Sunteți pe pagina 1din 53

chaines hi ~ fi

"sur mesure"
le plus vaste chaix du meroe des
.~

marques les plus renommées :

san sui ken\Nood technics


j.v.c · .b.l. rnarantz pioneer
akaï sony leak dual braun
b.a. hitachi blaupunkt thorens
lenco k.l.h. jen.en scott
a.d.c. shure nakarnichi e.t:.c•••
des prix imba.tta.bles

223 84
TL
47 av. allai ben ebdellah rabat ( 317 97

_T--.·· A - - - - - _ " ' - - ~ r4


_ _............
1 lJ:t !j,
t) S""

IlliUI
1 LASAS
01 RAS< POUR LA SO< Il 1 L DI DE MAI~

12 Rue du Cimetière
O'har Maraz
Tél: (06) 419-76
Fès Pourquoi "Al Asas" ? page 5
B. P. 1504

• Politique : Raison de l'Administration ou raison de


l'Etat ? par Ahmed El Kohen Lamrhili
Les élections aux chambres professionnelles
6
8
Directeur de la publication Réactions : Les Partis du Gouvernement, les opinions
Atvned El Kohen Lamrhili des citoyens par S.A. Habib 8
La prière des partis politiques 1!
Gestion
Sylviane Noiret Le Parti de l'Action : une expérience avortée : inter-.
Tél. : (06) 428-26 view de Zaki M'barek.
Secrétariat de rédaction Témoignage : La coopération franco-marocaine :
Ahmed Akhchichen une occasion manquée par J.Y. Noiret 17
Azeddine Bencheckchou
Abderrahman Bennani Confidentiel par Zalo 20
Hassan Oebzat

Couverture et maquette
Fès : Gloires du passé, décripitudes du présent par
Fouad Bellamine Ahmed Nadim 21
Baghdad Benas
Aperçu sur l'activité de l'O.D./. 26
Imprimerie L'aventure sucrière du Maroc par Mohamed Salam. 27
Najah El Jadida Le commerce américano-marocain à la recherche d'un
6, Rue Sauterne, La Gironde
nouvea~ souffle 29
Casablanca

Dossier de presse Tribulations ao


N° 1/77/M du~ 6 Safar 1397 La Chine vit-elle une troisième Révolution Culturelle ?
(27/1/1977) par Habib Abouricha 8!
Compte Bancaire Arts plastiques: A propos de la 2ème Biennale Arabe
N° 310.400.102425 - B.P. siège
Fès
par Hassan Mniaï 86
Perspectives d'avenir par Mohamed Chabad 88
Livres et lectures 89 - 44
Tarifs Khair Eddine : une odeur de mantèque ou le récit
Prix de vente au numéro : Maroc :
4 OH ; Tunisie : 450 M ; Afrique :
impossible par Marc Gontard 89
300 CFA; France: 5 F ; Autres pays:
un dollar U.S. Rétrospectives : Bou·rgeoisie nationale et colonia-
Abonnement: Maroc: 40 OH/ an lisme : Genèse d'un rejet par Ahmed El Kohen
Etudiants : 30 OH/an
Etranger : 60 OH / an Lamrhili 45

>
CI cI~ t:~
d c:i'~) CL mtP7dé--
-/~~_hd.,~
/ de aiI~'-~-uû:-'
)Un7#û1e-

t
IIJ.v.76 1

)[~-!!J-'cI'U/
Pourquoi AI Asas·?
-

Pour dénoncer toute hérésie politique, économique et sociale


et pour mieux préparer le Maroc de demain :
en brisant les carcans du présent,
en répondant à une aspiration du "nouveau" chez le lecteur
en explicitant les exigences du lecteur, en matière d'analyse
et d'information,
en rectifiant, ou en régénérant une information obscuran-
tiste et "désinformante", .
en démystifiant certains groupes d'information qui intoxi-
quent le lecteur par des recettes de facilité,
en contribuant à créer une tradition d'information objective,
en participant aux débats culturels et politiques qui permet-
tront de dégager les divers courants de pensée qui animent
le pays,
en offrant un panorama aussi complet que possible des préoc-
cupations nationales et internationales,
en étudiant et en défendant le patrimoine culturel marocain,
arabo-musulman et africain,
en donnant un sens aux luttes et combats que le peuple mène.

h _
POLITIQUE

Raisons de 1}\dministration
ou
Raison de l'Etat

On a failli croire un moment que la nalités, et d'autres encore, jouaient au service des autres. Un administra-
"farce" des élections ne séduisait depuis longtemps le rôle tacite de tif qui réagit autrement ne peut
guère certaines forces politiques. Mais Ministres d'Etat, argumentant la posi que faire preuve d'une incapacité à
le suspens fut vite levé quand S. M. tion des uns et des autres à l'égard des comprendre et à résoudre les pro-
le Roi nomma Abderrahim BOUABID, multiples procès, notamment celui de blèmes relevant des impératifs de
Mahjoubi AHARDANE, M'hamed BOU- Casablanca. l'heure. L'administratif n'a pas une
CETIA et le Dr. EL KHATIB ministres source de pouvoir occu-Ite, il n'a pas
Tout en souhaitant vivement que l'ou- à penser que la durée plus ou moins
d'Etat sans portefeuille, chargés
verture politique annoncée par S.M. longue de sa fonction dans l'appareil
entre autre de superviser et de veiller
le Roi rentrera concrétement dans les -lui confère automatiquement et in-
au bon déroulement de la campagne
moeurs de l'administration marocaine discutablement un droit sur les autres,
électorale des législatives.
et des puissants du jour, Il n'en de- pas plus qu'il n'a à briller par son man-
L'accueil réservé par ces différentes meure pas moins que l'attitude de l'ad- que d'imagination, ou à croire qu'il a
forces politiques à cette initiative ministration lors des élections aes bu- le droit de "dompter ou d'apprivoiser"
royale, ne tarda pas à lever le voile reaux communaux et municipaux, ainsi celle des autres. S'il y a une condition
sur leur attitude plus ou -moins nuan- que lors (et surtout) des élections aux à une véritable ouverture démocratique
cée à l'égard du jeu électoral, non sans assemblées provinciales, a été décou- dans ce pays, elle réside dans la dé-
étonner observateurs politiques, à l'in- rageante, voire même traumatisante. mission de l'administration à exercer
térieur comme à l'extérieur, et militants Sans demander à l'administration de un pouvoir illégal, illégitime, pour
de base de certains de ces partis. renoncer complétement et entièrement lequel elle n'a jamais été mandatée.
Tout le monde se demande par quel aux privilèges qu'elle a accumulés de- fût-ce même du temps de l'Empire
mécanisme miraculeux ces person- puis une dizaine d'années, elle pourrait des Pharaons ou de ce lui de Thèbes
nages politiques vont réellement et au moins faire l'effort de montrer une ou de Sparte. Un administratif doit
sérieusement contrôler le déroulement volonté de rajeunissement de ses mé- avoir la souplesse nécessaire pour
des législatives, conçues, préparées, canismes et de ses structures devenues synthétiser, éxécuter et concrétiser les
lancées et éxécutées par un appareil trop ankylosées par un exercice sou- volontés de ceux qu'il estime être
administratif dont la conception du jeu vent incohérent du pouvoir. sous sa coupe administrative. Certes,
électoral s'est fait clairement voir lors il y a plusieurs reproches à faire
des élections aux Assemblées Pro-
L'Administration iIIègale.
aux organisations politiques dans ce
vinciales. Les personnalités politiques Quels que soient les mérites, les com- pays, mais ces reproches demeurent
ne furent-elles pas d'ailleurs membres pétences et la persévérance des élé- secondaires face à ceux qu'on pourrait
du Conseil National chargé de super- ments bureaucratiques de notre admi- faire aux visions de l'exercice du pou-
viser les élections précédentes ? nistration, ils doivent être conscients voir par l'Administration, qui n'a pas
Militants et observateurs politiques que l'appareil administratif n'est pas à s'ériger en force politique ni en or-
restent perplexes : d'aucuns pensent une source de pouvoir à des fins per- ganisation politique, ni en tendance
qu'on a fait pression sur l'un ou l'autre sonnelles, mais qu'ils sont au service politique, comme l'affaire des "Indépen-
de ces Ministres d'Etat, d'autres pen- du public au sens large du terme. Ces dants, vient de le confirmer. Autre-
sent que ces responsables politiques éléments doivent être conscients que ment elle oublierait sa mission première
ne font que confirmer au grand jour, leur source de pouvoir ne vient pas du qui est de gérer purement et simple-
le désir qui les a toujours animés, à fait qu'ils sont inclus dans un appareil, ment avec l'entente des citoyens con-
savoir leur présence dans les rouages mais provient par contre du degré cernés, les affaires publiques. Une
du Gouvernement. Certains vont même plus ou moins sincère, réflechi et dé- administration qui s'érige en pouvoir
plus loin, affirmant que ces person- sintéressé de leur capacité à se mettre parallèle à celui des institutions légales

6
ou tacites de l'Etat est une adminis- sistant dans son rejet de tout élément
tration menaçante pour l'Etat, les forces vivifiant, ne pourrait que conduire le
politiques et les citoyens du pays. pays vers une situation quelque peu
L'administration est une courroie de asphyxiante. Malgré la soif de partici-
transmission et non une source d'éma- pation à la gestion des affaires publi-
nation d'un pouvoir quelconque. C'est
ques enregistrée chez la majorité du
là sa raison d'être et c'est là en même
peuple marocain, les jalons d'une dé-
temps sa force de durer. Que notre
administration se souvienne des exem- mocratisation véritable n'ont été que
ples donnés par l'administration de timidement jetés jusqu'alors. Peut-on
Saïgon, de Batista, ou plus concréte- espérer qu'une ère nouvelle va réel-
ment de l'administration coloniale au lement s'ouvrir pour de nombreuses
Maroc. Tout effort d'enfreindre la mis- générations jusque-là mises à l'écart?
sion première de l'administration relève la période que traverse le Maroc
d'une incapacité de ses dirigeants à actuellement est historiquement très
innover, imaginer, créer et répondre riche. Elle l'est surtout par la clarifica-
aux aspirations des administrés. Que tion du jeu politique qu'elle risque de
certains puissants du jour n'essaient susciter. L'acquis pour le théoricien ou
. pas de se cacher derrière une con- le militant sera d'un grand intérêt.
ception bâtarde d'un pouvoir occulte Nous allons peut-être assister à la
attribué à l'administration. Il est temps naissance d'une pensée politique au-
que les incapables démontrent leurs thentique, car basée sur la réalité con-
incapacités en se livrant, sans couver- crète du jeu politique national où les
ture policière aucune, à l'exercice de clichès et les stéréotypes faciles à ru-
la pratique, en respectant toutes les miner ne pourront que connaître une
règles du jeu, qu'elles qu'en soient les digestion difficile.
conséquences. En vertu de quoi, tel ou De leurs côtés les partis politiques, ces
tel ministre, s'acharnerait-il à remporter "écoles de formation de cadres",
les succès dans une opération électo- devraient éviter leur narcissisme
rale en usant d'un appareil administratif aveuglant et leur esprit partisan mu-
déjà habitué aux compromissions, à tilant ; autrement ils ne feraient que
l'entêtement, à l'aveuglement et à la perpétuer l'éclectisme de l'adminis-
stérilité de la gestion des affaires. Ce tration qu'ils ne font que critiquer
ministre serait-il l'émanation ou l'éma- actuellement, Un seul objectif pourrait
nent d'une essence administrative ? permettre d'éviter de telles attitudes
qu'il nous la définisse et on pourrait de la part de ces Partis : l'édification
au moins comprendre quelle logique, du Maroc dans l'intérêt général et non
quel cheminement, quelle approche, dans celui d'une minorité, fût-elle la
quelles embûches et quelles pers- mieux éclairée. Déjà sans pourtant
pectives il entrevoit. On est désolé de jouir d'une grande audience au niveau
constater qu'aucun ministre, aucun national, certaines de ces organisa-
administratif ne nous a, et ne peut tions politiques exercent un 'terrorisme' • •
nous fournir une logique adéquate de intellectuel et culturel, pensant détenir
ce qu'il appelle "Ia raison" adminis- "la vérité absolue" Dans ce nouveau
trative. La clarté ici, comme ailleurs, Maroc que nous aimerions construire,
devrait s'imposer pour que les citoyens tout fanatisme d'où qu'il vienne devrait
concernés sachent au moins quelles être aboli. Les tâches sont nombreuses
solutions de rechange il conviendrait et lourdes et nécéssitent l'éffort et
d'apporter. Si les choses continuent la contribution de tout un chacun.
ainsi, tout ce qu'on pourrait dire et Personne n'a le droit de s'ériger en pro-
croire, c'est que l'appareil adminis- phète devant l'immensité et la comp-
tratif, censé être au service des ci- lexité des problèmes du sous-dévelop-
t.oyens est une machine de pression, pement qui nous assomment encore.
de répression, de blocage, de stérélité Personne n'a le droit de penser détenir
et d'asphyxie. une solution miraculeuse pour ré-
soudre ces problèmes. Le miracle ré-
La clarification siderait par contre dans la concerta-
tion commune, la réflexion collective
du jeu
et l'engagement de tous ceux qui as-
politique pirent réellement à un changement.
le Maroc appartient à tous les ci- Telle est la priorité prioritaire de tout
toyens et tout en convenant que cer- mouvement d'édification du nouveau
tains éléments de l'opposition ont pris Maroc.
parfois des attitudes de refus de prin-
cipe, donc négatives diraient les puis-
sants du jour, l'Administration en per- Ahmed El Kohen lamrhili

\i
b
f
REACTIONS
t
Les élections aux Chambres pro- 1
fessionnelles,
J Les
1 Les
1
C'est dans un climat d'indifférence
J
quasi-totale que les chambres profes-
sionnelles ont procédé au renouvel-
lement de leurs membres, Indifférence 1 l• es marocains sont actuel-
lement partagés entre la lu-
J cidité et l'indifférence. Lu-
incomprise ou inventée selon les uns
ou les autres. Il semble donc que
l'impact réé! d'un événement de ce

I
d'abord de la part des concernés, in- cidité dans l'indifférence ou genre et dans le contexte actuel, soit
différence ensuite de la part des ci- indifférence dans la lucidité, passé inaperçu.
toyens et des partis politiques. Au les masses populaires peuvent-elles
Ils ne partiront pas,

1
niveau national, le taux de participa- dire non à l'appel de participation à la
tion, selon le Ministère de l'Intérieur, gestion politique du pays ? S'il n'y
"Vous savez, dans n'importe quel
était à peine de 63,03 % au Collège avait qu'une simple opération de vote,
système de gouvernement il y a l'ex-
de l'Industrie, de 64,21 % au Collège chacun trouvera la solution à sa
du Commerce et de 61,93 % au Col-
lège de l'Artisanat. Dans les villes les
plus politisées du pays, comme Casa-
1 mesure. Mais c'est tout à fait autre
chose que d'élire des responsables
capables de redresser durablement,
vers le mieux, les conditions de la vie
périence et l'aptitude. Si l'on avait
laissé l'expérience démocratique de la '
période 1959 - 1965 se poursuivre nor-
malement jusqu'à ce jour, la situation
bianca, Rabat-Salé et Fès, le taux de
participation était encore plus faible.
Fès vient en tête: 46 % pour le col- J quotidienne.
Interrogés sur leurs réactions à la
serait plus claire et certainement
meilleure. Cette deuxième expérience
de 1976 - 77 (celle de 1970 ne compte
lège de l'Industrie, 35 % pour le Col-
lège du commerce et à peine 36% pour
le collège d'Artisanat. Sans les petits 1 suite de la nomination des quatre
ministres d'Etat - M'hamed Boucetta,
Abderrahim Bouabid, M a h jOli b
pas pour moi) est capitale pour notre
avenir, Caution pour demain, elle res-
tera pour la prochaine décennie, la

1
épiciers, les vendeurs ambulants et Aherdane et Abdelkrim Khatib - les première référence de toute une géné-
ceux qui ont voté cinq ou six fois, le marocains répondent d'une manière ration qui se compte déjà par millions.
taux de participation au niveau national évasive qui nécessite d'être examinée L'élite d'aujourd'hui et les électeurs des
n'aurait pas dépassé les 40 %. Le dé-

t
de très près. Au total, .l'intelligence dix années à venir apprendront beau-
compte des votants et des suffrages collective paraît à la fois incrédule, et coup de l'expérience que nous vivons.
exprimés explique bien que ceux qui imperturbablement silencieuse. Le si- Il y a lieu d'éduquer la majorité de nos
ont manipulé les bulletins de vote, ont lence, ici, loin de prendre l'allure d'une citoyens afin qu'ils sachent utiliser cor-
été chercher à la dernière minute les
vendeurs de menthe, les marchands
ambulants ...
Ainsi, à Casablanca, par exem~le, lef
l dérobade, apparaît comme le fruit d'une
parfaite maîtrise des réalités locales et
d'une science ou sagesse consommée.
Tout en étant pessimistes, les maro-
rectement les outils démocratiques.
Cette expérience est une école. Nous
avons intérêt à ce que la minorité

J
obéisse à la majorité, et que celle-ci
suffrages exprimés pour l'élection du cains se déclarent néanmoins optimis- respecte les tendances des mino-
Collège de l'Industrie, ont été à peine tes. rités ......
de 72 % l2232 votants et 1 611 suf-
frages exprimés), et de 88 % POUl
l'élection du Collège du Commerce t L'entrée au Gouvernement des leaders
des quatre premiers partis politiques du
pays ( selon les résultats des élec-
L'homme qui parle ainsi, est un véri-
table animal politique. Agé de 44 ans,
il a fait la résistance durant les der-

t
(15309 votants, 13 571 suffrages ex-
primés). Sans compter ceux qui ont tions communales du 12 novembre nières années cruciales du Protectorat,
voté plusieurs fois, le véritable taux 1976), mesure considérée par certains et la politique durant les premières
de 'participation à Casablanca, était de comme fondamentale, laisse une bon- années - aussi cruciales de l'Indépen-
36 % au lieu de 64 % au Collège de
l'Industrie et de 27 % au lieu de 49 %
au Collège du Commerce. Ce même
calcul appliqué à Fès, ferait chuter
I ne partie des citoyens sans opinion
précise. Incapable de prendre la moin-
dre position, parce que certains ne
sont même pas au courant de l'événe-
dance. Devenu homme d'affaires mal-
gré lui, par désœuvrement politique
i 1 i m pro vis a und is cou r s
bilan avant de nous livrer
considérablement le soi-disant taux de
participation avancé.
Rappelons à l'Administration, la fable
J ment. Dix jours après l'annonce de la
nouvelle, plus de la moitié de nos
interlocuteurs - et certains ne sont ni
sa réaction "La désignation des quatre
ministres d'Etat est une bonne chose.
La présence des partis politiques au
de la Fontaine : "Rien ne sert de
courir .....
A. Z
J
"
t1
analphabètes, ni ruraux, ni sans média
à leur disposition - apprennent l'infor-
mation de notre question, Information
rassurante sensationnelle. inattendue,
sein du gouvernement lève pas mal
d'incertitudes quant à l'élaboration d'un
nouveau programme d'action pour les
prochaines élections. Ceux qui ont été

8
Partis du Gouvernement
opinions des citoyens

désignés représentent une audience dire que l'un se trouve dans le Gouver- qu'ils critiquaient hier encore, signifie
reconnue par le vote du 12 novembre nement et l'autre dans l'opposition. que leurs journaux pratiquaient des
1976. Les autres - et là je pense au Franchement je suis vraiment opti-
Parti du Progrès et du Socialisme d'Ali mensonges vis-à-vis de l'opinion pu-
miste". blique, n'est-ce ·pas ? S'il y a un
Vata, au Parti Libéral Progressiste des
Soussis, au Parti de l'Action, etc.. - accord qui passe sous silence des
ils représentent une certaine idée. faut-il les croire avant ou après. élections controversées, pourquoi ne
Proportionnellement, ils demeurent très le dit-on pas, pour que la confiance
Amère, impitoyable et rancunier, un
minoritaires ... Pour en revenir aux règne 1".
quatres chefs de partis désignés, ça ancien candidat malheureux des élec-
m'étonnerait beaucoup qu'ils quittent tions municapales de Casablanca por- Certains interviewés ne mâchent pas
le gouvernement en claquant les por- tant bien bas l'étiquette politique des leurs mots, tel ce militant de base,
tes. Honnêtement ils ont perdu beau- indépendants, alla droit au but : "Le journaliste pour quelques jours encore
coup de leurs prétendues masses de peuple marocain se pose la question dans un quotidien qualifié d'organe
militants et de sympathisants. Ces par- suivante : faut-il croire .Ies partis poli- d'opposition jusqu'au mois de février
tiques et leurs journaux avant ou après 1977 : "C'est affreux, je suis déso-
tis ont besoin d'un prestige nouveau.
rienté. Il m'a fallu des jours pour iden-
Leur présence au Gouvernement leur leur entrée au gouvernement. N'est-ce
tifier tous les changements d'attitudes
en donne l'occasion d'en avoir. Ils sont pas qu'ils ont parlé de falsification de qu'impose la participation de notre
maintenant sur le même pied d'égalité la volonté populaire durant les der- Parti au sein du Gouvernement. Vous
devant les électeurs. ,Qu'un Haddou nières élections 1 Prenez leurs quo- ne pouvez imaginer combien l'auto-
Chiguer se présente à Khémisset ou censure est plus insupportable que la
un Abderrahim Bouabid à Kénitr8 pour tidiens, faites l'analyse et vous verrez.
censure. Maintenant que la censure est
le futur Parlement personne ne pourra Leur participation au gouvernement levé. tout est... censuré par la direction
de mon journal. Jamais nos corres-
pondants n'accepteront de passer sous
silence une injustice politique flagrante
ou de la minimiser par un usage savant
de formules creuses. Nos lecteurs nous
boudent déjà : les chiffres de diffusion
baissent dangereusement. Et l'aug-
mentation de 50 % du prix de vente
des quotidiens n'arrangera pas les
choses. Je préfère démissionner."
"Notre Parti ne participe pas cette fois-
ci au Gouvernement. Nous demeurons
à la réserve de l'Etat. Notre tour vien-
dra et vous verrez - déclare avec beau-
coup de conviction, et pour toute ré-
ponse, cet adhérant d'un parti crée il
y a moins de cinq ans.

Trop d'intérêts, pour que ça n'éc-


late pas.
Selon toute probabilité, la participation
politique des quatre ministres d'Etat
au gouvernement n'entraînera pas au
sein de leurs partis des malaises pro-

Entrée d'un bureau de vote 9

b _
l'élite marocaine, n'est pas sûr de son quate n'est pas appliquée".
analyse/réaction : "Bien que je sais
que mon explication va être repetée, Plutôt de l'indiffèrence,
celà ne m'empêche pas de dire que les Sceptique, un angliciste lance sur un
partis n'ont jamais été contre le gou- ton flegmatique de circonstance :
vernement. Leur participation est une "Ouais. C'est plutôt de l'indifférence.
tactique de gouvernement". Je ne me sens pas du tout concerné".
Un autre universitaire s'avance assez Tout autre est le point de vue d'un
loin : "Les quatre ministres d'Etat ré- directeur d'école privée: "ça peut être
cemment désignés disent qu'ils ne sont intéressant dans la mesure où ça don-
au gouvernement que pour contrôler nera un regain de confiance aux
la bonne marche des élections légis- citoyens pour les motiver à voter. IL
latives. En réalité ils sont plus que ça. y aura peut être une meilleure partici-
Mais certains d'entre eux ne peuvent pation aux élections législatives. Je ne
avouer à leurs bases qu'ils légiférent suis pas très optimiste. A mon avis,
sur les grandes affaires de l'Etat. Ils il faut faire ces élections, les annuler
sont des Kissinger à la tête d'un 6 ou 7 mois après les élections
Conseil National de Sécurité, avant de suivantes ser0 nt certainement
devenir officiellement des ministres à meilleures".
protefeuilles. La preuve, la Bourse et Il n'a pas voté, ce photographe de
les hommes d'affaires à Casablanca 28 ans. Il ne votera pas non plus. Ce
n'ont pas peur... ". qui signifie pour lui, comme pour l'in-
"L'idéal, pour nous, c'est qu'ils res- génieur machin~ste interrogé que "rien
suscitent une Koutla Watania élargie. n'a changé. Rien ne changera. Le
Alors, là, adieu les subterfuges de moussem continue". Réponse souvent
l'Administration. La marée de ses rencontrée et qui va parfois jusqu'à la
indépendants sera submergée par damnation et l'insulte. Cette attitude
l'Union de l'Opposition" espère un mise désormais sur le refus de l'action
fonds, mais les adhérants intérrogés, jeune professeur de lycée. politique. Ce refus obstiné, prend
ne cachent pas leur insatisfaction, voire souvent la forme de préoccupations
leur inquiétude. Un ingénieur infor- plus terre à terre : le loyer, le coût de
maticien résume la situation :: "vous Bouabid favorisé,
la vie, la nourriture, l'habillement, le
allez voir les complications se multi- A ce genre d'espoirs sans limites, fait transport, les cigarettes, etc.... Véri-
plier à l'infini à partir du démarrage place chez certains une vigilance sans table poudrière, les oppositions d'en-
officiel de la campagne électorale par- défaut. "Ce n'était même pas une su- gager le dialogue et de porter le
lementaire. Il y a trop d'intérêts en jeu prise, nous dit un jeune fonctionnaire moindre intérêt à la vie publique, sont
pour que ça n'éclate pas, à partir de de la capitale ayant de fortes attaches aussi symptomatiques que les réac-
ce moment. Nous allons bien nous avec sa ville maraboutique, c'était dans tio~s plus ou moins engagées.
amuser". le vent. J'ai saisi la nouvelle avec beau- Notre entretien bute parfois, parce que
"Sincèrement je m'en contrebalance. coup de sang froid et de lucidité parce nos interviewés veulent se soustraire
Je ne me sens pas du tout concerné. que les noms désignés me sont fami- à toute prise de conscience sérieuse,
L'expérience et l'histoire de nombreux liers. Entre un Abdelkrim Khatib et un par une remIse en question de notre
pays du Tiers-Monde démontrent que Mohamed Larbi Khattabi je ne fais pas interrogation. Il devient alors discus-
beaucoup de ministres en qui nous beaucoup de distinctions, et l'opinion sion tourmentée et embrouillée. Com-
avions confiance au début, nous dé- publique non plus. Je reconnais que ment résoudre l'énigme de quelqu'un
çoivent par la suite." nous répond un Abderrahim Bouabid a été favorisé par qui veut d'abord s'assurer s'il est libre
citoyen moyen qui ne meurt pas de ce choix puisqu'il revient au gouverne- de dire rééllement ce qu'il pense ?
faim, d'après lui et qui ne veut pas ment sans concession apparente. Les Comment sortir du piège embarassé
entrer dans les détails. jeunes militants et non partisans, sont d'un interrocuteur qui avant de réagir,
Voilà qui est de nature à provoquer curieux de connaître ce que les minis- exige de savoir pourquoi Ali Yata,
quelques grincements de d€nts à la tres, désignés vont faire. Dans l'im- secrétaire Général du P.P.S. ne fait pas
fois chez les partis intéressés par la médiat nous attendons d'eux des partie du gouvernement ? Et pourquoi
mesure de participation et chez les dé- élections législatives normales et sans les organes d'information de notre
fenseurs de toutes les situations of- problèmes". pays et de l'étranger n'ont pas donné
ficielles. Non pas que l'affrontement à l'évènement l'importance qu'il mérite,
Dans ces conditions il est évident, pour
entre thèses antagonistes soit une s'interroge ce riche propriétaire im-
certains, de ramener la question au
réalité quotidienne. Bien au contraire, mobier rejoignant l'attitude d'un intel-
contexte actuel et d'en tirer des
c'est précisément la prédominance des lectuel occidentalisé qui ne peut réagir
enseignements raisonnés: "Pas de pro-
interprétations et des jeux individuels qu'après la lecture du quotidien fran-
blème, juge un magistrat d'un centre
sur les partis politiques, et la foire çais "Le Monde" interdit de circulation
agricole important. Cette participation
verbale sous couvert d'unanimité, qui depuis deux mois ?
est nulle et non avenue en politique
bloquent toute prise de position. La intérieure. Je sais que les partis ont
conjoncture ne rend pas l'analyse aisée Moi et la politique, ça fait deux
touché de l'argent, des sommes con-
car la mise en sourdine de3 conflits sidérables lors des élections commu- Plus significatives encore les réactions
d'intérêts tend à obscurcir le débat. nales. Je sais aussi qu'un candidat de la masse silencieuse et dépolitisée;
Jamais contre le gouvernement. « indépendant » a donné jusqu'à "Tu me poses une telle question à
20000 centimes par voix. Je sais aussi moi ... Tu sais moi et la politique ça
Même ce professeur de la Faculté de qu'un parti politique traditionnel a fait deux" affirme une jeune écono-
de Droit de Rabat. auteur de travaux utilisé une entremetteuse pour sa com- miste sans aucune équivoque. Son
universitaires sur les états d'âme de pagne électorale. La procédure adé- amie est aussi déconcertante dans sa

