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TR A IT É

DES

H A LL U C IN A TIO N S
OUVRAGES DE L'AUTEUR

Chez le même éditeur :

M anuel de psychiatrie, avec P. Bernard et Ch. Brisset. 4 ' édition revue


et complétée (sous presse).
É tat actuel de l ’étude des réflexes. Traduction de Zum gegenwärtigen
Stand der Lehre von den Reflexen in entwicklungschichtlicher und anato-
mischphysiologisch Beziehung de Mikael M inkowski, Zürich (1924). 1927,
75 pages.

Autres ouvrages :

H allucinations et délires. Paris, Alcan, 1934, 192 pages.


E ssai d ’application des principes de J ackson a une conception dynamique
de la N euro-P sychiatrie, avec R ouart, Préface de H. C laude (Mono­
graphie de l'Encéphale, Paris, Doin, 1938). L'Encéphale, 1936, 31e année,
t. 1, n° 5, p. 313-356; t. 2, n° 1, p. 30-60, n° 2, p. 96-123.
N eurologie et psychiatrie (Colloque de Bonneval, 1943, avec J. de A juria -
guerra et H écaen). C. R. Paris, Hermann, 1947, 126 pages.

L e problème de la psychogenèse des névroses et des psychoses ( Colloque


de Bonneval, 1946, avec L. Bonnafé, S. F ollin , J. L acan , J. R ouard).
C. R. Paris, Desclée de Brouwer, 1950, 219 pages.
E studios sobre los delirios. Madrid, Editorial Paz Montalvo, 1950,115 pages.

Psychiatrie (Encyclopédie médico-chirurgicale), ouvrage collectif et mis à jour


avec 142 collaborateurs, 3 vol. depuis 1955.
É tudes psychiatriques. Paris, Desclée de Brouwer.
Tome 1. — Historique, méthodologie, psychopathologie générale. 1952, édi­
tion revue et augmentée, 261 pages.
Tome 2. — Aspects séméiologiques. 1950, 546 pages.
Tome 3. — Structure des psychoses aiguës et déstructuration de la conscience.
1954, 787 pages.
La conscience. 1963 ( lre édition). 1968 (2* édition), 500 pages. Paris, P. U. F.

L a psyçhiatrie animale, avec A. Brion et coll. Paris, Desclée de Brouwer,


1964, 500 pages.
L’inconscient (Colloque de Bonneval, 1960). C. R. sous la direction de
Henri Ey. Paris, Desclée de Brouwer, 1966, 424 pages.
TRAITE
DES

HALLUCINATIONS
PAR

Henri EY

TOM E II

M ASSON E T Cie, É D IT EU R S
120 , Boulevard Saint-Germain, PARIS (6e)

= = *973 = =
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour
tous pays.

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Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc
une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© Masson et Cle, Paris, 1973

L ibrary of congress catalog card number : 72-76633


ISBN : 2-225 37 136 9.

Imprimé en France
TABLE DES MATIÈRES <*>

TOME n

CINQUIÈM E P A R TIE

LES HALLUCINATIONS DANS LES PSYCHOSES


ET LES NÉVROSES
Fages
C h a p it r e p r e m ie r . — L es H allu cin ation s d an s les p sy ch o ses aiguës . 713
Les Hallucinations dans la mélancolie (714). Les Hallucinations dans la
manie (715). Les Hallucinations des psychoses délirantes aiguës (720).
Les Hallucinations des psychoses confuso-oniriques. L'onirisme (731).
Les Hallucinations dans les syndromes de Korsakov (737).

C h a p it r eII. — L es H allu cin a tio n s d a n s le s p sy c h o se s d élira n tes


c h r o n iq u e s .................................................................................... 741
Le <c Délire chronique » .................................................................................... 743
Les H allucinations dans les diverses espèces de délires chroniques. . . 759
L'existence de quinze personnages délirants (760).
Groupe des schizophrénies........................................................................ 774
Les délires systématisés (Paranoïa)............................................................ 801
Les délires chroniques fantastiques (p a ra p h ré n ie s ).............................. 829
Les transformations des trois espèces de délire chronique et leur forme
hallucinatoire................................... 845

C h a p it r e III. — L es H a llu cin a tio n s d a n s les n é v r o s e s ........................ 855


Différences entre névroses et p s y c h o s e s ................................................ 855
Analogies entre névroses et psychoses...................................................... 857
Les Hallucinations dans la névrose obsessionnelle et les phobies . . 860

(*) La table des matières générales est placée en tête du tome premier.
VI TABLE D ES M A T IÈ R E S

Pages
Rappel historique (860). La structure névrotique obsessionnelle et
phobique, et la fonction du réel (862)^ Description clinique des
phénomènes hallucinatoires, des obsessions et des phobies (863).
Les cas-limites (borderlines) de la névrose obsessionnelle et de la
paranoïa (871).
Les Hallucinations dans l’hystérie.................................................................. 874
Les Hallucinations dans la grande névrose au temps de Char­
cot (874). La structure hallucinatoire de la névrose hystérique (876).

SIX IÈ M E P A R TIE
THÉORIES PATHOGÉNIQUES LINÉAIRES

G é n é r a l it é s ................................................................................................................... 899

C h a p it r e p r e m ie r . — M o d è le m é c a n i s t e ...................................................... 903
Concepts fondamentaux.............................................................................. 904
Développement de la théorie de l’excitation hallucinogène des neu­
rones s e n s o rie ls .......................................................................................... 910
Fondements théoriques (911). Les théories mécanistes classiques de
l ’Hallucination (917).
Exposé critique des effets hallucinogènes des lésions « irritatives »
localisées et des expériences d ’ « excitation » é le c tr iq u e ........................ 924
Les lésions « irritatives » localisées des organes, voies et centres sen­
soriels (925). Les excitations électriques expérimentales (937). Les
expériences d ’excitation électrique des organes des sens (937). Les
expériences d ’excitation faradique des centres corticaux visuels et
auditifs (943). Les stimulations électriques expérimentales du lobe
temporal (948). Indépendance relative de la production hallucinatoire
et des systèmes spécifiques (954).
L ’application de la théorie mécaniste aux délires hallucinatoires . . 959
Théorie mécaniste généralisée des Hallucinations et des Psychoses
hallucinatoires............................................................................................... ^61
Théorie mécaniste des Hallucinations et des Psychoses hallucina­
toires (G. de Clérambault) (962).
Théorie mécaniste restreinte de la genèse élémentaire des Hallucina­
tions et des Psychoses hallucinatoires...................................................... 971
Évolution vers un modèle architectonique................................................ 974

C h a p it r e II. — M o d è le p s y c h o d y n a m i q u e ................................................ 983


Réflexions préliminaires sur les forces affectives et le système de la
réalité (983). La virtualité « hallucinatoire » des forces affec­
tives (984). Le passage de la puissance pulsionnelle à l’acte percep­
tif et l’organisation de l’être psychique (985).
TABLE DES M A T IÈ R E S vu

Pages
Évidence de la manifestation de l’inconscient par- l’Hallucination . . 988
La manifestation des affects inconscients dans les « Expériences
hallucinatoires délirantes » (990). La projection des affects incons­
cients dans les Psychoses délirantes et hallucinatoires chroni­
ques (994). La projection des affects inconscients dans les Éidolies
hallucinosiques (1008).
Théorie de la projection de l’inconscient comme condition nécessaire et
suffisante de l’Hallucination........................................................................1013
La satisfaction hallucinatoire du désir et la constitution des premiers
phantasmes (1016). La théorie économique de la projection hallu­
cinatoire (1022). Théorie « topique » de la projection hallucina­
toire (1040).
Nécessité d ’un complément au modèle linéaire de la projection du
désir dans l ’H a llu c in a tio n ........................................................................1050
Structure négative de l’Hallucination (1051). Mise en défaut de
l’épreuve de réalité (1057).

SEPTIÈM E PAR TIE

LE MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

C h a p it r ep r e m i e r . — L e m o d è le a rc h ite c to n iq u e d e l’organ isation


p sy c h iq u e a n ti-h a llu c in a to ir e .................................................................. 1075
L ’idée d ’organisation, l ’unité composée et hiérarchisée de l’Être
p sychique..................................................................................................... 1075
L ’idée d ’organisation chez les philosophes, les biologistes et les
psychologues (1075). Hughlings Jackson et le modèle hiérarchisé
des fonctions nerveuses (1081). Sherrington et la notion d ’intégra­
tion (1087). La fonction d ’intégration du système nerveux et le
modèle cybernétique (1092).
Épistémologie et organisation du corps p s y c h iq u e .............................. 1100
L ’ordre de l’organisation et de la connaissance (1101). La conjugai­
son verbale de la réalité subjective et de la réalité objective (1104).
La connaissance par les sens (1107).
Les structures de l’Être conscient comme modalités ontologiques du
système anti-hallucinatoire de la r é a l i t é ................................................1113
L ’organisation anti-hallucinatoire du champ de la conscience (1115).
L'organisation anti-hallucinatoire de l’Être conscient de soi (1119).
La fonction et le sens des organes des s e n s ..........................................1122
Évolution des idées sur « la sensation » comme élément nécessaire
de la perception (1125). L ’organe des sens considéré comme
récepteur (1137). L ’organe des sens considéré comme prospec­
teur (1143). Le sens des « sens » et du « sentir » (1156). L ’organi-
VIII TABLE DES M A TIÈ R E S

Pages
sation anti-hallucinatoire des organes des sens (1159). Intégration
et subordination des organes des sens dans l’organisation du corps
psychique (1174).

C h a p it r e II. — S tru c tu re a n o m iq u e d u p h é n o m è n e h a llu cin atoire . 1177


L ’Hallucination est irréductible aux variations de la vie psychique
n o r m a l e ..................................................................................................... 1178
La distinction de la Psychologie associative entre image et sensa­
tion ne fonde pas la différence entre Hallucinations pathologiques
et illusions normales (1179). Les illusions de la vie psychique nor­
male ne sont pas des Hallucinations (1181).
Caractères formels de l’hétérogénéité des phénomènes hallucinatoires. 1197
De la référence au rêve à l ’idée de processus hallucinogène (1197).
La définition de l’Hallucination implique son caractère « anomique » . 1205

C h a p it r e III. — C lassification n a tu relle d e s H a llu cin ation s . . 1210


Caractère artificiel de la classification classique des phénomènes
hallucinatoires (1212). L ’organisation de l’Être conscient est le
plan naturel de classification des Hallucinations (1217). Les deux
modalités d ’halluciner (1219).

C h a p it r e IV. — La c o n d itio n n ég a tive des p h én o m èn es H a llu cin a­


to ire s .........................................................................................................................1223
Le modèle « jacksonien de la négativité » du trouble hallucinatoire . 1225
Historique de la théorie organo-dynamique de l’Hallucination consi­
dérée comme l’effet positif d ’un trouble négatif primordial . . . . 1230
La production h a llu c in a to ir e .........................................................................1252
Les processus générateurs d ’Hallucinations délirantes . . . . . 1255
Validation de la notion de processus dans toutes les Psychoses
hallucinatoires (1255). Les deux modalités de désorganisation hal­
lucinogène de l’Être conscient (1269). Application de la théorie jas-
persienne du processus aux Psychoses délirantes chroniques (1272).
Le problème du processus hallucinogène dans les délires à
forme « exclusivement » hallucinatoire (1276). Le processus
schizophrénique hallucinogène (1278).
La désintégration du champ perceptif...................................................... 1283
L ’organisation des analyseurs perceptifs incompatible avec la notion
d ’excitation hallucinogène (1284). Critique du concept d ’excitation
neuronale (1285). La dynamique des systèmes perceptifs irréduc­
tible à l’action des Stimuli (1288). Interprétation des faits de stimu­
lation électrique ou d ’irritation lésionnelle par une théorie de la
désintégration du champ perceptif (1298). Pathogénie des éido-
lies (1303). Pathogénie des phantéidolies. Blocage et inversion du
courant d ’information (1305). Pathogénie des protéidolies. Les
déformations de l’information (1321).
Sens général de la théorie organo-dynamique des Hallucinations . . 1338
TABLE D ES M A T IÈ R E S IX

Pages
HU ITIÈM E P A R T IE

THÉRAPEUTIQUE DES HALLUCINATIONS

p r e m ie r . — R e c e tte s th é ra p e u tiq u e s a n cien n es su r le tr a i­


C h a p it r e
te m e n t d e s H a llu c in a tio n s ........................................................................1349

C h a p it r e II. — L es th é ra p e u tiq u e s n e u ro - b i o l o g i q u e s ........................ 13S3


Les thérapeutiques du choc (1353). Psycho-chirurgie (1357). Les
médications hallucinolytiques (1359). Les deux « neuroleptiques »
princeps : la réserpine et la chlorpromazine (1362). La génération
des nouveaux « neuroleptiques » (1364). L ’azacyclonol (fren-
quel) (1371). Le sulpiride (dogmatil) (1372). L ’oxaflumazine (1372).
Les associations (1372).

C h a p it r e III.— L es p s y c h o t h é r a p i e s ..................................................1375
Psychothérapies individuelles (1376). Psychothérapies de groupe
et psychothérapie institutionnelle (1383).

C h a p it r eIV. — La th é ra p e u tiq u e d e s d iv e r s e s c a té g o rie s d ’H allu ci-


n a t i o n s ........................................................................................................ 1391
Thérapeutique des expériences délirantes et hallucinatoires (1392).
Thérapeutique des psychoses hallucinatoires chroniques systéma­
tisées (1396). Thérapeutique des formes hallucinatoires des schizo­
phrénies (1400). Thérapeutique des éidolies hallucinosiques (1405).

Ap p e n d ic e . — E x tr a its du « jo u r n a l d ’u n e H a llu c in é e » . . . . 1417

T able d es c o n c e p t s -c l é s ................................................................................ 1433

Le x iq u e ..............................................................................................................1439

B ib l io g r a p h ie générale ......................................................................................1451

B ib l i o g r a p h i e des travaux de l ’a u t e u r sur l e s ha l l u c i n a t i o n s . . 1501

In d e x a l p h a b é t iq u e d e s n o m s d ’a u t e u r s ........................................................1503

In dex a l p h a b é t iq u e d e s m a t iè r e s 1533
C IN Q U IÈ M E P A R T IE

LES HALLUCINATIONS
DANS LES PSYCHOSES
ET LES NÉVROSES

E y. — Traité des Hallucinations, il. 24


C H A P IT R E P R E M IE R

LES HALLUCINATIONS
DANS LES PSYCHOSES AIGUËS

Les Psychoses aiguës, symptomatiques pour nous de la déstructuration du


Champ de la conscience à ses divers niveaux (cf. le Tome III de nos Etudes,
1954), sont toujours et toutes des Psychoses délirantes aiguës, et comme elles
manifestent l ’altération de l’expérience actuellement vécue, elles sont à des
degrés divers toutes aussi, des Psychoses hallucinatoires aiguës.
Tel est l ’ordre que nous avons essayé d ’introduire p ar la nosographie
organo-dynamique du mouvement de désorganisation des structures synchro­
niques de l ’être conscient. Trois points, à ce sujet, sont constamment discutés :
1° Pour ce qui est de V unité du groupe des Psychoses aiguës, on a pris
l'habitude de séparer radicalement les Psychoses dysthymiques (Cyclothymiques
ou Maniaco-dépressives) des autres. Nous pensons que c ’est une erreur qui doit
disparaître pour peu que le clinicien sache jeter son regard sur la physionomie
et la phénoménologie des crises maniaco-dépressives qui sont tout à la fois des
manifestations de la déstructuration du Champ de la conscience et hallucino­
gènes.
2° Pour ce qui est de la nature exogène ou endogène du groupe des Psychoses
aiguës, l ’école française (Régis) et l ’école allemande (Bonhœffer) ont été
d'accord pour considérer que ces Psychoses (réserve faite des états cyclo­
thymiques !) sont des états symptomatiques d ’intoxications ou d ’infections, etc.
Mais depuis quelque temps, même pour les formes les plus « endogènes »
(les plus dégénératives, disait Magnan) de ces psychoses, le fossé creusé entre
psychoses pures ou endogènes et psychoses symptomatiques ou exogènes
tend à se combler.
Les travaux de W. Janzarik (1959), de H. J. W eitbrecht (1968), S. Mentzos,
A. Lykoros et coll. (1971), J. Glatzel (Nervenarzt, 1972), méritent à cet égard
une particulière attention. Car plus s’approfondit l ’analyse structurale de ces
expériences délirantes et hallucinatoires, plus le bouleversement q u ’elles
manifestent apparaît le même ; soit q u ’elles dépendent de facteurs antécédents
ou de développement, soit de facteurs pathogéniques actuels.
3° Pour ce qui est des rapports entre Psychoses aiguës et Psychoses chro­
niques, si elles diffèrent bien entre elles comme diffèrent la Pathologie du
714 P SY C H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

Cham p de la conscience et la Pathologie de la. conscience de Soi (c’est-à-dire


l ’aliénation de la personne), s’il est évident (cf. ce que nous avons dit des
rapports des effets psychotomimétiques des toxiques hallucinogènes et de la
Schizophrénie) que les Psychoses délirantes et hallucinatoires aiguës ne consti­
tuent pas une cause, ni suffisante, ni même nécessaire des Psychoses chroniques,
il existe cependant des anastomoses entre la « folie d ’un moment » et la « folie
de l ’existence ».

LES HALLUCINATIONS DANS LA MÉLANCOLIE

N ous avons exposé dans notre « Étude » sur la Mélancolie {Étude, n° 22,180-
185) l ’essentiel des données cliniques et historiques de ce problème. Nous nous
en tiendrons ici à deux faits : le désert désolé du mélancolique et le désir de la
m ort. L ’Hallucination retentit dans ce désert comme l ’appel de la mort. La crise
de « mélancolie franche aiguë », surtout dans sa forme anxieuse, com porte une
telle altération du monde où se projettent menaces, châtiments et catastro­
phes, (1) que le mélancolique perçoit (Hallucinations psychosensorielles de l’ouïe
et plus rarem ent de la vue) les mauvais objets dont son angoisse et sa peur
peuplent le monde extérieur ou le monde intérieur de son corps et de sa pensée.
Michea et Baillarger notaient que dans 60 % des cas, il y a des Hallucinations et,
bien entendu, le contingent de ces phénomènes hallucinatoires a crû encore
quand on y a fait entrer la masse des Hallucinations corporelles ou cénestopathi-
ques qui sont comme les sensations mêmes de la mélancolie vouée à lafatalité d ’un
anéantissement du corps ou de sa possession par de mauvais objets introjectés
(Mélanie Klein). Certains auteurs parfois ont décrit comme une forme « halluci­
natoire spéciale » (J. Rubenovitch et E. Toulouse, 1897) les cas où les fausses
perceptions (voix, visions) occupent le premier plan du tableau clinique ou
sont vécues avec une intensité particulière. Le syndrome d ’influence (H. Codet,
1923; E. Minkowski, 1933) s’y rencontre assez souvent. Comme le faisait
remarquer Séglas, ce sont en effet beaucoup plus souvent q u ’on ne le dit des
Hallucinations psychiques et surtoutjjsychom otrices que l ’on rencontre dans
le délire mélancolique. Et il en avait donné, des exemples jdans la célèbre
« Leçon » q u ’il consacra aux « Hallucinations dans la mélancolie » (1895).
Il est classique également de rappeler que parfois les impulsions suicidaires
sont vécues dans la Conscience mélancolique comme des « voix impératives »,
to u t de même que les syndromes d ’influence ou d ’automatisme psycho-moteur

(1) Mais les formes dites « atypiques » ou « symptomatiques » sont bien plus encore
saturées de délire hallucinatoire. A titre d ’exemple, on pourra se rapporter à la pro­
jection de la culpabilité sur autrui considéré comme « bouc émissaire » au cours
d ’une « Alkohol Halluzinose » (N. S c h i p k o w e n s k y , « Schuld und Sühne », Sympo­
sium de Vienne, 1968).
M A N IE 715

sont liés aux idées délirantes de possession ou de dam nation, plus rarem ent de
négation (1).
Depuis quelque 20 ou 30 ans, toutes les études phénoménologiques ou
psychanalytiques de la mélancolie (L. Binswanger, E. Minkowski, V. E. von
Gebsattel, E. Straus, H. Tellenbach, etc.) ont pour ainsi dire rendu fami­
lière l ’expérience mélancolique des altérations du temps et de l ’espace vécus.
L'étude et les observations de E. Minkowski (Le temps vécu, 1933, 295-327)
constituent une contribution importante à l ’analyse du vécu hallucinatoire des
états dépressifs (syndrome d ’automatisme mental). Malgré l ’interprétation
« associationniste » que l ’auteur en propose en considérant que la série hal­
lucinatoire et la série mélancolique sont en quelque sorte « juxtaposées »,
les cas rapportés sont intéressants. A la fin de l ’ouvrage la phénoménologie
de l ’espace « noir » comme lieu de l ’Hallucination, même s’il ne s’agissait
pas dans le cas rapporté (p. 382-383) d ’une mélancolie, permet d ’apercevoir
l’infrastructure temporelle des expériences délirantes et hallucinatoires à tona­
lité anxieuse.
L ’école psychanalytique (Freud, Abraham , Mélanie Klein), en souli­
gnant l ’introjection ou l ’internalisation et la projection des objets libidinaux
dans la conduite de deuil qui constitue le fond de la mélancolie, fait pour ainsi
dire entrer dans l ’expérience mélancolique, comme dans un cauchemar, VHal­
lucination du châtiment attendu et infligé (Sur-Moi) — de l ’objet perdu — ou de
la Destrudo menaçante quand la libido se retire du monde des objets pour
se retourner contre la sphère des pulsions libidinales. M. Ostow, The psycho-
logy o f melancoly, New York, H arper 1971.

LES HALLUCINATIONS DANS LA MANIE

Le problème clinique des Hallucinations dans la Manie est le même que


celui dont nous venons de rappeler l ’essentiel à propos de la Mélancolie.
La « manie » constitue elle aussi, mais en sens inverse, un bouleversement du
Champ de la conscience caractérisée p ar son mouvement désordonné, par le
« bond » du désir sautant par-dessus les exigences du présent, du réel et du pos­
sible. De telle sorte que le niveau de Conscience déstructurée du m aniaque le livre à
l'orgie de l ’imaginaire, à une sorte de kaléidoscopie dont la fuite des idées, le
jeu et l ’exaltation constituent les temps et les mouvements. C ’est dire que, là
aussi, l’Hallucination en tant que contresens de la perception trouve sa place
toute naturelle dans le vécu de l ’expérience maniaque. Le m aniaque projette

(1) De nombreux travaux ont montré l’altération du champ perceptif des mélan­
coliques. Mentionnons simplement celui de K. H a u s s (1970) qui, dans son livre
« Emotionnalität und Wahnwahrnehmung », fait état de recherches tachistoscopiques
montrant la continuité des phénomènes illusionnels et hallucinatoires dans les dépres­
sions exogènes ou endogènes. -
716 P SY C H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

dans le futur et l’imaginaire les fantasmes que ne contient plus la pondération


ou, si l’on veut, la légalité d ’une organisation tempérée du Champ de
sa conscience. Il n ’y a pas lieu par conséquent de s’étonner que le tableau
clinique de la manie comporte des Hallucinations de tout genre ou de tout
degré, vérité classique trop souvent cachée aux cliniciens de la Psychiatrie
associationniste et des entités trop rigides.
Esquirol avait souligné la fréquence de ces phénomènes, alors que J.-P. Fal-
ret les tenait pour rares. C ’est que tout dépend, en effet, du degré d ’objecti­
vation exigé pour qu’une représentation hallucinatoire, un jeu hallucinatoire,
une rêverie hallucinatoire, une Pseudo-hallucination, soient considérés comme
Hallucination. Le vrai est que l’expérience m aniaque enveloppe dans son vécu,
des idées, des propos, des pensées ou des imaginations qui sont « objectivés »
relativement à la spontanéité de l ’action personnelle du Sujet. Et, objectivées,
les expériences psychiques du maniaque le sont pour se dérouler automatique­
m ent (mentisme, fuite des idées) ou pour se présenter au Sujet comme venant
du dehors de lui-même (imagination incoercible, Pseudo-hallucinations
verbales, auditives), ou encore, comme provenant d ’une profondeur et d ’auto­
matismes étrangers à lui-même (Hallucinations psychomotrices). Voici, par
exemple, une description de ce vécu hallucinatoire (ou fabulatoire, ou illu-
sionnel, ou délirant) de la manie que nous em pruntons à l’ouvrage ancien de
Deron (Le syndrome maniaque, Paris, 1928, p. 3-5). D ans cette description
dont nous nous excusons de la longueur, transparaît, malgré la dénégation
de l’auteur, le premier degré du trouble primordial du délire hallucinatoire.
« Dans le sens que lui attribue le langage courant, le m ot délire est syno-
« nyme d ’erreurs intellectuelles, d ’idées fausses et d ’incoordination des per­
ce ceptions et des actes p ar suite de la surexcitation générale de l ’imagination.
« De ce point de vue, la manie est bien toujours un délire général. Mais, au
« sens purement psychiatrique, le délire est un ensemble plus ou moins com-
« plexe d ’idées morbides ou de_conceptions délirantes concernant le Moi et
« ses rapports avec le monde extérieur, qui se développent soit p ar raison-
« nement, soit par suite d ’Hallucinations ou d ’illusions, soit par symbolisme
« verbal, et qui peuvent être uniformes ou polymorphes, systématisées ou
« incohérentes.
« Ce q u ’on a nommé délire chez le maniaque, en dehors de cas excep­
te tionnels et sur lesquels nous reviendrons ultérieurement, est essentiellement
« mobile, son polymorphisme incohérent relève de l’excitation, l ’incohérence
« étant toutefois accrue par la débilité sous-jacente. Ce délire n ’a ordinairement
« rien d ’homogène et il faudrait parler plutôt de conceptions ou d ’idées déli­
te rantes. Si elles s’orientent dans un sens nettem ent déterminé, on voit tou-
« jours un grand nombre d ’idées accessoires se greffer sur les premières; aucun
« phénomène de Conscience, pas plus intellectuel q u ’émotionnel, n ’arrive à se
« m aintenir pendant un temps suffisant pour influencer et grouper ces éléments
« passagers. Les idées délirantes liées au déchaînement associatif et dérivant
« d ’évocations instables sont donc très mobiles. Les illusions diverses, les
« erreurs d ’interprétation des sensations, les fausses reconnaissances, quelque-
M A N IE 717

c fois les Hallucinations vraies, et même l ’apparence hallucinatoire dont


« l'expression métaphorique en langage matériel contribue à troubler la
« Conscience, créent une certaine fantasmagorie. D ’autre part, si les idées
« délirantes prennent ju sq u ’à un certain point leur origine dans le caractère
« et les tendances du malade, ce sont pourtant les réactions q u ’elles provoquent
« plutôt que ces idées elles-mêmes qui sont soumises à leur influence. Les
« conceptions se suivent sans lien logique, souvent heurtées, parfois contra-
t dictoires, naissant au hasard des perceptions incomplètes ou inexactes, des
« états affectifs mobiles. Elles ne prétendent pas à traduire les rapports du Moi
« avec le monde extérieur, ne se donnent pas pour adéquates à la réalité et ne
c s'accompagnent pas de conviction. Tout prend un aspect ou fantastique ou
* en tout cas inaccoutumé, le malade sent confusément que la logique ration-
* nelle du monde norm al n ’est plus applicable au monde imaginaire où il
« s'agite. La fantasmagorie des illusions multiples, avec un chaos d ’irréalités
« acceptées et de réalités méconnues, entrave tout jugem ent d ’objectivité;
« chaque représentation nouvelle, ayant le même degré de Conscience que les
« précédentes, les fait oublier. Il y a plutôt absence de jugem ent qu'erreur.
« Les malades accordent autant d ’im portance à leur rêverie q u ’à leurs
« perceptions et c ’est à dessein que nous employons ce m ot qui désigne l’acti-
« vité intellectuelle sans but. On a dit que les rêveries n ’étaient que des récits
« incomplets que nous nous faisions à nous-mêmes. Elles sont en tout cas
« une forme d ’activité psychologique élémentaire et facile. Elles com portent
■ tous les degrés depuis le simple relâchement de l ’attention, où, sans perdre
« de vue nos préoccupations, nous les suivons avec moins de tension, les
« laissant se combiner p ar elles-mêmes d ’une façon encore productive, jus-
« q u ’aux états où nous lâchons la bride aux évocations et où, toute direction
« abandonnée, nous nous laissons dériver vers les associations parasites en
« accord avec nos tendances. Nous oscillons entre deux plans extrêmes :
« celui de l ’action où nous réfléchissons pour coordonner, et celui du rêve
« où nous assistons sans intervenir au déroulement désintéressé de nos repré-
« sentations. Aussi, contrairem ent à la réflexion où nous ne voyons pas
■ d ’images, la rêverie, état très riche en images, est très pauvre en pensée.
« Les malades expriment d ’ailleurs souvent, tan tô t pendant l ’accès et
« tantôt après sa guérison, le sentiment de vie en rêve, mais il semble q u ’ils
« expriment ainsi par un seul terme la Conscience de leur rêverie et leur impres-
« sion d ’irréalité.
« On peut rencontrer tous les intermédiaires entre le vrai délire de rêve des
« maniaques confus, l ’apparence de délire due à la rêverie, à l ’activité du jeu
* et au symbolisme verbal, et les formes inférieures fabulantes de ce q u ’on a
* appelé le délire d ’im agination et qui ne sont en réalité que de la vantardise
« et du mensonge.
« C ’est plutôt l ’apparence du délire q u ’on rencontre dans les états
« maniaques. On pourrait en effet, en faisant toutes réserves sur le m ot délire
« que nous estimons être ici inexact, dire que le délire m aniaque est un délire
« de rêverie et de jeu. Le mécanisme du jeu est d ’ailleurs très proche de celui
718 P SY C H O SE S AIG U ËS H ALLU C IN ATO IRES

« de la rêverie. Lui aussi est une activité sans, but, dépend de l ’imagination
« créatrice et réalise aussi une tendance. Il est essentiellement reproducteur,
« mais il com porte souvent en plus, comme le dit Queyrat (Les jeux des enfants),
« une part de perception illusoire des choses : l ’enfant qui joue anime et per­
ce sonnifie les objets inanimés, réalise les abstractions, m étamorphose la
« réalité en transform ant les personnes...
« Les malades, dont l ’expansivité est augmentée p ar l ’excitation générale,
« par l’exaltation affective, jouent leur rêverie comme jouent les enfants. Les
« maniaques sont les comédiens de leur im agination, ils réalisent le cours
« changeant de leurs divagations, fo n t l ’enfant, le médecin, le grand person-
« nage, mais restent en général présents. Ce qu’on appelle le délire maniaque,
« n ’est q u ’un conte que le m aniaque se fait à lui-même et q u ’il joue pour les
« autres, un jeu dont il s’amuse, parfois une plaisanterie dont il mystifie son
« entourage. Mais il ne croit guère à la personnalité q u ’il s’attribue alors même
« q u ’il en joue le rôle; il n ’a pas foi dans son délire, sa conviction n ’est q u ’appa-
« rente et bien facile à ébranler.
Ainsi, jeux dialogués, fabulations, pantomimes, altercations, injures par­
tagent la Conscience m aniaque en opposant au pôle de sa subjectivité celui
d ’une objectivité imaginaire. Celle-ci peut être vécue non pas comme projec­
tion dans le monde des objets, m ais à l ’intérieur du Sujet lui-même comme
une projection orgiastique du désir. Les délires d ’inspiration divine, de pos­
session diabolique ou de communication surnaturelle, sont particulièrement
fréquents dans cette expérience expansive où les relations intersubjectives
sont exhaussées jusqu’au niveau d ’une cohabitation érotique ou d ’une com­
munication surnaturelle avec les forces du Bien ou du Mal. Et, en effet, l ’exal­
tation maniaque engendre des expériences de sympathie, de télépathie, de
rapports intimes, des illusions prophétiques de clairvoyance, de toute-puis­
sance ou de frénésie sacrée qui font vivre au Sujet comme un orgasme, un don,
une extase ou une merveilleuse surabondance de grâces, sa propre manière
de désirer, de se surpasser, de sortir de lui-même, d ’être embrasé par la flamme
d ’un enthousiasme sans bornes. Séglas avait, là encore, noté que le délire m ania­
que s’exprimait fréquemment par des anomalies hallucinatoires du langage
intérieur (Hallucinations psycho-motrices, impulsions verbales, hyperendopha-
sie). Sa malade, Mme B... p ar exemple, entendait (dans son inspiration au
niveau de l’épigastre et comme une inspiration surnaturelle) la voix d ’un
esprit, voix intérieure q u ’elle sentait dans sa poitrine et avec laquelle elle ne
cessait de dialoguer.
Dans l ’état de déstructuration du Champ de la conscience de type maniaque,
dans ce vertige et ce tourbillon où tous les vécus de la Conscience prennent des
qualités de vitesse, d ’alacrité, de volatilité, d ’euphorie et d ’insouciance, les
expériences délirantes et hallucinatoires qui s’imposent au Sujet dans le m ou­
vement incoercible du vécu sont affectées d ’un caractère de volatilité, de
rapidité et de légèreté qui fait dire au clinicien qu’il s’agit de « Pseudo-hallu­
cinations », d ’ « Hallucinations psychiques », d ’imagination ou de fabulation,
comme si le m aniaque se jouait de son délire hallucinatoire en l ’évaporant
M A N IE 719

au-delà de la stricte perception, jusque sur le registre de la facétie ou de la vir­


tuosité, en le p o rta n t ju s q u ’à l ’infini de la toute-puissance. M ais p o u r si
décentré que soit le flux d u vécu il ne cesse p as d ’être éprouvé p ar le Sujet
comme une force qui le fait sortir de ses gonds. M asselon (1913) avait très bien
décrit ce caractère inconsistant et superficiel de l ’H allucination « à l ’état
naissant » dans cette expérience vouée à la fluidité kaléidoscopique de l ’im a­
ginaire :

« Si les Hallucinations sont absentes quand l ’état maniaque est pur, elles font leur
« apparition en même temps que les tendances délirantes. Et qu’on ne se méprenne
« pas sur ce que j ’appelle tendances délirantes. Il ne s’agit pas là de convictions indé-
« racinables, de délire confirmé; il s’agit de constructions imaginaires souvent fugaces,
« qui sont formées sous le coup de fouet de l ’exaltation intellectuelle, associées sou-
« vent à un sentiment d ’euphorie et de plénitude et qui n ’emportent pas une foi bien
« profonde en leur objet. Les Hallucinations sont marquées au sceau de cet état.
« Tout d ’abord, elles sont mobiles, kaléidoscopiques : ce sont des visions changeantes,
« des propos décousus, qui reflètent la rapidité du cours des pensées et des représen-
« tâtions. Ensuite, elles n ’ont pas un caractère très net d ’objectivité. Les malades les
« distinguent fort bien des perceptions vraies. Beaucoup même les situent dans leur
« tête. En somme, elles sont proches parentes des représentations mentales ordi-
« naires, de ces visions indécises que nous avons tous lorsque nous nous abandonnons
« au cours de nos rêveries. Ce n ’est que faute d ’une meilleure expression et par ana-
« logie que les malades disent : « je vois », ou « j ’entends ». Enfin, elles n ’entraînent
« pas une conviction bien forte en leur objet. Le plus souvent ces malades exagèrent :
« au fond d ’eux-mêmes ils savent fort bien qu’il n ’y a rien de réel derrière tous ces
« mirages. Ou bien encore, leur croyance est intermittente : elle subit les oscillations
« de leur exaltation. D e temps en temps, une plaisanterie, une saillie indiquent qu’ils
« ne sont pas dupes eux-mêmes des jeux de leur imagination.
« ... Le simple énoncé de ces caractères montre bien qu’il ne s’agit pas là d ’Halluci-
« nations confirmées. Ce sont des ébauches, des embryons d ’Hallucinations. Si
« l’Hallucination est une perception sans objet, il manque au phénomène que nous
« décrivons id la plupart des caractères de la perception : il n ’en a ni l’intensité ni
« l’objectivité. Néanmoins, il se distingue de la représentation mentale ordinaire par
« ce fait que son origine n ’est pas complètement méconnue. Il se tient donc à mi-che-
« min entre l ’image mentale complètement réduite et l’Hallucination vraie; il montre
« à l ’observateur une Hallurination à l’état naissant ».

Mais pour si « fausses » que soient réputées être ces Hallucinations (ces
« Pseudo-hallucinations »), elles sont pour nous des Hallucinations, car il
ne nous suffit pas bien sûr d ’introduire l ’imaginaire dans l ’activité hallucina­
toire pour la supprimer.
Dans une excellente étude parue récemment (1970), J. Gillibert a approfondi
avec une grande pénétration la structure dynamique de la manie. Quand il
considère le maniaque comme le « Démiurge » q u ’il croit, en effet, être devenu,
quand il souligne que c’est la syntaxie de l’être double qui s’efface ou plutôt
s'inverse dans l ’orgasme du M oi qui jouit de sa toute-puissance, quand il
assimile la crise de manie à ce que le rêve contient d ’exaltation narcissique,
d ’autarcie absolue, ou encore lorsqu’il discerne dans la manie l’anthropo­
720 P SY C H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

phagie du M oi se dévorant lui-même, toutes ces configurations mythiques


ou mythologiques des tourbillons d ’un désir qui pour ne pas se briser contre
la réalité la brise, toute cette frénésie en un m ot que J. Gillibert porte à la
hauteur d ’une érection phallique dans la divine et orgiaque « m ania », toutes
ces métaphores nous font saisir l’expérience maniaque comme une expérience
essentiellement délirante et hallucinatoire. Le M oi s’érigeant en monologue
absolu, laisse en effet comme en sourdine m urm urer le dialogue qui remplit
indéfiniment l ’intervalle qui sépare ce rêve de sa réalisation totale, c ’est-à-dire,
en définitive, ce « jeu » verbal que plus simplement Deron, nous l ’avons vu,
reconnaissait comme l ’essence du tableau clinique de la manie.

LES HALLUCINATIONS DES PSYCHOSES DÉLIRANTES AIGUËS

Ces Psychoses, ou plus exactement, ces crises délirantes et hallucinatoires


ont été ou sont appelées selon les époques ou les écoles, Bouffées délirantes,
Psychoses hallucinatoires aiguës, Psychoses oniroïdes, Psychoses paroxystiques,
cycliques ou atypiques (K. Kleist), et plus souvent encore Schizophrénies
aiguës.
Mais p our nous elles constituent, selon le niveau de déstructuration de
l ’ordre des espaces vécus (cf. Etudes Psychiatriques, Etude n° 23), des formes
typiques des expériences de dépersonnalisation, de dédoublement ou de
fantasmagorie oniroïde.
Tout se passe à ce niveau comme si quelque chose de la modification
pathologique du Champ de la conscience qui constitue son niveau maniaco-
dépressif constituait le ton fondamental d ’un trouble auquel s’ajoutent ici les
expériences proprem ent hallucinatoires de dédoublement, c’est-à-dire d ’inver­
sion ou de confusion des espaces vécus du subjectif et de l ’objectif. De telle
sorte que l ’expérience qui correspond à ce niveau privilégié de la désorganisation
de la Conscience est celle de l ’étrangeté, de l ’altération, de l ’objectivation de
to u t ce qui appartient au Sujet, depuis son corps et ses actions jusqu’à son
langage et sa propre pensée. Nous ne pouvons pas revenir sur ce point (cf. supra,
p. 417), et nous nous contenterons de rappeler les tableaux cliniques les plus
typiques de l ’activité hallucinatoire de ce niveau.

Dans les syndromes de dépersonnalisation, ce sont les Hallucinations


« pseudo-hallucinatoires » d ’illusions corporelles et aussi les Hallucinations
psychiques visuelles ou auditives qui manifestent dans l ’ordre de la perception
l ’étrangeté des impressions et le désordre de l ’espace vécu. Les Hallucinations
visuelles y prennent généralement la forme d ’imagerie et de Pseudo-hallu­
cinations (Hallucinations de la mémoire, auto-aperceptions représentatives).
Les phénomènes hallucinatoires acoustico-verbaux sont plus rares mais se
rencontrent aussi surtout dans les états paroxystiques (surtout comitiaux) de
ces déstructurations où la perception du réel est saturée d ’imaginaire et où
s’annonce le caractère « onirique » qui englobe les synesthésies ou les combi­
naisons hallucinatoires à plusieurs sens pour form er des ensembles significatifs,
P SY C H O SE S D É LIR A N TE S AIGUËS 721

thém atiques o u scéniques (configuration, o ù les illusions de m em bres déform és


o u d u corps m orcelé so n t inextricablem ent liées à des H allucinations visuelles
ou auditives q u an d , p a r exem ple, le Sujet d it q u ’il voit sa jam b e au travers
de son tronc, q u ’une voix m enace de le traverser d ’u n coup de fusil ou que son
bras to u rn e com m e les roues d ’u n e bicyclette q u ’il voit ro u ler à côté de lui.
M ais com m e le plus souvent ces expériences de dépersonnalisation sont m oins
oniriques, elles so n t vécues seulem ent su r le registre des sentim ents d ’étran ­
geté, d ’irréalité, de m odifications psychiques e t corporelles, de perte de l ’unité
ou de la puissance de la pensée.
Voici, à titre d ’exem ple, u n e observation (1) de dépersonnalisation qui
rappelle naturellem ent celles que l ’on observe, com m e nous l ’avons vu,
dans l ’intoxication m escalinique o u p a r le L S D , ou plus généralem ent dans
toutes les « expériences psychédéliques » :

Cette malade, Georgette L., 48 ans, présentait des « bouffées délirantes poly­
morphes » à forme nettement paroxystique. Voici comment elle décrivait ses crises,
véritables états hypnoïdes de quelques heures et parfois de quelques jours dont elle
gardait un souvenir assez précis pour les raconter (certaines crises d’impulsivité colé­
reuses étaient amnésiques).
Elle dit elle-même : « I l y a des périodes de 3 ou 4 jours pendant lesquelles je me
« transforme ; je prends en moi différentes personnes. J ’ai envie de sauter. Je retourne
« à de nombreuses années en arrière ». Par exemple, le 3 août 1931, elle dit : « Les
« années ont passé comme si c’était l ’espace de quelques heures... Je répète des conver-
« sations d ’autres personnes, je ne sais lesquelles... Je ne sais plus où je suis. Me
« voilà encore repartie ! Je voudrais vous dire mon ennui, je ne peux pas... On dirait
« que j ’ai du dégoût de tout... Je vais rester une journée entière comme si j ’étais
« dégoûtée de la vie... J ’avais beaucoup de choses à vous demander... D m ’est impos-
« sible de suivre une conversation... J ’ai l’impression que je vais intercaler des phrases
« qui n ’ont rien à voir avec la question... C’est comme si j ’occupais la place d ’une
« autre... Je ne dis pas que j ’ai la personnalité d ’une autre personne, mais presque
« par moments... J ’ai fait des réflexions avec une voix dure qui n ’était pas la mienne...
« Je ne retrouve plus ce que j ’étais. On dirait que tout mon être est dominé par une
« volonté... L’atmosphère change brusquement... C’est comme un souvenir. Je suis
« comme sous la sensation d ’une personne, d ’une foule qui serait près de moi. »
Nous pouvons grouper schématiquement l ’ensemble des troubles tels qu’il se
présentent dans ces états qui durent, répétons-le, deux ou trois jours.
1° Impression d ’asthénie, sentiment d ’incomplétude et d ’irréalité. — Elle se sent
vidée de sa spontanéité, inerte. « Je vis le cerveau terne... Je n ’ai aucune pensée, je
suis fatiguée. La pensée m ’échappe. Je suis fatiguée, lasse, faible, fébrile. Je me sens
engourdie. Je ne peux pas arriver à faire un effort. Je ne puis pas arriver à finir ce que
je faisais. Il me semble que je n ’arriverai pas au bout. » Sentiment de rêve éveillé.
« Je ne puis pas me rendre compte si je rêve ou non (Elle a acheté d ’ailleurs des livres
sur les rêves pour chercher à s’expliquer ces états). »

(1) H. C l a u d e , H. E y et P. M i g a u l t en 1934 (Ann. Méd. Psycho., 257-267).


Cf. aussi l ’auto-observation publiée par L. B o l z a n n i et coll. (1969).
722 P SY C H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

2° Impression de mort imminente. — Rêveries macabres. « Je vois un squelette...


Je meurs peut-être... Je ne vis pas, on a enlevé la vieâ mon cerveau... J ’ai la sensation
d ’être morte, comme si mon corps était réduit au squelette... Je me sens morte. » Elle
offre de véritables paroxysmes pantophobiques. Elle tombe dans des gouffres d ’anxiété
avec sentiment du néant, de vide vertigineux.
3° Impression à caractère cénesthésique pénible. — « Je me sens changée... Je suis
mal à l ’aise... Mon corps me gêne... C’est comme un marteau qui frappe mon cer­
veau... Mon cerveau bouillonne », et autres métaphores de ce genre.
4° Altération de la réalité. — L’étrangeté du monde extérieur est rare. L’attention
est polarisée sur la personne et le corps propre. Cependant, elle signale des « éclipses »
de l ’ambiance. Signalons certaines « scotomisations » de personnes. Par exemple
parlant à sa fille, brusquement elle ne la voit pas, « comme si elle avait disparu ou si
elle avait été transportée dans un autre lieu. J ’avais l’impression de parler dans le
vide. »
5° Altération du sentiment du présent. — Le présent se vide de ses caractères concrets
et vivants. Il lui paraît pur souvenir (déjà vu). Elle s’évade de l’instant présent pour
glisser dans l’avenir qu’elle a l’impression de vivre (prémonitions).
6° Impression de « décalage » dans le temps et de retour dans le passé. — « Ma vie
a été décalée... C ’est très difficile à expliquer... J ’ai l ’impression d ’être reportée en
arrière... Je ne vis pas dans le passé mais dans le souvenir du passé. Le présent s’abolit,
c’est comme un rêve dans le passé... Tout va très vite... Je ne peux pas bien expliquer...
en l’espace d ’une seconde, j ’ai compris tellement de choses... Je reprends dans ma
jeunesse le fil de la vie... Je retourne de nombreuses années en arrière. »
7° Sentiment de dépersonnalisation. — Ce sentiment fondamental plus ou moins
impliqué dans les impressions que nous venons de décrire apparaît comme leur résul­
tante complexe. « Je suis vieille, vieille. Je me sens grande, grande avec d ’autres per­
sonnes en moi. J ’ai voulu mettre des robes courtes. C ’était une autre personne en
moi qui le voulait. J ’étais dans la peau d ’une autre. Quand je crie, ce n ’est pas moi.
On me fait revivre des existences passées. Je n ’étais plus moi-même... On me faisait
croire que j ’avais une double vie. On me faisait adopter d ’autres personnalités que
la mienne. Il me semblait que j ’étais ma concierge, par exemple : j ’ai vu dans la rue
une robe qui aurait pu, par sa laideur, être une robe de concierge; j ’ai dû l’acheter.
Je marchais, malgré moi, je me tenais comme ma concierge. C ’était absurde. Un autre
jour, en descendant l’escalier, j ’avais l’impression qu’une femme avait pris ma vie,
ma gaîté; je marchais comme elle en me déhanchant. »
Durant ces expériences délirantes et hallucinatoires, la malade était dans un état
d ’anxiété considérable et véritablement vertigineuse.

L a clinique n o u s offre quo tid ien n em en t des exemples de ces crises de déper­
sonnalisation aiguës o u subaiguës. Elles se caractérisent av an t to u t p a r des
m odifications de la som atognosie, des im pressions de changem ent e t d ’étran­
geté, des cénestopathies. Le thèm e déliran t y est p o u r ainsi dire seulem ent vir­
tu e l (hypocondrie, influence, auto-accusation, voire négation); le vécu de ces
illusions de tran sfo rm atio n , de transfiguration de l ’im age corporelle étan t
essentiellem ent vague d ans leu r thém atique m algré l ’intensité des im pressions
éprouvées, to u t com m e so n t égalem ent vagues e t vertigineuses les im pressions
S Y N D R O M E S D E D É P E R SO N N A U SA T IO N 723

d 'étran g eté d u m o n d e extérieur, e t plus généralem ent l ’altération de to u t le


système relationnel d u M oi à son corps e t à son M onde.
C om m e nous l’avons souligné, ce syndrom e de dépersonnalisation constitue
la toile de fo n d sur laquelle apparaissent souvent des phantéidolies corporelles,
soit q u ’elles apparaissent seules, soit q u ’elles se com binent avec des illusions
optico-acoustiques d an s une sorte d ’illusion synesthésique qui peu t o u no n
s'in tég rer d ans u n e expérience délirante. D ans ce dernier cas, le syndrom e de
dépersonnalisation en ta n t q u ’expérience globale d ’étrangeté com porte, en
quelque sorte, des élém ents hétérogènes au vécu d élirant com m e cela s’observe
typiquem ent d ans les ivresses provoquées p a r les hallucinogènes.

D ans le syndrom e h allucinatoire de dédoublem ent, ce q u i caractérise cet


« é ta t de délire hallucinatoire » (1), c ’est essentiellem ent la forte charge
ém otionnelle q u ’en traîn e l ’actualité de cette « expérience » qui est intensé­
m ent vécue com m e u n e réalité im m édiatem ent perçue p a r une Conscience
littéralem ent hypnotisée p a r ses contenus fantastiques, prise e t com m e
<( happée » p a r les figurations sensibles dans lesquelles s’offre et se développe
le spectacle, le scénario o u l ’événem ent hallucinatoire à m i-chem in du réel
et de l’im aginaire d ans une atm osphère psychique artificielle ou déjà de
pénom bre crépusculaire qui annonce le niveau inférieur de la décom position
du C ham p de la conscience. Voici une observation parm i les nom breuses
autres q u ’un Psychiatre p e u t observer dans sa p ratique courante :

Mlle Marguerite L... Pendant les premiers jours de son hospitalisation, elle se
montre très excitée, turbulente. Pleurs et gémissements fréquents. Préoccupations
hypocondriaques. L ’insomnie, la fuite des idées, la logorrhée, la gesticulation, l’éner­
vement, complètent ce tableau d ’état mixte. Mais ce qui domine le tableau clinique,
c’est le délire hallucinatoire. Celui-ci s’exprime dans ses attitudes, ses conversations
avec des interlocuteurs imaginaires. Elle est en communication constante avec les
médecins qui lui parlent par transmission de pensée. Ce sont, dit-elle, des conversa­
tions incessantes, tout à la fois amoureuses, politiques et religieuses. C ’est un échange,
un « commerce » continuel. Ces communications ne sont pas seulement verbales,
elles constituent des contacts affectifs et parfois de véritables relations sexuelles.
« Je suis en communication avec tout le monde ici... Toutes mes pensées sont en
« communication... Je suis en communication avec ma mère, avec mon neveu et
« d’autres personnes de Bordeaux... Tout ça n ’est pas clair. Est-ce seulement une
« impression ? Est-ce vrai ? J ’ai la certitude. Mon cerveau fonctionne d ’une façon
« anormale, alors j ’entends des bruits. Ce ne sont que malédictions, imprécations,

(1) Cette modalité de délire hallucinatoire aigu correspond au vieux concept de


« Paranoïa aiguë » ou de « halluzinatorische Wahnsinn » de l’école allemande (cf. les
études de S é g l a s et de S é r ie u x sur l’historique des Délires outre-Rhin). Chez nous
c’est le concept de « psychoses hallucinatoires aiguës » ( F . F a r n a r ie r , Thèse, Paris,
1899) qui a été dégagé mais pour être presque aussitôt éclipsé par la notion d’oni­
risme ou pour être absorbé dans le groupe des Psychoses hallucinatoires chroniques
(G. B a l l e t ) « à base d’autoifiatisme mental » (G. d e C l é r a m b a u l t ).
724 P SY C H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

« accusations. J ’ai fini par contaminer par la syphilis tous mes parents en donnant
« seulement une poignée de main. C ’est peut-être possible. Je ne puis rien faire ni
« penser sans être en communication. Lisait-on dans un cerveau autrefois ? Je
« l ’ignore. Moi, je ne connais pas la pensée des autres, mais j ’ai l ’impression que l ’on
« sait les miennes. Ces communications ne sont pas des voix, ou plutôt oui, ce sont
« des voix. Pour certaines, je reconnais les voix, pour d ’autres, non. C ’est
« très embrouillé. Pour l’instant, j ’entends le Dr. M. de Bordeaux qui me dit : « Oui,
« vous êtes en communication avec moi ». Quand je pense personnellement « je dis »,
« « je viens » quand cette pensée vient avec « nous ». »

Voici com m ent elle a alors raconté cette « expérience vécue » p endant
plusieurs m ois :

« L a première fois, c’était le 11 septembre, j ’ai entendu des paroles d ’amour.


« C ’était le Dr. M. Je perdais la mémoire. Je ne peux pas vous dire tout ce que me
« disaient toutes ces communications (rit énormément). C ’était jour et nuit; d’ailleurs,
« je ne dormais pas. Je m ’étais occupée en 1935 de spiritisme et de l’influence de la
« volonté, car mon père étant malade on m ’avait conseillé le magnétisme pour le
« guérir... Il me semble encore que je devais voir apparaître Jésus-Christ. Vers le
« 18 septembre, les communications devinrent « patriotiques » et aussi « érotiques ».
« Il s’agissait d ’une fécondation à grande distance, de masturbation. On ne m ’accu-
« sait pas. On me disait : « Je vous aime, je t ’aime ». On parlait de syphilis provoquée.
« Il était question de différents noms. Je n ’arrive pas à comprendre comment j ’ai pu
« penser moi toute seule par exemple à la fécondation artificielle. Je ne cessais pas
« ensuite de communiquer, sauf la nuit. C ’était la pensée des autres qui était en moi.
« C ’était une espèce de conversation; on me parlait et je répondais. J ’avais l’impres-
« sion que ce n ’était pas moi. J ’étais certainement suggérée. Il était question d’hyp-
« nose. Petit à petit, tout ce que j ’avais vu dans mon enfance me revenait. J ’approuvais
« et je désapprouvais tout ce qu’on disaitrQuand j ’arrivais à Henri-Rousselle, j ’ai eu
« des visions, je voyais le Dr. F., c’était une tête très imprécise, puis Jésus-Christ
« dont la tête était très précise. J ’ai vu aussi les têtes de fakirs, d’Hindous, des têtes
« et des turbans. Elles apparaissaient quand les yeux se fermaient. Mais les yeux
« ouverts, j ’ai vu une sorte de cristal dans la salle où j ’étais alitée. C ’était une sorte
« de corps qu’on voyait au travers du verre. J ’ai vu aussi une femme. Il me semblait
« que c’était une expérience scientifique. J ’ai vu aussi le Dr. F., avec sa femme; ce
« n ’était pas un rêve. C’était une chose que l’on fait apparaître. Certaines personnes
« ont du pouvoir sur les autres et leur font voir. Ce n ’était pas très net. J ’avais l’impres-
« sion de voir une lumière qui représentait un corps qu’on voit au travers du verre. La
« femme était de dos, c’était une infirmière, mais les infirmières étaient dans la salle
« à côté, et non pas là. C’était une conversation amoureuse et aussi une expérience
« scientifique. »

C ’est dans une atm osphère de « W ahnstimmung » (hum eur délirante)


q u ’interprétations, intuitions, H allucinations psycho-sensorielles constituent
les « figures » de ce fond de délire. Les fausses perceptions corporelles de m éta­
m orphose, d ’influence, de viol, de sensations étranges (courants électriques,
cénestopathies abdom inales e t cranio-cérébrales) et su rto u t le com plexe déli­
ra n t acoustico-visuel (voix qui m urm urent, m enacent, parlent entre elles, s’insi-
D ÉD O U BLEM ENT E T AU TO M A TISM E M ENTAL 725

a æ n t dans la pensée, la répètent, la devinent ou la dirigent), les imaginations


forcées (avec leur dévidement de souvenirs, de scènes ou d ’images plus ou
moins kaléidoscopiques) constituent les éléments cliniques d ’un syndrome
d'automatisme mental aigu ou subaigu souvent lié à une Wahnstimmung
d'angoisse (comme p ar exemple dans le cas récemment publié p ar A. Giudicelli
« P. M ouren, 1971). G. de Cléram bault avait, quant à lui, étudié spécialement
le syndrome hallucinatoire d ’automatisme m ental transitoire qui correspond
aux cas étudiés p ar Kraepelin et W emicke sous le nom d ’ « Halluzinose »,
c'est-à-dire d ’état aigu ou subaigu de délire hallucinatoire avec un minimum
de délire et à base d ’Hallucinations acoustico-verbales.
Les auteurs ont pris généralement pour modèle de leur description ce qui se
passe dans le Délire alcoolique subaigu. De Clérambault a noté quelques caractères
cliniques particuliers : voix d ’emblée thématiques, objectives et caractérisées
avec expression à pensées énergiques et hostiles; bien moins d ’échos que de
commentaires (1); moins de commentaires que de railleries; écho des inten­
tions motrices; annonces d ’échecs; scies verbales et menaces; voix multiples,
propos émouvants; phrases le plus souvent au futur; annonces, ordres; cercles
d'idées toujours proches de l’activité; précision (horaire ou numérique)
extrême; phrases explosives anidéiques; verbo-motricité fréquente; Hallu­
cinations sensitives fortes et précises; sÿnesthésies de tout genre inconstantes et
en tout cas accessoires. De son côté Wernicke a noté que dans ces cas les H al­
lucinations verbales prédom inent sur les Hallucinations visuelles; que l ’anxiété
est très vive avec réaction de défense ou de fuite sans troubles im portants de la
Conscience, sans détérioration ni amnésie consécutive. Cet état d ’« Halluzinose »
peut durer de quelques heures à quelques jours ou même quelques semaines.
La description de cette fameuse « Halluzinose des buveurs » de Wernicke (2)
a été rapprochée p ar Bleuler des formes de Schizophrénie aiguë. On comprend
dès lors les discussions intarissables qui ont eu lieu à propos de la structure
oniro-visuelle des psychoses alcooliques aiguës et la structure verbo-halluci-
natoire de ces « états d ’hallucinose »... Un récent travail (cf. Avant-propos,
p. 25) de M asuho Kom um a (de Hiroshima) nous a m ontré que la contro­
verse ne s’était pas apaisée en se déplaçant vers l ’Extrême-Orient. Sous le
débat c’est toujours le vieux conflit entre psychoses endogènes et exogènes
qui continue à opposer les uns aux autres.
C ’est en to u t cas dans les états toxiques plus ou moins voisins ou équivalents
de l’ivresse que ces expériences délirantes (appelées, rappelons-le encore,

(1) Observation qui rejoint, à certains égards, ce que disent W y r s c h et B l e u l e r


sur le fait que dans ces cas les voix ont, comme nous l’avons souligné, un caractère
« scénarique » sans que soient obligatoirement perçus les persécuteurs; elles figurent
des interlocuteurs qui parlent entre eux, jouant une « scène » qui se déroule dans un
plan d ’objectivité artificielle.
(2) Cf. le mémoire très documenté de P. M o u r e n , A. T a t o s s ia n et coll., in Ann.
Méd. Psych., 1965,1, 251-263. .
726 P SYC H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

hallucinosiques par les auteurs qui croient pouvoir séparer cette activité per­
ceptive hallucinatoire de l ’expérience délirante* qui l ’encadre), que ces expé­
riences de dédoublement hallucinatoire et d ’automatisme mental sont le plus
souvent notées comme une « réaction exogène ».
Mais sous le nom de « Schizophrénies aiguës », ou à la rigueur (par une
concession qui ne prive pas cette notion de l ’ambiguïté inhérente à ce terme),
dans les « états schizophréniformes » tels q u ’on les observe par exemple dans les
encéphalites épidémiques ou q u ’on les note plus généralement dans toutes les
psychoses « aiguës » ou « critiques » (que l ’on a de bonnes ou mauvaises raisons
de rapporter à une étiologie toxi-infectieuse, hormonale, émotionnelle, etc.),
le clinicien est fréquemment confronté avec ces « épisodes délirants et hallu­
cinatoires », ces « bouffées délirantes » ou ces « délires épisodiques et poly­
morphes des dégénérés », comme disait V. Magnan. De tels états délirants
(deliriöse Z ustände) ressemblent en effet aux délires hallucinatoires schizo­
phréniques ou les annoncent, similitude ou pronostic sur lesquels se fonde cette
désignation. Si l ’on sait cependant que 50 % de ces états appelés « Schizophré­
nies aiguës » ne se reproduisent pas, et que pour ceux dont l ’accès se reproduit, il
ne se répète qu’une fois sur deux (1), il est bien clair qu’un problème clinique
s’impose : celui des critères cliniques qui nous perm ettent de faire le diagnostic
et le pronostic de ces syndromes hallucinatoires, de ces expériences délirantes de
dédoublement relativement à l ’évolution d ’un processus schizophrénique chro­
nique et déficitaire (2). Le début soudain, l ’absence de tempérament schizoide
ou de troubles préschizophréniques dans les antécédents, le caractère plus
« oniroïde » (ou, si l ’on veut, moins lucide, moins dogmatique, moins « à
froid » de l ’activité délirante et hallucinatoire), l’analogie au contraire plus
grande du délire hallucinatoire avec l ’expérience du rêve, son exagération dans
les phases para-hypniques sous l ’influence des drogues hallucinogènes ou
au cours des narco-analyses, la continuité du vécu délirant hallucinatoire
de l ’état de veille avec l ’activité onirique nocturne, le caractère « scénarique »
des voix peuvent peut-être constituer des symptômes certes non pathogno­
moniques, mais assez significatifs d ’un pronostic favorable, c ’est-à-dire du
caractère aigu de l’évolution de ces Psychoses hallucinatoires appelées juste­
ment aiguës par F. Fam arier (1899).

Les Hallucinations dans les états crépusculaires oniroïdes. — A ce niveau


plus profond des états délirants et hallucinatoires, l ’ombre portée p ar les trou-

(1) Cf. ma statistique, in « Les problèmes cliniques des Schizophrénies » Évolution


Psychiatrique, 1958, p. 188-195.
(2) Outre la description que j ’ai faite de ces Psychoses dans le souci d ’en faire le
diagnostic, ou si l’on veut, le pronostic à l’égard des Psychoses schizophréniques
(Etude n° 23, 1954), j ’ai encore insisté sur leurs caractéristiques dans le chapitre
« Psychoses délirantes aiguës » (Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Psychiatrie I,
37.230 A 10, cf. notamment p. 5).
BOUFFÉES D É LIR A N TE S — P SY C H O SE S O NIRO ID ES 727

blés de la Conscience s’étend davantage sur son champ. Ce sont précisément


les termes à 'é ta t crépusculaire, Dämmerzustände, twilight States, stati sognanti,
qui viennent « to u t naturellement » à l ’esprit pour caractériser cette chute dans
une « atmosphère de rêve » qui les caractérise. Et, en effet, c’est comme un
événement ou plutôt une série enchevêtrée d ’événements analogues à ceux
du rêve q u ’est vécue ici la désorganisation du Cham p de la conscience, à ce
niveau certes supérieur à celui de l’onirisme proprem ent dit mais qui déjà
l'annonce ju sq u ’à se confondre parfois avec lui (1). Ces états sont toujours
sous-tendus ou remplis par l’expansion (impliquée au niveau supérieur mania­
que) ou l ’angoisse (impliquée au niveau supérieur mélancolique) auxquelles
s'ajoutent les phénomènes de dépersonnalisation (Hallucinations corporelles,
étrangeté du monde extérieur et de la pensée) et les expériences de dédouble­
ment, d ’intrusion ou de cohabitation hallucinatoire caractéristique du niveau
précédent.

On peut dès lors, et dans cette perspective, donner aux « b o u ffé e s d é li­
r a n te s » ou aux « d é lir e s p o ly m o r p h e s » de M agnan, une autonomie relative
correspondant à ce niveau. Ce délire polymorphe mélange, en effet, les thèmes
(persécution, influence, expériences mystiques, mégalomaniaques, éroti­
ques, etc.) qui s’enchevêtrent avec la diversité des « mécanismes » imaginatifs,
pseudo-hallucinatoires ou hallucinatoires. Mais il est bien évident que cette
osmose du subjectif et de l’objectif où se fusionnent le rêve et la réalité « à
l ’horizon même » où le soleil couchant ou le crépuscule rendent indistinctes
leurs frontières; cette compénétration de la sphère onirique du désir et de ses
fantasmes dans ce qui reste de réalité (juste assez pour servir d ’écran à l ’ima­
ginaire) est essentiellement hallucinatoire. Ces délirants hallucinent leur « rêve »
dans leurs expériences délirantes qui pour être plus fabulatoires, parlées et
jouées que dans l ’immobihté, le silence et la passivité de l’expérience vécue par
le rêveur pendant son sommeil, n ’en constituent pas moins comme une vapeur
de rêve qui embrume le Cham p de la conscience et le sature d ’images. Voici
une auto-observation que nous avons publiée il y a bien longtemps (1934)
avec Claude, Dublineau et Rubenovitch et que nous donnons à titre d ’exemple
de cette expérience oniroïde ici, à thématique érotico-mystique et à mécanisme
tout à la fois interprétatif, imaginatif, intuitif et hallucinatoire :

« ...Très rapidement apparaît une inquiétude croissante, confinant bientôt à


l ’anxiété. Elle craint d ’avoir contracté la syphilis accidentellement avec une piqûre;

(1) C’est cette confusion qui est généralement commise quand on a précisément
confondu onirisme et confusion. Certains auteurs (Ach. D e l m a s ) ont parlé cependant à
leur sujet d ’ « onirisme pur » pour marquer qu’ils sont moins confusionnels ou
inconscients que les états de rêve ou de cauchemar pathologique de la confusion
mentale. C ’est à eux que devait spécialement songer R é g is quand il décrivait le délire
onirique comme un « état second », c’est-à-dire en effet comme un état crépusculaire.
728 P SY C H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

elle interprète bizarrement l’attitude de ses collègues et de l’interne à ce sujet. Par


ailleurs, elle a un jour l’intuition soudaine que ce dernier est tombé amoureux d ’elle.
« Je vivais, dit-elle en parlant de ses troubles, dans un rêve. Cette histoire de syphilis
« me revenait toujours. Je sentais comme la présence réelle, c’est-à-dire que je pensais
« avoir le pouvoir de guérir les malades de la syphilis en les touchant par le contact
« sexuel. J ’ai voulu aller dans la cellule d ’un homme pour cela. Elle était fermée. Les
« idées de ma retraite, je les revivais comme si les textes évangéliques étaient actuels;
« je m ’entêtais dans certaines voies, je faisais des séries d ’actes avec une foi aveugle...
« J ’avais la foi dans ce qui me passait par l’esprit... ». La nuit suivante est pénible :
une « odeur de mort » l’incommode, qui lui rappelle l ’odeur dégagée par le corps de
son père décédé pendant les grandes chaleurs...; elle a des sensations sexuelles anor­
males. Elle croit qu’elle va mourir; elle sent une chaleur aux mains, pense alors qu’elle
va recevoir les stigmates; elle essaie de s’enfoncer dans la chair d ’anciennes épingles
à cheveux mais s’arrête car elle n ’a pas le droit de se donner la mort. L’angoisse dure
toute la nuit, L... ayant l’impression de « vivre pendant cette nuit les dernières heures
de la Passion de N.-S. ». Au petit jour, elle se met à écrire des textes de l ’Écriture.
Depuis quelques jours, elle avait déjà classé tous les objets qu’elle possédait. Les
textes qu’elle écrit s’adaptent à chacune des personnes à qui elle destine ces objets.
Elle pense qu’ils lui venaient par intuition : ils lui étaient inspirés par le Saint-Esprit.
Ce n ’était pas des réminiscences. Ils lui étaient « réellement inspirés ». Elle est ravie
de voir que les versets s’adaptaient parfaitement aux gens. Certains comportant des
prédictions (tel neveu sera prêtre, une nièce entrera au Carmel, etc.). Le matin, elle va
à la messe, hésite et demande l ’Extrême-Onction, communie. Elle sent alors la pré­
sence réelle, ce qu’elle sentait obscurément depuis quelques jours. Elle sentait en elle
un courant de vie, comme s’il y avait deux vies en elle, mais une vie bien plus intense.
Elle avait l’impression qu’il lui venait des « séries d ’intuitions ». « Cela m ’obligeait
à rester là, à adorer la présence réelle. Je me pensais en Notre-Seigneur. j ’étais éton­
née et ravie ». Cependant, elle était toujours extrêmement anxieuse, souffrant d’être
venue seule à la messe, pensant à chaque instant qu’un fanatique allait venir lui
transpercer le cœur. Elle se rend alors sur la zone à l’adresse d ’un chômeur rencontré
la veille (elle la lui avait demandée pour aller visiter les pauvres gens qui vivaient dans
les baraques). Mais en arrivant elle est prise d ’un tremblement, d ’ « une peur formi­
dable », se demandant tout à coup ce que cet homme avait pu faire de sa compagne
avec qui elle l’avait laissé la veille. Elle ne le trouve pas chez lui et aussitôt a l’intui­
tion qu’elle a été coupée en morceaux et cachée chez une voisine. Terrifiée, elle appelle
police-secours. Les policiers fouillent la zone sans résultats. Le Commissaire parvient
enfin à calmer son inquiétude (sans paraître d ’ailleurs à aucun moment soupçonner la
nature pathologique de son état). Bouleversée, elle se remémore comme elle le faisait
souvent un sermon entendu au cours de sa retraite et, en particulier, il lui revient à la
mémoire le récit de la Résurrection de Lazare. Elle se demande aussi quel acte de cha­
rité Dieu va lui donner à accomplir ce jour là. Comme elle franchit le porche de l’hôpi­
tal, elle voit une femme en larmes à qui l ’on vient d’apprendre la mort de son mari.
Elle s’empresse auprès de cette malheureuse, la console, l’entraîne doucement afin
de la mener à l ’amphithéâtre où repose le corps de son mari. A ce moment précis, il
lui vient « tout naturellement » à l ’esprit l ’idée que Dieu l ’a choisie pour ressusciter le
mari de cette femme, comme il avait choisi Jésus pour ressusciter Lazare : tel était le
« superbe acte de charité qu’elle devait accomplir ce jour-là ». Mise en présence du
cadavre, elle s’approche, dénoue la mentionnière et dit d’une voix forte : « Lazare,
sors du tombeau ! ». Elle répète cette phrase trois fois. Devant l’inanité de ses efforts,
elle se dit qu’elle s’y prend mal et décide soudain d ’agir « comme il est dit dans les
BOUFFÉES D ÉLIRAN TES — P SY C H O SE S O N IRO ID ES 729

Prophètes » : elle s’étend brusquement de tout son long sur le cadavre, colle les lèvres
à sa bouche et souffle de toutes ses forces « pour lui insuffler la vie ». Le garçon
d ’amphithéâtre l’écarte enfin. Elle résiste. Les autres personnes frappées de stupeur
sortent pour appeler à l’aide. Le garçon court chercher du renfort. Restée seule, elle
s’enferme et se rappelle alors l ’épisode de saint Julien le Pauvre guérissant un lépreux
en se substituant à lui. Elle décide sur-le-champ de se substituer au mort pour lui don­
ner la vie. Elle le découvre, elle-même se dévêt entièrement, et au moment où elle
allait lui passer sa tenue d ’infirmière on pénètre de force dans l’amphithéâtre. On lui
arrache le corps qu’elle étreignait. A ce moment précis, elle croit reconnaître dans ce
cadavre un jeune Cubain qu’elle avait soigné et qui était mort 18 mois auparavant.
Elle avait pour lui un sentiment très prononcé que ses principes religieux avaient vite
fait dévier vers un plan idéaliste. Le cadavre avait pris soudain la même position que
prenait le Cubain quand il priait avant sa mort : donc c’était lui.
« Elle nous a dit depuis en parlant de cette période qui a duré cinq ou six jours :
« Je fabriquais des histoires avec tout. Je me croyais enceinte. Les lumières de la rue
« m’ont excitée d ’une façon épouvantable. Les étincelles des tramways, il me sem-
« blait que c’était des rayons intra-violets. La lueur intermittente au passage des
« tramways me paraissait sanctionner ce que je disais comme s’il y avait correspon-
« dance. J ’ai vécu la fin du monde. Je croyais qu’il y avait la guerre. Je m ’imaginais
« que l ’on pouvait se marier comme on voulait, que ma sœur pouvait se remarier,
(c Les pensées défilaient... J ’ai cru un instant que j ’étais dans un couvent, que des
« événements affreux allaient se déclencher. L’état de raison s’est présenté brusque-
« ment. » _
« On crut avoir affaire à une personne perverse qui se serait livrée à une mani­
festation de nécrophilie et on la dirigea sur la Salpêtrière. Elle demeura un mois chez
le Dr. C r o u z o n , se comportant comme une maniaque. Son état persistant, elle fut
internée. Notons qu’elle ne paraissait pas confuse et qu’elle était bien orientée... Dans
les derniers jours de janvier, L... était calme, avec dans le service une activité adaptée.
Elle n ’aimait pas qu’on l’interrogeât sur les faits passés. Néanmoins, quand elle
consentait à décrire son état antérieur, elle insistait spontanément sur l’impression
qu’elle avait éprouvée de vivre « comme dans un rêve ». Les idées lui venaient en
trop grande abondance; elle les prenait pour des réalités; elle sentait intuitivement,
entre les choses, les personnes et les situations des relations significatives (valeurs
symboliques, interprétations, reconstruction de l ’ambiance, remaniement des valeurs
de réalité, impressions de présages, de comédies, de collusions, de compénétration
des choses et des gens, élaboration de fictions, d ’aventures, etc.). Un tel état, au dire
de la malade, dura en tout quatre à cinq jours. D ’ailleurs, en l’interrogeant avec
soin, on s’aperçoit qu’elle a présenté au moins une fois, lors de la mort d ’une belle-
sœur il y a cinq ans environ, un état spécial, différent du précédent mais qui déjà l’avait
rivement frappée : « J ’ai été à l ’enterrement, je marchais sans faire de bruit. J ’étais
« absorbée... sans être prise par ma pensée; c’était le vide autour de moi... le Vide et
« le Silence... ». Cet état dura deux jours dont L... a gardé le souvenir très précis,
insistant sur la sensation de néant qu’elle éprouva à ce moment. Cela rappelait l’état
d ’oraison mais s’en différenciait cependant. Une autre fois, elle eut subitement un
jour l’idée que, même quand on a été « prise par le Bon Dieu »... « même après avoir
passé par ces moments délicieux, on peut encore pécher ». A ce moment elle eut
l’impression de tomber dans le néant, « la vie lui faisait subitement peur ». Enfin,
assez souvent il lui arrivait de « tomber dans le vague ». Elle a alors la sensation de
ne plus pouvoir « rattraper ses pensées pendant quelques heures ou même un jour
730 P SYC H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

entier ». Les idées qui lui viennent alors « sont infinies ». Il lui faut « se faire violence
pour sortir de ces états qui confinent à l’extase et dans'lesquels elle s’évade sans perdre
complètement pied ».

Naturellement, ces cas — comme les Syndromes d ’automatisme mental


que nous avons décrits (pp. 715 et sq.) — sont très souvent décrits eux aussi
comme « psychoses schizophréniques aiguës » et nous ne revenons pas sur les
réserves qui s’imposent à ce sujet (1) car le pronostic qui leur est ainsi implici­
tem ent attribué est généralement déjoué p ar l ’évolution (2).
Le tableau clinique et la phénoménologie de ces psychoses crépusculo-
oniroïdes m et au premier plan de l ’expérience vécue des configurations scé­
niques souvent en effet lyriques, grandioses ou grandiloquentes, dans un style
tragique (eschylien, shakespearien, nervalien ou dostoïewskien). Et s’il est
vrai que la submersion de la conscience imageante par le mouvement
d ’une fabulation romanesque, poétique, mythologique ou métaphysique
efface un peu la figure hallucinatoire de cet imaginaire diffus qui injecte
son sens dramatique ou surréaliste à ce q u ’il reste du monde quasi éclipsé,
le clinicien peut encore noter sur ce fond de crépuscule de lia réalité, les
illusions, les Hallucinations et les Pseudo-hallucinations (visuelles, corpo­
relles, acoustico-verbales et « psychiques ») p ar quoi le Sujet, auteur incons­
cient de ces événements insolites mystérieux et commotionnants, projette aux
yeux de l ’observateur la plus riche symptomatologie de son imagination déli­
rante. Les fameuses descriptions de Mayer-Gross — dont nous avons reproduit
et condensé l ’essentiel dans notre Étude, n° 23 (p. 251-279) — constituent, à cet
égard, une merveilleuse étude clinique de cette activité hallucinatoire oniroïde.
Le symbolisme sexuel de cette féerie mythologique de ce rom an, de ces
scénarios tragi-comiques ou de cette invention poétique, est ici aussi évident
que dans le rêve. Tout se passe, en effet, comme si dans cette submersion de
l ’objectivité par la subjectivité, le sujet de ce monde fantastique cessait d ’obéir
aux lois de la réalité pour se soumettre plutôt au principe de plaisir — de la
libido et de ses complexes inconscients. De telle sorte que même lorsque l ’éro­
tisme des représentations n ’est pas manifeste il constitue le champ libidinal de
toutes les images qui apparaissent pour satisfaire hallucinatoirement les exi­
gences du désir ou de l ’angoisse qui lui est liée. Le désinvestissement éner­
gétique et la régression atteignent ici la sphère de la représentation, de ce pré­
conscient qui est bien comme le milieu intermédiaire, le « medium » où s’estompe

(1) Les expériences de « la fin du monde » ou de délire de négation sont souvent


tenues pour caractéristiques de l’expérience schizophrénique aiguë (cf. A. W e t z e l ,
Zeitsch. f . d. g. Neuro m dPsych., 1922; ou l’ouvrage de A. W e b e r Ueber ttihilischen
Wahn und Depersonnalisation, Leipzig, 1938; ou encore l’article de P. S chiff . La
paranoïa de destruction, Ann. Méd. Psycho., 1946,2,279.
(2) Cf à ce sujet l’ouvrage de W. M ayer-G ross, Selbstschilderungen der Verwirrtheit.
Die oneiroide Erlebnisformen, Berlin, Springer, 1924.
P SY C H O SE S CO NFU SO -O NIRIQ U ES 731

jusqu’à disparaître la distinction claire et distincte qui sépare normalement les


ténèbres inconscientes dans lesquelles s’opèrent la germination et le mouvement
des fantasmes et la clarté du Cham p de la conscience ici réduite à n ’être plus
que la pénombre, le crépuscule de la réalité.

LES HALLUCINATIONS DES PSYCHOSES CONFUSO-ONIRIQUES.


L'ONIRISME

Nous avons pu rappeler plus haut que ce sont les « ivresses » et les « expé­
riences » toxicomaniaques ou expérimentales des toxiques hallucinogènes qui
constituent la référence naturelle à laquelle nous renvoient les expériences de
dépersonnalisation ou de dédoublement hallucinatoire; c ’est encore aux effets
de l’intoxication, et notam m ent de Y intoxication alcoolique que, pour ainsi dire,
est liée l ’histoire de Vonirisme et des états confuso-oniriques (1).
La fameuse description du Délire alcoolique onirique que nous devons à
V. M agnan doit être rappelée ici ( D e l'alcoolisme, 1874, p. 50-56) :

« Il est sans cesse en mouvement, déplace tout autour de lui, cherche dans tous les
coins, regarde derrière les portes, ramasse à terre les objets imaginaires qu’il secoue
et rejette aussitôt, appuie et frotte les pieds sur le sol comme pour écraser des insectes,
passe la main devant la figure et souffle comme pour repousser des fils, des poils, des
cheveux, porte la main vivement sur sa cuisse et, ramenant son pantalon, il serre avec
force pour écraser, dit-il, une grosse araignée noire qui se glisse entre la peau et le
pantalon. Il regarde à travers la fenêtre. « C ’est, dit-il, la bande de la Place Maubert,
« déguisée en ours avec des flas-flas. Il y a une cavalcade avec des lions, des panthères
« qui regardent et font des grimaces; il y a des petits enfants déguisés en chien ou
en chat. » Il aperçoit Emilie, puis deux hommes qui le menacent... Il se baisse tout
effrayé. Ils le visent, dit-il, avec leurs fusils; ils veulent le tuer parce qu’il leur a pris
la fille. Il répond à des camarades, il les appelle, il entend des disputes et veut y courir.
On parvient avec peine à fixer son attention; ses mains, ses pieds sont sans cesse en
mouvement pour saisir ou repousser des animaux, des objets de toutes sortes. Le
visage est couvert de sueur, la peau est modérément chaude, la température donne
38°2, le pouls est large et paisible (80 pulsations), la langue est humide (V. Magnan,
De l’alcoolisme, 1872, p. 50).

E t un peu plus loin, à propos d ’un autre alcoolique, M agnan écrit :

« Elle a des frayeurs, elle entend la fusillade des soldats pénétrant dans sa maison
pour la tuer, elle se lève, prend la lumière, regarde de tous côtés, puis se rassure, se
remet au lit disant à sa fille : « que je suis bête, je croyais qu’il y avait quelqu’un ».

(1) L asègue, D elasiauve, R égis , M agnan , C haslin , G arnier , sont les grands
classiques de cette Pathologie (cf. mon Etude n° 8). On trouvera dans les articles de
I. F einberg et de M. M. G ross et coll. {in K eu p , 1970) une étude de ces Psychoses,
d ’un style, bien sûr, assez différent mais tout aussi intéressant.
732 P SY C H O SE S AIG U ËS H ALLU C IN ATO IRES

La lumière une fois éteinte, avec l’obscurité les Hallucinations reviennent. Elle essaie
d ’abord de porter son attention sur d’autres objets. Elle ferme les yeux et s’efforce de
s’endormir. C ’est en vain. Tout à coup, elle entend la voix de ses parents, les gémis­
sements et les cris de sa fille que l’on entraîne; elle s’élance hors du lit, heurte vio­
lemment les meubles, court à la fenêtre et l ’on parvient à grand peine à la maintenir.
Le délire persiste jusqu’au matin. Elle voit des fantômes, des oiseaux, des trames de
fil viennent se poser sur son visage, des serpents glissent sur son lit, elle voit des incen­
dies, elle entend un bruit épouvantable dans la rue où l ’on massacre ses parents.
Elle reste dans un état d ’angoisse inexprimable jusqu’au jour où les Hallucinations,
sans disparaître complètement, laissent quelques instants de repos. La nuit suivante, les
mêmes phénomènes se reproduisent et la malade est amenée à l’asile le 2 Avril 1872.
« A son arrivée, elle est en proie aux Hallucinations les plus variées : tous les sens
sont le siège de troubles hallucinatoires si nombreux que l’on trouve chez elle en quel­
que sorte le délire de plusieurs alcooliques. Elle se montre, tantôt maniaque, tantôt
mélancolique, tantôt stupide et en quelques heures elle se présente sous différents
aspects. Comme il est rare d ’observer un délire aussi varié, nous allons classer d ’après
les sens qui en étaient le siège les troubles hallucinatoires que nous trouvons pêle-mêle
dans nos notes prises suivant le délire de la malade.
« Vue : Elle voit des toiles d ’araignées sur le mur, des cordages, des filets avec des
mailles qui se rétrécissent et s’allongent. Au milieu se montrent des boules noires
qui se renflent, se diminuent, prennent la forme de rats, de chats qui passent à travers
des fils, sautent sur le lit; puis elle voit des oiseaux, des visages grimaçants, des singes
qui courent, s’avancent, rentrent dans la muraille. Sur la fenêtre, dans la salle, elle
aperçoit des poulets qui s’enfuient et qu’elle cherche à rattraper. Sur tous les toits
des maisons voisines apparaissent des hommes armés de fusils, à travers un trou du
mur elle aperçoit le canon d’un révolver braqué sur elle, elle voit des incendies de
tous les côtés. Les maisons s’effondrent et s’écroulent; tout disparaît au milieu de ce
tumulte. Elle voit massacrer son mari et ses enfants. Un instant après, les arbres sem­
blent danser et sont couverts de globes de toutes les couleurs qui reculent, grossissent
et diminuent ; par moments, d ’immenses feux diversement colorés éclairent
l’horizon.
« Ouïe : Elle entend la voix de sa fille, de son mari qui crient au feu, à l’assassin,
qui appellent au secours. On l’injurie, on l’appelle crapule, vache, etc. On la menace;
elle doit y passer, on a déjà coupé ses enfants en morceaux; on va tout brûler; elle
entend les cloches, la musique, un bruit de machine à côté de sa chambre; puis des
chants, des bruits confus.
« Odorat : Elle sent, dit-elle, le soufre, le vitriol; ses draps sont empoisonnés, la
couverture sent le pourri.
« Goût : Ce qu’on lui donne est aigre, gâté; on veut l’empoisonner. Ça a un goût
de vitriol, quelque chose qu’elle ne peut pas dire, le poison.
« Sensibilité générale : Elle sent des piqûres sur le ventre, quelque chose de pesant
sur la peau, une bête froide et mouillée se traîne sur ses cuisses, elle lui plonge un dard
dans la chair, elle sent les mouvements en dedans des jambes, les griffes d ’un animal
qui se plantent dans le dos.

V oici m ain ten an t, to u jo u rs d ’après M agnan, les caractères spéciaux de ces


H allucinations caractéristiques d u « délire onirique » :
P S Y C H O SE S CO NFU SO -O NIRIQ U ES 733

I. Caractère pénible des Hallucinations. — Les phénomènes intellectuels consistent


surtout en troubles hallucinatoires exceptionnellement de nature gaie, presque tou­
jours au contraire ainsi qu’on l ’a remarqué depuis longtemps, de nature pénible,
éveillant des craintes de toutes espèces et, comme le dit M. Marcel, pouvant déter­
miner des impressions morales dont la plus légère serait l’étonnement et la plus forte
une terreur profonde. L’alcoolique J. Jean semblait devoir échapper à cette règle
dans les moments où il parlait de cascades qu’il entendait mugir, de châlets illuminés
qu’il apercevait, de chants, de danses dont il était témoin. Et bien, même avec ces
images riantes, ces chants et ces fêtes, il sait créer de tristes délires. Les cascades le
poussaient, dit-il, à se noyer. « Ces bruits de l’eau c’était pour me narguer, ça voulait
« dire que j ’étais un lâche, que je n ’avais pas le courage de me jeter à l’eau. Le chalet
« avec ses hôtes joyeux, c’était un tas de gens qui voulaient me perdre, qui se moquaient
« de moi et qui voulaient m ’assassiner. »
« Quelques malades cependant ont parfois des Hallucinations agréables. Ils
entendent des musiques, des voix mélodieuses; ils voient des paysages, des tableaux
qui les charment. L ’un d ’eux prétendait sentir les parfums les plus exquis. Un ancien
militaire qui avait passé plusieurs années en Algérie voyait dans un accès de délire
alcoolique, des forêts; chantant, dansant, il traversait des bosquets de fleurs éclairés
par des lumières de mille couleurs... mais encore quelques instants après, le tableau
s’assombrissait et les lions, les hyènes et les serpents remplaçaient les fleurs et les
danseuses.
II. Caractère de mobilité des Hallucinations. — Un autre caractère des conceptions
délirantes et des perceptions illusoires des alcooliques bien indiqué par Lasègue (1869),
c’est leur mobilité. Hommes, choses ou animaux, tout ce qui fait l ’objet des Halluci­
nations se meut et se déplace. Dedà aussi la mobilité, la rapidité des idées et des actes
de l’alcoolique qui, d’ailleurs, effrayé, anxieux, suppliant ou agressif, intervient tou­
jours de la manière la plus active.
III. Les Hallucinations ont pour objet les occupations ordinaires ou les préoccu­
pations dominantes du moment. — Ces Hallucinations varient à l ’infini, mais elles
reflètent souvent l’objet, soit des occupations journalières, soit des préoccupations
dominantes du moment avec, cependant, un choix tout particulier pour ce qui est le
plus désagréable, le plus pénible. Ainsi, lors des derniers événements, pendant la
guerre allemande, les malades voyaient des Prussiens, s’entendaient traiter d ’espions,
on les appelait Bismarck. Plus tard, et aussitôt après la Commune, les alcooliques
appartenant aux troupes régulières voyaient des camarades des Gardes nationaux;
ces derniers, au contraire, des Versaillais. Sous l’Empire, c’était surtout des mou­
chards, des sergents de ville et, en tout temps, les voleurs, les assassins célèbres, les
Tropmann de toutes sortes qui fournissaient matière aux Hallucinations.
« Celles-ci se rapportent aux habitudes, aux professions des individus. Ainsi,
le malade marchand des quatre-saisons voyait à terre autour de lui des choux-fleurs,
de l’oseille, des radis qu’il s’efforçait de ne pas écraser sous ses pieds. Un conducteur
de bestiaux simulait son chien, voyait et appelait les bœufs et les moutons. Le gaveur
de pigeons aux halles (obser. II) croyait tenir un pigeon entre les doigts et s’évertuait
à lui faire avaler le grain. »
N ous avons déjà noté à p ropos des H allucinations visuelles (pp. 143-144),
puis en ap p rofondissant leur structure en ta n t q u ’expériences délirantes et
hallucinatoires (pp. 422-424), les caractères de l 'o n ir is m e . M ais nous devons
encore y revenir p o u r préciser le tab leau clinique d u Délire onirique.
734 P SY C H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

a ) La visualisation de l’activité hallucinatoire. — C ’est dans son cham p


perceptif visuel, par les yeux, devant ses yeux, sous forme de « visions » plus
ou moins plaquées au monde extérieur, ou plus ou moins bien ajustées au champ
objectif, que le rêve est vécu.
Les Hallucinations visuelles composent des scènes ou des films qui occupent
la totalité du champ onirique de la Conscience. Mais, soit par secteurs ou p ar
intermittences, certaines figurations « s’encadrent dans ce champ comme des
Hallucinations hypnagogiques » (A. Alheid, 1969), ou comme des scotome^
positifs (F. Morel, 1937) auxquels correspondent des phantéidolies lillipu­
tiennes, zoopsiques, etc. On peut cependant voir s’associer aux Hallucinations
visuelles des Hallucinations cénesthésiques, tactiles, olfactives et surtout
acoustico-verbales, caractéristiques alors de ce « film parlant » q u ’est l ’hallu-
cinose des buveurs de Wemicke. Pour S. M. Saravay (in Keup, 1970), dans
90 % des cas on observerait ces Hallucinations acoustiques (protéidolies) à
type élémentaire et dues, d ’après l ’auteur, à des troubles acoustico-phonatoires
dans le Delirium tremens.

b ) La tram e dramatique. — C ’est une composante caractéristique de ce


délire onirique qui se déroule en aventures complexes, en péripéties à enchaî­
nem ent baroque. Il y a le plus souvent comme une unité d ’action et de signi­
fication thématique qui organise les scènes qui se succèdent dans la Conscience
onirique, soit que le thème se concentre dans un scénario ou q u ’il se diversifie
et se multiplie en fragments plus ou moins télescopés et chaotiques.

c) La forte charge émotionnelle. — Le courant de la Conscience est comme


polarisé par un fort sentiment axial. C ’est le plus souvent l ’angoisse, la terreur,
la pantophobie qui prédominent et saturent le vécu de cauchemars. Mais
comme il y a une sorte de raison inverse entre l ’émotion et le caractère esthé­
tique de l’onirisme, il arrive aussi que ce soit dans une sorte d ’extase ou de
fascination euphorique que se déroule le flux des images.

d ) Le délire des actes. — Cette « réalité » hallucinatoire est vécue inten­


sément. Le Sujet s’y engage à fond et, comme il ne dort pas profondément, il
engage sa conduite dans sa fiction; il joue avec elle, s’y enfonce, s’en défend,
comme happé par le mirage. Il épuise les images de son rêve jusqu’à leur plus
complète expression. Il crie, parle, se débat, et l ’on sait combien l ’agitation
délirante fait partie intégrante de l’onirisme. On dit alors de ces délirants oni­
riques q u ’ils « travaillent », étant en proie aux situations d ’objets hallucina­
toires qui sollicitent leur action (Beschäftigungswahn des auteurs allemands).
Quelquefois cependant, l ’onirique garde une certaine « distance » à l ’égard de
son rêve ; il l ’observe curieusement, comme ensorcelé par lui mais détaché de
son jeu automatique.

e) Les troubles de la Conscience. — Ils constituent la structure négative


de l ’onirisme et se caractérisent par la confusion. L ’effondrement du cadre
temporo-spatial, les altérations des fonctions du réel, les fausses reconnais­
P SY C H O SE S CO NFU SO -O NIRIQ U ES 735

sances, la dramatisation de la Conscience, son obscurcissement, l ’effacement


des divers plans de la perspective psychique, la perplexité, le défaut des capa­
cités de synthèse de la pensée, caractérisent ou rendent sensible l ’obnubilation
de la Conscience onirique, l’enténèbrement qui l ’égale à une sorte de sommeil.

f) L’amnésie consécutive. — Elle peut être totale ou partielle, globale ou


fragmentaire, permanente ou transitoire. Mais l ’accès confuso-onirique laisse
après lui plus d ’émotions que de souvenirs dans la plupart des cas.

— Telle est la description sommaire et classique de la crise confuso-oni­


rique. Il y a lieu de remarquer naturellement que tout ce qui peut se dire de la
pensée du sommeil et notam m ent du rêve, s’applique ici intégralement. Mais
on ne saurait cependant oublier que si la Conscience est ici obnubilée, elle n ’est
pas totalem ent endormie; et pour si « analogue » que l ’onirisme soit au rêve,
il s’en sépare par le fait que le Sujet ici est en proie à son rêve et le vit avec toutes
les ressources intactes de sa psychomotricité épargnée. Il y a, à cet égard, une
grande différence entre le rêve du rêveur dorm ant, à peine haletant, frappé dç
paralysie, à peu près sourd et aveugle, dont le tonus est effondré, et le délirant
onirique capable de décupler son rêve en le vivant sur le plan de l ’action.
Ainsi, le « délire onirique », sauf pour ce qui est de l ’absence de mobilité
et l'effondrement du tonus musculaire qui définissent la neuro-physiologie et
l’électrophysiologie des phases du rêve pendant le sommeil, est analogue, pour
ne pas dire identique au rêve. C ’est en ce sens que Lasègue avait pu intituler
son fameux mémoire (1881) sur le délire alcoolique a L e délire alcoolique n ’est
pas un délire mais un rêve ». Mais le rêve est un délire, et c’est bien comme délire
onirique que doit se décrire l’ojiirisme. C ’est ce que, en 1901, exprim ait très
exactement Régis en rapprochant l ’onirisme de l ’état second hystérique :

« Ce délire est », écrivait-il, « dans toute l’acception du m ot un délire de rêve,


un délire onirique. Il naît et évolue, en effet, dans le sommeil. H est constitué par des
associations fortuites d ’idées, par des reviviscences hallucinatoires d ’images et de sou­
venirs antérieurs, par des scènes de la vie familiale et professionnelle, par des visions
le plus souvent pénibles, par des combinaisons d ’événements étranges, impossibles,
extrêmement mobiles et changeants ou doués, au contraire, d ’une intense fixité, qui
s’imposent plus ou moins complètement à la conviction. Au degré le plus faible ce
délire est exclusivement nocturne et momentané : il cesse au réveil et ne reparaît que
le soir, soit dès le crépuscule, soit seulement plus tard avec le vague assoupissement.
A un degré plus marqué, il cesse encore au réveil, mais incomplètement, et se repro­
duit dans la journée dès que le malade a les yeux fermés et somnole. Enfin à son degré
le plus élevé, le délire ne cesse pas le matin et il se continue le jour tel quel, comme
un véritable rêve prolongé... Mais (ces délirants) ne sont pas des dormeurs ordinaires
assistant passivement à leur automatisme mental; ce sont des dormeurs actifs en
mouvement. Comme les somnambules, ils vont du rêve muet au rêve parlé et au rêve
d ’action, dans une perception plus ou moins confuse de l’ambiant qu’ils mêlent à leurs
conceptions fantastiques, passent parfois à leur état second suivant qu’on les inter­
pelle ou qu’on les abandonne à eux-mêmes, suivant q u’ils ouvrent ou ferment les
yeux; comme les somnambules .aussi, ils sortent de leur délire peur un véritable réveil;
736 P SY C H O SE S AIG U ËS H ALLU C IN ATO IRES

comme eux enfin, ils gardent souvent implantées dans leur esprit... quelques idées
fausses isolées, obsédantes, reliquat d ’une des conceptions principales de leur rêve
hallucinatoire... Ce qui achève de prouver enfin l’identité de nature du délire (onirique)
et des états seconds, c’est qu’on peut fréquemment intervenir dans celui-là comme dans
ceux-ci par Vhypnose suggestive... Cet ensemble morbide fait de confusion mentale et de
délire onirique est vraiment caractéristique. »

L ’évolution des idées de Régis et de la Psychiatrie classique française s’est


opérée depuis le début du siècle en détachant davantage l ’onirisme de sa struc­
ture hystérique, d ’état second, et en l ’intégrant davantage à l ’état confusionnel
pour devenir le délire confuso-onirique.

La synonymie « Onirisme = Psychose toxique — exogene Reaktion » s’est


imposée à la plupart des cliniciens. Nous avons à propos des toxiques halluci­
nogènes {supra, p. 523) et dans ce chapitre même (p. 725 et p. 731) rappelé le
pouvoir délirio-hallucinogène de Valcool. A ce sujet, nous avons insisté sur les deux
grandes formes de « psychoses hallucinatoires alcooliques », l ’une décrite
comme délire onirique par l ’école française et spécialement par Lasègue,
M agnan, Garnier et Régis, l ’autre décrite sous le nom d ’Halluzinose des
buveurs, caractérisée par un état hallucinatoire acoustico-verbal. Mais malgré
cette différence de perspectives, il n ’en reste pas moins que le fond d ’onirisme,
de « clouding o f sensorium », constitue l ’état prim ordial de délire dont les
diverses manifestations hallucinatoires sont l ’expression clinique. Le travail
de M. M. Gross, S. M. Rosenblatt et coll. {in Keup, 1970, C. R., p. 227-236)
est, à cet égard, très intéressant, car il m ontre que lorsqu’on cherche les diverses
conditions étiopathogéniques du tableau clinique symptomatique des « acute
alcohol withdrawal Syndromes » (Syndrome a potu suspenso), il y a une corré­
lation très nette entre le trouble de la Conscience et l ’apparition des Halluci­
nations, même si celles-ci affectent parfois la forme de phénomènes éidoliques.
Les auteurs rappellent à ce sujet les travaux de F. Morel (1937), D. W ollf et
M. M. Gross (1968). Le rapprochement de ces Syndromes hallucinatoires
alcooliques avec le rêve, depuis si longtemps aperçu p ar Lasègue et l’école
française, a fait l ’objet récemment d ’autres travaux américains (R. Green-
berg et C. Pearlman, 1967; I. Feinberg, 1969, etc.).
Nous avons particulièrement insisté sur tous ces travaux anciens ou récents
sur le « Delirium » ou le « Délire onirique », car à ce niveau de déstructuration
du Champ de la conscience il apparaît avec évidence que le vécu onirique —
généralement multisensoriel comme le rêve lui-même — est secondaire à un
bouleversement, à un quasi anéantissement de la structure du Cham p de la
conscience.

— Si p ar sa structure positive le délire onirique s’apparente au rêve, par sa


structure négative il s’apparente naturellement au sommeil. Les études EEG sont
à cet égard intéressantes (W. T. Liberson, 1945; Th. Kämmerer, F. Rohm er et
L. Israël, 1956 et 1958; G. D aum ézonet G. C. Lairy, 1957; G. C. Lairy, L. Gold-
O N IR ISM E — RÊVE — SO M M EIL 737

steinas et A. Guennoc, 1966; A. Guennoc, Thèse, Rennes, 1967). On a notam ­


ment mis en évidence des perturbations du tracé de veille (micro sleep) au cours
desquelles on note des tracés rappelant celui du sommeil (rythmes lents, ondes
delta, abolition des réactions d ’arrêt). Les tracés de nuit spécialement étudiés
dans notre service perm ettent d ’observer des manifestations morphologiques
et chronologiques du tracé du sommeil. Le sommeil est généralement très
troublé. Au lieu de se développer dans le courant d ’une même nuit en 4 cycles
com portant chacun 4 stades, on ne constate généralement q u ’un seul cycle
dans lequel les PM O sont rares ou brèves (C. R. du 15e Meeting d ’EEG,
Bologne, 1967, G. C. Lairy, M. Barros et L. Goldsteinas, 275-283). Le taux des
phases intermédiaires (P. I.) est généralement peu augmenté dans les états
confuso-oniriques simples; il est par contre anormalement élevé dans les confu­
sions de mauvais pronostic. La thèse de A. Guennoc a mis en évidence l ’impor­
tance diagnostique des P. I. dans l ’étude minutieuse d ’une malade dont l ’évo­
lution a été suivie par 28 enregistrements de nuit. Tout se passerait dans ces
cas comme si le sommeil était profondém ent troublé dans ses caractéristiques
normales. Nous reviendrons à la fin de cet ouvrage (7e Partie, chap. Il) sur les
modifications du taux de PM O (phases de sommeil rapide avec mouvements
oculaires) et de PI (phases intermédiaires complexes et vraiment « paradoxales »
où se rencontrent toutes sortes de variétés atypiques de relations entre le vécu
du rêve, le sommeil lent et les mouvements oculaires) que nous avons pu, à
Bonneval, mettre en évidence dans les anomalies du sommeil et du rêve des
Psychoses aiguës, délirantes et hallucinatoires.
I. Feinberg (in Keup, 1969) a m ontré que même si on tient compte des réserves
(D. R. Goodenough et ccjll., 1965; D. Foulkes, 1967, dont on trouvera les réfé­
rences également in Keup, p. 131) qui s’imposent quant à l ’exacte équivalence
des REM (PM O en terminologie française), c ’est-à-dire des mouvements ocu­
laires avec le « sommeil rapide » du rêve, et s’il faut bien adm ettre que la pensée
du rêve (Aristote) a quelque rapport avec le sommeil lent, ce qui nous paraît
évident, il y a comme une invasion de phases de « sommeil rapide » dans l ’état
de vigilance amoindrie de l ’alcoolique en état de « delirium tremens ». Cela
correspond précisément aux travaux de l ’école française que nous venons de
rappeler et qui confirment, sur le plan électroneurophysiologique, ce que la
clinique nous a appris depuis longtemps sur les rapports de l ’onirisme avec le
rêve et le sommeil.

LES HALLUCINATIONS DANS LES SYNDROMES DE KORSAKOV

Dans les psychoses aiguës de type korsakovoïde avec troubles de la mémoire


de fixation, fabulations, fausses reconnaissances et fabulations, il est bien certain
que transparaît la structure confuso-onirique que nous venons de décrire. Sans
doute existe-t-il des cas (Lhermitte, Évol. Psych., 1967) où les troubles paraissent
être si « purs » q u’ils constituent comme un déroulement désintégré (par rapport
au déroulement continu de "la mémoire) d ’un flux d ’images ou de souvenirs
738 P SY C H O SE S AIGUËS H ALLU C IN ATO IRES

incoercibles et désordonnés. Mais le plus souvent la structure psychopatho­


logique est plus complexe et s’apparente aux déstructurations du Champ de la
conscience que nous venons de décrire. Dupré avait noté (1903) les formes déli­
rantes à type onirique de certains syndromes de Korsakov, « remarquables,
comme il disait, par la richesse de ses Hallucinations ». J. Delay rappelle à ce
sujet (Dissolution de la mémoire, p. 136) que dans ces cas où fabulation et
fausses reconnaissances font partie intégrante du syndrome de Korsakov, ces
états de « délire de mémoire » comme disait Régis doivent être rapprochés du
point de vue clinique du rêve, de l ’onirisme et des Hallucinations. Car, en effet,
fabulation et activité hallucinatoire visuelle (et parfois acoustico-verbale ou
somesthésique) y sont intimement mêlées dans le même déroulement, en quelque
sorte juxta-temporel, d ’une imagerie sous-jacente ou parallèle au courant inten­
tionnel de la Conscience. Le travail de H. Burger-Prinz et M. Kaïla ( Z tschr. f .
N . u. P., 1930,124, 553-595) a beaucoup approfondi les relations de la confabu­
lation et de l ’activité hallucinatoire korsakoviennes. Nous avons pu observer
dans notre service (publié p ar F. Bohard et col!., Évol. Psych., 1969), un très
beau cas de psychose de Korsakov survenant à la suite d ’une intervention neuro­
chirurgicale pour un anévrysme de la communicante postérieure, qui avait
présenté au sein de sa prodigieuse confabulation et de son amnésie antéro-
rétrograde des Hallucinations haptico-visuelles (elle voyait et sentait des poux)
qui ont constitué après sa guérison la seule séquelle « post-onirique » de ses
troubles.
U n certain nombre d ’observations m ontrant l ’apparition de phénomènes
hallucinatoires dans la Conscience korsakovoïde (Konfabulose, Halluzinose des
auteurs allemands) ont été publiées. N otons l ’observation 14 de Fr. Reimer (1970)
où la fabulation était liée à une « Halluzinose » visuelle. Dans le paragraphe
que cet auteur consacre à ce problème, il rappelle les cas de Kleist (1934) où
il était difficile de séparer l ’Hallucination de la fabulation. Il insiste aussi sur
les affinités entre ces Éidolies hallucinosiques avec les syndromes transitoires
(Durchgangsyndrom) de Wieck (1956-1957). U n travail de M. Wyke et E. War-
rington (1960) a pour ainsi dire objectivé cette tendance hallucinatoire de la
fabulation dans le syndrome de Korsakov en m ontrant que les patients atteints
de ce trouble hallucinent, comme dans les expériences à l ’aide du tachistos-
cope, les images qui glissent en quelque sorte hors du champ perceptif.
Généralement l ’activité hallucinatoire dans la Conscience korsakovoïde
échappe aux observateurs car elle se fond dans l ’atmosphère générale de fabu­
lation et des troubles de la mémoire ou de la perception (G. A. Talland et
A. Miller, 1959). Il est bien exact que c’est comme « délire de mémoire »
q u ’apparaît l ’activité hallucinatoire. Autrement dit, comme télescopage plus
ou moins « ecmnésique » des souvenirs dans leur interférence avec le vécu
actuel. Lorsque, par exemple (obs. 10 d ’Angelergues, 1958), un malade atteint
d ’une tum eur temporale se trouvait désorienté et « croyait se trouver dans la
maison d ’un médecin de Moulins », il est clair que son trouble de la mémoire
n ’était rien d ’autre q u ’une Hallucination représentant pour lui ce lieu. Lorsque
(obs. 11) un autre malade (présentant aussi une tum eur temporale) voyait des
P SY C H O SE S D E K O R SA K O V 739

stores et des fleurs richement colorés, q u ’il assistait à une scène en relief qui
se déroulait dans une rue où il voyait sa femme et sa belle-sœur avec lesquelles
il liait conversation, q u ’il déclarait « ici on est à l ’Étoile, ce n ’est pas un hôpi­
tal, c’est une pharmacie », ou q u ’il identifiait un infirmier comme un préparateur
qu'il connaissait et le médecin comme un client dans sa boutique, toutes ces
fabulations ne peuvent pas ne pas entrer dans le cadre de l ’imaginaire perçu dans
l'instantanéité ou la kaléidoscopie hallucinatoire d ’une fausse réalité. De même
encore (obs. 13) lorsqu’une malade korsakovienne présentant un « délire de
mémoire » (paraissant symptomatique également d ’une tum eur temporale)
était entourée, étant à l ’hôpital, de ses voisins et, entendant un bruit dans
la salle, s’écriait « touche rien Nadette ! » ou « c’est votre fils qui culbute toutes
ses affaires », et lorsqu’il se croyait dans son village pendant son séjour hos­
pitalier, l’Hallucination onirique et la fabulation se confondaient pour coïncider
dans le vécu, fût-il furtif, d ’une situation imaginaire. Certes, les faux souvenirs,
les fausses reconnaissances, les interprétations, la désorientation, peuvent se
distinguer des Hallucinations dans l ’inventaire clinique des symptômes, mais
qui peut nier q u ’elles y renvoient nécessairement comme au vécu même d ’une
perception sans objet ? On ne peut rien gagner pour l ’étude des Hallucinations
en général à perdre la structure hallucinatoire de ces troubles de l ’expérience
vécue quand ils s’inscrivent précisément dans le bouleversement korsakovien
du Champ de la conscience.
— Si nous n ’avions pas déjà — à propos de la pathologie cérébrale — exposé
le problème des relations de l ’activité hallucinatoire avec VÉpilepsie, ce serait
ici qu’il faudrait placer l ’étude de cette affection. En effet, tout ce que nous
venons de dire des Psychoses aiguës trouve son cadre naturel et le plus signi­
ficatif dans la pathologie de l ’épilepsie qui est bien cette maladie cérébrale qui
démontre les relations des diverses manières de délirer et d ’halluciner avec la
désorganisation de l ’organisation fonctiorinelle du cerveau. Tout comme, en
effet, nous n ’avions cessé de nous référer dans ce chapitre à l’action des Hallu-
linogènes nous aurions pu constamment insister sur les faits psychopatho­
logiques que l ’épilepsie dévoile aux yeux du clinicien en engendrant les plus
typiques déstructurations du Cham p de la conscience. B nous suffit bien sûr
ici. pour ne pas nous répéter, de renvoyer le lecteur à ce que nous avons lon­
guement exposé sur le potentiel hallucinogène du processus comitial.


* *

L'intérêt de tous les faits qui constituent la masse clinique des aspects
hallucinatoires et délirants des Psychoses aiguës est donc essentiellement de
nous montrer comment la décomposition du Champ de la conscience engendre
les expériences délirantes et hallucinatoires. Elles nous permettent de considérer
que si elles sont toujours et nécessairement des projections de l ’Inconscient,
elles dépendent dans leur déterminisme étio-pathogénique des divers niveaux
et structures de l’inconscience dans laquelle tombe le sujet. C ’est pourquoi,
740 P SY C H O SE S AIG U ËS H ALLU C IN ATO IRES

comme nous l ’avons déjà vu à propos de l ’enseignement que nous pouvons


tirer des expériences sur les hallucinogènes et de l ’expérience clinique des affec­
tions cérébrales — et notam m ent de l ’épilepsie — les Psychoses aiguës sont bien
la voie royale — celle de l ’inconscience et non celle de l ’Inconscient — que nous
devons suivre pour pénétrer au cœur même de l ’Hallucination et du délire
pour au tant que l’un et l ’autre sont intimement unis pour form er les « expé­
riences hallucinatoires » qui entrent dans l ’échiquier complexe de l ’ensemble
des Psychoses.
Mais, bien entendu, ces expériences délirantes ne constituent pas le tout
du Délire dans ses rapports avec les Hallucinations, et c’est précisément ce
que nous allons m aintenant préciser en étudiant les Psychoses délirantes chro­
niques dans leurs rapports avec les Hallucinations.

N O T IC E B IB L IO G R A P H IQ U E (1)

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(1) Naturellement, on trouvera dans la bibliographie des travaux parus sur les
Hallucinations depuis 1950, de nombreuses références se rapportant à ce chapitre.
C H A P ITR E I I

LES HALLUCINATIONS
DANS LES PSYCHOSES
DÉLIRANTES CHRONIQUES (1)
(S C H IZ O P H R É N IE S . D É L IR E S SY STÉM A TISÉS.
D É L IR E S F A N T A S T IQ U E S )

Si l ’Hallucination était absolument synonyme de Délire, tous les Délires


seraient hallucinatoires. Mais de même que nous avons pu dire q u ’il y avait
un type d ’Hallucination au sens large qui constituait le groupe des « Éido-
lies hallucinosiques » sans délire, nous pouvons dire aussi que certains délires ne
sont pas hallucinatoires. Lorsque le Délire, en effet, consiste seulement en affects,
soupçons, hypothèses, présomptions, imaginations ou conceptions abstraites,
c’est-à-dire lorsqu’il reste en deçà ou au-delà de toute référence à la réalité
perçue ou perceptible, il gravite sur l ’orbite des fabulations ou des idées hors
de cette région de l ’être où se lient p a r les croyances le m onde de la réalité
sensible et le monde des représentations. Cela revient à dire que si l ’Halluci­
nation est une espèce de Délire, elle n ’en constitue pas le genre (2). Mais ces
réserves méthodologiques étant posées, il n ’en reste pas moins que l’Halluci­
nation sature pour ainsi dire le champ du Délire. Nous venons de voir que les
Psychoses aiguës com portaient des aspects hallucinatoires, ou mieux, constituent
des expériences délirantes à form e hallucinatoire. Nous allons voir m aintenant
que dans l’immense groupe qui constitue le noyau le plus im portant de Yaliéna­
tion, l’Hallucination apparaît presque constamment, fût-ce « a media voce »,
comme la voix même du Délire p ar excellence, ou comme on tend de plus en
plus à l ’appeler, de la Psychose p ar excellence.12

(1) Ce chapitre pourrait constituer, non pas une nouvelle édition, mais une
reprise totale du petit ouvrage que nous avons publié en 1934 « Hallucinations et
Délire ». Le lecteur pourra intituler avec nous ce chapitre « Délires et Hallucina­
tions ».
(2) Pour P. M. L e w i n s o h n (in K eup, 1970), 85 % des Hallucinés sont des Délirants,
mais 35 % seulement des Délirants sont des Hallucinés... Je suis d ’accord sur le
premier point mais pas sur le second.
742 P SYC H O SE S CH RO N IQ U ES H A LLU C IN A TO IR E S

En effet, sous l ’influence notam m ent des études psychanalytiques qui


tendent à homogénéiser, sinon à dissoudre le cadre des « Maladies mentales »,
c ’est le terme de Psychose qui exprime la réalité clinique du Délire.
La « réalité » du Délire, c ’est d ’être une maladie de la réalité. De telle
sorte que dans la plupart des cas, il implique, soit immédiatement, soit médiate-
ment, une altération de la perception, une étrange manière de voir le monde et
d ’entendre son sens p ar les sens. Plus profondém ent encore, il introduit dans la
perception ce contre-sens, cette contravention à la Loi organique de la réalité
qui définit l’Hallucination p ar son imposture même comme un « percept »
d ’irréalité. D ’où, naturellement, les innombrables aspects de la séméiologie
hallucinatoire et pseudo-hallucinatoire que la Psychiatrie classique des cent
dernières années a décrits, plus soucieuse de détails que de viser la structure
globale du délire. On sait à quelles pulvérisations du délire s’est complue,
en effet, l ’analyse clinique infinitésimale des phénomènes illusionnels, inter­
prétatifs, imaginatifs, intuitifs, psycho-sensoriels, pseudo-hallucinatoires,
psychiques, psycho-moteurs, acoustico-verbaux, kinesthésiques, etc. De telle
sorte que si nous voulons ici reprendre ce problème clinique dans son fond, nous
devons rem onter aux sources cliniques et historiques du Délire. Cela nous
perm ettra de comprendre pourquoi le « caractère » ou le « mécanisme » hallu­
cinatoire du délire a paru aux cliniciens si im portant, et cela nous perm ettra
aussi d ’ordonner relativement aux modalités mêmes de sa connaissance et de sa
production les diverses espèces de ce genre commun. En effet, en recherchant
avec eux l’essence du « wahnig » que J. P. Falret appelait le « novum organon »
et M oreau de Tours le « fait primordial », nous rencontrons nécessairement
dans sa germination idéo-verbale le processus hallucinatoire noético-affectif
qui engendre le Délire (le « W ahn ») par sa propre réflexion sur lui-même, p ar
l ’inversion du sens du dialogue que le Sujet entretient avec lui-même devenu
son interlocuteur, ou encore le renversement de la relation objectorale qui
soustrait les signifiants à l ’insatiable demande d ’une impossible réalité — Mais
en même temps que nous suivrons le développement du Délire et des idées sur
le Délire, nous nous convaincrons aussi q u ’il com porte dans sa genèse et sa
fin un travail désespéré de destruction et de remaniement du monde des mots
et des choses qui diversifie ses espèces.
Pour mettre un peu d ’ordre dans ces labyrinthiques problèmes cliniques
et théoriques, nous allons décrire : 1°) du point de vue historique et logique, le
développement des idées sur la genèse du Délire hallucinatoire chronique
— 2°) du point de vue structural, les grandes catégories naturelles de psychoses
délirantes chroniques avec les caractéristiques que leur modalité évolutive tire
également de leur séméiologie hallucinatoire — 3°) du point de vue clinique,
le mouvement évolutif qui fait passer ces formes de Délire hallucinatoire d ’une
structure à l ’autre, comme pour m ontrer la profonde unité de la « maladie
délirante » comme l ’appelle Paul Guiraud.
LE « D É LIR E C H RO N IQ U E » D ES CLASSIQUES 743

I. — L E « D É L IR E C H R O N IQ U E »
(Évolution historique et logique)

L ’école française (Lasègue, Falret, Magnan, etc.) considérait au xixe siècle


le « D élire c h r o n iq u e » comme le modèle même de l ’aliénation mentale.
Cette tragédie classique se déroulait en quatre actes. La première phase, dite
d 'interprétation, était celle de l ’inquiétude, de l ’angoisse, de la méfiance, des
soupçons, des idées erronées : « Il s’agit, disait Lasègue, d ’un drame psycholo-
« gique com portant des ruminations, un échafaudage ou une accumulation
« d ’événements délirants ». La deuxième, dite de systém atisation, correspondait
à une organisation délirante des événements sur la base des Hallucinations
de l'ouïe. « C ’est en effet l ’Hallucination de l ’ouïe qui est, disait J. Falret,
« le symptôme pathognomonique du Délire chronique de persécution. La
« systématisation, d ’abord vague, se précise d ’abord par la constitution
« d ’une persécution collective et plus ou moins anonyme, puis par une per­
ce sonnalisation du persécuteur principal ». La troisième phase était caractérisée
par les Hallucinations de la sensibilité générale (influence, possession, magné­
tisme, dédoublement de la personnalité) et par la mégalomanie. Le Délire
prend alors un caractère de stéréotypie. Enfin, pour certains auteurs (M agnan
principalement), à cette phase de stéréotypie, d ’automatisme et de dégradation
du comportement et de la pensée, succédait une phase de démence.
Si nous considérons ce ce schéma » comme une sorte de modèle (en quelque
sorte statistique) de la physionomie et de l ’évolution des délires chroniques,
nous pouvons comprendre l ’évolution des idées sur les Psychoses délirantes
chroniques et nous faire une idée assez claire de leur classification en fonction
précisément de la structure hallucinatoire en tant q u ’elle est comme leur centre
de gravité.

1° L a d if f é r e n c ia tio n d e s e s p è c e s d e D é lir e s c h r o n iq u e s d a n s
V éco le f r a n ç a i s e e t d a n s l ’é c o le a lle m a n d e à la f i n d u X I X e s iè c le . —
Malgré ses contradictions et ambiguïtés, il est assez facile de saisir le sens
général de l ’évolution des concepts classiques en France et en Allemagne sur
ce point capital (1).
En Allemagne, Kraepelin et son école ont été sensibles au mouvement général
de détérioration de l ’activité psychique qui incline cette masse délirante vers un

(1) On pourra se rapporter sur ce point à mon article dans VEncyclop. Méd.-
Chirur. (1954) « Groupe des psychoses chroniques et des psychoses délirantes chro­
niques (Les organisations vésaniques de la personnalité). Généralités », 37.281A-10,
et notamment au « graphe » qui l’illustre. J ’ai également exposé l’historique des
rapports du Délire chronique et des Schizophrénies dans mon rapport au Congrès
de Zurich, 1957 — et dans m on article sur « Les problèmes cliniques des Schizo­
phrénies », Évolution Psychiatrique, 1958.
E y . — Traité des Hallucinations, u. 25
744 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

état de « démence vésanique » (comme disaient les auteurs français) ou de « Verblö­


dung » (comme disait Kraepelin). De telle sorte que cette masse s’est tout natu­
rellement divisée en fonction de ce concept, et q u ’elle comporte deux pôles :
un pôle, disons, négatif vers lequel se précipitent toutes les formes déficitaires
(depuis la démence paranoïde de Kraepelin jusqu’aux états de déficit schizo­
phrénique de Bleuler, et les états plus ou moins dissociatifs des délires para­
noïdes) — un pôle, disons positif, vers lequel se porte le mouvement plus
systématique des délires qui, selon Kraepelin encore, « se développent dans
l ’ordre et la clarté ». Autrement dit, au terme de l’évolution des idées de Krae­
pelin, idées qui ont gagné la plupart des écoles du monde entier, le Délire chro­
nique comprend deux grandes catégories : les délires très nombreux qui entrent
dans la Schizophrénie (héritière de la Dementia praecox), et ceux réputés beau­
coup plus rares qui entrent dans la Paranoïa. Notons simplement ici, en nous
réservant d ’y revenir plus loin, q u ’un des grands critères de la distinction
de ces deux types de Délire est la présence ou l ’absence d'H allucina­
tions. Mais entre ces deux groupes Kraepelin a pensé que la clinique nous
imposait d ’interposer un troisième groupe q u ’il proposait d ’appeler Para­
phrénies. C ’est une idée qui pour n ’avoir pas été assez explicitée par son
auteur (déjà âgé quand il publia les dernières éditions de son fameux Traité),
et encore moins par ses successeurs, n ’en demeure pas moins une intuition
géniale car l ’éventail des Délires chroniques est incomplet s’il ne comprend
pas ce tiers monde délirant. Mais le besoin de simplification — allant jusqu’à
englober tous les délires chroniqués dans la Schizophrénie chez la plupart
des auteurs — l’a généralement emporté, de telle sorte que la plupart des Cli­
niciens sont devenus plus indifférents à la classification, donc au diagnostic
des espèces du Délire que ne l ’étaient, à l ’époque classique, leurs devanciers.
En France, au contraire, le fameux « Délire chronique », loin de donner
lieu à une unification excluant la diversité des espèces, s’est divisé en mul­
tiples variétés. La première, c’est le groupe des Psychoses interprétatives ou
du Délire d ’interprétation (Sérieux et Capgras). La seconde, c’est le groupe
des Psychoses hallucinatoires chroniques ou Délires d ’influence (Gilbert Ballet,
Séglas). L a troisième, c ’est le groupe des Délires d ’imagination (Dupré).
La quatrième enfin, c ’est le groupe des Délires paranoïdes caractéristiques
par leur tendance à la dissociation schizophrénique. Autrement dit, pour l ’école
française il y a deux catégories de délires non hallucinatoires : les psychoses
délirantes interprétatives (entrant dans le groupe de la Paranoïa) et les psy­
choses délirantes imaginatives (plus ou moins apparentées aux délires fantas­
tiques paraphréniques de Kraepelin) — et il y a deux catégories de délires hal­
lucinatoires chroniques : les uns sans dissociation schizophrénique marquée
(Psychoses hallucinatoires chroniques), les autres entrant dans les formes
paranoïdes de la schizophrénie. Il suffit, me semble-t-il, de formuler ainsi dans
sa simplicité, mais aussi dans sa rigueur historique, ce double mouvement
de classification dans les écoles française et allemande, pour saisir ce q u ’il a,
par-delà les artifices de certaines distinctions ou de certaines confusions, de
commun. Et ce q u ’il y a de commun, ce n ’est pas autre chose que la réalité
LE « D É L IR E C H RO NIQ U E » D ES CLASSIQUES 745

clinique des quatre aspects fondamentaux de la masse des Psychoses chro­


niques dégagés p ar référence au modèle du « Délire chronique » classique.
Ce qui, en effet, était considéré comme une phase du processus délirant chro­
nique par les auteurs classiques, définit chacune des catégories isolées dans la
nosographie des Psychoses délirantes chroniques par les diverses écoles. C ’est
ce que le tableau suivant perm et de m ettre en évidence.

La Maladie
<( Délire chronique » Conception française
(Auteurs classiques Conception de K r a e p e l in classique d'espèces
du X IX e siècle) multiples et distinctes

l re Phase :
Interprétation Paranoïa Délires passionnels
Inquiétude Délires systématisés
Pas d'Hallucinations Délires d ’interprétation
2e Phase :
Hallucinations de l’ouïe Paraphrénie systématique Psychose hallucinatoire
et de la sensibilité géné­ chronique
rale
3e Phase :
Idées de grandeur Paraphrénies c o n fa b u la - Délires d ’imagination
Mégalomanie toire et fantastique

4e Phase :
Déficit intellectuel Forme p a ra n o ïd e de la Forme paranoïde de la
(Démence secondaire ou Démence précoce Démence précoce
vésanique) (Schizophrénies paranoïdes) Schizophrénie
/

Il nous apparaît donc clairement que cette vaste construction nosographique,


cette solennelle « entité », « Sa Majesté le Délire chronique », qui domine toute
l'histoire de la Psychiatrie, constitue une sorte de modèle statistique dont les
diverses écoles ont tiré, soit un cadre unique (Paranoïa au xixe siècle, Schizo­
phrénie au xxe siècle), soit en séparant ses deux extrémités, deux sous-groupes
mais d ’inégale importance (Paranoïa et Schizophrénie, comme dans la plupart
des écoles internationales actuelles), soit enfin plusieurs variétés en intercalant
entre ces deux extrémités une ou deux autres catégories correspondant aux
descriptions des phases intermédiaires de Délire chronique (classification de
Kraepelin à la fin de sa vie, intercalant entre Paranoïa et forme paranoïde
de la Démence précoce les Paraphrénies — classification traditionnelle française
intercalant entre les délires les plus systématisés et les plus paranoïdes des
Schizophrénies avec leur déficit pathognomonique des formes intermédiaires
comme la Psychose hallucinatoire chronique ou le Délire d ’imagination).
Tout cela, semble-t-il, malgré quelques chevauchements et quelques imbro-
746 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

glios, est plus simple q u ’il ne le paraît et nous permet d ’envisager maintenant
en pleine clarté le problème des Hallucinations dans le genre de ces Psychoses
délirantes chroniques et pour chacune de ses espèces.
Or, formuler ainsi le problème nosographique et clinique de ce genre de
maladies mentales qui constituent le noyau même de l ’aliénation, c ’est non
pas seulement poser au centre de cette aliénation le problème du Délire (der
« W ahn », au sens plein du m ot en allemand), mais celui des Hallucinations.

2° L e s e s p è c e s d e D é lir e r é d u i t à d e s p h é n o m è n e s p r i m a i r e s o u
à d e s m é c a n is m e s é lé m e n ta ir e s . — Revenons encore à cette idée que le
Délire constitue un genre et que, dans ce genre, est centrale l ’Hallucination
et bien sûr ! l ’Hallucination verbale telle que nous l ’avons nous-même enten­
due (cf. supra, p. 212 et sq.) comme la voix du Délire.
L ’aliénation, sous son aspect le plus authentique, est essentiellement
représentée p ar cette transform ation radicale de la personne qui se trans­
forme en objet. En objet de son désir certes, ce qui revient à dire que le déli­
ran t objective dans son monde et dans son propre Moi le Ça qui devrait rester
le sens et non l ’objet de son désir. Prendre ses désirs pour des réalités ou sa pen­
sée pour celle d ’un autre, c ’est naturellement halluciner ou délirer à ce point où
précisément le délire et l’Hallucination se confondent pour faire entendre au
Sujet quelle révolution s’est opérée dans ses rapports avec le m onde; soit que le
« pauvre Moi » soit lui-même refoulé jusqu’au fond de lui-même comme un objet
extérieur de ce monde où il n ’occupe plus q u ’une place exiguë et — à la limite
nulle — soit que ce monde, au contraire, soit devenu esclave de sa propre
pensée et de sa propre puissance. Tels sont, en effet, les mouvements centri­
pètes et centrifuges que découvrent la Psychanalyse (Freud, M. Klein, etc.),
les analyses existentielles ou structurales du Délire en général (L. Binswanger,
E. Minkowski, Kuhn, K. Conrad, etc.). Les analyses les plus approfondies
de la Psychiatrie contemporaine rejoignent ainsi les premières intuitions
des grands auteurs classiques en consacrant le fond existentiel commun de
l ’aliénation en tant q u ’elle se manifeste en clinique p ar le Délire hallucina­
toire évoluant comme une tragédie de l ’existence dans une perpétuelle oscil­
lation entre la persécution et la mégalomanie. Il n ’est pas absurde de se
rappeler à ce sujet le vieux concept de « Monopsychose » (1) (qui soulignait
précisément l ’unité profonde de l ’aliénation mentale), et il est moins absurde
encore de parler comme certains cliniciens avisés (P. Guiraud) de la « Maladie
délirante ». Mais il doit rester bien entendu que lorsque les uns et les autres
et des points de vue les plus divers nous saisissons le problème des Délires

(1) Cette idée maîtresse (Leit idee, dit W. J a n z a r i k , 1959) d ’une « Einheitspsy­
chose » a été reprise en considération par K. M e n n i n g e r , B. L l o p is (1954) et par
moi-même (depuis 1938), cent ans après que Z e l l e r et N e u m a n n l’eurent avancée.
Elle garantit en effet contre les excès de la nosographie kraepelienne des entités.
C’est à elle que revient, me semble-t-il, A. G r e e n (La problématique de la Psychose,
1969), comme moi-même y recours.
M É C A N ISM E S ÉLÉM E N TA IR E S E T ESPÈCES D ÉLIR A N TE S 147

chroniques dans leur généralité, c ’est-à-dire en tan t q u ’ils représentent


vraiment un genre, ce qui constitue leur dénominateur commun c ’est le
binôme Délire-Hallucination. Car il est impossible de parler de cette manière
pour un homme d ’être aliéné sans mettre l ’accent sur le phénomène le plus
manifeste de son aliénation que constitue le fa it prim ordial du Délire. Or, ce
fait primordial, de quelque façon q u ’on le définisse, lie dans sa structure la
plus typique l ’idée délirante à sa forme hallucinatoire. Si, en effet, l’Hallucina­
tion peut être définie comme une « perception-sans-objet-à-percevoir », le Délire
peut être défini comme un « événement sans objet » qui enveloppe pour
autant l ’Hallucination. Et c ’est ce que nous devons d ’abord souligner, car
c'est de ce radical commun q u ’il a été toujours question dans tous les efforts
et toutes les discussions pour rechercher ce qui est le plus fondamental dans
le délire et qui est aussi ce qui est le plus fondamental dans l ’Hallucination.
Le Délire en tant q u ’il est inébranlable, q u ’il est un mode de connaissance
et de conviction irréductible aux erreurs, intuitions et croyances de l’homme
normal, ce délire s’il existe — et il n ’existe que s’il n ’est pas en effet réductible à
ce que tous les hommes peuvent penser « en général » d ’absurdité — se présente
essentiellement comme l ’objectivation du Sujet qui transform e ce q u ’il est
« pour soi » en un objet « en soi ». De telle sorte que chez le jaloux qui projette
sur le linge de sa femme ou sur la physionomie des passants les signes de son
infortune ; que chez le persécuteur qui discerne dans les mots et les silences du
discours des autres les accents d ’une parole infâm ante ou m enaçante; chez
l’influencé qui sent dans sa propre pensée se glisser l’intention d ’autrui; chez le
possédé dont la langue est agitée des mouvements de l 'A utre; chez la victime
d ’un désir ou d ’un viol partagée entre sa défense et son consentement;
où encore dans l ’exaltation du regard dont celui qui se sachant monarque,
prince ou Dieu embrasse son royaume ou sa Création — toutes ces « idées
délirantes », tous ces phénomènes délirants sont essentiellement hallucina­
toires. E t non pas seulement en tan t q u ’ils constituent des « expériences
délirantes » qui, en effet, comme nous l’avons vu, par leur vécu même
s'installent dans la région du sensible et du perçu, mais encore en ce sens
q u ’il s’agit d ’idées délirantes dont l’apparition (on pourra appeler ce phéno­
mène irruption intuitive, conviction absolue, signification incoercible) s’af­
firme dans sa singularité absolue comme le produit d ’un processus idéo-
verbal qui n ’est rien d ’autre que le langage de l ’autre, de Va!ter ego qui fait
entendre sa voix (1).
Bien sûr, tous les aliénistes classiques (il suflït de se rapporter aux grandes
discussions du xixe siècle comme celles qui eurent lieu à la Société Médico-
Psychologique de 1855 à 1893 et dont Bail et Ritti se firent l ’écho dans leur

(1) Bien sûr, nous avons déjà dans cet ouvrage à deux reprises, à propos des
modalités structurales de l ’Hallucination (p. 438-441) et à propos des Psychoses aiguës
(p. 715-742), longuement mis en évidence que le Délire, dans son fond, n ’est pas toujours
expérience vécue comme dans le. rêve mais est aussi — en relation avec l’alchimie
des images du rêve — « idéation ».
748 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

fameux article du Dictionnaire Dechambre) ont insisté sur cette « lésion »


de l ’entendement qui constitue le délire, même réduit à sa plus simple et appa­
rente expression. Mais si le Délire dans le sens originel de trouble global,
d ’ « état délirant » (delirium) est généralement interprété comme l ’effet d ’une
dissolution du Cham p de la conscience (dont l ’état confuso-onirique est le
type), il est bien évident que le Délire chronique qui apparaît sous forme
d ’ « idées délirantes » dont le propre est de régner dans un Champ de conscience
lucide et, somme toute, bien constitué, pose le problème difficile de sa structure
primordiale ou primaire.
Rappelons ce que nous avons déjà dit et que nous ne cessons de répéter
à propos de la notion de « prim arité » du Délire. Si cette notion ne s’applique
q u ’à l’aspect descriptif ou physionomique du Délire saisi dans ses manifesta­
tions cliniques spécifiques, elle est valable. Car, bien sûr, soit q u ’il s’agisse
d ’ « expériences délirantes », soit d ’ « idées délirantes », dans la mesure même
où elles apparaissent dans l’incoercibilité et l ’irruptivité du phénomène hallu­
cinatoire, elles sont vécues par le Sujet et observées par le Clinicien comme
une éruption « phénoménale ». — P ar contre, lorsque la notion de « délire
primaire » ou de « prim arité » de ce qui le constitue essentiellement et pri­
mitivement s’applique à là pathogénie du délire et des Hallucinations, cette
notion ne résiste pas à l ’analyse. C ar il apparaît rapidem ent évident que
l ’Hallucination dépend du délire, et que le délire, ne pouvant sans tautologie
dépendre de lui-même, dépend d ’une condition négative (1) qui l’engendre
et par quoi il apparaît alors comme toujours secondaire. Quant à cette condi­
tion négative ou primordiale, comme elle ne saurait être purem ent et simple­
ment identifiée à la condition du sommeil qui engendre le rêve, tous les Clini­
ciens et Psychopathologues se sont demandé en quoi elle consistait quand
le Délire naît et se développe dans sa cristalline pureté dans une Conscience
magnifiquement claire. Ce problème a été résolu dans les deux écoles fran­
çaise et allem ande de la même façon, de la même façon absurde pouvons-
nous dire, car au lieu de rechercher ce qui sous l’apparente simplicité du
phénomène idée délirante constitue l’état primordial du délire, les deux écoles
ont accompli le même mouvement déviationniste. En France, s’éloignant de
plus en plus de la considération de l’état prim ordial de M oreau (de Tours),
on en est venu à décrire des « mécanismes » élémentaires, soi-disant basaux
et spécifiques du Délire — et en Allemagne où justem ent la notion de W ahn
p ur a aidé à cette simplification, les Psychiatres classiques de ces dernières
années se sont éloignés de plus en plus de la notion d ’expérience délirante
primaire au sens de Jaspers pour rapporter le radical primaire du Délire
à certains phénomènes basaux. C ’est cette interprétation réductionniste du
Délire (effectivement réduit à des mécanismes, sinon à des atomes) que nous
allons exposer, telle q u ’est s’est développée dans Yécole française et dans
Y école allemande mais aussi dans Yécole freudienne.

(1) H. J ackson l ’a explicitement proclam é dans les fameuses Cronian Lectu­


res (1884).
I. ÉCOLE F R A N Ç A ISE 749

D a n s l ’é c o le f r a n ç a i s e , on a isolé quatre mécanismes primordiaux


considérés comme troubles générateurs de délire :
a) Le Délire basé sur l’Hallucination. — Le phénomène basal du
Délire, ou en tout cas celui qui a toujours paru aux cliniciens le plus sûr pour
comprendre et expliquer le Délire, c ’est justement l ’Hallucination. Cette H al­
lucination qui était pour les grands Classiques le signe pathognomonique du
Délire. Sous son aspect purement clinique et phénoménologique, il s’agit
en effet d ’une évidence. Le persécuté entend des voix qui le persécutent. L ’in­
fluencé se sent dédoublé, possédé par une pensée et un langage « xénopa-
thique ». La liaison du Délire et de l ’Hallucination est donc évidente. Mais
leur relation de cause à effet, tout en l ’étant moins, a été généralement interpré­
tée dans le sens de ce contre-sens qui consiste à voir dans le Délire un effet de
l’Hallucination. Et ainsi, comme « mécanisme basal » du délire l ’école
française classique a en général considéré que le « radical » le plus authen­
tique, le trouble générateur du délire, c’est l ’Hallucination. E t dès lors, on
a décrit avec un soin méticuleux toutes les modalités des troubles psycho­
sensoriels, des Hallucinations psychiques, des Pseudo-hallucinations, des phé­
nomènes d ’automatisme mental qui, malgré leur diversité, sont là comme pour
démontrer la thèse d ’Opsiphile (Quercy) : le délire s’établit sur des phénomènes
sensoriels, ou psycho-moteurs essentiellement hallucinatoires. D ’où naturel­
lement l ’idée de fonder une catégorie de Délires chroniques : les Psychoses
hallucinatoires chroniques. L ’irruption de fantastique, de l ’illogique, de
l ’affectif, de l ’absurde, par la voie étroite de l ’Hallucination, permet en effet
de se contenter d ’une explication assez superficielle mais commode puisque
de tels « phénomènes d ’automatisme mental » paraissent irréductibles à la
vie psychique normale (caractères de mécanicité et d ’hétérogénéité) et semblent
justifier (en l ’absorbant dans sa genèse) la croyance de l ’halluciné « qui devrait
être fou pour ne pas y croire ». Ceci, seulement rappelé ici pour bien souli­
gner l ’absurdité même de cette théorie de l’absurde qui en fondant le délire
sur la réalité — voire une réalité physique — l ’anéantit.
b ) Le Délire basé sur les Interprétations. — A côté de ce « mécanisme »
hallucinatoire « générateur » de l ’idée délirante, l ’école classique ne pouvait
pas ne pas poser une autre modalité de « phénomènes générateurs » du délire ;
car il est évident que les délirants récusent le caractère hallucinatoire de leurs
Hallucinations. E t même si dans ce domaine clinique du témoignage de l ’hallu­
ciné une grande prudence s’impose, à laquelle est tenu tout clinicien qui connaît
ce que le délire récèle d ’ambiguïté, d ’erreur et parfois de mauvaise foi ■— la
dénégation du Délirant quant aux voies (ou voix) d ’inform ation sensorielle du
délire est une dimension même du délire qui récuse l ’Hallucination pour se réfé­
rer, dit le D élirant halluciné, aux seuls « percepts exacts » q u ’il se contente
d ' « interpréter ». Sérieux et Capgras (1) se sont faits les théoriciens de cette

(1) Sérieux et C apgras , Les. folies raisonnantes. Le Délire d ’interprétation. Éd.


Alcan, Paris, 1909.
750 P SY C H O SE S CH RO NIQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

nouvelle genèse ou exégèse du Délire. Si l ’Hallucination est une « perception


sans objet » (rien, bien sûr, de plus simple...), l ’interprétation, elle, peut se définir
comme « l ’inférence d ’un percept exact à un concept erroné par l ’intermédiaire
d ’une association affective ». Telle est la définition q u ’en donne un des auteurs
(G. D rom ard) qui a le plus profondém ent étudié ce « mécanisme délirant des
folies raisonnantes ». E t tout naturellement, c ’est à l ’Hallucination que le cli­
nicien pense quand il parle d ’interprétation — fût-ce pour distinguer l’une de
l ’autre — mais dans un jeu vraiment infernal où l ’une se mêle constamment à
l ’autre, quand l ’une ne se substitue pas à l’autre. L ’interprétation est à l’idée
délirante ce que l ’illusion est à l ’Hallucination a dit G. D rom ard (1). U n inter­
p rétant découvre un clou dans son jardin (il n ’a pas de perception de clou sans
clou), mais le clou a un sens latent sous son aspect manifeste. E t ce n ’est pas par
hasard que nous retrouvons ici le langage même de l ’interprétation délirante.
Cette interprétation p ar quoi l ’objet prend une figure significative singulière et
proprem ent délirante est, en effet, assez proche de l’illusion qui, elle aussi, tra­
vaille sur un objet réel mais pour l’orner ou le compléter d ’un sens qui, en ser­
tissant d ’orfèvrerie sa matière brute, prend — pour nous situer sur un autre
registre — l ’objet qui s’oflfre p ar profils dans une structure noématique qui lui
confère la plénitude de son existence. Telle est la magie ou la prestidigitation de
l ’interprétation. Combien proche elle est, par-delà l ’illusion, de l’Hallucination
elle-même. De l ’Hallucination dont elle n ’est séparée que par ce qui fait préci­
sément le délire, c’est-à-dire le travail de métaphore et de métamorphose qui
constitue sur le modèle de la réalité une irréalité. La spontanéité et l ’immédiateté
de la form ation interprétative et symbolique sont bien un analogon de l’Hallu­
cination. Elle est, si l ’on veut, une Hallucination démultipliée qui au lieu de
se donner sous l ’espèce monolithique d ’une perception « esthésique » et somme
toute péremptoire, s’oflfre comme un entrelacement de sens qui n ’est pas moins
évident dans son irruption que la donnée irrécusable des sens q u ’il invoque. La
coalescence de l ’interprétation symbolique et de l ’Hallucination est d ’autant
plus grande que le travail du délire s’exerce sur le plan proprem ent verbal
(point sur lequel a particulièrement insisté P. Guiraud) (2), c’est-à-dire lorsque
l ’interprétation coïncide avec sa fonction essentielle, celle de faire parler les
autres ou les choses par son propre mouvement discursif au point où la nature
pathologique du délire se trouve dissimulée sous les simples apparences du
fonctionnement logique de l ’esprit.
La coalescence des phénomènes interprétatifs, illusionnels et hallucinatoires
se manifeste tout spécialement dans ces troubles de l ’identification que sont
les illusions de Sosie, les méconnaissances, ou les fausses reconnaissances,
ou l ’illusion de Fregoli (Syndrome de Capgras). Ces formes elliptiques

(1) D r o m a r d (G.), Journal de Physiologie, 1910, p. 322-366, 1911, p. 288-393


et p. 406-416.
(2) G u i r a u d (P.), Formes verbales de l’interprétation délirante. Ann. Méd.
Psychol., 1921, I, p. 395.
1. ÉCO LE F R A N Ç A ISE 751

du travail délirant m ontrent, que celui-ci ne peut jam ais se réduire à un


mécanisme simple. Autrem ent dit, le Délire à mécanisme d ’interprétation
n ’apparaît comme délire q u ’à la condition de rapprocher l ’interprétation
de l ’Hallucination, c ’est-à-dire de contraindre le clinicien à les considérer
l'une comme l’autre comme les effets du délire et non pas comme des
mécanismes générateurs du délire. C ’est bien dans ce sens que D rom ard disait
que le « Délire préexiste à l’interprétation ». De sorte que si l ’Hallucination
nous est apparue comme un aspect fondamental du Délire mais non point
comme sa cause, sous peine d ’anéantir le délire q u ’elle aurait pour fonction de
justifier, l ’interprétation, à son tour, ne nous apparaît pas constituer non plus
un élément, un germe, un atome paralogique sur lequel s’édifierait le délire
mais seulement un effet du travail discursif du délire, le surgissement « phéno­
ménal » du délire.
c ) Le Délire basé sur l ’Im agination. — Bien entendu, un autre « méca­
nisme » du délire ne pouvait m anquer d ’être mis à jo u r par la psychopatho­
logie atomistique des fonctions et qualités psychiques isolées, et ce « méca­
nisme » fut « découvert » par Dupré (1) : Vimagination. Il est bien difficile,
en effet, de ne pas tenir le délire pour une forme d ’imaginaire ; encore plus
difficile de ne pas tenir pour de l ’imagination l ’irréalité qui entre dans la
fiction du délire. A cet égard, tous les délires sont le « produit de l ’imagi­
nation ». Mais il est vrai que certains délires se révèlent sous forme d ’une
luxuriance d ’invention fabulatoire qui imposent plus que d ’autres l’idée d ’une
production imaginative du délire. Toutefois, le concept même d ’imagination
n ’étant utilisable q u ’à la condition d ’être distribué dans des catégories (qui
sont les formes mêmes de l ’imaginaire que G. D urand (2) a si largement
explicitées dans son ouvrage), l ’imagination dont il est question, quand on
la place à la base même de la production du Délire, n ’est pas une imagination,
une simple production d ’images comme les autres puisque le Délire ne consiste
pas seulement dans l ’exercice de l ’imagination mais dans son exercice, comme
disait Baillarger, involontaire. C ’est-à-dire dans son fonctionnement en quelque
sorte « hallucinatoire » si nous voulons désigner p ar là ce caractère d ’incoer-
cibilité immédiate d ’une illusion qui s’impose avec l ’évidence d ’une simple
perception q u ’elle n ’est d ’ailleurs jam ais purement et simplement.
d ) Le Délire basé sur l ’Intuition. — Restait bien entendu à invoquer un
au tre mécanisme, celui de Vintuition délirante, c ’est-à-dire que l ’idée délirante
est considérée ici comme une représentation ou une figure, une image ou un
système de relations qui tirerait sa force de conviction et d ’évidence de son
irruption incoercible en tan t que constituée, telle la Minerve casquée jaillissant
du cerveau de Jupiter, d ’une apparition de sens proprem ent axiomatique.

(1) D u p r é et L o g r e , Le délire d ’imagination. Encéphale, mars 1911, et D u p r é ,


La Pathologie de l'imagination et de l’émotivité.
(2) D u r a n d (G.), Les structures anthropologiques de l'imaginaire. P.U.F.,
Paris, 1963.
752 P SY C H O SE S CH RO NIQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

Bien sûr, cette irruption idéique ne peut être envisagée que comme une pro­
jection idéo-affective tant il est évident que la conviction qui s’attache à l ’idée
délirante plonge ses racines dans le désir, la passion, l ’attente, et plus généra­
lement le système pulsionnel. C ’est, en tout cas, de cette manière, que la plu­
part des auteurs français parlent de l ’irruption idéo-affective du délire et notam ­
ment dans les psychoses passionnelles (délires de jalousie, érotomanie, etc.)
là où, précisément, les postulats de l ’exigence affective empruntent leur
force de conviction et d ’action à la dynamique affective. Mais le souci, là encore,
de séparer le délire passionnel de la passion normale a nécessairement entraîné
les auteurs à lier cette irruption ou ces intuitions à des phénomènes dont l ’auto­
matisme et l ’incoercibilité constituent les caractères essentiels (comme dans
le phénomène obsessionnel ou compulsipnnel, ou encore le mécanisme des
« idées fixes » névrotiques). G. de Clérambault est l ’auteur français qui est
allé le plus loin à cet égard — jusqu’à rapprocher, sinon identifier, ce méca­
nisme idéo-affectif aux phénomènes d ’automatisme mental proprem ent hal­
lucinatoire. C ’est ainsi q u ’en 1933 il insistait sur le fait que les Psychoses
dites interprétatives com portent de nombreux mécanismes autres que l ’inter­
prétation. Et aux « mécanismes » déjà mis en évidence, à savoir imagination
et intuition, il ajoutait les « pseudo-constats stéréotypés et incoercibles ».
C ’est « sur la base » de ces pseudo-constats indéfiniment répétés, sur « ce socle »,
disait-il, que s’élève la statue du délire. Il faut lire ces pages admirables de
l ’œuvre de G. de Clérambault (II, p. 647-654) pour comprendre jusqu’où
a pu aller son interprétation mécaniciste du délire d ’interprétation. Mais
nous devons indiquer ici comment cette genèse du délire devait aboutir à
une explication caduque (mais non à une description superflue) du Délire
puisqu’elle ne l’explique, en définitive, que par lui-même ou en le rédui­
sant à n ’être q u ’un corps étranger. Le livre de R. Targowla et J. Dubli-
neau (1) met en évidence ce procédé ou ce processus de l’idée délirante qui
s’impose par elle-même sans rectification possible, comme une sorte de révé­
lation ou de découverte q u ’aucun jugem ent ou aucune critique ne peuvent
mettre en question. C ’est naturellement, là encore, prendre la partie pour le
to u t ; car s’il est bien vrai que l’idée délirante se manifeste sous cette forme
en quelque sorte monolithique (eingliedrich disent, comme nous le verrons,
les auteurs allemands), il est non moins évident que les conditions de la consti­
tution même de cette éruption idéo-affective verbale, c ’est précisément la
condition négative ; le trouble qui la libère (au sens jacksonien de « release »).
Nous pouvons d ’un seul regard comprendre et limiter à leur juste impor­
tance toutes ces études « atomistes » de l ’école française sur la production
du « Délire chronique ». Toutes n ’expliquent le délire que p ar une tautologie
qui le font naître de lui-même ; car l ’Hallucination, l ’interprétation, l ’imagi­
nation ou l ’intuition ne sont pas des « éléments » du délire mais des effets

(1) R. T argow la et J. D ublineau , L'intuition délirante, Éd. D oin, Paris,


1931, p. 316.
II. ÉCOLE A LLE M A N D E 753

de la totalité du délire qui ne sauraient vraiment réduire le Délire à un méca­


nisme simple sans pouvoir distinguer chaque mécanisme de l ’autre. Car la
perspective atomistique même dans laquelle elles se placent leur interdit de
saisir ce q u ’il y a de commun dans le genre (le délire en tan t q u ’événement
doté d ’un faux statut d ’objectivité, c ’est-à-dire le Délire en tan t que se référant
nécessairement dans tous ses aspects aux modèles de l ’Hallucination) et les
contraint à chercher entre les espèces des distinctions artificielles (les divers
« mécanismes élémentaires ») au lieu des véritables différences structurales.
Car telle est bien la pulvérisation du délire à quoi aboutit sa réduction en atomes,
neutrons ou protons quand il est divisé en ses parties (Hallucinations, Pseudo-
hallucinations, Hallucinations psychiques, psycho-motrices, phénomènes
d ’automatisme mental), c ’est-à-dire proprem ent désintégré, atomisation
qui est incompatible avec son sens, avec le courant de sens ou de contre­
sens qui l ’emporte.

D a n s l ’é c o le a lle m a n d e (1) nous retrouvons à peu près les mêmes dis­


cussions et aussi le même esprit héritier d ’une psychologie des fonctions.
Tandis que les Aliénistes français avaient discuté et approfondi plus que
les autres le problème des Hallucinations, les Psychiatres allemands induits
dans leur recherche p ar le sens fort du m ot « Wahn » ont développé leurs
conception et classification des délires chroniques autour du « echte Wahn »,
du « primäre Wahn ». E t il convient de faire remarquer à ce sujet que les
réflexions des Psychiatres français du début du xxe siècle (Séglas, Sérieux,
Capgras, Vaschide et Vurpas, Masselon, Dupré, etc.) ont précédé celles que
depuis Jaspers l ’école allemande n ’a cessé de prodiguer. C ’est à K. Jaspers
que l ’on rapporte généralement la description de ce « Délire primaire » (Psy­
chopathologie, l re édition, 1913). Mais il suffit de se rapporter à ces descrip­
tions, comme nous l ’avons déjà mentionné plus haut (p. 391) à propos des
« expériences délirantes », pour se convaincre que ce qui est primaire dans
l’émergence du vécu délirant ne l ’est que comme apparition de phénomènes
qui dépendent de cette « atmosphère », de cette « Wahnstimmung » que Moreau
de Tours avait déjà décrite comme « état primordial du délire ». Disons que
dans la psychopathologie de Jaspers (comme dans toutes les psychopathologies
des délires, à l ’exception — et encore peut-on le discuter avec Freud lui-même
comme nous le verrons ultérieurement — de certaines conceptions psychana­
lytiques) ce qui est mis à la base du délire c’est son hétérogénéité (incompré­
hensibilité, absence de relation, de compréhension, etc.). Mais il devait se
produire à propos de la notion d ’ « expérience délirante primaire » de Jaspers

(1) La littérature contemporaine sur le Délire en Allemagne est innombrable.


On en aura une vue panoramique et souvent détaillée en se rapportant à trois grandes
« revues générales » sur le « Wahn » : celle de G. S c h m i d t , in Zentralblatt Neuro-
Psych., 1940, 97, 113-143 ; celle de G. H u b e r , in Fortschr. Neurol., 1955, p. 6-58 et
celle de G. H u b e r dans la même revue, 1964, 32, p. 429-489.
754 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

en Allemagne ce qui s’était passé cinquante ans avant en France. De même


que l ’école française a renoncé à ne plus mettre au premier plan du Délire
l’état primordial et l’onirisme, de même les Psychiatres allemands ont cherché
à fonder, eux aussi, le Délire sur des phénomènes simples et basaux.
L ’école de Heidelberg dans le fameux Traité de Bumke (1928-1932), W. Gruhle
et K urt Schneider (de 1925 à 1950) ont contribué à établir le « dogme » (au
fond, le même que celui que, à la même époque, édifiait G. de Clérambault (1)
en France) de la « structure atomique » du délire vrai. Ce qui caractérise ce
« Délire », le « prim äre W ahn » c’est, nous dit W. Gruhle, q u ’il est « ohne Anlass »,
c ’est-à-dire « sans m otif » (on pourrait peut-être dire plus justement, sans
point d ’appui sur la réalité), mais à condition de prendre le terme de réalité
dans tous les sens, réalité objective et réalité subjective, ce qui revient en effet
à couper radicalement le Délire de tout contexte, de toute référence aux évé­
nements réels et de toute m otivation affective. Et c ’est bien au fond l ’idée
qui se trouve indéfiniment répétée (sur le modèle même du concept d ’anidéisme
dans la théorie de l ’automatisme mental de G. de Clérambault) que le Délire
n ’a, ni racines, ni antécédents, ni concomitants : il est et naît comme tel,
il est — dit W. Gruhle — « wahniges », c ’est-à-dire délirant « per se », comme
si rien ne pouvait être dit de lui que cet attribut, mais substantialisé, qui fonde
son essence. D ’où précisément ses caractères d ’incompréhensibilité ou
d ’incongruité radicales par quoi il se détache de toute motivation et est rebelle
à toute analyse qui le dériverait d ’autres phénomènes. C ’est en quoi précisément
répétons-le, ce délire en tan t que modalité essentielle d ’une erreur qui objective
absolument la subjectivité du sujet ; ce phénomène d ’irréalité sans m o tif renvoie
nécessairement à cet autre phénomène qui en est, somme toute, le cas parti­
culier, la perception sans objet. Cela paraît, semble-t-il, tellement évident aux
Psychiatres allemands que le problème du « Wahn » a absorbé entièrement ou
presque le problème des Hallucinations, et que celles-ci ne figurent p ar exemple
dans le tableau de la monographie de Cari Schneider (2) que comme une variété
de troubles perceptifs assez particuliers p o u r ne représenter q u ’une partie des
illusions délirantes (au fond, ce que nous appelons quant à nous les « Éidolies
hallucinosiques »). Et, effectivement, les phénomènes, les atomes dont la
constellation constitue le « echte Wahn » sont : la W ahnstim m m g (état
d ’âme délirant, Stim m ung désignant une disposition émotionnelle ou un mou­
vement animique plus spirituel que ne l ’implique chez nous le m ot d ’humeur)
— la W ahneinfall (l’intuition délirante, m ot à m ot l ’irruption que le terme d ’in­
tuition peut assez bien traduire si l’on pense aux idées qui vous passent p ar la

( 1 ) Pour W. G r u h l e , le « Wahn » est comme pour G . d e C l é r a m b a u l t (et dans


une certaine mesure comme pour P. G u i r a u d ) « ein organisch-zerebrales nicht ableit­
bares oder einfühlbares Symptom » (un symptôme organique et cérébral qui ne peut
être, ni dérivé, ni compréhensible (du point de vue de la motivation psychologique).
( 2 ) Carl S c h n e i d e r , Ueber Sinnentrug. Zeitschr. f . d. g. Neuro-Psych., 1931,
131, p. 730-812.
II. ÉCO LE A LLE M A N D E 755

tête ou qui s’imposent à vous d ’une manière incoercible) — la Wahnwahrnehm­


ung (la « perception délirante » qui, somme toute, comme nous allons le voir,
englobe Hallucination et interprétation dans une même configuration délirante
basale).
Pour W. Gruhle, les trois phénomènes délirants de base sont donc essen­
tiellement caractérisés p ar le fait que la constitution de ces phénomènes
d ’irruption est « immotivée » (« ohne Anlass »). Leur force d ’évidence
qui est au fond le plus grand problème ne vient donc pas de leurs rela­
tions psychologiques ou affectives mais de leur présentation même en tant
q u ’elle comporte et emporte immédiatement l ’adhésion absolue du Sujet.
De telle sorte que l ’incoercibilité de la form ation même des phénomènes
délirants, leur invariabilité et leur incorrigibilité sont bien encore les caractères
morphologiques du « délire vrai ». Sans doute, d ’après H. Müller-Suur (1950),
cette certitude engendrée par le délire lui-même n ’est-elle pas toujours iden­
tique à elle-même ; et cet auteur distingue à ce sujet deux types : l ’un, de
prévalence objective où la certitude se forme dans ses relations avec le monde
extérieur (plus près en quelque sorte du pôle de l’interprétation paranoïaque)
— l’autre, de prévalence subjective où la certitude se lie à l ’expérience interne
(plus près du pôle hallucinatoire schizophrénique).
C ’est que le dogme du Délire vrai basé sur des phénomènes simples et
irréductibles, sur des atomes insécables, admet tout de même des accommo­
dements. Et d ’abord, en effet, il doit s’accommoder d ’une certaine différen­
ciation des trois phénomènes délirants qui sont au premier rang (ersten
Ranger) de la constitution du Délire et déjà en com prom ettant l ’unité mono­
lithique.
La « Wahnstimmung » (terme ancien emprunté à Hagen) est primaire au
sens de la description phénoménologique, en ce sens q u ’elle correspond essen­
tiellement à ce quelque chose que Jaspers avait considéré comme une « vague »
de mystère, d ’opacité ou d ’émotion diffuse. Nous avons vu que les expériences
délirantes primaires des psychoses délirantes aiguës comportaient ce « trem ­
blement de terre ». Mais dans certains délires chroniques et spécialement dans
les schizophrénies, K. Conrad a bien montré que le « trém a », ce tremblement
du sol psychique inaugure l ’Apophanie du monde délirant qui, par l ’inversion
du sens copernicien de son mouvement, accomplit une révolution ptoléméenne
du système planétaire psychique. Mais cette atmosphère de catastrophe déli­
rante n ’a guère retenu l ’attention des auteurs car ce q u ’ils ont visé précisément
ce sont des phénomènes purs et simples éclatant comme dans un ciel serein,
dans une sorte de clarté géométrique plutôt que dans une « aura » de troubles.
On trouve, notam m ent chez K u rt Schneider, une analyse des rapports des
perceptions délirantes avec la Wahnstimmung qui ne tend à rien moins q u ’à
montrer précisément leur indépendance, car, dit-il, si le contenu de la per­
ception délirante gît (eingebetet) dans la Wahnstimmung, elle n ’en dérive pas.
Le « W akneinfall» représente en quelque sorte l ’antipode de la Wahnstim­
mung pour autant qu’il s’agit d ’un phénomène d ’irruption que l’immédiateté de
sa constitution plus logique que temporelle consacre dans l ’absolu dogmatique
756 P SY C H O SE S -CHRONIQUES H ALLU C IN ATO IRES

de sä certitude. Et à ce sujet tous les auteurs (Gruhle, K urt Schneider, B. Pau-


leikoff, H. Müller-Suur, H. Sattes, P. Matussek) n ’ont cessé de chercher les
critères qui distinguent du Wahneinfall l ’intuition basale et normale (celle
d ’un étudiant par exemple qui, allant voir un ami, a l ’idée en voyant la barrière
du passage à niveau fermée que son ami n ’est pas chez lui, et il va au cinéma
en sachant que cette idée est absurde). Car, en effet, cet automatisme idéique
qui jaillit des conditions mêmes de notre idéation normale est difficile à dis­
tinguer du point de vue pathologique, soit de l ’intuition, des lubies, des caprices
et des inspirations normales, soit des phénomènes obsessionnels (H. Müller-
Suur).
M ais si ces phénomènes sont pour ainsi dire des phénomènes ayant une
sorte d ’unité interne, de cohésion (eingliedrich), il n ’en est pas de même pour
les « Wahnwahrnehmungen », c’est-à-dire les perceptions délirantes. Celles-ci
en effet sont, dit K urt Schneider, « zweigliedrich ». Si nous voyons un chien
lever la patte, nous percevrons là quelque chose de commun à toutes les per­
ceptions des autres. Mais si quelqu’un perçoit là comme une injure ou une
accusation, c ’est-à-dire un signe complémentaire et particulier, alors s’introduit
dans la perception un segment de plus, et ce segment c ’est le délire. Ainsi
en est-il lorsqu’un délirant voit dans cinq oranges le signe q u ’il est la cinquième
roue du carrosse, ou dans la casquette rouge du chef de gare le signe, et même
la certitude de la fin du monde. Mais pour W. Gruhle et K urt Schneider ce sup­
plément d ’information qui caractérise l ’interprétation délirante (nous avons vu
le même phénomène étudié par l’école française) est, lui aussi, « ohne Anlass »,
car les relations q u ’il établit sont « incompréhensibles ».

3° L e p r o c e s s u s p r i m o r d i a l d u D é lir e c h r o n iq u e . — Cette notion


de processus (K. Jaspers) que nous avons déjà exposée dans la deuxième Partie
de cet ouvrage et que nous reprendrons encore dans le chapitre III de sa
sixième Partie, cette notion qui correspond à l’idée de « maladie délirante »
(concept qui s’est toujours imposé à tous les cliniciens de J. P. Falret à E. Bleu­
ler, K. Schneider, E. Minkowski ou P. Guiraud), elle a été plus ou moins
directement I t explicitement reprise p ar Daseinsanalyse ou l ’analyse phéno­
ménologique (E. Minkowski L. Binswanger, J. Z utt, etc.). A cet égard,
les travaux de K . Conrad, de W. Janzarik, ou d ’autres dont nous avons plus
haut rappelé les études sur le « délire primaire », m éritent une particulière
attention. On en trouvera un exposé et une discussion dans l ’ouvrage de
F. Alonso Fernandez (1970). Le dynamisme de la production délirante carac­
téristique des Délires chroniques doit être envisagé comme un processus
discursif et non pas seulement comme une expérience vécue. Autrem ent dit, le
Délire chronique m et en jeu, comme l ’avait bien vu Falret, une réflexion qui
engendre le délire p ar le délire. Bien entendu, ce dynamisme est, par les forces
affectives et notam m ent la sphère inconsciente des pulsions et de leurs repré­
sentants, essentiellement phantasmique. Mais si le Délire apparaît en effet
comme une manifestation de la positivité d ’une construction idéo-yerbale
et plus encore de la positivité des tendances affectives q u ’il satisfait dans
III. ÉCOLE P SY C H A N A LYTIQ U E 757

les symboles qui figurent sa thématique, il s’impose aussi comme une


déformation ou une décomposition de l’être conscient, une aliénation de
la personne. Même si parfois il paraît être un pur diam ant, il n ’est pas
possible de l’isoler de la production qui l’a taillé.
Si ce processus idéo-affectif constitue la manifestation clinique du fa it
primordial du Délire, il ne peut évidemment être considéré lui-même comme
primaire e n ce sens que les idées ou le langage dans lequel il se manifeste ne
peuvent être considérés comme composés d ’éléments générateurs du Délire.
Il f a u t plutôt considérer ce processus comme un processus de désorganisation
d o n t le délire est l’effet. A u t r e m e n t d i t , c e q u ’i l y a d e r r i è r e l a n o t i o n
CONTRADICTOIRE DE DÉLIRE PRIMAIRE C ’EST LE CARACTÈRE ESSENTIELLEMENT
SECONDAIRE DU DÉLIRE, EN CE SENS QUE LE DÉLIRE NE SE MANIFESTE COMME UN
PHÉNOMÈNE POSITIF Q U ’A LA CONDITION DE DÉPENDRE D ’UN TROUBLE NÉGA­
TIF. Ce q u ’il y a derrière le Délire ce n ’est pas le Délire, «nais le bouleverse­
ment structural du système de l a réalité et de l a personne tel que tous les
cliniciens classiques l ’ont toujours mis en évidence dans la forme et l ’évolu­
tion du Délire chronique.
Dès lors, les diverses variétés, espèces ou phases du Délire nous apparaissent
en clinique comme des manifestations de ce qui revient dans le processus global
et primordial à la désorganisation de l ’être conscient (de la personnalité)
et à la production idéo-affective qui pousse les forces de l ’Inconscient, des
pulsions et des désirs à envahir ou même à anéantir le système de la réalité
en lui substituant un monde phantasmique. Par là, nous paraît évident que le
processus délirant n ’est réductible, ni à un mécanisme « simple », ni à un phé­
nomène positif réputé par l ’effet d ’une étrange illusion être son propre élé­
ment générateur : il est essentiellement complexe et, en dernière analyse,
secondaire à la désorganisation de l ’être psychique qu’il implique. L ’aliéna­
tion du Moi ne dépend pas seulement de l ’autre que représente l ’Incons­
cient, mais de cette métamorphose, mouvement inverse de son autonomie,
par laquelle il redevient ce q u ’il était avant de devenir ce q u ’il avait à être.
En reprenant ainsi la formule même de Freud, nous entendons indiquer que
l’aliénation du Délirant dans cette forme d ’existence qui obéit à l ’Inconscient
en échappant aux exigences de la loi de constitution de la réalité, que cette
aliénation ne dépend certes pas de quelque avatar événementiel ou conjonc-
tural (fût-il pré- con- ou post-natal) des situations ou des relations intersub­
jectives, mais plus profondém ent d ’un travail d ’auto-destruction. C ’est
pourquoi, pensons-nous, tan t de Psychiatres ont parlé à ce sujet de « Psy­
choses endogènes ». Mais, bien entendu, à notre sens ce concept ne saurait
exclure, comme nous avons déjà eu l ’occasion de le préciser, l ’idée d ’un pro­
cessus acquis.
Ce n ’est pas dans le conflit de l’endogène et de l ’exogène q u ’au terme de
cet exposé historique et logique des idées sur les mécanismes générateurs
spécifiques du Délire chronique, de la Psychose p ar excellence ; ce n ’est pas
dans ce conflit que réside le vrai problème. Il est bien évident que l ’idée même
d ’une ontologie de l ’être psychique renvoie à son ontogenèse. Ce qui est en jeu
758 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

pour nous, c’est sous le couvert d ’une découverte d ’atomes psycho-physiques


ou de germes affectifs le problème de savoir si le'Délire dans sa réalité clinique,
sa physionomie, son potentiel évolutif, les modalités de sa manifestation, est
réductible à un mécanisme simple. Les théoriciens du xixe siècle et les théori­
ciens du xxe siècle (y compris les Psychanalystes) n ’ont pas su échapper à ce
réductionnisme. Pour les uns, en effet, la Psychose hallucinatoire est engendrée
p ar des phénomènes neurophysiques ; p ou r les autres, elle est engendrée p ar un
accident de la vie relationnelle contemporaine des protoexpériences infantiles.
Dans les deux cas le Délire se développe, ou comme un cristal, ou comme une
graine, c ’est-à-dire est conditionné p ar une structure élémentaire qui le déter­
mine. Il nous semble q u ’être délirant c’est essentiellement le devenir. E t c ’est
l’histoire de ce destin que nous devons m aintenant tenter de découvrir dans et
p ar la Clinique en donnant au terme de processus prim ordial son sens plein,
celui d ’une impuissance d ’être et celui d ’un besoin de ne plus être.
Mais il faut aller plus loin encore — et nous irons lorsque nous examinerons
les problèmes pathogéniques auxquels nous renvoient nécessairement, comme
nous venons de le voir, les problèmes de description sémiologique, de phéno­
ménologie et de nosographie. Oui, il faut aller jusqu’à nous dem ander ce qui
constitue la réalité du Délire. Si elle n ’est pas une mosaïque d ’atomes physiques
ou de mécanismes psychologiques, cette réalité ne peut être que celle d ’un pro­
cessus de désorganisation. Et c ’est précisément cette réalité processuelle q u ’une
certaine école psychanalytique, puisant d ’ailleurs son inspiration dans la théorie
psycho-dynamique freudienne la plus classique, remet en question. C ’est la
Clinique en tant q u ’elle se saisit d ’une modalité d ’existence pathologique qui
peut et doit répondre à cette question, c ’est-à-dire contester à son tour cette
remise en question. Et c’est ce que nous allons faire. Le lecteur voudra bien
excuser la longueur de cette préface historico-logique à l ’étude des Psychoses
délirantes chroniques. Elle était nécessaire deux fois : pour clarifier les des­
criptions cliniques des structures de l ’aliénation que représentent ces Psychoses
— et préparer les leçons que nous devons tirer « en connaissance de cause » des
mouvements processuels de ces Psychoses, pour envisager leur Pathogénie.
Pour pouvoir expliciter la théorie de ces maladies de la réaüté, nous devons
établir leur réalité...
L E P RO C ESSU S P R IM O R D IA L 759

IL — LES HALLUCINATIONS
DANS LES DIVERSES ESPÈCES DE DÉLIRES CHRONIQUES

En reprenant plus haut le fil de l ’histoire des espèces du Délire chronique


(genre qui enveloppe les formes paranoïdes de la Démence précoce et du groupe
des Schizophrénies trop souvent considérées comme le genre lui-même), nous
avons proposé de discerner des espèces de délires chroniques correspondant
chacune aux phases du « Délire chronique » décrit par les Classiques du
xixe siècle. Nous devons essayer m aintenant de situer toutes les variétés déli­
rantes des « perceptions-sans-objet-à-percevoir » au sens large du terme, dans
la physionomie clinique de ces espèces. Bien entendu, nous devons nous en tenir
ici à une sorte de « synopsis » très schématique de cette description qui constitue
à elle seule les deux tiers de tous les Traités de Psychiatrie et de toute la litté­
rature psychiatrique. On nous pardonnera de viser à être plus concis que
complet. Nous nous devons d ’attirer l ’attention du lecteur sur le fait que la
forme elliptique de ce qui va suivre ne s’en réfère pas moins à nos écrits anté­
rieurs et à nos expériences cliniques.

* *

Cette expérience clinique est naturellement pour chacun de nous, confuse.


C ’est une somme d ’observations en grande partie oubliées et dont l ’accu­
mulation nous fournit une espèce de (( table des matières », de réservoir de
connaissances en quelque sorte « brutes ». Cependant, nous pouvons sur ce
point nous appuyer sur des études cliniques conduites pendant des dizaines
d ’années et dont nous avons entrepris (notam m ent avec P. Bernard il y a
quelque trente ans déjà) de classer quelque deux cents cas. Mais parm i ceux-ci,
quinze observations sont pour nous comme les Tables de la Loi clinique.
Elles sont une sorte de « musée » psychopathologique formé p ar les tableaux
cliniques, on pourrait dire les œuvres ou les chefs-d’œuvre de malades que
nous avons particulièrement étudiées et dont nous avons été, pour ainsi dire,
le compagnon du Délire.
Nous n ’avons certes pas attendu les conseils que nous prodiguent ceux qui
s’avisent que l ’aliénation mentale a un sens, même chez les grands délirants
qui ont perdu tout bon sens, pour entendre le sens de leur délire. Mais cela
ne nous conduit pas à adopter le culte idolâtrique de la Déraison qui attribue
la folie à l ’Hum anité entière en la repérant au niveau même de la constitution,
de la dialectique structurante du symbolique et de l’imaginaire, du signifiant
et du signifié (sinon du référent), de la satisfaction du désir constituant son
objet, et de la déréliction irrémissible d ’une demande sans fin. N on, les délirants
ne sont pas des Hommes dans le plein sens de leur personnelle humanité,
ayant perdu avec le pouvoir de « se faire » la possibilité de leur liberté. Et cela
760 P SYC H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

non plus ne donne pas raison à ceux qui se font d ’eux l ’idée d ’hommes morts
(de corps sans organes, c ’est-à-dire sans vie), « machines désirantes » englobant
d ’ailleurs tous les hommes dans la même absence, le même vide et le même
vice : le néant de toute organisation, de toute conscience et de toute raison.
Pour nous, les délirants, ces hommes que seule la Psychiatrie a à prendre en
charge, ils ne sont justem ent pas comme les autres. Ils sont ces grandes et
tristes figures de l’Aliénation non pas générale mais individuelle, celle de
l ’homme pourri dans les viscères de son « corps psychique ». Les Psychiatres
les font « leurs », non point pour les traiter en objets mais pour en faire les
sujets de leur propre angoisse et de leur propre responsabilité. C ar ce ne sont
pas les philosophes (qu’ils s’appellent J.-P. Sartre, M. Foucault ou G. Deleuze),
ce ne sont pas des idéologues qui, mieux que nous, qui, hélas ! n ’y parvenons
que rarement, sauront résoudre le problème existentiel du Délire, du Délire qui
n ’est jam ais une solution pour n ’être toujours q u ’une fausse solution.
Bien sûr, il est facile aux beaux esprits de surenchérir sur l ’étem el retour
du thème de l ’irréalité de la réalité. Mais, justement, nos Délirants (les vrais
Aliénés et non pas tous les hommes qui font des folies ou font les fous) ce sont
des malades de la réalité. Ils sont là, devant nous, comme pour nous rappeler
par le vide q u ’en eux a creusé le Délire, ce q u ’est la réalité, c ’est-à-dire la loi de
notre existence. Que pour ceux qui considèrent que la Conscience est incons­
ciente, que la Déraison est la suprême raison, il n ’y ait pas plus de Réalité que
d ’irréalité, et que nos Délirants soient des machines merveilleuses et génialement
montées, cela va de soi. Mais pour nous, comme pour ces malheureux dont
nous avons essayé de déchiffrer le secret et de délivrer le destin, la Réalité
perdue, par le Délire nous apparaît, dans ce manque tragique, être la loi
même de l ’existence. Le Délire est une dém onstration ab absurdo de la fausseté
de la thèse des sophistes qui nient la réalité. Nos quinze Personnages Délirants
nous rappellent à l ’ordre de la réalité.

L’EXISTENCE DE QUINZE PERSONNAGES DÉLIRANTS

Parmi les quelques centaines de grands délires que nous avons longuement obser­
vés avant l’ère thérapeutique ou en tout cas dans la spontanéité de leur évolution,
soit à Sainte-Anne d ’abord (à la Clinique de la Faculté), puis à Bonneval, quinze
ont été pour nous pendant les quarante années où nous n ’avons cessé de penser aux
rapports du Délire et des Hallucinations, non pas seulement des sujets privilégiés
d ’observation mais de véritables compagnons d’études. Pour la plupart d ’entre eux
nous avons été intimement mêlé à la constitution de leur Délire, à leur milieu fami­
lial et social, jusqu’à partager en grande partie leur fantasque et phantasmique exis­
tence. Il ne s’agit pas de donner ici un résumé (d’ailleurs impossible, presque
aussi impossible qu’est l’illustration de l ’Hallucination) de leur Délire ; encore
moins s’agit-il de décrire les caractères structuraux dont ont été frappées ces figures
numismatiques du Délire mais simplement de silhouetter la physionomie et l ’histoire
de ces Délirants qui n ’ont cessé, sous nos yeux, d ’entrelacer ce qu’ils ont perçu pour
l ’avoir trop craint ou désiré à ce qu’ils ont perdu de raison pour s’être aliénés hors
Q U IN Z E PER SO N N A G E S D É LIR A N TS 761

de la commune réalité. C’est cet imbroglio où se perdent les relations du Délire et


de l’Hallucination que reflète leur « manière-d’être-au-monde-sans-y-être ». Tels
sont ces quinze personnages en quête d ’auteur d ’une psychopathologie du Délire
dans ses rapports avec l’Hallucination qui sont effectivement entrés dans le travail
même de notre œuvre psychiatrique comme pour lui fournir la réalité clinique de leur
irréalité, mais aussi pour nous livrer le sens et le contre-sens de leur existence ima­
ginaire (1). La Clinique du Délire exige en effet cette coopération de l’expérience
sans savoir et du savoir sans expérience. Es s’y sont incorporés et comme dissous
dans une transsubstantiation qui nous dispense de nous référer au détail de leur
observation pour ne saisir que la substance tout entière et implicitement passée de
notre propre connaissance psychopathologique. Ils ne sont pas des objets d ’obser­
vation ni des sujets d ’expériences, ni non plus des collaborateurs; ce sont des
co-auteurs auxquels nous rendons l’hommage que l’on doit à ceux qui ont véritable­
ment participé à.notre savoir. Car il est bien vrai que si le Délire ne saurait,
comme l’avait confusément imaginé Cotard, être assimilé à un travail scientifique
pour n ’être qu’une illusionnelle vérité, la connaissance scientifique du Délire
requiert de tenir son « travail » pour une recherche de la vérité. Sous l’absolu et la
dogmatique du Délire se dissimulent l’incertitude et l’angoisse du Délirant, de
telle sorte que celui-ci tel que nous l’avons connu dans ces « cas » (pour nous aussi
précieux que ceux de Helen West ou de Suzan Urban pour Binswanger), a été et
demeure l’Homme de la Tragédie humaine.

(1) Les catégories de l ’imaginaire dans la vie psychique et leurs rapports avec la
réalité de la personne font l’objet d ’une dialectique difficile que certains sophistes ont
su, par d ’habiles prestidigitations, confisquer au profit d ’une image de soi « pure­
ment littéraire ou théâtrale », celle d ’un masque ou d ’un rôle... J ’ai eu l’occasion, à
ce sujet d ’analyser l ’œuvre de P ir a n d e l l o (Allocution présidentielle au Congrès de
Milan qui a disparu dans les C. R. de ce Congrès comme dans une trappe merveilleu­
sement pirandellienne, en substituant à mon propre nom le nom d ’un autre... On en
trouvera le texte intégral, in Évolution Psychiatrique, 1971, n° 3, sous le titre « Piran­
dello ». Les Personnages et la Réalité ou le Moi n ’est pas l’Autre ). J ’ai ainsi montré que
l’on pouvait précisément tirer de cette représentation des personnages du théâtre piran-
dellien, une tout autre idée que celle du Moi-fiction, reflet des autres. Si, en effet,
l’usage de l ’imaginaire nous permet de disposer d ’histoires ou de personnages dans
l’espace imaginaire (Chacun sa vérité...), il existe une fatalité de l’imaginaire incon­
sciente dont nous subissons les fantasmes dans la fiction du rêve et dans celle de la
folie, et dont nous ne pouvons nous libérer qu’en recouvrant notre liberté d ’imaginer
(c’est le thème d ’Henri IV, du même auteur). La réalité de la personne pour autant
que chacun de nous en est l ’auteur (c’est, à mon avis, le seul sens de l’angoisse méta­
physique des Six Personnages telle que, il y a 50 ans je l’ai si intensément ressentie),
n ’est ni réductible à la fiction librement imaginée qui fait de nous un personnage des
autres (et de nous-mêmes considérés comme de simples auteurs), ni à cet enchaîne­
ment à l’imaginaire (à l’inconscient, c’est-à-dire à l’autre) qui constitue l ’aliénation
de la maladie mentale. Les Quinze personnages dont nous allons retracer en quelques
coups de crayon l’histoire, sont des personnes qui, en s’aliénant, ne sont devenues que
les personnages d ’une fiction, c’est-à-dire des Délirants.
762 P SY C H O SE S C H RO NIQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

Nos Quinze personnages représentent des cas tous typiques de Psychose hallu­
cinatoire chronique (car même si dans le premier groupe l’Hallucination paraît céder
le pas à l’interprétation, celle-ci est encore une forme de perception délirante à type
noético-aifectif), mais l’évolution et la structure de ces psychoses hallucinatoires ne
sont pas les mêmes pour ces quinze histoires exemplaires de Délire chronique.

— Dans un premier groupe nous rassemblerons 4 cas caractéristiques d ’un délire


hallucinatoire parfois très près de l ’interprétation, caractérisés par le travail d ’éla­
boration et de systématisation. Ces cas paraissent correspondre au groupe des Para­
noïas :
Cas 1 — Marguerite L...
2 — Germaine O . D...
3 — Marie L...
4 — Jean X...

On remarquera que ces délires se sont pour ainsi dire cristallisés, de telle sorte
que leur forme hallucinatoire statu nascendi et parfois paroxystique ou cyclique s’est
fixée essentiellement dans un système convictionnel inébranlable.

— Dans un deuxième groupe nous rassemblerons d ’abord deux cas typiques


de schizophrénie à évolution progressive vers une désorganisation autistique de la
personnalité et une désintégration de la forme hallucinatoire pulvérisée dans l’inco­
hérence idéo-verbale :
Cas 5 — Lucienne L...
6 — Henriette T...

Il existe cependant des cas où on observe spontanément une réversibilité à peu


près totale et spontanée d ’une longue évolution schizophrénique :

Cas 7 — Laurienne G. V...

— Dans un troisième groupe nous plaçons des Délires fantastiques (paraphrénies).


Trois de nos personnages peuvent illustrer cette modalité mythologique d ’existence
délirante et hallucinatoire :

Cas 8 — Jeanne D...


9 — Thérèse S. G....
10 — Blanche T...

Mais cette modalité de délire fantastique peut remarquablement succéder à une


phase plus ou moins longue de délire systématisé :

Cas 11 — Henri Sch...


12 — Louise S. F...

— Dans d ’autres cas enfin, le délire fantastique émerge difficilement du chaos


de la désagrégation schizophrénique comme pour nous montrer une fois de plus
Q U IN Z E PERSO N N AG ES D É LIR A N TS 763

quelles profondes anastomoses unissent ces diverses modalités et ces organisations


à divers niveaux de la « maladie délirante hallucinatoire ».

Cas 13 — Marie B. I...


14 — Marie-Anne B. Z...
15 — Marie T. L...

Telles sont les cariatides sur lesquelles nous avons tenté par la convergence de
notre regard et de notre réflexion de dresser l’architrame du temple des délires et
des Hallucinations. Ce sont ces personnages que, tout en en observant des centaines
d ’autres, nous n ’avons jamais perdu de vue pour qu’ils demeurent toujours au centre
même de notre perception des « perceptions-sans-objets-à-percevoir ». Car c’est par
eux qu’a commencé et fini, pour nous, la connaissance que nous avons pu acquérir
en quarante ans des rapports du Délire et de l ’Hallucination.

M a r g u e r i t e L... — D ’une famille de petits bourgeois de la Mayenne, elle était


professeur de piano. Elle présentait toutes les caractéristiques d ’un tempérament sen­
sitif. Pendant une existence conventuelle de plusieurs années, vers l ’âge de 32 ans,
elle développa insidieusement un délire hallucinatoire de persécution érotique (délire
typique des « vieilles filles ») à complexe de culpabilité sexuelle projetée sur un
« objet ». Cet objet, à la fois auteur de persécution et objet d ’érotomanie, a varié
selon les circonstances de sa vie et au travers de ses internements successifs. Le délire
était essentiellement hallucinatoire, à type de communication de pensée, d’échanges
de sensations et de relations intimes. Tous les jours pendant des années elle nous a
remis une lettre de 15 ou 20 pages où étaient relatées presque minute par minute
les perceptions qui lui étaient « envoyées » (et qu’elle recevait, comme la servante
de Marcel Proust « d ’une main confuse mais tendue »...). Toute son existence était
entièrement absorbée par cette introspection voluptueuse de tourments infligés
à sa vertu. Instable, virile, elle vivait parmi ses compagnes d ’internement comme
une déesse outragée mais régnant sur la gent féminine qui l’entourait et qu’elle pos­
sédait aussi dans l’alibi sécurisant de persécutions homosexuelles délirantes. Soumise
aux actions sadiques qu’elle s’infligeait à elle-même et à ses autres compagnes de
même sexe, elle entretenait un perpétuel drame sado-masochiste sous la forme même
d’une projection hallucinatoire devenue la dimension fondamentale de son existence,
comme pour démentir les idées classiques sur l ’absence d'Hallucinations dans la
paranoïa... Elle est décédée après quelques placements dans d ’autres établissements
psychiatriques à l ’âge de 60 ans sans jamais cesser d ’être fixée à cette modalité mas­
turbatoire, narcissique ou homosexuelle de délirer.

G e r m a in e Cl. D... — C’est une paysanne beauceronne née en 1888, à caractère


paranoïaque, méfiante, rigide, hypersthénique. Elle a présenté depuis l ’âge de 32 ans
un délire de persécution, puis de filiation. Elle a littéralement bâti un roman de cape
et d ’épée dont, descendante des Hohenzollern, elle est l ’héroïne. Elle figure assez
exactement T « auguste victime » qu’est à ses propres yeux le persécuté parvenu
à la phase de mégalomanie. Mais l’étude minutieuse du long travail discursif du
délire montre qu’il s’est élaboré à partir d’expériences délirantes hallucinatoires
qui dominèrent le tableau clinique au cours des dix premières années de l’évolution.
Celle-ci a été d ’abord assez cyclique ou intermittente pour qu’elle puisse demeurer
dans sa famille (sauf 2 ou 3 épisodes d ’activité délirante et hallucinatoire plus vive).
764 P S Y C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

A partir de 55 ans le délire se systématisa en thème de filiation et de grandeur (Elle


est de la famille des Hohenzollern). Son histoire est entrée dans l ’Histoire et les
sources hallucinatoires de l’information (les voix, les persécutions et les suggestions
sorcières qui exerçaient sur elle le pouvoir occulte de la Jésuiterie et de la Franc-
maçonnerie) se sont taries. Cette psychose délirante paraissait évoluer vers un écla­
tement fantastique et mégalomaniaque du monde. Mais après quelques années
encore le délire s’est enkysté, somme toute, s’est arrêté. La conviction délirante
de sa filiation est restée seule dogmatique, mais en quelque sorte résignée à ne rester
pour elle qu’un secret. Finalement elle est sortie pour réintégrer à 78 ans son milieu
familial où elle vit encore.

M a r ie L ...— Toujours difficile de caractère, violente, active, passionnelle, fille-


mère, elle développa à partir de l ’âge de 45 ans un délire de persécution à forme
hallucinatoire (syndrome d ’automatisme mental avec écho de la pensée, commentaire
des actes, idées d ’empoisonnement et de persécution), avec désignation d ’un persé­
cuteur, puis changement d ’identité et du nombre de ses ennemis. Ses persécuteurs
pendant près de quarante ans ont varié sans que leurs maléfices, leurs insinuations,
leurs injures, les courants électriques qu’ils lui envoyaient changeassent beaucoup, ni
dans leurs mauvaises intentions ni dans les moyens pour parvenir à leur but. De par
ailleurs, l ’activité laborieuse de cette femme-servante extrêmement dévouée, véritable
« bourreau de travail », était forcenée, tout comme sa religiosité était, elle aussi,
fanatique. L ’évolution de ce délire hallucinatoire que nous avons suivi, presque jour
par jour, pendant près de trente ans était remarquablement cyclique. Sans aucune
raison apparente, brusquement le délire entrait en effervescence, ses irruptions
étaient toujours violentes et agressives dans leurs modalités stéréotypées. Il était
difficile de comprendre si la persécution était thématisée et romancée ; il semblait
plutôt qu’elle fût basée sur des expériences souvent nocturnes ou simplement liées
à la conjoncture de petits événements insignifiants. H a toujours été impossible de faire
sortir cette malade internée qui recevait (avec une certaine réserve et peu de cha­
leur) la visite de son fils unique sans jamais avoir établi avec lui de lien affectif
profond (autres que des sentiments d ’aversion et parfois de haine). Jusqu’à sa mort
à l ’âge de 82 ans elle a été active, bavarde, sthénique et coléreuse. Elle a vécu toute
la deuxième partie de sa vie dans l’irritation mal contenue et entrecoupée de vio­
lentes crises de délire à la fois interprétatif et hallucinatoire de persécution. L’ac­
tivité hallucinatoire constituait pour elle une référence à la seule réalité pour elle
importante, celle d’un monde ennemi, mystérieux et tout-puissant. L’expérience du
délire était chez elle très contrôlée et le plus souvent réticente ; il éclatait malgré elle
dans ses comportements, ses dialogues hallucinatoires, ses moyens de défense toute
une stratégie dirigée inlassablement contre l’Ennemi invisible toujours présent mais
dont les actions devenaient intolérables pour elle seulement au cours de « moments
féconds » du délire (dont la recrudescence était pour l ’observateur absolument
imprévisible « ohne Anlasse » comme disent les auteurs allemands).

J e a n X.... — Célibataire, fils d ’un savant géographe célèbre, il présenta à plusieurs


reprises, vers l ’âge de 25 ou 30 ans, des crises d ’excitation délirante appelées par
l’école de Magnan (il fut soigné avant 1914 à l ’Admission à Sainte-Anne)
bouffée délirante des dégénérés. Dégénéré il ne l ’était pas du point de vue de son
intelligence, mais il l’était en ce qui concerne l’équilibre de sa vie affective. Excité
et excitable, hypomaniaque, il dut être interné à plusieurs reprises, ses rela-
Q U IN Z E PERSO N N AG ES D É LIR A N TS 765

tions sociales étant profondément troublées. C ’est sur ce fond de troubles cycliques
que s’édifia un délire hallucinatoire d ’abord (avec expérience de persécution, Hallu­
cinations de l ’ouïe, sensation de transformation corporelle), puis essentiellement
interprétatif. Le travail du délire constitua le type même d ’une systématisation pseudo-
raisonnante. L’élaboration riche et solidement construite de ce délire d’interprétation
se développa sur un thème de filiation (il était le petit-fils d ’un prince Bonaparte,
étant bâtard de Persigny). Cette aliénation de sa personne occupa vingt ou trente ans
de son existence : accumulation de preuves et de documents, recherche de symboles,
démonstration par des signes « évidents ». A la fin de son existence (vers 55 ou
60 ans), il était parvenu à une certitude pour ne pas dire à une béatitude parfaite. Il
avait enfin tout prouvé... commeen témoignait, disait-il, lafleur de lys qu’il avait dans
le dos et qu’il « percevait », peut-on dire, sans la voir, interprétation « hallucinatoire »
par le caractère absolu du sceau sensoriel qui sanctionnait à la vue de tous la vérité
qu’il avait toute sa vie su percevoir dans tous les événements historiques les circons­
tances quotidiennes de sa vie, dans ses grimoires, ses archives, comme il avait su
percevoir dans tous les signes et tous les appels qui lui étaient mystérieusement adres­
sés ou déchiffrer les secrets que recélait la vérité de l’Histoire commune et de la
propre histoire de sa personne. Il mourut à l ’âge de 67 ans dans la satisfaction d’un
triomphe total sur ses ennemis dont il avait déjoué, nous disait-il, les complots grâce
à sa lucidité et son extra-lucidité... Ainsi la majeure partie de l’existence de cet homme,
intelligent, disert et charmant s’était-elle passée à composer un roman, mais un roman
dont les péripéties étaient par lui perçues comme les seuls événements de son existence
entièrement falsifiée au point que rien n ’entrait dans le champ de sa perception qui
ne portât le signe d ’une « réalité » cachée mais par lui mise au grand jour.

L u c i e n n e L... — Nous l’avons connue dès ses premières « bouffées délirantes »


à l’âge de 20 ans, puis de 22 ans, alors qu’elle était modéliste dans une maison de
couture parisienne. Elle vivait avec son amant. Celui-ci devint peu à peu son ennemi
persécuteur et hypnotiseur, son image interférant avec celle de son frère aîné qui
avait eu avec elle des rapports sexuels quand ils étaient enfants.
Elle présenta pendant une dizaine d’années, de 25 à 35, un délire d ’influence schi­
zophrénique que nous avons suivi jour par jour (contenus symboliques sexuels,
mode de pensée autistique avec une production phantasmique de rêve recouvrant
progressivement tout le système de la réalité et des communications avec autrui,
thèmes d ’homosexualité, d ’identification objectale à l ’image de la mère posses­
sive, etc.). Pendant trois cents heures d’analyse (1932-1935) nous ne pûmes (ou
nous ne sûmes) pas exploiter l ’énorme « matériel inconscient » qu’elle livrait dans
une « association libre » constante qui n ’était rien d ’autre que le langage du proces­
sus primaire de son Inconscient « retourné en doigt de gant ». Le transfert suffi­
sant pour maintenir la patiente en relation précaire avec la réalité pendant quelques
années ne l’empêcha pas de sombrer vers 35 ans dans un état catatonique terminal
dont elle-même exprimait (dans les rares propos que l ’on obtint d ’elle après 18 ans
d ’évolution) qu’il représentait le retour au sein maternel. Au terme de cette régres­
sion narcissique stuporeuse, incohérente, elle mourut d’une intervention pour un
abcès de la fosse ischio-rectale à l’âge de 38 ans. L’Hallucination — sous forme pré­
dominante de délire d ’influence — fut le phénomène avant-coureur du délire, puis
elle se résorba dans la pensée autistique elle-même, tout événement, comme dans un
rêve. ne pouvant dès lors être vécu que sur le registre d’une perception sans objet,
d'une perception sans monde.
766 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

H e n r ie t t e T ... — Née en 1908, fille de parents universitaires tous deux, à


caractère sensitif. Issue d’une famille protestante, très- religieuse, Henriette a présenté
des troubles catatoniques graves dès l’âge de 18 ans (L’observation de ce grand délire
catatonique a été publiée dans l ’JÉvolution Psychiatrique, 1936, n° 4, p. 44-54). Elle
devint alors progressivement stuporeuse, maniérée, présentant de grandes crises
cataleptiques dont elle nous livra dans la suite le vécu délirant et hallucinatoire. Elle
était possédée du démon, soumise à son influence et vouée à de perpétuels exercices
de conjuration, de soumission ou de défense. Après cette grande période catatonique,
elle présenta un délire d’influence avec soliloques, négativisme, bizarreries du compor­
tement, évoluant assez rapidement vers un déficit schizophrénique typique (Le complé­
ment de cette longue observation a été publié également dans l 'Évolution Psychia­
trique en 1951, n° 1, p. 89-99). Elle était constamment ambivalente, oscillant entre
la réalité et le monde autistique de ses phantasmes mais de plus en plus immergée dans
un monde rétréci, stéréotypé et magique. Sa modalité habituelle de relation était
essentiellement humoristique et même bouffonne. Son langage émaillé de coq-à-l’âne,
d'énoncés saugrenus et fantasques reflétait cette tendance profonde au jeu teinté
d ’érotisme abstrait (Je voudrais être toute la journée dans une baignoire avec vous.
J ’aimerais bien être votre fils. J ’ai peur de vous démolir et après je ne vous aurai
plus pour vous mettre au monde tous les 4.000 ans moins 200 ans). C’est dans ce
galimatias abracadabrant que la modalité hallucinatoire du délire s’est progressi­
vement perdue au fur et à mesure que sa vie autistique est devenue de plus en plus
hermétique. Elle est décédée d ’une bronchopneumonie à 57 ans.

L a u r i e n n e G . V... — Née en 1892, c’est à l ’âge de 35 ans que cette mère de


famille vivant avec son mari et ses trois enfants commença à présenter après une
fausse-couche un délire hallucinatoire de persécution de type psychose hallucinatoire
aiguë, puis chronique (psychose paranoïde). Le syndrome d ’automatisme mental
(Hallucinations psychiques, psychomotrices, génitales, phénomènes d ’influence et de
possession érotique) fut intense et progressif. Le délire en quelques années devint
véritablement inextricable, avec néologismes, néoformation de concepts, pensée
magique. La patiente que nous observions presque quotidiennement ne cessait d ’être
hallucinée (trafiquée, transformée, possédée). Le délire dura 15 ans sans aucune autre
modification qu’une marche progressive vers une « démence paranoïde » dont l’évo­
lution paraissait inéluctable. Puis sans que jamais nous ayons pu déterminer sous
quelle influence le délire s’atténua jusqu’à disparaître à peu près complètement.
Il s’est littéralement englouti dans une amnésie systématique et qui dure encore. Son
mari étant décédé et ses enfants ne pouvant pas s’occuper d ’elle, elle fut alors placée
dans le Midi auprès d ’une vieille dame dont elle devint la servante la plus dévouée.
Dans la suite elle se plaça dans une maison de vieillards comme veilleuse de nuit.
La fin de son existence a été parfaitement normale (sauf une certaine tendance aux
soliloques qu’elle a toujours gardée jusqu’en 1969). Elle a été frappée alors d ’une
hémiplégie dont elle est actuellement rétablie mais qui a entraîné un déficit intellectuel
et une légère réactivation des dispositions délirantes anciennes sous forme de simples
« idées de persécution » et de revendication à l ’égard de l’entourage.

J e a n n e D... — Institutrice née en 1880, veuve depuis 1917, a présenté un premier


épisode de délire à l ’âge de 31 ans (1911). Elle a exercé son métier en menant une exis­
tence de petite bourgeoise tranquille et un peu triste à Paris jusqu’en 1924. A partir
de ce moment s’est manifesté un énorme délire hallucinatoire avec Hallucinations
Q U IN Z E PE R SO N N A G E S D É LIR A N TS 767

psychomotrices et toutes sortes de phénomènes d ’automatisme mental. Après plusieurs


années elle fut placée à la Clinique de la Faculté dirigée alors par H. Claude où elle fut
« l’objet » privilégié de toutes les recherches et études sur les Hallucinations et sur la
structure du délire au fur et à mesure qu’elle-même souriante, toujours merveilleu­
sement attentive à tous les événements du service, toujours accueillante, sensible et
compatissante, elle développait un des plus fantastiques délires que l ’on puisse soi-
même imaginer (cf. un petit fragment de ce monde « paraphrénique » dans notre livre
Hallucinations et Délire, p. 139-143). Elle a vécu à partir de l ’âge de 45 ans jusqu’à
sa mort dans une double existence, celle des événements réels et celle de la « mesoni-
rencie », c’est-à-dire d ’un monde à elle révélé par la toute-puissance des esprits qui
l’habitaient. Ceux-ci ont d ’abord cohabité avec elle sur un mode essentiellement hal­
lucinatoire, puis ils ont été absorbés par la fiction lorsque les agents de son information
devenus inutiles ont fait place à l ’imaginaire cosmique des événements prodigieux de
sa mégalomanie. Jusqu’à la fin de son existence elle a toujours été présente à la réalité
« ordinaire » mais uniquement occupée— ayant cessé d ’en être préoccupée ou inquiète
— à la magie d ’une fabulation tout à la fois cocasse et poétique. Elle est morte à l ’âge
de 60 ans en glissant doucement dans un au-delà qui était déjà là comme la création
d ’une infinité et d ’une éternité de douces fantasmagories sans cesse renaissantes
et sans cesse renouvelées, comme la respiration de son être voué au merveilleux.

T h é r è s e S. G... — C’est vers l ’âge de 27 ans que cette femme d ’origine paysanne
mais de très bon niveau intellectuel, fine, malicieuse, active, de caractère syntone,
a présenté un an après son mariage des idées de persécution et de jalousie. Après
4 ans de « méditation délirante » le début de possession érotique, d ’influence
magique et démoniaque s’est constitué à partir d ’expériences oniriques durant
son sommeil. Le délire, en effet, s’est construit sur ses rêves devenus pour elle source
d ’information et d ’expériences irrécusables d’une supra-réalité. La forme halluci­
natoire de cette fiction fantastique a été évidente pendant une dizaine d ’années
(de 1935 à 1945). Le personnage persécuteur nommé « Parent » est l ’auteur des viols
et des agressions psychiques « inimaginables » qu’elle subit. Ce sont des « crimes
royaux ». La source d ’information, ce sont des voix d ’invisibles innombra­
bles qui connaissent toutes ses pensées, la font parler et corrompent son sang
en lui injectant leur venin. Dans la suite c’est l’Administrateur de l’hôpital qui a
remplacé « Parent » augmentant encore la persécution fantastique par ses raffi­
nements pervers. Vers cette époque le délire (1945-1948) se métamorphosa pour
devenir en effet tout à fait fantastique avec un partage du monde en deux ordres
d ’événements : le monde symbolique de l ’eau (celui des rêves, des voix et de la magie
noire, de la sexualité) et le monde de la réalité quotidienne dans laquelle, internée
depuis 35 ans, elle s’est enkystée dans une routine stéréotypée. Elle vit sans vouloir
absolument en sortir (en s’opposant de toutes ses forces à toutes les méthodes et
toutes les entreprises thérapeutiques) dans ce monde délirant où a sombré son exis­
tence tout en conservant un sens aigu de la conception de la réalité et de ses lois.
Mais elle vit dans un « au-delà » d’où elle est inexpugnable.

Blanche T... — Née en 1895, célibataire, d ’origine bretonne. Caractère doux,


tranquille, réfléchie. Enfant elle disait ne vouloir se marier qu’avec un Préfet ou
bien si elle se faisait religieuse elle serait Supérieure. Petite employée à Brest. De mora­
lité très rigide elle n ’eut jamais de relations amoureuses. Le début de la psychose
remonte à l’âge de 42 ans. Elle s’est constituée d ’abord par des expériences délirantes
768 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

et hallucinatoires à forte composante maniaque. Le fond dysthymique a d ’ailleurs


persisté pour imprégner tout le délire d ’une expressivité et d ’une fécondité (enthou­
siasme, euphorie, exaltation, espoir, menaces, prophéties) proprement insensées, ou
plus exactement fantastiques. Ainsi a-t-elle produit une extraordinaire fiction « sur­
réaliste » qui développa poétiquement une Théodicée, une Cosmogénie, une Cosmo­
logie, une Histoire et une Géographie absolument mythiques. Les événements pro­
digieux et miraculeux dominés par le combat avec Timothée (son père) sont épars
dans un Temps et un Espace imaginaires sans autre point d ’impact que les sensations
horribles éprouvées dans toutes les parties de son corps, clavier douloureux où se joue
ce martyre grandiose. C’est par kilos qu’on peut mesurer l’énorme production écrite
de ce délire inépuisable. Nous ne 1’avons connue qu’en 1945 alors que le délire évoluait
déjà depuis 8 ans. Elle avait été pendant des années et tout en continuant son métier
(voyageur de commerce) en proie à de véritables transes d’écriture automatique, et
durant toute la nuit au lieu de dormir elle ne cessait d ’avoir des communications et
des dialogues avec des voix. Ensuite la fabulation a submergé la forme hallucinatoire
de l’information délirante. Cela n ’a d ’ailleurs jamais empêché Blanche de se montrer
constamment travailleuse, cordiale, attentionnée, toujours prête à rendre service et
à nous manifester quotidiennement sa confiance et son affection. Un seul incident
troubla nos bonnes relations pendant plusieurs années. Nous égarâmes un de ses
cahiers (une pièce de théâtre qu’aurait pu écrire Ionesco et qu’elle avait écrite sans
bien sûr jamais connaître cet auteur). Elle en fut atterrée, non pas par la perte de cette
composition mais par le danger qu’un écrit faisant état des « choses les plus terribles
du monde » pouvait faire courir à tous ceux qui pouvaient le lire. A la fin de sa vie
elle répétait de mémoire des fragments entiers de son œuvre (1) et sans jamais se dépar­
tir des « vertus théologales » qui la liaient à son Délire, à sa Religion, à son Dieu,
au terrible Père Timothée son créateur et son persécuteur. Quelques mois avant
sa mort, épuisée par cette douloureuse mégalomanie qu’elle subissait comme le plus
horrible martyre (les choses horribles qu’elle savait, qu’elle sentait et que recélaient
sa pensée et son corps), elle devint triste et comme découragée déclarant notamment :
« Je me sentais toujours victorieuse mais maintenant je ne me sens plus la force de
lutter. Nous sommes anéantis, nous sommes vaincus ». Elle mourut à l ’âge de 63 ans
après une intervention pour un cancer de l ’intestin. Elle s’éteignit sous nos yeux dans
les affres d ’une agonie qui portait le délire à son plus tragique désespoir, l’horrible
chose qu’il représentait pour elle dominant, jusqu’à la fin, l’horreur de la mort réelle.

H enri Sch ... — Né en 1874, pharmacien et député. Caractère paranoïaque (idéa­


liste passionné). Le délire s’est développé progressivement à partir de l’âge de 43 ans.
Très préoccupé par la microbiologie, ses prétentions scientifiques devinrent de plus en
plus aberrantes. Il devint guérisseur et fut condamné à ce titre. Très exalté par ses
recherches, il développa d ’abord un délire de revendication (on ne reconnaissait pas
sa science, ses découvertes, ses inventions et ses dons). Il vécut ensuite pendant des
années dans la claustration et dans un état de saleté repoussante. Progressivement
le délire se transforma en délire hallucinatoire d ’inspiration et de communication
divine. Ce qui ne fut pendant 15 ans que la polarisation d ’un système délirant de

(1) On en trouvera des extraits dans mon article « La psychiatrie devant le Sur­
réalisme », in Évol. Psych., 1948, 4, p. 3-52.
Q U IN Z E PER SO N N A G E S D É LIR A N TS 769

persécution devint un délire fantastique cosmique. Pendant les années où nous avons
pu l’observer, il se montrait d ’une solennité grandiose, ayant acquis la physionomie
de Dieu le Père, la figure la plus majestueuse de l’iconographie religieuse. Il avait
des cheveux blancs, une large et soyeuse barbe blanche, un visage lumineux et des yeux
d ’un bleu céleste. Il trônait littéralement dans son lit au milieu de ses innombrables
feuillets où il entassait, plans, schémas, calculs et prophéties. Il était devenu vraiment
« Dieu », le Tout-Puissant qui daignait à peine jeter un regard sur les misérables
« créatures médicales ». II entrait souvent en extase et puisait ainsi dans la force cos­
mique l’inspiration prophétique dont il consentait parfois à prodiguer les divines
inspirations. Il régnait vraiment sur le monde. Tous les événements tournaient autour
de lui. Un matin, après le bombardement d ’une ville voisine, interrogé sur ce qu’il
avait entendu il s’indigna que ce pauvre petit médecin eût l’audace de prétendre
avoir entendu des explosions que seul, lui, pouvait entendre. Il mourut dans cette
omnipotence fantastique de cachexie à l’âge de 69 ans.

L o u is e S. F... — Veuve depuis plusieurs années, musicienne (pianiste) d’un cer­


tain talent, elle développa sur un fond d ’excitation psychique à partir de 40 ans un
délire de persécution à mécanismes interprétatifs et hallucinatoires inextricablement
mêlés. Elle se créa ainsi un monde de fiction qu’elle se représentait et présentait comme
un immense complot de « gens de cinéma et de théâtre » qui cachaient les choses et
les personnes authentiques pour y substituer un monde factice et théâtral. Ce thème
se développa pendant une dizaine d ’années jusqu’à recouvrir complètement toute
la réalité d ’une surréalité artificielle dont elle s’amusait du talent et de la fantaisie
des malicieux et inconnus auteurs tout en les accusant des plus noirs desseins. Il
s’agissait d’abord d ’un complot, puis ce complot a dégénéré en une sorte d ’entre­
prise burlesque de démolition de la réalité. Irritable, joviale, excitée, elle garda jusqu’à
la fin de son existence, à 70 ans, un grand sens de l’humour et des capacités intellec­
tuelles et culturelles de bon niveau. Elle paraissait par son délire d ’omnipotence assu­
mer un rôle de puissance virile qui exerçait son souverain pouvoir sur les choses et
les autres. Laborieuse, au fait de tous les événements de l’univers asilaire, elle vivait
isolée de tous par la barrière d’un délire qui la retranchait d ’une réalité viciée par
les autres et accessible pour elle seulement au second degré, celui d ’une interprétation
constante qui falsifiait toute réalité. Toutes ses perceptions étaient vécues comme
fausses, dans une sorte d'Hallucination à l’envers ; elle ne percevait que de faux objets
mais les percevait comme réellement faux.

M arie B. I... — Fille de petits bourgeois parisiens, elle s’est mariée à l’âge
de 30 ans. Elle ne tarda pas à présenter un délire très actif de persécution avec Hallu­
cinations multisensorielles, expériences délirantes vives et répétées. Dès cette
première effervescence délirante le mari se transforma en persécuteur, et le délire
essentiellement hallucinatoire avec recrudescences oniriques nocturnes d ’abord devint
assez rapidement fabulatoire. Une série de scènes et de faux souvenirs se substitua
à la trame de l’existence réelle par l’effet d ’une fabulation rapide puis stéréotypée.
C’est ainsi que les événements du mariage furent recouverts par une suite abraca­
dabrante d ’aventures burlesques et rocambolesques. Elle se disait informée (infor­
mations à caractère le plus souvent hallucinatoire acoustico-verbal et psychique)
qu’elle était l’épouse d ’Hitler, puis plus tard de Staline. Après une longue phase
(dix ans) de ce délire hallucinatoire assez bien systématisé, elle devint tout à fait
autistique et incohérente. De plus en plus désordonnée dans son comportement,
770 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

inadaptée à la moindre vie sociale, elle ne vit depuis vingt-cinq ans que dans et par
les scènes stéréotypées de sa pauvre existence. Elle s’y réfère sans cesse, ajoutant
seulement quelques détails à l’imbroglio dont elle défend avec conviction et véhémence
la véracité. L ’ensemble a subi une transformation de plus en plus mégalomaniaque,
les héros de son monde s’étant divinisés et sa malheureuse existence de recluse aban­
donnée par tous les siens est vécue actuellement (trente-cinq ans après son internement
et sa métamorphose délirante) comme une merveilleuse aventure qui se situe hors
du temps, de l’espace et de l’histoire, dans la dimension proprement fantastique d’un
monde cependant étroitement circonscrit à quelques faux souvenirs anecdotiques,
comme des images d ’Épinal. Sa personne a véritablement subi une transformation radi­
calement autistique. Somme toute, elle a parcouru très rapidement toutes les étapes
du fameux « délire chronique » des auteurs classiques, et elle est parvenue en brûlant
ces étapes à la phase de mégalomanie et de « démence vésanique ». Encore faut-il
ajouter que l’affaiblissement, la « Verblödung », n ’est, au terme actuel de l’évolution,
que relativement peu marqué.

M arie-Anne B. Z... — Née en 1884, en Bretagne. Elle y vécut jusqu’à 18 ans,


après une scolarité médiocre. De caractère très enjoué, très gaie, très sociable, cette
petite bonne bretonne eut la chance d’être prise en affection par une famille égyp­
tienne qui la prit comme « dame de compagnie ». Elle fit en Égypte la connaissance
d ’un petit commerçant qui fut pendant plusieurs années son amant. Us se marièrent.
Elle fit plusieurs fausses-couches. C ’est pendant ce séjour en Égypte, à l ’âge de 28 ans,
qu’elle commença à délirer. Elle présentait des idées de persécution et de jalousie ;
elle avait un langage incohérent, une conduite peu sociable (attitude de rêverie, semi-
mutisme). Elle se croyait très riche, pensait que les commerçants lui prenaient
l’empreinte de ses doigts. Mais pendant des années, elle vécut dans son foyer librement
et sans incidents. Peu avant la guerre de 1914, elle rentra en France pour vivre dans
sa famille dans la Région parisienne. Le délire ne subit aucune rémission et la tolé­
rance du milieu familial lui permit de vivre à peu près normalement jusqu’en 1926.
Il s’agit d’un cas, à cet égard, très remarquable d ’une Psychose délirante ayant évolué
malgré une activité hallucinatoire « fantastique » pendant près de vingt ans, hors
d ’un milieu ou de toute influence psychiatrique. Elle fut d ’abord placée dans une bonne
Maison de Santé de la Région parisienne, au Château d ’Orly, puis transférée à Bonne-
val 7 ans après. Je la connus donc alors qu’elle délirait depuis plus de vingt ans et
qu’elle était âgée de 49 ans.
Pendant 20 ans, elle n ’a cessé de rester confinée, n ’établissant qu’un minimum
de contact avec l ’entourage. Elle s’occupait cependant un peu, mais rien ne l ’intéres­
sait que son monde délirant. Les thèmes initiaux de jalousie et de persécution qui
transparaissaient au travers des propos rares de ses dialogues hallucinatoires se trans­
formèrent en mégalomanie fantastique. Ce délire déjà très systématisé dès le début
de notre observation l’est resté jusqu’à la fin. Il s’exprimait surtout par ses écrits
plus incohérents que son discours. Princesse de Haute-Égypte, elle refuse sa véritable
identité et même de signer de son nom : elle reniait vraiment le Nom de son Père. Elle
se croyait danseuse et mère de plusieurs milliers d’enfants. Tous les jours elle attendait
l’arrivée — en Beauce — d ’un navire qui devait venir la chercher pour la ramener
dans son château où il y a plus de 200 pièces — Les « Égyptiens » sont constamment
auprès d ’elle; elle « décamoufle » leurs visages. Ils se tiennent généralement au plafond
ou derrière elle. La nuit, ils la battent; ils chauffent le matelas. Parfois, ils sont sur
ses doigts. Il leur arrive d ’être jusqu’à douze sur elle. Pendant longtemps, ils la forçaient
Q U IN ZE P E RSO N N AG ES D É L IR A N T S 771

à penser et à parler, mais maintenant ils embrouillent tout. Elle a accouché de


50 enfants. Tous ces événements se réfèrent à une vie autistique qui est particulière­
ment active pendant la nuit. L ’énoncé même du Délire constitue une référence per­
pétuelle à une connaissance hallucinatoire de ce monde fantastique, le seul qu’elle
reconnaisse vrai face à celui où elle vit dans l’attente de la Nef... Une hémorragie
cérébrale mit fin à ce tragique espoir le 31 mai 1954.

M arie T. L... — Née en 1901, maîtresse-servante d’un petit bourgeois qui l’épousa
après quelques années de concubinage, Madeleine présenta à l ’âge de 34 ans un
délire (en 1935) de persécution et d ’influence à thèmes mystiques et érotiques (expé­
riences délirantes oniroïdes avec excitation psychique). Pendant plusieurs années
ce délire correspondit à la description classique française de « la psychose hal­
lucinatoire chronique » avec syndrome d ’automatisme mental très riche (dialogues
hallucinatoires constants, voix, transmission de pensée). Mais vers 1942 le délire
subit une véritable métamorphose fantastique, manifeste dans sa conduite et son
accoutrement (maintenant ce n ’est plus moi qui suis hypnotisée, c’est moi qui
hypnotise). Ses excentricités d ’attitude et de langage révélaient sa mutation mégalo-
maniaque. Princesse du Sahara et impératrice de Thénanie, elle traitait avec hauteur
et dédain tout le personnel de la Clinique qui devait être à ses pieds. Le délire de toute-
puissance phallique et d ’hermaphrodisme lui conférait une identité multiple (je suis
dame-jeune fille, monsieur et bébé. J ’ai l’âge d’un homme de quarante ans. Je suis
une banque et à la tête d ’une banque il y a un homme. Mes organes sont des deux
côtés par transformation automatique en homme et femme). A ces fantasmes de trans­
formation sexuelle s’ajoutait celui du merveilleux corporel (Je suis un fœtus qui
n ’est pas né, un fœtus chez une mère. Moi mon corps d ’homme est chez ma mère. Je ne
suis pas née complètement. Je suis des morceaux). Elle partit un soir d ’hiver, en 1958,
où il gelait à — 20°. Pendant longtemps il fut impossible de la retrouver et on la
crut morte. Nous apprîmes qu’elle avait été internée dans un hôpital psychiatrique
de la région parisienne quelques jours après sa fugue. Depuis lors le délire fantas­
tique n ’a pas cessé mais ne s’est pas enrichi. Par contre, elle est capable d ’une assez
bonne adaptation à la vie sociale du service où elle est encore hospitalisée.

*
* *

C ’est donc en ne cessant de tenir sous notre regard cette « galerie des
tableaux cliniques » que nous allons faire une sorte d ’exposé, ou plutôt, de
« survol » des structures délirantes qui form ent les trois grandes espèces du
genre Délire chronique, pour tâcher d ’en dégager la physionomie et l’évolution
hallucinatoires.
Nous disons bien trois et non pas quatre (chiffre correspondant aux quatre
phases du fameux Délire chronique), car les « espèces intermédiaires » dont tous
les auteurs français et allemands qui se sont appliqués à l ’étude approfondie
de ce problème ont senti la nécessité constituent une masse qui, malgré sa
relative hétérogénéité, peut se contracter en une seule espèce. D ans la mesure
où, tirant la leçon de ce que nous avons établi plus haut sur la nécessité de
substituer un point de vue dynamique aux points de vue statiques traditionnels
et classiques, nous entendons pour examiner le problème de la structure hal-
772 P SYC H O SE S CH RO NIQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

lucinatoire des délires chroniques les classer -selon leur mouvement évolutif
(dont l ’Hallucination est pour ainsi dire l ’index), c’est bien trois grandes caté­
gories de Délires chroniques que nous devons décrire et non pas une (comme
font tan t de paresseux Psychiatres amateurs de simplification) et non pas cinq
ou six ou plus (comme font tant de Psychiatres trop amateurs de la multiplicité
des formes cliniques).

Phases du Délire chronique Espèces de Délire chronique

1. Interprétations. 1. Paranoïa (Délire d ’interprétation).


Hallucinations de l’ouïe.
Hallucinations de la sensibilité générale.

2. Mégalomanie. 2. Paraphrénie systématique (Psychoses


Hallucinations de l’ouïe. hallucinatoires chroniques).
Fabulations. Paraphrénie fantastique ( Délires
d'imagination ).

3. Démence vésanique. Schizophrénies (Délire paranoïde de


l’ancienne D. P.).

Nous allons donc examiner successivement le groupe des Schizophrénies —


le groupe de la Paranoïa et le groupe des Paraphrénies (1). E t pour chacune
de ces espèces de Délire chronique, nous préciserons sa définition (et l’histo­
rique des concepts qui l ’ont fixée), sa séméiologie, son évolution, sa nosogra­
phie et la dialectique de sa production dans leurs rapports avec l’activité
hallucinatoire.
— Mais bien sûr, nous allons le voir, les espèces de Délire ne nous appa­
raîtront pas comme des formes fixes « mécaniques » ou « endogènes » mais
plutôt comme des modalités du mouvement qui substitue ce Désir dont la
« Fantastique » fait des mots et des choses à la Réalité dont la « Logique »
place les choses dans la syntaxe des mots. Telle est, en effet, la leçon des choses
et des m ots ou l ’histoire naturelle de l ’aliénation spécifiquement, individuel­
lement et non génériquement humaine que nous ont enseignée la confidence
et la coexistence des Délirants que nous avons assez longuement fréquentés

(1) Il nous est souvent arrivé de préférer à Paranoïa le terme de Délire systématisé,
et à celui de Paraphrénie celui de Délire fantastique. Mais toute la Psychiatrie doit
tan t à la nosographie kraepelienne qu ’il nous paraît juste — même si nous n ’acceptons
pas les entités rigides que le grand Psychiatre allemand entendait décrire — de repren­
dre les mots et les intuitions mêmes qui ont permis à K raepelin de mettre de Vordre
dans le cadre des Délires chroniques et qui peuvent nous permettre d ’y ajouter main­
tenant un sens.
Q U IN Z E PER SO N N A G E S D É LIR A N TS 773

pour que leur « Histoire », ou plutôt le drame de leur « non-historicité » nous


interdise de les considérer comme des pantins ou des automates en leur consen­
tant un reste dérisoire d ’humanité. Reste conceptualisé comme « machine
désirante » au terme d ’un mouvement qui de G. de Clérambault jusqu’à
G. Deleuze passe par J. Lacan.
Ce n ’est pas parce que nous entendons maintenir l ’ordre d ’une nosographie
indispensable que nous céderons à la tentation de chosifier des abstractions
ou de réduire à des mots !es espèces de la « maladie délirante ». Pour nous,
c ’est Yarbre — pour autant qu’il n ’est pas justem ent une machine pour être
désirant — et non pas un fond mécanique qui est le modèle auquel nous nous
référons dans l ’Histoire naturelle des Délires.
774 P SY C H O SE S C H RO NIQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

G R O U P E D E S S C H IZ O P H R É N IE S

Héritier prolifique de la Démence précoce, le groupe des Schizophrénies est


non pas un vague concept m ais une espèce des maladies mentales caractérisée
p ar un processus de dissociation de la personnalité qui, rom pant ses liens avec
la réalité, se constitue en forme délirante, ou plus exactement, autistique de
l ’existence.

1° D é fin itio n . —■ Cette définition implique, pour nous, quatre carac­


tères fondamentaux : 1°) la Schizophrénie est essentiellement un Délire en
tan t q u ’elle est régression psychotique de l ’existence vers le monde des fantas­
mes; — 2°) le délire manifeste un processus de désorganisation de la per­
sonnalité; — 3°) le délire substitue au monde réel un monde autistique; — 4°)
l’évolution de la Schizophrénie se fait généralement vers un déficit caracté­
ristique de la vie psychique.

2° S é m é io lo g ie . — La Schizophrénie est un processus qui se manifeste


sur le plan clinique et selon Bleuler p ar des signes primaires (ou négatifs)
qui constituent le syndrome de dissociation psychique ou de rupture des
relations avec la réalité et p ar des signes secondaires (qui occupent, dit Bleu­
ler, le premier plan du tableau clinique) dont l’autisme avec ses idées délirantes
et ses Hallucinations. Cette double et complémentaire structure négative et
positive de la Psychose schizophrénique se manifeste en clinique p ar le délire
autistique qui fait de la Schizophrénie la maladie délirante par excellence.
Ce délire est essentiellement hallucinatoire (1) en ce sens que le processus
schizophrénique est vécu et exprimé sous forme de distorsion radicale de la
vie psychique de relation, d ’une expérience d ’altérité, d ’objectivation xéno-
pathique, de dédoublement, d ’étrangeté ou d ’événements insolites dont la
thématique (influence, m étamorphose télépathie, spiritisme, cohabitation
sexuelle) comme la forme structurale (phénomènes irruptifs, discontinus,
automatiques) constituent les caractéristiques du monde autistique, impé-

(1) Certains auteurs disent assez facilement que l ’Hallucination (particulièrement


verbale) est essentiellement schizophrénique... Il est en tout cas certain que les phé­
nomènes hallucinatoires se rencontrent en clinique psychiatrique avec une grande
fréquence chez les Schizophrènes. Ainsi J. H. H i l l (J. o f nervous and ment. Diseases,
1936,83, p. 405-421) estimait que 48 % des Hallucinés sont des schizophrènes. Mais
on peut dire que sauf pour les « formes simples » et surtout pour les « formes florides »,
les phénomènes hallucinatoires (notamment toutes les variétés d ’Hallucinations
délirantes) font partie du tableau clinique du « groupe des Schizophrénies ».
SC H IZO P H R É N IES 775

nétrable, énigmatique, de ses phantasmes. L ’ « extraversion » de l ’Inconscient


est la loi même de l’organisation de la personnalité du schizophrène et fait
de lui la proie de cet « Autre » qui se révèle par les actions, les combinaisons
ou des conjugaisons de forces ou d ’événements qui se déroulent à l ’intérieur
du Sujet ou qui, venus du monde extérieur, le visent en resserrant un cercle
d ’irréalité terrifiante ou cocasse mais toujours singulière, p ar quoi se carac­
térise 1’ « Eigenwelt » schizophrénique, cet univers concentrationnaire de la
solitude.
De telle sorte que tous ou presque tous les auteurs qui se sont attachés
à définir un certain nom bre de caractères généraux de la personne et du monde
schizophréniques, depuis les premières observations de Kraepelin (1) ou celles
de Bleuler (2) jusqu’à celles de H. S. Sullivan, de L. Binswanger ou de J. Wyrsch,
ont noté le mélange inextricable d ’idées délirantes et d ’Hallucinations. Soit que
ces perceptions délirantes (3) entraînent une conviction absolue dans une réalité
pour ainsi dire plus réelle que la réalité commune, soit q u ’au contraire elles
soient dotées d ’un coefficient propre d ’artificialité ou de passivité (dans 24 %
des cas notent par exemple A. Frieske et W. P. Wilson, 1966), comme si elles
entrouvraient un autre monde, le monde d ’une étrangeté si singulière, q u ’elle
ne se confond, ni avec la réalité, ni avec l ’imaginaire (K. Zucker, 1928). — U n
second caractère général des Hallucinations schizophréniques est leur caractère
verbal fantastique tel q u ’il s’exprime dans les énoncés abstraits et parfois incohé­
rents d ’un langage qui n ’en formule le sens que pour l ’ensevelir dans le laby­
rinthe d ’un discours incompréhensible et parfois néologique. — U n troisième
caractère général sur lequel Bleuler et tous les Psychanalystes ont insisté, c ’est
leur symbolisme sexuel qui se présente en effet dans le délire et les Hallucina­
tions des schizophrènes avec une sorte d ’évidence stupéfiante. — Tous les
auteurs insistent aussi depuis Kraepelin sur le fait que, généralement, toutes
ces idées délirantes et ces Hallucinations se présentent dans un Cham p de
conscience qui étonne par sa lucidité (4), ou parfois, son extralucidité. G. Bene-

(1) K raepelin , 1913, tome III, p. 670-684 et p. 833-853.


(2) Bleuler , p. 78-95 et p. 316-356.
(3) E ysenk et ses collaborateurs, et des auteurs comme M onteverde et
A. M arino (1968), ont fait des études sur la perception chez les schizophrènes qui
perm ettent de mettre en évidence ce trouble de l’audition (Pour les rapports avec la
surdité, cf. J. D. R ainer et coll. in K eu p , 1969, et K. Z. A ltshuler , 1971). Pour
P. M atussek , par contre et la plupart des auteurs, il n ’existe pas chez les schizo­
phrènes d ’altération des fonctions perceptives basales. Rappelons que M. A. C or -
ven (in K eup , 1969) a tenté de mettre en évidence, par l’étude des courants transcé­
phaliques directs, des troubles neuro-chimiques cérébraux qui seraient en rapport
avec certains états hallucinatoires des schizophrènes.
(4) Ce fait clinique, qui n ’est d ’ailleurs pas constant, est à la racine de l ’erreur
qui fait dire qu’il n ’y a pas de troubles de la Conscience dans les délires hallucinatoires
schizophréniques. Cela n ’est vrai qu’en partie. Les symptômes de déstructuration
du Champ de la conscience (cf. à ce sujet l’étude de K. L eonhard , 1964 ou celle de
Ey . — Traité des Hallucinations. il. 26
776 P SYC H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

detti (1955) a fait une étude très approfondie des relations de l ’Hallucination
des schizophrènes avec leur « état de Conscience » et nous pouvons en quelques
mots résumer la longue et pénétrante analyse du cas relaté par G. Benedetti.
Son observation, comme sa psychothérapie, m ontrent en effet que le trouble
de la Conscience dans la schizophrénie se situe à un autre niveau que celui qui
caractérise ce que nous appelons la déstructuration du Champ de la conscience.
C ’est-à-dire q u ’il consiste essentiellement en une rupture de la communication
au niveau de la désorganisation de l ’être conscient (aliénation de la personne).
La voix accusatrice est le porte-parole de l ’Autre que le Moi entend en n ’enten­
dant pas être ce qu’il a à être. De sorte que c ’est à un deuxième degré encore
un trouble de l ’être conscient; sans détriment en effet des troubles de la
Conscience que l ’on observe aussi et fréquemment au niveau de la déstructu­
ration de la Conscience, comme y avait insisté Berze. La désorganisation de
l’être conscient apparaît encore comme le fondement de « l’état hallucinatoire »
schizophrénique, ou, si l ’on préfère, la « manière-de-ne-pas-être-au-monde » du
schizophrène. — Enfin, nulle part peut-être ailleurs que dans les manifestations
de l ’autisme schizophrénique les Hallucinations ne sont aussi foncièrement
ambivalentes en ce qui concerne le lieu où se déroulent les événements vus,
entendus ou sentis; ce lieu étant pour ainsi dire tout à la fois extérieur dans le
monde des objets et intérieur dans la propre pensée et le corps du Sujet. —
Même si elles sont parfois « greffées » (Hallucinations réflexes) sur des bruits
extérieurs (O. P. Vitrogradova, 1969), les « voix » des schizophrènes sont des
apparitions ou des voix d ’un autre monde. Les expériences déjà anciennes (1928)
de K. Zucker (1) sont, à cet égard, fort intéressantes. Tandis que chez les sujets
en état d ’expérience hallucinatoire aiguë il y a une sorte de confusion entre per­
ceptions vraies et fausses, le schizophrène distingue parfaitem ent tous les bruits,
odeurs, courants électriques, etc., artificiellement produits de ses voix, de ses
impressions nauséabondes, de ses fluides... Il y a là une indication très intéres­
sante vis-à-vis du problème du diagnostic entre les Hallucinations des Schizo­
phrènes et celles des Délirants aigus (Rappelons les analyses de J. Wyrsch (1937
et 1939) à ce sujet; nous y reviendrons plus loin en exposant sur le même sujet
le travail de J. Glatzel, 1971). Récemment aussi, M. Alpert et K. N. Silvers(1970)
sont revenus sur ce problème du diagnostic particulièrement im portant, en
com parant ce qui se passe chez 35 alcooliques et chez 40 schizophrènes. Ils ont
mis en évidence la fréquence plus grande des Hallucinations acoustico-verbales
chez les schizophrènes, fait bien connu, mais aussi sur le fait q u ’elles se pro­
duisent plus facilement dans la solitude.
Pour ce qui est des diverses variétés de troubles psycho-sensoriels (Sinn­
wahrnehmungen, Sinnestäuschungen) ou des diverses Hallucinations ou Pseudo-

E. Vercellino, 1966, etc.) ne se rencontrent pas seulement dans les phases aiguës
ou processuelles, mais ils se manifestent aussi au fur et à mesure que s’accentue
le « déficit » schizophrénique (J. Berze).
(1) K. Z ucker. Archiv für Psychiatrie, 1928, 83, 706-754.
SC H IZO P H R É N IE S 777

hallucinations, ce sont les Hallucinations de l ’ouïe et les Hallucinations de la


sensibilité générale (Kraepelin, Bleuler) qui sont de beaucoup les plus fréquentes.
Ce fait a été confirmé p ar les études psychanalytiques ou psychiatriques contem­
poraines (Freud, Jung, V. Tausk, S. Federn, H. S. Sullivan, L. Binswanger,
K. Conrad, S. Lebovici, S. N acht et P. C. Racamier, M. A. Sechehaye, etc.)
qui ont tellement approfondi l ’étude des perturbations de la Communication
chez les Schizophrènes, soit en recourant à la minutieuse analyse des rapports
du symbolique et de l ’imaginaire dans le discours schizophrénique ou aux
interférences et surimpressions de la chaîne des signifiants avec le manque,
le désir ou la demande (J. Lacan, S. Leclaire, G. Rosolato, etc.) ; soit, avec
Heidegger, R. Laing, à la division du Moi, son clivage, sa fente, son décolle­
ment, toutes métaphores que l ’existence du Schizophrène « hypostasie »
(seule « réalisation » qui le satisfasse).

L e s H a llu c in a tio n s a c o u s tic o -v e r b a le s . — Toutes les formes du dia­


logue et de l ’écho impliquées dans le langage s’actualisent là, soit sous forme
d ’Hallucinations sensorielles (voix sonores, parfois tonitruantes, explosives) ou
d ’Hallucinations psychiques : transmission de pensées, dédoublement de la pen­
sée, syndrome d ’automatisme mental avec ses traits ici particulièrement caracté­
ristiques d ’écho de la pensée ( Doppelsprache), de vol de la pensée ( Gedankent-
zug), etc. Parfois l ’activité hallucinatoire est exclusivement acoustico-verbale
(B. Jansson, 1968, parle alors d ’Halluzinose auditive), et son caractère de phé­
nomène isolé, étonnant et détonant, serait même pour G. Sedman (1964) un signe
spécifique de schizophrénie. Ces symptômes hallucinatoires et délirants se combi­
nent plus généralement dans le contexte d ’un délire d ’influence, de viol et d ’intru­
sion, etc. A. D. Miller et coll. (1965) ont insisté, tout comme tan t d ’autres
auteurs, sur l’intrication des Hallucinations auditives chez les schizophrènes
avec les troubles de la pensée et du langage qui, effectivement, sont beaucoup
moins manifestes chez les schizophrènes non hallucinés. C ’est précisément
dans la totalité de l’événement délirant, celui d ’une influence étrangère, c’est-
à-dire dans les thèmes du délire qui expriment l ’asservissement, l ’avilissement,
l'anéantissement, la possession du Sujet par l’autre ou les autres, que le syn­
drome d ’automatisme mental à base d ’Hallucinations psychiques (c’est-à-dire
dans sa forme la plus subtile comme disait G. de Clérambault) apparaît
comme la forme la plus typiquement schizophrénique. Tous les phéno­
mènes qui le composent sont éprouvés et exprimés dans un style de lan­
gage et de pensée quï annonce ou indexe la dissociation schizophrénique
(troubles du cours de la pensée, irruption idéique, abstractionnisme, disconti­
nuité, barrages, dérivations prolixes, fond d ’incompréhensibilité et d ’incohé­
rence, défaut ou brouillage des « shifters », selon les linguistes). A cet égard,
la composante motrice de la perception hallucinatoire du langage est parti­
culièrement remarquable. D. Shakow (1966) a, à l’aide du « verbal som m ator »
de Skinner, montré l ’intérêt de l ’investigation tautophonique qui met en évi­
dence les troubles du langage intérieur (undersianning et everararticulating).
Et c’est en effet dans ces délires d ’influence les plus nettement schizophréniques
778 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

que l ’on rencontre le plus nettement les Hallucinations et Pseudo-hallucinations


psycho-motrices, les voix entendues et parlées dans les mouvements de la langue,
du larynx, du diaphragme. Cette désintégration psychomotrice du langage
intérieur, cette qualité hallucinatoire des images kinesthésiques verbales sur
lesquelles Séglas avait tan t insisté, se rem arquent bien plus encore dans l’évo­
lution de la maladie dans ses phases terminales. Elle a en tout cas retenu
l’attention des auteurs encore récemment, et nous avons déjà cité les travaux
de L. M. Gould (1948 et 1950) et T. H. Spoerri (1966), de Cerny et Horval (1968)
T. Tnouyé (1970) sur la doublure psychomotrice dans l’Hallucination acoustico-
verbale.
Ces Hallucinations verbales, parfois tonitruantes, parfois au contraire
murmurantes et même « muettes », peuvent être terriblement significatives
(menaces de mort, accusations, insinuations, injures, calomnies, propositions
amoureuses, propos obscènes, communications surnaturelles, transmission
de messages ou d ’ordres par des machines, etc.) ; d ’autres fois elles sont
incompréhensibles (dévidement de phrases absurdes, mots jaculatoires, fortuits
ou néologiques). Parfois les malades tout en énonçant eux-mêmes les énoncés
hallucinatoires les plus chargés de sens déclarent q u ’ils n ’y comprennent rien,
car telle est bien la loi générale de l ’Hallucination q u ’elle est la voix d ’un
Inconscient récusé. Un schizophrène nous disait q u ’il entendait dire « On
lui coupera la braguette » et q u ’il ne comprenait pas ce que ça voulait dire.
Une autre de nos schizophrènes entendait parler toute la journée « Tu es
laide, tu es sale, tu sens mauvais » ; au lieu de comprendre q u ’elle était ainsi
honteusement visée, elle déclarait que c ’était un fou qui était obligé de clamer
ces « insanités incompréhensibles »... N ous avons déjà noté l ’importance attri­
buée par les auteurs de langue allemande (notamment J. Wyrsch (1) et
E. Straus (2)) sur le fait que les Hallucinations verbales les plus typiquement
schizophréniques sont en relation directe avec le Sujet (s’adressant à lui,
étant pour ainsi dire embrayées sur sa propre pensée) au point que, comme
le dit E. Straus, elles constituent un sixième sens, comme une oreille ouverte
sur un au-delà de fantastique. Par contre, il arrive que dans les phases ambiguës
et souvent initiales de la maladie, les voix parlent pour ainsi dire entre elles,
comme si le Sujet était seulement le téléauditeur d ’une conversation q u ’il
surprendrait comme elle le surprend. Naturellement, cette ouverture de la
pensée du Sujet sur le langage des autres — qui peut aller jusqu’à la substitution
totale du discours de l ’autre, à la pensée propre — est si intimement prise dans
le trouble même de la pensée schizophrénique, que c ’est le langage symbolique
et autistique du délire que tiennent les voix comme pour consacrer dans leur
discours ce que le Sujet pense sans vouloir ou pouvoir le dire. Tel est ce point
d ’orgue de l ’aliénation que constitue ici dans toute sa pureté l ’Hallucination
auditivo-verbale du schizophrène. E. Straus fait encore remarquer à ce sujet que.

(1) J. W yrsch, La personne du schizophrène, trad. fr., 1956, p. 25-30 et p. 34-36


(2) E. Straus, Phenomenology of the Hallucinations, in W est, 1962, p. 227-231.
SC H IZO P H R É N IE S 779

ces voix sont généralement peu localisées ou localisables, que, somme toute, elles
n'appartiennent pas au monde de la réalité, q u ’elles ne sont au fond les voix
de personne, comme si le schizophrène pouvait par son ambivalence et dans
son autisme tout à la fois s’entendre lui-même parler avec la conviction abso­
lue que le « je », ni les deux autres personnes (le toi et le il) du discours
n'existent plus.

Les Hallucinations corporelles (ou dites encore de la sensibilité géné­


rale ou cénesthésique) constituent, comme nous l’avons vu, l ’aspect posi­
tif du syndrome de dépersonnalisation. De telle sorte que le processus schizo­
phrénique qui est une aliénation de la personne engendre, tout aussi natu­
rellement et communément que les Hallucinations de l ’ouïe, de constants et
nombreux troubles hallucinatoires de la perception du corps. Et là encore, illu­
sions, interprétations, Hallucinations, Pseudo-hallucinations forment un amal­
game de fantastique à peu près indissociable dans et p ar leur énoncé. Le travail
métaphorique de la « métamorphose » ou de la « régression » psychotique
transforme le corps en lieu analogique où se jouent les scènes, les drames
ou les fantaisies des phantasmes du corps morcelé, de la castration ou du chan­
gement de sexe. Le délire hypocondriaque, les sentiments de changement, de
ride, d ’étrangeté, les illusions de mutilation, d ’empoisonnement, de décompo­
sition, de possession érotique ou diabolique, d ’expériences maléfiques, magné­
tiques, sado-masochistes, etc., multiplient à l ’infini l’angoisse somatique du
schizophrène qui désintègre dans son délire son corps comme sa propre pensée.
Ces symptômes sont parfois si im portants que l ’on a décrit une form e cénesthé­
sique de la Schizophrénie (G. Hüber, 1957) qui a fait l ’objet d ’un travail récent
de W. Thiele, 1971 (1).
Le corps des Schizophrènes en tant q u ’habitacle indésirable d ’une existence
non tolérée est un corps en état de décomposition m étaphorique, ou ce qui
revient au même, de régression phantasmatique. D ’où l ’importance du vécu
de dépersonnalisation et des thèmes somatiques de morcellement. La déper­
sonnalisation se rencontre dans 25 à 35 % des cas selon Bleuler, Benedetti,
W. Mayer-Gross, Slater, G. Sedman et M. Rizzo et coll. (1969) ; elle a paru
beaucoup plus fréquente encore à W. Klages, J. E. Meyer, etc. D ’apiès M. Rizzo
et coll-, les dépersonnalisés présentent deux fois plus d ’Hallucinations corpo­
relles que ceux qui ne le sont pas...
Nous pouvons, bien sûr, renvoyer ici à ce que nous avons déjà décrit à
propos des Hallucinations corporelles et de leur richesse d ’expression insolite
et surréaliste qui entrent dans leur vécu. Et nous avons vu à propos de la
mescaline, du haschich et du L. S. D. quels accents poétiques certains artistes
savent tirer de l ’expérience de ces drogues. Mais il nous faut bien préciser ici
que le Schizophrène est souvent sur ce point miraculeusement et spécifiquement

(1) W. T hiele, « Ueber das Wesen der Leibgefühlstörungen bei des Schizophrenien».
Fortschr. N. Psychiatrie, 1971, 39, 279-287, travail d’inspiration très voisine du point
de vue neurobiologique de P. G uiraud sur l’athymhormie.
780 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

inspiré. C ’est que la désintégration de l ’espace vécu, en substituant à l ’espace


clair l ’espace noir (E. Minkowski) fait lever, comme dans la nuit mystique du
sens ou au cours des expériences d ’isolement sensoriel, une nuée d ’imaginaire
dans lequel le corps se dissout comme pour retrouver les délices ou les affres
des premières expériences qui l ’ont constitué. D ’où cet extraordinaire mélange
de lyrisme et d ’abstraction qui confère aux délires somatiques, aux Hallucina­
tions corporelles, aux expériences de dépersonnalisation du schizophrène, ces
accents esthétiques et métaphysiques.
Rappelons les thèmes décrits par Balvet (1936) : irradiation du sentiment de
dépersonnalisation aux objets extérieurs, perte de l ’élan personnel (Je suis un
m ort qui remue), perte de la matérialité du corps (Je passe comme une ombre),
sentiment d ’ubiquité et de limite du corps (Je suis loin de moi..., hors de mon
corps). Le schizophrène ne cesse en effet d ’éprouver des sentiments de trans­
form ation de son être. « Je me sens drôle... M on corps est en train de se
dissoudre... Je sens mes os trop légers... Mes intestins sont trop courts... M on
cœur se déplace... C ’est de l’air qui circule dans mon cerveau... Je suis une
feuille morte... Je deviens comme une spirale de fumée... », etc. On saisit ici
dans ces expériences de plus en plus m étaphoriques le caractère essentiel de
leurs « vécus » : ils ont un accent d ’étrangeté fantastique. Aussi, la plupart du
temps la transform ation somatique et les sensations de bouleversement de
l ’espace corporel (« Mon bras se dédouble »... « M on pied passe par-dessus ma
tête »... « Mes membres s’enroulent autour de m on cou »... « Mes jam bes enva­
hissent mon buste »...) sont-elles exprimées dans un délire de métamorphose
corporelle qui tente, sans y parvenir, de rendre intelligible le vécu ineffable de
l ’état délirant. L ’irradiation des sentiments de dépersonnalisation les étend au
monde des objets (déréalisation, sentiments d ’étrangeté de l’ambiance) et
enrichit ainsi l ’expérience de dépersonnalisation d ’une m ultitude de télescopages
et de fusions des schémas temporo-spatiaux, des perceptions du monde exté­
rieur. « Le m onde semble avoir perdu sa masse... Je passe comme une ombre
dans un monde d ’apparences simples de fantômes... Il n ’y a plus de lieu, c ’est
l ’ubiquité... Le corps n ’est plus formé, il est sans dehors ni dedans... Je suis
loin de moi-même, en dehors de mon corps ». Toutes ces impressions et illu­
sions se condensent dans le thème de transformation du vivant en objet inanimé
(« Une partie du corps est en fer, une autre est épaisse comme un mur...
M on crâne s’illumine comme une lampe »), ou dans celui de perte de la
substance corporelle (cc M a digestion est deux ou trois cents fois trop visible...
La matière est à jour... M on corps est diaphane et exsangue, l’eau et la matière
passent à travers »), ou encore, dans le thème de la dislocation et de morcel­
lement du corps (« M on corps n ’est q u ’une douleur... Mon cerveau se vide
à mesure que m on cœur se remplit de matières fécales... Je me fais l’effet
d ’avoir une tête comme si la bouche était dans le ventre et mes dents dans
les fesses »). Enfin, le fantastique peut au-delà de toute thématique diluer dans
l’abstraction même, la richesse inexprimable de l ’étrangeté vécue comme dans
des propos de ce genre : « C ’est effrayant d ’avoir des ossatures qui font des
voyages... La voix exorbitée sur le verre est à la merci du courant... J ’ai toute
SC H IZO P H R É N IES 781

une caroncule et mes fibres je ne sais pas où ». Si nous insistons sur cette
surcharge de fantastique verbal, c ’est q u ’elle fait partie de l ’expérience sensible
elle-même pour autant que celle-ci est plus infiltrée d ’abstrait que de vividité
sensorielle. Sans doute verrons-nous ailleurs (à propos des paraphrénies) le
fantastique idéo-verbal déborder encore plus largement le cadre de la déper­
sonnalisation immédiatement vécue. Les phénomènes de dépersonnalisation
chez les schizophrènes ont toujours ce halo imaginaire baroque qui les pro­
longe ou les dissout dans des illusions d ’identification (fausses reconnaissances,
sosies, transitivisme) ou de fusions « mystiques » avec la nature (délire cosmo­
logique, panthéistique, etc.) (1).
Cette profonde ambiguïté de l ’expérience schizophrénique, tout à la fois
« sensible » et « imaginaire », a suscité d ’innombrables travaux sur les rapports
de ce « rêve » avec son support sensoriel (« cénesthésie » ou « schéma cor­
porel »). Nous pouvons rappeler ici à titre de référence et de documentation
quelques travaux qui ont repris au cours de ces dernières années le problème
du « vécu » somatique de la dépersonnalisation, des distorsions cénesto-
pathiques ou somatognosiques des schizophrènes (G. E. Harris, 1962 ;
H. P. Remenschik et U. H. Talso, 1963 ; C. Gentili et coll., 1965 ; S. Follin,
1965 ; J. Eicke, 1965 ; A. Saavedia, 1965 ; C. Zanocco et G. P. Guéraldi,
1966 ; A. K. Aufriev, 1969 ; G. Bogliolo et coll. 1969 ; A. Rizzo et
coll. 1969 ; etc.). 11 nous suffit ici de noter que, cliniquement la déper­
sonnalisation chez les schizophrènes est le vécu d ’un processus morbide du
malade qui tend vers le délire ; en devenant persécuté, halluciné, négateur,
le schizophrène retrouve une pseudo-réalité, une pseudo-personnalité « dans
la mesure où le monde imaginaire remplace et joue le rôle du monde
réel » (Follin, 1950). De telle sorte que l’expérience de dépersonnalisation ne
peut être interprétée chez ce genre de malade, selon nous, que comme la
manifestation d ’une déstructuration de la Conscience et notam m ent de la struc­
ture de l ’espace vécu de la représentation des images (Henri Ey, 1954). Mais
s'ajoute à cette déstructuration, comme son complément proprem ent schizo­
phrénique, le bouleversement fantastique du monde autistique.
Nous devons souligner sans crainte de le répéter, que l ’activité délirante et
hallucinatoire lie inextricablement le vécu au pensé et au parlé dans cette rhap­
sodie hallucinatoire dont le corps est le thème. Expérience parfois burlesque
ou tragi-comique comme dans les propos du malade de Minkowski (Le temps
vécu, p. 299) ou étrangement elliptique comme dans la fulgurance de cette
phrase : « On m ’a coupé les cheveux jusqu’à la racine du langage ». Tel est,
en effet, le monde autistique schizophrénique q u ’il vit sur tous les registres
des sens, de la pensée et du discours la singularité d ’une relation essentiel-

(1) S. A rieti (Interpretation o f Schizophrenie, 1955) fait appel au principe de


*on Domarus qui pourrait s’énoncer ainsi : tandis que le sujet normal se conçoit
comme un seul sujet avec des attributs divers, le sujet schizophrénique se disperse
dans la multiplicité de ses attributs.
782 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H A LLU C IN A TO IR E S

lement phantasmique, singularité qui culmine dans la volatilisation du corps


dans le tissu décharné des mots.
On ne m anquait pas il y a quelques années de signaler les « Hallucinations
génitales », mais la signification sexuelle se retrouve, bien sûr, et dans les
Hallucinations auditivo-verbales (le commerce des voix y apparaît avec l ’évi­
dence d ’une cohabitation symbolique) et, naturellement, dans les Hallucinations
visuelles ou olfactives ; mais ici les modalités érotico-hallucinatoires de l ’expé­
rience schizophrénique du corps sont constantes et infinies. Le retrait des
investissements libidinaux des objets innombrables, compliqués, les rapporte
sur le corps, ses images ou ses fonctions partielles ; et c ’est dans les métaphores
de l ’image du corps que s’inscrivent toutes les am putations, transections,
translocations, fusions, greffes, compénétrations qui figurent toujours le
découpage et les rapprochements des parties du corps ou des parties des autres
corps dans leur mélange et leurs substitutions dans les conjugaisons d ’une
érotique symbolique et fantasmique. On n ’en finirait pas de citer ici l ’invention,
la prodigieuse originalité des configurations hallucinatoires de ces fantasmes
qui pourvoient la riche littérature psychanalytique sur la régression narcissique
des schizophrènes : fantasmes de désir avec leurs cortèges de punitions, pulsions
masochistes avec leurs retournements sadiques, homosexualité et narcissisme,
castration et œdipe etc., etc. Ce sont toutes ces formes du rêve, de l ’am our et de
la m ort qui peuplent de leur archéologie l ’espace corporel, seul lieu où la
relation d ’objet peut s’exercer, ou mieux encore, s’inverser dans une radicale
aliénation de la relation sexuelle qui ne peut trouver que dans le Sujet son
objet. Rappelons que l’ouvrage de Gisèla Pankow (L ’homme et sa Psychose,
1969) et les articles de la Nouvelle R e v .fr. de Psychanalyse (1971), ont appro­
fondi la psychodynamique freudienne et kleinienne des distorsions halluci­
natoires de l ’image du corps chez le schizophrène (p. 119-231).

Les Hallucinations visuelles sont — tous les cliniciens et psychopatho-


logues le savent — relativement rares dans la Schizophrénie. Mais encore
faut-il bien s’entendre ! En effet, dans les soi-disant « Schizophrénies aiguës »
à type oniroïde avec expériences délirantes (du type que nous avons décrites
précédemment), il est assez fréquent d ’observer des « états oniriques » plus
ou moins dégradés, des états crépusculaires de la Conscience. Ils com portent
à peu près ce que nous avons décrit comme typique des psychoses aiguës
(le plus souvent dites « exogènes », « toxi-infectieuses », « organiques » ou
« symptomatiques », (1) etc.) c’est-à-dire des formes de vécu dont le caractère
intuitif, spectaculaire, dramatique et scénique se confond avec celui du rêve,
ou tout au moins s’en rapproche. Et dès lors, les Hallucinations visuelles appa­
raissent dans la présentation d ’événements fantasmagoriques à thème mystique,
érotique ou romanesque pour constituer le scénario ou les images kaléidosco­
piques de la projection hallucinatoire cinématographique. Ce qui se produit

(1) I. F einberg , in W est , pp. 64-76.


SC H IZO P H R É N IES 783

ainsi sous forme d ’états oniroïdes (notamment dans les fameuses expériences
délirantes et hallucinatoires de la fin du monde) au début de l ’évolution, se
reproduit au cours des « poussées aiguës », soit sous forme de crises de stupeur
ou d ’agitation catatonique, soit d ’états crépusculaires de type hystéro-épilep­
tique, soit encore d ’états maniaques ou dépressifs typiques, etc.
Mais l ’Hallucination visuelle apparaît parfois (et plus souvent que les autres)
sous forme d ’ « Éidolies hallucinosiques » (1). Bleuler (p. 84) fait allusion à des
cas de ce genre qui ne sont pas en effet tout à fait exceptionnels. Ce sont sou­
vent des figures ou des images « incongrues », « irréelles » et sans enchaînement
délirant. D ’après E. L. Bliss et L. D. Clark (in West, p. 99), il s’agit le plus
souvent de figures banales et monochromes; elles s’observent surtout au début
de la psychose ou parfois dans les phases subaiguës ou dans la période hypna-
gogique. Dans le travail de D. A. Frieske et Wilson (1966) par exemple (pris
parmi bien d ’autres), sur 50 schizophrènes, 13 cas de crises d ’Hallucina-
tions visuelles brèves ont été enregistrés. Ces « Hallucinations visuelles »
décrites par les auteurs de ce travail sont considérées par eux comme des
« hallucinoses » en raison des caractères nettement sensoriels (couleur 84 % —
intensité 62 % — mouvement 70 % — perspective 96 % — clarté 82 %).
Certains malades (nous verrons q u ’ils entrent plutôt dans le groupe des
paraphrénies, des psychoses hallucinatoires chroniques ou des Délires d ’ima­
gination) ont des visions étranges et des imageries cosmiques. Il s’agit surtout
de « Pseudo-hallucinations » à forte charge narrative ou imaginative qui ont
ouvert les yeux du schizophrène sur les splendeurs surnaturelles, l ’Histoire ou
l’Archéologie de l ’humanité, ou encore les mystères de la création et de la
copulation portant, comme le Président Schreber, jusqu’à l ’origine de l ’horizon
du monde le spectacle de leur fantastique « prévision », etc. Autrement dit,
toute l ’imagerie fantastique de Hiéronymus Bosch à Salvador Dali passe devant
les yeux du schizophrène comme un rêve réfracté dans son autisme. Parfois
et peut-être plus spécifiquement encore, il s’agit d ’étranges visions internes,
de photographies, ou de films, ou d ’images multipliées à l ’infini dans un jeu
de miroirs où se reflètent les mots, les pensées et les personnes. Elles em pruntent
dans leur modalités d ’implication ou de multiplication tendant à l ’infini des
mouvements multidimensionnels et kaléidoscopiques qui inversent radicalement
la fonction même de la vision, qui, braquée sur les profondeurs du Sujet,
devient perception de la pensée plutôt que perception des objets dans l ’espace.

Les Hallucinations gustatives et olfactives sont assez fréquentes, sur­


tout dans les phases aiguës de la maladie disent les auteurs. Kraepelin souli­
gnait q u ’elles s’associent naturellement aux Hallucinations gustatives qui»

(1) On ne confondra pas ces Éidolies hallucinosiques, ni avec le Délire hallucina­


toire auditif décrit par W yrsch sous le titre « schizophrenische Halluzinose » (Arch. f .
Psych., 1938), ni avec les dessins qui « illustrent » plus le Délire que l’image hallucino-
sjque (I. J akab, par exemple).
784 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

effectivement, prédominent généralement dans le tableau clinique. S. L. Rubert,


M. H. Hollender et E. M ehrhof (1961) qui les ont spécialement étudiées, tien­
nent ces Hallucinations olfactives pour rares, encore plus rarement isolées et
d ’une valeur pronostique faible. L ’Hallucination auto-olfactive (sensation de
sa propre odeur généralement nauséabonde) est peut-être la plus caractéristique
de cette forme hallucinatoire de l ’autisme schizophrénique, comme nous l’avons
précédemment souligné à propos de A. Nakazawa (1963) et de O. de M aïo (1966)
(cf. supra, p. 257). Une de nos malades vivait cette horrible odeur d ’elle-même
comme l’événement le plus déterm inant de son existence schizophrénique
typique : non seulement elle sentait « q u ’elle puait » mais tout le monde à son
approche se bouchait le nez... Une observation (1959) de J. Alliez (l’auteur fran­
çais qui, avec V. Durand, s’est le plus occupé des Hallucinations olfactives)
illustre assez bien cette relation fondamentale de ce type d ’Hallucination avec
l’idée de persécution et de culpabilité sexuelle (et particulièrement homo­
sexuelle). Nous avons d ’ailleurs dans le chapitre que nous leur avons consacré
insisté sur les caractéristiques de ces olfactions délirantes schizophréniques.
Elles doivent bien avoir une importance particulière dans ces formes archaïques
du « sentir » que, dès l ’origine de toute expérience, sont les odeurs, ce sens
« oral » si profondém ent anastomosé à la libido.

Nous devons signaler aussi que « les troubles des perceptions » en général,
c’est-à-dire les troubles de la Gestaltisation perceptive ont été mis en évidence.
Certains auteurs insistent sur le fond de distorsion fonctionnelle des activités
perceptives (H. J. Eysenk, G. W. Granger et J. Brengelman, 1957; M. Wer-
theim er et C. W. Jackson, 1957; T. E. Weicowicz et G. Witney, 1960; D. Sha-
kow, 1960; etc.). Les rapports des Hallucinations auditives avec la surdité ont
été parfois soulignés (cf. à ce sujet le travail de O. P. Vetrogradova (1969) sur
les conditions d ’audition des schizophrènes hallucinés, et celui de K. L. Alsthü-
ler (1971) qui a fait une étude statistique des rapports de la surdité avec les
formes paranoïdes schizophréniques) (1). P ar contre, la plupart des cliniciens
sont d ’accord pour souligner le contraste entre l ’importance des Hallucinations
délirantes des schizophrènes et l ’intégrité des fonctions perceptives (R. W. Payne,
1958; R. Cooper, 1960; P. Matussek, 1963; M. Boss, 1963). Généralement, en
effet, avec M atussek ou Boss, on considère que c ’est à un niveau supérieur (la
construction symbolique) que se situe l ’activité hallucinatoire. C ’est au fond ce

(1) Dans le même ordre de recherches, nous devons rappeler de quel intérêt peut
être l’étude des Hallucinations hypnagogiques (M. Anderson, 1956 ; C. M cD onald,
1971) et les investigations sur le rêve et le sommeil des schizophrènes et plus géné­
ralement l’électroneurophysiologie (cf. notre article « Disorders of consciousness »,
in Handbook Clinical Neurology, III, p. 127, 1969). Un récent travail de T. O kuma
et coll. (1970), étudiant les rêves et les phases de sommeil rapide, mérite d’être noté
parmi tant d’autres récemment publiés. Les travaux que nous avons poursuivis
pendant plusieurs années à Bonneval avec C. Lairy, M. Barros, L. G oldsteinas, etc.,
seront exposés plus loin (p. 1262 et sq.).
SC H IZO P H R É N IE S 785

que nous disons et répétons en invoquant la désorganisation de l ’être conscient


(die Menschen Wesen, comme dit Boss), le trouble primaire ou négatif comme
condition de la régression vers le monde fantasmique de l'Eigenwelt schizo­
phrénique. A cet égard, bien sûr, les modalités hallucinatoires des Schizo­
phrènes ne paraissent pas être en rapport direct et localisé avec des lésions
cérébrales (P. Glees, 1954).
Tel est l’inventaire que l’on fait ainsi le plus souvent des caractéristiques
et modalités des Hallucinations chez les schizophrènes. Il ne nous a pas paru
inutile de le refaire ici dans sa forme p our ainsi dire la plus classique pour bien
m ontrer comment les Hallucinations s’y m ontrent intégrées dans le délire,
le Délire étant lui-même intégré dans l’autisme et l’autisme intégré dans la
désorganisation de la personne du schizophrène. Cela est si vrai que lorsqu’on
décrit en effet la schizophrénie d ’un point de vue phénoménologique ou psy­
chanalytique, le problème des Hallucinations n ’apparaît pour ainsi dire plus,
pour se dissoudre dans l’analyse de l’existence schizophrénique... M ais comme
nous le verrons plus loin en reprenant le leitmotiv de cet ouvrage, même si
l’Hallucination n ’a de sens que prise dans le Délire qui l’enveloppe, la forme
même de sa présentation et surtout la phase q u ’elle représente dans le mouve­
ment du délire exigent que, tout en renonçant à une « chosification » ou une
dissection atomistique absurdes des phénomènes hallucinatoires, nous sachions
reconnaître dans le Délire schizophrénique la physionomie des Hallucinations
qui sont comme les objets du monde autistique, comme les perceptions de ces
objets qui obéissent non pas au monde physique mais aux désirs les plus
narcissiques. Le Délire du Schizophrène est ce q u ’il lit dans le m iroir qui lui
renvoie sa seule image, non son visage, mais le seul désir qui l ’anime.

3° É v o lu tio n . — La description de la période d ’état ou de la forme typique


d ’une psychose schizophrénique que nous venons de faire, en tan t q u ’elle
réalise seulement une coupe transversale de cette espèce de Délire chronique,
n ’est pas suffisante. Elle est trop statique, et nous devons m aintenant essayer
de reconstituer le mouvement dynamique, longitudinal et transactuel de
l’évolution du processus délirant autistique qui caractérise la « personne du
Schizophrène » au fur et à mesure de son aliénation dans son monde schizo­
phrénique, aliénation qu’indexe l ’Hallucination.

Le début de la Schizophrénie est toujours décrit comme com portant deux


modalités : le début insidieux et le début soudain.
Dans les formes progressives, apparaissent d ’abord les traits de la per­
sonnalité préschizophrénique (schizoïdie, introversion, troubles des inves­
tissements libidinaux, c’est-à-dire des relations d ’objet, etc.) ; puis surgissent
les symptômes inquiétants (et dont certains d ’ailleurs donnent à cette forme
de schizophrénie incipiens un caractère de zigzag ou d ’explosions délirantes
intermittentes). Tous ces symptômes, même s’il s’agit de traits globaux du
comportement (apathie, solitude, diminution de la capacité de travail ou de
la sociabilité, irritabilité, claustration), s’ordonnent dans leur désordre p ar
786 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

rapport à une sorte de pensée « à côté ». Ils sont des manifestations de l ’activité
psychique (idées saugrenues, idées délirantes, Hallucinations, interprétations,
sentiments d ’influence, aberrations affectives, impulsions) qui, sur le plan
du comportement, traduisent la singularité en quelque sorte « autochtone »
du travail de dissolution qui sape la personne du Schizophrène incipiens.
Nous retrouvons ici le fameux « ohne Anlass » du Délire primaire, ou encore
ce « quelque chose » de si insolite que sont les « acting-out » des schizophrènes,
ou du tragique qui surgit dans la fulguration de « crimes immotivés ». Dans
tous ces cas, il s ’agit d ’une irruption, tantôt par « à-coups », tantôt lente et
progressive, d ’expressions manifestes soudaines ou paradoxales d ’un contenu
latent qui n ’est plus seulement inconscient et caché (comme l ’Inconscient
de tout être normal), mais qui apparaît comme tel c ’est-à-dire comme une
plage d ’intentionnalité « à part », « à côté » et déjà « autistique » — une
sorte d ’ombre oblique qui s’allonge et se multiplie à mesure que décline la
clarté dans le crépuscule de l ’existence. Dans cette forme ou cette phase de
début, les idées délirantes de persécution, d ’empoisonnement, de suggestion,
de modifications ou de préoccupations corporelles occupent p ar leur fréquence
et leur aspect caractéristique le premier plan du tableau clinique. Et, bien
entendu, ces idées délirantes « primaires » (1), ces interprétations dogmatiques,
ces « illuminations », ces voix ou ces « transmissions de pensées », toutes ces
modalités hallucinatoires du délire statu nacendi annoncent déjà p ar vagues
successives l’immersion dans l’autisme. Dans ce premier acte du dram e schizo­
phrénique, les Hallucinations sont d ’ailleurs souvent dissimulées, vagues, et
le Sujet éprouve surtout des sentiments d ’étrangeté nuancés, soit d ’ironie,
soit d ’indiflférence, soit d ’agressivité. Le vécu et l’énoncé s’entrelacent pour
form er la tram e insolite et informulable d ’événements hétéroclites, bizarres
ou énigmatiques qui se déroulent dans son corps et dans sa pensée, comme
en dehors de lui-même. L ’Hallucination apparaît bien alors comme la préface
du Délire — préface écrite p ar le premier énoncé du Délire —•comme un délire
en filigrane qui ne s’offre que p ar profils, fussent-ils fulgurants, ou par esquisses
furtives.
Dans les formes aiguës, la Schizophrénie — nous l ’avons souligné déjà —
commence p ar une sorte de tremblement de terre psychique (le « trém a »
de K. Conrad). C ’est peut-être dans ces formes de début que les expériences
délirantes et hallucinatoires sont le plus typiques ; elles sont parfois elles-mêmes
précédées de ces signes avant-coureurs que sont les Hallucinations hypnago-
giques (M. Anderson, 1956; C. M cDonald, 1971). Tous les auteurs qui se sont le
plus occupés de la clinique et de la psychopathologie de la Schizophrénie ont
senti la nécessité de décrire ces « crises », ces « poussées aiguës initiales », mais

(1) N ous avons souligné précédem m ent que l’idée délirante « prim aire » en tan t
que W ahneinfall (intuition délirante) présentait nécessairem ent la form e hallucinatoire
d ’une perception irrécusable, de telle sorte que les analyses de G . d e C lérambault
et de l ’école allem ande (W . G ruhle e t K . S chneider ) se recoupent.
SC H IZO P H R É N IES 787

aussi les difficultés quasi inextricables q u ’elles opposent à une bonne description
empirique et théorique de la Schizophrénie. Si, en effet, la forme de début
que nous venons de rappeler va pour ainsi dire de soi dans la description de
cette psychose endogène par excellence pour l ’école classique, ou de la régres­
sion archaïque par excellence pour l ’école psychanalytique, le bouleversement
de la vie psychique (disons tout simplement du Champ de la conscience) de
ces schizophrénies aiguës incipiens pose de redoutables problèmes de dia­
gnostic et de pronostic incessamment débattus. Disons à ce sujet que l’on voit
alors se constituer dans ces cas quelque chose qui est très analogue, sinon
identique, à ce que nous avons déjà rencontré et décrit dans les « psychoses
délirantes aiguës ». De telle sorte, que les signes qui permettent d ’établir la
nature schizophrénique de ces épisodes délirants sont conjecturaux pour la
bonne raison que dans ces crises la schizophrénie n ’étant pas, comme nous
l ’avons écrit (1957), au commencement mais à la fin, n ’apparaît que dans la
transparence incertaine d ’une problématique probabilité car le processus ne
se confirme que dans une certaine proportion (50 %) d ’après notre statistique
de 1955 qui coïncide avec celles de M. Bleuler (1948).
Après ce rappel des incertitudes pronostiques, nous devons souligner aussi que
tous les cliniciens ont essayé de caractériser ce q u ’il y a de « déjà schizophrénique »
dans ces « schizophrénies aiguës » ou conjecturales. On a insisté en faveur du
diagnostic de Schizophrénie sur le caractère schizoide ou « prépsychotique » sur
le début lent et progressif, sur le caractère non réactionnel à l ’égard des événe­
ments (toujours le fameux « ohne Anlass »), le caractère plus abstrait et peu scé­
nique de l ’activité délirante et hallucinatoire, sur l ’inconscience de la maladie
(J. Wyrsch), etc. Somme toute, le problème se centre sur la structure profonde de
ces états oniroïdes. Beaucoup d ’auteurs classiques, répétons-le, ont (avec Krae­
pelin) insisté sur l ’absence des troubles de la Conscience dans ces « poussées
aiguës », mais la chose est bien loin d ’être claire ; il nous semble plus vrai de
dire que dans ces expériences délirantes et hallucinatoires primaires la prédo­
minance du syndrome de dépersonnalisation et surtout du syndrome d ’autom a­
tisme mental, des phénomènes et des thèmes d ’influence surtout quand ils sont
exprimés dans une structure idéo-verbale insolite (et parfois hermétique) avec
recours aux expressions énigmatiques, aux néologismes, aux formulations
symboliques, paraissent être un indice du travail serpigineux de dissociation,
de Spaltung, par lequel s’organise le monde autistique. Follin (1963) à qui
nous devons d ’excellentes observations et des réflexions approfondies sur
ce sujet, insiste sur l ’absence d ’ « angoisse objectivante », c ’est-à-dire sur le
fait que dans ces schizophrénies aiguës manque l ’homogénéité du vécu qui
cristallise ou agglutine 1’ « épreuve oniroïde » des états hystériques ou des psy­
choses aiguës dans un terrible mouvement d ’angoisse. Nous reviendrons
plus loin sur les fameuses descriptions de J. Wyrsch (1937 et 1949), sur celles
de K. Conrad, (1958) et sur le récent travail de J. Glatzel (1971) à propos des
modalités de l ’évolution du processus schizophrénique. Disons simplement
ici que la constitution même de l ’existence autistique schizophrénique semble
exiger plus profondém ent cju’une déstructuration du Champ de la cons­
788 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

cience une aliénation de la personne, et que les rapports de cause à effet de


l ’un ou de l’autre de ce processus n ’étant pas simples, le processus schizophré­
nique les conjugue pour form er le monde et la personne du schizophrène comme
nous le verrons plus loin. Ce qui est certain en to u t cas, c ’est que les modes
d ’entrée dans la schizophrénie passent nécessairement p ar le Délire qui sous sa
physionomie caractéristique (et primaire dans ce sens) est toujours sedondaire
à la déstructuration du Cham p de la conscience, mais aussi et déjà à la distorsion
du système perm anent de la réalité. L ’Hallucination sous toutes ses formes est
là comme pour manifester la positivité de 1’ « expérience » ou du processus
idéo-verbal du délire qui dépend de la négativité pathogénique qui l ’engendre.
C ’est pourquoi dans ces formes de schizophrénie incipiens les diverses caté­
gories d'H allucinations se groupent pour constituer essentiellement le thème
qui reflète cette désorganisation commençante, inachevée et encore peu appa­
rente de l’être conscient dans sa totalité (celle du Cham p delà conscience et de
la personnalité), c ’est-à-dire le Délire d ’influence avec son cortège d ’Hallucina-
tions psychiques, de phénomènes d ’automatisme... et, lorsque le processus est
encore moins avancé, de Délire seulement interprétatif. Car si la Schizophrénie
est cette forme de Délire chronique caractérisée p ar son évolution vers la qua­
trième phase du Délire chronique quand elle a franchi dans sa période d ’état
la séméiologie hallucinatoire qui correspond aux phases intermédiaires de son
évolution, sa phase initiale correspond bien à la première période du Délire
chronique que les Classiques ont unanimement décrite comme cette phase
prodrom ique et dramatique de l ’invasion délirante et peuplée de ces vagues
perceptions ou illusions délirantes de ces interprétations déjà hallucinatoires qui
sont comme l’ombre anticipée des Hallucinations qui manifesteront la m étam or­
phose autistique que va subir la personne du schizophrène.
La fin de la Schizophrénie. — Le propre d ’une psychose schizophrénique
est de finir p ar où elle n ’a pas commencé, c ’est-à-dire dans cette dissocia­
tion autistique qui définit précisément la Schizophrénie. Sans doute, le proces­
sus schizophrénique peut, en quelque sorte, s’arrêter, adm ettre des rémissions
et même une réversibilité que tous les cliniciens connaissent (bien entendu, dans
la spontanéité de l ’évolution et hors de leur action thérapeutique). Mais
la plupart des malades qui ont fait l ’objet des descriptions de la schizophrénie
achèvent leur vie dans une m odalité d ’existence qui constitue le « schizophre-
nische D efekt » (1) caractéristique de cette forme de Délire chronique et qui ne

(1) Manfred B l e u l e r , en 1972, préfère au terme de « Defekt » qu’il avait employé


en 1941, celui de « Endzustände », états terminaux (p. 248). Et il distingue parmi eux
des formes graves (24 %), des formes moyennes (24 %) ou légères (33 %). Soulignons
que dans ces dernières, l’activité délirante et hallucinatoire persiste (p. 257). Cela
revient à dire, me semble-t-il, que la réversibilité complète si elle est incontestable (et
d’autant plus importante peut-être qu’on inclut dans le groupe des Schizophrénies,
les Schizophrénies aiguës) ne peut être trop surestimée. Pas au point, en tout cas, de
remettre en question la notion même de processus schizophrénique (cf. plus loin,
p. 852 et 853).
SC H IZO P H R É N IE S 789

dépendent pas seulement de la condition asilaire. Les « formes terminales »


des Schizophrénies sont certes variées. Ces deux formes de la fin de l’existence
schizophrénique sont : l ’état de désagrégation schizophrénique et le dépéris­
sement schizophrénique.
L’état de « Verblödung » dont, au fond, Kraepelin faisait le critère de la
Dementia Precox, cet état appelé aussi démence affective, athymhormique, etc.,
constitue effectivement l ’état terminal le plus caractéristique d ’une psychose
schizophrénique envisagée dans son évolution spontanée réelle ; il n ’est pas
seulement l’effet de l ’incarnation asilaire ou des « mauvaises actions » iatrogènes
pour im portants que soient ces facteurs. Ce syndrome d ’affaiblissement
correspondant à la phase de « démence secondaire » dite encore « démence
vésanique » des anciens Cliniciens français constitue, en effet, classiquement la
période terminale de cette espèce de Délire chronique qui a formé, d ’abord, la
masse de la Dementia Precox de Kraepelin, puis le groupe des Schizophrénies de
Bleuler. Il représente l ’accentuation progressive de la structure formelle ou néga­
tive de la psychose schizophrénique étudiée p ar E. Bleuler (syndrome primaire
de dissociation), p ar J. Berze (hypotonie de la Conscience), p ar H. W. Gruhle
(Grundstimmung), p ar K. C onrad (Apophanie et Apokalyptische Erlebnis­
form), etc. T out se passe en effet dans ces cas, et quels que soient les termes plus
ou moins heureux auxquels recourent les auteurs pour les désigner, comme si la
structure négative du processus schizophrénique gagnait ce que sa structure posi­
tive perd. Cet « état terminal » le plus grave (M. Bleuler) correspond au
concept de « démence vésanique » des classiques, pour autant q u ’il visait moins
un état dém entiel que de destruction délirante de la réalité. Et à mesure que
le Schizophrène s’enfonce dans son autisme, que ses rapports avec le monde
extérieur sont progressivement réduits, que la surface de contact du Sujet
avec ses objets se réduit comme un parchemin jusqu’à ne plus représenter
que le point narcissique d ’une relation régressive avec son corps, l ’Halluci­
nation, toutes les modalités de l ’halluciner se dégradent. L ’Hallucination
perd, en effet, elle-même son sens dans une personne qui n ’est plus personne
et un monde qui n ’est plus un monde, dans cette coalescence mortelle du désir
à son objet. Tout le système de relation avec autrui s’écroulant, la relation
hallucinatoire qui substituait à celle de la réalité et de la coexistence un autre
monde imaginaire d ’existence, agonise elle-même dans cette m ort de la vie
de relation q u ’est la schizophrénie parvenue à son état sépulcral de momifica­
tion. Les deux modalités fondamentales de l’activité hallucinatoire qui caracté­
risent le monde et la personne schizophréniques, en refluant avec ce retrait libi­
dinal total jusqu ’à leur anéantissement, se vident de leur contenu. C ’est bien en ce
sens que si les phases d ’activité autistique sont caractérisées, d ’après Berze, par
le passage de la forme au contenu, dans cette forme terminale c ’est le contraire
qui se produit, et les Hallucinations ne persistent plus que dans leur structure for­
melle, on pourrait dire formaliste ou ritualisée dans la routine d ’une vague habi­
tude. Dans le domaine acoustico-verbal, l ’Hallucination se transform e en une
attitude, ou plutôt, une habitude motrice, celle du soliloque, et l ’halluciné est
généralement réduit au mutisme ou au semi-mutisme. Si au contraire il se trans­
790 P SYC H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

forme en une sorte de mécanique de verbigération schizophrénique, le gali­


matias verbal avec ses confusions pronominales efface de ce soliloque sans
interlocuteur (fût-il hallucinatoire) ce qui, au début et au cours de la psychose,
en faisait encore une communication. Autrement dit, les Hallucinations corpo­
relles (si liées aux Hallucinations acoustico-verbales) et notam m ent les Hallu­
cinations génitales, en se généralisant pour ainsi dire jusqu’à ne plus repré­
senter que le seul contact possible avec le seul objet possible, le corps propre
vécu dans son fantasme le plus archaïque (intra-utérin) se dissolvent (1) dans une
sorte de fusion retrouvée avec la matrice même dont ce corps est né, c ’est-à-dire
dans la négation même de toute possibilité pour le Sujet de se constituer « per­
cevant » un objet, fût-il imaginaire.
L ’autre forme terminale presque aussi fréquente mais moins régressive,
se caractérise p ar un dépérissement, une sclérose de l ’ensemble de la vie psy­
chique. T out se passe alors comme si après la catastrophe schizophrénique
et le tum ulte de la création de Y Eigenwelt « autistique » le processus schizo­
phrénique se fixait à un niveau de « schizophrénie résiduelle et simple ». Dans
cette forme d ’extinction et de refroidissement de l ’existence schizophrénique,
celui-ci n ’est plus q u ’un délirant et un halluciné rétrospectif et ludique. Rétros­
pectif, car il se réfère au délire et à son Hallucination comme à un souvenir,
c ’est-à-dire à un événement vivace mais inactuel. Ludique, car il joue encore
des Hallucinations comme d ’une manière de passer le temps, de remplir le
vide de son existence. Par là se révèle la part d ’intentionnalités qui implique
le processus schizophrénique, tout à la fois impuissance et besoin ; car au
terme de cette longue évolution il ne persiste alors dans le tableau clinique
chez le schizophrène que la satisfaction de ce besoin au mom ent où l ’impuis­
sance qui le frappait, sans d ’ailleurs cesser de s’exercer, ne joue plus que pour
lui imposer ce jeu. Et tout se passe dans cette manière de term iner — et en un
certain sens d ’exterminer — le processus schizophrénique, comme si contraire­
m ent à ce qui se passe dans la forme terminale que nous avons décrite plus
haut, vers la fin de son existence le schizophrène pouvait s’arracher au trouble
négatif et formel, tout au moins assez pour activer sous forme hallucinatoire
l’intérêt qui a dirigé son imagination et q u ’il a gardé à la diriger. C ’est natu­
rellement dans cette forme terminale q u ’éclatent — comme ses rires parfois
étouffés, parfois explosifs — les bizarreries, les loufoqueries p ar quoi le schizo­
phrène manifeste q u ’il est tout à la fois, encore jouet de ses Hallucinations,
mais aussi encore meneur naïf ou ironique de leur jeu furtif.
— Ainsi, l ’évolution même du processus schizophrénique nous apparaît
comme indexée sur cette forme de délire autistique que représentent en cli­
nique les diverses variétés d ’Hallucinations (ce genre d ’Hallucinations com por­
tant, répétons-le sans trêve ni merci, toutes les espèces des phénomènes dits
interprétatifs, illusionnels, pseudo-hallucinatoires et psycho-sensoriels). Nous
verrons un peu plus loin comment toutes les structures de la schizophrénie

(1) G. G erminano et coll. (1969) tiennent le syndrome de dépersonnalisation


pour le prix que paye le schizophrène pour sortir de sa catastrophe.
SC H IZO P H R É N IE S 791

à la période d ’état et des formes terminales s’ordonnent relativement à la


constitution de l ’idéation délirante secondaire qui travaille à la création du
monde schizophrénique.

4° N o so g ra p h ie . — Nous avons retracé plus haut le mouvement des idées


des Psychiatres sur la classification des Psychoses délirantes chroniques, et nous
avons vu comment, sans cesser de se référer au modèle du célèbre « Délire chro­
nique » en tant q u ’il représente la masse totale de l’aliénation la plus authentique,
on avait découpé ses phases en espèces ; comment, avec Kraepelin, on a opposé
les Délires paranoïdes de la Démence Précoce aux Délires systématisés de
la Paranoïa ; puis comment Kraepelin a isolé des formes intermédiaires
appelées par lui paraphréniques correspondant à peu près à ce que l ’école
française de son côté, a appelé Délires d ’imagination et Psychoses hallucina­
toires chroniques. Si le lecteur veut bien compléter cette intuition historique
du problème par les exposés que nous en avons faits en 1957 à Y Évolution
Psychiatrique et cette même année au Congrès M ondial de Zürich, il verra
tout aussi clairement que nous que la Schizophrénie est (comme Kolle,
K urt Schneider ou encore Pauleikoff l ’ont souligné à leur tour il y a quel­
ques années, tout comme Wyrsch, Binswanger, ou K. C onrad l ’ont admis
plus ou moins explicitement) essentiellement une forme de délire chro­
nique. Cela veut dire deux choses. L a première, c’est que toutes les schizophré­
nies étant — en tan t que désorganisation autistique de la réalité, du monde
et de la personne — foncièrement et globalement un Délire, toutes les Schizo­
phrénies sont délirantes, et que les formes isolées p ar Kraepelin dites « formes
paranoïdes » constituent un groupe assez artificiel, car le Délire et les Hal­
lucinations sans y être aussi « florides » entrent aussi dans les autres formes de
Schizophrénie (hébéphrénie, hébéphréno-catatonie). Même si elles n ’y entrent
que dans des proportions diverses ou à certaines phases de l’évolution, elles
font partie de tout processus schizophrénique pour manifester l ’organisation
autistique (YEigenwelt, dit Wyrsch) de cette désorganisation. — La seconde,
c’est que, en tant que Délire chronique, elle n ’englobe pas tous les Délires
chroniques (comme le croient tant d ’auteurs contemporains qui assimilent pure­
ment et simplement le genre « Délire chronique » (et même les Psychoses déli­
rantes aiguës) à l ’espèce schizophrénique de ce genre). Par conséquent,
il y a lieu d ’exposer en quoi cette structure schizophrénique (ou, si l’on veut,
paranoïde) (1) des Délires chroniques s’oppose aux autres formes de Délire chro­
nique, notamment (et assez facilement) aux délires systématisés héritiers de
la vieille Paranoïa et (plus difficilement) à l ’égard des formes intermédiaires
de la classification kraepelinienne et de la classification française.
Encore une fois, on trouvera dans nos précédentes études sur ce point
de nosographie toutes les explications et justifications utiles. Mais il nous
importe surtout ici de bien souligner que le monde autistique et la personne
schizophrénique se constituent au travers d ’expériences délirantes et d ’un

(1) A condition de ne pas employer « Paranoïde » dans le sens de Paranoïaque.


792 P SY C H O SE S C H R O N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

processus idéo-délirant dont les Hallucinations de toute espèce sont les mani­
festations cliniques. Plus profondément encore, les*phénomènes p ar lesquels se
manifestent les péripéties de ce voyage au centre de soi-même, de cet ensevelis­
sement de l ’existence que constitue la Schizophrénie en tant q u ’elle est une
métamorphose de toute la vie de relation, un mode d ’aliénation, l’Halluci­
nation constitue dans les formes particulières, que nous avons décrites plus
haut, le signe le plus authentique et quasi pathognomonique.
C ’est ce que nous allons mieux voir encore en m ettant à jo u r les relations
q u ’affecte ce Délire autistique avec les modalités de l ’expérience, de la connais­
sance et du travail hallucinatoires. Car, bien sûr, ce que démontre l’analyse
structurale de la Schizophrénie ce n ’est pas q u ’elle est basée sur des méca­
nismes simples ou des phénomènes isolés, mais plutôt q u ’elle est une modi­
fication fondamentale de la vie de relation qui transform ant l’être dans le
monde (le Dasein) du Sujet qui devient schizophrène passe par des phases
successives de constitution de VEigenwelt. Cette aliénation de la personne
implique une révolution de son système de la réalité dont les divers aspects
hallucinatoires sont les effets... et non, bien sûr, les causes !

La sotte prétention des Sociologues politico-métaphysiciens qui croient pouvoir


jongler par les jeux de mots et les analogies pédantesques en parlant de la folie comme
les fous eux-mêmes, ne saurait effacer des traits innombrables de leurs plumes la
réalité même de la Psychose. Ni Th. Szasz, ni R. Laing, ni Basaglia, ni leurs séides
français (M. Mannoni, R. Gentis, H. Heyward, H. Torrubia, J. Hochman, etc.)
ne pourront jamais démontrer que « la Schizophrénie » n ’existe pas sans la reprendre
eux-mêmes et pour toute l’humanité (A. de Waelhens, G. Deleuze) à leur compte.
Le groupe des Schizophrénies (et non l ’entité à laquelle on voudrait nous clouer),
ce groupe des formes psychopathologiques de l’existence délirante ne disparaîtra
pas au seul souffle de l’esprit contestataire ou heuristique : le savoir psychiatrique
ne dépend pas des capricieuses défenses de l’autruche.

5° D ia le c tiq u e d e la p r o d u c tio n d u D é lire h a llu c in a to ir e e t d e la


p e r s o n n e s c h iz o p h r é n iq u e . — L ’Hallucination c’est essentiellement le Délire.
Ce leitmotiv de notre ouvrage atteint son point d ’orgue ici. Dire en effet d ’un
Schizophrène q u ’il a rom pu son contact avec la réalité, sa communication avec
les autres ou q u ’il n ’investit que son image narcissique, c ’est affirmer q u ’il
glisse dans une « perception sans objet à percevoir » pour ne pouvoir percevoir
que le seul objet de son désir ou du désir d ’un impossible désir. Le processus
schizophrénique apparaît dans sa phénoménologie comme essentiellement
hallucinatoire. La Schizophrénie c ’est le Délire p ar excellence et p ar conséquent
l’Hallucination p ar excellence.
Depuis Bleuler une idée est devenue — aurait dû devenir — familière à tous
les psychiatres : c’est que le tableau clinique schizophrénique (en tant que
modèle de toute maladie mentale d ’ailleurs) articule les phénomènes qui
la composent sur deux plans. Bleuler désigne la Schizophrénie comme une
intrication de la symptomatologie « primaire » et de la symptomatologie
« secondaire ». Bien sûr, cela revient, comme nous l ’avons souvent souligné
SC H IZO P H R É N IE S 793

(cf. notamment notre communication au Congrès de Genève-Lausanne, 1946)


à introduire la distinction jacksonienne capitale des symptômes « négatifs »
et « positifs ». Rien ne peut être compris et expliqué du délire en effet — et,
nous le répétons, d ’aucune maladie mentale — sans que le clinicien ne
saisisse tout à la fois ce qui est objectivement modifié dans l ’ordre et la
forme de la vie psychique, c ’est-à-dire de l ’être conscient en général, et ce qui
est subjectivement vécu, pensé ou agi par la libération des couches inconscientes
du délirant. A la série négative correspond le processus délirant pour autant
q u ’il est une impuissance, une désorganisation formelle de l ’être psychique.
A la série positive correspond la production délirante pour autant q u ’elle
est expression d ’un désir. Car le processus schizophrénique apparaît, avons-nous
dit, tout à la fois comme une impuissance et comme un besoin (cf. Evol. Psych.,
1958). C ’est bien ce que E. Bleuler entendait explicitement dire en écrivant
que le délire et les Hallucinations sont des phénomènes « secondaires » mais
qui, à ce titre, sont principaux pour occuper l’avant-scène du tableau clinique;
et c’est bien ce q u ’avait parfaitem ent vu Jackson quand il écrivait textuel­
lement « Je soutiens que la maladie ne produit que des symptômes mentaux
négatifs... et que tous les symptômes mentaux positifs complexes (illusions,
Hallucinations, délire et conduites extravagantes) sont le résultat de l’activité
de ce q u ’il reste (au Sujet), de ce qui existe encore en lui » ; et il concluait
par cette fulgurante intuition « Les illusions, les Hallucinations, le délire
(d’un aliéné) c’est son esprit ».
La « psychodynamique de la production du Délire », depuis l’analyse
du Président Schreber, a fait basculer dans d ’innombrables travaux (Abraham,
Ferenczi, Mélanie Klein et tant de nouvelles écoles freudiennes ensuite) le
processus schizophrénique dans le sens d ’une pure intentionnalité inconsciente :
la perte de la réalité considérée comme l ’effet du désir de fuite, d ’un désinves­
tissement libidinal ou d ’une régression narcissique ou prégénitale. Dire que la
Psychose est l ’Histoire de la réalité perdue (ou jam ais atteinte, si l ’on suit les
interprétations toujours plus symboliques fatalement entraînées par la chaîne
infinie des signifiants), c’est reculer la viciation du désir jusqu’à l ’origine des
temps, c ’est énoncer une évidence que tous les bons Cliniciens ont depuis long­
temps perçue. Mais c ’est aussi, non pas expliquer la Schizophrénie mais seule­
ment l’expliciter (1). L ’analyse grammaticale des articulations symboliques des
chaînes de signifiants avec la béance du « trou nommé désir », etc. — tous ces

(1) Il ne suffit pas de paraphraser le discours du Schizophrène en langage psychana­


lytique, ni d’écrire un discours psychanalytique en langue schizophrène (cf. le discours
de R. G o r i sur le discours de W o l f s o n par exemple, in « Mouvement psychiatrique »,
1972, 3, p. 20-26) pour traiter valablement la Psychose ou traiter de la Psychose. Les
écrits d ’un étudiant en langues schizophrènes (L. W o l f s o n , trad. fr., éd. de Minuit,
1970), ceux de G . D e l e u z e et F. G u a t t a r i o u de R. L a i n g , le « Pèse-nerfs »
d’A. A r t a u d o u la « thèse » (Traitement des maladies mentales) écrite par un mal­
heureux étudiant en médecine, Fr. K l e in (1938), tous entrent également dans le Délire
sans pouvoir en rien sortir (cf. plus loin, p. 814 et p. 1003).
794 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

jeux de mots, ces parties de cache-cache et de colin-maillard industrieux ou


astucieux ont découvert la possibilité de paraplirases infinies sur le thème de
l ’ésotérique et de l ’hermétique de l ’être schizophrène. Mais pour riches que
soient les perspectives que ces études ouvrent à une phénoménologie ou à une
poétique du Délire, ils n ’en consacrent pas moins le contresens de leurs interpré­
tations plus ludiques ou esthétiques que scientifiques (1) de la Schizophrénie,
laquelle ne saurait se réduire, en dernière analyse, à l’intention de devenir
schizophrène, au désir de se replonger dans les formes les plus primitives de
l ’existence et de se replier dans les plis de l’inconscient.
La déréliction dans l ’inconscient est le plus grand m alheur de la conscience.
E t c ’est précisément en étant inconscient de la désorganisation de son être
conscient que le délirant accède au délire en le niant. En dernière analyse, tout
se passe comme s’il devenait conscient de son « Inconscient » et inconscient de
son inconscience (2). Telle est l’amphibologie fondamentale de l ’être délirant,
d ’où résulte que le Délire sous son aspect primaire nous renvoie au bouleverse­
ment de la structure formelle de l ’être conscient, c’est-à-dire q u ’il est toujours
secondaire en ce sens que ce qui est vécu et pensé comme Conscience de quelque
chose, c’est-à-dire comme affirmation d ’une fausse réalité, est bien toujours une
projection du désir dans le système de la réalité et une projection de l ’Inconscient
dans le conscient, m a i s a l a c o n d i t i o n q u e l ’ê t r e c o n s c i e n t s o i t d é c o m p o s é
ET QUE LE SYSTÈME DE LA RÉALITÉ Q U ’IL ASSURE SOIT DÉFAILLANT.
L ’Hallucination, en tant que constituant positivement l ’irréel en percept,
fait partie de ce délire et est par conséquent toujours « secondaire » (3), et
même deux fois secondaire au délire car par-delà le délire elle est encore secon­
daire à la désorganisation de l ’être conscient.
Cette analyse en quelque sorte logique (en tant q u ’elle découvre l ’ontologie
et l’épistémologie du Délire) des rapports phénoménologiques qui lient l ’Hal­
lucination au Délire et celui-ci au processus schizophrénique, n ’a pas seu­
lement le mérite (et bien sûr aussi l ’inconvénient) de nous révéler sa complexité,
elle nous fournit les dimensions exactes de la perspective dynamique dans
laquelle nous devons m aintenant examiner la production du délire et des Hal­
lucinations dans les diverses phases de la psychose schizophrénique.

(1) Pour moi, bien sûr, la science a une valeur, celle d ’une cumulation progressive
du savoir par quoi, précisément, elle se distingue des idéologies métaphysiques ou
politiques et des productions esthétiques.
(2) C ’est ce que j ’ai tenté de montrer dans mon livre sur « La Conscience »
en étudiant les rapports renversés et inversés dans la maladie mentale entre
l’Inconscient et l ’être conscient dont, ici, le délire schizophrénique en nous ren­
voyant essentiellement à l ’Hallucination nous fournit le modèle privilégié et qui nous
autorise peut-être à répéter spécialement encore ce que nous avons déjà établi sur
les rapports du Délire et de l ’Hallucination (p. 741-758).
(3) Rappelons encore que le symptôme secondaire de B leuler (le délire et l ’Hal­
lucination) correspond au symptôme positif de J ackson , comme le symptôme pri­
mitif de B leuler correspond bien au trouble négatif de J ackson (cf. mon travail
au Congrès de Genève-Lausanne, 1946).
SC H IZ O P H R É N IE S 795

— Nous devons, en effet, m aintenant nous ouvrir à une autre évidence


qui ajoute dans l’esprit du clinicien et du psychopathologue une nouvelle
perplexité. L a Schizophrénie qui n ’est pas comme nous venons de le voir
un processus simple et homogène, se développe en nous découvrant une autre
hétérogénéité qui apparaît, elle, dans l ’évolution du processus schizophrénique
sous forme de rapports des « poussées évolutives » et des « phases résiduelles ».
Toute observation clinique des délires ou des Hallucinations des Schizophré­
nies est pour ainsi dire rythmée p ar l ’alternance ou la progression de ces
deux modalités du mouvement schizophrénique. T antôt il s’accélère et se
manifeste comme une crise (une flambée aiguë), tantôt il se refroidit et s’installe
dans un état durable (un équilibre chronique).
Bien sûr, Kraepelin et Bleuler avaient déjà fortement mis l ’accent sur cet
aspect évolutif de la Dementia Precox ou du processus schizophrénique, mais
c ’est J. Berze qui a spécialement m ontré l ’importance clinique et pathognom o­
nique de ces deux mouvements essentiels qui, précisément, nous renvoient
au problème du « primaire » et du « secondaire » dans la constitution du
délire et à la nature même des phénomènes hallucinatoires qui le manifestent.
Les phases aiguës de la maladie, ce que l ’on appelle ses « poussées évolu­
tives », ses « formes processuelles », ses « phases d ’activité » (Berze), comment
devons-nous les envisager relativement à la double structure primaire ou secon­
daire du Délire et des Hallucinations qui en sont l ’effet ?
Nous allons, pour bien saisir ce « dynamisme évolutif du processus schizo­
phrénique », rappeler comment il est envisagé p ar les auteurs de langue alle­
mande qui l ’ont le plus profondém ent étudié. J. Berze, K. Conrad, Wyrsch,
W. Janzarik, J. Glatzel et L. Binswanger. Nous ajouterons, pour son actualité,
à ce petit exposé classique, un résumé du travail récent de J. Glatzel.

