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www.armand-colin.com
ISBN : 978-2-200-62484-2
À ma mère, Renée Allard
Sommaire
Couverture
Page de titre
Page de Copyright
Avant-propos
Remerciements
Chapitre 1
Le règne de la culture geek
Merci Tolkien !
Bilan
Chapitre 2
World of Westeros
Voyages, voyages
Bilan
Chapitre 3
Le coup de théâtre permanent
Surprises, surprises
Que d'histoires !
Bilan
Chapitre 4
De vrais personnages !
Bilan
Chapitre 5
Des animaux… politiques
Bilan
Chapitre 6
Plus laide la vie ? L'héroïsme à l'épreuve de la monstruosité
Croyances et tolérance
Magie, magie
Prophètes et prophéties
Bilan
Chapitre 7
Girl power
Sansa Bovary
Bilan
Chapitre 8
Le feu et la glace : Dragons contre Marcheurs Blancs
Le triomphe de la mort ?
Chapitre 9
Livres versus série : deux univers parallèles
Lecteur ou spectateur ?
Bilan
Conclusion
Quel avenir pour la saga ?
Glossaire
En vacances à Westeros !
Bibliographie
Pour tout le travail réalisé sur ce livre, mais aussi pour leur disponibilité et leur
confiance sans cesse renouvelée, je tiens à remercier chaleureusement Jean-
Baptiste Gugès et Eléna Chryssos, des éditions Armand Colin. Ma gratitude va
également à Claudia Mericskay, qui s’est chargée de la relecture de ce texte. Je
tiens à adresser mes remerciements les plus amicaux à Pauline Giuseppone,
attachée de presse des éditions Armand Colin, pour son implication pleine et
entière dans la promotion de mes ouvrages. J’aimerais également avoir une
pensée spéciale pour Victoria Pariente-Cohen, Patrick Laudet et Philippe
Berthier, dont le soutien et les bons conseils m’apportent tant depuis plusieurs
années. Je tiens aussi à remercier mes amis, mes étudiants, mes collègues, pour
l’intérêt qu’ils portent à mes projets littéraires. Enfin, je voudrais exprimer toute
ma gratitude à ma femme Souline, à mon fils Clément et à l’ensemble de ma
famille pour leur affection et leurs encouragements sincères et constants.
Chapitre 1
Merci Tolkien !
Que l’intrigue du Trône de fer et de Game of Thrones prenne d’abord place au château de Winterfell n’a rien
d’anodin. Il s’agit de montrer d’emblée au lecteur et au spectateur que l’œuvre en question relève bien de
l’univers de la fantasy, qui a bien souvent pour cadre un Moyen Âge merveilleux (saison 1, épisode 1).
Le voyage de Bran, un enfant infirme, au-delà du Mur, espace le plus dangereux de Westeros, montre bien à
quel point l’aventure est une notion dominante dans les livres et la série (saison 4, épisode 10).
On peut donc constater une ressemblance, sur ce point précis, entre la saga de
George R. R. Martin et les deux œuvres majeures de Tolkien : Le Seigneur des
Anneaux et Le Hobbit. En effet, ces trois ouvrages sont des récits d’aventures.
Frodon, Bilbon et la majeure partie des personnages de Martin quittent le confort
de leur foyer pour vivre une aventure, que ce soit par volonté propre ou sous la
contrainte. Dans ces trois intrigues, l’aventure s’avère être dangereuse car elle
conduit à la mort de plusieurs personnages, la saga de George R. R. Martin
l’illustrant de manière spectaculaire ; en outre, elle est bien la confrontation avec
l’inconnu dans le sens où elle permet plusieurs découvertes – sur le monde, sur
autrui ou encore sur soi-même.
"Qui aurait pu imaginer que Bran, Rickon, Arya et Sansa
deviendraient des aventuriers ?
Si l’on en revient à la question centrale de la culture geek, force est de
constater que celle-ci s’appuie souvent sur le récit d’aventures. On peut
d’ailleurs estimer que les racines mêmes de la culture geek reposent sur la
création du roman d’aventures. Apparu dans la seconde moitié du XIXe siècle,
avec des représentants aussi célèbres qu’Alexandre Dumas, Jules Verne, Sir
Arthur Conan Doyle ou encore Jack London, le roman d’aventures s’adressait
prioritairement à un public de jeunes garçons (à l’image de ses personnages
principaux). Ces récits, qui proposaient une véritable évasion, avaient
notamment pour fonction de montrer le passage de l’adolescence à l’âge adulte.
Le succès du roman d’aventures fut assez fort entre 1850 et 1950. Il reposa en
grande partie sur la fascination récente pour des territoires de notre planète
encore peu connus, voire inexplorés par les Occidentaux. Aux États-Unis, la
conquête de l’Ouest contribua grandement au succès du roman d’aventures,
l’idée de nouvelle frontière étant alors très présente dans les esprits américains.
En Europe, la colonisation de terres éloignées, situées en Afrique ou en Asie,
suscita chez les jeunes hommes l’envie de découvrir ces lieux fascinants par le
biais de récits palpitants. À partir de la seconde moitié du XXe siècle, la science-
fiction s’imposa de plus en plus, jusqu’à devenir le nouveau récit d’aventures.
Son succès fut lié aux progrès technologiques, qui rendirent notamment
possibles les voyages dans l’espace et même sur la Lune. La science-fiction
bénéficia également du contexte politique de la Guerre Froide, qui fit naître bien
des fantasmes sur les expériences menées dans les deux camps ennemis.
De fait, la culture geek repose très souvent sur la question de l’aventure. On
peut estimer qu’il s’agit du plus grand dénominateur commun à toutes les
œuvres qui relèvent de la pop culture. Star Wars, Indiana Jones, Jurassic Park,
Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter, Les Gardiens de la Galaxie… Tous sont
des récits d’aventures. La question de l’héroïsme et la découverte de nouveaux
territoires sont également présentes dans des œuvres de pop culture ne relevant
pas du monde occidental américain ou européen : on pense notamment à Dragon
Ball Z, mais ce cas n’est pas isolé.
À la fin de la saison 4 (épisode 10), Arya prend un bateau pour se rendre à Braavos sans savoir réellement ce
qu’elle y fera. Elle est libre d’agir à sa guise sans quête précise dans ce vaste monde, ce qui est illustré ici
par l’océan, lieu de tous les possibles.
Dans Far Cry Primal, par exemple, le joueur incarne Takkar, un chasseur
préhistorique ayant la volonté d’unifier sa tribu, les Wenja. Si le joueur doit
accomplir des quêtes précises pour que Takkar devienne le héros de son peuple,
il est libre de parcourir le monde fictif d’Oros comme bon lui semble. Or, une
telle possibilité est également offerte aux personnages de la saga de Martin. Les
aventures d’Arya et de Brienne, notamment, par leur aspect parfois peu linéaire,
font régulièrement songer aux « open worlds » des jeux vidéo actuels.
De fait, le succès du Trône de fer et de Game of Thrones vient aussi de leur
capacité à s’être intégrés harmonieusement à l’évolution progressive de la pop
culture qui, à partir du roman d’aventures, a connu une incroyable multiplication
de ses supports narratifs.
Exposer dès le début de la saga une scène de sexe entre un frère (Jaime Lannister) et sa sœur (Cercei
Lannister) montre que les tabous seront au centre de certaines intrigues (saison 1, épisode 1).
Bilan
World of Westeros
Voyages, voyages
Le lecteur qui, par curiosité, ouvrirait dans une librairie un exemplaire du Trône
de fer serait immédiatement frappé par un procédé peu courant : chaque roman
comprend, au début et à la fin du récit, une ou plusieurs cartes. Tout ce qui
entoure le récit à proprement parler est appelé paratexte en littérature. Bien
souvent, le paratexte est minimal dans le genre romanesque : il comprend un
titre, un éventuel sous-titre et une quatrième de couverture, qui présente une
brève synthèse de l’intrigue.
Depuis Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux s’est imposée l’idée selon
laquelle un ouvrage relevant de la fantasy devait s’appuyer sur une ou plusieurs
cartes. Cette tradition répond à la nécessité de montrer concrètement au lecteur
un monde qui n’existe tout simplement pas. En effet, la fantasy se distingue du
roman réaliste par la mise en place d’un chronotope totalement fictif. On peut
bien sûr s’amuser à voir en tel ou tel lieu fictif une référence à tel ou tel lieu réel.
Dans Le Hobbit, la ville d’Esgaroth, également appelée Lacville, est une sorte de
Venise des glaces qui n’est pas sans rappeler la ville belge de Bruges. Et dans Le
Seigneur des Anneaux, le peuple du Rohan fait songer aux peuples scandinaves.
Le Trône de fer et Game of Thrones n’échappent pas aux interprétations
spatiales : si le Rohan n’existe pas en tant que tel dans ce cycle romanesque, les
Îles de Fer sont son équivalent maritime. George R. R. Martin les a d’ailleurs
comparées à la Scandinavie, déclarant que le peuple des Fer-nés était semblable
aux Vikings. On peut également associer la ville de Braavos à Venise. Comme la
Sérénissime, Braavos est composée de canaux, de petites ruelles, se trouve en
bord de mer et sa population est de type méridional. C’est également la ville des
Sans-Visage, une confrérie d’assassins qui changent d’apparence pour accomplir
leurs forfaits. On retrouve là l’idée de travestissement chère au carnaval de
Venise, à ceci près que les masques portés par les Sans-Visage sont les visages
d’êtres humains décédés. En somme, la fantasy se réfère toujours, de manière
plus ou moins explicite, à la réalité de notre propre monde.
Le générique met immédiatement en valeur les nombreux lieux de la série, dont certains sont très exotiques,
comme c’est le cas de la cité de Meereen (générique de la saison 5).
Si le réel n’a plus de mystères pour nous, ou en présente en tous les cas de
moins en moins, quel espace reste-t-il à l’évasion ? La réponse est simple : la
pure fiction. C’est notamment ainsi que l’on peut comprendre le succès
planétaire et intergénérationnel de la saga Star Wars. Les films de George Lucas
nous invitent non seulement à changer d’époque (puisque les événements ont eu
lieu, nous dit-on, « il y a bien longtemps »), mais aussi de lieu (l’action se tient
« dans une galaxie lointaine, très lointaine »). Le fait que cette galaxie soit très
éloignée de la nôtre laisse entendre qu’elle ne peut en aucune façon relever de
notre réalité. Par son éloignement, elle se constitue en fiction dans l’esprit du
spectateur. Créer un univers totalement fictif est une manière de maintenir
possible un refuge pour l’évasion au XXIe siècle.
George R. R. Martin fait ainsi se dérouler les événements du Trône de fer dans
un monde fictif, et plus précisément sur deux continents clairement identifiés :
Westeros et Essos. Il existe deux autres continents dans cet univers (Sothoryos et
Ulthos) mais ils ne sont presque jamais évoqués, notamment parce que peu
d’êtres humains y vivent ou les connaissent. Rappelons que Westeros est le
continent qui se situe à l’Ouest, tandis qu’Essos se trouve à l’Est. La majeure
partie de l’action se déroule à Westeros, car la capitale des Sept Couronnes, Port-
Réal, se trouve sur ce continent. Les deux continents ont chacun leur propre
histoire, qui nous est racontée de manière fragmentée tout au long des cinq
tomes et des sept saisons.
L’amour de Rhaegar Targaryen et Lyanna Stark aura des conséquences considérables sur le monde de
Westeros, entraînant un bouleversement politique durable (saison 7, épisode 7).
Plus encore que Le Seigneur des Anneaux, Le Trône de fer et Game of Thrones
se caractérisent par la très grande multiplicité des espaces représentés. À la
différence de Harry Potter où une part importante de l’intrigue se tient en un
même lieu (Poudlard), la saga de George R. R. Martin présente un nombre
considérable d’espaces distincts. D’un point de vue spatial, Le Trône de fer et
Game of Thrones sont ainsi plus proches de Star Wars et ses nombreuses
planètes hétérogènes que de l’œuvre de Tolkien. En effet, comme dans La
Guerre des Étoiles, on observe une alternance entre des lieux déjà fréquentés par
les personnages principaux et des lieux totalement inédits, dont ils ont parfois à
peine entendu parler. C’est notamment le cas d’Arya lorsqu’elle se rend seule à
Braavos. Elle ne connaît la cité que par le biais des discours de son maître
d’arme Syrio Forel et de Jaqen H’ghar, rencontré à Harrenhal. Comme dans Star
Wars, les lieux sont également exotiques. De la même manière qu’il y a peu de
ressemblances entre Tatooine, Hoth, Coruscant ou Naboo, il y a peu de points
communs entre Port-Réal, Winterfell, les Eyrié ou encore Meereen.
L’espace est décrit selon deux principes, et cela est vrai aussi bien pour les
livres que pour la série. D’un côté, on nous parle de grandes régions clairement
séparées les unes des autres : le Nord, le Bief, le Neck, Dorne, les Îles de Fer…
De l’autre, l’attention se focalise sur des lieux spatialement limités, et donc
facilement identifiables : les places-fortes. Que serait le Nord sans Winterfell ?