10
ses jours au Maroc. Sa réaction n'est
pas si loin de la Jdidia couturière,
ayant suivi quelques péripéties de ce
qu'elle croit être, durant les élections
municipales, un affrontement Khatib -
Arsalane El Jadidi, Elle ne sait même
pas si Khatib est devenu ministre, et
ignore jusqu'aux noms des autres nou-
veaux ministres d'Etat. Une autre
femme, hôtesse de l'air, ne se trouve
pas plus informée que ses nombreuses
sœurs analphabètes. Simplement par-
ce qu'elle ne lit pas avec attention
les journaux. "De toute façon, je ne
fais pas partie des politiciens de ce
pays. S'intéressent-ils à moi pour que
je m'occupe d'eux? "s'interroge-t-elle
en guise de conclusion.
AI kalma, le silence.
"Pour moi il n'y a plus de politique et
de politiciens au Maroc insiste un
istiqlalien actif jusqu'à la scission de
1959, entrepreneur moyen en travaux
de maçonnerie. "Ces quatre person-
nalités ne sont pas des ministres,
poursuit-il. ce sont des gardiens et des
garants de la paix recrutés pour un
temps précis. Leur contrôle terminé,
réplique : "je ne sais pas. Oui c'est connu lui la nouvelle "que parce que ils partiront. Moi. je ne comprends pas
très important. Mais je n'ai pas fait nous taquinons un collègue de bureau leur présence au gouvernement. Ils
attention. Je savais qu'il y avait un istiqlalien qui était tout heureux de sont riches. Ils ont tout ce qu'il faut.
changement de ministres. En général, nous annoncer l'évènement. Leur pré- Mais ils ont besoin des priviléges du
ce genre d'évènement est discuté par sence, au gouvernement, garantira la pouvoir ; al Kalma comme on dit. Ils
un petit groupe ou par un autre à la régularité de l'opération électorale. Il oublient qu'il y a des ministres per-
Faculté. Je n'ai rien entendu. Main- n'y aura plus d'affaire de Béni manents qu'ils ne remplaceront jamais.
tenant que je connais la nouvelle, je Mat'har". L'Etat a formé son propre groupe de
pense rien du tout. A part Abder- ministres fonctionnaires. On écoute le
rahim Bouabid, je ne sais pas ce que Fantastique, je ne les connais même disque, depuis longtemps. Ce
peuvent représenter réellement et po- pas, qu'il faut : c'est les jeune". Il y a
litiquement les autres". d'excellents jeunes cadres dans les
Un marchand ambulant, vendeur des partis politiques et ailleurs. Pourquoi ne
Deux étudiantes de la Faculté des quatre saisons, habitant Douar Dbarh leur donne-t-on pas l'occasion d'ex-
Sciences de Rabat, l'une de Fès et à Rabat se hâte de nous confier: "je ercer leurs talents ? C'est de sang
l'autre de Marrakech sollicitent des ne sais pas, je ne peux pas te mentir.
détails sur la nouvelle. Elles n'étaient nouveau qu'on a besoin".
Franchement, je n'ai pas de poste
même pas au courant. quinze jours Ainsi donc, après le long apprentissage
radio. Je connais bien Si Allal AI Fassi
après la nomination des quatre per- du silence, tout sondage d'opinion
que Dieu le bénisse. Même M'hamed
sonnalités. Priées de dire sur le champs s'avère difficile dans ce pays. Il n'est
Boucetta, qui le remplace d'après toi.
leur point de vue, la marrakchie pense guère facile d'exprimer son opinion
je ne le connais pas. Les autres, non
que chaque leader va défendre mieux sur un événement important quand "in-
plus. Tout ce que je pense ... que Dieu
son parti, alors que la fassie souhaite formation devient le privilège d'une
les aide, tous. Excuse-moi, il faut que
connaître le mécanisme pour bien minorité. Néanmoins, les véritables
je parte, je n'ai que le matin pour
apprécier le fait: leaders d'opinion, ceux dont le point
vendre mes œufs ... "
de vue compte pour leur entourage,
Un chanteur de grande andience justifie Une européenne, mère d'enfants se découvrent des vocations politi-
son ignorance de l'évènement "parce marocains et installée donc pour tou- ciennes camouflées. Pour s'y retrou-
qu'il y a tellement de remaniements jours ici se lance dans des compa- ver, seules la patience et la sagacité
qu'on ne sait plus à qui l'on a affaire. raisons : "je n'arrive pas à imaginer comptent. Car, en dépit des ambiguités
On voit qu'il y a plus d'ouverture. l'importance de l'évènement. C'est qui entourent le contexte de la partici-
On n'a jamais pensé que ces gens là presque François Mittérrand et Geor- pation des nouveaux quatre ministres
auront une responsabilité gouverne- ges Marchais au gouvernement en d'Etat au Gouvernement, et notamment
mentale, si minime soit-elle" France. Ça viendra. C'est étonnant celle du programme d'action convenu,
Une secrétaire, orginaire du Maroc même si c'est pour la forme, Je pense il ne fait pas de doute qu'une couche
oriental. manipulant depuis près de dix que c'est très, très important. Cela importante de la population ne veut
ans les journaux de son chef de fait partie d'un phénomène astral gé- pas se prononcer encore. Quant à la
service, n'est pas plus informé que le néralisé. Voyez l'Italie, l'Espagne, la dépolitisation angoissante et indénia-
chanteur qui fréquente la R.T.M. : "je France, le Portugal etc... " ble des citoyens, elle ne peut que
ne les connais pas. On verra par la Un Marocain, naturalisé Français par souligner davantage les dangers de la
suite ce qu'ils vont donner. Je n'ai commodité, semble planer au dessus démobilisation, à un moment où toutes
pas entendu parler d'eux autour de de ce qu'il considére sans valeur. Il ne les énergies doivent converger vers la
moi. Qui sont-ils ? "Son frère, agent peut pas donner de point de vue sur construction d'un nouveau Maroc.
comptable d'une administration, n'avait la question, mais il fera tout pour finir S.A. Habib

11
La prière des partis politiques

.)uvent contradictoires, les déroulement des élections législatives. vernementale qui est assignée aux nou-

S journaux des quatre partis


représentés par leurs leaders
au Gouvernement s'accor-
dent sur un point : leur
Pour Libération (n° 91) la démarche
de l'Union Socialiste de~ Forces popu-
laires : "se situe dans la droite ligne de
préoccupation constante de notre or-
ganisation à développer un nouveau
veaux ministres d'Etat, qui est une
transposition de leur rôle au sein du
Conseil Supérieur de Contrôle des Elec-
tions, sans aucune fonction de gestion
participation ouvre la voie politique.
à une véritable démocratie. processus, dont la dynamique intro- "Ainsi notre ·Parti. mû par l'intérêt na-
Deux autres points font duira les changements auxquels aspire tional et en pleine conscience de ses
é g a le men t l' u n a n i mit é : 1a notre peuple . la mise en place d'ins-
responsabilités vis à vis des masses
ratification de leur désignation titutions jouissant d'un minimum d'au- populaires et de la patrie, donne la
par les instances supérieures de leur thenticité et de représentativité est à
preuve d'un acharnement à ne point
parti et la limitation dans le temps des même, de provoquer les prémisses du succomber aux intentions nuisibles à
fonctions des quatres ministres d'Etat Maroc Nouveau.
léI nation marocaine et au mouvement
en une période ne dépassant pas le "... Celà précise donc la tâche gou- démocratique dans le pays.
"Loin de verser dans le sentimenta-
lisme et l'esprit impulsif, il se mobilise
sur la base d'une analyse objective
des données politiques, pour que le
Maroc de la démocratisation se mette
Société anonyme au capital de 75.000,00 Dirhams
. en branle et rejoigne le Maroc de la
Siège Social: 14. Zankat Ghazzah· B.P. 434· Rabat marche libératrice".
Téléphone: 336· 75 - Télex N' 31.890 loi
N" d'affiliation C.N.S.S. 58.617 . R.C. Rabat 24 697
EXPLORATIONS ACTINIQUES C.C.P. 1537 ·55 - B.P. Rabat N' 710400 1.12690
Une tentative de sauvetage.
Abderrahim Bouabid, plus explicite,
SOCIËTË ANONYME MAROCAINE déclare dans AI Mouharrir du 8 mars
d'ËDITION ET DE DIFFUSION 1977 : "Notre participation au Gouver-
Créée en juillet 1976 nement est une tentative de sauvetage
Conçue, Gérée et Animée par des Marocains du processus démocratique. Nous n'at-
tendons par des profiteurs qu'ils faci-
litent la marche du processus démocra-
POUR
tique".
L'Opinion du 5 mars 1977 fait de ce
Combler une lacune culturelle technique et scientifique dans notre pays. thème le titre de son ouverture : "La
participation du Parti de l'Istiqlal au
Rendre à la diffusion et à l'édition leur rôle de propulseur des Gouvernement vise à sauver le pro-
connaissances. cessus démocratique". Le journal rap-
pelle le choix difficile devant lequel
était placé le Parti : boycotter les
Faire connaître aux Marocains des I:ditions de qualité.
élections. solution justifiée et non
exclue, donc échec de l'expérience
Faciliter aux lecteurs Marocains l'accès aux ouvrages et encyclopédies entreprise ; ou essayer de sauver le
de haute valeur intellectuelle et scientifique. processus démocratique en barrant
la route à ceux qui veulent empêcher
Permettre à tous l'acquisition de telles œuvres en pratiquant des facilités l'accession du peuple ou pouvoir.
de paiement. "Ce qui est intéressant à relever, sou-

12

,
il.
ligne le quotidien istiqlalien, c'est que "Sa Majesté le Roi a bien voulu désigner férence ultime du bien fondé demeure
la participation des partis politiques quatre leaders de partis politiques, et demeurera la recherche de l'intérêt
s'est faite sur la base d'assurances ministres d'Etat au Gouvernement à la général : l'intérêt du Maroc. Et même
fermes qui leur ont été données of-
ficiellement. Il s'agit notamment de suite de leur demande et de leur désir s'il n'y aura pas de divergences quant
l'établissement de nouvelles listes à tous, afin d'assumer leurs respon- aux buts et objectifs, il est demandé de
électorales. de nouvelles cartes d'élec- sabilités de contrôle des élections à ne pas créer de désaccords quant aux
teurs. la levée de la censure qui frappe partir du niveau gouvernemental et côte moyens de concrétisation des objec-
arbitrairement et illégalement la presse à côté de leurs collègues, les autres tifs.....
nationale, la passation des pouvoirs
ministres". AI Haraka, hebdomadaire du Mouve-
aux conseils communaux et à leur
présidents conformément aux disposi- ment Populaire inscrit la participation
tions du dahir du 30 septembre 1976, Partage des responsabilités. des quatre leaders de partis, dans
la révision des textes législatifs et rè- Tout à son honneur, AI Maghrib AI
le cadre du processus de libération du
glementaires relatifs aux élections, plus Arabi est le seul journal de parti à avoir
Sahara et de démocratisation des ins-
particulièrement ceux relatifs au dé- reproduit avec l'information les photo-
coupage des circonscriptions électo- titutions constitutionnelles du pays.
graphies des quatre leaders désignés.
rales et enfin, et c'est l'essentiel, la Le journal considère cette participation
neutralité de l'administration, condition Dans ·l'article intitulé "Nous avons
choisi la voie démocratique, nous de- au gouvernement comme un acquis
• sine-qua-non pour le succès de toute
expérience démocratique. vons assumer toutes les responsabi- important "puisqu'il permet de réaliser
lités et toutes les incidences AI Ma- les objectifs principaux, à savoir la
" ... C'est un pas positif, fait par le Parti
de l'Istiqlal dans le sens de l'instauration ghrib AI Arabi signale que le Conseil création des institutions démocra-
de la démocratie et pout le succès des Supérieur de Contrôle des Elections a tiques, d'une manière cohèrente et loin
efforts déployés dans ce cadre. Les de toutes phraséologies et de démago-
été transformé en Conseil de Gouver-
gouvernants doivent, de leur côté, gies. Et même si cette participation ne
abandonner cette mentalité rétrograde nement et les débats houleux en dé-
consistant à dénigrer l'action des libérations sereines. Tirant les conc- concrétise pas tous ses objectifs, elle
partis et à œuvrer pour la dépolitisa- lusions qui s'imposent, le journal pres- aura au moins l'avantage d'emprunter
tion des masses". crit le contexte de cette participation une voie plus correcte que s'il n'y avait
Dans une déclaration à l'Agence France "Ainsi donc, le respect des règles du pas de leaders de partis au gouver-
Presse, M'hmed Boucetta précise que jeu devient un devoir .... puisque les nement...
les Ministres d'Etat peuvent, s'ils sont De la lecture des journaux des quatre
parties ( concernées ) sont devenues
appelés à le faire, donner leur avis sur
des questions d'intérêt général, mais une seule partie ou un seul front dont partis des nouveaux ministres d'Etat,
celà ne peut être interprété selon le l'objectif est la protection de l'avenir une prière à peine murmurée, semble
Secrétaire Général dl! Parti de l'Istiqlal, contre l'absurde ainsi que le partage de se dresser. Prière d'action de grâce,
comme une participation à la gestion la responsabilité pour la construction humble et longue, elle finit par devenir
des affaires publiques, gestion dont le pressante et angoissée pour que ça
de la démocratie .... S'il arrive que les
gouvernement assume seul la res-
avis soient partagés et les tendances réussisse et que ça dure.
ponsabilité.
de plus en plus divergeantes, la ré- D. S
Vaincre les réticences.
Les journaux de l'Istiqlal et de
l'U.S.F.P. trouvent beaucoup de diffi-
culté, pour vaincre les réticences des
militants, la soif d'informations précises
de leurs électorats, et les reproches
l'ASSASSINAT de KAMAl JO MBLAT
des derniers opposants. AI Bayane du
3 Mars 1977 reprenant un communiqué L'assassinat de Kamal Joumblat est un troublée pour un sou. La dernière
du Parti du Progrès et du Socialisme, crime odieux à tous égards. Il n'y a mascarade libanaise n'a pas suffi à
allume le feu : pour lui, ce dernier absolument aucun motif sérieux per- quelques "héros" arabes et à leurs
remaniement ministériel, demandé par acolytes. Leurs "gloires" ne seront par-
l'Istiqlal et l'U.S.F.P., ne satisfait que mettant d'accomplir un tel acte. De
ces deux partis. AI Mouharrir (5 mars même, il n'y a aucune raison d'Etat, faitement accomplies qu'en se débar-
1977) répond: ':U.S.F.P. n'a jamais rassant du peuple palestinien et des
quelle que soit l'urgence de la situation,
demandé de remaniement ministérel et idées nourricières qui continuent en-
qui puisse justifier une telle chose.
n'a pas lié le problème des élections à core à alimenter la sève vivifiante de
la formation d'un gouvernement
En portant atteinte à la personne phy- cette partie du monde.
d'union nationale.
sique de Joumblat, au-delà du carac- L'assassinat de Joumblat ne peut être
AI Maghrib AI Arabi, organe d'expres-
tère politique du leader libanais et des justifié comme un simple accident ou
sion du Mouvement Populaire Consti-
tutionnel Démocratique, considère la espoirs qu'il incarnait dans l'ne partie comme l'acte irresponsable d'un grou-
polémique AI Bayanne-AI Moharrir du monde où il n'y a pratiquement plus puscule, il s'inscrit dans la logique de
puérile et futile Pour ce journal les d'espoir actuellement, c'est la Palestine la pensée apocalyptique de certains
partis politiques ont demandé effec- et toute la gauche arabe qui ont été vi- "héros" arabes et des fils hitlériens
tivement de participer au gouverne-
sées. Cette partie du monde vit crime d' "Israël". L'histoire a trop décrié
ment. Dans son éditoral du 12 mars
1977 intitulé "le choix et la respon- sur crime depuis plus de trente ans, Hitler, mais ferme complétement les
. sabilité", AI. Maghrib AI Arabi note que sans que cette "belle" humanité ne soit yeux sur ses fils.

13

w,, _
. , ,
le Parti de l:4ction
"une experlence avortee"
déclare Zaki Mubarèk

Le 17 novembre 1974 fut tions, la presse écrite et


créé à Rabat. un nouveau parlée donne au Parti de
parti politique dénommé l'Action une existence na-
Parti de l'Action. Le 31 jan- tionale en annonçant les
vier 1975, les responsables résultats électoraux. Sa pré-
sence ne s'est manifestée
de cette nouvelle organisa-
en effet que dans le Rif et
tion politique tinrent une dans la région de Taza,
conférence de presse au
cours de laquelle ils expo- Dans le reste du pays, il
Z a k i Mubarek est n é l e 12 m ars 1940 demeure absent. Il est tout
sèrent la charte du parti et
à Rabat où il fait ses études pri- à fait normal qu'un parti,
répondirent aux différentes
maires, secondaires (Moulay YousBef) et universi- questions qui leur avaient qui n'a comme durée d'exis-
taires (Licence d'histoire à la Faculté des Lettres). été posées. Il ressortait de tence qu'une seule année,
Docto,rat de 3ème cycle d'histoire à Aix en Provence l'exposé "doctrinal" et des obtienne de tels résultats.
différentes interventions, Cependant ces résultats
BOUS le titre "Les mouvements d'opposition au Maroc comme l'explique un des
issus de la Résistance et de l'Armée de Libération, de que l'action politique du
nouveau parti repose sur fondateurs de cette organi-
de 1947 à 1970". deux idées fondamentales : sation, "auraient pu être
le progrés par l'action et meilleurs, si le Parti avait
Diplamé de l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix en maintenu sa cohésion, con-
Provence (La politiques extérieure du Maroc de 1965 l'action au profit du peuple.
servé son unité d'action et
à 1970). Membre actif d'associations culturelles. L'édification d'une société s'était attaché au principes
Sympathisant du Mouvement Populaire (.Mahjoubi nouvelle par une élite nou- contenus dans sa charte"
Aherdance). velle. Cette élite nouvelle,
explique la charte, est celle En effet, les principaux
Membre fondateur du Parti de l'Action, il est chargé qui, liée organiquement aux membres fondateurs de-
de l'orientation du Parti de novembre 1974 à janvier masses rurales ou appar- vaient geler leurs activités
tenant aux couches néo- au sein du Parti. Un grand
1975. Trois mois après la création du parti et avec nombre d'entre eux dé-
citadines, entend jouer un
quelques membres il "gèle" ses activités au Parti de missionna. Cette expérience
rôle d'avant-garde identique
l'Action. Assistant à la Faculté des Lettres à Rabat, à celui qu'avait assumé avortée était-elle voulue ou
puis Attaché de Cabinet au Ministère de l'Education l'élite traditionnelle lors de provoquée? ZAKI M'Barek,
Nationale, Zaki Mubarek est actuellement Maître de la création du mouvement qui fut l'un des principaux
national marocain. fondateurs de ce parti, nous
conférences au CURS (Centre Universitaire de Re- révèle les péripéties de cette
cherche Scientifique). Lors des dernières élec- expérience,

14
Question: Pourquoi le parti de l'Action? n'arrivaient plus à convaincre ni par devenir un parti centriste qui évoluerait
Réponse : L'idée de créer un parti leurs idées ni par leur passé, la nou- en fonction de l'évolution politique de
politique nouveau remonte aux années velle élite. Des courants philosophiques la majorité du peuple marocain.
1964-65. C'est parmi un groupe de et idéologiques trouvent un terrain fa- - la fixation des milieux où l'idée
jeunes professeu rs et d'étudiants qui vorable à leur émersion. La tentative serait beaucoup plus réceptive dépen-
dirigeaient une association culturelle de créer un parti politique nouveau dait de deux éléments sur lesquels re-
"Jeunesse et Société" dont j'étais res- était à amorcé. posait la stratégie du parti, L'élément
ponsàble des affaires culturelles, que Question : Quelles sont donc les éta- jeunesse intellectuelle, autrement dit
l'idée germa. Cette association qui pes de la création du Parti de l'Action? la nouvelle élite, et l'élément résistant,
avait groupé des éléments de dif- Réponse : La création du parti est autrement dit la base sociale. Pour
férentes tendances politiques réussit passée par trois étapes distinctes : ce qui est de l'élément élite nouvelle,
à mobiliser un grand nombre de jeunes - La formulation de l'idée et sa mise nous pûmes f$}cilement grouper un
en faveur d'une action sociale conc- en circulation grand nombre de cadres et d'intel-
rète : Organisation des cours d'alpha- lectuels avec qui nous entretenions
La fixation des milieux où l'idée a
bétisation, de rattrapage pour les depuis fort longtemps des relations
été réceptive
élèves expulsés du C.M.2, des cours de différents aspects: (familiales, tri·
de baccalauréat pour les fonction- La recherche des appuis moraux baies, militantisme partisan, camarades
naires, des campagnes d'Etat-Civil et financiers. de promotion, etc.. ,) . Ces éléments
dans les milieux ruraux sans parler des - La formulation de l'idée n'était pas participèrent à la discussion de la
conférences e t des v 0 y age s une entreprise difficile. Une analyse charte et je dois dire en toute probité
organisés qui entraient dans le cadre objective de la situation politique du qu'un bon nombre d'entre eux manifes-
des activités culturelles. Certains partis pays démontrait aisèment que l'état tèrent un enthousisme sincère pro-
dont je conserve les articles de leur d'exception avait abouti à paralyser voqué par le désir ardent de participer
presse n'avaient cessé de critiquer l'activité des partis politiques et J à une action politique noble. D'autres
notre action bénévole et désintéressée. mettre en veilleuse les institutions dé- ne voyaient en cette entreprise qu'une
D'autres, plus intelligents, tentèrent de mocratiques. L'apparition d'une nou- occasion propice dont ils pourraient
s'accaparer la direction pour s'ap- velle élite issue du monde rural et ap- tirer profit.
proprier le mouvement. partenant à des couches sociales la- Quant à l'élément résistant, ce dernier
En effet, "Jeunesse et Société" devint borieuses ne pouvait qu'accentuer les fut tellement politisé qu'il devint per-
un mouvement de jeunesse trop im· conflits sociaux qui caractérisent notre méable à toutes les tentatives. Cepen-
portant pour rester indépendant à société depuis l'indépendance. Cette dant, nous prîmes la précaution de ne
l'égard des partis, et neutre vis-à-vis nouvelle élite condamne toutes les contacter que les véritables résistants
de l'administration. L'aile communiste structures politiques salls exception mécontents, qui jouèrent un grand rôle
du mouvement provoqua sa désagré- aucune et en propose de nouvelles dans la lutte pour l'indépendance, qui
gation par les méthodes usuelles allant avec des orientations qui sont à discu- exercent une influence certaine dans
jusqu'a la falsification des cartes. Laile ter. leur région et qui furent tenus à
"unéfpéiste" chercha les compromis Au niveau de la formulation de l'idée, l'écart. La présence au sein du comité
avec les non-engagés. Le résultat de nous avons tenu compte de cette préparatoire du Parti de quelques
toutes ces luttes fut, en définitive, la situation et c'est en fonction d'elle que grandes figures qui remplissaient ces
dissolution de l'association et son péril. la charte fut élaborée. Cette charte mit conditions, facilita notre tâche et permit
Les grands perdants furent en réalité les en relief la nécessité d'un changement à l'idéé de trouver de nombreux
analphabètes qui ne purent plus suivre mais qui devait se faire progressive. adeptes dans les régions qui connurent
les cours, les dizaines de fonction- ment par des réformes successives et la lutte de libération nationale (Casa-
naires qui venaient chaque soir suivre continues. Autrement dit, notre attitude bianca, le Maroc oriental, les provinces
des cours gratuitement, et les popu- politique était en quelque sorte "op- riffaines) .
lations des douars pour qui l'associa· portuniste", car nous avions cherché - L'appui moral et financier fut le
tion organisait des campagnes éduca· à ménager "le choux et la chèvre" côté le plus discuté et sur lequel les
tives et sociales. Cette attitude des )'ailleurs nous n'avions pas manqué membres du comité Préparatoire adop-
partis impressionna un grand nombre de préciser dans cette charte que nous tèrent des attitudes opposées. Le
d'entre nous et nous incita à réfléchir. n'étions ni progressistes, ni révolution- Parti, pour être libre de toute pression,
l'idée de créer un -parti politique qui na'-es, mais nous nous contentions de et pour répondre sincèrement aux
s'intéresserait essentiellement à la
promotion des masses et à leur éduca-
tion prit naissance dans notre esprit.
D'ailleurs, beaucoup de ces jeunes et
à partir de cette expérience précisèm.
ment, céssèrent leur militantisme poli-
tipue notamment au sein du parti com-
muniste.
A partir de 1969, l'idée réapparut parmi
quelques éléments, anciens membres
du P.C. et qui avaient été à l'origine de
de la désagrégation de "Jeunesse et
Société". Je fus contacté àè:e sujet
mais je ne pouvais suivre leur dé-
marche étant obligé de regagner Aix
où je préparais ma thèse.
Après les événements "que connut le
Maroc de 1969 à 1973, la société poli-
tique marocaine devenait confuse et
et ambigue. Les partis traditionalistes