— Pour J. Berze (1929), le trouble fondamental est une « insuffisance primaire de


l ’activité psychique » (ce que nous appelons une déstructuration du Champ de la
conscience, concept qui se confond avec celui qu’il désigne comme « hypotonie
de la Conscience »). Il y a lieu, dit-il, de distinguer les phases actives et inactives du
processus, mais aussi les schizophrénies réactives et les schizophrénies compliquées.
Dans les phases aiguës ou actives, il y a une sorte d ’éruption des troubles primaires
(disons négatifs) mais aussi une énorme production de troubles secondaires (disons
positifs). C ’est-à-dire que dans ces phases comme cela se produit dans les poussées
initiales et les poussées évolutives sous la condition générale et constante du processus
primaire, c’est-à-dire de la symptomatologie en quelque sorte négative, le délire éclate
et submerge la personnalité actuelle et, au fond, la remplace. Dans les phases d ’inacti­
vité, l ’activité psychique retrouve bien sa forme normale, mais « le trouble se déplace
en allant — dit J. Berze — de la forme vers le contenu ». Si nous comprenons bien, cela
veut dire que ces phases actives sont tout à la fois la condition nécessaire du processus
mais aussi une condition insuffisante à nous faire saisir son évolution. Car si les délires,
les Hallucinations, tous les symptômes secondaires au processus irruptif, prennent
naissance dans ces phases, ils ne deviennent véritablement schizophréniques qu’en leur
survivant, c’est-à-dire en se compliquant par le travail d ’élaboration secondaire. C ’est
en ce sens que Bleuler avait pu dire, en effet, que toute la symptomatologie schizo­
phrénique est essentiellement secondaire.
796 P SY C H O SE S CH RO NIQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

— K. Conrad (1958), lui, a plus profondément encore placé tout le développement


du processus schizophrénique sous la dépendance des-troubles primaires (disons néga­
tifs) en montrant comment le début de la maladie est conditionné par eux. L ’analyse
formelle du Délire schizophrénique (Gestalt analyse der schizophrenen Wahns) montre
qu’il débute par ce qu’il appelle le « tréma », sorte d ’atmosphère cataclysmique inef­
fable, et que les malades ne peuvent jamais trouver les mots, fussent-ils métaphoriques,
pour exprimer ce qu’ils éprouvent (fait naturellement qui est commun à toutes les
expériences délirantes et hallucinatoires comme nous l’avons vu). L’expérience déli­
rante (absurdité des conduites forcées, Grundstimmung de tonalité dépressive, angoisse
et méfiance incompréhensibles, etc.) est vécue sur le registre de sentiments incoer­
cibles, de rapports avec le monde absolument immotivés (nous retrouvons ici le « ohne
Anlass » de Gruhle). De cet état primordial de délire (et nous rejoignons ici le concept
même de Moreau) (de Tours) émergent alors des formes psychiques (perceptions
délirantes, représentations délirantes, etc.) qui constituent ce que K. Conrad appelle
Vapophanie, l ’avènement d ’une signification, d ’une révélation de sens que le patient
« trouve » en l’attribuant à ce qu’il éprouve (Apophanie des Angetroffenen) ; de
telle sorte que ce terrifiant cataclysme se dresse devant lui, comme surgi dans son
monde devenu plein d ’événements menaçants.
Les perceptions délirantes, les vécus d ’étrangeté, les fausses reconnaissances,
c ’est-à-dire l’illusion que tout le monde gravite autour de lui, qu’il devient le cen­
tre de cette gravitation « ptoléméenne », s’accompagnent d ’un bouleversement du
monde intérieur (inspiration, divulgation et retentissement proche ou lointain de
la pensée, etc.). Parfois, et spécialement dans les formes les plus aiguës, les plus dra­
matiques de ces formes d ’invasion comportant alors l’aspect clinique de catatonie,
l’expérience fondamentale atteint les dimensions d ’une Apocalypse. Tous ces phé­
nomènes délirants s’observent également dans les phases des poussées évolutives.
Ils constituent le noyau (Kern) de l’expérience schizophrénique qui se réduit essen­
tiellement à l ’invasion du système des relations du Moi et du Monde, c’est-à-dire à
l ’impossibilité — dit K. Conrad — d ’en rétablir le sens « épicritique » (celui qui se
soumet au jugement des relations réelles).
— J. Wyrsch dans ses deux grands ouvrages (1937 et 1949), étudiant tout spécia­
lement l’articulation des processus aigus et de la constitution du monde et de la per­
sonne schizophréniques, a utilisé outre sa propre expérience clinique (120 cas) la
fameuse statistique de M. Bleuler (1941) portant sur 1 100 malades pour établir
que 75 % des cas comportent des phases aiguës initiales et parfois intermittentes.
Pour lui (comme pour Berze, comme pour Conrad), ces crises aiguës manifestent
l ’activité même du processus (le processus organique vivant disant Berze), c ’est-à-dire
de la fameuse structure primaire (c’est-à-dire négative puisqu’elle comporte troubles
de la pensée, troubles du Moi relativement auxquels délire et Hallucinations sont
secondaires). Tous ces troubles dits « primaires » sont vécus par le malade comme
à la périphérie de son expérience (nous avons insisté à plusieurs reprises sur les obser­
vations de Wyrsch qui note que les Hallucinations auditives, par exemple, sont en
quelque sorte entendues comme une conversation qui n ’est pas en relation avec le
malade). Mais cette expérience n ’est pas seulement subie (comme le rêve, dirions-nous)
par une personnalité qui l’exclut en quelque sorte, mais plutôt accueillie sinon pro­
voquée par un Moi qui est lui-même déjà altéré. Autrement dit, ce Moi en train
de s’aliéner participe au tableau clinique et le complète par les phénomènes « réaction­
nels » ou « secondaires ». Et ceci est capital, car c’est précisément là que gît le fonde­
ment même de la constitution de la personne et du monde (Eigenwelt) schizophré­
SC H IZO P H R É N IE S 797

niques. C’est cette transformation qui, survivant à l’expérience aiguë, la prolonge —


comme disait Berze — par son contenu et par le mouvement propre du délire autis-
tique, c’est-à-dire par la formation secondaire d ’un monde et d ’une personne schizo­
phréniques. Telle est la manière pour le Schizophrène de n ’être plus dans le monde
commun de l’existence, de rompre sa propre biographie pour lui substituer une bio­
graphie délirante, hallucinatoire et, pour tout dire, autistique.
Nous ne pensons pas trahir, en les exposant aussi sommairement, les excellentes
descriptions et analyses de Wyrsch. Elles mettent l’accent sur l’articulation du « pri­
maire » et du « secondaire » (qui correspondent beaucoup plus naturellement et res­
pectivement au négatif et au positif) ou, plus exactement, sur la proportion inverse
de l ’un et de l ’autre dans les phases aiguës et les périodes d ’état, entre les phases de
processus actif et de processus résiduel, pauvre et stéréotypé qui caractérise les phases
terminales de la maladie.
— L. Binswanger dans sa fameuse Daseinanalyse des cinq cas (Use, 1945 ;
Ellen West, 1945 ; Jürg Zind, 1946 ; Lola Voss, 1949 ; Suzan Urban, 1952 (1»
s’est proposé de détacher du processus formel de la schizophrénie son contenu vivant
et vécu, c’est-à-dire de décrire la phénoménologie de l’existence de ces malades en
se plaçant dans la seule perspective de la finalité des projets, du courant intentionnel,
du « Dasein ». Somme toute, il a explicité avec une grande profondeur la vie autis­
tique (Bleuler), le Eigenwelt (Wyrsch) qui caractérise la « biographie » que le schizo­
phrène enroule au fond de lui-même comme une histoire dont les péripéties le
retranchent du monde de la coexistence et de la réalité, mais tendent désespérément
à constituer encore un monde. Bien sûr, une telle méthode en s’érigeant dans l ’indif­
férence pour ainsi dire radicale à l ’égard du processus primaire ou négatif, brise
la coque du délire pour n ’y voir que le « développement d ’une personnalité » au sens
de Jaspers. De telle sorte que ces cas de « schizophrénie » (dont deux au moins,
Ellen West et Lola Voss sont très près d ’une structure d ’angoisse névrotique, phobique
et obsessionnelle) sont, pour ainsi dire, ramenés à une sorte de dénominateur commun
qui est certainement plutôt celui de Délire chronique dans sa généralité, que celui
de l’expérience proprement schizophrénique. Cette réserve étant faite, il est bien
certain que les analyses de Binswanger mettent l ’accent sur ce travail délirant qui
soutient et, en un certain sens, crée l ’existence, ou plutôt la non-existence du schizo­
phrène.
— Werner Janzarik (2) s’est posé le problème de la dynamique des Psychoses
endogènes, et tout naturellement par conséquent de la notion de « processus schizo­
phrénique ». Pour lui, comme pour nous, il faut renoncer aux « entités » qui consi­
dèrent chaque type ou Syndrome psychiatrique comme ayant, ou plutôt, étant une
spécificité endogène radicale. Il est enclin à reprendre le vieux concept de « Psychose
unique », c’est-à-dire à voir dans les diverses modalités de Psychoses endogènes
(c’est-à-dire de l’aliénation dans son sens le plus profondément pathologique) des
branches d’un tronc commun. Ce tronc commun est essentiellement représenté par

(1) Le cas Suzan U r b a n a été traduit en français par J. V e r d a u x , Ed. Desclée


de Brouwer, 1957. Les cinq cas ont été réunis par B in s w a n g e r dans son ouvrage
« Schizophrénie », Ed. Neske, Phillinger, 1957, qui a été longuement analysé par
A. S t o r c h dans l'Évolution Psychiatrique, 1958, p. 577-602.
(2 ) W. J a n z a r i k . Dynamische Grundkonstellationen in endogenen Psychosen.
Berlin, Springer 1959, 99 p. ‘
798 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

ce que P. Guiraud, dont malheureusement il ne fait pas état de sa conception de la


notion « ossitique », appelle chez nous la poussée'affective ou instinctivo-affective
« composante thymique primordiale » (Psychiatrie Générale, pp. 557 et sq.), c’est-
à-dire la poussée affective et instinctive. C’est à cette source, à cette donnée de sens
qu’il convient de rattacher ce que nous appellerons la part positive des Psychoses
et notamment des « poussées » et « formes florides » du Délire paranoïde halluci­
natoire des Schizophrènes. Pour ce qui est du problème qui nous occupe, ici W. Jan-
zarik considère que c’est à cette turbulence de mouvement (Dynamische Unstetigkeit)
qu’est rattachée la « Wahnstimmung ». Mais le Délire ne se constitue que par la
dénégation de ce qui lui est sous-jacent, et c’est précisément cela ( la Ça) qui constitue
l ’essence de la satisfaction (Anmutung) et de l’actualisation (Aktualisierung) des
phénomènes hallucinatoires (p. 49-53). Le Schizophrène s’achemine vers une sorte
de « videment » (Entleerung), de dépérissement de l’existence, mais pour importants
que soient ses troubles déficitaires ou cette tendance au déclin de l’existence on ne
saurait oublier l’importance des forces vives qui, dans cette Psychose endogène,
représentent encore et toujours une finalité du destin, car le Délire est même dans son
état terminal une forme de destin (Das Schickseit des Wahns, p. 63-64).
— Se référant à la conception de Kurt Lewin qui distingue dans l ’usage du
concept de causalité le concept de causalité historique, J. Glatzel (1971) pose (1)
le problème de savoir ce qui distingue les Schizophrénies aiguës (celles qui
pour nous n ’en sont pas pour relever seulement de la psychopathologie du Champ
de la conscience) et les Schizophrénies chroniques (les vraies qui correspondent
vraiment à l’Égopsychopathologie, à l’aliénation de la personne). Ce travail est donc
particulièrement intéressant pour nous puisqu’il vise à établir ce qui distingue les
Hallucinations auditives du « Schizophrène aigu » des Hallucinations auditives du
« Schizophrène chronique ». A cet égard, la lecture de ce long mémoire met en évi­
dence à propos de deux cas cliniques (résumés en quelques lignes, mais bien choisis),
que ce sont les « Hallucinations psychiques » (le syndrome d ’automatisme mental
et d ’influence) qui forment la véritable activité hallucinatoire des schizophrènes
chroniques. Et c’est par une minutieuse analyse de la situation vécue dans
l ’espace et la dynamique psychique du champ interne et du champ externe la
dialectique du réel (le jugement de réalité) que J. Glatzel cherche à distinguer les moda­
lités de disposition de l’espace psychique total (comprenant l’interne et l’externe),
puis la modalité hallucinatoire de l ’existence schizophrénique. Dans les Schizo­
phrénies aiguës, l ’auteur met en évidence le caractère limité et en quelque
sorte privé des mouvements de va-et-vient qui vont normalement du réel à l ’imagi­
naire, et ici, de l ’Hallucination au monde objectif ; de telle sorte qu’il y a une sorte
d ’incorporation de la voix, de la conversation dans le monde réel (Les analyses de
J. Wyrsch, dont il ne parle pas, ont été conduites comme nous venons de le voir dans
le même sens). Tout au contraire, les Hallucinations auditives des schizophrènes chro­
niques (encore une fois des schizophrènes tout court) s’évaporent dans une sorte
d’ivresse ou de rêve (nous interprétons ici la pensée de l’auteur plus que nous ne la
traduisons) dans lesquels s’égarent les mouvements de « locomotion psychique ».
Nous pouvons extraire de tous ces travaux leur véritable substance en disant
que le processus schizophrénique comporte pour ainsi dire deux dimensions.

( 1 ) J. G l a t z e l , Ueber akustisch Sinnestäuschungen bei chronischen Schizo­


phrenen. Nervenarzt, 1971,42, n° 1, p. 17-25.
SC H IZO P H R É N IE S 799

L ’une, qui est fournie au patient par le « pathos » subi, c ’est l’expérience déli­
rante pour autant q u ’elle est (comme l’exprime Follin en traduisant mal selon
nous « Erlebnis » p ar le m ot épreuve) essentiellement une modification déli­
rante du vécu. L ’autre, q u ’il fournit lui-même pour autant q u ’il engage dans
la constitution d ’un monde délirant l ’Inconscient « retourné » de sa propre
personne. Cette « part positive » du délire qui constitue sa manifestation cli­
nique la plus évidente, c ’est ce que après Bleuler on a appelé l ’autisme
dont l ’activité représente le contenu effervescent des phases « florides »
du processus : elle porte le sens, c ’est-à-dire l ’intentionnalité hédonique du
Délire. A cet égard, l ’Hallucination répond à ce besoin tout à la fois narcis­
sique et de réinvestissement objectai. L. L. Havens (1962) a très bien analysé
cette fonction en quelque sorte libidinale de l’Hallucination des schizophrè­
nes : elle tient compagnie, elle est la voix du com pagnon ou la communica­
tion encore maintenue avec le monde des objets virtuellement investis dans
ses seules « imagos ».
Mais tandis que dans les Psychoses aiguës le délirant (comme le rêveur)
n ’engage sa personne q u ’au niveau de son inconscience, de la déstructuration
du Cham p de sa conscience, ici, pour que la Schizophrénie se constitue comme
telle, il faut que le schizophrène y engage sa personne au niveau de l’inconscience
de soi, c’est-à-dire de sa propre aliénation. C'est cette double et complémentaire
manière d'être inconscient qui fa it du processus schizophrénique le modèle
le plus complet du Délire. C ar celui-ci n ’est pas ici seulement une manière
de cheminer vers le rêve, mais encore une manière de mettre au service de
l'A utre ce que le Moi ne veut plus être.
A cette double dimension du processus schizophrénique correspondent
des formes d ’Hallucinations différentes. Dans les phases aiguës (1), quand la
structure négative caractéristique des expériences délirantes domine, les per­
ceptions délirantes se rapprochent un peu de ce que l ’on voit dans les psy­
choses délirantes aiguës (syndrome de dépersonnalisation, Hallucinations
corporelles, sentiment d ’influence et parfois — mais plus rarement — Hallu­
cinations visuelles) ; les expériences délirantes de fin du monde, l ’atmosphère
fantastique du vécu, la perplexité, l ’angoisse, l ’impression de mystère ou de
terreur constituent le fond délirant et hallucinatoire du « trém a » que Conrad
a si bien décrit ; mais l ’importance des Hallucinations acoustico-verbales
et du syndrome d ’automatisme mental, les formulations verbales insolites
(néologismes, propos énigmatiques et abstraits) annoncent assez souvent
(mais pas toujours !) le processus schizophrénique. Celui-ci s’instaure avec
la dissociation schizophrénique (la Spaltung) qui met en mouvement le pro­
cessus discursif, le processus idéo-verbal du travail délirant dont les Halluci­
nations sont les symptômes les plus objectifs. On voit alors les malades attirés,

(1) Elles apparaissent généralement sur un fond de troubles de la Conscience


sur lequel, après J. B e r z e et tant de travaux de l’école de Heidelberg (W. M a y e r -
G r o s s , notamment), puis K. C o n r a d , W. J a n z a r i k et plus récemment E. V e r c e l l in o
(1966), en ont souligné l’importance.
800 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

sinon perdus dans leurs rêveries, attentifs aux discours hallucinatoires, aux dialo­
gues qui le portent à discourir avec l’autre q u ’il est resté au centre de lui-même.
De telle sorte que c ’est effectivement au niveau du négativisme, de l ’ambivalence,
de l ’introspection, des troubles de la communication avec autrui que le schizo­
phrène paraît ne plus pouvoir percevoir que par le « sixième sens » qui établit
hallucinatoirement sa relation avec l’autre monde. Et à mesure que ce travail
autistique se poursuit jusqu’à effacer la forme hallucinatoire du délire au
profit de fabulations thématiques ou des formulations abstraites, l ’Halluci­
nation se dégrade pour finalement tom ber dans les formes vides du soliloque.
Autrement dit, les diverses formes d ’Hallucinations indexent les modalités
de production du délire. En passant du « délire-état » au « délire-idée », celui-ci
impose une modification radicale de la moralité hallucinatoire. D ’abord expres­
sion d ’un vécu qui (et cela est plus particulièrement sensible dans les Hallu­
cinations corporelles et psychiques) ne parvient que difficilement et métapho­
riquement à s’exprimer, l ’Hallucination se charge ensuite de tout le dynamisme
d ’un délire qui, en se verbalisant, travaille toujours plus loin des données des
sens réduits au silence et, par contre, jusqu ’à l ’extrême formalisme de signifiants
désincarnés dans le discours de l’Autre.
Le processus schizophrénique en tan t q u ’espèce pour ainsi dire privilégiée
du « Délire chronique » est, répétons-le là encore, la forme la plus authentique
de l ’aliénation.
Il nous permet de saisir au travers les transform ations que subissent les per­
ceptions hallucinatoires des schizophrènes que le Délire schizophrénique par­
court toutes les étapes de l ’existence délirante. Il se rapproche des psychoses
délirantes aiguës dans ses phases initiales ou évolutives ; il se manifeste par
des interprétations ou des Pseudo-hallucinations quand le schizophrène super­
pose à la réalité une doublure d ’imaginaire ou q u ’il maintient encore assez
de contact avec la réalité pour n ’admettre que p ar le canal des sens la méta­
morphose de la réalité. A la période d ’état, ayant rom pu les amarres qui le
retenaient encore dans le système de la réalité et de la coexistence, il constitue
un monde autistique où l ’Hallucination perd ses qualités propres de référence
perceptive pour être transformée en pure idéation ou intuition fabulatoire
quand le Sujet, se transform ant si radicalement en cet Autre q u ’il finit par
être, disparaît lui-même comme Sujet et objet d ’une impossible communication.
Telle est la phénoménologie du processus schizophrénique (le contresens
ontologique de l ’existence et l ’aliénation du Moi) qui fait entendre au Schizo­
phrène ses voix, le seul écho q u ’il puisse recueillir de son monde évanescent.
Ce processus est bien une réelle désorganisation de l ’être, et non pas, comme
A. de Waelhens (1972) l ’a reproché à E. Bleuler, une artificielle projection des
phantasmes de la Psychiatrie, ou, comme l ’ont dénoncé D. Cooper ou R. Laing,
une projection du pouvoir iatrogène du Psychiatre. Plût au ciel q u ’il en fût
ainsi, et q u ’en disparaissant la Psychiatrie fasse disparaître la Schizophrénie !
LES DÉLIRES SYSTÉMATISÉS (PARANOÏA)

D e tout temps on a opposé les deux pôles du Délire chronique car, ne


l ’oublions pas, c’est pour l ’opposer aux Monomanies (Esquirol) que le Délire
chronique a été décrit (J.-P. Falret). C ’est ensuite pour l ’opposer aux formes
paranoïdes de la Dementia Precox, puis des Schizophrénies que l’école de K rae­
pelin a conservé et décrit la Paranoïa. Et c ’est encore pour l ’opposer aux Psy­
choses hallucinatoires chroniques que Sérieux et Capgras ont décrit le Délire
d ’interprétation. Telle est, en effet, l’exigence de la clinique q u ’il faut bien
réserver dans la masse des Délires chroniques une place à ces délires para­
noïaques ou systématisés qui com portent dans leur définition de ne pas entrer
dans le cadre du processus schizophrénique que nous venons de décrire. Et
comme l’un de ces pôles (Délire chronique, Schizophrénie, Psychose hallu­
cinatoire chronique) est plus manifestement hallucinatoire, l’autre (M ono­
manie, Paranoïa, Délire d ’interprétation) paraît ne l ’être pas. Nous essaierons
d ’établir que ce n ’est pas l ’Hallucination considérée comme élément sensoriel
et basal qui peut constituer un critère (de tout ou rien) valable du diagnostic
entre ces deux catégories de délire.

1° D é fin itio n . — « La Paranoïa est, dit Kraepelin, une psychose carac­


térisée par le développement insidieux sous la dépendance de causes internes
et selon une évolution continue, d ’un système délirant durable et impossible
à ébranler qui s’instaure avec une conservation complète de la clarté et de
l ’ordre de la pensée, le vouloir et l ’action ».
Il s’agit donc d ’un délire essentiellement idéo-affectif dont la projection
évoque irrésistiblement par sa structure vectorielle l ’image d ’une flèche. Mais
la psychose paranoïaque ne comporte pas toujours un développement aussi
rectiligne, et G. de Clérambault en décrivait une structure « en réseau ».
Car si, comme le disait l ’illustre clinicien français, cette forme de Délire
chronique affecte la forme d ’un « coin » que le délirant enfonce dans la
réalité contre autrui (délire en secteur), certains de ces délires com portent un
système à ramifications multiples. Mais quel que soit l’usage des métaphores
par lesquelles on désigne cette « folie raisonnante », ses formes ont ceci de
commun q u ’elles constituent, en effet, un système, c ’est-à-dire un ensemble de
phénomènes qui révèlent leur cohésion interne. En quoi précisément elles
s’écartent du modèle de la dissociation schizophrénique que nous venons
d ’exposer. L ’absence d ’Hallucinations (si on les définit comme phénomènes
purement sensoriels), caractère classiquement reconnu à ces Délires, souligne
802 P SY C H O SE S CH RO NIQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

précisément q u ’il s’agit d ’un processus essentiellement discursif, somme toute,


d ’un travail de la pensée dont l ’interprétation constitue la clé de voûte. Mais
nous savons ce que vaut l ’aune de la distinction entre Hallucination, Pseudo­
hallucination et interprétation... ! Et c ’est à retrouver ce q u ’il y a d ’halluci­
natoire dans cette psychose réputée pour ne l ’être pas que nous allons nous
employer.

2° H is to r iq u e . — La monomanie intellectuelle d ’Esquirol constitue


le noyau matriciel de cette espèce de Délire chronique. « Les malades, disait-il,
partent de préceptes faux dont ils suivent sans dévier les raisonnements logiques.
Hors de ce « délire partiel, ils sentent, agissent comme tout le monde » mais
il ajoutait, il est vrai : « les illusions, les Hallucinations et les associations
vicieuses d ’idées, de convictions fausses, erronées et bizarres sont à la base
de ce Délire ». En 1834, Leuret appelait ces délirants des « arrangeurs », et
il caractérisait leur délire par la cohésion anormale et la fixité des idées fausses.
Mais rapidement en France ce fut justem ent au sujet des Hallucinations que
les discussions sur l ’autonomie de cette espèce de délire s’instituèrent. Tandis
que pour Esquirol 80 % des aliénés étaient hallucinés. J. P. Falret fixait cette
proportion seulement à 30 %. Lasègue de son côté mettait l’accent sur le
caractère « persécuteur » du délirant persécuté, c ’est-à-dire sur des dispositions
affectives fondamentales qui se développent par un travail d ’interprétation
excluant le mécanisme hallucinatoire. C ’est la même idée, celle d ’une genèse
instinctivo-affective, celle du développement d ’une disposition délirante en
quelque sorte constitutionnelle, que l ’on retrouve chez Trélat qui parlait
à ce sujet de « folie lucide », ou chez Morel pour qui le délire était dû à une
dégénérescence héréditaire, à un facteur endogène de prédisposition comme
cela lui paraissait être le cas pour ces « maniaques raisonnants systématiseurs
intrépides qui ne reculent devant aucune conséquence absurde ». En 1878,
J. P. Falret insistait à son tour sur cette variété de persécutés raisonnants
essentiellement revendicateurs, tandis que Foville vers la même époque (1871)
insistait sur leurs tendances mégalomaniaques. Mais il appartenait à Magnan
d ’opposer plus nettement à l ’évolution du « délire de persécution » les « délires
des dégénérés » qui, comme le notait son élève Legrain (1886), se caractérisent
quand il s’agit d ’idées délirantes chroniques « par l ’absence fréquente d ’Hal-
lucinations ». Un autre de ses élèves, P. Sérieux, entreprit alors de classer les
« délires des dégénérés » en isolant chez eux un type de délire de persécution
systématisé, mais non hallucinatoire, ce qui l ’amena ensuite à écrire avec
J. Capgras leur fameux ouvrage « Les folies raisonnantes » portent en sous-titre
« Le délire d ’interprétation ». Dans ce livre célèbre, Sérieux et Capgras décri­
virent en effet une psychose constitutionnelle affectant deux formes spéciales :
les délires de revendication et les délires d'interprétation. Dans les premiers
(englobés ensuite par l ’école française dans le cadre des délires passionnels),
il s’agit, soit des fanatiques du droit (processifs ou quérulents), soit des fana­
tiques de la jalousie, soit des fanatiques de la passion amoureuse (érotomanie).
C ’est encore G. de Clérambault qui s ’est illustré dans la description clinique
P A R A N O IA 803

de ce type de délire (1). Quant au délire d'interprétation, il ressort principa­


lement d ’une genèse idéo-affective, d ’un tempérament à tendance agressive
avec hypertrophie du Moi. Il se caractérise par une idée directrice qui se déve­
loppe par le mécanisme de Y interprétation délirante dans le sens d ’un thème
de persécution et de grandeur ; et Sérieux et Capgras y notent l ’absence, la
pénurie ou la contingence des Hallucinations.
Ainsi s’est créé le dogme de la Psychiatrie française classique du début
du xxe siècle : il y a parmi les délirants chroniques un groupe de délires qui
sont caractérisés par leur mécanisme non hallucinatoire. Ces délires comportent,
soit une structure de secteur : ce sont les délires passionnels — soit une structure
en réseau : ce sont les délires d ’interprétation (G. de Clérambault). Mais ceux-ci
peuvent être ramenés essentiellement à ceux-là par l’absence d ’Hallucinations
(ou du syndrome d ’automatisme mental, comme disait le M aître de l’Infirmerie
du Dépôt) et par leur dépendance, au contraire, à l ’égard du caractère para­
noïaque — hypersthénie, psychorigidité, orgueil, méfiance et fausseté du juge­
ment (Génil-Perrin). Pour compléter cet aperçu historique, il convient d ’ajouter
que pour M agnan, pour Sérieux et Capgras et pour G. de Clérambault, ce type
de psychose délirante chronique était relativement rare par rapport à la fré­
quence bien plus grande des psychoses hallucinatoires, soit que celles-ci appar­
tiennent aux formes paranoïdes de la schizophrénie (ou comme on disait du
temps de Kraepelin, de la Démence Précoce), soit q u ’elles constituent cette
espèce particulière de Délire chronique que l ’école française a isolée sous le
nom de Psychose hallucinatoire chronique, point sur lequel nous reviendrons
plus loin.
En Allemagne, tandis que l’école française discutait des délires des dégénérés,
des états délirants aigus, des monomanies et des grands Délires chroniques de
persécution ; des discussions faisaient écho de celles de l’école française. Elles
se sont poursuivies pendant plusieurs lustres autour des notions de Déüre
(Wahnsinn), d ’aliénation (Verrücktheit). U n plan de clivage ne tardait pas
à être trouvé entre, d ’une part, la Paranoïa originaire (Kraft-Ebing), la Para­
noïa primitive (Sander), la Paranoïa simplex ou combinatoire (Mendel) puis
le Délire de relation (Beziehungswahn de Wemicke) — et d ’autre part, les
formes paranoïdes que Kraepelin intégrait dans l’évolution de la Dementia
Precox. Très rapidement aussi, cette ligne de démarcation fut marquée par
l ’absence ou la présence d ’Hallucinations. De telle sorte que le principe de
classification de tous ces Délires chroniques (opposés aux Paranoïas aiguës)
apparut — à la fin du X IX e siècle, comme il l'est encore actuellement — être la
nature hallucinatoire ou non hallucinatoire de ces Délires (2).
Après Kraepelin, la séparation du groupe « Paranoïa » et du groupe « form es

(1) Cf. Œuvre, p. 311-450.


(2) On trouvera un exposé très complet de l’enchevêtrement, à cette époque, de
toutes ces notions et classification dans le fameux article de S é g l a s (Arch. de Neuro.,
1887) et dans le chapitre « Historique » du livre de S é r ie u x et C a p g r a s (p. 305-312).
804 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

paranoïdes de la Démence Précoce » fut quasi .unanimement acceptée ; et la


plupart des auteurs qui se sont occupés de ce problème ont consacré cette
division traditionnelle. Mais l’importance du groupe des Psychoses para­
noïaques n ’a cessé de diminuer en nom bre et en intérêt malgré quelques
travaux qui ont maintenu quelque chose de la grandeur classique de cette
entité.

E. Bleuler (1907), reprenant l’essentiel de la conception affective de la paranoïa,


a mis en évidence le facteur réactionnel et les actions en circuit à forte tendance à la
stabilité. Autrement dit, il a assoupli la conception trop constitutionnaliste de Krae­
pelin. En 1909, Gaupp fit une description magistrale du développement de la per­
sonnalité paranoïaque en insistant aussi sur son caractère endogène, c’est-à-dire
caractériel. Plus tard (et jusqu’en 1942, puis en 1947), à propos des fameux cas Wagner
et Huger, il défendit l’autonomie du Délire paranoïaque et la pureté de la Paranoïa
à l’égard de la Schizophrénie.
Cependant, Lange (1924) tout en admettant la nécessité de conserver le concept
de Paranoïa mais en limitant l’usage, c’est-à-dire en tenant ce type de psychose pour
rare, a réduit le domaine de la paranoïa à son secteur « psycho-pathique » (consti­
tutionnel), caractérisé par la quérulence, l’exaltation passionnelle et la revendication
(comme l’a fait Genil-Perrin chez nous). C’est une position qui se retrouve dans les
travaux de Müller-Suur (1944), de Kofer (1952), de Berner (1965) (1), de Nils Rer-
terstol (1960), de H. Heimchen (1968).
La description et l ’analyse d’une paranoïa psychogène plus réactionnelle (dans
le sens déjà indiqué par Bleuler) sont très développées dans la conception de la para­
noïa sensitive de Kretschmer et dans les observations (cas Arnold, cas Else Boss),
de Kehrer (1922), travaux auxquels s’est référé J. Lacan dans sa thèse (1934).

Mais derrière toutes ces discussions se profile toujours la question de


savoir lorsqu’on a expulsé de la Paranoïa les délires hallucinatoires on ne la
vide pas de son contenu, ou plus exactement, si ce n ’est que par l ’effet d ’un
présupposé bâtard que toute paranoïa hallucinatoire cesse d ’être une paranoïa
pour entrer alors dans le groupe des Schizophrénies ? C ’est, en tout cas, dans
cette perspective que doivent être comprises toutes les controverses allemandes
et Scandinaves récentes (W. Gruhle, K urt Schneider, K. Kolle, W. Janzarik
(1959), P. Matussek (1963), H. Müller-Suur (1964), B. Pauleikhoff, P. Berner
(1965), N. Retterstol (1966), R. Holmboe et C. Astrup (1967), U. H. Peters
(1967), H. Heimchen (1968), etc., sur les phénomènes primaires du délire chez
les Schizophrènes et les Paranoïaques.
Pour nous, il nous suffit de noter en nous référant à toutes ces controverses
que si l ’espèce Délire chronique systématisé a une autonomie, c’est en tant
q u ’il est systématisé et non pas en tan t que pourrait lui être appliqué un critère

(1) Le travail de C . et P. B e r n e r (Aktuelle Problem der Wahnforschung, Ner­


venarzt, 1971, 42, p. 511-515) reprend la conception classique des rapports de certains
de ces délires avec un fond cyclothymique (thèse défendue par les auteurs classiques
français, G. d e C l é r a m b a u l t et J. C a p g r a s , et allemands, S p e c h t , etc.).
P A R A N O IA 805

théorique aussi abstrait que l ’absence d ’Hallucinations en adm ettant q u ’il se


développerait « seulement » par des interprétations, des Pseudo-hallucinations
et des illusions et que celles-ci seraient radicalement différentes des Hallucina­
tions...

3° S é m é io lo g ie . — Comme nous l’avons déjà dit en abordant au début


de ce chapitre les « mécanismes » du Délire et notam m ent ses éléments halluci­
natoires, l ’école française avec son concept d ’interprétation délirante et l ’école
allemande avec celui du « Wahnwahrnehmung » et de « Wahneinfall », ont
toutes deux cherché d ’abord à baser le délire sur un phénomène simple ce qui
était bien utopique. Mais elles ne s’en sont pas tenu là — surtout dans l ’école
française — en rattachant à chacun des « mécanismes » simples un type de
Délire caractérisé par cet « élément ». Mais malgré ces distinctions, ou en raison
même de leur artificielle multiplicité, la séméiologie atomistique des symptômes
pathognomoniques, c ’est-à-dire de la spécificité des espèces du Délire, a perdu
beaucoup de son intérêt. La notion de Schizophrénie englobant toutes les
espèces de Délire constitue l ’illustration de cette exigence. Mais si les espèces
de Délires chroniques ne peuvent pas se réduire à un élément simple si artificiel
qu’ils paraissent ne pouvoir être distingués, la structure dynamique des espèces
garantit à cet égard leur relative autonomie, notamment celle du « Délire
systématisé ».
Il nous apparaît donc ici évident que ce que les Classiques français et alle­
mands ont découvert à la base de cette espèce de Délire chronique caractérisé
par la systématisation, c ’est bien en effet l ’interprétation ; mais à la condition
de bien voir du même coup que le plus im portant de ces deux critères est la
systématisation dont l ’interprétation n ’est q u ’un instrument en quelque sorte
lui-même hallucinatoire : celui d ’une projection délirante du Sujet dans son
monde, c ’est-à-dire une falsification de la réalité ou ce qui revient au même, la
constitution d ’une « réalité sans objet... ».
Nous allons essayer précisément en suivant l ’école française dans ses
descriptions cliniques des Délires systématisés, héritiers de la vieille Para­
noïa (comme les Délires schizophréniques sont héritiers des formes para­
noïdes de la Démence Précoce) de m ontrer que la nature interprétative
ou hallucinatoire du Délire se réduit essentiellement à celle d ’un processus
idéo-délirant d ’un travail délirant dont les chaînons intermédiaires ou les
mécanismes d ’édification sont tels q u ’ils rapprochent plus q u ’ils n ’éloignent
l’une de l ’autre interprétation et Hallucination (1).

(1) Parmi les travaux qui généralement confirment l’absence d ’Hallucinations


dans la Paranoïa (P. B e r n e r , 1965), certains cependant, soit en les rapprochant de
la Schizophrénie (M. B e l s a s s o , 1955 ou D. W. S w a n s o n et coll., 1970), soit des
psychoses systématisées symptomatiques (U. H. P e t e r s , 1967), soit en approfon­
dissant la structure des psychoses endogènes ( J . Z u t t , 1957 ; W. J a n z a r i k , 1959)
admettent la modalité hallucinatoire de la Paranoïa appelée alors « Syndrome para-
806 P SY C H O SE S CH RO NIQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

Sérieux et Capgras ont dressé un tableau très complet de toutes les inter­
prétations délirantes que G. D rom ard définissait, répétons-le, comme « des infé­
rences d'un percept exact à un concept erroné ». Ces interprétations sont des
jugements faux qui attribuent à la réalité une valeur imaginaire qui la dotent
d ’une signification qui ne vaut que pour le Sujet mais qui a pour lui valeur
de vérité absolue. De telle sorte que Sérieux et Capgras avaient hésité un
moment à appeler ce type de délire « Délire de signification » car, disaient-ils,
la devise de l ’interprétateur peut être « tua res agitur » devise que, bien sûr,
l ’halluciné peut également prendre pour emblème.

Ils rapportent d’abord une observation (p. 11-24) d ’une malade très méfiante
qui craignait d’être empoisonnée par son beau-père et trompée par son mari. Elle
se mit à interpréter tout et rien. Disait-on une phrase banale (« Voilà ce que c’est
que de prendre les choses à l’envers »), cela veut dire que son mari a eu des rapports
homosexuels avec un de ses amis. Une lettre arrive-t-elle en retard, c’est qu’elle a été
interceptée. Son mari la fait espionner, pratique un trou dans le mur pour l’épier.
Il la pousse au suicide, ou encore tente de se débarrasser d ’elle pour épouser une
autre femme. Internée, elle prétend qu’une infirmière a cherché pendant la nuit
à l’étrangler. Revenue chez elle, son mari la photographie mais fait exprès de gâcher
la plaque de son appareil ou ne réussit qu’une photographie qui la représente noire
comme une négresse. Si son mari jette une allumette, c’est pour la désigner comme
étant, elle, dangereuse. Il l’entend marcher la nuit pour surprendre la bonne. Elle
accuse son médecin de l'hypnotiser. Elle est constamment 1’objet de tentatives d'empoi­
sonnement et d ’attentats multiples. Elle interprète le nom des infirmières. Si on lui
écrit « nous désirons ta guérison », elle remarque que le point terminal est d ’une gros­
seur inusitée, cela veut dire « nous ne désirons point ta guérison ». Elle scrute aussi
tous les écrits, les articles de journaux. Une infirmière s’appelle Mme Viste « or,
dans le jeu de whist il y a un mort ; on veut donc la faire mourir ». Elle déchiffre
constamment les hiéroglyphes qui composent à ses yeux les menus faits de son exis­
tence. Et au terme de cette observation, Sérieux et Capgras concluent que le Délire
est toujours à base d ’interprétation. « Jamais d’Hallucination » sont les trois mots
qui concluent cette observation. Et il est bien vrai que le Délire ici se développe et
se construit sur le plan du jugement, des idées erronées, des comparaisons hasardeuses
et des déchiffrements aussi conjecturaux que péremptoires plutôt que sur des percep­
tions altérées. Mais même si l ’Hallucination n ’est pas présente comme trouble
psychosensoriel avec ses attributs « sensoriels » d’une fausse perception, elle est à
l ’arrière-plan, à l’horizon de l’existence, comme pour transformer ses détails les plus
futiles en événements fulgurants ou prodigieux. La puissance de l ’Hallucination
est là comme un pouvoir diffus de transmutation des mots et des choses ; elle méta­
morphose, comme le roi Midas, la banalité perçue en or du Délire : « Je crains,
écrivait une des malades, (lettre reproduite p. 55) d’être menacée de mort et d’enlève­
ment, « d’être enfermée de force dans un fiacre pour me conduire dans une maison
close, comme on me l’a déjà fait ». Disons donc à propos de cette observation « prin-

nolde », comme pour moins se prêter à une distinction aussi radicale que celle de
K r a e p e l in .
P A R A N O IA 807

ceps » que si l’Hallucination ne se présente pas dans le tableau clinique, l’interprétation


des choses, des mots et des gens est comme une Hallucination à la deuxième puissance,
ou que le délire interprétatif est hallucinatoire au deuxième degré (celui d ’un possible,
d’un caché, d ’un symbole ou d’un faux souvenir) (1). Le contre-sens de la perception
y est, somme toute, pressenti plutôt que ressenti.

Ce halo hallucinatoire qui cerne l ’interprétation et, pourrait-on dire,


la guette, prêt à l’attirer à lui, il devient tout à fait évident dans la
description des diverses variétés d ’interprétation que nous pouvons lire dans
l’ouvrage princeps de Sérieux et Capgras.
Ces classiques définissent les interprétations comme « des raisonnements
« faux ayant pour point de départ une sensation réelle, un fait exact, lequel
« en vertu d ’associations d ’idées liées aux tendances à l’affectivité, prend à l’aide
« d ’inductions ou de déductions erronées une signification personnelle pour le
« malade invinciblement poussé à tout rapporter à lui ». Et ils précisent :
« L ’interprétation est différente de l’Hallucination car elle n ’est pas une
« perception sans objet mais une perception inadéquate à son objet ».
Ils la distinguent aussi de l ’idée délirante : « L ’interprétation est différente
« de l ’idée délirante qui, elle, est une conception imaginaire « créée de toute
« pièce » ou, du moins, déduite d ’un fait observé ». Enfin, pour Sérieux et Cap-
gras, l ’interprétation morbide se distingue de l’interprétation normale « car
« elle tend à sa diffusion, à son rayonnement ; elle est essentiellement égo-
« centrique et tend à entraîner des actes en rapport avec elle ».
Ils classent ensuite ces interprétations en interprétations exogènes et inter­
prétations endogènes « selon, disent-ils, q u ’elles ont pour point de départ
le monde extérieur ou pour origine des sensations internes, la cénesthésie,
des modifications psychiques ou des états de Conscience » (p. 29).

Les interprétations exogènes portent :


a) sur les menus incidents quotidiens : que signifient chaque matin ces
couvertures rouges aux fenêtres voisines ? L ’affranchissement d ’une lettre
par deux timbres à 5 centimes au lieu de 10 signifie q u ’on entend signifier le
divorce. — Une rose veut dire un joli bébé ; un bout de chiffon une pièce
à conviction, etc. ;
b ) les gestes et attitudes d ’autrui. Si on se touche la nuque, c ’est une allu­
sion, to u t de même que le vilain geste de se mettre les doigts dans le nez comme
pour y enfoncer un tire-bouchon. — Un malade de Deny et Camus rapportent

(1) J ’ai entendu dire (dit un de mes malades qui se nomme Gérard) « Salut Gérard »..
Or le salut est dans la fuite. Donc, c’est bien une poursuite puisqu’ils m ’obligent
à fuir. Le hasard de la clinique qui nous fournit cet exemple le jour même où nous
rédigeons ce chapitre, nous permet certainement de saisir la variété des discussions
sur l ’Hallucination et l ’interprétation quand l’une et l ’autre n ’ont de sens et d ’exis­
tence que par le délire qui les enveloppe. Et c’est bien ici le délire qui parle dans son
accent d ’origine...
E y. — Traité des Hallucinations, h . 27
808 P SY C H O SE S CH RO NIQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

les auteurs, a appris par cœur un livre analogue à la clé des songes pour connaître
la signification des objets (épingle veut dire infirme — parapluie, protection —
balai, changement. — Une fille se croit regardée par une actrice, c ’est q u ’elle
est sa fille) ;
c) les événements im portants, les chagrins domestiques, les deuils, les
mauvaises affaires, sont arrangés dans le sens des idées de persécution et
grandeur (C ’est pour lui venir en aide que le roi d ’Angleterre voyage ; les
guerres sont rapportées à sa responsabilité personnelle) ;
d ) les mots. Car le discours p ar ses manques, ses lacunes, ses ambiguïtés,
ses tropes est toujours là pour offrir à l’interprétant l’occasion d ’exercer ce qui,
somme toute, constitue à la fois l ’essence du langage et de son délire : l’inter­
prétation. Voici les exemples que donnent Sérieux et Capgras :

Une phrase, si anodine soit-elle, suffit à faire naître les suppositions les plus
hardies. « Il faut bien qu’elle le connaisse », dit-on à l’une, en lui montrant
un portrait : celui de son père assurément, un puissant monarque. Un autre entend
dans la rue une femme dire à un enfant « tu es bien coiffé », dans un magasin un
employé demande « il n ’y a pas d ’araignées au plafond » ; autant d ’allusions à sa
prétendue folie. Se promenant avec sa fiancée, il surprend dans la conversation de
deux individus ces mots bien significatifs : « Elle ne sera pas pour toi ». « Vogue et
chavire » chante-t-on devant lui. Des dialogues entiers, détournés de leur sens, pro­
voquent des conceptions délirantes. Une malade écoute sa mère et son oncle chuchoter
ceci : « Nous sommes arrivés trop tard, le testament était fait. — Oui, si elle ne meurt
pas... c’est une mauvaise affaire pour nous... ». Ces paroles se gravent dans sa mémoire;
les rapprochant de la mort récente d ’un évêque, elle conclut que, fille de cet évêque,
ses prétendus parents veulent la faire mourir pour dérober son héritage.
Parfois l’expression perçue prend un sens emblématique ; de véritables jeux de
mots constituent autant d ’arguments aux yeux de l ’interprétateur. Coq signifie
orgueilleux ; poire, imbécile ; on lui présente une brosse, « il peut se brosser » ;
on lui offre du riz, « on se rit de lui » ; on lui tend un mètre ; serait-il le maître ?
Parle-t-on de peau ou de gruyère : sa femme est « une peau, une grue d ’hier » ; un
individu nommé Lafay s’asseoit à côté de lui : l ’accuse-t-on d ’un crime ? ( il l ’a fa it).
Une malade prétend qu’une infirmière est payée pour la faire disparaître, elle et une
autre pensionnaire : elle l ’entend en effet fredonner la « chanson du roi de Thulé »
(tue-les).
Ces interprétations basées sur des similitudes de sons, sur des à-peu-près, des
calembours, sont assez caractéristiques. Elles utilisent jusqu’aux noms propres
des personnes de l’entourage. Une de nos pensionnaires, femme intelligente (obs. I)
nous parle un jour de « rapprochements bien intéressants ». « A l ’époque, dit-elle,
du viol (prétendu) de ma fille, j ’ai souvent répété le nom de celle-ci : Marie. Or en
arrivant à la maison de santé, j ’apprends qu’une infirmière s’appelle Marie Potin » :
allusion aux potins qu’on lui reprochait de faire à propos de sa fille. « Autres faits
curieux, ajoute-t-elle, ma belle-mère causait un jour dans une chambre voisine avec
mon mari ; je l ’ai entendue dire : « mon fils, elle devient dangereuse, je compte sur
son internement » et elle le répéta trois fois. Or il y a une surveillante qui s’appelle
« Mme Conté ». Enfin mon mari me disait souvent quej’avais des « voix » et j ’apprends
qu ’une infirmière est originaire de la Savoie ». Le Docteur Mauclaire vient l'examiner ;
encore un nom significatif : sa situation n ’est pas claire !
P A R A N O IA 809

Somme toute, pour résumer la pensée de Sérieux et Capgras, nous pouvons


dire que le monde qui s’offre à la perception est pris par l ’interprétant pour
un « rébus » à déchiffrer (1), pour un hiéroglyphe à décrypter, comme si le
délirant ici préparait par anticipation et à l ’envers le travail du psychanalyste
en refoulant par son interprétation encore plus profondément ce que, croyant
le mettre à jour, il cache plus sûrement à ses propres yeux même. Somme
toute, l ’interprétation délirante enroule le sens q u ’elle prétend dérouler.

Les interprétations endogènes vont nous faire pénétrer dans un domaine


où — nous l’avons bien des fois souligné précédemment — la notion de per­
ception sans objet et, par conséquent, la négation comme l ’affirmation de
l ’Hallucination perdent leurs droits. Tout étant seulement m étaphore et signifi­
cation dans la perception du corps et du vécu psychique en tant que fatalement
ou purement subjectif, toute illusion dans ce domaine va nous apparaître
comme valant tout à fait arbitrairement, soit pour Hallucination, soit pour
interprétation. Suivons encore Sérieux et Capgras dans leur description pour
nous en convaincre :
a) Interprétation de l'état organique (exemple : un persécuté ressent des
picotements ou des mouvements désordonnés ; un autre est fatigué, c’est donc
q u ’on l’hypnotise ; une femme éprouve une excitation clitoridienne, c’est donc
qu’on agit sur ses organes génitaux). L ’observation II (p. 39) peut, à cet égard,
convaincre de l’impossibilité de séparer radicalement dans ce domaine corporel
Hallucination et interprétation, et dans leur vécu et dans les moyens de défense
employés p ar l ’hallucinant et l’interprétant.
b) Interprétations tirées de l ’état mental. — Ici nous devons citer textuelle­
ment to u t le paragraphe :

Certains états de Conscience écrivent Sérieux et Capgras, certains troubles fonc­


tionnels psychiques servent d ’aliment aux interprétations (délire par introspection
mentale de Vaschide et Vurpas). Quelques malades s’étonnent d ’être assaillis par des
pensées inaccoutumées, ou bien ils voient une relation entre ces pensées et les faits
concomitants. L’un d ’eux pensait au maréchal de Biron, un traître né dans son pays,
quand, au même instant, son frère entre : c’est donc que son frère le trahit, est l ’amant
de sa femme. « Comment, dit-il encore, ai-je pu raconter toute ma vie à ma femme
comme à un confesseur ? C’est bizarre, on cherche à me rendre fou ». Un autre
s’étonne des aveux extraordinaires qu’il fait à ses parents ; il faut que par des « pro­
cédés raffinés » on l’oblige à « dévoiler son état d ’âme ». Certains cherchent une cause

(1) Il en est ainsi pour tout acte perceptif qui consiste en un décodage de l ’infor­
mation. Mais tandis que chez le Sujet normal — et quelles que soient ses illusions
et erreurs en quelque sorte anodines — c’est à un code commun qu’il se réfère en
percevant tel ou tel objet, le délirant (et ici l’interprétant pour autant qu’il se rapproche
précisément de l ’halluciné) traite l’information que lui fournissent les canaux senso­
riels selon un code singulier superposant son secret au code commun auquel il affecte
de se tenir.
810 P SYC H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

même à leurs sentiments : tel d ’entre eux, surpris de n ’éprouver aucune affection
pour sa mère, en conclut qu’il n ’est pas son fils. Lés actes répréhensibles commis
antérieurement sont attribués à des suggestions.
Il n ’est pas jusqu’aux manifestations dues aux émotions, à la fatigue, à l ’épui­
sement nerveux qui ne soient interprétées. Un de nos malades remarque que chaque
fois qu’il est examiné par un magistrat, il perd tous ses moyens, balbutie, n ’arrive pas
à s’expliquer : que lui fait-on prendre dans ce but ? Veut-on le faire passer pour atteint
de paralysie générale ? Un autre ne peut concevoir sa pusillanimité ; on doit projeter
sur lui des rayons spéciaux qui ont la propriété de donner l’illusion de la peur.
« Pourquoi suis-je nerveux, irascible, excité ; ou bien ahuri, hébété, incapable
de rien dire ? Comment se fait-il que certains jours j ’écrive avec difficulté, comme si
on me retenait la main ? Parfois, moi instituteur, je fais des fautes d’orthographe !
Est-ce l ’hypnotisme, la suggestion ? D ’autres fois, je ne puis détacher mon regard
des lampes électriques. Pourquoi ai-je un jour tourné autour d ’un puits et me sen-
tais-je poussé à m ’y jeter ? Magnétisme, assurément ! ». Divers interprètent des
troubles neurasthéniques ou psychasthéniques. Marandon de Montyel a publié
une observation qui paraît être un cas de délire d ’interprétation édifié sur des troubles
neurasthéniques, que le malade croit occasionnés par des individus soudoyés pour
l’empoisonner, le troubler dans ses études et ses travaux.
Dans d ’autres cas les épisodes délirants aigus (états de dépression, accès hallu­
cinatoires, etc.) apparaissent parfois au cours du délire d ’interprétation, sont bien
considérés par le Sujet lui-même comme des accès de folie, mais il les attribue à un
empoisonnement ou à des suggestions.
Certains vont jusqu’à interpréter leur délire rétrospectif : il n ’est pas naturel
de se remémorer ainsi les moindres faits passés ; on agit sur eux pour qu’ils puissent
se souvenir des plus petites peccadilles.
Enfin un certain nombre de conceptions délirantes empruntent aux rêves du
sommeil normal des chimères acceptées sans modification ou dénaturées. Un mys­
tique justifie son appel à la tiare par les terreurs nocturnes de son enfance ; il pré­
dit les événements politiques pour les avoir vus en songe. Une Allemande, nom­
mée Katzian, eut ainsi la révélation qu’elle n ’était pas une Katzian : elle vit dans
un rêve son père nourricier en prison, ayant à sa droite un chien, symbole de la fidé­
lité, à sa gauche un chat, symbole de la fausseté ; elle est donc une fausse Katzian
(Katz, chat en allemand).

c) Interprétation des souvenirs. — L’observation du moment présent, l’interpré­


tation des faits actuels ne suffit pas aux malades. Poussés par le besoin de trouver
de nouveaux motifs à leurs malheurs, ou de mieux satisfaire leur orgueil, ils fouillent
dans l ’arrière-fond de la mémoire ; la reviviscence de souvenirs anciens fournit ample
matière à des erreurs de jugement (délire rétrospectif) . L’un d ’eux se demande si
c’est « pour avoir gardé comme malgré lui, des timbres il y a vingt-quatre ans, qu’on
pourra l’embêter toute sa vie ? » Certaines phrases insignifiantes, prononcées il y a
longtemps, viennent confirmer les propos d ’aujourd’hui, éclairer les sous-entendus.
Réflexions puériles de l’enfance, petits compliments, caresses ou réprimandes prennent
tout à coup une signification précise. Le jour de sa première communion l’un déclare :
« Je veux être pape », inspiration divine certes et qui prouve ses droits à la tiare.
Dans cette investigation rétrospective, l’interprétation joue encore un rôle pré­
dominant, mais n ’est pas seule en cause. Les illusions, la falsification des souvenirs
doivent entrer en ligne de compte. Sans doute la trame de ce délire rétrospectif
P A R A N O IA 811

comporte quelques faits exacts, mais la broderie est en grande partie œuvre de l ’ima­
gination.

Enfin, Sérieux et Capgras notent que par son dynamisme interne le délire
aboutit à une véritable transform ation de la réalité (c’est le monde renversé,
un labyrinthe inextricable) (1) (v. p. 60). On pourrait dire que l’interprétation
n ’est que la pseudo-image du rationalisme en érigeant en système ce que le
délire porte dans ses prémisses.

Nous nous excusons d ’avoir peut-être trop longuement cité l’ouvrage


déjà ancien de Sérieux et Capgras, mais il nous a paru indispensable
d ’en rappeler le sens et peut-être les difficultés conceptuelles de leur interpré­
tation du délire d ’interprétation avant de pénétrer pour notre propre compte
dans le monde de l ’interprétation délirante.
Nous devons en effet bien saisir le sens de l ’interprétation dans ses
rapports avec l ’halluciner pour bien comprendre que l ’interprétation,
tout en se distinguant de l ’Hallucination dans sa physionomie et sa fonction,
ne peut en être séparée, car l ’une renvoie nécessairement à l’autre, l ’une conte­
nant nécessairement l’autre en tan t que les deux termes (le « zweigliedrich » de
K urt Schneider q u ’unit le Délire, fût-il apparem m ent intuitif « eingliedrich »),
impliquent nécessairement un mouvement qui va de l ’un à l’autre. Au fond du
phénomène délirant, en effet, il y a u n double mouvement d ’où jaillit la fausse
évidence, celle des sens et celle du sens. C ’est dans le domaine du sens q u ’est
vécue ou que travaille l ’interprétation; mais pour autant que les données des
sens et la prise par le sens sont à ce niveau inséparables, l'interprétation et l'Hallu­
cination renvoient l'une à l'autre. Si les analyses que nous avons exposées
dans la 3e Partie de cet ouvrage (cf. supra, p. 405) à propos du processus noético-
affectif ou idéo-verbal hallucinatoire qui manifeste l ’aliénation de la per­
sonne — par opposition aux expériences délirantes qui altèrent le Champ de

(1) Il faudrait ajouter ici à cette description de la progression d ’un délire qui
s’engendre lui-même (selon le mot de J.-P. F alret) les travaux de C apgras et de
ses élèves sur les illusions de Sosie et les méconnaissances systématiques qui, en effet,
constituent un renversement de toutes les perspectives de l’existence (et non pas
seulement des perspectives sensorielles) au point d ’aboutir à une sorte de monde
proprement artificiel comme chez notre malade (Louise S. F... cf. supra, p. 769) qui
ne percevait rien qui ne soit faux... « Comme vous jouez bien la comédie ! Vraiment,
quels acteurs vous êtes, on dirait des Médecins... Et ces fausses infirmières avec leurs
fausses seringues et leurs faux uniformes, on croirait qu’elles sont vraies. C ’est très
ressemblant... Et le cloître de ce faux hôpital, je sais bien que c’est un faux cloître.
U n ’y a qu’à gratter un peu en passant les piliers... C ’est du carton-pâte. Mais c’est
vraiment bien fait, on dirait un vrai cloître... » Et tout était ainsi fabriqué, truqué.
Elle seule par sa clairvoyance détenait la vérité d’un monde auquel elle contestait
toute réalité...
812 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

la conscience — si ces analyses sont exactes, elles peuvent et doivent rendre


com pte de cette combinaison inextricable d'Hallucinations, d'illusions, d ’inter­
prétations, d ’intuitions (chacun de ces termes pris dans le sens de la séméiologie
classique) qui form ent les nœuds du tissu serré des Délires systématisés.
Il est vrai que l’Interprétation (comme l ’Hallucination) paraît cliniquement
être un phénomène primaire (surgissant tout d ’une pièce et pour ainsi dire
sans contexte ou hors texte), mais elle est toujours secondaire à un travail
délirant antécédent ou sous-jacent.
Généralement, les interprétations constituent une conclusion p our ainsi dire
syllogistique d ’une construction progressive et laborieusement élaborée. U n de
nos malades, M. Jean R. (cf. supra, p. 764), qui avait passé, rappelons-le, des
années et des années à se fabriquer une histoire (et une préhistoire généalogique
de fausse filiation) était parvenu à u n système extraordinairement compliqué
de falsification de sa propre histoire avec les événements de l ’Histoire ; il était
issu d ’une branche bâtarde napoléonienne mais alliée aux Bourbons, de sorte
que le signe authentique de son identité était dans la fleur de lys q u ’il savait (per­
cevait, ou imaginait, ou croyait) porter dans le dos. Cette fleur de lys, il ne la
voyait pas mais il l’apercevait dans les yeux du médecin qui, l ’auscultant, devait
la voir comme lui-même devait l’avoir. L ’image fleur de lys n ’était donc pas vue
mais posée comme l ’évidence d ’un théorème. Et, par là, l ’interprétation se dévoile
pour ce q u ’elle est, c ’est-à-dire pour répondre à l ’exigence d ’un système qui —
comme le processusidéo-hallucinatoire avec ses Hallucinations noético-affecti-
ves — entend s’appuyer sur la réalité tou t en la transgressant. Dans ce sens,
l ’interprétation est secondaire au travail délirant, elle est le délire lui-même qui
s’engendre lui-même sur le modèle d ’un raisonnement-alibi.
Mais l ’Interprétation peut surgir comme si elle était pour ainsi dire « auto­
chtone », et elle apparaît comme un postulat éclatant d ’évidence dans le cristal
logique d ’une connaissance absolue, d ’une intuition irrécusable ( Wahneinfalî,
comme disent Gruhle ou K. Schneider), c’est-à-dire comme une donnée
immédiate et évidente de sens. Le pot de pensées que la belle-sœur d ’une de
nos malades a placé sur sa fenêtre a été pour celle-ci la communication
d ’emblée éclatante d ’une certitude qui ne l ’a jam ais plus quittée : la
belle-sœur « pensait » à son mari, elle « le mettait dans son pot »...
La structure immédiate et intuitive, ou médiate et discursive de l ’interpré­
tation reflète ainsi sur un plan symbolique ou sémantique ce que l ’Hallucination
contient, d ’une part de vécu incoercible et instantanément actuel (dans ses
fausses réalités perçues), d ’autre part de pensé, de dit ou de proclamé (dans la
boucle de réverbération qui répercute comme un écho ou un boomerang le
propre langage du Sujet dans ses oreilles). Car il est bien vrai que l ’un et l ’autre
de ces procédés de la connaissance délirante ont quelque chose de commun.
Mais ce qui distingue justem ent l ’un de l ’autre, c ’est que l ’interprétation se
meut dans la sphère du sens, de l’idée pour ne s’accrocher q u ’occasionnel-
lement à l ’objet de la perception, tandis que l ’Hallucination se réfère sans
cesse et avec prédilection à une relation avec le monde de la perception et
du sentir. En ce sens, l ’interprétation se situe dans une forme d ’imaginaire
P A R A N O IA 813

qui emprunte à l’erreur de l ’intelligence et du jugem ent ce que l ’Hallucination


en se jouant de la réalité perçue emprunte aux illusions du sentir. Cela revient
à dire que l ’interprétation dépasse dans le sens du travail du délire ce que l ’Hal­
lucination au contraire com porte encore de relative solidité dans l ’adhérence
au réel. L ’interprétation rêve plus encore et plus facilement les phantasmes
du Délire q u ’elle enfante que l’Hallucination qui n ’entend entendre que ce que
lui assure le témoignage des sens.
Somme toute, le problème de savoir ce qui est le plus délirant de l’Hallu­
cination ou de la perception nous contraint à les assimiler l ’une à l ’autre. Car,
en effet, si l ’Hallucination altère la réalité jusque dans les assises de la percep­
tion, l ’interprétation l ’altère à un niveau plus élevé de la pensée symbolique
(P. Matussek) ; de telle sorte que l ’on peut dire que l’interprétation est plus déli­
rante que l ’Hallucination, parce q u ’elle falsifie l ’exercice même de la pensée,
ou que l ’Hallucination est plus délirante que l ’interprétation car elle va ju sq u ’à
falsifier l ’inform ation à sa source même, au niveau « sensoriel » de la codifica­
tion des messages. Disons donc et nécessairement que l ’une n ’est pas plus déli­
rante que l ’autre, ou plutôt, qu’elles le sont également ; car ce q u ’il y a au fond
de l ’Hallucination et au fond de l ’interprétation et, par conséquent, au fond du
Délire, c ’est un travail discursif de falsification et d'inversion des rapports du M oi
avec son Monde et avec VAutre. Comme nous le soulignions plus haut, le « Tua
res igitur » de l ’interprétation, c’est aussi la loi même de l ’Hallucination pour
autant q u ’elle donne corps au désir, q u ’elle confère valeur de réalité à l’ima­
ginaire (1).
Et ceci nous conduit à une autre lecture des phénomènes interprétatifs,
à une autre herméneutique de l’interprétation elle-même, celle que nous pro­
pose la psychanalyse.
Il tombe, en effet, sous le sens que lorsque l ’interprétateur voit se dessiner
le sens caché de l ’événement seulement fortuit et manifeste (lorsqu’il saisit
que le pot de fleur est le signe des rapports du mari avec sa belle-sœur, ou
lorsque la fleur de lys est le sceau de la toute-puissance phallique), ce q u ’il
découvre c ’est encore ce q u ’il couvre ou refoule. L ’interprétation allant dans le
contre-sens de l ’interprétation analytique rend justem ent celle-ci possible.

(1) Toutes les discussions des auteurs allemands (P. M a t u s s e k , W. J a n z a r i c k , etc.)


sur la constitution de l ’expérience délirante (Erlebnisvollzug) et les troubles de la
perception ( Wahrnehmungs Störungen) dans la Paranoïa et plus généralement
le Délire, toutes ces discussions, répétons-le encore, tournent autour de cette assi­
milation du phénomène hallucinatoire, au phénomène intuitif et au phénomène inter­
prétatif. Pour autant que le vrai Délire («.echte Wahn») est un, ces phénomènes ou
mécanismes sont assimilables les uns aux autres en tant que modalités de falsification
de la perception, non pas au niveau de la perception elle-même mais de l’activité
symbolique ( M a t u s s e k ) , c'est-à-dire au niveau de la constitution du système de la
réalité pour autant qu’il est milieu de relation du Moi à son Monde.
814 P SY C H O SE S C H R O N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

Ce que fait l ’interprétation délirante, en effet; c’est ce que fait, mais en sens
contraire, l ’interprétation psychanalytique (1).
L ’analyste découvre que le délire en tant que signifiant manifeste la signifi­
cation du désir ; le délirant découvre dans le signifiant constitué en rébus par
la forme elliptique des relations que soutiennent entre eux les éléments de sa
« réalité délirante », un sens qui projette hors de lui (qui objective) ce q u ’il ne
peut lui-même ni être, ni avoir, ni assumer. Et, par là — et c’est tout le paradoxe
du délire — l ’interprétation emprunte le sens les voies et moyens de son être
conscient (ou raisonnable) pour délirer en tournant le dos (comme dans l’inter­
prétation par notre m alade Jean R... « de la fleur de lys dans le dos ») à la
« réalité » de son Inconscient. C ’est bien pourquoi l’interprétation apparaît
bien alors, comme le disaient Sérieux et Capgras, comme le signe même de
la folie raisonnante. De telle sorte que si nous pouvions dire plus haut que
l ’interprétation est aussi délirante que l ’Hallucination, c’est bien parce q u ’elle
ouvre la porte à un délire qui sous les apparences de la Raison énonce la Dérai­
son des idées que nous appelons précisément délirantes. L ’interprétation est le
type même d ’une sublimation de l ’Inconscient qui, au contraire des sublimations
normales et par le truchement de la fiction déréelle fait dépendre plus étroitement
le Sujet de son Inconscient qu’il ne l’en détache. L ’interprétation est la voie
royale de l ’aliénation. Et pour autant q u ’elle en constitue le halo ou l ’anticipa­
tion, elle enveloppe l ’Hallucination.
Et nous découvrons alors le monde délirant comme un monde de signes,
de symboles, de phantasmes ou d ’imaginaire qui ajoute une imposture de plus
à celle de l ’Hallucination, celle d ’une fausse vérité qui entend non pas seu­
lement être entendue par les oreilles du Sujet mais faire entendre raison à tous
les autres. Tout se passe dans ce monde des interprétations comme si le D élirant
mettait au service de son Délire les ressources de sa Raison « intacte » dans sa
forme, mais aliénée dans son fonds. D ’où le recours constant et abusif aux
signes et déchiffrements qui, cessant d ’être des moyens, deviennent les fins
d ’une relation avec le monde essentiellement hiéroglyphique.
Ce qui, du point de vue séméiologique, constitue la réalité propre du
Délire d ’interprétation (ou si l’on veut, de la Paranoïa dont il constitue le

(1) Que l ’interprétation psychanalytique de la Paranoïa exige que cette hermé­


neutique se rapproche des interprétations du délirant jusqu’à se situer au même
niveau phantasmique, paraît évident. Ce qui l’est hélas ! tout autant, c’est que certains
psychanalystes peuvent tomber eux-mêmes dans l’illusion délirante de leur inter­
prétation, Cf. mes commentaires lors des conférences de R. Z agdoun « A propos
de la Paranoïa » {Entretiens Psychiatriques, n° 13) et « Deux cas de Paranoïa infantile )»
{Entretiens Psychiatriques, n° 14). Cette interprétation est portée par G . D eleuze
et F. G uattari {Anti-œdipe, 1972) à son plus haut, poétique et génial degré d ’absur­
dité à propos de l ’interprétation de F reud interprétant le délire du Président Schreber.
Mais le vacarme de la machine désirante et délirante ne perd son tonitruant secret
que pour garder celui de sa « production ».
P A R A N O IA 815

centre), c ’est la form e systématique (ou comme disaient Sérieux et Capgras,


« raisonnante ») du Délire, c’est-à-dire le travail délirant qui s’exerce dans le
sens d ’une « logique » irrémissiblement falsifiée. Que cette logique soit plutôt
une autre logique (celle que l ’on dit affective) n ’enlève rien à cette évidence
puisque, aussi bien la certitude de la vérité découverte p ar le Délirant passe
dans l ’esprit de l ’observateur sous forme d ’une pensée qui entend sans trêve
ni merci avoir toujours raison, d ’une Raison qui récuse la Déraison alors
q u ’elle n ’est elle-même q u ’un semblant de raison.
Tout ce que nous disons de ces Délirants si lucides, ou comme ils le disent
eux-mêmes si hyperlucides ou clairvoyants, savoir q u ’ils sont méfiants, inven­
teurs, orgueilleux, entêtés, opiniâtres, ergoteurs, procéduriers, ne vise rien
d ’autre que cette structure de mauvaise foi systématique qui les prend au
piège de leur propre Raison perdue dans le moment même où ils la proclament
dans leurs démonstrations et leur stratégie ou, encore, la préservent dans leur
réticence calculée. Car, bien sûr, c ’est dans une forteresse de défenses, de ruses,
de résistances et de stratagèmes offensifs, que ce « fou » se défend de l ’être.
Si nous revenons m aintenant et une fois encore aux rapports qui unissent
ou distinguent interprétation et Hallucination dans la form ation du Délire
chronique, nous pouvons dire que ce qui différencie ces deux mécanismes du
délire c’est que l ’un (l’interprétation) est plus typique, plus médiat et discursif
qu’immédiat et vécu, et que l ’autre (l’Hallucination) est plus profondément
passif ou subi, justem ent comme si le Sujet recevait du monde des objets un
message. Mais il est bien clair que, entre ces deux modalités de production
délirante, tous les degrés vont pouvoir se rencontrer autrem ent dit, que le
Délirant chronique hallucinant « interprète » autant et plus q u ’il ne perçoit,
et que l ’interprétant halluciné plus ou moins pour la bonne raison que son
interprétation des choses c’est encore, répétons-le ici, une manière de les
percevoir non pas dans ses sens mais dans leur sens. De sorte que nous ne
pouvons pas nous étonner que le diagnostic entre Délire d ’interprétation et
Délire hallucinatoire soit si difficile en clinique, alors q u ’il est bien plus facile
de reconnaître ce qui, au-delà de cette distinction un peu artificielle, sépare
vraiment un Délire systématisé d ’une Psychose schizophrénique. Si nous
voulons saisir le Délire dans la totalité de son mouvement et de sa structure,
nous devons dire que sa « forme interprétative » indexe spécifiquement sa struc­
ture systématique (c’est-à-dire une modalité de délire qui tient compte, tout
en en faisant un mauvais usage, des règles de la raison).
On comprend dès lors que le Délire paranoïaque et ses interprétations
représentent au fond un niveau de Délire qui paraît se mouvoir plus près
de la réalité que le délire plus évidemment hallucinatoire, car il ne cesse
de s’alimenter par une référence constante, quoique perturbée, aux événe­
ments de l ’existence à la commune réalité du monde. En tant que projec­
tion idéo-affective, il s’enfonce comme un coin ou s’infiltre comme un réseau
dans la réalité. Et nous pouvons par là mieux saisir ce que nous avons jus­
qu'ici laissé en suspens. Sans doute l ’interprétation est aussi délirante que
l'Hallucination ; mais si nous envisageons le Délire interprétatif dans sa
816 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

structure de systématisation pour l ’opposer au Délire hallucinatoire (des


paraphrénies, des Psychoses hallucinatoires chroniques ou des formes para­
noïdes de la Schizophrénie), alors nous saisissons que dans le contre-sens
existentiel de son sens il est une création, une « re-création » d ’un m onde qui
s’ordonne p ar une référence constante — fût-elle radicalement falsifiée — à
un système de la réalité. Le Délire paranoïaque, comme le paranoïaque lui-
même, a la prétention de s’exhausser jusqu’à l ’ordre cosmique d ’un monde
idéal, et c ’est cette mégalomanie qui forme son Système de persécution,
gonflé par la boursouflure de son orgueil insensé disaient les anciens auteurs
ou par la projection de ses pulsions narcissiques, disait Freud.

4° É v o lu tio n . — La Psychose délirante systématisée à base d ’interpré­


tation est un délire chronique. Ses thèmes sont généralement ceux de la per­
sécution qui font souvent place progressivement à ceux de la mégalomanie
q u ’ils impliquent. Les thèmes d ’influence maléfique ou de possession érotique,
ou les idées de jalousie, de filiation, ou encore les conceptions mystiques et
les préoccupations hypocondriaques constituent le texte même que déchiffre
l ’interprétation délirante. Cette décryptation travaille dans la réalité extérieure
(les situations privées ou quotidiennes comme dans les circonstances politiques
ou sociales), mais aussi dans la réalité interne, celle du corps ou de la pensée
qui sont également interprétés (comme l ’ont montré, nous l ’avons vu, Sérieux
et Capgras), c’est-à-dire dotés d ’une signification qui les érige en événements
plus ou moins naturels ou magiques, en fa its et « pseudo-constats » qui compo­
sent l ’histoire délirante. Mais, répétons-le, l ’activité interprétative qui extrait
de ces modalités du réel la substance du Délire ne constitue pas l ’état prim ordial
de cette manière de délirer (qui mêle inextricablement interprétations, illusions,
Pseudo-hallucinations et Hallucinations) ; car ce qui représente la structure fon­
damentale c’est la systématisation, c ’est-à-dire la cohésion interne, l ’articula­
tion pseudo-logique des événements, des relations intersubjectives, des péri­
péties du rom an délirant.
C ’est ainsi que ce type de Délire se développe, en effet, comme une tragédie
classique ou un récit d ’aventures selon les lois d ’une progression et d ’une unité
internes. L ’histoire d ’Aimée écrite par J. Lacan dans sa thèse constitue un
excellent exemple de cette m aturation interne de la Psychose paranoïaque (1).

(1) Aimée avait, dès l ’âge de 32 ans, présenté une « bouffée délirante » avec idées
de persécution, de jalousie, illusions, interprétations, Hallucinations (On l ’accusait
de vices extraordinaires, toute la ville était au courant de sa conduite). Dans le déve­
loppement ultérieur du délire, J. L acan note, en les résumant (p. 276), « que les inter­
prétations font partie de tout un cortège de troubles de la perception et de la repré­
sentation qui n ’ont rien de plus raisonnant qu’un symptôme : des illusions de la
perception, des illusions de la mémoire, des sentiments de transformation du monde
extérieur, des phénomènes frustes de dépersonnalisation, des Pseudo-hallucinations
P A R A N O IA 817

L ’évolution générale du Délire se fait donc selon les règles d ’une confection
qui tend à se parfaire et à s’achever. Somme toute, à se clore. Et, en effet,
des Délires qui parfois se construisent pendant des années parviennent à une
sorte de chef-d’œuvre d ’architecture ou à la composition d ’une symphonie
ou, plus simplement, à un rom an de cape et d ’épée, d ’un rom an noir, d ’un
rom an policier ou d ’espionnage. Quand le délire est arrivé à s’organiser selon
un ordre intérieur qui dispose tous ses signifiants en fonction de son signifié
idéo-affectif central ou de sa « Key expérience », il s’achève alors comme se
parfait une toile d ’araignée. Il ne disparaît pas ou presque jam ais complè­
tement, mais il s’arrête et, à la fin de son existence paranoïaque, le délirant
ne vit plus que dans le souvenir de cette biographie imaginaire qui se distingue
du monde autistique par sa pénétrabilité, sa narrativité et sa relative plausi­
bilité, toutes dimensions qui manifestent la perfection du travail d ’annulation du
Délire p ar la construction cohésive, sinon cohérente, du travail délirant.
Nous verrons plus loin qu’il existe des formes évolutives atypiques, véri­
tables formes de passage entre les trois grandes espèces de Délire chronique.
Rappelons que les anciens auteurs allemands parlaient de Paranoïa aiguë
(Westphall), et que l ’on a décrit des « Paranoïas abortives » (Gaupp, 1900),
lorsque le système à peine constitué se résorbe, ou meurt à peine est-il né.
— Certains cas ont, eux, une évolution plus ou moins cyclique avec des
épisodes aigus ressemblant à ce que l ’on observe dans les schizophrénies
incipiens, aux états oniroïdes des psychoses délirantes aiguës. — Parfois aussi,
l ’évolution de ces délires affecte avec les psychoses périodiques des rapports
profonds ; c’est ce que les Classiques français appelaient le Délire systématisé
« secondaire ». Mais tout ceci nous conduit précisément à envisager le problème
nosographique de ces délires.

5° N o so g ra p h ie . — Il y a deux manières assez simples de résoudre le


problème nosographique des Délires chroniques : l ’un consiste à les absor­
ber tous dans le cadre de la Schizophrénie et c ’est celle q u ’adoptent géné­
ralement les écoles psychiatriques étrangères ; — l ’autre, est de ne conserver
q u ’un secteur étroit de Délires chroniques en marge de la Schizophrénie, et
ce sont les cas de Paranoïa (Bleuler et l’école allemande contemporaine).
La ligne de démarcation entre ces deux groupes (de proportion très inégale)
est classiquement constituée, rappelons-le par l’absence, ou la présence d ’Hal-
lncination. Or, il n ’est pas vrai que l ’Hallucination soit un bon critère pour
distinguer les espèces de Délire chronique, car l ’Hallucination se projette
ou projette son ombre sur toute la masse de ces Délires comme nous venons

et même des Hallucinations épisodiques ». Sans doute, comme le dit l ’auteur, il


ne saurait être question d ’un Délire chronique hallucinatoire ; mais il est bien évident
qu’on ne saurait non plus ne pas discerner dans ce cas combien les expériences déli­
rantes interprétatives, surtout dans certains moments féconds, se confondent avec
l’expérience hallucinatoire.
818 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

de le voir en analysant l ’interprétation délirante en tant q u ’elle est une « Wahn-


wahmehmung », c ’est-à-dire une perception délirante. Si bien que la noso­
graphie française plus portée à distinguer des variétés et espèces, en isolant
dans la masse restante des Délires chroniques n ’appartenant pas à la Schizo­
phrénie une espèce particulière de Délire systématisé caractérisé p ar l ’im por­
tance des phénomènes hallucinatoires (la Psychose hallucinatoire chronique)
a créé une espèce artificielle. Bon nombre, en effet, de cas étiquetés de la sorte
entrent tout simplement dans les Délires chroniques systématisés même s’ils
sont « hallucinatoires » et pour les raisons exposées plus haut. Et, en effet,
la projection idéo-affective du Délire dans l ’interprétation de l ’expérience
corporelle ou psychique peut naturellement aller jusqu’au délire hallucinatoire
sans que celui-ci cesse d ’être systématique. C ’est dans ce sens que tous les
« Noéphèmes » du début du xxe siècle (Séglas à partir de 1911, Masselon,
Cullier, Claude, etc.) ont insisté sur la croyance délirante et hallucinatoire,
sur sa racine affective dans les nombreux cas d ’érotomanie avec syndrome
d ’influence ou, comme disait Claude, de syndrome d ’action extérieure qui
manifestent par les Hallucinations et les interprétations l ’unité même du
mouvement qui systématise dans leur thématique des délires.
Ainsi pour nous il est clair : 1°) que l ’espèce « Délire systématisé » dans
le genre des Délires chroniques est une espèce voisine des Psychoses schizo­
phréniques mais qui n ’entre pas dans ce cadre; — 2°) que parm i les espèces
de Délires chroniques non schizophréniques il y a lieu de considérer les Délires
systématisés comme form ant une espèce particulière; — 3°) que ces Délires
systématisés sont caractérisés non pas p ar l ’absence d ’Hallucinations mais
par leur structure systématisée même et leur évolution caractéristique;— 4°) que
l’importance du travail interprétatif est bien typique de la production déli­
rante mais q u ’elle se confond souvent avec la projection hallucinatoire du
délire.
Il résulte dès lors de cet éclaircissement conceptuel que le groupe des Psy­
choses délirantes systématisées est beaucoup plus différencié q u ’on ne l ’admet
généralement, car il englobe, bien sûr, une grande partie de ce que l’on appelle
à l ’étranger trop facilement et par pétition de principe « Schizophrénie »
(puisque Schizophrénie = Délire chronique, et même Schizophrénie = Délire !),
et une grande partie de ce que l ’école française classique (G. Ballet, G. de Clé-
ram bault, etc.) a voulu isoler sous le nom de Psychoses hallucinatoires chro­
niques (problème que nous retrouverons plus loin).
Les principales form es de ce groupe des Délires systématisés chroniques
dont nous avons décrit la séméiologie et l ’évolution typique sont : les Psychoses
passionnelles, la Paranoïa sensitive de Kretschmer et la Paranoïa d ’involution
de Kleist. Nous devons ici en dire quelques m ots p our saisir que le mouvement
même du Délire y projette l ’Hallucination.

Les psychoses passionnelles sont celles qui sont dominées p ar une idée
prévalente, ou plutôt une passion (revendication, jalousie, érotomanie).
C ’est d ’elles que G. de Clérambault disait q u ’elles se développent « en
P A R A N O IA 819

secteur » et q u ’elles reposent sur un postulat fondamental, un nœud idéo-


affectif qui constitue la vertèbre du délire (1). Mais qu’il s’agisse du Délire
de jalousie si profondém ent étudié p ar Jaspers ou de l ’érotomanie qui a fait
l’objet des études célèbres de G. de Clérambault, le développement de ces
délires passionnels entraîne fatalement illusion, projections et Hallucina­
tions. Comment ne pas appeler, en elfet, hallucinatoire le syndrome d ’influence
que subit l’amoureuse livrée à son Objet, ou ces intuitions et révélations que
le délirant jaloux tire du délire q u ’il construit sur les « faux constats », sur
ces faits, cette irrécusable vérité « q u ’il faudrait être fou pour ne pas voir et
entendre » ? On trouvera une confirmation éclatante et pour nous inattendue
de ce fait, dans l’étude que B. Pauleikhoff (D er Liebeswahn, Fortschr. Neuro
u. Psych., 1969, 37, p. 251-281) a consacrée à l ’érotomanie en notant expressé­
ment que ce délire est essentiellement hallucinatoire.
G. de Clérambault lui-même soulignait que l ’on ne peut isoler ce type
de Délire des autres auxquels, disait-il, il s’associe souvent. C ’est que,
comme le démontre parfois l ’évolution clinique de quelques-uns, tous ont
une base d ’im plantation plus vaste dans l ’aliénation du Moi que ne le laisse
supposer l ’étroite tranche dans laquelle ils se profilent.

Le « Beziehungwahn » de Kretschmer apparaît sur un terrain sensitif et


met en jeu des situations et des conflits affectifs et moraux, et le Délire y appa­
raît si manifestement secondaire à ses projections affectives que les phéno­
mènes hallucinatoires sont, pour ainsi dire, absorbés dans cette projection
et interprétés eux-mêmes comme une pure interprétation ou une idée obsé­
dante. Mais il suffit de lire tout simplement et p ar exemple le cas princeps de
la malade Renner pour se convaincre que les persécutions y sont vécues sur
un mode hallucinatoire ou, si l ’on veut, pseudo-hallucinatoire (2) ; q u ’il
s’agisse de la paranoïa de désir (Wünschparanoïa) ou de la paranoïa de combat
(Krampfparanoïa), même si le délire est essentiellement à base de réactivité
sensitive et de projection affectives, le tableau clinique est formé p ar une sorte
de perception sans objet globale qui projette les désirs, les craintes, la honte
ou la peur dans la réalité. De telle sorte que, là encore, si l ’Hallucination ne
constitue pas — pour être submergée par l ’angoisse — la base du Délire, elle
est sans cesse virtuelle et s’actualise dans les paroxysmes ou le dévelop­
pement du Délire de relation dans toutes ses « références » aux personnes et
situations.

(1) Comme la « larme batavique », disait-il, « dont il suffit de casser la pointe


pour la briser », ce délire est, en effet, comme polarisé à la pointe même de son idée
prévalente.
(2) Citons, par exemple, quelques extraits : « Elle ne sait pas ce qu’elle entend
« mais se sent concernée par toute bribe de conversation... La chasse d ’eau est déran-
« gée, c’est le signe de sa condamnation, que la source de miséricorde est tarie. Elle
« se sent hypnotisée, électrisée, influencée, etc., etc. ».
820 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

Quant à la paranoïa d’involution de Kleist (1912), il s’agit pour cet auteur


de Délires de persécution et de grandeur qui débutent à la période d ’involution
sans altération du fond mental. Dans cette variété de paranoïas, les Halluci­
nations sont fréquentes (dans 50 % des cas) et surtout les Hallucinations de
l ’ouïe. On comprend que pour les Classiques qui définissent la paranoïa
comme un délire non hallucinatoire, cette Paranoïa d ’involution soit consi­
dérée comme une fausse paranoïa et q u ’ils ont tendance plutôt à la faire entrer
dans le cadre des Schizophrénies « tardives » (Mayer Gross, Halberstadt,
Jaspers, etc.) ou des Paraphrénies (Albrecht). Mais les faits demeurent dont
nous ferons pour notre part grand état à la fin de ce chapitre : beaucoup de délires
systématisés de persécution et de grandeur avec activité hallucinatoire acous-
tico-verbale et Hallucinations corporelles, s’observent en effet à un âge assez
avancé et surtout chez les vieillards sourds ou isolés (B. Pauleikhoff et U. Meis­
sner, 1969). Conformément à la loi de l ’âge et de la massivité de G. de Cléram-
bault, ils évoluent sans désagrégation de la personnalité et forment un système
délirant qui est tout à la fois interprétatif, fabulatoire, hallucinatoire.
En déployant ainsi l ’éventail des formes cliniques de ces Paranoïas, depuis
les délires essentiellement idéo-affectifs (les plus purs aux yeux de Kraepelin)
et les délires d ’interprétation des sensitifs jusqu’aux paranoïas hallucinatoires
d ’involution, nous réintégrons tout au moins la possibilité même de l ’Hallu­
cination dans la forme de ces délires systématisés. E t cela nous conduit main­
tenant à mieux comprendre le problème de la production de cette espèce
de délire, et notam m ent du rôle que joue ou peut jouer l’activité halluci­
natoire.

6° L e p r o c e s s u s d u s y s tè m e d é lir a n t e t ses r a p p o r ts a v e c l ’H a l­
lu c in a tio n . — Bien sûr, tous les Psychiatres peuvent le constater dans leur
expérience clinique quotidienne, les Délires systématisés contrastent avec
les délires schizophréniques par le fait q u ’ils sont mus par un puissant m ou­
vement idéo-affectif (1) qui se développe avec un minimum de référence à l ’expé­
rience hallucinatoire. En paraissant si peu « hallucinatoires » et si peu dépendre

(1) Nous avons laissé de côté dans cette analyse formelle de la Paranoïa tout son
« contenu » affectif (qui est pourtant essentiel pour la compréhension de la psychose),
c’est-à-dire la projection même de l’Inconscient tel que depuis les analyses de F reud
(cas Schreber) et les innombrables travaux de l’école psychanalytique (F erenczi,
A braham , M. K lein , Stercke , etc.) nous ont permis de mieux saisir le sens de la Para­
noïa. Nous retrouverons ce problème fondamental plus loin et nous l’envisagerons
dans sa généralité quand nous étudierons les conceptions psychodynamiques des
Hallucinations. Notons simplement ici que les exposés de S chiff (1935) et ceux de
N acht et R acamier (1958), et les travaux de J. L acan (1933-1965) permettent aux
lecteurs français de comprendre avec ces auteurs l’énorme appoint de l ’école freu­
dienne au problème de la projection de l ’Inconscient dans le système paranoïaque.
PA R A N O IA 821

d ’une patente anomalie psychopathologique, ces « Psychoses raisonnantes »,


cette « Folie lucide », se prêtent assez facilement à la dénégation — partagée
par le Délirant et par les Autres — de leur caractère pathologique. Mais la
notion de « réaction psychogène » (Kehrer, Lacan, etc.) se heurte aux études
de H. C. Rümke (Congrès de Paris, 1950), de J. Zutt (Congrès de Zürich, 1957),
de E. Minkowski, de W. Janzarik, etc. Depuis J. P. Falret et K. Jaspers,
presque tous les cliniciens ont reconnu leur base « processuelle ». Ce « processus
générateur », comme nous allons le voir, assimile le travail idéo-verbal et
ses Hallucinations noético-affectives aux mécanismes d ’interprétation et de
projection dans la Paranoïa.
Pour que le Délirant travaille à la construction, à l ’échafaudage des objets
de son Désir, il faut bien que quelque chose de ce qui fait l ’essence même de
l’halluciner passe dans son délire d ’interprétation. Ce qui masque généralement
cette « Hallucination au second degré », c’est sans doute q u ’elle se présente
en clinique comme une conviction, un système de croyances (Hallucinations
noético-affectives) qui dépassent la contingence des informations sensorio-per-
ceptives. Mais nous avons assez développé au cours de cet ouvrage l ’idée que
l ’Hallucination ne se réduit pas à un phénomène sensoriel comme le veut la
doctrine classique, pour pouvoir envisager ici ce q u ’il y a encore d ’hallucina­
toire dans ces délires non hallucinatoires. Et pour saisir le véritable problème
clinique posé à ce sujet par les Paranoïas, il faut bien réintégrer dans la
masse des délires systématisés tous les cas qu’en France on en retire pour les
placer dans les « Psychoses Hallucinatoires Chroniques », ou que à l’étranger,
avec l ’école allemande, on soustrait de la Paranoïa pour les additionner aux
cas des Psychoses schizophréniques. C ’est seulement, en effet, en considérant
cette masse réunie sous la catégorie de la systématisation que l ’activité hallu­
cinatoire, loin d ’y apparaître nulle ou seulement occasionnelle va au contraire
s’imposer à nous comme ce processus psychique (K. Jaspers) ou ce proces­
sus noético-affectif fondamental q u ’est le travail délirant lui-même.

Théorie des « processus » de K. Jaspers et la Paranoïa. — Voyons donc


d ’abord quelle idée se sont faite les Classiques du processus paranoïaque.
C ar c ’est bien là, dans l ’idée d ’une pure psychogenèse ou de la nature réac­
tionnelle de la paranoïa que nous apercevons les exigences auxquelles ils ont
obéi pour refuser à l’H alludnation d ’entrer dans la projection paranoïaque
« pure ». P our cela, nous devons rem onter aux sources mêmes de la conception
de K. Jaspers (1910) des processus psychotiques. N ous nous excusons par avance
du caractère « rébarbatif » de cet exposé qui s’impose pourtant au lecteur dans
la mesure même où, avec l ’auteur de cet ouvrage, il veut aller jusqu’au fond
du problème de la « psychogenèse » du Délire. Et il nous a semblé que c ’est ici
dans cet examen de la production du délire systématisé réputé non hallucina­
toire, ou encore purem ent réactionnel, que le rappel de la théorie jaspérienne
des processus délirants trouvait le plus naturellement sa place. C ’est en effet
à l’occasion même de son étude du plus épineux problème posé p ar le « pro­
cessus paranoïaque » (le délire de jalousie) que Jaspers sentit la nécessité
822 P SY C H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

d ’approfondir et de valider sa psychopathologie. Rappelons l ’essentiel de ces


conclusions tirées de l ’étude de quatre cas de-jalousie (1).
De cette analyse très approfondie, Jaspers a tiré l ’idée q u ’il faut distin­
guer d ’abord le cas où la jalousie se développe en continuité avec le caractère
et les réactions compréhensibles avec les événements selon la trajectoire même qui,
dans son dynamisme, constitue la personnalité ; ce développement de la passion
jalouse se caractérise p ar l ’absence de continuité, c’est-à-dire la progression
lente et en quelque sorte quantitativem ent homogène d ’un état d ’exaltation
passionnelle; seules se produisent des « crises » qui sont des paroxysmes qui
ne bouleversent pas l ’ensemble des dispositions affectives q u ’elles portent seu­
lement à leur extrême puissance. Il s’agit évidemment alors d ’une jalousie
(celle de Swann pour nous rapporter à un exemple littéraire célèbre) dont le
développement est si entièrement compréhensible et dont l ’enchaînement
des péripéties extérieures et intérieures est si accessible à l ’analyse des moti­
vations, q u ’elle constitue le paradigme même des thèmes « romanesques » les
plus constamment exploités p ar les « romanciers » mais aussi les plus dram a­
tiques pour les spectateurs ou lecteurs. Disons to u t simplement q u ’il s’agit de
la jalousie normale, quelles que soient son intensité, ses perplexités, ses incer­
titudes ou ses certitudes. (Plût au ciel, disait G. de Clérambault, q u ’il suffise
d ’être cocu pour n ’être pas délirant !) L ’hyperesthésie jalouse, p ar contre
(Mairet), constitue un état passionnel déjà pathologique par le caractère global
des troubles de l ’hum eur et de l ’éréthisme émotionnel, une disposition fonda­
mentale de la personnalité (Personlichkeitsanlage) pour autant q u ’elle constitue
un abaissement anormal du seuil de résistance à la frustration.
Mais le Délire de jalousie témoigne au contraire d ’une rupture et d ’un
bouleversement irréversible de la trajectoire de la personnalité. Et c ’est ainsi
que Jaspers introduit l ’idée d ’un processus et tant q u ’il implique quelque chose
d ’autre qui opère une modification nouvelle dans le développement de la person­
nalité (neue Entwicklung) . — Mais, dit-il, il y a processus et processus ; et il dis­
tingue un processus dit « p r o c e s s u s p s y c h i q u e » d ’une autre modalité dite
« p r o c e s s u s p h y s i c o - p s y c h o t i q u e ». Voyons cela de plus près, car ces désigna­
tions ne sont pas très claires et, de surcroît, elles ont été assez généralement mal
comprises, voire « scotomisées ». Ce que Jaspers appelle processus psychique, c ’est
essentiellement une transform ation, une conversion du sens de l ’existence qui
s’opère, dit-il, par une sorte de «greffe parasitaire» (Aufpröfung). Cette greffe est
elle-même unique (einmalig), c ’est-à-dire q u ’elle constitue un changement de

(1) Le livre de D. L agache (La jalousie amoureuse, 1947) et mon Étude n° 18


sur la jalousie morbide, se réfèrent explicitement au travail de J aspers, tout comme
la thèse de J. L acan (1932). On trouvera des exposés très complets sur la notion
jaspérienne de « processus » dans le Tome II des Temas psiquiatricos (1966, pp. 36-92)
de M. C abaleiro G oas, dans le Tome I de Fundamentos de la Psiquiatria actual
(1968, pp. 139-175) de F . A lonso F ernandez et dans le travail de B. P auleikhoff
(Fortschr. N. ù P., 1969, 37, 251-281).
P A R A N O IA 823

direction qui, une fois pour toutes, m étamorphose la personnalité. En effet, une
fois la nouvelle direction prise elle dure, et le Sujet développe sa personnalité sur
cette nouvelle base comme dans le cas d ’un simple développement de la per­
sonnalité. Mais il s’agit pourtant d ’une transform ation totale qui a quelque
chose d ’hétérogène (heterogene Umwandlung), bien q u ’elle se développe
comme un enchaînement fortem ent articulé. Jaspers emploie l ’expression « ein
weitgehunder, rationaler und einfühlbarer Zusammentrang » (une liaison pro­
gressive rationnelle et intuitivement compréhensible) pour désigner cette cohé­
rence interne du travail délirant mais qui ne cesse pas d ’être une déviation
fondamentale de la trajectoire de la personne. Ce « pro cessus psy c h iq u e » d e
J aspers co n stitu e e n q u elq u e sorte le m o d èle même d e l a P sychose pa r a ­
comme nous le verrons plus loin (7e Partie, chap. II).
n o ïa q u e ,
Le « processus physico-psychotique », lui, se caractérise p ar un boule­
versement qui accentue l’hétérogénéité de l ’orientation nouvelle et qui, au lieu
d ’être pour ainsi dire univoque, est chaotique car il manifeste l ’irruption de
multiples et nouveaux facteurs hétérogènes, et il se développe pour ainsi dire
pour son propre compte (Parallelprozess) et, de ce fait, il est réfractaire aux
relations de compréhension : c ’est à ce type de processus que correspond
l ’évolution schizophrénique.
Ajoutons enfin que plus tard, dans la « Psychopathologie générale », Jaspers se
référant à la fameuse distinction de Dilthey entre « Verstehen » et « Erklären »
oppose le « développement de la personnalité » en tant q u ’il est, sinon
entièrement conforme, du moins suffisamment susceptible d ’une analyse des
relations de compréhension c ’est-à-dire d ’une compréhension intersubjective des
motifs (1), dans tous les cas où la vie psychique est troublée, c’est-à-dire
justement quand les phénomènes de toutes sortes portent le sceau d ’une
incompréhensibilité qui correspond précisément au bouleversement du
« processus », q u ’il soit psychique ou q u ’il soit physico-psychotique.
Nous gagnons, nous semble-t-il, à cette exégèse de la fameuse doctrine jas-
périenne du processus de confondre l ’erreur qui est généralement commise
lorsqu’on se demande « si dans la conception de Jaspers » tel délire est ou un
développement de la personnalité ou un processus ; car pour Jaspers tous
les Délires sont processuels. Mais en distinguant deux modalités du processus
d ’aliénation, la conception de Jaspers nous permet de considérer que la Para­
noïa qui n ’est précisément pas un simple développement de la personnalité
s’établit sur le modèle de ce processus psychique qui, par une « greffe parasi-

(1) Naturellement, J a s p e r s a dans les dernières éditions de sa « Psychopathologie »


envisagé le problème posé par les « mécanismes inconscients » qui cachent au Sujet
cette motivation. Il rejette d ’ailleurs à ce sujet l’hypothèse d ’une psychogenèse pure
du Délire qui, pour si motivé et compréhensible qu’il soit, porte la marque à ses yeux
d ’une certaine opacité processuelje.
824 P SYC H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

taire » du développement cohérent, métamorphose et inverse le système du


Moi (1).
Il nous paraît capital d ’admettre que c ’est entre développement de la
personnalité et processus que passe la limite du normal et du pathologique.
Car même si le développement de la personnalité s’opère au travers des crises,
il ne cesse d ’être homogène dans sa continuité ; tandis que le Délire (toujours
secondaire à un bouleversement processuel) porte en lui (dans sa physiono­
mie) la trace d ’une empreinte formelle ou processuelle. Sans doute cette
discrimination est difficile dans la pratique du diagnostic, car entre dévelop­
pement de la personnalité et processus physico-psychotique existe précisément
le processus psychique qui fait problème et qui fait notam m ent le problème
de la Paranoïa.
Ce problème au travers de toutes les discussions et les interprétations
ignorantes ou ambiguës dont il a fait l ’objet et dont il ne cesse de faire
l ’objet dans les diverses écoles de Psychiatrie, entre Psychiatres et Psycha­
nalystes, ce problème ne peut être cependant résolu que dans le sens de la
nature processuelle de la paranoïa. Et cela pour deux raisons. L ’une, en quel­
que sorte logique et méthodologique qui touche au concept même de la
maladie mentale. L ’autre empirique, et qui résulte de l’analyse clinique
d ’un Délire systématisé quel q u ’il soit et tel q u ’il est.
Considérons, en effet, la Psychose paranoïaque comme le simple développe­
ment d ’une personnalité « au sens de Jaspers » (en ne la considérant para­
doxalement pas comme un processus psychique au sens de Jaspers), c ’est au
fond lui ôter son caractère pathologique, car tous les hommes « réagissent »
aux difficultés de leur existence avec leur caractère. A la construction de la
personne, à son historicité et à son axiologie qui intègrent dans sa trajectoire
existentielle tes mobiles, les motifs et les idéaux qui, en s’articulant, constituent
sa compréhensibilité, si à ce modèle de développement norm al d ’une person­
nalité nous rapportons purement et simplement celle du D élirant systématisé,
autant dire que nous supprimons de celui-ci le Délire.
Or, ce Délire il apparaît bien tel q u ’il est aux yeux des observateurs : comme
une anomalie du développement, anomalie, bouleversement ou déraillement
qui correspondent à ce que Jaspers appelle un « processus psychique » (2).
Westertep (1924) examinant spécialement ce problème a mis en évidence,

(1) Tandis que dans le processus physico-psychotique, celui de la Schizophrénie


au Moi se substitue une multiplicité de bourgeons hétérogènes les uns aux autres.
(2) Nous avons eu la bonne surprise de trouver dans le livre de P. B erner (1965)
exposé (p. 50) ce même point de vue qui paraissait avoir échappé à la plupart des
auteurs. Une sorte d ’habitude s’était en effet introduite dans l ’esprit et les manuels
des Psychiatres pour ne parler du processus « au sens de J aspers » qu’en opposant
au « développement de la personnalité » le seul « processus physico-psychotique ».
De telle sorte qu’invinciblement la Paranoïa glissait hors de tout processus vers la
PA R A N O IA 825

il y a déjà bien longtemps dans la structure de ces Délires leur nature proces-
suelle « au sens de Jaspers ». Sans doute ne se référait-il pas au « processus
physico-psychotique » comme l ’appelait Jaspers en songeant probablement,
en 1910, à ce que l ’on commençait d ’appeler à cette époque le processus schizo­
phrénique, mais plutôt à ce que Jaspers appelait « processus psychique », terme
qui a paru donner aux interprétations psychogéniques (Kehrer, J. Lacan, etc.)
un semblant de justification malgré l’avis explicite et motivé de Jaspers. C ’est
bien cette structure formelle incompréhensible dans ses fondements (1) qui
caractérise le Délire chronique systématisé malgré toutes les apparences de
rationalisation du Sujet et malgré l ’évidence des formations réactionnelles
secondaires ou compréhensibles aux yeux de l ’observateur qui les interprète
parfois très au-delà de la « compréhension » commune mais jusqu’à un certain
point seulement, ce point de non-retour où commence le « vrai délire » pour
si peu délirant q u ’il paraisse ou veuille paraître... Ce sont tous ces caractères
d ’incoercibilité, de fixité, d ’incorrigibilité, d ’hétérogénéité que le clinicien
observe qui constituent la form e dans laquelle se présente cette conversion du
système de la personnalité quand il devient un système de l’irréalité.

L e s « m o m e n t s fé c o n d s » d e la p r o d u c tio n d é lir a n te h a llu c in o ­


g è n e . — Même si le Délire paranoïaque est le type même de ce que l’on appelle
parfois avec K. Jaspers un « Délire secondaire » (un Délire qui, dans le sens
de J.-P. Falret, est un délire qui s’engendre lui-même), c’est-à-dire un délire
dont la superstructure thématique idéo-verbale dépasse jusqu’à l ’éclipser
l ’état primordial, si le Délire paranoïaque a la réputation (surtout dans l’école
allemande) d ’être, comme on le dit, réactionnel (reaktiv) et non primaire, il
n ’en reste pas moins que conformément à ce que nous venons de dire, il y a à la
base même de ce travail délirant discursif un état primordial, un « processus
psychique » (au vrai sens jaspérien) auquel correspond le travail idéo-verbal
plus près de l ’Hallucination q u ’on ne l ’adm ettait classiquement.
Tout d ’abord, il est exact comme on l ’a fait souvent remarquer et comme
nous venons de le rappeler, que des expériences délirantes et hallucinatoires
paraissent constituer des « moments féconds » (2), des rêves qui peuvent nourrir

notion de développement normal de la personnalité, c’est-à-dire hors du champ de


la Psychiatrie. (Cf. à ce sujet l ’observation de G. G andiglio (1969)).
(1) Même au regard profondément clairvoyant de A. d e W a e l h e n s (La Psychose,
Louvain, Nauweleart, 1972, pp. 142-151) ébloui par la lumière que J. L acan et
P. A ulagnier ont projetée sur l’analyse du Psychotique, la Paranoïa est une maladie
repérable dans ses coordonnées existentielles comme étant à différencier de la position
schizophrénique et de celle du non-psychotique (p. 142). Car, en dernière analyse,
est inintelligible (délirante) l ’intelligibilité phantasmique du tiers-témoin.
(2) Cette expression attribuée à J. L acan , je suis incapable de m ’assurer qu’elle
ne nous a pas été commune.
826 P SYC H O SE S C H RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

de leur fausse réalité la fiction délirante. A cet égard, le Délire systématisé,


la Paranoïa, prend sa source, son élan ou ses racines (comme un fleuve, une
flèche ou un arbre) dans le mouvement originaire qui l ’engendre, dans les
couches embryonnaires de sa germination.
Ce sont à ces expériences délirantes et hallucinatoires aiguës que songent
toujours les cliniciens qui essaient de connaître comment elles déclenchent
et rythment l ’élaboration du délire. Elles sont comme le laboratoire où s’éla­
bore la folie « raisonnante ». A cet égard, les modalités de déstructuration du
Champ de la conscience caractérisée par l ’excitation psychique ou l ’angoisse,
c ’est-à-dire de type maniaco-dépressif, sont peut-être les plus connues comme
l ’avaient noté les anciens auteurs en parlant des Délires secondaires systéma­
tisés, des états oniroïdes ou de dépersonnalisation ; mais par contre elles
sont peut-être moins fréquemment génératrices de systèmes délirants que de
délires schizophréniques. Que l ’on se rapporte à la clinique de tous les jours,
aux grands cas décrits dans la littérature, on ne peut pas ne pas être frappé
de l ’importance de ces « crises » où se noue le complexe idéo-affectif qui consti­
tue l ’axe des psychoses délirantes systématisées.
Toutefois ce n ’est pas seulement dans les phases matricielles des expé­
riences vécues délirantes que jaillit le délire constitué en forme d ’existence.
Nous serions porté, à cet égard, à accorder à cette genèse des délires moins
d ’importance qu’il y a quelques années. Le fait prim ordial du processus idéo-
délirant qui, ici, se caractérise par sa systématisation nous paraît être essen­
tiellement représenté p ar cette dislocation ou déviation du Moi, p ar la désorga­
nisation de la structure diachronique et historique de la Personne qui équivaut
très exactement au « processus psychique » de Jaspers. Et c’est ce travail
de bourgeonnement idéo-affectif qui substitue au système de la personne
une autre histoire et un autre monde. C ’est ce travail qui nous paraît — comme
nous l’avons vu en approfondissant d ’abord la structure des Hallucinations
noético-affectives (cf. supra, p. 428), puis le « mécanisme » de l’interprétation —
constituer l ’état primordial du délire paranoïaque. Précisons q u ’il nous paraît
devoir être rattaché plutôt à ce que P. Janet (1) appelait les « sentiments »
qui expriment une désorganisation du système de la réalité q u ’aux dispositions
affectives constitutionnelles ou caractérielles fondamentales (Bleuler, Gaupp,
Kretschmer). C ar la Psychose paranoïaque, pour si affective q u ’elle soit,
pour si pure q u ’elle ait la bonne réputation d ’être, pour tant q u ’il soit vrai
q u ’elle se développe dans l ’ordre et la clarté comme si précisément elle
dépassait p ar sa lucide raison le concept de folie et excluait tout trouble
de l’esprit, cette Paranoïa implique pourtant et nécessairement une modifi­
cation profonde de l ’être conscient (2) qui entraîne une falsification radi-

(1) P. J a n e t , « Les sentiments dans le Délire de persécution », J. dePsychol., 1932,


p. 161-241 et p. 401-461 ; « Les croyances et les Hallucinations », Revue philosophique,
1932.
(2) Les observations de L agache , groupées par lui dans ses études sur la jalousie
morbide sous la rubrique « Altération de la personnalité », sont démonstratives à cet
P A R A N O IA 827

cale et proprem ent hallucinatoire des rapports du désir et de la réalité. Celui-ci


en tan t que Sujet perd son imité et sa continuité pour développer avec une
implacable idéale et logique rigueur, une systématique erreur sur sa propre
personne, c’est-à-dire son aliénation, quand il interprète, il lit lui-même son
monde selon son seul désir.

— Ayant donc admis que le Délire chronique systématisé ne pouvait se


fonder que sur un processus et singulièrement cette espèce de « processus psy­
chique » qui lui est propre, nous avons ainsi expurgé du problème ce faux pro­
blème qui ne cessait de l ’obscurcir et qui consistait à ne se placer q u ’au niveau
superficiel de la présence ou de l ’absence d ’Hallucinations radicalement dis­
tinctes de l’interprétation.
Q u’il n ’y ait pas d ’Hallucinations dans la projection paranoïaque est
une méconnaissance systématique des Psychoses délirantes systématisées
par les Psychiatres qui ont entendu fonder la Paranoïa sur le modèle d ’une
« réaction purement psychologique ». Or, il n ’en est pas ainsi lorsque les yeux
du clinicien s’ouvrent à la réalité même de la Clinique telle que nous l’avons
exposée en décrivant les formes typiques de ces Délires et leurs variétés. Et le
problème alors change de sens. L ’Hallucination en tan t que forme du délire
ne peut pas être systématiquement exclue de ces Délires systématisés caracté­
risés essentiellement par leur systématisation. Tout le problème alors — le
véritable — consiste à se demander quel rôle l’Hallucination joue dans cette
systématisation qu’est le travail délirant qui construit son monde délirant
dans les limites plausibles d ’une conformité aux lois de la raison.
Comme nous l ’avons longuement exposé en présentant la séméiologie de
cette espèce de Délire, il est bien vrai que celui-ci trouve dans l ’interprétation
délirante son mode propre de connaissance. Mais l ’interprétation délirante,
nous l ’avons vu aussi, ne peut pas être radicalement séparée de l’Hallucination.
Elle n ’en diffère que par le travail plus discursif et imaginatif qui élabore ses
énoncés primaires.
De telle sorte que c ’est la structure globale de la s y s t é m a t i s a t i o n , c ’est-à-dire
la prévalence de l ’idée sur le percept qui doit nous expliquer comment, dans cette
sorte de délires, c’est le travail d ’élaboration raisonnant et pseudo-logique qui
prend le pas sur le sensible. Car ce que contient le Délire systématisé, c’est une
fiction de plausibilité qui répugne au témoignage des sens ou fait appel à un
faux témoin. De sorte que la Psychose paranoïaque (le Délire systématisé) est,
comme l'avaient découverte les auteurs classiques, la manifestation d ’un profond
bouleversement de la personne, un processus (le « processus psychique ») au sens
de Jaspers et que G. de Q éram bault ou P. G uiraud ont eu plutôt tendance

égard. Elles montrent, en effet, comment dans les cas pour ainsi dire les plus purs
(ceux des psychoses passionnelles) le délire ne se développe que dans et par cette alté­
ration de la personne. Et que peut-être une altération ou une aliénation de la personne
qui n ’inverse pas « hallucinatoirement » les rapports du Sujet à son monde ?
828 P SY C H O SE S CH RO N IQ U ES H ALLU C IN ATO IRES

à assimiler à un processus neuro-biologique la maladie délirante, même systé­


matisée, même rationalisée à son niveau le plus typique (délire d ’interprétation)
doit être interprétée elle-même comme un processus en troisième personne
qui modifie précisément les rapports de la première personne du Sujet avec
lui-même et avec la deuxième et la troisième personne qui composent l ’Autrui
et l ’Autre de son Monde. Si bien que c’est une thématique (Persécution,
Influence, érotomanie, jalousie, mégalomanie) de cette existence bouleversée
dans sa « manière-d’être-au-monde » qui est prise et comme solidifiée dans
et par la structure systématique de la Psychose paranoïaque.
La production du Délire paranoïaque dans la projection interprétante
pure, plus même que l’activité hallucinatoire qui travaille seulement dans
les données sensibles, tend pour ainsi dire nécessairement vers une méta­
morphose infinie du système relationnel.
La mégalomanie est la fin (dans les deux sens du mot) de ce travail délirant,
comme la racine égocentrique et orgueilleuse du caractère paranoïaque om bra­
geux et agrès sif, l 'instrument même du combat dont la systématisation est comme
la flèche, le fer de lance dirigés contre un monde ennemi, contre l’obstacle
q u ’il faut briser, et dont la « Raison » élevée jusqu’à l ’absurde puissance d ’une
Déraison don quichotesque doit triompher. Le mouvement même de cette
révolte, de ce désespoir ou de cette conquête porte en lui et nécessairement
la faculté de transformer, en effet, les moulins à vent en chevaliers ennemis,
de grossir jusqu’à l’infini l ’Objet que le Sujet dans son Délire perçoit comme
le signe de sa dérisoire et dramatique vérité.
Disons donc que l ’interprétant est un hallucinant, quand précisément le
D élirant paranoïaque ou « systématisé » soumet à un faux principe de réalité
le dynamisme libidinal de la sphère de ses pulsions et q u ’il parle et écrit le
texte d ’une vérité pour lui seul absolue, alors q u ’elle n ’est pour A utrui que
’énoncé métaphorique de son Désir.
DÉLIRES FANTASTIQUES (PARAPHRÉNIES) 829

L E S D É L IR E S C H R O N IQ U E S F A N T A S T IQ U E S
(P A R A P H R É N IE S )

Sous le nom de Délires fantastiques ou sous celui de paraphrénies, nous


rangeons ici tous les Délires chroniques qui n ’entrent ni dans le groupe des
Schizophrénies ni dans celui des Délires systématisés. Ils se caractérisent par
une fabulation fantastique qui les distingue des « folies raisonnantes » de la
paranoïa et, p ar l ’absence de dissociation, des psychoses schizophréniques.
Cette conception nosographique exige q u ’avant l ’étude de leur structure hal­
lucinatoire nous exposions ici les raisons qui nous séparent de la classification
classique française, laquelle a introduit entre Paranoïa et Schizophrénie
deux entités : le Délire d'imagination et les Psychoses hallucinatoires chroniques
qui, fondés sur des critères trop superficiels, se trouvent en porte-à-faux relati­
vement aux structures délirantes qui représentent les espèces du Délire chro­
nique.
Pour l’école française attachée à rechercher une classification des Délires
chroniques sur la base de leurs mécanismes fondamentaux, il y a lieu en effet
de distinguer dans la masse des Délires chroniques qui n ’entrent pas dans le
processus schizophrénique, les Délires d ’interprétation, les Délires d ’imagi­
nation et les Délires hallucinatoires. Le Délire d ’interprétation que nous
venons d ’exposer en l ’expurgeant de l ’idée fausse qui sépare radicalement
interprétation et Hallucination, constitue le noyau des Délires systématisés.
Reste donc à bien préciser notre position à l ’égard des deux grands types de
Délires chroniques dits d ’imagination ou Psychoses hallucinatoires chroniques.

L e D élire d ’imagination de l ’école française. — En ce qui concerne les Délires


d ’imagination isolés par Dupré et Logre, une seule remarque s’impose : ou bien ils
entrent dans le groupe des Délires fantastiques correspondant à la paraphrenia fan-
tastica de Kraepelin, ou dans le groupe des Délires systématisés (principalement
sous l’aspect du roman de filiation, sorte de thème privilégié des délires étudiés sous
ce nom pour la bonne raison que ce thème est celui de l ’imagination romanesque
par excellence avec les substitutions d ’enfants, les thèmes de cape et d ’épée, les
aventures d ’espionnage et les histoires rocambolesques qu’il implique).
De telle sorte que pris entre la grande mythologie des paraphrénies et le roman
d ’aventures du délirant systématisé, ce cadre éclate. Mais il faut noter aussi qu’en
ce qui concerne le mécanisme particulier le mode de genèse spécial que Dupré et
Logre ont voulu identifier en le distinguant de l ’interprétation et de l ’Hallucination,
le mécanisme imaginatif se trouve fatalement partagé, lui aussi, au profit des deux
830 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

autres. Les efforts — à vrai dire un peu laborieux de Dupré et Logre (1) — pour
ériger le mécanisme imaginatif en modalité spéciale de la production délirante se
montrent assez vains. Le mécanisme imaginatif, dit Dupré, se distingue de l’Hallu­
cination en ce que celle-ci est un phénomène sensoriel (qu’il n ’est justement pas),
et de l ’interprétation en ceci que l’interprétation est un raisonnement (qu’elle n ’est
pas toujours ou qu’elle est si peu). Finalement l’imaginatif utilise, dit-il, le procédé
du poète et l’interprétant celui du savant. Après s’être rapidement essoufflé dans cette
recherche d ’un critère sûr, Dupré ajoute : « Il est bien entendu d ’ailleurs que cette
distinction entre le délire hallucinatoire, interprétatif et imaginatif que nous venons
de faire un peu pour le besoin de la cause, est une distinction quelque peu schématique
et en partie artificielle (p. 98). On ne pourrait que s’étonner que les Psychiatres
français aient cependant assez facilement accepté cette espèce de Délire si, d ’une
part les observations souvent pittoresques (et écrites d ’un style si alerte par Dupré
et par Logre) n ’avaient fait illusion ; et si, d ’autre part, la charge de délire fantas­
tique introduite dans ces études cliniques de l’imagination déchaînée n ’avait touché
une réalité clinique, celle des paraphrénies. Dans la mesure même où nous recherchons
ici une forme de Délire chronique qui ne coïncide ni avec la Schizophrénie, ni avec
la Paranoïa, ces fameux délires d ’imagination se réduisent donc aux Délires fantas­
tiques pour autant qu’ils entrent dans cette espèce avec les caractéristiques que nous
devons leur reconnaître.
L es « P sychoses hallucinatoires chroniques » de l ’école française. —
Pour ce qui est de la Psychose hallucinatoire chronique, elle a connu en France un
succès moins étonnant pour, somme toute, consacrer par la conception traditionnelle
classique de l’Hallucination considérée comme un élément générateur du délire.
Depuis G. Ballet et jusqu’à G. de Clérambault (il suffit de se rapporter dans les
Manuels classiques du début du xxe siècle à la nosographie du Délire selon « l’école
française »), ce cadre nosographique a été adopté. Outre la raison théorique que
nous venons d’indiquer, il faut discerner encore les raisons de ce succès dans le
souci des Psychiatres français de décrire des formes de maladies mentales toujours
plus « isolées » et dans leur répugnance à accepter les grandes synthèses de l’école
allemande. Hors de ces raisons en quelque sorte théoriques, on n’en peut guère
voir d ’autres proprement cliniques. Car ce ne sont certainement pas les exigences
de la clinique qui imposent l’évidence d ’un tel groupement hétéroclite à intercaler
entre le Délire d ’interprétation et les Délires paranoïdes de la Schizophrénie.
La description que Gilbert Ballet a fournie de la Psychose hallucinatoire chro­
nique (1911) est assez sommaire, comme toutes celles d ’ailleurs que l’on retrouve dans
tous les Manuels et Traités (2). Il s’agissait d ’ailleurs pour lui de dresser en « entité »,
face à la Démence Précoce, l 'ensemble des délires chroniques et des délires des dégénérés
qui se construisent par la systématisation des Hallucinations, des idées de persécution
et des idées de grandeur (vieux thème antérieur justement à la synthèse kraepelienne).
Il insistait sur trois caractères fondamentaux : le délire est fondamentalement hal-

(1) Cf. La Pathologie de l’imagination et de l’émotivité de D upré (Payot, 1925),


notamment p. 96-98.
(2) A l’exception, bien sûr, des riches descriptions cliniques de G. de C léram­
bault sur les divers Syndromes d ’automatisme mental qui en constituent le noyau
(1925-1933).
LE PROBLÈME DE « LA PS YCHOSE HALLUCINATOIRE CHRONIQ UE » 831

lucinatoire, — les Hallucinations constituent par elles-mêmes un élément de pronostic


de chronicité, — et enfin, la psychose hallucinatoire chronique aboutit bien à la
démence. C’est à peu près tout ce que l’on peut tirer de son article de l’Encéphale (1)
(cours publiés après une série de présentations cliniques).
Mais pour si fragile que fut le concept si peu justifié qu’il fût par la clinique, il
devait connaître un immense succès de facilité. Rien n ’était et n ’est encore plus
simple que l’idée d ’expliquer le délire par les Hallucinations en tant qu’elles sont
des produits de l ’automatisme sensoriel et psychique des centres perceptifs. Dès lors,
la notion de « P. H. C. » par la mosaïque hétérogène qu’elle implique, par la sim­
plicité des mécanismes délirants qu’elle suggère, par la commodité de son dia­
gnostic, par l’indifférence qu’elle entretient dans l’esprit du clinicien à l’égard d ’un
pronostic à peu près toujours fatal et par la méfiance traditionnelle à 1’égard d ’une ana­
lyse plus approfondie des structures et de l’évolution du Délire, pour toutes ces rai­
sons réunies, la Psychose hallucinatoire chronique est devenue ce cadre nosographique
auquel l’école française tient peut-être le plus sans que jamais il n’ait été sérieusement
validé (2).
Il est bien vrai que certains délires paraissent n ’être constitués que d ’Hallucina-
tions considérées comme des phénomènes sensoriels (le vieux concept d ’Halluzinose
au sens de Wernicke s’était déjà appliqué à ce contre-sens ou à cette contradiction) (3).
Mais il faut être un bien mauvais clinicien pour ne point percevoir qu’il s’agit seu­
lement d ’une illusion à laquelle nos malades nous entraînent par la leur.
Car c’est bien délirer comme nos Délirants que de prétendre avec eux quand ils
entendent la voix de leur persécuteur qu’il s’agit non pas de délire mais d’une voix
fabriquée dans et par la mécanique des organes et centres sensoriels et ayant, de
ce fait, tous les attributs sensoriels et spatiaux d’une perception. Il faut donc réinté­
grer l’Hallucination dans le Délire à sa place, non pas à la base mais dans sa masse.
Disons plutôt dans son architectonie ou sa structure, et dès lors, l’Hallucination
apparaît pour ce qu’elle est, un effet et non une cause du délire.
Rappelons les principaux faits qui ont pu induire en erreur. Tout d ’abord, le fait
que les hallucinés ne paraissent pas délirants. Il y a bien des hallucinés qui ne sont
pas délirants : ce sont des sujets présentant les Éidolies hallucinosiques (que nous
avons décrites) et qui, ni par leur intensité ni par leur constance n ’engendrent le délire.
Quant aux malades manifestement délirants comme en témoignent leur comportement,
leurs convictions et plus généralement la modification de leur système de relation
avec le monde, il ne suffit certes pas pour qu’ils nous offrent leur Délire comme s’il
n ’en était pas un, soit par réticence, soit par inconsciente mauvaise foi (soit par
conscience vague de leur aliénation, soit par l’effet même de cette aliénation) pour
que leur Délire se réduise aux constatations empirico-sensorielles sur lesquelles ils

(1) Encéphale, 1911, p. 401-411.


(2) Nous avons inspiré dans le temps à Ch. N odet une thèse (Paris, 1934) destinée
à rompre ce charme ; mais malgré la qualité de ce travail il n ’a pas réussi à ébranler
le mythe en raison du caractère trop rudimentaire et surtout de l’absence de perspec­
tive longitudinale des observations qu’il avait réunies.
(3) Le Délire ne peut pas être considéré, selon la vieille doctrine de « monomanie»,
comme une « lésion partielle de l’entendement » ; et les Hallucinations, dans leur
définition classique de phénomènes « simplement » sensoriels, ne peuvent donc coïn­
cider précisément avec le trouble général dont elles émergent.
832 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

se fondent précisément pour délirer « véritablement » (en faisant du Délire l ’objet


de leur dénégation ou, ce qui revient au même, en tenant leur Délire pour une réalité
que seul le témoignage de leurs sens consacre). Pour si subtile que paraît être cette
dialectique, il convient cependant d ’y renvoyer ceux qui, y répugnant, tombent
eux-mêmes dans le délire. Une idée, pensons-nous, est maintenant assez familière
au lecteur, c’est celle que l’Hallucination qu’il faut bien appeler justement vraie
pour être précisément délirante consiste à se nier comme telle. De sorte que le Cli­
nicien ne peut la saisir qu’au travers du Délire de l ’halluciné. Et, effectivement, le
clinicien qui ne se laisse pas duper par l’affirmation du délirant qui affirme « qu’il
entend et qu’il voit, un point c’est tout », ou « qu’il faudrait qu’il soit fou pour ne pas
y croire », ce clinicien ne tarde pas à découvrir le halo ou l ’infrastructure délirante
de l’Hallucination ; autrement dit, la structure même (schizophrénique, systématisée
ou fantastique) du Délire qu’occulte dans ces cas l ’Hallucination. Essayons rapidement
de saisir cette vivante réalité du Délire, saisie en quoi consiste la tâche de diagnostic
et de pronostic du clinicien.
Dans certains cas, les Hallucinations uni- ou multisensorielles (j’entends qu’on
répète ce que je pense... On commente mes actes... On m ’envoie des fluides, des cou­
rants électriques... On me fait des transmissions de pensées... Ils m’accusent à haute
voix... Une machine m ’envoie des rayons... Un voisin me viole, me trafique... Une
amoureuse capte ma pensée, etc.) constituent une machine, une machination ou un
scénario, disons, un événement ou une constellation signifiante dont la psychanalyse,
depuis les travaux de Freud et de Tausk nous a appris la signification phantasmique.
L’Hallucination se découvre alors avec son contexte de délire systématique. La fixité
ou l’évolution cohérente du système apparaît dans le récit d ’une aventure dont la
thématique peut être la sorcellerie, l’envoûtement, la présence invisible d ’un être
surnaturel, la captation ou la possession amoureuse, etc. Rien de moins neutre ou
anidéique comme le voulait G. de Clérambault que ce Délire d ’influence ou d ’auto­
matisme mental où se lit à claire voix le sens de la projection hallucinatoire. Ce sont
ces cas que Séglas avait particulièrement étudiés dans la description de son syndrome
d ’influence ou de possession et que Claude groupa ensuite sous le nom de syndrome
d ’action extérieure. Disons qu’ils manifestent de par la cohésion significative même
de leurs expériences délirantes et hallucinatoires la structure systématisée ou para­
noïaque du Délire.
Dans d ’autres cas, les Hallucinations corporelles, auditives ou psychiques, ou
les phénomènes d ’automatisme mental, sont pris dans un troublé général de la pensée
et du langage ; ce qui est éprouvé, senti dans le corps, dans la tête, dans la pensée
est exprimé dans une formulation idéo-verbale plus ou moins incohérente ou incompré­
hensible qui rend quasi impénétrables ou, en tout cas, ambiguës, les relations qui
unissent le délirant à son corps morcelé, à sa pensée mécanisée, à son monde autis-
tique. Il suffit de formuler ainsi le discours délirant de l ’halluciné pour le désigner
comme un schizophrène dont l’Hallucination est branchée directement sur le lan­
gage de l ’Inconscient.
Enfin, dans une troisième catégorie de cas, l’Hallucination ne figure dans le récit
d ’une transformation physique, morale ou métaphysique du monde géographique
et historique, que comme une simple référence aux voies sensorielles des informations
et inspirations (sous forme généralement de « voix » ou de « transmissions de pensées »,
d ’un au-delà cosmique ou surnaturel), ou comme une révélation sans lieu ni temps
autre qu’imaginaire, parfois passée ou étemelle. Et le syndrome hallucinatoire, comme
dépassé par le Délire qu’il ne contient plus tout en étant proclamé à cor et à cri comme
LE PROBLÈME DE « LA PSYCHOSE HALLUCINATOIRE CHRONIQUE » 833

la communication même qui unit le délirant à son monde séparé de la réalité, s’enkyste
ou se spécialise dans une fonction d ’information sans objet, point imaginaire où
sa production devient poétique ou mythologique. Et, dans ce cas, la psychose hal­
lucinatoire chronique est un Délire fantastique.
Autrement dit, les Hallucinations ne sont rien par elles-mêmes, ou se réduisent
à un dénominateur commun insignifiant, si le clinicien ne sait pas les remettre à leur
place dans un contexte structural qu’une trop superficielle considération empêche
précisément de saisir.
Disons encore que l ’isolement théorique artificiellement introduit dans la masse
des phénomènes hallucinatoires est rendu aisé dans deux conditions cliniques fré­
quentes. Tantôt la « Psychose hallucinatoire chronique » apparaît en effet, comme
constituée récemment et d ’emblée (point sur lequel insistait tant G. de Clérambault),
alors qu’une anamnèse soigneuse montre que ce que l’on peut prendre pour la base, le
commencement ou le « socle » du Délire constitue plutôt l'effet d ’une maturation,
d ’un travail délirant déjà ancien. Tantôt, ce que l’on prend pour des phénomènes hallu­
cinatoires élémentaires et isolés (pour être les formes d’automatisme mental les plus
pures et les plus simples dans leur expression clinique, en quelque sorte schématique)
sont des séquelles d ’une longue évolution d ’un Délire — souvent schizophrénique
ou fantastique — enkysté, comme vidé de sa substance. Lorsque le délire est réduit
à ce « point » qu’il ne paraît constitué que par des éléments simples, ces « éléments »
ne sont pas justement là comme les atomes ou les détonateurs du Délire. Au terme
de l’évolution dont ils sont comme les résidus, des îlots ossifiés ou momifiés, ils sont
plutôt comme les rejetons encore vivaces qui survivent à l’extinction de l’activité
délirante.
Telles sont, du point de vue clinique, les raisons qui permettent de considérer que
cette construction d’un cadre nosographique appelé « Psychose hallucinatoire chro­
nique » est artificielle, superflue et même dangereuse, si on entend par là qu’en rédui­
sant tous ces Délires à des éléments simples elle risque d ’en masquer la multiplicité,
la complexité et la structure évolutive, abusivement vouée à une sorte de mécanique
fatalité.
Il pourrait sembler paradoxal que dans un ouvrage consacré aux Hallucinations
nous nous débarrassions précisément et si lestement de la fameuse « Psychose hallu­
cinatoire chronique ».
Cela serait, en effet, incompréhensible si nous avions de bonnes raisons de penser :
1°) que les Hallucinations sont le produit de l’excitation des centres sensoriels ; —
2°) que ces troubles sensoriels engendrent automatiquement le délire ; — 3°) que cer­
taines psychoses hallucinatoires seraient caractérisées non pas seulement par la
fréquence de ces phénomènes mais par leur seule présence, le Délire étant pour ainsi
dire contingent (le socle hallucinatoire qui attend la statue délirante, disait G. de Clé­
rambault). Mais ces trois propositions — constituant justement le dogme de l’auto­
matisme mental du Maître du Dépôt — sont fausses. Ce qui définit le Délire hallu­
cinatoire, c ’est la structure même du Délire qui manque à une conception de
l ’Hallucination, qui la réduit à un dénominateur commun mythique, sa sensorialité.
Voilà pourquoi l’école française, en s’enrichissant de tous les apports de l’analyse
structurale et psychodynamique du Délire, doit sans regret perdre cette illusion noso­
graphique. Elle peut s’en consoler d ’autant plus facilement que les écoles étrangères
(allemande et anglo-saxonne) ne sont pas plus estimables pour fourrer le Délire chro­
nique sous toutes ses formes (et même le délire aigu) dans le « caput mortuum » schizo­
phrénique. Notre position est differente des unes et des autres en ce que précisément ce
834 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

que nous recherchons en nous référant aux études les plus approfondies des cliniciens
de toutes les écoles, c’est à saisir la structure des espèces de Délires chroniques qui ne
sont ni aussi artificielles que le laisseraient supposer la conception française, ni aussi
homogènes que le laissent entendre les Psychiatres du monde entier. Autrement dit,
il faut repenser le problème, et c’est ce que nous tentons de faire depuis quarante ans
et que nous avons continué de faire ici en nous avançant sur le « pont aux ânes » de
la Psychiatrie : la structure hallucinatoire des Délires chroniques.

Reste donc que, entre le groupe de la Paranoïa et le groupe des Schizo­


phrénies, s'il n 'y a place ni pour la « P. H. C. » ni pour le délire d'imagination
de l'école française car ils chevauchent sur les deux, par contre, il y a place
pour une espèce de délire chronique qui a fa it l'objet des descriptions de Krae­
pelin, notamment sous le nom de paraphrénie fantastique et de paraphrénie
confabulante et aussi d'un certain nombre de délires d'imagination des fran­
çais. C ’est parce que personne n ’a jusqu’ici approfondi ce q u ’a d ’original la
structure de ces délires que la plupart des auteurs (avec Kraepelin qui y avait
lui-même renoncé), les englobent dans la nébuleuse de la Schizophrénie. Sans
songer ici à faire une étude complète de ces Délires (étude que nous avons
bien des fois exposée dans notre enseignement clinique ou dispersée dans nos
écrits), nous nous contenterons d ’en dire l’essentiel pour le problème qui nous
intéresse ici.

1° D é fin itio n . — Les Psychoses délirantes chroniques fantastiques (1)


sont caractérisées : 1°) par l ’énorme production délirante à thèmes mul­
tiples principalement mégalomaniaques et cosmiques ; — 2°) par une pensée
archaïque, magique ou paralogique indifférente dans l ’élaboration de ses
conceptions aux valeurs logiques d ’une intelligence de par ailleurs intacte ; —
3°) par la conservation d ’un bon rapport avec le monde réel malgré l ’absurdité
de la fiction qui s’y juxtapose ou s’y superpose ; — 4°) par l ’absence de dété­
rioration psychique notable, même à la fin de l ’évolution.

2° H is to r iq u e . — Kraepelin en observant les malades qui constituaient


la masse des Délires chroniques ne se sentait pas satisfait de devoir les dis­
tribuer, soit dans la Démence Précoce, soit dans la Paranoïa. C ’est de cette
exigence clinique q u ’est né le concept de « paraphrénie » qui désigne, dit-il,
des formes de délires caractérisés par les conceptions délirantes où s’intriquent
les thèmes de persécution et de mégalomanie. 11 en distinguait quatre formes :
la paraphrénie systématique qui reproduit à peu près le type même des Délires
chroniques de M agnan et, à cet égard, en représente plutôt la forme mégalo-

(1) Nous préférons désigner ces Délires chroniques par le terme de « fantastique »
plutôt que par le terme trop pédant de « paraphrénie ». Cela revient d ’ailleurs à dési­
gner l ’élément de ce groupe par le sous-groupe qui en constitue le noyau (Para-
phrenia fantastica).
DÉLIRES FANTASTIQUES (PARAPHRÉNIES) 835

m aniaque terminale ; — la forme expansive qui correspond assez exactement


aux états de manie chronique avec fabulations riches et désordonnées ; — la
forme confabulante (rare) caractérisée par les faux souvenirs, la production
de récits ou d ’histoires étranges et, dit-il, l ’absence d'Hallucinations et qui
correspond dans l’école française, à peu près au Délire d ’imagination à type
de délire de filiation ; — la forme fantastique caractérisée par une production
extraordinairement luxuriante qui succède généralement à une phase d ’ima­
gination, d ’idées de persécution et d ’Hallucinations.

Le Délire, dit Kraepelin, se développe ensuite en recourant sans cesse à des méta­
phores, à des conceptions tout à fait illogiques, <( à des idées chimériques qui témoi­
gnent d’un jeu insensé et sans but d ’une imagination qui va à l ’aventure » (Une auto­
mobile est entrée dans son oreille, dit l’un ; — cet homme a changé de sexe et est
« enceint » ; — cet autre croit qu’il existe une agence internationale de disparition au
moyen d ’ascenseurs d’hôtels qui descendent des souterrains ; — pour celui-là il fut
repêché dans le fleuve de l’Amazone enduit de salive, rapetissé par un appareil, plâtré,
devenu Christ, Paris, Eve et Moïse, Alexandre le Grand ; — pour tel autre, il y a
une machine à saucisses pour égorger des milliards d ’hommes, etc. Les fabulations
paramnésiques jouent un grand rôle dans cette production du Délire. Mais en même
temps qu’ils racontent ces histoires extraordinaires, ces délirants sont parfaitement
capables de soutenir normalement une conversation. Dans la phrase terminale, il
y a bien un certain degré d ’affaiblissement (Verblödung) mais, dit Kraepelin « je
connais aussi des cas où après une ou plusieurs dizaines d ’années il ne pouvait être
question, malgré les idées fantastiques les plus étranges du monde, du moindre
degré de faiblesse intellectuelle ».

Sans doute réduisons-nous ici à un schéma très simple les descriptions


de Kraepelin, mais cela nous suffit pour noter un certain nom bre de points
qui doivent éclairer l ’historique de cette espèce de Délire tombée en désuétude
faute de n ’avoir trouvé aucun Psychiatre pour rassembler les quelques faits
isolés par Kraepelin et surtout découvrir la structure profonde de cette espèce
de Délire chronique qui représente pourtant un cinquième environ de la
masse des Délires chroniques.
Notons donc : 1°) que l ’originalité de la description vise principalement
la paraphrénie fantastique ; — 2°) que ce qui est caractéristique de ces Délires,
c ’est la luxuriance idéo-imaginative ; — 3°) q u ’il y a un extraordinaire contraste
entre l ’irrationnalité des Délires et les conduites du délirant ; — 4°) q u ’il y a un
autre contraste aussi saisissant entre la production d ’un Délire fantastique
et le peu d ’altération du « fonds mental ».
Tous ces caractères du « Délire paraphrénique » ou fantastique doivent
être envisagés dans leur structure globale, et c ’est faute de l’avoir aperçue
dans son originalité que beaucoup de cliniciens l’ont méconnue en intégrant
purement et simplement cette espèce de Délire chronique, soit dans la Schizo­
phrénie, soit dans la Paranoïa. C ’est naturellement la Schizophrénie qui a
attiré dans son orbite le plus grand nombre de cas de ce genre. A peine Krae­
pelin avait-il esquissé ses premières études que sous l’influence de Bleuler,
836 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

Pfersdorff (1914), Kuambach (1913) et surtout W- M ayer à la même époque


(à partir du travail considérable de ce dernier, travail clinique très approfondi
portant sur l ’évolution de 78 cas étudiés à la clinique même de Kraepelin
à Munich), on nia l ’autonomie de cette espèce de Délire en soulignant sa
nature et son évolution schizophréniques. Et, effectivement, Kraepelin
impressionné par ces travaux finit p ar rapprocher ce groupe de paraphrénies
q u ’il avait si péniblement tenté d ’isoler du groupe des schizophrénies et à l ’y
confondre. W. Mayer-Gross dans le Traité de Bumke (1928) a consacré cette
assimilation, cet arrêt de m ort du concept de paraphrénie. Q uant à l ’intégration
de ce type de Délire dans la Paranoïa, on comprend bien que des cas comme
celui du Président Schreber (Freud), submergé p ar sa mégalomanie fantastique,
ait pu rappeler que l ’évolution du Délire chronique systématisé se faisait par­
fois vers une sorte de Délire cosmique et de transform ation fantastique des
rapports du Sujet à son monde. Ainsi, certains auteurs (pensant notam m ent
à la paraphrénie systématique de Kraepelin) ont pu trouver que la place
de ces Délires pourrait être dans le cadre des psychoses délirantes sys­
tématiques (Stransky, Kruger, Kolle, Lange, Kehrer). Mais comme le
Phénix, la configuration paraphrénique (essentiellement « fantastique »)
du Délire chronique revit, nous semble-t-il, sans cesse, notam m ent sous le
nom vague de Psychose « paranoïdes » considérées comme des formes m ar­
ginales de la Schizophrénie et de la Paranoïa. Elle s’impose, en tout cas, à
l ’observation des cliniciens qui se refusent à mettre dans le même sac les Délires
systématisés, les formes paranoïdes des schizophrénies et ces Délires fantasti­
ques (Halberstadt, Claude, Clerc).

3° S é m é io lo g ie . — Le Délire fantastique est essentiellement constitué


par un travail idéo-fabulatoire qui ne correspond ni à celui de l’interprétation
proprem ent dite ni à l’activité hallucinatoire schizophrénique. Le délire ne se sys­
tématise pas, en effet, dans une construction ou une configuration d ’événements
plausibles et « narrables » ; il s’offre, au contraire, comme une sorte de fiction, de
récit ou de mythe sans référence, ni à la réalité, ni aux règles de la logique.
D ’où sa puissance infinie d ’extension et son ouverture cosmique à un monde
hors de l ’espace et du temps. Il n ’y a dans ce Délire ni ordre, ni clarté, mais au
contraire, foisonnement d ’imaginaire, luxuriance de conceptions absurdes, agglu­
tination de constructions paralogiques qui témoignent d ’une pensée absolument
magique et archaïque (A. Storch, 1922). Ces délires rebelles à une systématisation
« raisonnante » ne se développent pas non plus en creusant dans la personne
un monde autistique fermé. Ils ne se substituent pas à la réalité du monde ;
ils ne détruisent pas le monde de la réalité en lui substituant un autre monde,
ils ajoutent plutôt au monde de la réalité commune face auquel ils continuent
généralement et paradoxalement à s’adapter un « au-delà », un horizon mer­
veilleux, métaphysique, mystique, social ou politique sans que (même lorsque,
et c’est souvent le cas, leurs récits lyriques ou poétiques prennent un style sur­
réaliste ou prophétique) leur langage perde toute possibilité de communication,
sans que non plus leur personnalité se désagrège autrem ent que par m étam or­
DÉLIRES FANTASTIQUES (PARAPHRÉNIES) 837

phose métaphorique, sans enfin q u ’ils s’enfoncent dans l’hermétique cachot


d ’une pensée ayant rom pu ses attaches avec celle des autres, pour tout dire,
sans se perdre dans le labyrinthe du processus schizophrénique.
Le délire fantastique est donc une idéologie ou, si l ’on veut, une mythologie.
Et, à ce titre, son travail d ’élaboration ne se réduit ni à l ’interprétation délirante
qui chez les paranoïaques a pour fonction de rationaliser un thème fondamental,
ni à l ’activité hallucinatoire qui chez les schizophrènes lie l ’autisme à un monde
sans ouverture ni horizon pour le réduire à des communications ou des inter­
actions privées, singulières, toujours réfléchies sur elles-mêmes, centripètes
et fermées. Mais, bien entendu, cette forme de Délire, ses mouvements dans
une sphère d ’abstraction ou, en tout cas, de fantasmagorie, n ’est pas sans
rapport analogique avec les deux autres formes de Délire dont on peut dire
q u ’il les contient, mais aussi q u ’il les dépasse. La systématisation, en effet, qui
est le propre de la paranoïa suppose dans son travail, nous l’avons vu, une inven­
tion, mais retenue. L ’autisme schizophrénique suppose la création d ’un monde
propre mais « internalisé » et de moins en moins communicable.
De telle sorte q u ’inversement — et c ’est la racine de l ’illusion qui consiste
à nier l ’autonomie de cette espèce de Délire chronique — le Délire fantastique
comporte un travail d ’interprétation, élargi aux dimensions idéologiques d ’une
signification cosmique et absolue, tout comme il com porte une distorsion logico-
verbale vraiment fantastique mais exhaussée par-delà le discours jusqu’à s’ériger
en sémantique générale, en idéologie pure. C ar la structure même de cette espèce
de Délire c ’est bien, en effet, son caractère essentiellement idéologique. Et par
idéologie, il faut entendre une conception du monde empruntée par le
D élire, non pas a la communauté sociale ou religieuse mais a la singula­
rité de la production pathologique du D élirant . En tant que conception
idéale, on comprend q u ’elle fasse invinciblement penser à la Paranoïa. En tan t
que conception singulière, on comprend q u ’elle fasse penser à la Schizophrénie.
Sans doute cette idéologie rappelle-t-elle (ou recouvre-t-elle) le travail d ’interpré­
tation; sans doute s’apparente-t-elle à l’autisme schizophrénique. Mais elle se
distingue de la systématisation paranoïaque p ar son indifférence radicale à toute
justification logique, car tout simplement pour elle l’idée se suffit à elle-même en
dehors de tout système de relation avec la pensée des autres — et elle se dis­
tingue de l’autisme et de l ’incohérence idéo-verbale du schizophrène en ceci,
que sa personne, sa pensée et son langage demeurent intacts sous l ’idéologie
qui les recouvre. Et nous touchons ici au paradoxe le plus paradoxal de cette
forme d ’aliénation. Elle se présente dans la clinique comme un discours (un
récit, une épopée, un mythe, une métaphysique, une religion), comme un jeu
de signifiants qui, produit par le Sujet, n ’affecte avec lui-même q u ’un minimum
de rapports au point que celui-ci, à double face comme le visage de Janus, ignore
d ’un côté ce q u ’il pense de l ’autre. Il en est de ces Délires (les plus « esthétiques »
justement) comme de la production d ’une œuvre d ’art fantastique (1) : le délire

(1) Cf. à ce sujet mon étude,sur « La Psychiatrie devant le surréalisme », Évol.


Psych., 1948, IV, p. 3-52, ou ce que j ’ai écrit dans l’Avant-Propos de cet ouvrage sur
838 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

se détache du délirant. Disons plutôt q u ’il paraît s’en détacher, q u ’il a pour
fonction de s’en détacher ; car, bien sûr, il ne cesse de signifier son Désir,
mais non pas seulement celui d ’atteindre son objet sur le mode imaginaire,
mais un désir d ’imaginaire plus absolu, celui de créer un mode imaginaire,
le désir de transform er par sa propre parole le monde en monde merveilleux
et littéralement fantastique. U n paradoxe est un des traits les plus caractéris­
tiques de cette existence délirante : pour si fantastique que soit le Délire, le
délirant se contente de le « dire », de l’écrire (1) (de le croire aussi par un actè
de foi qui le situe dans l ’au-delà de la réalité) et parfois dans son langage mer­
veilleusement métaphorique, mais sans cesser de s’adapter à la vie réelle et de
disposer du langage commun.
P ar là, la structure de ce Délire fantastique apparaît avec ses caractéristiques
structurales propres. L ’idéologie mythologique avec ses thèmes, idées, élucubra­
tions et fabulations infinies, est enveloppée dans une atmosphère extra-tempo­
relle et extra-spatiale, élargissant ses dimensions jusqu’à l ’infinité et l’éternité
qui constituent les dimensions hyperboliques de sa grandeur mégalomaniaque, ou
d ’absurdité absolue. C ’est ainsi que le Délire reprend généralement à son compte
les grands « archétypes », les mythes que l ’humanité a sécrétés sur les thèmes
éternels de ses origines et de ses fins (fabuleuses naissances et maternités, guerre
des dieux, puissance éternelle, métamorphoses, manichéisme). Plus souvent
encore, c ’est sur un registre plus modeste que le Délire se développe en em prun­
tant ses conceptions et ses images d ’Épinal à la sorcellerie, aux « sciences psy­
chiques », à l ’Histoire, à la Bible, quand ce n ’est pas seulement au catéchisme...
Mais toujours, c’est en tan t que « vision personnelle » d ’un monde personnifié
que naît et s’enrichit sa fantasmagorie. C ’est encore comme une sorte de méga­
lomanie que les thèmes privilégiés reprennent et magnifient les phantasmes
sexuels (comme dans le cas du Président Schreber), ces phantasmes qui gonflent,
en les symbolisant à l ’infini, les relations hallucinatoires du Délirant avec les
imagos du phallus, de la création, de la puissance et de la fécondité. Le Délire
fantastique est, à cet égard, comme le fameux volet du « Jardin des Délices »
où Bosch a peint en images cosmiques et mythologiques tous les phantasmes
sexuels de l ’humanité. Le Délirant fantastique compose ainsi, lui aussi, à la
mesure de ses moyens, une vaste fresque poétique en déroulant ses phantasmes
dans sa fantasmagorie idéologique.
La personne du Délirant se volatilise dans ce monde de fiction, sauf tou­
tefois sur un point : c ’est que, s’identifiant aux métaphores et péripéties du

la production de l’œuvre d’art en tant qu’elle n ’est essentiellement pas hallucinatoire,


pas plus qu’elle ne peut « réellement » être la « représentation » figurée de l’Halluci­
nation.
(1) Pour ceux qui n ’auraient pas eu l’occasion de s’en délecter, je me permettrai
de recommander, entre autres, la lecture des « Enfants du Limon » de R. Queneau
— le numéro consacré par la revue « Bizarre » (avril 1956) aux Hétéroclites... et
aussi ce délire sur le Délire qui constitue — entre autres échantillons de la littérature
métapsychiatrique contemporaine — « l’Anti-Œdipe » de G. D eleuze (1972).
DÉLIRES FANTASTIQUES (PARAPHRÉNIES) 839

monde entier, il se maintient dans la réalité des situations. Le délirant fantas­


tique a son esprit dans les cieux mais les pieds sur la terre.
D ’où ce troisième et fondamental caractère structural que nous avons pro­
posé d ’appeler la diplopie paraphrénique du réel et de l'imaginaire qui partage le
monde du Délirant en deux mondes (inégalement partagés d ’ailleurs, car le
monde magique de l ’au-delà révélé et créé en constitue la majeure et toujours
plus envahissante partie).
Nous ne pouvons ici développer ces analyses structurales du monde fan­
tastique dans les Psychoses paraphréniques nous réservant de reprendre plus
tard dans son ensemble ce que nous avons déjà exposé dans notre enseignement
et nos écrits pour en m ontrer et démontrer la réalité clinique, pressentie certes
par tous les Psychiatres mais jamais jusqu’à présent explicitée, faute de tenir
cette espèce de Délire comme un troisième terme de la trilogie des Délires
chroniques.

Les extraits de l ’observation de la malade Dup... publiée dans mon livre « Hal­
lucinations et Délire » (p. 139-142) et des écrits de la malade Blanche T... qui illus­
trent (p. 29) notre étude sur « La Psychiatrie devant le surréalisme » peuvent donner une
idée de la prodigieuse fécondité de ces délires. On en trouvera des exemples aussi
dans la thèse de Clerc «Les Délires fantastiques », Paris, 1926 et dans bien des observa­
tions publiées avec le diagnostic de paraphrénie, de psychose paranoïde, de délire
d ’imagination. Le Délirant qui a peut-être été le plus étudié depuis qu’il existe une
science psychiatrique, le fameux cas du Président Schreber, nous paraît être un
exemple typique, non pas de ce que l ’on a appelé sa Paranoïa ou sa Démence
paranoïde, mais de la Paraphrénie fantastique.

4° É v o lu tio n . — Il en est de ce type de Délire chronique comme


pour les deux autres. Tantôt il se constitue au travers d ’ « états » aigus, ini­
tiaux ou cyc'iques. Tantôt il paraît se constituer progressivement, parfois
par un travail délirant de plusieurs années. Il ne fait pas de doute que cette
espèce de Délire est l ’apanage de l ’âge m ûr et parfois de l ’âge avancé. Peut-être
se rencontre-t-il plus souvent chez les femmes. Peut-être aussi cette évolution
a-t-elle été particulièrement favorisée par la claustration dans le monde asilaire,
cet univers « concentrationnaire » dans lequel tant de délirants ont été plongés
et maintenus dans les vieux asiles d ’aliénés. Mais on ne peut méconnaître q u ’ils
se sont eux-mêmes, p ar leur propre Délire, privés de liberté. Si ces facteurs
iatrogènes, en effet, jouent un rôle im portant, il n ’en reste pas moins que
l ’évolution du « Délire fantastique » a une évolution spontanée relativement
fréquente et qui, pour être heureusement stoppée par nos moyens thérapeu­
tiques, n ’en représente pas moins une sorte d ’itinéraire naturel de l ’existence
délirante qui se développe avec les caractères que nous venons de lui reconnaître ;
p o u r se développer dans une sorte d ’expansivité cosmique le Délire n ’en
enchaîne pas moins le Sujet au fond de lui-même en l ’aliénant bien plus sûre­
m ent (malgré les sophismes trop largement répandus) que les conditions
déplorables dans lesquelles ils étaient ou il sont encore parfois honteusement
enfermés.
Ey. — Traité des Hallucinations, n. 28
840 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

La fin de ces délires n ’est ni le système clos.de la Paranoïa ni le monde


refermé de la Schizophrénie, elle se caractérise par une expansion fantastique
infinie juste inverse de l’enroulement centripète ou autistique de la schizophré­
nie ; juste inverse aussi de la canalisation systématique de la paranoïa. Cette
production mythique s’opère, en effet, en excentrant l ’existence sur l’orbite du
monde, n ’en réservant q u ’une portion centrale (comme une « macula » rétrécie de
vision distincte) à l’accommodation au réel, lequel recule progressivement devant
l ’immensité de son interception par la vision fantastique du visionnaire. C ’est
précisément dans ce renversement de proportions du réel et de l’imaginaire qui
se juxtaposent dans les deux mondes (l’un vécu, l ’autre pensé et parlé) que gît
le problème de Y Hallucination ; car, pour le dire avant que nous n ’abordions
un peu plus loin le fond de ce problème, à mesure que le monde imaginaire
gagne sur le monde réel, l ’Hallucination s’efface comme si elle perdait son
sens.
Ce qui est certain, en effet, c’est que l ’évolution du Délire fantastique le
fait passer d ’une éruption hallucinatoire généralement acoustico-verbale et
somatique à une fabulation qui, effaçant les limites du réel et de l’imaginaire,
transforme le dialogue hallucinatoire en énoncé soliloque.
Parfois ce mouvement créateur, cette production infinie d ’imaginaire s’arrête,
et le délire fantastique se fige (« encapsuled», disent les Anglais) en se concentrant
sur certains thèmes privilégiés (mystiques, mégalomaniaques, de persécution, de
métamorphose sexuelle, etc.). Ces « enkystements » en quelque sorte cicatriciels
cachent parfois au Clinicien les phases matricielles et le long itinéraire délirant
dont ils sont les séquelles. C ’est là un aspect clinique de grande importance,
notam m ent pour ces « délires fantastiques » qui, revenus à leur forme hallucina­
toire primitive, en imposent alors pour un « pur automatisme mental ». Car, en
effet, dans cette éventualité le délire, en se résorbant, se rapproche de ses
sources d ’information et ne se perpétue que dans l’écoute furtive ou les échanges
d ’une communication avec un « au-delà » dont ne subsiste que la forme hallu­
cinatoire réduite à sa plus simple expression, celle d ’une routine rituelle, géné­
ralement celle d ’une écoute stéréotypée ou d ’un discret « a parte ».

5° N o so g ra p h ie . — Le problème nosographique des Délires chroniques


fantastiques ou paraphréniques a été déjà envisagé dans l ’historique que nous
en avons fait et nous pouvons le réduire ici à sa plus extrême simplicité.
Cette espèce de Délire chronique n ’est généralement pas considérée,
car elle est pour ainsi dire absorbée soit dans les délires systématisés,
soit plus généralement dans les schizophrénies. Mais, oui ou non, y a-t-il
des délires chroniques qui ne peuvent pas être, en raison de leur fabulation
chaotique, assimilés aux délires systématisés et qui, en raison de l’absence
de désagrégation autistique, ne peuvent pas entrer dans le cadre de la schizo­
phrénie ? On peut évidemment répondre non ; mais alors, comment envisager
tous ces délires qui, comme nous venons de l ’exposer, sont caractérisés par
une production délirante idéologique et, comme nous allons le voir, proprement
verbale, sans référence aux modèles de la pensée commune, tout en laissant
DÉLIRES FANTASTIQUES « PARAPHRÉNIQUES » 841

ceux-ci intacts ? Si ce paradoxe existe, c’est à lui que correspond le groupe


des Délires fantastiques.
Sans doute peut-on à ce sujet se poser la question de savoir de quelle
importance peut être de distinguer une espèce de Délire chronique séparée
de la Paranoïa déjà si controversée, et de la Schizophrénie cadre nosographique
bien suffisant pour englober, dit-on, l’ensemble des délires chroniques ? Ce
serait vraiment faire bon marché de la clinique elle-même qui s’applique
à décrire des physionomies et des évolutions com portant une prévision pro­
nostique et aussi des indications pratiques d ’assistance et de thérapeutique.
Car s’il est vrai, comme nous y insisterons encore à la fin de ce chapitre,
que les Délires chroniques constituent un genre (celui de l ’aliénation propre­
ment dite), c ’est-à-dire si quelque chose de com m un les unit, ils com portent
des espèces. La Schizophrénie constitue une branche de ce tronc commun,
la Paranoïa, et les Psychoses délirantes fantastiques en représentent les deux
autres. La Psychose délirante fantastique apparaît, dès lors, dans ces trois
modalités de délire comme celle-là même qui altère la réalité dans ses horizons
les plus lointains.

6° L a p r o d u c tio n idéologique d u D élire e t les H allucinations. —

Percevoir im plique imaginer et parler (1). Mais, bien sûr, imaginer et parler
contiennent virtuellement l ’Hallucination. Ce thème longuement développé
au début et tout au long de cet ouvrage nous permet m aintenant de mieux
comprendre les rapports qui soutiennent Hallucination et délire fantastique.
Au début et dans les phases évolutives de cette espèce de Délire — comme
dans toutes les formes de Délires chroniques — les expériences délirantes
primaires sont vécues sur un mode hallucinatoire (voix, syndrome d ’auto­
matisme mental, Hallucinations corporelles et cénesthésiques, sentiments
d ’influence et de transform ation, etc.). L ’irruption du Délire suit, pour ainsi
dire, le canal d ’information psycho-sensoriel et psychique (On me dit... On
me fait savoir, penser ou agir... On agit sur mon corps, etc.). Ainsi apparaît
ce « double » ou déjà cet « au-delà de la réalité ». Ainsi s’ouvre la fenêtre sur
l’Inconscient et le monde de ses désirs et de ses phantasmes.
Mais à la période d ’état, quand le délire fantastique s’est constitué comme
tel, VHallucination est partout et nulle part.
Partout, car rien n ’est dit ou pensé qui ne soit le récit ou la fiction d ’aven­
tures qui, intéressant le Délirant en tant que créateur et centre de sa fantas­
magorie, ne se réfléchisse sur l ’expérience et la représentation de son corps, sa
pensée et sa personne. D ’où l’aspect pseudo-hallucinatoire (c’est-à-dire médiatisé
dans la pensée) de cette « idéologie » qui ne rêve sur le plan des idées que de

(1) Tel est le monde de la perception humaine. Peut-être pouvons-nous dire que
l ’équivalent du percevoir chez l ’animal implique une coalescence du souvenir et de
l’agir telle qu’elle rend trop exigy l’espace psychique nécessaire au rêve et à l’Hallu­
cination.
842 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

courants cosmiques, d ’échanges mystérieux avec le. monde, de vases communi­


cants surréalistes, de communions mystiques, de rapports sexuels toujours
décrits et phantasmés dans leur relation syntaxique ou grammaticale, toujours
métaphorique de métamorphoses, de magie, d ’interpénétration des règnes
de la nature entre eux ou avec leur Au-delà surnaturel et métaphysique. Le
Délire, en se réfléchissant sur lui-même, en délirant sur son invention, prend
le langage de l ’A utre dans un discours où se mêlent le Moi et le Monde
dans ses dimensions cosmiques et universelles.
Nulle part, car comme nous l’avons fait remarquer à propos des Hallu­
cinations auditives corporelles et visuelles dans les chapitres que nous leur
avons consacrés, et comme nous venons de le rappeler à propos de la constitu­
tion du monde schizophrénique et du système paranoïaque, le Délire a pour
ainsi dire une tendance naturelle pour se constituer dans sa « chronicité »
même, à se séparer de son vécu pour devenir croyance, verbe, imagination...
De telle sorte que c ’est dans la forme et la formulation d ’un discours constam­
m ent dialogué puis monologué que le Délire se fait entendre à l ’entendement
plutôt q u ’à l ’ouïe du Délirant. C ’est ce mouvement qui est le processus même
de la génération du délire par lui-même. D e telle sorte, que cette espèce de
Délire chronique q u ’est le Délire fantastique ne fait que porter à sa plus extrême
puissance ce qui est en germe ou en premier développement dans tous les Délires
chroniques. E t ici, en effet, dans ce monde de Délire fantastique T Hallucination
éclate et se transforme en fiction pure. Nous touchons ici au point où la structure
fondamentale de cette manière délirante d ’être au monde coïncide avec le mouve­
ment même de la métamorphose de l’Hallucination en fabulation. De telle sorte,
que dans le tableau clinique, c’est-à-dire dans les propos, dans la masse de
signifiants que produit le délirant (ses métaphores, ses allégories, ses histoires,
ses créations pittoresques ou étranges), le clinicien discerne mal l ’Hallucination
q u ’il cherche. Et lorsqu’il tente de préciser par quelles voies sensorielles (Enten­
dez-vous ? Comment savez-vous ? Que sentez-vous ? Voyez-vous par vos yeux ?
etc., etc.) le délirant perçoit le délire, celui-ci lui répond par le délire lui-même
qui, ayant aboli la séparation du Moi et de son monde dans l’espace de son
délire fantastique, ôte à la question son sens. Plus exactement encore, la relative
séparation du Moi et du Monde aussi nécessaire que leur relative confusion
pour que l ’Hallucination se constitue comme une fausse réalité perçue, cette
séparation entre le Sujet et le monde des objets a perdu son sens pour se dépla­
cer dans une autre dimension, celle d ’une séparation si radicale entre le monde
réel et le monde imaginaire que celui-ci peut proliférer indéfiniment jusque
dans les espaces astronomiques et l ’éternité. Bien sûr, dit le paraphrène, je
n ’entends pas, je ne vois pas, je ne sens pas comme vous et moi percevons
les choses ordinaires, mais il y a un autre monde que je connais moi seul ou
par une miraculeuse révélation ou clairvoyance et qui enveloppe celui que nous
connaissons tous (1). Sans doute existe-t-il aussi des cas où c’est précisément

(1) « Comment pouvez-vous, docteur, me dire que vous avez entendu cette nuit
un bombardement qui était pour moi seul et que je pouvais seul entendre ? », nous
DÉLIRES FANTASTIQUES « PARAPHRÉNIQUES » 843

dans le mode de production du délire que le délire travaille, comme pour extraire
de ses voix, de ses communications et de ses expériences corporelles, le fantas­
tique qui les transforme de moyens en fin, en instruments d ’une toute-puissance
ou d ’une sum aturalité absolues. Mais même dans le cas de ces « paraphrénies
enkystées » ou résiduelles, l ’Hallucination se perd dans le dédale des idéologies
au point que le clinicien y perd, lui, si l ’on peut dire, « son latin » !
L a « voix » qui annonçait le délire, cette voix qui avait éclaté comme la
trom pette du Jugement Dernier, comme le signe en quoi se concrétisait d ’abord
la production imaginative comme pour en authentifier l ’objectivité, cette
voix m aintenant couverte p ar sa diffusion et répercutée dans ses échos infinis
même se confond avec ce q u ’elle exprime et, cessant d ’être signifiante ou por­
teuse de messages, elle s’évanouit dans le monde q u ’elle a fait apparaître, ou
plutôt, q u ’elle a une fois pour toutes révélé. U n des caractères cliniques les
plus évidents — noté dans la description de Kraepelin — c’est, en effet, la
référence au fa u x souvenir, c’est-à-dire à une Hallucination rétrospective ou,
plutôt rétroactive, qui restitue comme perçu et vécu mais perdu dans le passé,
un événement prodigieux et comme étemel. Mais tout aussi aisément, la fiction
se projette prophétiquement dans l ’avenir ou l’éternité, ou dans un monde
sans mouvement, hors du temps et de l ’espace où l’Hallucination ne peut plus
se situer avec les indices d ’objectivité que l ’Halluciné et le Psychiatre réclament
d ’elle. Le premier pour affirmer que ce qu’il dit il l ’a entendu vraiment. Le
second pour affirmer que l’halluciné entend bien ses voix, mais seulement
comme l ’écho de son désir.
Telles sont tout à la fois l ’impossibilité clinique (l’impossibilité pour
l ’Hallucination d ’être identifiée par le Psychiatre) et la possibilité infinie
(la possibilité d ’ouvrir la voie du délire aux voix de l’au-delà fantastique)
que représente cette structure hallucinatoire fantastique qui se perd dans la
fabulation. Peut-être pouvons-nous ici écouter un instant cette voix du délire
sans voix pour n ’être que la voix, c ’est-à-dire le langage même du Double
ou de l ’Autre devenu maître du monde.
Voici un fragm ent de l ’œuvre fantastique du délire de Blanche T..., de ce
chef-d’œuvre qui est pour nous comme le paradigme de ce Nouveau Monde
découvert et sans cesse recouvrant celui qui, comme une peau de chagrin,
se rétrécit, celui de la réalité :
« Plusieurs continueront à me manger étant dedans ; c’est inutile de continuer
« à me détacher en me tranchant, je n ’ai que davantage de souffrances, je me dégage
« moi-même comme je peux sans couper par le liquide que j ’ai dans ma Bouche qui
« réussit à dissoudre les métaux qui ne sont pas des mêmes sortes et à m ’en séparer
« et à détacher les Fils Télégraphiques vivants et d ’autres Fils qui s’adaptent quel-
« quefois troublent les communications, il faut éviter de toucher les mains aux bles-
« sures aux chairs des autres créations qui sont en lambeaux. J ’avais aussi à vous

disait le lendemain d ’un bombardement hélas ! très réel, un grand délirant fantasti­
que qui, s’identifiant à la toute-puissance de Dieu, avait épousé dans son regard,
son visage et son maintien l’image merveilleuse de Dieu le Père.
844 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

« dire qu’il y a des liquides parmi les malades qui attaquent et qui rongent les bons
« Métaux qui ont servi aux Médecins pour faire des opérations ou aux chirurgiens.
« Je sais que des métaux m ’ont été retirés pour en faire des Aiguilles pour me vacci-
« ner, car je l’ai senti et il y en a qui ont fait des calices et des ciboires et des services
« à thé en chine avec mon métal mélangé de la matière de mon Squelette, quand les
« livres de celui qui se disait Jean Timothée (son père) vont dessus ; c’est affreux
« le supplice que j ’endure sur ma Poitrine du côté droit, c’est de cet endroit que ma
« vie a été retirée pour en faire des Services à thé ou à café, mon île Formose est
« dévastée en grande partie. Ce Jean Timothée est dessus et est dans l ’Océan Paci-
« fique, j ’ai sa photographie reproduite par mes yeux sur du Parchemin entre la
« Chine et l’île Formose ; je puis vous la montrer si vous désirez sur la ligne du tro-
« pique du Cancer... Ils ont vu faire des Plans de Bateaux et d ’autre chose, c’est
cc affreux d ’être touché par la Soudure autogène, les bons et les mauvais Métaux
« ont été soudés ensemble dans beaucoup de Ports de Guerre et dans d ’autres endroits
« et pendant des années il y a des créations qui sont martyres et forcées de vivre avec
« ceux qui leur font souffrir de Siècle en Siècle, les Corps se reforment dans les Ports
« de Guerre dans les doubles ou triples fonds ou quadruples fonds et sont mis en
« contact avec des ennemis qui font toutes sortes d’abominations dessus. Les Ports
« qui sont vus sur le Paradiso Gloria n ’appartiennent pas aux mauvais esprits qui
« ne cessent de vouloir les attraper comme étant les Propriétaires... »

A l ’extrême pointe des relations du Délire et de l ’Hallucination, c’est-à-dire


à ce point où l’Hallucination disparaît dans le délire qui l ’engendre, nous pou­
vons mieux saisir précisément tout ce q u ’elle implique de travail imaginatif
d ’élaboration noético-affective. Mais aussi ce que, parvenue à sa plus haute
puissance représente la « perception sans objet à percevoir », quand elle ne
peut plus s’entendre comme une expérience sensorielle, un « percept » dans
la sphère d ’un sens lequel, somme toute (et c ’est le cas des Éidolies halluci-
nosiques), se retranche alors du monde mais q u ’elle apparaît au contraire
comme l’apparition même d ’un nouveau monde. Nouveau monde purement
signifiant pour ne signifier q u ’au deuxième ou troisième degré ce qu’il signifie,
c’est-à-dire le monde verbal par excellence qui comme un poème ou une
peinture symbolique ne se joue q u ’au niveau des m ots et des idées. P ar là,
c’est tout le monde du délire qui est « sans objet »; sans foi ni loi aussi pour­
rions-nous dire si le Délire hallucinatoire est la transgression la plus absolue
à la Loi de la Réalité, et si, vidant le Sujet de son potentiel existentiel, il trans­
forme sa conviction en verbeux discours.
TRANSFORMATIONS DES ESPÈCES DE DÉLIRE 845

III. — LES TRANSFORMATIONS


DES TROIS ESPÈCES DE DÉLIRE CHRONIQUE
ET LEUR FORME HALLUCINATOIRE

Le genre des Délires chroniques, en tan t q u ’il existe entre eux une certaine
unité, apparaît dans «le transform ism e» des espèces que nous venons de décrire.
Car dans ce domaine théorique tout le monde a raison. Les uns parce que,
attentifs au genre, ils se détournent de ses espèces ; les autres, parce que, plus
attentifs aux différences des espèces, ils oublient ce qui fait leur unité. La cli­
nique est là pour rappeler les uns et les autres à l ’ordre naturel qui fait de chaque
espèce de délire chronique une forme d ’existence mais qui peut se modifier, qui
peut changer de structure et de sens.
Ce sont précisément ces transformations trop peu connues (par les uns
parce q u ’elles ne leur paraissent pas être très importantes — par les autres
parce q u ’ils les tiennent pour des « erreurs de diagnostic » dont, somme toute,
ils s’accommodent assez bien) que nous devons m aintenant envisager. Ceci
nous permettra, en conclusion de cette étude des relations des Délires et des
Hallucinations, de préciser les sens et la structure de celles-ci et de ceux-là.
Si, en effet, nous ne considérons l’Hallucination ni comme un phénomène
simple, (un « atome ») qui serait l ’élément générateur du délire ni comme un
épiphénomène, contingent de certains délires, si nous l ’envisageons plutôt,
comme une modalité fondamentale de la structure délirante, il faut bien alors
que les structures délirantes, c’est-à-dire les modalités propres de l ’Hallucina­
tion et du Délire, se substituent, dans la clinique approfondie des délires,
à leur découpage séméiologique et nosologique traditionnel. Il faut notam m ent
que les m utations structurales que nous allons envisager nous fassent appa­
raître les modalités du délire dans ses rapports avec l’Hallucination, car la
modification structurale q u ’implique le passage d ’une espèce à l ’autre porte
essentiellement sur les relations du Délire et des Hallucinations. Si un délire
se systématise, ce n ’est q u ’en ajoutant à l’Hallucination l’enchaînement dis­
cursif d ’une syntaxe imaginaire. Et s’il tombe dans la désagrégation autistique,
c ’est en vidant l’Hallucination du délire qu’elle contenait pour devenir un
galimatias verbal. Si enfin le Délire s’élève ju sq u ’à devenir une création mytho­
logique, c’est pour porter à sa puissance infinie le fantastique que maintenait,
dans les limites d ’une fausse perception, l ’Hallucination.
Nous allons d ’abord exposer une statistique, ou plutôt l’inventaire d ’un
matériel clinique que nous avons classé dans notre Service (service de Femmes
qui comprend un très grand nom bre de Délirants chroniques dont la plupart
ont été internées pendant une ou plusieurs dizaines d ’années).
Il s’agit d ’un (1) « matériel clinique » ancien et ayant évolué spontanément

(1) H enri E y et M m e B onnafous -S érieux , « É tu d e clinique et considérations


nosographiques sur la D ém ence Précoce », A. M. P., 1938, 2, p. 1-66.
846 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

ou si l ’on veut naturellement avant les m anipulations thérapeutiques qui rendent


actuellement un tel travail impossible.
Voici donc comment nous avons réparti dans les trois grandes espèces de
Délires chroniques les 162 cas que nous avons étudiés, et com pte tenu que cer­
tains de ces délires (10 % environ) qui avaient eu une évolution favorable ne
figurent pas dans ce tableau.

Longueur
Nombre Age de début d ’évolution
moyen moyenne

S chizophrénies....................... 80 (50 %) 32 20
Délires systématisés . 55 (33 %) 40 15
Délires fantastiques . . . . 27 (17 %) 32 25

On sera peut-être étonné de l ’âge de début des Schizophrènes. Il y a, à notre


avis, deux explications à cet âge avancé de début. La première, c’est que beau­
coup de malades ont été par principe écartées de cette statistique comme ayant
déjà fait l’objet, dans l ’étude que nous avons publiée avec Mme Bonnafous-
Sérieux (1) de diagnostic d ’hébéphréno-catatonie à évolution assez rapidement
démentielle. Or, selon la fameuse loi de l'âge et de la massivité de G. de Cléram-
bault, il est vrai que le potentiel évolutif déficitaire est plus fort chez les Schizo­
phrènes dont l’âge de début est moins élevé. L a seconde nous paraît relever plus
directement de la nature même des choses, savoir que les Délires schizophré­
niques correspondant aux formes paranoïdes (les plus nombreuses d ’ailleurs)
ont effectivement un âge de début assez avancé, autour de la trentaine et même
plus.
Quant à l ’âge de début des Délires systématisés, s’il se situe en moyenne
vers la quarantaine, c ’est q u ’effectivement la paranoïa d ’involution nous ait
apparue très fréquente. Sans doute beaucoup d ’auteurs ont tendance à cause
de laform e hallucinatoire de ces délires, à les placer dans le groupe des Psychoses
hallucinatoires chroniques en France, ou dans le groupe des Schizophrénies tar­
dives à l ’étranger. Mais pour nous, le critère même de la systématisation nous a
contraint à les placer dans ce groupe dont ils ont, de ce fait, élevé l’âge moyen
de début.
Telle est donc la masse respective des diverses espèces délirantes qui consti­
tuent l’ensemble des Délires chroniques. Tel est aussi, pour chacune de ces
espèces, le sens de l ’Hallucination pour autant q u ’elle n ’est justem ent pas
seulement illusion des sens.

(1) H enri E y e t M m e B onnafous-Sérieux , « É tude clinique e t considérations


nosographiques su r la Démence Précoce », A. M. P., 1938, 2, p . 1-66.
TRANSFORMATIONS DES ESPÈCES DE DÉLIRE 847

M ais l ’évolution de ces D élires chroniques ne se fait pas toujours dans


l ’intérieur même de l ’espèce délirante a laquelle ils appartiennent
POUR AINSI DIRE NATURELLEMENT.
Tout se passe, en effet, comme si la systématisation du délire représentait
en quelque sorte un processus évolutif qui m aintient le Délirant confronté
avec la réalité p ar la constitution même de son délire, c ’est-à-dire à un niveau
d ’aliénation qui transforme la personnalité dans ses relations avec son monde
sans la bouleverser très profondém ent dans sa structure interne. C ’est à ce type
de Psychose délirante que correspond, nous l’avons vu, le fameux « processus
psychique » décrit p ar Jaspers à propos des délires processuels de jalousie. Le
processus schizophrénique représente, p ar contre, le processus appelé physico­
psychotique p ar Jaspers et constitue une forme d ’existence beaucoup plus
régressive caractérisée p ar la constitution d ’un monde autistique et la désagré­
gation de la personnalité. Quant au groupe des « délires fantastiques » ou para-
phréniques, il représente la transform ation des deux espèces de délires systé­
matisés ou schizophréniques lorsque s’ajoute à la systématisation de l’une ou
que le soustrait à l ’autisme de l ’autre, une conception idéologique fantastique
d ’un monde délirant juxtaposé au monde de plus en plus rétréci de la réalité.
Mais ceci, naturellement, exige quelques explications.

Si nous examinons chacun des groupes form ant les trois grandes espèces
de délires, nous pouvons constater d ’abord que leur développement évolutif
a une tendance pour ainsi dire naturelle à tom ber dans la schizophrénie (ce qui
justifie l ’idée de les rassembler toutes dans ce cadre), mais que ce développement
n ’est ni fatal ni même très fréquent. C ar si la « schizophrénisation » paraît
être comme la force d ’inertie, à laquelle obéit le processus délirant chronique,
elle n ’est pas toujours irréversible et fixe — et l ’on voit des Schizophrénies
évoluer, en effet, vers une guérison complète ou plus souvent incomplète, ou
encore évoluer vers un délire fantastique, ou encore se cristalliser dans un délire
systématique. Si l ’on étudie, en effet, ce mouvement évolutif dans son ensemble,
dans ses mouvements de restauration comme dans ses mouvements d ’aggra­
vation, il apparaît clairement que, comme nous l ’indiquions au début de cette
étude, les diverses espèces de délires représentent les phases de la maladie
délirante dans sa généralité, et dès lors on voit que le Délire systématisé et
le Délire fantastique représentent des cicatrisations ou des arrêts de la marche
du Délire vers la schizophrénie et sa démence vésanique.
Tel est, nous semble-t-il, le mouvement évolutif qui dans la masse des Délires
chroniques consacre, et la relative autonomie de chaque espèce c ’est-à-dire du
plus grand nom bre de cas qui entrent dans sa définition, et la relative unité
qui porte certains cas, soit à se désagréger davantage, soit à triom pher du pro­
cessus de désagrégation qui les menace. Autrement dit, dans cette perspective
dynamique la maladie délirante, l’aliénation, nous apparaît tout à la fois
comme u n processus de destruction et un processus de restauration qui, alter­
nant et se com binant, font de cette aliénation non pas une sorte d ’évolution
toujours irréversible et incurable, mais une forme d ’existence qui tend à
848 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

constituer une solution fût-elle délirante, aux problèmes existentiels du


Délirant.
Si donc l ’Hallucination apparaît comme une manifestation clinique fré­
quente de ces espèces et pour certains d ’entre elles constante, elle n ’implique
jam ais nécessairement l ’incurabilité. Elle ne signifie même pas la chronicité
puisque, nous l ’avons vu assez, les Hallucinations se rencontrent dans toutes
les expériences délirantes aiguës et transitoires.
M ais bien plus im portant que ces modalités d ’apparition est le sens même
de l ’activité hallucinatoire que le clinicien doit saisir dans les mouvements
complexes qui agitent toute la masse des Délires chroniques, et c ’est ce sens
que nous devons maintenant envisager au terme de cette longue étude des
rapports entre Délire chronique (le Délire p ar excellence) et Hallucination.
Pour cela, nous devons revenir en arrière et nous rappeler ce que nous
avons dit des expériences délirantes et hallucinatoires. Leur phénoménologie
nous renvoie nécessairement par-delà le vécu onirique du rêve et à tous les
degrés de la déstructuration du champ de la conscience, et ce qui les caractérise.
C ’est un vécu absolu, u n « pathos », où les images se référant à tel ou tel sens,
et plus spécialement acoustico-verbal, s ’imposent au Sujet comme un événe­
m ent parce q u ’il éprouve passivement, du fait même q u ’une partie de
lui-même devient l ’objet, le spectacle qu’il perçoit comme un événement
extérieur à lui-même. Ce vécu, irrécusablement présent et présenté, se présente
dans la conscience actuellement déstructurée comme une configuration dra­
m atique ou scénique d ’imaginaire, et apparaît à la conscience réfléchie comme
un événement mystérieux qui le saisit et dont ce à la réflexion » ou « au réveil »
il se déprend quand prend fin l ’expérience vécue.
Mais l ’étude clinique des Psychoses délirantes chroniques nous a fait péné­
trer dans des structures hallucinatoires d ’un tout autre genre.
Ici, ce que l ’école allemande a appelé le Délire primaire (même si en bien
des points notam m ent dans la « Wahnstimmung » elle coïncide avec le vécu
absolu des expériences délirantes et hallucinatoires aiguës), ce Délire se présente
avec des caractères phénoménologiques differents. Car l ’évidence qui s’attache
à la production d ’imaginaire s’impose au ce Délirant chronique », non point
dans l ’immédiat d ’un vécu sensible et irrécusable pour être senti ou ressenti,
mais dans la médiation d ’une vérité irrécusable, axiomatique, àbsolue qui
contraste pathologiquement avec le dogmatisme relatif des convictions hum ai­
nes. Le Délire dogmatise, ratiocine et fabule selon une Déraison qui em prunte
l ’apparence, sinon la loi de la Raison. Si, en effet, il est toujours empreint
d ’une forte passion (et comme disait Saint Augustin, a corde sonat), d ’une
conviction incoercible et incorrigible, c’est toujours comme dans un délire verbal
q u ’il se perd dans ses démonstrations, ou ses complications, ou ses effusions.
De telle sorte que, comme la clinique nous le montre « à satiété », ce Délire pri­
maire qui étonne les autres p ar son effrayante lucidité s’incorpore chez le Sujet
dans un langage et une idéation qui, aux antipodes du rêve, témoignent d ’un
pouvoir discursif (qu’on l ’appelle interprétatif, projectif, systématique, imagi­
natif, etc.) lequel se présente en clinique comme ce « travail » qui constitue
TRANSFORMATIONS DES ESPÈCES DE DÉLIRE 849

vraiment l’état primordial du Délire chronique, ou ce processus idéo-déli-


rant correspondant au processus psychique (au sens fort cette fois de
Jaspers). Sans doute ce travail rappelle-t-il celui du rêve, mais il utilise toutes
les ressources de la veille pour porter à sa plus extrême puissance de destruc­
tion son pouvoir d’aliénation.

F ig . 3. — Masse proportionnelle et Formes évolutives des trois espèces


de Délires chroniques.
I. Masse proportionnelle des divers types de Psychoses délirants chroniques. La figure
représente la proportion des masses respectives des Délires systématisés (33 %),
des Délires fantastiques (17 %) et des Schizophrénies (50 %) à l’époque de la
statistique publiée avec Hélène Bonnafous-Sérieux (Ann. Méd. Psycho., 1938,
tome 2).
II. Les flèches représentent le sens de la progression fâcheuse ou de l’évolution favo­
rable des 470 cas observés de 1937 à 1967. Les cinq modalités d 'évolution régressive
sont figurées par les flèches noires et pleines numérotées de 1 à 5. Les quatre moda­
lités d'évolution réversible sont figurées par des flèches en pointillé numérotées de
I à IV. Les évolutions progressives défavorables représentent encore actuellement
près de 50 % des cas (cf. p. 1345-1348).
N. B. : Nous n ’avons pas décompté dans ces cas les « Psychoses délirantes aiguës »
souvent appelées à l’étranger « Schizophrénies aiguës », et qui augmentent arti­
ficiellement le taux des évolutions favorables.
850 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

La figure 3 et les explications de sa légende permettent de comprendre le


sens même du travail délirant (Hallucinations, Interprétations et Pseudo­
hallucinations de type noético-affectif) qui caractérise son mouvement évolu­
tif, c’est-à-dire non seulement les formes mais les changements de sens q u ’effec­
tuent les trois espèces de la grande trilogie délirante de l ’aliénation mentale
quand elles passent de l’un à l ’autre.
— Quand le délire atteint plus ou moins rapidement la fin vers laquelle
il incline to u t naturellement, il affecte la forme schizophrénique.
Et après la période de « trém a » de ses phases initiales (K. Conrad) carac­
térisée par la conjugaison des expériences délirantes et du processus idéo-
délirant primaire (Hallucinations auditives, psychiques, corporelles, intuition
délirante, interprétation, syndrome d ’automatisme mental, idées d ’influence,
dépersonnalisation), le travail de délire constitutif de la personne et du monde
autistique achève de rom pre les liens qui unissent le M oi au M onde de la réalité.
L ’ensemble des Hallucinations et du délire q u ’elles manifestent transforme
le Sujet en Objet de son propre désir. Tel est le sens de la « régression narcis­
sique » que l ’école freudienne a admirablement découvert dans le processus
schizophrénique. Ce mouvement « centripète » jusqu’au centre même du Sujet
engendre les caractères propres de l’activité hallucinatoire : langage incohérent,
fermeture progressive des relations avec la réalité, m étamorphose corporelle,
réfraction de toutes les conduites de tous les sentiments dans le monde autis­
tique submergé p ar l ’Inconscient. Les Hallucinations, en effet, sous forme de
voix, de transmission de pensées, de perceptions corporelles étranges travaillent
dans le sens même du délire à objectiver dans le corps somatique et le corps ver­
bal les fantasmes inconscients. A la fin de cette désagrégation schizophrénique
de la personne, les Hallucinations verbales et psychiques ayant remplacé la
pensée du Sujet et sa possibilité de se confronter au monde se transform ent alors
en soliloque, comme les Hallucinations corporelles régressent jusqu’à coïncider
avec le désir narcissique au point où, se confondant avec lui, elles disparaissent
à leur tour. Ce processus schizophrénique typique admet, certes, bien des
degrés et des durées différentes selon les cas, mais c ’est lui que le clinicien
discerne quand il pose le diagnostic et le pronostic de schizophrénie, c’est-à-dire
d ’un Délire chronique caractérisé par la régression des relations du Sujet avec
son monde qui substitue le principe de plaisir (le processus primaire de
l ’Inconscient) au principe de réalité. La notion jaspérienne du processus physico­
psychotique s’applique très exactement à ce bouleversement total de la person­
nalité schizophrénique.
— Quand le délire, au contraire, s’arrête au stade primaire de cette aliéna­
tion (à la phase dite justem ent d ’interprétation et d'H allucination de l ’ouïe
des anciens auteurs), il se systématise. C ’est-à-dire que toute l ’activité hallu­
cinatoire se polarise dans un travail discursif et constructif. C ’est dans ce cas
que l ’Hallucination se détachant de plus en plus de son vécu est de moins en
moins vécue (1) ; et de plus en plus pensée.

(1) Ce détachement du « vécu » vers le « pensé » a été admirablement décrit par


TRANSFORMATIONS DES ESPÈCES DE DÉLIRE 851

Et c ’est, en effet, sous forme de Pseudo-hallucination et d ’interprétations


que le délire avec ses thèmes de persécution, d ’influence, de possession mystique,
érotique, ou mediumnique, etc., constitue son rom an d ’aventures. En se systé­
matisant, le délire ne se détache pas de la réalité, il s’y projette et s’y enfonce.
Tel est le sens centrifuge de cette manière de délirer dont le mécanisme de pro­
jection constitue la m odalité maîtresse du travail délirant. Il s’agit bien dans
ces cas d ’un système idéo-affectif comme l’ont bien vu Sérieux et Capgras,
Kraepelin, R. Gaupp, P. Janet, etc., dont la structure fondamentale est certes une
croyance constituée en système architectonique linéaire (délire passionnel),
ou radiaire, ou réticulaire (délire d ’interprétation) dans laquelle se projettent
p ar la lecture interprétative (ou hallucinatoire) du monde les exigences pulsion­
nelles des affects inconscients, comme l ’a tout simplement « découvert » Freud.
A partir de ce noyau ou de ce système, les fausses perceptions, les perceptions
délirantes, les Hallucinations et les Pseudo-hallucinations développent par
leur mouvement discursif le contenu idéo-affectif du délire pour le porter à ses
plus extrêmes floraisons. Ces délires et leur cortège d ’Hallucinations se déve­
loppent, en effet, comme un arbre ou, plus généralement, un organisme à partir
d ’un germe qui engendre toute leur systématisation. La notion d ’un « processus
psychique » de Jaspers greffé ou hétérogène, constitue, répétons-le, le modèle
même de cette excroissance paranoïaque.

— La structure des Délires fantastiques ou paraphréniques nous éloigne


davantage encore du vécu, car ici le délire et les Hallucinations qui l ’explicitent
se jouent sur un plan que nous avons appelé idéologique. Il s’agit avant tout
d ’un discours, d ’un délire verbal lequel, comme le langage lui-même, superpose
aux choses les mots, juxtapose au monde de la réalité un monde mythique. Là
aussi, sans doute les expériences délirantes et le processus idéo-délirant mettent
en mouvement l ’imaginaire, mais il se développe comme une immense hyperbole
qui dépasse ju squ’à l ’infini ce qui est vécu ou perçu pour le porter jusqu’à la
limite du pensé à l ’extrême m étaphore d ’une mythologie cosmique. D e telle
sorte que si constamment le Délirant fantastique se réfère (comme à la source
d ’information ou aux constats perceptifs de sa vérification) aux « phénomènes
psycho-sensoriels » (Pseudo-hallucinations, acoustico-verbales, Hallucinations
psychiques, Hallucinations cénesthésiques et corporelles, Pseudo-hallucinations
visuelles, etc.), ceux-ci n ’apparaissent ou plutôt ne transparaissent que sous
une épaisseur de délire verbal et imaginatif qui les submerge progressivement.
Comme nous l ’avons déjà souligné, le contenu même du délire fait éclater
alors sa forme hallucinatoire, c ’est-à-dire ce lien qui, sous forme d ’une référence
au monde des objets, contient encore (1) dans les voix entendues ou les sensa­
tions corporelles subies, la puissance d ’expression du Délire. Mais ces forces
brisent l ’encadrement qui les m aintenait seulement dans leur forme halluci-

Séolas et Baret dans un mémoire d ’une extrême importance, « L’évolution des Hal­
lucinations », Journal de psychologie normale et pathologique, 1913.
(1) Dans le sens de maintenir et de maîtriser.
852 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

natoire comme des fenêtres ouvertes sur l ’Inconscient. Dès lors q u ’éclate ce
cadre hallucinatoire la mégalomanie se donne libre cours et le Délire court
à sa fin. Peut-être faudrait-il ici dans ce cas que n ’avait pas explicitement prévu
Jaspers, parler d ’un processus métapsychotique pour bien m arquer que ce qui
distingue et définit cette espèce de Délire chronique, c’est qu’il fait éclater le
D élire hors du cadre des expériences et idées délirantes primaires pour se consti­
tuer en prodigieuse production secondaire, celle d ’un Délire qui s’engendre
lui-même, par lui-même, par l ’effet d ’une toute-puissance absolue du principe
de plaisir qui exige l ’infinité d ’un monde fantastique à côté d ’un monde débor­
dant le principe de réalité (1).
Ainsi, l ’Hallucination sous toutes ses formes, depuis le vécu des expériences
délirantes ju sq u’à l’irruption du syndrome d ’automatisme mental, des fausses

(1) M. Bleuler vient de publier un gros ouvrage (Die schizophrenen Geisteltörungen


int Lechte langjährigen Kranken im Familiengeschichten, Stuttgart, Thieme, 1972,
673 p.). Il a étudié, avec la méthode dont il a le secret, 208 Schizophrènes suivis
pendant plus de 20 ans. Comme j ’ai moi-même fait à peu près à la même époque
que lui la même expérience, sans prétendre l’avoir aussi rigoureusement chiffrée,
je me trouve d ’accord sur l’essentiel. Du point de vue qui nous occupe ici, cet essentiel
est le mouvement évolutif, le dynamisme que l ’on observe parfois après de longues
années chez les Schizophrènes. Il a bien raison de « casser » l’entité kraepelinienne
fondée sur un « facteur », un « noyau » essentiel : la « Verblödung » primitive et
constante. Comme je l’ai fait remarquer dans mon rapport à la réunion de Bonneval,
en 1957 (Évolution Psychiatrique, 1958), la Schizophrénie n ’est pas au début,
mais à la fin, c’est-à-dire qu’elle n ’est pas une maladie monolithique ou monosympto­
matique, elle est une résultante organo-dynamique de bien des facteurs (dont la pré­
disposition héréditaire, si elle n ’obéit pas manifestement aux lois de Mendel, n ’en
est pas moins évidente, comme le soulignent les minutieuses études familiales de
M. Bleuler). Or, la constitution de cette résultante implique tout à la fois que ce
« processus » soit une impuissance et un besoin, c’est-à-dire qu’il soit imposé par la
désorganisation plus ou moins complète et plus ou moins réversible de l’être psy­
chique, mais qu’elle soit aussi animée par l’intentionnalité de la personnalité du Schizo­
phrène.
Je suis, à cet égard, plus à l’aise que M. Bleuler pour suivre, connaître et éventuel­
lement prédire les phases successives de l’évolution des Schizophrènes, si ceux qu’il
appelle d ’un même mot sont, pour moi, des Psychotiques qui présentent des formes
de Délire structuralement variées (Délires systématisés, Délires autistiques, Délires
fantastiques). De telle sorte que dans le genre des Psychoses délirantes chroniques,
des mutations, des évolutions progressives ou régressives peuvent constamment,
sous diverses espèces, changer, se transformer et même régresser, c’est-à-dire guérir.
Tel est, en effet, le sens de l’exposé clinique que nous venons de faire des processus
des Délires chroniques, de ses structures, de ses mouvements qui nous éloignent
du cadre rigide des entités kraepeliniennes qu’Eugène Bleuler sut briser et dont
Manfred Bleuler nous montre (d’accord avec tous les cliniciens, cf. spécialement
les pages 275-285 de son livre, et principalement avec J. Wyrsch, L. Binswanger,
W. J anzarik et moi-même) que la réalité clinique qu’elles exprimaient est celle
d ’un mouvement, d ’une positivité irréductible à une pure, constante et fatale négativité.
TRANSFORMATIONS DÈS ESPÈCES DE DÉLIRE 853

perceptions et des interprétations qui constituent le noyau primaire des Psy­


choses délirantes chroniques jusqu’à leur forme « pseudo-hallucinatoire »
qui, dans les projections noético-affectives, les croyances systématiques et encore
davantage dans les faux souvenirs et les fabulations, constituent tous les signes
de l ’objectivation du Sujet — l’Hallucination nous apparaît-elle à la fin comme
elle s’est révélée à nous au commencement de cet ouvrage, c ’est-à-dire comme
cette fenêtre ouverte sur l ’Inconscient et la sphère pulsionnelle des désirs dont
les caractères dits spatiaux, sensoriels, interprétatifs, illusionnels, etc., sont des
attributs classiques mais contingents. C ’est le mouvement même du délire qui,
pour constituer son Monde, prend les formes les plus variées de ces troubles
psycho-sensoriels. Ceux-ci ne sont jamais que l ’indice de travail qui porte
le délire à se constituer en « manière-de-n’être-plus-au-monde » (schizophrénie),
de construire dans le monde de la réalité un système imaginaire (paranoïa), ou
de juxtaposer au monde de la réalité un monde infiniment absurde ou mer­
veilleux qui symbolise l’infinité du désir (Délire fantastique).
Les aspects cliniques des Hallucinations, leur mode d ’apparition, leurs
caractères sensoriels ou idéiques, le jugem ent q u ’elles impliquent, leurs combi­
naisons et leurs changements, leurs mille et mille facettes ne sont jam ais que
les reflets du travail du Délire chronique qui poursuit son destin, soit dans un
anéantissement de la réalité (Délires chroniques schizophréniques), soit en
l ’arrangeant (Délires systématiques), soit en la dom inant (Délires fantastiques)
pour trouver une solution à l ’impossible existence. L ’Hallucination sous toutes
ses formes et à tous ses degrés est l ’instrum ent de ce travail, l ’organe de cet
organisme qui naît et croît sous la poussée du Désir lequel, entendant triom pher
de la Réalité, se fait entendre dans et par la voix du Délire, dans et p ar le lan­
gage de l’Autre dans lequel s’aliène le Moi, soit dans un monde sans Sujet
ni objet (délire schizophrénique), soit dans un monde sans objet (délire systé­
matisé), soit dans un monde sans Sujet (délire fantastique). Telles sont en effet
les trois modalités de perception sans objet à percevoir, portées à leur plus
extrême puissance par le Délire.

*
* *

Quelques conclusions s’imposent au terme de cette étude des Psychoses


délirantes et hallucinatoires chroniques.
1° Il s’agit d ’espèces d ’un même genre et qui peuvent se transform er d ’une
espèce à l ’autre.
2° Toutes sont processuelles (c’est-à-dire des manifestations sur le plan
clinique) d ’une forme de désorganisation du corps psychique en tant q u ’il
constitue l ’être conscient, en tant q u ’il est le Moi législateur du système de la
réalité et de l ’unité de sa propre personne.
3° Mais le processus psychotique, pour « négatif » q u ’il soit dans sa nature,
libère les forces de l ’inconscient. Il a lui-même un pouvoir dynamogénique qui
donne son sens au Délire. ,
854 PSYCHOSES CHRONIQUES HALLUCINATOIRES

4° Dans une telle perspective organo-dynamique, les psychoses, même les


plus graves et les plus chroniques, ne peuvent pas, ne'doivent jam ais être consi­
dérées comme fatalement irréversibles. C ’est en connaissant et suivant le travail
du délire qui indexe si exactement l ’activité hallucinatoire, que l ’on peut et que
l'o n doit en évaluer et en modifier le cours, sans se laisser aller à trop d ’illusions
faciles et en prenant conscience de la gravité — de la réalité — de ces maladies
de la réalité.

*
* *

N O T IC E B IB L IO G R A P H IQ U E

Les références bibliographiques se trouvent pour ce qui concerne de 1950 à 1970


dans la bibliographie générale sur les Hallucinations à la fin du volume.
De par ailleurs, il est impossible d ’indiquer les ouvrages, même en ne signalant
que les plus importants, traitant des rapports du délire et des Hallucinations, car
on peut dire que presque tous les travaux ou livres de psychopathologie de psychia­
trie clinique visent constamment ce problème.
Le lecteur se montrera particulièrement attentif à toutes les références à la Psy­
chiatrie française et allemande dans le paragraphe initial de ce chapitre et dans ses
diverses parties « historiques ».
C H APITRE I I I

LES HALLUCINATIONS DANS LES NÉVROSES

L ’Hallucination étant particulièrement fréquente dans les Délires chro­


niques comme nous venons de le voir, une sorte de synonymie s’est établie
dans la tradition psychiatrique entre Psychose et Hallucination. Mais s’il est
exact, comme nous essayons de le démontrer dans cet ouvrage, que l’Hallu­
cination n ’est pas un phénomène simple (puisqu’il correspond à toute une
gamme de troubles ayant des structures dynamiques différentes) puisqu’elle
peut ne pas être ou être diversement délirante, le problème que nous devons
envisager revient à se demander ce qui sépare ou ce qui apparente Hallucina­
tion, Délire et Névrose, compte tenu de leur diversité structurale.
Envisagé dans sa généralité, ce problème est évidemment difficile à résoudre,
car lorsque nous songeons à tous ces « borderlines », à ces cas « atypiques »,
à ces « cas-limites » qui si souvent rapprochent Schizophrénie et Névrose,
Paranoïa et Névrose, Mélancolie et Névrose (pour ne parler que des problèmes
cliniques les plus considérables que nous rencontrons tous les jours), nous
sommes bien embarrassés pour distinguer clairement le Délire hallucinatoire
dans les psychoses des projections des phantasmes dans les Névroses. Et, dès
lors, le clinicien est bien souvent obligé de reconnaître q u ’il y a quelque chose
de commun entre ces structures. Mais pour aborder ce difficile problème nous
devons d ’abord le poser d ’abord là où il est, c ’est-à-dire dans la définition
même du concept de Névrose.

A. — DIFFÉRENCES ENTRE NÉVROSES ET PSYCHOSES

D ’un point de vue classique, on distingue les Psychoses des Névroses


(ou Psychonévroses) selon des critères vagues (bénignité, absence de délire,
adaptation possible aux conditions sociales, etc.) ou des différences plus pro­
fondes (psychogenèse et indication psychothérapique) (1).

(1) J ’ai examiné ce problème dans mon travail Névroses et Psychoses (Acta Psycho-
therapeutica, 1964,1, pp. 193-210), puis dans mon livre La Conscience, et enfin, tout
récemment au Colloque du XIIIe*Arrondissement, Paris, 1972.
856 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

Avec Freud et les longs développements théoriques et pratiques de la


Psychanalyse, on a assisté à une sép aratio n 'd ’abord radicale de ces deux
grands groupes de maladies mentales, tout simplement parce q u ’en dépendait
l ’indication d ’une cure psychanalytique (préoccupation qui paraît aux disciples
de Freud paradoxalement, mais largement, dépassée...). Nous allons donc
rappeler quelles sont les principales différences qui séparent Névroses et
Psychoses d ’après Freud. Tout d ’abord, bien sûr, c ’est le refoulement dans
l'Inconscient (Verdrängung) de la scène traum atique, puis des phantasmes
libidinaux originaires qui a représenté le mécanisme névrotique et donné son
sens latent aux manifestations névrotiques. Il est bien évident que si la Névrose
se définit p ar le refoulement du Ça, et plus généralement de l’Inconscient,
tout être humain qui refoule son Inconscient est névrosé, ce qui implique
q u ’il n ’y a pas de différence entre le norm al et le pathologique. P our nous qui
considérons avec G. Canguilhem (1942) ou, mieux, comme Fr. Duyckaerts (1954)
q u ’à l ’idée de « norme » doit se substituer l’idée de « normativité » (conformes
non à une moyenne, c ’est-à-dire à une sorte de médiocrité conditionnée, mais
à une finalité personnelle), pour nous, nous ne pouvons nous contenter d ’une
définition de la névrose qui, somme toute, divise l’humanité en névrosés
(ceux qui refoulent l ’Inconscient) et en psychotiques (ceux dont la névrose
est décompensée).
L ’idée de définir la névrose par les fortes défenses du M oi (1) la vide de
toute la réalité que constitue la force du Moi, la structuration de l ’être conscient.
L ’idée de définir la névrose p ar la régression au « stade génital » et par la
fixation à un des lieux ou à une quelconque figure de la « triangulation œdi­
pienne » nous paraît à la fois juste, mais incomplète. C ar s’il est bien vrai
que le névrosé est, reste ou revient « accroché » à quelque avatar de son déve­
loppement libidinal, il est tout aussi vrai que tous les hommes passent par les
mêmes vicissitudes de leur identité et de leur idéal de soi. Aussi, G. Deleuze
et F. G uattari (1972) ont beau jeu de se gausser de ces dérisoires et génitoires
reproductions. C ’est, en effet, plus profond q u ’il faut aller (et plutôt avec
Freud dans sa notion — n ’en déplaise à ceux qui la récusent — de « Realitâs-
verlust » que dans les entrailles des « machines désirantes », ces molinettes
à fabriquer du schizo-génie).

(1) C’est en effet une étrange conception de la névrose que se font tant de Psy­
chiatres influencés par certains théoriciens de la Psychanalyse quand ils définissent
celle-ci comme une défense (et, ajoutent-ils, réussie) contre la psychose. Cela revient
à dire, en effet, que tous les hommes sont névrosés pour être tous menacés par les
forces de l ’Inconscient contre lesquelles lutte le « pauvre Moi ». Et plus celui-ci serait
fort et bardé de défenses, plus il serait névrotique... Il suffit, pour ne pas s’abandonner
à cette illusion, de ne pas oublier qu’il y a un fonctionnement normal et normatif
de « l’appareil psychique ». De telle sorte que c’est la défaillance de l’Ego conscient
et non pas la force de ses défenses qui le fait tomber dans la Psychose. Un névrosé
n ’est pas un homme qui se défend bien contre la Psychose, mais qui, au contraire,
s’en défend mal et déjà se laisse envahir par elle.
NÉVROSES ET PSYCHOSES 857

Toutes les analyses freudiennes ou phénoménologiques du monde de la


névrose le saisissent, en tout cas comme un monde qui, à l’inverse du monde
délirant, n ’objective pas le Sujet (ne l’aliène pas), mais subjective jusque dans
son Inconscient ce que le Sujet est d ’autre que lui-même, cette part de lui-même
qui échappe à sa propriété (son corps et le « corpus » de son altérité inconsciente).
La Névrose et la Psychose décrivent autour de la position même de la réalité
des figures en quelque sorte opposées, mais leur symétrie même entraîne leur
mouvement dans une démarche commune dont l ’Hallucination est pour ainsi
dire l ’enjeu. Le délirant fait entrer par la voie de ses sens le monde des objets
dans sa propre personne; le névrosé tient de ce qui, en lui, lui échappe pour
un objet d ’angoisse. La perception sans objet, de ce fait, change pour ainsi
dire de sens; car si le délirant, au mépris de la loi de la réalité perçoit l ’objet
de son désir, le névrosé le projette dans ses phantasmes incoercibles.
L’Inconscient constitué comme un monde interne où s’articulent les
désirs et ses « choix objectaux » primaires et la loi de ses interdictions
« archaïques », cette configuration de forces ou de lieux où circulent et se dis­
tribuent les formes embryonnaires de la libido, cet Inconscient est bien le
dénominateur commun de toutes les maladies mentales dans les symptômes
desquelles il entre pour se manifester toujours certes, mais diversement. Une
chose est, en effet, de projeter ce monde interne dans l ’objectivation d ’un monde
délirant et hallucinatoire ; autre chose est d ’en éprouver la force compulsion-
nelle ou de se complaire, en s’y abandonnant cc inconsciemment » à la satis­
faction de ses exigences sur le registre de l’imaginaire ou dans la conversion
somatique. Dans les deux cas (névrose obsessionnelle ou hystérie) le névrosé
se distingue du délirant psychotique en ce q u ’il se trom pe lui-même sans
jam ais trom per ni lui, ni les autres complètement, soit que sa technique d ’éro­
tisation de l’angoisse engendre seulement des phénomènes compulsionnels,
soit que la conscience de son angoisse morale sur le plan physique produise
des symptômes et des manifestations qui demeurent dans leur structure un
simulacre entre les parenthèses du « comme si » qui est comme l ’alibi de son
aliénation. Alibi et non pas seulement défense, idée qui considéra la Névrose,
non comme une maladie mais comme une prophylaxie, sinon une gué­
rison.

B. — ANALOGIES ENTRE NÉVROSES ET PSYCHOSES

Plus on a approfondi la structure des Psychoses (cf. le livre récent de


A. de Waelhens, 1972) et plus l ’idée d ’une « Verleugnung » (reniement ou renon­
cement), d ’une « Verwerfung » (forclusion ou récusation) de la réalité en a
paru être l’essentiel de cette régression (ou fixation) narcissique, puisqu’elle
rend impossible tout « refoulement prim itif ». Mais si la Psychose est une
maladie de la réalité, une invalidité de la réalité, Freud (1924) a montré q u ’il
y a aussi dans la Névrose une altération de la réalité, en ce sens q u ’elle s’ordonne
858 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

une scission, un clivage (Spaltung) du Moi qui investit sur un mode symbolique
un morceau de réalité (ein Stück der Realität), he fétichisme comme la phobie
correspondent à de tels mécanismes. Autrement dit, Freud se rapproche
de P. Janet et de Bleuler (En même temps, d ’ailleurs, que du point de vue
psychothérapique, l’indication des cures analytiques profondément modifiées
rapprochait encore les Névroses des grandes Psychoses narcissiques). Si la
névrose n ’apparaît pas altérer la réalité comme on le répète sans cesse, elle va
à la fois plus loin et moins loin que la Psychose. Moins loin, car elle n ’atteint
la réalité que sous sa forme la plus problématique, celle du Sujet. Plus loin,
car elle adultère radicalement le système des valeurs de l ’homme, sa liberté.
Cela nous explique deux choses, ou si l ’on veut, cela nous permet de sur­
m onter deux apories qui constituent le fond du problème. La première, c’est
que la clinique des névroses va nous faire apparaître ce quelque chose qui
sera toujours semblable à l ’Hallucination du Délirant sans toutefois se confon­
dre avec sa manière de n ’être plus au monde. D ’où la nécessité d ’analyser le
sens même de l ’angoisse contre laquelle le Sujet lutte en faisant de son existence
un martyre ou une duperie. — La seconde, c ’est que le théoricien se croira tou­
jours fondé à voir avec Mélanie Klein dans la névrose une défense contre la
psychose, comme si quelqu’un dont le Moi par sa fonction même reste capable
de ne pas succomber à la tentation d ’établir son monde sur le principe de plaisir
et ses dérivés, était déjà un Moi aliéné du seul fait que son aliénation serait
chez lui comme chez tous les hommes, virtuelle. Le névrosé est déjà struc­
turalem ent engagé dans l ’aliénation de sa personne morale, en ce sens q u ’en
lui le problème éthique, devenu affreusement insoluble, ne peut se résoudre
que dans la production de symptômes et d ’artifices.
Nous en avons assez dit pour comprendre tout à la fois que l’Hallucination
projette son ombre sur les névroses et q u ’elle n ’est chez le névrosé que l ’ombre
d ’elle-même pour n ’être justem ent perçue que comme l ’ombre d ’un objet. D ’où
les caractères « pseudo-hallucinatoires », ou « représentatifs » ou « imaginatifs »
que les Classiques ont toujours reconnus aux « Hallucinations » (toujours en
effet entre ces guillemets) des névrosés (1). Mais nous devons aller plus loin en
m ontrant que ces Pseudo-hallucinations elles-mêmes se meuvent, ou plus
exactement se jouent à un niveau d ’irréalité qui pour n ’être pas celui de la
« fausse réalité » du Délire (même quand celui-ci affecte sa forme « pseudo­
hallucinatoire ») ne cesse pas pourtant d ’apparaître sur le plan des objets
imaginaires. Les Pseudo-hallucinations dans des névroses ne sont pas, en effet,
identiques aux Pseudo-hallucinations des délirants. C ar les Pseudo-hallucina­
tions des Délirants, si elles paraissent fausses parce q u ’elles ne vont pas jusqu’à
la perception (sensorielle) des objets, n ’en accomplissent pas moins leur tâche

(1) Beaucoup tiennent pour fréquentes des « Pseudo-hallucinations », sinon des


Hallucinations (mais nous savons ce que « vaut l’aune de la distance qui les sépare »),
et H. U. Ziolko (1970) n ’hésitait pas récemment à décompter chez 69 névrosés
82 % d'Hallucinations !
LES PHÉNOMÈNES HALLUCINO-NÉVROTIQUES 859

constitutive en posant une irréelle « réalité » absolue, celle p ar exemple d ’une


fabrication de pensées ou d ’un viol à distance (ou p ar des fluides) ; tandis que
les formes hallucinatoires des névroses travaillent seulement à fournir aux
névrosés l’objet de leur angoisse ou à fournir des objets à leur satisfaction
imaginaire : les phantasm es de leur angoisse originaire et les représentations
symboliques de leur désir.
Cela revient à dire que pour résoudre ce difficile problème c ’est à une analyse
structurale du sens et de la forme des symptômes q u ’il faut recourir sans se lais­
ser entraîner p ar la seule intentionnalité du désir inconscient qui, lui, est le
m oteur commun des délires, des Hallucinations, des obsessions ou des idées
fixes hystériques. L ’Hallucination dans la névrose va, dès lors, nous apparaître
comme elle est, la fausse Hallucination p ar excellence (relativement au concept
classique de l ’Hallucination), celle qui malgré tous les attributs sensoriels q u ’elle
peut présenter ne peut jam ais être dans la névrose q u ’un produit falsifié par
l’art de se tromper. C ’est précisément lorsque le clinicien saisit le sens de ce
contre-sens q u ’il dit du névrosé qui halluciné q u ’il n ’est pas halluciné bien sûr,
mais plus encore, q u ’il ne paraît halluciner q u ’en trom pant les autres en se
trom pant lui-même. E t c ’est pointant dans ce deuxième degré de l ’erreur
(par quoi l ’erreur est moins radicale et absolue) que réside l ’essence du
phénomène généralement désigné comme pseudo-hallucinatoire q u ’est l ’Hallu­
cination du névrosé. Celle-ci entre précisément dans les symptômes mêmes de
la névrose, non pas comme une idée délirante ou une Hallucination délirante,
mais comme un délire et une Hallucination incomplète, mais engendrant une
réalité deux fois fausse pour n ’être, ni une cc réalité », ni une « fausse réalité »;
car si la projection hallucinatoire du névrosé se présente dans le champ de
l’artificialité (comme lieu d ’Hallucination du délirant), ce n ’est pas comme
dans le cas des Éidolies par un excès et une incongruité de la sensorialité mais
par sa forme purement phantasmique (1).

(1) Si à l’inverse des Psychiatres classiques les Psychanalystes sont plus enclins
à tenir compte de l ’Hallucination du névrosé (pour autant qu’elle manifeste une régres­
sion vers la satisfaction hallucinatoire du désir du nouveau-né), c’est précisément
parce qu’ils sont plus indifférents aux structures formelles qui interdisent de ne voir
dans la psychose qu’une névrose qui s’est « décompensée », et qu’ils voient inver­
sement dans l ’Hallucination du névrosé le prototype même de l’Hallucination du
délirant.
LES HALLUCINATIONS
DANS LA NÉVROSE OBSESSIONNELLE
ET LES PHOBIES

Nous allons ici grouper les Obsessions et les Phobies, car malgré leur struc­
ture différente (pensée compulsionnelle et hystérie d ’angoisse) il s’agit de formes
de névroses qui se ressemblent par le fait même q u ’elles sont en rapport direct ou
indirect avec l ’angoisse vécue : la phobie est, comme on la définit classiquement,
une « crainte systématique », un tabou ayant un objet bien défini — tandis
que l ’obsession, plus compliqué, consiste à déplacer et à entretenir sur le plan
des conduites magiques, l ’angoisse. « Se faire peur » (phobie) ou « se m arty­
riser » (obsession) sont des conduites névrotiques qui sont en rapport avec les
mêmes m otivations anxiogènes inconscientes, même si elles se projettent dans le
contenu manifeste du tableau clinique sous forme d ’expression symbolique de
l ’angoisse ou de stratégie des défenses contre l ’angoisse. Dans les deux cas,
l ’imaginaire objective le conflit inconscient, la névrose étant le processus même
de fabrication des fa u x objets q u ’exige l ’angoisse du névrosé.

R a p p e l h isto riq u e.

C ’est bien dans ce sens que M orel (1866) parlait de « Délire ém otif »
pour mettre l ’accent sur le trouble affectif fondamental, et que Wille (1881),
Séglas (1892), Friedman (1903) se firent les défenseurs de la nature affective
de ces phénomènes. Par contre, à cette même époque la Psychiatrie classique
s ’intéressant spécialement « à la nature intellectuelle » des délires systématisés
tenait les idées obsédantes pour des idées fixes ou prévalentes et, naturel­
lement, les rapprochait de la Paranoïa reductoria (Morselli, 1885) ; tandis
que Hack Tuke (1894) parlait d ’ « imperatives ideas », Tam burini d ’idées
incoercibles ou que W emicke les désignait comme « idées autochtones »,
tous ces auteurs m ettant ainsi l ’accent sur le caractère pour ainsi dire « mono­
maniaque » de l ’idée obsédante considérée, somme toute, comme un « délire
abortif » (Meynert, 1877). Mais c ’est surtout Westphal (1877) qui se fit le
malheureux défenseur de cette théorie « intellectualiste ». Peu à peu cependant
s’imposa la thèse de la nature essentiellement affective de ces phénomènes.
Faut-il rappeler que pour Mickle (1896) ils étaient caractérisés par les « trois D »:
Doubt, Dread, Deed, qui mettaient en évidence les structures dynamiques
du doute, de la crainte et de l ’action? En France, A. Pitres et E. Régis, dans
HALLUCINATIONS — OBSESSIONS — PHOBIES 861

leur ouvrage classique (Les obsessions et les impulsions, 1902) se firent les cham ­
pions de la genèse affective de ces phénomènes névrotiques. Rappelons leur
définition, car elle permet précisément de lier dans leur aspect hallucinatoire
les idées obsédantes et les phobies : « L ’obsession est un syndrome mental
« caractérisé par l ’apparition involontaire ou anxieuse dans la conscience de
« sentiments et de pensées parasites qui tendent à s’imposer au Moi, évoluant
« à côté de lui malgré ses efforts pour les repousser, et créant comme une disso-
« d atio n psychique dont le dernier terme est le dédoublement de la personnalité ».
Ce développement incoercible et parasitaire du système idéo-affectif devait
nécessairement poser le problème de ses rapports avec le Délire systématisé
pour autant q u ’il constituait dans le cadre de la paranoïa kraepelinienne un
type de délire chronique, et plus tard le problème de ses rapports avec la schizo­
phrénie pour autant q u ’il aboutissait à une dissociation psychique.
Mais le destin de la névrose obsessionnelle et des phobies ne devait pas être
compromis par les menaces nosographiques qui s’exerçaient sur ses frontières,
et avec les travaux de Freud sur la névrose obsessionnelle et la phobie ces m oda­
lités typiques de névrose devaient être universellement reconnues.
Si nous insistons sur ces origines du concept, c ’est que d ’emblée il pose
le problème de ses rapports avec le Délire et les Hallucinations. A cet égard,
la diversité des opinions des auteurs est intéressante à souligner. Pour J.-P. Fal-
ret et M agnan, l ’obsession ne passait jamais, ni au Délire, ni à l ’Hallucination.
Par contre, soit parce q u ’ils soutenaient la thèse intellectualiste (Westphal),
soit parce q u ’ils réduisaient obsessions et idées prévalentes à un même processus
mécanique (Tamburini, Buccola), soit parce q u ’ils ramenaient l’obsession et
l ’Hallucination à un même phénomène affectif (Séglas, F. Raymond,
F. L. Arnaud, A. Pitres et E. Régis et plus tard H. Claude), soit encore parce
q u ’ils leur reconnaissaient un trouble commun (P. Janet), beaucoup d ’auteurs
ont souligné la possibilité, sinon la fréquence, de la transform ation ou de la
progression de l ’obsession vers l ’Hallucination.
On trouvera un exposé complet de ces divergences d ’opinions dans notre
article publié avec H. Claude (1). D ans cet article, soucieux de rapprocher
l ’Hallucination du Délire et de l ’obsession, comme pour mieux faire saisir leur
mécanisme affectif, somme toute, leur psychogenèse, nous m ontrions que
l ’obsession assez fréquemment em pruntait la forme hallucinatoire q u ’elle tire
de la force même des affects q u ’elle projette... Par contre, G. C. Reda et
E. Paretti (1958) ont, comme de coutume, contesté le caractère « vraiment hallu­
cinatoire » de ces phénomènes. L ’essentiel pour nous est ici de m ontrer que le
problème se pose souvent mais q u ’il ne peut être résolu que par un approfon­
dissement de la structure du Délire et des Névroses obsessionnelles.

(1) H. Claude et Henri E y, Hallucinations, Pseudo-Hallucinations et Obsessions,


in Ann. Méd.-Psycho., octobre 1932.
862 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

L a s tr u c tu r e n é v ro tiq u e obsessionnelle e t p h o b iq u e
e t la fo n c tio n d u réel.

Que nous nous référions aux longues analyses de P. Janet sur les
altérations psychasthéniques des sentiments du réel, ou aux analyses, d ’u n style
phénoménologique, de von Gebsattel, ou plus simplement à ce que la
clinique nous montre chaque jour, il est bien évident que c’est sur le registre
de l ’imaginaire que se meuvent la névrose compulsionnelle (obsession) et
l ’hystérie d ’angoisse (phobies). D ans la névrose obsessionnelle, comme l ’a
si bien m ontré S. Leclaire (1), le doute constitue comme un halo d ’ombre
qui est l ’atmosphère propre au défaut d ’engagement et de sécurité de l ’obsédé.
Il flotte dans un monde symbolique et spécifiquement verbal placé, tout entier
et indéfiniment, sur le registre de l ’interrogation. C ’est ce que souligne éga­
lement un travail de H. Feldman (2) qui, lui, à propos des phobies note
les dimensions imaginaires de la situation phobique. Tous les sentiments
que Janet a si longuement étudiés (sentiments et conduites de l ’irréel, d ’étran­
geté, de vide et du vertige, etc.) participent de cette atmosphère où l ’obsédé
psychasthénique flotte comme dans son milieu artificiel. Une telle évidence
s’impose même aux yeux des observateurs les moins enclins aux analyses
phénoménologiques ou psychanalytiques (cf. par exemple P. Marchais (3)
pour qui l ’obsession est un mode imagé de penser). Même quand la phobie
paraît si étrangement partielle, que la peur ne s’attache q u ’à un objet —
et souvent précisément « dérisoire » ou « enfantin » — elle communique avec
un monde d ’images ou de phantasmes qui la diluent dans l ’existence. Elle
occupe ainsi le monde du phobique jusqu’à l ’infini de son horizon (forme
obsessionnelle pantophobique) ou seulement en quelque point de son centre
(phobie systématique). Le monde extérieur recule (il est refoulé ou désinvesti),
comme pour accueillir cet imaginaire que le névrosé produit, soit pour s’obli­
ger à avoir peur, soit pour entretenir par son existence indéfinie le réseau inex­
tricable de ses jeux de miroir, de ricochets ou de cascades infinies où se volatilise
sans fin, sans trêve ni merci l’angoisse dont il a le mortel besoin.
A utant dire que dans cette structure d ’irréalité où son existence est condam­
née à vivre, ou plutôt à mourir, l’objet de ses phobies ou de ses idées obsédantes,
et to u t le contexte de phantasmes que fait lever à chaque instant sa perpétuelle et
haletante alerte, l ’obsédé dans le désert de cette réalité se fait apparaître les
mots, les idées et les choses qui sont comme les instruments de son supplice

(1) Leclaire (S.), La fonction imaginaire du doute dans la névrose obsession­


nelle. Entretiens Psychiatriques, 1955, 4, p. 193-220.
(2) F eldman (H.), Situationsanalyse des Zwangbefürchtung (Phobies). Arch. f .
Psych., 1967, 209, p. 53-78.
(3) Marchais (P.), Du rôle de l ’image dans la névrose obsessionnelle. Ann. Méd.
Psycho. 1966,1, p. 103-110.
HALLUCINATIONS — OBSESSIONS — PHOBIES 863

et à la seule condition de réserver entre eux et lui la distance d ’un espace ima­
ginaire proprem ent obsessionnel. Car, bien sûr, ce qui porte à la puissance hallu­
cinatoire l’idée fixe ou l ’obsession, ce n ’est pas comme les Classiques l ’imagi­
naient la force de l ’idée, ou comme les Psychanalystes l ’interprètent la force
refoulée du désir, mais la modalité même de constitution d ’une atmosphère
existentielle qui se tient comme dans l’entre-deux proprem ent hallucinatoire du
réel et de l’imaginaire, dans l’espace phantasm ique d ’un monde livré aux tour­
ments d ’une stérilité absolue, et dont la « fixité des idées et les émergences de
l ’Inconscient » sont fatalement les objets crépusculaires.
E t c ’est bien ainsi que devant le Psychiatre ou à côté du Psychanalyste
le névrosé obsédé ou phobique livre ses obsessions ou ses phobies sans cesser
de se livrer lui-même à la magie noire et hallucinante des objets compulsionnels.
Ceux-ci s’imposent à lui dans les jeux interdits ou sévèrement prescrits des
phantasmes auxquels il ne peut échapper q u ’en se soum ettant plus encore à leur
contrainte, cette « contrainte p ar corps » qui le soustrait à sa liberté comme à la
réalité du monde. Comme Freud le notait (1924), la perte de la réalité est
comme la fin vers laquelle court le névrosé, comme si effectivement elle n ’était
là seulement que comme une sorte d ’idéal sans fin et non point comme la
rupture immédiate et consommée que « réalise » le schizophrène avec la réalité
q u ’il fuit. C ar tel est, en effet, le mouvement de la névrose obsessionnelle ou de
l ’hystérie d ’angoisse qu’il tend à s’étendre dans et par la recherche perpé­
tuelle, active et renouvelée de cette fin qui exige une véritable stratégie sans fin :
ce siège que l’obsédé se fait à lui-même, q u ’il pose à l’intérieur même de sa
propre citadelle.
Tel est le milieu existentiel que, comme l ’araignée sa toile, l ’obsédé sécrète
sur le plan de l ’imaginaire et dans lequel il s’englue. C ’est dans ce monde que
les « objets » de ses obsessions deviennent des perceptions sans objet, mais
aussi sans réalité. Ainsi, l ’émergence de l ’imaginaire a, répétons-le, dans
la névrose obsessionnelle et phobique, une structure hallucino-névrotique essen­
tiellement « pseudo-hallucinatoire » qui se meut dans l’atmosphère du doute
et de l’artifice, mais aussi — est-il besoin de le souligner — dans une forme de
factice radicalement différente de celle des illusions éidoliques.

D e sc rip tio n clin iq u e des p h é n o m è n e s hallucinatoires,


des obsessions e t des p h o b ies.

Le caractère incoercible, parasite, im portun de tous les phénomènes obses­


sionnels et phobiques les prédispose donc et pour ainsi dire nécessairement
à être vécus comme des perceptions ou des images qui s’imposent comme la
contrainte q u ’exerce sur le Sujet l ’objet de l ’obsession. Soit en effet que cet
« objet » soit involontairement désiré, c ’est-à-dire n ’apparaisse que malgré le
Sujet mais irrésistiblement, car, craint ou interdit, il est soumis à la force attrac­
tive ou répulsive du vertige et de la peur, c’est toujours en tant qu’opposé,
à soi que le contenu de l ’obsession entre dans l’existence comme l ’objet contre
864 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

lutte le sujet. L’obsession a toujours la configuration d ’un conflit. Obsession


et phobie tirent autant de force du plaisir défendu que du danger désiré
de par l ’ambiguïté même des forces incessamment opposées qui tout à la fois
exaltent le désir et la répulsion de l ’objet phobique ou obsessionnel. De sorte que
toutes les observations des névroses obsessionnelles ou d ’hystérie d ’angoisse se
manifestent par ces phénomènes qui ont précisément la qualité « hallucinatoire »
du désir et de la crainte. Le plus souvent, c’est sous la forme d ’une représentation,
d ’un phantasm e vu dans l ’imagination ou systématiquement pensé, ou encore
magiquement et incoerciblement présente que se présentent en se représentant
tous les phénomènes obsédants ou tous les objets tabous et terrifiants. Nous
n ’en finirions pas de rappeler ici les formes infinies de ces apparitions de
l ’objet obsessionnel, de ses manifestations fulgurantes ou lancinantes, de ses
rebondissements, substitutions, oscillations, symétries indéfiniment répétées et
multipliées. Nous devons cependant nous rapporter en nous remémorant quel­
ques travaux fondamentaux des grands Maîtres de la pathologie névrotique,
aux deux grandes catégories de symptômes phobiques et obsessionnels.

a ) Les phobies. Les phobies d ’objet ne sont justem ent des phobies que si
la peur engendrée par la perception ou la représentation vive de ce tabou-fétiche
est assez forte pour faire plus peur que la réalité q u ’il symbolise. C ar avoir
peur d ’un chien enragé ou d ’une pelote d ’épingles, c’est multiplier à l ’infini
la crainte naturelle q u ’inspire le danger de la rage ou la peur de se piquer;
c ’est gonfler la menace de tout ce q u ’elle représente symboliquement d ’autre.
Ce fait qui avait certainement échappé aux anciens auteurs a été admirablement
analysé par Freud, notam m ent à propos de ces phobies d ’objet que sont encore
les phobies d ’animaux. L ’histoire du petit Hans, celle de l’Homme aux rats
et celle de l'Homme aux loups sont avec tous leurs détails dans la mémoire
de tous les Psychiatres dignes de ce nom. Aussi nous contenterons-nous d ’en
rappeler ici l’essentiel (1).

Le petit H ans (1909) a eu pour ainsi dire deux analystes : Freud et son propre
père qui a fourni au Maître Psychanalyste tout le matériel sur lequel ensemble ils
ont travaillé. Hans déjà appelait sa phobie, sa bêtise. Cette bêtise consistait à avoir
peut d ’être mordu par un cheval blanc. A Gmunden, disait l ’enfant, il y avait un cheval
qui mordait. La vision du cheval apparaissait donc comme un souvenir, un imagi­
naire, mais plus fort que toute réalité perçue. Et lorsqu’un soir il alla rejoindre ses
parents dans leur lit, c’est, dit-il, qu’il y avait dans la chambre une grande girafe
chiffonnée, « et la girafe, dit-il, a crié que je lui avais enlevé la « chiffonée ». La « chif-
fonée était couchée par terre dans son phantasme et il l’a prise dans sa main. Elle
a cessé de crier et alors je me suis assis sur la girafe chiffonnée ». Il assure qu’il n ’a pas
rêvé mais pensé tout ça. Il eut peur un autre jour des voitures de déménagement et des
chevaux qui ont un mors dans la bouche. Le travail d ’interprétation a consisté à
retrouver le contexte de ce texte décousu et le sens de cette phobie pour des objets

(1) F reud (S.), Cinq Psychanalyses.


HALLUCINATIONS — OBSESSIONS — PHOBIES 865

insignifiants. C’est la situation œdipienne que manifeste son contenu, le cheval c’est
son père; la girafe chiffonnée, c’est sa mère, et c’est tout naturellement aux phantasmes
de ses « faire-pipi » et de ses « loumfs » (excréments) que se trouve liée l ’angoisse de la
castration. Réduit à ce schéma qui ampute toute l’analyse de ses incroyables richesses,
la chose pourrait paraître dérisoire si, depuis lors, des milliers d ’analyses n ’avaient
montré que la phobie plonge bien ses racines dans les plaisirs et les terreurs infantiles.
Mais nous retiendrons de cette scène primitive de la genèse psychanalytique que la
phobie de cet enfant, par la puissance interne de ses désirs refoulés, conférait à ses
phantasmes plus de réalité que toutes les réalités. Tout en demeurant, comme il
disait, une bêtise, la phobie dans sa configuration objeetale s’imposait pourtant à lui
comme la plus dure réalité. Le petit Hans, revu à l’âge de 19 ans, était un beau jeune
homme qui avait tout oublié de ses phantasmes et angoisses infantiles.

L ’H omme aux rats (1909) souffrait d ’obsessions (obsession-impulsion à se tran­


cher la gorge ; obsession de compter, de protéger, de douter). Survint un jour la grande
crainte obsédante qui s’empara de lui lorsqu’un officier avec qui il faisait les manœuvres
lui parla d ’un supplice oriental consistant à faire enfoncer des rats dans le rectum,
propos qu’il mêla dans ses « élucubrations cogitatives » à une histoire compliquée
d ’argent à rendre pour tenir son serment. Mais cette histoire inextricable fut préci­
sément élucidée par ce chef-d’œuvre de l ’orfèvrerie psychanalytique que fut l’interpré­
tation de ces terribles obsessions qui conduisit Freud en quelques séances à déchiffrer
l’énigme complexuelle (érotisme anal, symbolisme de l’argent, fixation au père, etc.).
Mais ce qui nous intéresse ici essentiellement, c’est l’analyse de la pensée compulsion-
nelle que ce cas donne à Freud l’occasion de développer. II y insiste sur la structure
superstitieuse ou magique de ce mode de pensée, et il ne manque pas de le souligner
que l’obsession se meut dans la sphère de l ’incertitude et du doute comme si la névrose
se servait de cette incertitude même pour retirer le patient de la réalité et le faire vivre
dans ce monde magique qu’il appelle l ’empire du doute et de la compulsion. « La
fonction de l ’incertitude (écrit Freud, p. 250 de la traduction française des « Cinq
Psychanalyses ») est une méthode dont le névrosé se sert pour se retirer de la réalité
et s’isoler du monde extérieur ». L’incertitude, en effet, compense par ses caprices
et ses violences la réalité perdue des actions. Et c’est bien ici qu’éclate avec évidence
ce que nous notions au début de ce chapitre. Les représentations obsédantes, les
phobies, même pour ne se présenter ou représenter dans la réalité psychique ou
symbolique, sont, certes et en quelque sorte, le contraire de l’Hallucination; mais
faisant de la réalité un phantasme, le seul qui puisse remplir le vide de l’existence,
elles fournissent au Sujet l ’obligation de ne percevoir plus qu’un monde peuplé
des objets de son angoisse, d ’institutionnaliser l’Hallucination comme signifiant
d ’une existence qui a perdu toute autre signification (1).

L’H omme aux loups (1918) fit une véritable « névrose infantile » (2). Le grand
intérêt de cette analyse merveilleuse est aussi dans l’emboîtement des formes

(1) Cf. le protocole du cas, in Rev. fi. de Psychanalyse, 1971, 475-526.


(2) « L ’homme aux loups » (qui vit je crois encore) fut repris en analyse d ’abord
par F reud quelques années après, puis bien longtemps ensuite par Mme R. M. Brun-
schwig. Il présentait alors une hypocondrie avec idées prévalentes de type paranoïaque.
A son tour, l ’analyse de R. M. Brunschwig a fait l ’objet d ’un très intéressant article
866 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

qu’implique sa structure. C’est, en effet, au cours de l’analyse que sont venus les
souvenirs des phantasmes infantiles et le fameux rêve des loups blancs qui renvoie
lui-même à un souvenir infantile de lecture du Petit Chaperon rouge et d ’un
conte Le loup et les sept chevreaux, puis enfin à un souvenir oublié de « scène
primitive » (le coït a tergo) de ses parents en passant par l’étrange Hallucination néga­
tive du doigt coupé qu’il avait vécue dans un rêve. Aucune observation n ’est peut-être
aussi démonstrative de cette continuité de la vie inconsciente qui, par ses ramifications
et ses stratifications, constitue l’histoire phantasmique des névroses, leur préhistoire,
leur archéologie. De telle sorte qu’il n ’est peut-être pas étonnant que dans ce cas
comme dans tant d ’autres, malgré le travail psychanalytique le mieux fait du monde,
les arborescences de ce noyau d ’imaginaire aient pu ultérieurement pousser leurs
rejetons et cela — comme nous y insisterons plus loin — jusqu’aux confins du Délire.

Pour ne point séparer, dans la collection des chefs-d’œuvre, Janet de Freud,


il faut bien que nous nous remémorions aussi le fameux cas de Madeleine
(D e l ’angoisse à l ’extase) :

M adeleine aurait eu dès l’âge de 9 ans des visions et des impressions de surnatu­
rel, mais, dit Janet, il semble qu’il y ait dans ses « souvenirs » un efFet de délire rétros­
pectif. Très aimée, très douce, de faible santé, elle était un « cœur simple », très sage,
très pieuse. Au moment de sa première communion, son journal exprime sa joie et elle
se voue à l ’amour de Dieu : « Sans cesse il pense à moi comme je pense à lui. Je veux
un entretien avec lui continuellement ! » A partir de l ’âge de 11 ans, elle présenta des
crises d ’engourdissement et de « véritables crises d ’extase », d ’« immobilité heureuse ».
Après la puberté se sont développées des idées obsédantes (scrupules, obsession de
propreté et de pureté).
Elle quitta brusquement sa famille et se rendit en Allemagne pour se placer comme
institutrice, puis revient en France pour y exercer de misérables métiers en prenant
soin d ’échapper aux recherches de sa famille. Son existence de pauvre fille lui valut
des démêlés avec la police. Arrêtée à Paris, elle déclara s’appeler Madeleine Le Bouc,
car elle avait choisi ce nom en se considérant comme l ’amante du Christ et le bouc
émissaire des péchés du Monde. Et à 23 ans, elle fut envoyée à Saint-Lazare. Ces
tribulations la troublèrent peu. Elle soigna pendant six mois une vieille femme can­
céreuse et qui présentait des troubles mentaux. Pendant toute cette première partie
de sa vie, les troubles névropathiques de sa jeunesse avaient beaucoup diminué.
Vers l’âge de 37 ans, commencèrent des « accidents bizarres » ; troubles fonction­
nels divers, troubles de la marche, contractures, etc. Elle entra alors à la Salpêtrière
et devint l ’objet de longues et minutieuses observations de Janet. En suivant le cours
de sa vie, celui-ci classa ses observations en « cinq états principaux » : un état M’équi­
libre qui est devenu presque constant à la fin de sa vie ; — un état de consolation qui
était « l ’état le plus remarquable » et capable en s’accentuant de parvenir à l’extase ;

de S. Leclaire (La Psychanalyse, 1958, 4, pp. 85-110). La grande discussion à la


Société psychanalytique de Paris sur « Analyse terminée et Analyse interminable »
(1966) dont les Comptes rendus ont été publiés dans la Revue fr. de Psychanal., 1968)
est d ’un particulier intérêt par sa référence à ce cas célèbre.
HALLUCINATIONS — OBSESSIONS — PHOBIES 867

— un état de torture avec agitation et douleur morale ; — un état de sécheresse avec


des sentiments très réduits et même supprimés ; — et enfin un état de tentation qui
était surtout un état d ’obsession, d ’interrogation et de doute. Ce sont tous ces états
dont la description forme la matière du premier volume de l ’ouvrage (527 pages !)-
Pendant les périodes d ’extase, « Madeleine, dit Janet (p. 82), semble bien avoir
des Hallucinations auditives et visuelles ». « J ’ai la possibilité, dit-elle », de me rendre
« en esprit où je voudrais être, et je vois tout comme si j ’y étais réellement. Je regrettais
« de ne pas assister au service à Notre-Dame pour la mort du Pape, et j ’ai vu toute
« la cérémonie, mieux que si j ’avais été mal placée dans la cathédrale ». Elle a aussi
des visions télépathiques au moment de la mort des gens. Ainsi ayant eu beaucoup
d ’affection pour une vieille servante, Julie, une nuit elle la vit comme à distance. Elle
sentit qu’elle lui prenait les mains, qu’elle l’embrassait et toutes deux pleuraient :
« Dans son étreinte, j ’ai ressenti une très vive émotion qui a continué lorsque, subi-
« tement, la vision a disparu. Il me semblait, ajoute-t-elle, que j ’étais éveillée quand
« j ’ai eu cette vision ». Le récit des voix qu’elle entend dans ces périodes de conso­
lation et d ’extase sont, tantôt des paroles divines ou pieuses, tantôt des récits naïfs
ou poétiques. Elle s’est sentie aussi transformée en Jésus, unie à lui sur la croix. P. Janet
reproduit (p. 90-92) un long récit d ’une véritable crise extatique au cours de laquelle
Madeleine « se figurait placée dans une armoire qui est l’intérieur de la Vierge ».
Et dans le « laboratoire de la Salpêtrière », Madeleine et Pierre Janet ont collaboré
au déroulement de scènes extatiques, à l’accomplissement « des métamorphoses
de rêve, de tous les symbolismes et de toutes les comédies par changement d ’attitude ».
Ce théâtralisme naturellement érotique dans certaines « séquences » montre jusqu’à
quel point P. Janet — plus près de Freud que de Breuer — pouvait tolérer les assauts
libidinaux de la névrose, assauts qu’il sut aussi bien que Freud maîtriser et utiliser
dans la psychothérapie de Madeleine (1).

Un autre chapitre des analyses et descriptions de la névrose de Madeleine mérite


une particulière attention, c ’est celui que P. Janet consacre aux croyances dans la
réalité et au « délire psychasthénique », c’est-à-dire à la constitution de toute une
gamme de quasi-réalités qui indexent en quelque sorte les oscillations de la « tension
psychologique ». L ’apparition des Hallucinations et les conduites relatives à l’imagi­
naire doivent être, nous dit-il, interprétées dans la hiérarchie des fonctions du réel.
Thème qu’il reprend et explicite dans le deuxième volume de l ’ouvrage en exposant sa
fameuse théorie des « sentiments psychasthéniques ».

Si nous avons insisté sur cette observation plus justem ent célèbre p ar
l’extrême richesse des analyses de l ’auteur que par les caractéristiques cli­
niques somme toute banales, c’est pour bien m ontrer que dès que l’on appro­
fondit l’équilibre psychique, la pensée compulsionnelle, la fonction de l ’ima­
ginaire des obsédés, du même coup se dévoile le caractère phantasmique et

(1) L ’état d ’équilibre terminal mérite, en effet, d ’être spécialement noté (p. 175-
177). Si Madeleine est restée à la fin de sa vie une vieille fille dévote, sa vie religieuse,
sa foi et ses pratiques se sont normalisées et ont perdu précisément le caractère « per­
sonne] » et « absolu » dit P. Janet qui caractérisait ses conduites névrotiques.
868 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

hallucinatoire de l ’obsession. Et parler de pseudo-hallucination ou de pseudo-


délire ne suffit pas à exorciser de la structure de l ’obsession l’Hallucination
qui l’habite.

— Il est donc bien évident que les névroses obsessionnelles et phobiques (les
hystéries d ’angoisse) avec leurs frayeurs, leurs inhibitions, leurs manies, leurs
sentiments psychasthéniques, leurs rituels, somme toute, toutes les techniques
compulsionnelles d ’érotisation masochiste de l’angoisse, ne cessent de faire
apparaître, pour en jouir, l ’objet même de leur dégoût, de leur répulsion ou de
leurs désirs inconscients. Telle est, en effet, la structure imaginative compul-
sionnelle qui, faisant de l ’objet de l ’obsession un objet imaginaire et spécifi­
quement subjectif, se distingue p ar là du délire hallucinatoire (fût-il même,
comme nous l ’avons vu et le reverrons encore, pseudo-esthésique) sans cepen­
dant pouvoir en être non plus radicalement séparé.
Rien d ’étonnant dès lors que les auteurs et les cliniciens obsédés eux-mêmes
par l’analogie hallucinatoire des obsessions —- ou l’analogie obsessionnelle
des Hallucinations — aient remarqué que l ’obsession sous ses formes phobiques,
idéatives ou impulsives se présente aussi sous forme hallucinatoire quand,
disent-ils généralement, elle aboutit à la fameuse transform ation sensoriale
de 1’ « idée-force » ou plutôt de 1’ « idée forcée ». C ’est ainsi que dans les tra­
vaux anciens (surtout français, allemands et italiens) on a souligné de nom­
breux aspects hallucinatoires des obsessions (Buccola, 1886 ; Séglas, 1892 ;
Larrousine, 1896 ; Meuriot, 1903 ; Pitres et Régis, 1902 ; Lowenfeld, 1904 ;
B. Leroy, 1907 ; A. Ceillier, 1922 ; L. Redalié, 1926).
En feuilletant ce vieil album de la Psychiatrie classique, nous y pouvons
consulter à loisir le florilège de l ’obsession hallucinatoire ou de l ’Hallucination
obsédante... Tout d ’abord, on ne manque guère de noter que les phobies d'objet
bien entendu consistent à se représenter avec tous les attributs d ’une présence
terrifiante, les couteaux, épingles, carottes, et pour aller jusqu’aux objets les
plus dérisoires et les plus neutres ou éloignés de toute préoccupation intrin­
sèque à leur sens, des bobines de fil ou les pneus de bicyclette. Quand la phobie
d ’objet est celle d ’objets animés, nous avons affaire, comme dans les fameux
cas de Freud, aux phobies de petites bêtes (araignées, mouches, rats, souris) ou
de grands animaux (chevaux, chiens, lions, girafes, etc.) qui hantent et parfois
occupent le champ perceptif jusqu’à parfois le remplir de toute l ’angoisse des
déplacements symboliques qu’ils représentent. Quand il s’agit d ’animalcules
parasites (gale, petits vers), il est encore bien plus évident que leur présence
sur ou sous les téguments ou dans le corps ne peut se manifester que par les
sensations q u ’ils provoquent (1). Nous touchons ici à un point extrême de
l’Hallucination névrotique qui se présente sous forme d ’une conversion

(1) Cf. ce que nous avons dit plus haut à propos des délires ectozoïques (chapitre
Hallucinations tactiles, p. 246-248).
HALLUCINATIONS — OBSESSIONS — PHOBIES 869

somato-perceptive au niveau en quelque sorte synaptique, à l’articulation


que le prurit hallucinatoire établit entre la peur et l’attente, entre la repré­
sentation et la sensation (Rappelons l ’observation que nous avons publiée
avec A. Borel et que nous avons citée p. 246). — Les phobies de situation
(agoraphobie, claustrophobie) reproduisent également l’événement social
ou spatial qui fait de l ’objet de la panique une constante de la relation per­
ceptive avec le monde des objets. N on seulement la phobie se manifeste
dans ses phantasmes directs, mais comme Freud et Janet l ’ont noté (au sens
en quelque sorte opposé de leur conception de l ’activité symbolique), elle fait
surgir des phantasmes indirects. U n agoraphobique voit une cour de collège
avec ses arbres, ajoutant ainsi un souvenir et une allégorie supplémentaire
à son obsession. Une éreutophobe voit sa propre rougeur se « refléter » dans
le regard et les paroles des autres, « comme si » entre eux ils parlaient des
scènes honteuses et de ses désirs secrets, etc. — Dans les phobies d'action
avec leur tendance irrésistible ou, en tout cas, compulsionnelle de commettre
des actes redoutés (tantôt plus redoutés que désirés, tantôt plus désirés que
redoutés), la crainte du geste à accomplir, de la tentation de tuer, de se tuer,
constituent déjà un commencement d ’action qui actualise le cadre perceptif dans
lequel elle apparaît vertigineusement comme un début et une fin horribles (1).

b) Q uant aux idées obsédantes ou obsessions représentatives, q u ’il


s’agisse d ’images sacrilèges, érotiques ou neutres, c’est-à-dire neutralisées
dans des signifiants insignifiants (chiffres, mots absurdes, pensées sans rapport
avec les préoccupations ou les sentiments), elles tirent de la force du désir
q u ’elles expriment ou combattent, la vividité d ’une représentation qui, pour
être obsédante, doit précisément apparaître dans la constance d ’un
objet qui s’impose de l’extérieur, fût-ce à l ’intérieur de la vie psychique.
Un malade de Buccola ne cessait de voir des billets de banque avec une telle
absurde évidence obsédante que même pour lui (et pour nous bien sûr) elle
signifiait bien que ce n ’était pas de ces billets dont il était réellement question
dans sa perception délirante de ce symbole d ’argent. Toutes les conduites
compulsionnelles, les rituels, les cérémoniaux et consignes magiques (manies
de l ’au-delà, de la perfection, de l ’infini, du présage, de la conjuration), toutes
les manipulations ou évitements des objets fétichistes ou « transitionnels »,
c’est l ’obsession en acte, et qui nécessairement actualise le phantasme, mais
non point pour le saisir comme dans la perception hallucinatoire et l ’instaurer
comme objet, mais pour le situer toujours plus loin, dans l ’au-delà du monde
obsessionnel qui est celui d ’une irréalité absolue, d ’un doute systématique
en quelque sorte symétrique à la certitude du Délirant halluciné.

(1) Parfois on observe des états d’angoisse avec dépersonnalisation qui consti­
tuent une véritable anxiété phobique, comme dans les cas signalés par M. R oth et
M. H arper (1962) au cours d ’une Épilepsie temporale.
870 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

Les choses sont d ’ailleurs aussi peu claires quand l’idéation obsédante
se présente sous son aspect directement libidinal, quand le malade de M euriot
avait la représentation de langues de feu sur son pénis ou que celle de M agnan
devait s’imaginer et nommer « le trou du c... du Pape »; et que, à longueur
de journée, le psychiatre entend exprimer les obsessions qui fixent l’angoisse,
les préoccupations et les occupations de son patient sur le corps, ses fonctions
et sa conjonction sexuelle. Il est bien évident encore que sous les apparences
d ’une signification simple et « crûment » directe l ’obsession ne laisse affleurer
à sa surface représentative ou perceptive que ce qui lui sert encore de truchement,
de déplacement ou d ’instrum ent pour son angoisse inconsciente. Tel était bien
le cas de cette jeune religieuse que nous avons longtemps analysée et qui était
obsédée par les carottes et les chats dans une représentation d ’autant plus
terrifiante qu’elle était consciente du sens sexuel de ces symboles ; elle les faisait
surgir constamment dans sa vie, à la chapelle comme au confessionnal ou dans la
rue. Les images obsédantes manifestaient non seulement, bien sûr, ses désirs et
ses souvenirs infantiles sexuels, mais surtout — et ce qui était vraiment incons­
cient — la situation œdipienne qui transparaissait dans le désir de communi­
quer ainsi avec le chat de sa mère par la propre et fétichiste carotte phallique
dont son obsession ne cessait de la pourvoir sans jam ais cesser de lui apparaî­
tre comme l ’insaisissable et fuyant objet de son impossible désir.
Mais, nous n ’en finirions pas de raconter nos histoires cliniques ou celles
des autres qui sont au fond toujours les mêmes, celles d ’une coalescence auto­
matique et compulsionnelle entre la phobie et ce que Hesnard (1) appelait
la « philie », englobant le plaisir défendu et le plaisir de souffrir ; somme toute,
la fusion compulsionnelle du plaisir et de la douleur, du désir et de l ’angoisse
dans le martyre complaisamment engendré et entretenu de l ’obsédé. Car,
comme le soulignait A. Green (2), si l ’obsession est le bu t d ’une régression
de la structure de la libido, elle est aussi un investissement destructif de l’inves­
tissement érotique. Elle s’exerce donc, pourrions-nous dire, comme au deuxième
degré de la puissance de l’imaginaire qui, même s’il se présente sous forme
hallucinatoire, n ’a de cesse ni de repos q u ’il n ’ait porté dans son « Grübelsucht »
(besoin insatiable d ’interminables ruminations) sa représentation phantasmique,
non pas jusqu’à la réalité absolue de l ’idée délirante mais jusqu’à l ’irréalité
absolue et infinie de l ’idée obsédante. C ’est en ce sens que l ’on pourrait dire
que les Hallucinations obsessionnelles sont des « Hallucinations négatives »,
non pas pour faire disparaître les objets mais pour incorporer leur représen­
tation dans les objets de la réalité psychique comme des reflets symboliques
des réalités existentielles.

(1) H esnard (A.), La phobie et la névrose phobique, Paris, éd. Payot, 1961.
(2) G reen (A.), Névrose obsessionnelle et Hystérie. Leurs relations chez Freud et
depuis. Rev. fr. de Psychanalyse, 1964, 28, p. 679-716.
BORDERLINES — OBSESSION ET PARANOIA 871

L es c a s-lim ite s (b o rd e rlin e s) de la n évrose obsessionnelle


e t de la p a ra n o ïa ( 1) .

Cette dernière réflexion nous ramène en arrière, au principe même du


développement de la psychopathologie des idées obsédantes et des idées déli­
rantes. Bien sûr, comme nous n ’avons cessé de le souligner dans ce chapitre,
Délire et Obsessions, Hallucinations et Compulsions sont, pour ainsi dire,
antinomiques dans leur mouvement existentiel. Et c’est bien ainsi que, même
s’ils ont parfois noté l ’analogie entre ces deux manières de déréaliser la réalité,
les classiques (J.-P. Falret, Magnan, Séglas, Janet, Freud) ont séparé le Délire
de l ’Obsession et, en fin de compte, l ’Hallucination de l ’idée obsédante ou de
la phobie et, plus profondément encore, la Psychose de la Névrose.
Mais ceci posé et bien posé, il n ’en reste pas moins que bien des cas cliniques
dits justem ent cc intermédiaires » ou « limites », apparentent ce que l’analyse
clinique ou existentielle distingue. D ans son étude sur la différence et les
rapports de l’idée délirante et de l’idée obsédante, Müller-Suur (2) à propos
d ’un de ces nombreux cas de Paranoïa qui posent ce problème (chez son malade
arithmomaniaque dont les jongleries obsessionnelles étaient intimement mêlées
à des idées délirantes) m ontre que l’obsession, comme le délire, est secondaire
à un processus générateur. C ’est bien ce que nous soulignions au début de ce
chapitre à propos des relations entre Hallucinations et Névroses, en rappelant
la nécessité d ’une analyse de la structure formelle des névroses comme de
celle des psychoses. Nous pouvons dire, à ce sujet, que les processus délirants
systématiques et les processus obsessionnels, en tant q u ’ils sont justem ent des
processus qui bouleversent la personnalité, ont quelque chose de commun que
la clinique confond précisément dans ces « cas-limites », où délire de persé­
cution et surtout délire d ’influence ont une structure analogue et tendant à
s’identifier à la structure obsessionnelle.
Ce n ’est pas Freud qui aurait pu assurer le contraire en se souvenant de
« L ’Homme aux loups » qui glissa dans la Paranoïa. N i non plus P. Janet qui
a analysé aussi profondément la perte de la fonction du réel dans la psychasthé­
nie que dans les délires de persécution et qui, à la fin de son ouvrage « Les
Obsessions et la Psychasthénie » (Observations 230 à 236, tome II, p. 506-
527), fit largement état des rapports cliniques qui soutiennent les états obsession­
nels avec les délires systématisés. C ’est que, comme le disait il y a cent ans

(1) On trouvera dans le n° 4 de PÉvolution Psychiatrique, 1971, une série d ’études


sur la notion d ’ « états-limites »; il sera aisé à chacun de constater que si cette notion
conteste — avec raison — les cadres trop rigides de la nosographie classique, elle est
bien loin d ’être elle-même très claire... hors de l ’usage auquel nous référons ici « cas-
limites » entre Névroses et Psychoses.
(2) M üller-S u u r (H.), Beziehungen und Unterschiede zwischen Zwang und
Wahn. Ztsch. /. d. g. Neuro-Psych., 1944, 117, p. 238.
E y . — Traité des Hallucinations. II. 29
872 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

Morel (1866), l ’Hallucination apparaît dans la névrose déjà annonciatrice de


la folie et, inversement pouvons-nous dire, le délire sous sa forme principale­
ment systématisée ou paranoïaque transparaît dans la maladie obsessionnelle.
On comprend bien pourquoi la plupart des auteurs qui ont publié des obser­
vations de ce genre (1) ont entendu m ontrer et démontrer la genèse affective
inconsciente de la projection paranoïaque en la rapprochant du déterminisme
inconscient de la pensée compulsionnelle.
Mais laissons de côté cet esprit — fût-il traditionnel — de controverses
et voyons les choses comme elles sont. Il est certain que, d ’une part la masse
des Hallucinations qui constituent l ’expérience et le travail délirant des Délires
chroniques comporte une proportion énorme de « Pseudo-hallucinations ».
Celles-ci, sous forme de transmission de pensées, de pensées imposées, de phé­
nomènes étrangers (Hallucinations psychiques, psychomotrices, symptômes
subtiles de l ’automatisme mental) se référant à l ’objectivation de la pensée,
sont situées dans 1’ « Innenwelt », le monde intérieur du Sujet. Il est certain,
d ’autre part, que la pensée « compulsive » travaille de son côté à l ’intérieur
du Sujet pour autant q u ’il s’engage dans un com bat avec lui-même, conflit
interne dont la technique compulsionnelle représente la stratégie. On comprend,
dès lors, que en tan t que phénomènes se déroulant dans la sphère de la subjec­
tivité la plus « psychique », l ’une et l ’autre séries de phénomènes s’apparentent
et que les Cliniciens qui plaident leur identité ont beau jeu de les comparer
point par point (Séglas, A. Ceillier, Claude, etc.) ; mais la structure globale du
monde du délirant et de l ’obsédé, le sens même de l’existence délirante ou
compulsionnelle sont et restent différents, comme nous l’avons plus haut sou­
ligné.
Si les rapports que soutiennent entre elles toutes les formes nosographiques
ne peuvent plus être envisagés dans la rigidité des perspectives des « entités »
kraepeliniennes, nous devons alors nous attendre à voir entre le monde de
l ’obsédé et le monde du délirant ces cas « limites » qui sont comme la réponse
de la nature « qui ne fait pas de sauts » à la rigueur géométrique de nos défi­
nitions. Et c ’est ainsi que bien des cas de « transform ation » (plutôt que de

(1) Il s’agit d ’innombrables articles ou communications de type « Un cas de... »


qui ont rempli les archives des Sociétés de Psychiatrie au début du siècle ; ou encore,
de ces innombrables publications psychanalytiques de fragments (arbitrairement
choisis ou insignifiants d ’analyses le plus souvent interminables ou tronquées).
Dans les deux cas, cliniciens et psychanalystes se rejoignent pour montrer la psy­
chogenèse affective du délire en la rapprochant de l ’obsession où elle paraît plus
évidente. C’est à cette tentation qu’avec notre Maître C laude nous avons succombé.
Mais si nous devons souligner ici le caractère « apologétique » sinon artificiel de ces
observations, il n ’en reste pas moins que le fait demeure d ’une certaine parenté
entre la structure dite « pseudo-hallucinatoire », du syndrome d ’automatisme
mental et des phénomènes d ’influence de certains délires systématisés et la projection
dite « pseudo-hallucinatoire » de la névrose obsessionnelle.
OBSESSION ET DÉLIRE HALLUCINATOIRE 873

« mélanges ») m ontrent que le Délirant et l ’Obsédé sont, sinon des frères,


tout au moins des cousins germains.
On peut tirer de cette parenté l ’une ou l ’autre conclusion. Ou bien que
la « psychogenèse » des obsessions s’étend aux Délires — ou que la psycho­
genèse incompatible avec le processus du Délire l’est aussi avec le processus de
l ’Obsession... Pour nous, c’est la réalité même de la maladie mentale dans sa
généralité qui nous fait opter pour la seconde hypothèse. S’il est vrai q u ’il
n ’y a logiquement place dans un genre que pour des espèces, celles-ci (le Délire
ou la Névrose obsessionnelle) ont quelque chose de commun. Et ce quelque
chose de commun, c ’est précisément la désorganisation de l ’être psychique
qui entraîne toujours (névroses et psychoses) une pathologie de la liberté,
et dans ses formes les plus graves (Psychoses), une maladie de la réalité. L ’acti­
vité hallucinatoire (ou, si l ’on veut, pseudo-hallucinatoire puisque nous savons
bien q u ’il ne s’agit là que d ’une différence superficielle) propre aux névroses
obsessionnelles est là comme pour faire apparaître le processus névrotique
qui diffère, non pas comme un simple degré quantitatif du processus délirant,
mais comme un niveau structural de la psychopathologie de la personnalité.
Celle-ci, aliénée dans le Délire, dans les Psychoses délirantes et hallucinatoires
chroniques comme nous l’avons vu, est ici altérée dans le mouvement d ’unité
et d ’identification de l ’Etre conscient de Soi divisé contre lui-même selon ce
« clivage du M oi » (terme que les Psychanalystes depuis quelque temps ont
pris, semble-t-il, l ’habitude de privilégier), qui établit un pont entre la Névrose
et l’Hallucination, entre les phénomènes hallucino-névrotiques et les Halluci­
nations délirantes.
LES HALLUCINATIONS DANS L’HYSTÉRIE

Le problème des relations de l ’Hallucination des Névroses avec le Délire


est à la fois plus complexe et plus simple que celui que nous venons d ’envisager.
Plus simple, car il s’agit de problèmes que la clinique pose avec moins de fré­
quence. Plus complexe, car la structure de la névrose hystérique tire sa dimen­
sion de simulacre d ’une conversion massive et autom atique des affects
inconscients sur le plan de la conscience, de telle sorte que cette irruption —
par exemple dans l ’hypnose ou les phénomènes d ’auto-suggestion — affecte
un mode hallucinatoire qui constitue bien, en effet, une perception sans objet,
une perception « sur commande » pour obéir plutôt à l ’ordre de l ’hypnoti­
seur q u ’à la loi de la perception. Cette malade qui revit une scène de terreur,
ce paralysé qui « fantasmise » l’am putation de son corps, cette possédée qui
parle dans sa bouche les paroles du démon, cette mystique stigmatisée qui
fait couler des larmes de sang de ses yeux extatiques, tous ces cas et mille autres
semblables ne se laissent interpréter que par la puissance hallucinatoire de
l ’image et, en dernière analyse, du désir et de ses phantasmes complexuels. La
grande névrose est bien en effet celle du désir, de l ’imagination, de la psycho­
plasticité et de l ’automatisme psychologique. Et, à ce titre, elle présente
bien une structure hallucinatoire dont nous devons préciser les caractéristiques
pour l ’intégrer justem ent au niveau névrotique et non pas au niveau psychotique
(ou proprem ent délirant).

L es H a llucinations da n s la g ra n d e névrose
au te m p s de C harcot.

Disons d ’abord que les Hallucinations des hystériques du temps de Briquet,


de Charcot et de P. Janet entraient « tout naturellement » dans le groupe
d ’ailleurs hétérogène des troubles sensoriels ou de la perception. Ceux-ci
comportent, pêle-mêle, les anesthésies, les cécités hystériques, les stigmates
sensoriels, toute sorte de troubles étranges (allochirie, métalloscopie, polyopie
monoculaire, etc.) ou qui ont depuis été considérés comme des syndromes
sensoriels « réels » (dyschromatopsie, synesthésie, hémianopsies, crises oculo-
gyres, etc.). C ’est que, en effet, au temps de la grande époque de la Sal­
pêtrière, c’était le critère même de l’extravagance et du caricatural qui défi­
nissait la névrose si protéiforme dans ses manifestations spectaculaires. On sait
combien le trouble hystérique pour être justement « réellement » hystérique
HALLUCINATIONS HYSTÉRIQUES 875

doit paraître par définition « suspect », comme entaché du péché originel de


simulacre, sinon de simulation, de mythomanie, sinon de mensonge. Et c’est
bien en effet comme phénomènes toujours « paradoxaux » mais toujours « tro u ­
blants » que peuvent nous apparaître des fameuses Hallucinations hystéri­
ques étudiées au temps de Binet et Féré (1) par l ’ophtalmologiste Parinaud.
Voici comment il a présenté ses observations :

« Un carton moitié blanc et moitié vert sur une de ses faces, complètement blanc
sur l’autre, porte à son centre, sur les deux faces, un point destiné à immobiliser
le regard. Vous fixez pendant une demi-minute la face blanche-verte, puis, retournant
le carton, le point central de la face complètement blanche. Vous voyez sur la moitié
qui correspond à la surface verte une teinte rouge qui n ’est autre que l ’image consécu­
tive définitive, et sur l’autre moitié la teinte verte, complémentaire. L’image consécutive
rouge a donc développé, par induction, la sensation du vert dans une partie de la
rétine qui n ’a été impressionnée que par du blanc. Cette expérience que l ’on peut
varier de différentes manières, de façon à bien établir qu’il ne s’agit pas d ’erreurs
de jugement mais bien de sensations positives, démontre que toute impression de
couleur se traduit par une modification plus ou moins persistante des éléments ner­
veux qui donnent lieu à l’image consécutive, et que cette modification détermine dans
les parties non impressionnées une modification de sens contraire qui développe la
sensation complémentaire par un phénomène analogue à ce qui se passe dans un corps
que l ’on aimante ».
Or, 1* « image hallucinatoire » a la propriété de provoquer les mêmes effets de
contraste que la sensation. Si, par exemple, nous disent les mêmes auteurs (Binet
et Féré), on présente à une malade en état de suggestion une feuille de papier divisée
en deux parties par une ligne et qu’on lui donne sur une des moitiés l’Hallucination
du rouge, elle accuse sur l’autre moitié la sensation du vert complémentaire. Si la
sensation du rouge persiste après le réveil, celle du vert persiste également. Cette expé­
rience permet évidemment de conclure que Vimage hallucinatoire se comporte abso­
lument comme une sensation réelle.
Binet et Féré ont objectivé également la sensorialité de l’Hallucination suggérée,
et voici comment ils relatent leur expérience :
On prie le Sujet en état de somnambulisme de regarder avec attention un carré
de papier blanc au milieu duquel on a marqué un point noir afin d ’immobiliser son
regard ; en même temps on lui suggère que ce carré de papier est coloré en rouge ou
en vert, etc. Au bout d ’un instant, on lui présente un second carré de papier qui pré­
sente aussi au centre un point noir ; il suffit d ’attirer l ’attention du Sujet sur ce point
pour que, spontanément, il s’écrie que le point est entouré d ’un carré coloré, et la
couleur qu’il indique est la complémentaire de celle qu’on lui a fait apparaître par
suggestion. Cette couleur complémentaire est l’image négative laissée par l ’Hallu­
cination colorée ; elle dure peu de temps, s’efface, se perd, meurt, comme disent les
malades ; elle a bien les allures d ’une image négative ordinaire ».
Binet et Féré font remarquer : Cette expérience est une réponse péremptoire à ceux
qui croient encore à une simulation générale. On ne peut soutenir qu’une femme
hystérique qui sait à peine lire et écrire connaît sur le bout des doigts la théorie des

(1) Binet et F éré, Le magnétisme animal, Paris, Alcan, 1888.


876 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

couleurs complémentaires. Nos malades ont toujours répondu juste ; et de plus, ce que
nous tenons à faire observer, c’est qu’elles ont répondu juste dès la première expérience.

Ces vieux travaux de psycho-physiologie expérimentale ont été plus récem­


ment repris p ar K. R. G raham (1969). Il a tenté, lui aussi, d ’objectiver les
qualités neuro-sensorielles de l’Hallucination suggérée pendant l ’hypnose. Il
entraînait ainsi des sujets à voir deux cercles gris sur fond bleu, puis sur fond
noir et sur fond blanc, et il a pu observer dans ces conditions des effets de
contraste qui paraissent en effet (chez des sujets « hypersuggestibles », souligne-
t-il) provoquer une image obéissant aux lois de contraste purement physio­
logique.
Le travail de J. P. Brody (1969, in Keup, p. 180-182) prétend également
prouver la réalité neuro-sensorielle de l’Hallucination visuelle provoquée par
suggestion hypnotique, par le contrôle des manifestations opto-cinétiques
(nystagmus). Les observations faites sur l ’accélération des rythmes cardiaques
pendant la suggestion hypnotique « hallucinogène » (A. L. Arne et S. F. Bowers,
1970) paraissent évidemment moins « troublantes ».
L ’Hallucination hystérique, ou si l ’on veut, l ’image hallucinatoire qui
manifeste la structure hystérique peut donc constituer, au sens fort du terme,
une conversion psycho-physiologique. Elle est pour ainsi dire une prise en
masse soudaine et complète de l ’image d ’un objet, une métamorphose de la
représentation en sensation. C ’est en ce sens que W. R. Brion (1958) opposa
l ’Hallucination hystérique (totale) à l’Hallucination schizophrénique (mor­
celée). Telle est la force de l ’image chez l’hystérique. Au fond, n ’est-ce pas ce
que nous discernerons chez ces névrosés lorsque nous pouvons avec Logre
ou avec Klages attribuer à l ’hystérique cette devise : « L ’image, toute l’image,
rien que l’image ». Mais, naturellement, ce qui fait l’hystérie ce n ’est pas ce
que fait l ’hystérique; car l ’hystérie apparaît comme une forme de névrose qui
a sa structure propre dont les manifestations hystériques (suggestion comprise)
sont les effets. Pour si « intéressants » et « expressifs » que soient les symptômes
hystériques, ils sont les effets secondaires de la structure psychoplastique de
la personnalité hystérique qui les conditionne.

L a s tr u c tu re h a llu cin a to ire de la n évrose h y sté riq u e .

Tout le domaine de l ’hystérie est saturé d ’auto-suggestion. Et c ’est


bien à cette structure proprem ent « hypnotique » d ’une névrose où le Sujet
est son propre hypnotiseur, que se réfèrent tous les termes par lesquels on
désigne l’essence même des phénomènes hystériques (imagination, pithiatisme,
simulation, mensonge inconscient, etc.). L ’hystérique fait, pense, agit, perçoit
« comme si » (1). Et ce « comme si » est sa manière métaphorique de jouer l’irréa-

(1) « Als ob », dénomination de la Philosophie de Hans Vaihinger auquel


A. Adler était particulièrement attaché (cf. H. F. Ellenberger, The discovery o f the
Unconscious, 1970, p. 606-608.
HALLUCINATIONS HYSTÉRIQUES 877

lité, de déjouer la réalité « comme si » précisément m ontait du fond de lui-même


l ’exigence (qu’on peut bien appeler narcissique ou libidinale) de transgresser
les lois de la réalité, de projeter dans le monde extérieur, corporel ou psychique
subordonné au principe de réalité, les objets de son désir ou des contre-désirs
dont ils sont eux-mêmes l ’objet. Nous avons vu à propos de la névrose obses­
sionnelle que celle-ci tournait pour ainsi dire le dos au délire en fournissant
un objet indéfiniment imaginaire, un objet infini d ’angoisse. Ici, dans l ’hystérie,
l ’objet est par contre immédiatement atteint et fini, comme objet ou instrument
de plaisir ou de satisfaction. Mais les symptômes hystériques constitutifs de
cet investissement libidinal de la réalité par ses images demeurent dans l ’ordre
de l’imaginaire ou du « comme si »... L ’hystérique, en effet, n ’est pas plus
« réellement » hypnotisé que l ’hypnotisé ne l ’est par l ’hypnotiseur. La situation
de l ’hypnose, même si elle comporte — comme lorsque le buveur fait semblant
d ’être saoul quand déjà l ’ivresse l ’envahit — une condition pathogénique,
est essentiellement celle d ’une « fausse expérience ».
Il s’agit bien, en effet, d ’une expérience dans laquelle l ’engagement du Sujet
est le plus souvent problématique, et l’on n ’en finit pas de discuter des effets
« réels », « imaginaires » simulés de la suggestion, de l’auto-suggestion, etc.
On sait combien à la grande époque à laquelle nous venons de nous rapporter
ces discussions étaient vives. Elles ne le sont pas moins de nos jours et surtout
dans l ’école anglo-américaine (G. H. Estabrooks, 1943, et plus récemment
N. P. Spanos et T. X. Barber (1968, K. S. Bowers et J. B. Gilmore, 1967 et
1969). Les C. R. de la 14e Réunion annuelle de la « Eastern Psychiatrie Research
Association », New York, 1969, édités sous la direction de W. Keup (1970),
contiennent trois études remarquablement méthodiques de ce difficile problème.
L ’intéressant travail de T. X. Barber (in Keup, p. 167-179) est tout à fait édifiant
à ce sujet, car s’il est évident q u ’un grand nombre de perceptions hallucina­
toires suggérées, ou induites, ne paraissent relever que d ’une simple et normale
influence de la suggestion focalisant l ’attention sur les représentations, il n ’en
reste pas moins que, soit en recourant à des vérifications expérimentales (comme
celles auxquelles nous avons fait allusion plus haut, p. 875), soit en se fiant
aux témoignages « crédibles » des sujets dont la sincérité a été testée (honest
report) , certains sujets, et plus particulièrement par suggestion, accusent des
phénomènes hallucinatoires (plus d ’ailleurs auditifs que visuels) qui nous
renvoient un peu aux problèmes posés par les « sensations reported » dans
l’isolement sensoriel (cf. p. 697). Il semble bien que, pour si im portant que soit
le simple effet de la suggestion, l ’hypnose, la transe hystérique, la suggestibilité
hystérique soient « réellement » hallucinogènes. Ce n ’est pas nous qui nous
étonnerons que la « réalité » des hallucinations comporte nécessairement une
forte composante de suggestion, d ’auto-suggestion, somme toute, de
<( croyance » même si celle-ci ne suffit pas à expliquer celle-là.
La situation hystérique, comme celle de l ’hypnose, est engendrée par la
force d ’un affect qui soustrait l ’hystérique à son propre contrôle sans qu’il cesse
pourtant de s’y engager dans les expressions forcées, massives, exogènes,
théâtrales de ce q u ’il veut paraître, être en se faisant apparaître les objets
878 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

phantasmiques de son désir. De telle sorte que la. complaisance, la complicité,


les bénéfices secondaires de la névrose sont les dimensions mêmes de cette
névrose dite encore d ’ « expression », de « compensation » ou « mythoma-
niaque »; tous termes qui visent la part active que prend le Sujet à la pré­
sentation de sa représentation.
Cette structure « psychoplastique » de l ’hystérie si manifeste dans les
manifestations paroxystiques et idées fixes lorsque l ’hystérique s’évanouit
dans l ’état crépusculaire de sa conscience hypnotisée, elle se rencontre
encore dans les manifestations psycho-somatiques de l ’hystérie dite « de
conversion ». Et ceci exige un m ot d ’explication. L ’Hystérie de style
ancien comprenait tout ce que nous venons de rapporter d ’extravagances et
d ’expressions pittoresques (les mêmes que l ’on rencontre chez les convulsion­
naires ou dans les transes collectives, les danses et rites de possession, etc.).
Cette hystérie a disparu. Disons plutôt q u ’elle a changé de nom et de camp.
C ’est dans beaucoup de troubles que les cliniciens superficiels — qui sont
légion— appellent « Psychoses », Schizophrénies, etc., que cette masse de faits
cliniques s’est résorbée. Mais il suffit d ’y penser et de se référer au sens fort de
l ’hystérie pour apercevoir dans la clinique quotidienne ces formes majeures ou
dites parfois psychotiques (Follin) de l’hystérie. Celle-ci, p ar contre, s’est pour
ainsi dire « spécifiée » et spécialisée dans l’hystérie de conversion, c’est-à-dire
q u ’elle ne coïncide plus q u ’avec ce secteur de l’hystérie où la cc comédie »
auto-suggestive de l’hystérique se joue au niveau du corps et de ses fonctions;
au point où précisément elle incorpore (1) l’idée fixe et ses phantasmes dans une

(1) « Elle se dissocie, dit H. M ichaux, elle se bipersonnalise, se pluriperson-


nalise, en peu de temps, parfois presque dans le même moment. Les émotions, les
idées, les impressions, des spectacles, des suggestions, tout ce qui l ’a marquée, tout
ce qui a fait empreinte sur cette cire molle, peut la reformer autre. Plus que per­
sonne, elle sait se déconnecter. Elle sait couper les ponts. Elle se déconnecte de son
œil qui ne voit plus (quoique ses pupilles réagissent à la lumière), elle s’absente de
ses oreilles qui, intactes, ne bougent plus ; de ses pieds qui, sans mal physique, ne la
portent plus, de son épiderme qui ne ressent plus les piqûres, ni le contact, ni la
chaleur, et elle s’absente de sa souffrance. Et d ’elle-même... et si bien que ce n ’est
pas elle qui se sépare, mais son être second, son subconscient, sans qu’elle-même y
soit pour rien. Et de son âge et de sa personnalité première et d ’une personnalité
seconde, et parfois d ’une troisième ou quatrième, elle sait se retirer, allant de
l’une à l’autre, à l’exclusion totale des précédentes. Elle répond à côté, agit à côté,
répond pour échapper à la réalité, à l ’entourage, au milieu, aux circonstances
qu’elle va dramatiser coûte que coûte. Elle inventera une réalité, puis une autre,
puis cent autres, et mille et dix mille autres, autant qu’il en faudra, mensonges au
pied levé, il faut qu’elle échappe. Elle sait se déconnecter de son passé, de ce qui vient
presque à l ’instant de se passer. La situation ne lui convient-elle pas ? Elle l ’oublie
comme une pierre tombe et se perd. Sans l 'avoir réellement oubliée, elle s ’en retranche,
comme si elle n ’avait pas eu lieu. Puérilement, miraculeusement. « Situation » non
HALLUCINATIONS HYSTÉRIQUES 879

réalité qui s’y prête par les ambiguïtés que nous lui connaissons (cf. ce que nous
avons dit plus haut des perceptions somatiques et de la somatognosie) (p. 267) :
celle du corps. Et là, quand l ’hystérique s’hypnotise sur les fonctions et l ’ana­
tomie de son corps, la fausse réalité qui exprime son désir de paraître pose
le masque le plus difficile à démasquer, car le « je sens », « je ne puis pas remuer
mes jambes », « je ne vois pas » ou encore « mon corps est habité », sont des
signifiants où se cristallise dans le réduit inexpugnable de ses défenses le désir
de l ’hystérique caché dans son déguisement corporel. Ainsi, l ’hystérie de conver­
sion est bien la forme la plus pure de l ’hystérie, mais aussi celle sous laquelle
se présentant comme un phénomène isolé, elle met en jeu toute la structure
imaginaire de l ’hystérie. Autrement dit, c ’est par la vieille hystérie que doit
se comprendre cliniquement — comme historiquement Freud l ’a comprise —
la nouvelle hystérie, celle du « pithiatisme » ou de 1’ « hystérie de conversion
psycho-somatique ». Telle est l ’unité de cette structure qui lie le désir à son
expression dans l’hypnose de l’auto-suggestion phantasmique. L ’Hallucination
hystérique est la manifestation de cette régression qui lie le désir à son objet,
qui retrouve la fonction archaïque de cette relation d ’objet. Mais nous devons
dire aussi que — et nous retrouverons ce fait quand nous étudierons les concep­
tions psychanalytiques de l ’Hallucination — cette relation si simple et si
massive est prise dans une structure négative qui ne pose l ’objet hallucinatoire,
c ’est-à-dire la perception sans objet, q u ’à la condition même d ’une distorsion
diffuse du monde de la réalité et des valeurs, celle que tous les cliniciens de
l ’hystérie ont reconnue au cc caractère » de l ’hystérique, c ’est-à-dire à sa mytho­
manie. Certes, comme nous venons de le souligner, le délire et l’Hallucination
entrent constamment dans les manifestations cliniques de l ’hystérie, mais dans
le monde imaginaire, factice et fabulatoire de l ’hystérique le délire et l’Hallu­
cination sont eux-mêmes des phénomènes falsifiés, comme nous l ’avons fait
déjà remarquer. L ’Hallucination de l ’hystérique ne pose pas l ’objet là où il
n ’y en a pas; elle pose les objets sans réalité dans un monde pour lui soumis
au principe du plaisir. Elle n ’est pas seulement une perception sans objet pour
lui deux fois impossible, mais essentiellement une perception de l ’objet de son
désir sur la scène de son existence. L ’Hallucination hystérique traverse la réalité
non pas comme le rêve qui la pose, mais comme l’art qui la déjoue.
Elle n ’en demeure pas moins à cataloguer dans le groupe des Hallucinations
délirantes, dans la mesure même où l ’Hystérie contient beaucoup de Délire et,
à ce titre, entre dans les fameux « états-limites » où la structure névrotique et
psychotique ne peuvent pas se distinguer radicalement.

avenue. Le fait désagréable est refoulé par une censure sans exemple ailleurs. Elle
seule sait faire des censures presque immédiates. Intolérante au réel, à un certain
réel moyen, il y a en elle un « Non » puissant, un refus sauvage d ’être comme
on croirait qu’elle est ». (H. M ichaux , Connaissance par les gouffres. Éd. Galli­
mard, Paris, 1961, p. 269-271).
880 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

Nous pouvons classer les divers aspects hallucinatoires de l ’hystérie en


envisageant successivement : l'hypnose, — les « idées fixes » hystériques, — et
les états crépusculaires hystériques (1).

a ) Hypnose et Hallucination (2). — L'Hypnose est cet état de somnam­


bulisme provoqué, de transe ou d ’automatisme psychologique dans lequel
se trouve l'hypnotisé sous la suggestion de l ’hypnotiseur. Que cet état
hypnotique soit en rapport avec le sommeil comme l’indique son nom,
cela est évident puisque l ’hypnose est une modification de la conscience
qui retranche, comme le sommeil, l’hypnotisé du monde extérieur. Mais
il s’agit d ’un sommeil assez singulier pour paraître contestable (3). L ’état
de transe, dit encore de suggestion, de somnambulisme provoqué, d ’état
second, est donc un état provoqué par l’action de l ’hypnotiseur. Mais à
peine celui-ci est apparu q u ’il disparaît aux yeux fermés (ou à demi fermés),
ou à l ’esprit endormi (ou à demi endormi) ou à l’inconscience (ou à la sub­
conscience) de l ’hypnotisé. Dépendant de l’ordre reçu, ou de l ’induction et
de l ’emprise exercée, le champ de la conscience de celui-ci n ’est plus orienté
du dehors que par l’hypnotiseur (aboli), ou du dedans que p ar son propre
automatisme (inconscient). Telle est la configuration générale de la « situation
hypnotique » qui a permis précisément à P. Janet d ’étudier les automatismes
psychologiques q u ’elle met en jeu. C ’est bien d ’un certain jeu q u ’il s’agit;
car l’état hypnotique implique une certaine complaisance de l ’hypnotisé —
quand ce n ’est pas, bien sûr, une complicité certaine comme dans les scènes
d ’hypnotisme des spectacles de prestidigitations ou des galas de music-hall,
voire des cérémonies spirites et médiumniques, des « expériences » méta-
psychiques, etc. Cela est rendu évident par le témoignage même des hypnotisés
qui, rendant compte de l’expérience vécue de leur état hypnotique, soulignent

(1) Le lecteur pourra compléter ce que nous allons dire sur l ’hystérie en se rappor­
tant à notre étude déjà ancienne parue dans «La Gazette des Hôpitaux », nos 47 et 48,
1935.
(2) On consultera pour la mise au point de tous les problèmes anciens et actuels
de l’Hypnose, l ’ouvrage de M. G ill et M. Brenman « Hypnosis and related States »,
Int. Univ. Press, New York, 1959 ; — celui de L. Wolberg, a Medical Hypnosis »,
2 vol., Grune et Stratton, New York, 1948 ; — et celui de L. Chertok, « L'Hypnose »,
Masson et Cie, 1963.
(3) Depuis que l’Abbé F aria (1819) avait parlé de sommeil lucide, certains auteurs
ont admis l’assimilation de l’hypnose au sommeil (Schilder, K retschmer, etc.).
Certaines études E. E. G. récentes ont opposé les auteurs russes (Vadenski) en faveur
généralement de cette assimilation et les auteurs américains (G ill et Brenman) qui
la tiennent, ou pour conjecturale, ou pour partielle. C ’est généralement à cette conclu­
sion que la plupart des auteurs aboutissent (Bellak, 1955 ; Chertok et K ramarz,
1959) ou se rallient. On trouvera dans mon article « Troubles de la conscience en
Psychiatrie » dans le « Handbook o f Neurology » (1968), ou dans le travail de N. J. W il ­
son (Dis. Nerv. Syst., 1968, 29, p. 618-620), un exposé de ce problème.
HYPNOSE ET HALLUCINATIONS 881

qu’ils étaient dans des états à la fois d ’hétéro- et d ’auto-suggestion (1), ou


encore, par la difficulté même que l ’hypnotiseur rencontre pour hypnotiser
son Sujet. Il faut bien en effet que, comme l ’ont si nettement établi les psych­
analystes, un lien transférentiel, en quelque sorte fulgurant, subjugue l ’hyp­
notisé à l ’action de l ’hypnotiseur, s’il n ’est pas précisément lui-même hysté­
rique (2).
L ’hypnose est donc un état dans lequel l ’hypnotisé vit une expérience qui
lui est suggérée, soit par autrui, l’hypnotiseur, soit par cet autre que constitue
sa personnalité inconsciente ou seconde. Soit donc que son Inconscient se
projette dans l ’expérience de l’hypnose, soit q u ’il soit inconscient des sugges­
tions q u ’il reçoit, c ’est toujours à l ’Inconscient que nous renvoie l ’inconscience
de l’hypnotisé. Rien de plus ce hallucinatoire » que cette expérience qui, comme
en témoignent tous les récits de « suggestion hypnotique », inclut massivement
dans l’expérience vécue par le Sujet ce qui n ’appartient, ni à la réalité du monde,
ni à la réalité du Moi.
Tout d ’abord, sous l ’influence de la suggestion directe de l ’hypnotiseur,
l ’hypnotisé voit, entend les « objets » qui sont ainsi imposés à sa perception.
Si pour G. H. Estabrooks (1943) tous les sujets en état d ’hypnose peuvent voir
ou entendre des « Hallucinations induites », par contre, d ’après T. X. Barber
et D. S. Calverley (1968), les sujets hypnotisés sont rebelles à la suggestion
à l’ordre de voir ou d ’entendre n ’importe quoi. Mais comme le fait rem ar­
quer T. X. Barber, si on ne tient compte parmi les sujets hypnotisés que de ceux
qui se sont montrés sensibles à la suggestion « hallucinogène », on peut com­
prendre que tant de cliniciens aient considéré que l ’Hallucination produite
par l ’hypnose existe chez les hystériques. C ’est tout au moins ce que — sous
les réserves, mais aussi les vérifications dont nous avons fait état plus haut
(cf. supra, p. 875) — beaucoup de cliniciens, ayant la pratique des hystériques
et de l ’hypnose, adm ettent (cf. à ce sujet un petit travail intéressant de
J. M. Schneck, 1968, dans la Psych. Quarterly, et aussi l ’article de K. S. Bowers
et J. B. Gilmore, 1969) et qui pensent que les Hallucinations induites par
suggestion sont différentes de celles qui sont seulement simulées. Aucune
Hallucination n ’est aussi détachée du Sujet que celle qui lui vient de l ’hypno­
tiseur certes, et cependant, cette suggestion si extérieurement commandée exige
un assentiment du Sujet puisque celui-ci peut résister aux suggestions q u ’il

(1) Cf. le récit de cet hypnotiseur hypnotisé qui n ’était autre qu’Eugène Bleuler
(in A. F orel, Hypnotismus, 1911) et H. F. Ellenberger, The Discovery on Unconscious,
1970, p. 116).
(2) Nous devons noter à ce sujet une véritable révolution (cf. dans le livre de Cher-
tok le chapitre « Hypnotisabilité ». Si l ’on tenait, du temps de Charcot et de J anet,
l’hystérique pour être essentiellement hypnotisable, on a fini par s’apercevoir qu’il
l ’est moins qu’on le croyait ; mais cela, comme nous le verrons plus loin, ne modifie
pas le fait que la névrose hystérique a des rapports évidents avec l ’hypnose pour être
une sorte d ’état d ’hypnose, en quelque sorte spontanée.
882 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

reçoit. C ’est donc p ar un acte d ’adhésion, soit à la condition générale de


fascination par le personnage de l ’hypnotiseur, soit à la projection même de
ses affects « autom atiques » que l ’hypnotisé répond à l ’ordre d ’halluciner.
Et c’est bien ainsi que se déroulent les scènes hallucinatoires suggérées (Vous
allez sentir une rose, voir se transform er cette couleur en une autre, vous êtes
environné de flammes, vous parlez avec votre père, vous êtes dans un wagon
de chemin de fer, etc.). Les ordres hallucinatoires sont exécutés par l’hypnotisé
de telle sorte que son comportement général manifeste la « perception sans
objet » induite (c’est-à-dire la perception q u ’il est arbitrairem ent tenu de per­
cevoir) ou q u ’il la signale, sur consigne, par exemple par un mouvement de
doigt qui établit ainsi une communication ou, peut-on dire, une complicité entre
le M aître et l ’Esclave de cette expérience. Tous les livres sur l ’hypnotisme
(et particulièrement les ouvrages de P. Janet, L ’automatisme psychologique,
Névroses et Idées fixes) sont remplis d ’exemples de ce genre. Parmi les travaux
récents, nous devons encore souligner l’importance de ceux de T. X. Barber et
de D. S. Calverley (1964), de K. S. Bowers (1967) et de N. P. Spanos et T. X. Bar­
ber (1968). Tous sont exposés dans l’excellent article de T. X. Barber (in Keup,
1970, p. 167-180). Il semble bien q u ’un des effets les plus manifestes du pouvoir
de suggestion dans l ’hypnose porte plus particulièrement sur les images visuelles.
Parfois l ’hypnose est constituée seulement comme un état de dépendance
et de réduction à l ’automatisme sous la consigne générale « Dormez ! ». Et,
dès lors, l ’hypnotiseur réduisant son rôle à celui d ’un maître dont les ordres
ne se détaillent pas laisse à l ’hypnotisé la liberté d ’agir, de penser, de percevoir
comme il le ferait dans un rêve. Dans cette condition, la participation active
mais inconsciente de l ’hypnotisé est flagrante, et l ’hypnose est équivalente
à la production onirique pour autant que, libéré de la censure (levée par l’ordre
de l’hypnotiseur), la vie psychique du Sujet manifeste son Inconscient.
Enfin, l ’Hallucination apparaît dans une condition plus singulière sous
forme de suggestion post-hypnotique quand, après les transes, l ’ordre de
percevoir tel ou tel objet, de vivre tel ou tel événement, de se figurer telle
ou telle situation, prend son effet; quand l ’hypnotiseur sorti de l’hypnose
n ’en garde plus le souvenir mais en conserve inconsciemment l’injonction.
On trouvera un très intéressant chapitre sur ces suggestions post-hypnotiques
dans « L'automatisme psychologique » de P. Janet (p. 245-249) où il rappelle
les vieilles expériences des magnétiseurs (1). Dans ces cas, la scène ou l ’objet
hallucinatoire obéissent à l ’ordre dans la mesure même où l’hypnotisé, non
seulement a obéi à la suggestion pendant l ’hypnose, mais continue inconsciem­
ment à lui obéir en projetant les images, les souvenirs et les sentiments dans
son champ perceptif pourtant vigile.

(1) H. F. Ellenberger (The Discovery o f Unconscious, 1970, p. 110-180) a très


minutieusement rapporté les expériences des magnétiseurs et hypnotiseurs de ces
premiers manipulateurs de l 'Inconscient : L. Charpignon, J. D upotet, dit baron du
Potet, Dr. Alfred P errier, puis, bien sûr, A. Liébault, etc.
HYPNOSE ET IDÉES FIXES HYSTÉRIQUES 883

Bien sûr, tous ces phénomènes hypnotiques ou post-hypnotiques sont


hallucinatoires. On pourrait même dire q u ’aucune Hallucination n ’est aussi
hallucinatoire que celle qui projette dans la « perception-sans-objet-à-perce-
voir », non pas seulement l ’Inconscient du Sujet, mais l ’ordre d ’un Autre
à qui il obéit. Mais de même que nous avons pu dire à propos des Éidolies
hallucinosiques que rien ne leur m anque que l’essentiel, ici aussi ces Hallu­
cinations sont au moins en partie vidées de leur substance pour ne comporter
q u ’une sorte de minimum de simple apparence ou de jeu dans l ’engagement
du Sujet dans sa fausse perception. Ce désengagement est cependant lui-même
plus apparent que réel (ou, si l’on veut, l ’Hallucination est plus « vraie » q u ’elle
ne le paraît) car, comme nous venons de le noter, la relation du Sujet avec le
faux objet perçu demeure encore, soit que l’hypnotiseur lui ait laissé assez
de liberté de vivre « ce qui lui vient à l’esprit » pour q u ’il se projette lui-même
dans l ’Hallucination, soit que subjugué une fois pour toutes par lui il se projette
lui-même sur lui. Toutes ces ambiguïtés de l ’Hallucination hypnotique se résu­
ment dans le caractère artificiel de la situation qui est bien, en effet, une expé­
rience, non pas seulement une expérience au sens d ’ « Erlebnis » ou une expé­
rience au sens d ’une « expérience scientifique », mais une expérience au sens
d ’une épreuve. Dans l ’hypnose, l ’hypnotisé est mis à l’épreuve d ’un expédient
que l ’hypnotiseur tend comme un piège à son désir, et c ’est, en définitive,
toujours à la dynamique de ce désir que celui-ci se laisse prendre en se sou­
m ettant à celui-là.
L ’état hypnotique en tan t q u ’Hallucination du désir, ou plus généra­
lement des affects ou du transfert (les anciens hypnotiseurs disaient du
« rapport » de l ’hypnotisé), nous aide à comprendre justem ent la structure
même de la névrose hystérique. C ar s’il n ’est pas vrai que (comme on le
croyait à la fin du xixe siècle, au grand mom ent des études des transes som­
nambuliques de l ’hystérie et de l ’hypnose) les hystériques sont particulière­
ment faciles à hypnotiser, il n ’en reste pas moins que phénoménologiquement
ce qui se passe dans l’hypnose c ’est ce qui se passe dans l ’hystérie. C ’est au
travers de toutes les ambiguïtés de l’hypnose que l’hystérie apparaît en effet
avec sa structure propre qui est celle de jouer jusqu’au bout le jeu du jeu,
celle d ’un besoin autom atique des modes d ’action ou de représentation ayant
une fin en soi, c ’est-à-dire le sens d ’une expressivité artificielle ou théâtrale.

b) Hallucinations et « idées fixes » hystériques. — Si la névrose hys­


térique — symétrique de la névrose compulsionnelle comme l ’a si admi­
rablement vu P. Janet (1) — est la névrose qui m et en jeu des systèmes idéo-
m oteurs partiels exprimant un phantasm e inconscient (ou, si l’on veut, un
complexe d ’images, ou comme il disait, une « idée fixe »), elle ne peut se mani­
fester, sous ses aspects les plus typiques, que comme une névrose dont les

(1) Cette symétrie est remarquablement illustrée dans son petit livre sur « Les
Névroses » (1909).
884 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

symptômes sont tout à la fois « automatiques » et « spectaculaires » — Auto­


matiques, en ce sens que la form ation des symptômes se fait sous l ’influence
des forces inconscientes automatiques, mais aussi en ce sens que ces symp­
tômes prennent la forme de comportements ou de représentations « montés »
qui se déroulent machinalement, ou encore parce q u ’ils se développent en
systèmes fonctionnels excentriques dans et par leur ém ancipation— Phénomènes
inconscients, machinaux et excentriques, ce sont bien les caractères que tous
les cliniciens reconnaissent aussi bien aux crises hystériques, aux émotions
hystériques, q u ’aux manifestations psycho-somatiques hystériques, etc., car tou­
tes ont ce quelque chose de forcé et d ’artificiel qui les définit — Spectaculaires
aussi sont les manifestations de l ’hystérique, pour exprimer dans leur outrance
ou leur théâtralité tragi-comique les images q u ’il exhibe en s’ofifrant en spec­
tacle aux autres et à lui-même.
Sans doute beaucoup de symptômes — sinon tous — qui constituent les
maladies mentales en général sont-ils une manifestation de l ’Inconscient et de
l’automatisme psychologique, mais dans cette structure de complexité névro­
tique la névrose hystérique apparaît comme portant à son extrême degré d ’inten­
tionnalité le désir de m ontrer et de cacher son désir, de l’exhiber non seulement
dans sa simulation mais encore dans sa dissimulation. C ’est à ce point de
l ’analyse structurale de l ’hystérie que Freud et Janet se rencontrent mais
doivent se compléter du fait de leur divergence même. Car si l’hystérie comporte
une désagrégation de la personnalité comme le disait Janet et un refoulement
de la libido comme le découvrit Freud, toutes ses manifestations sont celles
d ’un système idéo-affectif dont l ’unité autonome contraste avec l ’unité et
l ’autonomie de l’ensemble de la personnalité. De telle sorte que si Janet voyait
dans les symptômes de l’hystérie l ’expression d ’une « idée fixe » (c’est-à-dire
d ’une image ou d ’un système d ’images qui s’enracine, se manifeste et se joue
dans les couches de l’automatisme subconscient), et si Freud voyait dans l ’hys­
térie l’expression d ’une satisfaction libidinale inconsciente (c’est-à-dire d ’une
image figurant par son symbolisme un circuit fermé, un jeu de « signifiants »),
tous les deux ont découvert, l ’un sur le plan du subconscient et l ’autre plus pro­
fondément sur le plan de l’Inconscient, le sens imaginaire de la névrose hysté­
rique. Mais, nous y insistons : il ne faut pas dire que l ’un n ’a rien vu et que
l ’autre a to u t vu (1). En effet, s’il est indispensable de dévoiler l’enracinement
inconscient de la névrose de l’hystérique, il est tout aussi nécessaire de décou­
vrir la structure formelle de la régression névrotique par quoi précisément
celle-ci se rapproche plus des psychoses que des modalités de l ’existence de

(1) Là encore nous devons renvoyer à l ’ouvrage de H. F. Ellenberger (1970)


que nous avons déjà cité plus haut, car pour lui — comme pour nous — la décou­
verte de l’Inconscient, si elle est due principalement à S. F reud, s’inscrit dans un mou­
vement de psychologie des profondeurs dont les études de P. J anet sur l ’Automa­
tisme psychologique constitue un moment essentiel.
IDÉES FIXES HYSTÉRIQUES (P. JANET) 885

l ’homme normal, pour si puissant que soit le libre mouvement de son ima­
gination.
Disons donc que ce qui caractérise l ’hystérie, c ’est 1’ « idée fixe »; comme
ce qui caractérise la névrose compulsionnelle c ’est l ’obsession ou la phobie,
quels que soient les fantasmes complexuels inconscients que les uns et les autres
manifestent. Dès lors, l ’idée fixe nous apparaît comme une forme de l ’imagi­
naire caractérisée par la force que l ’image ou le système d ’images tirent de
leur « isolement », de cette séparation à l ’égard de l ’ensemble de la vie psychique
qui consacre son excentricité (1). Ce qui est im portant dans l ’idée fixe, ce n ’est
pas l ’idée en tan t que signification, que « donnée de sens », mais sa fixité.
Et si nous envisageons m aintenant le problème de l ’Hallucination en tant
que manière pour l ’idée fixe de se manifester dans sa représentation, nous allons
voir que cette structure imaginaire de l ’Hallucination hystérique constitue bien
une modalité très particulière de l ’halluciner, car l ’objet q u ’elle pose demeure
pour la conscience de l ’hystérique un imaginaire (2) pris dans la duplicité
même, dans la théâtralité (3) de son existence.
Pour illustrer cette structure propre à l ’Hallucination hystérique, nous
devons nous rapporter à une des observations de P. Janet à l’occasion de
laquelle ce M aître de 1’ « Automatisme psychologique » a donné la mesure
de sa perspicacité et de ses talents psychothérapiques.

Observation de J ustine (4). Justine est arrivée à la Salpêtrière en 1890 ; elle était
dans un état d ’angoisse extrême. Elle avait peur du choléra (5) et faisait des attaques
d ’hystérie avec l ’idée fixe de cette maladie. Cette idée se rapportait à un événement
ancien (6). Sa mère était garde-malade et elle l ’aidait parfois à ensevelir les morts.

(1) Des cas comme ceux rapportés par F. P. M c K egney (1967) et considérés par
lui comme relevant d ’une conversion hystérique ne sont certainement pas rares. Ce
sont ces cas où l ’Hallucination peut en imposer pour être une Éidolie alors qu’il s’agit
d ’un mécanisme d ’isolation névrotique.
(2) Imaginaire très différent de celui des phantéidolies hallucinosiques avec
lesquelles on l ’a parfois confondu ; car si l ’hallucinosique pose ses Hallucina­
tions entre les parenthèses de la réalité à l ’égard de laquelle elle ne figure que comme
une image sans importance existentielle, l’hystérique fait de son idée fixe « excentrique »
le centre hallucinatoire de son existence imaginaire. Les deux ordres de phénomènes
sont, non pas identiques, mais différents, et même absolument symétriques, l ’un étant
un « véritable » accident de la perception, l ’autre étant la perception « imaginaire »
d ’une réalité falsifiée.
(3) Cf. à ce sujet l ’étude de P. C. R acamier « Hystérie et Théâtre », in Évol. Psych.,
1952, p. 260-289.
(4) J anet (P.), Névroses et Idées fixes, I, p. 156-212.
(5) Une telle observation peut naturellement être rapprochée davantage de l ’hys­
térie d ’angoisse (phobie) que de l’hystérie de conversion.
(6) L’événement auquel s’est arrêté J anet est un événement auquel ne se serait
pas arrêté F reud qui aurait recherché par-delà cet incident la « scène » traumatique
infantile.
886 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

C’est dans cet office qu’elle aperçut à 17 ans les cadavres de deux cholériques. C ’est
cette image qui entra dans son subconscient, y acquit une force qui la projetait dans
les crises d ’hystérie que Janet décrit ainsi :
« U suffit, pour provoquer des manifestations intelligentes, de déterminer des
« phénomènes en rapport avec ceux que la malade perçoit encore, d ’entrer pour
« ainsi dire dans le rêve. Au moment où Justine s’écrie : « Le choléra, il va me pren-
« dre... » je lui réponds : « Oui, il te tient par la jambe droite », et la voici qui retire
« violemment sa jambe droite. De cette façon, on arrive, avec un peu de patience,
« à provoquer des réponses et à causer même avec la malade : « Où est-il donc ton
« choléra ? — Là, vous voyez bien, ce mort tout bleu, comme ça pue ! ». Quand
« on en est arrivé à ce point, on peut diriger l’esprit lentement sur d ’autres sujets
« et causer un peu de choses et d ’autres. Il est vrai que la conversation va être fré-
« quemment interrompue par des contorsions et des cris de terreur, mais elle sera
« bientôt de plus en plus complète. A la fin de l ’attaque, Justine ne se souvient pas
« plus de la conversation intercalée que du délire lui-même. Ce sont là des phéno-
« mènes bien connus sous le nom de somnambulisme, qui vont nous permettre d'entrer
« plus avant dans la connaissance de l’attaque elle-même. Dans les premières expé-
« riences, nous étions obligé de provoquer l ’attaque avant de faire naître cet état
« somnambulique, plus tard il fut possible de supprimer presque complètement les
« convulsions du début et de provoquer le somnambulisme plus directement. »
P. Janet pratiqua la méthode des associations libres en faisant affluer à la conscience
de la malade tout un système d’images :
« Ce sont d ’abord des images visuelles : deux cadavres, dont l ’un surtout est
« visible au premier plan, « un pauvre vieux tout nu, vert et bleu »; des images olfac-
« tives, une odeur infecte de putréfaction; des images auditives : « on sonne les morts,
« on crie : choléra, choléra »; des images kinesthésiques qui se manifestent par les
« crampes, les cris, les vomissements, la diarrhée. Toutes ces images ont une origine
« bien nette, elles représentent toutes les sensations que cette femme a pu éprouver
« par rapport au choléra. »
C’est ce système d ’images cristallisées dans l ’idée fixe que P. Janet entreprit de
diviser et de transformer en lui substituant une autre « figuration plus pittoresque
et moins dramatique : celle d ’un général chinois ! :
« Au lieu de les supprimer, je me bornais à les modifier par une sorte de substi-
« tution. Ainsi j ’ai cherché à transformer l’aspect des cadavres et surtout j ’ai passé
« plusieurs séances à les habiller. L’Hallucination d ’un vêtement, puis un autre,
« réussit assez bien ; enfin le cadavre principal parut affublé du costume d ’un général
« chinois que Justine avait vu à l ’Exposition. Le succès fut surtout complet quand je
«. parvins à faire lever et marcher le général chinois, il n ’était plus terrifiant et mêlait
« à l’attaque un élément comique de l’effet le plus heureux. Il est inutile de raconter
« par le détail plusieurs transformations du même genre qui tendaient toutes au même
« but, décomposer l’idée de choléra et la rendre méconnaissable. Sous cette influence,
« la maladie se transformait très rapidement, les crises devenues très incomplètes
« n ’amenaient plus de vomissements ni de diarrhée, elles ne consistaient plus qu’en
« quelques cris mêlés d ’éclats de rire. Chose singulière, mais que j ’ai notée déjà fré-
« quemment, les cris cessèrent de se produire pendant le jour et n ’apparurent plus
« que pendant la nuit. Il semblait, si l’on peut faire cette supposition, que l ’idée
« subconsciente de choléra était trop faible pour apparaître au milieu des sensa-
IDÉES FIXES ET PERSONNALITÉS MULTIPLES 887

« tiöns et des idées de la veille, mais qu’elle développait plus facilement à la faveur
« du sommeil. Justine pendant la nuit avait des mouvements de terreur, des convul-
« sions, appelait au secours, etc. Une dissociation plus avancée, la substitution de
« rêves suggérés réduisirent encore ces cauchemars et la maladie semblait considé-
« rablement réduite au moins sous cette première forme. »
P. Janet entreprit ensuite une nouvelle étape dans la dislocation de l’idée fixe,
celle de sa destruction sur le plan verbal :
« Je transformai par suggestion le mot cho-lé-ra en nom propre du général chinois.
« Je laissai la main écrire automatiquement la première syllabe cho, puis je la dirigeais
« et lui faisais finir le mot chocolat. Je déterminai par suggestion des paroles automa-
« tiques, des mots commençant par co, comme coton, coqueluche, cocorico. Ce dernier
<( terme détermina même une Hallucination spontanée, celle d ’un coq que la malade
« voyait apparaître dès qu’elle commençait à penser aux mots commençant par co.
« Nous n ’osons pas insister sur la description de ces procédés et d ’autres du même
« genre qui sont très utiles, mais qui paraîtront un peu enfantines. Nous dirons, pour
« notre excuse, que la pédagogie ne nous a pas encore indiqué beaucoup de procédés
'< pratiques pour décomposer et détruire les souvenirs. Au milieu de toutes ces Hal-
« lucinations, de toutes ces paroles automatiques, Justine arrive à s’embrouiller
« complètement. Quel est donc ce mot qui me tourmentait, disait-elle, je le
« cherche depuis huit jours, il se sépare, je ne peux plus le rassembler, c’est co... coton,
« non, c’est cho lé ra, c’est un mot étranger. Qu’est-ce qu’il signifie ? »

Ainsi, ces crises hallucinatoires avec « ecmnésie » de la scène terrifiante


qui formait une sorte d ’enclave psychique dans la personnalité de Justine ont
disparu quand s’est dissipée au cours de l ’analyse — on peut dire de la psych­
analyse — la cohésion elliptique de l ’énoncé, de l ’idée fixe. Et c ’est bien ainsi,
q u ’en général, les symptômes de la névrose hystérique paraissent et disparaissent
comme s’ils constituaient un système idéo-affectif parasitaire qui tend constam­
ment à s’émanciper par et dans la force de sa conglomération, à échapper au
contrôle du Moi, à se libérer tant que le Sujet n ’en est pas libéré.
Mais il existe des cas où cette structure hallucino-névrotique est permanente
et constitue même le premier plan de l’existence. Parfois, comme dans les fameu­
ses « personnalités multiples », ce parallélisme établit plusieurs plans de clivage
ou de compartimentage, allant jusqu’à juxtaposer plusieurs systèmes de person­
nalités. Les fameux cas de la dame de Macnish(1836), l’Estelle de Despine(1840),
Ansel Bourne de Hodgson (1891), Felida d ’E. Azam (1887), Miss Beauchamp
de M orton Prince (1906), etc., sont bien connus de tous. H. F. Ellenberger
(1970) en a fait un très remarquable exposé dans son ouvrage sur la « Décou­
verte de l ’Inconscient » (p. 126-147). C ’est le plus souvent sous forme de
possession (diabolique ou médiumnique) que se manifeste le développement
de l’idée fixe. Et, en effet, les phénomènes d ’écriture automatique, les transes
somnambuliques ou spirites et, bien sûr, les cohabitations érotiques incubes ou
succubes constituent les modalités les plus spectaculaires du développement sté­
réotypé, à partir des albums d ’images d ’Épinal, de l’iconographie de saint Sul-
pice ou des almanachs de l ’érotisme et de l ’ésotérisme des plus scéniques, rituelles
passionnelles et convulsives figurations du plaisir, du désir et du mystère.
888 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

Tel était le cas d ’Achille dont nous pouvons rappeler l’histoire que l ’on
trouvera également dans « Névroses et Idées fixes"» (p. 375-406) :

Cas d ’A chille. Achille après un petit voyage d ’affaires au cours duquel il


commit quelques infidélités conjugales devint sombre et, ne pouvant plus parler,
U fit littéralement le mort jusqu’au jour où il éclata de rire et fit toutes sortes d ’excen­
tricités, se disant possédé par le démon. Voici comment P. Janet pratiqua ce qu’il
appelle lui-même son « exorcisme » :
« Au lieu de m ’adresser directement au malade, qui je le savais trop bien, m ’aurait
« répondu par des injures, je le laissai délirer et déclamer tout à son aise ; mais
« me plaçant derrière lui, je commandai tout bas quelques mouvements. Ces mou-
« vements ne s’exécutèrent point ; mais, à ma grande surprise, la main qui tenait
« le crayon se mit à écrire rapidement sur le papier placé devant elle et je lus cette
« petite phrase que le malade avait écrite à son insu, comme tout à l ’heure il signait
« son nom sans le savoir. La main avait écrit : « Je ne veux pas ». Cela semblait
« une réponse à mon ordre, il fallait continuer. Et pourquoi ne veux-tu pas ? lui
« dis-je tout bas sur le même ton ; la main répondit immédiatement en écrivant :
« parce que je suis plus fort que vous. — Qui donc es-tu ? — Je suis le diable. — Ah !
« très bien, nous allons pouvoir causer. »
« Tout le monde n ’a pas eu l ’occasion de pouvoir causer avec un diable, il fallait
« en profiter. Pour forcer le diable à m ’obéir, je le pris par le sentiment qui a toujours
« été le péché mignon des diables, par la vanité. Je ne crois pas à ton pouvoir, lui
« dis-je, et je n ’y croirai que si tu me donnes une preuve. — Laquelle ? répondit
« le diable, en empruntant comme toujours pour me répondre la main d ’Achille
« qui ne se doutait de rien. « Lève le bras gauche de ce pauvre homme sans qu’il
« le sache ». Le bras gauche d ’Achille se leva immédiatement.
« Je me tournai alors vers Achille, je le secouai pour attirer son attention sur
<( moi et je lui fis remarquer que son bras gauche était levé. Il en fut tout surpris et
« il éprouva quelque peine à le baisser. « Le démon me joue encore un tour, dit-il ».
« C’était juste, mais cette fois le démon avait fait cette mauvaise plaisanterie par
« mon ordre.
« Par le même procédé je fis faire au diable une foule d ’actions différentes, il
« obéissait toujours parfaitement. Il faisait danser Achille, lui faisait tirer la langue,
« embrasser un papier, etc. Je dis même au diable, toujours pendant une distraction
« d ’Achille, de montrer des roses à sa victime et de lui piquer les doigts, et voici Achille
« qui s’exclame parce qu’il voit devant lui un beau bouquet de roses ou qui pousse
« des cris parce qu’on vient de lui piquer les doigts. »
P. Janet conduisit le traitement un peu comme une psychanalyse, là encore, et
il mit à jour la culpabilité (1) de ce malheureux possédé, non plus par le diable, mais
par le remords :
« Ces modifications n ’avaient lieu que pendant le somnambulisme, mais elles
« avaient un contre-coup bien remarquable sur la conscience du personnage après

(1) Bien entendu, P. J anet s’arrêta à cette culpabilité subconsciente, là où F reud


ne se serait pas arrêté, pour aller jusqu’aux phantasmes plus profonds d ’une culpa­
bilité plus anachronique.
IDÉES FIXES ET PSYCHOSES HYSTÉRIQUES 889

« le réveil. Il se sentait soulagé, délivré de cette puissance intérieure qui lui enlevait
« la libre disposition de ses sensations et de ses idées. Il devenait sensible sur tout
« son corps, il retrouvait tous ses souvenirs, bien plus il commençait à juger son délire.
« Au bout de peu de jours il avait fait assez de progrès pour rire de son diable et il
« expliquait lui-même sa folie en disant qu’il avait lu trop de romans. A ce moment
« il faut remarquer un fait curieux : le délire existait encore pendant la nuit. Achille
« endormi gémissait et rêvait à des tortures infernales : les diables le faisaient monter
« à une échelle qui s’allongeait indéfiniment et au bout de laquelle se trouvait un
« verre d ’eau ou bien ils s’amusaient encore à lui enfoncer des clous dans les yeux.
« Le délire existait aussi dans l’écriture subconsciente et le diable se vantait ainsi
« de reprendre bientôt sa victime. Ces procédés nous montrent donc encore les der-
« nières traces du délire qui pourrait persister à notre insu. Il est bon d ’en tenir compte,
« car un malade abandonné à ce moment ne tarderait pas à retomber dans les mêmes
« divagations.
« Grâce à des procédés analogues, les derniers rêves furent transformés et bientôt
« ils disparurent complètement. J ’ai constaté à ce moment un fait sur lequel j ’ai déjà
« souvent attiré l ’attention, c’est que les somnambulismes et l’écriture automatique
« diminuèrent aussi en même temps. Le malade n ’eut plus un oubli aussi complet
« après les somnambulismes, il n ’était plus aussi anesthésique pendant les écritures
« subconscientes. En un mot, après la disparition de l ’idée fixe, l’unité de l’esprit
« se reconstituait ».