Les Terres de l’Ouest sans Castral Roc ? Le Bief sans Hautjardin ? On constate
ainsi une alternance entre des tableaux très généraux et des tableaux nettement
plus précis. On peut dire, au fond, que les régions relèvent souvent du discours :
on parle du Nord, de Dorne, du Bief… mais on ne les voit pas toujours. Les
places-fortes, elles, relèvent de la réalité de l’action : on voit souvent les
personnages se mouvoir et agir dans un lieu clairement défini.
Castral Roc, fief des Lannister : une place-forte aussi dure que cette famille (saison 7, épisode 3).
Un propos similaire peut être tenu au sujet des rapports entretenus par les
Stark avec leur château de Winterfell. Dans la série, Sansa accepte d’épouser
Ramsay Bolton, union à laquelle elle était d’abord opposée, précisément parce
qu’il s’agit d’un moyen pour elle de reprendre un peu de pouvoir mais aussi de
retrouver son foyer natal. Dans la saison 6, lorsque Jon est ramené à la vie par
Mélisandre, Sansa et lui décident de reconquérir Winterfell. Alors que son
expérience tragique aurait dû le conduire à vouloir simplement profiter de la
deuxième vie qui lui avait été miraculeusement offerte, Jon se met en danger afin
de reprendre leur château familial. Winterfell est un lieu d’autant plus
symbolique pour les enfants Stark que leurs parents sont morts. Or, non
seulement la crypte familiale se trouve dans le château, mais ce lieu évoque pour
eux des souvenirs forts.
Arya et Sansa le montrent bien dans la saison 7. Lorsqu’on annonce à Sansa
que sa sœur est de retour, elle sait immédiatement que celle-ci ira se recueillir
dans la crypte, devant le caveau de leur père. Les deux sœurs se promènent
également sur les murailles de Winterfell, ce qui les amène à songer aux êtres
chers qu’elles ont perdus. En un sens, Winterfell est un membre immuable de la
famille Stark. Même saccagé par les Bolton, et donc différent de ce qu’il fut
autrefois, il conserve la même force et la même importance sentimentale pour les
Stark.
"Le générique davantage focalisé sur l’espace que sur les
personnages, qui sont pourtant au centre de l’histoire, montre
qu’il est en réalité lui-même un personnage de l’intrigue.
L’ensemble des lieux des romans et de la série présente ainsi une haute
dimension symbolique. Chaque territoire possède un nom qui évoque la ou les
familles qui règnent sur lui. « Castral Roc » renvoie à la dureté et au
pragmatisme que l’on reconnaît volontiers à la famille Lannister. Dans le tome 1,
Catelyn Stark a d’ailleurs recours à une formule visiblement courante pour
montrer à son fils Robb que les Lannister sont sans pitié :
Elle lui prit la main. « Robb…, je ne vais pas te maquiller la vérité. Si tu perds, nous
sommes tous perdus sans retour. Ce n’est pas en l’air que l’on dit : “Rien que de la pierre
au cœur de Castral Roc.” Souviens-toi des enfants de Rhaegar. »6
Les Eyrié et les Montagnes de la Lune sont étroitement associés à Lysa Arryn.
Cela peut d’abord paraître étrange car ce personnage n’est pas originaire de cette
région. Lysa est une Tully de Vivesaigues et n’a aucun lien de parenté avec le
Val avant son mariage avec Jon Arryn. Pourtant, cette région va étrangement
évoquer sa tragique histoire personnelle. La lune peut tout d’abord faire
référence aux contraintes subies lors de sa jeunesse. Dans le tome 3, Lysa
apprend en effet à Sansa, sa nièce, qu’elle a été dépucelée par Littlefinger
lorsqu’elle n’était qu’une jeune femme. Enceinte à la suite de cette première
relation sexuelle, Lysa se vit obligée par son père, Hoster Tully, de prendre du
thé de lune, boisson entraînant l’avortement, afin de ne jeter aucun déshonneur
sur sa famille. En effet, non seulement l’enfant aurait été conçu hors mariage,
mais il aurait eu pour père Littlefinger, membre d’une noblesse bien moins
prestigieuse que celle des Tully.
En outre, suite à cette expérience douloureuse, Lysa Arryn a perdu son éclat et
sa vivacité (elle qui était justement née à… Vivesaigues) et est devenue de plus
en plus lunaire – on pourrait même dire, en employant des termes familiers, de
plus en plus « perchée ». Or, cela n’est pas sans évoquer la position spatiale du
château des Eyrié, qui surplombe de plusieurs milliers de mètres la région du Val
d’Arryn. Si les Eyrié ne sont pas récurrents dans l’intrigue, les romans insistent à
chaque fois sur la difficulté réelle qui existe à monter jusqu’au château, ou même
à en redescendre. C’est tellement vrai que George R. R. Martin nous donne à
voir la montée de Catelyn Stark dans le tome 1, puis la descente de sa fille Sansa
dans le tome 4. À chaque fois, il s’agit de montrer que le trajet présente un
danger mortel permanent. Les Eyrié sont donc bien un lieu qui se trouve détaché
du monde des hommes, et par extension de la raison humaine. Lorsque Sansa
arrive aux Eyrié, elle trouve le lieu froid, vide et inhospitalier. Elle profite
d’ailleurs d’une chute de neige pour construire une version réduite et éphémère
de son château d’enfance. Preuve, là encore, que Winterfell est fortement associé
à sa famille et à son histoire personnelle. Reconstruire symboliquement
Winterfell est pour elle un moyen de ne pas céder totalement au désespoir.
L’altitude des Eyrié et le nom même des Montagnes de la Lune sur lesquelles se
trouve le château de la famille Arryn symbolisent certes la folie de Lysa, mais ils
renvoient également au détachement volontaire de cette région vis-à-vis des
conflits qui déchirent les Sept Couronnes. Au cours de la sanglante Guerre des
Cinq Rois, événement marquant des tomes et saisons 2 et 3, les Eyrié se gardent
bien de prendre parti, et ce alors même que Lysa est sollicitée par sa famille pour
lui apporter une aide précieuse dans ce conflit. Lysa voue certes une haine
farouche aux Lannister, mais elle préfère ne pas compromettre la sécurité de son
fils Robert, dont la santé est depuis toujours fragile.
La position spatiale des Eyrié permet de mieux comprendre la personnalité de Lysa Arryn mais aussi la
relative neutralité de ce territoire dans les conflits de Westeros (saison 1, épisode 5).
Certains autres lieux de l’intrigue présentent à l’inverse des titres qui ne sont
pas programmatiques. Le cas le plus emblématique est Port-Réal. Alors que ce
lieu a un nom royal et qu’il est la capitale des Sept Couronnes, il est en réalité
décrit comme un espace sale et malodorant. Il existe certes un contraste fort
entre les lieux fréquentés par la Cour royale et ceux fréquentés par le peuple :
symboliquement, le Donjon Rouge, la résidence royale, est l’extrême opposé de
Culpucier, l’un des quartiers les plus pauvres de Port-Réal. Toutefois, et bien que
cela puisse paraître paradoxal d’un point de vue aussi bien logique que physique,
la puanteur des rues de Port-Réal semble émaner directement de la Cour royale.
Celle-ci est en effet le lieu de nombreuses intrigues et manipulations, qui certes
élèvent socialement ceux qui se livrent au jeu des trônes mais finissent par les
abaisser moralement. Le personnage du Grand Moineau ne manquera d’ailleurs
pas d’en faire la remarque à Cersei et à Margaery Tyrell lors de leur
emprisonnement. En outre, les membres du Conseil royal restreint ne cherchent
aucunement à réduire l’extrême pauvreté des habitants de la ville. Ainsi, par leur
inaction, ils contribuent grandement à la puanteur récurrente de Port-Réal.
Comme dans les romans arthuriens et les récits de Tolkien, Le Trône de fer
donne à voir un univers qui relève, en littérature, de ce que l’on appelle le
merveilleux. Cette notion doit être distinguée du fantastique, avec laquelle elle
est souvent confondue. Merveilleux et fantastique ont un point commun : on
emploie ces termes pour qualifier des phénomènes qui, si l’on se référait aux lois
physiques de notre monde actuel, seraient jugés surnaturels. Il serait ainsi
anormal de voir des Dragons, des Géants et des Marcheurs Blancs parcourir nos
rues ou nos forêts. La différence entre le fantastique et le merveilleux dépend
non pas du phénomène surnaturel en lui-même, mais de la perception qu’en ont
les principaux personnages de l’intrigue.
Dans Le Seigneur des Anneaux, il est admis de la grande majorité des
personnages que les Elfes et les Nains existent. Même les Hobbits qui, comme
Sam, n’ont jamais quitté la Comté, savent que des êtres très différents d’eux
vivent dans l’univers de la Terre du Milieu. De manière générale, Le Seigneur
des Anneaux est une œuvre dans laquelle le merveilleux est très volontiers
accepté par les personnages de l’intrigue. On peut dire à peu près la même chose
des romans de la saga Harry Potter. Tous les enfants qui partent étudier à
Poudlard savent que la magie existe. Aucun d’entre eux n’est fondamentalement
surpris des sortilèges qu’on leur enseigne ou dont ils peuvent par moments
souffrir. Les Moldus, eux, ne savent pas que la magie est pratiquée par quelques
initiés, et ils n’y sont presque jamais confrontés. Ils n’ont donc pas à s’interroger
sur l’existence de celle-ci.
Le Mur symbolise dans le récit la frontière entre le monde normal et le monde merveilleux (saison 3,
épisode 6).
Plutôt que d’être une fin en soi, la gouvernance de Meereen est pour Daenerys
une étape nécessaire avant l’éventuelle gouvernance des Sept Couronnes. À
l’inverse des Lannister, qui placent tour à tour deux enfants (Joffrey et Tommen)
sur le Trône de fer, Daenerys considère que la tâche qui l’attend suppose un
entraînement minimal. Ainsi, Meereen occupe une place de premier ordre dans
le tome 5. La fin de ce roman se focalise quasi exclusivement sur les événements
qui mettent Meereen à feu et à sang. Ser Barristan Selmy est conscient que
Meereen n’est qu’une étape, et se plaît à le rappeler à Daenerys, notamment pour
l’inciter à ne pas se mettre trop en danger. Si Meereen n’est pas directement en
lien avec le Trône de fer ou la question des Marcheurs Blancs, ce lieu n’en est
pas moins essentiel à l’intrigue globale. On pourra dire qu’il n’est certes pas un
lieu dramatique, au sens où il n’a pas d’incidence immédiate sur les actions en
cours à Westeros. Mais il s’agit à n’en pas douter d’un lieu descriptif, au sens où
tout ce qui s’y passe contribue à faire évoluer Daenerys et ses dragons, appelés
tous les quatre à jouer un rôle central dans la destinée de Westeros. Dans le récit,
Essos est ainsi un continent qui prépare de grandes actions qui influenceront
ensuite la destinée de Westeros. Au moment où l’on voit Arya assassiner
l’ensemble de la famille Frey, dans le prologue de la saison 7, on sait qu’elle
parvient à accomplir cet acte majeur grâce à sa formation de Sans-Visage.
Formation qu’elle a reçue à Braavos, une ville située en Essos…
Bilan
Surprises, surprises
Dans les chapitres suivants, nous aurons tout loisir d’observer que le roman ne
se limite effectivement pas à la seule littérature, ce genre pouvant développer des
réflexions qui relèvent de sciences et de disciplines extrêmement différentes. La
série télévisée, sans être un support littéraire, reprend pour sa part fidèlement cet
emprunt au genre romanesque.
Le procédé du coup de théâtre est mis en œuvre dès le tome 1 et la saison 1.
Métaphoriquement, on associe souvent le coup de théâtre à une chute : un
événement brutal semble s’abattre sur la scène. Référence volontaire ou non à
cette tradition, le premier fait marquant de la saga est justement la chute de
Brandon Stark d’une tour de Winterfell. Poussé par Jaime Lannister, qui ne veut
pas que le jeune garçon rapporte à ses parents ses ébats incestueux avec sa sœur
Cersei, Bran sera plongé dans le coma, puis se réveillera définitivement paralysé.
Cet événement peut heurter la sensibilité du lecteur et du spectateur, d’autant
qu’il se situe à la fin d’un chapitre (et d’un épisode, dans la série). On ignore
alors si Bran va survivre à sa chute. Voir Jaime Lannister pousser en conscience
un enfant innocent, après avoir pris le temps de lui parler, est contraire à toute
règle morale. On peut estimer que cette chute donne d’emblée le ton de la saga.
Il s’agit ainsi de faire comprendre au lecteur et au spectateur que rien ni
personne ne sera épargné.
L’exécution de Ned Stark est l’un des événements les plus surprenants des livres et de la série (saison 1,
épisode 9).
La mort de Ned est l’événement qui amènera un véritable éclatement des arcs
narratifs, et conférera à certains d’entre eux une autonomie. En effet, c’est Ned
qui était jusqu’à sa mort le dénominateur commun de la grande majorité des arcs
narratifs. Son exécution n’en est ainsi que plus surprenante. Elle l’est d’autant
plus que, pour la deuxième fois de sa vie (le seul précédent concerne l’identité
de Jon Snow), le personnage accepte d’aller contre ses principes d’honnêteté en
mentant sciemment, par amour pour ses filles Sansa et Arya. Enfin, il se déclare
parjure afin de pouvoir bénéficier du pardon royal. Or, Joffrey prend note de la
déclaration de Ned mais, contre toute attente et surtout contre la volonté de sa
propre mère, il décide de le faire exécuter par son bourreau, Ilyn Payne. On
retrouve symboliquement ici l’illustration de la notion de coup de théâtre :
littéralement, le couperet tombe. Le recours au coup de théâtre se trouve ainsi au
début et à la fin du tome 1 et de la saison 1. Il est bien présenté comme la
tonalité dominante de la narration des livres et de la série.