L
vœux et aux désirs qui animent ses éléments qui furent convaincus de la ciers jouèrent un rôle important dans
responsables, devrait compter sur les nécessité absolue d'annoncer la créa- l'orientation du Pa ni. Il était
cotisations de ses membres et sur leur tion d'un autre parti pour lancer un é v id e n t que c e u )t qui
militantisme. Telle fut la décision finale défi au groupe de Casablanca et pour finançaient, devaient se sentir maîtres
adoptée par le Comité. C'est d'ailleurs tenter cette expérience en dépit de et exigeaient· un minimum de respect
cette décision qui tarda l'annonce de de toutes les difficultés qui allaient et d'obéissance à leur auguste persan·
sa création. C'est au cours de cette surgir. C'est dans cet environnement ne. Le respect et l'obéissance dans le
attente qu'un nouvel élément entra en politique que la décision fut prise. Elle domaine politique ne peuvent s'acheter.
jeu : les grossistes soussis de Casa- était lourde de conséquences. J'en as- Un chef politique impose le respect à
bIanca. sume une part de responsabilité que ses collaborateurs par son comporte-
je ne dissimule pas. ment social, sa culture, ses visions
Rabat, Casa, et retour. Question : Quels furent donc, les prospectives et par le respect de ses
Je ne m'étalerai pas sur les nombreux objectifs du Parti de l'Action et pour engagements. Ainsi, plusieurs membres
épisodes de ce marathon qui avait op- quelles raisons, la tendance "Elite Nou- du comité directeur décidèrent de geler
posé le groupe de Casa à celui de velle" composant son comité, devait leurs activités, d'autres démissionnè-
Rabat. Les grossistes soussis seraient geler ses activités après quelques mois, rent carrément.
disposés à financer l'action politique, à peine, d'activités ? Le Pani de l'Action aurait pu être une
li condition que cette action soit axée Réponse : Les objectifs du Parti de expérience concluante. Elle fut avortée.
sur le renforcement du libéralisme éco- l'Action, après le coup des casablan- Cet avonement fut provoqué.
nomique et la libération de cette éco- cais, devaient répondre à deux im-
nomie du monopole imposé par une pératifs : la satisfaction de la tendance
Les enseignements nègatifs.
fraction de la bourgeoisie nationale. - Résistant - par une action politique Question : En guise de conclusion,
Le groupe de Rabat tenait à respecter revendicative continue, mettant en quelles sont les leçons à tirer de cette
quant à lui, les principes énoncés dans exergue le rôle de la Résistance dans expérience.
sa chane, Il y eut des négociations, la libération nationale. Réponse : Je pense que la première
des entretiens auxquels panicipèrent à Le deuxième impératif consistait à leçon est celle qui nous a été donnée
titre personnel, des hauts responsables. paralyser par tous les moyens, l'ac- par tous les partis politiques qui firent
Les casablancais usèrent de tous les tion politique du P.L.P. de leur mieux pour discréditer notre ac-
procédés pour semer la discorde au Je pense que ces deux impératifs tion en diffusant par leur presse et par
sein du groupe de Rabat. Ils ne auxquels nous nous sommes attachés, leurs agents spécialisés dans la propa-
réussirent que peu. Pendant que les furent atteints. Le P.L.P., en dépit des gande psychopolitique des rumeurs
négociations se poursuivaient, la moyens financiers dont il disposait, et nous qualifiant de valets du pouvoir
presse écrite et parlée annonça la créa· en dépit des soutiens que sa doctrine et d'agents au service de l'étranger.
tion à Casablanca d'un nouveau pani libérale pouvait lui procurer, ne put Je compris par la suite les fondements
le Pani Libéral Progressiste (P.L.P). s'implanter là même, où il comptait de ce componement que je qualifierai
Une initiative aussi inattendue et in· beaucoup d'adeptes. Les résultats des de "cas de légitime défense".
vraisemblable, mit le'groupe de Rabat élections sont fon éloquents à ce La deuxième leçon à tirer de cett~ ex-
devant une situation délicate et pro· sujet. périence et celle qui tend à démontrer
voqua les trois prises de position Quant au deuxième volet de la question, que notre société politique est soumise
suivantes: sa réponse est intimement liée au pre- à plusieurs forces - défendant chacune
- La première était celle des éléments mier impératif. La direction du Pani de des intérêts. Ces forces quoique op-
qui décidèrent d'abondonner toute acti- l'Action groupait deux groupes fon- posées apparemment, s'unissent spon·
vité politique. cièrement opposés. Seule l'idée de tanément pour combattre toute ten-
- La deuxième représentait la ten· créer un pani constituait le facteur tative pouvant porter atteinte à leurs
dance médiatrice qui était en faveur commun qui IEl!:; unissait. La tendance intérêts.
d'une fusion du groupe au sein du "Elite Nouvelle" avait besoin d'une La troisième leçon à tirer de cette ex-
pani nouvellement créé, avec l'inten- assise sociale ; l'aile mécontente des périence, relève du domaine de l'his-
tion de le noyauter et de le ronger à Résistants cherchait des voix et des toire politique de notre pays, Actuel-
panir de l'intérieur. plumes pour faire entendre leurs lement, les forces en présence s'op-
- La troisième tendance groupait les revendications. Les problèmes finan· posent à tout renouveau, discréditent
toute action noble et écanent toute les
bonnes volontés des leviers de com-
mande. Cette attitude négative nous
fait penser à celle que les autorités
colonialistes adoptèrent à l'égard de
l'élite nationaliste qui revendiquait des
réformes et une juste participation à
la gestion du pays. Par ce comporte-
ment, les colonialistes pensant freiner
la poussée des nationalistes, n'avaient
fait qu'accentuer leurs militantismes
et consolider leur position sociale...
Nous connaissons l'évolution des
événements...
Le Parti de l'Action ne fut en réalité
qu'une voix qui s'était élevée pour crier
tout haut, que le pays avait besoin
d'un sang nouveau pour réanimer un
corps épuisé. Les plus hauts respon·
sables en sont conscients. L'expérience
démocratique en cours, peut-elle pro-
voquer le souffle de l'espérance ?
AI Asas

!, .
TEMOIGNAGE

LA COOPERATION
FRANCO- MAROCAI NE
\1
(:' : " · ,

t"caslon manquee"

J
'" ~ ai commencé à enseigner le
français au premier cycle,
• dans un collège flambant
neuf, en partie d'ailleurs
inachevé, niché en bordure
de la séculaire médina de
Fès, le premier octobre
1975.
Ce n'était pas une bouffée de phi-
lanthropie qui m'avait poussé sur les
rives de l'Oued Fès. Non , ! je me
souciais fort peu de venir ici en terre
maghrébine, apporter à sa jeune géné-
ration assoiffée de savoir, la belle, la
raissonable culture française : J'avais
d'obord été nommé à Annaba en
Algérie, mais on m'avait tant vanté la
douceur et le charme marocains que
j'avais réussi à obtenir in extrémis mon
affectation à Fès. Je venais ici pour
vivre une expérience qui me sortirait
de mon quotidien grisailleux d'Outre-
._0.-.----
Méditerranée. Je voulais chausser les
bottes de sept lieues de l'aventure,
pour n'avoir point à prendre conscience
que je m'empantouflais, la trentaine
Dessin : El Hayani passée. Je voulais me remettre en
question, m'affirmer jeune dans un
pays où il fait bon vivre ... pour les
coopérants. Je fais grâce ici des dé-
tails cocasses, colorés, ridicules et
ennuyeux de mon installation. Je me
retrouvai donc ce premier octobre
devant une quar~mtaine de filles et de
garçons de 13 à 14 ans (j'àvais deux
classes de 1ère A.S.). On me regarda,
me sourit, me jaugea. N'ayant eu au-
cune séance de formation (ou même
d'information) au préalable, je me fis
la main au fil des jours, au fil des

17
semaines: j'appris la méthode, achetai jeu, le récupérer, ce que les élèvbs en France. Ainsi, déçus, parfois
les livres pédagogiques m'Informai à acceptent. Le sachant. il m'arrive toute- écoeurés, certains collègues se figent,
à droite, à gauche, assistai à quelques fois souvent encore de me braquer, de assument leur fonction "du bout des
leçons modèles du directeur de l'é- me bloquer, de faire jouer mon autorité, lèvres", de façon formelle et cherchent
tablissement .. ce qui ne convainc pas mon auditoire, ailleurs des compensations, des jus-
loin de là qui s'amuse à me voir en tifications d'existence.
En quoi étais-je utile? colère, signe de faiblesse, en définitive. Il est toutefois bien dommage, d'après
Je compris vite une chose : le travail L'enfant au Maroc a beaucoup moins
ce que je vois et entends ça et là, que
qu'on me demandait ne correspondait le sens de la discipline, de l'autorité que
nombre d'entre nous, sous prétexte
pas du tout à ma formation de profes- chez nous. On ne peut donc l'abor-
que la mentalité marocaine est très
seur d'enseignement général de collège der comme on aborde un jeune
français. Ce qui revient à dire que de différente de la nÔtre, se coupent lit-
(P.E.G.C.) en lettres (histoire - géo-
jeunes collègues marocains n'auraient téralement du contexte social fassi,
graphie). Ce que je faisais, suivant fidè-
pas commis les erreurs de compor- l'ignorent même délibérément. Au
lement les instructions officielles, pui-
tement de psychologie que j'ai com· début de mon séjour à Fès, des col-
sant consciencieusement dans un
dossier pédagogique, émanant du mises, que je commets et commettrai lègues, des "anciens", m'ont affirmé
Ministère de l'Enseignement Primaire certainement encore, pour un travail, en toute bonne foi, qu'il n'était pas
et Secondaire, n'importe quel jeune je le répète, dont la "technicité" ne possible, ici, de se faire des amis
professeur marocain motivé pouvait le justifie absolument pas ma présence marocains, et qu'eux, après 6 ans, n'en
faire. En quoi étais-je utile alors 7 ici. avaient aucun. Lorsque, dernièrement,
J'ai encore conscience, après plus d'un Les blocages, je leur ai appris que leur prédication
an de "coopération" que je n'apporte s'avèrait fausse en ce qui me con-
Je voudrais également expliquer une
rien qui puisse justifier ma présence autre source de "blocage" chez la cernait, ils m'ont répondu presqu'admi-
ici. plupart d'entre nous : les conditions ratifs "tu as de la chance".
Autre source de frustation, valable de travail souvent désagréables, voire Est-ce de la chance que d'ac-
aussi je le crois pour la majorité des même pénibles, il faut bien le recon- cepter la différence de l'autre 7. N'a-t-
coopérants; ma mentalité d'occidental, naître, surtout en hiver. En effet la on pas dit un jour: "il faut s'enrichir de
façonnée à angle droit ne parvient pas plupart du temps, il y a lieu de déplorer ses différences mutuelles 7", Est-ce
bien à saisir celle en arabesque de mes l'inconfort des salles, non chauffées, une solution 'que de s'enfermer dans
élèves : par exemple, les jeunes ado- aux carreaux cassés, parfois non éclai· un ghetto de collègues coopérants et
rent jouer avec leur professeur, ils le rées, le manque total de matériel de vivoter entre le tennis, le cercle
soumettent à une série d'épreuves et didactique et enfin les effectifs plé- d'enseignement, le centre culturel, le
l'observent il faut alors entrer dans le thoriques par rapport à ce qu'ils sont ski, le cheval 7 N'est-il pas dommage,
qu'aucun collègue français n'ait cru bon préhension mutuelle règne. temps si différents de ceux qui nous
de se déplacer l'an dernier lorsqu'un ont nourris. Les gens de gauche que
En fin de compte, à l'heure où le nous sommes censés être ne pourront
professeur marocain, pour "arroser"
Royaume du Maroc, après avoir con- même pas, de retour outre-Méditer-
un succès au CAPES avait organisé
solidé son intégrité territoriale à l'issue ranée, présenter à leurs compatriotes,
un buffet fort amical chez lui 7 Evidem-
ment, nous étions à la veille des vacan- de la Marche Verte, après avoir entamé déjà bien chauvins, un autre visage
ces de Pâques et les valises étaient un processus d'élections qui devrait du Maroc, le vrai visage du Maroc,
à faire. Mais découvrir le Maroc. est-ce aboutir à démocratiser les institutions celui qu'ils ont failli découvrir, celui
avaler des centaines de kilomètres, à et ·Iè vie du pays, à l'heure donc où qu'ils auraient dO découvrir, celui qu'ils
la touriste, ou bien est-ce essayer de Rabat marocanise son corps profes-
n'ont pas voulu découvrir, celui que
s'y intégrer, humainement parlant, ac- soral dans le premier cycle, on ne peut
ceptant de se remettre en cause. On je n'ai pas, moi même découvert. C'est
que constater et regretter que la coopé-
m'a encore dit "tu comprends, dommage 1 Quelle occasion ratée pour
ration, en tout cas celle que j'ai vécue,
ils ne donnent rien et je refuse la gauche française d'une meilleure
que je vis encore, soit une occasion
de me remettre en question - à quoi connaissance, donc d'une meilleure
ratée. Une occasion ratée parce que
bon l ". De fait, il faut le reconnaître, compréhension de l'Occident et du
souvent le marocain se dérobe, refuse nous avons tous, ou presque cons-
cience de l'inutilité de notre rôle pé- Tiers-monde 1 Et les autorités maro-
de se livrer, contrairement aux ap-
dagogique ici, une occasion ratée aussi caines et françaises, par leur passivité,
parences de spontanéité. Pourquoi
parce que les gens de gauche que par leur bureaucratie étouffante, portent
faut-il donc que cette Méditerranée,
nous sommes censés être, n'ont pas elles-aussi une lourde responsabilité
sur laquelle a navigué jadis l'Histoire,
pénétré le monde marocain, certes par- dans ce gâchis d'argent, d'énergie,
nous sépare tous, plus qu'elle nous
fois déroutant, mais si riche, et n'ont d'intelligence. Et ces enfants, ces
rapproche 7
pas, dans une certaine mesure, même jeunes, ces adolescents qui nous
essayé, alléguant bien sOr mille raisons, regardent aujourd'hui partir, y avons
Cœxistence avec le sourire.
mille justifications, souvent valables -nous songé ?
Au collège, français et marocains du reste. Une occasion ratée, enfin
s'ignorent gentiment. L'an dernier, le source de ce malaise profond, qui flotte Oui décidèment, la Coopération Cul-
directeur a eu des velléités de créer en chacun de nous. Une occasion ratée turelle, une belle occasion manquée 1
une communauté professorale. En vain, qui n'a pu devenir noment de vérité ;
il s'est découragé. Cette année nous Vérité de nous-mêmes, parachutés que
coexistons avec le sourire. L'incom- nous sommes en un lieu et en un J. Y NOIRET
CONFIDENTIEL

Abdelhadi Boutaleb, Ambassa- donne l'arène politique qui ne fait que l'Administration de
deur du Maroc à Washington lui apporte que des déceptions. Casablanca lui manque beau-
a fait ses valises. Un de ses Mais il semble décidé à jouer coup. A Casablanca même, les
intimes, à l'affût de la moindre une dernière carte lors des pro- hypothèses sur son départ vont
rumeur, pense qu'il prendra sa chaines élections législatives. A bon train. Sa demande de dé-
retraite pour diriger ses af- moins de ne pas se présenter à mission pour des raisons de
faires qui souffrent beaucaup Salé, ses chances d'accès au Par- santé n'était pas un mystère.
de son absence. Mais dans les lement pourraient être impor- Mais il parait que les résultats
milieux généralement bien in- tantes. des élections municipales favo-
formés de la capitale on fait rables à l'U.S.F.P. et une af-
valoir que les responsabilités • La Direction Générale de faire immobilière sont à pren-
assumées par Abdelhadi Bou l'Office Chérifien des Phos- dre en considération.
taleb dans le passé (Ministre phates serait confiée à une per-
de l'Education Nationale, de sonnalité de premier plan, peut • Ahmed Senoussi, ancien
l'Information, des Affaires être même à un ancien premier ministre de l'Information et
Etrangères, Président du Par- ministre. Mohamed Karim ambassadeur à Alger jusqu'à
lement de 1970-71, etc...) feront Lamrani, dont le rôle de "grand la dernière rupture de relations
pencher la balance pour qu'il argentier" de l'Etat a été di- diplomatiques, vient de prendre
soit désigné à une haute fonc- minué par l'inflation et l'abais- en main la Société Lafarge-
tion, probablement au Cabinet sement des prix mondiaux du Maroc qui demeurs la princi-
Royal. phosphate, pourrait activer la pale cimenterie du pays. La
ressurection du Parti de la nouvelle, donnée par un men-
.. Youssef Ben Abbès devait Justice dont le défunt Abdel- suel de Casablanca, n'a pas été
quitter son poste diplomatique kader Sahraoui et l'ancien syn- destinée à une grande diffusion.
à Paris quelques jours avant dicaliste Mohamed Arsalane Discrètement et efficacement le
la Fête du Trône, le 3 mars Al Jadidi, actuel Haut com- nouveau Président du Conseil
dernier. Des instructions de missaire à la Promotion Na- d'Administration de Lafarge-
dernières minutes prolongent tionale' ont été les instigateurs. Maroc, Ahmed Senoussi, entre-
rait bientôt dans le club des
son séjour dans la capitale anciens ministres milliardaires.
française. Il était même ques- • Un cadre - retiré de l'UMT
tion à l'époque de lui· confier affirme que le Parti de l'Istiqlal
• Jacques Quintard, promo-
un poste ministériel de premier a l'intention de contrôler d'une teur du spectacle Mondo-Variété
choix dans un gouvernement manière ou d'une autre 70 % au Théâtre Mohamed V et de
d'union national. Son retour au des imprimeries du Maroc. la tournée (en rond) de pop
Maroc est imminen~ pour re- D'après les premières estima- music marocaine à l'étranger,
trouver un portefeuille minis- tions, un très grand nombre ne visait en fait que des sub-
d'imprimeurs, anciens sympa- ventions officielles pour la
tériel avec rang de Ministre thisants ou membres actifs de quinzaine Marocaine à l'Olympia
d'Etat. partis traditionnels, rallieraient et la production d'un film sur
l'Istiqlal en échange de déroga- la Bataille des Trois Rois.
• Ahmed Belyamani, membre tions et de mesures protection- Aussi introuvable que sa société
du Comité Exécutif du Parti de nistes en faveur de l'industrie parisienne, il aurait laissé der-
l'Istiqlal, ancien Directeur Tech- du Livre. En s~ fixant cet objec- rière lui du vide. Et entre
nique de l'Enseignement Pri- tif, le Parti de l'Istiqlal compte autres, un chèque de 8000 DH
maire et Secondaire à la Prési- limiter le nombre des publica- impayé à Nass Al Ghiwan.
dence du Conseil (remplacé par tions (journaux, prospectus
électoraux) du rassemblement • Maroc Soir : le premier
M. Bouamoud à la suite de l'é- des indépendants.
loignement du Dr. Ahmed quotidien de Moulay Ahmed
Laraki, Premier Ministre, des Alaoui suspendrait sa parution
cadres du Parti de l'Istiqlal) • Mustapha Bellarbi Alaoui, pour des raisons budgétaires.
ambassadeur du Maroc à Rome, Seules les ventes de Casablanca,
et candidat malheureux aux l'après midi, lui sauvent un
homme de gestion publique de
dernières élections municipales grand talent, a vite fait le tour pourcentage minime de la
dans sa circonscription natale, du champ d'action de son poste masse des invendus. Copie con-
Blida, à Salé quitterait l'activi- diplomatique. Certains visi- forme du Matin, sa disparitiO'n
té politique définitivement. Son teurs de sa nouvelle résidence ne semble inquiéter persO'nne.
entourage exerce sur lui de ont observé une certaine mo-
fortes pressions pour qu'il abon- rosité dans leurs entretiens du ZALO
1

1
20

rtI
tion plus poussée sur l'histoire de la
ville. Cette étude, que certains n'ont
pas manqué de freiner ou de retarder,
a fini heureusement par voir le jour,
grâce à la persévérance des membres
de l'Equipe Nationale qui ont su résis-
ter à toutes les difficultés qu'une cer-
taine administration a voulu leur im-
poser.

1: Equipe Nationale du schèma-


. . Directeur de la ville de Fès
sement financiers ont retardé sa con-
fection finale.
Il convient de préciser également, que
ce rapport dépasse largement le cadre
de "Rapport Préliminaire", tel que les
bureaux d'études, nationaux et étran-
gers, ont l'habitude de faire. Il s'agit
vient de livrer officiellement à l'adminis- le rapport, dont le nombre de pages véritablement d'une "Analyse" et non
tration du Ministère de l'Urbanisme, de dépasse les 400, est illustré par de d'un bilan descriptif statique des con-
l'Habitat, du Tourisme et de l'Environ- nombreuses cartes et de nombreux naissances disponibles sur la ville.
nement, le rapport de l'Analyse Pré- graphiques. Alliant l'approche théorique à l'ap-
liminaire, fin Janvier 1977. Travail uni ue en son
Fès achève au début du XXème siècle,
entre ses remparts, une existence
millénaire, dans un cadre urbain re-
lativement immuable, selon un modèle
de société et d'économie à peine ef-
fleuré par les échos de la révolution
industrielle.
De capitable économique, culturelle,
spirituelle et souvent politique du pays,
au rayonnement dépassant largement
le cadre national, Fès est passée subi
tement au rang de métropole régionale
subissant les dépendances diverses au
niveau national et international.
Ainsi, en peu de temps, la ville de Fès
a perdu les principales fonctions qui ont
fait d'elle, durant des siècles, la pre-
mière ville du Maroc :
ses fonctions administratives et
politiques sont désormais assu-
mées par Rabat,
ses fonctions économiques et
commerciales, par Casablanca,
pour la réduire en une ville de rang contexte urbain nouveau et son adap-
ses fonctions culturelles ne com- médiocre, ? Ou bien Fès jouera-t-elle tation à un nouveau modèle de société.
mencent à lui revenir en partie que alors un rôle dynamique assurant ainSi le centre colonial de Dar Débibarh,
depuis la décentralisation de l'Uni- un équilibre entre ces deux pôles ? comme les quartiers de Ain Kadous
versité, (nouvelle médina), ne sont encore que
l'aménagement du Nord du Maroc,
ses fonctions religieuses lui sont et en fin de compte le sort de la ville des villes inachevées. Ces ébauches
sérieusement disputées par d'au- de Fès dépendront de la place que sont d'autant plus indécises dans leur
tres métropoles régionales, pourra tenir l'espace régional fassi aspect et leur fonction que leurs fon-
ses fonctions urbaines, tombées en entre un pôle déjà écrasant (littoral dements socio-économiques et cul-
désuétude lors de l'installation du atlanique) et un autre en gestation turels fragiles et artificiels au départ,
Protectorat, sont depuis fortement (Nador). le rééquilibrage des multiples sont aujourd'hui dépassés par l'évo-
subordonnées à la métropole atlan- réseaux d'influence de la ville de Fè.i lution de l'urbanisme moderne. C'est
tique, ainsi qu'aux autres métro- est l'une des conditions de l'affirmation sur cette structure globale que vient
poles outre-atlantiques, et Fès ne de son rôle. Cela ne dépend pas seule- se· greffer la crise du logement devenue
fait que recopier dans toutes ses ment de son évolution interne, mais depuis quelques années un fait
manifestations urbaines majeures aussi des rapports multiples qu'elle a courant, touchant à peu près toutes
ce qui s'y passe (habitat, équipe- avec ses campagnes, d'une part. et 'es les catégories de la population. Il est
ments, répartition de l'espace, centres urbains de sa zone d'influence très difficile de trouver à se loger, par
fonctionnement des instances propre, d'autre part. manque de terrains à bâtir et pénurie
locales, organisation du travail grave de maisons et d'appartements
le tourisme est venu se greffer sur de location, sans parler de l'inadapta-
etc.)
une situation déjà très défavorisée. tion des logements existants aux be-
ses fonctions de réservoir en élites Encore mal armé, le site de la ville ne soins réels, ainsi que de leur état de
ont été reprises par d'autres villes risque-t-il pas d'être défiguré par des dégradation dans la grande majorité.
du pays. activités touristiques anarchiques, mal
Dans le cadre de son arrière-pays, le coordonnées, n'ayant pour objectif Crise de logement.
statu-quo séculairement établi entre principal que le gain rapide. Mal con-
la cité et son environnement régional çues, ces activités n'ont eu encore que Pour un accroissement de la popula-
se trouve complètement rompu, car la de maigres résultats. Economiquement, tion durant la période inter-censitaire
ville marque davantage son poids sur le secteur touristique est un adjuvent 1960 - 1971 de :
la région. de développement '~rès aléatoire : il 150 000 personnes, correspondant
créé plus de frustrations que de sati~ en moyenne à 30 000 ménages,
Rayonnement menacé factions. Il défigure le site, contribue 11 500 logements environ ont été
à la dégradation des activités arti· construits.
Si Fés parvient à polariser un vaste sanales, introduit de nouveaux modèles Ces chiffres font ressortir un "déficit"
espace régional diversifié, malgré les de consommation, etc.
handicaps dus aux difficultés de cir- de l'ordre de
culation, aux disparités des ressources Il sous-tend un inégal et inquiètant 18500 logements, auquel il faudrait
de ses campagnes et aux populations développement. l'emploi dans ce sec- ajouter les logements correspon-
quittant définitivement la région, son teur est instable: il dépend des saisons dant à l'excédent de peuplement de
rayonnement demeure néanmoins et du flux touristique, d'où la tendance la Médina qu'on peut estimer à
menacé. la zone d'influence toute à tout brader pour quelques sous de environ 50 000 personnes, soit un
proche de Meknès s'étendra-t-elle à plus. déficit .de l'ordre de 10000 loge-
soo détriment ? Si cette menace Dégradée sur le plan de son patrimoine ments.
s'avère lointaine, la construction d'un immobilier, dépouillée de ses fonctions Ce surpeuplement de la Médina ne
pOle industriel à Nador et le pOle actif et atteinte dans ses fondements, la pourra être réduit à court terme, mais
du littoral, ne prendront-ils pas en Médina de Fès pose, avec acuité, le il importe néanmoins de prendre en
tenaille la zone d'influence de Fès, problème de son insertion dans un compte ce besoin en logements sup-

'~ 22
t
G
plémentaires : ce qui porte le déficit urbaine de 600 000 personnes, soit:
de logements en 1976 au niveau de 28 - l'équivalent de 120000 ménages et
à 30 000 logements. autant de logements dont environ
La crise du logement se manifeste 72000 relèveront de mesures
violemment dans la surdensification de sociales,
la Médina et dans la multiplication des