De tels cas peuvent paraître nous éloigner de l ’Hystérie pour nous rap­
procher des Délires systématisés. Et cela est bien vrai, car nous rencontrons
ici ce point de contact sur lequel nous avons déjà insisté (notamment au début
de ce chapitre) entre Névroses et Psychoses. Les rapports cliniques entre la
Paranoïa, les Délires d ’influence médiumnique ou de possession et les idées
fixes hystériques sont là pour nous le rappeler. Mais dans ces idées fixes hysté­
riques — pour si hallucinatoires ou pseudo-hallucinatoires q u ’elles soient —
l ’imaginaire se joue sur le plan de l ’imagerie, et c’est précisément ce jeu que
déjoue le clinicien en traitant son malade comme un hystérique et en réussissant
à rompre l ’auto-suggestion par sa contre-suggestion. Et c ’est cette structure
« psychoplastique » de l ’idée fixe qui la distingue justem ent de l ’idée délirante
dont nous avons vu q u ’elle est essentiellement irréductible, et à un jeu du Sujet et
au jeu du psychothérapeute. Telle est, en effet, la forme même de ces idées
fixes et de leur aspect hallucinatoire que constituent leur facticité, leur théâ­
tralité, somme toute, leur plasticité (1).

(1) C’est dans le sens de ces analyses classiques (P. J anet) de l’idée fixe que S. F ol-
lin, J. Chazaud et L. Pilon ont publié trois cas de « Psychoses hystériques » (Évol.
Psych., 1961, p. 257-286), en insistant sur le fait que les Hallucinations y étaient mar­
quées d ’un signe de « presque » (ou de « comme si »), tandis que l’ensemble de cette
modalité « psychotique » d’hystérie se joue la comédie dramatique d’un « sujet à la
« recherche de son personnage dans son identité sexuée et sa filiation œdipienne ».
Dans sa récente étude, P. A. Martin (1971) sur les Psychoses hystériques indique
(p. 747) qu’elles comportent des Hallucinations (cf. aussi l’article deM. H. H üllender,
Amer. J. Psych., 1964, 120, pp. 1-066-1074).
890 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

Nous pouvons ici faire état d ’un cas que la « clinique quotidienne » nous a
donné d ’observer au moment même où nous rédigions ce chapitre. Il s’agit
d ’une jeune fille de 20 ans qui a brusquement présenté un « syndrome hallu­
cinatoire avec automatisme mental ». Elle a senti et entendu « la machine »
d ’un contremaître de son usine la prendre à partie. Il lui parle, connaît sa
pensée, l ’attire, la viole aussi. Dès q u ’elle passe dans son « rayon d ’action »,
elle est soumise à des rapports intimes qui la bouleversent et q u ’elle se sent
obligée d ’accepter même chez elle, et notam m ent lorsqu’elle s’étend sur le lit
de ses parents. A u cours de l’observation et de la psychothérapie, elle a ressenti,
alors q u ’elle est hospitalisée et p ar conséquent loin de la machine, des sensations
voluptueuses, et son bras s’est engourdi ou paralysé comme si, dit-elle, elle
était empêchée de s’en servir pour participer aux rapports qui lui sont imposés.
Le symbolisme de la machine, le mécanisme évident de projection de la libido,
les orgasmes éprouvés sous l ’influence de la machine hallucinatoire — alors
que dans les relations sexuelles « normales » elle était frigide — la configuration
délirante parfaitem ent claire limitée dans ses contours scéniques et dans la
répétition stéréotypée d ’une situation érotique si manifestement désirée et
refoulée, constituaient un ensemble de symptômes qui s’ordonnaient concen­
triquem ent à un complexe affectif fondamental. Sans doute lorsqu’on parle
du Délire, ou d ’une Psychose hallucinatoire systématisée abortive ou résiduelle,
vise-t-on une constellation de troubles hallucinatoires ou d ’idées délirantes
caractérisées p ar la simplicité schématique des phénomènes d ’automatisme
mental (Hallucinations psychiques, écho et devinement de la pensée, Halluci­
nations corporelles et spécialement génitales). Mais le caractère de ce scénario
découpé ici, à l ’emporte-pièce dans l ’existence de la jeune fille est si manifeste­
ment symbolique et si caricaturalement expressif d ’une libido qui s’investit vio­
lemment sur des images hallucinatoires, et plus aisément sur elles que dans les
relations réelles, que ces phénomènes de possession érotique nous ont fait
poser le diagnostic d ’une idée fixe hystérique plutôt que celui d ’un Délire
systématisé ou schizophrénique. Car ici, la fixité du « système » n ’a pas paru
être celle d ’un « système délirant » précisément irréductible et inébranlable,
mais plutôt celle d ’un drame, d ’une scène se jouant dans la sphère de la repré­
sentation, pour tout dire, dans cette atmosphère de théâtralité dont nous venons
de rappeler q u ’elle est la structure névrotique par excellence. Et c ’est bien à ce
degré d ’approfondissement que doit aller le diagnostic clinique — le diagnostic
mais aussi le pronostic et le traitem ent — pour saisir ce q u ’il peut y avoir
d ’hystérique dans cette imagerie hallucinatoire où s’exprime jusqu’à s’y épuiser
la satisfaction du désir. L ’évolution même des troubles, leur rapide disparition
sous l ’influence d ’une psychothérapie « cathartique » nous ont montré que
nous n ’avons pas eu tort de poser le diagnostic d ’hystérie et de traiter cette
névrose comme telle.
La morale à tirer de cette histoire — et certainement de centaines d ’autres
semblables — c’est, non pas comme on ne cesse de le dire ou le proclamer
que ces cas m ontrent la psychogenèse du Délire et des Hallucinations, mais
que la névrose comporte, comme la psychose, une certaine manière de délirer,
ÉTATS CRÉPUSCULAIRES HYSTÉRIQUES 891

c ’est-à-dire une modification du système de la personnalité, un « processus


psychique » au sens de Jaspers (cf. plus haut, le chapitre II, pp. 429-432 de la
3e partie et le chapitre II de la 5e partie, pp. 813-816), et q u ’il ne suffit pas
que le tableau clinique soit occupé par des Hallucinations pour être « psycho­
tique », et encore moins q u ’il s’agisse d ’un Délire chronique schizophrénique
ou systématique. E t il suffit, en effet, pour se prém unir contre cette erreur ou
ce préjugé d ’avoir présente à l’esprit cette vérité clinique si simple pour que
tan t de cas abusivement rangés dans la forme hallucinatoire des Psychoses
soient to u t simplement placés dans les formes hallucino-névrotiques.
Certes, on peut se demander si, après ce que nous venons de dire, le dia­
gnostic « de jure » étant bien correctement établi il n ’est pas difficile de tran­
cher « de fa cto », c’est-à-dire de s’assurer que certains « délirants » ne sont pas
« seulement » des hystériques ? Nous le croirions volontiers, et ce ne serait pas
le moindre mérite de nos analyses de l’Hallucination en général et de l’Hallu­
cination névrotique en particulier, que de lever l’hypothèque d ’un diagnostic
qui, en ne se posant pas dans cette alternative, risque souvent d ’être tranché
dans le seul sens d ’un véritable délire attribué à ces « faux délirants... ». Tant
il est vrai que l’hystérie ne fabrique pas seulement de fausses maladies orga­
niques, mais fabrique aussi de fausses maladies mentales et brouille les cartes
nosographiques selon le génie propre à cette m odalité morbide de falsification,
d ’inauthenticité de l ’existence, fût-elle délirante...

c) Les états crépusculaires hystériques. — Ce sont, si Ton veut, des


états d ’hypnose spontanée placés sous le signe de Tauto-suggestion, comme
l ’hypnose se place sous le signe de l’hétéro-suggestion. De tels états hypnoïdes
(ou « seconds », ou « somnambuliques ») sont appelés hystériques, parce q u ’on
les observe chez les névrosés hystériques comme une manifestation typique de
leur névrose. Mais ils peuvent se présenter aussi dans des conditions exception­
nelles, comme un choc émotionnel, une situation dramatique. C ’est ainsi que
ce que Ton a appelé parfois « l ’hypnose des batailles » dans la Psychiatrie
de guerre, ou les « réactions de panique », ou des « états névrotiques d ’an­
goisse » plus ou moins paroxystiques et réactionnels (Ausnahmezustände des
auteurs de langue allemande) qui ont été souvent observés et décrits dans
la Psychiatrie de guerre, les catastrophes ou à l’occasion d ’un traumatisme
psychique (deuil, crime, viol, accident).
Nous avons certainement omis dans nos études sur la déstructuration du
Champ de la conscience de faire état de ce premier degré de sa désorganisation
qui a fait l’objet dans l ’école allemande de ce que Jaspers et Mayer-Gross
appellent « das veränderte Bewusstsein » opposé à « das zerfallende Bewusst­
sein » (1). Ce qui caractérise, en effet, cette modalité de déstructuration de

(1) Nous avons essayé de combler cette lacune dans notre étude sur les Troubles
de la Conscience (texte anglais) paru dans le Handbook o f Neurology (1968). Si l ’école
allemande oppose ainsi cette conscience hypnoïde agglutinée ou cristallisée dans son
892 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

la conscience, c’est précisément sa concentration (le rétrécissement du Champ


de la conscience, dirait Janet). L ’expérience vécuê est constituée par un flux
d ’images qui se développent dans un mouvement intrinsèque et autonome,
comme diaphragmé par les contours de l ’idée fixe. Que celle-ci soit un souvenir
d ’une scène d ’épouvante ou la représentation mystique ou érotique d ’une
image d ’Épinal, elle isole dans le spectacle ou la situation hallucinatoire qui
la fascinent et la captent toutes les péripéties qui l ’animent. Sidérée et happée
par cette configuration, la Conscience dans cet « état second » crée, en effet,
une sorte de Second foyer de la conscience où éclipsant la réalité, flambe l ’ima­
gination. C ’est « à côté » de la réalité refoulée à la périphérie de son champ
que la conscience hypnotisée de ces états crépusculaires concentre les rayons
de son intentionnalité. Et c ’est bien comme syndrome de cet « à côté » du réel
que fut décrit justement le fameux « Syndrome de Ganser » pour autant préci­
sément q u ’il vise moins un trouble profond de la Conscience q u ’une certaine
manière de se prendre à son contenu et de se laisser absorber par lui. Sans doute,
un tel état crépusculaire est-il analogue en bien des points à l’état onirique (1).
Mais une différence profonde — ou, si l ’on veut, la profondeur même de la
déstructuration de la Conscience — sépare les états crépusculaires de ce niveau
névrotique du niveau confuso-onirique, et même des états oniroïdes des expé­
riences délirantes ; car, ici, la Conscience ne se prend pas entièrement à la fiction
qu’elle laisse se développer en elle en s’adonnant au charme, au mystère ou
à l ’intérêt dramatique (comique ou tragique) de la représentation qui s’y joue.
Si toute déstructuration du Champ de la conscience comporte cette structure
scénique, par contre 1’ « expérience » typiquement vécue dans l ’état crépusculaire
hystérique se détache du vécu. De telle sorte qu’il s’agit moins d ’une expé­
rience vécue que d ’un jeu dont l ’hystérique est l ’auteur, l ’acteur et le specta­
teur (2). C ’est bien ainsi que jouait par exemple sa scène dramatique cette jeune
fille qui se livrait à l ’image horrible de son père transformé en serpent, en serpent
réel q u ’elle avait capté dans un bois et q u ’elle arborait comme le glorieux sym­
bole de son irréalité ou l’affreux objet de son impossible désir. Elle nous tint
longtemps dans la crainte d ’une évolution schizophrénique, mais voilà main­
tenant vingt ans que nous assistions à la tragédie œdipienne q u ’elle nous

vécu compact à la conscience disloquée, tandis que P. Janet la désignait comme un


« rétrécissement » du Champ de la conscience, les deux interprétations ou analyses
phénoménologiques se recoupent pour souligner le caractère essentiellement « hyp­
notique » de cette expérience concentrée par le diaphragme de son intentionnalité,
de sa visée scénique.
(1) R égis en découvrant l’onirisme ne le rapprochait-il pas explicitement de l ’hyp­
nose et de ces « états seconds » ? (Régis, Hallucinations oniriques des dégénérés mys­
tiques, Congrès des Aliénistes, 1894).
(2) R acamier (P. C.), Hystérie et Théâtre. Entretiens Psychiatriques, tome I,
1952, p. 17-52.
ÉTATS CRÉPUSCULAIRES HYSTÉRIQUES 893

donnait et q u ’elle se donnait en spectacle, et q u ’elle a une vie sociale normale


sans aucune rechute. Cliniquement, l ’excès même de l’expression, la vio­
lence passionnée de l ’affect, le symbolisme sexuel en quelque sorte carica­
tural, sont des caractéristiques de ces scènes de reviviscence ou d ’imagination
dans lesquelles le Sujet s’absorbe. Il s’hypnotise lui-même, il s’auto-sugges-
tionne et se prend lui-même en s’y livrant avec complaisance au mirage
q u ’il crée comme pour, dans son défi, son plaisir, son extase ou sa peur,
satisfaire le paroxystique besoin d ’épuiser jusque dans ses dernières
possibilités ce que son image — ici, le plus souvent unique, même quand
elle est composée — contient et implique de concret, de singulier et d ’exorbitant.
E t ce sont, en effet, tous ces caractères de l ’attitude du Sujet engagé dans sa
propre production d ’imaginaire qui impriment à cet « état crépusculaire hys­
térique » sa marque hystérique, celle d ’un faux semblant auquel l’intensité
pittoresque et outrancière de son simulacre ajoute un artifice de plus.
Pour bien comprendre la « singularité » des Hallucinations dites Pseudo-hal­
lucinations névrotiques, nous avons dû approfondir la structure même des
névroses (1).
Ce sont essentiellement des maladies de la personnalité, terme, certes, vague
q u ’il s’agit de préciser. En effet, les Psychiatres et Psychanalystes parlent de for­
mes psychopathologiques de « la Conscience » ou « du Moi » en confondant
ainsi des faits de désorganisation de la vie psychique qui constituent pourtant
deux modalités différentes de « troubles mentaux ». Tantôt, en effet, ceux-ci sont
fondamentalement vécus comme des expériences de l’imaginaire qui se substitue
au réel. Tantôt, ils sont fondamentalement pris dans une altération ou aliénation
du Moi qui perd l’axe de sa trajectoire existentielle (déséquilibre) ou renverse
le système des croyances et des idées qui représentent sa conscience de soi
et ses relations fixes à son monde (délires chroniques). Les Névroses se situent
dans cette dernière manière de n ’être pas au monde de la réalité. Leur carac-

(1) En écrivant ce chapitre sur les Hallucinations des Névroses, comme le cha­
pitre précédent sur les Hallucinations des Délires chroniques, nous avons obéi aux
enseignements de la clinique en ce sens que l’Hallucination nous est apparue « sur
le tas », sur le terrain de la clinique, comme la clé de voûte de toute la psychopathologie
pour autant qu’elle gravite tout entière sur le problème de la réalité dans ses rapports
avec le désir ou, si l ’on veut, celui de l ’objectivité dans ses rapports avec ses affects.
Nous avons été ainsi entraîné par la clinique même de l ’Hallucination à esquisser
une fois de plus notre propre conception des Psychoses chroniques et des Névroses.
Par là, le travail que nous venons de faire — comme nous l’avons fait déjà dans notre
livre sur « La Conscience », et aussi dans notre « Manuel » en collaboration avec
P. Bernard et Ch. Brisset ou encore au Colloque du XIIIe à Paris (1972) — s’il ne
nous dispense pas des « Études » que nous nous proposons toujours de consacrer
aux Psychoses chroniques et aux Névroses, en découvre par anticipation le sens géné­
ral. De sorte que si nous ne pouvons pas mener à bonne fin la série de nos « Études »
qui sont pour nous l ’essentiel de notre œuvre psychiatrique, même si elles n ’étaient
pas achevées, elles seraient pour ainsi dire déjà contenues, ici et là, dans leur premier
développement « embryonnaire ».
894 NÉVROSES ET HALLUCINATIONS

téristique essentielle est de se développer comme une personnalité tronquée


au niveau de son achèvement ou de sa m aturation (1), celui de l’identité du per­
sonnage que l’homme normal, dépassant ses propres contradictions et ses
conflits internes, assume en se libérant de l ’angoisse qui tout à la fois manifeste
et consacre la précarité et la problématique de son image de soi. Tout, dans
la névrose, se joue en effet sur la scène intérieure de la représentation de soi.
Non pas comme dans le rêve quand le Sujet qui dort (ou dans les états délirants
analogues) vit comme des scènes ses expériences plus ou moins analogues
à celles du rêve, mais plutôt dans cette forme de la représentation de l ’existence
dans la sphère des croyances, dans le lieu anthropologique où s’articule le
propos existentiel, là où le Moi a à devenir.
E t c’est ainsi que le monde de l ’obsédé, ce névrosé du tourment, est essen­
tiellement celui du doute qui « problématisé » toutes ses relations dans un uni­
vers d ’objets magiques (ses actions, son langage, ses images) dont il ne cesse
de faire l ’aliment d ’une angoisse perpétuellement entretenue et indéfiniment
renouvelée.
C ’est aussi dans cet imaginaire que l’hystérique, ce névrosé du désir, truque
la réalité en la troquant contre le jeu de ses fantasmes, dans un irrésistible et
inextinguible besoin de tricher au bénéfice de son désir. Cet ordre du désir
est comme l ’agent de son auto-suggestion, de cette auto-hypnose qui place
son existence entre les parenthèses d ’un « comme si », d ’un simulacre de vaines
et vaniteuses satisfactions. Si la névrose obsessionnelle ou psychasthénique
touche assez rarement et profondément la structure même du Cham p de la
conscience, par contre l’hystérie se complaît à son évanouissement et à ses
éclipses. Gagné par le développement et les forces de ses idées fixes, comme
le yoga ou l ’extatique, ou encore l ’homme foudroyé par l ’émotion ou entraîné
par l’exaltation collective, l ’hystérique se laisse aller à un état crépusculaire
où il vit avec intensité sa représentation.
L ’Hallucination dans ses formes d ’existence est comme le corrélât de leur
artifice. Chez l’obsédé, elle est l ’instrument même du supplice q u ’il s’inflige
par la représentation même de l’objet de son obsession. Chez l’hystérique, elle
est la « réalisation » d ’une image qui abolit la distance qui sépare le désir de
la réalité. Mais dans les deux cas, l’Hallucination demeure comme entre les
parenthèses d ’un doute ou d ’un simulacre; de telle sorte q u ’elle est prise, soit
dans l’irréalité d ’une angoisse obsédante plutôt que délirante, soit dans l’irréalité
d ’un fantasme qui, comme dans l ’hypnose, est suggérée, c’est-à-dire ordon­
née.
Ainsi, les phénomènes hallucino-névrotiques ne peuvent certes pas être
considérés comme radicalement différents des Hallucinations délirantes, mais
ils ne se confondent pas non plus avec elles. Le monde de la névrose ne peut ni
engendrer, ni accueillir l ’Hallucination comme le monde du Délire en tan t que

(1) Erkrankung der Entschlussfähigkeit, dit (comme P. J anet) O. S chw artz


(1935), Neurasthenie Entstehung, Bâle, éd. B. Schwabe, 1951.
BIBLIOGRAPHIE 895

celui-ci sape les fondements mêmes de la réalité; de telle sorte que l ’Hallucina­
tio n des névrotiques apparaît spécifiquement dans un au-delà de la réalité
qui ne comporte, ni perception, ni objet.
Mais la création d ’un monde névrotique artificiel ne saurait pas non plus
être tenue pour radicalement différente de la substitution d ’une autre réalité
à la réalité (Freud), de la création du monde délirant ; car l ’un comme
l ’autre sont des manières de ne pas être au monde, dans le Délire en substi­
tuant l’imaginaire à sa réalité, dans la Névrose en surchargeant d ’imaginaire
s a réalité. Le Délire et l ’Hallucination « travaillent » à se soustraire dans
l ’aliénation de la personne au système de la réalité; la Névrose et ses Halluci­
nations travaillent dans la falsification du personnage à altérer le système
des valeurs, c’est-à-dire de fausser le mouvement de sa liberté.

N O T IC E B IB L IO G R A P H IQ U E (1)

B inet et F éré (Ch.). — Le magnétisme animal, Paris, F ollin (S.), Chazaud (J.) et P ilon (L.). — Cas
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psi e nevrosi obsessional. Rio. sper. di Freniatria, 148, 745-772.
1958, p. 588-617.

(1) On trouvera dans les travaux que nous citons ici la bibliographie la plus impor­
tante jusqu’en 1950, puis dans la Bibliographie des « travaux sur les Hallucinations »
à la fin de cet ouvrage, les travaux qui se rapportent à ce sujet de 1950 à 1971.
SIX IÈ M E P A R T IE

THÉORIES PATHOGÉNIQUES
« LINÉAIRES »
(M O D È L E S M É C A N IS T E E T P SY C H O D Y N A M IQ U E )
GÉNÉRALITÉS

Comme nous l’avons précédemment exposé (Première partie) en esquissant


les données du problème général des Hallucinations, il existe deux modèles
fondamentaux d ’une théorie de l ’Hallucination. L ’un est « linéaire » et consiste
à lier p ar une ligne ou vecteur et dans un rapport simple l ’image à la perception,
soit que l ’image devienne perception sous l’effet d ’une force mécanique, soit
que l ’image devienne perception sous l ’effet d ’une force psychique(1). — L ’autre
est « architectonique » et consiste à faire dépendre la genèse de l ’Hallucination
d ’une désorganisation de l ’appareil psychique, à la considérer comme l ’effet
d ’un « échappement au contrôle » de l ’être conscient altéré en lui-même ou
dans ses organes sensoriels.

Aux théories « linéaires » correspondent, d ’une part les théories méca­


niques de l ’Hallucination, et d ’autre part les théories psychogéniques de l’Hal­
lucination. En examinant les thèses, implications et corollaires qu’elles compor­
tent, nous nous proposons de m ontrer q u ’elles sont également insoutenables.
En effet, leur erreur commune — et constamment dénoncée dans cet ouvrage —
consiste à réduire l’Hallucination à un phénomène de simple émergence « posi­
tive »: ici, excitation des centres sensoriels; là, poussée d ’affects — hypothèses
se heurtant, dans les deux cas, aux exigences d ’une « complication » du modèle
théorique qui requiert une conception architectonique, ici, de l’édifice fonction­
nel du système nerveux, et là, de l’appareil psychique; car l ’Hallucination

(1) Le modèle linéaire de ces deux classiques théories — également insoutenables —


de l’Hallucination considérée comme un phénomène positif, consiste à réduire l ’Hal­
lucination à Vintensité de l ’image mais en deux sens bien différents. Les théories méca-
nicistes fondent cette intensité sur un processus de néo-production pathologique,
la création « ex nihilo » (l’ecphorie de la trace d ’une image) d ’une sensation ; de telle
sorte que l ’Hallucination, phénomène radicalement hétérogène à la vie psychique,
en définitive est un objet, un corps étranger perçu par le Sujet. — Les théories psycho­
géniques fondent cette intensité de la représentation sur le développement quantitatif
de l ’affect dont le désir, en dernière analyse, se projette dans l’objet hallucinatoire ;
de telle sorte que l’Hallucination se déduit des propriétés générales de l’image et ne
constitue aucun phénomène pathologique particulier. Tant il est vrai que fonder
l’Hallucination comme simple phénomène positif réductible à l’intensité des images
n ’explique rien pour conduire -à deux interprétations abstraites, diamétralement
opposées et complètement contradictoires.
900 LES THÉORIES PATHOGÉNIQUES (GÉNÉRALITÉS)

n ’apparaît jam ais que comme l ’effet négatif de' leur déstructuration. De telle
sorte que tout naturellement après avoir contesté la validité des théories étiopa­
thogéniques, mécanistes et psychodynamiques de la « projection hallucina­
toire », nous serons amené à formuler une conception organo-dynamique de
l ’Hallucination qui tienne compte de Y architectonie de l’être psychique
to u t entière construite contre l’illusion des images. Car si l ’Hallucination n ’est
pas « chez l ’hallucinant » une image intensifiée ni p ar la seule « ecphorie
de ses engrammes », ni par la seule vivacité de son désir, elle est toujours
pour lui et les autres une « manière-de-n’être-plus-au-monde-de-la-réalité »
qui suppose une désorganisation totale ou partielle de l ’acte perceptif.
Les théories « mécanistes » de l ’Hallucination se réduisent en fin de compte
à la doter d ’un objet fabriqué par l’excitation des centres nerveux. Elles détrui­
sent l’Hallucination pour l’expliquer en dotant d ’un objet la « perception sans
objet ». De telle sorte que l ’Hallucination ne com porterait aucune anomalie
de l’expérience et de l’ordre de la réalité pour n ’être q u ’une perception fondée
sur les propriétés physiques de la mécanique corporelle et spécialement céré­
brale, thèse incompatible bien entendu non seulement avec la manière délirante
de « n ’être-plus-au-monde-de-la-réalité », mais aussi avec la manière « éido-
lique » de ne plus s’accorder avec le système de la réalité.
Les théories « psychogéniques » également, mais en sens inverse, « scoto-
misent » (parfois inconsciemment, mais parfois systématiquement) dans les
théories générales de l’Hallucination la « manière-de-n’être-plus-au-monde-de-
la-réalité ». N ’être plus au monde de la réalité c’est bien, en effet, en un certain
sens, adhérer aux phantasmes du désir, être enraciné dans sa « volonté de puis­
sance » ; et c’est bien là la condition originaire de l ’existence pour autant qu’elle
est tout entière dirigée p ar les forces « affectives » — au sens le plus large du
terme — du Sujet. Mais c ’est aussi une manière d ’être nécessairement fantas­
magorique ou utopique, car l ’existence humaine (1) ne commence précisément
que par la constitution du système de la réalité. De telle sorte que, en thèse
générale, invoquer la « régression » vers le principe du plaisir ou la satisfaction
hallucinatoire du désir pour rendre compte de « la perception sans objet »,
c ’est se condamner à ne voir le phénomène (l’apparition) hallucinatoire que
dans sa virtualité affective certes toujours, exigible d ’une théorie générale
de l’Hallucination, mais toujours révocable pour ne jam ais rendre compte
de son passage à l’acte même du percept et, en définitive, à sa fausse « réalité ».
C ar l’Hallucination et le Délire ne sont rien ou ne sont que des maladies de la
réalité irréductibles à la pure et commune finalité du désir.
Tel sera le sens général de l ’exposé des deux thèses qui ne cessent de s’oppo­
ser dans les discussions sur l’étio-pathogénie de l ’Hallucination ; chacune
d ’elles m anque d ’ailleurs l ’essentiel de l ’Hallucination (l’une en la basant
sur un objet « réel », l ’autre en en faisant un objet du désir). Dès

(1) En tant qu’être au monde, c’est disposer d’un modèle personnel de son monde
(La Conscience, P. U. F., 1963).
GÉNÉRALITÉS 901

lors, il nous restera si nous voulons saisir l ’Hallucination dans la totalité


de sa structure, c ’est-à-dire (comme percept d ’un objet faussement objectivé,
c ’est-à-dire comme le paradoxe même d ’une réelle irréalité) à rechercher les
conditions de son apparition dans l ’organisation même de l ’être psychique,
ou plus exactement, dans sa désorganisation.
La théorie « organo-dynamique » qui se dégagera donc naturellement
de la critique des deux grands modèles classiques, se présentera essentiellement
comme une interprétation de l’Hallucination qui ne la réduit à être, ni un corps
étranger, ni une simple projection du désir inconscient, c’est-à-dire qui ne la
prend pas pour un phénomène « positif » pur et simple mais qui, au contraire,
la considère comme l’effet d ’une désorganisation de l ’être conscient, c ’est-à-dire
d ’un trouble négatif. Une telle vue systématique des conditions d ’apparition
du sens et de l ’évolution de l’activité hallucinatoire envisagée sous toutes ses
formes cliniques, seule peut permettre de mettre de l ’ordre dans tous ces pro­
blèmes touchant à la nature, à la séméiologie, à la nosographie et à la patho­
logie des Hallucinations, en nous perm ettant une classification naturelle de
cette modalité fondamentale de l’exercice involontaire de l ’imagination (comme
disait Baillarger), soit q u ’elle soit une maladie de la réalité (Délire), soit q u ’elle
soit un accident de la perception de la réalité (Éidolies).
Les trois solutions possibles au problème de la causalité de l ’Hallucination,
savoir : elle dépend d ’une excitation mécanique d ’images qui la basent sur
un objet réel mais inadéquat ; — elle dépend de la force de la représentation
d ’un affect inconscient qui la base sur les fantasmes du Sujet ; — elle dépend
d ’une désorganisation de l ’être conscient qui donne à l’irréalité des images
force de loi d ’une illusoire réalité; ces trois solutions mettent en question la
structure même de l ’être psychique pour autant q u ’il fonctionne « automati­
quement ». C ar le Sujet (l’être conscient) ne constitue pas la totalité de l’être
psychique, et quelque chose en lui lui échappe pour être mû p ar un mouvement
qui ne coïncide pas avec sa volonté. L ’Hallucination est dès lors, en effet,
interprétée selon les trois modèles théoriques que nous allons exposer. T antôt
elle est considérée comme l’effet d ’une perception intime d ’un objet autom ati­
quement et physiquement fabriqué. T antôt elle est considérée comme l ’effet
d ’une force machinale et inconsciente dont lé mouvement autom atique m et
le désir à portée de son objet. Tantôt, enfin, c ’est la désorganisation de l ’être
conscient qui libère les automatismes sous-jacents qui entrent alors dans un
monde de faux objets, ou plus exactement, dans un monde dont le statut de
l ’objectivité n ’est plus possible. C ’est bien, en effet, autour de cette notion
d ’ « autom atisme mental » comme l ’a si bien vu l ’école française depuis Baillar­
ger et Séglas ju sq u’à G. de Clérambault et P. Janet, que gravitent toutes les
positions doctrinales sur la nature et la genèse de l ’Hallucination. Nous allons
tâcher de ne pas l’oublier en exposant d ’abord les thèses qui s’affrontent puis
celle qui prétend les dépasser.
I
C H A P ITR E P R E M IE R

MODÈLE MÉCANISTE

Ce modèle postule la n o tio n d ’intensitém écanique(stim uliinternes)desim a­


ges « engrammées » dans les structures neuro-moléculaires. C ’est la théorie de
l ’excitation mécanique ou électrique neuro-sensorielle qui depuis le milieu du
xixe siècle a servi de support à ce modèle. La théorie mécaniste des Hallucina­
tions interprète un certain nombre de faits pathologiques et expérimentaux
incontestables pour en tirer une explication contestable des psychoses hallu­
cinatoires. Comme ce modèle mécaniste ne correspond évidemment pas à la
totalité et à la complexité des phénomènes hallucinatoires, nous verrons q u ’il
a subi des amendements, des inflexions, qui indiquent assez nettement que
cette conception classique de l ’Hallucination est en voie de régression.
Ce sont ces divers points que nous allons envisager (1).

(1) Ce chapitre écrit en 1968, puis révisé en 1972, reproduit le travail que nous
avons publié avec H. C laude (« Hallucinose et Hallucination. Les théories neuro­
logiques des phénomènes sensoriels », Encéphale, 1932, 27, p. 576-620) ; — le
mémoire que j ’ai publié dans l'Évolution Psychiatrique (« Les problèmes physiopa­
thologiques de l ’activité hallucinatoire », 1938, n° 2, p. 1-74). Nous reprenons donc
ici un travail commencé il y a 40 ans. Nous pensons que sa lecture pour être vraiment
efficace doit comporter la connaissance des travaux parallèles qui s’inscrivent en
contrepoint de cette longue réflexion : ceux de P . S chröder qui, dans sa critique
du point de vue mécaniste d ’Henschen (« Ueber Gesicht halluzinationen bei orga­
nischer Hirnleider », Archiv f. Psych., 1925, 73, p. 276-308), va à peu près dans le
même sens que les nôtres ; — le chapitre que Pierre Q uercy a consacré à ces pro­
blèmes (La neurologie de l’Hallucination, dans son ouvrage « L'Hallucination » (2 vol.,
Paris, Alcan, 1930) où il soutient la théorie d ’Opsiphile qui tend à se rapprocher du
modèle linéaire mécaniste) ; — le mémoire de G. de M orsier (Revue Oto-neuro­
ophtalmologique, 1938) qui constitue la somme la plus monumentale de faits et
d’analyses pouvant à ses yeux justifier la théorie mécaniste de l’Hallucination ; —
le livre de R. M ourgue (« Neurobiologie de l'Hallucination. Essai sur une
variété particulière de désintégration de la fonction », 1932, Bruxelles, éd. M. Lamer-
tin); — les C. R. du Symposium de Washington (L. W est, 1962); — le travail de
S. M ellina et R. V izoli (1968); — les récents articles de G. de M orsier (1969); —
les C. R. de la réunion de New York (W. K eup , 1969) publiés sous le titre « Origin
and Mechanism of Hallucinations ». On trouvera une documentation considéra­
ble sur l’ensemble des problèmes psychologiques et neurophysiologiques de la
projection hallucinatoire dans tôus ces travaux.
Ey. — Traité des Hallucinations. H. 30
904 LE MODÈLE MÉCANISTE

CONCEPTS FO N D A M E N TA U X

« L ’intensité de l ’image mentale fait sa vérité », s’exclame J. Soury en


rendant compte des conceptions sur les centres sensoriels à la fin du xixe siècle.
C ’est bien cette proclam ation que nous devons placer en manière d ’épigraphe
au début de cet exposé des théories mécanistes, la m ettant ainsi en vedette
pour la révoquer en doute.

L ’in te n s ific a tio n m é c a n iq u e d e s im a g e s. — Le modèle linéaire méca­


niste de l ’Hallucination attribue sa genèse à une intensification de l ’image
produite par l ’excitation de son support cérébral ou de ses voies de conduc­
tion. L ’Hallucination est dans cette perspective l’effet d ’une cause mécanique
qui, produisant la « transform ation sensoriale » de l ’image, introduit comme
un corps étranger un objet dans l ’activité psychique du Sujet. Cette intuition
théorique, la plus primitive et la plus simple vient à l ’esprit de tous les hommes
qui, sachant que le cerveau garde la trace des souvenirs pensent que ces repré­
sentations se combinent pour former les idées, de telle sorte que 1’ « autom a­
tisme », « la mise en marche » des supports (appareils et centres sensoriels) des
images les intensifient jusqu’à en faire des sensations, des re-présentations (des
re-perceptions), somme toute, des « perceptions sans objet » p ar excellence
puisqu’elles produisent une matière sensorielle (lumière, son, couleur) en quel­
que sorte autochtone sans rapport avec les Stimuli extérieurs venant des objets.
Autrement dit, cette théorie de l ’Hallucination est essentiellement sensation­
niste et elle a été effectivement soutenue p ar tous les psychologues empiristes
(de Locke à Condillac et Taine) qui, posant la sensation à la base de toute
connaissance à l ’extrémité de l ’arc psychophysique sensori-moteur, n ’avaient
ensuite aucune peine en inversant le courant de l ’influx nerveux à penser
que l ’image mécaniquement produite devenait à son tour source de connais­
sance et d ’expérience, c ’est-à-dire sensation. Tout naturellement, les physio­
logistes et plus spécialement les neurophysiologistes, travaillant sur l ’unité
neuronale du réflexe sont à peu près tous devenus des psychologues
empiristes, sensationnistes et associationnistes qui ont trouvé évident
que si le stimulus extérieur et normalement physiologique aboutit à la
sensation d ’une perception d ’objet, le stimulus interne à l ’autre bout de
l ’arc réflexe produit une sensation sans objet. C ’est ce q u ’exprimait parfaite­
ment déjà le naturaliste et philosophe Charles Bonnet lorsque, au xvm e siècle
nous rappelle Mourgue, il écrivait : « il n ’est pas difficile d ’imaginer des causes
« physiques (internes) qui ébranlent assez fortement différents faisceaux de
« fibres sensibles pour représenter à l ’âme l ’image des divers objets avec autant
« de vivacité que si les objets eux-mêmes agissaient sur ces faisceaux... » (Essai
analytique sur les facultés de T âme, 1783). Cette théorie de l ’intensification des
images par Stimuli internes, elle était d ’ailleurs elliptiquement impliquée dans
la définition d ’Asclépiade (ex visis veris ducentes quidam mentis errorem),
L'INTENSITÉ DES IMAGES 905

comme elle a été explicitée par Descartes lorsque dans le « Traité des passions
de l'âme », art. 26), il les attribuait au « cours fortuit », des esprits animaux.
Malebranche (Recherche de la vérité, tome II, chapitre I), en tan t que repré­
sentant mécanicisme cartésien le plus rigoureux, ne pouvait m anquer de
noter que l’âme qui est touchée normalement surtout par les objets extérieurs
peut être impressionnée p ar l ’agitation interne des esprits animaux : « Il arrive
« quelquefois dans les personnes qui ont les esprits animaux fort agités par
« des jeûnes, par des veilles, par quelque fièvre chaude ou par quelque passion
« violente, que ces esprits remuent les fibres intérieures de leur cerveau avec
« autant de force que les objets extérieurs, de sorte que ces personnes sentent
« ce q u ’elles ne devraient qa'imaginer et croient avoir devant leurs yeux les
« objets qui ne sont que dans leur imagination ». Et il insistait encore sur cette
théorie quantitative de l ’Hallucination par l’excitation anormale des sens en
soulignant que « cela montre bien que les sens et l ’imagination ne diffèrent
que du plus et du moins » (p. 42).
Plus tard, Boerhaave (1762) reprenait à peu près les mêmes idées quand il
disait dans ses « Prœlectiones » : « Omnes hi nervi excitant eosdem sensus sine
actione alla objecti externi ». Boissier de Sauvages (1768) faisait dépendre
l’Hallucination « a fortiori vividorique fluidi nervei refluxu spontaneo, seu sine
objecti externiprœsentia sed ob motum in organi fibris, arteris, fluidisve excitatum
a causa intrinseca ». Mais de même que Boerhave invoquait aussi une condition
déficitaire, celle du sommeil ou d ’un état analogue, Boissier de Sauvages consi­
dérait également q u ’une condition négative devait elle aussi intervenir et il
invoquait le défaut d ’attention « a defectis attentionis ad omnes circumtantias
quce errorem fugaret » (p. 166).
Nous n ’en finirions pas de rappeler ici tout ce que les médecins, philosophes
et naturalistes ont dit et redit sur cette intensification mécanique de l’image (1).
Répétons et soulignons encore à propos des opinions de Boerhaave et de Bois­
sier de Sauvages que nous venons de rappeler, que, à peine formulée, cette thèse
a été généralement dans l ’esprit des auteurs, atténuée par l ’idée d ’une autre
condition de phénomène hallucinatoire, celle d ’un dysfonctionnement, d ’un
trouble, d ’une « méiopragie » fonctionnelle. Et d ’emblée en examinant la doc­
trine mécanique de l’excitation des nerfs et des centres nerveux nous pouvons
prévoir q u ’en fin de compte elle n ’a pu résister à la critique — parfois de ses
adeptes, sinon de ses propres auteurs — car la causalité mécanique de l ’inten­
sité de « Pimage-devenant-hallucinatoire » ne peut pas être tenue pour une
bonne théorie de la perception sans objet, pour la bonne raison q u ’elle en fait
la perception d ’un objet physique qui stimule de l ’intérieur les organes des
sens, les nerfs ou les centres sensoriels, c ’est-à-dire q u ’elle vise l ’Hallucination
là où elle n ’est pas, ou en tout cas là où elle n ’est pas essentiellement (dans la

(1) K a n t d a n s s o n m é m o ire « Krankheiten des Kopfes » (1764) a r e p ris l a m ê m e


id é e , c elle d ’u n e in te n s e v iv id ité .d e l ’im a g e p r o d u ite p a r c e rta in e s a ffe c tio n s d u c e r­
veau.
906 LE MODÈLE MÉCANISTE

sensorialité) pour la m anquer là où elle est (c’est-à-dire au niveau de l’erreur


sinon du délire).

Nous devons en effet bien comprendre (cf. note supra, p. 83) que la notion
d ’intensification de l ’image telle qu’elle est classiquement utilisée par les théories
linéaires, en entrecroise précisément les lignes. D ’où la confusion de toutes les discus­
sions sur les rapports de l’image et de l ’Hallucination, toujours les mêmes depuis 1855
(cf. supra, p. 90-92) jusqu’à la réunion de New York sur l’origine et le mécanisme des
Hallucinations (cf. in Keup, 1970, spécialement les contributions de S. J. Ségal, p. 103-
114; de R. Rabkin, p. 115-125; de S. Bauer, p. 191-204). La thèse de la théorie quan­
titative postule celle d’une homogénéité de tous les phénomènes perceptifs et hallu­
cinatoires; la thèse de la discontinuité postule celle d ’une hétérogénéité totale entre
perception et Hallucination. Autant dire qu’aucune de ces deux thèses n ’est soute­
nable jusqu’à ses extrêmes conséquences.
Si nous revenons une fois encore sur ce que nous avons dit à ce sujet dans le
chapitre « Historique » de la Première Partie (1), c’est pour souligner que sous la

(1) Ce « cursus » historique sur la notion de quanta éidétriques n ’est pas


seulement un chapitre important de l’évolution des idées sur la pathogénie des Hal­
lucinations, car l’idée que l ’Hallucination résulte de la puissance de l’image (idée que
l’on retrouve dans l ’autre modèle théorique linéaire, celui de la psychogenèse de l’Hal­
lucination) constitue la clé de voûte de toutes les conceptions classiques. Ou plus
exactement encore, elle constitue l’erreur fondamentale de toutes les théories qui,
ne considérant que la positivité de l ’Hallucination, la font dépendre essentiellement
de la force de l’image. R. M ourgue ne s’y était pas trompé, lui qui dans sa thèse
(1919) puis dans la « Neurobiologie de l'Hallucination » a fait de la relation
image-Hallucination le centre des discussions classiques sur ce thème ; il a notamment
montré comment la thèse d’une hétérogénéité au moins relative de l’image et de l ’Hal­
lucination était seule capable au contraire d ’orienter l ’explication des « illusions
des sens » qui se donnent cliniquement toujours comme une modalité du percevoir
et du sentir qui se distinguent autant de l ’imagination que de la perception normale.
Son chapitre II intitulé « L’Hallucination vraie est-elle une image intensifiée ? »
est entièrement consacré à ce problème. Il y rappelle notamment (p. 64) l’opinion de
K andinski qui parlait « en connaissance de cause » pour avoir éprouvé (comme
d ’ailleurs J. M üller et B ürdach ) les Hallucinations qu’il a décrites (1881-1890)
« En dépit de la vieille théorie fort répandue, écrivait-il (1884) en aucun cas une Hal­
lucination ne peut naître d ’une image sensorielle mnémonique... uniquement
par gradation de l ’attention ou de l ’intensité de la représentation. Un degré élevé
d’intensité n ’en est nullement une condition nécessaire ». Nous avons déjà vu et
nous verrons encore mieux dans la suite de ces exposés des modèles linéaires
qui reprennent à leur compte cette thèse insoutenable, que l ’intensification de l’image
n ’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante de l ’Hallucination puisque
l ’Hallucination ne comporte pas toujours une particulière vividité, et que l’intensité
esthésique des phénomènes éidoliques n ’aboutit justement pas à 1’ « Hallucination
délirante ».
L'INTENSITÉ DES IMAGES 907

thèse de l’intensification de l ’image s’est dissimulée au xixe siècle la théorie de l’exci­


tation neuronique, comme au xxe siècle la théorie de l’excitation libidinale.
L ’intensité de l ’image, la « transformation sensoriale » de l’image telle que
la décrivait Lelut peut, en effet, être également attribuée à ce que l ’on appelle, soit
la force de l ’imagination, soit l’exaltation de l ’attention ou de la passion, soit la
charge affective, etc. Et il n ’y a alors entre l ’image ou la représentation et la sensation
ou l ’Hallucination que des différences de degrés sans hétérogénéité. Au contraire,
l ’intensité de l ’image que postule la théorie mécaniste, si elle n ’admet secondairement
que des gradients quantitatifs entre l ’image et la perception, se définit comme un
processus pathologique radicalement différent de tout exercice volontaire ou invo­
lontaire de l ’imagination. Ceci doit nous permettre de comprendre les discussions
classiques sur la nature (cf. ce que nous en avons déjà dit, p. 83) des Hallucinations,
notamment à l ’époque de la fameuse discussion de 1855, de la comprendre même
mieux cent ans après, en mettant entre les positions des protagonistes plus
d ’ordre qu’ils n ’avaient su eux-mêmes en introduire dans leurs fameux débats. La
thèse de la continuité homogène de l 'image et de l 'Hallucination (fondement du modèle
psychogénique comme nous le verrons) fut soutenue par Lelut, Peisse, Bûchez,
Brierre de Boismont, Maury, puis plus tard par Simon (1882), etc., auteurs qui tout
naturellement rapprochaient l ’Hallucination de l ’activité psychique normale et n ’hési­
taient pas à comparer plus ou moins directement l ’Halluciné au saint qui prie, à l’ana­
chorète exalté par sa solitude, ou au poète dans l’exaltation de sa création, ou encore
au génie philosophique, que ce soit celui de Socrate ou de Pascal... Autrement dit,
l’Hallucination n ’existe pas, elle n ’est qu’une image !
A cette même époque, la théorie de la discontinuité fondamentalement hétérogène
de l ’image et de la sensation dans la série des phénomènes hallucinatoires fut soutenue
par A. Garnier, B. de Castelnau, Michea Sandras, puis Bourdin (1879) qui tout natu­
rellement ont plaidé la nature radicalement pathologique et cérébrale de l’Halluci­
nation et son caractère « neurologique » c’est-à-dire son hétérogénéité à l’égard de
l’imagination normale comme le pensèrent aussi plus ou moins clairement Burdach,
J. Müller, Calmeil, Brierre de Boismont, etc., c’est-à-dire les auteurs qui devaient
être parmi les doctrinaires du modèle sensoriel de l’Hallucination. C’est, évidemment,
dans ce mouvement classique d’opinion que réside la racine du dogme classique
de l’Hallucination pour autant qu’elle fut considérée comme phénomène originai­
rement sensoriel, le produit direct d ’une lésion périphérique ou centrale sans qu’inter­
vienne dans son déterminisme le moindre trouble psychique, pas l’ombre d ’un délire...
Mais beaucoup d ’auteurs qui ont été sensibles à l’hétérogénéité du phénomène
hallucinatoire à l’égard de tous les phénomènes de la vie psychique normale (y compris
l ’imagination et les illusions qu’elle comporte nécessairement) n ’ont pas tardé à s’aper­
cevoir que cette hétérogénéité n ’est pas si radicale qu’elle doive exiger un modèle
théorique qui rende compte de phénomènes n ’ayant aucune commune mesure ni
aucune relation avec l’activité psychique en général. D ’où la constitution au
sein même des écoles « organicistes » attachées à l ’hétérogénéité de la production
hallucinatoire d ’un mouvement doctrinal (représenté par J.-P. Falret, Meynert,
Baillarger, Magnan, Moreau de Tours, et plus tard H. Jackson et Wernicke) qui,
tout en posant le postulat d ’une hétérogénéité relative de l’activité hallucinatoire
à l ’égard de l’exercice de l’imagination, considère l ’automatisme des phénomènes
hallucinatoires comme irréductible à la simplicité d ’une néo-production ou d’une
intensification pathologique d ’jmages sous l’effet d’une excitation mécanique des
organes, voies et centres sensoriels.
908 LE MODÈLE MÉCANISTE

Il serait tout à fait inutile de reprendre ou de poursuivre davantage ici cet


« historique » de la notion d ’intensité hallucinatoire de l ’image (équivalent, dans
ce modèle mécanique, à la notion de projection énergétique d ’affect inconscient
dans le modèle psychogénique). Mais nous en avons certainement assez
dit pour en faire apparaître les principales difficultés, notam m ent la
plus difficile à réduire et qui consiste pour chaque auteur à croire que cette
notion d ’accroissement quantitatif de l ’image est univoque alors q u ’elle
laisse en suspens le sens contradictoire q u ’elle implique (1). C ar l ’inten­
sité de l ’image peut être invoquée, soit comme l ’effet de sa propre force
intrinsèque, soit comme l ’effet d ’une causalité hétérogène (physique,
« mécanique »), soit enfin comme l ’effet d ’une désorganisation fonctionnelle
des analyseurs perceptifs ou généralement de l’organisation psychique. Il est
bien évident que la première thèse correspond au modèle linéaire psychogénique
que nous étudierons dans le chapitre suivant (2). Par contre, les deux autres
hypothèses constituent ce que l ’on peut appeler la thèse de l’organicité du phé­
nomène hallucinatoire. Mais celle-ci, p ar conséquent, dans sa généralité admet
deux options totalem ent différentes : le modèle linéaire mécanique dont nous
sommes en train ici de faire l’exposé critique, et le modèle architectonique que

(1) Ceci est particulièrement évident lorsqu’on se rapporte au fameux livre de


H. T aine « De l’Intelligence ». Il est très facile de tirer de cet ouvrage de longs extraits
qui montrent que pour T aine il n ’y a entre l’image et la sensation que des différences
de degrés ; en considérant l’ensemble de la vie psychique comme un polypier d’images
dont le mouvement moléculaire cérébral règle les figures, il adopte tout naturellement
l ’idée des cartésiens (cf. supra, p. 905), des philosophes empiristes ou des psycho­
logues associationnistes, savoir que c’est du mouvement moléculaire de l ’exercice
des centres nerveux (tome I, p. 241-245) que naissent les Hallucinations. Mais sa
théorie générale de l’organisation psychique (qui pourrait en bien des points nous
renvoyer à 1'Entwurf de F reud ...) se situe au fond dans une tout autre perspective.
Car dans sa fameuse « théorie de la réduction », ou comme il dit aussi de la <crépression »
des images, comme dans sa théorie de la perception tenue pour une Hallucination
vraie (tome 2, p. 10), ou encore lorsqu’il montre que l ’esprit a une tendance générale
à l’Hallucination et que nos diverses opérations mentales ne sont que les divers stades
de cette Hallucination, il est clair que pour H. T aine , l’intensité de l’image jusqu’à
son degré hallucinatoire ne dépend plus seulement de la force intrinsèque des images
mais d’une modification plus ou moins globale du régime et de la capacité fonction­
nelle des centres nerveux, point de vue qui le rapproche beaucoup plus qu’on ne le dit
généralement de tous ceux qui tiennent l’image pour une Hallucination purement
virtuelle qui ne s’actualise qu’à la condition que survienne un changement d ’état
(ou si l’on veut de niveau) dans l’organisation psychique. Il était temps, me semble-t-il,
de disculper le célèbre psychologue français des reproches « d ’atomisme psychologi­
que » dont on l ’accable généralement.
(2) Ce qui est commun aux deux modèles linéaires qui forment l ’objet de ces
deux chapitres pathogéniques, c’est précisément la notion d ’intensification de l’image
mais interprétée dans deux sens différents... et également faux.
POSTULATS DE LA CAUSALITÉ MÉCANIQUE 909

nous reprendrons plus loin à notre compte. Ceci doit être bien précisé, car la
plus grande confusion règne dans l ’usage de tous ces concepts.

P o stu la ts e t th èses d e la p a th o g én ie m é c a n iq u e . — Nous pouvons


m aintenant rechercher l ’articulation des thèses qui forment dans sa cohérence
et sa pureté le dogme de la « m écanidté » de l ’Hallucination, comme disait son
plus intrépide théoricien G. G atian de Clérambault.
La structure logique de ce modèle linéaire comporte un assemblage de
concepts qui forment p ar leur articulation le dogme de la genèse mécanique
de l’Hallucination. Nous pouvons discerner dans cet appareil conceptuel trois
plans, c ’est-à-dire, au fond, trois idées qui sont ici mélangées mais dont nous
avons justem ent à nous demander si leur assemblage est cohérent et surtout
s’il peut s’appliquer à toutes les catégories d ’Hallucinations, à la totalité
des phénomènes hallucinatoires.
— La première thèse impliquée dans le dogme de la mécanicité hallucina­
toire, c’est la thèse de la genèse organique de l ’Hallucination. Cette thèse
« affirme » hétérogénéité du phénomène hallucinatoire à l’égard de l’exercice
norm al et contrôlé de l’imagination. Mais comme nous l ’avons souligné plus
haut le modèle mécanique de l ’Hallucination ne se contente pas de la tenir
pour l ’effet d ’une progression de l’intensité, d ’une accumulation quanti­
tative des propriétés représentatives ou mnésiques de l ’image jusqu’à la
« sensation hallucinatoire », elle postule que « ab ovo », dès son origine, l’H allu­
cination est le produit sui generis d ’une excitation anormale des « engrammes ».
De sorte que tout en développant l’idée que l ’Hallucination « n ’est q u ’ » une
image intensifiée, elle postule autre chose, savoir : la causalité mécanique de
cette intensification. Par là, le « Dogme » s’affirme comme une conception orga­
nique portée à son plus haut degré de causalité physique : l ’Hallucination y est
tenue pour être un phénomène qui cesse d ’être psychique pour être purement
physique du fait même de la mécanicité de la cause qui l’engendre.
— La deuxième thèse c’est que l ’Hallucination ne dépend pas d ’un trouble
général, q u ’elle est essentiellement un phénomène partiel et élémentaire. Cela
revient à dire que lorsque nous sommes en présence d ’un tableau clinique de
Délire hallucinatoire, l ’Hallucination non seulement ne dépend pas du Délire
mais q u ’elle se constitue hors de lui, et que non seulement il n ’en est pas la
cause mais q u ’il en est l ’effet.
— La troisième thèse est celle de Y intensification mécanique de l'image.
C ’est, pourrions-nous dire, la thèse mécaniste par excellence. Elle postule deux
propositions dogmatiques. La première est la nature sensorielle de l ’Halluci­
nation, son « esthésie » primitive et originelle. La seconde est la production
de cette esthésie par l'excitation des organes, nerfs ou centres sensoriels. Bien
sûr, ces deux propositions sont intimement liées, car on ne peut pas soutenir
la thèse de l ’esthésie primitive de l ’Hallucination sans du même coup attribuer
l ’intensification « sui generis » et « anormale » de ses qualités sensibles à une
excitation pathologique des images que « contient » l ’organe des sens ou son
centre « psycho-sensoriel ».
910 LE MODÈLE MÉCANISTE

Tel est le dogme de la mécanicité de l'Hallucination. Nous verrons plus loin


que faute de pouvoir aller jusqu’à la généralisation de cette position « méca­
niste », certains auteurs renoncent à la troisième thèse et s’arrêtent à une théorie
« mécaniste » plus relative ou atténuée. Dès lors, le plan que nous allons suivre
dans cet exposé est parfaitement clair et logique. Nous allons successivement
envisager dans les perspectives suivantes: la théorie intégrale de l’excitation des
organes et centres sensoriels— puis sa conformité ou sa non-conformité avec la
clinique des Hallucinations (ce qui nous donnera l ’occasion d ’exposer et de cri­
tiquer le dogme de l’automatisme mental) — et enfin le complément du schéma
linéaire emprunté au schéma architectonique et de la désorganisation de l’être
conscient et de la désintégration des fonctions de l’analyseur perceptif (1).

D É V E L O P P E M E N T D E LA T H É O R IE
D E L ’E X C IT A T IO N H A L L U C IN O G È N E
D E S N E U R O N E S S E N S O R IE L S

Quand les neurones sensoriels sont excités par des Stimuli qui ne proviennent
pas des messages q u ’ils reçoivent normalement des objets extérieurs (ou de ces
objets intérieurs que sont les diverses parties du corps qui font partie aussi du
monde des « objets »), ils se déchargent en produisant des effets analogues sinon
identiques aux sensations perçues. L ’Hallucination est le produit de cette
excitation inadéquate des neurones sensoriels qui reproduit la sensation en
intensifiant l ’image qui en représentait le souvenir, la trace mnésique. De telles
propositions théoriques sont communément énoncées et incessamment répétées
dans tous les traités de psychologie, de neuro-physiologie ou de psychopatho­
logie en accord, comme nous l’avons vu, avec un courant continu de philosophie
empiriste, associationniste et sensationniste qui place l ’image et la sensation aux
deux extrémités d ’une même chaîne neuronale. De telle sorte que le courant
qui va de l’une à l ’autre peut s’inverser selon q u ’il va de la perception vers
le souvenir, ou de la trace mnésique vers la sensation, et que c’est précisément
par cette réversibilité pure, simple et idéale, que se trouve consacrée la para­
phrase neurophysiologique de la psychologie associationniste. Il suffit, en
effet, de dire q u ’un stimulus physique (électrique ou mécanique) d ’excitation
des neurones sensoriels reproduit le même effet sensorio-perceptif que produit
le stimulus (message d ’information) venant de l ’objet extérieur, que la sen­
sation croît comme le logarithme de l ’excitation, que celle-ci soit adéquate

(1) En exposant dans le prochain chapitre le modèle linéaire psychogénique, nous


suivrons à peu près le même itinéraire critique en montrant que la projection de
l’Inconscient n ’est qu’une dimension du phénomène hallucinatoire et que celui-ci
exige en fin de compte un complément théorique faisant intervenir un modèle archi­
tectonique, c’est-à-dire le concept négatif d ’une désorganisation comme cause de
l’Hallucination.
L'EXCITATION NEURO-SENSORIELLE 911

ou inadéquate, ou bien de dire que l’image d ’un objet peut devenir si intense
q u ’elle reproduit la sensation dont l ’empreinte était gardée dans la mémoire
pour dire toujours la même chose. Et c’est toujours le même discours « scienti­
fique » qui est, en effet, ainsi tenu en se référant aux conceptions neurophysiolo­
giques de la sensation, de la perception ou de la mémoire. C ’est le même lan­
gage qui, en effet, dans cette « paraphrase » (c’est-à-dire dans le jeu de mots
de ce double sens) fait de la trace mnésique, de l ’engramme, la fin de la sen­
sation et le commencement de l ’Hallucination. O r ce langage n ’est pas seulement
analogique ou hypothétique, il se révèle être celui d ’une mystification en posant
plus de problèmes q u ’il n ’en résout en postulant l ’identité de l’image et de la
sensation, ou ce qui revient au même, que les engrammes contenus dans
la substance nerveuse peuvent sous l ’effet d ’une stimulation quelconque
produire des sensations (dites alors hallucinatoires pour n ’être pas pro­
voquées par le stimulus « physiologique »). C ’est précisément à souligner le
caractère arbitraire ou artificiel de cette hypothèse que nous devons nous
employer.

F o n d e m e n ts th éo riq u es.

Cette théorie psycho-anatomo-physiologique de l ’Hallucination — encore


une fois traditionnelle, classique, académique — car elle est celle qui vient le
plus facilement à l ’esprit (1), com porte une référence nécessaire à deux hypo­
thèses auxiliaires : celle du principe de Johannes Müller (1840) sur l'énergie
spécifique des nerfs — et celle des centres psycho-sensoriels d'images dérivée de
l ’étude des localisations cérébrales au cours du xixe siècle après les travaux de
Broca et les expériences de Fritsch et Hitzig (1870), de Ferrier (1876), de M unk
(1877-1879), etc.

a) L’énergie spécifique des nerfs. — D ans son Traité (2), Johannes M ül­
ler, le célèbre physiologiste allemand, a énoncé pour introduire l’étude de la
physiologie des sens un certain nom bre de principes qui forment la loi de l'éner­
gie spécifique des nerfs de la sensibilité.
Les sensations des divers sens tirent leurs qualités particulières des

(1) Elle vient plus facilement à l’esprit, car elle s’appuie tout simplement sur
cette évidence que percevoir quelque chose qui n ’est pas là actuellement, c’est évidem­
ment faire appel à un objet absent, c’est-à-dire passé, pour rendre compte de la fausse
perception. Mais cette évidence ne comporte pas comme une autre évidence que cette
fausse perception dépende seulement et nécessairement de l ’intensification mécanique
des engrammes.
(2) J. M üller, Handbuch der Physiologie des Menschen, Koblentz, 1844, éd.
Hœscher, trad. fr., éd. Baillière, 184S. Nous avons déjà eu l ’occasion (cf. supra, p. 80)
de faire allusion aux idées de Müller qui constituent en effet un aspect fondamental
de toute théorie mécaniste de l’Hallucination. Nous y reviendrons plus loin, notam­
ment à propos de la théorie dès sensations de H elmholtz (p. 1125-1132).
912 LE MODÈLE MÉCANISTE

organes excités et non de là qualité des excitants. N ous ne pouvons, pré­


cise-t-il, avoir p ar l ’effet de causes extérieures aucune manière de sentir que
nous n ’ayons également sans ces causes et p ar la sensation des états de nos nerfs
(des causes internes peuvent provoquer des sensations de froid, de chaud, de
sons, de lumière). Une même cause interne produit des sensations différentes
dans les divers sens (La congestion des capillaires des nerfs sensibles détermine
des phénomènes lumineux dans les nerfs optiques, des bourdonnements dans les
nerfs acoustiques) U n même stimulus externe produit des sensations différentes
selon qu’il est appliqué aux divers sens (U n cornant électrique provoque des
sensations tactiles, visuelles, auditives, selon le système sensoriel excité). Les
sensations propres à chaque nerf sensoriel peuvent être provoquées, à la fois
p ar plusieurs influences internes et externes. Ainsi, des sensations lumineuses
peuvent être provoquées non seulement par un excitant lumineux mais des
stimulations mécaniques, chimiques, électriques ou par troubles de la circu­
lation. L a sensation est la transmission à la conscience non pas d ’une qualité
ou d ’un état des corps extérieurs, mais d ’une qualité, d ’un état du nerf senso­
riel déterminé par une cause extérieure. Müller conclut que « chacun de ces
nerfs sensoriels a une énergie qui lui est spécifique ». Toute l ’école classique
de la physiologie des sensations (Stumpf, HeJmholtz Hering, ces deux auteurs
différant toutefois dans leurs explications sur le rôle des fonctions intellectuelles
et de la projection affective dans la sensation) a repris et explicité cette thèse des
qualités sensorielles inhérentes aux analyseurs perceptifs. Et il semble bien vrai
que ne puisse se contester que « chaque sens » n ’est pas seulement un récepteur
ouvert à des signaux ou messages spécifiques, mais q u ’il est déjà — comme
on le dit, après Bergson (1), en neurophysiologie moderne — un organe
sélecteur qui encode l ’inform ation et, somme toute, élimine plus de signaux q u ’il
ne retient à chaque instant de messages (redundancy reducing hypothesis de
H. Barlow, 1959). Sans doute, les messages sensoriels (Adrian) et leurs
potentiels d ’action, malgré certaines caractéristiques communes, sont dis­
tincts d ’un récepteur à l ’autre, mais comme l’indique Ch. M arx (2), l’analyse
des messages cutanés ou olfactifs m ontre que la notion de spécificité n ’est
pas absolument générale. Il cite à ce sujet le travail de Rufini. Nous pouvons
rappeler aussi les travaux également anciens de von Kries (1923), de von Weiz­
sâcker (1920-1925) et l ’exposé de physiologie et de pathologie des perceptions
de J. Stein (Traité de Bumke, 1928, tome I, p. 360-426) qui m ontrent à quelle
stratification fonctionnelle complexe correspond la fonction de form ation et

(1) Bergson , Matière et Mémoire, p. 190 et p. 180-190, éd. P. U. F.


(2) In Physiologie de Ch. K ayser (tome II, p. 166-175). Assez curieusement, il
paraît tirer argument contre le principe d ’énergie spécifique des nerfs du fait que cer­
taines fibres sensitives cutanées transmettent des messages aussi bien produits par
le toucher que par le froid, et que si certaines fibres gustatives sont spécifiques, d ’autres
répondent de la même manière à des Stimuli divers...
L'EXCITATION NEURO-SENSORIELLE 913

d ’inform ation perceptives dont les qualités sensorielles paraissent être plutôt les
effets que les causes (1).
L a spécificité des organes des sens ne peut évidemment pas être mise en
doute, mais peut-être peut-on dire que ce qui apparaissait à la psychophysio­
logie du xixe siècle comme des « données », des « propriétés » sensorielles en
quelque sorte « atomiques » apparaît plutôt comme l ’effet d ’une organisation
plus « moléculaire », ou « molaire », c’est-à-dire adm ettant une élaboration
infiniment plus complexe et dynamique des éléments qui concourent à l ’ana­
lyse perceptive et au traitem ent de l ’information.
N ous reprendrons assez longuement plus loin quand nous examinerons
pour notre propre compte l ’ensemble du problème des rapports entre « sensa­
tion » et « perception », l’exposé critique de la théorie de l ’énergie spécifique des
nerfs (cf., p. 1125-1143). Mais nous devons souligner ici l ’importance des
réflexions que Er. Straus a consacrées à ce problème (2). Pour lui, le processus
vital, psychophysiologique, en quoi consiste l ’activité des organes des sens
ne saurait se placer sous la catégorie de la causalité physique en récitant le
« Credo » de la Psychologie objective (dont Lashley a rappelé les six articles
au Hixon Symposium de New Y ork en 1951). Or, c’est à une véritable confusion
entre cette causalité et celle de l ’intentionnalité que répond la confusion entre
l ’idée d ’excitation et l ’idée de sensation {Empfindung). On ne saurait méconnaître
ce fait, que le signal n ’est en aucune façon une excitation mais essentiellement
une réponse (p. 147-162). On ne saurait encore moins considérer que des excita­
tions soient des objets (Reize sind keine Gegenstände)... Cet « épiphénoména-
lisme » (qui consiste à ne considérer pour ainsi dire le problème de la perception
par les organes des sens que par le petit bout de la lorgnette) peut rendre compte
(quelle que soit la réalité des tonalités spécifiques qui entrent dans la perception)
de l’acte même de percevoir, lequel permet précisément de « voir » ou d ’entendre
au travers — et presque en dépit — des éléments sensoriels en eux-mêmes
insignifiants. Nous paraphrasons ainsi et en peu de mots la critique que la
phénoménologie, PAktpsychologie et la Gestaltpsychologie n ’ont jam ais cessé
de faire à la théorie de l ’énergie spécifique des nerfs pour autant q u ’elle assimile
objet, stimulus et sensation, critique qui apparaîtra plus radicale quand nous
reprendrons to u t le problème de la fonction des organes des sens et des centres
psycho-sensoriels.
Ceci nous conduit à nous demander ce que signifie la notion d ’énergie
spécifique des nerfs appliquée • aux centres sensoriels ou psychosensoriels
cérébraux. La « spécificité » tient-elle à l ’organe périphérique, au nerf, au
centre nerveux ou à l ’analyseur considéré dans sa totalité ? J. Muller tenait
cette question pour insoluble et se bornait à indiquer que certaines parties

(1) C’est dans ce sens, par exemple, que Pradines parle du rôle instrumental
de la qualité (Psychologie générale, I, p. 319-453).
(2) On retrouvera le même leitmotiv dans le « Gestaltkreis » de V. von Weiszacker
(1939) et dans la a Phénoménologie de la Perception » de M erleau-Ponty (1945).
914 LE MODÈLE MÉCANISTE

du cerveau participent aux énergies spécifiques (1). Il semble bien que ce qui
apparaissait comme le privilège des « récepteurs »', c’est-à-dire leur excitabilité
spécifique a été ensuite attribué aux neurones des centres sensoriels et
même psycho-sensoriels. Inversement aussi, le pouvoir de synthèse ou d ’élabo­
ration des données perceptives attribué spécifiquement à l ’écorce cérébrale
par la neuro-physiologie classique paraît devoir aussi descendre jusqu’à la
périphérie des organes des sens dans la mesure où ils ne sont pas seulement
des récepteurs, mais des filtres sélectifs, qui déjà à ce niveau opèrent des choix
et traitent de l ’information. Cela revient à dire q u ’un analyseur fonctionne
comme un tout dans l ’exercice de son intégration intrasystémique, comme
il est également connecté dans sa relation intersystémique avec les autres centres
sensoriels. La spécificité de l ’énergie sensorielle q u ’il comporte est tout à la
fois diffuse dans tout l’appareil psychique et central et en liaison fonctionnelle
avec les modalités spécifiques de l’énergie sensorielle des autres sens, notam m ent
par le mécanisme des transferts d ’association du conditionnement.

b) Les « centres sensoriels ou psycho-sensoriels ». — Il est à peine


besoin de rappeler comment, contre Flourens, s’est constitué le régiona­
lisme fonctionnel cérébral à mesure que, avec Broca, à propos de l ’aphasie
et avec Fritsch et Hitzig à propos des premières expériences d ’excitation élec­
trique des centres moteurs prérolandiques, le cortex cérébral a perdu son hom o­
généité et son équipotentialité. Il est intéressant naturellement pour le problème
qui nous occupe ici de nous rappeler que la localisation de l’aphasie est entiè­
rement liée au concept d ’images sensori-motrices verbales, et que c ’est grâce
à l’excitation électrique (courants galvaniques) de l ’écorce cérébrale (2) que
les localisations cérébrales furent expérimentalement démontrées. Car, malgré
toutes les réserves que depuis lors (de Jackson à Goldstein et Lashley) on n ’a
cessé de faire à cette notion de « centre nerveux supérieur », malgré les faits qui
m ontrent que ce découpage spatial est lui-même intégré dans des activités
opérationnelles plus globales, il est indéniable que la cartographie fonctionnelle
de l ’écorce cérébrale existe.
Les centres sensitivo-sensoriels « spécifiques » n ’ont reçu une vérifica-

(1) Nous avons déjà examiné ce problème à propos notamment des études de
neurophysiopathologie de la mescaline (cf. supra, p. 637) et tout particulièrement
en exposant le travail de Zador (1930).
(2) Le mémoire de G. F ritsch et E. H itzig (Ueber die elektrische Erregbarkeit
des Grosshirns) fut publié dans les Reichert's und am Bois-Reymond Archiv, 1870
(p. 300-332). Ce sont surtout les travaux de H itzig qui sont importants. Il les a publiés
dans son livre Untersuchungen über das Gehirn, Berlin, 1874. On trouvera dans le
monumental ouvrage (hélas ! peu connu et peu accessible) de J. Soury , Le Système
nerveux central, Ed. Carré et Naud, Paris, 1899, p. 1017-1538, l’exposé le plus complet
et le plus passionnant des recherches de ces physiologistes et de tous les autres à qui
nous devons nos meilleures connaissances à cette époque des « centres cérébraux »
(David F errier, Munk, H enschen, Monakow, etc.).
L'EXCITATION NEURO-SENSORIELLE 915

tion expérimentale q u ’après la validation des centres moteurs. C ’est le cen­


tre cérébral de la vision qui a donné lieu aux premières observations et
expériences (celles de M unk, 1890; David Ferrier, 1891 ; de Monakow,
1892; de Henschen, 1890-1894; de Wilbrand, 1892; de H. Gallet et Vial-
let, 1893; de A. Pick, 1895). Elles ont porté sur la localisation de la rétine
corticale, la projection de la macula, la mémoire visuelle, les composantes
motrices de la perception visuelle, l ’hémianopsie, l ’agnosie visuelle, etc., et ont
eu recours aux recherches anatomo-cliniques chez l ’homme, aux ablations
expérimentales chez les animaux. Nous examinerons plus loin (p. 1164 et sq.)
comment les centres occipito-pariétaux (centre de projection spécifique
primaire (champ 17 ou aire striée), champ secondaire (champ 18) et
champ associatif (champ 19)) fonctionnent comme aire d ’intégration
intersystémique en connexion avec l ’ensemble des activités corticales. C ’est
évidemment sur le même modèle, celui d ’un étalement des fonctions (allant
de la projection spécifique des messages sur des aires primaires jusqu’à leur
élaboration au niveau des activités « associatives », au « highest level ») que,
avec les travaux de Broca, de M unk, de Fleschsig, de Wemicke, de Heschl,
de Déjerine, la structure des centres acoustico-verbaux temporaux est actuel­
lement connue (aires primitives des circonvolutions de Heschl 41 et 42 et
aires d ’élaboration acoustico-verbale 40, 39 et 22). Une chose assez curieuse
à noter, c ’est que si cette découverte des centres sensori-moteurs a commencé
par celle des centres moteurs, les auteurs de cette époque (notamment Mey-
nert et Exner) ont éprouvé une certaine répugnance à admettre la notion des
centres moteurs, soit q u ’ils considérassent que toute l ’écorce cérébrale était
sensori-motrice, soit même q u ’elle fût essentiellement réceptrice et que les
mouvements provoqués par l ’excitation électrique des parties excitables du cer­
veau ne pouvaient être que secondaires aux impressions sensibles q u ’elles pro­
voquaient... Ce sont les auteurs italiens Tamburini (1), Luciani (2) et Tanzi (3)
qui ont le plus longuement soutenu ce point de vue qui, en soulignant l’im por­
tance du cerveau comme organe central des sens, devait préparer la théorie de
l ’Hallucination considérée comme une « épilepsie sensorielle ». Mais il est
im portant aussi de souligner que la composante motrice de l ’analyseur percep­
tif, que les convergences multi-sensori-motrices et plus généralement l ’inter­
vention de facteurs « non spécifiques » qui entrent dans ces modalités d ’inté­
gration (thème généralement repris par la neuro-physiologie contemporaine)
nous éloignent beaucoup du schéma de stricte projection spécifique auquel
se réduisait la conception classique et ancienne des centres sensoriels et psycho-

(1) T amburini (A.), Contribuzzione aile fisiologie e patologie del linguaggio.


Reggio Emilia, 1876.
(2) L uciani, Sui centri psico-sensori corticali. Rivista sper. di Freniatria, 1879,
p. 47-70.
(3) T anzi (E.), Su una teoria degli allucinazioni. Rivista di Pato. nerv. e men.,
1904, et Trattato delli malattie mentali, 1905.
916 LE MODÈLE MÉCANISTE

sensoriels sur laquelle s’est édifiée la théorie de l ’excitation sensorielle des cen­
tres d ’images. Il est intéressant à cet égard de noter les embarras et les hésitations
de l ’école classique italienne qui s’est la plus illustrée dans l ’élaboration de ce
modèle mécanique de l ’Hallucination produite par une irritation des centres
sensoriels. Pour Tamburini (1876), la lésion irritative des organes, voies et cen­
tres sensoriels constitue une cause suffisante de l ’Hallucination. Plus tard (1882),
après les travaux de Séglas sur les Hallucinations psycho-motrices, il a insisté
sur la notion de centre « sensori-moteur », et proposé l ’hypothèse que l ’irri­
tation des images motrices était nécessaire à la projection des images sensorielles
dans l ’espace. Sensible à la critique (1) de Jolïroy (1896) et à la difficulté posée
p ar l ’unilatéralité des centres sensoriels spécifiques, Tanzi (1903) reprit l’idée de
Cajal sur la bilatéralité et la symétrie topographique des centres perceptifs oppo­
sées à l ’unilatéralité des centres primaire et secondaire proprem ent mnésiques,
pour expliquer que l’Hallucination engendrée par l ’irritation des centres sen­
soriels n ’était hémianopsique ou unilatérale que tout à fait exceptionnellement.
D e p ar ailleurs, Tanzi insiste sur le fait que l ’Hallucination ne peut pas être
tenue seulement pour une « représentation spasmodique », et il adm et que
« sensation » et « Hallucination » « font bon ménage ». « De cette manière,
ajoute-t-il assez curieusement, les Hallucinations arrivent à acquérir une indi­
vidualité propre. Par leur provenance transcorticale ce sont d ’anciennes
représentations, par leur déterminisme pathologique ce sont des associations
aberrantes extraordinaires, régressives ». Quels que soient les ajustements et
réajustements du modèle mécanique de l ’excitation des centres sensoriels (aussi
bien chez Wemicke que chez G. de Clérambault), la logique même du système
conduit, ou à une paraphrase neurologique absurde (2), ou à une m utilation
également absurde du phénomène hallucinatoire. Nul mieux que M ourgue
n ’a montré que ce dogme de l ’excitation pathologique des centres d ’images
est en contradiction avec la phénoménologie des Hallucinations même les
plus simples car il s’agit de phénomènes de résonance im pliquant leur
connexion avec des systèmes à fonctions multiples : « horizontalement »
à des analyseurs sensoriels synchrones, mais aussi « verticalement » à la
sphère des instincts et de leurs mouvements. Disons donc tout simplement
en nous excusant de répéter ici ce qui est devenu une sorte de banal leitmotiv
(mais dont l’enseignement n ’est pas épuisé) que, à l ’idée d ’une trace mnésique
emmagasinée statiquement dans l ’espace cérébral, s’est substituée l ’idée d ’un
système plus dynamique plus organisé et multidimensionnel, c ’est-à-dire une
idée incompatible avec la simplicité du mécanisme d ’ « ecphorie » des
engrammes. Le cerveau n ’est pas un dépôt d ’images, d ’où le deux ex machina
de l ’excitation tirerait l ’Hallucination p ar la mise à feu de cette poudre
« engrammée », entreposée dans les magasins de l’écorce cérébrale. Les

(1) Cf. plus loin p. 921.


(2) Cf. plus loin, à titre d ’exemple, la paraphrase neurologique d ’un délire hallu­
cinatoire par C atsaras (1892).
THÉORIES MÉCANISTES CLASSIQUES 917

« centres sensoriels » ne sont pas des dépôts d ’images; ce sont des analyseurs
perceptifs qui extraient du monde extérieur l ’information nécessaire à l ’expé­
rience actuelle du Sujet et qui règlent dans son monde intérieur (du champ
représentatif interne dans le sens où G. Fr. Gothlin, 1927, rappelle Mourgue,
parlait d ’un champ interne) la form ation autom atique des images qui satis­
font aux exigences pulsionnelles de ses désirs. Autrement dit encore, les
« centres sensoriels » ne sont jam ais en repos; ils sont toujours en mouve­
ment, et le modèle mécaniste qui fait appel à une source supplémentaire
de propulsion de l ’image est, pour ainsi dire, et, à tout le moins, superflu. C ar
nous devons en effet le souligner pour terminer ces préliminaires, l ’image
en tant que représentation de la donnée sensible étant toujours prête à livrer
et délivrer les qualités sensorielles q u ’elle implique, cette profusion virtuelle
et infinie des mouvements internes qui sont comme l ’incessante respiration
de l’être psychique, rend effectivement superflu le concept même d ’excitation
des centres d ’images lesquelles sont toujours prêtes à se décharger. Nous ver­
rons qu’en définitive le problème de l ’Hallucination est celui de la décharge
d ’un système énergétique toujours chargé plutôt que de sa charge par excitation
pathologique.
Mais n ’anticipons pas trop et contentons-nous ici pour introduire correc­
tement le débat de l ’avoir préfacé par ces deux réflexions liminaires sur la
notion d ’énergie spécifique des nerfs et sur celle de centre d ’images, c’est-à-dire
sur les concepts fondamentaux qui lient l 'intensité de l’image à Yecphorie des
engrammes au sens de Richard Sémon (1908). Car, en effet, dire que l ’Hallu­
cination est une image intensifiée et q u ’elle résulte de l ’excitation de l ’énergie
sensorielle contenue dans les nerfs ou les centres cérébraux sensoriels, c ’est
la même chose — la même erreur.

L es th éo ries m é c a n iste s classiques de l’H a llu cin a tio n •

A vrai dire, elles sont presque toutes anciennes (1), tout au moins en tan t que
formulation explicite de la théorie de l ’excitation mécanique des nerfs et des cen­
tres d ’images, mais l ’esprit mécaniciste— même s’il ne se risque guère à produire
un schéma systématique d ’explication basé sur les postulats de la mécanicité que
nous avons exposés plus haut — cet esprit ne cesse de renaître de ses cendres
comme nous l ’avons tant de fois rappelé dans cet ouvrage. Aussi, les cliniciens
sont-ils souvent bien plus « mécanistes » q u ’ils ne le croient ou ne le disent en
recourant constamment à des concepts comme l ’explication de l ’Hallucination
par des lésions irritatives du cerveau ou des voies sensorielles, plus souvent encore
en affirmant la nature sensorielle primitive de l ’esthésie hallucinatoire dans
l ’Hallucination « vraie », ou encore et surtout en adm ettant la genèse du Délire

(1) Cf. supra, p. 904 et sq., où au début de ce chapitre nous avions rappelé les
théories anciennes de style empirico-sensationniste (M alebranche, B oissier de Sau­
vages , etc.).
918 LE MODÈLE MÉCANISTE

à partir d ’Hallucinations... Mais ceci dit qui vise à rappeler que les Modernes
ne sont pas tellement différents des Anciens, c’esf bien en effet dans les vieux
modèles que nous allons trouver les prototypes des théories mécanistes « par
excellence » de l ’Hallucination.
T out d ’abord, l’idée de rechercher dans l ’excitation nerveuse la cause des
Hallucinations a fourni la théorie physiologique périphérique défendue par
E. Darwin, Burdach et J. Müller au début du xixe siècle, puis par Calmeil.
Ce dernier, dans l ’article « Hallucinations » du dictionnaire de Médecine (1836)
écrivait : « On peut supposer, en théorie, q u ’il existe des Hallucinations symp-
« tomatiques et que le système nerveux périphérique est le point de départ
« des Hallucinations les plus variées et peut-être les plus nombreuses... Pour
« des causes qui restent impalpables, sous l ’influence de la calorique, de l’élec-
« trique, d ’un fluide animal, ne peut-il pas s’effectuer dans les organes des
« sens et alors que les agents placés au dehors n ’y sollicitent plus aucun ébran-
« lement, des modifications intestines à celles qui y ont pris naissance
« lorsqu’en réalité ces excitants matériels agissent sur eux par leur nature
« et leur contact ? » (p. 547).
Mais au cours du xixe siècle, c’est comme nous l ’avons souligné vers les
centres que l ’excitation neuronale hallucinogène va se déplacer dans les théo­
ries physiologiques de l ’Hallucination. Ce fut d ’abord les centres sous-corti­
caux que les auteurs désignèrent comme siège des excitations anormales
dont l’Hallucination serait l’effet. Foville en 1829 écrivait que les Hallucinations
sont liées à la lésion des parties nerveuses intermédiaires aux organes des
sens et au centre des perceptions. Christian dans son article du Diction­
naire Dechambre cite encore les opinions de Bergmann, de Hildesheim et
Schrœder van der Kolck à la même époque. J. Luys (1865) dans ses Recherches
sur le Système nerveux central insistait sur le fait que la couche optique est
le lieu où toutes les impressions périphériques viennent se concentrer; de telle
sorte q u ’il en avait tiré une théorie de l’Hallucination (Traité des maladies
mentales, 1885, p. 396-399) où il faisait jouer le principal rôle à l ’éréthisme des
noyaux thalamiques, tandis que les idées délirantes qui se superposent aux
Hallucinations ne se constituaient, à ses yeux, que si au processus proprem ent
sensoriel s’ajoutait l’éréthisme des centres idéatoires corticaux : « Suivant,
« écrivait-il, que ce seront les régions centrales thalamiques de nature senso-
« rielle qui résonneront le plus fort, la manifestation symptomatique reflétera
« principalement le caractère d ’éléments qui lui auront donné naissance
« — et suivant que ce sera la sphère psychique qui sera le plus en période d ’éré-
« thisme, le processus perdra rapidement le caractère sensoriel pour devenir
cc une conception systématisée, fixe... ne gardant que des traces atténuées de
« ses premières impulsions pathogéniques » (p. 397).
L ’importance des centres corticaux sensoriels et sensori-moteurs ne
cessant de s’imposer, ils ne tardèrent pas à acquérir leurs titres de noblesse
dans le royaume des Hallucinations au cours de la célèbre discussion de 1855
à la Société Médico-Psychologique notam m ent avec l ’intervention ultime de
Parchappe. Celui-ci a eu le dernier m ot dans cette mémorable controverse
THÉORIES MÉCANISTES CLASSIQUES 919

en concluant : « Aussi pour moi, non seulement les Hallucinations vraies


« sont toujours encéphaliques mais elles sont cérébrales, et la condition orga-
« nique de leur manifestation doit être recherchée dans un état vital particulier
« de la couche corticale cérébrale » (Ann. Méd. Psycho., 1856, p. 446).
Dès cette époque — époque héroïque des localisations cérébrales — la
notion même de « centre sensoriel » devait pour ainsi dire automatiquement
appeler le développement d ’une théorie de l’Hallucination fondée sur l ’idée
d ’une excitation des centres corticaux. Ritti (1) en France (dans sa thèse,
Paris, 1874, sur la théorie physiologique de VHallucination), K. Kahlbaum (2)
(Die Sinnesdelirien, Ztschr. f . Psych., 1866, 23), Séglas (3) aussi dans ses pre­
miers travaux (jusqu’en 1895), puis Régis (4) et de nombreux autres cliniciens
acceptèrent assez facilement cette conception sensationniste et mécaniste
de l ’Hallucination en se référant plus ou moins explicitement au modèle
théorique dont nous avons plus haut articulé dans leur cohérence les diverses
propositions.

Mais c’est avec l’école italienne (A. Tamburini, Luciani, E. Tanzi) que
s’est naturellement constitué le prototype du modèle mécaniste de l ’Hal­
lucination considérée comme un symptôme d ’excitation des centres d ’images,
comme une « é p il e p s ie s e n s o r ie l l e ».
En 1881 ( Revue Scientifique), Tamburini (5) écrivait : « La cause fondamen-
« taie des Hallucinations est un état d ’excitation des centres sensoriels corti-

(1) Dans son dernier écrit « Séméiologie » du Traité de Psychiatrie de la collection


Sergent (1921), à propos des théories pathogéniques de l’Hallucination, il devait
écrire que ces « théories sensorielles » ont perdu « non sans raison » beaucoup de
leur crédit...
(2) En 1866 (Die Sinnesdelirien, Ztschr. f. Psych., 23), K ahlbaum distinguait
des Hallucinations stables intéressant généralement un seul sens, les Hallucinations
paroxystiques (éréthistiques), les Hallucinations fonctionnelles (induites par des
associations, c’est-à-dire conditionnées), et des Hallucinations variables et multi-
sensorielles. Ces diverses Hallucinations sont expliquées par les diverses modalités
et circuits de l’influx nerveux au travers des centres perceptifs cérébraux.
(3) Séglas qui dans ses leçons cliniques, 1895 (p. 451) paraissait gagné à la théorie
physico-mécaniste des Hallucinations, dans son rapport sur l’Hallucination de l’ouïe
(Congrès de Nancy, 1895), puis dans le chapitre « Séméiologie » du Traité de Gil­
bert B allet (1903) fit à partir de ce moment-là des réserves croissantes jusqu’au point
de renverser sa position (cf. la préface qu’il a faite à mon livre « Hallucinations et
Délire ».
(4) Dans son Précis, l ’importance qu’il donne à la théorie de Tanzi ; comme nous
le verrons plus loin, est significative.
(5) T amburini (nous l’avons rappelé déjà, cf. supra p. 916) avait collaboré avec
L uciani à l ’élaboration du concept du centre sensori-moteur, et il s’était pour ainsi
dire préparé à la théorie d ’épilepsie sensorielle appliquée à l ’Hallucination en mettant
en évidence la composante motrice de l ’image (cf. sur ce point la réflexion de R. M our -
gue , pp. 39-40 et surtout 43-45).*
920 LE MODÈLE MÉCANISTE

« eaux, c’est-à-dire des points de l’écorce cérébrale où se perçoivent les impres-


« sions reçues par l ’intermédiaire des différents organes et où sont déposées
« les images mnémoniques sensibles ». Pour lui, l ’Hallucination dépend d ’un
état irritatif des centres sensoriaux de l ’écorce. De même q u ’un centre m oteur
produit des mouvements désordonnés et intenses (mouvements épileptiformes),
de même l ’excitation d ’un centre sensoriel doit produire des sensations patho­
logiques (p. 141). Appliquant cette théorie aux Hallucinations verbales et
psycho-motrices (1890), il adm it que dans les Hallucinations motrices verbales
de Séglas, une excitation anormale des centres corticaux du langage engendre
à la fois, et l’image sensorielle des mouvements correspondant à la représen­
tation verbale propre des éléments excités, et l ’impulsion relative à ces mouve­
ments eux-mêmes. En 1904, Tanzi (1) se référant, nous l’avons déjà noté, à
l ’hypothèse de Ram on y Cajal basée sur la distinction des « centres perceptifs »
et des « centres mnémoniques » (la bilatéralité et la symétrie topographique des
centres perceptifs opposées à l ’unilatéralité des centres primaires et secondai­
res de la mémoire), avance que l’image extériorisée dans l’Hallucination provien­
drait des centres mnésiques d ’où, par une marche inverse de celle qui est habi­
tuelle (normale), elle est transportée au « centre des perceptions » par les fibres
mnémoperceptives. U n tel schéma, pour si compliqué que soit l’itinéraire
qui va de l ’image à la sensation hallucinatoire, est bien typique du modèle
linéaire mécaniste. E t comme pour l’illustrer l ’auteur ne craint pas de se lancer
dans une sorte de fable analogique que Régis reproduit dans son fameux
Précis (6e édition, p. 101) :

« T anzi compare ingénieusement le mécanisme de l ’Hallucination telle qu’il


la conçoit, à un phonographe. Le cylindre est le centre représentatif ; la lame est le
centre sensoriel ; l’onde sonore est la réalité extérieure quand elle entre dans le phono­
graphe et l’Hallucination quand elle sort. La lame vibrante est privée de mémoire,
et à la façon du centre sensoriel elle ne vibre que lorsqu’une voix parle dans le phono­
graphe ou quand le cylindre est mis en mouvement. Le cylindre tournant est parfai­
tement aphone et ne contient, ni sons, ni images de sons, mais les symboles graphiques
qui ne ressemblent point aux sons. Et cependant la lame est capable de parler sous
l ’action motrice du cylindre tournant, se comportant de la même manière que si elle
avait été exposée aux vibrations d ’une voix extérieure ; et si la lame est touchée autre­
ment, il se produira un son élémentaire mais non une parole. La similitude est
complète ; l ’instrument physique est même plus parfait que l ’appareil physiologique.
La pathogenèse des Hallucinations peut donc se comprendre concrètement ainsi dans
toutes ses phases malgré sa difficulté ».

Il s’agit bien là, comme l ’a fortement souligné R. Mourgue, d ’une théorie


de l ’Hallucination « dont la simplicité apparente a séduit tan t de Psychiatres
malgré son schématisme grossier ». De telle sorte q u ’on ne saurait s’étonner

(1) Riv. P. n. e. m. (1904). Il y répétait sans le savoir ce qu’avait déjà dit Freud
(1895).
THÉORIES MÉCANISTES CLASSIQUES 921

que de fortes critiques aient été opposées à cette naïve et simpliste « mythologie
cérébrale ». Joffroy, par exemple (Les Hallucinations unilatérales, Archives
de Neurologie, 1896), a parfaitem ent critiqué la notion de lésion irritative ou
d ’excitant électrophysiologique. « Si une lésion cérébrale, dit-il, détruit un
« centre, elle se traduit alors symptomatiquement par la suppression
« de la fonction ; si elle ne fait que l ’irriter, elle modifie son fonctionnement (1),
« donne lieu à une exagération ou une perversion de la fonction... mais jamais
« le cerveau étant normalement constitué ne donnera lieu à une Hallucination »,
M ais même si d ’excellents esprits (dont certains avaient succombé, ainsi que
nous l ’avons rappelé, à la facilité de cette naïve hypothèse, tels Ritti et
Séglas) se sont toujours dressés contre cette interprétation simpliste, pas
que cette théorie paraphrase (2) n ’a jam ais cessé d ’exercer a été telle q u ’elle

(1) Souligné par nous.


(2) Le caractère de paraphrase en langage neuro-physiologique de l ’analyse psy­
chologique du phénomène hallucinatoire est bien mis en évidence (et jusqu’à un point
de comique vraiment moliéresque qui a pu nous faire hésiter à recourir ici à une
citation qui pourrait paraître tout à la fois irrévérencieuse, impertinente et superflue)
par cette interprétation qui, parmi cent autres, on peut lire dans la littérature psy­
chiatrique du xixe siècle... et même du xxe siècle. Il s’agit d ’une observation publiée par
C a tsa r a s et suivie de son interprétation physiologique {Ann. Med. Psychol., 1892, obser­
vation, I, p. 444) et de son hasardeuse « paraphrase neurologique dans les commen­
taires » p. 456-457 : « Je n ’ai pu dormir cette nuit car un dialogue se faisait dans ma
« tête. Soudain, M. G., d ’Alexandrie, m ’apparaît et m ’adresse la parole au sujet
« d ’une question que j ’avais complètement oubliée. Il me dit : « Dis donc, tu ne
« consentiras pas enfin à épouser la demoiselle X. Elle est belle..., elle est jeune, etc. »
« Sa figure fantastique prenait un aspect souriant : « Vous savez, dit-il, elle a assez
« d ’argent ». D ’autres fois, quand il voit son père ou une autre personne, les conversa-
« tions reviennent. Dès qu’il voit quelqu’un éternuer, il doit éternuer également, etc. ».
L ’apparition soudaine, dit C atsaras, au champ de la conscience de M. G . ou
d’une autre personne nous montre que le lobule du pli courbe est en jeu. La mise
en action de ce centre cortical, le plus souvent automatique, avait parfois une origine
primitivement psychique (toutes les fois qu’il pense à son père surgit immédiatement
son image qu’il l’entretient d ’un propos quelconque) ; d ’autres fois enfin, la mise
en action était d’origine périphérique (la vue d ’une personne qui ressemblait à un
ami faisait surgir dans son cerveau l ’image de cet ami qui entretenait également une
conversation avec lui). Ces apparitions, en vertu de la loi des associations, servaient
de point de repère, mettaient en action le centre de l’association mentale, à savoir
la l re circonvolution temporale et le malade entendait M. G. lui dire : « Dis-donc,
« tu ne consentiras pas enfin à épouser », et puis en vertu de la même loi, le centre de
la vision mentale, le lobule du pli courbe étant mis en action, notre malade voyait
la figure fantastique prendre un aspect ; ensuite, grâce à la même loi, le centre de
l’audition mentale entrait de nouveau en action et M. G. dit : « Vous savez elle est
belle, elle a assez d ’argent, etc... » Enfin, la mise en action des centres de la vision
mentale générale et de l ’audition mentale des mots... et, en vertu de la même loi,
les images visuelles de M. G . .du lobule du pli courbe et les images audi-
922 LE MODÈLE MÉCANISTE

s’est subrepticement glissée dans la théorie de nombreux cliniciens et


surtout de Neuro-Psychiatres ou Psychiatres à tendance neurologique, De
telle sorte que beaucoup de conceptions modernes de l ’Hallucination,
disait Mourgue en 1932 (et nous pouvons ajouter que cela est vrai encore de
nos jours), doivent être rangées parmi ces « théories-paraphrases ».
Si, en effet, sous sa forme la plus complète — c ’est-à-dire la plus absurde —
une telle théorie est « passée de mode » et n ’est plus guère soutenue avec
l ’héroïque intrépidité des tenants de la psychophysiologie atomiste et asso-
ciationniste du siècle dernier, il n ’en demeure pas moins que le modèle linéaire
mécaniste a continué à s ’imposer à bien des esprits... Car, bien sûr, c ’est à ce
schéma et à cette idée de l ’intensification de l ’image que se réfèrent plus ou
moins implicitement tous les auteurs qui se figurent l ’Hallucination comme
l ’effet d ’une excitation neuronale..., et ils sont encore légion ! Les tenants
les plus connus de cette conception au XXe siècle ont été parmi les neurologistes
Henschen (1) et Niessl von M ayendorf (2), et pour les psychiatres surtout
G. de Clérambault et ses élèves, F. Morel (3) et G. de Morsier (4). Le credo
neurophysiologique mécaniste prend à son compte les trois propositions essen­
tielles du modèle linéaire que nous exposons ici : l ’Hallucination est l ’effet
d ’un processus pathologique neuro-sensoriel — elle n ’est pas l’effet d ’un trouble

tives des mots de M. G. de la l re temporale font surgir des images motrices d ’arti­
culation associées... et voilà que notre malade parle... Comme le dit en termes modérés
J. P. F alret à la fin de la discussion de cette communication à la société Médico-Psy­
chologique : « L ’auteur suppose établi a priori ce qu’il faudrait démontrer... ».
(1) Toute l’œuvre du grand neurophysiologiste et clinicien suédois S. E. H enschen
(Pathologie des Gehirns, 7 vol., 1890-1922), et notamment un de ses derniers travaux
« Uber Sinnesempfindung und Vorstellung aus anatomisch — Klinischen Gesicht­
punkte », Acta medica Scandinavica, 1923, 57, p. 458-502, s’inspira du plus pur esprit
« mécaniste », en ce sens qu’il s’en tient constamment et intégralement aux proposi­
tions qui constituent, comme nous l’avons vu, le modèle linéaire dont l’excitation
neuronale constitue l’essentiel.
(2) N iessl von Mayendorf, « Die halluzinatorische Zustände der Veranlagten »,
Arch. f Psych., 1922, p. 518-329 — « Uber den Hirnmechanismus der halluzina­
torischen Wahnbildung ». Congrès d ’Innsbrück, C. R. in Zentralblatt Neuro-Psych.,
1925, 40 — « Uber der Prinzipien des Gehirn mechanik », 1926, Stuttgart, éd. Enke.
(3) Ferdinand Morel, neuro-psychiatre suisse, grand admirateur du Maître
de l ’Infirmerie du Dépôt G. de C lérambault. On trouvera dans son livre « Intro­
duction à la Psychiatrie neurologique », éd. Masson, Paris, et Roth, Lausanne, 1947,
l’exposé de sa méthodique contribution aux études sur l’Hallucination.
(4) G. de Morsier est, comme le fut F. Morel, un des adeptes les plus enthou­
siastes du Dogme de l’Automatisme Mental. Sa contribution la plus importante au
problème des Hallucinations est représentée par son substantiel Mémoire sur « Les
Hallucinations » systématiquement confié à une revue spécifiquement neuro-oto­
ophtalmologique (Revue d'oto-neuro-ophtalmologie, 1938, 16, p. 241-352). Les récents
et intéressants travaux (1967, 1669, 1971) montrent avec quelle vigueur et quelle
constance G. de Morsier entend demeurer fidèle à ce modèle théorique.
THÉORIES MÉCANISTES CLASSIQUES 923

général comme le délire dont elle est au contraire une cause — elle est l’effet
d ’une excitation des organes, voies et centres sensoriels. Et tout naturellement,
l ’Hallucination a été étudiée par ces auteurs en choisissant les cas d ’Éidolies
hallucinosiques symptomatiques de lésions centrales ou périphériques.

Nous devons consacrer quelques réflexions à la contribution de G. de Morsier.


Depuis près de 40 ans (à peu près dans le même temps que nous-même avons consacré
à ce problème, il n ’a cessé de soutenir par ses observations, ses réflexions et une énorme
documentation la thèse qui constitue par excellence le modèle linéaire mécaniste de
l'Hallucination considérée essentiellement par lui comme un phénomène d ’excitation
neuronale. Sans doute arrive-t-il à G. de Morsier d ’admettre (1938) que l ’Hallucination
peut dépendre d ’un trouble négatif (comme par exemple lorsqu’il expose (p. 339) et
accepte dans une certaine mesure les conclusions du travail de F. Morel sur le déficit,
les ratés enregistrés dans l’audiogramme pendant l’Hallucination auditive). Mais il se
reprend vite et c’est avec un vigilant souci de soustraire à tout déficit le processus
d ’excitation qu’il a grand soin (à propos des auras hallucinatoires ou des rapports de
l’Hallucination visuelle, avec les agnosies et les hémianopsies, ou de l ’Hallucination
auditive avec les troubles de la série aphasique) de bien indiquer qu’il peut y avoir
association ou juxtaposition des troubles hallucinatoires (positifs) et des troubles fonc­
tionnels perceptifs (négatifs), mais jamais subordination des premiers aux seconds. Et
c’est précisément cette persévérance systématique dans l'hypothèse qu’il entend démon­
trer qui fait à nos yeux la valeur exemplaire de la conception mécaniste de G. de Mor­
sier (1). Mais pour nous qui nous plaçons dans une perspective théorique exactement
inverse, il nous importe de souligner ici que c’est bien, en définitive, la thèse de l’exci­
tation sensorielle identifiée à l ’excitation neuronale qui constitue chez G. de Morsier,
comme chez tous les théoriciens du modèle linéaire mécaniste, l’essentiel de leur
position. Et c ’est bien, en effet, à ce concept d ’excitation des centres nerveux que
G. de Morsier est en définitive confronté lorsque à la fin de son Mémoire (1938), après
avoir montré et démontré que toutes les Hallucinations sont l ’effet d ’excitants
physiques ou chimiques agissant sur les centres cérébraux, il en vient à conclure :
« Nous avons insisté tout au long de ce travail sur les rapports qui unissent les Hal-
« lucinations avec les symptômes de déficit des fonctions sensorielles correspondantes.
« L ’antinomie traditionnelle qui existe entre excitation et déficience ne doit pas être
« maintenue. Il ne s’agit, en réalité, que de deux degrés différents de la désintégration
« de la fonction, l’Hallucination étant un des degrés les plus légers alors que le degré
« le plus avancé réalise l ’agnosie ou l ’aphasie ». De telle sorte que l ’Hallucination
apparaît bien à ses yeux, en définitive, un phénomène d ’excitation, puisque le défi­
cit fonctionnel ne le conditionne pas mais lui succède et, de ce chef, lui est secon­
daire. Et c’est bien en effet le postulat fondamental commun aux théoriciens de la
mécanicité hallucinatoire que de soustraire la production de l ’Hallucination à l’ombre
d ’un quelconque trouble négatif, pour la bonne raison que ce qui caractérise le plus
fondamentalement toute théorie mécaniste de l’Hallucination c’est d ’exclure — ou de
réduire à n ’être qu’une ombre contingente — la désintégration fonctionnelle qui ne

(1) Il me plait, en effet, de souligner que lorsque j ’ai critiqué G. de Clérambault


et G. de M orsier, ce n ’est pas en ménageant l ’admiration que m ’inspire l ’inflexibilité
de leur rigoureuse position théorique, somme toute, de leur « classicisme ».
924 LE MODÈLE MÉCANISTE

l ’accompagnerait qu’occasionnellement pour ne considérer que sa part positive mécani­


quement produite par l ’excitation neuronale. De telle sorte que lorsque G. de Morsier
tout à la fin de son Mémoire de 1938 perçoit les difficultés de sa position théorique
à l’égard des faits de désintégration fonctionnelle auxquels il n ’a cessé en effet de se
référer plus ou moins implicitement, il ne peut souscrire que verbalement à cette idée que
l ’Hallucination dépend d’une désintégration fonctionnelle puisque, pour lui (comme
pour Henschen ,Niessl von Mayendorf, etc.), il y a d ’abord un processus d ’excitation
neuronale auquel peut s’ajouter ou s’associer (1) un trouble fonctionnel dont elle
ne dépend pas. Certes, à l ’extrême pointe de ces discussions sur le processus d ’exci­
tation ou le processus de désintégration fonctionnelle on peut dire, qu’en définitive,
il ne s’agit que d’un jeu de mots, mais nous pensons au contraire que ce qui est mis
en question c’est une conception générale de l ’Hallucination qui en change radicale­
ment le sens. Et c’est bien pourquoi les tenants de la théorie mécaniste de l’Halluci­
nation sont si ardents à la défendre contre ceux qui s’y opposent — et réciproquement.

Nous pensons avoir ainsi montré en exposant les échantillons les plus divers
des diverses théories mécanistes classiques, que si parfois sous la pression des
faits elles s’infléchissent, elles n ’en demeurent pas moins — par leur cohé­
rence même — tenues de se conformer au modèle fondamentale de l ’intensifi­
cation des images produites par l’excitation neuronale. Pour nous qui avons eu
tan t de mal à l ’admettre, nous comprenons bien que cette position doctrinale
est inconfortable et que ses doctrinaires peuvent être tentés de l ’abandonner,
car (comme nous allons le voir), les faits mêmes auxquels elles se réfèrent
doivent contraindre les doctrinaires du modèle linéaire mécaniste à l’aban­
donner... pour se rapprocher (comme nous le verrons plus loin), d ’u n modèle
architectonique basant l ’Hallucination non plus sur une excitation mécanique
mais sur une désorganisation fonctionnelle.

E X P O S É C R IT IQ U E D E S E F F E T S H A L L U C IN O G È N E S
D E S L É S IO N S « IR R IT A T IV E S » L O C A L ISÉ E S
E T D E S E X P É R IE N C E S D ’« E X C IT A T IO N » É L E C T R IQ U E

Outre bien entendu le présupposé doctrinal qui suggère l’idée d ’une inten­
sification hallucinatoire de l’image qui serait l ’effet de Stimuli nerveux anor­
maux, le modèle mécaniste de la genèse de l ’Hallucination se réfère à un certain
nom bre de faits im portants. Nous devons résumer ici tous ceux (que dans
cet ouvrage nous avons, pour la plupart, déjà exposés) qui ont servi à l ’édifica­
tion, sinon à la validation du dogme de la mécanicité. En règle générale, tout
rattachem ent empirique d ’une Hallucination à forte composante cc sensorielle »

(1) La lecture attentive du mémoire peut permettre à tout un chacun de se rendre


compte à chaque page du texte que c’est bien là l ’idée directrice et proprement doctri­
nale de l ’auteur.
LES « LÉSIONS IRRITATIVES HALLUCINOGÈNES » 925

à une lésion bien « localisée » des nerfs et centres sensoriels passe assez faci­
lement pour une vérification de l’hypothèse mécaniste. C ’est que, effectivement,
comme nous venons de le voir dans le paragraphe précédent, la théorie de
l ’excitation neuronale est née à une époque où les localisations des fonctions
nerveuses postulaient une mosaïque de fonctions partielles et d ’atomes psy­
chiques qui imposaient pour ainsi dire nécessairement l ’idée q u ’à la stimulation
de tel point de l’espace cérébral correspondaient tels phénomènes psychiques
et, en l’espèce, que, à l’irritation des centres sensoriels correspondait comme un
signe local, l ’intensification de l ’image qui devenait par l ’intensité de son « esthé-
sie » hallucinatoire. Comme on ne s’interrogeait guère sur le processus patho­
génique auquel correspondait l ’apparition du phénomène hallucinatoire, il
paraissait plus simple de le réduire à un mécanisme simple : celui de l ’excitation,
c ’est-à-dire de l ’ébranlement des nerfs ou des centres. De telle sorte que les faits
qui m ontrent à l’évidence q u ’il existe une relation entre les lésions périphériques
ou centrales des analyseurs perceptifs et l ’apparition de phénomènes hallucina­
toires, ont été tout naturellement inscrits au crédit de la théorie de l ’exci­
tation neuronale. Le fa it q u ’en portant un courant électrique sur telle ou telle
partie du tissu nerveux qui forme les récepteurs, voies et centres sensoriels
ou produit des phénomènes hallucinatoires, a été également — et bien plus
facilement encore — porté au crédit de l’interprétation de l’apparition de l ’Hal­
lucination par l ’effet de stimulation spécifique exercé par l ’excitation électrique.
Ce sont donc ces deux ordres de faits que nous devons m aintenant envisager,
en rappelant et en accentuant ce que nous avons déjà eu l’occasion de dire
en rapportant plus haut la remarque si pertinente de Joffroy (1896), savoir
q u ’il ne suffit pas q u ’une Hallucination soit causée p ar une lésion spontanée
ou expérimentale (y compris l ’application d ’un courant électrique) pour que
soit démontrée par là la théorie de l’excitation neuronale, car il restera encore
à se demander si une lésion ou un trouble de désintégration partielle ne peut
s’interpréter que par le concept d ’excitation.

I. — LES LÉSIONS « IRRITATIVES » LOCALISÉES DES ORGANES,


VOIES ET CENTRES SENSORIELS

Comme nous l ’avons déjà noté en exposant les théories mécanistes clas­
siques du xixe siècle, l’origine périphérique des Hallucinations s’est d ’abord
imposée à l ’esprit de beaucoup de philosophes et de cliniciens et non des
moindres (Darwin, Bürdach, J. Müller, Calmeil). L ’ouvrage de V. U rbant-
schitsch (1908) (1) doit être signalé comme une des plus importantes contri­
butions à cette thèse. Puis à mesure que se sont développées les connaissances,
sur les centres cérébraux sensoriels, tout naturellement la théorie de l’excitation

(1) V. U rbantschitsch . Ueher subjektive Hörererscheinungen und subjektive optische


Auschaungsbilder, Leipzig, Deurlicke, 1908.
926 LE MODÈLE MÉCANISTE

neuronale a glissé vers les centres psycho-sensoriels (1). Dès lors nous devons
examiner ici deux ordres de faits : 1°) les lésions périphériques (des organes
des sens et des voies c ’est-à-dire les lésions qui atteignent les récepteurs
(rétine — membrane basilaire et organe de Corti — corpuscules cutanés, etc.)
ou les deuxièmes neurones de relais diencéphaliques (voies optiques et
acoustiques relayant dans les corps genouillés — voies de la sensibilité cons­
tituant le lemnisque médian et la voie spino-thalamique, etc.) — 2°) les lésions
centrales, c’est-à-dire celles qui atteignent, soit les centres spécifiques primaires
de projection des messages sensoriels, soit celles qui atteignent les centres
secondaires d ’élaboration et d ’association (aires 17, 18 et 19 pour les centres
visuels occipito-pariétaux; aire gyrus transverse et aires 20 et 21 pour les centres
acoustico-temporaux — aires pariétales supérieures 5 et 7 pour la somato-
gnosie — aires somesthésiques primaires 1, 2 et 3 pour les perceptions tactiles—
aires olfactives rhinencéphaliques de l ’espace perforé antérieur de l ’amygdala
et du cortex prépiriforme).

1° L ésions p é rip h é riq u e s. — Les lésions de l ’analyseur perceptif,


même à ce niveau, produisent tout d ’abord et essentiellement des troubles dans
l ’élaboration des messages sensoriels. C ’est là un fait q u ’on ne saurait oublier,
car la production d ’Hallucinations y apparaît alors manifestement « secon­
daire » à l ’amblyopie, à l ’hypoacousie et plus généralement aux troubles de
la perception des « formes » que l ’appareil sensoriel sélectionne normalement
parmi l ’infinité des Stimuli que constamment il reçoit. Nous ne pouvons pas
passer en revue (2) une fois encore tous les faits que nous avons déjà rappor­
tés et dont nous aurons l ’occasion de souligner l ’importance plus loin (6e Par­
tie.). Nous nous contenterons ici d ’en rappeler l ’essentiel en ce qui
concerne les lésions hallucinogènes périphériques du « récepteur visuel » et du
« récepteur auditif ».

Les Hallucinations des ophtalmopathes et dans les lésions du nerf optique


et des voies optiques. — Les faits les plus caractéristiques entrent généralement
dans le cadre de ce que G. de Morsier (1967) a proposé d ’appeler le « Syndrome
de Charles Bonnet ». Ce célèbre naturaliste et philosophe genevois a rapporté
en 1760 le cas de son aïeul âgé de 89 ans qui souffrait d ’Éidolies hallucinosi-
ques typiques ; puis sa propre auto-observation car lui-même était atteint de

(1) A nglade (1927) a très justement fait remarquer que même « refoulée dans
le cerveau » la théorie de l’origine périphérique des Hallucinations restait aussi
périphérique...
(2) Nous l’avons déjà fait à propos des Éidolies hallucinosiques en général (p. 353
et sq. et p. 365 et sq.), des Hallucinations visuelles (p. 1140-1150), des Hallucinations
acoustico-verbales (p. 227 et sq.), des Hallucinations corporelles (p. 282 et sq.) et
dans mon chapitre consacré à l’Isolement sensoriel (p. 702 et sq., p. 705 et sq.
et p. 1371 et sq.).
LES « LÉSIONS IRRITATIVES HALLUCINOGÈNES » 927

troubles de la vue et éprouva les mêmes phénomènes (Il voyait une multitude
d ’objets fantastiques tout en reconnaissant son « illusion »). Pour G. de M or-
sier, ce syndrome ne serait pas caractéristique, comme on le dit le plus
souvent, de 1’ « état hallucinosique » causé par les lésions périphériques, mais
la conséquence de lésions toujours centrales. Ceci nous paraît capital à noter car
11 s’agit, comme nous le verrons, d ’un aspect fondamental du problème qui
nous occupe ici. Quoi q u ’il en soit, nous retrouvons dans l ’auto-observation
d ’un autre philosophe et physicien genevois, Pierre Prévost, publiée par le
fameux philosophe et psychologue genevois, Ernest Naville, le même type
d ’activité hallucinatoire sans lésions oculaires. Le cas rapporté en 1923 (et
dont nous avons cité (p. 125) et citerons (p. 1317 et sq.) de larges fragments par
H. Flournoy) était celui d ’un vieillard qui, lui, présentait une cataracte bilaté­
rale (1) avec une réduction de l ’acuité visuelle à 1/20 pour l ’œil droit et à 1/6
pour l ’œil gauche. Disons donc que le « Syndrome de Charles Bonnet », même
si — et c ’est bien probable — il ne dépend pas exclusivement de lésions périphé­
riques, se rencontre chez les vieillards et souvent chez les vieillards présentant
des lésions des organes récepteurs (D ’après les statistiques de G. de M orsier
lui-même, sur 18 cas présentant ce syndrome typique, on notait au moins
12 cas de lésions oculaires). Et c ’est ce fait qui a évidemment frappé tous
les auteurs qui ont publié des cas semblables. A commencer tout d ’abord (1899)
par W. Uthoff (2) qui en a rapporté 4 cas (choroïdite avec dans le scotome posi­
tif, Éidolies hallucinosiques — énucléation d ’un œil et ophtalmie sympathi­
que, images d ’anges, de nuages et d ’oiseaux — choroïdite avec scotome central
positif et « vision d ’un policier »).
Mais depuis lors les observations des ophtalmologistes et neurologues
sont très nombreuses. Nous en avons rappelé un certain nom bre dans le
chapitre consacré aux Éidolies hallucinosiques et dans l’étude de la désaffé­
rentation clinique à la fin du chapitre que nous avons consacré à l ’isolement
sensoriel. On en trouvera un inventaire très complet, soit dans l ’article de
H. Hécaen et J. Badaracco (Évol. Psych., 1956), soit dans le mémoire de
J. J. Bürgermeister, R. Tissot et J. de Ajuriaguerra (1965) et celui de J. de Aju-
riaguerra et G. Garrone (1965). Deux faits doivent, à notre avis, être considérés
comme établis par toutes ces observations. Le premier, c’est que l’imagerie

(1) On se demande pourquoi G. de Morsier (1967, p. 683 et 1969, p. 424-425)


voulant montrer que le « Syndrome de Charles Bonnet » est indépendant des lésions
périphériques, oublie de noter que l’auteur de cette fameuse auto-observation
(Un monde inconnu vivant, écrit en 1915, et reproduit intégralement dans le livre de
R. Mourgue, p. 217-235) était précisément un ophtalmopathe... Il est vrai que
R. Mourgue nous apprend (p. 216) que ce vieillard avait aussi « présenté des troubles
vasculaires centraux »...
(2) W. U thoff, Beiträge zu den Gesichtstauschangen (Halluzinationen. Illusionen,
u. s. w.) bei Erkankungen des Seheorgans. Monatschr. Psych. Neurol., 1899,5, p. 241-
264 et p. 370-379.
928 LE MODÈLE MÉCANISTE

hallucinatoire dans les ophtalmopathies est de type nettement éidolo-halluci-


nosique : tout ce que nous avons décrit sous ce nom (et correspondant au
concept trop vague et ambigu d ’hallucinose de nos premiers travaux) coïncide
très exactement avec cette pathologie hallucinatoire périphérique. Le second,
c ’est que — malgré l ’opinion de G. de Morsier et conformément à celle de
Hécaen et Badaracco d ’une part, et à celle de Bürgermeister, Tissot et J. de Aju-
riaguerra d ’autre part — il y a une corrélation entre le déficit fonctionnel de
la perception visuelle même réalisée au niveau « périphérique » et l ’apparition
de ces phénomènes. Tout naturellement d ’ailleurs, ces auteurs rapprochent les
conditions de déficit sensoriel hallucinogène de l ’isolement sensoriel et du syn­
drom e du bandeau. Bien sûr, il ne saurait être question d ’oublier q u ’il y a
en France 45 000 aveugles (Blanc et Bourgeois, 1966) et que l’on compte seu­
lement par quelques centaines de cas tous les ans les syndromes éidolo-halluci-
nosiques des ophtalmopathes... D ’où naturellement l ’idée que les centres
visuels occipito-pariétaux doivent être aussi lésés pour que se produisent les Hal­
lucinations de ce type. D ’où encore l ’idée (Horowitz, 1964 et 1965) que seules
les photopsies (1), c ’est-à-dire les protéidolies visuelles, dépendent de l ’excita­
tion de la rétine et du nerf optique (en vertu du principe de l’énergie spécifique
des nerfs). De telle sorte que la « Gestaltisation » de ces lésions entoptiques
n ’ajouterait q u ’un complément artificiel (décoratif, géométrique, chromatique)
aux données sensorielles sans que l’image hallucinatoire puisse se dérouler,
s’orchestrer comme une scène, comme un rêve. Mais to u t ce que nous avons
exposé, soit dans l ’analyse structurale des Éidolies (protéidolies et phântéi-
dolies) des hallucinogènes (et particulièrement de la mescaline), soit dans les
effets de l ’isolement sensoriel, soit, comme nous allons y insister plus loin,
à propos de la pathologie éidolo-hallucinosique des lésions centrales, montre
que cette interprétation est fausse, car il y a des phénomènes hallucinatoires
complexes qui dépendent d’une désafférentation périphérique, comme il y a
des phénomènes hallucinatoires élémentaires qui dépendent des déficits cen­
traux.
— Les phénomènes hallucinatoires observés dans les lésions des voies optiques
sont très analogues et posent les mêmes problèmes. Rappelons, par exemple,
le cas de Bouzigue (1909) où il s’agissait d ’une névrite optique, ou celui de Baruk,
ou encore celui de l’observation que nous avons publiée (cf. supra, p. 331)
où les neurones du relais diencéphalique étaient atteints.

Les Hallucinations des otopathes. — Les « acouphènes », le « tintoin »,


le « syringmos » sont ces phénomènes sensoriels du sens de l’ouïe que du

(1) Ou autres phénomènes élémentaires locaux (protéidolies) en rapport avec les


structures du globe oculaire et la rétine, de telle sorte qu’ils tirent de cette relation
quelques caractères que nous avons soulignés précédemment (p. 353) : caractères
dysmorphiques des images, solidarité des images et des mouvements oculaires, dis­
parition à l’occlusion des paupières, etc. A la fin de la 7e Partie, nous reviendrons
sur ce point.
LES « LÉSIONS IRRITATIVES HALLUCINOGÈNES » 929

tem ps de Félix Plater (1625), ou plus près de nous, de Boissier de Sauvages (1768)
et de Erasme Darwin (1801) les médecins rapportaient tout naturellement aux
affections des fibres nerveuses qui forment les nerfs. C ’est à Régis (1882), puis
à Urbantschitsch que l ’on attribue généralement le mérite des fameuses des­
criptions précises de ces phénomènes dont Calmeil (1840), puis Koppe (1867)
avaient pressenti l ’intérêt. Tandis que pour Esquirol, comme nous l’avons noté
au début de cet ouvrage (cf. supra, p. 79 et sq.), il y avait lieu de séparer ces
« illusions des sens » dans lesquelles « la sensibilité des extrémités nerveuses est
altérée », des Hallucinations. Vers la fin du XIXe siècle — et certainement par
le truchement de l ’hypothèse de l ’excitation neuronale — les deux catégories
se sont trouvées correspondre, et beaucoup de cliniciens ont été d ’accord pour
décrire des Hallucinations d ’origine périphérique p ar lésion des récepteurs
auditifs (otites, oto-spongiose, presbyacousie, névrites du nerf acoustique).
D ’assez nombreuses observations ont été publiées entre 1885 et 1910 (celles
de Cozzolino, 1887; Toulouse, 1892; Bechterev, 1903; de Mabille, 1903; de
V. Urbantschitsch, 1908 ; de Escat, 1908 ; de Stransky, 1911 ; de Klienberger,
1912). Nous en avons rapporté quelques exemples, soit dans notre travail de
1938, soit dans les chapitres précédents. Rappelons q u ’il s’agit généralement de
bruits endo-auriculaires, parfois unilatéraux que le Sujet entend comme une
sensation « brute » sonore plus ou moins intense (avec ses caractéristiques
de timbre, de hauteur de rythme), ou de sons plus complexes (verbaux
ou musicaux). L a constance, la durée, l ’absence du jugement de réalité
et le déficit permanent de l ’audition, sont la règle. A cet égard, il ne fait
pas de doute que ces phénomènes hallucinatoires entrent dans le cadre
des Éidolies acoustiques. Nous pouvons même ajouter, acousticoverbales. Il
arriverait même, si nous en croyons une observation de Régis (Encéphale,
1881), que la lésion otitique provoque un syndrome hallucinatoire à type
« automatisme mental » (troubles qui guérirent en même temps que
l ’otite...).
Après le travail critique de Lugano (1), on a noté un déclin de l ’intérêt
des chercheurs. Cependant, depuis cette époque bien d ’autres observations
et études ont été publiées (Claude, Baruk et Henri Ey, 1932; C ourbon et Cha-
poulaud; Gelma et Singer, 1951 ; Kämmerer, C ahn et Dorey, 1958) ; certains
travaux doivent être signalés pour leur importance ou pour leur actualité.
Car si le problème a été bien posé dès 1903 par J. Séglas à propos des Hallu­
cinations unilatérales de l ’ouïe, et à la même époque par S. Bryant (1907)
qui soulignait la grande importance psychique des affections de l’oreille, ou
encore par un autre oto-rhino-laryngologiste G. Bergreen (1919), il a été repris
dans le mémoire de P. Ottonello (1930) et plus récemment dans l’article de
H. Hécaen et R. R opert (1963), puis dans le travail de J. D. Rainer et coll.
(in Keup, 1969) sur la « phénoménologie » des Hallucinations dans la surdité.

(1) Rivista di Pato-nervose e mentale, 1903, 8, p. 1.


930 LE MODÈLE MÉCANISTE

Comme pour les Éidolies ballucinosiques visuelles des ophtalmopathes,


on a to u t naturellement discuté de savoir si le facteur périphérique était néces­
saire et suffisant, et surtout si l’hypoacousie généralement constatée était
d ’origine périphérique ou centrale. Le travail de F. Morel (examens audio­
métriques de 34 malades présentant des Hallucinations acoustico-verbales
généralement délirantes) lui a permis de prendre la position symétrique à celle
de son collaborateur G. de Morsier sur l’origine centrale du « syndrome
de Bonnet », car, pour lui, l ’hypoacousie comme les Hallucinations sont
des symptômes de lésions centrales.
Pour le mom ent nous pouvons négliger ce point de vue — dont nous
verrons plus loin qu’il est dépassé par la conception globale du fonctionnement
de l’analyseur perceptif (p. 1164), en nous bornant à souligner, comme nous
l ’avons fait pour les Éidolies des ophtalmopathes, que les lésions périphériques
atteignant l ’organe de C orti produisent déjà à ce niveau un trouble de la
perception acoustique, et que c ’est de ce trouble et non de l’excitation physique
des neurones sensoriels que paraissent dépendre ces phénomènes hallucina­
toires. A ce sujet, on ne peut sous-estimer l’intérêt des travaux des otologistes
(M artin et Aubert, 1963; P. Pazat et P. Groteau, 1970) qui ont m ontré que les
acouphènes étaient les bruits fantômes correspondant à l’am putation du
cham p auditif dans le syndrome post-sonotraumatique.

2° L é s io n s c e n tra le s. — Ce sont deux ordres de symptômes qui ont


attiré l ’attention des cliniciens neurologistes et psychiatres sur la production
des Hallucinations dans les lésions cérébrales : les Hallucinations des hémianop-
siques et les Hallucinations dans les auras épileptiques. Nous avons vu dans
les chapitres Ier et II de la 4e Partie de cet ouvrage que, en définitive, ce sont
à ces deux structures fondamentales de l’Hallucination typique des lésions
cérébrales localisées que nous renvoie, après un long détour, l ’examen des nom­
breux cas des lésions vasculaires, traum atiques ou tumorales. Nous ne pouvons
songer à reprendre tous les faits que nous avons déjà exposés et que nous
interpréterons quand nous exposerons la théorie organo-dynamique de l ’acti­
vité hallucinatoire (p. 1283) ; nous nous contenterons de rappeler les principales
données de fait en indiquant que la théorie de l ’excitation sensorielle n ’y paraît
pas s’y adapter et encore moins s’y valider.

Ce sont les « lésions vasculaires » (hémorragies cérébrales, ictus, syn­


dromes hémiplégiques, aphasiques, etc.) qui ont tout d ’abord attiré l’atten­
tion des auteurs, bien avant que la pathologie tumorale ne soit connue. On cite
parfois la vieille observation de P. Schirmer, 1895 : au moment de l ’ictus qui
entraîna une cécité totale (thrombose des deux artères cérébrales postérieures)
se produisit une Hallucination (vision de feu), ce qui parut à Soury, qui la
commenta (1899), constituer « l’expérience physiologique la plus décisive
pour la localisation de la vision mentale ».
Mais c’est généralement, soit dans le contexte d ’une cécité psychique
(observation de Berger, 1913, homme de 77 ans présentant un double
LES « LÉSIONS IRRITATIVES HALLUCINOGÈNES » 931

ramollissement de la cérébrale postérieure, vision d ’une personne puis de


paysages ; — observation de Barat, 1913, ramollissement symétrique de la
cérébrale postérieure, anosognosie, vision compensatrice de la cécité repré­
sentant le milieu familier avec quelques phénomènes photopsiques, lueurs,
flammes, lampes éblouissantes ; — observation de Bakessy et Peter, 1961,
cécité corticale avec crises hallucinatoires à lampes déformées, cf. supra, p. 195).
Rappelons aussi le cas de Lafora (1926); il s’agissait d ’une endartérite occipitale
avec syndrome d ’agnosie visuelle; les Hallucinations visuelles apparaissaient
dans le champ hémianopsique.
Le contingent de troubles vasculaires dans les observations d ’Hallucina-
tions hémianopsiques est considérable pour ce qui concerne les cas publiés
à la fin du xixe siècle (Séguin, Féré, Bidon, etc., cf. à ce sujet S. Colman,
Brit., med. J., 1894, et H. Lamy, Revue Neurologique, mars 1895), ou au
cours des 40 dernières années (Esckuschen, 1911; W ilbrand et Sänger, 1917;
Niessl von Mayendorf, 1936; Hoff et Pötzl, 1938; R. G. Goladec, 1951, etc.).
Pour la plupart des auteurs (comme anciennement pour Soury), il est évi­
dent que les troubles vasculaires constituent une lésion irritative qui provoque
des Hallucinations visuelles à côté du déficit agnosoperceptif dû, lui, à son
action destructrice (Henschen (1)). Depuis lors, une interprétation moins méca­
niste et plus jacksonienne a été proposée de ces faits. Les deux si intéressantes
observations d ’Engerth, Hoff et Pötzl (1929 et 1931) dont nous avons déjà
parlé (2), concernaient des malades frappés d ’ictus, et il a paru évident aux
auteurs que le travail positif de l ’Hallucination (travail rapproché p ar eux du
travail du rêve) ne saurait s’accommoder d ’une interprétation aussi sommaire
que celle d ’une explication par des excitations neuronales fortuitement pro­
duites par l’irritation lésionnelle.
Il est plus rare d ’observer dans cette pathologie occipito-pariétale vasculaire
des auras visuelles épileptiques, car les crises de l ’uncus et les dreamy States
relèvent plutôt d ’une pathologie temporale et il est rare, d ’autre part, que des
lésions vasculaires atteignent électivement cette région. Rappelons cependant
que Jackson avait publié avec Colman en 1898 un cas de ramollissement cir­
conscrit à la région temporale gauche avec dreamy state.
La pathologie (thrombose, anévrysme) de l ’artère cérébrale postérieure
produit le plus souvent des Éidolies hallucinosiques (surtout à forme phantéi-
dolique) en même temps que se constitue un syndrome de déficit fonctionnel
(cécité corticale, agnosie, hémianopsie).
— Nous retrouvons à peu près, mais peut-être plus rarement, les mêmes
faits dans la sphère acoustico-verbale centrale avec les lésions vasculaires
et notam m ent les thromboses de la sylvienne produisant des phénomènes
hallucinatoires acoustico-verbaux. Magalhaes Lemos publia il y a bien long-

(1) Arch. f Psych., 1925, 75, p. 630.


(2) Cf. mon travail, Évol. Psych., 1938, p. 26-27 et supra, H. Visuelles (p. 150)
et Éidolies (p. 348-351), et plus loin p. 1008 et sq.
932 LE MODÈLE MÉCANISTE

temps (1911) une observation qui eut ses années de célébrité. Il s’agissait d ’Hal-
lucinations (disons Éidolies hallucinosiques) unilatérales par ramollissement
sylvien de l’hémisphère droit. Les lésions vasculaires temporales produisent,
bien sûr, beaucoup plus souvent des syndromes aphasiques quand elles atteignent
l'hémisphère dominant, mais l ’Hallucination acoustico-verbale figure fort
rarement dans le syndrome de désintégration du langage. Le cas d ’Arnold Pick
(rapporté dans une leçon de Wemicke et dont R. M ourgue fait mention p. 116)
est intéressant à ce sujet puisqu’il s’agissait d ’une aphasie sensorielle et que le
malade présenta ensuite des Hallucinations de l ’ouïe à caractère paraphasique.
Les cas de F. Sanz (1922) et de Klein (1924) m ontrent que des syndromes
artériopathiques à type d ’aphasie peuvent s’accompagner aussi d ’écho de la
pensée (de Gedankenlantwerderi). Ainsi, au cours des lésions vasculaires céré­
brales nous voyons les phénomènes acoustico-verbaux apparaître avec un halo
de troubles — ici l ’atmosphère aphasique analogue à l ’agnosie visuelle ou
de l ’hémianopsie (1) quand ce n ’est pas pour les unes comme pour les autres
l ’atmosphère onirique (cf. plus loin p. 1298 du chapitre Hallucinations et affec­
tions cérébrales), soit autant de troubles irréductibles à la notion d ’excitation.
Généralement les auteurs estiment soit que les Hallucinations sont
rares dans la symptomatologie des affections vasculaires cérébrales (F. Stern,
1930), soit q u ’elles se présentent cliniquement dans une atmosphère d ’oni­
risme ou, comme disent les Psychiatres allemands, de « optische Halluzi-
nose » (F. Reimer, 1970). C ’est surtout dans les cas d ’artério-sclérose des
petits vaisseaux (U. de Giacomo, 1952) que s’observent ces états confuso-
oniriques qui constituent le fond de l ’activité hallucinatoire. Il arrive aussi
que ces expériences délirantes hallucinatoires débutent ou soient accompa-
pagnées de phénomènes éidoliques et spécialement phantéidoliques (les cas
rapportés par F. Reimer). Mais q u ’il s’agisse de l’un ou l ’autre aspect de ces
diverses variétés d ‘Hallucinations, il suffit de se rapporter aux détails de l ’obser­
vation clinique pour se convaincre q u ’elles sont toujours secondaires à un
déficit partiel ou global.

— Les traum atism es cranio-cérébraux et notam m ent les blessures de


guerre ont donné lieu également à la publication et à l’analyse de nombreux
cas d ’Hallucination d ’origine cérébrale (cf. supra, p. 475 et sq.).
Dans la sphère visuelle centrale, Poppelreuter (1916), Pötzl (1916-1919),
W. Sänger (1919) et Kleist dans sa « Gehirnpathologie » adm ettent que les phé­
nomènes hallucinatoires apparaissent comme symptômes précoces du pro­
cessus traum atique cérébral (hémorragies notamment), et plus tard quand
s’établit l’amaurose dont ils suivent généralement les progrès. Bien entendu,

(1) Nous devons rappeler, en effet, que les Hallucinations unilatérales de l’ouïe
ne sont pas l’apanage des lésions périphériques et qu’il existe des phénomènes d ’hémi-
acousie corticale (Lund, 1952) équivalant aux troubles hémianopsiques dans les
lésions occipitales.
LES « LÉSIONS IRRITATIVES HALLUCINOGÈNES » 933

là encore, ces auteurs ne m anquent pas de remarquer que ces phénomènes


hallucinatoires se rencontrent, soit au sein des amblyopies agnosiques ou hémi-
anopsiques et plus généralement du déficit des fonctions des centres occipito-
pariétaux d ’intégration des données perceptives visuelles, et bien plus souvent
encore au cours des auras épileptiques, ce qui limite d ’autant l’interprétation
pure et simple p ar le processus d ’excitation de l ’énergie spécifique des centres
optiques ou d ’ecphorie des engrammes comme Kleist tendait à le penser en
prenant à son compte les idées de Henschen (1) ou de Niessl von M ayendorf (2).
Pour ce qui est des phénomènes hallucinatoires d ’origine traum atique
symptomatiques considérées pourtant par lui comme des phénomènes d ’exci­
tation de lésions occipitales ou temporales, Kleist fait remarquer, comme nous
l ’avons souligné (p. 476), q u ’ils se produisent presque constamment au cours
d ’auras épileptiques. C ’est d ’ailleurs la conclusion q u ’il est facile de tirer de la
lecture du mémoire que H. Hécaen et R. R opert (1959) ont consacré aux Hal­
lucinations auditives dans les lésions cérébrales. Parm i les 32 cas q u ’ils rappor­
tent, on note 5 cas de traumatisme, tous com portant un encadrement comitial
(auras) de l ’apparition des Hallucinations auditives. Seul peut-être le cas n° 6
(traumatisme pariéto-tem poral droit avec crises hallucinatoires de caractère
paroxystique) pourrait paraître ne pas com porter de structure typique d ’aura.
Dans ces diverses observations il s’agissait, soit d ’Hallucinations élémentaires
(nos 6 et 17), soit d ’Hallucinations verbales (n° 7), soit d ’Hallucinations musi­
cales (n° 23), soit d ’associations hallucinatoires acoustico-visuelles (n° 23). Au­
tan t dire que dans ces cas, comme dans la plupart de ceux q u ’on retrouve dans
la littérature, les Hallucinations auditives, q u ’elles soient élémentaires ou
complexes, verbales ou musicales, ont généralement une structure éidolo-
hallucinosique et paraissent dépendre d ’une désorganisation permanente
ou plus souvent paroxystique de l ’analyseur perceptif.
Nous avons suffisamment insisté (p. 479) sur les troubles de la perception
qui constituent le fo n d sur lequel s’inscrit la form e hallucinatoire (notamment
ceux de E. Bay, 1932; G. H. Fischer et J. Kumpf, 1949; de J. E. Meyer et
L. Witlkowsky, 1951; de H. Heintel, 1965, etc.), pour q u ’il nous soit permis
d ’en faire état sommairement ici. C ’est à ces travaux d ’analyses approfondies
du travail structural des fonctions perceptives que nous devons demander
précisément la dém onstration du caractère artificiel de la réduction des hallu­
cinations à des phénomènes purs et simples d ’excitation.
Rappelons aussi que, comme nous l ’avons noté à propos des lésions vas­
culaires, les syndromes post-traumatiques qui com portent une activité hallu­
cinatoire se manifestent souvent non seulement par des troubles éidolo-hallu-
cinosiques visuels, corporels ou acoustico-verbaux, mais par des états à type
de psychose aiguë confuso-onirique et parfois korsakowoïde (Benon, P. Schrö­
der, R. Angelergues et H. Hécaen, Friedmann et C. Bremer, etc.). D ’après

(1) Arch. f. Psych., 1925, 75, p. 630.


(2) Zentralblatt N. P., XI, 1924, C. R. Congrès d ’Innsbrück.
934 LE MODÈLE MÉCANISTE

Kleist, et comme K. P. Kisker (1960) l’a depuis lors encore souligné, il est
probable que c’est avec la pathologie du tronc cérébral que sont en rapport
ces expériences délirantes hallucinatoires souvent paroxystiques ou transitoires.
— Mais c’est surtout à la pathologie des tum eurs cérébrales que le pro­
blème des Hallucinations d ’origine centrale a été rattaché depuis le début
du siècle, et c’est en effet au fur et à mesure que s’est développée la neuro­
chirurgie que quantité d ’observations ont été publiées depuis celles de Kennedy,
Cushing, Clovis Vincent et David il y a 40 ans. Nous avons déjà consacré
une étude approfondie à ce problème (cf. supra, p. 466-474) après l ’avoir
deux fois déjà exposé en 1932, puis en 1938; aussi pouvons-nous nous per­
mettre de ne dire ici que l ’essentiel. Cet essentiel étant pour nous de m ontrer
inlassablement que l ’Hallucination, même sous sa forme éidolo-hallucinosique,
n ’est pas seulement un phénomène de simple excitation de neurones, fussent-ils
corticaux. L ’hypothèse d ’une « irritation » produite par un méningiome ou un
gliome est éclipsée par l ’hypothèse plus immédiatement vérifiable, sinon plus
évidente, que la lésion produit d ’abord un trouble fonctionnel dont l ’appa­
rition de l’Hallucination n ’est que l’effet. Voilà pourquoi la dém onstration déjà
faite plus haut et que nous poursuivons ici consiste à m ontrer avec les obser­
vateurs eux-mêmes que les processus expansifs cérébraux produisent d ’abord
des troubles ou syndromes déficitaires dont les figures hallucinatoires ne sont
que les effets plus ou moins directs. Et cela est tellement vrai que, comme nous
venons de le voir pour les traumatismes cranio-cérébraux, c'est généralement
par l'épilepsie que passe la pathologie hallucinatoire des tum eurs cérébrales.
Par l ’épilepsie, mais aussi, quoique plus rarement, par les syndromes d 'agnosie
ou de déficit perceptif que la tum eur engendre.
La grande question qui se pose est évidemment de savoir si le siège de
la tum eur a une influence sur la production des Hallucinations.

Si nous nous rapportons à ce que nous avons déjà dit à ce sujet, on peut
dire q u ’en ce qui concerne les tum eurs occipitales (le plus souvent occipito-
temporales d ’ailleurs), les Hallucinations visuelles sont celles que l ’on observe
le plus sans aucun doute sous forme d ’Éidolies hallucinosiques, soit « élémen­
taires » (protéidolies), soit « complexes » (phantéidolies), toutes étant caractéri­
sées par la distorsion morphologique et fonctionnelle propre à ces images. Nous
l’avons déjà noté (cf. supra, p. 472), sur 93 cas d ’Hallucinations visuelles
observées dans des cas de tumeurs cérébrales diverses (Hécaen et Aju-
riaguerra, Tarachov, Campana, etc.), dans 15 cas seulement il s’agissait de
tumeurs occipitales. Par contre, les autres Hallucinations sont rares dans ce cas.
Il convient de noter, en se rapportant aux observations que l ’on ne manque
jam ais de citer (cf. supra, p. 466) et dont la plupart ont été faites — parfois
hâtivement et sans analyse clinique suffisante — par les neuro-chirurgiens, que
ces phénomènes se présentent comme des Éidolies dont la « figure » se détache
d ’un « fo n d » de déficit perceptif (troubles de l ’orientation, de la mémoire ou
de la reconnaissance des formes visuelles ou des couleurs, troubles opto-
cinétiques, etc.) dont le champ hémianopsique constitue la structure lacunaire
LES « LÉSIONS IRRITATIVES HALLUCINOGÈNES » 935

la plus évidente. On ne saurait non plus méconnaître le fait que c’est plus
souvent comme aura psycho-sensorielle que les Hallucinations se pré­
sentent.

Les tum eurs temporales se manifestent généralement selon deux modalités


hallucinatoires. L ’une, de beaucoup la plus connue, sinon la plus fréquente,
est la fameuse crise de l'uncus (dreamy state). On en trouvera des exemples dans
les observations publiées p ar Cushing (1921), H orrax (1923), K. Wilson (1928),
Germ an et Fox (1934), J. Edmund, W. Penfield et coll. (de 1951 à 1958)
G. Moscatelli (1959). D ’après Hécaen et J. de Ajuriaguerra, sur 32 cas de tumeurs
temporales à manifestation hallucinatoire, 24 présentaient ce type d ’aura ou de
crise psychomotrice typique de la pathologie sphénoïdo-temporale. P ar contre,
P. Gai (1958), sur 61 tumeurs temporales, n ’a observé que 7 cas de dreamy
state et H. Depen (1961), sur 80 tumeurs temporales, n ’en a observé que 3 cas
seulement. Hécaen et R opert tiennent également cette éventualité pour rare,
mais les symptômes accusés par leurs malades paraissent plus près de ces auras
temporales q u ’ils ne l ’admettent. Notons d ’ailleurs que sur 7 observations
(sur un total de 34) d ’Hallucinations auditives, au moins 2 (n08 12 et 16) parais­
sent se rapprocher de ce modèle d ’accident paroxystique. N otons aussi les tra­
vaux de H. Klüver (1958), de R. G. Blickford et coll. (1953), de M. Baldwin et
coll. (1959) qui, comme le souligne M. Baldwin (in Keup, 1970, p. 6), ont assi­
milé les états hallucinatoires de l’épilepsie temporale à ceux que produit le LSD.
L ’autre modalité est représentée par l ’apparition d ’Hallucinations acoustico-
verbales sur fo n d agnoso-aphasique dans les tumeurs qui siègent dans la région
temporo-pariétale et notam m ent au niveau des aires primaires et secondaires
de l ’analyseur acoustique et acoustico-verbal. Le fameux cas de Sérieux et
R. Mignot (1901) ne peut m anquer d ’être rappelé : l ’autopsie d ’un malade
présentant des symptômes aphasiques et des Hallucinations auditivo-verbales
m ontra des kystes hydatiques siégeant au niveau du lobe tem poral gauche.
Depuis lors, quelques observations de ce genre ont été publiées (Courville, 1928 ;
Tarochov, 1941 ; Hécaen et J. de Ajuriaguerra, 1956; Hécaen et Ropert, 1959),
soit q u ’il s’agisse d ’Hallucinations élémentaires ou complexes, verbales ou
musicales. Le syndrome tem poral décrit p ar Förster Kennedy (1911) et compre­
nant troubles du langage, troubles émotionnels et troubles perceptifs, peut cons­
tituer quelquefois le fond sur lequel apparaissent certaines figures éidolo-
hallucinosiques (M. B. Bender et M. G. Kanzer, 1941). On peut donc sans
forcer les faits dire que presque constamment ces Éidolies hallucinosiques
émergent d ’une désorganisation du champ perceptif acoustico-verbal.
Bien entendu, le problème du siège de la tum eur (cf. supra p. 471), c’est-
à-dire celui de son pouvoir hallucinogène en rapport avec les centres « spécifi­
ques », ne peut être résolu p ar le seul fait de sa « localisation » souvent mal
circonscrite. E n effet, même dans les cas que nous venons de rappeler,
la tum eur n ’est pas toujours strictement localisée à tel ou tel « centre »
ni même à tel ou tel lobe (les tum eurs temporo-pariéto-occipitales sont
fréquentes). De plus, les Hallucinations sous forme surtout de phantéidolies
E y . — Traité des H allucinations. il 31
936 LE MODÈLE MÉCANISTE

ou d ’expériences oniriques s’observent au cours de l ’évolution des tum eurs


mésodiencéphaliques et même sous-tentorielles.

R é p a r t it io n d e s d if f é r e n t s t r o u b l e s h a l l u c i n a t o i r e s p a r o x y s t iq u e s
SELON LE SIÈGE DE LA TUMEUR

(J. de A juriaguerra e t H. H écaen, L e cortex cérébral, 2e édition, 1960, p. 418)

Fronto- Rolan- Temporal Pariétal Occipital Mésodien­ Sous-


Frontal temporal dique céphalique tentoriel

H allucinations
visuelles . 5(6,25) 0 0 10(13,33) 1 (1,33) 6(24) 8(13,11) 6(7,05)
H allucinations
auditives . 1(1,25) 0 0 6(8) 0 0 2(3,29) 0
H allucinations
gustatives 0 0 0 4(5,33) I (1,33) 0 0 0
H allucinations
olfactiv es. 1(1,25) 0 0 7(9,33) 1 (1,33) 0 0 0
H allucinations
som atogno-
siq u e s. . 0 0 0 1(1,33) 6(8) 1(4) 0 0

Les chiffres entre parenthèses ind iq u en t les pourcentages.

— N ous pouvons donc conclure de ce bref rappel de faits qui commencent


à être connus de tous, que, somme toute, les Hallucinations sont assez rares
dans le tableau clinique des lésions cérébrales expansives, et que lorsqu’elles
se produisent principalement ou exclusivement dans le champ perceptif spé­
cifique visuel et acoustique elles sont en corrélation significative avec le siège
de la tumeur, sans — bien entendu — que cette corrélation soit, et de loin,
constante. C ’est ainsi (et nous l ’avons noté, cf. p. 468) que beaucoup de tumeurs
siégeant loin des voies ou centres de projection sensorielle (il s’agit notam m ent
de tumeurs frontales ou de tumeurs sous-tentorielles) peuvent provoquer des
phénomènes hallucinatoires, ce qui diminue d ’autant la valeur localisatrice
stricte de ces symptômes.
Ainsi, l ’idée q u ’une tum eur cérébrale excite les « centres sensoriels » se
heurte à une double objection de faits : 1° il n ’y a pas de stricte localisation du
pouvoir hallucinogène tum oral; 2° même sous leur forme éidolique (dite géné­
ralem ent élémentaire) les Hallucinations que l ’on observe dans la symptoma­
tologie clinique paraissent « secondaires à une désintégration des centres spé­
cifiques » et non à une simple « irritation des neurones centraux sensoriels.
Le processus hallucinogène tum oral est certainement plus complexe et plus
hétérogène que ne se figuraient Tam burini ou Henschen. Récemment
M. Feldman et M. B. Bender (1969) interprétaient aussi l ’apparition des
Hallucinations symptomatiques des tum eurs pariéto-occipitales comme l ’effet
EXCITATIONS ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES 937

du déroulement temporel perturbé (palinopsie) et de la persévération des post­


images.

II. — LES EX C ITA TIO N S ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES

L ’application des courants électriques aux nerfs, organes sensoriels et centres


corticaux, a toujours été employée comme méthode expérimentale d ’exploration
du système nerveux, et cela pour ce qui concerne les nerfs, depuis Volta et Gal-
vani(1792). Depuis Johannès M üller (1826) et H. Helmholtz, il est admis, selon
la physiologie classique des sensations, que les excitations mécaniques ou élec­
triques (1) provoquent au niveau des récepteurs (organes et nerfs) des phéno­
mènes sensoriels en vertu de la loi de Y énergie spécifique des neurones récep­
teurs. Tel est le « fait », ou plus exactement le postulat de la neurophysiologie
des Hallucinations qui réduit celles-ci à une production de données sensorielles
qui seraient en quelque sorte « complétées » {Ergänzung des auteurs allemands),
ou « habillées » disent Hécaen et Ropert) p ar le supplément d ’imagination
q u ’apporterait le Sujet à ces stimulations élémentaires et spécifiques.

L e s exp érien ces d ’ex cita tio n éle c triq u e


des organes d es sens (récep teu rs, voies, relais).

L ’excitabilité est une des propriétés essentielles du système nerveux puisque


chaque neurone est toujours prêt à « se décharger », la masse neuronique
tendant à une synchronisation généralisée. Si l ’excitabilité lui est immanente,
l’ordre même du S. N. C. (son organisation) exige des inhibitions modulées
de cette charge explosive. L ’excitation reste « physiologique » quand elle
s’intégre dans cette organisation, elle a un effet pathologique quand elle la
rompt. R. Jung (1967, p. 423) affirme que ces notions sont aussi nécessaires
à nos connaissances de l ’organisation du système nerveux central que la théorie
de l ’atome pour la Physique. Il est donc évident q u ’une fois acquise la connais­
sance des « mécanismes » de charge et de décharge, connaissance que nous
devons à E. D. Adrian, J. C. Eccles, etc. (polarisation et dépolarisation des
potentiels de membranes, potentiels de repos, potentiels d ’action phénomènes
chimiques et électriques de la transmission synaptique, loi du tout ou rien
de la transmission des passages par l ’axone), il faut intégrer dans le système la
régulation (la fonction d ’ « intégration ») des aiguillages et des répartitions
de l’excitation et de l ’inhibition au niveau des synapses qui constituent un

(1) Toute excitation galvanique appliquée sur le globe oculaire provoque des
phosphènes. G. de M orsier a rappelé les expériences de C harousek (1928) qui a
provoqué des sensations de bruit par excitation mécanique de la cochlée — et celles
de M ann (1911) et de R amadiçr et D avid (1927) qui ont provoqué également des
acouphènes par excitation galvanique de l ’organe de Corti.
938 LE MODÈLE MÉCANISTE

système de décision et de choix orienté p ar la « motivation ». A utant dire,


comme nous le verrons plus loin (p. 1285), q u ’il ne s’agit pas de confondre les
expériences d ’excitation électrique, c ’est-à-dire l ’étude des charges et la propa­
gation de l ’influx nerveux expérimentalement isolé ou celle des potentiels
évoqués par l’excitation (stimuli électriques ou sensoriels) recueillis dans telle
ou telle région des systèmes et sous-systèmes nerveux, avec l ’exercice normal
de la propagation des influx nerveux, avec l ’ordre que ces « stimulations »
troublent ou détruisent.
Lorsqu’il s’agit, par exemple, d ’établir les rapports qui lient l’apparition
des protéidolies (phosphènes, photopsies, acouphènes, sensations tactiles
parasites, etc.) à l ’excitation électrique des organes sensoriels, il tombe sous
le sens, comme y insiste R. Jung, que cette connaissance exige une investigation
psycho-physiologique. On ne saurait, en effet, perdre de vue la participation
active (l’intentionnalité) du Sujet même à ce niveau d ’où il paraît être absent.
Les photopsies et les phosphènes q u ’il perçoit ne sont pas des corps étrangers
(comme le courant électrique), ce sont des réactions propres à sa modalité de
sentir.
Pour ne pas trop allonger cet exposé, nous nous en tiendrons aux excitations
du système visuel (1).
La rétine, comme nous l ’avons signalé (dans l ’introduction de l ’étude des
Hallucinations visuelles) et comme nous le verrons plus loin (Sixième Partie,
chapitre III, p. 1164-1168), est un véritable centre nerveux fort complexe
comprenant trois niveaux : celui des photo- et scotorécepteurs chimi­
ques (cônes, bâtonnets), celui de leur première élaboration (au niveau des 5e,
6e et 7e couches) par les cellules horizontales, bipolaires ou amacrines, et la
couche ganglionnaire (8e couche). Le rétinogramme paraît enregistrer, d ’après
la plupart des auteurs et malgré les discussions qui se sont instituées entre eux
(R. Granit, 1947-1956 — K. M otakawa, 1949 — G. S. Brindley, 1951 —
G. Svaetichin, 1953 — H. K. Hartline et F. Ratliff, 1957 — W. K. Noell, 1951-
1959 — L. A. Riggs, 1958 — etc.), non pas l ’activité de cellules ganglionnaires
mais plutôt l’effet des structures plus périphériques au niveau même des cellules
réceptrices. Comme les cent millions d ’éléments récepteurs rassemblent leurs
éléments générateurs d ’information dans un million de fibres du nerf optique,
il est bien évident que la rétine a une capacité de sélection qui constitue préci­
sément sa fonction essentielle. C ’est ce que nous verrons mieux plus loin(p. 1165)
en faisant état des systèmes antagonistes qui s’équilibrent dans son activité,
notam m ent en ce qui concerne la photoscopie et la scotoscopie (R. Jung).
C ’est donc sur cet organe intégrateur et non pas seulement comme sur une
plaque sensible photographique que les expériences d ’excitation électrique ont
été pratiquées afin de connaître quelle « sensation » elles provoquent.

(1) Signalons cependant un travail récent de G. G erken (1970) sur la stimulation


à l’aide d ’électrodes implantées dans le complexe olivaire supérieur, le colliculus
inférieur et le corps géniculé médian.
EXCITATIONS ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES 939

N ous ferons état ici de quelques travaux qui nous ont paru particulièrement
intéressants, qui sont le plus souvent cités et que nous avons attentivement
étudiés.
Les phosphènes ont été décrits depuis longtemps (Schwarz, 1890; Finkel-
stein, 1892; Helmholtz, 1911 les ont spécialement étudiés). Rapidement on a
distingué les phosphènes rapides élémentaires (phosphènes préliminaires) cor­
respondant, d ’après Bourguignon (1926), à l ’excitation de la partie de la rétine
sous-jacente à l ’électrode ou l ’excitation diamétralement opposée (le siège de
ces phénomènes a été rapporté p ar lui aux cellules bipolaires) — et des phos­
phènes durables correspondant à de fortes intensités qui apparaissent à l’empla­
cement de la tache aveugle et qui se manifestent à l ’excitation cathodique sous la
forme d ’un petit cercle brillant (lorsqu’on coupe le courant cathodique le
phénomène réapparaît) dont l ’image inverse s’observe lorsque l’électrode
différente sert d ’anode.
Les deux articles d ’Alexei I. Bogoslowski et J. Ségal (1) donnent une
description détaillée des phénomènes visuels engendrés p ar le passage du cou­
rant électrique dans l ’œil. Ils ont étudié les phosphènes sur eux-mêmes et 6 autres
sujets en notant les effets de l ’excitation anodique et cathodique, de l’applica­
tion ou de la suppression du courant, etc. Ces expériences ont eu lieu « dans
une chambre noire mais faiblement éclairée par une lampe à lumière de jo u r ».
Ils distinguent, comme Bourguignon, les phosphènes paraliminaires rapides
et les phosphènes toniques. Les premiers ont un seuil bas et n ’apparaissent q u ’à
la fermeture et à l ’ouverture du courant et com portent deux phénomènes :
l’un naissant toujours dans la partie temporale du champ visuel ; — l ’autre
dans la région de la rétine opposée à l’électrode différenciée— Pour A. I. Bogos­
lowski et J. Ségal, ce premier type de phosphène répond aux lois d ’excitation
des nerfs périphériques, les seconds n ’apparaissent q u ’à des intensités beau­
coup plus grandes de l ’ordre de 1 milliampère; ils ne com portent pas de m ou­
vements stroboscopiques. Les auteurs, pour les expliquer, rappellent les tra­
vaux de Barron et Matthews (1938) et de H. Pieron et J. Ségal (1938) qui ont
établi la non-validité de la loi du tout ou rien dans l ’activité des centres nerveux.
Analysant les conditions dans lesquelles apparaissent ces phosphènes toniques
qui subissent, eux, la polarité du courant, ils pensent que c ’est l ’excitation des
éléments radiaires (cellules sensorielles avec leur neurite et cellules bipolaires)
qui entre en jeu. Aux fortes intensités l’excitation cathodique se manifeste
par l ’obscurcissement de la moyenne partie du champ visuel, tandis que les
effets lumineux se manifestent au voisinage de la fovéa. On arrive, disent les
auteurs, à une explication satisfaisante de ces phénomènes en adm ettant que
le phosphène prend naissance dans les éléments radiaires de la rétine et en
tenant compte du parcours des lignes de force à l ’intérieur de l ’œil. En conclu-

(1) La sensibilité électrique de l ’œil. La phénoménologie des phosphènes électri­


ques (p. 87-99). Analyse de facteurs physiques et physiologiques dans l’excitabilité
électrique de l ’organe visuel (p. 101-117). Journal de Physiologie, 1947, t. 39.
940 LE MODÈLE MÉCANISTE

sion (conclusion qui annonce les travaux ultérieurs sur l ’antagonisme des sys­
tèmes photorécepteurs, cf. à ce sujet R. Jung, 1967), les auteurs pensent que
le « neurone » serait le siège de deux fonctions : l ’une stimulante et l ’autre
inhibitrice, trouvant normalement un état d ’équilibre dans lequel l ’action
inhibitrice subirait plus facilement l ’action du courant. Autrement dit, si nous
avons bien compris et notam m ent en nous rapportant à ce q u ’écrivent très
explicitement A. I. Bogoslowski et J. Ségal (p. 115) sur la prédominance de la
« fonction bloquante » sur la « fonction stimulante », ils considèrent que le pro­
cessus d ’excitation réalise plutôt une rupture de l’équilibre fonctionnel, une
désorganisation de l ’ordre représenté à ce niveau « inférieur » de l ’élaboration
des messages sensoriels par la prévalence du processus d ’inhibition.
La monographie de J. Clausen (1) rend compte des travaux q u ’il a fait
aux U. S. A. en recherchant le seuil de la « sensation papillotante » et non pas
la sensation lumineuse tout court. Le phosphène périphérique présente un seuil
croissant entre 20 et 70 Hz. Lorsqu’il est fovéal ou périfovéal, il accuse la même
allure quelle que soit la couleur du fond éclairé. Dans la phosphène périphé­
rique l ’augmentation du niveau d ’adaptation fait m onter le seuil quand la
stimulation varie de 5 Hz à 20 Hz. L ’intérêt pour nous le plus grand de cette
étude, c’est q u ’elle montre et démontre que l ’application d ’un courant alter­
natif sinusoïdal produit d'abord un désordre dans la continuité et la stabilité
du courant d ’inform ation et que, de p ar ailleurs, l ’apparition de phosphènes
n ’est pas plus séparable du courant spontané d ’information lumineuse que du
courant électrique expérimental.
D ans son mémoire sur le siège de l ’excitation électrique de l ’œil humain,
G. S. Brindley (2) étudie précisément les relations entre l ’apparition du phos­
phène produit par l ’application des diverses électrodes conjonctivales (simples
ou circulaires) chez lui-même et deux autres Sujets, et leur inhibition p ar la
pression des globes oculaires. Il rappelle, en effet, les travaux anciens de Fin-
kelstein (1894) et ceux plus récents de C. I. H owarth (1954) entre autres, qui
ont montré que le seuil d ’excitation était plus élevé dans l ’œil soumis à la pres­
sion. De par ailleurs, G. S. Brindley n ’adm et pas que ces phosphènes soient en
% relation avec l ’excitation des fibres optiques ; elles lui paraissent liées à l ’acti­
vité des cellules bipoaires — Dans son article de 1962 (3), le même auteur fait une
description détaillée des papillotements (beats) que produisent à basse et à haute
fréquence les courants alternatifs. Ces « beats » se produisent lorsque ce courant

(1) J. Clausen, Visual sensations (phosphènes) produced by A. C. sinusoidal


wave stimulation. Copenhague, Munksgaard, 1955, 101 pages.
(2) G. S. Brindley, The site of electrical excitation of the human eye. J. Physio-
logy, 1955, 127, p. 189-200.
(3) G. S. Brindley, Beats produced by simultaneous stimulation of the human
eye with intermittent light and intermittent on alternating electric current. J. Phy-
siology, 1962, 164, p. 157-167.
EXCITATIONS ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES 941

électrique est approximativement un « integral-multiple » de la fréquence de la


lumière (par exemple 441 c/s pour un excitant lumineux de 40 c/s, inter-action
qui donne un papillotement de 1 c/s). N ous sommes « là encore » confrontés
avec des faits expérimentaux qui m ontrent le caractère « temporel » de la genèse
« photopsique » et sa liaison pour ainsi dire constante avec les Stimuli pho-
tiques physiologiques.
Il ne nous paraît pas utile de multiplier les comptes rendus et analyses de
l ’apparition et de l’étude des seuils de ces phosphènes. Il nous suffit de souli­
gner que l ’excitation électrique ne produit pas « ex nihilo » une sensation
lumineuse. L ’excitation électrique n ’est « hallucinogène » q u ’en étant
« pathogène », c’est-à-dire en perturbant l’équilibre fonctionnel des sys­
tèmes antagonistes q u ’intègre l ’exercice normal de la fonction perceptive en
distribuant et limitant l’excitabilité des systèmes neuronaux selon un ordre
temporel (R. Jung).

Quant aux travaux sur l ’excitation électrique expérimentale chez les animaux,
ce n ’est évidemment que par référence à l’expérience subjective des phosphènes
c ’est-à-dire des sensations éprouvées par les hommes dans des conditions ana­
logues qu’elles peuvent nous servir à éclairer le problème qui nous occupe. Mais
qu’il s’agisse des expériences faites par R. Granit, K. Motokawa, W. K. Noell,
H. K. Hartline et F. Rotlif, G. S. Brindley, etc., etc., chez les grenouilles, les poissons
ou les mammifères sur des rétines isolées et parfois après la mort de l ’animal
(G. van den Bos, J. de Physiologie, Paris, 1966, p. 357-363), ils reviennent toujours
à l ’étude du rétinogramme et des potentiels évoqués pour déterminer l’origine et les
trajets des messages que compose l ’excitation électrique sur le clavier de l’équilibre
physiologique, photique ou scotopique. Nous ne dirons un mot que du plus
remarquable d ’entre eux : le mémoire de D. R. Crapper et W. K. Noell (1963) (1).
Ces auteurs ont provoqué chez des lapins anesthésiés et curarisés de brèves stimu­
lations transrétiniennes de 5 mis et mesuré l’activité des décharges des cellules gan­
glionnaires isolées (bursts, c’est-à-dire groupement de spikes). Ils ont pu montrer
comment l ’efficacité du courant électrique dépend de l’alternance ou de l’antagonisme
des phases d ’inhibition et d’excitation même à ce niveau élémentaire. Autrement dit,
là encore, comme ne le rappelions plus haut, l’excitant électrique n ’agit pas en fonc­
tion d ’un simple mécanisme d ’excitation, mais en modifiant l ’ordre ou l ’équilibre
fonctionnel sur lequel il exerce son action pathogène. Autrement dit encore, l ’excitation
ne produit ses effets hallucinogènes sur les cellules nerveuses sensorielles que si
celles-ci « veulent » bien les recevoir, ou plus exactement, que si leur ordre fonctionnel
est vulnérable ou tend à l’inertie hallucinatoire. Nous exposerons dans le chapitre IV
de la 7e Partie ce que nous entendons par là.

— L'excitation des nerfs optiques pratiquée depuis bien longtemps (depuis


Volta) selon des modalités plus ou moins directes, paraît moins efficace géné­
ralement que ne le pensaient A. I. Bogoslowski et J. Ségal en 1947 en ce qui

(1) D. R. Crapper et W. K.*Noell, Retinal excitation and inhibition from direct


electrical stimulation. J. o f Neurophysiology, 1963, 26, p. 924-947.
942 LE MODÈLE MÉCANISTE

concerne les phosphènes. Mais, bien entendu, depuis les expériences de R. G ra­
nit (1955-1959) qui ont permis de connaître la systématisation de trois groupes
de fibres (sans effet « off » avec exclusivement effet « off » et avec effet tout
à la fois « on » et « off »), l’analyse des potentiels évoqués permet de suivre
les messages dans le nerf optique. On recueille les potentiels évoqués après
stimulation photique de la rétine, mais aussi il y a déjà longtemps (W. H . M ar­
shall et coll., 1942) ou plus récemment (M. A. Lennox, 1958) après stimulation
électrique des nerfs. Les potentiels évoqués transmis les plus vite sont recueillis
dans la couche IV de l'area striata. Mais bien entendu, là encore, l’efficacité
de l ’excitation électrique du nerf est inséparable du flux d ’information lumi­
neuse actuel, latent ou précédent...
— Quant aux « excitations du corps genouillé » elles consistent essentiel­
lement en excitations photiques (R. L. de Valois et coll., 1958). Cependant
si l ’on stimule électriquement les couches A et A.1 (G. H. Bishop et
M. H. Cläre, 1955) on constate que ces cellules du relais géniculé projettent
directement au cortex, tandis que la couche B projette par un relais thalamique,
mais ce ne sont là que des indications sur les voies de conduction des messages.
De telles expériences ne nous ont pas paru présenter beaucoup d ’intérêt
pour la démonstration du pouvoir hallucino-photogène de l ’excitation élec­
trique géniculée.

Nous devons faire au sujet de toutes ces recherches sur l ’excitation des
organes récepteurs et des premiers relais du système perceptif visuel encore
deux remarques sur la « spécificité » de l ’activité d ’un analyseur perceptif.
Cette notion ne peut pas être prise au pied de la lettre, car, d ’une part l’acti­
vité de l ’organe sensoriel (la vision que nous avons prise comme centre de
nos réflexions critiques) est soumise à une régulation par le système réticulaire
(J. H. Jacobson, 1959, a mis en évidence l’influence de la formation réticulée
chez les chats et les singes par les fibres récurrentielles qui la transm ettent aux
corps genouillés), et aussi à des stimulations labyrintho-acoustiques qui sont
capables (et ceci est im portant pour comprendre certains faits de photopsies
chez les aveugles, notam m ent ceux qui ont été observés par H. Jacob, 1949)
d ’agir sur l’activité du système visuel spécifique. Rappelons à ce sujet que
H. Ahlenstiel (1949) a confirmé les observations anciennes de H. Aubert
(Physiologie der Netzhaut, Breslau, 1865) sur le rôle que jouent les Stimuli
acoustiques dans l ’éclosion des « Weckblitze » et des « Schreckblitze » dans
l ’occlusion des yeux, et par conséquent sur le fond d 'Eigengrau qui est la per­
ception de l’équilibre de deux systèmes de photo et de scotoréception. Tout
cela doit entrer en ligne de compte pour nous faire comprendre une fois pour
toutes que même à ces niveaux élémentaires la notion d’excitation sensorielle
hallucinogène est trop simpliste pour être prise en considération. Nous
saurons tirer parti de ces faits et de ces réflexions to u t à la fin de l ’exposé
de notre propre conception organo-dynamique des protéidolies (cf. plus loin,
p. 1321-1338).
EXCITATIONS ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES 943

L es exp érien ces d ’ex cita tio n fa r a d iq u e


d es c e n tre s c o rtic a u x visu els e t a u d itifs.

L ’excitation ou les stimulations électriques des aires sensorielles corticales


ont été expérimentées bien après que Fritsch et Hitzig (1870) aient réussi à exci­
ter efficacement le cortex m oteur d ’un chat anesthésié, que Ferrier « à la même
époque » ait localisé chez le singe le centre cortical de la vision dans la circonvo­
lution angulaire et celui de l ’ouïe dans la première circonvolution tem poro-
sphénoïdale, et que M unk (1877) ait confirmé les deux localisations des centres
occipito-visuel et temporo-auditif. C ’est à l ’école de neuro-chirurgie que nou-
devons les expériences les plus intéressantes sur ce point capital.
Nous pouvons exposer les résultats des excitations électriques des centres
cortico-sensoriels ou psycho-sensoriels en suivant un ordre à la fois historique
et logique. Car, en effet, dans u n premier temps l ’excitation des structures
nerveuses centrales des analyseurs perceptifs a fait apparaître des phénomènes
hallucinatoires que to u t le monde s’accorde pour considérer comme « élémen­
taires ». — Puis avec les expériences de Penfield ce sont des phénomènes de type
« dreamy state » et « aura » qui ont été mis en évidence par les excitations élec­
triques temporales ou de la zone dite interprétative (interprétative cortex).
De telle sorte que nous allons exposer, d ’abord dans ce paragraphe, les expé­
riences d ’excitations des centres de projection spécifique.

En 1909, Harvey Cushing m ontra que la stimulation faradique du gyrus


post-central des malades conscients provoquait une sensation éprouvée par
le sujet dans l ’hémicorps contro-latéral.
En 1918, Lœwenstein et Borchardt ont excité électriquement la région
occipitale gauche d ’un trépané et ils ont ainsi produit dans le champ visuel
opposé des photopsies.
En 1924, F. Krause opéra un homme blessé en 1914 (projectile ayant
atteint le lobe occipital gauche) qui présentait une hémianopsie droite et
des Hallucinations dans le champ aveugle (figures d ’animaux entourées de
feu) ju sq u ’en 1932. A cette date apparurent des crises d ’épilepsie avec auras
visuelles (animaux entourés de feu, rarem ent des personnes, puis des soldats
qui se transform aient en étoiles). F. Krause extirpa un kyste post-traum a­
tique plongeant dans la corne postérieure. L ’exploration de la cavité par une
grosse sonde cannelée ne provoqua aucune réponse. Par contre, l ’excitation
faradique bipolaire permit de déterminer six points excitables : 1°) à un centi­
mètre et demi sur la partie médiane de l ’entrée de la corne postérieure : sen­
sation d ’étoiles dans le champ visuel hémianopsique ; — 2°) à 2 centimètres
sur la partie médiane et au-dessus de la corne postérieure, même sensation dans
le quadrant supérieur du champ visuel droit ; — 3°) à un centimètre au-dessus
de la corne postérieure, même phénomène mais cette fois dans le quadrant
inférieur ; — 4°) à un centimètre et demi de la corne postérieure et plus laté-
944 LE MODÈLE MÉCANISTE

râlement, encore sensation d ’étoiles ; — 5°) un peu plus latéralement encore,


mêmes sensations ; — 6°) à un centimètre de la corne latérale, sensation d ’étoiles.
— Si l’expérimentateur augmentait l ’intensité du courant, l ’apparition d ’étoiles
restait la même mais augmentait d ’intensité, le patient disait q u ’il voyait des
masses plus compactes d ’étoiles (sans images consécutives). Après l ’opération,
le malade précisa que le contact des électrodes sur les points excitables provo­
quaient l ’apparition de cercles dentelées comme lorsqu’on jette une pierre
à la surface d ’une eau tranquille; il a précisé aussi que ces sensations étaient
pour lui localisées « à droite en dehors de l ’œil ». — Somme toute, cette expéri­
m entation rejoignait et confirmait celle de Lœwenstein et Borchardt et consacrait
un fait qui a été ensuite souvent noté, savoir que l ’excitation électrique des
aires primaires occipitales de la vision produit des Hallucinations élémentaires
de phosphènes ou des photopsies, comme ces lueurs entoptiques que l ’on peut
observer dans les lésions oculaires périphériques, tous phénomènes que nous
avons groupés sous le nom de protèidoUes.
En 1928-1929, O. Foerster réalisa un assez grand nom bre d ’excitations fara­
diques chez les trépanés. Dans 7 cas il put exciter la sphère visuelle (primaire 17
et secondaires 18 et 19) en divers points. Chez un blessé (lésion de Yarea striata
avec hémianopsie localisée en segment interne du quadrant inférieur gauche et
présentant des crises épileptiques avec auras visuelles com portant des étoiles,
des points brillants, puis des Hallucinations figurées), l ’excitation faradique
de la zone immédiatement postérieure de la lésion provoque u n scotome
scintillant et l ’excitation de l’aire 19 (aire secondaire d ’élaboration percep­
tive) ne provoque que des sensations de flammes ou des boules lumineuses.
Chez un autre blessé du lobe occipital droit (hémianopsie homonyme
gauche, épilepsie, avec aura visuelle com portant boules lumineuses, formes
et figures d ’animaux), l ’excitation faradique du champ 17 provoque l ’apparition
d ’une lumière immobile, celle du champ 18 des flammes et celle du cham p 19
des personnages, des animaux qui se rapprochent du blessé venant de la gauche.
Dans un autre cas de traumatisme (blessé du lobe occipital droit avec sco­
tome hémianopsique paracentral gauche et épilepsie avec aura com portant
lumières, étoiles, animaux, personnages venant de la gauche), l’excitation de
l ’aire 19 provoque la vision de flammes, de nuages et d ’animaux qui viennent
de la gauche.
U n autre traum atisé du lobe occipital (avec champ visuel norm al et épi­
lepsie avec auras visuelles com portant lumières, éclairs, boules lumineuses,
personnages, animaux venant à droite) fut, en cours d ’intervention, l ’objet
d ’une expérimentation analogue. L ’excitation de Yarea striata provoqua seu­
lement des photopsies. L ’excitation du pôle occipital et de sa partie postérieure
de la calcarine fit apparaître simplement une lumière immobile. L ’excitation
de l ’aire 19 p ar contre fit éprouver au patient des Hallucinations visuelles
complexes semblables à celles de l’aura.
Il s’agissait encore d ’un blessé du lobe occipital dans la 5e observation
de O. Foerster, mais l’éclat d ’obus qui l ’avait blessé avait sectionné le nerf
optique gauche (épilepsie avec auras visuelles com portant flammes, nuages,
EXCITATIONS ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES 945

animaux, personnages venant à droite et parfois se produisant dans le champ


gauche et venant de la gauche). L ’excitation faradique du champ 19 provoqua
des Hallucinations identiques à celles de l ’aura.
D ans la 6e observation, il s’agissait d ’une cicatrice du cunéus gauche,
séquelle d ’hémiplégie infantile (épilepsie avec auras visuelles — scotome scin­
tillant). En cours d ’intervention, l ’excitation de l ’aire 19 ne produit que flammes,
formes noires et nuages.
Enfin, la dernière observation est celle d ’un jeune épileptique avec auras
(lumières, disques bleus, animaux et personne venant à gauche). L ’excitation
faradique du champ 17 a provoqué des lumières immobiles, celle du champ 18
un disque bleu avec anneau rouge, images bleues et noires, et enfin l ’excitation
de l ’aire 19 lui a fait voir un de ses amis qui lui fait signe depuis la gauche, puis
un vol de petits oiseaux venant aussi du côté gauche.
Foerster (1) conclut de ses expériences que lorsque l’excitation se déplace
sur la convexité occipitale, les Hallucinations qui répondent à cette excita­
tion paraissent se compliquer.
E n dehors de ces excitations des centres visuels, O. Foerster a excité,
en usant du courant galvanique, le bord inférieur du sillon interpariétal
gauche et n ’a réussi à provoquer q u ’une sensation violente de déplacement
des objets. E n excitant au moyen du courant faradique l ’aire 22 (centre auditif
secondaire) chez divers trépanés, il a noté que les malades entendaient des bruits
de cloches, des sifflements, des chuchotements, rarem ent des voix ou des mots
(U n de ces malades au mom ent de la faradisation s’entendait appeler p ar son
nom). H. U rban (1935) a très nettem ent m arqué la différence entre l ’excitation
faradique et l ’excitation galvanique. Cette dernière ne paraît être efficace que
sur la substance blanche au niveau des radiations optiques; elle provoque
alors des photopsies qui ne sont pas toujours contro-latérales et qui sont diffé­
rentes de celles obtenues par le courant faradique (scotomes scintillants à bords
pointus et à forme radiaire). H. U rban a enfin noté que le refroidissement de
l ’écorce occipitale avec du chlorure d ’éthyle empêche la stimulation électrique
de produire des Hallucinations.
W. Penfield avec Boldrey (1937), puis avec plusieurs de ses collaborateurs,
s’est appliqué peu avant la deuxième guerre mondiale à l ’étude des stimulations
des centres sensoriels corticaux (Harvey, Lecture, 1936). Dans son ouvrage
« The cerebral cortex o f M an » (2), il considère que les Hallucinations qui
proviennent de la stimulation électrique occipitale sont essentiellement des
sensations plus ou moins lumineuses parfois colorées, tandis que les Hallu-

(1) Cf. notamment son travail avec H. Altenburger, « Elektrophysiologische


Vorgänge in der menschlichen Hirnrinde», Dtsche. Z. Nervenheilk., 1935, p. 277-288,
et celui avec W. Penfield paru dans la Zeitschr. f d. g. N. à. P., 1930, p. 475-572.
(2) Cf. spécialement ce qui a trait aux excitations expérimentales de la sphère
de la vision (p. 134-147) et aûx centres corticaux de l’audition (p. 149-155).
946 LE MODÈLE MÉCANISTE

F ig . 4. — Hallucinations provoquées par l ’excitation du cortex chez l’homme (1)


( d ’a p r è s W . P e n f ie l d ).
1. Boule lumineuse, devant. — 2. Lumière colorée. — 3. Lumière blanche. —
4. Disques bleus avec anneau rouge. — 5. Flamme venant de côté. — 6. Nuages
bleus, de côté. — 7. Personnages, animaux venant de côté en bas. — 8. Un ami
fait un signe, venant de côté. — 9. Personnages. — 10. Animaux. — 11. Person­
nages et papillons. — 12. Vol d ’oiseau. — 13. Lumière jaune. — 14. Personnages
et animaux ayant parfois la tête en bas. — 15. Figures humaines, noires et colo­
rées. — 16. Écho de la pensée (par réfrigération). — 17. Bruits de voix. —
18. Bourdonnement. — 19 et 20. Roulement de tambour. — 21 et 22. Hallucina­
tions gustatives. — 23. Sensation de mouvement dans la langue. — 24, 25
et 26. Hallucinations vestibulaires (sensation de tourner de côté). — 27, 28
et 26. Vocalisation (émission forcée et voix). — 30. Émissions forcées de paroles.

cinations complexes sont d ’un autre ordre, en ce sens q u ’elles sont des « réactions
psychiques » d ’origine temporale (Ferrier Lectures, 1946).
C ’est ce leitmotiv que W. Penfield n ’a cessé de développer. Dans son petit
volume « The excitable cortex in consciousness Man » (1938), il précise que
l ’application d ’un courant électrique interfère avec la capacité du patient
d ’assurer le fonctionnement norm al de l ’aire corticale intéressée, et q u ’il
active à distance des dispositifs neuro-ganglionnaires avec lesquels l’aire corti­
cale est connectée. Le premier effet du courant est 1’ « electrical interférence »
et le second 1’ « electrical activation » (2). Quoi q u ’il en soit, W. Penfield

(1) Ce schéma que nous empruntons à G. d e Morsier (1938, p. 257) a été établi
par cet auteur d ’après les résultats des excitations électriques obtenus par F oerster,
P e n f ie l d , P ôtzl, U rban et H o f f .
(2) Autrement dit, l ’excitation électrique est ici présentée comme un phéno­
mène entièrement mécanique s’enfonçant comme un coin dans une zone fonc-
EXCITATIONS ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES 947

souligne que cette stimulation corticale appliquée aux aires spécifiques de pro­
jection ne provoque que des réponses élémentaires (pour nous des protéidolies).
— Pour ce qui concerne le cortex visuel, l’excitation de la calcarine provoque
des lumières, des formes colorées ou noires en mouvement ou stationnaires
qui apparaissent généralement dans le champ visuel contro-latéral. L ’exci­
tation des aires secondaires du lobe occipital produit les mêmes effets mais les
phénomènes hallucinatoires élémentaires peuvent apparaître dans le champ
visuel du même côté ou des deux côtés. — Pour ce qui est de l ’excitation du
cortex auditif, les stimulations électriques des circonvolutions d ’Heschl pro­
voquent des sensations sonores, de bruits, de bourdonnements, de sifflements,
de sonnerie. Les sujets se plaignent seulement d ’être un peu sourds. Lorsque
ces phénomènes (Hallucinations ou surdité) sont latéralisés, ils apparaissent
dans le champ acoutisque contro-latéral. L ’excitation des centres acoustico-
verbaux provoque donc des « sensations » de caractère élémentaire des sons
et des bruits. Cependant, W. Penfield et P. P erot (1963), en excitant le cortex
tem poral (T l au voisinage de l’insula et des circonvolutions de Heschl), ont
provoqué des sensations acoustico-optiques. Mais pour W. Penfield, il s’agit
plutôt alors d ’un phénomène élémentaire que d ’une « expérience » complexe
comme celles qui sont vécues comme nous le verrons par l ’excitation en pro­
fondeur du lobe tem poral. De même lorsque, avec Rasmussen (1950), ils
« excitent » les centres du langage, ils constatent une inhibition de la phonation
quand l ’excitation porte sur les deux hémisphères et des troubles aphasiques
(aphasie arrest) dans l’excitation de l’hémisphère dominant.
W. Penfield a le plus grand souci de réduire l ’importance de ces phénomènes
hallucinatoires produits p ar l ’excitation des centres primaires (et secondaires)
de projection spécifique des divers sens au niveau de l ’écorce, car, selon lui,
les centres sensoriels corticaux ne sont eux-mêmes que des relais (W ay-stations)
des afférences qui doivent converger vers le véritable système d ’intégration
centrencéphalique (Les schémas p. 11 et p. 14 du « The excitable cortex in
conscious Man » sont à cet égard parfaitem ent clairs). Nous pouvons ajouter
que le plus évident effet de ces excitations sont des symptômes négatifs.
Avant de passer à l ’exposé des excitations électriques du lobe tem poral
et des enseignements q u ’on peut en tirer avec W. Penfield, nous devons nous
arrêter un instant pour bien réfléchir à l’interprétation que la théorie de l ’exci­
tation neuronale hallucinogène peut faire de cette première catégorie de faits.
Il nous paraît évident pour tous ceux qui peuvent en prendre connaissance
comme nous avons essayé de le faire en entrant dans le détail de l’expérimenta­
tion et de ses effets, que : 1°) ces faits rejoignent très exactement ceux que nous
avons exposés plus haut quand nous avons rappelé l ’essentiel de la sym ptom ato­
logie hallucinatoire des lésions cérébrales soi-disant « irritatives ». L ’identité des

tionnelle saine et ne dépendant pas par conséquent d ’un trouble qui pourtant paraît
bien nécessaire pour que précisément le phénomène d’interférence puisse se produire
là où il est physiologiquement, (normalement) impossible...
948 LE MODÈLE MÉCANISTE

deux séries de phénomènes est en quelque sorte démontrée lorsque — et le


cas est fréquent — l’application du courant faradique provoque les troubles
identiques à ceux que le sujet présentait spontanément ; — 2°) ces phénomènes
hallucinatoires ne sont rien d ’autres que l ’effet d ’un trouble fonctionnel
expérimentalement provoqué et qui, à ce titre, comme l ’aura (cf. notre pré­
cédente analyse, p. 490) libère (released) selon la conception de H. Jackson
des phantasmes inconscients. Une telle interprétation des phénomènes hallu­
cinatoires dits d ’excitation électrique s’impose à telle enseigne, que même
des auteurs si peu enclins à l ’accepter la reprennent à leur compte comme
lorsque, par exemple, Ferdinand Morel fait cette réflexion (Psychiatrie neu­
rologique, p. 249) :
« Dans l ’excitation expérimentale, c’est avant tout l ’aspect positif,
« c’est-à-dire la sensation visuelle éprouvée qui a attiré l ’attention. Mais
« celle-ci paraît s’accompagner d ’une abolition plus ou moins complète
« de la vision dont on ne connaît qu'im parfaitem ent encore la durée, l’éten-
« due dans le champ visuel ainsi que les rapports de situation et de pro-
« gression relativement à la photopsie... »
Nous ne saurions mieux dire, pour souligner, que l ’Hallucination, même
quand elle est expérimentalement produite par une excitation électrique de
Vécorce, ne se réduit pas à sa positivité, car cette positivité est elle-même
libérée par le trouble que l’application (l’excitation) d ’u n courant électrique
introduit dans un système fonctionnel (analyseur perceptif) organisé précisé­
ment pour contenir et sélectionner ces incitations internes constantes que
sont dans leur potentialité les images. L ’excitant électrique perturbe un équi­
libre dont dépend le symptôme hallucinatoire; il ne crée pas comme un
deus ex machina l’Hallucination, fût-ce à ce niveau « le plus élémentaire ».

L es s tim u la tio n s éle c triq u e s e x p é rim e n ta le s


d u lobe te m p o r a l (W . P e n fie ld ).

Si la pathologie cérébrale et notam m ent l’épilepsie avaient déjà montré


depuis longtemps des faits que les stimulations expérimentales pratiquées p ar
les neuro-chirurgiens n ’ont fait que confirmer, de même nous pouvons dire
que, depuis les fameuses descriptions p ar H. Jackson des « dreamy States »
ou de l ’épilepsie temporale, nous savions à peu près tout de ce que W. Penfield (1 )
a tiré plus récemment de son expérimentation électrique neuro-chirurgicale ;
il avait déjà et définitivement fait connaître l ’intérêt et l’importance des expé­
riences psychiques qui inaugurent certaines crises d ’épilepsie « des rêves se
mêlant avec les pensées présentes », de « double conscience... » ou de rémi­
niscences (comme disent les patients revenus à eux, comme s’ils étaient revenus

(1) Sa contribution au Centenaire de F ritsch et H itzig (Munich, 1970, in Z. Neu­


rologie, 1972, 201, pp. 297-309) a consisté à rappeler l’essentiel et l’esprit de ses
travaux. On trouvera à la fin de ce chapitre leur bibliographie.
EXCITATIONS ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES 949

à tout ce qui s’est passé dans leur enfance). D ’après lui, l ’activité hallucinatoire
propre aux structures profondes du lobe tem poral réalise essentiellement une
modification de l ’expérience vécue qui nous renvoie à la pensée du rêve. Soit,
en effet, q u ’il s’agisse des « experimental Hallucinations » ou <c experimental
Responses » (appelées encore p ar l ’auteur « psychical Hallucinations »), ou des
« Interprétative illusions » ou « Interprétative responses » (appelées encore par
l ’auteur « psychical Illusions »), il s’agit essentiellement d ’ « ictal Hallucina­
tions » qui apparentent (s’ils n ’identifient pas !) les phénomènes hallucinatoi­
res produits par l ’excitation de 1’ « Interprétative Cortex », c’est-à-dire du
lobe temporal (surfaces supérieure et latérale) (cf, figure 5) aux « dreamy
States ».

Fio. 5. — Réponses psychiques aux stimulations électriques des surfaces supérieures


et latérales du lobe temporal. Dans la partie inférieure de la figure, le lobe est
récliné pour montrer que les réponses psychiques ne se produisent que hors des
aires proprement visuelles ou auditives (D’après W. Penfield).

Le « Cortex interprétatif », c’est-à-dire cette région du cerveau dont l ’excitation


produit les deux types de « réactions » ou de « réponses » Hallucinations psychiques,
950 LE MODÈLE MÉCANISTE

ce cortex est situé en avant des circonvolutions transverses de Heschl ; il se continue


en dehors sur la face externe du lobe temporal où il s’étend du pôle temporal vers
l ’arrière entre le cortex visuel et le cortex auditif ; la face interne y compris le gyrus
hippocampique et l ’uncus en fait partie ; il est en continuité dans la profondeur
de la scissure de Sylvius avec la substance grise qui couvre l’insula. Cette portion
du Cortex interprétatif constituant une sorte de carrefour des aires de projection,
sa stimulation produit des sensations corporelles ou kinesthésiques qui dépendent
de l’aire somesthésique voisine.

a) Experimental responses. — Les « experimental Hallucinations »


sont définies par W. Penfield essentiellement comme des expériences vécues du
passé. On se demande pourquoi il ne les appelle pas tout simplement des
« Hallucinations du souvenir » bien connues depuis toujours par tous les Psy­
chiatres. Le sujet reconnaît ces souvenirs comme un passé vécu mais qui lui
« revient » avec une grande vividité. Tout se passe, nous dit encore W. Penfield,
comme s’il y avait une juxtaposition d ’une coulée d ’images du passé et du cou­
rant de la conscience actuelle.
Dans ses « Ferrier Lectures », c’est-à-dire dès 1946, W. Penfield fit état
d ’expériences hallucinatoires (experimental Hallucinations) ressemblant à un
« dreamy state » vécu comme une expérience antérieure. Le patient disait par
exemple : « Une vue familière a dansé dans mon esprit et puis s’est éloignée »,
et lors de l ’excitation du même point temporal de l’hémisphère droit il répétait :
« Oui, trois ou quatre choses ont dansé devant m a mémoire ». Un autre, pendant
la stimulation dans la portion antérieure et supérieure de T .l, déclarait :
« Le rêve demeure, il y a beaucoup de monde dans la salle de séjour, une des
personnes est m a mère ».
Plus tard, en 1954 (Penfield et Jasper, « Epilepsy and the fonctional Anatomy
o f the Human Brain », ouvrage dans lequel on trouvera les détails d ’un grand
nom bre d ’observations), puis en 1958 (« The excitable Cortex »), Penfield
rapporte le protocole de nombreuses stimulations temporales qui ont entraîné
de telles « experimental Hallucinations ».
U n jeune homme, S. T., originaire d ’Afrique du Sud, au mom ent de la
stimulation temporale s’écria : « Oui, Docteur ! Oui, Docteur ! J ’entends
m aintenant des gens rire, mes amis en Afrique du Sud ». Quand la stimu­
lation eut cessé, il pouvait parler de ce q u ’il venait de revivre et, disait-il, il lui
avait semblé être avec ses cousines dans leur m aison où, lui et les deux jeunes
femmes, riaient ensemble. W. Penfield ajoute, il ne se rappelait pas de quoi
ils riaient, mais sans doute l ’eût-il découvert « si la bande de revécu avait
commencé plus tô t ou si le chirurgien avait poursuivi un peu plus longtemps
la stimulation ».
La malade G. F. entendit pendant la stimulation parm i les bruits familiers
de son voisinage son petit garçon F rank parler. Interrogée deux jours après
l ’intervention pour savoir si cela était un souvenir, elle se récrie : « Oh ! non...
cela semblait plus réel q u ’un souvenir ».
D. F. entendit un orchestre dans la salle d ’opération mais sans pouvoir
se souvenir où elle l’avait déjà entendu.
EXCITATIONS ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES 951

T. S. entendit aussi une musique et crut être dans la salle où il l ’avait


entendue.
A. B. entendit chanter un cantique de Noël chez elle dans son église en
Hollande.

Mais l’observation la plus complète est celle de M. M., jeune femme de 26 ans.
La stimulation électrique fut pratiquée (Square wawe Generator 60 cycles, 2 milli­
secondes) et appliquée de telle sorte, que la patiente ignorait si et quand on pro­
cédait à l’excitation. Ce n ’est que lorsque le courant fut intensifié jusqu’à 2 à 3 volts
que l ’on atteignit le seuil des réponses du « cortex interprétatif ».
— Stimulation en IL « J ’entends quelque chose de familier, mais je ne sais pas
ce que c’est ».
— Nouvelle stimulation en 11 (sans avertissement). « Oui, Monsieur, je pense
que j ’ai entendu une mère appeler son petit garçon quelque part. Il me semble que
c’est arrivé il y a déjà des années ». Sur demande de s ’expliquer, elle ajoute : « C’est
tout près de l’endroit où je vis ».
Avertie qu'elle allait recevoir une nouvelle stimulation, mais on ne fait pas passer
le courant : la patiente n ’accuse aucune impression.
— .Nouvelle stimulation en 11 : « Oui, j ’entends les mêmes sons familiers. Il me
semble que c’est une femme qui appelle la même femme. Ce n’était pas dans le voi­
sinage. Il me semble que c’était dans la cour et la scierie ». Elle précise plus tard qu’il
s’agissait d ’un incident qui lui était arrivé au cours de son enfance mais dont elle se
serait bien souvenue sans cette excitation électrique.
— Stimulation en 12 : « Oui, j ’ai entendu des voix le long de la rivière, quelque part
une voix d ’homme et une voix de femme qui appelaient ». Lorsqu’on lui demande
ensuite comment elle avait pu savoir que ces voix provenaient de la rivière, elle dit :
« Je ne sais pas. Il me semble que c’était une rivière dont j ’étais proche quand j ’étais
enfant ».
—■Interrogée sur ce qu'elle éprouvait (mais sans stimulation), elle répond :
« rien ».
— Stimulation près de 13 (sans avertissement). Elle s’écrie : « Oui, j ’entends
des voix. Tard dans la nuit près d ’une fête quelque part quelque chose comme un
cirque ambulant ». Après que les électrodes aient été retirées, elle dit : « J ’ai juste vu
beaucoup de grands camions dont on se sert pour garder les animaux ».
— Nouvelle stimulation en 11 ( 15 minutes plus tard) : « Maintenant il me semble
entendre de petites voix, des voix de gens s’interpelant d ’un bloc de maison à l ’autre
quelque part. Je ne sais pas où, mais cela m ’est familier. Je ne peux pas voir les maisons,
mais il semble que ce soit des maisons vétustes ».
— Stimulation en 14 : « Toute cette affaire me semble familière ».
— Stimulation en 15. Elle accuse une légère impression de familiarité et le sen­
timent qu’elle savait « ce qui allait arriver bientôt ». Elle ajoute : « Comme si j ’avais
déjà connu cette situation, et je pensais que je savais exactement ce que vous alliez
faire ensuite ».
— Stimulation en 17 (en profondeur). Quand l ’électrode atteint 1 cm de pro­
fondeur : « Oh ! J ’ai eu le même souvenir très, très familier dans un bureau quelque
part. J ’ai vu des tables de bureau. J ’étais là et quelqu’un m ’appelait, un homme penché
sur son bureau avec un crayon à la main ».
— Interrogée sans stimulation, elle dit qu’elle ne ressent rien.
952 LE MODÈLE MÉCANISTE

— Stimulation en 11 (40 minutes après la précédente stimulation de ce point) :


« J ’ai une impression de déjà vu. Mais je ne sais pas'quoi ».
— Trois stimulations successives en 13 : « rien ».
— Nouvelle stimulation en 11 (4 minutes après la précédente) : rien. L’inter­
vention se poursuit ensuite en raison de l’inexcitabilité des points, la deuxième et la
troisième circonvolutions temporales furent enlevées, exposant ainsi la première
circonvolution temporale, l ’uncus et l’hippocampe :
Stimulation de l'uncus (18 a) : « J ’ai eu un souvenir très léger, comme une
scène d ’une pièce de théâtre. Ils parlaient et je pouvais les voir. C’est comme si je
les voyais dans ma mémoire ».
Stimulation sur un point proche du précédent : « Je me suis sentie très près et
avoir une réminiscence... Je pense même que je vais en avoir une, un souvenir fami­
lier ».
Stimulation latérale de l’hippocampe : « Oh ! ça fait mal. J ’ai la sensation de
familiarité, un souvenir familier, l’endroit où je prends mon manteau, l ’endroit
où je vais travailler ».

E t W. Penfield insiste sur le déroulement temporel, le film qui déroule


ses images et péripéties. La reviviscence, dit-il, évolue; elle a des composantes
marquées visuelles et auditives, mais c’est toujours un déroulement de vues
et de sons. Généralement, ces réminiscences évoquent des scènes ou des évé­
nements sans importance, scènes banales dont la stimulation électrique per­
m et une évocation « hallucinatoire » puisque ce souvenir vient alors occuper
une partie du champ de la conscience avec les caractères sensibles d ’une sen­
sation actuellement vécue. M. J. Horowitz et J. E. Adams (1969, in Keup) ont
contesté que ces « expériences » soient des souvenirs. Il leur semble que (peut-
être comme pour les « interprétations responses » dont nous allons parler)
il s’agit d ’expériences qui ne sont pas seulement des réminiscences mais des
élaborations du vécu dans le champ perceptif et affectif actuel. Cela ne'nous
paraît pas appeler, comme ils semblent le suggérer p ar le titre de leur travail,
une révision de la conception de Penfield, car le travail hallucinatoire du rêve
comporte nécessairement son alimentation p ar les petites perceptions
« actuelles » ou les résidus perceptifs récents.

b ) Les interprétatives responses sont l’objet dans les protocoles, les


exposés et les réflexions de W. Penfield de peu de développement. Il se contente
de dire que certaines stimulations (comme celles de la patiente M. M. quand
elles étaient portées aux points 14 et 15) produisent une modification de l ’expé­
rience actuellement vécue (impression de déjà vu, de familiarité, de distance,
d ’intensité, de solitude, de jeu). Ce sont, dit Penfield, des « interprétations du
présent dont le patient prend soudain conscience », et il les appelle aussi des
illusions pour m arquer q u ’elles mettent en jeu les jugements qui, normalement,
permettent la comparaison et la distinction du passé et du présent. Toute cette
catégorie de phénomènes mal définis paraît figurer dans les protocoles de
W. Penfield comme pour répondre à un souci de fonder le caractère interpré­
tatif (et en quelque sorte intellectuel) de la fausse perception. On peut se deman-
EXCITATIONS ÉLECTRIQUES EXPÉRIMENTALES 953

der d ’ailleurs à quoi correspondent ces distinctions un peu subtiles et arbitraires ;


pourquoi au lieu de parler d ’ « écorce interprétative » Penfield ne parle pas —
dans la meilleure tradition de Fleschig — de centres perceptifs d ’association.
On peut se demander plus généralement ce que l ’analyse clinique des réponses
aux stimulations apporte de plus à la description de la « crise de l ’uncus »
p ar Jackson, description beaucoup plus riche et vivante.
Quoi q u ’il en soit, nous pouvons d ’après l ’observation des faits recueillis
par W. Penfield noter q u ’ils nous présentent l ’effet de la stimulation électrique
du cortex tem poral dans une perspective beaucoup moins simpliste et sommaire
que celle dans laquelle se plaçaient les premiers neuro-chirurgiens, soit à titre
d ’observateurs, soit à titre d ’expérimentateurs (Horrax, Cushing, O. Foer-
ster, etc.). L ’image hallucinatoire ici jaillit de la « profondeur » du lobe temporal
auquel est dévolue une fonction de « temporalité », bien plus sûrement que
de l ’étincelle de sa stimulation comme centre d ’engrammes. Sans doute
W. Penfield a eu bien du mal à se départir du modèle linéaire mécaniste, mais
il y réussit lorsqu’il nous présente l ’effet des stimulations électriques dans la
perspective même de Jackson, c ’est-à-dire comme une dissolution des fonctions
de ce q u ’il appelle l ’activité interprétative — disons de l ’intégration du champ
perceptif. De telle sorte que ce que nous trouvons au terme de ces proto­
coles d ’expériences d ’excitation c’est, en dernière analyse, la libération du
monde des images et la régression vers le rêve, concepts qui, précisément,
excluent un modèle linéaire mécaniste pour postuler nécessairement un modèle
architectonique.
En 1959, S. M ullan et W. Penfield ont d ’ailleurs souligné expressément
l ’identité des expériences vécues et des auras pour la plupart des 217 cas étudiés.
Il s’agissait surtout dans ces expériences de l ’excitation électrique temporale
d ’ « illusions o f comparatives interprétations » qui ne se produisaient que
par l ’excitation de l ’hémisphère droit (non dominant). Ce fait a d ’ailleurs
été contesté p ar M. Baldwin (1960) qui a cependant remarqué une prépondé­
rance du pouvoir hallucinogène (illusions et Hallucinations) de l ’hémisphère
droit.
En 1964, G. F. M ahl a à nouveau et plus particulièrement insisté sur
l ’impossibilité d ’interpréter l’apparition de ces phénomènes hallucinatoires
dans ces conditions expérimentales comme une intensification des traces
mnésiques déposées dans les cellules ganglionnaires.
R. Jung (1967, p. 475) ne m anque pas non plus de noter que ces expériences
d ’excitation superficielle ou profonde du lobe tem poral — et il insiste surtout
sur l ’évidence des troubles déficitaires plus ou moins aphasiques — mettent en
évidence que l ’apparition des phénomènes positifs hallucinatoires exige une
condition négative, dans le sens de H. Jackson : car c ’est bien à lui q u ’il faut
revenir puisqu’il a été le véritable fondateur de la pathologie temporale des
auras hallucinatoires.
954 LE MODÈLE MÉCANISTE

III. — INDÉPENDANCE RELATIVE DE LA PRODUCTION HALLUCINATO IRE


ET DES SYSTÈMES SPÉCIFIQUES

Ainsi avons-nous solidement établi q u ’à des lésions ou stimulations focales


ou strictement localisées ne correspondent pas des phénomènes simples d ’exci­
tation neuronale, car même sous leur aspect le plus « élémentaire » (protéido-
lies) les phénomènes hallucinatoires provoqués spontanément ou expérimen­
talement sont irréductibles à une simple excitation ou ecphorie d ’engrammes.
Il ne fait pas de doute, en effet, que l’examen des faits (du contexte clinique)
exclut toute interprétation cc réductionniste » des phénomènes hallucinatoires
abusivement définis comme de simples effets d ’un mécanisme élémentaire.
L ’appareil théorique — le dogme — ici l’emporte de beaucoup sur l ’obser­
vation. Rappelons-nous q u ’il postule une sorte de coalescence interne entre
les systèmes et organes neuroniques, leurs excitations pathologiques ou
expérimentales et les symptômes qui en sont les effets directs, comme si la lésion
et ses symptômes ou l ’excitation et ses effets étaient une seule et même « chose »
qui occuperait en quelque sorte un point- de l ’espace cérébral ou de la ligne
que parcourt l ’influx nerveux pour aller de l ’image à la sensation.

Or, à cet égard, deux ordres de faits viennent tout naturellement tempérer
ce « zèle mécaniste » et cette théorie qui décalque le modèle linéaire mécaniste
sur les modèles anatomiques. C ’est tout d ’abord que le lien entre Hallucination
et systèmes spécifiques perceptifs n ’est pas aussi étroit que l ’exige le modèle
mécaniste. C ’est ensuite le fait que la paraphrase neurologique qui décalque
sur un mode quantitatif le plus ou moins complexe de l’image hallucinatoire
sur les positions élémentaires ou périphériques et sur les positions centrales
des analyseurs perceptifs ne coïncide pas avec les faits.

a) Lésions hallucinogènes hors des voies et centres spécifiques. —


Il paraît en effet évident que si les Hallucinations visuelles ou auditives peuvent
apparaître dans le tableau clinique qui engendre une lésion périphérique ou
centrale de l ’appareil nerveux sensoriel, visuel ou acoustico-verbal (et nous
venons d ’en rappeler les exemples les plus connus), elles peuvent aussi dépendre
de lésions qui ne semblent pas altérer directement les organes, voies et centres
sensoriels spécifiques. Les « hallucinoses pédonculaires » décrites par J. Lher-
mitte et par van Bogaert il y a quelque 40 ans, au mom ent même où on notait
des Hallucinations, paraissent en rapport avec les syndromes parkinsoniens
et notam m ent les crises occulogyres et constituent un ensemble de faits
impressionnants à cet égard; on pourra consulter à ce sujet la thèse que
nous avons inspirée à M. Rancoule (Paris, 1937) et deux autres travaux im por­
tants et moins anciens : l ’article de A. Sciota (1952) et la monographie de
H. Jacob (1955); elles sont certainement en rapport avec la pathologie méso-
diencéphalique (A. Donati et I. Sanguinetti, 1953) — les Hallucinations d'ori­
gine neuro-végétative comme celles que H. Head a rattachées à un « reflected
FACTEURS HALLUCINOGÈNES NON SPÉCIFIQUES 955

visceral pain » (1) — les Hallucinations vestibulaires ou statokinétiques qui


s’observent dans l ’excitation pathologique périphérique ou centrale des laby­
rinthes (2) — les Hallucinations qui apparaissent en relation avec des troubles
de l’intégration par le système réticulaire ascendant (3) ou de l ’activité du
système limbique (4) — et tout naturellement aussi (dans la même catégorie
de désintégration fonctionnelle réalisant une sorte d ’état hallucinatoire) les
auras hallucinatoires des crises d ’épilepsie ou les Hallucinations analogues
aux Hallucinations hypnagogiques qui apparaissent dans les crises de narco­
lepsie ou de catalepsie (5) ou dans le syndrome d 'automatose (Zingerlé, 1925)
du tronc cérébral (6) — tous ces multiples aspects cliniques d ’une activité hallu­
cinatoire ne paraissant pas en rapport direct avec des lésions des voies et cen­
tres de projection spécifiques (7) posent un problème difficile à résoudre pour
la théorie mécaniste de l ’excitation des organes, voies ou centres sensoriels.
Ils sont tout naturellement à la base du virage que le modèle linéaire méca­
niste se voit contraint de prendre pour une compréhension plus dynamique du
trouble hallucinatoire, virage que nous examinerons plus loin. Il nous suffit
ici de souligner que le halo de « trouble de la conscience », de « dépersonna­
lisation », d ’anxiété, de vertige, ou comme dit R. Mourgue, de « crise de
kakon »' qui entoure la manifestation hallucinatoire, le soustrait à la théorie
d ’une excitation directe pure et simple des neurones sensoriels périphériques

(1) H. H ead. Certain mental changes that accompany visceral disease. Brain,
1901, 24, n° 3. — R. M o u r g u e expose très longuement ce travail dans sa Neuro­
biologie de l'Hallucination, p. 143-159.
(2) Cf. G. d e M o r s ie r . Les Hallucinations { 1938, p. 306-310) et surtout l ’ouvrage
de M o u r g u e (notamment p. 186-204) dont toute la théorie repose sur ces faits.
(3) Les travaux de M. E. S c h e ib e l et A. B. S c h e ib e l {in West, Hallucination, 1962)
et de Hernandez P e o n {J. o f nerv. and ment. Diseases, 1965) auxquels nous
nous référerons plus loin (p. 1300) font état de considérations plus théoriques que
cliniques, les seuls faits envisagés étant ceux que nous venons de rappeler.
(4) W. F r e e m a n et J. W il l ia m s (/. o f nerv. and mental Diseases, 1952,116, p. 456-
462) ont émis l’hypothèse que le noyau amygdalien joue un rôle dans la production
des Hallucinations auditives pour autant qu’elles comportent une composante motrice.
L’amygdala « transformerait les activités idéiques apparemment intégrées dans le
lobe frontal dans un complexe de schèmes moteurs intéressant la musculature vocale ».
Ayant réalisé une amygdalectomie chez 5 malades hallucinés de l’ouïe, ils ont obtenu
un « succès apparent chez 4 d ’entre eux ». Les auteurs soulignent l ’homologie entre
les Hallucinations et le « sonar » des cétacés et des chiroptères... — L’exposé
H. K l ü v e r (1960, in West) sur la fonction hallucinogène des troubles du système
limbique souligne l’importance du système limbique dans la pathogénie hallucinatoire.
(5) R o s e n t h a l , Arch.f. Psych., 1934; M ü n z e s , Arch.f. Psych., 1934.
(6) J. L h e r m t it e , 1922, L. v a n B o g a e r t , Encéphale, 1926 et J. belge de Neuro., 1927.
K. K l e is t , 1934. A. D o n a u et I. S a n g u in e t t i , 1953.
(7) Bien entendu pour, les auteurs qui soutiennent la thèse mécaniste de l ’exci­
tation primaire des voies et des centres sensoriels (G. d e M o r s ie r , par exemple,
p. 275-280 de son mémoire sur les Hallucinations, 1938), il s’agit toujours dans tous
ces cas d ’excitations indirectes ou à distance...
956 LE MODÈLE MÉCANISTE

ou centraux en révélant la profondeur, la multidimensionnalité et la négati­


vité des phénomènes hallucinatoires.

b) Les Hallucinations « périphériques » et les Hallucinations « cen­


trales », ne diffèrent pas par leurs simples degrés de complexité. —
U n autre aspect — et également fondamental du modèle linéaire mécaniste
qui trouve dans la théorie de l ’excitation neuronale son alpha et son oméga —
c ’est le décalque que ce modèle implique des degrés de plus ou moins grande
complexité dans l ’image hallucinatoire sur les niveaux plus ou moins élevés
des arrangements nerveux allant de la périphérie sensorielle aux centres psycho­
sensoriels. Nous retrouvons ici une idée-force de la théorie des sensations
de Johan Müller. Parmi bien d ’autres, bien sûr, mais avec plus d ’autorité
et d ’expérience que les autres, l ’illustre physiologiste allemand en effet consi­
dérait les organes des sens comme le siège des qualités sensibles et les centres
corticaux comme le siège de leur élaboration perceptive. Cette idée indéfiniment
reprise par la plupart des neurologistes et des psychiatres (depuis Esquirol et
Baillarger) ne cesse, en effet, d ’opposer les Hallucinations élémentaires ou
sensorielles aux Hallucinations complexes ou psycho-sensorielles, en superpo­
sant cette opposition à celle qui séparerait les troubles périphériques des organes
des sens et des troubles centraux de l ’élaboration perceptive. Nous avons ren­
contré ce problème bien des fois dans cet ouvrage, mais nous devons plus par­
ticulièrement revenir à ce sujet aux expériences et interprétations de Zador
à propos des Hallucinations mescaliniques (cf. p. 646). Rappelons-nous que cet
observateur rigoureux a apporté des observations très intéressantes d ’action
de la mescaline sur des patients atteints de diverses lésions oculaires ou des
centres occipitaux. L ’analyse de ces observations chez les aveugles ophtalmo-
pathes ou centraux dans les syndromes périphériques (scotomes, nystagmus,
troubles de la réfraction, etc.) ou dans les syndromes corticaux (hémiânopsie,
cécité psychique, agnosie) lui a permis de dégager une double action de la
mescaline : l ’une « spécifique » sur la sensorialité élémentaire (phénomènes entop-
tiques primitifs), et l ’autre (phénomènes scéniques) non spécifiques représentant
plutôt un trouble de la conscience et de la vigilance rappelant le rêve, mais
chacune de ces catégories ne corresponde pas précisément, les premières
à une localisation toujours périphérique et les secondes à une localisation
toujours centrale (cf. p. 1295). C ’est que, comme nous l ’avons déjà fait remarquer
bien des fois, les phénomènes purement sensoriels (photopsies, phosphènes,
Hallucinations élémentaires) se retrouvent ainsi au niveau des lésions corti­
cales. Ils s’observent dans les lésions des centres occipitaux primaires (au
niveau de la rétine corticale comme au niveau de la rétine proprem ent dite)
sans q u ’il soit possible de les distinguer des phosphènes, lueurs entopiques,
phosphorescentes ou lumineuses, étincelles, etc. que les lésions du globe oculaire,
de la rétine ou des nerfs optiques provoquent. C ar il est aussi vain d ’opposer
l ’Hallucination comme phénomène complexe à la simple pathologie des organes
des sens q u ’il est faux d ’opposer la complexité des phénomènes centraux à la
simplicité des phénomènes périphériques. Il est aussi faux de prétendre que les
EXCITATIONS « CENTRALES » ET « PÉRIPHÉRIQUES » 957

protéidolies ne se rencontrent que dans les lésions périphériques que d ’affirmer


que les phantéidolies sont toujours symptomatiques de lésions centrales. On
ne saurait confondre le niveau structural du trouble et sa topographie en bas
ou en haut de l ’appareil psycho-sensoriel. Aussi les discussions sur l ’origine
centrale ou périphérique du Syndrome de Charles Bonnet, sur la participation
centrale ou le caractère exclusivement périphérique des troubles hallucinatoires
sont sans grand intérêt. La fameuse observation de Villamil (1) dont nous avons
souvent fait état, depuis trente ans, doit être ici rappelée, car elle illustre mer­
veilleusement que Hallucination élémentaire et Hallucination d ’origine péri­
phérique ne sont pas strictement synonymes. Il s’agissait d ’un homme de
59 ans qui se plaignait de phosphènes insupportables. C ’était pour lui un tour­
ment terrible. Il ne pouvait plus travailler. Il s’ajoutait à ces phénomènes des
images scéniques q u ’il revivait dans son imagination. Exaspéré, il voulut mettre
fin à ses jours. Il se tira un coup de pistolet qui entraîna une double énucléation
du globe oculaire. Après q u ’il fut devenu aveugle, les phosphènes et les images
disparurent. Cela fit naturellement penser que les phénomènes hallucinatoires
provenaient de lésions du globe oculaire et que ceux-ci ayant disparu les Hal­
lucinations avaient disparu aussi. Le patient m ourut quelque temps après, et
à l ’autopSie on ne fut pas peu surpris de constater un tuberculome du lobe
occipital gauche.
La parenté des Hallucinations acoustiques élémentaires dans les lésions
otitiques et les lésions des centres primaires (circonvolution de Heschl, aires 41,
42) ou secondaire (aire 22), semble encore plus évidente à la plupart des auteurs
pour ce qui concerne les bruits otitiques, acouphènes, etc.
Disons donc que les Hallucinations élémentaires ne sont guère différentes
selon q u ’elles sont produites par des lésions des « récepteurs » ou des centres
psycho-sensoriels. C ’est d ’ailleurs ce que nous avons vu avec plus d ’évidence
encore et par l ’expérimentation même lorsque nous avons exposé les expé­
riences des stimulations électriques des centres corticaux.
Par contre, la réciproque n ’est pas aussi nettement démontrée, car les cas où
les Hallucinations visuelles ou acoustico-verbales complexes figurent un enchaî­
nement scénique, orchestral ou discursif paraissant déterminées par des lésions
périphériques sont plus sujets à discussion comme nous l ’avons vu à plusieurs
reprises, soit en exposant la description clinique des Hallucinations des divers
sens (Deuxième Partie), soit en étudiant la structure phantéidolique (p. 348
et sq.), soit un peu plus haut en relatant les faits cliniques sur lesquels se fonde la
théorie de l’excitation mécanique hallucinogène (p. 925-936). Il semble pourtant
que les conditions d ’amaurose ou de cécité, se rapprochant de ce que l ’on observe
dans les privations sensorielles expérimentales peuvent, acquérir un pouvoir hal­
lucinogène, à vrai dire exceptionnel, mais sans que l ’on soit non plus assurés
q u ’une lésion corticale soit nécessaire pour que se produise l ’activité halluci­
natoire. Nous renvoyons, par exemple, aux observations des phantéidolies

(1) J. P. Villamil. El papel del campo sensorial externe en la genesis de la aluci-


nosis visuales. Archivio de Neurbbiologia, 1933, p. 81-98.
958 LE MODÈLE MÉCANISTE

fantastiques de type visuel de la fameuse observation de Floum oy, ou de type


acoustico-verbal-musical comme dans certaines anciennes observations de
Régis, ou parm i celles que, plus récemment, ont rapportées H. Hécaen et
R. R opert (1959).
Il semble bien que l ’analyseur perceptif fonctionne non pas justem ent
conformément au modèle linéaire qui place sur une même ligne (fût-elle verti­
cale) en bas et à la périphérie les neurones récepteurs « sensoriels » et en haut
et au centre les neurones « psychiques », mais plutôt sur un modèle plus
architectonique bipolaire et dynamique sur lequel nous reviendrons, bien
sûr, en exposant la théorie organo-dynamique de l ’Hallucination qui
correspond à ce modèle. Peut-être pouvons-nous ici anticiper un peu sur ce
que nous exposerons plus longuement à la fin de la Sixième Partie de ce livre,
ne fût-ce que pour tirer avantage de la critique que nous venons de faire du
modèle mécanique en le suivant sur son propre terrain : celui des lésions locales
et des stimulations expérimentales.

E n groupant to u t ce que nous avons déjà dit dans cet ouvrage sur l ’action
hallucinogène des « excitants » chimiques (comme dit G. de Morsier), non seu­
lement la mescaline ou le L. S. D., et ce que nous avons déjà dit dans cet ouvrage
sur l ’action hallucinogène des « excitants » chimiques (comme dit G. de M or­
sier) non seulement la mescaline ou le L. S. D., et ce que nous venons d ’établir
sur la symptomatologie hallucinatoire des lésions nerveuses périphériques ou
centrales et sur les expériences des stimulations électriques, nous pouvons
préciser que les analyseurs perceptifs fonctionnent comme un sélecteur d ’images
dont ils représentent « la mémoire», c’est-à-dire la virtualité des représentations
sensorielles et dont il règle l ’actualisation, c ’est-à-dire l’intégration dans les
actes de conscience de l’expérience actuellement vécue. Un tel dispositif implique
une sensorialité pour ainsi dire infiniment qualitative de souvenirs et d ’images
possibles et une sensorialité indéfiniment quantitative selon les niveaux de
l ’activité perceptive dont se charge l ’analyseur perceptif de tel ou tel organe
des sens. Cela revient à dire que ce qui doit être expliqué par une théorie de
l ’Hallucination, ce n ’est pas la production d ’images qui, elles, sont toutes là
virtuellement dans la profondeur de la mémoire et des pulsions qui sont comme
les moteurs de l ’appareil de projection perceptive (ce sont les phantasmes
virtuels des auteurs allemands dont nous avons déjà fait état) — mais c’est
l ’actualité q u ’elles prennent, c’est-à-dire leur détermination temporo-spatiale.
Cette actualité dépend, d ’une part, de l ’automatisme des changements fonction­
nels qui se produisent sous l ’influence des Stimuli extérieurs ou des influx cen­
trifuges de l’intentionnalité, mais plus globalement elle dépend encore de l’inté­
gration de ce matériel éidétique dans la hiérarchie du réel, intégration réglée
par la structuration du Champ de la conscience. Dans une telle perspective —
à peine esquissée ici puisque nous la reprendrons plus loin — il y a lieu de dis­
tinguer les désintégrations de l ’analyseur au niveau de la sensorialité (c’est-à-dire
de l ’actualisation des images qui se chargent des qualités sensibles), et ce
sont les phénomènes dits « primitifs » (ou protéidolies) — le plan des désinté­
APPLICATION AUX PSYCHOSES HALLUCINATOIRES 959

grations de l’analyseur au niveau de l'organisation du champ perceptif (c’est-


à-dire de l’actualité des configurations de l ’expérience vécue dans un analyseur
spécifique (ou phantéidolies)), et ce sont les Hallucinations dites complexes,
ou scéniques — et enfin les déstructurations du champ de la conscience
qui enveloppent au niveau des divers analyseurs perceptifs une activité hallu­
cinatoire proprem ent délirante (expériences oniriques ou analogues, c ’est-à-dire
des expériences hallucinatoires aiguës). Mais nous y insisterons, cette hiérar­
chie fonctionnelle ne se décalque pas exactem ent sur l’anatomie de l’appareil
sensoriel qui, depuis les récepteurs jusqu’aux intégrateurs corticaux, est sus­
ceptible de ne plus assurer la répression du monde des images à des niveaux
différents du trouble négatif dont dépend l ’apparition des troubles hallucino-
siques éidoliques (élémentaires ou complexes) et non la constitution des expé­
riences délirantes hallucinatoires qui, elles, exigent une déstructuration plus
globale du Cham p de la conscience.
Il nous paraît évident que c’est ce schéma architectonique qui doit se
substituer au modèle linéaire mécaniste. E t cela paraît évident à la plupart
des auteurs — même les plus résolument mécanistes — quand ils glissent peu
à peu — en abandonnant la seule positivité de l ’excitation neuronale pathogène
— vers urte pathologie de l’Hallucination qui ne part plus de l’intensification
de l’image comme d ’un phénomène primordial, mais de la désorganisation du
champ perceptif ou du Champ de la conscience pour expliquer comment les
images, les phantasmes contenus, non pas « dans » mais « par » la structure des
systèmes spécifiques sensoriels, tirent leur force, c ’est-à-dire leur sensorialité
vécue de cette désorganisation partielle ou globale. C ’est précisément ce que
nous envisagerons plus loin en exposant le virage qui ne manque pas de se
produire dans les progrès de la pensée des auteurs en particulier, et les progrès
dans la pathologie des Hallucinations en général, quand l ’analyse même des
faits cliniques et expérimentaux impose la nécessité de renoncer au modèle
linéaire mécaniste, c ’est-à-dire à la théorie de l’excitation sensorielle halluci­
nogène.
Mais avant d ’exposer cette évolution des idées, nous devons maintenant
nous demander si elle n ’est pas rendue plus nécessaire encore par l ’inadéquation
du modèle linéaire mécaniste à la clinique, et notam m ent à la clinique des
Délires hallucinatoires, c ’est-à-dire du Dogme de la mécanicité généralisée
des Hallucinations et des Psychoses hallucinatoires.

L’APPLICATION DE LA THÉORIE MÉCANISTE


AUX DÉLIRES HALLUCINATOIRES

Le « modèle mécanique » dont nous exposons ici les thèses (et les contra­
dictions) est rarement explicité dans sa plus extrême rigueur : le dogme de la
mécanicité de l ’Hallucination. Pour bien en saisir le sens et les contresens,
notam m ent en ce qui concerne les rapports pathogéniques entre Hallucinations
960 LE MODÈLE MÉCANISTE

et Délire, nous devons clairement distinguer pour,ainsi dire deux degrés dans
l ’usage théorique qui en est fait.
L a thèse de la mécanicité généralisée de T Hallucination prend à son compte
les trois propositions essentielles du dogme : organicité, caractère proprem ent
primaire de l ’Hallucination et production mécanique p ar l ’excitation neuro­
sensorielle. Celle-ci y est considérée, en effet, comme le produit d ’une exci­
tation mécanique, comme un phénomène élémentaire (basal ou nucléaire),
comme l ’effet d ’un processus organique.
L a thèse de la « mécanicité restreinte » peut se formuler par la mise entre
parenthèses de la théorie de l ’excitation mécanique des nerfs ou des centres
nerveux sensoriels. Elle se borne alors à poser l’organicité et l ’élémentarité
du phénomène hallucinatoire sans aller jusqu’à considérer que le « mécanisme »
de l ’Hallucination soit réductible à une simple excitation mécanique (1).
Ce schématisme théorique pourrait paraître bien abstrait, de pure construc­
tion artificielle et totalem ent sans objet, si la théorie des Hallucinations n ’était
pas confrontée avec le problème fondamental, le problème des rapports avec le
Délire. Pour la thèse mécaniste intégrale, le dogme de la mécanicité géné­
ralisée de l ’Hallucination va si loin que le Délire (comme une statue) repose
sur l ’Hallucination (qui en constitue le socle) et que l ’Hallucination n ’est
rien d ’autre q u ’une sorte d ’atome d ’objet matériellement fabriqué par la
physique atomique cérébrale. — Quant à la thèse de la mécanicité restreinte
(celle qui est le plus généralement acceptée pour n ’être point aussi intrépide)
elle se borne à reprendre l ’idée que l ’Hallucination est bien à la base du
Délire hallucinatoire, q u ’elle en est la cause nécessaire et suffisante et q u ’elle
représente le phénomène hallucinatoire comme un trouble localisé dans la
perception irréductible cependant à un simple mécanisme d ’excitation sen­
sorielle. L ’Hallucination est pour elle plutôt une molécule q u ’un atome.
En exposant successivement ces deux formes, l ’une absolue et l ’autre
relative de la thèse de la genèse mécanique des Hallucinations, nous verrons
plus clairement que le modèle linéaire mécanique confronté avec le délire
hallucinatoire est radicalement inadéquat, soit parce q u ’il réduit le délire
à une production mécanique d ’Hallucinations, soit parce q u ’il le réduit
à des éléments sensoriels, c ’est-à-dire dans les deux cas, parce q u ’il supprime
du délire, le délire. D e telle sorte q u ’en examinant l ’application de la thèse
mécaniste aux Délires hallucinatoires, nous allons trouver l ’occasion d ’une
dém onstration p ar l ’absurde de sa thèse, soit dans sa forme intégrale (théorie
mécaniste généralisée des Hallucinations et des Psychoses hallucinatoires),
soit dans sa forme atténuée (théorie mécaniste restreinte de la genèse élémentaire
des Hallucinations et des Psychoses hallucinatoires). C ’est que, en effet, dans

(1) Réduit à la thèse de l ’organicité (sans ses corollaires de l’atomisme et de la


genèse mécanique), le modèle mécaniste devient nécessairement un modèle architec­
tonique, ou si l ’on veut, organo-dynamique, tel que nous le proposerons dans la
Septième Partie.
THÉORIE MÉCANISTE GÉNÉRALISÉE 961

les deux cas la fabrication du tout par la somme ou la juxtaposition de ses


parties apparaîtra sans sens pour ôter son sens au Délire.

THÉORIE MÉCANISTE GÉNÉRALISÉE


DES HALLUCINATIONS
ET DES PSYCHOSES HALLUCINATOIRES

Nous avons en vue ici — le Dogme — qui reprend à son compte l’intégra­
lité des trois propositions (organicité, production mécanique des symptômes,
caractère élémentaire ou basal et production mécanique de l’Halluci­
nation). La thèse de l ’organicité s’oppose à tout ce qui peut être « psycho­
genèse », « idéogénèse », « facteur affectif », « réaction sociogénique » dans
la pathogénie de l ’Hallucination et des psychoses délirantes hallucinatoires.
Il s’agit bien de phénomènes physiques, c ’est-à-dire sans sens et sans motifs
(« ohne Anslass »). L a thèse élémentariste ou atomiste pose l ’Hallucination
comme un phénomène simple qui se suffit à lui-même et qui, p ar conséquent,
peut se produire hors du Délire et qui, lorsqu’il se trouve coexister, avec lui,
n ’en dépend pas mais peut occasionnellement l’engendrer. La thèse de la méca-
nicité interprète l ’Hallucination comme l ’effet d ’une excitation neuronale, c ’est-
à-dire d ’un mécanisme physique. Telles sont, encore une fois, articulées entre
elles les propositions fondamentales d ’un modèle linéaire mécaniste intégral que
nous pouvons appeler théorie mécaniste généralisée de l’Hallucination dans ses
rapports avec le délire. Rappelons q u ’il s’agit pour nous d ’un modèle linéaire
car il repose sur l’hypothèse que l ’image (ou l ’idée) devient perception lorsque
l’influx nerveux va de la trace mnésique passée à la sensation actuelle. Il s’agit
bien aussi d ’un modèle mécaniste puisqu’il postule que c’est l’excitation méca­
nique des engrammes qui les transform e purement et simplement en sensations.
Enfin, il s’agit bien d ’une théorie mécaniste généralisée puisque, une fois définie,
l ’Hallucination comme un phénomène élémentaire et mécanique celui-ci est
considéré comme un atome auquel se réduit en dernière analyse tout état hal­
lucinatoire, soit q u ’il se présente sous forme d ’Hallucinations isolées, soit q u ’il se
développe sous forme d ’Hallucinations délirantes. On comprend bien que —
comme nous le soulignions plus haut et comme nous ne cesserons pas de le
répéter — c ’est autour du problème du Délire que s’ordonne la théorie patho­
génique mécaniste de l’Hallucination et tout simplement pour le supprimer.
C ar avec le dogme de l’automatisme mental de G. de Clérambault nous abou­
tissons, non pas à une explication du Délire mais à une suppression du Délire
remplacé, en un certains sens, p ar le Délire du théoricien. Le propre d ’une théo­
rie mécaniste appliquée à la clinique de l ’Hallucination est, en effet, de les
séparer du Délire, de n ’en faire que le « socle » d ’une statue qui ne peut s’ériger
que sur cette base mais qui peut aussi bien ne pas s’élever sur le piédestal; la
portion délirante de l ’automatisme m ental est contingente, dit G. de Cléram­
bault. D e telle sorte que l ’Hallucination n ’étant pas elle-même Délire, elle est
« perception-sans-objet », mais pourtant encore « perception-d’un-objet »
962 LE MODÈLE MÉCANISTE

(les neurones, l ’influx nerveux et ses accidents d ’excitation et de dérivation).


Le « Dogme » mécaniste remplace l ’Hallucination et le Délire par des objets
physiques produits par la mécanique moléculaire cérébrale (1).

T héorie m é c a n iste des H allucinations


e t des P sychoses h a llu cin a to ires d e G. de C lé ra m bau lt.
L e « D o g m e » de L'A u to m a tis m e m e n ta l (2).

Dès 1909, à la Société de Clinique de Médecine mentale (à propos d ’une commu­


nication de Crinon) Gaëtan Gatian de Clérambault soulignait déjà l’importance de
l ’automatisme mental qui joue, disait-il, « un rôle causal important dans les délires
de persécution. Cette même année il publiait son fameux mémoire « Du diagnostic
différentiel des délires de cause chloralique » dans les Annales Médico-Psychologiques.
Jusqu’en 1934, date de sa mort dramatique et aussi de sa dernière contribution au
problème (Société Médico-Psychologique, du 22 octobre 1934), il n ’a jamais cessé,
comme il aimait à le dire, à cogiter le problème des Hallucinations dans ses rapports
avec le Délire, c’est-à-dire à élaborer le Dogme de la Mécanicité des Hallucinations
considérées comme des phénomènes d ’automatisme mental dépendant si peu du
Délire qu’il est au contraire susceptible de les causer. Telle est l ’idée centrale de
toute sa doctrine dont nous allons maintenant rappeler l’essentiel en mettant l’accent
successivement sur la sémiologie de l’automatisme mental — sur la genèse méca­
nique des phénomènes qui le composent — et sur ses relations avec le Délire.
L ’automatisme mental est un ce processus autonome » (p. 493) qui se manifeste
cliniquement par une mosaïque de symptômes qui se groupent pour former un triple
automatisme sensitif, moteur et idéo-verbal. Le syndrome d ’automatisme mental
(appelé aussi Syndrome S en 1927) est constitué de symptômes majeurs. Ce sont les
Hallucinations de tous ordres et notamment les Hallucinations psychomotrices et
les Hallucinations verbales (p. 555), les cénestopathies, l’écho de la pensée et de la
lecture, l’énonciation des actes et des gestes. Mais, soit dans la phase initiale du pro­
cessus, soit dans ses formes discrètes, c’est le syndrome de petit automatisme (dit

(1) Que la théorie mécaniste de l’Hallucination l’exonère du Délire mais au prix


d ’un délire d ’interprétation ou de paraphrase neurologique, c’est ce que nous n ’avons
cessé depuis 40 ans de répéter (cf. nos premiers travaux sur ce point) : « Évolution
des idées sur l ’Hallucination » (avec H. Claude), Encéphale, 1932, p. 361-377 — « La
croyance de l’halluciné », A. M. P., 1932,1, p. 13-57 — « Quelques aspects généraux
du problème des Hallucinations », Archives suisses de N. et P., 1933, 32, n° 2 — « Hal­
lucinations et Délire », éd. Alcan, Paris, 1934 — La discussion de 1855 à la Société
Médico-Psychologique sur l ’Hallucination, etc., A. M. P., 1935, I, p. 584-614, puis
plus tard nos Études Psychiatriques, tome I, l ’Étude n° 8 (Doctrine de G. d e Clé­
rambault), p. 83-102.
(2) Les travaux que le Maître de l’Infirmerie spéciale du Dépôt, G. G atian d e Clé­
rambault a consacrés à l ’étude des Hallucinations et à l ’élaboration du Dogme de
l’Automatisme mental se succèdent de 1909 à 1934, date de sa mort. Il a beaucoup
publié à la Société de Médecine Mentale, à la Société Médico-Psychologique et parfois
dans la Pratique médicale française. Tous ces travaux ont été réunis dans les deux
Tomes de son Œuvre publié en 1942 (P. U. F.). Les citations qui vont suivre se
réfèrent à cet « Œuvre ».
DOGME DE LA MÉCANICITÉ (DE CLÉRAMBAULT) 963

encore parfois syndrome de passivité) qui constitue la base anidéique ou neutre et


comme la germination des phénomènes virtuels (idéation parasite, phénomènes idéo-
verbaux subtiles, écho anticipé de la pensée, énonciation de la pensée, devinement
et vol de la pensée, phénomènes psittaciques, mentisme, idéorrhée, dévidage muet
des souvenirs déchets de la pensée, mots explosifs, jeux syllabiques, kyrielle de mots,
scies verbales, émancipation des abstraits, etc.). G. de Clérambault note que ce syn­
drome de petit automatisme se développe sur un fond commun qui est un « trouble
moléculaire de la pensée élémentaire » (p. 485). Cette énumération des symptômes
qui constituent le syndrome d ’automatisme mental ne peut pas donner une idée de
l ’incroyable richesse séméiologique des descriptions de G. de Clérambault. Mais
il nous suffit d ’indiquer ici que pour lui l’automatisme mental en tant que « syndrome
nucléaire » se retrouve à la base de toutes les psychoses délirantes et hallucinatoires.
— L’Hallucination n ’est qu’un cas particulier d ’une production mécanique idéo-
verbale. Le noyau est dans l ’automatisme et non dans la sensorialité car, dit-il (p. 59),
l ’essentiel de l’Hallucination c’est son mécanisme le mouvement spontané et méca­
nique des molécules cérébrales. Ceci nous conduit à la théorie proprement dite
de la Mécanicité du Syndrome d ’automatisme mental. Elle est abondamment et
incessamment proclamée tout au long des travaux de G. de Clérambault. Ses for­
mules les plus incisives en dévoilent la netteté : « L’automatisme mental est de cause
« histologique » (1927, p. 468). Le noyau de l’automatisme mental est d ’ordre
« histologique (1923, p. 482). Sa progression se fait selon une sélectivité systéma-
« tique qui n ’est pas d ’ordre idéique ou intentionnel, mais d’ordre neurologique.
« L ’épithète de systématique s’applique ici non pas à un agencement idéique, phéno-
« mène de tout dernier ordre, mais bien à la répartition et à la marche d ’un processus
« qui coïncide avec la progression « serpigineuse » (p. 486) d ’un automatisme qui
« suit les traces des atteintes nerveuses en obéissant aux lois de l’âge, de la latence et
« de la massivité de ces atteintes (p. 530-532). Il s’agit d ’un processus histologique
« irritatif. Dans tous les cas, est-il précisép. 593), le Syndrome d ’automatisme
« mental résulte d ’une incitation mécanique exactement comparable à une élect-
« risation. Dans les cas chroniques cette incitation part d ’une épine histologique.
« Suivant les zones ou points d ’attaque surviennent des émotions, des sensations,
« des idées, des phénomènes intermédiaires entre sensation et idée... La complexité
« est fonction de la zone passive, elle résulte d’organisations préétablies : vocabu-
« laire, syntaxe, cadre idéique, blocs idéo-affectifs. Le « Syndrome » comprend les
« plus courtes des dérivations et les plus simples des réseaux, l’énonciation, échos,
« jeux verbaux » (p. 593).
Les Hallucinations (envisagées, soulignons-Ie encore, comme un phénomène par­
ticulier et relativement secondaire du Syndrome S ou d'Automatisme mental) sont
naturellement considérées sous toutes leurs formes et dans toutes leurs variétés
comme des sensations parasites, car toutes doivent être réduites à leur commun déno­
minateur, le seul qui importe scientifiquement, c’est-à-dire leur mécanisme (p. 529).
Elles doivent toutes être assimilées en bloc. Derrière l’apparition de l’Hallucination
c ’est le processus hallucinatoire qui importe, c’est-à-dire le processus histopatho­
logique (p. 530).
Mais ce sont surtout les phénomènes neutres et notamment les échos (de la pensée,
de la lecture) avec leur cortège de phénomènes de résonance (1) qui sont l ’objet d’une

(1) La critique ou l’interprétation purement physique d ’un « Gedankenlaut


werden » (la pensée devenue à haute voix) qui serait le substratum neurologique
>
964 LE MODÈLE MÉCANISTE

interprétation en quelque sorte physique : « L’écho est un phénomène de dérivation...


« La dérivation, d ’une part utilise des frayages préformés (associations, sentiments
« actuels), d ’autre part crée entre des cycles étroits (vocabulaire) ou étendus (ordre
« d ’idées) des communications indues. Les phénomènes positifs et négatifs, soit diffus,
« soit précis (mentisme, kyrielles, scies, jeux psittaciques, gymnastique linguistique,
« phrases soudaines, énigmatiques, arrêts et vides, etc.) ont fréquemment ou constam-
« ment leurs analogies dans le fonctionnement physiologique ». Les causes de cette
dérivation « peuvent être recherchées dans les troubles de la chronaxie » et, rappelant
à ce sujet que c’est P. Guiraud qui lui aurait suggéré cette interprétation, il ajoute :
« Les changements de la formule chronaxique, la dystonie, les syntonies artificielles
« cadrent pour le mieux avec les débordements d’influx, frayages, forçages. Ils nous
« fournissent les métaphores, précisément celles empruntées à l’idée de courant, et
« ces métaphores qui se superposent si exactement aux faits psychiques pourraient
« bien être l ’exact énoncé des faits psychiques... (p. 571).
Nous croyons inutile de multiplier ces citations, car il est évident pour tout le
monde — pour tous ceux qui connaissent bien en tout cas les travaux de G. de Clé-
rambault — que pour lui il n ’y a pas d ’Hallucinations, qu’il n ’y a, au fond, qu’un
processus mécanique dont l’excitation et les mouvements des neurones constituent
l’essentiel, comme si, en effet, il convenait de penser l ’Hallucination comme un phé­
nomène purement mécanique serti dans la mosaïque des autres phénomènes méca­
niques — comme si, bien entendu, l’Hallucination devait s’effacer au profit des méca­
nismes nerveux qui l ’engendre — comme si le délire s’effaçait aussi au profit de
l ’Hallucination d ’abord puis des « phénomènes subtils » de l ’automatisme mental
ensuite.

Nous devons, en effet, maintenant bien comprendre quelle attitude adopte ici
G. de Clérambault (et nécessairement tous les théoriciens du modèle mécaniste)
à l’égard des relations de l’Hallucination (ou plus généralement du Syndrome d ’auto­
matisme mental) et du Délire. Nous parvenons ici à l ’extrême pointe de la théorie
mécaniste, au point où elle devient une théorie mécaniste généralisée du Délire. En
un mot, l’interprétation mécaniste des relations entre Hallucinations et délire consiste
à dire que l ’Hallucination ne dépend pas du délire, mais que le délire peut dépendre
de l’Hallucination, elle-même assimilée purement et simplement à un phénomène
physique neuronal. D ’un côté, en effet, le syndrome d ’automatisme mental est présenté
comme une structure mécanique d’arrangements neuronaux qui pullulent ou proli­
fèrent comme une néoplasie sans altérer le psychisme, ou en tout cas sans dépendre
du délire. D ’un autre côté, lorsque Hallucinations et délire existent, celui-ci paraît
être constitué par une réaction secondaire, par une construction en quelque sorte
contingente sur la base des phénomènes hallucinatoires élémentaires. Dans les deux
cas, ce qui est important ce sont les mécanismes d’automatisme mental en tant que
processus neurologique. Mais voyons tout cela de plus près.
Le « fait primordial » pour G. de Clérambault, ce n ’est pas l’état du trouble psy­
chique qui engendre le délire, et secondairement l’Hallucination ; c’est l’Hallucination
elle-même en tant qu’elle est réductible à un phénomène d ’automatisme mental.
« Le fait primordial, écrit le doctrinaire de l’Automatisme mental dès 1920, c’est
justement l’automatisme mental » (p. 464), et il poursuit : « L’Automatisme est si

des Psychoses hallucinatoires, a été très approfondie dans la monographie de


Charles D urand, « L’écho de la pensée », Thèse, Paris, 1939.
DOGME DE LA MÉCANICITÉ (DE CLÉRAMBAULT) 965

« bien le phénomène Primordial que sur cette même base des Délires Secondaires
« très variés peuvent s’édifier. Dans cette conception, la portion hallucinatoire
« (sensitive, sensorielle, motrice) des Délires dits de Persécution est fondamentale,
« primitive » (p. 465). Et de ce phénomène d ’automatisme basal, G. de Clérambault
en fait la clé de voûte de tout délire. Même les « Délires interprétatifs s’édifient sur un
mécanisme automatique et incoercible » (1933). De ce mécanisme automatique il a dit
qu’il était à l’égard du délire « comme le socle qui attend la statue ». L’Hallucination
est à cet égard une néo-production, un corps étranger qui naît, comme la Minerve
casquée, du cerveau de l’halluciné lequel n ’est pas un délirant, car le délire n ’est que
la réaction obligatoire d ’un intellect raisonnant (1) et souvent intact (1920, p. 459).

— Nous touchons ici du doigt la contradiction qui éclate dans toute théorie méca­
niste de l’excitation neuronale hallucinogène en ce qui concerne les relations de
l ’Hallucination et du délire. Car si l ’Hallucination n ’est pas délirante elle doit se
décrire comme telle, c’est-à-dire comme une Éidolie hallucinosique, car « à lui seul
(ce mécanisme automatique) ne suffit pas, contrairement à ce que pensait G. de Clé­
rambault, à engendrer l ’idée de persécution » (1920, p. 466) — et si l ’Hallucination
est délirante, il faut choisir entre deux hypothèses : ou bien faire dériver le délire de
l ’intensité de l’Hallucination, ou bien considérer le délire comme une superstructure
ou une réaction intellectuelle occasionnelle et contingente ou, comme il dit, secondaire.
Comme nous venons de le rappeler, dans les premières années de l ’élaboration du
dogme, G. de Clérambault a penché pour cette hypothèse qui conduit tout simplement
à considérer que les patients atteints de psychose hallucinatoire chronique ne
délirent que « a minima ». Dans la suite, et dans la logique même de la thèse méca­
niste, il a considéré que l’automatisme mental était créateur du délire : et c’est
sa théorie de l’auto-construction mécanique du Délire. Cette auto-construction est
décrite dans l ’exposé dogmatique comme une complication graduelle en étendue
et en quantité de l ’automatisme mental, de telle sorte que la description de cette cons­
truction mécanique remplace, comme nous le disions plus haut, le délire qu’elle expulse
en prétendant l ’expliquer. Suivons le développement de cet embryon délirant qui naît
ex nihilo du mécanisme automatique sensitif ou sensoriel. Il s’agit, en effet, d ’une véri­
table histogenèse, ou plutôt, d ’une tératogénèse qui monte de l’Hallucination vers
le délire comme un dispositif néoplasique, une pensée parasitaire : « L ’irritation non
« seulement élargit ses zones, d ’influence mais s’avance elle-même portée par des
« lésions histologiques, dans un trajet serpigineux, projetant des prurits dispersés
« puis de plus en plus confluents. A l ’ensemble des connexions physiologiques consti-
« tuant ce réseau normal, base matérielle notre personnalité, se juxtapose et se substi-
« tue un réseau second graduellement plus étendu et plus compact... (D ’où consti-
« tution) d ’une personnalité seconde (qui) n ’est pas une zone définie du cerveau
« (mais qui) est un système d ’association constitué par des irradiations fixées, super-
« posées ou intriquées aux systèmes antérieurs normaux. La Personnalité seconde
« commence à l’Écho de la pensée et aux non-sens, elle s’achève par des Hallucina-
« tions... (Elle) est constituée par une sélection à l’envers... L’idée de persécution
« est spontanée, automatique, en quelque sorte inévitable ; elle est le résultat méca-
« nique d ’une Sélection Péjorative avec Amplification... L’idée de persécution est

(1) Pour l ’halluciné, « son Hallucination » est un objet qui entre dans son champ
perceptif (il faudrait que je sois fou pour ne pas y croire) ; et pour G. de C léram­
bault, l ’Hallucination ne comporte non plus ni erreur, ni délire.
966 LE MODÈLE MÉCANISTE

« d ’origine mécanique » (p. 564-566). Et c ’est ainsi qu’éclate l ’absurdité d ’une pareille
conception mécaniste. Celle-ci, en définitive, fait'créer par l ’automatisme mental,
un robot, un automate à l’intérieur de la personne de l ’halluciné qui garderait, somme
toute, sa cohésion et sa raison (cf. notamment les pages 565 à 572). « La Personnalité
« prime exerce sa sagacité, elle continue et perfectionne la systématisation (p. 566)
« elle « survit » (p. 570). La base de la personnalité prime, écrit G. de Clérambault
« (p. 570) n ’est pas détruite mais seulement diminuée ». Autrement dit, l’halluciné
est physiologiquement, sinon anatomiquement (1) coupé en deux comme le dit son
Délire ; et c’est la réalisation de cette métaphore ou de ce discours délirant qui consti­
tue l ’explication mécanique par l ’automatisme mental tel que le concevait G. de Clé­
rambault. Rapportons-nous à ses derniers écrits pour y lire : « La Personnalité seconde
« est faite des résultats accumulés de dérivations incessantes et innombrables. Ces
« dérivations sont de causes mécaniques et obéissent à des lois mécaniques (p. 565)...
« L ’accroissement spontané du délire sous forme idéo-hallucinatoire s’explique par
« l ’extension de cette dérivation qui a engendré le syndrome même ; elle constitue
« cette idéation autonome et parasite que nous appelons une Personnalité seconde.
« Le réseau second, résultat pour une part de frayages préétablis, pour une autre
« de frayages factices, doit être d ’un rendement idéique à la fois logique et absurde ;
« La facilité des frayages qui produit de l’imprévu dans les objets de pensée produit
« aussi des dissidences dans les directives ; la pensée seconde ne saurait reproduire
« exactement la pensée prime... (elle) est la même que ferait surgir, si elle devenait
« jamais possible, une électrisation subtile des zones psychiques (2) (p. 598).
Tel est, en effet, le dernier mot de la théorie mécaniste généralisée des Hallu­
cinations et du Délire réduite à des phénomènes d’automatisme mental eux-mêmes
produits par l’excitation neuronale des centres psycho-sensoriels...

G. de Clérambault était un grand Clinicien et pourtant son « Œuvre »


constitue une théorie des rapports du Délire et de l’Hallucination absolument
incompatible avec ce que révèle à chacun de nous notre relation avec un délirant
halluciné. Certes, le Syndrome d ’automatisme mental en tant qu’infrastructure
impersonnelle (bien propre à séduire certains structuralistes qui s’en sont
peut-être directement inspirés) nous est présenté comme une mosaïque insolite
dont le M aître de l ’Infirmerie du Dépôt, p ar son style inégalable, sut tirer les
plus merveilleuses descriptions. Nul mieux que lui ne sut en effet jam ais démon-

(1) L euret, dans ses Fragments psychologiques sur la folie (1834, p. 182-184),
confie que « pour expliquer ces deux individus dans une seule personne » tels que le
Délirant les décrit et les vit, il avait « imaginé, dit-il, de les placer chacun dans un
« lobe du cerveau, en raison, ajoute-il, de ce « strabisme de l’entendement ». Cepen-
« dant, cette idée ne résista pas à sa propre critique » : « Mais une grande diffi-
« culté, ajoute-t-il, les dialogues intérieurs ne s’établissent pas seulement entre deux
« individus, ils s’établissent entre trois et beaucoup plus. Quelquefois, c’est une
« foule, une cohue... Deux lobes ne sauraient suffire à tout ce monde. Mon explica-
« tion ne valait rien » (p. 185).
(2) Souligné par l ’auteur. Nous savons, après les expériences d ’excitation élec­
trique du cortex ou des régions sous-corticales, que celles-ci, d ’après W. P enfield,
sont bien loin de produire du Délire pour ne libérer et actualiser que des souvenirs...
ou des images à structure éidolo-hallucinosique.
DOGME DE LA MÉCANICITÉ (DE CLÉRAMBAULT) 967

ter les mécanismes psychiques de la pensée autom atique qui submerge et


domine l ’être conscient, alors que pas une seule fois il ne paraît avoir saisi
lui-même qu il remplaçait les forces de l ’Inconscient par le modèle mécaniste
d ’un dispositif physique, un Ça qui n est pas celui de l ’instinct mais celui de la
chose. Répétons-le encore, cette interprétation mécanique qui dévitalise le délire
et le rend insignifiant, « neutre », « anidéique » (comme il devait sans cesse le
répéter), qui le fait tom ber en poussière, le réduit à n ’être plus q u ’une pullula­
tion d ’atomes physiques, de corps étrangers, cette interprétation pour brillante
q u ’elle soit dans les « certificats » (1) et l’Œuvre de G. de Clérambault, ne vise
que la surface du délire, les aspects séméiologiques par quoi il s’extériorise et
s’exprime pour justem ent ne vouloir rien dire. De telle sorte que pour un
Clinicien qui n ’est pas saisi comme G. de Clérambault d ’une sorte de zèle
scientifique ou plus exactement d ’un paradoxal vertige neurologique, la
paraphrase neuro-mécanique demeure une paraphrase, c ’est-à-dire un artifice
brillant de présentation clinique ou d ’exercice de style qui reste en deçà de la vie
même du délire.
C ’est que la Clinique ne se prête guère à cette réduction à un modèle linéaire
mécaniste qui place l ’excitation neuronale à une extrémité et l ’Hallucination
et éventuellement le délire à l ’autre. En effet, une psychose hallucinatoire — ou
ce qui revient au même — une psychose délirante ne s’accommode pas d ’une
pareille réduction. Car le délirant (et l ’halluciné délirant notamment) est et
demeure un homme altéré dans son humanité, dans l ’organisation de son être,
dans la direction de son existence et non pas seulement u n porteur massif
de ces semences de Délire que seraient pour G. de Clérambault les phénomènes
psycho-mécaniques q u ’il appelle les éléments nucléaires de l ’automatisme men­
tal. Que la doctrine du M aître de l ’Infirmerie du D épôt ait été comme l ’écho
anticipé du structuralisme qui prolifère dans l’esprit de son plus brillant disciple,
(J. Lacan), cela nous paraît évident quand nous rejoignons par notre réflexion
et nos souvenirs les deux moitiés de ce cercle physico-mathématique qui a
supprimé l ’homme de son Délire avant de supprimer m aintenant le Délire
de l’homme (2).
La Clinique ne saurait non plus se prêter à une interprétation du Délire
et de l’Hallucination qui présente l ’un et l ’autre comme un phénomène exclu­
sivement positif d ’émergence, comme un phénomène d ’irruption qui ne com por­
terait aucun trouble autre que contingent ou juxtaposé. Tous les cliniciens
savent, en effet (et nous avons fait de cette idée l’axe même de notre chapitre
consacré aux Hallucinations dans les Psychoses chroniques), que le Délire est
l ’effet d ’un processus qui porte son ombre, dès le début de la psychose, sur

(1) G. de C lérambault était passé maître dans ces exercices de style que consti­
tuait pour lui la rédaction de ces fameux certificats. Je le vois encore, massif, ramassé,
compact, à sa table de travail, écrivant, méditatif et renfrogné. C’était un homme d ’une
grande violence de pensée retenue dans les figures elliptiques de son discours.
(2) G. D eleuze et coll. (1972) exaltant avec lyrisme l’assomption jubilatoire de
cette consommation du Délire par toute « machine désirante » (Anti-œdipe, p< 29-50).
E y. — Traité des Hallucinations . n. 32
968 LE MODÈLE MÉCANISTE
\
l ’ensemble de la vie psychique jusqu’au moment où, à la fin de son évolution,
il tend à tomber dans « la démence vésanique ». C ’est bien ce trouble foncière­
ment négatif qui a imposé et justifié l ’idée de dissociation, ou la notion de
processus psychique, ou physico-psychotique au sens originaire des premiers
travaux de Jaspers (cf. supra, p. 821). Et si les délires systématisés qui
paraissent se développer dans la lucidité et où toutes les ressources psy­
chiques intactes du Sujet paraissent rebelles à cette interprétation, c ’est
parce que le Délire n ’est pas pris à sa racine, n ’est pas étudié à sa naissance,
ni dans la phase évolutive de son développement ni dans l ’agonie de sa fin,
comme J. P. Falret l ’avait si bien vu. En tout cas, jam ais le clinicien ne peut
accepter de réduire une psychose hallucinatoire délirante à une mosaïque d ’ato­
mes qui ne s’intégreraient pas dans une déstructuration de l ’être psychique, une
régression ou une désorganisation de la personne. Le Délirant et l ’Halluciné
ne souffrent pas seulement de mots ou de choses, de corps étrangers inclus
dans leur cerveau, car même s’ils le disent (et ils disent en effet toujours cela),
ce n ’est pas vrai dans la mesure même où ils délirent, c’est-à-dire dans la
mesure où ils se situent hors des normes (du sillon) de la pensée, en l’ob­
jectivant dans l ’étendue.
La Clinique ne saurait non plus se prêter à une interprétation mécanique
de l ’Hallucination et du Délire qui, en les réduisant à des éléments nucléaires,
exclut de leur genèse toute appartenance à la vie émotionnelle et affective du
Sujet. Et c’est là peut-être une des plus grandes difficultés q u ’a rencontrée la
théorie de l ’automatisme mental. C ’est en tout cas un des reproches qui le lui
ont le plus été fait (1) car il est d ’une évidence éclatante. G. de Clérambault
le sentait bien lorsqu’il a tenté en 1927 de se soustraire à cette critique en exa­
m inant « le rôle de l ’affectivité dans les Psychoses hallucinatoires chroniques »
(p. 580-587). Mais pour lui, le « Processus Fondam ental » émane « à titre orga­
nique » des couches psychologiques les plus profondes ; il ne fait q u ’orienter
les systèmes émotionnels et affectifs préexistants. L ’affectivité, a-t-il écrit,
manœuvre certes les idées mais elle a été manœuvrée avant de manœuvrer
elle-même : le fait de sa résurrection est l ’œuvre d ’une force extérieure, et cette
force est d ’ordre organique. Certes, on peut bien voir là comme une tentative
d ’abandonner ce que le Dogme de la Mécanicité pouvait avoir d ’excessif ou de
caricatural; et ici la pensée de G. de Clérambault — comme lorsqu’il parle
de la Personne seconde comme étant hypersexuelie (p. 566) — se rapproche
de la notion de régression (2) mais sans s’y attarder. Car il est essentiel pour

(1) C’est le sens des polémiques que C laude et son école (Ceillier, puis
moi-même), et les psychanalystes n ’ont cessé d ’entretenir contre le « Dogme ».
(2) Bien sûr, à cette exigence de penser le Syndrome d'Automatisme mental
avec son halo de trouble négatif ou ses marques d’un processus régressif,
G. de C lérambault a parfois répondu mais seulement occasionnellement. Il lui
arrive de parler de la juxtaposition de symptômes négatifs aux thèmes positifs (il a
soin d ’ailleurs de spécifier que les phénomènes négatifs ne figurent « qu’à dose diluée »
(p. 599), c’est-à-dire de percevoir le halo de la dissolution, concept qu’il écartait sys-
DOGME DE LA MÉCANICITÉ (DE CLÉRAMBAULT) 969

son système doctrinal de poser l ’automatisme mental comme une pullulation


d ’éléments mécaniques hétérogènes à la vie psychique ou ne contractant avec
elle que des rapports occasionnels. Nous devons encore souligner à ce sujet par
quel curieux paradoxe, p ar quelle étrange illusion ou perspective l ’Inconscient
(qui depuis Freud apparaît avec une telle évidence dans l ’Hallucination, le
Délire et le Rêve) ne figure dans le « Dogme » que comme un appareil anato­
mique, une masse moléculaire cérébrale qui ne peut apparaître lui-même
que dans la « territorialité » d ’un lieu que la Personnalité seconde (qu’il
représente) occupe à côté de celui où la Personnalité prime continue à loger...
Il suffira de lire le chapitre suivant pour se convaincre que la théorie
linéaire psychogénique s’oppose ici — jusqu’à la ruiner mais en la reprenant
à son « compte en dernière analyse » — à la théorie linéaire mécaniste.
Enfin, la Clinique ne saurait se prêter à l’interprétation mécaniste du Dogme
de G. de Clérambault en raison de son impossible application aux divers caté­
gories et niveaux de l ’activité hallucinatoire. Si, en effet, nos analyses sont
exactes (cf. spécialement la troisième et la cinquième partie de ce livre) la cli­
nique des Hallucinations, c’est-à-dire en définitive, leur relation avec les
diverses structures délirantes nous présente des formes psychopathologiques
ayant leur originalité propre.
Nous pouvons à cet égard confronter le Dogme de l ’Automatisme men­
tal en tant que théorie mécaniste généralisée des Hallucinations et du
Délire avec ces trois grandes catégories d ’Hallucinations que nous n ’avons
cessé d ’avoir en vue dans ce « Traité des Hallucinations ». Les deux pre­
mières catégories constituent le genre des Hallucinations délirantes. Elles com­
prennent les expériences délirantes en relation dans les psychoses aiguës et
subaiguës avec les niveaux de déstructuration du champ de la conscience
notam m ent et le travail idéo-verbal ou spécifique des modalités chroniques
d ’aliénation de la personne.
En ce qui concerne les expériences délirantes, la théorie de l ’automatisme
mental les vide de leur substance, c’est-à-dire des troubles négatifs à quoi cor­
respond la notion de déstructuration du champ de la conscience et qui consti­
tue la structure formelle, le halo de désorganisation qui enveloppe Délire et
Hallucination (comme dans le rêve) : pour G. de Clérambault même quand
il fait allusion (par exemple dans ce q u ’il appelle le Syndrome de passivité
transitoire, p. 574) à de telles expériences de type maniaque ou confuso-onirique
par exemple, c ’est le Syndrome d'Automatisme Mental qui est basal et qui
ne saurait jam ais être l ’effet d ’un trouble plus général (1), ce qui, évidemment,

tématiquement pour être antinomique à celui d ’excitation, car pour lui le négatif et
le positif se juxtaposent sans que le second dépende jamais du premier.
(1) La chose est plus particulièrement évidente dans son Mémoire sur les Délires
chloraliques (1909) où tout le « delirium » disparaît au profit d ’une prolifération d ’élé­
ments sensoriels qui fourmillent, pullulent, s’associent ou se juxtaposent. La somp­
tuosité et la description ne parviennent pas à remplacer ce qui lui manque : l’atmo­
sphère onirique.
970 LE MODÈLE MÉCANISTE

réduit le tableau clinique de ces expériences délirantes à n ’être q u ’une sorte


de mosaïque ou de puzzle de pièces et de morceaux fortuitement assemblés.
O n rem arquera à ce sujet que G. de Clérambault si expert à décrire l ’Autom a­
tisme idéo-verbal des Psychoses hallucinatoires chroniques, s’est relativement
peu intéressé aux cas où les troubles de la conscience constituent le fond
d ’où se détachent les symptômes, le to ut qui enveloppe ses parties.
Q uant aux formes délirantes et hallucinatoires chroniques (form ant en
gros la masse des fameuses Psychoses hallucinatoires chroniques de l ’école
française), elles ont été l ’objet de l’attention privilégiée de l ’illustre théo­
ricien de la mécanicité des phénomènes hallucinatoires et délirants. Mais nous
rencontrons là avec G. de Clérambault la difficulté à laquelle se heurte en général
l ’école française en ce qui concerne la classification des Délires, savoir que ce
concept de Psychose hallucinatoire chronique tend à constituer un cadre à la
fois considérable et artificiel. Si, en effet, avec la thèse de l ’école classique reprise
par G. de Clérambault l ’Hallucination est un phénomène d ’irritation sensorielle,
si elle constitue (elle ou les autres « éléments » de l ’Automatisme mental),
la base nucléaire des délires, tous ceux-ci — ou presque — sont réductibles à un
commun dénominateur. C ’est ainsi que toute la classification dès lors s’établit
sur des différences tout à fait artificielles et arbitraires entre mécanismes (Hal­
lucination, interprétation, imagination, cf. supra, p. 749) à l ’exclusion ou au
mépris des formes structurales que nous avons décrites. Pour autant que ces
formes structurales (Délires chroniques systématisés, autistiques ou fantastiques)
existent, la théorie mécaniste ne s’adapte, ni à leur évolution, ni à leur mouve­
ment, encore moins à leur sens. On peut se demander cependant si le bonheur
des descriptions du M aître de l ’Infirmerie ne correspond pas seulement à cer­
tains cas « privilégiés » qui existent incontestablement sur le plan clinique de
temps en temps — et non, comme il le croyait, à la totalité des Psychoses
hallucinatoires au sens très large du terme. Nous pensons, pour avoir souvent
examiné le même malade que lui à la même époque (1), que ce q u ’il présentait
comme le Syndrome nucléaire d ’Automatisme mental constituant à ses yeux le
début et le fond de la psychose (le syndrome mécanique basal commun), ne
s’observe q u ’assez exceptionnellement et le plus souvent au terme d ’évolutions
déjà anciennes quand le travail du Délire (inaperçu ou nié p ar G. de Cléram­
bault) a déjà fait son œuvre; celui-ci ne se présente pour ainsi dire plus alors
que sous forme d ’attitudes mentales stéréotypées ou de form ulation abstraite
à quoi s’adapte plus aisément la théorie de la mécanicité). C ’est ainsi que
se fixe, en effet, dans ses résidus le Délire de persécution objectivé dans une
machinerie psychique reflétant et représentant dans la physique de la pensée
la mécanique des objets. Autrement dit, les descriptions de G. de Clérambault
sont, dans certains cas, merveilleusement exactes du point de vue clinique,
mais l ’interprétation de ce matériel clinique ne saurait, à moins pour le Psy-

(1) Combien de fois, de 1928 à 1930, ai-je examiné longuement de 17 heures à


20 heures à l’Admission les malades qui sortaient à 16 heures des mains de G. de C lé­
rambault !...
THÉORIE MÉCANISTE RESTREINTE 971

chiatre de reprendre le Délire à son propre compte ( 1) (en en exonérant le délirant)


le tenir pour une dém onstration d ’une théorie mécaniste. Celle-ci est insoute­
nable, car faisant de l ’Hallucination une néo-production mécanique, un corps
étranger ou un fourmillement prurigineux d ’idées ou de sensations, elle vide
l ’Hallucination de sa substance délirante et le délire de l ’état primordial qui
l ’engendre et qui constitue le fo n d de la clinique des Psychoses hallucina­
toires. Somme toute, elle explique le Délire en le niant !

T H É O R IE M É C A N IS T E R E S T R E IN T E
D E L A G E N È S E É L É M E N T A IR E D E S H A L L U C IN A T IO N S
E T D E S PSY C H O SES H A L L U C IN A T O IR E S

Nous n ’avons cessé en exposant et critiquant le Dogme de l ’Automatisme


mental — qui a consacré une longue, vieille et vivace tradition — de m ontrer
que l’idée directrice, l’axe du modèle mécaniste linéaire est que, à la base du
Délire, il y a l ’Hallucination, et que, à la base de l ’Hallucination, il y a un acci­
dent de la mécanique cérébrale qui produit une intensification des images
contenues dans les centres psycho-sensoriels. N ous venons de voir comment
la théorie de la production mécanique de l ’Hallucination, c ’est-à-dire la théorie
de la mécanicité intégrale et généralisée paraît absolument insoutenable. Reste
un autre aspect de la pathogénie de l ’Hallucination, c ’est celui qui consiste
à r é d u ir e l’H a llu c in a tio n à u n p h é n o m è n e b a sa l o u n u c lé a ir e q u i
s e r a it n o n p lu s u n p r o c e s s u s d ’e x c ita tio n m é c a n iq u e m a is u n p r o ­
c e s s u s d e d is s o lu tio n fo n c t i o n fo n c tio n n e lle . En quoi pouvons-nous
alors considérer une telle « explication réductionnelle » comme mécaniste ?
Elle ne l ’est pas, en effet, si comme nous l’avons fortement souligné la
théorie mécaniste intégrale et généralisée implique la création de symp­
tômes ex nihilo par l ’excitation neuronale hallucinogène, puisque dans
cette perspective le phénomène hallucinatoire tout en étant considéré
comme un phénomène partiel n ’est plus considéré comme l ’effet de cette
cause mécanique par excellence q u ’est l’excitation. Comment, dès lors,
peut-on encore parler, à propos de la notion de « désintégration partielle »
d ’un modèle « mécaniste » ?
Il faut et il suffit pour répondre à cette question d ’évaluer la validité du
« caractère partiel » pour les Hallucinations délirantes (celles des expériences
délirantes et celles noético-affectives du travail idéo-verbal délirant) et aussi
pour les Éidolies hallucinosiques. Car, dès lors, nous discernons clairement :
1°) que l ’application de la notion (non mécaniste en soi) de « désintégration
fonctionnelle partielle » à des phénomènes partiels comme les « Éidolies
hallucinosiques » est parfaitement correcte, c ’est-à-dire échappe à une des
critiques que nous venons d ’adresser aux thèses mécanistes en leur repro­
chant de ne pas s’adapter à la réalité clinique, c’est-à-dire de ne pouvoir

(1) Comme, par exemple, G.* D eleuze et F. G uattari (Anti-œdipe, 1972).


972 LE MODÈLE MÉCANISTE

expliquer le tout par la partie; — 2°) que, par contre, l ’application de cette
notion constitue un usage abusif de la théorie mécaniste lorsqu’elle s’applique
aux Hallucinations délirantes qui, constituant une altération globale du système
de la réalité, ne sauraient être réduites à un mécanisme élémentaire, fût-il
interprété comme une désintégration ou une dissolution des fonctions.
Ceci est à nos yeux capital pour deux raisons. L ’une, c ’est que les auteurs et
parfois les théoriciens les plus rigoureux ne voient pas ce q u ’il y a de commun
dans l’explication « mécaniste » de l ’Hallucination par l’excitation des centres
d ’images (c’est-à-dire la thèse de la mécanicité) et l’explication « réductionniste »
du Délire (c’est-à-dire l ’altération de la totalité de la vie psychique) p ar l ’Hal­
lucination (c’est-à-dire une altération partielle des fonctions peiceptives). —
L ’autre, plus im portante, c’est que la critique du modèle mécaniste vaut
non seulement pour l’interprétation de tous les Délires et des Hallucinations
par le processus d ’excitation neuronale, mais aussi pour la réduction du
délire à l ’Hallucination en général. Ces deux raisons n ’en font d ’ailleurs q u ’une
qui est la thèse même de l ’explication du Délire p ar une causalité mécani­
que, laquelle est tantôt prise dans son acception la plus extrême (production
par excitation mécanique), tantôt prise dans un sens plus laxiste (production
p ar un « mécanisme » partiel). Considérer en effet une « causalité mécanique »
d ’un phénomène psychique, c ’est tout à la fois réduire le psychique au phy­
sique et faire dépendre un ensemble de ses parties. « Mécanicité » et « Élé-
mentarité » sont les deux postulats fondamentaux et les deux aspects fonc­
tionnels de tout modèle linéaire mécaniste de l ’Hallucination. Réduire celle-ci
à une intensification sensorielle de l ’image par l ’excitation neuronale (méca­
nicité) ou réduire le Délire à l ’Hallucination considérée comme un phénomène
basal et nucléaire dit « générateur » (atomisme), c ’est faire usage du même
modèle qui réduit l ’Hallucination à n ’être q u ’un accident mécanique. Et,
dès lors, nous voyons bien que c’est dans son application à ce problème fon­
damental des relations du Délire et de l ’Hallucination que se tient et souvent
se cache la théorie mécaniste restreinte des Hallucinations.
Telle est, en elïet, la théorie mécaniste de la Psychose hallucinatoire,
qui, même restreinte, en considérant comme basal et élémentaire un « m
de désintégration fonctionnelle » (et non d ’excitation) fait dépendre le délire
de ce mécanisme élémentaire et partiel. Cette interprétation du Délire par
ces « inferiora » en faisant de lui une mosaïque de parties juxtaposées coupe à
sa racine toute possibilité q u ’il ait un sens (sauf à faire du sens, du désir, comme
G. Deleuze, une mécanique).
Cette forme atténuée, abâtardie ou seulement implicite du modèle méca­
niste linéaire, rend compte de l ’idée délirante p ar la « libération » secondaire
à une désintégration des fonctions perceptives (par un effet de « release »)
de l’image qui, parvenue au degré de sa « transform ation sensorielle » (régres­
sive) entraîne en elle-même et seulement p ar elle la certitude d ’un délire engendré
p ar elle et croissant avec elle. Cette forme « réductionniste » ou « élémen-
tariste » de la théorie mécaniste de l ’Hallucination est la plus répandue.
Ce modèle linéaire en quelque sorte mineur hante encore les travaux et
THÉORIE MÉCANISTE RESTREINTE 973

l ’esprit des psychiatres, et il trouve son illustration la plus typique dans la


thèse qui ne voit q u ’une différence de degrés entre « Hallucination-phénomène-
sensoriel-compatible-avec-la-raison » et « Hallucination délirante ». Que l ’on
se rapporte, par exemple, à un fameux ouvrage classique, le « Précis » de Régis
(6e édition, 1923, p. 89), on y verra exposée dans toute sa simplicité cette thèse
mécaniste sous la forme la plus subrepticement anodine. « Il y a, dit le grand
« Clinicien de Bordeaux, des Hallucinations qui restent des phénomènes sen-
« soriels élémentaires; il y en a qui deviennent des phénomènes complexes
« (hallucinoses) et il y en a qui demeurent des délires hallucinatoires. » Autre­
ment dit et selon une idée à laquelle beaucoup de psychiatres adhèrent sans
trop y réfléchir, ce qui est im portant c’est le phénomène sensoriel primitif...
Mais alors se pose le redoutable, problème : « Pourquoi, si ce phénomène élé­
mentaire et prim itif est une cause nécessaire et suffisante du Délire, existe-t-il
des cas où ces phénomènes ne deviennent pas des Délires ?... ». Autrement dit
encore, dans cet usage (un peu honteux ou en tout cas superficiel) du modèle
mécaniste, dans cette présentation en quelque sorte benoîte et modestement
clinique de la théorie élémentariste de l ’Hallucination, le Clinicien oublie
l ’essentiel de la clinique car, ainsi que nous n ’avons cessé de le m ontrer tout
au long des chapitres qui composent cet ouvrage, la clinique nous m ontre q u ’il
y a deux catégories d ’Hallucinations qui ne diffèrent pas seulement p ar l ’inten­
sité de leur qualité sensorielle (les Éidolies hallucinosiques et les Halluci­
nations délirantes) et c ’est soutenir tout au moins implicitement la théorie
élémentariste du modèle mécaniste que de ne pas convenir q u ’il s’agit de
deux modalités distinctes et q u ’il est impossible de réduire la modalité délirante
globale à la modalité éidolique partielle. Disons donc que ne pas distinguer
Éidolies hallucinosiques et Hallucinations délirantes, et à plus forte raison
réduire l’Hallucination délirante à l ’Éidolie hallucinosique (même interprétée
comme nous allons plus loin (p. 979) voir que R. Mourgue lui-même l ’a
fait comme une désintégration fonctionnelle), c ’est accepter une interpréta­
tion mécaniste du Délire qui le supprime en le réduisant à n ’être, en défini­
tive, q u ’une mosaïque de phénomènes automatiques (G. de Clérambault)
ou l ’effet d ’un trouble sensoriel ou perceptif partiel. D ans les deux cas, il
s’agit bien de supprimer le Délire en attribuant à l ’Hallucination, phénomène
partiel, toute la fantasmagorie dont s’exonère le délirant considéré, lui, comme
ayant toute sa raison. Car il en est de même pour toutes les théories méca­
nistes de l’Hallucination (et pas seulement du Délire hallucinatoire sur lequel
nous venons de le dire), elles détruisent ce q u ’elles prétendent expliquer : ici,
le Délire réduit à un parasitisme idéo-sensoriel sans modification du système de
la réalité du délirant — là, l ’Hallucination réduite à n ’être q u ’un corps étran­
ger, c’est-à-dire une perception définie « sans objet » mais à laquelle la
théorie restitue un objet...
On comprend dès lors que cette impasse dans laquelle s’enlise toute théorie
de la causalité mécanique et élémentariste de l ’Hallucination ait conduit bien
des auteurs à en réviser le fondement, c ’est-à-dire la thèse de la genèse de l ’H al­
lucination par l ’excitation neuronale.
974 LE MODÈLE MÉCANISTE

É V O L U T IO N V E R S U N M O D È L E A R C H IT E C T O N IQ U E

Pour bien comprendre comment peut et doit s’opérer la révision du modèle


mécaniste, il importe de bien préciser : 1° q u ’une conception organogénique
non mécaniste est possible; 2° que les phénomènes nucléaires les plus « élé­
mentaires » correspondent à des désintégrations fonctionnelles de structure
(négative et positive) plus complexe.

Possibilité d’une théorie non mécaniste de 1’ « organogenèse » non


mécanique des Psychoses hallucinatoires. — La thèse de l ’organogenèse
des Délires est la thèse classique — et à notre point de vue irréfutable — en
tant que représentant la progression cumulative de nos connaissances des
Psychoses qui n ’exclut pas, mais intègre, le dynamisme inconscient de leur
pathogénie.
C ’est particulièrement à K. Jaspers q u ’il faut ici se référer (ainsi q u ’aux
écoles phénoménologistes et structuralistes allemandes, celle de Heidelberg en
particulier) comme nous l’avons fait (dans la troisième et la cinquième Partie de
cet ouvrage) en exposant notam m ent la clinique, les expériences hallucinatoires
délirantes et les modalités du processus idéo-verbal des psychoses hallucina­
toires chroniques (systématisées, autistiques ou fantastiques). C ar toutes les
modalités hallucinatoires du Délire sous toutes leurs formes se présentent en
clinique comme un bouleversement structural de la vie psychique et de l ’exis­
tence, rebelles comme nous le verrons plus loin à une interprétation purement
psychogénétique. Nous verrons notam m ent que pour Freud lui-même l ’Hallu­
cination et le délire ne peuvent pas être seulement conçus comme des pro­
jections, des bourgeons de l’Inconscient, car leur apparition exige une désor­
ganisation du système de la réalité, c’est-à-dire, en définitive, une altération de
l ’être conscient ou une aliénation de la personne, concepts qui n ’ont de sens
que dans et par la connotation des anomalies de l’organisme psychique q u ’ils
impliquent. Nous ne voulons pas insister ici sur ce qui est pour nous une
évidence sur laquelle nous reviendrons longuement plus loin. Contentons-
nous de dire que cet aspect de la théorie mécaniste est le seul qui nous paraît
valable, car il est valide pour les trois grandes catégories d ’Hallucinations : les
Éidolies hallucinosiques — les expériences délirantes hallucinatoires et
même le processus idéo-verbal hallucinatoire. Pour les premières, cela va pour
ainsi dire de soi puisqu’il s’agit d ’Éidolies qui apparaissent dans des syndromes
neurologiques évidents (cécité, syndrome agnosique, surdité verbale, etc.) et qui,
se situant au niveau autom atique et instrumental de l ’intégration des appareils
psycho-sensoriels, sont compatibles avec la raison q u ’elles ne com prom ettent
pas. Pour les expériences délirantes et hallucinatoires, elles sont (comme nous
l ’avons tan t de fois montré) l’expression clinique des divers niveaux de déstruc­
turation du champ de la conscience; l ’hétérogénéité même du vécu et, en
dernière analyse, sa structure formelle spécifiquement délirante et hallucina­
ORGANOGENÈSE DES PSYCHOSES HALLUCINATOIRES 975

toire (que visent les notions d ’ « état prim ordial du délire » de M oreau (de
Tours) ou d ’ « expérience délirante » de Jaspers) sont assez évidentes pour mani­
fester la régression et le bouleversement psychique qui les déterminent.
Enfin, pour ce qui est du processus idéo-verbal et des Hallucinations noético-
affectives des délires chroniques, si leur organicité n ’est pas aussi évidente
(1’ « écart organo-clinique » ne perm ettant aux manifestations délirantes et
hallucinatoires que d ’être qu’indirectement rattachées à un substratum
biologique, génétique ou cérébral), elle n ’en demeure pas moins plausible
sinon probable du fait même de l ’analyse clinique qui, là aussi, met en évi­
dence le « processus psychique » ou « physicopsychotique » dont nous pou­
vons dire avec Jaspers que le travail idéo-verbal des systèmes, des mythes ou
des rêveries autistiques sont l ’effet. Nous avons justifié ce point de vue
(cf. p. 743-750) et repris p ar là l ’opinion de tous les cliniciens qui depuis
Lasègue, Falret et M agnan jusqu’à Bleuler, Mayer-Gross, P. Janet, Binswanger,
P. Guiraud, E. Minkowski, etc. n ’ont cessé de décrire le Délire chronique dans
ses formes les plus authentiques, et plus particulièrem ent dans ses formes
schizophréniques, comme une aliénation de la personne qui ne peut se conce­
voir que comme un processus de désorganisation de l ’être psychique.
Ainsi, pour nous l ’hypothèse d ’une « organogenèse » du Délire et p ar consé­
quent des Hallucinations q u ’il engendre est validée p ar l ’approfondissement
même de la sémiologie, par l ’analyse structurale (1), l ’étude de l ’évolution et
aussi p ar les corrélations significatives qui peuvent être établies entre les Psy­
choses hallucinatoires d ’une part, et par les affections cérébrales ou les anomalies
héréditaires d ’autre part.

(1) Toutes les études phénoménologiques font apparaître l’oblitération du sens


dans le discours hallucinatoire psychotique quelles que soient les virtuosités verbales
qui tentent de réduire ce trouble fondamental (dissociation, forclusion, confusion
du signifiant et du signifié, « double bind », etc.) à un accident du discours. Comme
ce discours, c’est la réalité même qui lie le Sujet à son Monde c’est, en définitive, une
désorganisation ontologique de l’être qu’il manifeste. Le livre récent de A. de W ae-
lhens (1972) est, à cet égard, particulièrement démonstratif. Après avoir un peu
lestement écarté les notions de psychopathologie classique pour accorder plus de
crédit aux discours sur le discours du Psychotique, il reprend, en fin de compte (p. 170
à 208) à peu près dans les mêmes termes la notion de trouble fondamental (« le noyau
central de toute Schizophrénie semble donc bien résider dans la rupture de tous
échanges entre la présence et le sens », p. 206). Je ne saurais mieux dire — et n ’ai
jamais rien voulu dire d ’autre — qu’en appelant, par là même, une réponse à la
question posée par cette rupture. Il faut bien que quelque chose d’autre que le sens
puisse rendre compte de ce contre-sens de l’organisation même du Sujet (c’est-à-dire
tout à là fois de son langage, de sa réalité, de sa conscience ou, ce qui revient au même,
de sa « présence » au monde et aux autres). Il y a dans la Psychose un « détraquement »
( Verrücktheit) qui a fait (Bleuler, J aspers, Binswanger) et fait (A. de W aelhens)
l ’objet de toutes les études phénoménologiques de la Psychiatrie.
976 LE MODÈLE MÉCANISTE

Mais cette thèse est dans la théorie mécaniste poussée à une manière d ’absur­
dité en faisant dépendre si directement les symptômes (Délire et Hallucinations,
Éidolies) d ’un processus physique q u ’ils sont eux-mêmes considérés comme des
objets physiques et, pour tout dire, mécaniques. De telle sorte que, en soulignant
le caractère organiciste de tout modèle mécanique, nous devons aussi apercevoir
q u ’il représente une forme excessive de l ’organogenèse du Délire et des Hallu­
cinations : il peut être réfuté dans sa mécanicité mais non dans son organicité.
Ce n ’est pas parce q u ’il est impossible d ’interpréter la clinique des Hallu­
cinations et du Délire en se référant au modèle mécaniste, ce n ’est pas parce que
la théorie mécaniste intégrale est insoutenable, que toute conception organo-
génétique (plus dynamique dans le sens des travaux de E. et M. Bleuler) le
serait également. Ainsi la conception intégrale de G. de Clérambault ne cor­
respond pas aux faits cliniques, mais en tant que conception organique de
la « maladie délirante » (dans ses formes hallucinatoires notamment) nous
paraît parfaitem ent fondée, comme l’a montré depuis que le M aître de l ’Infir­
merie Spéciale du Dépôt a disparu l ’importance thérapeutique (et par consé­
quent pathogénique) de la chimiothérapie des Hallucinations et du Délire.

Depuis longtemps (Baillarger, M oreau (de Tours), Kandinsky) et surtout


depuis une cinquantaine d ’années, à la théorie de l ’excitation sensorielle
s’est substituée celle de la désintégration du système perceptif (Funkronswandel)
pour expliquer l ’apparition des Hallucinations les plus « élémentaires » ou
considérées comme telles.
On peut dire que Baillarger (1846) peut être considéré à certains égards
comme un des grands classiques qui ont senti la nécessité d ’une pathogénie
plus dynamique et plus complexe de l ’activité hallucinatoire. En m ettant l ’accent
« sur l ’exercice involontaire de la mémoire et de l ’imagination et sur la suspen­
sion des impressions internes », en recourant à la notion d'automatisme
(reprise notam m ent p ar V. H. Kaerdinskij (1885-1830)), il s’est p ar avance
rapproché du modèle architectonique jacksonien du « release phenomene »,
ou de celui également architectonique d ’état primordial du délire de M oreau
(de Tours). En effet, les travaux et réflexions de ces trois grands Cliniciens
du délire et de l ’Hallucination ont convergé dans le même sens : faire
dépendre l ’Hallucination d ’un bouleversement de l ’architectonie fonctionnelle
de la vie psychique ou, comme nous le dirons, du « corps psychique ».
Peut-être retrouve-t-on aussi la même idée chez M eynert ? En tout cas,
chez C. Wemicke, ce doctrinaire des localisations cérébrales et de la psycho­
physiologie associationniste de l ’époque de W undt, on trouve plus ou moins
esquissée cette conception dynamiste de la pathologie cérébrale des Halluci­
nations. Car, pour lui, s’il cède bien sûr à l ’illusion mécaniste de la néopro­
duction « autochtone » des phénomènes hallucinatoires et des idées délirantes,
il corrige ce que cette idée a d ’absurde en faisant constamment dépendre cette
production psycho-sensorielle de ce q u ’il appelle la disjonction, c ’est-à-dire
la désorganisation ou la rupture des liens associatifs qui relient les centres de
projection sensoriels aux centres de perception (entre le s et le A de son schéma
ÉVOLUTION VERS LE MODÈLE ARCHITECTONIQUE 977

fondamental emprunté naturellement à l’analyse des associations sensorio-


psycho-motrices dans l ’aphasie), idée reprise par I. Pavlov et son école.

Modèle réflexologique (I. Pavlov) (1). — Nous aurions dû consacrer un long chapitre
à l’application du modèle R. C. à l’Hallucination, mais nous nous contenterons d ’en
faire ici l’exposé le plus concis. Il nous suffira de rappeler que les études expérimentales
sur l’activité d’analyse et de synthèse des hémisphères cérébraux a permis à I. Pavlov
d ’établir comment le dynanisme de l’écorce cérébrale, par le jeu des liaisons tempo­
relles (ou diachroniques) qu’il permet (réflexes inconditionnés R. I. sur lesquels se
greffent ou se montent expérimentalement des réflexes conditionnés R. C. primaires,
secondaires, etc.), organise des « stéréotypes dynamiques » (unités fonctionnelles).
Il s’agit là d’interactions qui constituent une véritable dialectique de l’excitation et
de l’inhibition (2). La notion d’inhibition (soit « externe » liée aux signaux, soit
« interne » liée à la dynamique des inductions réciproques positives ou négatives et
aussi à l’extinction par l’habituation ou l’épuisement) apparaît, dans la théorie
réflexologique, prépondérante (comme l’avait déjà, en 1863, compris I. M. Sechenov).
Aussi est-ce à cette modalité pathologique d ’inhibition que I. Pavlov (Lettre à P. Janet
publiée dans le Journal de Psychologie norm, et patho., 1933, p. 249-254) tend à ratta­
cher le « sentiment d’emprise », et plus généralement d ’ailleurs, tous les phénomènes
psychopathologiques qui lui semblent rattachables aux états d’inhibition ultra-para­
doxale (états de sommeil ou d’hypnose). L’extension de la théorie du « deuxième sys­
tème de signalisation » (I. Pavlov, Ivanov, Smolensk, etc.) et l’intégration de la moti­
vation (P. K. Anokhine, D. N. Uznadzé, etc.) dans la régulation et la différenciation
du conditionnement a, tout à la fois, étendu et compromis l’application du modèle
réflexologique aux phénomènes hallucinatoires (E. A. Popov, 1948). Pour mécaniste
qu’apparaît ce réductionnisme des Psychoses hallucinatoires à un mécanisme d’inhibi­
tion, celui-ci, moins simpliste que le mécanisme de simple excitation, ouvre la voie à
une conception plus dynamique, même pour les phénomènes les plus élémentaires.

A u niveau des « Éidolies », des « Hallucinations compatibles avec la


raison », c’est la théorie de la dissolution des fonctions instrumentales qui
s’impose. C ’est, en effet, la notion d ’une désintégration partielle ou locale
(au sens de H. Jackson ou de H. M unk) que l ’on doit substituer à la notion
d ’excitation, même pour les « Éidolies hallucinosiques ». Dès lors, le phéno­
mène ainsi envisagé ne relève plus alors d ’une interprétation mécaniste sur le
modèle de l ’excitation neuronale mais d ’une théorie plus complexe qui le fait
dépendre de l ’évolution de l ’organisation et de la dissolution d ’un système
fonctionnel. Celle-ci, en dernière analyse, suppose nécessairement une struc­
ture psychoplastique du phénomène pathologique et de son effet positif qui

(1) I. P avlov. — La psychopathologie et la Psychiatrie (présentation par E. Popov


et L. R okhline, éd. en langues étrangères, Moscou, 1961). Cf. aussi les excellents
exposés de R. D albiez (1930), de M. J ouvet (Biologie méd., 1960), de J. F. Le N y
(Le conditionnement, 1961).
(2) Diverses critiques ont été adressées à ce « modèle » par K onorski (1948),
P. K. A nokhine (1937-1956); L idell (in F ulton), N. E. M iller (1948),
Er. Straus, etc.
978 LE MODÈLE MÉCANISTE

représente la part subsistante des niveaux inférieurs non altérés dans la consti­
tution des symptômes.
C ’est R. Mourgue (1932) qui a le plus profondém ent analysé l ’Hallucination
définie essentiellement par sa projection spatiale et considérée p ar lui comme
un phénomène d ’isolement fonctionnel (Isolier-ungsymptom au sens de
H. M unk (1909)). Ce trouble hallucinatoire à structure partielle, il l ’appelle
« Hallucination vraie » alors que pour nous il est radicalement séparé des
modalités hallucinatoires les plus complètes qui sont essentiellement délirantes
(et par conséquent l ’effet d ’une dissolution globale des niveaux d ’intégration).
Quoi q u ’il en soit, c ’est bien des Hallucinations « compatibles avec la raison »
q u ’il s’agit (1) et qui seules, en effet, sont susceptibles d ’une interprétation par
la notion de désintégration partielle.

L ’ouvrage de R. Mourgue (Neurobiologie de THallucination, 1932) s’inscrit tout


naturellement dans un courant d ’idées anti-mécanistes pour s’intégrer dans une concep­
tion neurobiologique de la vie de relation qu’il partageait avec C. von Monakow.
C ’est tout naturellement avec H. Jackson, Sherrington, H. Head, Kurt Goldstein
V. von Weizsâcker qu’il se sentait en communauté d ’idées sur les fonctions et l’inté­
gration du Système nerveux central. Pour lui, l’Hallucination n ’est pas une image
intensifiée par l’effet d ’un excitant mécanique des centres d ’images. Il développe très
longuement cette thèse dans les deux grands chapitres de son livre pour conclure
que ce n ’est pas la sensorialité, l ’esthésie « hallucinatoire » de l’image qui fait l’Hal­
lucination mais sa projection dans l ’espace. De telle sorte que ce sont les conditions
de cette spatialisation « vraiment hallucinatoire », c’est-à-dire « objectivante » de la
représentation, qui constituent les véritables données pathologiques de 1’ « Hallucina­
tion vraie ». D ’où l ’importance qu’il accorde à la composante motrice de l’image (avec
Séglas, Bergson, Ribot, Sherrington, Binet), c’est-à-dire, somme toute, à l’automa­
tisme qui, effectivement « meut » et « projette » dans l ’espace des phénomènes qui
appartiennent à la pensée. Plus particulièrement, R. Mourgue s’est attaché à mettre
en évidence la participation de l’innervation du labyrinthe et du système vestibulo-
cérébelleux dans cette projection (p. 94-130 et 186-204).
Mais le caractère essentiellement moteur de la projection hallucinatoire ne peut
pas être interprété comme un simple phénomène d ’automatisme sensori-moteur,
car l ’Hallucination requiert pour se produire, même dans sa forme spécifiquement
« sectorisée » dans l’activité d ’un organe des sens ou d ’un analyseur perceptif, un
trouble plus global. Et R. Mourgue, ici, dote le phénomène hallucinatoire d ’un halo
de dépersonnalisation, ou comme dit P. Guiraud, de xénopathie. Il appelle ainsi la
composante de désannexion au moi qui accompagne la projection spatiale et la repré-

(1) Qu’il s’agit pour nous, car pour M ourgue (par un paradoxal recours chez
ce doctrinaire anti-mécaniste à la thèse élémentariste qu’il n ’a cessé de combattre)
ce qu’il appelle « Hallucination vraie », c’est-à-dire essentielle, est un phénomène
d ’isolement au sens de M unk , c’est celle que l’on rencontre aussi et surtout, dit-il,
dans les Psychoses. Autrement dit et par une incroyable inconséquence, il a repris
à son compte la thèse élémentariste de la mécanicité restreinte ou explication du tout
par la partie.
ÉVOLUTION VERS LE MODÈLE ARCHITECTONIQUE 979

sentation, car « la dépersonnalisation » est une condition nécessaire mais non suffi­
sante de l ’Hallucination » (p. 79-93).
Ayant ainsi mis en évidence le trouble négatif qui conditionne selon lui l ’apparition
de l’Hallucination, c’est-à-dire sa projection dans l’espace, il se tourne maintenant
vers les conditions neurobiologiques de la composante motrice. Car, bien sûr, ce
mouvement qui extériorise l’image, il n ’est pas « mécanique », mais il est vital étant
celui de l’instinct. Seulement, au lieu de se rapporter à l ’œuvre de Freud sur les pul­
sions libidinales inconscientes, R. Mourgue a préféré rester cantonné dans un espace
cérébral vivifié par l’intégration des engrammes dans l’instinct, dans la « Hormé »,
grâce à la médiation des centres organo-végétatifs (1). De telle sorte que s’il y a ecphorie
des engrammes, ce n ’est pas selon la thèse mécaniste parce qu’il y a excitation méca­
nique des influx nerveux cérébraux, mais parce qu’il y a mobilisation des instincts,
« irruption des hormetères » (2) dans la sphère de l ’orientation, c’est-à-dire, soit
d ’impressions et émotions antérieures accumulées, soit d ’archétypes.
Mais le paradoxe de la position de R. Mourgue éclate lorsqu’il admet implicitement
que 1’ « Hallucination vraie » définie très justement par lui comme un phénomène de
désintégration fonctionnelle est comme le modèle auquel peut se réduire l ’Hallucina­
tion délirante. Par là, cet « anti-mécaniste » a succombé lui-même à la tentation de
la thèse élémentariste des théories mécanistes de l’Hallucination !

Nous aurons l ’occasion plus loin (7e Partie) d ’exposer quelques modèles
pathogéniques qui se rapprochent de cette manière de voir et sont inspirés, soit
de la Gestaltpsychologie, soit de la référence au phénomène sommeil-rêve.
Nous insisterons particulièrement sur les travaux de E. A. Popov (1941) de
P. Wormser (1950), de L. West (1962), des Scheibel (1962 et 1969), de D. Lan­
ger (1964), de R. Hernandez Peon (1965), de I. Feinberg (1969), de T. M. Itil
(1969), etc. qui tous tendent à soustraire la pathogénie fonctionnelle des H al­
lucinations même « élémentaires » à la théorie de l ’excitation sensorielle
spécifique.
C ’est que, effectivement, voir la condition fondamentale de l ’Hallucination
même dans sa forme la plus élémentaire (c’est-à-dire au niveau des Éidolies
hallucinosiques) dans une désintégration ou dissolution fonctionnelle, c ’est
restituer à l ’Hallucination son « sens » le plus profond, celui du désir — et son
« contresens » à l’égard de la réalité. Et, p ar là, reprise et corrigée à la racine
même de son illusion, la théorie mécaniste ne peut que disparaître au profit
d ’une conception plus profonde et mieux adaptée à la clinique même des caté­
gories et de l ’évolution des phénomènes hallucinatoires. Dès lors, en effet, que
le problème est exorcisé, q u ’il est expurgé de son hypothèque mécaniste, il

(1) Ce sont les troubles organo-végétatifs cérébraux que R. Mourgue appelle


« troubles sécrétoires ». Ceci permet de comprendre peut-être sa formule assez
déconcertante : « L ’Hallucination est un trouble sécrétoire ».
(2) Ici, bien entendu, R. M ourgue nous renvoie à l’Introduction biologique à l'étude
de la neurologie et de la psychopathologie qu’il a écrite avec C. von M onakow en 1928.
On trouvera dans cet ouvrage l’exposé des hypothèses un peu confuses de ces auteurs
sur l ’organisation de la vie instinctive (hormetères, klisis, ekklisis, etc.).
980 LE MODÈLE MÉCANISTE

s’engage vers la solution des principales difficultés cliniques p ar lesquelles


passent ses difficultés théoriques. Si l ’Hallucination délirante ne peut pas être
réduite à l ’Éidolie halhicinosique, si celle-ci ne peut pas être réduite à un pro­
cessus d ’excitation neuronale des voies ou centres sensori-idéo-moteurs (schéma
linéaire), reste donc à interpréter les Hallucinations, toutes les Hallucinations,
comme des phénomènes de décomposition de l’architectonie psychique dont
la désintégration de l ’analyseur perceptif constitue un cas particulier, mais
seulement particulier.
Et, par là, après avoir critiqué le modèle linéaire mécaniste sous tous ses
aspects et dans toutes ses implications, après avoir m ontré comment ses théo­
riciens même ne peuvent s’y tenir rigoureusement sans délirer eux-mêmes,
c’est-à-dire en reprenant à leur compte le délire q u ’ils refusent à l ’Hallucination
délirante ou en attribuant à l ’Hallucination non délirante le pouvoir de délirer,
nous saisissons bien que si les théories en partie mécanistes impliquent une
hypothèse vérifiable et vérifiée, celle de l ’organicité du processus hallucino­
gène, elles m anquent la nature même de l ’Hallucination en en faisant cette
perception d ’un objet stimulant réellement les organes ou centres sensoriels.
Nous comprenons bien que c’est un modèle architectonique qu’il convient
de substituer à ce vivace modèle mécaniste linéaire. Car si le premier postulat de
la théorie mécaniste de l’Hallucination, savoir l ’organicité du processus qui
l ’engendre nous paraît irrécusable (contrairement aux positions théoriques
psychogéniques que nous allons m aintenant exposer), p ar contre, ni bien sûr
la thèse mécaniste généralisée (G. de Clérambault), ni la thèse mécaniste res­
treinte (élémentariste ou atomiste de l ’Hallucination génératrice du délire)
ne nous paraissent résister à la critique à laquelle nous venons de les soumettre
et qui prépare une meilleure interprétation organo-dynamique, celle de la désorga­
nisation de l ’être conscient qui rapproche l ’organicité du Délire hallucinatoire
et l ’organicité des Éidolies hallucinosiques mais sans que celles-ci soient jam ais
la cause de celui-là.

N O T IC E B IB L IO G R A P H IQ U E
Sur les théories mécanistes de la N eurobiologie
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C H APITRE I I

MODÈLE PSYCHODYNAMIQUE
(LA CONCEPTION PSYCHANALYTIQUE)

Elles sont toutes fondées sur la puissance illusionnelle de l ’affect. A ce


titre elles se réfèrent, to u t naturellement, aux faits que nous avons exposés
lorsque nous avons parlé de la virtualité hallucinatoire contenue dans toutes
les form es de la perception et spécialement de ce que l ’on appelle généra­
lement les tendances, les sentiments, les pulsions qui constituent la racine
« hallucinophilique » de l ’humanité. Elle est là cette vie affective comme la
flamme qui' embrase de son désir notre existence tout entière. Elle est là
comme la force et la source de l ’imaginaire, la « Wille zum Macht », la volonté
de puissance qui projette l ’être dans son monde. Cette « projection » constitue
un mouvement si originaire, et si final de l ’existence q u ’elle peut apparaître
comme la seule force dont dépende pour chacun son monde, ou, pour nous
tous, le monde de la réalité. Cette racine métaphysique et proprem ent sub­
jective du réel qui au regard des « Idéalistes », des « Romantiques », des
« Mystiques », enveloppe son développement, elle est comme le radical véri­
tablem ent hallucinogène (1) de l ’humanité. Elle est le primum movens, la
condition nécessaire de toute Hallucination puisque, en définitive, dans la
représentation du monde qui est un équilibre des forces de subjectivation et
d ’objectivation, la vie affective tend à « halluciner » le désir contre et jusque
dans le système de la réalité.

RÉFLEXIO NS PRÉLIMINAIRES SUR LES FORCES AFFECTIVES (IN C O N S C IE N T)


E T LE SYSTÈME DE LA RÉALITÉ (L’ÊTRE C O N S C IE N T)

Nous devons à propos de ce deuxième modèle linéaire qui fait passer le désir
à l ’image (sa représentation symbolique) et celle-ci à l’Hallucination, opérer le même
travail critique qui nous a conduit à révoquer en doute la notion d’excitation neuro­
nale hallucinogène.

(1) C ’est précisément cette racine « hallucinophilique » que nous avons extraite de
l ’action des drogues « hallucinogènes » (cf. supra, p. 680).
984 MODÈLE PSYCHO DYNAMIQUE

L a v ir tu a lité « h a llu c in a to ire » d e s f o r c e s a ffe c tiv e s.