L’événement le plus surprenant de tous est sans aucun doute celui des Noces
Pourpres. On sait que cet épisode a souvent été jugé comme le plus choquant de
la série par les spectateurs. En effet, on peut alors difficilement s’attendre à ce
que Robb Stark et sa mère Catelyn meurent au cours du banquet de mariage
d’Edmure Tully, qui n’est autre que l’oncle et le frère de ces deux personnages.
Certes, la famille Frey, dans le château de laquelle se tient ce mariage, a des
raisons d’en vouloir aux Stark. Robb devait épouser l’une des filles du Seigneur
du Pont, mais il a succombé aux charmes d’une autre femme pendant qu’il
guerroyait. Non seulement la jeune femme est alors devenue son épouse légitime
(notons qu’il ne s’agit pas de la même personne dans le roman et dans la série),
mais Robb n’a à aucun moment cherché à la répudier. Walder Frey peut donc à
raison considérer cet acte comme une injure, d’autant que les Stark sont réputés
respecter la parole donnée.
La mort de Robb et de sa mère n’en demeure pas moins surprenante. En les
tuant, Walder Frey va tout d’abord à l’encontre d’une règle qui, dans la saga, est
considérée comme sacrée : un hôte avec lequel on a partagé symboliquement le
pain et le sel ne doit en aucune façon être menacé pendant l’ensemble de son
séjour. Or, Catelyn, consciente du danger, veille à ce que Robb mange dès leur
entrée aux Jumeaux du pain et du sel. Même la série met en scène, brièvement,
ce fait capital.
Walder Frey a un rôle central lors des Noces Pourpres. Non pas seulement en tant que père de la mariée,
mais surtout en tant que metteur en scène d’un effroyable piège tragique. (saison 1, épisode 9).
Les cinq tomes actuellement publiés du Trône de fer et les sept saisons de Game
of Thrones présentent souvent une même cohérence dans leur construction
narrative. Chaque tome possède un prologue (ou prélude) qui met en scène dans
la très grande majorité des cas des personnages secondaires ou extérieurs à
l’intrigue principale. C’est encore plus vrai pour les romans que pour la série.
Bien souvent, ces prologues s’achèvent dans le sang. Ils sont une entrée en
matière violente, qui permet au lecteur et au spectateur de se rappeler d’emblée
que l’univers décrit est impitoyable.
Dans la série télévisée, les saisons 1, 3, 4 et 7 possèdent chacune un prologue,
à la différence des saisons 2, 5 et 6. Si le prologue est identique pour le tome 1 et
la saison 1, ce n’est pas systématiquement le cas pour les autres. Mais il y a une
réelle volonté de Benioff et Weiss, les deux showrunners de la série, de
reproduire régulièrement ce fil rouge narratif. On trouve également un épilogue
dans les romans, mais il n’est présent qu’à la fin des tomes 3 et 5. Dans la série,
l’ultime épisode de chaque saison s’achève souvent sur l’image d’un ou de
plusieurs dragons. C’est le cas à la fin des saisons 1, 3, 6 et 7.
Une fois le prologue passé, la narration des livres et de la série ne suit pas
nécessairement un ordre chronologique, ce qui est pourtant la manière la plus
classique de procéder dans le cadre de l’écriture d’une histoire. Ainsi, plutôt que
de faire avancer le récit en se focalisant sur des actions qui s’enchaînent
chronologiquement, la saga se focalise sur les personnages. Dans les romans, le
titre des chapitres, exception faite du prologue mais aussi de l’épilogue, porte
systématiquement le nom d’un personnage de l’intrigue. Une évolution est
toutefois à signaler : à partir du tome 4, ce n’est plus systématiquement le
prénom des personnages qui se trouve en tête de chapitre. Ainsi, certains titres
ont recours au procédé littéraire de la périphrase, qui consiste à créer un groupe
nominal assez long pour désigner un être ou un objet autrement que par son
nom. La périphrase la plus célèbre est « le roi des animaux » pour désigner le
lion. Dans les romans de George R. R. Martin, les personnages Fer-nés, comme
Theon, sont souvent désignés par des périphrases (« Le prince de Winterfell »,
par exemple). Le procédé de la périphrase est également employé dans le
tome 5, sans pour autant être une norme. Dans les romans comme dans la série,
le principe narratif consiste donc à se focaliser, pendant un temps limité, sur un
personnage précis de l’intrigue.
Que ce soit dans les livres ou dans la série, il est difficile de déterminer qui est le personnage principal de la
saga. Tyrion, Daenerys et Jon semblent toutefois être les personnages les plus importants de l’intrigue
(saison 7, épisode 7).
Que d’histoires !
Dans les romans, chaque chapitre présente sa propre autonomie narrative. S’il le
souhaitait, le lecteur du Trône de fer pourrait mener l’expérience suivante : ne
lire dans chaque tome que les aventures du personnage de son choix. Ainsi, bien
que cela puisse poser à terme quelques problèmes de compréhension, il lui serait
tout à fait possible, dans le tome 4, de ne lire que les aventures de Brienne. La
jeune femme part à la recherche de Sansa Stark, et vit avec son écuyer Podrick
Payne des aventures qui ne sont pas directement rattachées à celles des autres
personnages. Les deux autres personnages majeurs de ce tome 4 (Cersei et
Jaime) vivent eux-mêmes des aventures dont les lieux et les objectifs poursuivis
sont extrêmement différents. Ainsi, à Port-Réal, Cersei s’évertue à nuire à
Margaery Tyrell. Elle craint en effet que la jeune femme ne finisse par la
supplanter, aussi bien dans le cœur de son fils Tommen que par son influence
politique. Jaime, quant à lui, est chargé d’aider les Frey à conquérir
définitivement le château de Vivesaigues, défendu avec vaillance par Brynden
Tully, dit le Silure. Chacun de ces trois arcs narratifs présente ainsi sa propre
autonomie. C’est également le cas dans la série. L’arc narratif d’Arya n’est que
peu rattaché à celui des autres personnages. Symboliquement, d’ailleurs, cet arc
narratif prend place à Braavos, un lieu qui n’est fréquenté par aucun autre
personnage majeur de la série3.
Les propos tenus par Martin montrent toute la complexité de la narration qu’il
a choisi d’adopter. Alors que le tome 1 comprenait huit personnages-chapitres, le
chiffre a fini par exploser pour atteindre le nombre de vingt-quatre personnages-
chapitres à la fin du tome 5. S’il redescend à vingt car quatre personnages-
chapitres sont morts au cours du récit, on constate toutefois qu’il reste très élevé.
Tout en étant rattaché à d’autres quêtes annexes, l’enseignement que la Corneille à trois yeux dispense à
Bran présente une réelle autonomie narrative (saison 6, épisode 3). Le jeune garçon ne sera d’ailleurs en
contact direct avec d’autres personnages majeurs que lors de la saison 7.
Bilan
De vrais personnages !
Le succès de la saga repose sur son intrigue complexe et la force de ses thèmes
universels. Mais il semble bien qu’il ne s’agisse pourtant pas là des deux
éléments les plus importants. En choisissant de faire dépendre la narration des
personnages, et non de l’action en elle-même, George R. R. Martin leur a
conféré le premier rôle dans sa saga. On constate d’ailleurs que certains
chapitres ne font pas vraiment progresser l’intrigue. Pourquoi, dès lors,
l’écrivain américain a-t-il choisi de les écrire puis de les conserver dans son récit
final ? Sans doute parce que ces chapitres, que l’on peut juger descriptifs,
permettent de donner plus de profondeur aux personnages.
Le nombre de personnages présents dans Le Trône de fer, plus encore que dans
la série Game of Thrones, est considérable. Ils sont en effet plusieurs centaines à
être mentionnés ou à apparaître, même brièvement, au cours du récit. L’œuvre de
George R. R. Martin s’apparente ainsi à des monuments littéraires comme La
Comédie humaine de Balzac ou le cycle des Rougon-Macquart d’Émile Zola. Ici
aussi, tous les personnages appartiennent à un même univers et sont amenés à
entretenir des liens entre eux, à un moment ou un autre de l’histoire. Pour autant,
nous avons vu que George R. R. Martin tendait à se focaliser sur certains
personnages précis. Ils sont en effet vingt-quatre à se voir attribuer au moins une
fois le statut de personnage-chapitre.
Pourquoi, dans ce cas, donner à entendre un nombre si élevé de noms de
personnages dans les romans ? Sans doute pour une question de réalisme.
George R. R. Martin a créé l’univers du Trône de fer de toutes pièces. Il ne peut
donc pas demander au lecteur d’avoir recours à sa mémoire, le monde décrit
n’existant tout simplement pas. Afin de nourrir l’imagination de son lecteur,
l’écrivain américain cherche à lui donner l’impression que ce monde existe. Les
personnages secondaires sont donc bien souvent ce que l’on appelle en littérature
des « utilités ». Ils n’ont aucun intérêt en eux-mêmes ; ils sont mis au service de
l’intrigue. Ainsi, les noms des bannerets de Stannis et Renly ont pour fonction de
montrer à quel point la maison Baratheon est puissante. Les noms des courtisans
mettent quant à eux en lumière à quel point les intrigues de la Cour sont
complexes. Les noms des bannerets des Stark évitent à Martin de redire trop
souvent que le Nord est, de toutes les régions de Westeros, celle qui est la plus
étendue. De fait, les personnages secondaires ont une fonction descriptive dans
le récit.
Si l’on revient aux personnages principaux, on pourra tout d’abord rappeler
que, dans les romans du Trône de fer, tous ne sont pas des personnages-
chapitres. Le fait mérite que l’on s’y arrête un instant. Alors qu’ils sont des
personnages pendant longtemps essentiels à l’intrigue, comment expliquer que
Robb Stark, Joffrey Baratheon, Stannis Baratheon ou encore Tywin Lannister ne
soient jamais des personnages-chapitres ? Il convient, pour répondre à cette
question, d’évoquer brièvement en quoi consiste le fait d’être un personnage-
chapitre dans l’œuvre de George R. R. Martin : le personnage qui accède à ce
statut voit l’ensemble d’un chapitre dépendre, pour une très large part, de son
regard. Il n’en est pas pour autant le narrateur. La narration est en effet assurée
par une entité qui n’est pas un personnage de l’histoire. Toutefois, le lecteur a
accès aux pensées intérieures du personnage-chapitre. Celles-ci sont distinguées
de la narration par l’usage des italiques.
Stannis Baratheon est certainement le personnage le plus inflexible de toute la saga (saison 5, épisode 9).
Ainsi, Le Trône de fer et Game of Thrones ont ceci d’intéressant qu’ils nous
donnent à voir des personnages évolutifs. À la fin du tome 5 et de la saison 7, les
principaux personnages de l’intrigue ne sont pas semblables à ce qu’ils étaient
initialement. Les nombreux voyages qu’ils effectuent soulignent
symboliquement leur évolution. Prenons quelques exemples.
Au début du récit, Jaime Lannister est un être égoïste. Son seul véritable
intérêt dans l’existence est de pouvoir continuer à entretenir une relation
adultérine avec sa sœur. C’est d’autant plus vrai qu’il a demandé à devenir garde
royal pour rester à Port-Réal avec Cersei. Son père souhaitait pourtant qu’il
devienne le gouverneur de Castral Roc, et qu’il prenne ainsi sa succession à la
tête de la famille Lannister. Pour défendre ce qui est son unique raison d’être,
non seulement Jaime s’oppose à la volonté de son père, mais il n’hésite pas à
précipiter Bran Stark dans le vide dès le début du récit. Plus tard, il provoque
inutilement Ned Stark à Port-Réal, ce qui l’oblige à s’exiler quelque temps. Si le
lecteur et le spectateur ne s’en tenaient qu’à ces seuls faits, ils auraient toutes les
raisons de prendre durablement ce personnage en grippe.
La perte de sa main et le fait qu’il ait été sur le point de mourir constituent une
renaissance symbolique pour Jaime. Il ne sera jamais plus le chevalier qu’il a
été. Comme son frère Tyrion a été contraint de le faire dès le début de sa vie, il
va donc devoir user d’autres armes que sa seule force physique. On constate
alors que Jaime a de plus en plus souvent recours à son esprit. Non seulement il
s’avère posséder un humour au second degré qui le rapproche de son petit frère,
mais il réfléchit davantage à la portée de ses actes. D’individu spontané et
irréfléchi, il devient un homme réfléchi et modéré. Or, la spontanéité était,
d’après Cersei, un de ses principaux traits de caractère :
Son jumeau s’était toujours montré d’une témérité folle.2
Perdre sa main permet paradoxalement à Jaime Lannister de prendre son destin en main, en devenant un être
meilleur (saison 4, épisode 1).
