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Textes spirituels d’Ibn Taymiyya.

Nouvelle série
XXVI. Arcs à jalet et salles de lutte
Les armes à feu ne semblent pas avoir été utilisées dans le sultanat moyen de l’arc à jalet est le populaire Livre des chasses - Kitāb al-
mamlūk avant les premières décennies du VIIIe/XIVe siècle1. L’exis- Maṣāyid du poète Maḥmūd b. al-Ḥusayn b. al-Sindī b. Shāhak, aussi
tence d’une arme de tir de petits projectiles faisant en quelque sorte connu sous le nom de Kushājim6 (m. vers 350/961), qui vécut un
penser à des balles est cependant attestée dès la fin du IIe/VIIIe siècle temps dans l’entourage de Sayf al-Dawla d’Alep.
en Iraq. Il s’agit d’un type particulier d’arc que Shihab al-Sarraf décrit Sous les ‘Abbāsides, le tir à l’arc à jalet fut un sport pratiqué dans
ainsi : « L’arc à jalet (qaws al-bunduq) est un arc de main. Cependant, les milieux populaires comme dans la haute société. Selon Shihab al-
à la différence de l’arc à flèche, la corde de l’arc à jalet est coupée en Sarraf, ses adeptes « développèrent une fraternité puissante et forte-
son milieu et attachée, à chaque bout, à un petit morceau de cuir des- ment hiérarchisée, ou futuwwa7, que le calife al-Nāṣir li-Dīn Allāh
tiné à tenir le jalet, bunduqa, qui est fait d’argile durcie et vernie2. (575/1180-622/1225) « coopta » en s’en déclarant le chef suprême.
L’arc à jalet se tend à peu près de la même manière que l’arc à flèche Les Ayyūbides se joignirent à elle et le tir de jalets (ramy al-bunduq)
mais, au lâchage, l’archer doit rapidement bouger vers la gauche sa devint largement pratiqué en Égypte et en Syrie. Les Mamlūks perpé-
main gauche tenant l’arc (s’il est droitier, ou vers la droite s’il est tuèrent cet héritage8. »
gaucher), de manière à ce que la bunduqa ne frappe pas le grip ou ne « J’ai vu plus d’un [adepte de l’arc à jalet] laisser passer un groupe
lui blesse pas la main. Par précaution additionnelle, le pouce (de la d’oiseaux et dire à son propriétaire : « Lequel aimerais-tu que je vise
main gauche tenant le grip) est protégé par une manche d’acier appe- et que je touche ? » Il lui en indique un et [le tireur] lui dit : « Et quel
lée bārūq3. » endroit aimerais-tu que je prenne pour cible du jalet ? » Il lui indique
sa tête, ou son aile, ou autre chose, et [le tireur] touche cet endroit
même de l’oiseau. J’en ai vu un autre faire rester debout un jeune ser-
viteur (ghulām) à lui, lui mettre entre les extrémités de l’index et du
pouce le dernier anneau de son sceau, ne pas cesser de tirer des jalets,
l’un après l’autre, dans l’anneau du sceau et les en faire sortir sans
toucher la main du jeune serviteur9. » – « Je me réunis avec le
susnommé Muḥammad bin ‘Alī Ibn al-Ḥimmis à Alep et lui demandai
de me faire voir quelque chose de son expertise au [tir de] jalets. It tira
donc sur le mur et y fit avec des jalets une inscription formant, en
calligraphie, « Muḥammad bin ‘Alī ». Il donna ensuite un ordre à son
jeune serviteur (ghulām) ; celui-ci se mit à lancer un jalet en l’air et lui
le prit pour cible et le toucha rapidement, directement. Il produisit
ainsi des choses étonnament étonnantes10. » – « Al-Ḥusayn b. Aḥmad
Abū ‘Abd Allāh al-Shaqqāq al-Faraḍī l-Baghdādī avait un fils qui
s’adonnait au tir à l’arc de boulettes (julāhiq)11, qui y était adroit et à
Arc à jalet moderne4
qui arriva un accident (wāqi‘a) suite auquel les autorités furent obli-
L’arc à jalet fut surtout utilisé pour la chasse aux oiseaux et des gées12 de précipiter sa perte, à l’époque d’al-Mustaẓhir bi-Llāh13. Il
chapitres sur le tir de jalets (ramy al-bunduq) « sont habituellement écrivit donc [ceci] au leader Ibn al-Mu‘awwaj, le chambellan, alors
inclus dans les traités de chasse ‘abbāsides ; des ouvrages entiers con- même que, [par le passé,] il avait, lui et ses enfants, récité [des vers]
sacrés au sujet commençèrent à apparaître au VIe/XIIe siècle, spé- contre lui : « Ô leader de notre bienheureux État, moi, dans la misère
cialement durant le califat d’al-Nāṣir li-Dīn Allāh (575/1180-622/ et la détresse, en toi je mets mon espoir. Que tu absolves le crime du
1225), et continuèrent à être écrits jusque pendant la période mam- fait duquel j’ai les tripes en désordre j’ai l’espoir. Pardonne ! De toi le
lūke5. » La source la plus ancienne sur la chasse aux oiseaux au pardon est espéré, ô élu de la race des ancêtres. Voilà que vers toi j’ai
tendu la main ; rends-la moi avec l’absolution, pas avec la joie mali-
1. Voir D. AYALON, EI2, art. Bārūd, III. Mamlūks. cieuse des ennemis ! » [Le chambellan] eut pour lui de la compassion
2. Ces jalets peuvent également avoir été faits de matières plus
nobles. Ainsi al-Maqrīzī parle-t-il d’un cadeau d’émir mamlūk com- land », œuvre signée d’Aḥmad al-Dhakī al-Naqqāsh (« le graveur »)
portant, outre « deux cents arcs à jalet » et maints autres choses, « soi- de Mossoul, en 620/1223, reproduit ibidem, p. 297, fig. 20.
