilité.
L’administrateur a deux sortes d’attribution :
- Gestion interne : il exécute les tâches découlant de la loi ou les décisions
de l’assemblée. Ces tâches sont précisées à l’art. 712s.
- Gestion externe : il représente la communauté et les propriétaires
d’étages envers les tiers pour les affaires qui relèvent de l’administration
commune et entrent dans ses attributions légales (art. 712t al. 1).
L’administrateur peut être révoqué en tout temps par l’assemblée à la majorité
simple (art. 712r al. 1). Ce droit n’est pas subordonné à l’existence de justes
motifs mais est limité dans le cas où l’administrateur a été nommé par le juge,
auquel cas l’assentiment du juge est nécessaire (art. 712r al. 3). Si l’assemblée ne
fait rien, chaque propriétaire d’étage peut, dans le mois, demander au juge de
prononcer la révocation (art. 712r al. 2), auquel cas la révocation est
subordonnée à l’existence de justes motifs. La révocation ne concerne que le
pouvoir de gestion et laisse donc subsister les droits que l’administrateur peut
faire valoir en vertu du contrat qui le lie à la communauté (art. 712r al. 1).

86
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Enfin, la communauté peut se donner une organisation plus complète en


nommant un comité ou un délégué (art. 712m al. 1 ch. 3). Il s’agit d’organes
facultatifs, dont les propriétaires d’étages ou les tiers ne peuvent exiger la
nomination (art. 712q a contrario). Le comité ou le délégué sont nommés par
l’assemblée et peuvent être chargés de tâches administratives (conseiller
l’administrateur, contrôler la gestion et soumettre à l’assemblée un rapport). Le
comité ou le délégué auront donc plus le caractère d’un organe de surveillance
que d’une direction au sens de l’art. 69.
En ce qui concerne le fonctionnement de la communauté, celle-ci joue un rôle
aussi bien dans les rapports internes que dans les rapports externes. La
structure donnée par la loi à la PPE est très différente des quelques éléments
communautaires présent dans une copropriété ordinaire. Les rapports internes,
pour commencer, se font par l’intermédiaire de l’organisation que les
propriétaires d’étages forment entre eux. Pour ce qui est de la sphère commune,
les propriétaires d’étages n’administrent l’immeuble qu’indirectement, par leur
participation à l’assemblée, assemblée qui définit l’activité de gestion et prend le
décisions principales relatives à l’administration de l’immeuble. L’exécution de
ces décisions appartient en principe à l’administrateur (art. 712s al. 1). Dans le
domaine de sa sphère propre, le propriétaire d’étage peut exercer directement
ses droits exclusifs (art. 712a al. 2) et utiliser les parties et installations
communes de l’immeuble. La communauté joue toutefois un certain rôle :
l'administrateur exerce une fonction de surveillance et doit prévenir les heurts
qui pourraient se produire entre les propriétaires (art. 712s al. 3). Les
propriétaires d’étages doivent donc respecter la loi, le règlement
d’administration et d’utilisation et le règlement de maison.
Il s’agit maintenant d’analyser les frais et les charges communes, autrement dit
des frais et charges liés aux parties communes de l’immeuble et à leur
administration. L’art. 712h al. 2 en donne une liste non-exhaustive :
- Les dépenses d’entretien, de réparation et de réfection des parties
communes du bien-fonds et du bâtiment ainsi que des installations et
ouvrages communs : ces frais ne sont communs que s’ils découlent de
décisions prises conformément à la loi ou aux dispositions
conventionnelles (art. 647d al. 3 et 647e al. 2).
- Les frais d’administration : il s’agit notamment de la rémunération de
l’administrateur, des primes d’assurance contre les risques divers et les
primes d’assurance responsabilité civile (art. 712m ch. 6).
- Les contributions de droit public et les impôts : ces frais ne sont communs
que s’ils incombent à l’ensemble des propriétaires d’étages (si l’objet
imposable est l’immeuble en tant que tel par exemple).
- Les intérêts et annuités : il s’agit des intérêts à payer aux créanciers qui
ont un droit de gage sur le bien-fonds ou envers qui les propriétaires sont
tenus solidairement ou la rente du droit de superficie.

87
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les frais et charges communs sont en principe répartis entre les


propriétaires d’étages proportionnellement à la valeur (déterminée en pour-
cent ou en pour-mille dans l’acte constitutif, art. 712e) de leurs parts (art.
712h al. 1). Deux précisions sont toutefois nécessaires :
- La loi prévoit d’abord deux dérogations :
o Selon l’art. 712h al. 3, si certaines parties ou installations du
bâtiments, certains ouvrages ne servent que très peu ou pas du
tout à certain propriétaires d’étages, il doit en être tenu compte
dans la répartition des frais (disposition de droit impératif).
o Selon l’art. 712m al. 1 ch. 6, si un propriétaire a fait des
aménagements extraordinaires qui augmentent les primes
d’assurance du bâtiment, la majoration de prime peut être mise à
la charge de ce propriétaire, sauf s’il a conclu une assurance
complémentaire pour son propre compte.
- Ensuite, le principe de l’art. 712h al. 1 n’est pas de droit impératif : l’acte
constitutif ou le règlement (à la majorité prévue par l’art. 712g al. 3)
peuvent prévoir des correctifs, pour autant que ceux-ci respectent la règle
impératif de l’art. 712h al. 3. C’est l’administrateur qui répartit les frais et
charges communes entre les propriétaires d’étage (art. 712s al. 2).
Enfin, alors que dans la copropriété ordinaire les copropriétaires sont
réciproquement créanciers et débiteurs des contributions aux frais communs,
dans la PPE, c’est la communauté qui est créancière des contributions dues par
les propriétaires d’étages (art. 712l al. 1). Dans les rapports externes, c’est
également la communauté qui est débitrice des frais communs à l’égard des tiers.
Ce droit de la communauté aux contributions destinées à couvrir les frais et
charges communs bénéficie en outre d’une double garantir :
- L’hypothèque légale (art. 712i al. 3 et 839) : pour garantir son droit aux
contributions des trois dernières années, la communauté
(l’administrateur ou, à défaut, chaque propriétaire d’étage, s’il a reçu
l’autorisation par une décision prise à la majorité des propriétaires ou par
le juge, art. 712i al. 2) peut (facultatif) requérir l’inscription d’une
hypothèque (légale indirecte, dont la naissance dépend de l’inscription au
RF) sur la part de chaque propriétaire actuel (art. 712i al. 1).
- Le droit de rétention : le droit aux contributions des trois dernières
années est également garanti par un droit de rétention accordé à la
communauté sur les meubles qui garnissent les locaux d’un propriétaire
d’étage et qui servent à leur aménagement ou à leur usage (art. 712k). Ce
droit de rétention est le même que celui d’un bailleur (d’où l’application
par analogie des art. 268 à 268b CO, à ceci près que le droit de rétention
prévu à l’art. 712k s’applique aussi si l’unit d’étage n’est pas utilisée à des
fins commerciales).

88
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Pour en finir avec les rapports internes, il reste à parler du fonds de rénovation.
La communauté a un patrimoine, constitué des créances de contributions et des
disponibilités fournies par leur encaissement (art. 712l al. 1). Elle peut décider
d’accroître ces disponibilités en créant un fonds de rénovation destiné à faciliter
la réalisation de travaux importants d’entretien ou de réfection de l’immeuble
(art. 712m al. 1 ch. 5). Ainsi, moyennant le versement régulier de contributions
modestes, les propriétaires évitent que la réalisation d’une réfection importante
de l’immeuble soit empêchée du fait que certains propriétaires s’y opposent
faute de moyens financiers.
Concernant les rapports externes à présent, il convient de traiter de la
représentation de la communauté et de la responsabilité pour les dettes de la
communauté. Premièrement, concernant la responsabilité, il résulte de l’art. 712l
que la communauté entre en rapports juridiques avec les tiers par le biais de
l’administrateur (organe exécutif). Son pouvoir légal de représentation s’étend à
toutes les affaires qui relèvent de l’administration commune et entrent dans ses
attributions légales (art. 712t al. 1, complété par 712s qui précise les attributions
de l’administrateur dans les rapports internes). Il faut admettre que, à l’égard
des TdBF, le pouvoir de représentation de l’administration correspond aux
attributions que ce dernier doit raisonnablement avoir au vu de l’art. 712s. Les
TdBF ne peuvent pas se voir opposer des décisions de la communauté qui
restreindraient le pouvoir de représentation normal de l’administrateur tel qu’il
ressort de l’art. 712s (les TdBF ne sont pas censés connaître le règlement ou les
décisions de l’assemblée). Pour le reste, l’art. 712t régit deux cas particuliers :
- Concernant les procès menés pour ou contre la communauté,
l’administrateur ne peut agir en justice comme demandeur ou comme
défendeur que s’il y a été autorisé préalablement par l’assemblée (sauf si
l’affaire est tranchée en procédure sommaire). Il peut également agir de
son chef dans les cas d’urgence mais doit alors obtenir ultérieurement
l’autorisation de continuer la procédure (art. 712t al. 2).
- L’art. 712t al. 3 confère à l’administrateur le pouvoir de recevoir
valablement des communications destinées à l’ensemble des
propriétaires d’étages. Ces déclarations, sommations, jugements et
décisions seront donc valablement communiqués, même s’ils concernent
des affaires qui ne sont pas de la compétence de l’administrateur.
Enfin, concernant la responsabilité pour les dettes de la communauté, la loi
donne aux créanciers la possibilité d’exiger le paiement de leurs créances
directement auprès de la communauté (celle-ci disposant d’un patrimoine
résultant des contributions des propriétaires). Les créanciers doivent poursuivre
la communauté et faire saisir ses actifs (art. 712l al. 2). Il n’y a en outre pas de
responsabilité directe des propriétaires d’étages. Parmi les actifs de la
communauté figurent notamment les créances envers les propriétaires d’étages,
en paiement de leurs contributions aux frais communs. Les créanciers de la

89
Droit civil II Jérémy Stauffacher

communauté peuvent naturellement saisir les créances contre les propriétaires


d’étages (avec les garanties dont bénéficient ces créances). Le code accorde
également au créancier en faveur duquel une créance de contribution est saisie
la possibilité de requérir lui-même l’inscription d’une hypothèque légale sur la
part du propriétaire concerné (art. 712i al. 2 in fine).

La propriété commune :
La propriété commune est la forme de propriété collective qui suppose
l’existence entre les propriétaires d’un lien personnel antérieur et dans laquelle
les propriétaires ne peuvent en principe exercer leurs droits qu’au sein et par
l’intermédiaire de cette communauté. La propriété commune est donc la
conséquence (en matière de droits réels) d’une communauté qui produit pour
ses membres d’autres effets encore. Au contraire de la copropriété, la propriété
commune ne peut pas être constituée pour elle-même et doit donc toujours être
liée à une communauté préexistante entre les intéressés (art. 652). Elle prend
naissance, de par la loi, dès que cette communauté a un patrimoine. L’objet de la
propriété commune n’est toutefois pas ce patrimoine mais chacun des biens qui
en font partie, pris individuellement. En outre, les droits (créances) faisant partie
de ce patrimoine font également l’objet d’une titularité commune. Les art. 652 à
654 ne précisant rien, il faut se tourner vers les règles légales ou
jurisprudentielles pour déterminer quelles communautés ont pour conséquence
une propriété commune :
- La communauté de biens entre époux (art. 221 ss).
- L’indivision (art. 336 ss).
- La communauté héréditaire (art. 602 ss).
- La société simple (art. 530 ss CO, sous réserve de l’art. 544 CO).
- La société en nom collectif (art. 552 ss CO).
- La société en commandite (art. 594 ss CO).
- Les communautés auxquelles le droit privé cantonal aurait, en se fondant
sur une réserve au sens propre, lié une propriété commune.
Par rapport à l’extinction de la propriété commune, selon l’art. 654 al. 1, la
propriété commune s’éteint par l’aliénation du bien sur lequel elle porte (la
situation est alors la même qu’en cas de copropriété) ou par la fin de la
communauté qui est à son origine. Contrairement au copropriété, la communiste
n’a donc pas de prétention en partage de la propriété commune (art. 653 al. 3). Il
ne peut mettre fin à la propriété commune que dans la mesure où il peut exiger
la dissolution de la communauté qui la fonde (art. 546 al. 1 ch. 6 CO, 7 CO, 604
CC, concernant le partage partiel). Si la communauté prend fin, la propriété
commune s’éteint en principe, mais pas immédiatement. Elle subsiste aussi
longtemps que dure la liquidation de la communauté. C’est le transfert des biens
(à un tiers ou à un communiste) qui met effectivement un terme à la propriété

90
Droit civil II Jérémy Stauffacher

commune. La liquidation s’opère selon les règles propres à chaque communauté


et s’achève par un partage (partage manuel ou convention écrite de partage). En
l’absence de règles particulières, on applique les règles relatives à la copropriété
(art. 654 al. 2 et pour les immeubles et entreprises agricoles, art. 654a).

Les droits et les devoirs du communiste :


Ces droits et devoirs ne font pas l’objet de règles générales applicables à
l’ensemble des propriétés communes. L’art. 653 al. 1 renvoie aux règles de la
communauté légale ou conventionnelle à l’origine de la propriété commune.
L’usage, la jouissance et la disposition des biens en propriété commune ainsi que
la répartition des frais et charges doivent donc être étudiés en relation avec
chaque espèce de communauté. Il existe en outre une règle subsidiaire relative
aux droits des communistes. L’art. 653 al. 2 prévoit en effet que, à défaut de
règles générales en relation avec la communauté, les droits des communistes ne
peuvent être exercés qu’en vertu d’une décision unanime. Les dispositions
propres à chaque communauté confèrent toutefois souvent à l’un des
communistes le droit de représenter la communauté pour l’administration ou la
disposition des biens en propriété commune, diminuant ainsi de beaucoup la
portée du principe subsidiaire de l’art. 653 al. 2. Enfin, par rapport aux dettes
relatives aux biens en propriété commune, le droit suisse ne connaît pas de
dettes communes qui ne pourraient être exigées que de l’ensemble des
communistes. Pour les rapports externes, il faut donc se tourner vers l’art. 143
CO, qui ne prévoit la solidarité des débiteurs que si elle a été convenue ou prévue
par la loi (ce qui est le cas dans de nombreuses hypothèses).

La part de communauté, en relation avec les biens en propriété commune :


La propriété commune ne procure pas à chacun des communistes une part idéale
du bien (art. 653 al. 3 et exclusion de la quote-part). Le droit du communiste sur
le bien en propriété commune n’est que l’expression de sa participation à la
communauté qui est à l’origine de la propriété commune. La part de
communauté consiste en effet en un ensemble de droits et de devoirs. Ainsi, le
communiste ne pouvant pas disposer d’une part du bien en propriété commune,
les modifications relatives à la titularité de la propriété commune ne peuvent
avoir lieu que par l'entrée d’une personne dans la communauté ou la sortie d’un
membre de cette communauté. La modification se produira donc pour tous les
biens faisant partie du patrimoine commun. Il faut également préciser que le lien
qui unit les membres de la communauté et par conséquent la possibilité d’une
modification de la composition de la communauté varie selon chaque type de
communauté (communauté entre époux).

91
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Lorsque l’entrée d’un nouveau membre est autorisée et possible, elle ne modifie
pas la propriété commune en soi, elle entraîne cependant de par la loi une
diminution des droits des autres communistes (l’accord de la personne
supplémentaire sera nécessaire pour que des décisions puissent être prises). Le
nouveau membre devient titulaire de la propriété commune des biens qui font
partie du patrimoine de la communauté de par sa seule qualité de membre (sans
aucune opération d’acquisition). Inversement, la sortie d’un membre (si elle
n’entraîne pas la dissolution de la communauté) augmente les droits de ceux qui
restent dans la communauté. La sortie de la communauté entraîne de plein droit
la perte de la propriété commune sur les biens compris dans le patrimoine. Pour
finir, concernant l’exécution forcée dirigée contre un communiste, c’est le
montant que le communiste retirerait en cas de liquidation de la communauté
qui est objet de l’exécution forcée. Il n’existe en effet pas de part idéale des biens
que les créanciers d’un communiste pourraient faire réaliser dans une procédure
d’exécution forcée.

15. Cours du 22 février 2012 :


La propriété foncière :
La propriété foncière a pour objet les immeubles (art. 655 al. 1) soumis au droit
privé (art. 664, choses publiques). Sont immeubles les biens-fonds, les droits
distincts et permanents, les mines et les parts de copropriété d’un immeuble (art.
655 al. 2). Chaque immeuble constitue en principe un objet indépendant de droit
réel. Il est toutefois possible de lier un immeuble à un autre, de sorte que
l’immeuble dépendant suit nécessaire le sort de l’immeuble principal.
Un bien-fonds (art. 655 al. 2) est une surface de terrain ayant des limites
déterminées de façon suffisante (art. 2 let. a ORF). Pour pouvoir être immatriculé
comme immeuble distinct, un terrain doit pouvoir être décrit sur le feuillet du RF
selon la mensuration officielle (plan, art. 950 al. 1). Les limites doivent avoir été
déterminées par un géomètre (art. 5 ss OMO). Une fois immatriculé, le bien-fonds
est une réalité tridimensionnelle (volume), déterminée horizontalement par les
art. 668-670 et verticalement par les art. 667 et 671-678.
Les droits distincts et permanents (art. 655 al. 3) sont des servitudes
immobilières (et droits analogues) immatriculées au registre foncier. Il s’agit de
servitudes immobilières qui peuvent être constituées en droits distincts (art. 22
al. 1 let. a ch. 1 ORF). Cela vise donc les servitudes personnes improprement
dites : droit de superficie (art. 675 et 779 ss) le droit de source (art. 704 et 780),
et les autres servitudes (l’art. 781). Un droit est distinct lorsqu’il n’est constitué
ni en faveur d’un fonds dominant, ni exclusivement en faveur d’une personne
déterminée (art. 655 al. 1 ch. 3). La première condition exclut ainsi les servitudes
foncières et la deuxième les servitudes foncières proprement dites. Le droit
distinct doit être cessible et transmissible, par la loi ou une convention. Un droit

92
Droit civil II Jérémy Stauffacher

est permanent s’il est établi pour 30 ans au moins ou pour une durée
indéterminée (art. 655 al. 3 ch. 2 et 22 al. 1 let. a ch. 1 ORF). Un droit distinct et
permanent n’est alors considéré comme un immeuble que s’il est immatriculé au
RF selon les formes prévues à l’art. 22 al. 2 ORF. Ces droits sont alors des
immeubles et par conséquent des objets de droits réels immobiliers, tout en
restant des droits régis par leurs propres règles. L’assimilation du droit distinct
et permanent immatriculé à un immeuble a 3 conséquences majeures :
- Il peut être à son tour grevé de droits réels limités (droits de gage
immobiliers ou servitudes) ou faire l’objet d’un droit annoté (droit
d’emption, de préemption ou de réméré). La servitude grevant un DDP
peut, à son tour, si elle remplit les conditions de l’art. 655 al. 3, être
immatriculée comme immeuble au RF.
- Son transfert et la constitution de droits réels limités qui le grèvent sont
régis par les règles applicables aux immeubles.
- Il est soumis aux règles sur la réalisation forcée des immeubles.
Malgré l’immatriculation comme immeuble, le DDP reste déterminé quant à son
contenu et à son étendue par les règles propres aux droits, notamment par
rapport à la relation du titulaire du droit avec le propriétaire du fonds.
La mine (art. 655 al. 2 ch. 3) est le droit d’exploiter techniquement un gisement
donné. Il ne s’agit donc pas du gisement lui-même, mais d’une concession
octroyée par un canton en vertu de la régale des mines. Enfin, les parts de
copropriété (ordinaire ou PPE) d’un immeuble sont des droits auxquels l’art. 655
confère la qualité d’immeuble.

Les immeubles dépendants :


Un immeuble (appelé immeuble dépendant) peut être rattaché à un autre
immeuble (appelé immeuble principal), de telle sorte que le propriétaire du
second soit également propriétaire du premier. Ainsi, l’immeuble dépendant
partage le sort de l’immeuble principal et ne peut être ni aliéné, ni mis en gage, ni
grevé d’un autre droit réel séparément (art. 655a al. 1). Un tel lien de
dépendance est utile lorsque deux immeubles ne peuvent être réunis mais que
l’exploitation de l’immeuble dépendant est au service exclusif de l’immeuble
principal (ou des immeubles principaux). On peut citer l’exemple de places de
parc destinées aux habitants du fonds A se trouvant sur le fonds B.

Les immeubles publics :


Les immeubles publics sont ceux qui relèvent du patrimoine administratif d’une
collectivité publique ou qui sont dans l’usage commun, par nature ou par
affectation. Ils ne sont en principe pas régis par le droit privé (droit public

93
Droit civil II Jérémy Stauffacher

cantonal ou fédéral). L’art. 664 ne vise que les immeubles qui sont dans l’usage
commun au sens du droit public. L’expression chose sans maître désigne les
immeubles dans l’usage commun par nature alors que le terme bien du domaine
public fait référence aux immeubles dans l’usage commun par affectation. L’art.
664 ne concerne pas les immeubles du patrimoine administratif des collectivités
publiques (écoles, musées, bâtiments administratifs). Le statut de droit public de
ces immeubles reste contesté. Le droit administratif détermine en général si un
immeuble relève du patrimoine administratif, à quelles modalités son usage est
subordonné et si des particuliers peuvent se voir reconnaître des droits propres
sur ces immeubles. Le droit administratif précise également si l’immeuble doit
être immatriculé au RF et dans quelle mesure il peut être grevé de droits de gage
(art. 796 al. 2). La responsabilité de l’État pour ces immeubles reste par contre
régie par le droit privé (art. 679 CC et 58 CO).

L’acquisition de la propriété foncière :


L’acquisition de la propriété foncière obéit aux règles générales d’acquisition des
droits réels. Les modes d’acquisition peuvent être classés d’après deux critères :
- Selon que la validité du droit dépend ou non de la validité du droit du
propriétaire précédent, il y a acquisition dérivée ou originaire.
- Selon que le rôle que joue l’inscription au RF, il y a acquisition moyennant
inscription (principe absolu) et sans inscription (principe relatif).
L’acquisition dérivée moyennant inscription au RF est le type d’acquisition que le
code tient pour la règle (art. 656 al. 1). Selon les principes généraux de
l’acquisition des droits réels, cette acquisition suppose un titre d’acquisition
(acte générateur de l’obligation de transférer la propriété) et une opération
d’acquisition (acte de disposition : réquisition adressée au conservateur du RF
d’inscrire l’acquéreur comme nouveau propriétaire et acte matériel : inscription
au grand livre). L’inscription est alors constitutive, conformément au principe
absolu de l’inscription. Les cas d’acquisition dérivée moyennant inscription sont
les transferts de la propriété foncière par acte juridique et à titre particulier. Il
s’agit en général d’actes entre vifs (ventes, enchères volontaires publiques ou
privées, échange, donation, apport à une société, contrat de partage d’une
copropriété ou d’une propriété commune). On peut toutefois envisager quelques
l’acquisition dérivée moyennant inscription en cas de disposition pour cause de
mort prévoyant le legs d’un immeuble (art. 484 et 562). Concernant les actes
entre vifs et selon l’art. 657 al. 1, les contrats ayant pour objet le transfert de la
propriété foncière ne sont valables que s’ils sont reçus en la forme authentique.
La loi veut éviter que les parties ne prennent des engagements irréfléchis et
amener les parties à préciser leur pensée de façon suffisante grâce au concours
de l’officier public afin de fournir une base sûre pour l’inscription au RF. Les
modalités de la forme authentique sont déterminées par chaque canton pour

94
Droit civil II Jérémy Stauffacher

leur propre territoire (art. 55 titre final). La règle de l’art. 657 al. 1 s’applique en
principe à tous les types de contrat (nommés, innommés) tendant à une
acquisition dérivée de la propriété moyennant inscription (sauf exceptions :
contrat de partage successoral, art. 634 al. 2 et vente aux enchères publiques
volontaires, art. 229 CO). Concernant les dispositions pour cause de mort, l’art.
657 al. 2 prévoit que ces dispositions qui tendant à transférer (à titre particulier
et moyennant inscription) la propriété d’un immeuble demeurent soumises aux
formes qui leur sont propres (art. 499-509 et 512). Cela vaut notamment pour
les testaments et les pactes successoraux qui comportent des legs.
Il s’agit à présent de préciser les effets de l’inexécution de l’obligation de
transférer la propriété foncière. Le titre d’acquisition ne confère à l’acquéreur
qu’un droit personnel (créance tendant au transfert de la propriété). C’est en
effet l’inscription au RF qui opère le changement de propriétaire. Jusqu’à
l’inscription donc, l’aliénateur conserve le pouvoir de disposer de l’immeuble.
Ainsi, s’il conclut un autre contrat et l’exécution, il viole son obligation envers le
premier acquéreur et lui doit des dommages-intérêts, mais l’acte de disposition
du bien reste valable. L’acquéreur dispose tout de même d’un moyen lui
permettant de rendre son titre d’acquisition immédiatement opposable à tout
tiers : il peut obtenir du juge une restriction du droit d’aliéner annotée au RF
(art. 960 al. 1 ch. 1). Cette annotation n’empêche pas l’aliénateur de disposer de
son immeuble, mais elle rend le droit du nouvel acquéreur inopposable au
bénéfice de l’annotation.
Si l’aliénateur n’exécute ensuite pas son obligation, l’acquéreur peut agir en
exécution du transfert de propriété (art. 665 al. 1). Cette action, tendant à
l’exécution d’un droit personnel, ne doit pas être confondue avec l’action en
rectification du RF prévue à l’art. 975. Cette action n’appartient en effet qu’à celui
dont les droits réels ont été lésés par une opération au RF. Les conditions de
l’action en exécution du transfert sont au nombre de deux :
- L’acquéreur doit être au bénéfice d’un titre d’acquisition valable.
- Le refus de l’aliénateur de requérir l’inscription doit être injustifié.
L’aliénateur peut valablement refuser le transfert s’il est en droit
d’invoquer l’exception qui fait valoir que la créance tendant au transfert
est prescrite (exception non adimpleti contractus, art. 82 et 127 CO).
La qualité pour agir appartient à la personne qui est au bénéfice du titre
d’acquisition (acheteur, donataire, légataire) ou à son successeur à titre
universel ou particulier (cessionnaire d’une créance d’achat cessible). La qualité
pour défendre appartient à la personne obligée par le titre d’acquisition ou à son
successeur universel, à condition qu’elle soit encore propriétaire de l’immeuble.
En effet, si elle n’est plus propriétaire, l’action en exécution se transforme en
action en dommages-intérêts.

95
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’action en exécution aboutit à un jugement formateur attribuant directement la


propriété au demandeur (art. 665 al. 1). L’acquéreur devient donc propriétaire
sans inscription au RF, conformément à l’art. 656 al. 2. Il peut dès lors requérir
lui-même l’inscription en se fondant sur les art. 665 al. 2 et 963 al. 2. Enfin, il
convient de parler de la situation de l’acquéreur mis en possession de
l’immeuble avant d’avoir été inscrit au RF. Il n’est en effet pas rare que
l’acquéreur entre en possession de l’immeuble avant que l’inscription n’ait pu
être opérée. Faute d’inscription, l’acquéreur n’est pas encore propriétaire, mais
en tant que possesseur, il peut faire valoir les moyens destinés à protéger la
possession comme telle (art. 926-929 CC), comme le rappelle l’art. 937 al. 2. La
présomption du droit de propriété et l’action tirée de l’inscription continuent par
contre à appartenir à l’aliénateur, encore inscrit comme propriétaire au RF.

La prescription acquisitive :
La prescription acquisitive est l’acquisition d’un droit sur un bien par suite de la
possession paisible et prolongée de ce bien. Même si un possesseur n’a pas de
titre d’acquisition valable, la sécurité des transactions exige qu’après un certain
temps, il acquière un droit sur ce bien. L’écoulement du temps exerce un effet
guérisseur (tout comme en cas de prescription extinctive d’une créance ou d’une
action pénale, dans un sens négatif). La prescription acquisitive ne joue qu’un
rôle modeste dans le système suisse des droits réels immobiliers, fondés sur
l’institution du RF. L’acquisition de droits réels sur les immeubles exige en effet
des formalités à l’occasion desquelles la validité du titre d’acquisition est vérifiée.
En outre, l’art. 973 protège directement le tiers de bonne foi qui a acquis un droit
réel sur un immeuble en se fiant au RF. Il reste toutefois des cas dans lesquels
une personne peut être inscrite au RF comme titulaire d’un droit réel alors que
son TA n’est pas valable, voire des cas où une personne peut acquérir la
possession d’un immeuble sans être inscrite au RF. Dans ces différents cas, il
importe de savoir si une prescription acquisitive (PA) est possible. Le code
distingue deux types de PA de la propriété foncière :
- La PA pour une personne inscrite comme propriétaire sans cause
légitime : cette personne acquiert la propriété si elle possède l’immeuble
de bonne foi, sans interruption et paisiblement pendant 10 ans (art. 661).
L’acquisition (prescription ordinaire) s’opère sur la base du RF.
- La PA pour une personne possédant un immeuble sans être inscrite au
RF : cela peut être le cas si l’immeuble n’est pas immatriculé ou s’il n’a
apparemment pas de propriétaire. Dans ces cas, selon les art. 662-663, la
propriété est acquise a celui qui, même de mauvaise foi, a possédé
l’immeuble sans interruption et paisiblement comme propriétaire
pendant 30 ans. L’acquisition (appelée cette fois prescription
extraordinaire) s’opère en dehors du registre foncier.

96
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Perte de la propriété foncière et mesures judiciaires :


Selon l’art. 666 al. 1, la propriété foncière s’éteint par la radiation de l’inscription
et par la perte totale de l’immeuble. La portée de la radiation est cependant
différente selon l’occasion à laquelle elle a lieu (acquisition de la propriété par un
tiers ou abandon pur et simple de la propriété par son titulaire). Il convient donc
de distinguer la perte relative et la perte absolue de la propriété foncière. La
perte est relative si la propriété ne s’éteint que dans la personne de l’ancien
propriétaire mais continue ou renaît directement dans celle de l’acquéreur
(acquisition dérivée ou originaire, sauf occupation : la perte de la propriété n’est
en général pas concomitante à l’acquisition et l’immeuble reste un certain temps
sans maître). La perte est absolue lorsque le droit de propriété s’éteint sans que
l’immeuble ait un nouveau propriétaire (immeuble totalement perdu ou
abandon par le propriétaire, déréliction). La déréliction (premier cas de perte
absolue) est l’acte juridique unilatéral par lequel le propriétaire se défait de son
immeuble sans en transférer la propriété. Ce genre de cas est rare : les charges
liées à un immeuble sont rarement supérieures aux profits que l’on peut en tirer.
L’abandon de la possession avec intention de ne plus être propriétaire ne suffit
toutefois pas pour qu’il y ait déréliction, il faut encore que le propriétaire
requière la radiation de son inscription au RF. On peut admettre un deuxième cas
de perte totale (absolue) de l’immeuble (pour les bien-fonds) lorsque, à vues
humaines, il n’est pas possible de rétablir les lieux afin de permettre l’exercice
des droits du propriétaire (terrain recouvert par les flots, inexploitable à cause
d’un éboulement, emporté par un glissement de terrain). La perte totale du bien-
fonds entraîne l’extinction de la propriété ainsi que de tous les droits et charges
en relation avec le fonds (clôture du feuillet au RF). Les autres types
d’immeubles (parts de copropriété, droits distincts et permanents, mines)
disparaissent avec l’extinction, selon les règles qui leur sont propres. Pour
terminer, toujours en relation avec l’acquisition et la perte de la propriété
foncière, le législateur a introduit deux dispositions permettant de requérir des
mesures judiciaires lorsque le propriétaire d’un immeuble est introuvable (art.
666a) et lorsqu’une personne morale propriétaire d’un immeuble ne dispose
plus des organes prescrits (art. 666b).