Jaime lui-même n’a plus la même considération pour Cersei. Il voit désormais
clair en elle et n’hésite pas à la remettre en cause, que ce soit en pensées ou en
discours. Il critique notamment Cersei dans les deux fonctions qui sont à ses
yeux de femme les plus importantes de sa vie, à savoir la gouvernance et la
maternité.
Si Jaime est l’exemple le plus frappant du caractère évolutif des personnages,
il n’en est pas la seule illustration. Daenerys, d’abord vendue par son frère aux
Dothrakis, finit par être à la tête d’une immense armée. Non seulement elle
parvient à recouvrer sa liberté, mais elle se fait un devoir de rendre libres les
esclaves qu’elle rencontre sur son chemin. Jon, fils bâtard et souvent
marginalisé, devient le Lord Commandant de la Garde de Nuit. Arya, encore
petite fille, devient une Sans-Visage. Sansa, qui avait toujours été une jeune
femme romantique, apprend à maîtriser la dissimulation afin de ne plus être
victime de la malveillance d’autrui. Les personnages évoluent notamment parce
que leurs situations ne sont jamais stables. L’individu qui est le plus contraint à
devoir accepter des changements de fortune est Tyrion. Il est tantôt le fils mal-
aimé de Tywin, tantôt Main du roi ; tantôt héros de la Bataille de la Néra, tantôt
condamné à mort ; tantôt appelé à devenir un conseiller spécial de Daenerys,
tantôt contraint de se donner en spectacle devant les esclavagistes pour sa propre
survie. Le personnage évoque lui-même ce changement presque surréaliste de
fortune à la fin du tome 3, après avoir tué son père :
« Je suis arrivé dans ces lieux Main du roi, j’ai franchi les portes du Donjon Rouge à la tête
de mes propres hommes liges, se dit Tyrion, et voilà que je pars comme un rat détalant
dans le noir, main dans la main avec une araignée. »4
Il semble que tous les personnages soient dépendants de leurs origines. Les
romans et la série mettent ainsi concrètement en œuvre un certain déterminisme
social. On serait un Stark, un Lannister, un Tully… avant d’être Robb, Tyrion ou
Catelyn. La famille Targaryen en est la plus illustre démonstration. Tout au long
des siècles, cette famille s’est efforcée le plus possible de privilégier des
relations incestueuses, afin de conserver la pureté de son sang, issu de l’antique
Valyria. Les membres de cette famille sont ainsi facilement reconnaissables : ils
ont tous des cheveux blonds argentés et des prunelles mauves (ce dernier détail
n’est pas conservé dans la série). Cette volonté d’éviter le moindre métissage
est-elle la manifestation d’une conception raciste du monde ? Est-elle une
tradition sans aucun intérêt ? Pas totalement… Dans le roman comme dans la
série, Daenerys a des capacités spéciales, qui sont un héritage direct de son
histoire familiale. Ainsi, elle ne craint pas le feu, et sait se faire obéir des
dragons. Jon, qui est Targaryen par son père Rhaegar, semble capable de
dompter lui aussi des dragons. Dans la saison 7, Drogon le laisse d’ailleurs
s’approcher de lui et même le caresser, ce qui ne se produit avec personne
d’autre. Il est du reste tout à fait envisageable que Jon monte un dragon lors de
l’ultime saison. Dès lors, les personnages de la saga ne sont-ils que les jouets du
destin ? Leur voie est-elle déjà toute tracée ? Fort heureusement, la situation est
plus complexe.
Daenerys Targaryen est à la tête d’une alliance extrêmement hétérogène, comprenant aussi bien des grandes
familles de Westeros, des Immaculés que des Dothrakis (saison 7, épisode 7).
Cersei semble pour sa part être l’incarnation du mal absolu car elle est à
l’opposé de cette vision du monde. Elle fait reposer ses alliances sur la terreur :
dans la saison 7, elle met en avant la menace d’une invasion étrangère pour
convaincre les bannerets des Tyrell de défendre sa cause. Elle fait également
reposer ses alliances sur la question de l’argent. Ainsi, elle affirme vouloir
engager la Compagnie Dorée avec l’or volé aux Tyrell. Elle est également la
seule à être totalement incapable d’accepter l’union sacrée contre les Marcheurs
Blancs. Elle feint d’apporter sa contribution à la guerre, mais souhaite
secrètement que Daenerys et son armée essuient de lourdes pertes au cours de
cet affrontement.
Bilan
Tommen Baratheon, qui n’est qu’un enfant, occupera le Trône de fer un bref moment, comme son frère
Joffrey, signe d’une importante instabilité politique (saison 6, épisode 6).
De manière générale, le jeu des trônes, expression récurrente dans les romans
mais aussi dans la série, s’avère dangereux, et bien souvent mortel. Le danger est
de deux ordres : il est tout d’abord de nature guerrière car la conquête du Trône
de fer, lorsque l’on est soi-même à la tête d’une grande maison, nécessite de
prendre les armes. Mais il est plus encore de nature politique.
Littlefinger en est l’illustration. Alors qu’il n’appartient pas à une grande
famille, il ambitionne depuis toujours de monter sur le Trône de fer. Cet objectif
le rend particulièrement dangereux, et ce même s’il ne dispose initialement
d’aucune armée. Dans les romans comme dans la série, Littlefinger peut être
considéré comme l’origine du mal. Dans la saison 7, Sansa, Arya et Bran
choisissent d’ailleurs de le mettre à mort pour cette raison principale. C’est en
effet lui qui a fomenté le meurtre de Jon Arryn, Main du roi, en demandant à
Lysa, l’épouse de ce dernier, de l’empoisonner. On apprend en outre dans les
romans que Littlefinger a usé depuis des années de l’affection que lui portait
Lysa pour se voir confier des postes importants. C’est notamment grâce à elle
qu’il est devenu Grand Argentier de la Cour. Certes, Littlefinger n’est pas
dépourvu de talents. S’il a bénéficié de passe-droits, il a su ensuite se montrer à
la hauteur des tâches qui lui étaient confiées. Dans les romans, Cersei déplore du
reste son absence, dès l’instant où il part vivre dans le Val d’Arryn. Il n’en reste
pas moins que Littlefinger est à l’origine du conflit entre les Stark et les
Lannister. Il a en effet demandé à Lysa, à la suite de la mort de son mari Jon
Arryn, d’écrire à sa sœur Catelyn Stark pour accuser les Lannister de ce meurtre.
Alors que Ned Stark n’est d’abord pas enclin à devenir la Main du roi Robert,
c’est la peur de laisser son ami entouré d’individus dangereux qui l’amènera à
accepter cette fonction. Paradoxalement, c’est en enquêtant sur la mort de Jon
Arryn que Ned entraînera la mort du roi, Cersei ayant l’obligation d’agir vite
pour étouffer la révélation de son inceste avec son frère Jaime. Littlefinger
incarne ainsi dans le récit la mise en œuvre des principes politiques édictés par
Nicolas Machiavel dans Le Prince. S’il ne se distingue d’autrui ni par sa beauté
ni par sa force physique, il maîtrise les intrigues de cour à la perfection. Il fait
notamment l’apologie du mensonge auprès de Sansa, lorsqu’il la recueille aux
Eyrié après le meurtre de Joffrey :
« Tu vois les miracles qu’on peut mettre en œuvre à force de mensonges et de La Treille
auré ? »1
Varys se présente lui-même dans les romans et la série comme l’opposé de Littlefinger. Il serait une
incarnation positive de la politique, ce que ses actions tendent plutôt à confirmer. Il soutient notamment
Tyrion lorsque ce dernier, en tant que Main du roi Joffrey, met tout en œuvre pour défendre la ville de Port-
Réal de l’invasion de Stannis Baratheon (saison 2, épisode 7).
Preuve que la moralité n’a pas sa place à la Cour de Port-Réal, Ned est le seul
homme véritablement honnête à siéger au Conseil restreint dans les romans et la
série. Même si tous les membres de ce Conseil ne sont pas nécessairement de
mauvais individus, ils cherchent avant tout à satisfaire des besoins personnels,
que ceux-ci dépendent d’une question d’argent ou d’une question d’ego.
Le Trône de fer et Game of Thrones peuvent ainsi être perçus comme une
critique implicite de la politique. Dans la saga, tous les souverains qui se
rapprochent le plus d’un certain idéal moral meurent ou sont confrontés à
l’échec. C’est le cas de Robb Stark, Doran Martell (dans la série seulement : il
n’est pas mort à la fin du tome 5), ou encore Renly Baratheon. Malgré sa dureté,
Stannis est un souverain qui accorde une grande importance à l’honneur, au
devoir et à la probité. Or, lui aussi est confronté à l’échec. Si l’on s’en tient à la
série, malgré ses faiblesses et sa mollesse, Tommen Baratheon n’est pas un
souverain immoral. Au contraire, il finit par associer étroitement pouvoir royal et
pouvoir religieux. Comme d’autres avant lui, il meurt à la fin de la saison 6, en
mettant lui-même fin à ses jours. On constate donc que l’engagement public
d’individus relativement moraux ne les conduit pas à la réussite. Voir Cersei
occuper le Trône de fer à la fin de la saison 6 puis pendant l’ensemble de la
saison 7 est une sorte de prime donnée à l’immoralité. La situation des Sept
Couronnes ne s’améliore pas. On aurait même tendance à penser qu’elle empire.
Jaime Lannister, que l’on ne peut soupçonner d’être un adversaire farouche de sa
sœur et amante, finit par considérer que c’est elle qui a perverti leur fils Joffrey.
À la fin du tome 4, il songe ainsi très sérieusement à tenir Tommen éloigné de
l’influence néfaste de sa mère :
« Ma chère sœur, cette trompeuse. » Il faudrait qu’il trouve un moyen de le lui arracher des
griffes avant qu’elle n’en fasse un second Joffrey.4
Preuve que la présence de Cersei sur le Trône de fer n’est en rien un progrès,
Tyrion considère que le règne de Joffrey aurait en réalité été pire que celui
d’Aerys, le Roi Fou :
Joffrey aurait fait pire roi qu’Aerys ne le fut jamais.5
Si donc Cersei a eu une mauvaise influence sur son fils Joffrey, on imagine
bien qu’elle doit dans ce cas être elle-même la quintessence du mal. Il n’est
d’ailleurs pas anodin de constater que, dès l’instant où Jaime évolue
positivement au contact de Brienne, il se détache de plus en plus de sa sœur. La
série télévisée met d’ailleurs très clairement cette opposition en scène à la fin de
la saison 7. Extrêmement déçu de voir Cersei ne pas tenir la promesse faite à
Daenerys d’envoyer les troupes Lannister au Nord, pour lutter contre les
Marcheurs Blancs, Jaime décide de se rendre seul à Winterfell pour honorer sa
parole.
Non seulement la guerre engendre le mal mais, une fois terminée, elle
n’entraîne pas une amélioration de la situation des gens du peuple. Ainsi, la
famine est telle à Port-Réal que des attitudes inhumaines se font jour :
La nuit dernière, on a rôti un boulanger dans son propre four. La populace lui reprochait de
vendre le pain trop cher.7
Or, alors que les hommes et femmes du peuple sont confrontés à une
souffrance quotidienne, la préoccupation principale du Conseil restreint consiste
à élaborer différentes stratégies susceptibles de défaire les prétendants au Trône
de fer. Que ce soit dans les romans ou dans la série, jamais il n’est question au
cours d’un Conseil royal de réformes pour améliorer le sort du peuple. Lors du
somptueux mariage de Joffrey et Margaery, Tyrion, pourtant habitué au luxe
depuis son enfance, ne peut s’empêcher de juger indécente la somme de plats
proposés aux nombreux invités :
Soixante-dix-sept plats…, quand la ville est pleine de gosses qui meurent de faim et de
types qui tueraient pour un radis.8
De fait, la politique n’est pas perçue comme un moyen de faire le bien, mais
plutôt comme un moyen de faire son bien. On peut d’ailleurs dire que même un
personnage a priori vertueux comme Robb Stark défend ses passions
personnelles. En effet, il décide de convoquer ses bannerets et de mener une
guerre contre la Couronne pour défendre les intérêts de son père, emprisonné à
Port-Réal puis exécuté en place publique à la demande du roi Joffrey. Non
seulement la guerre menée par Robb ne vise aucunement à améliorer la situation
de son peuple, mais elle l’empire : abandonné par les Stark, le Nord tombe
d’abord aux mains des Fer-nés, qui pratiquent des exactions, puis aux mains des
Bolton, qui sont à l’opposé même de l’idée de moralité. En outre, Robb Stark
manque à sa parole royale lorsqu’il décide d’épouser une femme (Jeyne
Ouestrelin dans les livres, Talisa Maegyr dans la série), alors même qu’il est
censé se marier avec une fille de Walder Frey. Or, ce mariage arrangé aurait non
seulement renforcé son pouvoir mais il aurait également mis son peuple à l’abri
d’une attaque venue du sud de Westeros, le château des Jumeaux bénéficiant
d’une position stratégique essentielle.
La seule véritable ambition de Cersei, une fois devenue reine, est de conserver son pouvoir, et non de faire le
bien (saison 7, épisode 7).