xante jalets d’arc en or massif et cent jalets en argent pur » ; voir Taqī
6. Voir Ch. PELLAT, EI2, art. Kushādjim ; M. A. ṬALAS, KUSHĀJIM.
al-Dīn AL-MAQRĪZĪ (m. 845/1442), Kitāb al-sulūk li-ma‘rifat duwal al-
al-Masāyid wa l-maṭārid, Baghdād, Dār al-Yaqẓa, 1954, p. 247-264,
mulūk, éd. S. ‘A. al-F. ‘ĀSHŪR, t. III/2, Le Caire, Dār al-Kutub, 1970,
Bāb al-ṣayd bi-l-julāhiq (édition défectueuse) ; Sh. AL-SARRAF, Mam-
p. 342, année 780[/1378].
luk Furūsīyah Literature, p. 187.
3. Sh. AL-SARRAF, Mamluk Furūsīyah Literature and Its Antecedents,
7. Sur la futuwwa, voir Y. MICHOT & L. STAS, Ibn Taymiyya’s Fatwa
in Mamlūk Studies Review, VIII/1, 2004, p. 141-200, p. 146 (je traduis
on Martial Arts training, in The Muslim World, 108/3, juillet 2018,
de l’anglais) ; L’archerie mamlûke (648-92 / 1250-1517). Thèse de
p. 419-445, p. 421, n. 8.
doctorat, 3 vol., Paris, Université Paris-Sorbonne, 1989, t. I, p. 275-
8. Sh. AL-SARRAF, Mamluk Furūsīyah Literature, p. 146, n. 14 (je
299, 314-312. L’arc à jalet est encore utilisé dans de nombreuses
régions du monde ; voir par exemple, pour le Brésil, https://www.- traduis de l’anglais).
youtube.com/watch?v=8gl6LDwVjn4. 9. KUSHĀJIM, al-Masāyid wa l-maṭārid, éd. M. A. ṬALAS, p. 248.
4. Voir https://slingshotforum.com/topic/20797-meet-the-pellet-bow- 10. ABŪ L-FIDĀ’ (m. 732/1331), al-Mukhtaṣar fī akhbār al-bashar,
the-true-ancestor-of-the-slingshot/. t. IV, p. 150 ; H. A. SHEHADA, Mamluks and Animals. Veterinary
5. Sh. AL-SARRAF, Mamluk Furūsīyah Literature, p. 146 (je traduis Medicine in Medieval Islam, Leyde, Brill, « Sir Henry Wellcome
de l’anglais). Des sarbacanes purent aussi être utilisées pour chasser Asian Series, 11 », 2013, p. 29.
les oiseaux avec des jalets, « la chair des petits oiseaux (‘aṣāfīr) attra- 11. Mot dérivé du persan désignant une petite boulette d’argile
pés avec cet instrument étant considérée délicieuse et aphrodisiaque » lancée avec une arbalète ; voir E. W. LANE, Lexicon, t. II, p. 446.
(D. S. RICE, Inlaid Brasses from the Workshop of Aḥmad al-Dhakī al- 12. tūjabu min-hā al-siyāsatu : tūjibu l-siyāsatu W
Mawṣilī, in Ars Orientalis, II, Washington, Freer Gallery of Art, 1957, 13. Calife ‘abbāside (r. 487/1094-512/1118) ; voir C. HILLENBRAND,
p. 283-326, p. 299) ; voir le médaillon de l’aiguière dite « de Cleve- EI2, art. al-Mustaẓhir bi-Llāh.

—1—
et lui rendit son fils en disant : « Je ne l’ai mis en prison que pour le dessous, dans lequel l’uléma damascain est interrogé sur le monde des
corriger et pour préserver la considération dont tu [jouis]. Il trépassa archers, adeptes de l’arc à jalet plus encore que de l’arc à flèche.