L’étendue de la propriété foncière :


Les immeubles (au contraire des choses mobilières) ne sont pas délimités par la
nature. Le législateur précise donc aux art. 667-678 comment en déterminer
l’étendue (horizontale et verticale). Dans le sens horizontal, il est possible de
fixer artificiellement des limites, puis de les marquer sur le terrain (art. 668-
670). Dans le sens vertical, une délimitation n’est pas possible : les limites (au-
dessus et au-dessous du sol) sont donc fixées par le code (art. 667, 671-678).

97
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’extension horizontale de la propriété foncière :


Pour qu’un bien-fonds puisse être considéré comme un objet distinct de droits
réels, il doit être délimité (sa délimitation doit au moins être possible). Selon
l’art. 668 al. 1, les limites des immeubles sont déterminées par le plan et par la
démarcation sur le terrain. Pour l’un comme pour l’autre, l’art. 668 al. 1
n’institue qu’une présomption d’exactitude (en accord avec l’art. 9 CC). Le
propriétaire peut donc en tout temps établir que son droit de propriété s’étend
au-delà de la limite sur le terrain ou sur le plan. Si cela s’avère nécessaire, il peut
ouvrir une action en revendication, une action négatoire, voire une action en
constatation de propriété. S’il y a contradiction entre le terrain et le plan, l’art.
668 al. 2 présume l’exactitude du plan (glissement de terrain ou déplacement de
bornes plus probables qu’une erreur dans les plans). L’exactitude du plan, partie
constitutive du RF (art. 942 al. 2) est élevée au rang de fiction à l’égard du TdBF
acquéreur du fonds (art. 973). Si une telle acquisition a lieu, le propriétaire
voisin ne peut plus contester les limites figurant sur le plan et perd ainsi la partie
du fonds qui lui appartenait. Précisons que le plan ne fait foi qu’en ce qui
concerne les limites du terrain, et pas par rapport à la surface ou aux indications
de fait qui y figurent (genre de cultures).

L’extension verticale de la propriété foncière :


Le principe veut que la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous,
dans toute la hauteur et la profondeur utile à son exercice (art. 667 al. 1). C’est
donc le critère de l’intérêt qui est déterminant dans la détermination de
l’étendue verticale de la propriété foncière.
Négativement, la propriété du dessus et du dessous du sol fait que le propriétaire
peut s’opposer à toute immixtion de tiers sur son fonds. En principe donc, le
propriétaire peut s’opposer à toute ingérence de tiers dans le volume aérien de
son fonds (peu importe l’objet de l’immixtion : objet volant, installation
téléphérique, construction ou plante). Il faut toutefois réserver les restrictions
légales à la propriété qui apportent des exceptions à cette règle : pour les
constructions (art. 671-674), pour les conduites (art. 691 et 676) ou pour les
plantes (art. 678 et 687 ss). Comme pour le volume aérien, le propriétaire peut
en principe s’opposer à toute immixtion dans le volume souterrain de son fonds
(travaux qui y seraient effectués). Les seules exceptions concernent les conduites
(art. 691) et naturellement les règles sur l’expropriation. Le propriétaire doit
toutefois pouvoir faire valoir un intérêt digne de protection justifiant son droit
sur le volume souterrain (tel ne sera pas le cas si des travaux effectués à une si
grande profondeur qu’ils ne présentent pas de risque d’effondrements ni
d’autres nuisances ou si le propriétaire ne peut apporter la preuve qu’il pourrait
lui-même utiliser le sous-sol dans un avenir proche). La propriété du sous-sol est
en outre limitée par la régale des mines reconnue par la plupart des cantons.

98
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Positivement, elle s’exprime par le principe de l’accession (superficies solo cedit) :


le propriétaire peut, sous réserve de la loi, élever des constructions, mettre des
plantes, exploiter des sources (art. 667 al. 2). Cela signifie que dans les limites du
volume utile, le droit du propriétaire s’étend à tout ce qui est incorporé au sol
(constructions, plantations et sources, art. 667 al. 2). Par construction, il faut
entendre tout ce qui est uni au fonds par les moyens de la technique, soit au-
dessus, soit au-dessous du sol (bâtiments, murs, ponts, conduites, garages
souterrains). Cela exclut donc les constructions mobilières de l’art. 677, à savoir
les constructions légères élevées sur un fonds sans intention de les y établir à
demeure. Conformément au principe de l’accession, le propriétaire du fonds est
également propriétaire des constructions. Exceptionnellement au principe, des
constructions peuvent appartenir à autrui, par l’effet de certains droits réels
limités (servitudes de superficie, art. 675, d’empiètement, art. 674, ou de
conduites, art. 676) ou par l’effet de l’art. 670 (copropriété sur les clôtures).

Constructions mobilières et empiètement :


Les constructions mobilières appartiennent aux propriétaires de ces choses (art.
677 al. 1). Une construction est dite mobilière si elle est :
- Objectivement légère : il s’agit d’analyser avec attention le lien qui unit la
construction au sol. On peut citer comme exemples les ruches, les garages
préfabriqués, les boutiques, les baraques ou les petits chalets.
- Subjectivement non établie en demeure : celui qui met la construction en
place doit manifester son intention de ne pas l’établir à demeure. Cet
élément doit être reconnaissable par les tiers. Ce critère est également
secondaire : il ne peut jouer un rôle que si la construction est relié au sol
de manière lâche. Une halle de fête ou une tente pour une exposition
temporaire, même solidement fixée au sol, est une construction mobilière.
Un rûcher, par contre, n’en est pas une s’il est établi à demeure.
Les constructions mobilières sont des meubles (régime des droits réels
mobiliers). Ainsi, si elles appartiennent au propriétaire du fonds sur lequel elle
se trouve, c’est parce que le propriétaire en a acquis la propriété conformément
aux règles régissant les meubles (art. 714 ss), et non selon le principe de
l’accession. Elles peuvent donc avoir un propriétaire autre que le propriétaire de
l’immeuble (pacte de réserve de propriété ou location).
Les constructions empiétant sur le fonds d’autrui sont des constructions situées
en partie sur le fonds d’autrui. Elles sont régies par l’art. L’empiètement consiste
en une mise à contribution illicite du fonds voisin. Cela peut arriver dans trois
cas : construction située en partie sur le fonds du constructeur et en partie sur le
fonds voisin, constructions empiétant par un balcon, un toit, dans le volume
aérien du fonds voisin ou par une cave dans le volume souterrain et enfin non
respect de distances par rapport aux limites du fonds fixées par le droit cantonal.

99
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les restrictions de la propriété foncière :


La maîtrise conférée par la propriété foncière est sujette à limitations :
- Les restrictions volontaires : le propriétaire peut, par sa propre volonté,
restreindre l’une ou l’autre faculté que lui donne le droit de propriété.
- Les restrictions légales : comme l’indique l’art. 641 al. 1, la loi impose
certaines limitations à l’exercice de la propriété sur les immeubles.

Les restrictions volontaires :


Le propriétaire peut restreindre son droit quant aux droits d’usage, de
jouissance ou de disposer. Il peut accorder un droit réel limité ou un droit de
nature personnelle. On peut résumer les espèces de restrictions volontaires à la
propriété par le tableau suivant :
Usage et jouissance Disposition

Servitudes foncières ou Droits de gage immobilier,


Droit réel
personnelles charges foncières
Droits d’emption, de
Droit personnel Bail (à loyer, à ferme) ou prêt
préemption ou de réméré

Dans ce chapitre, nous ne traiterons que les droits personnels touchant au


pouvoir de disposer, à savoir les droits d’emption, de préemption et de réméré
(art. 681-682a). Les droits d’emption et de réméré (conventionnels, volontaires)
ne sont régis que très brièvement par la loi (art. 216, 216a, 216b CO et 959 CC).
Le droit de préemption (conventionnel) par contre fait l’objet d’une
réglementation plus détaillée (art. 216-216e CO et 959 CC).

Le droit d’emption et le droit de réméré :


Le droit d’emption est la faculté en vertu de laquelle une personne (l’empteur)
peut se porter acheteur d’une chose par une simple déclaration unilatérale de
volonté et exiger de l’autre personne (le promettant ou le concédant) le transfert
de la propriété de la chose moyennant le paiement du prix. Même s’il est étudié
en relation avec les restrictions volontaires (du pouvoir de disposer) de la
propriété foncière, le droit d’emption a une portée plus générale et peut avoir
pour objet des meubles (actions). Il peut également avoir sa source dans la loi
(droit d’emption légal). En définitive, le droit d’emption doit être considéré
comme l’ensemble des prérogatives qui résultent pour son titulaire de
l’existence (entre lui et le promettant) d’une vente conditionnelle soumise à la
condition suspensive potestative que le titulaire déclare vouloir exercer son
droit (il s’agit en fait d’un droit d’acheter). La position juridique du bénéficiaire
présente les caractéristiques suivantes :

100
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Il est créancier conditionnel du transfert de la propriété de la chose à


l’égard du promettant. Il est acheteur conditionnel.
- Il est débiteur conditionnel du prix de vente (dette purement formelle,
dépendant d’une condition dont le débiteur est maître).
- Le titulaire du droit a le droit formateur de provoquer, par une
déclaration unilatéral de volonté (levée de l’option) la réalisation de la
condition potestative et de rendre la vente parfaite.
Le droit de réméré est la faculté en vertu de laquelle une personne (le vendeur
d’un bien) peut exiger d’une autre personne (l’acheteur de ce bien, le
promettant) qu’il lui retransfère la propriété du bien moyennant paiement du
prix (sauf convention contraire, prix payé par l’acheteur pour acquérir le bien).
Le droit de réméré peut trouver sa source dans la volonté des parties (droit de
réméré conventionnel) mais aussi dans la loi (droit de réméré légal de
l’aliénateur d’une entreprise agricole, art. 55 LDFR).

Le droit de préemption :
Le droit de préemption est la faculté en vertu de laquelle une personne (le
préempteur) peut exiger d’une autre personne (le promettant) le transfert de la
propriété d’une chose, dans l’éventualité où le promettant la vend à un tiers. Le
droit de préemption est ordinaire si le prix à payer par le préempteur est celui
que le tiers acquéreur s’est engagé à payer et limitatif si le prix a été fixé dès la
constitution du droit. S’agissant d’une restriction volontaire de la propriété, le
droit de préemption est en général constitué par un contrat entre le futur
titulaire du droit et le promettant : il s’agit du pacte de préemption. Il doit revêtir
la forme authentique (art. 216 al. 2 CO) lorsqu’il concerne un droit de
préemption immobilier limitatif (la forme écrite suffit en cas de droit de
préemption ordinaire, art. 216 al. 3 CO). Si le prix et les modalités du transfert ne
sont pas précisés, ce sont les clauses de vente conclue entre le promettant et le
tiers qui font règle (art. 216d al. 3 CO). Ce pacte doit contenir, outre la volonté de
constituer un droit de préemption :
- La désignation du promettant et du titulaire du droit.
- La désignation de l’objet du droit (quel immeuble sera visé).
- La fixation de la durée du droit : cette durée ne peut excéder 25 ans (art.
216a CO) sauf pour le droit des propriétaires d’étages (art. 712c al. 1).
Le droit de préemption portant sur un immeuble peut être annoté au RF (art.
959 al. 1 CC et 216a CO). L’annotation doit être expressément convenue par les
parties, en la forme authentique ou écrite (selon que le droit est limitatif ou non)
soit dans le pacte de préemption, soit dans une convention postérieure.
L’annotation produit l’effet typique (restriction du pouvoir de disposer) et l’effet
de rattachement propter rem. Il faut toutefois apporter deux précisions.
Premièrement, si le promettant vend l’immeuble sans donner au titulaire du

101
Droit civil II Jérémy Stauffacher

droit la possibilité de l’exercer, le titulaire peut agir directement contre le tiers


acquéreur en exécution du droit de préemption (art. 655) et obtenir la
rectification du registre foncier (art. 975). Deuxièmement, pour déterminer si le
préempteur est lésé par des droits constitués postérieurement à l’annotation de
son droit, il faut distinguer selon que le droit est limitatif ou non :
- Si le droit n’est pas limitatif : l’existence de droits postérieurs au droit de
préemption réduit normalement le prix que le tiers acquéreur offre pour
l’immeuble et par conséquent celui que le tiers acquéreur doit payer. On
présume ainsi que le préempteur n’est pas lésé. Le préjudice n’est
toutefois pas exclu : un droit d’emption postérieur au droit de préemption
annoté devient caduc par la loi si les parties n’en ont pas disposé
autrement (radiation possible qu’avec l’accord du bénéficiaire ou sur
ordre du juge). Si le préempteur veut tout de même obtenir la radiation
des droits postérieurs, il devra payer un prix plus élevé que celui du tiers.
- Si le droit est limitatif : le préempteur sera en général lésé par les droits
postérieurement acquis. S’il décide de laisser subsister ces droits, il
pourra demander une réduction du prix. En outre, ces droits constituent
plutôt une facilité pour le préempteur, qui peut reprendre la dette
hypothécaire au lieu de payer le prix en espèces.
Par rapport aux effets (avant l’exercice du droit de préemption : I, l’exercice du
droit de préemption : II, après l’exercice du droit de préemption : III) du droit de
préemption, ce n’est que si le promettant vend l’immeuble et que le titulaire du
droit l’exerce que le droit de préemption produit ses effets spécifiques. Ainsi,
tant qu’un cas de préemption ne s’est pas réalisé (I), le titulaire du droit de
préemption ne jouit (sauf convention contraire) d’aucun droit en relation avec
l’objet du droit (immeuble). Le propriétaire continue à pouvoir disposer
librement de son bien, en fait comme en droit, même si le droit de préemption
est annoté. Pour qu’il y ait préemption, il faut un cas de préemption : il faut que le
promettant ait conclu une vente ou un acte juridique équivalent
économiquement à un vente (art. 216c al. 1 CO). La convention doit viser le
transfert de la propriété de l’immeuble contre une prestation pécuniaire. C’est
ensuite la conclusion de ce contrat, et non son exécution, qui est déterminante.
Cela signifie que des pourparlers de vente ou une simple intention de vendre
n’obligent pas le titulaire du droit à prendre parti. Lorsque le cas de préemption
se réalise, les droits qui en résultent pour le bénéficiaire lui sont acquis et on
entre dans l’exercice du droit de préemption. Cet exercice (II) suppose
naturellement d’abord que le titulaire du droit ait connaissance du cas de
préemption. Le vendeur doit donc aviser le titulaire du droit de l’existence d’un
cas de préemption (art. 216d al. 1 CO). S’il néglige de le faire et que le titulaire du
droit subit un dommage, il doit des dommages-intérêts. L’art. 216e CO prévoit
ensuite que le titulaire du droit doit exercer son droit dans un délai de trois mois.
Si le droit est annoté, il sera exercé à l’encontre du propriétaire inscrit. Dans le

102
Droit civil II Jérémy Stauffacher

cas contraire, il ne peut l’être qu’à l’encontre du vendeur. Cela a pour


conséquence que si le vendeur a aliéné l’immeuble entre-temps, l’acquéreur n’est
pas lié par le droit de préemption. L’exercice du droit par le préempteur consiste
en une déclaration unilatérale de volonté, sujette à réception, précise et
univoque. Il s’agit d’un acte formateur ne pouvant comporter ni condition ni
réserve et ne pouvant être limité dans le temps ou révoqué. Il reste par contre
possible de l’invalider pour vice de la volonté (art. 23 ss CO). Lorsque le
préempteur a exercé son droit a exercé son droit (III), le promettant est obligé de
vendre l’immeuble au préempteur et celui-ci est obligé de l’acheter (lien de
contrat de vente). Un nouveau contrat de vente n’a pas à être passé et la
résiliation du contrat de vente survenant après l’exercice du droit reste sans effet
(art. 216d al. 2 CO). Le préempteur ne devient pas propriétaire de l’immeuble du
seul fait de l’exercice de son droit, il obtient une créance tendant au transfert de
propriété, créance qu’il peut, si nécessaire, faire valoir en justice (art. 665 al. 1)
et qui se prescrit par 10 ans (art. 127 CO). Le préempteur qui exerce son droit se
trouve dans la situation d’un acheteur : c’est donc le propriétaire vendeur qui
doit requérir l’inscription du préempteur au RF (art. 963 al. 1). Si l’obligé refuse
de faire la réquisition, le préempteur peut ouvrir une action tendant au transfert
de propriété (art. 665 al. 1). Si le promettant vendeur a requis l’inscription du
tiers acquéreur au RF, la situation diffère selon que le droit est annoté ou non :
- Si le droit n’est pas annoté, le préempteur ne peut plus obtenir l’exécution
du transfert de propriété. Pour le tiers acquéreur, le droit de préemption
est une res inter alios acta : le préempteur n’a qu’une action en
dommages-intérêts contre le promettant pour inexécution du pacte de
préemption (art. 97 CO).
- Si le droit est annoté, le préempteur peut agir contre l’acheteur inscrit au
RF en exécution du droit de préemption (art. 665 al. 1) ou en rectification
du RF (droit annoté exercé à l’encontre du propriétaire inscrit).
Pour finir avec le droit de préemption, il convient de parler du transfert et de
l’extinction du droit. Le droit de préemption est en principe transmissible aux
héritiers du titulaire mais pas cessible (art. 216b al. 1 CO). La cessibilité peut
toutefois être prévue dans le pacte de préemption. L’extinction du droit peut
survenir en cas de non-exercice. Il faut, comme souvent, distinguer selon que le
droit est annoté ou non au RF :
- Si le droit n’est pas annoté : dans ce cas, il s’éteint s’il n’est pas exercé à la
survenance d’un cas de préemption. Le titulaire avait un droit
d’acquisition contre le promettant, s’il ne le fait pas valoir, le droit tombe.
L’acquéreur n’est en effet pas lié par le droit de préemption.
- Si le droit est annoté : le droit de préemption subsiste pour le temps fixé
dans l’annotation contre le nouveau propriétaire de l’immeuble.
L’annotation rattache en effet le droit à l’immeuble (propter rem).

103
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Le droit de préemption peut également prendre fin lorsque la cause du transfert


de l’immeuble ne constitue pas un cas de préemption. Là encore, comme
toujours, il faut distinguer selon que le droit est annoté ou non au RF :
- Si le droit n’est pas annoté : en cas de succession à titre universel (entre
vifs ou à cause de mort), l’obligation du promettant passe à ses
successeurs (si ceux-ci viennent à vendre, le titulaire peut exercer son
droit). En cas de succession à titre particulier (donation, apport dans une
société), le droit non annoté s’éteint, sauf si l’acquéreur a repris
l’obligation de l’aliénateur. En l’absence d’une telle reprise, l’acquéreur
est à même de disposer de l’immeuble et n’est pas tenu par le pacte de
préemption (res inter alios acta). De même, le titulaire du droit ne peut
même pas demander des dommages-intérêts car le promettant ne s’était
pas engagé à n’aliéner l’immeuble que sous forme de vente (sous réserve
des règles sur l’abus de droit selon l’art. 2 al. 2 CC).
- Si le droit est annoté : le droit subsiste alors en principe pendant sa durée
de validité contre tout acquéreur de l’immeuble.

Les restrictions légales :


Les restrictions légales sont des règles qui suppriment ou limitent l’une ou
l’autre des facultés normalement comprises dans la propriété. Ces règles sont
édictées pour tenir compte des besoins d’autres personnes, des intérêts des
propriétaires voisins (intérêt général). On distingue les restrictions de droit
privé des restrictions de droit public. Les premières sont prévues dans l’intérêt
des particuliers (bénéficiaire chargé de faire respecter la restriciton). Les
secondes sont établies dans l’intérêt public et s’inscrivent dans un rapport de
subordination entre une collectivité publique et le propriétaire foncier
(collectivité chargée de faire valoir la restriction).

Les restrictions de droit privé :


L’art. 680 énonce deux règles de portée générale par rapport aux restrictions de
droit privé : leur régime par rapport au RF (al. 1) et les modalités de leur
suppression ou de leur modification (al. 2). Avant de voir ces règles, il convient
toutefois d’analyser 3 caractéristiques générales des restrictions :
- Les restrictions de droit privé dépendent du droit fédéral : seul le
législateur fédéral est compétent pour les introduire, sauf réserves du
code en faveur du droit cantonal (art. 5 al. 1) : art. 686, 688 et 695 CC.
- Ces restrictions relèvent de l’autonomie privée et ne sont pas mises en
œuvre d’office mais seulement à la demande de ceux qui en bénéficient.
Les bénéficiaires peuvent donc renoncer à faire valoir leur droit, voire
même renoncer au droit lui-même (art. 680 al. 2).

104
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- La compétence pour trancher les litiges appartient normalement au


tribunal civil et non à l’autorité administrative. La violation des devoirs
incombant au propriétaire appelle des sanctions civiles (obligation de
prévenir ou de faire cesser le trouble, paiement de dommages-intérêts) et
non des sanctions administratives.
Les restrictions de droit privé peuvent être classées selon deux critères :
- Selon la nature des facultés touchées :
o Les restrictions d’utilisation (droits d’usage et de jouissance) : elles
peuvent par exemple impliquer un devoir de tolérance (art. 695),
un devoir d’abstention (ne pas construire à la limite d’un fonds,
art. 686) ou un devoir de faire (déterminer les limites, art. 669).
o Les restrictions du droit de disposer (droit de disposition) : elles
peuvent revêtir deux formes qui correspondent aux deux aspects
que le droit de disposer recouvre. Des restrictions peuvent d’abord
toucher la liberté positive (aliéner ou grever un immeuble) en
prévoyant un droit de préemption légal (art. 681 ss CC et 42 ss
LDFR) ou un droit d’attribution (art. 11 ss LDFR). D’autres
restrictions peuvent viser la liberté négative (ne pas aliéner ou
grever un immeuble) en vue d’accorder, par exemple, à un voisin le
droit de passer sur le fonds (art. 694).
- Selon le mode de constitution :
o Les restrictions directes : la restriction est directe si elle découle
de la seule réalisation des conditions prévues par la loi. Dès lors
que la situation décrite par la loi se réalise, le propriétaire est tenu
de souffrir la limitation de son droit (art. 700 par exemple :
lorsqu’un animal s’échappe, le propriétaire doit tolérer qu’un tiers
pénètre sur son fonds pour le récupérer).
o Les restrictions indirectes : la restriction est indirecte si elle ne
donne à l’ayant droit qu’une prétention contre le propriétaire
foncier. La restriction n’est que virtuelle : l’ayant droit doit la faire
valoir par les moyens appropriés. L’art. 694 oblige le propriétaire à
accorder une servitude de passage à un voisin n’ayant qu’une issue
insuffisante sur la voie publique mais ce voisin doit demander la
constitution de cette servitude (voie amiable ou jugement).
Il convient à présent de présenter les restrictions légales de droit privé et leurs
rapports avec le registre foncier. Selon l’art. 680 al. 1, les restrictions n’ont pas à
être annotées au RF. Il suffit en effet de consulter la loi pour savoir qu’elles
existent. Elles sont également opposables même à un acquéreur de bonne foi. La
portée de l’art. 680 al. 1 doit toutefois être précisée suivant le type de restriction.
En ce qui concerne les restrictions directes, l’art. 680 al. 1 a une portée absolue :
leur existence ne dépend pas de leur inscription au RF. Certaines d’entre elles
doivent toutefois apparaître au registre sous forme de mentions (comme par

105
Droit civil II Jérémy Stauffacher

exemple les droits de passage permanents établis par le droit cantonal, art. 696
al. 2 CC, 61 et 127 ORF). Les restrictions indirectes par contre existent certes
sans inscription mais leur existence suppose la constitution d’une servitude ou
d’une hypothèque qui exige une inscription constitutive au RF. Le droit d’exiger
le passage nécessaire sur le fonds voisin existe de par la loi, sans inscription,
mais la concrétisation de ce droit (servitude de passage) nécessite une
inscription (constitution à l’amiable ou par voie judiciaire). L’art. 680 al. 2 traite
de la suppression et de la modification des restrictions légales de droit privé.
Contrairement aux restrictions légales de droit public, les restrictions de droit
privé relèvent de l’autonomie privée et peuvent être modifiées, voire supprimées
par convention. La modification peut consister soit en une aggravation, soit en
une suppression. Le bénéficiaire peut ainsi renoncer (en général définitivement)
à tout ou partie de l’avantage conféré par la restriction en acceptant que cette
renonciation soit opposable aux tiers (effet réel, art. 680 al. 2). Précisons que
l’art. 680 al. 2 ne s’applique complètement (sans réserve) qu’aux servitudes
(droits d’usage et de jouissance) supprimant ou modifiant les restrictions
directes mises par la loi à l’utilisation d’un immeuble.

Les droits de préemption légaux :


Il existe un certain nombre de droits de préemption tirant leur origine dans la loi
(à côté des droits de préemption conventionnels des art. 216 ss CO). Les art. 681-
681b énoncent quelques règles générales applicables à tous les droits de
préemption légaux. Elles régissent les conditions d’exercice du droit, l’exercice
en tant que telle ainsi que la modification et la suppression du droit :
- Les conditions d’exercice du droit :
o Le cas de préemption : l’art. 216c CO est applicable : le droit de
préemption peut être invoqué en cas de vente ou d’acte juridique
équivalent économiquement à une vente (art. 681 al. 1). Par
contre, la réalisation forcée est reconnue comme cas de
préemption (au contraire de ce qui vaut en cas de droit
conventionnel). Le droit ne peut alors être exercé que lors des
enchères et aux conditions de l’adjudication (art. 681 al. 1) : le
préempteur ne bénéficie donc d’aucun privilège de prix.
o La caducité du droit : le droit de préemption ne peut pas être
exercé si l’immeuble est aliéné à une personne titulaire d’un droit
de préemption de rang préférable ou de même rang (art. 681 al. 2).
o L’intransmissibilité et l’incessibilité du droit : les droits de
préemption légaux sont à ce point liés à la personne de leurs
titulaires qu’ils ne peuvent être transférés, ni entre vifs, ni pour
cause de mort (art. 681 al. 3, pour les droits de préemption
conventionnels, voir art. 216b CO).

106
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o L’ordre des priorités entre droits légaux et conventionnels : il est


possible que des droits de préemption légaux cohabitent avec des
droits de préemption conventionnels. Dans ce genre de cas, les
droits légaux priment les droits conventionnels (art. 681 al. 3).
- L’exercice du droit : il appartient au vendeur de communiquer le cas de
préemption aux titulaires de droits de préemption légaux. L’acquisition
de l’immeuble est ensuite subordonnée à l’exercice du droit dans un
certain délai. Précisons que le droit peut être exercé contre tout
propriétaire de l’immeuble :
o La communication du cas de préemption : le vendeur est tenu
d’informer le titulaire du droit d’un cas de préemption (art. 681a
al. 1). Ce n’est donc ni à l’officier public instrumentant la vente ni
au conservateur du registre foncier de procéder à cet avis.
o Le délai d’exercice du droit : l’exercice du droit est subordonné au
respect de deux délais, l’un relatif, courant dès la connaissance du
cas de préemption, l’autre absolu, courant dès l’inscription de
l’acquéreur au registre foncier (art. 681a al. 2) :
 Délai relatif : le préempteur doit invoquer son droit dans les
trois mois à compter du moment où il a eu connaissance de
la conclusion du contrat de vente et de son contenu.
 Délai absolu : le préempteur doit exercer son droit dans les
deux ans suivant l’inscription de l’acquéreur au RF.
o Le destinataire du droit : le préempteur peut exercer son droit
contre tout propriétaire de l’immeuble, même si celui-ci a acquis
l’immeuble en ignorant l’existence du droit de préemption légal
(art. 681a al. 3). L’acquéreur de bonne foi n’est donc pas protégé
tant que le titulaire du droit peut l’exercer (2 ans ou 3 mois).
- La modification et la suppression du droit :
o Les modifications ou la renonciation définitive : les parties peuvent
modifier un droit de préemption légal. Le titulaire peut également
y renoncer définitivement, en dehors de la survenance d’un cas de
préemption. La convention (pouvant être annotée au RF si le droit
de préemption appartient au propriétaire actuel d’un autre
immeuble, art. 681b al. 1) modifiant ou supprimant le droit de
préemption doit revêtir la forme authentique afin de protéger le
titulaire du droit contre des engagements inconsidérés.
o La renonciation après la survenance d’un cas de préemption : le
titulaire d’un droit de préemption légal peut renoncer à exercer
son droit, mais seulement après la survenance d’un cas de
préemption et en la forme écrite (art. 681b al. 2). Il s’agit d’une
renonciation temporaire : le titulaire déclare ne pas vouloir
exercer son droit dans un cas particulier mais conserve le droit de
l’exercer par la suite si un nouveau cas de préemption se présente.

107
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Il s’agit à présent de présenter les différents droits de préemption légaux. On


distingue les droits du CC (art. 682) des droits de préemption ruraux, établis par
la LDFR (art. 682a). Les premiers découlent de l’art. 682, qui accorde un droit de
préemption légal aux copropriétaires, ainsi qu’au propriétaire d’un fonds grevé
d’un droit de superficie distinct et permanent et au superficiaire. Les deuxièmes,
institués par la LDFR, sont accordés aux parents et aux fermiers. La LDFR
reconnaît aux cantons la compétence de prévoir d’autres droits de préemption
légaux dans certains cas déterminés (art. 56 LDFR). Les droits de préemption des
parents se rapportent entre autre aux entreprises et aux immeubles agricoles.
S’agissant d’une entreprise agricole, le droit de préemption appartient aux
descendants de l’aliénateur ainsi qu’à ses frères et sœurs et à leurs enfants. Le
droit ne peut être invoqué que si le bénéficiaire entend exploiter lui-même
l’entreprise (et en paraît capable, art. 42 al. 1 LDFR). Le droit de préemption des
frères et sœurs n’existe en outre que si l’aliénateur a acquis l’entreprise en
totalité ou en majeure partie de ses père et mère ou dans leur succession depuis
moins de 25 ans (art. 42 al. 1 ch. 2 LDFR). Quant aux immeubles agricoles, seuls
les descendants de l’aliénateur sont titulaires du droit de préemption. Encore
faut-il qu’ils soient propriétaires ou disposent économiquement d’une entreprise
agricole et que l’immeuble (agricole) en cause, soit situé dans le rayon
d’exploitation (la localité) de l’entreprise visée (art. 42 al. 2 LDFR).

Les restrictions du droit de voisinage :


Le droit de voisinage est un ensemble de règles (art- 684-698 et 706-710 CC) qui
restreignent la liberté du propriétaire foncier au profit de ses voisins, de façon à
faciliter leur coexistence pacifique et à permettre la meilleure exploitation
possible de chaque fonds (fonction économico-sociale du droit de voisinage). Les
restrictions légales imposées à l’un des propriétaires constituent ainsi une
extension de la propriété de son voisin. Le code énonce une règle générale à l’art.
684 CC puis liste diverses situations particulières :
- Les fouilles et les constructions (art. 685-686 CC).
- Les plantations (art. 687-688 CC).
- L’écoulement des eaux (art. 689-690 CC).
- Le besoin d’un propriétaire d’établir des lignes ou des conduites sur le
fonds voisin (art. 694-696 CC).
- La question des clôtures (art. 697 CC).
- Le problème des sources (art. 706-710 CC).
- Les frais de construction et d’entretien des ouvrages nécessaires à
l’exercice du droit de voisinage (art. 698 CC).
L’exercice de la propriété foncière crée forcément certaines influences sur les
fonds voisins (bruit, fumée). Les voisins doivent en principe tolérer ces
immissions, dans la mesure où elles ne sont pas excessives (art. 684 CC).