-
une superficie à aménager de 2 000
bidonvilles. Ainsi, près de 45 000 pers- ha, soit près de deux fois Dar
sonnes vivent aujourd'hui en marge de Débibarh actuellementt,
la structure organique de la ville, à
savoir: la construction de 150 écoles pri-
maires, 20 lycées et collèges et
- 20000 personnes dans des lotisse- 8 hôpitaux,
ments clandestins, progressive-
ment intégrés, - la création de 170 000 emplois de
tout ordre, soit 1,5 la totalité des
- 25000 personnes dans des douars emplois actuellement disponibles à
semi-ruraux ou des bidonvilles. Fès, ou une superficie de 210 h de
les équipements posent à leur tour un quartiers industriels, soit 1,5 fois
problème non moins aigû que celui celle de Dokkarat et Sidi-Brahim
du logement. Dans la mesure où les réunis.
t équipements et infrastructures con-
ditionnent le fonctionnement de la ville, Dans le seul domaine du logement,
leurs problèmes sont ressentis quoti- cela signifie 8 fois la totalité des réali-
diennement par la population au niveau sations effectuées durant la période
1960 - 1975. L'ampleur de ces pers-
L'Artisanat de la quantité.
du "vécu" au même titre que la crise
du logement, et ce d'autant plus vive- pectives implique de poser en termes Dan s i ' e n sam b 1e, l'artisanat
ment qu'augmente une population absolument nouveaux, les problèmes a p e r dus 0 n 0 r ga n i s a t Ion
jeune, portée vers de nouveaux be- du développement urbain et des ancienne, son importance et sa
soins, que les structures traditionnelles moyens à mettre en œuvre en vue de place de choix dans la cité. Con-
ne sont plus en mesure de satisfaire. les coordonner, les harmoniser et les currencé, travaillant plus pour les mar-
maîtriser. chés extérieurs, s'intéressant plus à
L'inégalité de la répartition de ces équi-
pements agprave davantage le pro- Ainsi donc, si l'on veut: la quantité qu'à la qualité, gagné de plus
blème. C'est ainsi qu'une répartition - garder à la ville de Fès son carac- en plus par la mécanisation, assujetti
inégale des équipements économiques tère séduisant de ville nichée dans à un approvisionnement fort complexe
entre les trois grands quartiers assu,re son écrin de verdure, et plus diversifié, envahi par des néo-
l'hégémonie de Dar Débibarh, dans les citadins aux expériences profession-
- préserver les possibilités de loisir nelles limitées, dominé par des baza-
secteurs dynamiques. et de détente des milliers d'habi- ristes et commerçants parasitaires,
En matière de verdure, la ville de Fès tants de demain, l'artisanat n'est plus cette grande
ne dispose que de quelque 11 ha - ménager aux habitants un cadre fierté de la cité, et fait difficilement
d'espaces verts, soit moins de 0,25 m2 de vie, non seulement fonctionnel vivre ses hommes. .
d'espace vert aménagé par habitant. et propre, mais agréable et en ré-
Insuffisants à tous points do vue, les sonance culturelle avec la cité Ayant connu un déclin rapide depuis
équipements socio-culturels et de traditionnelle, 1925, le secteur artisanal n'enregistre
loisirs devraient ~tre améliorés. La Mé- un léger redressement que depuis
dina devrait occuper une place impor- Un plan général de sauvegarde et de 1962. Mais malgré la crise, l'artisanat
tante dans tout projet intéressant la mise en valeur s'impose à l'échelle de continue toujours à être le premier
vie socio-culturelle de la ville. toute l'agglomération et de sa zone pourvoyeur de la cité en matière d'em-
périphérique qui associe étroitement plois. Il fait vivre plus de 100000 per-
De même, les réseaux modernes de toutes les disciplines concernées par
V.R.D. (voirie et réseaux divers) et de sonnes et occupe plus de 23000 ar-
la recherche d'un équilibre vital entre tisans. Ce secteur est oevenu très
transport~ sont Vapanage quasi-exclu- la ville et son environnement. U\::~\::IIUélm aes marcnès extérieurs \ \::11
sif des nouveaux quartiers qui béné-
ficient par là d'un net avantage sur la L'histoire économique et commerciale exportations de produits locaux finis
ville ancienne, dont les réseaux tradi- de la ville démontre clairement que Fès et en importations de matières pre-
tionnels souffrent d'insuffisance, d'ina- est prête à s'industrialiser de l'inté- mières), de la conjoncture touristique,
daptation et de vétusté. L'assainisse- rieur grâce à une dynamique propre. des intermédiaires de l'Etat. etc. Il
ment de la Médina, nécessité vitale, Ces possibilités, au début du siècle, connait aussi un sous-emploi et une
à l'ordre du jour, saura-t-il s'intégrer étaient illustrées par le rayonnement sous-utilisation chroniques ; Je sous-
dans les structures urbaines sans les international de Fès, dont les article3 emploi y est estimé à 60 %, voire
dénaturer et en tenant compte de l'é- parvenaient jusqu'au Japon. Trois même 85 % dans certaines branches.
volution des besoins à moyen et à long facteurs majeurs ont pu arrêter ca Quoique touchée par une multitude de
termes? processus: petites industries, Fès n'a jamais été
- la faiblesse relative de l'emprise du une grande ville industrielle sous le
Un million d'habitants, pouvoir central sur le pays, Protectorat. D'où le caractère récent des
activités industrielles, dans cette ville.
Sur le plan global. peut-on affirmer que - l'établissement du Protectorat avec qu'il faut situer vers les années 60.
ces infrastructures seront capables toutes ses implications locales, ré- Trois quartiers industriels (Dokkarat,
d'absorber les besoins de la croissance gionales et nationales sur le plan Aïn Kadous et Sidi Brahim) et trois
urbaine dans les 25 ans à venir ? économique et politique, et enfin importantes unités textiles (cofitex en
En effet, dans la perspective du million - l'exode des capitaux fassis et de 1962, Texnord et Manudra en 1963)
d'habitants dans 25 ans, cela signifie leurs détenteurs à Casablanca et ont vu le jour depuis 1962, auxquelles
un accroissement de la population ailleurs. se sont ajoutées d'autres unités depuis

23

L
1970 (Cotef en 1970, Moulins Zalagh habitants. En 1971 Fès n'occupait plus proviennent de l'ancienne province ru-
et Etablissements Taj). Les unités que le 4ème rang avec une population rale de Fès, (c'est-à-dire 8 par jour),
textiles au nombre de 12 représentent de 321 460 habitants qui se carac- 12 % de la province de Taza, et 6 %
15 % de l'ensemble des étàblissements térise par son extrême jeunesse: 43 % de Ksar-es-Souk et 16 % du reste du
industriels et occupent 47 % des sala- ont moins de 15 ans et 55 % ont moins Maroc.
riés dans ce secteur, alors que l'ali- de 20 ans.
mentation avec ses 22 établissements Un tiers de chômeurs.
(soit 25 % du total) n'emploie que Dans cet effectif, l'ancienne ville en-
registre une nette prédominance en Le taux d'activité de la population de
11 % du total des salariés. D'autres
tant qu'ensemble d'habitat : 2/3 de Fès a été estimé en 1971 à 28,3 %
unités traditionnelles, mécanisées s'a-
la population s'y concentrent. C'est avec 44,3 % pour le sexe masculin et
joutent à cet ensemble moderne : 72
l'un des pourcentage les plus forts du 10,7 % pour le sexe féminin. Le nombre
huileries mécaniques en 1972 réparties
Royaume, ce qui n'est pas sans lien de créations nouvelles d'emplois entre
entre Uokkarat (24), Bab El Khoukha
avec le passé prestigieux de cette ville. 1960 et 1971 s'élevait au maximum à
(34) et Bab el Guissa (14).
Estimée à 81.172 en 1926, la population 27.668, soit 2.515 emplois par année
Toutefois, excepté pour Texnord, la de Fès aurait été multipliée par 4 en en moyenne, mais qui ne représentent
Manufacture de Fès, Brotef et Cotef, cinquante ans. Plus frappante encore en réalité que 2 000 emplois per-
dont la production a légèrement aug- est l'évolution de la population maro- manents, essentiellement au profit du
menté par rapport à 1973, toutes les caine musulmane qui s'est multipliée sexe masculin (77 %).
autres entreprises subissent une nette par 4,6 au cours de la même période.
récession entraînant une baisse notable Le tiers de l'accroissement de la ville Ainsi, le tiers de la population active
du chiffre d'affaires. de Fès s'expliquerait par le biais de la est soit en chômage, soit sous-emp-
Fès n'a pas seulement perdu ses fonc- migration. Le taux d'immigration d'ori- loyé. En termes absolus, cette caté-
tions de capitale économique, cultu- gine rurale est de 1,74%, soit un débit gorie s'élève actuellement dans la ville
relle et commerciale, elle a aussi perdu durant la période 1960-71 de 12 im- de Fès à 36.500 environ. La répartition
sa place de première métropole hu- migrants par jour. En étudiant cet par secteurs d'activité fait apparaître
maine du pays dont la population était exode selon l'origine géographique on la prépondérance des activités ter-
estimée en 1900 à près de 100000 remarque que les 2/3 des immigrants tiaires.

t "..
L'effectif des ménages s'élevait en société fassie. Le faible développement
1971 à 62 823, soit une taille moyenne des couches moyennes est dû à
de 5,18 contre 4,8 pour l'ensemble du l'émigration des élites techniques et
Maroc urbain. La taille la plus forte se
trouve en Nouvelle Médina, et n'a culturelles, tant musulmanes qu'israëli-
d'égale que la taille des ménages en tes, au faible développement de l'ap-
milieu rural. Les tailles les plus faibleS pareil administratif et à la faiblesse
se trouvent aux deux extrêmités de relative de l'implantation économique
la stratification morphologique : d'une dans la ville.
part dans les quartiers modernes
(4,56) et d'autre part en bidonvilles Aux anciens mécanismes d'adaptation
(4,48), spontanée et aux anciennes institu-
Au niveau du logement, le taux d'oc- tions appropriées, ont succédé des ins-
cupation est de l'ordre de 24 person- titutions sociales hybrides, moins
nes pour 10 pièces. Ce taux est varia- capables de faire face à tous les
ble selon la taille des logements qui
décroît avec l'augmentation du nombre problèmes d'aménagement et de
de pièces. Le statut d'occupation gestion, devenus de plus en plus
montre que seulement 33 % des m~ complexes. Ceci a provoqué le dépéris-
nages sont propriétaires ou co-pro- sement de la Médina, un accroissement
priétaires. Vu l'augmentation croissante de l'extraversion et une diminution des
des loyers, la Médina sert de plus en
plus de zone d'accueil pour les popu- ressources internes.
lations à revenu modeste ou sans Le nouveau modèle de l'habitat se
revenu. caractérise par l'anomymat, par l'imi-
La régression du cadre bâti en Médina tation, par des normes importées, par
s'accompagne d'un recul même dans l'hétérogèneité des quartiers, par un
le domaine culturel. Alors que jadis, coût relatif très élevé, par la notion de
Fès était l'avant-garde du milieu urbain
profit ou de "recasement" selon les
sur le plan de l'alphabétisme et de la
cas, par sa dominante locative, par son
scolarisation, elle est reléguée aujour-
assujettissement aux problèmes éco-
d'hui à un rang juste moyen. En effet,
nomiques et techniques.
la progression du nombre de person-
nes alphabétisées durant la période Mais en dépit de toutes ces mutations,
inter-censitaire s'élevait à 37,5 % à le substrat culturel de Fès offre des
Fès, contre 57 % pour le Maroc urbain. possibilités de synthèse plus fortes
La scolarisation touchant les enfants qu'ailleurs. Ceci constitue un atout
de 7 à 14 ans est encore assez modeste d'une extrême importance pour les
(54 enfants scolarisés sur 100 scola- futurs planificateurs de la cité.
risables, alors que dans le reste du Ahmed Nadlm
Maroc urbain, le chiffre est de 58 sur
100).
Ces multiples transformations subies
par la ville de Fès ont entraîné de pro-
fondes mutations sociales. Ainsi, pat
exemple, au lieu d'un modèle relati-
vement unique d'organisation familiale
(modèle de la famille patriarcale éten-
due qui correspondait à la maison tra-
(1) L'équipe Nationale du Schèma-Directeur
ditionnelle), on observe une démultipli-
de la ville de Fès est composée de
cation et une diversification des formes
M 0 ham ed Gue S sou S (sociologue,
d'organisation familiale qui vont entraî-
professeur à Rabat), Mohamed Naciri (géo-
ner une évolution complexe des formes
graphe, professeur détaché au C.U.R.S),
d'habitats.
Hassan Sebbar (économiste statisticien

- Des institutions hybrides.


L'ancienne pyramide sociale a complé-
tement changé; on trouve actuellement
professeur à l'I.N.S.E.A), Yahya
(économiste, professeur à la
Droit et des Sciences Economiques à Fès),
Abdallah Berrada (statisticien, dèmographe,
Boutaleb
Faculté de

un sommet trop réduit, une couche chef de division à la Fonction Publique),


intermédiaire et une base considéra- Ahmed El Kohen (Sociologue, professeur à
blement gonflée, d'où la paupérisation la Faculté des Lettres à Fès) et Jean-Paul
de plus en plus grandissante de la Ichter (architecte - Uraniste à Fès).

25

.",
L'action de l'Office se situe sur le triple en chantier, tels que : qui tend à assurer un développement
plan des études de la promotion, de - La Société Nationale d'Electrolyse équilibré de l'ensemble des sept ré-
l'identification et de la réalisation de et de Pétrochimie "SNEP" à gions économiques, 1'0.0.1. a participé
projets industriels seul ou en coopéra- Mohammadia à l'exécution de cette politique avec le
tion avec le secteur public et privé, na- souci de localiser les unités industriel-
tional ou étranger. - La Cimenterie de l'Oriental les dans les lieux de production des
S'agissant des études, elles couvrent - Les deux unités de l'Industrie Co- matières premières.
l'ensemble des secteurs relevant de la tonnière d'Oued Zem "ICOZ"
Pour ce qui est de l'action promotion-
compétence de 1'001 : agro-industrie, - Les deux unités de l'Industrie Mé- nelle de 1'0.0.1., l'effort s'est 'étendu
electro-mécanique, chimie, parachimie canique et Electrique de Fès, à certains pays, notamment la France,
et textile. Une cinquantaaine d'études "SIMEF" la République Fédérale d'Allem agneet
ont été réalisées. • la Belgique. Il s'agit de faire connaître
- Des projets textiles et de confec-
En ce qui concerne les réalisations des tion, notamment la SICOM et la tous les secteurs susceptibles d'in-
investissements, le budget initial à la SICOF téresser les investisseurs marocains et
charge de 1'001 s'établissait à étrangers à créer des sociétés mixtes
- Divers projets agro-industriels tels dont les fabrications sont essentiel-
1.373.200.000 OH. Ce montant a été
que l'aliment de bétail de Béni- lement destinées à l'exportation.
actualisé au niveau de 2.886.740.000
Mellal et d'Agadir, des laiteries des
OH. La participation de 1'001, quant à
Doukkala et d'Agadir, la trans- D'ores et déjà, cet effort promotion-
elle est passée de 266.750.000 OH. à
formation de la mélasse pour la nel commence à porter ses fruits. Sur
664.090.372 OH. Cette révision se jus-
production de levures boulangères le seul plan de l'emploi, ces unités
tifie par les répercussions de l'augmen-
et fourragère, et d'alcool. mixtes concourreront à la création de
tation importante du coût des équi-
pements importés par suite de l'infla- C'est ainsi que les projets déjà lancés 3.500 emplois.
tion qui sévit dans le monde, le chan- et ceux qui sont sur le point de l'être Face à la diversification et à la multipli-
gement dans le programme de produc- vont permettre la création de 9.000 cation des tâches de 1'001, celui-ci a ren-
tion de certains projets dont la capacité emplois directs. Ce nombre sera porté forcé ses structures par le recrutement
a été augmentée et par l'introduction à 13.000 emplois à la fin du quinquen- de cadres supérieurs, ingénieurs et éco-
de nouveaux projets. nat moyennant une participation de nomistes, par une organisation adaptée
A noter que plus de 50 % du montant 1'001 de l'ordre de 675 millions de aux-spécifités de chaque secteur indus-
des investissements était déjà engagé dirhams compte non tenu de la triel et par une politique de participa-
fin 1976 pour la réalisation d'un certain SONASID. tion qui tient compte des caractéris-
nombre de projets, actuellement en E... ce qui concerne la régionalisation tiques de chaque projet.

TABLEAU SYNOPTIQUE DU PLAN QUINQUENNAL DE L'ODI (1973-1977)


(Rèalisations à fin 1976)
- en 1.000 OH -
Montant de Dépenses Dépenses d'inves-
Participation de
RUBRIQUES l'Investis- 0.0.1. tissement
1'001 en valeur
sement au 31/12/76 au 31/12/76
- Etudes ............ 13000 13.000 - 1,328,85
- Projets ............ 2.866.740 661.762,25 668.051 296.608,225

•• Agro-l ndu strie


Electro-Mécanique
124.960
488.300
18.833,65
160.540
34.631
12.700
9.683,625
14.340

• Chimie E. P. Chimie
• Textile
2.003.630
249.850
418.995
63.393,6
490.736
129.984
213.447
59.137,6
- Dotation non affectée - 23.281,922 - 238,65
TOTAL ...... 2.879.740 698.044,172 668.051 298.175,725
(Publi - étude)

26
ECONOMIE

L'aventure sucrière du Maroc


Par Mohamed Salam

Les plantes sucrières (betterave et partout dans le pays. Il représentera avant même la viande et de loin. En
canne) doivent être des cultures aussi un objectif d'autant plus important milieu rural, on consomme annuelle-
importantes que les céréales au Maroc. qu'il est à la fois créateur d'activités ment 30 kg environ par habitant, alors
Elles produisent les calories nécessai- économiques et producteur d'une qu'en milieu citadin la consommation
res pour notre survie à tous. La culture denrée vivrière de première nécessité. est de 28 kg par habitant et par an.
sucrière-réintroduite au Maroc sous Denrée dont la demande de consom- Soit en moyenne, 29 kg/marocain/an.
l'influence du besoin-provoque une mation subit, ces derniers temps, une En outre ce produit représente 12 %
transformation globale de notre société, sorte de psychose collective. environ dans le groupe des dépenses
transformation qui va de la physio- Le Marocain grand consommateur de alimentaires du budget des ménages.
nomie des terrains agricoles à la psy- sucre défie les normes habituelles d'un Notons qu'en Afrique la consommation
chologie des agriculteurs et de toutes pays en voie de développement. C'est moyenne annuelle par personne est
les catégories sociales qui vivent de à la campagne que les records sont la plus faible : elle est de 11 kg. Alors
l'économie sucrière. Son développe- battus, le sucre étant un élément de qu'en Europe Occidentale elle est de
ment technique est possible un peu base de nutrition, comme la pain et 35,5 kg et en Amérique du Nord elle
est de 54 kg. D'un pays à l'autre, à Un autre million ? tégories, allant de l'ouvrier non qua-
l'intérieur d'un même contient, la con- En ce qui concerne la canne à sucre lifié à l'ingénieur - chercheur, engagent
sommation du sucre varie. Ainsi en leur carrière au service de l'économie
d'introduction récente, depuis 1975,
Afrique le Maroc vient en tête avec sucrière. Mais disposent-ils de la
elle concerne deux régions : La Mou-
29 kg suivi de loin par la Tunisie 21 kg, moindre parcelle de véritable autorité
louya et le Gharb. Deux usines traitent
l'Algérie 20 kg l'Egypte 18 kg, le pour mener à terme ce qu'il convient
déjà la canne à sucre : Zaio et Mechraa
Sénégal 17kg, le Niger 3,3kg, la Haute d'appeler désormais "l'aventure su-
Belksiri. Dans les prévisions de dé-
Volta 2 kg et le Cameroun 1,8 kg. veloppement économique, la canne à crière" ? Aventure parce que les paris
Certes il y a des explications acadé- sucre dépasserait en superficies et en et les enjeux sont nombreux, alors que
miques (conditions climatiques, l'évo- usines le champ d'action actuel de la les certitudes sont douteuses.
1 lution économique, etc... ) pour justi- betterave à sucre. Le plan sucrier
1 fier les variations des taux. Mais seules (dont l'objectif à atteindre pour 1989
,
l les habitudes alimentaires mettent en sera la production d'un million de
! relief cet état de fait : ainsi les héritiers
de l'Empire britannique consomment
tonnes de sucre brut (après l'éta-
pe de 1984 où le Maroc n'importera
1 (avec beaucoup de thè, de confiseries
1 plus de sucre) exige plus de 230000
1 et de gâteaux bien sûr) 55 kg / an / hectares répartis ainsi :
i! anglais. Les maghrébins sont aussi de
1 gros consommateurs (de thè sucré, Canne à sucre
de cuisine sucrée etc... ) par rapport Gharb : 30000 hectares
1 Loukkos : 19000 hectares
!,, aux pays africains, arabes et musul-
mans. Moulouya: 19000 hectares
,i
! TOTAL : 134 600 hectares
Faire baisser la consom- - Betterave à sucre
mation ? Ghrab : 30000 hectares
Produit stratégique, le prix de vente Loukkos: 7000 hectares
du sucre est fixé par chaque gouver- Moulouya: 6 500 hectares
nement en fonction d'une politique Doukkala : 18000 hectares
économique spécifique qui doit tenir, Tadla : 21 770 hectares
nécessairement, compte du marché Haouz : 7 950 hectares
mondial et des conditons locales. Bien Souss : 5610 hectares
que le pouvoir d'achat soit chez nous
TOTAL : 96230 hectares.
assez faible, comme dans tous les pays
en voie de développement, le sucre est Le Maroc est en effet l'un des rares
irremplaçable. On a constaté au Maroc, pays à pouvoir cultiver la canne et la
comme dans le monde entier à la suite betterave à sucre. La production glo-
de la crise économique des lendemains bale de ces 230 000 hectares sera
de la guerre du Moyen Onent d'oc- de 646300 T. De 5400 T en 1963,
tobre 1973, que la consommation à la production marocaine de sucre
légérement baissé. Au Maroc de 1973 est passée à 311 290 T en 1976 (avec
à 1976, la consommation a ba'issé d'un une récolte de 2357100 T sur
kilogramme par habitant. 68800 ha). Nous sommes très loin
du million de tonnes de sucre brut en
Grand consommateur, le Maroc ne 1989 et même de 1984 où l'on ne doit
pouvait pas ne pas formuler, au moins, plus en importer en principe.
les grandes lignes générales d'une po-
litique sucrière. Dans le cadre d'un
processus global d'industrialisation, de
recherche d'autonomie nutritionnelle Gageur et politique ambitieuse!
conforme aux possibilités locales et à Exemple type d'intégration d'une vaste
la vocation agricole du pays, l'industrie opération agro-industrielle, l'économie
sucrière a été retenue comme option sucrière mobilise des moyens consi-
et instrument de développement ré- dérables et des équipements comp-
gional agricole et industriel. Le Maroc lexes. Elles contribue à nouer des liens
est u n d e s r are spa y s, et à créer des échanges divers entre
f a v 0 r is é par 1e c 1i mat pou r les milieux agricoles, industriels, com-
les cultures aussi bien de betterave merciaux, bureaucratiques et politiques.
que de canne à sucre. En 1963 la bet- Dès le lancement des premières opé-
terave à sucre à grande échelle a été rations et après quelques hésitations
introduite en favorisant des change- dûes à la lourdeur du rythme de la
ments notables dans les régions de communication sociale, l'adhésion des
Tadla, du Gharb de Doukkala et de agriculteurs à cette option n'a jamais
Moulouya. De 3500 hectares en 1963 fait défaut. Mais le gouvernement est
et dans le Gharb uniquement, on est encore loin de répondre à toutes les
arrivé en 1975 à 62 200 hectares soit garanties qu'exige cette adhésion. Les
18 fois la superficie de 1963. La produc- mesures d'encouragements, de pro-
tivité à l'hectare a augmenté aussi vite tection contre les calamités, d'équi-
et représente 26 fois celle de 1963. pements en infrastructures et de facili-
Et nous sommes encore loin de régler tés en crédits sont encore très aléa-
nos problèmes. toires. Des travailleurs de toutes ca-

28

...
Annoncer avec suffisance qu'en 1984
avec environ 500 000 tonnes de sucre
brut, le Maroc aura satisfait à ses be-
soins locaux de consommation est une
illusion de bureaucratie. D'abord dans
ce calcul, l'Administration n'a pas tenu
compte de l'explosion démographique
du Maroc, une des plus forte du
monde (3%). Ensuite, le taux de con-
sommation de sucre par habitant est
l' • •
très variable. \1 dépend aussi bien de
la conjonture économique - locale et le commerce amerlcano - marocain
mondiale-que de la diffusion des
habitudes alimentaires dûes à l'éléva-
tion de vie de la population. Le Maroc
à la recherche d'un
aura besoin en 1984 de plus de
600000 T environ, sans compter tout
l'effort sérieux que nécessite une poli-
nouveau souHle
,tique responsable en matière d'éco-
nomie sucrière. S'il y a un aspect con-
cret de l'Economie nationale qui fait
l'unamimité au Maroc, c'est bien celui
de l'obligation de ne plus dépendre de
l'extérieur pour notre alimentation
Au Maroc, "La plupart des hommes ment stimulant pour les investisseurs
quotidienne. Mais la démarche suivie
jusqu'ici, est loin de satisfaire tout le américains s'attendaient à être agrées étrangers -et une reconnaissance maro-
monde, du technicien concemé au sur la base de la réputation de leur caine grandissante des avantages amé-
consommateur. firme et de leur titre personnel. Dès ricains dans les domaines de la tech-
Duperie et devises, qu'une affaire intéressante ou une oc- nologie, de l'efficience, de la maitrise
casion d'investissement est identifiée, des marchés, devraient avoir soulevé
La décentralisation de l'industrie su-
crière proclamée avec beaucoup d'éc- ils sont pressés de négocier et de un plus grand intérêt parmi un plus
lats est une duperie dangeureus~. Les signer un contrat sans délai. Les Maro- grand nombre de firmes américaines.
unités existantes ne sont autonomes cains, de leur côté, souhaitent fré- Hélas 1 cela n'a pas été le cas 1"
les unes des autres que pour profiter quemment des conversations prolon.
des investissements considérables de A part l'ignorance "affligeante" des
gées qui, souvent, ne peuvent avoir dirigeants d'entreprises américaines du
la communauté. La plupart des usines
appartiennent au capital étranger, al- lieu à cause des programmes de voyage Cadre général des affaires au Maroc et
lemand, français, belge et italien. L'une chargés des hommes d'affaires améri- le peu d'intérêt que suscite la Chambre
d'entre elles, celle de Béni Mellal est cains. Ceci est souvent interprété par de Commerce Américaine parmi les res-
dirigée par un allemand de l'Ouest. les Américains comme un manque d'in-
Pourtant le pays ne manque ni de ponsables de l'économie Marocaine,
térêt ou de sérieux de la part des mis en relief par Robert Anderson dans
cadres, ni de capitaux nationaux pour
prendre en charge son programme Marocains. Les Hommes d'affaires son discours, n'y a-t-il pas d'autres
ambitieux. américains doivent réaliser que les causes plus profondes de la stagna-
Les yeux rivés sur le chiffre magique affaires sont signées ici sur un plan tion des relations commerciales amé-
du Million de tonne de sucre brut par beaucoup plus personnel qu'elles ne
an (à mettre en parallèle avec le pro- ricano-marocaines ? Sans aller jus-
le sont chez nous", souligne Robert qu'aux problèmes de la langue et
jet du Million d'hectares de terre à
cultiver) les objectif~ prioritaires doi- Anderson, ambassadeur des Etats-Unis l'habitude des contracts suivis et pri-
vent demeurer: Premièrement: la sa- à Rabat, devant une assemblée de la vilégiés avec nos voisins européens,
tisfaction des besoins de la consom- Chambre de Commerce Américaine ne doit-on pas imputer aux structures
mation nationale en accroissant la à Casablanca, à l'occasion de l'inau- économiques américaines quelques
production locale et en économisant guration de l'année fiscale 1977.
les chères devises utilisées pour l'im- griefs comme la longueur des délais
portation du sucre. Deuxièmement: l'in- En langage plus précis, que signifie de livraison et l'ocrtoi quasi-automa-
troduction de l'industrie sucrière doit le conseil de l'ambassadeur améri- tique aux firmes américaines installées
avoir des effets multiplicateurs sur un en Europe de tous les droits sur les
cain; Veut-il dire que la signature d'un
nombre important de secteurs par la
contrat doit être une prouesse indi- marchés maghrébins et africains, sans
mise en valeur agricole de périmètres
à hauts rendements et par le dévelop- viduelle ou peut-on comprendr~ que aucune garantie ?
pements des industries et activités seule l'intimité des relations person- Ne faut-il pas rappeler, aussi, que les
para-industrielles. Mais on n'en est pas nelles favorise la négociation d'une
là. Pour l'heure comment faire face marocains et les américains ont eu
affaire? la primeur d'un avant goût du scandale
avec efficacité à la médiocrité quoti-
dienne faite de pénuries pour Certes, le diplomate américain a quel- des "pots de vin" de Lookheed et
les nombreux ménages pauvres et que raison de s'inquiéter de la faiblesse d'autres firmes, avec l'affaire de la
moyens ainsi que de l'enrichissement des relations économiques maroco- PANAM, du Holliday Inn ainsi que des
des spéculateurs et des intermédiaires
de toutes catégories ? américaines. N'affirme-t-il pas que procès de corruption qui s'ensuivi-
Mohamed Salam. "Logiquement, un code d'investisse- rent ?