Nous devons mettre ici en évidence ce que l’on pourrait appeler (par référence
au fameux « appareil hystérogène » de Bernheim) l’appareil hallucinogène psy­
chique qui est « monté » à l’intérieur même de l’organisation psychique. Ce sont
ses manifestations qui constituent les apparences ou illusions hallucinatoires qui
font partie de l ’exercice même de la vie de relation pour autant qu’elle met enjeu
le principe de plaisir contre le système de réalité, sans cependant comme dans l’Hal­
lucination consacrer ou consommer l ’absolue dépendance de celui-ci à celui-là.
Tantôt, en effet, c’est dans le paroxysme émotionnel d ’un affect actuel qui remplit
et polarise le champ de la conscience, dans la peur, dans la joie ou le ravissement
que ce qui est attendu par l’avidité ou la crainte exaspérées entre dans le champ
perceptif. Et, naturellement, tout le monde pense aux « mirages » du désert qui
surgissent devant les yeux de ceux qui ont soif, ou aux figures sensibles qui
peuplent la « nuit des sens » des mystiques (1). Encore faut-il pour que les images
qui figurent le désir, la crainte ou l’extase, somme toute, l’exaltation des affects
portés à leur plus vive ou plus sublime puissance, encore faut-il pour que ces images
soient « perçues » qu’elles ne soient pas seulement vécues comme la représentation
de ce que le Sujet désire ou craint — qu’elles ne soient pas seulement comme l’expres­
sion ou la manifestation de sa subjectivité. Autrement dit, pour qu’un instant — et
parfois très fugace et plus souvent encore conjectural — les naufragés du radeau de
la Méduse voient un navire à l’extrémité de l ’horizon ou des mets à l ’extrémité de
leur faim, pour que la Carmélite en oraison perçoive la voix de Dieu, il faut bien que
ce « quelque chose » ou ce « quelqu’un » se détache du Sujet pour s’objectiver dans
l ’Hallucination.
Et c’est ainsi qu’intervient cette deuxième condition en quelque sorte commune
à tout pouvoir hallucinogène de l ’affect, c’est que sa représentation ne devient per­
ception que si le « quelque chose » hallucinatoirement perçu, c’est-à-dire faussement
perçu, se produit à l ’insu du Sujet. Tant que ayant soif je me représente un verre
de bière, ou que espérant apercevoir enfin quelqu’un que j ’attends ou que priant Dieu
je tente de capter son regard ou sa grâce, ou que succombant à la tentation je crains
d ’être possédé de l’esprit du mal, c’est encore moi qui joue à me faire plaisir ou à me
faire peur sans que rien de l'objectivité de la perception n ’ajoute à mon désir ou à ma
crainte autre chose qu’une illusion. Et c’est bien, en effet, ainsi que tous les hommes
de tous les temps et de tous les pays ont toujours vu et senti que le rêve en échappant
au pouvoir de contrôle du Sujet est le modèle même d ’un objet hallucinatoire pour
se présenter au Sujet devant lui, hors de lui et malgré lui. Disons qu’il n ’est et ne devient
hallucinatoire que précisément parce qu’il surgit (comme du monde extérieur jaillit
l ’objet perçu) du monde inconscient, c’est-à-dire en se présentant précisément comme
un objet qui n ’appartient pas au Sujet. L ’Hallucination n ’entre dans la conscience
qu’à la condition de la déjouer.
Ces quelques réflexions inspirées seulement de l’attitude naturelle ou du bon sens,
nous ont paru indispensables pour rappeler ici en abordant cette vaste « tarte à la
crème » des théories psychogéniques de l ’Hallucination, que si aucune Hallucination

(1) Locutions et visions imaginatives dont P. Quercy a fait une pénétrante


analyse à propos de la « Vie spirituelle » et du « Château de Sainte-Thérèse », tome II,
p. 181-349.
LES FORCES AFFECTIVES INCONSCIENTES 985

en tant qu'objectivation du Sujet lui-même n ’est possible sans qu’un mouvement


affectif ne l’engendre, aucune non plus ne peut se constituer qui ne fasse intervenir
« autre chose » que le désir (ou ses dérivations complexuelles) pour que, précisément,
elle puisse constituer l’objet hallucinatoire de ce quelque chose ou de ce quelqu’un
qui, naissant du Sujet, lui apparaît pourtant ne pas venir de lui.

Disons en tout cas et tout d ’abord que les théories psychogéniques de l ’H allu­
cination se réduisent toutes a leur « affectivogenèse » qui rejoint, bien sûr, dans ce
qu’elle a de plus sûr la célèbre phrase de l’Éthique (Livre III, 1) : « Le désir est l’essence
de l’homme ». Toutes les discussions sur la causalité psychique des maladies mentales
en général et des Délires ou des Hallucinations en particulier, reviennent nécessairement
à substituer l’idée d ’une « cause finale » à celle d ’une « cause efficiente », à trouver
« un sens » là où la causalité mécaniste voit un « accident ». Or, la causalité finale
de l’Hallucination (comme du Délire et des maladies mentales plus généralement)
coïncidant nécessairement dans sa force, son sens et sa fin avec l’intentionnalité pro­
fonde du Sujet, c’est bien à ce radical « conatif », « hormique », « affectif », « pul­
sionnel » (si l ’on ne veut pas dire instinctif) de l ’être qu’est, en définitive, dans son
« ultima ratio » rapporté le mouvement générateur de l’Hallucination. Toutes les
autres « explications » psychogénétiques en dérivent ou s’y rapportent. Qu’il s’agisse
en effet de « réaction » aux situations vitales, de « suggestion » ou de « facteurs cul­
turels » dont ces diverses variations ou anomalies socio-psychogéniques sont réputées
être les causes — tous ces facteurs se réduisent à ce commun dénominateur, c’est-à-dire
la force du sens et, en dernière analyse, l’intentionnalité du Sujet mue par le désir
spontané provoqué ou contrarié. Dire en effet que c’est « par réaction » à une situation
difficile ou dangereuse que le persécuté halluciné s’entend menacé par ses voisins,
ou que ce délirant mystique entend des voix sous l’effet d ’une auto-suggestion ou
d ’une représentation religieuse collective, ou encore que tel paysan inculte ou tel
« primitif » se sent ensorcelé du seul fait de sa participation aux croyances de groupe,
c ’est dans tous les cas, nier purement et simplement l’Hallucination (le Délire et
plus généralement la maladie mentale) pour la rapporter essentiellement à un modèle
de projection affective qui tire sa force des représentations collectives communes
à la culture du groupe.
Le sens de l’examen critique du « modèle psychogénique » que nous allons pré­
senter est donc clair. Il s’agira pour nous de montrer que la force du désir c’est la
virtualité hallucinatoire immanente à l’humanité tout entière, mais non la condition
nécessaire et suffisante de l’apparition des phénomènes hallucinatoires proprement dits.

L e p a s s a g e d e la p u issa n c e p u lsio n n e lle à l ’a c te p e r c e p t i f


e t l ’o rg a n isa tio n d e l ’ê tr e p sy c h iq u e .

L’apparition des phénomènes hallucinatoires — pour autant qu’ils ne se confon­


dent pas avec les illusions « psychonomes » communes dans l’existence humaine —
cette apparition ne peut être saisie que comme une émergence, une « hernie », un
« rejeton » ou un « bourgeon » de l ’Inconscient, comme un objet qui n ’en devient un
que pour autant que le Sujet devient inconscient en le posant dans sa non-objectivité
c’est-à-dire dans sa propre subjectivité, il est bien évident qu’une telle théorie ne peut
avoir de sens que relativement a une conception générale de l ’organisation de
l ’être psychique, c ’est-a-dire ôes rapports de l ’être conscient avec son I ncons-
986 MODÈLE PSYCHO DYNAMIQUE

c iE N T (1). Disons donc que tout ce qui est vécu et représenté dans et par la Conscience
est en relation avec la sphère de l’Inconscient tout aussi réellement qu’avec le monde
extérieur. Autrement dit, l'être conscient est cette modalité de l'être psychique qui
médiatise les relations entre sa subjectivité inconsciente etfermée et le monde de la réalité
indéfiniment ouvert. De telle sorte que nous ne parlons pas d’un acte ou d ’un phénomène
(sentiment, idée, représentation, affect) « conscient » qui serait séparé de la vie incon­
sciente par une « barre » absolue (schéma tactique et momentané trop vulnérable
dans la théorie freudienne pour en constituer une position doctrinale fondamentale),
mais de modalités de notre pensée, ou de notre comportement, ou de notre sensibilité
dont nous ne connaissons jamais l ’entière détermination et dont nous ne sommes
jamais les maîtres absolus. Ce que nous pouvons dire de ces objets inconscients,
dits aussi internes, de la vie psychique, c’est qu’ils peuvent « passer » dans le discours
et la vie quotidienne du Sujet, le langage étant pour le Sujet — comme pour les autres
— la seule façon d ’exprimer son inconscient dans le jeu du montrer et du cacher
les choses qu’il entend dire ou taire par le jeu des mots.
Mais le Champ de la conscience en tant que lieu et configuration de l’expérience
actuellement vécue n ’implique pas seulement cette poussée des affects inconscients
qui sont comme les forces et les sources de l ’auto-mouvement de l’être; il se construit
précisément selon un ordre, une légalité à quoi correspond ce que l ’on appelle
le système de la réalité et des valeurs. Tout ce qui entre dans ce champ est le produit
d ’une opération tout à la fois additive ou soustractive qui intègre les forces de
l ’Inconscient dans la direction qu’assure le Sujet en tant qu’être conscient. Dès lors,
la perception de l ’imaginaire dans les formes supérieures, dans les superstructures
de l ’être conscient (dans le champ du microscope même impatiemment ou hasar­
deusement regardé par le savant, comme dans le champ passionnel où s’enga­
gent l’idéal ou le désir du Sujet) est d ’autant plus impossible qu’il s’agit de ces
exercices de haute voltige opérationnelle de l ’être conscient qui l ’emportent au-delà
de lui-même. Plus un Sujet est polarisé dans l ’exercice de sa raison, de sa réflexion
ou de son examen de conscience, plus il tourne le dos à l ’illusion. Car, en définitive,
la dialectique de sa recherche de la vérité, le mouvement transcendant de la sublima­
tion et le parti-pris d ’aller au-delà du possible exigent que l ’impossible soit possible.
Et ce n ’est pas parce que l’homme a le pouvoir merveilleux et proprement créateur
de transformer le monde de sa réalité, de reculer les limites de l ’impossible, que dans
le mouvement même de sa « progression » il prend ses désirs pour des réalités, car le
sens même de son progrès c’est de ne faire passer son désir ou son idéal dans la réalité
que dans la mesure — oui, dans la mesure — où il a pu accéder à une nouvelle forme
de réalité. C’est donc le sens même de l’être conscient que d ’être toujours l’agent
d ’un ordre formel de la réalité, c’est-à-dire de s’opposer à prendre purement et sim­
plement ses désirs pour des réalités et notamment dans l’exercice le plus élevé de son
attention, de sa réflexion ou de son action, de ne pas prendre pour objet réel le Sujet
(le thème) du Sujet qui le pense.
Ainsi en est-il de ces formes de l ’existence humaine qui déjà nous font passer
à une autre modalité de l’être conscient, celle de la structure transactuelle du déve­
loppement de la personnalité. La passion ici pour autant qu’elle est « axe » du Sujet
conscient de lui-même, qui se sent fanatiquement, frénétiquement, violemment, incoer-

(1) Je résume ici en quelques mots ce que je reprendrai plus loin et que j ’ai déjà
largement exposé dans le livre « La Conscience », 2e édition, 1968.
LES FORCES AFFECTIVES INCONSCIENTES 987

ciblement vindicatif, jaloux, amoureux, idéaliste, la passion est une force composée
de sentiments fortement conscients jusqu’à s’exaspérer dans une polarisation exclu­
sivement dirigée vers son objet. Plus généralement encore, les systèmes de croyances,
de conception du monde, d ’idéal de soi, de conviction religieuse ou politique qui
forment pour chacun de nous la cristallisation ou la trajectoire de ce que la personne
veut et entend être pour « se réaliser », pour conquérir sa place dans son monde et pour
transformer le monde selon son idéal en quoi « se sublime » son désir, tout cet « appa­
reil » d ’idées et de croyances est animé par les forces motrices reconnues, c’est-à-dire
assumées par le Moi qui sont naturellement reprises par ce qui en lui demeure
d ’inconscient.
Un tel mouvement dialectique de l’être conscient, soit qu’il survole dans sa
propre expérience l’imaginaire, soit qu’il arrache à ce qui au fond de lui est autre
que ce qu’il peut être, un tel mouvement de « progression » ne peut et ne doit admettre
la réalité de l’objet du désir qu’en fonction du « règne des possibilités », c’est-à-dire
d ’un système de valeurs qui distribue la passion, la croyance et la conception du monde
dans une hiérarchie probabiliste d ’espoirs, d ’illusions, de déceptions et, pour tout dire,
de risques et de chances convenablement évalués dans leur probabilité. Somme toute,
tel est l’appareil anti-hallucinatoire de la Conscience, de la raison ou du système de
la réalité qui s’érige contre la satisfaction hallucinatoire du désir (cf. plus loin p. 1016).
Et c’est précisément de ce conflit entre désir et réalité que naît la possibilité de toute
Hallucination. C’est parce qu’il y a une dialectique de l’être conscient et de son
Inconscient qu’il y a un risque hallucinatoire. Celui-ci ne provient pas seulement
de la force du désir mais de la vulnérabilité du système des valeurs (logiques ou de
« réalité », morales ou d’interdiction) qui le contrôlent.
Dans un tel schéma (qui est celui de Freud comme nous le verrons) des rapports
de l ’être conscient et de son Inconscient, nous comprenons bien que jamais l’Hallu­
cination (la « transformation sensoriale » de l ’image ou de la représentation) n ’apparaît
à l ’extrême pointe de l’attention, de la vigilance, fût-ce de l’attente passionnée, autre­
ment que pour disparaître à ce point de la trajectoire où le désir touche sans l’atteindre
son objet. Elle n ’apparaît pas non plus comme le seul effet de l ’intensité d’un mou­
vement passionnel ou convictionnel (autrement que comme une illusion précaire
pour n ’être que celle d ’un espoir ou d ’un désespoir insensé, ou encore d ’un acte de
foi quand elle est par exemple celle d ’une foule présente ou représentée qui se rue sur
l ’objet de son commun désir). Le désir ne devient jamais réalité pour un être dont
la Conscience se constitue précisément comme le gardien de la réalité ou, si l’on veut,
des possibilités qui excluent le monopole du désir. Elle n ’apparaît que lorsque pré­
cisément les forces et les formes de l’être conscient encore assez solides pour exercer
leur fonction d’interdiction ne sont plus assez fortes pour éviter la transgression de
la loi : l’Hallucination apparaît alors en effet pour ce qu’elle est, l’apparition même
de l’Inconscient. De telle sorte que visant cette apparition la thèse qui se borne à poser
que l’Hallucination est un bourgeon de l ’Inconscient est, en ce sens, fondée.
Mais si l’Inconscient est une condition nécessaire de l’Hallucination, il n ’en est pas
une condition suffisante.
Telles sont les réflexions préliminaires qui doivent éclairer l’exposé de la thèse
psychogénique, et plus particulièrement psychanalytique, de la psychodynamique
pure de l ’Hallucination.

N ous devons encore en ajouter une autre qui nous est imposée p ar les
excès mêmes de la théorie freudienne portée à une manière d ’absurdité. Si,
988 MODÈLE PSYCHODYNAMIQUE

en effet, il était vrai que tout dans la vie psychique est Inconscient, que tout
y est même mécanique (la « machine désirante et parlante »), il est clair que
l ’Hallucination perdrait à la fois tout sens et toute possibilité d ’être ce q u ’elle
est, c’est-à-dire une défaillance personnelle, une fa u te contre la Loi de la Réalité
dont l’être conscient est le garant, sinon le gardien.

I. — ÉVIDENCE DE LA MANIFESTATION
DE L’INCONSCIENT PAR L’HALLUCINATION

S’il est peut-être vrai que (comme l ’a écrit Brill (1) à ce sujet) les « Psychia­
tres ordinaires » (ordinary Psychiatrists) basent l ’Hallucination sur rien (per­
ception sans objet), ils ne la basent pas moins — comme les Psychanalystes —
sur la réalité psychique ( R ealität) et, en dernière analyse, sur le désir du Sujet.
Lorsque les « classiques » évoquaient les « causes morales », la « volonté du
Sujet », les « passions » ou les croyances et les idées dans « l ’exercice involontaire
de l ’imagination », ils étaient déjà jadis et par avance d ’accord avec les psych­
analystes d ’aujourd’hui en basant l ’Hallucination non pas sur rien, mais
sur ce quelque chose qui est dans ce quelqu’un q u ’est le Sujet qui halluciné.
Il suffit de se rapporter, p ar exemple, au fameux article de Christian dans le
Dictionnaire Dechambre (p. 78 et p. 99) pour se rendre compte que la « pro­
jection hallucinatoire » de tout ou partie du Sujet dans un statut d ’objectivité
y est exposée à propos de situation d ’états émotionnels ou de traumatismes
psychiques. La vivacité des sentiments et des passions (comme y avait insisté
Esquirol à propos des illusions qui étaient pourtant, pour lui, des troubles
essentiellement « sensoriels » et non « psycho-sensoriels ») est explicitement
considérée comme cause « morale » ou psychologique de l ’Hallucination :
« A la répétition incessante ou à l’action prolongée d ’une même impression
« externe correspondent les impressions normales répétées, la concentration
« extrême de l ’attention sur une même idée ou une même impression m orale;
« c’est ainsi q u ’agissent les idées fixes, les passions fortes, les grandes préoccu-
« pations, les remords, l ’ambition, l ’exaltation religieuse ». E t tout naturel­
lement, les exemples tirés de l ’histoire et des légendes de la vie des anachorètes,
des saints, des génies et généralement des « hommes illustres » (Luther gra­
vissant à genoux l ’escalier de Pilate à Rome et entendant éclater à ses oreilles
une voix de tonnerre « le juste vivra p ar la foi » — ou Brutus dans sa tente
la veille de la bataille de Philippe — ou encore le « Démon de Socrate » et
1’ « Amulette de Pascal »), sont parm i cent autres les « armoiries » classiques

(1) Brill, Lectures o f Psychanalytic Psychiatry, New York, 1949, éd. Krapf,
p. 69. « Pour les psychiatres ordinaires, l ’Hallucination est basée sur rien, mais d ’un
point de vue psychanalytique c’est une projection de l’extérieur du propre vécu (feel-
ing) du patient ».
MANIFESTATIONS HALLUCINATOIRES DE L'INCONSCIENT 989

de la projection des affects et des croyances dans l ’image hallucinatoire (1).


Mais, bien entendu, comme nous le soulignions plus haut, la force ou de l ’affect
ou de l ’idée que multiplie sa conscience, ne parvient pas plus aisément à la fausse
Hallucination, q u ’à cette « vraie » Hallucination que doit être une « fausse »
perception. Car, en définitive, ainsi que nous y avons insisté dans la première
partie de cet ouvrage, l ’Hallucination n ’apparaît comme phénomène « sui
generis » dans la singularité de son « perceptum » q u ’à la condition de ne pas
se perdre dans la nébuleuse des illusions et des erreurs de l ’imagination com­
mune, fussent-elles portées par le génie et la religion à leur plus poétique
ou philosophique puissance.
C ’est donc tout naturellement vers V affect in c o n s c ie n t que les Psychia­
tres ont cherché ce « quelque chose » qui est perçu dans la perception falsifiée
q u ’est l ’Hallucination.

Sans doute, là aussi, les philosophes leur avaient déjà montré la voie, et non seu­
lement ceux d ’inspiration platonicienne (2) pour qui le dynamisme de l’esprit repose
sur le fond affectif de l’âme — ou ceux d ’inspiration plus orientale pour qui l ’anéan­
tissement de l’esprit délivre l ’âme des besoins du corps, mais aussi plus près de nous
ceux qui comme les Cartésiens ou Leibniz ont pourtant porté au plus loin la distance
qui sépare la perception de ses soubassements corporels ou affectifs. Chez Spinoza
par exemple'est reprise la doctrine affective des images (cf. notamment XVII de la
Deuxième Partie de l’Éthique et beaucoup moins nettement dans la fameuse lettre
de Peter Balling sur les Hallucinations hypnagogiques). Car si, comme nous l’avons
noté précédemment, de Descartes à Malebranche jusqu’à G. de Clérambault se
tend le même fil théorique de la mécanicité hallucinatoire, nous trouvons dans la
théorie même de l’imagination l ’affirmation de la profonde unité qui lie le mouvement
des passions à celui des images. Chez Leibniz — philosophe de l ’Inconscient avant
les lettres de noblesse dont Freud devait le doter — l ’âme, objet de la psychologie
des profondeurs, suffit par l’attraction qu’elle exerce sur 1’ « imaginaire » à déterminer
les formes hallucinatoires qui sont l ’effet d ’une causalité non pas efficiente mais défi­
ciente (nous reprendrions bien sûr à notre propre compte cette idée leibnizienne).
Mais il n ’en a pas moins insisté à plusieurs reprises sur les forces affectives qui
engagent le rêveur et l’halluciné dans les erreurs de ses sens (3). Si nous rappelons ici
la doctrine leibnizienne de l’Hallucination (interprétation des signes par l ’âme archi­
tectonique), c’est pour bien marquer la « négativité » du phénomène hallucinatoire
dans la « scénographie » des objets, mais aussi pour marquer l’introduction de
l’Inconscient, ne fût-il que « leibnizien » dans le problème de l’Hallucination.

(1) Étudiés par F. L elut qui, en dernière analyse, dissolvant les « Hallucinations »
dans les représentations collectives, les croyances et influences culturelles, en venait
à nier l’existence de l’Hallucination...
(2) La tradition aristotélicienne ne s’écarte pas non plus tellement de cette exigence
affective de l ’erreur des sens.
(3) Encore une fois, nous renvoyons au premier tome de l’ouvrage de P. Q uercy,
« L ’Hallucination », éd. Masson, Paris, 1930. On y trouvera un exposé touffu et
confus de la théorie de la perception de l ’image et de l’Hallucination chez Spinoza
et Leibniz.
990 MODÈLE PSYCHODYNAMIQUE

Mais, bien sûr, si les Cartésiens ont été gênés dans leur théorie de l’Hallucination
par leur « intellectualisme » — malgré les concessions que nous venons de mentionner
— par contre, tout le courant de la pensée « romantique » après le Siècle des Lumières
et notamment du romantisme allemand, a orienté la psychopathologie de l’Hallu­
cination en l’ouvrant sur les profondeurs de l’Inconscient dont elle émerge. L’école
psychiste allemande (E. Leupold, August Eschenmayer, Friedrich-Ed. Benèke et
surtout Gustav Carus) plus ou moins solidaires de la philosophie de Schelling et de
Novalis, mais aussi de Goethe, d ’Herbart, de Schopenhauer et surtout de Nietzsche, a
constitué notamment « l ’épistémé » où s’est élaborée la doctrine freudienne de l’Incon­
scient destinée à dépasser l’Inconscient seulement « leibnizien », de N. von Hartmann.
C ’est (cf. H. F. Ellenberger, 1970, pp. 262-278, et notamment à propos de Nietzsche,
pp. 271-278) dans cette ambiance philosophique dont il a seulement connu et reconnu
la partielle influence en ne la rapportant qu’à Th. Lipps (1883) qu’à germé le génie
de Freud. Fechner (1848) par son mémoire sur le « Lustprinzip » du comportement
avait lui aussi préparé le terrain où devait germer la découverte freudienne, celle d ’un
Inconscient, réservoir des pulsions, forme motrice des phantasmes, pour autant qu’ils
satisfont dans le « processus primaire » à un principe de plaisir indépendant du système
de la réalité. Car, en effet, c’est bien en posant le problème de la psychogénie affective
inconsciente de l ’Hallucination qu’on le formule le plus clairement tout en laissant
bien entendu en suspens sa solution.

1° L a m a n ife s ta tio n d e s a ffects in c o n sc ien ts


d a n s les « E x p é rie n c e s h a llu c in a to ire s d é lir a n te s ».

Les rapports du rêve avec l ’Inconscient du rêveur constituent la phéno­


ménologie même du rêve; car aucun homme, qu’il raconte son rêve à lui-même
ou à autrui, ne peut se référer à ce rêve autrement que comme à une expé­
rience qu’il a vécue malgré lui, sans la diriger, sans en connaître' ni le début ni
la fin (1), « comme si » quelque chose était entré dans sa conscience de dormeur,
venant à lui sans venir de lui (ou ce qui revient au même, venant des profon­
deurs inconnues de lui-même). Mais, bien sûr, depuis Freud les rapports du
rêve avec l 'Inconscient se sont découverts dans une autre perspective, celle
de la causalité. Car, dit Freud, l ’Inconscient qui forme symboliquement le
rêve l ’engendre p ar la force des désirs et des pulsions de la Libido qui se satis­
font « à plaisir » en lui. Dès lors, l ’Inconscient n ’apparaît pas seulement
dans le rêve comme pour lui prêter son contenu, il en est l’agent.
Nous n ’avons pas l ’intention de revenir ici sur cette vérité indéfiniment
répétée et ressassée par toute la culture et même la pseudo-culture (2) contem­
poraines. Nous avons déjà indiqué, et nous y reviendrons plus loin, que cette
vérité n ’est ni complète ni absolue. Mais la part de vérité que contient la doc­
trine de Freud sur la théorie du rêve c’est certainement — et cela nous suffit
ici pour nous y référer comme à un « fait prim ordial » — que le rêve a un sens,

(1) Dans les deux sens du mot.


(2) Celle, répétons-le, de ces « garçons du magasin de l’esprit », comme aurait dit
N ietzsche, qui s'agitent derrière les comptoirs des « mass media » des temps modernes.
INCONSCIENT ET EXPÉRIENCES HALLUCINATOIRES 991

c’est-à-dire q u ’il est une projection scénique, figurative et expressive des pul­
sions inconscientes pour être effectivement habité par le désir du rêveur.
Ce qui a pu devenir si évident (même aux yeux des plus aveugles ou
aveuglés) à propos du sens symbolique du rêve qui pourtant est toujours
raconté sinon vécu comme une absurdité, cette évidence est tout aussi évidente
pour tous ces « tableaux cliniques » que nous appelons les « expériences déli­
rantes et hallucinatoires ». Nous nous sommes suffisamment expliqué sur ce
point plus haut (p. 383-405) pour n ’avoir pas non plus à y revenir. Mais
nous devons cependant souligner que pour autant q u ’il s’agit dans ces « états »
d ’une expérience actuellement vécue de l ’imaginaire, cet imaginaire apparaît
dans sa « forme hallucinatoire » comme la consécration par la voie des sens,
du sens du désir. Consécration dite précisément « perceptive » pour conférer
au vécu le caractère sacramentel, le signe sensible de la réalité à cela ou celui
qui peut enfin jaillir, parler, se faire entendre, se m ontrer et même s’imposer
comme objet de spectacle, de vision, de communication, d ’expériences cor­
porelle, etc. Mais cette consécration n ’est justement possible q u ’à la condition de
tirer son miracle d ’une inconsciente m utation qui seule permet à l ’Inconscient de
devenir conscient sous les espèces du symbole et de la figuration métaphorique.
Cela dit ici, pour souligner ce que nous avons dit plus haut (cf. supra, p. 397-404)
sur l’impossibilité radicale d ’une théorie purement psychogénique des expériences
hallucinatoires et pour amorcer ce que nous expliciterons plus loin, savoir que le
symbolisme inconscient du rêve ou des expériences délirantes s’il est irrécusable
est également insuffisant à nous fournir une théorie de la causalité des phénomè­
nes hallucinatoires. Ceux-ci remplissent bien tous les tableaux cliniques du vécu
délirant en accomplissant leur fonction de satisfaction du désir, mais ils exigent
pour se constituer comme tels une distorsion du système de la réalité, des
« processus secondaires » qui form ent l ’être conscient.
Mais cette importante réserve étant faite, il va de soi que rien ne peut être
énoncé du vécu et de son interprétation des expériences délirantes et hallu­
cinatoires qui ne vise la fabrication de ce qui se présente sur les divers écrans
sensoriels comme une production d ’imaginaire soumis plus ou moins direc­
tement au principe du plaisir et à ses représentations que règlent les inves­
tissements libidinaux, les forces pulsionnelles plus ou moins intriquées. Il fau­
drait plutôt dire à ce sujet que par l’effet des symbolismes, des déguisements
et des occultations qui se cachent dans les signifiants idéo-éidético-linguistiques,
la cause finale, l ’intentionnalité, la visée de sens (qui sont comme le mou­
vement de la projection en tant q u ’elle est expression, q u ’elle est la flèche
qui porte, mais en les déplaçant, les exigences du signifié) demeurent presque
toujours conjecturales et problématiques. N on seulement parce que le brouil­
lage du texte est l ’œuvre même de ce q u ’il reste encore de conscience (d ’inves­
tissement du système Cs, disait Freud) au Sujet pour exiger que ce qui ne doit
pas être mis à jo u r demeure obscur, mais encore parce que, aux énigmes, hiéro­
glyphes, rébus et ruses d ’un Inconscient condamné au mensonge ou au silence,
s’ajoutent l’opaque absurdité, l’om bre portée sur ses contenus p ar la soustraction
à ses divers degrés d ’inconscience de ce que l ’ordre de l ’être conscient apporte
992 MODÈLE PSYCHODYNAMIQUE

d ’élucidation ou de sublimation à l’intelligibilité du contexte projeté. Car


la form e hallucinatoire de l'expérience délirante, en définitive, ne dépend pas
de la force des désirs inconscients, mais, comme le rêve, elle dépend, sinon du
sommeil tout au moins de quelque modalité de déstructuration du Champ de
la conscience. E t il est bien vrai que tout comme pour la production onirique
qui est pour sa plus grande part (quel psychanalyste expérimenté pourrait ici
le contester ?) engloutie dans un non-sens ou une absurdité indéchiffrable,
la plupart des expériences délirantes et hallucinatoires sont et demeurent pour
l ’observateur « incompréhensibles » (1). C ’est en tout cas parce q u ’elles sont
pour le Sujet qui les halluciné hors de son propre propos, de ses propres inten­
tions — et seul ce fait nous importe ici — q u ’elles apparaissent à sa Conscience
comme des objets, des configurations scéniques, des événements dont il ne
peut être que le faux témoin, le spectateur partial et, pour tout dire, la dupe.
Aussi devons-nous nous attendre à ce que comme pour la « Traumdeutung »
le mobile inconscient de la production délirante ne soit q u ’assez rarement
clair, car le « mécanisme inconscient » de l ’Hallucination, de l’expérience
délirante — comme du rêve — est essentiellement ambigu (2).
Tantôt, en effet, c’est le sens de la substitution du contenu manifeste au
contenu latent de l’Hallucination qui est inconscient, comme lorsque le mélan­
colique entend dans ses oreilles prononcer le jugem ent qui le condamne sans
savoir q u ’il énonce lui-même son auto-accusation, ou que dans l’état crépus­
culaire le délirant jouit par le jeu d ’un alibi des scènes les plus lubriques, ou que le
confus onirique voit les armes blanches que sa terreur produit à son insu, tous
exemples où l ’affect passe dans la Conscience mais en projetant sur l ’autre
ce qui vient de soi. Dans ce cas l ’Hallucination paraît avec évidence à l ’obser­
vateur dépendre du trouble de la Conscience (et, somme toute, lui apparaît
alors fortuite) même si les « configurations complexuelles d ’une culpabilité

(1) Dans la « Traumdeutung », F reud dit « que tous les rêves ne peuvent pas être
interprétés », et que « tous les rêves les mieux interprétés gardent souvent un point
obscur. On remarque là, dit-il, un nœud de pensée (ein Knoten von Traungedenken,
dit exactement le texte) que l’on ne peut défaire... C’est l’ombilic (der Nobel) du rêve,
le point où il se rattache à l’Inconnu (der Unerkannten) » (p. 432-433 de la trad. fr.
par I. M eyerson, P. U. F., 1950). Comme le souligne encore F reud dans le même
passage, l’expérience onirique (la pensée du rêve) constitue un réseau inextricable,
de telle sorte que « le désir » du rêve qui lui donne son sens surgit « d ’un point plus
épais de ce tissu comme le champignon de son mycélium ». Pour lui, l’interprétation
du rêve si elle se heurte certes à ce qu’il considère comme une résistance active et
intentionnelle, se heurte aussi au sommeil. C’est d’ailleurs dans ce passage de la
« Psychologie du processus du rêve » qu’il discute sans les rejeter totalement les
conceptions de H. Silberer. C’est, pensons-nous, à ce reste d ’inintelligibilité que
correspond le « fa it primordial » que les altérations de l ’EEG du sommeil lent, du
sommeil rapide et de leurs phases intermédiaires permettent peut-être déjà d ’objec­
tiver (cf. plus loin, p. 1262 et sq.).
(2) Cf. les deux textes de F reud : L’Inconscient et le « Complément de la théorie
du rêve » dans la Métapsychologie.
INCONSCIENT ET EXPÉRIENCES HALLUCINATOIRES 993

œdipienne soumise à des modalités variées de refoulement ajoutent ici — par


un mouvement inverse à celui auquel nous faisions allusion plus haut —
à l ’étrangeté et à l ’automatisme de l ’expérience vécue, l ’obligation d ’extérioriser
le mauvais objet introjeté, de nier la fixation narcissique ou homosexuelle, ou
de renier le désir d ’auto-punition, etc. qui sont comme les ressorts affectifs
de cette expropriation, de cette aliénation de la propriété du Sujet q u ’est toujours
l’Hallucination.
Tantôt, au contraire, les Hallucinations loin de porter en elles-mêmes comme
un sens trop clair pour être vrai, se présentent comme des signifiants « neu­
tres », « athématiques », « absurdes » ou « dérisoires ». Les voix murm urent
par exemple au mélancolique des propos anodins (Tu peux prendre ton billet...
Q u’as-tu fait de la machine à laver ?); certains états de dépersonnalisation
sont saturés d ’imageries « abracadabrantes » ou surréalistes (Ce sont des poli­
chinelles qui m aintenant entrent dans m a dent... Des loups de velours
referment le cristal de mes os... Des langues de feu s’évaporent jusqu’à la
racine des doigts, etc.); ou encore une scène onirique de carnage terrifiant
« se diaphragme » sur des détails « insignifiants » ou « absurdes » (Tous sont
entrés avec leur couteau et la corbeille à papier s’est transformée pour décou­
per ju sq u ’à l ’ombre tous les fonds d ’artichauts). De telles productions hallu­
cinatoires, histoires sans paroles, paroles sans histoire, kyrielles verbales,
images cocasses, propos ressassés, ritournelles, objets absurdes, pêle-mêle
de formes et de mouvements, engrenages physico-métaphysiques de formes
de cauchemars, tout ce « matériel » de l ’expérience hallucinatoire constitue
un foisonnement d ’imaginaire qui nous renvoie au problème posé p ar les Éido-
lies hallucinosiques, problème que nous envisagerons plus loin. Mais si le
sens n ’est pas apparent et si l’absence de sens au contraire paraît aussi évi­
dente que déconcertante, il n ’est douteux pour personne que — même sans
disposer des dons q u ’exige l’interprétation symbolico-linguistique de haute
voltige auxquels certains exercices de style éblouissants nous font parfois
accéder — il n ’est pas douteux que l ’automatisme même de cette création
hallucinatoire, ou plus exactement sa poésie, indique assez p ar la séduction
mystérieuse q u ’elle exerce secrètement, le sens, fût-il lointain, labyrinthique
ou inextricablement symbolique qui le rattache encore au Sujet, à ce Sujet
qui n ’entendant précisément pas l’entendre, entend pourtant quelque chose,
des mots qui ne sont pour lui que des objets dont seule la physique frappe ses
sens.
Nous ne pensons pas utile de répéter ici ce que nous avons tant de fois
décrit déjà en exposant dans cet ouvrage et ailleurs la phénoménologie et la
clinique de ces expériences délirantes et hallucinatoires qui trouvent leur forme
la plus fréquente dans ce que l ’on appelle « les Schizophrénies aiguës », les
« Halluzinosen » au sens de Wemicke, et au cours des ivresses provoquées par
les hallucinogènes. Dans tous ces cas, la « projection » de l ’Inconscient dans
les images hallucinatoires même si — répétons-le — elle n ’est pas toujours
évidente, est rendue à tous les cliniciens plausible par toutes les analyses
de ce que l ’on appelle le matériel « mélancolique », « m aniaque », oniroïde
994 MODÈLE PSYCHODYNAMIQUE

ou onirique des « états » de dépersonnalisation, d ’automatisme mental, de


dédoublement hallucinatoire, des états crépusculaires ou d ’états confuso-oni-
riques. Pour n ’en rappeler q u ’un seul exemple, nous pouvons encore une fois
parm i tant d ’autres renvoyer le lecteur aux observations de W. Mayer-Gross
ou à notre observation de Jean-Pierre (tome III de nos « Études »).

2° L a p r o je c tio n d e s a ffects in c o n sc ien ts


d a n s les P sy c h o se s d é lira n te s e t h a llu c in a to ire s ch ro n iq u es
( S c h izo p h ré n ie , P a ra n o ïa ).

Il est très remarquable de noter que vers la fin du xixe siècle et au début
du x x e siècle branchés (souvent, mais pas toujours), sur le courant freudien
les cliniciens du délire et des Hallucinations ont aperçu le rôle que joue dans
ces phénomènes l ’intensité des sentiments et l ’inconscience du rapport qui les
lie aux Hallucinations. A cet égard, l ’apport clinique de J. Séglas (1) mérite
d ’être particulièrement signalé. On sait combien il fut longtemps attaché
à la pensée mécaniste du « stupide xixe siècle », et que pendant longtemps
il contribua à « atomiser » les Hallucinations psychiques, psycho-motrices, etc.
(p. 86 et 203). Mais vers 1905, le M aître incontesté de la Psychiatrie française
à cette époque, commença à s’intéresser à propos du Délire et des phéno­
mènes d ’influence (Hallucinations psycho-motrices, Pseudo-hallucinations
verbales, Hallucinations corporelles, etc.) à la psycho-dynamique du Délire,
c ’est-à-dire à sa relation évidente avec le désir érotique q u ’il satisfait
inconsciemment.
Vers la même époque, mais cette fois en relation directe avec la doc­
trine freudienne et plus spécialement par sa collaboration avec Maeder et
C. G. Jung (2), Eugène Bleuler (1911) dans sa conception de la Schizophré­
nie (3) établit une théorie générale de l ’Hallucination et du Délire qui a mis en
évidence : 10 le caractère « secondaire » (c’est-à-dire l ’effet du processus prim itif
de dissociation) de tous les délires et de toutes les Hallucinations des schizophré­
nies ; — 2° leur fonction de projection symbolique des complexes inconscients.

(1) Cf. spécialement ses deux belles observations d ’amoureuses de prêtre : celle
publiée avec Barat en 1913 (Un cas de délire d ’influence, Annales Médico-Psycho­
logiques, 2, p. 183-201) et celle publiée dans le Journal de Psychologie en 1922 (intitulée
justement « Une amoureuse de prêtre »), p. 720-735.
(2) L ’ouvrage primordial est, à cet égard, le livre de C. G. J ung , « Ueber die Psy­
chologie der Dementia praecox », Hall, 1907, qui n ’a — pas plus que celui de E. Bleu­
ler — jamais été traduit en français.
(3) A. de W aelhens (1972), ébloui par les reflets « heidegerriens » de certains écrits
psychanalytiques, est bien injuste (p. 17) pour ce grand Psychiatre et cette grande
œuvre dont l’importance égale, pour la Psychiatrie, celle de H. J ackson pour la Neu­
rologie.
INCONSCIENT ET PSYCHOSES CHRONIQUES 995

Presque to u t l ’ouvrage est rempli de considérations et d ’exemples destinés


à permettre d ’interpréter la vie autistique des schizophrènes comme un mode
de satisfaction hallucinatoire, de ces complexes affectifs inconscients. Depuis
lors, des milliers d ’observations cliniques et des centaines d ’ouvrages ou de
travaux n ’ont cessé de démontrer que les schizophrénies sont essentiellement
caractérisées p ar l ’immersion de l ’existence dans les phantasmes narcissiques
(idées délirantes, voix, expériences hallucinatoires de tout modèle, travail
autistique de création d ’un monde rebelle aux lois de la réalité) entièrement
soumise au « Lustprinzip » (1). Le symbolisme des persécutions, des influences,
des machines, des agressions corporelles ou de cohabitations psychiques ou
somatiques est si évident, que personne ne songe plus, nous semble-t-il, à le
discuter tant est manifeste l ’Inconscient comme « retourné en doigt de gant »
(de latent dit Lacan, l ’Inconscient devient patent) dans tous les modes de pensée,
de perception ou d ’imagination qui constituent les symptômes du processus
schizophrénique et plus généralement de ses formes paranoïdes.
Dans le chapitre que nous avons consacré aux Hallucinations des Psychoses
délirantes chroniques, nous avons déjà rappelé l’essentiel de la clinique et
de l ’historique de ces Délires dans leur rapport avec le problème des Hallu­
cinations. E t à cette occasion nous n ’avons pas cessé de m ontrer que sous toutes
ses formes, <t le Délire chronique », q u ’il soit proprem ent hallucinatoire ou
« seulement » interprétatif ou imaginatif, im pliquait des « expériences hallu­
cinatoires » ou un « travail » d ’élaboration systématique ou fantastique qui
« altèrent la réalité » et en falsifient profondém ent la perception. Nous ne pou­
vons songer à revenir sur ces descriptions. Q u’il nous suffise de rappeler à pro­
pos des Délires qui sont souvent — et même classiquement — réputés n ’être
pas hallucinatoires, c’est-à-dire le groupe des Paranoïas ou Délires systéma­
tisés, que le mécanisme de projection hallucinatoire des affects inconscients
en constitue la pièce maîtresse. Car, en effet, ce n ’est pas le fait que le m alade
dit n ’entendre les accusations ou les injures que dans les conversations réelles
ou ïes émissions de radio, que tout le monde peut comme lui entendre, ce n ’est
pas ce fait qui supprime de l ’activité hallucinatoire (appelée alors interprétation
ou illusion) ce qui lui est essentiel. Cet essentiel réside dans la projection
de l’affect inconscient dans le système de relations avec la réalité, q u ’il s’agisse
du « perçu », ou du « parlé », ou du « pensé ». Car, en définitive comme l ’a
bien vu Freud (L ’Inconscient, in Métapsychologie), l’investissement deL
représentations verbales les transforme en choses. Et, effectivement, tandis que
la « projection hallucinatoire » (dans ce sens large et seul acceptable) était
interprétée à propos du cas Schreber par Freud comme une manifestation
symbolique des phantasmes inconscients le Délire d ’interprétation de Sérieux
et Capgras, le Beziehungwahn de Kretschmer, le Délire d'action extérieure

(1) L’Hallucination — pas plus que le rêve — ne représente pas toujours un « wish
fulfilment » (J. M. H ill, J. o f nerv. and ment. Diseases, 1936, 83, 405-421), mais elle
est toujours la manifestation de'l’Inconscient.
996 MODÈLE PSYCHO DYNAMIQUE

de Claude doivent, eux aussi, en être rapprochés pour impliquer le même


travail de projection hallucinatoire des affects inconscients.
Dans la Psychiatrie française où se débattait avec plus de vivacité qu'ailleurs
le problème de l ’autonomie des « Psychoses hallucinatoires chroniques »,
l ’école de Claude (A. Ceillier, Henri Ey) s’élevait contre la genèse mécanique
de tous ces délires manifestement rebelles à entrer dans le cadre d ’un « auto­
matisme mental » dont G. de Clérambault exigeait q u ’il soit basé sur des
phénomènes neutres et même sans signification, en fin de compte, sur des
« corps étrangers ». Le « Syndrome d'action extérieure », entité éphémère mais
qui doit être rappelée ici pour sa haute signification de contestation contre les
théories mécanistes, était défini par Claude et ses élèves comme une projec­
tion hallucinatoire (ou pseudo-hallucinatoire) des affects inconscients.
Tout cela pourrait paraître aujourd’hui d ’une telle évidence q u ’il serait
à peine nécessaire de la relever. Mais s’il nous paraît im portant de rappeler
quelle « révolution » s’est opérée dans la Clinique à partir de 1920 quand,
en conclusion du travail de sape entrepris à Vienne par Freud, est apparu,
même à Paris sorte de capitale du mécanisme psychiatrique à cette époque,
le sens de l'Hallucination, nous devons noter un curieux et subreptif retour à
la conception de l ’automatisme m ental (1).
De longues et anciennes études psychanalytiques particulièrement appro­
fondies ont puissamment aidé à la découverte de cette dimension inconsciente
de la projection hallucinatoire. Nous allons donc faire état de deux docu­
ments d ’inégale importance mais qui ont eu l’un et l’autre un grand reten­
tissement : l ’analyse du cas Schreber — et l ’analyse du cas de Nathalie A.,
par V. Tausk.

— L e cas Schreber. Daniel-Paul Schreber, Président de la Cour d ’Appel de


Saxe, né en 1842 et mort en 1911, est devenu le délirant halluciné le plus célèbre. II
publia lui-même en 1903 ses « Mémoires d’un névropathe » (2), et l’année même de
sa mort Freud en produisit la fameuse interprétation psychanalytique qui, pour la
première fois, projetait la lumière du sens dans le contre-sens du Délire dont l’Hal­
lucination est, avons-nous dit, le phénomène essentiel (3).

(1) L’éternel retour du modèle mécaniste se manifeste quand on prend des mots
pour des choses, que le sens disparaît dans son instrument signifiant et que l ’homme
est englouti dans la « machine désirante ». De G. de C lérambault à G. D eleuze,
en passant par J. L acan, le cercle vicieux se referme. Nous y reviendrons plus loin,
mais déjà les extrapolations auxquelles ont donné lieu les analyses du Président
Schreber vont nous permettre de suivre ce « processus ».
(2) Denkwürdigkeiten einer Nervenkranken, édité à Leipzig par Oswald M utze
(1903). Il n ’existe pas de traduction française de ce fameux ouvrage. Ida M acalpine
et R. H unter ont publié une traduction en anglais chez Dawson à Londres en 1935.
(3) Les « psychanalytische Bemerkungen über einer autobiographisch beschrieben
Fall von Paranoia (Dementia paranoides) » de F reud, ont paru dans le Jahrbuch
für psychoanal, und psychopatholo. Forsch. (1913, 3), cf. volume VIII des « Gesam­
melte Werke ». La traduction française par Marie Bonaparte et R. L œwenstein
LE CAS SCHREBER 997

Freud n ’avait jamais vu le Président Schieber et il travailla uniquement sur le


document autobiographique qui relate les assassinats d’âme, la mythologie mégalo-
maniaque qui constituèrent le monde de phantasmes où s’enlisa l’existence de cet
honorable magistrat, de sa 51e à sa 69e année. Disons de suite à ce sujet que comme
tout Psychiatre ayant un peu d ’expérience, de savoir ou d ’intérêt pour les rapports
du délire et des Hallucinations, nous avons eu l’occasion d ’observer et d ’analyser
une bonne douzaine au moins de « Présidents Schreber »... C’est à ces cas que nous
nous sommes rapporté dans le chapitre consacré aux Hallucinations dans les Délires
chroniques, et notamment lorsque nous avons indiqué les communications qui s’éta­
blissaient entre les délires systématisés et les délires fantastiques et son corollaire,
la disparition de l’Hallucination au profit de la fabulation. Ceci dit et répété ici
uniquement pour récuser le caractère exceptionnel du cas de cet historique Déli­
rant dans la masse des délires hallucinatoires qui sans plus surpeupler peuplent encore
nos services (cf. plus loin). Mais, bien entendu, cette réflexion ne tend pas à ôter
mais, au contraire, à accorder bien sûr plus d’importance encore au fameux cas,
puisque, comme l’avait si bien vu Freud, il constitue une sorte de prototype que la
clinique reproduit à des milliers d ’exemplaires.
Daniel-Paul était le fils du Docteur Daniel Gottlieb Moritz Schreber qui avait
publié des ouvrages sur la gymnastique médicale de chambre (cf. W. G. Niederland,
1963, à ce sujet) et mourut en 1901. Il avait trois sœurs et un frère aîné qui fit aussi
des tentatives de suicide (W. G. Niederland). Il s’était marié à 36 ans mais n ’eut
jamais d ’enfarfts (sa femme fit 6 fausses-couches). A l ’âge de 42 ans, après l’échec
de sa candidature au Reichstag, il eut une première crise « d’hypocondrie grave »,
essayant plusieurs tentatives de suicide. Il fut traité à la clinique de Leipzig par le

a paru dans la Rev.fr. de Psychanalyse en 1932 (n° 1) et figure aussi dans les « Cinq
Psychanalyses » publiées en 1954 par les P. U. F. (p. 263-324 de la 2e édition, 1966).
Outre ce Mémoire fondamental, le cas Schreber a fait l’objet de nombreuses études
et discussions dont j ’indique ici les principales : M. K aten, Psychanal. Quarterly, 1949;
M. K aten, « Schreber’s Hallucination about the « little Men », Int. J. Psychoanal.,
1950, 31, p. 32-35; H. N unberg, Discussion of M. K aten, Int. J. Psychoanal, 1952,
33, p. 454-456 ; W. G. N iederland, « Three Notes on the Schreber Case », Psychoanal.
Quart., 1951, 20 , p. 579-591; Ida M acalpine et R. H unter, Commentaires des
« Mémoires de Schreber », éd. Dawson, Londres, 1955; F. Baumayer, « The Schreber
Case », Int. J. Psychoanl., 1956; W. F airbairn, « The Schreber Case », Brit. J. med.
Psycho., 1956, 29 , p. 113-117; S. N acht et P. R acamier, « La théorie psychanalytique
des Délires », Rev.fr. de Psychanal., 1958,22 , p. 418-532, dont l’annexe est consacrée
(p. 509-518) au cas Schreber; J. L acan, « Du traitement possible de la psychose »,
La Psychanalyse, volume 4 (séminaire de l ’année 1955-1956). Ce texte entièrement
axé sur le cas Schreber figure dans les Écrits (1966), p.531-583;M. K aten, « Schreber’s
Hereafter », Psychoanal. Studies o f thechild, 1959, 14; W. N iederland, « Notes on
the 5 cases », Psychoanal. Quart., 1959, 28, p. 571-591; W. N iederland, « Schreber
father and son », Psychoanal. Quart., 1959,28, p. 151-159; R. B. W hite, « The mother
conflict in Schreber’s psychosis », Int. J. Psychoanal., 1961, 42, p. 55-73; Symposium
sur « Reinterpretation o f the Schreber Case », C. R. parus dans Vint. J. Psychoanal.,
1963, 44, p. 90-223 : Communications de P. M. K itay, de A. C arr (Paranoïa et
cas Schreber), W. N. N iederland (antécédents biographiques de Schreber ), J. N yder
(Schreber le parricide et le masochisme paranoïde), de R. B. W hite (le cas Schreber,
une conception psychosociale) et de G. D eleuze et coll. (Anti-CEdipe, 1972, p. 18-27).
998 MODÈLE PSYCHODYNAMIQUE

fameux professeur Paul-Émile Flechsig. Pendant cette maladie, il a précisé lui-même


qu’il n ’avait rien éprouvé « touchant à la sphère du surnaturel ».
C’est seulement en 1893, à l ’âge de 52 ans, qu’il fut repris de « troubles nerveux »
(idées hypocondriaques, idées de persécution, illusions sensorielles, troubles cénes-
thésiques) qui prirent une allure assez nettement mélancolique (il se croyait mort,
décomposé, croyant avoir la peste, etc.), au moment — comme le remarque Freud —
de son âge critique (andropause). Il était en état de « stupeur hallucinatoire » selon
le rapport du Docteur Sommenstein. Il tenta à plusieurs reprises de se suicider. Il
semble avoir dès ce moment vécu une expérience de « fin du monde ». D ’après le
Docteur Weber, à ce tableau clinique d’une psychose aiguë mélancolique qui envahit
l ’ensemble de la vie psychique, succéda un système délirant caractérisé par une psy­
chose hallucinatoire ( 1 ).
L’analyse clinique que nous devons aux psychiatres qui l’observèrent et que Freud
rapporte en détail, met l’accent sur deux aspects fondamentaux du « Délire » du Pré­
sident Schreber.
Tout d ’abord, immergé dans ces expériences délirantes le système de persécution
émergea ensuite sous la forme thématique d ’un complot (vers avril 1894) qui avait
pour but de le livrer à un homme, « de telle sorte que son âme fut abandonnée et
que son corps changé en corps de femme se trouva livré comme tel à l’homme en
question en vue d’abus sexuels ». Il s’agissait d ’un « assassinat d'âme » dont le « petit
Flechsig » était l’auteur, non point d’ailleurs Flechsig lui-même mais « son âme ».
C ’est que, en effet, comme l ’a fait justement remarquer J. Lacan à la suite précisément
des mêmes remarques de Freud, le délire glisse sur le plan d ’une verbalisation
à laquelle l ’Hallucination fournit sa trame, celle d ’événements qui se constituent
dans « le perceptum » (ni dans le percipiens, ni dans le monde objectif), dans cet
entre-deux (ein andere Schauplatz — sur une autre scène, ainsi que Freud a appelé
souvent le lieu de l ’Inconscient) qui constitue le milieu fantasmique où pullulent
et s’articulent les voix de la « Grundsprache » (que M. Katan a identifié au dis­
cours du Père). La fonction de « néo-code » de ce discours le révèle comme une
source d ’information, ou plutôt, une voie de communication avec un « au-delà »
qui va peu à peu se superposer à la réalité.
Le second aspect (à partir de 1899) du délire fut la constitution mégalomaniaque
d ’un monde fantastique entièrement métamorphosé : Schreber devient, doit devenir
une femme et même la Femme par excellence. Flechsig, lui, se transforma en Dieu, etc.
Mais comme ce travail de transmutation phantasmatique ne s’achève jamais, toutes
les configurations mythologiques de ce monde de la volupté et de la mort sont doublées
ou même divisées à l’infini (Flechsig antérieur, Flechsig postérieur, Dieu inférieur et
Dieu supérieur, vestibules du ciel peuplés d’oiseaux, empires divins postérieurs,

(1) Combien de malades ont fait l’objet d’observations analogues au moment


de leur passage de l'expérience délirante aiguë au travail hallucinatoire du délire
(cf. supra p. 428). Il est bien évident que cet aspect en quelque sorte macroscopique
ou morphologique de l’évolution du Délire ne doit pas être ensuite dissous par l ’ana­
lyse et l’herméneutique des symboles qui se sont présentés diversement selon les
étapes de la Psychose en laissant en suspens la question de sa structure formelle,
c ’est-à-dire processuelle propre à chaque phase du développement du Délire, car
la réalité de cette maladie de la réalité qu’est la Psychose, c’est sa structure formelle
et évolutive, sa morphologie et sa temporalité pathognomoniques.
LE CAS SCHREBER 999

royaumes de Thrimas et d ’Ormuzd). Et comme un rayonnement cosmique de cet


univers magique et surnaturel, s’élève un Dieu soleil qui féconde de ses rayons et
de ses nerfs de volupté (fibres nerveuses et spermatozoïdes) lorsqu’il a atteint la béa­
titude (Seligkeit) éternelle, la jouissance féminine absolue.
— L’interprétation de Freud du symbolisme de ce délire nous paraît après coup
tellement évidente qu’on serait tenté de penser qu’il a enfoncé des portes ouvertes,
si précisément celles-ci n ’avaient été si rigoureusement tenues fermées et même cade­
nassées par les puissances de refoulement que lui seul sut une fois pour toutes déjouer.
Et dès lors que le sens transparaissait sous l ’absurdité du délire, il devint jusqu’à
aujourd’hui de plus en plus évident que ce sens est tout à la fois commotionnant
(il vous saisit) et hermétique (il n ’est jamais totalement clair).
Le délire (et les Hallucinations qui véhiculent le sens, les anticipations et les
communications entre les personnages qui le jouent) est centré sur la « transfor­
mation » du Président Schreber en femme. C’est donc au désir de jouer le rôle de la
femme que s’ordonne l’ensemble de la psychose. Cette « psychose », Freud l’appelle
Paranoïa en visant essentiellement le caractère « systématique » du délire et notamment
la déduction mégalomaniaque du délire de persécution, et surtout parce qu’il avait
déjà par ses propres observations et celles de Jung et de Ferenczi à la même époque,
compris que la défense contre l’homosexualité constituait un ressort essentiel de cette
projection délirante. Mais comme — nous l ’avons particulièrement souligné — les
frontières entre paranoïa et forme paranoïde de la Démence Précoce sont difficiles
à fixer, le cas Schreber a été appelé par Freud paranoïa, mais ce diagnostic il l’a lui-
même récusé par les termes entre parenthèses « Dementia paranoïde ». Pour nous
qui considérons que les Délires chroniques sont un genre dont Paranoïa, Schizophrénie
et Paraphrénie sont des espèces et même des phases du développement de la psy­
chose supra, nous ne sommes pas embarrassé pour considérer le cas Schreber
comme un cas de Délire parvenu à un stade de paraphrénie mégalomaniaque après
une phase de systématisation paranoïaque...
Les arguments (1) qui forment la démonstration analytique de Freud sont l’atta­
chement et la soumission à l’égard du persécuteur Flechsig qui le prend pour objet
de ses manœuvres sexuelles, puis dans la mégalomanie théologico-psychologique
des relations sexuelles proprement cosmiques avec Dieu. Et c’est l’occasion pour Freud
de mettre au point à propos de l’analyse « sur pièces » du Président Schreber les grandes
formules de la dénégation délirante par laquelle le patient expulse hors de lui-même
l’objet même de son intolérable désir interdit (narcissisme, masturbation et homo­
sexualité).

(1) Les « arguments » biographiques en quelque sorte « objectifs » sur les problèmes
du « choix objectai », puis du « choix de la psychose » sont généralement de peu de
poids car les antécédents de M. Schreber étaient peu connus de F reud (la mastur­
bation, l’échec relatif de sa vie conjugale, l’admiration portée à son père, etc.).
M. K atan (1953) a identifié la relation Schreber-Flechsig à celle « homosexuelle
primitive » du jeune Schreber avec son frère (1959 et 1963). D ’autres ont trouvé la
clé de l ’énigme dans la situation œdipienne inversée (fixation et soumission au Père)
qui est fortement soulignée. Nous verrons que Mme M acalpine, puis J. L acan
et enfin G. D eleuze, se sont employés à enraciner la Psychose de Schreber plus
profondément et bien au-delà de la trinité « œdipienne ».
E y. — Traité des Hallucinations, n. 33
1000 MODÈLE PSYCHODYNAMIQUE

C ’est ainsi que le thème de persécution (et naturellement les perceptions


délirantes ou hallucinatoires qu’il implique)' devient dans la Conscience du
délirant (pour former le Délire lui-même) : « Il me hait » au lieu et place de
« Je l ’aime », formule analogue à celle de l ’érotomanie « Elle m ’aime » au
lieu de « C ’est elle que j ’aime » pour « Ce n ’est pas elle que j ’aime mais lui ».
Formule à peine différente dans son inversion à celle de la jalousie : « Il (le
rival) l ’aime » au lieu de « Je l’aime » (lui le rival). De telle sorte que toutes
ces formulations m ettent en jeu le complexe fondamental d ’homosexualité.
Mais cette découverte — incontestable — n ’a pas tardé cependant dans
l’esprit de Freud d ’abord, puis dans celui de nombreux Psychanalystes qui
se sont occupés du cas Schreber — et de l ’ensemble du problème du Délire
et des Hallucinations — à appeler des réserves et à exiger des hypothèses
auxiliaires qui en ont assez profondément modifié le schématisme. Freud
notam m ent s’est demandé comment le « retour du refoulé » (Wederkehr
des Verdrängten) pouvait s’opérer puisque, à ses yeux, les contenus inconscients
sont constants et indestructibles ? D ans le cas du Président Schreber, il semble
que Freud admet — c ’est notre propre conception et celle de M oreau (de Tours)
— des expériences délirantes considérées comme fait prim ordial du délire, et
il invoque en effet la « catastrophe interne » qui lui m ontre le monde et les autres
hommes comme des ombres bâclées à la « six-quatre-deux ». Pour lui, il s’agit
d ’une catastrophe « économique ». C ’est le désinvestissement libidinal du monde
extérieur qui serait en définitive la condition plus ou moins directe du retour
du refoulé (On saisit ici la parenté de l ’interprétation de Freud et celle de
E. Bleuler sur la schizophrénie). Mais, bien sûr, tout le délire de Schreber
ne peut être réductible à ce que Klaus Conrad a appelé plus récemment l ’apopha-
nie délirante, et c ’est bien ce que nous avons fortement établi plus haut (p. 397-
403). Freud fait alors intervenir cette idée que la construction délirante
quand elle s’élève des décombres de la réalité, non seulement reconstruit
celle-ci mais l ’édifie sur un nouveau plan (Freud dit à propos des constructions
ingénieuses de Schreber q u ’elles m ettent en jeu une extrême richesse de subli­
mation, qui anéanties, se reconstituent par une victoire générale du refoulement
qui assume la dom ination de la toute-puissance du Moi...).
Selon la méthode freudienne historique et même préhistorique, les auteurs
en (c rem ontant » (dans le sens même de la régression psychotique et
prépsychotique dans l ’adolescence et l ’enfance) l ’histoire du développe­
ment libidinal du Président Schreber, ont été tout naturellement conduits
à aller en deçà des positions œdipiennes (castration, homosexualité). Déjà Freud
se référant à ses « Trois essais sur la théorie de la sexualité » avait lui-même
mis à jo u r la racine narcissique du délire, germe de l’homosexualité et de l ’idée
de grandeur (p. 305 des « Cinq Psychanalyses »). Mais ce sont Ida Macalpine
et Hunter qui, en présentant la traduction anglaise du Mémoire de Freud sur
le Président Schreber, ont commencé le travail de « réinterprétation » du
cas Schreber. Pour eux, la Psychose du Président Schreber ne peut se réduire
à un conflit entre l ’homosexualité et le Sur-Moi. Ce qui est en jeu, disent-ils,
dans ce délire, c’est l ’identité même du Sujet. Certes, Schreber a désiré être
LE CAS SCHREBER 1001

une femme, mais son désir féminin de procréation constitue un phantasme


primaire et certainement préœdipien et il fait partie des fantasmes les plus
archaïques de la relation d ’objet primitive, celle qui se joue dans les phases
sado-masochistes anales et orales. C ’est à une interprétation plus kleinienne
(le délire serait alors une défense contre les phantasmes d ’agressivité et de
destruction de l ’objet maternel) aussi q u ’aboutit R. B. White (1961). J. Nyder
propose, quant à lui, une interprétation tirée surtout de l ’Egopsychology de
E. H . Erikson. H. H artm an, E. Kris et R. Loewenstein m ettent l ’accent sur la
position paranoïde-masochiste pour autant que le masochisme apparaît comme
modalité de renoncer à la puissance pour garantir l ’am our, et que le délirant
paranoïde renonce à l ’am our pour garantir sa puissance... (1).
Traversant à son tour, dans le sens d ’Ida Macalpine et de Hunter, la couche
des avatars anecdotiques du jeu à trois coins œdipiens, pour rechercher dans
la constitution même du Signifiant-clé le péché psychotique originel, J. Lacan
a, dans les « Écrits », réinterprété le cas Schreber (2). L a position de l ’auteur y est
une fois de plus affirmée, contre la fonction paternelle attribuée au Sujet
(selon Niederland), contre le naturisme éducatif des anecdotes infantiles,
mais aussi contre la « projection affective » elle-même critiquée p ar Freud
qui ne s’en accommodait guère, et enfin contre la notion de « perte de la réalité »
quand les ellipses, éclipses, syncopes et crépuscules manifestent le manque de
l ’être et perdent aux yeux de l ’auteur lui-même toute réalité pour être abusive­
ment situés, selon une topologie tautologique, dans le Sujet. C ’est, on le sait,
en tenant l ’Inconscient comme le lieu des phantasmes où s’articulent le dis­
cours de l ’autre, dans ce lieu qui a la dimension de Tailleurs, c ’est dans ce
« contexte » savamment élaboré que s’insère le problème général de la Psychose
dont le Délire par excellence du Président Schreber est le prototype. Il ne s’agit
donc pas de faire appel ici à l’Inconscient en quelque sorte végétatif ou protéi­
forme (« protomorphes foisonnements de l ’image en ses intumescences végé­
tatives, ses franges amimiques s’irradiant des palpitations de la vie ») de style
jungien, mais plutôt à une structure combinatoire de signifiants qui sont comme
les nombres imaginaires de cette mathématique où se construit le « graph »
du Délire, la structure même de la signification.
Le fameux schéma R (p. 553) fait apparaître cette géométrie avec ses
symétries, ses homologies et ses réversibilités où les images en m iroir du Père
et du signifiant phallique circonscrivent le champ d ’une réalité, d ’une réalité
qui n ’est ni celle du percipiens, ni celle des objets, mais celle du perception

(1) Et tout cela est vrai, comme est vrai aussi le supplément d’interprétation
par lequel il nous a semblé que R. B. W hite (1963) revient à une théorie de la paranoïa
qui se rapprocherait plutôt de celle de l’école allemande du temps de K ehrer, de
Kretschmer ou de celle de J. L acan de 1932 (rôle des événements dans l’existence
du Président réévalué à la lumière des concepts « psycho-sociaux »).
(2) J. L acan. D ’une question préliminaire à tout traitement possible de la psy­
chose (Séminaire, 1955-1956). Ce texte fondamental a paru dans « La Psychanalyse»,
vol. 4, et est reproduit dans les « Écrits » (1966), p. 531-583.
1002 MODÈLE PSYCHO DYNAMIQUE

circonscrite par les rapports du Désir à ses Signifiants. Car — et pour la théorie
générale de l ’Hallucination que nous soumettons ici à notre incessante question,
cela est capital — c ’est en effet parce que l’Inconscient de l ’homme est situé
au cœur de son existence et non pas seulement au fond du Sujet, que le rêve,
l ’Hallucination et le délire sont possibles (1). Et c ’est dans cet espace et dans
ce langage qui en composent les parties que doit être articulée la relation
du délirant (singulièrement du Président Schreber) avec le trou, la forclusion
(et non p ar la frustration réelle ou l ’image du père réel) du nom du Père pour
autant q u ’il porte dans sa fonction signifiante le phallus, non pas seulement
comme instrum ent de production et de reproduction mais comme la Loi
même du phallocentrisme, de cette fonction imaginaire, pivot du procès
symbolique qui parachève dans les deux sexes la mise en question du sexe.
Il n ’est peut-être pas inutile m aintenant et ici de donner quelques extraits
de la « m antique » lacanienne, non point certes comme pour, en les détachant
de leur contexte, les obscurcir encore plus que de raison, mais pour saisir
le mouvement entraînant de la pensée entraînée elle-même p ar le délire q u ’elle
essaie d ’atteindre (p. 235).

Nous pouvons maintenant entrer dans la subjectivité du délire de Schreber.


La signification du phallus, avons-nous dit, doit être évoquée dans l’imaginaire
du Sujet par la métaphore paternelle.
Ceci a un sens précis dans l’économie du signifiant dont nous ne pouvons ici
que rappeler la formalisation, familière à ceux qui suivent notre séminaire de cette
année sur les formations de l ’Inconscient. A savoir : formule de la métaphore, ou
de la substitution signifiante :
s r ^ s(i)
$' X s

où les grands S sont des signifiants, x la signification inconnue et s le signifié induit


par la métaphore, laquelle consiste dans la substitution dans la chaîne signifiante
de S à S'. L’élision de S', ici représentée par sa rature, est la condition de la réussite
de la métaphore.
Ceci s’applique ainsi à la métaphore du Nom-du-Père, soit la métaphore qui
substitue ce Nom à la place premièrement symbolisée par l’opération de l’absence
de la mère.

Nom-du-Père Désir de la Mère , (A)


--------------------• ---------------------Nom-du-Pere--------------
Désir de la Mère Signifié au Sujet Phallus

La Verwerfung sera donc tenue par nous pour forclusion du signifiant. Au point
où, nous verrons comment, est appelé le Nom-du-Père, peut donc répondre dans

(1) Rappelant (p. 574) ce qui fut un instant de notre dialogue de 1946, J. L acan
à ce sujet répète ce qui entre nous peut passer pour un accord : « L’être de l’homme
non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait pas l’être de l’homme
s’il ne portait en lui la folie comme la limite de sa liberté ».
LE CAS SCHREBER 1003

l ’Autre un pur et simple trou, lequel par la carence de l’effet métaphorique provoquera
un trou correspondant à la place de la signification phallique ( 1 ).
Le travail d ’interprétation du Psychanalyste n ’est évidemment pas sans
rapport avec le travail d ’interprétation du délirant puisque l ’un et l ’autre
ont dans cette perspective le même objet : la découverte d ’une vérité qui
se cache. M ais on peut dire aussi que leur travail est diamétralement opposé,
car pour le psychotique halluciné cette vérité c ’est l’objectivité, la réalité de
ce qui lui apparaît être perçu comme « Wirklichkeit ». Pour Je psychana­
lyste, c ’est cette « réalité » ( Realität) qui contient le symbole, la réalité du
contenu latent. Dès lors, nous pouvons mieux comprendre la perplexité
de Freud lorsqu’il a écrit à propos justem ent de son analyse du Président
Schreber. « L ’avenir dira si la théorie contient plus de folie que je ne vou­
drais, ou la folie plus de vérité que d ’autres ne sont aujourd’hui disposés à le
croire » (2). C ’est que la vérité du délire ne peut être que le ressort de son
illusion et non point, bien sûr, cette illusion elle-même. C ar lorsque Freud,
Macalpine, White ou Lacan analysent le symbolisme du Délire, c ’est-à-dire
creusent dans l ’épaisseur des images, ou découvrent les plans superposés de
leur archéologie, ou poursuivent dans leur jeu de miroir leurs doublets
phantasmiques, ils ajoutent le Délire au Délire, ils le prolongent et, en quel­
que sorte, le .multiplient dans la mesure même où ils se situent sur un plan
d ’imaginaire soustrait (soustrait chez tous plus ou moins, mais chez Lacan d ’une
façon absolue) à la référence à la réalité, c ’est-à-dire, en dernière analyse,
privé pour se définir dans la seule dimension de l ’Inconscient, de l’ordre de la
conscience et du système de réalité, ordre hors duquel il n ’a alors aucun sens.
Car pour si ingénieuses, lyriques et poétiques que soient les explications par
les seules instances de l ’Inconscient, elles restent comme cet Inconscient
lui-même, mythiques. Les Psychanalystes pensent en « Primaires » quand ils

(1) G. D eleuze et F. G uattari (Anti-Œdipe, Paris, Ed. de Minuit, 1972, p. 17-26),


s'appliquant à découper, comme au chalumeau, la pièce maîtresse de la triangulation
oedipienne dans toute théorie psychanalytique, ont été plus loin encore. Car si chez
J. L acan la forclusion du Nom du Père et l’identification au phallus désiré par la
mère nous renvoient nécessairement — fût-ce dans les figures géométrico-algébriques
qui ne circonscrivent que leurs abstractions à la configuration ternaire P apa-M aman
et Moi; pour G. D eleuze il s’agit de considérer le Délire de Schreber — comme tous
les autres —- comme une production de la machine désirante, une consommation
d'intensités pures. Une telle conception « matérialiste » de la production délirante
branchée sur un mouvement vital analogue à celui d ’une machine ou d ’une usine
(p. 26-27) reprend intrépidement le Délire à son compte. Car, en fin de compte,
l'interprétation du cas Schreber c’est le Délire qui la produit en se produisant et se
reproduisant; son délire c’est la doctrine de son délire. On ne peut aller plus loin...
(2) J ’ai dans mes commentaires aux exposés de R. Z agdoun sur la Paranoïa (Entre­
tiens Psychiatriques, n° 14 et n° 15) repris cette analyse de l ’interprétation elle-même
délirante du Délire. Quant à J. Lacan, il tient fièrement cette gageure, consciente
et même proclamée chez G. D eleuze, mais seulement inconsciente chez de Cléram-
bault qui croyait expliquer le Délire sans délirer.
1004 MODÈLE PSYCHO DYNAMIQUE

épousent tout simplement la pensée magique du processus prim aire de l ’In ­


conscient.
Les interprétations psychanalytiques explicitent plus qu'elles n'expliquent le
délire qui, s’il est bien vrai qu’il a un sens, apparaît aussi comme une forme
d ’altération de la réalité qui constitue la réalité du Délire; car si le Délirant
ne cesse p ar ses Hallucinations même de tenir son Délire pour une réalité,
le psychiatre ne peut cesser de le tenir pour une irréalité sans délirer à son tour.
Le problème du Délire et des Hallucinations du Président Schreber comme
de to u t autre « D élirant » ne vise pas seulement l ’intentionnalité inconsciente
ou imaginaire de son discours toujours problématique, mais au contraire le
dogmatisme de sa réalité. Nous verrons plus loin que la « projection » en tan t
qu’affirmation ou dénégation est une condition nécessaire mais non suffisante
du délire hallucinatoire.

I n te r p r é ta tio n s y m b o liq u e d e la « m a c h in e à in flu e n c e r »


p a r V. T a u sk . — Dans son célèbre mémoire (1911) (1), la « mécanique »
de cette machine dont la représentation symbolique fait l ’objet de ce travail
est pour ainsi dire reproduite à l ’infini dans la clinique. V. Tausk insiste sur
les caractéristiques générales de cette « invention ». C ’est une machine qui
présente des images comme une lanterne magique ou un appareil de projections
cinématographiques. Elle est encore capable de capter les pensées, de les enre­
gistrer et d ’émettre des rayons qui influencent ou suggestionnent. Elle agit sur
le corps, sur la motricité, les organes et spécialement les organes sexuels. Elle
produit des sensations électriques magnétiques souvent ineffables. Elle est
capable d ’engendrer des maladies. Cet appareil fonctionne donc comme u n e
sorte d ’instrument magique, manipulé par les ennemis, et cette manipulation
comme le fonctionnement même de l ’appareil est plus ou moins représenté et
formulé dans la pensée ou le délire des patients. Le « sens général » de cet appa­
reillage physique est celui d ’une action nocive qui s ’exerce sur le corps et l ’esprit
du Sujet. Tout cela est d ’une extrême banalité dans la clinique psychiatrique
quotidienne. V. Tausk fait rem arquer cependant q u ’il y a une sorte d ’invention
typique dans la construction et le fonctionnement de la machine. D ’abord
« perçue » hallucinatoirement dans ses effets, elle devient ensuite un objet
plus ou moins compliqué. Cette remarque ne saurait non plus paraître bien
originale aux cliniciens qui savent bien (cf. chapitre sur les Hallucinations
dans les Psychoses délirantes chroniques) que l ’expérience délirante précède
le travail de construction du délire dont la construction de la machine consti­
tue la « réalisation » ou la « réification » (2). Plus intéressant est ce que nous

(1) Ueber die Entstehung des Beeinflüssungsapparat in der Schizophrenie.


Zeitschr. f ärztliche Psychoanalyse, 1919, 5, p. 1-32. Cf. traduction française par
J. L aplanche, A. L ehmann et V. N. S mirnoff «LaPsychanalyse », 1958, n° 4, p. 227-
265.
(2) Cette construction délirante de la machine renvoie, bien sûr, évidemment
à la construction surréaliste de Marcel D uchamp « La mariée mise à nu par ses céli-
LA MACHINE DE V. TAUSK 1005

dit encore Tausk sur le rêve des machines de ces délirants influencés, qu’ils
appartiennent au cadre de la paranoïa ou à celui de la schizophrénie. Or,
comme Freud l ’avait déjà noté pour les rêves, les machines représentent tou­
jours les organes génitaux. Tausk ajoute alors ceci — peut-être d ’ailleurs
discutable — que « la machine » représente toujours l’appareil génital du Sujet
lui-même, de telle sorte que son fonctionnement est toujours le symbole d ’une
manipulation masturbatoire.
Et nous passons ensuite à l ’exposé du fameux cas de Nathalie A. Il s’agissait
d ’une jeune fille de 31 ans, ancienne étudiante en philosophie, qui depuis six ans
se trouvait disait-elle sous l ’influence d ’un appareil électrique « fabriqué à Berlin
malgré l ’interdiction de la police ». Cet appareil, de la forme d ’un corps humain,
exerce son influence sur la malade elle-même, sa mère et ses amis, hommes
ou femmes. Il lui semble que l’appareil employé pour les hommes serait un
appareil mâle, tandis que celui qui fonctionne pour influencer les femmes
serait un appareil féminin. Le tronc, d ’après le dessin q u ’elle en fait, a la forme
d ’un couvercle de cercueil ordinaire tendu de velours; les membres et la tête
sont difficiles à préciser dans leur position et leur forme. L ’intérieur est consti­
tué par des batteries électriques dont le dispositif reproduit probablement
celui des organes internes de l ’homme. Quant aux persécuteurs qui manipulent
l’appareil, ils provoquent des odeurs répugnantes, des rêves, des pensées, des
sentiments et parfois même des sensations génitales. Mais il semble que depuis
quelque temps l’appareil ait perdu ses organes et fonctions sexuels.
L ’interprétation que Tausk donne de cette figuration de l’appareil à influen­
cer est que cetappareil représente symboliquement le corps même delà patiente,
le corps entier en tan t q u ’objet narcissique de sa libido et en tant q u ’objetpar
conséquent d ’une fixation homosexuelle à son propre objet ainsi « objectivé ».
Le corps to u t entier est ici symboliquement assimilé à l ’organe génital (l’homme
tout entier est pénis dans les représentations infantiles). Le corps que se repré­
sente N athalie n ’a pas d ’organes sexuels, c ’est-à-dire est privé de l ’organe sexuel
phallique ; p ar ses courbes, son contenu de batteries figurant des enfants,
il est bien ce corps féminin ou maternel par excellence que le malade projette
pour se défendre, pour rejeter la conscience même de son homosex ualilé refoulée.
Si nous avons dit ici quelques mots de cette observation célèbre, c ’est
parce q u ’elle nous permet, comme le cas Schreber, de poser à partir de ce
symbolisme enfin rendu évident grâce à la perspicacité de Freud, que la pro­
jection de l ’homosexualité répond tout à la fois à une satisfaction d'un plaisir
inconscient recherchée dans et p ar l ’objet imaginaire (ici le propre corps
manipulé par la patiente elle-même) et de la nécessité de le projeter hors de
soi, de le nier comme sien en l ’attribuant aux autres, et ici à cet autre qui
n ’est même personne mais une sorte d ’objet absolu, celui du désir et de sa
résistance également inconsciente.

bataires mêmes... » et plus généralement aux « Machines célibataires » (M. Car-


rouges) ou aux constructions dessinées par A. Wölfli (Art. Brut, 1964, n° 2) ou
R. G ie (Art. Brut, 1965, 3, p. 61-65).
1006 MODÈLE PSYCHO DYNAMIQUE

L a « r é a lité p s y c h iq u e » o u « s y m b o liq u e » d e l ’H a llu c in a tio n . —


La projection évidente de l ’Inconscient dans le Délire (Délire chronique ou
Wahn) fonde, en tant que fait irrécusable, le symbolisme de la réalité délirante
hallucinatoire. La « réalité » que manifestent et l ’Hallucination et le Délire
est incontestablement celle de ces « objets » intérieurs que sont les images,
mais des images qui ne sont certes pas rien puisqu’elles sont produites par
les forces intriquées des pulsions dans leurs « complexes » constellations.
Mais cette « réalité » qui entre en concurrence avec la réalité du monde exté­
rieur naturel et culturel se glisse dans les interstices de cette dure réalité objective
comme un coin, ou s’y superpose comme une vapeur d ’imaginaire sans jamais
ni l ’entam er ni l ’absorber. Tel est le cas des fameux Délires systématisés ou
des Délires fantastiques dont nous avons exposé plus haut la structure hallu­
cinatoire (p. 801-844), c’est-à-dire des Délires qui posent les problèmes
les plus ardus pour paraître respecter la réalité extérieure alors q u ’ils y intro­
duisent la charge hallucinatoire d ’une « réalité » phantasmique (1). A utant
dire que c’est au vieux problème des « monomanies » que nous renvoie le fond
du problème. Et nous rapportant à ce classique débat, c ’est plus près de Falret
que d ’Esquirol que nous nous sentirions, étant plus forts, de nos jours, de
l’expérience clinique fécondée p ar le regard de Freud. Car il est bien évident
que lorsque dans ces Délires l’Hallucination paraît (comme l ’idée délirante
elle-même) sous sa forme la plus simple, elle fait entendre la « voix » de l ’In­
conscient, ou encore, fenêtre ouverte sur le monde imaginaire elle déroule
aux yeux de l ’halluciné le spectacle d ’un au-delà qui est en deçà de lui-même.
Dans ces formes de délires, même quand ils ne s’offrent à l’observateur que
p ar fragments, ellipses ou profils, et spécifiquement sous la forme (fût-elle
furtive ou subreptice) d ’Hallucinations apparemment « partielles », le Délire
dans ses points d ’im pact ou d ’émergence hallucinatoire avec la réalité projette
la totalité du monde inconscient.
C ’est en effet la totalité de l ’Inconscient, de la sphère positive du Ça ou, si
l ’on veut, de la cosmologie symbolique fondée exclusivement sur le Désir qui,
pour être infini, est tout aussi global q u ’insatiable (tandis que le système de
la réalité est fondé, lui, sur « des objets » qui ne peuvent répondre à l ’univo­
que appel du désir), c ’est ce monde des « intumescences végétatives » des
« protomorphes foisonnements » de l ’image (pour reprendre les expressions
de Lacan par lesquelles il entend, au contraire, définir ce que n ’est pas
l ’Inconscient), c’est ce monde latent qui fait irruption dans la Psychose
délirante et particulièrement dans ses formes hallucinatoires.
Il suffit, en effet, de se rapporter à tout ce que nous avons établi en décrivant
les structures des « systèmes » et des « chaos » délirants des Psychoses déli­
rantes chroniques et d ’y ajouter ce que toute l ’école psychanalytique a elle-

(1) Les Psychoses de type schizophréniques posent au fond moins de difficultés


dans la mesure où le Délire chronique se rapproche ou émerge davantage des expé­
riences délirantes plus globales.
INCONSCIENT ET PSYCHOSES HALLUCINATOIRES 1007

même ajouté aux premières interprétations de la Paranoïa (notamment au


cas du Président Schreber), pour être convaincus q u ’une psychose délirante
dans son ensemble, u n Délire ou même un fragment de Délire, et ce « phé­
nomène essentiel » du Délire q u ’est l’Hallucination, ne peuvent jamais
être considérés comme la simple projection d ’un désir pour si « complexe »
q u ’il soit. C ’est que l’analyse de ces cas m ontre, en effet, que ces fameux
« complexes » (paradoxalement réduits à la simplicité d ’un appareil pulsionnel
bien défini et indéfiniment distribué chez tous et chacun sont beaucoup plus
« complexes » et nous renvoient toujours aux intrications des pulsions, aux
« Niederschriften » (superpositions d ’inscriptions) qui constituent ce travail de
« représentation symbolique » qui, de fil en aiguille, gagne toute la sphère
des images entre elles entrelacées (masochisme-sadisme, situation œdipienne-
fixations narcissiques ou objectâtes, libido-destrudo, homosexualité-agres­
sivité, identification paternelle phallique ou immersion dans l ’image m ater­
nelle, etc.). De telle sorte que la projection de l ’Inconscient dans 1e Délire et
dans l ’Hallucination qui constitue son image apparente dans la réalité (où 1e
fantasme inconscient prend rang d ’objet), que cette projection n ’est pas celte
d ’une sorte de lanterne magique qui projetterait sur l ’écran de la réalité
l ’imago inconsciente réduite au sommet d ’un cône de projection (1). C ar ce
qui se projette ainsi dans 1e Délire en général et l ’Hallucination en particulier,
c’est non point 1e sommet de ce cône de révolution q u ’engendre le mouve­
ment de la projection, mais tout au contraire sa base (ce « mycélium », dit
Freud) implantée dans 1e « processus primaire » de l’Inconscient (2).
Bien sûr, la projection de l ’Inconscient constitue la force vive de toute
psychose hallucinatoire — quel q u ’en soit 1e type — cela va pour ainsi dire
de soi, car sans Inconscient il n ’y aurait pas de possibilité pour l’homme
de rêver, et par conséquent de délirer ou d ’halluciner. Il n ’en reste pas moins
que cette projection, non seulement n ’est pas celle d ’une « image » complexuelle
aussi simple que la théorie psychogénique linéaire et la théorie psychanalytique
« moyenne » se la représentent, mais elle est insuffisante pour nous rendre
compte que « quelque chose » apparaît au niveau du système de la réalité
par l ’effet des seuls mouvements inconscients que ce système a précisément
pour fonction de refouler... Le seul fait d ’ailleurs que l ’apparition des figures
du Délire ou de l ’Hallucination soit toujours symbolique suffit à rendre vaine
toute entreprise de leur réduction au simple retour du refoulé (3). Car si tes

(1) Nous verrons plus loin que malgré son ingéniosité à se tenir sur le registre
de l’imaginaire, la construction « optique » de la projection dans le système de J. L acan
a beaucoup de mal à se dégager de cette physique amusante... » (Écrits, p. 671-683).
(2) Il faut bien, en effet, que cesse un jour cette course au trésor caché, au
« complexe » générateur de la psychose, cette extraction d ’une dent, fût-elle trouée,
qu’est aux yeux des naïfs — fussent-ils dûment analysés — l’extraction du complexe
inconscient responsable de la psychose, du Délire ou de l ’Hallucination.
(3) G. C. Z apparoli (1967), dans son livre consacré à la psychanalyse du Délire,
souligne l ’insuffisance de l’explication analytique appliquée au délire et aux halluci­
nations. Nous verrons plus loin*que c’était l’opinion de F reud...
1008 MODÈLE PSYCHO DYNAMIQUE

formes de l ’Inconscient ne peuvent être affeçtées d ’un signe de présence, de


réalité et de vérité, c ’est-à-dire être vraiment délirantes que dans leur transpo­
sition symbolique, c ’est précisément parce que pour devenir ce « quelque chose »
q u ’elles n ’ont pas à être, il faut que le statut de leur objectivité, fût-il seulement
« symbolique », soit requis ou leur soit concédé p ar une m étamorphose de l ’être
conscient. Qui pourrait contester que la transform ation du Président Schreber
en femme exige non seulement le désir féminin sui generis inconscient mais une
m utation de toutes les structures et de la fin de son existence ? Autrement dit,
ce q u ’il y a à la base de la projection, c ’est sa « polysémie », l ’interférence
des couples opposés (Gegensetzpaaren) qui sans cesse intriquent les pulsions
et leur représentation (Triebmischungen), les fusionnent ( Verschmelzung),
comme au fond du Délire et de l ’Hallucination gît cette profonde indifférence
à toute contradiction, cette ambivalence ou polyvalence caractéristiques des
phénomènes inconscients, du syncrétisme institutionnel des Imagos. Mais
n ’anticipons pas trop; nous retrouverons tous ces problèmes plus loin. Pour
le moment, disons simplement que, tout de même que les expériences délirantes
et hallucinatoires (analogues au rêve) manifestent la dialectique du désir
inconscient, ces grands systèmes ou ces grands chaos délirants qui constituent
la masse des Psychoses chroniques nous m ontrent avec une particulière cons­
tance que le Délire (et notam m ent l ’Hallucination qui en est le « porte-voix »)
a un sens ou, si l ’on veut, fabrique dans et p ar le symbolique une réalité psy­
chique. Cette réalité psychique c ’est celle des couches inconscientes de la vie
psychique q u ’elle implique par sa constitution même, et notam m ent pour
l ’apparition même de l ’Hallucination qui est bien son propre langage pour
être ce langage de l ’autre que le Sujet perçoit comme tel pour en avoir lui-
même aliéné la propriété. Mais comme l ’expérience délirante et hallucinatoire
suppose la condition négative plus ou moins analogue à celle que constitue le
sommeil pour le rêve, de même le délire des Psychoses chroniques, s’il mani­
feste le sens des contenus inconscients, n ’est pas le seul effet de ce sens.
C ’est q u ’il en est — mais à un autre niveau — de l ’Hallucination délirante
comme des Éidolies hallucinosiques dont nous allons m aintenant examiner
la fonction de « projection inconsciente ». Celle-ci y dépend, avec plus d ’évi­
dence, d ’une autre condition que celle des forces « positives » de l ’Inconscient,
même si elle les manifeste dans et p ar ses apparitions symboliques.

3° L a p r o je c tio n d e s a ffects in c o n sc ien ts


d a n s le s É id o lie s h a llu cin o siq u es.

Les « Hallucinations compatibles avec la raison », comme disaient les anciens


auteurs, en se présentant comme des « figures » détachées de leur contexte
psychique, p ar leur forme en quelque sorte elliptique, p ar leur surgissement
fulgurant ou en tout cas insolite, paraissent à première vue au Psychiatre comme
au Sujet lui-même rebelles à toute entreprise herméneutique. Les images vues,
entendues, senties s ’offrent aux divers sens (soit isolément le plus souvent,
INCONSCIENT ET ÉIDOLIES HALLUCINOSIQUES 1009

soit conjointement) comme des irruptions de phénomènes étrangers, car même


lorsqu’elles sont perçues comme des éclosions internes, leur spontanéité invo­
lontaire, leur automatisme incoercible les détachent de l ’activité intentionnelle
assumée p ar le Sujet. Elles éclatent, se succèdent, se métamorphosent comme
nous l’avons vu (p. 338) quand nous les avons étudiées, comme des configu­
rations sensibles qui même quand elles sont prodigieusement nettes, vives,
« esthésiques » sont vécues à la périphérie du monde et comme en marge
des objets. Ce sont des « objets » pour ainsi dire sans objectivité, des objets
flottant dans une sorte de milieu proprem ent imaginaire qui ne serait, ni celui
de l ’imagination du Sujet, ni celui du monde des objets. E t nous pouvons dire
à cet égard que ces images hallucinosiques se présentent en effet comme des
phantasmes to u t à la fois les plus étranges, les plus irréels, les plus déconcer­
tants, sinon les plus mystérieux, comme des signifiants particulièrement obli­
térés d ’opacité sémantique malgré la netteté de leurs formes sensibles pourtant
parfois exceptionnellement éclatantes.

C ’est évidemment aux Hallucinations hypnagogiques ou à celles des auras


épileptiques, aux Eidolies mescaliniques ou lysergiques que les phantéidolies
doivent être, comme nous l’avons vu, le plus naturellement rattachées.
C ’est, en effet, en les rapprochant des « images hypnagogiques » que la plupart
des auteurs qui s’en sont occupés ont mis en évidence la projection affective
dans la form ation des phantéidolies. Les Hallucinations hypnagogiques ont
été, en effet, étudiées du point de vue de l ’intentionnalité et de la signification
inconsciente p ar I. Caruso (1948) (1), et plus récemment p ar D. E. Sperling
(1961) (2) et G. Lo Cascio (1967). N ous devons rappeler à ce sujet les « Blauk
Hallucinations » des auteurs américains (cf. notam m ent Max M. Stern, H. Blauk,
1961) (3). Sous ce nom, en effet, certains auteurs ont rassemblé avec le phéno­
mène de Isakower, le « dream screen » de B. D. Levin, les « abstracts percep­
tions » de Deutsch et M urphy, des phénomènes qui entrent naturellement
dans le groupe des phantéidolies, et dont M. M. Stern a montré la structure
dynamique inconsciente, car elles figurent la projection d ’une régression au
stade oral, à celui où la satisfaction hallucinatoire du désir est la plus directe.
D ne fait pas de doute, en effet, que si les résidus diurnes entrent dans ses
images, la projection de l ’fnconscient s’ajoute à celle de ce Pré-conscient.
Si le travail symbolique du rêve est resté si longtemps inaperçu, rien d ’éton-
nant à ce que le sens de ces « formes » élémentaires (ou même complexes)
perçues dans une sorte d ’instantanéité fugace ou d ’ « anacoluthique » kaléido-
scopie ait échappé plus sûrement encore au Sujet qui s’en étonne, comme au
psychiatre qui — comme nous l ’avons vu dans le chapitre précédent — n ’a

(1) Ueber der Symbolismus der hypnagogischen Vorstellungen. Revue suisse de


Psychologie, 1948, 87-100.
(2) Hypnagogical Hall, and dreams. Intern. J. Psycho-analysis,, 1961, 42, 216-223.
(3) Remarks about perceptual disturbances. Int. J. Psychoanalysis, 1961, 42,
205-215.
1010 MODÈLE PSYCHO DYNAMIQUE

généralement d ’autre ressource que de les prendre pour ce q u ’elles paraissent


être, des images insignifiantes, c ’est-à-dire fortuites, mécaniquement produites
par la physique des organes des sens ou des centres sensoriels. E t c ’est bien à
une sorte de création « ex nihilo » de la matière sensible, c ’est-à-dire de l ’énergie
spécifique des nerfs que le plus généralement sont rapportées la genèse et la
nature de ces images hallucinosiques, comme nous l ’avons vu dans le chapitre
précédent. E t pourtant, ces images fantastiques, soit dans les auto-observations
célèbres de savants, soit au travers de la curiosité des grands observateurs
(J. Müller, A. Maury, B. Leroy, P. Schilder, Y. Delage), malgré le caractère en
quelque sorte purement « sensoriel » de leur configuration, n ’ont pas cessé
d ’apparaître comme l ’apparition même de ce qui dans la voie psychique est
le plus profond, le plus archaïque, le plus vital. C ’est ce que nous devons
précisément rappeler en indiquant ici alors que nous dressons l’inventaire de
toutes les modalités de projection des affects inconscients dans l ’Hallucination.
Car, en effet, même là, à ce niveau, dans cette couche en quelque sorte neuro­
biologique de la production des Éidolies hallucinosiques, nous saisissons
q u ’elles jaillissent de sources vives, d ’un Inconscient dont elles sont, fut-ce au
deuxième degré, les « représentants des pulsions ».
C ’est que la structure dynamique de ces Éidolies s’impose, comme nous
l ’avons vu à plusieurs reprises à propos des travaux de Zador sur la mescaline
(cf. supra, p. 649). Loin en effet de paraître des phénomènes simples, élémentai­
res, comme des effets sommaires ou seulement compliqués des excitations ou des
décharges neuronales, l ’éclosion de ces images n ’est rendue possible que p ar
le courant profond de la vie psychique qui, dans les infrastructures de l ’être
conscient, ne cesse de poursuivre son travail de germination. C ’est ce travail
que la plupart des psychologues et psychopathologues contemporains ont
reconnu, et spécialement dans deux directions de recherches et d ’analyse struc­
turale.
La liaison de l’acte perceptif, des images et de la pensée à leur compo­
sante motrice, constitue un de ces axes de référence de la psychologie contem­
poraine. Bien sûr, en France, c’est aux travaux de Maine de Biran, de Binet,
de Bergson, de Janet et de Piaget que l ’on se rapporte le plus souvent, tandis
q u ’en Allemagne, c’est à Krüger, Dilthey, Klages, Palagyi, V. von Weiszâcker,
que l ’on emprunte l ’idée fondamentale d ’un « auto-mouvement intentionnel »
qui constitue le ressort dynamique de toute représentation (1). C ’est en se
référant très explicitement à ce « mouvement » que R. Mourgue avait décrit
comme « Hallucinations vraies », celles qui étaient projetées par lui dans
l ’espace. Depuis lors, nous l ’avons souligné et nous y reviendrons encore dans
la 7e Partie (chap. I), tous les psychologues et psychophysiologistes n ’ont cessé
d ’introduire dans la « subception », dans l ’infrastructure dynamique de la

(1) Cf. plus haut (p. 61-63) ce que nous avons déjà dit sur la théorie des fan­
tasmes et mouvements virtuels dans la perception et les phénomènes hallucina­
toires.
INCONSCIENT ET ÉIDOLIES HALLUC1N0S1QUES 1011

perception, le sens même de cette « kinésie » animée par les forces de l ’instinct
et les pulsions libidinales.
U n autre aspect du dynamisme biopsychique qui sous-tend la projection
de ces Éidolies hallucinosiques a été spécialement étudié par l ’école de Vienne.
C ’est en effet à Pötzl et Hoff que nous devons de très intéressants travaux sur
l ’incorporation au travail du rêve et aux images hallucinatoires des souvenirs
ou perceptions inconscientes. Le « phénomène de Pötzl » (1) consiste préci­
sément dans le fait que les parties de figures exposées au tachistoscope qui ne sont
pas remarquées par le Sujet, passent en tout ou partie dans le contenu manifeste
du rêve et des Hallucinations. Marcel Foucault (1906), puis Urbantschitsch
(1908) avaient déjà observé (2) le même fait qui a été depuis soumis à de nou­
velles expérimentations par Ch. Fisher (1959) au Mount-Sinai Hospital à New
York. L ’observation clinique permet parfois de constater le même fait.
P ar exemple, dans deux observations publiées p ar Engerth, Hoff et Pötzl,
il s’agissait d ’Hallucinations hémianopsiques dont les images se constituaient
de fragments non perçus dans le champ aveugle. Tout se passe donc comme si
un même travail inconscient présidait à l ’élaboration de l ’image hypnagogique des
Phantéidolies hallucinosiques et du rêve. Aussi peut-on dire q u ’il s’agit là d ’un
travail qui n ’intéresse que le Pré-conscient au sens freudien du terme. De telle
sorte q u ’ici, les Éidolies hallucinosiques comme les images hypnagogiques
ne représenteraient que le travail de dramatisation concrète de la conscience
imageante. Et c ’est en effet dans ce sens en quelque sorte « cassirerien » que
Herbert Silberer (3) avait interprété la floculation sensorielle de l’imagination
et des idées pendant l ’assoupissement, puis dans le sommeil. C ’est bien, en
effet, ce degré d ’inconscience qui — comme nous le faisions remarquer plus
haut — ajoute à la dynamique des pulsions ce qui constitue négativement
leur actualisation hallucinatoire, leur « figuration ». Mais c ’est selon une
autre dimension encore, celle-là positive, que s’élabore ce travail de l ’im a­
ginaire pour autant q u ’il projette dans les images les charges affectives de
l’Inconscient. Cet aspect significatif de la projection intentionnelle et profon­
dément affective de telles imageries saute pour ainsi dire aux yeux de l ’obser­
vateur. Ce monde des images (comme dans les observations de Flournoy ou
de Ahlenstiel rapportées plus haut, p. 125) ou ces apparitions de formes optiques,
acoustiques, etc., dans u n espace intermédiaire à l ’imaginaire et au réel sont
en effet dotés d ’une sorte de coellïcient affectif fondamental qui varie depuis le
jeu, l ’érotisme et le plaisir esthétique jusqu’au comique ou au tragique de
figurations abracadabrantes ou de scénarios de cauchemars. De telle sorte
que même lorsque la représentation est perçue par le Sujet comme « dépourvue
de sens », l ’engagement inconscient du Sujet qui s’y complaît ou s’en tourm ente

(1) Otto P ötzl, Exp. erregte Traumbilder in ihrer Beziehungen zum induekts
Sehen. Zisch, f d. g. N. P„ 1917, 37, p. 278-349.
(2) Marcel F oucault, L ’évolution du rêve pendant le sommeil. Revue Philo.,
1904 et Le Rêve, Alcan, Paris, 1906.
(3) Herbert Silberer, Jahrb. f. Psych., 1909.
1012 MODÈLE PSYCHO DYNAMIQUE

est plus évident que l ’insignifiance par lui attribuée à ces signifiants. Ceux-ci
d ’ailleurs dans les zoopsies, l’héautoscopie, les mouvements rythmiques, les
enchevêtrements de formes et les constructions et les superpositions d ’objets
baroques, reprennent facilement leur droit à dire quelque chose en laissant
découvrir dans l ’imbroglio du rébus et des formes brouillées le symbolisme
des objets et des situations. C ’est que, au cours même de l ’évolution des idées
et des philosophies que nous retracions plus haut au début de ce chapitre, il y a
longtemps que les hommes ont pressenti ce que Freud a découvert, savoir que
le rêve (et avec lui les Hallucinations et ces fragments hallucinatoires que sont
les éidolies hallucinosiques) reflète, non pas le monde ou l ’histoire, mais la
profondeur de l’individu, intuition que l ’on trouve chez Luis Vives au xvie siècle,
comme chez Sir Thomas Browne au xvne siècle.
— Mais ceci est encore vrai pour ces fragments encore plus élémentaires
(les phénomènes primitifs, les protéidolies) que sont les « phosphènes »
ou les « acouphènes ». Car, même à ce niveau d ’imagerie dont on souligne
généralement le caractère « parasite », « incohérent », « élémentaire », les figu­
rations acoustiques (parfois cependant acoustico-verbales), visuelles (parfois
cependant scéniques ou cinématographiques) jaillissent de la profondeur de
la vie inconsciente. Elles sont vécues comme telles p ar le Sujet qui en est
« conscient », c’est-à-dire qui garde à leur égard une certaine distance ou les
m et entre parenthèses ; elles peuvent ainsi être soumises à l ’interprétation
symbolique des observateurs. Tous les auteurs qui s’en sont occupés depuis
Johan Müller ont noté que leur caractère « fantastique » et souvent esthétique
manifestait leur symbolisme, c ’est-à-dire une certaine manière d ’exprimer
dans le langage des images des tendances instinctivo-affectives profondes (esthé­
tiques, mystiques notamment). C ’est dans ce sens que Herbert Silberer (1)
pensait que cette modalité d ’apparition hallucinatoire devait faire l’objet
d ’une herméneutique plus profonde q u ’il opposait à l’interprétation « psych­
analytique » en l ’appelant « anagogique ». Ce courant de signification en
quelque sorte plus profond, plus archaïque et plus spécifique q u ’individuel,
c ’est précisément cette modalité d ’inconscient « jungien » qui trouve en effet
sa justification dans ce symbolisme des formes inscrit dans les profondeurs
de l ’âme humaine. Le travail de M. von Knoll (1958) dont nous avons déjà signalé
l ’intérêt (p. 379) doit être particulièrement rappelé ici. Il s ’est attaqué au sym­
bolisme des phosphènes (lueurs entoptiques, formes lumineuses et géométriques,
éclairs, scintillements, disques, étoiles). Ceux-ci peuvent être reproduits, comme
on le sait depuis Volta, par l’excitation électrique du nerf optique et de la rétine
(cf. supra, p. 937-948 et plus loin, p. 1285-1288), mais aussi p ar des sub­
stances chimiques (L. S. D. mescaline) et p ar des conditions psychologiques
(privation sensorielle, méditation, émotion, etc.). Cependant, l ’auteur se
réfère spécialement à l ’interprétation q u ’en donne U. Ebbecke (1945)
qui fait intervenir dans l ’éclosion de ces images spontanées leur signification

(1) C ’est F reud qui rappelle pour le réfuter ce point de vue, in « Traumdeutung »
(trad. fr., p. 432).
LES MÉCANISMES DE PROJECTION 1013

« archétypique » au sens de C. G. Jung. De telle sorte que même dans un


phénomène de désintégration des fonctions perceptives à ce niveau « élémen­
taire », ce sont encore l ’intentionnalité et la signification qui prévaudraient
sur leur genèse purement mécanique.
— Ainsi, à tous les niveaux de l ’activité hallucinatoire nous rencontrons
cette « projection » de l’Inconscient comme mouvement constitutif indispen­
sable — condition nécessaire — de toute expérience hallucinatoire, de toute
imagerie hallucinatoire. Il n ’y a d'H allucination en effet que dans cette « objec­
tivation de tout ou partie du Sujet » avons-nous dit, qui fait de sa « réalité
psychique » ( Realität) une « réalité physique » (W irklichkeit), celle qui cesse
d ’être la propriété du Sujet pour prendre les propriétés d ’un objet — personne
ou chose — qui n ’est pas soi, qui se présente comme « perception ». Que ce
« perceptum » soit pris dans le monde des phantasmes nous paraît cette évi­
dence que nous avons essayé de faire passer dans l ’esprit du lecteur. Mais nous
ne pensons pas pour autant que le fa it de la réalité (« Realität ») symbolique de
tout Délire et de toute Hallucination puisse suffire à justifier la théorie
linéaire du mécanisme inconscient de la projection hallucinatoire.

B. — T H É O R IE D E L A P R O JE C T IO N D E L ’IN C O N S C IE N T
C O M M E C O N D IT IO N N É C E S S A IR E E T S U F FIS A N T E
D E L ’H A L L U C IN A T IO N

Nous devons examiner maintenant le fond de la théorie psychogénique


qui ne se borne pas en effet à constater le symbolisme des contenus manifestes
du rêve, des délires et de l ’Hallucination, ou à interpréter leur sens, mais à
tenir pour leur seule cause le mouvement même du désir qui se porte vers la
satisfaction hallucinatoire de son objet. Ce modèle théorique consiste à consi­
dérer que le phantasme inconscient devient Hallucination p ar la seule force
du désir répartie selon ses investissements libidinaux dans les parties de l ’appa­
reil psychique. C ’est précisément en se présentant comme une théorie vecto­
rielle du désir vers son objet — symétrique au modèle linéaire mécanique que
nous avons examiné dans le chapitre précédent — q u ’elle peut se définir elle
aussi comme un modèle théorique linéaire. Mais, comme nous allons le voir,
la ligne qui joint le point d ’origine du désir au point d ’arrivée de l ’objet est
bien loin d ’être une ligne droite...
Que l ’objet que se fait apparaître l ’hallucinant soit un objet « symbolique »
(image, voix, figuration somatique, etc.), c’est sans aucun doute ce que la
Psychiatrie de l ’Hallucination a gagné et doit à Freud depuis sa découverte
de l ’Ics et de ses niveaux d ’imaginaire. Objet d ’une idolâtrie ou d ’une magie
qui l ’investissait d ’un caractère sacré, l ’Hallucination n ’a été reconnue comme
telle que pour être traitée elle-même comme la grande illusion qui investit
l'image d ’une forme en quelque sorte sacramentelle. En ce sens, les études des
Psychanalystes sur V Objet-Fétiche rejoignent nos propres analyses de la création
1014 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

poétique et rituelle de l'hallucination dans la nuit des sens ou le crépuscule


de la conscience. C ’est que le (Cfétiche » est là comme pour boucher la béance
d ’un trou en quelque sorte métaphysique, celui de la mère que remplit
l ’enfant (K. Abraham), celui qui représente la béance de l ’envie du phallus
« forclos », perdu ou impossible, l ’abîme de la peur de l’enfant qui éperdument
tend à se faire apparaître, ou toucher, ou manipuler un bon objet (M. Klein,
W. Winnicott) sur lequel puisse s’exercer sa puissance sadique, etc. Une excel­
lente étude de V. N. Smirnoff (1), en rappelant le m ot de M. R. K ahn : « le
fétichisme comme négation de soi », érige le fétiche dans sa forme essentielle­
ment hallucinatoire en tant q u ’objet hallucinatoire par excellence. Que le
« perceptum » hallucinatoire soit pris dans le monde des phantasmes nous
paraît cette évidence à laquelle nous avons tenté de rappeler l ’esprit du lecteur.
Mais nous ne pensons pas pour autant que le fait de la réalité symbolique
de tout Délire et de toute hallucination puisse suffire à justifier la théorie
linéaire du mécanisme inconscient (du « ressort ») de la projection hallucina­
toire.
Que « l ’objet » soit au bout du désir qui le vise, c ’est bien en effet ce
q u ’implique q u ’il n ’y a de désir que pour autant q u ’il a un « objet » vers quoi
il tend comme à sa fin. D ’où, naturellement, le terme même d ’objet généra­
lement appliqué à tout Sujet qui devient « lieu » des fixations, des relations affec­
tives dites « objectales » (ou « relations d ’objet »). C ’est dire que dans une
psychologie — oui, une psychologie et non comme on le prétend parfois une
science sémantique ou linguistique générale — dans une psychologie exclu­
sivement basée sur l ’Inconscient qui se condamne de ce fait à confondre
tous les « objets » de la représentation et de la perception, comme tous les
affects, les pulsions, les idées, les images de « rêve » ou de la « réalité » et tous
les phantasmes de désir ou de ses dérivés, dans cette psychologie d ’un
Inconscient omnipotent, pour ne pas dire seul existant, tout ce qui se présente
dans la vie de relation est également imaginaire et réel. A utant dire q u ’il n ’y a
alors pas plus de problème de la perception que de problème de l’Hallucina­
tion puisqu’il n ’y a plus de problème de la réalité.
Ceci nous fait comprendre q u ’il n ’y a pas de théorie spéciale de l ’H allu­
cination, ni dans l ’œuvre de Freud, ni dans celle des psychanalystes contem­
porains (2). L ’Hallucination, en effet, va pour ainsi dire de soi dans une
conception « idéaliste » (éiclos = image) ou même « solipsiste » (comme
l ’a pertinemment souligné E. Straus) de la réalité que l ’école freudienne

(1) Nouvelle Rev. fr. de Psychanalyse (1970).


(2) C’est ce que nous verrons plus loin quand nous examinerons la « réversibilité »
du processus d’excitation qui, depuis la première topique de la Traumdeutung jusqu’aux
élucubrations en circuit fermé de certains exégètes des textes freudiens, parcourt éga­
lement dans un sens progrédient ou régrédient le chemin qui va de l’image ou du sou­
venir à la perception du schéma qui nous est familier pour être à la base même de
tout modèle linéaire de l’Hallucination, qu’il soit mécanique ou psychogénique.
LES MÉCANISMES DE PROJECTION 1015

reprend à son compte (1). Si tout est image, si les objets sont des images,
il n ’y a pas de problème de l ’objectivation des images. Sans doute est-ce
un peu forcer les choses que de réduire l ’esprit des psychanalystes à une telle
position métaphysique « prim aire », mais tel est bien l ’esprit de leur système
de l ’irréalité phantasmique de la réalité ou de l ’exclusivité à peu près absolue
de la réalité psychique. Nous allons essayer cependant d ’extraire des écrits de
Freud et de la littérature psychanalytique l ’essentiel d ’une théorie de l ’Hallu­
cination qui peut se résumer d ’un m ot dans sa cohérence logique : la pro­
jection de l’Inconscient par le retour du refoulé constitue la condition nécessaire
et suffisante de VHallucination. Nous allons tenter de mettre un peu d ’ordre
dans cette thèse éparse dans les écrits de Freud et des psychanalystes en exa­
m inant successivement : 1° la théorie de la perception hallucinatoire du désir
(point de vue dynamique) ; — 2° la théorie énergétique du rêve comme satis­
faction du désir et la théorie économique de la projection paranoïaque de
l ’introjection des objets dans la réalité psychique (point de vue économique) ; —
et 3° la théorie topique des instances de l ’appareil psychique dans ses rapports
avec la projection hallucinatoire (point de vue topique). Pour donner plus
de cohésion à l ’ensemble de ces divers aspects théoriques de l ’Hallucination,
nous devons indiquer q u ’ils se recoupent tous pour construire un modèle essen­
tiellement spatial, c’est-à-dire postulant un espace homogène dont les diverses
parties sont les lieux de déplacement des images selon l ’intensité (investissements
« économiques » ou « énergétiques ») de leurs charges libidinales. C ’est à cette
homogénéité de l ’espace que correspond en quelque sorte la flèche (le schéma
linéaire) qui en parcourt l ’itinéraire du foyer du désir à l ’objet de sa satisfaction.
Mais, bien sûr, la théorie ne peut pas tenir sa gageure, et en se compliquant la
ligne va devenir de plus en plus labyrinthique jusqu’à perdre le fil de ses expli­
cations.
Tels sont donc les caractères de la thèse générale de cette théorie psycho­
génétique, de ce modèle linéaire de la causalité psychique de l ’Hallucination
qui est devenue une sorte de leitmotiv, d ’une idée généralement reçue et, pour
tout dire, de « poncif » de la littérature psychanalytique courante. Ce recours
à la projection d ’un affect inconscient est aussi constamment employé q u ’injus­
tifié dans la masse des petits écrits (et souvent même des gros ouvrages) de
la production psychanalytique. L ’idée est en effet assez simple pour être sédui­
sante et sans que l ’on ait à s’embarrasser de la complexité même de la vie

(1) Le thème de l ’irréalité de la réalité est pour ainsi dire constant dans toute la
littérature psychanalytique dans la mesure même où le processus secondaire est « effec­
tivement » secondaire... Parmi cent autres, l’ancien travail de Ch. de M ontel, l ’Hallu­
cination de la réalité « (Archives suisses de N. P., 1933,32, p. 346-351) » est, à cet
égard, très typique, comme plus récemment ceux par exemple de David Beres, « Per­
ception, Imagination et Réalité », Rev.fr. de Psychanalyse, 1961, notamment p. 655;
de D. Braunschweig (1971); les rapports et discussions sur le Fantasme {Rev. fr. de
Psychanal., 1971); le livre de S. L eclaire (1971), celui de A. de W aelhens, etc.
Nous retrouverons ce problème à la fin de ce chapitre (p. 1062-1065).
1016 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

psychique réduite à quelque « complexe ». A la. réunion qui eut lieu en 1933 aux
Rives de Prangins et à laquelle je présentais un rapport sur les Hallucinations,
H. Floum oy exposa aussi le problème des Hallucinations du point de vue psych­
analytique (texte paru dans les Archives suisses de Neuro, et Psych., 1933, 32,
p. 294-309). Ce texte écrit par un psychanalyste connu pour son sérieux et sa
prudence nous a toujours paru représenter la « position moyenne », sinon
mineure, des psychanalystes, même ceux d ’aujourd’hui. Il rappelle d ’abord
que pour Freud l ’Hallucination est l’effet d ’une excitation interne. Cette
excitation provient de l’intensité du désir et de l ’intensité de son refoulement.
Il donne un exemple clinique (cas publié par lui dans la même revue (1919,
17, p. 187)). Il s’agissait d ’une jeune fille qui ayant été séduite présenta ensuite
une Hallucination (prise à la gorge par un fantôme, elle voyait sur ses mains
des taches de sang). Et Flournoy écrit : « L ’excitation, l ’origine interne à laquelle
la censure ne perm ettrait pas de s’extérioriser a donc rétrogradé jusqu’à
l ’image de la perception d ’où a découlé l ’Hallucination ». H. Flournoy insistait
aussi sur le fait que la réalisation d ’un désir peut également satisfaire un désir
de quelque chose de désagréable. Il rappelle l ’exemple de Jekels (.Intern. J.
o f Psychoanalysis, 1915, p. 3-37). Mlle N. se plaint de l ’odeur désagréable de
camphre que dégage une autre jeune fille G. Or, Mlle N. a comme pensionnaire
un nègre dont G. se plaint de l’odeur... Des « exemples » de ce genre pullulent
dans toute la littérature psychanalytique. Il faut bien avouer que de pareils
coups de sonde dans l ’Inconscient demeurent quelque peu superficiels, tan t
p ar leur caractère banal que par leur interprétation conjecturale, sinon gra­
tuite.
Freud a été l ’instigateur génial de cette théorie de l ’Hallucination-satisfac-
tion du désir. Mais il en a aussi perçu les limites (comme nous le verrons dans
la dernière partie de cet exposé), se m ontrant plus clairvoyant une fois de plus
que ceux qui ont porté cette exigence exclusive du désir dans la projection
hallucinatoire jusqu’à l ’incorporer et la fixer dans la constitution du refou­
lement originaire.

i ° L a sa tisfa c tio n h a llu c in a to ire d u d é s ir


e t la c o n s titu tio n d e s p r e m i e r s p h a n ta s m e s .

La première proposition de la théorie, son fondement, est tirée précisément


d ’u n point de vue génétique de la précession de la représentation sur la per­
ception chez le nouveau-né. Vieille idée et vieille observation sans doute car,
bien sûr, chacun sait (les mères et nourrices bien plus que tous les autres) q u ’un
nouveau-né est exclusivement un être de besoin et de désir to u t entier tendu
vers la satisfaction de « sa faim ». C ’est ce « m anque » qui le porte à ouvrir
la bouche et à la remplir du sein maternel. Et to u t aussi évidemment que le
sein soit là ou ne soit pas là, le nourrisson ne cesse d ’apaiser sa faim p ar les
mouvements de succion qui en préparent et déjà en assurent la satisfaction.
Les observations et recherches de A. L. Gesell (1928 et 1971), de Shirley (1933).
DYNAMIQUE 1017

de D. W. Winnicott (1941), de R. A. Spitz (1954), et plus généralement de


l ’école de Mélanie Klein, ont permis d ’objectiver les premiers « phantasmes »
par une étude précise du champ émotionnel, des facultés locomotrices ou des
manifestations et des premières ébauches de la perception et du langage (stade
du premier « organisateur » psychique). Le comportement de l ’enfant (qui,
soit dit en passant et pour soulever un problème qui ne paraît pas avoir beau­
coup attiré l’attention des auteurs, n ’est pas très différent de celui des petits
d ’animaux qui, eux aussi, sont aussi confrontés avec le problème des relations
de leurs besoins instinctifs avec leurs souvenirs et la perception des objets),
le comportement du nouveau-né doit s’interpréter comme une complication
interne et initiale du monde des phantasmes de désirs antérieure à la perception
des objets.

Nous devons pour éclairer tout le développement qui va suivre et les réserves
finales que nous imposera par son mouvement même la dialectique freudienne, nous
devons insister sur l’économie générale de la théorie de l’Hallucination dans le fameux
Entwurf einer Psychologie (trad. fr. dans la Naissance de la Psychanalyse).
Cette théorie de l’Hallucination qui la fait dépendre exclusivement de la force
du désir ou des charges libidinales dont sont investies les « représentations » est à bien
des égards, répétons-le, la même que celle que les théories mécanistes ont basée
sur l ’intensité des images. Et c’est bien en effet dans VEntwurf c’est-à-dire dans ce
fameux écrit de Freud qui reflète la « Naturphilosophie » de l’époque et du pays où
est née la Psychanalyse, que l ’on trouve comme l ’écho de l ’application de la conser­
vation de l’énergie (R. Mayer, Helmholtz), une formulation complète (et non pas seu­
lement esquissée) d’une neuropsychologie entièrement dominée par une conception
énergétique du Système Nerveux. On peut prendre connaissance dans l ’ouvrage de
E. Jones (trad. fr. L'œuvre et la vie de S. Freud, I, pp. 422-432) comme dans le livre
de H. F. Ellenberger (1971) de l ’ambiance des études médico-physiologiques dans
laquelle Freud fut élevé (Brücke, Meynert, Fechner, etc.) et qui exerça une influence
décisive sur lui au moment où il écrivit cette fameuse « Esquisse ».
Freud distingue d ’abord deux systèmes neuronaux : l’un composé de neurones
perméables, inaltérables, à charge réversible et tels que le courant d ’excitation le
traverse sans les modifier (système 9 ou proprement sensori-moteur) ; — l’autre composé
de neurones imperméables, altérables et comportant des différences de frayages sous
l’influence des excitations précédemment subies (système ij; ou mnésique correspondant
à l ’écorce cérébrale. Le système 9 reçoit les excitations exogènes; le système est, lui,
sans contact avec le monde extérieur et répond seulement aux incitations internes.
On peut dès lors imaginer que les phénomènes conscients exigent l ’intervention d’un
troisième système (cùN) composé de neurones perceptifs qui confèrent les qualités
sensorielles aux représentations. Ce système (encore appelé W(u)) est seul capable
de créer les impressions conscientes de qualités. Le fonctionnement de cet appareil
psychique (dont la description a été en partie seulement reprise dans le chapitre VII
de la Traumdeutung) implique donc une sorte d ’écoulement en sens unique du sys­
tème 9 vers le système tp, puis vers le système W(<o).
Quant à la dynamique de ce courant psychique, elle dépend du principe général
de constance (ou d’inertie ou de plaisir), en ce sens que les charges des systèmes neu­
ronaux s’accompagnent de sensations de déplaisir (Unlust) et que leur décharge
s’accompagne de sensations de* soulagement et de plaisir conformément aux consi-
1018 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

dérations théoriques des « Études sur l'Hystérie », probablement empruntées à Fechner.


La loi de constance est conçue comme une loi d ’optimum qui régit selon le principe
de l’homéostasie toute la répartition des charges neuronales des divers systèmes.
A cet égard, Freud se voit dans l’obligation de distinguer deux types de fonction­
nement psychique : le processus primaire où le principe de constance et la régulation
automatique règlent l’écoulement d ’énergie non liée uniquement selon le principe
de plaisir ; — et le processus secondaire où l’écoulement est gêné par l ’organisation
même du Moi qui inhibe conformément aux nécessités du principe de réalité et d ’iden­
tité de pensée l ’énergie liée. Tout cela est parfaitement indiqué dans l ’Entwurf et
bien plus explicitement que dans la Traumdeutung. Comme nous le verrons plus loin,
le complément à l’étude des rêves (1916) ne fera que reprendre et développer ce point
de vue F ondamental sur lequel nous devons maintenant insister pour bien
comprendre le sens du modèle linéaire primitif (ou si l’on veut primaire) de la théorie
de l’Hallucination et la nécessité de la dépasser. La théorie de l’Hallucination, pro­
jection du désir parvenant à sa forme de « perception » par l ’effet de l’investissement,
du réinvestissement ou de la réactivation des charges libidinales des représentations,
cette théorie ne vaut précisément que pour la phase (souvent appelée « Fiktion »
par Freud) de la perception hallucinatoire de l’expérience et satisfaction primitive
ou pour les processus inconscients, comme le rêve, entièrement gouvernés par le
principe de plaisir. Par contre, hors de ces conditions il est évident (il devient de plus
en plus évident pour Freud, sinon pour ses séides ultérieurs) que la projection du
désir ne peut pas être une raison suffisante de l’Hallucination car celle-ci comporte
une autre condition, celle de la désorganisation du Moi, ou plus généralement la
carence de l’épreuve de réalité.

C ’est donc dans la fameuse (( Esquisse » (p. 402 à 404 des Gesamt- Werke) que
Freud note que dès l ’origine c ’est l ’état de besoin ou de détresse (Hilflosigkeit)
qui constitue l ’expérience primaire. C ’est à cet « état de manque » que corres­
pond l 'expérience de satisfaction (Befriedungserlebniss) qui ne peut être obtenue
que par l’action spécifique (succion) capable de supprimer la tension. Mais
désormais cette satisfaction est liée (c’est au fond déjà l ’établissement du
réflexe conditionnel) à la représentation, sinon de l ’objet, du moins des mou­
vements destinés à l ’obtenir. Et c ’est bien ainsi que dans l ’Esquisse d ’inspira­
tion nettement neurophysiologique cette liaison est envisagée (p. 403). Elle
lie le désir aux mouvements efficients qui permettent d ’obtenir satisfaction,
et lorsque cette tension du désir (Wunschbelebung) atteint le même degré
que dans la perception, elle entraîne l ’Hallucination (p. 404). Car, ajoute Freud,
une fois enclenchée l ’action réflexe, l ’illusion ne saurait m anquer de venir.
Mais cette « expérience de satisfaction » n ’est pas seulement liée à l ’image
motrice, elle doit être liée au souvenir (traces mnésiques qui dans F « Esquisse »
sont liées aux systèmes des neurones ^). Désir, mouvement vers l ’objet, sou­
venir de la satisfaction ne font q u ’un dans cette « protoexpérience ». C ’est
une expérience purement « subjective », ou comme dira Freud (Introduction
au Narcissisme, 1914), originairement « narcissique » (si l ’on entend p ar là
cette phase « anobjectale » de l ’expérience primaire de satisfaction). Dans cette
expérience, satisfaction réelle (le sein est là) ou satisfaction hallucinatoire
(le sein n ’est pas là) sont confondues et, pour ainsi dire, également submergées
DYNAMIQUE 1019

dans l ’intensité du désir. Mais le désir pris dans la répétition de son accomplis­
sement hallucinatoire (Einfüllung) accède à la valeur du phantasme. C ar la
décharge q u ’exige le principe même d ’inertie pour laisser transform er le dépla­
cement en plaisir, s’effectue à l ’intérieur même de ce qui ne représente en effet,
dans le système freudien, que le processus « primaire », celui d ’une sorte d ’auto­
satisfaction fondamentale en circuit fermé. C ’est ainsi que se monte à l ’inté­
rieur du Sujet un appareil de satisfaction, de décharge qui se réfléchit sur les
« phantasmes » du désir, c ’est-à-dire sur l’articulation du désir avec son appa­
reil symbolique (Wunschphantasie). La première constitution de l’objet pul­
sionnel (Trois Essais sur la théorie de la sexualité, 1905) dépend donc essentiel­
lement de cet appareil de « perceptions internes », de ce champ de réalité
psychique, de ce monde du symbolique que Freud constamment dans ses
œuvres considère comme une source de « Stimuli » bien plus importants,
et en tout cas bien plus difficiles à combattre ou à neutraliser que les excita­
tions qui parviennent des objets extérieurs jusqu’à la surface de l ’appareil
perceptif.
Mais, bien sûr, ce fonctionnement interne et pour ainsi dire « à vide » de
l ’appareil psychique représenté par le « processus primaire » doit bien trou­
ver son point d ’impact avec ce qui ne sera plus seulement objet absolu du désir
mais objet possible du désir. Comme le fait rem arquer D. Widlöcher (1964),
le processus secondaire doit alors en tan t que régi par le principe de réalité,
entrer en jeu pour accéder à la rationalité de l ’objet. Celui-ci cesse d ’être
seulement objet de désir pour être objet de la problématique du désir et de la
réalité. C ’est-à-dire que l ’expérience de la satisfaction hallucinatoire du désir
doit nécessairement se heurter au problème de la présence ou de l ’absence
de l ’objet. E t c ’est précisément dans le jeu de cache-cache (le fameux jeu fan-
tasmique « Dort und Da » du jeune enfant (dont parle Freud au début de
« Au-delà du principe de plaisir », trad. fr. p. 13-17), de l ’absence et de la présence,
ou plus exactement de la maîtrise de l’absence par la présence de l ’objet ima­
ginaire, que se constitue la séparation de l'objet interne qui est celui du désir
et qui n ’est perçu q u ’à l ’intérieur de soi (même s’il est susceptible de s’objec­
tiver dans le jeu des phantasmes), et de l ’objet externe qui n ’appartient pas au
Sujet, de telle sorte que la satisfaction du désir p ar cet objet réel est aléatoire
et, en définitive, dépend d ’autre chose qui appartient au monde des objets.
Mais ce monde des objets ne cesse jamais lui-même d ’être objet du désir,
d ’être en connexion avec celui des objets psychiques internes. Toute l ’école
psychanalytique (de Freud et Férenczi jusqu’à Mélanie Klein, D. W. Win-
nicot et S. Isaacs, etc.) a toujours insisté avec raison sur le fait que la per­
ception des objets extérieurs passe par les phantasmes, somme toute, que per­
cevoir c ’est aussi et nécessairement « phantasmer ». C ’est que « processus
primaire » et « processus secondaire », en dépit de la théorie freudienne de la
« séparation radicale » de l ’Ics et du Cs, sont anastomosés. Les phantasmes,
en effet (cf. notam m ent « Les trois essais sur la sexualité »), ne sont pas absents
du processus secondaire qui remplit une fonction régulatrice (rendue possible
par la constitution du Moi). Ceci est très nettement indiqué déjà dans l'Esquisse
1020 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

(principalement p. 344) lorsque Freud écrit : « L ’investissement du désir allant


« ju sq u ’à l ’Hallucination et le plein développement du déplaisir, nous les
« désignons comme processus primaires : p ar contre, les processus qui seuls
« rendent possible un bon investissement du M oi et qui représentent une
« modération des précédents, nous les désignons comme processus psychiques
« secondaires » — et bien plus encore dans l ’Inconscient (1925) lorsqu’il
expose sa théorie des « rejetons » de Pics dans leurs rapports avec le Cs et
le Pré-Cs. — C ’est précisément par cet itinéraire, ne fût-il praticable q u ’au
prix d ’une modification impliquée dans le passage de l ’un à l’autre, entre
processus primaire et processus secondaire, que passe, dans l’ensemble de la
vie psychique, ce qui a paru en être d ’abord la base, la force hallucinatoire
du désir.
Et tel est bien l ’aspect proprem ent dynamique de la théorie freudienne
de l ’Hallucination — la seule que nous pouvons accepter après tout ce que
nous avons dit sur la projection de l ’Inconscient dans l ’Hallucination. La
pulsion, ou plus exactement la structure phantasm ique du désir y apparaît
avec son pouvoir « hallucinogène » fondamental. Et cet appareil symbolique
qui est déjà comme la première ébauche de la réalité psychique ne cessera
jam ais d ’être l ’instrument des satisfactions directes ou indirectes que le Sujet
« prenant ses désirs pour des réalités » se procure à lui-même dans le circuit
fermé du processus primaire de son Inconscient.
Bien entendu, cette constitution des phantasmes en tan t q u ’objets de la
« réalité psychique », c’est-à-dire de la sphère interne et originaire des désirs,
suppose que la masse même de cette réalité se distribue en « imagos »,
« complexes » (Vorstellungsrepräsentanten), qui sont des schémas imaginaires
où se dessine un système relationnel, lequel même s’il s’ouvre — p ar défini­
tion — sur autrui et le monde des objets est comme saturé des phantasmes
des désirs liés à des signes infantiles indestructibles. Ces systèmes de « repré­
sentations » distribuent l ’espace intrapsychique en espace phantasmique et
proprem ent conflictuel. Freud (Pulsions et destin des pulsions, 1913), mais
surtout Mélanie Klein (1934) ont décrit les configurations et les fonctions de
ces objets « clivés » ou ambivalents, ou de ces « bons » et « mauvais objets »
(partiels ou totaux) qui sont plus « marqués » p ar les phantasmes du désir ou
de l ’angoisse que par la représentation mnésique de la réalité du monde des
objets. Parmi ces « objets » qui figurent dans la réalité interne les configurations
signifiantes — d ’ailleurs presque toujours symboliques de tout ou partie du
corps — certains « se détachent » comme Signifiants-Clés, pouvant être en
effet détachés du corps du Sujet (pénis, fèces) pour symboliser des échanges
ou être investis de charges d ’attraction ou de répulsion particulièrement
importants.
La com pénétration de l ’Hallucination et de son interprétation analytique
s’établissant sur le registre même du processus prim aire de l ’Inconscient,
c ’est-à-dire au niveau des « objets » internes, on peut facilement imaginer à
quelles débauches de symboles et de phantasmes se laissent si facilement aller
les Psychanalystes cherchant dans le m iroir de leur propre Inconscient à
DYNAMIQUE 1021

capter l ’Inconscient que l ’hallucinant énonce. On est frappé du « n ’importe-


quisme » de beaucoup de ces herméneutiques arbitraires (1).
Tel est le monde psychique, cette réalité interne essentiellement soumise
au principe de plaisir ou de déplaisir (Lust-Unlustprinzip) et qui est un monde
essentiellement hallucinatoire pour ne com porter comme objets que les objets
exigés p ar la satisfaction hallucinatoire du désir. Tous les textes de Freud
(cf., p ar exemple, « Les Pulsions et leur destin » ou « L e problème économique
du masochisme », trad. fr., R ev.fr. de Psychanalyse, 1928, p. 213-223) enseignent
que les « objets » qui peuplent ce monde psychique subissent une sorte de mou­
vement brownien de mutations vicariantes (vikariierende fü r einander),
car ils subissent constamment les changements et intrications des pulsions
en fonction de la répartition « économique des charges libidinales ». Ces objets
phantasmiques du désir (2) changent en effet de formes, comme le désir change
de contenu et jusqu’à s’inverser (inhaltliche Verkehren). Il s’agit bien dans
ce monde soumis au Lustprinzip, à ce monde des objets phantasmiques qui
répondent seulement aux désirs du monde hallucinatoire p ar excellence, de
la virtualité immanente à toute dynamique de l ’Hallucination, mais à sa virtua­
lité seulement.
Car, bien sûr, en ne tenant compte que de la dynamique du désir, celui-ci
étant comme fa « racine carrée » (reproduisant le même nom bre dans l ’infinité
de ses exemplaires) de toute perception, toute perception est hallucinatoire...
et il n ’y a plus de perception. C ’est ce q u ’a vigoureusement souligné J. Gilli-
bert (1968) dans l’excellente étude (3) q u ’il a faite de l ’Hallucination en corres­
pondance, nous semble-t-il, avec notre propre conception du caractère origi­
naire et original du phénomène hallucinatoire. « Si nous « hallucinons » tous
ensemble écrit-il (p. 67) il n ’y a plus d ’Hallucination, et l ’halluciné doit
demeurer l ’étranger ». Oui, l ’Hallucination est condamnée à cette singularité
qui rend toute théorie de l ’Hallucination, fondée sur la seule satisfaction
« hallucinatoire » du désir, proprem ent naïve et infantile. Le point de vue
dynamique vise une condition nécessaire mais non suffisante de l’Halluci­
nation.

(1) Un bon exemple d ’abstractionnisme sémantique de cette sorte peut être donné
— parmi des centaines d'autres — par le travail de H. R acker (1959), à cet égard
vraiment « exemplaire ».
(2) On peut lire à ce sujet dans les Neue Folge der Vorlesungen (1932, pp. 101-102
des G. fV.) : « Die Trieblehre ist so Zusagen unsere Mythologie. Man nimmt so viele
und so verschiedenartige Triebe an als man eben braucht einen Geltung Nach-
ahmungsgeselligkeitstreebe und vielen der gleichen mehr » (La théorie de pulsion
est pour ainsi dire notre mythologie, etc.). Et F reud insiste sur l’usage de commodité
que l’on peut faire à ces « pulsions » qui se prêtent complaisamment aux mélanges
que l ’on peut en faire sans pourtant cesser de s’imposer comme quelque chose de
rigoureux (ernsthaftig) et de puissant (Gewaltig).
(3) J. G illibert. Interprétation, 1968, 65-79.
1022 THÉO M E PSYCHANALYTIQUE

2° L a th é o rie é c o n o m iq u e d e la p r o je c tio n h a llu cin a to ire .

Le point de vue « économique », en rapportant la « projection hallucina­


toire » au seul principe du plaisir, va porter plus loin encore la finalité de ce
mouvement en le réglant sur les investissements libidinaux (tantôt « désirants »,
tan tô t « repoussants », mais toujours soumis, fut-ce par voie détournée,
au « Lustprinzip »). Dans la perspective que Freud n ’a cessé de développer
to u t au long de son œuvre, depuis la correspondance avec Fliess et le fameux
« Entw urf » jusqu’à ses derniers écrits, c’est comme un système de charges
énergétiques que fonctionnent les fonctions psychiques. Les principes de cons­
tance, d ’équilibre, d ’homéostasie, de décharge des tensions constituent (cf. plus
haut p. 1017) la tendance fondamentale, la loi de l ’attraction ou de la gravitation
de l ’univers psychique. Aussi est-ce en termes « économiques » de satisfaction
des pulsions (décharge des tensions de « désir », défense contre le « déplaisir »)
que Freud a décrit d ’abord le processus de projection hallucinatoire. L ’Hallu­
cination en effet n ’apparaît jam ais — nous avons examiné cette première thèse
et y avons souscrit — que comme objet direct ou indirect de la sphère des désirs,
comme objectivation des objets phantasmiques. Mais bien évidemment, cette
conformité au principe du plaisir satisfait ou du déplaisir évité comporte deux
aspects fondamentaux de la projection hallucinatoire, car l ’objet projeté
peut être l ’objet de satisfaction du désir ou l ’objet de satisfaction de la répul­
sion. Le terme de « projection » s’est d ’ailleurs particulièrement spécialisé
dans la théorie psychanalytique des psychoses (paranoïa en particulier) dans
ce second sens (1). Nous exposerons donc l ’essentiel de la projection, d ’abord
en tant q u ’accomplissement du désir refoulé (Wünscherfüllen), ensuite en tant
que réjection ou extériorisation de tout phénomène psychique représentant
un plaisir défendu, une pulsion désavouée (Vereinung). C ’est-à-dire que nous
devons rappeler d ’abord l ’essentiel de la théorie freudienne du rêve, puis
celle de la paranoïa pour autant que la projection représente le mécanisme
inconscient nécessaire et suffisant de ces deux types d ’Hallucinations déli­
rantes.

a) M é c a n ism e in c o n sc ien t d e la ré a lisa tio n d u d é s ir d a n s le rê v e .


— Cette potentialité hallucinatoire du désir qui anime l ’image telle que nous
venons d ’exposer comme la première proposition de la thèse psychanaly­
tique sur le « mécanisme de l ’Hallucination », ne s’est entièrement dévoilée
à Freud q u ’après q u ’il eut donné du rêve l’interprétation qui constitue la clé
de voûte de la Psychanalyse. Sans doute, comme nous venons d ’y faire allu­
sion, dans 1’ «Esquisse » et les lettres à Fliess tout était déjà annoncé (en termes
énergétiques) sur la force hallucinatoire du désir, mais la théorie complète,

(1) Pour ne citer ici qu’un des derniers travaux, le livre de Sami Ali : De la pro­
jection, Paris, Payot 1970, 273 p.
ÉCONOMIQUE 1023

proprem ent économique et topique de l ’activité hallucinatoire ne pouvait se


développer q u ’avec et après la « Traumdeutung ».
Nous distinguerons ici deux sous-propositions de cette proposition géné­
rale (les images de rêve satisfaisant un désir inconscient). La première, nous
pouvons la formuler comme la théorie du symbolisme onirique des phantasmes et
(tout comme pour la dynamique hallucinatoire du désir avec laquelle elle
se confond), nous n ’aurons rien à y objecter. — La seconde, nous pouvons la
formuler comme la théorie de la causalité psychique du rêve (et de l ’Hallu­
cination), et c’est ici que nous devrons marquer le point de divergence de notre
propre conception et de la théorie freudienne pour autant que, comme nous
allons désormais le voir plus clairement, celle-ci s’est dorénavant efforcée
de réduire le rêve, puis le délire, et par voie de conséquence l’Hallucination,
à un modèle linéaire, celui de la convertibilité du désir en objet, ce qui constitue
évidemment une théorie plutôt simpliste et du rêve, et du Délire, et de l ’H al­
lucination, en supprimant de cet itinéraire rectiligne qui va du désir à son objet
l ’opération qui rend possible ce passage de l’un à l ’autre.
Le rêve, en tant q u ’il est « l ’Hallucination p ar excellence », lie dans leurs
représentations et figurations les désirs à leurs objets. C ’est là, bien sûr, la
grande découverte (1) de cette « via regia » qui a permis à Freud de pénétrer
dans le secret de la production onirique en l ’interprétant comme le symbole
du désir (2). Mais en l ’interprétant aussi et, en dernière analyse, comme l’effet
du désir. Ce sont ces deux fonctions de la satisfaction des désirs assurées p ar
le rêve que nous devons envisager.
Dans un premier temps, en quelque sorte, Freud a discerné, a « deviné »
que l ’absurdité manifeste du rêve cache la secrète satisfaction d ’un désir sym­
boliquement accompli, et toute la « Traumdeutung » a été écrite pour cette
démonstration. Celle-ci ne pouvant m anquer d ’exiger un certain nombre d ’ana­
lyses et de démarches herméneutiques destinées à déjouer les mécanismes
inconscients de la projection. Celle-ci ne figure pas en effet, tout au moins com­
plètement, dans le rêve mais seulement dans son interprétation; autrem ent dit,
l’accomplissement du désir par le rêve ne peut se dévoiler q u ’en opérant sur le
« matériel onirique » le travail inverse à celui du refoulement. Il s’agit de
décrypter des hiéroglyphes. Il paraît inutile d ’insister ici sur cet aspect de la
psychodynamique du rêve. Depuis bientôt cent ans le sens des rêves, c ’est-
à-dire leurs manières de n ’apparaître que pour satisfaire non pas les besoins,

(1) F reud en a fixé dans sa lettre à F liess du 12 juin 1900, la date, très précisément
au 24 juillet 1895...
(2) Les textes de F reud qui sont fondamentaux sur cet aspect lui-même fonda­
mental de la doctrine psychanalytique, sont traduits en français : « L ’Esquisse »
(in Naissance de la Psychanalyse); — L'interprétation des rêves (P. U. F., 2e édition,
la trad. d ’I. M eyerson, 1950 et nouvelle édition révisée par D. Berger, 1967); — le
mémoire « Sur les rêves » (trad. fr. H. Legros, Les Documents bleus, 1925); — et le
« Complément métapsychologique de l ’étude des rêves » (Métapsychologie, trad.
fr. M. Bonaparte et A. Bernier, éd. Gallimard, 1952, p. 162-188).
1024 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

non pas les instincts, non pas les pulsions mais les constellations phantasm i-
ques qui forment, comme nous l ’avons vu, la géographie affective de la réalité
psychique interne, ce sens ne peut plus être contesté depuis q u ’a été démasquée
son apparition déguisée. Les principales difficultés que Freud a eu lui-même
à vaincre, il les a dominées. Tout d ’abord pour ce qui concerne l ’absurdité
apparente et en quelque sorte « extérieure » et insignifiante des scènes du rêve
(c’est l ’explication du sens du rêve qui forme les chapitres II à VI de U inter­
prétation des rêves), c’est leur interprétation en tant que symboles, c ’est-à-dire la
découverte des procédés et des fonctions d ’occultation (condensation, déplace­
ment, figuration, etc) qui a permis à Freud de déjouer cette première difficulté. —
Une seconde difficulté s’est présentée à propos de la thèse qui en fait précisément
la réalisation d ’un désir (chapitre III). C ar si, bien entendu, il existe des rêves
de commodité (Bequemlichkeitsträume) et des rêves de réalisation simples
chez l ’enfant (simple Wünscherfüllungen), c’est-à-dire des rêves dépourvus
d ’énigmes (sie geben keine Rätsel zur lösen), la plupart des rêves au contraire
dissimulent leur fonction hédonique en neutralisant ou déplaçant leur moti­
vation affective. Pour dém ontrer que tout rêve est désir réalisé et q u ’il n ’est pas
d ’autres rêves que des rêves de désir (p. 103, trad. fr.), il faut alors recourir
à un travail en profondeur qui est justem ent le travail d ’interprétation des
rêves, c ’est-à-dire la restitution du vrai sens falsifié et transposé des images
qui le composent, c’est-à-dire découvrir plus profondém ent encore la nature
infantile des désirs que le rêve accomplit (1). — Une troisième difficulté est
tout naturellement apparue, celle des rêves qui sont pénibles, saturés d ’angoisse
(cauchemar). Le rêve dans ces cas ne peut être interprété comme simple satis­
faction (Befriedegung) ou accomplissement (Erfüllung) du désir, car il faut alors
traverser la crainte ou la peur pour découvrir le « vrai désir » q u ’il dissimule ou
qui s'inverse lorsque le désir est celui de l 'évitement ( Abwendung y), ou la recherche
d ’un effet désagréable qui retourne le désir contre lui-même. Et c ’est tout natu­
rellement en recourant au concept de refoulement, c ’est-à-dire à la répression
(et non à la suppression) de la pulsion que la figuration même du cauchemar
peut nous paraître encore répondre à un désir en satisfaisant tout à la fois
la pulsion et la contre-pulsion également exigeantes. C ’est en effet à la structure
conflictuelle de la dynamique du désir que se réfère l ’interprétation du rêve
comme satisfaction ou accomplissement du désir. A cet égard Freud indique
que l’expression du « vrai désir » peut être dissimulée, soit par la surdétermi­
nation du rêve pris dans les soucis récents d ’une peur diurne (2), soit par l ’inter­
vention du désir qui n ’est plus celui de la pulsion mais celui du Moi (plus tard
Freud dira du Sur-Moi).

(1) Ce désir infantile peut être lui-même dissimulé dans un « Ersatz » de scènes
primitives modifié par transposition d’éléments récents.
(2) Ces résidus, dit-il (G. W., p. 566, trad. fr. par M eyerson, p. 460 et trad. fr-
révisée par D. Berger, p. 477), jouent le rôle d ’entrepreneur (Unternehmer) véhi­
culant le sens des rêves mais n ’en disposant pas comme le vrai propriétaire (Kapi­
talist) du fonds inconscient.
ÉCONOMIQUE 1025

Ainsi la théorie du rêve (et de l ’Hallucination) réalisant un désir perd


peu à peu de sa simplicité. La thèse, en effet, n ’est valable — et elle l ’est alors
sans aucun doute — que si elle se formule sur le registre même de la figuration
symbolique (ou si l ’on veut, du langage) du désir. Or, le symbolisme des phé­
nomènes inconscients n ’est rien d ’autre que la condition même que l ’être
ou du devenir conscient met à l’apparition, à la manifestation des affects
inconscients. Ceux-ci qui sont les ressorts (Triebfedern) du rêve (et de l ’Hal­
lucination) ne peuvent se présenter à la conscience, fût-elle celle du dormeur,
q u ’à la condition de satisfaire le désir certes, mais aussi aux exigences propres
à la conscience qui les perçoit. C ’est ce point particulièrement délicat et difficile
qui fait l’objet dans la Traumdeutung (G. W., p. 566-578, trad. fr. Meyer-
son, p. 460-468, trad. fr. D. Berger, p. A il-487) d ’un long développement dont
nous devons souligner l ’importance pour bien m arquer justem ent q u ’au fur
et à mesure que le modèle linéaire (le vecteur qui joint le désir à son objet hal­
lucinatoire) se complique pour s’adapter à la complexité même de la projection
hallucinatoire, il s’éloigne de son postulat fondamental. C ’est que, en effet,
une autre dimension apparaît — dont nous verrons plus loin l ’importance —
celle du rôle que joue la « censure » dans la figuration symbolique du rêve. Le
rêve, en effet, venons-nous de voir, n ’est pas seulement la réalisation d ’un désir
inconscient, il est — et le plus souvent — la réalisation d ’un complexe où trou­
vent également leur compte le Moi conscient refoulant et conscient (1) et
l ’Inconscient prim itif ou refoulé. Il satisfait à deux exigences. Il est un
compromis (ein Kompromiss). Il est à cheval sur deux systèmes (Préconscient-
Inconscient) et accomplit en les conciliant leurs désirs. Q u’est-ce à dire sinon
précisément que la production de l’image hallucinatoire ne dépend pas seu­
lement du désir inconscient (Triebkraft) mais aussi du relâchement de la
censure (Zensurherabsetzung). A cet égard, le dernier paragraphe du chapitre
« l ’élaboration du rêve » (G. W., p. 510-512, trad. fr. Meyerson, p. 377 et trad.
fr. D. Berger, p. 451) mérite une particulière attention. Freud y expose que
le travail du rêve (die Traumarbeit) se divise en deux opérations : la production
des pensées du rêve ( Herstellung der Traumgedenken ) et leur transform ation
en contenu onirique (Unwandlung zum Trauminhalt). La première de ces opé­
rations représente le travail en quelque sorte subsistant du préconscient (2).
La seconde est plus spécifique du travail du rêve proprem ent dit; il consiste
essentiellement à camoufler la production pour la soustraire à la censure. Ainsi
le travail du rêve n ’est pas seulement une pensée partiellement éveillée ou semi-
dormante, mais une pensée sur laquelle la censure exerce (comme la censure

(1) Il y a, dit F reud, à la fin de la Traumdeutung (p. 623 du texte allemand in G. W.)
une connexion intime et bilatérale entre censure et conscience (eine innige und zwei­
seitigen Zusammenhang zwischer Zensur und Bewusstsein).
(2) A. G arma propose une interprétation métaphorique de la régression du
processus hallucinatoire : l’attraction par la lumière ouvrirait les yeux de l’halluciné
comme, à sa naissance, se sont ouverts ses yeux à la lumière du monde (A. G arma,
1969, p. 492, de son article sur la théorie freudienne de l ’Hallucination du rêve).
1026 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

russe qui « caviarde » les journaux de la frontière dit Freud plus loin) son pou­
voir de contrainte. C ’est dans ce sens (p. 540 à 547 des G. W., p. 440 à 446
de la trad. fr. de I. Meyerson et p. 456 à 461 de la trad. fr. de D. Berger) que
le processus psychologique du rêve se déroule dans son mouvement « rétro-
gradient » à la limite du processus primaire (l’Inconscient pour ainsi dire absolu,
c ’est-à-dire le monde des objets phantasmiques et des représentations objectales)
et du processus secondaire (l’activité de la censure, du Moi, de la Conscience et
des représentations verbales). Mais il est — il devrait paraître — évident que si
le processus primaire est pour ainsi dire constant dans sa force de projection, le
processus secondaire comporte, lui, des variations et notamment, tout au moins,
une diminution de sa puissance qui livre aux exigences de l ’Inconscient les
pensées du rêveur ou, plus exactement, permet au refoulé de réapparaître mais
à la condition d ’obéir aux lois de la censure. La sévérité de la censure ne dépend
pas seulement de la vigilance de la conscience qui a pour fonction de refouler,
mais plutôt de cette modalité de modification de la vigilance qui, perm ettant
au refoulé d ’apparaître, lui impose de se dissimuler, c’est-à-dire de disparaître
en même temps q u ’il apparaît. La censure ou le refoulement exerce en effet une
double répression : une, directe, sur les désirs inconscients; — l ’autre, indirecte,
p ar sa tolérance au symbolique (par une permission ou un amendement de sa
loi). Cette dialectique compliquée de la censure, Freud la résume d ’un m ot :
la régression. Celle-ci implique que ce n ’est pas p ar un mouvement de projection
progrédiente que le rêve (ou Hallucination) réalise, satisfait ou accomplit le
désir, mais que les images hallucinatoires du rêve ne tirent leurs forces de
projection que des mouvements rétrogrédients qui tout à la fois les portent à
l ’extrémité sensorielle de la voie d ’association psychique (au lieu de les porter
vers l’extrémité motrice) et en arrière vers les souvenirs infantiles (1). E t voici
Freud parvenu à la croisée des chemins. Ou bien il va mettre l’accent sur le
processus de régression en tan t qu’amoindrissement de la conscience, ou bien
il va faire de cette régression elle-même l ’objet d ’un désir, d ’un investissement
libidinal. C ’est cette seconde solution q u ’il choisit (quitte beaucoup plus tard
dans VErgränzung (1916) à la remettre en question).
Si, comme nous y insisterons plus loin, la théorie du rêve, accomplissement
du désir, est en définitive celle du « retour du refoulé » lequel exige un boule­
versement de la vie psychique, celui-ci fait nécessairement appel à une concep­
tion énergétique ou économique des charges et décharges qui la soumettent
au principe de constance et au principe de plaisir. E t p ar là Freud est ramené
à son point de départ, « régressant » du plan herméneutique au plan énergétique
comme le fait justem ent remarquer P. Ricœur (De Vinterprétation, p. 95-118).
Il devait, en effet, se trouver entraîné à donner plus d ’importance aux instances
inconscientes, au processus primaire et à la dynamique des investisse­
ments pour expliquer la production du rêve (et des Hallucinations). Et c’est
ainsi que, en définitive, au lieu de rechercher (comme il le fit plus tard ainsi

(1) Voir note 1, p. 1017.


ÉCONOMIQUE 1027

que nous le verrons) la condition même du rêve (et de l ’Hallucination) dans


une altération du système de la conscience (de la réalité et du Moi), au lieu
de rechercher dans le sommeil le modèle même de la condition sine qua non
du rêve, il s’est d ’abord et à fond engagé dans une théorie de la causalité psy­
chique, non seulement du rêve mais du sommeil lui-même. Car jusqu’au
« Complément métapsychologique » (1916) il a tenu la gageure (malgré les
complications que son modèle linéaire exigeait jusqu’à le transformer complè­
tement) de m aintenir l ’intuition fondamentale de la théorie générale de la
Traumdeutung — le rêve est toujours la réalisation d ’un désir — et même de la
porter à son comble : le sommeil est lui-même l ’effet du rêve garantissant la
satisfaction d ’un désir, celui de dormir. C ’est bien en définitive au « désir
de dorm ir » que, se refermant sur lui-même par une sorte de tautologie, aboutit
le schéma linéaire de la théorie psychogénique du rêve et de l’Hallucination.
Dès le début de la « Traumdeutung » (chapitre I, Historique du problème
du rêve), Freud avait marqué son intérêt pour les conceptions de W. Robert (1),
de R. A. Schemer (2) et de Y. Delage (3) qui ont plus ou moins entrevu le dyna­
misme, le travail du rêve, et ont insisté sur sa fonction « cathartique ». Le rêve
est le gardien du sommeil et non son perturbateur {Die Traum ist der Wächter
des Schlafen nicht sein Störer, G. W., III, p. 239), et Freud d ’ajouter que le désir
du dormeur esf celui du Moi conscient qui, joint à la censure, représente la
contribution de celui-ci au rêve. Et, en effet, par cette théorie de l ’intentionnalité
du sommeil qui se satisfait dans la production du rêve destiné à le protéger,
le modèle linéaire de ce vecteur qui lie le désir à son objet retrouve quelque chose
de sa simplicité originelle. Disons plutôt q u ’il la retrouverait si Freud, toujours
attentif aux contradictions de sa théorie, ne soulignait que ce désir du Moi, ce
désir conscient ne pouvait pas lui-même aboutir au rêve, car il faut q u ’inter­
vienne un quelque autre désir plus absolument inconscient, un désir plus
indestructible et non occasionnel. Et c’est en définitive aux changements
d ’investissements (Besetzungsveränderungen), eux-mêmes déterminés p ar la
soumission au principe de constance (c’est-à-dire encore et toujours au plaisir)
que Freud rapporte la finalité dernière du dormir et du rêver.
Aussi pouvons-nous achever l ’examen de la théorie freudienne fondamen-

(1) Pour W. R obert, Der Traum als Natureinwendigkeit, Hambourg, 1886, le


rêve a une fonction vitale. « Les rêves éliminent les pensées étouffées en germe...
Ils ont un effet de soulagement (entlastende Kraft), thème repris par la neurophy­
siologie contemporaine (D ement, F isher, etc.).
(2) Pour K. A. Scherner (Das Leben der Traumes, Berlin, 1861), l ’activité sym­
bolique de l’imaginaire en constitue la fonction essentielle (cf. à ce sujet H. F. E llen­
berger (1970, pp. 304-305) qui rapproche judicieusement les idées de K. A. Scherner
et celles du Marquis M. J. H ervey de Saint-D enis (1867)).
(3) Pour Y. D elage, ce sont les souvenirs inconscients qui entrent dans le rêve.
(F reud n ’avait connu que les articles de la « Revue scientifique » et du « Bulletin
de l’Institut Psychologique »; il ne fait naturellement pas mention du livre « Le Rêve »
paru plus tard, 1911).
1028 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

taie en articulant ses propositions successives. : le rêve est la réalisation du


désir — le désir que satisfait le rêve n ’est ni simple ni conscient — le sommeil
dépend du rêve, ils procèdent l ’un et l ’autre du désir — le désir, p ar ses inves­
tissements à l ’intérieur du processus primaire, atteint son objet hallucinatoire
car celui-ci a pour fonction de faire écouler l ’excitation pour établir une identité
de perception (W ahrnehmungsidentität).
L ’enchaînement logique de ces propositions constitue bien le modèle
linéaire du mouvement absolument inconscient par quoi l ’objet répond au
désir. Telle est la ligne de force dans laquelle se projette ce mouvement qui lie
le désir à son objet. C ’est bien cette intuition fondamentale qui constitue le
support théorique de la doctrine freudienne du rêve (et de l ’Hallucination).
Nous avons pu souligner en l ’exposant à quelles profondes modifications cette
théorie avait dû se prêter, mais le postulat demeure qui tient constamment
l ’appareil psychique, les phénomènes psychiques, les processus psychiques
disposés entre les deux extrémités, les deux points entre lesquels s’écoule
l ’énergie. De telle sorte que le corollaire de ce schéma est celui d ’une constante
réversibilité des phénomènes dont il suffit d ’imaginer le renversement pour
satisfaire aux exigences de la théorie. Ce sont précisément ce renversement et
cette symétrie impliqués dans le modèle hypothétique (die Fiktion, dit souvent
Freud) qui se manifestent dans les m utations mêmes des thèses contradictoires
qui le compromettent (1).
Nous pouvons en effet noter que la théorie du rêve, comme satisfaction
ou accomplissement du désir a subi en cours de route, dans la pensée de Freud,
deux grandes mutations.

(1) Angel G arma (1969) est revenu récemment sur la conception freudienne du
rêve et de l’Hallucination. Il rappelle à ce sujet que l ’épreuve de réalité est liée à
l ’exercice de l’activité motrice. C ’est vrai dans une certaine mesure mais dans un
sens très restreint seulement, car la mise en activité des schémas psycho-moteurs et
idéo-verbaux si elle comporte une composante motrice ne s’y réduit pas. Mais laissons
ce qui n ’est dans le copieux et sérieux travail de G arma qu’un détail, pour souligner
plutôt le sens qu’il a entendu donner à la révision de la théorie économique de F reud.
Il s’agit, dit-il, d ’opérer un renversement (reversai) de la thèse freudienne de désin­
vestissement du monde extérieur, de la réalité. Pour A. G arma, ce n ’est pas la défail­
lance de la « cathexis » sur le système perception-réalité qui est à l’origine du caractère
hallucinatoire du rêve. Le jugement de réalité posé par le Moi à l’égard de quelque
chose de réel, c’est-à-dire d ’exogène, ne provient ni de l’épreuve musculaire de la
réalité ni de la « contre-cathesis », mais du fait que les phénomènes internes ou psy­
chiques sont spontanément moins contrôlables par le Moi, c’est-à-dire, en définitive,
« plus réels » pour être plus rebelles encore que les objets extérieurs à l ’action du
Sujet conscient. Autrement dit, pour G arma comme généralement pour l ’illusion
solipsiste impliquée dans l’absence de théorie de la perception, de l’être conscient
et de la réalité de la doctrine freudienne « extrême » pour ne pas dire « extrémiste »,
le rêve et l ’Hallucination constituent la réalité la plus solide... celle qui comble la
béance fondamentale du désir. Pour employer les expressions de A. G arma, l’Ego
dreaming vaut bien l’Ego waking; le rêve vaut l’existence !
ÉCONOMIQUE 1029

A l’intuition, à la découverte première de la dynamique du désir que figure


le rêve en tan t que projection, que mouvement progrédient allant du désir
à son objet s’est substitué p ar un retournem ent insigne l’idée d ’un mouvement
régrédient qui fait refluer, régresser l ’écoulement énergétique, de telle sorte
que le rêve (et l’Hallucination) est le produit de cette inversion du courant qui
« normalement » (1) conduit le désir à sa réalisation motrice mais qui, renversé
dans le travail du rêve, conduit le désir à sa réalisation sensorielle hallucinatoire.
Mais à cette m utation en quelque sorte économique s’est ajouté un autre
changement de perspective, un retournement « topique ». Si, en effet, le rêve
(et l ’Hallucination) apparaissait d ’abord comme objet du désir refoulé, il devient
ensuite objet du refoulement quand il est considéré comme déterminé p ar la cen­
sure (ici intimement connectée, dit Freud, en conclusion de la Traumdeutung,
au Moi), c ’est-à-dire p ar l ’instance refoulante.
Telles sont, en effet, les contradictions et amphibologies que contient vir­
tuellement toute théorie de l ’Hallucination ou du rêve qui prétend rendre compte
par la seule force du désir pour si compliqués que soient les voies, circuits et
réverbérations p ar lesquels passe comme un flux électrique le courant psychique.

b ) M é c a n ism e in c o n sc ien t d e la ré je c tio n e t d e la p r o je c tio n d u


d é s ir d a n s la 'p a r a n o ïa . — Il s’agit là d ’un développement théorique
exactement symétrique à celui qui vise, dans le concept général de projec­
tion, la réalisation hallucinatoire d ’un désir inconscient. Telle est, en effet
— nous venons justem ent de la souligner — l’exigence du système linéaire
psychogénique q u ’il doit opérer des renversements symétriques dans le sens
du courant psychique pour démontrer précisément que les phénomènes divers
q u ’il entend expliquer se ramènent à cette unité. Les phénomènes psychiques
étant tous soumis au principe de constance ou du « Lustprinzip », ils se situent
tous sur la même ligne, même si le mouvement qui la parcourt s’inverse. Ainsi
est-il non seulement naturel mais logique, dans cette perspective, d ’inverser le
mouvement de la projection du désir dans le rêve en posant « tout simplement »
que de même que dans le rêve apparaît l ’objet du désir, dans l ’Hallucination,
dans l ’état délirant hallucinatoire apparaît l’objet de la répulsion. Parfaite symé­
trie des voies centripètes et centrifuges que suivent le désir de satisfaire son désir
en lui fournissant son objet, et le désir de ne pas le satisfaire, tout en le satis­
faisant au second degré, en expulsant son indésirable objet ! Dans un système
où tout doit s’inscrire en terme de désirs, c’est-à-dire de charges libidinales
et d ’investissements (bien entendu avec tout l ’appareil complexe de leur refou­
lement, de leurs inversions, de leurs clivages, de leurs transpositions), dans
ce système clos et en circuit fermé dont le modèle nous est fourni (cf. plus haut)
par la constitution même de la « réalité psychique » inconsciente, il n'y a pas de

(1) Ce terme, n ’en déplaise à bien des Psychanalystes et Anti-psychiatres qui en


ont horreur, revient fréquemment sous la plume de F reud et notamment dans les
textes de la Métapsychologie.
1030 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

place pour autre chose que des changements d ’états internes ou des renversements
de sens. C ’est ainsi que le « dedans » et le « dehors » ne sont jamais, ne peuvent
jam ais être que la direction, le sens que prend la marche du désir vers ou contre
son objet. Si nous insistons encore ici sur cette obligation de symétrie exigée
par la structure ou le système clos des chaînes de signifiants, c ’est pour bien
éclairer l ’importance et l ’enjeu du mécanisme inconscient de la projection
quand cette projection — au sens psychanalytique le plus strict — est la réjec-
tion, l ’expulsion, la dénégation et, en définitive, la dénégation des phé­
nomènes psychiques qui, ne devant pas appartenir au Moi, sont objectivés
dans le monde extérieur, attribués aux autres, et plus généralement extériorisés
ailleurs comme une chose, quelque chose ou quelqu’un d ’autre. C ’est préci­
sément de ce « mécanisme » que le Délire hallucinatoire nous offre le modèle.
Par un curieux paradoxe (que nous avons tenté de détruire dans le chapitre
que nous avons consacré aux Psychoses hallucinatoires chroniques), c ’est
dans le cadre de la Paranoïa (psychose réputée non hallucinatoire !) que le
mécanisme de projection au sens que nous venons de rappeler a été particuliè­
rement étudié par les écoles psychanalytiques (depuis Freud (1), Abraham,

(1) F reud a très tôt aperçu l’importance de la projection en tant que procédé
de défense (Abwehr) dans la Paranoïa. Notamment le « manuscrit H » du 24 juin 1895
intitulé « paranoïa », utilisé pour la publication des « Weitere Bemerkungen über der
Abwehr- Neuropsychosen (Neurol. Zentralblatt, 1896) — et le « manuscrit K » du 1er jan­
vier 1896 qui, intitulé « Abwehr-rteurosen » comporte un assez long développement
sur la Paranoïa. La traduction française de ces textes se trouve dans « La naissance
de la Psychanalyse », p. 98-102 et p. 135-136. La date de ces premières études sur le
procédé de défense paranoïaque explique que sous le nom de Paranoïa, F reud visait
(comme dans son analyse ultérieure du Président Schreber) des formes « paranoïdes »
de Psychoses délirantes chroniques dont la situation nosographique à l ’égard des
Schizophrénies est encore discutée. Pour lui, en tout cas, elles se rencontrent dans
la Paranoïa comme dans les confusions hallucinatoires (Halluzinatorische Ver­
wirrtheit). Il s’est efforcé dans un petit tableau (dont un fac-similé du manuscrit
figure dans l ’édition allemande, p. 123) de distinguer l’état hallucinatoire aigu (affects
et contenus de représentations intolérables ne paraissant pas, étant maintenus éloignés
caractère agréable des Hallucinations qui favorisent la défense et satisfont le patient)
— de la Paranoïa qui est un mode pathologique de défense dont l’affect (l’angoisse,
la peur) et le contenu représentatif (le thème délirant) confèrent au Délire hallucinatoire
le caractère d’hostilité ressentie par le Moi qui doit s’en défendre. La Paranoïa et la
Confusion hallucinatoire, ajoute encore F reud, sont deux psychoses d ’opposition
ou de justification (Trotz- oder Justamentspsychosen). La « relation à soi » (Eigen
Beziehung) que reprendra plus tard le « délire de relation » de K retschmer est,
(précise F reud en 1895, analogue aux Hallucinations de la confusion, car, en effet
pourrions-nous dire avec lui cent ans après lui) l ’interprétation ou la fausse perception
des délirants systématisés projettent à l’extérieur ce que le Sujet ne peut supporter
comme venant de lui-même, tandis que dans la Confusion (expériences délirantes et
Hallucinations) le Sujet projette dans le monde des objets les images qui symbolisent
son désir. Si nous avons donné un tel développement à cette note « historique »,
c ’est pour bien montrer combien dès le début de son œuvre psychiatrique F reud , en
ÉCONOMIQUE 1031

Ferenczi, M. Klein, H. Stärcke, etc., ju sq u ’à E. Jacobson (1967) (1) et Ali


Sami (1970), etc. (2)).
Le « mécanisme d ’expulsion » dans le Délire hallucinatoire, ou plus géné­
ralement dans le délire de persécution, représente donc le modèle d ’une pro­
jection à l’extérieur (d’une objectivation hors de soi) d ’un « objet » fan-
tasmique ou interne. En ce sens, là projection en tan t que réjection renvoie
encore à un autre mouvement symétrique, Tintrojection. C ’est ce renversement
du mouvement d ’introjection dans son contraire qui constitue le modèle linéaire
le plus simple et le plus p u r d ’une théorie de la causalité psychique prise dans
l’Hallucination et le délire. Mais le fait même que ce modèle trouve son illus­
tration dans la Psychose chronique la moins hallucinatoire, suffit déjà — en
nous rapportant à toute l’histoire et à toute la clinique des Délires systéma­
tisés — à nous faire suspecter son potentiel hallucinogène. En examinant main­
tenant comment ce modèle de « mécanisme inconscient de la projection »
fonctionne dans les théories psychogéniques les plus systématiques, puis
comment la projection délirante et hallucinatoire ne paraît pas suffire p ar
elle-même à produire l ’Hallucination et le délire, nous pourrons tout à la fois
mesurer l’importance et les limites de cette causalité psychique inconsciente.

c ) L a « p r o je c tio n » (é je c tio n ), m é c a n is m e in c o n sc ie n t « p a r
ex c ellen ce » d u d é lir e h a llu c in a to ire d e p e r s é c u tio n e t d ’in flu en ce.
— Nous employons ici le terme de projection dans le sens qui lui est réservé
par l’école psychanalytique, c ’est-à-dire non pas au sens large d ’une projection
d ’affects inconscients dans l’expérience ou le travail du délire telle que nous
l ’avons précédemment et globalement envisagée, mais stricto sensu, comme
mécanisme d ’éjection qui projette hors de soi, à l ’extérieur de soi, dans le
monde des objets, ce que le Moi ne peut tolérer dans sa « propriété ». Comme
nous venons de le rappeler, ce mouvement de projection est symétrique à celui
que depuis Ferenczi on nomme « introjection ».

En 1909, Sandor Ferenczi publia un travail « Introjektion und Uebertragung » (3) où


il indiqua que le déplacement (c’est le sens qu’il donnait à Uebertragung) est un pro­
cédé commun aux mécanismes psychiques caractéristiques de la névrose en général.
Il désigne ce déplacement centripète, cette « incorporation » qui aboutit à une iden­
tification de l’objet aimé du Sujet par le terme de « introjection ». Il insistait sur cette
absorption de l’objet par le névrotique qui dilate ainsi son Moi à la mesure de tous
les objets qu’il y fait entrer. Cette « Süchtigkeit » (aspiration, avidité) étant carac-

introduisant la dimension de l’Inconscient, a aperçu la structure générale des névroses


et des psychoses, et l’intérêt central pour toute la psychopathologie du « mécanisme »
de projection.
(1) E. J a c o b s o n . Psychotic conflict and Reality, New York. Inter. Univ. Press, 1967.
(2) A u Sami. De la projection, Payot 1970 — cf. aussi les articles « Projection »
in J. L aplanche et J.-B. P ontalis et in Dictionary o f Psychologie and Psycho-
analytic Terms (1958).
(3) Œuvres complètes. Traduction française D upont (Payot, 1968), p. 93-125.
E y. — Traité des Hallucinations, il. 34
1032 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

téristique de l’inclusion des objets du désir névrotique (il pensait naturellement


surtout à l’hystérie), s’opposait en quelque sorte à la rétraction, au rétrécissement
du Moi dont souffre le paranoïaque (1). De telle sorte que reprenant ce problème
à propos d ’un travail de Maeder (1911) dans un petit article sur « le concept d ’in-
trojection » paru en 1912 (trad. fr., p. 196-198), il souligne le caractère d ’exten­
sion des frontières du Moi qui accompagne tout amour objectai, car, en définitive,
cette fusion libidinale des objets et du Moi qui réalise l’introjection n’est pas autre
chose que l’impossibilité pour l ’homme de n ’aimer que lui-même (2). Une telle fusion,
une telle « effusion » est bien, répète-t-il encore, le contraire de la projection para­
noïaque qui est un procédé qu’utilise le paranoïaque pour se séparer de sa capacité
d ’aimer, pour déplacer vers l’extérieur les objets de sa répulsion, ce qu’il ne peut pas ou
ne veut pas admettre dans son Moi, son corps et ses propres affects.

Cette distinction a été reprise par Freud dans le « Destin des pulsions »
(Triebe und Triebschiksal, 1915). Comme il l ’avait déjà nettement indiqué
(.Manuscrit G de janvier 1895) en esquissant pour la première fois la théorie de
la perte de l ’objet dans la mélancolie, c ’est à cette dynamique de l ’objet disparu
q u ’il a spécialement appliqué le mécanisme de Yintrojection. Celle-ci est dès
lors devenue avec les travaux d ’A braham (1924), puis plus tard avec ceux
de Mélanie Klein (1946-1955) sur la position paranoïde schizoide, le procédé
phantasmique de l’identification par incorporation du bon objet, comme la
projection est devenue essentiellement celle de la réjection des mauvais objets.
Enfin, to ut naturellement, ces mouvements d ’incorporation et de digestion,
d ’expulsion et de rejet ont été mis en relation sur le plan symbolique avec
les phantasmes de l ’incorporation orale et de l ’excrémentation. C ’est ainsi
q u ’un dispositif basal, celui d ’un mécanisme inconscient réglant la frontière
de ce qui entre pour y avoir été incorporé dans la propriété libidinale du Moi
(y compris bien sûr l ’image introjetée du Sur-Moi) et ce qui doit en sortir,
s’est trouvé placé à la charnière même de l’intérieur et de l’extérieur (3).
Mais, comme nous l’avons déjà fait remarquer pour le mécanisme symé­
trique homologue mais inverse de la satisfaction hallucinatoire du désir, il
s’agit là dans la théorie psychanalytique classique d ’objets purement phan-
tasmiques dont les mouvements, les déplacements, les mutations, les ren­
versements et les intrications sont de l ’ordre symbolique. C ’est dire que, là

(1) « Tandis que le paranoïaque, écrivait-il, expulse de son Moi les tendances
« devenues désagréables, le névrosé cherche la solution en faisant entrer dans son Moi
« la plus grande partie possible du monde extérieur en en faisant l ’objet de fantasmes
« inconscients. On peut donc donner à ce processus en opposition avec celui de la
« projection, le nom d ’ « introjection ».
(2) Rien ne saurait mieux montrer à quelles paraphrases superflues et contradic­
toires s’oblige une théorie des sentiments qui les enferme dans une circulation fermée,
hermétique et exiguë où les changements de sens vont tellement de soi qu’ils sont,
pour ainsi dire, laissés à la discrétion de celui qui, les analysant, gagne à tout coup.
(3) Bien sûr, on ne peut pas ne pas voir que les points de vue énergétiques et
topiques interfèrent constamment, car « l’intérieur » et « l’extérieur » c’est bien sûr
aux pulsions du Moi et à celles du Ça que ces lieux renvoient.
ÉCONOMIQUE 1033

encore, le Délire (et l ’Hallucination) pourra bien se décrire, s’analyser, se


comprendre sur le registre de son sens symbolique sans jamais pouvoir s’expli­
quer sans son vis-à-vis, sans sa confrontation avec la réalité qui, somme toute,
n ’existant pas, ôte à l ’irréalité son sens. La causalité psychique ici la plus
pure, en se donnant comme la condition nécessaire et suffisante du Délire (et
de l ’Hallucination), laisse hors de cause la production du Délire comme tel.
C ’est pourtant cette gageure qui est tenue par la doctrine de la causalité
psychique absolue, laquelle voit dans les mécanismes de la « projection »
le modèle même de la théorie du Délire hallucinatoire. Modèle plus purement
psychogénique encore que celui de l ’accomplissement du désir p ar le rêve,
lui-même engendré par le désir de dormir, car celui-ci dans sa dépendance
à l ’égard du sommeil reste en dépit de ses interprétations manifestement réfrac­
taire à la théorie exhaustive de l ’Hallucination p ar la force du désir. Au
contraire, dans la Paranoïa — nous nous limiterons comme la plupart des
auteurs à cet aspect systématisé, d ’ailleurs fondamental, des structures déli­
rantes chroniques — tout se passe comme si la « projection », c’est-à-dire, ici,
l ’expulsion du désir, son éradication dépendait en dernière analyse encore du
désir, mais d ’un désir absolument inversé ou révulsé dans son mouvement de
répulsion.
Nous avons examiné déjà ce problème quand nous avons exposé l ’aspect
général de la projection des affects inconscients dans les Psychoses (cf. p. 994)
et notam m ent les interprétations auxquelles Freud et les autres psychanalystes
se sont livrés à propos du cas du Président Schreber. Il ne nous paraît pas utile
d ’y revenir sinon pour souligner que pour eux le noyau de la Psychose, son foyer
déliriogène et hallucinogène, c’est l ’exigence originaire de la projection pour
autant q u ’elle représente une « Verneinung » (dénégation) comme y a insisté
Freud, ou une « Verwerfung » (forclusion) comme y a insisté J. Lacan (1).
La « défense » (Abwehr) suppose évidemment un danger, et c’est en effet
contre une agression interne qu’en dernière analyse le délirant projette (déplace)
sa stratégie. Le sens de ce qui est ainsi l ’objet interne de l ’expulsion, c ’est-à-dire
la charge de déplaisir que comportent la ou les forces pulsionnelles (Trieb­
regung) dont le Moi souffre et fuit les assauts, demeure naturellement l ’enjeu
de toute « analyse » des « objets » symboliques internes ou internalisés qui,
soit en contrevenant aux lois de la censure, soit p ar la tension q u ’engendrent
leurs conflits intérieurs, deviennent intolérables. Par la « dénégation » (Ver­
neinung), Freud fait remarquer (1925) que le Sujet prend une conscience
partielle du refoulé, celui-ci même renié en tant que projeté hors de soi n ’en
demeure pas moins présenté en tant que contenu représentatif (VorStellungs­
inhalt) p ar le Délire et l ’Hallucination (Vermittels des Verneinungs symbols
macht sich der Denken von den Einschränkungen der Verdrängung frei.
« Le refoulé se libère comme le symbole de la dénégation »). Ainsi, la projection

(1) Je continue à penser que « récusation » traduit mieux Verwerfung que « for­
clusion », terme plus magique certes, mais qui implique une sorte de contingence de
temps sous-entendant que le droit du désir est périmé.
1034 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

paranoaïque (pour encore une fois nous en tenir à ce q u ’ici peut être considéré
comme le dénominateur de toute psychose délirante chronique systématisée,
schizophrénique ou fantastique, etc.) se confond, elle, avec la fonction même
du Moi, c ’est-à-dire sa constitution en système de défenses (cf. plus loin p. 1046)
contre les processus primaires, contre le monde des objets phantasmiques de
l’Inconscient.
On peut même en se rapportant aux études psychanalytiques contem­
poraines dire que l ’agent de cette éjection, de cette expulsion, se confond avec
l ’instance même du Sur-Moi. C ’est ainsi que S. N acht et P. C. Racamier
interprètent l ’Hallucination et le Délire comme la manifestation du Sur-Moi
en objet (disons un « autre » étranger). Le changement de direction, ou d ’inten­
tionnalité de la voix entendue ou de l ’ordre reçu, est à cet égard tout à fait
manifeste de la substitution de l ’Autre à celui qui en lui-même et à lui-même
commande ou interdit. Mais cette sévérité du Sur-Moi objectivée, elle est
elle-même recherchée comme un consentement en dernière analyse hédonique
sinon narcissique, en tant que satisfaction dans la soumission au commande­
ment et à la domination. Le rôle, ou plutôt, la fonction du Sur-Moi dans la
projection délirio-hallucinatoire, a été très fortement souligné p ar Freud,
notam m ent dans « Das Ich und Das Es » (1923) (p. 282 et p. 210 de la traduction
française). Ce Sur-Moi exerce son commandement p ar l ’instrum ent de la
parole : l ’ordre. De telle sorte que le Sur-Moi a une structure auditive en
tan t que représentation de l ’ordre syntaxique et sémantique que véhicule le
commandement. La voix persécutrice c ’est la voix de l ’accusation et de la
condam nation prononcées p ar le Sur-M oi (cf. à ce sujet Neue Vorlesungen
G. W., XV, pp. 70-78 et trad. fr. Nouvelles Conférences, pp. 90-94).
Tel est le schéma fondamental de la « structure » économique ou hédo­
nique du Délire et, bien entendu, de l’Hallucination sous toutes ses « formes »
(voix, phénomènes d ’influence, Hallucinations corporelles, etc.) et à tous ses
« degrés » (Hallucinations, Pseudo-hallucinations, perception ou interpréta­
tions délirantes, illusions). Elle répond à une nécessité interne, à une m aturation
inconsciente, à une germination des désirs qui s’agitent dans le mouvement
brownien du processus primaire, dernier m ot de la psychogenèse pure. En effet,
tout est dès lors ramené à un modèle linéaire (fût-il un court-circuit ou une
boucle de réverbération) inverse de celui du désir hallucinant son objet, celui
du désir refoulé inversant, en l ’hallucinant, son objet désormais interné. Et
c ’est par le principe général de la dynamique du plaisir-déplaisir, c ’est-à-dire
en conformité de l ’équilibre économique des pulsions inconscientes et de leur
représentation symbolique dans la conscience que la théorie freudienne rend
compte, en ne faisant jamais appel à autre chose qu'au jeu interne des pulsions
et instances inconscientes, de la projection hallucinatoire et délirante de l'objet
du désir inconscient devenu objet de la répulsion ou de l'angoisse du M oi dans
le monde des objets. Somme toute, la projection dans le monde de l ’autre et des
autres ne dépendrait rigoureusement que des « objets » de la réalité psychique.
Or, il n ’y a pas, il ne peut pas y avoir de problème de l ’Hallucination quand
il n ’y a pas de problème de la connaissance et de la réalité.
ÉCONOMIQUE 1035

C ’est ce que nous soulignerons encore en conclusion de ce chapitre, à pro­


pos notam m ent du développement de la notion de « Refoulement originaire »
qui fait de l’Inconscient le Refoulant et non le Refoulé, et supprime par là
la dialectique vraiment existentielle entre le Désir et la Réalité : le langage
n ’est qu’un non-sens de chaînes de purs signifiants; la réalité c’est l ’irréalité
pour n ’être que la réalité symbolique. Dès lors sont rendus caducs — en réaction
contre l’anecdotisme du temps et de la « Urszene » et des traumatismes infan­
tiles — tous les fameux complexes qui, pour se constituer, se fixer et axer les
psychoses comme les névroses, exigent un choc entre le Désir et la Réalité.
C ’est pourtant en s’attachant à l ’un de ces complexes fondamentaux
(l’auto-punition) que J. Lacan, à propos de son fameux cas appelé par lui
« Aimée » (sujet de sa thèse et objet de son désir de savoir), avait repris dans sa
pureté essentielle la théorie de Freud en la débarrassant de tout ce qui pouvait
la « contaminer » de « quelque chose » (le fameux « processus » jaspérien,
bête noire de toutes les théories d ’une causalité psychique tellement pure
q u ’elle ne doit jam ais faire appel q u ’à l ’intentionnalité première et dernière,
c ’est-à-dire à la valeur hédonique ou solutionnelle de la psychose), de quelque
chose qui pourrait être, ne fût-ce q u ’un soupçon d ’hétérogénéité dans la ligne
— fût-elle en zigzag — qui unit en définitive le délire et l ’Hallucination p ar
la voie et la voix du Désir dont la béance suffit à appeler cette réponse q u ’est
la Psychose. Nous avons déjà plus haut (p. 1001) longuement parlé du cas Schre-
ber en nous rapportant à un de ses textes étincelants et fondamentaux dont
il a et garde le secret. La compréhension (la « m antique ») exhaustive de la
Psychose est possible (c’est-à-dire que sa causalité psychique est absolue)
si on la place là où elle est : dans l ’ordre symbolique. Elle s’ordonne alors
relativement au phallus paternel, signifiant p ar excellence du désir (être ou
ne pas être le phallus, l ’avoir ou ne pas l ’avoir — position occupée p ar le phal­
lus dans le désir des trois protagonistes de la situation triangulaire œdipienne).
La Psychose, le Délire, l’Hallucination répondent au manque que maintient
dans sa fatale béance la forclusion (Verwerfung) du nom du Père. Car
la formule m étaphorique, la substitution signifiante du vide qui appelle le
Délire à le combler, c’est la forclusion. D ’où l’analyse en quelque sorte m athé­
matique des chaînes de signifiants où défile et se défile le travail du Délire qui
remplit son rôle en remplissant le manque qui l’engendre.
Nous avons semble-t-il bien raison de dire q u ’une telle théorisation de la
« projection » reprend à son compte la méthodologie même du Délire (1), et
cela en vertu du principe technologique qui prescrit de ne traiter du Délire (et de
l ’Hallucination) q u ’au niveau du Délire, c’est-à-dire dans l ’ordre symbolique.

(1) Seul procédé épistémologique auquel un Psychanalyste parvenu jusqu’à


l’absurde de sa théorisation peut accorder une valeur (cf. p. 1003). Cela paraît évident
dans la littérature psychanalytique quotidienne écrite et parlée des chapelles analytiques
qui se renvoie en écho ou en miroir la même idée, la même image (cf. par exemple
le n° spécial consacré récemment par la Rev. fr. de Psychanalyse au « Fantasme »,
1971, 35, 203-418).
1036 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

Par là, le Délire se confond avec le développement ou plutôt la malformation


de la personnalité, et obéit à une dialectique purement interne et inconsciente
au cours de laquelle se recyclent les figures superposées des phantasmes ou les
chaînes de signifiants dans un discours qui n ’est et ne peut être que le lan­
gage de l ’Inconscient. Et si un fil d ’Ariane peut, grâce à l ’interprétation des
symboles, nous conduire jusqu’à réintégrer le N om du Père dans sa position
« Signifiant-Clé », c ’est bien que ce « fil rouge » que bobine le Délire et que dévide
l ’interprétation est comme le symbole, le signe et le signifiant même du modèle
linéaire qui lie — là comme ailleurs dans toute théorie de la causalité psychique
pure — les deux extrémités du mouvement même de la projection qui porte
le Délire — fût-il inversé — jusqu’à son objet — fût-il imaginaire.
Disons que cette « dialectique » assez paradoxale, pour ne s’accommoder
que d ’un circuit fermé ou d ’un structuralisme purem ent formel, peut certes
expliciter à l ’infini — et parfois merveilleusement — l ’énoncé du Délire par le
recours aux métaphores ou aux jeux des miroirs, des reflets et des mots, sans
pouvoir jam ais pouvoir ou même vouloir l’expliquer. Car telle est sa
stérilité.

d ) In tr o d u c tio n d u c o n c e p t é c o n o m iq u e d e « r é g r e ss io n ». —
Nous verrons plus loin que Freud a lui-même senti la nécessité (dans son
Mémoire intitulé justem ent « Metapsychologische Ergänzung, etc., 1916) de
faire appel à quelque chose d ’autre. C ’est que, comme nous l ’avons longue­
ment souligné (p. 801), le « travail délirant et hallucinatoire » même lorsqu’il
aboutit à une claire systématisation ou q u ’il projette un certain ordre et une
certaine unité dans la psychose, com porte à l’analyse structurale un « reste »,
un « halo » d ’impénétrabilité à quoi correspond le caractère « processuel »
qui est généralement reconnu à ces Psychoses délirantes et hallucinatoires
chroniques p ar les Psychiatres, et non moins généralement renié (par une
« Verneinung » toute explication causale) p ar les Psychanalystes. Ce n ’est
précisément que lorsqu’on envisage la masse des Délires chroniques — ainsi
que nous l ’avons fait — q u ’apparaît comme dénominateur commun de la diver­
sité évolutive du travail délirant le bouleversement psychique qui paraît
d ’abord absent de certaines de ses formes (dites précisément systématisées
ou paranoïaques). La généralité de la maladie délirante et hallucinatoire
chronique, avons-nous dit, comporte nécessairement la marque de ce « pro­
cessus », évident dans les formes schizophréniques, et, malgré ses intermit­
tences ou sa discrétion, encore perceptible dans l ’évolution de toutes les
Psychoses délirantes et hallucinatoires chroniques. Car, comme nous l ’avons
établi toutes les fois que nous avons approfondi les rapports du Délire et
de l ’Hallucination (cf. 3e Partie, p. 383), celle-ci ancre effectivement le
Délire même le plus « clair » dans un processus correspondant « au processus
psychique » de Jaspers, notion absolument rebelle à toute psychogenèse inté­
grale définie elle-même par le seul développement (hédonique et, en fin de
compte, narcissique) de la personnalité. Il ne suffit pas en effet pour nier
valablement le processus primaire ou prim ordial de se saisir d ’un monde
ÉCONOMIQUE 1037

délirant et hallucinatoire comme s’il n ’était susceptible que d ’une interprétation


des symboles du Désir et du Plaisir q u ’il représente en se refusant à l’expliquer
et même à poser le problème de son apparition, de sa facticité.
C ’est précisément pour répondre — même si c ’est inconsciemment comme
cela paraît être le cas pour certains psychanalystes — à cette exigence que tant
d ’auteurs y compris, bien sûr, Freud lui-même, font état de la notion de régression
(Regression, Rückbildung), du mouvement de rétrogrédient de l ’énergie et des
formes de la vie psychique, de reflux ou de désinvestissement (Unbesetzheit)
de la réalité. Nous examinerons plus loin la généralité de l ’objection que cette
manière de voir oppose à la théorie purem ent psychogénique de la projection
délirante et hallucinatoire (la même que celle qui s’oppose à l ’inversion des
rapports de causalité entre sommeil et rêve), mais nous devons ici indiquer
pour en prendre acte que la plupart des auteurs qui se sont occupés de ces
« psychoses » p ar excellence se sont sentis dans l ’obligation de les interpréter
(et c’est évidemment le cas surtout pour les plus typiques d ’entre elles, c ’est-à-dire
les psychoses schizophréniques) comme représentant une modalité archaïque,
primitive ou inférieure de structuration et de différenciation de la vie psychi­
que. C ’est que, même quand la régression paraît être partielle, q u ’elle se limite
à n ’être elle-même q u ’un rejeton ou un bourgeon de 1’Inconsdent (Abkömm­
ling des Unbewussten) comme cela peut paraître être le cas dans l ’émergence
hallucinatoire « sans délire » ou représentant à elle seule tout le délire — le
retour du refoulé ne s’opère que dans les conditions générales qui le favori­
sent en reproduisant le contexte anachronique ou énergétique dans lequel il
est fixé. De telle sorte que l ’interprétation du Délire (et de l ’Hallucination)
par la projection (même isolée) de tel ou tel complexe, revient toujours à faire
intervenir les deux notions complémentaires de régression et de fixation à tel
ou tel stade libidinal. Cette perspective génétique — récusée p ar le structu­
ralisme de J. Lacan — s’impose fatalement quand il s’agit de rechercher sous le
contenu manifeste des signifiants délirants leur contenu latent, c ’est-à-dire les
objets signifiés du monde phantasmique de la phase œdipienne ou des phases
pré-œdipiennes.
Effectivement, lorsque Freud à propos du cas du Président Schreber a mis
à jour son complexe d'homosexualité, il a ouvert la Psychose paranoïaque
à une opération radicale de compréhension. Nous l ’avons vu, cette manière
de nier, de renier le désir homosexuel en le projetant, soit dans un autre sen­
timent (la haine), soit fi ans un autre objet (sur l’autre sexe), est bien, en effet,
par l'inversion même des relations objectâtes qu'il implique, la clé de voûte du
système de persécution lui-même, clé de voûte de tout Délire chronique. Ce
fait crucial n ’avait d ’ailleurs pas échappé aux auteurs classiques (Génil-Perrin,
Kehrer, Kretschmer, Kleist, etc.) comme l ’a rappelé P. Schiff (1), et il n ’est
pas question q u ’il échappe aux vrais Cliniciens d ’aujourd’hui ou de demain.

(1) P. Schiff, La Paranoïa et la Psychanalyse. Rev. fr. de Psychanal., 1935,


p. 44-105.
1038 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

Bien sûr, la réduction pure et simple des. Délires (et des Hallucinations)
à un complexe d ’homosexualité refoulée ne saurait satisfaire à la complexité
même des cas (cf. supra, p. 994), et on a fait souvent remarquer que certains
homosexuels conscients de leur homosexualité parfaitem ent assumée n ’en
étaient pas moins délirants, tout de même que le délire de persécution et la
projection de fantasmes hallucinatoires ne sont pas toujours réductibles au radical
phantasmique de l ’inversion du choix objectai. G. E. G ardner (1931), H. R. Klein
et W. A. Horwitz (1949), S. Arietti (1955) et Ida Macalpine et R. H unter (ceux-ci
à propos, nous l’avons vu, de l’interprétation du cas du Président Schreber)
ont par exemple contesté que la fixation libidinale au même sexe constituât le
noyau spécifique de la paranoïa (1). Mais il n ’en reste pas moins que plus géné­
ralement le problème œdipien se reflète précisément dans la projection délirante
et hallucinatoire, tant en ce qui concerne le développement de l ’agressivité,
les positions de soumission ou de révolte, l’identification à la puissance pater­
nelle ou à la passivité féminine, l ’angoisse de la castration que les sentiments
de culpabilité incestueuse.
Mais on comprend que la « régression » de la libido à ce stade pré-œdipien
puisse imposer au système relationnel du délirant et de l’hallucinant avec ses
objets projetés ou hallucinatoires une symbolique fantasmique plus archaïque.
C ’est, en effet, au stade sadique, anal et au stade oral, c ’est-à-dire à la phase
de constitution de la réalité pour autant que des objets extérieurs sont perçus
dès lors comme hors du champ libidinal du désir, c’est à ces phases des premiers
échanges entre le « dedans » et le « dehors » que nous renvoie tout naturellement
la symbolique du délire et des Hallucinations. Le délirant halluciné, en pro­
jetant hors de son corps et de son M oi les objets, reproduit et inverse le mou­
vement originaire de la perception du monde extérieur. Celle-ci ne s’est établie
que du jo u r où le nourrisson se heurte aux objets qui lui résistent pour n ’être pas
à sa disposition. Le délire hallucinatoire fa it des objets en les expulsant, comme
le nourrisson établit sa première relation d ’agressivité avec un objet extérieur
sur le modèle des excréments q u ’il produit (Jelgersma, J. H. W. van Ophuisjen
et H. Stârcke ont publié une série de travaux de 1918 à 1920 dans Y International
Journal o f Psychoanalysis dans lesquels ils ont noté et explicité le complexe
sadique-anal et la symbolique de l’érotique anale dans le mécanisme de la
projection délirante et hallucinatoire.
Avec Mélanie Klein, c ’est plus loin encore, dans les premières relations

(1) Rappelons que G. E. G ardner (Psychanal. Rev., 1931, p. 18-57) avait


confirmé en étudiant 120 délirants à cet égard (paranoïaques et schizophrènes),
que 51,7 % d’hommes et 38,7 % de femmes pouvaient être considérés comme
ayant de fortes tendances homosexuelles. Pour 21,7 % d ’hommes et 18,7 % de femmes,
il s’agissait d ’homosexualité manifeste, pour les autres seulement de fantasmes homo­
sexuels. Mais la contrepartie arithmétique de ces observations montre que 48,3 %
d ’hommes et 61,3 % de femmes n ’avaient pas de tendances homosexuelles, tout au
moins manifestes.
ÉCONOMIQUE 1039

objectâtes que se situe la « position paranoïaque infantile » (1) que reproduit la


régression de la Psychose. A cette première phase anté-objectale d ’irruption
des pulsions, l’angoisse, revers du narcissisme primaire et déjà de l ’auto-éro-
tisme, est la dimension originaire du premier contact avec 1e monde des objets.
Ces objets se répartissent en « bons » et « mauvais », et chacun d ’eux comporte
une ambivalence. D e telle sorte que tes objets (mauvais sein persécuteur, bon
sein rassurant) sont eux-mêmes soumis à une sorte de clivage ( Objektspaltung)
et de projection réciproque et interne des pulsions érotiques et destructives.
A cette ambivalence correspond chez l ’enfant qui n ’a encore construit aucune
image unifiée de lui-même une série d ’alternances et d ’interférences de mouve­
ments d ’extrajection et d ’introjection. L a défense « projective » (la tendance
d ’expulser 1e mauvais objet) représente tes premières défenses du Moi contre
l ’anxiété, et c’est elle qui définit la position persécutoire paranoïde-schizoïde.
Tel est 1e schéma fondamental du système pulsionnel et conflictuel qui, selon
Mélanie Klein, constitue la vie phantasmique et pulsionnelle de l ’enfant, tes tâton­
nements de ses choix objectaux, dans sa période pré-verbale. Mais il devrait être
évident q u ’une régression à ce stade prim itif des premières relations objectâtes
implique une désorganisation de tout 1e système relationnel et se rencontre
plutôt dans tes formes schizophréniques au cours des reflux libidinaux jusqu’aux
sources de la névrose narcissique (Freud) que dans tes autres types de Psychoses
où cette régression ne se présente que pour ainsi dire en filigrane et au terme d ’une
laborieuse interprétation analytique. Quoi q u ’il en soit, toutes tes études sur
1e délire et tes Hallucinations des schizophrénies, depuis les descriptions et ana­
lyses de Jung, M arder, E. Bleuler, Freud, Abraham , jusqu’aux travaux de
Mélanie Klein, Rosen, Sullivan, Séchehaye, tirent toute leur importance de
cette référence aux stades archaïques, de cet aspect génétique de la théorie des
Hallucinations et des Délires dont on trouvera un bon exposé général dans
1e rapport de S. N acht et P. C. Racamier (1958).
Mais, bien sûr, nous ne pouvons pas ne pas nous poser la question qui
brûle toutes tes lèvres : celte de la nature de cette régression en nous dem andant
si 1e Psychanalyste n ’y répond pas par la tautologie de sa propre théorie : si
tout dépend du désir, si 1e désir est enfoui, incarcéré au fond de l ’être, et si 1e
Délire n ’est que production du désir, 1e Délire, en nous renvoyant à l ’archéologie
du désir, fait apparaître l ’archéologie de l ’être. Tout est vrai dans cette para­
phrase des rapports du désir et de la réalité, sauf un point : c ’est que la régres-
sion, ce n ’est pas 1e délirant qui inconsciemment l’engendre, c’est 1e psychana­
lyste qui inconsciemment la postule comme un complément nécessaire
( f Ergänzung que Freud a lui-même ajouté) à son insuffisante théorie.
— Nous pouvons donc conclure de ce rappel des « mécanismes inconscients
de la projection » que selon 1e modèle théorique psychanalytique : 1°) ces « méca­
nismes » sont en effet des mécanismes ou même des machines, en ce sens q u ’ils

(1) Position plus exactement appelée par elle « paranoïde-schizoïde » pour l ’opposer
à « la position dépressive ».
1040 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

constituent des montages hallucinatoires que mettent en mouvement les forces


psychiques obéissant à une sorte de mécanique énergétique ou homéostatique
— 2 ° ) ces mécanismes sont inconscients, en ce sens q u ’ils dépendent exclusive­
ment des mouvements pulsionnels (et de leur appareil phantasmique) qui
constitue la causalité nécessaire et suffisante à la projection délirante et hallu­
cinatoire. Il s’agit bien là, du point de vue économique comme du point de vue
énergétique, d ’un schéma linéaire qui lie l ’Hallucination au Désir en plaçant
l ’objectivation délirante et hallucinatoire à une extrémité (extérieure) du m ou­
vement qui parcourt la distance qui sépare l ’objet du désir ou de ses substituts
situés à l’autre extrémité (intérieure). C ’est sur ce modèle fondamental que toute
la théorie de la projection (réalisation du désir dans le rêve ou dénégation du
désir dans la paranoïa) est articulée. C ’est ce schéma qui constitue la clé de
voûte de la théorie économique de la projection hallucinatoire ou, si l ’on veut,
de la dialectique du désir à son objet dans l ’ordre symbolique et imaginaire (1).
Que ce schéma se heurte, comme nous venons de le voir, à propos des rapports
du rêve et du sommeil et à propos du délire hallucinatoire et du processus
de régression, à des difficultés insurmontables pour une théorie purement
psychogénique, cela est évident. Même si cette évidence est contestée paf l ’in­
terprétation intentionnelle du sommeil et de la régression (cf. plus loin p. 1262),
elle n ’en demeure pas moins comme la condition même du Délire et de l ’Hallu­
cination puisque aussi bien l ’un et l ’autre ne sont possibles que par une inter­
prétation inverse qui, en les faisant dépendre d ’une modification de l’être
conscient, les. consacrent pour ce q u ’ils sont, une altération de la réalité et non
point seulement une « projection » ou une production désirante de phantasmes.
C ar une projection de phantasmes qui ne se ferait — selon la théorie même —
que sous l ’effet des forces inconscientes et sans que le système de la réalité
ne soit rien d ’autre q u ’un écran transparent, ccette projection perdrait tout
son sens, comme l ’Hallucination perdrait toute sa « réalité », c ’est-à-dire
sa structure d ’irréalité. Nous retrouverons plus loin cette « aporie » et verrons
com m ent Freud a été conscient de cette impossibilité de voir dans la projection
du désir la condition nécessaire et suffisante du Délire.

3° T h éo rie « to p iq u e » d e la p r o je c tio n h a llu cin a to ire .

Le problème des Hallucinations est lié à celui de l ’espace. Que l ’on se


réfère à K ant, à M. Merleau-Ponty, à E. Minkowski ou à Er. Straus, c’est
toujours relativement à une configuration vécue ou pensée de l ’espace q u ’est
définie l ’Hallucination. Même absente de l ’espace objectif, elle est ce chef-
d ’œuvre de l ’objectivation (comme disent S. N acht et P. C. Racamier, 1958)
p ar quoi quelque chose qui ne devrait pas y figurer légalement prend corps,
fût-ce dans l ’espace intérieur, dans la « Realität » psychique (la réalité exté-

(1) Pour G. D eleuze et coll. (1972), seule l ’aspiration du Désir fabrique tous
les « objets » du monde « réel » (c’est-à-dire de la seule « Realität » psychique).
TOPIQUE 1041

rieure à soi-même étant le seul fondement objectif de tout jugem ent prédicatif
du réel pour autant q u ’il n ’est pas le sujet même du Cogito). Si nous ouvrons ce
paragraphe en rappelant ces idées générales, c’est que précisément le modèle
« topique » de l’appareil psychique est pour ainsi dire l ’instrument de la théorie
psychanalytique de la projection hallucinatoire. On pourrait même dire q u ’il
n ’a été construit que pour rendre compte de la nécessité et de l’excellence des
fonctions qui se disputent les « lieux » psychiques pour régler la « mise au
point » de l ’image comme projetée p ar une lanterne magique (1).

(1) J. L acan, dans un remarquable commentaire du rapport de D. Lagache


{Psychanalyse et Structure de la personnalité, 1958), se souciant précisément de contester
le caractère « topologique » ou « géométrique » de la représentation structurale
de l ’appareil psychique, et rappelant que « F reud a dénié, en principe, à tout système
d ’aucune de ses topiques la moindre réalité comme appareil différencié dans l’orga­
nisme », a fortement marqué la nécessité de substituer une fonction imaginaire à
la représentation topologique de l ’appareil psychique. (Ce texte occupe les pp. 647
à 684 des « Écrits »). Exploitant ingénieusement le dispositif d ’optique géométrique
par lequel Bouasse fait passer l’illusion d ’un objet renversé par un miroir sphérique
formant image réelle à la condition que l ’œil occupe un certain lieu à l’intérieur du
cône de projection, l ’exploitant même jusqu’à, comme il le dit lui-même, « en forcer
la ressource », Lacan en complique le mécanisme de projection par l’introduction
d ’un miroir. De telle sorte que sous ce mode analogique — sur ce modèle imaginaire —
l’auteur nous propose de saisir à l’intérieur même de ces systèmes de réflexions et
réfractions le jeu de miroir (les images spéculaires) où se découvre le clivage du sym­
bolique (image virtuelle) et de l’imaginaire (image réelle). Sans entrer dans les laby­
rinthiques développements de ce vertigineux et fascinant travail qui, effectivement,
comme J. L a c a n le souligne, rappelle celui de l ’interprétation du Psychanalyste,
rappelé par là à l’ordre du symbolique qui est sa fonction, il nous suffira ici d ’insister
une fois de plus sur le caractère de « circuit fermé », de « systèmes clos » que représente
un tel structuralisme qui ne peut dérouler ses chaînes de signifiants qu’en les faisant
défiler, se faufiler, se profiler, se dédoubler, ricocher en une série de miroirs sans fin
se renvoyant les uns aux autres. De telle sorte que nulle part peut-être plus clairement
que dans ce texte « freudien » par excellence (pour être effectivement plus loin du
pauvre schéma « imprudent », dit L a c a n , qui le traite encore de « l’œuf à l’œil »
que de la profonde vision que F r e u d par son génial regard a fait surgir de l ’ombre
du monde des images inconscientes), nulle part n ’apparaît tout à la fois la nécessité
de s’affranchir des intuitions spatiales qu’impliquent « les lieux » de la topique et
l ’impossibilité d ’y échapper. Car, en définitive, c’est conformément à la métaphore
d ’un appareil d ’optique que sans cesse le modèle théorique de l’hallucination — chez
F reud o u chez L a c a n — nous est proposée. Comment pourrait-il en être autrement
dans un système « structural » où ne circulent qu’ « images » toujours empruntées à la
psychophysique optique ou aux charges énergétiques (thermodynamiques, hydrau­
liques, électriques) ou même mouvements (déplacements, renversements, translations
et transitions) qui exigent une mathématique ou une physique de l ’espace. Car ce
n ’est que dans l’espace que peut se construire ce modèle fonctionnel de relations
imaginaires pour autant qu’elles impliquent un jeu de parties (les « instances »)
qui renvoient par leur opposition les unes aux autres, images. D ’un jeu d’images
comme le dit Lacan, ne saurait être tirée d ’autre prescription que de nous
1042 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

Nous allons voir dans l ’exposé de ses diverses « topiques » que Freud en
« réalisant » les lieux psychiques, c’est-à-dire en les juxtaposant dans l ’espace
où se déplacent les « objets » de la « Realität » (réalité psychique), a réduit
l ’Hallucination à n ’être qu’un point ou une propriété de cet espace, c ’est-
à-dire à perdre toute possibilité d ’existence en se confondant avec la généralité
des mouvements qui traversent les parties de l ’appareil psychique. Car l ’hé­
térogénéité et la hiérarchie des formes et des structures de l ’appareil psy­
chique disparaissent dans l ’homogénéité d ’un espace qui les confond. Certes,
l ’Hallucination appartient à cet espace imaginaire, mais elle n ’apparaît que
dans et p ar sa rupture avec l ’espace de la réalité, le système de la réalité.
Le schéma « topologique » de l ’appareil psychique si nécessaire non seu­
lement pour résoudre mais tout simplement pour poser le problème de l’Hal­
lucination, est, en effet, dans la doctrine freudienne rendu inutilisable par son
immersion totale dans l ’Inconscient. L a théorie des instances, ou des fonctions,
ou des lieux psychiques, en effet, à mesure q u ’elle s’est développée a de plus en
plus tourné le dos aux formes d ’intégration et de construction de l ’être psychique
pour faire basculer celui-ci presque tout entier dans un Inconscient qui s’est
trouvé topologiquement disposé dans l ’ordre même qui était refusé à l ’être cons­
cient. Et, comme nous allons le voir, la topique d ’abord submergée (jusqu’en
1920) p ar l’énergétique, puis reprise dans la deuxième topique sous forme d ’ins­
tances (idéale, critique ou autre) au lieu de représenter les relations de l ’Ics
et du Cs, a « personnifié » et « chosifié » les instances de l’Inconscient. La
première topique a institué les instances qui composent l ’appareil psychique
en machine à faire des images; la deuxième topique a métamorphosé ces
lieux psychiques en idoles. Le sens général de l ’opération ne saurait nous
échapper avant même que nous l ’exposions : il s’agit de « paraphraser »
en termes de déplacement, d ’opposition dans l ’espace, les mouvements et

situer dans la fonction symbolique. Mais cette fonction même par le « vis-à-vis »,
les « complexes », le transitivisme qu’elle implique, cloisonne le champ du désir.
Et, au fond, une topique de l’appareil psychique, qu’elle le réduise à ne fonctionner
que dans les mouvements de l ’Inconscient ou qu’elle se réfère à un modèle architec­
tonique des rapports Conscient-Inconscient, est imprescriptible pour toute théorie
de la causalité des phénomènes psychiques. C’est, croyons-nous, parce qu’il manque
au modèle « freudien » en général et à celui de J. Lacan en particulier une autre
dimension, celle de la réalité et de la conscience qui la construit, que ce modèle se
condamne à ne viser qu’une série infinie d ’images sans que jamais puisse sortir de ces
palais de glaces ou de ces jeux de miroirs du Musée Grévin, ou des illusions d ’optique,
cet autre chose qu’est une « Hallucination ». En absorbant les « instances » des valeurs
(Sur-Moi) et de la réalité (Moi) dans ce monde purement symbolique, en supprimant
par conséquent (c’est le sens même du texte de Lacan) l’idée d ’instance, le monde
de la réalité tombe tout entier dans le monde de l’imaginaire. Il n ’y a naturellement plus
de «place » alors, ni pour la perception, ni pour l’Hallucination. Celle-ci disparaît
dans la prestidigitation de J. Lacan comme dans toutes les chausse-trapes dans
lesquelles une conception purement inconsciente de l ’être psychique fait tomber
le problème de son apparition.
TOPIQUE 1043

les conflits qui projettent p ar leur seule force l ’imaginaire dans le réel (lui-
même imaginaire ou, si l ’on veut, sans réalité). Il s’agit plus simplement
encore de faire une théorie de la projection qui s’effectue uniquement dans
l’espace symbolique interne, seul objet de la topologie. Somme toute, la
métapsychologie topologique se borne à réfléchir la projection sur elle-même et
par conséquent à ôter son sens à l ’Hallucination, et plus généralement au
Délire.

La première topique préparée et dans bien des points déjà annoncée en 1895
dans les « Études sur l’hystérie » (avec la collaboration de Breuer qui paraît avoir
été déterminante à cet égard), dans 1’« Esquisse » et les « Lettres à Fliess » (1)
à la même époque, cette première topique a été surtout exposée dans la « Traum­
deutung » (chapitre VII, p. 440-468 de la trad. fr. de I. Meyerson).
C ’est évidemment du rêve q u ’il est question dans ce fameux exposé de la

Fio. 6. — a) Le processus psychique va de L’excitation sensorielle (P) à la réponse


motrice (M) ; b) Mais entre perception (P) et motricité (M) s’intercale un système
de souvenirs (S).

(1) Notamment, les lettres à G. D ecourt (1896) où c ’est la chaîne perception-


signes de perception, signes inconscients-signes préconscients et enfin conscience
qui connecte la marche progrédiente de l’appareil psychique comme une superposi­
tion d ’enregistrements ou de transcriptions représentant la production psychique
d ’époques successives de la vie.
1044 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

première topique. Et Freud commence à fairç remarquer que la scène où le


rêve se meut est peut-être bien autre que celle de représentation de la veille.
Il s’agit donc d ’un « lieu psychique » spécifique qui correspond à cette partie
de l’appareil psychique où se forme l ’image. Représentons-nous dès lors l ’appa­
reil psychique comme un instrument d ’optique composé de diverses parties
composantes (que nous pouvons appeler instances), et imaginons que ces par­
ties puissent comme les lentilles du télescope être rangées les unes à côté des
autres dans l ’ordre d ’une orientation spatiale, de telle sorte que leur série soit
parcourue par l’excitation (Erregung) qui provient des objets internes. Les
diverses parties de cet appareil constitueraient ce que nous pouvons appeler
les systèmes <];. Ceux-ci sont disposés conformément à une direction, de telle sorte
que nous pouvons bien distinguer une extrémité sensitive et une extrémité
motrice. Le processus psychique va généralement de l ’extrémité P à l’extré­
mité M.

P S, S; Préc.

F ig . 7. — Le système des souvenirs inconscients est séparé de sa réalisation motrice ;


au contraire le système pré-conscient constitue une instance qui est en rapport
avec le principe directeur de la vie éveillée.

Mais nos perceptions laissent dans notre appareil psychique une trace de
souvenirs (S). Tandis que les premières tranches de ce dispositif fonctionnel
plus près de P ou système externe ne garde pour ainsi dire pas de mémoire
mais fournit à la constance la multiplicité en qualités sensibles (ergibt fü r
unser Bewusstsein die ganze Mannigfaltigkeit der sinnliches Qualitäten),
nous devons considérer toute une série d ’éléments (S) qui sont dotés de mémoire
et de la capacité de s’associer, ce sont des souvenirs inconscients. Il y a une sorte
d ’antagonisme entre ces souvenirs inconscients sans qualité sensible et le sys­
tème P (celui de la conscience). Les deux systèmes s’excluent Tun l ’autre.
Mais si nous nous tournons m aintenant vers le rêve, nous devons admettre
q u ’il est composé de deux parties : Tune qui critique et est en relation avec
le principe directeur de notre vie éveillée, et l’autre qui subit la critique qui
lui interdit l ’accès de la conscience. En considérant les systèmes (Systemen)
qui correspondent à ces instances (Instanzen), nous appellerons « Pré­
conscient » le dernier des systèmes qui débouche directement sur l ’extrémité
TOPIQUE 1045

motrice et « Inconscient » le système placé plus en arrière et qui ne saurait


passer à la Conscience q u ’en passant par le Préconscient.
La marche du rêve nous apparaîtra dès lors comme un mouvement rétro­
grade ou « régrédient ». Les excitations issues de l ’Inconscient, au lieu de se
transmettre vers l ’extrémité motrice se portent à son extrémité sensorielle.
D ’où le caractère hallucinatoire du rêve.
Ce qui dégage de cette « mécanique rationnelle » de l ’image, de la perception,
du souvenir et de la conscience, c ’est bien cette idée que nous retrouvons inces­
samment chez la plupart des auteurs qui se sont occupés des rêves et des Hallu­
cinations, savoir que entre l ’image et l ’Hallucination n ’y a q u ’une différence
d ’intensité ici expliquée par le « mouvement régressif » qui se porte vers le lieu
où régnent les qualités sensibles. Mais dans cette première ébauche de la
« topique » freudienne — et justem ent parce q u ’elle est une topique — nous
voyons apparaître l ’idée des « lieux » qui confèrent éclairage ou obscurité,
propriétés sensibles ou non aux représentations psychiques. E t c ’est précisément
cette considération d ’un « signe local » de la fonction de représentation, de
mémoire ou de perception, qui conduit Freud à proposer le schéma de sa pre­
mière topique. Celle-ci comprend trois instances : YInconscient, le Préconscient
et le Conscient séparées chacune par une censure.

L ’Inconscient est le lieu où sont refoulés les phénomènes psychiques


soumis à une censure rigoureuse. Celle-ci s’exerce sous forme de refou­
lement proprem ent dit ou « après coup » (nach drängen), ou plus primitivement
encore, sous forme de refoulement originaire (Urverdrângung) par l ’effet d ’un
contre-investissement, en quelque sorte automatique, des pulsions.

Le Préconscient est plus fermé à l’Inconscient q u ’à la Conscience à laquelle


il se rattache (Freud parle précisément du système Pcs-Cs). Mais l ’accès à la
conscience est lui-même contrôlé par une seconde censure qui se confond plus
ou moins avec le contrôle conscient.

Le Conscient (ou la Conscience) dans cette « topique » est elle-même conçue


comme une sorte d ’organe des sens (une sorte d ’œil) situé à la périphérie de
l ’appareil psychique et qui permet de recevoir non seulement les qualités
d ’affects extérieurs, mais de percevoir les qualités psychiques. II s’agit d ’un
système « sans mémoire » qui est, pourrions-nous dire, condamné à être trans­
parent et transitif.
Une telle topique est rigoureusement soudée à la dynamique de l ’énergie
psychique et même (selon 1’« Esquisse ») à l ’énergie nerveuse. Ce sont, en der­
nière analyse, les investissements (les charges libidinales) qui, conformément
au principe de constance et de plaisir, maintiennent les phénomènes psychiques
dans l ’Inconscient, leur permettent de pénétrer dans le Préconscient ou de
déboucher dans la Conscience. De telle sorte que les phénomènes du rêve et
de l ’Hallucination apparaissent seulement comme des corrélats d ’un m ou­
vement inverse du processus psychique, cette inversion étant elle-même déter­
minée par les investissements' (le désir se réalise dans le rêve et plus généra­
1046 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

lement le rêve correspond au désir du dorm eur de protéger par son rêve son
sommeil, comme nous l ’avons vu). L ’essentiêl de cette conception des ins­
tances des lieux psychiques réside en ceci, que la notion de localité psychique
implique une sorte d ’exclusion de chaque partie par l ’autre, de telle sorte
que le « passage » de l ’image à la perception, de la représentation à l ’Hallu­
cination, du désir à sa réalisation symbolique se résoud à un simple
déplacement (Verschiebung) équivalent à une transposition (Entstellung).
Somme toute, la multiplicité des lieux, la répartition spatiale de l ’ordre
symbolique, a pour fonction de permettre une explication purement m éta­
phorique du rêve et de l ’Hallucination; et la théorie se réduit à une vaste
« paraphrase » qui laisse sans explication, et la facticité du rêve et celle de
l ’Hallucination tout en nous perm ettant d ’en avoir une compréhension satisfai­
sante. Mais il est bien évident que le rêve et l ’Hallucination ne peuvent se
réduire à leur sens, à l ’intentionnalité, fût-elle inconsciente, du Sujet. Car
si par la facultativité même de ses investissements en dorm ant ou en déli­
ran t l’hoir me ne faisait que se déplacer à son gré (fuir, éviter, contourner,
se fixer à, se diriger vers ou gagner telle ou telle partie de la « Fiktion »
topique), on ne voit vraiment pas quelle différence il pourrait y avoir — hors
de ces déplacements hypothétiques — entre celui qui veille ou celui qui
dort, celui qui perçoit la réalité et celui qui halluciné.

La deuxième topique, avons-nous dit, personnifie les instances en divisant


l’appareil psychique en « systèmes » représentants chacun des trois grands
plans d ’organisation de la personne : le Ça, le Moi et son système de la
réalité, le Sur-Moi et son système m oral d ’interdiction. Ce nouveau modèle
modifie profondém ent la première topique en ce sens que si celle-ci développait
l ’image d ’un système primitivement inconscient et émergeant p ar niveaux suc­
cessifs à la conscience, celle-là au contraire tient au fond toutes ces instances
p o u r également inconscientes, le conflit n ’étant plus entre l ’Ics et le sys­
tème Pcs-Cs mais dans les oppositions intersystémiques de la constitution
topologique trinaire. La transform ation du modèle topologique est corrélative
de la substitution à l ’intérêt pour le rêve de l’intérêt pour la névrose et la psy­
chose. Ceci mérite d ’être particulièrement souligné. En effet, tan t que
l ’Inconscient apparaissait seulement dans les jeux du symbolisme des
images, sur la scène des représentations, c ’est en tan t que refoulé p ar la censure
et déjouant ce refoulement q u ’il devait être saisi au travers des péripéties d ’un
spectacle à transform ation. Mais lorsque de plus en plus Freud et son école
sont passés, dirions-nous de la psychopathologie du champ de la conscience
à celle de la personnalité, la « topique » de l ’appareil psychique a subi elle aussi
une transform ation et une extension. Une transform ation, en ce sens que les
« lieux psychiques » ont été remplacés p ar des systèmes représentant chacun
un aspect fondamental de la personnalité (Le Ça, le M oi, le Sur-Moi). — Une
extension, en ce sens que si dans la première topique l’Ics s’opposait au sys­
tème Pcs-Cs, dans la deuxième topique le Ça, le M oi et le Sur-Moi sont
des « instances » essentiellement inconscientes.
TOPIQUE 1047

Le Ç a représente en effet le pôle pulsionnel, la force hallucinatoire d ’un


désir qui ne s’épuise jam ais, à la recherche d ’une expérience absolue de satis­
faction ou, ce qui revient au même, d ’un contre-investissement dans un déplai­
sir, à la recherche d ’une expérience absolue de souffrance (le problème n ’ayant
jam ais été tranché dans la théorie freudienne des pulsions de savoir si l ’hété­
rogénéité du Ç a provenait des conflits, des pulsions, de leur refoulement ou de
la dualité des instincts de vie et des instincts de mort).
Le Moi, lui, est essentiellement le lieu des défenses. D ’abord aperçu par
Freud dans ses premiers écrits (Étude sur l'Hystérie, 1895) comme « une
instance qui entend être protégée contre toute perturbation, contre toute agres­
sion interne, comme instance « qui prend plaisir à la défense », il devient à p ar­
tir de la deuxième topique (Das Ich und Das Es, 1920) antagoniste du Ç a par
sa fonction même de gardien d ’une inconciliabilité absolue entre son système
de défenses et le système des pulsions. Le M oi devient alors l’agent de l ’opé­
ration défensive tout en dépendant naturellement et en dernière analyse du désir
auquel il s’oppose. Il n ’est que cette pauvre chose (ein armes Ding) vouée p ar
son narcissisme (l’assomption jubilatoire du désir) à n ’être lui-même q u ’un
phantasme. C ’est en ce sens que le M oi n ’est pas du tout l’analogue du sys­
tème Pcs-Cs de la première topique, car lui-même ne fonctionnant que p ar
l ’investissement-narcissique de ses propres intérêts il émerge à peine de la
sphère de l’Inconscient dans laquelle il retombe p ar son identification imaginaire
à l ’autre et, comme dit J. Lacan, p ar la capture du M oi idéal qui l ’un et l ’autre
l’entraînent à s’hypostasier dans l’idéal du Moi. C ’est sur ce thème de doublets
et redoublets infinis qui ne cessent de broder toutes les analyses du Moi en
tan t que système des défenses inconscientes contre le Ça. Il n ’est lui-même
que reflet de reflets. Cette idée que le Moi est la partie « défensive » de l ’appa­
reil psychique implique une double fonction de protection et de répression
contre le danger intérieur, c’est-à-dire contre le malaise pulsionnel insatisfait
et contradictoire et la force des pulsions refoulées. D ’où l’idée de voir dans le
Moi un système de « défenses ». Mais cette idée si largement explicitée p ar
S. Freud, A nna Freud et tous les Psychanalystes n ’en demeure pas moins
ambiguë. Lorsque Hélène K. Gediman énumère (1) (1971) les douze fonctions
du Moi (épreuve de réalité — jugement — sens de la réalité — régulation et
contrôle des pulsions — relations avec les objets — processus idéique — adapta­
tion régressive — fonction défensive — barrière contre les stimulations —
fonction d ’autonomie — fonction de synthèse et d ’intégration et rôle de direc­
tion), deux points essentiels nous paraissent évidents. Le premier, c’est que les
attributs de l ’Ego en font l’équivalent même de l ’être conscient. Le second, c ’est
que la fonction essentielle du Moi n ’est pas d ’être constitué par des mécanismes
inconscients de défense contre l’Ics, mais par le système législateur de la réalité
et des valeurs propres à la sublimation. Autrement dit, le Moi n ’est pas l ’Autre,

(1) The concept of stimulus barries its review and reformation as an adaptive
Ego function. Inter. J. o f Psychoanalysis, 1971, 52, 243-257-
1048 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

cet autre q u ’il serait seulement s ’il était voué à n ’être que ce q u ’il paraît seule­
m ent être quand on en fait une « pauvre chose » quand on le tue.
Le Sur-Moi représente la fonction réprouvée, déjà dévolue du Moi, mais
qui s’oppose au Ça à la manière d ’u n « juge ». C ’est q u ’il est en effet comme
un Tribunal de grande instance qui applique sévèrement la loi, celle des exi­
gences et des interdits parentaux. La notion de Sur-Moi n ’a jamais pu non plus
très clairement être explicitée pour la bonne raison q u ’une partie de ce Sur-Moi
est un Sous-Moi ou un Contre-Ça (qui correspond à l ’introjection des interdits
cedipiens et à l’angoisse de castration); tandis que l ’autre partie semble plus
naturellement s’incorporer au Moi en tant q u ’il est agent de la défense contre
le Ça... (1).
Il est clair que cette nouvelle catégorisation des parties, ou lieux, ou instances
qui composent la personne (réduite à n ’être q u ’un composé inconscient des
conflits intra-systémiques) tombe comme la première sous le coup de la cri­
tique que nous avons faite plus haut, savoir que ce champ intrasubjectif repro­
duit le système de relations intersubjectives (d’où son caractère anthropom or­
phique loué p ar les uns et dénoncé par les autres) et, somme toute, pose
schématiquement le problème de la projection délirante et hallucinatoire
plutôt q u ’il ne le résoud.
La chose est particulièrement sensible à propos du Sur-Moi. Cette instance
qui représente en effet la « voix de la conscience » (cf. supra, p. 216), elle
est bien celle qui parle quand l ’halluciné s’entend accusé et condamné. Les
voix, ne cesse-t-on de répéter, sont la voix du Sur-Moi. Déjà Freud comme
nous l ’avons rappelé, avait insisté sur la structure verbale et notam m ent audi-
tivo-verbale (préceptes, ordres, conseils, etc.) de la fonction du Sur-Moi.
S. Nacht et P. C. Racamier (p. 486) ont particulièrement insisté sur l’im­
portance de la projection hallucinatoire du Sur-Moi qui va pour ainsi dire
de soi si le Sur-Moi est fait de l ’incorporation des paroles, des ordres, des
blâmes, des menaces et de la sévérité des parents. A u début du paragraphe
q u ’ils consacrent au mécanisme de la projection en tan t que propriété réifiante
dont le Sur-Moi assure u n usage parfait, ils rappellent une observation publiée
par S. N acht (1934). Cette m alade présentait une psychose hallucinatoire à
tonalité dépressive. Ses Hallucinations, ses voix lui reprochaient d ’avoir des
rapports incestueux avec ses fils et d ’avoir un am ant qui serait le vrai père de
ces fils... Or, dit S. Nacht, ces faits « étaient exacts » (tout au moins pour ce
qui concerne l’infidélité). Une culpabilité consciente, poursuit l ’observateur,
commença alors à ravager l ’existence de cette femme. Les voix hallucinatoires
n ’avaient pas tout à fait tort. Plus exactement, elles prononçaient tout haut
des reproches que la malade s’était longuement adressés tout bas elle-même...
Cette assimilation des voix du Sur-Moi, soulignée ici p ar des auteurs qui ont

(1) Naturellement, j ’ai développé tous ces points de vue dans « La Conscience »,
et notamment dans la partie consacrée au problème de l ’Inconscient et à l’appareil
psychique dont j ’ai proposé une révision sinon un renversement.
TOPIQUE 1049

particulièrement étudié ce problème et dans un chapitre im portant de leur


travail, quelle sorte de valeur théorique a-t-elle en ce qui concerne la produc­
tion des voix ? Celles-ci peuvent être « simplement » celles de la conscience de
tous et de chacun. M ais si elles retentissent non seulement avec des qualités
sensibles problématiques mais certainement comme une expérience irrécusable
dont l’essence ne consiste pas seulement — comme dans ce cas — dans l ’ir­
réalité des situations mais dans une modification profonde du système rela­
tionnel du M oi à son monde, le fait de pouvoir très judicieusement les inter­
préter comme le langage de l ’Inconscient (ce qui est certain ici car la
conscience des scrupules n ’empêche certainement pas l ’inconscience de l ’in­
ceste) ne nous avance guère dans la solution du vrai problème. Ce vrai pro­
blème est en effet celui de se demander pourquoi et comment, alors que tous les
hommes sont dotés d ’un Inconscient où s’agitent à peu près les mêmes phan­
tasmes et dont les mouvements également tum ultueux manifestent le conflit de
leurs instances constitutionnelles, ne se produit pas ce qui se produit seulement
chez quelques-uns, l ’expérience de projection délirante et hallucinatoire ? Le
jeu des instances de la deuxième topique en facilitant sur le plan métaphorique le
jeu des paraphrases peut être un instrum ent de description — et horresco
referens ! — d ’ « analyse phénoménologique » du vécu (1), du pensé, du repré­
senté, du parlé, qui constituent le délire hallucinatoire, mais jam ais il ne par­
viendra à convaincre personne que cette manière de faire parler et de parler
aussi le délire du délirant nous fait pénétrer dans l’intimité même du processus
de « projection ». A propos précisément de la « Topique », Laplanche et Pon-
talis (2) ont relevé le reproche d ’anthropom orphism e adressé à la deuxième
topique : la théorie de l ’appareil psychique tend à se rapprocher de la façon
fantasmique dont le Sujet se conçoit et peut-être même se construit ». Oui,
la théorie scientifique de la topique freudienne appliquée au problème des
Hallucinations et du délire nous rapproche bien de la façon phantasm ique
dont le Sujet halluciné et délire. C ar pour ce qui est de la construction du Sujet
p ar sa propre conception de lui-même, elle exige précisément q u ’il s’arrache
au mode phantasmique de penser; elle exige que « Wo es war soll ich werden »,
c ’est-à-dire la m utation même p ar laquelle le Sujet cesse non pas d ’être
inconscient — car il l ’est et le reste toujours pour une grande portion de
lui-même — mais de n ’être plus esclave de son Inconscient. E t c’est préci­
sément parce que le modèle topique — comme les modèles énergétiques et
économiques exposés plus haut — de la projection du délire (et de l ’Hallu­
cination) ne tient compte en définitive que de Tordre symbolique de l’Incons­
cient, q u ’il est à lui seul incapable de nous faire comprendre comment et

(1) Un récent article de R. Schäfer (The psychanalytic vision o f realisy, 1970,


p. 279-297) est tout à fait représentatif de ce rapprochement.
(2) J ’ai beaucoup apprécié l’extraordinaire effort d ’élucidation des concepts psy­
chanalytiques dont lem « Vocabulaire » témoigne en même temps qu’il atteste,
qu’il conviendrait plutôt d ’appeler Dictionnaire ou Encyclopédie. J ’ai particulière­
ment apprécié et utilisé les articles sur la « Projection » et la « Topique ».
1050 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

pourquoi c ’est de ce monde de symboles ou de'signifiants que s’élève l ’H al­


lucination. C ar l ’Hallucination est cette infraction à la Loi de la Réalité qui
n ’a pas de sens si celle-ci n ’est pas la logique même du corps psychique. Elle
n ’est pas seulement un effet de projection, elle exige pour que soit validé son
statut propre de « réalité » que nous la saisissions pour ce q u ’elle est : non
point une illusion ou un phantasme comme ceux qui font partie de la vie quo­
tidienne de chacun de nous, mais ce « chef-d’œuvre d ’objectivité » qui ne
peut être rapporté au Sujet ni assumé p ar lui q u ’à la condition de dépen­
dre non plus seulement du désir, de ses investissements, de ses substituts
ou de ses conflits, mais de la brèche du système de la réalité, c ’est-à-dire de
la désorganisation de son être conscient.
C ’est précisément, en effet, ce qu’il nous reste à voir m aintenant. C ar après
avoir m ontré comment les modèles énergétiques, économiques et topiques de
l ’Inconscient ne nous fournissent pas une raison suffisante de l ’Hallucination
(même s’ils nous en fournissent la condition nécessaire), il nous reste à m ontrer
q u ’un « complément » de la théorie de la psychogenèse inconsciente de l ’Hal­
lucination est nécessaire. Et c’est Freud lui-même qui en a proclamé la
nécessité.

C. — NÉCESSITÉ D ’UN COMPLÉMENT


AU MODÈLE LINÉAIRE DE LA PROJECTION
DU DÉSIR DANS L’HALLUCINATION.
NÉCESSITÉ DE MODIFIER PROFONDÉMENT
LA THÉORIE PSYCHOGÉNIQUE PURE

Comme nous venons de le voir, la théorie psychodynamique de l’Hallu­


cination repose tout entière sur la force qui lie le désir à son objet. Malgré les
complications de ce trajet au travers des lieux psychiques (topique) ou des
charges des investissements (énergétique), l ’Hallucination apparaît dans ce
système partout et nulle part — Partout, car tout phénomène psychique pouvant
se réduire à la projection du désir (ou de son contraire qui est lui-même un
désir de contre-désir), imaginer, percevoir, parler, croire et plus généralement
manipuler (dans la pensée et la praxis), le réel c ’est encore et nécessairement
« halluciner » dans une réalité illusoire, la seule réalité du désir. Car c ’est bien,
en effet, à une métaphysique idéaliste, subjectiviste et solipsiste (1) que se
rattache cette « psychologie » des profondeurs entièrement gouvernées par la
dialectique du désir hallucinatoire et de la constitution de son monde d ’images.
— Nulle part, car il n ’y a pas lieu à l ’égard de cette métaphysique idéaliste et
subjectiviste impliquée dans tout l ’appareil théorique de la psychogenèse

(1) C ’est ce qu’a très bien vu Erwin Straus quand il dénonce ce solipsisme comme
le plus grand défaut (schwerster Mangel) de la Psychanalyse (von Sinn der Sinne),
2e édition, p. 58.
NÉCESSITÉ D'UNE PROFONDE RÉVISION 1051

pure de l ’Hallucination, de considérer le phénomène hallucinatoire et


ses catégories comme ayant la moindre « réalité » dans un monde de phantasmes
sans formes autres que celles de l ’illusion. Ce qui manque au modèle théori­
que freudien ce n ’est certes pas son recours au symbolisme des images du
rêve ou des Hallucinations, c’est sa théorie de la perception, c’est-à-dire des
fonctions et structures de l’être conscient, pourtant exigée par la notion même
d ’inconscient.
C ’est ainsi que nous avons été amené dans les pages qui précèdent à mon­
trer que ce schéma linéaire qui unit à ses deux extrémités le désir à son objet ne
parvenait q u ’à se donner un monde en circuit fermé et à ressasser une per­
pétuelle paraphrase de l ’idée que la réalité, comme le rêve, n ’est que la pro­
jection du désir; de telle sorte q u ’elle n ’explique l ’Hallucination q u ’en la sup­
prim ant en même temps q u ’elle supprime la réalité... En ne cessant pas de
considérer l ’Hallucination comme la seule positivité du mouvement qui
porte le désir vers son objet, la théorie psychogénique (le modèle freudien
notamment) se contente d ’extraire de l ’activité hallucinatoire la racine incons­
ciente qui, effectivement, se projette dans toute Hallucination pour en consti­
tuer le sens, mais par là se condamne à ne jam ais la saisir pour ce q u ’elle est —
et telle q u ’elle apparaît pourtant à tous ceux, y compris les psychanalystes
qui en saisissent la réalité clinique en la tenant pour une apparition hétérogène
portant en elle-même les marques du processus primaire p ar l ’effet d ’un
bouleversement du processus secondaire. Et c ’est précisément ce q u ’au terme
de ce long exposé critique du modèle théorique psychogénique nous désirerions
montrer en dém ontrant que cette exigence se trouve dans la théorie psy­
chanalytique elle-même. Notam m ent lorsqu’elle a recours avec Freud :
1°) à la notion de régression pour rendre compte du caractère hallucinatoire
des fantasmes inconscients — 2°) à la notion de défaillance du système ou
de l'épreuve de la réalité.

1° L a s tr u c tu r e n é g a tiv e d e l ’H a llu c in a tio n


c o r r e s p o n d à ce q u e l ’éc o le p s y c h a n a ly tiq u e a c o n fu sé m e n t d é sig n é
c o m m e p r o c e s su s d e ré g re ssio n .

Comme nous l ’avons déjà plus haut indiqué, le trouble négatif impliqué
dans le concept de régression devrait aller de soi, car il devrait paraître évident
à tous ceux qui en font usage que le processus de régression est équivalent à celui
de désorganisation pour impliquer q u ’à un mouvement de progrès se substitue
une force rétrograde contraire. O r — et tout spécialement dans la théorie de
la projection hallucinatoire — la doctrine freudienne de la régression impose
paradoxalement l ’idée d ’un phénomène positif. Nous devons bien nous expli­
quer sur ce point d ’abord avant d ’examiner comment dans les textes freudiens
(ou psychanalytiques en général) cette position est constamment abandonnée
pour être en effet insoutenable autrem ent que p ar u n excès de zèle pour le
modèle linéaire qui, unissant le désir à l ’objet, se doit de considérer la percep­
1052 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

tion sans objet comme un retour pur et simple à la première expérience de


l ’objet hallucinatoire du désir. Nous examinerons donc successivement les
deux dialectiques contradictoires de la notion de régression appliquée à l ’Hal­
lucination.

a) Insuffisance de toute théorie psychogénique de la régression consi­


dérée comme répondant à une exigence pulsionnelle inconsciente. —
Il suffit de lire la plupart des écrits psychanalytiques qui traitent des « méca­
nismes névrotiques », des défenses, des « actings-out », des « fixations ou des
perversions libidinales, ou plus généralement des complexes inconscients, pour
constater que le recours à la notion de régression y est général (1). Elle n ’est pas
en effet autre chose que l ’application de l ’idée générale du schéma génétique
du développement libidinal. Mais elle représente surtout dans les écrits psycha­
nalytiques une théorie économique de la régression considérée comme phé­
nomène positif relevant d ’une causalité psychique inconsciente, c’est-à-dire
d ’une intentionnalité pulsionnelle conforme au principe de constance ou de
plaisir. Par là, les concepts de régression, de fixation et de projection se rejoi­
gnent pour assigner à tel ou tel phénomène, à telle ou telle manifestation
psychique (qu’elle soit normale ou pathologique car cette distinction tombe
du même coup) une causalité interne qui n ’est autre que celle du désir, d ’un
désir d ’autant plus fort q u ’il est plus archaïque ou plus refoulé. Nous nous
sommes assez familiarisé avec ce modèle théorique en l’exposant et en le criti­
quant pour ne plus pouvoir en être dupe. Voyons une fois encore pourquoi
malgré son application en quelque sorte privilégiée au phénomène hallucina­
toire, nous ne pouvons pas le considérer comme valide.
La plupart des interprétations psychanalytiques de l ’Hallucination se ramè­
nent, nous l ’avons vu : 1°) à circonscrire le phénomène hallucinatoire (à le consi­
dérer comme un phénomène partiel ne dépendant d ’aucun autre trouble que de
lui-même, c ’est-à-dire ne dépendant que d ’une excitation interne (2) assez

(1) La lecture de quelques travaux consacrés au cours de ces dernières années


à la notion de régression peut illustrer facilement ce caractère à la fois vague, général
et impropre de la notion de régression purement psychogénique — cf. par exemple
les articles de R. D iatkine « La notion de régression », Évol. Psych., 1957, p. 406-425 —
Fr. D olto « Cas cliniques de régression », Évol. Psych., 1957, p. 427-472 — F. P asche
« Régression, perversion, névrose », Rev.fr. de Psychanalyse, 1962, 26, p. 161-178 —
J. Arlow « Conflit, régression et formation des symptômes », Rev. fr. de Psychana­
lyse, 1963, 1 — Ch.-H. N odet « A propos de la régression », Evol. Psych., 1966,
p. 515-533 — et le Colloque sur la Régression (Société Psychanalytique de Paris,
mars 1965) dont les C. R. forment le n° 4 de la Revue française de Psychanalyse, 1966.
Le rapport présenté à ce colloque par R. Barande constitue un monument dressé
à la gloire de la régression considérée dans son « mouvement positif », comme « pro­
gression », comme « progrès »...
(2) Cette théorie en quelque sorte « sectorielle » de la régression sélective et par­
tielle illustre de façon frappante ce que nous n ’avons cessé de dénoncer comme
l’erreur commune des deux modèles linéaires des théories de l’Hallucination. En
NÉCESSITÉ D’UNE PROFONDE RÉVISION 1053

intense pour projeter une perception — 2°) à l ’interpréter comme une solution
économique d ’un problème libidinal, comme un effet de la stratégie du désir.
C ’est dans ce sens que l ’on parle constamment (1) de l ’Hallucination comme
un bourgeon (Abkömmling) de l ’instinct ou de l ’Inconscient, et que c ’est
la force de l ’imago et des fantasmes qui, sollicitant la satisfaction du désir p ar
son objet hallucinatoire, est appelée le mécanisme de régression vers des formes
inconscientes ou primitives des exigences du principe de plaisir.
Or, toute l ’argumentation que nous avons développée dans cet ouvrage
nous permet de révoquer en doute, tout à la fois le caractère partiel du
phénomène hallucinatoire (car l ’Hallucination fragmentaire n ’étant pas
complètement hallucinatoire, n ’est q u ’une Éidolie hallucinosique dont pré­
cisément la psychogenèse est exclue) et le caractère en quelque sorte non
spécifique (non pathologique) de ces phénomènes dits abusivement hallucina­
toires, alors q u ’ils se présentent chez tous les hommes comme une illusion
(contrôlée) du désir, fût-il inconscient. Nous touchons précisément p ar cette
dernières remarque au fond de la critique de cette régression purement libi­
dinale et intentionnelle (économique) à quoi on accorde si allègrement un pou­
voir « hallucinogène ». Car, en effet, dans la mesure même où le réservoir pul­
sionnel de l ’Inconscient est chez chacun infini et chez tous commun, l ’intensité
du complexe affectif (pas plus que dans les théories mécanistes, nous l ’avons
vu, l ’intensité des images) si elle est une condition nécessaire n ’est certainement
pas une condition suffisante pour halluciner. E t si halluciner ce n ’est que
« régresser » au fur et à mesure des besoins et des circonstances, c’est-à-dire
replonger ou basculer dans les anachronismes du temps passé ou dans les
rétrospectives du temps perdu, on ne saurait sans abus parler, ni de régres­
sion, ni d ’Hallucination. Où est, en effet, la « régression » quand elle n ’est
pour ainsi dire que la constance de la mémoire affective et la fixité de
tendances affectives ? Où est l ’Hallucination si le phénomène ainsi appelé
n ’est que le rappel autom atique d ’un souvenir ou d ’une habitude ?
Disons plutôt que cette interprétation, encore une fois linéaire de l ’Hallu­
cination p ar la résurgence ou la force d ’une constellation affective inconsciente,
c ’est-à-dire passée mais jam ais dépassée, ne se soutient q u ’au regard d ’une

effet, c’est déjà dans les « Études sur l ’Hystérie » (et sous l’influence de Breuer) puis
dans 1’« Esquisse de Psychologie scientifique » que se trouve la racine commune de
cette interprétation en quelque sorte mécanique de l’Hallucination par une excitation
« régrédiente » (rückläufige) de l’appareil perceptif. Il suffit d’ajouter que cette exci­
tation n ’est qu’une excitation libidinale pour obtenir le trait d’union qui unit la
théorie mécaniste de l ’Hallucination au xixe siècle à la théorie psychogéniste de la
régression au xxe siècle.
(1) J ’ai déjà signalé (supra, p. 1007) par exemple comme typique de cette manière
de voir, soit le rapport que H. F lournoy présente sur « Le problème des Hallucina­
tions du point de vue psychanalytique » à la réunion de la Société Suisse de Neuro­
logie et de Psychiatrie à Prangins en 1933, en même temps que j ’y présentais moi-
même une de mes premières études sur les Hallucinations.
1054 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

thèse générale et absolue, celle d ’une théorie de l ’intentionnalité générali­


sée de tous les phénomènes psychiques, q u ’ils soient pathologiques ou non.
C ar c’est bien en vertu de cette hypothèse, et de cette hypothèse seu­
lement, que l ’on noie le problème des Hallucinations dans les jeux de l ’am our
et du hasard des phantasmes inconscients sans jam ais rendre compte, autrement
que par une simple description, ou une simpliste paraphrase du processus de
régression lui-même (1) et des conditions mêmes de cette régression.

b ) L’Hallucination, effet d’une régression structurale ou formelle. —


Dans l’usage q u ’est communément fait de la notion de régression dans les
diverses écoles et écrits psychanalytiques, la régression est donc considérée
comme un mouvement de reflux qui, tantôt est celui d ’un rappel de souve­
nirs, tantôt d ’une fixation libidinale. Comme nous venons de le souligner, cet
usage et cet abus de la notion de régression la rendent impropre à nous rendre
compte de l ’Hallucination. Elle se contente, en effet, de considérer celle-ci
selon le schéma linéaire de l ’intensification de l ’image qui se transform erait
en sensation. Et, à ce titre, cette théorie de la régression appliquée à l’Hallu­
cination n ’est rien d ’autre que l ’idée des cliniciens, psychologues et neuro­
physiologistes du xixe siècle, celle de la « transform ation sensoriale » de
l ’image p ar le seul jeu de son intensification ou, si l ’on veut, de sa charge
d ’investissement libidinal. Mais ce n ’est pas du to u t à ce schéma simpliste que
conduit l ’étude du rêve ou des psychoses hallucinatoires telle que Freud
l ’a entreprise dans le chapitre V II de « L ’interprétation des rêves » (1900), puis
en 1917 dans les « Vorlesungen » (trad. fr. Introduction à la Psychanalyse).

— N ous l ’avons déjà précédemment souligné en examinant la théorie de la


régression dans la Traumdeutung, c ’est-à-dire à propos de la première topique :
la régression topique est constituée par un changement de sens du courant psy­
chique (courant psychique auquel nous renvoie dès « L ’Esquisse », celui de
l ’influx nerveux). E t ce sont les positions q u ’occupe au travers les systèmes psy­
chiques le courant des représentations qui leur confèrent ce plus ou moins
de sensorialité. Il s’agit bien d ’une théorie proprem ent mécaniste de la régres­
sion qui rejoint à la fois la neurophysiologie réflexe et la psychologie association­
niste pour qui l ’image n ’est que le reflet mnésique de la sensation qui peut se
reconvertir en sensation p ar la stimulation interne des centres d ’images. Mais,
et c ’est ce que nous voudrions m aintenant souligner, la pensée de Freud est
beaucoup moins simpliste, et dans le célèbre chapitre VII de la « Traumdeut-

(1) Dans leur excellent article sur la régression (Vocabulaire de la Psychanalyse) ,


Laplanche et Lefevre-Pontalis soulignent en effet que dès que l ’on s’écarte de la
théorie topique de la régression (sur laquelle nous allons insister), le concept de régres­
sion est plutôt un concept descriptif comme F reud lui-même l’a noté, et ils ajoutent :
« Il ne suffit évidemment pas de l’invoquer pour comprendre sous quelle forme le
Sujet fait retour au passé ».
NÉCESSITÉ D’UNE PROFONDE RÉVISION 1055

ung » nous voyons apparaître une théorie de la régression qui dépasse de beau­
coup cette conception un peu naïve.
A propos du caractère « régrédient » du rêve dont il rappelle que
Albert le G rand l ’avait déjà souligné (comme plus tard en 1916 il rappellera
également la thèse analogue d ’Aristote), Freud a bien soin de nous mettre en
garde contre l’illusion que peut engendrer l’usage de cette notion (nous n ’avons
fait que donner un nom, écrit-il, p. 446, de la traduction française de Meyerson)
à un phénomène inexplicable. « C ar il ne s ’agit pas du tout de confondre le pro­
cessus régrédient du rêve avec le mouvement rétrograde que constitue par
exemple dans la veille le retour en arrière par la fonction de la mémoire, ou
de quelque acte complexe de représentation vers la matière première mnésique
qui est à sa base ». Le travail du rêve (Traumarbeit) tel q u ’il a été décrit au cha­
pitre VI de la Traumdeutung, consiste à instaurer ces modes de pensée carac­
téristique du processus primaire ou inconscient : condensation (Verdichtung),
déplacement (Verschiebung), régression vers la pensée figurative (Rücksicht
a u f Darstellbarkeit) et élaborative secondaire (sekundäre Bearbeitung) inter­
venant pour constituer le rêve en son récit. Or, ce travail n ’est possible que grâce
à une modification du processus psychique habituel. « C ’est, ajoute Freud,
probablem ent cette modification qui permet l ’investissement du système de
la perception ju sq u’à la pleine vivacité sensorielle, en suivant une marche inverse
à partir de penser. Et il convient, dit-il, d ’appeler régression le fait que dans
le rêve la représentation retourne à l ’image sensorielle d ’où elle est sortie ».
Comme pour mieux préciser encore son idée quant à l’originalité de cette
régression dans le rêve (et les états psychopathologiques analogues), Freud
revient à plusieurs reprises sur les caractéristiques propres à la pensée onirique en
tant q u ’elle est figurative, q u ’elle est un mode de figurabilité (Darstellbarkeit),
c’est-à-dire en fin de compte, une modalité de la vie psychique qui manifeste
une perte du pouvoir facultatif de l ’abstraction. Cette référence à la conception
« silberienne » de l’activité psychique symbolico-onirique revient sans cesse
sous la plume de Freud comme pour mettre en évidence q u ’il y a trois
types de régression, une régression topique (dans le sens des schémas que
nous avons reproduits plus haut) c ’est-à-dire d ’u n mouvement régrédient
au travers d ’une succession de systèmes (de lieux) psychiques que l’excitation
parcourt selon une direction normative — une régression temporelle caracté­
risée par le retour à des formations psychiques passées — et une régression
formelle (1) caractérisée p ar la substitution de modalités psychiques d ’expres­
sion et de figuration du milieu inférieur aux processus de différenciation
caractéristique du processus secondaire (2), et lorsque Freud nous dit à
ce sujet que ces trois sortes de régression « n ’en font pourtant qu’une au

(1) Rappelons encore que L aplanche et L efèvre-Pontalis rapprochent la


notion de régression formelle de celle de « déstructuration » dans la perspective de
la Gestaltpsychologie comme dans la perspective jacksonienne (p. 401).
(2) Je ne reprends pas très exactement ici le texte de F reud, mais je ne pense pas
en trahir le sens le plus exact*
1056 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

fond », il a bien raison, à la condition toutefois de voir ainsi clairement


que celle qui fonde les autres c’est précisément la régression formelle ou struc­
turale. Car, en effet, ce qui est l’essentiel de la régression c ’est q u ’elle impose
la forme de ses caractéristiques phénoménologiques (celles que Freud appelle
justem ent la figurabilité et la sensorialité de l ’Hallucination) à l’expérience
psychique q u ’elle engendre (1). C ar la régression est le processus même qui,
comme le sommeil engendrant le rêve (2), entraîne la vie psychique à se déve-

(1) A la fin de la note 1 de la page 474 de la traduction M eyerson, quand nous


lisons : « On a trop longtemps confondu le rêve avec son contenu manifeste; il faut
se garder à présent de la confondre avec sa pensée latente », cela veut bien dire, je
pense, que la réalité clinique de l’Hallucination ne peut être prise à la lettre de sa
métaphore, ni dans la virtualité du désir, qui, l’une et l’autre, ne se réalisent qu’à la
condition qu’autre chose intervienne et qui est le processus de régression au sens
fort : ce processus qui doit nécessairement altérer l’être de la conscience pour
autant que c’est elle qui organise le système de la réalité (cf. plus loin).
(2) Il est bien évident que la pensée majeure de F reud est celle de l’intentionnalité
inconsciente comme causalité psychique absolue de toutes les manifestations de la
vie psychique. Pour lui, malgré les concessions qu’il s’est vu contraint de faire, le
primat et l’omnipotence de l ’Ics, du processus primaire régi par le principe de plaisir,
restent la thèse principale de sa théorie. De telle sorte qu’il s’est toujours ingénié
à présenter les variations, voire les régressions de la vie psychique, comme gouvernées
par la finalité hédonique ou économique des investissements libidinaux. Dans le pro­
blème qui nous occupe, celui qui englobe la projection du rêve et la projection de
l ’Hallucination, le processus de régression dépend lui-même dans la plupart des
écrits de F reud et notamment dans la « Traumdeutung », d’une « intention de fuir »
d ’une tentative pour rétablir l’équilibre pulsionnel, etc..., c’est-à-dire en dernière
analyse, d ’une stratégie réglée par le principe de plaisir. Quant aux processus
secondaires, c ’est-à-dire l ’activité de la conscience conforme aù principe de réalité,
ils restent encore dépendants (fût-ce au second degré) du principe de plaisir en tant
qu’ils sont gouvernés par les instincts du Moi et, en définitive, par le narcissisme.
Mais si telle est l’exigence de la doctrine, celle-ci s’avère, comme nous l’avons
vu plus haut, incapable de rendre compte de tous les phénomènes psychiques dans
la mesure même où dans le rêve ou les psychoses hallucinatoires, le processus de
régression ou la suspension de l ’épreuve de la réalité apparaissent liés à la désorgani­
sation d ’un ordre qui maintient les processus sous le contrôle des processus secon­
daires. Car cette désorganisation, même si elle dépend de cette force d ’inertie qui
est au fond l ’attraction que le processus primaire exerce sur le processus secon­
daire (l’Ics sur le Cs), n ’en demeure pas moins une désorganisation qui porte sur
un dispositif (cette « Einrichtung » dont parle à ce propos F reud), celui de l ’être
conscient. Sauf à retirer à celui-ci toute réalité, toute structuration formelle, cette
organisation est vulnérable par le fait même qu’elle existe en tant que système fonc­
tionnel même en dehors de toutes les bonnes ou mauvaises intentions inconscientes-
qu’elle a pour fonction de maîtriser. C’est à cette vulnérabilité en quelque sorte
hétérogène qu’il faut bien attribuer le sommeil qui ne saurait seulement correspondre
au désir de dormir. Et il en est de même pour tous ces états hallucinatoires qui,
même s’ils sont — et ils le sont toujours — des projections des désirs incons­
cients, ne se constituent que lorsqu’un processus de régression livre le Sujet aux
objets de ses désirs.
NÉCESSITÉ D'UNE PROFONDE RÉVISION 1057

Iopper fatalement à un niveau inférieur, ou, si l ’on se place dans la perspective


génétique, antérieure ou archaïque, en retournant le mouvement progrédient
de l ’activité psychique jusqu’à le faire retom ber au niveau des expériences
primitives contemporaines de la coalescence du désir et de son objet halluci­
natoire.
En 1917, dans le chapitre X X II des « Vorlesungen » (G. W., XI, 350, trad. fr.
Introduction à la Psychanalyse, 1922, p. 364-384), Freud après avoir identifié
« régression » et « fixation », c’est-à-dire réduit la régression à un système pul­
sionnel répétitif et partiel, a souligné « que l’on ne saurait affirmer que la
régression soit un phénomène purement psychique. Bien q u ’elle exerce sur la
vie psychique une forte influence, il n ’en reste pas moins que c ’est le facteur
organique qui prédomine en elle (p. 365) (ist doch der organische Faktor, an
ihr hervor erragendste », p. 535, G. W.). Le texte de la « Métapsychologie »
qui a été écrit à peu près à la même époque et dont nous allons parler mainte­
nant, a précisément, à nos yeux, apporté à ce point de vue son complément
nécessaire. Car tel est bien le sens le plus profond et le seul valable d ’une théorie
de la régression, qui de ce fait — et d ’après les textes freudiens eux-mêmes —■
ne sauraient s’interpréter sur le registre exclusif du sens et de l ’intentionnalité.
C ar la régression ne répond pas seulement à un désir de fuir la réalité, mais aussi
et nécessairement à une incapacité de se maintenir au niveau des processus
secondaires qui caractérisent la Conscience, gardienne et ordonnatrice de la
réalité.

2° L a m is e e n d é fa u t d e l ’é p re u v e d e r é a lité .

Freud l’a très fortement soulignée dans le texte de 1916 (in Metapsychologie)
auquel nous allons principalement nous référer : « l ’Hallucination doit être plus
q u ’une réviviscence régressive des images mnésiques appartenant elles-mêmes
à l’Ics » (1). Nous avons déjà très longuement rappelé ce texte pour nous essentiel
(in 3e Partie, chap. II, p. 397). Il impose l’idée comme elle s’est imposée à l’es­
prit de Freud à ce moment-là, puis à J. Lacan et à A. de Waelhens ces dernières
années, savoir que la projection de l 'Inconscient refoulé (originaire ou secondaire)
ne constitue pas une théorie de l ’Hallucination, et tout spécialement de l ’Ex­
périence délirante et hallucinatoire. Il ne peut être question en effet, comme
nous venons de le voir, de considérer que la régression est réductible à une
pulsion ou à un complexe pulsionnel. Il faut, au contraire, dire que la projection
pulsionnelle ne parvient à l ’Hallucination que par l ’effet de la régression. Et
c’est bien, en effet, cette théorie qui apparaît, transparaît et même s’affirme dans
cette fameuse « Metapsychologische Ergänzung zur Traumlehre » écrite certaine­
ment bien avant sa parution en 1916 (Zeitschrift fü r Psychoanal). Certes, ce

(1) Die Halluzination nuns also mehr sein als des regressive Belebung der an sich
ubw. Einnerungsbilder (G. W., X, p. 422).
1058 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

texte com porte bien des obscurités ou des hésitations, mais il montre
comment la théorie freudienne de l’Hallucination implique nécessairement
q u 'autre chose que la force des pulsions, la disposition hallucinatoire positive,
doit intervenir pour que l ’Hallucination se produise; car, écrit Freud, l’appari­
tion des images mnésiques nettes n ’implique pas que nous les prenions à aucun
mom ent pour des perceptions réelles (reale Wahrnehmungen)... Et c ’est ainsi
que s’introduisent dans la théorie de Freud des notions capitales de Realität­
prinzip (principe de réalité) et de Realitätprüfung (épreuve de réalité). Nous
préférerions recourir pour désigner ce que ces deux notions ont de commun,
au terme qui lie (toujours dans la Métapsychologie) l ’épreuve de la réalité
à un « dispositif », F « Einrichtung », que Freud rapporte au seul système
Conscient-Préconscient. Car par là (et cela est fondamental pour nous dans
le problème pathogénique de l ’Hallucination comme plus généralement pour
l ’articulation de notre propre psychopathologie générale avec la doctrine
freudienne) est formellement reconnue la nécessité d ’un complément à la théorie
linéaire de la projection, celui d ’une théorie de la destruction de l ’être conscient.

Nous avons constamment dans cet exposé critique de la théorie psychanalytique


montré qu’elle « escamotait » purement et simplement la réalité comme pour se mou­
voir plus aisément dans le « monde » des seuls phantasmes. Nous désirons ici, in fine,
revenir sur ce Ieit-motiv fondamental, c’est-à-dire sur « le pont aux ânes » que repré­
sente pour toute théorie généralisée de l’Inconscient le problème de la réalité.
La référence à la réalité n ’est explicite chez Freud que dans son écrit de 1911 sur
les « deux principes ». Mais constamment il met l’accent sur la « Realität » (réalité des
objets internes ou psychiques généralement inconscients) qu’il oppose à la « Wirklich­
keit » (réalité des objets externes de la perception et dont la présence ou l’absence peu­
vent être réglées par le mouvement). Le concept de « Realitätprüfung » (épreuve de
réalité) déjà apparu dans l’écrit de 1911, prend dans celui de 1916 beaucoup plus
d ’importance. 11 faut considérer cette « épreuve » dans son aspect relationnel, car il
s’agit, nous dit-il, d’une Einrichtung (d’un dispositif ou d’une organisation fonction­
nelle) dont il précisera ultérieurement qu’elle est une fonction du Cs et du Moi (Moi-
Réalité). Mais, comme le soulignent Laplanche et Pontalis, il n’a jamais très nette­
ment distingué ce qui, dans cette opération, est discrimination de l’intérieur et de
l’extérieur ou fonction thétique (catégorielle), posant ce qui est objectif ou subjectif.
Même quand il se réfère au « Realitätprinzip » pour l’opposer au « Lustprinzip »
(principe de plaisir), il laisse en suspens la problématique du réel et de l ’imaginaire
pour autant qu’elle dépend d ’un système de valeurs logiques.
Ces ambiguïtés se retrouvent dans tous les écrits consacrés à la réalité interne
(H. Hartmann, 1964; J. Frosch, 1966; etc.), ou à la réalité externe (M. Dorseg, 1943;
H. W. Lœwald, 1951 ; etc.), ou à l’exercice même de l’épreuve qui tend à les séparer à
mesure que se développe la vie psychique de l’enfant devenant adulte. Tous travaux
dont E. H. Erickson (1962) a pu dire qu’ils procédaient de malentendus et d’ambi­
guïtés. Disons pour résumer d ’un mot ces hésitations et ces ambiguïtés, que les suc­
cesseurs de Freud ne se sont pas sentis plus à l’aise que lui quand il s’est agi pour eux
de passer d ’une topologie ou d ’une énergétique des processus psychiques (à peu près
tous inconscients) à l’exercice du jugement plus nécessairement requis pour l’action
de l’homme sur les choses que pour la simple possibilité de se mouvoir ou de sentir.
C’est ainsi que la formule qui exerce une si grande séduction sur les sophistes de notre
NÉCESSITÉ D'UNE PROFONDE RÉVISION 1059

temps : « la réalité c'est ce qui s'oppose aux choses » n ’est qu’un petit truc dans la
manipulation habile de la prestidigitation verbale.
Parmi tous ces travaux sur l ’épreuve de réalité parus dans ces dernières décades,
signalons : celui de M. Baiint (J. med. Psychol., 1942), les commentaires de J. Laplanche
et J. B. Pontalis (sous les rubriques Épreuves de réalité — Principe de réalité — Moi-
réalité), l’article de Marvin Hurwich (On the concept of reality testing, Intern. J. o f
Psycho-anal., 1970, 51, 299-311) et l’exposé de A. Garma (Genesis y contendo pri­
mordial de la alucinacion onirica, RevistadePsicoanalisis, 1969, Buenos Aires, 489-552,
et spécialement, 496-509). M. Balini souligne quelques fonctions de l’épreuve de réalité :
discrimination du dehors et du dedans — attribution de la cause de la sensation —
sens du stimulus et réaction adaptative à la sensation perçue. M. Hurwich reprend à
son tour l’habituelle analyse de la fonction du réel envisagée comme la discrimination
perceptive des objets internes et des objets externes. Freud ayant insisté sur le désin­
vestissement du monde des objets extérieurs dans le rêve et la psychose, A. Garma
insiste inversement sur le fait que ce que le Moi a le plus de peine à dominer (pendant
le sommeil, comme dans la psychose onirique), c’est ce qui se passe à l’intérieur et qui
apparaît alors comme objet perçu à l’extérieur de soi. B est impossible de comprendre
pourquoi il y aurait opposition de ces thèses puisque toutes les deux, comme celles
que reprennent constamment les psychanalystes, consistent à ne voir la perception
du réel que sur le modèle de la perception répondant à un stimulus externe. Mais la
perception est un acte qui se saisit tout à la fois des phénomènes qui apparaissent dans
la réalité intérieure ou extérieure, non pas seulement pour les disposer dans un espace
homogène mais pdur les distribuer dans les catégories du réel qui, toutes, impliquent
que le réel n ’est pas dehors ou dedans, mais ce qui fait face — du dehors ou dedans —
au Sujet. De sorte que la perception de l’objet extérieur n’est pas constante dans tout
acte perceptif, et que la perception de l ’objet intérieur (les pensées et images automa­
tiques) fait également partie de l’acte perceptif. L’Hallucination ne résulte pas de
l ’inversion du mouvement de la perception externe objective; elle résulte de l’inca­
pacité de distinguer dans l ’acte perceptif lui-même ce qui est objectif (interne ou
externe) de ce qui est subjectif (interne ou externe); car il y a dans chaque acte per­
ceptif une proportion diverse mais constante d ’objectivité et de subjectivité. Soit que
je regarde cet arbre et que je ne le vois pas ou que je le prenne pour un homme, soit
que je discoure avec moi-même en me faisant apparaître la voix de mon propre dis­
cours, toute perception n ’est pas séparation absolue (tout ou rien) de l ’extérieur et
de l’intérieur mais opération de distribution des valeurs de réalité. Autrement dit, la
théorie de la perception du réel postulée par Freud et ses disciples encourt tous les
reproches que l’on peut faire à une théorie associationniste de la perception. Cela ne
l’empêche pas d’être valable quand elle met l’accent sur l'opération de l’épreuve de
réalité pour autant qu’elle assure le sujet contre l’erreur de l’hallucination. Mais cette
transformation dont la nécessité était apparue à Freuden 1916dans le texte auquel
nous allons revenir rend bien vaines ces discussions comme celles auxquelles nous
venons de faire allusion sur la réversibilité (les investissements et contre-investisse­
ments) des « objets » externes ou internes dont le rapport de Denise Braunschweig (1)
consacre l’inanité. Même quand elle se cache dans la redondance d’une glose savante
qui ne peut, pensons-nous, tromper personne d ’autre que celui qui a déjà souscrit
aux simpitemelles ritournelles d ’une recherche acrobatique d ’une « vérité » constam­
ment niée ou déniée. Comme les prédictions des horoscopes, les explications psychana-

(1) Congrès de Lyon des Psychanalystes de langue romane, 1971.


1060 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

lytiques sur les phantasmes et la réalité ne sont jamais que les cercles magiques dans
lesquels elles s’enferment pour « se sécuriser ». Car, bien sûr, il est aussi facile de
réduire l’horreur de la réalité du Moi et des valeurs à un système de défenses incon­
scientes que de réduire les « voyants » de la réalité et du monde dont cha­
cun a conscience à des pulsions narcissiques, prégénitales, ou, dans les deux cas, à
des constellations astrologiques...
Les quatre « objets » fondamentaux (1), selon J. Lacan, ne peuvent évidemment
que faire partie de cet espace phantasmique constituant seulement, dit S. Leclaire
(Démasquer le réel, Le Seuil, 1971), le « réseau littéral » tissé selon les principes de
l’économie libidinale pour se substituer ou faire place à l’innommable voilé. Mais à
peine, bien sûr, décrite cette réalité symbolique bouchant le trou de l’espace perdu du
désir — à peine démasqué ce que S. Leclaire laisse entendre comme le réel ( Wirklich-
keit), que le Psychanalyste se prend lui-même nostalgiquement à se déprendre de cette
fausse réalité (Realität), à telle enseigne qu’il ne peut se définir lui-même que comme
celui qui « en définitive tient compte du réel »... Comprenne qui pourra !

La claire vision d ’un double système psychique (Ics-Cs) dont l’un est
antagoniste de l ’autre (c’est-à-dire de la réalité ontologique même de l’être
psychique), n ’a certes jam ais été perdue de vue p ar Freud. Et dans Y Esquisse
{comme dans L a lettre 105 à Fliess), il est bien indiqué précisément à propos
des états hallucinatoires que ceux-ci sont régis non plus p ar la réalité mais par
la réalisation du désir (Naissance de la Psychanalyse, p. 246, et E. Jones, La
vie et l'œuvre de S. Freud, trad. fr., 1958, tome I, p. 396). C ’est q u ’il est déjà
question naturellement du point d ’impact du nouveau-né, être de désir, avec
la réalité dans Y « Esquisse » (trad. fr. p. 338) quand il y est noté que l ’absence
de l ’objet contraint le nourrisson à ne plus se contenter de son image mnésique
hallucinatoire. Autrement dit, si l ’être tend d ’abord et fondamentalement à la
satisfaction de son désir par le plaisir, Y objet est là comme pouvant ne pas être
là ; et c’est cette déhiscence de l ’objectivité p ar rapport à la subjectivité qui est
bien évidemment pour tout le monde (on n ’a pas attendu Freud pour s’en
apercevoir) qui crée le monde de la réalité pour autant q u ’il s’oppose aux seules
exigences du principe de plaisir. Tandis que dans le chapitre VII de 1’ « Inter­
prétation des rêves » la théorie de la conscience (et de la réalité) est pour ainsi
dire repoussée au deuxième plan, le système Cs-Précs étant considéré comme
une sorte d ’annexe sensorielle de l ’appareil psychique tout entier organisé par
e t pour le jeu des images, des représentations et des souvenirs inconscients, en
1911 parut un écrit (2) qui montre que, comme le nouveau-né se heurte à la

(1) Le sein, l’excrément, le regard, la voix. Pourquoi pas aussi le sperme, le sang
et les larmes ? Lorsqu’on prétend établir une cosmologie anatomique de la « réalité »,
•on se demande pourquoi des morceaux aussi « sophocléens » ou « shakespeariens »
d u corps dramatique de l’Homme n ’y figurent pas ? C’est que tout simplement à ce
petit jeu, jouer c’est souffler.
(2) Formulierungen über der zwei Prinzipien der psychischen Geschehens (Jahrbuch
für Psychoanalyse, 1911), in G. W. VIII, p. 230-238. Nous ne connaissons pas de
traduction française de ce mémoire.
ÉVOLUTION VERS UN MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE 1061

réalité, la théorie psychanalytique est confrontée elle aussi avec elle. Freud fait
allusion dans cet écrit à la perte de la fonction du réel de Janet, et par là indique
quel pont peut être désormais jeté (même si personne parm i les psychanalystes
n ’a jamais voulu en emprunter la voie) entre la théorie rigoureusement psy­
chogénique et la conception organo-dynamique de l ’appareil psychique et
de sa désorganisation. Le névrosé, dit Freud dans ce travail, a tendance à se
retrancher de la vie réelle (realen Leben), à se détourner d e là réalité (der
Wirklichkeit zur entfernen), car il la trouve insupportable. Ce même phé­
nomène de fuite de la réalité (Verleugnung) se retrouve dans certaines Psychoses
et particulièrement dans les Psychoses hallucinatoires, comme l ’avait déjà
pressenti Griessinger (1). Cela revient à dire que dans tous les cas c ’est le prin­
cipe de plaisir (Lust, Unlustprinzip) qui régit ces symptômes névrotiques et
psychotiques. Comme cela avait été exposé dans « L ’interprétation des rêves »
l ’état d ’équilibre étant rom pu par le besoin, ce qui est désiré n ’entre que dans
la sphère de la représentation et sous forme « hallucinatoire » (comme dans le
rêve dont la réalité est niée par le rêveur à son réveil)-. Or, le principe de réalité
c ’est précisément une m utation, une sublimation (Aufhebung), du principe de
plaisir qui permet de tenir compte des objets de la réalité pour les utiliser dans
l ’exercice différé et calculé des modalités de satisfaction qui cherchent dans la
réalité les satisfactions possibles. Mais dans tout ce mémoire, la suspension du
principe de réalité dépend pour Freud uniquement d ’un abandon intentionnel
du Sujet. La note p. 231 est à cet égard importante puisqu’elle y rappelle que
l’état de sommeil ne se constitue comme négation de la réalité q u ’intentionnelle-
ment par le désir de dormir. Pour Freud, la substitution du principe de plaisir
au principe de réalité ne dépendrait au fond que du bon vouloir, des investis­
sements facultatifs, ou plus exactement, des mouvements intentionnels du
Sujet (2). M ais cette manière de traiter le phénomène hallucinatoire comme
l’effet positif d ’une intentionnalité inconsciente ne pouvait pas ne pas trouver
dans l ’esprit même de Freud sa propre contradiction. D ’où la reprise néces­
saire du problème dans le texte de 1916 qui est pour nous d ’une importance
capitale.
Le texte « Metapsychologische Ergänzung zur Traumlehre » (1916) (3) nous
paraît avoir une importance fondamentale car, sans rompre définitivement
bien sûr, avec les postulats essentiels de sa théorie de l ’intentionnalité

(1) J ’ai complété cet exposé critique au Colloque de Paris (xme Ait .), 1972.
(2) Erwin Straus (p. 58) souligne, en effet, que les investissements dépendant
du seul principe du plaisir du Sujet dont il dit « er mag sich verhalten wie er will
(il se comporte comme il veut), se comporte comme il veut avec ses investisse­
ments et désinvestissements qui lui font plaisir dans sa théorie, comme le psychana­
lyste dans ses interprétations.
(3) Nous citons le texte allemand tel qu’il se trouve in G. W., tome X. Sa traduction
française a été faite par Marie Bonaparte et A. Berman et a paru in Rev. fr. de
Psychanalyse, 1936 et dans « Métapsychologie », Gallimard (12e édition, 1952, p. 162-
188).
1062 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

inconsciente absolue, Freud semble avoir là plus que partout ailleurs senti
le besoin d ’introduire avec la notion de principe de réalité et l ’épreuve de réa­
lité une nouvelle — ou en tout cas plus im portante — dimension de l ’appareil
psychique, celle de l’être conscient, pour la compréhension du fait que tous
les hommes ne sont pas hallucinés et que certains le sont.
Le mémoire commence p ar un rappel de la fonction hédonique du rêve
et du sommeil. Celui-ci satisfait le narcissisme prim itif en retirant le Sujet
presque totalem ent du monde — celui-là est une satisfaction hallucinatoire
du désir (halluzinatorischen Wünschbefriedigung). Dans cette première partie
du texte il est surtout question du « narcissisme » (en tant, bien sûr, que prin­
cipe du principe de plaisir), c ’est-à-dire de l’interprétation du sommeil et du
rêve en tant q u ’ils répondent à l ’appel d ’un désir de désinvestissement objectai.
Mais ce désinvestissement n ’est pas total, et notamment les « restes diurnes »
vont être mobilisés (devenus les « entrepreneurs » du rêve) par leur investissement
p ar la sphère des désirs profonds inconscients, car il y a, souligne Freud, une
sorte d ’abaissement de la censure entre les et Précs pendant le sommeil. Nous
voyons donc que l ’utilisation des résidus diurnes introduit dans la formation
du rêve ce quelque chose qui est emprunté à l ’actualité des événements récents
et des motifs conscients et ne dépend pas seulement du désir inconscient qui
fournit au rêve son « capital ». Ce « Traumwünsch » fondamental, c ’est-à-dire
cette force de pulsion qui est à la disposition du désir refoulé (comme il l ’a
montré dans « L'interprétation des rêves » peut, soit faire irruption dans le Cs
(et c ’est l ’idée délirante réalisant le désir hors du sommeil) — soit se réaliser
dans les mouvements comme dans le somnambulisme — soit prendre un
chemin différent qui constitue la voie de la régression. Autrement dit, la voie
hallucinatoire qui conduit le désir à son objet se complique de tout le travail
d ’élaboration du rêve où collaborent le désir inconscient et les modalités de
la pensée consciente.
D ’emblée, ce supplément « à la théorie du rêve » montre donc q u ’il y a
une sorte de coopération entre la finalité inconsciente et les modalités conscientes
de l’expérience et de la pensée. Freud indique justem ent que le processus de
form ation du rêve doit être envisagé selon trois phases (ou trois composantes).
Dans un premier temps, le processus ébauché p ar le Pcs est renforcé p ar l ’Ics,
et les restes diurnes sont investis de charges pulsionnelles inconscientes. Dans
un deuxième temps s’instaure la force du désir proprem ent inconscient qui va
doter le rêve de son sens. Enfin dans un troisième temps, le processus ébauché
dans le Pcs et renforcé p ar l ’Ics retrouve son chemin à travers l’Ics vers la
perception qui s’impose alors à la conscience. C ’est ce troisième temps qui
constitue la régression (1).
II s’agit bien d ’une « régression topique » (topische) qu’il ne faut pas confon-

(1) Nous avons déjà vu plus haut que la régression topique dont il est question
ici introduit une nouvelle dimension dans la formation des rêves (et du délire hallu­
cinatoire). Nous pensons cependant utile d ’y revenir encore ici en exposant ce texte
capital.
ÉVOLUTION VERS UN MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE 1063

dre avec la régression temporelle ou parcourant à rebours le développement his­


torique (zeitlich oder entwüklmgs-geschichlich, p. 418 du texte allemand,
G. W., X). La régression dont il s’agit constitue tout à la fois non seulement
un retour en arrière (vers le stade de la réalisation hallucinatoire du désir)
mais aussi une rétrogradation du cours de l’excitation à partir du Pcs vers
la perception en traversant Pics. Pour si sommaires que soient ces explica­
tions, il paraît évident, par le contexte que Freud a le souci de montrer, que
la régression topique est constituée par une modification de la structure for­
melle de la pensée. Et il insiste sur les idées de Silberer et le caractère de
« figurabilité » (Darstellbarkeit) que prennent les phénomènes psychiques
au cours de ce mouvement régressif (1). La chose se présente différemment,
assure Freud, selon qu’il s’agit du rêve et des « psychoses hallucinatoires de
désir » que nous appelons en France « oniriques » (Confusion ou Amentia) et
qui relèvent de cette régression topique ou de la Schizophrénie qui, elle, ne la
comporte pas (2).
Mais arrivé à ce point de la réflexion, somme toute conduite selon les concepts
fondamentaux de sa théorie essentiellement énergétique (c’est-à-dire faisant
uniquement appel aux investissements libidinaux et à leur déplacement), Freud
s’interroge et se demande si l’image pour si intense et animée qu’elle soit (inves­
tie ou même surinvestie) par le désir se transforme bien en Hallucination ?
Car la « psychose hallucinatoire » aboutit (dans le rêve comme dans la confusion
hallucinatoire) à représenter l ’objet des désirs mais aussi à les représenter « réa­
lisés », « accomplis » (sondern stellt sie auch unter vollem Glauben als erfüllt
dar, G. W., p. 421). C’est ce sentiment de réalité, cette croyance à la réalité
de l ’image hallucinatoire qui doit nous faire demander quelle condition est
nécessaire à l’avènement d ’une Hallucination ? Si l’idée de régression paraît,
dit Freud, fournir une réponse à cette question, nous ne pouvons pas nous
en contenter, car si elle nous rend compte de la résurgence, de la vividité
des images, elle ne nous rend pas compte de la « réalité » qu’elles prennent
pour le rêveur ou le délirant halluciné. Et c’est ici qu’intervient (p. 421-422)
le « virage » — à nos yeux « capital » de la théorie freudienne de l ’Hallu­
cination. D ésormais , c e n ’est p l u s d a n s les a rcanes d e l ’I n c o n sc ie n t e t
LES ITINÉRAIRES DU DÉSIR AU TRAVERS DES REPRÉSENTATIONS ET DES INVESTISSE­
MENTS DU PROCESSUS PRIMAIRE QUE FREUD NOUS ENGAGE A TROUVER L’EXPLICA-
t io n d e l ’H a l l u c in a t io n mais vers le « S ystèm e C s » , les stru ctu res
MÊMES DE L’ÊTRE CONSCIENT POUR AUTANT QU’lL ASSUME L’EXERCICE DU PRIN­
CIPE DE RÉALITÉ.

(1) F reud insiste alors sur l’exclusion des représentations verbales dans le travail
profond inconscient du rêve. Toutes les pensées qui entrent en effet dans le rêve pro­
viennent du matériel fourni par les résidus diurnes, c’est-à-dire le Pcs.
(2) A vrai dire, la pensée de F reud reste flottante à cet égard, et il finit par admettre
p. 420, G. IV., et p. 178 de la trad. fr.) que la phase hallucinatoire de la Schizo­
phrénie est composite (zusammengesetzter) et correspondrait essentiellement à une
tentative pour réinvestir les représentations verbales.
E y. —• Traité des Hallucinations, n. 35
1064 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

Nous avons déjà fait référence explicite précédemment (1) à ce que dans ce
Mémoire de 1916 Freud a écrit sur l’importance des stiuctures de la conscience
pour l’organisation de la vie psychique conformément au principe de réalité.
Il faut, dit Freud, en revenant à la satisfaction hallucinatoire primitive (qualifiée
dans le texte par le mot Fiktion, traduit assez légèrement par celui d’hypothèse
dans la traduction française), il faut bien penser que l’insuccès de la représen­
tation de l ’objet se substituant à l’objet réel doit inciter le Sujet de cette expé­
rience primitive à créer une organisation (Einrichtung qui est le terme repris
à plusieurs reprises dans le texte) qui permette de distinguer une perception
hallucinatoire du désir d ’une vraie perception d ’objet réel... Et c’est ici qu’inter­
vient la fameuse « épreuve de réalité » ( Realitätprüfung) assurée par ce dispo­
sitif ou cette organisation. Or, il vient à l’esprit de Freud dans la suite de sa
réflexion cette idée — que pour notre propre compte 50 ans après lui nous ne
cessons de reprendre — que l’épreuve de la réalité n ’est possible que si une orga­
nisation de la vie psychique est possible, c’est-à-dire si nous assimilons cette
organisation à celle de l’être conscient. Ce n ’est pas nous qui le disons en effet
mais Freud lorsqu’il écrit « wir nun daraus gehen das dritte unserer psychischen
Systeme das Systeme Bw welche wir bisher von Vbw nicht scharf gesondert
haben, näher zu bestimmen » (G. W., X., p. 422-423) (2), et il insiste en disant,
« nous devons faire du système Cs le point central (Mittelpunkt) de notre intérêt
(Interesses) (3). Un peu plus loin, Freud dit, « c’est bien la fonction de l’être
conscient (le Cs) qui assure la différenciation entre l’intérieur et l’extérieur et
qui exerce l’épreuve de réalité grâce à son organisation » (Einrichtung). Et
enfin, comme pour mieux assimiler encore l’exercice de l’épreuve de la réalité
en conformité avec le principe de réalité par le Cs, c’est au Moi en tant qu'éla­
boration du Cs qu’est rattachée l’épreuve de réalité. On ne saurait donc être
plus explicite. Ce qui nous protège contre l ’Hallucination c ’est, dirions-nous,
la structure de l’être conscient et notamment l’organisation du Moi. C’est ainsi,
que pour terminer Freud dit que dans la psychose hallucinatoire de la démence
précoce, celle-ci n ’est rendue possible que lorsque le Moi du malade est suffi­
samment désagrégé pour que l’épreuve de la réalité ne suffise plus à empê­
cher l ’Hallucination....
Nous n ’avons pas besoin d’insister davantage; mais qui pourrait nier que

(1) Une première fois à propos des « Expériences hallucinatoires » (p. 400)
et un peu plus haut à propos de la notion de régression (p. 1057).
(2) Nous devons déterminer plus précisément maintenant ce qu’est le système Cs
que nous n ’avons jusqu’ici pas nettement distingué du système Pcs. (p. 181 de la
trad. fr.).
(3) Nous rétablissons ici la traduction du texte freudien dont le sens est adultéré
par la traduction française. Pour le psychanalyste convaincu qui a traduit cet article,
cette affirmation par F reud lui-même, de l’importance du système Cs a pu paraître
assez géniale pour être édulcorée, et la traduction de M. B onaparte et de A. B erman
fait dire simplement à F reud « il faut attendre de pouvoir faire du système Cs l’objet
spécial de notre étude ».
ÉVOLUTION VERS UN MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE 1065

ce texte en faisant dépendre le phénomène hallucinatoire d’autre chose que


de la finalité et de la stratégie du désir inconscient nous contraint tous : il
contraint les psychanalystes à renoncer à une psychogenèse pure (intentionnalité
inconsciente pure et simple) — il contraint les adversaires de la psychanalyse
à admettre le psycho-dynamisme du désir comme moteur de la projection hal­
lucinatoire. Et c ’est bien, en effet, à cette conception organo-dynamique de
l’Hallucination que nous contraignent la réflexion et le texte de Freud en tant
qu’il est en effet un « complément » à sa théorie initiale, à ce modèle linéaire
(le seul auquel les psychanalystes encore trop souvent paraissent se raccrocher)
qui lie purement et simplement l’objet de la perception hallucinatoire au désir,
car cet objet n’apparaît dans sa réalité hallucinatoire que si le système de la
réalité, c’est-à-dire l’organisation de l’être conscient est altéré, que si l’Hallu­
cination apparaît comme un symptôme négatif (1).
On trouve nous semble-t-il, après ce texte, en 1916 notamment dans « La
Perte de la réalité » (Die Realitätverlust, 1924) et dans YAbrégé de Psychanalyse
(Abriss publié en 1938) une certaine orientation de la pensée de Freud dans
ce sens. Si la névrose est une fuite ou un déni de la réalité (Verleugnung),
la psychose (2) représente sa perte (Verlust). Car en définitive c’est l’impos­
sibilité d ’exercer l’épreuve de la Réalité (Realitätprüfung) qui impose qu’un
« Ersatz » de réalité se substitue dans la Psychose à la Réalité. Or, nous l’avons
vu, cette épreuve de réalité est une opération qui exige un dispositif (Ein­
richtung) qui n ’est rien d ’autre que l’organisation de l’être conscient (Cs).
Telle aurait dû être l’évolution du modèle psychogénique ou psychodyna­
mique vers un modèle organo-dynamique si les Psychanalystes avaient renoncé
à ces « Konstruktionen » contre lesquelles Freud à la fin de sa vie les mettait
en garde en leur conseillant de ne pas être trop dupes de l’infaillibilité de leurs
interprétations (Abrégé 1938).
C ’est tout au contraire dans la voie d’une surenchère herméneutique,
de « constructions » sur le symbolique du symbolique (avec J. Lacan notam­
ment), que l’interprétation prétendument exhaustive de chaînes inépuisables
de signifiants a porté à son comble la subordination de la Psychose au seul
principe de plaisir. Notamment l’hallucination dans cette perspective ne peut
être saisie que dans la positivité qu’elle tire exclusivement et nécessairement
d ’un manque (qu’elle remplit) dans la satisfaction du Désir. A. de Waelhens
(1972) s’est laissé séduire par cette interprétation « analytique et existentiale »
de la Psychose. Et cela est d’autant plus paradoxal qu’au même moment
G. Deleuze et F. Guattari (1972) accueillaient l’assomption jubilatoire des
phantasmes forclos comme des productions de la « machine désirante » à la
seule condition de les arracher au milieu « dissolu » de « Sainte Famille »

(1) C’est peut-être à cette intuition que correspond la note de F reud qui dit
(p. 423 du texte allemand des G. W.) qu’une vraie tentative pour expliquer l’Hallu­
cination devrait s’appliquer, non à l’Hallucination positive mais bien plutôt à l ’Hallu­
cination négative.
(2) Cf. mon texte, in C. R. Colloque de Paris (xme Arr., 1972).
1066 THÉORIE PSYCHANALYTIQUE

œdipienne, en les tenant pour des produits mécaniques et économico-industriels


de la merveilleuse Schizophrénie seule forme et force de la création humaine.
On voit dans quelles inextricables contradictions se perd « le fil rouge »
d ’une interprétation du Délire et de l ’Hallucination considérés exclusivement
comme forces du Désir. '

*
* *

Pour nous, il ne fait pas de doute que S. Freud a très bien compris la néces­
sité de donner (de redonner) une importance capitale dans la théorie même
de l’Inconscient à l ’instance refoulante. Or, celle-ci ne peut pas être seulement
une machine thermodynamique, encore moins un système hydraulique fonc­
tionnant comme pompe refoulante ou exerçant sa pression dans la tuyauterie
ou les systèmes de connexions d’une « machine désirante » régie seulement
par le jeu aléatoire des pistons mus par les vides de la « psycho-machine »
telle que se la représentent G. Deleuze et F. Guattari par un effort d ’imagi­
nation génial (littérairement génial, dans le style d ’Albert Jarry).
Si l’œuvre de Freud a un sens — et quel sens ! — c’est bien d ’avoir montré
que l ’Homme n ’est pas, ne peut pas être seulement être de désir, car il ne peut
rien faire ni rien penser qui ne le tienne dans la condition du rêve ou de la
Psychose, c’est-à-dire de l’Hallucination absolue si les forces de l’Inconscient
ne sont pas refoulées. Oh ! pas seulement et immédiatement du dehors par
la Société, mais par l’organisation même du corps psychique en tant qu’être
conscient. D ’où l’importance déjà progressive de la substitution à la théorie
du « refoulement originaire » (qui n ’a strictement aucun sens pour réduire
précisément l’homme à n ’être qu’une machine haletante, poussive et gémis­
sante) d ’une « Egopsychology » (1) dont on peut dire qu’elle répond au vœu
même de S. Freud (G. W., X, 422). C ’est effectivement l’être conscient, le Moi (2)
qui constitue, nous allons le voir — comme nous l’avons vu dans notre ouvrage
sur la Conscience — la forme même et la loi du système de la réalité qui n’asser­
vissent pas l’Homme mais, le libérant (Aufhebung) de son Inconscient, permet­
tent sa liberté et le protègent contre l’aliénation hallucinatoire de son existence.
Il n ’y a ni réalité ni hallucination sans cette incorporation du Système de la
réalité qui constitue l’organisation du corps psychique en être conscient puisant
sa source, mais aussi son sens, dans sa relation avec YInconscient. C’est ce que
nous allons expliciter maintenant.

(1) Cf. par exemple l ’importance donnée par Thomas F reeman ou J. A rlow
et Ch. B reusch (Int. J. Psychoanalysis, 1970) à 1’ « ego defect » dans la Psychose.
(2) C’est pourquoi le Moi, en tant que négation transcendentale de la positivité
du désir inconscient, se définit généralement (et souvent avec les attributs mêmes
du Sur-Moi ou idéal du Moi) par ses défenses (On compte 14 fonctions de défenses
dans l ’exposé de la « Classical Psychoanalysis » de J. E. M ack et E. V. Semrad
(in Comprehensive Textbook o f Psychiatry, p. 296-298, de A. M. F reedman et
H. L. K aplan , Baltimore, Wiliams Wilkins Cy., 1967).
BIBLIOGRAPHIE 1067

N O T IC E BIBLIOGRAPHIQUE

Il est évidemment impossible de donner un catalogue bibliographique des nombreuses


études sur la Psychogenèse et la Psychanalyse des Hallucinations. Nous indiquons
cependant ici quelques travaux essentiels où Von trouvera l’essentiel de la Bibliographie.
Les œuvres de S. F reud ont été publiées en allemand « Gesamtelle Werke » (G. W.)
en 18 volumes à Francfort ( Fischer) de 1951 à 1968 — La « Standard Edition » anglaise
a été publiée en 22 volumes à Londres (Hogarth Press) de 1955 à 1966.

1895 — F reud (S.). — Entwurf einer Psychologie, psychanalytique du Délire. Rev. fr. de
trad. fr., in Naissance de la Psychanalyse. Psychanalyse, 1958, p. 412-532.
-— F reud (S.). — Cinq Psychanalyses (Le cas — L acan (J.). — Traitement possible de la Psy­
du Président Schreber), trad. fr., Paris, chose. Structuration dynamique appliquée
P. U. F., 1966. aux états hallucinatoires chroniques. La
1900 — F reud (S.). — L'interprétation des rêves, Psychanalyse (Bull. Soc. fr. de Psychanalyse).
trad. fr., Paris, P. U. F., 1966. 1959 — L acan (J.). — Sur la théorie des Symboles.
1911 — F reud (S.). — Formulierung über die zwei La Psychanalyse (Bul. Soc. fr. de Psych­
Prinzipen der psychiatrische Geschehen. analyse).
G. W„ VIII, p. 230-238. 1963 — Symposium sur la réinterprétation du cas
1912 — F erenczi (S.). — Le concept d'introjection, Schreber. J. Intern, de Psychoanalyse, 1963,
trad. fr., Paris, éd. Payot, 1968. 44, p. 191-223.
1916 — F reud (S.). — Ergänzung zur Traumlehre, 1965 — C olloque sur la régression. — Rapport de
trad. fr., in Métapsychologie, Paris, éd. Gal­ B arande (L.), Soc. Psychanalytique de
limard, 1952. Paris, Mars 1965, in Rev.fr. de Psychanalyse,
1917 — F reud (S.). — Vorlesungen zur Einführung n° 4, 1966.
in die Psychoanalyse. G. W.t XII, trad. fr. 1966 — L acan (J.). — Écrits, Paris, éd. du Seuil, 1966.
Introduction à la Psychanalyse, Paris, — 27e C ongrès des psychanalystes de langue
éd. Payot, 1922. romane . — Investissements et contre-inves­
1919 — T ausk (V.). — Ueber die Entstehung des tissements. Rapports de C. J. L uquet-P arat
Beeinflussungsapparat in der Schizophrenie, et M. R och . Rev.fr. de Psychanalyse, 1967.
in La Psychanalyse, n° 4, 1958, p. 227-265. 1967 — L aplanche (J.) et P ontalis (J. B.). — Voca­
1927 — H esna rd (A.). — Psychanalyse et Psychose bulaire de la Psychanalyse, P. U. F.
hallucinatoire chronique. Évolution Psychia­ 1969 — G arma (A.). — Intern. J. o f Psychoanalyse,
trique, 1927, p. 2-45. 1969.
1930 — C laude (H.). — Mécanisme des Hallucina­ (970 — La Problématique de la Psychose. Colloque de
tions. Syndrome d ’action extérieure. Encé­ Montréal, 1969. Ed. Excerpta Med ica, 1970.
phale, 1930, 25, p. 345-359. — Sami A li . — De la projection, Paris, éd. Payot,
1932 — L acan (J.). — La paranoïa d ’autopunition. 1970.
Thèse, Paris, 1932. — E llenberger (H. F.). — Discovery o f Uncons-
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Vienne, trad. fr., P. U. F., 1959. — G reen (A.). — L’affect. C. R. 30e Congrès des
1933 — F l o u rn o y (H.). — Psychanalyse et Hallu­ Psychanalystes de langue romane, Rev. fr.
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1935 — Schiff (P.). — La Paranoïa et la Psychana­ réalité. 31e Congrès des Psychanalystes de
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105. — Numéro spécial de la Rev. fr. de Psychanalyse
1953 — J ones (E.). — The tife and work o f S. Freud, sur « Le Fantasme ».
Press Book 1953, trad. fr. A. Berman, — J. G illibert, G. C. L airy et I. Barande. —
P. U. F., 1958. Les débuts de la vie fantasmatique. Inter­
1955 — L acan (J.) et coll. — Usage de la parole et prétation, numéro spécial, 5, 1971.
structure du langage. La Psychanalyse (Bul. 1972 — G. D eleuzb et F. G uattari. — Capita­
Soc. fr. de Psychanalyse). lisme et Schizophrénie. L'anti-Œdipe, Paris,
1957 — L agache (D.) et L acan (J.). — Fascination Éditions de Minuit, 1972, 470 p.
de la conscience par le Moi. La Psychana­ — A. de W aelhens. — La Psychose. Essai d’in­
lyse. terprétation analytique et existentiale. Lou­
1958 — N acht (S.) et R acamier (P. C.). — Théorie vain, Paris, éd. Nauwelaerts, 1972, 227 p.
I
SEPTIÈME PARTIE

LE MODÈLE
ORGANO-DYNAMIQUE
LES Q U A TR E TH ÈSES F O N D A M EN TA LE S
D’U N E TH É O R IE O R G A N O -D Y N A M IQ U E DE L’H A L L U C IN A T IO N

Nous voici parvenus maintenant au moment où le lecteur de cet ouvrage


doit — à propos de cette clé de voûte de toute la psychopathologie qu’est
l’Hallucination — se demander ce que la théorie organo-dynamique de la
Psychiatrie peut apporter de compréhension et d’explication à ces phénomènes
hallucinatoires.

Disons tout d ’abord qu’une conception organo-dynamique de la Psychiatrie


constitue un modèle théorique essentiellement a r c h it e c t o n iq u e de l’organisa­
tion et de la désorganisation de l’organisme psychique. Les thèses fondamentales
qui sont articulées dans ce modèle sont : 1°) que l’organisme psychique dépasse
l’organisme organique par son organisation même en système ouvert tout en
dépendant comme d ’une condition nécessaire de son organisation somatique
— 2°) que la maladie mentale est virtuelle dans un organisme psychique construit
pour s’en défendre — 3°) que les diverses modalités de ce désordre peuvent
être naturellement classées selon l’ordre (la structure de l’être conscient)
au contrôle duquel elles échappent — 4°) que l’apparition de la maladie men­
tale dépend de la désorganisation de l’organisme psychique. On reconnaît
naturellement dans ces propositions qui représentent un système logique
(correspondant à l’ontologie même de l’organisme psychique) le schéma fon­
damental de la pathologie que Hughlings Jackson a spécialement construit
à partir de l ’épilepsie. C ’est que, si la théorie de l’épilepsie sensorielle, c’est-
à-dire de l’excitation des centres d ’images ne peut expliquer l’Hallucination,
pas plus que la théorie des décharges libidinales (parce que l’une et l’autre
se donnent l’Hallucination comme un phénomène simple et positif), une théorie
organo-dynamique (1), en proposant un modèle de l’organisation essentiel­
lement anti-hallucinatoire de l’organisme psychique en tant qu’il est structuré
pour accorder le Sujet à la réalité de son monde, doit mettre le problème de
l’Hallucination dans l ’exacte perspective où il doit recevoir sa solution.

(1) Le lecteur voudra bien se rapporter au chapitre que nous avons consacré
à cet aspect crucial de la psychopathologie dans la « Psychiatrie der Gegenwart »,
1963 (écrit en français et traduit en anglais dans Philosophy and Psychiatry, éd. Sprin­
ger, 1969), ainsi qu’à mon rapport au Congrès de Madrid (1966), C. R. Excerpta
Medica, tome 1 ,1968 — et texte complet in Évolution Psychiatrique, 1970, pp. 1-38 —
qui a été reproduit dans le n° 1,1970 de « l’Évolution Psychiatrique ».
1072 MODÈLE ORGANO-D YNAMIQUE

Il s’agit, en effet, de substituer aux içodèles linéaires, soit mécaniste, soit


psychogéniste, un modèle architectonique qui nous permette d ’interpréter
l’apparition du phénomène hallucinatoire autrement que par l’intensification
de l’image considérée comme son « primum movens » (soit que celui-ci soit
identifié à une excitation physique, soit qu’il soit identifié à une excitation
libidinale), c’est-à-dire comme l’émergence de l ’Inconscient surgissant des
profondeurs de l’être, car ce n ’est que lorsque l’être conscient cesse de s’accor­
der au réel qu’il se livre au scandale logique de l’Hallucination.
Autrement dit — et nous devons bien souligner en abordant cette « esquisse »
d’une théorie organo-dynamique de l'Hallucination — si nous entendons saisir
l’Hallucination pour ce qu’elle est, nous devons nous attendre résolument
aux difficultés d ’une théorisation compliquée, car l ’Hallucination est, ne peut
être que de structure complexe et relever d ’une pathogénie dont l’apparition
hallucinatoire cache sous la simplicité dogmatique d ’une irrécusable affirmation
le travail constitutif d ’un « perceptum » qui vise le Sujet lui-même comme un
objet — où le Sujet plus exactement et plus scandaleusement encore se vise
lui-même comme objet exclu de sa propre subjectivité. C’est, en effet, à cette
structuration conflictuelle et contradictoire que répond l’Hallucination, irré­
ductible par conséquent à n ’être « simplement » qu’un objet (modèle méca­
niste) ou qu’un désir (modèle psychogéniste). Mais comme la constitution du
« perceptum » hallucinatoire consiste nécessairement dans ce « scandale »,
c’est de celui-ci qu’une théorie de l’Hallucination doit rendre compte. Seule
une analyse structurale de l’entrelacement du « vécu » et du « cru », du « vu »
et du « su », ou du « vu » et du « sûr », si on se réfère seulement au percept
visuel, pourrait permettre de découvrir l’altération de cette articulation des
deux plans confondus dans la fausse perception.
L’application au problème de l’Hallucination du modèle architectonique
postulé par une théorie organo-dynamique de la Psychiatrie exige, pour que
soit expliquée l’Hallucination (c’est-à-dire énoncé et dénoncé le scandale logique
qu’elle représente), qu’elle soit d ’abord prise pour ce qu’elle est dans son appari­
tion phénoménale : une confusion, ou si l’on veut, une erreur, une viciation
des plans structuraux de l’organisation psychique. Elle va donc exiger d’abord
que nous mettions de l ’ordre dans le désordre des théories pathogéniques
qui, depuis Esquirol, Baillarger, Brierre de Boismont jusqu’à Mourgue, n ’ont
jamais pu saisir le phénomène hallucinatoire dans son unité et sa multiplicité
naturelle. C’est dire qu’elle doit exiger d ’abord — ce qui sera facile au lecteur
à la fin de cet ouvrage et après que nous ayons déjà débrouillé (cf. Historique,
dans la Première Partie) l’écheveau des définitions, classifications et théories
où s’est égarée l’étude des Hallucinations — que nous comprenions d’abord
que l’Hallucination n ’est pas un phénomène univoque, car si toutes les Hallu­
cinations ont quelque chose de commun et qui est d ’être une erreur introduite
dans la constitution même d ’un « percepteur » (1) radicalement falsifié, cette

(1) Laissons de côté pour le moment la question de savoir si ce terme — certes


rébarbatif ! — vise le Sujet ou un organe.
LES QUATRE THÈSES FONDAMENTALES 1073

constitution comporte des niveaux de structures divers. Car, bien entendu,


le problème de la diversité des phénomènes hallucinatoires qui fait partie du
problème général de « l’halluciner » ne saurait être résolu seulement par la
fragmentation ou la multiplication des phénomènes hallucinatoires que nous a
léguées la Psychopathologie atomistique du xix® siècle, laquelle précisément
nous invitait à les considérer comme de simples variations quantitatives ou
spatiales d’un même élément hallucinatoire et de simples variations quantita­
tives ou spatiales de l’intensification des images (c’est-à-dire une multiplicité
mathématique) au lieu de catégoriser dans leur ordre architectonique les moda­
lités de l’apparition hallucinatoire (c’est-à-dire une multiplicité phénoméno­
logique).
Dès lors il doit nous apparaître évident qu’une théorie organo-dynamique
doit embrasser la totalité des catégories naturelles d’Hallucinations. C ’est-à-dire
que l’ordre qu’elle doit nous faire apparaître exige l ’application des quatre
propositions fondamentales de toute théorie organo-dynamique de la Psychia­
trie. Et c’est précisément cet ordre qui va tout à la fois récapituler les thèses
éparses dans cet ouvrage et constituer le plan de cette dernière exposition.
— L a première thèse, essentiellement ontologique, est celle de la virtualité
de l’Hallucination contenue dans l’organisation même du corps psychique,
c’est-à-dire par les rapports structuraux qui subordonnent l’Inconscient et
l’activité des sens à l’intégration de l’être conscient en tant que gardien de
la réalité, du Moi et de son monde.
— La deuxième thèse, proprement phénoménologique, est celle d ’une hété­
rogénéité radicale de la falsification perceptive hallucinatoire à l’égard de
l’exercice normal de l’imaginaire dans et par les mouvements facultatifs réglés
par l’organisation psychique du système relationnel du Moi à son monde.
—- La troisième thèse, proprement clinique, est celle de la classification des
phénomènes hallucinatoires en fonction de l’organisation psychique. Cette
thèse ne pourra se démontrer qu’après une critique des fausses catégories que
la Psychiatrie a cru distinguer dans les modalités hallucinatoires et dont chacune
n ’est qu’artificiellement distinguée des autres.
— La quatrième thèse enfin est essentiellement pathogénique. Elle sera celle
de la négativité du trouble hallucinatoire. Si l’Hallucination s’impose au Sujet
qui l’éprouve dans une positivité absolue, elle s’impose du même coup à l’obser­
vateur comme dépendant d ’une désorganisation de l’être conscient, c’est-à-dire
du corps psychique dont l’architectonie assure précisément l’ordre dont le
désordre est hallucinogène. Et, à cet égard, nous consacrerons au terme de
cet exposé théorique la distinction entre éidolies hallucinosiques et Hallucina­
tions délirantes qui permet seule de pouvoir embrasser l’ordre naturel de la
décomposition hallucinatoire de l’être psychique et des organes de ses sens.

Ces quatre thèses sont liées entre elles; car dire que l’appareil psychique
« contient » l’Hallucination, c’est dire que celle-ci n ’apparaît que comme
1074 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

un phénomène hétérogène à l ’égard de l ’orgapisation fonctionnelle psychique


qui porte en lui-même la marque d ’un processus irréductible au jeu normal
des variations de la perception et de l’imagination — c’est-à-dire aussi que,
correspondant à la complexité et à la hiérarchie fonctionnelle du corps psy­
chique, les phénomènes hallucinatoires ne peuvent apparaître que comme
une pluralité des structures de « perception-sans-objet-à-percevoir » — et
c’est dire enfin que l’apparition séméiologiquement positive de l’Hallucination
n ’est explicable et concevable que par les conditions négatives (la désorgani­
sation de l’être conscient à ses divers niveaux de conscience ou d ’activité
perceptive) qui l’engendrent. C'est dire aussi que le problème de l ’Hallucination
est celui de l'articulation du système de la réalité avec l'ontogenèse et l'organi­
sation du corps psychique.
Sans doute pourra-t-on taxer de « réalisme » cette conception de l’Hallu-
ciner en l’accusant d ’ « hypostasier » ou de « chosifier » l’Hallucination. Pour
nous, cette critique n’a aucun sens pour procéder précisément d’un « idéalisme »
qui, ne permettant pas de poser le problème de l ’Hallucination, s’imagine en
supprimer la réalité.
Et c’est bien relativement à la « réalité » que s’ordonne tout le problème
de la « perception-sans-objet-à-percevoir ». Il est plaisant — ou plus exactement
dérisoire — de lire dans certains écrits que le problème de la réalité (comme
celui d ’ailleurs de la nature, de la perception, de la conscience et, bien sûr,
de la vérité, etc.) ne se pose pas. Ainsi A. de Waelhens écrit (p. 175) : « On répète
et nous en sommes bien convaincus qu’il n’y a aucun sens à vouloir traiter
en fonction du réel les problèmes du délire » (1). Mais pourquoi se donner
tant de mal pour parler et écrire sur la présence au monde », sur 1’ « être avec »,
ou 1’ « être là », ou sur l’imaginaire ou le symbolique, etc., si c’est sans s’aviser
que c’est du problème de la réalité qu’il s’agit toujours et sans cesse, parce
que précisément c’est l’imaginaire, le rêve et la psychose qui requièrent qu’il
soit question de la réalité. Bien plus, le Délire non seulement pose le problème
de la réalité (n’est Délire que relativement à la valeur du réel) mais il pose
la réalité de la Psychose comme maladie de la réalité en exigeant que pour
rendre compte du Délire et des Hallucinations il soit question de l’organisation
même de l’ontologie du corps psychique qui constitue pour chaque existant
l ’ordre des possibilités de construire la réalité, l’historicité, une, consciente
et organisée de son existence.