108
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les immissions excessives :


Les immissions sont des conséquences indirectes que l’exercice de la propriété
peut avoir sur les fonds voisin (art. 684 CC). L’art. 684 ne vise donc pas les
empiètements directs (stationnement de voiture, dépôt de matériaux) mais
seulement les répercussions de l’exploitation d’un fonds hors des limites de
celui-ci (fumées, odeurs, bruits). L’immission doit être dans une relation de
causalité adéquate avec l’exploitation du fonds. On distingue les immissions
positives des immissions négatives : les premières font parvenir sur le fonds
voisin un élément matériel (poussière) ou immatériel (bruit), les secondes
privent le fonds voisin d’un élément dont celui-ci bénéficiait auparavant
(ensoleillement, lumière, vue).
Les immissions positives peuvent être matérielles ou psychiques. Elles sont
matérielles (insectes, gaz, matière liquide, pollution) lorsque des matières
pénètrent sur le fonds voisin ou lorsque des forces y exercent leurs effets (art.
684 al. 2 : pollution de l’air, mauvaises odeurs, bruit, vibrations, rayonnements).
Les immissions sont psychiques ou morales (présence d’un abattoir, de malades
incurables ou d’un bordel) lorsqu’elles provoquent chez les voisins un sentiment
désagréable tel que la répugnance ou l’angoisse. Les immissions négatives sont
également visées par l’art. 684 al. 2 (privation de lumière, d’ensoleillement ou de
vue). Il faut toutefois distinguer le type d’immission négative considérée :
- Les immissions négatives résultant de restrictions temporaires à l’accès à
un fonds (travaux de construction notamment) : on applique l’art. 684.
L’art. 679a ne permet toutefois pas d’obtenir l’interdiction de toute
immission mais seulement la réparation du dommage causé.
- Les immissions négatives résultant de la seule présence sur le fonds
voisin de constructions ou de plantations : l’art. 684 ne joue qu’un rôle
subsidiaire : les art. 686 et 688 instituent une réserve au sens propre en
faveur du droit cantonal, qui sont compétents pour fixer les distances à
respecter pour construire ou planter. L’art. 684 assure toutefois une
protection minimale qui peut être invoquée en tout temps.
Positives ou négatives, les immissions ne sont prohibées par l’art. 684 que si
elles sont excessives (selon des critères objectifs : homme raisonnable et
moyennement sensible). Le pouvoir d’appréciation du juge joue un rôle
important (prise en considération de l’ensemble des circonstances du cas
concret pour mesurer les intérêts en présence). L’art. 684 al. 2 donne des
critères pour apprécier le caractère d’une immission :
- L’immission doit avoir un effet dommageable : cela concerne tant le
dommage au sens strict que les simples effets incommodants pour les
voisins. Ce critère n’est pas déterminant, une immission provoquant en
effet toujours un effet dommageable quelconque.

109
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- L’immission doit excéder les limites de la tolérance dues entre voisins : il


faut prendre en considération la situation et la nature de l’immeuble ainsi
que l’usage local. Concernant la situation et la nature de l’immeuble, cela
signifie qu’il faut tenir compte de l’endroit où se trouve l’immeuble (ville
ou campagne, quartier résidentiel, industriel, commerçant ou mixte). Il
faut également considérer le développement prévisible (sécurité) du
quartier. En outre, la réglementation relative à l’aménagement du
territoire joue un rôle toujours plus grand (tout comme les règles de la
protection de l’environnement ou de la protection contre le bruit).
L’usage local (usage étroitement localisé) est d’importance moindre : il
faut que l’usage plus ancien ait attribué au quartier un caractère qui
subsiste ou encore que la seule arrivée du voisin ait modifié le lieu.

La mise en œuvre des restrictions dérivant du droit de voisinage :


Dans plusieurs cas, les art. 684 ss indiquent à la fois la règle matérielle et la voie
à suivre pour en obtenir la mise en œuvre. Ainsi, celui qui prétend obtenir un
droit de ligne, de conduite, de passage ou de fontaine nécessaire (art. 691, 694 et
710 CC) doit, faute d’accord, obtenir du tribunal la constitution de la servitude.
De même, selon l’art. 685 al. 2, si un propriétaire constate qu’une construction ne
respecte pas le droit de voisinage, il ne peut obtenir la mise en œuvre effective de
ces règles qu’aux conditions prévues à l’art. 674 al. 3 (sans quoi il devra se
contenter d’une indemnité équitable en échange de la constitution d’une
servitude). Des formes particulières de sanctions peuvent être prévues en
matière de plantations (art. 687 s.) ou de sources (art. 706-708). En plus des
voies de droit des art. 684 ss, il existe une sanction générale sous forme d’actions
à raison de l’atteinte et en responsabilité contre le propriétaire foncier qui
excède son droit. Prévue aux art. 679 s. CC, elle s’applique dans toutes la mesure
où les art. 684 ss ne prévoient pas de règles spéciales. Dans la pratique, elle est
surtout utilisée pour la violation de l’art. 684. L’art. 679 al. 1 accorde deux types
d’actions au voisin lésé :
- Une action en cessation de l’atteinte et une action en prévention de
l’atteinte (non prévue par l’art. 679 al. 1, admise par la jurisprudence) :
ces actions visent à défendre le droit lui-même du voisin en remettant les
choses en ordre ou en prenant les mesures en vue d’écarter le danger. De
même, une action en constatation de droit est possible.
- Une action en réparation du dommage : cette action tend à obtenir la
réparation du dommage qu’aurait subi le voisin. L’art. 679 al. 1 introduit
donc une responsabilité (causale, objective) du propriétaire d’immeuble
pour les dommages causés à ses voisins par une violation des art. 684 ss.
Avant de présenter les conditions communes, il convient de préciser le champ
d’application des art. 679 s. par rapport à d’autres règles proches.

110
Droit civil II Jérémy Stauffacher

En tant que propriétaire, le voisin peut notamment protéger son droit par
l’action négatoire (art. 641 al. 2) et diriger cette action contre tout perturbateur
(incluant naturellement le propriétaire d’un fonds voisin). Toutefois, les atteintes
provenant des voisins ne rentrent dans le champ d’application de l’art. 641 al. 2
que s’il s’agit d’atteintes directes (voisin agissant directement sur le fonds du
demandeur). Si l’atteinte n’est qu’une conséquence indirecte (et souvent
involontaire) de l’exercice du droit de propriété sur un autre fonds, ce sont les
art. 679 s. qui s’appliquent (excluant 641 al. 2). Les art. 670 s. sont donc une lex
specialis par rapport à 641 al. 2 pour le cas où l’atteinte provient du fait qu’un
voisin excède son droit de propriété en violant les art. 684 ss CC.
En tant que possesseur de son fonds, le voisin peut agir à raison du trouble de sa
possession (art. 928 CC). Pouvant être dirigée contre un voisin, elle présente de
grands avantages par rapport aux art. 679 s. CC (rapidité de la procédure). Si
l’atteinte provient d’un excès dans l’exercice de la propriété sur un fonds, il y a
concours d’action entre l’art. 928 et les art. 679 s. CC (l’illicéité du trouble, selon
l’art. 928, sera jugée conformément aux règles du droit de voisinage). Les deux
actions se différencient quant au délai pour agir (pas de délai pour l’action à
raison de l’atteinte prévue à l’art. 679 al. 1, délai prévu par l’art. 929 pour l’action
de l’art. 928 CC) et quant aux effets (l’action de l’art. 928 ne règle pas le litige).
Il peut arriver que l’excès dans l’exercice du droit de propriété sur un fonds
cause aussi une atteinte aux droits de la personnalité des voisins (émanation
toxique touchant la santé). Le voisin pourra alors agir par le biais des art. 28 ss et
/ ou par le biais de art. 679 s. CC (concours d’action). L’action des art. 28 ss
présente des avantages liés au for (art. 20 let. a CPC) et à la possibilité d’obtenir
la réparation du tort moral (art. 47 et 49 CO).

Les conditions communes des art. 679 s. CC :


Les 4 actions (cessation, prévention, constatation et réparation) sont
subordonnées à un certain nombre de conditions communes :
- Les conditions personnelles :
o La qualité pour agir : elle appartient au voisin, autrement dit à la
personne qui est propriétaire de l’immeuble voisin (possesseur
immédiat ou non) et qui a la maîtrise effective de l’immeuble par
l’effet d’un droit réel limité (usufruit ou droit de superficie, mais
non droit de gage) ou d’un droit personnel (locataire ou fermier).
La notion d’immeuble voisin varie selon la norme du droit de
voisinage que l’on applique : les art. 687-688 suppose la contigüité
du fonds, au contraire des art. 684-685 ou 689 (des immeubles
situés à plusieurs kilomètres d’une usine d’où proviennent des
émanations toxiques peuvent être considérés comme voisins au
sens de l’art. 684 CC).

111
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o La qualité pour défendre : il faut distinguer selon que l’immeuble


d’où provient l’atteinte dépend de personnes privées ou d’une
collectivité publique :
 L’atteinte provient d’un fonds appartenant à une personne
privée : la qualité pour défendre est reconnue au
propriétaire mais aussi au titulaire du droit réel limité (ou
du droit personnel) qui a l’usage du fonds.
 L’atteinte provient d’un fonds appartenant à une collectivité
publique : lorsque le fonds relève du patrimoine fiscal, la
question est réglée par les art. 679 s. CC. Ces dispositions
s’appliquent également aux fonds dont l’usage est commun
ou qui appartiennent au patrimoine administratif (litige de
droit civil malgré tout). L’application de ces art. ne doit
toutefois pas entraver la collectivité publique dans
l’accomplissement de ses tâches. Ainsi, les art. 679 s. ne
s’appliquent pas si l’excès est inévitable ou ‘sil ne peut être
évité que moyennant des frais disproportionnés.
- Les conditions matérielles : l’admission de toutes les actions est
subordonnée à la réalisation des trois conditions suivantes :
o L’excès (dépassement des limites assignées à la propriété foncière
par le droit du voisinage) : il y a excès (art. 679) si un
comportement humain en connexité avec l’utilisation et / ou
l’exploitation du fonds viole les dispositions du droit de voisinage
restreignant le droit de propriété. Cela implique 4 points :
 L’excès doit être un fait de l’homme (excluant les faits
naturels : avalanche, éboulement ou glissement de terrain).
 Le comportement humain doit être en connexité avec
l’exercice du pouvoir de fait sur le fonds (exploitation,
utilisation du fonds : pas de rapport fortuit).
 L’excès doit provenir de l’utilisation d’un fonds et se
produire sur un autre fonds, sous réserves des servitudes
de superficie (le superficiaire peut agir contre le
propriétaire du fonds) et des propriétaires d’étages (les
propriétaires d’étages peuvent agir entre eux).
 L’excès doit consister dans la violation des règles du droit
de voisinage (art. 684 ss CC). Il est de plus logique que si le
voisin a donné son consentement au comportement
dommageable, l’atteinte n’est pas illicite. En outre, lorsque
la violation résulte d’une immission négative provenant de
la présence d’une construction ou d’une installation, les
actions de l’art. 679 al. 1 ne sont admises que si les
dispositions régissant la construction ou l’installation en
vigueur n’ont pas été respectées (art. 679 al. 2).

112
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o L’atteinte (actuelle ou menaçante) aux droits du voisin : l’excès


commis par le défendeur doit causer une atteinte aux droits du
voisin. Il peut s’agir d’un dommage mais aussi d’une atteinte qui ne
constitue pas un dommage au sens strict. Il n’est pas nécessaire
que le fonds soit affecté dans son intégrité, il suffit que les effets de
l’excès se fassent sentir sur les personnes qui séjournent sur le
fonds ou sur les choses mobilières qui s’y trouvent.
o Le rapport de causalité entre l’excès et l’atteinte : on applique
simplement les règles ordinaires sur la causalité naturelle et
adéquate (fardeau de la preuve au demandeur).

Les conditions particulières et l’objet des actions :


Chaque action a des conditions propres et un but (objet) particulier :
- L’action en cessation de l’atteinte : elle tend à la suppression de l’état de
choses qui est à l’origine de l’atteinte. L’action a pour objet la suppression
de la cause de l’atteinte sur le fonds d’où elle provient L’action n’est pas
soumise à des conditions matérielles particulières (à part le caractère
actuel de l’atteinte : le comportement à l’origine de l’atteinte doit se
poursuivre au moment de l’ouverture de l’atteinte). En tant qu’action
réelle, elle ne se prescrit pas (sauf cas d’abus de droit d’un propriétaire
tolérant pendant longtemps une immission excessive). Le for de l’action
est au lieu où est situé le RF dans lequel est (ou devrait être) immatriculé
l’immeuble (art. 29 al. 1 let. a CPC).
- L’action en prévention de l’atteinte : elle tend à faire interdire un
comportement qui causerait des immissions excessives sur le fonds
voisin. Pas prévue à l’art. 679 mais admise par la jurisprudence, elle n’est
pas subordonnée à des conditions matérielles supplémentaires (à part le
caractère hautement vraisemblable de l’atteinte).
- L’action en constatation de droit : admise par la doctrine, elle tend à faire
constater par le juge soit la licéité du comportement de l’auteur de
l’immission soit l’illicéité du comportement du voisin. Elle a un caractère
subsidiaire : elle est ouverte quand les autres actions ne sont pas
disponibles mais que le demander a un intérêt suffisant.
- L’action en réparation du dommage : elle tend à obtenir la réparation des
dommages causés au demandeur par les immissions négatives. Le
demandeur doit alors prouver le dommage et la relation de causalité
entre l’atteinte et le dommage, la faute n’importe par contre pas
(responsabilité objective). L’action en réparation du dommage se prescrit
selon l’art. 60 CO. Il faut réserver les cas d’immissions excessives licites,
lorsqu’elles sont temporaires et inévitables : leur interdiction serait
disproportionnée. L’art 679a CC prévoit alors des dommages-intérêts.

113
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les droits d’accès sur le fonds d’autrui :


En plus des restrictions dérivant du droit du voisinage, le code prévoit un second
groupe de restrictions légales de droit privé à la propriété foncière : les droits
d’accès sur le fonds d’autrui (art. 699-701 CC). Au contraire des restrictions liées
au droit de voisinage, ces restrictions ont été introduites en faveur de toute
personne (et non seulement des voisins). La loi liste trois cas qui font exception
au principe selon lequel le propriétaire peut interdire à quiconque l’accès à son
fonds (art. 641 al. 2) :
- Chacun a libre accès aux forêts et pâturages d’autrui et de s’approprier les
baies, champignons et autres menus fruits qui y poussent (art. 699 CC).
- Chacun peut pénétrer sur le fonds d’autrui pour y récupérer des épaves
ou des animaux échappés (art. 700 CC).
- Chacun peut utiliser le fonds d’autrui en cas de nécessité (art. 701 CC).

Les restrictions de droit public :


La propriété n’est pas limitée que par des restrictions de droit privé prévues
dans l’intérêt des particuliers, elle est également limitée par de nombreuses
règles établies dans l’intérêt public (art. 702 CC). La compétence de la
confédération d’édicter des restrictions de droit public résulte des dispositions
constitutionnelles qui lui attribuent le pouvoir de légiférer dans divers domaines
touchant de près ou de loin à la propriété foncière (art. 26 Cst.). Les cantons
tirent eux-aussi leur compétence de la constitution fédérale (art. 3) et l’art. 702
CC ne fait que rappeler leur compétence d’édicter des restrictions de droit public.
Toutes les restrictions de droit public doivent avoir une base légale, être
justifiées par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental
d’autrui et être proportionnées au but visé (art. 36 Cst.). De plus, lorsqu’elles
équivalent à une expropriation (matérielle), ces restrictions ne peuvent être
mises en œuvre que contre le versement d’une indemnité (art. 26 al. 2 Cst.). De
même, lorsque la restriction émane d’un canton, elle ne doit pas éluder les règles
de droit civil ou en violer la lettre ou l’esprit. On peut voir trois caractéristiques
communes aux restrictions de droit public :
- Édictées pour un motif d’intérêt public, elles échappent à la disposition
des particuliers et ne peuvent donc en principe pas être supprimées ou
modifiées par une convention ultérieure (art. 680 al. 3).
- Les autorités administratives doivent veiller d’office à l’observation de ces
restrictions (sans préjudice au droit d’intervention des particuliers).
- Les litiges relatifs à ces restrictions sont en principe de la compétence des
autorités administratives et leur mise en œuvre est assurée par les
moyens de la contrainte administrative (sanctions administratives).

114
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Comme pour les restrictions de droit privé, on distingue les restrictions de droit
public d’une part selon qu’elles affectent le pouvoir de disposer de l’immeuble ou
l’usage et la jouissance de celui-ci et d’autre part selon leur caractère direct ou
indirect. De même, comme les restrictions de droit privé et pour les mêmes
motifs, les restrictions de droit public existent sans être inscrites au RF (art. 680
al. 1). C’est donc au droit public de gérer leur publicité. Les restrictions étant de
plus en plus nombreuses, il est devenu nécessaire (en plus de l’utilisation de
mentions au RF et de la mise à disposition du public des informations dans les
services de l’administration fédérale, cantonale ou communale) d’harmoniser les
informations foncières officielles (art. 75a al. 3 Cst.). Deux voies ont été suivies :
- La mention de certaines restrictions est désormais obligatoire (art. 962
CC, entrée en vigueur le 1er janvier 2012). Les restrictions de droit public
résultant d’une décision concrète et individuelle (prise après le 1er janvier
2012 et ayant un effet durable) affectant le propriétaire de l’immeuble
(art. 962 al. 1). La règle peut limiter négativement le droit du propriétaire
d’utiliser l’immeuble ou celui d’en disposer ou, au contraire, obliger
positivement le propriétaire à un certain comportement. L’obligation de
requérir la mention vise également toute modification ultérieure de la
restriction, y compris l’extinction des effets (art. 962 al. 2). Les cantons
sont en outre libres de prévoir d’autres mentions, mais doivent alors
communiquer la liste à la confédération (art. 962 al. 3 et 129 al. 3-4 ORF).
- Un cadastre des restrictions de droit public renseigne sur les autres
restrictions non-mentionnées au RF (art. 16-18 LGéo). Le cadastre doit
répertorier les restrictions de droit public qui ne font pas l’objet d’une
mention au RF selon l’art. 962 (art. 16 al. 1 ORF). Il s’agit donc
logiquement des décisions qui ont un caractère général et abstrait et qui
valent pour un ensemble d’immeubles situés dans un certain périmètre. Il
contient les restrictions de droit public dans les domaines définis par le
conseil fédéral (plans d’affectation cantonaux et communaux, sites pollués
et périmètres de protection des eaux souterraines) et ceux que les
cantons aimeraient ajouter (art. 16 al. 3 LGéo). L’introduction du cadastre
est complexe et prend du temps (phase pilote jusqu’en 2015, introduction
finale au plus tard en 2020). Le cadastre est tenu par canton et doit être
accessible sous forme électronique et de manière centralisée (art. 16 al. 4
LGéo). Comme les mentions au RF, il est censé être connu (art. 17 LGéo)
mais ne bénéficie pas de la foi publique.

La propriété mobilière :
La propriété mobilière est régie par les art. 713-729 (plus les dispositions
générales sur la propriété : art. 641-654a CC, applicables tant aux meubles
qu’aux immeubles). La réglementation spéciale est principalement consacrée à

115
Droit civil II Jérémy Stauffacher

l’acquisition et à la perte de la propriété mobilière (art. 714-729). La propriété


sur un meuble peut être individuelle ou collective (copropriété ordinaire ou
propriété commune). Une PPE en matière mobilière est naturellement exclue.
L’objet de la propriété mobilière est la chose mobilière, les animaux et certaines
forces naturelles (art. 713 et 641a CC). Une chose mobilière est une chose qui
peut se transporter d’un lieu dans un autre, sans altération sensible de sa
substance. Trois éléments caractérisent donc la chose mobilière :
- Il doit s’agir d’une chose : une chose est une portion délimitée et
impersonnelle de l’univers matériel qui est susceptible de maîtrise
humaine. La chose mobilière peut être un corps solide ou un fluide (pour
autant qu’il soit retenu dans un récipient). Les droits ne sont pas des
meubles et ne peuvent donc pas être objets de propriété mobilière.
- Le meuble doit soit se déplacer par ses propres moyens, soit être
déplaçable : les animaux peuvent se déplacer et les choses inanimées
peuvent être déplacées par une force extérieure.
- La chose doit être mobilière : une chose n’est mobilière que si elle n’est
pas reliée à un immeuble ou à un autre meuble de façon à être partie
intégrante (pas d’existence juridique propre) à celui-ci. En principe, les
fruits naturels non séparés (art. 643 al. 2), les constructions (art. 667 al.
2) et les plantations (art. 667 al. 2 et 727) sont parties intégrantes de par
la loi. Une fois séparées de la chose complexe, les parties intégrantes
(re)deviennent des choses mobilières. Les accessoires par contre restent
toujours des choses mobilières (art. 644 al. 2).
Il existe un certain nombre de cas particuliers. Certaines choses mobilières ne
sont en effet pas soumises aux règles ordinaires sur la propriété mobilières :
- Les bateaux : tous les bateaux sont des meubles. Toutefois, en raison de
leur dimension, l’application des règles sur la propriété mobilière aux
bateaux pose parfois problèmes. Ainsi, les grands bateaux de la navigation
intérieure et les navires de mer peuvent être soumis à une régime
juridique qui se rapproche de celui des immeubles.
- Les aéronefs : pour les mêmes motifs que les bateaux, il se justifie aussi de
soustraire les avions et autres aéronefs à l’application des art. 713 ss et de
les soumettre à un régime juridique analogue à celui des immeubles.
- Les papiers-valeurs et autres titres de créance : le papier-valeur est une
chose mobilière (feuille de papier) sur lequel un droit est reconnu.
Cependant, parce la valeur du support matériel est généralement
insignifiante par rapport à la valeur du droit reconnu, les règles sur la
propriété mobilière s’effacent en principe devant celles relatives à la
titularité du droit reconnu. Ainsi, on présume que le droit sur le papier
appartient au titulaire du droit reconnu sur ce même papier.

116
Droit civil II Jérémy Stauffacher

La propriété mobilière porte également sur les animaux (qui ne sont pas des
choses, art. 641a mais à qui on applique les règles applicables aux choses) et sur
certaines forces naturelles. L’art. 713 assimile aux choses mobilières les forces
naturelles susceptibles d’appropriation et qui ne sont pas comprises dans les
immeubles. Les forces naturelles ne sont donc objets de propriété mobilières que
moyennant la réalisation de deux conditions :
- Elles doivent être susceptibles d’appropriation : elles doivent avoir été
captées et être utilisables par l’homme à ses fins.
- Elles ne doivent pas être comprises dans les immeubles. L’art. 713 fait
allusion aux forces naturelles dont le régime est défini par une concession
sur les eaux publiques (immatriculée comme immeuble au RF). Dès lors,
ces forces naturelles sont régies par le droit foncier.

Les effets de la propriété mobilière :


Les effets (protection, étendue et restrictions) de la propriété mobilière ne sont
pas régis spécialement, il convient donc de se reporter aux règles générales sur
la propriété (art. 641 ss CC) ainsi qu’à celles sur la possession (art. 926 ss CC). La
protection de la propriété mobilière (PM) est assurée en principe par l’action en
revendication et par l’action négatoire (art- 641 al. 2). En pratique toutefois, le
propriétaire s’appuiera souvent sur les règles de la possession pour protéger
indirectement son droit (les moyens de défense de la possession, art. 926-929
mais surtout les voies de protection judicaire du droit du possesseur, en
particulier l’action mobilière, art. 934 et 936). A côté de cela, dans la procédure
d’exécution forcée, la protection de la PM revêt la forme d’actions du droit des
poursuites (procédure de tierce opposition, art. 106-109 LP et action en
revendication des tiers dans la faillite, art. 242 LP). L’étendue de la PM est régie
par les art. 642-645 (cas des accessoires, des constructions mobilières et des
plantations mobilières).
Il reste donc à examiner les restrictions qui frappent ou peuvent frapper la
propriété sur une chose mobilière. Tout comme la propriété foncière, la
propriété mobilière peut faire l’objet de restrictions volontaires ou légales. Les
restrictions volontaires (droit réel et personnel) peuvent se rapporter au droit
d’usage et de jouissance ou au droit de disposer. Le seul droit réel limitant le
droit d’usage et de jouissance que peut constituer le propriétaire est une
servitude personnelle d’usufruit (art. 745 ss CC). Le propriétaire peut par contre
accorder divers droits personnels d’utilisation, principalement par le biais de la
location de la chose (bail à loyer ou à ferme, art. 253 ss CO) ou par le biais du
prêt de la chose (art. 305 ss CO). Quant au droit de disposer, le propriétaire peut
le limiter en constituant un droit de gage mobilier (art. 884 ss CC). Il peut aussi
limiter sa liberté d’aliéner un bien mobilier en accordant à un tiers le droit de
l’acquérir par les droits d’emption, de préemption ou de réméré.

117
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les restrictions légales peuvent, comme en matière de propriété foncière être de


droit privé ou de droit public. D’une manière générale, l’exercice de la propriété
mobilière est plus libre que celui de la propriété foncière. Les seules restrictions
de droit privé proviennent des règles sur l’abus de droit, sur la responsabilité,
sur les successions et sur les limites de la liberté contractuelle. La plupart des
restrictions de la propriété mobilière proviennent ainsi du droit public, qu’il soit
cantonal ou fédéral. Les cantons peuvent apporter des restrictions à la propriété
mobilière par des règles de droit public (réserve au sens impropre, art. 6 CC). Ils
peuvent notamment restreindre ou prohiber le commerce de certaines choses ou
frapper de nullité les opérations qui s’y rapportent (art. 6 al. 2). La confédération
peut, comme en matière foncière, par voie législative, prévoir des restrictions de
la propriété mobilière dans la mesure de ses attributions constitutionnelles.

Généralités sur l’acquisition de la propriété mobilière :


Conformément aux règles générales d’acquisition des droits réels, les modes
d’acquisition de la PM peuvent être classés suivant deux critères, selon que la
validité du droit dépend ou non de la validité du droit de l’acquéreur et selon le
rôle que joue la prise de possession par l’acquéreur. On distingue ainsi
acquisition dérivée (validité dépend de l’acquéreur) et originaire (acquisition
indépendante) et acquisition moyennant modification de la possession (transfert
ou prise de possession) et acquisition sans prise au transfert de possession.

Les modes d’acquisition dérivée de la propriété mobilière :


Il faut distinguer l’acquisition dérivée moyennant transfert de la possession et
l’acquisition dérivée sans transfert de la possession. La première, aussi appelée
tradition, est régie par les art. 714-717. Elle suppose un titre d’acquisition et une
opération d’acquisition (acte de disposition et transfert de possession ; point 1,
conditions ordinaires de la tradition). Diverses règles spéciales peuvent
s’appliquer si les parties transfèrent la possession par constitut possessoire (art.
717 ; point 2). Enfin, les parties peuvent prévoir que le transfert n’aura pas lieu
tant que l’acquéreur ne lui aura pas versé le montant du prix de vente (pacte de
réserve de propriété au sens de art. 715-716 CC ; point 3).
La tradition nécessite un titre d’acquisition (TA) et une opération d’acquisition
(OA). Le titre d’acquisition est un acte juridique qui a pour effet d’obliger le
propriétaire à transférer la propriété de la chose l’acquéreur. Il peut s’agir d’un
contrat de vente, d’échange, de donation, d’apport à une société, de transfert de
propriété à titre fiduciaire, de partage (entre vifs) ou de legs (pour cause de
mort). Selon le principe de causalité, l’acquisition de la propriété mobilière
dépend de la validité du titre d’acquisition (cause valable). Si le TA n’est pas
valable ex tunc (inexistence, nullité absolue, invalidation par vice du

118
Droit civil II Jérémy Stauffacher

consentement), l’OA est sans effet : l’aliénateur reste propriétaire et peut


revendiquer la chose (sous réserve de l’acquisition par un TdBF ou de la
prescription acquisitive). La validité du TA n’est en principe pas liée à une forme
particulière (sauf contrats de partage successoral, promesses de donner, ventes à
crédit visées par la LCC et ventes avec paiements préalables : forme écrite, et
legs, fait dans la forme des dispositions pour cause de mort, art. 498 ss CC). L’OA
se divise en deux éléments : un acte de disposition et un transfert de possession.
L’acte de disposition consiste en un contrat réel (sans exigence de forme) par
lequel l’aliénateur et l’acquéreur manifestent leur volonté de transférer (hic et
nunc) la propriété de la chose, en exécution du titre d’acquisition. Il s’agit du
pendant en matière mobilière de la réquisition d’inscription au RF en matière
immobilière. L’acte de disposition intervient en général juste après l’acte
générateur de l’obligation de transférer la propriété mais peut tout à fait
n’intervenir que plus tard. Le contrat réel peut également contenir des
conditions (suspensive ou résolutoire). S’agissant d’un acte de disposition, le
contrat réel n’est valable que si l’aliénateur a le pouvoir de disposer de la chose
mobilière (nul ne peut transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même).
Ce principe souffre une exception : le TdBF est protégé dans son acquisition si les
autres conditions du transfert de propriété sont remplies. Pour que l’acquisition
de la propriété soit parfaite, il faut que le transfert de la possession complète
l’OA par laquelle l’aliénateur exécute l’obligation résultant du TA. Conformément
au principe de publicité des droits réels, le transfert de la possession est l’acte
matériel propre à produire les effets voulus (transfert) par le contrat réel.
L’art. 717 CC règle de façon spéciale le cas où le transfert de la possession
nécessaire à la tradition est opéré par constitut possessoire (art. 924 al. 1). Dans
un tel cas, l’acquéreur ne reçoit que la possession originaire de la chose, alors
que l’aliénateur reste possesseur dérivé (titre spécial, location ou dépôt par
exemples). Ce mode de transfert pourrait donc être utilisé pour faire passer
formellement la propriété de la chose à l’acquéreur alors même que l’aliénateur
reste possesseur et continue à en tirer tous les profits économiques. Pour éviter
cette situation, l’art. 717 prévoit qu’un tel transfert de propriété n’est pas
opposable aux tiers s’il a eu pour but de léser ou d’éluder les règles concernant le
gage mobilier. De par cette règle, il convient de distinguer les effets que produit
un tel transfert entre les parties et envers les tiers. L’acquéreur devient
propriétaire de la chose et l’aliénateur devient possesseur dérivé (chose confiée,
art. 933). L’acquéreur est possesseur originaire et peut aliéner la chose. Il peut,
au besoin, récupérer la chose chez l’aliénateur (en vertu du droit personnel mais
aussi par l’action en revendication). Envers les tiers, le transfert est également en
principe valable. Il existe toutefois deux exceptions lorsque :
- Le transfert a pour but de léser les tiers : il s’agit du cas où le transfert
vise à priver les créanciers de l’aliénateur de leur garantie.
- Le transfert a pour but d’éluder les règles concernant le gage mobilier.

