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23/12/2018 Que répondre à votre beau-frère qui dira à Noël qu’on traverse une « grave crise de la masculinité » ?

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Que répondre à votre beau-frère qui dira à


Noël qu’on traverse une « grave crise de la
masculinité » ?

Dans son dernier ouvrage, Francis Dupuis-Déri, professeur de science


politique, déconstruit le « mythe tenace » qui voudrait que les
hommes aillent mal.

Par Emilie Brouze


Publié le 23 décembre 2018 à 11h00

Difficultés scolaires, incapacité à draguer, taux de suicide élevé, impuissance… On l’en-


tend chez des partisans de tous bords et pas seulement depuis #metoo : les hommes
iraient mal. La masculinité serait en crise.

Dans « La crise de la masculinité, autopsie d’un mythe tenace » (éditions du remue-
ménage), qui sortira en France le 24 janvier 2019, le québécois Francis Dupuis-Déri
déconstruit ce qui n’est pas une crise mais un discours de crise. Une rhétorique antifé-
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ministe dont on retrouve trace… dès l’antiquité.
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23/12/2018 Que répondre à votre beau-frère qui dira à Noël qu’on traverse une « grave crise de la masculinité » ?

Le professeur de science politique, qui signe également des ouvrages sur les mouve-
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ments sociaux, travaille sur le masculinisme depuis les années 90. « Les femmes sont
loin d’avoir atteint l’égalité alors ce discours m’a toujours énervé. » Entretien.

Rue89. Que répondre à notre beau­frère qui affirme, tout en découpant la
bûche de Noël, que l’« on traverse une grave crise de la masculinité, depuis
#metoo » ?

Francis Dupuis­Déri. Ce discours est porté par des personnalités publiques (Eric


Zemmour notamment), des groupes de pères (les pères divorcés par exemple) mais il
est aussi très diffus dans la société. Le beau-frère va certainement trouver des alliés au-
tour de la bûche de Noël : la plupart des gens sont convaincus que les hommes sont en
crise d’une manière ou d’une autre.

J’essaie généralement de désamorcer ce discours (je ne dis pas convaincre car on n’y
arrive pas tout le temps) en utilisant deux axes. D’abord en posant la question du
contrôle des institutions : qui a le pouvoir et les ressources, au sommet de la société ?
Je fais ensuite le même exercice dans les relations interpersonnelles.

Dans des sociétés comme la France, le Québec, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et


même les pays scandinaves, pays qu’on considère généralement comme assez avancés
en termes d’égalité entre les sexes, on a une élite politique qui est encore très, très
masculine. Au niveau du chef d’Etat, du conseil des ministres, de l’Assemblée natio-
nale, des chefs de cabinet, des hauts fonctionnaires…. Idem dans l’armée et la police :
on retrouve des hommes au sommet de quasiment toutes les institutions de pouvoir.

On a également une majorité écrasante d’hommes aux commandes des plus grandes
sociétés du CAC 40, des conseils d’administration et parmi les grandes fortunes. Des
hommes dirigent majoritairement les grandes universités, y compris les organisations
criminelles. Je pense que l’équipe de foot de France est plus prestigieuse et mieux fi-
nancée que l’équipe de foot féminine. On peut aussi parler des institutions religieuses,
des syndicats, des chambres de commerce, des dirigeants et des propriétaires de
médias…

Le beau-frère pourra répondre « oui, mais on n’est pas entre ministres ou généraux, on
est des hommes ordinaires ». On peut passer à la vie quotidienne. Les salaires : qui
gagne le plus d’argent ? Qui a le plus de ressources ? Les hommes. Dans le discours de
la crise de la masculinité, il y a cette présomption que les hommes sont aussi violentés
que les femmes et que les femmes peuvent être aussi violentes que les hommes. Je
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cherche encore dans mes réseaux d’amis des hommes qui ont peur d’être agressés par
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des femmes quand ils marchent seuls le soir dans la ville…
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Je pense qu’on peut encore démontrer qu’aujourd’hui, dans nos M'identifier


sociétés, les Jehommes
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dominent seuls, enavec
grande majorité ou sont clairement avantagés face aux femmes.

Et de conclure à notre « beauf » que la crise de la masculinité est un
mythe ?

Voilà. Si on est avantagé, c’est quand même suspect qu’on se dise en crise… La thèse
dans mon livre, c’est que le discours de crise est une sorte de stratégie rhétorique pour
délégitimer le mouvement des femmes. Ce discours ne reflète pas la réalité.

Que cache­t­il, justement ? Pourquoi est­il si tenace ?

Le discours de crise a un effet d’appel : on attire l’attention des autorités en se présen-


tant comme victime et en délégitimant la cause de la crise – là ce sont les femmes qui
veulent s’émanciper.