(1) Conviction semble-t-il, bien fragile pour être par avance (p. 174) ébranlée
quand l’auteur, à propos de ce que H usserl et M erleau -P onty ont écrit sur la
« certitude perceptive », consent à admettre que l’existence du monde perçu ou dans
le cas présent du réel est en deçà et au-delà de toute contestation possible.
CHAPITRE PREM IER

LE MODÈLE ARCHITECTONIQUE
DE L’ORGANISATION PSYCHIQUE
ANTI-HALLUCINATOIRE

Nous ne pouvons pas nous contenter des modèles linéaires physiologiques


(arc réflexe qui lie la réponse au stimulus, fût-ce par une liaison « conditionnée »)
ou psychologique (arc dynamique qui lie l’objet à l’image et son désir, fût-ce
par une liaison complexe inconsciente). Nous devons donc prendre comme
modèle théorique fondamental celui d ’une organisation hiérarchisée de l ’être
psychique, c’est-à-dire de sa stratification ontologique et ontogénique.

A. — L ’ID É E D ’O R G A NISATIO N, L ’U N IT É COM POSÉE


E T HIÉRARCHISÉE D E L’Ê T R E PSYCHIQUE

Impliquée dans certaines spéculations psychophysiologiques vieilles comme


le monde, cette idée a acquis dans le domaine des sciences biologiques et
plus particulièrement neuro-psychiatriques un imprescriptible droit de cité.

1° L ’idée d ’organisation
chez les ph ilosoph es, les biologistes e t les psych ologues.

a) Philosophie. — Sans doute pourrions-nous, devrions-nous remonter


aux Présocratiques, à Héraclite et à Parménide, à Platon et à Aristote, aux
Stoïciens et à Plotin, puis retrouver les échos de ces métaphysiques dans la
« Querelle des Universaux », et ensuite à la Renaissance, au Siècle des
Lumières, dans l’entrechoc et l’entrelacement des Matérialismes mécanistes
ou dialectiques et des Idéalismes rationalistes ou subjectivistes; car toujours
et sans cesse se poursuit, dans les « antinomies de la raison » (cf. Table des
Concepts-clés à la fin de cet ouvrage), la dispute entre ceux qui réduisent
l’Homme aux éléments qui composent son corps ou son esprit, et ceux qui
visent le mouvement de sa transcendance. De sorte que les uns et les autres
étant constamment balancés (non seulement dans leur parallélisme mais
1076 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

même dans leur monisme nécessairement voué à se partager) entre un idéa­


lisme ou un empirisme également impossibles, l’idée d ’une articulation de
la logique de la connaissance et de la logique de l’organisation de l’être
s’est toujours imposée. On peut en saisir le cheminement chez Leibniz (et
même chez Descartes ou Spinoza), chez Kant, chez Hegel, chez Karl Marx
et F. Engels, chez A. Comte et chez H. Bergson, chez P. Teilhard de Chardin
comme chez Husserl. Car l’idée même du devenir, impliquée dans toute onto­
logie de l’être vivant (dans son ontogenèse), impose, à son tour, celle d ’une
organisation, même aux philosophes qui paraissent les moins enclins à
accueillir l’idée d ’une nature organisée.
Ainsi en est-il, nous semble-t-il, de la « logique du sens » que G. Deleuze
a puisée dans le puissant souffle hylozoïste et matérialiste de la logique des
Stoïciens et des Cyniques. Considérer la seule réalité de Y événement, de
1’ « aliquid » absolu, est une gageure que, malgré la pétulance de son style
(que nous ne lui reprocherons pas, même si nous nous rappelons que Cicéron
traitant Zénon d ’ « ignobilis verborum opifex »), G. Deleuze ne parvient pas
à tenir. Le « corps sans organe » contient dans sa peau « la machine dési­
rante ». Et G. Deleuze, se référant au mot de P. Valéry « le plus profond
c’est la peau » (Novalis disait, l’âme est à la surface du corps), a, certes,
raison de déplacer, de la profondeur vers la surface et vers la forme, le
mouvement et la production de l’être; mais, pulvérisant ainsi le dérisoire
album des images de la sainte famille œdipienne, il ne peut pas supprimer
l’articulation de la surface et de la profondeur, et par l’éternel retour du
même problème éviter de se heurter à celui du contenant et du contenu, de
la matière et de la forme, qui substitue nécessairement à la « logique »
« à sens unique » (de l’univocité incorporelle), la logique organique de
l’Homme vivant.

b) Biologie. — C ’est justement la Biologie (1) qui, tenant l’Homme pour


un être vivant dont la vie de relation, comme sa propre respiration, ne cesse
d ’aller et venir entre sa surface et sa profondeur, est la science de l'organi­
sation de l'organisme. On peut attribuer à Cuvier (mais aussi à Darwin et à
Bichat, à Claude Bernard et à tant d ’autres) le grand mérite de la descrip-

(1) Fr. J acob, La logique du vivant, 1970 (p. 115-126), dans son chapitre sur
l’organisation, a fait l’exposé le plus vivant de cette logique du vivant. Une telle
logique fait passer d ’une logique purement formelle, d ’un plan morphologique,
à la logique opératoire et créatrice. La vie psychique, plus même que la vie tout
court, passe constamment du « dessin » du corps à son « dessein », l’un se
réfléchissant sur l ’autre. Il n’est peut-être pas paradoxal — et encore moins déri­
soire — de constater que la lecture de la « Biologie humaine » (Flammarion,
1917) de J. G rasset, tirée de la philosophie médicale de l’école montpelliéraine
(celle de B arthez et de R. M ourgue ), est encore d’un grand intérêt, et même
d ’une grande actualité.
I. ARCHITECTONIE (GÉNÉRALITÉS) 1077

tion, sinon de la découverte de la hiérarchie interne des organes, c’est-à-dire


du plan d'organisation de l’organisme; car il est bien vrai qu’il a substitué à
une connaissance taxinomique et en quelque sorte géométrique le principe
même de la méthode biologique qui ne peut se saisir d ’organes ou de fonctions
qu’à la condition de ne pas les présenter comme des choses, car ils appar­
tiennent à l’ordre de la vie de « quelqu’un » pour si modeste que soit la place que
cet individu occupe dans le phylum. Mais, bien sûr, c’est à Lamarck, à Spencer
et à Darwin que l’on pense surtout, pour avoir développé cette organisation
dans le temps, c’est-à-dire dans son ontogenèse. Tel est, en effet, 1’ « évolu­
tionnisme » qui devait inspirer l’œuvre de Hughlings Jackson. La conception
de l’organisation hiérarchisée du système nerveux central s’est alors imposée
par la confirmation réciproque que lui apportaient sa phylogenèse et son
ontogenèse. La neurophysiologie cérébrale de Goldstein ou de Monakow, et
on peut dire de la plupart des travaux contemporains de pathologie nerveuse
ou d’anatomo-physiologie cérébrale, se réfèrent explicitement à ce modèle
architectonique.
Dans l’ordre des connaissances psychologiques, chez nous les œuvres de
Maine de Biran, de Pierre Janet, de Ribot, de Bergson, puis de J. Piaget, de
H. Wallon et de E. Mounier reprennent à leur compte les thèses d ’organisation
dynamique et hiérarchisée impliquées dans ce modèle architectonique.
Dans la psychologie et la psychopathologie de langue allemande, les
modèles « gestaltistes » et structuralistes issus de la psychologie dynamiste
(Félix Krüger (1) et l’école de Würzburg) se sont tout naturellement pré­
sentés sous la forme d’une « unitas multiplex » comportant nécessairement
des couches (Schichten) ou des niveaux d ’organisation. Du point de vue phi-
losophico-ontologique, c’est Nicolai Hartman (2) qui a le plus profondément
exposé la stratification hiérarchique des formes obéissant par leur organisation
même à la loi de leur dépendance relative. Car, bien entendu, chacun des niveaux
structuraux d ’un organisme et plus spécifiquement de l’organisme psychique
ne peut être indépendant, en ce double sens que l’inférieur dépend toujours
du supérieur, mais que le supérieur ne cesse pas de dépendre aussi et encore
de l’inférieur (cf. spécialement de ce philosophe « Das Problem des geistigen
Seins, 1933). On trouvera les expressions les plus systématiques de cette concep­
tion de F « organisme psychique » dans les ouvrages de E. Bleuler (3), H. F. Hoff­
mann (4), E. Rothaker (5), Ed. Spranger (6), Ph. Lersch (7). L’application à la

(1) K rüger (F.), Zur Philosophie und Psychologie der Ganzheite, éd. Springer, 1953.
(2) H artman (N.), Kategoriete Gesetze, Philos. Anz., 1925-1926,1, p. 202; Philoso­
phie der Natur. Abriss der speziellen Kategorienlehre, Berlin, 1950.
(3) Bleuler (E.), Naturgeschichte der Seele, 1921 ; Die Psychoid als Prinzip der
organischen Entwicklung, éd. Springer, 1925.
(4) H offmann (H . F.), Die Schichttheorie, éd. Enke, 1935.
(5) R othaker (E.), Die Schichten der Persönlichkeit, 5e édition, Bonn, 1952.
(6) Spranger (Éd.), Die Ursichten des Wirklichkeits bewusstsein, 1934.
(7) L ersch (Ph), Die Aufbau des Persönlichkeit, I e édition, éd. Barth, 1956.
1078 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

psychopathologie de ce schéma a été tout spécialement entreprise dans de


fameux ouvrages ou travaux, comme ceux des deux frères E. E. Jaensch (1),
de E. Braun (2) et surtout ceux de L. Klages (3). A propos des travaux si
considérables de ce dernier, nous devons précisément indiquer que cette « Struk­
turpsychologie » s’apparente à la Gestalpsychologie pour autant que la Gestal­
tung est une organisation génétique et structurale incompatible avec une psycho­
logie atomistique ou plane. L ’œuvre de Klaus Conrad (4) en constitue un
modèle topique. Elle s’apparente aussi à la phénoménologie (dont on n ’a pas
fini de discuter si elle exclut ou si elle implique la double notion de structure
hiérarchisée et de développement génétique. C’est ainsi que l’œuvre d’Emma­
nuel Mounier (5), celle de Max Scheler (6) et peut-être aussi à certains égards
celle de L. Binswanger (7), consacrent cette perspective verticale d ’une orga­
nisation stratifiée de l’âme qui implique un sens vectoriel allant des couches
du vécu (Erlebnis) à la connaissance (Erkentiss) de la couche endothymique
aux superstructures personnelles du Dasein. Elle s’apparente aussi et néces­
sairement aux modèles architectoniques de l’anatomie et de la physiologie
du Système nerveux central tels que Monakow (8), E. Kretschmer (9),
M. de Crinis (10), K. Goldstein (11) ou Richard Jung (12) les ont établis
en continuité directe et explicite avec la conception de Hughlings Jackson.
— Enfin, cette « Schichttheorie » s’apparente nécessairement à toute psycho­
logie « des profondeurs » qui, naturellement, dans la mesure même où elle ne
peut s’accommoder d’une psychologie « plane » implique la superposition d ’au-

(1) J aensch (E. E.), Grundformen menschlichen Seins, 1929.


(2) B raun (E.), Psychogene Reaktionen, in Traité de Bumke, tome V, 1928.
(3) K lages (L.), Prinzipien des Charakterologie, éd. Barth, l re édition, 1910,
trad. fr., éd. Alcan.
(4) C onrad (Klaus), Ueber der Begriff der Vorgestalt und seine Bedeutung für
die Hirnpathologie, Nervenarzt, 1947, 18, p. 189; Die beginnenden Schizophrenie
Vesuch einer Gestaltanalyse des Wahns, Stuttgart, 1958.
(5) M ounier (E.), Traité du Caractère, Paris, éd. du Seuil, 1947.
(6) Scheler (M.), Der Formalismus in der Etik und die material Wertethik, Hall,
1913.
(7) Binswanger (L.), Grundformen und Erkenntnis Menschlichen Daseins, éd.
Niehans, Zürich, 1953. Cf. spécialement la trad. fr. récente, Introduction à l’analyse
existentielle, par J. V erdeaux et R. K u h n (p. 49-77), Paris, Éditions de Minuit,
1971.
(8) M onakow (C. von ) et M ourgue (R.), Introduction à la Neurologie et à la
Psychopathologie, édition allemande, Leipzig, 1930.
(9) K retschmer (E.), Medizinische Psychologie, 11e édition, Stuttgart, éd.
Thieme, 1956, trad. fr., éd. Payot.
(10) C rinis (M . de), Aufbau und Abbau der Grosshimleistungen und ihre ana­
tomische Grundlagen, Monogr. de la Monatschr. für Psychiatrie und Neurologie,
n° 71, Bâle, 1934.
(11) G oldstein (K.), Der Aufbau des Organismus, trad. fr., éd. Gallimard, 1951.
(12) J u n g (R.), in Psychiatrie der Gegenwart, tom e I/1A (1966).
I. ARCHITECTONIE (GÉNÉRALITÉS) 1079

moins deux couches : celle de l’Inconscient et celle du Conscient (Freud). Il


convient de remarquer à ce sujet qu’en réduisant l ’appareil psychique à cette
opposition Freud et tous les Psychanalystes (à l’exception toutefois de certains
d ’entre eux comme Paul Schilder ou Paul Federn) se sont privés des dimensions
et des perspectives d ’une architectonie psychique seule capable d ’ôter au
schéma de l’appareil psychique son caractère par trop sommaire. C’est cette
architectonie organo-dynamique dont S. Freud avait proposé une « Esquisse »
(1815) qu’il s’agit pour nous de reprendre pour réintégrer les rapports de
l’être conscient et de son Inconscient dans l’organisation même du système
nerveux central qui constitue l’ordre, et constitutif, ou plutôt constituant de
l’ordre de la Conscience, du Moi et de la réalité.
Nous pouvons donc dire, en ayant ainsi rappelé les grands auteurs de ces
théories « organismiques » en langue allemande qui se sont inspirés des diverses
sources psycho-physiologiques et ontologiques de la psychologie dynamique
contemporaine, que le modèle architectonique en tant qu’il vise tout à la
fois une hiérarchie des formes, des phases du développement et des implica-
toins de niveaux dans l’organisation de la vie de l’esprit, y figure comme le
trait non seulement dominant mais spécifique du « structuralisme vitaliste »
allemand (1).
On comprend dès lors que la Psychologie anglo-américaine, soit parce qu’elle
a recours plus facilement à la psychologie superficielle des comportements,
au « behaviorisme » moléculaire de Watson (2) ou molaire de Tolman (3) mal­
gré la référence que celle-ci implique au réglage comportemental (Miller, Galan­
ter et Pribram (4)) — soit parce qu’elle a excentré la vie psychique vers des
modèles socio-topologiques (K. Lewin (5)) — soit encore parce qu’elle s’est
contentée de la radicale opposition Inconscient-Conscient des écoles freudiennes,
on comprend que plus indifférente que les écoles européennes à l’ordre même
d ’une organisation interne, les modèles psychologiques y apparaissent plus psy­
chosociologiques qu’organismiques. Nous devons cependant signaler parmi un
certain nombre d’essais d ’applications plus ou moins strictement neurologi­
ques (et plutôt plus que moins) des principes de Jackson à la psychopatho-

(1) La psychologie structuraliste et gestaltiste allemande est fortement enracinée


dans l’ontologie dynamique, dans la Naturphilosophie et une conception « vitaliste »
et « entéléchique » de l ’organisme vivant, sentant et existant. Ces racines biologi­
ques sont implantées dans l’œuvre de H. D riesch , Alltagrätsel des Seelebens, 1938,
Die Maschine und der Organismus, Leipzig, 1935 et celles de J. von U exkull ,
Unwelt und Innewelt, Berlin, 1909 et Theorische Biologie, 11e édition, 1928; elles
émergent chez D ilthey et N. H artmann comme chez K rüger , K lages, etc.
(2) W atson (J. E.), Psychology from standpoint o f the Behaviourist, N. Y., 1929.
(3) T olman (E. C.), Purposive behavior in Animais and Man, 1932.
(4) M iller (G . A.), G alanter (A.) et P ribram (K. H.), Plans and the structure
o f behaviour, New York, 1960.
(5) L ew in (K.), Principles o f topological Psychology, New York, éd. McGraw-Hill,
1936; Psychologie dynamique, tra’d. fr., P. U. F., 1959.
1080 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

logie, ceux de Max Levin (1), de J. Masserman (2) et à l’ouvrage de B. Schle­


singer (3).
Qui pourrait, qui oserait prétendre que l’idée d ’une organisation, c’est-à-dire
d ’une hiérarchie ordonnée de moyens vers une fin ne définit pas (4) l’organisme
en général et l’organisme psychique en particulier ? Or, à ce dernier point de vue,
ou bien on accepte la doctrine dualiste traditionnelle de la concomitance du
physique et du psychique et on s’interdit dès lors d ’envisager leurs relations
réelles pour ne les considérer que dans celles d ’un parallélisme épiphénoménal
qui les rend l’un et l’autre incompréhensibles ; ou bien on accepte l’idée d ’une
profonde unité du physique et du moral diversifiée seulement mais essentiel­
lement par la multiplicité des niveaux, des couches que traverse l’esprit pour
émerger hors de sa propre corporéité, hors de son immanence physique. Tel
est en tout cas le « plan d'organisation » que nous paraît viser la plupart des
grandes œuvres psycho-biologiques contemporaines. C ’est ce plan d ’organi­
sation qui constitue la lo g iq u e d e l ’être v iv a n t (Fr. Jacob) qui est suivi pour
que se poursuive le développement de l’être psychique qui assure sa maîtrise
sur la réalité et son système de connaissance grâce à son organisation propre
qui laisse à chaque individu la faculté de diriger sa propre existence selon son
propre système de valeurs. C’est en quoi, comme l’indique fortement J. Piaget,
les structures opérationnelles de la vie psychique se confondent avec I’épisté -
m o lo g ie g én étiq u e d u sa v o ir ; en quoi aussi l’organisation de l’être psychique
est l’ordre de sa vérité, ce qui ne peut nous laisser indifférent quand précisé­
ment nous cherchons à établir ici les prolégomènes d ’une théorie de cette
paradoxale connaissance qu’est la connaissance hallucinatoire.
C ’est évidemment dans l’organisation du Système nerveux que se découvre
l’ordre de l’organisme et, effectivement, la neurophysiologie et la pathologie
nerveuse au sens le plus général du terme n ’ont pu se développer que sur ce
modèle architectonique de l’être vivant dont le S. N. C. des vertébrés repré­
sente la forme par excellence. Aussi devons-nous tout spécialement et d ’abord
rappeler ici le mérite de deux chefs-d’œuvre de l’esprit humain que nous devons
à l’école anglaise. Mais en les exposant nous devons clairement apercevoir
que pour si géniaux qu’aient pu être Hughlings Jackson et Sir Charles Sher-
rington, leur position paralléliste (le principe de la « concomitance » cartésienne
d ’esprit et de la matière) a infléchi leur modèle théorique dans le sens d ’un
mécanisme qu’ils ont tout à la fois répudié et adopté. C ’est dans l’atmos­
phère culturelle de la philosophie et de la physiologie anglaises qu’est né le
mouvement doctrinal dont Hughlings Jackson est le promoteur en neuro-

(1) L evin (Max), H. Jackson views o f mentation, Archiv. Neuro-Psych., 1933, 30,
p. 848.
(2) M asserman (J.), Principles o f dynamic Psychiatry, Philadelphie, 1946.
(3) S chlesinger (B.), Higher cerebral fonctions and their Clinical Disorders,
New York, éd. Grune et Stratton, 1962.
(4) Sauf à mécaniser le désir comme le font G. D eleuze et F. G uattari
(1972).
I. ARCHITECTONIE (H. JACKSON) 1081

logie et neurophysiologie modernes. Nous allons exposer d ’abord sa théorie


pour autant qu’elle est un modèle du genre, puis nous nous référerons aux
autres modèles de type à peu près semblable (Sherrington, Pavlov et Freud).
Nous essaierons ensuite de comprendre quelles inflexions ou quels complé­
ments ont été apportés à ce premier « modèle mécanique » par les théories
générales de la neurophysiologie moderne pour ce qui regarde le plan général
de l’organisation cérébrale.

2° H ughlings Jackson e t le m o d èle h iérarchisé


d e s fo n c tio n s nerveuses.

H. W. Magoun (1) a insisté sur l’inspiration darwinienne du système


jacksonien (2). En effet, la « Scala natures » établie parmi les matérialistes
du xvme siècle est devenue dans « TOrigin o f Species » (1859) une sorte d ’échelle
mobile pour n ’être plus fixée une fois pour toutes et admettre un mouvement
évolutif. Il convient aussi de savoir que H. Jackson fut un élève à York de Tho­
mas Laycock qui publia en 1859 un ouvrage intitulé « Brain and Mind » où le
conflit entre les niveaux inférieur et supérieur est considéré comme un trait
caractéristique de l’organisation nerveuse, intuition fondamentale qui n’a cessé
depuis lors d ’être exploitée et parfois galvaudée quand elle cesse d ’être prise
dans un système théorique cohérent.
Comme chacun sait, c’est aux « Principles o f Psychology » de Herbert Spen­
cer (parus en 1854, quatre ans avant l’ouvrage de Darwin) que Jackson a tiré
les principes de sa neurobiologie. Ceux-ci peuvent se résumer dans cette for­
mule : il y a une évolution qui va de l ’homogénéité incohérente à l ’hétérogénéité
cohérente. Dans ses « First principles » (p. 257 de l’édition de 1904), H. Spencer
précise que le changement d ’un état dispersé et imperceptible à un état concentré
et perceptible constitue une intégration de la matière et une dépense de mou­
vement (dissipation o f motion), tandis que le passage inverse risquait une
absorption de mouvements et une désintégration concomitante de la matière.
Comme le fait remarquer W. Riese (3), ce concept d’intégration chez Spencer

(1) Au Symposium sur « Brain Mechanisms and learning » (C. R., 1961), il a fait
une communication sur « D arwin and concepts of Brain Mechanisms ».
(2) Pour ce qui est des quatre principes fondamentaux qui, pour J ackson , régissent
l’évolution et la dissolution des fonctions nerveuses (principe de l’évolution ou, si
l’on veut, de la génétique structurale de l’organisation du Système nerveux central ;
— principe de la dissolution, c’est-à-dire du retour du plus organisé au moins orga­
nisé ; — principe de la distinction dans la symptomatologie des affections nerveuses
de ce qui revient aux troubles négatifs et aux possibilités positives subsistantes ; —
principe de la distinction des dissolutions globales ou uniformes et des dissolutions
partielles), on les trouvera exposés dans notre mémoire, Encéphale, 1938, et plus loin
dans le quatrième chapitre de cette Partie.
(3) N ous devons à W. R iese de très im portants com mentaires sur la doctrine
de J ackson , particulièrem ent « Hughlings Jackson,s doctrine o f consciousness » (1954)
1082 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

se référait à un état physique de la nature qui le rapproche tout naturellement


de la grande tradition matérialiste qui remonte à Démocrite et à Épicure.
Il n ’est pas sans intérêt de trouver ici dans le cadre matriciel de la conception
de Jackson cette inspiration mécaniciste qui dans la doctrine même de Spencer
se conjuguait à l’idée qu’un être vivant en évoluant formait une somme de ses
éléments. Tel est, en effet, le sort des doctrines mécanicistes en biologie qu’elles
ne peuvent que trahir leurs propres principes. Nous verrons que c’est ce qui
est arrivé à Jackson et à ses émules quand ils ont entendu s’en tenir (à l’abri
de sa doctrine de la concomitance) à un modèle mécanique des fonctions
nerveuses.
Nous exposerons d’abord les aspects fondamentaux de la doctrine de Jack­
son telle que nous pouvons la schématiser, la réduire à sa plus simple expression,
en nous rapportant notamment aux principaux ou plus significatifs passages de
son œuvre (1). Nous les emprunterons spécialement à son mémoire intitulé
« Remarks on évolution and dissolution of the nervous System » publié dans
le Journal mental Science en avril 1887 (p. 76 à 118 du deuxième volume des
Selected Writings), et à son travail « Relations of divisions of the central neuron
System to one another and to parts of the body », conférence à la Neuro-
logical Society, avril 1898 (p. 422 à 443 des Selected Writings). Nous avons
choisi ces quelques passages parce que ce sont ceux qui sont généralement
cités par les commentateurs contemporains, notamment sur Fr. Walshe, Max
Levin et W. Riese (2).
Ne se plaçant que « du point de vue des centres moteurs », il décrit trois
niveaux : le niveau inférieur (corne de la moelle), — moyen (zone prérolan-
dique), — supérieur (highest level) du lobe préfrontal. A ces trois niveaux
correspondent les représentations « triply indirectly » (représentation, re-repré-
sentation et re-re-représentation). Les « highest » sensori-moteurs centres

et « The sources o f Jackson Neurology » (1956). Ces deux articles ont paru dans le
Journal o f nerv. and mental Diseases. Cf. plus loin p. 1227 ce que nous disons de
l’influence des idées de Jackson sur la Psychiatrie anglo-américaine.
(1) H. J ackson est né en 1834. Il fit ses études à York, notamment avec H. Th. L ay-
cock qui fut plus tard professeur de Médecine à Édimbourg. Lui-même vint à Londres
en 1839 et hésita un moment à abandonner la Médecine pour la Philosophie. H ut ­
chinson à qui nous devons ce renseignement nous dit qu’il parvint à le persuader
de continuer la carrière médicale. Il travailla au National Hospital de Queen Square,
puis au London Hospital. Son œuvre écrite est immense. En 1931, James T aylor ,
Gordon H olmes et F. M. R. W alshe ont publié les principaux morceaux choisis
de son œuvre « Selected Writings o f John Hughlings Jackson », 2 vol., éd. Hodder et
Staughton, Londres, 1961.
(2) Rappelons que les fameuses « Cronian Lectures » sont de 1884. On en trouvera
la traduction française par Pariss dans les Archives Suisses de Neurologie et de Psy­
chiatrie, 1921-1922. Quant au mémoire intitulé « Factors o f Insanity » dans lequel
exceptionnellement H. J ackson s’occupe de Psychiatrie, il a paru en 1894 et on en
trouvera la traduction dans la Monographie que nous avons publiée avec J. R ouart
dans l 'Encéphale (1936).
/. ARCHITECTONIE (H. JACKSON) 1083

forment (make up) l’organe psychique (organ o f mind) ou « la base physique


de la conscience »; ils sont les plus évolués en ce sens qu’ils sont plus différenciés
(différenciation), plus spécialisés (spécialisation), plus intégrés (représentant
des mouvements plus nombreux dans chaque partie des centres), plus connec­
tés (co-opération). Tel est le substratum anatomique de la conscience. Jackson
souligne qu’il dit anatomique et non morphologique, car pour lui l’organi­
sation anatomique a déjà subi une évolution ou est en évolution (p. 78-80).
Mais plus loin (p. 83) il précise que les « highest centers » (notons toujours le
pluriel) peuvent être considérés comme « étant pour l’esprit » (they are fo r
mind). Ils ne sont que la base physique de l’esprit, car ils sont corporels. On
peut dire que la conscience est une fonction du cerveau ( highest cerebral cen­
ters), mais écrit Jackson (p. 84) (« this I deny », je le nie). Car, explique-t-il,
après avoir exposé et rejeté l’idée que l’esprit agit au moyen ( through) du sys­
tème nerveux et celle que l’activité des centres supérieurs et l ’état mental sont
une seule et même chose, il est partisan de la doctrine de la concomitance (p. 84
à 87), doctrine qui, ajoute-t-il d ’ailleurs, n ’est pas satisfaisante pour l’explica­
tion de l’état mental (mental States (p. 84)...).
En effet, il est facile de voir (p. 87) qu’un hiatus subsiste entre les mots
en italiques sensori-moteur et les mots en caractères ordinaires émotion-intel­
ligence. Il établit un tableau des divers parallélismes de ce genre. Enfin, il pré­
cise que l’état mental ne correspond pas seulement à l’aménagement des activités
nerveuses mais à toutes les activités du corps que les centres « représentent ».
La conscience (p. 92-93) n ’est pas seulement une synthèse (making up),
mais elle est aussi une analyse (breaking up). N l’aspect synthétique correspon­
dent les facultés de vouloir, de mémoire, d’intelligence et d’émotion. A l’aspect
analytique, les objets de conscience et le contenu de conscience. La dualité de
la conscience (en tant que Moi) et l’objet de la conscience sont artificiels
également car de ces termes « chacun est, dit-il (p. 94) seulement la moitié
de soi » ( is only ha lf itself ). Ce qui vient du dedans vient aussi du dehors. Ce qui
vient du dedans constitue une « constante » et c’est (p. 98-99) le temps (Time
constant). Celui-ci est la représentation du cœur dans les « highest centers ».
Ceci prend tout son sens si nous nous référons à sa fameuse proposition (p. 85) :
« fo r m y part I think the whole body is the organ o f mind » (C’est tout le corps
qui est l’organe de l ’esprit).
— Dans son Mémoire sur les relations des diverses parties du Système nerveux
central entre elles et les parties du corps, il précise encore (1897) que le système
nerveux central comporte deux sous-systèmes : S. cérébral et S. cérébelleux.
Tous les deux ont de commun le même niveau inférieur (du tuber au cône
médullaire). Les niveaux supérieurs du système cérébral sont constitués par
les centres rolandique et préfrontal. Le Système nerveux tout entier est sensori-
moteur. Les « highest centers » sont « the organs o f mind », le substratum de
la conscience. « Quant à la nature de la relation de la conscience ( consciousness)
écrit-il p. 424, ou pour employer un synonyme de l’activité de l’esprit (menta-
tion ) avec les arrangements sensori-moteurs du niveau supérieur (highest level),
je n’ai aucune hypothèse ». Il reprend ensuite toutes les idées précédemment
1084 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

émises sur les quatre aspects fonctionnels de l’évolution : différenciation-spécia­


lisation-intégration-coopération.
Telle est réduite, répétons-le, à son plus squelettique schéma la conception
de la hiérarchie des fonctions nerveuses dans la théorie de Jackson.
On comprend bien que cette manière « anatomique » — quoique non géo­
graphique, nous dit-il (p. 139 du tome I des Selected Writings) — de concevoir
la stratification fonctionnelle du système nerveux lie son système théorique
à l’idée que le « highest level » siège dans le lobe frontal. Ceci naturellement
a suscité de nombreuses réactions depuis que les structures sous-corticales
ont paru jouer un rôle considérable dans le processus même de l ’intégration
et notamment dans la dynamo-genèse de P« arousal cortical ». Aussi n ’est-on pas
étonné que H. W. Magoun ait pu résumer d’un mot dédaigneux la théorie
spatiale de Jackson en disant « qu’il s’agit d ’un modèle géologique ». Cette
thèse est effectivement affirmée par Hughlings Jackson lorsque — comme
nous venons de le voir — il répète sans cesse que les centres supérieurs ne sont
pas de structure différente de celle des centres sensori-moteurs inférieurs.
Autrement dit, les différences de niveau sont, selon le modèle mécanique
que nous avons exposé plus haut, comme un ordre de superposition spatiale.
C’est en effet, le plus grand reproche que l’on puisse adresser à H. Jackson
que, ayant puisé son inspiration dans le matérialisme spencérien et à l’abri
du dualisme cartésien (comme le souligne W. Riese), il s’en soit tenu à l’idée
d’une systématisation réflexe ou spatiale de l’architectonie nerveuse. Il est
remarquable que ceux qui défendent sa position (Walshe) (1) et, à certains
égards, Max Levin (2), insistent sur cette « coïncidence » pour ainsi dire logique
des centres supérieurs avec les centres corticaux.
Mais le système logique de H. Jackson a été heureusement trahi par lui
si nous pouvons nous permettre de lui faire ce procès d ’intention ! Voyons,
en effet, à quelle impasse conduisent sa conception de la conscience et sa
théorie de la dissolution des fonctions psychiques. Sa pensée se meut ici en
pleine contradiction (comme le montre justement W. Riese) avec son propre
système quand il admet que la conscience représente la totalité de la personne
psychique (tome II, p. 54) et que son substratum anatomique est constitué
par des centres « unifing » ou « synthesizing » (tome II, p. 96). C ’est qu’il lui
arrive d’échapper lui-même au contrôle de son principe du parallélisme
dans certains de ses écrits, et non des moindres. Ainsi, dans ses premières
« Cronian Lectures » où il expose l’essentiel de sa théorie de la hiérarchie des

(1) W alshe (Sir Fr.), The brain-stem concemed as the highest level, etc. Brain,
1957, 80, p. 510-559.
(2) Max L evin , The mind Problems as H. Jackson doctrin if by concomitance.
Amer. J. o f Psychiatry, 1960, p. 718-722 et Consciousness and the highest cerebral
centers. Journal o f Ment. Sciences, 1960, p. 1398-1404. The levels of the nervous
System and the capacity to fonction indépendant. J. o f new and ment. Diseases, 1961,
p. 75-79. The notion of Psychiatry research with reflection of the research of Freud
and Jackson. Amer. J. o f Psychiatry, 1962, 119, p. 4044-09.
/. ARCHITECTONIE (H. JACKSON) 1085

fonctions nerveuses, il dit : la triple conclusion à laquelle nous arrivons (au


terme du passage qu’il vient de décrire du plus automatique au plus volon­
taire), c’est que les centres supérieurs qui constituent la cime (climax) de l’évo­
lution nerveuse et qui constituent ( make up) 1’ « organe de l’esprit » (entre
guillements) et, ajoute-t-il entre parenthèses (ou la base physique de la cons­
cience), sont les moins organisés, les plus complexes et les plus volontaires :
tel est, dit-il, aussi le processus positif par lequel le système nerveux est évolu­
tion intégrative (« pu t together évolution ») (p. 46 du tome II).
Toutes ces formules ou ces phrases que nous avons citées plus haut dans
lesquelles il analyse avec tant de profondeur les structures de la conscience
ou encore sa propre conception de la dissolution de l’activité psychique supé­
rieure (comme modèle d ’une théorie psychopathologique que nous avons
largement explicitée depuis 1936), tout cela ne s’accommode guère, en effet, du
concept d ’une hiérarchie proprement spatiale des fonctions sensori-motrices.
C’est bien ce que nous avons particulièrement souligné dans notre Mémoire
de 1936 et notamment dans la longue note (7) où nous indiquions — comme
W. Riese devait le faire plus tard — que Jackson prisonnier de son propre
système ne pouvait manquer de lui échapper. Il ne lui restait qu’une échappa­
toire, celle de la doctrine paralléliste de la concomitance qui exclut non moins
nécessairement toute « mentation », tout « psychisme » et toute « Conscience »
à l’intérieur même de l’organisation nerveuse. C’est en ce sens qu’il a pu écrire
« There is no physiology o f the mind only more then is psychology o f the nervous
system » (tome I, p. 417).
Toutefois, il a su sous la pression même de son remarquable esprit d’obser­
vation et d ’analyse y échapper en opérant une conversion importante — et
que nous n ’avons cessé pour notre compte d’accentuer — lorsqu’il a incor­
poré (plus ou moins subrepticement) à son propre système, les structures
psychiques dans l’édification de l’architectonie nerveuse. Sans cela, en effet,
il n ’aurait jamais pu décrire les états crépusculaires de l’épilepsie et toutes ces
formes de dissolution de la conscience (depuis le sommeil et le rêve jusqu’aux
états psycho-pathologiques dont il a tracé le modèle même de la description).
C’est que tout de même que chez Spencer, comme nous l’avons noté, coexistaient
chez Jackson des tendances mécanicistes et l’esprit même d’une finalité imma­
nente à l’idée d ’évolution. Chez cet apôtre strict d’un mécanisme spatialiste
et d’une hiérarchie fonctionnelle rigoureusement limitée à l’idée des centres
réflexes « seulement » plus ou moins complexes, il n ’est pas difficile (comme le
remarque encore W. Riese) de voir comment, dans sa doctrine même de la
conscience (dont il n ’aurait jamais dû parler s’il s’était conformé à son propre
système), il a lui-même franchi la distance qui sépare les parallèles métaphysiques
de l’esprit et du cerveau.
Par là — et justement par là — Jackson malgré ses propres « défenses »,
par la richesse de ses points de vue et de ses anticipations, a fécondé pour long­
temps le champ de la neurologie en l’expurgeant précisément du mécani-
cisme dont il se réclamait à l’abri de la position paralléliste de sa fameuse
doctrine de la concomitance... C ’est que l’idée d ’évolution, et par conséquent
1086 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

de dynamisme interne de l’organisation du système nerveux, le portait à aller


plus loin, au-delà même du point où il n ’aurait pas dû aller s’il était resté pri­
sonnier de son système. Car plutôt que de s’enfermer dans l’impasse d ’un
« point pontifical » de l’espace cérébral considéré comme le centre psychique
supérieur, il a montré, tout en proclamant que l’esprit n ’était pas le système
nerveux (il préférait l’attribuer au corps tout entier !), quelle voie il faut suivre
pour aller jusqu’au bout des véritables principes qui fondent l’architectonique
neuro-psychique (ce que nous appelons l’organisation du corps psychique)
et non celle de la théorie de la concomitance dans laquelle il s’était engagé...
Et, effectivement, en mettant l’accent sur le caractère moins organisé,
plus dépourvu (comme y insiste B. Schlesinger (1) dans ses excellents
commentaires) de « confidence coefficient », c’est-à-dire de cohésion fixe,
H. Jackson fait déboucher la notion de centre supérieur dans le champ de
la « probabilité organismique » qui représente dans la neurophysiologie moderne
de type cybernétique le dynamisme opérationnel de l’écorce cérébral tout entière,
forme renouvelée du « geistigen Zentren » de Fleschig. A ce sujet, B. Schlesin­
ger fait encore remarquer que l’idée de centres moteurs complexes se dilue
dans la neurophysiologie contemporaine non seulement dans le sens indiqué
par Fleschig (et ensuite par Lashley) mais aussi dans ce sens que — selon une
idée exprimée par Schopenhauer — l’activité nerveuse supérieure en tant qu’elle
est en rapport avec les fonctions intellectuelles paraît devoir être interprétée
plutôt comme un « centre psycho-sensoriel » ou « centre sensori-neuropsy-
chique » qui correspondrait aux fonctions postérieures de l’écorce plutôt qu’au
lobe frontal... Nous dirions, quant à nous, que le vieux cerveau, avec les for­
mations centrencéphaliques jouent plutôt le rôle que Jackson avait un moment
attribué à ses « parties postérieures ».
Retenons donc de cet examen critique et sommaire des principes mêmes
de Jackson qu’il est nécessaire de les reviser dans un « néo-jacksonisme »
auquel nous nous sommes toujours conformé comme au véritable esprit jack-
sonien dépourvu de ses surdéterminations mécanistes et spatiales. C ’est que
lorsqu’on considère la conception de Jackson comme l’archétype et le type
parfait d’une Théorie de la hiérarchie des fonctions du système nerveux, ce
n ’est pas la fo r m u la tio n m écaniq ue d e sa théo rie des centres superposés
q u i c o n stitu e le modèle q u e no u s devons su iv r e , c ’est bien p l u s pr o fo n ­
dém en tLE MODÈLE d ’u n PLAN D’ORGANISATION QUI NE SAURAIT SE RÉDUIRE A
SES DÉTERMINANTS SPATIAUX ET, PAR LA, S’iNTERDIRE D’INTÉGRER LE PSYCHISME
ET LA CONSCIENCE DANS CETTE ORGANISATION.

(1) Benno S c h l e s in g e r , Higher cerebral fmotions and their clinical disorders


(Ed. Grune et Stratton, N. Y., Londres, 1962, p. 10-20).
I. ARCHITECTONIE (SHERRINGTON) 1087

3° Sh errin gton e t la notion d ’intégration.

Sir Ch. Sherrington (1) a été un des maîtres d’œuvre, un des plus grands
architectes de l’édification structurale du système nerveux. D ’abord intéressé par
les expériences de Goltz sur les chiens décérébrés, il appliqua son observation
et ses expériences à l’étude des automatismes réflexes. Et après avoir étudié la
coordination des mouvements et avoir saisi que ces mouvements s’articulaient
conformément à des principes d ’organisation ( the movements are not mean-
ingless) à leur signification fonctionnelle. C ’est le déroulement de l’action qui
s’intégre dans un temps où elle articule ses parties et non seulement dans
la configuration spatiale qu’elle parcourt qui constitue la loi de cette organi­
sation. Et ainsi Sherrington, rejoignant Jackson, a montré admirablement
que même à ce niveau inférieur le plan d ’organisation à quoi correspond
la notion d’intégration dirige les mécanismes neuronaux. C ’est en ce sens
qu’il a pu dire, comme nous l’avons déjà noté, que le pur réflexe est une abstrac­
tion, car ce que le neurophysiologiste observe c’est un arrangement plus
complexe et plus significatif. La structure discontinue du système neuronal
et les seuils d ’excitation de la transmission intersynaptique constituent, sou­
ligne-t-il comme H. Jackson, seulement la base physique de cette intégration.
Son ouvrage « The intégrative action o f the nervous System » (lre édition
en 1906, 2e édition en 1947) est un monument de clarté et de précision. Le sys­
tème nerveux peut être étudié à trois points de vue, sur le plan des neurones, sur
le plan de leurs connexions (de la conduction) mais aussi sur le plan de l’intégra­
tion. Celle-ci ne résulte pas de ses parties ou de ses constituants, ni de leur trans­
mission, ni de leur corrélation avec le milieu interne, mais elle constitue même
au niveau de « simple réflexe » une combinaison de réflexes isolés. C’est sur une
grande quantité de faits précis et minutieusement analysés (temps de latence
de la conduction nerveuse après l ’excitation, post-décharges, phénomènes de
sommation et d ’irréversibilité, sens de la conduction, etc.) qu’il a construit sa
théorie de l'intégration nerveuse. Tous ces faits montrent constamment la
subordination des éléments et mécanismes partiels à une configuration qui
implique l’intervention constante d ’un contexte multineuronique. C’est ainsi
que la moelle épinière a une action intégrative qui se manifeste par son apti­
tude à former des réponses motrices appropriées en tenant compte de la totalité
des afférences qui convergent (Il a montré l’interaction de plusieurs réflexes

(1) Charles Scott Sherrington est né à Londres en 1857. Il a fait une carrière
de physiologiste, d ’homme de laboratoire et d’expériences, entièrement appliqué
à l ’étude du Système nerveux. Il a travaillé d ’abord au Brown Institut (ce fut l ’époque
de ses travaux mémorables sur le syndrome de décérébration, l’intégration de l’appareil
réflexe sur la base des connexions synaptiques de ses éléments). Puis il fut nommé à la
chaire de Physiologie d ’Oxford. Sir C. S . S h e r r i n g t o n est mort à l’âge de 95 ans
en 1952 après avoir obtenu le Prix Nobel de Médecine en 1932 (prix qu’il partagea
avec A drian ).
1088 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

sur une voie terminale, comme par exemple le guadriceps). Il se dégage de cette
étude de la combinatoire dynamique que réalise le processus d ’intégration,
que celle-ci peut opérer, soit une coordination de réflexes alternes (par exemple,
réflexe d’extension croisée et réflexe myostatique d ’un muscle extenseur contro­
latéral), soit une corrélation des réflexes antagonistes (par exemple, inhibition
réciproque des réflexes de flexion unilatéral s’y opposant).
Il est intéressant de suivre le développement de ses idées sur l ’intégration
dans les segments inférieurs jusqu’à leur application aux niveaux supérieurs.
Pour lui, en effet, l’intégration telle qu’il la découvre par l’analyse même de
la coordination des mouvements, est une modalité de synchronisation qui
accorde dans le temps les figures qui la composent. Pourtant, comme il le
montre par exemple pour la station debout ou la vision binoculaire, il
préférait l’idée de centre spatial à l’idée d ’un système fonctionnel. Disons de
suite que, sauf quand à la fin de sa vie il a consenti à faire une sorte de saut
dans l’abîme métaphysique à l’attirance duquel il avait toujours résisté, disons
que ce qui caractérise la pensée de Sherrington c’est tout à la fois sa concep­
tion vivante et gestaltiste du réflexe et son extension aux centres supérieurs.
Par là, Sherrington adopte assez exactement la même position que
Jackson.
Le livre sur 1’ « Intégration nerveuse » (The intégrative action of the nervous
System) ne fait guère remonter son étude des processus d ’intégration au-delà
des structures mésencéphaliques du cervelet et des centres oculo-moteurs.
Cependant, de fil en aiguille — selon la conception même de l’équipotentialité
segmentaire du système nerveux qui reprend tout au moins dans ses principes
la théorie anatomique de Jackson — il est conduit, à propos de la vision bino­
culaire et à propos des combinaisons longitudinales entre les réactions du cortex
et de la moelle (en revenant sur la rigidité décérébrée), à présenter dans le der­
nier chapitre de son livre un schéma du système général d ’intégration. Il fait
jouer au cervelet le rôle d ’un centre (« ganglion, dit-il ») du système proprio-
ceptif, tandis que le cerveau est l’organe de contrôle opérationnel ou volontaire
qui s’exerce par les « distance receptors » qui lui sont subordonnés.
La théorie de Sherrington coïncide non seulement avec celle de Jackson, mais
on peut dire qu’il a accentué encore la théorie d’une structure purement sen-
sori-motrice du cerveau, celle que précisément à la même époque Bergson
tenait pour acquise et qui lui faisait dire que le cerveau est un organe régulateur
des mouvements et rien que cela... On comprend que, au physiologiste à qui
nous devons tant sur les structures dynamiques de l’intégration des fonctions
motrices, on ne puisse guère reprocher d’avoir ainsi formulé une théorie de
l’intégration sensori-motrice généralisée. On peut dire d’ailleurs de ce point
de vue que c’est bien en effet sur ce modèle que la neurophysiologie classique
(et il faut certainement ajouter celle de nos jours) s’est toujours basée. Tout
le problème est de savoir ce que devient le « psychique » dans l ’organisation
même du système nerveux. Sherrington aurait pu dire qu’il est ce que Head
devait appeler la « vigilance », l’intégration elle-même, ce qui eut été vrai mais
seulement incomplètement. Car ce qui, en effet, pourrait valoir pour la psy-
I. ARCHITECTONIE (SHERRINGTON) 1089

choïde animale inférieure (ou la moelle), ne peut valoir également pour les
highest levels de la conscience de l’homme, laquelle ne peut se définir comme inté­
gration qu’à la condition de remplir ce mot d’un contenu réel. Or, le contenu
réel du mot « intégration » à son niveau le plus élevé étant pour Sherrington
le mouvement (dans ses relations avec les récepteurs aux divers niveaux du
système nerveux), il n ’y avait dans son système pas de place pour la pensée
et la conscience. Nous voici à nouveau dans l’impasse à laquelle une concep­
tion trop spatiale (1) de la superposition des fonctions nerveuses accule ses
tenants, même les plus géniaux. Si le système nerveux n ’est qu’une superpo­
sition de centres ou de ganglions qui contrôlent les mouvements, ou bien
l’esprit est seulement ce mouvement, ou bien il est hors de ce mouvement, il le
double, il est juxtaposé à lui, il coexiste avec lui, et le cerveau est seulement son
organe instrumental.
Si l’ouvrage « The intégrative action o f the nervous System » ne prenait pas
nettement position sur ce problème, dans sa conférence prononcée en décem­
bre 1938 à l’Université de Cambridge sous le titre « The brain and its mecha-
nisms », il affirmait, dans une conclusion dramatique pour le monde des psycho­
logues et physiologistes qui voyait en lui « le philosophe du Système nerveux »,
qu’il n’y avait aucune claire relation entre le corps et l’esprit. C ’est qu’il était
en train de préparer ses « Gifford Lectures » (2) qui ont formé le gros ouvrage
« Man on his Nature » paru en 1940. C ’est dans ce livre que Sherrington, au
terme de sa longue carrière de physiologiste, éprouva le besoin de méditer
sur le problème qu’il s’était pour ainsi dire interdit d ’aborder. Dans ces confé­
rences « Sir Charles » s’entretient — comme dans un dialogue de Platon —
avec ce personnage, à ses yeux prestigieux, Jean Femel (il l’appelle « notre
Femel »), ce médecin philosophe, physiologiste et astronome français du
xvi® siècle. Ce grand esprit de la Renaissance professait que la vie est un
principe qui réside dans le corps mais n ’en fait pas partie; conformément
aux contradictions qu’implique cette position cela ne l’empêchait pas de pro­
clamer que la physiologie et la psychologie sont une même chose en se référant
à Aristote...
Ce sont naturellement les mêmes ambiguïtés qui vont se retrouver dans
l’œuvre de son admirateur. D ’une part, le cerveau y est présenté comme un
organe semblable à une machine comme, dit-il, l’automate de Descartes,
et naturellement il se réfère par là aux fondements mêmes de son œuvre phy-

(1) Il convient de souligner que si nous présentons ici la conception de S h e r r i n g ­


ton dans son aspect pour ainsi dire le plus vulnérable, il a lui-même introduit, comme
nous l ’avons souligné plus haut, dans sa dernière œuvre (1940), tant de vitalité, de temps
et de finalité, somme toute, tant de « mind » dans son image du système nerveux, qu’il
serait injuste de lui reprocher de s’être contraint à recourir à un modèle mécanique
et purement spatial.
(2) La Fondation Gifford, selon le désir de son fondateur, se proposait de traiter
de la « Théologie naturelle » confine d ’une science exacte.
1090 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

siologique (et de sa collaboration avec Adrian notamment). Et il se fait, comme


nous venons de le rappeler, une idée purement motrice de cette activité céré­
brale qui est, dit-il (p. 213), en connexion avec le « recognizable mind ». Pour
lui, en effet, le psychisme (mind) est, soit caché (finite mind) et impliqué dans
les niveaux automatiques, soit manifeste dans ses expressions, et c’est cette
forme supérieure de « recognizable mind » qui est connecté avec le système
cérébral. « L ’acte d ’intégration, dit-il, a son foyer et le mental aussi a le sien ».
Mais — comme chez Jackson — ce point de vue paralléliste s’affaiblit
à mesure qu’il envisage les niveaux supérieurs de l’activité nerveuse au point
(ou au niveau) justement où, comme il le laisse pressentir en parlant d ’intégra­
tion terminale, les deux systèmes jusque-là artificiellement juxtaposés, coïnci­
dent. Et lorsqu’il décrit dans des pages qui sont devenues célèbres le dynamisme
du cerveau, celui-ci, dans et par son activité, laisse présager en quelque sorte,
l ’esprit. Dans ce fameux passage, il décrit l’infiniment petit du monde cérébral
comme un firmament qui, tantôt est plongé dans la nuit du sommeil, tantôt
resplendit dans la lumière du jour.
« Imaginons, écrit-il (p. 224-225), un schéma de lignes et de points nodaux
« groupés à une de ses extrémités en un réseau embrouillé, le cerveau, qui se
« prolonge à l’autre extrémité dans une espèce de tige qui est la moelle épi­
ce nière. Supposons que l’activité du système nerveux se manifeste par des
« points lumineux dont certains sont stationnaires et scintillent rythmiquement
« alors que d ’autres sont comme des lucioles qui cheminent comme un courant
« lumineux à diverses vitesses. Les lumières stationnaires résident dans les
« nœuds, ces nœuds sont à la fois des points de convergence et des lieux d ’asso-
« dation et de sortie des lignes que parcourent les points lumineux. Les lignes
« et les nœuds avec leur lumière envisagés dans leur ensemble ne demeurent
« jamais dans le même et dans un seul instant. A tout moment nous rencontrons
« des lignes et des nœuds dépourvus de points lumineux.
« Examinons maintenant ce qui se passe au moment du sommeil profond.
« A ce moment, nous rencontrons des nœuds qui sdntillent et des séries de
« points lumineux qui marchent. Ces points indiquent une activité locale en
« marche. Dans l’un d ’eux nous pouvons observer l’activité d ’un groupe de
« points lumineux et même de véritables myriades. Ces points dans une sorte
« de tourbillon sont comme une danse enchantée. Ils sont chargés du contrôle
« de l’activité du cœur, de l’état des artères pour que, durant le sommeil, la
« circulation du sang se maintienne à son point convenable. Le grand « entre-
« croisement central » du système demeure pendant le sommeil obscur dans
« sa plus grande partie, de même que la corticalité cérébrale. Seuls, incidem-
« ment, se détachent des points lumineux qui rapidement disparaissent. Ces
« détails et des points mobiles apparaissent surtout dans les frontières, et ces
« oscillations et mouvements se poursuivent lentement. A intervalles soudains,
« se produit une décharge d ’étincelles qui se déplacent vers le bas, vers la moelle
« épinière et qui s’éteignent rapidement.
« Si nous examinons maintenant notre modèle pendant la veille, nous obser-
« vons un changement impressionnant qui se produit soudain. A l’extrémité
/. ARCHITECTONIE (SHERRINGTON) 1091

« supérieure qui était restée jusqu’ici obscure, surgissent des myriades de


« lumières stationnaires et scintillantes et des myriades de points lumineux
« qui se déplacent en multiples directions. Tout se passe comme si l ’activité
« d’un de ces lieux limités s’était assoupie pendant l’obscurité et reprenait
« de l’extension. La grande couche supérieure de l’entrecroisement devient
« alors un champ brillant de points qui scintillent rythmiquement et sont
« traversés par des points lumineux qui se précipitent dans des voies multiples,
« le cerveau se réveille et avec ce réveil l’esprit revient, c’est comme si la
« voie lactée entrait dans une espèce de danse cosmique. Brusquement la grande
« masse supérieure devient le « métier magique » (1) (enchanted loom) où
« des millions de navettes resplendissantes tissent un modèle toujours
« changeant et harmonieux. Ce sont des harmonies fugaces intégrées par des
« modèles d ’ordre inférieur. A mesure que progresse l’éveil organique, ces
« voies sont envahies par des étincelles et des files de lucioles qui se propagent
ce tout au long des conducteurs, et c’est l’annonce que l’organisme est debout
« et se dispose à sa tâche diurne. »
Le dynamisme cérébral en quoi devrait se résoudre le dualisme corps-
esprit dans l ’acte même de cette intégration supérieure qu’est l’activité corti­
cale, n ’en demeure pas moins jusqu’au bout dans l’esprit de Sherrington séparé
de la pensée par un abîme infini, et c’est ce qu’il développe dans le dernier cha­
pitre de son ouvrage où il examine comment le cerveau est un « orgcm o f liai­
son » qui « collabore » avec la psyché.

— Nous pouvons constater après avoir essayé de comprendre — au tra­


vers de bien des contradictions — l’idée que Jackson et Sherrington se sont
faite de l’organisation du système nerveux dans ses rapports avec le psychisme
(mind, mentation psyché), qu’il y a une grande concordance de leur point
de vue (2) : la position paralléliste de leur doctrine de la concomitance consti­
tue l’inspiration fondamentale de leur systématique.
Si Jackson a, comme nous l’avons souligné, été amené à infléchir constam­
ment ce parallélisme jusqu’au point de faire converger et coïncider le sys­
tème nerveux et le système de la conscience, il en a été de même pour Sherring­
ton. Si nous nous rapportons, en effet, à un de ses derniers écrits, la Préface
qu’il a rédigée pour la 2e édition de a Integring action » parue en 1947, il y
répète bien que l’intégration peut être considérée selon deux systèmes (l’un
physico-chimique qui fonctionne comme une machine unifiant les divers
organes ; — et l’autre psychique qui crée — create — la pensée), mais il écrit :
« Si notre description, dit-il, montre ces deux systèmes et leur intégration à part
l’un de l’autre, ils sont largement complémentaires et leur coopération (sou­
lignons ici dans la pensée du philosophe du Système nerveux que le dualisme

(1) Métier dans le sens de métier à tisser.


(2) Il est cependant assez remarquable que S herrington ne cite que très rarement
J ackson dans « Intégrative action » et pas du tout dans « Man on his Nature ».
1092 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

ne perd jamais ses droits dans ce type de contradiction où se heurtent les


antinomies de la raison !) se fait en d ’innombrables points ». Il ajoute encore
« qu’il s’agit d ’une dichotomie artificielle qui n’est pas dans la Nature car
celle-ci intègre ces deux systèmes ». Telle est, en effet, l’infortune de la posi­
tion paralléliste qu’elle se contredit elle-même à identifier, en fin de compte,
les deux parallèles...

C onception de C. von M onakow et R. M ourgue . — Le dynamisme psycho­


biologique du modèle proposé dans leur « Introduction biologique » (1928) va dans
le sens que H. Jackson et Sherrington s’étaient interdit, tout en y inclinant. Il
s’agit donc, dans cette conception résolument vitaliste et finaliste, de substituer
à la stratification spatiale du Système nerveux un principe de mouvement. La
Hormé est cette propriété de la vie incarnée et organisée dans le Système nerveux,
pour autant que celui-ci porte dans sa structure temporelle (les « localisations
chromogènes » dont la mélodie cinétique est le prototype) la possibilité d ’épa­
nouissement des instincts et de leurs représentants (noohormétères), et de régula­
tion par la « Syneidesis » (la conscience, coextensive à la vie selon la célèbre
formule de H. Bergson). Si nous ajoutons qu’à cette dynamique organisation du
Système nerveux central correspond sa décomposition (la « Diaschasis »), nous
aurons montré que C. von Monakow et R. Mourgue sont des néo-jacksoniens ou
des sur-jacksoniens. Mais il y a dans leur théorie de la désintégration en briques,
un rien de « mécanicisme » qui a certainement séduit P. Guiraud et ne pouvait
manquer de s’attirer les éloges de G. Deleuze et F. Guattari qui ont fort bien
discerné à quelle démolition de l’idée même d ’organisation menait cette possibi­
lité de désorganisation qui n ’en suivrait pas, dans son désordre, l’ordre.

4° La fo n c tio n d ’in tég ra tio n d u S y stè m e nerveux


e t le m o d èle cybern étiqu e.

Le modèle cybernétique que nous allons maintenant exposer ne peut


justement pas satisfaire à cette exigence. La « fonction » d ’intégration du
S. N. C. introduite par H. Jackson et Sherrington peut être, en effet, tout
naturellement assimilée à une fonction mathématique, à une combinatoire des
éléments dont les quelque 15 milliards de neurones et leurs connexions synapti-
ques constituent l’appareil avec ses montages et sa programmation pour porter
jusqu’à une sorte de puissance infinie les opérations logiques nécessaires au
comportement adaptatif. On comprend bien que les tendances de la psychologie
atomistique (des théories réductionnistes ou élémentaristes) des structures ana­
tomo-physiologiques du système nerveux essentiellement discontinues et la
vieille conception du fonctionnement-réflexe de l’activité nerveuse devaient,
par le modèle machinal du Système nerveux qu’elles impliquaient, s’offrir
tout naturellement à l’interprétation cybernétique (Norbert Wiener et
Arturo Rosenblueth, 1947). Avec les progrès réalisés par la construction des
machines électroniques (« à calculer », « à traduire », « à penser ») s’est impo­
sée la tentation non seulement de construire des « cerveaux électroniques »
(Homéostat d’Ashby, la machine docilis ou speculatrix en forme de tortue
I. ARCHITECTONIE ET CYBERNÉTIQUE 1093

artificielle de Gray-Walter, etc.), mais aussi d ’inventer des modèles de montage


capables d ’apprendre à lire (« Lermatrix » de K. Steinbuch, 1961). La litté­
rature d’exploitation de cette mine inépuisable de nouvelles ressources dans
le traitement de l’information et la non moins nombreuse littérature critique
de cette théorie de la formalisation algorithmique du comportement d ’un
organisme et de la pensée humaine, autrement dit, de la mécanique même de
la logique, ont depuis vingt ans rempli toutes nos bibliothèques et toutes
nos revues (1). C ’est qu’en même temps que les progrès de la construction
et de l’utilisation des machines et modèles cybernétiques faisaient des pas
de géants et entrouvraient des possibilités infinies de développements pouvant
laisser penser que la mécanique logique issue pourtant elle-même de la logique
de l’être vivant pouvait, par une sorte de « feed back » suprême, boucler la
boucle d ’une interprétation purement mathématique de la nature et de la
culture, en même temps se perdait aussi de vue l’origine même de l’information
véhiculée (et bien plus précisément encore traitée par les machines que par le
cerveau humain le mieux organisé). Ainsi apparaissait la nécessité absolue
d ’un retour en arrière, celle d ’une autre rétroaction ou, si l’on veut, d ’une
réaction contre cet oubli du créateur de ces créatures artificielles, de ces machines
simulatrices de pensée qui naissent pourtant de la pensée... Et, bien sûr, les
Cybeméticiens les plus intrépides et les plus réfléchis n ’ont pas manqué d ’assi­
gner des limites à cette cybernétique généralisée (par exemple, Shannon lui-
même; H. Questler, 1958; K. Steinbuch (1965) (2). Le Congrès de Tedding-
ton (1958) semble avoir freiné le développement de cette utopie. Il paraît assez
évident, semble-t-il, que la pensée algorithmique n ’épuise pas toutes les formes
et surtout les sources de la pensée, « la pensée heuristique » de G. Bouligand
(1962) (3). L ’ouvrage de R. Ruyer (1954) constitue pour nous l’exposé critique
le plus approfondi et le plus valable des limites mêmes que s’impose par ses pro­
pres définitions et méthodes la Cybernétique. Pour R. Ruyer, le « postulat »
malencontreux selon lequel les machines à information seraient exactement iden­
tiques aux organismes vivants et pensants, ne peut pas être accepté pour la bonne
et simple raison (largement explicitée dans son ouvrage sur l’origine de l’infor­
mation) que les machines les plus compliquées et les plus adéquates à accomplir
les tâches et à résoudre les problèmes (et leurs corollaires implicites) pour
lesquels elles ont été construites, ces machines sont elles-mêmes une organi­
sation mécanique encadrée par et dans une activité encadrante. Le « set »
qui anime l’organisme pensant ne se réduit pas à son effet ou son reflet dans

(1) Parmi les principaux ouvrages publiés en France, nous signalerons ceux de
Laurent C ouffignal (dès 1933), et notamment sur Les Machines à penser (1952);
celui de P. de L atil , La pensée artificielle, Gallimard, 1954; celui de G. Th. G uilbaut ,
P. U. F., 1954; celui de P. C ossa, Masson, 1955; celui de L. Brillouin , Science
et théorie de l ’information, Masson et Cie, 1959; celui de R. R uyer , La cybernétique
et l’origine de l’information, Flammarion, 1954.
(2) K. Steinbuch , Automat und Mensch, 3e éd., Göttingen, Springer, 1965.
(3) G. B ouligand , Revue Philosophique, 1962, p. 261-267.
1094 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

la région mécanique ou semi-mécanique où se mettent en action les moyens


qui se subordonnent à sa fin. Les sciences ditfes expérimentales visent unique­
ment « le hasard et la nécessité » et se détournent systématiquement de la
« logique de l’être vivant » qui, on le veuille ou non, répond au besoin d’une
biologie axiologique. Si nous rendons compte ici de ce qui nous paraît être
l’essentiel de la pensée de R. Ruyer sur la dimension proprement axiologique
de l’espace propre à la vie en général et à la vie psychique en particulier en
faisant allusion aux deux ouvrages récents (Monod et Fr. Jacob), c’est pour
montrer précisément que la mécanicité des mouvements dans l’étendue phy­
sique représentée dans le montage des machines est incompatible avec l’idée,
ou plus exactement avec le fait de la finalité d ’un plan d ’organisation même
aux yeux des savants qui se croient les plus affranchis ou dispensés du recours
au postulat proprement biologique.

Pour ce qui est de Vorganisation du Système nerveux sur le plan cyber­


nétique, c’est-à-dire pour le problème qui nous intéresse ici, nous devons rap­
peler les premiers travaux de W. S. McCulloch avec W. Pitts (1948) et avec
J. Pfeiffer (1949) qui avaient cru pouvoir assimiler le fonctionnement des
circuits nerveux à une machine à information digitale (digitale computer)
montée sur le principe du tout ou rien (1 ou 0). Mais depuis lors, il a été admis
que si les axones transmettent les messages de ce modèle (binary digit), c’est
sur le modèle analogique (1) que s’effectue au niveau des synapses la régu­
lation, ou mieux, la modulation des frayages et des inhibitions répondant
après les avoir analysés aux messages (W. A. Rosenblith, Symposium sur
la Sensory Communication, 1961). Ce point de vue était d’ailleurs déjà très claire­
ment exposé dans l’ouvrage (p. 72-97) de Louis Couffignal (1952). Il est évident
qu’à partir du moment où on comprit (C. E. Shannon, 1938) que l’algèbre de
Boole pouvait se traduire en combinaisons de circuits ouverts ou fermés, les
montages électriques appropriés devaient permettre les constructions algébri­
ques et logiques de type analogue au cerveau humain. La considération des
réseaux de circulation des messages, c’est-à-dire d ’une théorie classique de

(1) La synapse opère comme analyseur différentiel (transistor) capable d’inté­


grer autrement dit, de résoudre automatiquement une équation différentielle. Si l’on
donne à un analyseur différentiel sous une forme appropriée l’équation différentielle
xy'— l = 0
et l’équation différentielle
y" + y = 0
il en trace automatiquement la courbe représentative « y »; la fonction y étant l’intégrale
de l’équation différentielle. Les machines à calculer analogiques travaillent ainsi sur des
grandeurs continues. L’analogie structurale du transistor et d’une synapse n ’est pas
la seule; l’ordre d’information qui s’élabore au niveau synaptique (réalisant un choix
ou obéissant à des ordres venus de loin ou de haut) est encore représenté, reproduit ou
« simulé » en tant que circuit fermé par la « mémoire » des tubes de mercure ou encore
les mémoires statiques formées de batteries de diodes à gaz (C ouffignal , p. 52-98).
/. ARCHITECTONIE ET CYBERNÉTIQUE 4095

la circulation nerveuse assujettie aux conducteurs, devait trouver dans les


travaux de Lorente de Nô (fibres récurrentes d ’information couplées avec les
fibres effectrices) son support neurophysiologique.
Si nous voulons avoir une vue d’ensemble des possibilités et des limites
de cette analogie entre les structures nerveuses et les machines (soit computers
digitaux, soit machines analogiques), nous pensons que le mieux est de nous
rapporter à l’exposé que Richard Jung a fait de ce problème en raison de
son autorité de clinicien et de neurophysiologiste spécialiste de la psycho-phy­
siologie des sensations. Pour lui, comme pour Hering, aime-t-il à répéter, cette
unité de la démarche psycho-physiologique est indispensable en tant qu’elle
doit viser la connexion même de la subjectivité (de YEmpfindung) et de
l ’objectivité (de la structuration perceptive), de l ’expérience et de la réflexion.
Au cours de ses innombrables travaux, il n ’a cessé de montrer et de démontrer
que l ’objet même de la psycho-physiologie a un sens, de telle sorte que nous ne
pourrons pas trouver de meilleur guide pour débrouiller l’écheveau des pro­
blèmes que la Cybernétique a tout à la fois débrouillé et compliqué.
Richard Jung (1) affirme d ’abord que certains modèles « pré-cybernétiques »
ne doivent pas être perdus de vue, et il rappelle spécialement le «Reafferenz-
prinzip » de E. von Holst et H. Mittelstardt (1950). Selon ce principe, toutes
les variations possibles de l’innervation des éléments du système nerveux sont
essentiellement dépendantes de son organisation propre et préalable : la struc­
ture morphologique (W. R. Hess, 1941) est la base même de son ordre physio­
logique. Cette organisation constitue la condition même de la plasticité des
comportements. C’est dans cette perspective que le « Reafferenz-prinzip »
réglant les dispositifs fonctionnels qui subordonnent les centres inférieurs
aux centres supérieurs, et ceux-ci à la rétroactivité de ceux-là, suggère le modèle
d ’un feed-back qui joue le sens d ’une rétroaction négative (negative feed-back)
nécessaire pour conformer la multiplicité des réponses possibles au plan de
l ’organisation. La pathologie ne commence que dans le renversement du
sens des réverbérations et réactions, c’est-à-dire quand elle devient positive,
c’est-à-dire échappe au contrôle. Pour lui, en tout cas, la biologie et la physio­
logie en tant que sciences de l’être vivant gardent tous leurs droits. Ce ne sont
pas elles qui doivent être asservies à la science des « servo-mécanismes »; c’est
au contraire toujours à elles qu’est subordonné l’usage des modèles mathéma­
tiques de la cybernétique. Car l’utilisation biologique de la technique des
régulations automatiques en biologie ne s’applique qu’à des dispositifs ner­
veux qui ne sont que des instruments (Hilfsmittel) au service de l’organisation
de l ’être vivant. La cybernétique peut seulement répondre aux questions que
la physiologie est en mesure de lui poser (p. 466). Tel est le sens général de
l’exposé des critiques que fait le neurophysiologiste Richard Jung des us et
abus de la Cybernétique.

(1) R. J ung, « Psychiatrie und Neurophysiologie ». Psychiatrie der Gegenwart,


1/1 A, 1967, p. 462-467.
E y. — Traité des Hallucinations, n. 36
1096 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

Sans doute, dit-il, les ingénieurs qui construisent des machines ont un but
bien précis, et ces machines sont supérieures “pour ce qui est de l’exécution
d ’un programme précis et partiel — même s’il est susceptible de développe­
ment — à la « mécanique du cerveau » (capacités multipliées de l’infini du
traitement de l’information — économie de temps — régularité excluant les
défaillances humaines. Mais tous les travaux publiés depuis 1950 (surtout
ceux qui se basent sur les premières constructions « digitales ») tentant l’appli­
cation de la Cybernétique à la Biologie n ’ont aucune valeur du point de vue
biologique ou physiologique (p. 462).
Nous devons nous borner ici à la critique que R. Jung a adressée du point
de vue de la neurophysiologie aux modèles cybernétiques. Certes, dit-il, il y a
bien quelque chose d ’analogue entre le stockage (Dataspeicherung), l’élabo­
ration des données ( Dataverarbeiten) et la fonction de reconnaissance (Erkenn­
ungsleistung) des machines électroniques et l’activité nerveuse. Mais la compli­
cation des modèles construits ou théoriques ne peut suffire à leur identification
pure et simple avec les processus cérébraux.
— En ce qui concerne l’activité nerveuse supérieure, ni les modèles tech­
niques des réflexes conditionnés (M. Gozzano et coll., 1951), ni la « tortue»
de Gray-Walter, ni les « matrices » de K. Steinbuch ne fonctionnent sur
des bases identiques à l’apprentissage des êtres vivants. C’est que l’informa­
tion dans l’organisme ne s’effectue que par un processus de choix et d ’intégra­
tion (p. 450). Comme l’a souligné Steinbuch lui-même, la quantité d ’infor­
mation (approximativement évaluée à 1011bit/seconde à l’entrée d ’un computer
et 107 bit/seconde à l’entrée dans le cerveau) est infiniment plus petite
(16 bit/seconde) à 1’ « entrée » du champ perceptif vigile et attentif. Autrement
dit, il y a comme une raison inverse entre la finalité d’une machine à calculer
et la finalité des fonctions cérébrales. Celles-ci travaillent pour reproduire
à l’infini un travail de multiplication qui absorbe le plus d’informations pos­
sibles conformes à un plan préalable (p. 450). Il est donc parfaitement vain
de chercher à établir un modèle cybernétique des fonctions du « highest level »
comme la conscience (p. 452-456) considérée selon une expression qui revient
souvent chez les neuro-cybernéticiens, sous sa forme « nébuleuse ». La
conscience ne peut être pour les cybeméticiens qu’un modèle du monde
extérieur en fonction duquel se calculent tous les comportements adaptatifs.
Cette idée d ’une identification de l’esprit à la machine incessamment reprise
depuis Spinoza, soit par la théorie de l’isomorphisme du cerveau et de la pensée,
soit par l’hylozoïsme qui identifie la matière à la vie, expulse nécessairement
la conscience pour autant qu’elle ne peut subsister ni dans son identification
avec la matière, ni dans son exclusion de l’organisme. Le modèle cybernétique
en la plaçant hors de l’organisation la détruit. Nous transposons ici plutôt
que nous ne traduisons exactement le texte de R. Jung, mais croyons-nous
sans en altérer l’idée directrice. Il n’hésite pas, en effet, à écrire (p. 455) que
le problème machine-conscience n ’est pas plus facile à résoudre que le pro­
blème de l’âme et du corps.
Ce que nous venons de dire des « fonctions nerveuses supérieures » envisa­
I. ARCHITECTONIE ET CYBERNÉTIQUE 1097

gées du point de vue de la cybernétique, peut s’appliquer tout naturellement


au modèle proprement réflexe de l’activité des centres supérieurs et notamment
à la théorie pavlovienne du conditionnement (1). Mais, là aussi, il semble
qu’au modèle proprement « mécaniste » se soit substituée depuis quelques
années une perspective plus dynamique, ou, si l’on veut, plus dialectique.
C’est ainsi que l’importance du « set », c’est-à-dire de la motivation (P. K. Ano-
kin) et de la « donnée du sens » s’est considérablement accrue dans l’école
psychologique somatique, principalement de Géorgie (2). Il est fait notion
de plans et de structures du comportement (dans le sens de D. M. Miller). Il
n ’est certainement pas sans intérêt de souligner la dimension verticale qui
se substitue aux conceptions linéaires d’ « horizontalité » de la puissante neuro­
physiologie de Pavlov, notamment par la considération d ’une « biosphère »
dont l’organisation en niveaux structuraux s’impose nous semble-t-il nécessai­
rement.
Quant aux fonctions nerveuses plus, élémentaires, R. Jung tient le modèle
cybemético-mathématique pour faux et incompréhensible (p. 457). Se référant
notamment à ses propres recherches dont nous verrons plus loin tout l’intérêt
sur la vision et les mouvements oculaires, il estime nécessaire pour la connais­
sance des fonctions nerveuses plus de compréhension de leur simple finalité
et de leur subordination (Veranschaulichung einfacher Ordnung) que de
formalisation mathématique. Il cite à cet égard les modèles élémentaires éta­
blis par F. Jenik (1962) et K. Krüffmuller (1962) pour simuler les dispositifs
médullaires, et il considère que le schéma de 1’ « inhibition latérale » (somme
toute, constituant nous semble-t-il un retour aux premiers travaux de Sherring-
ton) peut dispenser de recourir à des complications mathématiques inutiles. La
répugnance de la Cybernétique pour toute évidence intuitive (Verzicht auf
Anschaulichkeit) en limite nécessairement l’emploi en biologie (p. 458-459).
Et nous arrivons maintenant au point pour nous crucial de cette réflexion
critique. Il ne s’agit pas en effet de mettre en doute qu’il puisse exister des
dispositifs fonctionnels (p. 436-438) qui obéissent à un « Kommando » qui
applique sans nuances l’ordre automatique ou dictatorial (Steuerung), ou des
structures plus souples et dynamiques qui sont « démocratiquement » dépen-

(1) J ’ai critiqué les concepts de la psycho-physiologie de P avlov dans mon travail
« La Réflexologie de Pavlov et la Psychiatrie » (É vol. P sy c h ., 1947, p. 197-279) en contes­
tant une neuro-physiologie qui reprenait à son compte les vieux concepts de la psy­
chologie associationniste. Une véritable neurophysiologie de l’activité nerveuse supé­
rieure doit mettre l’accent non sur le « conditionné » mais sur la structure opératoire
du « conditionnem ent ».
(2) On trouvera dans l ’article de A. D. Z ourabachviii (S o v ie t P sy c h o lo g y , 1968-
1969, 7, p. 21-31) et dans celui de I. T. B zhalava (même revue, p. 48-55), un exposé des
idées de l’école géorgienne (D. N. U znadze ) qui intègre le « set » (ustanovska) dans
les « mécanismes cybernétiques ». Dans son récent travail (É volu tion P sych ia triq u e,
1971, IV, p. 489-495), A. D. Z ourabachvili a rappelé la nécessité d’introduire le
Sujet (la personne) dans la pyramide des niveaux dynamiques de l’appareil psychique.
1098 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

dantes d’une multiplicité de facteurs dont l’effet est ainsi modulé (Regelung).
Mais la grande erreur de la Cybernétique est de réduire toutes les fonctions
du S. N. C. à un même plan, de les traduire dans une sorte d ’ « espéranto »
commun à toutes les sciences (p. 464). Autrement dit, de n ’être pas sensible
à l’architectonie impliquée, dirions-nous avec Fr. Jacob, dans la logique de
l’être vivant et plus spécialement de l’être psychique (1).
— Dès lors, on n’est pas trop étonné à la lecture de ce travail immense d’expo­
sition et de réflexion, de trouver dans ses prolégomènes mêmes (fait si excep­
tionnel qu’il mérite je pense à tous et plus spécialement des autres Neuro­
physiologistes une particulière attention) une référence explicite à un système
philosophique comme pour être une véritable métaphysique de la hiérarchie
des formes : celui de Nicolaï Hartmann. Le chapitre de Neurophysiologie qu’a
écrit R. Jung dans la « Psychiatrie der Gegenwart » ne comporte pas moins
de 575 pages et commence par un paragraphe intitulé « Neuro-Physiologie
und Psychiatrie in der Schichtstruktur des realen Welt » (p. 336-350) (Neuro­
physiologie et Psychiatrie dans leurs rapports avec une structure architectonique
— ou par niveaux ou couches — du monde réel). On le voit, ce neurophysiologue
n’a pas peur de la métaphysique, ou plus simplement il n ’entend pas en faire
comme tant d’autres qui en font tout autant mais sans le savoir. C’est donc
dans cette introduction à tous les problèmes de la neuro-physiologie qu’il
expose la nécessité — celle-là même que nous essayons depuis si longtemps
d ’établir — d ’un modèle architectonique. Pour lui, les « Kategorienlehre » de
Nicolaï Hartmann (2) constituent la philosophie qui s’adapte le plus naturel­
lement à l’organisation même de l’ontologie de la vie psychique qui s’ordonne
comme l’organisme par rapport à l’idée d ’une hiérarchie des structures de la
réalité et de ses lois. Les couches fondamentales et superposées de la réalité sont
pour Nicolaï Hartmann l’ordre proprement moléculaire ou anorganique, l’ordre
vital, l’ordre psychique et l’ordre socio-spirituel. C’est dire que ces catégories
de réalité n ’offriraient guère d’originalité pour n ’être qu’un lien commun
repris par la plupart des modèles architectoniques (cf. supra). Mais ce qui
est fondamental dans cette manière de penser le monde dans ses rapports
avec l’organisme vivant et de cet organisme vivant avec l’organisme psy­
chique, c’est que la loi de subordination des couches inférieures ou couches
supérieures n’exclut pas l’action des couches inférieures sur les couches supé­
rieures. Chacune de ces « couches » (Schichten J a sa propre légalité et sa parti­
cularité, mais les couches supérieures sont dépendantes des inférieures. Autre-

(1) La théorie de l’information, selon A. F. M arfeld (K y b e r n e tik d e s G ehirns,


Berlin, Safari 1970, 484 p.), établit un pont entre la science de la nature et la science
de l’homme. Cela est bien vrai, à la condition toutefois que ces rapports se médiati­
sent dans un système.
(2) N. H artmann , D e r A u fbau d e r realen W ert-G ru n driss d e r allgem einen K a te ­
gorien leh re, Berlin, éd. W. de Gruyter, 1940; — N eu e W ege d er O n tologie, 2e éd.,
Stuttgart, éd. Kohlhamuner, 1946; — P h ilosoph ie d e r N atu r. A b riss d e r K a te g o rie n ­
lehre, Berlin, éd. W. de Gruyter, 1950.
I. ARCHITECTONIE ET CYBERNÉTIQUE 1099

ment dit, celles-ci sont la condition non suffisante mais nécessaire des couches
qui leur sont supérieures. Ce point de vue longuement explicité dans l’œuvre
de Hartmann est assez largement exploité dans le texte de Richard Jung
pour qu’en puisse être utilisée la riche substance pour le domaine de la Neuro­
physiologie, de la Psychologie et de la Psychopathologie. Ce point de vue
est de nature précisément à nous permettre une solution des rapports de l’âme
et du corps (en renvoyant dos à dos monisme et dualisme), et aussi (point
sur lequel Richard Jung n’a pas porté son attention) sur les rapports de l’Incons­
cient à l’être conscient et notamment dans la dialectique du devenir conscient
par YAufhebung (sublimation) qui, sans rompre par son mouvement l’adhé­
rence avec les instances du désir jusqu’à faire de l’être conscient un Sujet
absolument transcendental — lui permet de gagner, malgré cette dépendance,
une relative autonomie — de s’ouvrir par la conformité même à l’ordre de sa
connaissance et de son action à l’ordre de sa liberté.
Il paraît donc évident que l’organisation du S. N. C. ne s’accommode pas
d ’une interprétation purement mécanique (anatomique, histologique ou molé­
culaire) de sa constitution et de son fonctionnement. Car il n’est pas vrai que
l’esprit le hante seulement comme un fantôme ou qu’il se réduise lui-même
à n ’être que le jeu fortuit d ’une combinatoire de ses éléments, ou que la trans­
mission « in-put »-« out-put » (autrement dit réflexe) d ’information, ou
seulement leur transformation en messages. De toutes les organisations de
l’être vivant, le cerveau est précisément organisé selon un plan d ’organisation
qui en fait l’organisme même de l’autonomie de l’individu. De telle sorte que
l’esprit, la finalité et le sens qui l’animent sont tout à la fois incorporés dans
l’ordre spatial ou physique de sa mécanique, de telle sorte aussi que son action
à tous les niveaux intègre le corps dans cette forme d ’esprit qu’est sa manière
d’être conscient. La conscience est coextensive à la vie de relation, c’est-à-dire
à l’activité du système nerveux. Le Mémoire (1) de M. Audisio (1968) doit nous
servir en quelque sorte de conclusion; il cherche à tirer du développement
de la Biologie un modèle psychobiologique cybernétique qui, sans se confondre
avec les mécanismes macromoléculaires du monde physique, emprunte à
l’autorégulation et, en dernière analyse, à la finalité et à la liberté, le principe
de son organisation logique. Même si cette idée débouche, dit M. Audisio,
plutôt que sur une impasse sur un vertige, pour nous, c’est elle qui doit animer
la recherche comme l’ontolige même du corps psychique. Comme y insiste
fortement Cl. Blanc (2), elle constitue l’ossature du modèle téléologique d ’un
organisme humain, d ’un existant d ’abord vivant.

(1) M. A udisio , « La Psychiatrie face au mouvement biologique contemporain »,


Évol. Psych., 1968, p. 449-466.
(2) Cl. B lan c , « Les modèles ontologiques en Psychiatrie », Évol. Psych., 1968,
p. 421-448.
1100 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

B. — ÉPISTÉM O LO G IE
E T O RG A N ISA TIO N D U CORPS PSYCHIQUE

Quelle que soit l’arrière-pensée métaphysique qui la soutienne ou s’y oppose,


l ’idée d ’un plan d ’organisation de l’être vivant est sa définition même : l’orga­
nisme ne se constitue en être vivant qu’à la condition de se conformer à la
lo g iq u e de son organisation. Or, si celle-ci est inscrite dans ses archives
matricielles sous la forme d ’une « écriture en morse » qui règle son pro­
gramme génétique, elle est inscrite encore dans l’ordre de subordination et
de complexité des fonctions qui concourent à entretenir la vie selon les pro­
fondes intuitions de Bichat et de Cl. Bernard. Il ne peut venir à l’esprit de
personne de contester la finalité qui constitue la « ratio » de ce plan de l’être
vivant. Telle est la logique du vivant (F. Jacob, 1970) (1) telle qu’elle se manifeste
dans ses opérations programmées par les constituants moléculaires de la matière
vivante et dans ses fonctions d’intégration. Car, en définitive, Fr. Jacob retrouve
ici — et comment pourrait-il en être autrement — le problème de l’intégra­
tion des parties dans la totalité fonctionnelle qui paraît constamment dérouter
l’esprit de la plupart des neurophysiologistes. Pour si peu attentif, semble-t-il,
qu’il ait été aux problèmes de neurophysiologie qui portent ce problème à sa
plus extrême puissance, Fr. Jacob en vient à appliquer au niveau des organes,
des fonctions, des molécules macroscopiques et microscopiques, le principe
même de l’intégration qui est la forme (la logique) de la vie pour autant qu’elle
est énoncé et algorithme ( intégron) par quoi se construit l’ordre de sa vitalité.
Si à ce sujet Fr. Jacob peut écrire que reconnaître l’unité et la combinatoire
des processus physico-chimiques « c’est dire que le vitalisme a perdu toute
fonction » (p. 320), si l’on entend bien sûr par là le recours à un deus ex machina
ou à la fameuse et incessamment dénoncée « entéléchie » incompatibles avec
l’idée même de machine, il s’empresse d’ajouter (p. 321) « que l’on ne peut
« plus faire de biologie sans reconnaître la finalité des êtres vivants sans se réfé-
« rer constamment au projet des organismes, au sens que donne leur exis­
te tence même à leurs structures et à leurs fonctions ». N ’a-t-il pas repris ainsi
l’esprit même de la recherche de Bichat en concluant des discussions les plus
« modernes » sur les rapports des deux systèmes (information et thermodyna­
mique) que dans la mesure où un être vivant ne peut pas être un système fermé
(devant être constamment nourri non seulement d ’aliments mais d’informations
pour n ’être pas emporté par la « tendance statistique au désordre ») les deux
systèmes consomment, selon le mot de Wiener, de l’entropie négative (p. 272-
273). De sorte que cet ouvrage écrit par un homme de science attiré par l’ordre
linéaire, les particules et leurs combinaisons aléatoires, est inspiré — nous

(1) François J acob, La logique du vivant. Paris, Gallimard, 1970. Cf. spécialement
D. 114-125, 287-306 et 320-345.
I. ARCHITECTONIE — LOGIQUE DU CORPS PSYCHIQUE 1101

ne pensons pas lui faire injure en le disant — du meilleur vitalisme. Car le


vitalisme en tant que perspective hypothétique propre à la biologie ne commence
pas avec la métaphysique qui l’achève — peut-être dans les deux sens du mot —
mais avec seulement la visée du plan d'organisation qui ne saurait, comme le
dit excellemment Fr. Jacob (p. 328), se réduire au niveau inférieur. « La bio-
« logie, écrit-il, n ’est pas devenue une annexe de la physique (elle n ’en consti-
« tue pas) une filiale de la complexité... La Biologie ne peut se réduire à la
« physique ni se passer d ’elle ». « Tel est le point de convergence où tous
cc les esprits épris d ’objectivité peuvent se rencontrer (1) ».

1° L’o rd re de l’organisation e t de la connaissance.

Nous pouvons dire que la conception d ’une hiérarchie structurale, c’est-à-dire


de l’ordre qui préside à sa naissance jusqu’à sa mort à la vie d’un être vivant,
s’impose donc à tous. Mais il n ’est pas suffisant de donner à l’être vivant — et
à la biologie — son sens; il faut aussi saisir l’organisme comme un lieu de
forces qui à chaque niveau de sa structuration doivent s’équilibrer. De telle
sorte que la création d ’un milieu intérieur est une nécessité absolue pour l ’auto­
nomie de l’être vivant. La relation vitale entre cette nécessité et cette auto­
nomie se manifeste avec le plus d ’évidence à propos de l'organisme psychique.
Il faut bien en venir, en effet, à considérer que si l’être vivant obéit à la loi
de son programme génétique, s’il use de ce droit tout en se conformant aux
nécessités de s’adapter aux conditions du milieu extérieur, il dispose aussi d ’une
marge de plasticité individuelle. Cette plasticité, cette liberté, est indexée par
l’organisation même de l’être psychique qui se superpose à l’organisme pro­
prement somatique, de telle sorte que nous pouvons, que nous devons parler
d ’un organisme psychique, d ’un corps psychique.
Que le Système nerveux central soit l’ordre morphologique ou moléculaire
qui constitue la condition nécessaire de cette mutation qui ajoute à l’ordre
physiologique l’ordre psychique, c’est une évidence. Mais encore — et confor­
mément à ce que nous avons souligné plus haut — faut-il ajouter que le cerveau
qui est jusqu’à un certain point une machine (car il appartient à la phy­
sique du monde des objets matériels) n’est pas seulement une machine. Il ne
peut se réduire à une combinatoire d’éléments moléculaires, à des circuits
de transmissions, de connexions, ou comme on disait au siècle dernier, d’asso­
ciations. En tant qu’organe de la liberté que gagne chaque être vivant par
sa propre construction à partir de ce que son programme génétique lui permet
de facultatif (ou si l’on veut d’adaptatif à la condition de considérer que cette

(1) C ’est ce point au-delà duquel toutes les « métaphysiques » sont possibles
qui constitue la limite du savoir vraiment objectif, celui qui, en l’espèce, tout en les
opposant rapproche nécessairement deux biologistes à idées philosophiques si oppo­
sées : par exemple, Fr. J acob et P. P. G rasse (Toi, ce petit dieu, éd. Albin Michel,
Paris, 1971).
1102 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

adaptation n ’est pas seulement un circuit réflexe ou une boucle de réverbération


de signaux et de réponses), le cerveau dispose en effet d ’une capacité de création
et d ’invention. Ceci n ’est qu’une autre manière de dire qu’à la logique de l’être
vivant se superpose (sans s’y substituer jamais entièrement) la logique de l’être
psychique. Or, cette logique c’est l’organisation même de l’être conscient.
Celui-ci est l’agent opérationnel des mutations, transformations et créations
qui vont dans le sens neg-entropique de la réalité et des valeurs propres à l’auto­
nomie de l’être psychique. Ainsi se constitue la dialectique même de l’être
conscient et de son Inconscient qui s’inscrit dans cet appareil « logique »
dans le logos qui constitue par ses formes de rationalité le discours du Sujet
qui s’arrache à l’entropie de son Inconscient. Car si la logique de la vie psy­
chique est celle du devenir conscient, l’entropie de ce système, sa mort, c’est
la chute ou l’incarcération dans l’Inconscient.
Il faut bien prendre l ’appareil psychique, l’être psychique, l’organisation
psychique, pour ce qu’ils sont : un véritable corps psychique enroulé sur lui-même
et intégrant ses « organes » et « fonctions » dans l’organisation structurale de
l’autonomie personnelle qui est sa finalité. Ce qui constitue ce corps psychique,
c’est donc un monde qui, de l’intérieur du Sujet, le met en relation avec son
monde, le monde culturel des autres et le monde naturel des choses. Or, ce
monde intérieur, qui précède ou reflète le monde extérieur, est soumis à une
légalité imprescriptible, la loi de son accord avec les niveaux de la commune
réalité (1).
Il constitue par sa structuration même la réalité purement vécue et ressentie
comme telle — c ’est-à-dire une modalité du Sujet, soit qu’il pense (dans le
Cogito), soit qu’il éprouve (comme dans VEmpfindung) — réalité qui n ’est
rien d ’autre que la manière dont le corps est affecté par la rencontre de sa
propre activité. Il s’agit là de la première forme, de la proto-expérience de
toute connaissance pour si fugitive et précaire qu’elle soit et qu’elle demeure
encore dans la couche du sentir (pour si compliqués que soient les circuits
de réverbération par lesquels la réflexion et la science s’en saisissent). C ’est en
ce sens que l’on peut dire avec Husserl que le vécu est absolu en tant que saisie
par la conscience de quelque chose qui n ’est absolument pas révocable en doute
pour s’imposer au Sujet dans l’immédiateté de son apparition et tout à la fois
hors et dans le Sujet. Tout naturellement, à ce vécu comme apparition
irrécusable de ce que le Sujet ressent dans l’évidence de son contact intime

(1) L’Homme, loin en effet de correspondre dans son organisation au monstre


vide mais dévorant de la « machine désirante » dont G . D eleuze et F . G uattari (1972)
rabattent la production économique des chaînes de signifiants sur les seules coupures
de flux continu en circuits et connexions absolument aléatoires, l’Homme, loin de
n ’être pourvu que de cette machinale liberté de mouvements, est construit et ne se
construit dans et par l ’intégration qui subordonne ses moyens à ses fins. Mais, sans
nul doute, ceux-là même qui rêvent d ’une cybernétique freudienne en détruisant le
système freudien consentiraient bien facilement à tuer cette image de l’Homme,
ayant commencé par poser que sa réalité n ’a justement pas de sens.
/. ARCHITECTONIE — LOGIQUE DU CORPS PSYCHIQUE 1103

avec un quelque chose qu’il a réellement éprouvé, s’articule une série de phé­
nomènes qui prolongent et compliquent cette subjectivité radicale et proprement
intuitive : tout ce qui dans la vie psychique se constitue entre les deux pôles
de la pensée et de l’impression sensible. Et c’est précisément le monde des
images pour autant qu’elles sont médiatisées et véhiculées par le langage
ou qu’elles sont représentatives des impressions sensorielles dont elles
gardent le souvenir, qui forment dès lors cette étrange et spécifique réalité
interne qui pour chacun de nous vaut peut-être plus que toutes les vérités
abstraites ou la réalité du monde des objets mais qui, en dernière analyse,
est une réalité psychique (Realität) sans réalité (ohne Wirklichkeit). C ’est
encore à cette réalité psychique si intime qu’elle ne peut en aucune manière
se montrer et se démontrer qu’est rattachée une réalité plus paradoxale encore
qui est celle de quelque chose qui n ’est ni vécu, ni ressenti, ni su, et qui est
l’Inconscient, réalité qui ajoute alors à son paradoxe ce comble du scandale
logique (le même que celui de l’Hallucination) qu’est le droit de n ’être reconnu
comme réel que par un autre, sans, bien entendu, que la certitude de l’autre
soit jamais, ne puisse jamais dépasser le degré de probabilité que figure son
interprétation. Nous dirons donc que lorsque l’appareil psychique ou le corps
psychique fonctionne replié sur lui-même et selon les mécanismes ou les lois
de son propre « Eigenwelt » (de son monde propre et fermé), la réalité vécue
(ou interprétée) est une réalité qui est incorporée à la sphère de l’intentionnalité
du Sujet. Il en est alors pour l’homme, dans l’exercice de ce monde de connais­
sance intuitive, comme pour l’insecte dont la larve connaît d ’ « instinct »
l’objet à consommer ou à éviter. Dans cette modalité de connaissance qui
tout naturellement nous renvoie à l’expérience esthétique (et non pas à l’esthé­
tique transcendantale kantienne qui n ’a qu’un rapport très indirect avec le
jugement ou l’émotion du beau), à l’expérience poétique ou à l’expérience
mystique. Il est bien vrai, en effet, que ce sont dans nos entrailles que se forment
les phantasmes et les fulgurances de cette réalité en quelque sorte sacrée. Dans
l’avant-propos de cet ouvrage au sujet de Yexpression comme création, nous
avons rappelé ce que nous devons particulièrement nous rappeler ici : la théorie
de la création des images (de ce « réel littéral ») chez Nietzsche ou chez Husserl.
On sait de quelle admirable façon G. Bachelard a particulièrement mis en
lumière cette germination poétique d ’une réalité interne par laquelle, comme
une fleur, pousse la réalité du savoir.
Mais le modèle architectonique du corps psychique est là comme pour nous
dévoiler que ce « savoir », cette « connaissance » si directement liée à la sphère
affective et pulsionnelle de notre être, cette connaissance qui est là comme
pour éclairer notre existence d ’une lumière intérieure et plus encore pour la faire
flamber d ’un feu qui ne soit ni la lumière apollonienne, ni le feu prométhéen
— que cette « connaissance » est celle dans laquelle et par laquelle l’être se
consume dans sa solitude, son ipséité. Car si l’homme était voué à cette moda­
lité de connaître, tout comme si l’animal était lié aux seules formes préformées
de son savoir instinctif, il n ’y aurait aucune possibilité, ni pour l’un, ni pour
l’autre, d ’exister, c’est-à-dire de changer. Disons donc que la modalité même
1104 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

de l’existence implique une organisation du corps psychique qui ajoute,


ou mieux, subordonne cette modalité subjective à une autre modalité objective
de connaissance, car, comme nous l’avons tant de fois souligné (en suivant Freud
jusqu’où il doit être suivi) une connaissance soumise au principe de réalité
doit compléter celle qui satisfait seulement par ses représentations directes ou
indirectes aux exigences du principe de plaisir. Il suffit de se rapporter à ce
que Freud a précisément si bien mis en lumière et qu’il a tiré de ses premières
hypothèses neuro-biologiques exposées dans la fameuse «.Esquisse » (Entwurf)
pour bien comprendre que la vie psychique, comme la vie tout court, ne naît
qu’avec la rencontre du Sujet avec son Monde (cf. supra, p. 1017 et sq.).
Personne, mieux que P. Janet, n’a intégré la connaissance du monde dans
l’organisation, car ses patientes et méthodiques études sur la construction
du réel suivie dans le développement ontogénique et sa conception systéma­
tique d ’une épistémologie génétique, sont des démonstrations complémen­
taires du mouvement par lequel le monde s’incorpore au Sujet par le Sujet,
s’incorpore à son monde. Et c’est en terme d ’une logique opérationnelle que
se résolvent chez lui les problèmes de la structure du savoir et les modèles
de la science, et les problèmes de la production des formes que l’action
fournit à la pensée pour qu’elle poursuive sa création. Bien sûr, tout est
également important dans l’œuvre de J. Piaget, mais le petit chapitre (Struc­
turalisme et Philosophie) du petit livre (Le structuralisme, 1968) qu’il a
consacré aux fondements mêmes de la « logique du corps psychique » que
nous exposons ici, doit figurer dans les réflexions de chacun, un des plus
grands thèmes de la pensée pensant sur sa propre création. Création étant
entendue ici comme création qui crée le sujet de la connaissance du monde,
et comme création par le sujet de son savoir et de son action dans le
monde.
De telle sorte que si nous examinons dans le plan de sa propre organisation
le système des connaissances du monde dont les contradictions en appellent
au jugement de chacun et de tous, nous devons surtout prendre acte de l’orga­
nisation interne du Sujet par laquelle il incorpore à lui-même son monde pro­
pre en disposant de son modèle (ce sont les structures mêmes de la conscience
dans leur relation avec les activités perceptives) et de la dialectique qui consti­
tue pour chacun la problématique de la réalité (ce sont les exercices conjugués (1)
de la raison de chacun avec sa déraison pour constituer le modèle conceptuel
et idéal de son monde).

2° La conjugaison ve rb a le de la r é a lité su bjective


e t de la r é a lité objective.

Disons d ’abord à ce sujet que toute connaissance de quelque catégorie


qu’elle soit— et Dieu sait si depuis Aristote jusqu’à Nicolaï Hartmann en passant

(1) Conjugaison qui ne s’articule qu’avec le système même du langage, comme


nous cillons le souligner.
I. ARCHITECTONIE — LE SYSTÈME DE LA RÉALITÉ 1105

par Kant, Hegel, Bergson, Cassirer, Husserl ou Merleau-Ponty, on nous a offert


des modèles logiques, intuitifs, idéaux ou empiriques dans l’ordre hiérarchique
de leurs valeurs ! — ne s’ouvre au Sujet que par l’activité symbolique, le système
de signes dont il dispose. Sans langage il n ’y a, ni intelligence, ni connaissance
possibles (1). Et c’est bien en effet par le langage et dans le langage que s’établit
la rencontre du Sujet avec son Monde. Il est pris par lui comme il le prend en
l’apprenant. De telle sorte que l’organisme psychique dès sa constitution est
parlant, ou si l’on veut, plus généralement signifiant. Et c’est déjà à cette pre­
mière apparition du monde comme objet de savoir que se brise la connaissance
purement intuitive et subjective pour se réfracter dans ces formes « objectives »
ou « structurales », ces lois qui seules permettent au Sujet de s’ouvrir à son
monde, c’est-à-dire non seulement d ’assumer mais de résoudre la probléma­
tique de ses rapports avec le monde des autres et des choses. La connaissance
proprement intuitive, phantasmique ou purement imaginaire est, à cet égard,
une sorte de fiction, car rien n ’apparaît dans l ’obscure profondeur de soi,
dans le rêve, dans l’illumination, l’inspiration esthétique ou les révélations
mystiques des images, qui ne requière pour entrer dans le connaître ou. le savoir
une soumission aux règles de la langue (fût-ce en les déjouant) et, par consé­
quent, d ’une logique.
Lorsque nous décrivons les infrastructures de l’être conscient comme les
soubassements mêmes de l’expérience vécue, c’est bien en suivant les arti­
culations de la conjugaison pronominale et des modes et temps des verbes
que nous pouvons décrire, en effet, les niveaux structuraux que nous avons
« découverts » dans nos analyses du champ de la conscience. Quand nous
saisissons la conscience en train de s’éveiller (arousal), c’est que le présent
apparaît avec son ordre d’orientation temporo-spatiale qui substitue au chaos
du rêve selon le mode de l’indicatif l’aurore d’une imprescriptible vérité, celle
de ce qui doit être réellement vécu dans un monde légalement hors de nous —
quand nous la décrivons comme constituant le cadre de la réalité par l’articula­
tion toujours problématique mais toujours nécessaire de l’ordre de la subjecti­
vité et de l’ordre de l’objectivité — quand nous la percevons elle-même perce­
vant ce qui peut seul entrer dans le présent de ses possibilités idéales en posant
dans la durée la pause où s’armorialise la vraie réalité de l’expérience actuelle
comme suspendue entre l’attraction du temps passé et perdu et celle du temps
futur et à perdre — quand enfin nous décrivons les figures rendues facultatives
et les exercices devenus libres qui ajoutent à la constitution de la réalité les
modalités de sa connaissance rationnelle transcendantale sans cesse en lutte

(1) De telle sorte qu’attribuer aux animaux (même aux plus inférieurs) une apti­
tude à connaître, c’est à la fois leur accorder une modalité d ’intelligence (fût-elle
celle seulement de learning ou de l’acquisition de l’expérience) et une aptitude à manier
ces signes (fût-ce seulement dans leur conditionnement). C’est ce qu’avait très bien
vu le grand Henri F abre quand il superposait à l ’instinct le discernement (cf. le
chapitre que j ’ai écrit sur ce sujet dans la Psychiatrie animale, Paris, éd. Desclée de
Brouwer, 1964, p. 11-40).
1106 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

avec les exigences d’un irrationnel immanent, nous ne faisons rien d ’autre que
d ’incorporer dans les structures, les infrastructures et les superstructures de l’être
conscient les modalités de notre connaissance telles qu’elles constituent notre
expérience et qu’elles reflètent puis complètent notre organisation.
Et lorsque nous prenons pour objet de notre savoir sur la connaissance,
c’est-à-dire comme objet de notre recherche épistémologique la problématique
même de la réalité telle qu’elle se joue par-delà l’expérience actuelle dans le
système des valeurs logiques et morales, nous devons bien nous garder de poser
que celles-ci sont assez claires et évidentes pour éclipser toutes les connaissances
embryonnaires et obscures qui les cernent ou les contaminent. Car le monde
des « Idées » n ’est pas de ce monde. Et même si les Mathématiques en tant
que modèle de ces idées pures ont une valeur d ’objectivité en quelque sorte
idéale pour ne participer que d’un formalisme parfaitement abstrait, chacun
sait que la Science ne se détache pas de l ’esprit des Savants comme un fruit
mûr sans une maturation (le plus généralement collective) que l’on retrouve
toujours à l ’origine des éclairs du génie comme des longs exercices de sa métho­
dique patience. C ’est que la pensée humaine la plus « vraie », la plus « logique »
— comme l’action humaine la plus idéale ou la plus morale au point où pré­
cisément la Raison pratique vient, avec Kant, valider la Raison pure — ne
peut jamais être sans se développer sans un travail cumulatif d ’épuration ou de
sublimation qui n ’est rien d’autre en effet que le triomphe laborieux de la
Raison sur l’irrationnel. Car l’irrationnel, il est chez l’adulte, fût-il savant,
toujours actif. Aucun homme — à moins de cesser de l ’être — ne peut s’en
décharger. Et nous devons bien reconnaître que le problème de la connaissance
implique nécessairement une double vérité : celle de l’image (et par-delà l’image
du désir et par-delà le désir des fins dernières ou éternelles de l ’Homme) et
celle de la réalité (et par-delà la réalité, le savoir objectif et les hommes qui
le conçoivent). Autant dire que les modalités objectives de la connaissance
(les modalités de l ’activité nerveuse supérieure pour autant qu’elle en condi­
tionne et règle l’exercice) font bien partie de l’organisation même du corps
psychique, mais seulement comme une partie qui, fût-elle « au sommet », ne
peut jamais se séparer radicalement des modalités proprement subjectives du
sentir, des affects et des pulsions (1). De telle sorte que les fonctions supérieures
(disons corticales pour simplifier et en étant conscient de cette « paraphrase
neurologique » que nous tenons d ’ailleurs pour validable sinon valide mais
seulement en partie) n’exercent jamais leur pouvoir d’intégration sans
qu’entre dans leur propre activité une finalité qu’elles reçoivent comme un
choc en retour de la sphère des pulsions.
Mais il y a plus : non seulement les démarches de la pensée rationnelle

(1) C’est le sens de l’œuvre de Philippe L ersch (A u fbau d e r P erso n , l re édition,


1938, 7e édition, 1958, éd. Barth, Leipzig), et notamment de ce qu’il appelle « D ie
T ech ton ik d e r P ersö n lich k eit ». A cet égard il s’oppose à K lages qui tient l ’ordre
de la Ratio pour un ordre transcendantal à celui de la Vie (de l’Erlebnis).
I. ARCHITECTONIE — CONNAISSANCE SENSIBLE 1107

se greffent sur les bourgeons de l’irrationnel, mais celui-ci entrelace ses


rameaux avec les idées les plus rationnelles de la pensée proprement scientifique.
Les œuvres diverses, mais à cet égard convergentes, de E. Meyerson (1), de
Léo Brunswicg (2) et de G. Bachelard (3), sont particulièrement démonstratives
de ce mélange en quelque sorte inextricable dont la fécondité et la validité
constituent tout le problème gnoséologique. Beaucoup de philosophes, depuis
Héraclite jusqu’à Nietzsche, n ’ont cessé de proclamer que l’homme n ’est pas
un être de raison, qu’il est seulement un être raisonnable dans et par le drame
— et même la tragédie — de sa pensée. Ce n ’est pas sans mal, en effet, qu’il
peut échapper au conflit des mobiles dionysiaques ou apolloniens et s’arracher
(pas beaucoup plus facilement que Sisyphe) à la gangue d’irrationnel qui s’est
constituée en même temps que lui-même et sa « manière-d’être-avec »,
c’est-à-dire dans sa participation au milieu éthique, esthétique, religieux,
mythique auquel il est soudé pour exister. De telle sorte qu’à côté de la connais­
sance purement intuitive, incapable de se démontrer et rebelle même à entrer
dans un système de médiation (linguistique, poétique, etc.) ; — qu’à côté de
la connaissance rationnelle qui a tant de mal à accéder au statut de l’objectivité
auquel elle aspire, il y a encore un autre mode de connaissance fondé sur la
conviction et la foi qui tirent leur force de la « logique » des images, des mythes
et des représentations collectives. C’est le système de croyances partagées qui lie
l ’individu à la vérité de ses structures sociales, de la civilisation à laquelle
il appartient et par lesquelles il paye ainsi son tribut à la tribu. Bien sûr, il n ’est
pas difficile de reconnaître dans ces modalités de connaissance telle que l’orga­
nisation du corps psychique nous les révèle, les trois instances freudiennes :
le Ça, le Moi et le Sur-Moi. Tout comme on peut plus ou moins exactement
y reconnaître, soit la trilogie scolastique de Vanima vegetativa, de Vanima sen-
sitiva (liées à l’imagination et aux modalités de Vappetitus) et de Vanima intel-
lectiva, soit la superposition des formes ontologiques de N. Hartmann : « leib­
lichen Leben », « seelichen Leben », et « Geist » (4).

3° La connaissance p a r les sens.

Répétons encore ce que nous avons tant de fois eu l’occasion de souligner


au cours de cet ouvrage : le problème de la connaissance s’ouvre (et se ferme)

(1) E. M eyerson, Id e n tité e t R é a lité , 1908. D e l ’application dan s les scien ces, 1921.
(2) L. B runschvicg , L ’expérien ce hum aine e t la cau salité p sych iq u e, 1921 —
D e la connaissance d e so i, 1931.
(3) G. B achelard , L e n ou vel e sp r it scientifique, 1934.
(4) En allemand, le mot S e e le ne correspond pas exactement au mot âme et
implique, en effet, beaucoup de significations que, en français, nous réservons
à l’usage métaphysique du mot « cœur »... Par contre, G e ist a bien le sens d ’Esprit
en tant que forme transcendantale de la connaissance.
1108 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

sur les deux positions métaphysiques dites, l’une empiriste (1) et l’autre idéaliste.
Autant dire que pris dans cette antinomie radicale de la Raison, nous devons
avec Kant et comme ceux qui, après lui, ont cherché à fonder la connaissance
sur un socle fonctionnel commun au mouvement de réception qui nous vient
du monde et du mouvement de préhension par lequel nous le saisissons. La
phénoménologie husserlienne notamment peut être considérée, comme le sou­
ligne Merleau-Ponty (p. xn de son Avant-Propos de la Phénoménologie de
la perception), comme une recherche de ce fondement qui apparaît dans la
liaison que l'intentionnalité opérante (fungierende Intentionalität) noue entre
la représentation et la perception pour fonder l’unité naturelle et antéprédica-
tive du monde. C ’est évidemment à ce mouvement de pensée (tel qu’on le
retrouve encore par exemple chez Hegel lorsqu’il définit la « compréhension
phénoménologique » comme saisie génétique d’une intentionnalité qui se
dépasse pour retomber dans la manière d’exister laquelle se manifeste par la
propriété des objets rangés, dans l’ordre d ’un monde tout à la fois réel et idéal),
c’est à ce mouvement que se rattache toute l’évolution des idées sur les prin­
cipes et la critique de la connaissance (gnoséologie) dans les philosophies et
les sciences modernes. Nous pouvons dire à cet égard que la position empiriste
adoptée par le sensationnisme de Locke ou de Condillac et plus généralement
encore la pensée positiviste du xrxe siècle (pour autant qu’elle entendait se
fonder uniquement sur l’expérience, c’est-à-dire sur la sensation, ses mesures
et les mesures de la réalité des choses qu’elle impliquait comme seul moyen
de connaissance valide) — que cette position empirico-sensationniste a été
largement battue en brèche par les philosophies et l’épistémologie des temps
modernes. Celles-ci ont tout naturellement réintroduit les structures mathé­
matiques et logiques dans la connaissance et non pas seulement dans la connais­
sance mathématique soumise aux lois de la logique pure et de la formalisation
(Bourbaki, Cantor, Whitehead, Russell, Camap, Godel, etc.). — La notion
de « Gestalt » a assumé d ’ailleurs la même fonction pour autant qu’elle implique
en effet (2) l’entrelacement fondamental du Sujet à l’objet dans la structure
noético-noématique du réel telle qu’elle apparaît dans les « Ideen » ou les
« Logische Untersuchungen » de Husserl.
On peut même dire avec Piaget (cf. Les Mécanismes perceptifs, 1961,
chap. VII et VIII) que toute réflexion épistémologique approfondie récuse
tout dualisme radical entre l’expérience et la déduction pour ne considérer
que le caractère opérationnel de la connaissance (qui exige une orchestration

(1) On appelle parfois « réalisme » le contraire de cet empirisme, tout en l’oppo­


sant encore à l ’Idéalisme de Platon et ceux « réalistes » du temps de la querelle des
Universaux, tant il est vrai qu’en matière de Vérité la Raison est prisonnière de ses
antinomies. Il suffit de se rapporter aux chapitres Réalisme et Idéalisme du Diction­
naire Lalande pour s’en convaincre.
(2) cf. A. G urw itsch , Théorie du champ de la conscience, Paris, éd. Desclée de
Brouwer, 1957.
I. ARCHITECTONIE — CONNAISSANCE SENSIBLE 1109

des activités instrumentales). Après avoir très soigneusement analysé les


démarches et les schémas constructeurs qui règlent les rapports de la
perception et l’intelligence et après avoir retracé la genèse de la connais­
sance perceptive caractérisée par son aspect essentiellement figuratif, Piaget
reprend la fameuse phrase de Leibniz « Nihil est in intellectu quod non prius
fuerit in sensu nisi intellectus ipse », en précisant que l’apport empirique des
connaissances fait partie de l’action intellectuelle elle-même, et il préfère
— comme nous — la solution kantienne du problème des relations de
l’intelligence et la perception. C ’est-à-dire l’introduction de l’activité du
Sujet au centre de toute expérience, et toute sensation, car selon le mot de
W. Stern « Es gibt keine Gestalt ohne Gestalter » (Il n ’y a pas de forme sans
quelqu’un qui la forme). Et c’est effectivement autour de la notion de « Gestalt »
et de « Gestaltung » que le débat s’est poursuivi et en partie résolu; car si
depuis 1922 les Gestaltistes ne cessent de se disputer sur la genèse de la forme,
soit que pour les uns elle n ’en comporte pas, disent-ils un peu cavalièrement,
— soit que pour d’autres elle soit originairement physico-mathématique, —
soit que pour d ’autres encore elle soit le produit de l’action réciproque du
Sujet à son Monde ; — c’est bien cette dernière thèse qui doit paraître le plus
valable si l’on veut bien considérer qu’en tant qu’objet de perception, de
connaissance perceptive, la forme ne peut se réduire, ni à ses éléments phy­
siques, ni à l’intentionnalité du Sujet. Il faut bien pour qu’il y ait connaissance
perceptive notamment que, comme le suggère Piaget, on puisse paraphraser
le mot de Leibniz en disant « Nihil est in perceptione quod non fuerit in sensu
nisi ipseperceptio »...
Ces réflexions n ’ont pas d ’autre but que de nous rappeler que dans la
constitution et la hiérarchie des modalités de la connaissance, la connaissance
sensible (sensation ou perception) n ’occupe plus le rang primordial que lui
attribuaient la Psychologie et la Psychiatrie classique du xixe siècle...
Mais si la « connaissance sensible » (en tant que « pathos » c’est-à-dire
expérience subie ou « affection ») ne constitue pas le point de départ de toute
connaissance comme l’avait imaginé Condillac en éveillant la conscience
de sa statue par l’odeur d ’une rose, il est bien difficile de ne pas la prendre
pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une dimension fondamentale de toute notre
vie psychique et en quelque sorte son infrastructure nécessaire. Qu’elle ne soit
pas réductible aux « données sensibles ou sensorielles élémentaires » (Sensation,
Empfindung) qui sont vécues par le Sujet comme une modification de lui-même,
ne peut nous empêcher de nous demander avec Merleau-Ponty et avec
Erwin Straus quelle est la fonction du « Sentir » dans l’ontologie et l’épisté­
mologie de l’être psychique ?
Le sentir, en tant qu’expérience fondamentale et fondement de l ’expérience
comprend, bien sûr, la sensation, toutes les sensations qui sont là comme le
surgissement actuel, dans mon corps, de mon monde. Chacune de mes sensations
est à cet égard « abstraction » ou « artifice » faute de pouvoir se détacher de
cette toile de fond, de cette donnée globale de sens qui vient de mes sens à chaque
instant de mon existence, et qui lui imprime le sceau d’un « universal » vécu.
1110 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

« Entre ma sensation et moi il y a toujours, dit Merleau-Ponty (p. 250), l’épais­


seur d’un acquis originaire... J ’éprouve la sensation comme modalité d’une exis­
tence générale déjà vouée à un monde physique et qui fuse à travers moi sans
que j ’en sois l’auteur ». Car le sentir n ’est pas seulement une affection du Sujet
mais l’impact, le contact, la rencontre du Moi et du Monde dans le corps
Objet-Sujet. C ’est dans cette couche du sentir que les sens communiquent,
loin de constituer des appareils isolés correspondant chacun à leur énergie
spécifique, c’est-à-dire à leurs propriétés proprement sensorielles (lesquelles
n ’apparaissent que lorsque le langage de la perception, c’est-à-dire son contexte
se tait). Et cette communication, nous dit encore Merleau-Ponty, est réglée
et assurée par le lien organique qui unit le regard, le mouvement, les odeurs,
les sons, etc., non pas comme une simple somme, une « colligation » scientifique
rassemblant des objets, mais plutôt comme la vision binoculaire saisit un seul
objet.
Cette notion d ’une unité essentielle du sens des sens, nous la trouvons
exprimée également chez V. von Weizsâcker qui parle à ce sujet d ’une sorte
de « monogamie » entre le Sujet et l’objet, monogamie qui reproduit au travers
des propriétés sensorielles et grâce à l’automouvement qui les règle, l’unité
du vécu pour autant qu’il est perçu. C ’est seulement dans les accidents (les
variations pathologiques de la perception) qu’apparaît, sous forme de fragments
ou d ’incongruités, ce que le « Gestaltkreis » a pour fonction d ’unir. On trouvera
dans les travaux de Stein, de Buytendijk, de von Auersperg ou de Katz, des
points de vue à peu près identiques.
Pour Er. Straus (cf. spécialement p. 195-238 et p. 329-430), la sphère du
sentir (Empfinden) est une expérience « sympathétique », en ce sens qu’elle
constitue la communication la plus profonde entre le Sujet et son monde.
En ce sens, il y a une unité fondamentale de la catégorie de l’Empfindung
(nous pouvons dire « expérience sensible » en tant que celle-ci naît des sen­
sations éprouvées), ce qui n’exclut pas certaines différences structurales
(et non pas seulement de réceptions de Stimuli physiques) entre les sens qui
forment entre eux un « spectre » dans lequel se réfracte la perception du monde
et des choses dans les perspectives temporo-spatiales de leur apparition comme
chose sentie. Le livre de Er. Straus, comme tous les ouvrages que nous venons
de citer, contient d ’abondants développements psychologiques, physiolo­
giques et expérimentales des phénomènes de synesthésie, de suppléance et
d ’unité qui en deçà et au-delà des propriétés spécifiques constituent un « champ
perceptif », le champ « phénoménal » par excellence. Dans ce champ perceptif,
les sensations (Das Empfinden ist kein Erkennen : La sensation n ’est pas
une connaissance, dit Er. Straus) sont à la fois tout et rien. Tout, si l’on entend
dans le sens plus haut souligné avec Merleau-Ponty que l’expérience sensible
est une dimension constante de la vie psychique. Rien, si l’on entend établir
sur les phénomènes sensoriels, c’est-à-dire sur les propriétés spécifiques des
organes des sens, toute expérience et toute connaissance.
Cela revient à dire que le « sentir », la sphère de l ’Empfindung est immergée
dans les structures mêmes du champ de la conscience. Et c’est bien ainsi
I. ARCHITECTONIE — CONNAISSANCE SENSIBLE 1111

que nous avons en effet conduit nos analyses de l’actualité du vécu pour montrer
que l’expérience se constitue non pas sur la base de phénomènes sensoriels
élémentaires ou d ’information fournis par les organes des sens, mais plutôt
sur ce « sensorium commune » où le sentir spécifique de chacun d’eux se fond
et s’articule avec les structures noématiques de l’expérience globale pour
constituer la réalité vécue. A cet égard, « percevoir » ou « avoir-conscience-
de-quelque-chose » sont équivalents. Car la connaissance sensible, sensorielle
ou perceptive est placée pour ainsi dire entre les parenthèses d ’une connaissance
et d ’une signification qui les dépasse, même si elle les implique.

Mais il serait absurde de supprimer de l’organisation du corps psychique


les organes des sens qui sont comme les ventouses par lesquelles il est fixé
à la réalité de tout ce qui, en dehors du Sujet ou dans son enveloppe corporelle,
suscite ses projets, sollicite ses réactions, éveille son intérêt ou répond dans la
mesure du possible à ses désirs. Et c ’est effectivement par des systèmes spéci­
fiques de sélection des messages qu’il reçoit du monde des objets et de sa
propre corporéité, que le corps psychique vit et règle son système de relations
actuelles. A cet égard il ne fait pas de doute que malgré la critique du sensation­
nisme, il faut bien revenir à la réalité représentée dans la vie de relation par
la réalité même du vécu pour autant qu’il est incorporé à cette partie privilégiée
du corps (celle des sens) qui, pour reprendre encore une expression de Merleau-
Ponty, « habite l’espace », mais est dotée d ’une ubiquité qui la fait tout à la fois
être dans le monde et dans le Sujet. Certes, les sens sont transparents dans et
par leur fonction intégrée dans les structures de la conscience, dans la mesure
même où, comme pour le sens du lointain et du médiat (ouïe et vue), ils se
contentent de nous faire percevoir des objets au travers de leur dispositif ou
comme pour les sens dont les « données » ne sont perçues que par l’affection
du corps (la langue, le nez ou la peau) ils disparaissent eux-mêmes au travers
des informations qu’ils véhiculent. Mais il ne s’agit que d’une transparence
relative dont l’opacité ou les résidus spécifiques assurent par leur congruence,
la consistance qualitative de tout ce qui est réellement, c’est-à-dire actuel­
lement perçu. Personne ne peut pousser l’idéalisme et le solipsisme jusqu’à la
folie de la négation des sens.
Tout le problème est de leur assigner dans l’organisation, c’est-à-dire
dans le système de la réalité, leur véritable « place » ontologique et épis­
témologique.
Lorsque les sens « fonctionnent » comme organes de liaison avec le milieu
en alimentant l’expérience du Sujet au gré de ses besoins et notamment du
plus primitif celui d ’une rencontre assurée lorsqu’il est éveillé (les yeux ouverts)
avec le monde de l’autre (le monde naturel et celui d ’autrui), pour si silen­
cieuses et transparentes que soient leurs fonctions, elles sont si indispensables
qu’il suffit de supprimer une de ses sources d’information devenues en tant que
parties d ’un tout inconsciente, pour que leur manque entre dans la conscience du
Sujet comme un manque qui leur fait défaut dans la solution de ses problèmes
relationnels actuels. Mais, répétons-le, dans cette synergie ou cette synesthésie
1112 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

des sens qui concourent à l’apparition globale et à l’interprétation suffisante


du milieu, il est impossible — et même absurde — de déterminer avec précision
ce que fait l’œil seul ou l’oreille seule dans ce concert perceptif. Par contre,
la psychologie et la psychophysiologie expérimentale en privilégiant pour en
faire l’objet de leurs expériences l’isolement des Stimuli et des réponses, poussent
à doter l’appareil sensoriel d ’une sorte d ’activité spécifique de haute précision
que lui refuse précisément l’usage normal et quotidien de nos sens. On trouvera
dans une grande quantité de travaux contemporains sur la perception que
nous avons déjà cités ou auxquels nous nous référerons plus loin (cf. spécia­
lement les travaux de Gibson, de Grégory, de V. von Weizsäcker, de E. Straus)
de très vives critiques sur le caractère artificiel de cette psychophysiologie des
sens (y compris la loi de l’énergie spécifique, tout au moins sous son aspect
absolu).
La « spécificité » des organes des sens apparaît par contre plus naturellement
dans ce que l’on pourrait appeler les exercices de différenciation perceptive
qui portent alors à leur plus extrême degré d ’attention (ou parfois de per­
fection instrumentale par le recours à un instrument de mesure toujours plus
précis) le travail d ’exploration spécifiquement sensorielle. C’est bien le cas
de répéter avec Husserl « Die Perception ist eine Ausnahme » (la perception
est une exception). Et c’est alors qu’éclate dans cet exercice d ’activité sélec­
tive et hautement différenciée, la fonction d'instrumentalité des organes des
sens. Ceux-ci ne fonctionnent pas pour fournir par leurs canaux une infor­
mation qu’ils se contenteraient eux-mêmes de transmettre, remettant aux
« bureaux du chiffre » centraux le soin de les décoder. Ils fonctionnent pour
prendre autant que pour recevoir l’information, pour la capter autant que
pour l’accueillir, pour la former autant que pour en être impressionnés.
Les organes des sens sont bien évidemment composés de récepteur d ’un
appareil neuronal apte à recevoir les messages selon leur qualité physique
et les quantités d’excitation qu’ils produisent sur la surface réceptrice senso­
rielle. Cela est vrai, et malgré la critique à laquelle depuis Bergson ou Er. Straus
nous sommes rompus, il y a une physique de la perception qui revient à fixer
les lois de la stimulation qualitative et quantitative des appareils récepteurs
et leur transmission au Iravers les divers milieux d ’organes, de voies, de relais et
de centres de chaque système sensoriel. Mais si ces conditions physiques sont évi­
demment nécessaires pour le fonctionnement de l’organe des sens, elles ne sont
jamais suffisantes, pour la bonne raison que l’organe des sens n ’est justement
pas seulement un organe de réception de transmission, une mécanique, un
appareil optique ou acoustique, ni une bande magnétique, ni un radar. L ’organe
des sens a un arrière-fond qui est celui de sa finalité, de son auto-mouvement
(V. von Weizsâcker), de sa régulation et de ses variations adaptatives ou
compensatrices, elles-mêmes liées aux mouvements affectifs... Et il a aussi
un prolongement « logique » qui soumet son activité aux lois de la connais­
sance propre au sens de ce sens en prescrivant que soient éliminées de la per­
ception qu’il construit les virtualités fantasmatiques qui se pressent dans le
champ proprement spécifique (cf. à ce sujet ce que nous avons déjà dit à pro-
ARCHITECTONIE — LE CORPS PSYCHIQUE 1113

pos des perceptions en général, puis à propos de la mescaline, des conceptions


de Palagyi, de Klages, de Stein, et ce que nous dirons plus loin sur la fonction
et le sens des organes des sens (p. 1159). Autrement dit, l ’organe des sens est
un appareil sélectif qui choisit parmi l'infinité des Stimuli extérieurs et l'infinité
des phantasmes intérieurs. C’est en quoi il ne se réduit jamais à l’organe péri­
phérique (rétine, organe de Corti, corpuscules tactiles, etc.) car il est étroi­
tement lié et intégré dans un système de feed-back (périphérie-centre-périphérie)
qui doit bien être considéré, ainsi qu’on l’appelle, comme un analyseur per­
ceptif dont l’analyse constitue un instrument de la connaissance et non son
origine.
Cette réflexion sur l’organisation de la réalité et de sa connaissance dans
et par l ’organisme psychique, nous conduit donc à considérer que la connais­
sance sensible (ou si l’on veut l’activité des organes des sens) est intégrée à une
forme de connaissance, à une modalité de relation du Moi avec son monde
qui est plus globale et plus ouverte et constitue la forme que prend la vie psy­
chique pour devenir celle de Y être conscient, c’est-à-dire la logique du corps
psychique. De telle sorte que nous allons tout naturellement envisager d’abord
les fonctions formatrices du système de réalité (ou système anti-hallucinatoire)
qui impliquent l’organisation dynamique et hiérarchisée de l’être conscient —
puis les fonctions propres ou spécifiques des organes des sens.

C. — LES STRUCTURES D E L ’Ê T R E CONSCIENT


COMME M ODALITÉS O N TO LO G IQ U ES
D U SYSTÈM E AN TI-H A LLU CIN A TO IRE D E LA R ÉA LITÉ

La simple énumération des conceptions si diverses et souvent partielles


qui recourent à la notion même d ’une organisation stratifiée de la vie
psychique, montre qu’elles sont assez généralement incapables de trouver
l’ordre même qui est la loi de cette organisation. Or, cet ordre introuvable, il
faut aller le chercher là où il est. C ’est l’ordre même que fait régner l’être
conscient sur la multiplicité stratifiée des couches biophysiques qu’il contrôle
sans d’ailleurs jamais cesser d’en dépendre tout à fait. Cette idée jackso-
nienne ou sherringtonienne, ou encore « hartmanienne » mais aussi et, somme
toute, freudienne, conduit nécessairement à assimiler (1) le fameux « highest
level » du Système nerveux central et plus généralement encore les formes
d ’intégration (du comportement des instincts, des automatismes, des instances
inférieures, etc.) à ce que tout le monde, et là encore nécessairement et évi­
demment appelle l’activité de la conscience.
Nous ne pouvons pas songer à réécrire ici tout ce que nous avons si lon-

(1) Je dois, bien sûr, m e référer à J ackson et à S herrington en étant pourtant


conscient et désireux d’être, comme je l’ai plus haut souligné, en désaccord avec leur
dualisme paralléliste.
1114 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

guement développé ailleurs (1), mais nous devons rappeler que pour nous « la
conscience » n ’est ni une fonction simple, ni quoi que ce soit (deus ex machina
ou instance pontificale) qui pourrait être pris pour « quelque chose » ou
quelqu’un (comme le démon de Maxwell) simplement placé au sommet
de l’espace qu’occupe le système nerveux central. Pour nous, l’être conscient
est un organisme constitué lui-même par une stratification fonctionnelle
ou opérationnelle dont chaque niveau supérieur dépend du niveau inférieur
qui en est la condition nécessaire mais non suffisante. De telle sorte que
cette série de « formes » superposées mais aussi impliquées constituent des
couches fonctionnelles liées par la totalité de l’intégration. Seule leur désinté­
gration pathologique laisse apparaître ce que leur intégration fait disparaître.
C’est effectivement de l’ordre introduit par l ’observation dans le désordre
de la psychopathologie que, ayant pu tirer un modèle architectonique de
l’être conscient, nous pouvons maintenant nous y référer valablement. Nous
sommes en mesure, en effet, d ’utiliser l’essentiel de cette « découverte » des
structures de l’être conscient qui, après tout, n ’était peut-être pas plus faciles
à mettre à jour que celle de l’Inconscient puisque, au fond, c’est le propre de
la Conscience non seulement d ’avoir toujours affaire à l ’Inconscient, mais
encore d’être elle-même inconsciente de ses propres opérations. Autrement dit,
si les contenus de conscience paraissent seuls la constituer, leurs structures
et invariants formels qui en règlent le mouvement ne peuvent apparaître
qu'après une « réduction » phénoménologique. Une fois celle-ci opérée,
nous pouvons discerner ce qui s’ajoute à l’activité des organes des sens pour
constituer l ’expérience actuellement perçue dans le champ de la conscience,
expérience où se réfléchit le système du Moi dans sa relation constante avec
la réalité de son monde.
Dans notre ouvrage sur « la conscience » nous avons longuement exposé :
1° que la disposition facultative d ’un modèle personnel de son propre monde
caractérise l’être conscient — 2° que celui-ci en tant qu’être conscient de
quelque chose (champ de la conscience ou organisation de l'actuellement
vécu) ou en tant que conscience d ’être quelqu’un (système du développement
historique et axiologique de l’Ego) doit faire l’objet de deux descriptions
phénoménologiques : l’une synchronique et l’autre diachronique.
Notre description phénoménologique des structures de l’être conscient (2)
nous a conduit, en effet, à exposer la temporalité qui en constitue
l’essence dans le double mouvement synchronique et diachronique de sa
direction.

(1) Cf. « La Conscience » (2e éd., 1968).


(2) Je m ’excuse auprès du lecteur de répéter ici, en partie du moins, ce que
j ’ai déjà exposé à propos des Hallucinations délirantes(p. 382), à propos des Psychoses
aiguës (p. 715) et des Délires hallucinatoires chroniques (p. 740). Mais cela lui paraî­
tra comme à moi, indispensable dans la récapitulation terminale de cette thèse essen­
tielle.
I. ARCHITECTONIE — LE CORPS PSYCHIQUE 1115

L 'O R G A N IS A TIO N A N T I-H A L L U C IN A T O IR E D U CH A M P DE LA C O N SC IEN CE

Aux s t r u c t u r e s sy n ch ro n iq u e s de l’être conscient appartiennent les ins­


tances constitutives et régulatrices de l’expérience actuellement vécue, c’est-
à-dire le « champ de la conscience ». Elles se dévoilent à l’analyse des moda­
lités psychopathologiques (notamment des psychoses ou « états » aigus qui sont
constamment considérés comme des troubles de la conscience du point de vue
formel et comme des vécus du point de vue de la signification qui entre et
oriente l’expérience). C’est l’expérience confuso-onirique (analogue, sinon
identique à celle du rêve que vit le dormeur pendant les phases paradoxales
de son sommeil) qui « réalise » la chute la plus profonde dans l’imaginaire.
Tout a été dit et redit depuis la fameuse « Traumdeutung » sur cette régression
à la phase hallucinatoire du désir caractérisée par l’actualisation d’images
qui valent aux yeux du rêveur pour la réalité. Telle est la révolution halluci­
natoire la plus complète qui fait chavirer le système de la réalité jusqu’à méta­
morphoser l’irréalité en réalité en faisant retourner le Sujet à son Désir aux
images qui sont les seuls objets du monde symbolique.
— La phénoménologie des « expériences hallucinatoires oniriques » nous
dévoile le dispositif structural qui fait défaut pour qu’apparaisse cette réalité
irréelle et proprement hallucinatoire. Ce dispositif structural, c’est l’archi­
tectonie même de l’être conscient organisé en champ d’actualité et dont dispose
le Sujet pour accomplir les actes et les projets de son existence. Car, en effet,
pour que l’expérience onirico-hallucinatoire surgisse, il faut que soient abo­
lies toutes les superstructures qui engagent l’expérience dans l ’ordre et la
légalité du réel, que s’évanouisse la conscience jusqu’à être seulement comme
— ou à peu près comme — dans le sommeil capable de se présenter des images
hors du contexte de la réalité. Cela revient à dire que nous découvrons à ce
niveau dernier de la déstructuration du champ de la conscience le niveau
premier de sa structuration, c’est-à-dire la séparation du Moi et de l ’Autre,
du Désir et de l’objet qui lui échappe ou peut lui échapper pour faire partie du
monde des objets qui sont précisément autres que lui-même. Et c’est ce niveau
de constitution originaire de la réalité qui redevient précaire, sinon impossible
quand rien du système de la réalité ne s’oppose plus au désir. Mais ce rien
n ’est jamais un rien absolu, car pour que quelque chose apparaisse encore
à la conscience à ce niveau sous la forme hallucinatoire du désir, c’est encore
et toujours au travers d ’un symbole qui est encore là comme pour soumettre
à une sorte de principe imaginaire de la réalité la satisfaction du désir. Nous
pouvons en tout cas percevoir dans cette éclosion hallucinatoire du rêve ou
du délire onirique la fonction même des structures de l ’organisation du champ
de la conscience qui constituent précisément le rempart — ici et maintenant
démantelé — contre l’Hallucination, contre la satisfaction hallucinatoire
du désir.
— A un palier supérieur de la déstructuration du champ de la conscience,
nous rencontrons les « expériences oniroïdes » (bien plus fréquentes en cli­
1J 16 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

nique que les précédentes), c’est-à-dire ces expériences délirantes et hallu­


cinatoires qui correspondent à un « état crépusculaire » du champ de la
conscience ainsi appelé parce que se confondant alors comme dans une
pénombre les contours des objets et ceux du Sujet. C ’est précisément dans
le clair-obscur d ’un espace indifférencié dans ses catégories essentielles
(l’espace objectif et l’espace subjectif) que s’élève dans l’état crépusculaire
de la conscience la vapeur d ’imaginaire qui prend la place de la réalité, ou
seulement parfois se juxtapose à elle en la doublant d ’une fantasmagorie
aussi, sinon plus, fascinante que le spectacle du monde réel. Au degré moins
profond de déstructuration de la structure de l’espace vécu de la repré­
sentation, l’expérience hallucinatoire apparaît encore plus nettement sous
forme de dédoublement du Moi et de l’activité psychique qui est norma­
lement sa propriété. Non point précisément que le Sujet se sente ou s’éprouve
lui-même double, mais plutôt qu’il vive en lui (dans sa pensée, dans son corps,
ou dans l’espace, qu’il perçoit) une partie de lui-même comme n ’étant pas lui.
C ’est là, nous l ’avons vu, la définition même du phénomène hallucinatoire
qui objective en tout ou partie ce qui appartient au Sujet, qui aliène sa pro­
priété. Ses pensées sont entendues comme des voix d ’autres personnes ou
ressenties comme des pensées qui ne viennent pas de lui; son corps ne lui
appartient plus et devient comme un objet soumis aux lois du monde phy­
sique ou aux désirs des autres; son imagination, ses intentions, tous les phé­
nomènes de sa vie psychique cessent d ’être secrets, privés et à son exclusive
disposition pour s’évaporer et tomber dans l’espace géographique ou dans
l’espace affectivo-culturel des relations avec autrui en abandonnant sa propre
subjectivité.
Naturellement, le langage par son ambiguïté même et le système rela­
tionnel intersubjectif qu’il implique est comme le lieu privilégié de cette
expérience hallucinatoire qui solidifie dans la mécanique des enregistre­
ments ou des émissions le potentiel discursif de la pensée. La phéno­
ménologie de ces expériences oniroïdes ou de dédoublement hallucinatoire
nous révèle ce que le corps psychique a dû perdre pour tomber dans
l’illusion dont il avait à défendre le Sujet. La structuration du champ de
la conscience, en effet, non seulement suppose comme nous venons de
le souligner plus haut la constitution d ’un monde des objets (constitution
qui exige l ’ordre même d ’une réalité extérieure au Sujet), mais elle implique
aussi que l’expérience se déroule dans la totalité du champ phénoménal où
elle est vécue, selon un ordre aussi rigoureux mais plus difficile et plus vul­
nérable par conséquent. La totalité du vécu est hétérogène et comporte une
distribution catégorielle de tous les phénomènes qui apparaissent dans le
champ de l’expérience (idées, images, souvenirs, paroles, actes automatiques,
réflexions, actes perceptifs différenciés, émotions, etc., etc.) avec leur indice
de subjectivité et d’objectivité. Cet ordre de l’espace vécu qui n ’est ni mathé­
matique, ni logique, ni géographique, est un ordre existentiel qui attribue
à chaque phénomène apparaissant dans le champ de la conscience son coeffi­
cient de relative objectivité. Car bien entendu — et nous nous sommes expliqué
I. ARCHITECTONIE — LE CORPS PSYCHIQUE 1117

sur ce point dans notre ouvrage sur la Conscience — l ’être conscient ne peut
pas être considéré comme purement subjectif pour être précisément l’être de la
problématique de la réalité, c’est-à-dire l ’être pour qui il est question de son
être... Ou cela ne veut rien dire, ou cela veut dire que l’être conscient en tant
que Sujet appartient aussi et nécessairement au monde des objets (et cela
vaut évidemment pour son corps qui est aussi un corps physique). C’est le
déplacement de la ligne de démarcation qui sépare ce qui dans et par son orga­
nisation est objectif et subjectif qui correspond à ce niveau de déstructuration
essentiellement hallucinatoire de l’expérience délirante, de dédoublement,
de dépersonnalisation ou d’influence. Car, bien entendu, entendre des voix,
se sentir possédé, violé, exposé à être vu par quelqu’un, etc., c’est bien tou­
jours avoir l’expérience hallucinatoire d ’une objectivation (d’une projection)
de sa propre intentionnalité. C’est rejeter dans la perception de l’autre, dans
le monde des autres hommes ou des choses, l’objet de ma dénégation (ce
que je ne suis, ni ne pense, ni ne veux).
C ’est cette déstructuration de l ’espace vécu que visait Merleau-Ponty
quand il a écrit : « Ce qui garantit l’homme sain contre le délire ou
l ’Hallucination, ce n ’est pas sa critique, c’est la structure de son espace ».
— Enfin, à un niveau plus élevé de déstructuration laissant par consé­
quent intactes (la « partie subsistante » disait H. Jackson ; autrement
dit, ce qui encore subsiste de possibilité d’exclure l’irréalité de la réalité)
les infrastructures des niveaux inférieurs que nous venons de rappeler,
« se situent » les expériences délirantes et hallucinatoires de type clinique
maniaco-dépressif qui correspondent à un déséquilibre (souvent appelé
« thymique ») des forces qui composent le champ du présent : celui d ’une
structure essentiellement temporelle, ou plus exactement, « temporelle éthique »
en ce sens que les forces qui entrent en conflit pour tirer l ’actualité du vécu
sont une régression dans le passé, soit vers une progression dans l’avenir,
sont les mouvements mêmes du désir, désir de destruction ou désir de toute-
puissance. De telle sorte que c’est bien à l’expérience mélancolique ou maniaque
que correspondent les modalités cliniques de ce niveau de déstructuration
du champ de la conscience. Et — contrairement à ce que la Psychiatrie clas­
sique nous a enseigné en oubliant ce qu’elle avait d’abord elle-même établi —
les crises ou états de manie et de mélancolie comportent, bien sûr, des expé­
riences hallucinatoires : celles de l’anéantissement, de la fatalité, de la faute
avec leurs voix accusatrices et leurs diaboliques menaces de damnation, comme
aussi celles de l’expansivité, de l’élation, de l’inspiration et de la possession
dionysiaque ou divine. En apparaissant dans les tableaux cliniques que nous
avons en vue ici, cette activité hallucinatoire est prise dans la masse rétractée
d’une rétrogression vers un passé jamais révolu ou dans le mouvement
progredient d ’un espace ou d’une anticipation qui se précipite hors du
temps dans l’infinité des possibles. Par là se dévoile cette structure, ou si l’on
veut, cette infrastructure du champ de la conscience qui règle les mouvements
de sa temporalité en accordant les pulsions libidinales uniquement soumises
au principe de plaisir aux exigences du principe de la réalité et de cette forme
1118 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

idéale de la réalité qu’est l’ordre des devoirs, des impératifs catégoriques.


Car tel est le bouleversement du champ de l’expérience à ce niveau que celui-ci
échappe à la forme exacte et pondérée d ’un présent qui n ’est rien d ’autre
que la circonscription qu’impose à l’activité du Sujet la loi même de son
efficacité. Et c’est bien à ce niveau supérieur que l’organisation du champ
de la conscience est le plus vulnérable; de telle sorte que c’est ce trouble qui
dans l’angoisse ou l’euphorie (c’est-à-dire dans un décalage ou un déréglage
de l’humeur) constitue le trait de la conscience qui apparaît hallucinatoire
déjà aux degrés les moins profonds de sa déstructuration.
— Nous pouvons enfin indiquer une autre modalité de trouble de la
conscience (ce que l’école allemande avec Jaspers ou Mayer-Gross a appelé
le « veränderte » ou la « eingeengte Bewusstsein »), c’est-à-dire la conscience
modifiée ou rétrécie, par opposition à la « zerfallende » ou à la « trübende
Bewusstsein » qui constituent les niveaux de déstructuration de la conscience
(dissociée ou troublée) que nous avons décrits jusqu’ici. Cette « polarisation »,
cette concentration anormale du champ de la conscience qui perd la liberté de
ses mouvements pour s’hypnotiser sur un contenu en le focalisant, absorbe
toutes les capacités dont dispose le champ de la conscience pour se déployer
à son gré dans toutes ses dimensions; c’est cette diaphragmatisation du champ
de la conscience qui est caractéristique de ce que P. Janet appelait le rétrécis­
sement névrotique de la conscience. Nous avons déjà vu que c’est précisément
cette fixité du champ du vécu qui caractérise l’expérience hallucinatoire névro­
tique (1).
Ainsi pouvons-nous voir clairement apparaître l’ordre même, ou si l’on
veut, la structure (en ce que cet ordre a de plus « structural » et en quelque sorte
de plus a spécifique » de l’organisation de l’organisme psychique qui règle
les rapports de son être conscient à son Inconscient). Car il est bien évident
que c’est sur ce socle fonctionnel solide, sur cet « invariant formel » ferme que
peuvent seulement se constituer et se développer les mouvements facultatifs
de l’être conscient par lesquels il décrit les propres figures de son existence,
c’est-à-dire en fin de compte échapper au délire et à l’Hallucination, en sépa­
rant son existence de ses rêves dans le mouvement même qui porte son être
conscient à s’affranchir — sans jamais d ’ailleurs pouvoir complètement y réus­
sir — de son Inconscient.

(1) Si dans nos précédentes « Études » sur la conscience et ses troubles nous avons
négligé cet état névrotique crépusculaire du champ de la conscience (que l’on trouve
notamment dans les grandes sidérations, les réactions émotionnelles, dans ce que l’on
appelle souvent les « états crépusculaires psychogènes »), nous y avons au contraire
insisté dans notre article du Handbook of Neurology (tome n i, paru en 1969).
I. ARCHITECTONIE — LE CORPS PSYCHIQUE 1119

L’O R G A N IS A TIO N A N T I-H A L L U C IN A T O IR E DE L’ÊTRE C O N S C IE N T DE SOI


(O U SYSTÈME D U M O I, DE SA RÉALITÉ E T DE SES VALEURS)

— Mais nous devons maintenant nous placer dans la perspective d ia ­


ch ro n iq u e de l’organisation de l’être conscient. Nous avons bien vu, en effet,
que l’organisation de l’être conscient ne peut pas se réduire à l’organisa­
tion de son expérience actuelle, c’est-à-dire aux modalités structurales de
son champ de conscience et aux possibilités que celles-ci lui permettent
d ’exercer son pouvoir de réflexion et de création. Mais, bien entendu, ce
pouvoir de création dépend non seulement des conditions « synchroniques »
des structures de l’être conscient qui lui permettent de disposer d ’une activité
opérationnelle efficace pour lutter contre les « processus primaires » de la
sphère du désir, mais exige encore que le Sujet, auteur de sa propre existence,
dispose d’un modèle de valeurs, d ’un système axiologique (diachronique
ou transactuel) qui intègre dans le mouvement de sublimation de l’idéal
du Moi et du système de la réalité l’organisation même de la personne, du Moi
(du « S elf » comme disent les Anglo-Américains, du « Selbst » comme disent
les Allemands). Or, cette édification, cette genèse de la personne se faisant
(cf. notre ouvrage « La Conscience », 2e édition, p. 287-366), cette autoconstruc­
tion du Moi ne se développe que par le refoulement et la sublimation des
instances inconscientes qui, dans le Moi, constituent un alter ego, cet « autre »
que le Moi ne doit pas être pour devenir le Moi qui a à être... De telle sorte
que la dialectique de la constitution du système de la personne qui successi­
vement devient le Sujet de sa connaissance — le créateur de son monde —
l’auteur de son personnage — puis formateur de son caractère est consti­
tuante d’un Moi qui n ’est pas l’autre, d’un Moi qui, se faisant, s’arrache à
l’aliénation de son Inconscient.
C’est plus spécialement la constitution du Sujet de sa connaissance qui
doit ici retenir spécialement notre attention, comme la première ébauche en
quelque sorte embryologique du développement du Moi. Pour cela, nous devons
revenir à ce que nous avons exposé dès l’Avant-Propos de cet ouvrage (et repris
ensuite à propos notamment des expériences psychédéliques et tout au début
de ce chapitre) sur la valeur des connaissances subjectives. Car, bien sûr, tant
que le Sujet est pour ainsi dire immergé dans l’océan nirvanique ou narcissique,
il n ’est pas encore né pour être encore indifférencié, ou plus exactement, rivé
aux mouvements du besoin ou des réflexes d ’un être larvaire. De telle sorte
que l’apparition du Sujet, loin de consacrer sa subjectivité radicale ou son
immanence originaire, manifeste sa constitution objective lorsque, cessant
d ’être seulement un être de désir, il devient lui-même ce quelqu’un qui,
opposé aux choses et aux autres, ne se constitue en être autonome qu’en se
structurant selon le modèle logique de toute connaissance (1).

(1) C’est en quoi la thèse que « le Moi c’est l ’Autre » est vraie, mais seulement
en partie, car elle ne correspond qu’à une demi-totalité du Moi qui ne se constitue
1120 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

L’embryogenèse du Moi se développe à partir d ’un embryon logique qui


ne cessera jamais, même dans la plénitude de son être conscient, de coexister
avec l’embryon affectif enfermé dans son Inconscient. Mais ce mouvement
de transcendance de l’ego, ou si l’on veut, de sa rationalisation imprescrip­
tible (que Freud a appelé le Sur-Moi, croyant juxtaposer à l’instance Moi
une autre partie inconsciente de l’appareil psychique alors qu’il visait aussi
la forme précisément idéale ou axiologique du mouvement même de toute
individualisation personnelle), cette structuration du Sujet qui se détache de
sa propre subjectivité n ’est rien d’autre que le passage de l’Erlebnis du pur vécu
aux formes de sa médiation symbolique et notamment verbale. Et c’est pré­
cisément à ce stade de la connaissance — telle que les études psychanalytiques
sur la relation d’objet et les études de psychologie génétique et d’épistémologie
de J. Piaget l’ont éclairée — d ’où émerge la première forme du Moi au milieu,
c’est-à-dire dans le milieu même de la germination des phantasmes qui consti­
tuent la réalité psychique de ce Moi, c’est dans cette constitution d ’objets
imaginaires internes issus des sources mêmes de la vie, dans cette première
phase — dite précisément celle de la réalisation hallucinatoire du désir — que
s’instaure cet espace intérieur qui sera pour le Sujet la « scène de sa conscience »
mais aussi la première conquête de l’objectivité de son monde. Car, bien sûr,
à ce niveau où naît la représentation et les possibilités des « expressions » qu’elle
implique, c’est déjà la marche de la Personne vers la conquête — la percep­
tion — de son propre Monde qui s’ébauche. Ceci est capital pour comprendre
comment la construction même du M oi l’éloigne dès son premier dévelop­
pement de la forme hallucinatoire de son désir, tout en laissant en lui comme
une potentialité toujours ouverte d’un renversement du sens (centrifuge)
des phantasmes vers un mouvement (centripète) hallucinatoire (1). Cela
revient tout simplement — mais en soulignant la force de cette thèse — à dire
que le Moi ne se constitue qu’en contenant ses affects. Dans la mesure où
il ne saurait jamais parvenir à s’en rendre totalement maître, il est toujours
prêt à succomber à la tentation hallucinatoire...
Aux degrés structuraux supérieurs de sa formation, le Moi en s’érigeant
comme créateur de son monde puis en auteur de son personnage, continue
son individualisation, c’est-à-dire son « objectivation » en devenant lui-même
autonome, c’est-à-dire en gagnant sa place dans son monde. De sorte que
sa manière-d’être-au-monde, son Dasein n ’est pas, ne peut être rien d’autre

qu’en devenant lui-même, c’est-à-dire en cessant d’être l’autre qu’il n ’a pas à être
seulement. Voilà pourquoi, exposant l’esthétique métaphysique et théâtrale de
Pirandello, j ’ai placé en sous-titre de ce texte paru récemment (Évolution Psychia­
trique, 1971, 429-444) la formule « Le Moi n ’est pas l’Autre » ; car il serait temps
d ’en finir avec cette mythologie et cette prestidigitation qui escamotent la réalité
du Moi en ne lui octroyant qu’un statut spéculaire de phantasme ou de fantôme...
(1) Cf. ce que nous avons déjà exposé des mouvements virtuels ou les phantasmes
directs ou indirects dans la perception dans la conception, de K lages et de Palagyi.
Nous y reviendrons encore plus loin (p. 1151-1155).
I. ARCHITECTONIE — LE CORPS PSYCHIQUE 1121

qu’un système relationnel de ses désirs et de ses propres connaissances


objectives : sa foi et sa science (fût-ce aux degrés les plus inférieurs de sa
culture). Mais à mesure que se développe le rapport du Moi avec son
Monde, le Moi devient partie de celui-ci de telle manière que, inversement,
le mouvement hallucinatoire de ses croyances, de sa conception du monde
et, pour tout dire, de l’aliénation proprement pathologique de son existence,
ne pourra pas être confondu avec sa manière d ’être à un monde commun
(d’institutions, de règles ou de représentations collectives, magiques, reli­
gieuses ou politiques). C’est qu’en effet, loin de se confondre avec l’objec­
tivation institutionnelle du Moi dans sa réalité, l ’objectivation hallucinatoire
du Sujet ne se dévoile, n’apparaît au clinicien que lorsque le Moi s’aliène en
retombant, en retournant au centre même de sa subjectivité. C ’est en ce sens
que l’aliénation d ’un homme que nous appelons en français un aliéné,
n ’est pas l’extranéation (Entfremdung) ou l’aliénation (Entausserung) par
laquelle passe la dialectique hégélienne de la conscience de soi (1). Celle-ci
implique, en effet, « des entrelacements d ’aspects multiples variés » et notam­
ment une confrontation et un dépassement de la conscience de l’autre, soit
dans la propre conscience de soi, soit dans la conscience de soi d’un autre (2).
De telle sorte que l’itinéraire progrédient de la conscience de soi passe néces­
sairement par la disparition de l ’autre dont l’apparition est ainsi nécessai­
rement requise pour que la conscience de soi devienne une reconnaissance
réciproque du Moi et de l’Autre qu’il n’est pas.
Aussi pouvons-nous être bien assuré que les opérations (terme qu’emploie
constamment Hegel) qui aboutissent à la liberté de l’être conscient de soi
constituent des démarches exactement contraires à celles de l’aliénation patho­
logique de l’homme qui tombe dans une altération radicale de sa conscience de Soi,
de son Moi. Nous sommes bien fondé à dire — comme la psychopathologie
des maladies mentales chroniques, qu’elles soient psychotiques ou névrotiques
nous le montre — que les modalités délirantes et hallucinatoires de l’existence
s’établissent à contre-courant de la trajectoire normative du développement
du Moi — et que, par conséquent, l’organisation (ontologie et ontogenèse)
de la Personne s’établit contre l’Hallucination et le Délire. C ’est que le Moi se
construit sur le modèle même de son système de la réalité en l’articulant avec

(1) Jean H yppolite dans sa traduction de la « Phénoménologie de l’Esprit »


propose ces équivalences de termes. P. R icœur dans Y a Encyclopœdia Universalisa
a écrit sur le concept d ’aliénation un article très approfondi dont il résulte clai­
rement que dans le système hégélien, l'Entausserung (que H yppolite traduit par
aliénation), avec sa négativité propre, est un instrument de rationalité. « C’est, ajoute
P. R icœ ur , le chemin obligé non seulement de la scission tragique mais de la média­
tion logique... ». Cette médiation porte sur la négation retenue et surmontée (Aufhe­
bung) et, en définitive, souligne encore P. R icœ u r , l ’aliénation peut non seulement
réunir le tragique et la logique mais plus profondément encore le rationnel et le réel.
(2) Cf. à ce sujet le tome II de la Phénoménologie de l’esprit, trad. H yppolite ,
tome I, p. 154-166.
1122 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

le système de valeurs idéales qui entrent dans sa propre réalité, dans la pro­
fondeur de sa conscience. Et c’est en ce sens que nous avons pu dire que non
seulement le Moi n ’est pas constitué par son énergie ou sa genèse incons­
ciente, mais que le Sur-Moi, tout au moins en tant qu’il est conscient en tant
qu’idéal du Moi, fait partie du Moi en lui assignant ses fins dernières.

— Ainsi avons-nous décrit le modèle architectonique du corps psychique


en recherchant dans Yorganisation de Vôtre con scien t le principe et les
modaütés de l’ordre hiérarchisé qu’il constitue. Ainsi avons-nous pu voir
clairement que c’est par sa constitution et son équilibre que l’être conscient est
organisé pour défendre le système du Moi soumis au principe de réalité et à ses
valeurs idéales contre l’entropie hallucinatoire du seul principe de plaisir...
Contrairement, en effet, à ce que vont répétant et bêlant sans cesse les
Neurophysiologistes qui expulsent le Sujet de l’activité du Système nerveux et
les Psychanalystes qui évacuent le Moi et l’Etre conscient d ’un appareil psy­
chique entièrement gouverné par l’Inconscient, nous pensons que rien ne peut
se comprendre ni s’expliquer de la formation du co rp s p sy ch iq u e ou de sa
décomposition qui ne le vise lui-même comme une réalité dont dépendent et
la réali té du sujet et la réalité que perçoit le sujet. Car, on l ’a bien compris,
donner dans ce « Traité des Hallucinations », et notamment de la Théorie
même de l’Hallucination tant d ’importance à Vorganisation du co rp s p s y ­
chique en être conscient, c’est précisément donner son plein sens à la percep­
tion de la réalité, savoir, qu’elle implique l’imaginaire mais qu’elle le contient.

D. — LA FO N C TIO N E T LE SENS
DES ORGANES DES SENS
(STRUCTURE D E LA PERCEPTIO N)

Nous avons déjà eu l ’occasion de nous demander (quand nous avons posé
le problème général de l’Hallucination, p. 58, puis quand nous avons appro­
fondi la désintégration hallucinatoire de la perception engendrée par les
hallucinogènes et notamment à propos de la mescaline, p. 653, ou encore
plus haut, p. 1107 à propos de la connaissance sensible), quel est le sens des
organes des sens, quelle est leur fonction dans une théorie générale de la
perception, c’est-à-dire dans leurs rapports avec la vie psychique ? Bien entendu,
nous n ’avons pas pu éviter de parler à plusieurs reprises à ce sujet du vieux — et
peut-être éternel — combat que se livrent l’empirisme sensationniste et l’idéa­
lisme intellectualiste : celui-ci réduisant l’activité des sens à la pensée et celui-là
ramenant la pensée aux sensations originaires. Nous avons vu et verrons plus
loin encore que la « sensation » (Empfindung) se situe à un niveau de vécu
qui n ’implique qu’une connaissance précaire et toujours révocable pour être
trop immergée dans une subjectivité radicale. Pour Descartes, la sensation
était révoquée en doute pour être au contraire trop du côté de la « res externa ».
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1123

On comprend que des deux points de vue, celui de l’empirisme ou de l’intellec­


tualisme, la « sensation » soit tout à la fois ce que l’on peut éprouver le plus
vivement comme une expérience irrécusable et aussi ce qui pose en soi le pro­
blème de la catégorie de connaissance ou de réalité que l’actualité de son vécu
ne suffit pas à résoudre.
Mais nous avons plutôt que d ’accéder à ce plan métaphysique de la connais­
sance à nous demander maintenant que sont les organes des sens ? Or à cet
égard — bien sûr conformément aux positions gnoséologiques auxquelles
nous venons de faire allusion — deux types de conceptions s’affrontent.
Pour les uns, en effet, fidèles à la grande tradition neuro-sensationniste de
Helmholtz, l’organe des sens est essentiellement un récepteur convoyeur des
seules informations sûres dont la construction et le fonctionnement s’effectuent
sur un modèle physique. Pour les autres — sauf à nier purement et simplement
avec Berkeley l ’adéquation des messages sensoriels à la réalité objective — l’or­
gane des sens est conçu essentiellement comme un « prospecteur » (J. J. Gib-
son) pourvoyeur des seules informations nécessaires.
Mais avant de rendre compte de ces deux positions extrêmes (celle d ’Helm-
holtz, 1860 et celle, par exemple, de J. J. Gibson., 1960) qui marquent assez
exactement l’évolution des idées sur le sens des organes des sens, nous devons
d’abord « encadrer » ces deux théories de l’organe des sens par leur contexte.
Bien sûr, la physiologie des sens telle que l’a portée d’emblée à son plus
haut degré de perfection le génie d ’Helmholtz est dans la ligne de la phy­
siologie du grand Johann Müller et de sa théorie de l'énergie spécifique des
nerfs (1). Dans son Traité de 1840, il a formulé sept propositions qui consti­
tuent l’essentiel de sa théorie : 1°) il n ’y a pas de cause extérieure susceptible
de produire une sensation, car sans cette excitation la sensation peut naître
d ’un changement interne des nerfs; — 2°) la même cause interne suscite dans
différents sens des sensations différentes dépendant de la nature des sens

(1) C’est J. von K ries (A llgem ein e Sinnesph ysiologie, Leipzig, 1923, p. 194-196)
qui a exposé avant V. von W eiszacker et Er. Straus la critique la plus exhaustive
de la notion d ’énergie spécifique des nerfs. Nous avons déjà (cf. supra, p. 911) fait
état de la révision de ce concept par les neuro-physiologistes eux-mêmes. Nous ver-
ron plus loin que « la sensation » aux yeux de Erwin Straus comme de M. M erleau-
P onty ne peut pas être considérée comme un élément simple, un atome spécifique
correspondant aux propriétés sensibles, mais plutôt comme une modalité de la vie
de relation du Sujet à son monde (d’ailleurs imprescriptible par la réalité du lien qu’elle
établit entre ce qui est dans le monde et le « Moi » qui sent, éprouve les modalités
de ce lien qui se noue dans les organes des sens). De telle sorte que l’énergie spécifique
n ’est pas la cause des sensations, n ’est pas le moyen spécifique par lequel la rela­
tion du Sujet à son monde se lie dans des structures qui ne sont justement pas
« élémentaires ». Nous noterons ici que les expériences de Ivo K öhler (Lehrbuch
d e s experim en ta lle P sych o lo g ie, 2e édition, 1968, p. 61-62) montrent que l’excitation
galvanique appliquée à l’oreille (probablement par ses effets vestibulaires) produit
aussi des sensations visuelles, gustatives ; dans quelques cas de surdité, il a noté
des phénomènes acoustiques... '
1124 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

excités; — 3°) il en est de même pour une même cause externe; — 4°) les sen­
sations propres à chaque nerf sensoriel peuvent être engendrées par diffé­
rentes causes externes ou internes ; autrement dit, la sensation spécifique
d ’un nerf sensoriel peut être suscitée par différentes catégories de Sti­
muli; — 5°) la sensation consiste en la transmission à la conscience, non d ’une
qualité ou d ’un état des objets extérieurs mais d ’une qualité ou d ’un état
d ’un nerf sensoriel, qualité qui diffère avec chacun des nerfs sensoriels (éner­
gie sensorielle); — 6°) un nerf sensoriel ne paraît capable de fournir qu’une
catégorie déterminée de sensations et ne peut être remplacé par un autre; —
7°) les causes des différentes énergies des nerfs sensoriels résident-elles dans
les nerfs eux-mêmes ou bien dans la région du cerveau ou de la moelle auxquels
ils se rendent? C ’est ce que l’on ignore, mais il est certain que les régions cen­
trales des nerfs sensoriels dans le cerveau, indépendamment des conducteurs
nerveux, sont capables de donner des sensations bien définies — On ne pouvait
pas plus nettement exprimer que l’organe des sens (réduit essentiellement
à son nerf sensoriel) est l’organe des sensations spécifiques et que, par
voie de conséquence, les centres sensoriels sont dotés eux-mêmes d ’une éner­
gie spécifique proprement sensorielle. Lorsque Helmholtz a repris cette théorie,
il l’a poussée encore plus loin en admettant une spécificité des qualités sen­
sorielles dans la spécificité des organes des sens. Mais, bien sûr, réduire l’acti­
vité des organes des sens à produire des qualités sensorielles élémentaires quels
que soient les Stimuli auxquels elles répondent, n ’exclut certes pas le rôle du
stimulus somme toute toujours nécessaire, qu’il soit interne ou externe. De
telle sorte qu’à cette théorie atomistique ou élémentariste des sensations
devait nécessairement correspondre la psycho-physiologie de la sensation
qui la liait à un quantum d’énergie. D ’où l’extraordinaire développement des
mesures et des lois qui lient la sensation à l’intensité des Stimuli qui l’engendrent,
comme si en dernière analyse elle ne pouvait être traitée que comme un phéno­
mène physique. La loi de Weber qui lie au niveau d ’intensité la différence
juste perceptible et la loi de Fechner qui énonce que la sensation croît comme
le logarithme du stimulus, ont donné lieu à des formulations ou à des rectifi­
cations algébriques et expérimentales innombrables. On en trouvera un exposé
très impressionnant dans l’ouvrage de Pieron (Sensation, guide de la vie, 1945,
p. 207-364 — ou dans l’article de R. N. Dejong sur la Sensation (Handbook
Cl. Neurology, I, 80-113, 1969). Mais quels que soient les perfectionnements
introduits dans le traitement mathématique des rapports entre Stimuli et
sensations (1), quelles que soient aussi les mesures électriques des potentiels
évoqués, les problèmes du sens, ou si l’on veut de la nature ou de la fonction de
l’organe des sens dans la sensation ne sont pas résolus, et encore moins celui
de l’importance de la sensation dans la perception. C’est que la mécanique

(1) Stevens (1968) a m ontré q u ’au lieu de choisir la courbe de fonction loga­
rithm ique em pruntée aux travaux de B ernoulli (1877), la courbe d ’une fonction
de puissance proposée par C ramer dès 1728 paraîtrait plus adéquate à l ’expression
de la grandeur de la sensation fonction de la grandeur du stimulus.
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1125

ou la physique des sensations qui constitue sans nul doute une condition de
la transmission des signaux ne peut rendre compte de leur transformation
en messages.
Et c ’est précisément cette nécessité d ’une révision — d ’une révolution —
de la conception psychophysique des organes des sens qui a inspiré à
J. J. Gibson une conception de la perception basée elle-même sur une théorie
de l’information qui n ’admet pas l’hypothèse d ’éléments ou une propriété sen­
sorielle à la base de l’activité des organes des sens. C’est que, bien sûr, depuis
Fechner, avec les plus importants travaux de Neuro-physiologie des sen­
sations que nous devons à Hering, à von Kries, à Adrian, et plus récemment
à R. Granit (1955) ou à Richard Jung (1961), l’idée que l’activité des organes
des sens pourrait se réduire à celle de simples récepteurs a perdu beaucoup
de sa force, point sur lequel E. Küppers (1971) a insisté tout récemment
encore. Nous avons déjà noté (p. 57-67) au début de cet ouvrage, qu’une
conception plus dynamique de la perception et par conséquent de l’inté­
gration de l’organe périphérique dans des structures fonctionnelles plus éle­
vées (Bergson, Husserl, Erwin Straus, Merleau-Ponty, etc.) ne cessait de
gagner du terrain.
Comme nous aurons l’occasion de revenir encore sur l’architectonie des
activités sensorielles dans l’architectonie plus globale de la vie psychique, il
nous suffira d ’exposer ici, d’abord la théorie d ’une sensorialité spécifique
et proprement physique des nerfs sensoriels de Helmholtz (malgré les réserves
qu’elle comporte d’ailleurs dans l’esprit même de son auteur), puis la théorie
de J. J. Gibson qui réintègre la « sensorialité » dans une activité perceptive
plus globale et moins spécifique.

1° É volution des idées su r « la sensation »


c o m m e é lé m en t nécessaire de la p e rc e p tio n
(de H. H elm h o ltz à J. J. G ibson).

La théorie classique de la perception, celle qui de loin domine tous les


travaux sur l’activité des organes sensoriels, est celle de Hermann L. F. Helm­
holtz (1). Il s’agit, et l’auteur y insiste constamment, d’une théorie empi-

(1) Hermann L. F. H elmholtz (1821-1894) était le fils d ’un professeur de phi­


lologie et de philosophie du lycée de Potsdam. Très tôt il fut attiré, au contraire de
son père, par les études mathématiques et les sciences naturelles. Il subit l’influence
du grand physiologiste Johan M üller à Berlin (1838-1842). A 21 ans il publia son
premier travail d’histologie nerveuse. Dès ce moment il s’affirma « antivitaliste »,
c’est-à-dire contre la physiologie de G. E. Stahl , et c’est dans la voie d’une phy­
siologie 'empiriste et mécaniste qu’il s’engagea résolument à la suite de L eibig .
U devait accorder la plus grande importance aux processus physiques dans le
domaine de la biologie — Il devint en 1848 professeur de physiologie à Königsberg.
C’est là qu’il construisit le premier ophtalmoscope et qu’il mesura la vitesse de pro-
1126 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

riste qu’il oppose aux théories intuitionnistes (ou nativistes). Car pour lui
c’est au niveau des impressions sensorielles, c’est-à-dire de l’expérience acquise,
automatique et inconsciente, que se situe l’essentiel du vécu de la perception
qui saisit les objets du monde extérieur, mais peut, aussi, les ramener (dans
les illusions ou le jeu des images) à leur modèle. C ’est donc à un mécanisme
nerveux fondamental que se ramène l’acte perceptif. Celui-ci, dans la conception
de Helmholtz, ne saurait être interprété comme un phénomène idéique, noéti-
que ou mnésique (hypothèse, dit-il à plusieurs reprises, inutile) car la percep­
tion est essentiellement avant et après tout donnée des sens. L ’image, qu’elle
provienne des objets ou de leur représentation, est toujours la même en tant
que figuration de l’objet.
L ’impression acoustique et la possibilité même d ’une harmonie musicale
se fondent sur la physique des trains d ’ondes sonores et de leurs intervalles
selon des lois mathématiques. Quant à l’œil, il doit être considéré comme

pagation de l’influx nerveux à l ’aide du galvanomètre. Il fut ainsi avec D ubois-


R eymond, le créateur de la neurophysiologie basée sur l’étude des stimulations et
transmissions nerveuses. C ’est tout naturellement l’étude de la physiologie des
sensations qui fut l ’objet de ses plus importants travaux. En 1852, il consacra sa
leçon inaugurale sur la nature des impressions sensorielles chez l’homme (Ueber
die Natur der menschliden Sinnesempfindungen, publiée dans les K ön igsberger
n aturw issenschaftliche U nterhaltungen, 1852, 3 , p. 1-20). Puis ce furent ses mémo­
rables expériences et publications sur la perception visuelle, « U eber d a s S ehen d e s
M enschen » (1855) et le célèbre « H andbuch d e r ph ysiologisch en O p tik » (lre édition,
Leipzig, 1867), ensuite sur la perception acoustique, « D ie L eh re von den Tonem pfin­
dungen a ls p h ysiologisch e G rundlage f ü r der Theorie des M u s ik » (Ire édition, 1863,
c’est-à-dire entre la parution du second et du troisième tome du T ra ité d ’O ptiqu e
ph ysiologiqu e) — Pendant ce temps il devint professeur à Bonn, puis à Heidelberg
(de 1858 à 1871), et enfin à Berlin (de 1871 à 1877). En 1882, Guillaume Ier lui conféra
un titre nobiliaire, de telle sorte que c’est souvent avec la particule que son nom est
écrit (von H elmholtz).
L ’ouvrage que R. M. et R. P. W arren ont publié sur la vie et sur l’œuvre de
H elmholtz (H e lm h o ltz on P erception . I ts p h y sio lo g y a n d D evelo p m en t, éd. J. Wiley
and Sons, New York-Londres, 1968, 277 p.) permet de mesurer l ’importance cruciale
de la physiologie des sens selon le créateur de la neurophysiologie sensorielle la plus
répandue encore en psychologie expérimentale. Il y a lieu notamment de sélectionner
avec ces auteurs dans l ’œuvre du grand physiologiste, outre les deux grands ouvrages
sur la perception optique (principalement le chapitre du tome III consacré à la Per­
ception en général) et la « T on ph ysiologie », son discours en 1878 à l’Université de
Berlin ( D ie T atsachen in d e r W ahrnehm ung) et l ’article « Ueber den Ursprung der
richtigen Deutung unserer Sinneseindrucke » (Origine de l’interprétation correcte
de nos impressions sensorielles) paru en 1894 dans la Z t seh r. f . P sych o lo g ie u n d P h y ­
siologie d e r Sinnesorganen et intégré après sa mort dans la 2e édition du H andbuch
d e r ph ysiolo gisch en O p tik , 1896 — Si nous donnons ces détails bibliographiques sur
le fondateur de la Neurophysiologie sensorielle moderne, c’est parce qu’il y a peu de
travaux permettant au lecteur français de se familiariser avec la pensée et la doctrine
du Maître de la physiologie psycho-sensorielle dont nous allons exposer ici l ’essentiel.
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1127

un instrument d ’optique, mais son activité implique la superposition à ce


mécanisme physique d’un mécanisme physiologique (excitation et transmission
de messages sensoriels) et, plus haut d ’un mécanisme psychologique. Aussi y
a-t-il lieu d ’étudier la vision en allant de son substratum proprement optique ou
anatomique de qualités sensorielles ou physiologiques jusqu’à la perception des
objets avec leur forme, leur clarté et leurs perspectives « visuelles ». Le premier
chapitre de la physiologie de la vision doit donc être consacré à la production
d ’images optiques dans une chambre obscure sur tel ou tel point de la surface
rétinienne. Mais il s’agit d ’un appareil d’optique qui exige beaucoup de cor­
rections et d ’adaptations. De toute façon, la structure anatomique de l’œil
ne nous permet de comprendre que la possibilité par les rayons lumineux de
se réfracter et de se localiser sur un seul point de la rétine ou une seule fibre
du nerf optique. Quant aux données sensorielles, elles sont liées aux modalités
d ’excitation de l’activité fonctionnelle, c’est-à-dire aux changements méca­
niques, électriques, chimiques ou thermiques qui s’opèrent dans les nerfs
sensoriels qui ont été (souligne Helmholtz non sans raison) assimilés à un
réseau de fils télégraphiques. La qualité sensorielle liée à ces modifications fonc­
tionnelles dépend, comme le voulait J. Müller, de la structure propre à chaque
sens. La vision des couleurs, par exemple, doit être interprétée (comme celle
des concordances ou dissonances sonores) selon la théorie de Young : per­
cevoir des différences de couleurs dépend des proportions différentes des trois
couleurs fondamentales qui constituent les différences de ton, de saturation
ou de brillance. Ces qualités ne sont donc pas exactement identiques à celles
des objets extérieurs. C’est seulement la constance de leur relation qui assure
empiriquement leur concordance avec les objets. La loi de cette concordance
peut être ainsi formulée : la même excitation lumineuse produit dans des
conditions semblables la même sensation de couleur et l’excitation lumineuse
qui dans les mêmes conditions produit des sensations de couleurs différentes
est elle-même dissemblable. Jusqu’ici, ajoute Helhmoltz, les notions de signes,
d ’images ou d ’interprétation n ’ont pas été assez soigneusement distinguées
dans la théorie de la perception. Dans une image la représentation doit être
de même type que ce qui est représenté (une statue est une image de l’homme;
une peinture est une image ou une représentation de l’original). Mais l’image
dont nous avons la sensation dans la perception des objets est plutôt un signe
qu’une image proprement identique à l’objet. Cependant, ce n ’est pas dans
le sens de la théorie intuitionniste ou nativiste que cette activité endogène
de l’organe des sens doit être interprétée, car pour Helmholtz il s’agit dans
la sensation (VEmpfindung) d ’un mécanisme automatique réglé par l’expé­
rience, et comme nous allons le voir, aussi par 1’ « unbewusster Schluss », ce
processus psychique inconscient d ’identification et de reconnaissance qui
assure le jugement de réalité, par sa référence automatique à un objet du monde
extérieur. Car la perception implique bien, en effet, ce jugement sans que ce
jugement en constitue pourtant, ni la base, ni l’essentiel. Autrement dit, l’Emp-
findung admet une participation du Sujet, mais cette coopération entre objet
et Sujet s’effectue à un niveau automatique et inconscient.
E y . — Traité des Hallucinations. II* 37
1128 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

C ’est ce rapport (éternel problème de la perception) entre ce qui est « sen­


soriel » et, somme toute, vient du monde des objets ou le reflète et ce qui est
« intellectuel » et, somme toute, vient du Sujet ou le reflète, qui est principa­
lement abordé par Helmholtz dans le fameux chapitre III du Handbuch der
physiologischen Optik où il traite de la perception en général, et dans sa leçon
de Berlin « Die Thatsachen in der Wahrnehmung ». La projection de l’objet
dans l’espace (« devant soi » dans la perception visuelle), même quand il s’agit
d ’une image, relève d’une sorte de raisonnement par analogie (le fameux
« unbewussten Schluss»), plus exactement, d ’une inférence automatique ou habi­
tuelle qui lie (comme le montrera plus tard la réflexologie pavlovienne) toute
image à son stimulus conditionnel, à sa connexion idéo-associative avec l’objet
qu’elle représente. Car, en définitive dit Helmholtz, nous ne reconnaissons
comme objets que ce qui correspond à quelque chose d ’extérieur et qui n ’a d ’im­
portance pour nous que comme tel. Toute image visuelle est donc vécue nécessai­
rement par référence à un objet extérieur. Et c’est précisément cette ex-centricité
(dirions-nous en termes husserliens) du perçu qui porte la marque de son
origine empirique absolue. La représentation (Vorstellung) est un souvenir
d ’impression sensorielle sans impression présente; Vaperception (Anschaung)
implique l’impression présente; quant au terme de perception immédiate
(Perzeption) il désigne une aperception qui ne se réfère pas à une expérience
antérieure mais s’applique à un objet présent. Ainsi est établie une sorte de
hiérarchie qui valorise fondamentalement la relation du percept et de l’objet,
puisque, en définitive, c’est dans cette liaison que se trouve l’essence même
de la perception, c’est-à-dire la saisie en quelque sorte expérimentale (empi­
rique) de l’objet, ce qui (et Helmholtz ne cesse de le répéter et de le souligner)
rend la théorie intuitionniste à tout le moins superflue. Il s’emploie cependant
à la réfuter tant en ce qui concerne l’origine a priori de l’espace que des concepts
(pour lui, notamment, la preuve kantienne de la nature transcendantale des
axiomes géométriques est invalide, dit-il — in Thatsachen), car tout idéalisme
transcendantal rejoint, dit-il, la formule solipsiste de Calderon : la vie est un
songe.
Mais ayant rejeté toutes hypothèses idéalistes dans la théorie de la per­
ception, Helmholtz n ’admet pas moins que la pensée logique ou législative
a une sorte d ’autonomie à l’égard de l’activité sensori-perceptive. Cette idée
(qu’il avait notamment exprimée à la fin du chapitre sur la Perception en géné­
ral dans son Traité d ’Optique physiologique), savoir que nos perceptions
sensorielles n ’ont rien à voir avec la faculté de former les concepts généraux,
sauf si ce pouvoir de créer des liaisons causales provient de l’expérience (1),

(1) Cette étude de la perception en général se termine par cette phrase : « Si à côté
de tel ou tel sens nous disposons d’autres sens, à côté de la fonction intellectuelle
il n’existe aucune autre fonction analogue. De telle sorte que si nous sommes inca­
pables de concevoir quelque chose nous ne pouvons pas imaginer qu’elle existe ».
Mais l à s’arrête la théorie de l’articulation du concept et du percept dans la pensée
d 'H e l m h o l t z , car s’il estime que le concept est nécessaire à la formation légale de
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1129

cette idée d ’une hiérarchie fonctionnelle indépendante des problèmes de sa


constitution est reprise dans les « Thatsachen » quand Helmholtz, dans son
inlassable réfutation de l’intuitionnisme kantien, admet que le système de
la réalité, l’ordre légal de l’objectivité se réfère bien à l’expérience, mais qu’il
constitue un système symbolique de nos impressions sensorielles. Autrement dit
et en définitive, Helmholtz admet le primat de l’expérience, l’impression sen­
sorielle (Empfindung) comme condition nécessaire et suffisante, et l’activité
du jugement comme une condition nécessaire mais insuffisante de la percep­
tion. Autant dire qu’il s’agit d’une théorie sensationniste de la connaissance
dérivée de Locke et de Stuart Mill, mais tempérée par l’idée leibnizienne
d ’un fonctionnement logique et supérieur de l’entendement nécessaire à l’acte
perceptif.
Ainsi, considérant que sous le contrôle de la raison (W issen) fonctionne
un mécanisme de cognition proprement sensori-perceptif (Kenntniss), c’est
dans cette sphère propre à la connaissance des objets par les sens que se
déroulent les opérations associatives indispensables à cette logique de l’identité
des concepts au travers des expériences successives par une sorte de raison­
nement automatique par récurrence (Induktionschluss, terme qui, dans son
écrit de 1894, il préfère à celui à ’unbewusste Schluss, en raison de la concep­
tion (préfreudienne) de l’Inconscient qui, déjà chez Schopenhauer, l’inquié­
tait...
Dans le mémoire « Ueber der Ursprung der richtigen Deutung unserer
Sinneseindrücke » (Origine de l’interprétation correcte de nos impressions
sensorielles), il définit les illusions sensorielles comme de fausses inductions
dans l’interprétation de nos perceptions. Ces illusions — en quelque sorte
communes — proviennent d ’un défaut de l’induction dont la principale cause
réside en ce que dans l’expérience quotidienne s’établit des préférences asso­
ciatives entre telle impression et tel objet; de telle sorte que ces liaisons pré­
valent dans le jugement des qualités objectives. Par exemple, nous avons ten­
dance à reconnaître la cause de l’image d’un objet sur lequel tombe notre
attention en apercevant une série de points ou de lignes que l’objet nous offre.
De telle sorte que nous ne pouvons pas tenir compte de l’entière (et infinie)
série de détails de cette présentation par quoi nous nous protégeons contre
le développement des post-images. Ainsi les composantes sensori-motrices de
la perception actuelle sont pour ainsi dire négligées au profit de la constance
conceptuelle des objets de notre perception. Mais quand il s’agit de modifi­
cations d ’anomalies provenant de positions ou de mouvements inhabituels,
des organes sensoriels surgissent des formes que nous n ’avons pas appris
à identifier. Les fausses interprétations peuvent provenir du fait que nous les
appliquons automatiquement en les rapportant à des objets extérieurs. C ’est
ce qui se passe dans la réflexion ou la réfraction proprement optiques. Mais

la réalité, et s’il le tient encore pour nécessaire à la perception (par le mécanisme


d’induction inconsciente qu’elle implique) il n’est jamais pour lui suffisant pour la
constituer.
1130
T ableau des sensations spécifiques
(d’après Henri P iéron, (La sensation, guide de vie (2e éd. 1955), p. 42 et 43)

Catégories d'impressions Spécificités fondamentales Spécificité locale

( I
[ Lumineuses Sensations de brillance (1). Très fine
J

MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE
Appareil Environ 100 nuances (ou tonalités) paraissant \
visuel j chj.omatjques réductibles aux fondamentales, nécessaires et / o lJg e ' Très fine
suffisantes pour engendrer par leurs combinai- ( er '
sons toutes les nuances élémentaires. ) eu'
Environ 4 500 tonalités réductibles à une combinaison de hauteur absolue Nulle (le lieu d’excitation dans
Appareil ( II avec des communautés d’harmoniques (conditionnant la parenté des le limaçon pouvant condi­
auditif | Tonales (2) « notes » dans les différentes octaves). tionner la qualité tonale).
t Flagrant (floral).
Appareil ( III Nombre mal déterminé d'odeurs réductibles à un ) Fruité (éthéré). Nulle
olfactif | Olfactives certain nombre de fondamentales (3). j Empyreumatique.
[ Caprylique.
; Sucré.
Appareil l IV Nombre indéterminé de saveurs, réductibles à \ Salé.
Moyennement fine
gustatif j Gustatives 4 fondamentales. j Acide.
f Amer.
A) De tact (4).—Impressions relevant — sans dis- ) p
tinction précise — de plusieurs systèmes récep- / '- '° in t a c e r e s "
teurs, dont deux cutanés et un appartenant aux > —f 1? 11'
i V appareils profonds de soutien (muscles, os apo- ( ép acemen s eu a- Fine
Appareils) Mécaniques névroses). ) n s'
tactiles \ B) De piqûre. — Impressions caractéristiques de i p. „
« pointu » et affectées d’un appoint douloureux j “lclure-
!\ vi
Thermiques
Deux catégories d’impressions à
teurs :
systèmes récep- j de chaud,
1 de froid. Fine
de position et de dé
placement
articulaire,
Appareils l VII Trois catégories d’impressions à systèmes de force de contrac- Assez fine
tactiles | Kinesthésiques récepteurs différenciés : tion muscul.,
de résistance (trac-
tion tendineuse).
( sens de la verticalité
De direction de la pesanteur Très fine

ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS


Appareils | VIII
laby- | a) Statiques , . . , avant-arrière,
rinthiques | b) Dynamiques De translation droit-gauche, Moyenne
De rotatlon 1 haut-bas.
/ Réductible à un
IX 1 nombre non dé-
Impressions de volupté, chatouillement, déman- 1 terminé de fon-
Affectives geaison, irritation douloureuse (dessiccation, ! damentales (la
(caractères Grossière
agréables brûlure, distension et tiraillement, pincement répercussion af- ou très grossière
ou pénibles) et compression), cœnesthésie générale. 1 fective l’empor-
[ tant sur la spéci-
' ficité sensorielle.

(1) Les « leucies » comprenant la série des échelons de gris, entre le blanc et le noir, se présentent bien comme des qualités lumi­
neuses, particulières, attribuées aux objets et relativement indépendantes de la brillance ; mais ce ne sont pas des qualités élémentaires :
ce sont des impressions complexes, fondées sur la relation entre l’éclairement reçu par les objets et celui qui est restitué par une
réflexion diffusante.
(2) Le timbre n’est pas une qualité élémentaire, mais représente une perception complexe de « forme sonore », se définissant par
un spectre sonore (donnant la composition des éléments de fréquence définie avec leur intensité auditive propre qui constituent le son
complexe). Le son complexe a une tonalité prédominante (dont la « saillie » est plus ou moins accentuée); il apparaît comme ample ou
grêle, clair ou assourdi. En l’absence de tonalité prédominante, il devient un bruit. La « vocalité » est un aspect du timbre.
(3) La composition à 3 fondamentales est proposée par Stefanini, à 6 par Hering, à 8 par Wartenberg, à 9 par Zwaardemaker.
Nous indiquons les 4 fondamentales proposées par Crocker et Anderson dans leur essai expérimental.
(4) Les qualités communes de rugueux ou poli, dur ou mou, moelleux ou rèche, etc., sont des complexes perceptifs d’exploration
avec des composantes kinesthésiques.

1131
1132 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

alors ces illusions sont considérées comme telles, c’est-à-dire qu’elles ne nous
trompent pas (même les enfants et les animaux, souligne Helmholtz, ne sont
pas dupes de ces illusions). Ainsi est particulièrement défini le niveau proprement
sensoriel de l’activité perceptive. Ce « niveau » (terme que n ’emploie jamais
Helmholtz d ’ailleurs) correspond par conséquent à une sorte de logique par­
tielle et inconsciente de la reconnaissance des impressions sensorielles qui,
« faussées » dans le mécanisme des conclusions inductives automatiques et
inconscientes, sont rectifiées par l ’exercice du jugement. Par là, la théorie
de Helmholtz apparaît bien comme le type même d’une théorie sensorielle
de la perception admettant pourtant l’intervention psychique active à deux
niveaux, celui de ce que l’on appellera plus tard la « Gestaltisation » et celui
du contrôle qu’exerce le jugement de réalité sur les « presentibilia ».
Mais, bien sûr, ce qui a prévalu dans les développements ultérieurs de
la physiologie des sensations et à l’abri même de l ’instance du jugement rela­
tivement à laquelle est sous-jacente celle des activités sensorielles, c’est pré­
cisément l’étude des « sensations » comme telles, c’est-à-dire considérées
comme des phénomènes en quelque sorte mécaniques produits par les chocs
(les Stimuli) que subissent les neurones sensoriels. D ’où l’extraordinaire
prolifération de travaux de physiologie des sensations d ’une ponctualité
méritoire mais généralement artificielle.
Ceux-ci ont d’abord porté sur l’étude physique des données sensorielles,
puis sur les mesures de seuil différentiel, de discrimination et de réponses,
de conditionnement et de comportements, des effets du champ relativement
à telle ou telle qualité ou quantité de Stimuli — et enfin, sur les mesures élec­
triques (chronaxies, variations des potentiels, cheminement des potentiels
évoqués) propres à établir les faits mêmes des lois de la transmission des
messages sensoriels. Somme toute, après Helmholtz, l’organe des sens a été
considéré essentiellement comme un récepteur de Stimuli sensoriels qu’il
recueille comme données sensorielles. L ’organe des sens est l’organe qui four­
nit à la perception ses éléments de base « sensoriels ».

*
* *

— Mais la psychophysiologie moderne a donné toujours plus d’impor­


tance aux facteurs dynamiques, c ’est-à-dire à la prévalence du sens (Gestalt­
psychologie ou Aktpsychologie) des projections affectivo-instinctives de la
motivation, de l’intégration des mouvements vitaux (V. von Weiszäcker, Buy-
tendijk) ou encore du contexte des schèmes idéo-moteurs (Piaget, Bruner, etc.).
De telle sorte que l’activité de l’organe des sens a prévalu sur la passivité
à laquelle la réduisait la théorie des données sensorielles et des Stimuli. Dès
lors devait apparaître urgent le recours à la théorie de l’information pour bien
comprendre la fonction des organes des sens dans la mesure où l’une et l’autre
sont irréductibles à un « pattern » d ’impacts de photons pour impliquer une
communication de significations incompatibles avec un modèle cybernétique
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1133

mécanique. Et c’est précisément dans cette perspective que s’est placé J. J. Gib-
son pour substituer à la base sensorielle de la perception une base d ’information
aussi solidement implantée dans 1’ « array » du monde des objets perçus que
dans la cc pick-up-information » constituée par l’organe des sens. Dès lors
celui-ci cesse d'être un pur récepteur pour être un prospecteur.
Le sens général de l’ouvrage (Thesenses consideredasperceptual System, 1968)
de J. J. Gibson déjà connu pour son fameux livre « The perception o f the Visual
World » (1952), est que la « sensation » n ’est pas une donnée primitive de la
« perception », que celle-ci la dépasse et ne l’implique même pas ; car percevoir
c’est essentiellement découvrir, détecter quelque chose, c’est-à-dire saisir l’objet
dans une information qui ne peut être assimilée purement et simplement à la
réception de qualités sensorielles. Celles-ci sont bien celles que les Stimuli pro­
voquent sur les cellules réceptrices des organes des sens, mais la perception
est effectuée non pas sur ces éléments épithéliaux mais par l’organe des sens
dans sa totalité psycho-sensori-mötrice (1). Par là, J. J. Gibson se rattache
(répétons-le pour souligner encore l’unité et la puissance de ces mouvements
théoriques) à la Gestaltpsychologie — comme à H. Bergson et à la phénomé­
nologie de la perception, ou encore à Y. von Weiszäcker ou à M. Merleau-
Ponty. Il s’écarte pour autant de la fameuse psychophysiologie des sensations
de J. Müller, Helmholtz, Wundt ou Titchener. Tel est bien, en effet, le but qu’il
poursuit dans son ouvrage et qui est de démontrer que la perception ne saurait
se confondre avec l’élément en quelque sorte anatomique et passif de la sensa­
tion qu’isole la psychologie expérimentale. Une autre idée maîtresse développée
par J. J. Gibson est que l’acte de perception ne consiste pas dans un supplément
ajouté par la mémoire des images emmagasinées dans le cerveau mais dans un
acte de sélection qui puise dans le champ même du monde des objets les « for­
mes » ou les synthèses d ’information (pick-up-information). Car pour lui —
comme pour Husserl — c’est bien la réalité que s’implante la perception,
mais non point en recrutant ses Stimuli mais en prenant possession de l’infor­
mation qui exige la coopération du Sujet et de l’Objet pour sa formation.
C’est donc naturellement dans les invariants formels du monde des objets
tels qu’ils résultent de la constance de leur relation objective-subjective que

(1) Le livre de R. L. G regory, E y e a n d B rain. The p sy c h o lo g y o f vision, Londres,


World Univ. Press, 1966, p. 254 (trad. fr., éd. Hachette, épuisée), illustre magnifi­
quement, me semble-t-il, par ses schémas, ses expositions remarquables et sa docu­
mentation admirablement présentée, la théorie générale de J. J. G ibson sur la pro­
jection de l’information visuelle. Le fonctionnement de la rétine et le dynamisme
de la vision binoculaire y sont particulièrement bien exposés. Par contre, ce qui
y est dit (p. 132-133 de l’édition anglaise) sur les Hallucinations est (comme d’ailleurs
dans l’ouvrage de J. J. G ibson) assez fruste (A füllflower Hallucination occurs when
the spontaneous activity runs out of bounds...). Nous reviendrons plus loin sur
l’importance que les neuro-physiologistes de la rétine (R. J u n g , H. K. H art-
line , etc.) attribuent au processus d’inhibition au niveau de ces « centres pri­
maires ».
1134 MODÈLE ORGANO-D YNAMIQ UE

doit être situé le processus même de la perception et non dans le jeu hypothé­
tique, sinon mythique, des « images et de leur élaboration mnésique et céré­
brale ». La même critique qui peut s’adresser à une certaine Gestaltpsychologie
vient ici à l’esprit, celle d ’un retour — subreptice — à l’empirisme et au réa­
lisme pourtant combattus par Gibson. Car, en dernière analyse, c’est l’invariant
de l’ordre des objets (array) qui, bien qu’il réponde à l’attente du Sujet,
constitue le « perceptum » ; le Sujet ainsi introduit dans la perception comme
agent de détection demeure cependant exclu de l ’acte perceptif lui-même
qui s’institue dans l’organe des sens, dans la « pick-up-information ». Tant
il est vrai qu’aucune théorie de la perception ne peut être exclusivement ni
« objectiviste » ni « subjectiviste », puisqu’il lui faut tenir compte de la réalité
des objets, même si celle-ci est fatalement prise dans un système de réalité
lié au désir et à la culture du Sujet. De même que, comme nous l’avons vu à
propos de Helmholtz, aucune théorie sensationniste des Stimuli ne peut
exorciser de son subjectivisme la sensorialité spécifique qui scelle la réalité
du perçu.
Un des points les plus intéressants de la théorie de Gibson est son analyse
de la notion de « Stimuli ». Il ne s’agit pas de considérer la perception
comme dépendant de Stimuli optiques, acoustiques, électriques, etc., qui
excitent (input) l’organe des sens à réagir (output), car dans la perception
naturelle — celle que Husserl et Merleau-Ponty d’ailleurs complètement
ignorés, semble-t-il, de l’auteur ont pris pour modèle anthropologique de
la perception — ce sont des arrangements humains de l’ordre objectif qui
sont perçus comme par l’effet d ’un boomerang. La « pick-up-information »
est un « animate environment » (pp. 6-30).
Quant à l’aspect proprement actif de la perception, il est constitué essen­
tiellement par la provocation du stimulus. Car « the action-produced stimu­
lation is obtained not imposed » (p. 31). Dans son sens latin, le mot « stimulus »
implique qu’il est un aiguillon, un déclencheur de l’action (par contre, en
anglais, le mot « still » implique une certaine passivité qui s’applique plus par­
ticulièrement au récepteur sur lequel le stimulus exerce son action). Le sti­
mulus n ’est pas la cause de la perception; il est l’effet obtenu (input
obtained) par l’attention et l’investigation qui sont la fonction même du
« pick-up » (de la sélection, du filtrage) qui caractérise l’information perceptive.
La perception n’est pas corrélative de la sensation, et l’auteur s’en prend
constamment au dogme de l’énergie spécifique des nerfs de J. Müller, car une
chose est de percevoir un objet (ou plus exactement un ordre d’objets) et
autre chose d ’avoir des sensations. Le niveau exact du système perceptif
est celui de l’organe des sens, tandis que le niveau des qualités sensorielles
est celui de l’anatomophysiologie des cellules réceptrices (p. 49-58). L ’examen
des divers « organes des sens » (p. 59-250) est alors envisagé dans la perspective
d ’une composante intentionnelle et motrice de l’acte perceptif et de sa dyna­
mique incompatible avec la théorie considérant les organes des sens comme
de simples « charnels » d ’information ou de simples récepteurs d’énergie phy­
sique.
/. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1135

Ce sont évidemment les chapitres consacrés au système perceptif visuel


qui sont les plus importants et les plus développés puisque J. J. Gibson a
consacré à la perception visuelle le meilleur de son travail d’analyse et d ’inter­
prétation. Le leitmotiv qui revient dans son analyse des activités perceptives
des divers organes des sens est qu’un organe des sens constitue un « percep-
tual System » en tant qu’il est organe non pas de transmission mais d ’infor­
mation. A condition cependant de bien distinguer ce qui, dans l’information,
revient à la perception de quelque chose (information about on of) et à la per­
ception comme discrimination, c’est-à-dire comme travail structural de dis­
crimination qui, par exemple, dans la perception visuelle sélectionne les
figures en quelque sorte picturales dans leurs perspectives, c’est-à-dire en
faisant voir ce qu’on ne voit pas (p. 224-249).
La théorie du « système perceptif » correspondant à un organe des sens
(jamais d’ailleurs psycho-physiologiquement isolé) est celle de l’information
structurale : the pick-up o f ambiant Information, c’est-à-dire de la capacité de
« scanning » (d’exploration, de « balayage »). L ’essentiel de l’activité du système
perceptif est donc d ’obtenir une stimulation externe en choisissant dans l’infinité
des possibles. Car, bien entendu, l’information consistant à éliminer l’incertitude
d ’une possibilité infinie de possibles (F. Attneave, 1939 ; W. R. Garner, 1962),
c’est relativement à la perquisition (search) de l’ordre recherché qu’elle s’effec­
tue. Et elle s'effectue précisément par l’acte qui, comme dans le toucher et
le palper (grapping), réunit la succession des impressions dans la simultanéité
du « perceptum ». Le « scanning » est dans l’ordre visuel défini comme la
capacité de composer par la conjugaison temporo-spatiale un arrangement
(array ) . C’est ce travail (pas tellement éloigné, nous semble-t-il, de la Gestaltung
ou encore du plan opérationnel désigné en allemand par le terme « Einstellung »)
qui constitue la perception en tant que processus d ’information actif, différent
de l’énergétique purement sensorielle des Stimuli des cellules réceptives. Ce tra­
vail apparaît à l’auteur vraiment spécifique, non pas tellement de tel ou tel
organe des sens mais du niveau proprement perceptif du travail des organes
des sens, activité d ’un niveau supérieur à celui qui permet par les cellules
réceptives sensorielles d ’éprouver des sensations.
Il semblerait naturel que l’ouvrage de Gibson (si clair, si limpide même
que parfois il paraît l’être trop) se terminât par la considération de cette
hiérarchie fonctionnelle. Et c ’est bien ainsi qu’il l’entend en examinant dans
son dernier chapitre (p. 287-318) les causes et la classification des divers troubles
de la perception. Il distingue à cet égard les troubles consécutifs à une infor­
mation inadéquate (élévation du seuil, brouillage, « masking ») des signaux
par le « white noise » — conflit d ’informations contradictoires — et les troubles
du processus de 1’ « information pick-up ». Dans le premier cas (qui est celui
généralement des illusions d ’optique ou d ’acoustique), ces illusions sont d ’ori­
gine externe, et en tant qu'illusions elles ne comportent pas de sentiment de
réalité (feeling o f reality) ; notamment les illusions de la perception d ’un tableau
peint ne sauraient être considérées autrement que comme une illusion relati­
vement à laquelle le spectateur est en quelque sorte passif puisqu’il ne participe
1136 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

pas activement à sa formation. Dans le deuxième cas, les illusions sont d ’origine
interne et proviennent d ’une mauvaise structuration du processus de spécia­
lisation du «pick-up » de l’information, comme lorsqu’une excitation électrique
par exemple dérègle le « scanning » et la sélection discriminative de l’infinité des
Stimuli possibles (C’est ici que Gibson rejoint (1) la conception jacksonienne
ou organo-dynamique de 1’ « Hallucination » ou de l’illusion périphérique
à leurs niveaux les plus élémentaires qui, comme nous le verrons plus loin,
n ’est pas directement liée à une excitation sensorielle mais à une désintégration
fonctionnelle de l ’organe des sens lui-même). Et il termine l’exposé de la
« déficient perception » par cette remarque : si les illusions de la première
catégorie (ambiguïté ou distorsion des ensembles perceptifs naturels ou arti­
ficiels) trouvent leur cause dans le monde externe ou physique des objets,
celles de la seconde catégorie (sensations consécutives, post-images* images
provoquées par une stimulation électrique) relèvent d ’un mécanisme interne.
Et il ajoute à la fin de ce chapitre qu’il s’agit alors de ces cas peu compréhen­
sibles (little understood) d ’excitations purement internes du système nerveux
parmi lesquelles doivent être rangées les Hallucinations...
Malgré quelques contradictions fondamentales, malgré quelques obscuri­
tés qui demeurent sous l’apparente et didactique clarté de l’exposé, nous retien­
drons de cet ouvrage : 1°) que la psychophysiologie de la perception s’est
résolument détournée de la théorie de J. Müller et Helmholtz qui avait orienté
toutes les études de laboratoire sur les Stimuli, les sensations, les données sen­
sorielles; — 2°) que la dynamique de l’acte perceptif apparaît au niveau même
de l’organe des sens comme une « information » dans le sens de ce mot qui
le rapproche de la « Gestaltung », tout en dépouillant celle-ci de sa structure
noético-mnésique pour en faire un acte spécifique de constitution de l’ordre
des objets en relation avec l’ordre objectif dans lequel, pour apparaître,
il s’incorpore ; — 3°) qu’un tel objectivisme se rapproche du behaviorisme
et pour autant s’éloigne du subjectivisme, c’est-à-dire de toute théorie de
la perception qui accorde beaucoup d ’importance psychique dans l’élabora­
tion de la perception. Mais c’est justement dans ce retour à la réalité de
l ’expérience perceptive sans recours à des sensations élémentaires que nous
découvrons l’intérêt de cette nouvelle neuro-physiologie des organes des sens.
Car, en définitive, s’ils sont ainsi considérés comme des détecteurs — et nous
préférons dire des prospecteurs — ils cessent d’être des récepteurs sans cesser
toutefois d ’être en prise directe sur le monde des objets. Tant il est vrai que
l’organe des sens est en quelque sorte l’instrument organique chargé de dépasser
par sa dialectique fonctionnelle la contradiction impliquée dans l’acte vital de
la perception : l’action réciproque et respective du Sujet et de l’objet dans
l’expérience sensible. Certes, en ce sens « la sensorialité » est bien impliquée
dans tous les actes de conscience (y compris, bien sûr, la perception sous toutes

(1) Ou plutôt devrait rejoindre cette conception de l’Hallucination, car le peu


d’attention qu’il accorde aux phénomènes hallucinatoires ne lui donne que l’occa­
sion d’être inconséquent avec sa propre théorie.
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1137

ses formes et à tous ses degrés), mais elle ne doit pas être regardée comme la
propriété d ’une fonction élémentaire et encore moins comme un élément
simple, une sorte d ’atome de la vie psychique, comme le voulait la psycho­
logie associationniste du siècle dernier.

2° L ’organe d es sens co n sid éré c o m m e récepteu r.

Bien sûr, il y a une spécificité de la réception des Stimuli, de la transmission


des messages et de leur élaboration cérébrale par les cinq sens. Mais bien sûr
aussi, l’organe des sens correspondant à ces spécialisations sensorielles ne
peut pas être seulement l’organe périphérique. Par organe des sens, de la vue,
de l’ouïe, du toucher, etc., il faut entendre, en effet, l'ensemble de dispositifs
anatomophysiologiques qui est construit pour assurer une fonction de communi­
cation ou de véhiculation spécifique, c’est-à-dire se référant à des propriétés
sensibles fondamentales, avec certaines catégories de Stimuli provenant du
monde objectif. Mais tout le problème du « sens des sens » est de se demander
si l’appareil psycho-sensoriel spécifique (expression qui serait meilleure que
celle plus traditionnelle d ’organe des sens) qui comporte effectivement une
adaptation hautement spécialisée pour les relations du Sujet avec certaines
qualités ou quantités des objets, si cet appareil peut être réduit à n ’être qu’un
récepteur soumis à des lois proprement physiques ou mathématiques. A cette
question la Neurophysiologie classique, nous venons de le voir, répond depuis
Helmholtz qu’il en est bien ainsi et que l’appareil sensoriel est seulement un
appareil physique (1).
Si nous examinons d ’abord quelles sont les lois générales de l’organisation
de ces appareils sensoriels; il est bien évident que, dans une première et très
large approximation, tout se passe comme si l’appareil sensoriel fonctionnait
uniquement comme une machine et notamment une machine électronique
capable de transmettre et de transformer les informations que peut traiter ce
« computer » spécialisé que constitue chaque organe des sens.

Nous allons prendre ici l’exemple de la transmission des signaux et mes­


sages acoustiques pour mettre en évidence le fonctionnement de cet appareil
fonctionnel. Les stimulations sonores (vibrations sensorielles, ondes de propa­
gation de vitesse, de fréquence et d ’amplitude variables dont la plus basse
fréquence définit le son fondamental, les autres sons purs correspondant à
des fréquences qui sont des multiples de celles du son fondamental, consti­
tuent la gamme des harmoniques) ne deviennent des qualités de sensations
auditives qu’à la double condition que la qualité du son pur (fréquence, inten-

(1) Malgré, bien sûr, les concessions q u ’HELMHOLTZ, nous l ’avons vu, a été obligé
de faire en introduisant dans cette mécanique une instance de jugem ent qui p o u r si
inconscient q u ’il se le représente garde quelque apparence d ’une instance intellectuelle,
o u si l’on veut, intellectualiste.'
1138 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

sité de l’onde sonore) corresponde à une certaine fréquence qui détermine la


hauteur dans le champ tonal et à une certaine intensité. Ces trains d’ondes et
leurs intervalles parviennent à la membrane basilaire cochléaire où elles sont
soumises à une analyse des fréquences. La membrane basilaire se comporte
comme un système oscillant et comme une série de résonateurs liés les uns aux
autres par un couplage mécanique approprié (von Bekesy, 1959). Les mouve­
ments vibratoires sont ainsi transmis aux cellules ciliées. A ce mécanisme
de transmission et d ’analyse de fréquence des ondes sonores correspondent
des potentiels électriques (potentiels microphoniques, potentiel de sommation
et potentiel d ’action auditif). C’est à ce niveau synaptique que le signal se trans­
forme en message nerveux comme l’a montré Adrian (1928) en ce qui concerne
la succession stimulus-potentiel récepteur local-potentiels d ’action propagés et
répétitifs des messages nerveux qui constitue cette « conversion » de signal
en message dans les récepteurs sensitifs. De telle sorte qu'après la trans­
formation des Stimuli mécaniques en phénomènes électriques (dépolarisation)
il y a transformation des potentiels récepteurs en potentiels d’action. Mais
tandis que la première transformation est « analogique » (reproduisant la
forme de l’excitant), la seconde est une transformation « digitale », le
potentiel récepteur continu étant converti en signaux discontinus. L’infor­
mation sera donc transmise dans la mesure où elle est encodée. A l’égard
de ce cc coding » de l’information dans le nerf auditif (1), H. Davis (in Sen-
sory, Communication de Rosenblith, 1961, p. 120-140) fait remarquer que si
classiquement l’information est attribuée soit à des fibres nerveuses spécifi­
ques (« place principle »), soit à des spécificités fonctionnelles de volées d ’influx
nerveux (« frequency principle »), il semble que les deux procédés de for­
mation de messages se combinent. En général, ajoute-t-il, le système fonction­
nel auditif dépend du code pour la transmission de l’information selon la fré­
quence, l’intensité et les différences temporelles contenues dans le signal. La
multiplicité des codes (2) implique un nombre égal de centres capables de les

(1) Sur la nature du « periphed Coding », cf. W. A. H. R ushton {Sensory. Commu­


nication de R osenblith, p. 169-181).
(2) P. L äget (Code et décodage en neurophysiologie sensorielle, Journal de Psy-
chol., 1970, p. 133-141) a exposé très clairement le processus de chiffrage, de trans­
formation et de déchiffrage (décodage) que véhicule le système perceptif. Il rappelle
que pour A drian (1928) il n ’y a pas de signaux mais des messages à l’origine de l’infor­
mation sensorielle, dans ce sens que ne figurent à l’entrée du système que des formes.
Une première substitution ou transformation, c’est-à-dire une transcription est néces­
saire. C’est ce que Shannon a souligné en désignant le codage comme une transduc­
tion (séquence de symboles d ’entrée qui forment au retour des symboles de sortie).
Cette transduction exige que le système possède « une mémoire » propre. Il faut donc
distinguer le signal d ’entrée (le « référenté »); — la transformation ou transduction
qui constitue le codage proprement dit ; — enfin, l’interprétation nécessaire à la décision.
Autant dire que la projection anthropomorphique, ou plus exactement l’humanisation
de l’organe sensoriel est non seulement nécessaire dans la statistique combinatoire de
l’information mais implique l’organisation intégrative du système perceptif. L’ « inté-
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1139

décoder. Une fois lancés les messages, c ’est-à-dire les « signifiants » constitués
dans l’ordre interne du Sujet par correspondance à l’ordre externe des
« objets », ils circulent au travers des relais neuroniques (noyaux cochléaires,
olivaires et trapézoïdes, tubercules quadrijumeaux inférieurs, cors genouillés
médians). Au niveau des centres corticaux auditifs se produit une analyse
complémentaire des fréquences, c’est-à-dire une différenciation de « fréquences
caractéristiques » (Tasaki, p. 1158-1951). Cette analyse corticale des bandes de
fréquence exige une action « inhibitrice » qui exige elle-même un choix. « Des
résultats particulièrement intéressants ont été apportés, écrit à ce sujet V. Bon­
net (Traité de Physiologie de Kayser, Neurophysiologie, (p. 718), par
l’étude... de l’abolition par un son pur de fréquence variable... Dans ce
cas, un effet inhibiteur est observé lorsque sa fréquence est choisie (1) aux
extrémités de la bande qui active la cellule nerveuse étudiée ». Il tombe sous le
sens en effet que ces transmissions et transformations de l’influx nerveux sont
« encadrées » (R. Ruyer) par le sens qu’ils véhiculent; l’appareil sensoriel
est un champ dynamique régulateur « indépendant des rails nerveux » (Koflfka).

Le même dispositif fondamental de cette fonction réceptrice et conductrice


de Stimuli jusqu’aux centres cérébraux se retrouve dans tous les appareils sen­
soriels. Rappelons simplement que pour la vision (2) c’est la lumière (vibrations
électromagnétiques périodiques de fréquence et de longueur d ’ondes variable),
c’est-à-dire la partie très limitée du spectre électromagnétique auquel l’œil
est sensible (Kallensohn et Pagès, in Kayser 1963) qui constitue les Stimuli
spécifiques. C’est de ce flux discontinu de photons absorbés (aspect « quantique »
de la lumière) que résulte son effet sur le récepteur. Avant de produire dans l’épi­
thélium rétinien les modifications physico-chimiques et électriques propres
à la transformation des signaux ou messages, les Stimuli doivent tra­
verser un appareil physique qui constitue une sorte de « chambre antérieure »
où la lumière se réfracte mais aussi où la musculature de cette « antichambre »
de la vision en règle l’accommodation. Mais l’organe récepteur visuel, c’est
la rétine avec ses couches neuro-épithéliales de cônes et de bâtonnets mais
surtout la couche de cellules ganglionnaires qui, articulées aux cellules bipolaires
(neurones strictement intrarétiniens), ne comportent que des corps cellulaires

gron » que constitue un système perceptif est une sorte d ’homonculus qui, comme
le démon de M axwell , exécute les opérations nécessaires au bon exercice de sa fonc­
tion. Au cœur de ce déterminisme se découvre sa finalité, point sur lequel un neuro­
physiologiste spécialiste de la perception comme R. J u n g ( ou un biologiste comme
Fr. J acob) ne cessent d’insister. Aux métaphysiciens et à la foi (théiste ou athée)
de s’en accommoder...
(1) Ce « choix » constitue le fond du problème du « hasard et de la néces­
sité » au niveau des « synapses », puisque dans ces « points of decision » intervient
« fatalement » la finalité de l’organisme, si l’on ne veut pas dire l’intentionnalité
du Sujet.
(2) Cf. plus loin, p. 1164, un exposé plus complet du Système perceptif visuel
(cf. aussi supra, p. 938 et 1133):
1140 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

alors que les axones tapissent la face interne de la rétine pour constituer le
nerf optique. La rétine périphérique est structurée comme ta rétine centrale.
Et, effectivement, comme lorsque nous avons mis en évidence le premier niveau
de « coding » ou de transformation du signal en message dans la cochlée, nous
observons que ce que l’on appelle généralement un organe périphérique du
récepteur sensoriel, c’est déjà un « centre de triage et de choix ». Sans doute
la sensation lumineuse ne peut se produire que si le récepteur absorbe la lumière
(et c’est l’étape photochimique de transformation de la rhodopsine qui prend
son origine dans les bâtonnets dont dépend la vision scotopsique), mais la per­
ception visuelle ne dépend pas de cette réaction chimique pour, au contraire,
n ’apparaître qu’en l’encadrant en l’intégrant.
L ’électrorétinogramme de rétines complexes (Granit) a mis en évidence
les potentiels d ’action des cellules ganglionnaires. Et, à cet égard, la distinction
entre processus photopsiques et scotopsiques se retrouve. Lorsque le stimulus
lumineux dure 1 ou 2 secondes, la réponse peut affecter soit le type « on »
(volée d’influx brève correspondant à l’impact du stimulus), le type « off »
(volée d’influx après un temps de latence après cessation du stimulus) et un
type « on » et « off ». Cette micro-électrophysiologie rétinienne a permis de
découvrir dès ce niveau « périphérique » des phénomènes d ’intégration spa­
tiale et temporelle; somme toute, un cc codage » de l’information.
Dans son mémoire sur la Neurophysiologie et la Psychiatrie (Psychiatrie
der Gegenwart, p. 516-517), R. Jung met en évidence 5 types de réactions des
neurones corticaux à la stimulation lumineuse de la rétine. Les neurones de
type A ne réagissent pas à la stimulation binoculaire. — Les neurones de type B
correspondent aux neurones « on » de la rétine; ils sont activés par la lumière
et inhibés par l’obscurité. — Les neurones de type C sont inhibés aussi bien par
la lumière que par l’obscurité. — Les neurones de type D correspondent, comme
nous venons de le rappeler, aux neurones « off » de la rétine et sont inhibés
par la lumière et activés par l’obscurité. — Enfin les neurones E correspondent
aux neurones « on-off » de la rétine et sont activés aussi bien par la lumière
que par l’obscurité. Les deux grands systèmes fonctionnels antagonistes (B. Sys­
tème répondant à la lumière et D. Système activé par l’obscurité) constituent
donc écrit R. Jung, p. 517, un jeu antagoniste d ’excitation et d ’inhibition
réciproques, c’est-à-dire une auto-régulation qui se rencontre dans l’ensemble
du Système de perception visuelle (im ganzen Sehsystem).
Quant à la vision des couleurs (1), nous allons voir que la vision chromatique

(1) Le Symposium de la Ciba Foundation (Londres, sous la direction de H. R ipps


et K n ight , C. R., Londres, éd. Churchill, 1965, 382 pages) a été consacré à la per­
ception de la couleur (Color vision). Dans les ouvrages de C. W. W itman (Seein-
gond Perceving, New York, éd. Pergamon, 1966) ou dans celui de R. L. G regory
(Eye and Brain, New York, 1965, 254 pages, trad. fr., Hachette, 1967), on trouvera
d’excellentes mises au point de ce problème. La revue générale de H. R ipps (Ann.
Rev. Psychology, 20, 1969) complète ces informations. Il pense que la microspectro-
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1141

n ’est plus tout à fait envisagée à partir de propriétés élémentaires simples comme
du temps de Young et de Helmholtz qui proposaient un triangle fondamental
de couleur, ou de Hearing qui préconisait un schéma tétrachromatique avec
quatre fondamentales réunies en deux couples de couleur antagoniste. Plus
tard, on recourut en effet à un schéma polychromatique à nombre variable
de couleurs (7 dans la théorie de Edridge-Green, 1929), puis à un nombre
illimité dans les théories de la variation continue de la qualité chromatique
avec la longueur d’onde (1). Du point de vue photochimique, la vision de couleur
implique l’intervention de photopigments de cônes qui a fait l’objet d ’études de
chimie pigmentaire guidée par la microspectrophotométrie. A ce sujet, on s’est
demandé si la sensibilité spatiale est corrélative au nombre de photopigments
en cônes, et si chaque cône contient un ou plusieurs pigments (Marks, 1963;
Brown et World, 1964). Il ne fait pas de doute en tout cas qu’à ce niveau les
radiations chromatiques s’engagent dans des canaux d ’information dans la
mesure même où ils se transforment en potentiels électriques. Mais ce que
nous voulons souligner encore d’après R. L. de Valois et I. Abramon (1966),
c’est que même à ce niveau il existe un « feed-back control » entre les différents
types de récepteurs; l’idée qui consisterait à placer la spécificité de la vision
chromatique dans les Stimuli, se heurte à l’énorme complexité d’élaboration
et de filtrage que la rétine (comme la cochlée) peut et doit assurer.
Disons encore à propos de ces deux seuls appareils sensoriels spécifiques
dont nous exposons la texture essentielle, qu’il est très remarquable que l’on
trouve à des niveaux différents (la cochlée et les circonvolutions de Herschl — la
rétine et Y area striata) des structures de contrôle, de coding, de sélection, de
modulation et de différenciation de codages analogues. Cela résulte notamment
de ce que dit Richard Jung à propos de l’analogie des inhibitions réciproques
entre les neurones « on » et « off » de la rétine et les neurones B et D dans les
neurones corticaux (cf. supra). Somme toute, l’organe des sens périphériques
constitue avec les centres sensoriels corticaux et les relais intermédiaires un
appareil de réception, de filtrage des Stimuli (un certain ordre naturel) spécia­
lisé pour certaines catégories (un certain ordre extérieur) de propriétés phy­
siques, chimiques ou électromagnétiques du monde extérieur. Cette analyse
est nécessaire à la transformation de ces signaux en messages sensoriels,
c’est-à-dire en informations codées selon une catégorie (ordre humain) imposée
à l’ordre naturel. Aussi p e u t - o n p a r l e r d ’u n ana lyseur p e r c e p t if d o n t
l ’o r g a n e des sens est aussi bien a u cen tr e q u ’a la p é r iph é r ie ; car c’est

photométrie des cônes isolés permettra de faire des progrès dans la chimie pigmentaire
des récepteurs.
(1) Cf. TheEye de H. D avson, New York, Acad. Press, 1962 et la revue générale
de R ussell, L. de V alois et I. A bramov {Ann. Rev. of Psychology, 1966, 17, p. 337-
362); celle également de H. R ipps , in Ann. Rev. Psychology, 1969. Il faut aussi se
rapporter au Symposium sur la vision des couleurs (Foundation Ciba, C. R., éd. Chur­
chill, Londres, 1965) et naturellement à l’ouvrage collectif sur la Rétine (sous la
direction de B. R. Straatsma, 1970).
1142 MODÈLE ORGANO-D YNAM1QUE

bien en effet à l’œil ou à l’oreille que revient essentiellement la fonction de la


vision ou de l’audition, à la condition toutefois d ’ajouter que ces organes
des sens sont des bourgeons du système nerveux qui permettent aux stimula­
tions (si l’on veut viser une sorte de microphysiologie), ou plus exactement
aux événements (si l’on entend replacer 1’« étant » dans sa condition d ’existence
réelle), de pénétrer jusque dans les profondeurs de l’être, là où s’élabore ses
réponses aux Stimuli, ou plus exactement l’adaptation raisonnable de son com­
portement. Aussi l’organe des sens qui dans la Physiologie des sensations de
Helmholtz était pour ainsi dire abandonné à une fonction purement réceptrice
des quantités de Stimuli doit plus naturellement être envisagé dans son orga­
nisation physiologique et psychologique comme l’objet d’une véritable psycho­
physiologie. C ’était déjà le point de vue de E. Hering (1880-1920) sur lequel
R. Jung insiste spécialement en rappelant aussi les idées de A. Tschermak
(1921) sur 1’ « exakte Subjectivismus » dont doit tenir compte la coordina­
tion des méthodes subjectives objectives qui sont la « via regia » d ’une vérita­
ble physiologie des sens (R. Jung, Psych. der Gegenwart, p. 511) et E. Küppers
(1971). Si du temps de J. Müller et d’Helmholtz il n’y avait pas à leurs yeux
de psychologues qui ne doivent être physiologistes, on peut dire qu’au cours
de ces dernières décades l’opinion des neuro-physiologistes qui se sont le plus
appliqués aux recherches sur les organes des sens et la perception est inversée :
il n’y a pas de physiologiste qui ne doive être psychologue.

Ainsi, l’organe des sens ne paraît pas être entièrement réductible dans sa
fonction à une théorie quantique (1) ou énergétique de l’activité de ses seuils
sensoriels ou de discrimination des formes. Des modèles psychophysiologiques
ont été dès lors proposés pour s’adapter à sa fonction d ’adaptation (notamment
à sa fonction de détection et de choix). Ainsi, I. Pollack (2) a souligné l’intérêt
de la théorie de l’information et de la « signal-detection » (3) pour autant qu’elles
permettent de se référer à un modèle « molaire » (on peut dire hiérarchisé)
de l’organisation sensorielle. Et c’est bien par ces modèles, ou plus exactement
par les limites imposées à leur usage (cf. par exemple la critique de R. Green
et M. C. Courtis, 1966 ; celle de R. Jung, 1967 ; de E. Küppers, 1971, etc.)
que nous débouchons maintenant sur les aspects proprement dynamiques,
opérationnels et sélectifs des appareils sensoriels. Car, bien sûr, ceux-ci com-

(1) M. A. B ouman dans son article « History and Present Station of quantum
theory in vision » (Sensory, Communication, 1961, p. 377-402) montre, me semble-t-il,
que la notion de seuil demeure en deçà de la théorie quantum-statistique.
(2) I. P ollack , « Developments in Psychophysics with implications for sensory
Organization » (Sensory Communication de W. A, R osenblith 1961, 89-98).
(3) R . R uyer dans son livre « La Cybernétique et la théorie de l’information » (1954)
a depuis longtemps fait justice de cette nouvelle physique électronique des sens... sans
sens ! — M. A udisio (Evol. Psych., 1968) a rappelé judicieusement que la cyberné­
tique de niveau macromoléculaire ne saurait convenir au niveau de la direction du
traitement de l’information.
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCPETIFS 1143

portent une physique de la propagation de l’énergie ou des propriétés élec­


tromagnétiques de la matière dans la mesure où ils sont des organes capables
d'extraire l'information. Mais ils ne sauraient être considérés seulement
comme des machines, fussent-elles électroniques. Sans doute sont-ils des
détecteurs cybernétiques dont la précision est fonction de la probabilité, mais
ils sont aussi et surtout des parties d ’un corps vivant.

3° L’organe d es sens con sidéré c o m m e p ro sp e c te u r


(la d yn a m iq u e in tern e d e l’acte p e r c e p tif).

Il est très remarquable qu’un représentant de l’école américaine de la


psychophysiologie, J. J. Gibson, rencontre précisément les représentants des
écoles psychologiques européennes de la Psychologie opérationnelle (Gestalt­
psychologie) et de la Psychologie intentionnelle (Aktpsychologie ), ou encore
de la Phénoménologie, pour affirmer que dans la perception ce n ’est pas « la
sensation » qui est importante mais le « scanning » (l’exploration) qui impose
l’ordre du Sujet à l’ordre de l’objet. Car pour lui l ’essentiel de l’acte perceptif
est, nous l’avons vu, un « pick-up information » par quoi les propriétés
sensorielles et spatiales de la sensation sont « obtenues » et non pas simple­
ment « données ».
En poussant un peu plus loin l’interprétation biopsychologique de l’acte per­
ceptif accompli par l’organe des sens, on pourrait presque dire que cet organe
cesse d ’être un organe sensible pour devenir un organe moteur. Car c’est bien
en effet au mouvement que nous avions déjà été renvoyé par Maine de Biran
et Bergson, et comme R. Mourgue ou V. von Weiszäcker n ’ont cessé de le
répéter. L’intégration du mouvement dans la perception est d ’ailleurs, nous
l’avons vu, un des thèmes les plus exploités par la psychophysiologie expé­
rimentale. Rappelons simplement ici les travaux de R. W. Ditchburn et
coll. (1952) dont nous avons déjà fait état (cf. supra, p. 61-62) et les remarques
sur perception et mouvement (1) de S. J. Freedman (1964) et de H. L. Teuber
(1972).
Depuis tant de temps que les philosophes, psychologues et physiologistes
discutent sur les fonctions sensori-motrices, nous devons enregistrer comme
un trait de l’esprit des temps présents (du « Zeitgeist ») que l’hypothèque idéa­
liste est levée, en ce sens que, soit avec Husserl, soit avec M. Merleau-Ponty, soit
avec J. J. Gibson, le sens des organes des sens n’est pas de fournir des repré­
sentations ou des images, mais bien de nous mettre en communication avec
« les choses elles-mêmes », avec les objets de notre monde. De telle manière que
le sens des organes des sens n ’est pas en quelque sorte à sens unique ; il implique
un courant réciproque d ’incitation qui assure l’impact réel du Sujet à son Monde.

(1) S. J. F reedman , Symposium de Bel Air sur la Désafférentation. — H. L. T euber ,


« Perception et mouvement », in Neuro-psychologie de la perception visuelle (1972,
p. 187-221).
1144 MODÈLE O RGA NO-D YNAMIQ UE

Et c’est précisément ce « renversement » en quelque sorte centrifuge qui est


caractéristique d ’une nouvelle orientation du 'problème qui nous occupe ici :
celui de l’intégration des appareils sensoriels dans la vie psychique.
Nous avons déjà noté (dans le chap. Il de la Première partie) que l’orga­
nisation du champ perceptif s’ordonnait par rapport aux mouvements conscients
et inconscients, virtuels ou actuels, nécessaires à l’analyse et à la détection
des formes. Nous y reviendrons encore plus loin (p. 1168-1170). Les nouvelles
perspectives — d ’ailleurs pas toutes nouvelles — dans lesquelles est envisagée la
structure de la perception et sa « subception » (1), peuvent être groupées sous
diverses rubriques : la composante motrice ou le comportement moteur, — la
motivation instinctive ou affective, — la composante mnésique et imaginaire
inconsciente, — le développement génétique de l’apprentissage, — la fonction
de sélection, — et le jugement de réalité, toutes instances impliquées dans la
dynamique de la projection perceptive, c’est-à-dire de la constitution de
l’expérience sensorielle. Il suffit d ’ailleurs d’énumérer ces termes de l’analyse
factorielle de l’activité des appareils sensoriels pour saisir du même coup que
la « sensorialité » n ’y apparaît pas comme un élément de base mais comme
la résultante d’une combinaison aléatoire admettant un paramètre de variables.
Tandis qu’aux yeux de la Neurophysiologie des récepteurs spécifiques la sensa­
tion était considérée comme un phénomène simple et univoque réductible à la
spécificité de ses propriétés sensorielles constantes, nous nous trouvons main­
tenant entraîné à considérer le système perceptif comme une organisation
dynamique où les « données sensorielles » ne sont, ni élémentaires, ni don­
nées. L ’appareil des sens apparaît construit pour prendre plutôt que pour rece­
voir les sensations qui sont nécessaires à la liaison actuelle du Moi ou son
monde, à l’enracinement de chaque expérience vécue dans la réalité des choses.
Mais, bien sûr, ce ne sont pas les choses seulement qui excitent les organes
des sens, ceux-ci étant eux-mêmes animés par leur force de prospection. Tout
ce que nous allons dire en effet de cette dynamique de 1’ « encadrement » de
la perception dans sa marche vers l ’objet nous renvoie à un dénominateur
commun : la couche stratifiée des mouvements transitifs (2) qui propulsent
l’être psychique dans sa communication avec le monde des objets.

P e rc ep tio n e t m o u v e m e n t. — Que le mouvement soit intégré dans l’acti­


vité sensorielle, c ’est un fait qui a été depuis très longtemps reconnu (et que
nous venons de rappeler). C’est généralement sous forme de mouvements nais­
sants ou virtuels que les psychologues et neurophysiologistes ont mis en évi­
dence la participation motrice à l’acte perceptif. Pour ne pas remonter au déluge
métaphysique des temps anciens, ni même jusqu’au Siècle des Lumières, nous
pouvons rappeler l’importance du « sens de l’effort » dans la psychologie de

(1) Cf. plus loin (p. 1149) la note où nous explicitons le sens de cette notion.
(2) J. G aito (1964), par exemple en parlant de la fonction sélective des organes
des sens, souligne précisément cette valeur transitive et active et non pas seulement
passive ou réceptrice.
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1145

Maine de Biran qui le tenait pour le « fait primitif » du « sens intime » (Essai sur
les fondements... 1859); de telle sorte qu’il considère que le pivot du système
perceptif c’est la fonction d ’attention qui « fixe les organes mobiles comme
l’ouïe ou le toucher sur l’objet présent ». Depuis lors, cette intuition d ’une
« force motrice » propulsive de l’action ou de la pensée (qui était, disait
H. Jackson, le rêve de l’action) est devenue une idée directrice de toute science
de l’organisation de la vie psychique. On la retrouve, bien sûr, chez tous les
« psychistes » et « romantiques » du xixe siècle, puis chez William James
comme chez Bergson ou Ribot. Ensuite, elle s’est pour ainsi dire enfoncée
jusque dans les automatismes idéatifs et perceptifs, les schèmes moteurs (Berg­
son), les attitudes motrices (Binet, Ribot), dessinant dans l’action qui l’ordonne
et la prépare la finalité de l’acte perceptif (1).
Nous avons déjà fait allusion plus haut à l’importance des effecteurs dans
la perception (cf. p. 62, l re Partie). Nous pouvons rappeler ici également les
travaux de D. O. Hebb (Organization o f Behavior, 1949) et sa théorie de la
séquence des phases qui relie la reconnaissance ou leaming des mouvements
oculaires nécessaires pour explorer les objets. Le travail de S. J. Freedman
(Bel-Air, 1964) est du point de vue de l’expérimentation visuo-motrice et audi-
tivo-motrice particulièrement remarquable. Il expose avec quelle ingéniosité
de méthode comment la perception a pu être empêchée par le non-usage du
mouvement (celle-ci étant, bien sûr, requise par exemple pour le redressement
du champ visuel dans l’expérience de Stratton) : il a mis en évidence l ’inversion
du système sensori-moteur (labyrintho-auditif) à l’aide de son pseudophone.
L’étude de H. L. Teuber (1972) portant sur la composante kinétique de la
présentation, de la compensation et de la représentation en tant qu’actes
nécessaires à la perception est aussi fort intéressante. Les expériences de Richard
Held et coll. doivent retenir plus particulièrement l’attention en raison de
l’ingénieux dispositif expérimental qui permet de mettre en évidence le rôle
des mouvements actifs et des mouvements passifs dans l’adaptation de la visée.
C’est d’ailleurs sous la présidence de H. L. Teuber que le Colloque sur la fonc­
tion du regard (C. R. 1971) a apporté d’importantes contributions à ce pro­
blème (G. C. Lairy, A. Dubois-Poulsen, B. Weiss, S. Shanzer, R. Held du
Massachusetts Institute of Technology, A. Rémond, etc.).
— Mais les travaux de V. von Weiszâcker (2) sur l’acte biologique de la per­
ception sont à cet égard déterminants. Percevoir, dit-il, est une auto-activité,
c’est un auto-mouvement, car « je me meus en me faisant apparaître des mou­
vements ». La fonction de perception (en allemand Wahr-nehmen implique que
quelque chose est pris dans sa perception) est donc une fonction essentiellement
active, une véritable préhension. Elle fait partie des fonctions de l’organisme

(1) L’ouvrage de R. M ourgue (1932) est tout entier orienté par l’hypothèse
d’une structure psycho-motrice de la perception et de l’Hallucination (cf. p. 94-115
spécialement).
(2) « Der Gestaltkreis » (Le cycle de la structure), trad. fr. M. F oucault , Desclée
de Brouwer, Paris, 1958, p. 38-60.
1146 MODÈLE ORGA NO-D YNAMIQ UE

comme la respiration ou la reproduction. Ce qui donne l ’illusion que la per­


ception est pour ainsi dire dépendante de l’objet dont elle reçoit les Stimuli
spécifiques, c’est que la fonction de la perception s’identifie avec la fonction
d ’identification, c’est-à-dire à la constance de la relation qui s’établit à travers
les diverses apparences entre le Sujet percevant et la chose perçue (c’est, dit
von Weiszäcker, la loi de monogamie qui règle ce rapport de constance en
excluant toute inconstance, ou si l’on veut, toute infidélité...). Or, l’établissement
de cette constance ne peut s’établir que par une succession de rapprochements
et de ruptures avec l’objet qui sont comme les configurations que décrit Vauto­
mouvement dans et par sa démarche vers l’objet. Plus loin (p. 82), l’auteur se
référant implicitement au sens « biranien » de force montre que la perception
d ’un poids (et la sensation qui s’y référait) ne dépend pas d ’un quantum de
force mais de la force qui est dépensée par le Sujet dans la configuration spé­
cifique et qualitative de ses mouvements. Les conditions de la perception (p. 124-
158), c’est-à-dire de la « prise de conscience active d’un objet comme une chose
produite par les fonctions », exigent une structure anatomique, une structure
physiologique et une structure temporo-spatiale. La structure anatomique est
seulement organisée pour prolonger dans le corps la physique du monde des
objets, elle demeure extérieure à la perception (tout en pouvant devenir objet
de fausses perceptions, point qui naturellement retiendra plus loin tout spé­
cialement notre attention). La structure physiologique, telle qu’elle est l’objet
de la physiologie sensorielle depuis Helmholtz, est de plus en plus considérée
comme une structure « quasi physiologique » conforme à la Gestaltpsychologie
dans la mesure même où à la physiologie des sens s’ajoute un acte psychique de
signification. C’est ainsi que la discrimination ou la fusion des qualités sensibles
ne dépend pas du tout des qualités statiques mais des figures des mouvements.
Enfin, en ce qui concerne les dimensions du temps, de l’espace et de la quantité,
la perception ne doit pas être conçue comme une image toute faite mais comme
une activité en devenir. Elle n ’est pas le produit subjectif d’un aboutissement
mais la rencontre où se conjuguent le moi et le milieu (F. J. Buytendijk, 1956) —
Mais les structures vécues ne sont pas des structures objectives car les struc­
tures des perceptions sont conditionnées par les structures des choses objec­
tives. V. von Weizsâcker insiste beaucoup sur les qualités structurales objectives
qui ne peuvent pas être exclues de la perception mais qui y entrent pour combler
l’intervalle qui sépare le réel du possible. Si le regard suit les rails du chemin de
fer une convergence lui apparaît qui peut aller jusqu’à la fusion : l’axiome
mathématique sur les parallèles est pratiquement éliminé par la vision. Tel est
en effet l’antilogisme de la qualité de la perception, ce qui revient à décrire
la réalité que la perception nous permet de voir (d’entendre ou de sentir)
comme une réalité qui n ’est pas celle d ’un espace et d ’un temps mathématiques
(Nous avons retrouvé la même idée dans les concepts d ’array et de pick-up
information dans la théorie de J. J. Gibson). Il convient donc de renverser les
termes habituels du problème de l’ordre objectif. Si les structures anatomiques
et physiologiques ne peuvent expliquer les opérations des organes, reste à
constater que cependant elles permettent ces opérations c’est-à-dire qu’elles
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1147

peuvent les rendre possibles ou impossibles, et ce sont les conditions anato­


miques et physiologiques de la possibilité du mouvement qui déterminent
la forme dans laquelle il se réalise. On voit à quel degré de profondeur
V. von Weizsâcker nous fait accéder par son analyse de l’automouvement
perceptif.
Si un lecteur superficiel pouvait rester sceptique en prenant connaissance
des investigations réflexives et empiriques de ce grand neurophysiologiste,
peut-être pourrait-il devenir plus sensible à sa démonstration en se plaçant
à un niveau pour ainsi dire plus macroscopique. Percevoir c’est saisir, c’est
appréhender, c’est se saisir de quelque chose qui est séparé de soi par un inter­
valle ou un espace, de telle sorte que c’est la main se saisissant de l’objet qui
figure en quelque sorte l’acte de la perception (Erwin Straus). Cela revient
à mettre l’accent dans la perception sur toutes les conduites d ’écoute, d ’explo­
ration, d ’investigation, de fuite ou de rapprochement qui circonscrivent par
leur sens la possibilité des formes des objets à percevoir. Par le mouvement,
l’automouvement apparaît comme la condition de l’apparition de l’objet,
c’est-à-dire comme la manifestation de ce que « veut » percevoir le Sujet,
de ce qu’il veut « faire dire » aux objets de sa perception.

P ercep tio n e t m o tiv a tio n . — Que la motivation (terme par lequel on


a pris l’habitude de désigner la sphère affective, ou comme dit P. Guiraud
« ossitique » des pulsions, des tendances et des sentiments) entre non seu­
lement dans la perception mais la constitue, c’est bien une vérité d ’évidence.
Car il ne peut échapper à personne que l’émotion, le paroxysme ou la tension
de la vie psychique quand elle se porte vers le pôle du plaisir ou de la douleur,
engendrent une certaine modalité d ’être au monde qui exige du monde une
certaine manière de se présenter au Sujet. Le contexte affectif de la perception
(cf. supra, p. 65), nous l’avons déjà souligné, a été mis en évidence en ce qui
concerne l’influence des besoins et des tendances appétitifs ou répulsifs dans
l’expérimentation sur les seuils perceptifs de discrimination ou les rapports
figure-fond, sur la réversibilité et la « Gestaltisation » oscillante des figures ambi­
guës. Cette influence affective se projette dans les présentations tachistosco-
piques, la reconnaissance ou la non-reconnaissance des objets, les condition­
nements instrumentaux ou nociceptifs au cours des nombreuses recherches
de psychologie expérimentale, animale, ou des recherches sur la perception
humaine (1).

(1) Le livre de R. F rances (1962) contient l’essentiel de ce qu’il nous est néces­
saire d’exposer ici (p. 179-226). Les travaux de psychophysiologie animale sont innom­
brables sur ce point, notamment sur les conditionnements opérants et les seuils de
discrimination perceptive qui sont fonction des appétits. Signalons les études de
J. S. B rüner (1951) et de L. P ostman (1953) sur la genèse de la perception. Des
travaux analogues ont mis en évidence des facteurs affectifs dans l’acte perceptif
chez l’homme dans la perception des grandeurs (B rüner et Goodman, 1947 ; S chäfer
et M u rphy , 1943, etc.) ou dans la décision perceptive ou des effets de clôture des
1148 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

Mais cette motivation implicite qui projette la perception dans le sens d’un
affect, cette fonction à'expectation (J. S. Brüner, 1951) ou d’ « awarenese » qui
assurent à la perception sa dépendance à l’égard des Stimuli internes, si elle
est bien connue et depuis fort longtemps (cf. ce que nous avons déjà dit de la
projection affective des émotions, des sentiments et des complexes affectifs
dans la perception, cf. plus haut) a fait l’objet plus particulièrement d’études
sur les mécanismes inconscients, sur la microgenèse inconsciente, notamment
sur les inhibitions et les « défenses » d ’origine affective. Ce sont L. Postman,
Brüner et MacGinnies (1948) qui ont dans une série de travaux lié pour ainsi
dire le concept de vigilance et de défense, liaison dont nous avons fait dans notre
étude de l’être conscient le sens même de l’action législatrice de la conscience.
Leurs expériences par les tests d ’association verbale et à l’aide du tachistoscope
ont montré objectivement l’importance des répulsions et interdictions
inconscientes dans le mécanisme de la reconnaissance et du seuil de percep­
tion. La « perceptual defence » est devenue une sorte de leitmotiv des travaux
américains sur la perception. On la trouvera exposée dans la revue générale
de D. E. Johannsen (1967) qui s’attache à montrer de quelle dimension « nou­
velle » les recherches expérimentales ont doté la psychologie de la perception.
Le travail de Ch. W. Eriksen (1965) constitue aussi un excellent exposé de
travaux (presque toujours, là encore, sur la perception verbale et sur la base
de la théorie de l’analyse du comportement de défense de Bollard et Mil­
ler, 1950) qu’il a publiés avec plusieurs collaborateurs sur l’implication des
tendances affectives inconscientes dans la perception, c’est-à-dire la reconnais­
sance des objets qui appartiennent bien évidemment au monde objectif,
mais d ’abord aux « sets » ou aux « patterns » qui forment les conditions et
l’exigence de l’information.
Ce point de vue est si « rebattu » et, pourrait-on dire, si galvaudé que nous
n ’estimons pas nécessaire d ’y insister (1). Non point parce qu’il est sans impor-

figures ambiguës (S ommer et A yllon , 1956; S. J. K orchin et H. B asowitz , 1954)


ou encore dans la perception de la durée (W arm et coll., 1964). D’autres ont souligné
l’importance de l’état de besoin ou d’appétit (A. L. B eams, 1954; L. P ostman, 1953)
ou l’influence des récompenses antérieures dans la perception ou les conditionne­
ments opérants expérimentaux des formes ou des couleurs (R. Sommer et A yllon ,
1956; S nyder , 1956, etc.), ou au contraire après des chocs nociceptifs (R eca, 1954;
T. E. P ustell, 1957, etc.). La perception verbale a tout naturellement fait l’objet
d’expériences qui ont pu être mesurées par les effets de la projection de certains
sens « tabous » attractifs ou répulsifs (E. M ac G innies , 1949 et 1950; R osenstock,
1951; Siegman , 1956; J. C osterman, 1967, etc.), point sur lequel nous allons insister.
(1) Si nous avons d’ailleurs presque exclusivement cité — parmi des centaines
d’autres — quelques travaux américains, c’est uniquement pour permettre au lecteur
de constater que 1’ « analyse factorielle » de la perception selon la psychologie behavio­
riste la plus classique admet de plus en plus au centre des « comportements » percep­
tifs un sens, l’exigence d’une tendance affective qu’on appelle « motivation, » malgré
qu’elle nous renvoie généralement plutôt à la sphère des « mobiles » qu’à celle des
« motifs ».
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1149

tance, mais plutôt parce que son importance est si évidente que l’on se prend
à déplorer tant d ’efforts — parfois superflus — de sa démonstration scienti­
fique...
Il est à peine besoin également de souligner que cette propulsion affective
représente les tendances vitales du mouvement qui constitue la perception,
comme elle nous permet de saisir par anticipation l’autre dimension de la pros­
pection perceptive, celle de l’infrastructure de la perception que nous allons
maintenant envisager.

P e rc ep tio n e t p ré -c o n sc ie n t. — La frange subliminale de la perception


ne constitue rien d’autre que la racine fonctionnelle, la genèse et la profon­
deur de l’acte perceptif. Car, en effet, dans la mesure même où il se détend
vers l’actuel et l’espace pour les maîtriser, cet acte est lui-même dirigé dans
sa trajectoire par le passé qui l’a précédé et par les forces sous-jacentes qui
l’engendrent et l’orientent vers sa fin. Il y a, en effet, et il ne peut pas ne pas y
avoir, une genèse et une infrastructure de la perception — comme nous avons
vu qu’il y a une genèse et des infrastructures de la conscience. A certains
égards ce sont les mêmes mais à des niveaux différents d ’intégration, car à
ce niveau essentiel de la perception qui s’accommode mal de se départir
de la loi du tout ou rien qui l’oblige à affirmer que ceci est rouge, que ce
triangle est là (par conséquent que ceci n ’est pas d ’une autre couleur que le
rouge ou que ce triangle n ’est pas là), à ce niveau, quelles que soient les
obscurités, les implications, les variations et, pour tout dire, les incertitudes
de son mouvement, l’intégration de tout ce qui est antécédent, précurseur
virtuel ou aléatoire, doit justement exclure de la conclusion perceptive de
l’exécution de l’acte perceptif, ses scories, ses « à côtés » et cette « frange
subliminale » qui constituent la « subception » (1) de toute perception. Car à
1’ « empan » du champ perceptif correspondent les phénomènes de résonance

(1) Ce terme a été employé par M ac C leary et L azarus (1949) dans un sens très
spécialisé, pour désigner une corrélation partielle entre deux systèmes de réponses
notées dans leurs recherches sur les réponses électrodermographiques. Ensuite, É r i k -
sen a repris le terme pour désigner encore une corrélation partielle entre réponse
verbale et réponse motrice. Mais, naturellement, ces corrélations partielles ont fait
dire à M ac C leary et à L azarus que par subception il fallait entendre « un processus
par lequel une sorte de discrimination est faite par le Sujet lorsqu’il est incapable
d’en faire une qui soit consciente... » Ainsi ces expériences ont-elles renvoyé leurs
auteurs à la notion même de frange subliminale ou subverbale, au fond, à ce que l’on
appelle souvent la préperception. On consultera sur ce point les 3 ou 4 pages que
R. F rances consacre à cette notion. Dégagée de son sens originaire (stricto sensu),
elle nous paraît assez heureusement désigner bien sûr ce que F reud appelait le Pré-
Conscient de la Perception mais aussi ce qu’il en séparait et qui constituait à ses
yeux l’Inconscient, car pour nous le concept négatif d’inconscient ne peut qu’englo­
ber tout ce qui peut se réunir dans cette négation et qui est aussi ce qui hante la per­
ception, l’environne ou la dirige eii paraissant en être exclu.
1150 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

verticale (ou diachronique ou temporelle) ou horizontale (ou synchronique ou


de halo extracampin) qui sont non pas comme les « hors textes » du contexte
perceptif mais la préface ou la syntaxe « encadrante » de ce texte lequel ne peut
être effectivement lu que par celui qui a appris déjà à lire et qui est capable
encore d ’en faire la lecture. La perception exige que ce « halo » ou cette
infrastructure disparaissent pour qu’apparaisse le perceptum. La perception
règle cette éclipse et cette ellipse.

P e rc ep tio n e t apprentissage. — L'aspect génétique de la perception, ce


que l’on a appelé le développement perceptif (1), 1’ « apprentissage perceptif »,
la « genèse de la perception », suppose d ’abord l’acquisition d ’expériences
et requiert que la mémoire entre nécessairement dans l’acte perceptif (perce­
voir c’est se souvenir, disait H. Bergson, qu’il est de bon ton d ’oublier, faute de
se souvenir de son œuvre pourtant monumentale). L’expérience passée, incor­
porée à la constitution et à l ’activité propre du Sujet, représente la sédimen­
tation active des acquisitions (répétition des apprentissages, coordinations
sensori-motrices habituelles, accès aux significations, c’est-à-dire aux concepts
opératoires, réactions affectives « conditionnées », constitution des consignes
et des règles de la pensée et des institutions sociales). Elle entre évidemment
dans la reconnaissance des formes, l’évaluation de leur grandeur, leurs discri­
minations. L’entraînement (le learning perceptif) abaisse les seuils absolus et
différentiels (Titchener, 1905; M. Wolner et W. A. Pyle, 1933; R. F. Wyatt,
1936; Zuckerman, 1957). Certes, cette progression dans les effets favorisés par
l’exercice a — comme tout le monde le sait — des limites. C. E. Seahore
(1919) l’a démontré très facilement pour la perception musicale où l’appren­
tissage ne fait pas tout. Nous devons à R. Frances encore de très bonnes
réflexions et informations sur ce point (p. 35-62). Sous l’effet de l’exercice
émerge quelque chose là où il n’y avait rien (c’est bien le premier acte de la
perception conditionnée par la première « expérience »), et le Sujet assiste pro­
gressivement à l’apparition d’une unité différentielle, d ’une qualité intensive.
Mais bien entendu, c’est l’évaluation statistique des seuils qui peut nous
permettre de comprendre que pour une valeur de Stimuli moindre apparaît
en fonction de la répétition un accroissement de sensibilité aux Stimuli,
c’est-à-dire de leur discrimination ou de leur différenciation. Le « conditionne­
ment opérant » (par les « gratifications ») ou le « conditionnement clas­
sique » (par ses effets « habituels ») ne paraissent pas rendre compte de
P « insight » qui, effectivement, est le signe de la saisie perceptive pour autant

(1) On lira à ce sujet parmi cent autres, d’abord les travaux de E. J. G ibson (1953-
1963) et l’ouvrage de R. F rances, «L e développement perceptif» (1962) et, bien entendu,
l’importante contribution de P iéron , « La sensation guide la vie » (1955). « La psycho­
logie expérimentale » et son rapport au Symposium de l’Association Psychologique de
Langue Française (1955). K . U le et S. G udmund (1970) ont consacré un livre à l’ana­
lyse des facteurs « génétiques » du développement perceptif. Plus récemment (in
Neuropsychologie de la perception visuelle).
/. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1151

qu’elle constitue une nouveauté. Les enchaînements non aléatoires de réponses


(au fond, la variabilité ou l’incertitude de l’apprentissage) sont dus à des
fluctuations énergétiques ou à des effets en quelque sorte mécaniques d ’ancrage,
de mécanismes mnémoniques de fréquence; mais il est bien plus probable
que des facteurs plus dynamiques et sémantiques interviennent. C ’est ce
qui paraît évident par exemple lors de l’appréhension dynamique du Champ
de la lecture (et, en fait, toute perception revient à être une lecture). S. Rens-
chow (1945) a observé qu’un calculateur après soixante jours d ’apprentissage
a pu faire passer la perception tachistoscopique d’un nombre d’une durée
nécessaire de 9,23 s à 0,171. Il s’agissait, d’après l’auteur, d’un élargissement
de l’exercice du champ de vision distincte (Visual form field), d’un accrois­
sement du mouvement fonctionnel de la fovea (1). A ce progrès du champ
d ’appréhension statique (sans mouvements oculaires) s’ajoute un ajuste­
ment dynamique (avec mouvements oculaires). Bien sûr, par là nous saisis­
sons que l’expérience a cessé d’être une première accumulation de phénomènes
reproduits par la répétition, mais qu’elle est « ouverture » à un « empan »
fonctionnel de telle sorte que son « passé » n’est efficace qu’à la condition
d ’élargir le champ fonctionnel; ces possibilités d’élargissement entrant ainsi
dans le champ de probabilité des informations différenciées qu’elle « ouvre ».
Il n ’y a pas additivité des fonctions partielles ou des performances passées
mais multiplication de l’expérience passée par la capacité opératoire du Sujet.
Autrement dit, la probabilité d ’occurrence est encadrée par la possibilité conte­
nue dans la dynamique intégrative de l ’infrastructure, fonction de l’organe
des sens (de sa frange subliminale comme de ses mouvements et de son contexte
proprement cognitif).
C ’est ce dernier point qui a été principalement mis en évidence dans la
psychologie et l ’épistémologie génétique de J. Piaget (2). Pour lui, la consti­
tution de l’intelligence sensori-motrice est l’effet du développement, c’est-à-dire
d ’un progrès qui permet au Sujet de passer des stades originaires (premières
adaptations acquises et réactions circulaires primaires) au niveau opérationnel
des opérations les plus formalisées en passant par des stades où les schèmes
d ’assimilation et d’accommodation réagissent les uns sur les autres. L’enfant
assimile d ’abord le milieu extérieur, puis à cette assimilation implicative succède
une accommodation explicative. C ’est au travers de ces niveaux opératoires
que se construisent l’activité et le savoir de la perception, comme nous le
soulignerons plus loin.

P e rc ep tio n e t im a g e s inconscientes. — Nous devons envisager main­


tenant une autre dimension (profondeur et convergence de la vie psychique)

(1) Nous savons bien, et nous y reviendrons, qu’elle ne constitue pas seulement
un point dans l’espace mais un foyer fonctionnel qui peut s’adapter...
(2) Nous devons naturellement ici faire état des études de psychologie génétique
de H. W allon comme de celles des Gestaltistes behavioristes et opérationnalistes
et génétistes (cf. A. G urw itsch , Théorie du Champ de la Conscience, 1957).

u
1152 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

dont émerge l’acte prospectif de la perception. La « préhistoire » de la


perception ne constitue pas le seul « fond » ou « arrière-fond » de la per­
ception. Car, en effet, se « précipitent » autour de l’acte perceptif une infinité
de virtualités que nous appelons les souvenirs, les phantasmes, les images, tout
ce monde « extra-mondain » auquel la perception doit s’arracher sans jamais
pouvoir s’en détacher. C ’est ce halo « préconscient », subconscient ou
inconscient, affectif et imaginaire, ou en tout cas irréel et irrationnel qui
passe dans l’acte perceptif comme pour contrarier son élan vers la réalité
qu’elle vise. Tous les psychologues et tous les philosophes, tous les psy­
chiatres aussi, ont toujours « perçu » cette préperception ou contre-perception
qui engendre la perception. « Toute sensation, a écrit M. Merleau-Ponty (p. 249),
« comporte un germe de rêve ou de dépersonnalisation... Je ne puis donc
« que comme « déjà né » et « encore vivant » saisir ma naissance et ma mort
« que comme des horizons prépersonnels... Chaque sensation étant à la rigueur
« la première, la dernière et la seule de son espèce, est une naissance et une
« mort... Par la sensation je saisis en marge de ma vie personnelle et de mes
« actes propres une vie de conscience donnée d ’où ils émergent, la vie de mes
« yeux, de mes mains, de mes oreilles qui sont autant de Moi naturels... » Ce
que M. Merleau-Ponty vise ici ce sont ces coulisses de la scène perceptive d ’où
sort la représentation qui se prépare ou s’effectue et qui sont comme le lieu
étrange et étranger de sa périphérie ou de son excentricité, mais aussi de la
profondeur dont elle émerge. Et c’est précisément dans ce halo para ou péri-
perceptif que M. Palagyi et L. Klages ont décrit en désignant pour les peu­
pler les fantômes des images et des mouvements virtuels ou indirects qui les
animent.

Klages et Palagyi. — Pour bien comprendre la conception de ces auteurs


que nous allons rappeler, il faut bien saisir la liaison du mouvement et du
percept telle que nous l’avons mise en évidence en exposant notamment les
travaux de V. von Weiszacker. Pour M. Palagyi, la conception sensualiste
de la perception est « inconsistante ». Ce n’est pas la perception qui appartient
à la sensation mais le contraire, et c’est bien cette idée que nous avons reprise
à notre compte avec tous les psychologues et psychophysiologistes « dyna-
mistes » contemporains. M. Palagyi distingue parmi les processus psychiques
un plan en quelque sorte mécanique qui correspond à ce que l’on peut appeler
la physique des organes et des transmissions des stimulations sensorielles et un
plan de processus vitaux (Lebensvorgange). Parmi ceux-ci, il admet des proces­
sus végétatifs et des processus animaux. C ’est parmi ces « animate Lebensvor­
gange » que doivent être rangés les « Empfindungen », les sensations en tant que
phénomènes caractéristiques du « sentir ». Ce qui les caractérise c’est la place
intermittente ou discontinue qu’ils occupent dans la durée. Toute sensation appa­
raît ou est vécue dans une sorte de fulguration correspondant non pas à un
instant mathématique mais à un acte toujours entrelacé à un mouvement affectif
(Gefühl). Par là, le perçu est bien lié au vécu mais à la condition d’admettre
qu’il y a dans la constitution de l’acte vital de la perception entrecroisement du

[
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1153

vécu et de ces processus imaginatifs (Phantasievorgange) que M. Palagyi appelle


aussi des phantasmes (Phantasmen) pour autant que la conscience dans son
acte de perception se réfléchit aussi et nécessairement sur quelque chose d’inac­
tuel et qui lui échappe. Ce processus inactuel, que nous avons essayé de catégo­
riser dans notre exposé de la frange subliminale de la perception, comporte
des mouvements virtuels (virtuelle Bewegungen). Ceux-ci établissent comme un
trait d’union entre la psychologie de la perception du philosophe hongrois
Melchior Palagyi et celle du philosophe français Henri Bergson. Et, naturelle­
ment, selon un thème indéfiniment répété par Er. Straus ou M. Merleau-Ponty,
c’est l’appréhension des qualités tactiles par les mouvements de la main qui est
constamment transférée dans la virtualité de toute perception : c’est la visée,
c ’est-à-dire déjà une direction de mouvements qui dessine l’objet perçu... Disons
plutôt — et nous y reviendrons — qu’à la visée correspondent la sélection et le
filtrage qui, pour faire apparaître l’objet, l’étreignent en même temps dans les
limites de son sens et dans les qualités temporo-spatiales de sa « corporéité ».
Arrivé à ce point de la conception si souvent appelée cc théorie de la perception
de Palagyi et Klages » (Schorsch, 1934), nous devons introduire l ’idée que L. Kla-
ges se fait de l’imagination (Phantäsie) nécessairement impliquée dans la couche
des phantasmes perceptifs. Pour lui, la « Phantäsie » c’est la « vision » (Schauen)
qui est le support de toute perception pour autant qu’elle s’y mêle intimement
à la sensation. Pour notre part, nous dirions que c’est l’image, quel que soit
l’espace dans lequel elle est vécue (prochain dans la sensation olfactive ou
corporelle ou lointain quand nous voyons un objet ou entendons parler), car
l’image pour si détachée de l’objet perçu qu’elle soit, non seulement lui demeure
attachée comme son ombre mais le cerne de son halo en lui concédant un peu
de sa lumière.
L ’activité imaginative, ce halo fonctionnel d’images qui se passent dans
la perception est donc composée pour Palagyi de phantasmes directs (direkte
Phantasmen) ou de phantasmes inverses (inverse Phantasmen). Quelles sont
l’origine et l ’importance de ces « phantasmes indirects » qui sans cesse nous
détournent de l’actualité et nous attirent vers le monde de l’imaginaire (Phan­
täsie) ? Pendant l’état de veille il existe comme un balancement alternatif
entre ces deux forces qui s’équilibrent. Si une personne A nous rappelle une
personne B, l’image de A et celle de B oscillent jusqu’à ce que le phantasme
direct de la perception de A prenne le dessus. Le phantasme inverse est donc
une représentation (Vorstellung) mais à la condition de ne pas se faire une idée
de cette représentation seulement conforme à la psychologie associationniste
des traces mnésiques; car, bien sûr, l’interférence des images est elle-même
affectivement investie. C ’est de la sphère de l’émotion et des sentiments qu’émer­
gent les « phantasmes inverses ». Ceux-ci prédominent justement lorsque dans le
sommeil s’établit un fort courant vital affectif (intensivere vitale Gefühlsprozess).
Cela revient à dire, nous semble-t-il, que les phantasmes inverses représentent
ce qui dans la perception du réel lui est le plus contraire pour être entièrement
soumis au principe de plaisir. Sans aller jusqu’à cette interprétation freudienne
de l’image et par conséquent jusqu’à la théorie de l’Inconscient libidinal,
1154 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

M. Palagyi et L. Klages (comme H. Bergson ou M. Merleau-Ponty) l’impliquent


sans cesse dans leur théorie de la perception. Car faire de l’esprit (Geist) et de
la vie psychique (Seele) les deux termes antagonistes de la dialectique vitale
de la « Psyché », c’est évidemment reprendre la distinction fondamentale
de la conscience et de l’Inconscient. Pour L. Klages notamment, le niveau
de l’activité rationnelle (Geist) et celui de l’activité animique (Seele) sont
également nécessaires pour que se constitue une réalité qui comporte à la fois
la réalité du vécu (Wirklichkeit) et celle de l’être (Sein). Nous retrouvons là
le thème constant de la discussion sur la partie « noétique » et la partie « noéma-
tique » (Husserl), la partie « sensorielle » et la partie « intellectuelle » (dans
le système cartésien), la matière et la forme (dans la métaphysique aristotéli­
cienne) de la perception. Mais dans la perspective de Palagyi et de Klages,
c’est précisément par l’acte vital de l’intégration que s’opère à un niveau pro­
prement sensoriel (sinnliche Erleben) cette fusion. C’est là, dans cette couche
propre du « sentir », du vécu sensoriel ou sensible, que joue l’équilibre des
forces de l’image et des qualités sensorielles qui lui fournissent sa « corporéité »
(Koperlichkeit). Et pour L. Klages ce niveau n ’est ni celui de la représentation
idéique ni celui de la mémoire, car si l’activité de la conscience « estampille »
(stempelt) les processus de la sensation, de l’imagination ou du rêve selon les
rapports que ces phénomènes admettent entre le savoir et le vécu, ici, au niveau
de l’expérience sensible c’est la circulation même du sang de la vie psychique
qui circule si nous osons recourir à cette métaphore, métaphore qui paraphrase
celle de C. G. Carus (que rappelle L. Klages) et qui désigne l’esprit, le Geist,
comme la plus haute floraison de l’âme. On voit de quelle atmosphère réso­
lument poétique, intuitive et vitaliste ces philosophes ont fait jaillir Yacte
perceptif. Et c’est bien ainsi, en effet, qu’il se constitue, à partir non pas d ’une
« donnée des sens » mais d’une « donnée de sens » (Sinngebung) qui est comme
le germe de la configuration sensorielle de la perception. Celle-ci est une fron­
daison ou une floraison qui ne croît qu’en puisant par ses racines la sève des
sens.
Cette frange phantasmique subliminale, cette nuée d’imaginaire dont naît
la perception, est comme le fond de l’expérience sensible. Celle-ci, en effet,
ne se constitue que sur un fond qui est comme l’image virtuelle, ou l’écho,
ou le murmure de la vie qui anime chaque organe des sens. Il n ’est pas sans
intérêt en invoquant ainsi cette « donnée interne de sens » qui entretient une
sorte de tonus psychique, de noter la profonde remarque d’un grand neuro­
physiologiste des sensations. Richard Jung (à propos de l’intégration neuro­
nale dans le cortex visuel) fait remarquer à propos du modèle cybernétique
de l’appareil sensoriel qu’il ne peut pas être assimilé à celui d ’un « computer »
à code binéaire, car les décharges neuronales d’arrière-fond (background
discharges) sont radicalement différentes du « noise » ou du « cross talk »
des machines électroniques. Dans les assemblages des computers, le bruit
de fond (noise) ne peut pas entrer dans la fonction d ’intégration, tandis
qu’au contraire la « background activity » (ce qui correspond par exemple
au gris propre du champ visuel quand les yeux sont fermés, à 1’ « Eigengrau »)
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1155

exerce une fonction positive pour représenter une propriété du Sujet et


déjà manifester sa présence.
Et c’est bien à cette fonction positive, ou plus exactement active, que nous
songeons en soulignant l’importance dynamogénique de ce qui sans apparaître
dans la perception, la fait, elle, apparaître, la sollicite et la dirige vers son objet;
c’est l’ordre auquel elle obéit et qui exige de l’acte perceptif qu’il se détache
de l’activité purement subjective pour que soit saisi dans sa catégorie de réalité
l’objet qu’il vise — pour qu’il vienne à cet appel se ranger dans l’ordre des
qualités sensibles qui composent l’ordre des objets.

P e rc ep tio n e t ju g e m e n t. — L ’acte perceptif est hanté par l’attitude caté­


gorielle d ’un jugement qui pose l’objectivité de l’objet perçu selon les règles
auxquelles sa perception doit se conformer.

Piaget. — Et, c’est bien ainsi, en effet, que dans la perspective génétique
J. Piaget nous a montré comment le montage des mécanismes perceptifs
suivait l’évolution des structures opérationnelles : celles qui fournissent la
connaissance des transformations d ’une configuration à l’autre et celles
des structures figuratives qui fournissent la connaissance de ces états eux-
mêmes. Pour lui, il y a une incessante et réciproque interaction entre les
schèmes sensorimoteurs pré-représentatifs (isomorphes et réversibles) et
la constitution de cadres médiats, schèmes, cadres conceptuels des struc­
tures opératoires qui assurent par leur mobilité et leur niveau d ’abstraction
l’exercice logique des activités perceptives proprement intellectuelles. Comme
il le précise à la fin de son ouvrage « Les Mécanismes de la Perception » (1961),
la perception ne peut pas se confondre à son niveau propre avec celui de
l’intelligence, mais la perception préfigure en quelque sorte dès ses origines
génétiques la construction des schèmes opérationnels dont l’exercice abou­
tit à une logique notionnelle des transformations opératoires (classification,
sensations, transformations spatiales, cinématiques, etc.). A la perception
appartient l’aspect figuratif de la connaissance : à l’intelligence appartient
son aspect opératif. Et, en définitive, si la perception n’est pas toute l’intel­
ligence il n’y a pas de perception réductible à une simple sensation car elle
implique toujours des actes de connaissance figurative. Il suffit de rappeler
ainsi les principales idées de Piaget sur l’épistémologie génétique de la per­
ception pour marquer du même coup sa solidarité avec la « Gestaltpyscho-
logie ». Pour autant, en effet, que celle-ci a visé les éléments figuratifs du
champ perceptif, ou plus exactement la configuration des formes ou spec­
tacles perceptifs rassemblés par les seuls effets de champ, elle a introduit
une nécessaire organisation intrinsèque des qualités sensorielles. Or, une
telle organisation dans sa légalité renvoie à la finalité même, c’est-à-dire au
sens, c’est-à-dire au Sujet (au « Gestalter » de la « Gestalt »). Et c’est en effet
par l’éclat de Vinsight, de YEinstellung ou, pour parler français, de l’intuition
intellectuelle, que se forme la forme de l’objet perçu. Car, bien sûr, c’est
l’école de Leipzig avec F. Krüger qui a raison quand il fait dépendre comme
1156 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

de son antécédent logique et structural les éléments qui se connectent dans


la forme de sa totalité originaire. Mais nous nous sentons, ni le courage, ni
l ’obligation de développer ce thème des rapports de l ’intelligence et de la
perception. Tout au plus mentionnons-nous ici que la structure « noématique »
du vécu complète son intentionnalité noétique pour le mettre en forme objectale.

Rien ne peut, en effet, être perçu qui n ’implique un ordre (« Ordnung »,


ou « Einstellung », ou « array », ou « set », disent chacun dans leur langue
tous les psychologues ou neurophysiologistes contemporains), c’est-à-dire une
référence au système temporo-spatial, géométrique, logique et rationnel à la
réalité. Cette exigence (ce jugement inconscient ou cette inférence inconsciente
comme disait, nous l’avons vu, Helmholtz) « hante » ou « habite » l’organisation
même de l’acte perceptif dont il constitue, comme le dit Brüner (1958), le pro­
cessus de catégorisation. Tout comme Helmholtz, Brüner considère ce processus
logique pour si virtuel ou embryonnaire qu’il soit, comme un « syllogisme en
raccourci » dans lequel les prémisses seraient la classe ou catégorie définies par
les indices sensoriels et dont la conclusion (unbewusste Induktionschluss ou
unbewusste Schlüsse disait, répétons-le, Helmholtz) est un jugement d’inclu­
sion de l’objet dans la catégorie ou la classe. Mais ce jugement, inconscient
qu’il soit, opère par exclusion ou inclusion : « la perception, dit Brüner, fonc­
tionne parfois comme un comité d ’accueil et parfois comme une commission
de sélection » (p. 23). Comme le fait remarquer R. Frances, cette virtualité
logique entre dans le champ des potentiels perceptifs qui sont impliqués dans
tout champ perceptif à titre à'hypothèses. La théorie des « hypothèses » de
Portman n ’est, au fond, rien d ’autre que la mise en forme de la hiérarchie
des virtualités impliquées dans la dynamique prospective de la perception.
Encore faut-il ajouter que la catégorisation du perceptum n ’implique pas
seulement une logique de l’identité mais requiert aussi un jugement thétique
de la réalité (de l’irréalité ou des divers niveaux de réalité). Et il s’agit bien là
du plus haut niveau opérationnel de l’exercice du jugement puisque, en défi­
nitive, c’est de lui que dépend le sens « exact » de l’expérience vécue, c’est-à-dire
sa réalité.

4° Le sens d e s « sens » e t d u « se n tir ».

Nous devons encore revenir, pour les compléter, sur les réflexions que
nous avons déjà faites plus haut. Parler de sentir ou de sensation, ou d'organe des
sens, ou d’expériences sensibles, c’est toujours se référer à ce qui est commun à
toutes « les manières-d’être-au-monde » par quoi s’instaure hic et nunc la commu­
nication du Sujet avec son monde. Or cet hic et nunc passe nécessairement par
les limites de l’exiguïté temporelle et spatiale qui circonscrit le « sentir » dans
une modalité de la vie de relation dont le corps est le lieu et l’instrument néces­
saire. Disons donc que sentir, avoir des sensations ou vivre une expérience
sensible, c’est pour le Sujet essentiellement faire entrer le monde dans son corps.
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1157

Erwin Straus. — Il n ’y a pas de « vécu » si purement vécu dans sa subjecti­


vité qui n’arrache au Sujet, ne fût-ce que le cri de la douleur ou du plaisir,
ou l’affirmation de la certitude que « quelque chose » a été « senti » ou « res­
senti » par le Sujet dans ou par son corps. La différence qui peut séparer ce
« dans » ou ce « par » a permis à Erwin Straus de nous proposer un « spectre des
sens » (ein Spektrum der Sinne », p. 390), c’est-à-dire une classification des sens
établie selon la catégorie de l’éloignement qui est pour lui la forme temporo-
spatiale essentielle du sentir (raum-zeitliche Form des Empfinden). Si, en effet, le
tact consiste essentiellement à se saisir d’un objet qu’il faut rapprocher et qui ne
peut être senti que par la palpation qui en fait apparaître les qualités sensibles, si
la vue est au contraire cette modalité du sentir qui établit la plus longue ou la
plus infinie distance entre le corps et l’objet, si l’ouïe est le sens de la proximité
mais d’une proximité en quelque sorte de circumduction; si, par contre, les
« sens oraux », l’odorat et le goût ne nous font sentir que ce qui y est dans
le contact le plus intime avec notre corps et jusque dans sa cavité primitive,
il est bien évident que les sens peuvent en effet se distribuer aussi bien comme des
organes de la relation spatiale que comme des organes des sensations élémen­
taires. Bien plus, cette manière de considérer le « sentir » en le rapportant
à l’intuition temporo-spatiale, à la forme kantienne a priori de toute sensibi­
lité, est la seule modalité possible d’introduire l’unité dans la diversité des sens.
Et c’est là, en effet, la thèse que défend Er. Straus dans son fameux ouvrage,
comme nous l’avons maintes fois souligné dans celui-ci. Il entend constamment
montrer que les modalités de sentir, même si elles diffèrent d ’un sens à l’autre,
se rejoignent derrière l’apparente diversité des sens. Et il montre à ce sujet
comment la « sensation » est avant tout une relation non verbale, une commu­
nication « symbiotique ». Le monde du sensible, dit-il (p. 200), est le monde
qui nous est commun avec les animaux. De telle sorte que la constitution per­
ceptive des sensorialités spécifiques est seulement un « épiphénomène » qui
ne trompe que ceux qui ne savent pas voir que les informations propres que
le Sujet extrait de ses cinq sens ne sont possibles que par une sorte de « sensorium
commune » qui constitue la toile de fond de toute sensorialité. C ’est ainsi que
sous l’esthésie propre à chaque organe ou nerf sensoriel se découvrent des
« synesthésies » comme se manifestent des suppléances ou des compléments
d ’information d ’un sens à l’autre (par exemple en cas de cécité, de surdité,
d ’anesthésie, etc.); car alors c’est la couche originaire du sentir qui dévoile
sa fonction et plus spécialement dans ses relations avec les mouvements pour
autant que celui-ci est précisément la seule manière pour un être de percevoir
les dimensions du temps et de l’espace. Ce sont tous ces thèmes exposés et
repris constamment dans « Vom Sinn der Sinne » qui ont le plus d’affinité avec
les travaux de langue allemande de M. Palagyi, de L. Klages et de V. von Weis-
zâcker.

M. Merleau-Ponty. — Il rappelle à ce sujet dans la « Phénoménologie de


la perception » qu’il faut dire (avec Herder) que l’homme est un cc sensorium
1158 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

commune » (1). Si l’expérience ne donne pas les sens comme équivalents, Yunité
de sens se réalise tout de même transversalement puisqu’on retrouve entre eux
quelque chose d ’analogue à ce qui se passe pour la vision binoculaire qui subor­
donne un œil à l’autre. Cela prouve que l’unité de l’expérience n ’est pas une
unité formelle mais une organisation autochtone (note p. 270). C ’est dans cette
« couche originaire » et commune du sentir que se lient « l’unité du Sujet et
l’unité intersensorielle de la chose » (p. 276). Telle est l’expérience sensible
qu’elle est une expérience irréfléchie et antéprédicative qui ne se constitue que
sur un fond de monde (p. 279). « La perception synesthésique, précise-t-il
encore, est la règle, et si nous ne nous en apercevons pas, c’est parce que le savoir
scientifique déplace l’expérience et que nous avons appris à voir, à entendre et
en général à sentir pour déduire de notre organisation corporelle et du monde
tel que le conçoit le physicien, ce que nous devons voir, entendre et sentir ».
Autrement dit, il y a quelque chose d’artificiel, mais non pas certes d ’arbitraire
dans la diversité spécifique des sens car ils exercent par leur conjugaison la
« synergie » nécessaire à la constitution de l’expérience sensible, à YEmpfindung
qui est comme la manière de toutes les relations sensorielles du Moi avec son
monde comme c’est l’auto-mouvement qui est le mouvement de l’unité des
sens et qui en coordonne les synergies.

Aussi pouvons-nous mieux saisir à quelle couche originaire correspond le


sentir dont les organes des sens distribuent les modalités spéciales d’une spéci­
ficité seulement relative et non constante. Cette couche est celle où sont sub­
mergés les expériences et apprentissages du passé, qui ont réalisé les exercices
préparatoires à l’actualité de la perception — celles aussi des affects des pulsions
et des phantasmes de toutes les forces qui poussent vers ou contre les objets
du désir. Cette couche représente (comme Freud disait que les pulsions sont
des représentants des instincts) le clavier sensible sur lequel joue toute expé-

(1) Ce « fond » commun et proprement « transversal » où se confondent, ou


se suppléent les qualités « spécifiques », est devenu l’objet d’un leitmotiv cons­
tamment répété dans tous les travaux modernes sur la perception :
« To hear with eyes
to love’s fine wit »
(Shakespeare, 23e Sonnet)
Cet œil interne qui entend la voix de l’amant, comme le rappellent N. M iesut
et R. K han (1971), c’est bien en effet le prototype d’un organe des sens qui
subordonne le sens à la sensorialité. Parmi les auteurs français qui ont le mieux
restitué cette atmosphère poétique où se confondent les sens, l’œuvre de M. M er­
leau -P onty doit être spécialement mentionnée, mais on ne saurait oublier les longues
pages que P. Q uercy a consacrées en 1930 à cette intercommunication des sens,
aux « synesthésies ». Celles-ci ne doivent pas être tenues pour des phénomènes rares
ou spécifiquement pathologiques; elles manifestent le trait d’union qui unit l’œil,
l’oreille, l’odorat dans la perception du corps à quoi renvoie toute perception.
/. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1159

rience. Ce fond commun, ce bruit de fond ou bruit blanc (noise dans la théorie
de l’information) a précisément, comme nous l’avons souligné plus haut,
une fonction inverse au bruit de fond d’une machine électronique d’information
puisqu’il a lui-même un sens qu’il porte et comporte comme le murmure de
la vie, le sens des sens.

5° L’organisation an ti-h allu cin atoire des organes d es sens.

Les sens établissant la communication avec le monde des objets, ils ont pour
fonction de nous ancrer dans la réalité objective. Cette fonction de « garde-fou »
qui règle notre adaptation au monde des objets et fait de nos yeux, de nos
oreilles, de notre odorat, etc., les instruments les plus précis à l’aide desquels
nous mesurons les degrés et les qualités de la réalité des choses et plus
généralement même de tout ce et de tous ceux qui sont hors de nous, pour
constituer la « dure réalité » qui est à la fois autre que nous-mêmes et com­
mune à nous tous. Toute perception comporte donc un conflit entre ce que
nous avons appelé la frange subliminale de la perception et la saisie d ’un objet
dans la réalité de ses quanta et de ses qualités sensibles par quoi il fait partie
de ce qui, hic et nunc, apparaît dans un rapport d ’altérité foncière et proprement
temporo-spatiale avec le Sujet que je suis. Or, ce conflit, en quelque sorte interne,
n ’apparaît dans l’activité des appareils sensoriels qu’à la réflexion et au savoir
car les organes des sens n ’étant pour « l’attitude naturelle » ou le « bon sens »
que de simples récepteurs de choses, celles-ci entrent par eux dans la conscience
sans aucune difficulté comme si les données des sens, étant simplement unilaté­
rales et centripètes, s’imposaient d ’elles-mêmes. Mais il n ’en est pas ainsi, et
tout ce que nous venons d’exposer précédemment de la complexité et de
l’architectonie fonctionnelle de l’activité des sens nous montre que l’appareil
sensoriel est construit et fonctionne pour poser et résoudre la problématique
de la perception qui est précisément dans son fond de départager ce qui est du
monde objectif et ce qui est du Sujet. La démonstration ou, si l’on veut, la mani­
festation de cette complexion fonctionnelle, elle nous est donnée par l’analyse
de plusieurs faits qui démontrent la vulnérabilité ou, si l’on veut, la potentialité
hallucinatoire « contenue » dans l ’exercice « physiologique » des organes des
sens.

a) Bipolarité de la fonction des organes des sens


et illusions perceptives.

Nous allons considérer la construction des appareils sensoriels dans leur


ordre hiérarchique, pour saisir cette organisation dans sa complexité et sa dyna­
mique telle que nous en avons dégagé la double fonction : d’abord en tant
qu’organes récepteurs de Stimuli du monde extérieur en distinguant le niveau
des signaux provenant du monde extérieur et celui de leur transformation
E y . — Traité des Hallucinations. II. 38
1160 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

en message dans l’organe des sens — ensuite, en tant qu'organes prospecteurs


envisagés également selon deux niveaux, celiii de la dynamique endogène de la
perception et celui du jugement catégoriel. Nous pourrons ainsi avoir une
vue assez claire et complète de toutes les erreurs des sens, c’est-à-dire
DES VIRTUALITÉS HALLUCINATOIRES QUE L’ACTIVITÉ DES ORGANES DES SENS
« contient » sans parvenir toujours à éviter que « quelque chose » ne s’in­
troduise comme objet d’une Hallucination implicite.

I. Si nous envisageons l ’appareil proprement physique du récepteu r, il nous


apparaît lui-même isomorphe aux structures physiques du monde des objets. Or,
à cet égard — et c’est précisément la critique fondamentale qui peut être opposée
à la théorie sensationniste de la perception — il ne suffit pas que l’arrangement,
la structure exogène temporo-spatiale des Stimuli, comporte des « anomalies » de
présentation ou de configuration pour que les illusions « physiologiques »
qu’elles entraînent soient hallucinatoires.

1° Les illusions « ph ysiologiqu es » de la p e rce p tio n des o b jets


extérieu rs. — C’est qu’à ce niveau — notion indispensable à la compréhen­
sion du problème qui nous occupe — les déformations, les distorsions ou les
insuffisances de l’information qui sont pour ainsi dire « autochtones » car
elles prennent naissance dans et par l’exercice même du fonctionnement phy­
sique des organes des sens, ne sont qu’un cas particulier des lois physiques
(réflexion, réfraction) qui le régissent. Et même lorsqu’à un niveau plus phy­
siologique il s’agit d ’effets de champ qui imposent au Sujet des « illusions des
sens », c’est encore à une sorte de légalité que se réfère encore l’illégalité de ces
illusions. Tout ce que l’on a écrit, mesuré, observé ou expérimenté sur les illu­
sions d’optique ou tactiles (les deux champs privilégiés où se produisent et
peuvent le mieux s’observer ces illusions dans les variations de leur paramètre
de stimulation) se ramène toujours malgré leur grande diversité (E. Vurpillot,
1965) (cf. figure plus loinp. 1174) et nécessairement à constater que certaines pré­
sentations de lignes, de formes géométriques, de couleurs ou de mouvements,
engendrent des sensations à la fois certaines et constantes, et qu’en même temps
elles sont susceptibles de subir des renversements ou des rectifications qui en
récusent la réalité ou en restaurent la vérité. C’est que, même à ce niveau physi­
que ou physiologique de la réception des signaux (de Stimuli, ou plus exactement
de situations ou événements qui impliquent une infinité de Stimuli), l’important
ce n ’est précisément pas la « sensation », même si elle est démesurément grossie
par la mesure expérimentale à laquelle on la soumet dans les laboratoires de phy­
siologie des sensations. Car la constitution de ces « formes » (« élémentaires »
dans le sens qu’elles sont une partie du champ perceptif toujours divisible
par la ségrégation des unités, mais « globales » aussi dans le sens qu’elles sont
liées par la totalité des sens qu’elles figurent) ne constitue qu’une sorte d ’inci­
dent périphérique aléatoire et contingent qui n ’acquiert d’importance que dans
les conditions artificielles de l’expérimentation. Non point que les expériences
sur les conditions d ’apparition, de variation et de mécanismes physico-mathé­
/. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1161

matiques des illusions de contrastes de longueur, de formes ambiguës, des


rapports de figure-fond, de mouvement, etc., ne soient pas d ’un intérêt physio­
logique certain puisque par ces anomalies et le système des variables qu’elles
indexent peuvent se préciser les lois biophysiques de la construction des formes,
mais parce qu’elles restent en deçà du problème plus concret et aussi plus
global de la perception du monde extérieur. Cela revient à dire qu’à ce niveau
l’illusion est purement physiologique ou psychonome, c’est-à-dire constante
ou commune, point sur lequel nous insisterons dans le chapitre suivant. Car il
est bien vrai que ce n ’est que par un redressement permanent (qui ne s’opère
pas seulement quand le Sujet renverse le champ visuel inversé, comme dans la
fameuse expérience de Stratton, puisqu’elle est la fonction même de l’activité
des appareils sensoriels et des analyseurs perceptifs), ce n ’est que par ce redres­
sement constamment requis que l’ordre du monde physique est transformé en
ordre du monde sensoriel. Et plus encore, que ce monde sensoriel ne se subor­
donne à la perception que par l’acte même de la perception. A ce niveau de
réception des messages en quelque sorte insignifiants, l’infinité même des formes
objectives se prête naturellement à toutes les illusions de grandeur, de mouve­
ment, de contrainte ou de paradoxes à quoi la perception a pour fonction de
résister en maintenant un ordre qui prescrit à ces « illusions » de ne pas
dépasser le niveau de la contingence ou de la futilité : elles sont rectifiées
en étant précisément « rappelées à l’ordre ». Tout ce que Ton peut décrire
avec tant de complaisance et de science dans les Traités de psychologie ou
de psychophysiologie sur les illusions des sens (à nous l’illusion de Muller-
Lyer, l’illusion de Delbeuf, celle de Poggendorf ou celle de Rubin, l’illusion
d ’Oppel et des espaces divisés, les post-effets figuraux de Köhler et Wallach,
les gradients des formes et des profondeurs de J. J. Gibson !), nous présente
ces figures qui nous sautent aux yeux sans qu’elles cessent d ’obéir aux lois
de la formation, de l’information et bien plutôt comme pour s’y conformer.
J. Piaget a pris la peine d’entreprendre (1) une minutieuse analyse mathé­
matique de ces illusions primaires ou illusions optico-mathématiques planes
(effets de centration qui rendent compte des facteurs de surestimation, de
compensation et schèmes probabilistes qui rendent compte de la liaison de
ces facteurs) ou secondaires portant sur des éléments éloignés dans l’espace
et dans le temps (effets d ’une viciation des constances et de la causalité percep­
tive, c’est-à-dire de variations aléatoires qui se situent au niveau des structu­
rations adaptatives).
Pour nous, il nous suffit ici d ’indiquer que ces illusions manifestent par leur
facilité de production et même leur constance, à quelle résistance proprement
« physiologique » s’oppose la perception pour s’arracher à ces présentations ina­
déquates. Inadéquates elles le sont en effet en ceci — et c’est ce qui les définit —■
qu’elles ne concordent pas avec Tordre des choses qui se vérifie dans l’expé-

(1) « Les mécanismes perceptifs », p. 20-342 (c’est-à-dire la presque totalité de


l’ouvrage).
1162 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

rience quotidienne de tout Sujet, comme dans les conditions expérimentales


scientifiques, par la concordance des autres sens et les explorations mesurées
qui permettent de révoquer en doute ou de tenir pour une puré apparence
ce qui se présente à l’œil, à l’oreille ou au tact comme un objet « bien constitué »
mais « faux ». Somme toute, elles témoignent de la solidité du système fonc­
tionnel perceptif plutôt qu’elles ne sont des symptômes de Sa défaillance.

2° L es illusions endogènes. — Si nous poursuivons notre exploration de


la fonction réceptive des organes des sens, nous arrivons maintenant à une
sorte d ’antichambre (milieux de réfraction de l ’œil jusqu’à la rétine, milieux
de transmission de l’oreille moyenne jusqu’à l’organe de Corti) où nous
voici confronté avec les problèmes anatomiques ou anatomo-physiologiques
de leur constitution. Les organes des sens appartiennent bien au Sujet, mais
ils appartiennent aussi au monde en ce sens qu’ils tombent eux-mêmes sous
lès sens comme des objets. Et, effectivement, c’est comme un dispositif tem-
poro-spatial obéissant aux lois de la physique que ces organes de la percep­
tion peuvent être jusqu’à un certain point — ou totalement dans les théories
mécanico-mathématiques de la sensation — envisagés. Or, cette inclusion dans
l’orbite, le rocher ou la peau de 1’ « appareil » sensoriel, non seulement
pennet aux signaux du monde extérieur d’impressionner les neurones sen­
soriels ou sensibles, mais crée un champ proprement proprioceptif de per­
ception. Nous avons déjà fait illusion à 1’ « Eigengrau » (au gris perçu les
yeux fermés), mais nous devons aussi rappeler les sensations de sifflements
d ’oreilles, de photopsies et de mouches volantes, ces sensations parasites et
autochtones qui naissent et meurent pour n ’être justement que l’effet de
mouvements endogènes des appareils sensoriels. La mobilité même (notam­
ment celle des globes ocülaires) peut être nécessairement impliquée dans
ces mouvements plus ou moins virtuels ou actualisés qui engendrent des
images (diplopie dans les paralysies oculo-motrices, mouvements apparents
des objets eh rapport avec les excitations vestibulaires et le nystagmus, etc.).
Et par là se manifeste également la nécessité fonctionnelle d ’une « mise au
point » des « mécanismes de compensation » ou du « filtrage sélectif » qui
doivent remettre aussi à leur place ces illusions autochtones (entoptiques ou
otitiques) en analysant les qualités proprement insolites de leur production
et du vécu proprioceptif qui lui correspond.

II. Si les organes des sens en tant que récepteurs constituent une sorte de
bourgeon somatique du monde physique, ils sont surtout en tant que p r o s ­
p e c te u r s des « filtres sélectifs » destinés non pas seulement à recueillir les
informations mais à les prendre et à les former. Ce travail s’établit déjà par
les cellules de la cochlée ou de la rétine qui sont, comme nous l’avons souligné
(plus haut p. 1137), des « centres nerveux ». Les signaux y sont transformés en
messages, en ce sens que désormais ils ne sont transmis vers les centres où s’éla­
bore l’adaptation des réponses qu’à la condition d ’être déjà un langage codé
qui programme ces réponses. Or, la codification de ces messages suppose, et

1
/. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1163

le code des significations qui représenté la finalité de l’ordre interne de l’orga­


nisme, et la mise en forme électromagnétique de ces messages. Si le
télégraphe (1) paraissait à la fin du XIXe siècle l’appareil auquel songeaient les
neurophysiologistes, ce sont plutôt les « computers », les « transistors », les
machines électroniques en général qui forment actuellement les modèles théo­
riques de l’intégration temporo-spatiale des messages par leur transformation
en volées d ’influx spécifiques ou catégorisées. C ’est précisément ce double
travail de codification de messages et d ’intégration dans le temps qui semble
déjà être assuré au niveau des organes sensoriels périphériques. Et à ce double
travail correspond, en effet, la discrimination des qualités sensibles (formes,
couleurs, sons, avec tout leur cortège de propriétés spécifiques), c’est-à-dire
le pouvoir de différenciation pour la vision, par exemple, des longueurs d ’ondes,
puis d’énergies rayonnantes égales (c’est-à-dire le pouvoir de sélection par quoi
l’œil se distingue d’une cellule photoélectrique), et le pouvoir de fraction tran­
sitionnelle ou transitoire qui constitue l’unité du temps vécu propre à chaque
sensation (ou à chaque image).
Cela revient à dire que l’organe des sens est construit pour s’ouvrir le plus
librement et le plus complètement possible aux Stimuli sélectionnés, c’est-à-dire
à analyser les qualités sensibles (clarté, ombre, intensité, couleur de la chose
vue, intensité, fréquence, rythme, hauteur de la chose entendue, par exemple).
Cette ouverture est réglée au niveau de la rétine (2) par les modulations
de l’effet-on (on-effect) par lequel les cellules ganglionnaires réagissent
à l’installation du stimulus, de l’effet-off (ojf-effect), c’est-à-dire de la volée
d ’influx répondant à la cessation du stimulus, ou l’effet on-off qui contient
les deux réponses on et off (R. Granit, 1955). Au niveau de la cochlée (3)
l’apparition de potentiels microphoniques (E. G. Wever et C. W. Bray, 1930
et G. von Bekesy, 1953) représente le « patterning » sélectif des fréquences
d ’intensités et de durées « discriminées » ou discriminables (Il semble qu’à
ce niveau la discrimination des fréquences peut disparaître complètement
(R. A. Butler et W. D. Neff, 1950)). Comme cette codification de trains d ’ondes
lumineuses ou sonores (ou pour le tact des fréquences de stimulation) ne peut
s’effectuer que par une participation motrice directe ou indirecte (influence
que la formation réticulée ou le système vestibulaire exercent sur les seuils

(1) C’est encore au « télégraphe Morse » que se réfère la construction des machines
d’information « digitale », par opposition aux dispositifs capables d’information
« analogique », comme nous l’avons vu précédemment (p. 1094).
(2) Cf. le chapitre « Vision » (C. K ellerschohn et J. C. P ages), in Traité de Phy­
siologie de K ayser (1963), et Quantum theory in vision par M. A. Bouman (in Sen­
sory, Communication de R osenblith, 1961) et les ouvrages de J. J. G ibSon (1952-
1968) et de R . L. G regory (1966), de B. R . Straatsma (ouvrage collectif 1970).
(3) Cf. le chapitre « Audition » de V. Bonnet , in Physiologie de K ayser et Neural
Mechanisms of auditory discrimination par W. D. N eff, in « Sensory Communica­
tion » de R osenbuth , 1961.
1164 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

de discrimination), il semble logique d’admettre que les mouvements virtuels


et les phantasmes qui y sont liés (Palagyi) sont eux-mêmes inhibés par l’inten­
tionnalité du courant perceptif, le « set » ou 1’ « Einstellung » de la mise en forme.
Et nous touchons là à la fonction anti-hallucinatoire la plus « élémentaire » du
niveau sensoriel de la perception. Elle se confond essentiellement avec le pro­
cessus d ’inhibition qui sans cesse équilibre les effets des stimulations et de
l’excitabilité physiologique des organes des sens (cf. encore une fois à ce
sujet R. Jung et la contribution plus récente encore de H. K. Hartline, in
B. R. Straatsma).
Quant à la fonction proprement temporelle de l’acte sensoriel, elle consiste
également à circonscrire l’acte perceptif dans la durée nécessaire à l’empan de
chaque sensation quelle que soit son origine (stimulus externe, Stimuli pro-
prioceptifs et motion noético-affective).

b) L’intégration d’un Système Perceptif (Vision).

La physiologie sensorielle de Helmholtz et la psycho-physiologie de Hering


ont correspondu respectivement, la première plus particulièrement aux « récep­
teurs » de la rétine et à leur processus photochimique, la seconde aux pro­
cessus proprement neuronaux du premier système synaptique. Tel serait
le compromis déjà proposé par v. Kries (1911) dans sa « Zonen-theorie »,
il est à peu près repris par R. Jung.
Les ligures que nous reproduisons (fig. 8 et fig. 9) sont destinées à montrer
l’extraordinaire architectonie de la complexité des connexions synaptiques
à un niveau périphérique dont l’organisation intersystémique est analogue
à celle du pôle central. Le Système perceptif visuel comporte au niveau de la
rétine les photo-récepteurs et le premier relais synaptique (cellules ganglion­
naires); — puis après l’entrecroisement chiasmatique (pour un certain nombre
d’afférences) un deuxième relais géniculaire en connexion avec le système réti-
culo-thalamique et le système labyrintho-vestibulaire; — enfin un troisième
système synaptique (aire 17) en connexion par ses axones avec les autres aires
sensori-motrices corticales. Ceci éclairera pour le lecteur ce que nous avons
déjà dit (cf. supra, p. 1139) sur le « percepteur » visuel et sur ce que nous sommes
en train d ’exposer ici sur la structure générale d ’un système d’afférences
« spécifiques ».
L ’électrorétinographie découverte par Holmgren (1865) a permis d ’établir
des corrélations entre l ’E. R. G. et les processus de vision photopsique et
scotopsique (sensation de lumière ou d ’obscurité). Mais R. Jung s’est employé
depuis plusieurs années (1962-1969) dans ses travaux psycho-physiologiques
(en relation avec ceux de H. K. Hartline, 1938, puis avec ceux de l’école de
S. Kuffler, 1953) à montrer que le système d ’information clair-obscur
(Hell-Dunkel-Sehen) est essentiellement neuronal. C’est-à-dire que pour lui,
même au niveau de la « sensation » lumineuse la plus élémentaire celle-ci
n ’est rendue possible que grâce à un dispositif fonctionnel qui met en jeu
/. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1165

un équilibre des deux composantes antagonistes du contraste simultané ou


successif de la sensation de clarté (blanc) ou d ’obscurité (noir). Il s’agit d’un
Système de Neurones : B-System (Belichtungsaktiviert Neurone, c’est-à-dire

F ig . 8. — Diagramme des éléments nerveux de la rétine chez un singe, établi en se


fondant sur les imprégnations de G olgi. Ce schéma montre les principales carac­
téristiques des cellules nerveuses rétiniennes et leur situation. Les couches sont
les suivantes : Cl) épithélium pigmentaire ; (2 a) segment externe des bâtonnets
et des cônes ; (2 b) le segment interne des bâtonnets et des cônes ; (3) membrane
limitante externe ; (4) couche nucléaire externe ; (5) couche plexiforme externe
(pédicules des cônes et sphérules des bâtonnets) ; (6) couche nucléaire interne ;
(7) couche plexiforme interne ; (8) cellules ganglionnaires (origine des projections
visuelles primaires) ; (9) couche de fibres nerveuses optiques ; (10) membrane
limitante interne ; c, cellules horizontales ; d, e, f, h, cellules bipolaires ; i, l, cel­
lules « amacrines » ; m, n, o, p, r, s, cellules ganglionnaires (S. P olyak , La Rétine,
Presses de l’Univ. de Chicago, 1941).

neurones réagissant positivement à la clarté diffuse) et D-System (Dunkel Sys­


tem, c’est-à-dire neurones réagissant positivement à l’obscurité). Le B-System
1166 MODÈLE ORGANO-D YNAMIQ UE

comprend les neurones « on » de la rétine et du corps genouillé (cf. supra) et


les neurones B du cortex qui réagissent tous aux Stimuli de luminosité et sont
« inhibés » par les Stimuli d ’obscurité. — Le D-System comprend les neurones
« off » de la rétine et du corps genouillé et les neurones D du cortex et la plupart
des neurones E corticaux. Si l ’on conjugue les effets électriques des Stimuli
de contraste (clarté-obscurité) chez le chat et les réponses subjectives obtenues
chez l’homme, on peut établir (p. 519 du Mémoire) quelques corrélations dont
les plus intéressantes nous ont paru être les suivantes : VEigengrau (c’est-à-dire

% /------------------- \ /------------------- s

F ig . 9. — Schéma simplifié de l'organisation fine de la rétine,


d ’après D ow ling et Boycott .
a) Plexus superficiel et profond ; b) Organisation synaptique du plexus profond.
(in Neuropsychologie de la perception visuelle sous la direction de H. H écaen ,
Masson et Cie, Édit., 1972).

la sensation de gris) correspond à l’équilibre du système antagoniste B et D


aux trois niveaux (rétine, géniculé, cortical); les mouvements apparents dans
cette sensation de gris ou dans une stimulation de clarté diffuse correspondent
à une activité du système D aux trois niveaux également; la « bande noire »
de Charpentier (1892) correspond à une pause dans l’excitabilité du système B
après décharge du système D ; la fusion d ’éblouissement (« Flimmerfusion »)
correspond à une décharge maximale des neurones corticaux du système B,
on a une décharge moyenne de neurones rétiniens du geniculis du même sys­
tème, etc. Ainsi les couplages fonctionnels dans le temps des deux systèmes
/. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1167

correspondent à un ordre physiologique qui s’étage depuis la rétine périphé­


rique jusqu’à la rétine centrale. L ’importance des infra-structures (du pôle
périphérique) du Système perceptif visuel est remarquablement illustrée par
les travaux de N. K. Humphrey et L. Weiskrantz (1967) sur la possibilité d ’un
comportement visuel chez des singes ayant subi une décortication du corps
strié, même si cette perception est peu dilîérenciée (N. K. Humphrey, 1972).
Quant à la photochimie de l’épithélium pigmentaire (cônes et bâtonnets)
elle commence à être mieux connue depuis les travaux de G. Wald (1954-1959),
de W. A. H. Rushton (1952), de G. Svaetichen (1956). La revue générale
de R. L. de Valois et I. Abramov (1966) sur la vision des couleurs permet
de faire le point de nos connaissances. Dans les bâtonnets (vision scotopique)
il y a deux pigments : la rhodopsine découverte par Boll et la porphyropsine,
dans les cônes (vision photique et chromatique) il y a Viodopsine, le chlorolabe
et Vérythrolabe (Rushton). Le pouvoir d’absorption de la lumière achromatique
et de la lumière à longueur d’ondes déterminée, c’est-à-dire le niveau proprement
chimique des photorécepteurs est immédiatement « intégré » dans une structure
glio-neurale et neurale (cellules horizontales, cellules bipolaires, cellules ama-
crines, puis cellules ganglionnaires). De telle sorte que c’est le produit des
transformations en messages électriques déjà fort complexes qui s’inscrit dans
le rétinogramme (Granit). Nous avons eu précédemment (cf. supra, p. 939)
l’occasion, en examinant notamment les expériences d ’excitation électrique de la
rétine et du nerf optique, de montrer que peut-être déjà au niveau des photo­
récepteurs proprement dits (cônes et bâtonnets) qui forment avec les cellules
amacrines (cellules horizontales type Golgi II) un « réseau » où se connectent les
éléments neuronaux et gliaux (G. Svaetichen, 1955 et 1965 et R. Jung, p. 773-
777), la rétine fonctionne déjà comme une cc centrale » d ’information et de sélec­
tion. Car nous avons vu aussi que, soit dans la perception subjective des couleurs
ou de contraste, soit par l’étude des potentiels évoqués au niveau des récepteurs
photo-moteurs et des premières synapses, l’excitation expérimentale (électrique)
ne pouvait jamais agir seule puisque constamment elle interfère pour la « trou­
bler » dans son ordre temporel avec l’excitation physiologique (lumière-obscu­
rité). Si nous insistons sur ce point, c’est pour souligner que, si nous avons
bien compris le sens des travaux de micro-neurochimie et de neurophysiologie
de la vision et spécialement du centre rétinien, celui-ci constitue déjà à la péri­
phérie du système perceptif un système d ’intégration et de sélection.
Certes, pour R. Jung les « sensations de couleur » ne sont pas réductibles —
pas plus que la perception des contrastes et les équilibres du B-System et du
D-System à ce premier niveau d ’intégration des informations — et il admet
(p. 575) qu’il existe pour la perception des couleurs également une sorte de
pyramide fonctionnelle qui va de la rétine « périphérique » à la rétine « centrale ».
Si nous envisageons, en effet, des processus encore élémentaires mais déjà
plus compliqués comme la perception des contours et de la perspective qui
engagent naturellement la vision binoculaire, il semble que l ’élaboration cor­
ticale soit indispensable. Mais là encore, la vision en tant qu’elle s’offre à notre
observation par l’objectivation des données subjectives nous apparaît dépendre
1168 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

d ’événements qui se déroulent axa divers niveaux du système fonctionnel et


aussi de ce qui se passe dans les autres sphères sensorielles et les « Gestalt­
kreisen » (au sens de V. von Weizsâcker). Car l ’intégration de la perception
s’opère verticalement (de la psychomotricité et de la motivation au jugement)
et horizontalement (en intéressant transversalement tous les sens à l’expérience
perceptive).
Tel est très brièvement résumé le schéma de la hiérarchie fonctionnelle
(de Y Ordnung) au travers de laquelle, d ’après Jung, non seulement circulent les
informations mais par laquelle elles s’élaborent, ou plus exactement s’intégrent
dans le « sens des sens » comme les instruments de la finalité opérationnelle
requise par le Sujet pour faire face à son monde.
S’il n ’en parle pas explicitement, la f o n c t i o n a n t i - h a l l u c i n a t o i r e de
l’organisation des organes des sens, et plus généralement des systèmes perceptifs
dont ils font partie, cette fonction est certainement impliquée dans l ’organisa­
tion du système exposée par R. Jung (intégration dans le temps et inhibition
des éléments endogènes proprioceptifs).

c) La sélection des Stimuli.