119
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Dans ces deux cas, le transfert de propriété, bien que valable entre les parties,
n’est pas opposable aux tiers. Il s’agit ainsi d’un cas exceptionnel de propriété
relative. Les tiers peuvent, au besoin, recourir au juge pour faire constater que le
transfert ne leur est pas opposable.
Pour terminer avec l’acquisition dérivée de la propriété mobilière moyennant
transfert de possession, il convient de parler de la réserve de propriété. Dans
certains cas, alors même que les conditions de la tradition sont remplies (TA et
OA), il est possible que l’aliénateur souhaite que la propriété ne soit pas
transférée directement mais ultérieurement seulement, une fois le prix de vente
payé. Les art. 715-716 offrent ainsi aux parties la possibilité de convenir que,
malgré le transfert de possession à l’acquéreur, l’aliénateur se réserve la
propriété de la chose. Le but de la réserve est analogue à celui d’un droit de gage,
en ce sens qu’elle sert de garantie au payement du prix de l’objet aliéné (et pas
pour d’autres créances que l’aliénateur aurait contre l’acquéreur). La réserve de
propriété est une modalité de la tradition et s’opère par une convention (pacte)
entre l’aliénateur et l’acquéreur et par une inscription dans un registre public
tenu par l’office des poursuites. Le pacte de réserve propriété, dans un langage
juridique, consiste à introduire une condition suspensive dans le contrat réel
passée entre l’aliénateur et l’acquéreur, en ce sens que ceux-ci font dépendre le
transfert de la propriété du payement du prix de vente. En fait, la réserve de
propriété vise à obtenir le résultat inverse de celui du transfert de propriété par
constitut possessoire : l’acquéreur profite économiquement de la chose alors que
l’aliénateur en est encore propriétaire. Le risque est alors important que des
tiers tirent la conclusion que l’acquéreur est déjà propriétaire.
La deuxième, acquisition dérivée sans transfert de possession, peut avoir lieu
dans deux cas principaux : à l’occasion d’une succession universelle
premièrement et lors de ventes aux enchères volontaires deuxièmement.
Concernant la succession universelle, il s’agit des mêmes cas que pour
l’acquisition dérivée d’immeubles sans inscription au RF, à savoir l’acquisition
par les héritiers (légaux ou institués), les mutations liées à l’adoption ou à la
dissolution du régime de communauté des biens, les mutations consécutives à
certaines fusions ou scissions de sociétés ou encore les cas de transferts de
société de tout ou partie de leur patrimoine. Dans ces différents cas, le transfert a
lieu par la loi, indépendamment du transfert de possession. Pour les enchères
volontaires, selon l’art. 253 al. 1 CO, l’adjudicataire d’un meuble lors d’enchères
en acquiert la propriété dès l’adjudication. La constitution et l’extinction de la
réserve de propriété sont ainsi soumises à des conditions précises. De plus, la
réglementation des art. 715-716 CC est complétée par l’art. 217 al. 2 CO et par les
art. 9 al. 2 let. i et 18 al. 1 LCC. Le TF a également adopté deux ordonnances en la
matière (Ordonnance concernant l’inscription des pactes de réserve de
propriété, OIPR, et ordonnance concernant l’épuration des registres des pactes
de réserve de propriété) et publié plusieurs circulaires.

120
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’acquisition originaire de la propriété mobilière avec prise de possession :


On analysera ici uniquement l’acquisition par un tiers de bonne foi (laissant de
côté l’occupation, l’acquisition des choses et animaux trouvés, l’acquisition des
épaves, la spécification, la prescription acquisitive ainsi que tous les modes
d’acquisition originaire de la propriété mobilière sans prise de possession).
Selon l’art. 714 al. 2, celui qui, étant de bonne foi, est mis à titre de propriétaire
en possession d’un meuble en acquiert la propriété même si l’auteur du transfert
n’avait pas qualité pour l’opérer. La propriété lui est acquise à condition qu’il soit
protégé par les règles de la possession (art. 933-935). Dans l’intérêt du
commerce et de la sécurité des transactions, l’art. 714 al. 2 introduit une
dérogation au principe selon lequel l’aliénateur doit avoir le pouvoir de disposer
de la chose pour en transférer valablement la propriété. La bonne foi de
l’acquéreur a un effet guérisseur sur cette absence du pouvoir de disposer. On
dénombre trois cas d’application de ce principe :
- Le bien mobilier acquis par le TdBF avait été confié à l’acquéreur : il s’agit
du cas visé par l’art. 933 CC. Dans ce genre de situations, la bonne foi de
l’acquéreur est inopérante si l’absence du pouvoir de disposer de
l’aliénateur provient de sa faillite prononcée (art. 204 LP).
- Le bien mobilier acquis par le TdBF est de la monnaie ou un titre au
porteur : peu importe dans ce cas que ce bien ait été confié à l’aliénateur
ou que ce dernier en ait été dessaisi (art. 935 CC).
- L’ancien possesseur s’est fait voler ou a perdu le bien acquis par le TdBF,
ou en a été dessaisi de quelqu’autre manière sans sa volonté et le droit de
l’ancien possesseur d’ouvrir une action mobilière est périmé (délai de 5
ans en général, art. 934 al. 1). Durant ce délai, l’ancien possesseur peut
récupérer le bien par le biais de l’action mobilière et il est alors exclu
qu’un TdBF puisse devenir propriétaire. Au-delà de ce délai, l’art. 714 al. 2
s’applique et le premier possesseur de bonne foi du bien après
l’écoulement du délai devient propriétaire de ce bien.

Les droits réels limités :


Les droits réels limités (DRL) sont des droits qui confèrent une maîtrise partielle
sur une chose ou un animal. Ils se divisent en trois groupes (principe du numerus
clausus des droits réels) : les servitudes, les droits de gage et les charges
foncières. Le code traite d’abord des servitudes et des charges foncières (art.
730-792) puis des droits de gage immobiliers (art. 793-783) et enfin des droits
de gage mobiliers (art. 884-918). Aussi appelé droit restreint, en raison de la
restriction du contenu de la maîtrise, ces droits n’en sont pas moins des droits
réels : ils procurent à leur titulaire la maîtrise directe d’une chose et ont le
caractère de droits patrimoniaux absolus. Alors que la propriété procure une
maîtrise totale, le droit réel limité ne confère que certaines facultés de maîtrise

121
Droit civil II Jérémy Stauffacher

en fonction de sa nature. Un DRL est donc un droit qui confère une maîtrise
partielle sur une chose ou un animal. Cette maîtrise partielle peut consister soit
dans la faculté d’utiliser et / ou de jouir du bien, soit dans la possibilité de
bénéficier de la valeur de garantie représentée par le bien. Dans le premier cas,
on parle de servitudes alors que dans le deuxième il peut s’agir de charges
foncières ou de droits de gage. Tout comme la propriété, les DRL portent sur une
chose ou un animal, mais peuvent aussi avoir pour objets des droits distincts et
permanents immatriculés au RF, des droits de copropriété ou des créances.
Quant à sa nature, le DRL représente pour le propriétaire du bien grevé une
limitation du pouvoir d’exercer les facultés dérivant de la propriété. La
constitution d’un DRL peut être comprise comme l’individualisation et le
transfert à un tiers de l’une des facultés liées à la propriété (théorie du
démembrement) ou comme la compression de la propriété (théorie de la
charge). Cette deuxième théorie paraît plus pertinente car on ne peut considérer
la propriété comme un ensemble de facultés dont l’une pourrait être détachée
des autres. Selon la théorie de la charge donc, la maîtrise du propriétaire tend
toujours à une domination totale du bien et ainsi, à l’extinction des DRL, la
propriété reprend sa forme initiale (élasticité de la propriété).

Le rang des DRL :


Il est possible (voire fréquent) que plusieurs DRL grèvent le même bien. Il y a
alors concours entre les DRL de nature différente (droit de gage et servitude) ou
de même nature (plusieurs servitudes). Ces DRL ne s’excluent pas forcément, il
n’y a alors pas de problème de compatibilité (droit de passage et droit de source
exercé sur le même fonds). Dans le cas contraire, lorsqu’il y a incompatibilité, en
ce sens qu’un ou plusieurs DRL ne peuvent être exercés pleinement en raison de
l’existence des autres, il faut déterminer quel est le droit qui doit céder le pas à
l’autre en fixant le rang des DRL. Il y a ainsi incompatibilité :
- Entre deux servitudes qui ne peuvent être exercées ensemble : par
exemple un droit de superficie et une servitude de non-bâtir.
- Entre deux droits de gage ou deux charges foncières si le produit de la
réalisation ne suffit pas à régler les deux créances garanties.
- Entre une servitude et un droit de gage ou une charge foncière si, lors de
la réalisation de l’objet grevé, l’existence de la servitude diminue la valeur
de l’objet au point que le produit de la réalisation ne suffit plus à couvrir
le montant garanti par le gage ou si, avant la réalisation, l’exercice de la
servitude déprécie l’objet.
Dans ces 3 cas, il faut déterminer quel DRL prime l’autre (les autres). Le principe
est celui de la priorité dans le temps : le droit constitué antérieurement
(constitution du droit) l’emporte en général (prior tempore, potior jure). Le
principe est énoncé aux art. 972 al. 1, 812 al. 2 et 893 al. 2 CC.

122
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Il s’agit à présent de présenter quelques précisions et exceptions au principe :


- Le principe s’applique sans restriction en cas de collision entre plusieurs
servitudes incompatibles. Ainsi, le titulaire d’un usufruit peut exiger que
la jouissance et l’usage de la chose conférés par son droit ne soient pas
troublés par l’exercice d’un droit de superficie postérieur.
- Le principe s’applique aussi aux rapports entre servitudes et droits de
gage. Tant qu’un créancier gagiste ne demande pas la réalisation de la
chose grevée, la coexistence de ces deux DRL ne pose aucune problème
(sauf si l’exercice de la servitude réduit sensiblement la valeur de la
chose : dans ce cas, si la servitude a été constituée la première, le
créancier gagiste doit accepter cette réduction de valeur, dans le cas
contraire, il peut en empêcher l’exercice). Le conflit se manifeste surtout
en cas de réalisation du bien grevé. Il faut alors distinguer 2 situations :
o Le bien a d’abord été grevé d’une servitude, puis il a été frappé
d’un droit de gage : le droit de gage saisi le bien dans l’état où il se
trouvait, donc avec la servitude, qui est donc opposable au
créancier gagiste (respect de la servitude).
o Le bien est d’abord grevé d’un droit de gage, puis le propriétaire
constitue une servitude : le droit de gage antérieur l’emporte, mais
seulement dans la mesure où il peut être établi que la servitude
porte atteinte à la valeur du bien. Pour s’en assurer, il faut
procéder à une double mise à prix du bien, d’abord grevé de la
servitude et ensuite sans la servitude. Ce n’est que si la première
offre n’atteint pas le montant de la dette et qu’une offre supérieure
est faite lors de la seconde mise à prix que la servitude est radiée.
- Les rapports entre droits de gage sont aussi en principe régis par le
principe de priorité dans le temps. Pour les droits de gage mobiliers, la
règle vaut sans restriction (art. 893 al. 2). Par contre, le principe souffre
quelques exceptions en matière de droits de gage immobiliers. Le rang de
ces droits n’est en effet pas lié à la date de leur constitution mais à la case
hypothécaire que leur assigne l’inscription. Il est possible de constituer
des droits de gage en deuxième rang (ou en rang quelconque) même s’il
n’existe encore aucun droit en premier rang (ou en rang antérieur). La ou
les cases laissées libres pourront ainsi être occupées ultérieurement. De
ce fait, un droit de gage constitué postérieurement peut primer d’autres
droits de gage antérieurs. En outre, la radiation d’un droit de gage ne fait
pas avancer les autres (principe des cases fixes, art. 814 al. 1). Toutefois,
la case hypothécaire occupant elle-même un rang déterminé par la date
de sa constitution, l’exception au principe n’est qu’apparente : le système
est en fait une application particulière du principe de priorité dans le
temps. En cas de réalisation forcée de l’immeuble par ailleurs, on ne tient
pas compte des cases libres (art. 815 CC).

123
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Au final, il n’existe que deux séries de véritables exceptions au principe de


la priorité dans le temps :
o Les premières résultent de la loi : la loi accorde parfois un rang
privilégié à certains droits de gage légaux directes (art. 808 al. 3,
810 al. 2 et 836), aux servitudes constitués en exécution d’une
restriction légale indirecte de la propriété foncière (art. 674 al. 3,
691, 694 et 710), aux charges foncières de droit public (art. 784),
ainsi qu’aux servitudes constituées par voie d’expropriation ou
suite à des améliorations foncières.
o Les secondes résultent de la volonté des bénéficiaires de DRL de
rang antérieur : le principe de priorité dans le temps étant de droit
dispositif, le titulaire d’un DRL peut renoncer au bénéfice du rang
affecté à son droit par le biais d’une convention de postposition
(art. 812 al. 2). Le propriétaire peut aussi renoncer au bénéfice du
système des cases hypothécaires en accordant au créancier gagiste
le droit de profiter des cases libres (art. 814 al. 3).

Les DRL sur son propre bien :


En principe, les DRL existent sur une chose ou un animal appartenant à autrui. Le
propriétaire de l’objet n’a en général aucun intérêt à être titulaire d’un DRL sur
son propre objet. En droit suisse, il existe pourtant quelques hypothèses où un
propriétaire peut avoir un DRL sur son propre bien. Il convient alors de
distinguer selon que le DRL a un rang préférable à d’autres DRL grevant ce bien.
Si le DRL dont le propriétaire est titulaire est en concours avec d’autres DRL de
rang postérieur, le DRL du propriétaire ne s’éteint pas, on parle alors de
consolidation partielle. Le propriétaire a un intérêt à conserver le DRL car il lui
assure sur le bien une maîtrise partielle qui, sans ce droit, pourrait être remise
en cause par les autres droits grevant le bien. Dans le cas contraire (cas de
consolidation totale), c’est-à-dire en cas de réunion chez une seule personne de
la propriété d’un bien mobilier (il faut distinguer la consolidation totale en cas de
bien mobilier et immobilier) et d’un DRL sur celui-ci qui ne l’emporte pas sur
d’autres DRL, le droit est éteint. Ainsi, si un bien mobilier n’est grevé que d’un
usufruit et que l’usufruitier acquiert le bien, l’usufruit s’éteint. La publicité du
DRL n’est plus assurée et l’intérêt que le propriétaire pourrait avoir n’est plus
suffisant. Si le bien en cause est un immeuble, le RF permet d’assurer la publicité
des DRL. Il est ainsi admis que le propriétaire puisse conserver son DRL. Le code
fait référence à cette possibilité dans deux situations :
- Les servitudes du propriétaire sur son propre immeuble :
o Lorsqu’un propriétaire, bénéficiaire d’une servitude sur un fonds
voisin, acquiert ce fonds, la servitude ne s’éteint pas. Il peut alors
naturellement faire radier la servitude (art. 735 al. 1).

124
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o La personne qui est propriétaire de deux fonds a le droit de grever


l’un de servitudes en faveur de l’autre (art. 733). Il doit alors
adresser au RF une réquisition d’inscription (en la forme
authentique, art. 732 al. 2) de la servitude.
- Les droits de gage du propriétaire sur son propre immeuble :
normalement, c’est le débiteur, propriétaire d’un immeuble, qui constitue
un droit de gage en faveur de son créancier. Il peut aussi arriver qu’un
propriétaire constitue un droit de gage sur son immeuble pour garantir la
dette d’un tiers. Dans un cas comme dans l’autre, les personnes du
propriétaire et du créancier gagiste sont distinctes. Il existe toutefois deux
situations dans lesquelles ces qualités personnelles sont réunies :
o Les cas où les qualités de propriétaire et de créancier gagiste
viennent à se confondre, sans que le droit de gage ne s’éteigne : il
peut s’agir du cas où le propriétaire qui a engagé son immeuble
pour la dette d’autrui acquiert par la suite la créance garantie
(notamment si le propriétaire paye la dette, art. 827 CC et 110 CO).
Le propriétaire devient lui-même créancier et est garanti par le
droit de gage grevant son propre immeuble. Un second cas est
celui où le créancier gagiste acquiert l’immeuble grevé d’un droit
de gage en sa faveur. Là encore, le droit ne s’éteint pas.
o Il y a aussi réunion des qualités de propriétaire et de créancier
gagiste lorsqu’un propriétaire crée d’emblée un droit de gage en sa
faveur sur son propre immeuble. Le propriétaire d’immeuble peut
ainsi constituer une cédule hypothécaire à son nom, en se
désignant lui-même comme créancier (art. 857 al. 2 et 860 al. 2).

Les servitudes :
Une servitude (se servir de) est un DRL qui procure à son titulaire l’usage et / ou
la jouissance d’un bien. En principe, la servitude a pour objet un bien
appartenant à autrui (sauf cas mentionnés ci-dessus). Le code distingue deux
grandes catégories de servitudes : les servitudes foncières (art. 730-743) et les
autres servitudes, à savoir les servitudes personnelles (art. 745-781a). Les
servitudes foncières assujettissent un fonds (le fonds servant) à un autre fonds
(le fonds dominant). La servitude appartient cependant toujours au propriétaire
actuel d’un certain fonds et est principalement dirigée contre le propriétaire
actuel d’un autre fonds. Les servitudes personnelles, au contraire, existent au
profit d’une personne déterminée. Il y a toujours un bien servant mais aucun
bien dominant : le droit appartient à une personne en tant que telle, et non en
tant que propriétaire d’un autre bien. Les servitudes personnelles se divisent en
deux catégories (qui seront étudiées après l’étude des servitudes foncières) :

125
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Les servitudes personnelles proprement dites : elles sont


indissolublement liées à une personne déterminée : elles ne passent donc
pas aux héritiers du titulaire et ne sont pas cessibles. Il s’agit, de par la loi,
de l’usufruit et du droit d’habitation.
- Les servitudes personnelles irrégulières : cessibles et transmissibles aux
héritiers, ces servitudes ne sont pas indissolublement liées à une
personne. Le droit de superficie et le droit de source sont en général
cessibles et transmissibles de base. Pour les autres servitudes
irrégulières, tel n’est pas le cas mais la cessibilité et la transmissibilité
peuvent être prévues (art. 781 al. 2). Pouvant avoir le même contenu que
les servitudes foncières, la différence tient dans le fait qu’elles sont
établies en faveur d’une personne déterminée ou d’une collectivité.

Les servitudes foncières :


Une servitude foncière est un DRL (1) qui confère au propriétaire actuel d’un
immeuble (2) la faculté d’utiliser, sous certains rapports (4), un autre immeuble
(3). S’agissant d’un DRL (1), la servitude se distingue de la simple autorisation à
bien plaire (à titre précaire) d’utiliser un immeuble et du droit personnel
d’utiliser l’immeuble d’autrui (locataire). Seule la servitude présente les
caractéristiques d’n DRL et peut donc être inscrite au RF (art. 958). La servitude
est irrévocable et n’est en principe pas sujette à conditions. Accordée le plus
souvent pour une durée indéterminée, il reste possible d’en fixer d’emblée, de
façon certaine, la durée (5, 30 ou 99 ans).
En tant que droit er charge propter rem (2), la servitude foncière est liée à la
propriété du fonds dominant : son titulaire est toujours le propriétaire actuel de
ce fonds. La servitude est opposable à tous (caractère réel), mais produit
l’essentiel de ses effets envers le propriétaire actuel du fonds servant. On peut
donc dire que la charge de la servitude est liée à la propriété du fonds servant.
La servitude foncière peut en principe avoir pour objet n’importe quel immeuble
au sens de l’art. 655 (3). L’immeuble est grevé dans son entier, quand bien même
la servitude ne s’exerce qu’à un endroit donné (servitude de passage).
Enfin, selon l’art. 730 al. 1, la servitude foncière est une charge imposée sur un
immeuble en faveur d’un autre immeuble et qui oblige le propriétaire du fonds
servant à souffrir, de la part du propriétaire du fonds dominant, certains actes
d’usage, ou à s’abstenir lui-même d’exercer certains droits inhérents à la
propriété (4). De cette définition ressortent trois éléments :
- Les deux genres de servitudes foncières :
o La servitude affirmative : le propriétaire du fonds servant est tenu
de tolérer certains actes d’usage de la part du propriétaire du
fonds dominant (art. 730 al. 1).

126
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o La servitude négative : le propriétaire du fonds servant doit lui-


même s’abstenir d’actes d’usage qu’il serait normalement en droit
de faire (art. 730 al. 1). Le bénéficiaire de la servitude ne se sert
pas directement du fonds servant : il n’en use que de manière
indirecte, profitant, dans l’intérêt de son fonds, de ce que le
propriétaire du fonds servant ne peut pas exercer.
- Une charge imposant une attitude passive : la servitude implique pour le
propriétaire du fonds servant un charge qui consiste soit en un devoir de
tolérance (servitude affirmative), soit dans un devoir d’abstention
(servitude négative). Dans tous les cas, c’est une attitude passive qui est
attendu de lui. Dans cette caractéristique réside une des différences entre
servitudes foncières et charges foncières : le contenu spécifique de ces
dernières étant en effet une prestation positive que doit faire le
propriétaire du fonds grevé, et non une attitude passive.
- Une utilisation partielle de l’immeuble grevé : la servitude foncière ne
peut conférer à son titulaire qu’une utilisation partielle du fonds grevé
(art. 730 al. 1). La servitude foncière se distingue ainsi de l’usufruit, qui
confère en général à son titulaire la plénitude de l’usage et de la
jouissance d’un bien. C’est précisément pour cette raison que la servitude
foncière (au contraire de l’usufruit, art. 749, et du droit de superficie, art.
779l) peut être constituée sans limite de temps.
Les caractéristiques de la servitude foncière ayant été vues, il convient à présent
de parler du principe de la libre détermination du contenu de la servitude et de
ses limites. Les parties qui constituent une servitude sont en principe libres d’en
déterminer le contenu (art. 19 CO) et donc de préciser les facultés d’usage qui
seront attribuées au propriétaire du fonds dominant ou celles dont le
propriétaire du fonds servant devra s’abstenir. Il reste naturellement impossible
de constituer en servitude foncière un usufruit ou un droit d’habitation (qui sont
des servitudes personnelles proprement dites). A l’inverse, il est possible de
constituer en servitude foncière un droit de superficie ou un droit de source. La
liberté des parties est également limitée par 4 points de vue :
- Un contenu licite : la servitude doit avoir un contenu licite (art. 20 CO).
Elle ne saurait en particulier supprimer ou modifier une restriction de
droit public à la propriété foncière (art. 680 al. 3).
- Un intérêt raisonnable du propriétaire du fonds dominant : le
propriétaire du fonds dominant doit avoir un intérêt raisonnable à la
servitude (selon l’appréciation subjective de l’ayant droit). L’intérêt doit
justifier la création d’un droit opposable à tous et ne pas constituer la
satisfaction d’une pure lubie pour laquelle le RF ne saurait être utilisé.
- Une restriction de la propriété du fonds servant : la servitude ne peut
impliquer qu’une restriction de la propriété du fonds servant et non de
certains aspects de l’activité du propriétaire non liés au fonds. Les

127
Droit civil II Jérémy Stauffacher

servitudes négatives ne sont admissibles que si l’activité à laquelle le


propriétaire renonce affecte l’état matériel de l’immeuble, l’aspect
extérieur ou le caractère économique de celui-ci (servitude de non-bâtir
ou servitude interdisant la construction d’un bâtiment déterminé). En ce
qui concerne les servitudes interdisant simplement l’exploitation sur un
fonds d’un industrie ou d’un commerce, elles ne sont admissibles que si
elles sont formulées de telle façon qu’elles affectent la manière d’utiliser
le fonds lui-même (selon le Tribunal fédéral, une interdiction d’exercer
sur un fonds une activité professionnelle affecte toujours le caractère
économique et social de l’immeuble).
- L’absence de prestation principale positive : enfin, la servitude foncière
ne doit pas consister en une prestation positive (art. 730). Il est
impossible d’ériger en servitude l’obligation de livrer de l’eau à l’ayant
droit. Ce genre de buts ne peut être atteint (avec des effets réels) que par
une charge foncière. De même, il n’est pas possible d’intégrer à la
servitude l’obligation de payer une redevance pour l’octroi du droit et/ou
pour son exercice (charge foncière à nouveau). La servitude ne peut
également pas interdire au propriétaire toute utilisation de son fonds. Il
reste par contre possible de constituer une obligation de faire à titre
accessoire (art. 730 al. 2). La règle permet ainsi aux parties de prévoir que
le propriétaire du fonds servant doit faciliter ou assurer l’exercice de la
servitude par des prestations positives (liées le plus souvent à l’entretien
des ouvrages ou installations nécessaires). On peut citer par exemple
l’obligation d’entretenir le sentier ou la passerelle sur lesquels s’exerce le
droit de passage ou l’obligation d’entretien des conduites et bassins
nécessaires au captage, dans le cadre d’une servitude de source. Cette
obligation accessoire ne lie en principe que le propriétaire du fonds
servant qui en est convenu. Les parties peuvent toutefois prévoir que
l’obligation liera tout acquéreur du fonds (effet de rattachement propter
rem obtenu grâce à l’inscription de l’obligation accessoire au RF, art. 730
al. 2 CC et 21 al. 2 Titre final CC). Cela ne vaut toutefois pas pour les
obligations accessoires constituant une dérogation à la répartition de la
charge d’entretien (art. 741 al. 2) qui ont un caractère propter rem dès
qu’elles résultent des pièces justificatives du RF (contrat constitutif).

La constitution des servitudes foncières :


La constitution des servitudes foncières obéit aux règles générales (acquisition
moyennant inscription ou sans inscription et acquisition origine ou dérivée). Le
code ne règle que partiellement la question de l’acquisition (art. 713-733). Pour
le reste, il faut se référer aux règles sur l’acquisition de la propriété foncière (art.
731 al. 2). Il convient ici surtout de distinguer selon que la constitution de la
servitude a lieu moyennant inscription ou sans inscription.

128
Droit civil II Jérémy Stauffacher

La constitution moyennant inscription :


L’inscription au RF est en principe nécessaire à la constitution d’une servitude
foncière (art. 731 al. 1). On applique donc les règles sur l’inscription constitutive
(principe absolu de l’inscription). On distingue alors trois cas en fonction du TA :
- La constitution des servitudes foncières en vertu d’un acte juridique en
faveur d’un tiers : ce mode d’acquisition correspond à l’acquisition
dérivée de la propriété foncière moyennant inscription, il exige donc un
titre d’acquisition et une opération d’acquisition :
o Le titre d’acquisition : il s’agit d’un contrat constitutif de servitude
(ou d’une disposition pour cause de mort portant legs sur la
servitude). Il confère au bénéficiaire une créance tendant à la
constitution d’une servitude. La servitude est en général accordée
volontairement par le propriétaire du fonds servant mais il peut
arriver qu’il soit obligé de passer le contrat parce que le
cocontractant est au bénéfice d’une restriction légale de la
propriété foncière (droit de passage nécessaire, art. 694 ou droit à
la conduite nécessaire, art. 691). L’acte constitutif doit contenir
tous les éléments servant à déterminer la charge imposée au
propriétaire du fonds grevé (fonds dominant et fonds servant,
contenu de la servitude, volonté des parties, caractère réel et
éventuellement obligations accessoires). Si la servitude ne s’exerce
que sur une partie de l’immeuble, l’acte constitutif doit préciser
quelle est l’assiette de la servitude (si nécessaire avec l’aide d’un
extrait de plan de registre foncier, art. 7 OMO). Concernant la
forme de l’acte, il y a deux situations :
 Si la servitude est prévue dans un acte pour cause de mort,
les formes de cet acte doivent être respectées (art. 498 ss).
 Pour le contrat constitutif, l’art. 732 al. 1 exige la forme
authentique, sous réserve des deux exceptions suivantes :
 Lorsqu’une servitude légale est constituée d’entente
entre les parties et que le contrat reconnaît
l’existence d’un titre légal, la forme écrite suffit. La
loi est ainsi le véritable fondement (indirect) de la
servitude et justifie donc l’exception.
 Les servitudes constituées dans un contrat de
partage successoral peuvent l’être dans la forme
écrite exigée pour ce contrat (art. 634 al. 2).
o L’opération d’acquisition : l’opération d’acquisition consiste en un
acte de disposition et en un acte matériel :
 L’acte de disposition : l’acte de disposition est la réquisition
d’inscription de la servitude au registre foncier. Il nécessite
le pouvoir de disposer du constituant.

129
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 L’acte matériel : il s’agit de l’inscription au RF. Selon l’art.


968, la servitude doit être inscrite aux feuillets du fonds
servant et du fonds dominant. Seule l’inscription au feuillet
du fonds servant est toutefois essentielle à la constitution
de la servitude. Cette inscription doit alors désigner le
fonds bénéficiaire de la servitude, faute de quoi l’inscription
est lacunaire et la servitude pas valablement constituée.
- La constitution des servitudes du propriétaire : lorsque la servitude est
constituée en faveur du propriétaire, le titre d’acquisition consiste dans la
volonté même du propriétaire, manifestée par la réquisition (dressée en
la forme authentique) d’inscription au RF. La seule pièce justificative à
fournir au conservateur est d’ailleurs précisément une réquisition, devant
contenir les mêmes éléments que le contrat constitutif de servitude.
- L’acquisition de bonne foi du fonds dominant : une servitude foncière,
pourtant nulle parce que reposant sur un titre d’acquisition non valable,
peut prendre naissance lors de l’acquisition du fonds dominant par un
tiers de bonne foi (protection de la bonne foi).

La constitution sans inscription :


Le code ne mentionne que le cas de la prescription acquisitive (art. 713 al. 3)
mais le renvoi de l’art. 731 al. 2 aux règles de la propriété concerne également les
autres modes d’acquisition sans inscription :
- La prescription acquisitive : les règles sur la prescription acquisitive de la
propriété foncière (art. 661-663) sont applicables par analogie aux
servitudes foncières (tant pour la prescription ordinaire
qu’extraordinaire). L’art. 731 al. 3 ajoute seulement que la prescription
acquisitive des servitudes n’est possible qu’à l’égard des immeubles dont
la propriété peut elle-même s’acquérir de cette manière.
- Les autres modes de constitution d’une servitude foncière sans
inscription : par le renvoi de l’art. 731 al. 2 aux règles sur l’acquisition de
la propriété foncière, plusieurs autres modes d’acquisition sans
inscription s’appliquent aux servitudes foncières (principe relatif de
l’inscription). Ce sont l’occupation (lorsque le fonds servant n’a pas de
propriétaire), l’expropriation et les cas analogues (selon la législation
fédérale ou cantonale), l’adjudication dans les enchères forcées (servitude
figurant sur l’extrait du RF ou produite par un tiers n’existant en réalité
pas, mais non contestée) et le jugement. Il faut également ajouter le cas
des servitudes de conduite qui prennent naissance sans inscription, au
sens des art. 676 al. 3 et 691 al. 3 CC.

130
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’extinction des servitudes foncières :


L’extinction des servitudes foncières est traitée aux art. 734-736 CC. Il convient
d’examiner premièrement les modes d’extinction en général avant d’analyser
spécialement les modes d’extinction régis par le code.
En principe, les servitudes s’éteignent moyennant une radiation au RF (radiation
extinctive, cas le plus fréquent étudié ci-dessous) mais la loi prévoit certains cas
d’extinction indépendante d’une telle opération (radiation rectificative). Il faut
également préciser que le droit suisse ne prévoit ni prescription extinctive (en
cas de non-usage de la servitude), ni usucapio libertatis par le propriétaire du
fonds qui accomplirait durant une période prolongée des actes en opposition
avec la servitude. Dans les cas d’extinction indépendante de la radiation,
l’extinction résulte de la loi. La radiation n’a finalement pour seul but que de
mettre le RF en harmonie avec la réalité juridique. On distingue tout de même
deux situations, selon l’importance de la radiation :
- Les modes d’extinction laissant subsister l’apparence de la servitude :
dans ce cas, la radiation vise à supprimer l’apparence du droit et.
notamment, à exclure la reconstitution de la servitude à l’occasion d’une
acquisition de bonne foi du fonds dominant. On peut citer l’exemple de
l’extinction par suite d’expropriation. Il s’agit des cas suivants :
o L’expropriation et les cas analogues.
o L’adjudication dans les enchères forcées.
o Le jugement : le cas le plus important est celui de la libération
judiciaire des servitudes (art. 736) et sera étudié lui aussi ci-
dessous. Une servitude peut également prendre fin par l’effet d’un
jugement rendu en exécution de l’obligation prise par le
propriétaire du fonds dominant de renoncer à son droit (art. 665).
o La renonciation à la servitude : il s’agit de l’acte de disposition par
lequel le propriétaire du fonds dominant renonce hic et nunc à son
droit (et non simplement l’engagement de requérir la radiation de
l’inscription). La renonciation éteint immédiatement la servitude.
Comme l’extinction par radiation (acte juridique) et par jugement,
la renonciation sera étudiée ci-dessous.
- Les modes d’extinction enlevant toute portée à l’inscription : la cause
d’extinction est alors tellement importante que le maintien de
l’inscription ne peut produire aucun effet, même à l’égard de celui qui s’y
fierait de bonne foi. La radiation n’est alors qu’une mesure d’ordre. On
peut citer l’exemple de la disparition totale du fonds servant. Il s’agit
notamment des 4 causes suivantes :
o La perte totale du fonds dominant ou du fonds servant.
o L’impossibilité de l’exercice.
o La déréliction du fonds dominant.
o L’expiration du temps pour lequel la servitude a été constituée.