en l’an 521[/1127]1. » – « En Muḥarram de l’an 663[/1264] le roi al- En s’appuyant sur divers ḥadīths, Ibn Taymiyya commence par
Ẓāhir2 quitta la forteresse de la montagne3 pour aller chasser. Il établir les mérites religieux de la pratique de l’arc à flèche. Lors de
séjourna à Wasīm4 puis alla à al-‘Abbāsa5, tira des jalets, et un groupe concours d’archerie de ce type comme dans les courses de chameaux
[de courtisans] dont faisait partie l’émir Fakhr al-Dīn ‘Uthmān, fils du ou de chevaux, l’Islam autorise même les paris. Du point de vue de la
roi al-Maghīth, seigneur d’al-Karak6, se réclamèrent de lui (idda‘ā la- religion il n’a par contre rien de positif à dire sur la pratique de l’arc à
hu) [en le reconnaissant comme leur maître (ustādh) pour ce qui est de jalet et, sans crainte de se répéter, il multiplie les raisons de la con-
chasser]7. » damner : il s’agit d’une innovation apparue sous le califat de ‘Uthmān
b. ‘Affān, interdite par lui, et parfois considérée comme une marque
d’homosexualité ; les oiseaux et autres bêtes tués par des jalets ne sont
pas une nourriture licite ; en Islam, chasser n’est permis qu’en vue de
s’alimenter et les animaux ont des droits que le tir de jalets bafoue,
surtout quand des oiseaux sont tenus captifs pour servir de cibles ;
l’arc à jalet n’a pas d’utilité militaire…
Ibn Taymiyya a d’autres motifs encore de s’opposer à l’usage de
l’arc à jalet et ce qu’il en dit, sans être très développé, est suffisant
pour laisser entrevoir un univers pour le moins suspect. Il parle en
effet de serments, de juges, de règles, d’obédiences et d’affiliations
plus typiques des Mongols et des bédouins préislamiques que de l’Is-
lam et de la Sharī‘a, de futiles compétitions marquées de vanterie et
de fanfaronnade, de dépenses inconsidérées et de compagnonnages
Ces quatre textes le confirment, dans les sociétés musulmanes évo- impliquant homosexualité et pédophilie. Ce qu’il évoque ainsi corres-
quées, l’arc à jalet est essentiellement un sport, pratiqué à la fois par pond sans doute à la « futūwat ramy al-bunduq » de Sh. al-Sarraf9 et,
les élites dirigeantes et par leurs sujets, adultes et plus jeunes. On s’y quand il en compare les adeptes à ceux qui fréquentent les « salles de
entraîne pour la chasse aux oiseaux et non, semble-t-il, à des fins mili- lutte » peu recommandables qu’il décrit dans un autre texte10, c’est
taires. L’adresse et la précision du tir sont les buts recherchés et ap- tout un milieu, malfamé, de la société mamlūke de son époque dans
portent gloire et notoriété. Des accidents peuvent cependant se pro- lequel il nous introduit – celui-là même aussi exploré dans son Fetwa
duire et avoir de graves conséquences. Invités à donner la preuve de sur l’entraînement aux arts martiaux ?
leur expertise, les champions rivalisent d’imagination pour en faire
TRADUCTION 11
étalage. Des écoles se forment parfois autour d’eux, dans la mesure où
d’aucuns se revendiquent de leur enseignement. Bravade, exhibition- Le shaykh Taqī al-Dīn Ibn Taymiyya – Dieu l’enveloppe de
nisme et rivalités sont monnaie courante. Sa miséricorde ! – a dit [ce qui suit].
En tant que théologien-mufti, Ibn Taymiyya ne vit pas dans une tour Question sur le tir (ramy) de flèches (nushshāb) et de jalets
d’ivoire mais est fréquemment appelé à se prononcer sur certaines (bunduq)12, et ce que [les gens] ont adopté comme régulations
réalités socio-culturelles de son temps. À l’historien moderne il offre
ainsi des informations dont les chroniqueurs anciens, plus intéressés (rasm) pour [sa] maîtrise (ustādhiyya).
par les puissants et leur cours que par le commun des mortels, ne se Réponse.
soucient pas vraiment. Son Fetwa sur l’entraînement aux arts mar- À Dieu la louange, le Maître des mondes !
tiaux en fournit un parfait exemple. Y traitant d’académies para-
militaires ouvertes aux gens du peuple et sur lesquelles, à la différence
Le tir de flèches est d’entre les actions vertueuses que Dieu et
des écoles royales et émirales pour mamlūks, on est mal renseigné, il Son Messager ont commandées. Le Dieu Très-Haut a dit : « Et
en éclaire des aspects fascinants : les relations entre étudiants, maîtres préparez à leur encontre ce dont vous êtes capables comme
et instructeurs, le factionalisme qui s’y développe et ses rituels, l’im- puissance et comme cavalerie équipée, de par quoi terroriser
moralité rampante8. Il en va de même dans le court texte, traduit ci- l’ennemi de Dieu et votre ennemi13. » Dans le Ṣaḥīḥ de Mus-
lim, il est établi d’après ‘Uqba b. ‘Āmir14, au sujet du Prophète
Illustration : Plats en céramique, Nabeul (Tunisie), vers 1980, coll. – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – qu’il récita ce verset
part.
en chaire (minbar) et dit : « La puissance, c’est vraiment l’ar-
1. Ṣalāḥ al-Dīn AL-ṢAFADĪ (m. 764/1363), Kitāb al-Wāfī bi-l-wa-
fayāt, éd. A. AL-ARNA’ŪṬ & T. MUṢṬAFĀ, Beyrouth, Dār Iḥyā’ al-
Turāth al-‘Arabī, t. XII, p. 201-202, n° 3553 (sigle W). ranean (10th-14th Centuries), in U. VERMEULEN & J. VAN STEENBER-
2. Al-Malik al-Ẓāhir Rukn al-Dīn Baybars, quatrième sultan mamlūk GEN (éds.), Egypt and Syria in the Fatimid, Ayyubid and Mamluk Eras
(r. 658/1260-676/1277) ; voir G. WIET, EI2, art. Baybars Ier. III. Proceedings of the 6th, 7th and 8th International Colloquium
3. C’est-à-dire la citadelle du Caire, siège du pouvoir mamlūk. organized at the Katholieke Universiteit Leuven in May 1997, 1998
4. Village au Sud-Ouest du Caire ; voir YĀQŪT, Mu‘jam, t. V, p. 433, and 1999, Louvain, Peeters, « Orientalia Lovaniensia Analecta, 102 »,
n° 12518. 2001, p. 139-162, p. 151.