En ce qui concerne les Stimuli externes, disons tout simplement qu’ils


sont infinis car le bombardement de nos organes des sens par des trains d’ondes
lumineuses, sonores, électroniques ou mécaniques est incessant. Ils sont
constamment soumis à une probabilité indéfiniment ouverte que seule la consti­
tution d ’une unité d ’information peut restreindre. Mais à cette sélection qua­
litative de « formes » à percevoir s’ajoute aussi la nécessité de se soumettre
au diaphragme de la durée en fonction des propriétés bio-psychologiques
de l’anatomo-physiologie des organes des sens. Ceva-ci, en effet, ne peuvent
percevoir qu’une seule chose à la fois. Cette fonction d ’exploration synchroni­
sante si évidente pour la vision et qui consiste à rassembler dans un espace
de temps (je ne puis voir le spectacle que je me procure par mon regard ou
qui s’impose à lui que dans une fraction de temps dans lequel s’organise
l’image de la scène perçue ou s’organise le temps de la mélodie que je capte
ou qui me captive), cette fonction d ’exclusion de tout ce qui n ’entre pas dans
la dimension du seul temps possible, cette fonction de discontinuité (com­
pensée par la constance de la forme devenue fixe en dépit de cette disconti­
nuité ou d ’attardement qui résiste à l’entraînement de cette vitesse) est pré­
cisément celle qui tout à la fois arrache la perception sensorielle des objets du
monde extérieur à l’Hallucination et dont le dérèglement risque de la faire
tomber dans le piège hallucinatoire. Et c’est toute l ’histoire des post-images et
des images éidétiques. Quand, en effet, le vécu sensoriel dans certaines conditions
de présentation, de contrastes, de liaisons antécédentes et consécutives, au lieu
de laisser place à une nouvelle forme persiste anormalement, elle s’impose
comme une sensation mais comme une sensation anormale (image consé­
cutive). De même que lorsque ce qui a été perçu revient dans le champ
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1169

perceptif avec toute la vividité des sensations antérieures (image éidétique),


« quelque chose » alors s’introduit dans le sens des événements perceptifs
qui modifie le déroulement continu de l’expérience sensible. Rien ne peut
mieux nous montrer que le réglage des processus temporels de l’activité des
organes ou appareils sensoriels s’institue comme un ordre sensoriel de dis­
tribution exactement inverse au désordre qui tend constamment à s’établir
comme un hasard qui se glisserait dans l’antihasard du dispositif d’information
que constitue l’organisation de l’organe des sens. Si le mouvement s’arrête
pour laisser durer les post-images ou retourner vers les perceptions passées
pour reproduire l’imagerie éidétique, il peut aussi être trop lent pour permettre
à la fonction de récognition, d’identification ou plus généralement de discrimi­
nation de s’exercer. Les conditions expérimentales de la perception tachisto-
scopique ne font que rendre manifestes les difficultés de la fixation dans l’acte
transitionnel de la sensation. Or, ce que de telles expériences montrent avec
évidence, c’est qu’il y a des seuils de vitesse au-dessous desquels la chose
n ’est pas perçue, mais aussi que cette chose non perçue peut entrer dans
l’Inconscient du Sujet, ou encore que la chose peu perçue est complétée
par un rapport substitutif d ’imaginaire, tous faits qui démontrent que les
dispositifs « sensoriels » périphériques ou « centraux » sont des organes de
régulation fonctionnelle de la perception où se trient et s’équilibrent — car
c’est bien là la fonction perceptive par excellence de l’organe des sens —
ce qui est réel et ce qui est imaginaire. C ’est dire qu’au niveau où nous
nous tenons ici, ce qui vient de l’ordre des objets extérieurs et ce qui vient de
l’ordre des objets intérieurs fait déjà l’objet d ’une perception à la seule condi­
tion que celle-ci obéisse déjà à la régulation qu’exerce l’organisation du sys­
tème perceptif, son « arousal ».
Si nous envisageons maintenant les Stimuli proprioceptifs, c’est-à-dire toutes
les structures qui constituent les agents excitants de l’énergie spécifique des
nerfs comme disait Johan Müller, c’est-à-dire toutes les modifications chi­
miques, physiques, électriques, mécaniques qui peuvent modifier les milieux
sensoriels au niveau des neurones sensoriels sans qu’un stimulus extérieur
n ’intervienne, les caractéristiques de ces endogènes sont leur artificialité, la
spontanéité et l’automatisme qui sans cesse animent les champs perceptifs.
L ’organe des sens est mieux protégé (exerce plus facilement sa fonction anti­
hallucinatoire) quand il est « excité » par ces Stimuli endogènes inadéquats
parce qu’elles portent pour ainsi dire en eux-mêmes la marque de leur irréalité.

Nous devons enfin souligner tout spécialement que si nous remontons


jusqu’aux dispositifs centraux de l’appareil sensoriel, nous pouvons considérer
qu’ils assurent une fonction anti-hallucinatoire analogue; leur « montage »
fonctionnel n ’a pas une autre finalité que celle d ’assurer l’identification, la
différenciation et la discrimination aussi exacte que possible des messages
transmis par les volées d ’influx. Le « patteming » de ces transmissions
représente, en effet, plus qu’un simple transfert d ’énergie ou même d ’infor­
mation, car il constitue une véritable mutation aux divers niveaux de relais
1170 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

synaptiques du message dans la mesure ou il incorpore et contrôle les impul­


sions des relais intersensoriels moteurs, vestibulaires et aussi des influx dyna­
miques de la formation réticulée ou de l’hippocampe (1). Le mémoire de
Richard Jung (1961) dont nous avons exposé l’essentiel, peut constituer un
excellent modèle de l’interprétation de l’intégration neuronale au niveau du
cortex et notamment du cortex visuel : il y montre comment aux divers
relais de l’élaboration de l’information de la rétine à l’écorce occipitale
et au travers tout le système de convergences et coordinations vestibulo-
motrices et réticulo-thalamiques se constituent des systèmes fonctionnels
d ’inhibition réciproque portant sur les groupes de neurones (Neurone B
et élément « on » en rapport avec la clarté. — Neurone D et éléments
« off » en corrélation avec les stimulations propres à l’obscurité). A cet
équilibre des antagonismes réciproques s’ajoute celui des inhibitions latérales
(avec la portion voisine du cortex), mais cet ensemble fonctionnel ne fonctionne
pas conformément à la loi du tout ou rien mais d’un régime de modulations
qui font entrer en ligne de compte dans l’apparition des propriétés de l’objet
vu, un grand nombre de variables. Par là, R. Jung indique clairement qu’entre
les centres inférieurs (rétine) et les centres supérieurs (cortex occipital), il n ’y
a pas de différence radicale de fonctions. Mais ce que disait à ce sujet
H. Jackson est pour ainsi dire inverse, car il y a déjà autant de psychisme au
niveau inférieur pour Jung qu’il y avait autant de mécanisme au niveau des
centres supérieurs pour Jackson. Pour nous, ce qu’il nous importe de consta­
ter c’est que la rétine ou la « rétine corticale », fonctionnent également
comme un appareil anti-hallucinatoire capable d ’opérer un bon triage entre
les Stimuli qui doivent entrer dans la perception et les images, souvenirs
ou scories qui doivent en être exclus.

d) L’ « arousal » des systèmes perceptifs.

La lecture de la monographie de R. Jung nous permet donc de considérer


que même dans sa fonction réceptrice, le système perceptif est essentiellement
un instrument d ’analyse et de transformation des messages multisensoriels (2)
dont la finalité n ’est rien d’autre que celui de la précision des formes (visuelles,
auditives, tactiles, olfactives, etc.), c’est-à-dire de leur identité et de leur différen­
ciation quantitative ou qualitative (car, bien sûr, la psychophysique de Fechner
ne couvre pas tout le champ de l ’information sensorielle). Cela revient à dire

(1) N ous avons déjà insisté bien des fois dans cet ouvrage su r les nouvelles orien­
tations de la neurophysiologie sensorielle qui adm ettent une plus grande partici­
pation des com posantes non spécifiques (instinctives, motrices, énergétiques) dans
la perception sensorielle (cf. notam m ent K lüver , 1965). N ous retrouverons d ’ailleurs
ce problèm e plus loin, l ’ayant déjà traité à propos des modifications plus dynam istes
du m odèle linéaire dans la théorie mécaniste (cf. p. 976 et sq.).
(2) E n tant qu'instrum ent d ’analyse, il est intégré dans le système des connexions
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1171

que les organes des sens servent au Sujet pour communiquer au travers des
« chanals » de leur organisation propre avec le monde extérieur et à incorporer
dans son expérience les informations qu’il n ’en reçoit qu’en les prenant. Mais
cela revient à dire aussi et surtout que la f o n c t i o n a n t i - h a l l u c i n a t o i r e
assurée.ainsi par les analyseurs sensori-perceptifs consiste essentiellement à
pourvoir à l’alimentation du Sujet en information et que c’est cette alimen­
tation extraite du monde extérieur qui l’assure contre le danger hallucinatoire
qui le guette à l ’intérieur de lui-même. Ainsi voyons-nous croître le danger
hallucinatoire toutes les fois qu’est perturbé, ou empêché, Varousal sensoriel
propre à chaque système perceptif. C’est bien, en effet, à quelque chose
d ’analogue à l ’éveil cortical qui se produit lorsque les yeux s’ouvrent à la
lumière ou les oreilles aux sons au niveau des « récepteurs spécifiques »,
lorsque leur organisation fonctionnelle permet alors aux Stimuli de se trans­
former en messages d ’information (1). Il suffit, par contre, d ’observer ce qui se
passe lorsqu’un trouble, une lésion ou une circonstance extérieure (naturelle
ou expérimentale) empêchent la transmission et la transformation des sti-

intersensorielles et des fonctions cinétiques comme le m ontre ce schéma. On se ra p ­


portera, pour le com m enter, à l ’article de H. L. T euber , in H écaen , 1972, p. 187-221.

Système visuel Système vestibulaire

F ig . 10. — Schéma du système neuronal inter-optico-vestibulaire (d’après Rchardi


Jung). Le schéma montre les convergences multisensorielles au niveau réticulo-
talamique.
(1) L’étude des potentiels évoqués visuels (J. B ancaud , in H écaen 1972, p. 40-55)
peut ouvrir de nouvelles perspectives.
1172 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

muli, c’est-à-dire coupent la voie des afférences, ou plus exactement des infor­
mations. Lorsque la fonction réceptrice ou informatrice des appareils sensorio-
perceptifs ne peut s’exercer, lorsqu’un déficit du flux et de la qualité des
informations ne fournit plus les aliments nécessaires à sa fonction anti-halluci­
natoire, on voit alors (les fameuses expériences d 'isolement sensoriel ou le syn­
drome du bandeau des ophtalmopathes opérés, ou encore tous les compléments
ou substitutions d’imaginaire qui se glissent comme des fantômes dans l’ob­
scurité, dans le crépuscule ou dans la nuit des organes des sens) que, là où
fait défaut cette prise directe sur la réalité des choses par les sensations, c’est
une vapeur de fantasmes inverses ou indirects (Palagyi, Klages) qui tend à la
remplacer.
Si maintenant nous envisageons l’organe des sens (ou mieux le système
perceptif) éveillé, c’est-à-dire capable de se porter sur l’objet qu’il vise, nous
devons bien le considérer comme prospecteur. Si l’organe des sens joue un
rôle dans l ’analyse de la réalité objective, il apparaît aussi comme représentant
du Sujet, c’est-à-dire plus ou moins directement lié à la sphère de ses désirs ou, en
tout cas, de son intentionnalité. Sa fonction anti-hallucinatoire ne peut donc être
que plus vulnérable dans ce mouvement qui projette en effet le Sujet dans
l’objet et tend, par conséquent, à éclipser la réalité au profit du désir. Mais,
bien sûr, à ce niveau aussi nous allons être confrontés comme au niveau pré­
cédent à des jeux de forces ou de fonctions antagonistes, car la propulsion
qui fait prendre à la perception la direction de l’objet visé par le Sujet, cette
propulsion est elle-même fondamentalement composée de deux forces qui
s’équilibrent. On peut et on doit appeler l’une, l’Inconscient (ou la sphère
du désir soumis au principe de plaisir), et l’autre le Conscient (ou le système
de la réalité). Et c’est à ce niveau, en effet, de l’encadrement subjectif de la
perception, de l’incorporation de l’objet perçu dans le vif du Sujet qui le perçoit,
que l’activité des organes sensoriels s’intégre dans le mouvement général de
l’être conscient que nous avons décrit plus haut et qui font l’objet du para­
graphe suivant. Comme nous nous proposons de préciser un peu plus loin
les rapports d ’intégration et de subordination que les organes des sens sou­
tiennent avec lui, soulignons donc ici seulement l’importance de l’articulation
de l’activité des organes des sens et des structures de la conscience (R. Ruyer,
1937). Car c’est évidemment ici à un palier supérieur et proprement perceptif
de l’activité des appareils sensoriels, au niveau du dynamisme même de la
projection comme moteur de l'analyse perceptive et du jugement (comme
conclusion de la synthèse perceptive) que nous avons affaire.
Pour ce qui est de la projection des affects, des instincts, et plus généralement
de la motivation dans l’analyse perceptive, nous pourrions seulement répéter
ce que nous en avons déjà dit plus haut en mettant en évidence la frange subli­
minale inconsciente de l’acte perceptif en tant qu’il est essentiellement prospec­
teur. Mais nous devons encore insister sur un point capital : c’est que dans
l’acte perceptif qu’effectue l’analyseur spécifique, pour si fortes que soient
les forces inconscientes qui attirent le sens des sens hors de la réalité vers le
rêve, l’imaginaire et le fantasme, la perception n ’accomplit son analyse de
I. ARCHITECTONIE — LES SYSTÈMES PERCEPTIFS 1173

qualités et de quantités que dans l’exacte mesure où précisément la prospection


des motifs n’est pas entièrement subjuguée par des mobiles inconscients. Car,
bien sûr, lorsqu’un histopathologiste pousse à l’aide de son ultramicroscope
jusqu’à ses derniers retranchements l’analyse perceptive visuelle du champ
qu’il explore, même si se projette dans son acte (en passant par sa vocation
et ses intérêts), son désir ou de voir, ou de ne pas voir quelque chose, le perçu
ne peut être valablement (objectivement) perçu que s’il ne dépend pas de cette
exigence d ’irréalité mais dépend en dernière analyse de l’exigence de la réalité
légalement objective. C ’est dire qu’au niveau de la motivation, celle-ci ne
peut être qu’un facteur vectoriel qui requiert pour l’efficacité de l’acte perceptif
un contrepoids. Et c’est précisément parce que le « sentir », cette catégorie
ou cet ordre de la vie psychique dont nous avons vu que les activités spécifiques
des appareils sensoriels ne constituaient que des sous-catégories ou des sous-
ordres, parce que le sentir se situe comme au premier niveau de la structuration
de l’être conscient que 1’ « arousal sensoriel » ne s’institue qu’en refoulant les
forces de l’Inconscient, c’est-à-dire de l’irréalité.
En ce qui concerne par contre le jugement qui constitue comme le contexte
logique ou culturel dans lequel doit « légalement » s’inscrire la perception,
on ne saurait donner raison au rationalisme. Dire, en effet, que l’analyseur
perceptif poursuit son travail d ’élaboration et de différenciation des qualités
et des quantités constituant la réalité objective irrécusablement perçue, c’est
bien en un certain sens admettre que c’est la « Raison » qui est pour ainsi dire
la maîtresse de ces esclaves que seraient ses organes des sens. Mais lorsque nous
parlons ici (et partout ailleurs notamment dans notre ouvrage sur la Conscience)
d ’une instance raisonnable, c’est-à-dire de la structure rationnelle de l’être
conscient, nous savons bien que le Sujet humain n ’est pas un « être de raison »
absolu, et que dans l’organisation (la légalité) du corps psychique se perpétue
et se balance un équilibre de forces antagonistes. La raison qui constitue le
« système de la réalité » et le « système des valeurs » et qui entre dans la percep­
tion comme pour la « survoler » et, en dernière analyse, confirmer ou contester
sa réalité dans et par le jugement perceptif, cette raison outre son appareil pro­
prement rationnel et logique qui est l’instrument de la certitude scientifique
comporte encore un irrationnel qui pour être commun ou culturel est pour
chacun au service de l’idéal et de la foi. De telle sorte que lorsque nous suivons
jusqu’au bout dans son itinéraire vers la réalité, dans sa recherche de la vérité,
l’acte perceptif, nous découvrons que de sa réalité ou de sa vérité qu’il pose
comme une « Anti-Hallucination », nous ne pouvons pas exiger qu’elles soient
absolues mais seulement qu’elles représentent le contexte culturel et commun
des croyances que le Moi s’est incorporé pour se constituer lui-même comme
maître de sa perception et de sa réalité. Et par là nous saisissons jusqu’à sa
plus haute fonction au service anti-hallucinatoire du système de la réalité que
l’exercice du pouvoir de perception au niveau de son sublime ou sublimé
couronnement ne s’établit qu’en s’affranchissant « autant que faire se peut »
des déterminations de son Inconscient individuel sans pouvoir prétendre
jamais à une connaissance absolument objective.
1174 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

6° In tégration e t su bordin ation d es organes des sens


dans V organisation du c o rp s p sych iq u e.

Nous pouvons maintenant conclure cette longue « dissertation » psycho­


physiologique sur la perception, la conscience et les organes des sens, car nous
sommes en mesure de répondre à la question que nous nous posions en premier
lieu sur leur place (dans la topique de l’appareil psychique) et sur leur fonction
(dans l’organisation dynamique et ontologique du corps psychique) dans le
modèle architectonique de la vie psychique que nous avons cherché à décrire,
c’est-à-dire relativement aux structures mêmes de l’être conscient. Car, bien
sûr, c’est aux structures de l’être conscient que nous renvoie nécessairement
toute idée d ’ordre, de hiérarchie ou de tectonique pour autant que ce sont pré­
cisément les modalités de l’être conscient qui introduisent et maintiennent
l’ordre dans la vie de relation et spécialement le système de communication
du Moi avec son Monde dans l’acte perceptif.
Au terme de ce long et laborieux exposé sur la dynamique des activités
sensorio-perceptives des organes, des systèmes et des dispositifs en feed-back
qui réfléchissent la fonction réceptrice « périphérique » sur la fonction prospec­
tive « centrale » qui les intègre (1), il paraît évident que la thèse proprement
« sensationniste » de la perception ne peut plus être soutenue. Non pas parce que
la perception pourrait s’effectuer sans référence au sentir (ce qui est manifes­
tement faux) mais parce que la sensation n ’est pas l’élément générateur, la
condition nécessaire et suffisante de la perception. Par là s’écroule toute la
métaphysique dite empiriste, ou associationniste, ou sensationniste, qui consti­
tuait le support de la psychophysique de la fin du xixe siècle.
Dès lors, l’acte perceptif et les activités des organes des sens qui lui sont
intimement liés apparaissent dans l’architectonie du corps psychique à leur
place, c’est-à-dire au niveau d ’une f o n c t i o n i n s t r u m e n t a l e . Cela veut dire
qu’elle est subordonnée à des cycles d ’intégration plus globaux figurés par les
structures mêmes de l’être conscient. Il s’agit, en effet, de réintégrer l’organe des
sens dans l’intégration générale de l’organisme par l’organisme psychique, en
les considérant selon le principe même de la subordination des fonctions de la
logique même de l’organisation physiologique comme des instruments (Hilfs­
mitteln) au service de l ’ordre biopsychologique qu’assure en dernière analyse la
structuration de l’être conscient.
Mais inversement, le niveau fonctionnel occupé par les organes des sens
implique que non seulement leur fonction de réception soit dirigée mais que
leur fonction d ’information sélective soit pourvue elle-même d’un pouvoir

(1) Celle-ci ne saurait se réduire, soulignons-le encore une fois, comme l’ont
admirablement montré le philosophe R. Ruyer, le neurophysiologiste allemand
Richard J ung ou les réflexions de M. Audisio (1968), à des montages cybernétiques
ni de type « digital », ni même de type « analogique ».
I. ARCHITECTONIE — PORTÉE DE CETTE PREMIÈRE THÈSE 1175

d’intégration. Leur structure prospective est l’indice de cette instrumentalité


et de cette relative autonomie.

— Nous pouvons dès lors mieux comprendre encore quelle vue nouvelle sur
la perception — et par voie de conséquence sur l’Hallucination — comporte
ce modèle architectonique de l’organisme psychique dont les appareils sensori-
perceptifs sont des instruments. La perception, en effet, ne peut s’accommoder
des schèmes linéaires qui la réduisent à la simple trajectoire (pour si compliquée
ou complexifiée qu’on l’imagine) qui lie le désir à son objet, ou à la simple et
réversible transmission d ’un stimulus interne vers un centre sensoriel. Ces
modèles sont radicalement impuissants à rendre compte de l’Hallucination
tout bonnement parce que celle-ci se confond dès lors naturellement avec toute
image qui normalement réalise un désir, ou avec une excitation sensorielle
quelconque parmi l ’infinité des Stimuli possibles qui ne cessent de provoquer,
d’après la théorie même, la sensibilité spécifique des organes des sens. Nous le
verrons plus clairement encore plus loin : la notion d’une excitation de quelque
nature qu’elle soit supprime de l’Hallucination la structure négative qui l’en­
gendre et « banalise » de ce chef toute Hallucination en la confondant avec le
simple effet d ’une excitation libidinale ou mécanique, c’est-à-dire en la rédui­
sant au mécanisme normal de la production des images ou des sensations.
Or, la perception n ’est justement pas Hallucination; elle est organisée sur
un plan anti-hallucinatoire, et c’est l’altération de cette organisation qui a pour
effet le phénomène hallucinatoire. Celui-ci ne peut surgir que d ’une altération
de l’acte perceptif. Dans la mesure où, en effet, la perception n ’est réductible
ni à la projection d ’une image (thèse idéaliste), ni à la réception spécifique des
qualités (ou plus exactement des quantités) que lui envoient les Stimuli du
monde extérieur (thèse réaliste), elle est précisément cette opération par quoi
s’équilibre et se compose la rencontre du Sujet et de son monde dans l ’actualité
de l’expérience sensible.
Ainsi en remettant à leur place et en renvoyant à leur instrumentalité les
fonctions des organes des sens, nous n’entendons précisément pas les arracher
à la totalité du sens de l ’organisme en les abandonnant à n ’être eux-mêmes
que l’objet de connaissance et d’expériences physico-mathématiques. Car si
nous disons que les organes des sens sont les instruments (des ustensiles au sens
heidéggérien du terme), ce n ’est pas pour les définir comme des ensembles méca­
niques ou des machines électroniques (1). Nous entendons au contraire sou­
ligner que ce sont parmi les organes les plus nobles (pour faire partie précisé­
ment du système nerveux dont ils ne sont que des bourgeons), ceux en qui la vie
psychique cherche un perpétuel et précaire équilibre entre ce qui l’attire vers
l’irréalité du rêve et ce qui la contraint à garder le contact le plus immédiat

(1) Car, bien sûr, si nous les définissons comme « désirantes », ces machines
cesseraient d’être des machines. '
1176 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

possible avec la réalité de l’existence. Les organes de sens sont des micro-orga­
nismes psychiques, ce sont des corpuscules dü corps psychique.

*
* *

Par là s’achève 1’ « Esquisse » d ’une théorie de l’organisation anti­


hallucinatoire du corps psychique pour autant que celui-ci est l’incorporation
de la réalité par l'être conscient.
Nous avons très longuement — trop — exposé cette première thèse de la
conception organo-dynamique de l’Hallucination, car il nous a paru absolu­
ment indispensable d ’expliciter l’essentiel même du modèle organo-dynamique
qui est la notion du « corps psychique ». Si, en effet, la personne et sa vie psychi­
que (par laquelle elle entretient sa relation avec le monde) sont écrasées dans
la mâchoire du dualisme cartésien, ou réduite, soit à une mécanique, soit à
un pur esprit, il n’y a pas de psychologie possible : la Psychologie bascule
dans la Physiologie ou dans la Sociologie. Et il n’y a plus alors aucune possi­
bilité de fonder la Psychiatrie et son objet, la « maladie mentale », sans les
détruire l’une et l’autre.
C’est depuis que les exigences culturelles et morales ont prescrit aux Méde­
cins de s’occuper des anomalies de certains hommes seulement, qu’on les
« traite » comme des maladies mentales qu’elles sont effectivement. Mais
parce que les Psychiatres n ’ont pas su définir ce qu’est la nature de ces maladies,
celles-ci sont revendiquées, sinon reprises incessamment par les conceptions
« morales » ou « culturelles ». Ce qui manque à la Psychiatrie c’est un concept-
clé qui la fonde; c’est ce concept qui est celui du « corps psychique ». Voilà
pourquoi la première thèse de la conception organo-dynamique, c’est non
seulement l’affirmation mais la description phénoménologique des structures
du « corps psychique » dont la décomposition fait apparaître l’Hallucination.
Au cours de la discussion du modèle théorique proposé par L. von Ber-
talanffy (1), S. Ariéti a défini très heureusement les états psychopathologiques
comme des « états de haute improbabilité qui sont soumis à une « entropie »
psychique négative provenant de l’extérieur du système ». Ce n’est pas, croyons-
nous, autre chose que ce que nous venons d ’écrire en exposant cette première
thèse. Celle-ci consiste, en effet, à affirmer que l’organisation « neg-entropi-
que » (ou anti-hallucinatoire) du Système biopsychique qui constitue le « corps
psychique » et assure son autonomie, sa liberté, contient dans sa forme et son
sens ce qui est contraire ou extérieur (hétérogène) à la forme et au sens nor­
matif de son être. Ainsi pouvons-nous maintenant passer à l’exposé de la
deuxième thèse organo-dynamique.

(1) General System Theory (W. G ray, F. J. Dura, et N. D. Rizzo), Boston, Little
Brown, 1969, 480 p., cf. p. 33-60.
CHAPITRE II

STRUCTURE ANOMIQUE (,)


DU PHÉNOMÈNE HALLUCINATOIRE
(NATURE ET DÉFINITION DE L’HALLUCINATION)

L’Hallucination n ’est et ne se reconnaît qu’étant hors la loi d ’objectivité de


toute perception. La deuxième thèse de notre conception organo-dynamique logi­
que des Hallucinations consiste, en effet, après que nous ayons exposé la légalité
et la constitution de l’organisation anti-hallucinatoire du corps psychique
(des structures de l’être conscient et du sens des organes des sens) à mettre
en évidence sa « nature » en quelque sorte insurrectionnelle à l’égard de l’ordre
naturel de la perception tel qu’il est assuré par l’architectonie de l ’organisme
psychique et de son instrument psycho-sensoriel. Et c’est en tant que phéno­
mène « anomique » (1) (c’est-à-dire contrevenant à la loi de cette organisation)
que l’Hallucination apparaît comme symptôme dans le contexte clinique
d ’où il émerge.
Mais — pour si claire que soit cette proposition théorique — sa démons­
tration exige que soit « exorcisé » le problème des Hallucinations, c’est-à-dire
qu’il soit expurgé de toutes les surcharges psychologiques et culturelles qui
lui donnent l’apparence de n ’être rien d ’autre que la possibilité d ’erreurs qui se
glissent, comme nous l’avons vu, dans le jeu normal de l’image et de la sen­
sation comme on disait au début du xixe siècle. Cette « banalité » à laquelle
est réduit le phénomène hallucinatoire est reprise de nos jours, soit dans la
dissolution de l’image et des phantasmes du corps, soit dans sa volatisation
dans les représentations collectives, les mythes ou le conditionnement culturel.
L’Hallucination est, en effet, un phénomène pathologique ou n ’est pas.
Et c’est précisément à un moment où la mode métaphysique (la « Geistzeit »)
est à nier le « pathologique » que nous entendons par l’approfondissement
même de la nature de l’Hallucination montrer qu’il ne suffit pas de fermer

(1) Nous employons ce terme rare mais classique (en sociologie depuis D u r ­
pour désigner l’Hallucination comme une anomie, une anomalie absolue. Nous
k h e im )
l’opposons au terme « psychonome » qui désigne, selon Q u e r c y , 1’ « Hallucination
normale », c’est-à-dire, pour nous, une « Pseudo-hallucination ».
1178 MODÈLE ORGANO-DYNAM1QUE

les yeux pour faire disparaître le phénomène « anomique » à quoi se réfèrent


toutes les notions séméiologiques ou pathogéniques impliquées dans l’idée
de maladie et notamment de maladie hallucinatoire. La notion de « norme »
constitue le fondement du concept de pathologique. On n’a jamais cessé et on
ne cesse encore (Colloque sur « La Normalité », Rev. fr. de Psychanalyse,
mai 1972 ; M. Eck, Nouv. Presse Méd., 1973) d’en discuter. Pour notre part,
c ’est l’organisation du corps psychique, c’est-à-dire son sens, qui constitue le
contenu réel de la notion de « normativité ». Dans l ’organisation de la vie psy­
chique, elle implique non pas l ’adaptation mais la possibilité d ’autonomie de
la personne, autonomie assurée par sa propre organisation (cf. Manuel de Psy­
chiatrie, 4e éd. et C. R. Colloque du X IIIe, Paris, 1972).
Et c’est bien dans ce sens que tous les Cliniciens depuis Esquirol et Griesin­
ger jusqu’à K. Jaspers, K. Schneider, G. de Clérambault, ont défini l’Halluci­
nation comme un phénomène essentiellement hétérogène (hétéronome, dit
K. Kleist) relativement aux illusions qu’admet ou même engendre norma­
lement l’exercice des fonctions psycho-sensorielles. Comme nous allons y insis­
ter, toutes les discussions sur la question de savoir si l’Hallucination est une
simple représentation (ou une image) ou si elle comporte une esthésie spécifique
(une sensation) ne parviennent à s’articuler que relativement à la « nature
hétérogène » du phénomène hallucinatoire. Disons donc que le fondement
même du concept d’Hallucination c’est la délimitation de sa compréhension
à l ’égard des « hallucinations normales », c’est-à-dire des illusions des sens
qui sont dans un rapport d ’homogénéité avec l ’activité sensorielle commune,
sinon à tous les individus de l’espèce, tout au moins au même groupe culturel.
Ce sont des « Pseudo-hallucinations » (nous verrons que ce terme si galvaudé
dans la psychopathologie ne doit s’appliquer qu’à cette classe de variations
n o r m a l e s de la perception) que Quercy nomme « psychonomes ». Et c’est de
leur hypothèque que nous devons purger le problème de la nature de l’Hallu­
cination en établissant les bases mêmes du diagnostic positif de l’Hallucination,
c’est-à-dire en séparant de la catégorie proprement hallucinatoire, les illusions
pseudo-hallucinatoires qui dépendent de l’exercice normal de l ’activité per­
ceptive. C ’est faute d’avoir opéré cette réduction que tous les auteurs et toutes
les théories se sont perdus dans des contradictions sans fin et, en fin de compte,
se sont trouvés impuissants à saisir l’Hallucination pour ce qu’elle est, faute
de la distinguer de ce qu’elle n ’est pas.

A. — L’HALLUCINATION EST IRRÉDUCTIBLE


AUX VARIATIONS DE LA VIE PSYCHIQUE NORMALE

Les deux termes antinomiques des théories classiques de l’Hallucination,


c’est-à-dire sa nature d'image ou sa nature de sensation (Tot capita, tot sensu)
sont à renvoyer dos à dos pour se référer à deux aspects artificiels ou secondaires
de la perception. Car, en effet, plaider la nature imaginaire de l’Hallucination
c’est la confondre avec l ’exercice de l’imagination, c’est-à-dire la nier en lui
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) DES HALLUCINATIONS 1179

refusant la différence qui sépare l’imaginaire du réel — (intervalle qu’elle fran­


chit) — et plaider la nature sensorielle de l’Hallucination, c’est la confondre
avec la perception d ’un objet extérieur, c’est-à-dire la nier également en lui
attribuant la différence qui sépare un objet extérieur d’une image intérieure
(ce que précisément l’Hallucination supprime). Reste donc à rechercher la
structure intrinsèque du phénomène hallucinatoire dans la modification radi­
cale de la perception qui ne se confonde pas avec les variations « physiologi­
ques » (c’est-à-dire normales ou psychonomes) que celle-ci admet dans l’exercice
de son activité commune (spécifique ou individuelle). Cette thèse est le corollaire
de la première Thèse puisqu’elle consacre l’Hallucination comme un échappe­
ment au contrôle de la loi de l’organisation du corps psychique.

1° La distin ctio n de la P sychologie associative


e n tre im age e t sensation ne fo n d e p a s la différence
en tre hallucinations path ologiqu es e t illusions n orm ales.

Sous l ’influence de la psychologie associative ou atomiste, les Psychiatres


avaient pris l’habitude de diviser la perception en sensation et idée (ou
image) et de se demander si la perception sans objet devait être considérée
comme engendrée par une intensification de l’idée ou de l’image ou par
une production mécanique de sensations. Une pareille dichotomie parais­
sait propice à une séparation radicale entre l’Hallucination vraie (sensorielle)
et les fausses hallucinations « simples effets de l’imagination ». Hélas !
il faut bien déchanter, ou plus exactement démystifier la fausse clarté carté­
sienne qui éblouissait jusqu’à l’aveugler le Clinicien. Nous avons longue­
ment examiné les deux modèles linéaires auxquels correspond cette artificielle
division de l’acte perceptif. Il nous suffit ici de le rappeler pour mettre en évi­
dence que la question de savoir si la nature de l’Hallucination est d ’être une
image ou une sensation n ’a pas de sens, car la « perception-sans-objet-à-per-
cevoir », comme d ’ailleurs la perception d ’un objet, ne sauraient en aucune
façon se réduire à n ’être que quantum éidétique ou sensoriel.
Nous devons rappeler une fois encore dans cet ouvrage cette querelle
d’école, ou plutôt cette antinomie stérile (pour porter sur une analyse arti­
ficielle de l’acte perceptif), afin de bien comprendre que la référence à l’image
ou à la sensation masque le véritable problème. Celui-ci est, en effet, de savoir
non si l’Hallucination est dans sa « nature » image ou sensation, mais si elle
est ou non hétérogène (ou hétéronome) à l’égard du fonctionnement de l’acte
perceptif même quand il se trompe.

— La thèse du caractère essentiellement imaginatif de l’Hallucination a été sou­


tenue par tous les auteurs qui ont été particulièrement sensibles à sa nature dite,
tantôt « psychique », tantôt « centrale », pour désigner en tout cas qu’il s’agit de
phénomènes plus près de l’intuition, de la pensée, de la représentation et de l’activité
symbolique (notamment verbale ou poétique). Les corollaires de cette position théo­
rique sont tout naturellement : que l’Hallucination n’est pas autre chose que l’ima­
1180 MODÈLE ORGA NO-D YN AMI QUE

gination que tous les hommes ont à leur disposition ou que certains (soit qu’ils soient
des fous ou des génies) portent à ses plus extrêmes degrés de perfection (dans la création
artistique ou dans l’exaltation mystique de l’extase ou du ravissement); — que l’Hallu­
cination ne diffère de l’image que par son intensité, par la transformation sensoriale
de l’idée qu’elle peut engendrer (Lelut);—et enfin que l’Hallucination peut être« phy­
siologique », c’est-à-dire normale. Et, effectivement, au milieu du xixe siècle (notam­
ment lors de la fameuse discussion de 1855 à la Société Médico-Psychologique),
Bûchez, Peisse, Brierre de Boismont, A. Garnier et (dans une autre discussion aussi
fameuse sur l’analogie du rêve et de la folie à la même époque) Bousquet se sont faits
les champions de la nature imaginative de l’Hallucination, thèse soutenue déjà par
Lelut dans son ouvrage célèbre (1846), et plus anciennement encore par Boissier de Sau­
vages qui rattachait l’Hallucination à la « perception imaginaire ». Dans son article
« Hallucinations normales et pathologiques », Bernheim {Encéphale, 1913) nous
rappelle, bien sûr, que pour Taine ( L ’In telligen ce, p. 317) l’Hallucination qui semble
une monstruosité (c’est en ce sens que nous parlons de sa structure « anomique »)
est la trame même de notre vie mentale, car, a-t-il écrit aussi (p. 23), on peut définir
notre état d’esprit pendant la veille comme une suite d'Hallucinations qui n’aboutissent
pas. Cette « hallucinabilité » que Bernheim reconnaît aux Sujets normaux et aux Sujets
pathologiques est donc et ne peut être qu’une virtualité. Et tout le problème de l’Hal­
lucination vraie ou pathologique c’est précisément celui du passage à l ’a c te de cette
potentialité. Autrement dit, toutes les discussions sur l’identité de l’image (1) et de
la perception de l’Hallucination normale et pathologique escamotent purement et
simplement le problème des Hallucinations. En Allemagne, sauf pour les « Roman­
tiques » de l’école « psychiste » (Reil, Heinroth, C. W. Ideler, E. Feuchtersieben,
C. G. Carus, etc.), les Psychiatres du xixe siècle furent plus ouverts à la thèse inverse.
— La thèse qui pose la « n atu re p rim itiv e m e n t sen sorielle » de l'Hallucination distin­
gue aussi radicalement que possible l’Hallucination de l’image, de la représentation ou
du souvenir. Tous les auteurs qui l’ont soutenue ont été particulièrement sensibles
à la pathologie des centres et organes sensoriels et à 1’esth ésie, c’est-à-dire à la vivacité
des propriétés sensibles du vécu hallucinatoire par quoi précisément l’Hallucination
se distingue de l’image. Les corollaires de cette thèse sont tout naturellement : que
l’Hallucination est très différente de l’image qu’elle ne saurait se confondre avec
l’exercice de l’imagination pour si vive qu’elle soit, et qu’elle exige pour sa consti­
tution une condition pathologique, de telle sorte qu’elle ne saurait être assimilée à un
phénomène « physiologique » ou « normal ». Cette thèse — la plus répandue dans
les diverses écoles psychiatriques anciennes et modernes — fut soutenue en 1855 par
Maury, Baillarger, Michea, Parchappe, et elle n’a jamais cessé d’être soutenue (depuis
Ritti jusqu’à P. Quercy et, bien sûr, G. de Clérambault). Mais comme l’a si judicieuse­
ment fait remarquer Mourgue, cette « sensorialité » de l’Hallucination (et sa « para­
phrase » par la théorie de l’excitation des voies et centres sensoriels) en même temps
qu’elle fonde l’Hallucination sur une « sensation réelle » la détruit. Et cela est si évi­
dent qu’à peine définie comme un phénomène primitivement sensationnel et assimilée
à la perception d’un objet réel, l’Hallucination disparaît, soit complètement aux yeux

(1) Cf. G. D u r a n d , Structures anthropologiques de l’imaginaire, 1960; —■O. M a n -


Clefs pour l ’imaginaire ou l ’Autre Scène, Paris 1969; — M. A. V ir e l , « Appro­
n o n i,
ches psychophysiologiques de l’image mentale », Bull. Psychol., 1970-1971, 24,
682-692; — P. S c h m i d t , « Psychoses imaginaires et Fantastique », Ann. Med. Psych.,
1971,1, 669-722; — et n° spécial Rev. Fr. dePsychan., 1971 sur les fantasmes.
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) DES HALLUCINATIONS 1181

des théoriciens les plus rigoureux en se heurtant à la définition même d’une perception
sans objet, puisque, en définitive, elle est perception d’un stimulus seulement inadéquat,
soit partiellement en ce sens qu’une telle interprétation ne peut s’appliquer en tout
état de cause qu’à une partie seulement des Hallucinations et non pas aux phénomènes
dits pseudo-hallucinatoires ou Hallucinations psychiques ou Hallucinations pseudo-
esthésiques, etc.
Et voilà pourquoi la fameuse distinction entre Hallucination sensorielle ou psycho­
sensorielle dite « vraie », ou « Hallucination psychique » dite encore « Pseudo­
hallucination », est là comme pour nous montrer, même quand elle nous est proposée
par des Cliniciens de la valeur de Baillarger ou de K. Jaspers (pour ne parler que de
deux auteurs qui, d’un siècle à l’autre, ont compromis le concept d'Hallucination),
pour nous montrer donc qu’il est impossible sans aboutir à la nier, d’attribuer à
l’Hallucination des concepts comme ceux d’image ou de sensation, car jamais l’Hallu­
cination proprement dite ne peut être réduite à être, ou une image, ou une sensation.

Nous devons conclure de ces réflexions que les deux perspectives selon
lesquelles le regard du Clinicien, s’il s’en tenait à l’une ou l’autre de ces perspec­
tives, lui ferait nécessairement manquer l’Hallucination. Car ce qui étaye l’une
et l’autre thèse, c’est précisément une double illusion : celle de l’intensité
des images qui la porterait jusqu’à leur « réalisation » objective; — et celle
qui considère l’image comme le simple reflet d ’un objet du monde extérieur.

2° Les illusions de la vie p sych iq u e n orm ale


ne son t p a s des H allucinations.

Comme nous allons le voir en reprenant ici ce qui est un des leitmotive
de ce « Traité », ces « hallucinations psychonomes » ou normales sont de
fausses Hallucinations (1) pour autant qu’elles sont des phénomènes confor­
mes aux lois mêmes de la perception. Celle-ci, en effet, ne consiste pas seule­
ment à enregistrer des Stimuli mais à se porter à leur devant et à les choisir,

(1) Peut-être devons-nous ici prier le lecteur, une fois de plus, de prendre lui-même
conscience de la nécessité lorsqu’on manipule les concepts d’Hallucination « vraie »
ou « fausse », lorsqu’on essaie de catégoriser les Hallucinations, de ne pas perdre de
vue que le groupe des phénomènes hallucinatoires est divers, sinon hétéroclite. Clas­
siquement, on distingue mal les Hallucinations de ce que nous appelons, nous, les
Pseudo-hallucinations (pour n’être que des illusions normales de la perception).
Et, dès lors, on réserve paradoxalement le terme de « Pseudo-hallucination » générale­
ment à cette partie, à cette énorme partie du genre « Hallucinations » caractérisées
par le caractère psychique ou pseudesthésique de la représentation hallucinatoire,
soit plus rarement aux phénomènes éidolo-hallucinosiques. Ceux-ci, par contre, sont
considérés par certains auteurs comme les « vraies » Hallucinations (R. M o u r g u e ).
On voit bien qu’à partir du moment où la césure n’est pas établie entre les fausses
hallucinations normales (pour nous, si l’on peut dire, véritables pseudo-hallucina­
tions) et les phénomènes hallucinatoires pathologiques le concept même d’Hallu­
cination est soumis à des contradictions qui en rendent l’application absurde.
1182 MODÈLE ORGANO-D YNAMIQ UE

et aussi à les coder, à les former à l ’intérieur même de l’espace fonctionnel


des organes des sens et des analyseurs perceptifs qui leur correspondent, à les
reproduire ou à se les représenter dans l’espace subjectif. De telle sorte qu’il
y a bien quelque chose de la « perception sans objet » dans l ’exercice même de
l ’imagination et de la « gestaltisation » des signaux (ce quelque chose étant la
part de projection du Sujet dans le perceptum interne ou externe). Mais les
phénomènes qui « rappellent » ou « préfigurent » ainsi l’Hallucination ne sont
pas des Hallucinations pour la simple raison que le Sujet se conforme dans leur
perception à la loi commune : en distinguant l’image subjective de ce qui est
vu objectivement par les autres — ou, au contraire, en percevant ce qui est pres­
crit par le système commun de la réalité propre au milieu culturel — ou, enfin,
en percevant ce que tous les individus perçoivent dans les mêmes conditions
nécessairement comme illusion. Et c’est précisément ces diverses catégories
d ’illusions qui sont à séparer du champ des phénomènes hallucinatoires qui
doivent nous permettre de mieux comprendre la nature proprement « sub­
versive » et, répétons-le, « hors la loi » des Hallucinations.

Ce qui paraît échapper au contrôle du Sujet « conscient et organisé »,


c’est-à-dire normalement constitué et qui paraît être à l’observateur « halluci­
natoire » (1), ce n’est rien d ’autre que des variations statistiques d ’illusions
perceptives qui n’en demeurent pas moins dans une relation de cohérence et
d ’homogénéité à l’égard du sens de la perception. Si nous revenons en effet sur
ce que nous avons précédemment établi, sur ce « sens des sens », c’est-à-dire le
mouvement qui porte le Sujet à se saisir des objets du monde, cette saisie ne
s’adresse jamais qu’à une situation actuellement vécue ou représentée. De telle
sorte que lorsque l’analyse réflexive ou l’observation objective de la psychologie
expérimentale entendent réduire la perception, soit à une image projetée par le
Sujet dans l’espace objectif, soit à une sensation provoquée par les objets phy­
siques (stimuli) dans l’espace subjectif, cette réduction est purement artificielle.
Et c’est pourtant elle seule qui permet de parler d ’ « Hallucination » en visant
l’exercice normal de la perception à propos des exceptionnelles et extrêmes
variations d ’images assez intenses pour paraître hallucinatoires, ou de sensations
assez inadéquates pour paraître hallucinatoires. Mais ce en quoi ces « prises
de vues » sur l’apparence « hallucinatoire », sur l’erreur des sens ne visent pas de
véritables Hallucinations, c’est précisément qu’elles ne cessent pas d ’être des
perceptions vraies. Car les perceptions vraies ne sont pas seulement celles qui
se réduisent à des images vives ou à des sensations irrécusables, mais celles
qui se réfèrent à un ordre de la réalité. Ces Pseudo-hallucinations ou phéno­
mènes normaux dits hallucinatoires se conforment, en effet, à la loi d ’orga­
nisation du corps psychique, car même si elles sont comme des « artefacts »
qui s’introduisent dans le système perceptif par l ’effet de sa propre organisa-

(1) Si on ne restreint pas justement l’Hallucination au domaine des anomalies


de la perception.
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) DES HALLUCINATIONS 1183

tion, elles ne cessent pas d ’être soumises au contrôle des connaissances


communes ou de règles spécifiques de la configuration temporo-spatiale des
objets perçus par tous. Insistons encore sur ce point qui pourrait paraître de
pure casuistique alors qu’il est au contraire fondamental. Ce n ’est pas le fait
qu’une image est tellement intense qu’elle « vaut pour » un objet perçu (fait
de banalité courante puisqu’il se produit lorsque, à longueur de journée nous
ne percevons que ce que nous imaginons ou pensons), ni qu’une pure sensation
est tellement esthésique qu’elle s’impose comme l’apparition d ’un objet réel
(fait de banalité courante puisqu’il se produit aussi à longueur de journée lorsque
nous éprouvons des milliers de sensations que, quelle que soit leur esthésie,
nous percevons comme des riens insignifiants); ce ne sont pas ces faits qui
authentifient l’Hallucination. Ce qui constitue l’Hallucination ce n ’est pas
d’être ceci ou cela (images variant dans leur intensité ou leurs qualités senso­
rielles), mais d ’être l’apparition subjectivement et objectivement d ’un phéno­
mène qui, précisément, ne se réduit ni à ceci ou cela, mais qui manifeste et
porte en lui une altération, sinon une inversion de la perception de la réalité.
Les illusions que l’on appelle abusivement hallucinations et qui se présentent
pour ainsi dire communément (ou en tout cas en conformité avec les règles
de la communauté dans laquelle chacun vit) ne sont rien d’autres que les
manifestations de la virtualité hallucinatoire que « contient » comme nous
l’avons établi dans l’exposé de notre première thèse (chapitre précédent)
l’organisation anti-hallucinatoire du « corps psychique » et des organes des
sens. Ce sont des perceptions fausses (au regard de la connaissance objective)
mais qui sont conformes à l’organisation commune des relations du Moi avec
son monde et avec les autres. Si elles s’imposent comme des phénomènes res­
semblant aux « perceptions-sans-objet-à-percevoir », c’est seulement comme
variations statistiques de l’inadéquation constamment problématique et rela­
tive du Sujet au monde des objets. A titre d’exemple, nous pouvons dire que
percevoir quelqu’un que nous entendons dans le lointain indistinct, ou nous
unir à Dieu dans la prière, ou encore percevoir des mouvements dans une figure
immobile de cercles concentriques, c’est bien pour le Sujet percevoir quelque
chose qui ne se conforme pas aux lois du monde objectif mais qui demeure
dans la loi de l’organisation psychique, laquelle, établie sur un modèle essentiel­
lement anti-hallucinatoire (comme nous l’avons établi plus haut), permet
au Sujet de se mouvoir dans une zone d’indétermination ou d ’erreur sans cesser
de se conformer au système de la réalité qu’il s’est constitué en accord avec
les autres. L ’organisation du corps psychique, en effet, est comme celle de tous
les êtres vivants, un système ouvert assez élastique et variable pour s’adapter
aux conditions de milieu, et ici pour le problème qui nous occupe aux conditions
subjectives et objectives que l’acte perceptif a pour fonction d ’équilibrer. C’est
donc comme rançon de cet équilibre homéostatique que la perception assure
dans la relation du Sujet à son monde qu’apparaissent, selon une probabilité
variable, des phénomènes d'aberration psycho-sensorielle qui pour si exception­
nels qu’ils puissent être n ’en restent pas moins communs et pour ainsi dire
« ordinaires ». De ces phénomènes — dont nous devons exonérer la masse
1184 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

des phénomènes proprement hallucinatoires — nous pouvons décrire deux


catégories.

a) Les illusions psychophysiques et leur contexte physiologique. — Ce


sont elles qui correspondent le plus naturellement au critère de communauté,
sinon d’universalité pour prendre à leur piège tous les individus. Ce sont en
quelque sorte des « illusions spécifiques » (c’est-à-dire communes à toute
l’espèce humaine) qui matérialisent dans la configuration du perceptum la
structure organique (voire physique) du lien unissant dans les appareils
psycho-sensoriels le Sujet à l ’objet dans sa prospection.
Certaines (ce sont les illusions dites géométriques, opto-géométriques, etc.)
sont soumises elles-mêmes aux lois de la constance des formes physiques. Car,
bien entendu — nous l’avons assez fait remarquer — un appareil sensoriel,
s’il n’est pas qu’un appareil physique, est aussi un appareil physique. Il y a
une nécessaire isomorphie entre l’organe de l’audition ou de la vision et l’orga­
nisation physique dans l’espace et le temps mathématiques des ondes sonores
ou des radiations optiques. Les images de la réflexion, de la réfraction optique
ou du renversement expérimental du champ visuel (Stratton) font partie du
monde des objets tout en se réfléchissant, se réfractant ou se renversant dans
les milieux des organes des sens.
Mais l’illusion peut s’inscrire plus profondément dans le corps même
de l’activité réceptive, c’est-à-dire dans les structures des organes des sens,
soit que l’œil astigmate altère sa vision des droites concentriques, soit qu’une
aberration chromatique (irisations colorées) survienne comme indice de réac­
tion du milieu oculaire, soit que la fusion des images binoculaires ne s’opérant
pas et que surgisse une image diplopique, soit que par variation des inductions
spatiales rétiniennes liées au phénomène de contraste marginal projettent les
mouvements apparents d ’objets immobiles — ou encore, pour ce qui est de
la sphère acoustique, soit que l’ouverture de la trompe d ’Eustache provoque
un phénomène d ’autophonie, ou que des différences d’excitation dans la sti­
mulation des deux oreilles (audition binaurale) latéralisent la source bilatérale
des sons, etc., nous découvrons que l’organisation même de l’ordre que les
organes des sens assure dans la perception est susceptible de produire des
phénomènes illusionnels directement liés à la physiologie de ces organes.
L ’acte perceptif qui intègre le perceptum dans l’espace à trois dimensions
ou dans la simultanéité et la succession des formes qu’il actualise, implique
nécessairement des effets illusionnels communs à tous (cf. par exemple, l ’étude
récente de P. Fraisse (1971) sur l’illusion de Müller-Lyer). Ces formes se pré­
sentent parfois avec des attributs sensoriels très vifs. Parinaud prétendait
que les images consécutives pouvaient être dédoublées par le prisme. Sans reve­
nir sur ces sensations prolongées mais gardant la qualité sensorielle des sensa­
tions primitives, nous devons indiquer ici l’importance considérable de ces
« scories » du fonctionnement perceptif qui, au demeurant, restent accrochées
aux Stimuli comme l’ombre à l’objet. Ce sont encore des « objets organiques »
aussi internes que ces images consécutives ou ces images éidétiques, que ces ima-
P lanche III

P lanche IV

Illusion de Thompson.
I
P lanche V

O
POGGENDORF
o
O
B O U R D O N -TITC H E N ER

Organisation perceptive (d’après E. V u r p il l o t , pl. II, J. Vrin, Édit., Paris, 1963).


P lanche VI

ILLUSION D'OPPEL : différentes structures

PARALLELOGRAMME DE SANDER

Figure à structure faible ( Wursten )

O —<
Figure de Brentano pleine

Figures en T

Figure de Brentano vide

> --------------- < Figure en L

ILLUSION DE M ULLER-LYER ILLUSION DE LA V ER TIC A LE

Organisation perceptive (d’après E. V u r p il l o t , pl. II, J. Vrin, Édit., Paris, 1963).


II. HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) DES HALLUCINATIONS 1185

ges géométriques et colorées qui surgissent parfois devant ou dans les yeux
comme des représentations des tissus et des vaisseaux de l’œil (Ahlenstiel,
1956 et 1962).
A un niveau supérieur de l’organisation psychophysique de l’acte perceptif,
nous rencontrons l ’objet privilégié de la « Gestaltpsychologie », c’est-à-dire
la production de formes autochtones qui sont en quelque sorte à mi-chemin
de la projection intentionnelle du Sujet percevant et de la configuration objec­
tive du perçu. Ce sont des « objets » si singuliers et si ambigus que la Gestalt­
psychologie elle-même s’est partagée en deux selon que ses théoriciens ont mis
l’accent avec l’école de Gratz (von Ehrenfels et Meinong) sur l’intentionnalité
organisatrice de la force, ou avec l’école de Berlin (Koffka, Köhler, Wertheimer)
et les behavioristes opérationnalistes anglo-saxons sur la configuration objec­
tive dans la constitution des « Gestalten ». Ces « formes » sont des unités orga­
niques, sinon des structures au physique, qui s’assemblent par la liaison autoch­
tone (intégration à l’unité de ségrégation) de leurs parties. Ce sont elles que nous
voyons surgir là où certains psychophysiologiques naïfs s’attendaient à saisir
des « sensations élémentaires ». Rappelons ici le mot de von Kries (1923)
(les sensations élémentaires sont des fictions) qui est devenu, nous l’avons
vu, le leitmotiv de la psychophysiologie contemporaine de la perception.
Quoi qu’il en soit, c ’est par ce pouvoir constitutif d ’ensembles qu’appa­
raît la capacité pour le Sujet (Gestalter) d’extraire des formes du monde objec­
tif en s’y conformant certes, mais pour lui-même les former. De sorte que
la perception implique comme nous l’avons vu une sorte de pouvoir de création
d ’une réalité qui n’est jamais littéralement la même que celle des objets dans
l’espace (selon le fameux principe de constance, du « monde objectif »), mais
une réalité à la mesure (en quelque sorte « hallucinatiore ») du pouvoir de
création du Sujet. Sans doute tout ce que l’on a écrit, tous les schémas que
l’on nous a montrés dans tous les manuels sur les ambiguïtés de la figure et du
fond (figures de Rutoni) et des effets de contraste (figures de Koflfka), sur les illu­
sions de grandeur (Müller-Lyer et Poggendorff), de relief, de perspective, de
divers mouvements apparents (alpha, bêta ou gamma de Kenkel, gamma-pi de
Kanisza) ou consécutifs (Nachbewegung ou after-movment), ne fait qu’illustrer
la fonction sélective et organisatrice de l’activité perceptive qui ne peut, en effet,
rien permettre aux percipiens qui ne soit un ordre composé pour le perceptum.
Mais la constitution de la forme même, si elle se présente le plus généralement
comme contraignante et en tout cas prégnante (bonne forme), laisse au « per­
cepteur » la faculté parfois de l’inverser et toujours de la tenir pour une réalité
artificielle. C ’est justement en quoi la théorie de la perception de la Gestalt­
psychologie vise ce qui, dans la perception, en constitue l’infrastructure for­
melle.
Les « paréidolies » sont les plus typiques de ces constellations qui obéissent
comme dans le Rorschach à la projection intentionnelle du Sujet. La perception
découpe et découvre des figures des bonnes formes dans un entrelac informe,
ou en tout cas désordonné de lignes, de dessins ou de formes colorées et enche­
vêtrées (voir la tête d’un ange ou un perroquet dans le dessin d ’un papier teint).
1186 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

Là, à ce niveau on peut dire que l’extraction du sens se fait en négligeant au


maximum les données sensorielles. Le sens finit par triompher des données
des sens...
Tel est l’inventaire sommaire que nous pouvons faire de ces phénomènes
qui constituent comme les linéaments de l’activité perceptive pour autant
qu’elle est liée à la physique des objets, à la psychophysique des appareils sen­
soriels (périphériques et centraux) et aux lois internes de la « Gestaltung »
dont ils assurent la constitution. Tous ces phénomènes qui paraissent entrer
dans le champ des Hallucinations (Quercy par exemple leur consacre non seu­
lement une énorme place dans son ouvrage, mais les considère comme une sorte
de paradigme pour la connaissance de l’Hallucination) nous paraissent au
contraire en sortir dans la mesure même où ils « font partie de Vactivité percep­
tive commune ». Nous préciserons d’ailleurs plus loin ce qu’il faut entendre
exactement par là. Pour le moment, il nous suffit d’avoir rappelé tous ces faits
indéfiniment reproduits dans les travaux, ouvrages ou manuels de psychologie
ou de psychiatrie qui traitent de la perception et de ses troubles.

b ) Les illusions imaginatives et leur contexte psychologique et culturel. —


A l’autre pôle de l’activité psychosensorielle, c’est l’image qui paraît deve­
nir hallucinatoire par la force de son développement, force qu’elle tire bien sûr
du dynamisme affectif et intentionnel qu’elle représente. Et il est bien vrai que
nous ne pouvons rien penser ni rien dire de l’image ou de l’imagination sans nous
représenter ces représentations comme des objets psychiques, des phantasmes
qui, à l’intérieur du Sujet, constituent un monde d ’objets perçus par la « vision
intérieure », par cette vision interne souvent appelée « aperception », par cet
« œil » (1) de la conscience qui dirige son propre regard sur la scène de sa repré­
sentation. Nous avons exposé ailleurs (La Conscience, 2e édition, 1968, p. 124-
136) la fonction « scénique » que la structuration même du champ de la
conscience réserve à l’espace symbolique qui se creuse dans l’épaisseur
même du Sujet comme celui des coulisses ou de l’avant-scène du monde
des objets et des autres. Or, en se faisant apparaître ainsi (Navratil) ou en lais­
sant émerger un monde d’images dans l’espace de sa représentation, le Sujet
spectateur et acteur de ce théâtre analogique halluciné « en quelque sorte »
son propre désir, son propre rêve, ou plus généralement sa propre intention­
nalité laquelle exige d’être toujours liée elle-même à son propre objet.

Le mouvement d'expression et d'objectivation (cf. Avant-Propos et supra, p. 673-


680) qui anime tant d’expériences humaines apparaît assez facilement « halluci­
natoire ». Et d’autant plus facilement que l’Hallucination ainsi légèrement attribuée

(1) « Œil en trop », si l’on veut y voir l’organe d’une dimension surnuméraire,
ou superflue et mythique de la réalité; — « Œil en miroir », si l’on entend priver son
regard du pouvoir d’exercer sa visée et sa prévision sur les choses et le condamner
seulement à les refléter.
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) DES HALLUCINATIONS 1187

à toute croyance religieuse ou de toute inspiration esthétique disparaît pour s’iden­


tifier à l’exercice de l’imagination ou à la projection de la pensée magique ou de
la foi religieuse. Elle n’est qu’un effet du champ culturel, comme tout phénomène
psychopathologique d’ailleurs. Ce que nous ont apporté à cet égard les Ethno­
logues, Sociologues ou Psychanalystes culturalistes (M. Mead, Ruth Benedikt,
A. Kardiner, R. Linton, A. H. Leighton, etc.) est assez léger, pour ne pas dire
dérisoire.
La plupart des auteurs socio-psychologues ou psychiatres « transculturalistes »
finissent généralement (par où ils auraient dû commencer) par admettre qu’il y a
un noyau de « faits psychopathologiques » qui ne sont pas seulement culturels.
Ainsi, G. Devereux mentionne-t-il parmi les « désordres de la personnalité »,
eux-mêmes confusément définis, une catégorie de « désordres idéopathiques ». Le
dernier article que nous avons lu (H. Makang Ma Mbog, Psychopath, afric.,
1972, 8, 59-74) n’a pu que nous confirmer dans l’idée récemment exprimée
par Pfeiffer, que les « malades mentaux » se ressemblent plus entre eux d’un
milieu culturel à l’autre que les gens sains... Le Délire et l’Hallucination
sont, à cet égard, à distinguer comme des phénomènes pathologiques (G. Hole,
1971).

Rêverie et création. — Les exercices de représentation ou les expériences


d ’imagination constituent des expériences, soit communes et quotidiennes,
soit géniales et exceptionnelles, qui, comme nous l’avons souligné dès le début
et tout au long de cet ouvrage, sont essentiellement subjectives.
Il s’agit d ’abord de l’état de relâchement et de passivité plus ou moins
distraite qui caractérise la rêverie. Cette rêverie retranche le Sujet de son
monde et remplace son absence par la présence d ’un imaginaire, soit flottant et
kaléidoscopique, soit concentré et fixe. Il y a bien dans ces phénomènes quelque
chose qui nous renvoie à l’Hallucination dans la mesure même où celle-ci, en
effet, exige la formation d ’un enchaînement scénique ou d’un spectacle intéres­
sant (Navratil). La rêverie peut être assez captivante pour valoir pour une struc­
ture de réel intérêt. Mais, bien sûr, celui qui se livre ainsi aux caprices de la
« folle du logis » est, en dernier ressort, toujours maître de son jeu pour n ’en
être jamais complètement dupe ni esclave. Pour ce qui regarde la rêverie, elle
se déroule dans l’espace privé de la représentation en ne se livrant que par
incidences ou furtifs profils aux mirages d’une illusion.
Il s’agit aussi de ce que Lelut appelait la « transformation sensoriaie » de
Vidée et qui caractérisait l’extraordinaire intensité (vividité, détails, netteté,
qualités sensorielles précises) des images qui répondent à l’extrême pointe
du mouvement intentionnel ou de l’acte opératoire à l’objet recherché comme
un moyen, selon une fin comme dans la création esthétique. Il en est ainsi,
aussi bien lorsque le joueur d’échecs se représente jusqu’à voir la disposition
de l’échiquier; — comme lorsque apparaissent ces images si vives dont Kan-
dinsky faisait une variété de « Pseudo-hallucinations » vécues avec une grande
esthésie mais « sans corporéité », c’est-à-dire sans projection dans l ’espace
objectif (il s’agit dans le travail de Kandinsky de l’auto-observation du cas
Dolin); images se présentant les yeux fermés, colorées, en mouvement, mais
E y. — Traité des Hallucinations, n. 39
1188 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

n ’occupant que l’espace intérieur subjectif ; — comme lorsque le biologiste


voit dans le champ du microscope ce qu’il désire y trouver; — comme lorsque
le correcteur d’épreuves d’imprimerie croit voir correct (conforme à sa pensée
et à son attente) un mot pourtant typographiquement déformé (P. Quercy,
II, p. 87-94); — ou encore lorsqu’il s’agit de ce que l’on a appelé les« halluci­
nations volontaires » où l’intensité de l’image est obtenue par une concentra­
tion extrême de l’attention.
Le « cristal-vision » est la fixation d ’une boule de verre qui « à volonté »
ou, mieux, par l’effet d’un travail inconscient (P. Janet) développe imagerie
ou souvenirs. Voici comment P. Quercy (1936, p. 75-81) décrit sa propre expé­
rience de « cristal-vision » : « La pénombre, la suppression des reflets, la rêverie
« ne m’ont rien donné. Au contraire, en éclairant la boule entourée d’objets, en
« la regardant avec une attention éveillée, j ’ai pu y voir : un personnage penché
« sur un atlas et les linéaments d’une terra incognito ; un immense divan bau-
« delairien grenat à fleurs jaunes; un gros registre ouvert sur un tapis ponceau;
« sur le folio de droite une grosse boule de mercure éblouissante; un papillon
« gigantesque dresse deux antennes, darde quatre yeux, déploie deux ailes
« triangulaires, blanches à reflets verdâtres; tout au fond, verrière rougeoyante;
« quelques grands trous noirs vides. Tout cela, fait avec les reflets non identifiés
« des objets réels, et d ’autant plus sûr que je regarde mieux. La découverte de
« l’identité légitime des reflets (plafond, lampe, cheminée, chenets) ne réduit
« pas l’illusion, peut-être protégée par la courbe du miroir. La tête ronde
« d ’une pelle à feu et le blanc d’un cadre de cheminée sont restés la boule de
« mercure et le registre; et la critique n ’a fait que renforcer l’illusion, main-
« tenue par l’attention volontaire et effacée par la rêverie. »
Naturellement il s’agit là d ’une « kaléidoscopie spontanée » à laquelle le
Sujet s’abandonne plus ou moins volontairement. Tantôt il s’agit d’une image­
rie livrée à l’association libre comme dans le « rêve éveillé » par une projection
inconsciente d’un flux d’imaginaire dont le Sujet est à la fois l’auteur et le spec­
tateur involontaire — Tantôt, comme dans la suggestion hypnotique la prise en
masse de la vie psychique dans une « transe » provoquée par l’hypnotiseur
enlève au Sujet toute liberté, à la condition toutefois qu’il soit — comme pour
la foi religieuse — préparé à subir ou à désirer cette suggestion. Nous pouvons
renvoyer ici à ce que nous avons écrit plus haut sur la suggestion hallucinatoire
à propos de l’hystérie (cf. supra, p. 880) et sur la libération de 1’ « appareil
hallucinogène » sous l’influence des effets de masse (« foule » ou des émotions,
cf. supra, p. 509 et p. 585-588).
Dans tous ces cas et dans tant d’autres semblables, la projection de l’ima­
ginaire, même si elle se substitue à la perception de la réalité ou atteint la viva­
cité des sensations qui généralement en provient, dans toutes ces illusions
imaginatives l’image ne montre pas la métamorphose (véritablement hallu­
cinatoire) qui lui confère un statut d ’objectivité, de fausse objectivité. Autre­
ment dit, dans toute cette première catégorie de phénomènes illusionnels ou
imaginatifs, l’imagination ne dépasse pas son niveau propre qui est celui d ’une
réalité subjective (même s’il s’agit d ’un Moi collectif porté à sa plus artificielle
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) DES HALLUCINATIONS 1189

représentation) c’est-à-dire d’une irréalité somme toute vécue pour être un


rêve, mais un rêve « rêvé » par le Sujet éveillé, c’est-à-dire assez vigilant pour ne
pas rêver...

Illu sio n s e t croyances. — Il en est tout autrement dans une autre caté­
gorie de phantasmes où l’illusion imaginaire perd son caractère d’illusion
pour entrer dans une autre réalité « surnaturelle » ou métaphysique. Il s’agit
de ce que l’on pourrait appeler les illusions métaphysiques lorsque, par exemple,
un homme superstitieux ou un spirite exalte son imagination jusqu’à se faire
apparaître des visages, des figures ou des scènes, ou entendre des voix, ou se
sentir envoûté ou ensorcelé, etc., la projection qui porte à son extrême puis­
sance la force de son imagination crée non plus seulement des images mais
métamorphose ces représentations en objets « réellement » surréels, métapsychi-
ques, télépathiques ou magiques. Mais dire que l’effet de cette « auto-sugges­
tion » par les croyances ou la foi en un monde surnaturel ou métapsychique
est une Hallucination, c’est renverser le sens même du phénomène hallucina­
toire. C’est précisément parce que l’adepte, le croyant, le fanatique projette
avec les seules ressources de son imagination les contenus mythiques du système
de la réalité qui est commun au groupe social ou religieux auquel il appar­
tient (1) que l’illusion effacée comme telle à ses propres yeux par sa foi en deve­
nant collective par référence au jugement de la masse, du clan ou de la secte,
contredit son caractère hallucinatoire. Car, rappelons-le, l’Hallucination est
une « perception-sans-objet-à-percevoir », c’est-à-dire une perception qui
échappe au précepte de la loi et la transgresse. Or, ici, sur le plan du jugement
de réalité, si la loi commune impose la croyance aux esprits, la participation
de chacun à cette croyance institue la validité de l’objet, de telle sorte que la
« perception-sans-objet-à-percevoir » n ’est plus qu’une « perception-sans-
objet-naturel ». Le phénomène change, répétons-le, de sens pour ne pas pou­
voir être une Hallucination engendrée par la désorganisation pathologique du
corps psychique individuel et pour être seulement un reflet du système méta­
physique religieux, spirite ou magique de la communauté. Cette communauté
peut être de taille plus ou moins grande, mais elle se définit par la référence
explicite de la participation de chaque individu à son système de croyance
(c’est-à-dire à son système de la réalité) qui prescrit les règles de ce que l’on

(1) Appartenir à un groupe social c’est bien incorporer à soi la structure culturelle
propre à ce groupe. Mais c’est l’incorporation individuelle d’une représentation qui
constitue cette appartenance. Car ni l’état civil, ni la position sociale, ni telle initiation
religieuse ne peuvent être seuls le signe de cette appartenance. Il faut pour s’incorporer
à un groupe social se l’incorporer, c’est-à-dire assumer ces croyances qui définissent
la communauté culturelle. Hors d’une analyse suffisante de la situation culturelle, tout
diagnostic entre fausse hallucination (c’est-à-dire effet de groupe) et vraie Halluci­
nation (c’est-à-dire effet d’une désorganisation de l’être psychique ou de ses instru­
ments psycho-sensoriels) est lui-même illusoire.
1190 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

peut appeler 1’ « objectivité magique » objet de-l’idolâtrie (fétichisme et toté­


misme) de la croyance aux esprits (spiritisme), l’au-delà surnaturel (religion).
Pour prendre un exemple parmi cent autres travaux (1) semblables sur l’éco­
logie de l’Hallucination, rapportons-nous au travail de E. A. Weinstein (1958). U
se réfère à une étude de sociologie culturelle qui s’est poursuivie pendant 18 mois
dans les îles de Virginie (Sainte-Croix et Saint-John) près de la Floride. Ces îles
sont peuplées de trois échantillons de population (Noirs, Blancs de descendance
française et porto-ricaine). Les « hallucinations » observées l’ont été chez les
125 malades, 54 « described hallucinatory on delusional expériences ». L’analyse
de ces descriptions « hallucinations » par les patients est assez sommaire et
montre surtout que chez les Noirs de la Virginie les soi-disant « hallucinations »
ou « délires » sont communs (wäre common). Il semble, ajoute l’auteur, que
ces « hallucinations et délires admettent une grande part de falsification »
(much a part on the fabric o f the society in which they occur). Pour nous, il
semble qu’au lieu de conclure avec E. A. Weinstein que cela montre que
l’Hallucination ne peut pas être définie simplement en termes de distorsion
de la perception et une diminution des capacités psychiques, on devrait plutôt
en déduire dans le sens de la thèse que nous soutenons ici, qu’il n’y ajustement
pas Hallucination quand il s’agit d ’illusion « fabriquée » par le milieu
culturel... (cf. G. Hole, 1971).

Expériences mystiques. — C’est naturellement à propos des expériences mystiques,


des apparitions, des révélations, des extases, des possessions, etc., que se pose le
problème de savoir si ces états de grâce, d’inspiration, de communication avec l’au-
delà doivent être considérés comme hallucinatoires. Toutes les discussions sur l’Hallu­
cination (comme la Psychiatrie elle-même) commencent par cette interrogation.
La seule réponse qui peut lui être faite est celle que nous répétons encore ici l’ayant
déjà formulée plus haut (cf. supra, p. 673). Se demander si Sainte Thérèse, Jean
Tauler ou Bernadette Soubirous ont eu des Hallucinations, c’est se renvoyer au seul
problème qui pour si difficile qu’il soit peut être résolu : ces mystiques étaient-ils
des malades mentaux ? Car, bien entendu, ce dont dépend dans ce cas la valeur du
jugement de réalité (éclatante pour le Sujet) et d’illusion (dérisoire pour le contesta­
taire) est fonction en premier lieu du diagnostic que nous pouvons porter sur la nature
psychopathologique de la conscience et de l’existence du visionnaire.
Quant au problème métaphysique que posent ces cas, ils ne sont rien de plus
ni rien de moins que celui de la valeur gnoséologique de la foi religieuse, de la connais­
sance subjective et de la réalité fantastique ou mystérieuse qui ne se découvre qu’au
regard intérieur des intuitions esthétiques, éthiques et irrationnelles.
On conviendra que la réponse que nous apportons à cette question est assez claire
pour présenter un avantage sur les positions embarrassées ou ambiguës habituelles.
Pour nous, en effet, nous refusons de nous laisser enfermer dans ce raisonnement
dont les prémisses le faussent : ce sont des Hallucinations (et ce sont des Halluci­
nations puisque ce sont des perceptions sans objet), par conséquent il n’y a aucun

(1) Cf. supra, p. 307-308, Délire et Sorcellerie.


IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) DES HALLUCINATIONS 1191

fondement de l’expérience mystique. En n’appelant Hallucinations que les phéno­


mènes de « perception-sans-objet-à-percevoir » ayant une structure pathologique
(anomique), nous admettons que tous les visionnaires ne sont pas des malades et
que, dès lors, ce qui est soumis au jugement de validité de la connaissance impliqué
dans les expériences mystiques normales, c’est la question de savoir si la religion
incontestablement génératrice d’illusion collective ou d’effets de masse et non d’Hal-
lucination, peut ou ne peut pas être validée par ce fait même. Nous nous récusons
en tant que Psychiatre après avoir dit ce que nous pouvons seulement dire, c’est-à-dire
qu’il y a des cas incontestables d’Hallucinations pathologiques et des « cas » de fausses
hallucinations qui ne sont pas l’objet de la Psychiatrie, mais de la Sociologie ou de
la Théologie. Le Psychiatre, sauf à être lui-même fou, ne peut prétendre être Socio­
logue ou Théologien. Disons que c’est une question de foi, foi que notre thèse du
caractère non nécessairement pathologique de l’illusion métaphysique respecte sans,
bien entendu, pouvoir, en aucun sens, la fonder.

La loi qui fixe l’assignation d’un coefficient de réalité (communément


instituée) à des phénomènes imaginaires n ’est rien d ’autre que celle du groupe
culturel. Mais une réalité qui ne dépend que de la représentation collective
comme disait Durkheim de la société, est une réalité magique ou religieuse,
elle répond à l’exigence de l’irrationnel que celle-ci soit interprétée avec Freud
comme exigence des pulsions libidinales (ou du principe de plaisir) ou qu’elle
soit interprétée avec les métaphysiques religieuses comme exigence d ’un prin­
cipe spirituel. Aussi l’illusion métaphysique — tout en laissant la liberté d ’une
réponse à chacun — est-elle en quelque sorte conforme à la loi du groupe dont
l’individu fait partie, et à cet égard, elle n’est justement pas « anomique »
donc pas « hallucinatoire ».

— L e problème des « H allucinations » chez l ’enfant . — Si le lecteur s’inter­


roge ici sur la valeur de ces réflexions sur le système de réalité qui fonde les croyances
et les jugements perceptifs de ces illusions métaphysiques, peut-être pourrait-il
demander à la pensée magique de l’enfant une vérification du caractère normal
des « objets » phantasmiques ? Car — nous y avons déjà insisté à plusieurs reprises
dans cet ouvrage — il y a comme une sorte d’incompatibilité entre la pensée
magique de l’enfant et les phénomènes hallucinatoires. Si en effet — et cela a été
l’idée maîtresse de notre critique de la théorie psychanalytique — l’Hallucination
n’est que la projection du désir (sur le modèle de la satisfaction hallucinatoire du
désir chez le nourrisson), pourquoi hésitons-nous tellement à parler d’Hallucinations
chez tous les enfants ? C’est évidemment parce que jusqu’à 6 ou 7 ans ils vivent dans
un monde aussi magique que celui des délirants et hallucinés adultes puisqu’ils
dialoguent constamment dans leurs jeux mêmes solitaires, avec des interlocuteurs
imaginaires ou qu’ils projettent (et pas seulement dans les épreuves de tests de pro­
jection) aussi constamment leurs désirs et leurs phantasmes dans la perception
des « objets » (personnes, situations, choses). C’est parce que l’illusion imaginative
ou phantasmique est la forme même du monde enfantin qu’il n’y a pour ainsi dire
pas de place pour l’Hallucination dans le monde de l’enfant jusqu’au moment où
il s’est constitué son système de réalité-
Le problème des « Hallucinations » chez l’enfant se heurte en effet à ce que L. Eisen-
berg (1958) désigne comme étant la « plasticité » physiologique de l’imagerie mentale
1192 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

caractéristique du psychisme de l’enfant. Celui-ci est normalement jusqu’à un certain


point, ou mieux, jusqu’à un certain âge, psychotique (M. Klein) s’il est vrai que la
psychose de l’aulte est une régression vers le monde des phantasmes enfantins. Tout
le problème est donc de savoir s’il y a « homologie » (dit justement Eisenberg) entre
ce qui apparaît comme Hallucinations chez l’enfant et chez le schizophrène. Nous
dirions plutôt que la question est de savoir s’il y a chez l’enfant des « illusions »
(dialogues avec des personnages absents, ou le fameux « compagnon imaginaire »,
etc.) inhérentes aux structures mêmes de la réalité phantasmique infantile (homologues
ou psychonomes par rapport à la pensée de l’enfant de tel ou tel âge), ou s’il se ren­
contre chez l’enfant des Hallucinations « anomiques » qui contrastent par leur bou­
leversement structural avec le développement de sa personnalité correspondant à
son âge, c’est-à-dire à son niveau de rationalité. Cette dernière hypothèse ne peut
s’appliquer que dans la mesure où l’organisation de la personnalité et du système de
la réalité a été déjà construit (leatned) et organisé (organized), c’est-à-dire lors­
que la « fantasy » est pour l ’enfant discernable de la « reality » dit encore Eisen-
berg. On comprend dès lors que beaucoup d’auteurs (par exemple Sherman et
Beverly, 1924), considèrent que la plupart de soi-disant « Hallucinations » ne sont
que de « simples projections de leur difficulté psychique ou une exagération de
l’imagination » (Campbell cité par ces derniers auteurs). Ceci expliquerait la fré­
quence de cas publiés comme non psychotiques (Levin, 1932; Bender et Lipko-
witz, 1940) ; les auteurs considèrent en effet généralement que la plupart, sinon
toutes les Hallucinations des enfants, se produisent chez les enfants normaux
(G. R. Forrer, 1960; R. W. Medlicott, 1958). Cela revient évidemment à dire non
pas que les phénomènes vraiment hallucinatoires se produisent chez des enfants
sains d’esprit, mais que ce sont des faux phénomènes hallucinatoires, qui se produisent
sans qu’il soit possible de discriminer dans le système d’irréalité de l’enfant ce
qui est réel ou imaginaire. On comprend dès lors que peu de cas vraiment « psycho­
tiques » soient publiés par les auteurs qui sont — comme nous-mêmes — plus stricts
quant à la délimitation du concept d’Hallucination. C’est ainsi que sur 14 000 enfants
entrés dans le service de Psychiatrie infantile du « Harriet Lans Home », L. Eisenberg
n’a décompté que 0,4 % d’épisodes hallucinatoires.
Cependant d’après Despert (1948), L. Bender et Lipkowitz (1940), C. Bradley (1942),
les Hallucinations seraient moins fréquentes dans les schizophrénies de l’adulte que
chez l’enfant. Notons aussi que L. Despert a publié (1948) des cas de névrose infantile
avec Hallucinations. Bien entendu, la littérature psychanalytique se référant aux
névroses et psychoses infantiles met constamment en évidence l’importance des
phantasmes dans l’autisme, les perversions, les délires et les Hallucinations des
enfants. Mais comme la distinction qui nous occupe ici et qui seule peut justifier
le concept d’Hallucination n’est, pour ainsi dire, par principe pas retenue, il s’ensuit
que ces études sont à peu près inutilisables pour mêler par parti pris le monde des
phantasmes de l’enfant et celui du délire hallucinatoire.
Les « Hallucinations » les plus authentiques reconnues chez l’enfant par les
divers auteurs consistent naturellement en Hallucinations délirantes oniriques (L. Ben­
der, 1951 ; M. F. Weiner, 1961). Ce dernier auteur insiste sur les « Hallucinations iso­
lées » (dont nous devons nous demander si elles constituent vraiment desÉidolies
hallucinosiques ou si — sous le nom de « play objects » — elles ne sont pas de simples
effets de la rêverie) qui surviennent généralement avant 7 ou 8 ans. Les « Halluci­
nations » auditives paraissent en général plus fréquentes que les « Hallucinations »
visuelles (L. Bender). Enfin, en ce qui concerne le pronostic (qui confirme au fond
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) DES HALLUCINATIONS 1193

le diagnostic de la nature pathologique ou anomique des Hallucinations), L. Bender


rapporte qu’ayant suivi 17 enfants, tous « non psychotiques », au moment où l’on
a noté des Hallucinations, 4 seulement ont (dans une perspective catamnestique de
10 ans) présenté une évolution psychotique (1).
Il est aisé de comprendre que tous les problèmes en discussion dans les études
cliniques, psychopathologiques et psychanalytiques, tournent autour de la question
de savoir si corrélativement à la non-structuration de la réalité ces illusions imagina­
tives, les « benign Hallucinations », les Hallucinations bénignes comme dit G. R. For-
rer (1960) ou comme dit R. W. Medlicott (1958), les Hallucinations se manifestent
en état de santé sont normales (c’est-à-dire correspondent au niveau moyen cor­
respondant à l’âge), ou si elles sont pathologiques. Disons que ces dernières pour
autant qu’elles apparaissent comme des altérations structurales de la perception
dont l’âge du développement ne rend pas compte, sont rares et difficiles à discerner
au travers des jeux de la perception phantasmique infantiles.

— Si nous jetons un regard d’ensemble sur toutes ces variétés d ’illu­


sions (ou « Hallucinations psychonomes ») que nous venons de décrire (illu­
sions psychophysiques — illusions imaginatives), nous ne pouvons pas ne
pas être frappé de leurs caractères phénoménologiques communs. Les unes
et les autres reflètent dans la perception normale les variations des images
des objets et les variations de l’imagination du Sujet. Autrement dit, les unes
comme les autres sont des variations en quelque sorte statistiques des moda­
lités de l’acte perceptif pour autant que celui-ci règle l’appréhension des objets,
c’est-à-dire leur « forme » et règle la mise au point des images dans les niveaux
de la réalité — les unes comme les autres étant contrôlées par les structures
noématiques — c’est-à-dire par le jugement de réalité. A cet égard, les illusions
psychophysiques forment une infra-réalité relativement à la réalité sur laquelle
s’exerce le pouvoir du Sujet, tandis que les illusions imaginatives forment, ou
une réalité purement subjective (irréalité imaginaire), ou une surréalité (sur­
naturelle), mais dans les deux cas c'est avec une permission ou une tolérance
de la loi de la réalité que ces illusions remplissent l'espace subjectif sans jamais

(1) Naturellement, les Psychiatres d’enfants se sont beaucoup penchés sur ces
problèmes (cf. par exemple les observations de L. Michaux et coll., 1956; de K an-
ner, 1957; de M. F. Weiner, 1961; de L. Eisenberg, 1962; etc.). Mais ce sont surtout
les Psychanalystes (M. K lein, R. D iatkine et S. Lebovici, 1954; etc.) qui ont étudié
le monde des phantasmes de l’enfant en relation avec la projection hallucinatoire.
Parmi les travaux anciens sur ce problème, nous devons citer la thèse ancienne
de Bouchut (Paris, 1886); l’article de la même époque de P. Moreau (Encéphale,
1885); le travail de M. Sherman et B. J. Beverly, J. abnormal and social Psycho-
logy, 1924,19, p. 165-178; l’article de M. Levin, « Auditory Hall in non psychiatrie
Children », Amer. J. Psych., 1932; celui de L. Bender et Lipkowitz, « H. in Childer »,
Amer. J. Orthopsych., 1 940, 10, p. 471-490; puis celui de J. L. D espert, « Delusional
and hallucinatory expérience in Children, in Amer. J. Psych., 1948,104, p. 528-287;
et ceux de S. Lebovici et R. D iatkine, 1954; L. Eisenberg, 1958; L. Michaux et
coll., 1956; M. F. Weiner, 1961 ;.L. Eisenberg, 1962; M. Mannoni, 1967; F. D olto,
1971. — On trouvera la bibliographie après 1950, à la fin du « Traité ».
1194 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

transgresser la loi de la réalité commune. C ’est conformément à leur sens « nor­


matif » que ces illusions normales constituent non des symptômes pathologi­
ques media des phénomènes d'adaptation; elles satisfont aux exigences écono­
miques ou hédoniques du Sujet. Cela est particulièrement évident dans la cons­
titution des « bonnes formes » que représentent certaines illusions d’optique
(P. C. Vitz et coll., 1971).
Telle est l’immense part illusionnelle que comporte le mouvement même
de la perception normale. Ces illusions (Trugbilder dans la terminologie alle­
mande) ont été profondément étudiées dans le travail de Ahlenstiel et Kauf­
man (1962) justement en ce qui concerne l’opposition entre illusions normales
(celles que nous venons d’étudier) et illusions pathologiques. Les illusions
« physiologiques » (ou psychonomes) sont, soit liées au mécanisme perceptif
(cela est vrai pour les illusions psychophysiques), soit corrigées par un bon fonc­
tionnement de la perception, soit encore « compréhensibles » (verständliche),
c’est-à-dire communicables au travers d’une motivation psychologique et ne
comportant pas de troubles de la conscience. Autant dire qu’à leurs divers
niveaux ces phénomènes correspondent à l’exercice normal de la perception
qui peut percevoir mal sans être radicalement viciée. En tout cas, pour Ahlen-
stiel et Kaufman ces illusions sont, comme nous le disons, soit « psychonomes »,
soit pathologiques, et dans ce dernier cas elles entrent dans les « Trugwahr­
nehmungen » qu’il est bien difficile de ne pas faire entrer elles-mêmes dans le
groupe des Hallucinations. Si nous faisons référence à ce travail parmi
tant d ’autres d’ailleurs généralement plus anciens, c’est pour bien marquer
que la thèse de la nature hallucinatoire et de la nature pathologique des varia­
tions de la perception s’impose pour ainsi dire nécessairement à partir du
moment où on a bien compris que l’illusion qui fait partie intégrante des
mouvements facultatifs de la perception change de nature lorsque, précisé­
ment, ces mouvements perdent avec leur liberté (1) leur conformité à la loi,
deviennent « anomiques ».
Comme dans la respiration, l’acte vital de la perception implique une
sorte d’inspiration et d’expiration d ’illusions, un « va-et-vient » du mouvement
de flux et de reflux qui fait entrer le monde dans le Sujet et le Sujet dans le
monde. Mais cette modalité phantasmique d ’ « Hallucinations » psychonomes
et en quelque sorte virtuelles (nous avons noté ses exigences et ses urgences
dans toutes les modalités de perception) demeure sous le contrôle des structures
de contention ou de transcendance; car il est bien vrai que la « perception »
ne consiste pas à recevoir des Stimuli mécaniques du monde extérieur mais
à établir un ordre hiérarchisé et, en dernière analyse, logique et même méta-

(1) Ce mot nous fait toucher à un problème crucial : La liberté est un mouvement
libre, c’est-à-dire qui exige une prise de conscience Réfléchie ou, ce qui revient au même,
une démarche opérationnelle qui garantit sa conformité à la « logique » du Sujet.
En ce sens, la liberté est le contraire de ce « libre mouvement » que vise généralement
le concept d ’automatisme ou d’échappement au contrôle (de « libération » des ins­
tances inférieures ou inconscientes).
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) DES HALLUCINATIONS 1195

physique par quoi la communication s’établit non seulement entre le Sujet


et le monde mais entre les Sujets qui coexistent dans une communauté soudée
par un même système minimum de valeurs. La perception est à cet égard plus
de la catégorie des « on » ou du « nous » que de la catégorie du « je »; et c’est
précisément ce qui se rappelle à nous dans la considération de ces illusions
qui sont comme la configuration des « inferiora » et des « superiora » entre
lesquels se trace la trajectoire de la réalité.

C. Illusions réactionnelles normales ou Hallucinations dans les « condi­


tions expérimentales hallucinogènes ». — Beaucoup de ces phénomènes
« hallucinatoires » paraissent seulement constitués par des effets imaginaires
de la suggestion ou de 1’ « expectancy ». Qu’il s’agisse des expérimenta­
tions à l’aide des hallucinogènes, du tachistoscope ou de l’isolement sensoriel,
c’est seulement lorsque se modifient artificiellement le libre mouvement et
l’équilibre de la subordination de l’irréalité des phantasmes aux lois de la
réalité que se produit alors — et alors seulement — le phénomène halluci­
natoire. Car, bien sûr, les effets d’une pure auto-suggestion (les effets « placebo »)
qui jouent, comme nous l’avons vu, un si grand rôle, ôtent autant d’authen­
ticité hallucinatoire à ces phénomènes. L ’Hallucination constituée en véri­
table phénomène pathologique ou anomique exige, comme le soulignait
E. Bay (1953), une modification fonctionnelle (Funktionswandel) de la per­
ception (élévation des seuils, labilité des seuils, fusion des excitations, etc.).
Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons déjà dit à ce sujet à propos
des drogues hallucinogènes.
Il est bien connu, en effet, que le tachistoscope (1) réalise du dehors les
conditions internes (une distorsion structurale fonctionnelle) de l’Hallucination
(de l’actualisation de la virtualité hallucinatoire) en « brouillant » l’information
trop rapidement aperçue. Et dans ces conditions chez un Sujet normal, nous
dit Pötzl, l’exposition d’images de courte durée provoque naturellement une
« agnosie », puis l’apparition hallucinatoire de post-images, alors que l’image
exposée n ’avait pas été perçue. Cela revient à dire — et nous y reviendrons
encore — qu’un travail inconscient subliminal est nécessaire à l’élaboration
de l’Hallucination, que celle-ci ne naît pas du simple jeu des images mais exige
des conditions essentiellement pathogènes (ici d ’expérimentation purement
physique) pour le faire apparaître.
Quant à l’isolement sensoriel, il actualise par un mécanisme inverse l’imagi­
nation qui circule dans la vie psychique normale et les phantasmes virtuels se

(1) On se rapportera à ce sujet principalement aux expériences de P ötzl (O.)


(Tachistoskopische provozierte optische H. bei einem Fall von Alkoolhalluzinoze
mit Hemianopsie, Jahrbuch /. N. P., 1915, p. 141-142; — Exp. erregte Traumbidler
in ihrer Beziehungen zum indirekten Sehen, Zeitschr. f. d. g. N. und P., 1917, 37,
p. 271-349); — à celles de P. Schilder (Experiments on imagination, afterimages
and Hallucinations, Amer. J. Psych., 1933, 90, p. 597-611; — et plus récemment au
travail de Ch. F isher , Évol. Psych., 1959, p. 541-566.
1196 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

figent dans ces conditions expérimentales en troubles psychosensoriels « anomi­


ques ». Nous avons déjà exposé (cf. chapitre «Isolement sensoriel », p. 683) l’es­
sentiel des faits et des discussions qui depuis quinze ans ont fait l ’objet de nom­
breuses publications et recherches. Le groupe de MacGill (Hebb, Héron) en 1954,
et plus tard des auteurs comme Solomon et Mendela (1958), Freedman, Green-
baum, Stare et Greenblat (1958), ou plus récemment J. P. Leff (1968), etc.,
ont décrit l ’imagerie de l ’isolement sensoriel comme analogue aux Hallucina­
tions visuelles (puisqu’il s’agit le plus généralement de « visions ») que l’on
rencontre dans les psychoses sous l’effet des hallucinogènes (LSD, Mescaline)
ou dans les phases hypnagogiques. Par contre, le groupe de Princeton (J. A. Ver-
non, T. E. MacGill et H. Schiffman (1957), puis ultérieurement toute une série
d ’auteurs dont nous avons déjà cité les travaux (notamment Ruff, Levy et
Thaler, 1959; C. W. Jackson et J. C. Pollard, 1962) ont émis l’opinion que ces
fameuses Hallucinations n ’étaient autres que la « spontaneous imagery » qui
n ’avait aucune caractéristique particulière. Nous avons vu que J. P. Zubek
et le groupe de Manitoba tendent à rapporter les « related sensations » à la
suggestion et surtout aux réactions de la situation expérimentale. Il semble
cependant que le travail de Th. I. Myers et D. B. Murphy (1958) permette,
comme nous l ’avons déjà indiqué, tout en admettant une énorme’part d ’auto­
suggestion de considérer que la condition expérimentale de l’isolement sensoriel
a un effet vraiment hallucinogène, fût-il faible. Pour E. Ziskind (1964), il s’agit
là de « pseudo-hallucinations » et non de pseudo-illusions. Et, effectivement,
toutes les recherches et discussions portent sur ce problème crucial. Il semble
qu’il faut bien conclure, comme E. L. Bliss et L. D. Clark (1958), que
l’ensemble des phénomènes observés est assez hétéroclite. Une grande partie
d ’entre eux relève de l’exercice de l’imagination intensifiée par les conditions
d ’attente (expectancy), point sur lequel nous avons particulièrement insisté
(v. plus haut). Myers et Murphy ont montré quel rôle pouvaient jouer les
consignes données aux Sujets en expérience et susceptibles de polariser leur
intérêt. Il n ’en reste pas moins que dans certaines conditions de durée, de
fatigue, ou peut-être de sommeil, se produisait « autre chose » que les illusions
imaginatives psychonomes. A cet égard — et nous insisterons encore une fois
sur l’importance de ces faits un peu plus loin — les observations faites par
Vernon nous paraissent capitales, car les Hallucinations (de type phantéidolies
principalement) qui se produisent quand l’isolement sensoriel n’est pas complet
(que la luminosité est seule perçue sans permettre la perception des formes des
objets) constituent des phénomènes proprement « anomiques ».

Et par là nous saisissons très clairement quelle métamorphose en effet


doit subir l’exercice psychonome de l’imagination pour devenir vraiment
« anomique », c’est-à-dire vraiment hallucinatoire. Il faut qu’intervienne
« quelque chose » (un processus en troisième personne) qui joue le rôle de la
drogue hallucinatoire, du tachistoscope ou du sommeil, pour que s’opère
le passage des illusions (contenues dans la perception et l’exercice de l’imagi­
nation qui lui est inséparable) aux troubles psycho-sensoriels véritablement
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) — CARACTÉRISTIQUES 1197

« anomiques ». Disons que dans la masse hétérogène des faits rapportés par
les Sujets au cours des situations expérimentales hallucinogènes, il y a des
phénomènes hallucinatoires et d’autres qui ne le sont pas.
On ne doit donc pas dire que puisque tous les hommes peuvent être hallu­
cinés dans certaines conditions pathogènes, les Hallucinations sont des phé­
nomènes normaux. Mais plutôt il convient de tirer de tous les faits que nous
venons de rappeler qu’il faut que, spontanément ou expérimentalement, la vie
psychique se désorganise sur le modèle des expériences hallucinomimétiques
pour que surgisse dans ces conditions pathologiques l’Hallucination en tant
que phénomène « anomique ».

B. — CARACTÈRES FORM ELS D E L ’H É T É R O G É N É IT É


(OU D E L ’AN OM IE)
DES PH ÉN O M ÈN ES HALLUCINATOIRES

Nous venons de faire ce qu’aucun auteur qui a écrit sur les Hallucinations
n ’a jamais fait, à notre connaissance, d ’une façon systématique, ou plus
exactement, logique. Nous avons, en effet, évacué de la masse de toutes les
modalités possibles et imaginables de perceptions erronées, les erreurs des
sens proprement « physiologiques » (en employant ce mot dans le sens de
« normales » ou, plus exactement avec Quercy, de « psychonomes »). Ces
variations introduites sur le thème de la réalité et de la fiction par l’exercice
de la perception elle-même sont des écarts de la moyenne, des variations en
quelque sorte statistiques qui relèvent de l’activité même des appareils psycho­
sensoriels ou de leur fonction d ’adaptation aux situations exceptionnelles.
Nous avons vu plus haut, en tentant de comprendre leur sens et leur fonc­
tion, que les « systèmes perceptifs » sont construits pour assurer chez
l’adulte éveillé une fonction anti-hallucinatoire. Or, c’est encore à la loi
de leur organisation qu’obéissent tous les phénomènes que nous venons
d ’exposer (et dont nous avons enfin débarrassé le champ proprement dit de
l’Hallucination vraie, c’est-à-dire vraiment pathologique). Reste donc à défi­
nir maintenant avec plus de précision en quoi consistent les structures anomiques
des phénomènes hallucinatoires, c’est-à-dire à poser les principes et la possibilité
d ’un « diagnostic positif » de l’Hallucination.

D e la référence au rêve à l’idée de p ro cessu s hallucinogène.

Si toutes les Hallucinations nous renvoyaient purement et simplement à ce


qui se passe dans l’expérience du rêve, c’est-à-dire quand est déstructuré le
champ de la conscience, le problème aurait été depuis longtemps résolu. Mais
on ne peut pas généraliser l’évidence de ce fait sans le bien comprendre, et
c’est cette difficulté qui constitue le fond du problème de la nature de l’Hallu­
1198 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQVE

cination. Revenons encore une fois sur cette question que nous nous sommes
tant de fois posée : celle de l’Hallucination chez les sujets normaux. C’est une
question ambiguë ou qui, en tout cas, implique des réponses ambiguës. Si l’on
entend dire qu’un homme tout à fait normal peut avoir des Hallucinations,
cela revient à dire que son imagination, toutes les erreurs et illusions de sa
perception sont hallucinatoires et, par voie de conséquence, que les phéno­
mènes que l’on appelle Hallucinations ne sont rien d’autre que l’usage ou
l ’abus « normal » de l’imagination. Si l’on entend dire au contraire que tout
homme normal peut « souffrir d ’Hallucinations », cela ne peut pas vouloir
dire autre chose que ceci, savoir : que l’Hallucination est d’elle-même un phé­
nomène pathologique simple et univoque, une « maladie » tellement différente
de l’activité psychique normale qu’elle peut y apparaître sans la troubler,
qu’elle peut s’y inclure comme un corps étranger. De telle sorte que lors­
qu’on discute — et le plus souvent on se dispute — sur cet épineux problème on
a bien raison, car non seulement tout le problème des Hallucinations en dépend
mais encore tout le problème de la raison et de la folie, et finalement, tout le
problème des valeurs humaines qui changent, en effet, radicalement de sens si
l ’on assigne la même valeur à la santé mentale qu’à la maladie mentale. Tel est
l’enjeu de ce jeu infernal !
Or, pour sortir de ces ambiguïtés ou de ces contradictions il faut et il suffit
de poser clairement le problème du normal et du pathologique. Un homme
normal n ’est pas seulement un homme moyen, un homme comme les autres,
et la maladie n ’est pas seulement un corps étranger inclus dans l’organisme.
L’Homme normal est l’individu capable de s’adapter à la communauté du
groupe en y préservant sa faculté d ’être et de faire ce qu’il entend être et faire
par l’usage de ses propres qualités physiques, psychiques et morales. — La
maladie est toujours une altération de ces capacités physiques, psychiques ou
morales qui empêche l’individu de s’adapter à la fonction réelle et idéale qu’il
entend assumer. Autrement dit, c ’est d ’un point de vue normatif que doivent
être définis le normal et le pathologique et non pas relativement à un point de
vue statistique d’écart de la moyenne. Autrement dit encore, la « normalité »
de Vhomme n'a pas de Imites supérieures contrairement à l'idée courante que
l'on se fait de la norme comme d'une moyenne « médiocre » ou platement confor­
miste, pour ne pas dire grégaire. — Si maintenant nous voulons revenir à
l’essentiel de notre propos, nous devons dire que la maladie mentale en
général et la maladie hallucinatoire en particulier se distinguent des moda­
lités de variation statistique ou adaptative de la vie psychique par les anomalies
de la structure formelle de tous les actes qui concourent à la perception dont
nous avons, dans le chapitre précédent, proposé le modèle architectonique
anti-hallucinatoire et dont nous avons décrit dans le paragraphe précédent les
modalités de simples variations psychonomes communes. Or, à cet égard,
l’application du concept impliqué dans le rêve doit nous donner la clé de
l ’énigme. On va, en effet, répétant que le rêve est un phénomène normal
(statistiquement) alors qu’il est le prototype même d’une anomalie psy­
chique (structuralement). Sans doute — et les beaux esprits de notre époque
II. HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOMIE) — CARACTÉRISTIQUES 1199

ne s’en privent p a s— peut-on accorder une même valeur au « rêve » et à 1’ « exis­


tence », les situer sur le même plan ou même donner le pas aux « processus
primaires » de l’Inconscient sur les « processus secondaires » qui caractérisent
l ’activité de l ’être conscient — mais qui peut sérieusement soutenir que les rela­
tions des hommes entre eux et avec leur monde s’accommodent également de
l’imaginaire et de la réalité ?... C ’est là un beau thèmede dissertation narcissique
que les « n ’importequistes » de nos temps modernes reprennent « tel quel » ; mais
que deviendraient-ils eux-mêmes si nous devions succomber ensemble à la
tentation de cette illusion ?
Le vrai — nous n ’avons pas à nous excuser à le plaider ici — c’est que le
rêve est inférieur à l’existence comme l’Inconscient est inférieur au conscient,
comme les Hallucinations sont des productions inférieures à la perception
normale (laquelle d’ailleurs n ’exclut pas de sa loi mais exige que demeure à sa
place la création poétique). Ceci dit, le rêve apparaît pour ce qu’il est,
c’est-à-dire l’apparition du monde du désir et de ses objets phantasmiques et
symboliques que sont les images quand, les yeux clos sur le monde réel, le
dormeur s’est retranché de ses communications avec les Autres. Alors il tombe
au fond de lui-même, ne pouvant espérer rencontrer dans cette profondeur
abyssale que ce qui est commun à tous les hommes, les mêmes peurs, les mêmes
folies, les mêmes « spécifiques » tragédies. Il se désindividualise, il s’aliène
dans l’inconscience en se livrant à l’Inconscient. Il suit le chemin inverse de
l’itinéraire que dans la veille et par les démarches de son être conscient il suit
pour sa propre individualisation. Oui, le rêve est une folie, mais une courte,
réversible et quotidienne folie qui n ’interrompt l’existence que pour lui per­
mettre de continuer plus librement son chemin.
Cette possibilité de sombrer tous les jours dans les ténèbres et les
ombres de la vie d ’esprit, elle est inscrite dans notre organisation comme pour
prescrire le sens que doit être la réalité en n ’étant pas le rêve; car telle est l’archi­
tectonie anti-hallucinatoire du modèle ontologique qui fonde notre théorie
des Hallucinations, cette architectonie qui est l’ordre même de la loi que
transgresse le dormeur qui rêve et à laquelle il ne se conforme à nouveau qu’à
son réveil.
Mais comme tous les délires et toutes les Hallucinations ne sont pas pure­
ment et simplement assimilables au phénomène sommeil-rêve (1), il convient
d ’approfondir la phénoménologie de cette modalité hallucinatoire (la plus
irrécusable) pour en tirer le modèle même de toute structure hallucinatoire.
Rêver, ce n ’est pas seulement imaginer, ce n ’est pas seulement vivre les
images avec une extraordinaire intensité, c’est plutôt pour le Sujet n’être, ni

(1) Cf. à ce sujet mon rapport au Congrès dé Madrid (1966) : « La dissolution


de la conscience dans le sommeil et le rêve et ses rapports avec la psychopathologie
(Esquisse d’une théorie de la relativité généralisée de la désorganisation de l’être
conscient et des diverses maladies mentales) », qui a été publié dans les C. R. du
Congrès et dans l’Évolution Psychiatrique, n° 1, 1970.
1200 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

dans la réalité, ni dans l’irréalité, c’est vivre sur un mode radicalement différent
de l’expérience commune même quand celle-ci tolère — et on peut dire
qu’elle la tolère constamment — une forte charge d ’irrationnel ou d ’ima­
ginaire.
Rêver, c’est percevoir des objets internes (qui sont effectivement des objets,
mais imaginaires et sans statut d’objectivité), c’est-à-dire prendre pour objet
de l’expérience vécue les images qui se présentent dans une altérité qui, pour
être celle de « quelque chose » qui fait irruption au fond de soi, est radicalement
différente de l’altérité des choses du monde (y compris les objets proprement
humains du monde culturel, de la « Mitmenschenheit »). L ’irruption est le mode
même de l’apparition hallucinatoire en tant qu’elle réalise la coupure du
courant co-existentiel.
Rêver, c’est encore être fasciné par le déroulement des événements oniriques
au point qu’aucune interrogation, aucun doute, aucune distance critique, aucune
possibilité de récuser l’absolu du vécu ne peut s’interposer entre le Sujet et
la représentation de son rêve. Tel est le caractère asséritif absolu de cette
coalescence du Sujet et de l’objet de sa connaissance, en quelque sorte rêvée
à jamais, au moment de son irréelle actualité.
Rêver enfin, c’est être suspendu à la qualité sensible, à la structure éidé-
tique (ou noétique) des images qui jamais, fussent-elles peintes par Vélasquez
ou Odilon Redon, n ’atteignent la plénitude et la rutilance de leur esthésie.
Non point que personne (et le rêveur lui-même) ait pu ou puisse jamais photo­
graphier (ou même reproduire) ces qualités sensorielles, mais parce que celles-ci
n ’en sont pas moins incorporées dans ce qui est vu, senti, dans l’événement
onirique comme dans une réalité plus absolument sensible ou concrète qu’intelli­
gible. Ce caractère d ’une sensorialité ineffable, intrinsèque et à jamais incommu­
nicable, soustrait encore plus radicalement la perception du rêveur à toute
assimilation avec celle de l’homme éveillé pour que, précisément, la perception
des objets et de leurs qualités sensibles entre dans la problématique de l’exis­
tence.

E x tra n é ité , In co ercib ilité, A s s é ritiv ité e t E sth ésie sensorielle, telles
sont les caractéristiques phénoménologiques ou formelles du vécu du rêve.
Si quelqu’un s’étonnait que nous ne fassions pas mention de son caractère
symbolique, nous lui ferions certainement remarquer que la psychodynamique
du rêve ne saurait se confondre avec sa phénoménologie. Celle-ci d ’ailleurs
constituant la meilleure manière d’accueillir et de justifier celle-là dans le
concept général d ’une régression qui nous ramène, en effet, à notre point de
départ. Car, bien sûr, les modalités intrinsèques, idiopathiques et possibles
de l’expérience onirique, celles qui entrent dans le contenu même des images
qu’elles armorialisent du sceau même du rêve, ne sont possibles (passant d ’une
virtualité potentielle à une actualité désormais imprescriptible) qu’à la condi­
tion — même si, caduques, elles doivent tomber dans l’oubli — qu’une méta­
morphose, une révolution, s’opèrent pour permettre au dormeur de rêver, de
mettre son monde à l’envers, de le mettre sur l’orbite du symbole.
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOM IE) — CARACTÉRISTIQUES 1201

Or, si effectivement toutes les Hallucinations ne sont pas réductibles à l’expé­


rience onirique, nous devons noter que beaucoup (les expériences délirantes)
s’en rapprochent jusqu’à se présenter comme des modalités analogues, sinon
identiques. Nous devons surtout faire remarquer que si l’extranéité, l’incoerci-
bilité, l’asséritivité et l’esthésie sensorielle ne paraissent pas toujours manifestes
dans toutes les catégories hallucinatoires, la forme d ’une expérience onirique
caractérisée essentiellement par sa globalité, sa dramatique et son exclusivité
(en ce sens que le rêve fait évanouir toute réalité, qu’il se déroule en péripéties
et qu’il s’empare du Sujet à l’exclusion de tout autre événement) transparaît
cependant dans toutes ces expériences hallucinatoires.

Quelque chose d’analogue, sinon d ’identique, se produit dans le travail


hallucinatoire dont les Hallucinations noético-affectives sont des manifestations.
Sans doute tous les Cliniciens ont appris à reconnaître l’originalité imprescrip­
tible du phénomène hallucinatoire et aucun n ’a jamais cessé d ’avoir le souffle
coupé par la manifestation de l’Hallucination. Il est souvent venu à l’esprit
de certains de tenter de percer le secret, de deviner l’énigme de l’Hallucination
en tentant de savoir quelle est la cc réalité » de ce qui est « réellement » vécu par
l 'Hallucinant qui ne se soumet plus aux règles de la perception. A cet égard
les expériences de K. Zucker (1) nous ont toujours paru du plus grand intérêt.
Il a fait « percevoir » à deux groupes de malades des bruits, des voix, des cou­
rants électriques, des odeurs réels. Les délirants du type que nous appellerons
aigus (deîiranten) intégraient ces perceptions réelles dans le vécu délirant et
hallucinatoire sans être capables de distinguer dans leur « confusion » le vrai
du faux. Par contre, les « Schizophrènes » étaient unanimes à déclarer que ce
qu’ils percevaient par leurs Hallucinations n ’avait rien de commun avec les
perceptions « réelles » qu’on leur offrait. Qu’est-ce à dire sinon que dans les
deux cas l’Hallucination implique ce « quelque chose » qui la sépare de la
perception normale : dans le premier cas, l’état d’inconscience qui confond
le rêve et la réalité — dans le second cas, le caractère insolite intrinsèque d ’un
vécu radicalement différent de celui des perceptions communes.
C’est ainsi que dans les formes idéo-verbales ou noético-affectives du
travail délirant, l’extranéité apparaît : c’est la rupture avec le système
commun à la réalité, mais aussi avec l’unité de la personne; — l’incoercibi-
lité c’est l’automatisme mental; — l’assertivité c’est le dogmatisme de la foi de
l’halluciné; — l’esthésie sensorielle c’est la référence irrécusable aux sources de
l’information délirante, le recours constant au témoignage des sens. Peut-être
pourrions-nous revenir encore un peu sur ce que nous avons écrit à ce sujet,
dans le chapitre des Psychoses délirantes chroniques et des Schizophrénies,
sur les caractéristiques phénoménologiques de cette modalité de l’Halluci­
nation.
Bien sûr, « extranéité » est un terme vague qui correspond au vague même

(1) K. Z ucker , Archiv für Psychiatrie, 1928, 83, 706-754.


1202 MODÈLE ORGANO-DYNÂMIQUE

de la « perception hallucinatoire », Il implique dans les Délires chroniques


hallucinatoires beaucoup plus d ’ « objectivité psychique » (G. Petit), de « xéno-
pathie » (P. Guiraud) et, somme toute, d ’aliénation que de projection dans
l’espace des objets. L’ensemble des phénomènes hallucinatoires qui carac­
térisent les « Psychoses hallucinatoires chroniques », les « Schizophrénies
paranoïdes », les « Délires fantastiques » et les « Paranoïas hallucinatoires »
(pour reprendre ici les termes classiques qui désignent ces modalités du Délire),
cet ensemble de phénomènes hallucinatoires représente en effet l’essentiel,
le noyau clinique des Délires d ’influence, des phénomènes de dédoublement
et de persécution qui manifestent le travail de sape, la désagrégation de l’unité
psychique ou l’intrusion du monde des objets dans le monde de la personne
qui opère une transmutation de la personne en « autre » personne en aliénant
ses propriétés.
Uincoercibilité de l’activité hallucinatoire est figurée dans ces cas pour le
caractère irruptif de tout ce qui de l’intérieur, bien plus encore que de l’extérieur
de soi, se présente avec la force et les figures d ’une attaque dont le Sujet est
assailli par les objets hallucinatoires (idées, sensations, mots, etc.). D ’où l’impor­
tance du concept même d 'automatisme mental dont G. de Clérambault a appli­
qué à la définition de ces phénomènes hallucinatoires. Ils se présentent, en effet,
comme tel ou tel paysage au tournant du chemin, ou telle ou telle chose qui,
soudainement, se présente au Sujet comme ne lui appartenant pas pour pro­
venir de la mécanique même du monde physique, ou encore comme l’apparition
de telle ou telle personne pourtant inattendue mais dont s’impose irrésisti­
blement dans la réalité objective la présence. La liaison existentielle de cette
irruption à Y agression qu’elle implique est le fondement même de l’Hallu­
cination (sous toutes ses formes dites parfois illusionnelle ou pseudo-halluci­
natoire) de l’idée de persécution.
L ’asséritivité prend ici plus de relief encore — pour être plus active —
que dans les expériences hallucinatoires passives en affectant la forme d’une
croyance absolue et dogmatique qui s’attache à l’objet hallucinatoire, comme
à une sorte de vérité indiscutable, n ’admettant ni degrés ni doute, ni même
nécessité de démonstration autre qu’après-coup dans les rationalisations secon­
daires. Un tel caractère est cliniquement et classiquement reconnu pour être
ce phénomène primaire du délire qui, sinon le fait naître, tout au moins le
fonde comme tel en tant que constat, que « procès-verbal » irréfutable.
Enfin Vesthésie de l’objet hallucinatoire entre bien — et nécessairement —
dans ces Hallucinations des Délires chroniques sous une forme qui a toujours
donné lieu à d ’interminables discussions (1) sur la nature dite « pseudo-hallu-

(1) Dans la première partie de ce siècle, l’école française s’est particulièrement


distinguée dans ces controverses. Et c’est dans l’atmosphère de ces luttes passionnées
sur la nature de l’Hallucination (G. de C lérambault, H. C laude, A. C eillier ,
Ch. Blondel , P. Q uercy , P. G uiraud ) que je fus moi-même saisi de vertige à l’époque
et que je m’intéressais à ce problème effectivement vertigineux. On en trouvera l’exposé
dans tous les travaux de cette époque (notamment dans la thèse de P. L elong et sur-
/ / . HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOM IE) — CARACTÉRISTIQUES 1203

cinatoire » (c’est-à-dire non sensorielle ou non « esthésique ») des phénomènes


banaux d ’automatisme mental de la psychose hallucinatoire chronique
(G. de Clérambault). Car, en effet, l ’amalgame idéo-verbo-aflfectif qui est
à la base du phénomène hallucinatoire avait été réduit à une sorte d ’esthésie
sensorielle primitive; celle-ci n’est guère, ni constante, ni évidente. Cela
n’empêchait pas les classiques de dire, avec l’halluciné, que ce qui a été entendu
et vu a été d’abord (dans les prémisses d ’une implacable logique) « réellement »
entendu et vu — ce qui revient à prendre l’Hallucination pour l’effet d ’une
production anormale de qualités sensibles. Mais nier l ’Hallucination comme
étant ce phénomène sensoriel primitif n’équivaut pas à nier que dans la per­
ception hallucinatoire (dans cet amalgame d ’erreurs, d’illusions et, pour tout
dire, de Délire) l’halluciné n’éprouve pas ce qu’il perçoit de si étrange façon
hors des qualités « esthésiques » qui entrent — nous l’avons vu — comme ses
attributs secondaires de tout percept. Tout le malentendu provient de ce que
sous l’opposition « Hallucination esthésique » et « Hallucination non esthésique
ou pseudo-esthésique » sa cache l’opposition entre phénomène élémentaire,
sorte d ’atome sensoriel primitif, et phénomène complexe, sorte de structure
moléculaire dont l’esthésie est la résultante. Disons donc que si l’esthésie
n ’est jamais primitive, directe, primordiale et causale, elle entre dans toutes
les Hallucinations (et Pseudo-hallucinations) du Délire hallucinatoire chro­
nique pour autant que celle-ci est, soit une expérience vécue sur le registre
des sens, soit qu’elle implique une référence automatique à l’extraction du
sens par les organes des sens. Autrement dit, si l’Hallucination n ’est pas une
sensation (pas plus que la perception), elle naît de l’actualité de l’événement
hallucinatoire qui l’engendre en la faisant accéder plus ou moins directement
mais nécessairement aux modalités du sentir propres à chaque moment de
l’expérience vécue. Mais quand il s’agit d’Hallucinations caractéristiques d ’un
travail idéo-verbal du délire, l’actualité de l’événement perçu est pour ainsi dire
dominée par les exiguïtés d ’une production délirante qui dépasse et prolonge
infiniment l’instantanéité du vécu sensoriel. On voit par ces quelques commen-

tout dans la discussion à la Société de Médecine Mentale, de la Société Médico-Psy­


chologique et de la Société de Psychiatrie). Le lecteur pourra en prendre connais­
sance en se rapportant, par exemple, à la discussion de la Société de Psychiatrie du
19 décembre 1912 (Encéphale, 1913, 78) qui s’institua à l’occasion d’une présentation
de malade par M. D enis et Mme L ong -L andry . Comme ce qui était perçu par l’hal­
lucinée étant tout à la fois entendu, dit et raconté dans un langage purement méta­
phorique, il constituait un rébus à peu près incompréhensible. Pour les uns, l’esthésie
se perdait dans l’incohérence, et pour les autres, elle transformait malgré l’absurdité
du discours (Q uercy , 1930, tome II, La négation de l'Hallucination, ch. XV, p. 485-
506). Ce furent M asselon et R evault d ’A llones qui soutinrent la thèse de « Noé-
phème », c’est-à-dire de cet interlocuteur mythique dont P. Q uercy fait le porte-
parole de la thèse de l’Hallucination seulement parlée ou pensée (mais jamais éprouvée
comme une vraie sensation), c’est-à-dire niée, contre la thèse soutenue par O osiphile
(porte-parole de P. Q uercy lui-même) qui tenait le paradoxe de la « réalité » sensorielle
de l’Hallucination.
1204 MODÈLE ORGANO-DYNAM1QVE

taires qui visent seulement à compléter tous ceux que nous avons faits au cours
de cet ouvrage, que ce phénomène en apparence si simple (l’esthésie des Hal­
lucinations verbales notamment) ne peut pas être séparé de son contexte par
quoi, en définitive, l’esthésie n ’est pas, ne peut pas être niée, mais doit être
au contraire alfirmée (avec l ’halluciné lui-même) à la seule condition d’être
« placée » dans et par l’absurdité même du discours délirant dans lequel elle
est prise et dont elle tire l’affirmation de la sensorialité à laquelle il se réfère.

— Quant à ce que nous avons appelé les « Éidolies hallucinosiques », les


critères essentiels de la phénoménologie hallucinatoire se retrouvent encore
en posant le problème spécifique de cette modalité hallucinatoire.
Pour ce qui est de Vextranéité, on peut dire qu’il s’agit non pas d ’une pro­
jection dans l’espace de réalité des objets, ni dans l’objectivité psychique, mais
d’une projection dans l’espace plus particulier des organes des sens, car l’objet
hallucinatoire se tient en quelque sorte dans l’œil, l’oreille ou les téguments,
là où il est tout à la fois perçu et saisi comme au « point de départ » (lieu de
son origine et de sa causalité) d’une sensation insolite.
Uincoercibilité de l’objet halluciné, comme de l’acte hallucinosique, résulte
essentiellement dans la sollicitation impérieuse d ’une perception obligatoire,
par la présentation sans esquisses ni profils d ’une forme qui s’impose, par
l ’impossibilité de contenir son automatisme, sinon de la contrôler.
b'asséritivité de cette catégorie de phénomènes hallucinatoires consiste
dans le jugement d’assertion qui en est spécifique, c’est-à-dire celui d ’une
présence actuelle et artificielle non investie par un jugement de réalité.
Enfin, Vesthésie est dans ce cas tellement vive et riche qu’elle contraste
encore plus vivement avec le caractère purement asséritif de la croyance hallu­
cinosique et qu’elle a pu prêter ainsi aux interprétations mécanistes les plus
naïves de la néoformation sensorielle.

— Tous LES PHÉNOMÈNES « VRAIMENT » HALLUCINATOIRES, C’EST-A-DIRE


PATHOLOGIQUES, SE PRÉSENTENT DANS UNE STRUCTURE D’HÉTÉROGÉNÉITÉ RADICALE
A L’ÉGARD des perceptions et illusions « psychonomes ». Elles sont des mani­
festations sur le modèle du travail du rêve, de l’intervention active de l’Incons­
cient. Et, à ce titre, bien loin de pouvoir être rapprochée d ’un simple « lapsus »
ou d’un « acting out » qui, chez un être conscient normalement organisé et
éveillé ne révèle que dans un éclair de sens ou dans un minuscule détail de son
discours ou de son acte compétent, les tendances inconscientes et virtuelles du
Sujet, ils ajoutent à ces variations de la vie quotidienne, à ce qui n ’est qu’une
maladresse ou un raté occasionnels, une dimension véritablement structurale,
celle d’une altération de la réalité. Car, en définitive, ce qui fait le lit de l’Halluci­
nation et aussi ce qui la consacre dans son hétérogénéité anomique, c’est précisé­
ment la désorganisation de l’être conscient ou de ses instruments psycho-senso­
riels qui relègue « hors la loi » toute Hallucination. Autrement dit, l’Hallucina­
tion ne s’introduit dans l’ordre de la vie psychique que par une explosion ou une
mutation dont le Sujet en tant que tel, c’est-à-dire en tant qu’être conscient, ne
IL HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOM IE) — DÉFINITION 1205

contient plus son Inconscient. Il faut pour que se produise une Hallucination
comme pour que se produise un rêve, un processus en troisième personne, ici, le
sommeil, là, un processus de désorganisation du corps psychique qui, comme
nous l’avons vu, est structurée sur un plan architectonique essentiellement
anti-hallucinatoire pour être soumis au système de la réalité que chaque
Homme construit dans son existence en accord avec les autres, c’est-à-dire
par le moyen ou le « medium » des institutions ou de la Société auxquelles
il appartient. Nous pouvons peut-être répéter ici pour lui donner toute sa force
ce que nous avons déjà écrit plus haut : l ’H allucination est a la logique de
l ’être psychique ce qu ’est le cancer a la logique de l ’être vivant.

C. — LA D É F IN IT IO N D E L ’H A LLU CINA TIO N


IM PLIQ U E SON CARACTÈRE « A N O M IQ U E ».

L ’Hallucination définie comme « p e r c e p tio n sans o b je t» est une défini­


tion trop elliptique et trop idéale. Trop elliptique, car ne formulant qu’une sorte
de contradiction absolue elle n ’énonce qu’une impossibilité logique dont les
négateurs de l’Hallucination (tous les Noéphèmes du monde, dirait P. Quercy,
cf. note p. 45) usent et abusent... Trop idéale, car elle exige que « percep­
tion » elle se sépare radicalement de tous les sous-ensembles qui constituent
l’ensemble de la perception (images, affects, mouvements qui entrent comme
nous l’avons vu dans l’acte perceptif comme pour le rendre vulnérable à
l’Hallucination), et que « sans objet » elle n ’ait aucun rapport avec les objets
(situations, choses, Stimuli) du monde extérieur. Ce qui a fait la fortune de
cette formule (cf. p. 46), c’est qu’elle implique une sorte d ’illogisme, reflet
du contre-sens de toute perception « hallucinatoire ».

Voilà pourquoi nous avons proposé plus haut de compléter cette définition
classique, et en quelque sorte caricaturale, en ajoutant à « perception sans
objet » ces deux mots « à p e r c e v o ir ». Supplément verbal, redondant ou
dérisoire peut-on penser, sauf à se rappeler que « à percevoir » est ici un infi­
nitif dont la préposition « à » énonce fortement un rapport impératif de conve­
nance ou de possibilité. Dans les locutions comme « un livre à lire », un « médi­
cament à prendre », la préposition « à » lie le complément logique ou naturel
de l’action à sa prescription ou à sa recommandation; elle établit le sens de
l’adéquation d’utilité, ou de licitation, ou de possibilité de l’objet à l’intention
du Sujet. Bien plus, lorsque nous disons à des niveaux humains différents
mais structuralement analogues « un amour sans objet à aimer », « une élection
sans candidat à choisir » ou, à la banque, « une perception sans argent à per­
cevoir », l’énoncé implique une négation qui annule ou tient pour impossible
l’action (on ne peut pas aimer sans aimer quelqu’un — on ne peut pas élire
quelqu’un sans faire un choix — on ne peut pas percevoir de l’argent sans
encaisser). Lorsque nous ajoutons ainsi à la première partie (« perception
1206 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

sans objet ») de cet énoncé absolument négatif, négateur ou dénégateur les


deux mots « à percevoir », nous soulignons lé sens d’une contravention à la
logique du possible ou à la prescription du permis : nous énonçons le sens d’une
inadéquation de l’action à sa finalité. La définition d ’une perception sans objet
implique bien, en effet, une absurdité, mais elle est une absurdité de définition
pour ne viser qu’un phénomène absolument impossible, alors qu’elle doit
viser une falsification, une faute, comme essence du phénomène hallucinatoire.
Sans doute l’absurdité de la définition de la « perception sans objet » nous
renvoie-t-elle à l’absurdité de l’Hallucination, mais lorsque nous définissons
celle-ci comme « u n e-per c e p tu m -sa n s-o b jet-à -p ercevo ir ». nous fai­
sons glisser l’absurdité impliquée dans la définition dans la structure essentiel­
lement idéo-affective de l’acte d ’halluciner. L ’Hallucination se définit dès lors,
par l’infraction à la loi normative de l’organisation psychique. L’Hallucination
ne peut apparaître qu’en échappant au contrôle de la loi d ’organisation (à
la géométrie naturelle, disait Berkeley; à la logique de l’être vivant, dit Fr. Jacob)
qui garantit précisément la possibilité de la perception par sa légalité. De telle
sorte que dans la théorie de l’Hallucination que nous présentons ici, elle cesse
d’être un phénomène simple, un atome (physique ou psychique) pour être
la résultante d ’une révolution dans la constitution même du corps psychique
tel que nous en avons décrit l’architectonie, c’est-à-dire l’intégration.
— Mais nous devons encore nous prémunir contre une illusion (qui est
la même encore que celle que nous venons de dénoncer une fols de plus) et
qui consiste à définir l’Hallucination par l’objet halluciné ou, si l’on veut,
par son contenu. Les cliniciens ont assez facilement accepté le langage commun
qui parle d'Hallucination, comme de « visions » ou de « voix ». Certes, dans
la mesure même où l ’Hallucination est une altération de la réalité qui se situe
au niveau de l ’acte perceptif et où quelque chose comme l’esthésie des données
des sens figure nécessairement dans la phénoménologie de son actualité,
il est bien vrai que l’on peut sommairement et superficiellement réduire l’Hal­
lucination au contenu visuel sonore verbal et que l’Halluciné perçoit.
C’est le singe vu, l’injure entendue qui, glissant hors de la structure hallu­
cinatoire, devient « l ’Hallucination » qu’a 1’ « halluciné », comme si l’Hallu­
cination était de la catégorie de l’avoir et non dé l’être. C ’est dans ce sens que
l ’on dit d’un patient qu’il « a des Hallucinations » et que l’on vise par l’usage
de cette expression elliptique les choses qu’il perçoit, les objets de « sa per­
ception sans objet » ! Mais c’est oublier de l’Hallucination l’essentiel qui est
(cf. p. 1-25 et p. 45-52) l’halluciner, c’est-à-dire l’acte par lequel le Sujet se met
inconsciemment hors la loi, ou plutôt dans lequel il est victime et dupe de
« quelque chose » qui nécessairement bouleverse sa subjectivité au point d’y
introduire des objets qui ne lui appartiennent pas et qui transforme en tout
ou partie le Sujet en objet. Ceci ne peut se concevoir et se décrire que comme
une réalité négative, celle d ’un manque ou d ’une désorganisation qui altère
ou aliène le Sujet en le réduisant à l’esclavage d ’une erreur de son bon sens
ou à être victime de ses mauvais sens. L’halluciné, en effet, a cessé d ’être maître
de lui même et notamment des mouvements facultatifs par lesquels la structu­
II. HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOM IE) — DÉFINITION 1207

ration de son champ de conscience, l’organisation de son être conscient et


l’ôrdre de ses organes des sens, ordonnent ses informations et ses communi­
cations et plus généralement son système relationnel avec son monde. Par cet
esclavage, il est rendu à l’impuissante liberté du mouvement (dans le sens où
l’on peut parler de « mouvement libre » ou « automatique ») qui règle sans loi,
sinon sans foi, les images du rêve et qui voue ses pensées à n ’être que des
mots et ses mots à n’être que des choses. L’essentiel de l’acte hallucinatoire
n ’est donc pas le tableau de la vision (que l’on peut reproduire pour l’accro­
cher au mur ou pour illustrer les faux « traités » des Hallucinations, comme
nous l’indiquons dans l’Avant-Propos de notre Traité), ou ce qui pour l’hallu­
ciné est ce qui est important — pour masquer précisément ce qui est impor­
tant pour l’observateur — savoir les choses, les mots, les visages, le feu, les
fluides, la splendeur ou l’horreur des images; l’important, c’est la modifi­
cation hallucinogène de l’organisation de l’être psychique. De sorte que la
définition de l’Hallucination doit encore être complétée. Nous ne devons
pas dire seulement que c’est une « perception-sans-objet-à-percevoir », mais
qu’elle est l’acte inconscient par lequel le Sujet désorganisé dans son corps
psychique est dupe de « perceptions-sans-objets-à-percevoir ».
Il ne nous reste plus qu’à décomposer et analyser les divers termes de cette
définition pour avoir maintenant une théorie de la « nature » de l’Hallucination.
a) C ’est un acte (halluciner) qui engage en effet l’activité, la sphère affec­
tive, conative et appétitive du Sujet. Car l’Hallucination n ’est possible que dans
la mesure où « quelque chose » pousse de l’intérieur le Sujet à préférer les objets
de son désir aux objets soumis à la loi de la réalité.

b) « Inconscient » vise le phénomène hallucinatoire comme étant essentiel­


lement « automatique ». Car il est bien vrai que l’exercice involontaire de l’ima­
gination (Baillarger) ou l’automatisme mental (G. de Clérambault) consti­
tuent la structure fondamentale des Hallucinations pour autant qu’elles
relèvent d’un déterminisme « sous-jacent » et qui échappe au Sujet pour se
présenter à lui comme quelque chose qui ne lui appartient pas. Comme nous
le verrons plus loin, c’est l’intervention de l’automatisme inconscient ou de
l’Inconscient en tant qu’automate qui fait d ’une partie du Sujet un objet.
c) La « désorganisation du Sujet » est la condition sine qua non de la
genèse du phénomène hallucinatoire. C ’est elle qui engendre les caractéristiques
hétérogènes (la structure négative qu’elle lui imprime) de l’acte d ’halluciner.
C’est par ses effets que l’Hallucination est radicalement irréductible aux
illusions « psychonomes » avec lesquelles on les confond d ’autant plus faci­
lement ou volontiers que l’on tend à réduire l’Hallucination aux erreurs et
illusions de la condition humaine en général, c’est-à-dire, comme nous l’avons
vu, de la réduire à néant par son extension indéfinie. Cette pièce maîtresse de
la définition enracine l’Hallucination dans la pathologie de l’organisation du
corps psychique, c’est-à-dire en dernière analyse de l’organisme. Par là, elle enra­
cine l’Hallucination dans une « Histoire naturelle » des phénomènes psycho-
1208 MODÈLE O RGA NO-D YNAMIQ UE

pathologiques et, par voie de conséquence, par les structures mêmes de son
objet, la maladie mentale (dont l’Hallucination est la clé de voûte), elle
fonde la Psychiatrie comme une science naturelle et non pas une science de
la culture ou des relations humaines sans incorporation dans le corps psychique
lui-même incorporé dans le corps de chaque individu.

d) « Être dupe » est cette partie de la définition par quoi l’illusion et


l’erreur sont désignées comme partie intégrante du phénomène hallucinatoire.
C ’est ainsi que les effets de croyance, de conviction, d ’incorrigibilité, de dogma­
tisme, et les degrés de jugement de réalité que comporte l’acte hallucinatoire
font partie de la phénoménologie de l’Hallucination. Ce sont les divers aspects
« asséritifs » et convictionnels de l’adhésion du Sujet à l’objet hallucinatoire
qui constituent ce dernier. Naturellement, cela revient à dire que l’Hallu­
cination est l’émergence d’un processus inconscient car le Sujet ne projette
qu’inconsciemment le désir qui est à la base de son erreur ou à l’origine du
mouvement automatique par lequel les images se détachent de lui. De telle
sorte que c’est VInconscient qui est le réservoir des forces hallucinatoires,
le propulseur de la dynamique de l’Hallucination et des exigences de cette
contre-réalité qui constitue l’erreur dont le Sujet est dupe en se trompant
lui-même. Nous soulignons donc ici un aspect fondamental du scandale logique
de l’Hallucination, celui qui consiste à se tromper soi-même, à être dupe
c’est-à-dire esclave de son propre Inconscient. C’est de cette dynamique que
l’Hallucination tire la puissance asséritive, pour ne pas dire apodictique de ses
postulats irrécusables. Nous devons préciser à ce sujet qu’être dupe peut avoir
deux sens ici, à quoi correspondent les deux grandes catégories d’Hallucina-
tions. Tantôt, en effet, et c’est le cas le plus fréquent en psychopathologie,
l’halluciné délirant se trompe au point de tenir l’imaginaire pour du réel ;
tantôt l’halluciné non délirant est trompé par les formes qu’engendre la
désintégration de l’acte perceptif à un niveau qui n’implique pas le juge­
ment de réalité. Dans le premier cas l’Hallucination le prend tout entier dans
son délire, dans le second elle n ’altère qu’un secteur perceptif de la réalité,
c’est-à-dire qu’elle laisse intact le système de la réalité qui l’exclut.

e) « La perception sans objet », seul membre de la définition classi­


quement retenu, vise en effet cet autre aspect du scandale logique qui consiste
à percevoir (c’est-à-dire à conférer un statut d ’objectivité) un objet qui n’existe
pas dans le monde extérieur. Mais percevoir ne veut pas toujours dire tenir
pour un objet du monde extérieur l’objet de la visée perceptive; car l’acte de
la perception vise non seulement les objets du monde extérieur mais ceux aussi
du monde intérieur (le corps, les phénomènes de la vie psychique). Il faut dire
plus exactement que l’acte de perception consiste à conférer à l’objet perçu
son exacte réalité. Percevoir vaut aussi bien pour l’acte « aperceptif » par lequel
ayant un spectacle mental sous les yeux de mon imagination, je le tiens pour
ce qu’il est, c’est-à-dire imaginaire que pour l’acte qui pose ce que j ’entends
comme une voix du monde qui me vient de lui. De telle sorte que lorsque nous
II. HÉTÉROGÉNÉITÉ (ANOM IE) — DÉFINITION 1209

parlons ici de perception sans objet il faut entendre qu’il s’agit au contraire
d ’objets (images, situations, langage), mais soustraits au jugement catégoriel
de la réalité. Le champ naturel de l’Hallucination étant précisément la « réalité
psychique » qui subit électivement par la prestidigitation du sortilège hallu­
cinatoire, une transmutation (elle devient réalité objective), disons que ce qui
est important dans la notion de « sans objet » ce n’est pas qu’il n ’y ait pas
d ’objet de la visée perceptive (car il y en a toujours dans tout acte de conscience
qui est nécessaire conscience de « quelque chose »), mais que le statut d ’objecti­
vité a perdu son sens, qu’il n’y a plus de problématique de la réalité, ou ce qui
revient au même, que l’irréalité est admise à entrer dans le champ du réel...
Autrement dit, lorsque par cette expression « perception sans objet » on entend
opposer l’illusion à l’Hallucination cela n ’a pas de sens, car un halluciné pour
être halluciné n ’est pas soumis à l’obligation « épistémologique » (prescrite
par les définitions médico-psychologiques) de ne rien percevoir dans son champ
perceptif des objets du monde extérieur (ce qui est manifestement impossible
même dans les conditions expérimentales de l’isolement sensoriel) qui puisse
servir de prétexte à son Hallucination; il faut et il suffit pour être halluciné
que l’hallucinant prenne tout ou partie de lui-même (ou son corps, ou ses
pensées, ou ses désirs) pour un objet extérieur à lui-même, que celui-ci soit
ou ne soit pas en rapport contingent avec le monde des objets. Nous verrons
plus loin l’importance de cette révision pour ce qui concerne la classification
des catégories hallucinatoires.

f) « A percevoir » enfin est, comme nous l’avons déjà fortement sou­


ligné, une locution qui accentue le contre-sens de l’acte hallucinatoire puisqu’il
en fait une transgression formelle de la loi qui gouverne la réalité. Et par réa­
lité, bien entendu, doit s’entendre non seulement le statut d ’objectivité du
monde physique mais encore le statut moral du monde culturel. De telle
façon que, en définitive, l’Hallucination ajoute au scandale logique un scan­
dale « moral ». Mais un scandale moral qui est lui-même inversé, en ce sens qu’il
consiste pour le Sujet à le projeter hors de lui, quand se plaçant lui-même hors
la loi, il halluciné le corps de son délit tout en paraissant s’y conformer. C ’est
que l’halluciné non seulement se trompe mais trompe les autres en hallucinant,
c’est-à-dire en témoignant de la réalité sensible de pures apparences. L ’Hallu­
cination est donc un paradoxe, un scandale, une triche, une imposture, un alibi,
tous termes qui impliquent qu’elle se joue des règles des convenances, des dures
lois de la réalité de la logique ou de la morale. Mais elle est aussi un miracle qui
en « réalise » l’impossible : la perception d ’un objet légalement imperceptible.

Développer la définition elliptique de l’Hallucination (perception-sans-objet)


en y ajoutant ces deux mots « à percevoir » en modifie donc à nos yeux tout le
sens. Si la perception peut se définir comme l’acte qui fait d ’un objet un per-
ceptum et si l’Hallucination est un perceptum sans objet, il est bien évident
que la définition classique la rend impossible. Autrement dit, la formule
classique énonce à la fois la définition de l’Hallucination et en rend impossible
1210 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

l’usage en l’enfermant dans un dilemme (le tout ou rien de la perception)


qui l’anéantit. Par contre, ajouter à la formule « perception sans objet » les
mots « à percevoir » introduit une nouvelle et véritable définition de l’Hallu­
cination en mettant l’accent sur la relativité du perceptum à l’égard de sa
valeur de réalité. Tout peut être en effet perçu quel que soit le perceptum (idée,
image, sensation corporelle, langage de soi ou de l’autre, objet extérieur)
pourvu que l’acte de la perception soit conforme à la loi de la réalité (et plus
généralement au système des valeurs logiques et éthiques communes) sans
qu’aucune de ces perceptions erronées internes ou externes, fortes ou faibles,
soient hallucinatoires, c’est-à-dire pathologiques. Par contre, tout perceptum
quel qu’il soit en tant qu’objet (imaginaire, psychique, psycho-sensoriel, soma­
tique, etc.) ne se conformant pas à la légalité du système de la réalité, c’est-à-dire
tout acte qui institue un perceptum (comme objet de la perception externe ou
interne) en contrevenant à la loi commune de la réalité est une Hallucination.
Et l’on comprend dès lors que l’Hallucination ne peut pas être un phénomène
ni simple ni univoque, mais admettre une infinité de formes dans lesquelles varie
le rapport du perceptum à son faux statut d’objectivité. Il y a, autrement dit,
mille et mille manières de percevoir quelque chose qui n’a pas à être perçu,
c ’est-à-dire à être intégré dans le système de la réalité. Et toutes ces formes
s’inscrivent entre ces deux modalités extrêmes et antinomiques : ou bien c’est
un perceptum fort qui est pourtant perçu comme purement irréel, ou c’est
un perceptum faible perçu comme une réalité absolue. Voilà, nous semble-t-il,
en quoi l’addition à la formule classique « perception sans objet » de ces mots
« à percevoir » garantit tout à la fois le sens et la possibilité de l’unité et de la
multiplicité des Hallucinations.
— Voici donc enfin explicitée la définition de l’Hallucination pour autant
qu’elle est visée dans sa généralité comme le genre même d ’un « contre-sens » qui
se dresse contre la légalité instituée par l’être conscient. Mais comme nous allons
le voir, ce « genre » implique des « espèces » ou, si l’on veut, des « formes cli­
niques » que nous devons maintenant envisager pour continuer à mettre de
l’ordre — conforme à l’ordre même du plan architectonique du corps psy­
chique — dans ce problème des Hallucinations en l’examinant maintenant
sur le plan clinique.
CHAPITRE III

CLASSIFICATION NATURELLE
DES HALLUCINATIONS

L ’idée d ’une « classification » qui les séduisait tellement au siècle dernier,


hérisse actuellement les Psychiatres, les Psychopathologues et plus spéciale­
ment les Psychanalystes en révolte contre le Père de la Nosographie (Kraepelin)
qui partage cette fonction paternelle avec les grands Classiques du xixe siècle.
Quant à l’idée d ’une classification naturelle, elle est encore bien plus contestée
par le mouvement « psychiatricide » qui entend considérer la maladie mentale
comme n ’étant pas une anomalie de l’organisation (1), c’est-à-dire comme
n’étant pas une maladie du tout, ce qui revient à la « traiter » seulement comme
un mythe, voire une imposture. C ’est évidemment contre cette conception dite
« culturaliste » ou « sociogénique » de la Psychiatrie que cet ouvrage a été écrit.
Il a pu, espérons-nous, montrer comment un « symptôme » comme l’Hallucina­
tion se dresse devant nous dans une telle consistance qu’il ne saurait être
scotomisé ou volatilisé, car le mythe qu’elle représente n ’est pas dans l’esprit
des Psychiatres mais dans l ’esprit troublé des Hallucinés.
C ’est en la considérant non pas comme un reflet mythique de la cul­
ture mais comme l’ombre réelle portée par la désorganisation de l’organisation
somato-psychique, que l ’Hallucination nous apparaît être ce qu’elle est :
l’apparente réalité de l’irréel. Disons donc en toute tranquillité que le pro­
blème « taxinomique » que les nouveaux beaux esprits de nos temps modernes
tournent en dérision s’impose. Et il s’impose là comme dans toutes les autres
sciences biologiques. Car, bien sûr, la Psychiatrie est une science de la nature —
la science dont l ’objet est le phénomène de la réalité de l’irréalité qui manifeste
la décomposition du corps psychique. Si la Psychologie est une « Science
humaine » par excellence puisque son objet est le cc psychisme » de l’homme
qui s’arrache à sa propre « nature », la Psychiatrie est une « Science biologi­
que » par excellence puisque son objet est la désorganisation de l’être par
laquelle il retombe dans sa nature.
Au contenu manifeste de l’Hallucination correspond bien un contenu

(1) Nous appelons organisation (conformément à ce que nous avons établi dans la
première thèse explicitée dans le chapitre premier de cette Partie) l’intégration du
corps physique dans le corps psychique.
1212 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

latent psychique, mais l’actualisation de celui-ci implique que cesse une autre
latence, la désorganisation de l’être psychique.
Sans nous laisser entraîner dans des considérations épistémologiques,
qu’il nous soit permis de rappeler qu’une classification n ’a de sens que pour
autant qu’elle présente le tableau de ses genres et de ses espèces par référence
à une certaine idée directrice, à un plan, à un ordre.
Or, l’ordre naturel qui peut et doit nous permettre la science et la classifi­
cation des maladies mentales (1), c’est l’ordre même que l’être conscient établit
dans la vie de relation. Il n ’est pas question, certes, de faire de l’homme un
« singe nu », car les hommes en tant qu’ils sont hommes ne peuvent justement
pas ne pas faire partie des structures sociales, et que l’ordre même de leur
être conscient pour si incorporé qu’il soit dans leur animalité obéit à une
certaine loi (Lévi-Strauss). Mais celle-ci n’est point seulement promulguée par
l’ordre social de telle sorte qu’elle leur serait en quelque sorte extérieure et
imposée par la répression sociale, mais elle est incorporée dans l’ordre même
de leur organisation car le fonctionnement même du corps psychique est lié
au Système nerveux central qui exige le principe même de subordination et
d ’intégration des fonctions qu’il contrôle en tant que système législatif de la
réalité mais qui permet aussi à chaque individu de n ’être pas seulement
« conditionné » mais de pouvoir échapper au conditionnement.
C’est à la désorganisation de cette organisation personnelle, à ce désordre
(qui se substitue à l’ordre de la vie de relation), que correspondent les mala­
dies mentales. Et c’est dans ce tableau naturel des maladies mentales tiré de
l’ordre même, c’est-à-dire des structures synchronique et diachronique de
l’être conscient, que nous pouvons clairement apercevoir et décrire les espèces
des maladies mentales, non point comme des « entités » absolues et rigides
comme Kraepelin se les représentait ou nous les présentait, mais dans leur
« physionomie typique ». Or, dans cette perspective le problème de la classifi­
cation des Hallucinations s’inscrit tout naturellement, car l’Hallucination est
une anomalie de l ’incorporation de l’être et non pas une simple image réflé­
chie de et par son milieu.

I. — CARACTÈRE ARTIFICIEL DE LA CLA SSIFIC A TIO N C L A SSIQ U E


DES PH É N O M È N E S H A L L U C IN A T O IR E S

Trois grandes catégories d ’Hallucinations ont fait l’objet des études clas­
siques, comme nous l’avons vu (cf. supra, p. 77-80 et p. 907). Tout d ’abord,
les « Hallucinations compatibles avec la raison », ensuite les « Hallucinations

(1) Je fis dans le pays même de Linné en 1963 une conférence sur ce sujet qui est
restée inédite, tout au moins en français, a paru, en français, dans les Actapsychiatrica
scandin., 1965, 41, 471-477.
III. LES DEUX MODALITÉS D'HALLUCINER 1213

psychosensorielles » dites vraies Hallucinations, et enfin les « Hallucinations


psychiques » ou Pseudo-hallucinations. Au temps de J. Müller, de Griesinger,
d ’Esquirol, de Michea, de Brierre de Boismont, de Lelut, de Baillarger, etc.,
c’est-à-dire entre 1830 et 1860, toutes les discussions sur l’Hallucination por­
taient essentiellement sur les diverses modalités de phénomènes hallucinatoires
et pseudo-hallucinatoires. Nous allons voir que ces controverses continuent
encore.
Disons à ce sujet que le concept de « Pseudo-hallucination » a projeté
l’ombre de son ambiguïté sur l’ensemble du problème. Cela veut dire tout sim­
plement que deux idées contradictoires entraient dans le concept d ’Halluci-
nation. L’une définissait l’Hallucination par sa sensorialité et l’autre par le
délire, de telle sorte que pour ceux qui ne tenaient pour « vraiment » hallu­
cinatoires que les <c Hallucinations sensorielles » (ou comme disait Baillarger
psycho-sensorielles), toutes « les autres » étaient des « Pseudo-hallucinations ».
Quant au critère de Délire il comportait nécessairement des phénomènes hallu­
cinatoires non délirants dits alors compatibles avec la raison (type Nicolaï),
séparés tout naturellement des Hallucinations délirantes (type Berbiguier). Il
aurait dû être évident que cette classification ne pourrait être valable que si l ’on
pouvait définir quatre catégories d ’Hallucinations selon que les Hallucinations
délirantes et les Hallucinations compatibles avec la raison étaient, soit sen­
sorielles, soit psychiques. Mais à cela s’opposait une difficulté radicale, c’est
qu’il n ’était guère possible d’appeler non délirantes ou compatibles avec la
raison les « Hallucinations psychiques » qui sont les plus fréquentes dans les
Délires et les Psychoses.
Autrement dit, cette catégorisation de phénomènes selon des critères
descriptifs incertains, loin d’aboutir à une classification claire, au terme
d ’une longue évolution d ’idées confuses ou contradictoires a atteint un degré
d’incohérence qui n ’a eu son pareil à l’époque et pour la même raison que les
innombrables schémas des innombrables formes d ’aphasie.
Découragés par l’impossibilité de trouver un ordre valable de classification,
tous les cliniciens renchérirent alors sur la diversité des détails et les différences
infinitésimales qui permettaient de découvrir toujours plus de variétés de
« Pseudo-hallucinations », c’est-à-dire de phénomènes qui, étant hallucinatoires
sans l’être tout en l’étant, permettaient une sorte de jeu de l’esprit (de décou­
page à l’infini du jouet hallucinatoire).
Tant de fois cet historique de la notion d ’Hallucination et de Pseudo-
Hallucination a été fait, et nous-même l’ayant déjà exposé au début de cet
ouvrage, nous n ’entendons pas revenir, sauf pour l’essentiel, sur cette vivi­
section de l’Hallucination qui a tenu lieu de classification clinique des Hallu­
cinations. Quoique la querelle ne soit pas encore épuisée, on peut cependant
dire qu’elle est dépassée. Mais il n ’est pas mauvais qu’avant de rechercher les
points naturels d ’articulation de la classification des espèces d ’Hallucination
nous nous rappelions comment chacun des trois grands groupes de faits, d’abord
mis à jour, ont été rendus inutilisables par l’impossibilité de trouver des limites
entre eux et de les séparer d ’autres phénomènes.
1214 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

Pour les « Hallucinations sensorielles ou psycho-sensorielles » réputées


correspondre le plus exactement au concept de « perception sans objet »,
on exigeait du temps de J. Müller, Esquirol, Baillarger, Griesinger, etc., que
leurs qualités sensorielles soient éclatantes, détaillées, que la perception hal­
lucinatoire soit exactement équivalente à celle d’objet extérieur présent,
situé dans l’espace, possédant tous les attributs temporo-spatiaux des
objets réels. Ce n’est pas l’observation clinique qui sous-tendait principalement,
ce modèle, car, somme toute, il est rare de le rencontrer tout au moins dans
sa pureté et sa totalité. Ce qui, par contre, soutenait la thèse de l’esthésie,
de la vividité, de la corporéité (Leibhaftigkeit) de ces Hallucinations, c’était
un préjugé doctrinal, celui d’une théorie de l’excitation des nerfs, des organes
et des centres sensoriels. Il est très remarquable que dans les descriptions du
« délire de sensation » (Michea) ou des Hallucinations psycho-sensorielles
d ’Esquirol, de Baillarger, de Wernicke, l’éréthisme des centres nerveux se
mêle constamment en contre-point ou en paraphrase à la description clinique.
De par ailleurs, la sensorialité de l’Hallucination devant être intrinsèque à
F « image hallucinatoire » (à son contenu ou à sa représentation) devait être
distinguée, même dans les fameuses « Hallucinations réflexes » —, des « illu­
sions » et des « interprétations » qui empruntent aux objets réellement perçus
leurs qualités sensorielles et spatiales. Mais il est bien difficile de séparer radi­
calement ce qui dans les bruits tonitruants, les voix injurieuses ou les fluides
des courants électriques « parfaitement » perçus, revient à la « médisance »
(Illusion) ou à la « calomnie » (Hallucination), comme disait Lasègue. D ’autre
part, ces « Hallucinations vraies », sont pour ainsi dire constamment confondues
avec les « Hallucinations compatibles avec la raison » (type Nicolaï), c’est-à-dire
avec une variété d’Hallucinations qui paraît se distinguer radicalement des
Hallucinations psychosensorielles que l’on rencontre (avec les attributs sen­
soriels exigés) dans les psychoses, dans les expériences délirantes aiguës comme
dans certaines formes de psychoses hallucinatoires chroniques. De plus, il est
bien difficile, sinon impossible (autrement que sur le papier ou dans les fameux
tableaux de diagnostic comme celui où K. Jaspers oppose les perceptions hallu­
cinatoires aux représentations hallucinatoires) de séparer cliniquement les
Hallucinations psycho-sensorielles vraies des Hallucinations psychiques dites
Pseudo-hallucinations. Si quelque chose demeure et émerge de toutes ces des­
criptions de l’Hallucination sensorielle (pour autant qu’elle n’est pas compa­
tible avec la raison), c’est l’importance de la déstructuration du champ de la
conscience qui, effectivement, dans les états confuso-oniriques, dans les psycho­
ses toxiques au cours des crises de mélancolie ou dans le delirium tremens,
constitue la condition et l’arrière-fond les plus évidents de ces états ou de ces
fulgurances hallucinatoires (le plus souvent d ’ailleurs visuelles).

Pour ce qui est des « Hallucinations psychiques et des Pseudo-hallu­


cinations », elles se caractérisent, nous l’avons vu (cf. supra, notam­
ment p. 84) par leur défaut de sensorialité. Ce sont des « locutions muettes »,
« des pensées ou des images plus que des sensations », des paroles ou des mou-
III. LES DEUX MODALITÉS D'HALLUCINER 1215

vemenls qui sont « perçus » dans l’esprit ou dans les fonctions sensori-motrices
du corps ». Nous devons rappeler à ce sujet la longue liste des « Hallucinations
pâles » (Hagen) opposées aux « Hallucinations vives » (1) mais intérieures
(Kandinsky), des Hallucinations des souvenirs ou Reperzeptions Halluzinationen
(Kahlbaum), des Hallucinations et Pseudo-hallucinations psychomotrices
(Séglas), des autoreprésentations aperceptives (G. Petit). Tous ces phéno­
mènes sont caractéristiques de la difficulté posée par la définition de l’Hallu­
cination comme trouble sensoriel primitif, car ils obligent à considérer comme
« Pseudo-Hallucination » l’immense majorité des phénomènes qui ne corres­
pondent à la définition « stricto sensu » abusivement étroite, sinon radicalement
fausse. On comprend que G. de Clérambault ait recueilli dans son « syndrome
d ’automatisme mental » toute la masse de ces Pseudo-hallucinations en consa­
crant leur caractère, à ses yeux, le plus authentiquement hallucinatoire :
l’automatisme mental. Il est bien vrai que les Hallucinations des délires chro­
niques et spécialement des schizophrénies consistent le plus souvent en expé­
riences ou idées délirantes d ’influence, de suggestion, etc., c’est-à-dire en
phénomènes « d ’objectivation psychique ». La pensée, en tombant dans la
catégorie des « objets » extérieurs au Sujet (autres personnes ou monde phy­
sique), devient effectivement un objet non pas, comme on le dit classiquement,
« pseudo-hallucinatoire » mais tout simplement hallucinatoire si on renonce
à la définition trop excessive de l’Hallucination qui exige qu’elle soit un phéno­
mène « sensoriel » ayant tous les attributs de la perception d’un objet réel
dans l’espace.
Mais cette « catégorie » pseudo-hallucinatoire pose encore d’autres pro­
blèmes aussi épineux et même insolubles. C’est ainsi que si avec Kandinsky
on souligne l’extraordinaire richesse esthésique (la profusion de couleurs,
la prodigieuse netteté de contours, la luminosité, l ’éclat des tons et des harmo­
niques) de ces Pseudo-hallucinations, on est bien embarrassé en adoptant
ce seul critère de l’intensité ou de la vividité vécue pour les distinguer des
F. idolies hallucinosiques qui ont une tout autre structure, un tout autre contexte.
La plupart des auteurs qui ont écrit sur les Hallucinations (et encore récemment
G. Sedman, 1966 et Reda, 1966) ne manquent pas de tomber dans cet embarras
dont ils ne sortent qu’en faisant une énumération hétéroclite de phénomènes
appelés « pseudo-hallucinatoires ». Inversement, lorsqu’on réduit la phéno-

(1) C’est au fond ce que fait K. J aspers dans sa Psychopathologie générale quand
il dresse le tableau comparatif des « Vorstellungen » (représentations) et des « Wahr­
nehmungen » (perception), les premières étant caractérisées par le caractère de vividité
et de corporéité (Leibhaftigkeit) de l’objet perçu, et les secondes par le caractère
imaginaire (Bildhaftigkeit) de la représentation. Monsieur de La Palice n’aurait
pas mieux dit. Et on comprend que K ronfeld (Wahrnehmungsevidenz und Wahr­
nehmungstrug, Monatschr. f Psych. und Neuro., 1928, 6, p. 361) ait eu beau jeu de
critiquer ces critères si superficiels en leur substituant celui de «jugement de réalité »
qui, en effet, remet en question ces différences « sensorielles » ou « représentatives »
secondaires et, au fond, artificielles.
1216 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

ménologie des « Hallucinations psychiques » dites « Pseudo-hallucinations »


à celle des « représentations », on ne peut plus distinguer les représentations
en général des « Pseudo-hallucinations » et, par conséquent, des Hallucinations
elles-mêmes (1). Il devient en effet impossible sans une analyse plus appro­
fondie de distinguer l’exercice de l’imagination normale (pour si exaltée qu’elle
soit) et les délires « pseudo-hallucinatoires » qui sont précisément une des formes
psychopathologiques les plus « prégnantes » et hors de discussion.

Pour ce qui est des « Hallucinations compatibles avec la raison », ce


concept se heurte également, quand il n ’est pas soigneusement analysé,
à une contradiction interne, celle d ’une interférence entre l’idée que l’Hal­
lucination est un phénomène morbide partiel et l’idée que l’Hallucination
est un phénomène normal. Le paradoxe de cette contradiction éclate lorsque
l’on en vient par référence à la première intuition à faire des Hallucinations
partielles, les « vraies » Hallucinations, c’est-à-dire celles qui sont les plus
pathologiques. Telle est, par exemple, la position d ’un auteur pourtant aussi
réfléchi et informé que R. Mourgue. Pour lui, 1’ « Hallucination vraie » est
celle qui est constituée par une désintégration partielle des fonctions sensori-
motrices des appareils ou centres sensoriels dont l ’effet le plus authentiquement
hallucinatoire est la projection dans l’espace (2). — Le paradoxe éclate en sens
inverse lorsque Ton prétend que l’Hallucination est un phénomène qui se
rencontre « normalement », c’est-à-dire généralement chez tous les individus

(1) J ’ai bien souvent fait remarquer dans les divers chapitres qui composent
ce Traité, que la réduction de l’Hallucination à une image intensifiée (ou dans
le problème qui nous occupe le concept de la Pseudo-hallucination défini comme une
« représentation » pour si vive qu’on se la figure ou qu’on se la donne) revient à effa­
cer toutes les limites de l’Hallucination vraie ou pathologique et des phénomènes
illusionnels psychonomes dont l’exercice même de l’imagination est le type. Ainsi
n’était-il pas étonnant qu’au temps de Baillarger , puis de Séglas et enfin de M asse-
lon , de Ch. B londel ou de P. Q uercy , on se soit disputé éperdument sur la thèse
de la continuité Hallucination-Image-Imagination qui aboutit à nier l’Hallucination,
ou sur celle de la discontinuité Hallucination-Image qui fonde le concept même
d’Hallucination sur sa sensorialité, ce qui est une autre façon de la nier. 11 est remar­
quable que lorsque C. W eischenk (1952) examinant à son tour les rapports entre Illu-
sion-Hallucination-Perception fut d’abord tenté de soutenir la thèse d’une « homony­
mie » entre les illusions normales et les Hallucinations des Schizophrènes; mais il se
convertit au point de vue que nous développons ici (en se référant naturellement
à la fameuse distinction établie par K ehrer entre Verstehen comprendre et Erklä­
ren expliquer) en nous racontant le cas d’une jeune fille qui entendait la voix hallu­
cinatoire d’un personnage hallucinatoire (qui lui parlait en anglais) et qui, après élec­
trochoc, avait perdu la « naïveté » de sa croyance délirante. Ce fait pour ainsi dire
quotidien montre bien que même lorsqu’il y a des mobiles psychologiques somme toute
communs et pour nous tous compréhensibles, c’est tout de même un processus hétéro­
gène qui intervient, et pour engendrer, et pour faire cesser l’Hallucination...
(2) Lorsqu’on voit des « mouches volantes » elles sont vues dans l’espace. Ce phé­
nomène est-il le prototype de l’Hallucination vraie ?
III. LES DEUX MODALITÉS D'HALLUCINER 1217

dotés d’aptitude imaginative (1) ou sensorielles constituant des variations


hallucinatoires statistiques par rapport à la moyenne. Et, généralement,
nous l’avons vu plus haut, on se rapporte depuis F. Lelut à l’histoire des
grands hommes ou des artistes. Plus récemment (depuis les travaux sur 1’éidé-
tisme des frères Jaensch, on a fait état, sans que la réalité des phénomènes
soit bien établie, de variations statistiques portant sur l’aptitude au retour
immédiat au perçu (images éidétiques). Mais après ce que nous avons établi
(en exposant la première et la deuxième thèses de la conception organo-dyna-
mique), nous pouvons dire que les phénomènes illusionnels « psychonomes »
ne sont pas de « vraies » Hallucinations ou, autrement dit, qu’un Sujet normal
n’a pas d’Hallucination malgré qu’il ne cesse d ’imaginer, de s’illusionner
ou qu’il ait toujours affaire aux « scories » de l’activité normale de ses organes
des sens...

II. — L 'O R G A N IS A T IO N DE L'ÊTRE C O N S C IE N T EST LE PLAN N A TU REL


DE C L A SSIFIC A TIO N DES H A L L U C IN A T IO N S

Nous pouvons valablement parler de plan d ’organisation, d ’intégration,


de corps psychique, de structures de l’être conscient, puisque nous avons pré­
cédemment (dans les premiers chapitres de cet exposé de la théorie organo-
dynamique de l ’Hallucination et tant de travaux et d ’études consacrés depuis

(1) L’image du double est, par exemple, une sorte d ’image virtuelle hallucinatoire
qui, pour être à peu près constante chez l’enfant et très fréquente chez les individus
(génies, artistes) qui se livrent au démon de l’introspection (le Démon de Socrate...
cf. L elut , 1836), peut être considérée comme normale puisque aussi bien elle représente
l’image autoscopique et narcissique de soi qui accompagne comme son ombre le corps
psychique dans toutes ses démarches. On pourra consulter sur ce problème (outre les
travaux que nous avons déjà cités p. 131), l’article « Doubles » rédigé par A. E. C row -
ley dans 1’ « Hastings Encyclopédie of Religion », Londres; — le livre de R. T ymons,
« Doubles in literary Psychology», Cambridge-Bowen, 1949; — les travaux de J. ToDDet
K. D ewhurst (1955) ; — le petit volume de M. M icorey, « Fantôme et doubles » (1960).
Rappelons encore les exemples constamment cités de M usset, G oethe, Jean-Pierre R ic h ­
ter , d ’ANNUNzio, etc. Il est bien certain qu’il y a une grande différence entre la person­
nification imaginaire, visuelle ou verbale du Moi chez tout homme qui pense et qui
parle et l’apparition hallucinatoire et formelle de ce double telle que, par exemple,
elle est perçue par G oliadkine (D ostoieyvski lui-même) dans la fameuse nouvelle
« Le Double ». Et nous touchons encore du doigt ici le sophisme qui tend à réduire
l’Hallucination à n’importe quelle image et la perception même l’image elle-même,
c’est-à-dire en fin de compte à confondre le réel et la fiction. Le Double peut bien,
en effet, se décrire dans la littérature, comme il ne cesse de hanter la mythologie mais
il ne « se prend » au piège de l’Hallucination que dans les conditions individuelles
de la pathologie psycho-sensorielle au sens large du terme (Hallucinations délirantes
et Éidolies hallucinosiques). Hors de ces conditions l’image du double (comme celle
de Dieu ou de la mort) flotte dans l’existence sans floculer en vraie Hallucination.
121« MODÈLE ORGANO-DYNAM1QUE

40 ans à tous ces problèmes) justifié l ’emploi autre qu’artificieux et spécieux


de Ces notions. C ’est de la réalité même de cette organisation intégrant dans
le corps psychique le corps physique qui lui donne et constamment entretient
sa vie, c’est de cette réalité que dépend le caractère naturel de toute classification
des Hallucinations. Celles-ci, en effet, échappent à cet ordre que représente
l’être conscient. Il paraîtra — je le souhaite sans trop l’espérer — évident que
ce n’est pas l’Inconscient qui est pathogène — ou plus spécialement ici halluci­
nogène — pour représenter constamment et spécifiquement ce (le Ça) qui
menace l’existence du Moi, c’est-à-dire son autonomie, ou ce qui revient au
même, son système de la réalité. C’est donc relativement aux structures syn­
chroniques (champ de la conscience où s’organise l’expérience actuellement
vécue) et diachroniques (trajectoire ontogénique de l’unité et de la liberté du
Moi) que doit être recherchée l’idée directrice nécessaire à une classification
véritable, c’est-à-dire, ici, naturelle. Ce n’est en effet qu’à ce point de vue que
nous pouvons apercevoir clairement que certains hallucinants (les délirants)
sont altérés ou aliénés dans leur être conscient, alors que certains autres (les
éiodolo-hallucinosiques) sont précisément conscients d ’un trouble qui n’altère
ni n ’aliène leur être conscient.
L ’analyse même du concept d ’« Hallucination compatible avec la raison »
nous conduit, en effet, au centre même de l’ordre dont l’Hallucination estime
manifestation du désordre. Elle nous permet de poser au centre du problème la
question du caractère « partiel » du processus hallucinogène. Or, si nous nous
référons à l’architectonie du corps psychique, plus haut exposée, nous saisissons
avec évidence que c’est seulement au niveau de la pathologie des appareils
psycho-sensoriels que l’Hallucination peut apparaître à un niveau qui n ’est
pas celui d’une altération globale de la conscience ou de la personne étant
dotés alors des caractères spécifiques que nous avons reconnus aux Éidolies
hallucinosiques. De telle sorte que répondre affirmativement à la question clas­
sique posée depuis près de deux cents ans (Y a-t-il des Hallucinations compa­
tibles avec la raison ?) revient non pas à affirmer que l’Hallucination est un
phénomène normal mais à affirmer : 1°) qu’il y a des catégories d ’Hallucina-
tions qui ne sont pas délirantes et sont par conséquent, malgré leur caractère
pathologique, compatibles avec l’exercice de la raison qui les juge comme des
erreurs — 2°) qu’il y a des Hallucinations délirantes, c’est-à-dire qui sont
engendrées par un « trouble de la raison » et ne sont par conséquent pas
reconnues comme des erreurs du fait même de ces troubles qui constituent le
fond même du délire.
S’il est superficiel en effet de classer les Hallucinations simplement d’après
les données sensorielles qui en constituent l ’objet (Hallucinations visuelles,
auditives, tactiles, etc.), s’il est par conséquent vain de vouloir classer les Hallu­
cinations selon qu’elles sont « sensorielles » ou « psychiques » (1), s’il est absurde

(1) Voire motrices ou psychomotrices, comme au temps de Séglas ou de C ramer


à la fin du xixe siècle. A cet égard, la définition que propose R. F ischer (in Keup,
p. 319) n’est pas en 1970 plus heureuse (sensations without actions).
III. LES DEUX MODALITÉS D'HALLUCINER 1219

de n ’appeler « vraies » que celles qui ne se rencontrent qu'exceptionnellement et


qui sont compatibles avec la raison et « fausses » celles qui pourtant constituent
la masse clinique des phénomènes hallucinatoires observés dans les diverses
modalités de Psychoses délirantes, reste donc à trouver une nouvelle idée
directrice pour la classification naturelle des Hallucinations. Et cette idée nous
devons la rechercher et l’exhumer précisément des premières intuitions des
Cliniciens. Ce qui a frappé les observateurs et qui n ’a cessé d ’être le sujet des
premières discussions (celles de l’Académie de Berlin comme celles de la
Société Médico-Psychologique de Paris), c’est que, tantôt l’Hallucination se
présente sous un aspect extraordinairement sensoriel et chez des « sujets nor­
maux » (Nicolaï) et que, tantôt l’Hallucination se manifeste comme un aspect
fondamental du délire (Berbiguier), mais qu’elle est alors, comme on ne cesse
pas de le dire, plus « psychique » que sensorielle. D ’où, nous l’avons vu,
l’extraordinaire ballet joué dans l ’esprit des Psychiatres et sur la scène des
Sociétés savantes, avec ses contrepas, ses entrecroisements et ses chassés-
croisés par les figures évanescentes d’une Hallucination fantôme. Si l’on tient
l’Hallucination pour un phénomène qui se définit par sa sensorialité, on en
fait un phénomène en quelque sorte périphérique (Tot sensu) et on la sépare
du délire — si on est sensible à son sens délirant on en fait un phénomène
central (Tot capita) plus psychique que sensoriel et un effet du délire dans
lequel elle se perd. Il faut donc renoncer au critère de 1’ « esthésie », non point
pour la nier puisque, nous l’avons vue elle entre dans la phénoménologie de
toute Hallucination, mais pour en faire la résultante du processus hallucino­
gène. Et, dès lors, nous sommes en mesure de rechercher une classification
des Hallucinations qui soit basée non plus sur les aspects plus ou moins contin­
gents ou plus ou moins superficiels de l’apparition hallucinatoire mais sur la
désorganisation même du corps psychique qui est précisément enjeu lorsqu’on
parle — comme on en parle depuis deux cents ans — de la compatibilité de
l’Hallucination avec l’intégrité de ce corps psychique.

III. — LES D E U X M O D A LITÉS D’H A LL U C IN ER

Nous avons longuement examiné ce problème dans la troisième partie de


cet ouvrage qui lui a été entièrement consacré. Il nous suffira ici de souligner
encore, comme nous l’avons établi dans les deux précédents chapitres, que
les modèles linéaires « mécanistes » et « psychogéniques » sont impuissants
à nous rendre compte des deux catégories naturelles d ’Hallucinations que nous
avons dégagées de notre étude structurale de la manifestation hallucinatoire. Par
contre, nous le verrons en établissant la quatrième thèse de notre propre
conception, le modèle architectonique qui la fonde implique justement cette
classification en rendant évidentes la possibilité d’une déstructuration hallu­
cinogène de l’organisation de l’être conscient et la possibilité d’une désinté­
gration hallucinogène de l’organisation des champs perceptifs ou appareils
psychosensoriels.
Ey. — Traité des Hallucinations, n. 40
1220 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

La classification dont nous avons tout au long des chapitres de cet ouvrage
tracé les contours logiques et cliniques, cette classification peut et doit main­
tenant être présentée dans un tableau très simple.

Variations normales
DE LA PERCEPTION
H allucinations
(pseudo­
hallucinations)

Hallucinations délirantes Éidolies


(Effets
(Effets de la désorganisation
Illusions psychonomes de la désintégration
de l ’être conscient).
communes des systèmes perceptifs).
— Illusions senso­
rielles.
— Illusions cultu­ H allucinations
relles. Expériences noético-affectives
— Illusions infantiles délirantes du travail
etc. Phantéi- Protéi-
(D é stru ctu ra tio n idéoverbal
dolies dolies
du cham p de la délirant
conscience). (Aliénation
du Moi).

Nous devons — même au risque de nouvelles redites (impossibles à éviter


dans le mouvement dialectique et en quelque sorte symphonique de ce Traité) —
commenter encore les diverses définitions et rubriques de cette classification
naturelle des catégories hallucinatoires.
Nous pensons d ’abord qu’il est bien évident pour le lecteur comme pour
nous-même qu’un des vices — peut-être le « péché originel » — de toutes les
études consacrées aux Hallucinations, a été de ne pas les séparer assez radica­
lement des variations normales (qui ne sont que des modalités quantitatives
des variations statistiques de l’activité perceptive). Nous avons très largement
insisté sur ce point. Il ne suffit pas que quelqu’un prenne des vessies pour des
lanternes, qu’il se laisse emporter par la vivacité de son imaginaire ou la « créati­
vité )) de son imagination, qu’il perçoive les manifestations des esprits ou de la
télépathie auxquels il croit, qu’il s’abandonne à sa foi au point d ’en vivre les
images adorables ou diaboliques, etc., pour que cet homme soit halluciné. Pour
l’être il faut deux conditions essentielles : — l’une, c’est qu’il ne puisse se dépen­
dre de son illusion tant que persistent les conditions constantes de leur détermi­
nisme (cf. à ce sujet les critères que nous avons établis plus haut p. 1197-1205)
— l’autre, c’est qu’il perçoive quelque chose qui n’est pas conforme au système
de la réalité qu’il a élaboré sur le modèle commun du groupe culturel auquel il
appartient. Cela élimine une énorme masse de faits qui ont littéralement
adultéré le phénomène hallucinatoire proprement pathologique. Nous appe-
III. LES DEUX MODALITÉS D'HALLUCINER 1221

Ions ces aspects imaginatifs ou ces erreurs des sens chez les sujets vraiment
normaux des Pseudo-hallucinations (ce que P. Quercy appelait d ’un mot trop
ambigu encore : Hallucinations psychonomes), étant bien entendu que l’on
ne saurait employer ce terme pour désigner quelque Hallucination pathologique,
que ce soit et bien sûr pas même celles qui se caractérisent par leurs attributs
plus ou moins « psychiques ».
Les Hallucinations (c’est-à-dire les phénomènes hallucinatoires patholo­
giques, et eux seuls), nous les avons définies non pas par leur qualité sensible
ou le contenu éidétique ou sémantique qu’elles représentent, mais par le
processus même qui les engendre. C’est ainsi qu’au terme de longues analyses
et de multiples tâtonnements dont on peut à chaque page de ce livre suivre
à la trace la démarche parfois hésitante et compliquée mais en définitive ferme,
nous avons pu proposer cette définition qui n ’est, ni purement descriptive,
ni verbale, ni non plus tautologique : l ’H a l l u c in a t io n c ’est l ’a c te in c o n ­
s c ie n t PAR LEQUEL LE SUJET DÉSORGANISÉ DANS SON CORPS PSYCHIQUE EST DUPE
d ’une perception sans objet a percevoir (cf. supra, p. 21-25 et p. 45-52).
Le « corps psychique » dont nous avons si longuement décrit l’architec­
tonie, est un « appareil d’intégration » qui constitue l’organisation même de
l’être conscient, et c’est la désorganisation des structures synchroniques ou
diachroniques de l’être conscient que reflètent les Hallucinations délirantes.
A cet égard, il convient de distinguer deux grandes catégories d ’Halluci-
nations délirantes selon qu’elles dépendent des formes des délires qui sont les
effets d’une déstructuration des structures synchroniques du champ de la
conscience (expériences hallucinatoires délirantes) — ou qu’elles manifestent
une désorganisation (une aliénation) des structures diachroniques de l’être
conscient, c’est-à-dire du système de la personnalité (projection idéo-verbale
du travail délirant) que nous pouvons désigner comme Hallucinations noético-
affectives (1).
Quand le « corps psychique » n ’est désorganisé qu’au niveau de ses « organes
des sens » (au sens large bien entendu) comprenant les récepteurs (qui sont
aussi des sélecteurs et des prospecteurs) et les centres (analyseurs perceptifs
spécifiques), c’est-à-dire lorsqu’il n ’est désintégré que dans l’instrumentalité
de ces organes, cette désorganisation produit des « Éidolies hallucinosiques »
qui sont les fameuses « Hallucinations compatibles avec la raison » mais, bien
sûr, incompatibles avec le fonctionnement normal des organes et centres psy­
cho-sensoriels.
La désintégration « éidolo-hallucinosique » se produit au niveau de l’orga­
nisation des messages sensoriels » dont l’information est brouillée dans

(1) Si nous avons préféré ce terme rébarbatif à tant d’autres aussi rébarbatifs,
c’est peut-être pour nous rappeler que ce sont des phénomènes hallucinatoires qui
se prêtent le mieux à la thèse de « Noéphème » de P. Q uercy (pour admettre le plus
d’intellectualité ou de « discurvité ») — mais aussi et surtout pour lier, par cette
expression, les termes de croyance de projection affective et de travail intellectuel qui
constituent le noyau phénoménologique de ce type d’Hallucination.
1222 MODÈLE 0RGAN0-DYNAM 1QUE

certaines parties du champ perceptif. Selon les modalités et le niveau fonc­


tionnel (et non anatomique) de cette perte de l’information, comme nous le
verrons plus loin, cette désintégration donne naissance, ou à des phantéidolies
(travail partiel du rêve qui libère les phantasmes virtuels d’un champ perceptif
aboli en tout ou partie, ou à des figures protéidoliques (formes géométriques,
apparition de couleurs, de sons, ou de formes, ou de rythmes, en relation avec
les résidus ou les franges des signaux venus du monde objectif.
Sans doute, suffit-il, espérons-nous, de se rapporter à ce que nous avons
exposé de la phénoménologie des Hallucinations délirantes et de la phénomé­
nologie des Éidolies pour que cette classification échappe au reproche d ’être
artificiellement ajoutée à tant d’autres.
Si d’ailleurs une nouvelle démonstration de la « valeur » des catégories
qu’elle représente paraissait encore nécessaire, on la trouverait dans l’exposé
que nous allons faire maintenant des « processus hallucinogènes » dont les
diverses catégories d'Hallucinations dans la « réalité » clinique de leur diversité
naturelle sont les manifestations de leur diversité pathogénique.

— Après avoir établi à quel ordre se référait le désordre représenté par les
diverses catégories d'Hallucinations, nous devons maintenant envisager la
pathologie de ces « désordres ». Car il est bien vrai que si l’Hallucination paraît
toujours être une « apparition » (cette manière pour l’irréalité de paraître
réelle), nous ne pouvons nous contenter pour l’expliquer de recourir par une
sorte de pétition de principe à cette pure et simple apparition. Celle-ci exige
d’être considéiée comme l’effet d’une éclipse ou d’un crépuscule de la réalité
ou, plus exactement, d’une désorganisation du système de la réalité qui est inté­
gré dans l’organisation même de l’être conscient et dans ses bourgeons péri­
phériques que sont les organes des sens ou, plus exactement, les « systèmes
perceptifs spécifiques ». Et c’est ce que nous allons maintenant envisager pour
présenter les phénomènes hallucinatoires dans leur pathogénie.
CHAPITRE IV

LA CONDITION NÉGATIVE
DES PHÉNOMÈNES HALLUCINATOIRES
(LES PROCESSUS H A LLU CINO GÈN ES)

Nous avons, dès l’Avant-Propos, dans toutes les parties de cet ouvrage,
dénoncé l’erreur qui consiste à considérer l’Hallucination en tant que symptôme
positif (manifestant l’activité restante) sans la faire dépendre du trouble
négatif. Disons ici et une fois pour toutes, que l’Hallucination constitue tou­
jours et nécessairement une production, mais une production qui échappe au
contrôle de l’être conscient, ce qui n’est jamais le cas pour la « creativity » (1)
esthétique ou poétique. Nul plus que nous n’est sensible à la donation de
sens, à l ’activité, à l’intuition qui implique toute Hallucination même dans sa
forme éidolique; mais nul moins que nous ne peut consentir à confondre
Phalluciner avec la libre création de l’esprit.
L’Hallucination apparaît « positivement » comme une figure, mais elle
se présente sur un fond sur lequel elle se détache. De telle sorte que le véritable
problème pathogénique de l’Hallucination est de savoir quelles relations cau­
sales lient la figure au fond. Sa solution exige que soit établie d ’abord l’organi­
sation même du champ qui seule régit les rapports structuraux et génétiques
des parties au tout. Cela revient à dire que la manifestation positive de la figure
(sa configuration hallucinatoire) est une apparence vécue par l’halluciné,
comme un objet réel qui est là, irrécusable et inconditionnel, comme un absolu
de vécu ou de perçu, tandis qu’au regard du clinicien et spécialement du patho­
logiste, elle est un symptôme, un signe, qui ne se manifeste pas seulement par
son apparition mais qui manifeste par son apparition un arrière-fond dont il est
l’effet. Et, en fin de compte, c’est le problème du fond, ou de l’arrière-fond, ou
de la couche originaire d’où émerge l’Hallucination qui est l’ultime question
à laquelle doit répondre une théorie pathogénique de l’Hallucination.

(1) S. F. B auer (in K eup , 1970) reprend tout naturellement à son compte cette
illusion qui consiste à confondre le sens « adaptatif » ou « homéostasique » du symp­
tôme à la puissance de création de la pensée.
1224 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

Nous avons déjà vu en réfutant les modèles linéaires, mécanistes et psycho­


géniques, que le phénomène hallucinatoire n’était pas l’efiFet direct d ’une exci­
tation mécanique ou libidinale; autrement dit, que la positivité de son appari­
tion n’était pas l’effet d’une causalité simple, celle d ’une génération de l’effet
(l’Hallucination) par sa cause homogène (mécanique ou affective). Or, dire
que l ’apparition de l ’Hallucination dépend d’une causalité complexe ne veut
pas dire autre chose que ceci : savoir quelle est l’effet secondaire d’une causalité
hétérogène. L ’indice d’une telle hétérogénéité, l’Hallucination la porte en
elle-même. Si les analyses de la structure hallucinatoire que nous avons pré­
sentées tout au long de cet ouvrage sont exactes, il doit être évident que l’Hal­
lucination tout en « se donnant » (s’offrant par l ’halluciné à l’observation de
tous et spécialement du clinicien) comme un phénomène pur et simple, se pré­
sente aussi dans une structure d’erreur et de contradiction qui fait de ce phé­
nomène le paradoxe, le scandale, l’imposture par quoi il s’impose comme une
falsification radicale du statut perceptif. De telle sorte que le phénomène
hallucinatoire en s’affirmant dans la perception d ’un objet (fût-il comme dans
les Éidolies « imaginaire »), attesté par la sensorialité incontestable de sa pré­
sentation, nie par cette affirmation même que quelque chose d ’autre que ce qui
est objectivé par l’Hallucination (son contenu, c’est-à-dire sa thématique, ou
sa dramatique, ou son esthétique) soit sous-jacent (dans les coulisses, dans
l’arrière-fond ou dans le contexte) à son apparition. Et en cela l ’Hallucination
se présente bien en effet comme valant pour une perception, car ce que nous
percevons nous saute aux yeux ou aux oreilles, s’impose à nous avec l’évidence
d’un objet détaché de toute pénombre ou de toute suspicion néantisante.
Même si la perception normale implique que l’objet ne soit saisi que par ses
esquisses et ses profils, ce n ’est que lorsque ceux-ci disparaissent qu’apparaît
dans son objectivité massive le perceptum. L ’Hallucination en prenant le
masque en jouant le rôle d’une perception nie donc radicalement le non-être
de l’objet halluciné et, par conséquent, l’épaisseur d ’erreur ou l’atmosphère
d’illusion qui l ’engendre. C ’est cette négation qui permet à l’hallucinant d’affir­
mer qu’il n'halluciné pas du tout (Hallucination délirante) ou seulement
à moitié (Éidolie hallucinosique). Nous pouvons donc pressentir que la thèse
de la structure négative de l’Hallucination que nous allons exposer est conforme
à la phénoménologie même de l’Hallucination qui est avant et après tout une
illusion, une illusion qui ne peut se déprendre d’elle-même et résiste à sa rectifi­
cation et qui, par conséquent, ne peut se comprendre et s’expliquer qu’en recou­
rant à une distorsion du système de la réalité à quelque niveau que s’opère
son altération radicale. La thèse de la négativité du phénomène hallucinatoire
correspond donc très exactement à ce qu’est « réellement » l’Hallucination :
une altération du statut de la réalité. Voilà pourquoi nous rejoignons ici l’opi­
nion de tous les auteurs qui ont été plus particulièrement sensibles à la structure
d’erreur ou de croyance illusoire et incoercible, au bouleversement des structures
de la conscience ou à la désorganisation du champ perceptif en tant que ces
troubles entrent dans l’acte hallucinatoire pour métamorphoser et même inver­
ser le sens des sens.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — NOTION DE DÉSORGANISATION 1225

A. — L E M O D È L E « JA CK SO N IEN » D E LA N É G A T IV IT É
D U TROUBLE HA LLU CINA TOIRE

Le mérite de la théorie pathogénique de la négativité fondamentale ou for­


melle de l’Hallucination revient incontestablement à Hughlings Jackson,
non point parce qu’il a découvert l’analogie de l’Hallucination, du rêve et du
délire connue depuis toujours et redécouverte périodiquement par tous les
philosophes, psychologues, physiologistes ou médecins depuis Aristote (et
certainement bien avant lui), mais parce qu’il a le premier formulé une théorie
systématique du concept de maladie mentale qui l’arrache tout à la fois à une
pure, directe et complète mécanicité physique et à une pure, directe et complète
intentionnalité psychique. Et si nous avons donné toujours tant d’importance
à la conception jacksonienne des « processus de dissolution » dans la patho­
logie de la vie de relation, c’est parce que (malgré la gênante généalogie évolu­
tionniste et spencérienne de ses idées), elle est la seule qui permette de rassem­
bler dans une hypothèse fondamentale tous les faits clinques que la Psychiatrie
a déchiffrés et toutes les théories que les Psychiatres qui ne se sont pas laissé
prendre aux jeux de la mécanique cérébrale ou à ceux des phantasmes du désir,
ont d ’un commun accord élaborées pour comprendre et expliquer les maladies
mentales et, par voie de conséquence, les Hallucinations qui en constituent le
modèle imprescriptible.
Bien entendu, la fameuse distinction entre comprendre (Verstehen) et expli­
quer (Erklären ) est au centre de toutes les discussions pathogéniques en Psycho­
pathologie, cette distinction des deux fonctions de la connaissance de l’homme
(la fonction proprement causale de l’explication et la fonction proprement
sémantique de la compréhension) est sans cesse reprise ou remise en question
depuis Droysen et Dilthey et revient en effet constamment dans les discus­
sions pathogéniques depuis K. Jaspers jusqu’aux discussions interminables
sur la psychogenèse (cf. C. R. du Colloque de Bonneval, 1947, et les discussions
qui nous ont dès ce moment opposé à J. Lacan). Or, l’exigence de cette dualité
de points de vue, ou plus exactement de leur complémentarité, n ’est évidente
que dans et par le recours à la notion d ’organisation du corps psychique tel
que nous l ’avons retracé plus haut et qui constitue le seul modèle proprement
jaksonien sur lequel puisse s’édifier une psychiatrie organodynamique. Para­
doxalement, H. Jackson l’a lui-même manqué en adoptant une théorie de la
concomitance du corps et de l’esprit, c’est-à-dire en fin de compte de la juxta­
position paralléliste des deux modalités de connaissance (expliquer et compren­
dre) dont l’une exclut l’autre.
En ce qui concerne le problème de l’Hallucination, il s’agit en effet non pas
de l’expliquer par des causes physiques et mécaniques ou de la comprendre
seulement par des motivations psychologiques, il s’agit de la saisir pour ce
qu’elle est : un phénomène qui n’apparaît dans sa positivité (ou son sens)
que dans et par la négativité (ou la désorganisation) dont elle est l’effet.
1226 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

De telle sorte que sa vraie causalité s’exerce par le processus même de désorga­
nisation, c’est-à-dire de régression, de déstructuration, de désintégration, tous
concepts négatifs visant le désordre qui détruit l’ordre, l’architectonie du corps
psychique. Tels sont le sens et l’importance que nous avons toujours entendu
donner à la conception de Hughlings Jackson donc il faut bien comprendre
qu’elle n ’est pas un simple elfet de mode ou de hasard, un simple reflet d ’un
évolutionnisme « dépassé ». H. Jackson a visé le processus pathologique dans
son mouvement même, dans son sens qui est essentiellement celui de la désorga­
nisation de l’organisme vivant, et pour la Psychopathologie la désorganisation
de l’organisme psychique.

Nous ne pouvons pas (ni ne voulons) ici reprendre le mémoire que nous avons écrit
avec J. Rouart (1) il y a plus de trente ans sur l’importance de la conception de Hugh­
lings Jackson. Le lecteur y trouvera (notamment dans les notes de la première partie)
de larges extraits des trois fameuses « Croonian Lectures » (1884) publiées cette même
année sous le titre « Évolution and Dissolution of the nervous System » (in Selected
Writings publiés par Taylor à Londres, éd. Hodder et Stougthon, 1932, II, p. 45-75).
Ce texte fondamental fut précédé dans l’œuvre de l’illustre neurologue anglais par
un premier mémoire « On some implications of dissolution of the nervous System »
publié en 1882 (in Selected Writings, II, p. 29-44), suivi de « Remarks on évolution
and dissolution of the nervous System » publié en 1887 (in Selected Writings, Il
p. 76-118). Mais pour avoir une idée aussi complète que possible de la pensée de
H. Jackson sur les maladies mentales, il faut se rapporter à son travail « The factors
of insanities » paru en 1894 (in Selected Writings, II, p. 411-421). C’est l’exposé de
ce mémoire qui doit maintenant ici compléter le modèle architectonique jacksonien
que nous avons présenté plus haut (p. 108)). Nous ne craignons pas de rappeler ici
pour en éclairer le sens l’essentiel de la théorie générale de Jackson.
Une « affection nerveuse » ne peut se comprendre et s’expliquer, nous l’avons vu
que si l’on dispose d’un schéma hiérarchisé des centres et fonctions nerveuses, car l’idée
même de dissolution suppose d’abord celle d’évolution (nous préférons, quant à nous,
le mot et le concept d’organisation). Cette hiérarchie nous montre une « superposi­
tion » des structures anatomo-physiologiques dont les plus inférieures sont les plus
fixes et spécifiques, et les plus élevées sont les plus labiles et les plus personnelles (Prin­
cipe de l’évolution ou de la hiérarchie des fonctions nerveuses) (1).

(1) Henri Ey et Julien R ouart : « Essai d’application des principes de J ackson


à une conception dynamique de la Neuro-Psychiatrie », Encéphale, 1936, 31,1, p. 313-
356, et H, p. 30-60 et p. 96-123. Le lecteur a lu au début de cette Partie un exposé
de la conception générale de H. J ackson. Ici nous ne faisons mention que de son
application à la Psychiatrie selon « The factors o f insanities » (1894). Son actualité
a été récemment soulignée par Ph. Evans (Brain, 1972, 95, p. 413-440).
(1) L’évolution, c’est le passage de l’organisé au labile, idée reprise par Nico­
lai H artman, comme le rappelle R. J ung (cf. supra, p. 1098), qui pourtant n’est guère
attiré par le modèle jacksonien qu’il trouve, non sans raison, trop dualiste. Assez
curieusement cette idée est exactement le contraire de l’idée de F reud qui considère
que l’énergie est libre dans les processus inconscients primaires et qu’elle est liée
au niveau de la conscience. Le vrai est que l’inférieur se caractérise par le « mouve-
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — H. JACKSON 1227

Toute affection nerveuse est un processus de dissolution qui est le contraire du


processus de l’évolution. C’est un processus de « non » — de « in » — de « dé » —
« développement », une chute du moins organisée, du plus complexe et du plus volon­
taire vers le plus simple et le plus automatique (Jackson explique qu’il emploie le
mot « vers » pour indiquer qu’il s’agit seulement d’une tendance qui ne parvient pas
à ses fins dernières que serait alors la mort...). Il distingue parmi les dissolutions,
des dissolutions globales (uniformes) et des dissolutions locales; distinction dont
l’intérêt pour notre propre étude pathogénique de l’Hallucination est décisif. Ce pro­
cessus de dissolution ne crée pas, il libère les instances (arrangement) sous-jacentes.
Selon, dit Jackson, le principe qu’il a emprunté à Anstie : ce qui se manifeste au niveau
des symptômes n’est pas l’effet direct de la dissolution (is not caused but is permit-
ted) (1).
D’où le troisième grand principe de la pathologie jacksonienne (la distinction
des symptômes négatifs et des symptômes positifs). La maladie ne produit directe­
ment que des symptômes négatifs répondant à la dissolution (à ce qui constitue la
lésion négative). Par contre, tous les symptômes positifs sont le résultat de l’activité
subsistante des niveaux inférieurs.
Ces principes ont été longuement exposés et discutés à propos des faits de patho­
logie nerveuse et notamment à propos de l’épilepsie qui est la clé de voûte de la patho­
logie jacksonienne. Il est à cet égard très remarquable que Jackson se soit pour ainsi
dire malgré lui occupé des faits psychopathologiques qui, effectivement, se prêtent
encore mieux que la pathologie sensori-motrice à l’analyse structurale des relations
du positif et du négatif dans le tableau clinique (2).

ment libre » (automatique), et le supérieur par le « libre mouvement » (intégré dans


le système de la réalité).
(1) Cette formule est celle d’une causalité proprement biologique, en ce sens que
la cause n’est pas seulement la cause mécanique et extérieure qui produit les chan­
gements du monde physique mais qu’elle ne devient efficiente que dans et par la fina­
lité même de l’organisme à laquelle elle participe, fût-ce pour la désorganiser. De telle
sorte qu’entre le processus de dissolution et sa manifestation clinique il y a toujours
une zone intermédiaire (écart organo-clinique).
(2) L’intérêt des Psychiatres pour la doctrine jacksonienne ne s’est guère éveillé
que depuis quelques années, encore que son esprit animât pour ainsi dire par avance
l ’œuvre de M oreau de T ours puis celle de Th. R ibot, comme il a inspiré les grandes
conceptions de C. S. S herrington , de H. H ead ou de K. G oldstein en Neurologie.
Chez les Anglo-américains la chose est plus étonnante encore que pour les Psychiatres
des autres pays. Seul Max L evin dans de multiples publications (Archive o f Neurology
and Psychiatry, 1933 — J. o f nervous and mental Dis., 1957, 125, p. 308-311 — Ame­
rican J. of Psychiatry, 1960,117, p. 142-146) s’est appliqué à montrer que le principe
jacksonien fournissait un modèle théorique inégalable pour l’explication des Hal­
lucinations et du délire. Ph. E vans (Brain, 1972) s’est employé à combler cette
lacune. — En ce qui concerne l’Hallucination, Max L evin (1957) rappelle que pour
H. J ackson l’image (vivid image) hallucinatoire se distingue de la représentation
(faint-image) parce qu’elle est liée, comme dans le rêve, à un arc réflexe complet
(disons à une organisation fixe), tandis que la représentation est plus libre (the reflex
action is incomplète and weak). Max L evin a tout à fait raison de souligner l’impor­
tance de ce facteur essentiel (de « dédifférentation » ou de « régression ») et, par là,
il souligne l’importance du facteur de dissolution dans l’apparition des phénomènes
1228 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

Dans son fameux mémoire « Dissolution in post-epileptic condition » (paru


dans le Medical Press and Circular en 1881 et in Selected Writings, t. 2, p. 3-44),
H. Jackson après avoir rappelé l’inspiration spencérienne (1) de sa théorie de la mala­
die nerveuse fondée sur l’idée d’évolution et l’idée de superposition des centres et
fonctions du système nerveux, entreprend d’étudier les conditions pathogéniques
de l’état post-épileptique qui réalisent une sorte de semi-somnambulisme, de « folie
transitoire » (manie post-épileptique). 11 analyse ensuite (section III) les degrés de
cette « condition épileptique » qui, tantôt manifeste une activité supérieure (idéation
épileptique, dreamy state), tantôt une activité inférieure (manifestations végétatives).
Il analyse alors le dreamy state qui constitue le premier degré de la « post-epileptic
condition » et est caractérisé par le statut « nascens » ou « incipiens » de la perception
qui correspond à l’idéation du rêve. Le deuxième degré est celui de l’automatisme
moteur et le troisième celui des troubles organo-végétatifs. Dès cette époque et à pro­
pos de ces états crépusculaires épileptiques, H. Jackson a eu l’intuition de leur « double
condition » (section IV de ce mémoire de 1881) : « in each degree the patients condi­
tions is thus duplex », en ce sens que si certaines capacités sont perdues (éléments
négatifs) il en persiste encore dont l’activité forme le tableau clinique (éléments posi­
tifs). Les éléments négatifs sont en rapport direct avec ce que le processus de décharge
(nous dirions de synchronisation neuronale) produit. Us manifestent une perte de
fonction (loss of function) qui se traduit cliniquement par la confusion, le « defect
of consciousness ». Quant à la nature des éléments positifs, ils sont en eux-mêmes
« sains » et seulement émancipés (insubordination from loss of contrôle) échappant
au contrôle de l’activité supérieure. Mais, dit Jackson, il ne saurait être considéré
que la décharge épileptique soit responsable directement de leur positivité, celle-ci
dépend indirectement des contrôles supérieurs mis « hors de combat » (expression
française précisément employée par Jackson dans ce texte, p. 16).
L’application de ces principes fondamentaux aux maladies mentales en général
conduit H. Jackson, dans son Mémoire « The factors of insanity », 1894) à préciser
sa conception de la double structure complémentaire d’un état pathologique. « On dit,
précise-t-il, que la « maladie est cause de la folie. Je précise que la maladie ne produit
« que des symptômes mentaux négatifs répondant à la dissolution, et que tous
« les symptômes mentaux positifs complexes (illusions, Hallucinations, délire

psychopathologiques et notamment des Hallucinations. Mais en épousant peut-être


trop étroitement la conception proprement anatomique de H. J ackson , il en vient
à une interprétation de la désintégration (indépendance horizontale et verticale des
centres superposés) qui aboutit au concept de « désintégration en briques » de C. von
M onakow et R. M ourgue (Introduction neurobiologique à l’étude de la neurologie et
de la psychopathologie, 1928), c’est-à-dire à admettre que la symptomatologie psychia­
trique peut être aussi anarchique que la symptomatologie neurologique qui, dépen­
dant des désintégrations partielles, peut les juxtaposer en mosaïque hétéroclite, idée
qui enchante G. D eleuze et coll. (L'Anti-œdipe, 1972, p. 48). Pour nous, la dissolution
uniforme typique (la désorganisation globale) de l’être psychique constitue l’objet
même de la psychiatrie. De telle sorte que les « Éidolies hallucinosiques » font plus
nettement partie (cliniquement et traditionnellement) de la Neurologie (cf. à ce sujet
mon Rapport sur « Neurologie et Psychiatrie », éd. Hartmann, Paris, 1947).
(1) Il se réfère explicitement aux travaux de L aycock (1844) et Henry M unro
(1851). Ce dernier sans ses « Remarks o f insanity » (1851) avait soutenu l’idée que
tout état psychopathologique avait une double condition négative et positive.
PATHOGÉNIE NÉGATIVE — H. JACKSON 1229

« et conduites extravagantes) sont le résultat de l’activité d’éléments nerveux non


« affectés par le processus pathologique, qu’ils se manifestent pendant l’activité
« au niveau inférieur de l’évolution qui persiste... Les idées les plus absurdes et les
« actions les plus extravagantes des aliénés sont les survivantes de leurs états les
« mieux adaptés. Les illusions d’un aliéné ne sont pas causées par la maladie mais
« sont le résultat de ce qui reste de lui (de ce que la maladie a épargné)... Ses illu-
« sions, etc. sont son esprit ». Et dans les « Croonian Lectures » dont ces lignes sont
extraites, il insiste encore sur la positivité en quelque sorte saine des idées, perceptions
ou illusions qui témoignent de l’activité subsistante qui reste encore possible sous
la condition de la lésion négative. Ce qu’il a écrit (dans la 3e lecture) sur l’évolution
interne des niveaux inférieurs dont l’activité constitue la « part positive » de la maladie,
constitue donc une remarquable contribution à la psychopathologie dynamique.
Mais à exalter en quelque sorte la positivité de la part subsistante, Jackson n’en
perd pas moins le sens même de sa pathologie essentiellement négative. Car, en der­
nière analyse, ce sont les degrés de dissolution qui sont le facteur des divers degrés de
folie (1894). « En toute folie, écrit-il au début de ce mémoire, une plus « ou moins
« grande part de centres cérébraux supérieurs est mise hors de fonctionnement d’une
« manière temporaire ou permanente par quelques processus pathologiques... I l y a
« toujours, dit-il, perte de fonction (terme qu’il dit préférer à lésion négative) ».
Ainsi la caractéristique peut-être la plus importante — et souvent la plus mécon­
nue — de la pathologie jacksonienne, c’est que tout en admettant la condition primor­
diale du trouble négatif (dissolution ou régression), elle laisse une place très impor­
tante au dynamisme réactionnel des parties subsistantes.
C’est bien ce que pour notre part nous avons voulu exprimer en parlant de l’écart
organo-clinique qui sépare l’intentionnalité positive formatrice des symptômes de la
maladie et de son évolution — de sa condition négative. Mais qui sépare aussi l’atti­
tude scientifique du Psychiatre qui essaie de comprendre, au moins autant que
d’expliquer, de l’attitude naïve de ces mécaniciens de la Psychiatrie qui entendent
réduire les symptômes, notamment les Hallucinations, à être des effets mécaniques du
processus cérébral, à les « expliquer » sans pouvoir jamais les « comprendre ». Ceci
précisément nous fait revenir à notre Sujet en examinant la position de H. Jakcson
sur les Hallucinations, ou plus exactement, sur ce qu’il appelle les illusions.
C’est dans son mémoire de 1881 (« Remarks on Dissolution of the ner-
vous System as exemplified by certain post-epileptic conditions », in Selected
Writmgs, II, p. 1-28) que Jackson a envisagé le problème des illusions (1). Ces phé­
nomènes sont envisagés comme des « éléments positifs » mais toujours dans la perspec­
tive fondamentale de la pathologie jacksonienne (« La Maladie, répète-t-il, la modifi-
« cation pathologique est la cause d ’états fonctionnels négatifs, elle met les éléments
« du système nerveux hors de combat; à ses conditions physiques négatives répondent
« des états mentaux négatifs. Un malade qui délire ne « voit pas un rat » au moyen
« des structures tissulaires altérées, pas plus qu’un aphasique ne dit non ou ne profère
« des jurons au moyen de la portion ramollie de son cerveau... Mais toutes les illu-
« sions, états mentaux positifs sont nécessairement accompagnés dans une certaine
« mesure d ’états mentaux négatifs... Manifestement, l’ivrogne qui « voit un rat »

(1) La traduction partielle 4e ce texte figure dans le Mémoire que J. R ouart


et moi-même avons publié (Encéphale, 1936).
1230 MODÈLE ORGANO-D YNAMIQUE

« ne voit pas une mouche ») (1). L’état mental est évidemment double : négatif et
positif. Les illusions constituent le côté psychique (the psychical sidé) d’états parti­
culièrement élaborés, et H. Jackson semble admettre (comme Baillarger, cf. plus loin)
que les phénomènes illusionnels impliquent une sorte de participation automatique,
mais très active, des irradiations psychosensorielles. Autrement dit (et nous l’avons
souligné dans la note 11 de notre traduction de 1936), H. Jackson sur ce point en
conférant à la part positive une importance qui lui fait prendre le pas sur la part
négative, en vient à réintroduire une certaine charge d’excitation (irritation, dit-il,
ou irradiation) positive (2) dans le déterminisme de l’illusion. Mais cette hésitation
dans la théorie, cette tendance à dévier de ses principes essentiels (en donnant une
importance quasi démesurée au travail positif de l’illusion et de l’Hallucination qui,
affirme-t-il, doivent être à cet égard rapprochées) est rapidement compensée lorsque
dans la suite (p. 27) du Mémoire (partie non traduite par nous en 1936) il réintroduit
la notion de négativité dans la structure même de l’élément positif. Il dit à ce sujet que
la « positive condition est elle-même double, car « it is abnormal States : one imperfect
by deficit and perfect by excess ».

Et c’est bien ainsi que le modèle jacksonien du phénomène hallucinatoire


doit être pour nous un guide, car il implique tout à la fois un désordre primor­
dial de l’organisation psycho-sensorielle et une force qui anime sa manifes­
tation clinique.

B. — HISTORIQUE DE LA THÉORIE ORGANO-DYNAMIQUE


DE L’HALLUCINATION CONSIDÉRÉE
COMME L’EFFET POSITIF
D’UN TROUBLE NÉGATIF PRIMORDIAL

L’idée directrice qui a animé la plupart des grandes œuvres classiques sur
l’Hallucination est qu’elle est une partie ou un effet du Délire. Elle apparaît
donc secondaire à ce trouble général qui, sous le nom de Délire, englobe
une grande diversité de tableaux cliniques aigus ou chroniques plus ou moins
hallucinatoires et considérés eux-mêmes comme secondaires (positifs) par
rapport au processus (négatif) générateur, et plus ou moins analogues au Rêve.
Tel a été, en effet, le thème des plus grandes discussions sur la nature de l’Hal­
lucination et sa pathogénie.

(1) Cela revient à dire, me semble-t-il, que voir un rat qui n’existe pas c’est nier
en même temps l’infinité virtuelle de tous les « objets » possibles; c’est ne faire appa­
raître le rat que dans et par la suppression du contrôle qui maintient l’infinité des
possibles dans une égale improbabilité d’actualisation.
(2) La positivité étant ce qui reste sain (healhy), cela revient dès lors à ne plus rendre
compte du caractère pathologique de l’Hallucination.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — ESQUIROL, BAILLARGER 1231

D*Esquirol à B a illarger. — Esquirol (1) dans son Mémoire de 1817(incor-


poré dans son livre « Maladies Mentales », 1838) commence par dire que l’Hal­
lucination est un symptôme du Délire (2). Mais en 1832, dans un texte intitulé
« Des illusions des sens. Erreur des sens », il rappelle avoir déjà indiqué, en 1817,
que les Hallucinations ont lieu chez des hommes qui n’ont jamais déliré; et il
souligne que ces erreurs des sens, comme les Hallucinations du Délire, sont dues
à des lésions des nerfs et du cerveau. Cependant il leur échappe de dire que
certaines Hallucinations délirantes sont « isolées » chez les mono-maniaques (3).
Quoi qu’il en soit, après avoir mis l’accent sur le caractère secondaire de l’Hallu­
cination par rapport au Délire, il en est venu à admettre que l’Hallucination
peut se constituer hors du délire, qu’elle est, pour reprendre encore l’expression
classique, « compatible avec la raison » ou, comme nous le disons, qu’elle peut
avoir une structure éidolique.
Dès lors, tous les auteurs se partagent assez facilement en deux camps :
ceux qui n ’envisagent que l’Hallucination délirante et ceux qui ne tiennent
compte pour la théorie de l’Hallucination que des Éidolies, c’est-à-dire, d ’une
part ceux qui tiennent l ’Hallucination pour l’effet secondaire d’un « trouble »
plus général (facteur négatif de Jackson), d’autre part ceux qui la tiennent pour
une anomalie sensorielle élémentaire (sans dépendance d’un trouble négatif).
Toutes les discussions de 1855 ont gravité autour de ce partage d’opinions.
Nous devons d ’abord indiquer la position de Baillarger qui est un des pre­
miers auteurs à avoir mis l’accent sur l’état psychique anormal qui constitue
la condition même de l’Hallucination.

Pour J. Baillarger (1846) (4), le mécanisme de l’Hallucination est et sera probable­


ment toujours inexplicable (p. 277). Cela ne l’empêche pas d’essayer de la comprendre

(1) On trouvera dans mon travail — déjà cité dans le chapitre Histoire des idées —
sur « Esquirol et le problème des Hallucinations », un exposé (1939) de la conception du
grand aliéniste français (cf. supra, p. 79-84).
(2) « Il existe une certaine forme de délire dans lequel les individus croient, tantôt
par un sens, tantôt par un autre, tantôt par plusieurs à la fois, percevoir des sensations...
Ainsi un homme en délire entend parler, interroge, répond, discute, se fâche, entend les
harmonies célestes, les chants des oiseaux, un concert, et personne ne lui parle et nulle
voix n’est à sa portée; tout autour de lui est dans le plus profond silence. Celui qui est
en délire, celui qui rêve, ne pouvant commander à son attention, ne peut la diriger
ni la détourner de ces objets fantastiques; il reste livré à ses Hallucinations, à ses
rêves... Chez celui qui rêve, les idées de la veille se continuent pendant le sommeil,
tandis que celui qui est dans le délire achève pour ainsi dire son rêve quoique tout
éveillé... (Maladies mentales, 1838, p. 189).
(3) N aturellem ent J. P. F alret, le grand adversaire des m onom anies, p rit sur
ce point le contrepied de la position d ’EsQuiROL. D ans sa pénétrante et classique
analyse d u travail du D élire, il m ontre précisém ent que celui-ci ne peut être réduit
à un phénom ène simple.
(4) J. B aillarger . Mémoire à TAcadémie de Médecine, 1842 (C. R., p. 273-515)
et Recherches sur les Maladies mentales, Paris, Masson, 1853, p. 169-315.
1232 MODÈLE ORGANO-D YNAMIQ UE

et de l’expliquer, et c’est l’objet de son fameux Mémoire « Des Hallucinations, des


causes qui les produisent et des maladies qu'elles caractérisent ». Dans le premier cha­
pitre (du § 1 au § 5) de son Mémoire, il décrit les diverses Hallucinations et notamment
les Hallucinations de l’ouïe « qui sont les plus fréquentes ». (Il insiste sur le phénomène
d’écho des pensées ou des paroles — sur le fait que l’halluciné converse avec des voix
différentes — que certains peuvent reproduire leur fausse perception sensorielle
à volonté — que les Hallucinations de l’ouïe sont presque constantes chez les aliénés
atteints de surdité). Pour ce qui est des Hallucinations de la vue, dit J. Baillarger, elles
se prêtent mieux à une étude car elles sont plus vives, nettes (il insiste sur la persistance
des images hallucinatoires qui parfois ne s’effacent que lentement — sur le fait que
les aveugles ont quelquefois des Hallucinations). En ce qui concerne les Hallucinations
de la sensibilité générale, il est, dit-il, presque impossible de distinguer les illusions
et les Hallucinations (p. 366). Somme toute, cette première partie du Mémoire est
une excellente étude séméiologique des phénomènes hallucinatoires, et ce que nous
avons pu y ajouter depuis n’en diminue ni l’importance ni la validité.
Le deuxième chapitre (du § 5 au § 84) est consacré à la notion d’Hallucination,
c’est-à-dire au problème de savoir, dit-il, si l’Hallucination est de nature intellectuelle
et tout à fait indépendante des appareils sensoriaux ou si elle est de nature sensorielle,
c’est-à-dire si elle exige la participation des organes des sens (p. 367). En posant cette
question, J. Baillarger la résout par sa distinction fondamentale : il y a des Hallucina­
tions psychosensorielles et des Hallucinations psychiques. L’existence des premières
est prouvée par le témoignage des hallucinés sains d’esprit (thème qui, nous l’avons vu,
vise le fond du problème posé par la généralité du genre hallucinatoire) et généralement
de tous les hallucinés qui donnent tant de détails sur la manière dont ils sont sensoriel­
lement impressionnés — Quant aux Hallucinations psychiques, elles correspondent
à ce que les mystiques appellent des « voix intellectuelles » ou des « odeurs spirituelles »,
ou que certains malades appellent le « sens de la pensée » (sixième sens ou des voix
intérieures).
A partir du paragraphe 85 jusqu’au paragraphe 107 enfin, Baillarger aborde le
problème qui nous intéresse particulièrement ici : le mode de production des Hal­
lucinations. Trois conditions sont nécessaires, selon lui, pour la production des Hal­
lucinations : l’exercice involontaire de la mémoire et de l’imagination — la suspension
des impressions externes et l’excitation interne des appareils sensoriaux. Ce qui est
visé par l’exercice involontaire de la mémoire et de l ’imagination et par les impressions
des impressions externes (87), c’est par exemple l’état intermédiaire de la veille et du
sommeil, l’état de rêve, l’état de mélancolie avec stupeur (tandis que, au contraire,
la vigilance ou exercice actif des facultés dissipe les Hallucinations (88). De telle sorte
que pour Baillarger (comme pour Moreau de Tours, la condition des Hallucinations
réside dans un bouleversement des facultés psychiques qui réalise un état spécial (90
et 91), un « état d’Hallucination » caractérisé par la perte de conscience, de temps,
de lieux et des objets environnants et par l’exercice tout à fait involontaire de la
mémoire et de l’imagination. On a tort de comparer les hallucinés à des gens qui vivent
tout éveillés, car en réalité ils ne sont pas complètement éveillés (94). C’est donc une
condition essentiellement négative, la perte des facultés psychiques et un Certain degré
de déstructuration de la conscience qui constituent pour Baillarger, au fond, le même
état primordial de délire que devait décrire quelques années plus tard Moreau de Tours.
Il y a lieu de noter que la troisième condition (l’excitation interne des appareils senso­
riels est nécessaire à la production des Hallucinations) ne fait l’objet que d’un très
bref commentaire (exactement 9 lignes formant le paragraphe 98). Encore faut-il
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — J. M OREAU (DE TOURS) 1233

ajouter qu’anticipant sur nos propres conclusions, BaiUarger admet que lorsqu’il y a
des « éléments sensoriels », ceux-ci sont causés par un trouble des organes des
sens (101). Pour montrer que l’Hallucination ne peut pas être un phénomène primi­
tivement sensoriel (allant du dehors au dedans, dit-il) Baillarger accumule les argu­
ments, car quand les sens sont anormalement excités ils ne provoquent que des sen­
sations élémentaires (le fait que plusieurs sens sont intéressés exclut un phénomène
simplement sensoriel — le fait que les Hallucinations « reflètent » pour ainsi dire
les « idées délirantes »). Tous ces faits constituent, dit-il, des objections insolubles
à la théorie purement sensorielle.

On se rend compte à la lecture attentive de ce long et si remarquable Mémoire


du grand Clinicien, qu’à mesure qu’il accumule tant de faits et de réflexions la
nature sensorielle de l’Hallucination a reculé dans son esprit, c’est-à-dire que
la « condition négative » d’une désorganisation de ce que nous appellerons
les structures de l’être conscient et l’activité des organes des sens s’imposa de
plus en plus à son esprit. C ’est ce qui explique que le Mémoire soit suivi de
celui qu’il avait lu le 14 mai 1842 à l’Académie Royale de Médecine : « De
l'influence de l'état intermédiaire à la veille et au sommeil sur la production et
la marche des Hallucinations ». Pour si intéressantes que soient les observations
que ce texte relate, il a une valeur doctrinale inférieure (mis à part son titre
percutant) au Mémoire de 1844. C’est peut-être pour cela que lorsqu’on parle
généralement de la théorie des Hallucinations de Baillarger, on se contente
de citer ce titre. Il est vrai qu’il constitue à lui seul une conception en quelque
sorte pré-jacksonienne des Hallucinations et une anticipation à la doctrine de
Moreau (de Tours).
Aucune école, aucune génération de Psychiatres n’ont égalé l’école française
de 1845 à 1860 dans l’approfondissement des rapports de la folie, du rêve, du
Délire et des Hallucinations qui constituent le problème central de la Psycho­
pathologie, telle du moins que nous la concevons. Nous nous excusons de reve­
nir encore sur ce que nous avons déjà exposé plus haut dans les l re, 3e et 5e Par­
ties de cet ouvrage, notamment sur les rapports du rêve, de la folie et des
Hallucinations. Mais c’est ce leitmotiv qui soutient tout le mouvement d’idées
que nous rappelons ici.
Du côté de J. Baillarger et soutenant la thèse de l’importance primordiale
d ’un trouble global (plus ou moins proche du phénomène sommeil-rêve),
on trouve dans la fameuse discussion de 1855 à la Société Médico-Psycholo­
gique (qui suivit de près celle sur les rapports entre le rêve et le délire à l’Aca­
démie Impériale de Médecine) A. Maury, G. M. A. Ferrus, Piorry et, bien sûr,
Moreau (de Tours). C’est précisément le Mémoire de celui-ci qui avait mis le
feu aux poudres (1).

(1) On peut lire les mémoires et discussions à l'Académie impériale de Méde­


cine et à la Société Médico-Psychologique sur ce double thème (Rapports de
la folie et du rêve et nature de l’Hallucination) dans les Annales Médico-Psycho­
logiques (1853, p.360-408, p. 455-520, p. 527-549 et 1856, p. 126-140, p. 281-305,
1234 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE j

M orea u (d e T o u rs). — Et c’est en effet la grande figure de J. Moreau (de


Tours) que nous avons appelé un jour le « Jackson français » qui domine toutes
ces discussions pour avoir déjà écrit en 1845 son fameux ouvrage : « Du haschich
et de l’aliénation mentale ». Alors que les divers participants à ces joutes
mémorables s’égaraient dans des aspects partiels ou des thèses contradictoires,
alors que chacun prenait des positions différentes et incompatibles entre elles
sur les rapports de l’image et de la sensation, sur l’analogie de la folie et du
rêve, sur la cause psychique ou morale (Bousquet notamment) ou sur les
causes organiques et cérébrales (Parchappe et Peisse principalement), Moreau
(de Tours) partait, lui, de l’hypothèse fondamentale que quelque chose d ’ana­
logue sinon d ’identique au rêve se rencontrait dans la folie, le délire et les
Hallucinations. Il devait s’élever rapidement jusqu’à une théorie proprement
organo-dynamique du délire dont il faisait dépendre les Hallucinations (1).

La première thèse, c’est que le genre qui groupe toutes les espèces de maladies
mentales, est toujours caractérisée par un « bouleversement intérieur » (un proces­
sus au sens de Jaspers, notion dont nous usons constamment). Ce bouleversement
interne, le clinicien ne peut l’atteindre que par une sorte d’introspection expérimen­
tale (ou en recourant à une analyse existentielle de notre « rencontre » avec le délirant).
La seconde thèse générale de Moreau (de Tours), c’est que — contrairement à la
doctrine des monomanies — il n’y a pas d’idées fixes, d’idées délirantes ou d’Hal-
lucinations partielles. « Car tous les phénomènes du « délire sans exception tirent
« essentiellement leur origine de l’excitation, modification qui au point de vue psy-
« chologique on doit regarder comme identique à l’état de rêve ordinaire » (p. 181
du « Haschich »).
La troisième thèse, c’est l’importance de l’état d’excitation (correspondant assez
exactement malgré les apparences sémantiques du terme avec l’état de dissolution
de H. Jackson). « C’est, dit-il, un état tout ensemble de vague, d’incertitude, d’oscil-
« lation ou de mobilité des idées, qui se traduit souvent par leur incohérence. C’est,
« ajoute-t-il, une désagrégation, une véritable dissolution du composé intellectuel »
(p. 36 du « Haschich »).
Enfin, quatrième thèse, cet état constitue le <cfait primordial ». « Plus j ’appro-
« fondis ce singulier état de demi-sommeil, plus je suis porté à le regarder comme

p. 385-446). J ’ai en 1934 (Annales Médico-Psychologiques, 1935, /, p. 1-30) fait une


communication sur « La Discussion de 1855 » à la Société Médico-Psychologique,
(cf. p. 82 et p. 907) sur « l’Hallucination et l’état actuel du problème de l’activité halluci­
natoire », communication qui devait s'inscrire dans un débat général sur l’Hallucina­
tion que la mort tragique de G. de C lérambault interrompit ou, plus exactement,
empêcha.
(1) Cf. l’étude que j ’ai publiée avec H. M ignot : « La Psychopathologie de
J. M oreau (de T ours) ». Annales Médico-Psychologiques, 1947, II — la Préface que
j ’ai écrite pour la luxueuse réédition en 1970, par G. F erdière , du fameux ouvrage
« Du Hachisch et de l’Aliénation Mentale » (Paris, S. E. M. P., 3, rue Eugène-Dela­
croix).
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — J. M OREAU (DE TOURS) 1235

« le type de celui que l’on est convenu d’appeler délire d’aliénation mentale (p. 277).
« C’est lui qui est à la base du délire et des Hallucinations que provoque le haschich ».

Il parle à son sujet d’« état d’excitation », et dit alors :


« Nous usons de cette expression uniquement pour nous conformer au langage
« reçu, car autrement elle est loin de rendre fidèlement notre pensée. Comment dési-
« gner avec justesse cet état simple et complexe, tout ensemble, de vague, d’incer-
« titude, d’oscillation et de mobilité des idées qui se traduit souvent par une profonde
« incohérence ? C’est une désagrégation, une véritable dissolution du composé
« intellectuel qu’on nomme faculté morale; car on sent, dans cet état, qu’il
« se passe dans l’esprit quelque chose d’analogue à ce qui arrive lorsqu’un corps
« quelconque subit l’action dissolvante d’un autre corps. Le résultat est le même dans
« l’ordre siprituel et dans l’ordre matériel : la séparation, l’isolement des idées et
« des molécules dont l’union formait un tout harmonieux et complet (p. 36).
Il précise encore (note p. 225) « afin que l’on comprenne bien », qu’il attribue
à cette notion d’état d’excitation « le sens de celui d’une dissociation des idées ».
Et dans son fameux article de 1855 (de l’identité de l ’état de rêve et de la folie), écrit
pour répondre aux critiques de Delasiauve, il revient encore sur ce point :
« Le mot d’excitation dont je me suis servi pour caractériser le fait primordial
« a fait trop souvent prendre le change sur ma manière de voir. Je le retirerais
« si, encore aujourd’hui, et après mûre réflexion, je ne le considérais comme le moins
« défectueux de tous ceux que me fournit le vocabulaire, pour faire comprendre un
« état mental qui ne peut se révéler clairement qu’au sens intime. Mobilité croissante
« des actes de la faculté pensante, affaiblissement gradué du libre arbitre, nous les
« faisons converger vers un but déterminé, nous concentrons notre attention sur les
« unes à l’exclusion des autres, à notre gré, et par notre seule spontanéité; par suite,
« obscurcissement plus ou moins rapide de la conscience intime; et enfin, véritable
« transformation du moi qui, au lieu de la vie réelle, de la vie de l’état de veille, ne
« résume plus que la vie de l’imagination, la vie du sommeil... ».
On ne saurait mieux caractériser l’état de décomposition, de dissolution de l’état
psychique et la libération des automatismes qu’elle implique.
Les psychoses sont pour lui d’étiologie et de pathologie organiques quant au pro­
cessus générateur; elles constituent des types de dissolution dont l’aspect constant,
sous des formes diverses, est représenté par le « fait primordial » identique à celui
du rêve.
La distinction des effets directs et indirects du processus correspond à la notion
même « d’écart organo-clinique » que nous avons tirée de la conception jacksonienne
des troubles négatifs et positifs ou de la théorie bleulérienne des signes primaires ou
secondaires : « L’ébranlement général des facultés, en un mot, l’excitation constitue
« les effets immédiats. L’excitation est, comme nous l’avons dit tant de fois, le fait
« primordial ou générateur de tout désordre de l’esprit, mais elle est essentiellement
« étrangère aux formes particulières que ces désordres peuvent revêtir. Les effets
« secondaires tirent leur origine du genre de préoccupation dans lequel se trouvaient
« les individus au moment où ils ont fait usage des narcotiques, des idées particulières
« qui tenaient, en ce moment, la plus large place dans leur esprit, excitaient davantage
« leur attention et leurs affections... » (p. 202).
1236 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

En ce qui concerne les Hallucinations, Moreau (de Tours) insiste (p. 350-353)
sur leur caractère de subordination à l’état primordial dans un passage que nous
devons citer largement :
« A nos yeux, l’aliénation mentale constitue un mode d’existence à part, une
« sorte de vie intérieure dont les éléments, les matériaux ont nécessairement été puisés
« dans la vie réelle ou positive, dont elle n’est que le reflet et comme un écho intérieur.
« L’état de rêve en est l’expression la plus complète; on pourrait dire qu’il en est
« le type normal ou physiologique. A quelques égards, l’homme en état de rêve
« éprouve au suprême degré tous les symptômes de la folie : convictions délirantes,
« incohérence des idées, faux jugements, Hallucinations de tous les sens, terreurs,
« paniques, emportements, impulsions irrésistibles, etc. etc. Dans cet état, la conscience
« de nous-même de notre individualité réelle, de nos rapports avec le monde extérieur,
« la spontanéité, la liberté de notre activité intellectuelle sont suspendus ou, si l’on
« veut, s’exercent dans des conditions essentiellement differentes de l’état de veille.
« Une seule faculté surgit et acquiert une énergie, une puissance qui n’a plus de limites.
« De vassale qu’elle était dans l’état normal ou de veille, l’imagination devient souve-
« raine, absorbe pour ainsi dire et résume en elle toute l’activité cérébrale; la folle
« du logis en est devenue la maîtresse. De ces données générales il résulte : 1° qu’il
« n’existe pas, ainsi que nous l’avons dit précédemment, à proprement parler, d 'Hal­
it lucinations, mais bien un état hallucinatoire-, 2° il faut voir dans les Hallucinations
« un phénomène psychologique très complexe qui n’est, pour ainsi dire, qu’un côté,
« une face de l’activité de l’âme vivant de la seule vie intra-cérébrale; 3° l’état hallu-
« cinatoire comprend nécessairement tout ce qui, dans l’exercice des facultés morales,
« a trait aux sens spéciaux, à la sensibilité générale externe et interne. Dans cet état,
« identique (au point de vue psychique) à l’état de rêve, l’âme livrée tout entière
« à la vie intérieure, diversement impressionnée dans ses facultés auditives, visuelles,
« tactiles, transporte dans la vie réelle ou extérieure les produits ou créations de son
« imagination et se persuade avoir entendu, vu, touché, comme dans l’état ordinaire,
« tandis que, en réalité, elle n’a fait qu’imaginer, voir, entendre et toucher. Dans l’état
« ordinaire ou normal, s’imaginer être impressionné de telle ou de telle manière,
« diffère essentiellement d’être impressionné réellement. Mais il n’en est pas ainsi
« quand nous sommes en état de rêve; car alors plus de différence aucune, et le rêveur
« est aussi réellement impressionné que l’homme qui est en état de veille. Ce qui est
« vrai de l’état de rêve l’est également de l’état de folie hallucinée où les sensations
« sont aussi vives, j ’ai presque dit aussi réelles que dans l’état sain. Comme le rêveur,
« l’halluciné n’entendra pas seulement des sons qui auront autrefois frappé son oreille,
« mais il entendra des discours plus ou moins suivis. Dans l’état normal, penser c ’est
« parler intérieurement; dans le cas où se trouve l’halluciné, c’est parler haut; car
« l’âme ne peut alors parler sa pensée sans l’entendre en vertu de l’état particulier
« où elle se trouve, état dans lequel toutes les créations de la faculté imaginative
« prennent nécessairement des formes sensibles. Quand donc nous pensons, nous
« parlons mentalement. Nulle idée ne s’éveille en nous si ce n’est par l’intermédiaire
« du signe écrit ou sonore qui le représente. Que l’on s’étudie avec soin, et l’on
« reconnaîtra sans peine que, quand nous pensons, nous entendons en quelque sorte
« les sons des paroles ou des mots qui traduisent notre pensée; nous les entendons
« d’une certaine manière, en imagination, cela est vrai; mais on sent qu’il n’y a pas
« loin de là à la réalité. L’Hallucination, ou plutôt l’erreur de l’halluciné, se rappor-
« tera donc à ses propres pensées, à celles principalement qui le préoccuperont davan-
« tage, sur lesquelles son attention aura été concentrée. Il pensera, c’est-à-dire, jugera,
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — J. P. FALRET 1237

« comparera, raisonnera au lieu et place d’être imaginaires dont il entendra les


« paroles; en d’autres termes, il attribuera, transportera à des êtres fictifs, créées
« par son imagination, ses propres pensées qui arriveront à son oreille comme si
« elles venaient réellement d’autres que lui-même (p. 350, 351, 352 et 353).
L’Hallucination est donc pour Moreau (de Tours) (1) (comme pour nous) impliquée
comme une virtualité dans l’exercice normal de l’activité psychique. Mais elle ne peut
se constituer qu’à la faveur d’un trouble primordial qui lui confère ses caractères.
Il combat l’idée soutenue avec tant de force par certains aliénistes de cette époque,
que l’Hallucination est compatible avec la raison. Il précise le caractère essentiel­
lement « négatif » de la condition primordiale dont dépend Vactivité hallucinatoire.
« Au fur et à mesure que s’approfondit l’état primordial, que notre esprit se ferme
« aux impressions venues du dehors pour se concentrer de plus en plus sur ses impres-
« sions intérieures, en un mot, que s’opère cette espèce de métamorphose qui nous
« arrache à la vie réelle pour nous jeter dans un monde où il n’y a de réel que les êtres
« créés par nos souvenirs et notre imagination, au fur et à mesure, aussi on se prend
« à être le jouet d’abord de simples illusions, puis bientôt de véritables Hallucinations
« qui sont comme les bruits lointains, les premières lueurs qui nous arrivent du monde
« imaginaire et fantastique (p. 147) ».
On ne saurait plus clairement et simplement montrer à la fois que l’halluciné
« halluciné », projette son propre psychisme libéré par les conditions mêmes de l’état
hallucinatoire. Tel est l’aspect profondément dynamique du mécanisme de la pro­
jection dans la théorie de notre auteur qui conclut :
« Nous avons déjà fait cette remarque : l’état hallucinatoire n ’est pas seulement,
« comme on l’a dit, un fait anormal de la faculté perceptive. Il comprend l’intelli-
« gence tout entière, réfléchissant, comprenant, jugeant, exprimant ses craintes, ses
« désirs, ses espérances, son désespoir, n’ayant plus conscience de ses propres actes,
« éprivée de son moi, se dédoublant, pour ainsi dire, de telle sorte qu’une partie
« d’elle-même puisse entrer en relations d’idées, en conversation avec l’autre partie.
« Admettez l’identité psychologique de la folie et de l’état de rêve, et vous admirerez
« la facilité avec laquelle l’état hallucinatoire envisagé dans toutes ses formes, sous
« toutes ses faces, dans ses plus minimes détails, s’explique et se comprend; combien
« encore dans ce cas-ci est juste cette locution vulgaire : « C’est un fou, il a des visions;
« il prend ses rêves pour des réalités !... ». Toute explication du phénomène des Hal-
« lucinations échoue » si elle ne s’appuie sur l’identité de ce phénomène avec l’état

(1) La position anti-nosographiste de J. M oreau (de Tours) qui souligne l’unité


du travail de la folie (en reprenant le vieux concept de « Psychose unique » de Z eller ,
H eimann , G riesinger ) sous ces diversités de forme (« quelle qu’ait été leur cause occa­
sionnelle ou déterminante, toutes les aliénations mentales se résument dans une modifi­
cation identique à leur début ») a été admirablement exprimée par Bousquet (Annales
Médico-psychologiques, 1855, p. 452) : « De ce que les maladies mentales ont une
« origine commune dans le cerveau, M. M oreau infère qu’elles ne peuvent pas beau-
« coup différer entre elles... Il se mêle toujours un peu de manie dans le délire partiel
« et il est très rare que les délires maniaques soient sous prédominance d’une ou
« plusieurs séries d’idées particulières; d’où M. M oreau conclut très justement que
« si les formes de manie, monomanie, délire général et partiel ont leur utilité au
« point de vue historique, elles sont sans fondement dans la nature ».
1238 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

de rêve (p. 383-384). L’Hallucination est le rêve des sens extérieurs, comme les
idées fixes, les convictions délirantes sont le rêve de l'intellect... « (p. 252) ».

Ainsi, quelques années avant que H. Jackson ne se fasse le théoricien de


la pathologie essentiellement négative de la maladie nerveuse, de la maladie
mentale et de l’Hallucination, J. Moreau (de Tours) devançait le grand Neuro­
logue anglais en énonçant une théorie de l’Hallucination (à vrai dire appliquée
et seulement applicable aux Délires hallucinatoires) qui devait trouver (comme
lui-même l’avait tirée de l’ivresse du haschich) sa démonstration dans l’étude
contemporaine des drogues hallucinogènes, cent ans après la parution de son
fameux ouvrage.

J ,-P . F a lret, — L’œuvre de ce grand Clinicien (cf. supra, 2e Partie)


ne saurait ici être oubliée pour s’inscrire dans la même perspective. Car s’il
donnait plus d’importance à propos du travail idéo-verbal à la part positive
du processus délirant, à la création du délire par le délire, il n’en soulignait pas
moins (Introduction, p. xui) l’importance déterminante de « la modification
organique primitive, inconnue dans son essence mais saisissable dans ses effets ».
C ’est pour lui, comme pour nous, cette modification qui constitue la cause de
« l’aptitude à délirer ». Il nous suffira ainsi de rappeler ici le point de vue de
J. P. Falret pour marquer sa place éminente dans la généalogie de la pensée
organo-dynamique.
Mais comme nous l’avons indiqué précédemment (supra, 6e Partie, chap. I),
le « Geistzeit » du xixe siècle n’était pas favorable à ce courant d’idées, et c’était
au contraire la thèse opposée à cette conception (caractère élémentaire et sen­
soriel de l’Hallucination, répudiation de toute analogie avec le rêve et plus
généralement le délire) qui devait triompher à partir de 1860, étouffant dans
l’œuf le mouvement organo-dynamique qui venait pourtant de prendre son
premier essor. Il n ’est pas question de relater ici toutes les discussions qui ne
cessèrent d ’opposer aux partisans de la genèse mécanique de l’Hallucination
rapportée à une excitation des organes, des voies ou des centres sensoriels
(cf. supra, p. 937), les partisans d’une conception plus profonde et plus dyna­
mique des troubles hallucinatoires. Il est possible d ’ailleurs que l’excès même des
thèses soutenues par Moreau (de Tours) qui avait certainement raison de sou­
tenir l’analogie structurale du rêve et de la folie mais avait tort d ’affirmer que
la structure négative du délire est toujours identique à celle du sommeil, il est
possible que l’excès même de sa position qui le portait aussi à nier qu’il y ait
des Hallucinations partielles (ce que nous avons appelé des éidolies hallucino-
siques), oui, il est possible que les difficultés inhérentes à sa théorie trop simple
pour être généralisée, aient assuré à ses adversaires une victoire si écrasante
qu’il aura fallu attendre P. Janet et S. Freud pour que — l’un complétant
l’autre — une conception organo-dynamique de l’Hallucination puisse enfin se
constituer en hypothèse scientifique tenant compte de la complexité et de la
diversité même des faits que l’on range sous le même nom.
TV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PIERRE JANET 1239

P ie rre J a n e t. — C ’est donc en sautant par-dessus une longue période de


temps où régnait la théorie mécaniste de l’Hallucination que nous devons mainte­
nant exposer la conception de Pierre Janet. Elle s’est inspirée chez ce psychiatre-
philosophe (et psychosociologue à la manière de son temps) d ’une théorie
générale de l’évolution et de la hiérarchie des fonctions. Et si Janet ne s’est
pas beaucoup préoccupé de la convergence de sa propre théorie avec celle
de H. Jackson (qu’il connaissait mal) (1), il a recherché et trouvé ce que nous
appellerions actuellement un « modèle théorique » dont l’originalité et l’efficacité
méritent beaucoup plus que ne le laissent parfois entendre ceux qui, à bien
des points de vue avec raison, lui préfèrent le modèle freudien sans s’aper­
cevoir que ces deux modèles sont strictement complémentaires. C ’est le sens
même du travail qui a marqué nos propres recherches sur l ’Hallucination (2)
que de montrer que la notion d’automatisme psychologique implique tout à la
fois les forces vives de la vie instinctivo-affective, la faiblesse des contrôles
et, pour tout dire, une organisation qui intègre précisément l’automatisme des
niveaux sous-jacents dans les activités modulées d ’adaptation du réel. De telle
sorte que les symptômes dits d’automatisme psychologique, ou comme devait
le dire G. de Clérambault « d’automatisme mental » apparaissent bien comme
ils sont : les effets de la désorganisation de cette organisation. C ’est au fond
le thème inlassablement répété de ce « Traité des Hallucinations » qui est lui-
même continuellement repris par P. Janet (3).

(1) J’ai dans le livre « Mélanges », livre jubilaire en hommage à P. J anet (publié
par Édouard P ichon en 1949) mis en évidence les affinités de la pensée de P. J anet
et de la pensée de H. J ackson.
(2) Henri Ey : « La notion d’automatisme », Évolution Psychiatrique, 1932, n° 3.
(3) Le caractère artificiel ou purement énergétique du modèle de P. J anet lui
a souvent été reproché. Je crois que ce que l’on appelle son caractère artificiel c’est
tout simplement le degré d’abstraction où cet esprit merveilleusement concret a voulu
s’élever sur le plan purement théorique. Je crois que ce que l’on appelle sa tendance
« énergétique » (la même que l’on reproche à F reud particulièrement en tant
qu'auteur de la fameuse « Esquisse » de 1895 en l’accusant de « biologisme »)
est plus apparente que réelle dans le système « janétien ». C’est précisément sur ce
point que j ’ai insisté (« Force et faiblesse des concepts génétiques et énergétiques dans
la psychopathologie de P. J anet », Bulletin de Psychologie, novembre 1960, p. 50-55) en
essayant de montrer que les concepts de « tension psychologique » et de « hiérarchie
des fonctions » se prêtaient peut-être mieux à une interprétation empruntant son idée
directrice aux concepts de la cybernétique et de la théorie de l’information que des
principes de la « thermodynamique »; somme toute, que l’organisation de la vie
psychique doit être envisagée plutôt sur le modèle de l’anabolisme que sur celui du
catabolisme. Le modèle janétien implique à mon sens l’idée essentielle et primordiale
d’une auto-construction dont quelque jour l’étude de la mémoire non pas spécifique
(celle du plan de l’organisme) mais profondément personnelle (celle du plan même de
création du Moi) éclairera les conditions mêmes de la formation, c’est-à-dire des
signifiants s’engendrant eux-mêmes à partir de « signifiés-clés », du codage du pro­
gramme psychique propre à chaque personnalité et dépassant son programme géné­
tique vital.
1240 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

Quoi qu’il en soit des critiques, des réserves ou de notre propre adhésion
à l’essentiel de l’appareil théorique de P. Janet,*il nous paraît d’une telle impor­
tance que l’on nous excusera d’y insister ici plus particulièrement pour rendre
un particulier hommage à ce grand Maître de la Psychopathologie (1).

1° L es conduites d ’adaptation au réel. L es fonctions d u réel. — Cette


psychologie de la conduite, voici comment il la conçoit si nous nous référons à un pas­
sage de « De l'angoisse à l’extase » (t. I, 2e édition, où il expose l’essentiel des idées
soutenues au cours de conférences faites à Londres en 1920 et 1921) :
« Nous sommes obligés de concevoir une psychologie dans laquelle l’action visible
« à l’extérieur est le phénomène fondamental et la pensée intérieure n’est que la
« reproduction, la combinaison de ces actions extérieures sous des formes réduites
« et particulières (p. 203)... Cette psychologie du comportement n’est possible qu’à
« deux conditions. D’abord, il faut dans cette psychologie de l’action faire une place
« à la conscience que l’on peut à la rigueur supprimer quand on parle des animaux
« inférieurs mais que l’on ne peut méconnaître chez les hommes ou même chez les
« animaux supérieurs. Mais il faut parler du phénomène de conscience comme d’une
« conduite particulière, comme d’une complication de l’acte qui se surajoute aux
« actions élémentaires. On peut y parvenir en étudiant les conduites sociales élémen-
« taires et surtout les sentiments qui sont, comme on le verra, des régulations de
« l’action, des réactions de l’individu à ses propres actions. Une seconde condition,
« c’est qu’il faut se préoccuper des conduites supérieures, des croyances, des réflexions,
« des raisonnements, des expériences. Ces faits ont été exprimés d’ordinaire en termes
« de pensées et pour conserver dans toute la science psychologique le même langage,
« il faut les exprimer en termes d’action... Le langage est une action particulière
« propre à l’homme, qui est au début une véritable action externe... Mais (qui) peut
« devenir très facilement une action interne, c’est-à-dire une action du Sujet qui
« ne détermine des réactions qu’en lui-même. J ’ai cherché à prendre les conduites
« très variées dans lesquelles intervient le langage comme des intermédiaires entre
« les conduites extérieures et les pensées. On peut désigner cette psychologie sous
« le nom de psychologie de la conduite » (p. 204-205).
C’est déjà en 1903 dans son volume « Les Obsessions et la Psychasthénie (t. I,
p. 477-488) que P. Janet avait exposé l’essentiel de sa théorie des fonctions psychiques
hiérarchisées (schéma qui, comme nous l’avons souvent souligné, est impliqué dans
toute conception de psychologie ou de psychopathologie dynamiste). Voici comment
il présente les choses :
« L’opération mentale la plus difficile puisque c’est elle qui disparaît le plus vite
« et le plus souvent, c’est la fonction du réel... C’est l’appréhension de la réalité sous
« toutes ses formes (p. 477). La première forme de cette fonction du réel c’est l’action
« qui nous permet d’agir sur les objets extérieurs et de métamorphoser la réalité.
« Cette action est plus difficile quand elle est sociale, professionnelle, intéressée et

(1) Je reproduis ici une grande partie du texte de mon article « La conception
de J anet sur les Hallucinations et les Délires », Évolution Psychiatrique, 1950, p. 437-
448. Le récent ouvrage de H. F. E llenberger (1970) complétera heureusement cet
exposé puisqu’il a consacré une importante partie de son livre à la vie et à l’œu­
vre de ce Maître de la Psychopathologie.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PIERRE JANET 1241

« nouvelle. Ce qui nous détermine à placer au premier rang dans cette hiérarchie
« l'action volontaire qui modifie réellement le monde donné, c’est que nous avons vu
« cette action constamment troublée chez bien des malades et dès le début.
« ... L'attention est une opération qui est située très haut également parmi les
« fonctions du réel. C’est l’attention qui nous permet de percevoir les choses réelles.
« Son degré le plus élevé et par conséquent le plus fragile, c’est l’opération qui nous
« donne la notion du réel, c’est-à-dire qui détermine la certitude et la croyance.
« ... En dessous de cette opération de croyance à l’existence réelle des objets,
« l’attention trouve encore des difficultés, moins graves peut-être, dans la complexité
« du spectacle offert à nos sens, dans la perception intelligente de la lecture, de
« l’audition, simplement dans la perception intelligente d’une situation donnée »
(p. 479-480).
Les deux opérations, action volontaire et attention concourent par leur activité
propre à constituer une opération synthétique « qui résume probablement tous
les précédents », c’est la formation dans l’esprit du mouvement présent. « Il y a une
faculté mentale que l’on pourrait appeler la présentification » (p. 481).
C’est là une des originalités de la psychologie de Janet d’avoir mis en évidence
cet ensemble d’opérations par quoi nous vivons un moment présent, forme extrême
de notre capacité à saisir le réel sous son aspect maximum, rien n’étant psychologi­
quement plus réel que l’instant que nous vivons.
Au-dessous de ces opérations qui correspondent à la fonction du réel, il en existe
d’autres que l’on peut grouper sous la désignation de « l’activité désintéressée ».
« Ce sont les mêmes opérations psychologiques simplement dépouillées de ce qui
faisait leur perception, c’est-à-dire l’acuité du sentiment du réel ».
Au-dessous encore de ces conduites désintéressées se trouvent des modes de
pensée (et par conséquent de conduites internes) qui constituent les opérations repré­
sentatives. « L’opinion populaire place à un niveau élevé dans la hiérarchie des
« opérations mentales proprement dites les opérations qui portent sur les idées et
« non sur les objets, les moralistes ont eu déjà bien souvent le sentiment que cette
« opinion était erronée. 11 nous faut pour le comprendre lutter contre un vieux préjugé
« de l’enfance, c’est que l’abstrait nous paraît plus difficile que le concret » (p. 483).
Et Janet de remettre alors à leur véritable place les images, les rêveries et les raison­
nements vides qui encombrent l’activité humaine et jouissent de la plus flatteuse
et fausse réputation : On saisit dans des passages comme celui-ci de l’œuvre l’esprit
bien français de Janet, légèrement ironique, mêlé à la sagesse de l’esprit socratique.
Enfin au niveau inférieur se trouvent des opérations mentales encore plus basses :
les émotions vides et les mouvements musculaires inutiles. Lui-même résume dans
ce tableau cette hiérarchie des fonctions du réel (p. 488).

^ efficace sur la réalité j s°^*a'e


( physique
j l'action
„ .• ( d’acuité
I nouvelle avec sentiment ! , ... _
f ) de liberté
■' perceotion du sentiment de réalité
I. F onctions du réel
l'attention
• sen-

laprésentification { perception et jouissance du présent.


1242 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

action habituelle
du présent
action dans le sentiment j d’unité
II. A ctivité désintéressée
de liberté
perception sans certitude et avec le sentiment vague
du présent.
mémoire représentative

Ï imagination
raisonnement abstrait
rêverie.

IV. R éactions émotionnelles.


V. M ouvements musculaires inutiles .
Ainsi, toutes les opérations de l’esprit peuvent être dotées d’un coefficient de réalité
« Si on considère l’ordre de fréquence et la rapidité avec laquelle se perdent les
« fonctions psychiques chez les malades, on constate qu'elles disparaissent d'autant
« plus vite que leur coefficient de réalité est plus élevé et qu'elles persistent d'autant
« plus longtemps que leur coefficient de réalité est plus bas. J'en conclus, dit-il, que ces
« opérations forment une série de complexités décroissantes suivant que leur relation
« avec la réalité au point de vue de l’action, de la connaissance (...) va en diminuant »
(p. 487).
Dans « La Force et la faiblesse psychologique » (p. 24), il a donné une classification
un peu plus complexe des degrés d’objectivité que nous pouvons présenter à la manière
suivante. Le premier degré, le moins objectif, est celui où nous nous sentons plus ou
moins confusément penser, c’est peut-on dire celui de la pensée, le premier terme car­
tésien de la connaissance. Le second est celui des idées, de combinaisons psychiques
subjectives qui s’élancent vers le réel et déjà, se détachent du pur subjectif. Le troisième
est celui de l’imaginaire où nous construisons sous forme de fictions des réalités
auxquelles correspondent nos conduites de jeu. Le quatrième est celui du passé mort
qui est un réel déjà « plus réel » : ce sont des souvenirs de choses réelles auxquelles
correspondent nos conduites rétrogradantes de mémoire. Le cinquième est le degré
du futur lointain qui règle nos conduites de prévision et de préparation. Le dixième
est celui de nos actions présentes correspondant aux divers sentiments actuels, régu­
lateurs de nos actions. Le onzième, celui des événements actuels, construction plus
synthétique encore du présent. Le douzième est celui de la réalité spirituelle et sociale
groupant toutes les conduites qui représentent la mise en action de nos tendances
rationnelles et « énergétiques ». Enfin, le treizième degré est celui de la réalité des
objets détachés de notre esprit par l’action perceptive qui est l’opération la plus objec­
tivante.
2° L es H allucinations . — C’est dans cette perspective que P. Janet a étudié
tout d’abord les Hallucinations comme développement de 1’« idée fixe hystérique »
dans les cas d’Hallucinations somnambuliques. La fameuse observation par exemple
de l’idée fixe du choléra qui se transforme en vision d’un « général chinois » sur lequel
la suggestion opère toutes sortes d’objectivations pittoresques (1) jusqu’à l’effacer
et la disperser, est un des chefs-d’œuvre d’observation et de psychothérapie. Et les

(1) Histoire d’une idée fixe. Névroses et Idées fixes, tome I, p. 156-212.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PIERRE JANET 1243

ouvrages de Janet sont remplis entre 1890 et 1910 de faits semblables (1). Il s’agit
dans ces cas de perceptions scéniques auxquelles s’attache une croyance particulière.
Ce sont des spectacles, des aventures analogues à celles qui sont vécues par la conscience
du rêveur. Ce sont des « perceptions de situation ou de réminiscence » qui constituent
des systèmes psychologiques ayant leur loi propre d’organisation. Ce sont des
« conduites narratives » beaucoup plus que des perceptions véritables, des « imitations
de perceptions » qui dépendent d’un trouble général portant particulièrement sur la
mémoire et qui détermine déjà des modifications considérables de la croyance (2).
Mais si nous passons à l’examen des Hallucinations des délirants influencés,
nous nous trouvons en présence de troubles différents. Chez ces malades lucides,
ni confus, ni rêveurs, s’agit-il véritablement de « perception sans objet » ? Sans doute
ces Hallucinations ont des caractères (immédiateté, extériorité, certitude) qui sont
des attributs de la perception. Mais cette « certitude » est bien particulière, le caractère
systématique et exclusif de la perception fait défaut, la localisation est souvent vague,
beaucoup de malades suppriment même le caractère essentiel de la perception : l’exté­
riorité. Les Hallucinations manquent souvent paradoxalement du caractère de pré­
sence, d’actualité (elles ont été éprouvées). Il semble s’agir beaucoup plus d’un récit
d’Hallucinations que de perceptions sans objet. Enfin le caractère irruptif de la per­
ception si essentiel à cet acte de fonction du réel manque souvent. Les voix sont atten­
dues plutôt qu’entendues, elles répondent à une attente, à un besoin, elles ont un carac­
tère affectif personnel « qui a été, dit Janet, très bien noté par M. Claude ». Les malades
commencent par donner un sens aux voix, puis ils ne leur en donnent plus. En fait,
les Hallucinations « anidéiques » (G. de Clérambault) sont une illusion du malade
qui n’est pas toujours conscient du sens, de la valeur symbolique des voix. Par exemple,
un malade candidat entendait murmurer : « collé ! collé ! » et il prétendait « ne pas
comprendre ce que ce mot peut bien signifier ! ».
L’Hallucination du persécuté ou du favorisé ne se présente donc pas comme une
illusion de perception ou de réminiscences. Quelles sont les conduites psychologiques
à quoi correspondent ces expériences délirantes, car ce sont bien les conduites ou
croyances qui sont altérées ? L’Hallucination des délirants est essentiellement un acte
faussé de croyance.
« La possibilité de réduire l’activation des tendances à des degrés très inférieurs,
« à de simples attitudes, la possibilité d’exprimer les divers actes par des signes, par
« le langage qui diminuent énormément le mouvement, ont donné naissance à des
« représentations, à des formules verbales issues en réalité des actes primitifs, mais
« en apparence très différentes d’eux. Toutes sortes d’influences, en particulier l’inven-
« tion des conduites de la mémoire, celle des conduites <Ju secret et du mensonge
« ont énormément développé ce langage inconsistant, puis 3 a été nécessaire d’établir
« de nouveau un lien entre ces représentations, ces formules verbales intérieures et
« individuelles et les actes externes des membres seuls capables d’efficacité physique
« et sociale. Par l’intermédiaire des pactes et des promesses se sont constituées les
« diverses formes de la croyance : les représentations, les formules verbales ont pris
« divers degrés de réalité suivant qu’elles étaient plus ou moins rattachées à des actes
« présents ou futurs. Quand cette union peut déterminer un acte immédiat qui est
« tout de suite rattaché à cette formule verbale, il s’agit de la volonté. Ce mot, à parler

(1) Les cas d’Irène, de Justine, etc... Névroses et Idées fixes (1898).
(2) Les croyances et les Hallucinations (Revue Philosophique, 1932, 278-291).
1244 MODÈLE O RGA NO-D YNAMIQ UE

« rigoureusement, ne devrait être employé que pour des actions précédées ou accompa-
« gnées par la formule verbale de l’acte et par une affirmation qui unit la formule
« à l’action. Quand l’acte ne peut pas être exécuté immédiatement en raison de
« l’absence de certaines conditions nécessaires, l’affirmation de l’union entre la for­
ce mule verbale et l’action détermine des croyances.
« Au début, pendant une période du développement que j ’ai appelée le stade
« asséritif, cette croyance reste une action simple, toujours la même. Le retour à ce
« stade détermine l'affirmation immédiate, forte, brutale, sans nuances, que l’on retrouve
« dans les suggestions, dans certaines impulsions, dans le délire psychasthénique.
« Cette affirmation simple donne aux formules verbales un caractère important,
« Y être, l’existence.
Mais il y a un stade sus-jacent à ces conduites de croyances asséritives, c’est le
stade des conduites intentionnelles. Elles fondent non pas l’existence d’objet mais
l’existence de rapports sociaux basés sur l’intention prêtée à autrui par rapport à soi.
Les malades restés ou revenus à ce niveau (p. 308) parlent indifféremment du passé
et de l’imaginaire comme de ce que nous appelons le présent et le réel.
Il y a donc toute une hiérarchie de demi-réalités (le « presque réel », le « demi-réel »,
le « presque non-réel ») qui correspondent à ces conduites (cf. notamment le tableau
de la page 314-315). Les « Hallucinations symboliques » sont intéressantes à examiner
de ce point de vue. Elles sont pour ainsi dire intermédiaires entre le simple stade de
l’obsédé à idées prévalentes et celles du délirant. Le malade transforme ses représen­
tations en symboles qui « contiennent déjà plus d'affirmation » que la simple idée obsé­
dante. La réalité du symbole se rapproche en effet de celle du passé (p. 312). C’est
une affirmation d’un acte d'invention que le Sujet semble présenter comme un fait
du passé (1).
Un autre aspect de la conduite délirante et hallucinée, c’est la valeur « d'examen
de conscience » des voix (2). L’examen comporte nécessairement l’examinateur et
l’examiné, et le malade qui transforme son « examen de conscience » en voix ne joue
plus à la fois les deux rôles dans une sorte d’ambiguïté de conduite intermédiaire
qui est propre à notre conduite interne (3), il passe complètement dans le rôle de
l’examiné. Comment s’opère cette « objectivation sociale », ce renversement d’atti­
tude ? C’est ici qu’intervient la théorie générale de la baisse de la tension psychologique
qui engendre une gêne dans les conduites et un trouble dans les sentiments fondamen­
taux qui constituent la base des délires.
3° La pathologie des sentiments dans le délire des persécutions (4)
« Le délirant c’est un individu qui place mal sa parole dans la hiérarchie des degrés de
réalité » (La force et la faiblesse psychologique, p. 15). Telle est la thèse fondamentale
que tout le travail de P. Janet a consisté à replacer dans les diverses perspectives de
sa psychologie des conduites, des sentiments et des degrés du réel. Ce qui définit le
délire c’est en effet la croyance attachée à l’imagination, c’est prendre pour du réel
ce qui n’est que de l’imaginaire (un cas particulier de cette formule générale correspond
à l’Hallucination). Dès lors, le trouble auquel correspond le délire est un trouble ana-

(1) Croyances et Hallucinations (Revue Philosophique, 1952, pp. 291-331).


(2) Cf. spécialement l’observation d’Ignace dans 1’ « examen de conscience et
les voix » (A. M . P., 1938).
(3) Cf. notamment « La pensée intérieure et ses troubles », Paris, 1927.
(4) Journal de Psychologie, 29, 1932, p. 161-240 et p. 401-460.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PIERRE JANET 1245

logue à celui des névroses, c’est un trouble dans les fonctions psychologiques dont la
hiérarchie constitue une série d’actes tendant à croire le réel et à s’adapter à lui.
Tout dérèglement de cet appareil psychique a pour résultat une dérégulation des
fonctions, c’est-à-dire la production de sentiments anormaux (cf. ce que nous avons dit
plus haut sur la conception des sentiments régulateurs de l’action). C’est dans cette
perspective que sont envisagés notamment les délires de persécution qui expriment
les sentiments d’angoisse et d’automatisme correspondant à une imperfection de
l’activité psychique d’adaptation au réel.
Les sentiments communs « d’une grande banalité » qui sont particulièrement déve­
loppés chez le persécuté sont les sentiments d 'intimidation, de jalousie et de haine.
Mais c’est le sentiment d’emprise et d’imposition qui est le trouble fondamental. Il faut
le rapprocher dès sentiments d’incomplétude de l’action et de tous les sentiments de
privation qui expriment une certaine impuissance. C’est ainsi que le phénomène de
vol dé la pensée exprime cette incapacité foncière à être maître de sa pensée. Le sen­
timent de pénétration est déjà comme amorcé dans le sentiment de présence, il s’accuse
dans le devinement de la pensée, dans le sentiment de dédoublement.
Quel est le sens de toutes ces expériences d’intrusion, de mécanisation, de conver­
sations avec autrui ? C’est celui d’un commerce social perturbé. Ce sont les rapports
sociaux de malade avec la pensée des autres, ce sont les situations et les actes sociaux
du langage et du comportement qui sont altérés.
A cet égard, y a lieu spécialement le phénomène d’objectivation sociale inten­
tionnelle.
Dans les crises de psycholepsie, l’intimidation, la surprise, la fatigue, l’effort
prolongé déterminent des épuisements et amènent des régulations dépressives. Les
sentiments de viol et d’incomplétude, de dévalorisation, de sécheresse, d’inintellection,
d’automatisme, de dépersonnalisation, d’éloignement, de mort, d’irréel, etc., ont tous
quelque chose de commun. Si le sentiment de vide exprime pour ainsi dire par avance
la déchéance de la vie psychique, il exprime pour ainsi dire par avance la résultante
de tous les sentiments déréglés et conduit au délire de persécution, c’est-à-dire à un
bouleversement de la situation du malade, de sa pensée, de sa volonté et de son exis­
tence par rapport aux intentions d’autrui, à la réalité sociale. Le phénomène d’objec­
tivation intentionnelle est un phénomène de projection qui rapporte à autrui le malaise
introduit par la maladie dans les relations interhumaines. Ce malaise est une régression.
« Prenons tout de suite un exemple dans un acte social d’un degré plus élevé
« où ce caractère de la collaboration est plus visible, je veux parler de l’acte, essentiel
« dans la société, du commandement et de l’obéissance. Cet acte est essentiel, car
« la plupart des actes sociaux sont au fond des actes de commandement et d’obéis-
« sance : les demandes, les prières ne sont que des commandements sous une forme
« atténuée, les interrogations sont des commandements de langage, les questions sont
« des commandements de l’acte de secourir qui dérive de l’acte d’écarter, les ensei-
« gnements pratiques sont des commandements de l’acte d’enseigner, car le plus
« souvent le professeur apprend à professer. Comprendre le commandement et
« l’obéissance, c’est comprendre le plus grand nombre des actes sociaux.
« Un acte commandé est un acte divisé en deux parties, ces deux parties étant
« exécutées par deux individus différents. Il n’y a pas d’exemple d’une conduite sem-
« blable quand il s’agit d’actes élémentaires réflexes ou perceptifs; cette forme est pro-
« pre aux conduites sociales qui semblent avoir pour but de développer les conduites
« d’ensemble, parce que ces conduites où se réunissent plusieurs individus ont plus
« d’efficience que les conduites isolées. Mais il ne faut pas croire que la division de
1246 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

« l’acte soit complète et que chaque individu n’exécute absolument que la moitié
« de l’acte total. Chaque individu en réalité fait l’acte tout entier, mais il fait les deux
« parties de l’acte à des phases différentes de l’action. Le chef pousse jusqu’à la
« consommation la partie initiale et laisse la seconde partie à la phase de l’érection,
« le Sujet met à la phase de consommation la seconde partie et laisse la première
« à la phase de l’érection.
Ainsi, l’acte de commander implique celui d’obéir. Il en est de même pour le lan­
gage où parler c’est entendre, ou encore d’actes d’initiative ou d’actes inspirés, du
don et du vol, du montrer et du cacher, etc... El s’agit dans tous les cas d'actions
doubles tout à fait caractéristiques des actions sociales, c’est-à-dire de celles qui sup­
posent un rapport entre le Sujet et un « socius ».
Or, ce sont ces actions sociales les plus élevées dans la hiérarchie des actions qui
sont perturbées. D ’où la subjectivation et l’objectivation pathologique qui sont vécues
comme sentiments d’imposition (sentiment d'Hallucination, de présence, de substi­
tution et de pénétration, de devinement, d’écho de la pensée, de dédoublement).
Tous ces sentiments ou leurs nuances témoignent d’une dégradation des conduites
qui convergent vers la construction de la personnalité. Cette personnalité s’élabore
dans les actions sociales de la pensée et c’est l’altération de cette couche d’activité
qui entraîne l’altération, l’aliénation de la vie psychique.

Pendant que P. Janet développait inlassablement son œuvre (de 1890 à 1940),
le mouvement de résistance contre « l’atomisme psychophysiologique » (à l’abri
du dualisme cartésien, cf. notre Étude n° 3 du tome I de nos Études Psychia­
triques) ne cessait pour ainsi dire pas et il serait trop long d ’en marquer ici
les multiples aspects cliniques et doctrinaires. Rappelons cependant que les
œuvres de Delasiauve, de Chaslin ou de Régis s’inscrivent dans la même lignée
(avec bien des hésitations ou des contradictions notamment pour ce dernier). La
conversion de Séglas abandonnant le mécanisme classique vers 1905 pour faire
dépendre les formes hallucinatoires du fond délirant et des dispositions affectives
doit être particulièrement soulignée pour être le plus souvent méconnue (cf. la
préface qu’il a écrite pour notre livre « Hallucinations et Délire », 1934).
L’ouvrage de Ch. Blondel (« La conscience morbide », Paris, Alcan 1913) qu’il est
devenu paraît-il de bon ton de décrier, l’ouvrage de Ch. Blondel constitue un
tournant décisif de tout le mouvement psychiatrique anti-mécaniste (1) de cette
époque. Sa critique de l’atomisme psycho-physiologique y est exhaustive. Si ses
analyses se sont heurtées comme à un « numinosus » indéchiffrable à l’Incons­
cient, c’est bien parce que pour Freud lui-même, l’Inconscient se définit comme
une sphère d ’intentionnalité qui est rebelle à la verbalisation. De telle sorte que
l’on pourrait sans trop d’audace considérer que les analyses de la Conscience
morbide rejoignent celles de l ’Inconscient freudien pour autant que celui-ci

(1) Car même si Ch. B londel a fort mal compris la Psychanalyse, il a réagi comme
F reud lui-même contre le mécanisme absurde dans la Psychopathologie du délire et
des Hallucinations qui régnait au début du siècle (Gilbert Ballet, Rrrri, W ernicke,
H enschen , etc.). Nous avons relevé plus haut dans le chapitre Ier de cette Septième
Partie, en l’exposant, le mépris injustifié dans lequel on tient « La Conscience Mor­
bide » (cf. supra, p. 387-389).
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PIERRE JANET 1247

ne se prête pas à une compréhension directe et pour autant ainsi que, lorsqu’il
se manifeste dans le délire, c’est encore le délire qui l’enveloppe comme le som­
meil enveloppe le rêve...
La plupart des Psychiatres français de la première moitié du xxe siècle ont
été très attachés à l’idée que le « Délire » constitue non pas un événement
mais un bouleversement de l’existence. On peut se rendre compte tout au long
de la psychopathologie française (depuis le livre de Vaschide et Vurpas (1902)
iusqu’au Rapport de P. Guiraud au 1er Congrès Mondial de Psychiatrie de
Paris, 1950) de la constance de cette conception « processuelle » du Délire.
Les études de Ch. Blondel sur la « Conscience morbide » (1913), celles de
G. de Clérambault sur 1’ « Automatisme Mental » (1910-1930), celles de
Mignard (1924) sur la « Subduction mentale morbide », celles de A. Hesnard
(1923) sur la « Néoproduction morbide », celles de E. Minkowski sur le « trouble
générateur » {Le Temps vécu, 1933), nos propres contributions à 1’ « Histoire
naturelle » du Délire, constituent une élaboration commune malgré leur diver­
sité du concept d’organogenèse du Délire et par conséquent des Hallucinations
délirantes.
Nous voudrions ici particulièrement insister sur la conception de P. Gui­
raud. Ayant longtemps travaillé et tant de fois discuté avec lui depuis plus de
quarante ans, nous avons pu grâce à lui apprendre à « déchiffrer » le Délire,
c ’est-à-dire à comprendre qu’il est indéchiffrable et « incompréhensible » pour
se développer dans un mouvement inconscient dont aucune analyse du sens
ou des motifs ne peuvent rendre compte d’une façon exhaustive. La « maladie
délirante » est pour lui un processus « xénopathique », disons, un état d ’aliéna­
tion qui s’inscrit en faux contre l’organisation de la vie psychique et spécifi­
quement au niveau des instincts. La maladie délirante est une irruption des
instincts. C ’est elle qui, dans la perspective même des travaux de C. von
Monakow et R. Mourgue, constitue « la composante primordiale maladive ».
L ’ensemble des images, des souvenirs, des idées qui forment cette coulée
volcanique de Délire lui fournit son dynamisme infra-logique propre.
Cette notion d ’un « processus biologique » nous paraît conforme à la cli­
nique du Délire sous toutes ses formes, et sur ce point nous pouvons tomber
d ’accord avec P. Guiraud malgré sa prédilection pour le concept d’excitation
(terme même, on s’en souvient, qui avait été proposé par Moreau de Tours)
qui nous paraît superflu puisque c’est le mouvement même des forces « ossi-
tiques » qui constitue chez tous l’excitation nerveuse ou libidinale inhérente
à la vie.
Pour ce qui concerne la théorie des Hallucinations de P. Guiraud, nous
avons été toujours très réservé. Quand en 1925 (dans son fameux article paru
dans VEncéphale, « Les Délires chroniques. Hypothèses pathogéniques contem­
poraines ») il pensait pouvoir réduire, comme G. de Clérambault, le délire
hallucinatoire et notamment les délires d’influence à des troubles de l’intégra­
tion des afférences cénesthésiques, nous ne pouvions pas le suivre dans cette
voie. De même lorsqu’il estimait avec P. Quercy que l’esthésie hallucinatoire
constitue le phénomène primitif. Par contre, dans la « Psychiatrie générale »
1248 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

(p. 557-580) sa distinction dans la perception de l’éprouvé et du constaté per­


met certainement de rapprocher nos points de vue, car bien évidemment c’est
ce qui, pour notre part, nous appelons une déstructuration du Champ de la
conscience à quoi rend compte de la désintégration de l’éprouvé et du constaté
(de la structure noético-noématique, selon Husserl) dans le phénomène hal­
lucinatoire. Ainsi nous semble-t-il, malgré bien des divergences, un certain
accord s’est-il institué entre les Cliniciens pour donner l ’importance qu’il
mérite au substratum biologique du délire pour autant que celui-ci ne se cons­
titue que lorsque le système de la réalité est à sa base ébranlé.
Cela nous conduit à rappeler encore que (cf. supra, p. 1057) la conception
même de Freud sur le délire et l’Hallucination qui les faisait dépendre « en
dernière analyse », nous l’avons vu, d’une sorte d ’altération primordiale du sys­
tème de la réalité, ne contredit pas l’essentiel de la conception organo-dynami-
que mais, en définitive, la rejoint. Ce n’est évidemment pas par hasard que
tout le mouvement « dynamiste » de la Psychiatrie contemporaine est bien sûr
animé par S. Freud mais aussi soutenu par l’œuvre des grands psychopatholo-
gues et cliniciens qui ont su rallier la grande tradition du milieu du xixe siècle
en refusant l’héritage empoisonné de la Psychiatrie de la fin du siècle dernier.

Nous devons, en effet, maintenant situer à cet égard l’importance de l'école


structuraliste allemande et Y école phénoménologique.

É cole str u c tu ra liste a lle m a n d e , — A la convergence des idées et des


conceptions dynamiques, structuralistes et gestaltistes de la Psychologie
(Külpe, Ack, Brentano, Dilthey, Spranger, F. Krüger, von Ehrenfels, Meinong,
W. Köhler, K. Koffka, etc.), les Psychiatres allemands (Birnbaum, A. Kron-
feld, W. R. Gruhle, etc.) (tout comme les Français animés par l’œuvre de
H. Bergson ou les Anglo-américains par celle de W. James) ont secoué le joug
de la psychologie associationniste, de la psychophysiologie de Wundt ou de
la psychopathologie de Wemicke. De telle sorte que les études sur le délire et
les Hallucinations que nous devons à Klages, à Palagyi ou à K. Birnbaum
ou à A. Kronfeld (1) témoignent, pour ne parler que des travaux de cette
« belle époque », d’un retour à une conception plus cc globaliste » et « compré­
hensive » du phénomène hallucinatoire.
A cet égard, l’œuvre de Paul Schröder doit être spécialement signalée car
elle a justement donné le signal de la contestation de la théorie mécaniste de
l’Hallucination par la Psychiatrie allemande (2). Il a fortment réagi contre
l’idée que l’Hallucination la plus « élémentaire » soit un phénomène « élé­
mentaire ». Pour lui, elle doit être réintégrée dans un contexte pathologique

(1) Cf. à ce sujet le livre de Gerhard S chorsch « Zur Theorie der Halluzinationen »,
Leipzig, éd. Barth, 1934, notamment p. 12-30 et p. 44-56.
(2) Cf. la bibliographie des travaux de P. S chröder que nous avons placée en
raison de son importance dans la Bibliographie des grands travaux sur l’Hallucina­
tion à la fin de cet ouvrage.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — STRUCTURALISME ALLEMAND 1249

qui comporte lui-même des structures différentes. Il a tout naturellement


insisté sur la saturation sur le plan clinique du groupe d ’Hallucinations par
des fausses perceptions ou des Pseudo-hallucinations, c’est-à-dire par les
« Wahnwahrnehmungen » (les « perceptions délirantes »), ce qui ne veut pas
dire que l’Hallucination soit un phénomène sensoriel mais au contraire que
c’est sur le modèle des Hallucinations délirantes et des Pseudo-hallucinations
qu’elle doit être envisagée dans sa généralité. C ’est le tableau clinique de
ce qu’il appelle la « Verbalhalluzinose » qu’il a choisi pour montrer qu’il
s’agit en fait d’une expérience se déroulant sur plusieurs plans et comportant
tout un halo de troubles (dépersonnalisation, automatisme psychique), toute
une série d ’harmoniques qui entrent dans la structure métaphorique dont se sert
l’halluciné quand il déclare qu’il « entend des voix ». Schröder décrit ce syn­
drome d ’« Halluzinosis pliantast ica » comme des troubles délirants intimement
liés aux troubles de la Conscience. L’intérêt des travaux de P. Schröder réside
essentiellement dans sa tentative pour doter l’Hallucination d’un contexte
dont elle dépend nécessairement, et comme il s’est particulièrement occupé
des Hallucinations que l’on observe dans les états confuso-oniriques et dans
les affections cérébrales (1925), l’importance qu’il a donnée à l’acte d’hallu-
ciner (Halluzinieren) contredit pour autant la thèse mécaniste qu’il n ’a cessé
de critiquer même quand elle s’applique à ces degrés en quelque sorte inférieurs
ou cliniquement partiels des phénomènes hallucinatoires. De telle sorte que ses
travaux précédant ceux de J. Zador, de Klages, de E. Küppers, de W. Mayer-Gross
et de Stein, puis de V. von Weiszâcker ont puissamment contribué à renverser
dans la Psychiatrie allemande le dogme de la mécanicité et l’élémentarité uni­
voques de l’Hallucination conçue comme un phénomène positif et « ponctuel ».
C’est généralement sous la forme de « troubles de la Conscience » (état hallu­
cinatoire) que sont envisagés les rapports de la figure hallucinatoire avec le
fond dont il se détache. L’article de W. Mayer-Gross dans le Traité de Bumke
(cf. notamment le chapitre « Die Frage des Bewusstseinzustande des Halluzi­
nierender, le problème du trouble de la Conscience de l’hallucinant) est parti­
culièrement instructif au sujet de ces analyses de l’Hallucination dans le sens
de VAktpsychologie ou de la Denkpsychologie. Naturellement, c’est toujours à
l ’arrière-fond du rêve ou du demi-sommeil qu’est assimilé ce trouble générateur
d’un bouleversement global. Les Éidolies figurent dans les descriptions comme
des effets de la « Tempoânderund », de la désintégration de l’ordre du temps
vécu dans l’acte perceptif. Quant aux « halluzinatorische Symptomkomplexe »,
ils doivent, nous indique bien P. Schröder être réintégrés dans l’état du délire.
En se rapportant aux illustrations (p. 446), on se convaincra d’ailleurs que tout
ce qui y est représenté (1) par cette fantasmagorie des formes n ’est rien d ’autre
que ce que chacun peut inventer dans son sommeil, ou ce que l’art moderne

(1) Nous avons à titre exceptionnel reproduit une de ces phantéidolies pour
démontrer précisément dans quelle atmosphère onirique fleurissaient les étranges
figures du fantastique.
1250 MODÈLE O RGA NO-D YNAMIQUE

(avec ses anamorphoses), ou l’art brut (avec ses déformations naïves et vrai­
ment déchirantes) aiment à se représenter et à présenter, c’est-à-dire l’insolite,
ici bien capable en effet de couper le souffle, mais de couper non seulement
celui de l’halluciné mais celui de Braque fabriquant son tableau ou celui des
spectateurs du « Jardin des Délices »...
Les études sur le fond négatif de l’Hallucination « fondent » les caractéris­
tiques des formes de la figure positive en découvrant leur contexte, l’état du
délire primordial au sens de Moreau (de Tours). Nous verrons que le problème
qu’elles laissent en suspens (qui des Hallucinations délirantes sans rapport
apparent avec un trouble de la Conscience ?) demeure et que, par conséquent,
nous aurons à la reprendre.
P hénoménologie (1). — Nous avons presque constamment au cours de
cet ouvrage — et bien plus encore dans notre livre « La Conscience » — fait
référence à la Phénoménologie qui, de Hegel à Husserl, puis à Heidegger, a
trouvé chez nous son écho le plus sonore chez J.-P. Sartre et M. Merleau-Ponty.
La première partie de l’exposé du Modèle organo-dynamique (dont nous
cherchons ici à suivre la trace et la trame du savoir qu’il exige) nous a donné
l’occasion de souligner que, pour nous, la Phénoménologie ne pouvait trouver
son point d ’impact en Psychopathologie qu’en visant en deçà de l’apparition
des essences (sorte d’éidétique transcendentale psychopathologique) l’appa­
rition de l’existant en tant qu’incorporé à son corps et incorporant son monde.
Sans doute la Phénoménologie peut-elle demeurer dans la région originaire
d’une éidétique transcendentale qui peut, et, en un certain sens, doit demeurer
dans le règne des essences; mais elle a aussi à se poser ou à laisser poser des
questions, non seulement sur la « mondanité » mais aussi sur la « naturalité »
de l’Homme. Dans son ouvrage (« La Psychiatrie phénoménologique », 1963)
et son rapport au Colloque de Bonneval (« L’Inconscient », C. R. parus en
1966, éd. Desclée de Brouwer), G. Lantéri-Laura a fort bien accentué cette
interrogation, ou mieux encore, a contraint la Phénoménologie d ’y répondre
si elle veut éviter un intellectualisme logico-mathématique vers lequel Heidegger
risque de l’entraîner (structuralisme ou symbolique pour lesquels A. de Wael-
hens, dans son livre sur la Psychose, marque quelque inclination). Ce qui fait
la valeur de l’œuvre de M. Merleau-Ponty, c’est précisément d ’être, pourrait-on
dire, une phénoménologie de Vincorporation du sens à laquelle a correspondu

(1) Cf. mes exposés et la bibliographie de ces grandes œuvres phénoménologiques,


in « La Conscience » (2e éd., P. U. F., 1968). Pour ce qui est des rapports entre Psychia­
trie et Phénoménologie, citons spécialement : La Psychopathologie générale, de K . J as­
pers (trad. fr., P. U. F., 1933); Le Temps vécu (lre éd., 1933) et La Psychopathologie
générale (P. U. F., 1966) de E. M in k o w sk i; le rapport de A. H esnard au Congrès de
N. et P. de] langue française de Tours, 1959; l’ouvrage de R. M ay, E. A ngel et
H . F. E llenberger , « Existence a new dimension in Psychiatry », 3e éd., Basic Books,
New York, 1959; le livre de G. L antéri-L aura , La psychiatrie phénoménologique,
P. U. F., 1963 et Introduction à l'analyse existentielle (trad. fr. par G. V erdeaux
et R. K u h n de plusieurs textes essentiels de L. B insw anger , éd. de Minuit, 1971).
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE E T PHÉNOMÉNOLOGIE 1251

tout « naturellement » notre conception de l’organisation du « corps psy­


chique ».
K. Jaspers et E. Minkowski — en cela plus proches de la Gestaltpsychologie
de Köhler ou de Wertheimer (1) qu’on ne le dit généralement —• ont résolument
adopté une attitude phénoménologique en refusant la «réduction transcen-
dentale» (G. Lantéri-Laura). Ils ont ainsi permis l’approfondissement et la
fécondité de la rencontre anthropologique ou « existentielle » du Psychiatre
avec son malade, en restant dans « la chose même » qui fait le problème de la
psychiatrie : l ’essence du psychopathologique. Or, cette « essence » n ’est rien
d’autre que le champ circonscrit par l’incompréhensibilité, ou de l’hétérogénéité,
ou de la rupture, ou de la déchéance de l’être dans le monde psychiatrique ou
névrotique (2).
A cet égard, l’œuvre de L. Binswanger mérite une particulière attention.
A partir de 1922, il a su tirer un merveilleux parti de la phénoménologie en
tant qu’elle constitue un au-delà des sciences naturelles qu’elle enveloppe. Et
on sait quelles exceptionnelles descriptions phénoménologiques ont consacré
sa réputation de psychopathologue anthropologue par l’approfondissement de
sa « Daseinsanalyse » de la Manie, de la Mélancolie ou des Schizophrénies.
Mais s’il n ’a jamais cessé, avec raison, de prescrire au Psychiatre de prendre
pour « objet » de sa science et de sa psychothérapie l’Homme jeté par son
destin entre ses mains, il n ’a jamais cessé non plus de considérer que la Psychia­
trie est et doit être aussi une science de la nature (3).
Or, et c’est bien là que nous voulons en venir, si l’Anthropologie existen­
tielle enveloppe le champ de la Psychiatrie, celle-ci, tout en exigeant d ’être
traitée comme une science de l’homme, ne peut cesser d ’être une science anthro­
pologique de l’homme malade. Toutes les analyses de L. Binswanger, de Kuhn
et aussi de A. de Waelhens (cf. p. 178-215), qu’elles se réfèrent à Honigswald,
à P. Hâberlin, à W. Szilazi, à J. Lacan ou à H. Maldiney, toutes visent — même
quand elles croient ne pas le viser — un trouble fondamental : métamorphoses
de la présence — rupture des échanges et des sens — confusion du symbolique

(1) Et, bien sûr, moins encore dépendante de l’expérience des «données senso­
rielles » de l’école de Gratz. Cf. sur les rapports de la phénoménologie et de la Gestalt­
psychologie, le dernier chapitre du livre de G. L antéri-L aura et surtout l’ouvrage
de A. G urevitsch , Théorie du champ de la conscience.
(2) P. H âberlin écrit dans un article que L. Binswanger qualifie (1955) de remar­
quable (« Objekt der Psychiatrie », Arch. suisses Psych. Neuro., 60,132), que les mala­
dies mentales sont des somatoses, alors que seules les névroses devraient être consi­
dérées comme des névroses, c’est-à-dire des maladies véritablement psychiques ou
psychoses... (p. 259 de VIntroduction à l'analyse existentielle, textes traduits en français
en 1971).
(3) Les progrès de la Psychiatrie dépendent dans une forte proportion de l’effet
d’échange de la recherche matérielle et objective et de la réflexion transcendentale
sur son essence en tant que science (ibid., p. 263 : ce sont les dernières lignes de ces
textes traduits).
E y . — Traité des Hallucinations, n . 41
1252 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

et de l’imaginaire, etc. De telle sorte que pour nous, la prétention souvent pro­
clamée par ces phénoménologues et anthropologues de répudier tout « natu­
raliste », recours à l’idée de processus n ’est qu’illusion. Ils se dupent eux-
mêmes en croyant ne pas faire appel quand ils parlent, par exemple, « du réel
hallucinatoire du signifiant forclos », d ’un bouleversement des structures onto­
logiques du corps psychique. Car lorsqu’ils s’imaginent être dans le symbo­
lique, c’est encore dans la réalité de son apparition ou la disparition de sa réalité
qu’ils se trouvent nécessairement : c’est-à-dire dans la région proprement psy­
chopathologique du processus délirant.

C. — LA PR O D U CTIO N H A LLU CINA TOIRE


D É PE N D D E LA D ÉSO R G A N ISA TIO N D E L ’Ê T R E CONSCIENT
OU D E SES INSTRUM EN TS PSYCHO-SENSORIELS

Bien des fois au cours de ces chapitres nous avons été projetés au centre
même du problème de l’hallucinogenèse, mais cette fois c’est vraiment « l’heure
de la vérité », et nous voici maintenant confrontés à l ’ultime difficulté concep­
tuelle qui empêche généralement de saisir le genre hallucinatoire, c’est-à-dire
la totalité des espèces qui le composent.
La révolution copernicienne dans la science des Hallucinations dépend du
renversement de sa formule classique : l’Hallucination n’est pas le produit
d’une excitation (positive), elle est l’effet d’une dissolution (négative) — elle
n ’est pas ce qu’elle paraît être, quelque chose « en plus », elle est ce qu’elle est
en paraissant être ce qu’elle n’est pas, quelque chose « en moins ». Elle est une
illusion qui porte en elle-même la marque d ’une altération formelle de la réalité.
Ce qu’il y a au fond de l’Hallucination, ce n’est pas plus un appel ou un contre-
appel de désir, qu’une production mécanique de sensations, mais une « faille »
dans le système de la réalité représenté par l’organisation de l’être conscient.
C’est à cette dernière démonstration que nous devons maintenant consacrer
les pages qui doivent achever l’exposition, sinon la démonstration, du modèle
théorique organo-dynamique.
Par là, en effet, nous extirperons jusqu’à sa racine l’erreur qui consiste
à quelque niveau que ce soit, pour quelque catégorie d'Hallucination que
ce soit (1), à admettre la notion d’excitâtion sensorielle (ou tout autre concept
analogue qui ne considère l’Hallucination que dans sa positivité. Comme nous
venons de le faire remarquer plus haut, la plupart des auteurs, même s’ils ont
désespérément lutté contre l’idée d’une « sensorialité primitive », d’une irri­
tation des centres d ’images, d ’une « esthésie neuronale », d’un « éréthisme »

(1) A condition, bien sûr, qu’il s’agisse d’une véritable Hallucination, c’est-à-dire
d’un phénomène pathologique qui se soustrait à la « norme », c’est-à-dire à la loi
de la « réalité commune ».
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PROCESSUS DE DÉSORGANISATION 1253

des organes, voies et centres psycho-sensoriels, n ’ont jamais pu s’affranchir


totalement de ce concept erroné. Dès lors il leur restait à faire la « part du feu »,
et c’est ainsi que l ’on a classiquement opposé « Hallucinations sensorielles et
Pseudo-hallucinations », Hallucinations délirantes ou analogues au rêve (c’est-
à-dire engendrées par un trouble primaire dont elles sont les effets secondaires)
et Hallucinations considérées comme phénomènes sensoriels primitifs et positifs
d ’excitation des organes des sens ou des centres primaires ou secondaires de
projection des afférences spécifiques. Comme J. Baillarger ou comme K. Jaspers
(et même de P. Schröder), tous les grands cliniciens ou presque sont tombés
dans le piège de cette concession sans s’apercevoir qu’elle ruinait dans son
fond toute leur théorie de l’Hallucination en admettant qu’elle puisse, fût-ce
dans une de ses espèces, être réduite à une excitation mécanique des nerfs, des
centres d ’engrammes ou d ’images. Et, bien sûr, l’idée de considérer l ’Hallu­
cination comme l’effet d’une excitation libidinale ne conduit pas davantage
à la compréhension totale de toutes les Hallucinations ni même d ’aucune Hal­
lucination en particulier.
Nous voyons donc que nous sommes le « dos au mur ». Exactement
ainsi que nous n’avons cessé tout au long des développements de ce « Traité »
de nous y placer comme pour faire mieux comprendre par quel « rétablis­
sement » indispensable une théorie générale de l’Hallucination peut sortir
de l’impasse dans laquelle la notion d ’excitation, même parcimonieusement
concédée à « certaines Hallucinations élémentaires » l ’a fourvoyée.
Cela revient à dire une fois encore qu’une véritable théorie de l’Halluci­
nation doit : 1°) la séparer de toutes les modalités normales de l’exercice de
l’imagination qui est le lot commun à tous les hommes, même adultes et bien
éveillés — 2°) ne jamais admettre, ni pour les catégories d ’Hallucinations
délirantes, ni pour les catégories d ’Éidolies (et notamment pour distinguer
celle-ci des Hallucinations délirantes) qu’aucune des espèces du genre hallucina­
toire puisse se prêter à une interprétation qui la réduit à n ’être que le « simple »
effet d’une excitation selon les modèles linéaires que nous avons formellement
récusés après un minutieux examen critique.
Autrement dit, les diverses catégories de phénomènes hallucinatoires
— toutes — relèvent d’une pathogénie qui, malgré la diversité des pro­
cessus qui les engendrent et malgré leurs différences structurales, fait
dépendre l’apparition positive de l’Hallucination d ’une « lésion négative »
(comme disait Jackson) de l’organisation psychique ou de l ’organe sensoriel
(au sens général de système ou analyseur perceptif).
Bien entendu, de fil en aiguille cela revient à soutenir que même dans les
Eidolies (et parmi les Éidolies même dans les Protéidolies) nous retrouvons
quelque chose d ’analogue aux rapports du sommeil et du rêve. C ’est-à-dire
à reconnaître dans les Hallucinations délirantes quelque chose d’analogue
au phénomène sommeil-rêve, non seulement dans les expériences délirantes
mais encore dans les Hallucinations noético-affectives du travail idéo-ver-
bal délirant. Comme tout cela, malgré tout ce que nous avons déjà dit et redit,
doit faire encore l’objet d ’une décisive réflexion, c’est à cette démonstration
1254 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

que nous devons employer les derniers efforts qu’il nous reste à faire
pour achever l’édification de notre modèle théorique appliqué à l’ensemble
des phénomènes hallucinatoires.
La pathogénie propre aux diverses catégories hallucinatoires (Hallu­
cinations délirantes comprenant expériences hallucinatoires et Hallucinations
noématico-affectives — et Éidolies comprenant phantéidolies et protéidolies)
suppose que nous disposions d’un modèle général de la désorganisation hal­
lucinogène du corps psychique et des systèmes perceptifs qui en sont les ins­
truments. Et c’est précisément cette théorie (que nous avons développée dans
notre ouvrage sur la Conscience (1964), dans notre Rapport au Congrès de
Madrid (1966) et dans les diverses Parties de cet ouvrage, qui doit nous per­
mettre de mettre de l’ordre dans la connaissance du désordre hallucinatoire
en le rapportant précisément aux modalités d ’organisation de l ’être cons­
cient qui n ’est rien d’autre que le Sujet accordant son propre modèle de la
réalité au système de la réalité légalisé par la pensée commune, par la commu­
nication qui le lie aux autres.
C’est seulement parce que nous avons élargi jusqu’au point extrême où il
fallait la porter, que la théorie des rapports du sommeil et du rêve (du conscient
devenant inconscient et de l’Inconscient émergeant dans la Conscience) dans
une théorie généralisée de leur relativité, peut par cette hypothèse patiemment
et systématiquement élaborée nous permettre d ’aborder enfin le problème du
désordre radical (anomie) que l ’Hallucination représente dans la généralité des
phénomènes hallucinatoires quelles qu’en soient les espèces.
Nous l’avons déjà dit en commençant à formuler les propositions qui s’arti­
culent pour former le modèle architectonique organo-dynamique de l’Hal­
lucination, celui-ci doit consister pour nous non seulement à découvrir l’ordre
naturel des phénomènes hallucinatoires mais à mettre peu à peu de l’ordre
dans le désordre des esprits de tous ceux trop nombreux hélas ! qui, comme
saisis de vertige sont tombés dans le piège de l’Hallucination. Celle-ci se présente
en effet, tantôt comme une unité générique et tantôt comme une multiplicité
d ’espèces sans que, faute d ’une idée directrice sur l’organisation anti-halluci­
natoire de l’architectonie psychique, ne puissent s’apercevoir clairement les simi­
litudes, les différences et l’articulation de ces phénomènes entre eux. Peut-être
la clarté que nous avons déjà essayé d ’introduire par les laborieuses pages
dialectiques de cet ouvrage va-t-elle éclater plus évidemment maintenant que
nous pouvons saisir, en la considérant dans sa véritable et unique perspective,
(celle des effets positifs secondaires à une condition négative), la pathogénie
de toutes les catégories et variétés d’Hallucinations.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DÉLIRIO-HALLUCINOGÈNE 1255

D . — LES PROCESSUS G ÉN ÉR A TEU RS


D ’H A LLU CINA TIO NS D ÉLIR A N TES

La démonstration de la thèse de la négativité de l’Hallucination délirante


respose essentiellement sur le rapport organique qui lie l’être conscient au sys­
tème de la réalité, comme le rêve au sommeil. Mais disons tout de suite pour
bien montrer que nous ne tombons pas nous-même dans le piège de la théorie
d ’une identité pure et simple du rêve, du délire de l’Hallucination, qu’il ne
s’agit pas du tout de prétendre que le modèle de la production de l’expérience
onirique peut s’étendre sans élaboration approfondie à l’ensemble de tous
les délires. Il est bien clair pour tout le monde (et cela a été tellement discuté
dans les fameuses discussions de 1855!) que l’on ne saurait se tirer par une
pirouette (celle-là même qui est impliquée dans la fameuse « notion tarte à la
crème » du « rêveur éveillé ») des difficultés que la clinique oppose à cette pure
et simple identité. Pour sortir de ce mauvais pas (contre lequel depuis le temps
de Moreau (de Tours), de H. Jackson, de Delasiauve, puis de E. Bleuler, P. Janet,
Jaspers, L. Binswanger et Kurt Schneider, tous et chacun ont toujours butté)
d’un processus délirant analogue mais non identique au sommeil générateur
du rêve, il faut transformer profondément ce rapport analogique, aller jusqu’à
l’incorporer dans l’ontologie même de l’être psychique, comme nous l’avons
fait au Congrès de Madrid (1966) en proposant une théorie générale des rap­
ports de l’être conscient avec son Inconscient. La démarche inverse que nous
invite à faire A. de Waelhens (1972) pour rejoindre Heidegger ne permet ni de
résoudre ni même de poser le problème du Délire, placé et maintenu sur l’orbite
d ’un monde purement éidétique, sans réalité.

1° Validation de la notion de processu s


dans tou tes les P sychoses hallucinatoires.

Pour nous il n ’y a pas d’Hallucinations délirantes, bien entendu, qui ne


dépendent du Délire, et il n ’y a pas de Délire quelle qu’en soit la forme clinique
ou l’évolution qui ne soit engendré par un processus de désorganisation,
c’est-à-dire au sens le plus large du terme (et non pas seulement dans son
acception « mécaniste ») par un processus « organique ». Ainsi devons-nous
d ’emblée indiquer que nous ne saurions séparer les Psychoses délirantes aiguës
des Psychoses délirantes chroniques, en appelant les premières « symptomati­
ques » (d’un processus organique « exogène ») et les secondes « endogènes »
(en laissant en suspens leur genèse processuelle). Qu’il s’agisse de déstructuration
du Champ de la conscience (Psychoses délirantes aiguës avec leurs expériences
hallucinatoires) ou de désorganisation du système de la Personnalité (Halluci­
nations noético-affectives du travail délirant idéo-verbal), il s’agit toujours et
dans toutes les modalités, de la « maladie délirante » (P. Guiraud), notion qui
1256 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

ne veut rien dire si elle n ’ancre pas la pathologie de l’être conscient dans sa
généralité dans la pathologie générale de l’organisme dont le corps psychique
dépend (1).
Une grande partie des tableaux cliniques où se mêlent inextricablement
délire et Hallucinations, loin de permettre de « déduire » le Délire de l’Hallu­
cination montrent que l’Hallucination n’est qu’un aspect « secondaire » (un
effet) du délire. Tous les cliniciens admettent à ce sujet des « états hallucina­
toires », des expériences délirantes de dépersonnalisation, etc., tous concepts
qui établissent la primordialité de l’état délirant sur l’Hallucination. Ceci les
a conduits généralement (et tel a été d ’abord et surtout le fruit de l’observation
des grands cliniciens classiques) à considérer qu’une grande partie des états
hallucinatoires sont « symptomatiques » (états confuso-oniriques, psychoses
hallucinatoires aiguës, Delirium, « wahnhafte Züstände, etc.) d ’affections
somatiques et spécialement cérébrales.
Cependant, cette notion de Délire hallucinatoire symptomatique se heurte
à une autre masse clinique de faits, ceux où l’état de délire paraît lui-même pri­
mitif, et on parle alors de psychoses « endogènes » ou « constitutionnelles ».
On a certes raison de considérer que ces Psychoses délirantes qui constituent
Yaliénation mentale (par excellence, dirions-nous, si nous ne craignions pas de
valoriser par ce superlatif la notion de maladie mentale en la portant au niveau
d’une sorte de génie !) sont des Psychoses qui manifestent la désorganisation
du Moi pour autant qu’il assure l’autonomie de sa personne et le système de
la réalité de son monde. Mais on a tort de considérer que « endogène » veut dire
« sine materia », car tout nous porte à croire que dans les cas de « Schizophré­
nies », de « Délires chroniques » ou de « Paranoïa », le Délire a un substratum
— fût-il indirect et peut-être intermittent — organique. C ’est ainsi que la plu­
part des Cliniciens ont parlé ou parlent à leur sujet d ’affections dégénératives,
métaboliques, héréditaires, chromosomiques ou d ’affections neuro-hormo­
nales, etc. Nous voudrions à cet égard rappeler les principaux arguments qui
s’imposent pour valider l’organogenèse de ces « maladies délirantes et halluci­
natoires ».
La considération d’un processus cérébral déterminé, quand en sont suivis
et bien étudiés les effets psychopathologiques, conduit en effet presque toujours
sinon nécessairement à constater qu’il engendre non seulement toute la série
des niveaux des psychoses aiguës mais aussi des formes délirantes et halluci­
natoires chroniques. Et il s’agit là d ’une donnée de fait capitale dont nous pou­
vons souligner (comme nous l’avons déjà fait dans la quatrième Partie)
la constante véracité à propos, notamment, de l’épilepsie et de l’encéphalite
épidémique.

(1) Que nous nous référions à E. M inkow ski, à L. B inswanger ou à M . M erleau-


P onty , ce ne sont pas les spéculations de la phénoménologie idéaliste transcendantale
des essences et d’un Dasein qui peuvent avoir un intérêt pour la Psychiatrie, pas plus
qu’elles ne peuvent justifier l’attitude critique de A. de W aehlens (1972) s’il entend
se situer et situer l’être au monde hors du monde.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DÉLIRIO-HALLUCINOGÈNE 1257

L ’épilepsie est, bien entendu, dans notre perspective organo-dynamique


d’inspiration jacksonienne, la clé de voûte de toute la psychopathologie et
tout particulièrement d ’une conception des rapports du délire et des Hallu­
cinations. C ’est que, en effet, comme nous l’avons rappelé plus haut (cf. p. 489),
l’épilepsie déploie devant nous non seulement dans ses auras et ses crises par­
tielles toutes les configurations éidoliques (phantéidolies et protéidolies),
mais encore le spectre de tous les états psychopathologiques qu’elle engendre
pour autant que non seulement l’épileptique se décompose dans son Champ
de conscience, mais qu’il se décompose aussi aux divers niveaux psychotiques
et névrotiques (1) de la pathologie de la personnalité. Si l’épilepsie n ’était pas là
comme au centre de la psychiatrie et plus particulièrement au centre de ce
centre qu’est le problème des Hallucinations, aucune conception organo-dyna­
mique n ’aurait même pu être envisagée. Nous avons eu grand soin de consacrer
un chapitre spécial (cf. quatrième Partie) à ce problème fondamental dont, de
par ailleurs, les deux exposés (p. 1081 et p. 1086) de la conception de
H. Jackson relèvent l’importance capitale. C’est évidemment en l’ordonnant
relativement au phénomène sommeil-rêve et au processus de synchronisation
comitiale que nous avons pu présenter dans notre rapport au « Congrès de
Madrid » (1966) une théorie générale de la Psychopathologie. Car il nous
paraît évident que l’Homme épileptique n ’est pas seulement sujet à des crises
ou pertes soudaines de Conscience, mais qu’il est un Homme constamment
aux abords ou au-delà du seuil du Délire sous toutes ses formes (cf. notre
Étude, 1954, n° 26).
— Quant à l’encéphalite épidémique, l’évidence de son polymorphisme clini­
que s’étageant à tous les niveaux et dans toutes les structures des psychoses et
particulièrement délirantes et hallucinatoires (cf. plus haut p. 455), a été pour
les Psychiatres de ma génération (habitués à voir ces formes cliniques par le
regard de notre Maître Paul Guiraud) cette évidence qui n ’est pas près de
disparaître. Nous devons plutôt la transmettre à ceux qui n ’ont pas eu
l ’occasion de voir l’encéphalite épidémique dérouler sous leurs yeux toutes
les catégories d ’Hallucinations.

Nous ne pouvons pas ici faire un exposé des innombrables travaux et statistiques
(Massen-statistiken) de l’Institut de Münich, des écoles Scandinaves ou des études
génétiques de F. J. Kallmann, et encore moins de reprendre à notre compte certains
calculs des risques héréditaires ou du taux de convergence de la concordance des
jumeaux monozygotes avancés entre 1925 et 1950. Il faudrait pourtant être bien légers,

(1) Il doit paraître évident à tout Psychiatre qui a assez d’expérience clinique
que la Psychopathologie de l’épilepsie englobe nécessairement quantité de cas de
Délires chroniques, de Psychoses hallucinatoires, de Schizophrénies et aussi de Névro­
ses. En ce qui concerne les aspects névrotiques de l’épilepsie, il est à peine besoin
de rappeler les affinités hystéro-épileptiques, les aspects conflictuels de la per­
sonnalité épileptique, les phénomènes compulsionnels et les états d’angoisse hypo­
condriaque des comitiaux, etc.
1258 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

ou bien ignorants pour ne pas en tenir compte. Nous rappellerons simplement, pour
nous référer à quelques travaux récents, que pour E. Zerbin-Rüdin (Arch. f Psych.,
1967, 210, p. 340-372) les recherches généalogiques familiales confirment l’étiologie
génétique des psychoses schizophréniques (c’est-à-dire des malades délirants et
hallucinés qui forment la masse des Psychoses chroniques hallucinatoires). Le
tableau I (p. 340) est parfaitement éloquent en ce qui concerne le risque héréditaire.
Quant à la concordance de la schizophrénie chez les jumeaux monozygotes
(591 couples), elle est de 56 % contre seulement 15 % parmi 1 290jumeaux bivitellins.
W. J. Pollin et coll., Amer. J. o f Psych. (1965), tient également la concordance schizo­
phrénique pour trois fois supérieure chez les monozygotes que chez les dizygotes.
Si ces chiffres montrent que l’hérédité n ’est pas fatale, ils montrent aussi qu’on ne
saurait l’écarter de la pathogénie «endogène» des formes psychiatriques hallucina­
toires. L’aliénation de l’homme échappe à la loi, au programme vital de la nature et
elle ne saurait être confondue avec celle plus honteuse, certes, mais aussi moins
pathogène, qu’exercent sur l’individu les lois institutionnelles de la Société.