29

rb
"
TRIBULATIONS

En rejetant résolument le "socia- siège du Rassemblement unioniste


li$me idole" en déclarant que progressiste, seul parti de gauche
NASSER était définitivement mort autorisé, depuis que le gouvernement
le 5 Juin 1967, avec la défaite de la a accusé ses dirigeants dont certains
guerre des six jours, SADATE en- ont été arrêtés, d'avoir été "utilisés"
tend ouvrir une ère nouvelle pour par les forces séditieuses.
l'Egypte. Le parti du ceMre, très majoritaire
Toutefois, les observateurs se deman- au Parlement qui soutient le gouver-
dent si la virulente offensive qu'il a nement a été fortement secoué par les
entreprise contre les forces de gauche évènements (on a vu les députés du
- et surtout les communistes - ac- centre approuver la décision gouver-
Sadate enterre définitivement cusées d'avoir voulu renverser le nementale d'augmenter les prix, dé-
régime, ne risque pas de causer un tonateur de la crise, pour ensuite la
Nasser et réhabilite les déséquilibre dans la balance démocra- critiquer) et cette formation est loin
tique. Ils se demandent également si d'être homogène.
les mesures fiscales prises dans un La droite, en revanche, sort renforcée
frères musulmans. "souci de justice" sociale seront suf- de cette épreuve. Le parti de
fisantes pour amorcer, dans la pop~ Moustpha Mourndi, seule formation
lation, un retour à la confiance dans autorisée avec les partis du centre et
le régime. de la gauche, soutient sans réserve
En effet, estiment les observateurs, les récents décrêts.
les procès qui se préparent, la cam- L'organisation clandestine des "frè-
pagne de vigilance encouragée par le res musulmans" a été blanchie de tout
Président lui-même, le déchaînement soupçon de participation aux dé-
de la presse contre la gauche vont sordres et les organisations religi~
avoir pour effet de faire entrer dans ses ont reçu du Président l'assurance
la clandestinité des gens qui en sor- que la religion, matière obligatoire
taient avec la "démocratisation". Les d'enseignement, deviendra une mG-
démissions commencent à affluer au 'tière comptant aux examens.

Les Présidents Anouar Sadate et


Jimm)J Carter, durant les hymnes
nationaux dans un salon de la Maison
Blanche (Photo A.F.P).

30

Mo
Pensées de Choc ! Qu'arrive-t-il à la voie Socialiste
La Revue "ADDAAWA" dans son
numéro 8 de janvier 1977 a consacré au Soudan?
2 articles l'un, sous forme d'éditorial,
à "la religion, la politique et les
partis", et l'autre à "l'esprit scienti-
fique ,. complot occidental contre
l'Orient musulman". Dans l'éditorial,
écrit par Omar Tilimsani, on peut
lire : "les pays chrétiens sont excu-
sables d'avoir eu recours à la sép~
ration entre la religion et la politique,
à cause de la domination des papes
sur les rois, qui ont profité de leur
position spirituelle pour accumule101es
biens terrestres, dressant ainsi une
cloison entre Dieu et ses sujets, ne
laissant à ces derniers qu'une seule
voix, celle du pardon. Cette attitude
a été critiquée par des chrétiens
ouverts comme Martin Luther, Calvin
et d'autres.
"Or il n'y a rien de cela en Islam,
l'Homme de religion est musulman,
et tout musulman est un homme de
religion. Personne n'a le droit d'im-
poser son point de vue à un musul-
man, qu'il s'agisse du dirigeant ou
du dirigé. Pour ces raisons, et d'au-
tres encore, nos ancêtres n'ont jamais
eu à imaginer que la religion est une
chose, que le comportement de l'in-
dividu, de la famille, de la Société,
de la Nation ou des peuples ( dans
l'administration, la justice, le com-
merce ou tout autre comportement),
est autre chose. Ce n'est que par l'af-
faiblissement de la religion musul-
mane que ses adveTsaires ont essayé Devant l'abandon de la ligne soci~ heur d'autres générations, comme ce
de nous inculquer l'idée de la sépar~ liste tracée par le gouvernement fut le cas ailleurs. La voie que nous
tion entTe la religion et la politique. Soudanais, le Ministre de l'Inform~ empruntons pour aboutir à. cette so-
Cette idée déviationniste extrava- tion essaie de justifier à un cor- ciété de suffisance et de justice con-
gante, confuse est rejetée par la re- respondant de la revue jordanienne siste à intéresser les masses à. la p~
ligion ,. alors que l'Islam est une foi "Al - Fajr Liqtissadi", dans le nu- nification et à l'organisation à. tra-
et un pouvoir, livre sacré et épée, méro de janvier 1977, les dessous de vers les organes populaires et les
justice et force, perfection et fierté" la politique du gouvernement : organisations de masses, en essayant
Dans le deuxième article de la revue "La Charte d'Action Nationale Sou- de puiser nos valeurs et nos idéaux
écrit par Ali Gricha, on peut lire que danaise parle du socialisme scienti- dans notre patrimoine et dans notre
l'esprit scientifique signifie "a-reli- fique, mais le monopole de ce concept religion.
gion". L'enseignement, les moyens de par les marxistes a fait qu'il signifie La révolution au Soudan était menée
communication de masse et le droit automatiquement socialisme marxis- par des personnes qui croient en leu'l'
sont des moye;ns pour l'Occident de te. Lorsque nous parlons du soci~ Dieu et en leur Patrie, mais la ré-
propager l'esprit scientifique: "Lors- lisme soudanais, nous le voulons issu volution de Mai a néamoins permis
que l'esprit scientifique s'est propagé de notre réalité et centré sur notre l'infiltration de certains éléments
dans les pays d'Islam, ceux-ci ont partimoine, sur nos valeurs, en tenant communistes qui ont poussé la poli-
perdu la religion et ce bas-monde, compte des aspects distinctifs de notre tique de l'Etat vers des démarches
la récente év'olution de l'Université société soudanaise. Nous ne pouvons économiques qui se sont avérées loin
d'El Azhar s'inscrit directement dans pas prétendre que nous appliquons de l'intérêt de la Nation.
le mouvement prôné par l'esprit sei.. actuellement le socialisme, mais nous C'est ce qui nous a permis de revoi'l'
entifique". pouvons dire que nous sommes en et de réviser notre position. Ce qui
Dans sa rubrique consacrée à la train d'asseoir la base matérielle et est arrivé ne signifie aucunement
Sagesse, ADDAAW A donne-15 carac- sociale permettant d'édifier une so- l'abandon du socialisme ou un man-
téristiques d'une âme sereine. Citons- ciété de suffisance et de justice à. que d'assurance dans le principe, mais
en quelques unes : travers le développement économique il signifie une erreur flans l'applica-
Une "âme sereine est de toutes les ressources dont dispose tion. Tout en considérant le secteu'l'
- paisible le Soudan, afin justement d'aboutir public comme le plus important, nous
- croyante à cette société de suffisance et de encourageons aussi le capitalisme
- satisfaite du destin de Dieu justice, suffisance quant à la pro- national et le secteur privé.
- fidèle duction, justice quand à. la réparti- Et comme l'a dit le Président
savante tion ... Nous ne voulons pas sacrifier Numeyri : la révolution se révise,
- assurée par sa foi une génération entière pour le bon- mais ne s'abandonne pas".

31
.·ETRANGER

I.~ !!!ti,PlJ~V''''-~I.I.~ "PlJ~ "'~l!!'~'~M~


~~Vl!!I."""l!!PlJ !!!~I.JIII"~ ~I.I.~ ':'

a Révolution Culturelle ripéties des compromis des pouvoirs tombent sur la tête avec la fantasma-

l Chinoise de 1966 continue


~ de provoquer des chan·
. . gements dans tous les do-
maines de la vie publique
et privée des chinois. Mals l'on oublie
et des impératifs économiques. Aux
yeux même des dirigeants chinois, et
de MaoTsé-toung en particulier
la Révolution qui se contenterait de
"changer de couleur" au lieu de
tique mysoginie traditionnelle et avec
le dédain de tout ce qui vient de
l'art.
Lâ leçon de la vieille
souvent l'aspect proprement culturel "changer la vision du monde" de
du mouvement qui mobilise et bou- centaines de millions de personnes, Pour bien comprendre les nuances
leverse les masses dans toute l'é- est à cOIr..?attre. imperceptibles du quotidien, l'exem-
tendue de la République Populaire ple d'un débat à propos du film
de Chine et intrigue le monde entier, Depuis la mort du Grand Timonier, "Entreprise" est très révélateur du
faute d'informations précises et la Chine revit des moments de dra- rôle de la culture aussi bien pour les
exhaustives. Pourtant, c'est dans le matisations et de remises en question élites que pour les masses chinoises.
monde de la culture et des arts de tout un statu-quo culturel, artisti- "Entreprise" est un film qui raconte
qu'apparaissent les transformations que et socio-politique. Il suffit dit-on comment la Chine, privée de
les plus notables. Bien sûr les aspects d'examiner la presse - nationale et l'aide soviétique, a recouru à ses
politiques, économiques et sociaux étrangère - mise en diffusion au propres ressources pétrolières met-
demeurent fondamentaux. Mais c'est Maroc pour s'apercevoir du flot d'in- tant en valeur son premier grand
pourtant dans l'environnement de la formations complexes qui nous gisement. Le. film a été tourné avec
culture, au sens le plus large, que parviennent des curieux débats cul- la collaboration des techniciens pé-
la révolution chinoise émerge, se dé- turels en Chine. Il suffit de laisser troliers à Tatching et réalisé par le
veloppe et se montre la plus radicale. parler les faits, éloquents, pour en scénariste Chang Tien - min. Quel-
C'est aussi dans ce domaine qu'elle se saisir les significations. Il est vrai ques semaines après sa sortie, "En-
répète en permanence, malgrè les pé- que les dernières informations nous treprise" aurait été retiré des salles

\
\' • En haut de pal,Je. un poème de Lou Sin calligraphiè par le Président Mao en 1961.

32

q
,."..
de cinéma. durant l'hiver 1974 - 1975 né que tous les films tournés avant scène du pays et considèrent, par
et il a fallu attendre novembre de la révolution culturelle soient 'rééva- conséquent, son empreinte sur la vie
l'année 1976 pour découvrir toute lués" et que ceux qui se révéleraient culturelle et artistique comme désas-
l'importance de l'enjeu dans le con- "relativement bons quant au contenu treuse.
texte de ce que l'on appelle "la dé- et à la forme artistique" soient remis
nonciation des crimes de la Bande des dans les circuits de distribution. La démarche cinématographique de
quatre". la Chine est trop complexe et contra-
Un metteur en scène, un caméraman dictoire pour être analysée selon les
En effet les journaux chinois - mu- et un scénariste - parmi tant d'autres normes habituelles de la critique de
raux et imprimés - accusent la veuve accusent la "Bande des Quatre" cinéma europèenne et tiers mondiste.
de Mao, Madame Chiang Ching d'avoir fait obstacle à ce travail de On ne peut avoir que des approches
d'avoir empêché la sortie du film "réévaluation" afin de se réserver le modestes. Il arrive parfois de tomber
"Entreprise". Elle avait dressé une mérite de toute création nouvelle. Ce sur des textes très curieux, même
nste des crimes de ce long métrage, travail de "réévalution" se poursuit dans la presse marocaine : "Les films
apologie de Lieu Chao-shi (le Khrou- parfois sous des formes inattendues: chinois produits pendant la grande
chtchev chinois selon le langage dernièrement à Paris, le jeudi 18 révolution culturelle" écrit probable-
local). Elle considérait que ce film novembre 1976, la projection du ment par un chinois, Wen Ti, (Opi-
incite au révisionisme. Le défunt premier film sur la révolution cul- nion du 23 novembre 1976) dans le
premier ministre Chou En.,Laï, turelle, Tchouen Miao (jeunes pous- style dazibao fleuri, équipe et exalté
~assant outre l'avis de Madame Mao ses du printemps), fut suspendue par bien connu.
1 autorisa la sortie du film. Le Prési- les affaires étrangères de Pékin
dent Mao Tsé-Toung, après avoir parce que ce film était devenu robjet
( "visionné" le film vers le 25 juillet
1975, déclara qu' "il n'a pas de dé-
de "débats critiques" en Chine.
fauts majeurs". Le débat sur le cinéma chinois qui se
Madame Mao ne s'avoua pas vaincue. limitait au début à quelques rares
Elle aurait contraint le scénariste à privilégiés dans les coulisses du pou-
écrire une deuxième lettre au Pré- voir et sur quelques journaux mu-
sident Mao se déjugeant et lui deman- raux, se décide maintenant sur la
dant de tourner une nouvelle version place publique où les détails les plus
de son film. Cette démarche vint pittoresques sont étalés. Le Journal
après la convocation à Pékin des de Pékin a reproché à Madame
réalisateurs d' "Entreprise" afin Chiang Ching, veuve de Mao Tsé-
qu'ils fassent leur autocritique sous Toung, son passé d'actrice non point
la supervision directe de "la Bande pour les rôles qu'elle avait inter-
des quatre". Madame Mao aurait prétés, mais un rôle qu'elle n'avait
même dit publiquement au scénariste même pas joué-. Le journal souligne
cette terrible phrase: "tu t'es plaint le fait que Madame Chiang Ching,
de la vielle mère, hé bien la vielle alors qu'elle jouait la comédie à
mère te donne aujourd'hui la leçon". Changhaï dans les années 1930, avait
Le plus étonnant de l'affaire ne fut été candidate pour interpréter le rôle
pas seulement, la reprise du film en d'une prostituée partageant le lit d'un
novembre 1976 dans de nombreuses militaire étranger. Ce rôle lui fut re-
salles de Pékin, mais le comportement fusé et l'affaire n'en fut pas classée
du public qui n'hésite pas à prendre pour autant. Le journal de Pékin note
parti dans le débat. Deux indices que le fait d'avoir accepté de jouer
illustrent bien ces prises de position : dans ce film révéle "sa nature capi-
les journaux muraux portent une tularde et réactionnaire" !
attention particulière aux péripéties D'autre part, le Quotidien du Peuple
de l'affaire et les salles, qui projet- accuse de son côté Madame Chiang
tent "Entreprise" connaissent un Ching d'avoir "fait importer à grands
afflux extraordinaire de spectateurs
dont certains' revoient le film pour frais par l'Etat, des films pornogra-
la deuxième ou la troisième fois. phiques, policiers, d'aventures et d'in-
Fabuleux ! Etonnants chinois ! trigues amoureuses" qu'elle faisait
projeter en privé pour son plaisir et
celui de ses "comparses". Parmi ces
Réévaluation du cinéma films il y avait notamment : "Le
Le cas du film "Entreprise" n'est Rouge et le Noir", "Autant en em-
ni particulier ni unique. Les dé- porte le vent" et "le Comte de Monté-
pêches d'agences d'information de Cristo", On se perd en hypothèses
novembre 1976 apportent des révéla- suppositions et conjectures. On ne
tions inédites et fantastiques, sur le pardonne pas facilement à une ar-
cinéma chinois. On a appris en effet tiste de flirter avec le Pouvoir, de le
que la République Populaire de Chine désirer pour elle. Ses critiques ne lui
va sortir de leur "enfer" des films reconnaissent même pas de valeur ar-
tournés avant la révolution culturelle tistique : mauvaise comédienne, in-
et que la "Bande des quatre" avait terpréte secondaire de films de troi-
fait interdjre. Selon le journal chinois sième catégorie . Vaniteuse elle pour-
Le Quotidien du Peuple, Chou En-Laï suivait de sa vengeance tous ses en-
et "d'autres camarades dirigeants nemis. Les Chinois n'hésitent pas à
des organes centraux" J:lvaient ordon- se féliciter de sa disparition de la Scène du film de l'Opéra Révolution-
naire Moderne de Pékin : ''Taking
Tiger Mountain by Strategy" 33

b
Sorti récemment de prison, Li Chun-
Kuang a été consacré héros, et le
Quotidien du Peuple n'hésite pas à
considèrer sa libération comme étant
celle "de Li Chun-Kuang et de son
affiche".
A côté de ces réhabilitations, des
destitutions spectaculaires se pro-
duisent dans un contexte de plus en
plus imprévisible et inéluctable. Le
Ministre (l'est-il encore 7) de la Cul-
ture, Yu Hui-yung s'incline devant
les nouvelles évidences. Lui même
Vers le retour à l'opéra tradi- compositeur de musique, très lié à pagne de critique de Lin Piao et
Madame Chiang Ching, il a collboré de Confucius ; campagne dont les
tionnel ? avec elle à plusieurs reprises pour la caractéristiques et les incon:Iues sont
création d'opéras "radicaux". encore trop confuses pour établir un
En dehors du monde cinématogra- bilan complet. On sait que la révo-
phique dont la situation présente ne Rappelons que jusqu'à la vielle de la lution culturelle proprement dite
s'explique pas aisèment, les autres Révofution Culturelle, on continuait (version originale 1966-69) ne s'est
domaines de la culture et des arts de jouer des opéras traditionnels en ralentie - et non pas achevée - que par
vivent à l'heure des "réévaluations". même temps que des oeuvres révo- des compromis de "gauche" dont
Dans le secteur de l'Opéra, un article lutionnaires nées de la réforme de semble avoir bénéficié "la Rande des
du Quotidien du Peuple laisse en- 1964 et des Jiang Quig. Ce fut là Quatre" et ses "comparses", Ne vit-
tendre qu'une "renaissance" est im- un des principaux griefs des gardes on pas en Chine par consequent une
minente avec la présentation d'opéras rouges contre l'ancien maire de troisième révolution culturelle ?
révolutionnaires qui avaient été in- Pékin, Peng Zhen.
terdits par Madame Chiang Ching. Pareille situation rappelle, jusque
Troisième révolution culturelle ? dans les détails, le déclenchement im-
Notons dès maintenant qu'un premier pétueux de la grande révolution cul-
pas vers la réhabilitation de Make, Opéra, théâtre, cinéma, musique, édi- turelle prolétarienne. Notons seule-
célèbre compositeur de l'opéra-modèle tion, aucun domaine ne semble être ment pour l'instant que le mouvement
"la fille aux cheveux blancs", a été épargné et nul ne peut prévoir les ne répond pas systématiquement à un
effectué. Make avait été soumis, dès limites et les répercussions des" cam- dessein de destruction comme au dé-
1967, sur directives de la "Bande des pagnes actuelles. Même un Ministre but de la période 1966-1969. Voici
Quatre" à une enquête "sans des sports Chuang Tsé-Toung, est plus de dix ans, toutes les bibliothè-
qu'aucune preuve n'ait été fournie victime de virulentes attaques sur af- ques et tous les musée3
qu'il ait été un ennemi" un agent fiches à grands caratères pour avoir étaient fermés, les
spécial ou un renégat". été "la main noire de la Bande des expositions étaient exceptionnelles, la
Quatre" dans le domaine des sports. télévision se limitait à deux heures
Déjà en 1975, une affiche ne mâchait Il est encore trop tôt pour établir d'émissions quotidiennes, et les
pas ses mots pour défendre Make et l'historique du mouvement critique spectacles étaient rares. Il avait
attaquer la hiérarchie du Ministère à l'heure de Hua Kuo-feng, le fallu que les acteurs achèvent leur
d e I a culture. L'auteur d e successeur de Mao Tsé-toung. Le "rééducation" et apprennent de nou-
cette affiche est un mouvement bat actuellement son veaux répertoires "révolutionnaires".
nouveau héros qu'on vient de dé- plein sans avoir révélé, encore, ses Seule la radio était partout présente
couvrir : Li Chun-kuang, professeur principaux objectifs. Dans l'histoire et entièrement politisée. "Le pro-
de musique au conservatoire qui avait récente de la Chine, le mouvement létariat doit exercer une dictature
osé critiquer les dirigeants du de ce que l'on appelle déjà "l'Affaire intégrale sur la bourgeoisie dans le
Ministère de la Culture. Raison pour des Quatre" ou "le Complot des Qua- domaine de la superstructure, y corn"
laaquelle il a été emprisonné en juin tre" ne fait que succéder à la cam- pris tous les secteurs ...e la culture"
dernier. Après avoir souligné que les repète le slogan le plus diffusé :n
responsables du Ministère de la Cul- cette période là.
ture, avaient outre-passé la ligne
tracée par Mao Tsé-Toung et Chou Dorénavant, la culture en Chine n'a
En-Iaï ; il ironisait sur leurs incom- pas seulement pour but de "servir le
pétences, critiquait le luxe de leur peuple" mais encore de consolider
mode de vie et dénonçait la crainte "les pouvoirs spéciaux" que les "mas-
qu'ils inspiraient à leurs subordonnés, ses populaires" exercent pleinement
à qui il demandait : "est-ce que votre sur la bourgeoisie et les gauchistes
Ministère est vraiment un tigre de radicaux. De ce point de vue les
papIer dont on n'ose toucher la "Interventions" de Mao aux "Cause-
croupe. Avez-vous jamais toléré ries sur la littérature et l'art à Yenan
"
quelques mots de critiques ou de "sont dépassées ; de même que "Le
!(
'i suggestions ! ". Procès verbal des causeries sur le

l' 34

.\: .