Sans que cela ne soit explicitement présenté comme tel, Le Trône de fer peut
donc être perçu comme une critique de la royauté ou, du moins, d’une mauvaise
pratique de la royauté. Est dénoncé le poids pris par les passions personnelles
d’un souverain dans la destinée d’un royaume, celles-ci ayant en effet trop
souvent tendance à l’emporter sur la considération du bien commun. Si Robert
Baratheon a été un grand guerrier, il a en revanche été un roi pitoyable,
consacrant plus de temps à la chasse et à l’adultère qu’à l’administration du
royaume. On apprend d’ailleurs dans le livre et la série qu’il n’est pas très assidu
aux séances du Conseil restreint, ce qui est un comble pour un roi. Est dénoncée
également dans la saga l’idée selon laquelle le pouvoir devrait nécessairement
être un héritage. Les règnes brefs et peu utiles de Joffrey et Tommen l’illustrent
bien. On pourra certes rétorquer que ces deux garçons ne sont pas les fils
légitimes de Robert Baratheon. Mais s’ils ne le sont pas d’un point de vue
génétique, ils le sont en revanche d’un point de vue légal. Aucun d’entre eux
n’ayant été préparé à régner aussi vite, le règne des deux frères ne conduira à
aucune réussite notable. Dans le livre, il est même clairement indiqué que cette
succession automatique affaiblit le royaume :
« Des ombres blanches hantent nos bois, des morts inapaisés parcourent nos demeures,
et un mioche occupe le Trône de fer. »9
Daenerys refuse non seulement cette possibilité, mais elle apprend également
à renoncer à ses passions, alors même que cela lui est difficile :
Comme toutes les bonnes reines, elle plaçait son peuple au premier plan – sinon, elle
n’aurait jamais épousé Hizdahr zo Loraq – mais la jouvencelle en elle continuait d’avoir
faim de poésie, de passion et de rire.12
Après avoir quitté Meereen sur le dos de son dragon Drogon, Daenerys ne
songe d’ailleurs pas à partir pour Westeros. Elle tient à rentrer le plus tôt possible
à Meereen pour tenter de rétablir elle-même la paix dans cette cité.
Jon, bien que différent de Daenerys, présente un même détachement vis-à-vis
de ses propres passions. Certes, lui non plus n’est pas exempt de défauts. Ses
passions personnelles sont chez lui plus familiales. Dans les romans, lorsqu’il
apprend qu’Arya va épouser Ramsay Bolton (ce qui n’est en réalité pas vrai), il
accepte l’aide de Mance Rayder, qui se propose de secourir sa sœur. Il manque
également d’objectivité lorsqu’il reçoit une lettre d’insultes de Ramsay Bolton.
Dans le tome 5, avant d’être poignardé par ses hommes, il entend se rendre lui-
même à Winterfell alors que son statut de Lord Commandant devrait l’inciter à
la retenue et au détachement. Pour autant, à l’image de Daenerys, Jon prend
beaucoup de décisions courageuses susceptibles de le mettre en danger. Tous
deux sont des réformateurs. Des révolutionnaires. Si Jon est assassiné par ses
propres frères de la Garde de Nuit, c’est parce qu’il agit pour le bien commun.
Conscient que les Marcheurs Blancs sont le véritable ennemi, il vient en aide aux
Sauvageons. Il leur ouvre non seulement les portes du Mur, mais il leur propose
également d’appartenir à leur tour à la Garde de Nuit. Comme Daenerys à
Meereen, son action se solde par un échec : Jon est poignardé par ses hommes,
ce qui constitue un désaveu total. Daenerys, pour sa part, a libéré les esclaves,
mais a ensuite compris qu’il lui fallait ménager les traditions commerciales et
culturelles des cités de la Baie des Serfs. Or, non seulement son peuple se meurt,
mais les esclavagistes ne lui sont d’aucune reconnaissance, puisqu’ils essaient de
l’assassiner. Daenerys avait pourtant modéré entre-temps sa politique
émancipatrice.
De fait, la saga montre la difficulté de la pratique du pouvoir. Si l’immoralité
permet de gravir certains échelons de la politique, ou offre la possibilité de
conserver une influence précédemment acquise, elle n’est pas pour autant une
garantie durable. Le sort funeste de Joffrey, des Bolton ou de Littlefinger (à la
fin de la saison 7) en est la preuve. La moralité, quant à elle, ne permet pas à
celui qui la pratique de se défaire de la haine d’autrui : Jon et Daenerys en sont
l’illustration. Il semble donc bien que la politique ait nécessairement partie liée
avec l’imperfection, sans doute parce qu’elle est pratiquée par les hommes et
pour les hommes.
Malgré son imperfection, la reine Daenerys est adulée par les affranchis, qui vont jusqu’à la considérer
comme leur mère, voire comme une sorte de déesse (saison 3, épisode 10).
Bilan
La politique est l’un des thèmes majeurs de la saga. La conquête du Trône de fer
est un des enjeux les plus importants de l’intrigue – sinon le principal. Il est en
effet fort possible que l’ultime image de la série nous donne à voir le Trône de
fer et son occupant final. Dans la saga de George R. R. Martin, la politique est
traitée de manière originale en ce qu’elle est abordée non pas seulement en tant
qu’élément de l’action, mais aussi en tant qu’élément de réflexion
philosophique. Les romans et la série posent la question de la bonne et de la
mauvaise pratique du pouvoir. On constate que si l’engagement public peut
améliorer ou aggraver une situation initiale, il paraît incapable de changer
fondamentalement le monde. La présence des Marcheurs Blancs, qui
représentent un cataclysme majeur pour l’humanité, semble bien être l’élément
qui permettra un changement radical de monde. La politique, elle, servirait
surtout à lutter contre l’anarchie et la domination totale de l’immoralité et de la
violence, que nous allons désormais observer.
Notes
1. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 4, op. cit. p. 222.
2. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 1, op. cit. p. 619.
3. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 1, op. cit. p. 615.
4. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 4, op. cit. p. 870.
5. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 3, op. cit. p. 1085.
6. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 2, op. cit. p. 370.
7. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 2, op. cit. p. 262.
8. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 3, op. cit. p. 835-836.
9. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 1, op. cit. p. 637-638.
10. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 5, op. cit. p. 1047. Ser Barristan Selmy fait ici référence aux sauterelles
empoisonnées qui furent proposées à la dégustation de Daenerys lors des combats de gladiateurs, dans la grande arène de
Meereen.
11. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 5, op. cit. p. 1054.
12. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 5, op. cit. p. 941. Dans les romans, Daenerys épouse Hizdahr zo Loraq,
un noble de Meereen, afin d’affermir son pouvoir et d’apaiser les tensions dans la cité. Dans la série, le personnage d’Hizdahr est
tué avant la célébration du mariage.
Chapitre 6
Croyances et tolérance
Même si elle ne partage pas ses croyances, Catelyn respecte le fait que Ned vienne prier et se recueillir
devant le barral de Winterfell, symbole de la religion des Anciens Dieux (saison 1, épisode 1).
Magie, magie
Prophètes et prophéties
Dans la saison 7, on laisse entendre qu’Azor Ahaï peut être Jon Snow ou
Daenerys Targaryen. Cette prophétie s’accomplira-t-elle ? En tous les cas, elle
constitue un véritable fil rouge narratif. Il en est très régulièrement question dans
les livres, comme si George R. R. Martin tenait à ce que ses lecteurs gardent en
mémoire cette prophétie. Est-ce parce qu’elle se réalisera ? On sait que la
naissance de Daenerys dépend directement de la prise en compte de cette
prophétie. Alors qu’Aerys et Rhaella Targaryen, futurs parents de Daenerys et
accessoirement frère et sœur, ne s’aimaient guère, leur père a tenu à ce qu’ils se
marient dans la grande tradition des Targaryen pour une raison bien précise :
Une sorcière de la forêt lui avait prédit que le prince promis naîtrait de cette lignée.2
Notons qu’il est possible que Jon Snow soit lui aussi Azor Ahaï, son père,
Rhaegar Targaryen, étant issu de la même lignée que celle de Daenerys (il est le
frère aîné de la jeune femme).
Une autre prophétie majeure domine les romans : celle du valonqar. Cette
prophétie est rattachée à Cersei Lannister. Encore enfant, elle était allée
consulter, par jeu, une sorcière vivant sur les terres de son père. Cette dernière,
d’abord réticente, avait accepté de répondre à trois de ses questions. Or, elle
prophétisa pour elle et ses futurs enfants un destin funeste :
« D’or seront leurs couronnes et d’or leurs linceuls, reprit-elle. Et lorsque tes larmes
t’auront noyée, les mains du valonqar se resserreront autour de ta gorge blanche et te
feront exhaler ton dernier souffle de vie. »4
Mélisandre affirme que le Maître de la Lumière défend la vie, mais cela suppose de nombreux sacrifices
humains. À la fin de la saison 5 (épisode 9), la princesse Shôren Baratheon est brûlée vive, alors qu’elle n’est
qu’une enfant innocente…
Dans la saga, la croyance en un ou plusieurs dieux semble donc aller de soi. Pour
autant, tous les personnages sont-ils des croyants et des pratiquants ? On peut en
douter. Cersei en est un bon exemple. Emprisonnée par le Grand Moineau pour
répondre de ses fautes, elle décide de mentir pour pouvoir regagner le Palais
royal. Son attitude, qui ne vise qu’à défendre ses intérêts personnels, est par
ailleurs totalement immorale. Elle n’est du reste pas la seule à agir sans tenir
compte de la question de la moralité. Les livres comme la série peuvent choquer
car ils sont une mise en scène quasi permanente de la violence. On a parfois
l’impression d’être dans un véritable « état de guerre », pour reprendre la
formulation employée par Hobbes dans son essai philosophique Le Léviathan.
Les petites villes et les villages semblent dépendre, pendant et même après la
Guerre des Cinq Rois, de la loi du plus fort. Ser Gregor Clegane, dit la
Montagne, commet avec ses hommes toutes sortes d’exactions (viols, meurtres,
tortures). On apprend même qu’il a un jour tué un homme dans une auberge car
il ne supportait pas de l’entendre ronfler ! L’horreur règne sur certains territoires
peu administrés, et l’être humain apparaît dès lors monstrueux. D’ailleurs, les
hommes sont régulièrement comparés à des bêtes ou à des animaux dans les
livres et la série. Dans les romans, les enfants Stark ne rêvent-ils pas souvent
qu’ils sont des loups ? Bran peut d’ailleurs prendre le contrôle d’animaux
sauvages grâce à ses pouvoirs. Les Lannister eux-mêmes aiment régulièrement
dire qu’ils sont des lions. Lors de son duel avec le prince Oberyn, le personnage
de la Montagne est décrit par Tyrion comme une bête sauvage :
Métal contre métal, un vacarme à vous fracasser les tympans. Le choc fit reculer en
titubant la Vipère Rouge. Ser Gregor le harcela en aboyant. Il n’utilise pas de mots, il rugit
juste, comme une bête.6
Oberyn Martell est lui-même désigné ici par son surnom animalier : la Vipère
Rouge. Il est à noter que, suite à ce duel et malgré sa victoire, Gregor Clegane
sera aux portes de la mort. Il sera certes sauvé par l’intervention de Qyburn, le
mestre officieux de Cersei, mais il sera transformé en une créature totalement
inhumaine. Une sorte de nouveau monstre de Frankenstein. À travers cet
exemple qui, pour être extrême, n’est pas pour autant isolé, il s’agit de montrer à
quel point les personnages de cet univers ont conservé une profonde et
indomptable bestialité.
Si une certaine négativité semble devoir l’emporter, il existe pourtant encore des
sentiments bons et généreux. La volonté de Daenerys de libérer les esclaves de la
Baie des Serfs en est une illustration. L’intervention de Jaime pour sauver son
frère Tyrion de l’exécution capitale en est une autre. Les liens humains sont ainsi
un des thèmes les plus importants de la série. Le rêve des enfants Stark est de
pouvoir un jour se retrouver. On a même le sentiment qu’il s’agit parfois de leur
principale motivation face à l’adversité. La saison 7 est riche en scènes
émotionnellement fortes, comme le montrent les retrouvailles de Bran, Sansa et
Arya à Winterfell. Cette saison met également en scène les retrouvailles de Jorah
et Daenerys à Peyredragon. L’amour n’est par ailleurs pas impossible dans cet
univers violent et individualiste. Bien qu’incestueuse, l’affection que se portent
Cersei et Jaime est durable. Catelyn et Ned, malgré un mariage arrangé, s’aiment
ensuite d’un amour sincère et réciproque. Au début du tome 1, Catelyn envisage
d’ailleurs très sérieusement d’avoir un nouvel enfant avec Ned, car elle se sent
heureuse aussi bien en tant que mère qu’en tant qu’épouse.
Preuve que la négativité n’est pas absolue dans la série, une certaine morale
demeure présente. Les grands criminels (à l’exception, pour le moment, de
Cersei) finissent par être punis. Joffrey et Ramsay, considérés par les autres
personnages comme des « monstres », meurent tous deux dans d’atroces
souffrances. Joffrey est empoisonné au cours de ses noces, et Ramsay, dans la
série, est dévoré vif par ses propres chiens.
"Si une certaine négativité semble devoir l’emporter, il existe
pourtant encore des sentiments bons et généreux.