Malgré leur accumulation, de tels arguments en faveur d ’un processus


organique, ils n’entraînent pas toujours la conviction, car il faut bien dire que le
plus souvent le processus ne se déduit que de rares références à quelques cas
cliniques ou de statistiques génétiques souvent controversées.
Mais un autre argument est venu naturellement s’ajouter aux observations
cliniques dont nous venons de parler, c’est l’argument thérapeutique. Il est
incontestable, en effet, que les thérapeutiques biologiques (au sens le plus large
du terme) et plus particulièrement depuis une quinzaine d ’années la psycho­
pharmacologie, se sont révélées avoir une grande efficacité — et parfois bien
inattendue — sur l’activité hallucinatoire délirante, apportant ainsi la preuve
que le délire (même dans ses formes purement idéo-verbales) et les Halluci­
nations (même sous les formes noématico-affectives) dépendent d’un processus
que des médicaments psychotropes peuvent influencer, comme nous le verrons
dans le dernier chapitre de cet ouvrage.
Les études expérimentales sur les hallucinogènes enfin se reproduisant depuis
Moreau (de Tours) sous de multiples formes l’état primordial du délire dont les
Hallucinations font partie, ont apporté un supplément d’information et de
confirmation à l’hypothèse qui base les Hallucinations sur le délire et le délire
sur les processus de désorganisation de l’être psychique.
Enfin, les analyses structurales plus approfondies que les observations des
Cliniciens classiques ont permis depuis 30 ou 40 ans de mettre en évidence des
caractéristiques formelles ou, si l’on veut, des troubles fonctionnels notamment
dans l’activité sensorio-perceptive qui apparaissent comme des signes d’un
processus hétérogène ou hétéronome relativement aux illusions ou imagination
de l’activité psychique normale. Même, en effet, si comme H. Jackson lui-même
on admet que le délire et les Hallucinations représentent la part positive de ce qui
reste intact sous le trouble négatif, ou si l’on situe plus généralement encore le
délire et les manifestations hallucinatoires à un niveau supérieur à celui des
« troubles élémentaires » de la perception, il est bien difficile d ’aller jusqu’à les
considérer comme des phénomènes communs ou normaux (cf. l’exposition
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DÉLIRIO-HALLUCINOGÈNE 1259

de notre thèse II sur l’hétérogénéité pathologique de l’Hallucination). Certains


auteurs qui se sont particulièrement occupés de ce problème comme C. Wei-
schenk (1952) et P. Matussek (1952, 1953, 1963; R. Cooper, 1960; etc.) se sont
élevés contre l’idée de phénomènes hétérogènes basaux (contre les notions
d ’incompréhensibilité, du « ohne Anlass » qu’avaient établies K. Jaspers,
W. Gruhle ou K. Schneider), mais au fur et à mesure qu’ils ont approfondi
le problème ils en sont venus, en définitive, à admettre que si le délire halluci­
natoire ressemble plus qu’on ne le dit classiquement aux illusions que nous
avons appelées avec Quercy « psychonomes », on ne peut pas tenir compte
des caractéristiques formelles qui les en distinguent (1). De telle sorte que
nous pouvons bien dire avec un auteur peu suspect de sympathie pour les
conceptions que nous défendons ici (2) que l’Hallucination a une cc originalité
absolue » qui ne peut supporter aucune comparaison dans ses motifs et les
conditions de son apparition avec les illusions normales. Comme y insiste
Max Levin (1957, 1960), la dissolution porte son ombre sur la manifestation
positive de la part subsistante. Et c’est bien dans ce sens que doivent être
interprétés et intégrés tant de travaux entrepris depuis quelques années sur
les troubles de la pensée et de la perception des délirants hallucinés, troubles
qui sont comme les stigmates des maladies délirantes hallucinatoires.
Ce sont généralement des troubles de la « Gestaltung » ou des fonctions
temporo-spatiales ou des anomalies (élargissement ou réduction excessive) de
l’information qu’ont mis en évidence les auteurs qui se sont plus spécialement
occupés de ces « troubles fonctionnels perceptifs » dans les Psychoses et spé­
cialement dans les psychoses délirantes et hallucinatoires comme les Schizo-

(1) C’est ainsi que C. W eischenk après avoir envisagé qu’il n’y avait pas d’hétéro­
généité entre les illusions normales et les Hallucinations des Schizophrènes et après
avoir révoqué en doute la notion du « ohne Anlass » (en se référant à la fameuse
critique du concept d’incompréhensibilité par F. A. K ehrer , Der Verstehen und
Begreifen in der Psychiatrie finit par indiquer que même s’il y a des mobiles affectifs
il faut se rendre compte qu’il y a autre chose à la base d’un délire hallucinatoire d’une
jeune fille qui entendait la voix lointaine d’un bien-aimé mais ne l’entendait plus après
un électrochoc. De même, P. M atussek à propos d’une très belle observation (1952),
celle de son malade R., tout en admettant que les perceptions des Schizophrènes sont
particulièrement et anormalement exaltées (anormalen Hervortreten) se voit peu à peu
contraint d’admettre que parallèlement à cette perception en elle-même non patho­
logique et même plus discriminative, s’établit un courant de troubles négatifs (parallel
sehends Lockerung) qui se situe, dit-il (1963), au niveau de la « Symbolbewusstsein ».
Il pense qu’il s’agit d’ « eine Lockerung des natiirlischen Wahrnehmungszusammenhan-
gen bei gleichzeitiger Herauspaltung einzelner Wahrnehmungsbestandtheit » (relâ­
chement des fonctions naturelles des synthèses perceptives avec en même temps
émancipation d’éléments perceptifs isolés).
(2) Il s’agit d’un article de Ch. M elman paru dans « Silicet », 1968, n° 1, intitulé
« Étude sur l’Hallucination » (p. 120-131). Comme dans cette revue, quelque peu
ésotérique, les auteurs sont tous anonymes, nous avons eu un peu de difficulté à
identifier l’auteur, mais nous croyons y avoir réussi.
1260 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

phrénies. Eysenck et ses collaborateurs (1957) ont publié une monographie


sur ce trouble de la perception dans les maladies mentales dans la perspective
indiquée par L. L. Thurstone (1944). Celui-ci avait, en effet, constitué une batterie
de 59 tests perceptifs destinée à l’analyse fonctionnelle de la perception (rapidité
et intensité de la constitution de la forme — représentation spatiale et constance
de la forme — illusions d ’optique type Müller-Lyer, Sander et Poggendorff —
temps de réaction — oscillations de l’équilibre des forces antagonistes du
champ — flexibilité dans le renversement des diverses configurations — chan­
gement de vitesse dans les mouvements d ’adaptation, etc.). Les résultats obte­
nus par les expérimentateurs de l’école du Maudsley Hospital (H. J. Eysenck,
G. W. Granger, J. C. Brengelmann, etc.) ont, disent-ils, dépassé leurs espérances
puisque d ’après leur analyse factorielle rigoureuse ils ont pu relever des
différences significatives qui séparent la perception normale de celle des
« malades mentaux » (dont malheureusement l ’étude clinique ou même le
simple diagnostic disparaissent sous la simple désignation « psychotique »).
L ’étude, ou plus exactement la « revue générale » que D. Langer (1964)
a consacrée aux recherches sur l’objectivation expérimentale des troubles de
la perception par l’application de la théorie de l’information doit être ici parti­
culièrement signalée pour l’exceptionnelle documentation qu’elle contient :

Il s’agit d’abord de faire l’inventaire des troubles de la perception chez les « malades
mentaux » (schizophrènes ou névrotiques) par comparaison avec les cas de lésions orga­
niques cérébrales et avec les normaux. Il n’est pas fait mention spécialement du problème
des Hallucinations. Mais malgré le caractère un peu flottant de ce travail à l’égard
du problème qui nous occupe, et surtout l’absence de catégorisation clinique des faits
rapportés, nous pensons qu’ici au moment où nous rassemblons les arguments en
faveur d’une désorganisation du corps psychique dans les psychoses délirantes et
hallucinatoires, il est important que nous prenions acte de ces recherches qui, pour
si conjecturales qu’elles soient ou vaines qu’elles puissent paraître, n’en comportent
pas moins un intérêt, ne fût-ce que méthodologique. Pour D. Langer, si on se réfère
aux analyses factorielles de Thurstone (1944) et aux travaux de H. J. Eysenck, ou plus
généralement aux recherches inspirées par la Gestaltpsychologie (différenciation
de la figure et du fond, oscillation de la configuration d’une perspective à l’autre,
influence des configurations perceptives antécédentes, etc.), on se borne alors à une
comparaison de la perception chez les « organiques » ou les « non-organiques »
mais à un niveau trop bas pour qu’elle puisse viser les troubles perceptifs de niveau
proprement psychopathologique. Et, effectivement souligne D. Langer, ces études
versent dans une sorte de paraphrase cérébrale des troubles envisagés selon les prin­
cipes de l’isomorphisme de W. K öhler (comme par exemple lorsqu’on fait état avec
Thomas et Stewart, 1957 de « steady state » cortical électrique pour expliquer la dédiffé­
renciation figure-fond), ou que l’on interprète en termes neuro-physiologiques la
capacité de saturation (satiability) ou la tendance au nivellement et à l’équipotentialité
des réactions par des Stimuli divers.
Il semble donc que tous ces travaux trouvent en eux-mêmes leurs limites et leurs
contradictions (p. 37), et que ce soit dans une « autre perspective » (pour nous pas
tellement différente) qu’il faut chercher les principes d’une méthode de comparaison.
Et D. Langer se tourne vers les théories de la perception qui font appel à la fonction
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DÉLIRIO-HALLUCINOGÈNE 1261

d’adaptation et surtout d'information. C’est ainsi qu’il rappelle l’importance des


points de vue de J. J. Gibson (voir plus haut) pour qui l’organe des sens n’est pas un
récepteur mais, comme nous l’avons dit, un « prospecteur ». De telle sorte que, par
exemple, l’élaboration de l’information visuelle est l’expression d’une relation entre
les paramètres de l’éclairage rétinien, les paramètres de l’activité neuronale ou compor­
tementale qui constitue la composante proprement vécue de la perception. L’élabo­
ration de l’information consiste dans une analyse des divers éléments qualitatifs de
l’information et de l’ordre temporo-spatial dans lequel ils sont rangés. A cet égard
la capacité de pousser le plus loin possible cette analyse de l’information constitue
la forme optima de l’adaptation. Les recherches de H. J. Eysenk (1957), de
G. W. Granger (1957), de M. Wertheimer (1957), de J. M. Scher (1957), de Monk
et Pasamanik (1958), de T. E. Weckowciz (1960), de P. Hoch et J. Zubini
(1965), etc., s’inscrivent dans cette perspective.
Pour ce qui concerne l’élaboration temporo-spatiale de l’information, D. Langer
insiste sur plusieurs faits ou travaux qui nous paraissent importants et dont nous
ne retenons que ce qui pourrait être utilisable pour notre théorie générale de l’Hallu­
cination. L’inhibition latérale réciproque paraît jouer un rôle important dans l’infor­
mation des contours (Ratlif, 1961), la perception des contrastes similaires et l’acuité
visuelle (hors, bien entendu, des conditions de l’appareil de réfraction). Or, à cet égard,
il y aurait une nette diminution fonctionnelle chez les psychotiques et les névro­
tiques (H. J. Eysenk). D ’autres composantes de l’acte perceptif d’information (la densité
des figures, leur grandeur et leur éloignement) ont fait l’objet de recherches expéri­
mentales. D ’après T. E. Weckowicz (1957,1958,1959), l’information visuelle spatiale
est particulièrement médiocre chez les schizophrènes. Pour ce qui est de l’analyse
temporelle de l’information qui exige une certaine sommation, un certain seuil d’adap­
tation rapide et un net contraste dans la discontinuité de la succession, il y a lieu de
noter qu’il n’y a chez le schizophrène aucun ralentissement du temps de réaction
(Lang, 1959, Payne et coll., 1959). Il y aurait plutôt une sorte d’excitabilité généralisée
et uniformisée (une « overinclusion » au sens de Cameron) qui serait à mettre sur le
compte d’une inhibition réactive (Venable, 1955-1959).
Enfin en ce qui concerne la constitution d’« invariants » dans le mouvement infini
qui sans cesse agite le champ perceptif (nous avons parlé à ce sujet du « mouvement
brownien » du champ perceptif spécifique), il est bien évident que l’information ne peut
se constituer que par une réduction de l'information qui choisit et filtre des points de
stabilité et de consistance. C’est dans cette perspective que les mouvements apparents
hallucinatoires des psychoses toxiques et chez les psychotiques en généra] (Eysenk)
peuvent s’observer...
Cette dernière remarque peut justifier l’importance que nous donnons ici à cette
série de recherches. Car si celles-ci sont dans l’ensemble plutôt décevantes malgré
ce qu’en disent H. J. Eysenk et D. Langer, elles nous permettent d’entrevoir peut-
être, sinon de mettre en évidence, la désorganisation de l’information et de la com­
munication qui apparaît en arrière-fond des figures hallucinatoires.

Si les données de la pathologie cérébrale et de la génétique, l’analyse cli­


nique, l’évolution, les caractéristiques structurales et certaines anomalies de la
peiception au cours des psychoses hallucinatoires constituent une base solide
pour l’hypothèse d’un processus générateur de délire et par voie de conséquence
des Hallucinations, il n ’est peut-être pas sans intérêt de signaler ici les recherches
qui ont été récemment entreprises par l’enregistrement polygraphique (EEG)
1262 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

du sommeil nocturne et pendant les phases hallucinatoires des expériences


hallucinatoires. Pendant longtemps (cf. les contributions de L. J. West au
Symposium de Washington, 1958) on a eu tendance à assimiler les phases du
sommeil rapide avec PMO et ce qui se passe, par exemple, dans le délirium.
Signalons à titre d’exemple le travail de M. M. Gross et coli. (1) qui a mis en
évidence un taux très élevé de phases de PMO pendant le sommeil et l’activité
hallucinatoire diurne, fait confirmé par R. Greenberg et C. Pearlman. Mais
depuis quelque temps, et notamment depuis les travaux de D. Foulkes (1967) (2)
et de R. J. Berger (1967) (3), on a une tendance à considérer que le sommeil
dans ses rapports avec le rêve ne sont pas aussi simples que N. Kleitman et
W. C. Dement le pensaient (4). Pour 1. Feinberg (5) (1970), il y a lieu également
de revenir sur la distinction « trop simple » entre sommeil lent et sommeil
rapide avec PMO (REM en anglais) dans leurs rapports avec les états halluci­
natoires (Schizophrénie, Delirium, Expériences toxiques). Il y a plus d’hétéro­
généité dans les diverses phases des rapports, entre modalités de sommeil et
imagerie du rêve d’une part, et pensée onirique d’autre part. C’est la même
impression que nous avons retirée des recherches entreprises depuis 1963
dans notre service de Bonneval, en soulignant notamment l’importance des
« phases intermédiaires » (P.I) (6). Le récent travail de G. W. Vogel, B. Barrowe-
lough et D. Giesler (7) (1972) insiste sur le fait que le rêve, ou les divers types
de pensée du sommeil, se produisent à des divers degrés ou dans des formes
diverses dans toutes les modalités et degrés du sommeil; il confirme ainsi très
explicitement la conception de H. Jackson. Nous voudrions donner ici un
aperçu des investigations faites sous la direction de C. Lairy, avec L. Gold-
steinas, M. Barros, A. Guennoc, E. Mattos, J. C. Vidal, P. Salzarulo, etc. sur
le sommeil et le rêve des délirants. La morphologie des phases de sommeil est
assez constamment bouleversée pour que l’on puisse dire que le délirant ne
dort pas normalement; de plus, l’intrication des phases intermédiaires au
sommeil lent et aux phases de sommeil rapide (PMO) paraît être en corrélation

(1) M. M. G ross et coll., Semaine Internationale de Psychosomatique, Rome, 1967.


(2) D. F oulkes, Non rapid eye movment mentation. Exp. Neurol. (Monogra­
phie, n° 4), 1967.
(3) R. J. Berger , When is a dream a dream. Exp. Neurol. (Monographie, n° 4),
1967.
(4) Cf. plusieurs ouvrages récents (K. A kert et coll. « Sleep mechanism » ; E. J. M ur ­
ray « Sleep dreams and arousal », 1965; H. G astaut et coll., « The abnomalities
o f sleep », 1968 ; E. H artmann , « Sleep anddreaming », 1970; L. M adow et L. H. Snow
« The psychodynamic implications o f the studies on dreams », 1971.
(5) I. F einberg , « Hallucinations, Dreaming and REM Sleep », in Keup (C. R. Mee­
ting de New York de 1969), 125-132.
(6) Le travail de L. B eaussart et J. M. B édoret (N. Presse Médicale, 1972, 24,
1637-1638) insiste également sur l’importance des phases de sommeil qu’ils appellent
SMO (sans mouvements oculaires).
(7) G. W. Vogel , B. B arrowelough et D. G iesler, Arch. Gen. Psychiatry, 1972,
26, 449-455.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DÉLIRIO-HALLUCINOGÈNE 1263

significative avec l’édification du délire hallucinatoire que Baillarger rapportait


à l’état intermédiaire à la veille et au sommeil.

E xposé des travaux d ’EEG sur le sommeil et le rêve dans les P sychoses
délirantes (1). — A l’origine deux types de sommeil ont été différenciés chez le Sujet

(1) Recherche concertée de l’INSERM que j ’ai dirigée avec G. C. Lairy.


Voici la bibliographie des principaux travaux publiés par mes collaborateurs et
moi-même :
1 — B arros F erreira (M. de), « Approche d’une étude quantitative des mouve
ments oculaires du sommeil paradoxal. Intérêt clinique ». Revue Neurologique 1970,
122, 547-528. 2 — Barros F erreira (M. de), « Analyse des différents cycles électro-
encéphalographiques du sommeil de six schizophrènes chroniques. Corrélations poly-
graphiques », Actas Luso-Espanolas de Neurologia y Psiquiatria, vol. XXVIII, Julio,
1969, n° 3, p. 215-238. 3 — B arros F erreira (M. de) et M attos (E.), « Étude évolutive
du sommeil de nuit au cours d’épisodes maniaques ou dépressifs aigus », Revue Neuro­
logique, 1969,1.121, n° 3, p. 348-357. 4 — B arros F erreira (M. de), G uennoc (A.)
et L airy (G. C.), « Activité tonique et stade de sommeil chez le malade mental »,
Revue Neurologique, Paris, 1967, t. 117, p. 280-289. 5 — B arros F erreira (M. de),
G oldsteinas (L.), L airy (G. C.) et M attos (E.), « Privation de sommeil avec mou­
vements oculaires chez les malades schizophrènes chroniques », Revue Neurologique,
1969, t. 120, n° 6, p. 459-460. 6 — Boissenot (Y.), « Privation de certains stades
de sommeil chez le Sujet normal », Thèse, Lyon, 1969, 121 pages. 7 — E y (Henri),
« Le phénomène sommeil-rêve, clé de voûte de la psychopathologie », Symposium
« Activité onirique et conscience », Lyon, décembre 1965, in « Rêve et conscience »,
Paris, 1968, P. U. F. 8 — Ey (Henri), « La dissolution de la conscience dans le
sommeil et le rêve et ses rapports avec la psychopathologie (Esquisse d’une théorie
de la relativité généralisée de la désorganisation de l’être conscient et des diverses
maladies mentales) », in C. R. IV e Congrès Mondial de Psychiatrie, Madrid, 1966.
Excerpta Medica et in Evolution Psychiatrique, 1970, XXXV, 1, p. 1-37. 9 —
F aure (R.), « Contribution à l’étude polygraphique du sommeil chez le vieillard :
analyse des phases de mouvements oculaires », Thèse, Lyon, 1962. 10 — G old -
steinas (L.), Boissenot (Y.) et C habert (F.), « Privation expérimentale de sommeil
chez le Sujet normal », Revue Neurologique, 1969, t. 121, n° 3, p. 219-226.
11 — G oldsteinas (L.), G uennoc (A.) et V idal (J.), « Nouvelles données cli­
niques sur le vécu des phases intermédiaires du sommeil », Revue Neurologique,
1967,1.115, n° 3, p. 507. 12 — G oldsteinas (L.) et L airy (G. C.), « Étude du sommeil
de nuit dans certains cas de confusion mentale, Revue Neurologique 1965, t. 113,
n° 3, p. 284-290. 13 — G uennoc (A.), « Étude électroclinique d’un épisode confuso-
délirant; données apportées par l’enregistrement du sommeil de nuit », Thèse,
Rennes, 1967. 14 — L airy (G. C.), « Données récentes sur la physiologie et la physio­
pathologie de l’activité onirique. Données EEG chez le malade mental », Proceedings
o f the IV World Congress o f Psychiatry, Madrid, 1966, éd. Excerpta Medica, Congress
sériés, n° 150, P. S., p. 11-16, 56-64. 15 — L airy (G. C.), B arros F erreira (M. de)
et G oldsteinas (L.), « Les phases intermédiaires de sommeil », in « The abnormalities
of sleep in man », Proceedings of the XVth European Meeting o f electroencephalo-
graphy, Bologne, 1967. 16 — L airy (G . C.), G oldsteinas (L.) et G uennoc (A.),
« Phases intermédiaires du sommeil des malades mentaux. Relations avec le sommeil
1264 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

normal : le sommeil lent, sommeil réparateur de degré de profondeur variable (sta­


des I, II, III, IV), sans activité onirique ni mentale autre que l’activité hypnagogique
et certains résidus de pensée diurnes — et le sommeil paradoxal ou phase des mouve­
ments oculaires avec activité onirique (PMO). Cette dichotomie première a été, comme
nous venons de le souligner, ultérieurement remaniée tant en ce qui concerne les
données neurophysiologiques que les expériences psychologiques qui leur sont liées.
Le passage du sommeil lent à la PMO est classiquement décrit comme brusque et sans
transition. En fait, si on regarde très attentivement le tracé EEG, on peut saisir pen­
dant un temps très bref de l’ordre d’une fraction de minute auparavant, des modi­
fications réalisant un pattern complexe, dont les caractères relèvent à la fois du sommeil
lent (Stades II ou III) et du sommeil paradoxal (PMO). Ces phases de transition ont
été dénommées par nous « phases intermédiaires » (PI). On peut également les observer
au décours des PMO entre la fin du sommeil paradoxal et le retour à un sommeil lent
bien défini. Elles n’occupent que 1 à 7 % du sommeil total chez le Sujet normal, ce
qui explique qu’elles aient été généralement méconnues. Mais leur importance vient
de leur signification psychologique et de leur extraordinaire exagération chez certains
malades mentaux.

I. — É tude des psychoses délirantes

a) Variations chronologiques. — L’exploration du sommeil de nuit du


malade mental nous a montré des variations chronologiques du sommeil total et
de certaines de ses phases. Un allongement parfois considérable des phases intermé­
diaires dans certains syndromes psychotiques a été mis en évidence.
Dans le cadre des psychoses, les données établies en fonction du cadre nosogra­
phique sont de peu d’intérêt. Plus nuancées sont celles qui tiennent compte du facteur
évolutif et du niveau de déstructuration, et mieux encore les études intensives de cas
privilégiés dont l’enregistrement pendant de nombreuses nuits consécutives permet
de saisir la dynamique des organisations successives du sommeil parallèlement aux
variations cliniques et aux traitements.

lent et les phases de mouvements oculaires dans les états confusionnels et délirants »,
Symposium « Activité onirique et conscience », Lyon, décembre 1965, in « Rêve
et conscience » Paris, 1968, P. U. F . 17 — L airy (G. C.), Barte (H.), G oldstei-
nas (L.) et R idjanovic (S.), « Sommeil de nuit des malades mentaux. Étude des
bouffées délirantes », in « Le sommeil de nuit normal et pathologique. Étude électro-
encéphalographique ». Électroencéphalographie et Neurophysiologie clinique. Nouvelle
série (vol. n° 2), éd. Masson, Paris, 1965, p. 353-381. 18 — L airy (G. C.), G oldstei-
nas (L.) et G uennoc (A.), « Les troubles du sommeil chez les malades présentant des
syndromes confusionnels et démentiels », Revue Neurologique, 1966, t. 115, n° 3,
p. 498-507. 19 — R idjanovic (S.), « Problèmes physiologiques et psÿchopatholo-
giques du sommeil des vieillards », Thèse, Paris, 1963. 20 — S alzaRulo (P.),
V idal (J. C.) et B arros F erreira (M. de), « Étude polygraphique des phases inter­
médiaires du sommeil des malades mentaux comparées aux phases de mouvements
oculaires », Rivista sperimentale di Freniatria, vol. XCII, fase. II, 30 Aprile 1938,
p. 476-496. 21 — V idal (J. C.), « Étude électroencéphalographique et clinique de
la phase intermédiaire au cours du sommeil de nuit des malades délirants aigus et
choniques et du Sujet normal », Thèse, Lyon, 1966. 22 — Beauroy (R. P.), « A pro­
pos d’une observation psychiatrique », Thèse, Paris, 1969, 182 pages.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PROCESSUS HALLUCINOGÈNE 1265

1. Dans le cadre des psychoses aiguës à forme maniaco-dépressive, on note


à la période de début une insomnie totale puis relative, une grande labilité du sommeil
et la diminution importante des taux de PMO et de PI rapportés au sommeil total. —
A la période d’état, les PMO demeurent quantitativement au-dessous du taux moyen
normal, et le taux de phases intermédiaires s’élève légèrement dans les formes simples,
pouvant atteindre 10 à 13 % du sommeil total dans les formes délirantes. — A la
période de rémission, on assiste à la réorganisation cyclique du sommeil, à la réappa­
rition d’un taux de PMO et de PI qui se situe au niveau des valeurs normal«.
2. En ce qui concerne les psychoses délirantes aiguës d ’un niveau de déstructuration
inférieur à celui des épisodes maniaco-dépressifs (bouffées délirantes de la littérature
française), les données diffèrent suivant qu’il s’agit d’épisodes à début brutal et rapide­
ment résolutif ou, au contraire, d’épisodes plus prolongés à début moins délimité et
venant s’inscrire généralement sur un fond de psychose plus ou moins chronique. Dans
la première éventualité, la période de début s’accompagne d’une insomnie totale ou
relative de durée variable et dont la résolution correspond au début d’amendement des
troubles. Le sommeil montre de très nombreuses perturbations de son organisation : dis­
parition du caractère cyclique, disparition ou atténuation des stades les plus profonds du
s ommeil lent (pas de stades III et IV), absence ou nette diminution du sommeil paradoxal
réalisant pendant des jours, parfois même des semaines, non seulement une privation
cumulative de sommeil, mais surtout une privation plus importante encore du sommeil
paradoxal dont la caractéristique est qu’elles ne parviennent pas à se compenser. Le
taux de phase intermédiaire atteint en moyenne 15 % du sommeil total. Au fur et
à mesure de la guérison, la durée du sommeil total et les taux de sommeil lent profond
et de PMO reprennent des valeurs normales; seul le taux de PI reste élevé (15 à 16 %
en moyenne). — Dans la deuxième éventualité, on ne note pas d’insomnie à la phase
de début de l’épisode délirant, mais une augmentation considérable des PMO qui
peuvent dépasser 30 % du sommeil total et des PI qui peuvent dépasser 20 %.
Malgré des fluctuations incessantes de ces divers équilibres lors de la période
d’état, l’évolution vers la rémission ne se fait pas comme dans le cas précédent sui­
vant un retour progressif vers la norme, et les taux excessifs de PMO et de PI se main­
tiennent après la cessation, le plus souvent momentanée, du délire, acquérant ainsi
une valeur pronostique péjorative.
Les enregistrements répétés du même malade peuvent permettre de saisir les fluc­
tuations respectives des phases intermédiaires et des phases de mouvements oculaires
tant que l’équilibre psychique demeure précaire : une atténuation du délire s’accom­
pagne d’une diminution des phases intermédiaires au profit des phases de mouve­
ments oculaires; une aggravation clinique ou de l’angoisse par l’évolution inverse.
3. Les psychoses délirantes chroniques présentent une organisation quantitative
du sommeil qui se rapproche de celle du normal. L’organisation respective des stades
de sommeil est d’autant plus stable que la psychose est plus chronique. Les malades
délirants montrent dans l’ensemble des taux de PMO voisins de la normale, mais ces
malades, qu’ils soient ou non hallucinés, gardent généralement des taux de phases
intermédiaires très élevés (autour de 15 à 20 % du sommeil total), même lors des
périodes éventuelles de rémission. Ces taux de phases intermédiaires ne paraissent
s’atténuer de façon définitive, chez les malades délirants chroniques, que si apparaît
un élément de détérioration.
Ainsi, en résumé, peut-on dire que : dans les états psychotiques constitués l’orga­
nisation du sommeil appréhendée par l’enregistrement EEG et polygraphique est
d’autant plus proche de l’organisation normale que la psychose est plus chronique
1266 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

et moins réversible, le bouleversement du sommeil qui accompagne les épisodes


psychotiques aigus, quelle que soit leur tonalité thymique, est d’autant plus massif
que l’épisode est plus rapidement réversible; il se caractérise par la réduction du
sommeil total, du sommeil lent profond et du sommeil paradoxal. Par contre, tandis
que dans les états psychotiques aigus où l’élément délirant domine, on note une élé­
vation très marquée du taux de PI, ces PI sont nettement diminuées et même moin­
dres que chez le normal quand la tonalité maniaque ou dépressive prévaut. La
gravité d’un épisode psychotique même chronique se mesure davantage à l’impor­
tance de PI qu’à celle de l’insomnie et du sommeil paradoxal.
b) Contenu psychique du sommeil. — Les réveils provoqués aux divers
stades du sommeil permettent de définir non pas tant des degrés dans sa profon­
deur que des qualités différentes, et dans le mode de contact que l’on peut établir
avec le Sujet que l’on réveille et dans les contenus psychiques qu’il exprime comme
précédant immédiatement le réveil. Il apparaît alors que l’on ne peut pas limiter
strictement l’activité onirique à la PMO.
Chez le Sujet normal, l’éveil provoqué en PMO est facilement obtenu, le contact
avec le dormeur aisément établi. Il passe de l’état de rêve à l’état de veille sans diffi­
culté. Le fait qu’il était en train de dormir et de rêver ne fait pour lui aucun doute.
Son récit, scénique, très imagé, est souvent celui d’un action fragmentaire en séquences
peu articulées entre elles, sans lien qui en fasse une histoire cohérente. Acteur et spec­
tateur à la fois, le Sujet semble vivre son rêve comme un spectacle qui se déroulerait
devant ses yeux et dont l’orientation des mouvements oculaires refléterait d’ailleurs
de façon très précise les situations successives des images oniriques. Il n’y a pas d’inves­
tissement affectif important du rêve lorsqu’il est relaté au moment d’une interruption
de PMO. Les mémorisations du lendemain montrent par contre d’importantes diffé­
rences d’avec les récits immédiats dont elles représentent une élaboration complexe,
déformée et intériorisée.
Les Sujets normaux éveillés lors des « phases intermédiaires » qui s’inscrivent
entre le sommeil lent et les PMO montrent une grande difficulté à établir un contact
avec l’expérimentateur. Contrairement à ce qui se passe lors du réveil en PMO, le
Sujet ne peut émerger qu’au bout d’un certain temps et après des sollicitations réité­
rées d’un état de malaise diffus. Réticent et irritable, il semble totalement engagé dans
une situation de conflit et d’angoisse qui se prolonge au-delà des premières mani­
festations d’éveil comportemental (ouverture des yeux, paroles...). Bien qu’il puisse
douter qu’il était endormi au moment où on le sollicite, ces périodes sont généra­
lement oubliées le lendemain.
Chez les malades mentaux, surtout dans les cas aigus, les contenus psychiques
du sommeil en phase de mouvements oculaires et en phases intermédiaires sont aussi
très différents. En phase de mouvements oculaires, le contact s’établit d’emblée et tous
les signes morbides semblent disparus. Le malade confus n’est plus confus; il peut
établir un contact immédiat et extérioriser un rêve sans lien évident avec l’état mental
de l’état de veille réalisant souvent une scène d’existence normale ou l’annulation de
la maladie. L’angoisse souvent vive à l’état de veille n’est plus exprimée et ne paraît
pas ressentie; les malades délirants ne semblent plus délirer; le délire n’apparaît
ni dans la thématique du rêve qui est souvent très banal, ni dans le mode de communi­
cation du malade. En somme, qu’il s’agisse d’un état confusionnel, confuso-délirant,
d’un délire aigu ou chronique, l’expérimentateur a l’impression lors des réveils en PMO
d’avoir éveillé un Sujet normal, n’exprimant ni confusion, ni délire, ni angoisse.
Lors des réveils en phase intermédiaire, la situation est antithétique. Malgré
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DÉLIRIO-HALLUC1NOGÈNE 1267

les signes objectifs d’éveil comportemental, le contact ne s’établit qu’après une longue
période d’un état que l’on pourrait comparer à un état somnambulique au cours
duquel tous les symptômes morbides apparaissent dramatiquement amplifiés. Dans
les états aigus, l’angoisse est au maximum et colore, plus encore qu’à l’état de veille,
la symptomatologie confusionnelle ou délirante; les expériences relatées alors n’ont
rien de commun avec le rêve, ce sont des vécus d’angoisse ineffable, de morcellement
ou de transformation corporelle associés à des sentiments douloureux d’impuissance
motrice, de chute, dans le vide, etc. Autre différence avec les réveils en phase de
mouvements oculaires, les malades réveillés en phase intermédiaire doutent ou nient
qu’ils ne soient endormis, mais le lendemain ces épisodes, même verbalisés pendant
la nuit, sont recouverts d’amnésie. Dans les états chroniques, ces différences s’estom­
pent, l’angoisse est moins vive, les rêves et les thèmes délirants moins bien exprimés
lors des réveils en cours de nuit; les difficultés de contact et d’extériorisation persistent
lors des réveils en PI.

II. — P rivations expérimentales


D E SOMMEIL PARADOXAL ( 1 )

Des expériences de privation élective de sommeil paradoxal ont été effectuées


chez 16 Sujets (5 Sujets normaux et 11 malades mentaux schizophrènes chroniques).
Chaque Sujet a subi l’enregistrement de 9 nuits consécutives : 3 nuits d’enregistrement
de sommeil spontané non interrompu, 3 nuits de sommeil avec privation de phases
de mouvements oculaires, 3 nuits d’enregistrement du sommeil spontané pour étudier
les modalités de récupération. Chaque enregistrement EEG et polygraphique (15 chaî­
nes simultanées) d’une durée de 9 heures est dépouillé par périodes de 20 secondes,
chaque période étant chiffrée en fonction d’un code pré-établi.
Ces expériences aboutissent, d’une part à un accord avec les données de la litté­
rature en ce qui concerne les modifications induites par la privation expérimentale
de PMO sur la dynamique du sommeil lent et du sommeil paradoxal ; — par contre,
l’étude des phases intermédiaires (PI) et de leurs modifications par l’expérience de
privation sélective de PMO donne des renseignements très importants : chez les 5 Sujets
normaux, la durée moyenne des PI en période de sommeil spontané pré-privation
atteint 6 % du sommeil total, la privation de PMO provoque une augmentation de
ces PI jusqu’à atteindre 12 % du sommeil total, taux diminuant progressivement
au cours de la phase de récupération.
Chez les malades schizophrènes chroniques, en moyenne les PI occupent 16 %
du sommeil total, c’est-à-dire près de trois fois la valeur observée chez le Sujet normal.
La privation de PMO augmente la durée des PI qui reviennent à leur taux antérieur
au cours des nuits de récupération. Mais des modifications intragroupes s’observent
si l’on tient compte de l’âge des malades et de la durée de l’évolution. Chez 5 malades,
âgés et depuis longtemps malades, la privation n’a entraîné aucune modification
électro-clinique — chez les 6 malades moins âgés et dont les troubles étaient plus
récents, la. moitié a présenté une augmentation des P. I. en même temps qu’une
amélioration clinique passagère. Les malades jeunes qui n’ont subi aucune modifica-

(1) Les expériences de privation sélective entreprises depuis celles de


W. C. D ement (1964) ont généralement porté sur quelques sujets volontaires
(A. R echthaffen et coli. Arch. gen. Psychiatry, 1963 et Thèse de M. B arros-F er-
reira , Paris 1972). Les plus longues périodes de privation ont été de quinze jours
1268 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

tion clinique ne montrent aucune augmentation de leur taux de P. I. au cours de la


privation de PMO ; ceux qui sont trouvés nettertient améliorées à la fin de l’expé­
rience, montrent une augmentation extrêmement importante des PI pendant la
période de privation sélective de PMO.
Ainsi, contrairement aux assertions classiques suivant lesquelles il n’y aurait pas
de différence entre les Sujets normaux et les malades schizophrènes chroniques en ce
qui concerne les conséquences des privations sélectives de sommeil paradoxal, nos
constatations soulignent à ce propos une fois encore l’importance des PI pour
comprendre les relations entre les perturbations qualitatives du sommeil et la maladie
mentale; une dynamique discriminative a pu ainsi être décrite entre des schizophré­
nies encore évolutives (processuelles) et les schizophrénies résiduelles (véritablement
chroniques) à l’intérieur d’un groupe apparemment homogène de schizophrénies
chroniques.

III. — C onclusions générales de ces études d u sommeil et d u rêve


CHEZ LES DÉLIRANTS

Le sommeil « paradoxal » est certainement un état privilégié. Sa qualité d’impéra­


tif biologique dont témoignent les expériences de privation, son caractère de fonction
très archaïque qui apparaît au travers des études phylogénétiques et ontogénétiques
du sommeil, sont à mettre en parallèle avec sa valeur normative telle qu’elle se dégage
des études des malades mentaux aigus. Mais cet état privilégié n’est pas aussi séparé,
aussi indépendant de l’autre sommeil que les physiologistes le pensent. Les phases
intermédiaires qui séparent sommeil lent et sommeil paradoxal montrent bien que
le passage de l’un à l’autre ne se fait pas sans transition. Ce passage est relativement
aisé et rapide dans les conditions normales au point que la « normalité » du sommeil
nous parait tenir à cet élément de plasticité fonctionnelle que définit la rapidité d'alter­
nance des differents sommeils autant qu'à leur importance respective.
C’est lors des phases intermédiaires (PI) que paraissent être vécues les expé­
riences psychiques les plus primaires, les moins élaborées, les plus déstructurantes,
de la perplexité inquiète à l’angoisse ineffable et au vécu de morcellement.
Nous avançons l’hypothèse que c’est au niveau de ce « conflit » entre deux équi­
libres fonctionnels que se situe l’expérience normale du cauchemar et peut-être, comme
nous l’avons suggéré, celle qui constitue l’état primordial du Délire. Il n’est pas sans
intérêt de rappeler que chez le malade psychotique ce <( conflit » ne s’atténue que
s’il guérit — ou s’il se détériore, c’est-à-dire s’il stabilise sa vie de relation au niveau
de sa capacité réduite d’adaptation.
L’intérêt de ces recherches réside dans la possibilité d’étudier le continuum du
sommeil dans son double aspect physiologique et psychologique, les concomitants
physiologiques permettant le repérage des stades où le contenu psychique du sommeil
mérite d’être exploré. Les différences d’organisation du sommeil des malades mentaux
par rapport aux Sujets normaux dépassent de très loin les différences qui peuvent être
appréhendées à l’état de veille et donnent une dimension plus structurale des désor­
ganisations psycho-biologiques. L’intérêt des « phases intermédiaires » que nous
avons identifiées à côté des stades classiques du sommeil réside en ce que, chez le
malade mental, elles entravent du point de vue physiologique le déroulement normal
des cycles de sommeil, sur le plan psychique l’activité consciente aussi bien que l’acti­
vité onirique qu’elles confondent en les saturant d’angoisse et d’expériences de
dépersonnalisation.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — THÉORIE DE K. JASPERS 1269

Le bouleversement introduit dans l’organisation du sommeil du schizophrène


chronique par une privation expérimentale de certains de ses stades, et en particulier
des PMO, réalise un tableau qui reproduit artificiellement celui de l’organisation
spontanée en période évolutive du processus psychotique. Ce bouleversement, dans
les cas encore processuels, peut être normatif, réalisant un véritable « réchauffement »
biologique de la psychose qui peut aboutir à un meilleur équilibre psychophysiolo­
gique post-expérimental.

Tel est l’ensemble des faits, constatations et hypothèses qui conduit le


clinicien à considérer que par référence au processus du sommeil qui permet
le rêve, il existe dans les Psychoses des processus ébranlant le monde de la per­
ception ou perturbant les rapports du rêve et de l ’existence qui permettent le
délire et par voie de conséquence les Hallucinations délirantes. Mais ayant
ainsi éclairé notre lanterne et avoir déjà pris acte d’un certain nombre de faits,
nous devons maintenant (en tenant compte de toutes les observations, documen­
tations et réflexions que nous avons accumulées dans les divers chapitres de ce
Traité) passer de la démonstration aisée du processus délirio-hallucinogène
des expériences hallucinatoires à la démonstration plus difficile du processus
délirio-hallucinogène du travail idéo-verbal qui se manifeste par les Hallu­
cinations noético-affectives des Psychoses chroniques.

2° Les deux m o d a lités de désorgan isation hallucinogène


de l’ê tre conscient (D u pro cessu s « p h ysio -p sych o tiq u e »
au p ro cessu s « p sych iq u e » de Jaspers).

C’est entre deux pôles, ou deux modalités, de la désorganisation de l’être


conscient, que s’inscrit le problème des processus délirio-hallucinogènes.
— Nous avons tant de fois décrit et justifié la hiérarchie des niveaux de
déstructuration du champ de la conscience, nous avons dans cet ouvrage
encore tellement insisté (voir plus haut) sur l’importance de cette moda­
lité de désorganisation délirio-hallucinogène de l’être conscient, que nous
nous contenterons d’abord ici et pour la dernière fois de rappeler l’essentiel
des faits qui constituent la base clinique de cette hiérarchie des expériences
délirantes et hallucinatoires.

Toutes les fois que la constitution (l’architectonie) du champ où s’organise


l’expérience actuellement vécue s’effondre, le Sujet tombe plus ou moins pro­
fondément dans l’esclavage de l’imaginaire, c ’est-à-dire de son Inconscient,
dans la mesure même où ayant perdu le pouvoir de s’accorder avec la loi de la
réalité il chavire dans l’irréalité de ses phantasmes. Ici, le modèle som­
meil-rêve est particulièrement « prégnant », et il est assez facile de s’y référer
dans toute la série des expériences délirantes et hallucinatoires que nous
avons décrites. Nous avons établi {supra, p. 438-411, puis plus haut, p. 1197-
1201) que, si elles ne se confondaient pas avec l’expérience du rêve, les carac­
téristiques de leur vécu portaient la marque d ’un processus de déstructuration
du champ de la conscience analogue.
1270 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

Les formes de passage d’un niveau à un autre dans l’évolution d ’une même
psychose ou sous l’influence d ’un même processus, constituent la démonstra­
tion empirique de cette hypothèse solidement établie sur l’expérience clinique
des « psychoses délirantes aiguës » (Études psychiatriques, tome III).

L ’étude des toxiques « hallucinogènes » nous a d ’ailleurs donné l’occasion


de suivre l’itinéraire que suit le « poison de la conscience » qui atteint d’abord
les expériences psychédéliques d ’élation ou d ’angoisse pour aller jusqu’aux
formes plus profondes de l’ivresse stuporeuse ou confuso-onirique en passant
par toutes les expériences de dédoublement, de dépersonnalisation et tous les
degrés « crépusculaires » du vécu oniroïde.
Il est bien évident que toutes les expériences hallucinatoires de ce type qui
se présentent avec leur contexte ou leur halo de déstructuration du champ de
la conscience ne posent aucun problème pour une théorie organo-dynamique
qui, précisément, les prend pour base de son interprétation pathogénique. Il est
bien facile, en effet, de constater que plus les cliniciens observent ces cas, plus
les théoriciens s’y réfèrent, plus aussi tous reprennent à leur compte avec
Moreau (de Tours) et Régis l’idée que la seule explication possible de ces
expériences est leur analogie avec la désorganisation onirique de l’être conscient.
Si tout Délire hallucinatoire était de ce type, il n ’y aurait aucune difficulté pour
admettre immédiatement et globalement la thèse que nous défendons. Elle
irait de soi.

— Mais il n’en est pas ainsi. Ou tout au moins il ne paraît pas en être ainsi.
Sauf à nous résigner à diviser ce que le genre hallucinatoire unit, nous devons
donc nous demander si malgré l’apparence les formes du délire qui se carac­
térisent par leur lucidité, leur discursivité, leur travail idéo-verbal et même leur
construction raisonnante dans l’ordre et la clarté d’un champ de la conscience
bien organisé, si ces formes de délires dits « systématiques » ne sont pas réduc­
tibles au modèle fondamental de la désorganisation de l’être conscient. Comme
ce renversement de tendance est difficile ei qu’il se heurte à une longue et lourde
tradition, nous devons nous attendre à ce que l’exposition et la démonstration
de cette partie capitale de notre thèse de la « structure négative » de l’Hallu­
cination soient particulièrement difficiles.
Rien, en effet, ne paraît plus évident aux non-cliniciens, aux mauvais clini­
ciens ou aux contestataires systématiques du fait psychopathologique, que
l’absence de processus; c’est-à-dire de structure formelle hétérogène au déve­
loppement normal de la personnalité chez tant de délirants raisonnants, d ’une
lucidité effrayante et dont le Délire se développe dans l’ordre et la clarté.
C ’est cette évidence que nous devons ébranler en ouvrant les yeux de ceux qui
ne le voient pas ou ne veulent pas le voir, que les Délires chroniques, les Psy­
choses par excellence, tels que nous les avons longuement étudiés dans notre
5e Partie, manifestent sous leur apparente clarté et au-delà de leur compréhen­
sibilité (qui les assimile aux croyances, aux passions, aux imaginations que Ton
observe chez tous les hommes) un bouleversement des infrastructures de la
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DÉLIRIO-HALLUCINOGÈNE 1271

personnalité, un processus de désorganisation de l’être conscient et de l’histo­


ricité de son existence. C’est donc à la Paranoïa, pour nous référer au Délire
qui porte la difficulté à son maximum, que nous allons confronter cette notion
de « processus délirio-hallucinogène ».
Les délires systématisés à forte structure noético-affective se construisent par
un travail idéo-verbal qui se développe dans l ’ordre et la clarté, paraissent donc
à première vue exclure toute idée de processus « générateur » ou « négatif ».
Somme toute, ils paraissent seulement compréhensibles par leur contenu et
exclure toute explication de leur forme. Nous devons cependant en nous appuyant
sur nos précédentes analyses de leur structure hallucinatoire (cf. p. 801) nous
demander si vraiment il en est bien ainsi. Car, bien sûr, nous ne nous conten­
terons pas de dire en dépit de l’évidence que ces Délires (la fameuse Paranoïa)
se définissent justement par l’absence d ’Hallucinations. Nous ne pouvons pas
être dupes d’une pareille scotomisation de la réalité clinique de l’activité hallu­
cinatoire, du travail délirant (qu’on l’appelle « interprétatif », ou « imaginatif »,
ou « intuitif ») après ce que nous avons dit à propos des Hallucinations noético-
affectives qui constituent la modaüté de connaissance primordialement
délirante de ce type de Psychose. Car les interprétations, les « Wahnein­
fällen », les « pseudo-constats », les illusions et fabulations qui constituent
« la base » de ces Délires, ont une forme essentiellement hallucinatoire en ce sens
que les perceptions du délirant ( Wahnwahrnehmungen) sont saturées et faussées
par le Délire au point qu’il entend, voit, sent la réalité de sa persécution ou
l’influence qu’il subit non seulement dans toutes les situations actuellement
vécues, mais même dans toutes les péripéties ou événements possibles. De telle
sorte qu’ici l’Hallucination en perdant le plus souvent sa trompeuse apparence
sensorielle (en ne se laissant percevoir par le clinicien classique que comme des
Pseudo-Hallucinations ou des illusions, ou encore de « simples » interpréta­
tions), gagne au contraire en dogmatisme en s’identifiant avec un système de
croyances et de jugement portant sur une réalité absolument irréelle, perçue,
pensée et énoncée dans et par sa présentation clinique (ou physionomique)
comme un symptôme hallucinatoire à forme noético-affective. Nous avons assez
insisté sur le caractère hallucinatoire de ces interprétations et de ces illusions
pour ne pas y revenir ici. Admettons donc que le Délire systématisé avec ses
« postulats », ses « embryons logiques », ses convictions incoercibles, ses certi­
tudes extraites du spectacle et des rumeurs du monde par les voies de communi­
cation et d’information des organes des sens et par leur élaboration sémantique,
que ce Délire systématisé ne se définisse pas comme étant « non hallucinatoire »
mais comme étant au contraire essentiellement hallucinatoire en nous décou­
vrant le travail idéo-verbal de la croyance délirante : la projection (l’expul­
sion active des mauvais objets hors de soi et attribuée aux personnes et
événements perçus dans le monde). Il suffit, en effet, pour cela et une bonne
fois pour toutes de comprendre simplement que l’Hallucination est fondamen­
talement une illusion et que, par conséquent, les illusions interprétatives déli­
rantes sont aussi des Hallucinations.
1272 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

Ayant ainsi exonéré le problème de ses faux-semblant et des analyses super­


ficielles qui en sophistiquaient l’énoncé, nous avons à montrer maintenant que,
même lorsque ces « délires systématisés hallucinatoires » paraissent « psycho­
gènes » et par conséquent ne dépendre d ’aucun processus (J. Lacan,
A. de Waelhens, et généralement les « Antipsychiatres » qui suivent : Th. Szasz,
D. Cooper, R. Laing, etc.), il n’en est pas ainsi.

3° A p p lica tio n de la th éorie ja s p e r sienne d u p ro c essu s


aux Psychoses d élira n tes chroniques.

Nous pouvons être brefs ici sur ce problème déjà longuement analysé
{supra, p. 756 et 821). Mais nous devons préciser la structure négative de ce
processus délirio-hallucinogène, — puis nous demander ce qu’il peut encore
avoir de commun avec le phénomène sommeil-rêve pourtant si évidemment
éloigné, voire absent du tableau clinique.

Pour ce qui est du premier point, nous devons revenir encore (1) sur la notion
de « processus » telle qu’elle a été exposée par K. Jaspers (et depuis lors si souvent
contestée par Kehrer, J. Lacan, P. Matussek, Hâfner, A. de Waelhens (2), etc.).
Nous devons rappeler que dans sa conception originale et originaire (3), K. Jas­
pers admettait trois formes d ’existence : l’une appelée « développement psy­
chique de la personnalité » qui n’est rien d’autre que l’auto-construçtion du Moi
à partir des événements de l’existence et en fonction de son système de valeurs
accordées à celle des autres. Cette forme de développement de l ’être conscient (4)

(1) Rappelons que nos précédentes expositions de ce problème du « processus »


au sens jaspérien du terme se trouvent dans le chapitre II de la troisième Partie (Hal­
lucinations délirantes), et surtout dans le premier examen du problème (Délires sys­
tématisés et hallucinatoires, p. 821-828) que nous reprenons ici.
(2) Cf. les trois grandes revues générales sur le problème des rapports du Délire
et des Hallucinations, G. Schmidt {Zentralblatt, 1940) et G. H uber {Fortschritte f
N. P., 1955 puis 1964) où tous les travaux de l’école allemande sont exposés. Tous,
ou à peu près, ont pour objet la structure formelle ou négative du délire (primäre Wahn)
et des Hallucinations (Wahnwahrnengen, Wahnemfällen et Wahnstimungen) dans
les diverses modalités des délires.
(3) Exposée en 1910 dans la Ztschr.f. d. g. N. u. Psych., 1910,1, p. 561-637 à propos
du « Délire de jalousie », la notion de processus, ses modalités, sa définition à l’égard
du « progrès » (ou développement) de la personnalité, a fait l’objet dans les diverses
éditions de la « Psychopathologie générale » de K. J aspers de modifications et rema­
niements successifs (de 1912 à 1953). Les hésitations ont d’ailleurs porté surtout à
propos de l’application du concept de « processus psychique » aux névroses. F. A lonso
F ernandez {Fundamentos de la Psiquiatria actual, 1968, tome I, p. 130-177) est un
des auteurs qui a le plus récemment et attentivement étudié la conception de K. J as­
pers , notamment dans ses rapports avec celle de K. S chneider .
(4) Tel que nous l’avons repris et décrit dans notre étude de La Conscience,
2e édition, 1968, p. 326-366.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DÉLIRIO-HALLUCINOGÈNE 1273

est le développement normal, en ce sens qu’il s’effectue par l’articulation de


motifs, d’idées ou de sentiments qui se lient entre eux par des relations com­
préhensibles. De telle sorte que même si et nécessairement chez tout individu
normal il existe une couche d’opacité dans laquelle se réfractent sa réflexion et
son idéal (« Sublimation » impliquant une « Aufhebung » des instances incon­
scientes, c’est-à-dire un dépassement qui ne les anéantit pas), ses pensées, ses
actions et même ses affects sont traversés par un courant intentionnel qui les
éclaire qui nous les fait comprendre et les dirige au point que toute autre cau­
salité disparaît ou est refoulée à l’arrière-plan par le sens qui constitue la loi
d ’un minimum de transparence intersubjective d’une existence normale. —
Comme nous l’avons vu plus haut, certaines modalités d’existence nettement
pathologiques comportent un processus physico-psychotique qui, analogue
à celui du sommeil-rêve, consomme une rupture dans la trajectoire existentielle
et permet le développement en quelque sorte « néoplasique » (c’est la méta­
phore dont se servait G. de Clérambault) d’un délire dont les modalités hallu­
cinatoires constituent, comme le rêve, l’effet. Mais — et c’est un point qui
semble avoir été ensuite scotomisé par les divers auteurs après avoir été pour
le moins négligé ou assez peu explicité par K. Jaspers lui-même dans sa Psycho­
pathologie (1913) — il y a, écrivait-il dans sa Monographie de 1910), une
autre modalité d ’existence qui n’est ni l’existence normale régie par les rapports
de compréhension, l’intelligibilité et la commune communication intersub­
jective, ni l’existence qui correspond aux expériences délirantes et hallucina­
toires les plus « incompréhensibles » (nous avons vu et nous le soulignerons
encore, que la schizophrénie correspond à cette modalité de processus) mais qui
est une modalité d’existence déterminée (au sens fort du mot) par ce que Jaspers
appelle un « processus psychique ». Celui-ci pourtant constitue à ses yeux une
sorte de révolution ou de conversion, une greffe parasitaire ( A u f pfropfung)\ de
telle sorte que le Moi perd alors sa mobilité et sa finalité adaptatives pour tom­
ber sous la dépendance de l’autre qui, en lui, s’oppose à ce qu’il doit devenir
et subir ainsi une altération hétérogène (heterogene Umwandlung). C ’est dire
que pour K. Jaspers il n’y a pas, comme on l’a trop souvent dit et répété, une
sorte d’alternative, de dilemme généralement posé par les délires systématisés
(Paranoïa) : ou bien c’est un « processus » (Westerstep), ou bien c’est un
développement de la personnalité (Lacan), car il y a encore une autre éven­
tualité (dite « processus psychique » à laquelle les Psychoses délirantes systé­
matisées correspondent (1).
Si l’on en était resté à la première intuition jaspérienne telle que nous venons
de l’exhumer, beaucoup d’obscurités et de contradictions dans les descriptions
et les conclusions des auteurs nous auraient été épargnées. En effet, il ne s’agit
pas d’ergoter sur la compréhensibilité et l’incompréhensibilité de tel ou tel
détail (illusion, idées délirantes, voix, interprétation, etc., car, bien sûr,
tout délire et toute Hallucination peuvent tout à la fois comporter un sens

(1) Cf. sur tous ces points, la revue générale de G. H uber , Zbl. Neuro., 1954.
1274 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

latent comme la plupart des pensées et discours humains); il s’agit plutôt


de se demander si ce type de délire pour lucide, clair et compréhensible, « réac­
tionnel » (Kretschmer) qu’il apparaisse, peut se réduire au simple développement
psychique normal. Or, il est évident même aux yeux de Kehrer, de Kretschmer
et pensons-nous aussi de Lacan, que ces psychoses délirantes se heurtent à un
mur (1), c’est-à-dire que quelque chose (le processus en troisième personne
ou le « Ça » qui n’est justement quelque chose que pour autant que gouffre
d’avidité il s’oppose à quelqu’un qui pour ne pas pouvoir le tenir pour sien se
heurte à lui) est là pour expliquer que le délire en se constituant échappe à une
pure causalité intentionnelle ou ne relève pas que d ’une herméneutique du sens
et des motifs. Certes, sans aller jusqu’à considérer que le processus des délires
systématisés est aussi mécanique que se les représentait le grand clinicien que fut
G. de Clérambault (2), des auteurs comme W. Janzarick (1949) en sont venus à
considérer que si la paranoïa (comportant des « Wahneinfälle » mais sans Hal­
lucinations) se constitue sur un fond constitutionnel (fameux cas Wagner),
d’autres cas de paranoïa (le cas Hager également fameux) doivent entrer dans
le cadre des schizophrénies. Autrement dit, pour lui, au fond, ils impliquent
la notion d’un processus fondamental de désorganisation de la personne (« pro­
cessus psychique » au sens de Jaspers). A côté en effet des cas où le délire semble
se développer à partir d ’un embryon logique et passionnel pur (ce qui entraîne
chez l’observateur l’illusion d’une sorte de monomanie lucide qui métamorphose
en cristal limpide l’opacité refusée par sa véhémente conviction, illusion qui est
imposée au clinicien par le délire même du malade) le plus grand nombre de
ces cas (cf. supra, p. 827) se manifeste en clinique sur un fond de « troubles »,
de « crises » ou d’ « évolution dissociative », de telle sorte que l’idée d ’un proces­
sus à peine chassée revient au galop. Tant il est difficile au clinicien d’échapper
à cette exigence de la clinique qui faisait dire à Rumke que « ce qui est impor­
tant dans le Délire ce n’est pas le délire, c’est-à-dire que ce qui est important
dans le Délire ce n’est pas la positivité de l’idée délirante ou de l’Hallucination
qui en est l’effet, mais la négativité même de l’état délirant ». Car même lorsque
le Délire systématisé cache, comme l’avait si bien vu J.-P. Falret, ses assises
primordiales (ses infrastructures) par le développement même de son travail
idéo-verbal (de ses superstructures), celui-ci n ’en exprime pas moins (même

(1) « Man stösst, wie immer heim echten Wahn an eine Mauert) (On se heurte
toujours dans le vrai délire à un mur) dit Kurt Schneider pour qui « Wo wirklich
Wahn ist, hört das charakterogene Verstehen auf und wo man verstehen kann, ist
keine Wahn (là où il y a un vrai délire la compréhension caractérogénique s’arrête,
et là où on peut comprendre il n ’y a pas de Délire). Pour si désagréable ou peu heu­
ristique que soit cet axiome, il doit être tenu pour le principe même de la dure réalité
psychopathologique, unique objet de la science psychiatrique, car c’est la fonction
même de la Psychiatrie que d ’avoir affaire à ce pathologique. C ’est aussi son seul
mérite que de pouvoir s’en tirer avec succès. Sinon, en effet, « pourquoi des Psy­
chiatres » ?
(2) G. de C lérambault, « Sur le mécanisme fonder de certains délires interpré­
tatifs ». Congrès des Aliénistes de Rabat (1933).
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PROCESSUS HALLUCINOGÈNES 1275

sous forme interprétativo-intuitive ou « pseudo-hallucinatoire ») (1) un boulever­


sement de la personnalité qui correspond très exactement, malgré ce que l’on
a tant dit et écrit, à la notion même du processus psychique de E . Jaspers.

Si nous envisageons maintenant le problème de savoir en quoi le processus


qui impose sa marque de fabrique au délire systématisé même le plus « pur »
peut ressembler au processus de désorganisation de l’être conscient qui est,
lui, si évident dans le sommeil-rêve, il faut alors approfondir la structure de
l’être conscient, car ce n ’est qu’à ce prix que nous pouvons découvrir comment
les modalités de l’inconscience que le sommeil porte comme son ombre dans
l’expérience vécue du dormeur a quelque rapport avec cette autre forme
d ’inconscience qui consiste pour un homme à perdre « sans perdre conscience »,
la conscience qu’il a d ’être le quelqu’un qu’il doit être. Ce n ’est qu’en saisis­
sant l’être conscient dans son rapport à la fois synchronique avec l’expérience
actuelle vécue et diachronique avec le système de ses valeurs et de son histoire,
en le saisissant dans la conjugaison même de son « avoir » et de son « être »,
que nous pouvons alors non pas identifier ou assimiler mais articuler les deux
modalités fondamentales pour l’être conscient de devenir Inconscient (2). Dès
lors, nous comprenons bien qu’une désorganisation de l’être conscient pour
autant que celui-ci est bien quelqu’un, c’est-à-dire une personne qui se construit
dans la négation de cet autre qu’il porte toujours en lui-même, se manifeste
en clinique sur le modèle général de la désorganisation de l’être conscient,
c’est-à-dire en se présentant ainsi que dans le sommeil-rêve comme une désinté­
gration du corps psychique (personnalité) et une libération de l ’autre (délire
et Hallucination), que pour cesser d’être « contenu » (dans le sens « contrôlé »)
devient le « contenu » du délire hallucinatoire.
On ne saurait s’étonner que le processus générateur ici tellement recouvert
ou éloigné par la positivité, la « créativité » du travail délirant qui creuse entre
le délire manifeste et l’état primordial de cette aliénation un écart organo-cli-
nique propre à la systématisation d’une folie raisonnante, que ce processus
négatif n’apparaisse pas directement lié avec les symptômes positifs et secon­
daires puisqu’ils en sont les effets indirects. Il nous semble donc que l’étude
minutieuse du mouvement évolutif de ces délires systématisés tels que nous les
avons longuement étudiés (cf. supra, p. 801-828) nous permet de les tenir pour
essentiellement pro cessuels .
Et si nous avons ainsi exposé le problème du « processus négatif » dont
dépendent les aspects hallucinatoires de ces délires systématisés sans parler
plus explicitement de la pathogénie de ces Hallucinations, ce n ’est pas parce que
nous tenons ces délires pour absolument « non hallucinatoires », mais parce que,

(1) C’est bien le moment crucial de souligner que pour nous les « Pseudo-Hallu­
cinations » (Hallucinations psychiques) sont tout simplement des Hallucinations.
(2) Cf. sur ce point « La Conscience », 2e édition, 1968, p. 278-282 et p. 416-421,
et surtout mon Rapport au Congrès de Madrid (1966) dont le texte intégral a été publié
dans l'Évolution Psychiatrique, n° 1, 1970.
1276 MODÈLE O RGA NO-D YNAMIQUE

au contraire, l’Hallucination y est si intimement liée au travail discursif du délire


(elle est tellement et presque exclusivement une voix qui informe, un martyre
qui se raconte ou un sens qui se perçoit, toutes formules de Y Hallucination
noético-aflective) qu’il est littéralement impossible de parler de la pathogénie
de ces illusions et de ces contre-sens de la perception sans parler de la patho­
génie du délire qui les enveloppe, ou sans parler de la désorganisation de l’être
conscient pour autant que cessant d’être conscient d’être quelqu’un il croit
être un autre (victime, persécuté, dépouillé, trompé ou violé, etc.), ou qu’une
partie de lui-même est devenue autre (persécuteur ou machine) sans impliquer
du même coup dans cette aliénation le Délire hallucinatoire (parût-il être seule­
ment interprétatif ou illusionnel). Autrement dit, l’organisation de l’être
conscient, pour autant qu’il est un modèle de la réalité dont le Sujet
dispose, en se désorganisant est hallucinogène dans la mesure même où le Sujet
alors tombe, ou dans l’expérience de l’imaginaire, ou dans l’aliénation de
soi.

4° Le p r o b lè m e du processu s hallucinogène dan s les délires


à f o r m e « ex clu sivem en t » hallucinatoire.

Tout ce que nous venons de dire et répéter sur le fond délirant plus ou
moins apparent sur lequel apparaissent les configurations hallucinatoires, doit
maintenant être envisagé précisément avec une particulière attention pour les
cas inverses de ceux que nous venons d’exposer et où les Hallucinations
n ’apparaissent être qu’un phénomène isolé élémentaire et par lui-même « déli-
riogène ». Les principaux faits cliniques qui posent ce problème théorique
répondent aux concepts de Psychose hallucinatoire chronique, dans l’école
française et jusqu’à un certain point de Paraphrénie (E. Kraepelin) ou à'Hallu-
zinoze (Wernicke) dans l’école allemande.
Nous pouvons ici encore recueillir le fruit de nos précédentes analyses
cliniques (p. 830-834) : celles qui nous ont déjà permis de décrire ces divers
types d ’ « états hallucinatoires » dont on serait tenté de dire qu’ils sont « sans
délire » ...— et celles, pathogéniques, (p. 962-974) qui nous ont permis de réfuter
la thèse d ’une production mécaniste d ’atomes hallucinatoires. Tout parti­
culièrement lorsque nous avons exposé le « modèle linéaire mécaniste » nous
avons indiqué qu’un des corollaires, sinon un des postulats, de la pathogénie
mécanique du phénomène hallucinatoire consistait à considérer l’Hallucina­
tion comme un phénomène d ’excitation idéo-sensorielle élémentaire qui serait
si peu l’effet du Délire qu’il en serait au contraire la cause.

Si nous envisageons d ’abord les cas appelés (ou plus exactement ne sont
plus guère ainsi appelés) « Paraphrénies » par l’école allemande, nous pouvons
rappeler qu’à nos yeux ils représentent une production importante de Délires
chroniques (environ 20 %). Ils ont une évolution spontanée vers ce que nous
avons appelé la « diplopie fantastique » parce que le délirant y partage son exis-
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PROCESSUS HALLUCINOGÈNES 1277

tence en deux portions (généralement fort inégales), ou plus exactement la vit


selon deux pôles (le réel et l’imaginaire) ; de telle sorte que tout ce qui est vécu
sur le registre du fantastique est mis « entre parenthèses » hors de la réalité.
Tant que ce partage de l’existence est solidement maintenu, c’est-à-dire tant
que la coexistence des deux mondes est bien séparée, le Sujet ne peut admettre
l’imaginaire du délire que par le canal artificiel de la communication halluci­
natoire, et c’est ce qui fait dire à l’observateur que le délire n’existe pas car il
disparaît pour ainsi dire dans l’affirmation dogmatique d ’une perception pure
et simple de voix ou d’impression insolite mais irrécusable. La thèse qui consi­
dère qu’il s’agit d ’Hallucinations sans délire, ou, à la rigueur, de « délire senso­
riel » (comme disait Michea !), c’est-à-dire des sensations et des perceptions
« réellement » esthésiques dont la « réalité » s’impose alors au Psychiatre comme
au délirant (il faudrait que je sois fou pour ne pas y croire) selon une illusion
d’optique psychiatrique que nous avons bien souvent dénoncée. Dans la suite,
la marche naturelle de la maladie délirante se charge d’effacer cette illusion en
effaçant cette séparation entre le réel et l’imaginaire dont l’Hallucination assu­
rait la fonction de « réalisation », et l’imagination gagne alors, nous l’avons
souligné, ce que l ’Hallucination perd. Autant dire que ce qui peut donner ici
l’illusion d ’un délire exclusivement hallucinatoire, ou d’Hallucinationsqui ne
seraient pas secondaires au délire, cette illusion ne résiste pas à l’analyse clinique
et structurale de ces délires fantastiques.

— Quant aux cas appelés « H alluzinoae » (1) par C. Wernicke (1900) et qui
ont été spécialement décrits par l’école allemande dans l’intoxication alcoolique,
le travail de P. Mouren, A. Tatossian et coll. (1965) expose en termes très clairs
le problème. La « conscience hallucinosique », disent-ils assez paradoxalement,
est une organisation (et non une désorganisation) de la conscience, refusant de
souscrire à notre propre conception de la déstructuration du champ de la
conscience on ne sait pas trop pourquoi), car ils font état du travail de Bash (1957)
sur la psychopathologie des psychoses symptomatiques où cet auteur, dans la
perspective même où nous nous plaçons, décrit des troubles de l ’intensité, de
l’extension et de la Gestaltisation des configurations de la conscience; et nous
disons bien dans la même perspective que la nôtre, car, en dernière analyse, tout
en admettant des dissolutions systématiques locales et parallèles, c’est en fin de
compte la « Gestaltzerfall » qui constitue pour ces auteurs le fond même du trou­
ble, dé la régression qui fait tomber l’organisation du champ de la conscience
à un niveau délirant et hallucinatoire. « Hallucinatoire », cela est évident, mais
« délirant » est, pour nous, un aspect phénoménologique aussi évident si par déli­
rer nous devons dans ce cas entendre (dans le sens même du terme « delirium ») le
fond d’un imaginaire vécu qui fait le lit à la configuration perceptive, c’est-à-dire
à l ’Hallucination. Il ne fait pas de doute en effet que tous ces « états d'Hallu­
zinose » (dont P. Schröder, 1925-1930, a fait une étude critique très approfon­

di) Gf. l’exposé du problème et les descriptions que nous avons déjà eu l’occasion
de présenter dans cet ouvrage (p. 221-222 et p. 242 et p. 450, notamment).
1278 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

die) sont saturés de confusion et d ’onirisme, c ’est-à-dire de délire. Ü est très


remarquable à cet égard de souligner que tandis que l’onirisme était décrit
par Régis et l’école française dans sa forme visuelle, les auteurs allemands
ont écrit les « Halluzinosezustände » (notamment ceux des buveurs) comme un
état hallucinatoire auditif où, comme nous venons de le rappeler, le délire
tout en étant fondamental ne se manifeste que par la voie des voix.

— Quant aux P sychoses hallu cinatoires chroniques si chères à la Psy­


chiatrie classique française elles ne sont nées que de l’interprétation mécaniste et
atomiste des phénomènes hallucinatoires (cf. supra, p. 830). Certains cliniciens
ont été à cet égard dupes (comme les hallucinés eux-mêmes) du caractère « sim­
plement » sensoriel ou psychosensoriel (ou « automatique » dans le sens de la
mécanicité que lui attribuait G. de Clérambault) des voix que ceux-ci entendent,
des courants électriques qu’ils éprouvent, des phénomènes physiques, électroma­
gnétiques, télépathiques, etc., qu’ils subissent. De telle sorte que l’on en est
arrivé à considérer que dans ces cas de psychoses hallucinatoires il n ’y a pas de
délire ou que s’il survient (éventuellement) il est aussi contingent que la statue
qui peut être ou ne pas être placée sur son socle (G. de Clérambault). Or, l ’ana­
lyse de ces cas aboutit à deux conclusions. La première (cf. Thèse Nodet, 1936),
c’est que sous la généralité de l’appellation « Psychoses hallucinatoires chroni­
ques » on engloutit des formes de délires très différents. La seconde, c’est que si
l’Hallucination est donnée par l ’halluciné lui-même comme « hors délire »
(hors folie), elle n ’en apparaît pas moins au clinicien comme secondaire (dans
l’évolution comme dans l’analyse structurale du délire dont elle constitue le
langage (voix) ou l’événement (suggestion, cohabitation sexuelle, persécution)).
Nous avons depuis quarante ans tellement et si souvent insisté (et encore dans
ce livre p. 830) sur le caractère arbitraire de cette espèce de psychose halluci­
natoire « sans délire » que nous n ’avons guère le courage d’y revenir encore
tant nous paraît grande l’évidence que, si, comme dans les autres formes de
psychoses, l’Hallucination ne se constitue que par le délire et non l’inverse.

5° Le processu s schizophrénique hallucinogène.

La description et l ’analyse pathogénique du processus schizophrénique


telles que E. Bleuler les a exposées dans son ouvrage fondamental (1911), ont
très exactement obéit aux principes d’une conception organo-dynamique de la
Psychiatrie (1). Nous nous sommes suffisamment expliqué dans notre étude
sur le « processus schizophrénique » (Evol. Psych., 1957) et dans la 5e Partie
de cet ouvrage, pour qu’il soit bien clair que l’idée que nous nous faisons du
processus est essentiellement dynamique, c’est-à-dire comportant une part

(1) Henri Ey. Des principes de H. J ackson à la psychopathologie d’Eugène B leu ­


ler ,Congrès des Médecins aliénistes et neurologistes de Langue française, Lau­
sanne, 1946, C. R., Masson, 1947, p. 163-185.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE — PROCESSUS HALLUCINOGÈNES 1279

positive, réactionnelle et hédonique. En cela, c’est bien l’idée que s’en faisait
Eugène Bleuler que confirme notre expérience comme celle de Manfred Bleu­
ler (1972).
Pour Bleuler, en effet, le processus dont la nature organique lui paraît
incontestable engendre directement les signes primaires (c’est-à-dire les troubles
négatifs au sens de H. Jackson), mais aussi les réactions ou les productions idéo-
affectives (l’autisme, le Délire et les Hallucinations notamment) qui corres­
pondent à la symptomatologie « positive » de H. Jackson se greffent sur ces
troubles négatifs. Tout se passe en effet dans ce « groupe de Schizophrénies »
comme si l’état de dissociation (trouble des associations, Spaltung, etc.) engen­
drait seulement indirectement la série des symptômes secondaires qui « consti­
tuent l’essentiel du tableau clinique », c’est-à-dire des manifestations qui en
forment la symptomatologie la plus riche et parfois « floride ». Autrement dit,
pour E. Bleuler comme pour H. Jackson ou comme pour nous-même, affirmer
que la condition négative de la maladie (le processus de désorganisation) est
primordiale n’empêche pas de considérer que l’ensemble des symptômes ne
sont pas des produits directs et en quelque sorte mécaniques du processus
pathogène. C’est bien dans ce sens en effet que s’impose l’entrecroisement
nécessaire de la perspective du « Erklären » (processus) et du « Verstehen »
(symptomatologie positive ou secondaire), et c’est en ce sens que je disais
(1957) que le processus schizophrénique est tout à la fois une impuissance et
un besoin. L ’explication processuelle nous permet de saisir les modalités
régressives ou désorganisées de la conscience et de l’existence où s’engagent
nécessairement les forces inconscientes de la personnalité. Car, bien sûr, et
Bleuler le dit très explicitement, le processus de désorganisation schizophré­
nique aboutit à l’organisation d’une vie autistique (délirante et hallucinatoire)
qui est analogue à celle du rêve qu’engendre le sommeil. Elle consiste à substi­
tuer le « processus primaire » de l'Inconscient (Freud) au « processus secon­
daire » de l’activité de l’être conscient. C’est sur ce modèle de la relativité des
troubles secondaires aux troubles primaires, des troubles positifs aux troubles
négatifs qu’ont porté toutes les discussions sur la nature du processus schizo­
phrénique (J. Berze, W. Mayer-Gross, E. Minkowski, J. Wyrsch, A. Storch,
P. Matussek, etc.). Et même lorsque sous l’influence des écoles psychanaly­
tiques on a une tendance (1) avec R. D. Laing (1960), A. de Waelhens (1972)
ou G. Deleuze (1972) à oublier et même à nier le concept fondamental d’un
processus générateur négatif (2) pour ne s’intéresser qu’aux modalités des
investissements libidinaux (3), le concept de régression est là, non point seule-

(1) R. D. L aing , The divided Self, Chicago, Quadrangle Books, 1960.


(2) Pour lui préférer l’idée d’une tare congénitale de l’embryon psychique, d’une
malformation de son système symbolique. Somme toute, pour proférer à tout réalité
une exclusive fiction...
(3) C’est dans ce sens, j ’imagine, que J. H arris (C. R. de la Réunion de New York
par W. K eup , p. 385) écrit « Schizophrenie is viewedas a sequential process o f structural
désintégration ».
1280 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

ment comme une clause de style (si brillant et imagé, soit-il), mais comme pour
exprimer Je fait même d ’un trouble fondamefttal de l’organisation et du déve­
loppement de la vie psychique des schizophrènes.
On comprend que dans cette conception pathogénique de la maladie le
Délire en soit d’abord la manifestation fondamentale et que l’Hallucination
en soit ainsi l’expression « secondaire ». Effectivement, analyser la pensée
du schizophrène et l’organisation autistique de sa personnalité, c’est mettre
en évidence avec E. Bleuler, avec J. Wyrsch ou L. Binswanger que
« sa-manière-de-n’être-pas-au-monde » le fait vivre dans un autre monde. De
telle sorte que l’interférence et l’osmose de plus en plus profondes de l’imagi­
naire et du réel créent une irréalité dont le Délire constitue l’horizon et les Hal­
lucinations les qualités temporo-spatiales des objets symboliques, « objets »
de l’autistique « Eigenwelt » (J. Wyrsch) avec lesquels le Sujet entre dans une
relation radicalement falsifiée ou purement phantasmique.
D ’où naturellement l’énorme importance des analyses et travaux (1) sur la
perception des Schizophrènes et leurs Hallucinations (Wahnwahrnehmungen)
que nous devons tout particulièrement à l’école allemande et aussi à
l’école psychanalytique (Freud ; C. G. Jung, 1901; Ferenczi, 1911; V. Tausk,
1919; Mélanie Klein, 1920-1947; R. Sullivan, 1924-1945; Federn, 1943;
M. A. Sechehaye, 1947; Schultz-Henke, 1952; J. N. Rosen, 1953; F. Fromm
Reichmann, 1952-1954; S. Nacht et P. C. Racamier, 1958; A. H. Modell
(1962, in West); G. Pankow, 1969, etc.). Et nous n’en finirions pas d’énumérer
ici les innombrables études psychopathologiques ou psychanalytiques qui
mettent en évidence le trouble primordial de la pensée, la régression narcissique
et le retrait des investissements libidinaux chez les Schizophrènes. Car, en
effet, au regard de la théorie freudienne l’Hallucination en tant que relevant
d’une force inconsciente du désir, ou au regard d ’une conception (plus proche
de la nôtre) comme celle de Federn qui rend compte de l’omnipotence du prin­
cipe archaïque du plaisir par la faiblesse du Moi, l’Hallucination est tout natu­
rellement l’effet de la régression phantasmique que manifeste tout déüre. Il s’agit
d ’une telle masse de travaux convergents et si connus que nous ne croyons pas
nécessaire d’insister sur le fait que l’Hallucination des Schizophrènes (en
quelque sorte spécifiquement « entendue » par la communication des voix ou
éprouvée comme une mécanisation ou une transformation du corps) est
évidemment dépendante de l’ensemble du bouleversement schizophrénique
qui tend à substituer au système de la réalité (à la perte de la réalité) une autre
réalité, un au-delà ou un en deçà de la réalité dans lequel s’institue sur le plan
autistique de l’imaginaire la communication hallucinatoire (Er. Straus, 1962,
in C. R. du Symosium de Washington par West). C’est d’une défaillance, ou
d’une déchéance (Verfallen) de la présence au monde que la voix se ferait

(1) On trouvera dans la revue générale de G. B enedetti et coli. ([Fortschr.f N. u. P.,


1962, p. 341-505) une ample documentation sur tous ces points, de même que dans les
revues générales de G. Schmidt (Zentralblatt f. N. u. P., 1940) et celle dé H uber
{Fortschr. f. N. u. P., 1955 et 1964).
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DÉLIRO-HALLUCINOGÈNE 1281

l’écho, selon les analyses existentielles ou anthropologiques (L. Binswanger,


Schizophrénie, 1957; ouvrage groupant les études de ces fameux cas Suzan
Urban, Ellen West, etc.). Mais c’est toujours à un déficit (\) que nous renvoient
les idées de manque, de défaillance, de forclusion, etc.
Pour en venir maintenant à notre propre conception de la désorganisation
de l’être conscient, nous devons ajouter que le processus schizophrénique,
soit envisagé dans des phases successives, soit envisagé dans la « pathoplas­
tique » structurale des phénomènes qui composent le délire hallucinatoire
artistique, se caractérise par un mélange inextricable d ’expériences délirantes
et d’Hallucinations noético-affectives. Les premières sont particulièrement
symptomatiques des « phases aiguës » (des phases processuelles, des « poussées
schizophréniques aiguës » comme on les appelle dans les diverses écoles) et
constituent des « moments féconds » où apparaissent les expériences déli­
rantes (primaires par rapport aux Hallucinations, mais secondaires par rap­
port au processus négatif primordial) — Les secondes se rencontrent pour
ainsi dire « à froid » sous forme d’idées délirantes et de perceptions délirantes
qui paraissent n ’avoir aucune base d ’implantation dans un trouble pourtant
global de la vie psychique. On comprend que si l ’on envisage le processus schizo­
phrénique en ne prenant pour objet de l’analyse clinique et de la théorie patho­
génique seulement que les expériences hallucinatoires (dites primaires, mais,
répétons-le, toujours secondaires aux troubles primaires décrits par E. Bleuler),
ou si au contraire on vise avec prédilection le travail idéo-verbal de l’Hallu­
cination noético-affective (ici dans sa forme schizophrénique la plus incom­
préhensible et insolite par son irruption dans une « conscience lucide »), on
risque, ou bien d ’assimiler « tout simplement » l’essentiel du processus schizo­
phrénique aux « expériences » aiguës et réversibles vécues dans les intoxications
hallucinogènes (expériences mescaliniques, états psychédéliques du LSD, etc.),
ou bien d’exclure de la pathogénie de la Schizophrénie toute idée de processus
(comme le font allègrement R. D. Laing, G. Deleuze, A. de Waelhens, etc.).
Nous pensons que ces deux erreurs doivent être évitées, car l’originalité même
du processus schizophrénique (pour autant qu’il représente comme nous l’avons
vu, cf. supra, p. 743, la pente naturelle de toutes les Psychoses délirantes chro­
niques) est d'articuler la pathologie du champ de la conscience et la pathologie de
la désorganisation ou de l'aliénation de la personne. Un schizophrène est désorga­
nisé dans sa capacité de mettre de l’ordre dans le champ de son expérience,
mais aussi dans le système dynamique, historique et axiologique de sa personne.

(1) C’est autour de la notion de « Defekt » que l’on se bat depuis K raepelin .
Pour E, B leuler (1911), la « schizophrenische Verblödung » n’est pas une démence
— Pour M. B leuler (1972), les « Endzustände » sont moins déficitaires qu’il ne le
paraissait il y a 50 ans — Pour A. de W aelhens (1972), c’est un mythe, et pour
G. D eleuze la Schizophrénie c’est la plus pure, la plus puissante force de cet « ali-
quid » qu’il nomme la machine désirante. Après avoir observé pendant 50 ans des
centaines de Schizophrènes, j ’ai pu exposer plus haut que c’était pour moi le pro­
cessus organo-dynamique de la Schizophrénie (cf. supra, p. 745-800 et p. 845-850).
1282 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

L ’Hallucination du schizophrène oscille entre l'expérience délirante des phases


aiguës de la maladie et la modalité noético-affective du travail délirant idéo-
verbal autistique de la période d ’état ou de la période terminale.
— Il arrive que parfois se rencontrent, surtout dans la sphère visuelle et
dans la sphère somesthésique (beaucoup plus rarement dans le champ auditif)
des phénomènes hallucinatoires du type de ce que nous avons appelé Éidolies
(phantéidolies ou protéidolies). Sans doute ne peut-on pas toujours se fier aux
descriptions des divers auteurs qui faute d’avoir analysé suffisamment les phé­
nomènes hallucinatoires ont tendance à les catégoriser un peu au hasard; mais
les descriptions les plus approfondies et les plus classiques ne manquent pas
de mentionner les « troubles de la perception », les illusions sensorielles, les
images éidétiques ou les images consécutives qui se présentent en marge et
comme à la périphérie des expériences et du travail idéo-verbal du délire.
Dans un certain nombre de travaux déjà anciens, on a fait état de
phénomènes visuels, d’images consécutives, persistantes et parfois paraéido-
liques (Vujic et Lévy, 1940), de dyschromatopsie (B. J. Lindberg, 1942; Cima
et Mericci, 1943), de perceptions déformées ou tronquées (O. Kant, 1930),
d’altération de la vision en relief (S. Lamponi), de métamorphopsies et méta-
morphognosies (J. Delay, P. Deniker, Grenet, 1953). Ces troubles de la
perception et ces illusions prennent parfois la « figure » d’Éidolies (soit protéi­
dolies, soit phanthéidolies) comme on peut s’en rendre compte en se rappor­
tant aux minutieuses études sur la perception visuelle ou auditive des schizo­
phrènes (J. Brengelmann, 1956; H. J. Eysenk et coll., 1957; G. W. Granger,
1957; R. W. Payne, 1958; T. E. Weckowicz et R. Hall, 1960; J. Marconi
et coll., 1961, etc.). Les auteurs rapprochent parfois ces phénomènes des
Hallucinations hypnagogiques (J. R. Smythies, 1953; G. Lo Cascio, 1952;
G. McDonald, 1971, etc.).
Les « troubles du schéma corporel » (partiels) affectant la forme de
véritables protéidolies somesthésiques, sont certainement beaucoup plus
rares que ne le laissait entendre A. von Angyal (1936) qui conformément
à ses explications réductives rapportait assez facilement le délire de déper­
sonnalisation schizophrénique à des « troubles élémentaires de la somato-
gnosie ». Les observations que relatent H. Hécaen et J. de Ajuriaguerra (1952)
ne sont guère démonstratives pour la simple raison que ce qui y est isolé comme
syndrome de somatognosie y paraît au contraire pris dans un délire plus général.
Les observations de K. Klimer, 1934 et de R. Golant-Ratner, 1937 ; de L. Benedek
et A. von Angyal, 1939, sont à cet égard les plus intéressantes. Mais comme le
fait remarquer justement R. I. Macrovitch (1948), il semble que lorsqu’on trouve
ces troubles du schéma corporel isolés ils sont pour ainsi dire parallèles ou
hétérogènes relativement au délire schizophrénique (1). Dans le travail de
N. Lukeanowicz (1967) (comme tous les autres du même genre assez désor­
donnés en raison de la catégorisation hétéroclite des phénomènes observés),

(1) N ous nous référons ici à ces faits et à ces travaux d ’après H. H écaen et J. de
A juriaguerra , « Méconnaissances et Hallucinations corporelles », 1952, p. 283-292.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉlDOUES 1283

nous avons de la peine à identifier de nettes Éidolies hallucinosiques ; cependant,


les cas n° 42 et n° 43 nous ont paru particulièrement intéressants pour montrer
eux aussi l’importance de certaines expériences hypnagogiques de lévitation
ou de certaines illusions de déplacement dans l’espace.
En tout état de cause, il est bien certain que tous ces troubles des percep­
tions (déjà mentionnés plus haut, cf. supra, p. 784) sont contingents. Ce n ’est
pas, en effet, au niveau du champ perceptif que se situe le processus primaire
schizophrénique.
Nous mentionnons ces faits, souvent conjecturaux (mais que notre expé­
rience clinique nous a fait rencontrer quelquefois sous forme surtout d’Éido-
lies survenant au début de la maladie ou dans la période pré- ou post-cri-
lique des phases processuelles) parce que s’ils ne démontrent pas que le Délire
somatique des schizophrènes dépend de ces Éidolies hallucinosiques, ils
démontrent par contre, que, comme dans les phases initiales ou terminales du
sommeil, ils peuvent manifester la désorganisation partielle du champ de la
conscience et, au-delà, celle de l’être conscient qui devient certes schizophrène
autrement qu’il ne devient dormeur ou rêveur— et à plus forte raison poète —
en subissant un processus « en troisième personne » qui engendre le Délire,
toutes les variétés d ’Hallucinations et même des Éidolies hallucinosiques. Cela
revient à dire que par leur rareté même et en tout cas leur hétérogénéité à l’égard
du Délire autistique qui caractérise le groupe des schizophrénies, les Éidolies
hallucinosiques se produisant en dehors du Délire n’en sont ni les effets ni la
cause. C ’est précisément ce qu’il nous reste maintenant à envisager.

E. — LA D É SIN T É G R A T IO N D U CHAMP PERCEPTIF,


C O N D ITIO N S I N E Q U A N O N
DES ÉID O LIES HALLUCINOSIQUES

Et nous voici maintenant parvenu jusqu’à l’extrême pointe de notre travail


d ’éradication (de véritable exorcisme !) de l’erreur qui vicie, en effet, radica­
lement toute théorie de l’Hallucination en la faisant reposer dans ses formes
complexes sur des phénomènes élémentaires, et ceux-ci sur un mécanisme d’exci­
tation. De telle sorte que de fil en aiguille c’est une théorie générale de l’excita­
tion (mécanique ou libidinale) (1) qui prétend s’appliquer à la totalité des phé­
nomènes hallucinatoires alors que manifestement l’ensemble des phénomènes

(1) C’est pour mémoire que nous faisons allusion ici au modèle linéaire psychana­
lytique; car, bien entendu, lorsqu’il s’agit d’Éidolies hallucinosiques (malgré qu’elles
aient pu être parfois interprétées dans certains cas ambigus comme des « Pseudo­
hallucinations » hystériques et le plus souvent de simples illusions affectives et rap­
prochées des illusions psychonomes), le caractère pathologique éclate avec tant
EY. Traité des Hallucinations, il. 42
1284 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

hallucinatoires n ’est pas réductible à ce modèle linéaire d ’une excitation des


centres sensoriels (ou de la libido). Le lecteur voudra bien nous accorder
en suivant notre rigoureuse démonstration que nous n ’entendons pas éluder
les difficultés qui se présentent et notamment le dernier obstacle que nous devons
surmonter. Nous n ’entendons pas nous en tirer par une pirouette et après avoir
fait comme P. Schröder lui-même (1926-1928) « la part du feu », c’est-à-dire
après avoir montré qu’une partie seulement des Hallucinations n ’était pas déli­
rante, abandonné certaines d’entre elles qui paraissent les plus élémentaires
(pour nous, les protéidolies) aux explications mécanistes par l’excitation senso­
rielle. Nous avons donc à nous demander pour être aussi exigeant à l’égard
de notre propre conception que nous le sommes pour les autres, si la thèse de
la pathogénie négative (ici, la notion de désorganisation du champ perceptif)
peut s’appliquer à tous les phénomènes groupés sous le concept général d ’Hallu-
cination. Par là sont très clairement exposées la difficulté et l’importance de
cet ultime développement sur la pathogénie des Hallucinations, de toutes les
Hallucinations. Pouvons-nous en effet réduire à un « processus négatif » ce
qui paraît être dans ses formes les plus élémentaires le simple et direct effet
d ’une excitation neuronale (des récepteurs, des nerfs, des voies ou des centres
sensoriels)? Pouvons-nous aller jusqu’à prétendre qu’une « lueur entoptique »,
un acouphène, une image provoquée par 1’« excitation électrique » du nerf
optique ou du lobe temporal ne sont pas des phénomènes purement positifs
liés directement et exclusivement à l’action positive d ’une stimulation méca­
nique ou électrique mettant en branle l’énergie spécifique des nerfs sensoriels ?
Telle est bien, en effet, l’ultime difficulté qu’il s’agit de surmonter; nous allons
voir qu’elle doit tomber en même temps que les préjugés sur l’efficacité de
l’excitation sensorielle auxquels elle est liée.

I. — L’O R G A N IS A T IO N DES A N ALYSEURS PERCEPTIFS


IN CO M PA TIBLE AVEC LA N O T IO N D’E X C IT A T IO N H A L L U C IN O G È N E

Ce que nous avons exposé plus haut sur le modèle jacksonien de la disso­
lution des fonctions et la critique constructive de Richard Jung, nous montrent
que les fonctions neurophysiologiques ne peuvent se résoudre à une struc­
turation physico-mathématique et que les processus nerveux sont intégrés
dans un plan d ’organisation, dans un ordre qui doit nous permettre de pour­
suivre ce plan de l’organisation de la logique morphologique et physiologique
du système nerveux jusque dans les « fonctions les plus élémentaires » des
connexions synaptiques qui intègrent l’information (c’est-à-dire la sélectionnent)
au niveau de l’organe des sens et des centres spécifiques cérébraux.

d’évidence dans la configuration sensorielle elle-même, que c’est à l’excitation méca­


nique que l’on a généralement recours pour les expliquer.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉIDOLIES 1285

1° C ritiqu e du con cept d ’excitation neuronale.

Bien sûr, la population des neurones qui constituent le tissu discontinu


du système nerveux central ne fonctionne qu’à la condition que chacun de ces
neurones reçoive une excitation présynaptique et transmette par sa portion
postsynaptique le soma et l’axone, le message à un autre neurone (I. Tasaki,
Nerves excitation, 1968). Nous avons acquis depuis quelques années de sérieuses
connaissances sur une grande partie du fonctionnement par lequel la fibre
nerveuse transmet un signal invariable parce que soumis à la loi du tout ou rien
(qui règle le potentiel de membrane, c’est-à-dire son excitabilité ou sa polari­
sation selon des lois physiques et chimiques de sa constitution). Les travaux de
Lorente de No (1949), de Hodgkin et Huxley (1952), de Eccles (1957) sur les
courants ioniques (Na et K) sur la pompe à sodium et sur l’énergie potentielle
électrochimique et notamment l’organisation fonctionnelle de la membrane
des fibres nerveuses, c’est-à-dire le passage des potentiels qui entraîne la dépo­
larisation ou la polarisation qui règlent les seuils d ’excitabilité, toutes ces
connaissances expérimentales ont permis de préciser la fonction proprement
conductrice par la fibre nerveuse des signaux. Sans doute cette fonction appa­
raît-elle moins simple qu’on se le figurait, mais elle n ’en constitue pas moins
une propriété spécifique des systèmes perceptifs, celle qui assure la transmission
des signaux.
Toutefois, la physiologie des neurones ne se réduit pas à des propriétés
électriques de conduction ainsi que le postulait la neurophysiologie purement
réflexe ou soumise à une régulation en « feed back » en circuit fermé selon la loi
du tout ou rien (montage « digital »). Le plan du système nerveux, en effet,
paraît organisé sur une autre propriété, celle de la transformation et de la modula­
tion des messages (au niveau des « synapses ») selon un code temporel ne faisant
pas seulement appel à la constitution du modèle « digital » des computers.
La transformation des signaux en message s’opère dans les « synapses »
selon le modèle « analogique » qui constitue ce recours à une fonction algé­
brique de calcul différentiel, comme nous l’avons vu plus haut. Nous pou­
vons ici reproduire quelques passages de l’étude si intéressante de Ch. Marx
sur le neurone (in Physiologis de Kayser) :
« Tout d’abord, le stimulus est converti en potentiel récepteur, il s’agit dans
« ce cas d ’une transformation analogique, puisque le potentiel récepteur est un
« phénomène variable en intensité et en durée qui reflète avec plus ou moins
« de fidélité l’évolution dans le temps de l’intensité de la stimulation. La
« conversion suivante est totalement différente parce que le signal qui transmet
« à distance l’information est invariable en amplitude et en durée : la formation
« du message nerveux à partir du potentiel récepteur, selon un code temporel,
« est une conversion digitale. Enfin, chaque signal du message délivre une
« certaine quantité de transmetteur dont l’accumulation dans l’espace synap-
« tique dépend entre autres de la fréquence des signaux. Le message réalise
« donc une concentration de transmetteur qui varie d’une manière qui rappelle
1286 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

« l’évolution dans le temps du stimulus; le message tend ainsi à restituer par


« une reconversion en un phénomène analogique l’information apportée par
« le stimulus. Ces conversions successives, analogique puis digitale et à nou-
« veau analogique, doivent entraîner inévitablement une perte d ’information.
« On peut alors se demander si certains traits de l’organisation du système
« nerveux n ’ont pas précisément pour raison d’être de corriger ces imper-
« fections : ainsi, l’utilisation simultanée de plusieurs neurones dans une
« même voie de communication (sommation spatiale) ou la disposition des
« neurones en boucles de contrôle par rétro-action peuvent contribuer à atté-
« nuer les effets des pertes d’information dans la transmission par un seul
« neurone » (p. 253).
« Mais pour terminer, il convient également de remarquer que la physiologie
du neurone ne peut être réduite à cette seule conception : le neurone n’est pas
uniquement une voie de communication de l’information » (p. 271).

Cette conclusion ne débouche pas cependant, semble-t-il dans l’esprit de


l’auteur, sur la finalité inscrite dans le plan d’organisation dans la logique
de l ’architectonie catégorielle du Système nerveux central telle que, par contre,
elle apparaît à Richard Jung comme une nécessité, ainsi que nous l’avons lon­
guement exposé (cf. supra, p. 1168).
Mais ce qui nous importe, c’est de souligner que l’organisation du Sys­
tème nerveux central, ou de ces sous-systèmes que sont les organes des sens, est
telle quelle constitue un ordre en quelque sorte consistant, un dispositif fonc­
tionnel assez solide pour que toute excitation extérieure à ce plan d ’organisation
n’ait aucune chance (aucune probabilité) d’être efficace si elle ne se confond pas
à son organisation. Autrement dit, les « excitations » artificielles ou expéri­
mentales n ’exercent leur action que dans la mesure non pas de leur quantité
mais de leur conformité aux lois structurales. Certes, dans la microphysiologie
ou les préparations électrophysiologiques unicellulaires (R. Granit, G. S. Brind-
ley, K. Motokawa, etc., pour la rétine par exemple; von Bekeny, Davis, etc.,
pour les cellules de la rampe cochléaire), il est toujours — et quasi miraculeu­
sement ! — possible d’étudier chez certains animaux et même chez l’homme la
propagation des signaux et la transformation des messages, mais cela nous
donne une dimension en quelque sorte infraliminale de l’activité fonctionnelle
du cerveau. Bien sûr, tous ces travaux nous ont permis de mieux connaître les
fonctions nerveuses et mentales, notamment en nous indiquant que même à ce
niveau les réponses graduelles et les modulations de l’écoulement de l’influx
nerveux dans les circuits fonctionnels génétiquement ou par acquisition de
l’expérience fonctionnels « programmés » génétiquement ou « montés » par
acquisition de l’expérience, s’établissent selon un certain ordre et dans un cer­
tain sens. Tout ce jeu d ’ « occlusions » et de « facilitations » dans ce « mer­
veilleux métier à tisser » {magic loom, disait Sherrington) qu’est le réseau rela­
tionnel par lequel le Moi tisse son monde, tout ce jeu est modulé dans les
« decision points » qui choisissent entre l’infinité des possibles et selon les exi­
gences du sens, grâce à ces « boîtes magiques » (comme dit le neurophysiolo­
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉIDOLIES 1287

giste américain R. W. Girard) que sont les réseaux dendritiques des synapses.
Les expériences de microphysiologie sont à cet égard très intéressantes à suivre.
Par exemple l’étude si minutieuse faite par R. Granit (1963), par G. S. Brind-
ley (1955 et 1962), par H. K. Hartline (1949 et 1969), etc., D. R. Cropper et
W. K. Noell (1963) ont montré que l’excitation photique ou électrique des
cellules de la rétine ne s’exerce pas « mécaniquement », c’est-à-dire comme une
stimulation exogène pure et simple, car elle rencontre un dispositif fonctionnel
où s’équilibrent des phases d ’inhibition et de facilitation. De telle sorte que,
dès ce premier relais synaptique ganglionnaire et même au niveau propre­
ment glio-neural des cellules horizontales et bipolaires, il existe déjà un certain
ordre de réponses en quelque sorte préalables à l’action du stimulus. Tout se
passe comme si à ce niveau des premières synapses le stimulus ne pouvait agir
par lui-même, le seuil et l’efficacité de son action étant limités par l’ordre phy­
siologique auquel il est expérimentalement appliqué (cf. supra, p. 1156 et
p. 1178).
Ainsi, même à ce niveau des fonctions élémentaires neuronales (I) et
contrairement aux modèles purement mécaniques — y compris les modèles
cybernétiques comme nous y avons insisté plus haut en nous référant aux études
de R. Jung, de H. K. Hartline, de G. S. Brindley, de A. J. Bogolowski et
J. J. Segal, etc. (cf. supra, p. 937-942) — le système nerveux n ’apparaît pas seu­
lement comme un réseau de fils électriques, même pas d’ondes électromagné­
tiques transmettant l’information. Il représente, ou plutôt, construit un ordre,
celui de la réalité qui exige non seulement l’application d’un programme_géné-
tique, mais encore que celui-ci réserve une part facultative d ’adaptation,
c’est-à-dire de finalité propre à sa vie de relation personnelle.
Dès lors, nous pouvons bien dire que l’idée d’excitation mécanique (ou
d ’excitation électrique) portée sur un système organisé a bien peu de chances
d ’y produire un « message », l’injection d’une telle stimulation inadéquate
dans un système finalisé ayant une infinité de « chances » par contre de détruire,
ou tout au moins de gêner non seulement la circulation mais encore la formation
de l’information que seule l’organisation du système nerveux permet. R. Jung
insiste tout spécialement sur ce point. Il nous rappelle un très intéressant tra­
vail de J. F. Tönnies (2) qui, effectivement pour l’époque (1949), est déjà très
représentatif de ce que l’on pourrait appeler les tendances organo-dynamiques
de la Neurologie, en ce sens que pour lui tout le S ystème n erv eu x c en tra l
EST ORGANISÉ ET DIRIGÉ DANS LE SENS DE LA LUTTE CONTRE L’EXCITATION. Autre­
ment dit — nous y avons particulièrement insisté à propos des structures du
highest level de la conscience — l’organisation de ces niveaux supérieurs est

(1) G. van den Bos (/. de Physiologie, 1966, p. 337-363) a même montré que post
mortem l’activité électrique de la rétine continuait pendant un certain temps à être
automatiquement réglée.
(2) J. F . T önnies. Die Erregungsteuerung in Zentralnervensystem. Erregungs­
fokus der Synapse und Rückmellung Funktionsprinzipien. Archiv Psych. und
Nervenheil., 1949, 182, p. 478-535.
1288 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

essentiellement répressive et sélective des instances inférieures et des Stimuli


qui du dehors et du dedans bombardent son « appareil explosif ». De sorte
que porter une excitation électrique sur un fragment du Système nerveux cen­
tral, c’est produire dans ce système l’effet que la foudre produit sur une cen­
trale téléphonique (R. Jung, p. 475). — L ’ « excitation » portée par les neuro­
physiologistes ou les neurochirurgiens décharge ou modifie des équilibres
neuroniques mais ne produit aucun message significatif autrement qu’en
libérant ce qui peut, au sein de cette désorganisation, rester encore de l’or­
ganisation.

2° La dyn a m iq u e d es S ystèm es p e rc e p tifs


irré d u c tib le à l’action des Stim uli.

Nous ne pouvons que résumer l’essentiel de ce que nous avons longuement


exposé en décrivant (chapitre I de cette septième Partie) le corps psychique qui
intègre l’organisation anti-hallucinatoire des Systèmes perceptifs spécifiques.
Mais il est indispensable pour fonder la démonstration en cours de notre
quatrième thèse, celle de la condition négative de toutes les modalités d'Halluci­
nations même de type éidolo-hallucinosique, que nous comprenions bien que
la notion d ’excitation « physiologique » ou « expérimentale ») est incompa­
tible avec le dynamisme organisé dans un analyseur perceptif.

Il ne saurait être question d’abandonner ces bourgeons « périphériques » de l’arbre


psychique à la matière, pas plus à une mécanique réflexologique qu’à une machine
cybernétique. Car nous savons bien (cf. supra, p. 1099) que, comme le rappelait
Cl. Blanc (Évol. Psych., 1968), la cybernétique ne peut se situer que dans l’aire de
convergence des savoirs de l’empirisme logique de la linguistique et de l’épistémologie
génétique : elle n’a de sens que celui qu’elle tire de F reud , de H usserl, de M erleau-
P onty et de P iaget . N ous savons bien aussi — car il suffit de nous rappeler ce que
nous avons écrit plus haut sur l’organisation dynamique de l’organe des sens, des
systèmes perceptifs et plus généralement du corps psychique — que, comme l’a si
fortement souligné M. A udisio , atteindre le niveau biologique, c’est pour la cyber­
nétique renoncer à n’être que celle des mécanismes macrophysiques du monde phy­
sique inerte pour se transformer en une cybernétique plus aléatoire, celle de l’infini-
ment petit biologique... Or, c’est précisément au niveau des systèmes perceptifs ou,
si l’on veut, déjà à ce niveau, qu’apparaît la nécessité de considérer avec R. J u n g le
système perceptif comme un organisme vivant qui choisit son information plutôt
qu’il ne la subit.

A. S t im u l i . I n fo r m a tio n et im ag erie da n s l ’activ ité perceptiv e

En examinant le problème des récepteurs sensoriels, nous avons pu tirer


des enseignements intéressants des recherches de psychophysiologie des per­
ceptions qui se sont substituées à la neurophysiologie des sensations (cf.
p. 1125-1160). Il semble notamment que la convergence des travaux contem-
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉIDOLIES 1289

porains de physiologie et de neurophysiologie permette de considérer l’organe


des sens comme un centre nerveux (malgré sa position « périphérique » dans le
Système Nerveux Central); il Fest, étant organisé pour plonger dans l’environ­
nement et en extraire les informations. Il n’a pas seulement une fonction de
réception ou de transmission passive des « Stimuli ». Le « centre » d’un Sys­
tème perceptif n ’est pas seulement dans le cerveau, il est aussi dans l’organe
des sens. Autrement dit, le système perceptif psycho-sensoriel a une structure
bipolaire et réverbérante. Déjà au niveau de la rétine, de l’organe de Corti ou
du système somesthésique cutané et musculaire, s’opère une sélection c’est-
à-dire un codage de l'information (1).
Si donc les Stimuli spécifiques venant de l'environnement n ’agissent que
dans la mesure (ou plutôt la forme) de leur « conformité » à une « forme per­
ceptive », nous pouvons dire que ce qui est à la base de l’activité sensorielle
c’est un processus de filtrage ou de sélection; somme toute, de formation. Autre­
ment dit, l’information « ne passe » que dans la mesure où elle correspond à
une « forme » et dans la mesure où elle est prise par l’organe prospecteur
qu’est l’organe des sens et intégré dans la logique du corps psychique, elle-
même prise dans la logique de l’être vivant. — Ceci implique que les Stimuli
étant infinis dans le temps et dans l’espace, dans l’environnement extérieur
et à l’intérieur même des téguments, l’information perceptive ne devient
possible que lorsque l’objet perçu (2) correspond à une probabilité relati­
vement faible, l ’information infiniment probable tendant au contraire vers
zéro. — Une autre dimension fonctionnelle encore de l’acte perceptif,
c’est que l’infinité des Stimuli virtuels constitue pour chaque sens un « fond »
(white noise, Eigengrau). P. Guiraud (3) avait à ce sujet justement insisté sur ce
qu’il a appelé F « écran sensoriel ». C ’est, par exemple écrivait-il « le tonus tactile

(1) Nous devons à P. L äget (J. de Psychologie, 1970, p. 133-149) une excellente
étude des codes et codages en neurophysiologie sensorielle qui peut heureusement
compléter ce que nous avons déjà exposé plus haut (p. 1092) quand nous avons une
première fois esquissé la psycho-physiologie des organes des sens. Il s’agit d’une inter­
prétation très stricte (c’est-à-dire conforme à la théorie de l’information de Shannon )
qui a bien du mal, bien sûr, à se débarrasser du pouvoir de décision, c’est-à-dire de
l’acte opératoire essentiel de la perception (F. B resson, « L a place de la décision dans
l ’activité psychique », J. de Psycho., 1963, 60, p. 37-61 ; — Y. B aumstiler, « Peut-on
parler de décision dans la perception ? », Bulletin de Psycho., 1969-1970,23, p. 56-62).
Sans doute peut-on toujours diluer la « motion » ou la décision dans un appareil
statistique, mais Y. B aumstiler après avoir critiqué la « théorie des seuils », montre
que la théorie de la décision statistique de Tanner et Sivets permet, somme toute
(et si je Fai bien compris), d’introduire l’activité du Sujet dans l’acte perceptif... (de
réconcilier H elmholtz et P ieron avec H ering et Er. S traus !).
(2) Lorsque la lumière constitue une « patterned light stimulation », comme par
exemple une organisation de contraste, on dit qu’il s’agit d’une configuration, d’un
« pattern » qui forme une information.
(3) P. G uiraud , « Représentation et Hallucination », Paris Médical, 1932, 2.
p. 120-125.
1290 MODÈLE O RGA NO-DYNAMIQUE

continu de toute la surface du corps qui constitue l’écran tactile ». Il en est ainsi
pour tous les sens : pour chacun, il existe un « champ de silence » qui constitue
comme la potentialité de conquérir l’espace ambiant, le monde des objets.
Et ce fond n’est pas, remarque avec profondeur le neurophysiologiste
Richard Jung (1), le simple « white noise » de machines électroniques car il est
lui-même signifiant ; ce « tonus » sensoriel physiologique est en effet vivant et
représente l’infinité des stimulations endogènes : la constance de l’inconscient
désir de percevoir quelque chose, ou plus radicalement encore, le désir qui
tient, même fermé, l’organe des sens éveillé.
Si nous prenons cette expression (organe des sens) non pas seulement pour
la partie dite périphérique mais pour la totalité des structures transanato­
miques qui assurent l’intégration d’un système perceptif spécifique, l’organe
des sens nous apparaît littéralement bombardé de Stimuli provenant de l’envi­
ronnement, des structures spécifiques propres au récepteur (aux stimulations
proprioceptives) et aux stimulations internes qui, effectivement, ne cessent pas
de faire interférer les Stimuli externes aux phantasmes virtuels dont ils sont
l’occasion réciproque.
La notion d ’ « excitant physiologique » doit donc être tout à la fois étendue
à toutes les simulations externes, proprioceptives et internes sans que l’action
d ’un stimulus quelconque soit jamais ni nécessaire ni suffisante pour déclencher
la perception. Ceci bien précisé, nous pouvons admettre que trois «patternings »
sont possibles, c’est-à-dire susceptibles d ’affecter à un train de Stimuli un coeffi­
cient d ’information : les formes provenant de l’environnement — les formes
provenant du milieu prppre à l’organe des sens — les formes provenant de la
représentation de phantasmes virtuels qui hantent (ou doublent) l’activité
perceptive.
Et c’est effectivement à cette architectonie transanatomique que nous conduit
alors le schéma d’un système perceptif (ou organe des sens) tel que nous
l’avons décrit (çf. p. 1143-1175), mais tel qu’il doit ici nous être rappelé pour
nous permettre d’engager le difficile problème pathogénique des Éidolies
vers une solution.
Nous devons décrire un organe des sens comme un appareil à trois dimen­
sions. La première étant constituée par la codification des informations spé­
cifiques provenant du milieu extérieur et de l’organe même; — la seconde par
la régulation non spécifique de son activité; — et la troisième par la constante
intervention des phantasmes virtuels dans l’acte perceptif.

(1) R. J u n g , « Neuronal intégration in visual cortex » (in Sensory Communication,


Rosenblith, p. 627-674). Cette étude constitue une des contributions les plus impor­
tantes pour la compréhension de l’intégration d’un système perceptif (la vision).
A propos de l’activité de fond (back ground activity) il précise qu’elle entretient un
niveau moyen d’intégration et constitue une fonction positive, car au contraire d’un
appareil électronique elle constitue une « physiological necessity ». « In contrast
to a silent System that can be activated in only one direction these changes in two
directions and assure the adaptability and flexibility of the visual system » (p. 663).
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉIDOLIES 1291

1° Le cou ra n t d ’in form ation spécifique extéro e t p r o p r io c e p tif


— L’entrée dans l’information provenant du monde des objets exige que les
Stimuli du monde des objets se présentent en « configuration » (patterning,
Konstanz der Sehedinge, dit E. Bay, 1953) pour être précisément l’objet d ’une
information incorporée dans un code de reconnaissance conceptuelle (1).
Pour si importantes que soient l’action ou l’aspiration du Sujet à l’égard de
l’objet, celui-ci doit faire partie d’une disposition ordonnée de l’espace géo­
graphique (naturel) ou anthropologique (culturel). Mais, bien entendu, le sti­
mulus peut être en quelque sorte amorphe ou brut (obscurité, clarté, sonorité
vague, indistinction) et dans ce cas sa Gestaltisation ou sa transformation en
message est aléatoire à la mesure de son faible coefficient d’information. Quoi
qu’il en soit de cette activité perceptive, elle est pour ainsi dire corrélative de
l ’ouverture (« functional ») de l’organe des sens à la communication avec le
monde des objets. Nous aurons l’occasion de souligner que ceci est capital pour
distinguer notamment les phantéidolies et les protéidolies, ces dernières ne
se produisant que lorsqu’il n’y a pas occlusion totale du champ spécifique
perceptif.
Mais les informations spécifiques (propres à tel ou tel sens) captées par
le « centre périphérique » (rétine, membrane cochléaire, corpuscules cutanés)
ne proviennent pas toutes et exclusivement du monde des objets, le dispositif
anatomo-physiologique de l’organe des sens lui-même est l’objet d’un « patter­
ning » perceptif proprioceptif. Les milieux de la réfraction (cornée, cristallin), les
tissus et la vascularisation de la sclérotique ou de la choroïde sont également sti­
mulant pour la perception visuelle. C ’est à cette capacité en quelque sorte interne
et spécifique que correspondent les faits qui sont à la base de la théorie de l’éner­
gie spécifique des nerfs sensoriels de J. Müller. L’expérience la plus banale
peut faire à chacun voir quelque chose de ses yeux ou de leurs vaisseaux san­
guins dans certaines conditions. Ahlenstiel (1956) par exemple a désigné
sous le nom de tache bleue (Blauflicke) la perception de petites veines ou de
capillaires choriotiques. On sait d’ailleurs (nous l’avons vu p. 345-346) que
cet auteur, avec Kaufman (1953), a dressé un inventaire très complet de toutes
les formes géométriques que peuvent prendre ces sensations élémentaires
représentant une sorte d’auto-perception histologique de l’organe des sens.
Disons donc que par les « canaux » de l’information entrent non seulement les
Stimuli en nombre infini du monde extérieur, mais aussi les Stimuli en nombre
également infini du monde spécifique propre à l’organisation même de l’organe
des sens sans que, bien sûr, il soit possible de séparer radicalement ce qui
vient du monde physique ou du monde physiologique qui, précisément,
s’entrecroisent ici au seuil ou dans le « vestibule » même du système per­
ceptif.
— Ce courant « centripète » de l’information, c’est-à-dire l’itinéraire qui, au

(1) C’est cette modalité d’activité noétique automatique que H elmholtz, nous
l’avons vu, appelait le « jugement inconscient de la perception ».
1292 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

travers des trois grands relais synaptiques parvenant aux centres spécifiques sen­
soriels, ne change ni de sens ni de structure en transportant les signaux au tra­
vers de leur transformation en messages jusqu’aux centres spécifiques pri­
maires. De sorte que l’area striata est bien une « rétine corticale », comme la
rétine est déjà un centre d ’analyse ou de codage perceptif. Nous soulignerons
dans un instant l’importance de ce point de vue transanatomique pour la
compréhension surtout des Hallucinations élémentaires (phosphènes, figures
géométriques, sons, etc.), c’est-à-dire des protéidolies que l’on observe dans
les lésions cérébrales.
L ’ « organe des sens » (au sens large qui englobe tout l’analyseur percep­
tif) nous apparaît alors dans son véritable sens, celui de l’organisation de
son fonctionnement. Il est essentiellement un appareil de transformation, de
codification des Stimuli externes et internes qui entrent dans un système d ’infor­
mation objectif A quelque niveau que nous considérions cette transformation,
elle est essentiellement une « mise en forme » de l ’information extraite du
monde des objets au sens large du terme par l’intentionnalité du Sujet qui est
l ’auteur de « toute Gestaltisation ».

2° L ’in té g ra tio n non sp écifique. — Nous devons aussi pour compléter


cette révision des données généralement et classiquement reçues sur les appareils
sensoriels, bien indiquer que leur sélection spécifique est elle-même intégrée dans
un paramètre non spécifique de facteurs dypamogéniques (cf. notamment le
schéma de R. Jung, supra, p. 1171). La formation et la transformation des
unités différenciées d’information ne s’opèrent, en effet, que dans un mouve­
ment auquel participent tous les facteurs dynamogéniques non spécifiques de
la perception. Et à la psychologie de la perception qui nous a montré quelle
direction intentionnelle (set, Einstellung), quelle intensité d ’attention, quelle
motivation affective exigeait l’acte perceptif, a correspondu une nouvelle
orientation neurophysiologique mettant en évidence ses corrélations avec la
vigilance (arousal) et le système instinctivo-affectif (motivation) avec les
mouvements expressionnels ou effecteurs (« motion », en anglais). D ’où
l’importance qu’ont pris les études sur l’intervention des modulations cen-
trencéphaliques (W. Penfield) dans l ’activité perceptive.
Pour ce qui est du système réticulaire ascendant, il existe une base histo-
hodologique de cette action. S. Polyak (1941) dans son étude sur la rétine avait
déjà montré qu’il y a des fibres centrifuges qui se rendent à la rétine, comme
depuis longtemps Cajal, puis plus récemment R. Galambos (1955) avaient mis
en évidence une connexion entre la F. R. et l’organe de Corti. Sur le plan physio­
logique, des mécanismes « feed-backs » d ’auto-régulation ont été également mis
en évidence entre la substance réticulée et le contrôle sensoriel (R. Granit, 1955;
M. Jouvet, R. Hernandez-Peon, J. Scherrer, 1956 et 1957; S. Dumont et
P. Dell, 1958; M. Jouvet et J. E. Desmedt, 1956). A l’aide d’expériences ils ont
montré l ’influence de la F. R. sur les potentiels évoqués au niveau de la rétine,
du noyau cochléaire ou des noyaux thalamiques spécifiques. Notamment,
l’action de ce système activateur s’est révélée importante en ce qui concerne
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉIDOLIES 1293

la régulation de l’inhibition et de la facilitation des influx sensoriels pendant


l’attention et l’habituation (1).
Nous avons déjà eu l’occasion à plusieurs reprises (notamment, p. 456 et
p. 954) d’insister sur l’importance des relations étiopathogéniques entre le
mésodiencéphale et l’activité hallucinatoire. (D. Donati et I. Sanguinetti 1953).
Outre le syndrome d'Hallucinoses pédoncttlaires décrit par Lhermitte et L. van
Bogaert, de nombreux auteurs ont rapporté notamment des observations
d'Hallucinations visuelles (au sens large et souvent vague(du mot) en rapport
avec le diencéphale, l’hypothalamus et le thalamus. T. Störing, en 1938, les a
décrites (2) en insistant sur les troubles de la capacité de réflexion (Besinnungs­
fähigkeit). La plupart des auteurs les ont notés dans les lésions de la base
du cerveau (citons parmi les plus connues les observations de H. Grahmann
(1958), J. E. Meyer et L. Wittkowsky (1951), K. Leonhard (1964), etc.),
soit dans l’encéphalite (E. Albert, 1958; Leonhardt, 1957; F. Reimer, 1970),
soit dans les tumeurs diencéphaliques (W. Riese, 1950; B. Callieri et G. Mos-
catello, 1961; E. Miller-Kreuser, 1962, etc.) au cours de leur évolution ou dans
les séquelles post-opératoires. On insiste généralement sur les rapports de ces
Hallucinations visuelles (et parfois haptiques) avec les phénomènes hypnago-
giques ce que paraît confirmer leur apparition dans les syndromes de narco­
lepsie (Selbach, 1953; Roth, 1962; Passouant, 1969).
Mais depuis quelques années ce sont les formations limbiques du rhinencé­
phale qui ont été plus particulièrement étudiées pour l’influence non spécifique
qu’elles exercent sur l ’activité sensori-perceptive. Depuis H. Jackson on connais­
sait certes l’importance des structures profondes du lobe temporal dans l’éclo­
sion des états de rêve, des auras et des Hallucinations. Et depuis que W. Penfield
a confirmé expérimentalement les observations cliniques du grand neurologue
britannique, on n ’a cessé d ’explorer les fonctions de l’amygdala, de l’hippo­
campe, du cingulum, du septum, etc., dans leurs rapports avec la régulation
des impulsions instinctives, des émotions et des affects. H. Klüver (3) est
l’auteur qui a le plus approfondi ce problème en le rattachant à celui du carac­
tère non spécifique (sensoriel) de l’Hallucination en général (4) qui lui paraît
être beaucoup plus évidemment liée aux variations et aux confusions du niveau
du réel et de l’imaginaire. De telle sorte que l’Hallucination proviendrait d’une
dédifférenciation de fonctions. Or, c’est au lobe limbique (au rhinencéphale ou,

(1) Cf. à ce sujet le travail de R. H ernandez P eon, « Reticular mechanism of


sensory control » (in Sensory Communication, Rosenblith, 1961, p. 497-520).
(2) Nous avons déjà parlé plus haut (p. 954-955) des controverses sur les lésions
spécifiques (voies et centres sensoriels) ou non spécifiques qui seraient responsables
de cette pathologie hallucinatoire. Nous devons rappeler que certaines observations
mettent ces phénomènes hallucinatoires en relation avec des lésions des relais thala-
miques (L. B enedek et A. J uba , 1943; K ireboth et coll., 1964).
(3) In Psychopathology o f Perception, de P. H och et J. Z ubin , 1965, p. 1-40.
(4) Psychological specificity does it exist, in F. O. Schmidt , « Macromolecular
specificity and Biological and Biological Memory, Cambridge, 1962, p. 94-98.
1294 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

plutôt, au thymencéphale comme il dit) qu’est dévolue la <( poïkilo-fonction »


qui règle les mouvements internes, les fluctuations, les modulations (P. Gloor
parle du système amygdalien comme d ’un « modulator ») auxquels est soumise
l’activité perceptive. Celle-ci, qu’elle soit sollicitée, orientée ou visée par la
constance des objets du monde extérieur (dont le mouvement est toujours
annulé par 1’ « isofonction », la « fixation conceptuelle » du cortex), est effec­
tivement en rapport avec le monde interne des affects, c’est-à-dire tous les
« objets » virtuels contenus dans le mouvement de la vie affective. Et c’est
parce que sous toutes leurs formes les images hallucinatoires sont essentielle­
ment variables, labiles, oscillantes, dotées d ’un faible degré d ’objectivation (au
sens de von Kries) et d’un fort degré d ’ « intimité » ( intimaty) qu’elles paraissent
relever de cette pathogénie plutôt que de celle du mécanisme spécifique ou sen­
soriel habituellement invoqué. Ici, H. Klüver rejoint les idées de E. Bay (1953)
sur la signification de la modification fonctionnelle (Funktionwandel) dans la
perception normale et pathologique, c’est-à-dire la base biopsychologique
que V. von Weizsâcker a assignée à l’acte perceptif pour autant qu’il est un acte
vital, théorie liée, dit Klüver, à une conception « romantique » d ’un cerveau non
seulement vivant mais animé par les mouvements de la « motivation » qui
constituent le monde interne des affects. Le travail de G. M. Anastasopou-
los (1962) souligne également la probabilité de l’intervention du lobe limbique
dans la production des Hallucinations qui, précise-t-il, ne lui paraissent pas
réductibles à des mécanismes focaux mais dépendre (comme l’ont souligné
C. von Monakow et R. Mourgue, 1928) d’un trouble plus global de l’intégration
des fonctions perceptives dans la sphère instinctivo-affective.

3° L a p r o je c tio n p h a n ta s m iq u e da n s l’a cte p e r c e p tif. — Ceci nous


conduit enfin à envisager une autre dimension de la psychophysiologie des
systèmes perceptifs. Nous venons de voir qu’ils filtraient, codaient, choisis­
saient parmi l’infinité des Stimuli externes ou proprioceptifs ce qui devait entrer
ou ne pas entrer dans la visée (le « set » ou 1’ « Einstellung ») de la percep­
tion. Nous avons vu aussi que l’acte perceptif ne dépendait pas seulement des
« mécanismes spécifiques » de la réception, de la transmission et de l’élabo­
ration de messages sensoriels, car c’est tout le monde intérieur qui, par son
apparition autochtone, se projette dans le mouvement qui lie le Sujet à son
monde à chaque fois que celui-ci lui apparaît sous forme d ’un objet (personne
ou événement). Nous devons encore souligner que ce monde interne, celui de
la mémoire de l’Inconscient, des images, des phantasmes, ce monde qui est
partout (en puissance sous tout acte) et nulle part (dans aucune partie parti­
culière de l’espace cérébral), ce monde imaginaire qui même aux plus bas
niveaux de l’automatisme perceptif (fût-ce en tant que composante antagoniste
du « perceptum »), ce monde constitue l’horizon ou le halo de toute perception
et affleure dans la frange subliminale de toute perception. L’imagerie est inhé­
rente à la sensation, elle la cerne, la double ou l’induit, ne se séparant jamais
de sa figure que pour en constituer le fond. Elle ne disparaît que pour s’incor­
porer à elle, représentant toujours et sans cesse ce que l’objet de la perception,

/
IV PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉIDOLIES 1295

lui, doit de ne pas être. Pour tout dire, elle est l’ombre de tout objet et forme
le contraste ou le complot que, pour paraître, doit dominer l’objet à percevoir.
Nous avons déjà assez insisté (suivant ainsi le courant de pensée qui va de
Maine de Biran à H. Bergson, mais aussi de Ch. Féré, T. Ribot à J. Stein,
V. von Weizsâcker, etc.) sur l’importance des phantasmes virtuels de tout
acte perceptif pour nous borner ici à rappeler que les organes des sens — si
nous les envisageons seulement dans leur portion périphérique — sont des
appareils à distinguer non pas des qualités sensorielles élémentaires entre elles,
mais les contours qui séparent le réel de l’imaginaire, ce qui naturellement
suppose que celui-ci est toujours là aussi infiniment présent par le flux de ses
images que celui-là est toujours aussi infiniment présent par le flux de ses
Stimuli.
B. Bipolarité du système perceptif

Cette perspective structurale fonctionnelle et transanatomique de l’activité


physiologique des systèmes perceptifs rompt évidemment radicalement avec
les paraphrases anatomiques (R. Mourgue) qui, trop souvent, tiennent lieu
d’explication. Nous devons dire à ce sujet que niveau d’intégration ne veut pas
dire nécessairement centre cortical. Il n ’est certes pas facile de se détacher du
décalque anatomique, car la notion de centres, structures, systèmes, organes du
système nerveux, comporte aux yeux de la plupart des neurophysiologistes, neu­
rologues et neuropsychiatres, un schéma de localisation du supérieur et de
l’inférieur purement spatial (1). Ce schéma est conçu de telle sorte qu’au bas
(dans les centres inférieurs) s’opéreraient automatiquement les fonctions élé-
élémentaires et qu’en haut (dans les centres supérieurs) s’opéreraient plus libre­
ment les fonctions supérieures. Dans notre critique du « Modèle mécaniste »
et précisément à propos des excitations électriques ou des lésions irritatives,
nous avons montré qu’il n ’est pas exact de placer un quantum d’énergie à la
périphérie et une activité synthétique (une logique du concept) au centre céré­
bral. Au niveau périphérique (celui des organes des sens) est alors dévolue une
fonction « élémentaire » de pure réception dans des nerfs et des cellules qui se
contentent d’enregistrer des sensations. Au niveau supérieur on place (dans les
centres de projection sensorielle spécifique) les engrammes (les images qui sont
nécessaires pour la reconnaissance des objets (fonction gnosique). Et enfin
à un niveau cortical plus supérieur encore, on place depuis Flechsig les centres
non spécifiques d’association ou d’élaboration (les zones paracentrales ou
intercentrales spécifiques). Dès lors on se représente, on doit se représenter que
les Hallucinations élémentaires correspondent au premier neurone périphé­
rique, que les Hallucinations complexes correspondent à une lésion des centres

(1) Ainsi que le voulait H. J ackson lui-même embarrassé du reste au niveau du


« highest level » pour être contraint alors de juxtaposer à un centre nerveux très évolué
une activité psychique qui lui paraissait seulement « concomitante » ou parallèle;
et c’est bien là le point faible d’une conception jacksonienne dualiste que ce point de
convergence qui est aussi un point de divergence essentielle.
1296 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

psychosensoriels et que, enfin, les Hallucinations psychiques (non plus senso­


rielles mais verbales ou représentatives ou idéiques) dépendent de lésions des
centres du « highest level ». C ’est bien ainsi que du temps de Tamburini, de
Ritti ou même de Séglas, au début de ses travaux sur les Hallucinations, on
se représentait la localisation des Hallucinations sur l’axe cérébrospinal... Or,
c’est cette idolâtrie d ’une superposition spatiale qu’il faut renverser.
Si cette superposition anatomique n ’est pas toujours explicités, elle continue,
en effet, à être encore impliquée dans des travaux récents et aussi sérieux comme
ceux par exemple de I. et K. Gloning (1968) qui distinguent les phénomènes
hallucinatoires visuels dans la pathologie du lobe occipital en phénomènes élé­
mentaires ceux par (area striata et zone parastriée) et en Hallucinations com­
plexes (lésions irritatives du lobe temporal). Ce schéma, depuis S. E. Henschen,
O. Foerster, F. Kennedy, H. P. Cushing, etc.) est sans cesse repris malgré les
expériences de W. Penfield qui a pourtant démontré (1958) que l’excitation
des aires secondaires ne provoque pas de phénomènes moins élémentaires que
celle des aires primaires. Ajoutons ici que pour certains auteurs les phénomènes
élémentaires (photopsies, bruits otitiques, etc.) dépendent seulement de lésions
des récepteurs périphériques. Or, les innombrables faits (1) que l’on peut
rassembler et dont nous avons déjà donné, pensons-nous, un échantillonnage
assez riche pour être significatif en étudiant les Hallucinations des divers sens,
puis les Hallucinations dans les affections cérébrales, dans l’épilepsie ou chez
les ophtalmopathes et otopathes (voir plus haut), montrent à l’évidence que
le caractère, soit élémentaire de l’image hallucinatoire (disons plutôt des protéi-
dolies, soit complexe de cette image (disons plutôt phantéidolie), ne dépend pas
stricto sensu de la localisation du processus hallucinosique puisqu’on voit des
manifestations élémentaires se produire au niveau des centres psycho-sensoriels
et que les lésions centrales de toutes sortes et de tout niveau anatomique peuvent
être assez bien localisées sans que l’on puisse les mettre en corrélation avec les
Hallucinations complexes et que, inversement, on voit chez les ophtalmopathes,
par exemple dans le syndrome de Charles Bonnet, une énorme production
phantéidolique que l’on attribue (G. de Morsier) assez systématiquement à un
processus cérébral, plutôt par pétition de principe que par égard aux faits
observés.
Le cas de J. P. Villamil (2) nous a toujours paru très intéressant puisqu’il
montre que là où on croyait avoir démontré le point de départ anatomique
périphérique des protéidolies hallucinosiques ce fut finalement à une lésion
centrale qu’elles durent incontestablement être attribuées... Il s’agissait d ’un
homme de 59 ans qui accusait depuis quelque temps des « phosphènes »
(étoiles) qu’il voyait constamment et spécialement quand il ne voulait pas les
voir, dans l’obscurité ou en fermant les yeux. Cela l’empêchait de travailler. Il

(1) Le travail de M. J. H orow itz (1964) est à cet égard très intéressant (çf. plus
loin, p. 1300).
(2) J. P. Villamil. El papel del campo sensorial externo en la genesis
de las alucinaciones visuales. Arch. de Neurobiologia, 1933, p. 81-98,
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉIDOUES 1297

vit aussi des figures de couleur sombre et de signification imprécise, des scènes
désagréables aussi qu’il revivait dans son imagination, disait-il. Exaspéré il
décida de se suicider et se tira un coup de pistolet qui provoqua une fonte
purulente des globes oculaires. Avec leur disparition les phénomènes halluci­
natoires disparurent. Mais quand il mourut l’autopsie montra qu’il avait un
tuberculome du lobe occipital gauche. Il y a bien dans ce cas (comme dans
d ’autres où, inversement, la désafférentation sensorielle, spontanée ou expé­
rimentale produit des phantéidolies) de quoi alimenter la querelle des partisans
de l’origine « périphérique » ou centrale des Hallucinations !
Inversement, en effet, les stimulations électriques temporales ne produisent
des Hallucinations complexes (W. Penfield), c’est-à-dire des phantéidolies, que
lorsque précisément elles paraissent provoquer non pas une irritation des
centres supérieurs mais une dérégulation de la fonction réel-imaginaire qui fait
partie intégrante, nous l’avons vu, de tout système perceptif.
De telle sorte que ce n ’est jamais à une excitation d ’engrammes et confor­
mément à leur ordre de superposition que peut être constamment et spatia­
lement rapportée une image hallucinatoire complexe ou une image halluci­
natoire élémentaire. Cette nouvelle manière de considérer (Ed. V. Evarts, 1958,
in West) le problème des rapports des Hallucinations, et particulièrement des
Éidolies hallucinosiques avec les conditions pathologiques du cerveau et des
organes des sens, s’impose semble-t-il de plus en plus dans la mesure même où
on donne beaucoup plus d ’importance pour la formation de l’image halluci­
natoire à une condition négative (désintégration du champ perceptif, altération
de l’arousal perceptif) qui peut se produire à des niveaux anatomiques très
différents, alors que ce sont des régimes d’activité plus ou moins dégradés de
l’ensemble ou des divers systèmes fonctionnels que dépendent les symptômes
positifs qui en manifestent la dégradation. En cessant d ’apparaître comme un
phénomène purement positif créé par une excitation mécanique, PÉidolie hallu-
cinosique (se rapprochant en cela de l’ensemble des Hallucinations) apparaît
comme un phénomène de bas niveau fonctionnel qui ne dépend pas directement
et nécessairement de sa localisation à tel ou tel étage du système nerveux central.
Cela rend vaine la querelle que G. de Morsier n’a jamais cessé d ’entretenir
avec les partisans de l’action pathogène des lésions périphériques, car celles-ci
peuvent être hallucinogènes (et à divers niveaux) au même titre que des lésions
cérébrales. L ’hypothèse théorique proposée par M. E. Scheibel et A. B. Schei-
bel (1958) faisant jouer un rôle capital à la formation réticulée dans la modu­
lation des seuils au niveau des synapses (dendrites et éléments post-synaptiques)
de tous les niveaux du système perceptif, mérite une particulière attention (1).
L ’apparition de n-o-b (sensory phenomene, « non object bound ») est, pour eux,
l’effet d ’une altération fonctionnelle portant sur le seuil d ’activité dendritique

(1) Nous avons exposé à plusieurs reprises (p. 363, 462, 552, etc.) les observa­
tions et interprétations portant sur le rôle du centrencéphale, du système limbique et
du système activateur ascendant
1298 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

(hypo- et hyperpolarisation) des récepteurs jusqu’aux centres corticaux. Et si


nous ne perdons pas de vue que la modulation des synapses implique néces­
sairement un choix, un aiguillage, cela revient bien à dire que, à quelque
niveau du système nerveux central qu’il se produise, le déraillement fonc­
tionnel libérera toujours et nécessairement les images, toutes ou presque
toutes également possibles et toutes plus ou moins latentes (on pourrait dire
en potentiel d ’érection) qui n’auraient pas dû s’actualiser dans le vécu de la
perception. De sorte que, en définitive, ce n ’est pas à une classification anato­
mique des structures périphériques et centrales de l’analyseur perceptif que
nous devons nous référer pour tenter uae théorie pathogénique des Éidolies
hallucinosiques, mais plutôt à une architectonie psycho-physiologique véritable
telle que nous l’avons exposée plus haut en dessinant le dessin des systèmes
perceptifs dont la fonction d’intégration (arousal) anime et dirige le sens des
sens. Et c’est bien dans ce sens que le problème de la production des images
(Éidolies) hallucinosiques est depuis quelques années résolument engagé
comme nous allons le voir plus loin.

3° In terp réta tio n des f a its d e stim u la tio n électriqu e


ou d ’irrita tio n lésionnelle p a r une théorie
de la désin tégration d u ch a m p p e rce p tif.

Une image s’impose presque nécessairement au regard du clinicien et


même du théoricien, la même qui s’impose au témoin vulgaire des expé­
riences d ’excitation électrique. On excite par un courant électrique un
muscle, une aire du cerveau ou un neurone et on reçoit en réponse un mou­
vement ou une sensation. On dit alors que le courant électrique a produit
ce mouvement ou cette sensation, comme si ceux-ci étaient l'effet de celui-là.
Il est bien difficile de dire le contraire. Mais il est pourtant indispensable d’ana­
lyser la situation ou l’événement que représente cette expérience. Car lorsqu’il
s’agit d’une sensation, quelque chose, ou plus exactement quelqu’un s’interpose
entre le stimulus et la réponse, et ce n’est qu’au travers du Sujet que nous pou­
vons le connaître et le mesurer. Car même lorsqu’il s’agit d’un mouvement,
il a encore sous l ’appaiition manifeste de la simple causalité linéaire (ou réflexe)
une organisation complexe et latente qui, s’interposant elle aussi entre le sti­
mulus et la réponse, intervient dans la causalité d’un phénomène qui perd ainsi
sa simplicité en gagnant plus de réalité.
Il est bien vrai, en effet, que lorsqu’une électrode placée ou implantée au
niveau de telle zone corticale ou sous-corticale du cerveau déclenche un phé­
nomène hallucinatoire, celui-ci ne peut se réduire à la simplicité d ’un effet
mécanique mais se découvre dans la réalité de son irréalité, c’est-à-dire qu’il
se présente à nous dans un contexte relationnel problématique pour le Sujet
lui-même et dans ses rapports avec les autres (D’où les paramètres d ’investi­
gation expérimentale qui encadrent les phénomènes : souvenirs réels ou ima­
ginaires, réactions émotionnelles, motivation affective, jugement de réalité, etc.).
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉIDOLIES 1299

— Nous avons déjà fait état (chap. I de la Sixième Partie) en critiquant le


« modèle mécaniste » de la théorie des Hallucinations des nouvelles perspectives
que le concept même de dissolution ou de désintégration (R. Mourgue) ouvre à
l’explication de ces faits (L. West 1960 ; les Scheibel 1960 et 1969 ; D. Langer
1964 ; etc.). Nous devons aussi spécialement souligner un travail plus ancien
de P. Wormser (1950) faisant lui-même état des fameuses critiques de
P. Schröder (19251926) contre les idées de S. E. Henschen. II se réfère aussi à la
notion de « supressor areas » (Marion Hines, 1949) en concrétisant ainsi dans
l’espace cortical la dynamique des processus d ’inhibition dont l’école de
Pavlov a démontré qu’elle constitue l’essentiel de l’activité de conditionne­
ment pour autant qu’il établit des liaisons temporelles systématiques. Mais
quoi qu’il en soit du bienfondé topographique de ces « aires d'inhibition »,
c’est-à-dire de leur indexation par rapport à la cartographie corticale, de ses
structures neuronales ou de ses systèmes synaptiques antagonistes, l’essentiel
de l’idée essentiellement jacksonienne que défend P. Wormser c’est que
l’apparition des Hallucinations dépend de l’activité des zones suppressives.
C ’est-à-dire que pour lui comme pour tant de neurophysiologistes, psychia­
tres ou neurologues dont nous venons de rappeler les travaux au cours de
ces derniers lustres, l’Hallucination ne se produit que sous la condition
nécessaire d’une suppression, d’une désinhibition de l’activité corticale. Sans
doute pense-t-il encore nécessaire d’admettre des « centres de suppression »
d ’inhibition qui exciteraient le processus hallucinogène. Mais que signifie le
concept d’excitation de l’inhibition, sinon qu’est levé le contrôle exercé par
le cortex sur les automatismes libérés dans et par le processus hallucinatoire.
Nous devons nous rappeler aussi ce que nous avons exposé plus haut
(cf. p. 948) des fameuses expériences de stimulation du lobe temporal par
W. Penfield. Pour lui, il est évident que le cortex proprement sensoriel est
à proprement parler « non excitable », c’est-à-dire que les excitations que l’on
porte expérimentalement à l’aide de courants (60 cycles par seconde et de 2 volts)
électriques sur les circonvolutions de Heschl ou sur le centre visuel primaire,
ne provoquent pas de « sensations hallucinatoires » du tout, ou seulement des
phénomènes élémentaires (que nous appelons protéidoliques) qui semblent d ’ail­
leurs coïncider, remarque W. Penfield, avec un déficit sensoriel (cécité ou surdité)
dans l’aire correspondant à leur apparition. Par contre, l’excitation du « cortex
interprétatif » du lobe temporal provoque non pas seulement des Éidolies en
quelque sorte isolées, élémentaires et exclusivement réductibles à une image
sensorielle, mais plutôt des phantéidolies analogues au « dreamy state » décrit
par H. Jackson. Autrement dit, ce que déclenche l’excitation ce n ’est pas l’inten­
sification hallucinogène d ’engrammes, c’est un trouble plus profond de la
mémoire et de la perception (double conscience, irruption de réminiscences) et
parfois aussi un état de dépersonnalisation ou d ’expérience de modification de
l’expérience actuellement vécue (interprétative response) — ou mieux encore
pouvons-nous dire que les Éidolies ne sont que des phénomènes secondaires
à l’effet de désorganisation que provoque « l’excitation électrique... ».
Plus récemment, G. F. Mahl (1964) a précisément souligné à propos des
1300 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

stimulations électriques intracérébrales que le courant électrique n ’agit pas


du tout en provoquant une activation, une « 'ecphorie » des tracés mnésiques
(engrammes), et tout naturellement il insiste lui aussi sur le travail du rêve
(déplacement, distorsion, influence réciproque des images successives) qui
s’installe quand s’intensifie le courant. Autrement dit, à des quanta d ’excita­
tion répondent des modalités qualitatives régressives de l’expérience éidolique.
Dans leur travail sur l’imagerie visuelle au cours des stimulations cérébrales,
M. J. Horowitz, J. E. Adams et B. B. Rutkin (1968) ont rendu compte d ’obser­
vations analogues. Leur expérimentation a consisté en 150 stimulations chez
16 Sujets épileptiques temporaux. Dans 10 % de ces stimulations, ils ont obtenu
des « Visual events » du type obtenu par W. Penfield au moment des « after-
discharges ». Les auteurs distinguent (une fois encore ! et nous savons que
c’est de la distinction entre protéidolies et phantéidolies qu’il s’agit) des « scènes
vécues » et des « sensations élémentaires ». Ils font remarquer aussi que la répé­
tition de l ’excitation électrique dans les mêmes paramètres ne provoque pas
toujours les mêmes réponses. L ’imagerie la plus vive et la plus objective a été
notée dans les stimulations de l’hippocampe postérieur. Les sensations élé­
mentaires (les plus nombreuses) ont été déclenchées par l’excitation des radia­
tions optiques et de l’amygdala. Enfin ils ont noté des distorsions des percep­
tions visuelles actuelles.
On le voit (et nous l’avons souligné à plusieurs reprises dans cet ouvrage),
nous sommes loin du recours aux mécanismes élémentaires et aux modèles méca­
nistes de l’excitation des nerfs, des organes des sens ou des centres d’images
conformes à la conception atomiste et sensationniste de la neurophysiologie
d ’Helmholtz ! Et un seul mot revient constamment depuis 50 ans dont seul
H. Jackson avait à la fin du xixe siècle saisi toute l’importance : le rêve. On ne
compte plus les travaux qui depuis ceux de P. Schilder, de O. Pötzl et de l’école de
Vienne jusqu’à ceux de H. Ahlenstiel et R. Kaufmann (1962), d’E. V. Evarts
et de L. West (1962) ou de R. Hernandez Peon (1965) présentent la patho­
génie des « sensations hallucinatoires » dans le cadre des désintégrations du
champ perceptif, de l’arousal perceptif (1).
Le Mémoire de R. Hernandez Peon présente à ce propos deux intérêts.
Le premier, c’est de montrer que les neurophysiologistes, comme ceux qui ne le
sont pas, sont aussi capables de « spéculations verbales » ou de « constructions
artificielles ». En effet, les schémas de l’auteur, le maniement des concepts
d’inhibition, de désinhibition, de système de veille, de sommeil, de rêve, de
mémoire, peuvent en quelque sorte être absolument indépendants des données
neurophysiologiques ou, en tout cas, les interpréter avec une souveraine et
arbitraire désinvolture. Ceci revient à reprocher ici à un savant neurophy-

(1) Il est assez remarquable que dans leur monographie {Argomenti di Neurofisio-
logia clinica, 1968) S. M ellina et R. V izioli consacrent un petit chapitre aux « bases
neurophysiologiques des Hallucinations » ne se référant qu’aux travaux du Sympo­
sium de Washington (E. V. E varts, L. W est et les Scheibel) qui ont ensemble
orchestré le thème que nous reprenons ici.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES ÉIDOLIES 1301

siologiste ce que les savants neurophysiologistes reprochent souvent aux psy­


chologues ou psychopathologistes « non savants... ». Le second intérêt — et
principal — est l ’interprétation théorique des Hallucinations sur un modèle
qui n’est rien d’autre que celui du rêve. Ceci n ’est certes pas nouveau en
Psychiatrie, mais ceci est, comme nous venons d’y insister, assez nouveau pour
la théorie neurophysiologique des Hallucinations. Et, effectivement, le travail
de R. Hernandez Peon consiste à ajouter quelques faits précis à la théorie des
rapports du sommeil (lent ou rapide) et du rêve qui soustrait l ’Hallucination
au dogme de l ’excitation sensorielle interne pour lui substituer une conception
plus résolument jacksonienne de la production des images hallucinatoires envi­
sagée sous le concept général de changement de niveau de l ’activité psychique.

R. Hernandez Peon prend acte d ’abord des deux modalités (unanimement recon­
nues de sommeil : le sommeil lent sans rêve et le sommeil rapide (PMO en français et
REM) en anglais) avec des mouvements oculaires et avec activité onirique. Pour lui,
l’hypothèse dualiste de M. Jouvet ne doit pas être retenue car le mécanisme hypnogène
est toujours et nécessairement en rapport avec les structures mésencéphaliques qui jouent
tout à la fois le rôle d ’activation et d ’inhibition de l’écorce. Mais encore faut-il bien
entendre que la veille se caractérisa elle-même par l’activation de l’inhibition corticale
(c’est-à-dire, au fond, du processus de différenciation et de désynchronisation propre
à l ’arousal et à la vigilance). De telle sorte q u ’il est assez facile de jouer sur les mots
en admettant dans le sommeil lent sans rêve (ou sommeil léger) une désinhibition du
cortex — et un recrutement actif des noyaux thalamiques — lorsque l ’inhibition ascen­
dante, provenant du mésencéphale, est relâchée, comme ils sont au contraire inhibés
par les neurones hypnogènes (p. 630) au fur et à mesure que progresse l’inhibition
hypnogène et le recrutement bulbo-pontin des neurones inhibiteurs. Il se produit
alors une sorte de renversement (is produced with a faster rising sloge) du processus
de synchronisation, c’est-à-dire la fin du sommeil lent. Tel est le modèle moniste des deux
variétés de sommeil que propose R. Hernandez Peon (1). Cela revient à dire en clair
que pour lui toute la régulation du régime sommeil-rêve se passe au niveau mésencépha-
lique, ce qui, en effet, est bien probable. Plus intéressante est à nos yeux la remarque
que fait R. Hernandez Peon en rappelant l ’idée première de Berger, à savoir que ce qui
caractérise l’activité corticale du cerveau éveillé, de Varousal, c ’est précisément l’inhibi­
tion. Et à condition, comme nous avons eu l ’occasion de le faire remarquer à plusieurs
reprises, de ne pas confondre ce processus d ’inhibition (qui n ’est rien d ’autre que
celui de la différenciation, c’est-à-dire des exercices de la pensée, qui se construit en
fonction de ses règles) avec celui d ’un ralentissement ou d ’un freinage, il est bien
exact de dire que le sommeil « nivelle » (c’est-à-dire supprime) les inhibitions sélectives

(1) En exposant plus haut les recherches qu’avec C. L airy j ’ai dirigées (Psycho­
physiologie du sommeil et du rêve, à paraître prochainement, Paris, éd. Masson), j ’ai
eu soin d ’indiquer (cf. supra, p. 162) q u ’avec les travaux de D . F oulkes , de R. J. B er­
ger , de I. F einberg , etc., les rapports entre phases de sommeil rapide avec PMO,
rêve et activité hallucinatoire n ’étaient pas aussi simples qu’on le croyait il y a quelques
années (K leitman , D ement, etc.), de telle sorte que, à cet égard, R. H ernandez P eon
se rapproche davantage et par anticipation à l ’opinion de D . F oulkes , de R. J. B er­
ger et de I. F einberg , et de la nôtre.
1302 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

de l’écorce cérébrale. A côté de ce système de sommeil (Sleepsystem) l’auteur juxtapose


le système rêve, et ici il rejoint les idées de H. Klüver et de M. E. et A. B. Scheibel
que nous avons exposées plus haut. Les structures qui entrent dans le système du rêve
(Dreamsystem) sont, en effet, pour lui les formations limbiques pour autant qu’elles
sont en relation avec la mémoire des événements récents (que forment les résidus
diurnes de l’activité du rêve) mais aussi avec tout le système de motivation instinctivo-
affective qui lui confère son sens.
Ce n ’est qu’à la fin de son article que R. Hernandez Peon aborde le problème des
mécanismes de la perception du rêve et des Hallucinations (p. 642-645). Le rêve
développe le flux de l’information codée à l’intérieur du système de la Conscience
(Conscious Expérience System) à partir du même matériel (stockage) et du poten­
tiel résultant de la perception. Ce qui sépare le rêve de la perception, c ’est que le rêve
met enjeu un plus grand nombre d ’éléments mnésiques. A cet égard, il paraît bien être
en rapport avec le « Memory System » que constitue le lobe limbique. Ce système
de mémoire est inhibé pendant la veille et c ’est l’absence de cette inhibition qui consti­
tue l’Hallucination. La démonstration de cette théorie (somme toute indéfiniment
ressassée par tous les auteurs psychologues, philosophes, physiologistes, etc., depuis
des siècles), nous renvoie par contre à des faits dont nous avons déjà souligné l’impor­
tance : l’hallucinose pédonculaire, les lésions de l ’hippocampe dans l ’expérience
korsakowienne, les états hallucinatoires produits par les hallucinogènes et la « sensory
deprivation ».

Si encore une fois nous avons donné ici une telle importance à ce Mémoire
de pure interprétation spéculative écrit par un neurophysiologiste, c’est bien
pour montrer qu’aussi et surtout les modèles architectoniques des niveaux
d ’organisation et de hiérarchie des régimes dü système nerveux central s’impo­
sent, même à ceux qui sont les plus enclins aux interprétations mécanistes
électroneurophysiologiques et les obligent à penser leur théorie de l’Halluci­
nation dans la perspective même où nous nous plaçons ici, en examinant
précisément les phénomènes hallucinatoires (Éidolies) qui paraissent pourtant
le moins s’y prêter.
Malgré le caractère conjectural de telles conceptions, leur convergence ne
peut manquer d’être impressionnante en indiquant la direction qu’ont prise
les nouvelles théories de l ’Hallucination (le plus souvent étudiées par les neuro­
physiologistes sous la forme qui leur paraît la plus sûre, c ’est-à-dire la plus isolée,
c’est-à-dire proprement éidolique). Il ne s’agit plus, en effet, depuis J. Stein,
V. von Weizsâcker, de mettre en évidence la vertu hallucinogène de l ’excitation
des nerfs et des centres sensoriels, mais la désintégration fonctionnelle qui libère
le monde des images dans un champ ou une partie du champ perceptif.
A cet égard, la référence à Yisolement sensoriel revient sans cesse comme le
leitmotiv de cette nouvelle orientation de la pathogénie « négative » de l ’Hal­
lucination même élémentaire (cf. p. 709 et 977-980). C’est qu’en déconnectant
les systèmes perceptifs on réalise une condition expérimentale essentiellement
négative de l ’apparition des images hallucinatoires. Revenons donc sur ce
que nous avons exposé sur la « Perceptive deprivation », sur la désaf­
férentation pathologique ou expérimentale, et arrêtons-nous un peu à la
considération des faits plus probants ou les plus patents. Ils doivent nous
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PH A NTÉID OLIES 1303

perm ettre d ’envisager dans une perspective féconde la pathogénie des Éidolies.
Il est bien certain que lorsque nous ferm ons les yeux ou que nous nous
bouchons les oreilles, o u que nous som m es dans l ’obscurité, ou bien dans un
vacarm e affreux, c ’est-à-dire toutes les fois q u ’u n cham p perceptif est incapable
d ’assurer sa fonction d ’inform ation, c ’est la fonction de l ’im aginaire qui ap p a­
raît, ou ce qui revient au m êm e, la virtualité des « Stimuli » internes que contient
la m ém oire ancienne ou récente des systèmes perceptifs. A telle enseigne que,
p a r exem ple, o n a p u prétendre, nous l ’avons vu, que les phénom ènes halluci­
natoires provoqués p a r la cc sensory deprivation » n ’étaient q u ’une pure imagi­
n atio n actualisée p a r l ’occlusion des canaux d ’inform ation, sinon amplifiée
p a r la suggestion. Il en serait dans ces cas com m e p o u r l’expérience à nous tous
com m une lorsque nous im aginons d ’a u ta n t plus que nous som m es m oins
sollicité o u intéressé p a r les Stimuli, p a r les messages, c ’est-à-dire les exigences
du m onde extérieur.
M ais là o ù com m ence vraim ent, nous l ’avons vu, la pathologie hallucina­
toire de l ’isolem ent sensoriel, c ’est lorsque précisém ent les phénom ènes ne peu­
vent plus être réduits à ce p u r je u altern atif d u réel et de l’im aginaire. E t nous
avons vu que dans l’isolem ent sensoriel se produisait, en effet, un « état hypnago-
gique » qui constituait la toile de fond sur laquelle se détachaient deux ordres
de phénom ènes, fait su r lequel m ettent précisém ent l ’accent G. Ferrari,
L. G iordani et C. F. M uscatello dans lé m ém oire q u ’ils viennent de
publier (1971). — T o u t d ’abord, et assez rarem ent, des visions scéniques cor­
respond an t aux phantéidolies, visions qui ne sürviennent que dans une désorga­
nisation d u cham p p ercep tif qui n o n seulem ent ne reçoit plus les Stimuli phy­
siologiques habituels m ais qui subit un bouleversem ent assez profond po u r
faire surgir des im ages de rêve alors que le C ham p de la conscience n ’est pas
entièrem ent désorganisé. — Ensuite, e t c ’est le cas le plus fréquent, apparaissent
des lueurs, des form es, des flammes, des figures fulgurantes, scintillantes ou
géom étriques (protéidolies) qui paraissent correspondre à la substitution des
Stimuli proprioceptifs d ’organe des sens, aux messages sensoriels qui ne sont
plus reçus ni m êm e, ou com m e nous le verrons, réceptibles.
Ainsi s ’im pose et se vérifie l ’idée que lorsque nous voulons appliquer le
m odèle organo-dynam ique de notre théorie des H allucinations aux fameuses
H allucinations « élém entaires », c ’est encore sur un fond en quelque sorte
« nocturne » ou « silencieux » de désorganisation du système perceptif q u ’elles
fusent o u éclatent, com m e c ’est du fond des ténèbres du sommeil que se déta­
chent les im ages du rêve ou, plus exactem ent, com m e c ’est du crépuscule hypna-
gogique de l’assoupissem ent que s’installent, que jaillissent les images du
demi-sommeil.

II. — P A T H O G É N IE DES É ID O L IE S

Envisagées dans leur ensem ble, les Éidolies sont caractérisées p a r la struc­
tu re « partielle » du trouble négatif qui les engendre et p ar la structure incongrue
1304 MODÈLE ORGANO-D YNAMIQ UE

de leu r sym ptom atologie positive. N ous entendons p ar là que les images hallu­
cinatoires se p résentent com m e des objets contingents rebelles à un encadrem ent
« logique » o u « réel » dans lequel ils sont facultativem ent pris p o u r ce q u ’ils
so n t (Si je vois u n ange traverser m on cham p visuel com m e une m ouche volante
qui ap p araît certes à m on regard, lequel p eu t toutefois s’en déprendre). N ous
devons nous expliquer encore sur ce p o int en précisant que les Éidolies p arais­
sent cliniquem ent engendrées p a r des troubles fonctionnels (« W andelfunktion »
dans le sens de V. von W eizsâcker et E. Bay) partiels (même si dans bien des cas
il existe u n fond global de troubles, com m e, p ar exemple, dans certaines obser­
vations publiées p a r K . C onrad, P ollak et K ahn, 1962; A nastosopoulos, 1962,
I. et E. G loning et H . Hoff, 1968, etc) et que la production éidolique que ces
troubles engendrent est vécue p a r le sujet et observée par le clinicien com m e des
« fragm ents » anorm aux d ’une activité perceptive troublée, soit dans un sys­
tèm e perceptif seul, soit dans plusieurs sphères sensorielles fonctionnellem ent
liées m ais toujours d ’u n niveau « inférieur » à celui de l ’organisation totale du
cham p perceptif. Elles apparaissent dans la zone périphérique » (1) des expérien­
ces d u Sujet qui les éprouve sans les intégrer au M oi et à son système de réalité.
Ainsi l’étude que nous allons entreprendre de la genèse des deux grandes
catégories d ’ « Éidolies » est rendue possible et même aisée p a r l’analyse struc­
turale que nous en avons déjà faite (cf. Troisième Partie). N ous savons en effet
quels sont leis caractères que ces phénom ènes doivent posséder p o u r orienter
le m odèle théorique que nous recherchons. Cette analyse structurale antérieure
et que nous avons p u vérifier ensuite en étudiant les m anifestations halluci­
natoires de type éidolo-hallucinosique des affections cérébrales, de l ’épilepsie,
de l ’action des hallucinogènes, perm et en effet, et perm et seule de dégager une
fois p o u r toutes l’idée que ces Éidolies sont bien des « H allucinations » (ce
concept étan t visé dans sa généralité, c ’est-à-dire en ta n t que fausse perception
o ù le Sujet s ’objective en to u t ou partie), m ais de bien singulières H allucina­
tions puisque le Sujet en objectivant quelque chose de ce qui lui appartient en
pro p re l ’aliène sans lui-m êm e s’aliéner. N ous sommes donc nécessairement
renvoyé à la considération qui nous est suggérée p ar les faits eux-mêmes :
q u ’il s’agit de troubles essentiellem ent neurologiques (2). Si, en effet, on définit
l ’objet de la N eurologie o u de la Pathologie nerveuse « stricto sensu » p a r le
syndrom e de désintégration instrum entale de relation (paralysie, troubles du
to n u s ou de l’équilibre, syndrom es sensori-m oteurs, aphasie, agnosie, etc.) en

(1) Étant bien entendu que ne doivent pas être confondus le sens « spatial » et le
sens « existentiel » du mot « périphérique ».
(2) Cf. mon Rapport au Colloquerde Bonneval de 1943 publié (éd. Hartman, Paris)
en 1947, et les controverses qui m ’opposèrent à l’époque à J. de A juriaguerra
et à H. H écaen . Peut-être la réflexion sur ce thème a-t-elle permis ou permettra-t-elle
aux Neurologues et aux Psychiatres de s’apercevoir que la position que je défendis
était la seule qui puisse permettre de distinguer ce qu’il y a de commun et ce qu’il y a
de distinct entre Neurologie et Psychiatrie, c ’est-à-dire à lever l’hypothèque qui pèse
sur la généralité des problèmes théoriques et pratiques de la Psychiatrie.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PH A NTÉID OLIES 1305

relation avec des sous-systèmes d ’intégration, la Psychiatrie se définissant par


la pathologie de T intégration de la vie de relation au niveau du « highest level »
de la conscience et de la personnalité, on conçoit aisém ent que les Éidolies
hallucinosiques appartiennent spécifiquem ent à la pathologie spécifiquement
neurologique. C ’est u n fait d ’ailleurs qui a toujo urs été reconnu et largem ent
exploité p a r tous les neurologues (K . W ernicke, O. Pötzl, S. E. Henschen,
C. von M onakow , W. Penfield — cf. G. de M orsier, etc.) qui, s ’intéressant au
problèm e des H allucinations se sont systém atiquem ent appliqués à l ’étude des
phénom ènes éidolo-hallucinosiques, m ais non sans l ’intention (l’illusion) de
valider ainsi, faute de faire la distinction que nous avons établie, l ’identité
de ces phénom ènes partiels et de toutes les H allucinations délirantes : som m e
toute, p o u r absorber la Psychiatrie dans la Neurologie. Q uoi q u ’il en soit,
la réalité des Éidolies les situe au niveau des troubles neurologiques des
fonctions sensori-m otrices, toniques o u gnosiques, c ’est-à-dire q u ’elles se pré­
sentent com m e des accidents (m ouvem ents anorm aux, vertiges, paralysies,
im ages insolites) qui se déroulent dans l ’organisation même du corps,
du système nerveux ou des organes des sens, c’est-à-dire com m e des anom alies
dont le sujet souffre com m e d ’une affection som atique. C ’est en effet cette pesan­
teur, cette opacité, cette passivité qui sont caractéristiques de la structure éido-
lique. Celle-ci est en général essentiellem ent esthésique et éidétique (c’est-à-dire
à type d ’im agerie, ou plus exactem ent, d ’images « encadrées ») p o u r au tan t
q u ’elle n ’est pas traversée et en quelque sorte rendue transparente (comme
dans l ’H allucination délirante) p a r le D élire lequel, précisém ent, abolit l ’im age
p o u r en faire un objet. A yant ainsi précisé une fois encore les caractères spé­
cifiques des Éidolies, nous pouvons m aintenant présenter la théorie p a th o ­
génique p ropre à chacune de leurs grandes catégories.

1° P a th o g é n ie d e s p h a n té id o lie s .
B lo c a g e e t in v e r s io n d u c o u r a n t d ’in fo r m a tio n .

Les organes des sens, les divers systèmes perceptifs de perception (cf. p. 1125-
1175) sont organisés dans une certaine direction qui est essentiellem ent cen­
tripète. C ’est-à-dire que même si les analyseurs perceptifs ne peuvent être consi­
dérés seulem ent com m e des « récepteurs » p o u r être aussi des « prospecteurs »,
les courants de l’inform ation qui convergent vers le Sujet et les messages q u ’ils
transcrivent (1) sont estam pillés p a r lui de la valeur d ’une réalité objective.
M ais com m e nous l ’avons égalem ent et longuem ent vu, à ce co u ran t s’oppose
u n co n tre-courant perm anent, celui d u flux des phantasm es, ce pouvoir kaléi­
doscopique de l ’esprit d o n t p arlait J. F. W. H erschel (1866) à l’époque mêm e

(1) Cf. ce que nous avons déjà exposé dans le premier chapitre de cette Partie à pro­
pos de la théorie de J. J. G ibson et plus généralement sur la théorie de la communica­
tion et de l’information depuis les travaux d ’A drian et de S hannon . Rappelons aussi
ici l ’intérêt de l ’exposé q u ’en a fait P. L äget (1970).
1306 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

où H . Jackson soulignait que la pensée était le rêve de l’action. Celle-ci dirigée


su r la réalité de laquelle la perception extrait ses messages doit donc com porter
nécessairem ent u n co u ran t sous-jacent d ’images ou, com m e disaient M . Palagyi
et L. Klages, de « phantasm es virtuels ». Cela revient à dire que perception,
m ém oire et im agination so n t intim em ent liées dans l ’organisation mêm e du
système neuro-psychophysiologique des perceptions (cf. p. 1151-1155). E t il ne
s’agit pas com m e dans les théories dualistes ou parallélistes classiques de faire
doubler l’activité nerveuse p a r l ’activité de l ’esprit; il s’agit de considérer que
l ’organisation m êm e d u système nerveux (dont les organes des sens fo n t partie)
est constitutive de l ’articulation et de l ’intégration mêm e de ces deux com po­
santes que sont, d ’une p a rt les sollicitations et les messages issus du m onde des
objets, et d ’au tre p a rt les sollicitations et les incitations issues du m onde du
Sujet. C ’est ce modèle qui nous est devenu si fam ilier, après les longs dévelop­
pem ents que nous lui avons consacrés, qui doit trouver ici sa pleine efficacité
à pro p o s précisém ent des ph a n t é id o l ie s .
L a pathogénie des phantéidolies exige, en effet, l ’inversion de ce m ou­
vem ent. Sans doute est-ce là le « contre-sens » mêm e qui définit to u te H al­
lucination; m ais ce qui confère aux phantéidolies leur structure particulière
c ’est que le blocage de l ’inform ation et le déséquilibre qui s ’établit entre les
« im ages » et les « Stimuli » au détrim ent de ces derniers s ’instituent dans urte
désintégration du cham p perceptif à un niveau où la perception précisém ent
ne se constitue que com m e une partie contingente de l’expérience sensorio-
perceptive.
N ous avons déjà longuem ent exam iné dans le chapitre que nous avons
consacré aux « Éidolies » l ’am biguïté mêm e du concept de désintégration p a r­
tielle en in d iq u an t q u ’elle pouvait s ’entendre, soit com m e celle qui occupe
un « espace de tem ps », soit com m e celle qui occupe « une partie seulem ent
d u cham p » de la perception en général ou même du cham p perceptif en p a rti­
culier. Sans doute peut-il paraître artificiel de parler de l ’exiguïté ou de la
« ponctualité » d ’une configuration phantéidolique en songeant aussi bien à une
« au ra » épileptique q u ’à la partie controlatérale d ’un cham p hém ianopsique
p a r lésion occipitale, o u à une sorte de diplopie phantasm ique de la perception.
Sans doute peut-on dire, au contraire, que dans tous ces cas le phénom ène
phantéidolique m anifeste une lésion localisée (foyer épileptique tem poral, p ar
exem ple, throm bose de la cérébrale postérieure ou ophtalm opathie). M ais la
possibilité mêm e d ’unifier l’ensem ble de ces troubles généralem ent désignés
com m e complexes ou scéniques dans une mêm e catégorie et de distinguer
aussi leurs différences fonde précisém ent la définition des phantéidolies (É ido­
lies hallucinosiques caractérisées p a r la production d ’un rêve partiel, d ’un
« micro-dream ») et en même tem ps l ’obligation d ’envisager que leur p a th o ­
génie est différente selon que ce fragm ent de rêve coïncide avec u n fragm ent
transitoire de tem ps (phantéidolies ictales) ou avec u n fragm ent durable de
l ’espace opérationnel perceptif (phantéidolies dans les syndromes de déficit
fo n c tio n n e l).
P o u r bien saisir la portée de cette catégorisation et de l ’im plication p a th o ­
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PH A NTÉID OLIES 1307

génique q u ’elle com porte, considérons d ’ab o rd et principalem ent en quoi se


ressem blent et en quoi se distinguent 1’ « aura hallucinatoire » et les Hallucina­
tions hémianopsiques.
D ans Yaura il p a ra ît évident p o u r to u s les observateurs que le trouble
négatif est u n trouble de la Conscience qui p o u r si b re f et si paroxystique q u ’il
soit p a ra ît être u n trouble global ; tan d is que dans la phantéidolie hém ianopsique
il n ’y a pas, dit-on, de « trouble de la Conscience » (1). Cela n ’est pas aussi simple
p o u rtan t. C ar, d ’une p a rt, la phénom énologie de l ’au ra telle que nous l ’avons
exposée (cf. p. 349 et 490, e t dans notre Étude n° 26, p. 526-550) com porte une
sorte de sectorisation d u C ham p de la conscience où se déroule un « onirism e
partiel ». E t c ’est effectivement à la Conscience hypnagogique que nous ren­
voient le plus sûrem ent les auras phantéidoliques d o n t la fam euse crise de
l ’uncus est le p rototype. D e telle sorte que l ’a u ra présente une structure m oins
globale, m oins totalem en t onirique q u ’on ne se l ’imagine. — E t d ’autre p art,
l’ap p aritio n de figures, de scènes, de configurations kaléidoscopiques ou p h o to ­
graphiques dans le cham p visuel hémianopsique n ’est pas, com m e nous y
avons déjà ta n t insisté, sans rappeler à leur to u r le travail du rêve. En effet,
la lacune d u cham p visuel n o n m aculaire se prête à une projection des p h an ­
tasm es d o n t les résidus ou le halo de perceptions récentes ou sublim inales for­
m ent com m e dans le rêve le su p p o rt préconscient. E t c ’est dans ce tro u ou
ce gouffre vertigineux ouvert dans le cham p perceptif q u ’électivement se projette
le film q u ’élabore le travail onirique a b o rtif e t p artiel. D e sorte que lorsque
nous rapprochons l’instantanéité ou le caractère paroxystique des phantéidolies
que nous pouvons appeler « ictales » survenant dans l’éclipse d u cham p per­
ceptif (visuel, a u d itif o u tactile) des phantéidolies que l ’on observe dans
certains syndrom es de déficit fonctionnel, en définitive nous visons la même

(1) Il arrive pourtant assez souvent que l’apparition phantéidolique dans le


champ hémianopsique soit paroxystique et que ce soit au cours d ’une aura qu’appa­
raissent les phantéidolies (par exemple les observations de A ndré et O. T relles, Annales
Médico-Psychologiques, 1933 : la malade voyait pendant l’aura une grosse femme
tenant sa main levée sur sa fille qui jouait du tambour, — ou celle de R oyer, J. A lliez
et J ouve (citée par L. M archand , in Epilepsies, p. 26), qui voyait dans une aura à carac­
tère hémianopsique avec scotome scintillant (migraine ophtalmique), une fantaisie
se déroulant sur la place à Alger...), ou encore les trois observations publiées
récemment par C. G. Routsonis (1971). Nous pourrions citer, bien sûr, de nombreuses
autres observations de ce genre. Rappelons celle que J. de A juriaguerra et H. H écaen
rapportent (« Cortex cérébral », 2e éd., p. 420) de ce malade, blessé occipital, qui repré­
sentait des auras hallucinatoires hémianopsiques. Au cours d ’une opération il fut
soumis à une stimulation électrique de la cicatrice corticale et apparaissèrent alors
des protéidolies dans l’hémi-champ aveugle et des phantéidolies dans l’hémi-champ
conservé. Pendant toute la durée de cette crise hallucinatoire, il voyait des bouteilles
et des chiens q u ’il « sifflait » tant il les voyait nettement. Tout se passait au fond dans
ce cas comme si les éidolies élémentaires hémianopsiques se superposaient au « dreamy
state » dans un même travail de rêve transitoire et occupant la partie amputée du
champ visuel.
1308 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

structure tem poro-spatiale, celle d ’une image ou d ’une scène qui ne se situent
nulle p a rt p o u r être mises entre les parenthèses d u déroulem ent tem porel ou
hors de l ’ordre spatial de l’expérience com m une.
Le caractère « artificiel », « insolite », « irréel » de ces figurations phantéido-
liques est d ’ailleurs plus frap p an t encore que celui qui s’attache au rêve. C ar
le rêve ne peut q u ’être im m édiatem ent vécu m ais ne peut être représenté que
secondairem ent et dès lors son irréalité s’évapore p o u r ainsi dire avec son
souvenir ou le jugem ent rétrospectif qui n ’en fait q u ’un rêve. Les phantéidolies
en se p ro d u isan t dans des conditions de présentation et de représentation
qui p o u r si fulgurantes ou insolites q u ’elles soient, dans leur encadrem ent
tem poro-spatial s’im posant com m e des images extraordinaires ou « abracada­
b rantes », révèlent précisém ent l ’originalité de ce travail de rêve partiel qui
constitue leur com m un dénom inateur, m ais d ’u n rêve extraordinairem ent
incongru, ab erran t et déconcertant. C ’est à cette caractéristique form elle que
se réfèrent d ’ailleurs la p lu p a rt des auteurs qui se sont particulièrem ent inté­
ressés à la désorganisation d u cham p perceptif (P. Schilder, O. Pötzl, K . C onrad,
et plus récem m ent J. M . B uchard, 1965). Com m e nous l ’avons vu notam m ent
à pro p o s des études de J. Z ad o r sur la mescaline, ces « H allucinations scé­
niques » ém ergent de l ’im agination et sont po u r ainsi dire indépendantes des
perceptions encore existantes (pas toujours com plètem ent com m e nous le ver­
rons plus loin). M ais il est bien vrai q u ’elles ont tendance à se dérouler dans une
sphère supra- o u trans-sensorielle o ù s’enchevêtrent les qualités spécifiques des
divers sens et o ù p o u r u n m êm e système perceptif elles ont tendance à se super­
poser (à l’inverse des protéidolies) aux structures anatom o-physiologiques en
d éjouant leur ordre p roprem ent fonctionnel. Ainsi les visions phantéidoliques
les plus caractéristiques occupent to u t le cham p visuel sans égard p o u r la vision
m aculaire o u la répartitio n des parties d u cham p visuel, la m obilité des globes
oculaires, l’occlusion o u l ’ouverture des paupières, etc.
Enfin, une condition fondam entale de l ’ap parition des phantéidolies, c ’est
l ’inversion d u co u ran t d ’inform ation (de « centripète » devenu « centrifuge »,
c ’est-à-dire ten d an t vers zéro), elle p e u t se form uler en disant que le blocage
de l'inform ation, c'est-à-dire la suspension plus ou moins totale des communi­
cations qu'assurent les messages perceptifs, entraîne ( comme dans le sommeil)
l ’inversion du flu x d'imagerie.
Il arrive toutefois que ce co u ran t « phantéidolique » s’établisse même
q u an d les sens restent encore ouverts sur le m onde extérieur. C ’est q u ’il existe
alors un certain degré d ’obnubilation de la Conscience (comme dans le « deli­
rium », I. Feinberg), ou u n certain « clouding o f sensorium » (M . M . G ross et
coli.) (1). M ais le plus souvent, et en to u t cas dans les form es les plus typiques
de l’activité phantéidolique, celle-ci se p ro d u it quand la désafférentation
« ferm e » les organes des sens o u les soustrait à l’attraction du m onde extérieur.

(1) Cf. dans les C. R. de New York (1969) publiés par W. K eup (1970), les deux
contributions de I. F einberg et de L. M. G ross et coll.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PH A NTÉID OLIES 1309

Certes, ni tous les aveugles ou les sourds ne deviennent pas p o u r au ta n t


captifs de phantéidolies, ni non plus tous les cc phantéidoliques » ne sont
pas com plètem ent sourds et aveugles. C ’est que p ar « blocage de l ’infor­
m atio n » il ne fau t pas seulem ent entendre 1’ « isolem ent sensoriel » en quel­
que sorte m écanique, m ais la lésion d u système perceptif qui ne perm et
pas le codage de l ’inform ation, n on pas seulem ent parce que celle-ci lui arrive
indifférenciée (sans patterning), m ais parce que l’analyseur perceptif est inca­
pable de la traiter. Cela revient à dire que les conditions de blocage de l ’infor­
m ation ne sont pas les m êm es que la perte ou l ’irrégularité de l’inform ation
qui constitue, com m e nous le verrons, le trouble générateur des protéidolies,
car si celles-ci p o u r se produire ont besoin d ’u n m inim um de Stimuli, au contraire
— les phantéidolies se constituent ou peuvent se constituer hors de toute information
en p ro p o rtio n inverse en to u t cas d u co u ran t d ’inform ation, com m e si la seule
inform ation que puisse cap ter ou captiver la perception du Sujet ne devait lui
venir que d u fond de lui-même. D e telles conditions sont réalisées com m e nous
allons le voir m ain ten an t hors de to u te localisation fonctionnelle stricte, car les
diverses m odalités de phantéidolies apparaissent dans deux conditions p ath o ­
géniques assez différentes : d ’une p a rt au cours de dissolutions paroxystiques de
Varousal p ercep tif (phantéidolies ictales), d ’autre p a rt au cours des syndrom es
de déficit sensoriel (phantéidolies des déficits fonctionnels).

A. L es phantéidolies ictales ( le blocage paroxystique de l ’information ).

N ous rangeons dans cette rubrique les phantéidolies qui o n t un caractère


paroxystique; ce sont elles qui coïncident le plus exactem ent avec la phéno­
m énologie des H allucinations hypnagogiques (1). La conscience hypnagogique,
com m e d it excellem m ent J.-P. Sartre (1940), prend (réalise plastiquem ent)
ses contenus dans la consistance d ’une présentation ou présentification qui les
soustrait à la pure m odalité représentative. Toutefois, cette conscience im a-
geante ne « se p rend » pas d ’u n seul coup m ais p a r systèmes fonctionnels
fragm entaires, de telle sorte que c ’est dans la sphère visuelle, ou dans la sphère

(2) Le « predormium », crépuscule de la conscience et aurore du songe, a toujours


fait rêver... De B aillarger (1842) à Bernard L eroy (1926), les voix et les visions du
demi-sommeil ont toujours captivé, comme nous l’avons vu plusieurs fois dans cet
ouvrage (cf. p. 131-133,318-320, etc.), l’attention de tous ceux qui se sont intéressés aux
Délires et aux Hallucinations. Depuis Weir M itchel et M aury jusqu’à M. A nderson
(1956), B. R oth et S. B ruhova (1968), D. F oulks et G. V ogel (1965), B. R oth et
S. Bruhova (1968), C. M c D onald (1971), etc., de nombreux travaux leur ont été
consacrés dont on trouvera dans le travail de G. Lo C ascio (1952) une bibliographie
très complète. Si le symbolisme de ces apparitions avait déjà retenu l ’attention de
H. Silberer (1909), il a été très étudié depuis par F reud et les Psychanalystes
(I. C aruso , Schweiz Z . fi Psychologie, 1943; R . B il z , 1950, etc.). Mais aucune des­
cription phénoménologique ne vaut, répétons-le encore ici, celle de J.-P. Sartre
dans L ’Imaginaire (Paris, Gallimard, 1940, p. 215-219).
1310 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

auditive, o u dans la sphère som esthésique (p o u r ne parler que des variétés


d ’H allucinations hypnagogiques les plus fréquentes) q u ’éclatent ou apparais­
sent com m e des fusées d ’im aginaire des form es colorées, sonores, qui se consti­
tu en t en événem ents oniriques em bryonnaires.

Le récit que nous fo n t les épileptiques de leurs « au ras sensorielles » (L. M ar­
chand et J. de A juriaguerra, Épilepsies, 1948, p. 24-27) et les fam euses descrip­
tions p a r H . Jackson de la crise de l ’uncus et des « dreamy States » (que nous
avons rappelées plus h au t, p. 359) concordent (W. C. W eber et R. Jung, 1940;
O. PötzJ, 1949; M . A udisio, 1959 et dans n o tre Étude n° 26 sur les auras, p. 526-
550) p o u r nous m ontrer com m e dans le cham p de conscience en voie de dislo­
cation, dans ce crépuscule de l ’inform ation qui annonce (comme le phénom ène
hypnagogique annonce le sommeil) le travail du rêve, surgissent ces messages de
l ’au-delà de la réalité, c ’est-à-dire ces form es hallucinatoires à structure spéci­
fiquem ent phantéidolique. C ar il s’agit, en effet, de rêves abortifs, de « m icro-
dream s » (M . J. H orow itz et J. A dam s, 1968) d o n t Y enchaînement scénique ne
se réduit q u ’à quelques im ages ciném atographiques quand il ne se fixe pas dans
une sorte d ’im m obilité p h otographique avant de disparaître de l ’expérience
vécue et d u souvenir o ù il a d u m al à se survivre.
L ’im portance du « Centrencéphale » (W. Penfield), des form ations limbiques
(H . K lüver, 1958; M . J. H orow itz, J. A dam s et B. R utein, 1968), d u système
activateur ascendant (M . E. et A. B. Scheibel) ou du « Dream System » (R. H er­
nandez Peon) dans la participation de ces événem ents de rêves partiels ou
abortifs n ’est plus à dém ontrer depuis que ta n t de travaux o n t été publiés
après les prem ières observations de H . Jackson sur les données pathologiques
et expérim entales que la neurophysiologie et la neuropathologie contem po­
raines o n t accumulées. L a p ro fo n d eu r d u lobe tem poral et les form ations
lim biques paraissent bien constituer u n carrefour d ’intégration de la m ém oire
et de la m otivation instinctivo-affective qui fo u rn it son cadre tem porel ou
extra-tem porel au déroulem ent des événements perceptifs, c ’est-à-dire à leur
actualisation encadrée. C ’est au dérèglem ent de l ’ordre tem poro-spatial de
l’expérience vécue au niveau des systèmes perceptifs spécifiques que correspond
l ’éclosion des phantéidolies.
N ous pouvons ra tta c h e r à ce groupe de phantéidolies d ’autres « crises hallu-
cinosiques » com m e celles que l ’o n a décrites sous le nom d ’hallucinose pédon-
culaire (cf. p. 151, 362-363, etc.).

Nous pouvons peut-être rappeler encore ce fameux cas princeps de Lher-


m itte (1922). Il s’agissait d ’une vieille dame de 72 ans qui présentait un syn­
drome mésodiencéphalique et voyait le soir apparaître des animaux étranges puis des
êtres humains affublés d ’étranges oripeaux jouant à la forge, — ou celui de
L. van Bogaert (1927) qui présentait aussi un syndrome pédonculaire. Cette femme
de 59 ans voyait au crépuscule une tête de chien, puis une image de cheval. Elle a vu
des serpents verts dans son lit, elle a pu même les toucher. Elle prétendait aussi que
ces images étaient seulement peintes sur le mur. Dans le cas de Lhermitte et
Mlle Levy (1927), l’état onirique (assez mal analysé dans les premières observations)
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PH A NTÉID OLIES 1311

est plus nettement indiqué. Cet homme de 60 ans, tabétique, a présenté après un ictus
un syndrome de la calotte pédonculaire. Il s’est cru dans sa chambre transformée
en wagon qui était en rapport avec un service d ’avion. Il voyait un pylône entouré
d ’une spirale, il s’enroulait autour d ’un pylône et arrivait à un paysage d ’Arabie.
Sur la table une boîte se transformait et devenait deux petits bonshommes qui se
promenaient sur une plage...

G énéralem ent, de telles observations p a r leur richesse même, m ais aussi


p ar m anque d ’une analyse structurale suffisante, ne perm ettent pas de saisir
le trouble fondam ental, la chute dans la conscience hypnagogique qui, dès lors,
disparaît au profit des théories m écanistes des excitations des voies des centres
spécifiques (1).

Les crises d ’éidolies hallucinosiques observées dans les s y n d r o m e s p o s t-


e n c é p h a litiq u e s il y a quelque tren te ans paraissent entrer dans le même groupe
de cas. Les cas de Evald (1925), D o m aru s (1925), de M . Rancoule (cas 2 et 3
de sa thèse) (1937) peuvent servir d ’exemple de phantéidolies surgissant au
cours des crises oculogyres.

Les c r is e s d e n a rc o le p sie (le « Syndrom e de G élineau ») caractérisées par


la catalepsie et les hallucinations hypnagogiques peuvent et doivent être com pa­
rées aux phantéidolies ictales. Elles o n t été naturellem ent rapprochées de
l ’H allucinose pédonculaire et des phénom ènes du prédorm ium (P. Verger,
1937; L. D eutsch, 1938, 1957; B. R oth, 1962), fait que conteste Fr. Reim er
(1970) dans l ’exposé q u ’il fait de cette question et qui contraste avec celui de
P. P assouant (1969). A. B ourguignon ( Évol. Psych., 1971, I, p. 1-11) a cru
pouvoir rattach er la pathogénie de ces crises de catalepsie avec activité hallu­
cinatoire à u n mécanism e purem ent psychogène, ce qui p araît en contradiction
avec les observations de H . H eyck et R. Hess (1954) et le travail de B. R o th
(1962) : les cas de narcolepsie com portaient 21 % de phantéidolies se produi­
sant (au contraire des cas de Fr. Reim er, p. 24) p endant l’oscillation d u cham p
de la conscience entre le rêve et le sommeil. Il s’agit le plus souvent de phantéi­
dolies dysm égalopsiques (su rto u t lilliputiennes), com m e le soulignent F. M ou-
ren et A. T atossian (1963). Le cas publié p a r Pohl (1966) résum é p a r Fr. Reim er
(p. 26), et ceux publiés antérieurem ent p a r Ju b a (1943) et par H . Selbach (1953)
cités p a r Fr. Reim er, co m portent un contrôle anatom ique qui p araît m ontrer
q u ’il s’agit p lu tô t de lésions thalam iques que pédonculaires. M ais la p a th o ­
logie diencéphalique de ces crises et leurs rap p o rts avec la régulation de la
vigilance, si l ’on ne veut pas p arler des structures d u cham p de la conscience,
nous p araissent q u an t à nous évidents, quelque im portante que soit la projec­
tion psycho-dynam ique de ces im ageries, bien entendu (P. Penta, 1935; A. Bour-

(1) G. de M orsier, « Les Hallucinations visuelles dans les lésions du diencéphale ».


Pour lui « elles n ’apparaissent que si la sphère visuelle diencéphalo-corticale est lésée ».
Rapport 1938, p. 275-280.
1312 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

guignön, 1971). D e to u te façon, to u s ces faits.se groupent p o u r nous m ontrer


l ’im portance de toutes les form ations centrencéphaliques tem porales, lim biques,
diencéphalo-m ésencéphaliques, dans la pathogénie des phantéidolies.

N ous pou rrio n s faire des réflexions du même genre en ce qui concerne
l’élab o ratio n phantéidolique dans la sphère acoustico-verbale ou dans la sphère
som atognosique. Il suffit d ’ailleurs au lecteur de se rap p o rter aux descriptions
que nous avons faites de ces phénom ènes hallucinatoires (notam m ent dans
les Deuxièm e et Q uatrièm e P arties de cet ouvrage) p o u r s’en convaincre.
Il nous p a ra ît donc évident que la pathogénie de ces « phantéidolies ictales »
d o n t l’a u ra de l ’épilepsie tem porale constitue le prototype requiert un m éca­
nism e de dérégulation de la fonction de vigilance p o u r au ta n t q u ’elle im plique
une intégration de l’expérience actuelle dans u n ordre tem porel qui règle l ’évo­
catio n du passé et assure l ’exclusion de l ’im aginaire hors de l ’actualité de
la perception.

B. L es cc ph a n téid o lies da n s les d éficits fo n c tio n n els »


( le blocage perm a n en t d e l ’I n fo rm a tio n
DANS LES SYNDROMES DÉFICITAIRES)

— N o u s visons ici ce type de phantéidolies qui s’installent dans un trouble


fonctionnel à la fois partiel et chronique, com m e p a r exemple dans les
syndrom es agnosiques (cécité psychique) dans les hém ianopsies ou dans les
syndrom es de déficit sensoriel (surdité, am aurose).
a) L es phantéidolies de la cécité corticale (1). R appelons les vieilles
observations de Berger et de B arat. D ans le cas de Berger (throm bose de
la cérébrale postérieure et bilatérale) le m alade vit u n jo u r à gauche une
personne de connaissance, des paysages, la m er, etc., alors q u ’il était en
éta t de cécité psychique. L a m alade de B arat (ram ollissem ent de la cérébrale
postérieure) était anosognosique q u a n t à sa cécité. M ais elle se croyait chez elle
et « voyait » u n ensem ble d ’images reconstituant le m ilieu fam ilial. P. Quercy
(tom e II, p. 293) rappelle un cas analogue de cécité corticale qui présentait
à la fois anosognosie e t « H allucinations » visuelles). Il voyait des paysages,
des anim aux, des oiseaux.) D ans l ’observation de G . Bekeny et A. Peter (1961),
après une phase de cécité corticale, le m alade présenta dans le cham p hém ia-
nopsique résiduel une im agerie palinopsique d ’images cocasses qui survenait
p a r crises. 11 est bien certain que des cas de ce genre m anifestent la structure
p ro p re aux phantéidolies en général p o u r au ta n t q u ’elles se présentent toutes
com m e des « micro-dreams » partiels.
b) Les phantéidolies hémianopsiques. — Parm i les phantéidolies lacunaires qui
apparaissent dans une partie du cham p perceptif spécifique, ce sont les phantéi-

(1) Cf. H. H écaen et R. A ngelergues, La cécité psychique, Paris, Masson et Cie,


1963.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PH A NTÉID OLIES 1313

dolies hém ianopsiques qui ay an t été le plus étudiées peuvent nous fournir l’occa­
sion d ’une analyse pathogénique plus approfondie. M ais il va sans dire que
le même type éidolo-hallucinosique se retrouve dans les syndrom es som ato-
gnosiques ou acoustico-verbaux, com m e nous l ’avons souligné to u t au long des
D euxièm e, Troisièm e e t Q uatrièm e Parties de cet ouvrage. Il n ’est pas rare, en
effet, que les Éidolies acoustico-verbales (au cours des auras ou des syndrom es
de surdité verbale) affectent u n caractère de signaux abracadabrants qui sont
analogues aux m étam orphopsies o u kaléidoscopies visuelles. M ais c ’est sur­
to u t sous leu r form e hém ianopsique que nous allons observer ces phénom ènes
d ’une im portance cruciale p o u r la pathogénie des Éidolies en général p o u r
au ta n t que, com m e disait P. Schilder, elles fo n t « le rêve des sens » (the dream s
o f the senses).
Bien entendu, la p lu p a rt des études faites sur ces « H allucinations hém ianop­
siques » p o rten t sur l’hém ianopsie latérale hom onym e (1) qui concerne l’hémi-
cham p controlatéral, la zone de vision m aculaire éta n t généralem ent respectée.
D e telle sorte q u ’il s’agit d ’un trouble fonctionnel, d ’une lacune de l ’inform a­
tio n perceptive qui p o rte uniquem ent sur ce que O. Pötzl appelait la vision
indirecte (Indirekten Sehen) et qui constitue la vision périphérique, c ’est-à-dire
un cham p perceptif où norm alem ent déjà il y a une grande perte d ’inform ation.

C ’est vers 1880 que l’on commença à s’intéresser aux rapports de l ’Hallucination
visuelle et des hémianopsies. Seguin (1886) croyait que les Hallucinations ne pouvaient
apparaître que dans le champ aveugle. Pick décrivit un cas où les images hallucinatoires
ne se présentaient que dans le quadrant hémianopsique et qui représentaient des images
dont il ne voyait que la partie supérieure. La monographie d ’Eskirschen (1911), puis
celle de Wilgrand et Saenger (1917) ont permis de fixer un certain nombre de points :
il existe des Hallucinations dans le champ voyant, les hémi-Hallucinations dans les
hémianopsies passent par le point de fixation, etc. Henschen (protagoniste de la théorie
mécaniste de l’Hallucination) a établi que les Hallucinations hémianopsiques persistent
dans le champ aveugle malgré la destruction complète de la calcarine et qu’elles appa­
raissent à l ’occasion de foyers occipitaux qui laissent complètement intact le champ
visuel. Autrement dit, pour lui ces Hallucinations hémianopsiques ne dépendent pas
du trouble négatif, de la lacune, mais de l’excitation mécanique des neurones senso­
riels. Depuis lors, on n ’a cessé de publier des cas d'Hallucinations hémianopsiques
fort hétérogènes, les unes remarquablement monotones ou fixes, les autres intermit­
tentes et variées, les unes ne se produisent que dans le quadrant aveugle du champ
visuel, les autres se produisent aussi — ou exclusivement — dans les parties voyantes
du champ. Nous pensons que c ’est faute d ’établir une distinction exacte entre phantéi-
dolies et protéidolies que tous ces faits défient toutes les tentatives d ’interpré­
tation. Aussi précisons-nous que nous visons dans cette interprétation pathogénique
de ces « phantéidolies » que celles qui tout en se produisant initialement ou exclusi-

(1) Naturellement, pour le problème qui nous occupe nous devons souligner spé­
cialement q u ’il existe des hémianopsies en quadrant et des seetomes hémianopsi­
ques (déficit en « îlots » sous forme généralement de coins à pointe dirigée vers la
fovea).
1314 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

vement dans le champ aveugle peuvent aussi le déborder notamment quand — éven­
tualité fréquente — elles apparaissent au cours de troubles paroxystiques, c ’est-à-dire
q u ’elles se présentent alors comme analogues ou identiques aux phantéidolies ictales
dont nous avons noté plus haut q u ’elles prenaient inversement parfois un caractère
hémianopsique.

R appelons l ’essentiel de la clinique du type d ’ « H allucinations » que nous


avons en vue ici. T o u t d ’ab o rd elles peuvent, com m e nous l ’avons déjà fait
rem arquer, ne se p roduire q u ’au cours des auras sous form e de phantéidolies
ictales. C ’est alors, semble-t-il, q u ’elles peuvent déborder l ’hém i-cham p ou le
q u a d ran t aveugle. Elles sont de structure nettem ent éidolique en ce sens que
le Sujet, o u bien n ’y pren d pas garde ou le traite com m e une imagerie curieuse
et parfois intéressante. Elles surviennent généralem ent p a r vagues ou par
« crises ». Elles o n t parfois u n caractère assez stéréotypé. Enfin, les images
sont parfois déform ées (hémifigures, images lilliputiennes, m étam orphopsies,
visions renversées, polyopies, palinopsies, etc.).
M ais le plus grand in térêt qui s ’attache à ces phénom ènes éidolo-hém ianop-
siques, c ’est le travail de rêve q u ’elles m anifestent en p ro jetan t dans leurs
im ages kaléidoscopiques les contenus latents de l ’Inconscient ou du Pré-
Conscient.
T o u t d ’ab o rd (rappelons (cf. p. 350,356,1011) certaines observations com m e
celles de E ngerth et H . H off (1929), de H . H off (1931), d ’E ngerth, H. H off et
O. P ötzl (1935)) (tous auteurs ap p arten an t à l ’école de Pötzl). Elles m ontrent
que ce qui se passe dans les parties périphériques du regard, c ’est-à-dire dans
les zones sublim inales de la perception, ou encore ce qui n ’en tran t pas dans le
« perçu », entre dans la figuration éidolique. Le ciseleur qui avait présenté
une hém ianopsie latérale hom onym e après u n ictus voyait se projeter sur la
cloison corresp o n d an t à son dernier cham p aveugle les images de l ’arbre de
N oël q u ’il pouvait voir (sans tro p l’apercevoir) dans l’hém i-cham p intact. —
D ans une au tre observation (H. H off), une femme atteinte d ’hémiplégie avec
hém ianopsie « voyait » dans son hém i-cham p aveugle sa propre im age et en
p résentant dans la partie de l ’espace correspondant à ce cham p aveugle des
im ages de couleurs différentes que la m alade ne percevait pas la couleur de la
toilette q u ’elle p o rtait, son im age héautoscopique variait selon les couleurs
présentées et n on perçues. Cela m ontre avec évidence que les « résidus » péri­
phériques ou subconscients de la perception entrent dans l ’im agerie com m e les
restes diurnes en tren t dans le rêve. Les recherches faites à l’aide d u tachistoscope
depuis que O. P ötzl (1917) rep ren an t l ’idée de U rbantschitsch sur le rôle des per­
ceptions incom plètes et inconscientes dans la fabrication d u rêve en a m ontré
l ’intérêt p o u r la pathologie cérébrale des agnosies et des H allucinations sont
à cet égard d ’une im portance décisive. Là aussi doivent être rappelées les
anciennes expériences de F oucault (1904-1906) qui avaient m ontré que ce qui
passait dans le rêve c ’était des im ages et fragm ents d ’images non perçus pen­
d a n t la veille, et cela à l’époque m êm e où F reud dans sa « Traumdeutung » sou­
lignait que le m atériel d u rêve (et n on pas son sens) était fourni p a r les apports
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PH A NTÉID OLIES 1315

du « préconscient ». O. P ötzl (1) fit alors une étude très m inutieuse (notam m ent
d u fam eux cas d u m alade O bzut) des rap p o rts avec les restes visuels de la vision
indirecte (Seheresten), c ’est-à-dire des figurations concrètes qui rem placent les
processus d ’abstraction de l ’identification des objets au cours des agnosies.
Il n o tait dès ce m om ent-là que si l ’exposition tachistoscopique de courte durée
n ’était p as perçue (étant objet d ’agnosie) p a r le Sujet norm al, elle donnait lieu
à une réap p aritio n « hallucinatoire » d ’u n souvenir chez les agnosiques et chez
les alcooliques atteints d ’ « Halluzinose » (au sens de K . W ernicke). L ’expo­
sition de longue durée, p a r contre, ne p ro d u it p as d ’im age hallucinatoire
com m e si, effectivement, p o u r q u ’une « véritable » agnosie et une « véritable »
H allucination se produisent un certain tro u b le de l’identification est nécessaire.
Paul Schilder (2) en 1933, considérant que l’agnosique est dans la situa­
tion que réalise l ’expérience tachistoscopique, souligne que toute perception
« contient » des franges ou des instances sublim inales qui sont com m e le « rêve
des sens » (the dream o f senses). Les post-im ages (images consécutives) consti­
tu en t une m anifestation de ce « re to u r d u m al-perçu » sous-jacent à la percep­
tion.
M ais, bien sûr, si ce travail de rêve est évident dans la lacune hém ianopsique
(ou dans le « q u a d ran t » ou le « scotom e » agnosique où l ’inform ation ne peut
pas se form er), il est aussi l ’expression d ’u n m onde d ’images inconscientes (3).
E t c ’est dans ce sens que Ch. Fisher (1959) (à peu près au m om ent où Sche-
vren et Z uborsky (1958) publiaient leur travail sur l’incorporation des images
tachistoscopiques dans le rêve) étu d ian t les effets de la stim ulation visuelle
sublim inale sur le rêve, les im ages e t les H allucinations, a repris l ’expérim en­
tatio n tachystoscopique d u « phénomène de P ö tzl » et a m ontré quel coup de
sonde dans la sym bolique de l ’Inconscient il représentait. C ar les images qui
se form ent selon les lois form elles (déform ation, condensation, etc.) du rêve,
m anifestent aussi les tendances profondes e t latentes de l’Inconscient. C ’est
ce qui, p a r exem ple, était déjà devenu « m anifeste » dans l’observation de la
femme hém ianopsique de H off qui p ro jetait sa pro pre image narcissique parée
des plus beaux ato u rs dans la partie aveugle ou agnosique de son cham p visuel.
U n au tre aspect im p o rtan t de ce m icrofilm onirique, c ’est le caractère
discontinu et dysm orphique de l’im agerie phantéidolique, car le travail du rêve
s’exerçant soit su r des scories, soit su r des reliquats, soit sur des télescopages
tem poro-spatiaux, ce travail partiel d u rêve déform e les form es de sa repré-

(1) O. P ötzl , Takistoscopische Traumbilder bei einem Fall von Alkoolhallu-


zinose mit Hemianopsie. Jahrbuch f. Psych. und Neuro., 1915, p. 141-146. — Exper.
erregte Traumbilder in ihrer indukte Sehen. Z eitsch r.f d. g. N. u. P., 1917, 37, p. 278-
349.
(2) P. Schilder , Experiments on imagination afterimage and Hallucinations.
(3) Signalons l’im portance du travail récent de O. I sakower ( Nouv. Rev. fr. de
Psychanalyse, 1972, n° 5, 198-209) sur l ’interprétation psychanalytique de ce que l ’on
a appelé les phénom ènes d ’IsAKowER (impressions tactiles orales, de la peau et de la
face palm aire des m ains su rto u t).'
E y . — Traité des Hallucinations. H. 43
1316 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

sentation. Cela est plus co n stan t et caractéristique q u an d dans ces syndrom es


hém ianopsiques l’im agerie éidolo-hallucinosique prend u n caractère paroxys­
tique les ra p p ro ch an t des phantéidolies ictales. Les images apparaissent alors
dans u n cham p visuel profondém ent bouleversé dans son organisation tem poro-
spatiale (dysm orphopsies, visions inversées, polyopie, m ouvem ents apparents).
Parfois il s’agit d ’une sorte de vertige visuel qui ne cesse que lorsque le patient
fertne les yeux (cas de K lopp, 1951 ; M eyer et W ittkow sky, 1951), et ceci comme
p o u r nous m o n trer que la clinique, c ’est-à-dire les m anifestations des lésions
de l’analyseur perceptif, nous m ontre parfois une intrication des deux types
d ’Éidolies (phantéidolies et protéidolies), fait qui ne com prom et pas p o u r au tan t
la distinction de leurs m écanism es pathogéniques. N ous allons d ’ailleurs voir
que to u te une catégorie de phantéidolies (dans les cas où le blocage de l ’infor­
m ation est m oins global dans to u t ou partie du cham p perceptif) adm et dans
l ’élaboration de son im agerie onirique un ap p o rt im p o rtan t de messages
venus du m onde extérieur.
c) Phantéidolies dans les Syndrom es de déficit sensoriel. N ous avons égalem ent
noté que le clinicien p ouvait observer des phantéidolies dans certains cas de
déficit sensoriel plus ou m oins com plet d o n t le caractère paradoxal et exception­
nel a to u jo u rs constitué une énigme. C ’est to u t le problèm e de la cécité ou des
fortes am blyopies hallucinogènes (pour nous en tenir une fois encore à la sphère
visuelle) qui p ren d ici sa véritable place. R appelons d ’ab ord que la cécité
com plète p a r lésions du chiasm a ou énucléation des deux yeux (par exem­
ple dans le cas de notre m alade J., cf. supra, p. 330) p eu t déclencher une
im agerie phantéidolique p u rem en t « endogène ». M ais com m e le fait rem arquer
G . de M orsier (1969, II, p. 422-433), l ’am aurose est en elle-même rarem ent
hallucinogène. O n ne p eu t cependant pas ne pas tenir com pte n o n plus des p h an ­
téidolies qui surviennent souvent q u and il existe u n déficit sensoriel. Disons
to u t sim plem ent que ce déficit ne p araît pas être la condition suffisante
de l ’activité phantéidolique d o n t nous recherchons ici la pathogénie.
Il en p araîtrait peut-être une condition nécessaire si tous les cas groupés p ar
G. de M orsier sous la dénom ination « Syndrom e de Charles B onnet » étaient
sem blables à celui qui nous a p a ru le plus riche d ’enseignem ents d o n t nous
avons fait éta t à plusieurs reprises dans divers chapitres de ce T raité : le cas publié
p a r H . Flournoy (d o n t on p eut lire dans le livre de G . M ourgue, p. 217-235
l ’extraordinaire fantasm agorie). C ar ce vieillard de 80 ans — nous l’avons spé­
cialem ent n oté — avait une cataracte bilatérale avec 1/10 d ’acuité visuelle à l ’œil
d ro it e t 1/4 à l ’œil gauche. E t nous pensons avec H . H écaen et J. B adaracco
(1956), avec Ziskind (I960), avec J. J. Burgm esiter, R. Tissot et J. de Aju-
riag u erra (1965) que p o u r si complexe ou indirect que soit le ra p p o rt de cause
à effet entre le déficit sensoriel d ’origine centrale ou périphérique avec l ’acti­
vité phantéidolique, il n ’est pas contestable. D isons même q u ’il est plausible,
sinon p robable m êm e dans les cas où cliniquem ent (et il s ’agit généralem ent
d ’observations anciennes o u incom plètes) ce déficit n ’est pas évident (1).

(1) Le fameux cas princeps de Ch. B onnet , celui de son aïeul âgé de 89 ans, malgré
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PH A NTÉID OLIES 1317

Ceci nous conduit nécessairem ent à envisager que le blocage de l ’inform a­


tion qui jo u e u n si grand rôle dans la pathogénie des phantéidolies im plique
un autre m écanism e hallucinogène, ou plus exactem ent onirogène. Si depuis
quelques années et n o tam m en t depuis les travaux de M . Jouvet nous
savons que la p ro d u ctio n de rêve (correspondant au sommeil rapide avec
PM O d it som m eil rhom bencéphalique) to u t en dépendant de la condition
générale d u som meil lent qui norm alem ent le précède et le prépare (1)
relève d ’un régim e cérébral inverse de celui de la veille (c’est ce que R. H er­
nandez Peon appelle, nous l ’avons vu, le « Dream system » et d o n t nous avons
nous-m êm e souligné la structure anatom ophysiologique dès la prem ière édition
de notre livre « L a Conscience », 1963, p. 219-231). C ’est peut-être en nous
représentant l ’autonom ie relative (2) d u rêve p a r ra p p o rt au sommeil lent que
nous pouvons ém ettre l ’hypothèse que l ’activité onirique im püquée et
« contenue » com m e nous l’avons vu dans l ’intégration (arousal) de l’analyseur
perceptif p eut, lorsque celui-ci est lésé, se déclencher et faire irruption dans
un cham p perceptif d o n t le blocage de l ’inform ation n ’est que partiel.
Cliniquem ent, certaines phantéidolies qui correspondent à ce type de déficit
apparaissent m inim es ou mêm e inapparentes, se présentant sous form e
de phantoparéidolies (to u t à fait caractéristiques d u Syndrom e de Charles Bon­
net). N o u s em ployons ici ce term e en rep ren an t le term e classique de « paréido-
lies » (c’est-à-dire d ’illusions qui ajo u ten t parfois avec une richesse im aginative
incroyable à la perception des form es am biguës ou inextricables comme les
dessins d ’une tapisserie, les couleurs ou les reflets d ’un b o u t de cristal, l ’entrelacs
de branches, etc.). C ’est que, en effet, dans les cas les plus typiques du Syndrom e
de Charles B onnet c ’est de ces paréidolies q u ’il s’agit, car elles com portent un
com plém ent incoerciblem ent onirique de la perception (en relation, répétons-le,
selon l ’hypothèse qui nous p araît la plus probable, avec une inversion du sens
centripète de l ’inform ation).
Relisons à ce sujet, encore une fois, l ’extraordinaire docum ent que
H . F lournoy a publié en partie en 1923 et que R. M ourgue a rep ro d u it « in
extenso » dans son ouvrage (p. 217-235) :

« En janvier, dans notre salle à manger, le soir, je vis d ’abord une figure très
« belle, très régulière, paraître sur la boiserie. Peu à peu cette figure se trouvait enca-

qu’il fût « en pleine santé », paraissait avoir des phantéidolies à caractère hémianop-
sique (il voyait presque toujours ses « figures » dans la moitié gauche de son champ
visuel).
(1) C ’est dans ce sens que nous avons dit que le rêve n ’était pas seulement le
gardien mais le prisonnier du sommeil.
(2) Cf. à ce sujet les réserves que nous avons faites plus haut en nous rapportant
aux critiques qui. ces dernières années, ont été adressées à l’assimilation un peu trop
simpliste des phases PMO au rêve. Celui-ci étant plus généralement la « pensée du
sommeil » (Aristote) est toujours virtuellement contenu dans l’organisation du corps
psychique et du système perceptif (cf. supra).
1318 MODÈLE ORGANO-D YNAMIQUE

« drée d'un cadre de fleurs et le personnage était toujours placé du côté gauche,
« jamais au milieu du tableau. Ce tableau commençait à se mouvoir du côté gauche,
« faisait le demi-parcours de la salle et retournait à son lieu de départ. Souvent
« c’était une dame superbe, avec une toilette très riche et toujours de bon ton, rien
« d ’extravagant. Le cadre ovale, fait de fleurs, se faisait autour d ’elle, puis le tout
« se mettait en mouvement et parcourait la moitié de la salle, toujours à mi-hauteur
« de la boiserie.
« ... Ce soir au parc « Mon Repos », un massif de verdure était venu se placer
« à quelque dix mètres de nous; une sorte de lucarne était placée vers le milieu de la
« hauteur, à cette lucarne était un visage de femme; tout à coup le massif se mit
« en mouvement et vint jusqu’au jet d ’eau. Au mur où nous étions, trois autres petits
« massifs se sont mis aussi en marche et allèrent jusqu’à trente ou quarante mètres
« de là. Je vis des voitures et des bicyclettes passer à toute vitesse à travers les
arbres.
« Ce soir, jour de Pâques, un petit oiseau minuscule quitte ma table et va direc-
« tement à la cloison; là, il monte à mi-hauteur, se place sur une riche nacelle et sou-
« dain c ’était une jeune dame qui se change, elle aussi, en un homme vulgaire qui
« a plutôt l ’air d ’un brigand; puis, au-dessus, se trouvent d ’autres dames qui
« descendent. Et nacelle et personnages finissent par disparaître.
« Dans l ’après-midi, je regardais à travers la vitre, dans le jardin, et je vis une
« nacelle genre nouveau : quatre ouvertures aux quatre côtés; cette nacelle traversa
« la prairie, monta à la hauteur des arbres, puis redescendit, et les personnes chan-
« geaient comme par enchantement.
« U n insecte gros comme un crabe espagnol court sur mon tapis puis monte avec
« une vitesse modérée jusqu’au plafond, là il suit le plafond jusque vers le milieu
« de la salle, se dirige vers la fenêtre où une sorte de draperie en mousse verte s’étend
« le long de la boiserie. Il arrive au milieu, puis il part en suivant la boiserie et fait
« le tour de la chambre, il atteint le haut de l’autre fenêtre donnant aussi sur le jardin.
« Une sorte de nacelle (ou plutôt forme voiture) s’arrête au haut de la fenêtre et,
« pendant quelques secondes, elle reste là; j ’aperçois en dehors quelques lignes
« vertes formant un dessin vague; elles se multiplient; il y a donc là un travail. La
« voiture et les deux personnages qui sont dedans semblent assister au travail qui
« se fait. J ’ai oublié de dire que l'insecte, en arrivant à cette toile verte, s ’est transformé
« en une dame qui s’est mise en route avec cette voiture; je dis voiture, car je voyais
« des roues tourner. Le travail fini au dehors, le tout disparaît dans les airs.
« ... Toute la journée j ’ai vu des personnages partout où je me trouvais. Au coucher
« du soleil, ceux qui sortaient dans le jardin (et ils étaient nombreux) étaient parfois
« d ’une grande beauté. Une dame, dans une charmante petite nacelle se mit en mou-
« vement. Elle se retourna pour chercher un complément à son esquif. C ’est un bal-
« daquin tout or et d ’un brillant étincelant. Dehors, la nacelle s’agrandit et la dame
« se trouva accompagnée de trois autres plus jolies les unes que les autres. Après
« s’être tenues en face de moi comme pour me saluer, elles se retournèrent et la nacelle
« fila dans les airs avec une grande vitesse.
« Une scène des plus grandioses que j'a i vues : une dame ravissante sort avec une
« petite et disparaît par la fenêtre dans les airs. Je m ’approche de la fenêtre et je vois
« deux dames dans une nacelle qui semble être de ouate pailletée d ’or; elles s’élèvent,
« redescendent, puis la nacelle s’agrandit et forme un dôme au-dessus de la personne.
« Au milieu de cet amphithéâtre lumineux, différentes dames sont vues : les unes vêtues
« de rouge, les autres de bleu, des nuances très agréables à l’œil. Alors ce sont cinq
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PROTÉIDOLIES 1319

« ou six nacelles, ou plutôt cinq ou six nuages, si je puis m ’exprimer ainsi, qui évo-
« luent dans les airs.
« Ne reconnaissant pas un passant à deux pas, je distingue nettement ces per-
« sonnages dans les airs, comme quand je voyais très bien, et je vois les traits de la
« figure et les détails des toilettes.
« ... Hier soir, j ’entre au salon, je vois une figure voilée; elle glisse le long des
« tableaux qui sont contre le mur et, arrivée près de la porte, elle prend une sorte
« de toile or et argent. Elle monte en haut de la boiserie pour aller jusqu’à la porte
« vitrée qui donne dans le jardin. Là, elles sont trois et je leur fais signe de revenir
« à la porte de la salle à manger; elles m'obéissent aussitôt, passent par la porte et
« entrent dans la salle. Alors ces différentes choses sont changées en un tout que je
« ne puis décrire et qui, arrivé dehors, se développe et forme une charmante nacelle
« avec une jeune dame seule, vêtue d ’une robe poussière d ’or brillant, toute la nacelle
« de même. Elle s’élance à perte de vue dans les airs. C ’est merveilleux de hardiesse
« et de vitesse. Elle disparaît.
« Hier soir, une nouvelle série de nacelles a commencé à paraître sur la boiserie
« de ma chambre. Elles sont d ’une grande beauté et d ’une richesse infinie. Elles étaient
« généralement remplies de personnages très animés, aux costumes les plus superbes
« et toujours variés, aux couleurs les plus chatoyantes; la nacelle est généralement
« recouverte d ’une sorte de baldaquin poussière d ’or, d ’argent, de diamants et de
« fleurs formant un tout harmonieux, et d ’une beauté sans pareille.
« J ’ai continué mes observations sur les sortes de petits tapis composés d ’agglo-
« mérations de points verts de la couleur de la plante sur laquelle ils se trouvent.
« Cela ressemble aux tapis faits au crochet et les points sont plus ou moins grands
« selon la longueur des feuilles sur lesquelles ils se trouvent. Plus la plante est grande,
« plus la toile a des ronds transparents au milieu. Ce qu’il en sort est très varié : dans
« l’une d ’elles, une dame s’est développée et la toile a rejoint une masse verte qui
« flottait au-dessus des arbres; la dame s’est posée dessus et cet amas devint
« une jolie barque de verdure. Elle avait la coiffure d ’un autre âge et paraissait très
« spirituelle et très gaie; arrivée au jardin, elle répondit par une révérence à ma ques-
« tion et me fit savoir par des chiffres très visibles q u ’elle est née en 1024; je n ’ai
« pas obtenu le nom du pays.
« Hier soir, j ’ai vu défiler sur la boiserie de ma chambre les plus beaux paysages
« que l'on puisse rêver. C ’était des vues de ponts jetés sur un bras de mer avec une
« perspective dans le lointain de rivages enchanteurs tels que j ’aurais voulu les voir
« plus longtemps, tant ils me ravissaient. Ce lointain bleuâtre était tellement beau,
« ce vaporeux si bien nuancé d ’après la distance, les collines, les villes, tout cet ensem-
« ble était d ’un parfait qui défiait les pinceaux des plus grands artistes de toutes
« les époques.
« ... Je fus témoin d ’un spectacle incroyable pour ceux qui n ’ont pas ce triste don,
« ce sens comme vous voudrez l’appeler, ce phénomène : je vis à côté de toutes les
« plantes, de toutes les fleurs, de toutes les herbes, de petits personnages minuscules,
« avec des toilettes différentes, c ’étaient des personnages que je n ’avais pas pris pour
« leur donner l ’occasion de se développer et qui, pendant que je faisais le tour de
« la maison, pour rentrer souper, se sont délivrés eux-mêmes et sont allés se répandre
« dans les airs ou circuler dans le jardin (Toutes ces vies latentes se réveillent et se
« mettent en mouvement. C ’est le monde le plus curieux). »
1320 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

O n p eu t naturellem ent rap p ro ch er de ces vieillards visionnaires les phan-


téidolies de ce vieux psychologue d o n t H . A hlenstiel (1963) a rap p o rté la
longue auto-observation (cf. p. 180-183). R appelons-nous à ce sujet q u ’après
avoir assisté à u n concert à l ’au ditorium de S tu ttg art, ren tran t chez lui ce
vieux savant entendait u n hym ne merveilleux, le chant choral q u ’il avait
entendu d ans sa jeunesse...
O n ne p eu t pas m ieux que dans cette observation, nous semble-t-il, saisir
la difficulté d u problèm e pathogénique posé p ar ces cas où il y a une dispro­
p o rtio n évidente (1) entre le déficit sensoriel et l ’imagerie onirique, de telle
sorte q u ’à l ’extrêm e lim ite on p o u rrait adm ettre q u ’il s ’agit d ’u n rêve partiel
e t en quelque sorte pu r, c ’est-à-dire non sym ptom atique d ’u n processus de
désintégration fonctionnelle au niveau d ’un système spécifique (périphérique
ou central). M ais nous devons rappeler à ce sujet que notre m alade J. (cf. p. 178-
181), dès q u ’elle com m ença à souffrir d ’u n certain degré d ’am blyopie (avant
le diagnostic de m éningiom e supra-sellaire et l ’opération qui la rendit com plè­
tem ent aveugle), percevait a u to u r des objets com m e un halo d ’im aginaire.
Si elle trav ersait des cham ps de terre labourés, elle les voyait fleuris : le spectacle
de fleurs rem plissait to u t ce que son regard em brassait. T out s ’est passé dans
ce cas — et il est bien p robable que c’est ce qui se passe dans les autres — com m e
si une altératio n de l ’analyseur perceptif à quelque niveau ou à quelque degré
b lo q u ait le flux de l ’inform ation en en inversant le cours.
Ainsi toutes ces phantéidolies de p ar leur structure même paraissent bien
incom patibles avec l ’idée d ’u n mécanisme simple (processus d ’excitation ou
m êm e déficit sensoriel, fussent-ils « centraux »). Elles m anifestent plu tô t p a r le
travail de rêve q u ’elles p ro jetten t dans tel espace de tem ps (phantéidolies
ictales) o u dans telle partie du cham p opérationnel perceptif, que le sens
de la perception s’est inversé au profit des phantasm es que l ’organisation
d ’u n système perceptif a p o u r fonction (anti-hallucinatoire) de contenir.
N ous avons essayé de présenter la pathogénie de ces phantéidolies, en
quelque sorte hors de to u te localisation, et en nous co n frontant à u n modèle
architectonique fonctionnel, celui de l ’organisation même d ’un système percep­
tif (cf. p. 1122-1176). Il nous semble que de mêm e que Ton parle d ’un « aro u sal»
cortical, c ’est-à-dire d ’u n niveau de vigilance très différencié et constituant
le « highest level » de l ’activité d ’intégration du système nerveux central,
nous pouvons nous rap p eler com m ent H ead (2) définit la « vigilance ». C ’est,

(1) J. M. Burchard (1965) à qui nous devons une des plus pénétrantes études
sur la structure des troubles de la perception visuelle, conduite d ’ailleurs très exac­
tem ent dans l ’axe organo-dynam ique de n o tre p ropre conception, J. M. B urchard
fait cette rem arque que le blocage de l ’inform ation et l ’élévation des seuils perceptifs
ne sont pas exactement proportionnels aux conditions d ’apparition des images hal­
lucinatoires.
(2) H . H ead, Définition de la vigilance, in Aphasia, tome I, p. 495-497. Le
comportement psychique et somatique dépend de l’état de vigilance (state of vigilance)
du système nerveux. Et cela vaut pour tous les niveaux et systèmes fonctionnels de
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PROTÉIDOLIES 1321

disait-il, l ’intégration d ’u n système d o n t les parties sont soumises à une totalité,


et, disait-il, à cet égard o n p eu t p arler d ’une « vigilance », d ’u n segm ent de la
moelle com m e de la vigilance d ’u n centre cortical. T o u t ce que nous avons
précédem m ent e t longuem ent exposé de la structure organo-dynam ique des
organes des sens (au sens large d u term e s ’ap p liquant à l ’ensem ble central
et périphérique de l ’analyseur perceptif) nous co n traint presque nécessairem ent
à intro d u ire dans notre modèle architectonique la no tio n d ’un « arousal »,
d ’une vigilance des systèmes perceptifs qui ne p eut pas être sans rap p o rt avec
les systèmes m éso-diencéphaliques qui règlent la vigilance et le système lim-
bique de la m otivation. Q uoi q u ’il en soit, les phantéidolies dépendent de l ’alté­
ratio n de cette régulation des m ouvem ents centripètes (inform ation codée)
et centrifuges (phantasm es virtuels), de cet échappem ent au contrôle de la
vigilance. Celle-ci assure l ’intégration des messages sensoriels dans le cham p
de la conscience m ais aussi l ’équilibre de ce qui est perçu du m onde extérieur
et de ce qui est désiré p a r le Sujet dans et p a r les m ouvem ents au m onde privé
de ses images. Ce sont ces désordres de la vigilance des analyseurs perceptifs
qui inversent le co u ran t de leur inform ation en substituant l’im agerie phantéido-
lique aux messages d u m onde de la réalité. C ’est pourquoi, en définitive, à ce
niveau ils sont et resten t de fausses réalités vécues comme telles, c ’est-à-dire
sans cesser d ’être sous le contrôle d u jug em en t de réalité ou, si l ’on veut, sans
cesser de se conform er aux structures de l’être conscient qui en constituent
les instances juridictionnelles et au contrôle desquelles elles échappent, to u t
au m oins incom plètem ent.
Les phantéidolies sont engendrées p a r cette activité en quelque sorte
volcanique qui fait irru p tio n dans la p rofondeur de l ’Inconscient sans
p o int d ’im pact — autre q u ’occasionnel dans les cc phanto-paréidolies » —
avec les Stimuli en provenance d u m onde des objets. N ous allons voir q u ’à
cet égard les « protéidolies » o n t une structure e t une genèse bien différentes.

2° P a th o g é n ie d e s p r o té id o lie s .
L e s d é fo r m a tio n s d e l ’in fo r m a tio n .

D ans tous les phénom ènes éidoliques d o n t nous venons d ’envisager la


pathogénie, ce qui nous a p aru d éterm in an t c ’est que le co u ran t centripète
de l ’info rm atio n , c ’est-à-dire la tran sfo rm atio n des « Stimuli » en messages
du m onde extérieur éta n t plus ou m oins bloquée, c ’est le m onde de la repré­
sentation qui autom atiquem ent devenait objet hallucinatoire d ’une perception
(tenue p a r le Sujet lui-m êm e com m e une fausse perception m ais se présen­
ta n t avec des attrib u ts d ’une vraie sensation). T o u t se passe po u r les phantéidolies

la hiérarchie des fonctions nerveuses, même au niveau spinal : « Lowered vitality in


the spinal, or mid brain, or cerebral centres governing micturition will be associated
with some variety of incontinence or rétention of urine. The common factor in psy-
chical and physiological process is vigilance » (p. 497).
1322 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

com m e si la G estaltung, o u com m e dit J. J. G ibson le cc scam ing », l’acte


d ’exploration, con stitu tif de la form ation objective (Pickup o f ambient infor­
mation ) ne p ouvant plus s’opérer d ans le m ouvem ent même de la quête d ’infor­
m ation, ce m ouvem ent s ’inversait. N ous allons m aintenant envisager le p ro ­
blèm e qui est p o u r notre p ropre théorie le plus difficile à résoudre. C ar, en
effet, il s ’agit des phénom ènes « les plus élém entaires », de ceux que l’on ab an ­
d onne assez facilem ent aux interprétations m écanistes du m odèle sensation­
niste de l’excitation spécifique des nerfs et des centres sensoriels. O r, to u t ce que
nous avons d it ju s q u ’ici converge précisém ent p o u r nous faire penser que ces
phénom ènes si « élém entaires », paraissant si exclusivement « positifs » dans
et p a r leur simplicité même, sont en fait des effets secondaires et déjà complexes
d ’une désintégration du cham p perceptif, d ’un brouillage, « m asking » (comme
d it, nous l’avons vu plus haut, J. J. G ibson, 1968) de l ’inform ation. La genèse
de ces phénom ènes p a r l ’excitation de tels ou tels élém ents neuronaux ne cesse
depuis déjà quelques décades de perdre en neuro-physiologie le terrain que
gagne la n o tio n de « déficit fonctionnel » (cf. 1285-1303) et rappelons encore
ici les travaux de J. Stein (1928), R. M ourgue (1932), P. W orm ser (1953),
E. Bay (1953), D . Langer (1964), R. H ernandez Peon (1965), J. M . B urchard
(1965), etc. M ais il est bien évident que le caractère p o u r ainsi dire m olaire ou
m oléculaire des protéidolies que nous opposons à leur apparence en quelque
sorte « atom ique » d o it se d ém ontrer et s ’interpréter.
N ous devons donc d ’ab o rd , com m e nous l ’avons fait p o u r les phantéidolies
en nous ra p p o rta n t à to u t ce que nous avons ta n t de fois exposé et répété dans
cet ouvrage, rappeler les caractéristiques principales de ces Éidolies « élémen­
taires » (form es ou figures sans enchaînem ent scénique, apparition de photop-
sies, de phosphènes, d ’acouasm es o u d ’acouphènes, etc.) le plus souvent consi­
dérées com m e effet direct d ’excitations purem ent physiques et m écaniques.
Si en ce qui concerne la n o tio n de phantéidolie nous avons surto u t rencontré
des difficultés au sujet de la « structure partielle » de ces imageries visuelles,
acoustiques, som esthésiques, etc., ici la grande difficulté à laquelle nous nous
heurtons est p o u r ainsi dire inverse, car c ’est leur « com plexité », leur « sens »
e t le halo des troubles qui les engendrent qui, p o u r ne pas apparaître avec évi­
dence, fo n t problèm e. Cela nous am ène à préciser deux caractéristiques fon­
dam entales de ces protéidolies.
T o u t d ’ab o rd leur ap parition spécifiquem ent fragm entaire, voire « ponc­
tuelle » : soit q u ’elles n ’occupent q u ’un espace très restreint de l’espace (sco-
tom e, aire d ’hypoacousie, etc.), soit q u ’elles n ’occupent q u ’un espace très exigu
de tem ps (photopsie, scotom es scintillants, phosphènes, etc.), elles sont alors
perçues com m e des sensations sans texte ni contexte. N o u s voulons viser p ar là
l ’im pression vécue p a r les patients et unanim em ent com m uniquée p ar eux que
quelque chose est perçu sans l ’être autrem ent que com m e une configuration
de qualités sensibles anorm ales dépourvues d ’enchaînem ent ou d ’encadrem ent
scénarique (« Ç a ne veut rien dire, je ne sais pas ce que c ’est, c ’est une chose
o u une figure mêm e qui n ’a pas plus de sens que de réalité ») et sans enchaî­
nem ent thém atique (« C ’est détaché de to u t ce que je pense ou de to u t ce que
PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PROTÉIDOLIES 1323

je perçois »). Ces Éidolies hallucinosiques n ’o n t pas tendance à se constituer


en événem ent, fût-il onirique. C ’est l'incongruence et la ponctualité radicales de
ces imageries qui en constituent le vécu phénom énologiquem ent le plus sûr.
A u tan t dire q u ’elles apparaissent com m e des « faux pas » ou des accidents
de la perception.
M ais fulgurantes ou interm ittentes, lancinantes ou déconcertantes, elles o n t
u n autre caractère p aradoxal, celui d ’être vues, entendues, senties ou ressenties
com m e des objets extérieurs au Sujet, com m e hors du cham p de sa propriété.
C ar au contraire des phantéidolies qui sont perçues dans l ’espace intérieur de
la représentation ou dans cet « entre-deux », cet intervalle m agique qui se creuse
entre le Sujet et ses objets, les protéidolies mêm e si elles sont vécues com m e sen­
ties ou ressenties dans l’œil, l ’oreille o u la tête, éclatent ou fusent com m e des
trains d ’ondes sonores ou des gerbes de lum ière, de rythm es, de figure, et p o u r
to u t dire, des sensations qui p roviennent du m onde des objets, fussent-ils
des objets corporels liés à l ’anatom ie o u la physiologie des organes des sens.
C ar les arcanes anatom o-physiologiques du corps, c ’est-à-dire de l ’organe
sensoriel, fo n t partie aussi d u m onde des objets et à cet égard sont encore
une source proprioceptive d ’inform ations qui proviennent d u corps (de l’organe
même des sens) du Sujet.
E t c ’est précisém ent ces deux caractères (incongruence et sensation d ’une
perception « externe » ou en to u t cas excentrique, c ’est-à-dire ne provenant pas
du Sujet m ais com paraissant devant lui et m êm e en lui) qui paraissent ne po u ­
voir s ’interp réter que sur le m odèle de l ’excitation m écanique ou spécifique
des nerfs.
Toutefois, si nous saisissons ces deux aspects séméiologiques des p ro ­
téidolies dans leur radical vécu, rien ne nous co n train t à une telle interpréta­
tion. N o u s pouvons dire, en effet, que loin d ’être insignifiantes elles éclatent
com m e des étincelles de sens, et que loin d ’être dues à une excitation an o r­
male des neurones sensoriels elles sont dues au contraire à une sorte de nivel­
lem ent général des seuils de stim ulation p a r l ’effet d ’une m odification globale
( W andelfunktion) et régressive de ce que nous avons déjà appelé la vigilance
{Arousal) des organes des sens. Elle nous apparaissait représenter alors dans
cette perspective ces fam euses « illusions des sens » q u ’Esquirol (cf. H isto­
rique, p. 79-82) opposait déjà aux H allucinations psycho-sensorielles vraies (à
nos « H allucinations délirantes »). E t, en effet, ce qui en définitive les caractérise
le plus radicalem ent, c ’est q u ’elles sont des déform ations de l’inform ation.
A utrem ent dit, ce sont des im ages qui se glissent dans le co u ran t centripète
de l ’inform ation q u an d celle-ci subit dans sa constitution une distorsion ou
un « brouillage ».

D ’o ù l’im portance p o u r leur définition et p o u r leur interprétation, du fait


que ces phénom ènes p o u r se pro d u ire exigent n o n pas des « excitations » quali­
tatives ou quantitatives anorm ales m ais u n m inim um de co u ran t d ’inform ation,
un m inim um de stim ulants physiologiques (lum ière, ondes sonores ou m éca­
niques). D e telle sorte que si dans la catégorie des phantéidolies il nous avait
1324 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

p a ru im p o rtan t de rem arq u er q u ’elles ne se produisaient q u ’à la faveur d ’une


perte de l’info rm atio n à laquelle se substituait une form ation centrifuge phan-
tasm ique plus o u m oins onirique, il semble que les protéidolies ne se produisent
que dans et p a r u n co u ran t d ’inform ation encore suffisant et centripète, mais
déform é o u « inform able ». Ceci nous p araît capital. N ous l ’avons déjà noté à
pro p o s des expériences d ’excitation électrique des récepteurs, des conducteurs
ou des centres « sensoriels ». N ous l ’avons noté à propos notam m ent de m inu­
tieuses observations de J. Z ad o r sur l ’action de la m escaline et des cas cliniques
de cécité ou de surdité (1). Les expériences d ’isolem ent sensoriel nous o n t éga­
lem ent m o n tré que les im ages hallucinatoires de type protéidolique se p rodui­
saient spécialem ent dans les conditions où l ’isolem ent sensoriel n ’était pas
absolu (cf. p. 692-707), c ’est-à-dire lorsque est perçu u n « fond sensoriel »
(w hite noise) non organisé (no-patterning). E t dans la désafférentation sponta­
née (cécité), c ’est quand elle n ’est pas com plète (1) ou q u ’elle est récente q u ’elle
déterm ine la p ro d u ctio n de protéidolies (Z ador, cf. supra, p. 645). Somme toute,
cela revient à dire que ces protéidolies sont des erreurs des sens (reconnues ou
reconnaissables d ’ailleurs com m e dans les illusions optico-géom étriques « ph y ­
siologiques » p o u r être des erreurs). Elles o n t bien u n caractère illusionnel
u stricto sensu ».
N ous pouvons aller plus loin en considérant que le cham p perceptif spécifique
de chaque système psycho-sensoriel, nous l ’avons vu, com porte aussi u n cham p
proprioceptif. D e telle sorte que le caractère illusionnel des protéidolies, carac­
tère essentiel lié à leur m écanism e génétique (déform ation de l ’inform ation)
d o it s’entendre com m e la « Gestaltung » erronée n o n seulem ent des Stimuli
externes m ais aussi des Stimuli internes. N ous avons assez insisté précédem ­
m ent sur l ’im portance de ce que G u iraud appelle les « écrans sensoriels »
(1'Eigengrau, le fond de vision les yeux étan t fermés, ou le « white noise », le
fond sonore les oreilles éta n t bouchées), nous avons assez d it aussi que si quel­
que chose devait être retenu de la n otion d ’énergie spécifique des nerfs de
J. M üller, c ’est bien le fait que l ’organe des sens a une sensibilité spécifique
telle, q u ’il p eu t se percevoir lui-m êm e en ta n t q u ’il est non seulem ent organisé
p o u r recueillir des Stimuli, m ais q u ’il est susceptible lui-m êm e de les choisir aussi
et de les p rovoquer som m e tou te, de les stim uler p a r son propre dynam ism e. Le
cham p perceptif n ’étan t pas seulem ent celui de l’ordre des objets m ais com por­
ta n t une certaine organisation dynam ogène interne, c ’est d ’un tel m odèle de
l’activité des « organes des sens », ou plus généralem ent des Systèmes perceptifs,
d o n t nous devons m aintenant faire éta t p o u r introduire l ’idée de l’im portance
du cham p proprio-sensoriel dans la pathogénie des protéidolies (2).
Enfin, to u t de m êm e que nous avons à propos des phantéidolies m ontré

(1) Et bien plus évidemment encore dans les troubles illusionnels du schéma cor­
porel.
(2) Point sur lequel nous avons à plusieurs reprises insisté et que signale égale­
ment R. J ung (p. 553).
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PROTÉIDOLIES 1325

que leurs im ages p o rtaien t souvent la m arque de déform ation (télescopages


tem poro-spatiaux, confusion de plans et de form es, de la figure et du fond,
distorsions des form es, grandeurs o u perspectives paradoxales, etc.), dans les
protéidolies la déformation est la règle, en ce sens que toujours elles apparaissent
dans u n désordre tem poro-spatial intrinsèque (cf. à ce sujet le travail que nous
avons longuem ent cité de P. M ouren e t A. T atossian, 1963). E t m êm e quand
elles « réalisent » de bonnes form es, les im ages protéidoliques se présentent sur
un fond de désordre et ne se co n stituent q u ’en détachant les propriétés senso­
rielles à l ’égard de to u t contexte, ce qui leur confère la m arque indélébile d ’une
singularité absolue (m iraculeuse ou m onstrueuse m ais toujours insolite et
incongrue), celle d ’une anom alie, d ’une « anom ie » figurative, une bizarrerie
de l ’inform ation.
N atu re foncièrem ent illusionnelle de ces phénom ènes, exigence d ’un m ini­
m um d ’inform ation fût-elle inform elle, im portance de l ’inform ation proprio-
ceptive d o n t les messages naissent dans leur espace interne (1) et enfin carac­
tères intrinsèques et extrinsèques d ’une altération form elle, telles sont donc
les caractéristiques des protéidolies d o n t nous devons ten ter ici l ’interprétation
pathogénique.

A. P athogénie des divers types de protéidolies

1° L e s p r o té id o lie s fig u r a tiv e s fu g a c e s . — D ans toutes les descrip­


tions que nous avons été am enés à prodiguer, soit des stim ulations expéri­
m entales du lobe tem poral ou des centres spécifiques prim aires ou secondai­
res, soit des affections cérébrales, soit des intoxications p ar les hallucinogènes,
soit des auras épileptiques, soit des affections e t déficits des organes sensoriels,
constam m ent est revenu le term e d ’ « H allucinations élém entaires » (constam ­
m ent opposées p a r les divers observateurs aux « H allucinations complexes »)
figurant, soit des sons, soit des form es o ù se reconnaissent des images isolées
d ’ « objets » anim és ou inanim és. C ’est ce que H . A hlenstiel e t R . K aufm an
(1953) appellent les « gegenständliche Bilder » (2). Ces images caractérisées p ar
ce que nous appelons leur « ponctualité » p o u r en souligner la figuration
fragm entaire, surgissent avec des attrib u ts sensoriels précis m ais sans
congruence sém antique ou thém atique avec le cham p perceptif. Elles peuvent
être, bien sûr, des im ages de n ’im porte quoi « (allen Art » disent encore les
deux auteurs auxquels nous nous référons spécialem ent ici). Et, bien entendu,
elles peuvent se renco n trer aussi à tous les niveaux de l ’architectonie fonc­
tionnelle perceptive. Ces im ages à caractère b aroque ou fulgurant disparais-

(1) G. Sedman (1967) a parfaitement souligné, en rappelant les idées et les obser­
vations de J. J. H oppe (1888) et de M. J. H orowitz (1962), que la structure interne,
les tissus et appareils de l ’œil fournissent le matériel de certaines images hallucinatoires.
(2) « Images objectives », se rapporter au tableau des protéidolies que nous avons
placé plus haut dans le chapitre sur les Éidolies.
1326 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

sent, selon certains auteurs, lors de l’occlusion.des yeux (1), m ais le phénom ène
est loin d ’être constant. Il convient de n o ter aussi q u ’interviennent dans la
constitution de la configuration des facteurs « résiduels » ou « scoriaux » qui
peuvent en différer l ’ap parition. Le fait cité p ar G . de M orsier (apparition
d ’u n essaim de m ouches devant l’œil atteint de kératite lorsque l ’œil sain était
ferm é) p a ra ît relever de ce m écanism e constant en quoi consiste l ’élaboration
de ces im ages figuratives fugaces, des résidus ou des scories de la perception.
Les im ages consécutives, perceptions incom plètes, souvenirs récents et incon­
scients, en tren t électivem ent dans la com position de ces protéidolies proches
en cela des phantéidolies.
Parfois ces protéidolies figuratives fugaces accom pagnent le m ouvem ent des
yeux. Parfois aussi elles affectent une form e m onoculaire ; il s’agit alors, bien sûr,
de protéidolies sym ptom atiques de lésions d ’un seul œil ou d ’une seule oreille,
c ’est-à-dire des fam euses Éidolies unilatérales d ’origine périphérique. M ais la
« n o tio n mêm e de scotom e positif » c ’est-à-dire d ’habillage im aginaire des tro u ­
bles de la perception (H . H écaen et R. R opert, 1959 et 1963) peu t s ’appliquer
aux im ages qui peuplent les tro u s du cham p perceptif que celui-ci, soit au niveau
des centres corticaux ou q u ’il soit au niveau de ces centres que sont encore les
organes des sens (2). C ’est F. M orel qui ayant entrepris l’étude des H allucina­
tions m onoculaires des alcooliques (1929) les décrivit ensuite (Encéphale, 1932,
puis Ann. M éd.-Psyèho., 1937) com m e des H allucinations ayant un aspect
figuré. Elles présentent, en effet, une certaine configuration (parfois tache de
la taille d ’une m ain ou figurant u n oiseau, une punaise, une tête d ’épingle, etc.).
L ’assem blage de petits élém ents fixes et punctiform es y est fréquent. L a texture
de ces taches hallucinatoires est légère et pulvérulente (nuage, fum ée, etc.).
Ce scotom e p o s itif se détache parfois en no ir sur le cham p visuel. Parfois il est
blanc m at ou blanc gris o u p eu t présenter des m élanges ou des changem ents
de couleurs. Il n ’est jam ais périphérique, ni hém ianopsique, ni en q u adrant.
D e telle sorte que F. M orel pensait q u ’il s ’agissait d ’une localisation rétrobul-
baire bilatérale; il ten ait ces images hallucinatoires (scotom e positif) p o u r liées
à des « excitants réels » (« ceux le long desquels glisse le regard : le bo rd d ’une
p o rte, d ’une fenêtre, le co rd o n d ’une sonnette ») ou à des phénom ènes opto-
cinétiques. Il les considérait co m m e« l ’effet d ’une perturbation, passagère dis­
continue de la fonction visuelle com parable au phénom ène de contraste, affec­
ta n t le centre d u cham p visuel (aire m usculaire). Si nous revenons ici encore
sur cette étude m inutieuse de F. M orel, c ’est p o u r em prunter précisém ent à un
au teu r qui est resté to u jo u rs très attaché à l’idée d ’une « pathogénie m écanique »
des phénom ènes hallucinatoires, l ’interprétation de tels phénom ènes élémen-

(1) Cependant F. M orel, à propos des « scotomes positifs » qui se rapprochent


de ces phénomènes, note explicitement q u ’ils n ’ont lieu que le jour et dans un champ
visuel éclairé, le malade ayant les yeux ouverts.
(2) Car il peut s’agir aussi de scotomes par lésion des aires centrales primaires
« trouant » le champ visuel dans un secteur déterminé mais ne suivant pas alors le
mouvement du globe oculaire.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PROTÉIDOLIES 1327

taires dans le mêm e sens que la nôtre. A cette réserve près p o u rta n t que nous
restons, q u a n t à nous, dans la cohérence d ’une théorie de la négativité géné­
ralisée de la pathogénie hallucinatoire sous toutes ses form es, mêm e celles de
plus en plus « élém entaires » que nous allons envisager.
Ces protéidolies figurées p a r leur structure « élém entaire » même, c ’est-à-dire
par l ’absence d ’enchaînem ent oniro-scénique, nous paraissent devoir être
rapprochées des phantéidolies m ais aussi des protéidolies purem ent géomé­
triques e t ornem entales d o n t la thém atique stéréotypée est purem ent form elle
et que n o u s allons m aintenant exposer.

2° L e s p r o té id o lie s g é o m é tr ic o -o r n e m e n ta le s a b s tr a ite s . —
N aturellem ent, elles o n t toujours frappé tous les observateurs mêm e les
plus anciens (Joh an n M üller et m êm e Jérôm e C ardan au x v ie siècle).
O n pense toujo u rs évidem m ent à pro p o s de ces phénom ènes aux « visions »
fantastiques, m ais les mêmes « form es » apparaissent aussi dans la sphère
acoustico-verbale notam m ent où le rythm e ou la mélodie représentent po u r
l ’analyseur acoustique quelque chose d ’analogue aux symétries et harm onies
ornem entales des configurations visuelles. C ’est to u t de même essentiellement
de ces dernières d o n t nous allons p arler ici.
D ’ab o rd en rapp elan t ce que nous avons déjà dit de leur « m orphologie »,
rapp orto n s-n o u s une fois encore à l ’étude vraim ent exhaustive q u ’en o n t faite
H . A hlenstiel e t R. K auffm ann (1952-1953) et q u ’ils o n t résum ée dans leur
tab leau très suggestif (p. 515 de leur m ém oire de 1953 reproduit supra, p. 340).
N aturellem ent, ces auteurs évoquent eux aussi (et ici com m e p o u r les ph an ­
téidolies d o n t ils ne les distinguent pas) les « im ages élém entaires » qui surgis­
sent pend an t la période hypnagogique (1). Il s ’agit, disent d ’ailleurs tous
les auteurs, d ’im ages endogènes sans ra p p o rt avec le cham p perceptif
actuel.
On peut décrire des figures géom étriques et stylisées généralem ent simples
(cercles, spirales, cristaux, grilles, sphères, etc.), parfois colorées, lum ineu­
ses ou scintillantes. M ais elles peuvent aussi assem bler leurs éléments dans
des ensem bles architecturaux ou décoratifs (escaliers, colonnades, enchevêtre­
m ents d ’arceaux, superpositions de m otifs végétaux ou m onum entaux). P ar­
fois il s ’agit de chiffres, de lettres en caractères orientaux. T an tô t elles sont
im m obiles, ta n tô t anim ées de m ouvem ents vertigineux ou au contraire lents,
à direction unique ou pendulaire. Le plus souvent elles sont très mobiles
et changeantes (kaléidoscopie, m étam orphopsie). Parm i les form es styli­
sées les p lu s fréquentes, on note les dessins de tapis orientaux ou des figures
sym boliques (hexagones e t figure dite « M andala » ou « Y an tra ») qui
sont du p o in t de vue de la sym bolique archaïque particulièrem ent intéres-

(1) On cite naturellement et toujours à ce sujet P urkinje (1819), G öthe, H ar­


vey de Saint-D enis, W eir-M itchell, U rbantschitsch, H oche, Bernard L eroy, etc.
1328 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

santés (I. C aruso (1), R. Bilz, 1950, H. Ahleijstiel et R. K auffm ann, 1952). D e
telles protéidolies peuvent parfois laisser après elles des images consécutives
de couleurs com plém entaires (H . H ein, 1927). Enfin, il arrive com m e au cours
des intoxications p a r les hallucinogènes (cf. p. 523 et p. 582-587) que l ’intensité,
la vivacité, la richesse des couleurs, la prodigieuse éclosion des m ouvem ents
qui s’engendrent constituent u n véritable spectacle féerique, une débauche de
couleurs, de poussières d ’or, d ’arcs-en-ciel d ’une nuancée ou brillante lum i­
nosité. I. Feinberg (in K eup, 1970) a noté q u ’elles subsistaient, mêm e les yeux
éta n t fermés. M ais nous devons rappeler à ce sujet que généralem ent la perm éa­
bilité aux Stimuli spécifiques (lum ière informelle) est une condition de cette im a­
gerie. E t si elle ap p araît parfois les yeux étan t fermés, il convient de nous ra p ­
peler une observation de U. Ebbecke (D ie kortikale Erregung, 1919) qui, prian t
u n Sujet de se représenter u n as de trèfle ou de pique les y e u x étant ferm és,
déclarait voir u n as de carreau ou de cœ ur si on le soum ettait à un éclairage
rouge transpalpébral. Cette observation scientifique rejoint d ’ailleurs celle
que to u t le m onde p eut faire en éta n t réveillé p ar la lumière. L ’im portance que
nous accordons à ces faits est considérable car la protéidolie de ce type, p o u r si
auto chton e q u ’elle paraisse, adm et aussi une inform ation si vague soit-elle venue
d u m onde extérieur. D e telle sorte que lo rsqu’il s ’agit des kaléidoscopies colo­
rées qui se succèdent com m e u n film de m étam orphoses, les protéidolies se ra p ­
prochent des phanto-paréidolies que nous avons décrites plus h au t dans la
m esure m êm e o ù il ne s’agit plus d ’images sim plem ent géom étriques ou élé­
m entaires m ais déjà d ’une création esthétique. C ’est que p a r le jaillissem ent de
gerbes lum ineuses o u d ’étincelantes étoiles, ou l’éclosion de maladies, elles
figurent les feux d ’artifice de l’Inconscient.
L a fonction sym bolique de ces représentations (I. C aruso, 1948 ;
M . von K roll, 1958; M . M. Stern, 1961 ; D . E. Sperling, 1961, etc.), c ’est-à-dire
leur caractère archétypique (Jung), p a ra ît assez évidente. Lorsque surgissent de
pareilles im ages avec une si rem arquable régularité du fond de l’expérience
visuelle la plus som m aire (la m oins verbalisée), elles nous fo n t apparaître
le m onde originaire des form es. E t même si dans une certaine mesure
com m e dans les phénom ènes entotiques ou entoptiques la structure anatom o-
physiologique de l ’organe des sens en soutient la construction, il est évident
que de telles im ages ne sont pas réductibles au simple effet d ’une excitation
fortuite des nerfs ou de l ’épithélium réceptif des organes des sens.
Quelle idée pouvons-nous dès lors nous faire de la production de ces form es
éidoliques si stylisées ou archaïques si nous exceptons des explications possibles
celle de l ’excitation des neurones sensoriels qui les réduit à des phénom ènes
p urem ent physiques ? N ous devons bien souligner, en effet, ici (et cela sera
mêm e encore vrai p o u r les « esthésies » plus inform es d o n t nous parlerons plus
loin) que dans le sillage mêm e des travaux de neurophysiologie auxquels nous

(1) I. C aruso . Ueber der Symbolismus der hypnagogischen Vorstellungen.


Revue suisse de Psychiatrie, 1948, p. 87-100.
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PROTÉIDOLIES 1329

avons fait plus h a u t allusion (A drian, G ran it, H odgkin, Ecclès, R. Jung, etc.),
que l ’excitation des neurones ne p ro d u it jam ais d ’effet que sous condition q u ’un
certain nom bre de facteurs qui (constituant les param ètres de l ’excitabilité)
la ren d en t possible. A utrem ent dit, considérer l’apparition de ces images élé­
m entaires com m e u n effet de l ’excitation anorm ale des éléments neuro-épithé­
liaux des organes récepteurs (rétine, m em brane cochléaire, etc.), c ’est n o n pas
résoudre m ais supprim er le problèm e.
P u isq u ’à p ropos des protéidolies les plus élém entaires, que nous allons
exam iner dans le p rochain paragraphe, nous reprendrons une dernière fois la
critique d u concept d ’excitation hallucinogène, contentons-nous ici de rappeler
ce que nous avons déjà d it dans les divers chapitres de cet ouvrage (à propos des
H allucinations des divers sens, puis en exposant la structure des phénom ènes
éidoliques, et encore lorsque nous avons étudié les phénom ènes éidolo-hallu-
cinosiques des affections cérébrales et des intoxications hallucinogènes, ou enfin
dans le chapitre sur l ’exposé critique du modèle m écanique de la pathogénie des
H allucinations et to u t au long de cet exposé de notre conception organo-dyna-
m ique, notam m en t à propos de la structure des organes des sens, des expériences
d ’excitation électrique, des récepteurs e t des centres sensoriels, etc.). E t ce que
nous avons ainsi si souvent et parfois longuem ent exposé dans toutes ces parties
de l’ouvrage peut se résum er en deux form ules fondam entales : les phénomènes
éidoliques ne sont pas les effets directs d'une excitation neuronale hallucinogène
positive ; — les phénomènes éidoliques ne sont p as l'apanage de lésions périphé­
riques de l'analyseur perceptif. D e telle sorte que les protéidolies envisagées ici
sous leur form e géom étrico-ornem entale (dans la sphère visuelle) ou sous leur
form e rythm ique, m élodique ou m êm e som m airem ent verbale (dans la sphère
acoustico-verbale) doivent être considérées dans les lacunes ou éclipses de
tel ou tel champ d'inform ation perceptive, comme constituant les « bonnes
form es » qui parviennent encore à se fo rm er dans le désordre temporo-spatial
du flu x perturbé de l'information. O n com prend que ces configurations éidolo-
hallucinosiques soient com m e des im ages où se cristallisent ou s ’harm onisent
les scories sensorielles (com m e dans la fo rm ation des images fulgurantes hypna-
gogiques) chargées des symboles esthétiques ou poétiques (le feu, les étoiles,
l’or ou les accords harm oniques, voire syntaxiques). Ce ne sont pas des étin­
celles électriques m ais des éclairs surgis des profondeurs de l’Inconscient qui
éclatent dans leur explosion.

3° L e s p r o t é i d o l i e s e n d o p t i q u e s e t e n to tiq u e s . — N ous arrivons


ici à l ’extrêm e pointe de l ’élém entarité, c ’est-à-dire à des « sensations » aber­
rantes, parasites, fulgurantes ou lancinantes, qui sont vécues com m e une gêne
ou une im pression insolite com m e celle que l ’on éprouve quand la pression
des globes oculaires fait jaillir « trente-six chandelles » ou que « les oreilles vous
sifflent ».
D ans la description des protéidolies, allant des plus complexes aux plus sim­
ples nous atteignons le niveau de form es esthésiques les plus pures, c ’est-à-dire
de « quelque chose » qui entre" dans le cham p perceptif avec un m inim um de
1330 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

form es figurées (car ces « form es » so n t dites précisém ent si élém entaires q u ’elles
doivent p lu tô t être désignées com m e « am orphes ») m ais avec u n m axim um de
qualités sensibles brutes. L a désintégration du cham p perceptif qui p araît les
con d itio n n er est celle o ù seule une inform ation en quelque sorte insignifiante
(p o u r être d ’une p robabilité infinie) p eu t jaillir des profondeurs proprioceptives
qui fournissent aux divers organes des sens leur « m atériel » en quelque sorte
spécifique (1). De sorte que la phénom énologie de ces lueurs entoptiques, de
ces photopsies, de ces acouasm es, de ces protéidolies somesthésiques,
com porte toujours une d isproportion flagrante entre la sensation vécue avec
ta n t d ’esthésie e t sa form e (zigzags, éclairs, lueurs, sons à tim bre ou à rythm es
saugrenus) laquelle dem eure, en quelque sorte, purem ent m étaphorique p o u r ne
pas pouvoir précisém ent s’identifier dans une cristallisation conceptuelle. N ous
som m es ici parvenus ju s q u ’au niveau ou à la profondeur où naissent les m ou­
vem ents p a r lesquels s’engendrent non pas les form es (les Gestalten), m ais selon
la désignation de K . C onrad, les préform es (Vorgestalten), ou encore selon
H usserl, les form es originaires (Urbildungen) de l ’expérience sensible, du
« s e n tir » (Empfindung) en quelque sorte absolu.

D ans le cham p visuel il s’agit d ’images endogènes (phosphènes, lueurs


entoptiques) localisées dans l ’œil. O n décrit ainsi des éclairs (les W eckblitze
o u Schreckblitze de H . A hlenstiel, éclairs survenant au réveil ou dans la période
hypnagogique). Les scotom es scintillants, les zigzags, les photopsies interm it­
tentes de papillotem ents, de b attem ents ou de rythm es {beat flickers, critical
flickerfusiori), les sensations de boules ou lignes lum ineuses, l ’ap p arition de
cercles colorés, sont a u ta n t de variantes de ces « signaux endoptiques » qui
ne parviennent pas à se tran sfo rm er en messages, dem eurant en deçà des form es
intelligibles m ais chargés cependant d ’une parcelle affective, d ’une étincelle
de signification ém otionnelle. Il fa u t n o ter égalem ent que ces « photopsies », ces
« phantopsies » comme on les appelle aussi parfois se rencontrent tout aussi bien
dans les lésions périphériques que dans les lésions centrales. E t nous n ’avons pas
m anqué l ’occasion au cours des descriptions cliniques de cet ouvrage de les
n o te r constam m ent, soit au d éb u t des auras, soit dans les stim ulations expé­
rim entales, dans les tum eurs cérébrales, sous l’effet des hallucinogènes, ou
to u t sim plem ent, etc., com m e chacun peut les observer p ar la pression de ses
globes oculaires.

P o u r ce qui est de la sphère acoustique, on appelle ces sym ptôm es, ta n tô t


des phénom ènes « entotiques » (2), ta n tô t des acouphènes, des acousmies,

(1) C ’est ainsi, en effet, que doit s’interpréter la loi de l’énergie spécifique,
c ’est-à-dire non pas comme une loi physique mais comme la modalité de l’organisation
vitale par laquelle se lie l ’activité propre de l ’organe des sens à la sphère instinctivo-
affective (cf. supra, p. 1147).
(2) Je retiens le terme d ’entotique par symétrie avec le terme endoptique, bien que
certains auteurs (G. de M orsier et M orel) le réservent plutôt aux bruits d ’origine
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PROTÉIDOLIES 1331

ou encore des acouasm es (A koasm en d o n t W . M ayer-G ross a donné une


excellente description dans le T raité de B um ke, tom e I, p. 442-443). Il s’agit
de bruits (bruits de la m er, d u vent, tintem ent d ’une cloche, sifflement, vol
de m oustique). Ces phénom ènes so n t le plus souvent en relation avec des
lésions de l ’oreille interne, e t généralem ent unilatéraux, m ais peuvent aussi
s ’observer au cours de stim ulations e t de lésions des aires centrales acoustiques
ainsi que nous y avons insisté no tam m en t en exposant la séméiologie des
H allucinations auditives et leurs ra p p o rts avec la pathologie cérébrale.
N o u s avons déjà eu l ’occasion de m o n trer (p. 706) l ’intérêt des recherches
sur l’aud itio n fantôm e (acouphènes) après a m p u tatio n du cham p au d itif par
un traum atism e sonore (M artin et A ubert, G aillard, 1963; P. Pazat et P. G ra-
teau, 1970). I l est très remarquable que ces acouphènes ne se produisent que dans
les aires d'hypoacousie repérées p ar l'exam en audiométrique et qu'ils dispa­
raissent avec elle. L à o ù les théoriciens de l’énergie spécifique des nerfs et de
l’excitation des organes sensoriels cherchaient en quelque sorte la dém ons­
tra tio n la plus catégorique de leu r thèse, celle-ci se trouve en défaut.

B. T héorie générale de la désintégration protéidolique

M ais nous devons m ain ten an t après avoir exposé ces faits nous dem ander
com m ent ils en tren t dans n o tre conception générale du trouble négatif géné­
rateu r de to u te H allucination ? Ici, au niveau des protéidolies, nous nous
trouvons en présence d ’H allucinations si élém entaires si près des illusions
des sens qui laissent intactes toutes les fonctions psychiques, si purem ent
«sen so rielles» , que, répétons-le, la ten tatio n est grande (1) de les livrer à la
théorie de l ’excitation neuronale. M ais ce serait une façon de résoudre le p ro ­
blème en le supprim ant, car l’idée m êm e d ’une excitation hallucinatoire même à
ce niveau, nous l’avons déjà vu plus h a u t en exposant les expériences d ’excita­
tion de la rétine et du n e rf optique, est insoutenable.
L ’excitation électrique des cellules réceptrices ou des fibres nerveuses
tran sm ettan t les messages codés dans les systèmes synaptiques des prem iers
relais sensoriels ju s q u ’aux deuxièmes systèmes dendritiques de transform ation
et de m odulation des deuxièm es synapses puis aux troisièm es systèmes corti­
caux, a p p araît aux yeux de beaucoup de cliniciens et de neurophysiologistes
directem ent hallucinogène. E t p o u r nous en tenir une fois encore principalem ent
aux « phosphènes » de la vision com m e « photogènes ». N ous rappellerons ce
que nous avons déjà exposé plus h au t (chap. I de la Sixième Partie) les expé­
riences d ’excitation de la rétine et d u n e rf optique chez l ’hom m e, les seules

musculaire ou vasculaire (bruits subjectifs mais parfois aussi objectifs rythmés par
les pulsations).
(1) Tentation à laquelle P. Schröder (1925-1927) semble avoir succombé en
croyant aussi faire la part du feu, c’est-à-dire en abandonnant à la pathogénie de
l’excitation neuronale ces seules Hallucinations élémentaires comme pour mieux
protéger les Hallucinations délirantes de cette interprétation.
1332 MODÈLE ORGANO-D YNAMIQUE

qui peuvent effectivem ent perm ettre d ’appréhender dans une observation p sy­
cho-physiologique (R . Jung) l ’objectivité de ces phénom ènes. D e ces études
et observations, nous pouvons m aintenant tirer ici to u t le p arti nécessaire à
une hypothèse valable (si n o n validée) sur la genèse de ces phénom ènes « les
plus élém entaires ».
L ’idée que l ’excitation électrique des nerfs, des cellules réceptrices ou
sensorielles déclenche l ’énergie spécifique de ces structures en produisant une
sensation lum ineuse requiert, p o u r être logique avec elle-même, que cette
excitatio n produise « ex nihilo » la sensation hallucinatoire. E t c ’est bien ainsi
que l’application de couran ts continus ou alternatifs (comme des excitations
m écaniques) sur les globes oculaires, la rétine ou le n erf optique, suffit, pense-
t-on, à provoquer l ’excitation sensorielle qui p ro d u it l ’im pression sensible
(Em pfindung).
O r ce n ’est pas « e x nihilo » que l ’excitation de la rétine (p our nous référer
spécialem ent aux expériences chez l ’hom m e que nous avons exposées plus h au t
et que nous devons ici rappeler) provoque l’imagerie hallucinatoire.
T o u t d ’ab o rd la rétine est u n centre complexe d o n t les diverses couches
(élém ents récepteurs aneuraux, cellules am acrines, horizontales, bipolaires,
ganglionnaires) co n stituent a u ta n t d ’organes de codage, c ’est-à-dire de choix
e t de tran scrip tio n des inform ations. D e telle sorte que l ’appareil rétinien a déjà
une certaine autonom ie de fonctionnem ent qui se m anifeste p ar le réglage de
couples fonctionnels antagonistes, notam m ent du B-System et du D-system
selon la term inologie de R. Jung (réglage qui lui-même se présente verticalem ent
aux divers niveaux de l ’analyseur perceptif visuel), dans l ’équilibre des éléments
nerveux (ou même extra-nerveux selon certains expérim entateurs) photorécep­
teurs et scotorécepteurs (cf. supra, p. 1164). M êm e si l ’activité rétinienne
com porte u n processus suivant la loi du to u t ou rien au niveau de ces chim io-
récepteurs, elle est réglée p a r u n processus électronique à décrém ent (m odu­
latio n dentritico-synaptique). Si la vision des couleurs (longueurs d ’ondes
déterm inées) élabore des messages à des niveaux plus élevés (R. L. de Valois, 1958-
1963) q u ’au prem ier p lan p roprem ent chim ique ou pigm entaire (cônes), elle n ’en
est pas m oins déjà sélectionnée aux niveaux les plus périphériques de l ’appareil
rétin ien neuro n al (G . Svaetichin, 1956-1965; K . M otokaw a, 1957; R. G ranit).
Ensuite l’appareil récepteur spécifique n ’est jam ais vide, il est en constant
équilibre (d o n t VEigengrau est la m anifestation d ’u n constant électrotonus
en tretenu p a r les incitations antagonistes photoscopiques et aussi p a r l ’inces­
sante stim ulation endogène).
Enfin la rétine p o u r si spécifique que soit son activité dans la codification
des ondes lum ineuses est elle-même soumise à une régulation récurrentielle
p ro v en an t de la form atio n réticulée (J. H . Jacobson).
De telle sorte que to u te excitation électrique, portée sur une quelconque
des stratifications fonctionnelles qui la constituent, ne tom be pas sur une absence
totale d ’excitation.
L ’étude d u rétinogram m e, c ’est-à-dire des m anifestations électriques
q u ’engendre la lum ière absorbée (R. G ranit, 1959), perm et de m esurer l ’extra­
IV. PATHOGÉNIE NÉGATIVE DES PROTÉIDOLIES 1333

ordinaire com plexité des phénom ènes qui se déroulent, et cela dans les couches les
plus superficielles de la rétine (à l ’exclusion des cellules ganglionnaires), com m e
si l’activité recueillie m anifestait le travail de facilitation et d ’inhibition réci­
proque qui, au niveau des prem iers systèmes dendritico-synaptiques des cel­
lules bipolaires, organise déjà les messages visuels.

C ’e s t s u r c e t é q u ilib r e d y n a m iq u e e t c o m p le x e q u e l ’e x c ita tio n


e x p é r im e n ta le a g it p o u r « p r o d u ir e » d e s p h o s p h è n e s .
M ais com m e nous l ’avons vu en rap p elan t plus h au t les travaux de
G . S. Bradley, de A. I. Bogoslowski e t J. Ségal (1947), C. I. H ow arth (1954-
1961), de J. Clausen (1955), c ’est-à-dire sur les trav aux expérim entaux sur les
phosphènes électriques, leurs seuils, leurs lieux d ’origine chez l ’hom m e, tous
ces phénom ènes d ’excitation électrique expérim entale sont en relation plus
ou m oins directe avec l ’excitation « p hotique » pro prem ent « physiologique ».
E t naturellem ent, la m êm e réflexion v au t p o u r les excitations électriques portées
sur les anim aux et leurs « réponses » (potentiels évoqués) à tous les niveaux
du système spécifique (rétine, n e rf optique, corps genouillés externes et
aires corticales spécifiques).
C ’est que le plan général de l ’organisation de l ’organism e psycho-sensoriel,
com m e le fo n t rem arqu er tous les neurophysiologistes qui ne se contentent pas
d ’enregistrer m ais qui pensent (Ch. Sherrington, H . H ead, V. von W eizsâcker,
W. R . Hess, E. K üppers, J. C. Eccles, et plus particulièrem ent dans ce dom aine
de la neurophysiologie des sensations Alexei I. Bogoslowski et Jacob Ségal,
G . S. Bradley, R . G ran it et bien d ’autres encore bien sûr !), ne p eu t être discerné
que si l ’o n com prend q u ’il est co nstruit pour limiter les Stimuli choisis p o u r être
transform és en messages e t que lo rsq u ’une p ertu rb atio n , u n coup de foudre
(R. Ju n g e t J. F. Tönnies) s’a b a t sur le fo nctionnem ent régulateur du système,
c ’est une éclipse q u ’il p ro d u it et que rem plit l ’éclair...

N ous pensons donc que même à ce niveau et dans cette structure « ponc­
tuelle » des protéidolies nous devons appliquer notre conception générale de
l ’architectonie de l’être psychique et spécialem ent de celle de l’organe des
sens. N ous devons tire r en effet de ce modèle deux idées directrices qui doivent
nous p erm ettre de réduire au modèle organo-dynam ique de la dissolution des
fonctions ce qui p ara ît lui être irréductible.

— L a prem ière de cette idée si largem ent exploitée p ar l ’école allem ande
de 1930 (W. M ayer-G ross, J. Stein, J. Z ador, M . Palagyi, L. Klages, etc.), c ’est
que la perception se déroule dans u n ordre tem porel qui règle la form e même
de la réalité perçue, c ’est-à-dire l ’encadrem ent tem poro-spatial qui lui assigne sa
place exacte dans l’expérience de la perception des objets à percevoir. Or, lors­
q u ’on étudie attentivem ent la désintégration des fonctions vitales et in ten tio n ­
nelles du m ouvem ent (J. Stein, 1928; R. M ourgue, 1932; V. von W eizsâcker,
1334 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

1945) qui anim e les processus de régulation et de G estaltung, on ne tarde pas


à s’apercevoir que la m élodie de ce m ouvem ent est rom pue. D e telle sorte que
— com m e cela est évident p o u r le rôle pathoplastique de l’im age consécutive —
la sim ultanéité (ou la synchronie) qui s’attard e empêche la succession, com m e
au contraire la succession déréglée dans sa vitesse intem pestive em pêche la
sim ultanéité qui est nécessaire à l ’effet « scanning » de la perception. Ces auteurs
o n t pressenti et p o u r ainsi dire inventé p ar avance les dispositifs électroniques
qui perm etten t au tem ps et à l ’espace non pas seulem ent de se conjuguer m ais
de créer une « inform ation pick-up » (J. J. G ibson), modèle qui a rem placé
sans peut-être en changer beaucoup le sens le modèle bergsonien de la simple
représentation ciném atographique (1). Le processus hallucinogène, ou plus exac­
tem ent éidologène, au niveau qui nous occupe ici, p araît dès lors avoir u n rap ­
p o rt avec l ’intégration tem porelle en ce sens que, à la désintégration du p ro ­
cessus qui m aintient l ’ordre d ’ap p arition et de disparition des phénom ènes
qui se succèdent dans le processus perceptif, correspondent en effet une actua­
lisation insolite ou paradoxale, des inclusions de souvenirs.
Les post-images (N achbilden, A fter-sensations) sont là com m e p o u r nous
m o n trer que l ’ordre chronologique, la succession des processus physiochi-
m iques et su rto u t psychophysiologiques de la constitution, de la tran sform ation
e t de la conduction des messages sensoriels sont soum is à des accidents de cir­
culation d u flux d ’inform ation. Celui-ci, soit q u ’il stagne, soit q u ’il se répète
dans ses p arties (post-im ages brèves de Frölich, ou longues de H ering, images
secondaires com plém entaires de H ering), soit q u ’il s’agisse aussi d ’images
de contrastes persistants (Kuffler et les auteurs de l ’école de Freibourg, G. Baum ­
gartner (1961), R. Jung, 1961 ; etc.), soit encore que dans la rapidité expérim enta­
lem ent réglée du tachistoscope certaines images disparaissent puis « reviennent »,
to u s ces phénom ènes nous m o n tren t que c ’est dans le déroulem ent du film
de l ’événem ent sensoriel q u ’il fau t rechercher les conditions d ’apparition des
protéidolies e t n on pas dans la ponctualité d ’une excitation qui n ’est précisé­
m en t jam ais purem ent et spatialem ent fixée à u n p o int de l ’espace ou du tem ps.
L ’im portance de ce tro u b le de la régulation de la succession des perceptions et
des im ages est bien soulignée dans le travail de M . Feldm an et M . B. Bender
et dans celui de E. A. W einstein (in K eup, 1970). D e même dans le travail de
P. M ouren et A. T atossian (1963), les m odifications hallucinogènes des Z e it­
raffer et des Zeitlumpenphenomenen sont constam m ent mises en évidence.
L a déform ation des structures form elles tem poro-spatiales de la perception
que l ’on rencontre dans la phénom énologie même de toutes ces protéidolies est
là, dans la sym ptom atologie mêm e que nous venons d ’exposer, p o u r nous

(1) H. Bergson dans Y Évolution créatrice (in Œuvres, coll. La Pléiade, p. 725-802) en
critiquant ce modèle du « temps homogène et physique » (c’est-à-dire confondu avec
l ’espace géométrique), a très bien discerné que le temps de l’organisme ne se prête
pas à une pareille mécanique. Je pense qu’en reprenant ici un point de vue commun à
H. Bergson, à M. M erleau-Ponty, à V. von W eizsâcker et à R. J ung , je situe le
dynamisme de la perception dans la réalité de son mouvement.
IV. PATHOGÉNIE NÉGAVIVE DES PROTÉIDOLIES 1335

m ontrer ju s q u ’à l ’évidence que les m ouvem ents et les phantasm es virtuels


(Palagyi, Klages) contenus dans et p a r la vigilance des systèmes perceptifs sont
libérés dès que cette vigilance ne p eut plus s’exercer. A cet égard, la pathogénie
des protéidolies rejoint ju s q u ’à un certain point (celui où justem ent phantéi-
dolies et protéidolies ap p artiennent au groupe des Éidolies) celles des phantéi-
dolies. E t il nous suffit de rappeler ici peut-être que la p lupart des analyses
récentes de la psychopathologie de la perception appliquée spécialem ent à ce
type d ’Éidolies hallucinosiques (K . C onrad, 1947; E. Bay, 1953; R. Jung, 1961 ;
H . Ahlenstiel et K auffm ann, 1962; A nestopoulos, 1962; M . J. H orow itz, 1964;
D . Langer, 1964; J. M . B urchard, 1965; I. et K . G loning et H . Hoff, 1968;
E. A. W einstein, 1969; etc.) convergent vers cette même idée que l’apparition
des form es éidoliques et m êm e protéidoliques dépend d ’une désorganisation du
systèm e p erce p tif non pas comme on le disait au X I X e siècle d ’une sorte de som­
m eil globalement hallucinogène mais d ’un défaut de vigilance (ou ce qui revient
au même d ’intégration) de l ’analyseur p ercep tif pour autant qu’il constitue un
systèm e spécifique d ’information.

L a deuxième idée com plém entaire de la précédente peut se form uler ainsi :
les protéidolies sont engendrées p ar le nivellem ent de l’inform ation ou, si l’on
veut, le désordre de l ’inform ation.
En exposant les idées de J. J. G ibson sur l ’application de la théorie de l ’infor­
m ation à l’étude de l’organisation du système perceptif, nous avons pu nous ren ­
dre com pte que l ’acte perceptif ne se prête, ni à une in terprétation purem ent
idéaliste qui supprim erait de la perception sa fonction de com m unication avec le
réel, ni à une in terp rétatio n em pirico-sensationniste qui supprim erait de la per­
ception son pouvoir de choisir. C ’est que, en définitive, un organe des sens, ou
plus exactem ent u n appareil psycho-sensoriel envisagé dans sa totalité et sa
hiérarchie de structure, est essentiellem ent u n dispositif de sélection, car l ’infor­
m ation ne p eu t parvenir à son b u t q u ’après avoir été codée (1) ; la physiologie
des sens ne p eu t plus être pensée en term es simples ou simplistes de stimuli-
réponses. O r il est bien évident que l ’inform ation ne peut se constituer en unités
utilisables que si l ’encodage et les décodages sont possibles au travers des relais
et étages synaptiques au travers desquels l’inform ation p o u r se transm ettre doit
se transform er. M ais que p e u t être une info rm atio n qui ne p eu t pas se form er,
ou une inform ation qui se perd ou se déform e, sinon une inform ation qui a perdu
la capacité de se présenter et d ’être prise dans u n ordre de probabilité qui ne soit
ni une p robabilité tellem ent probable ni une probabilité tellem ent aléatoire
que dans les deux cas elle cesse d ’être une info rm ation ? L ’inform ation, en
effet, dans u n « système finalisé d ’em blée » com m e dit R. R uyer, p o u r être
perçue, c ’est-à-dire p o u r avoir une valeur de réalité (dans le sens où W. Jam es
disait que ce qui est réel c ’est ce qui est im p o rtan t, disons « actuellem ent »

(1) Cf. sur ce point W. D. K eidel (1961), R. J ung (1961) l’article de Dieter L an­
ger (1964), celui de P. L äget (1970), etc.
1336 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

im p o rta n t) ne p eu t jaillir ni d ’un signal stéréotypé (stimuli constants et infra-


lim inaux) ni d ’u n signal com plètem ent aléatoire. C ar l ’inform ation ne se
constitue q u ’en élim inant l ’incertitude d ’une possibilité infinie de possibles
(F. A ttneave, 1939; W . R . G arner, 1962). Elle ne p eu t se constituer que dans
la m esure o ù l ’acte perceptif extrait (1) des structures « partiellem ent aléatoires »
c ’est-à-dire « signifiantes », c ’est-à-dire à la condition q u ’elles coïncident avec
des « p attern s » précédem m ent constitués ou acquis (2). Sans cette convergence
ou cette com plém entarité d u « donné » et du « pris », il n ’y a pas de perception.
Dès lors nous pouvons m ieux com prendre que dès q u ’il n ’y a pas de perception
c ’est que la voie est ouverte aux fausses perceptions, aux inform ations insigni­
fiantes (signaux stéréotypés ou infinim ent aléatoires) qui ne devraient pas être
perçues p o u r n ’être que de l ’ordre de l ’actualité fortuite et vouée seulement à
se faufiler dans l ’expérience vécue sans entrer dans le « set » qui la prescrit.
Si en effet la réalim entation des schèmes p a r un co u ran t suffisant de perception
est nécessaire (S. J. F reedm an à p ro p o s de l ’isolem ent sensoriel, cf. p. 707) le
« m asking » (le brouillage) de la perception com porte un déséquilibre du sys­
tèm e hom éostatique autorégulateur qui règle la p ro p o rtio n com plém entaire
d ’ « im aginaria » et de « percepta ». O n peut ém ettre p a r conséquent l’hypo­
thèse que ce qui apparaît sous fo rm e (plus ou moins « informe » ) de protéidolies,
manifeste l ’entropie du systèm e p ercep tif qui, en ta n t q u ’il est une partie de
l ’organism e, obéit aussi et précisém ent à ce niveau aux lois de la therm o­
dynam ique. E t c ’est en dernière analyse à cette entropie, à cette dégradation
incom plète d u pouvoir d ’inform ation que correspondraient les interm it­
tences et les lacunes d ’o ù jaillissent ces protéidolies, com m e des fulgurations
esthétiques et esthésiques du m onde des pulsions, et même dans la m esure
o ù elles figurent des archétypes, des fulgurances, des instincts propres non
plus seulem ent à l ’individu m ais à l ’espèce.
La pathologie hallucinogène de la vigilance sensorielle peu t à cet égard se
décrire et s ’interpréter comme une perte du pouvoir d ’information, c ’est-à-dire
une équipotentialité de l’infinité de tous les stim uli possibles. D ’où le caractère
précisém ent irru p tif e t en u n certain sens « fo rtuit » de toutes ces protéidolies
qui surgissent hors de l ’ordre requis po u r percevoir la réalité que présentent
sensoriellem ent des « perceptions-sans-objet-à-percevoir » qui sont des percep­
tions n on pas de « choses » m ais de « riens ». E t cela d ’au ta n t plus que ce nivel-

(1) R. T issot qui a écrit à ce sujet un clair et profond développement sur la notion
de perte de l’information (in Symposium de Bel-Air, 1961, C. R. par J. de A juria-
guerra, Genève, éd. Georg et Cie, 1962, p. 192-194) souligne que cette « extraction »
peut aussi bien se référer aux intuitions a priori de K ant qu’à la notion de schème
de Rüssel Brain.
(2) Les termes anglais de « set » et allemand d ’ « Einstellung » désignent cette
opération qui centre sur son sens la constitution de ce « pattern » ou de cette « Gestalt ».
Si nous sommes ainsi obligé de recourir à d ’autres mots que des mots français, c ’est que
hors la tradition qui va de M aine de Biran à H. Bergson, la psychologie française a peu
recouru à de tels concepts « dynamiques » ou « opérationnels ».
IV. PATHOGÊNIE NÉGATIVE DES PROTÉIDOLIES 1337

lem ent de l ’info rm atio n ren d ainsi égalem ent probable l ’efficacité de l ’infinité
des Stimuli proprioceptifs que de l ’infinité des Stimuli passés ou présents du
m onde des objets. O n ne d o it jam ais perdre de vue, en effet, q u an d on veut
ab order la pathogénie de ces « riens » protéidoliques, que la nécessité d ’une
excitation hallucinogène simple et à la m esure de la simplicité apparente du
phosphène o u de l ’acouphène, des photopsies com m e des sensations ento-
tiques, est to u t bonnem ent superflue. Si la perception, com m e nous n ’avons
cessé de le rép éter to u t au long de ce Traité des Hallucinations, est sélection,
si l ’organisation même d u système nerveux central et des « systèmes perceptifs »
a p o u r fonction de délim iter l’extension (proprem ent épileptique) des excita­
tions neuronales, il est évident que ce n ’est pas en ajo u tan t une excitation sup­
plém entaire à l’infinité des Stimuli exo- et endogènes d o n t sont bom bardés les
récepteurs sensoriels, que l ’on p eut rendre com pte de l ’ap p arition ne fût-ce
que d ’u n zigzag lum ineux, d ’une lueur entoptique ou d ’u n sifflement dans les
oreilles. Il fa u t et il suffit p o u r que surgisse cette lum ière ou ce son q u ’u n des
excitants infinim ent possibles devienne fortuitem ent efficace, c ’est-à-dire
échappe à l ’ordre de l’org an isatio n tem poro-spatiale du cham p perceptif.
D ’où le caractère « endogène », « autochtone » des sensations élém entaires
qui jaillissent de l ’espace interne, des profondeurs de l ’organisation même du
système perceptif qui les contient, si le hasard et l ’entropie s’introduisent dans
le système perceptif p o u r d onner à to u s les Stimuli possibles externes ou internes
la mêm e « chance » d ’être perçus sans avoir le d ro it d ’être choisis p ar le filtre
sélectif des organes des sens.— P o u r ce qui est du m onde intérieur des stim ulations
internes c ’est-à-dire d u m onde des im ages, nous savons bien que (répétons-le)
p o u r R. Ju n g VEigengrau (ce fond clair-obscur neutre et virtuel) n ’est pas un
simple « white noise » com m e dans une m achine électronique, m ais q u ’il est et
représente la finalité profonde et obscure de l ’être, de telle sorte que de l ’infinité
des possibles qui constitue sa constante virtualité surgit l ’éclatante fulguration
(lum ière o u son) de la sensibilité et du sens des organes des sens.
N ou s pouvons bien dire que les protéidolies ne so nt pas, com m e nous le sou­
lignions plus h au t, des étincelles physiques m ais le p ro d u it de la germ ination et
de l ’éclosion sym bolique des m ouvem ents qui à l ’intérieur même de l’être pous­
sent celui-ci à les vivre (Erlebnis) sinon à les percevoir. Ce sont des coups de b o u ­
to ir de l ’Inconscient qui pren n en t dans le cham p perceptif la place des objets à
percevoir, c ’est-à-dire de ceux qui p o u r le Sujet o n t une valeur d ’inform a­
tio n. Ce so n t des « form es » vides d ’ « inform ation ».

— N ous en avons d it peut-être tro p en n ’en disant pas assez. C ar cette esquisse
théorique p o u rra paraître hasardeuse. D ’autres sau ro n t mieux que nous la p o r­
te r au niveau d ’un m odèle valable que nous avons pu seulem ent, à la m esure
de nos tro p faibles connaissances, esquisser. M ais peut-être le lecteur convien-
dra-t-il avec nous au term e de ce long exposé de la théorie organo-dynam ique
de l ’H allucination, que celle-ci p eu t aller ju s q u ’au b o u t, ju sq u ’à la racine de
to u tes les m odalités d ’H allucinations et mêm e ju s q u ’à la com préhension et
l’exphcation des phénom ènes êidoliques et, p arm i eux, même ju s q u ’à l ’expli­
1338 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

cation des phénom ènes protéidoliques sans se dép artir de la rigueur de la


d ém onstration de ses thèses essentielles. C ’est-à-dire en restan t dans le droit
fil de n o tre conception générale de l ’H allucination qui, ici, au niveau des pro-
téidolies nous les fait considérer n o n pas com m e des phénom ènes prim aires
et sim plem ent positifs, m ais com m e l ’effet complexe et secondaire d ’un trouble
négatif. L ’im age protéidolique m êm e considérée dans sa plus extrêm e « élé-
m entarité » n ’est donc pas, p o u r être constam m ent impliquée dans la vigilance des
organes des sens « quelque chose » de radicalem ent nouveau; elle est, traversant
le filet tro u é de la vigilance perceptive, l’émergence d ’une im age parm i l ’infi­
nité de toutes celles qui, chez chacun, sont possibles, ou d ’une im age éternelle­
m ent fixée au fond de la n ature hum aine.

SENS G ÉN ÉR A L
D E LA TH ÉO RIE O R G A N O -D Y N A M IQ U E
D E S HALLUCINATIO NS

A yant ainsi exposé les q uatre thèses d o n t l ’articulation constitue la concep­


tio n organo-dynam ique de la Psychiatrie, nous devons brièvem ent en tirer
une fois de plus et définitivem ent les idées maîtresses (1) ; ainsi pourrons-nous
éclairer en sa conclusion l ’esprit de ce « Traité des Hallucinations ».

(1) A la fin de ma communication sur la Discussion de 1855 à la Société Médico-


Psychologique et l’état actuel du problème de l’activité hallucinatoire (Annales
Médico-Psychologiques, 1935,1, p. 584-614), je mettais en évidence la nécessité, pour
y voir plus clair en 1935 q u ’en 1955, d ’opérer des discriminations essentielles dans
la masse de tous les phénomènes illusionnels, pseudo-hallucinatoires et hallucinatoires.
Ceux-ci étaient, à mes yeux, tous traités au même niveau (tantôt au niveau de la projec­
tion illusionnelle normalement impliquée dans l’usage des organes des sens; tantôt
au niveau de la projection illusionnelle convictionnelle, passionnelle ou culturelle;
tantôt au niveau de monstruosités perceptives introduites dans le champ perceptif
par des altérations des appareils sensoriels ; tantôt au niveau du rêve et des états oni­
riques; tantôt au niveau des psychoses hallucinatoires chroniques ou des schizo­
phrénies, etc.) ou encore éparpillés en une myriade de phénomènes élémentaires.
Le travail auquel je me suis attelé depuis 40 ans n ’a pas cessé d ’être orienté dans le
sens d ’une révision totale des positions classiques. Car, bien sûr, pour répondre aux
sept questions que je posais alors, hors de la cohérence des thèses qui eussent supposé
pour s’articuler le problème déjà plus mûr dans mon esprit, il a fallu que je les repense
entièrement. En ce qui concerne la première « Y a-t-il dans les anomalies de la per­
ception externe ou interne des catégories de fa it? » , il s ’agissait là d ’une question fon­
damentale à laquelle ce Traité a eu pour principal but de répondre par une affirma­
tion catégorique. — La deuxième question est moins claire. « Les anomalies de la
perception externe et de la perception interne sont-elles radicalement et à leur base
différentes de la personnalité et de l'activité psychique ? » ; elle laissait en suspens
la possibilité de deux catégories d'Hallucinations : les unes psychogènes (internes) et
RÉFLEXIONS TERMINALES 1339

A plusieurs reprises e t dès le d éb u t de cet ouvrage nous nous sommes


inscrit en faux contre le « réalism e » de la théorie em pirique de l’H allu­
cination. E t c ’est p o u rta n t la réalité (R ealität e t n o n W irklichkeit selon l’usage

les autres organogènes (externes) en mêlant naïvement l’idée que ce qui est vécu dans la
réalité psychique pourrait être radicalement séparé de ce qui est perçu de la réalité
objective — c ’est donc, bien sûr, par la négative que nous pouvons répondre à cette
question. — La troisième question était celle du sens et de la nature des relations qui
unissent les anomalies de la perception et le délire hallucinatoire; nous y avions déjà
répondu nettement avec H. C laude en séparant ce que nous avons dans cet ouvrage
encore plus nettement distingué : Éidolies hallucinosiques (compatibles avec la raison)
et Hallucinations délirantes. — La quatrième question « Quelle théorie générale peut-on
appliquer à l’ensemble de ces anomalies ? » supposait pour y répondre que, d ’une part
on tienne compte de la diversité des phénomènes hallucinatoires et que, d ’autre part,
on puisse fournir un modèle théorique assez général pour s ’appliquer, d ’une part aux
Éidolies hallucinosiques, et d ’autre part aux diverses modalités d ’Hallucinations déli­
rantes : d ’où la nécessité d ’un modèle organo-dynamique qui peut seul mais à des
niveaux divers s ’appliquer à l ’ensemble des phénomènes hallucinatoires, tandis que les
modèles mécanistes ou psychogénistes sont manifestement incapables de nous faire
accéder à une théorie générale de l’Hallucination. — La cinquième question « Un pro­
cessus organique est-il toujours à la base de la perception interne ou externe ? » était for­
mulée encore une fois comme si une psychogenèse était possible pour les Hallucina­
tions psychiques et délirantes, ce qui, nous l’avons vu, nous a paru dans la suite
manifestement faux; qu ’il s’agisse en effet d ’Hallucinations psychiques ou psychosenso­
rielles, d ’interprétations ou d ’illusions, pour autant q u ’elles sont l’effet du délire, c ’est-
à-dire d ’une déstructuration du champ de la conscience, ou d ’une régression, ou d ’une
aliénation du Moi, elles sont toujours conditionnées par une désorganisation du corps
psychique qui est lui-même incorporé dans le corps par son origine, son développement
et son intégration. Et ce n ’est q u ’après que nous avons pu expliciter les structures
synchroniques et diachroniques de l’être conscient, que nous avons pu généraliser
l’idée d ’une désorganisation nécessaire de l’être ou du devenir conscient (La
Conscience, 1964). — La sixième question « Les anomalies de la perception interne et
externe dépendent-elles directement et exclusivement d ’un processus? » appelait déjà
dans mon esprit à cette époque une réponse négative : 1’ « écart organo-clinique »
impliqué dans la pathologie jacksonienne de la maladie, c ’est-à-dire la composition
mixte de tout phénomène hallucinatoire qui doit être envisagé dans sa négativité
d ’abord mais dans sa positivité également, est bien là comme pour nous garantir
que la projection hallucinatoire si elle dépend d ’une désorganisation de l ’organisme
psychique est mue par les forces psychiques les plus exigeantes, c ’est-à-dire les plus
inconscientes. — Enfin à la septième question « Quelle classification des délires hallu­
cinatoires peut-on établir ? », nous sommes maintenant en mesure de répondre après
nos études structurales sur les psychoses délirantes hallucinatoires aiguës et chro­
niques ; il me semble que depuis 1935 nous voyons, ou en tout cas je vois ou je crois
voir plus clair dans ce problème nosographique tel que je l’ai exposé dans la troisième
Partie de cet ouvrage.
Somme toute, malgré le caractère, je le répète, un peu anachronique et parfois
confus des questions posées, malgré leur « incohérence » (au moins relative) qui rend
difficile d ’y répondre comme je le réclamais avec cohérence, je pense pouvoir dire que
1340 MODÈLE ORGA NO-D YNAMIQUE

que F reu d a fait de ces m ots) de l ’H allucination que nous avons constam m ent
entendu saisir dans et p a r ses m odalités d ’apparition. C ’est q u ’il y a réalité et
réalité. Celle qui est la plus sûre — m êm e si le cogitatum d u Cogito ne se pré­
sente ou ne s’effectue que dans la relation qui lie le Sujet qui pense au m onde
de l ’im pensé — c ’est la réalité des phénom ènes psychiques. M ais en ta n t q u ’ils
ne tirent leur réalité que de l ’organisation corporelle qui les incorpore dans la
to talité d ’une perception de la « Realität » et de la « W irklichkeit », toute réa­
lité ne p eu t pas être mise entre parenthèses m ais doit être explicitée. D ans
l ’épistém é o u le « Z e itg e ist» d ’une époque qui volatilise to u te réalité ju s q u ’à
la dissiper dans la nébuleuse des m ots, des relations verbales abstraites ou des
institutions culturelles qui va n on seulement ju s q u ’à nier les choses, la nature,
l ’objectivité d u m onde et d u savoir — m ais qui va m êm e ju sq u ’à soum ettre
encore la réalité psychique au vitriol d ’une destruction to u t aussi corrosive;
dans ce m onde où il n ’y au rait ni m oi, ni personne, ni corps, ni esprit, m ais
seulem ent d ’évanescentes représentations fantom atiques là où seule une
sorte de phantasm e de l ’esprit, reflet des m ots, devrait régner sur ce m onde
désert et les êtres désincarnés, il n ’y a plus de place po u r la réalité, po u r
l ’ontologie de l ’être dans sa chair et dans ses os, dans son anatomie.
Oui, voilà le grand m o t lâché ! C ’est contre l ’anatom ie, c ’est-à-dire l ’orga­
nisation même de l’être ju s q u ’à et y com pris celle du « corps psychique »
de chaque hom m e en ta n t q u ’exem plaire unique de l ’espèce que l ’esprit de
ce tem ps conteste, com m e si le corps de chacun de nous n ’était et ne p o u ­
vait être que le corps social auquel il appartient. Le « réalism e » de notre
conception de l ’H allucination et plus généralem ent de n o tre conception de
la Psychiatrie s’érige avec force contre la magie d ’une prestidigitation qui
entend escam oter l ’autonom ie, c ’est-à-dire la corporéité même de l ’organism e
vivant et pensant. C ar c ’est dans cette chair que le phénom ène hallucinatoire
ap p araît, c ’est-à-dire dans la désorganisation finie de l’être et non dans les vicis­
situdes lointaines et infinies de l ’aliénation de la société. P o u r ex-centrique
que soit la présence de l ’hom m e à son m onde, il est to u t entier concentré à l’inté­
rieur e t dans l ’ordre de son corps. Les deux prem ières thèses de notre conception
organo-dynam ique doivent être jo intes à cet égard com m e p o u r mieux affirmer
de quelle sanglante blessure ou de quelle syncope du « corps psychique » se
form e l’H allucination. E n ta n t que phénom ène de désintégration individuelle,
elle est et ne p eu t être que l ’effet d ’une ru p tu re de l ’organism e psychique
o rd o n n ateu r de sa réalité. E t c ’est en quoi elle est, en ta n t que l ’effet le plus
« sym ptom atique » de la m aladie m entale, constitutive d ’une réalité falsifiée
dans et p a r sa propre fabrication. L ’halluciné récuse la réalité q u ’il s’est orga­
nisée dans et p a r son p ro p re « corps psychique » p o u r lui substituer l’irréalité
qui s’élève dans le désordre de son seul désir. N ous ne pouvons que répéter

j ’ai par cet ouvrage non pas seulement répondu à ces questions mais posé avec plus de
netteté le problème général de l’Hallucination pour tenter de lui donner une solution
clinique et théorique satisfaisante.
RÉFLEXIONS TERMINALES 1341

ici ce qui est venu sous n o tre plum e à plusieurs reprises dans les divers cha­
pitres de cet ouvrage : l ’H allucination contrevient a la logique du
PLAN D’ORGANISATION DE LA VIE PSYCHIQUE COMME LE CANCER TRANSGRESSE LA
LOGIQUE DU VIVANT.
Et, en effet, l ’H allucination loin d ’être cette chose, ce son, ce fluide, cette
luminescence que certains neurophysiologistes o n t cru q u ’elle était, est essen­
tiellem ent une pulsion vitale m ais anarchique. D ans la pathologie des sens
elle confère précisém ent une « donnée de sens » aux figures qui ne s’engendrent
que dans ce sens. E t c ’est en quoi nous touchons, com m e nous y avons ta n t de
fois insisté dans les divers chapitres de ce livre, au problèm e de l ’Inconscient
dans ses relations avec l ’H allucination. L ’H allucination est toujours la voix
de l’Inconscient. Sans Inconscient il ne p o u rrait pas y avoir d ’H allucination
puisque l ’H allucination a p p araît com m e le phénom ène, l ’épiphanie de
l ’Inconscient. D isons mêm e que l ’H allucination est inconsciente deux fois
p o u r p ouvoir être engendrée p a r deux m ouvem ents du « devenir inconscient ».
T an tô t, en effet, elle ap p araît au Sujet sur la scène du cham p de sa conscience
en le c a p ta n t au piège de sa fausse réalité. T an tôt, elle ap p araît à celui qui
écoute l’énoncé de l’A utre q u an d le M oi a perdu sa propre parole.
D ans les deux cas, bien sûr, se révèlent et la force de l ’Inconscient et la
faiblesse de l ’Ê tre conscient qui a perdu la propriété de ses propriétés garantie
p ar la législation de sa constitution... Tel est p o u r nous le rap p o rt véritablem ent
organique de l’Inconscient à l’Ê tre conscient qui, s’inscrivant dans le phéno­
mène hallucinatoire, découvre son sens : la subordination de l ’Inconscient
soumis au principe du plaisir à l ’Ê tre conscient ord o n n ateu r du principe de
réalité. L ’H allucination n ’a p p araît que lorsque ce ra p p o rt de subordination
s ’inverse.
U ne conception exactem ent freudienne ne p eut pas dire autre chose que
ce que F reu d a dit, soit en p a rla n t de la Régression, soit en p arlan t de l ’épreuve
de la réalité. L ’épreuve de la réalité, dit-il, est une fonction essentielle du M oi
conscient, dans son fam eux « Com plém ent à l ’interp rétation des rêves » (1916),
ainsi que nous l ’avons m inutieusem ent étudié (cf. supra...). Q uant à la notion
de régression, elle n ’est pas seulem ent u n de ces « m écanismes » véritablem ent
enfantin (1) p a r lesquels ta n t de disciples o u faux disciples de F reud expliquent
l’H allucination (comm e l ’acting-out, le lapsus, la contestation ou la révolte, etc.)
p a r une régression de pulsions partielles ou de scènes anachroniques des évé­
nem ents excrém entiels ou orificiels de la prem ière enfance, m ais en lui faisant
produire l ’objet des désirs prim itifs. L a régression, le m ouvem ent de désorga­
nisation de l ’être psychique qui engendre l ’H allucination est p o u r nous infi­
nim ent plus global et p roprem ent ontologique. Si le « vouloir dire » de la rep ré­
sentation éclate dans la p ro d u ctio n de signes indicatifs qui déjà conduisent les

(1) J ’emploie ici le mot enfantin pour marquer ce qu’ont de puéril les inter­
prétations sur la régression aux stades infantiles du développement et surtout à son
segment prégénital.
1342 MODÈLE ORGANO-DYNAMIQUE

progrès des dém arches de l ’esprit vers la réalisation du program m e de l ’exis­


tence, le « vouloir-dire com m e soliloque » est com m e la région d u sens, de
l ’expressivité et de la réalité de l’H allucination. E t ce que l ’on peut et doit
appeler dans sa généralité la régression hallucinatoire, c ’est ce renversem ent
d u flux de l ’expressivité qui cesse d ’être fonction de com m unication ou de
m anifestation (Kundgabe, d it H usserl) p o u r s’en tenir au soliloque, c ’est-à-dire
p o u r réserver seulem ent à son m ouvem ent le lieu de l ’im aginaire (Phantasie).
E t c ’est effectivement ce m onde entre deux m ondes, celui des intentions, des
pulsions et des désirs d ’une p art, et celui des actes et des discours qui tom bent
sans s ’y conform er dans la réalité d ’autre p a rt, c ’est ce niveau interm édiaire
qui est le lieu réel de la réalité hallucinatoire. La voix de l’H allucination (pour
en revenir une fois encore à F. D errida m ais par-delà ses réflexions à l ’aspect
le plus typique de toute H allucination) c ’est la voix du silence. C ’est une voix
sans voix, même éclatante, assourdissante, prodigieusem ent vociférante, inju­
riante, persécutrice, qui n ’est phénom énologiquem ent que l ’écho de ce silence
de l’ipséité im aginaire exerçant sans trêve ni merci son attractio n vertigineu­
sem ent hallucinatoire sur tous les m ouvem ents de l ’être norm alem ent solli­
cité vers son excentricité.
E t si nous avons donné ta n t d ’im portance à la distinction fondam entale
p o u r nous entre « Éidolies hallucinosiques » et « H allucinations délirantes »
p o u r poser et résoudre le problèm e posé p ar les visions du libraire N icolaï
et les délires hallucinatoires de Berbiguier, c ’est parce que la masse de cette
gravitation hallucinatoire au to u r d u centre de l ’Inconscient et de l’im aginaire
n ’obéit pas à u n mêm e principe. T an tô t, en effet, c ’est l’ensemble du m onde
falsifié p a r l ’H allucination qui gravite au to u r d ’u n M oi punctiform e com m e
une réalité absolum ent irréelle. T a n tô t c ’est, au contraire, au to u r d ’une seule
constellation d ’im aginaire que le m onde continue ses régulières révolutions.
Telles sont — e t nous allons les arrêter à ces quelques idées exprimées
ici dans la « m éta-clinique » de ce Traité des Hallucinations — les quelques
réflexions p a r lesquelles nous voulons clore cet ouvrage. A joutons-en encore
une qui peut-être les résum era toutes. L ’H allucination en ta n t que « perception-
sans-objet-à-percevoir », c ’est-à-dire en ta n t que phénom ène contrevenant
à T ordre et à la légalité de l ’économ ie de notre organisation psychique, nous
m ontre d u mêm e coup, nous faisant percevoir un « faux objet », com m ent
nécessairem ent se construisent dans leur com m une généralité les objets que nous
pouvons et devons percevoir. C ’est-à-dire q u ’en fin de com pte l ’H allucination
est com m e la dém onstration p a r l ’absurde de la vanité des thèses sophistes
o u sophistiquées de to u te m étaphysique ou de toute idéologie qui, depuis les
présocratiques, n ’o n t jam ais cessé dans tous les tem ps et dans toutes les phi­
losophies de tra ite r le p araître com m e l’être le M oi comme l ’A utre, la fiction
com m e la réalité. M ais la vie n ’est pas un songe et l’H allucination est là,
com m e une petite m o rt, p o u r nous rappeler à Tordre de la vie.
H U IT IÈ M E P A R T IE

THÉRAPEUTIQUE
DES HALLUCINATIONS ”

(*) Je remercie chaleureusement m on Assistant, le D octeur François B o h a r d , qui a bien voulu m ’aider
à rassembler la docum entation nécessaire à la rédaction de cette dernière partie, à un m om ent où je croyais
devoir y renoncer.
l y a quelques années encore la conclusion d ’u n Traité des Hallucinations

I p a r u n exposé de th érapeutique au rait p a ru dérisoire. Il s’im pose au


contraire p a r les progrès faits p a r la P athologie m entale et ses corollaires
pratiques.
Sans doute peut-on soutenir (en se con fo rm an t ainsi à l ’idée que l ’H allu­
cination dans l ’im m ense m ajorité des cas est u n sym ptôm e du D élire) que
l ’H allucination ne com porte pas d ’au tre thérapeutique que celle du Délire
en général e t de ses espèces particulières. E t, effectivement, c ’est dans la dispa­
ritio n ou l’attén u atio n d u Délire que s ’effacent les plus fréquentes H alluci­
nations, les H allucinations délirantes. N ous nous heurtons dès lors à une
prem ière difficulté p o u r écrire ces chapitres : c ’est celle qui nous im pose
presque nécessairem ent l ’obligation de présenter le traitem ent des H allucina­
tions sous l’aspect le plus général de la thérapeutique en Psychiatrie, celle des
Psychoses, c ’est-à-dire d u Délire. C ar il est bien vrai que c ’est en m ettan t en
œuvre to u tes les ressources biologiques, psychologiques, institutionnelles, que
la masse des hallucinés que les Psychiatres soignent en m ilieu hospitalier ou
en consultations extrahospitalières, dim inue e t que dans beaucoup de ces
cas particuliers D élire et H allucination cessent sous l ’effet des m éthodes th éra­
peutiques les plus diverses. O n peut bien dire à cet égard — p o u r simplifier le
problèm e — beaucoup de « Psychoses hallucinatoires chroniques » de toute
structure guérissent et n o n pas seulem ent les « Psychoses hallucinatoires aiguës ».
Il nous p a ra ît à cet égard im p o rta n t de m ettre ici sous les yeux du lecteur
l ’effet thérapeutique « de masse » que nous avons p u obtenir dans notre ser­
vice à B onneval de 1933 à 1967. P o u r cela nous avons com paré trois tranches
de l ’histoire d u service (respectivem ent de 16 ans, 16 ans et 12 ans) en n o tan t
la <c sédim entation » délirante chronique (c’est-à-dire le plus grand nom bre
de cas de Psychoses systématisées, de Psychoses hallucinatoires chroniques,
de Schizophrénies, de D élires paranoïdes..., dénom inations qui to u tes visent
en fin de com pte les form es d ’aliénation les plus typiquem ent délirantes...
et, nous l ’avons vu, aussi typiquem ent hallucinatoires).
Ces tableaux perm etten t d ’évaluer globalem ent la réduction de l ’activité
hallucinatoire et délirante. D eux p oints nous paraissent à cet égard certains :
le prem ier, c ’est que l ’ cc incidence » de ces psychoses est presque constante; le
second, c ’est que leurs m anifestations hallucinatoires et délirantes o n t une
évolution nettem ent plus favorable depuis que la Psychiatrie est entrée dans
une ère bio-socio-psychothérapique (1938-1954) et que s’y est ajoutée la
psychopharm acologie (1955-1967) com m e le prouve le récent ouvrage de
M . Bleuler (1972).
N ous devons p o u r bien com prendre l’évolution de la m orbidité au travers
de ces trois périodes respectivem ent de 16, 16 e t 12 ans, bien préciser quelques
points essentiels. L ’émergence des psychoses délirantes chroniques p eu t être
1346 THÉRAPEUTIQUE

N ombre de P sychoses délirantes chroniques

1921-1937 1938-1954 1955-1967


(16 ans) (16 ans) (12 ans)

E n t r é e s ............................... 848 1 350 2 770

Nombre de Psychoses hallu­


cinatoires chroniques et
Schizophrénies et pourcen­
tage par rapport aux
entrées (Prévalence) . 303 218 252
(36 % ) (16 % ) (9 % )
Proportion du risque par rap­
port à la population géné­
rale (Incidence) . 0,60 °/o 0,40 o/0 0,50 %

É volution des P sychoses délirantes et hallucinatoii# s chroniques

1921-1937 1938-1954 1955-1967


(16 ans) (16 ans) (12 ans)

Total des Psychoses déli­


rantes chroniques . 303 218 252

S o r t i e s ............................... 20 (6 % ) 70 (30 % ) 169 (67 %)

Décès...................................... 150 (49 % ) 80 (36 % ) 23 (9 %)

Sédiment d'hospitalisation
chronique......................... 133 (45 % ) 68 (34 o/o) 40 (15,5 o/o)

calculée soit en te n a n t com pte de la totalité des m alades à un m om ent donné


(« Prévalence » selon le term e internationalem ent adopté), soit en calculant le
risque de m orbidité pend an t la période vulnérable d ’âge dans la population
générale (Incidence).
N ous avons calculé, aussi rigoureusem ent que possible, le « risque de
maladie » (po u r to u t le groupe des Schizophrénies et des Délires chroni­
ques) au cours des trois périodes 1921-1937, 1938-1954 et 1955-1967 (soit
16 ans, 16 ans et 12 ans). En ten an t com pte de la longueur de la période
de risque (entre 18 à 50 ans, soit 32 ans) rap p o rtée à la p o p ulation fémi-
GÉNÉRALITÉS 1347

nine d ’E ure-et-L oir (95000, 90 000 et 112000), nous avons obtenu les tau x
de 0,60 % p o u r la période 1921-1937, de 0,40 % p o u r la période de 1938-
1954 et de 0,50 % p o u r la période de 1955-1967. Ce taux de m orbidité
ap p araît d onc assez constant. A u tau x le plus élevé correspond l’ère « asi­
laire » et n o n « thérapeutique »; le tau x le plus faible correspond à la
période des événem ents de guerre 1939-1945.
Si le taux de m orbidité de ces m alades délirantes et hallucinatoires graves
paraît dim inué (quand on le rap p o rte au nom bre des entrées il est successi­
vem ent de 36 % , 16 % et 9 % ), il est p ratiquem ent à peu près constant
(0,60 % , 0,40 % , 0,50 % ).
P o u r ce qui est de l ’action thérapeutique, nous devons faire deux rem ar­
ques : l’une concernant la chim iothérapie, l’autre les effets globaux de toutes
les thérapeutiques actives et conjuguées.
1° L a sédim entation que nous pouvons appeler délirante ou hallucinatoire
était passée de 45 % à 34 % déjà avant l ’introduction des neuroleptiques
(les sorties éta n t passées p en d an t cette période de 6 à 30 %).
2° L a conséquence de to u s les m oyens thérapeutiques, chim iothérapiques,
biologiques, psychothérapiques et institutionnels, perm et, m algré la constance
de la m orbidité de « réad ap ter » 67 ° / de délirants chroniques, m ais ce taux
doit être dim inué de près de la m oitié si l’on tien t com pte que sur 169 m alades
sorties, dans les 12 dernières années, environ 80 o n t besoin de soins ou vivent
dans des conditions sociales précaires. De sorte que 120 m alades sur 252
ont, m algré to u s nos soins, évolué défavorablem ent. R appelons que dans
notre statistique de 1957 (Évol. Psych., 1958, p. 166), statistique qui p o rtait
sur 172 m alades graves observées pend an t 24 ans, le taux des évolutions
favorables se situait entre 25 et 30 %. Ce taux a donc été p o rté à 50 y ,
m ais avec beaucoup d ’efforts.
N ous pouvons reprendre la phrase que Brierre de B oism ont écrivait dès
le début de son chapitre X IX , p. 604 en note (1) : « Il ne fau t pas perdre de
« vue que l ’H allucination com pliquant le plus ordinairem ent une des form es
« de l ’aliénation, ce que nous disons souvent d u traitem ent s ’appliquera aux
« deux m aladies ». Oui, le traitem ent de l ’H allucination risque, en 1973 comme
en 1852 (et p o u r la mêm e profonde e t naturelle raison), de se confondre avec
la généralité de la thérapeutique en Psychiatrie.
Très som m airem ent p o u r ne pas tro p allonger encore cet ouvrage en lui
ajo u tan t le supplém ent thérapeutique que p o u rta n t il exigerait, nous allons
exposer en quoi la thérapeutique des H allucinations de nos jo u rs peu t être
si différente de celle employée au siècle dernier. Ces progrès sont encore
difficiles à chiffrer et ces m odes d ’action difficiles à déchiffrer p o u r la simple
raison que les catégories naturelles d u phénom ène hallucinatoire que nous
avons mises en évidence dans cet ouvrage n ’éta n t pas prises en considération,
les indications e t résultats thérapeutiques rap p ortés dans ta n t de revues,
d ’articles, de com m unications et d ’ouvrages depuis une trentaine d ’années,
sont à peu près inutilisables. I l fa u t en effet p o u r traiter correctem ent de ce
E y. — Traité des Hallucinations, il. 44
1348 THÉRAPEUTIQUE

sujet avoir to u t sim plem ent une connaissance approfondie — et qui m anque
généralem ent — d u problèm e des H allucinations, et n o tam m ent ne pas estim er
que la m eilleure faço n de « tra ite r » les H allucinations c ’est de considérer
q u ’elles n ’existent pas... ou ce qui revient a u m êm e, q u ’elles doivent être
« traitées » com m e les illusions, les convictions et les erreurs com m unes à tous
les hom m es si m êm e p o u r certains elles ne doivent pas être l ’objet d ’u n culte
p articulier p o u r le génie q u ’elles m anifesteraient et q u ’il serait vraim ent
fâcheux de supprim er... M ais laissons là tous ces sophism es. N ous allons
successivem ent exposer ici :
1° Les traitem ents anciens des H allucinations.
2° Les thérapeutiques neuro-biologiques (thérapeutiques de choc, m édica­
tions hallucinolytiques).
3° Les psychothérapies.
4° Les diverses indications de conduites thérapeutiques selon les diverses
catégories d ’hallucinations o u de syndrom es hallucinatoires.
CHAPITRE PREMIER

RECETTES THÉRAPEUTIQUES ANCIENNES


SUR LE TRAITEMENT DES HALLUCINATIONS

Si nous nous ra p p o rto n s au chapitre X IX d u Traité des Hallucinations


(1852) de B rierre de B oism ont, nous y lisons que « ju s q u ’à ces dernières
années le traitem en t des H allucinations n ’avait p o in t fixé d ’une façon p arti­
culière l ’atten tio n des praticiens ». Il s’éto n n ait q u ’on ne tro u v ât aucun
chapitre relatif à leur traitem en t dans les g rands ouvrages classiques de
l ’époque (E squirol, Jakobi, etc.).
N aturellem ent, il insistait d ’ab o rd sur les fam eux moyens m oraux préco­
nisés p a r L euret qui considérait q u ’il fallait recourir à une volonté forte e t à
des ressources nom breuses de l’esprit afin de tro uv er un nouveau m oyen p o u r
les com battre. Il fallait, disait L euret, « attaq u er les H allucinations de fro n t
en les h arcelant sans cesse, en les fo rçan t à s’avouer vaincues ». O n sait que
p o u r lui cette conception m ilitaire de la tactique anti-hallucinatoire, ce que
C hristian a appelé la m éthode de « révulsion m orale » consistait su rto u t à
doucher les m alades ju s q u ’à ce q u ’ils b a tte n t en retraite et renoncent à leurs
H allucinations. Brierre de Boism ont, q u a n t à lui, se dem andait s ’il convient
d ’isoler les hallucinés; e t il a rap p o rté l ’observation d ’u n officier de la M arine
anglaise qui déclarait avoir vu, en 1814, la figure de l ’Em pereur dans le soleil,
puis l ’avait encore aperçue transform ée en squelette : le caractère inoffensif
de ces illusions ne co m p o rtait naturellem ent p as l’internem ent. « C ependant,
dit-il, les exemples de m utilation, de suicide, d ’hom icide (1), de vol, d ’incendie,
sont tellem ent com m uns chez les hallucinés q u ’il ne fa u t pas hésiter à prendre
cette m esure. »
E n ce qui concerne les traitements physiques, Brierre de B oism ont rapporte
naturellem ent l ’observation d u libraire N icolaï (q u ’il appelle l’académ icien
N icolaï) sujet à des congestions sanguines qui exigeaient l ’em ploi de saignées,

(1) Ce problème des homicides d ’origine hallucinatoire troublait beaucoup les


auteurs à cette époque comme en témoigne le travail d ’OixiviER et L euret : « Rapport
sur un cas de tentative d ’homicide commis par un halluciné ». Annales d ’Hygiène et
Médecine légales, 1843, p. 417-421. Les réactions médico-légales des hallucinés pour
si peu négligeables qu ’elles soient, certes, ont été généralement très exagérées par les
cliniciens au xixe siècle.
1350 THÉRAPEUTIQUE

m ais celles-ci éta n t interrom pues dit-il, des. fantôm es de to u te espèce vinrent
l ’assaillir. L ’a u te u r expose aussi l ’observation d ’un halluciné qui accusait un
« m o n treu r » d ’anim aux de faire des propositions m alhonnêtes à sa fem m e;
« s ’é ta n t élancé sur lui, il le vit changé en cheval puis rapetisser à vue d ’œil, ce
qui ne l ’a pas em pêché, dit-il, de le tu e r ». Brierre de B oism ont le tra ita éner­
giquem ent, lui fit raser la tête, placer trente sangsues le long de la suture
sagittale, e t le lendem ain o n le conduisit au b ain ; l ’addition de pu rg atif fit
merveille e t h u it jo u rs après « il avait retrouvé l ’usage de ses facultés intel­
lectuelles ». U n au tre aliéné, rap po rte-t-il encore, qui croyait avoir avalé le
diable e t qui lui é tait resté dans l ’estom ac, refusait p en d an t plusieurs jo u rs de
satisfaire aux besoins de la n ature de crainte de le libérer m ais Ferrier « trio m ­
p h a » de sa résolution en lui ad m in istrant un émétique.
N ous n ’osons pas tro p insister sur le côté dérisoire de ces thérapeutiques
médicales, m ais il est certain q u ’à cette époque l ’em ploi des ém étiques (1), des
bains, des douches, de l ’irrigation continue, constituaient, dit Brierre de
B oism ont, d ’utiles ressources « qui devaient être soumises cependant à quelques
règles ». Il semble que lui-m êm e p référât l’irrigation continue : « l ’eau tom be
p en d an t des heures entières en u n m ince filet ou arro so ir sur la tête du m alade
placé dans le bain »; p e n d a n t l’irrigation, il « harcelait » le p atien t qui très sou­
vent dem andait grâce (2).
Il convient de rappeler d ’ailleurs que vers cette mêm e époque, M oreau
(de T ours) fu t le p ro m o teu r de la thérapeutique m édicam enteuse des H alluci­
n ations. Il préconisa l ’em ploi d u Datura sur le fondem ent d ’une sorte de
théorie hom éopathique puisque le D a tu ra est un hallucinogène qui était déjà
co n n u com m e tel : il préconisait des doses m odérées d ’extrait de sucre épuré
de Stramonium. Vers la même époque, ajoute notre auteur, M . M itivier eut
l ’idée d ’a tta q u e r les H allucinations p a r électricité; il o b tin t trois ou quatre
guérisons en im p lan tan t des aiguilles dans la m em brane du tym pan. Baillarger
v oulut expérim enter sur lui-m êm e la m éthode et il a vu, dit-il, passer devant
ses yeux de nom breuses étincelles bleuâtres, ce qui p erm ettait naturellem ent
(au n o m d u principe de l ’énergie spécifique des nerfs !) de penser que des
irritatio n s sensorielles pouvaient être à la fois hallucinogènes et hallucinolyti-
ques...
E n ce qui concerne le traitem ent moral, Brierre de B oism ont rappelle « la
p a rt im m ense » que pren n en t les idées dans la p ro d u ctio n des H allucinations.
« O n com prendra, ajoute-t-il, com m ent c ’est à elles q u ’il fau d ra recourir p o u r
« la guérison de la fausse sensation qui fait le to u rm en t des hallucinés. A cet
« hom m e qui croit q u ’il est changé en théière, à celui-ci qui s ’im agine q u ’on
« lui a reto u rn é la tête, vous contenterez-vous de donner des tisanes, des pur-
« gatifs, des m édicam ents quelconques ? C om m ent triom pherez-vous p a r un

(1) G. de C lérambault, il y a une trentaine d ’années, usait de l’ipéca dans


les thérapeutiques d ’urgence qu’il pratiquait à l ’Infirmerie Spéciale du Dépôt.
(2) De telles pratiques — ou d ’autres équivalentes—justifient, bien sûr, l ’indigna­
tion de ceux qui sont contre (Anti) la (mauvaise) Psychiatrie.
THÉRAPEUTIQUES ANCIENNES 1351

« b ain o u p a r une ém ission sanguine de la conviction de cet halluciné qui


« racon te dans u n m orne désespoir q u ’il est p a rto u t suivi p a r son sosie ? »
D ès lors, l’a u teu r prévoit deux tem ps dans la thérapeutique : une phase de
m édications p o u r calm er l ’excitation, puis une phase de traitem ent m oral.
Il cite à ce sujet l ’observation de M lle Claire qui semble être un cas de m élan­
colie e t q u ’il en trep rit de guérir (probablem ent alors que l ’accès était déjà
d ans son décours) en la raillan t de ses singulières idées ; elle continuait cepen­
d a n t à voir des flammes qui sortaient de sa bouche, m ais la fille de Brierre de
B oism ont (âgée de 10 ans) s’éta n t m oquée d ’elle, elle sourit alors et n ’eut plus
d ’H allucinations (cette psychothérapie devait être renforcée de tem ps en tem ps
p a r l’application de vésicatoires au bras). D ans l ’exposé, on en conviendra,
assez nai'f de cette observation, Brierre de B oism ont indique que ce qui a guéri
M lle Claire, c ’est incontestablem ent le traitem en t m oral et non pas les agents
physiques. Il rap p o rte ensuite (p. 634-643) l ’observation d ’u n m alade qui fut
pris en traitem en t p a r L euret lui-m êm e. Celui-ci le soum it à une sorte de
« m aïeutique » de bon sens (L a n u it j ’entends, disait le m alade, les femmes en
dessous de m oi, il n ’y a p as de choses q u ’elles ne me disent. — Que vous
disent-elles, interrogeait le m édecin ? — Elles m e disent que je suis un grand
salaud, p a rto u t elles me parlent. — C om m ent se fait-il alors, répliquait Leuret,
que vos voisins n ’entendent pas ces m êm es voix ? — C ’est, rép o n d ait l ’hallu­
ciné, que nos conversations se fo n t à voix basse e t souvent nous nous com ­
prenons p a r des signes). U ne véritable escrime d ’argum entations, renforcée
p a r des jets de douche, constitu a le traitem en t m oral de cet halluciné d o n t
« la guérison, d it L euret, fu t due sans contredit à la douche d ’abord, et au
« soin que j ’ai pris p en d an t que le m alade était dans le bain de le faire parler
« sur tou s les sujets de son D élire et d ’exiger q u ’il me répondit toujours raison-
« nablem ent ». L euret fa it encore cette réflexion : « Souvent je tends des pièges
« aux aliénés qui, après la douche, paraissent être raisonnables; je reviens à
« eux p araissan t me rep en tir des objections que je leur ai faites et leur m on-
« tra n t en quoi ils o n t failli ».
M ais cette m éthode de ccrévulsion m orale », d it Brierre de Boism ont, n ’était
pas sans danger. II cite, en effet, le cas d ’u n nom m é V incent qui croyait être d ’une
si grande taille q u ’il lui é tait im possible de passer p a r la porte de son a p p a r­
tem ent. Son m édecin recom m anda de la lui faire franchir de force; l ’ordre fut
exécuté m ais il eu t des conséquences fatales, car en la traversant Vincent
s ’écria q u ’o n l’écorchait et q u ’on lui brisait les os. L ’im pression fu t si terrible
q u ’il en m o u ru t quelques jo u rs après en rep rochant à ses gardiens q u ’ils
étaient des m eurtriers.
Si nous nous som m es u n peu a tta rd é à l ’exposé de cette psychiatrie du
« stupide » x ix e siècle, ce n ’est pas p o u r la to u rn e r en dérision, m ais p o u r que
nous com prenions que dès ce m om ent-là les problèm es posés p a r la th éra­
peutique com m e p a r la pathogénie des H allucinations, à savoir l ’opposition
o u la com binaison de la psychothérapie ou des m éthodes biologiques, sont les
m êmes que nous retrouvons au jo u rd ’hui.
CHAPITRE U

LES THÉRAPEUTIQUES
NEURO-BIOLOGIQUES (1)

D epuis le tem ps de Brierre de B oism ont et de M oreau (de T ours), T « arse­


nal » thérapeutique contre les H allucinations s’est tellem ent développé et ses
effets sont si polyvalents, disparates et parfois inconstants, q u ’il est très diffi­
cile, com m e nous le faisions rem arq u er plus h au t, de faire actuellem ent un
bilan de leu r action p ro p rem en t « hallucinolytique ».
Il est cependant certain que la m asse des psychoses hallucinatoires sous
toutes leurs form es e t particulièrem ent dans leurs m odalités d ’évolution
chronique s ’est considérablem ent réduite, o u p e u t l ’être. O n sait — et nous
avons insisté sur la justesse de cette in tu itio n globale — que l ’apparition
d 'H allu cin atio n s au cours des troubles m entaux, sans com porter nécessaire­
m ent u n p ronostic fâcheux, n ’en est pas m oins l ’indice de troubles profonds
de l ’être conscient, e t que certaines m odalités des Délires hallucinatoires sont
p artic u liè ^ m e n t rebelles à to u te thérapeutique. Ceci dit, les anciens auteurs
auraien t été bien étonnés — m êm e peut-être ceux qui étaient les plus convaincus
de la natu re neurobiologique des processus hallucinatoires — s ’ils avaient pu
com m e nous se tro u v er plus « arm és » q u ’au tem ps de L euret p o u r guérir
les Psychoses hallucinatoires chroniques. Plus près de nous, on doit lui rendre
cet hom m age, G . de C léram bault avait p rédit, sinon prescrit, que les « syn­
drom es d ’autom atism e m ental » so n t vulnérables p ar des thérapeutiques qui
m odifient l ’activité de centres nerveux.