"
travail littéraire et artistique" tarisme, esprit anti-bureaucratique, représentant des intérêts du peuple
animées à Changhaï du 2 au 20 fév- abolition des examens etc... et au service de celui-ci ; mais entre
rier 1966 par la grande réformatrice Quant à ceux qui ne sont plus que lui et les masses il y a également des
de l'opéra pékinois Kiang Tsing. "des rats en débandades" des "loups contradictions..."
Pratiquement les campagnes actuelles à face humaine", des "crottes de
de "réévaluations" remettent en cau- chien", des "serpents vénimeux", une Habib Abouricha
se un certain nombre d'acquis de la "vermine grouillante" et de "hideux NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
Révolution Culturelle. La rigueur conspirateurs" peuvent-ils s'opposer - Le Monde, 21-22 Novembre 1976
au "courant irréversible de l'histoire"
- Le Journal de Pékin du 18
Novembre 1976 cité par l'A.F.P
et Reuter.
Han Suyn "Chiang Ching, - ce
qui se passe en Chine" dans le
magazine français féminin "Elle"
du 29 novembre 1976.
Revue française Ecran 76 n° 46 :
comment yukong déplaça les mon-
tagnes". PP. 44-50.
- Aritcle paru le lundi 6 décembre
1976 dans le Quotidien du Peuple
repris par l'Agence Chine Nou-
velle et rapporté par les agences
internationales de presse.
- "Note sur le mouvement de criti-
que de Lin Piao et de Confucius
"par Jean Luc Domenach, in
revue Esprit n° 6 - Juin 1974.
Paul Bady - Le degré zéro de la
culture bourgeoise.
La Révolution culturelle chinoise
(2) in revue Esprit, mars 1971,
pp 505 - 523.
Une Chine à deux étages - K.S.
Karol, Le Nouvel Observateur
n° 624.
- "Le journal mural" de Li Yi-zhe;
Voir l'étude de Jean Daubier. (Le
Monde Diplomatique, novembre
1976) à la suite de la parution
de : "Chinois, si vous saviez...."
Teng Hsiao • ping. ancien vice premier ministre. Victime de la "Bande des (Paris, Editions Ch. Bourgeois,
Quatre" poursuit sa longue marche de réhabilitation. (Photo A.F.P). 1976, Collection Bibliothèque
Asiatique) .
idéologique et 1;8 ambitions du "Gang rien qu'avec des citations de Mao Le Poème de Lou Sin :

des Quatre" ne les avaient guère pareilles à celle-ci : "les contradic- Sans nombre sont les familles
rendus populaires. Leur courant tions au sein du peuple ne datent pas a,ffligées ; ronces et herbes folles
"radical" reste minoritaire dans une d'aujourd'hui, mais leur contenu est voient périr les hommes.
Chine à deux étages. Mais les aspi-
rations, les habitudes et les pratiques différent dans chaque période de la Si par ma peine et mes lamen-

de la Révolution Culturelle demeurent révolution et dans la période de l'édi- tations, la terre entière pouvait être

bien vivantes : critique du savoir fication socialiste ... Notre gouver- ébranlée /
intellectuel, lutte contre l'autori- nement populaire est l'authentique Mes pensées errent au loin, par

des8U8 le désert immense ;


Et dans le silence. j'entends le

grondement du tonnerre.
ARTS PLASTIQUES

à propos de la 2 9 Biennale Arabe

a Biennale est devenue définissent une certaine spécificité ou

t . aujourd'hui une manifes-


tation d'une importance
capitale dans la vie intel-
lectuelle du monde arabe.
Aucune activité similaire n'avait
qui dégagent des styles au visage
multiforme, Ce fut donc la première
Biennale organisée à Bagdad du 15
mars au 15 avril 1974 puis la seconde
qui s'est tenue cette année à Rabat
existé auparavant à l'exception de (du 27 décembre 1976 au 27 janvier
quelques contacts qui amènent un ou 1977) sous l'égide du Ministère de la
plusieurs peintres à exposer dans un Culture et dans le cadre enchanteur
pays frère ou à y faire un séjour du Musée des "OUDAYA". Plusieurs
agréable. Mais brusquement l'As- pays y sont représentés à l'exception
sociation des Plasticiens Arabes-que de quelques uns comme l'Algérie, la
présidait il y a quelques années le Libye et la Mauritanie,
palestinien ISMAIL SHAMMOUT -
a décidé de trouver une formule pour Pourquoi donc une telle manifestar
rassembler ses membres, et pour leur tion dont le but diffère totalement
permettre d'exposer des oeuvres qui de celui d'une biennale européenne
qui vise avant tout à offrir une gam-
me de créations ou de tendances
plastiques plus ou moins modernes ?
On ne peut que répondre difttcilement
Création d'El Hadi Salim - Tunisie à cette question si on ne considère la
situation dans le monde Arabe dont
les exigences veulent que de nos jours
soit posé sans ambages et d'une
, manière sérieuse le problème des
relations entre l'artiste et le public.
Une autre difficulté, corollaire de la
précédente, réside dans le fait même
de l'exposition ainsi que dans le thème .
proposé, c'est-à-dire la "Palestine".
Dans cette optique on a le droit
de dire que les œuvres exposées ne
témoignent guère de la valeur du
sujet, ni de son acuité à l'exception
de certaines toiles présentées sur de
larges cimaises (comme celles des
Irakiens Kadim Haïdar et Diya
El-Azzaoui) du reste le but de cette
Biennale consiste tout simplement
à donner à l'amateur d'art un
échantillonnage plus ou moins révé-
lateur des différentes écoles qui exis-
tent dans chaque pays pa'rticipant.
D'où une certaine "tricherie" visible
qui a poussé des peintres à coller des
titres imaginaires qui ne correspon-

36 Tableau de Fouad Bellamine

,....
diction monstrueuse entre le souci
d'atteindre cette spécificité et l'ex-
pression étrangère appltquée à
leurs œuvres. Je pense qu'il ne suffit
pas de charger un tableau de mys-
tères éscatalogiques, de signes ber-
bères, de figures talismaniques ou
de calligraphie pour se définir
comme un véritable plasticien arabe,
Car si on tient à parler franchement,
il faut dire que cette biennale nous
a procuré - à travers un cumul de
concepts et de styles - l'impression
d'un vide artistique (plagiat des
artistes occidentaux) et d'une inerte
et hallucinante plénitude.
Donc, il faut avouer qu'il est
encore trop tôt pour se former une
opinion bien précise sur la peinture
arabe, car en dépit de son attache-
ment au neuf, à l'étrange et à l'iné-
dit, elle est loin de répondre à toutes
Tableau de Baghdad Benas les questions qui se posent ( géo-
politiques culturelles et sociales).
Elle ne peut trouver ses options
dent pas du tout à la facture de leurs un système plastique moderne ou de esthétiques et être en réconciliation
œuvres, ne serait-ce que pour consoler faire naître de nouvelles touches qui totale avec le patrimoine que lorsque
le visiteur ou pour le situer d'une puisent permettre à la peinture arabe les peintres sauront soulager leurs
façon ou d'une autre dans la véritable de se libérer du joug de la technique complexes en se désaliénant, et en
ambiance. européenne, même s'il faut vivifier remettant fondamentalement en
des structures locales ou anciennes cause les acquisitions même de l'art
(Tradition et modernité). dit "A rabe" ainsi que le rôle du
Le caractère soi-disant arabe peintre dans la Société. En atte1V-
Ainsi, il y aurait lieu de faire re- dant l'intérêt de la Biennale reste
Cependant, quel que soit le thème marquer la curieuse insistance de
choisi, il faut avouer que cette assez relatif.
tous les peintres à vanter le caractère
Biennale était une occasion propice soi-disant arabe de leur
pour nous de découvrir un exercice travail. N'y a-t-il pas une contra- Hassan Mniai
de virtuose, voire même le jeu d'une
dextérité parfaite surtout chez la ma-
jorité des artistes Iraquiens et
Marocains qui donnent l'impression
de connaître leur métier, et qui es-
saient de proposer une écriture pictu-
rale dont l'expression humaine et
constructive les mettait en posture de
concentration et de recherches per-
manentes. Cela ne veut pas dire que
les autres s'acquittent mal de leur
rôle, mais ils ont réussi tout ce qu'ils
se proposent de peindre.
Certes, il y avait des œuvres
stériles et de.~ compositions qui
avaient besoin d'être laminées, mais
dans l'ensemble chaque pavillon of-
frait un espace où s'animent des for-
mes privilégiées d'expression allant
du figuratif (Bahraïne - Qatar
Yamen - Egypte - Palestine - Koweit)
à la nouvelle abstraction (Iraq -
Maroc - Tunisie) en passant par
toutes les tendances de l'art con-
temporain. C'est dire que chaque
exécution essaie de s'intégrer dans

Une vue partielle du pavillon de la Palestine 37

b
ARTS PLASTIQUES

Perspectives d'avenir

Afin d'analyser la situation des arts ment favorisent cet état de choses. nous un spectateur libre et un con-
plastiques au Maroc, il faut tenir com- Quand on se place du côté de l'artiste sommateur concerné pour l'avenir,
pte de la situation particulière et spé- et de sa production on constate ql.d alors que le public intellectuel est par
cifiq.le dans laquelle évolue l'histoire l'apparition de l'artiste en tant qu'- contre un spectateur aliéné condi-
de la peinture moderne dans notre homme de formation type occidental tionné par une pseudo connaissance
pays. se situe aux environs des années 50. et négatif à toute perception cohéra'nte.
Les premières expositions de ce type Vis-à-vis du rôle du secteur privé, il y
En effet, cette situation est la consé- se situent à la même période. Prenant a la bourgeoisie riche qui "encou-
quence non seulement du rôle joué en considération cette date, on cons- rage" la peinture le plus souvent par
par les artistes mais aussi du rôle de tate que la peinture marocaine est très snobisme, mais il est significatif de
l'administration. Nous devons étudier: jeune et que malgré cela, le Maroc constater qu.e cette classe n'encourage
1) Les structures pédagogiques qui compte parmi les pays arabes les plus pas ses enfants à étudier l'art, ex-
sont en place pour former les artistes, avancés dans ce domaine, une quin- ception faite de l'architecture. Il ne
développer l'art et le goût du citoyen. zaine de peintres connus sur le marché faut donc pas y compter pour que
2) La création plastique, sa qualité et international. l'art soit institué dans les écoles et pour
le degré de maturité des artistes. qu'elle participe à l'ouverture de mu-
Le problème du public sées (l'art n'est pas encore pour cette
La démarche la plus fréquente est de classe un moyen intéressant de profit).
faire la critique de la peinture et de Ceci étant. les peintres les plus actifs,
environ une trentaine, n'ont aucune Ceci explique aussi le début très timide
conclure que l'œuvre aussi bien que du marché et des galeries à Rabat et
l'artiste sont aliénés par l'occident influence dans la vie de la Société. Ce
nombre indique clairement qu'il est à Casablanca, le vrai marché de la
On fait abstraction dans cette critique insuffisant par rapport au nombre d'ha- peinture a toujours été poussé par la
des institutions telles, musées, écoles, bitants. volonté en quelque sorte collective
centres artistiques etc... On procède d'une hégémonie donnée.
Malgré ces éléments objectifs et
comme si l'artiste et l'œuvre devaient subjectifs, un certain nombre de pein- Au Maroc, la bourgeoisie, tout en pos-
surgir comme un miracle au milieu de tres ont pu procéder à l'élaboration sédant les tenants et les aboutissants
l'histoire. Or il est de notoriété publi- d'une théorie de la peinture marocaine de la vie de la Société, est paradoxale-
que que le Maroc ne dispose que d'une et arabe, elle montre une démarche de ment opposée à tout ce qui touche la
école de beaux arts à Tétouan et d'une l'art actuel et de la culture nationale. culture, l'art, et manifeste même un
petite école municipale à Casablanca. L'existence de l'Association des Arts certain mépris pour la création et les
Les seuls musées sont ceux de l'héri- Plastiques est un témoignage de cette créateurs. Elle s'amuse dans le folklore
tage colonial, il s'agit des Musées des prise de conscience de l'Artiste maro- pour le folklore lui-même.
Arts Traditionnels et Populaires. De- cain et de son rôle dans la Société.
puis l'indépendance, non seulement Nous constatons là que l'artiste comme
Il yale problème du public qui est le large public sont abandonnés à eux-
rien n'a été fait mais les établisse- souvent dénoncé et commenté, mais mêmes.
ments hérités du protectorat ont con- le public qui pose le plus de problèmes
nu une dégradation alarmante et une aux peintres à mon avis, est le public Tout à l'honneur des artistes, sont la
grande partie du patrimoine est grave- des intellectuels, écrivains, JOLJrnalistes patience et le sacrifice qu'ils démont-
ment endommagée. etc ... Du fait de sa formation et de rent dans leur quête de la vérité &( dan~
son aliénation, ce public aborde la leur lutte même sous-jacente pour
Au niveau des écoles primaires et se- peinture avec des préjugés qui l'em- l'épanouissement de l'art et la culture
condaires, un mépris total est résevé pêchent d'établir un dialogue véritable de demain, afin que l'art entre dans la
avec la création, il conçoit des schémas vie sociale par la grande porte, que la
à l'éducation artistique, ainsi, les en-
mentaux qui n'existent que dans sa Société les assure et les défende, (ac-
fants et adolescents sont privés de tuellement l'artiste ne dispose d'aucune
tête et va à la recherche d€s œuvres
toutes possibilités d'approche du qui peuvent "coller" avec ces schémas. garantie contre les risques de la vie,
monde plastique et visuel, il en dé- Ainsi ce public entrave le dialogue aucune retraite, aucune protection.)
coule une grande lacune dans la for- entre le peintre et le public le plus large L'Art ne pourra se développer au
mation des artistes et par conséquent par les préjugés et les interprétations Maroc, sans que toute la Société ou du
du public. Il est impossible de conce- érronées qu'il fait circuler par la presse, moins l'avant-garde de la Société fasse
il développe une très mauvaise façon sienne l'affaire des arts plastiques com-
voir un développement de l'art dans
d'approcher la peinture et approfondit me des autres arts dans le contexte
l'absence des institutions et des cadres la confusion dans les idées.
qui .permettent son épanouissement. d'une volonté collective de développer
Bour~eoisie et snobisme. une culture nationale digne de ce nom.
Je pense ici aux défenseurs de l'art dit
"naïf" qui sciemment ou inconsciem- Le public non instruit constitue pour Mohamed Chabaâ

38
LIVRES ET LECTURES

KHAIR EDDINE
une odeur de mantéque
ou le récit impossible

hair-Eddine, da~s la plu- lant dtl poux rouges et verts" qui se Quant aux crapauds secrétés par sa
part de ses œuvres, nous mettent à combattre les animacules. pensée, ils ressemblent trait pour
a habitué à une technique Victorieux par le nombre et par la trait à ceux qui agonisent dans le
informelle qui opère une puissance, ces crapauds seront à leur poème de Nissabouri, ultime méta-
sorte de déconstruction tour victimes de serpents issus eux- morphose des personnages du conte...
des modèles littéraires traditionnels. mêmes des pensées du vieillard. Soulignons également dans les deux
~on utilisation, dans un même texte, Le second enchantement réunit le oeuvres le même souci d'enracine-
de la prose narrative et du récit vieil homme et le fquih-sorcier qui ment du texte dans un patrimoine
dialogué, de la scénette et du lyrisme, lui avait conseillé le vol du miroir et ou dans une tradition orale. C'est
provoque l'éclatement du genre ro- qui, enfant, l'avait protégé du mau- l'une des manières de revendiquer,
manesque et la constitution d'une vais oeil en le vouant au diable. Nous au de là de la graphie française,
parole sauvage dont la véhémence sommes non seulement dans l'outre- une certaine identité culturelle, même
suscite un véritable discours pluriel. monde mais dans un espace infernal si le récit de Khair-Eddine n'est que
Une odeur de mantèque (1), son qui rappelle d'assez près celui de la calqué sur le modèle des contes orien-
dernier ouvrage, n'échappe pas à Mille et deuxième nuit de Nissaboury taux.
cette règle L'imbrication des es- où disparaît l'ombre de Shahrazade. Nous avons dit "récit", en fait le
paces réels' et fabuleux, mnésiques Passons sur les nombreuses méta- terme devient déjà inopérant dans
et fantasmagoriques, la multiplicité morphoses de cet espace, sur les la mesure où la fiction fabuleuse
des voix et leur combat incessant disputes incessantes entre le vieux et demeure sans suite. Ainsi toute la
pour accaparer l'activité narrative, son initiateur qui reçoit le nom de diégèse élaborée par le début de
suscitent une forme de récit qui se "supervieux", nous arrivons ainsi au l'oeuvre, va-t-elle succomber à un
caractérise par sa propre impossi- stade final de cette première partie. transit narratif qui opère un retour-
bilité, reflet de l'impossibilité d'être Le supervieux obtient que le vieux nement total de l'espace diégétique.
de l'auteur lui-même. puisse entrer dans la paradis des
"Houris du Livre" car, dit-il à Le transit narratif et l'émergence
L'espace de la fable : une fausse "l'être luminiscent" qui contrôle les du "je".
diégèse. entrées, c'est un excellent "agent" du
"grand Maître", entendons par là : En fait, le transit narratif qui rompt
Le début de l'oeuvre nous introduit Satan. la trame du récit est double et
dans un univers fabuleux en tout Car c'est là toute la symbolique de correspond, d'une part à l'exclusion
point semblable à celui des Mille et ce récit fabuleux. Le vieux est un du "il" remplacé par le "je" d'autre
une nuits (que l'on songe par marchand dont les affaires n'ont part à l'élimination de ce premier
exemple,au conte intitulé Le Mar- prospéré que par le crime et le vol. "je" par un second.
chand et le génie, qui ouvre le ·re- Ses pensées sont ~es crapauds qui En effet, au paradis des Houris où
cueil). Nous nous trouvons donc en écrasent le petit peuple des anima- le vieux subira par l'orgasme une
compagnie d'un vieil homme qui a cules puis des serpents qui le dé- sorte de régénérescence, le super-
fait fortune dans le commerce d'une barassent des crapauds après usage... vieux, son guide, entonne une chan-
manière scandaleuse. En effet, ce Consacré au "grand maître" par le son que "jamais oreille humaine
vieillard possède un miroir magique fquih-sorcier, il devient l'un des n'ouït". Cette chanson nous plonge
volé autrefois, sur le conseil d'un principaux vecteurs du mal. Une dans un nouveau récit symbolique où
fquih-sorcier, à un marchand qu'il scène caractéristique qui, à elle il est question de l'Espagne, plus
a ensuite assassiné. Cet objet hanté seule, résume le sens de cette pre- exactement d'un rêve vécu en
contre lequel il s'emporte va devenir mière partie nous le montre sodo- Espagne par un jeune couple. On y
le médiateur d'une série d'enchan- misé par un démon invisible. embaume à chaque carrefour un
tements diaboliqaes. C'est donc une mémoire diabolique "ancien tueur", vivant irrémé-
Le premier enchantement transporte qui, lentement, émerge du récit fabu- diable" ; on y visite un palais sous
le vieux dans une salle "haute leux et bien des éléments évoquent la conduite d'une mère espagnole et
jusqu'au ciel" où il se voit menacé La Mille et deuxième nuit. Le vieux de son enfant, pour y découvrir que
par une multitude d'anomalcules apparaît en effet comme une figura- tous les diamants ont disparu, volés
engendrés par un nuage noir. Fort tion nouvelle de cet autre enrichi par le père qui s'est enfui en Améri.
heureusement pour lui ses pensées que. L'enfant meurt. Le rêve s'inter-
donnent bientôt nuisance à des cra- qu'est Sindbad, roi du "pays fendu" rompt et le couple initial se retrouve
pauds "pustuleux et gluants, grouil- livré au despotisme des "sodomisés". errant à l'aventure, dans une nature

39

b
indéfinie. précisément, d'une mémoire paisible. Car on l'a compris depuis long-
Quelle importance accorder à ce Cynique, insolente, lorsqu'elle par- temps, sous le couvert d'une fiction
micro-récit qui n'est, rappelons-le, vient à s'organiser en discours co- ô combien laborieuse, c'est la voix de
qu'une chanson de supervieux ? celle hérent sa parole relève d'une cons- Khair-Eddine qui s'exprime tout au
d'intégrer, pour la première fois, cience diabolique surgie d'une sorte long de cette dernière partie. Espace
dans l'espace fabuleux, un espace de mémoire collective bourgeoise. anti-diégétique donc que cette ultime
réel : l'Espagne.... lieu d'un rêve Car, c'est bien un bourgeois enrichi, phase du récit, dans la mesure où
avorté, d'une faillite financière, à qui au hasard du flux mnésique, nous la mémoire qui se raconte le fait de
l'ombre de ce "vivant irrémédiable" retrace les étages de sa fortune fon- manière décousue, tantôt dans une
à demimomifié, qui pourrait bien être dée sur le commerce, c'est-à-dire, ici, sorte de vomissement agressif
France, d'où cette rétiscence de sur le vol et le meurtre, le pillage et tantôt dans une véhémence
Khair-Eddine intervenant lui-même le brigandage, la corruption et la qui est celle de la révolte ... D'où cette
dans le récit, par le biais des paren- religion ... Mémoire patriarcale, à distorsion de la logique discursive,
thèses : ("je ne puis tout transcrire travers, laquelle surgissent comme sensible à travers tout le monologue
sous peine d'être moi-même radié de chez Ben Jelloun ou Boudjedra, les du vieux.
ce globe") (p. 50). mécanismes d'une tyrannie qui au Parfois, il essaie d'organiser le flux
Son premier chant achevé, le super- sein de la famille traditionnelle et mnésique selon une certaine chrono-
vieux entreprend un second récit féodale, oppresse les femmes aussi logie :
pour prédire au vieux l'avenir de son bien que les fils. Passons sur l'enoncé "Si, je me souviens bien, je devais
pays : "Voici donc mon rêve, ami, des perversions sexuelles du vieillard être assez fortiche question bagarre.
pour que tu saches ce qu'il adviendra sur sa collusion avec le pouvoir, sur Eh oui, mais commençons par le
de ton territoir" (p. 53) Suit l'évoca- sa pratique religieuse intéressée commencement. Enfant, je n'étais
tion de la guerre du Rif (la seconde), et hypocrite, pour arriver au moment qu'un traîne-cul comme tous les
de la misère du peuple ("Toute la où cette mémoire malfaisante tra- mioches de mon village" (p. 98)
ville se tort de faim : le peuple crève verse une période de crise ... Mais toutes ces constructions men-
sur les dalles scellées") et de En effet, deux éléments qui apparais- tales trop réfléchies, trop diégétiques,
l'émeute de Casablanca ... Cependant, sent au cours du monologue vont sont vouées à l'échec :
peu à peu, au cours du récit, insensi- entraîner une crise de conscience "Comment j'ai pu quitter Belleville?
blement d'abord, puis avec de plus dont les conséquences vont être c'est très simple. Non ce n'est pas si
en plus d'évidence, la voix du vieux considérables sur le point de vue simple que ça. Je le dirai peut-être
se superpose à celle du supervieux, du vieux. A la terrasse d'un café, il une autre fois. Non, je le dis tout de
avant de l'évincer totalement de l'es- voit passer un cercueil: avec l'image suite. Non, non, ce n'est pas la
pace narratif. Au terme de ce second de la mort, c'est toute la vanité de peine ..." (p. 123)
transit qui s'effectue progressive- son existence qui lui est brutalement Parfois de flux mnésique ineapable
ment, c'est le vieux lui-même qui se révélée: "Toute la fausseté du monde de toute articulation, éclate en
raconte. Il vit sa propre mort puis se t'es soudain apparue comme sur une bribes, prolongeant par le mutisme sa
retrouve dans un espace mi-cellulaire, table de jeu une défaite irré- propre impossibilité :
mi-infernal, "cramponné à un mur parable !" (134) Ensuite, la fré- " .. errant, toussant, crachant, seul,
humide et glissant fait avec des quentation des hippies de Tanger, ces cerné de mouches noires et vertes...
lames de rasoir" où les "flics" "batraciens venus de l'Occident" :.. chez lui, des épices chères, des
le soumettent à la question pour lui "seuls messagers possiblf)s de ce pains de sucre, des notes étalées sur
faire "vomir" sa "mémoire rébarba- monde déjà mort" (p. 141) boule- des cahiers jaunis barrées de lon-
tive" (p. 70). verse sa perspective idéologique, gues zébrures, parfois de fantôme
Cette seconde matrice diégétique, suscitant un revirement politique des d'une jeune femme à court d'argent
dans sa complexité interne nous ré- plus complets. Dès lors, la véhémence qu'il avait montée pour une pincée
vèle à quel point la mise en oeuvre révolutionnaire succède à l'impudence de safran...
du récit s'affirme laborieuse (on du discours doxologique. A travers ... chez lui ? Plus rien !" (pp. 115 -
songe à cette "guerre des récits" dont l'évocation souvent impréeatoire de 116)
Ricarbou fait l'une des caractéris- l'histoire récente, c'est l'ordre poli- Enfin à l'intérieur de ce discours
tiques essentielles du nouveau ro- tique actuel qui se trouve mis en éclaté la voix du vieux subit elle-
man). Car nous en sommes au troi- cause: même l'agression d'autres discours :
sième changement de code narratif: celui d'un de ses fils, celui du hippie
du conte fabuleux, nous sommes "Tu ne dis que des bêtises, Katous de Tanger, celui de Khair-Eddine
passés au double récit du supervieux Des bêtises plus idiotes que ta fichue surtout, dont on sent l'impatience
avant de parvenir à cette parole morve! Dis plutôt à tes compatriotes d'accéder sans masque à la parole.
totalitaire qui, désormais, donne la qui sont du même sang que toi qu'il Pour Khair-Eddine en effet, créer
narration : celle du vieux "vomis- va falloir bientôt étriller le pays et des personnages, élaborer une fic-
sant" sa mémoire. sectes qui vous bouffent le sang". tion, raconter, est impossible. Nous
(p. 143). avons montré comment Une Odeur de
La mémoire vomie un espace Telle est la leçon du hippie de Tanger mantèque est un récit qui essaie à
antidiégétique. Peut-être le revirement politique trois reprises de démarrer sans vrai-
qu'entraîne ce discours est-il à l'ori- ment y parvenir. Derrière le second
Evoquer des souvenirs peut cons- gine de l'arrestation du vieux et de versant du personnage qui finit par
tituer une excellente diégèse, bien des son interrogatoire qui, nous l'avons accaparer la parole il y a en fait,
romans sont construits sur ce prin- vu, génère son monologue ... En tout l'auteur lui-même, criant son moi
cipe. Encore faut-il que la mémoire cas, l'oeuvre qui s'était ouverte sur exclu d'une société qu'il réprouve,
soit consentante ... Lorsqu'elle se veut un récit à la manière des Mille et révolté contre l'oppression qui le rend
"rébarbative" et que les souvenirs une nuits, se ferme sur l'évocation du étranger à son propre pays. C'est
sont "éructés" (p. 117), le récit de- sud marocain, fief du vieil homme... toute la problématique de son exis-
vient problématique. le sud, c'est-à-dire Tafraout, d'où tence qui, chez lui, s'inscrit dans une
Or, la mémoire du vieux n'a rien, Khair-Eddine lui-même est origi- problématique du récit.
naire. Marc GONTARD
(1) : Paris, Le Seuil, 1976
40
LIVRES ET LECTURES