L’héroïsme n’est par ailleurs pas nié, bien qu’il puisse être parfois remis en
question. Jon et Daenerys sont des personnages héroïques. Ils peuvent certes être
confrontés à des échecs cuisants, mais ils sont toujours vivants à la fin de la
saison 7. Si l’on s’en tient aux romans, on notera d’ailleurs que l’auteur donne sa
préférence aux personnages pouvant être considérés comme appartenant au
camp du Bien. Sur les vingt-quatre personnages-chapitres, combien peuvent,
sans hésitation aucune, être considérés comme mauvais ? Cersei, cela va de soi.
Qui d’autre ? Theon peut-être, mais lui, en tant que personnage-chapitre, est plus
souvent victime que bourreau. On a rarement accès à ses pensées lorsqu’il
commet des exactions à Winterfell. Or, c’est nettement plus fréquent lorsqu’il
devient Schlingue, la « créature » de Ramsay Bolton. D’autres candidats au titre
de méchants ? Mélisandre, éventuellement, et encore il est possible que ses
intentions soient réellement bonnes, à la différence de certains de ses actes.
Ainsi, un seul personnage-chapitre est fondamentalement mauvais dans le récit.
On notera que certains personnages, d’abord mauvais, deviennent des
personnages-chapitres lorsqu’ils commencent à être bons. Le meilleur exemple
est Jaime Lannister. Le chevalier n’apparaît comme personnage-chapitre que
dans le tome 3, moment où l’on assiste à sa progressive transformation morale.
Qui aurait pu imaginer, en effet, que l’homme ayant précipité Bran Stark dans le
vide deviendrait ensuite un personnage apprécié des lecteurs et des spectateurs ?
Tout n’est donc pas absolument noir dans l’univers du Trône de fer et de Game
of Thrones. La saga dépeint certes les failles de l’humanité, mais montre
également que chaque individu a la possibilité de connaître une rédemption.
Jaime, mais aussi Theon, en sont l’illustration. Jaime Lannister l’affirme sans
hésitation à la fin du tome 3, lorsqu’il décide d’honorer la promesse faite à
Catelyn Stark de renvoyer ses filles dans le Nord :
« Sansa Stark est mon ultime chance de me faire honneur. »7
Œuvrer en faveur du bien peut donc devenir une fin en soi dans cet univers si
souvent immoral. La force du Trône de fer et de Game of Thrones est ainsi de
dépeindre l’être humain sans concession, mais sans pour autant grossir
systématiquement le trait. On est face à une série qui privilégie le clair-obscur.
À quelques exceptions près, chaque personnage a son moment de gloire et son
moment de honte.
Bilan
Le monde dans lequel évoluent les personnages peut être considéré comme
proche de l’état de nature. La loi du plus fort semble bien souvent l’emporter, et
le rapport de force est quasi permanent, et pas seulement dans le domaine
politique. La place centrale accordée à la religion est une réponse à la
domination de l’immoralité. Face à la souffrance et à l’injustice, les hommes et
femmes de Westeros et d’Essos cherchent à trouver une échappatoire, un salut.
Ils tentent également sans doute de donner du sens à ce qui peut paraître
s’opposer à toute logique humaine. Faut-il croire en une providence divine, ou
s’agit-il simplement d’une construction de l’esprit pour se rassurer ? La fin de la
saga livrera sans doute des éléments de compréhension sur ce point précis et
crucial.
Notes
1. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 5, op. cit. p. 498.
2. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 5, op. cit. p. 370.
3. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 5, op. cit. p. 353.
4. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 4, op. cit. p. 709.
5. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 5, op. cit. p. 81.
6. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 3, op. cit. p. 992.
7. George R. R. Martin, Le Trône de fer, L’intégrale 3, op. cit. p. 1028.
Chapitre 7
Girl power
L’héroïsme est un des thèmes majeurs des œuvres de fantasy. C’est d’autant
plus vrai que certains personnages communs finissent par se muer en véritables
héros. Dans l’œuvre de Tolkien, Bilbon, Frodon et Sam n’auraient jamais
imaginé devenir des légendes. Il est vrai qu’ils n’avaient initialement aucune
qualité héroïque. Dans la saga créée par George R. R. Martin, la question de
l’héroïsme ne va pas non plus de soi. La mort prématurée de certains
personnages s’oppose au déploiement plein et entier de cette notion. En outre,
l’insistance sur l’imperfection des hommes et femmes de cet univers, sans
s’opposer à la mise en œuvre d’un idéal, montre que l’héroïsme est à considérer
avec un certain relativisme. La grande originalité de l’œuvre de Martin est
surtout d’avoir su offrir aux femmes une place héroïque de premier ordre. C’est
ce que nous allons désormais observer.
Cersei affirme elle-même souvent, dans les romans, qu’elle est le seul
véritable fils de Tywin Lannister, affirmation d’autant plus forte que son frère
jumeau est pourtant un chevalier de grand renom. Elle déplore que son statut de
femme empêche son père de reconnaître son énergie et la virilité qu’elle estime
posséder dans son tempérament. Jaime en est conscient et emploie d’ailleurs une
expression à ce sujet : sa sœur se percevrait, d’après lui, comme « un lord Tywin
équipé de nichons » (tome 4, p. 324). On peut associer à ces femmes énergiques
de premier plan d’autres femmes, plus secondaires dans l’intrigue mais elles
aussi d’un dynamisme admirable : Asha Greyjoy2, la sauvageonne Osha, la jeune
Lady Mormont, Olenna Tyrell, ou Arianne Martell (qui n’apparaît pour sa part
que dans les romans). La princesse Arianne semble d’ailleurs compenser la
faiblesse de son père, le prince Doran, par sa capacité à prendre des initiatives
audacieuses. Son comportement amènera du reste le chevalier Arys du Rouvre,
son amant, à rendre un vibrant hommage à la force des femmes :
« La force est l’apanage des femmes, le fait est. » Cette réflexion ne lui était pas
uniquement inspirée par la petite princesse, mais aussi par la mère de celle-ci ainsi que
par la mère sienne, par la reine des Épines et par les filles de la Vipère Rouge, ces fameux
Aspics des Sables aussi séduisants que funestes. Et par la princesse Arianne Martell en
personne, elle plus que toute autre.3
Brienne et Arya sont des femmes amazones, à ceci près qu’elles n’ont pas
l’obligation de se couper un sein, car elles sont présentées comme des femmes
ayant peu de formes féminines. Elles incarnent dans le récit la possibilité pour
une femme de tenir un rôle dévolu jusqu’alors aux hommes. En effet, Brienne et
Arya n’ont pas leur équivalent dans les œuvres littéraires antérieures. Voir une
femme combattre par envie et non par nécessité, et le faire avec brio, est une
véritable révolution du personnage féminin dans le cadre romanesque. Brienne
fait songer à Jeanne d’Arc, personnage historique avec lequel elle partage de
nombreux points communs : la virginité, la bravoure, la force, la générosité mais
aussi la capacité à être influente sur un homme de premier plan (le roi de France
Charles VII pour Jeanne d’Arc ; Jaime Lannister pour Brienne). Brienne n’est
pas pour autant un personnage caricatural, ce qui était un risque véritable dans sa
composition. En effet, la fille du seigneur de Torth a beau être une formidable
guerrière, elle n’en demeure pas moins un être sentimental. Jaime comprend
assez vite qu’elle avait pour Renly Baratheon de réels sentiments amoureux. Le
narrateur confirme la justesse de cette interprétation au début du tome 4 :
Renly Baratheon avait été pour elle bien plus qu’un roi. Elle l’avait aimé dès la première
fois où il était venu en visite suzeraine à Torth, au cours du périple d’agrément destiné à
célébrer son entrée dans l’âge viril.4
Arya et Brienne sont des femmes dont les talents guerriers surpassent ceux de bien des hommes (saison 7,
épisode 4).
On constate plus tard dans le récit que Brienne a également une réelle
affection pour Jaime, à tel point que leur relation en devient par moments très
ambiguë. Alors qu’il va enfin pouvoir rentrer à Port-Réal et rejoindre Cersei,
Jaime décide de retourner à Harrenhal pour secourir Brienne, placée dans une
fosse où elle est contrainte d’affronter un ours. Dans le tome 5, Jaime, après
avoir conquis Vivesaigues, donne la primauté à Brienne sur Cersei. Sa sœur
vient pourtant de lui écrire pour lui demander de lui venir en aide : elle est en
effet emprisonnée par le Grand Moineau et ses hommes. Or, Jaime préfère venir
en aide à Brienne, qui lui laisse entendre qu’il en va également de la vie des
filles Stark.
Arya, pour sa part, est un symbole de liberté. Alors qu’elle ne cesse d’être
confrontée à un sort contraire, elle parvient à surmonter les obstacles qui se
dressent sur son chemin afin de devenir ce qu’elle souhaitait être. En se rendant
à Braavos pour recevoir la formation des Sans-Visage, elle sait qu’elle n’aura pas
à devenir « une dame », ce qu’elle avait toujours farouchement refusé.
Catelyn Stark et Cersei Lannister sont deux parfaits opposés. Ces personnages
ont d’ailleurs un antagonisme fort, bien qu’elles soient rarement en contact direct
dans le récit (hormis dans le tome 1 et la saison 1). Pourtant, elles se ressemblent
par un certain nombre d’aspects. Ce sont toutes les deux des femmes
intelligentes. Il n’est pas anodin de noter que Robb Stark n’existe dans les
romans qu’à travers les chapitres consacrés à sa mère. Catelyn fait montre d’une
plus grande sagesse et d’une plus grande perspicacité que son fils, et pas
simplement parce qu’elle a plus d’expérience que lui. Son opinion s’avérera
souvent pertinente. Elle conseillera notamment à Robb de se défier de Theon
Greyjoy et de Walder Frey. Les faits lui donneront raison : ces deux personnages
trahiront son fils aîné, alors qu’ils étaient censés être ses alliés.
Cersei a elle aussi plus de bon sens que son fils Joffrey. Si elle est consciente
que Ned Stark représente une menace pour sa famille, elle sait également que sa
mort aurait des conséquences désastreuses pour l’ensemble du royaume. Elle est
ainsi horrifiée lorsque Joffrey prononce la sentence de mort. Cersei sait
également mettre son intelligence au service de ses causes personnelles. On le
voit notamment au fait qu’elle parvienne à éliminer la très grande majorité de ses
adversaires. La série l’illustre bien. Alors qu’elle a commis une erreur
stratégique en conférant trop de pouvoir au Grand Moineau, elle se venge de
manière spectaculaire dans le dernier épisode de la saison 6. En faisant exploser
au moyen du feu grégeois le Septuaire de Baelor, elle met fin à l’influence
néfaste des fanatiques et élimine la quasi-intégralité de la famille Tyrell (à
l’exception de la matriarche, Lady Olenna). Cersei parvient également à devenir
la première femme à monter sur le Trône de fer, ce qui est en soi une véritable
prouesse. Elle réussit à transformer des événements tragiques (la mort de ses
deux fils) en avantages personnels.
Catelyn et Cersei sont ainsi deux femmes décisionnaires de premier plan. On
peut estimer que l’erreur majeure de trois de leurs fils (Robb, Joffrey et Tommen
meurent du vivant de leurs mères dans la série) est précisément de ne pas les
avoir suffisamment écoutées. C’est sans doute davantage vrai dans le cas de
Robb, l’influence de Cersei sur Joffrey et Tommen n’ayant pas eu que des
aspects positifs.
Dans la saga de George R. R. Martin, Cersei et Catelyn montrent la possibilité pour une femme d’incarner à la
fois la fermeté politique et la douceur maternelle (saison 1, épisode 1).
Sansa Bovary
Le cas de Sansa, enfin, est particulier. Tout au long de son enfance, elle n’a cessé
de lire des récits chevaleresques, à tel point qu’elle a fini par considérer que ces
textes de fiction relataient la réalité. De ce point de vue, ce personnage peut être
considéré comme un double d’Emma Bovary, l’héroïne du roman de Gustave
Flaubert, qui souffrira tout au long de sa vie de la confrontation douloureuse
entre ses rêves et le réel. Sansa apprend à faire évoluer sa vision du monde tout
en essayant de rester elle-même, ce qui n’est pas toujours évident. Les saisons 6
et 7 montrent en effet que la jeune femme est durablement marquée par les
expériences douloureuses auxquelles elle a été confrontée. Elle doit son dur
apprentissage de la vie à deux êtres dont la brutalité est soit d’ordre physique,
soit d’ordre moral : le Limier et Littlefinger. La mort de son père est un premier
choc terrible pour Sansa, d’autant que Joffrey lui avait promis de se montrer
clément. La fréquentation quotidienne du Limier constitue ses premières leçons
sur la réalité de la chevalerie. À la fin du tome 2, Sansa a un échange avec le
Limier au cours duquel, plutôt que de la déniaiser sexuellement (ce dont il
avouera plus tard avoir eu envie), il la déniaisera spirituellement. Il affirme tout
d’abord que la fonction première des chevaliers n’est pas de protéger, mais de
détruire :
« Les chevaliers servent à tuer. »7
Il niera ensuite l’existence même des chevaliers dont Sansa rêvait, et l’incitera
à ne compter que sur sa propre force pour survivre dans ce monde :
« Il n’y a pas de véritables chevaliers, pas plus qu’il n’y a de dieux. Si tu n’es pas capable
de te protéger toi-même, crève et cesse d’encombrer le passage à ceux qui le sont. L’acier
qui coupe et les bras costauds qui gouvernent ce monde : hors de cela, tu te goberges
d’illusions. »8
Comme Catelyn et Cersei, elle est également un personnage doté d’une grande
intelligence. Non seulement elle prend seule des décisions pertinentes, mais elle
est capable d’écouter les avis de ses conseillers, sans se laisser pour autant
influencer. Elle parvient également à faire montre de modération, ce qui n’a rien
d’évident car, comme tout membre de la famille Targaryen, elle a une mentalité
de feu.