5. Bourg situé à quinze parasanges du Caire, célèbre pour son marais 9. Sh. AL-SARRAF, Mamluk Furūsīyah Literature, p. 146.
abritant de nombreux oiseaux et très apprécié des chasseurs ; voir 10. Voir infra, p. 4, n. 8.
YĀQŪT, Mu‘jam, t. IV, p. 84-85, n° 8140. 11. IBN TAYMIYYA, Jāmi‘ al-masā’il VII, édition ‘A. b. M. AL-
6. Forteresse à l’Est de la mer Morte, dans la Jordanie d’aujour- ‘IMRĀN, La Mecque, Dār ‘Ālam al-Fawā’id li-l-Nashr wa l-Tawzī‘,
d’hui ; voir D. SOURDEL, EI2, art. al-Karak. « Āthār Shaykh al-Islām Ibn Taymiyya wa mā laḥiqa-hā min a‘māl,
7. AL-MAQRĪZĪ, Kitāb al-sulūk li-ma‘rifat duwal al-mulūk, éd. M. M. 17 », 1432[/2011], p. 299-307 (sigle J).
ZIYĀDAH, t. I/2, Le Caire, Dār al-Kutub, 1936, p. 523. 12. Sur les différentes sortes d’arcs en usage dans les sociétés musul-
8. Voir Y. MICHOT & L. STAS, Ibn Taymiyya’s Fatwa on Martial manes d’antan, et particulièrement l’arc à jalet (qaws al-bunduq), voir
Arts. Peut-être certaines de ces académies para-militaires se situaient- A. BOUDOT-LAMOTTE, EI2, art. Ḳaws, notamment p. 830 (avec une
elles dans les « arms bazaars which were a feature of most of the main abondante bibliographie).
cities in all the Islamic states of the Middle East; from Mosul to 13. Coran, al-Anfāl - VIII, 60.
Baghdad and from Aleppo to Cairo » (D. NICOLLE, The Manufacture 14. ‘Uqba b. ‘Āmir b. Nābī al-Anṣārī, Compagnon ; voir IBN AL-
and Importation of Military Equipment in the Islamic Eastern Mediter- ATHĪR, Usd, t. III, p. 417-418.

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cherie (ramy)1. » Dans le Ṣaḥīḥ il est aussi [rapporté] qu’il a Ce qu’un jalet tue est victime d’un coup (waqīdh) et il a été
dit : « Tirez [vos flèches] et montez [vos chevaux] ! Votre tir dit qu’il n’est pas licite de le manger – il y a là-dessus accord
[de flèches] est plus aimé de moi que le fait que vous montez des quatre imāms – [303] à la différence de ce qu’une flèche tue :
[vos chevaux]2. » – « Quiconque apprend le tir puis l’oublie, quand on dit « Au nom de Dieu » et qu’on tue d’une flèche, il
c’est une grâce [divine] qu’il rejette3. » Il a par ailleurs dit – est licite de manger [la victime]– il y a là-dessus accord des
Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! : « Tout passe-temps ulémas des Musulmans.
auquel l’homme s’adonne est vain excepté son tir à l’arc, en- Les affaires que les tireurs de jalets ont innovées [tels] les ser-
traîner son cheval ou se divertir avec sa femme. Elles [302] parti- ments qu’ils appellent « serments du jalet » sont d’entre les in-
cipent en effet du Réel4. » novations qui n’ont pas de fondement dans la Loi (sharī‘a). [Il
Le Prophète – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – et ses s’agit] surtout de ce qu’on mentionne à leur sujet, [à savoir]
Compagnons tiraient des flèches5 et il est permis de parier à ce qu’ils jurent par Dieu et mentent, tandis qu’ils jurent en des
propos. Ainsi le Prophète – Dieu prie sur lui et lui donne la serments de jalets et sont véridiques. Ceci ne fait pas partie des
paix ! – a-t-il dit : « Point de mise (sabaq) excepté à propos de actions de quelqu’un qui croit en Dieu et au Jour dernier ; sur-
trois [choses] : des sabots de chameaux, ou des sabots de che- tout quand juge leur juge (ḥākim), un juge de l’âge de l’igno-
vaux, ou des pointes6. » rance [d’entre] ceux qui jugent en fonction d’autre chose que ce
Quant au tir de jalets qu’on nomme « le tir de boulettes » que Dieu a fait descendre : lorsqu’il jure par Dieu en un ser-
(julāhiq), les Anciens ne le pratiquaient pas mais certaines gens ment dépravé ils ne le menacent pas tandis que lorsqu’il jure
l’inventèrent durant le califat de ‘Uthmān b. ‘Affān – Dieu soit par les jalets en un serment mensonger ils le menacent ! Ceci
satisfait de lui ! – et l’émir des croyants l’interdit7. Certains des est le jugement de quelqu’un qui ne croit pas en Dieu, ni en Son
ulémas mentionnent que c’est d’entre les actions du peuple de Messager, ni au Jour dernier.