131
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Il s’agit maintenant d’analyser trois modes d’extinction (dont on a brièvement


parlé plus haut), à savoir l’extinction en vertu d’un acte juridique (radiation),
l’extinction fondée sur la volonté du propriétaire du fonds dominant
(renonciation) et l’extension par libération judiciaire (jugement) :
- L’extinction des servitudes inscrites en vertu d’un acte juridique :
s’agissant de l’opération inverse de la constitution des servitudes, elle
suppose un titre d’acquisition et une opération d’acquisition :
o Le titre d’acquisition : il s’agit d’un contrat (sans forme) ou d’un
legs (formes des dispositions pour cause de mort) obligeant le
propriétaire du fonds dominant à supprimer la servitude.
o L’opération d’acquisition : acte de disposition et acte matériel :
 L’acte de disposition : il consiste dans une réquisition
formelle de radiation adressée par le propriétaire du fonds
dominant au conservateur du RF (art. 963 al. 1). La
réquisition étant causale, elle suppose la validité du titre
d’acquisition (art. 974). Lorsque des tiers ont sur le fonds
dominant des droits affectés par la suppression, la radiation
ne peut être opérée qu’avec leur consentement.
 L’acte matériel : il s’agit de la radiation à proprement
parler, qui doit être opérée par le conservateur du RF et
éteint la servitude matériellement et formellement (art.
734). Elle doit être opérée sur le feuillet du fonds servant
(décisive) et sur celui du fonds dominant.
- L’extinction des servitudes inscrites fondée sur la seule volonté du
propriétaire du fonds dominant : l’existence d’une véritable cause (titre)
d’extinction n’est pas forcément nécessaire. Le propriétaire du fonds
dominant peut simplement décider de renoncer à la servitude. Ce peut
être le cas si le propriétaire, de son propre mouvement ou à la demande
du propriétaire du fonds servant, requiert la radiation de la servitude ou
déclare consentir à la radiation de celle-ci. Cette situation peut également
se produire lorsque deux fonds sont réunis dans la même main. Dans les
deux cas, la radiation n’a qu’un caractère déclaratif car la servitude
s’éteint de par la loi du seul fait de la déclaration de renonciation du
bénéficiaire. Précisons encore que, si des tiers ont des droits réels limités
sur le fonds dominant (usufruit, gage, etc.), leur consentement est
nécessaire, aux mêmes conditions que pour l’extinction de la servitude
sur la base d’un acte juridique (par radiation).
- La libération judiciaire des servitudes : l’art. 736 donne au propriétaire du
fonds grevé la faculté de requérir du juge la suppression totale ou
partielle d’une servitude ayant perdu toute utilité pour le fonds dominant
ou n’ayant plus qu’une utilité réduite hors de proportion avec les charges
imposées au fonds servant. Il est en effet logique que la servitude

132
Droit civil II Jérémy Stauffacher

s’éteigne lorsqu’elle ne présente plus un intérêt raisonnable pour le


propriétaire du fonds dominant. La libération judiciaire se fonde sur la
préoccupation de libérer la propriété foncière de charges qui n’ont plus
raison d’être (et par la notion de d’abus de droit et de clausula rebus sic
stantibus). Comme on vient de le dire, on distingue la servitude qui a
perdu toute utilité de la servitude ne conservant qu’une utilité réduite :
o La servitude ayant perdu toute utilité : il existe 3 conditions pour
appliquer l’art. 736 al. 1 CC :
 Le propriétaire du fonds dominant doit n’avoir plus
d’intérêt raisonnable au maintien de la servitude.
 L’intérêt doit avoir définitivement disparu : il ne doit pas
pouvoir renaître dans un avenir prévisible.
 L’utilité de la servitude doit être appréciée au vu de son
contenu et de son étendue (art. 738-739) et en fonction du
but pour lequel elle a été constituée (identité).
Si les conditions sont remplies, le propriétaire du fonds servant
peut s’adresser au juge pour obtenir la suppression de la servitude
et ce sans avoir à payer d’indemnité (art. 736 al. 1).
o La servitude ne conservant qu’une utilité réduite : à nouveau, les
conditions d’application de l’art. 736 al. 2 sont au nombre de trois :
 Les faits aggravant la charge pour le fonds servant doivent
être postérieurs à la constitution de la servitude. L’art. 736
ne peut servir à corriger une disproportion initiale.
 L’utilité de la servitude doit s’être réduite et apparaître
comme hors de proportion avec les charges imposées au
fonds servant. Ce qui est décisif, c’est que l’intérêt au
maintien de la servitude soit devenu proportionnellement
ténu, peu importe la raison (diminution de l’intérêt du
propriétaire du fonds dominant ou aggravation de la charge
pour le propriétaire du fonds servant).
 Le propriétaire du fonds servant ne peut obtenir la
libération de la servitude que s’il indemnise le propriétaire
du fonds dominant (art. 736 al. 2). Il s’agit ainsi d’une forme
d’expropriation privée (les règles de l’expropriation par
rapport à la fixation de l’indemnité s’appliquent d’ailleurs).
Lorsque ces conditions sont remplies, le juge prononce la
suppression totale ou partielle de la servitude et fixe le montant de
l’indemnité. Le jugement, comme dans le cas de l’art. 736 al. 1, est
déclaratif : la servitude s’éteint de par la loi dès que l’indemnité est
versée (les effets des jugements sont donc conditionnés au
paiement de l’indemnité).

133
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les effets des servitudes foncières :


La servitude foncière confère à son titulaire une maîtrise directe, de portée
limitée, sur le fonds grevé. Cette maîtrise s’exerce sans le concours du
propriétaire du fonds grevé (fonds servant), qui est simplement tenu, comme un
tiers quelconque, de respecter le droit réel du titulaire. Il n’existe en principe
aucun rapport d’obligation entre le propriétaire du fonds dominant et celui du
fonds servant (un tel rapport peut résulter de l’art. 741 ou être prévu à titre
accessoire par les parties, art. 730 al. 2). En dehors de ces deux cas, on reconnaît
l’existence d’une relation particulière qui donne lieu à l’application des règles de
la bonne foi (art. 2 CC). Pour le reste, les effets des servitudes foncières sont régis
par les art. 737-741. L’art. 737 et l’art. 741 définissent la position de l’ayant droit
et celle du grevé (point 1). Les art. 738 et 740 règlent le contenu de la servitude
(point 2). L’art. 739 établit le caractère fixe du contenu (point 3). Enfin, les effets
des servitudes concernent aussi la protection des droits du titulaire (point 4).
La situation de l’ayant droit implique pour lui des facultés et des devoirs.
Concernant les premières, celui à qui la servitude est due peut prendre toutes les
mesures nécessaires pour la conserver et pour en user (art. 737 al. 1). Il doit
néanmoins exercer son droit de la manière la moins dommageable (art. 737 al. 2,
servitus civiliter exercenda). En principe, seul l’ayant droit peut exercer les
facultés conférées par la servitude. Toutefois, la servitude couvrant l’ensemble
des besoins du fonds dominant, elle doit aussi profiter à ceux qui acquièrent des
droits sur ce fonds (locataires, usufruitiers, superficiaires). Par contre, le
propriétaire du fonds dominant ne peut en principe pas céder à d’autres tiers
l’exercice de la servitude. Quant aux devoirs, il arrive fréquemment que l’exercice
d’une servitude soit lié à certains ouvrages ou installations sur le fonds servant
(conduite, chemin, passage, prise d’eau, fontaine). L’entretien de ces éléments
incombe naturellement à celui qui en profite. L’art. 741 al. 1 met ainsi les frais
d’entretien de ces installations à la charge de l’ayant droit. S’ils profitent aussi au
propriétaire du fonds grevé, la charge de l’entretien incombe aux deux parties.
Les règles de l’art. 741 n’étant pas de droit impératif, les parties peuvent y
déroger. La situation du grevé est évidemment liée à la situation de l’ayant droit.
Le propriétaire du fonds servant doit souffrir toutes les atteintes à sa propriété
qui sont nécessaire à l’exercice de la servitude. Il ne peut en aucun cas rendre
plus incommode ou empêcher l’exercice de la servitude (art. 737 al. 3). Le
propriétaire peut tout de même imposer à l’ayant droit certaines incommodités
qui ne gênent pas sensiblement l’exercice de la servitude, notamment des
mesures visant à réduire ou à supprimer les effets dommageables de la servitude
(il y a lieu de peser les intérêts en présence pour déterminer quelles mesures
peuvent être imposées à l’ayant droit). Il s’agit là d’un cas d’application du
principe servitus civiliter exercenda qui prévoit que l’ayant droit doit s’abstenir
de mesures gênant particulièrement le propriétaire du fonds grevé.

134
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Quant au contenu de la servitude, l’art. 971 al. 2 précise que le contenu peut être
précisé, dans les limites de l’inscription, par les pièces justificatives ou de toute
autre manière. L’art. 738 reprend ce principe (lex specialis) en matière de
servitudes. Selon ce principe donc, l’inscription fait règle puisqu’elle désigne
clairement les droits et obligations dérivant de la servitude (art. 738 al. 1). Il faut
donc se reporter en priorité à l’inscription (au feuillet du fonds servant) pour
déterminer le contenu d’une servitude. Si l’inscription est claire, les autres
moyens d’interprétation (contrat constitutif en particulier) ne peuvent être pris
en considération que dans les limites qu’elle fixe. Tout de même, l’inscription
étant très sommaire, il est souvent nécessaire de recourir à ces autres éléments
pour déterminer l’origine de la servitude et la manière dont la servitude a été
exercée pendant longtemps (mode antérieur d’exercice). L’origine de la
servitude réside dans le titre d’acquisition, à savoir le contrat constitutif déposé
comme pièce justificative au RF. L’interprétation de ce titre permet d’établir la
réelle et commune intention des parties ou, lorsque cela n’est pas possible, la
volonté des parties conformément au principe de la confiance. Précisons que le
tribunal est apte à combler une lacune proprement dite présente dans le titre
d’acquisition. Concernant le mode antérieur d’exercice de la servitude, on
précisera qu’il s’agit de la manière dont la servitude a été exercée paisiblement et
de bonne foi (art. 738 al. 2). Ce long (plus que quelques années) usage paisible et
de bonne foi n’a pas le caractère d’une prescription acquisitive : il s’agit
simplement d’un moyen d’établir la portée que les parties ont voulu donner à la
servitude. Précisons pour finir que le contenu des servitudes doit être interprété
restrictivement, les droits du propriétaire grevé ne devant être restreints que
dans la mesure nécessaire à l’exercice normal de la servitude.
Les besoins nouveaux du fonds dominant n’entraînent aucune aggravation de la
servitude (art. 739 CC). Par aggravation il faut entendre une augmentation
notable dans la charge résultant de la servitude. L’exercice d’une servitude est en
effet souvent soumis à certains fluctuations (aggravation mais aussi atténuation).
Pour juger s’il y a aggravation, il faut partir de l’intérêt que la servitude avait
pour le fonds au moment de sa constitution. Cet intérêt doit ensuite être
comparé avec l’intérêt actuel, déterminé sur la base de données objectives. Il y a
alors aggravation de la servitude lorsque celle-ci est utilisée dans un but autre
que celui que les parties avaient en vue lors de sa constitution.
La protection des servitudes est, comme la protection de la propriété, double : le
titulaire bénéficie de la protection de la possession (art. 926-929) et de la
protection de son droit en tant que tel (art. 737 al. 1). Dans tous les cas, l’action
tendant à la défense de la servitude peut être complétée par une action en
dommages-intérêts aux conditions des art. 41 ss CO. La protection de la
possession diffère (dans le cheminement) selon que la servitude est affirmative
ou négative. Dans le premier cas, le titulaire jouit des moyens de protection de la
possession prévus aux art. 926-929 (droit de défense, réintégrante et action à

135
Droit civil II Jérémy Stauffacher

raison du trouble). Si la servitude est négative, l’exercice effectif du droit est


assimilé à la possession (art. 919 al. 2), faisant en sorte que, même sans avoir la
maîtrise effective du fonds servant, le titulaire dispose des moyens de défense de
la possession. La protection du droit se fonde sur l’art. 737 al. 1 qui précise que
l’ayant droit peut prendre toutes les mesures nécessaires pour conserver sa
servitude. Il peut ainsi ouvrir une action en constatation de la servitude ou, à des
conditions analogues à celles admises pour la propriété (art. 641 al. 2) intenter
une sorte d’action en revendication et une action négatoire (souvent appelée
action confessoire). L’action en revendication sera utilisée lorsque le titulaire de
la servitude est totalement empêché d’exercer son droit, Si la servitude est
inscrite au RF, l’ayant droit pourra invoquer la présomption attachée à cette
inscription et agira par l’action tirée de l’inscription (art. 937 al. 1). L’action
confessoire peut être dirigée contre celui qui prétend à un droit incompatible
avec la servitude (si le droit est inscrit au RF, l’action se doublera d’une action en
rectification du RF, art. 975) ou contre quiconque trouble l’exercice de la
servitude, y compris le propriétaire du fonds grevé (art. 737 al. 3). Elle tend dès
lors à faire cesser l’état de chose incompatible avec la servitude et / ou à faire
interdire tout nouveau trouble à l’avenir.

La modification des servitudes foncières :


Certains faits nouveaux (au contraire des besoins nouveaux du fonds) autorisent
des modifications de la servitude en faveur du propriétaire du fonds servant. A
certaines conditions en effet (art. 742), le propriétaire du fonds grevé peut exiger
que la servitude soit exercée ailleurs que là où elle l’a été jusqu’alors (on parle
alors de changement dans l’assiette de la servitude). Il existe en outre un
problème en cas de division du fonds. Si le fonds dominant est divisé, la
servitude doit alors continuer à grever chaque parcelle (art. 743 al. 3) mais cette
règle souffre des exceptions pour des raisons analogues à celles qui ont inspiré
l’art. 736 al. 1. Dans la mesure où la servitude a perdu sa raison d’être, elle doit
être supprimée sur le(s) fonds issu(s) de la division (art. 743 al. 2-3).

L’usufruit et le droit d’habitation :


L’usufruit est la servitude qui confère à une personne déterminée la jouissance
complète d’une chose ou d’un droit (art. 745 al. 2). Il comprend donc le droit
d’usage et le droit de jouissance (art. 755 al. 1). L’usufruit (usus fructus) confère à
son titulaire le droit d’utiliser l’objet grevé. Il bénéficie des droits de suite et de
préférence (droit réel) et fonde un rapport de possession dérivée. Un rapport
d’obligation légal se greffe en plus sur l’usufruit entre le propriétaire actuel de
l’objet grevé (nu-propriétaire) et l’usufruitier : des droits et des obligations
réciproques naissent pour l’un et pour l’autre (le nu-propriétaire est donc
destinataire du droit absolu mais aussi titulaire et destinataire des droits

136
Droit civil II Jérémy Stauffacher

personnels relatifs découlent de sa relation avec l’usufruitier). L’usufruit est une


servitude personnelle proprement dite, indissolublement liée à la personne de
son titulaire (par opposition aux servitudes personnelles irrégulières). L’usufruit
est incessible (seul son exercice peut être transféré, art. 758). Il est également
intransmissible et ne passe donc pas aux héritiers mais s’éteint à la mort de
l’usufruitier (art. 749). L’usufruit peut être constitué en faveur d’une seule
personne (physique ou morale) ou en faveur de plusieurs personnes
déterminées. Dans ce dernier cas, on applique les règles sur la copropriété (co-
usufruit) ou sur la propriété commune (usufruit commun). Selon l’art. 745 al. 1,
l’usufruit peut être établi sur des meubles, des immeubles, des droits ou un
patrimoine (seule servitude pouvant porter sur des choses mobilières). Selon les
objets susceptibles d’être grevés, on distingue 5 types d’usufruit :
- L’usufruit proprement dit : il porte sur un corps certain, meuble ou
immeuble. Il s’agit du cas normal, décrit par la loi (art. 746-767).
- Le quasi-usufruit : il porte sur des choses consomptibles (art. 722 al. 1-3).
- L’usufruits sur des choses évaluées ou usufruit de disposition :
l’usufruitier a le droit de disposer de choses mobilières qui ont été
estimées lorsqu’elles lui ont été remises (art. 722 al. 2-3).
- L’usufruit des droits (créances notamment) : cet usufruit peut notamment
être transformé en quasi-usufruit, selon l’art. 775 CC.
- L’usufruit d’un patrimoine : il se présente comme la somme des usufruits
portant sur les choses et les droits qui composent le patrimoine (art. 766).
Le droit d’habitation est une servitude qui confère à son titulaire le droit de
demeurer dans une maison ou d’en occuper une partie (art. 776 al. 1). Comme
l’usufruit, il s’agit d’une servitude personnelle proprement dite, incessible et
intransmissible (art. 776 al. 2). Toutefois, au contraire de l’usufruit, il ne procure
qu’une jouissance limitée sur l’immeuble grevé (droit de l’utiliser pour habiter).
De plus, au contraire de l’usufruit à nouveau, son exercice ne peut être cédé
(droit éminemment personnel). Outre ces deux différences, les deux droits sont
très proches et l’art. 776 al. 3 soumet le droit d’habitation aux règles de l’usufruit
sauf disposition contraire de la loi.

Les servitudes personnelles irrégulières : le droit de superficie :


Seul le droit de superficie sera étudié ici (on peut citer le droit de source ou les
autres servitudes de l’art. 781 comme autres servitudes personnelles
irrégulières). Le droit de superficie (art. 779-779l) est la servitude en vertu de
laquelle une personne a la faculté d’avoir ou de faire des constructions sur ou en-
dessous du fonds grevé (art. 779 al. 2). Il donne la possibilité de dissocier la
propriété du fonds de la propriété des constructions qui s’y trouvent au moment
de la constitution ou qui sont édifiées par la suite. Le droit de superficie tient
ainsi en échec le principe de l’accession (art. 667) : le titulaire du droit de

137
Droit civil II Jérémy Stauffacher

superficie devient propriétaire des constructions et autres ouvrages établis au-


dessus et au-dessous du fonds grevé (art. 675 al. 1). Le droit de superficie peut
être constitué en servitude foncière ou en servitude personnelle :
- Servitude foncière (en faveur du propriétaire actuel d’un fonds).
- Servitude personnelle (en faveur d’une personne nommée) : seule cette
situation est visée par les art. 779 ss CC. Il peut alors être distinct ou non :
il est distinct si sa cessibilité et sa transmissibilité n’ont pas été supprimée
(art. 7 al. 2 ch. 1 ORF). Il peut également être permanent ou non : il est
permanent s’il est établi pour 30 ans au moins ou pour une durée
indéterminée (art. 7 al. 2 ch. 2 ORF). S’il s’agit d’un droit distinct et
permanent (au sens de l’art. 7 al. 2 ch. 1-2), il peut être immatriculé
comme immeuble au RF (art. 779 al. 3 et 943 al. 1 ch. 2), ce qui est
souvent le cas dans la pratique.
Le champ d’application des art. 779a ss dépend du type de droit superficie :
- Les art. 779b-h s’appliquent à tous les droits de superficie personnels.
- L’art. 779l ne s’applique qu’aux droits distincts.
- L’art. 779a ne s’applique qu’aux droits distincts et permanents.
- L’art. 779d al. 1 in fine, al. 2-3, l’art. 779i et l’art. 779k ne s’appliquent que
si le droit de superficie est immatriculé au registre foncier.
La constitution du droit de superficie est régie par les règles applicables aux
servitudes foncières (contrat en la forme écrite suivi d’une inscription au RF). Il
est toutefois nécessaire de faire les deux réserves suivantes :
- Si le droit de superficie est distinct et permanent, le contrat constitutif
n’est valable que s’il est passé en la forme authentique (art. 779a).
- Si le droit est distinct, il ne peut pas être constitué pour plus de 100 ans
(art. 779l al. 1). Le droit peut par contre en tout temps être prolongé, en la
forme prescrite pour sa constitution, pour une nouvelle durée maximum
de 100 ans (art. 779l al. 2).
Quant au transfert, sauf convention contraire, le droit de superficie est cessible et
passe aux héritiers (art. 779 al. 2). Les créanciers du superficiaire peuvent saisir
son droit et celui-ci peut le grever de droits de gage ou de servitudes. Le transfert
concerne donc tant le changement de titularité du droit que la constitution de
DRL sur celui-ci. Lorsqu’il n’est pas immatriculé comme immeuble au RF, le
transfert s’opère indépendamment du RF (règles prévues pour la cession de
créance, art. 165 CO, et règles pour la constitution des DRL sur les droits, art. 745
et 899 ss, appliquées par analogie). Le transfert requiert ainsi une déclaration
écrite du superficiaire : le transfert du droit emporte nécessairement le transfert
des constructions et ouvrages concernés par ce droit. Lorsque le droit est
immatriculé comme immeuble au RF, le transfert obéit aux règles valables pour
les immeubles (contrat de cession en la forme authentique).

138
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Lorsque le droit de superficie est distinct et permanent, le propriétaire du fonds


grevé a un droit de préemption légal contre tout acquéreur du droit de superficie
(art. 682 al. 2). Le superficiaire dispose lui-aussi d’un droit de préemption légal
contre tout acquéreur du fonds grevé, seulement dans la mesure où c fonds est
mis à contribution par le droit de superficie (art. 682 al. 2). Ces droits de
péremption visent la réunion de la propriété du fonds et de celle des
constructions et permettent d’éviter à l’une des parties de devoir traiter avec un
tiers qui ne lui convient pas. Ces droits sont analogues au droit de préemption
légal des copropriétaires (art. 682 al. 1). Il s’agit de restrictions légales directes
du droit de disposer (non cessibles et non transmissibles, art. 681 al. 3), qui
grèvent de plein droit la servitude de superficie et l’immeuble grevé. A la
différence du droit de préemption conventionnel, ce droit peut être exercé en cas
de réalisation forcée, lors des enchères mêmes et aux conditions de
l’adjudication (art. 681 al. 1 et art. 60a ORFI). Ce droit de préemption ne peut par
contre être invoqué en cas d’aliénation au titulaire d’un droit de préemption
légal de même rang ou de rang préférable (art. 681 al. 2). Le propriétaire et le
superficiaire ont la possibilité de modifier le droit de préemption dont ils sont
titulaires de par la loi en passant une convention en la forme authentique (art.
680 al. 1 et 681b al. 1), convention qui peut être annotée au RF.
Il s’agit à présent de présenter les effets du droit de superficie. D’une manière
générale, les règles présentées à propos des servitudes foncières s’appliquent,
sous réserve des 4 précisions suivantes :
- Le contenu du droit réel de superficie : le droit permet à son titulaire
d’être propriétaire des constructions et autres ouvrages qui existent sur
l’immeuble grevé lors de la constitution du droit ou qu’il a fait édifier par
la suite sur cet immeuble (art. 779). Le superficiaire peut aussi utiliser le
sol avoisinant la construction et prendre les mesures nécessaires à
l’exercice du droit (implicitement comprises dans l’octroi du droit). Le
contenu précis du droit est défini par l’acte constitutif (surface qui peut
être bâtie, emplacement de celle-ci, types de constructions, utilisation des
surfaces non-bâties). Ces clauses définissant le contenu même du droit
sont bien évidemment opposables aux tiers (art. 779b).
- Les obligations conventionnelles entre propriétaire du sol et
superficiaire : le droit de superficie, à la différence de l’usufruit, ne fait pas
naître un rapport d’obligation qui s’ajoute aux devoirs nés du droit. Le
superficiaire n’a donc pas le devoir d’entretenir l’ouvrage, ni celui de
l’assurer, ni même celui de construire si le fonds grevé n’est pas encore
bâti. Naturellement, propriétaire et superficiaire peuvent naturellement
assortir la constitution du droit d’obligations conventionnelles (paiement
d’une contre prestation par exemple). Ces engagements ne lient que le
superficiaire et ne sont donc pas opposables aux tiers (en général, le
superficiaire s’engage à les faire reprendre par le cessionnaire).

139
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- La répartition des charges : il est logique que le superficiaire supporte


tous les frais (charges privées) liés à la construction et à l’entretien des
bâtiments et ouvrages dont il est propriétaire ainsi qu’à l’utilisation des
surfaces non bâties dont il fait usage.
- Le retour anticipé : comme sanction en cas d’excès dans l’exercice du
droit ou en cas de violation des obligations contractuelles du
superficiaire, l’art. 779f donne au propriétaire un droit de retour anticipé
(possibilité de priver le superficiaire de sa servitude). Le droit de
superficie ne s’éteint alors pas mais est simplement transféré au
propriétaire, qui devient titulaire d’un DRL sur son propre immeuble (il
serait plus exact de parler de rétrocession du droit). Ce retour anticipé est
soumis à deux conditions :
o Le superficiaire doit avoir gravement violé ses devoirs (art. 779f) :
le superficiaire peut soit avoir gravement excédé son droit réel
(dépassé les limites de l’emprise, construit un bâtiment de nature
autre que celle prévu) soit avoir gravement violé ses obligations
contractuelles (manquement dans l’exploitation ou l’entretien du
bâtiment, tel qu’il aurait dû le faire).
o Le propriétaire doit verser au superficiaire une indemnité
équitable pour les constructions qui lui échoient : cette indemnité
ne doit pas forcément représenter un dédommagement complet, la
faute du superficiaire pouvant être retenue comme facteur de
réduction (art. 779g al. 1). L’indemnité doit être versée au
superficiaire (ou au moins garantie) avant que le droit ne puisse
être rétrocédé au propriétaire (art. 779g al. 2 CC).
Si les conditions sont remplies, le propriétaire doit demander la
rétrocession du droit de superficie. Si les parties parviennent à se mettre
d’accord, elles procèderont à ce transfert selon les formes ordinaires.
Dans le cas contraire, c’est le juge qui doit ordonner le transfert, une fois
l’indemnité payée ou garantie. Le droit de superficie est cédé au
propriétaire avec tous les droits et charges qui y sont rattachés (art. 779f)
en particulier les droits de gage qui le grèvent. Le propriétaire, devenu
titulaire d’un droit de superficie sur son propre immeuble, ne peut le faire
radier que moyennant le consentement des personnes ayant un DRL sur
celui-ci (usufruit, droit de superficie au second degré, droit de gage). En
général, le propriétaire cherchera plutôt à aliéner le droit de superficie
(vendant ainsi les constructions auxquelles il donne droit).
Il s’agit à présent de parler de la rente superficiaire et de sa garantie. Le droit de
superficie étant généralement accordé moyennant une contre-prestation, celle-ci
peut consister en un versement unique ou, plus fréquemment, dans le service
d’annuités ou d’autres montants périodiques (rente du sol). L’obligation de
payer une rente est une dette personnelle du superficiaire et donc non rattachée

140
Droit civil II Jérémy Stauffacher

au droit de superficie à titre d’obligation propter rem (ce faisant, elle ne passe
pas à l’acquéreur du droit de superficie). Généralement toutefois, le propriétaire
et le superficiaire conviendront que ce dernier conviendra avec l’acquéreur du
droit d’une reprise de dette de rente (art. 175 CO). Il subsiste alors un problème :
l’obligation de payer la rente n’étant pas garantie de plein droit par un droit de
gage sur le droit de superficie, il appartient aux parties de régler
conventionnellement la garantie de la rente. Il suffit en fait au propriétaire
d’avoir une garantie pour quelques annuités seulement (hypothèque pour un
montant correspondant à quelques versements périodiques). Il est alors
essentiel qu’en dérogation aux règles ordinaires le droit de gage ne soit pas radié
lors de sa mise en œuvre car le propriétaire se retrouverait alors privé de toute
protection pour l’avenir. Ainsi, les art. 779i et k instituent une hypothèque légale
pour renforcer la position du propriétaire. Il s’agit d’une hypothèque légale
indirecte, la loi conférant au propriétaire le droit d’en exiger la constitution. Ce
droit à la garantie, propter rem, n’existe qu’à 2 conditions :
- Le montant garanti vaut au maximum trois annuités (art. 779i al. 1) : les
annuités peuvent être inégales mais l’hypothèque demandée doit alors
représenté trois annuités (art. 779i al. 2 CC).
- Le droit de superficie doit être immatriculé au RF (art. 779i al. 1).
L’hypothèque prend naissance par son inscription au RF (la loi en est le titre).
Les dispositions relatives à la constitution de l’hypothèque légale des artisans et
entrepreneurs s’appliquent par analogie (art. 779k al. 2). Concernant ses effets,
l’hypothèque prend rang à la date de sa constitution (règles ordinaires, art. 972
et 961 al. 2). Elle n’est pas armée d’un privilège et, en cas de réalisation forcée,
n’est pas radiée après que le propriétaire a reçu la part du produit de la
réalisation qui lui est du (art. 779k al. 1 in fine CC).
Pour terminer avec le droit de superficie, il s’agit de parler de son extinction. Le
droit de superficie s’éteint pour les causes qui mettent fin aux servitudes
foncières, la cause la plus fréquente étant la survenance du terme extinctif dont
les parties sont convenues (30, 50 ou 100 ans). Les parties peuvent aussi décider
de mettre fin à la servitude par un contrat extinctif. Le superficiaire peut aussi
renoncer à son droit en requérant sa radiation au RF. Enfin, le propriétaire peut
exiger la libération judiciaire aux conditions de l’art. 736 CC. A l’extinction du
droit, le principe de l’accession reprend force et le propriétaire acquiert la
propriété des constructions, qui deviennent parties intégrantes du fonds (art.
779c). En principe, il n’acquiert pas gratuitement la propriété des constructions
mais doit, sauf convention contraire, verser au superficiaire une indemnité
équitable (art. 779d). La question de cette indemnité peut être réglée d’avance
(art. 779e) en fixant les critères propres à établir le montant, la procédure à
suivre. Il est aussi possible de supprimer toute indemnité, ce qui implique que le
superficiaire devra amortir totalement ses constructions avant l’extinction du
droit. Il est également possible de prévoir le rétablissement de l’état primitif du

141
Droit civil II Jérémy Stauffacher

fonds (destruction des constructions et remise en état du terrain). Les


conventions prévoyant les éléments ci-dessus doivent être passées en la forme
prescrites pour la constitution du droit et ne lient que les parties au contrat (et
leurs successeurs universels). Il reste possible de les faire annoter au RF, ce qui
les rend opposables aux tiers. Dans un délai de trois mois dès l’extinction du
droit, l’ancien superficiaire peut requérir l’inscription d’une hypothèque légale
en garantie de l’indemnité due si celle-ci n’est ni payée ni garantie par le
propriétaire. L’hypothèque est alors inscrite à la place du droit de superficie
radié et prend le rang de celui-ci (art. 779d al. 2-3 et 50 al. 2 ORF). Fréquemment,
le superficiaire, pour obtenir des crédits de constructions, constitue des droits de
gage sur la servitude de superficie. Se pose alors la question de la protection des
créanciers gagistes garantis par le droit de superficie. A l’extinction du droit de
superficie, les créanciers gagistes devraient normalement perdre leur droit, faute
d’objet. L’art. 779d al. 1 prévoit toutefois, pour les protéger, que leur droit de
gage porte désormais sur la créance en indemnité du superficiaire. Il y a en fait
subrogation réelle : le droit de gage grevant le droit de superficie est reporté ispo
jure sur la créance en indemnité lors de l’extinction du droit de superficie. De ce
fait, l’indemnité ne peut être versée au superficiaire qu’avec le consentement des
créanciers gagistes. Il reste toutefois possible que le propriétaire ne paye pas
l’indemnité (cas de réalisation forcée dirigée contre ce propriétaire : créance
d’indemnité impayée). Pour éviter cela, si l’indemnité n’est ni payée ni garantie,
les créanciers gagistes (comme l’ancien superficiaire) peuvent requérir
l’inscription d’une hypothèque légale (indirecte) en garantie de l’indemnité due.