Quand on parle de crise de masculinité, on est toujours en train de redéfinir et de réaf-


firmer une masculinité tout à fait conventionnelle et stéréotypée. Par ricochet, on défi-
nit en même temps la féminité. L’homme est autonome, fort, dans l’action, violent –
d’une violence disciplinée. L’identité féminine est tout le contraire : c’est la douceur, le
souci et l’entretien de l’autre (le « care »), ce sont des personnes plutôt dépendantes,
passives, non agressives…

On exprime des opinions, fortes souvent, sur ce que devrait être un vrai homme et une
vraie femme, le rôle de chaque sexe et la division sexuelle du travail dans le public et le
privé. Le discours de la crise de la masculinité est une façon de réaffirmer la « supré-
matie mâle ».

Est­ce que ça fait partie du fameux « backlash », le retour de bâton théori­
sé par Susan Faludi (qui démontrait que chaque avancée du droit des
femmes a été suivie par une offensive réactionnaire) ?

Oui. J’ai essayé de regarder ce qui, au fil des siècles, déclenche le discours de crise de la
masculinité. Force est de constater qu’il revient à chaque fois qu’une femme essaie de
sortir des normes qui lui sont imposées. C’est un discours réactionnaire face à des
femmes qui voudraient vivre plus librement et de façon plus égalitaire. C’est une façon
de les rappeler à l’ordre.

Au XVIe siècle, des dramaturges, des gens près de la cour du roi, parlent d’une sorte de
crise d’indifférenciation entre les sexes : on ne sait plus ce qu’est un homme et une
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les femmes s’habillent en hommes, portent les cheveux courts et des
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poignards à la ceinture… Cela ressemble à un discours de crise de la masculinité. Il


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s’agit aussi de défendre une différence des sexes, plus marquée depuis la fin du Moyen
Age-début Renaissance, période pendant laquelle les normes de genre se cristallisent.

Quelles sont les premières traces de ce discours ?

L’expression la plus vieille que j’ai pu trouver, c’est Caton l’ancien, en 195 av. J.-C., qui
se plaignait que les femmes à Rome voulaient porter des vêtements colorés et conduire
des chars. Il dit « [l]es femmes sont devenues si puissantes que notre indépendance est
compromise à l’intérieur même de nos foyers, qu’elle est ridiculisée et foulée aux pieds
en public ». Alors que le droit romain était extrêmement patriarcal !

Ce qui m’a fasciné, en étudiant l’histoire et la diffusion dans l’espace de ce discours,


c’est que les hommes sont en crise quel que soit le régime politique, le cadre législatif,
le droit de la famille, la situation économique, le cadre culturel voire religieux… On
trouve des expressions de crise de la masculinité à peu près partout, sur tous les conti-
nents. C’était un étonnement dans ma recherche, de voir que c’était un discours aussi
ancien et diffus.

A la Révolution française, on le retrouve de tous les côtés. « Vous voyez bien que Ma-
rie-Antoinette contrôle la cour et que le roi est totalement efféminé », disaient les Ré-
publicains. Du côté des monarchistes, on accusait les Républicaines d’être trop mascu-
lines, de se promener en habits d’homme, avec des armes et un bonnet phrygien.
Chaque camp accusait l’autre d’être contrôlé par les femmes et que les hommes avaient
perdu la main – alors même que le patriarcat se renforçait.

Au XIXe, les premières femmes à vouloir être médecin, avocate ou juge provoquent
des scandales dans les journaux et dans les associations professionnelles en France.

Fin XIXe-début XXe, des discours de crise sont portés par le président des Etats-Unis,
des associations patriotiques en Allemagne, des chambres de commerce en France. Le
discours appelle à déployer des ressources pour aider les hommes en crise, les remas-
culiniser : les boy-scouts, des associations de fraternité, des retraites en campagne
pour les jeunes chrétiens pour se retrouver ensemble et se reviriliser…

Au fil des siècles, ce discours a toujours été une façon de réaffirmer la
« suprématie mâle » ?

Oui. A chaque fois, c’est une sorte de panique morale, qui appelle aux émotions. L’-
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homme est dit en crise justement parce que la suprématie mâle serait menacée.
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Selon les contextes historiques, on ne parle pas de la même chose. Fin XIXe, les
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hommes sont en crise car dominés par leur épouse. Il est parfois mis en avant le niveau
scolaire des garçons, la question du suicide… Depuis quelques années, on entend par-
ler des « célibataires involontaires », comme lors de l’attentat de Toronto, de la diffi-
culté des hommes à séduire – apparemment.

Je reviens au repas de Noël : le beau­frère pourrait relancer la discussion
en disant que les hommes se suicident plus que les femmes, et qu’il s’agit
là d’un des symptômes de la crise de la masculinité… Que lui répondre ?