Loth8. Ainsi aussi [en va-t-il] des règles (qānūn) qu’ils ont inventées
en lieu et place de la Loi (sharī‘a). En elles ils donnent la pré-
1. Voir MUSLIM, Ṣaḥīḥ, Imāra (Constantinople, t. VI, p. 52) ; cellence à leurs aînés et les interrogent de sorte qu’ils leur don-
Y. MICHOT & L. STAS, Ibn Taymiyya’s Fatwa on Martial Arts, p. 429,
nent des fetwas. Ils jugent entre eux en fonction d’autre chose
n. 41.
2. Voir ABŪ DĀ’ŪD, Sunan, Jihād (éd. ‘ABD AL-ḤAMĪD, t. III, p. 13,
que ce que Dieu a fait descendre ou, plutôt même, [ce juge]
n° 2513) ; AL-DĀRIMĪ, Sunan, Jihād (éd. ‘ABD AL-ḤAMĪD, t. II, p. 204- juge en fonction de son ignorance, [quelque chose] du genre du
205) ; IBN ḤANBAL, Musnad, t. IV, p. 144 ; IBN MĀJA, Sunan, Jihād Yasāq9 des Tatars, des précédents des bédouins (sawālif al-
(éd. ‘ABD AL-BĀQĪ, t. II, p. 940, n° 2811) ; AL-NASĀ’Ī, Sunan, Khayl a‘rāb), et de choses pires que cela. Or le Très-Haut a dit :
(Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, t. VI, p. 222-223) ; AL-TIRMIDHĪ, Sunan, « Ceux qui ne jugent pas en fonction de ce que Dieu a fait des-
Faḍā’il al-jihād (éd. ‘UTHMĀN, t. III, p. 95, n° 1687) ; Y. MICHOT &
L. STAS, Ibn Taymiyya’s Fatwa on Martial Arts, p. 429, n. 42. cendre, ceux-là sont les mécréants10.
3. Voir ABŪ DĀ’ŪD, Sunan, Jihād (éd. ‘ABD AL-ḤAMĪD, t. III, p. 13, Leurs juges jugent dans l’ignorance et en fonction d’autre
n° 2513) ; IBN ḤANBAL, Musnad, t. IV, p. 144 ; IBN MĀJA, Sunan, chose que ce que Dieu a fait descendre. Ils élèvent des gens que
Jihād (éd. ‘ABD AL-BĀQĪ, t. II, p. 940-941, n° 2814) ; AL-NASĀ’Ī, Dieu et Son Messager n’ont pas commandé d’élever, abaissent
Sunan, Khayl (Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, t. VI, p. 222-223) ; Y. MI- des gens que Dieu et Son Messager n’ont pas commandé
CHOT & L. STAS, Ibn Taymiyya’s Fatwa on Martial Arts, p. 429.
d’abaisser, [304] et font tomber, en l’incriminant, quiconque
4. Voir ABŪ DĀ’ŪD, Sunan, Jihād (éd. ‘ABD AL-ḤAMĪD, t. III, p. 13,
n° 2513) ; AL-DĀRIMĪ, Sunan, Jihād (éd. ‘ABD AL-ḤAMĪD, t. II, s’oppose à certaines de leurs règles innovées.
p. 205) ; IBN ḤANBAL, Musnad, t. IV, p. 144 ; IBN MĀJA, Sunan, Jihād Les Anciens (salaf) ne tiraient pas des jalets et ne pratiquaient
(éd. ‘ABD AL-BĀQĪ, t. II, p. 940, n° 2811) ; AL-NASĀ’Ī, Sunan, Khayl aucune de ces innovations. En effet, se rassembler pour tirer
(Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, t. VI, p. 222-223) ; AL-TIRMIDHĪ, Sunan, des jalets comporte beaucoup de mal et de nocivité, peu de bien
Faḍā’il al-jihād (éd. ‘UTHMĀN, t. III, p. 95, n° 1687) ; Y. MICHOT &
L. STAS, Ibn Taymiyya’s Fatwa on Martial Arts, p. 429. et d’utilité. Aucun ennemi n’a été vaincu par un tir de jalets,
5. — : faṣl J Section aucune cité conquise, aucune religion édifiée. Ce qui est tué par
6. C’est-à-dire des courses de chameaux, des courses de chevaux, ou là, il n’est pas licite de le manger, d’autant plus que la plupart
des concours de tir ou de toute autre arme à pointe. Voir ABŪ DĀ’ŪD, de ce qu’ils tirent comme oiseaux, il n’est pas licite de le man-
Sunan, Jihād (éd. ‘ABD AL-ḤAMĪD, t. III, p. 29, n° 2574) ; IBN MĀJA, ger.
Sunan, Jihād (éd. ‘ABD AL-BĀQĪ, t. II, p. 960, n° 2878) ; AL-NASĀ’Ī,
Le but d’un tir est un ennemi qu’on tue ou un gibier qu’on
Sunan, Khayl (Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, t. VI, p. 226-227) ; AL-TIR-
MIDHĪ, Sunan, Faḍā’il al-jihād (éd. ‘UTHMĀN, t. III, p. 122, n° 17520). mange. Or, dans ce tir [de boulettes d’argile], le but n’est pas
7. « La première chose répréhensible qui apparut à Médine quand les un ennemi à tuer ni un gibier à manger mais, bien plutôt, se
biens de ce monde s’écoulèrent et que la corpulence des gens prit fin vanter (iftikhār) de quelque chose de vain, qui n’est pas utile.