Daenerys Targaryen, par sa capacité à rassembler les principales qualités des autres femmes de la saga, est
un symbole d’équilibre et de stabilité (saison 6, épisode 10).
Enfin, comme Sansa, malgré les épreuves, elle conserve sa sensibilité. Elle
tombe amoureuse de Daario Naharis puis, dans la saison 7, de Jon Snow. Dans
les deux cas, elle essaie de concilier au mieux ses sentiments et ses devoirs. À la
fin de la saison 7, tout en essayant de sauver Jon Snow des Marcheurs Blancs,
elle est consciente qu’il lui faut impérativement sauver ses deux dragons encore
en vie, ainsi que les hommes qu’elle est venue secourir. Elle abandonne ainsi Jon
Snow à son triste sort, même si elle espère ensuite le revoir vivant, ce qui sera le
cas.
Bien qu’elle ne soit pas parfaite, Daenerys incarne la force et la stabilité dans
un monde instable. À tel point, d’ailleurs, qu’elle est considérée comme une
déesse par son peuple de Meereen, et que ses conseillers disent régulièrement
avoir « foi » en elle.
Les femmes sont ainsi des figures fortes dans Le Trône de fer et Game of
Thrones. Le grand mérite de George R. R. Martin est d’avoir redéfini et
complexifié leurs rôles dans l’univers d’abord si masculin de la fantasy, sans
pour autant être tombé dans une forme de caricature. Si ses personnages
féminins sont forts et énergiques, ils ne sont pas pour autant une célébration
exacerbée du féminisme.
Bilan
Lorsqu’elle se trouve à Qarth, Daenerys doit subir le vol de ses trois dragons.
Qarth n’est pourtant pas une ville guerrière. Elle tire notamment son opulence de
ses talents pour le commerce. Pourquoi, dès lors, cette cité aurait-elle intérêt à
posséder des dragons ? Les romans et la série nous apprennent que ces derniers
sont associés à la magie. Qarth étant une ville de grands sorciers et magiciens,
leur pouvoir se trouve décuplé en présence de ces créatures fantastiques. Plus
que des armes de guerre, les dragons sont donc nécessaires au perfectionnement
de l’art magique.
Associer les dragons à la magie a une forte dimension symbolique. En effet,
les mondes d’Essos et de Westeros ont tendance à se normaliser au fil du temps.
Alors qu’il n’y avait pas d’hommes à l’origine sur Westeros, leur arrivée sur ce
continent plusieurs millénaires auparavant a entraîné une diminution progressive
des phénomènes magiques. En contribuant très largement à la disparition quasi
totale des Géants et des Enfants de la Forêt, les hommes ont rendu le monde de
Westeros plus semblable à notre propre monde.
La magie est dès lors davantage associée aux terres lointaines ; Qarth, mais
aussi Ashaï, sont des cités dans lesquelles elle est un art très pratiqué. Or, ces
deux villes sont très éloignées de Westeros. Le continent principal de l’intrigue
paraît ainsi peu enclin à accorder de l’importance à la magie. Dans l’univers créé
par George R. R. Martin, on sait notamment que les dragons ne sont pas
originaires de Westeros. Ils viennent de Valyria, une majestueuse cité dont la
splendeur puis la destruction brutale ne sont pas sans nous rappeler la cité
mythique de l’Atlantide.
Le principal atout de Daenerys n’est pas tant sa vaste armée que ses trois dragons. La fin de la saison 6 les
met d’ailleurs particulièrement en valeur (épisode 10).
Le triomphe de la mort ?
Une connaissance complète des Marcheurs Blancs sera a priori une nécessité
narrative. En effet, il convient de savoir si ces créatures sont des représentantes
du Mal. On sait que leurs créateurs, les Enfants de la Forêt, n’étaient pas animés
d’intentions malveillantes. Si les Marcheurs Blancs n’ont certes rien de créatures
pacifiques, ils n’ont pas été initialement conçus pour répandre un chaos absolu.
Pour autant, on sait qu’ils ont totalement échappé à leurs créateurs. La série et
surtout les romans nous apprennent que les hommes et les Enfants de la Forêt,
malgré leur inimitié, ont décidé de faire alliance dans les temps passés pour
repousser les Marcheurs Blancs bien au-delà du Mur. Cette alliance et la crainte
éprouvée par les personnages de la saga laissent supposer que les Marcheurs
Blancs sont la plus grande incarnation du Mal. Mais est-ce aussi simple ?
Deux faits doivent retenir notre attention. Tout d’abord, les Marcheurs Blancs
ne sont pas des créatures totalement extérieures à l’humanité : non seulement ce
sont des êtres humains transformés, mais leur armée est composée en grande
partie d’hommes, de femmes et d’enfants décédés. Nous ne sommes pas ici,
comme dans Le Seigneur des Anneaux, dans un affrontement entre l’humanité et
la monstruosité. Bien au contraire : l’être humain est confronté à lui-même. Cette
différence est capitale, notamment dans l’interprétation que l’on peut faire de
l’armée des morts.
Nous avons eu l’occasion de souligner, dans un précédent chapitre, que
l’univers créé par George R. R. Martin était d’une extrême violence et d’une
grande immoralité. Westeros et Essos sont des continents dans lesquels le taux
de mortalité est fort. On le voit au fait que des personnages de tout âge et de
toute condition meurent tout au long de l’intrigue ; la mort n’épargne personne,
pas même les enfants. On peut même aller jusqu’à dire que la mort naturelle est
dans cet univers fictif la moins naturelle des morts. L’avancée progressive des
Marcheurs Blancs vers les royaumes des hommes peut alors être perçue comme
la punition des péchés humains. La gigantesque armée des morts serait une
manière de montrer aux hommes à quel point leur comportement quotidien est
délétère. Ces créatures seraient un memento mori (locution latine qui signifie
« souviens-toi que tu vas mourir ») à grande échelle.
Les Marcheurs Blancs renvoient aux hommes l’image de leurs imperfections et de leur finitude. Ils montrent
ce que les êtres humains ne veulent pas toujours voir d’eux-mêmes (saison 7, épisode 6).
On peut estimer que les Marcheurs Blancs ont certes une portée morale,
rappelant aux hommes à quel point leur violence peut finir par se retourner
contre eux. Leur armée se nourrit en effet littéralement de la mort. Affronter les
Marcheurs Blancs est un défi complexe. L’épisode « Durlieu », à la fin de la
saison 5, le montre bien. La Garde de Nuit et les Sauvageons parviennent certes
à détruire une partie de l’armée des morts. Mais, en les affrontant, ils essuient
eux-mêmes de lourdes pertes. Or, au moment de quitter Durlieu sur leurs
navires, les frères jurés de la Garde de Nuit et les Sauvageons constatent que
tous leurs compagnons tombés au combat sont désormais des soldats du Roi de
la Nuit. Les pertes subies dans les rangs de l’armée des morts ont été
immédiatement compensées.
L’armée des morts semble par ailleurs être une métaphore des rapports des
hommes, non pas seulement avec eux-mêmes, mais avec la nature. En effet, les
Marcheurs Blancs ont été indirectement créés pour protéger la nature, les
Enfants de la Forêt constatant avec effroi la destruction progressive de celle-ci
depuis l’arrivée des hommes sur le continent de Westeros. Dire, comme le font
les Stark, que « l’hiver vient », est une manière d’annoncer que la mort arrive.
Certes, d’un point de vue métaphorique, cela renvoie au caractère éphémère de
chaque existence humaine. L’hiver, qui est symboliquement associé à la
vieillesse et à la mort, attend chaque être humain. Mais l’hiver, plutôt que
d’intervenir à titre individuel, peut aussi intervenir à titre collectif. Il suffit de
songer aux cataclysmes, aux guerres et à certains phénomènes climatiques
(comme l’hiver…) qui mettent simultanément fin à l’existence de plusieurs
individus pourtant très différents, pour le constater. Les Marcheurs Blancs
pourraient ainsi être perçus comme une revanche de la nature. Celle-ci punirait
les hommes, qui l’ont meurtrie et dénaturée, au moyen d’hommes eux-mêmes
dénaturés : les Marcheurs Blancs. Si l’on adopte un point de vue purement
écologique, la destruction totale de l’humanité, au profit des Marcheurs Blancs,
ne serait donc pas nécessairement une mauvaise chose. Cette conception
présente toutefois ses limites.
"On peut estimer que les Marcheurs Blancs ont une portée
morale, rappelant aux hommes à quel point leur violence peut
finir par se retourner contre eux.
Les Marcheurs Blancs amènent l’hiver avec eux, et non le printemps. Or,
l’hiver est une saison qui oblige une grande partie de la nature à mourir ou à se
mettre en sommeil, en attendant le retour des beaux jours. En outre, si les
Marcheurs Blancs étaient des fervents défenseurs de la nature, ils ne seraient pas
entrés en conflit avec les Enfants de la Forêt. Ces derniers, plutôt que de prendre
le risque d’affronter leurs propres créatures, auraient pu en effet les laisser
détruire l’humanité. Or, les Enfants de la Forêt n’estiment pas souhaitable un
potentiel succès final des Marcheurs Blancs.
Peut-on dans ce cas détruire ces créatures a priori malfaisantes ? Les livres et
la série illustrent cette possibilité. Les Marcheurs Blancs sont sensibles à
l’utilisation du verredragon, qui est en somme pour eux l’équivalent de ce qu’est
la kryptonite pour Superman. Samwell Tarly, qui n’a pourtant rien d’un guerrier,
tue d’ailleurs un Marcheur Blanc en lui plantant dans le corps une lame de
verredragon. Cela lui vaudra le surnom de « Sam l’Égorgeur » auprès de ses
frères jurés de la Garde de Nuit. Si donc il paraît possible de tuer les Marcheurs
Blancs, peut-on pour autant les éradiquer dans leur totalité ?
Les dragons, le seul moyen de vaincre l’armée des morts ? (Saison 7, épisode 6.)
Bilan
Les Dragons et les Marcheurs Blancs sont des créatures essentielles à la saga de
George R. R. Martin. Ils ont tout d’abord un intérêt narratif. Les Dragons
incarnent le rêve et la magie ; les Marcheurs Blancs incarnent pour leur part le
mystère et l’effroi. L’opposition entre le feu et la glace est aussi celle de la vie et
de la mort. Si le lecteur et le spectateur sont naturellement enclins à souhaiter la
défaite des Marcheurs Blancs, qui ne pourra d’ailleurs être envisagée sans
l’intervention salutaire des Dragons, il est indéniable que ces créatures ne sont
pas totalement étrangères à l’humanité. Elles seraient, au contraire, la
démonstration explicite de nos pires tares. Un avertissement paradoxalement
bienvenu, en ce qu’il permettrait aux hommes de repenser leur rapport à leur
monde et à leurs semblables.
Chapitre 9
Et vous, vous êtes plutôt Trône de fer ou Game of Thrones ? La question, qui
peut en soi sembler étrange, vise en réalité à mettre en lumière le fait que cette
saga s’adresse à deux types de pratiques radicalement différentes : la lecture
d’un livre et le visionnage d’une série télévisée. Alors que certains spectateurs
en sont venus à lire les romans suite à la découverte de la série télévisée, d’autres
connaissaient déjà les ouvrages de George R. R. Martin avant l’année 2011, et
attendaient avec impatience mais aussi avec une certaine appréhension leur
adaptation télévisuelle. La huitième et dernière saison sortira dans le premier
semestre de l’année 2019, ce qui signifie qu’elle donnera le dénouement de la
saga avant que les romans n’aient pu le faire. On se trouve donc là confronté à
un phénomène littéraire totalement inédit. C’est cette tension entre le livre et
l’écran que nous allons désormais étudier.
Lecteur ou spectateur ?
Qui est le Roi de la Nuit ? Une des nombreuses questions que les fans de la saga sont amenés à se poser
(saison 5, épisode 8).
Un problème similaire se pose concernant la saga Star Wars. Depuis le rachat
de la franchise par Disney, en 2012, une nouvelle trilogie a été entreprise. Alors
qu’il avait fourni des pistes narratives à Disney sur la suite à donner aux
aventures de Luke, Han et Leia, George Lucas a vu ses traitements rejetés par
J. J. Abrams, réalisateur de l’épisode VII, et par Kathleen Kennedy, présidente
de Lucasfilm. Une véritable excommunication artistique pour le créateur de la
saga, certes compensée par un chèque de 4 milliards de dollars. Si la situation
n’est pas similaire dans le cas de la série Game of Thrones, George R. R. Martin
étant toujours consulté, se pose bien sûr la question de savoir si l’on n’aura
finalement pas deux œuvres artistiques bien distinctes : les romans Le Trône de
fer d’un côté, et la série Game of Thrones de l’autre. C’est ce que pense de plus
en plus l’écrivain américain, estimant qu’il s’agit désormais de deux créations
artistiques autonomes.