Les charges foncières :


La charge foncière procure à son titulaire la faculté d’exiger du propriétaire
actuel d’un immeuble certaines prestations, dont ce dernier ne répond que sur
cet immeuble (art. 781 al. 1). Il s’agit de la combinaison d’une obligation
rattachée à un immeuble et d’une garantie spéciale procurée par celui-ci :
- Une créance : il s’agit du droit personnel permettant d’exiger du
propriétaire actuel de l’immeuble grevé une certaine prestation. Tout
nouveau propriétaire de cet immeuble en devient de plein droit débiteur
(art. 792 al. 1 CC : il s’agit d’une dette propter rem).
- Une charge réelle : elle consiste dans l’assujettissement de l’immeuble à la
garantie de la dette. La garantie du créancier est limitée à la valeur de
réalisation de l’immeuble : le créancier ne peut prétendre être payé que
sur le produit de réalisation de l’immeuble (art. 782 al. 1 et 791 al. 1). Cet
inconvénient est toutefois compensé pour le créancier par le caractère
prioritaire de la garantie fournie : le montant obtenu lors de la réalisation
forcée de l’immeuble est attribué en priorité au titulaire de la charge
foncière (comme pour en cas de droits de gage).

142
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les droits de gage immobiliers (DdGI) :


Les droits de gage immobiliers peuvent prendre deux formes : l’hypothèque et la
cédule hypothécaire (art. 793). La systématique du code en la matière est la
suivante (révision entrée en vigueur le 1er janvier 2012) :
- Art. 793-823 CC : dispositions générales et communes (point 1). Cela nous
amènera à parler de 8 points, répartis en deux catégories :
o Notion, constitution et extinction des droits de gage immobiliers :
 Notion et espèces de droits de gage immobiliers.
 Constitution des droits de gage immobiliers.
 Extinction des droits de gage immobiliers.
o Effets généraux des droits de gage immobiliers :
 L’étendue des droits du créancier.
 La protection des créanciers hypothécaires.
 Le rang des droits de gage immobiliers.
 La réalisation du gage.
 Les autres institutions communes.
- Art. 824-841 CC : l’hypothèque en particulier (point 2).
- Art. 842-865 CC : la cédule hypothécaire en particulier (point 3).
- Art. 866-874 CC : articles concernant la lettre de rente, abrogés.
- Art. 875 CC : les obligations (nominatives ou au porteur) foncières.
- Art. 876-883 CC : articles concernant la lettre de rente, abrogés.

Notion, constitution et extinction des droits de gage immobiliers :


Il s’agit de présenter la notion, la constitution et l’extinction des droits de gage
immobiliers. Ces trois thèmes sont présents dans le code aux art. 793-804 CC.

Notion et espèces de droits de gage immobiliers :


Le droit de gage est un DRL qui assujettit une chose à la garantie d’une créance
en capital. Cet assujettissement veut que si la dette n’est pas exécutée le
créancier gagiste peut faire réaliser la chose à son profit : la garantie est fournie
par le droit prioritaire du créancier à la valeur de réalisation de la chose. Le droit
de gage immobilier est donc le droit qui permet à son titulaire de faire réaliser
l’immeuble à son profit afin d’obtenir le paiement de la créance garantie. La
constitution d’un DdGI peut viser deux buts principaux :
- La garantie d’une créance : il s’agit le plus souvent de garantir une
créance (souvent un emprunt à long terme fait par le propriétaire pour
acquérir l’immeuble grevé ou pour financer une construction). Dans ce
genre de cas, le remboursement de la dette se fait par annuités
correspondant à quelques pourcents de la somme (amortissements).

143
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- La mobilisation de la valeur du sol : lorsqu’un propriétaire immobilier


constitue un DdG, il individualise la valeur de réalisation de l’immeuble et
la détache de l’immeuble pour la confier au créancier gagiste. Ce dernier
peut selon sa volonté disposer de vctte valeur en cédant la créance
garantie (le droit de gage profitera alors au cessionnaire, art. 170 CO).
Cette possibilité est même favorisée par l’incorporation la créance (et le
DdGI) dans un papier-valeur (cédule hypothécaire et, jadis, lettre de
rente). La valeur de réalisation de l’immeuble est dès lors contenue dans
le papier-valeur et peut être aliénée avec toutes les facilités et tous les
avantages liés au transfert des papiers-valeurs. La cédule hypothécaire
permet donc de mobiliser (rendre mobilière) la valeur de l’immeuble.
Comme le précise l’art. 793 al. 1, il n’existe que deux espèces de DdGI :
l’hypothèque et la cédule hypothécaire (lettre de rente abrogée en 2012).
L’hypothèque sert en général à garantir une créance et la cédule hypothécaire est
un papier-valeur (droit de gage négociable). L’hypothèque s’épuise dans sa
fonction de garantie, il s’agit d’un droit accessoire attaché à la créance (droit
principal). La créance garantie a une existence propre, distincte de celle du droit
de gage : elle subsiste sans lui et la constitution du droit de gage n’exerce sur elle
aucune influence (pas de novation). La créance garantie peut être une créance
quelconque et le débiteur peut être une personne autre que le propriétaire de
l’immeuble grevé (art. 824 al. 1-2).
L’hypothèque ne peut être incorporée dans un papier-valeur, alors que la
créance oui (plutôt rare). Lorsque la créance garantie n’est pas contenue dans un
papier-valeur, elle se transfère comme une créance ordinaire (art. 164 ss CO).
Exceptionnellement, la créance garantie peut être incorporée dans un papier-
valeur. Tel est notamment le cas pour les obligations hypothécaires, au porteur
ou nominatives (reconnaissances de dettes mises sous forme de papiers-valeurs
et garanties par une hypothèque, art. 965 CO). Au contraire de la cédule
hypothécaire, l’obligation hypothécaire n’incorpore pas le droit lui-même mais
seulement la créance garantie. Au contraire de l’hypothèque, la cédule
hypothécaire permet de garantir une créance et de mobiliser la valeur du sol
(émission d’un papier-valeur, nominatif ou au porteur, qui incorpore créance et
droit de gage, art. 859 al. 1). Si le papier est nominatif, la cédule hypothécaire a le
caractère d’un titre à ordre (art. 1145 ss CO) alors que s’il est au porteur, il s’agit
d’un titre au porteur (art. 978 ss CO). La créance et le droit de gage forment un
tout indissociable : la créance n’existe pas indépendamment du droit de gage.
L’émission du papier-valeur entraîne le détachement de la créance du rapport
juridique de base (novation, art. 855 CC, sauf convention contraire). La créance
nouvelle prend la forme d’une reconnaissance de dette abstraite (puisqu’elle
n’énonce pas la cause de l’obligation). La créance garantie étant incorporée dans
un papier-valeur, il n’est pas possible de faire valoir le droit ou de la transférer
indépendamment du titre. On peut définir la cédule hypothécaire comme une

144
Droit civil II Jérémy Stauffacher

créance personnelle garantie par un gage immobilier : le débiteur d’une cédule


hypothécaire répond de la dette sur l’immeuble grevé par le droit mais
également sur tous ses biens. Sa situation est donc analogue à celle du débiteur
d’une dette garantie par une hypothèque. Précisons en outre que le débiteur
peut être une personne autre que le propriétaire de l’immeuble grevé (art. 845
al. 1 CC). La lettre de rente, abrogée en 2012, était une créance constituée en
charge foncière sur un immeuble.

La constitution des droits de gage immobiliers :


Il s’agit premièrement de préciser quelles sont les conditions matérielles
relatives à la constitution des DdGI (art. 794-798). La constitution d’un DdGI
obéit au principe de spécialité, tant pour la créance garantie (art. 794-795) que
pour l’immeuble grevé (art. 796-798). L’une et l’autre doivent être déterminés :
- La spécialité du droit de gage quant à la créance garantie : le droit de gage
est un droit accessoire dépendant du droit principal qu’est la créance
garantie. Le DdG ne s’actualise que si la créance garantie existe et suit
cette créance si elle est cédée (art. 170 CO). Il est donc nécessaire que
cette créance soit déterminée de façon suffisante lors de la constitution
du droit de gage, tant par rapport au capital que par rapport aux intérêts :
o Le capital : un DdGI ne peut être constitué que pour garantir une
créance d’argent, créance qui doit être déterminée (montant
indiqué en monnaie suisse et inscrit au RF ; cas d’hypothèque en
capital). Il reste possible de garantir une créance indéterminée
(voire future ou éventuelle ; cas d’hypothèque maximum) en
indiquant une somme fixe représentant dès lors le maximum de la
garantie immobilière (art. 794 al. 2).
o Les intérêts : les parties décident librement si la créance garantie
porte intérêt (et le taux). Si le droit de gage garantit une créance
déterminée (art. 794 al. 1), les intérêts bénéficient aussi, de par la
loi, de la garantie fournie par le droit de gage (dans les limites de
l’art. 818 al. 1 ch. 3). Cette extension légale de la garantie aux
intérêts échus ne se produit que si le taux d’intérêt est inscrit au
RF (art. 40 al. 1 let. d ORF). Le taux initialement fixé peut être
augmenté par les parties mais l’extension légale n’aura lieu que si
le nouveau taux est à son tour inscrit au RF. En outre, dans le but d
protéger les créanciers de rang postérieur, le taux d’intérêt ne peut
être porté à plus de 5% sans leur consentement. Lorsque le droit
de gage garantit une somme maximale (art. 794 al. 2), la garantie
s’étend à tous les intérêts échus dans les limites de la somme
inscrite au RF. L’inscription du taux d’intérêt au RF est impossible
(au-delà, les intérêts constituent une dette chirographaire).

145
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- La spécialité du droit de gage quant à l’immeuble grevé : en général, il


s’agira d’un immeuble unique, mais il est aussi possible de constituer un
DdG sur plusieurs immeubles en garantie d’une même créance. Quoiqu’il
en soit, l’immeuble grevé doit être clairement désigné lors de toute
constitution de DdGI. En outre, le législateur a fixé diverses limites de
charges qui déterminent à concurrence de quel pourcentage de sa valeur
un immeuble peut être grevé de droits de gage :
o Les immeubles pouvant être objets de droit de gage : le DdGI peut
avoir pour objet n’importe quel immeuble immatriculé au registre
foncier (art. 655 al. 2) : bien-fonds, droit distinct et permanent
immatriculé au RF, mine ou part de copropriété (par étages). Ce
principe souffre trois exceptions :
 Certains immeubles publics immatriculés au RF ne peuvent
être objets de DdG : le droit public peut soumettre à des
règles particulières ou même prohiber l’engagement des
immeubles publics (art. 796 al. 2, réserve impropre).
 Les parts de copropriété ordinaire sur un immeuble
peuvent être objets de DdG même sans être immatriculées :
selon l’art. 800, chacun des copropriétaire peut grever sa
quote-part d’un droit de gage. Hors, les parts de copropriété
ordinaire sur un immeuble ne doivent être immatriculées
au RF que si celui-ci est informatisé, ce qui n’est pas le cas
partout (art. 111c ORF). De ce fait, les parts de copropriété
ordinaire peuvent être objets de DdG alors même qu’elles
ne sont pas immatriculées au registre foncier
 L’immeuble de base ne peut en principe plus être grevé de
DdG si des parts de copropriété (par étages) sont déjà
grevées : en dérogation à l’art. 796 al. 1, l’immeuble de base
ne peut être grevé de DdG si une ou plusieurs parts de
copropriété sont déjà grevées de tels droits (art. 648 al. 3).
Un droit de gage peut toutefois être constitué sur
l’immeuble de base, à condition qu’il ait la priorité sur les
droits de gage grevant les parts.
o La désignation de l’immeuble grevé : selon le principe de
spécialité, l’immeuble grevé doit être spécialement désigné lors de
la constitution du droit de gage (art. 797 al. 1 CC).
o La constitution d’un droit de gage sur plusieurs immeubles en
garantie d’une même créance : il n’est pas contraire au principe de
spécialité d’engager plusieurs immeubles pour garantir une seule
créance. La mise en gage de plusieurs immeubles implique une
répartition de la garantie sur les différents immeubles (art. 798 al.
2-3) mais il est aussi possible, à certaines conditions, de grever
chaque immeuble pour l’entier de la créance (DdG collectif) :

146
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 Le droit de gage collectif : chaque immeuble garantit la


totalité de la créance. Le créancier peut se faire
désintéresser sur le produit de la réalisation de chacun des
immeubles grevés mais n’a qu’un seul et même droit de
gage. La garantie est ainsi renforcée. Le droit de gage
collectif n’est possible que lorsque les immeubles grevés
appartiennent au même propriétaire ou lorsque les
propriétaires des immeubles sont débiteurs solidaires de la
créance garantie (art. 798 al. 1). L’engagement collectif doit
en outre ressortir de l’inscription au RF (art. 42 ORF).
 L’engagement de plusieurs immeubles avec répartition : si
les conditions requises pour constituer un droit de gage
collectif ne sont pas remplies ou si les parties ne veulent
pas grever les immeubles collectivement, il faut procéder à
la répartition de la garantie (art. 798 al. 2). Le créancier
acquiert dès lors un droit de gage distinct sur chaque
immeuble grevé pour une fraction de la créance garantie (la
garantie est divisée, non la créance). Les parties sont libres
de convenir de la répartition de la garantie. Si elles ne le
font pas, la répartition se fait proportionnellement à la
valeur des immeubles grevés (art. 798 al. 3).
o Les limites de charge : la constitution de droits de gage trop élevés
pouvant entraîner le surendettement de certains propriétaires, il
existe certaines limites à la constitution de droits de gage,
notamment en matière de droit foncier rural :
 La charge maximale pour les immeubles agricoles : en
principe, les immeubles agricoles ne peuvent être grevés de
droits de gage immobiliers que jusqu’à concurrence de la
charge maximale, qui correspond à la somme de la valeur
de rendement agricole augmentée de 35% et de la valeur de
rendement des parties non-agricoles (art. 73 al. 1 LDFR).
Cette limite s’applique à tous les immeubles agricoles au
sens de l’art. 6 LDFR (loi sur le droit foncier rural). Ce
principe souffre toutefois un certain nombre d’exception
(art. 75 LDFR). Il ne saurait tenir en échec la constitution de
DdG destinés soit à protéger les collectivités publiques ou
certains particuliers ayant des droits sur l’immeubles, soit à
garantir des crédits d’investissements accordés sous le
contrôle d’autorités publiques pour développer l’entreprise
agricole. Si l’inscription d’un DdG dépasse la limite de
charge, le conservateur doit la rejeter (art. 76 al. 3 LDFR).,
sous réserve des art. 77-79 LDFR (prêt sans intérêt
accordé) et 76 al. 2 LDFR (autorisation de dépassement).

147
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les conditions matérielles à la constitution des DdGI ayant été vues, il s’agit à
présent d’analyser les modalités proprement dites de cette constitution. La
constitution de DdGI obéit aux règles générales sur l’acquisition des droits réels.
Il faut distinguer tout d’abord selon qu’elle a lieu sans ou avec inscription :
- La constitution moyennant inscription : il s’agit du cas normal, comme le
précise l’art. 799 al. 1. La constitution d’un DdG a lieu à titre dérivé et
nécessite un titre d’acquisition (acte juridique ou legs, décision
unilatérale du propriétaire qui crée un cédule hypothécaire, loi :
hypothèque légale indirecte) suivi d’une opération d’acquisition
(réquisition d’inscription adressée au conservateur du RF suivie de
l’inscription du DdG au feuillet du grand livre). Exceptionnellement, la
constitution d’un DdG peut avoir lieu à titre originaire (acquisition par un
tiers de bonne foi notamment). Seule sera étudiée ici la constitution des
DdGI suite à un contrat de gage immobilier :
o Le titre d’acquisition : il s’agit d’un contrat (passé en la forme
authentique, art. 799 al. 2) par lequel le propriétaire s’oblige à
constituer un droit de gage sur son immeuble par le biais d’une
réquisition d’inscription au RF. Le contrat est conclu entre le
propriétaire de l’immeuble et le créancier (même si le propriétaire
n’est pas nécessairement le débiteur de la créance garantie. Les
modifications du DdG exigent la conclusion d’un nouveau contrat
en la forme authentique (sauf en cas de diminution de la charge ou
si les clauses modifiées ne constituent pas des éléments
objectivement essentiels du contrat).
o L’opération d’acquisition : la réquisition d’inscription du DdGI doit
émaner du propriétaire de l’immeuble grevé (art. 963 al. 1) ou de
son représentant (art. 963 al. 3). L’inscription au RF est
constitutive et son effet remonte au jour de l’inscription au journal.
- La constitution sans inscription : comme pour tous les autres droits réels,
le principe de l’inscription souffre quelques exceptions en matière de
DdGI (art. 799 al. 1). Il s’agit premièrement des exceptions prévues par la
loi (droits de gage légaux de droit fédéral, art. 808 al. 3, 810 al. 2, 819 et
818 ch. 2, et hypothèques légales directes de droit cantonal, art. 836 CC).
Même si l’application par analogie des règles relatives à la propriété
foncière (notamment l’art. 656 al. 2) n’est pas d’emblée exclue, les modes
d’acquisition qui supposent la possession de l’immeuble (occupation et
prescription acquisitive) sont exclus en matière de DdGI, tout comme la
constitution par succession universelle, par expropriation ou par
exécution forcée. Au final, le seul cas d’acquisition de la propriété foncière
sans inscription qui puisse trouver application pour les droits de gage
immobiliers est le jugement (décision du juge au terme d’une action en
exécution d’un contrat constitutif de droit de gage).

148
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’extinction des droits de gage immobiliers :


Comme pour les autres droits réels, il convient de distinguer l’extinction
moyennant la radiation de l’inscription au RF (art. 801 al. 1) et celle qui se
produit indépendamment de toute radiation (art. 801 al. 1 in fine et al. 2). Trois
modes d’extinction particuliers existent en plus : l’extinction des droits de gage
en cas de réunions parcellaires (art. 802-804), l’extinction partielle des droits de
gage lors d’un parcellement (art. 833, 846 et 852) et la purge hypothécaire (art.
828-830). Seuls seront présentés ici l’extinction moyennant radiation,
l’extinction partielle en cas de parcellement et la purge hypothécaire :
- L’extinction moyennant une radiation : en principe, l’extinction d’un DdGI
est liée à la radiation extinctive de l’inscription au RF, fondée sur une
cause valable. Le titre d’extinction peut consister en un contrat ou un legs
portant obligation pour le créancier gagiste de supprimer le droit de gage.
En général toutefois, il s’agira de l’extinction de la créance garantie
(l’extinction de la créance supprimant toute portée matérielle au droit de
gage, art. 114 al .1 CO). La réquisition d’extinction doit être faite par le
créancier gagiste (art. 964 al. 1) mais peut aussi émaner du propriétaire,
moyennant le consentement écrit du créancier à la radiation. La radiation
au grand livre a un effet extinctif. Elle ne peut intervenir que si tous ceux à
qui l’inscription donne des droits consentent par écrit à la radiation.
- L’extinction partielle en cas de parcellement : par le terme de
parcellement, l’art. 833 vise trois hypothèses (sous réserve de l’art. 811) :
o L’aliénation d’une partie de l’immeuble grevé.
o La division d’un immeuble, pour autant qu’elle soit suivie de
l’aliénation d’une parcelle au moins.
o L’aliénation d’un immeuble grevé d’un droit de gage collectif.
Si dans ces trois hypothèses les parties ne conviennent pas d’une solution
contraire, la garantie doit être répartie proportionnellement à la valeur
des différents immeubles grevés (art. 833 al. 1).
- La purge hypothécaire : la purge hypothécaire permet à l’acquéreur d’un
immeuble grevé de DdGI de libérer son immeuble, à condition qu’il ne soit
pas personnellement tenu des dettes hypothécaires et que celles-ci
excèdent la valeur de l’immeuble. Dans ce cas, l’acquéreur peut proposer
aux créanciers de racheter les droits de gage grevant l’immeuble en leur
offrant le prix auquel il a acheté l’immeuble (ou une somme
correspondant à la valeur de celui-ci). Les créanciers peuvent alors
accepter l’offre ou exiger la vente aux enchères de l’immeuble. La purge
hypothécaire n’est possible qu’à 4 conditions :
o L’acquéreur ne répond que personnellement des dettes.
o Les droits de gage existent déjà au moment du transfert.
o La somme des dettes garanties excède la valeur de l’immeuble.
o Le bien ne fait pas l’objet d’une poursuite en réalisation du gage.

149
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les effets généraux des droits de gage immobiliers :


Il s’agit de présenter successivement l’étendue des droits du créancier, la
protection des créanciers hypothécaires, le rang des droits de gage immobiliers,
la réalisation du gage et les autres institutions communes. Le tout premier effet
d’un DdGI est de rendre imprescriptible la créance qu’il garantit (art. 807 CC ;
effet réflexe du droit de gage sur la créance).

L’étendue des droits du créancier :


Précisée aux art. 805-806 et 822, l’étendue des droits du créancier définit la
portée du droit de gage sur l’immeuble. En l’occurrence, le DdG frappe
l’immeuble avec ses parties intégrantes ainsi que ses accessoires. Si l’immeuble a
été donné à bail, le droit de gage frappe également (dans certaines limties) les
loyers et fermages. Enfin, en cas de détérioration indemnisée par un assureur, le
montant reçu est aussi frappé par le droit de gage :
- L’immeuble : le DdG frappe l’immeuble comme tel (art. 805) dans les
limites du RF. Il le frappe avec les droits qui lui sont rattachés propter rem
(en particulier les droits de copropriété dépendante, art. 32 ORF, les
servitudes foncières et les charges foncières).
- Les parties intégrantes : en vertu du principe de l’accession, le droit de
gage s’étend aussi aux parties intégrantes de l’immeuble grevé (art. 805
al. 1 : constructions mobilières, plantations, sources). De même, les fruits
naturels étant des parties intégrantes jusqu’à leur séparation de la chose
fructifère (art. 643 al. 3), ils sont compris dans le droit de gage tant qu’ils
restent unis à l’immeuble (et en sont libérés à leur séparation).
- Les accessoires : le DdGI frappe également les accessoires de l’immeuble
(art. 805 al. 1 en application de l’art. 644 al. 1), peu importe que
l’accessoire ait été affecté à l’immeuble avant ou après la constitution du
droit de gage. L’accessoire ne fait pas l’objet d’un droit de gage distinct,
c’est plutôt le droit de gage immobilier qui étend son effet aux accessoires
dans la mesure où ils sont compris dans son objet. En conférant à des
choses mobilières de valeur la qualité d’accessoire et en requérant la
mention de ces accessoires au RF, le propriétaire constituant du droit de
gage a la possibilité d’accroître sensiblement son crédit hypothécaire. Il
peut alors exister deux situations de conflit entre le DdGI sur les
accessoires et les droits des tiers sur ces mêmes accessoires :
o Il est possible qu’au moment de la constitution du DdGI les
accessoires appartiennent à des tiers ou aient sur eux des DRL. Si
le créancier hypothécaire ignore de bonne foi que des tiers ont des
droits sur les accessoires, le TF estime que les droits des tiers
priment dans tous les cas deux du créancier (art. 805 al. 3). Cette
solution est critiquée : une partie de la doctrine estime que les

150
Droit civil II Jérémy Stauffacher

droits des tiers ne devraient l’emporter sur ceux du créancier que


si celui-ci est de mauvaise foi (art. 936) ou si les tiers avaient été
dessaisi involontairement de l’accessoire (art. 934). L’art. 805 al. 3
ne serait alors qu’un renvoi aux art. 933 ss CC.
o Les droits des tiers peuvent également entrer en conflit avec ceux
du créancier lorsque des accessoires frappés par un DdGI sont
aliénés. Selon le TF et la doctrine majoritaire, le propriétaire des
accessoires na en principe pas le pouvoir de conférer à des tiers
des droits qui tiendraient en échec ceux du créancier hypothécaire
(le TdBF ayant acquis un droit réel sur l’accessoire est protégé).
- Les loyers et fermages : le DdG frappe les loyers et fermages qui ont couru
depuis la poursuite en réalisation de gage ou depuis la déclaration de
faillite (art. 806 al. 1). La règle s’applique aussi aux fruits civils de
l’immeuble grevé (rente superficiaire notamment), mais pas aux créances
que le propriétaire d’un hôtel pourrait avoir contre ses clients ou contre
le gérant de l’établissement. Le DdGI ne s’étend toutefois aux loyers et
fermages que si l’immeuble grevé est effectivement loué. Il ne frappe par
ailleurs que les loyers et fermages courant depuis l’ouverture de la
poursuite en réalisation de gage (ou de la déclaration de faillite) jusqu’au
moment de la réalisation (art. 806 al. 1 CC et 91 ORFI).
- L’indemnité d’assurance : le DdGI s’étend enfin aussi à l’indemnité due au
propriétaire par l’effet d’un contrat d’assurance relatif à l’immeuble ou
aux meubles soumis à la garantie hypothécaire (art. 57 al. 1 LCA dont
découlent les art. 822 CC et 57 al. 2 LCA). La règle visent toutes les
espèces d’assurances privées ou publiques couvrant les risques de
dépréciation de l’immeuble, de ses parties intégrantes et de ses
accessoires. Elle constitue une lex specialis par rapport à l’art. 810 qui
règle les droits du créancier en cas de dépréciation de l’immeuble sans la
faute du propriétaire. Le DdGI s’étend donc à la créance du propriétaire
contre l’assureur et comporte ainsi un droit de gage mobilier sur une
créance au sens de art. 899-900 CC.

La protection des créanciers hypothécaires :


Le droit du créancier gagiste tend à la réalisation forcée de l’immeuble grevé et
ne peut être exercé tant que la créance n’est pas exigible. Dans l’intervalle, le
risque existe ainsi que la valeur de l’immeuble grevé soit anéantie ou diminuée et
que sa garantie soit donc compromise. Le code accorde donc au créancier des
moyens pour se protéger contre la dépréciation de l’immeuble et distingue selon
que la dépréciation et due (art. 808-809 CC) ou non (art. 810 CC) à la faute du
propriétaire. Une réduction de valeur peut aussi résulter de l’aliénation de
petites parcelles (art. 811 CC) :

151
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Dépréciation de l’immeuble par la faute du propriétaire : par


dépréciation, il faut entendre une diminution de la valeur de l’immeuble
qui est due à des actes matériels (non à des actes juridiques). La
diminution peut résulter d’actes positifs ou de l’omission d’actes qui
s’imposent. Il faut alors distinguer deux situations :
o Menace ou début de dépréciation : le code met trois moyens à
disposition du créancier gagiste lorsqu’il existe un risque que le
propriétaire déprécie l’immeuble ou que la dépréciation est en
cours. Ces trois moyens peuvent être utilisés cumulativement :
 L’action en prévention ou en cessation des actes
dommageables (art. 808 al. 1) : le créancier hypothécaire
peut s’opposer aux projets du propriétaire ou aux actes
dépréciant l’immeuble. L’action peut aussi être dirigée
contre des tiers autres que le propriétaire (action réelle).
 Le droit de prendre les mesures nécessaires (art. 808 al. 2) :
le juge peut autoriser le créancier gagiste à prendre lui-
même les mesures nécessaires pour éviter la dépréciation
(en cas d’urgence, il peut procéder de son chef). Dans les
deux cas, le propriétaire fautif doit rembourser les frais
d’intervention (créance garantie par une hypothèque légale,
art. 808 al. 3, primant toutes les autres charges inscrites).
 Le droit d’exiger des sûretés (art. 809 al. 2) : le créancier
peut exiger des sûretés s’il existe un danger de dépréciation
imputable au propriétaire. Il peut s’agir d’améliorations du
droit de gage immobilier (octroi d’un meilleur rang,
extension à un autre immeuble) ou de sûretés réelles ou
personnelles (cautionnement par exemple). Si les parties
n’arrivent pas à s’entendre et que le créancier ne s’exécute
pas dans le délai fixé par le juge, celui-ci peut exiger le
remboursement partiel de la créance hypothécaire (al. 3).
o Dépréciation déjà survenue : le créancier peut alors exiger soit le
rétablissement de l’état antérieur (lorsqu’il est possible de
remédier à la dépréciation), soit la constitution de nouvelles
sûretés (art. 809 al. 1, selon les formes de l’art. 809 al. 2). Si le
débiteur (de la créance garantie) ne s’exécute pas dans le délai fixé
par le juge, le créancier est en droit de réclamer un
remboursement suffisant pour sa garantie (art. 809 al. 3).
- Dépréciation sans faute du propriétaire : lorsque l’immeuble grevé perd
tout ou partie de sa valeur par suite d’évènements non imputables au
propriétaire (tremblement de terre, tornade, ouragan, volcan, astéroïde,
accident spatial, bombe nucléaire, guerre mondiale, inondation, incendie,
crise immobilière, usure du bâtiment, expropriation, constitution de
servitudes nécessaires, élection d’un président communiste), les

152
Droit civil II Jérémy Stauffacher

créanciers ne bénéficient en principe pas d’une protection particulière.


Cependant, si le propriétaire reçoit une indemnité pour le dommage subi,
l’art. 810 al. 1 permet au créancier gagiste d’exiger soit des sûretés, soit le
remboursement partiel de la créance garantie. Le créancier est aussi
autorisé à prendre des mesures nécessaires pour parer aux dépréciations
ou les empêcher sans devoir s’adresser au juge (art. 810 al. 2). Quant au
remboursement des frais, le créancier a une créance contre le
propriétaire mais celui-ci n’en répond pas personnellement (art. 810 al. 2
in fine). Le créancier bénéficie d’une hypothèque légale directe (garantie
purement réelle), naissant sans inscription et primant toutes les autres
charges pouvant grever l’immeuble (art. 810 al. 1).
- L’aliénation des petites parcelles : l’art. 811 autorise parfois le
dégrèvement des parcelles détachées en vue de leur aliénation, en dépit
de la dépréciation du droit de gage qui en résulte.

Le rang des droits de gage immobiliers :


Le rang des droits réels limités est en général déterminé par le principe de la
priorité dans le temps (art. 972 CC). Entre les droits de gage par contre, il a fallu
trouver une solution pour résoudre les problèmes de priorité (lorsque le produit
de la réalisation ne peut désintéresser tous les créanciers). Le législateur a
retenu le système des cases hypothécaires fixes. Il s’agit dès lors de présenter
successivement le système en général, son champ d’application, la détermination
du rang des droits de gage, les conséquences du système et ses exceptions :
- Le système des cases hypothécaires fixes : le rang des DdG est déterminé
par la volonté des parties et non par la date de leur constitution. Le DdG
est assigné à un rang déterminé (une case) auquel il reste attaché. La
valeur de l’immeuble est dérivée en des quotes-parts de garantie idéales.
Ce système confère une certaine stabilité au titre et est avantageux pour
le propriétaire, qui peut constituer une garantie de rang postérieure en
faveur de créanciers compréhensifs (parenté notamment) et ainsi
ménager les meilleurs rangs pour obtenir auprès d’une banque un crédit
hypothécaire à un rang favorable (taux d’intérêt plus bas).
- Le champ d’application : le système ne s’applique pas à tous les DdGI.
Reposant sur la volonté des parties, il prévaut naturellement lorsque le
droit de gage est constitué volontairement (en dérogation à l’art. 972 CC).
Par contre, le rang des droits de gage légaux est fixé par des règles
particulières. Le rang des hypothèques légales indirectes est déterminé
par le système de la priorité dans le temps. Les droits de gage légaux
directs, prenant naissance par le seul effet de la loi, occupent en général
les tous premiers rangs et priment les autres droits inscrits, sans égard à
la date de leur constitution.