fut le vol des pigeons et le tir de boulettes [d’argile…] ‘Uthmān Du Prophète – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – il est
employa à leur propos un homme des Banū Layth. Il leur coupa [les établi qu’il a interdit de prendre comme objectif une chose en
plumes] et cassa les boulettes […] Le premier qui interdit les vols de
pigeons et les boulettes [d’argile] fut ‘Uthmān. Ces choses étaient laquelle il y a de la vie (rūh)11. Le Prophète – Dieu prie sur lui
apparues à Médine. Il commanda à un homme de s’y opposer et il les et lui donne la paix ! – a par ailleurs maudit quiconque fait
interdit aux gens » (IBN ‘ASĀKIR, Tārīkh madīnat Dimashq, 80 t.,
Beyrouth, Dār al-Fikr, 1416/1996, t. XXXIX, p. 228). Voir aussi 9. La grande loi de Gengis Khān ; voir D. O. MORGAN & C. E.
KUSHĀJIM, al-Masāyid wa l-maṭārid, éd. M. A. ṬALAS, p. 247-248. BOSWORTH, EI2, art. Yāsā ; Y. MICHOT, Textes spirituels XIII, p. 25-
8. « Comme mœurs du peuple de Loth, » a dit ‘Alī, « il y a six 26 ; Textes spirituels, N.S. XXII, p. 5 ; Mardin, p. 109-110.
choses dans cette communauté : les boulettes [d’argile], les jalets, 10. Coran, al-Mā’ida - V, 44.
siffler, lancer avec le pouce et l’index, mâcher de la gomme, défaire 11. Voir MUSLIM, Ṣaḥīḥ, Ṣayd (Constantinople, t. VI, p. 73) : « Ne
son pagne » (IBN ‘ASĀKIR, Tārīkh, t. L, p. 322). prenez pas comme objectif une chose en laquelle il y a de la vie. »

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cela1. Il a interdit de faire d’un oiseau et d’une bête des objec- autre motif que manger et d’une autre manière que ce à quoi ils
tifs qu’on vise lors du tir d’objectifs qu’on met en place pour le ont droit ou, bien plutôt même, futilement et en jouant vaine-
tireur. C’est en effet faire souffrir (ta‘dhīb) l’animal, [305] sans ment. De lui – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – il est par
intérêt prépondérant (maṣlaḥa rājiḥa) ; or ceci n’est pas permis. ailleurs établi dans le Ṣaḥīḥ qu’il a interdit de lancer (khadhf)
Dieu – Béni et Très-Haut est-Il ! – a seulement autorisé de faire des [choses] avec le pouce et l’index et dit : « Cela ne chasse
souffrir l’animal en l’égorgeant (dhabḥ) et en le chevauchant, pas de proie, ne défait pas d’ennemi, mais crève les yeux et
du fait de ce qu’il y a en cela comme intérêt pour les fils casse les dents7. » Ceci prouve que ce qu’il y a comme tir par
d’Adam. Quand on fait d’un oiseau une cible sur laquelle on lequel on n’a pour but ni de chasser, ni de défaire un ennemi,
tire, c’est le faire souffrir sans intérêt prépondérant. c’est interdit. Or, en tirant des jalets, on n’a pas pour but de
En tirant, les tireurs de jalets n’ont pas pour but d’occire défaire un ennemi. La plupart de ce que [les gens] tuent
(dhakāh) l’oiseau pour le manger. Ils ont seule- avec des jalets, il n’est pas licite de le manger. On
ment pour but de le toucher, à l’instar de ce ne sache pas qu’une cité ait été conquise par un
qu’on met en place pour le tir d’objectifs et tir de jalets, ni un ennemi vaincu, ni une reli-
de cibles ; or ceci n’est pas permis. Ou, gion édifiée. Ce que les adeptes de ce [tir] ont
plutôt même, si des gens on pour but de comme but, c’est seulement de se mettre en
tirer des flèches sur un oiseau pour simple- avant (taqaddum) au moyen d’une affaire
ment le toucher, sans avoir pour but de en laquelle il n’y a d’utilité pour les Mu-
l’occire, ce n’est pas permis. Du Pro- sulmans ni concernant leur religion, ni
phète – Dieu prie sur lui et lui donne la concernant leur vie ici-bas.
paix ! – il est relaté qu’il a dit : « Quicon- De plus, des biens sont dépensés pour le tir
que tue un moineau d’une autre manière que de jalets, dans l’intérêt ni d’une religion, ni de
ce à quoi il a droit2, il viendra, le Jour de la la vie ici-bas. [307] Cela en détourne les [adep-
résurrection, avec ses veines laissant couler du tes] de ce qui leur serait utile concernant la reli-
sang3. » L’énoncé de [cette tradition] est aussi : gion et la vie ici-bas, fait le mal se produire entre
« Quiconque tue futilement un moineau, il viendra, le Jour eux, et les pousse à s’isoler pour commettre des turpitudes
de la résurrection, supplier Dieu en disant : « Ô mon Sei- et corrompre les enfants musulmans. Bien peu sont ceux des
gneur, demande à cet [individu] pourquoi il m’a tué4. » Dans un jeunes qui les accompagnent, à moins qu’il s’agisse pour les
[autre] énoncé, [on lit] aussi : « Quiconque tue un moineau Musulmans d’individus vicieux (mu‘ayyab), manquant de res-
d’une autre manière que ce à quoi il a droit, Dieu l’interrogera à pectabilité, du genre de ceux qui se rassemblent dans les salles
son sujet le Jour de la résurrection5. » Aḥmad [Ibn Ḥanbal] l’a de lutte (qā‘āt al-‘ilāj)8. La façon de vivre des deux groupes est
relaté. [306] De lui – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – il assurément blâmable aux yeux du commun des Musulmans.