La pensée socio-économique Grammaire Générative du Parler qui n'ont pas été traités au cours du
travail proprement dit.
d'El Makrizi, par Fathallah Arabe au Maroc quelques
Si l'on sait d'avance que l'objectif de
Oualalou aspects syntaxiques de la phrase Hassan Esmili dans cette étude était
Publication du bulletin économique simple. moins de découvrir des règles ache-
et social du Maroc n° 130 Casablanca vées et définitives que de mesurer
1976 - 111 pages et annexe en arabe. 185 pages ronéotypées - Paris 1976 - l'adéquation des concepts et des
Pourquoi revenir à un auteur du Thèse pour le doctorat de 3ème cycle - méthodes de la grammaire générative,
XIVème et XVème siècle ? présentée à Paris III en mars 1977 - dans leur application au parler arabe,
N'est-ce pas là le signe d'une orienta- Hassan ESMILi vient de soutenir sa l'entreprise de l'auteur n'était point
tion salafite ou celui d'une archéolo- thèse de troisième cycle, consacrée au vaine.
gie du savoir '? D'aucuns auraient dialecte marocain, sous la direction de
pensé immédiatement que Fathallah David COHEN. Ce travail ouvre une
ne pourrait point échapper au dét~r­ La peinture de Ahmed Cherkaoui
brèche importante dans la connais-
minisme des questions posees sance linguistique de notre dialecte, Textes par El Maleh - Khatibi -
ci-dessus mais l'auteur prend bien surtout que nous souffrons de docu- Maraini - Melehi - ~hoof publications
soin de préciser que "le mobile qui mentation sérieuse sur la question, Casablanca 1976 - 191 pages.
oriente cet essai ne se situe nullement hormis quelques travaux de morpho-
au niveau des motivations psycholo- Qui aurait osé imaginer que le destin
logie et de lexicologie réalisés par des frapperait Cherkaoui, longtemps
giques et des entêtements académi- grammairiens au début de ce siècle.
ques, ni au niveau des déf~ts 'sala- absent du Maroc, dans une clinique
En choisissant quelques aspects syn- casablancaise, lors d'une opération
fites' . il ne relève pas aUSSI du com- taxiques de la phrase simple, Hassan
plexe du sous-développemen~".,C'est pourtant la plus bénigne, celle de
ESMILI veut délibérément échapper l'appendicite. Triste ironie du sort
le caractère actuel de la pensee econo- aux généralités pour approfondir da-
mique d'El Mak~izi qui, a pous.sé pour quelqu'un habitué à vivre dans
vantage un aspect de son investiga- un univers technologique assez avan-
Fathallah à s'interesser a cet hIS- tion. De même, pour mieux aboutir
torien du XIV & XVème siècle et, de cé, et qui voulait renouer aver sa
cette étude concrète, l'auteur s'est li- mère patrie. L'absurdité de sa mort
surcroît, disciple d'Ibn Khaldo,un.. mité, au niveau de la méthode, à une
Dans ce petit livre, Fathallah ~tudI.e dépasse l'imagination de Camus et de
seule direction de recherche, celle de bien d'autres aussi. On a l'impression
tour à tour l'environnement hIstorI- la grammaire générative et plus pré-
que d'El Makrizi, les grandes muta- que les mains de ses frères ont été
cisément l'approche de Chomsky, tout dirigées irresistiblement par un
tions du XIVème siècle, l'œuvre et le en prenant en considération les appli-
personnage d'El Makrizi, les données destin fatal.
cations données par des linguistes qui
socio-économiques de l'Egypte dp. ont travaillé dans la même direction, Ecrire un livre, ramasser les toiles
XIVème siècle, les analyses mone- tels que Rivet. Kayne, Dubois, significatives de Cherkaoui est une
taires dans l'œuvre d'El Makrizi, en Jackendoff et Dubois Charlier. L'auteur œuvre compliquée, mais en même
faisant une comparison avec Gres- a volontairement aussi laissé de côté temps nécessaire. Les efforts de
ham mais surtout les points les plus les soubassements philosophiques et Khatibi, Melehi, El Maleh, Maraini
actu~ls de la pensée d'El Makrizi, à psychologiques de la grammaire géné- sont louables à plusieurs égards. Ce
savoir la stratification sociale et les rative sur lesquels il avoue avoir quel- livre techniquement bien fait s'inscrit
conséquences des difficultés. écono- ques réserves, comme il a laissé de dans la tradition des beaux albums.
miques sur les groupes SOCiaUX, le côté le fonctionnement des "com- Ce qui fait le mérite de ce livre sur
schéma de la stratification sociale, posantes interprétatives", c'est-à-dire Cherkaoui, ce n'est pas seulement
l'impact des difficultés sociale~ et .de la pholologie et la sémantique. son édition très soignée, très luxu-
la hausse des prix sur les categories euse, mais l'effort trilingue (arabe,
sociales. Dans un premier chapitre, l'auteur a français, anglais) qui est déployé
Dans sa conclusion, Fathallah précise développé les règles de réécriture des pour que la mémoire de Cherkaoui
que l'étude des causes du désordre constituants du syntagme prédicatif. ne soit pas emportée par les vents
monétaire et des difficultés socio- Certains aspects syntaxiques liés au des saisons, comme le sont les feuil-
économiques analysés par El Makrizi, verbe comme le passif, le réfléchi et les de l'automne.
peut être d'un grand secours, pour la construction factitive, ont été dé-
nous, afin d'élucider les multiples gou- veloppés au deuxième chapitre. Cer- Dès la couverture, on ne peut s'em-
lots d'étranglement que les pays du tains de ces points ont eu un traite- pêcher de vibrer devant la photo de
tiers-monde connaissent aujourd'hui. men t transformationnel, d'autres Ahmed Cherkaoui serrant son fils
Avec ce petit ouvrage, Fathallah (comme les verbes factitifs) on été Noureddine,
Oualalou vient d'apporter une con- analysés au moyen de règles lexicales.
Espérons que les morts du monde
tribution non négligeable à la con- Le troisième chapitre traite du syn- pictural ne soient pas les seuls à
naissance de la pensée économico- tagme nominal, alors que le dernier est bénéficier de l'effort créateur et ima-
sociale de certains auteurs arabes consacré à quelques transformations ginatif de tous nos amis écrivant qui
dont l'étude reste encore à faire. De qui touchent aux types de phrases s'intéressent à la peinture.
telles contributions, même sans telles que les transformations impéra-
grande ambition, rentrent dans l'im- tive, négative et interroqative. En guise
pératif de la récupération de notre de conclusion l'auteur se propose
passé. d'expliciter un certain nombre de points

41
LIVRES ET LECTURES

Etudes Philosophiques et Litté- inédit de J. Giono Une Suisse au-dessus de tout


raires. - Activités et informations diverees. soupçon.
Il - en arabe :
Etudes Philosophiques et Littéraires
Revue de la Société de Philosophie du - Présentation du numéro (Jean Ziegler)
Maroc· nouvelle série n° 1 - 1976/1977 F. JAMAI LAHBABI
éditions Dar el Kitab Casablanca 1977 - Des études sur EI-FârAbi par : Editions du Seuil - Paris 1976
188 pages en arabe - 84 pages en J. MADKOUR - BABAJAN V.
178 pages.
langues étrangères.
A.S. Nachar - Jean Ziegler qui s'est déjà signalé
Après une éclipse qui a duré assez
longtemps, la revue de la Société de A. Alghanouchi • M. A. par des écrits sur l'Afrique semble
Philosophie du Maroc vient de paraître, M. A. Lahbabi s'intéresser depuis Mai 1968 aux
fin Février 1977. Tout en continuant
problèmes de l'impérialisme et de la
- Taha Abderrahman : Langage et révolution. "Une Suisse au-dessus de
sur la voie de la précédente revue, la philosophie - A. Oumlil :
nouvelle série ne lui est pas moins
tout soupçon" est un réquisitoire
un exposé sur les débuts de l'his- assez violent contre les pratiques de
différente. Différente tant par le corpus toire sur les Arabes •
qui l'anime que par la matière qu'elle
l'impérialisme et du capitalisme cen-
s'est promise de traiter. Certes, on
- A. DOUAY : Le père de l'exis- tral. Il essaie de démontrer, par de
retrouve toujours Mohamed Aziz
tentialisme est mort. menus détails, la violence structurel-
Lahbabi, Chenu et Ferrari, aussi bien - Activités et informations diverses. le de l'oligarchie suisse et ses rela-
dans le comité de rédaction de la revue tions étroites avec les tenants du
qu'au sein de la Société de Philosophie
capitalisme central. Ce n'est pas
du Maroc. Ceci ne devrait pas être seulement avec le volume du
un reproche ou une critique mais plutôt butin, mais l'importance et l'am-
une volonté de continuité chez certains pleur du système d'exploitation mon-
hommes que le temps a pourtant sé- Message d'une migration. dial mis en place par les seigneurs
parés géographiquement et profession- de la banque, de la chimie et du
(Toni a. Maraini) ciment qui permet de bien mesurer
nellement pendant quelques années.
Disons - le, le mérite de cette nouvelle Editions Shoof - Casaablanca 1976 la violence exercée par l'oligarchie
série revient incontestablement è 6 pages. suisse. C'est ainsi que la Suisse
Mohamed Aziz Lahbabi • abrite 447 société multinationales
Voici le recueil de poésie d'une si- contrôlant 1456 filiales ; 85,7 % de
On lira dans ce numéro, les articles cilienne qui s'est déjà fait connaître ces filiales se trouvent dans des pays
suivants : par ses manifestations et surtout par industriels du centre et 14,13 % dans
1 - en langues étrangères : sa participation dans une revue plus les pays de l'aire tricontinentale.
- Avant-Propos
ou moins moribonde "Intégral".
F. JAMAI LAHBABI Cette sicilienne n'est autre que Toni Se voulant résolument anti-impéria-
- L'accord de la religion et de la phi- a. Maraini, épouse du peintre bien liste Jean Ziegler pose dans ce livre
losophie selon FArAbi connu Mohamed El Melehi. un problème de fond, à savoir : la
Louis GARDET Toni fait preuve d'une sensibilité poé- lutte de classes. II commence par se
- El FArAbi et la rencontre des cul- tique séduisante et d'une bonne demander quelle est la fonction in-
tures maîtrise de style. ternationale de la lutte des classes
J. LANGHADE "Un monde patriarcal contre un autre aujourd'hui. Il précise "que toute
- AI-FArâbi and human civilization une possession contre une autre lutte de classe est une lutte anti- im-
- Foi religieuse et idéologie une violence contre une autre périaliste mais l'inverse n'est pas
une exclusion contre une autre vrai". La lutte anti-impérialiste est
M. LELONG qu'est-ce qu'ils peuvent contre la une étape du combat de classe, mais
- The 30 th International Congress conscience ? elle ne se confond pas avec lui.
of human sciences in Asia and qu'est-ce qu'ils peuvent contre le Exemple : la lutte anti-impérialiste
North Africa vent? en Europe suppose aujourd'hui un
- Hassan Il, Le Défi qu'est-ce qu'ils peuvent contre la ma- appui inconditionnel à l'OPEP et le
- A. Bouhdiba, Islam et sexualité trice ? refus de l'Agence Internationale de
compte - rendu par A. BOUNFOUR rien d'autre qu'une tentative d'hy- l'énergie, même si, du point de vue
- Pour une culture de sauvegarde pnotisme de la lutte de classe, nombre des
- Manifeste pour une "fondation cul- une civilisation contre une autre dirigeants de l'OPEP sont à consi-
ture et maîtrise" à la recherche de cobayes interposés dérer comme des ennemis. Du point
- AI-ghofrao d'AI-Mâarl par le temps de vue de la lutte anti-impérialiste,
A. Madni et T. Saddiki de laisser derrière soi ces embus- il est scandaleux de dénoncer les
- Jusqu'au trognon (humour noir) cades". émirs arabes qui prennent le con-

42
LIVRES ET LECTURES i

trôle de leurs richesses nationales, o. A. S., leurs méthodes d'intimida- je te serre


imposent des prix justes aux sociétés tions, de chantages, de délations de citron précoce qui cherche la brèche
multinationales du pétrole et brisent violences ainsi que leurs relations engloutit la paume les reliefs
la dépendance séculaire de leurs avec les Sociétés d'intérimaires. Il je te serre
pays ; il est, par contre, nécessaire décrit comment le patronat parvient nfrain ponctuant mes chevauchées
et juste de les dénoncer comme di- à introduire la C.F.T. (Confédération aléatoires de mutation en mutation
rigeants réactionnaires et anti- Française du Travail) dans ses usines ma présence ponctuelle
populaires de leurs Etats respectifs". et à en faire le syndicat majoritaire. se SUrpasS6
Dans ce travail plein de chiffres Tout au long de son livre, Marcel se surpasse
et de détails qui constitue une do- Caille dégage clairement la hantise en dépit de la contrainte
cumentation sérieuse sur le lien du patronat à l'égard de tout mou- du vertige"
étroit de la Suisse avec le capitalisme vement social dans les usines.
international, une fausse note ap-
paraît néanmoins à la fin de l'ouv-
rage, quand l'auteur essaie, d'une Un morceau de lune et une étoile
manière totalement cavalière, de dé- Chants superposés couleur de sang
boucher sur une réflexion planétaire
en 6 pages, qui ressemble plus à un (Mohamed Loakira) Poèmes et écrits sur la Révolution
boyscoutisme politique qu'à une Editions Marocaines & Internationa- algérienne par Mohamed Lebjaoui
analyse de l'impérialisme ou de la les - Février 77 - 89· pages Editions Adversaires - Genève 1975
lutte des classes. 129 pages.
Après "L'Horizon est d'argile" publié
Il n'en demeure pas moins que ce par OSWALD en 1971 et "Marra Décidèmment l'auteur de "Vérités sur
travail apporte des éclairages nou- kech" publié par les Editions Maro- la Révolution Algérienne" nous sur-
veaux sur la Suisse. caines & Internationales en 1975, prend. Connu pour être un grand
Mohamed Loakira vient de nous militant et un grand chef politique,
livrer son troisième recueil où il fait il était difficile d'imaginer que
preuve d'une sensibilité poétique, Lebjaoui est aussi un poête.
Les truands du patronat d'une maîtrise du verbe et d'une te- Le recueil qu'il vient de nous livrer
Par Marcel Caille - Editions Sociales chnique qu'on ne peut que louer. Il est intéressant à tous points de vue.
s'affirme avec ce recueil en poète Intéressant, tant à sa poètique
- 306 pages - 39 F. déjà mûr et sûrement maître de son qu'aux pensées sous-jacentes qui jail-
Marcel Caille vient de nous livrer style : lissent dès la première lecture de ces
des témoignages de plus de 500 per- poèmes. La poésie est décidèment le
sonnes sur la manière dont le champ pour l'expression de l'humain
patronat brise le mouvement social. dans son infiniment petit ou dans sa
Secrétaire de la centrale Syndicale sublime grandeur. Il n'y a qu'à lire ce
Française C.G.T., Marcel Caille est recueil pour saisir les palpitations,
bien placé pour parler des "bar- les espoirs déçus ou espérances main-
bouzes" du patronat~-Il a mené une tenues, les triturations et les satis-
enquête minutieuse sur l'opération de factions brèves ou longues, passa-
commando effectuée en 1973 (avril) gères ou durables de Mohamed
à SAINT-ETIENNE pour "libérer" Lebjaoui.
une usine Peugeot occupée par les
grévistes. Les détails sont édifiants
et inquiétants quant à la procédure
utilisée par le patronat. FATALITE?
Afin de prévenir tout mouvement L'Indépendance est proclamée
social, les truands du patronat, met- la victoire semble totale
tent en branle une véritable machine la vigilance s'endort
de guerre : emploi de travailleurs les militants prennent des vacances.
intérimaires pour casser toute action L'ennemi d'hier
en préparation, harcellement inces- était visible
sant et continuel des éléments syndi- les ennemis nouveaux
qués jugés dangereux, et surtout "PAYS sont camouflés.
implantation dans les lieux de travail avec mesure et discrétion
de syndicats d'(1bédience patronale. Je commence avec rage ma descente ils aident à la dispersion
Marcel Caille nous fait ici une analyse fouillis de rupture de refus nourrissent le doute et les disputes
très détaillée de ces "syndicats mai- fouillis de chaleur d'élan sèment les graines de la confusion ,.
son" en dégageant leurs amitiés de peur d'épuiser ta fatique Tortueux sentier

43

h
LIVRES ET LECTURES

du calculs - Samih El Gacem publiera bientôt Conscients de ce malaise, les mem-


dans la patience inquiète un nouveau recueil de poésie sous bres de l'Association sont venus se
du peurs à peine surmontéu. le titre "Le 3ème oxyde de car- "retrancher" à Fès, loin des lieux de
Ogru solidaires jamais rassasiés bonne". leurs soucis quotidiens, pour mieux
qui font ~eur pain - De même Ali Othman publiera réfléchir à la situation que traversait
avec la chair et le sang une série d'articles littéraires et leur organisation.
du révolutionnaires assoupis politiques sous le titre "Pensées La réunion des 4 - 5 et 6 mars 1977 a
du frères de combat désunis. d'un Palestinien". eu pour principaux objectifs: le renou-
- Après une longue éclipse. le 6ème vellement du bJ,Ireau, le bilan moral de
(Mohamed Lebjaoui) numéro de la revue "Patrimoine l'exercice précédent, la définition de
et Société" vient de paraître. l'engagement des membres la recher-
che des motifs qui ont conduit à l'éf-
face ment de l'Association lors de la
Pro - culture Réunion de l'Association Biennale, la définition des nouveaux
N° 9 - 10 - 8 DH - 66 pages objectifs de l'Association.
Marocaine des Arts Plastiques. Après des réunions marathon qui
Vous trouverez au sommaire : dans le cadre luxueux duraient parfois au-delà de 2 heures
- deux poèmes de Omar El Malki, du Palais Jamai à Fès du matin. l'Assemblée Générale à élu
- une nouvelle : Sans Titre - de l'Association a décidé de un nouveau bureau composé de
Abdallah Ben Smain, tenir son Assemblée Géné- Mohamed Melihi comme Président,
rale pour le renouvellement Siaoui comme Vice-président, Kacimi
- trois poèmes du même auteur, du bureau. comme Secrétaire Général, Bel Kahya
- une étude de Marie Gharghouri sur Cette association qui a pris un départ comme Trésorier et Bellamine, Benas
le mythe du mouton de l'Aid dans en flèche, a commencé à s'enkyloser et Rhattas comme accesseurs. Le Pré-
la Iitterature maghrébine de langue depuis quelques mois. Un certain sident sortant, Karim Bennani, a été élu
française, malaise y régnait. Son Président était Président d'honneur pour 2 ans.
- une étude sur les dépressions par publiquement attaqué en pleine Bien- Parmi les nouveaux objectifs dessinés
le docteur Noufissa BENJELLOUN, nale Arabe des Arts Plastiques. On par l'Association, il est à noter son
sait aussi que le rôle de l'Association désir de proposer aux organes gou-
- une ancienne interview d' "Afrique"
marocaine lors de cette importante vernementaux certaines réalisations
avec Ahmed Cherkaoui, en guise manifestation a été presque nul. Les permettant l'éducation artistique à la
d'hommage au peintre disparu, artistes venus à Rabat de tous les base, en intervenant au niveau des
- une interview avec Issa Ikken, coins du monde arabe, étaient iâissés options prises par les rouages de l'Etat.
- un entretien avec Kacimi, à eux-mêmes, en compagnie d'un Une charte et un programme de
fonctionnaire du Ministère d'Etat travail sont actuellement en préparation
- un poème d'Abdemajid Benjelloun. chargé des Affaires Culturelles. Notre par l'Association. Il est à signaler
propos n'est pas ici d'expliquer les aussi l'absence de nombreux membres,
torts des uns et des autres, mais simp- notamment celle d'Ahardane de
La vie culturelle en Palestine lement de souligner l'état moral où Seffaj, Lamrani, Mghara, etc.' ainsi que
occupée vivait l'Association. la démission de Latifa Toujani.

- Le poète Abdellatif AAQL vient


de publier son cinquième recueil: BULLETIN D'ABONNEMENT
"Les enfants font la chasse aux Je désire m'abonner à AL ASAS
sauterelles", 136 pages. 1 AN
- A l'occasion du 20ème anniver- - Maroc : 40 DH Etudiant: 30 DH
saire de la boucherie de Kafr - Etranger : 60 FF (ou équivalent)
Kacem, Emile HABIBI vent de
publier un livre intitulé "Kafr
Kacem - la boucherie politique" Prénom
(287 pages) où l'on trouve aussi
des poèmes de Samih Al Gacem. Adresse:
- Le Comité Régional pour la Dé-
fense des Terres Arabes en
"Israël" vient de publier un livre Nombre d'abonnements :
documentaire intitulé "Le livre Je joins le réglement par :
noir pour la journée de la terre, chèque bancaire CCP Mandat
30 Mars 1976".

44
RETROSPECTIVES '

Bourgeoisie nationale et colonialisme


r Genèse d'un rejet

Par Ahmed El Kohen Lamrhili Le jeune mouvement citadin demeurait contre le Dahir berbère était quasi-
encore avant 1930 isolé, aussi bien général, aussi bien dans les villes que
dans les villes que dans les cam- dans les campagnes. La répression fut
pagnes. Il était l'apanage de simples impitoyable: des milliers d'arrestations
étudiants et de quelques Oulama. Dans dont celles de certains "meneurs" ont
l'ensemble, les puissantes fortunes ci- été opérées. l'adjectif "nationaliste'" a
tadines continuaient paisiblement leur été collé aux protestataires par les
enrichissante collaboration avec les autorités du Protectorat. le mot
autorités du Protectorat, et la guerre "watani" (nationaliste) ignoré jus-
de "pacification" était loin encore qu'alors par les masses, allait devenir
d'être terminée. le jeune mouvement une fierté et justifier bien des com-
national ressemblait plus à un conflit portements à l'égard des autorités de
de générations qu'à un processus l'occupation. Que signifiait-il pour
proprement dit visant un changement beaucoup d'entre eux ? l'amour de
axial dans l'ordre établi. l'Islam et de l'Indépendance (au sens
strict du terme). le jeune mouvement
Le Dahir Berbère, national sort affirmé de cette épreuve.
le Bled a ainsi appris que certaines
Il fallut attendre la promulgation du
cités (Fès, Rabat, Salé, Tétouan,
Dahir berbère en février 1930, pour
Marrakech), jusque là somnolentes, se
donner l'occasion à ce mouvement de
mettent à être gagnées par la fierté de
se manifester sérieusement sur le plan
la défense de l'Islam et de l'intégrité
national et de tester ses capacité de territoriale.
mobilisation des masses. l'occasion
fut, on ne peut plus, idéale. La France Cependant aucune organisation et au-
allait indirectement accorder la légi- cune coordination n'ont été jusque là
timité à son rival. Ce fameux Dahir prévues entre les campagnes et les
berbère visait, entre autres, à sous- villes. le Dahir berbère offrit plus une
traire les tribus berbères au droit mu- occasion à une indignation collective
sulman (fiqh) en consacrant l'ort'' qu'à une organisation proprement dite
local (coutume) dans les jugements du processus national.
des "tribunaux".
« Maghreb ))
Une telle consécration officielle du A Paris, des étudiants marocains lan-
"Ort" était une éclatante illustration cèrent, grâce à l'aide de certains so-
des inquiétudes du jeune mouvement cialistes français, en juillet 1932, la
nationalo-Salafite quant à la "désarti· revue MAGHREB, dont le rédacteur en
culation" idéologique et spirituelle du chef fut Robert Jean longuet. fils d'un
pays par le Protectorat. La tâche de socialiste qui s'intéressait aux ques-
protestation n'était que trop facile tions coloniales. le Dahir berbère
pour un mouvement déjà en relation servit ainsi d'occasion pour ouvrir "la
1
./ avec les éminents penseurs arabes et question marocaine" jusque là scellée
musulmans. depuis la fin de la Guerre du Rif. Dans
l'histoire, il est certaines erreurs des
Ainsi les protestations contre le Dahir
gouvernements qui hâtent comme un
berbère allèrent· dépasser largement
cyclone, des processus de maturation
les frontières nationales et déborder sur auxquels on s'attend le moins. Au
le monde arabo-musulman et une partie
Maroc, le premier numéro de l'hebdo-
du monde européen. Le rôle joué par
madaire "l'Action du Peuple" (en
le Cheikh Chakib Arslan dans cette français) était apparu, le 4 Août 1933.
"bataille" était grand. C'est à lui que la même année apparut en arabe la
revient le mérite d'avoir joué le rôle revue "Es-Salam" en zone Nord, sui-
de coordinateur entre le jeune mou- vie de l'hebdomadaire "al-hayat" (en
vement et le reste du monde arabo· arabe aussi) au début de 1934.
musulman et chrétien. C'est lui aussi
Sur le plan culturel, d'importants
qui fut l'initiateur de certains "chefs"
changements ont été enregistrés. les
du mouvement national marocain dont
jeunes délaissent les sciences classi-
Mohamed Hassan el-Ouazzani par
ques qui ont longtemps fait la renom-
exemple.
mée de la Qaraouiyine pour les rem-
A l'intérieur du pays, le soulèvement placer par un savoir qui leur permette

45
k RETROSPECTIVES

de mieux comprendre et d'expliquer vée que fin novembre. Rappelons que - Abdelaziz Ben Driss, originaire d'une
les causes qui ont abouti à la coloni- la même année, le Destour tunisien grande famille de Fès, alem de la
sation du pays "Parmi toutes les entamait une nouvelle phase de son Qaraouiyine, renonça à son titre en
sciences morales, c'est dans l'histoire histoire, en procédant à la fameuse 1932 en signe de protestation con-
qu'on cherche le plus volontiers les scission de Qsar Helai qui laissa dans tre la politique du Protectorat,
exemples, les autorités ( ... ). Une une marginalité quasi-totale, les "vieux - Ahmed Cherkaoui, d'une famille
troisième tendance, violente, celle-ci, turbans" du mouvement national tu- moyenne de Rabat, instituteur
pousse les jeunes vers cet ensemble nisien. Près de 15 ans séparent la d'arabe,
de disciplines qu'embrasse le mot "Tunisie Martyre" du "Plan des Ré-
"adab ( ... )" (1). On peut sérieuse- formes". Le mouvement national algé- Mohamed Diguri, industriel à Port-
ment penser qu'une action culturelle rien, quant-à-Iui, était loin d'opérer une Lyautey, jouait le rôle de banquier
était simultanément menée avec l'ac- prise réelle sur les masses. Trois ten- du groupe,
tion politique et religieuse, surtout que dances se dessinèrent déjà : la ten- - Allal el-Fassi, originaire d'une
la réforme de certains programmes de dance messaliste de 'TEtoile Nord- grande famille de Fès, alem re-
la Qaraouiyine intervint à la même pé- Africaine" constituée en France en nonça aussi à son titre en 1932,
riode, suivant en cela l'exemple des 1926 qui venait d'affirmer son in- - Boubker el-Qadiri, d'une grande
Universités d'AI-Azhar et de la Zeitou- transigeance lors de son congrès de famille de Salé, libraire.
na. Pour mieux encore donner un sens 1933, en lançant des revendications
- Mohamed Ghazi, originaire d'une
légitime à leur action, ces jeunes dé- que ni les Tunisiens, ni les Marocains
grande famille de Meknès, alem.
cidèrent d'agir dans un cadre idéologi- n'avaient encore osées (indépen-
dance de l'Algérie et création d'une - Mohamed Lyazidi, originaire d'une
que strictement monarchique. C'est
famille modeste de Rabat. Mais
ainsi qu'ils lancèrent l'idée de la fête du armée nationale algérienne). La ten-
bientôt son frère Ahmed, allait de-
Trône qui devait commémorer chaque dance des Oulémas constituée en as-
année le 18 Novembre, l'accession sur sociation depuis 1928 sous la direction venir un riche commerçant, après
avoir été lieutenant dans l'armée
le trône du Sultan Mohamed Ben Yous- du Cheikh Ben Badis, qui situait son
sef. Le jeune Sultan fut d'ailleurs invité combat sur le terrain strictement reli- française,
à Fès de 8 Mai 1934 et la population gieux et culturel. Enfin, la tendance des - Mohamed el-Mekki Naciri, d'une
de Fès lui réserva un accueil qui ne "assimilés" dont le leader Ferhat grande famille de Rabat, fit ses
manqua pas de le troubler et d'inquiéter Abbas était toujours encore à la re- études au Caire, qu'il termina en
les autorités françaises qui voulaient cherche d'une "Nation Algérienne" 1927, fut expulsé du Maroc
tenir "en laisse" le jeune monarque. Mais l'action de toutes ces tendances "français" en 1930 pour sa cam-
La fin de l'année 1933 vit le jeune mou- était encore limitée et sans prise réélle pagne contre le Dahir berbère,
vement accéder à une maturité qui sur le peuple. - Mohamed Hassan el-Ouazzani, fils
commença à le confirmer dans son rôle d'un important propriétaire de Fès,
au niveau national et dont le combat
Comité d'action marocaine, fit des études à l'Ecole des Langues
politique va de paire avec l'action re- Le plan des Réformes faisait état d'un Orientales et à l'Ecole libre, des
ligieuse. Sur le conseil du jeune mou- grand malaise au Maroc dont la politi- Sciences Politiques, fut secrétaire
vement, le Sultan fit promulguer un que du Protectorat qualifiée de "ra général de l'AEM NA en 1929.
dahir interdisant les manifestations trop ciale, partiale, obscurantiste, antili- Cette équipe était groupée dans le
éclatantes des confréries "Aissawa" et bérale, colonialiste et assimilatrice" "Comité d'Action Marocaine" formée
"Hamadcha" tant encouragées par les était la véritable cause. Pour remédier quelques mois avant la publication du
forces du Protectorat. Simultanément à cette situation, le Plan présenta des Plan des Réformes. On constate d'a-
une action de boycottage des cigaret- mesures qui revenaient dans l'en- bord que tous ces membres étaient
tes a été entamée ainsi qu'une restric- semble, à souhaiter l'application stricte d'origine citadine et bourgeoise, en-
tion des dépenses lors des festivités de l'esprit du traité de 1912, et pré- suite que l'élément fassi y était pré-
(mariages, fêtes, etc.). conisa quelques réformes dans les do- pondérant (5/10). Cette origine allait
maines politique, judiciaire, social, éco- peser lourdement et pour longtemps
Le plan des réformes, nomique, financier, etc. sur le mouvement national. Le "Comité
Mais ce n'est qu'en 1934 que le jeune A ce plan, aucune suite favorable n'a d'Action Marocaine" était la première
mouvement allait passer aux grandes été donnée, de la part de la Résidence, tentative importante de regroupement,
revendications, en élaborant le "plan ni de la part du gouvernement il se comportait déjà en parti politique:
des réfomes" qui fut présenté le 1er français. des sous-comités secrets ont été or-
décembre de 'a même année, à Paris, ganisés pour mieux échapper à la ré-
au Sultan Mohamed Ben Youssef et à La composition de l'équipe qui rédigea pression de la puissance protectrice.
la Résidence Générale à Rabat. ce Plan est intéressante à beaucoup Son programme était le "Plan des Ré-
Le "plan des réformes" a été rédigé en d'égards. On y trouvait: formes" et il entendait continuer :~
arabe, puis traduit en français L'édition - Omar Ben Abdeljalil, Originaire combat pour sa réalisation, sans pour
arabe a été faite au Caire, en Septembre d'une grande famille de Fès, In- autant abandonner l'action salafite
1934 ; l'Edition française n'a été ache- génieur agricole, proprement dite.