153
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- La détermination et la modification du rang des droits de gage : lorsque le


système s’applique, le rang de DdG est déterminé par le contrat de gage
immobilier (ou par la réquisition d’inscription au RF en cas de décision
unilatérale). Si rien n’est précisé (exceptionnel), l’art. 972 al. 1 s’applique
(principe de priorité dans le temps). En principe, le rang d’un DdG est fixe
mais rien n’empêche de la modifier conventionnellement (améliorer :
antéposition, reculer : postposition). Deux cas doivent être envisagés :
o Les titulaires de droits de gage existants (ou d’autres DRL ou droits
personnels annotés) peuvent donner leur accord (par une
déclaration unilatérale en la forme écrite) à la postposition de
leurs droits en vue de la constitution d’un nouveau DdG.
o En cas d’échange de rang, le changement de rang s’opère par un
contrat entre les titulaires de DRL concernés et le propriétaire de
l’immeuble. Toutes les personnes affectées par la modification de
rang doivent y donner leur consentement (art. 964 CC).
- Les conséquences : on note trois conséquences particulière :
o La réserve d’un rang préférable : le propriétaire peut constituer
d’emblée un DdG de rang postérieur mais il doit alors indiquer le
montant par lequel ce DdG est primé (art. 813 al. 2). La valeur de
cette case libre (ou réservée) doit figurer dans l’inscription au RF.
o Le non-avancement des droits de gage : en cas d’extinction d’un
DdG antérieur, le DdG de rang postérieur ne prend pas sa place
(art. 814 al. 1, principe des cases fixes). La case que le droit radié
occupait devient ainsi libre et le propriétaire peut en disposer sans
égard aux créanciers postérieurs (art. 814 al. 2). Précisons que le
droit de gage qui profitera de la case libre primera les autres DRL
et droits personnels annotés portés au RF postérieurement à la
constitution du droit de gage radié (et ayant laissé la case libre).
o La constitution de droits de gage de même rang : le système
n’exclut pas la constitution de plusieurs DdG de même rang (art.
817 al. 2) : le rang est alors occupé par plusieurs cases (en cas
d’extinction d’un DdG, la case devient libre et occupable).
- Les exceptions : la règle de l’art. 814 al. 2 n’est pas de droit impératif (les
parties y dérogent systématiquement en pratique). De même, la loi
apporte elle-même quelques exceptions au principe :
o Les exceptions conventionnelles : le propriétaire et le créancier
gagiste peuvent convenir qu’en cas de libération d’une case, le
propriétaire en fera bénéficier le droit de gage du créancier (art.
814 al. 3). Une telle convention doit être passée en la forme
authentique car elle aggrave la situation du propriétaire. Sauf
dispositions conventionnelles, le droit permet de profiter
successivement de toutes les cases libres. Précisons que ce droit
peut être annoté au RF, ce qui lui confère l’effet réel (art. 814 al. 3).

154
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o Les exceptions légales : l’art. 815 prévoit que, lors de la réalisation


forcée du gage, l’autorité ne doit tenir compte des cases
hypothécaires que si et dans la mesure où elles sont occupées :
 Si au moment de la réalisation du gage une case est libre,
elle est ignorée et les créanciers de rang postérieurs
avancent selon leur rang. La case libre n’est donc pas une
valeur saisissable comme telle.
 L’art. 815 assimile aux cases vides les titres hypothécaires
au nom du propriétaire ou au porteur qui se trouvent en
main du propriétaire. Là encore, les créanciers postérieurs
avancent selon le rang.
 L’art. 815 s’applique lorsque la créance garantie par le droit
de gage antérieur n’atteint pas le montant du droit de gage
inscrit au RF (et également lorsqu’une créance garantie par
une hypothèque légale figure à l’état des charges mais est
par la suite supprimée).

La réalisation du gage :
L’art. 816 al. 1 énonce le principe : faute par le débiteur de satisfaire à ses
obligations, le créancier a le droit de se payer sur le prix de l’immeuble (lorsque
la créance garantie est exigible). Il s’agit de l’effet spécifique du DdG : le créancier
a le droit de requérir la vente de l’immeuble afin de se désintéresser sur le
produit de sa réalisation (principe de droit impératif). En principe, le créancier
exerce son droit sur l’immeuble en ouvrant une procédure de réalisation forcée
(règles de la LP). Le propriétaire et le créancier peuvent aussi convenir que le
créancier pourra faire vendre l’immeuble par voie privée. On distingue alors
deux situations d’application de la LP :
- Si le créancier demande le paiement de la créance garantie (ou en cas de
poursuite par voie de faillite), le débiteur peut exiger qu’il procède par
une poursuite en réalisation de gage (art. 41 al. 1 LP).
- Si le créancier ne demande que le paiement des intérêts ou des annuités,
il peut choisir soit la poursuite en réalisation du gage, soit la poursuite par
voie de saisie ou de faillite, suivant la qualité du débiteur (art. 41 al. 2 LP).
Les modalités de la réalisation de gage sont régies par les art. 151-158 LP (en
relation avec les art. 133-143b LP). L’immeuble est vendu avec toutes les charges
qui le grèvent (servitudes, droits de gage garantissant des dettes non exigibles :
état des charges dressé sur la base d’un extrait du RF et des productions des
créanciers gagistes et autres titulaires). Si cela s’avère nécessaire, on procède à la
double mise à prix (art. 812 al. 2 CC). L’immeuble est adjugé au plus offrant (pour
autant que l’offre soit supérieure à la somme des créances garanties par un droit
de gage préférable à celle du poursuivant, art. 126, 142 et 156 LP).

155
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Il s’agit à présent de préciser deux situations particulières :


- Le cas d’une créance garantie par plusieurs immeubles : lorsqu’une
créance est garantie par plusieurs immeubles (droit de gage collectif ou
moyennant répartition de la garantie), la poursuite en réalisation du gage
doit porter sur tous les immeubles (art. 816 al. 3). Il n’est par contre pas
nécessaire que tous les immeubles soient réalisés (ils ne le seront que
dans la mesure jugée nécessaire par l’office des poursuites).
- La réalisation de parts de copropriété (par étages) : les parts de
copropriété (PPE) peuvent être objets de réalisation forcée (art. 646 al. 3)
mais la procédure est influencée par le fait que l’immeuble de base peut,
lui-aussi, être grevé de DdG.
Une fois l’immeuble réalisé, il convient de désintéresser le(s) créancier(s)
gagiste(s) au moyen du produit de réalisation (comprenant le montant obtenu
pour les fruits et les accessoires, les loyers et les fermages et éventuellement
l’indemnité d’assurance). Le DdG étant opposable à tous, les créanciers gagistes
ont la préférence sur les autres créanciers qui auraient fait saisir l’immeuble (art.
113 ORFI). Il en va de même dans la faillite : le produit de la réalisation ne profite
aux créanciers chirographaires qu’après désintéressement de tous les créanciers
gagistes. S’il y a plusieurs créanciers gagistes, le produit est réparti entre eux
selon leur rang (art. 817 al. 1). Entre créanciers de même rang, la répartition se
fait au marc le franc, proportionnellement à leurs créances (art. 817 al. 2). Pour
terminer avec la réalisation du gage, il convient de parler de l’étendue de la
sûreté offerte par le droit de gage. La mise en œuvre de la procédure de
réalisation et la distribution du produit de celle-ci implique que soit déterminée
l’étendue de la garantie (ce que garantit exactement le droit de gage). Il est
possible de dégager 5 éléments des art. 818-819 (et 808 al. 3 et 810 al. 2) :
- Le capital : montant effectif de la créance garantie.
- Les frais de poursuite : calculés selon le tarif officiel (art. 16 LP).
- Les intérêts moratoires (art. 104-105 CO).
- Les intérêts conventionnels : seuls sont couverts par le droit de gage les
intérêts de trois années échus au moment de l’ouverture de la faillite ou
de la réquisition de vente et ceux qui ont couru depuis la dernière
échéance (art. 818 al. 1 ch. 3). La garantie hypothécaire prend fin le jour
de la réalisation forcée. Si le produit de la réalisation ne couvre pas toute
la dette garantie, le créancier dispose d’une créance chirographaire pour
les intérêts non-couverts. Pour les créances maximales, les intérêts ne
sont couverts que dans les limites du montant inscrit au RF.
- Certaines autres prestations : le DdGI garantit encore les dépenses faites
par le créancier pour éviter une dépréciation du droit de gage (art. 808 al.
3 et 810 al. 2). La garantie s’étend également aux autres impenses
nécessaires pour la conservation du bien (art. 819).

156
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Les autres institutions communes :


Les dispositions générales sur les droits de gage immobilier (art. 793-823)
comportement encore deux groupes de règles communes à tous les DdGI :
- Les art. 820-821 relatifs aux droits de gage en cas d’amélioration du sol :
le législateur fédéral a prévu un privilège de rang pour certains droits de
gage constitués en relation avec des travaux d’améliorations foncières.
Les bailleurs de fonds étant mieux garantis, le financement des
entreprises d’améliorations foncières est facilité. Les créanciers gagistes
qui se voient imposer un droit de gage de rang préférable ne sont pas
lésés car ils profitent de la plus-value apportée à l’immeuble par les
travaux. Le privilège de rang prévu par les art. 820-821 concerne des
droits de gage conventionnels créés pour couvrir les frais de
l’amélioration de l’immeuble.
- L’art. 823 (et 850) concernant la représentation du créancier gagiste
et/ou du débiteur : dans deux cas, le code prévoit la désignation d’un
représentant du créancier gagiste et/ou du débiteur afin de sauvegarder
les intérêts de l’autre partie ou du tiers. Un représentant fiduciaire ou
gérant autonome est alors chargé de la défense des intérêts d’autrui : il
agit en son propre nom mais ses actes produisent des effets définitifs
pour le représenté. Les deux cas sont les suivants :
o La curatelle du créancier gagiste : il peut arriver qu’un débiteur ne
sache pas qui est son créancier ou comment joindre celui-ci (et que
son intervention soit nécessaire). L’art. 823 al. 1 prévoit qu’à la
requête du débiteur ou d’autres intéressés, l’autorité tutélaire peut
nommer un curateur au créancier dont le nom ou le domicile sont
inconnus, lorsque l’intervention personnelle de ce dernier est
prévue par la loi et qu’il y a lieu de prendre d’urgence une décision.
o Le fondé de pouvoir : pour faciliter les rapports entre le créancier
gagiste et le débiteur, les parties peuvent désigner un
intermédiaire neutre, appelé fondé de pouvoir ou détenteur de
gage (banque ou fiduciaire, chargée de sauvegarder en toute
diligence et impartialité les droits du créanciers, du débiteur et du
propriétaire, art. 850 al. 1). Il s’agit donc d’une personne de
confiance, neutre. La désignation d’un fondé de pouvoir est plutôt
rarement utilisée mais rien n’empêche de l’utiliser pour une
hypothèque (plutôt utiliser en relation avec les titres, en raison de
leur négociabilité). Lors de l’émission de titres fonciers, où le
débiteur se trouve en face d’un grand nombre de créanciers, le
recours a un fondé de pouvoir est parfois obligatoire.

157
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’hypothèque :
L’hypothèque (art. 824-841 CC) est le droit de gage mobilier dont le rôle s’épuise
dans la fonction de garantie d’une créance. Pas incorporée dans un papier-
valeur, l’hypothèque prévoit l’existence distincte de la créance et du droit. En ce
qui concerne la constitution des hypothèques, les règles générales sont
complétées en 4 points par les art. 824-825 CC :
- La créance garantie par hypothèque : l’hypothèque peut garantir une
créance quelconque (actuelle, future ou éventuelle, art. 824 al. 1). Le
montant de cette créance peut même être indéterminé ou variable (art.
825 al. 1). Les parties doivent toutefois, dans ce cas, fixer un montant
maximum garanti (respect du principe de spécialité des DdG) : il s’agit
alors d’une hypothèque maximale au sens de l’art. 794 al. 1. L’hypothèque
se porte donc particulièrement bien à la garantie d’un compte de crédit,
d’une peine conventionnelle ou de la créance consécutive à une
éventuelle responsabilité (État contre un fonctionnaire responsable).
- L’hypothèque garantissant la dette d’un tiers (art. 827, 831 CC) : un
propriétaire peut constituer sur son immeuble une hypothèque (ou une
cédule hypothécaire, art. 845) pour garantir la dette d’un tiers (art. 824 al.
2). La dissociation des qualités de débiteur et de propriétaire du gage
peut même intervenir après la constitution de l’hypothèque (aliénation de
l’immeuble sans reprise de dette).
- L’importance de la case hypothécaire : au contraire de la cédule
hypothécaire, l’hypothèque peut garantir une créance d’un montant
indéterminé ou variable mais cela ne remet en aucun cas en cause le
système des cases fixes (art. 813 ss CC).
- La preuve de l’hypothèque : le créancier gagiste peut demander au
conservateur du RF qu’il délivre un document constatant la constitution
de l’hypothèque (extrait du RF ou attestation en copie du contrat
L’extinction de l’hypothèque suit les règles générales relatives à l’extinction des
DdGI. Les art. 826 ss ajoutent tout de même quelques règles spéciales ayant trait
à la radiation de l’inscription suite à l’extinction de la créance garantie et au
dégrèvement des immeubles constitués en gage pour la dette d’autrui :
- La radiation de l’hypothèque suite à l’extinction de la créance garantie : en
principe, lorsque la créance est éteinte, le propriétaire de l’immeuble
grevé peut demander la radiation de l’hypothèque (l’extinction de la
créance supprime toute portée matérielle à l’inscription). L’art. 826
donne au propriétaire le droit d’exiger du créancier qu’il consente à la
radiation (conformément à l’art. 964). Le propriétaire peut toutefois
utiliser l’hypothèque pour garantir une nouvelle créance (remploi de
l’hypothèque). Ce transfert de l’hypothèque d’une créance (éteinte) à une
nouvelle créance nécessite alors la conclusion d’un acte authentique.

158
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Le dégrèvement des immeubles garantissant la dette d’autrui : le


propriétaire dont l’immeuble garantit la dette d’autrui n’est pas
personnellement tenu de payer la dette mais est par contre exposé à subir
la réalisation forcée de son immeuble si le débiteur ne paye pas ses
obligations. Pour éviter cela, il peut désintéresser lui-même le créancier,
ouvrant la voie au dégrèvement de son immeuble. Le code facilite cette
possibilité en demandant au créancier de dénoncer la dette au
remboursement auprès non seulement du débiteur mais aussi du
propriétaire de l’immeuble grevé (art. 831). Ensuite, le propriétaire peut
désintéresser le créancier aux mêmes conditions que le débiteur (art. 827
al. 1). Enfin (et surtout) le propriétaire qui a payé le créancier gagiste est
subrogé dans les droits de celui-ci (art. 827 al. 2).

Les effets de l’hypothèque :


Les art. 832-835 complètement les dispositions générales relatives aux effets des
DdGI. Ces précisions concernent deux éléments :
- La cession de la créance garantie par hypothèque : les conditions et les
effets de la cession d’une créance garantie par hypothèque sont soumis
aux règles ordinaires (art. 164 ss CO). L’art. 835 précise simplement que
l’inscription au RF n’est pas nécessaire pour valider la cession.
- Les effets de l’aliénation de l’immeuble grevé sur la créance garantie : le
propriétaire d’un immeuble grevé d’une hypothèque peut librement
aliéner cet immeuble et ce transfert n’affectera en général ni la créance
garantie ni l’existence du droit de gage (art. 832 al. 1). Les effets sont alors
logiques : si l’aliénateur était débiteur du droit de gage, il perd sa
propriété mais conserve sa dette. Quant au droit de gage, il reste attaché à
l’immeuble (caractère réel), ce qui produit une dissociation des qualités
de propriétaire du gage et de débiteur de la dette garantie. Cette
dissociation présentant certains désavantages (présence de trois
intéressés), le code encourage vivement la reprise de dette par
l’acquéreur de l’immeuble (art. 832 al. 2 et 834) :
o La reprise de la dette par l’acquéreur (art. 175 ss CO, modifiés
partiellement par les art. 832 et 834) : il arrive fréquemment que
l’acquéreur de l’immeuble reprenne la dette garantie par une
hypothèque sur le bien qu’il achète. Cela permet premièrement de
réduire le montant qu’il doit verser au comptant et évite que son
immeuble garantisse la dette d’un tiers. Il y a d’abord reprise de
dette interne (promesse du nouveau débiteur de libérer l’ancien)
puis reprise de dette externe. Cette deuxième étape consiste en fait
dans le contrat conclu entre l’acquéreur et le créancier
hypothécaire (application des art. 834 al. 1-2 et 832 al. 2).

159
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o La délégation de la dette en cas d’exécution forcée : les art. 832 et


834 ne s’appliquent pas comme tels à l’aliénation de l’immeuble
grevé lors d’une procédure d’exécution forcée. L’art. 135 LP
prévoit que les obligations personnelles du débiteur sont
déléguées à l’acquéreur : le droit de poursuite impose une reprise
de dette légale, sans convention entre les intéressés.

Les hypothèques légales :


Pour protéger certains créanciers, le législateur met leurs créances au bénéfice
d’une hypothèque légale (le titre d’acquisition est la loi). Il s’agit donc d’une
restriction légale de la propriété affectant la liberté négative de disposer du
propriétaire de l’immeuble en cause. Il existe deux types d’hypothèques légales :
- Les hypothèques légales directes : elles prennent naissance dès que les
conditions requises par la loi pour sa constitution sont remplies
(l’inscription au RF n’est pas nécessaire). On note trois cas d’hypothèques
légales directes, déjà présentés préalablement : l’hypothèque garantissant
les frais engagés par le créancier pour éviter une dépréciation de
l’immeuble grevé (art. 808 al. 3 et 810 al. 2), l’hypothèque garantissant les
impenses faites par le créanciers pour la conservation de l’immeuble (art.
819 CC) et l’hypothèque garantissant les frais et poursuite et les intérêts
moratoires (art. 818 ch. 2). Les cantons peuvent en outre prévoir d’autres
hypothèques légales, en vertu de l’art. 836 CC. Il s’agit d’un cas
d’application de l’art. 6 CC selon lequel le droit fédéral laisse subsister les
compétences des cantons en matière de droit public (réserve au sens
impropre). Les hypothèques légales décidées par les cantons sont donc
des restrictions légales de droit public à la propriété. Les cantons peuvent
déterminer librement le rang des hypothèques légales qu’ils instituent,
comme le précise l’art. 836 (« … priment tous les autres DdG … »).
- Les hypothèques légales indirectes : les hypothèques légales indirectes
sont les droits de gage dont certains créanciers peuvent exiger la
constitution en garantie de leurs créances. L’hypothèque ne prend pas
naissance automatiquement : la loi confère au créancier un droit à
l’inscription. Il appartient donc à ce dernier de faire valoir ce droit et de
veilleur à ce que l’hypothèque soit effectivement constituée. Le droit
fédéral connaît 7 types de créances garanties par une hypothèque légale
indirecte (auxquels il faut ajouter la réserve au sens propre permettant
aux cantons de prévoir des hypothèques légales indirectes, art. 836 CC) :
o La créance du vendeur d’un immeuble (art. 837 al. 1 ch. 1) :
appelée parfois hypothèque réversale, elle peut être demandée en
garantie du prix de vente ou du solde du prix de l’immeuble.
o La créance des entrepreneurs et artisans (art. 837 al. 1 ch. 3).

160
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o La créance des cohéritiers envers l’attributaire d’un immeuble lors


du partage (art. 837 al. 1 ch. 2 et 336 ss CC).
o La créance du bénéficiaire d’un entretien viager qui transfère à son
cocontractant la propriété d’un immeuble (art. 523 CO).
o La créance de la communauté des propriétaires d’étages contre
chaque propriétaire d’étage, tendant au paiement des
contributions des trois dernières années (art. 712i CC).
o La créance du propriétaire ayant concédé un droit de superficie
(immatriculé au RF), tendant au versement de la rente
superficiaire pour un maximum de trois ans (art. 779i et k CC).
o La créance du superficiaire tendant au versement de l’indemnité
qui lui est due, à l’extinction de son droit, pour les constructions
récupérées par le propriétaire du fonds (art. 779d al. 2-3).
Le droit à l’inscription d’une HLI est un droit de nature personnelle, tirant
son origine dans la loi. Ce droit à l’inscription n’est ni un droit réel
(l’hypothèque ne prend naissance que si le bénéficiaire du droit le fait
valoir) ni même un droit produisant un effet réel. La créance légale à la
constitution de l’hypothèque est toutefois rattachée propter rem à
l’immeuble : le débiteur de l’obligation est le propriétaire actuel de
l’immeuble (art. 712i et art. 779i notamment). Selon l’art. 837 al. 2, le
bénéficiaire du droit à l’inscription d’une HLI ne peut renoncer d’avance à
ce droit (sauf pour l’HLI de l’art. 779d concernant le superficiaire).
Comme on l’a dit, le TA des HLI est la loi (droit à l’inscription que celle-ci
reconnaît au bénéficiaire). Le bénéficiaire est habilité à requérir lui-même
l’inscription de l’hypothèque et le consentement du propriétaire n’est
naturellement pas nécessaire (sous réserve de l’art. 22 ORF). Le
requérant se légitime en produisant les titres qui établissent la créance en
garantie de laquelle l’hypothèque doit être constituée. L’inscription au RF
doit intervenir dans un délai de trois mois (les HLI des propriétaires
d’étages et du propriétaire dont l’immeuble est grevé d’un droit de
superficie peuvent être inscrites en tout temps pendant la durée du
rapport juridique en cause). Le délai de 3 mois est un délai de
péremption (le bénéficiaire perd son droit à son terme). Quant à
l’inscription à proprement parler, le conservateur se charge de vérifier si
la légitimation du requérant est suffisante, si la créance à garantir est
établie à satisfaction et si le délai est respecté. S’il inscrit l’hypothèque, il
avise le propriétaire (art. 969) et le propriétaire de l’immeuble grevé a
alors la possibilité de contester l’inscription par le biais d’une action en
rectification du RF (art. 975). Une fois inscrite, l’hypothèque produit les
effets ordinaires du DdGI. Son rang est déterminé par les règles
ordinaires. L’hypothèque du superficiaire reçoit toutefois le rang
qu’occupait le droit de superficie dont la radiation donne lieu à
l’indemnité qu’elle garantit (art. 779d al. 2).

161
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’hypothèque légale privilégiée des artisans et entrepreneurs :


Certains artisans et entrepreneurs étant amener à créer des plus-values sur des
immeubles, il est naturel que le législateur ait décidé de protéger spécialement
ce type de créanciers. Trois raisons motivent cette protection :
- Ils n’ont en principe pas le droit d’exiger d’être payés à l’avance par le
maître d’ouvrage, souhaitant en général pouvoir contrôler la bienfacture
des travaux. Ils sont alors souvent payés biens de mois après.
- L’usage et la concurrence dans le domaine de la construction ne
permettent pas aux artisans et entrepreneurs de demander des sûretés au
moment de la procédure de soumission ou au moment de la conclusion du
contrat. En outre, l’immeuble concerné est en général déjà grevé de droits
de gage au début des travaux de construction.
- Selon les principes de spécialité et d’accession, il n’est pas possible de
créer une hypothèque sur une portion matérielle de l’immeuble ni
d’exercer un droit de rétention sur les matériaux utilisés ou de stipuler
une réserve de propriété en faveur des artisans et entrepreneurs.
Pour toutes ces raisons, le législateur a créé une hypothèque légale indirecte
privilégiée en faveur des artisans et entrepreneurs. Le privilège de cette
hypothèque est lié au fait que les immeubles sont souvent déjà grevés de DdG au
moment des travaux. Normalement, l’hypothèque des AeE étant constituée
postérieurement aux DdG déjà existant, les créanciers artisans et entrepreneurs
pourraient ne plus être suffisamment garantis alors qu’ils ont contribué à la plus-
value sur l’immeuble (travaux). Pour éviter cette situation, l’art. 841 prévoit que
les créanciers gagistes de rang antérieur doivent indemniser les artisans et
entrepreneurs qui subissent une perte lors de la réalisation de leurs gages. Pour
cela, les créanciers antérieurs doivent avoir pu reconnaître que la constitution de
leurs DdG porterait préjudice aux AeE. Ces derniers peuvent ainsi récupérer au
détriment des autres créanciers l’équivalent de la plus-value qu’ils ont créée sur
l’immeuble par l’apport de leur travail et de leurs matériaux.
Il s’agit maintenant de présenter les conditions du droit à l’inscription de cette
hypothèque légale indirecte privilégiée des artisans et entrepreneurs. Elles
concernent successivement six points essentiels :
- L’ayant droit : il doit s’agir d’un artisan (A) ou d’un entrepreneur (E), au
sens de l’art. 837 al. 1 ch. 3. L’un comme l’autre sera en général lié par un
contrat conclu avec le propriétaire de l’immeuble mais l’HL lui est aussi
accordée s’il travaille en tant que sous-traitant pour un autre A ou E. Le
terme artisan ou entrepreneur vise toute personne indépendante qui, sur
la base d’un contrat d’entreprise, fournit sur un immeuble du travail et
des matériaux ou du travail seulement. Le sous-traitant est un artisan ou
un entrepreneur indépendant qui a fourni des matériaux et du travail (ou
du travail seulement) en vertu d’un contrat d’entreprise à un autre A ou E.

162
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- L’objet des travaux : l’inscription de l’HL des AeE peut être requise pour
des travaux ayant porté sur un bâtiment ou un autre ouvrage :
o Un bâtiment : il s’agit de toutes constructions (érigées sur un
immeuble susceptible d’être grevé de DdG) destinées à l’habitation
de l’homme ou servant à abriter des animaux ou d’autres biens.
o Un autre ouvrage : l’expression doit être comprise dans un sens
très large, englobant tout ce que l’homme fixe au sol à l’aide de
moyens techniques (à la surface ou de manière souterraine).
- Les travaux : pour bénéficier de l’HLI, un AoE doit avoir fourni des
matériaux et du travail ou seulement du travail (art. 837 al. 1 ch. 3). Celui
qui s’est contenté de livrer des matériaux n’est pas protégé : il agit comme
un simple vendeur et n’est donc pas obligé de faire crédit au maître
d’ouvrage (il est en général payé de suite).
- L’objet du droit de gage : l’objet du droit de gage est constitué par
l’immeuble sur lequel ont porté les travaux des créanciers qui demandent
l’inscription de l’HLI. Il peut s’agir d’un bien-fonds, d’un droit distinct et
permanent immatriculé au RF, d’une mine ou d’une part de (co)propriété
(par étages). Il peut parfois arriver qu’un AoE effectue en vertu d’un
contrat d’entreprise unique des travaux de construction portant sur
plusieurs immeubles (construction par lotissement). Dans ce cas, le droit
de gage collectif n’est pas possible : l’hypothèque doit être demandée sous
la forme d’un droit de gage partiel, grevant chaque immeuble pour la
partie de la créance dont répond son propriétaire (art. 798 al. 2).
- Le sujet passif du droit à l’inscription : le droit à l’inscription d’une HLI
des AeE est toujours dirigée contre le propriétaire actuel de l’immeuble
sur lequel se troue le bâtiment ou l’ouvrage concerné par les travaux.
- La non-prestation de sûretés : le propriétaire peut éviter l’inscription de
l’hypothèque légale en fournissant des sûretés suffisantes à l’AoE (art.
839 al. 3 in fine et art. 22 al. 3 ORF). Cette condition, formulée
négativement, montre que l’hypothèque légale des AeE ne constitue pour
le législateur qu’un moyen de protection subsidiaire, revêtant une
importance particulière lorsque la facture n’est pas payée en raison d’un
différend sur la qualité du travail effectué par l’entrepreneur.
Il s’agit à présent d’analyser la mise en œuvre à proprement parler du droit à
l’inscription. Précisons d’abord que les règles ordinaires régissant les
hypothèques légales indirectes s’appliquent, que ce soit à la nature juridique du
droit à l’inscription de l’hypothèque des AeE, à la renonciation anticipée à ce
droit ou à la constitution même de l’hypothèque. Le législateur a, en plus, édicté
trois règles particulières, relatives au moment de la requête, à la reconnaissance
de la créance et à l’inscription provisoire de l’hypothèque :
- Le moment de la requête : la loi fixe en pratique deux moments, celui à
partir duquel l’inscription peut être requise et le moment ultime :

163
Droit civil II Jérémy Stauffacher

o Le premier moment possible : l’art. 839 al. 1 permet à l’ayant droit


de former sa requête dès qu’il s’est obligé à exécuter le travail, à
savoir dès le moment de la conclusion du contrat.
o Le délai de trois mois : l’art. 839 al. 2 prévoit que l’inscription de
l’hypothèque légale au RF doit être requise dans les trois mois qui
suivent l’achèvement des travaux (tous les travaux qui constituent
l’objet du contrat d’entreprise ont été exécutés et l’ouvrage est
livrable). Comme pour les HLI en général, il s’agit d’un délai de
péremption, qui ne peut être ni suspendu ni interrompu. La
réquisition et l’inscription doivent donc intervenir dans les trois
mois (il est suffisant que l’inscription soit simplement portée au
journal avant l’échéance du délai).
- La reconnaissance de la créance : le droit propre de requérir
unilatéralement l’inscription d’une hypothèque légale indirecte sur
l’immeuble d’autrui est soumis à trois conditions alternatives :
o La reconnaissance par le propriétaire : il suffit qu’il reconnaisse le
montant garanti par le gage (art. 22 al. 2 ORF allemand). Une
véritable reconnaissance de dette n’est d’ailleurs même pas
possible si le propriétaire n’est pas débiteur du montant dû à
l’entrepreneur ou si la prestation n’a pas encore été fournie.
o L’autorisation donnée par le propriétaire : selon l’art. 22 al. 2 ORF
in fine, le propriétaire peut également se limiter à autoriser le
conservateur du RF d’inscrire l’HLI pour un certain montant. Une
telle autorisation a la portée de la reconnaissance du montant
garanti par gage au sens donné par le TF. Cette condition n’a donc
pas de portée pratique puisqu’elle est similaire à la première.
o Le jugement : lorsque le propriétaire ne reconnaît pas le montant
garanti par le gage, l’ayant droit peut demander au juge d’établir ce
montant. L’action tend donc à l’établissement du montant garanti
et non à l’établissement de la créance elle-même. Elle peut ainsi
être ouverte contre le propriétaire sans que l’ayant droit agisse
simultanément en paiement de la dette (notamment si le débiteur
n’est pas le propriétaire de l’immeuble grevé.
- L’inscription provisoire de l’hypothèque : l’art. 22 al. 4 ORF renvoie à l’art.
961 al. 1 ch. 1 et permet à l’ayant droit d’obtenir une inscription
provisoire (de son hypothèque capitale, très rarement de son hypothèque
maximale) dans deux cas : lorsqu’il y a désaccord entre les parties par
rapport ou montant ou à l’existence de la créance et lorsque le montant
des sûretés à fournir est contesté. Pour obtenir cette inscription, il suffit
que l’AoE rende vraisemblable le droit allégué (art. 961 al. 3 et 22 al. 4
ORF) en donnant au juge des éléments suffisants quant aux diverses
conditions du droit. La décision qui autorise l’inscription n’est pas sujette
à recours en matière de droit public alors qu’un rejet peut l’être.