est aussi relaté qu’il a interdit de tuer des animaux pour un Et Dieu est plus savant.
autre motif que manger6. Or ceux-là tuent des oiseaux pour un Yahya M. MICHOT (Hartford, Rabī‘ II 1440 - décembre 2018)

miyya (Nouvelle série). XXV. La foi de Mu‘āwiya, sur Academia.edu,


Illustration : Cavalier tirant à l’arc sur des oiseaux et jardinier. Mé- décembre 2018, p. 1-14, p. 3, n. 3.
daillon de l’aiguière de Cleveland d’Aḥmad al-Dhakī (Mossoul, 620/ 7. Voir AL-BUKHĀRĪ, Ṣaḥīḥ, Adab (Boulaq, t. VIII, p. 49) ; MUSLIM,
1223) ; voir D. S. RICE, Inlaid Brasses, p. 293-294, fig. 11. Un autre Ṣaḥīḥ (Constantinople, Ṣayd, t. VI, p. 71-72.
médaillon de cette aiguière représente deux archers tirant à l’arc sur 8. « Quiconque pénètre dans les salles de lutte (qā‘āt al-‘ilāj) ouvre
des oiseaux ; voir D. S. RICE, Inlaid Brasses, p. 293, 296, fig. 16. Peut- au détriment de lui-même la porte du mal et devient d’entre les indi-
être les arcs dessinés sont-ils des arcs à jalet. vidus suspects (ahl al-tuham) aux yeux des gens. C’est en effet bien
1. Voir MUSLIM, Ṣaḥīḥ, Ṣayd (Constantinople, t. VI, p. 73) : « Le connu, quiconque a l’habitude d’y pénétrer tombe dans les préambules
Messager de Dieu – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – a maudit de la copulation ou en celle-ci, dans une camaraderie (‘ishra) prohibée
quiconque fait cela. » et dans des dépenses faites en vue d’autre chose qu’obéir [à Dieu], et
2. Le droit du moineau est « d’être occis et mangé sans que sa tête pour un mécréant. Au jeune imberbe il est interdit d’y pénétrer et
soit coupée et jetée » (AL-NASĀ’Ī, Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, Sunan, d’être le camarade de ses adeptes, ne serait-ce que par simple peur que
Ṣayd, t. VII, p. 207). des [péchés] mineurs se produisent. ‘Umar fut informé que des jeunes
3. Voir IBN ḤANBAL, Musnad, t. I, p. 240, 294, 364 ; AL-NASĀ’Ī, gens se réunissaient avec un homme et il interdit qu’ils se réunissent
Sunan, Taḥrīm al-dam (Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, t. VII, p. 85) ; Qasā- avec lui, du simple fait d’une suspicion (rība) » (IBN TAYMIYYA, al-
ma (Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, t. VIII, p. 63) ; AL-TIRMIDHĪ, Sunan, Fatāwā l-kubrā, éd. M. ‘A. al-Q. ‘AṬĀ & M. ‘A. al-Q. ‘AṬĀ, 5 t.,
Tafsīr (éd. ‘UTHMĀN, t. IV, p. 306-307, n° 5020). Il s’agit dans ces tra- Beyrouth, Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, 1408/1987 ; t. V, Kitāb al-Ikhti-
ditions du meurtre d’un homme ou d’un croyant, pas d’un oiseau. yārāt al-‘ilmiyya, p. 575-576).
4. Voir IBN ḤANBAL, Musnad, t. IV, p. 389 ; AL-NASĀ’Ī, Sunan, De nos jours, ‘ilāj a habituellement le sens de « traitement »,
Ḍaḥāyā (Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, t. VII, p. 239). « soins », dans un contexte médical et qā‘āt al-‘ilāj se traduirait « sal-
5. Voir IBN ḤANBAL, Musnad, t. II, p. 166, 197, 210 ; AL-DĀRIMĪ, les de soins ». Sur ‘ilāj au sens de « lutte », voir E. W. LANE, Lexicon,
Sunan, Aḍāḥī (éd. ‘ABD AL-ḤAMĪD, t. II, p. 84) ; AL-NASĀ’Ī, Sunan, art. ‘LJ : ‘Ilj peut désigner « a big, or bulky, man, […] or a strong and
Ṣayd (Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, t. VII, p. 207) ; Ḍaḥāyā (Dār al-Kutub big, or bulky, man, […] of the unbelievers of the ‘ajam [i. e. Persians
al-‘Ilmiyya, t. VII, p. 239). or other foreigners], […] and of others; […] so called because of the
6. Voir I. SAYAD, Al-Mouwatta’ par l’imam Malek ben Anas. Traduit thickness, bigness, or coarseness, of his make: […] or a strong and big,
en français. Revu par F. CHAABAN, 2 t., Beyrouth, Dar el fiker, 1993, or bulky, unbeliever: […] or simply an unbeliever ». ‘Ālaja-hu peut
t. I, p. 510-511, n° 982. Il s’agit en fait d’un passage d’une recomman- signifier « He laboured, or strove, with him, to prevail, or overcome,
dation d’Abū Bakr : « N’abats pas de mouton, ni de chameau, sauf […] and he overcame him […] in so doing; […] namely, another
pour manger ! » Voir aussi Y. MICHOT, Textes spirituels d’Ibn Tay- man. »

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Addenda illustre un folio du Kitāb al-Bulhān d’Oxford5 consacré à la saison de
De 1999 à 2006, des fouilles archéologiques sans précédent furent l’été et montre, dans un jardin d’arbres fruitiers, un individu tirant à
conduites dans la citadelle de Damas et menèrent notamment à la dé- l’arc sur un oiseau. Commentant cette miniature, D. S. Rice écrit à
couverte d’un ensemble de rebuts d’équipement militaire mamlūk tar- propos du chasseur : « Il vise un oiseau qui vole mais la flèche ne peut
dif : éléments d’armures en cuir et autres matières, fragments d’arcs, pas être vue car elle est masquée par son bras gauche, qu’il tend6. » Je
de flèches et de carquois, balles de plomb, cornes à poudre, etc. Con- serais plutôt tenté de penser que ce chasseur ne vise pas l’oiseau d’une
fiée au principal spécialiste contemporain de l’histoire des armes et flèche mais d’un jalet. Il ne porte pas de carquois mais a, attaché à sa
armures dans l’Islam médiéval, l’étude de ces artefacts exceptionnels ceinture et bien visible, une sorte de sac dont le contour polylobé
donna lieu à la publication sous son nom d’un ouvrage passionnant donne l’impression qu’il est rempli de jalets.