C’est une question évidemment très délicate. Honnêtement, pour avoir eu des proches
qui ont fait ce choix, je constate que le suicide est plutôt énigmatique et mystérieux et
qu’il est difficile de tirer une explication très homogène…

A part un ou deux pays (dont la Chine), le taux de suicide est effectivement plus élevé
chez les hommes, de façon assez significative, y compris dans des Etats qui ne sont pas
reconnus pour la force de leur mouvement féministe (comme la Russie).

Dans « Le Suicide », publié en 1897, Emile Durckeim notait déjà que « pour une
femme qui se tue, il y a, en moyenne, quatre hommes qui se donnent la mort ». Le sui-
cide est plus masculin depuis au moins une centaine d’années. A moins de croire que
les hommes étaient déjà en crise à la fin du XIXe, ça pose question.

Le suicide est multifactoriel : les crises économiques, la pauvreté, le racisme, l’homo-


phobie et la transphobie, sont des facteurs de risque. Au Canada, le taux de suicide des
jeunes hommes autochtones, les premiers occupants, est trois à six fois plus élevé que
le taux moyen des hommes. La catégorie la plus touchée étant les jeunes hommes bi-
sexuels, transsexuels, homo, non à cause des féministes mais bien parce qu’on veut
leur imposer une virilité conventionnelle à laquelle ils essaient d’échapper.

On pourrait aussi parler des tentatives de suicide : elles sont souvent égales entre les
sexes, quand elles ne sont pas plus élevées pour les femmes [c’est le cas en France,
NDLR]. Les femmes complètent moins leur suicide car les hommes, encore aujourd’-
hui, utilisent des moyens plus violents, associés à la masculinité (les armes à feu, par
exemple). La masculinité conventionnelle semble être un facteur de risque plutôt
qu’une protection : si elle est associée au fait de ne pas demander d’aide, de ne pas ex-
primer certaines émotions, cela rend les hommes plus prompts à se suicider en situa-
tion de crise, à l’annonce d’une maladie ou à la perte d’un emploi.
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Ajoutons que chez les femmes, il y a d’autres symptômes d’un mal-être profond
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comme la boulimie, l’anorexie,En savoir plus et gérer ces paramètres
etc. Les hommes n’ont pas le monopole de la souffrance
psychologique.
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Et si notre beau­frère a lu Marcel Gauchet dans Le Figaro, qui déplorait
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« l’effondrement scolaire des jeunes garçons » (l’un des quatre grands su­
jets qui revient constamment dans le discours de crise de la masculinité) ?

Tendanciellement, le décrochage scolaire et les difficultés sont plus importants chez les
garçons. Ceux qui portent le discours de la crise de la masculinité critiquent générale-
ment un système trop féminisé, sans modèle masculin, qui défavorise les garçons.

Problème : on constate la même chose dans plusieurs pays, aux approches éducatives
pourtant différentes. Et c’est que ce n’est pas nouveau. Au XVIIe siècle déjà, le philo-
sophe anglais John Locke déplorait que les jeunes hommes peinaient à apprendre le
latin alors que leurs sœurs se débrouillaient bien en français.

Il faut aussi croiser ces statistiques avec le milieu socio-économique des garçons. Aux
Etats-Unis, il n’y a quasiment pas d’écart entre les sexes dans les écoles ou quartiers les
plus favorisés. La classe sociale semble avoir plus d’impact que le genre.

Il faut aussi regarder le marché de l’emploi. Les femmes gagnent en moyenne moins
que les hommes, à diplôme égal et dans les même professions. Les jeunes en ont
conscience. Les garçons savent que même sans un haut niveau de formation, ils trou-
veront un job relativement bien payé. Les filles n’ont pas forcément l’équivalent. Des
études soulignent que les filles et les mères sont conscientes qu’il faut travailler plus
fort à l’école pour réussir.

Enfin, l’identité masculine conventionnelle, que porte le discours de crise de la mascu-


linité (le garçon turbulent et bagarreur plutôt que studieux) est, comme pour le sui-
cide, un facteur de risque plutôt qu’un facteur de réussite.

Pourquoi le féminisme, combat pour l’égalité, fait­il aussi peur ?

C’est de la peur et de la colère, parce que l’égalité ne plaît évidemment pas aux privilé-
giés. Je pense que la crispation est réelle, parce que les enjeux sont très importants,
surtout pour les hommes hétéros. Il y a des enjeux qui sont liés à la division sexuelle
du travail, des enjeux qui nous touchent directement dans la vie quotidienne : des
heures et des heures de travail effectuées gratuitement comme les tâches ménagères ou
la charge mentale de la famille, du couple, des enfants, qui pèse sur les femmes…

Est­ce aussi lié à la charge émotionnelle ? Vous citez Harry Brod, profes­
seur de sociologie : « Les hommes ont peur qu’avec le féminisme, les
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femmes vont s’occuper d’elles­mêmes, nous laissant nous, les hommes,
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