Dès l’instant où une œuvre littéraire est confrontée au succès se pose la question
de son adaptation. Dans le domaine francophone, de plus en plus de romans
contemporains sont adaptés en films peu de temps après leur publication. Le
roman Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal, a été adapté au cinéma par la
réalisatrice Katell Quillévéré en 2016, soit seulement deux ans après la sortie du
livre. La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, best-seller de l’année 2012 de
l’écrivain suisse Joël Dicker, a même fait l’objet d’une adaptation télévisuelle en
2017, événement suffisamment rare pour être souligné. Dans ce cas précis, le
recours à la télévision s’imposait : l’œuvre est trop longue (plus de 800 pages en
édition de poche) et trop complexe pour pouvoir être fidèlement adaptée en un
film. Nous avons vu précédemment qu’il aurait été difficile d’envisager les
romans du Trône de fer comme de potentiels films. S’il semble aller de soi que le
recours au format de la série est pertinent, le travail des showrunners David
Benioff et D. B. Weiss peut-il être jugé satisfaisant ?
Rappelons tout d’abord qu’une adaptation est toujours décevante pour un
lecteur, qui a eu le temps de forger ses propres images des personnages et des
lieux de l’action. Les descriptions sont nombreuses dans Le Trône de fer. C’est
un atout pour l’adaptation. Mais cela peut être un inconvénient pour les lecteurs,
qui auront élaboré des images parfois trop nettes de Westeros et de ses habitants.
Toujours est-il que la réception de la série ne peut censément être la même si on
a déjà lu les livres au préalable. Une fois ce premier constat établi, on peut
considérer que les choix scénaristiques de Benioff et Weiss sont souvent
respectueux de l’œuvre originale.
Si l’on s’en tient tout d’abord aux trois premières saisons, celles-ci suivent les
romans avec une assez grande fidélité. C’est notamment le cas de la saison 1. Le
spectateur qui souhaiterait découvrir dans un second temps le texte de
George R. R. Martin serait surpris de voir le peu de différences entre les deux
supports. Certes, le tome 1 possède plus d’informations que la saison 1 : de
nombreux passages descriptifs insistent sur les souffrances vécues par les
personnages. C’est notamment le cas lorsqu’il s’agit de décrire le long
emprisonnement de Ned Stark dans les geôles de Port-Réal, alors qu’il semble
rester emprisonné peu de temps dans la série – une situation d’autant plus
difficile qu’il se trouve dans un noir absolu, qui ne sera pas sans annoncer la
cécité que connaîtra Arya dans son apprentissage à Braavos. En outre, l’enquête
menée par Ned sur les origines réelles de Joffrey, Myrcella et Tommen est
présentée de manière plus complexe dans le livre. Hormis ces différences liées
au fait que le roman ne dépend pas autant de la question du rythme que la série
(une saison dure une dizaine d’heures ; la lecture du tome 1 dure au moins le
double, sinon le triple), les trois premières saisons n’offrent pas de choix
scénaristiques négativement marquants.
À la différence des romans, la série nous permet d’assister à la naissance de l’amour entre Robb Stark et sa
future femme (saison 2, épisode 6).
Dans la série, limiter le plus possible l’errance de Brienne et Podrick était certainement une décision
nécessaire (saison 4, épisode 10).
Ils ajoutent en effet aux arcs de Brienne et de Sansa l’arc du faux mariage
d’Arya avec Ramsay Bolton. Dans les romans, afin de renforcer son alliance
avec les Frey, Cersei envoie dans le nord Jeyne Poole, une amie d’enfance de
Sansa qui l’avait accompagnée à Port-Réal, en lui demandant de se faire passer
pour Arya. Or, cet arc narratif comme les deux autres ne présente pas une
importance aussi capitale que les arcs de Cersei, Jon, Jaime, Tyrion ou Daenerys.
Faire fusionner ces trois arcs, en mariant dans la série Sansa à Ramsay Bolton,
permet non seulement de créer un arc plus solide et plus logique, mais il offre
également à la série la possibilité de ne pas trop se disperser. Nous l’avons vu
précédemment, la multiplication des arcs narratifs à mesure de l’écriture du
Trône de fer peut constituer un problème aussi bien pour le lecteur que pour
George R. R. Martin lui-même. Que dire au reste du traitement fait par la série
du tome 5 ?
Limiter le temps où Tyrion est confronté à la servitude est une des différences importantes entre le tome 5 et
la saison 5 (saison 5, épisode 7).
Bilan
Saison 1 (2011)
Saison 2 (2012)
Saison 4 (2014)
Saison 5 (2015)
Saison 6 (2016)
Saison 7 (2017)
Épisode 1 : Peyredragon
Épisode 2 : Née du Typhon
Épisode 3 : La Justice de la reine
Épisode 4 : Les Butins de guerre
Épisode 5 : Fort-Levant
Épisode 6 : Au-delà du Mur
Épisode 7 : Le Dragon et le Loup
Saison 8 (2019)
Épisode 1 : titre inconnu
Épisode 2 : titre inconnu
Épisode 3 : titre inconnu
Épisode 4 : titre inconnu
Épisode 5 : titre inconnu
Épisode 6 : titre inconnu
Les principaux lieux de l’intrigue (romans
et série)
Westeros
Essos
Le succès de Game of Thrones est tel qu’il dépasse désormais le simple cadre du
petit écran. La preuve ? De nombreux fans organisent leurs vacances pour se
rendre sur les principaux lieux de tournage de la série. La mode du set-jetting
(ainsi surnommé parce que set signifie « décor ») a par exemple permis à la
Nouvelle-Zélande, transformée en Terre du Milieu par la trilogie Le Seigneur des
anneaux de Peter Jackson, de voir son nombre annuel de touristes augmenter
d’un million entre 2000 et 2006. Si le set-jetting était historiquement lié au
cinéma, le succès mondial de Game of Thrones a changé la donne, en incitant
des millions de fans d’une série à partir à la découverte de ses paysages
fantastiques. Rapide tour d’horizon des destinations incontournables.
Si vous avez envie d’avoir froid dans le dos, partez en Islande ! Le parc
national de Thingvellir vous permettra de suivre les traces des Sauvageons et des
terrifiants Marcheurs Blancs. Le tour opérateur Iceland Travel organise un
circuit de cinq jours, baptisé « Beyond the Wall », sur le thème de la série.
Si vous vous sentez plus Stark que Lannister, l’Irlande du Nord est faite pour
vous ! Le domaine de Castle Ward prête ses traits au mythique château de
Winterfell, et de nombreux décors naturels ont été utilisés pour représenter des
affrontements armés, dont la célèbre Bataille des Bâtards.
Si vous préférez la chaleur du Sud, plusieurs destinations sont envisageables.
Pour les nostalgiques de la saison 1, Malte est le pays idéal. La ville de Mdina a
été utilisée pour figurer Port-Réal au début de la série. Si vous n’êtes pas trop
attaché au passé, mieux vaut alors se rendre à Dubrovnik, en Croatie. Depuis la
saison 2, cette ville sert de décor à la capitale des Sept Couronnes. Du haut des
remparts de cette ville fortifiée, vous aurez l’impression de revivre la célèbre
bataille de la Néra ! Les villes de Meereen, Braavos et Qarth ont également été
filmées en Croatie, véritable terre d’élection de Game of Thrones depuis sept
ans.
Si vous avez envie de chaleur et d’exotisme, le Maroc et l’Espagne sont deux
destinations à ne pas manquer ! Au Maroc, vous aurez l’impression de revivre
l’odyssée de Daenerys. La ville d’Essaouira et le ksar d’Aït Benhaddou
représentent respectivement les cités esclavagistes d’Astapor et de Yunkaï. Si
vous faites un tour en Espagne, pensez à aller à Séville. La ville a été utilisée
pour figurer le royaume de Dorne. Le château d’Almodovar del Rio, toujours en
Andalousie, a quant à lui permis de donner vie à Hautjardin, place-forte de la
famille Tyrell.
Grâce à la série, on peut désormais allier fiction et réalité. Oui, Westeros
existe !
Bibliographie
Éditions de référence
MARTIN George R. R., Le Trône de fer, L’intégrale 1, Paris, J’ai lu, 2009.
MARTIN George R. R., Le Trône de fer, L’intégrale 2, Paris, J’ai lu, 2009.
MARTIN George R. R., Le Trône de fer, L’intégrale 3, Paris, J’ai lu, 2010.
MARTIN George R. R., Le Trône de fer, L’intégrale 4, Paris, J’ai lu, 2010.
MARTIN George R. R., Le Trône de fer, L’intégrale 5, Paris, J’ai lu, 2015.
Aegon le Conquérant 1, 2, 3, 4
Aegon Targaryen dit l’Œuf 1, 2
Aegon Targaryen, fils de Rhaegar 1, 2, 3, 4, 5, 6
Aerys Targaryen 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Areo Otah 1, 2
Arianne Martell 1, 2, 3, 4, 5, 6
Arya Stark 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39,
40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47
Arys du Rouvre 1, 2, 3
Asha Greyjoy 1, 2, 3
Azor Ahaï 1, 2, 3, 4
Balon Greyjoy 1
Barristan Selmy 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Béric Dondarrion 1, 2, 3
Bran Stark 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30
Brienne de Torth 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37,
38
Bronn 1
Brynden Tully 1, 2
Catelyn Stark 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31
Cersei Lannister 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37,
38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56,
57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75,
76, 77, 78, 79
Corneille à trois yeux 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Daario Naharis 1, 2
Daenerys Targaryen 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36,
37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55,
56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74,
75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93,
94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102
Davos Mervault 1, 2, 3, 4
Donal Noye 1
Doran Martell 1, 2, 3, 4
Dothrakis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Dragons 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39,
40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58,
59
Drogon 1, 2, 3, 4, 5, 6
Dunk 1, 2, 3
Edmure Tully 1, 2, 3
Elia Martell 1, 2, 3
Enfants de la Forêt 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18
Euron Greyjoy 1
Géants 1, 2, 3, 4
Grand Moineau 1, 2, 3, 4
Gregor Clegane 1, 2, 3, 4, 5, 6
Hizdahr zo Loraq 1
Hoster Tully 1
Illyrio Mopatis 1, 2
Ilyn Payne 1
Immaculés 1, 2, 3
Jaehaerys Targaryen 1
Jaime Lannister 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37,
38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56,
57, 58, 59
Janos Slynt 1
Jaqen H'ghar 1, 2
Jeor Mormont 1
Jeyne Ouestrelin 1, 2, 3
Jeyne Poole 1
Joanna Lannister 1
Joffrey Baratheon 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33
Jon Arryn 1, 2, 3, 4
Jon Connington 1, 2
Jon Snow 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39,
40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58,
59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68
Jorah Mormont 1, 2, 3, 4
Khal Drogo 1, 2, 3, 4, 5, 6
Lady Cœur de pierre 1
Littlefinger 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20
Loras Tyrell 1
Luwin 1, 2, 3
Lyanna Mormont 1
Lyanna Stark 1, 2, 3, 4, 5, 6
Lysa Arryn 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Maître de la Lumière 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Mance Rayder 1, 2
Marcheurs Blancs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37,
38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56,
57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73
Margaery Tyrell 1, 2, 3, 4
Mélisandre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18
Myrcella Baratheon 1, 2, 3
Ned Stark 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39
Oberyn Martell 1, 2, 3, 4, 5
Olenna Tyrell 1, 2, 3
Orton Merryweather 1
Osha 1, 2
Podrick Payne 1, 2, 3
Qhorin Mimain 1, 2
Quentyn Martell 1, 2, 3, 4, 5, 6
Qyburn 1
Rakharo 1
Ramsay Bolton 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
Renly Baratheon 1, 2, 3, 4, 5, 6
Rhaegal 1, 2, 3, 4
Rhaegar Targaryen 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19
Rhaella Targaryen 1
Rickon Stark 1, 2, 3, 4, 5, 6
Robb Stark 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38
Robert Arryn 1, 2
Robert Baratheon 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24
Roi de la Nuit 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Roose Bolton 1
Samwell Tarly 1, 2, 3, 4
Sandor Clegane 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Sansa Stark 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38,
39, 40, 41, 42, 43, 44
Sauvageons 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Shôren Baratheon 1, 2, 3
Stannis Baratheon 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31
Syrio Forel 1
Taena Merryweather 1
Talisa Maegyr 1, 2, 3, 4, 5
Theon Greyjoy 1, 2, 3, 4, 5, 6
Thoros de Myr 1, 2, 3
Tommen Baratheon 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Tyrion Lannister 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37,
38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56,
57, 58, 59, 60, 61
Tywin Lannister 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26
Varshé Hèvre 1
Varys 1, 2, 3, 4, 5
Victarion Greyjoy 1
Vieille Nan 1, 2, 3, 4, 5, 6
Viseryon 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Viserys Targaryen 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Walder Frey 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Ygrid 1
Yohn Royce 1, 2