164
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Il s’agit maintenant d’évoquer brièvement le rang de l’hypothèque légale des


artisans et entrepreneurs. Il faut distinguer deux types de relations :
- Le rang de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs en relation
avec d’autres droits de gage : la détermination du rang obéit aux règles
ordinaires applicables aux hypothèques légales indirectes.
- Les relations entre plusieurs hypothèques légales d’artisans et
entrepreneurs : le rang est en principe déterminé par la date d’inscription
de chacune des hypothèques. Toutefois, une application stricte du
principe de priorité dans le temps risquerait de pénaliser certains AoE du
seul fait que les travaux des uns (fondations, gros œuvres) doivent
nécessairement être exécutés avant ceux des autres (installations
électriques ou sanitaires). L’art. 840 prévoit, pour résoudre ce problème,
que, lors de la réalisation de l’immeuble (mais seulement à ce moment),
les différents ayants droit concourent entre eux à droit égal,
indépendamment de la date d’inscription de leurs hypothèques. Ainsi, si
la somme ne couvre pas l’entier de chaque droit de gage, elle est
redistribuée entre les différents AeE proportionnellement au montant de
leurs droits de gage, sans tenir compte du rang des droits.
Pour terminer avec l’hypothèque légale des entrepreneurs, il convient de parler
du privilège. En effet, l’art. 841 al. 1 institue une sorte de droit de préférence en
leur faveur, portant sur la plus-value qu’ils ont créée sur l’immeuble. L’art. 841
al. 1 est donc une exception à l’art. 805 car la valeur d’une partie de l’immeuble
(la plus-value résultant des travaux) est individualisée et réservée aux AeE. Ce
privilège prend la forme d’une créance qu’AeE peuvent faire valoir, après la
réalisation forcée, contre les créanciers de rang antérieur et qui tend au
paiement de cette plus-value apportée à l’immeuble. Cette créance bénéficie en
plus d’un régime de faveur : à certaines conditions, l’artisan ou l’entrepreneur
peut faire suspendre la distribution des deniers tant que la question de son
privilège n’est pas réglée. Ainsi, si les créanciers antérieurs contestent le principe
ou l’étendue du privilège, les AeE peuvent ouvrir une action en exécution dont
les conditions personnelles et matérielles permettent de définir directement le
privilège lui-même :
- Les conditions personnelles :
o La qualité pour agir appartient aux artisans et entrepreneurs au
bénéfice d’une hypothèque légale qui ont subi une perte
(différence entre le montant de la créance garantie par
l’hypothèque légale et montant qui lui est attribué lors de la
répartition du produit de la réalisation de l’immeuble grevé) lors
de la réalisation de l’immeuble, à l’occasion d’une poursuite en
réalisation de gage ou de la faillite du propriétaire.
o La qualité pour défendre appartient à tous les créanciers gagistes
de rang antérieurs, qui peuvent être actionner simultanément.

165
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Les conditions de fonds :


o La condition objective : la perte subie par l’AoE doit avoir sa cause
dans la constitution d’un ou de plusieurs DdG antérieurs. Tel est le
cas si le DdG antérieur a grevé l’immeuble d’une charge supérieure
à la valeur de celui-ci avant les travaux et si ensuite l’emprunteur a
pu utiliser le crédit garanti autrement que pour financer les
travaux à l’origine de la plus-value prise par l’immeuble.
o La condition subjective : le privilège des ayants droit à l’encontre
des créanciers gagistes de rang antérieur n’existe que si ceux-ci
pouvaient reconnaître que la constitution de leurs gages porterait
préjudice aux AeE (art. 841 al. 1 in fine). Ces CG ne peuvent
invoquer leur bonne foi que si elle est compatible avec l’attention
les circonstances permettaient d’exiger d’eux. Il faut examiner ce
critère de bonne foi et de diligence à deux moments :
 Lors de la constitution du droit : le créancier doit s’assurer
que le crédit garanti par le DdG sera bien utilisé pour payer
les créanciers de construction. Si le montant du DdG
dépasse la valeur du sol, le créancier doit éviter qu’il en
résulte un préjudice pour les AeE en s’assurant que les
fonds mis à disposition de l’emprunteur serviront bien à
financer des travaux apportant une plus-value à
l’immeuble. Le créancier doit, dans ce but, accorder le prêt
sous forme d’un crédit de construction (crédit qui ne peut
être utilisé que pour payer des factures de créanciers de
construction correspondant à des travaux exécutés).
 Lors de l’utilisation du crédit : le créancier gagiste doit,
selon le TF, veiller à ce que le principe d’égalité entre les
artisans et entrepreneurs soit respecté.
Concernant les effets du privilège, les AeE ne peuvent le faire valoir qu’après la
réalisation de l’immeuble (ce n’est que là qu’ils connaitront leurs pertes). Les
ayants droit se voient impartir un délai de 10 jours par l’office pour intenter
l’action (exercice du privilège, art. 117 ORFI, procédure à suivre) :
- Si l’action est ouverte dans ce délai : la distribution de la part de
collocation litigieuse est suspendue. Si la demande des ayants droit est
admise, l’office doit leur remettre la part qui serait normalement revenue
aux créanciers de rang antérieur (art. 117 al. 2 ORFI).
- Si l’action n’est pas intentée dans le délai de 10 jours : les AeE peuvent
encore faire valoir leur privilège dans le délai de prescription ordinaire
(une année) mais l’office devra tout de même procéder à la distribution
de la part de collocation litigieuse. Les ayants droit perdent le privilège
d’exécution forcée de l’art. 117 al. 2 ORFI mais pas le privilège découlant
de l’art. 841 CC en tant que tel.

166
Droit civil II Jérémy Stauffacher

L’étendue du privilège est fonction de la plus-value apportée à l’immeuble par les


travaux de constructions. La créance que l’AoE peut faire valoir contre le
créancier gagiste est en effet calculée sur la base de cette plus-value. La plus-
value consiste en la différence entre le produit de la réalisation de l’immeuble et
la valeur du sol. Les coûts de construction, les factures établies ou d’autres
estimations n’entrent donc pas en ligne de compte. La plus-value obtenue lors de
la réalisation de l’immeuble détermine le montant maximal qui peut revenir aux
artisans et entrepreneurs lors de la mise en œuvre de leur privilège. Divers
facteurs sont néanmoins susceptibles de réduire l’étendue du privilège :
- La plus-value ne sera entièrement distribuée aux AeE que si elle est
inférieure, voire égale aux pertes subies. Si la plus-value est supérieure
aux pertes, les AeE toucheront au mieux le montant de leurs pertes.
- Si le montant qui peut être exigé des créanciers antérieurs ne couvre pas
l’ensemble des pertes, chaque AeE sera payé proportionnellement à sa
contribution à la plus-value (égalité de traitement).
- La part d’un AoE ne s’accroît pas de celle des autres créanciers privilégies
qui n’ont pas intenté l’action de l’art. 841. Lorsqu’un AoE ouvre l’action, il
n’a droit qu’à une indemnité calculée en fonction de sa participation : il ne
bénéficie donc en aucun cas de l’abstention des autres.
- Pour calculer la créance d’un AoE contre les créanciers antérieurs, il faut
tenir compte des montants qu’il a déjà reçus, soit au moment de la
réalisation forcée, soit sous forme d’acomptes.
Pour terminer avec le privilège des AeE, il s’agit de parler de leur protection en
cas de transfert des créances hypothécaires de rang antérieur. En effet, les
créanciers de rang antérieur pourraient songer à priver les ayants droit du
privilège accordé par l’art. 841 en cédant leurs créances hypothécaires à un tiers
de bonne foi. Si la créance cédée par le créancier antérieur est garantie par une
hypothèque, le transfert à un TdBF ne pose aucun problème car l’acquéreur
(même de bonne foi) est exposé aux mêmes exceptions que le cédant. Par contre,
si la créance du cédant est garantie par une cédule hypothécaire, l’acquéreur
pourrait se prévaloir de sa bonne foi pour s’opposer à l’action des AeE (art. 865-
867 et 872 CC). Pour éviter cette situation, le législateur a édicté deux règles :
- Les créanciers de rang antérieur qui cèdent leurs titres de gage
immobilier répondent envers les AeE du montant dont ceux-ci se trouvent
frustrés par la cession. Le TF applique cette disposition par analogie au
cas où un créancier antérieur a été désintéressé par le propriétaire au
moyen d’un nouveau prêt hypothécaire qui échappe à l’action des AeE.
- Les AeE peuvent faire mentionner au RF le début des travaux. Dès la
mention et jusqu’à la fin du délai d’inscription, les DdG sur l’immeuble ne
peuvent plus être inscrits que sous la forme d’hypothèque (art. 841 al. 3).
Les ayants droit peuvent ainsi empêcher la constitution de cédules.

167
Droit civil II Jérémy Stauffacher

La cédule hypothécaire :
La cédule hypothécaire est une créance personnelle garantie par un gage
immobilier (art. 842 CC) : créance et DdG sont incorporés dans un papier valeur.
La cédule hypothécaire peut être définie comme un papier valeur (point 1) qui
incorpore (point 2) une créance (point 3) garantie par un droit de gage
immobilier (point 4), papier-valeur pouvant ensuite être utilisé de différentes
façons en vue de garantir une créance (point 5) :
- Un papier-valeur : les droits incorporés par la cédule hypothécaire ne
peuvent être exercés ou transférés qu’au moyen du titre (art. 868-869
CC). La CH est un papier-valeur qualifié pouvant prendre la forme d’un
titre au porteur ou d’un titre à ordre (art. 859 et 872 CC). Les art. 965-973
CO (règles générales concernant les papiers-valeurs) s’appliquent dans la
mesure où les art. 842 ss CC ne prévoient rien (lex specialis).
- Unité des droits incorporés : la CH incorpore dans un P-V la créance et le
DdGI qui garantit celle-ci. Créance et DdG forment un tout indissociable.
- La créance garantie : cet élément amène 4 précisions :
o Une créance personnelle : selon l’art. 842, la CH garantit une
créance personnelle : cela signifie que le débiteur répond de cette
créance sur l’objet du DdG (l’immeuble) mais aussi
personnellement, sur tous ses biens (distinction avec la LdRente).
o Une créance ne comportant ni condition ni contre-prestation (art.
854 CC) : ensuite, la CH étant un P-V destiné à circuler, elle ne
supporte aucune clause qui nuirait à sa négociabilité. De telles
clauses n’auraient en fait d’effets qu’entre le débiteur et le
créancier initial mais ne seraient pas opposables aux tiers.
o Une créance nouvelle : la constitution d’une CH donne naissance à
une créance nouvelle (créance résultant de la reconnaissance de
dette exprimée dans le titre). La plupart du temps, les parties sont
déjà créancière et débitrice l’une de l’autre : dans ce cas, l’art. 855
al. 1 prévoit que la constitution de la CH éteint par novation
l’obligation dont elle résulte, l’ancienne créance s’éteint par la
création d’une nouvelle créance incorporée dans la CH.
o Dissociation des qualités de débiteur et de propriétaire : la dette
reconnue dans une CH peut ne pas être celle du propriétaire de
l’immeuble grevé (la CH est alors comparable à l’hypothèque). Si le
propriétaire de l’immeuble grevé n’est pas débiteur de la dette
reconnue dans la CH, on applique les règles en matière
d’hypothèque (art. 845 al. 1).
- Le droit de gage immobilier : la créance reconnue dans la CH est garantie
par un DdGI qui lui est indissolublement lié. La créance et le DdG étant
incorporés dans un P-V, la CH ajoute à sa fonction de garantie la
possibilité de mobiliser la valeur du sol.

168
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Les modes d’utilisation :


o Cédule hypothécaire utilisée en garantie directe : la garantie prend
la forme d’un DdGI établi directement en faveur du créancier. La
créance garantie est reprise par la créance du même montant
incorporée dans la CH. Le créancier acquiert la titularité de la
créance et du droit de gage immobilier.
o Cédule hypothécaire utilisée en garantie fiduciaire : la CH peut
aussi être utilisée pour garantir une créance qui existe à côté de la
cédule (garantie à caractère fiduciaire). Le créancier acquiert la
titularité de la créance et du DdGI incorporé dans le titre en vue de
garantir une créance distincte de celle incorporée dans la cédule.
o Cédule hypothécaire utilisée en garantie indirecte : les parties
peuvent enfin garantir une créance en constituant en faveur de
celle-ci un gage mobilier (analogue au nantissement) sur une CH
(garantie indirecte). Le créancier doit d’abord faire réaliser la CH
en tant que gage mobilier avant que la garantie immobilière
incorporée ne puisse être mise à contribution.
La constitution de la CH est en principe soumise aux règles générales des art.
794-800 CC. Il existe tout de même quelques particularités liées à l’émission d’un
papier-valeur. Les dispositions spéciales concernent tant les conditions
matérielles de la constitution du droit de gage que ses modalités :
- Particularités quant à la créance garantie et à l’objet du droit de gage :
o Dénonciation de la créance garantie : le principe de spécialité du
droit de gage quant à la créance garantie s’applique aussi en
matière de CH. L’art. 844 précise en plus que la CH ne peut être
dénoncée, par le créancier ou par le débiteur, que six mois
d’avance et pour le terme usuel assigné au paiement des intérêts.
o Limites de charges prévues par le droit cantonal : les règles
générales sur l’immeuble objet de droit de gage s’appliquent aussi
aux CH (y compris, entre autre, les dispositions fédérales fixant
une charge maximale). Le législateur fédéral laisse toutefois aux
cantons la possibilité d’édicter des règles spéciales sur les limites
de charge des CH. Cette réserve au sens propre permet aux
cantons de prendre deux types de mesures en vue de renforcer la
confiance qui peut être attachée aux CH :
 Ils peuvent prévoir une estimation officielle, facultative ou
obligatoire, de l’immeuble grevé (art. 843 al. 1). Le
créancier pourra ainsi mieux évaluer la garantie offerte.
 Si l’estimation officielle est obligatoire, les cantons peuvent
en plus prévoir que la créance garantie ne pourra pas
dépasser le montant de l’estimation de l’immeuble grevé,
voire un pourcentage de ce montant (art. 843 al. 2).

169
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Modalités de constitution d’une cédule hypothécaire :


o Le titre d’acquisition : il faut distinguer selon que la CH est
constituée directement en faveur d’un tiers ou que le propriétaire
de l’immeuble constitue la cédule à son propre nom ou au porteur
pour ne la céder qu’ensuite au tiers créanciers :
 Cédule constituée en faveur d’un tiers : la CH obéit aux
règles générales. Le titre d’acquisition est un contrat (en la
forme authentique, selon l’art. 799 al. 2 CC) de gage
immobilier par lequel le propriétaire de l’immeuble
s’engage envers le tiers créancier à constituer en sa faveur
une cédule hypothécaire nominative ou au porteur.
 Cédule constituée au nom du propriétaire ou au
porteur (art. 859 al. 2) : les qualités de propriétaire de
l’immeuble grevé et de créanciers gagistes étant réunies
dans une même personne, le titre d’acquisition consiste
dans la décision unilatérale du propriétaire.
o Inscription au registre foncier : la CH prend naissance par
l’inscription au RF et par la création et la délivrance d’un titre. La
réquisition d’inscription doit émaner du propriétaire de
l’immeuble (art. 963 al. 1) ou de son représentant. L’inscription
produit des effets différents selon que la CH est constituée en
faveur d’un tiers par contrat ou au nom du propriétaire ou au
porteur par déclaration unilatérale. Dans le premier cas, le
conservateur doit en principe délivrer le titre immédiatement
après l’inscription du droit de gage au RF (les effets produits par
l’inscription et par le titre sont en principe confondus). Si par
contre le titre n’est pas émis directement, l’inscription produit tout
de même ses effets avant la création du titre (art. 856 al. 2). Par
contre, le créancier ne peut pas disposer de la créance tant que le
titre n’est pas émis. Si la CH est constituée par déclaration
unilatérale du propriétaire, l’inscription au RF ne crée qu’une
charge virtuelle sur l’immeuble (les rôles de propriétaire de
l’immeuble grevé et de créancier gagiste étant confondus).
o Délivrance du titre : comme on l’a dit, il faut tout d’abord
l’inscription au RF mais aussi, ensuite, la délivrance du titre. L’art.
856 al. 1 précise qu’un titre sera délivré pour toute CH inscrite au
RF. Le conservateur doit procéder à la création du titre (art. 857 al.
1-2 et 858) et remettre ensuite celui-ci à l’ayant droit (art. 857 al.
3). Dans les deux cas, une violation des dispositions légales
entraîne la responsabilité du canton, car il s’agit d’actes
ressortissant à la tenue du registre foncier (art. 955 CC). Précisons
en outre que la CH, dressée par le conservateur du RF, doit ensuite
être signée par cette même personne (art. 857 al. 1-2 CC).

170
Droit civil II Jérémy Stauffacher

Comme pour le reste, l’extinction de la CH obéit en principe aux règles générales


valables pour tous les DdGI. Les particularités de la CH conservent malgré tout
une influence sur l’extinction du droit de gage en cas de paiement de la dette
garantie, lors de la radiation du DdG et lorsque le créancier est inconnu. Le code
prévoit également certaines règles pour la modification des CH :
- Le sort de la cédule en cas de paiement de la dette garantie : l’existence
d’un titre incorporant créance et droit de gage a deux conséquences lors
du remboursement de la dette garantie :
o La remise du titre : en principe, le débiteur qui paie la totalité de la
dette peut exiger du créancier qu’il lui remette le titre (art. 88 et
90 CO). Le titre ne doit pas être annulé (art. 873) : le débiteur
devient son propre créancier (créance virtuelle). Cela permet ainsi
de réutiliser la même cédule en la cédant à un tiers.
o Les deux possibilités ouvertes au débiteur : en général, lorsque
l’obligation principale s’éteint (par paiement ou autre), les DdG qui
la garantissent s’éteignent également (art. 114 al. 1 CO). Ce
principe vaut sous réserve des dispositions spéciales sur les DdGI
(art. 114 al. 3 CO). L’art. 863, précisément, prévoit que s’il n’y a pas
de créancier ou si le créancier renonce à son gage, le débiteur peut
faire radier l’inscription ou la laisser subsister. Dans ce deuxième
cas, la situation est alors analogue à celle du propriétaire qui
constitue une CH en son nom ou au porteur.
- La radiation du droit de gage : il faut distinguer selon que la radiation est :
o Radiation extinctive : elle est extinctive lorsque la dette est éteinte
par le paiement ou pour une autre cause. C’est le créancier gagiste
qui a qualité pour requérir la radiation (art. 964). Toutefois, étant
donné que le débiteur peut demander la restitution du titre, c’est
alors souvent le débiteur qui, en pratique, requiert la radiation.
Naturellement, l’inscription ne peut être radiée que si le titre a été
préalablement cancellé ou annulé judiciairement (art. 864).
o Radiation déclarative : elle est déclarative en cas de perte totale de
l’immeuble, d’expropriation, de réalisation forcée, de purge
hypothécaire et d’annulation judiciaire (art. 871 CC).
- L’annulation des titres dont le créancier est inconnu : l’art. 871 prévoit
une procédure spéciale d’annulation du titre lorsque le créancier est resté
inconnu pendant 10 ans (cette procédure remplace dans une certaine
mesure la prescription de la créance, exclue par l’art. 807 CC).
- Les modifications de la cédule : les modifications d’une CH nécessitent un
contrat (forme authentique, sauf en cas de diminution de la charge ou de
points objectivement non essentiels). Le conservateur ne peut inscrire
une modification au RF que s’il est en mesure de la mentionner
simultanément sur le titre (art. 874 al. 2). S’il s’agit d’une aggravation de

171
Droit civil II Jérémy Stauffacher

la charge, la réquisition doit émaner du propriétaire de l’immeuble grevé


(le créancier gagiste, ayant intérêt à ce type de modification, remettra
normalement sans problème la cédule en vue de la modification du titre).
Au contraire, lorsqu’il s’agit d’un allègement de la charge, elle s’opère sur
simple déclaration écrite du créancier gagiste. L’art. 874 al.1 confère alors
au débiteur le droit de faire inscrire la modification au RF (protection de
l’acquéreur de bonne foi). A défaut d’inscription, les modifications
opérées ne sont pas opposables à l’acquéreur de bonne foi du titre, sauf
pour les acomptes payés sous forme d’annuités (art. 874 al. 3).

Les effets de la cédule hypothécaire :


La CH produit naturellement premièrement les effets généraux de tout droits de
gage immobilier. Ses effets spécifiques tiennent à l’incorporation de la créance et
du droit de gage dans un papier-valeur et au fait que la créance elle-même est
liée directement à l’inscription au RF. Il convient d’analyser les effets dans deux
situations, comme pour tout cas de papier-valeur. Pour terminer, il s’agira
également de parler du transfert de la cédule hypothécaire et plus précisément la
protection accordée à l’acquéreur de bonne foi de celle-ci :
- L’exercice du droit du créancier avec le titre : le créancier ne peut faire
valoir son droit que moyennant la présentation du titre (art. 868 L. 1 CC et
965 CO). En constituant une cédule, le débiteur s’est implicitement engagé
à ne pas exécuter sa prestation sans la présentation du titre. Pour le
reste, le débiteur n’est libéré de son obligation qu’aux conditions
ordinaires (art. 966 al. 2 CO) : à savoir en cas de paiement à l’échéance
(sans dol ni négligence grave) entre les mains de la personne qui présente
le titre et qui est légitimée par celui-ci. Ce principe souffre tout de même
une importante exception : selon l’art. 862 al. 1, le débiteur est en droit,
tant qu’il n’a pas été avisé du transfert de la créance, de payer à l’ancien
créancier, sans exiger la présentation du titre, les intérêts et annuités
pour lesquels il n’existe pas de coupons. Concernant le lieu du paiement,
le débiteur est tenu (sauf si le titre précise autre chose) de faire tous ses
paiements au domicile du créancier, même si le titre est au porteur.
- L’exercice du droit du créancier sans le titre (annulation judiciaire de la
cédule hypothécaire) : comme on l’a dit, le débiteur n’est tenu d’exécuter
sa prestation que sur présentation du titre (art. 868 al. 1 CC, 966 al. 1 CO).
Le créancier dont le titre a été détruit ou qui l’a perdu n’est donc plus en
mesure de faire valoir son droit. Il ne perd cependant pas tout : l’art. 870
lui donne la possibilité de faire annuler le titre par le juge et, cela fait, de
demander le paiement ou, si la créance n’est pas exigible, de requérir la
délivrance d’un nouveau titre. La solution est donc la même que pour tous
les autres papiers-valeurs (règles générales des art. 971-972 CO).

172
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Le transfert de la cédule hypothécaire : par transfert, il faut entendre non


seulement la cession de la créance incorporée mais aussi la constitution
d’un droit réel limité sur cette créance (droit de gage ou usufruit). Seul
sera étudié le transfert à titre particulier par acte juridique, transfert
soumis aux règles générales de l’acquisition des papiers-valeurs :
o Les conditions du transfert : il nécessite un titre d’acquisition, suivi
d’un acte de disposition et d’un transfert de la possession du titre :
 Le titre d’acquisition : il s’agit en général d’un contrat
générateur d’obligations (vente, donation, apport à une
société). L’obligation de transférer peut aussi résulter d’un
legs. Le transfert n’est valable que si le titre l’est également
(caractère causal du transfert de la cédule).
 L’opération d’acquisition : qui consiste en :
 L’acte de disposition : il s’agit de l’acte par lequel le
créancier déclare se dessaisir de sa créance ou la
grever d’un DRL. La forme de la déclaration dépend
de son type : aucune forme pour les CH au porteur,
forme écrite pour les CH nominatives (il s’agit
souvent d’un endossement (menton écrite de la
cession figurant au dos du titre). Quant au fond,
l’acte de disposition doit remplir les conditions de
validité ordinaires (art. 1 ss CO) : pouvoir de
disposer du titre notamment. La protection de
l’acquéreur de bonne foi dépend du type de cédule
hypothécaire (art. 935 CO pour les titres au porteur
et art. 1006 al. 2 CO pour les titres nominatifs).
 L’acte matériel (transfert de la possession du titre) :
l’opération d’acquisition n’est parfaite que lorsque
l’aliénateur a effectivement transmis à l’acquéreur la
possession du titre (art. 869 al. 1 CC, 868 al. 1 CC et
art. 967 al. 1 CO). Aucune opération au RF n’est
requise, mais l’acquéreur peut se faire inscrire dans
le registre des créanciers (art. 66 al. 1-2 ORF).
o Les effets du transfert : l’acquéreur devient titulaire de la créance
incorporée dans la CH (avec le droit de gage qui la garantit), ou, en
cas de constitution d’un DRL, titulaire de l’usufruit ou du droit de
gage mobilier grevant la cédule. Le transfert a aussi des effets
quant à l’étendue des droits du créancier et des devoirs du
débiteur. Lorsque la créance garantie n’existait pas ou était sujette
à exceptions, ou lorsque le DdGI n’avait pas été valablement
constitué, le transfert modifie la situation juridique de l’acquéreur
de bonne foi, qui est protégé, et du débiteur, qui perd les moyens
de défense qu’il pouvait avoir jusque là :

173
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 Selon l’art. 865, l’inscription au RF fait règle à l’égard de


toute personne qui s’en est rapportée de bonne foi aux
énonciations du registre. De ce fait, l’art. 865 étend la foi
publique du registre foncier au DdG et à la créance garantie
(créance et droit de gage formant un tout indissociable).
 Selon l’art. 866, la teneur de la CH dressée en due forme fait
règle à l’égard de toute personne qui s’en est rapportée de
bonne foi aux énonciations du titre. La CH mentionnant la
créance et le droit de gage, l’art. 866 étend la foi publique
attachée au RF pour la créance comme pour le droit de
gage. La foi publique du registre se combine donc avec la foi
publique attachée aux papiers-valeurs qualifiés.
Toujours concernant les effets de la cédule hypothécaire, il s’agit à
présent d’analyser les conditions de la protection de l’acquéreur
du titre face au débiteur : il y en a trois :
 Une acquisition de bonne foi : le tiers doit avoir
valablement acquis la CH, conformément aux conditions
exposées ci-dessus. La seule bonne foi du tiers ne peut
réparer les vices affectant le transfert du titre. L’acquéreur
doit ensuite avoir été de bonne foi lors du transfert.
 Un titre dressé en due forme : le titre doit contenir toutes
les énonciations essentielles relatives à la créance (somme,
désignation du débiteur et du créancier) et au droit de gage
(désignation de l’immeuble grevé) ainsi que la signature du
conservateur du RF. Si l’un de ces éléments fait défaut, la CH
est frappée de nullité (nullité opposable au TdBF, art. 866).
 Un titre conforme à une inscription régulière au registre
foncier : le titre n’existe que s’il est conforme à l’inscription
de la CH au RF. Si le titre ne correspond pas à l’inscription,
l’art. 867 al. 1 indique que c’est le RF qui fait foi. L’art. 867
al. 2 prévoit un correctif à l’affaiblissement de la foi
publique résultant de l’art. 867 al. 1 : l’acquéreur de bonne
foi du titre a droit à la réparation du dommage qu’il a subi,
conformément aux règles établis pour le RF (cas de
responsabilité causale du canton selon l’art. 955).
Pour terminer avec la CH (et ses effets), il convient d’analyser
l’étendue de la protection de l’acquéreur de bonne foi. Par rapport
à la créance, la protection se traduit par une limitation des
exceptions que le débiteur peut lui opposer : le débiteur ne peut
faire valoir que les exceptions dérivant de l’inscription ou du titre
et celles qu’il a personnellement contre le créancier poursuivant
(art. 872 CC, correspondant à l’art. 979 CO pour les titres au
porteur et à l’art. 1007 CO pour les titres à ordre) :

174
Droit civil II Jérémy Stauffacher

 Les exceptions qui dérivent de l’inscription ou du titre : ces


moyens de défense (caractère objectif) tiennent soit à la
nullité du titre ou de l’inscription, soit aux modalités de la
créance définies sur le titre ou dans l’inscription.
 Les exceptions que le débiteur a personnellement contre
l’acquéreur : il s’agit des moyens de défense (caractère
personnel) que le débiteur peut opposer à l’acquéreur de la
cédule dont il ne disposait pas contre le cédant (au
contraire des exceptions ci-dessus, que le créancier pouvait
déjà invoquées contre l’auteur du transfert et qui sont
conservées contre l’acquéreur). Il s’agira en général d’une
exception de compensation mais il peut aussi s’agir d’un
délai de paiement supplémentaire accord par l’acquéreur.

Les droits de gage mobiliers (DdGM) :


Le DdGM est un droit réel limité qui assujettit une chose (mobilières en général)
à la garantie d’une créance en capital. Le DdGM est l’accessoire d’une créance et
le principe d’accessoriété s’applique sans réserve (au contraire de ce qui vaut en
matière de DdGI) car l’extinction de la créance entraîne forcément celle du droit
de gage. En outre, il n’est pas possible pour le créancier gagiste devenu
propriétaire de l’objet du gage de conserver un droit de gage sur cet objet (au
contraire, encore une fois, de ce qui vaut en matière de DdGI). Il est donc
impossible d’être titulaire d’un droit de gage mobilier sur sa propre chose. On
peut donc définir le DdGM comme le droit réel qui permet à son titulaire de faire
réaliser une chose mobilière appartenant à autrui ou un droit (qui n’est pas un
immeuble au sens de l’art. 655 al. 2) afin d’obtenir le paiement de la créance
garantie. Il existe, comme en matière de DdGI, un numerus clausus :
- Le nantissement : il s’agit de la forme la plus courante de droit de gage
mobilier : il suppose que le constituant se dessaisisse de l’objet nanti en le
remettant au créancier gagiste ou à un tiers (art. 884, 886-894 CC).
- Le droit de rétention : pouvant prendre la forme générale prévue aux art.
895-898 ou résulter de dispositions spéciales du CC, du CO ou d’une autre
loi, il permet à une créancier, se trouvant en principe en possession d’une
chose mobilière appartenant à un débiteur, à retenir celle-ci et à la faire
réaliser en cas d’inexécution de la créance.
- L’hypothèque mobilière : au contraire du nantissement, la constitution du
droit de gage n’exige pas le dessaisissement (pas de transfert de
possession au créancier gagiste) mais est manifestée par une inscription
dans un registre (art. 885 par exemple). Ce type d’hypothèque peut
notamment concerner le bétail (art. 885 CC), les bateaux (art. 38-52 LRB)
ou les aéronefs (art. 26-51 LRA).

175
Droit civil II Jérémy Stauffacher

- Le droit de gage sur les créances et autres droits : ce type comprend


également l’engagement de droits incorporés dans des papiers-valeurs
(art. 899-906 CC) et suppose un acte écrit (sauf titres au porteur).
- Le droit de gage des prêteurs sur gages : il ne peut être pratiqué que par
les personnes dûment autorisées par les cantons et à des conditions
particulières (protection suffisante de l’emprunteur).
- Les lettre de gage : il s’agit d’une forme particulièrement sûre de garantie
réelle, combinant droits de gage immobiliers et droits de gage mobiliers
et destinés à favoriser les prêts à certaines institutions bancaires.
La doctrine a cherché à regrouper les différentes formes de droits de gage
mobiliers selon divers critères. Il existe principalement deux classifications :
- Classification selon l’origine du droit de gage : on peut distinguer les
DdGM selon qu’ils ont leur origine dans une convention (un legs
éventuellement ; DdGM conventionnel) ou dans la loi (DdGM légal).
- Classification selon la publicité du droit de gage : cette classification
repose sur une série de distinctions fondées sur la manière dont
l’existence du droit de gage est manifestée pour les tiers. On distingue
ainsi les DdGM dont la constitution nécessite un transfert de la possession
de l’objet grevé et ceux qui prennent naissance alors même que le
propriétaire conserve la possession de la chose mise en gage :
o Les droits de gage mobiliers fondés sur la possession : le
nantissement en est le modèle. Le transfert de possession
nécessaire à la constitution du droit de gage peut être opéré
volontairement par le propriétaire ou être indépendant de cette
volonté (cas des épaves, art. 700 al. 2, par exemple).
o Les hypothèques mobilières au sens large :
 En général, il s’agit des cas où le droit de gage est manifesté
par l’inscription dans un registre (transfert de possession
au créancier gagiste impraticable). Cette inscription est
alors constitutive (on parle alors plus précisément
d’hypothèque mobilière au sens étroit). Dans d’autres cas,
le droit de gage résulte directement du titre d’acquisition,
l’inscription n’ayant qu’un rôle déclaratif.
 Enfin, exceptionnellement,, le droit de gage mobilier sans
transfert de possession peut être constitué sans qu’il soit
manifesté par une inscription dans un registre (on peut
citer l’exemple de quelques droits de rétention).

176

S-ar putea să vă placă și