1) Berque (j.) : Une Université Islamique du Maroc nouveau p. 204

46
Cette année 1934 était aussi celle de
la réduction du Jbel SARHRO (février
1934), c'est-à-dire celle de la fin de la
"pacification" qui durait depuis 1907,
Cette victoire chèrement acquise, les
forces du Protectorat n'entendaient
permettre aucune autre agitation, D'où
leur refus catégorique de considérer
les revendications du "Plan des Ré-
formes" et la répression sévère qui
s'abattit sur la presse du "Comité
d'Action Marocaine", Mais les "ro_
guis" du Bled ne s'arrêtèrent que pour
céder la place aux "roguis" de la
ville,
"Ainsi, avec une précision étonnante,
la relève s'effectue entre la tribu dé-
concertée, (On pourrait dire désa-
busée) et une population municipale,
qui de compromissions en imitations,
reprend à son compte l'affirmation
d'idées nationales" (1) Avec la ré-
duction du Sarhro prit fin donc l'he-
roique homme de "Siba" qui, soùs
des aspects divers, a pu incarner l'in-
tégrité territoriale du pays. Il ne faut
pas oublier que "c'est à ce résistant
historique qu'on doit l'engagement le
plus constant et souvent le seul vio-
lent contre les facteurs intemes et
externes d'aliénation nationale. Il ne
lui a guère manqué que les moyens
culturels d'exprimer et d'élargir les fac-
teurs d'identification dont il était le
dépositaire et que les idéologues et
particiens du nationalisme moderne
ont quelque mal à mettre en œuvre"
(1). Oui, le Bled manquait de moyens Une classe du collège Musulman de Fès. pèpinière de la bourgeoisie 'assie.
culturels et c'était là sa principale fai-
blesse dans ce combat d'un genre
nouveau, avec la France. Nul n'était
mieux placé que les villes et à leur ture arabe dont l'insertion populaire le Sahara Occidental jusqu'au détroit
tête, Fès, pour sentir cette nouvelle est grande, aux qualités civilisatrices de Gibraltar, comment vont réagir ces
dimension du combat, Jadis le barûd énormes, et surtout aux capacités notabilités citadines, ces "poules
était efficace contre les intrusions réelles d'unification de toutes les d'eau" comme l'on se plaisait à les
étrangères, mais celles-ci étaient tou- familles intellectuelles du pays. Dans qualifier dans le Bled ? Avaient-elles
jours expansionnistes, jamais (ou ra- ce Maroc de 1934 dont le Bled vient un projet socio-politique net ? A part
rement) conquérantes, conquêtes de de subir une saignée unique dans son les revendications réformistes et lé-
l'homme et du territoire. C'est juste- histoire que ni les farouches Hilaliens galistes formulées dans le "Plan des
ment là le caractère de l'intrusion ou Maqil, ni d'autres tentatives d'in- Réformes", les notabilités citadines se
française, conquête de l'IJ0mme par le vasion n'ont pu opérer, qui était ca- contentaient encore d'agir au niveau
livre, Bref, conquête d'une civilisation pable de prendre en charge cette nou- épidermique face aux événements,
par une autre. velle œuvre ? La bourgeoisie seule se
présentait comme une force socio- Du plan des réfonnes au Parti
Ce n'est pas de 'ftabelais ou de Racine politique bien préparée pour assumer
qu'on se réclame, mais de cette cul- national.
ce nouveau combat. Maintenant que
les canons se sont tus dans le Bled et Le "Comité d'Action Marocaine" (C.
1) Duclos: op-cité. que la colonisation s'est affirmée sur A.M.) continuait sa conquête des
1) Duclos: Les nationalismes maghrébins tous les territoires nationaux, depuis masses et sa lutte contre le Dahir

47
, RETROSPECTIVES

Berbère et le confrerisme en zone "es- jalil réussirent à avoir une entrevue la démission d'el-Ouazzani. On y trou-
pagnole" (grâce à la présence de avec Pierre Vienot pour lui réitérer les vait un comité exécutif, un Conseil
Mekki Naciri et de Torres) et en zone revendications du "Plan des Réformes national, des fédérations, des sections
"française". Les revendications du et l'informer de la marge d'action que et des cellules. Le jeune mouvement
"Plan des Réformes" sont toujours le Comité a obtenue dans la zone national. quoique affaibli par ces scis-
abondamment exposées et com- "espagnole". Les jeunes délégués se sions et ces tensions, passe à une
mentées chaque fois que l'occasion le virent opposer une fin de non-recevoir nouvelle phase de son histoire, en se
permettait. à leurs revendications. A l'intérieur du restructurant et en se dotant d'une
La Métropole vivait de son côté une pays, Noguès opéra le même revire- organisation qui l'érigea en véritable
période importante de son histoire. ment et devint comme son prédéces- parti politique.
La politique boiteuse de la 3ème Ré- seur partisan de la violence.
publique sombrait de plus en plus Déçu, le Comité d'Action Marocaine Les scissions et les dissensions
dans des contradictions flagrantes se réunit le 25 Octobre et décida de Par son contact avec les masses ci-
que les forces politiques françaises - reprendre la lutte pour imposer les tadines et rurales, le processus de
ne pouvaient point supporter ou revendications du "Plan des Ré- maturation du jeune mouvement, se
cautionner. Les mouvements nationaux fromes", en organisant des meeting hâta et devint désormais une force
des colonies suivaient attentivement publics. Le premier a eu lieu à Fès, le difficile à anéantir.
le déroulement des événements dans 2 novembre et le second à Salé le 6 Le Comité exécutif du "P.N.R.R." se
la Métropole, accordant un grand es- novembre. Une autre meeting était pré- dota de commissions "techniques"
poir à la constitution d'un Front de vu à Casablanca, le 17 novembre. Mais dont le rôle joué par certains a con-
Gauche. Au Maroc, les forces du Pro- les autorités de la Résidence inter- sidérablement renforcé les rangs du
tectorat savouraient difficilement la fin dirent la réunion et procédèrent à l'ar- mouvement national. Ainsi, par exem-
de la "pacification" à cause de l'agita- restation de Allal el-Fassi, d'el-Ouazza- ple, la commission chargée de l'en-
tion les villes et les événements qui se ni et de· Lyazidi. Une conférence de seignement a aidé à la création
déroulèrent en Métropole. Celle-ci presse était immédiatement tenue par de nombreuses écoles libres dans les
allait-elle ou non changer réellement le C.A.M. à laquelle assistèrent des villes et dans les campagnes, comme
sa politique coloniale? C'est la question représentants du Front Poulaire qui elle a encouragé les envois d'étudiants
que se posaient au Maroc, les deux ont aussi stigmatisé la politique du à l'étranger, l'enseignement féminin;
antagonistes. du Protectorat. Sous la pression de etc. Le rôle joué par la Commission
1 certains partis de gauche, Noguès
Déception du jeune mouvement chargée des réformes religieuses et so-
relâcha les prisonniers et permit l'ap- ciales n'était pas moins grand : elle
par le front populaire, parition de nouvelles publicatior's du a contribué à asseoir les principes de
L'avènement au pouvoir du Front Po- mouvement national. la Salafiya et combattu le confrérisme,
1 En dépit d~une certaine souplesse de
! pulaire en France, avait suscité bien le charlatanisme, etè.

"
i ~
des espoirs chez les jeunes Maro-
cains déjà en contact ave~ des élé-
ments de Gauche, et notamment avec
le Parti Socialiste et le Parti Commu-
la politique espagnole à l'égard du mou-
vement national. celui-ci devait con-
naître durant l'année 193& une scission
entre Mekki Naciri et Torres. Le premier
Il paraît paradoxal à tout observateur
que le mouvement national se soit
gravement scindé juste au moment où
il a commencé précisément à se ren-
niste. Le Comité d'Action Marocaine fonda le "Parti de l'Unité Marocaine" forcer et entrer en contact avec un
organisa à Fès, Rabat et Salé des (P.U.M.) et le second le "Parti des public qui se montre de plus en plus
réunions enthousiastes auxquelles as- Réformes Nationales" (P.R.N.) .Le attentif. D'aucuns y virent même l'om-
sistaient des journalistes et des même sort devait frapper le Comité bre des manœuvres habiles des deux
membres de certaines organisations d'Action Marocaine, d'un côté Allal puissances protectrices. Rien ne
françaises de gauche venus discuter el-Fassi et ses partisans et de l'autre semble confirmer de telles alléga-
avec les jeunes nationlistes marocains, Hassan el-Ouazzani et les siens. Le tions. Mais pourquoi alors de telles
après avoir obtenu des promesses de mouvement se trouve ainsi scindé scissions, surtout que l'histoire nous
la part de Léon Blum. Le remplacement verticalement en deux, et horizontale- a montré que les différentes tendances
de Peyrouton par le Général Noguès ment en quatre. Trois mois après la (trois au moins), allaient se disputer
permet d'entretenir encore plus scission, Noguès frappa le C.A.M. d'in- avec une âpreté qui n'avait d'égale que
d'espoirs. Dans la zone Nord, Franco terdication, le 18 Mars 1937., la haine avec laquelle elle s'est mani-
se livrait lui aussi à beaucoup de pro- En dépit de son interdiction, le C.A.M. festée, le champ politique et le leader-
messes : il permit au Mouvement Na- continua son action sous une nouvelle ship du mouvement national 7
tional de fonder des écoles libres, d'a- appellation : "Le Mouvement National Dans ces scissions, il y a eu incon-
voir la liberté d'expression, et désigna pour la Réalisation des Revendica- testablement d'abord l'incompatibilité
Torres comme ministre des Habous tions" transformé en avril 1937 en d'humeur, mélée aux ambitions per-
au moment où ses camarades de la "Parti National pour la Réalisation des sonnelles de chaque antagoniste. Tout
~- zone "française" étaient écartés. de Réformes". Le nouveau parti adopta semblait bien aller entre Allal el-Fassi,
toute fonction importante. Le 19 oc- comme organisation le même projet Mekki Naciri, Abdelkhaleq Torres,

! tobre 1936, el-Ouzzani et Ben Abdel- dont le C.A.M. allait se doter avant Mohamed Hassan el-Ouazzani et

t 48

·,. ·
, ,

1
L:.......
1
. 1

Ahmed Balafrej tant que le mouve- perennité des Fassi Fihri. Qui d'autre culier du brillant Chakib Arslan,
ment était plus un "club" de grandes que lui, dans ce cercle citadin étroit, el-Ouzzani s'est senti trahi, poignardé
familles fassies et rbaties qu'une or- aurait mieux cautionné à l'égard de la dans le dos lorsque Allal accéda à la
ganisation politique proprement dite. ville et du Protectorat, le coup d'envoi présidence du C.A.M. D'où sa haine
Aucun des acteurs n'était encore con- d'un mouvement national ? Ne repré- intarissable contre les partisans d'Allal.
fronté aux dures réalités de la lutte sente- t-il pas au fond le type même du Ce dernier savait aussi le degré de
pqur voir sa fierté secouée ou l'amour marocain cher au Général Lyautey ? persévérence et d'entêtement de son
propre de sa famille atteint. Tout le Quand Allal fut élu à la présidence du adversaire, c'est pourquoi il n'a jamais
monde était considéré et se consi- Comité d'Action Marocaine, les jeunes ménagé ses efforts pour l'asphyxier.
dérait comme responsable du mou- citadins du mouvement voulaient ob- Curieusement, les deux se lancent les
vement, sinon le responsable, surtout tenir une autre légitimité de plus. mêmes accusations : le caractère' dic-
que le hasard a voulu qu'il y ait pres- L'histoire du mouvement national tatorial.
que un équilibre au niveau de la fotma- marocain n'est-elle pas, du reste, une Dans la zone. Nord, Naciri allait se
tion intellectuelle des acteurs. Trois recherche continue de la légitimité ? séparer de Torres dès l'année 1936.
avaient une formation traditionnelle Entre Allal et Naciri, le différend était
(Allal, Torres et Naciri), deux avaient Le caractère dictatorial encore plus inévitable qu'entre Allal
une formation moderne (el-Ouazzani et et el-Ouazzani. Les deux hommes
EI-Ouazzani, quoiqu'ayant élaboré avec
Balafrej) . avaient la même formation, et appar-
Aalla les futurs statuts du C.A.M. et
Allal el-Fassi descend d'une grande assisté jusqu'au bout aux débats et tenaient à deux grandes familles: l'une
famille d'origine andalouse qui se con- aux élections du Comité Directeur, n'a à Fés, l'autre à Rabat-Salé. Très jeune,
sidère la crême de la société de Fès, pas tardé à se désister malgré son Naciri aussi avait un net penchant au
les Fassi Fihri, et dont le pere jouait élection au secrétariat général. Pour- leadership. Ajoutons à cela qu'il a déjà
à l'époque un immense rôle dans la quoi une telle attitude ? Contrairement séjourné au Moyen-Orient et contacté
cité d'Idriss. De souche citadine d'un à Allal, EI-Ouazzani n'est ni de souche un certain nombre de leaders arabes.
rare raffinement, fier de sa descen- citadine ancienne , ni d'une descen- Ils s'estimait en plein droit de prendre
dance, Allal a été doté d'une solide dance bien implantée dans la cité la direction du mouvement. Mais voilà
culture traditionnelle lui permettant de d'Idriss. C'est le rural à peine cita- que Allal lui flanque Torres 1 Naciri
continuer la lignée des Oulama en dinisé avec une ombre qui pèse lour- devait nous affirmer en 1970 que Allal
s'érigeant en "conscience de l'Islam". dement sur son insertion dans ce com- voulait l'assassiner déjà en 1933 et
Or ne l'oublions pas, nous sommes plexe tissu urbain: le chérif el-Ouazzani qu'il est parti dans la zone Nord, non
encore en 1937 sous l'emprise des pré- a "vendu" le Maroc aux anglais à la fin pour fuir les autorités françaises, mais
ceptes de la Salafiya. Parallèlement à du XIXè siècle. Il a beau se doter de pour échapper au complot de Allal.
cette formation, Allal a eu auSSI deux diplômes suffisamment bien co- Dans la zone Nord, il avait un rival de
accès à une certaine littérature moder- tés sur la place parisienne à l'époque poids : Abdelkhaleq Torres : Alem, de
niste en provenance d'Egypte, de (le diplôme des Langues Orientales souche citadine ancienne, il avait le
de Syrie, de Tunisie et d'ailleurs. Il et celui de l'Ecole Libre des Sciences raffinement de ses amis de Fès ainsi
savait donc manier le raisonnement Politiques), et se réclamer d'une cul- qu'une grande éloquence. Devant lui,
qu'exigeait l'époque. De~surcroÎt, Allal ture moderne, ce n'était point suf- Mekki Naciri apparaissait secondaire.
était doté d'une rare intelligence, fisant pour se hisser à la tête du mou- Il avait donc toutes les chances de re-
d'une grande vivacité d'esprit et d'une vement national. Dans cette société de présenter ce mouvement nationalo-
éloquence qui faisait cruellement dé- fins lettrés, el-Ouazzani manquait aussi Salafite, surtout qu'il avait docilement
faut aux autres éléments du groupe. de raffinement intellectuel, tant au accepté la caution du cercle allalien.
Sûr de ses titres de noblesse et de ses niveau de l'expression qu'à celui de Méprisant Torrès, Naciri n'a jamais
qualités auxquelles se mêle un courage l'appréciation. Par sa formation mo- voulu situer le différend qu'entre lui
qui dépasse parfois la raison, Allal derne, il apparaissait aux yeux de ses et Allal, considérant que Torrès n'était
constituait un os coriace en face de amis certes cultivé, mais point alem ; qu'un homme de "paille". La haine
tout autre amateur ambitionnant le Or Allal l'était èffectivement. Son élo- qu'il afficha désormais à l'égard de
leadership du mouvement. Ajoutons à quence, du reste, était très maigre à Allal et de ses amis, a dépassé celle
cela une agressivité camouflée ou côté de celle de Allal. Mais el-Ouazzani d'el-Ouazzani. Mais le maigre parti de
Ouverte en face de tout élément qui refusait qu'un traditionaliste et un an- l'Unité Marocaine qu'il devait diriger
osait songer se mesurer à lui. Agres- cien de la Qaraouiyine, puisse disputer n'a jamais inquiété Allal et ses amis.
sivité qui n'avait d'égale que le mépris la direction à un descendant des chor- Les manifestations des masses.
avec lequel il traitait infailliblement fas d'Ouezzane qui de surcroît s'est
Ceux qu'il qualifiait de "médiocres dôté d'une culture moderne adéquate. Les années 1936-1937 n'étaient pas
ambitieux". Vu le ,,prestige de sa famille Le mouvement n'avait-'il pas incessam- seulement des années de dissensions
et le rang qu'occupait son père dans ment besoin de lui pour écrire des ar- et de scissions, elles furent aussi les
la hiérarchie de la citadinité fassie, les ticles en français, traduire des circu- années décisives du mouvement na-
jeunes bourgeois du mouvement na- laires, etc. ? Fier d'avoir été président tional qui allaient lui offrir enfin, l'oc-
tional cherchaient à voir en Allal, la de l'A.E.M.N.A. et le secrétaire parti- casion de cette légitimité tant racher-

49
RETROSPECTIVES

chée. La Liberté syndicale a été ac- lors de la prière du vendredi. Tous les à l'insu des autorités. Le secret est
cordée en 1936 aux ouvriers euro- assistants à la prière furent arrêtés. bien gardé, les meneurs par leur arri-
peéns, mais une interdiction totale de Le bled n'échappa pas à ces répres- vée discrète ou leur actiyité cachée,
se syndiquer a été prononcée à ren- sions : de nombreuses arrestations ont déjouent la curiosité de la police
contre des ouvriers marocains mu- été opérées dans les tribus de Béni jusqu-au dernier moment", (1)
sulmans. Le C.A.M. en profita pour or- Mguild, de Aït Youssi, de Béni-
Ouaraïn, de Béni Yazrha, etc.
Défauts et faiblesses,
ganiser des meetings dans les prin-
Malgré l'élargissement de la base et
cipales villes du Royaume. La jonction Les arrestations et les emprisonne- les succès remportés par le Parti Na-
du mouvement avec les masses devint ments continuèrent ainsi sur tout le tional, les principaux animateurs du
plus sérieuse et plus inquiètante pour territoire : le 3 novembre Allal el-Fassi mouvement étaient essentiellement
les forces du Protectorat. De sérieux fut exilé au Gabon, el-Ouzzani placé d'origine citadine et bourgeoise.
événements ont éclaté brusquement à en résidence forcée au Sahara, et
travers le Maroc. Retenons surtout Balafrej se réfugia à Tanger. Les éléments populaires étaient ab-
ceux qui avaient trait au milieu rural : sents de la direction, et la bourgeoisie
le 25 septembre 1937, le Caïd d'EI- Maturité du mouvement, marchande n'avait pas encore rejoint le
Menzel (un des grands géants du Sept ans donc après le Dahir berbère, mouvement. Celui-ci ne représentait
système du Protectorat) était assailli le mouvement nationalo-Salfite a pu donc en 1937 que la petite bourgeoisie
par certains éléments de sa tribu et se mettre directement en contact avec citadine et une infime partie du monde
laissé pour mort. Autour de Boule- les masses dont il a su acquérir la rural qui venait juste de prendre con-
mane, en plein pays berbère, les tribus sympathie. Quatre organisations tra- naissance d'un certain processus
se mirent à s'agiter. Le même 25 sep- vaillaient concurremment pour le même national dans les villes. Curieusement
tembre, le ministre Ramadier, en visite objectif ; - le Parti National pour la d'ailleurs, ce mouvement citadin
à Marrakech, allait voir le profond mé- Réalisation des Réformes animé par nationalo-Salafite qui luttait pourtant
contentement des mendiants et des Allal et ses partisans, - Le Mouvement contre le confrérisme et J'esprit clas-
infirmes qui réussirent à le séparer de Populaire animé par Mohamed Hassan sique, s'est donné pour noms secrets:
son cortège pendant un bon moment. el-Ouazzani et ses partisans, - le Parti la Zaouia (la confrérie) avec son état-
En août 1937, les autorités du Pro- des Réformes Nationales animé par major la tayfa (le clan). Et curieuse-
tectorat décidèrent de détourner les Torrès et le Parti de l'Unité Marocaine ment encore, cette organisation sec-
eaux de l'Oued Bou Fekrane au profit animé par Mekki Naciri ; les deux rète du C.A.M. était dirigée par Allal.
des fermes de colonisation. Des quar- derniers travaillaient exclusivement S'agit-il d'une simple substitution
tiers marocains de Meknès, des mos- dans la zone Nord. Parmi ces quatre du processus confrèrique ou d'une
quées et des bassins ne recevaient organisations, le Parti National est celui simple coïncidence ? L'histoire devait
aucune goutte d'eau, Malgré des pé- qui a drainé le plus de militants et qui confirmer que J'organisation suscitée
titions recouvertes de milliers de signa- correspondait le plus à la sensibilité par Allal était à maints égards une
tures, l'Administration ne revint par sur des masses parce que ces militants réelle substitution du confrérisme.
sa décision. Le premier septembre, des maniaient aisèment le discours nationa- Mais quels que soient les défauts ou
manifestations eurent lieu, suivies de lo-religieux. les faiblesses du jeune mouvement une
nombreuses arrestations. Les masses Avec les événements de Meknès et première jonction a été établie avec les
de Meknès protestèrent, la· police, la de Khémisset, le Mouvement National masses. Pourquoi et quelles en
gendarmerie et l'armée ouvrirent le feu. venait d'entamer son élan "révolution- furent les conditions objectives et
Bilan : 20 morts, 100 blessés graves naire" en acceptant de verser le subjectives ?
parmi les marocains, 52 blessés dans symbole (le sang) de communion en- Les conséquences de la colonisation
les "forces de l'ordre" et des centaines tre les hommes et leur terroir. Le pas furent nombreuses. Contentons-nous
d'arrestations. Il y eut d'autres événe- était donc franchi pour continuer d'en signaler les principales :
ments à Khémisset, en octobre 1937, un processus insurrectionnel ; C'est 1°/ l'immigration d'une forte colonie
qui laissèrent des morts et de nom- le Setif marocain en stratégie révolu- européenne qui n'a pas tardé à
breux blessés. tionnaire. Seule freinait le processus, opérer une main-mise sur les
Après ces événements, le Général l'absence d'animateurs ruraux capables meilleurs terres du pays, sur
Noguès engage l'épreuve de force : d'encadrer les masses et de canaliser l'industrie sur le commerce et sur
les journaux du mouvement furent leur mécontentement. Les autorités du les meilleurs postes .administratifs
suspendus ; le Parti National, qualifié Protectorat, conscientes de l'impor- 2°/ Une forte concentration urbaine
de "ligue anciennement dissoute", in- tance d'une telle phase se livrèrent sans précédent dans l'histoire du
terdit et les principaux dirigeants ac- à la répression à l'emprisonnement et pays,
cusés d'avoir "fomenté l'émeute" de à l'intimidation. La maturité du 3°/ de puissantes disparités sociales
Khémisset et de Meknès, furent processus était telle que le thé- apparurent entre la colonie euro-
·arrêtés. oricien de la Résidence, Robert péenne et les marocains mu-
Les réactions populaires ne tardèrent Montagne, devait lui-même avouer sulmans, d'une part, entre la
pas à se manifester : de Marrakech à lors d'une conférence qu'il prononça ville et les campagnes et entre les
Oujda, le petit peuple des villes et des à Paris devant de futurs contrôleurs différentes couches de la popula-
campagnes proteste, aboutissant par- civils: "Le phénomène qui frappait l'o- tion musulmane, d'autre part,
fois à des heurts sanglants avec l'ar- bservateur était le degré de maturité 4°/ de puissantes mutations dans les
mée. La Médina de Fès, où des troupes auquel était déjà parvenu le mou- rapports sociaux et dans la men-
n''livaient jamais pénétré depuis 1912 vement, par la soudaineté avec laquel- talité de la population musulmane.
fut occupée, et la Qaraouiyine cernée le les émeutes éclatent dans les villes, Ahmed El Kohen Lamrhili

1) Montagne (R.) : La crise nationaliste au Maroc, CHE A M. nO 109 bis décembre 1941.

50

l' 1
1 Ifj)
--~-/. _.~,._ _..
/-
... _-
1~~!.u.j/,da-d

,,
1

J._- .---- ----


Pour une Nouvelle Dimension
dans la Photographie
Professionnelle .

t .
en exclusivité chez .
, '
,

.90maphotj photo 9hop .


,

"

47 . av. allaI ben abdellah

tel 223 84 & 317 97 rabat


.

MlIIû·······
..•~.é UI
j
• il

, ,
/" ...

S-ar putea să vă placă și