tant par le texte que par l’iconographie1. Je ne pus malheureusement
pas le consulter avant la diffusion en ligne de l’article qui précède ;
d’où ces addenda.
D. Nicolle traite des arcs à jalet (qaws bunduq) au cours du chapitre
de son livre sur l’archerie2. Il évoque notamment le grand nombre de
jalets, fragiles car faits de « glaise non cuite ou seulement cuite légè-
rement » qui furent trouvés lors des fouilles de la citadelle de Damas,
dont les cinq reproduits ici.

Chasseur tirant à l’arc sur un oiseau7


Une autre scène de tir sur un oiseau au moyen d’un arc à jalet appa-
raît peut-être sur le médaillon de l’aiguière « Blacas8 » reproduit ci-
dessous. Le chasseur tient en effet son arc de la main gauche et sa
main droite, au premier plan, le bande sans tenir de flèche.

Jalets mamlūks de la citadelle de Damas3


D. Nicolle distingue par ailleurs divers types d’arcs à jalet, indique
que leur usage était déjà connu en Arabie à l’époque du Prophète et
souligne leur importance sous les Mamlūks, à la fois comme diver-
tissement sportif, pour la chasse aux oiseaux et dans le cadre des en-
traînements et des parades de cavalerie (furūsiyya). Particulièrement
intéressante est la remarque que, dès avant la fin du VIIe/XIIIe siècle,
les chevaliers de l’ordre chrétien des Hospitaliers désignaient les arcs
à jalet par un mot dérivant de l’arabe bunduq : arcs de bodoc, ou de Yahya M. MICHOT (Hartford, Rabī‘ II 1440 - janvier 2019)
boduc, ou de bondec4. On sera aussi reconnaissant à D. Nicolle d’a-
voir signalé l’existence et, quand c’était possible, les références, d’ob- 5. Le manuscrit d’Oxford, Bodleian Library Or. 133, du Kitāb al-
jets d’art islamique montrant des arcs à jalet : une lampe de mosquée, Bulhān est une œuvre composite comportant plusieurs dates, de 734/-
un bassin en métal et une gourde de pèlerin en céramique mamlūks, 1334 à 839/1435 ; voir S. CARBONI, Il Kitāb al-Bulhān di Oxford,
une miniature persane du XIe/XVIIe siècle. Turin, Editrice Tirrenia Stampatori, « Eurasiatica, 6 », 1988, p. 1.
La miniature reproduite ci-contre a dû échapper aux investigations 6. D. S. RICE, The Seasons and the Labors of the Months in Islamic
de D. Nicolle mais semblerait pouvoir être ajoutée à cette liste. Elle Art, in Ars Orientalis, 1, Washington, Freer Gallery of Art, 1954, p. 1-
39, p. 6. S. CARBONI, Kitāb, p. 36, considère aussi que le bras tendu de
1. D. NICOLLE, Late Mamlūk Military Equipment, Damas, Presses de l’archer cache une flèche.
l’Ifpo, « Travaux et Études de la Mission Archéologique Syro-Fran- 7. Kitāb al-Bulhān, MS Bodleian Or. 133, fol. 44 r.
çaise, Citadelle de Damas (1999-2006), publiés sous la direction de 8. Œuvre de Shujā‘ b. Man‘a de Mossoul datant de 629/1232, l’ai-
Sophie BERTHIER et Edmond AL-EJJI, t. III », 2011. guière Blacas est conservée à Londres, British Museum, n° 1866,
2. D. NICOLLE, Equipment, p. 178-184. 1229.61 ; voir https://www.britishmuseum.org/research/collection_on
3. D. NICOLLE, Equipment, p. 317 (photo de P. Godeau). line/collection_object_details.aspx?objectId=239367&partId=1. (Le
4. D. NICOLLE, Equipment, p. 179. bas du visage et l’arc ont été restaurés digitalement.)

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