I. — LES T H É R A P E U T IQ U E S DE C H O C

Dès que l ’on pra tiq u a des cures de « pyrétothérapie » ou de « chocs colloïdo-
clasiques » (huile soufrée, abcès de fixation, injections de nucléinate de soude,

(1) On consultera pour ce chapitre la documentation déjà ancienne, mais toujours


valable, contenue dans l’ouvrage de Jean D elay. Cf. les livres plus récents de P. H och
et J. Z ubin , New York, 1964; de M. R inkel, 1966; de T. P. D etré et H. G. J arecki,
1971; de P. A. L ambert, 3e Série, 1972. Méthodes chimiothérapiques en Psychiatrie,
Paris, Masson, 1961, 496 pages,-qu’il a pnblié avec P. D eniker.
1354 THÉRAPEUTIQUE

injections de lait, etc.), o n ne ta rd a pas à observer que certains syndrom es


hallucinatoires aigus et m êm e chroniques réàgissaient favorablem ent. E t on
tro u v era dans les com m unications à la Société de M édecine M entale ou à la
Société Médico-Psychologique de nom breux travaux consacrés à des cas cli­
niques et m êm e à des statistiques p o rta n t sur d ’assez nom breux cas. A cette
époque (1925-1932), on utilisait encore les bains, les douches, parfois les chocs
électriques avec co u ran t faradique, etc. T outes ces techniques thérapeutiques
n ’étaient certainem ent p as toutes inefficaces, et dans de bons services (nous
pensons à ceux de P. G uiraud, de G . Petit, de Trenel, de C laude, etc.), on était
soi-même surpris des résultats obtenus dans tel « délire hallucinatoire p a ra ­
noïde », de tel « syndrom e d ’autom atism e m ental » ou « d ’action extérieure »,
m algré — faut-il ajouter — les très m auvaises conditions de l’environnem ent et
d u système relationnel q u ’im posait généralem ent la vétusté de l ’institution
asilaire p a r elle-même cc aliénante ».

I n s u l i n o t h é r a p i e . — C ’est d ’ab o rd avec la m éthode de Sakel que


l ’o n assista à des rém issions, sinon à des guérisons im pressionnantes de
« syndrom es hallucinatoires », soit q u ’il s’agisse de Psychoses délirantes ou
schizophrénies aiguës, de syndrom es de dépersonnalisation ou de tableaux
cliniques décrits com m e Psychoses hallucinatoires paranoïdes ou Psychoses
hallucinatoires chroniques. B eaucoup de Psychoses depuis 1932, date des
prem ières pratiques des com as insuliniques préconisés p a r M . Sakel, o n t noté
des am éliorations parfois spectaculaires de l’activité hallucinatoire. A ce sujet
to u s les auteurs (A. von B raunm ühl, 1938; M ax M uller, 1935; puis plus
récem m ent K alinow sky et H och, 1946 et 1954; D . Colom b, 1954; Cossa,
1956; Kinkel et Him wich, 1959; Juillet e t D orey, 1964 et ta n t d ’autres encore)
sem blent d ’accord p o u r adm ettre : 1° que la grande cure de Sakel a une action
favorable et parfois résolutive sur les Psychoses aiguës (expériences délirantes
hallucinatoires) q uand cette thérapeutique est employée dans les évolutions
fâcheuses ou rebelles à la chim iothérapie; 2° que le plus souvent, c ’est au
décours de la cure (1) que l ’on voit l ’activité hallucinatoire s ’estom per, s ’éloi­
gner (les voix deviennent plus lointaines ou le p atien t y devient plus indif­
férent, form ule qui est reprise p a r les hallucinés soum is aux chim iothérapies
contem poraines).
M ais il est nécessaire avan t de se p ro noncer sur l ’indication de la thérapeu­
tiq u e de suivre soigneusem ent la catam nèse des m alades. T outes les conditions
d ’observation rigoureuse étan t rem plies, l ’efficacité de la cure de Sakel p araît
assez évidente p o u r q u ’il paraisse éto n n an t de la voir actuellem ent tro p sys­
tém atiquem ent abandonnée (J. d ’A ulnay et coll., 1955; J. L aboucarié, 1960;
L. K alinow ski in M . Rinkel, 1966, etc.) dans les cas de psychose sévère ou
durable avec une grande efflorescence de phénom ènes délirants et hallucina-

(1) Pour ma part, j ’ai conseillé des cures à comas peu nombreux et interrompus
à la fois par le resucrage et une application d ’électrochoc.
INSULINOTHÉRAPIE 1355

toires. M algré toutes les contestations que certains « boutte-feux » ennemis


systém atiques des m éthodes de choc entretiennent à plaisir (cf. J. d ’A ulnay et
R . M alineau, 1956; M . F ink et coll., 1958; J. Laboucarié, P. Lacassin et
P. Barrés, 1960), il nous semble que la responsabilité du thérapeute peut être
aussi gravem ent envisagée dans son abstention systém atique que po u r son
excès de zèle.
D e plus en plus, p a r contre, s ’est rép an d u l ’usage de la « petite insulino­
thérapie », c ’est-à-dire de doses d ’insuline arrêtées à la phase des « chocs
hum ides ». Il est bien certain que cette m éthode de contrôle plus facile constitue
une thérapeutique qui d o it être prise en considération, car elle suffit parfois à
m odifier p rofondém ent le cours des Psychoses hallucinatoires et cela, dans
tous les sens d u m ot, à m oindre frais.
A joutons encore que la cure de Sakel dans les divers syndrom es délirants
et hallucinatoires aigus ou chroniques e t spécialem ent dans les Psychoses schizo­
phréniques, est de plus en plus souvent associée aux neuroleptiques (R equet
et coll., 1956; thèse de H. V erm orel, 1958, etc.) o u aux antidépresseurs tricy­
cliques (J. G uyotat). Plus exactem ent, on n ’y reco urt plus guère et seulement
lorsque les autres thérapeutiques se sont m ontrées inefficaces (J. D elay, P. D eni-
ker). O n ne saurait cependant écarter systém atiquem ent ce traitem ent.

C o n v u ls iv o th é r a p ie (1). — O n p eu t dire de 1’ « électrochoc » à peu


près ce que nous venons de dire de l ’insulinothérapie. L à aussi tous les auteurs
que nous avons cités plus h a u t reconnaissent à la m éthode de C erletti et Bini
une action délirio- et hallucinolytique. Il fau d rait vraim ent s’obstiner à ne pas
voir ce qui est évident p o u r nier que l ’application de quelques électrochocs
suffit assez souvent à m odifier p rofondém ent le vécu délirant et hallucinatoire.
Sans doute faut-il dans ces cas e n to u rer la technique de soins m édicaux vigi­
lants (anesthésie, réanim ation à proxim ité, éventuellem ent curarisation). C ’est
là encore dans les poussées hallucinatoires aiguës, dans les expériences déli­
rantes (bouffées délirantes, schizophrénies aiguës, états dysthym iques m aniaques
ou m élancoliques saturés de délire hallucinatoire, etc.) que l ’électrochoc est
le plus souvent indiqué, m ais son efficacité est le plus souvent consolidée p ar
une cure de neuroleptiques (J. D elay e t P. D eniker, 1961, p. 380).
P o u r Engelm eier e t K ielholz (1967), c ’est précisém ent quand les expériences
délirantes e t hallucinatoires o n t une physionom ie clinique de type schizo­
phrénique (schizophrénies aiguës) que l ’électrochoc serait le plus indiqué.
C ertains auteurs les appliquent p en d an t 8 ou 10 jo u rs, m ais leur nom bre peu t
être espacé et réduit (J. L aboucarié, 1967;L. B. K alinow ski, 1961; Th. K äm m erer
et R . Ebtinger, 1964). Ce dernier au teu r a étudié d ’une façon exem plaire le dérou-

(1) Plût au ciel que C erletti et Bini eussent baptisé leur méthode « électroplexie »
plutôt que de la rendre vulnérable par le terme même de « choc » aux criailleries
q u ’a suscitées cette pratique si efficace et si anodine, à la condition d ’être sagement
appliquée et bien contrôlée !
1356 THÉRAPEUTIQUE

lem ent des phénom ènes psychologiques qui suivent le post-électrochoc (1958).
L ’observation m inutieuse de travail de reconstruction sur lequel Delm as-
M arsalet (1943) avait insisté perm et de suivre et mêm e de prévoir les progrès
de l ’action hallucinolytique. Celle-ci est assez souvent très rem arquable, m ais
ta n t q u ’elle se p ro d u it dans la phase am nésique elle ne d o it pas être tenue
p o u r acquise. A u contraire, c ’est le m om ent d ’instituer, com m e nous y insis­
terons plus loin, une psychothérapie très active (1). O n trouvera naturellem ent
dans les ouvrages généraux de thérapeutique biologique psychiatrique déjà
cités plus h a u t et les travaux plus spéciaux de C erletti et Bini bien sûr et
d ’ab o rd , de L apipe et R ondepierre (1943), de J. D elm ond et R . E btinger et
R . W arteld an s Y Encyclopédie (1954 et 1964), des observations qui ne perm ettent
p as de d o u ter de l ’efficacité de cette thérapeutique « révulsive » ou « stressante »
sur les phénom ènes hallucinatoires. D ans les cas où les expériences délirantes
so n t saturées d ’angoisse, d ’excitation, et que l ’activité hallucinatoire y est vécue
avec une forte charge ém otionnelle, onirique ou dépressive, il est honteux que
certains Psychiatres aient honte de guérir ces m alades par ce moyen.
N aturellem ent, l’électrochoc, héritier de la convulsivothérapie cardiazolique
de von M eduna, a été m odifié lui-même dans sa technique. N ous avons déjà
souligné l ’im portance que nous attachions à la convulsivothérapie sous n ar­
cose et à la curarisation p o u r assurer le contrôle m édical de la « sism othérapie ».
O n a aussi préconisé une « b rie f stim ulus therapy » en reco u ran t à des
q uantités m oindres d ’électricité (von B raunm ühl) ou à l ’utilisation d ’ondes
carrées (L iberson, Offner). Les « électro-absences » o n t été vite abandonnés
en raison de leur caractère pénible p o u r les patients. L a technique progressive
dite de glissade (Tietz, 1945), Y électronarcose (P aterson, 1944; A nglade,
1951 e t R ondepierre, 1952, etc.), les applications bipolaires à localisation
variable (H olzer, 1942; H assler, 1953) ou Y application bipolaire unilatérale
(Im p o stato et Pacello, 1952; L ancaster, 1958; M artin et coll., 1965; Lévy,
1968; G iacom o d ’Elia, 1970, etc.) p ro v o q u an t une hémicrise convulsive, sont
a u ta n t de m oyens « critiques » p o u r rom pre puis restaurer l ’hom éostasie et
le processus de désynchronisation de l ’activité nerveuse supérieure. La corré­
latio n de ces techniques avec les phénom ènes hallucinatoires n ’est généralem ent
p as signalée. C ependant, M . F akler, Es Islam et A. A hm ed, M . E. Erfan (1970)
o n t consacré une étude aux effets de l ’électrochoc unilatéral sur les Délires et
les H allucinations des schizophrènes. Il semble que com pte ten u de l’im por­
tance des m écanism es am nésiques d ans la régression de l ’activité délirante et

(1) Je puis ici rappeler un cas auquel j ’ai déjà fait allusion dans cet ouvrage. Celui
d ’une jeune femme qui, subitement, au cours de l ’orgasme sexuel eut la révélation
q u ’elle était l ’immaculée Conception. Elle ne cessa pas pendant plusieurs mois
d ’être possédée par Dieu, en communication avec lui qui parlait par sa bouche.
Quand elle parvint dans mon service, toutes les ressources thérapeutiques furent
mises en jeu et notamment électrochocs et psychothérapie de groupe que je diri­
geais moi-même. Après une phase « amphibole » d ’hésitation, elle prit d ’abord de
la distance à l’égard de ses Hallucinations jusqu’à les déjouer et en rire...
CONVULSIVOTHÉRAPIE 1357

hallucinatoire, les résultats seraient meilleurs (8 excellentes rém issions sur


20 cas traités avec l’électrochoc unilatéral). Il convient de rem arquer que
d ’ailleurs les m alades recevaient en m êm e tem ps une m édication (Trifluo-
pérazine). Q uoi q u ’il en soit, cette action délirio- ou hallucinolytique n ’est
généralem ent pas spécifiée m ais im pliquée dans l’appréciation globale des
rém issions plus ou m oins com plètes et durables des psychoses hallucinatoires
(su rto u t à caractère aigu, c ’est-à-dire aux syndrom es délirants et hallucina­
toires, aux « expériences » qui correspondent aux divers niveaux de déstruc­
tu ra tio n d u cham p de la Conscience.
— Bien entendu, il serait facile en se ra p p o rta n t aux succès plus ou m oins
certains rap p o rtés p a r les auteurs à d ’autres m éthodes de choc, de m o ntrer
que cette m odalité thérapeutique, reflet des m oyens physiques employés p ar
les anciens auteurs, a quelque in térêt p a r son action hallucinolytique de restruc­
tu ra tio n d u cham p de la Conscience et peut-être aussi plus profondém ent au
cours de certaines phases processuelles de Psychoses hallucinatoires chroniques
de réorganisation du système de la réalité. C ’est ainsi que le « choc amphéta-
minique » (D elay et coll., 1947), les thérapeutiques par anoxie et p a r hyper­
capnie (A lexander et Him wich, 1939; M eduna, 1946), le choc acétylcholinique
(Fiam berti, 1935) ou par Yhistamine (Buscaino, 1953; M . D . Sackler, 1949-
1953), le coma atropinique (F o rrer, 1950), la convulsivothérapie par l'Indoklon
(K ran ts, 1957) constituent des variantes (1) plus ou m oins faciles à m anier,
contrôlables et efficaces de ces m éthodes de choc. T outes o n t été appliquées
avec plus o u m oins de bon h eu r aux Schizophrénies aiguës ou chroniques,
c ’est-à-dire q u ’elles ne peuvent p as être envisagées hors de l ’effet escom pté
sur l ’activité délirante et hallucinatoire.
Le « som m eil électrique » (W. H . B uttollo, 1970) obtenu p a r u n courant
à onde rectangulaire de 20 à 40 volts et d ’une durée de 0,4 à 1,2 [xs doit être
signalé ici com m e une technique différente de l ’électronarcose (G . V. Sergeer,
1963, F. M ayora, 1965 e t 1971). O n p o u rra consulter sur ce p o in t l ’ouvrage
de T. P. D etré et H . G . Jarecki (1971) sur les « M o d em T reatm ents ».

Il — P S Y C H O -C H IR U R G IE

Les lobotom ies (leucotom ies d ’Egas M oniz) recom m andées déjà en 1891
p a r B urk h ard t, rép o nd en t à l ’idée que le cerveau est entretenu dans les m aladies
m entales en éta t d ’irritatio n constante p a r des im pulsions qui auraient leur
source dans les lobes p réfrontaux... C ’est donc contre cet « éréthism e » ins­
tinctif, com portem ental, délirant ou hallucinatoire que vers 1940 (W. Freem an
et W atts), puis de nom breux neuro-chirurgiens anglo-saxons, puis français,
allem ands, italiens, etc., o n t proposé de tra ite r les m aladies m entales graves

(1) Les rédactions (1954 et 1969) des chapitres sur les « Thérapeutiques biolo­
giques en Psychiatrie » du tome III de la Psychiatrie de l'Encyclopédie médico-chirur­
gicale, fournissent une documentàtion très complète sur ces tentatives thérapeutiques.
1358 THÉRAPEUTIQUE

et n o tam m en t les schizophrénies) p a r la « psycho-chirurgie ». Ils furent suivis


et parfois devancés p a r l ’espoir de nom breux Psychiatres (1).
G énéralem ent c ’est p o u r les form es impulsives, anxieuses ou obsessionnelles,
que la m ajorité des cliniciens de l ’époque héroïque des leucotom ies bilatérales
(opératio n de W. F reem an et W atts) posaient plus facilem ent leur indication.
C ependant, dans presque tou tes les statistiques, notam m ent celles de M . D avid,
G . D aum ézon, H . H écaen et J. Sauguet (1952), de W. F reem an (1957), de
A. M eyer et E. Beck (1954), des T oulousains (J. G éraud, J. Laboucarié et
coll., G . L azorthes et L. G ayral, 1971, etc.), on note un très fo rt contingent de
schizophrènes, c ’est-à-dire de m alades en grande pro p o rtio n atteinte de délires
p aranoïdes et hallucinatoires. A u sujet des lobotom ies préfrontales sur les
H allucinations, W . F reem an (1951) indique que 50 % des m alades hallucinés
cessent de l’être peu après l ’opération (sauf, dit-il, dans les form es catatoniques).
O n lira avec u n particulier intérêt la longue observation si bien analysée et
suivie p a r H enri D uchêne (H . D uchêne et J. B. Tavernier, 1949). L. A nglade
(1955) a observé quelques succès particulièrem ent rem arquables chez 9 déli­
ran ts chroniques « interp rétan ts » ou « hallucinés » (4 am éliorations et 5 gué­
risons...).
Certes, la p lu p a rt des cliniciens o n t été très réservés et quelques-uns (notam ­
m ent H . B aruk) franchem ent hostiles à l’égard de la « lobotom ie » qui, en
effet, com porte peut-être plus de risques (to u t au m oins d ’insuccès) que de
chances. D epuis plusieurs années on a un peu p a rto u t abandonné les espoirs
que quelques cas avaient encouragés. Seuls peut-être les créateurs de ces nou­
velles techniques ne se découragent pas e t paraissaient il y a peu de tem ps
encore redoubler d ’efforts en recom m andant de p ratiq u er plusieurs lobotom ies
dans les cas o ù une seule ne suffisait pas... (W. Freem an, 1967).
M ais à la lobotom ie classique se sont substituées d ’autres interventions.
D ’ab o rd les lobotomies transorbitaires, m éthode (si l ’on p eu t dire) plus aveugle
encore, préconisée p a r F iam berti en 1948. Ensuite les lobectomies frontales
unilatérales (O dy, 1938) et les excisions préfrontales larges (Peyton et coll., 1948).
A p a rtir de 1948, la « m ode » fu t aux topectomies ( J. Le Beau, 1954), c ’est-à-dire
à des sections sélectives d ’aires o u de faisceaux corticaux ou sous-corticaux
(sections « u n d er cu ttin g » de Scoville, 1948). On ten ta aussi des lobotomies
chimiques p a r injections intrafro n tales de novocaïne (P. A bely et P. G uyot,
1951) e t des destructions p a r électrocoagulation sous contrôle stéréotaxique

(1) Pour ma part, je prescrivis cette opération chez environ 50 malades de 1947
à 1959. Si j ’en excepte les premiers cas qui étaient des schizophrénies déficitaires dont
le pronostic était vraiment fatal, je puis dire que sur les 30 autres cas, j ’ai constaté
10 succès absolument inespérés et qui se sont maintenus. Parmi ceux-ci notamment,
trois grands délires hallucinatoires autistiques ont disparu. Une de mes lobotomisées,
atteinte d ’une psychose hallucinatoire schizophrénique depuis plusieurs années,
exerce la fonction de professeur de mathématiques après des études qu’elle fit après sa
lobotomie. Par contre, hélas, j ’eus la peine de perdre des suites opératoires une jeune
schizophrène (cf. la thèse de mon élève Cl. I gert , Paris, 1954).
PS YCHOCHIRURGIE 1359

(T alairach, 1949) des noyaux thalam iques. T outes ces interventions n ’ont
guère ap p o rté de progrès au traitem en t des diverses m odalités hallucinatoires.
Le travail de H irose (1966) perm et de se faire une bonne idée des divers travaux
et des observations personnelles de l ’au teu r sur les topectom ies (orbito-ventro-
m edial untercutting). Il ne se réfère p as spécialem ent — comme la p lu p art des
auteurs — au problèm e qui nous occupe, m ais nous pensons que sur les 10 cas
(sur 28) de schizophrénies qui sem blent avoir bénéficié de cette intervention,
il devait bien y avoir quelques délires hallucinatoires. L ’auteur, en to u t cas,
préfère cette technique aux « closed blind lobotom ies » classiques — Les tra ­
vaux récents de G. L azorthes, L. G ayral et coll. (1971), de R. Ström -O lsen et
S. C arüole (1971) et de D . Kelly, C. J. W alter et coll. (1972) perm ettent de
se faire une idée des nouvelles techniques qui sous contrôle stéréotaxique
paraissent poser de nouvelles indications psycho-chirurgicales.
L 'amygdalectomie, c ’est-à-dire des destructions bilatérales de l ’am ygdala
(noyau am ygdalien d u système lim bique), a été pratiquée chez 5 m alades p a r
J. M . W illiam s e t W. F reem an (1952). J. M . W illiam s a rap p o rté ensuite trois
observations d ’hallucinations auditives chez des délirants chroniques (schizo­
phrènes) ; dans un de ces cas, il a observé une « com plète rém ission » des phéno­
m ènes hallucinatoires. H . C h itan o n o h (1966), q u an t à lui, relate 7 cas d ’am yg­
dalectom ie stéréotaxique appliquée avec succès à des H allucinations olfactives
chez des schizophrènes.
Si tou tes ces interventions n ’o n t p as eu d ’effets hallucinolytiques constants,
on a noté p a r contre parfois des effets hallucinogènes post-opératoires. M ais
généralem ent il s’agit d ’états confuso-oniriques ou correspondant aux états
d ’hallucinose aigus (au sens de W ernicke), c ’est-à-dire d ’expériences hallu­
cinatoires transitoires (W eysenbeck, 1950).

III. — LES M É D IC A T IO N S H A L L U C IN O L Y T IQ U E S (1)

N ous l ’avons déjà souligné, dès 1845 M oreau (de Tours) cherchait une
sorte de m édicam ent, sinon spécifique du m oins à action particulièrem ent
sélective sur 1’ « état prim ordial d u délire hallucinatoire », et com m e antidote

(1) On se rapportera pour suivre et compléter l ’exposé succinct que nous faisons ici
de la chimiothérapie hallucinolytique, aux grands ouvrages de J. D elay et P. D eni-
ker (1961), du Groupe Lyonnais de Thérapeutique psychiatrique (A chaintre ,
B alvet, etc., 1963), à l’article de B risset et R idard , « Chimiothérapie », in Encyclo­
pédie Médico-Chirurgicale, rédaction de 1962 au livre de A. D imascio et coll. (1970),
au petit livre pratique et commode qui vient d ’être publié sous la direction de J. S u t -
ter (1971), à l’ouvrage de O. V inar et coll. (1971), etc. Pour ce qui est de l ’action
hallucinolytique des médications psychotropes, cf. spécialement la thèse de L. P ilon
(Paris, 1959) et celle de J. M. Bouchard (Paris, 1968) et le mémoire de P. B orenstein
et G. B lis (Société Moreau (de Tours), 24 juin 1963). On trouvera plus loin la biblio­
graphie plus complète de ces ouvrages. Signalons que d ’innombrables communi-
1360 THÉRAPEUTIQUE

d u haschich il préconisait le Datura. M ais depuis lors, ni les extraits secs ou


poudres de D a tu ra , ni les alcaloïdes d ’autres solanées com m e la Jusquiam e
(H yoscine, Scopolam ine) n ’o n t été utilisés avec efficacité p o u r leurs effets
hallucinolytiques. O n p eu t se d em ander si le problèm e ne devrait pas être
repris (1). Il est évident que ces substances et n o tam m ent les solanées vireuses
(Belladone) o n t un effet hallucinogène, de telle sorte que c ’est p a r une certaine
conception « hom éopathique » (2) que M oreau (de T ours) recom m andait
l ’usage d u D a tu ra contre les hallucinations, to u t com m e de nos jo u rs le LSD 25,
p a r exemple, a p u être préconisé dans les psychoses schizophréniques p a ra ­
noïdes...
Longtem ps les Psychiatres se so n t contentés des traitem ents étiologiques
ou sym ptom atiques généraux (sédatifs, stim ulants, etc.) p o u r guérir les « syn­
drom es hallucinatoires » d o n t ils connaissaient les causes (toxiques, alcool,
neuro-syphilis, etc.) o u d o n t ils voulaient calm er l ’excitation ou l ’angoisse.
A ussi la thérapeutique m édicam enteuse des H allucinations, ju s q u ’en 1940,
dem eura to u t à la fois plausible (G . de C léram bault) m ais dépourvue d ’agents
neuro- o u psychophénom énologiques de quelque intérêt.
N o u s devons signaler deux tentatives de thérapeutique m édicam enteuse
qui co nnurent entre 1940 et 1954 u n certain succès :
T o u t d ’ab o rd la novocaïne fu t utilisée au m om ent où avec les études de
Leriche on accordait une certaine im portance au système neuro-végétatif et
à son retentissem ent sur l ’ensem ble de l ’activité nerveuse, notam m ent dans les
phénom ènes douloureux, hyperesthésiques, paresthésiques et mêm e halluci­
natoires (R . M ourgue, 1932). C ’est ainsi que M . J. G olse (1949), puis J. P icard
(1951) n o taien t les effets antihallucinatoires de la procaïne p ar voie in tra ­
veineuse. Ensuite, J. G olse, A. A dam et P. D oussinet (1952) utilisèrent les
infiltrations procaïniques d u ganglion cérébral supérieur (1953). L. R ocha

cations ont été faites à la Société Médico-Psychologique et aux Congrès annuels des
Neurologues et Psychiatres de langue française depuis 1953, principalement par
D elay, DENiKERet coll., par les psychiatres lyonnais (L ambert, Broussole, G uyotat ,
Vermorel, etc.), par l ’école de Strasbourg (K ämmerer et ses élèves), celle de M ar­
seille (Sutter et ses élèves) et encore par A. Soulairac , par L. F ours , M. H enne, etc.
(1) Je me suis souvent demandé si l’Ellébore blanc (connu surtout par les quatre
grains du fabuliste) n ’avait jamais été étudié comme psychotrope. La Vératrine qui
est son alcaloïde n ’est guère connue que par son action sur la contraction musculaire.
(2) On trouvera dans la Psychiatrie homéopathique de M. N icolas (Doin, 1968)
tout un chapitre sur la thérapeutique homéopathique des Hallucinations. Nous ne
pouvons pas reproduire ici la liste des trente-quatre remèdes préconisés par les homéo­
pathes contre les Hallucinations (Bitterlin , C hiron , V annier , etc.). Outre la Bella­
done, le Cannabis, l’Opium et la Stramonium qu’on s ’attendrait bien sûr à trouver
dans la microthérapie médicamenteuse, on y trouve des substances plus mystérieuses :
Calcarea carbonica, Chalidomum, Ignatia, Kali Carbonicum, Lac Canicum, Petroleum,
Platina, Tarentula, etc. Pour les états de « dédoublement », K ent recommande la
Baptisca, le Cannabis, le Thuya, etc.
MÉDICATIONS HALLUCINOLYTIQUES 1361

et coll. (1954) reco u ru ren t aussi à la procaïne en espérant son action halluci-
nolytique. A la même époque, P. G u y o t (1953) te n tait l ’infiltration du lobe
tem po ral gauche p a r des infiltrations novocaïniques et n o tait la disparition des
H allucinations auditives dans u n cas de Psychose hallucinatoire chronique
ancienne.
D ’au tre p a rt, l ’em ploi des m édications antiparkinsoniennes associées aux
hypnotiques con n ut entre 1950 et 1953 une certaine vogue. T andis que les
narcothérapies (type m éthode de Kläsi) continuaient à être utilisées notam m ent
en Suisse (m élange d it « C loettal ») et que le « Somnifène » était plus large­
m ent em ployé en France au cours des années précédentes (H enri Ey), on p ra­
tiq u a des cures de som m eil potentialisées com m e thérapeutique de l ’angoisse, de
l ’agitation et aussi des réactions névrotiques (1) et délirantes. L a thèse de
M . P. de L acroix-H erpin (1954) et la m onographie de H. F au re (2) rendent
com pte des efforts thérapeutiques entrepris dans n o tre service. Avec H . B érard
d ’ab o rd puis avec la collaboration de H . L ab o rit (3), nous avons pratiqué à ce
m om ent-là des hibernations très profondes chez certains schizophrènes. Il est
possible que nous n ’ayons pas persévéré assez systém atiquem ent dans cette tech­
nique p o u rta n t bien m aîtrisée. N ous avons gardé l’im pression que Vhibemo-
thérapie sous form e de « cure sédative rapide » (perfusion du mélange de
L aborit, c ’est-à-dire Largactil-D olosal-Phénergan) pendant plusieurs heures
d u ra n t 4 à 5 jo u rs, constitue une excellente m éthode de guérison de l ’activité
délirante hallucinatoire de l ’angoisse et de l ’excitation des Psychoses aiguës.
N ous y insisterons plus loin.
C ’est précisém ent dans cette atm osphère (4) de recherches et de tâto n n e­
m ents q u ’a p p aru ren t les « ganglioplégiques » (H . L aborit) appelés p a r J. D elay
et P. D eniker les « neuroleptiques », c ’est-à-dire des substances psychotropes
agissant sur la régulation intersynaptique d u système cérébro-spinal com m e du
système nerveux autonom e. E t com m e nous allons le voir, peu à peu on s’aper­
çu t de leur action hallucinolytique assez rem arquable non pas p o u r constituer
une m édication spécifique des H allucinations bien sûr, m ais p o u r constituer
une thérapeutique im p o rtan te des Psychoses délirantes et hallucinatoires aiguës
et mêm e de certaines phases ou form es de Psychoses hallucinatoires et chro­
niques.

(1) Il est important de citer ici le travail récent de P. Loo, J. Sauvage et S. Saba,
« La cure de sommeil », Ann. méd.-psychol. Fr., 1971,2, p. 367-390.
(2) H . F aure , Cure de sommeil collective et psychothérapie de groupe, Paris,
Masson et Cie, 1958.
(3) Cf. à ce sujet m on article sur l ’hibernation en psychiatrie dans l ’ouvrage
collectif publié par L aborit et H uguenard , Pratique de Thibernothérapie en chirurgie
et en médecine, 1955.
(4) Le livre que A. E. C aldwell (1970) a consacré à l’histoire de cette découverte
française doit être spécialement mentionné. J ’en ai fait une longue analyse dans la
Presse Médicale (1971).
1362 THÉRAPEUTIQUE

1° L e s d e u x « n e u r o le p tiq u e s j>>p r in c e p s : la r é s e rp in e
e t la c h lo r p r o m a z in e .

a J L a Rauw olfia serpentina. — Elle était utilisée aux Indes com m e


« séd atif » e t contient un alcaloïde, la Réserpine (isolé en 1952). Son appli­
catio n en thérapeutique psychiatrique déjà préconisée p a r G . Sen et Bose en
1931 fu t ensuite largem ent utilisée p a r les auteurs am éricains (N . K line, 1954),
p a r les auteurs français (J. D elay e t P. D eniker, 1954) et suisses (M . Bleuler,
1954) notam m en t dans les Psychoses aiguës. M ais assez rapidem ent (H . M aurel,
1955) , certains au teu rs o n t reconnu le pouvoir hallucinolytique de la Réser­
pine su rto u t dans les syndrom es hallucinatoires avec anxiété ou forte polari­
sation affective (3 e t ju s q u ’à 15 m g p a r jo u r; certains thérapeutes sont allés,
com m e K inross, W right, ju s q u ’à 60 mg, ou com m e H . M aurel, ju s q u ’à
90 mg) (1).
L ’em ploi de la R éserpine crée u n syndrom e d ’im prégnation des centres
sous-corticaux d o n t les troubles parkinsoniens sont la m anifestation la plus
habituelle et la plus intense.
N o u s m entionnons ici ce « neuroleptique princeps » car, en effet, p en dant
quelques années, il a concurrencé les neuroleptiques, m ais il est actuellem ent
de m oins en m oins em ployé. D ’après J. M . B ouchard (1965), il serait spécia­
lem ent indiqué dans les Psychoses hallucinatoires chroniques « sans, ajoute-t-il,
que l ’on puisse atten d re de lui une « véritable guérison ». M ais, bien sûr,
l ’efficacité de la thérapeutique dépend du type de Psychose hallucinatoire et de
la phase de son évolution. D ’o ù les difficultés d ’in terp rétatio n et mêm e de
co n statatio n de cette efficacité, difficultés que nous allons d ’ailleurs rencontrer
à propos de toutes les autres chim iothérapies.

b ) L a Chlorprom azine (L argactil). — L a chloro-3 (dim éthylam ine-3 pro-


pyl-10 phénothiazine) connue com m e une phénothiazine (ou 4560 R P) a été
synthétisée p a r C harpentier en 1950. Considérée p a r L aborit, H uguenard et
A lluaum e (Février 1952) com m e u n nouveau stabilisateur neuro-végétatif, puis
com m e un ganglioplégique ou u n neuroplégique, le 4560 R P fit l ’objet à cette
époque de m ultiples applications thérapeutiques en Psychiatrie. Il fu t surtout
utilisé com m e potentialisateur dans les cures de sommeil (2). H am on, P araire et

(1) C ’est généralement per os que la Réserpine est administrée, mais la voie intra­
musculaire peut être aussi employée (ampoule de 2,5 mg, répétée 2 et même 3 fois
par jour). Tous les auteurs sont d ’accord pour ne pas associer à ce traitement la
convulsivothérapie. L ’association avec les neuroleptiques doit être prudente, les
effets extrapyramidaux tendant à s’additionner (L ambert).
(2) Les contributions de H. E y et H. F aure , de H. B érard , de Mlle D eschamps,
de J. A ngel , de F au et C hateau , de Bobon (première partie des C. R. du Colloque
sur la Chlorpromazine, Encéphale, 1956) témoignent de cette première orientation
de l’usage du 4560 RP.
MÉDICATIONS HALLUCINOLYTIQUES 1363

Velluz notèren t (Société M édico-Psychologique, m ars 1952) son action séda­


tive dans les états d ’excitation m aniaque. Peu après, D elay, D eniker et H arl
(1952) signalaient que l ’action sur les états m aniaques pouvait être obtenue
sans l ’aide d ’aucu n au tre sédatif o u d ’électrochocs... Le 4560 R P fu t désigné
sous le nom de Largactil en raison précisém ent de son spectre d ’action très
étendu. E n effet, à m esure que les Cliniciens s’efforçaient de préciser les indi­
cations et l ’efficacité de la C hlorprom azine, il y e u t une véritable avalanche
de com m unications et d ’articles entre 1953 et 1956. Le grand Colloque orga­
nisé à la C linique de la F aculté de P aris p a r Jean D elay en octobre 1955, a
constitué la grande m anifestation, o n p o u rra it écrire l ’intronisation des
« neuroleptiques » dans la thérapeutique psychiatrique.
Il est curieux d u p o in t de vue qui nous occupe d ’essayer de com prendre
ce que pensèrent les prem iers Cliniciens qui o n t utilisé le L argactil (en le com pa­
ra n t généralem ent à l ’action de la R éserpine o u de thérapeutique de choc),
de l’action hallucinolytique du Largactil. A yant signalé avec D . B outtier en 1953,
puis avec M . H enne en 1954 l ’action favorable d u L argactil sur certains délires
hallucinatoires, J. Sigwald lors du C olloque de 1955 ra p p o rta quelques nouveaux
cas de rém ission de psychoses hallucinatoires chroniques obtenues p a r le
traitem en t am bulatoire p a r la C hlorprom azine. A u cours du mêm e Colloque,
d ’autres auteurs (Sal y R osas, p. 299; R igal et coll., p. 292; R acam ier et coll.,
p. 347; H enne, D u ran d e t de Bures, p. 372; B. G erle, p. 387; O biols, p. 398;
P errin et T oulet, p. 910) o n t ra p p o rté des observations qui soulignent de
prudentes réserves sur des espoirs peut-être encore chimériques. C ’était aussi
n o tre im pression lorsque nous écrivions à ce sujet notre com m unication (1)
à ce C olloque : « L ’em ploi de la C hlorprom azine seule (cures neuroplégiques
« simples) est particulièrem ent indiqué dans la thérapeutique des expériences
« délirantes e t hallucinatoires prim aires. Il est possible que nous soyons avec
« ce m édicam ent sur le p o in t de découvrir un groupe de médicaments halluci-
« nolytiques antagonistes des hallucinogènes com m e la mescaline » (p. 369).
C ’est précisém ent cet antagonism e qui fu t vérifié p a r H . C. B. D enber (2)
dans une com m unication q u ’il fit à cette même réunion. D epuis lors, nous
sommes revenus (1956) sur ce problèm e à pro p o s de l ’observation d ’une rém is­
sion spectaculaire (mais hélas ! peu durable).
F. L ab h ard t (1954) avait n oté lui aussi que les états hallucinatoires et
catatoniques (des 205 schizophrènes traités p a r eux) répondaient particuliè­
rem ent bien au Largactil. M ais dès 1953, T hiébaux et Boyer s ’étaient atta-

(1) Je me permets de citer quelques lignes de cette communication qui ayant paru
dans les C. R. du Colloque à la rubrique « Mode d'administration » a échappé à
l’attention des Cliniciens. Notamment, J. D elay et P. D eniker n ’ont pas paru se
la rappeler en établissant la riche bibliographie de leur livre (1961).
(2) La référence de cette communication (p. 440 des C. R.) ne figure pas non plus
dans la bibliographie générale établie par J. D elay et P. D eniker à la fin de leur livre
Méthodes chimiothérapiques en Psychiatrie (1961).
1364 THÉRAPEUTIQUE

chés à décrire la régression des H allucinations. A la même époque, la thèse de


G am ps 1954 soulignait aussi la disparition des idées délirantes. J. Sigwald et
M . H enne (1956) o n t insisté à nouveau sur l’efficacité du Largactil sur certaines
form es délirantes hallucinatoires aiguës ou chroniques. N ous ne pouvons pas
songer à citer ici les innom brables travaux qui peuvent constituer des docu­
m ents cliniques et thérapeutiques p o u r le problèm e qui nous occupe. Bien
sûr, dans to u s les grands ouvrages ou réunions scientifiques consacrés à la
psychopharm acologie et spécialem ent aux neuroleptiques, on rencontre d ’inté­
ressantes références à l'effacem ent, à l ’éloignem ent de l’activité hallucinatoire
de b eaucoup de délirants o u schizophrènes. N ous devons cependant signaler
quelques trav au x ou observations particulièrem ent intéressants à cet égard.
L a thèse de Pilon (1959) e t celle de J. M . B ouchard (1965), les travaux de
Pauwels (1959), de C. C onte (1962), etc., contiennent des observations et
des réflexions qui tém oignent de l’efficacité sur les centres no n spécifiques
(form ation réticulée, centrencéphale) du grand neuroleptique « princeps » et,
p a r voie de conséquence, su r les expériences hallucinatoires, sur l ’éta t p rim o r­
dial de Délire.
L a thèse de L. Pilon (1959) d o it être particulièrem ent signalée. Elle expose
9 observations cliniques assez détaillées p o u r que l ’on puisse suivre (p ar exemple
le cas de M athilde) l ’évolution vers la guérison (il s’agissait, semble-t-il, d ’une
Psychose délirante aiguë qui a p u faire penser à un Délire fantastique. L ’au teur
insiste très ju stem en t su r le fait que D élire et H allucinations s ’estom pent ou
disparaissent sim ultaném ent. Très judicieusem ent, il m ontre ensuite que dans
les cas réfractaires (M arie, Thérèse et Joseph), il s’agissait p lu tô t que d ’expé­
riences hallucinatoires d ’u n travail idéo-verbal avec H allucinations noético-
affectives. S ’il n ’em ploie pas bien entendu ces term es, c ’est bien ce sens q u ’il
donne aux échecs d ’une thérapeutique qui lui a p a ru être particulièrem ent
active dans les Délires hallucinatoires aigus ou subaigus.
D epuis lors les travaux su r le p ouvoir anti-psychotique (c’est-à-dire an ti­
d élirant e t anti hallucinatoire) sont tellem ent nom breux q u ’ils défient toute
tentative p o u r les exposer. O n se ra p p o rtera au petit exposé pratique de P. D eni-
k er et D. G inestet dans la Psychopharm acologie de J. Sutter (1971, p. 170-187).

2° L a g é n é r a tio n d e s n o u v e a u x « n e u r o le p tiq u e s ».

D epuis sa découverte e t les prem iers em plois faits du L argactil en th éra­


peutique psychiatrique, son im portance — p o u rta n t prim ordiale — s’est un
p eu effacée p a r ce que nous appelons la génération d ’une prodigieuse variété
de « neuroleptiques ». L eur disparité mêm e — correspondant au concept
vague de « neuroleptique » (1) rend très difficile de les grouper. C ’est q u ’il est

(1) Pour J. D elay et P. D eniker , les neuroleptiques sont caractérisés par leur
« action psycholeptique » (c’est ce que j ’appelle un concept vague ou tautologique)
MÉDICATIONS HALLUCINOLYTIQUES 1365

com pliqué de les définir. Ils ne constituent p as u n groupem ent chimique


cohérent et ils n ’o n t pas une action psychopharm acologique précise. O n se
contente généralem ent d ’appeler sous ce nom des « dépresseurs » de l ’activité
neuro-psychique autres que les hypnotiques. T o u t le m onde voyant q u ’il y a
quelque chose qui les ap parente sans bien distinguer quoi. P o u r nous y recon­
naître u n peu p arm i ces « psycholeptiques » (D elay, 1958) ou ces « régulateurs
de l ’éréthism e neuro-psychique » anti-hallucinatoires ou anti-délirants (B aruk
et L aunay, 1961), nous placerons au centre de notre tableau de classification
(tableau em prunté à la p lu p a rt des au teu rs de l ’école française) la C hlorpro­
m azine avec ses dérivés : M éthoprom azine (M opazine), A céprom azine
(Plégicil), A lim ém azine (Théralène) et le plus im p o rtan t, la Lévom éprom azine
(N ozinan). Q u an t à ses dérivés à chaîne latérale « pipéridyl », ils com prennent
n otam m en t la T hioridazine (M elleril), et p arm i les dérivés à chaîne latérale
« pipérazinyl » la P rochlorpérazine, la Trifluopérazine, la T hiopropérazine
(M ajeptil) la Fluphénazine (M oditen). Telles so n t les principales générations
chim iques issues du groupe des Phénothiazines. Il existe aussi des dérivés
notam m en t de l ’azaphénothiazine (D om inai), m ais nous n ’avons pas besoin
ici de d o n n er u n tab leau com plet de to u t ce groupe (1).
Le groupe des Butyrophénones (H alopéridol, Tripéridol) depuis 1964 a
conquis, lui aussi, d ro it de cité dans l ’arsenal de la chim iothérapie des Psychoses.
Si nous ne pouvons pas oublier n on plus la R éserpine ni quelques drogues
singulières com m e VAzacyclonol (F renquel) depuis longtem ps réputé p o u r
son action hallucinolytique e t le Sulpiride récem m ent reconnu p a r Borenstein
(1969) p o u r avoir à cet égard une certaine efficacité, nous avons, on le voit,
un vaste éventail de drogues psychotropes à action globalem ent « neuro­
leptique ».
N ous devons à l’école lyonnaise (A. L am bert, L. Revol, A. A chaintre, etc.)
une classification qui figure dans les Actualités de thérapeutique psychiatrique
du G roupe L yonnais (1963). Elle ne nous p araît pas m anquer d ’intérêt m algré
ses im précisions et ses chevauchem ents hélas ! difficiles à éviter.

A . Parm i les Neuroleptiques « sédatifs » ou « inhibiteurs », seules la


Lévom éprom azine (N ozinan) et la Thioridazine (M elleril) peuvent retenir
l ’atten tio n (FA lim ém azine ay an t u n effet essentiellem ent sédatif).
1. — P o u r ce qui est de l ’activité délirante et hallucinatoire, la Lévomé­
promazine (phenothiazine aliphatique), m algré les espoirs q u ’elle avait fait naître

sans action hypnotique, par l’action inhibitrice à l ’égard de l ’excitation, l’action


réductrice vis-à-vis de certaines psychoses aiguës et chroniques et vis-à-vis des psy­
choses expérimentales, l’importance de manifestations psycho-motrices, neurologiques
et neuro-végétatives, enfin la prédominance d ’action sur les centres sous-corticaux.
(1) Le petit catalogue de tous ces dérivés que J. D elay et P. D eniker ont établi
(in Sutter , 1971, p. 116-117) sera fort utile à consulter. C. B arthélémy (1972) rap­
pelle la classification axiale bipolaire : gauche, sédatifs — droite, incisifs, et souligne
l’efficacité délirio-hallucinolytique-des dérivés centraux.
1366 THÉRAPEUTIQUE

(Sigwald et coll., 1956; D eshaies et coll., 1959) ne s’est pas révélée d ’un pouvoir
anti-hallucinatoire o u anti-délirant particulièrem ent intéressant. P a r contre, son
association avec les neuroleptiques incisifs a des effets souvent rem arquables
com m e nous le verrons plus loin.
2. — L a Thioridazine (M elleril) n ’a pas, nous semble-t-il, d ’action très effi­
cace su r les Psychoses délirantes et hallucinatoires ou dans les Délires p a ra ­
noïdes schizophréniques. C ependant, Rém y (1959), Schnetzler (1962) avaient
signalé l ’action favorable de la Thioridazine dans certaines Psychoses délirantes
et hallucinatoires. J. M ans e t coll. (1963), P. Petit et coll. (1964), P. C arrer et

CLASSIFICATION P S Y C H O -PHARMACOLOGIQUE & CLINIQUE DES PRINCIPAUX NEUROLEPTIQUES


- « ------------- SEDATIFS INCISIFS ------------- » -

F ig . 11. — Classification de P. A. L ambert (1963).


En 1960, P. A. L ambert et L. R evol (Presse méd., 1960, p. 1509) avaient proposé
une division fondée sur la physiopharmacologie et distinguaient le groupe de
gauche (sédatif) et le groupe de droite (incisif) à action plus sélective sur les hal­
lucinations. D ’après C. Barthélémy (1972), ce sont les dérivés centraux qui
seraient les plus délirio-hallucinolytiques.

S. C arrer-S aint Père (1964) o n t confirm é dans une certaine m esure ces espoirs,
m ais la p lu p a rt des auteurs em ploient alors de hautes doses.
P o u r la p lu p a rt des Cliniciens qui o n t expérim enté cette m édication, elle
s ’adresse su rto u t aux form es anciennes de schizophrénie, aux Psychoses à form e
anxieuse o u avec troubles du com portem ent d o n t elle contribue à favoriser la
resocialisation (G uennoc et B ohard, 1966; P. Borenstein, 1967; Soulairac
et coll., 1967, etc.).
Plus récem m ent a été expérim enté (M . Blanc et coll., 1970) u n nouveau
neuroleptique, le T P N 12 qui ne p a ra ît pas avoir beaucoup plus d ’influence sur
l ’activité délirante et hallucinatoire que la Thioridazine (Melleril).
MÉDICATIONS HALLUCINOL YTIQUES 1367

B. Q u a n t aux Neuroleptiques « incisifs » (stim ulants o u désinhibiteurs)


du type T hiopropérazine (m ais p arm i lesquels semble en trer p o u r ses effets
thérapeutiques la Réserpine), ils o n t, disent les Lyonnais (L am bert, Brous-
solle, etc.), une activité m ajorée sur les phénom ènes « de n ature schizophré­
nique, hallucinatoire ou m aniaque ». D isons to u t sim plem ent que ce sont parm i
eux que se tro u v en t les m édications auxquelles le Clinicien a recours p o u r
traite r n o tam m en t les Psychoses délirantes et hallucinatoires aiguës, les « schizo­
phrénies aiguës », les crises délirantes e t hallucinatoires des Psychoses chro­
niques. Ce so n t donc eux qui nous intéressent le plus ici. N ous nous bornerons
à m entionner la Prochlorpérazine (Tém entil), la Thiopropérazine (M ajeptil),
la Trifluopérazine (Terfluzine) e t les Butyrophénones (H alopéridol).
1. — L a Prochlorpérazine (Tém entil) est d ’u n usage assez peu répandu en
France. Il est vrai q u ’elle provoque assez souvent des incidents assez fâcheux.
A p a rtir de 100 m g, on constate des crises kinéto-statiques avec spasmes ou
m êm e des accidents graves (M ahoudeau e t coll., 1957), hyperkinésie, raideur
et des troubles extrapyram idaux (balancem ent, akatisie, protrusion rythm ique
de la langue, cram pes m axillo-faciales, etc.), m ais elle ne provoque pas seule­
m ent u n effet sédatif, elle agit aussi favorablem ent et profondém ent sur des
« désordres psychiques plus p rofonds ».
P. Broussolle et coll. en 1957, puis en 1962, s ’aperçurent de son efficacité
dans les Psychoses délirantes aiguës et dans les schizophrénies paranoïdes.
P. Broussolle e t P auget (1960) écrivaient à ce sujet : « Les délires hallucina-
« toires co n stituent une bonne indication. Les hallucinations auditives cèdent
« rapidem ent e t le délire se trouve relégué au second plan ». P o u r J. D elay
e t P. D eniker, ce neuroleptique stim ulant serait indiqué su rto u t dans les
« schizophrénies à sym ptom atologie déficitaire ».
2. — L a Thiopropérazine (M ajeptil) co m p o rtan t égalem ent un noyau pipé-
razinique a fa it depuis 1960 l ’objet d ’observations cliniques et de travaux
relativem ent p eu nom breux (cf. spécialem ent J. D elay et P. D eniker (p. 165
à 184) et l ’étude de P. Broussolle et P. A . L am b ert (p. 139 à 149 des Actualités
thérapeutiques d u G roupe Lyonnais)). Il est considéré com m e u n des plus
« actifs » des neuroleptiques éta n t prescrit à doses progressives (ju sq u ’à 120 et
mêm e 200 mg) o u en u sa n t de la m éthode dite oscillante des doses interm ittentes
(C oirault, D elay et coll.) qui réalise une sorte de « chim ichoc », m ais il entraîne
des effets secondaires particulièrem ent im p o rtan ts (crises akinétiques ou crises
toniques à localisation axiale et le plus souvent péribuccales et linguo-pha-
ryngée). Les Psychoses hallucinatoires (selon Broussolle, L am bert et Mlle P au ­
get, 1963) seraient une indication de choix, l’action de ce neuroleptique p arti­
culièrem ent « incisif » agissant plus favorablem ent sur les H allucinations
auditives. J. D enham et J. E. L. C arrick (1961) o n t égalem ent n o té que chez
les 58 schizophrènes traités « hallucinations yielded reality and rapidity to
the tre a tm e n t » (p. 329).
J. D elay e t P. D eniker o n t o b ten u plus globalem ent 73 % de très bonnes
rém issions chez 49 schizophrènes à form e sim ple, 68 % chez 53 schizophrènes
1368 THÉRAPEUTIQUE

à form e p aranoïde e t 4 très bonnes rém issions chez 4 délirants hallucinatoires


o u paraphrènes.
F ait hom éopathique assez curieux, on a noté (M . Riser, L. G ayral et coll.,
1961) que ce neuroleptique p ro v o q u ait assez facilem ent des rêves hyperkiné-
tiques et en im agerie hallucinosique de type « hallucinose pédonculaire ».
3. — L a Trifluopérazine (Terfluzine). En 1958 et 1959, W . K ruse et
J. Barsa (1) o n t spécialem ent étudié cette phénothiazine fluorée et pipérazinée. De
m êm e en F rance, Broussolle, 1962, H . Ey, M . C o r-M o rd re te t J.-P. Eppe, 1962,
J. G érau d e t J. L aboucarié, 1963, G . Lecom te et R. Alcalay, 1963, Broussolle
e t L am b ert, 1963, etc., o n t appliqué cette chim iothérapie dans diverses Psy­
choses. D ’après ces derniers auteurs, su r 28 schizophrénies et délires chroniques
(plus o u m oins hallucinatoires naturellem ent), ils o n t noté 19 bons résultats.
W . K ruse (1959 et 1960) a souligné l’intérêt de la Thiopropérazine p o u r le
traitem en t des H allucinations auditives chez les schizophrènes... P o u r ce qui est
des Psychoses délirantes aiguës, P. Broussolle et P. A. L am bert o n t noté 3 bons
résultats sur 4 m alades traités. J. D elay et P. D eniker o n t souligné l ’action plus
nette sur les Psychoses aiguës que sur les Psychoses chroniques. P o u r notre
p a rt, dans le p e tit travail que nous avons publié (1962) avec nos collaborateurs,
nous avons n oté la réduction rapide des expériences délirantes et hallucina­
toires m ais la persistance d ’une anxiété qui a exigé l ’em ploi de m édications
anxiolytiques. D e l ’ensem ble de nos essais thérapeutiques — et sans que nous
ayons p u en décom pter avec rigueur les données statistiques — nous avons
l’im pression que la Trifluopérazine agit plus particulièrem ent sur les expé­
riences délirantes e t hallucinatoires aiguës ou au cours des poussées schizo­
phréniques processuelles.
4. — Butyrophénones (H alopéridol et Tripéridol). Ils o n t été synthétisés
p a r P. A. J. Janssen dans son laboratoire de Burse (Belgique) en 1956. D epuis
ils o n t connu u n succès énorm e et o n t fait l ’objet d ’une m asse de travaux si
considérables q u ’il serait absolum ent illusoire d ’en donner un exposé valable.
C ontentons-nous de déclarer les principales sources où nous avons puisé le
supplém ent indispensable à notre p ro p re pratique thérapeutique : le Sym po­
sium In tern atio n al de M ilan (1962), les travaux de J. D elay et de ses élèves
(1960), la M onographie de J.-P. M onceaux (1961), celle de J. L aco u rt (Bor­
deaux, 1963), l ’article de H . Y erm orel (dans les Actualités de thérapeutique
psychiatrique, 1963), la thèse de J.-M . P iret (Paris, 1963), le travail de E. A. Séra-
fetinidès et coll. (1972). Il ressort de ces expériences cliniques que l’H alo-
péridol est u n des plus puissants agents chim iothérapiques des états d ’exci­
ta tio n y com pris de ces « états d ’excitation » d o n t parlait M oreau (de Tours)
lo rsq u ’il les décrivait com m e le « fait prim ordial » du délire hallucinatoire.
E t c ’est effectivement aux « bouffées » de délire ou d ’activité hallucinatoire,

(1) Ce médicament est connu des Américains sous le nom de Stélazine.


MÉDICATIONS HALLUCINOLYTIQUES 1369

aux Psychoses aiguës que d o it s ’appliquer avec le plus de succès ce neuro­


leptique m ajeur. A M ilan (1962), P. M . A lem a a particulièrem ent souligné le
pouvoir hallucinolytique de la butyrophénone. Sur 138 cas où se m anifestaient
des H allucinations, dans 110 cas la m édication eut u n bon et rapide effet.
S ur 264 cas de schizophrénie d o n t 108 schizophrénies aiguës et 156 schizo­
phrénies chroniques de type paran o ïd e, il a n oté 81 cas de rém ission p o u r les
schizophrénies aiguës e t 46 cas de bons résultats dans les form es paranoïdes.
D e leur côté, dans le m êm e Sym posium , G . F. G oldw urm et G . Torrigiani
o n t rem arqué « nell am bito dei fenom enoni allucinatori e delirenti si e verificate
e coite u n a sorprento e rap id e lisi délia sim ptom atologia... » (p. 458). J. Delay
et coll. (1960) o n t obten u égalem ent de beaux succès p a r l ’em ploi de la Butyro­
phénone d ans « les boulfées délirantes e t les épisodes schizophréniques à type
d ’expérience délirante prim aire ». Ils estim ent (1961, p. 216) que c ’est u n m édi­
cam ent de choix p o u r les Psychoses hallucinatoires chroniques : « tandis,
ajoutent-ils, q u ’avec les autres neuroleptiques le désintérêt précède souvent
l ’effet anti-hallucinatoire p roprem ent dit, c ’est le contraire qui se p roduit... ».
J.-P. M onceaux (1961) a confirm é l’efficacité de cette thérapeutique p o u r les
« bouffées délirantes aiguës » (l’observation n° 18 est particulièrem ent rem ar­
quable parce q u ’elle m anifeste le p ouvoir hallucinolytique de l ’H alopédirol
de façon spectaculaire). Jeanine L aco u rt (1963) considère aussi ces Psychoses
délirantes aiguës com m e une des m eilleures indications, m ais à vrai dire les
observations q u ’elle rap p o rte ne so n t guère dém onstratives de l ’activité hallu­
cinatoire de ses m alades et p a r conséquent de sa disparition.
Si l’H alopéridol atténue o u fait disparaître les m anifestations hallucinatoires
des Psychoses chroniques o u les schizophrénies p aranoïdes (J. D elay e t P. Deni-
ker, 1961, E. Jacob et coll., 1961, J.-M . B ouchard dans sa thèse, Paris, 1965,
p. 81), il semble bien que la p lu p a rt des auteurs fo n t de la B utyrophénone une
m édication héroïque des efflorescences délirantes et hallucinatoires aiguës.
— Q u an t au Tripéridol qui dérive de l ’H alopéridol p a r l ’introduction de
trois atom es de fluor en substitution de l ’atom e de chlore, il se m ontrerait
d ’après J. D elay et ses élèves, 1962) « très efficace dans la cure des bouffées
délirantes e t des schizophrénies aiguës ». G . Sam ulak (1964 rap p o rte 4 obser­
vations intéressantes d o n t 3 o n t été rapidem ent guéries des m anifestations
délirantes e t hallucinatoires. D ans sa thèse, M . K eller (Strasbourg, 1966)
utilisant la form e injectable a enregistré des succès, surto u t dans les form es
aiguës o u récentes de schizophrénie; tan d is que R asadm ir et coll. (1961) o n t
noté des succès dans les évolutions anciennes com m e dans les phases initiales
des schizophrénies (L ’action hallucinolytique du Tripéridol avait été expli­
citem ent notée p a r A. M asciocchi au Sym posium de M ilan.)

5. — P o u r ce qui est de YHaloaminone, nous avons égalem ent noté (1963)


son efficacité dans les psychoses délirantes et hallucinatoires aiguës (cf. aussi le
travail de A udisio, 1967). J. D elay et P. D eniker insistent égalem ent sur l ’acti­
vité antihallucinatoire rapide et puissante d ’une butyrophénone, l ’H aloaru-
sone (p. 219).
1370 THÉRAPEUTIQUE

6 .— L a Fluphénazine (M oditen). L a Fluphenazine, dérivé fluoré etpipéraziné


de la Phénothiazine, a été in tro d u ite aux U. S. A. en 1959 en chim iothérapie
psychiatrique. Elle fu t d ’ab o rd employée sous form e de déchlorhydrate « per os »
(com prim é ou solution à des doses v arian t de 100 à 800 m g p a r jo u r). D epuis
1966, nous disposons sous form e d 'œnanthate d ’u n p ro d u it injectable p a r voie
intram usculaire e t à action retardée (M oditen-retard). Les doses employées
sous form e de deux injections p a r m ois sont de 200 cm® correspondant à environ
la m oitié d ’une dose quotidienne de 500 mg.
Ce nouveau neuroleptique a fait l ’objet en France de nom breuses recherches
th érapeutiques destinées à en préciser les indications, la cinétique de son
action, la posologie, etc. (L. F ouks, J. D elay, P. A. L am bert, L. V allade,
R . D igo, R. P agot, M . H enne, L. G ayral, P. Borenstein, etc., etc.). O n p o u rra
consulter leur co n trib u tio n à l’étude du dichlorhydrate, puis de l ’œ nanthate
en se ra p p o rta n t aux nom breuses com m unications faites à la Société M édico-
Psychologique, à la Société M oreau (de Tours), aux Congrès de Psychiatrie
et de N eurologie de L angue Française de Lausanne 1965, de G renoble 1966,
de D ijon 1967, de C lerm ont-F errand 1968, aux C. R. du Congrès International
de N euro-Psychopharm acologie de W ashington 1966 et aux C. R . du Congrès
M ondial de Psychiatrie de M adrid, 1966 (1) et du Colloque Squibb d ’A rtigny
(m ai 1967) présidé p a r M . le Professeur Sizaret. L ’article de J. D elay, P. Deni-
ker, M . P errier e t B. D alle (1967), le supplém ent de l ’Encéphale Psycho­
pharmacologie (1970), l ’article de L. A. O nkenhout et coll. (1970) et celui
de L. Paternello et coll. (1970), doivent être spécialem ent signalés. Les rap ­
p o rts de K . H einrich et de J. R ain au t au C olloque franco-allem and (Brauweiler,
1970) fo n t éta t de l ’em ploi nouveau d u Décanoate (ou esther décanoïque de flu-
phenazine). U n colloque qui s ’est ten u en Espagne à Sitges (1969) a souligné
l’intérêt de ce « neuroleptique-dépôt ». Le court chapitre que P. A. L am bert a
consacré dans la Psychopharmacologie de J. Sutter (1971, p . 211-217) constitue
une excellente mise au p o in t de cette m éthode. Les essais thérapeutiques p ra ti­
ques su r 40 m alades p a r L. Paternello et coll. (1970) sont aussi d ’un particulier
intérêt.
Il résulte généralem ent de ces études et recherches que la Fluphénazine,
su rto u t sous form e retard , s ’applique principalem ent aux Psychoses chro­
niques. E t, effectivement, p o u r ne citer que quelques exemples, J. D elay et
coll., 1967, signalent les bons résultats de la schizophrénie ou dans les « délires
interprétatifs », m ais o n t trouvé l ’action de la Fluphénazine-retard « déce­
vante » dans les Psychoses hallucinatoires chroniques. P. M argat (1968) souligne
au contraire l ’influence favorable sur les Psychoses hallucinatoires chroniques
o u les schizophrénies paranoïdes. M . W ilkin et coll. (1968) insistent sur l ’effet

(1) Une communication de M. W ilkin et A. D arondel (IV e Congrès Mondial de


Psychiatrie, Madrid, 1966) expose l ’action de la Fluphénazine dans les manifestations
hallucinatoires des psychoses. L ’activité anti-hallucinatoire de la Fluphénazine leur
a paru très nettement égale, sinon supérieure, à celle des autres neuroleptiques
(100 cas).
MÉDICATIONS HALLUCINOLYTIQUES 1371

hallucinolytique de la F luphénazine, tandis que A. V iala (1970) indique


plus généralem ent et vaguem ent F « activité anti-psychotique » d u produit.
L ’im pression qui se dégage de notre p ro p re expérience et de la docum entation
que nous avons p u rassem bler — sous réserve des travaux récents sur le déca-
noate — c ’est que le p ouvoir hallucinolytique de la Fluphénazine est relati­
vem ent faible et que ce neuroleptique agit beaucoup plus com m e régulateur du
com portem ent p a r réduction générale de l ’activité et de l ’excitabilité aux Sti­
muli extérieurs et intérieurs. Il contribue incontestablem ent à rétablir la socia­
bilité et certains auteurs (J. Sutter et Scotto, P. Borenstein) en recom m andent
l ’usage dans les psychoses délirantes aiguës. Si nous ajoutons que le syndrom e
d ’im prégnation toxique et les effets secondaires sont souvent (sauf peut-être
p o u r le décanoate) considérables m algré les correctifs habituels (Trihexy-
phenidyle, O rphénadrine, E thybenzatropine, etc.) (1), il nous p araît prudent
de ne recom m ander ce m ode de traitem ent p o u r les schizophrénies ou les
Psychoses hallucinatoires (m algré o u à cause de son interm ittence qui perm et
l ’éloignem ent d u m ilieu hospitalier et l ’espacem ent des relations psycho­
thérapiques) que com m e une com m odité sinon u n expédient que peu t justifier
la précarité des m oyens d ’assistance d o n t nous disposons. C ’est probablem ent
p o u r cette raison que cette thérapeutique est de plus en plus prescrite, et il
fau t reconnaître que bien m aniée, c ’est-à-dire bien contrôlée, elle paraît
efficace.

L ’a za c y c lo n o l (fr e n q u e l) .

Le chlorhydrate de alpha-pipéridyl-4-benzhydrol fabriqué sous le nom de


« Frenquel », a fait l ’objet d ’une expérim entation intense aux U . S. A.
(H. D. Fabing, 1955; B. B. Brow n, 1955; H . E. H im wich, 1953) en ta n t q u ’a n ta ­
goniste de l ’action hallucinogène de la m escaline et du LSD 25. E n France,
les publications de P. Bensoussan, E. M . Villiaumey et J. R ousseau à la Société
M édico-Psychologique, 1956; de H . Collom b et coll. dans la Presse M édicale
cette m êm e année; de A. Soulairac et coll. (I960); de P. Scherrer et coll. (1969);
en G rande-B retagne, celle de H . H ergraeve, 1959, o n t fait connaître ce nouvel
hallucinolytique « spécifique ». L a com m unication de A. Soulairac et coll. (2)
d o it être spécialem ent signalée en raison de sa docum entation clinique et
bibliographique. Il ne semble pas que m algré les conclusions du travail de
O. G randm ontagne (1967) o u celles de M . T. H aum onté et coll. (1968), le
pouvoir hallucinolytique de cet isom ère du P ipradol (M érétran) soit plus
hallucinolytique — ni m oins n on plus — que la p lu p a rt des m édications que
nous venons de rapp eler et auxquelles d ’ailleurs la p lu p art des auteurs
l ’associent.

(1) Artane, Disipal, Ponalide.


(2) A. Soulairac , B. H alpern , P. M orel et S. S chaub , Ann. Méd. Psycho.,
1960, 3, p. 768-780.
1372 THÉRAPEUTIQUE

L e s u lp ir id e (d o g m a til).

D écouvert en France p a r J. Justin-B esançon, M . T hom inet, C. Laville et


J. M arg arit (1), le Sulpiride a fait l ’objet de recherches de P. Borenstein et
de ses collaborateurs. Ph. C ujo, C. C ham pion, C. Olievenstein (2) (1968). Ces
auteurs estim ent que la disparition d u « syndrom e d ’autom atism e m ental »
(H allucinations psycho-sensorielles, psychiques, psychom otrices, etc.) est spec­
taculaire. « L ’action sur les H allucinations, écrivent-ils (p. 101) p eu t être
« escom ptée globalem ent dans un p eu plus des deux tiers des cas... » D ans un
travail publié en 1969 (3), P. Borenstein et ses collaborateurs sont encore
revenus sur l ’effet considérable p ro d u it p a r le Sulpiride sur l’activité halluci­
natoire. « Sur 15 cas où l ’autom atism e m ental (4) ne s ’accom pagnait pas
« d ’une construction délirante persécutive ou autre bien structurée et enra-
cc cinée d ’u n fond p aranoïaque, on com pte 14 succès » (p. 1308). J. C arrère
(1968) (5) confirm ait égalem ent les propriétés anti-dépressives anxiolytiques
et hallucinolytiques de cette nouvelle substance. P a r contre, N . D uc (Journées
de M arseille, 1970) s ’est m ontré plus sceptique.

L ’o x a flu m a s in e .

É tudié spécialem ent p a r J. R. Boissier (1971), ce neuroleptique m ajeur et


de position centrale dans la classification axiale (entre les sédatifs et les incisifs)
au rait une action plus particulièrem ent délirio-hallucinolytique (Thèse, C. B ar­
thélém y, 1972).

L e s a sso c ia tio n s.

— Les m édicam ents psychotropes à action « neuroleptique » et éven­


tuellem ent hallucinolytique, font l ’objet d ’associations m ultiples p o u r ne
pas dire innom brables (P. A. L am bert et I. M edenet, Neurologia, Neu-
rocirurgia, Psiquiatria, 1968, 9, p. 1-13). J. M . Sutter (p. 296 à 305)
donne de précieuses indications de ces associations. Signalons à titre
d ’exem ple l ’association fluphénazine et trifluopérazine recom m andée p a r

(1) Académie des Sciences, Paris, 1967.


(2) Annales Médico-Psychologiques, 1968, 2.
(3) Semaine des Hôpitaux, avril 1969.
(4) Précisons pour le lecteur étranger qui n ’aurait pas lu cet ouvrage dans son
entier, q u ’ici « automatisme mental » est pris dans le sens que G. de C lérambault
lui donnait : activité hallucinatoire en tant que cause génératrice du délire...
(5) Société Médico-Psychologique, 28 octobre 1968.
MÉDICATIONS HALLUCINOLYTIQUES 1373

A. Savelli, Rigal, Clém ent et Juillet (1) e t l ’association thiopropérazine lévomé-


prom azine préconisée p a r Ch. C olm art, F. Bridgm ai et P. G irard (1969).
P o u r n o tre p a rt, nous nous sommes beaucoup intéressé à la com binaison
prochlorpérazine (Tém entil) et lévom éprom azine (N ozinan) préconisée éga­
lem ent p a r G . O staptzeff et M . O staptzeff-Lavoine (1967 et 1968) (2). N ous
avons publié avec F. B ohard récem m ent dans l'Évolution Psychiatrique (1970) (3)
un long m ém oire sur cent cas traités depuis plusieurs années. D u p o int de vue
qui nous occupe ici, cette association ne nous p araît pas particulièrem ent
curatrice de l ’activité hallucinatoire puisque aussi bien c ’est dans le groupe
des Psychoses systém atisées paranoïaques que nous avons p u obtenir les résul­
tats les plus satisfaisants. N o u s devons cependant faire rem arquer — e t nous y
reviendrons plus loin — que beaucoup de nos « Psychoses délirantes chroniques
systématisées » étaient des Psychoses hallucinatoires. Cela ne su rprendra ici à la
fin de cet ouvrage le lecteur qui a bien voulu suivre notre analyse de la construc­
tio n délirante et hallucinatoire de la P aranoïa. L a lecture des résum és de nos
observations (à titre d ’exemple, les observations 77, 78, 79, 82, 83 et surto u t 84,
laquelle m ériterait une longue et bien intéressante étude).
Récem m ent, E. A. Sérafetinidès et coll. (1972) o n t particulièrem ent recom ­
m andé d ’alterner p lu tô t que d ’associer l ’H alopéridol, le C lapenthizol et la
C hlorprom azine dans les schizophrénies aiguës (paranoïdes).

(1) Congrès de Dijon, 1967.


(2) Congrès de Dijon, 1967, et Annales Médico-Psychologiques, 1968.
(3) Évolution Psychiatrique, 1970,1, p. 251-296.
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■I
CHAPITRE III

LES PSYCHOTHÉRAPIES

Si ce que nous venons d ’exposer de P « arsenal » chim iothérapique m oderne


dém ontre quel chem in a été p arco u ru depuis la recom m andation p a r M oreau
(de Tours) de l’em ploi de la poudre de D atu ra, que devons-nous dire de
l’imm ense écart qui sépare le « traitem en t m oral » (?) de L euret et les m ul­
tiples form es de psychothérapie qui o n t vu le jo u r depuis près de cent ans ?
R appelons-nous les tem ps héroïques de Y hypnose, de la suggestion et des
fam euses études de P. Ja n e t (1). L a p ratique de Yhypnose p o u r guérir les
Délires hallucinatoires, en dehors de quelques cas d ’hystérie, n ’a guère été
— to u t a u m oins systém atiquem ent — utilisée depuis. P ar contre, les techni­
ques dérivées de l’hypnose (l’hypnothérapie, P « autogène training », le
rêve éveillé, etc.) o n t p u être parfois appliquées avec succès aux Psychoses
hallucinatoires, c a r il fau t bien se débarrasser une fois p o u r toutes de l ’idée
que la grande césure n ’est pas entre Psychose et N évrose (2), y com pris dans
les indications psychothérapiques. T o u t dépend, en effet, de la form e et de la
phase de la Psychose ou de la N évrose, com m e nous Pavons précédem m ent
souligné. Signalons cependant, à titre d ’exem ple, le cas traité p a r Lewis
R. W olberg (1946) et celui de D. G ruenew ald (1971).
Ceci d it — et qui justifie toutes les entreprises de psychothérapie à type de
« suggestion », de « direction », de « révulsion », de « catharsis », etc. — c ’est
une grande erreur q u ’o n t com m ise les Cliniciens (meilleurs praticiens généra­
lem ent que théoriciens) se sont cru autorisés à s’abstenir de la psychothérapie
dès q u ’il s’agit d ’une « vraie Psychose », d ’une « Psychose endogène », d ’un
« M oi psychotique ». Il a fallu très longtem ps, notam m ent aux Psychanalystes,
p o u r s’ingénier en assouplissant o u tran sfo rm an t leur fam euse « cure-type »

(1) Névroses et Idées fixes, et notamment, comme nous y avons déjà insisté dans
cet ouvrage, l ’étude et la désintégration de l’idée hallucinatoire, du choléra... et sur le
développement de la Psychiatrie le grand ouvrage de H. E llenberger (1970).
(2) La grande césure se situe entre le normal et le pathologique et il est fréquent
d ’observer que beaucoup de Psychiatres et de Psychanalystes si vétilleux en ce qui
concerne cette frontière soient si rigoureux quand ils posent diagnostic ou indication
thérapeutique radicalement différents entre les cas où les « Moi » sont névrotiques
et les cas où les « « Moi » sont psychotiques... (cf. supra, p. 855-860).
1376 THÉRAPEUTIQUE

à trouver des abords thérapeutiques de la <( Psychose ». Entendez p ar là, du


Délire, et, bien sûr, des Psychoses délirantes hallucinatoires. E t p o u rta n t voilà
que depuis quelque vingt ans les choses o n t com plètem ent changé et, p a r une
sorte d ’excès inverse il sem blerait que seule la « thérapeutique relationnelle »
à base d ’interprétation, de déchiffrem ent sym bolique de l ’Inconscient du dépla­
cem ent p a r le transfert des investissem ents libidinaux « pathogènes », soit non
seulem ent indiquée, m ais la seule (1) indiquée dans le traitem ent des schizo­
phrénies et des Psychoses, les autres thérapeutiques « biologiques » étant
tenues p a r des auxiliaires presque superflus ou en to u t cas exclus de la pureté
de l ’acte psychothérapique et su rto u t de la « cure » psychanalytique p a r excel­
lence. Bien sûr, dans tous les Congrès, dans tous les ouvrages (le plus souvent
collectifs) consacrés à la thérapeutique et à la psychothérapie des Psychoses,
o n trouve la m arque de ces hésitations ou de ces exclusives. L a p lu p art des
auteurs, renonçant à la justifier, recourent à la solution de la com plém entarité
des deux conduites thérapeutiques (2).
N ous ne pouvons songer à exposer ici même en réduisant les expériences,
observations o u réflexions sur la psychothérapie des Psychoses hallucinatoires
à l ’essentiel, les controverses, indications et résultats du « traitem ent m oral » des
H allucinations sous sa form e m oderne. N ous nous contenterons de dire un
m o t de chacune des principales m éthodes plus ou m oins systém atiquem ent
utilisées ou des soi-disant « techniques » (?) les plus employées ou les mieux
codifiées.

P s y c h o th é r a p ie s in d iv id u e lle s .

Elles so n t toutes plus ou m oins analogues ou apparentées à la cure psycha­


nalytique d o n t elles constituent les dérivations plus ou m oins lointaines. Ainsi
c ’est p a r le problème de la psychanalyse des Psychoses délirantes et hallucina­
toires que nous devons com m encer cet exposé.

(1) A cette réserve près que depuis quelque temps — pour des raisons assez
faciles à comprendre — les Psychanalystes (pas tous !) ne prétendent plus guérir...
et prétendent même que la maladie mentale (le pathologique) n ’existe pas, ou encore
en tant que solution « métanoïaque » (R. D. L aing ) et source de créativité (H) doit
être sauvegardée... Toutefois, dans cet exposé, nous allons oublier (avec beaucoup
d ’entre eux) que les Psychanalystes ont renoncé à guérir.
(2) Cf. par exemple The dynamicsof Psychiatrie therapy de Sauver -F orner (M ont­
réal, éd. Thomas, 1961). P. A. L ambert et coll., La relation médecin-malade au cours
des chimiothérapies psychiatriques, Paris, éd. Masson, 1965. Réunion annuelle de
l ’Évolution Psychiatrique (1966), rapports de Ch. Brisset, C. K oupernik , A. G reen ,
C. B lanc , sur le thème « Psychopharmacologie et Psychothérapie ».
PSYCHOTHÉRAPIE — PSYCHANALYSE 1377

a) L a « cure psychanalytique type » (1) e t ses am énagem ents dans la thé­


rapeutique des Psychoses. — L a « cure-type » est en quelque sorte, p a r sa
typicité m êm e, exclusive de son em ploi dans les form es paranoïdes et hallu­
cinatoires des schizophrénies et plus généralem ent de toutes les déform ations
psychotiques d u M oi. F reu d avait insisté su r 1’ « inanalysabilité » des Psychoses,
le m o teu r m êm e de la cure, le tran sfert lui paraissant im possible dans ces m ala­
dies de la réalité que sont ces « Psychoses narcissiques », et notam m ent dans
son article sur la Psychothérapie il a souligné cette difficulté, sinon cette
im possibilité.
M ais depuis les trav au x de M élanie K lein qui o n t fait plonger l ’analyse
ju s q u ’aux phases dites prégénitales qui correspondent assez exactem ent aux
phases des phantasm es n o n intégrés au système de la réalité, le m onde pulsionnel
infantile (2) et le m onde psychotique sont ap p aru s hors de la dialectique propre
au refoulem ent et com m e « objets » d ’une analyse plus directe (Rosen). D ’où
l’ab o rd analytique des Psychoses (encore une fois, nous visons ici les Psychoses
autistiques, les Psychoses narcissiques c ’est-à-dire les Schizophrénies, autrem ent
dit, les form es les plus régressives des Psychoses hallucinatoires) p a r une atti­
tu d e plus active (à Tow son H . S. Sullivan puis à C hestnut Lodge, J. N . Rosen
et F. F rom -R eichm ann, 1947) ou plus gratifiante (M . Sechehaye, 1947).
P. C. R acam ier (1956) a exposé (3) les m odifications du concept de transfert
et des techniques nécessaires p o u r répondre à la dem ande « barrée » d u psycho­
tique. L e Psychanalyste d o it en quelque sorte cesser de l ’être en assum ant des
attitudes parentales n on seulem ent sur le plan sym bolique m ais sur le plan de
la réalité (cf. l ’article de O. A. Will, in Comprehensive T extbook ofP sychiatry de
F reedm an et K aplan, 1967).

(1) Malgré le dédain affecté par la plupart des Psychanalystes à l ’égard de la


Psychothérapie, il est bien évident qu’ils se rangent eux-mêmes, quand ils recourent
à des moyens psychologiques pour traiter des désordres psychiques ou corporels,
parmi les psychothérapeutes (définition du Vocabulaire de la Psychanalyse de
J. L aplanche et J. B. P ontalis).
(2) Cette coïncidence des deux mondes trouve sa coalescence la plus parfaite
mais aussi sa problématique la plus difficile dans les Psychoses infantiles (S. L ebovici
et J. M cD ougall, P. U. F., 1960 et S. L ebovici et M. Soûle, La connaissance de
l’enfant par la psychanalyse, Paris, P. U. F., 1970).
(3) On trouvera dans l ’article de P. C. R acamier dans Psychanalyse d ’aujourd’hui
de S. N acht (p. 496 de la 2e édition, P. U. F., 1969), l ’énumération des auteurs qui
se sont principalement occupés des « psychoses au long cours » — une bibliographie
très soigneuse concernant l ’ensemble des problèmes de la psychothérapie psychana­
lytique des Psychoses, p. 481 à 490, et une bibliographie complémentaire, p. 516 à 519.
Le choix d ’articles de J. N. R osen traduits en français (L ’analyse directe, P. U. F.,
1960) permettra à chacun de se rendre compte du cheminement thérapeutique de
l ’analyse directe. Le cas R. Z. (qui rappelle tant d ’autres délires hallucinatoires para­
noïdes) rapporté intégralement (p. 42 à 54), est particulièrement instructif. Ce qui
manque en général à ce genre d ’observations, c ’est la suite, la catamnèse, c ’est-à-dire
en définitive la solidité de la rémission de l ’activité hallucinatoire...
1378 THÉRAPEUTIQ UE

Le recours aux in terp rétatio n s ap p araît dans cette situation no n seulement


inefficace m ais m êm e dangereux. (N ous 'en fîm es l ’am ère expérience chez
n o tre m alade Lucienne (cf. supra, p. 765) il y a quelque trente ans.) Il est diffi­
cile d ’évaluer les diagnostics, les indications et les résultats de ces traitem ents
psychanalytiques, ta n tô t m éthodiques, ta n tô t hasardeux et souvent interm i­
nables. Ce n ’est pas la littérature sur « les Psychoses » (de M élanie K lein à
J. L acan et ju s q u ’à G . Deleuze) qui peut fonder quelque espoir (établi sur les
relations objectales qui se jo u e n t aux trois coins du triangle œdipien, sur le
« Signifiant forclos » o u la « m achine désirante ») de traiter le D élire halluci­
natoire autrem ent q u ’en le partageant. Le récent ouvrage de A. de W aelhens
(1972) m o n tre assez clairem ent que les interprétations » sophistiquées » ne
valent p as m ieux que les « sauvages », quand il s’agit de saisir le D élire autre­
m ent que com m e « objet » de m éditation et le D élirant com m e « sujet » de
satisfaction m étapsychologiques.
P ar contre, il fau t reconnaître que souvent, sans esprit de système m ais
avec de géniales intuitions, M . A. Sechehaye, G . Pankow et ta n t d ’autres (1)
parviennent à établir et m êm e à restaurer la com m unication perdue dans les
circuits hallucinatoires. Si nous nous interrogeons sur les cas que nous avons
pu suivre o u même ceux d o n t l’observation est rapportée dans une m ultitude
de travaux psychanalytiques, nous ne pouvons pas dire — com m e certains le
prétendent tém érairem ent — que cette m odalité de thérapeutique relationnelle
se référant aux hypothèses m étapsychologiques de F reud ou aux analyses
kleiniennes (même si elles sont transform ées p a r des conduites plus direc­
tives, plus suggestives o u plus protectrices ou sécurisantes) sont assez efficaces
p o u r justifier les prodiges, sans m iracle hélas ! de certains analystes exception­
nellem ent patients e t zélés (2). Les résultats de ces entreprises fabuleuses, véri­
tables croisières d ’intrépides navigateurs (parfois aussi de pirates) sont assez
décevants. Si Rosen p ouvait en 1947 se vanter d ’avoir guéri tous les 38 schizo­
phrènes (« goût am éricain ») q u ’il avait soignés p endant 4 ou 5 mois, F. From -
R eichm ann (1954) note seulem ent 17 % de succès (77 « schizophrènes diffi­
ciles » soignés à C hestut Lodge) avec des durées de traitem ent beaucoup plus
longues e t des équipes m édicales exceptionnellem ent nom breuses. A u fond,
com m e le souligne P. C. R acam ier, la place de cette psychothérapie psychanaly­
tique des Psychoses « reste d ’exception » mêm e si, croit-il, « elle est solide »...
N aturellem ent, ce que nous venons d ’exposer p o u r « la Psychose en géné­
ral » v au t encore bien plus p o u r les Psychoses délirantes et hallucinatoires
chroniques (schizophrénies, délires systém atisés, délires fantastiques). Le plus
souvent — com m e p o u r la chim iothérapie — l’établissem ent de meilleures

(1) Des efforts, comme ceux si sérieusement entrepris par P. F edern, S. N acht,
S. L ebovici, R. D iatkine, H. R osenfeld, etc., méritent d ’être soulignés, connus et
poursuivis.
(2) Parmi tant et tant d ’exemples publiés — et combien de plus nombreux encore
qui ne le sont pas — de ces « psychanalyses interminables » sinon impossibles, nous
pourrons citer celui de J. A. Carpinacci (1971).
PSYCHOTHÉRAPIE — PSYCHANALYSE 1379

relations intersubjectives estom pe o u « gom m e » le délire et l ’activité hallu­


cinatoire (en form e de m onologue dialogué susceptible parfois de s ’ouvrir sur
un dialogue avec l’au tre que soi-même). M ais il est bien certain q u ’un grand
nom bre de ces Psychoses paraissent aussi rebelles aux m éthodes psychothé­
rapiques q u ’aux m éthodes « biologiques ». L ’enjeu est tel cependant et les
risques sont si faibles, les chances au contraire n ’é tan t pas exclues, que l ’on
ne peu t q u ’encourager ceux qui s ’ach arn en t à la guérison de ces m alades
attein ts des diverses m odalités de délire hallucinatoire chronique. P o u r ce qui
est des Psychoses délirantes et hallucinatoires aiguës, nous verrons plus loin
q u ’elles posent elles aussi, m algré l ’opinion classique de la p lu p a rt des Psy­
chiatres, des indications de psychothérapie psychanalytique au p o in t de
constituer peut-être la plus im périeuse exigence de la psychothérapie dans
l’ensem ble des névroses e t des psychoses.
Les débats d u C olloque de M ontréal (1969) sur la « Problém atique de la
Psychose » et d u C olloque de Paris (1972) sur « Les traitem ents au long cours
des Psychoses », o n t quelque peu contribué à préciser les indications et les
possibilités de l ’application de la psychothérapie analytique directe ou indi­
recte typique o u atypique dans les psychoses délirantes et hallucinatoires
chroniques. N ous reviendrons plus loin sur les m odalités psychanalytiques
dites institutionnelles qui sont de plus en plus en vogue m ais aussi contes­
tantes que contestées. Il nous semble que la relation psychothérapique per­
sonnelle constitue le noyau psychothérapeutique proprem ent dit de to u te
tentative p o u r faire devenir le cc D élirant » celui (le « Je ») q u ’il n ’a jam ais été
ou n ’a pas p u être ou rester; c ’est elle qui d o it établir ou rétablir une m odalité
de com m unication im possible nouée ou interrom pue, une instauration ou une
restauration de l ’existence d ’u n M oi infirm e o u perdu dans le groupe social
et familial.
C ar nous croyons, nous, à l ’efficacité de la psychothérapie analytique
à la seule condition q u ’elle soit conduite p a r u n clinicien assez « savant »
p o u r savoir ce q u ’est le « processus psychotique » ou en to u t cas p o u r savoir
ce q u ’il n ’est pas que l ’on dit q u ’il est q u an d on se contente de ne le considérer
que com m e u n reflet, une « panchreston » (Szasz), une « m étanoïa », un m ot
(R. Laing) o u une m aladie de la famille, de l ’asile o u de la sqciété. Si la psychose
délirante et hallucinatoire chronique, su rto u t dans sa forhae schizophrénique
est toujours et nécessairem ent une projection de l ’idée que s ’en fait le psy­
chiatre et est aussi un effet des pertu rb atio n s fam iliales ou de l ’action iatrogène,
elle ne se réd u it pas à ces conditions peut-être nécessaires m ais jam ais suf­
fisantes.

b) Les Psychothérapies directes (Jung, A dler, D aseinsanalyse).— Ce que nous


venons de souligner (la tran sfo rm atio n de la technique analytique p o u r s’ad ap ­
ter aux Psychoses) est d ’une im portance p ratiq u e et théorique capitale. Il fau t
être aveugle p o u r ne p as voir que la m étapsychologie freudienne, c ’est-à-dire
la seule considération de l ’appareil psychique considéré dans son dynam ism e
inconscient (cf. supra, 6e P artie, chap. II) est elle-même frappée de cécité — p o u r
E y. — Traité des Hallucinations, n. 45
1380 THÉRAPEUTIQ UE

s ’en ten ir à l ’om nipotence pathogène du « processus prim aire » de l ’Incon­


scient — e t ne pas voir p a r conséquent la dim ension de l’être conscient dans
l’organisation de la vie de relation e t dans sa « désorganisation psychopatho­
logique ». O r, certaines m éthodes de psychothérapie to u t en travaillant sur
e t à trav ers le sym bolism e des sym ptôm es, c ’est-à-dire leur sens inconscient,
s ’adressent égalem ent aux structures défaillantes de la Conscience.
D éjà l ’analyse jungienne en ta n t que, com m e le dit R oland C ahen, elle tient
« le conscient p o u r une pièce m aîtresse de l ’architectonique psychique » (1), a
ouvert la voie à une profonde révision de la psychothérapie désorm ais
confrontée non pas seulem ent aux instances inconscientes libidinales m ais
aussi aux instances conscientes d u <( devoir-être-en-accord-avec-le-principe-de-
réalité » sublim é dans l’ordre des valeurs. Ces quelques m ots peuvent suffire
ici p o u r éclairer d ’u n nouveau jo u r le style de ces psychothérapies indivi­
duelles que nous pouvons appeler plus directes « psychagogique » ou « égo-
thérapiques » (2) p o u r in stituer une dialectique dialogante entre le délirant,
m alade de la réalité (et plus particulièrem ent l’halluciné) et le psychothé­
rapeute qui, analysant les m obiles inconscients de l ’exigence hallucinatoire
(qui sont com m e les « voix » m êmes d ’u n transfert négatif, en quelque
sorte cosm ique) s’efforce de les intégrer dans une problém atique intersubjective
o ù il représente n o n pas — com m e dans la cure analytique orthodoxe — le
m iroir phantasm ique d u p atien t m ais la réalité de l’A utre avec lequel il a
à p arler et à com pter.
« L a technique » psychothérapique préconisée p ar A. A dler (cf. H . F. Ellen­
berger, 1970, p. 608 à 648) est plus nettem ent « m aïeutique » et « psycha­
gogique » — disons plus sim plem ent directive. Elle fait appel au système
des valeurs propres à l ’individu qui tendent à assurer son autonom ie et sa
liberté autrem ent q u ’en ten tan t de « dénouer » le nœ ud ou le « double bind »
d u prem ier âge. Le style analytique de E. From m ou de ceux que l ’on a appelé
ou qui se sont appelés « néo-freudiens » (Ellenberger, p. 640) s’en rapproche.
L a D aseinsanalyse m aniée p a r L. Binswanger ou R. K uhn, ou encore la
« logothérapie » de V iktor E. F ran k l (3), constituent des m odes de relations res­
tauratrices d u système des valeurs sociales, éthiques et du système de logique
de la réalité. N aturellem ent, il ne s’agit ni de catéchiser ni d ’im poser un

(1) Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Psychiatrie, 1955.


(2) L ’Ego qui dans le schéma de l’appareil psychique de F reud est une « pauvre
chose » et somme toute rien, est au contraire dans ma propre conception de l’orga­
nisme psychique représenté par les structures de l’être conscient. Il est aussi celui qui
(par lui-même et les autres qui sont comme lui) confère la réalité à la Réalité. Car
celle-ci, n ’en déplaise à J. L acan, G. D eleuze, A. de W aelhens (et quelques autres...),
n ’est pas seulement celle du Désir mais celle qui est là en nous ou hors de nous, dans
le monde qui échappe ou s ’oppose au désir.
(3) V. E. F rankl (Der umbewusste Gott, « le Dieu inconscient », Vienne, Aman­
dus éd., 1948, analysé par T. K ämmerer in Evol. Psych., 1948, n° 4, p. 228 à 238).
PSYCHOTHÉRAPIE — PSYCHANALYSE 1381

modèle ratio n n el d ’existence ; il s’agit de faire surgir ce m odèle et de le faire


ém erger dans et p a r la sublim ation personnelle m êm e des forces libidinales.
Il ne s’agit p as d ’opérer d u dehors la répression de ces forces m ais (comme
dans to u te psychanalyse) à faire prendre conscience au sujet de la place q u ’il
peu t e t désire occuper dans le m onde. C ’est dans et p a r ce m ouvem ent dia­
lectique de négantropie que le délire e t les H allucinations perdent ou peuvent
perdre leur force d ’attractio n , c ’est-à-dire l’entropie q u ’elles représentent
dans la dégradation de l ’énergie o u la perte d ’inform ation de l’être cons­
cient. N o u s reviendrons encore u n p eu plus loin sur cette m odalité d ’analyse
existentielle q u an d nous dirons q u ’elle pren d peut-être son plein effet
dans une certaine form e de psychothérapie de groupe.

c) Les Psychothérapies cathartiques (N arcoanalyse, H ypnoanalyse(l), etc.).


— Des itinéraires psychothérapiques plus brefs o n t été utilisés et recom m andés.
Ces « brèves psychothérapies » sont nées d u besoin et de l ’urgence des troubles
m entaux aigus (souvent délirants e t hallucinatoires com m e la fam euse « hyp­
nose des batailles ») d u ra n t la deuxièm e guerre m ondiale. Com m e des m édi­
cations hypnotiques adéquates étaient d ’u n em ploi relativem ent aisé, on n ’a
pas tard é à préconiser des « narcoanalyses » sous l ’effet de l’am ytal sodique
(St. Horsley). C ertes, avant l ’apparitio n des divers barbituriques (am o-barbital,
hexo-barbital ou pento-barbital, P en th o tal, E vipan, Privénal, N em butal, etc.),
les psychiatres avaient depuis longtem ps tenté de provoquer u n état « hypno­
tique » qui favorise l’efflorescence d u rêve ou d u contenu latent des névroses
ou des psychoses et, p a r là, assure une sorte de soupape aux tensions in tra­
psychiques. M ais il s ’agissait su rto u t (M lle Pascal, Mlle D escham ps, 1930;
H. B aruk, 1933) d ’explorer le psychism e à l ’aide de diverses drogues (éther,
scopochloralose, etc.). A près les succès obtenus p a r St. H orsley en A ngleterre,
p a r L inderm ann, L. S. K ubie, A lexander, etc., aux U . S. A ., grâce à la « cath ar­
sis », 1’ « abréaction » des contenus anxiogènes des psycho-névroses de guerre,
la m éthode fu t employée en France (Cossa, 1945; J. Delay et coll., 1945 à
1949, etc.). M ais c ’est la riche expérim entation accum ulée p a r R. Bessière et
J. Fussw erk (1950) qui d o it spécialem ent retenir notre attention. Ils se sont
proposés, en effet, de tra ite r les états schizophréniques et l’autom atism e m ental,

(1) L ’extraction du mal par l’exorcisme ou l’hypnose (modèle dont dérive direc­
tement la psychanalyse freudienne) a toujours hanté l’esprit des hommes et plus
particulièrement du « guérisseur » et du « thaumaturge ». Après les Magnétiseurs,
les Hypnotiseurs se sont emparés des Névrotiques (souvent Psychotiques). P. J anet
à cet égard a été un maître dans l’art d ’exorciser le délire hallucinatoire... L ’hypnose
peut sûrement dans certaines formes psycho-névrotiques de la « Maladie délirante »
être bienfaisante. Elle a toujours été plus ou moins systématiquement ou complè­
tement appliquée. Récemment encore, D. G ruenewald (1971) montrait que dans les
cas de « double personnalité », c’est-à-dire de « dédoublement de la personnalité »
(confinant au domaine de la Psychose ou coïncidant avec lui) une psychothérapie
se rapprochant des méthodes hypnotiques pouvait être indiquée.
1382 THÉRAPEUTIQUE

c ’est-à-dire l ’activité hallucinatoire p a r l ’hypno-analyse. A vrai dire, la p re­


m ière p artie de deux ouvrages traite d ’ « états schizophréniques » (souvent à
forte com posante névrotique) d o n t la sym ptom atologie hallucinatoire n ’est
p as au prem ier plan. P a r contre, dans la deuxième p artie sont exposées 7 obser­
vations d u syndrom e d ’autom atism e m ental, en réalité assez hétérogènes.
C ertaines correspondent à des Psychoses délirantes et à des expériences hallu­
cinatoires aiguës (cas 4 Samuel, cas 5 Sylvain). Le cas de Léonide est le plus
intéressant (p. 200 à 213) et m érite d ’être attentivem ent étudié au p o int de vue
de la « catharsis » de la dynam ique hallucinatoire sous l’influence des hypno-
analyses. C ertes, les résultats thérapeutiques sur ces diverses variétés de Psy­
choses hallucinatoires o u de syndrom e d ’autom atism e m ental sont difficiles
à apprécier (d ’a u ta n t plus que ces m alades o n t été presque tous soum is en même
tem ps à la convulsivothérapie), m ais il n ’en reste pas m oins que sous « sub­
narcose » (Sutter) (1) s’établit une relation psychothérapique sous form e de
récits, de souvenirs, d ’associations libres, d ’im agerie (2), qui perm ettent au
psychothérapeute de com m uniquer avec le p atient délirant et halluciné p ar la
m édiation d ’u n m atériel verbal qui p eu t être utilem ent traité. Les conditions
exceptionnelles et m agiques de la relation psychothérapique sem blent constituer
à cet égard u n facteu r favorable d ’efficacité. M ais naturellem ent, là encore
com m e nous le verrons u n peu plus loin, to u t dépend du diagnostic, c ’est-à-dire
de l’évaluation de la form e et de la phase de la psychose hallucinatoire.

d) A utres brèves psychothérapies (R êve éveillé, A utogène Training, Beha-


viortherapy). — S ’éloignant de plus en plus du m odèle freudien, u n certain
nom bre de psychothérapies o n t été préconisées. Les unes com m e « la technique
d u rêve éveillé » de Desoille (2) est destinée à produire artificiellem ent la satis­
faction des désirs que réalise naturellem ent le rêve du sommeil. A cet effet
« cathartique » s’ajoute la possibilité d ’une m anipulation thérapeutique du
m atériel onirique. C et é ta t hypnagogique induit et dirigé (J. D elattre, 1957)
constitue u n événem ent psychosom atique bienfaisant qui fait p o u r ainsi dire
le tra it d ’u nion entre les narco- et hypnoanalyses m édicam enteuses et l ’hypnose.
C ertains Cliniciens o n t d ’ailleurs recours aussi au « rêve lysergique » dirigé
(M . B erta, 1962) e t rejoignent ainsi l ’usage de plus en plus rép an d u dans ces
psychothérapies associées de l ’usage des drogues beaucoup d ’expériences
d ’A nglo-saxons avec le L SD , la m escaline, etc. (cf. H . C. D enber, A. H offer et
H . O sm ond, 1967, A. Virel 1971 etc.). Elles rejoignent aussi, d ’une p a rt la
m éthode d ’ « autogène training » de J. H . Schultz qui fait éclore une florai­
son d ’images (3) et l ’onirothérapie (R. Fretigny et A. Virel), et d ’autre p a rt la

(1) Encyclopédie Médico-Chirurgicale Psychiatrie, 1955.


(2) Plus récemment, E. K lemperer (Past Ego States emerging in Hypnoanalysis)
a insisté sur cette efflorescence bienfaisante de souvenirs dans l’hypnoanalyse.
(3) C ’est la floraison d ’images — mais plastiquement réalisées — qui est recherchée
dans les techniques psychothérapiques dites d ’expression et d ’activité créatrice (mode-
PSYCHOTHÉRAPIE DE GROUPE OU INSTITUTIONNELLE 1383

« B ehaviortherapy » (Eysenk, 1960), cette nouvelle thérapeutique de décon­


ditionnem ent qui utilise to u t naturellem ent — m ais un peu naïvem ent
com m e au tem ps o ù D albiez écrivait son fam eux livre sur L a méthode p sy ­
chanalytique et la Doctrine freudienne — l’assim ilation de la réflexologie et de
la psychanalyse p a r le biais des associations tem porelles anorm alem ent fixées
et d o n t les m éthodes ten ten t de rom pre la fixation (1).
M ais à vrai dire, to u tes ces psychothérapies s’adressent presque exclusi­
vem ent aux névroses, et leur application aux psychoses, — notam m ent halluci­
natoires — est peu usitée, encore q u ’elles ne peuvent pas m anquer d ’avoir
sollicité l ’atten tio n de quelques auteurs qui reviennent ainsi p a r un déto u r aux
psychothérapies à base de suggestion et d ’hypnose de la fin du x ix e siècle.

P s y c h o th é r a p ie s d e g r o u p e e t p s y c h o th é r a p ie in s titu tio n n e lle .

La m asse des m alades à traiter, l ’extension de la psychiatrie, ou plus


exactem ent l ’accroissem ent de l ’im p ératif thérapeutique à l ’égard des m alades
de plus en plus nom breux, a co n train t les psychiatres à rechercher des tech­
niques de psychothérapie collective. Elles répondent à deux finalités : la pre­
mière c ’est d ’am énager u n effet de groupe, tiré d ’un ensemble de personnel
et de m oyens mis au service d ’u n système relationnel ou sociothérapique —
la seconde c ’est de p ouvoir tra ite r u n plus gran d nom bre de m alades en utili­
san t des m édecins et le « collectif soignant » au m axim um des ressources
que représentent leurs capacités psychothérapiques mises en com m un. Cet
usage de la dynam ique des groupes e t de l ’institution a donné lieu depuis
vingt ans à d ’innom brables recherches, expériences et publications. C ’est
M oreno qui créa dès 1931 le term e de psychothérapie de groupe. Le m ou­
vem ent (2) se développa d ’ab o rd aux U . S. A ., puis en G rande-B retagne et

läge, peinture, dessins et, bien sûr, théâtre). Cf. spécialement I. J akab, Psychiatry
and Art, New York, Karger, 1964; Psicopatologia dell’espressione, Il Verri, n° 15,
1964 (revue éditée à Milan, éd. Faltrinelli); C. T his et G. R osolato, Plastothérapie
des psychotiques en milieu hospitalier, ConfiniaPsychiatrica, 1964,7, p. 45-64; R. Vol-
mat, L'art psychopathologique, P. U. F., 1966; Symposium sur Art et Psychanalyse,
C. R. Paris, éd. Mouton, 1968.
(1) A vrai dire, la Behaviourtherapy est essentiellement appliquée aux névroses
(cf. A. Y ates (1971) ou les rapports de J. R ognant et de G. F. G oldwurm au Congrès
des N et P de langue française, Milan, 1970). Mais bien des cas traités ou traitables
selon le modèle psychothérapeutique dérivé de la réflexologie sont à considérer.
(2) Cf. sur les psychothérapies de groupe M. J ones the Therapeutic community
(New York, Booles 1953), l ’article de R. D iatkine, E. K estemberg et S. Lebovici
dans l'Encyclopédie Médico-Chirurgicale Psychiatrie (1955) et celui de R. Barande,
R. D iatkine, E. K estemberg, S. Lebovici et J. Simon dans la rédaction de cet article
en 1960; le C. R. du Séminaire international de Psychothérapie de groupe (Directeur
1384 THÉRAPEUTIQUE

en France (Slavson, Bierer, Bion e t ses élèves de la Tavistock Clinic, Ezriel,


Foulkes, S utherland, etc., et chez nous M m e E. K estem berg, R . D iatkine,
S. Lebovici, etc.). O n p e u t schém atiquem ent distinguer les Psychothérapies
de groupe de type verbal, les Psychodrames et la Psychothérapie institutionnelle.

a) Les groupes psychothérapiques à type de relation verbale. — Ils sont


to u t naturellem ent organisés p o u r l’étude de la dynam ique du groupe, c ’est-
à-dire des tensions ém otionnelles, des conflits et échanges de rôle ou d ’iden­
tification qui ne m an q u en t pas de se produire.
O n p e u t à cet égard distinguer, com m e on a tendance à le faire actuellem ent,
deux sous-groupes de ces psychothérapies de groupe : l ’un à type de relation
verbale et l’autre à type psychodram atique.
Les groupes de psychothérapie analytique où l ’appareil de l ’analyse, de
l ’interprétation, de tran sfert et des résistances est au fond le mêm e que dans
la relation psychanalytique individuelle (ou com m e dit R acam ier « m ono-
dyadique » p o u r exprim er q u ’il s’agit d ’une relation « duale » m ais refermée
sur l ’unité d ’u n dialogue o u d ’u n m onologue dialogué) — et l’autre constitué
p a r les groupes de discussion d o n t l’action thérapeutique est plus nettem ent
centrée su r u n m ode relationnel d o n t le « leader » (fût-il lui-m êm e un « col­
lectif ») constitue le centre.
Bien entendu, cette psychothérapie collective verbale qui, elle, s ’opère dans
u n m ilieu o ù se réfractent (où « se diluent », dit Slavson) les courants tran s­
férentiels — et d o n t les relations (acting o ut, acting in, fo rm ation de « nœ uds »
socio-dynam iques, digressions, rationalisations, transferts latéraux, etc.) font
l ’objet d ’interprétations — et m êm e si elle constitue une analyse plus indirecte
(et à certains égards une cryptoanalyse quand elle n ’est pas to u t sim plem ent une
analyse édulcorée, une « petite analysette à l ’eau », com m e dit P. M âle), m et
to u jo u rs en jeu , com m e le soulignait H . Ezriel (Sém inaire international de
L ausanne, 1966) l ’épreuve de la réalité. D e sorte q u ’on ne s’étonnera pas que
p o u r notre propre com pte nous ayons p o rté dans notre psychothérapie de
groupe des grands délirants ju s q u ’à son plus extrêm e degré de réflexion
l’analyse de la problém atique existentielle du délirant halluciné. Quel n ’a
p as été notre étonnem ent en effet de pouvoir établir entre nos m alades et nous
et entre nos m alades entre elles (1), p o u r si peu cultivées q u ’elles fussent,

P. B. Schneider, Lausanne, 1966). Une bibliographie très complète sur la psycho­


thérapie de groupe a été publiée en 1946 par G. R. Slavson et E. H allovitz sous les
auspices de 1'American Group Therapy Association (International J. o f group Psy-
chotherapy, New York). Celle que contiennent l ’ouvrage de F. Powdermaker et
J. F rank (1953), le livre de P. C. R acamier, La Psychanalyse sans divan (1970)
notamment le répertoire des travaux qui se trouve p. 180 à 195, les C. R. du
Congrès International de Psychothérapie de groupe (Acta psychother.) permettront
de se rendre compte de la vitalité de ce mouvement.
(1) Je songe en écrivant ces lignes et à titre d ’exemple à Suzanne L. G.,
jeune fille schizophrène (diagnostic depuis hélas bien longtemps confirmé) et dont
PSYCHOTHÉRAPIE DE GROUPE OU INSTITUTIONNELLE 1385

des échanges et des prises de conscience des problèm es cardinaux de la vie, de


la m o rt, de la sexualité bien sûr, m ais plus généralem ent de la dram atique de
chacune de ces existences négatrices de la réalité appliquées à se créer u n m onde
voué aux im ages hallucinatoires. Q ue le m o teu r affectif et spécifique transfé­
rentiel entre l ’anim ateu r et les délirants ait été plus que l ’anim ateur lui-même
à la source de 1’ « insight », il est certain que nous avons p u obtenir p a r ce
type de relations purem ent verbales destinées n o n pas à rationaliser ou à cha­
p itrer m ais à « saisir ensem ble » ou d ’u n « com m un accord » le sens et la solu­
tion des problèm es de chacun (en d édram atisant la problém atique singulière
de l ’aliéné p o u r l’ouvrir à celle plus générale de la condition hum aine, somme
toute en faisant passer l ’aliénation pathologique dans l ’aliénation hégélienne
du dépassem ent de soi p a r et vers l ’autre), des succès thérapeutiques p ar­
fois bien inespérés.
Si la psychothérapie de groupe à type psychanalytique est la voie royale
d ’accès de la thérapeutique des Psychoses com m e on tend peut-être tro p sou­
vent à le croire, nous pensons q u an t à nous q u ’elle n ’est q u ’une espèce d ’un
genre de relations collectives qui, sans cesser bien sûr (com m ent et pourquoi
pourrait-o n supprim er de la Psychiatrie et la thérapeutique psychiatrique la
dim ension de l ’Inconscient et de sa sym bolique ?) de se référer au modèle
freudien, peut aussi en rendre l ’usage plus facu ltatif et plus large dans la com ­
préhension de la problém atique existentielle, n o n pas seulem ent d ’inconscient
à inconscient, m ais de Conscience anorm alem ent inconsciente des valeurs de
réalité à Conscience assez bien structurée m ais flexible p o u r être celle d ’un
psychothérapeute. C ar il n ’est pas vrai, com m e nous allons u n peu plus loin
le souligner, q u ’il n ’y ait (com m e une certaine anti-psychiatrie voudrait le faire

deux autres sœurs présentaient la même psychose schizophrénique paranoïde hal­


lucinatoire. La conscience prise par elle au cours de ces séances de psychothérapie
de groupe que je dirigeais a été par elle « comme un éclair » qui a jailli du jugement
qu’elle portait sur les autres et que les autres portaient sur elle. Elle a cessé depuis
des années d ’être hallucinée autrement, nous dit-elle, que par une complaisance à
laquelle elle me demande la permission de céder et qui lui permet effectivement
de pouvoir au moins imaginer q u ’elle est mariée, q u’elle a des enfants, qu’elle ne
vit pas seulement seule auprès de sa mère mais dans une fiction imaginaire dont elle
rit volontiers car n ’étant plus fatalement enchaînée à ses voix elle se les fait enten­
dre quand bon lui semble et pour lui tenir compagnie... Si je dis quelques mots ici
de cette observation qui est celle d ’un des cas qui m ’ont le plus intéressé dans toute
ma carrière, c ’est pour bien montrer que si l ’Hallucination requiert une condition
négative q u ’aucune psychothérapie pure ne pourra jamais atteindre, elle est aussi
l’effet d ’un besoin qui maintient l’expérience ou la croyance hallucinatoire et qui
lui peut être l’objet d ’une révision du système des valeurs et de la réalité... Ce qui
ne veut évidemment pas dire que c ’est le propre système des valeurs et de réalité
du psychothérapeute qui doit être imposé à l ’halluciné qui trouve son compte dans
l’Hallucination, ou son reflet, ou son écho, mais celui qui du fond de lui-même
peut lui permettre encore de donner lui-même un sens, fût-il un pauvre sens, à sa
vie.
1386 THÉRAPEUTIQUE

entendre) pas de différence entre le m édecin et l ’infirm ier, ni entre le m alade et


le « collectif soignant... » Il est vrai, au contraire, que la fonction de M édecin
Psychiatre, c ’est-à-dire de thérapeute, soit assum ée dans la totalité d ’une
responsabilité m édicale, c ’est-à-dire p a r u n M édecin qui a un savoir psychia­
trique.

b ) Le Psychodram e. — Plus encore que la psychothérapie de groupe, le


Psychodram e a p p araît com m e la m eilleure m éthode thérapeutique p o u r guérir
les Psychoses (P. C. R acam ier, 1967). L a m éthode « dram atique » de mise
en scène e t de mise en je u des névroses et des Psychoses a été im aginée
p a r J. L. M oren o (1) lo rsq u ’il é ta it encore à Vienne e t sous l ’influence de
la pensée freudienne de 1914-1918. M ais c ’est depuis 1931 que com m ença ce
que lui-m êm e appelle la « troisièm e révolution psychiatrique » (2).
Les élém ents constitutifs du psychodram e sont le sujet ou le groupe de
sujets, le directeur o u m etteu r en scène, les « auxiliary ego » et le public. L a
séance se déroule en tro is tem ps : discussions préparatoires, je u dram atique,
discussion d u je u dram atique. Parfois la fam ille des patients est intégrée dans
l’action dram atique. Tel p atien t p e u t jo u e r le rôle d ’un m em bre de sa famille
o u dem ander q u ’un « auxiliary ego » jo u e ce rôle. Il peu t aussi se projeter dans
le rôle d u directeur. O n dem ande à ce que certains auxiliaires représentent des
im ages différentes de lui-m êm e, etc. Ces intrications et renversem ent des rôles
et des identifications perm etten t les réalisations plastiques (théâtrales) dans la
problém atique dynam ique de la névrose et naturellem ent du délire et des
H allucinations. Elles perm etten t de « m obiliser » et d ’anim er des m alades
fixés dans leur inhibition (névrose) o u leur autism e (schizophrènes) et, à cet
égard, cette technique bien mise au p o in t dans l ’école française p ar S. Lebovici,
R. D iatkine, B. A nzieu, est très largem ent employée to u t particulièrem ent
dans les Psychoses graves et dans les Psychoses infantiles (cf. à ce sujet l’excel­
lente étude de R. B arande et coll. d ans la rédaction du chapitre « Psychothé­
rapie de groupe » de 1960 (Encyclopédie M édico-Chirurgicale).

c ) Psychothérapie institutionnelle et C om m unautés thérapeutiques. —


C ertains psychiatres (3) qui sem blent ne plus vouloir l ’être (Th. Szasz,
D . C ooper, R. D . Laing, E. G offm an, R. G entis, F. Basaglia, J. H och-
m ann, H . H eyw ard, etc.) pensent m êm e q u ’il fau t non seulem ent guérir
l ’In stitu tio n m ais bouleverser de fond en com ble la Société de telle sorte que,

(1) J. L. M oreno et coll., The international Handbook o f group psychotherapy,


New York, Philos. Library, 1966, 747 pages.
(2) La première étant celle, dit-il, de la libération des aliénés de leurs chaînes
matérielles. La seconde étant la libération des malades mentaux de leurs chaînes
intérieures par F reud ...
(3) Ce sont bien eux — même s’ils doivent se récrier ou plaider non coupables
devant cette accusation — qui déclarent que les « malades » mentaux ne sont pas des
malades, que c’est la société qui est pathogène par la cohésion (appelée coercition)
exigée par la co-existence...
PSYCHOTHÉRAPIE DE GROUPE OU INSTITUTIONNELLE 1387

à une psychiatrie p roprem ent m édicale il conviendrait p lu tô t de substituer


une psycho-socio-politico « thérapie » anti-psychiatrique (M . M annoni,
M . G ribinski, etc.; cf. n° spécial de la « N e f », 1971 que nous avons analysé
dans VÉvolution psychiatrique, n° 1, 1972). D e telle sorte que, en poussant l’idée
ju s q u ’à l ’absurde, il ne p eu t s’agir de thérapeutique q u ’en précisant que
seuls les rem èdes politiques, la réform e de la société ou la restructuration de
groupe social sont valables... E t c ’est ce pas qui est allègrem ent franchi à la
faveur d ’une idéologie qui ren d la société seule responsable du m alheur des
hom m es. P lû t au ciel que chacun de nous n ’ayons pas dans la précarité de
notre organisation, de n o tre structure intrapsychique et dans notre propre
possibilité de rêver, to u t ce q u ’il fa u t p o u r être vulnérables dans l ’intégrité de
notre personne, de notre « corps psychique » !
P o u r nous qui dès 1945 (1) avons m ilité contre la psychiatrie asilaire et
carcérale, nous ne pouvons que saluer avec sym pathie le m ouvem ent in su r­
rectionnel d ’une anti-psychiatrie qui est une réaction contre la m auvaise
psychiatrie. E t ce que nous avons exposé au d éb ut de cette p artie consacrée
à la thérapeutique des H allucinations m ontre assez avec quel « dynam ism e »
nous nous sommes attachés à supprim er l ’effet pathogène du m auvais usage
de l ’in stitu tio n psychiatrique tro p longtem ps « aliénante » en la réform ant
p o u r la rendre résolum ent désaliénante. Si p a r « Psychiatrie institutionnelle »,
on entend com m e nous l’entendions à ce m om ent-là (1951) avec G . D aum ézon,
P. Sivadon, L. Le G uillant, F. Tosquelles, L. B onnafé, H . M ignot, H . D uchêne,
P. F o uquet, etc., la nécessité de convertir l ’instrum ent institutionnel (les ser­
vices hospitaliers, puis bien sûr dans la politique de sectorisation des services
publics, les dispositifs extra-hospitaliers dans leur ensemble) en appareil th éra­
peutique, nous pouvons to u s nous louer — et n o n pas seulement rougir de la
misère et tem pêter contre l ’incurie adm inistrative — des énorm es progrès
réalisés là où les M édecins Vont voulu. N ous ne connaissons pas d ’exemple
en effet d ’u n Psychiatre de Service Public ou de secteur privé qui ne soit arrivé
q u an d il a eu la ferm e volonté m ais aussi la patience et la capacité d ’y parvenir,
à organiser son service, son hôpital ou sa m aison de santé selon des norm es qui
o n t radicalem ent transform é le système institutionnel aliénant en système
« désaliénant » (L. Bonnafé). P o u r n o tre p art, si au début de ce chapitre nous
avons p u d onner une statistique massive de la réduction de l’aliénation dans
le secteur d o n t nous avons voulu garder la responsabilité p en dant 37 ans,
c ’est bien parce que nous avons, contre les vents et m arées de l ’incom préhension
adm inistrative locale, « désaliéné » notre service... et depuis longtem ps. Sous
la form e p a r conséquent d ’une psychothérapie institutionnelle collective
qui libère dans le cadre hospitalier le « m alade m ental » (et bien sûr nous
pensons ici to u t spécialem ent au d élirant halluciné), c ’est-à-dire qui évite
a u ta n t que faire se p eu t la Psychose iatrogène ou la névrose institutionnelle
en réam énageant et en an im an t toujo u rs plus le système relationnel de nos

(1) Cf. mon Étude n° 1.


1388 THÉRAPEUTIQUE

schizophrènes paranoïdes, délirants systématisés, etc. (et hallucinés p o u r la


p lupart), les bienfaits de cette réorganisation restructurante d u m ilieu existen­
tiel et du « collectif soignant » de nos m alades ne nous paraissent pas discutables
(cf. le tableau statistique supra, p. 1346, et la revue n° 3,1960 de la revue trim es­
trielle « N otes et Documents » publiée p a r la F édération N ationale des O rga­
nismes de Sécurité Sociale, A F N O S consacré au C. T. R . S. de Bonneval
c ’est-à-dire à notre service).
P a r contre, lo rsq u ’u n pas de plus a été fait dans le sens d ’une Psychiatrie ins­
titutionnelle établie sur de faux m odèles psychanalytiques, cette « Psychanalyse
sans divan » com m e dit P. C. R a c a m ie r(l) anim ée certes dum eilleur zèle, abo u tit
faute d ’une cohésion m édicale indispensable à des désordres qui pourraient
à certains égards p araître pires encore que le « grand renferm em ent asilaire ».
C inq exemples d ’amères déceptions devraient retenir la Psychothérapie institu­
tionnelle su r la pente savonneuse o ù elle s ’est laissée glissée : la m alheureuse
expérience de C rest relatée p a r E. S toland et de A. K eaber (1965), l ’échec d ’une
institu tio n d ans un hôpital psychiatrique de la région parisienne exposé dans
le livre d ’A. Lévy (1969), la résistance de l ’institution mise en accusation p ar

(1) P. C. R acamier , La psychanalyse sans divan (La psychanalyse et les institutions


de soins psychiatriques) , avec la collaboration de R. D iatkine , S. L ebovici et P. P au ­
melle, Paris, éd. Payot, 1970, 422 pages. Cet ouvrage d ’une grande documentation
et riche de beaucoup de l ’expérience des jeux de l ’amour et du hasard impliqués
dans l’Institution psychitrico-psychanalytique, est d ’une lecture passionnante. Les
deux premiers chapitres, l ’un écrit par R. D iatkine et l ’autre par S. L ebovici, nous
ont paru excellents par l ’extrême prudence avec laquelle ces Psychanalystes chevron­
nés envisagent ce genre « ambigu » d ’organismes de soin « organisé » sur le schéma
de la topique et de l ’économique freudiennes. Il s’agit bien sûr, comme R. D iatkine ou
de jeunes psychiatres (P. B equart, J. F recourt , 1967) l ’ont souligné, d ’une sympto­
matologie de la maladie infantile de la psychiatrie psychanalytique. C ’est contre
cette extension en quelque sorte « sauvage » de la psychanalyse que s’inscri­
vent les réflexions de R. D iatkine et de S. L ebovici. La contribution la plus impor­
tante pour les problèmes qui nous occupent ici est due à P. C. R acamier (Interactions
dynamiques entre les malades et l’institution). Après avoir analysé la situation alié­
nante par excellence de l 'hospitalisme psychiatrique et la part qu’elle prend dans la
formation même des symptômes psychotiques, il souligne à ce sujet la projection des
conflits entre psychothérapeutes sur la « dissociation schizophrénique », comme si la
rançon des progrès de la psychothérapie des schizophrènes devait parfois ajouter au
facteur « asilaire » les malheureuses vicissitudes d ’un transfert collectif mal partagé.
Les réflexions q u ’il consacre aux « écueils » dans les entreprises psychothérapiques
institutionnelles (p. 168-175) sont en tout point pertinentes. Cet ouvrage, encore une
fois considérable et plein de réflexions profondes ou d ’ardents plaidoyers — est
enrichi d ’une excellente étude « bibliographique » de l ’évolution des idées sur la
Psychothérapie institutionnelle en France (P. B equart). J ’y ai retrouvé l’écho à peine
assourdi des discussions du Colloque que j ’avais organisé à Bonneval en 1951 (C. R.,
Évol. Psych., 1952); l’importance des travaux du « Groupe de Sèvres » de 1957
(C. R., Information Psychiatrique, 1958) y est rappelée comme marquant un tournant
décisif vers la Psychanalyse institutionnelle. Ce même thème se trouve encore une fois
« actualisé » dans les derniers numéros de l'Information Psychiatrique (1970).
PSYCHOTHÉRAPIE DE GROUPE OU INSTITUTIONNELLE 1389

F. Basaglia à G orizia, l ’expérience vécue p a r P. C. R acam ier et M . A. W ood-


bury aux Rives de P rangin (« L a Psychanalyse sans divan », p. 197 à 235) et
enfin bien sûr les plus célèbres et les plus décevantes, celles du Pavillon 21, du
Kingsley H all (C ooper)... Ce serait le com portem ent social du « m alade »
(le m o t m alade étan t toujo u rs m is entre guillemets), ce q u ’il dit et que doit
écouter le « Psychothérapeute » qui constituerait l ’objet de la psychanalyse
institutionnelle et l ’objet m êm e de la m éthode psychothérapique optim ale.
M ais to u t naturellem ent — si l ’o n p eu t dire — celle-ci entend ne traiter que le
système relationnel du « m alade », puis son m ilieu fam ilial, puis son groupe­
m ent social, et enfin l ’organism e social dans sa généralité. A insi se diluent les
techniques psychothérapiques analytiques ju s q u ’à supprim er tous les cloison­
nem ents jugés « artificiels » qui constituent p o u rta n t la réalité m êm e de
l ’existence.
D epuis dix ou quinze ans, l’espoir raisonnable d ’obtenir de meilleurs résul­
tats thérapeutiques dans une in stitution plus libérale, sur u n « collectif soi­
gnan t » plus dynam ique et « dynam isé » p a r une sorte de responsabilité
com m une s ’est affermi. O utre les « services pilotes » des années 1950 en France,
beaucoup de services et d ’établissem ents publics ou privés vraim ent régénérés
p a r u n esprit nouveau, on p eu t citer p a r exem ple les créations que, en G rande-
Bretagne, les idées de M axwell Jones (1952) o n t inspirées : depuis l’expérience
de l’hôpital m ilitaire de N orthfield ju s q u ’à celles de l ’hôpital H enderson à
Sutton (Surrey), de l ’hôpital de C labury, de celui de Cassel (M aine T. F.), etc.
M ais les « communautés thérapeutiques » (M ax Jones, 1953) instituées
contre l ’institution asilaire tenue m êm e sous la form e la plus libérale com m e
foncièrem ent aliénante (E. G offm an, 1968) se sont ensuite de plus en plus m ulti­
pliées et « m iniaturisées » ju s q u ’à n ’être plus que des cc groupes » quelconques
(type « groupes narcissiques » de J. H ochm ann, 1972) régis, si l’on peut
s ’exprim er ainsi sans scandale, p a r le seul principe de plaisir — et où le psy­
chiatre disparaît, o ù le médecin n ’est plus le « m édicam ent nécessaire » — où
seule com pte la « relation » qui p eut être celle avec n ’importe qui à condition
d ’être n ’importe quoi.
N ous savons bien q u ’entre ces deux form ules, l ’une d ’une institution
« dynam isée », l ’autre d ’une « contre-institution dynam itée », il y a des
recherches louables d o n t il fau t reconnaître n o n seulem ent q u ’elles procèdent
de bonnes intentions, m ais aussi q u ’elles so n t de salutaires réactions contre
la m aladie « iatrogène ».
M ais il est bien difficile et mêm e absurde de suivre aveuglém ent ce m ouve­
m ent qui ne p eu t même p as s ’in tituler ou s’in stituer « thérapeutique » p u isq u ’il
ne traite la m aladie m entale q u ’en la n ian t o u en ten a n t le « m ilieu soignant »
po u r le véritable a D o cteu r », ce qui revient à estim er en définitive q u ’il n ’y
a pas besoin de « D o cteu r » d u to u t. Ce renversem ent des valeurs que nous avons
depuis longtem ps prévu e t dénoncé (1) exige à son to u r d ’être renversé. Il est

(1) Colloque de Bonneval sur la Psychogenèse des Névroses et des Psychoses (1946),
1390 THÉRAPEUTIQUE

en effet im possible de ne p as voir que la thérapeutique des Psychoses e t n otam ­


m en t sous la form e de leu r plus grande « aliénation » ne dépend pas seulement
de l ’aliénation généralisée et problém atique de l ’hom m e dans et p a r la Société
d o n t dépend la place q u ’il p e u t e t d o it y prendre, m ais essentiellem ent d ’une
désorganisation de son être propre. C ette ontologie d u fait psychiatrique ne
p e u t guère justifier l ’efficacité d ’une m ythologie phantasm ique. A utrem ent dit,
il fau t que le m ilieu soignant soit vraim ent soignant, thérapeutique, et, p o u r
to u t dire, « médical » et « doctoral ». C ar le « D octeur » (R . N . R ap ap o rt, 1960),
ici, ce n ’est p as la com m unauté quelle q u ’elle soit, c ’est la com m unauté orga­
nisée en fonction d u savoir psychiatrique. C ’est dire que le rôle d ’une équipe
o u d ’u n collectif soignant d o it être distribué et hiérarchisé en fonction des
responsabilités propres à chacun sous la responsabilité du corps m édical qui
la dirige et auquel il d o it être et se vouloir incorporé. Sans cet « ordre » (1),
il n ’y a p as et ne p eu t y avoir de thérapeutique institutionnelle. L a thérapeutique
institutionnelle ne sau rait to u t à la fois se revendiquer com m e thérapeutique et
d ’autre p a rt com m e n o n m édicale o u laissée principalem ent entre les m ains des
auxiliaires « m édicaux ».
Aussi nous ne nous étonnerons pas de ne pas recueillir dans l’infinité
graphorréique de la « littératu re » sur la Psychanalyse institutionnelle de
docum ents précis sur son efficacité et notam m ent en ce qui concerne les grandes
Psychoses délirantes et hallucinatoires qui fo n t vraim ent le F ond du problèm e
psychiatrique qui fo n t l ’objet de cet ouvrage.
— Tel est l’éventail des thérapeutiques les plus variées d o n t depuis 40 ans
les Psychiatres disposent p o u r ten ter de guérir les troubles m entaux, et parm i
ceux-ci les Psychoses et p arm i celles-ci leurs form es hallucinatoires. L ’ « arsenal »
th érapeutique s’est enrichi m ais ses « arm es » doivent être utilisées judicieuse­
m ent, c ’est-à-dire conform ém ent au savoir psychiatrique p o u r justem ent n ’être
pas des instrum ents d ’agression m ais des m oyens de libération eux-mêmes
soum is au jugem ent et à la responsabilité du T hérapeute.

C. R., éd. Desclée de Brouwer, 1950. Cf. notamment ma discussion du Rapport de


J. L acan (p. 55 à 60) et celle des Rapports de Bonnafé et F ollin (p. 197 à 207).
(1) Le « champ magnétique » institutionnel implique qu’il soit organisé
(P. C. R acamier , Évol. Psych., 1971). Giampolo L ai aboutit à la même conclusion (Il
momento sociale délia Psicoanalisi, Turin, éd. Boringhieri, 1970), quand, après avoir
examiné la crise des rapports institutionnels, il en vient à souhaiter « il momento
organizzativo » comme forme de médiation entre la situation psychanalytique et la
situation institutionnelle. Par là, en effet, doit se rétablir une hiérarchie dans l’entre­
prise psychothérapique au lieu de son aplatissement, de sa dilution, de sa vulgari­
sation qui sont des empêchements majeurs à la restructuration recherchée par l’itiné­
raire de la relation thérapeutique. Je ne pense pas trahir l’esprit du Colloque de
Paris (1972) en disant que telle m ’a paru être la tendance qui, face à certaines outrances
juvéniles ou ambitieuses, s ’est manifestée.
C H A P IT R E I V

LA THÉRAPEUTIQUE
DES DIVERSES CATÉGORIES
D ’HALLUCINATIONS

Certes, l ’H allucination p eu t être artificiellement réduite à la simple expres­


sion d ’u n sym ptôm e. M ais nous avons précédem m ent établi q u ’elle était sous sa
form e délirante de beaucoup la plus fréquente « sym ptôm e » d ’une désorgani­
sation de l ’être psychique e t que, p a r conséquent, les H allucinations ne sont pas
toutes sem blables les unes aux autres m ais sont des m anifestations de stru ctu ­
res pathologiques variées. C ’est à ces structures que doit s ’adresser la th éra­
peutique laquelle d o it varier p o u r chacune d ’elles.
A utrem ent dit, c ’est faute d ’une analyse phénom énologique et structurale
(clinique dans le sens le plus classique d u term e) que les indications th éra­
peutiques « de l ’H allucination en général » sont absurdes, alors que les indi­
cations thérapeutiques des diverses structures hallucinatoires m éritent au
contraire d ’être précisées. E t c ’est parce que ce travail n ’a jam ais été fait, parce
que les catégories naturelles que nous avons dégagées dans ce Traité des Hallu­
cinations n ’étaient pas suffisam m ent mises à jo u r que la thérapeutique de
l ’H allucination paraissait être et était, en effet, ridicule alors que celle
des diverses structures hallucinatoires se justifie et s’impose. Com m e les
thérapeutiques cc halluciholytiques » so n t si diverses, com m e elles n ’ont
jam ais été ajustées avec précision aux structures hallucinatoires, le lecteur
voud ra bien nous excuser de ne p ouvoir ici présenter (et sans q u ’aucune réfé­
rence aux travaux des autres soit ju stem en t possible p o u r n ’avoir jam ais été
envisagée d an s cette perspective) q u ’un tab leau très schém atique des indications
et choix des m oyens thérapeutiques qui nous p araissent s’ad ap ter aux form es
et évolutions des Psychoses hallucinatoires aiguës et chroniques d ’une p art, et
aux « H allucinations com patibles avec la raison » (Éidolies hallucinosiques)
d ’autre p art.
N ous allons donc exposer successivement les conduites thérapeutiques qui
nous sem blent les m ieux indiquées p o u r tra ite r : 1° les Expériences délirantes et
hallucinatoires', 2° les Psychoses hallucinatoires chroniques', 3° les Psychoses
schizophréniques ', 4° les Éidolies hallucinosiques.
1392 THÉRAPEUTIQUE

I. — T H É R A P E U T IQ U E DES EX P ÉR IEN C E S D É L IR A N TE S
E T H A L L U C IN A T O IR E S
(S Y N D R O M E S DE D É S T R U C T U R A T IO N D U C H A M P D E L A C O N S C IE N C E )

Bien entendu, ce paragraphe ne p e u t avoir de sens que relativem ent à notre


étude structurale des niveaux de déstructuration du C ham p de la conscience qui
com posent le spectre des Psychoses aiguës, depuis les Psychoses dysthym iques
(crises de m anie ou de m élancolie) ju s q u ’aux Psychoses confuso-oniriques.
C ’est dans cette unité et cette diversité d an s cette seule perspective que le Clini­
cien p e u t voir clair et dans son diagnostic et dans sa thérapeutique.
Q uelques règles générales se dégagent de la psychopathologie des Psychoses
délirantes et hallucinatoires p o u r a u ta n t q u ’elles réalisent le type même des
« expériences h a l lu c in a to ir es » les plus fréquentes. (C ’est ce que, lorsque l ’on
n ’accepte pas notre conception systém atique on désigne p ar des term es vagues
com m e états d ’excitation ou hallucinatoires, ou syndrom e d ’autom atism e
m ental, ou aussi syndrom e de dépersonnalisation sur fond d ’excitation psy­
chique o u d ’anxiété, o u encore « é ta t m aniaque ou m élancolique atypique »,
o u encore bien sûr et su rto u t, à l ’étranger, « schizophrénies aiguës » ou « hallu-
zinose », etc.).
L a prem ière considération que le thérapeute ne d o it pas perdre de vue,
c ’est en quelque sorte la perspective pronostique. N o u s voulons dire p a r là
que lorsque ces « expériences délirantes » o n t tous les caractères des Psy­
choses aiguës (1), il y a lieu d ’en prévoir l ’évolution favorable, ce qui naturel­
lem ent d o it en trer en ligne de com pte dans les indications des m éthodes
em ployées com m e dans l’évaluation des résultats.
Le second p o in t de vue (inverse du prem ier m ais dans une pro p o rtio n
restreinte) est que ces cc expériences délirantes » com portent environ 50 % de

(1) Cf. supra, la description phénoménologique des expériences délirantes et hallu­


cinatoires (3e Partie, p. 411-429 et p. 713-740) et le chapitre que nous avons consacré
aux Hallucinations dans les Psychoses aiguës. Dans notre contribution à l’étude des
Psychoses délirantes aiguës, Encyclopédie Médico-Chirurgicale-Psychiatrie, I (37.230
A 10, p. 5), nous donnons les caractéristiques diagnostiques suivantes qui nous
paraissent avoir une grande importance du point de vue de l’indication thérapeu­
tique : 1° le début soudain; 2° le polymorphisme de thèmes délirants; 3° les variations
du tableau clinique d ’un jour à l ’autre; 4° la recrudescence de troubles dans les phases
parahypniques; 5° la continuité des expériences délirantes et hallucinatoires avec le
vécu de la narcose provoquée et leur accentuation par cette condition artificielle;
6° le caractère d ’actualité immédiatement perceptive et intuitive du vécu délirant;
7° les oscillations de la croyance et de la perplexité critique à l ’égard du Délire;
8° l ’atmosphère de l ’état crépusculaire de la Conscience (fascination et distraction
par l ’événement délirant et incoercible, détachement de l ’ambiance, flou de la pensée;
9° prévalence de l’activité hallucinatoire, visuelle, spectaculaire ou cénesthésique
sur l’activité hallucinatoire idéo-verbale; 10° le substratum « thymique » du vécu
délirant soit dans le vécu de l’exaltation, soit dans le sens de l’angoisse.
THÉRAPEUTIQUE DES EXPÉRIENCES DÉLIRANTES 1393

risque de récidive e t 25 % de risque de passage à la chronicité. C ’est ce point


de vue que nous avons m is en évidence sur la base des travaux de M anfred
Bleuler, de J. W yrsch e t de n o tre p ro p re expérience (cf. Rapports au Congrès
de Zürich, 1957. D iscussion sur le problèm e des Schizophrénies, Évolution
Psychiatrique, 1958 et Encyclopédie Médico-Chirurgicale-Psychiatrie, I (1955).
Ceci nous co n train d ra précisém ent à consacrer u n paragraphe spécial p o u r les
Psychoses schizophréniques qui constituent d u p o in t de vue psychopatholo­
gique et psychoplastique des form ations com plexes où se conjuguent « expé­
riences hallucinatoires » et « Hallucinations noético-affectives » d u travail
discursif de l ’aliénation, com m e nous l ’avons souligné dans la Troisièm e et
C inquièm e Partie (p. 411-443 et p. 774-800).

T ableau des évo lution s sch iz o ph r é n iq u e s spon tanées

(d ’après les statistiques de notre service)

25 % 22 % 33 % 20 %

G u é r i s o n t o t a l e Plusieurs crises et Évolution s c h i z o ­ Évolution s c h i z o ­


après une seule rémissions. phrénique après phrénique chroni­
crise. plusieurs accès et que après une pre­
rémissions. mière crise aiguë.

Guérisons Déficit schizophrénique

Lorsque des cas de ce genre fo n t l ’objet d ’une dem ande (le plus souvent
de la famille m ais quelquefois aussi des patients eux-mêmes qui n ’en sont pas
à un paradoxe près) que p eu t satisfaire u n traitem ent am bulatoire, au cabinet
du praticien ou en dispensaire, le traitem en t le plus expéditif, le plus souvent
efficace (à la m esure de l ’ancienneté et de la p ro fo n d eu r des expériences hallu­
cinatoires), consiste à user des « neuroleptiques centraux » (Largactil, 200 mg
et Prochlorpérazine 50 mg, Trifluopérazine 100 mg, Fluphénazine 100 ou
150 mg o u B utyrophénones 8 à 10 mg). L ’application de la m éthode de « dépôt »
de substance à effet retard (œ nanthate ou décanoate de fluphénazine) rend
naturellem ent de grandes services p o u r les cas où les patients ne peuvent pas
être assez longuem ent et souvent suivis. M ais nous préférons de beaucoup
l’adm inistration p a r voie orale plus facile à doser et à associer à divers autres
neuroleptiques.
Il ne fau t pas croire que les neuroleptiques incisifs soient les seuls à
em ployer dans les traitem ents am bulatoires p o u r psychose délirante et hallu­
cinatoire incipiens ou m ineure, le recours aux Neuroleptiques sédatifs n otam ­
m ent à la Lévom éprom azine (100 à 150 mg) est indiqué dans les cas où préd o ­
m inent inquiétude, excitation et anxiété. Il ne fau t pas hésiter non plus à
1394 THÉRAPEUTIQUE

renoncer aux T hym oanaleptiques (Im ipram ine 25 à 50 m g per os ou mieux


25 m g p a r voie intram usculaire).
M ais nous devons envisager m ain ten an t les cas où le D élire hallucinatoire
exige une hospitalisation dans u n encadrem ent m édico-psychothérapique
approprié.

à) Phase d ’hibernothérapie e t de cure sédative.— P lu tô t que les cures de som ­


meil (cf. thèse de M . P. de L acroix-H erpin, Paris, 1954), nous préférons recourir
aux perfusions d u m élange de L ab o rit (Largactil-D olosal-Phénergan) à raison
de 5 ou 6 heures p a r jo u r. C ette m éthode est équivalente (m ais de plus grande
efficacité) à l ’usage des « cures de som m eil » qui utilisent généralem ent des
doses com binées et im portantes de neuroleptiques (Largactil ou neurolep­
tiques « gauches ») et de barbituriques ou autres hypnotiques (D iazepam ,
P rocalm adiol, A m ytal sodique, G ardénal, etc.). Elle a l ’avantage de faire
m ieux accepter l ’entrée en service hospitalier et de favoriser im m édiatem ent la
relation entre collectif soignant et patient. P our nous, c ’est une des conditions
essentielles d u succès thérapeutique.
Beaucoup d ’auteurs (notam m ent Sutter et Scotto, 1971) préconisent sim­
plem ent soit des doses im portantes de Lévom éprom azine (100 à 300 m g per os
ou p a r voie intram usculaire), soit le recours à l’H alopéridol (8 à 12 mg), au
Sulpiride (600 m g p a r voie intram usculaire) ou aux Phénothiazines pipérazinées
(Fluphénazine 150 à 500 mg, P rochlorpézarine 60 à 100 mg, Trifluopérazine
40 à 50 mg, T hiopropérazine 20 à 60 mg).
Bien entendu, su rto u t dans les prem iers jo u rs de l’entrée en m ilieu hospi­
talier (privé o u public), l ’am énagem ent de relations psychothérapiques sera
prescrit en m êm e tem ps que les perfusions sont mises en ro u te, et cela au niveau
d u collectif soignant infirm ier.

b) P hase de thérapeutique active. — Si l ’activité délirante et hallucina­


toire ne d isp araît p as rapidem ent au cours de la prem ière phase du traitem ent,
il convient de choisir entre les m éthodes actives. D ans les cas où prédom ine
l ’excitation et o ù le tab leau clinique est com m e saturé d ’expansivité de style
m aniaque, on reco u rra à u n traitem en t à fortes doses de L argactil ou d ’un
neuroleptique incisif, soit per os, soit p a r voie parentérale (H alopéridol 9 à 10 mg
ou Trifluopérazine 100 à 400 m g su rto u t m ais aussi Prochlorpérazine 100 à
200 m g, T hiopropérazine 30 à 60 m g et peut-être Sulpiride 600 m g p endant
plusieurs jo u rs p a r voie IM ). D ans les cas où c ’est l ’anxiété qui prévaut, on
prescrit alors soit des électrochocs (en p etit nom bre, 4 ou 5, à raison de un
to u s les deux jo u rs sous anesthésie e t éventuellem ent, chez les vieillards n o tam ­
m ent, sous curare), soit de la Réserpine (Serpasil) à fortes doses (l’un excluant
bien enten d u l’autre).
D ans les cas o ù l ’activité délirante et hallucinatoire se prolonge malgré
l ’adm inistration de neuroleptiques incisifs ou d ’électrochocs, il p eu t être indiqué
d ’installer une cure d ’insulinothérapie mineure ou laminaire (chocs hum ides).
THÉRAPEUTIQUE DES EXPÉRIENCES DÉLIRANTES 1395

D isons à cet égard que l’on a tro p systém atiquem ent abandonné, soit l ’ «électro-
plexie», soit la « petite insuline » d o n t l ’efficacité et l’innocuité ne devraient faire
de doute p o u r personne, autres quelques fanatiques (justifiés dans leur in tran ­
sigeance p a r les abus de certains psychiatres presse-bouton ou des insulineurs
tro p systém atiques). Il est à cet égard bien évident q u ’il est inutile et même
absurde de soum ettre ces expériences délirantes et hallucinatoires à une cure
de Sakel en règle sous prétexte q u ’il s’agit de « schizophrénies » même
si on tem père la gravité d u pro n o stic en les appelant « schizophrénies
aiguës ».

c) Indications e t m éthodes de tra ite m e n t des Psychoses délirantes et hallu­


cinatoires aiguës de m auvais pronostic. — Parfois le tab leau clinique ne
s ’efface pas et su rto u t s’il com porte des indices o u déjà des sym ptôm es groupés
d ’évolution vers la chronicité (prévalence des H allucinations acoustico-verbales
de type noético-affectif, syndrom e d ’autom atism e m ental se détachant des
troubles de la Conscience p o u r devenir plus discursif ou ab strait, dogm atism e
des idées délirantes et de la croyance de l ’halluciné caractéristique du « délire
prim aire » des auteurs allem ands, c ’est-à-dire irru p tio n d ’idées, de voix, d ’intui­
tions qui se m anifestent com m e sym ptôm es « isolés » et fixes). D ès q u ’un
Clinicien averti du travail de systém atisation d u D élire ou encore de sa tran s­
form atio n en D élire autistique ou fantastique craint que l’hospitalisation ne se
prolonge encore longtem ps o u q u ’il soit nécessaire de recourir à u n traitem ent
am bulatoire interm inable q u an d il constate que le patient s’enferm e de plus en
plus dans son D élire o u en développe les thèm es, il se trouve confronté au plus
difficile problèm e thérapeutique. Sutter et Scotto appellent cette phase dange­
reuse la phase interm édiaire, nous préférons l’appeler (par référence à une
vieille tra d itio n m édicale) la « phase am phibole » des expériences délirantes et
hallucinatoires aiguës (à thèm e d ’influence, de dépersonnalisation, de persé­
cution, de tran sfo rm atio n corporelle, etc.). Il s’agit là d ’un m om ent crucial
surto u t en ce qui concerne l’indication des m éthodes psychothérapiques.
O n ne sau rait croire, en effet, com bien la prise en charge de ce m om ent-là
de ces expériences hallucinatoires fraîches, ou dites encore « florides » m ais
aussi chancelantes, constitue une indication majeure des psychothérapies brèves,
individuelles o u de groupe. En effet, à ce m om ent de l’évolution de la Psychose,
la narcoanalyse, le rêve éveillé, toutes les m éthodes cathartiques utilisant l ’an a­
lyse directe, de transfert et d u m atériel im aginaire et sym bolique et aussi la
puissance de com préhension, de la coopération sinon de la suggestion, peuvent
et doivent être employées. P o u r n o tre p art, nous pensons que les psycho­
dram es e t les psychothérapies (plus o u m oins) analytiques de groupe consti­
tu en t la m eilleure m éthode de liquidation d u travail du délire hallucinatoire
en tra in de se constituer.
Bien entendu, la psychothérapie ne p ouvant jam ais être exclusive d ’autres
m éthodes de traitem ent dans ces Psychoses, on associe généralem ent à ces efforts
thérapeutiques de réduction, d ’interprétation et de dédram atisation du délire
1396 THÉRAPEUTIQUE

hallucinatoire tous les traitem ents m édicam enteux (1). Là encore la Trifluo-
pérazine, la C hlorprom azine, la P rochlorpérazine, la T hiopropérazine, l’Aza-
cyclonol et les B utyrophénones nous paraissent particulièrem ent efficaces.
C ependant si ces m édications so n t dispensées et dépensées larga manu, il
semble utile de préciser que c ’est en étan t étroitem ent intégrées dans une
conduite psychothérapique, q u ’elles trouvent leur meilleure indication, c ’est-
à-dire q u ’on obtient avec elles les meilleurs succès.
T andis q u ’il y a quelques années encore nous ne disposions que de la
convulsivothérapie o u de la m éthode de Sakel (qui restent selon Sutter et Scotto
(1971) particulièrem ent indiquées) p o u r rom pre le cours de ces évolutions chro­
niques, on p eu t dire que c ’est un des grands avantages des chim iothérapies
que d ’avoir m is entre nos m ains u n puissant m oyen de rem édier au néfaste
travail du délire en m arche vers sa naturelle chronicité, surtout quand cette
tendance est encore potentialisée p a r le milieu institutionnel aliénant.
Cela revient à dire, bien sûr, que la réinsertion dans la vie fam iliale, sociale et
professionnelle et to u s ses degrés o u substituts « sociothérapiques » doivent
être m is en œuvre p o u r rom pre le cercle vicieux qui est en train de s ’installer
entre le désir fantasm ique e t hallucinophile et l’écroulem ent des structures de
la réalité. C ’est dire, nous y reviendrons plus loin à propos des Schizophrénies,
que la thérapeutique des Psychoses de ce type et à ce stade de leur évolution,
d o it être to u t à la fois « biologique » et « psychologique ».
N o u s devons insister encore sur la nécessité de traiter toujours très sévè­
rem ent (c’est-à-dire très sérieusem ent) e t p ar tous les m oyens d o n t nous venons
d ’esquisser ici les indications, ces « expériences délirantes et hallucinatoires
aiguës », m êm e q u an d elles nous paraissent d ’après les meilleurs critères clini­
ques constituer des « crises »réversibles et de bo n pronostic. N ous pouvons ra p ­
peler la petite investigation conduite dans m on service avec Cl. Igert et Ph. R ap-
p a rd (1957) co m p aran t 43 cas de Psychoses aiguës de to u tes espèces no n traitées
(cas anciens) et 76 cas de Psychoses aiguës traitées à cette époque (1956)
su rto u t p a r les m éthodes biologiques « classiques »; dans le prem ier groupe,
15 cas (35 % ) ont évolué vers des schizophrénies graves et chroniques et 14 cas
(soit égalem ent 18 % ) o n t eu une évolution fâcheuse. Là encore, nous sou­
lignons le caractère de réduction globale de la masse psychiatrique qui
constitue évidem m ent un index de l ’action anti-hallucinatoire des thérapeuti­
ques dans la m esure m êm e o ù le plus grand nom bre de ces Psychoses aiguës
com portent des expériences délirantes e t hallucinatoires.

II. — T H É R A P E U T IQ U E
DES P S Y C H O S E S H A L L U C IN A T O IR E S C H R O N IQ U E S SY STÉM A TISÉES

L a thérapeutique des Psychoses hallucinatoires chroniques est d ’au ta n t


plus difficile à exposer que celles-ci o n t des structures et des form es d ’évolution

(1) Cf. P. A. L ambert (1953-1972), T. P. D etré et H . G. J areckj (1971), J. Su t ­


ter (1971).
THÉRAPEUTIQUE DES P. H. C. ET DÉLIRES SYSTÉMATISÉS 1397

très différentes (particulièrem ent au regard d u Clinicien français) et q u ’elles sont,


p a r contre (dans l ’ensem ble de la littérature internationale) to u tes réunies
dans le groupe des Schizophrénies. Q u an t à nous, considérant que les Schizo­
phrénies ne so n t q u ’une espèce d u genre des Délires chroniques (plus ou m oins
hallucinatoires), nous consacrerons à cette « espèce » un paragraphe spécial.
Ici, nous allons envisager l ’ensem ble des Délires hallucinatoires systématisés et
nous devons à cet égard nous poser la question de savoir s ’il existe actuellem ent
de bonnes raisons de croire que l ’o n p e u t effectivement am éliorer, arrêter ou
guérir l ’évolution d ’u n cas de Délire chronique et plus particulièrem ent dans
sa form e hallucinatoire. P o u r répondre à cette question il faut, d ’une p art, nous
référer à ce que nous avons d it des évolutions spontanées (p. 816 et p. 845) de
ce type de D élire chronique, et d ’au tre p a rt dem ander à notre p ropre pratique
et plus généralem ent à l ’expérience des Cliniciens qui depuis quaran te ans se
sont acharnés à les traiter, les élém ents d ’appréciation.
Q u an t au prem ier p o in t, nous som m es assuré q u ’il existe une bonne partie
de Délires dits paranoïaques, systém atisés (« en secteur » ou « en réseau ») qui
sont caractérisés p a r la construction progressive d ’u n délire à thém atique rela­
tivem ent simple (persécution, influence, érotom anie, jalousie, etc.) se dévelop­
p a n t dans l ’ordre et la clarté m ais corresp o n d an t à u n processus d ’aliénation
du M oi (c’est-à-dire à une désorganisation ou sa régression vers une form e
archaïque d u système de la personne). Les m anifestations cliniques de ce
travail renvoient fondam entalem ent à la projection hallucinatoire noético-
affective qui constitue le véritable noyau de ces Psychoses hallucinatoires
chroniques systématisées (Syndrom e d ’autom atism e m ental des délires chro­
niques de G . de C léram bault). E t c ’est précisém ent cette dépendance d u délire
hallucinatoire à l’égard d u processus délirant m ais aussi des forces psychiques
qui l ’anim ent qui nous perm et de com prendre l ’action exclusive (pour certains)
et com plém entaire (pou r la p lu p art des psychiatres) des m éthodes biologiques
et des m éthodes psychothérapiques.
C om m ençons d ’ab o rd p a r celles-ci. Elles o n t généralem ent m auvaise
rép utatio n et il semble même que p o u r l ’im m ense m ajorité des psychothéra­
peutes et psychanalystes, cette form e souvent rigide et agressive d u M oi psycho­
tique (hérissé de cc défenses », de procédés de dénégation ou de mécanismes
dits de « forclusion », de « régression », de « projection sym bolique », etc.)
constitue une contre-indication q u an d elles ne sont pas considérées même
com m e une form e de com pensation, de solution q u ’il faut respecter de peur
de la com prom ettre ! Il est bien certain que les psychanalyses conduites
selon les règles d ’u n e « cure-type » so n t bien p eu efficaces. M ais com bien
cependant de m alades plus près (dans les Délires de relation p ar exemple avec
idées de persécution e t m anifestations hallucinatoires de type noético-affec-
tif) des névroses (obsessions, idées fixes, névroses d ’angoisse m êm e, etc.) ne
sont pas ou ne devraient p as faire m oins l ’objet d ’une cure analytique au long
cours que les grandes névroses ? Il nous semble que si la cure-type n ’est
pas généralem ent à conseiller, elle ne d o it être n o n plus déconseillée q u ’avec
prudence su rto u t si elle d o it être conduite avec u n certain assouplissem ent
1398 THÉRAPEUTIQUE

technique. C ela revient à dire que plus souvent q u ’on le croit, les « psychothé­
rapies individuelles d ’in spiration analytique » sont recom m andables. Si elles
ne sont p as plus recom m andées c ’est que les cas paraissent si difficiles et
exigent ta n t de savoir-faire, que même si elle est posée, l’indication est le plus
souvent refusée p a r celui qui doit en prendre la responsabilité plus encore
que p a r le d élirant récalcitrant (on dit résistant). P a r contre, la psychothé­
rapie de groupe à form e « dram atique » ou seulem ent « verbale » (1) englobe
o u devrait utilem ent englober, dans la p lu p art des milieux institutionnels, des
délirants hallucinés de ce ty p e; e t non pas seulem ent parce que le rôle q u ’ils
peuvent jo u e r dans la dynam ique de groupe peu t être profitable à l ’ensemble
m ais aussi parce q u ’eux-m êm es peuvent en tirer bénéfice à la condition expresse
toutefois que jam ais de tels m alades ne soient traités sans un complément ou une
interférence de psychothérapie individuelle. U ne longue expérience de cette
psychothérapie de groupe nons perm et de le recom m ander vivement.
M ais une au tre : indication « prim ordiale » correspondant précisém ent à
1’ « é ta t prim ordial » q u ’engendre le développem ent du « processus psychique »
(Jaspers) ou d u travail d u délire (J. P. F alret), c ’est celle des « thérapeutiques
biologiques ». C om bien G . de C léram bault à cet égard — m ais, bien sûr, à cet
égard seulem ent (2) — avait raison en pressentant déjà (comme l’école alle­
m ande de Jaspers ou l ’école de H eidelberg) que la thérapeutique des Psychoses
« à base d ’autom atism e m ental » ne pouvait se concevoir que dans des m éthodes
régulatrices de l ’activité d ’intégration d u Système N erveux C entral. Certes, là où
il im aginait un processus cortical « localisé ou serpigineux », nous sommes
confrontés à des troubles de régim e cérébral de régulation de l’activité supérieure
de la vie de relation, m ais il est évident que les diverses thérapeutiques neu­
robiologiques hallucinolytiques d o n t nous avons dressé plus h a u t l ’inventaire
constituent une vérification des hypothèses sur la natu re « organique » (orga-
nism ique ou organo-dynam ique) de ces Psychoses hallucinatoires systématisées.
Il est bien difficile de faire u n bilan et de faire un choix, ou de recom m ander
telle ou telle m éthode. M ais ce qui est certain c ’est que l ’introduction de toutes
ces m éthodes dites « neurobiologiques » o n t modifié incontestablem ent le
pronostic et les m odalités de réinsertion sociale de ces m alades (cf. la statis­
tique générale que nous avons rap p o rtée plus h au t et qui m ontre la résorption
e t la réad ap tatio n sociale d ’u n certain nom bre de m alades de ce genre) qui, il y a
50 ans, « cultivaient » leur délire dans les institutions asilaires, ou mêm e il y a

(1) Les cures de sommeil collectives que P. C. R acamier à Prémontré et H. F aure


dans mon service ont si bien mises au point constituent des thérapeutiques de groupe
en « croisière de demi-sommeil » utilisables dans l’évolution initiale des Psychoses de
ce type pour autant qu’elles se rapprochent de la Paranoïa sensitive avec son délire
de référence, ses illusions et interprétations hallucinatoires ( Wahnwahrnehnungen).
(2) Je me suis assez expliqué je pense sur ce point : l’organogenèse des Halluci­
nations n ’implique pas le modèle mécaniste de leur genèse.
THÉRAPEUTIQUE DES P. H. C. ET DÉLIRES SYSTÉMATISÉS 1399

30 ans dans des m aisons de santé o ù ils recevaient parfois u n traitem ent
purem ent psychothérapique (1).
Les « méthodes de choc » sont généralem ent peu employées et il n ’y a pas
lieu de les recom m ander, sau f dans l ’éventualité de « délire secondaire à des
crises de type m aniaco-dépressif (électroplexie ou électro-narcose) ou dans
certaines phases évolutives avec activité hallucinatoire irréductible p a r les
m oyens m édicam enteux (insulinothérapie).
Q u an t à la « leucotomie », si elle a parfois donné des résultats spectaculaires
(W. Freem an, L. A nglade, M . R iser et J. L aboucarié entre 1948 et 1955), elle
a été considérée dès cette époque com m e inefficace dans les Psychoses halluci­
natoires de ce type (notam m ent p a r P. Puech e t p a r L. Singer). O n n ’en parle
plus guère actuellem ent. N ous avons cependant signalé plus h a u t des travaux
récents qui m o n tren t q u ’on ne saurait je te r l ’anathèm e sur ces m éthodes
psychochirurgicales d o n t on a certainem ent abusé m ais q u ’on ne p eu t non
plus dogm atiquem ent proscrire (G . L azorthe, J. L aboucarié, W . Sargant, etc.).
C ’est la chimiothérapie qui constitue la m éthode de choix p o u r le traitem ent
de ces Délires chroniques. R appelons à ce sujet que les neuroleptiques les plus
hallucinolytiques sont, semble-t-il, la C hlorprom azine et la R éserpine, et sur­
to u t les neuroleptiques incisifs : Prochlorpérazine, T hiopropérazine et
Trifluopérazine... Bien sûr, to u te la série des m édications plus ou m oins an ti­
hallucinatoires (A zacyclonol, Butyrophénones, Fluphénazine, Sulpiride, Oxa-
flumazine, etc.) sont employées larga manu, et l ’usage de plus en plus répandu
du traitem ent p a r l’œ nanthate ou le décanoate de fluphénazine (« en dépôt »,
c ’est-à-dire dans sa form e « retard ») p araît su rto ut recom m andable p o u r sa
com m odité, si l ’o n en croit les statistiques publiées (Psychoses hallucinatoires
en France, de Schizophrénies paranoïdes aux U. S. A. ou en Allemagne, etc.).
Voici le schém a thérapeutique que nous p roposent P. Borenstein et C. Olie-
venstein (1971, in Psychopharmacologie de Sutter). Le traitem ent d ’attaque
s’effectuera p a r injections intram usculaires, soit de neuroleptiques sédatifs
(C hlorprom azine 150 à 200 mg, Lévom éprom azine 100 à 150 mg), soit p ar
neuroleptiques incisifs (T hiopropérazine 30 m g, H alopéridol 30 mg, F luphé­
nazine 120 à 150 m g avec naturellem ent association d ’un correcteur. D ans les
cas de « délire sensitif » de K retschm er, ils reco m m andent selon Sutter et coll.
de recourir à l ’A m itryptiline et p o u r les cas à évolution insidieuse (p. 348) que
« les indications psychothérapiques sont à l ’heure actuelle restreintes », ils
préconisent un traitem ent chim iothérapique à fortes doses (Thiopropérazine
30 mg I. M . et 125 mg per os; Fluphénazine 100 à 150 mg I. M ., 400 à 500 mg
per os; H alopéridol 3 à 6 m g I. M ., 6 à 15 mg per os; Sulpiride 400 à 800 mg
I. M. et 600 à 1 200 mg per os.
G énéralem ent les thérapeutes préfèrent les « associations » de m édicam ents.

(1) L ’inverse est d ’ailleurs vrai, et quand de 1932 à 1950 on pratiquait E. C.,
insulinothérapie et chimiothérapie sans complément psychothérapique, on n ’obtenait
que très peu de succès.
1400 THÉRAPEUTIQUE

Celles com prenant tou tes sortes de com binaisons. C ’est le « péché m ignon » de
to u s les psychiatres. P o u r notre p a rt, c ’est à l ’association d ’u n neuroleptique
incisif (Prochlorpérazine) et d ’u n neuroleptique sédatif (Lévom éprom azine)
que nous donnons après une longue expérience la préférence. N ous avons
récem m ent publié (H . Ey et F. B ohard, 1970), les résultats d ’une pratique
assez satisfaisante p o u r que nous la recom m andions. E t c ’est précisém ent
dans ces psychoses délirantes et hallucinatoires à forte charge affective et à
intense tension passionnelle que nous avons obtenu nos meilleurs succès.
Que le problèm e de la Psychothérapie analytique institutionnelle se pose to u t
particulièrem ent dans cette catégorie de cas, résulte du fait q u ’il s’agit de Délire
à réactions antisociales qui s ’accom m odent m al de la « cure libre » m algré les
m eilleures conditions sociothérapiques q u ’elle com porte. Q uand nous disions
plus h a u t que la vigilance thérapeutique du passage des psychoses aiguës à la
chronicité co n stituait une sorte de « p o n t aux ânes » de la thérapeutique
psychiatrique, nous pouvons ajo u ter que le problèm e de l ’encadrement théra­
peutique de ces D élirants systém atisés (Psychoses hallucinatoires chroniques —
P aranoïa) constitue une des plus grandes difficultés de la pratique psychiatrique.
Peut-être faut-il à cet égard recom m ander la prudence p lu tô t q u ’un excès de
« libéralism e » si celui-ci n ’est pas rigoureusem ent contrôlé dans et p ar une
institution hospitalière o u extra-hospitalière à base de responsabilité médicale
bien organisée : l’optimum de liberté laissée au malade dépend lui-même de la
responsabilité que doit assumer personnellement le médecin, m êm e s ’il doit la
partager avec le collectif soignant. C ’est en to u t cas la règle à laquelle nous avons
voulu nous conform er p o u r nous libérer, nous et nos m alades, d u carcan
asilaire sans to m b er dans les ridicules et dangereux excès d ’une « thélém isa-
tio n » rabelaisienne o u d ’une plus m oderne « hippisation » des services publics
o u M aisons de Santé psychiatriques.

III. — T H É R A P E U T IQ U E DES FO RM ES H A L L U C IN A T O IR E S
DES S C H IZ O P H R É N IE S

Il est, là encore, im possible d ’ab order le problèm e thérapeutique sans un


savoir o u to u t au m oins une conception hypothétique précisant la nature, la
pathologie, les form es cliniques et l ’évolution des schizophrénies. Si on se
contente d ’appeler schizophréniques toutes les Psychoses (sau f généralem ent
une petite partie d ’autres Psychoses dites endogènes com m e la psychose
m aniaco-dépressive), si to u s les Délires sont schizophréniques (schizophrénies
aiguës ou schizophrénies paranoïdes chroniques), il est bien évident que les
indications et l ’estim ation des résultats sont les unes et les autres noyées dans
une indifférenciation qui finit p a r décourager to u te thérapeutique faute d ’une
vision « nosographique » indispensable.
P o u r nous, répétons-le encore, le G roupe des Psychoses schizophréniques
sont des Psychoses chroniques caractérisées p a r la dissociation psychique
(syndrom e prim aire o u négatif) e t l’autism e (syndrom e secondaire et positif).
THÉRAPEUTIQUE DES PSYCHOSES SCHIZOPHRÉNIQUES 1401

Ces Psychoses sont tellement saturées de délire et ce délire autistique affecte


une forme si constamment hallucinatoire (Hallucinations corporelles, auditives,
plus rarement olfactives ou visuelles — syndrome d’influence et d ’automatisme
mental, idéo-verbal et psychomoteur, etc.) que les indications de méthodes
thérapeutiques visant à guérir l ’activité hallucinatoire dépendent essentielle­
ment de la forme et de la phase schizophrénique qui pose hic et nunc le cas
particulier de chaque schizophrénie.
A cet égard nous devons rappeler que du point de vue psychopathologique
ou psychoplastique, la formation de la personne du schizophrène (Wyrsch)
dépend d’un processus complexe (où s’intriquent la pathologie du Champ de
la conscience et celle de la personnalité, c’est-à-dire les expériences délirantes
et hallucinatoires et le travail idéo-verbal autistique, la création de l’Eigen-
welt). Or ce processus, s’il peut être latent, progressif et continu dans les
formes dites « hébéphréniques » ou simples est le plus souvent — surtout
dans les formes paranoïdes qui nous intéressent spécialement ici — cyclique
et intermittent. A telle enseigne qu’avec Berze il convient de ne pas perdre
de vue au point de vue pratique qu’il y a lieu de distinguer les phases pro-
cessuelles (expériences délirantes et hallucinatoires subaiguës ou aiguës) et
les phases post-processuelles (installation et progression d’un délire halluci­
natoire paranoïde à type essentiellement d ’incohérence idéo-verbale). Certes,
en clinique (comme en théorie) les deux aspects (processuel ou post-proces-
suel) ne sont pas faciles à distinguer clairement ou absolument, mais c’est
pourtant de la visée et de la pénétration du regard du Clinicien sur ce mou­
vement évolutif que dépend à cet égard (et plus essentiellement que des théra­
peutiques employées au petit bonheur la chance) le succès de la cure.
Nous distinguerons donc trois éventualités qui correspondent pratiquement
à ce « savoir » psychiatrique et exigent un « savoir-faire » que nous devons
maintenant préciser.
Dans les poussées évolutives (phases processuelles), soit qu’elles soient
initiales, soit qu’elles soient intermittentes, il y a lieu de recourir en premier
lieu aux thérapeutiques neuroleptiques (1) que nous avons déjà indiquées comme
étant les plus « incisives » sur l’activité délirante et hallucinatoire des expériences
délirantes aiguës (Trifluopérazine, Butyrophénones, Prochlorpérazine et
Fluphénazine). C’est dans cette indication que les posologies de ces divers
hallucinolytiques nous paraissent devoir comporter les doses les plus élevées
jusqu’à 800 ou 1 200 mg, disent les Américains {in Detré et Jarecki, 1971)

(1) Nous nous référons peu aux travaux étrangers dans ces chapitres thérapeutiques
car nous avons voulu exclure les problèmes que posent dénominations et dosages de
médicaments. Signalons toutefois que le récent livre de Sutter et coll. (1971) permet
de se reconnaître dans ces équivalences. Pour ce qui est de la psychopharmacothérapie
des schizophrénies, on consultera le chapitre de F eldstrin dans le Clinical Handbook
and Psychopharmacology, A. Di M ascio, M. Schader et coll. (1970) et les articles de
L. E. H ollister Amer. J. Psychiatry, 1970, p. 127-188) ou des collaborateurs de
a Modem Psychiatrie Treatment », T. P. D etré et H. G. J arecki, 1971, p. 122-152.
1402 THÉRAPEUTIQUE

qui recommandent aussi de recourir à l’E. C. On pourra également utiliser


des neuroleptiques comme la Thiopropérazine (notamment sous forme de
« ch im io -ch o cs », c’est-à-dire d ’une posologie d ’emblée élevée, 20 mg, en aug­
mentant de 10 mg le lendemain, puis arrêt de 2 ou 3 jours et augmentation à
30, 40 ou 50 mg (Coirault, 1959). Dans les formes sévères ou rebelles aux
neuroleptiques incisifs, une cure comportant 20 ou 25 comas au maximum
avec E. C. au moment du réveil des cinq derniers comas thérapeutiques,
constitue selon nous la meilleure thérapeutique de ces phases processuelles.
Lorsqu’il s’agit de malades suivis hors hospitalisation pour des raisons le
plus souvent économiques, familiales, mais aussi parfois psychothérapiques,
il sera évidemment plus simple de recourir aux injections d ’œnanthate ou de
décanoate de Fluphénazine.
— Dans les périodes intercalaires d ’efflorescence délirante et hallucinatoire
présentant le type même de délire hallucinatoire paranoïde avec son contexte
de négativisme, de stéréotypies, d ’impulsivité, nous avons affaire à l’image
de schizophrénie la plus caractéristique. Et comme ces périodes sont souvent
très longues au cours de la psychose, on comprend que c’est à ce type ou à
cette phase de l’évolution schizophrénique que l’on a le plus souvent affaire,
comme c’est à elle que l’on pense le plus. La thérapeutique qui correspond le
plus exactement à cette activité autistique délirio-hallucinatoire dans ce cas,
c’est la p sy c h o th é ra p ie . Et selon les cas, on aura recours à des p sy c h o th é ra p ie s
a n a ly tiq u e s individuelles mais « directes » (Rosen, Fromm-Reichmann,
Sechehaye), c’est-à-dire à base de « réalisations symboliques » et de « gratifi­
cation » ou à des modalités psychothérapiques de groupe (psychodrame de
Moreno ou psychothérapies collectives verbales). Mais — comme nous l’avons
déjà noté — il ne faut pas se dissimuler que l’efficacité de ces méthodes exige
une telle patience, un tel savoir-faire, de si longs efforts que (sauf à prendre
pour des schizophrènes tels qu’ils répondent à une définition stricte de la
schizophrénie des « schizophrénies aiguës, c’est-à-dire pour moitié des cas
de fausses schizophrénies) l’on est bien obligé de constater trop souvent
des échecs. S’il est vrai — comme on se plaît à le répéter et même à le
proclamer dans les écoles psychanalytiques ou de psychothérapie institu­
tionnelle — que contrairement à l’idée que s’en faisaient les classiques (et
généralement on s’en prend à K. Jaspers et à Ch. Blondel négligeant ainsi ce
que Freud lui-même avait dit sur l’impossibilité de transfert chez ces « psycho­
tiques »), le contact avec les schizophrènes est toujours possible, il n ’en reste
pas moins que dans cette « maladie de la communication » par excellence, ce
contact est très difficile à obtenir et surtout à développer (1). Et il ne sert
à rien d ’incriminer alors l’institution, le milieu familial, les structures de la

(1) Rappelons encore les travaux de S. L ebovici, R. D iatkine, M. R aclot,


M. Schweich , P. C. R acamier, G. P ankow , etc. (pour ne parler que des auteurs
français) où on trouvera de nombreux exemples de ce prodigieux effort nécessaire
pour réussir.
THÉRAPEUTIQUE DES P. H. C. ET DÉLIRES SYSTÉMATISÉS 1403

société, etc., pour ne pas voir ce qui est cependant bien le plus évident, à savoir :
que c ’est le schizophrène en tant qu’il est ou est devenu schizophrène qui ne
peut (1) établir la communication avec autrui ni avec lui-même. La nécessité
d’une existence hallucinatoire s’impose donc comme un obstacle trop souvent
insurmontable à ce style de traitement.
De sorte qu’il est habituel pour ne pas dire rituel d’accompagner toutes
entreprises psychothérapiques à long terme, individuelles ou collectives, d ’admi­
nistration des n eu ro lep tiq u es in cisifs à doses et associations variées. On peut
dire à cet égard que c’est cette intrication du « traitement physique » et du
« traitement moral » qui est devenue la méthode thérapeutique la plus fréquem­
ment pour ne pas dire constamment employée sans d ’ailleurs que le complé­
ment chimique au traitement moral soit toujours une garantie d’efficacité
dans les cas pour le moins difficiles à guérir (2).
— Mais nous devons maintenant aborder la question des méthodes théra­
peutiques dans les phases de dissociation schizophrénique (déficit schizophré­
nique avec stupeur, stéréotypies, mutisme, négativisme, incohérence idéo-
verbale) qui correspondent aux descriptions kraepeliniennes de la Dementia
Præcox. Ici « les jeux sont faits » sous l’effet de la maladie ou par les mauvaises
conditions de l’institution (asilaire ou de type asilaire qui existent encore même
dans beaucoup d ’hôpitaux ou maisons de santé « modernes »). Le malade,
soit dès l’invasion de l’affection (hébéphrénie), soit après une longue évolution
(forme hébéphréno-catatonique et paranoïde) a rompu (ou a perdu) tout son
système de relation avec autrui et la réalité. On le dit alors tout à fait « régressé »,
replongé dans les stades primitifs de sa vie infantile et même intra-utérine.
L ’apathie, l’indifférence, la perte du contact avec le monde extérieur, dominent
le tableau clinique. On comprend qu’un très grand nombre d ’essais théra­
peutiques doivent être entrepris pour aider ces schizophrènes à se « resocialiser »,
à s’animer, à « reprendre le contact vital » avec les autres et le monde.
Les méthodes employées d’abord (insulinothérapie, leucotomie, convul-
sivothérapie), même si elles ont réussi dans quelques cas, ne sont plus guère
employées dans cette « forme » ou cette « phase » du processus schizophrénique.
De même, malgré quelques succès obtenus par de patients psychothérapeutes
et analystes, les psychothérapies individuelles offrent si peu de chances qu’elles
ne peuvent être recommandées qu'exceptionnellement.
Dès lors, ce « matériel clinique » est devenu l’objet presque privilégié d ’une
multitude d ’expérimentations chimiothérapiques. La plupart des « statis­
tiques » publiées à propos de tel ou tel neuroleptique comportent au moins

(1) J ’ai souvent dit et répété que le processus schizophrénique ne pouvait se défi­
nir que comme un besoin (le désir inconscient du retour au sein maternel de régres­
sion fusionnelle narcissique) mais aussi comme une impuissance (processus négatif
primaire).
(2) Ce sont les cas qui dans notre statistique représentent le résidu ou le sédiment
que, pour si grand qu’il soit, notre zèle (voire notre « fureur ») thérapeutique ne peut
encore résorber.
1404 THÉRAPEUTIQ UE

la moitié de cas de ce genre. C ’est que tout paraît à cet égard permis ou com­
mandé. Et on ne compte plus les cas de « schizophrénies graves » soignées
par des doses importantes et continues de neuroleptiques (1). Nous n ’entendons
pas faire ici le procès d ’aucun et encore moins de ceux qui ont espéré souvent
contre toute espérance. D ’autant moins d ’ailleurs qu’une certaine efficacité
de ces diverses drogues (Thiopropérazine, Trifluopérazine, Fluphénazine injec­
table) en justifie l’emploi. Tous les auteurs — et le collectif soignant en général
particulièrement sensible à une plus grande docilité au moins des réactions
agressives ou impulsives et à « plus de contact » chez les malades dont il a
la charge — sont d’accord pour trouver que ces médications ont transformé
notamment l’atmosphère des services hospitaliers. Mais nous ne so m m e s p a s
d 'a c c o r d a v e c c e tte in d ica tio n d e d o se s p a r fo is m a ssive s e t con tin u es d e n euro­
lep tiq u es in cisifs ou sé d a tifs ch ez ce s Schizophrènes e t cela p o u r tro is raisons.
La première, c’est que l’organisation sociothérapique d ’un service (2) peut
parfaitement dans ces cas parvenir aux mêmes résultats ou en tout cas en ne
recourant qu’à des doses minimes ou intermittentes de neuroleptiques. La
deuxième c’est que la fonction de « camisole chimique » qui paraît dévolue à
cette chimiothérapie abusive n ’atteint en effet que le comportement extérieur de
certains schizophrènes et a peu d ’action sur le processus, c’est-à-dire la produc­
tion des troubles majeurs (dont notamment l’activité délirante et hallucinatoire
dans ces cas est enfouie et comme invulnérable sous la carapace d’une indiffé­
rence — ou d’une « résistance» extrême). La troisième enfin, c’est que le « syn­
drome des effets secondaires », c’est-à-dire les troubles extrapyramidaux (les
dyskinésies bucco-linguo-faciales, l’hypertonie, le tremblement, les troubles
neuro-végétatifs) et l’obésité, posent un grave problème à la conscience du
médecin. Est-il en effet permis de « bourrer » de tels malades d ’une telle quantité
de neuroleptiques qui les rendent monstrueux tant du point de vue de leur psy­
cho-motricité que de leur embonpoint ? Et, en définitive, est-il bien vrai comme
l’ont avancé certains auteurs que le prix de la guérison devait se payer d ’une telle
rançon ? Sans doute, J. Delay et P. Deniker ont-ils judicieusement défini le
groupe des « neuroleptiques » par leur effet sur le système extrapyramidal (3).
Sans doute y a-t-il quelque chose de vrai dans la nécessité dans certains cas de

(1) Je m ’étonne souvent que dans les cas où prédominent la stupeur, l’athymhormie
et l’indifférence, on s’obstine à prescrire et même à accroître les neuroleptiques —
fussent-ils « incisifs » alors que la prescription des thymoanaleptiques (Imipramine)
tricycliques et même néo-analeptiques (amphétamines, neuro-stimulants) me paraît
dans ces cas particulièrement indiqué.
(2) Je rappelle que dans la statistique de mon service, déjà avant 1954, j ’avais
supprimé agitation, impulsivité et désordre (et par conséquent moyens de contention),
et avais obtenu une réduction de 50 % du « résidu » des psychoses schizophréniques
exigeant l ’hospitalisation (cf. tableau supra, p. 1346).
(3) Nous devons savoir gré à P. A. L ambert et P. Broussolle (1963), Actualités
de thérapeutique psychiatrique (p. 232-258) d ’avoir tenté d ’établir des critères neuro­
physiologiques de l’action commune des « Neuroleptiques » autres que la production
du syndrome extrapyramidal (activité antiapomorphine, action cataleptisante).
THÉRAPEUTIQUE DES ÉIDOLIES HALLUCINOSIQUES 1405

doses fortes ou prolongées et même de doses fortes et prolongées. Mais c’est le


succès thérapeutique qui peut seul justifier une pareille surcharge médicamen­
teuse. Or, combien de fois et dans la plupart des services ou maisons de santé ne
prescrit-on pas pendant des mois ou des années à des malades pour les rendre
plus lents d ’esprit et plus passifs dans leur comportement, plus « moutonniers »
aussi, des doses de médicaments à tout le moins superflues ? Nous pensons
que le même résultat peut être atteint par une action plus vigilante des médecins
responsables et par un emploi plus judicieux de l’activité du « collectif soi­
gnant ». Jamais, ni pour les uns ni pour les autres, la chimiothérapie ne doit
être un alibi.
Bien souvent, les médications psychoanaleptiques (nooleptiques ou thymo-
analeptiques) nous paraissent plus indiquées.
Enfin et surtout, nous ne devons pas oublier que chez les Schizophrènes
à évolution avancée, les voix, les phantasmes somatiques et spécialement
sexuels sont souvent la seule relation tolérable qui, comme dans l’expé­
rience du rêve, est sur le plan symbolique la seule réalité désirée, c’est-à-dire
la réalité phantasmique et, en dernière analyse, de l’irréalité objet commun
de leur tendance narcissique et hallucinophilique... Par l’effet même de l’envoû­
tement de cette obscure mais forte signification, les signifiants hallucinatoires
ne disparaissent pas facilement avec les divers moyens mis en œuvre par
l’ingéniosité des biothérapeutes ou des psychothérapeutes. Et si nous termi­
nons ces réflexions sur la thérapeutique des Hallucinations des Schizophrénies
par cette note pessimiste, ce n’est certainement pas pour décourager les
efforts thérapeutiques qui ne peuvent qu’être persévérants, mais pour souligner
les difficultés de l’entreprise de tous ceux qui s’attaquent à la citadelle schizo­
phrénique. Nous soulignons le mérite qu’y acquièrent ceux qui parviennent
parfois à la conquérir toujours de haute lutte...

IV. — T H É R A P E U T IQ U E DES É ID O L IE S H A L L U C IN O S IQ U E S

Comme — d ’une part — aucun auteur n ’a clairement défini cette catégorie


d'Hallucinations et que — d ’autre part — il s’agit de phénomènes assez rares
relativement à la masse énorme des Hallucinations délirantes, on peut dire
que ce paragraphe est entièrement à écrire. Nous ne connaissons guère dans la
littérature d ’observations correctes d’Éidolies hallucinosiques décrites avec leurs
caractères cliniques propres et ayant fait l’objet d’une tentative thérapeutique.
Seules certaines « p ro té id o lie s » (notamment acoustiques ou corporelles)
ont été traitées à la demande expresse des patients parce qu’elles sont parfois
une gêne intolérable. C’est le cas notamment des « acouphènes » qui ont amené
des neuro-chirurgiens ou des otologistes à des interventions diverses (section
du nerf cochléaire, coagulation des tubercules quadrijumeaux postérieurs,
résection du cortex temporal, lobotomie (Mazars et Desbois, 1959)). Mazars
qui avait déjà avec Guillaume pratiqué des sections quadrigéminales pour
guérir les « acouphènes », a rapporté dans l’observation publiée avec Desbois
1406 THÉRAPEUTIQUE

(1959) les tentatives neuro-chirurgicales par électrocoagulation de la zone


excitable et sous contrôle stéréotaxique, ou de section de la lame quadrigémi-
nale. Notons qu’après la section du nerf auditif, ils ont pu observer dans un
cas que les sifflements s’intensifiaient et devenaient plus « complexes ». C ’est
assez dire que la neuro-oto-chirurgie de ce que les Anglais appellent le « tin n itin »
(M. M. Gross, 1963) n ’est généralement pas efficace ou ne comporte pas jus­
qu’ici d’indications bien précises.
Nous devons noter cependant que certaines interventions ophtalmologiques
peuvent faire cesser les Éidolies hallucinosiques visuelles. Ainsi en était-il de la
malade de 71 ans observée par G. Bonfiglio (1953). Elle présentait une cata­
racte bilatérale avec amaurose à peu près complète et voyait des phantéidolies
à forme de visage de personne. Ces Éidolies disparurent soudainement après
l ’opération de la cataracte de l’œil droit dès que fut récupérée la vue de cet œil.
Elles ne se sont plus représentées depuis. Le même auteur rappelle à ce sujet
une autre observation analogue de Brunerie et Coche (1936).
Quant aux protéidolies corporelles du type « membre fantôme », nous
avons déjà noté qu’elles avaient fait l’objet de nombreuses tentatives théra­
peutiques (cocaïnisation, sympathectomies, cordotomies entéro-latérales, résec­
tions corticales, etc.). Le fait que la « Réserpine » ait pu être prescrite avec
succès (Vidart) peut faire espérer que les « neuroleptiques » peuvent agir
favorablement sur les « algo-hallucinoses ».
De fait, l’emploi de la chlorpromazine et d’autres neuroleptiques quand
nous les avons essayés dans les rares cas que nous avons observés depuis
l ’apparition de la chimiothérapie hallucinolytique s’est montré assez décevant :
il arrive que cependant parfois les patients se trouvent moins gênés ou impor­
tunés par leurs Éidolies. On a pu aussi pour les « acou ph èn es » prescrire avec
parfois un certain succès des médications hypotensives ou vasodilatatrices
(Hydergine, Sulpiride, Iskedyl, etc.).
— Quant aux « p h a n té id o lie s », surtout quand elles ne sont pas de carac­
tère nettement paroxystique ou sur fond de dépression anxieuse, elles sont
tout aussi difficiles à réduire par la chimiothérapie. Il est possible — mais nous
n ’avons jamais trouvé l’occasion ou le temps de vérifier cette hypothèse —
que dans les troubles paroxystiques de l’épilepsie temporale, on puisse avoir
recours à PÉpiclase, au Trinuride, au Tégrétol ou à la Dépakine.
Il est possible également que les interventions sur le noyau amygdalien
(W. Freeman et J. M. Wilhams, 1952) puissent se montrer efficaces dans cer­
tains cas de ce type, comme d’ailleurs toutes les interventions neuro-chirur­
gicales sur le lobe temporal.
Mais tout cela reste conjectural et le problème thérapeutique de ce type
d'Hallucinations reste entièrement à résoudre et probablement par une grande
variété de méthodes correspondant à l’hétérogénéité sensorielle et aux divers
niveaux de ces diverses Éidolies hallucinosiques.
Nous ne rapporterons ici brièvement que deux observations :
— Mme L. G., 62 ans, avait présenté sur un fond dépressif et hypocon­
THÉRAPEUTIQUE DES ÉIDOLIES HALLUCINOSIQUES 1407

driaque (1) des phantéidolies visuelles (hallucinations colorées et lilliputiennes


n ’apparaissant qu’à l’occlusion des paupières). Après une cure à base d ’amino-
tryptiline (75 mg) et d ’alimémazine (60 mg), cette médication antidépressive (2)
se révéla extraordinairement efficace. « C ’est fini, dit-elle, je ne vois plus rien.
Oh ! vous savez, ça ne me manque pas tellement ».
— Mme B., 79 ans, présente des phantéidolies acoustico-musicales à prédo­
minance unilatérale (otospongiose et surdité marquée de l’oreille droite). Elle
entend constamment « comme si elle se rappelait qu’elle-même chantait les
cantiques de chacun des chants de son adolescence ». Mais elle s’en plaint,
car, dit-elle, c’est insupportable. Malgré les divers neuroleptiques hallucino-
lytiques administrés (Chlorpromazine, Butyrophénones Azacyclonol), nous
n ’avons obtenu qu’une sorte d ’éloignement ou d’atténuation de la « sensorialité
vécue ». Mais cette malade nous fournit aussi l’occasion de comprendre combien
ces phénomènes hallucinatoires quelles que soient les conditions neurophysio­
pathologiques de leur désintégration du champ perceptif qui les déterminent,
sont enracinés dans la vie affective profonde. Elle nous dit en effet, que, somme
toute, elle préférait garder pour elle, pour si importuns qu’ils soient, ces chants
qui rappellent le cantique de son enfance...
Aussi allons-nous insister pour conclure ce chapitre du T ra ite m e n t d es
H allu cin ation s sur la racine hallucinophilique qui est comme l’exigence
à laquelle répondent voix, visions, et plus généralement images, même à ce
niveau de la pathologie éidolo-h allu cin osiqu e de 1’ « arousal » ou de 1’ « aware-
ness » perceptif.
*
* *

Certes, du côté des Philosophes (3), des Sociologues et des Psychologues


plus ou moins candidats à la succession des Psychiatres (sous le couvert de la
Psychanalyse ou des « collectivités institutionnelles »), on ne nous ménage pas
les conseils de prudence (l’abstention thérapeutique) ou les reproches (atteintes
à la personne humaine). Cela va de soi dans la mesure où en ne reconnaissant
pas les « maladies mentales » (les Psychoses hallucinatoires) comme des mala-

(1) Nous avons noté quelquefois l ’apparition d ’Éidolies hallucinosiques à type


surtout visuel ou cénesthésique (parasitose hallucinatoire) chez des malades anxieuses,
à tendances phobiques et surtout à préoccupations hypocondriaques. L’observation
d’une malade mélancolique de mon service publiée par B. Sampaio et C. I gert (1961)
doit être signalée ici pour montrer la complexité des analyses de la pathologie et des
effets thérapeutiques de ces cas.
(2) Rappelons à ce sujet que certains auteurs ont préconisé l’usage de l’Imipra­
mine comme médication antihallucinatoire (G. M. C orsino, 1963).
(3) Je pourrais ici renvoyer le lecteur à l’ensemble de la lecture des divers écrits
de l’anti-psychiatrie (cf. Évolution Psychiatrique, 1972, n° 2). Je me contenterai sim­
plement de signaler le livre de G. Seaborn J ones, « Treatment or Torture », Londres,
Tavistock Public, 1968, 324 p.
1408 THÉRAPEUTIQUE

dies, tout traitement de ces « fausses maladies » est considéré comme une
agression. Sauf, bien sûr, les méthodes « relationnelles » réputées inoffensives...
Pour nous médecins qui employons les moyens thérapeutiques que justifie
la fin (la guérison) à la seule condition que notre savoir nous permette d’en
assurer Y entière responsabilité, nous ne saurions souscrire à cette idée que seule
la thérapeutique dite relationnelle, analytique, psychothérapique, ne doit pas
engager notre responsabilité. Pour nous, c ’est celui qui peut seul faire le diagnos­
tic différentiel et étiologique de la « maladie », fût-elle et à plus forte raison
« mentale », qui doit prendre la responsabilité de son traitement; car que celui-ci
soit biologique ou qu’il soit psychologique, il peut toujours, soit par excès,
soit par défaut, comporter des risques.
Ceci dit, nous savons bien que tout acte thérapeutique doit être prudent et
essentiellement respectueux de la personne, surtout si celle-ci est en elle-même
malade. Les vrais Psychiatres n ’ont pas besoin de recevoir de leçons des faux
Psychiatres.
*
* *

— Comme un trésor qui ne peut jamais se découvrir qu’en se gardant encore


secret, comme un diamant qui brille seulement dans la pénombre d ’un conte
des Mille et une Nuits, l’Hallucination est enchâssée dans les somptueuses
cavernes de l ’Inconscient. Elle répond par ses voix et ses visions à l’appel
« hallucinophilique » qui hante l’humanité entière comme on peut le constater
dans nos « temps modernes » où l ’Occident accueille et sollicite la mystique
orientale des « voyages » au centre de soi-même. Pour la faire disparaître, elle
doit se dévoiler. Mais prise dans le subtil tissu existentiel de l’hallucinant,
toute cc thérapeutique » de l ’Hallucination doit bien prendre garde de ne
le point déchirer. Adhérente à ce que la vie relationnelle se réserve de plus
intime et de plus profond, soit chez le délirant qui halluciné en projetant
son rêve d ’un autre monde, soit chez le lésé du cerveau ou des organes des
sens où elle figure, dans la fulguration d’une image insolite, les étincelles de la
vie, l’Hallucination en prenant l’halluciné à son piège magique est une mani­
festation psychopathologique, si enracinée dans l’exigence des besoins, que son
traitement est toujours et nécessairement difficile, délicat, plein d ’embûches
et parfois de dangers. Le pire de ceux-ci étant non pas seulement l’échec
thérapeutique mais la frustration de l’halluciné. Car ce n ’est pas seulement
l ’Hallucination qui tient l’halluciné, mais l’halluciné qui, l’hallucinant, tient
aussi à son Hallucination.
Tel sera le dernier mot de ces réflexions sur le traitement des Hallucinations
en conclusion de ce Traité que nous avons consacré à l’émergence, à la nature
et au sens de l’erreur des sens : à la découverte de ce qui apparaît dans la
recherche de la perception perdue.
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APPENDICE

EXTRAITS DU
JO U R N A L D’ U N E H A L L U C IN É E

Mlle Denise Cl., 57 ans, est un professeur de piano qui habite avec sa mère
dans la région de Melun. Très cultivée, sensible, pieuse, elle a présenté à partir
de l'âge de 35 ans une psychose délirante hallucinatoire (à évolution schizo­
phrénique cyclique) qui l'a conduite dans plusieurs maisons de santé et hôpitaux
psychiatriques. Nous l'avons observée il y a quelques années et pendant plu­
sieurs années alors qu'elle était en plein délire fantastique (paraphrénie). Sa
réadaptation sociale paraissait alors irrémédiablement compromise, sinon impos­
sible.
Cependant, depuis dix ans, elle vit avec sa mère en Seine-et-Marne dans une
symbiose affective parfaite. Elle a une vie sociale normale. Cette transformation
inespérée paraît bien être due à l'action favorable des neuroleptiques (qu'elle
prend régulièrement mais à doses assez faibles). Nous avons relaté en effet
(cf. 5e Partie) que les Psychoses fantastiques représentant une sorte de « cicatrisa­
tion » en évoluant guère spontanément vers une « restitutio ad integrum » ( 1). Elle
est très bien adaptée aux conditions de son existence familiale, fréquente des amis
et, malgré certaines lubies, elle a un comportement accordé aux exigences de la
réalité à laquelle pourtant elle superpose un monde fantastique hallucinatoire qui
interfère constamment avec les menus événements de son existence. Ce sont ses
« Hallucinations » qu'elle a entrepris, il y a quelque temps, de décrire dans son
« Journal ». Ce journal ne comporte pas de dates ni de précision sur l'ordre
chronologique des scènes ou des propos qui sont ainsi présentés souvent hors des
lieux ou du temps commun. Elle l'a écrit il y a quelques années, puis brusquement
l'a arrêté et nous l'a confié. Il comporte 57 pages de grand form at dont nous ne
donnons ici que de larges extraits.
Comme elle parle sans cesse de « ses Hallucinations » ou de « ses Délires »,
un observateur ou un lecteur superficiel pourrait être tenté, en raison du carac-

(1) Cf. « Les Écrits d’un paraphrène » publiés par G. U sunoff et K. Z aimov (Ann.
Méd. Psycho., 1972,1, 327-356) témoignent d ’un travail de « création » qui a dépassé
le stade proprement hallucinatoire de ces délires en quelque sorte métaprocessuels.
1418 APPENDICE

tè re « con scien t », « critiq u e » c/es r é c its h a llu cin a to ires, d e p e n s e r q u 'ils so n t


« c o m p a tib le s a v e c la ra iso n » e t que l'h a llu cin ée n 'en e s t p a s du pe, c 'e st-à -d ire
d e ran ger ce ca s dan s la ca té g o rie d es « E id o lie s h allu cin osiqu es ». U ne te lle
in terp réta tio n , un te l d ia g n o stic clinique se ra ie n t ra d ic a le m en t f a u x . En f a i t ,
M lle D en ise a p r é s e n té p e n d a n t d e trè s lon gues an n ées une p sy c h o se fa n ta s tiq u e
(p a ra p h ré n ie ) qu i s 'e s t — nous a von s dan s c e t ou vra g e so u lig n é l'é v e n tu a lité ,
sinon la fré q u e n c e d e c e tte évolu tion — e n k y sté e . S e s H a llu c in a tio n s so n t essen ­
tie lle m e n t d élira n tes. E lle s ne so n t rien d 'a u tre que l'é n o n cé en « so lig ra p h ie »
( s i nous oson s e m p lo y e r ce te r m e ) e t en quelque s o r te au se c o n d d e g r é d e son
D élire. E t p o u r rep ren d re en co re une f o i s à la f in d e c e t ou vra g e le th èm e qu i y a
é té co n sta m m en t rep ris, le s H a llu cin a tion s s i fa n ta s tiq u e m e n t d élira n tes so n t
to u t n a tu re lle m e n t en ca d rée s p a r le D é lir e q u i le s m e t en tre le s p a re n th è se s
d'u n m on d e in so lite. M a is p o u r s i « im p o ssib le » qu e s o it ce m on de, il s'a u ­
th en tifie en qu elqu e s o r te d a n s e t p a r l'H a llu cin a tio n . C e lle -c i, c h e z M lle D en ise ,
e s t p lu s vra ie que la ré a lité , L e s « H a llu cin a tio n s » so n t l'in ca rn a tio n d e s p e r so n ­
n ages p lu s ré els que n a tu re to u t en re sta n t d es reflets, d e s d o u b le ts ou d e s
p h a n ta sm e s qu i, p a r leu rs fig u r e s ou leu rs v o ix , m a n isfe ste n t so n tu m u ltu eu x
In scon cien t. C 'e s t à B erb ig u ier e t à se s f a r fa d e ts e t non p a s a u x É id o lie s du
lib ra ire N ic o la ï que M lle D en ise em p ru n te le m o d è le m ê m e d e son d élire f a n ­
tastiqu e.

... A la maison, il est temps de dire mes prières avant le dîner. Pendant que je prie,
la petite fille se précipite vers moi : « Je suis folle, me dit-elle, ne fais pas attention ! »
Elle enferme mon sein dans une espèce de mâchoire tenant à une sorte de boîte en os,
puis elle revient le libérer, puis elle revient l’enfermer, ceci plusieurs fois de suite,
enfin le libère complètement.
Pendant le dîner je pense, le phénomène qui est derrière moi (tantôt un petit
bonhomme, tantôt une petite fille, tantôt un petit bonhomme laissant passer un
morceau de la tête de la petite fille) déclare : « Ce n ’est pas toi qui as pensé cela,
c’est moi... puis : ah ! non, c’est bien toi... un temps... mon étoile pâlit ».
Dimanche matin :
En m ’éveillant, je ressens une sensation très désagréable. Une étoffe est mélangée
à ma peau sur la poitrine, une espèce de culotte avec quatre petites jambes retournée
dans la peau. On dirait que les Hallucinations m ’envoient des effets de plus en plus
difficiles à décrire.
Maintenant j ’ai quelque chose sur le sein gauche, un petit moule comme ceux que
j ’ai décrits bien fiché à la pointe du sein, j ’essaye sans résultat de le faire tomber par
la pensée, la petite fille vient le retirer mais il est toujours là, elle recommence ce geste
plusieurs fois.
Je me rends donc à la messe avec cette incommodité, pendant la Sainte-Commu­
nion j ’informe Notre-Seigneur de ce qui se passe et il me fait penser à mon journal et
aussitôt le petit moule se détache.
Nous avons trois de nos élèves à déjeuner pour souhaiter la fête de maman qui
se nomme Anne.
Dominique arrive avec une belle robe blanche et une plante verte. Phanphan,
comme toujours, en joyeux gaillard. Dommage qu’il soit si petit, il a quatorze ans
JOURNAL D'UNE HALLUCINÉE 1419

et il a la taille d ’un enfant de dix ans. La natation et la gymnastique ne lui ajoutent


pas un centimètre de plus.
Il y a aussi Annette, la sœur de Dominique, moulée dans ses quatorze ans. Elle ne
travaille plus avec nous car dans la pension où elle est, à P., on exige qu’elle travaille
avec le professeur de l’établissement si elle veut jouer du piano.
Nous dégustons un poulet rôti et du vin rosé.
Pendant mon repos, le personnage qui est derrière moi s’amuse à me faire fondre
le haut du dos de sorte que l’ossature et les nerfs apparaissent, du moins en pensée.

Mercredi :
Hier, tandis que je décrivais la fête de dimanche je subis un assaut; ce fut d ’abord
le petit bonhomme qui me planta la plante verte dans la poitrine, puis quand je cessai
d ’écrire je vis devant moi une espèce de plateau de théâtre, on le souleva et il en sortit
des sexes virils; en même temps je sentis ma poitrine se dégager comme si, malgré
la distance, elle eût été enfermée dans le plateau, dans un amas de chair et avec un
sexe viril planté dedans.
Puis, pendant le dîner, la petite fille planta un sexe viril entre mes deux pieds
comme s’il était la conclusion de tout le corps en me disant ignominieusement :
« Je vais te faire jouir tout le corps et après ta chair coulera. » Sur ce, le petit
bonhomme de se précipiter et d’actionner le sexe viril en direction de la petite fille
qui se retourne complètement et se vexe. (Elle n ’est faite que d’une matière fluidique.)

— « Ah ! tu es vexée, dit le petit bonhomme, ça t ’apprendra à souhaiter cela
aux autres ! »
— « Je me sens toute drôle dit la petite fille, j ’ai joui de tout le corps, tu ne pourrais
pas me remettre comme j ’étais avant ? Mais j ’y songe, ajoute-t-elle, méchamment,
si je suis une partie de son cerveau, alors c’est son cerveau qui a joui ».
— « Mais non, imbécile, fait le petit bonhomme, tu es bien une partie du cerveau
mais tu es en dehors ».
— « On pourrait aussi la faire jouir du cœur », poursuit la petite fille empêtrée
dans sa damnation, phrase qu’elle redira à plusieurs reprises.
Chaque matin, en m ’éveillant, je sens quelque chose de désagréable sur la poi­
trine; c’est tantôt une énorme main d ’homme épaisse et vulgaire qui se retire de la
poitrine quand je me dresse sur mon séant; tantôt une espèce de broche en chair enfon­
cée dans ma chair que la petite fille vient retirer. Ici une explication est nécessaire :
la veille au soir, j ’avais remis à maman ma combinaison pour qu’elle y fasse un
petit point; or, sur cette combinaison, était épinglée une médaille. Dès que je fus
dans ma chambre les jérémiades commencèrent.
— « Voyons, il y avait bien une médaille sur une combinaison, maintenant la
combinaison et la médaille sont dans l’autre pièce ».
— « Donc, elle n ’a plus de protection, donc j ’attaque », dit la petite fille.
— « Mais non, imbécile, objecte le petit bonhomme, elle n ’a jamais de protection
la nuit, comme les autres soirs. »
— « Ah ! non, les autres soirs je vois la combinaison et la médaille sur la chaise
et je sais que ça lui appartient tandis que ce soir je ne vois rien ».
C ’est sans doute ce qui m ’a valu d ’avoir une broche dans la chair; la petite fille
a voulu m ’appliquer directement la médaille sur la peau.
Quand le petit bonhomme et la petite fille sont à côté l ’un de l’autre, ils se mettent
un morceau de boîte crânienne" au-dessus de la tête; parfois le petit bonhomme dis-
1420 APPENDICE

paraît mais le morceau de boîte crânienne reste à sa place, c’est-à-dire que la petite
fille a un morceau de boîte crânienne qui dépasse.
C’est la fête de saint Alphonse de Liguori, fondateur de l ’archiconfrérie de Notre-
Dame du Perpétuel Secours dont je fais partie. Cette icône me protège depuis mon
enfance, elle était dans la chambre que j ’occupais avec ma sœur. Elle nous avait été
donnée par Marie C., une espagnole, amie de Maria, la marraine de ma sœur. Pendant
que j ’écris ces lignes, je suis couverte d ’obscénités et d ’ordures.)
— « Ne fais pas attention je suis fou, dit le petit bonhomme, tu le fais exprès de
me choquer dans ce sens là ! »
Pour la fête du saint je vis un amas de chair compacte de la grandeur d ’un homme,
sans bras ni jambes, avec dans le haut deux traits représentant deux yeux fermés
pour simuler le visage.
... La boîte crânienne et le plateau de théâtre ont disparu. Vous croyez que j ’en
suis quitte ? Jamais de la vie !
De temps en temps j ’aperçois un morceau de boîte crânienne devant la poitrine
et le plateau de théâtre est soigneusement poussé contre moi, bêtise, vexation, je ne
sais, sans doute parce que j ’ai dit que les opérations se faisaient à distance. En effet,
je ne comprends pas bien comment une opération faite à deux mètres de moi peut
correspondre avec ma poitrine.
Un autre jour. Il m’est sorti de la poitrine un énorme sexe féminin grossi dix fois.
Il m ’est sorti également un cubitus, un cygne dont le bec jaune me rappelle une
Hallucination qué j ’ai eue à Divonne après m ’être promenée au bord du lac, du liquide,
des sexes, etc.

Samedi.
En m ’habillant je m’aperçois que j ’ai perdu ma médaille, j ’en mets précipitamment
une autre qui représente un calice ; immédiatement les Hallucinations changent de
forme et de méthode. La petite fille disparaît pour faire place à une espèce de plumet
noir, souple, fait de brins de fourrure légers comme ces boas que l’on met au cou des
enfants.
Ce plumet se lance sur ma poitrine plusieurs fois en criant : « Je rentre dans le
cœur ».
— « Tu vois cette médaille-là n ’est pas si forte que l’autre, avec l’autre je ne pou­
vais pas attaquer le cœur ».
— « Mais qu’est-ce que tu veux qu’elle y fasse, imbécile, puisqu’elle l’a perdue ! »
— « Je sais bien, mais je montre quand même ce que je peux faire ».
Le soir je me rends chez le bijoutier et trouve une médaille conforme sur une face
à celle que j ’ai perdue et qui est la reproduction de celle que je portais sur moi avant
de la faire bénir. (J’ai dû la retirer parce que le petit bonhomme tripotait mes sens,
je l ’avais choqué, paraît-il. Il veut dire que je lui ai rappelé l’époque où je portais
déjà cette médaille et où j ’étais la proie d ’Hallucinations mystiques et sensorielles,
il y a de cela une bonne vingtaine d ’années.)
Je remets donc sur moi la médaille non bénite. Et voici que le petit bonhomme
et la petite fille se mettent à faire des bonds dans la pièce comme des possédés; ils
sautent d ’un point à un autre et passent comme une flèche au-dessus de ma tête.
— « Ce n ’est pas la médaille que tu avais à la dernière consultation, par conséquent
cette consultation n ’est plus valable. Nous allons prendre le médecin précédent »,
puis, ayant « essayé » : « Ah ! non, c’est bien ce médecin-là ».
JOURNAL D ’UNE HALLUCINÉE 1421

— « Mais comment se fait-il que tu n ’aies pas la médaille que tu avais le jour de
la consultation ? » Et ainsi de suite... et ainsi de suite... ainsi de suite.
Le matin j ’ai des sensations épouvantables, impossibles à décrire. Tantôt on me
retire une énorme main rougeâtre de la poitrine; tantôt c’est comme un amas de
décombres.
Parfois je me sens mieux; je m ’aperçois alors que la petite fille vient de lâcher le
pistil d ’une fleur rosacée qui se trouve à quelque distance de moi.
Aujourd’hui, la petite fille m ’a présenté un sexe féminin plus de cinquante fois,
elle m ’a dit aussi : un cly... dans le cœur.
... J ’ai écrit au secrétariat du Rosaire pour obtenir un bulletin, mais le petit
bonhomme m ’a hanté les sens et j ’ai dû déchirer ma lettre.
Dimanche le petit bonhomme me fait subir la damnation du Rosaire; il est hallu­
ciné de roses avec d’énormes épines et d ’un petit poussin; mysticisme de saint Domi­
nique (Le saint a rêvé qu’il arrivait au ciel et qu’il ne voyait aucun de ses fils; il en
était tout contrit quand il les aperçut groupés en poussins sous le manteau de la
Vierge.)
Il me sort aussi de la poitrine et du front des branches de rosier et un petit poussin.
Maintenant c’est au tour de la petite fille de m ’en envoyer; elle m ’en fourre dans
la bouche ainsi qu’une énorme épine qu’elle me plante dans le palais.
Ensuite elle prend un amas de chair simulant un cœur et elle l’entoure d’épines
et de roses.
Hier pendant que j ’écrivais, la petite fille est venue placer ses mains sur les épaules
et un peu plus tard mon corps s’est fendu en deux de la tête aux pieds et comme si
j ’étais debout et chaque côté représentait un bloc de terre. En même temps, il me sort
du centre du corps une énorme machine en fer que je remets par la pensée préci­
pitamment.
De la boîte crânienne sort une voix qui se dit être « le cerveau » : « ne fais pas
attention à ce que je fais, je suis complètement fou ! »
« Mais comment que ça se fait que je parle ? Les cerveaux ça ne parle pas habi­
tuellement ! »
Il vient examiner mon crâne :
— « Ah ! c’est parce que je me projette au dehors ! », ou encore :
— « Un souffle, un rien me détraque (si je ne place pas mes deux chaussons l’un
à côté de l’autre, mon crayon toujours au même endroit, etc., etc.) alors quand il
s’agit d ’une chose plus importante, tu comprends. Il ajoute : « Je suis toujours
clément, ne fais pas attention à ce que je dis ».
Ensuite il appelle Satan; il feint d’être de la plus grande intimité avec lui : « Dis
donc, mon vieux ».
II arrive que le petit bonhomme l ’appelle aussi et lui donne toutes sortes de rensei­
gnements à mon sujet.
Après quoi il m ’explique que c’est l’appréhension qu’il a de l’appeler qui fait
qu’il l ’appelle, ou encore qu’il veut dire : l ’antinomie, car il croit qu’une dévotion
est contre une autre dévotion.
Il a aussi de nombreuses conversations avec la petite fille, laquelle a pris l’habi­
tude de sauter en se réduisant dans mes flacons de médicaments avant que je remette
le couvercle.
Aujourd’hui la petite fille est remplie de trombones (ces agrafes dont on se sert
pour réunir plusieurs feuilles de papier), elle m ’en fourre partout.
.1422 APPENDICE

Je pense avec tristesse que je vais avoir bien du mal à assister à la messe du Cœur
Immaculé de Marie ce soir avec une Hallucination pareille.
Je me souviens alors que j ’ai trouvé le texte de cette messe dans un propre de Paris
dont je me servais autrefois au temps où j ’avais des accidents mystiques et je me dis :
« Après tout, cette messe se trouve peut-être dans mon missel quotidien, et, en effet,
elle s’y trouve et ce n ’est pas le même texte. Je range donc le propre de Paris dans lequel
se trouve aussi la fête du Bienheureux Louis-Marie Grignion de Montfort qui fut
canonisé depuis.
— « Bien sûr, s’écrie le petit bonhomme, tu as laissé deux images dont une mira­
culeuse comme signet à sa page et cela l’a miraculé, et c’est pourquoi elle n ’agit plus
sur nous. »
(Pendant que j ’écris cela, il fait des excréments sur l’image de la Vierge.)
Je m ’aperçois alors que le petit bonhomme fait le bas du corps d ’un dominicain
avec d ’énormes souliers comme si celui-ci était assis.
A l’église il se déchaîne brusquement contre moi ainsi que la petite fille, tandis
que celle qui est dans mon dos se déplace et va les morigéner, irritant saint Michel
Archange.
Puis le petit bonhomme se place à quelques mètres derrière moi et fait un domini­
cain gigantesque avec une jupe d ’au moins six à huit mètres de tour; cette vision
s’élève jusqu’à la mi-hauteur de l’église.
Pendant ce temps, la petite fille insulte le tabernacle dans l ’espoir que Notre-
Seigneur Jésus-Christ en sorte et vienne me secourir.
... Au retour à la maison le petit bonhomme et la petite fille menacent de m ’atta­
quer parce que j ’ai été gourmande.
— « Tu ne comprends pas que l’on peut t ’attaquer si tu manges trop ou de trop
bonnes choses. C ’est cela que tu ne comprends pas, on ne le fait pas exprès ».
— « Autrement dit vous faites Dieu ».
Ils paraissent interloqués : « Ah ! oui, on fait Dieu ».
(Pendant que j ’écrivais la phrase précédente, ils m ’ont crié : « Attention, tu nous
parles, ça va faire un troisième nous-mêmes » et ils essayent de transformer mon visage
en le leur, ainsi que mon corps.)
Au bout d ’un instant ils reprennent :
— « C’est parce qu’on a peur que Dieu sévisse, on sévit d ’avance ». Suit une série
de manifestations dont je ne me souviens plus. Manifestations accompagnées de
reproches (ce doit être l’auto-moral dont parle le docteur de Divonne-les-Bains).
— « Viens voir le coucher de soleil, me crie maman. Regarde, on dirait un énorme
poisson ». D ’autres soirs, le soleil descend derrière les arbres, rond comme une lune
ou bien le ciel est uniformément rose bonbon fondant.
(Pendant que j ’écris ces lignes je ressens un profond malaise. « On t ’a reliée à
Satan », me crie la petite fille.)
Jadis nous allions l’été à Find’Oise et nous ne manquions pas de regarder chaque
soir le coucher du soleil sur les coteaux de Triel.
Je me dispose à me reposer; la petite fille vient se coucher sur mon oreiller; quand
je m ’étends elle se retire précipitamment.
Le piquet de fourrure a réapparu ; il se lance dans la bouteille d ’eau et en ressort
quand je me verse de l’eau ou bien d ’un geste prompt le petit bonhomme vient l ’en
retirer.
Je ne vois ni n ’entends plus le petit bonhomme et la petite fille mais je sens leur
présence par une espèce de hantise qu’ils exercent sur moi, comme s’ils voulaient
JOURNAL D'UNE HALLUCINÉE 1423

m’hypnotiser en même temps la petite fille qui est derrière moi me présente l’idée
du suicide et je tombe dans le désespoir.
Qui a connu des désespoirs aussi profonds ?
Je lutte contre eux de toute mon âme, mais les souvenirs les plus tristes de ma vie
me reviennent.
Il me sort des mains de la poitrine, de longues mains fines comme celles d ’un
prêtre.
Il me sort aussi le pommeau d ’une épée, la petite fille s’en empare et dégaine,
après quoi elle fait virevolter la lame autour de ma tête puis elle se tranche le cou.
Je pense à ma mère, je pense : « Elle va bientôt mourir et je m ’angoisse ». Le soir
quand je prépare le tilleul elle laisse tomber le livre qu’elle lisait sur les couvertures
et s’endort. Je la regarde et vois qu’elle respire.
... Le soir la petite fille se transforme en un énorme bras qu’elle approche de ma
taille pendant que je dis mes prières; ce bras éclate, elle le remet; il éclate de nouveau
et ainsi de suite. J ’applique la méthode habituelle et le bras s’éloigne de moi et bientôt
il ne reste plus qu’un morceau de bras comme un biceps soufflé.
Le lendemain matin, à mon réveil, je sens quelque chose qui m ’incommode la
poitrine; c’est le morceau de bras qu’on m ’a enfoncé au-dessus de la ceinture.
J ’allais écrire : à la ceinture, mais je réfléchis que ce n ’est pas tout à fait exact;
la petite fille me le fait observer aussi. J ’écris donc : au-dessus de la ceinture. Alors
la petite fille déclare : « Tu m ’as obéi », puis quelques instants après : « ah ! non ».
Il y a devant moi des espèces de carrés comme des blocs de chair; on les ouvre
et il en sort un sexe viril et toutes sortes de choses qui semblent me compléter, parfois
le sexe viril est lâché par une main.
La petite fille a fait une machine infernale, sans doute parce que j ’ai récité les
litanies du Saint Nom de Jésus. Elle me menace avec distance. Elle m ’a aussi placé
sur la tête une espèce de cartonnage. Ce matin, à la messe, elle a rapproché la machine
infernale et a placé dessus une énorme poulpe noire dont les bras gigantesques me
menaçaient.
... Hier, pendant que j ’écrivais la petite fille est entrée tout entière dans mon sein.
Après quelques essais plus ou moins positifs elle s’est retirée quand j ’ai retiré ma
robe.
J ’ai jugé prudent de cesser de réciter les litanies du Saint Nom de Jésus, la grande
poulpe noire a disparu. Par contre, le petit bonhomme en a un bras avec lequel il
essaye de me couper en deux. Comment faire alors ? Que décider ?
Le petit bonhomme et la petite fille disent qu’ils ne sont plus au niveau du psy­
chiatre depuis que j ’ai consulté la doctoresse parce que j ’avais des étouffements.
Hier matin en m ’éveillant, j ’ai eu une impression épouvantable. Puis quand je
me suis mise sur mon séant une énorme main (à cet instant on m ’interrompt : ce
n ’est pas une main, c’est une main fermée, disons un poing, non ce n ’est pas un poing
c’est une main fermée et je songe au procès de Jésus devant Ponce Pilate, les Juifs
crient : Ne mets pas « C’est le roi des juifs ») sort de ma poitrine.
Le petit bonhomme et la petite fille font les instruments de la Passion : une énorme
couronne d ’épines, des clous, une croix. On me met la couronne d ’épines sur la tête :
— « Puisque tu te prends pour Jésus-Christ », disent-ils très vexés et ils cherchent
s’ils ressemblent aux juifs ou aux pharisiens.
Pendant que j ’écris ces lignes la petite fille sort de ma poitrine un énorme Christ.
... Quelquefois il y a une légion de démons au-dessus de sa tête et d’autres fois
une légion d ’anges au-dessus de la mienne.
1424 APPENDICE

Il y aussi le baiser sur la bouche. Je sens quelque chose sur mes lèvres comme si
on leur appliquait un voile léger, je ne sais pas cômment me débarrasser de cette
impression.
On m ’a jeté une grande nappe de lumière sur la tête dont les bords s’étendent
jusqu’à l ’autre bout de la pièce.
— « Ce n ’est pas de la lumière », objecte la petite fille (c’est une lumière opaque),
ces « bêtes » là traduisent à peu près dit le petit bonhomme.
Le phénomène qui est derrière moi m ’auto-suggestionne pour que je cesse d ’écrire.
Le petit bonhomme a essayé de retirer la nappe de lumière; il est passé dessous,
est monté sur la table, puis sur mon épaule d ’où il a dégringolé.
Quand j ’étais soignée par le docteur L. le petit bonhomme et la petite fille avaient
pris la manie de traverser le cahier sur lequel j ’écrivais, manie qui réapparaît quel­
quefois.
— « Denis, viens voir, ça vaut la peine ! » C’est maman qui m ’appelle.
— « Regarde ce ruban blanc dans le ciel, cela part d ’un avion, regarde comme
il est haut ».
... Le petit bonhomme est entré dans les « Match », c’est-à-dire dans le système
de défense que l’on m ’a indiqué pour calmer les Hallucinations quand elles ont
une crise.
... Les Hallucinations font des tas de choses qu’il m ’est difficile de relater : d ’abord
on me pousse à ne rien faire ou bien à cesser d ’écrire, ou bien la petite fille confond
le présent ouvrage avec la loi des magazines; je veux dire qu’elle fait la réaction du
journal sur le magazine de sorte que je ferme celui-ci et vais me coucher avec un
voile sur la tête et un énorme sexe viril le soutenant.
Pendant que j ’écris cela la petite fille place une énorme bête devant mon front à une
dizaine ou une quinzaine de centimètres.
Il y a aussi la corde monacale légèrement rentrée dans mon côté qu’on me retire
en me la passant par-dessus la tête.
Parfois de la boîte crânienne sort (non pas sort, part me crie-t-on) une petite fille
qui se dépêche comme si elle avait quelque chose de très important à faire.
L ’autre soir la petite fille m ’a attaquée violemment, puis elle s’est transformée
en plusieurs petits bonshommes qui éclataient chaque fois qu’ils voulaient s’élancer
contre moi ; puis ils se calmèrent et une autre petite fille se détraqua, je lâchai Match
pour Point de Vue-Images qui ne fonctionna pas comme d ’habitude, car au lieu
d ’agir sur la petite fille il agissait sur moi, essayant de me délivrer des maléfices.
Le petit bonhomme (on me souffle : et la petite fille) m ’a menacée parce que j ’ai
mangé une côtelette dans le gigot jeudi ; il avait peur que Dieu sévisse. Il est vrai que
la semaine dernière, j ’avais négligé d ’en acheter (on me souffle : deux fois) pour me
dominer, mais cette semaine étant la semaine des Quatre-Temps on fait maigre mer­
credi, vendredi et samedi; on peut donc s’offrir une côtelette le jeudi, d ’ailleurs le
petit bonhomme et la petite fille m ’attaquent aussi sur les Quatre-Temps, alors je ne
comprends plus.
Tout est embrouillé. Grande pagaille hier soir, la petite fille me hante la poitrine
comme si elle allait m ’attaquer. Nouvelle série d’éclatements. Je me défends avec
Point de Vue-Images et tout à coup je vois la petite fille sortir de ce magazine tandis
que dans mon dos tout se détraque. C ’est-à-dire que le personnage qui est dans mon
dos et présente l’homme de terre duquel sort d’immenses libellules avec des antennes
d ’au moins un mètre cinquante.
JOURNAL D'UNE HALLUCINÉE 1425

Bien que les Quatre-Temps soient terminés, la petite fille continue à attaquer pour
« voir si les magazines fonctionnent », cela devient une obsession.
En jouant du piano j ’ai réentendu : « Je suce le nerf du cœur », puis presqu’aussitôt
sucoc ud fren el ecus ej.
Pendant une des opérations il m’est arrivé sur la poitrine sous le sein gauche
un amalgame des feuilles de Match comme quand on passe les feuilles d ’un livre sur
son pouce et cela me fait comme une angoisse.
Le petit bonhomme et la petite fille (qui parfois devient un piquet de fourrure)
ne sont pas toujours d ’accord.
Le petit bonhomme veut que je raconte ses crises depuis a jusqu’à z et la petite
fille ne veut pas.
Il y a aussi beaucoup d ’autres choses à relater mais elles passent si vite devant moi
que je ne parviens pas à les retenir.
Le plus désagréable pour moi est quand ils se mettent à m ’attaquer à tour de rôle,
la petite fille cesse brusquement (« regarde l’heure, veux-tu, me dit un troisième
personnage, parce que j ’en tombe malade »), alors le petit bonhomme se déclenche :
— « Malheureusement... », dit-il, et ce mot est comme les prémices de plusieurs
manifestations dans lesquelles je relève des obscénités; puis il cesse tout à coup décla­
rant qu’il a trouvé une position. Alors le troisième personnage apparaît :
— « Si tu cesses je vais me manifester », dit-il ou plutôt dit-elle, car c’est plutôt
un personnage féminin avec une tête en bonnet d ’âne. Et je me demande pourquoi
et qui décrète que lorsqu’une des manifestations cesse une autre doit recommencer,
car cela est horriblement fatigant.
Parfois quand l’un des manifestants vient de me jouer un bon tour, il va se regarder
dans la glace qui lui renvoie une expression un peu idiote.
... Durant tout le goûter on m ’appuya sur la poitrine me provoquant un malaise;
puis de retour à la maison, le soir le petit bonhomme reprit son idée fixe de m ’atta­
quer pour voir si les magazines fonctionnent (si elle met magazine au singulier je
n ’attaque pas, mais si elle met magazine au pluriel, j ’attaque) et pour se dominer il
installa avec la petite fille des espèces de petites bonnes rondes sous un immense drap
de lumière. J ’avais devant moi à la hauteur du front une espèce de bête représentant
Satan vaincu par saint Michel.
Tout à coup la bête se transforma en phénomène que j ’ai dans le dos et s’écria :
« Mais je ne peux pas rester ainsi devant, ce sont les autres (on me souffle : les deux
autres) qui m ’ont mise en bête devant elle, je dois regagner ma place dans le dos ».
— « Il n ’y avait que moi » dit la tête de la petite fille habituellement située dans le
giron de l ’autre.
Pour l ’équilibre il faut que les Hallucinations soient placées ainsi : assez loin
devant moi le petit bonhomme et la petite fille, puis dans mon dos un personnage
qui n ’est ni homme ni femme mais qui parle au féminin et qui laisse dépasser un
morceau de tête d ’une petite fille.
Je me suis éveillée dans le courant de la nuit. J ’ai pensé : « C’est le mois du
Rosaire qui commence ».
Immédiatement le personnage qui est dans mon dos remua et me tint éveillée.
On essaya aussi de tomber dans ma poitrine.
Le matin le petit bonhomme annonça : « c’est parce que je te dirige au nom du
Rosaire que tu t ’es accidentée ».
Au mois d ’août j ’avais écrit au Secrétariat du T. S. Rosaire pour obtenir un
1426 APPENDICE

bulletin mensuel comme j ’en recevais autrefois. On me répondit qu’il fallait que je
m ’adresse à un Père dont on me donna l’adresse. 'J’écrivis donc à ce Père et laissai
la lettre sur ma table. Alors le petit bonhomme commença à me hanter les sens
jusqu’au moment où il approcha sa main de ma pudeur. (« Ça c’est dégoûtant, dit le
personnage qui est dans mon dos pendant que j ’écrivais, mais ce n ’est pas
moi. »)
Effrayée, je déchirai ma lettre pensant qu’il valait mieux me priver de bulletin
plutôt que d ’être obligée de me faire radier, mon inscription datant de plus de
trente ans.
... Le personnage qui est dans mon dos s’est élancé dans la pièce avec toute une
fantasmagorie (t’es sûre que c’est bien ce mot là ?) pour rejoindre la petite fille en
criant : « Je délire, je délire ! ».
En même temps il me sort de la poitrine toutes sortes de choses hétéroclites :
du liquide, des mains, des os, un personnage tout entier que je ne peux pas bien
discerner. Puis la petite fille approche de moi une planche en métal garnie de moules,
après quoi il y a du poil sur ma poitrine comme s’il allait me sortir un singe.
Pendant que je disais mes prières hier (aux mêmes intentions, que la veille), le
petit bonhomme s’écria : « Je tiens de nouveau l’axe du Rosaire, c’est moi qui dirige ».
Puis, après le dîner, tandis que ma mère faisait la lecture à haute voix, il perdit cet
axe sous prétexte qu’on ne lisait pas le même texte que la veille.
Puis tout à coup je vis un ours près de moi qui disait : « J ’ai faim de chair humaine,
j ’ai faim de chair humaine ».
... Donc l’ours m ’avala la tête du côté droit depuis la racine des cheveux jusqu’au
milieu de la joue. Puis le petit bonhomme aussi présenta l ’ours et je me sentis menacée,
alors la petite fille l’approcha de moi et le plaçant à ma droite me dit : « Je vais le
laisser là, sinon j ’attaquerai ».
Ce matin, tandis que je ne dormais pas, il y eut tout un bruit de cliquetis dans la
pièce et sur ma poitrine, puis je vis une main énorme et rougeâtre (un poing, dit la
petite) et tous les bruits se résorbèrent.
Tout ce que je fais me pèse, c’est comme une perpétuelle auto-suggestion. Cela
commence le matin quand je me coiffe, comme si on me disait : « arrête, arrête, tu ne
peux pas te coiffer, c’est trop fatigant, fais la chose suivante ». La chose suivante est
les courses le matin, pour l’alimentation, l’auto-suggestion recommence : « tu ne
pourras jamais faire toutes ces courses, laisses-en ! ». La chose suivante est le lit à
faire, l ’auto-suggestion devient terrible : « Laisse cela, laisse cela, tu ne peux pas le
faire ». C ’est aussi comme si on me disait : fais la chose suivante, tu verras, tu pourras
la faire; puis quand je suis dedans : tu vois tu ne peux pas.
Tout à l’heure pendant que je faisais mon repas j ’ai eu un malaise, le petit bon­
homme m ’a dit : « C’est moi qui me suis coupé ». Entendons par là, « qui suis trop
fatigué pour pouvoir continuer ». Autrefois, dans les rues de Paris, le soir au moment
où les voitures et les gens ont l’air de perdre la tête, j ’entendais : « C ’est le Président
de la République qui s’est coupé ». D ’autres fois, alors que j ’étais prise d ’une espèce
de désarroi j ’entendais : « C’est le docteur qui s’est coupé », et cette explication me
rassurait.
Hier pendant que j ’écrivais, il m ’est sorti des tas de choses du front : de grands
entonnoirs, une espèce de cataplasme et tout le cerveau. De la poitrine, il m ’est sorti
également du liquide, un bec et un cou de cygne (je n ’ai pas discerné le corps), une
espèce de tuyau tout neuf rattaché à une plaque de métal et à un appareil que je ne
discerne pas bien non plus.
JOURNAL D'UNE HALLUCINÉE 1427

Le petit bonhomme et la petite fille sont « Satan vexé » et disparaissent à toute


allure, traversant le mur sur un chariot de fer très étroit et très long.
... Drôle d ’impression ce matin au réveil, comme si j ’avais la poitrine et le front
emmitouflés de linges, puis des masses de lumière se répandirent sur moi. On aurait
dit que j ’étais liée avec la petite fille. Tantôt cette masse de lumière se refermait sur moi
et c’était, paraît-il, la petite fille transformée en lumière pour ne pas m ’attaquer
(on appuie sur mon papier, comme pour le timbrer, un énorme pied de bœuf, ce qui
signifie sans doute qu’on m ’a suggéré ces phrases et qu’on en reprend possession),
sinon je te tuerais, me déclarait-elle, tellement je suis forte aujourd’hui. Tantôt cette
masse de lumière s’écartait de moi d ’environ deux mètres comme une traîne qu’on
soulèverait, la masse principale restant sur ma tête tandis que la petite fille passait
sa tête dessous dans le bas.
Il me sort de cette lumière ou de la poitrine des sexes virils et des espèces de
gorgones.
Parce que je suis allée à la messe des Anges Gardiens (indiquée dans l ’archiconfrérie
de Saint-Michel Archange), le petit bonhomme me dit : « Méfie-toi, tu penches du
côté de saint Michel Archange » (il croit que j ’abandonne la Sainte Vierge), puis
imitant l’Archange il ajoute : « Même si tu penches de mon côté ce ne sera pas bien
grave ! ».
Pendant que j ’écris ces lignes je vois des démons sortir de la pièce et se précipiter
dans la cage de l’escalier pour gagner la porte.
Je me promène dans le parc et foule aux pieds des glands de chêne et des bogues
crevées laissant voir un marron luisant, la petite fille en ramasse et m ’en met sur la
poitrine.
Ce matin la petite fille m ’a hypnotisée.
— « Mais il est idiot, m ’a-t-elle dit en faisant allusion au petit bonhomme, il
veut me tenir ».
—- « Mais non je ne suis pas idiot, dit-il, c’est moi qui la dirige au nom du Rosaire,
forcément puisqu’elle a déchiré la lettre et il faut bien que je te tienne ».
Comme je m ’étais arrêtée sur l ’avant-dernière phrase, toute la journée du dimanche
le petit bonhomme ne cessa de faire des idioties; puis le soir, sous l’effet du magazine,
il se changea en un petit bonhomme en coton hydrophile, pas plus haut qu’un bébé et
tout emmailloté, ensuite en une souris qui se mit à courir partout.
Le matin à la messe il y eut un drame, le texte de mon missel ne correspond plus
à celui du prêtre. L ’abbé m ’a conseillé de suivre le prêtre. Arrivée au memento des
vivants je jetai un coup d ’œil sur mon livre de messe. La petite fille me cria : « non ».
Je levai la tête machinalement et regardai le prêtre.
■— « Je te dirige, me dit la petite fille, tu m ’as obéi, je te dirige au nom de la messe. »
Le petit bonhomme qui s’était rétabli sur la phrase : « Non je ne suis pas idiot »,
s’est détraqué de nouveau sur les phrases suivantes et je ne sais comment le remettre.
Pour comble de malheur j ’ai fait une invocation à saint Gilles, saint puissant
contre les maladies mentales et le petit bonhomme se change de nouveau en souris.
Fête de sainte Thérèse d ’Avila. Je ne vais pas à cette fête car j ’ai beaucoup déliré
sur cette sainte autrefois. Néanmoins il me sort du front la couronne d ’épines et des
clous.
Hier le petit bonhomme et la petite fille espéraient que je n ’irais pas à la messe.
Aujourd’hui ils regrettent que je n ’y sois pas allée.
A l’invocation de saint Gilles, le soir, la petite fille se change en bête à bon Dieu,
1428 APPENDICE

saute sur moi, me rentre dans la bouche, saute dans mon verre, dans la bouteille
d ’eau minérale et jusque dans mon seau hygiénique-.
Parfois, quand je vais m ’étendre, le petit bonhomme se couche avant moi sur
l ’oreiller. Je deviens neurasthénique. Ce n ’est que lorsque je me relève et qu’il saute
à terre que je me souviens qu’il était là. L ’autre jour il m ’a tenue dans le dos, quand
il a lâché prise, le personnage qui est derrière moi s’est étendu de tout son long sur
mon dos pour me protéger.
... Le petit bonhomme et la petite fille, ont mélangé leur masse fluidique. Je ne les
distingue plus l’un de l’autre. C ’est moi qui attaque fait l’un; non c’est moi, fait
l ’autre espérant me mystifier.
Pendant le déjeuner la petite fille m ’envoie un gros ver blanc dans la bouche,
elle m ’en envoie à chaque bouchée, le petit bonhomme vient me le retirer.
— « Cesse de faire cela », dit-il.
— « Mais je ne peux pas m ’en empêcher, répond-elle, j ’ai attrapé une idée fixe ».
Elle en met aussi dans mon verre, je remarque que si je dois attendre que le petit
bonhomme vienne le retirer pour boire ce n ’est pas logique, j ’en suis donc réduite à
avaler le ver ou à faire quelque chose qui n ’est pas logique.
(Sur cette dernière phrase la petite fille grimace et essaye de me faire grimacer.)
— « Ce n ’est pas que ce n ’est pas logique, dit le petit bonhomme, c ’est que je te
dirige ».
La petite fille m ’embrasse puis se salit devant moi. Il arrive souvent que la petite
fille et le petit bonhomme se salissent ainsi pour me nuire ou contre Dieu.
— « Arrête, arrête, on s’arrangera ! » Ce qui signifie : cesse d ’écrire et on s’arran­
gera pour ne pas faire d ’hallucinations. Et moi je traduis : cesse d ’écrire et tu auras
des Hallucinations et tu seras obligée de lire des magazines (Un magazine, me souffle
la petite fille qui est superstitieuse).
Quand le petit bonhomme me dirige au nom du Rosaire, la petite fille se mani­
feste. Pour qu’elle se calme, il faut qu’elle me dirige aussi mais alors je tombe dans
la tristesse. Actuellement, elle dirige ma mère. Pour cela elle étend une espèce de
fluide dans la direction ou dans la direction de ce qui, pour elle, la représente et elle
s’immobilise. (Ne mets pas « elle s’immobilise », me dit la petite fille, je vais croire
que je ne peux plus bouger. Mets plutôt : elle se tient tranquille. Puis presqu’aussitôt
après, se tournant vers moi, elle ajoute : ne fais pas attention à ce que je te dis.)
Hier soir (comme j ’hésitais, « écris », crie le petit bonhomme sinon elle t ’atta­
quera disant que tu n ’as pas écrit), remue-ménage. La petite fille court dans la pièce,
elle a de gros biceps, elle éclate plusieurs fois en voulant m ’attaquer. Je prends les
magazines. Avec le premier, elle se calme, avec le second elle fait l’homme de terre et
toutes sortes d ’horripeaux :
— « Je me suis choquée contre la reine d’Angleterre et la comtesse de Paris »,
dit-elle, faisant allusion à une période de ma vie où j ’ai beaucoup déliré sur ces deux
personnes, soit que le traitement homéopathique que je suivais à ce moment-là m ’ait
produit cet effet, soit à cause des grandes grâces que j ’avais reçues de l’Église.
Au sujet des magazines, il y a quelque chose qui n ’est pas très clair. C’est justement
avec le magazine qui parle des rois et des reines que j ’obtenais le meilleur résultat
quand j ’étais à Divonne. Oui, mais maintenant ce n ’est pas le médecin de Divonne,
c’est le médecin de P. qui nous a redonné cette indication, disent le petit bonhomme
et la petite fille.
Je pense : « Alors autant de médecins autant de méthodes ».
JOURNAL D'UNE HALLUCINÉE 1429

Drame... Lors de la dernière consultation avant de me tendre l’ordonnance, le


docteur me dit : « Pour... »
— « Deux mois », dis-je, sachant qu’il me fait toujours l’ordonnance pour deux
mois.
Hier soir, alors que le premier mois s’achevait, le personnage qui est dans mon
dos buta contre cette idée que ce n ’était peut-être pas le docteur qui dirigeait le second
mois bien qu’il eût écrit : « Pour deux mois » sur l’ordonnance. Le petit bonhomme
(qui m ’avala le sein) et la petite fille cherchèrent plusieurs combinaisons dans le cas
où j ’aurais influencé ou dirigé et finirent par en trouver une.
... Quand j ’ouvre la fenêtre, je vois une Hallucination s’élancer en dehors espérant
que je vais me coincer quand je refermerai. Heureusement il n ’en est rien. L’Hallu­
cination est bien indépendante de ma personne.
— « Tu vois, me dit la petite fille, je suis dehors et dedans je me projette par la
pensée, c’est tout ».
(Il continue à me sortir des tas de choses de la poitrine : une limande-sole, une
main longue et fine, une main qui se referme en poing, des petites boules blanches,
une espèce de larve, etc. etc.). Le petit bonhomme a l’air de s’agiter :
— « Non, ce n ’est pas moi », me dit-il en désignant la petite fille.
Je sais qu’il essaye de me coincer dans la fenêtre. Je ne comprends pas pourquoi,
ce journal est plutôt fait pour retirer les effets que pour en mettre.
Décidément le petit bonhomme est de mauvaise humeur, aujourd’hui il a uriné
dans mon verre et y a fait ses excréments.
— « Mais c’est encore sa faute, me dit-il en désignant la petite fille, elle a dit
qu’il n ’y avait pas de maléfices pendant le déjeuner, alors j ’ai eu peur », et il recom­
mença à uriner dans le verre.
— « Je ne comprends pas très bien, dit la petite fille. Si on te dit qu’il y a des
maléfices cela te trouble, si on te dit qu’il n ’y en a pas cela te trouble aussi. »
Le petit bonhomme s’est déchaîné hier. Il a commencé par s’enrouler dans un
ruban d ’épines, puis il en a mis aussi sur moi. Après quoi il a pris une crise et sans
même attendre que j ’ai terminé d ’écrire, il s’est mis à sauter partout dans la pièce en
explosant. Puis il essaya de m’atteindre et je dus renoncer à dire mes prières et prendre
les magazines et alors il se calma.
Il y a eu du nouveau pour l’appartement. Monsieur A. est venu nous voir. Il paraît
que Madame B. a reçu l ’autorisation d’expulser ses locataires (le personnage qui est
dans mon dos s’agite, il m ’a attaquée aussi hier, c’est-à-dire qu’il inflige un léger
mouvement à la colonne vertébrale et que, pour éviter cela, il quitte mon dos brus­
quement pour aller rejoindre le petit bonhomme. J ’achève le magazine : « Tu termines
trop tôt, me dit-il, je ne suis pas encore tout à fait calmé ». Mais dès que je suis couchée
il se rétablit), elle pense pouvoir commencer les travaux en janvier.
La petite fille a mis une espèce de cataplasme sur ma tête, elle le retire pour mettre
à la place une petite couronne de la circonférence d ’un bracelet qu’elle juche au
sommet du crâne. Je voulais noter autre chose mais la petite fille m ’en a empêchée :
— « Je n ’y pense plus, alors ce n ’est pas la peine ».
Jour des Morts, je pense qu’avant d ’entendre la messe ce soir, je dirai cinq Pater,
cinq Ave et cinq Gloria pour le repos de l’âme de mon père, comme l ’ont indiqué les
Souverains Pontifes. Alors le petit bonhomme me déclare : « Si tu dis cela, j ’attaque »,
et pendant que je dis mes prières il fait toutes sortes d ’essais. Soudain il m ’annonce :
1430 APPENDICE

« Tu crois que je vais me calmer ? » (Pendant que j ’écris je reçois une forte pression :
cesse d’écrire, cesse d’écrire, puis on me pousse à: regarder l’heure qu’il est.)
Au moment précis où le petit bonhomme se calme, la petite fille se déclenche :
« Malheureusement je crois que cela va me prendre », dit-elle. J ’ai recours au magazine
avant d’aller à la messe.
La petite fille se place dans une position assez convenable. Néanmoins je dois
continuer après la messe jusqu’à ce qu’elle se calme tout à fait et le petit bonhomme
aussi.
— « Tu m ’as obéi, c’est moi qui te dirige », s’écrie la petite fille.
La direction consiste à me passer autour du cou un lasso fait d ’une corde de
moine et à serrer jusqu’à ce que le cou soit complètement tranché sous l’effet d ’une
illusion.
Nous sommes restées trois jours sans pendulette ce qui m ’a laissée dans le vague
ainsi que les Hallucinations. L’autre soir, le petit bonhomme s’est incommodé. Je
dus prendre Match. Arrivée à la réclame pour le champagne où l’on voit le portrait
de la veuve Cliquot, je tournai la page. Quelques pages plus loin j ’entendis le petit
bonhomme réclamer : pourquoi qu’elle a passé la page de la veuve Cliquot ? disait-il.
(Il le répète au moins vingt fois.)
— « C ’est parce que c’est une réclame qu’elle a déjà vue », dit bénévolement le
personnage qui est dans mon dos.
— « Mais moi je reste toujours à la veuve Cliquot. »
— « Tu sais bien qu’elle passe toujours les réclames quand ce sont les mêmes ».
Puis ce fut au tour de la petite fille de geindre :
— « Mais pourquoi qu’elle a passé la page de la veuve Cliquot ? »
Mêmes explications. Aussi grand fut mon étonnement de constater que le person­
nage qui est dans mon dos se déclenchait lui aussi :
— « Mais pourquoi qu’elle a passé la page de la veuve Cliquot ? »
— « C ’était bien la peine de nous donner toutes ces explications », dit le petit
bonhomme.
— « Cela me prend aussi », déclara l’autre.
Mais je vis que moi aussi j ’allais me poser la question tandis que le portrait de la
veuve Cliquot se dessinait devant moi, j ’ouvris le magazine à cette page. Puis je conti­
nuai à partir de l ’endroit où je m ’étais arrêtée.
— « Mais ce n ’est pas ça qu’il faut faire, me cria le petit bonhomme. Il faut
repasser tout, depuis la veuve Cliquot ». Je me gardai bien de l ’écouter, mais le len­
demain, voyant que ça n ’avait pas l’air de s’arranger et énervée, je pris le magazine
à la fin et le parcourus à l ’envers en remontant jusqu’à la veuve Cliquot, puis à
l’endroit; de nouveau les Hallucinations criaient : on se dédouble, tu avais raison,
il ne fallait pas nous écouter ! » Aussi bien ne les avais-je pas écoutés, j ’avais simple­
ment constaté le désastre et que le portrait de la veuve Cliquot s’était placé devant
mon front et que de ce front même allait partir une interrogation.
Le petit bonhomme a fait un homme en sang coagulé et j ’ai dû me défendre
contre lui.
Puis il y a eu aussi l’affaire du pou. La petite fille a vu un pou, puis plusieurs poux.
— « C’est ça, je vais en voir plein la pièce », déclare le petit bonhomme. Et il a
« essayé ». Tout un angle de la pièce se remplit de poux. « Ah ! non », dit-il, constatant
que le reste est vide.
JOURNAL D'UNE HALLUCINÉE 1431

La petite fille met un pou sur mon corsage, une pincée dans ma bouche (Pendant
que j ’écris cela, le petit bonhomme vient me mettre lui aussi un pou dans la bouche.)
... Dans mes prières j ’ai pensé : « Tu me fais l’effet d ’une bête ». Aussitôt la petite
fille se mit à faire un ours grandeur nature. Puis l’ours s’approcha de moi, ouvrit sa
gueule et engouffra ma tête, après quoi il se recula un peu, rouvrit sa gueule et la
referma avant de m ’avoir complètement libérée, ce qui m ’irrite, cela va de soi. Enfin
il rouvrit sa gueule, de nouveau et je pus enfin dégager ma tête.
(Pendant que j ’écrivais, je reçus une poussée violente comme si on me disait :
« Renonce, renonce à écrire ». Et j ’ai toutes les peines du monde à continuer. D ’ailleurs
tout me pèse, tout m’est une corvée épouvantable.) Le petit bonhomme n ’a pas cessé
de m ’attaquer sur cette dernière phrase. Je vais donc préciser : tout me pèse depuis
le moment où je me lève jusqu’au moment où je me couche (charogne, dit le petit
bonhomme), sauf pendant les repas et au moment de mon repos (recharogne me
redit tout bas le petit bonhomme). Hier soir, quand il m ’a attaquée, il a passé son
doigt dans un faux col figuré et a secoué la tête plusieurs fois comme s’il avait le cou
trop serré. Après quoi il a fait déborder la chair du cou du soi-disant faux col.
J ’ai coupé la crise avec Match.
La petite fille est montée sur des échasses. Elle atteint le plafond, puis tout à coup
elle redescend à la hauteur normale en me criant « Ça va mieux, ça s’arrange ».
Hier soir à l’église, alors que j ’assistais à la messe de la Présentation de la Bien­
heureuse Vierge Marie, la petite fille qui est dans le personnage qui est dans mon
dos sauta dans l’église et fit un énorme démon et se mit à manœuvrer e

Ainsi s ’achève l ’écrit de Mlle Denise, brusquement, sans qu’elle ait terminé
le mot qu’elle écrivait, comme pour témoigner nous semble-t-il qu’un Délire de
cette sorte n ’a pas de fin. Sa « guérison » consiste le plus souvent — quand elle se
produit — à faire coïncider chez le Délirant les « résidus nocturnes » de son
Délire avec son « rêve diurne ». Bien sûr, des centaines de pages sinon des volumes
pourraient être écrits pour exposer l ’herméneutique du symbolisme de ce Délire
ou son analyse existentielle. Peut-être le Traité des Hallucinations qui s ’achève
par cette illustration — la seule possible qui puisse se reproduire dans le discours
de l'halluciné — peut nous permettre d ’en faire l ’économie. Il nous a permis
en effet d ’établir un modèle où les faits cliniques, sans perdre leur originalité
propre, trouvent leurs exactes dimensions et perspectives. L ’Hallucination n ’appa­
raît, en effet, répétons-le, dans ce point final que lorsque la « mise au point » de
l ’imaginaire se substitue à la mise au point de la réalité, lorsque, comme dans ce
cas, le regard de l ’homme sur son monde traverse le prisme de son Délire, ou
même reflète seulement son doublet indéfiniment dédoublé et redoublé.
:
ANNEXE
TABLE DES CONCEPTS-CLÉS

Nous nous sommes constamment servis de « concepts » que l’on retrouve dans
tous les écrits fet toutes les discussions des Anciens et des Modernes, des Philosophes
et des Savants, des Psychiatres et des Psychanalystes, etc.
Pour en éclairer le sens et chercher, dans leur articulation, la cohérence d ’une
« hypothèse scientifique » ou, comme on le dit aujourd’hui, d ’un « modèle », nous
allons en examiner quelques-uns qui nous paraissent les récapituler tous.
Notre table comprend 14 Concepts.

L’Objet Le Sujet
L’Autrui Le Moi
L’Inconscient La Conscience
Le Symbolique La Pensée abstraite
L’Imaginaire Le Réel
L’Expression La Création
L’Automatisme La Volonté

On remarquera :
1° Que tous ces concepts forment des couples antinomiques.
2° Qu’ils évoquent, chacun et tous, des problèmes métaphysiques vertigineux
sinon insolubles.
3° Que n ’y figure pas le concept de langage car nous le verrons il subsume tous les
autres.
Nous allons d ’abord les expliciter en développant leurs significations implicites.
Il est bien évident que, sous chacun des mots qui vont constituer le texte de cette
exposition, le lecteur n ’aura pas de peine à reconnaître les positions et les noms des
grands Philosophes ou des grands Systèmes de pensée qui se cachent sous cette appa­
rente simplicité.
Nous ne recourrons pas une seule fois à la citation d’un de ces noms prestigieux
ou obscurs, laissant au lecteur le soin, sinon la satisfaction, de les découvrir par son
propre savoir.

I. — LES A N T IN O M IE S DE L A R A IS O N

Les sept couples de concepts que nous allons définir ne peuvent se définir chacun
que par son contraire, c’est-à-dire que, s’excluant réciproquement, ils se lient.
1434 TABLE DES CONCEPTS-CLÉS

1° L’O bjet et le Sujet. — L’Objet en général est la chose qui fait partie du
monde, de ce qui, « en soi », se présente nécessairefnent dans une contexture, disposée
dans l’espace et le temps, selon un ordre qui s’oppose au Sujet en lui posant le pro­
blème de sa connaissance et en imposant à son action sa nécessité. Par là, le Sujet
apparaît comme l’agent de cette saisie du monde des Objets dont il se sépare en s’en
emparant : il n ’est « existant » que par la distance qu’il réserve entre les Objets
et lui.
L ’Objet et le Sujet sont donc face à face et inconciliables dans leur dualité : l’Objet
est autre que le Sujet. Ils se renvoient, pourtant, l’un à l’autre : l’un formant le monde
des Objets et l’autre l’expérience de « l’être-au-monde ». Le Sujet est au milieu de
l’existence dont le monde des Objets constitue « le milieu naturel ».

2° L’A utru i et le Moi. — L’Autrui est le semblable du Sujet qui se reconnaît


en lui et communique avec lui. Mais l’Autrui est nécessairement un « Objet » pour le
Sujet dans la mesure où il s’impose (comme tout Objet c’est-à-dire en s’y dérobant)
à la connaissance, à la relation, à la rencontre du Sujet. Celui-ci participe à l’autre
ou de l’autre qu’est l’Autrui, mais l’unité, la singularité et la propriété du Moi s’oppo­
sent à la multiplicité, à la communauté et à l’altérité de l’Autrui. Si le Moi se distingue
de l’Autre il se sépare — moins radicalement mais nécessairement — de l’Autrui
(semblable à lui) comme des Objets de la nature. Le Moi est au milieu de l ’existence
dont le monde d’Autrui constitue le milieu culturel.

3° L’Inconscient et la Conscience. — L’Inconscient est la région du Sujet


qui échappe à sa connaissance. Pile de la Conscience, il n ’est que face à elle. Il naît
de sa négation; il ne se manifeste qu’en accordant ses exigences aux siennes; il ne
déjoue la Conscience qu’en se conformant, par sa dénégation même, à la loi de l’être
conscient.
Les Objets qui forment le monde de l’Inconscient sont intérieurs, contenus dans
la structure du Sujet c’est-à-dire qu’ils sont corporels ou incorporés. Le corps et
l’Inconscient forment une totalité de fonctions, d’instincts, de besoins qui culminent
dans le Désir et sa représentation. L’Inconscient s’enracine dans le monde des Objets
(le corps et l’Autrui avec lesquels il entretient des relations dites justement objectales).
Il est au milieu du milieu intérieur la force génératrice de l’être.
La Conscience elle, est à la surface de l’être et constitue sa forme c’est-à-dire la
loi à laquelle il doit conformer sa production pour pouvoir en disposer.

4° Le Sym boliqu e et la Pensée abstraite. — La vie psychique comme la


respiration comporte deux mouvements qui interfèrent : celui de l’inspiration qui
prend sa source dans la couche éidétique ou inconsciente et celui de l’expiration qui
projette dans le monde des Objets (et d’Autrui) l’action cognitive qu’est sa pensée
abstraite.
Le Symbolique est le lieu des relations analogiques (les tropes du discours imagé)
des phantasmes inconscients. La Pensée abstraite est le discours logique qui énonce
la loi du système de la réalité et qui, la promulguant, s’y soumet. Le Symbolique est
le gardien du lien avec le corps, la Pensée abstraite est la relation du Sujet avec son
monde par la médiation des signes (du système linguistique). L’opposition et la
définition réciproques de ces deux concepts sont Vindication de deux modalités de
connaissance : l’une « illuministe » de l’expérience de l’irrationnel (intuition éidé­
tique), l’autre opérationnelle et rationnelle (intelligence).
TABLE DES CONCEPTS-CLÉS 1435

5° L ’Im a g in a ire e t le R éel. — L’Imaginaire est la représentation du monde


que rêve l’Inconscient. L’Imaginaire est cet hémisphère du monde qui apparaît spon­
tanément dans la « réflexion » de la pensée sur elle-même : ses « Objets » sont les
phantasmes directs ou indirects du Désir. La Réalité, elle, se dresse devant et contre
l’Imaginaire, comme son contraire absolu, pour être impérieusement tenue à se sou­
mettre à la légalité imprescriptible du monde naturel et du monde culturel « objec­
tifs ». Ainsi au mouvement libre de l’Imaginaire, s’oppose le monde de la Réalité
qui contraint le Sujet non seulement à tenir compte de sa nécessité mais à la maîtriser
pour y conquérir la place géographique et historique de son existence. Ce qui sépare
l’Imaginaire du Réel ce n ’est pas que l’un est psychique ou intérieur et l ’autre physique
et extérieur c’est que l’un est infini et l’autre fini, l’un est hors du temps et de l’espace
et l’autre est circonscrit dans l’ordre prescrit par leurs dimensions.

6° L ’E xpression et la Création. — De l’Inconscient, de ce monde corporel


auquel se sont incorporées les relations phantasmiques et inconscientes avec l’Autrui,
émanent, comme une nostalgie d’être, la force d’expression symbolique du Désir,
le pouvoir d ’expression et la tendance à l’objectivation des images. Telle est la source
de ce courant d ’inspiration et de contemplation qui constitue l’expérience éidétique,
esthétique ou mystique, qui donne son sens poétique et dramatique sinon tragique
à la vie. Mais pas moins que l’œuvre d ’art, la vie n ’est réductible à la sécrétion d’un
flux : elle est production. La création du monde que réalise chaque homme, à chaque
moment de son existence, même si ce n ’est qu’au niveau le plus commun ou le plus
humble de ses actes, de ses paroles ou de ses perceptions, cette création exige plus
que ce mouvement libre de l’Imaginaire : elle requiert l’effort et le savoir-faire de
l’Action, de la fabrication, par laquelle, le Sujet scelle de sa marque, même débile,
la Réalité qu’il transforme.

7° L ’A u to m a tism e e t la Volonté. — Une machine fonctionne par l’effet


d’une fausse auto-régulation car cette régulation elle la tient de celui qui l’a inventée
et montée. L’homme est bien lui « auto-régulé », en ce sens, sans doute et d’abord,
que ses fonctions vitales obéissent à une logique du vivant, à un plan génétique mais
surtout parce qu’il construit lui-même son Moi dans et par son autonomie. C ’est
précisément le terme « d'auto » qui introduit la notion antinomique d’un opérateur
ou d’un agent ou d ’un constructeur ou en tout cas du Sujet pour autant qu’il est son
propre auteur. L’antinomie de T « Automation » et de « l’Autonomie » apparaît
ainsi, de tous les couples antinomiques celui qui est le plus radicalement contradic­
toire. Mais aussi celui dont les termes sont organiquement liés car l’Homme n ’est pas
une machine (une monture) dirigée par un conducteur (le cavalier) mais le promoteur
de son auto-mouvement.

II. — P O S IT IO N S C O N T R A D IC T O IR E S R É S U L T A N T DE L’IN C O H É R E N C E
D A N S L ’EM PLO I DE CES C O N C E P T S

Il suffit de jeter un coup d’œil sur la table des concepts antinomiques que nous
avons dressée, pour percevoir quel risque de dualisme ontologique c’est-à-dire quelle
absurdité il comporte. Prenez tous les concepts de la colonne ordonnée par rapport
à la notion d ’objet et séparez-les de tous les concepts de la colonne ordonnée par
rapport à la dynamique du Sujet et vous avez d ’un côté la position dite empirico-
matérialiste et de l’autre la position dite idéaliste et transcendantaliste.
1436 TABLE DES CONCEPTS-CLÉS

— La position idéaliste transcendantale consiste à adopter celle d ’un rationalisme


total et celle d ’une psychologie ou d ’une métaphysique de la Conscience qui nous
renvoient aux Idées pures, à l’intelligibilité absolue et à la clarté, un peu éblouissante,
du siècle des lumières. Comme cette position se heurte, à tous les concepts contraires,
qui connotent l’opacité qui sépare la connaissance de ses Objets, elle est généralement
tempérée par la formule d’un « parallélisme » ou d ’une « concomitance » laquelle
admet une harmonie préétablie entre les deux moitiés du monde celui de la pensée
et celui de l’étendue, celui de la matière et celui de l’esprit.
— La position matérialiste absolue nie les concepts de la série « transcendanta-
liste » et se réclame d’un monisme métaphysique. Hélas ! les Antinomies de la Rai­
son ne perdent pas, pour autant, leurs exigences et c’est encore le dualisme qui
« chassé » réapparaît, « au galop », dans cette vision matérialiste, déterministe et
empiriste des choses ou des personnes réduites à être des choses. Nous en pouvons
distinguer deux modalités.
D ’une part ce que l’on pourrait appeler comme il s’appelle volontiers lui-même
le « monisme à double face » ou « à double aspect », sophisme qui consiste à considérer
dans une perspective « nominaliste » que ce qui sépare les deux séries de concepts ce
ne sont que deux manières de parler, deux lectures du même texte, etc. (on peut
indifféremment dire que le Sujet est un Objet, que le Moi c’est un autre, que l ’Incon­
scient est Conscient, que le Réel est l’Imaginaire ou réciproquement). Autrement dit
le paradoxe consiste à faire semblant de lever la contradiction dans le discours en
la gardant dans l’esprit. L’idée de l’isomorphisme du cerveau et de la pensée ne par­
vient pas à s’affranchir, dans cette perspective, de celle de la concomitance parallé-
liste.
Mais il y a une autre forme de dualisme qui n’apparaît plus dans l’horizontalité
antinomique des séries de concepts mais dans la verticalité de leur liaison logique. Il
ne suffit pas en effet d ’adopter la « lignée matérialiste » pour disposer d ’un modèle
cohérent, car cette série de concepts (détachés de leur contraire qui les fonde) sont
eux-mêmes antinomiques entre eux. C’est ainsi que deux conceptions (laissant natu­
rellement chacune un reste) s’affrontent (1) : celle d’un modèle mécaniste et celle d’un
modèle psycho-dynamiste. Le premier consiste à traiter de la psychologie en tenant
dans la tenaille des deux concepts, premier et dernier toute la série des autres comme
s’il s’agissait d’une science purement physique ou chimique n ’ayant pour objet que la
structure moléculaire cérébrale. La seconde comme s’il s’agissait d ’une science
humaine mais dont l’humanité serait réduite à l’Inconscient, à l’Imaginaire, au Sym­
bolique et plus généralement aux relations objectales avec autrui prises dans une
structure moléculaire sociale. Peut-être pouvons-nous apercevoir dans ces contra­
dictions le vice qui les entretient. Ce vice c’est celui d’une psychologie plane c’est-
à-dire réduite à un plan (l’esprit, l’espace, la société) et sans plan c’est-à-dire sans un
ordre hiérarchisé de structures ordonnées par rapport à leur fin. Ce qui manque à
toutes ces conceptions métaphysiques c ’est la vie.
La vie est une condition nécessaire de la vie psychique mais non une condition
suffisante du corps psychique. Celui-ci en effet dépasse par son organisation l’ordre
de la vitalité pour lui substituer celui d’une autonomie personnelle. La psychologie
n ’est pas une science de la nature.

(1) Comme à la Réunion de l ’Évolution Psychiatrique à Royaumont (28 octobre


1972).
TABLE DES CONCEPTS-CLÉS 1437

III. — L A S O L U T IO N D IA L E C T IQ U E
DE L’O R G A N IS A T IO N D U CORPS P S Y C H IQ U E
E T D E SA D É C O M P O S IT IO N

La psychiatrie ayant pour objet la décomposition psychopathologique est une


science de la nature. La maladie mentale en effet retient ou fait tomber le corps psy­
chique (le Moi) dans sa nature (le Ça).
Si nous voulons échapper aux fausses solutions que nous venons de dénoncer
nous devons reconsidérer la table des catégories, des concepts-clés. A mieux la regar­
der il apparaîtra évidemment que la bonne hypothèse est précisément celle que l’on
ne fait pas ou que l’on fait mal. Elle consiste à considérer que les deux séries de termes
antinomiques superposées ne sont pas symétriques mais au contraire dissymétriques.
Chacun des couples est formé d’un terme qui est subordonné à l’autre : l’Objet au
Sujet qui le saisit, l’Autrui au Moi qui s’en distingue, l’Inconscient à la Conscience,
le Symbolique à la Pensée abstraite, l’Imaginaire au Réel, l’Expression à la Création
et l’Automatisme à la Volonté. Par là et par là seulement nous pouvons accéder à
l’idée d’une organisation qui a un sens, celui de la transcendance de tous les concepts
qui se déclinent à partir du Sujet.
L’idée de corps psychique trouve ici sa pleine signification non seulement parce
qu’elle assigne un ordre ontologique à l’être psychique mais parce qu’il le vise dans
sa vitalité et l ’établit dans sa liberté. A la substantification des concepts (le Sujet,
l’Inconscient, la Conscience, le Moi, le Réel, le Symbolique, etc.) doit faire place
une logique du sens (qui ne soit pas une illogique sans sens) où la corporéité tempo­
relle de l’être (son développement, son devenir, sa fin, son mouvement, sa structure
d’avènement et d ’événement) doit se substituer à la chose qu’il n ’est pas.
Le corps psychique ne se superpose pas dans cette vivante dialectique, au corps
vivant comme le cavalier à sa monture, il en naît et s’en nourrit, en dépassant ou
« sublimant » ses « infériora » sans jamais cesser d’y puiser les forces nécessaires à
sa forme, celle-ci garantissant à celles-là leur efficacité. Tel est le plan du corps psy­
chique que son dynamisme organisé assure non pas son conditionnement par le milieu
naturel ou culturel, mais sa liberté. S’il n ’est pas une chose le corps psychique n ’est
pas non plus un mot. Disons plutôt que c’est en parlant qu’il articule par son propre
discours la production de son propre corps. Le corps psychique est une conjugaison
verbale du Moi avec son monde, avec lui-même et avec l’Autrui de sa coexistence.
Les niveaux de cette communication qui font l’objet de la Science Linguistique ne
peuvent pas se situer dans l’abstraction d ’une formalisation algorithmique mais dans
l’ontologie même de l’être vivant pensant et parlant. Le langage (le système de ses
signes, de son code, de ses signifiants, de ses symboles, de ses référents) n ’est possible
que par l’organisation du corps psychique qui, seul, permet aux divers niveaux de son
usage d’insérer le discours dans la réalité concrète. Car si parler pour ne rien dire ne
peut s’entendre que du lieu de l ’Imaginaire où la seule interlocution possible est
l’écho du soliloque, dire quelque chose c’est exiger la réalité d ’un monde et la pré­
sence de quelqu’un. L’organisation du « corps psychique » garantit le Sujet contre la
solitude et le silence en articulant son système relationnel des mots et des choses.

IV. — D É D U C T IO N S P O U R LES PROBLÈM ES P S Y C H IA T R IQ U E S

Il est bien évident que si l’on accepte plus ou moins explicitement un point de vue
dualiste, la Psychiatrie n ’existe pas et ne peut pas exister — soit que pour la position
1438 TABLE DES CONCEPTS-CLÉS

d’un idéalisme transcendantal spiritualiste l’Esprit soit incorruptible autrement que


par le mal et le péché — soit que pour les positidns empirico-déterministes la Psy­
chiatrie se confonde purement et simplement avec le dérangement des molécules
cérébrales ou qu’elle manifeste seulement, ni plus ni moins, chez tous les hommes les
forces du Désir refoulé. Telle est, en effet, la position nécessairement contradictoire
des deux Anti-psychiatries : l’une (neurologique) refusant à la maladie mentale la
qualité de psychique — et l’autre (psycho-sociologique) lui refusant la qualité de
maladie. Dans les deux cas il n ’y a pas de place pour la Psychiatrie.
Il y en a une au contraire et toute naturelle dans le modèle architectonique de
l ’organisation du corps psychique. Car normalement constitué pour assurer l’auto­
nomie de l ’Être, sa désorganisation engendre les phénomènes psychopathologiques.
Ceci mérite une dernière explication. Le « modèle organo-dynamique » que nous
proposons (et qui correspond à l’idée même d ’une « histoire naturelle » du phéno­
mène psychopathologique, pour autant que celui-ci est inscrit dans la nature corporelle
et dans Vhistoricité incorporée de l’existence et de la co-existence), ce modèle récuse
les diverses formes implicites ou explicites de dualisme qui compromettent et l’articu­
lation de la réalité et de la liberté dans l’organisation du corps psychique — et la
réalité de sa désorganisation. Au contraire l’architectomie ontologique du « corps
psychique » confère au Moi son statut de réalité en lui confiant la fonction de gardien
de la réalité — dès lors la désorganisation psychopathologique — comme le sommeil
libère le rêve — entraîne une régression du mouvement de production des œuvres
propres à chaque personne. Une telle conception de l’organisme psychique, incor­
porant la logique des contradictions (exposée dans notre table des concepts-clés) est
essentiellement psycho-biologique et non pas métaphysique ou idéologique. Cela
nous paraît si évident qu’elle peut être acceptée indépendamment de toute position
idéologique pour s’accommoder de toutes (1).
—■On comprend qu’ayant récapitulé la table des concepts-clés que nous n ’avons
jamais perdu de vue dans cet ouvrage nous puissions envisager que YHallucination
tire sa réalité psychopathologique de la désorganisation du corps psychique (de
l ’être conscient) ou de la désintégration d ’un de ses instruments (système perceptif).

(1) C ’est ce que j ’ai souligné dans mes discussions notamment avec S. F ollin
et L. Bonnafé lors du colloque de Bonneval (1946) sur la Psychogenèse des névroses
et des psychoses (C. R., Paris, Desclée de Brouwer, édit., 1950, p. 200-203). Les pages
que Jacques M onod (Le Hasard et la Nécessité, p. 37-45) consacre aux positions
idéologiques et dialectiques me paraissent aller dans le sens delà même démonstration.
LEXIQUE
DES TERMES FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
AMBIGUS, INUSITÉS OU NÉOLOGIQUES

Acouasm es, acouphènes. — Hallucinations acoustiques élémentaires (Protéido-


lies).
Aliénation. — Terme désignant, en français, la maladie mentale qui soustrait l’homme
à son libre arbitre. Par un jeu de mots (impossible en allemand), beaucoup d’idéo­
logues ont fait coïncider le sens de PEntfremdung ou de TEntausserung de
l’idéologie hégélienne, puis marxiste, de la condition humaine, avec celui de
« pathologie mentale », comme pour mieux dissoudre la Psychiatrie dans la Socio­
logie.
A nom ie. — Se dit d ’une structure psycho-sociale qui n ’est pas conforme aux pres­
criptions de la loi d’organisation (Durkheim). Ce terme est employé dans ce
Traité pour marquer le caractère pathologique, c’est-à-dire hétérogène des phé­
nomènes hallucinatoires, par opposition aux illusions qui entrent normalement
dans le champ opératoire des systèmes perceptifs et du système de la réalité
incorporé aux croyances collectives communes auxquelles ne se réduisent pas les
Hallucinations.
A ntipsychiatrie. — S’emploie dans deux sens ou deux intentions différents — Dans
un premier sens, l ’Antipsychiatrie se définit comme une salutaire réaction anti­
asilaire et une protestation contre le rôle répressif que les Psychiatres auraient à
jouer dans la Société — Dans un second sens, l’Antipsychiatrie est une négation
absurde du fait psychopathologique contesté comme n ’étant qu’une projection
phantasmique des Médecins, substitut des structures sociales pathogènes.
A perception. — Acte perceptif visant la partie du champ phénoménal interne ou
psychique.
A ssertion (assertivité). — Affirmation de présence dans le champ perceptif
sans référence au jugement de réalité.
A u to m a tism e m ental. — Doctrine de G. de Clérambault basée sur une rigou­
reuse analyse des phénomènes hallucinatoires ou éléments nucléaires des Psy­
choses hallucinatoires chroniques, éléments considérés comme « anidéiques »,
effets directs du processus mécanique cérébral.
Cham p de la conscience. — Modalité synchronique de« l ’être conscient de quel­
que chose » qui constitue l’objet de l’expérience actuelle circonscrite dans le temps
et l’espace de la perception.
1440 LEXIQUE

Cham p p erceptif. — Modalité temporo-spatiale de l’acte perceptif correspondant


à la visée des systèmes perceptifs spécifiques. '
C ham p phénom énal. — Ensemble des champs de la perception et de l’aperception.
Totalité de l’expérience vécue dans son actualité.

Conscience (ou Être conscient — ou Devenir conscient). — C’est la modalité


d ’être qui permet de disposer du modèle personnel de son monde. Ces modalités
de direction, de représentation, d’action, etc., s’inscrivent dans deux perspectives :
l’une, synchronique (le champ de la conscience) — l’autre, diachronique (la
conscience de soi ou le Moi). La conscience ne peut se définir que par rapport à
l’Inconscient (v. Table des concepts-clés).
Délire. — Mot qui, dans les langues latines, désigne : soit un état (l’expérience de
l’imaginaire vécue automatiquement comme dans le rêve) — soit un ensemble
chaotique ou systématique d'idées radicalement fausses, mais entraînant une
conviction absolue. En allemand (deliriöse Zustand) et en anglais (delirious
state), le mot s’est spécialisé dans le premier sens, car il existe un autre mot
— en allemand (Wahn), ou en anglais (Delusion) — pour désigner l’idéation
ou la conviction délirante.
Le Délire sous toutes ses formes se définit et se distingue, par son caractère
anomique — des erreurs, des croyances, des représentations intuitives ou irration­
nelles (foi, expériences passionnelles ou esthétiques, etc.) qui sont normales (ou
« psychonomes »). Il se constitue sur un mode de connaissance spécifiquement
hétérogène à la pensée commune du groupe et aux lois du système de la réalité.
Il ne contrevient pas seulement à la logique rationnelle, mais il correspond à
toute désorganisation ontologique de l’expérience des croyances et des idées, au
contrôle personnel du système de la coexistence et de la réalité dont le Moi assume
normativement l’intégration personnelle. Le Délire est, à cet égard, la forme par
excellence de l’aliénation, au sens psychopathologique du terme. Souvent « pri­
maire » en tant que manifestation « isolée » et « lucide », il est toujours « secon­
daire » au point de vue pathogénique (v. Anomie — Hallucination — Psychose —
Processus).

Delusion. — Terme anglais désignant le Délire, non pas le Délirt-état (delirious),


mais Vidée ou l’idéation délirantes n’impliquant pas de troubles de la conscience
au sens classique d ’état confusionnel.
D erm atosoïques (Délires, Hallucinations). — Formes d’Hallucinations tactiles
figurant dans la perception éidolique ou délirante un parasitisme d’insectes, de
vers, de petits animaux hypodermiques (K. Ekbom).

Désafférentation. — Terme employé pour désigner l’état pathologique ou la situa­


tion expérimentale de privation plus ou moins totale differences sensorielles
d ’un ou plusieurs systèmes perceptifs (Sensory ou perceptive Deprivation).
« D rea m y state ». — Expression anglaise de H. Jackson spécialisée pour désigner
les auras ou équivalents psychiques paroxystiques équivalant au rêve de l’épi­
lepsie temporale, caractéristique notamment de la crise de l’uncus (uncinate fit).

É cart organo-clinique. — V. Organo-clinique (Écart).


LEXIQUE 1441

É idétique. — Au sens de la phénoménologie de Husserl, l’éidétique transcendantale


est la science des essences pures. Ce mot est employé plus généralement en psy­
chologie et psychopathologie pour désigner la réalité psychique imaginaire visée
par l’aperception, c’est-à-dire le monde des images ou la structure imaginaire
de la vie psychique.
É idétism e ou im ages éidétiques. — Phénomène de reviviscence des perceptions
après un certain temps de latence (E. et W. Jaensch).
Éidolies. — Phénomènes hallucinatoires faisant l’objet d ’un simple jugement d’asser­
tion et constituant la perception d’une image encadrée dans le temps ou l’espace
du champ perceptif. Terme substitué à celui d’Hallucinose, mais souvent accom­
pagné dans cet ouvrage du qualificatif « hallucinosique » pour souligner qu’il
s’agit de phénomènes hallucinatoires non délirants.
Erlebnis. — Mot allemand qui ne peut se traduire que par le participe passé substan­
tivement employé : « un vécu ». Le vécu est synonyme de toute expérience éprouvée
par le Sujet quand elle entre ou est entrée dans le champ de sa conscience actuelle,
dans son champ perceptif (ou champ phénoménal).
Esthésie. — Qualité de vividité sensorielle de l’image vécue par le Sujet. Cette
« esthésie » est souvent considérée comme la qualité propre de l’Hallucination
définie par l’intensité de l’image.
Expériences délirantes e t hallucinatoires. — Modalité de l’Hallucination déli­
rante vécue comme l’est l’expérience du rêve, c’est-à-dire avec la signification
thématique, sinon dramatique, d’un champ perceptif voué à l’imaginaire ou livré
au symbolisme de l’Inconscient.
Fantasm es. — V. Phantasmes.
F antastiques (D élires) ou Paraphrénies. — Psychoses délirantes chroniques
caractérisées par l’affabulation luxuriante et paralogique. Cette forme mytho­
logique du discours hallucinatoire implique une structure d’expériences halluci­
natoires initiales ou intermittentes, mais surtout une production idéo-verbale à
forme « noético-affective » (v. ce terme) de l’activité hallucinatoire. Au fur et à
mesure que le Délire est plus pensé que vécu, la forme hallucinatoire se résorbe
dans le fantastique verbal. La pensée magique contraste avec la conservation
d ’étonnantes capacités opératoires intellectuelles. Ces Délires constituent, soit
la phase terminale de certaines Schizophrénies, soit, plus souvent, l’évolution de
certaines Psychoses systématisées.
Hallucination. — Phénomène pathologique d’objectivation du subjectif, défini
classiquement et elliptiquement comme « perception sans objet ». C’est, plus expli­
citement, l’acte inconscient par lequel le Sujet désorganisé dans son corps psy­
chique est dupe de perceptions sans objets « à percevoir », soit par suite de la désor­
ganisation de son être conscient, soit par suite de la désintégration de ses systèmes
perceptifs. D ’où : 1° le caractère hétérogène (anomique) de toute Hallucination;
2° la classification des Hallucinations en deux espèces : les Hallucinations délirantes
et les Éidolies hallucinosiques.
Hallucinations délirantes. — Soit sous forme d ’expériences délirantes, soit sous
forme d ’Hallucinations noético-affectives, elles font partie intégrante des Psy­
choses délirantes aiguës et chroniques.
1442 LEXIQUE

H allucinations extracam pines. — Hallucinations visuelles perçues hors du champ


visuel (E. Bleuler).
H allucinations négatives. — Absence de perception d’un objet à percevoir dans
le champ perceptif. Souvent, par exemple, il s’agit de l’impossibilité pour un Sujet
de voir son image dans une glace.
Hallucinations noético-affectives. — V. Noético-affectives.
H allucinations (pseudo-). — V. Pseudo-Hallucinations.
H allucinations psychiques. — Hallucinations opposées par Baillarger, Jaspers, etc.
aux Hallucinations psycho-sensorielles et caractérisées par l’absence d ’esthésie ou
de projection spatiale. Il s’agit de phénomènes hallucinatoires dans le champ de
l’aperception ou de la représentation, et non dans le champ de la perception exté­
rieure. Cette distinction fondamentale pour une théorie sensorielle des Halluci­
nations perd son intérêt dès que l’on définit l ’Hallucination comme nous l’avons
fait plus haut (v. Pseudo-Hallucination).
Hallucinations psych o-m otrices. — Phénomènes hallucinatoires acoustico-
verbaux liés aux mouvements phonatoires ou à leurs représentations kinesthé­
siques. Il a été décrit de multiples variétés de ces Hallucinations du langage inté­
rieur plus ou moins articulé (Séglas).
« H allucinations » psychonom es. — Terme employé par P. Quercy pour désigner
les « hallucinations » normales, c’est-à-dire, pour nous, les illusions qui chez tous
les hommes (et particulièrement chez les enfants ou les groupes sociaux où domine
la pensée magique) témoignent d ’erreurs collectives (suggestion, etc.). Il n ’y a pas
pour nous d’Hallucinations normales, et nous n ’employons le terme de « psy­
chonome » que pour désigner des phénomènes illusionnels normaux.
H allucinations psycho-sensorielles. —• Hallucinations, selon Baillarger et les
Classiques, caractérisées par leurs caractères de « perception » complète, compor­
tant des qualités sensorielles très nettes et notamment la projection dans l’espace
extérieur.
Hallucinations réflexes. — Hallucinations qui, dans les théories classiques de la
fin du xixe siècle, étaient déclenchées par des sensations (bruits, odeurs, etc.)
auxquelles elles se surajoutaient par association « réflexe » (Séglas).
Hallucinose. — Terme ambigu, employé généralement, surtout à l’étranger, dans
le sens que lui donnait Wernicke : état de délire à prédominance acoustico-
verbale sans troubles de la conscience (Halluzinose des buveurs). Quand nous
l’employons dans ce sens, nous l’écrivons Halluzinose, comme en allemand. Il a
été employé en France, notamment pour désigner les phénomènes hallucinatoires
partiels, esthétiques et sans délire. Nous lui préférons le terme d ’Éidolie halluci-
nosique pour mieux distinguer cette catégorie d’Hallucinations compatibles, comme
disaient les anciens auteurs, avec la raison (v. Eidolies).
H aptiques (Hallucinations). — Terme parfois employé à l’étranger pour Halluci­
nation tactile.
Idéo-verbal (Processus délirant). — Processus délirant au sens de Jaspers, c’est-
à-dire « psychique » ou « physico-psychotique », caractérisé par un travail dis­
cursif d ’altération de la réalité qui se manifeste essentiellement en clinique par
l’activité délirante et hallucinatoire noético-affective (v. H. Noético-affectives).
LEXIQUE 1443

Illusion. — Dans un sens général, désigne toute erreur cognitive ou perceptive. Au


niveau de la perception, l’illusion des sens consiste à projeter dans l’acte perceptif
l’imaginaire en tant que projection de l’Inconscient ou du travail de la subception
dans la constitution des formes perçues.
En séméiologie psychiatrique, l’école classique a opposé Illusion à Halluci­
nation, tantôt justement (avec Esquirol) en distinguant l ’Hallucination délirante
des Éidolies hallucinosiques — tantôt par erreur, en séparant radicalement Hallu­
cination et Illusion sous le prétexte que celle-ci se réfère à un objet réel (comme
la médisance dans l’ordre moral, disait Lasègue), et que celle-là ne se réfère à
aucun objet réel (calomnie). Mais si l’essence de l’Hallucination réside dans la
falsification de la perception, cette falsification est essentiellement la même dans
les deux cas. L ’Illusion, en effet, est au cœur de l’Hallucination, non pas parce
qu’il n ’y a pas d ’objet, mais parce qu’il n ’y a pas d’objet « à percevoir ».
In terp réta tio n . — La définition de l’Illusion qui la fait entrer en tant que phéno­
mène pathologique dans les Hallucinations, peut servir de modèle pour la classi­
fication des faits ou actes d ’interprétation, depuis les démarches de la connaissance
scientifique (hypothèse) ou du dévoilement du sens latent des manifestations
psychiques (interprétation psychanalytique) jusqu’aux « inférences d ’un percept
exact à un concept erroné » (Dromard) si communes dans la vie quotidienne de
tous les hommes.
L’interprétation pathologique en tant qu’acte de déformation du sens du champ
perceptif ou d’un jugement portant sur une situation ou des relations intersubjec­
tives (sentiments) est, par ses caractères d’incoercibilité, d’incorrigibilité et de
production autochtone pseudo-raisonnante, une Hallucination délirante de type
noético-alfectif (Zweigliedrigkeit, d ’après K. Schneider, qui voulait indiquer par là
l’apparence de fausse synthèse déductive de ce phénomène fondamental de la
connaissance délirante). Une telle projection pseudo-raisonnante (Sérieux et
Capgras) constitue le processus, le travail idéo-verbal des Psychoses délirantes et
hallucinatoires chroniques, notamment dans leur forme systématisée (v. Idéo-
verbal — Processus — Systématisés (Délires)).
Iso lem en t sensoriel (Sensory deprivation). — Observation des effets de situations
spontanées (désafférentation clinique ou isolement social) ou expérimentales
(occlusion des champs perceptifs).
K inesthésiques (Hallucinations). — Variété d’Hallucinations caractérisée par la
perception hallucinatoire (voix), de mouvements (Hallucinations psycho-motrices)
ou de représentations de mouvements (images pseudo-hallucinatoires).
L inéaires (Modèles). — Nous employons ce terme pour désigner les théories patho­
géniques qui, sans tenir compte de l’organisation propre et entière du corps
psychique, ne font appel qu’à un quantum ou à un déplacement dans la ligne qui
sépare : ou bien l’excitation neuronale des centres d ’images et l ’Hallucination —
ou bien le désir (et ses représentants plus ou moins complexes dans l’Inconscient)
et l’Hallucination.
M écanique (Modèle), M écanicism e. — Théorie pathogénique qui, en Psycho­
pathologie en général et dans le problème des Hallucinations en particulier, explique
la formation des symptômes par la production de phénomènes élémentaires direc­
tement liés à des lésions cérébrales, et recevant de la quantité, de la localisation et
de la nature physique de ces'lésions leur qualité spécifique. Une forme plus res-
E y. — Traité des Hallucinations, n. 47
1444 LEXIQUE

treinte des conceptions mécanistes est constituée par leur « élémentarisme », ou


leur « réductionisme », c’est-à-dire par la théorie des éléments pathogènes (par
exemple, l’Hallucination engendre le Délire — un trouble du schéma corporel
engendre la Dépersonnalisation, etc.).
En matière d’Hallucination, sa forme générale est représentée par la doctrine
de l’Automatisme Mental de G. de Clérambault, sa forme restreinte par l’idée
reçue et constamment répétée que les Hallucinations ne sont pas les effets mais la
cause du Délire, et que, par conséquent, la distinction entre Hallucination déli­
rante et Éidolie est artificielle.
N é g a tif e t p o sitif. — Les deux aspects fondamentaux et complémentaires d ’une
désorganisation de la vie de relation (en Neurologie, d ’après H. Jackson — en
Psychiatrie, d ’après notre conception organo-dynamique). Le processus de la
maladie mentale apparaît ainsi, tout à la fois et nécessairement, comme l’effet
d ’une déstructuration du corps psychique (négatif), et comme une cause de la
formation psychogénétique des symptômes par leur intentionnalité (positif).
Par là, une conception organo-dynamique dépasse la contradiction du dualisme
mécaniste-psychogéniste.
Névrose. — Forme de maladie mentale souvent confondue avec les variations,
réactions, choix de la vie de relation, envisagés seulement comme des écarts sta­
tistiques. Le seuil de la « réaction normale » les soustrait à l’interprétation psycho­
génique qui est le plus souvent proposé pour les expliquer.
On recourt généralement pourtant à l’idée d ’une fixation, d ’une régression ou
d ’un conflit à, vers ou dans les phantasmes de l’Inconscient pour les expliquer,
sans s’apercevoir que le recours au dénominateur commun qu’est l’Inconscient
entraîne une généralisation et une dissolution du concept de Névrose (perversion,
sublimation, caractère, etc.).
On sépare, par contre, la Névrose de la Psychose en attribuant à celle-ci une
perte de la réalité ou une anomalie de sa constitution (traumatisme sexuel infantile,
absence de triangulation œdipienne, forclusion de l’image paternelle, « double
bind », rupture entre la présence et le sens, etc., dans les discours structuralistes
ou d ’analyse existentielle parafreudienne). Mais comme l’a souligné Freud (1924),
si Névrose et Psychose se distinguent par le déni de la réalité (Verleugnung) dans
la Névrose et la perte de la réalité ( Realität vertust) dans la Psychose, il n’en reste
pas moins que c’est à la problématique de la réalité faussée dans les deux cas que
nous renvoie cette subtile distinction. En effet, se défendre inconsciemment contre
la réalité ou la perdre parce qu’elle n ’est plus investie, revient, au fond, au même.
Ceci explique qu’en « névrotisant » la Psychose comme on le fait de plus en plus,
on tend à les confondre aussi artificiellement qu’on les séparait lorsqu’on les
distinguait trop radicalement.
C’est donc, en définitive, entre Névrose et Psychose d ’une part, et variations de
la vie psychique normale d ’autre part, que se situe la ligne de démarcation théori­
que et pratique que nous appellerons non pas socio-idéologique, mais naturelle.
La Névrose doit en effet se définir comme une maladie, une désorganisation
du Moi ou de l’être conscient; et à cet égard ne peut se distinguer radicalement
de la désorganisation psychotique. Mais tandis que la Névrose est caractérisée
par une désorganisation de la réalité psychique (conflits intrapsychiques) avec
conservation du système de la réalité, la Psychose est caractérisée par la désorgani­
sation des rapports du Moi à l’Autre (Aliénation) et du Moi à la Réalité (Délire).
LEXIQUE 1445

Le Moi névrotique est caractérisé par la répétition et les défenses inconscientes


exigées par la problématique de son unité ; le Moi psychotique par la désorganisa­
tion et la réorganisation imaginaire sur le plan de la réalité perdue (aliénation de
sa personne et désintégration de son monde) (v. Psychose).
N oéphèm e. — Personnage qui, dans la prosopopée de P. Quercy, est le porte-
parole de la thèse qui réduit l’Hallucination à une pseudo-Hallucination inter­
prétative.
Noético-affectives (Hallucinations). — Hallucinations qui mêlent inextricablement,
illusions, interprétations et croyances délirantes. Elles font partie intégrante du
travail idéo-verbal des délires chroniques dont elles constituent le processus de
production en tant qu’il est tout à la fois un discours et une conviction qui contre­
viennent au système de la réalité, comme se référant à un système ou à une repré­
sentation du monde purement subjectif (v. Processus Idéo-verbal — Délires sys­
tématisés).
N orm al e t pathologique. — Notion fondamentale pour toute doctrine médicale
et particulièrement dans la Psychiatrie, car le médecin n ’a à intervenir que pour
autant qu’il juge avoir affaire à un malade. Le malade mental ne se définit pas
comme un être statistiquement anormal ou comme ne se conformant pas à la
norme sociale ou politique. Le psychopathologique apparaît à l’analyse clinique
(petit grossissement) ou à l’analyse phénoménologique (fort grossissement),
quand l’individu n’est plus capable de conformer son existence à la normativité
du binôme possibilité-idéal, et qu’il réagit alors par l’angoisse et la formation de
symptômes névrotiques ou psychotiques. Loin de constituer une masse énorme
— sinon générale — de l’humanité, le champ de la Psychiatrie est limité à ce champ
du psychopathologique se référant à l’organisation normative du corps psychique,
quels que soient les milieux culturels et les valeurs idéologiques à l’égard desquels
l’individu a le droit, le devoir et le pouvoir, par sa santé mentale, d’instituer l’auto­
nomie de son existence (cf. Table des Concepts-Clés).
Objet. — V. Table des Concepts-Clés.
Onirique (Délire), O nirism e. — Psychose délirante aiguë ou Expérience délirante
hallucinatoire conditionnée par un état de confusion (déstructuration du champ
de la conscience) et analogue au rêve conditionné par le sommeil.
O niroïdes (États). — Expérience délirante et hallucinatoire qui, sans s’identifier à
celle du rêve, c’est-à-dire à un état confuso-onirique, est caractérisée par un état
crépusculaire de la conscience imageante, infiltrée, sinon envahie par le travail
du rêve (W. Mayer-Gross).
Opsiphile. — Personnage de la prosopopée imaginée par P. Quercy. Dans ce dia­
logue, Opsiphile soutient la thèse de la sensorialité, de l’esthésie irréductible et
essentielle de l’Hallucination. Il est le porte-parole de P. Quercy.
O rganicism e ou conception organique. — En Psychiatrie, théories générales
de la Maladie mentale qui la font dépendre nécessairement d’un processus soma­
tique. Ces théories comportent deux modèles différents : l’un mécaniste qui fait
dépendre la production des symptômes de l’action directe et fortuite des lésions
— l’autre organo-dynamique qui considère qu’une composante positive ou réac­
tionnelle psychique fait partie intégrante de la formation des symptômes (cf. Méca-
nicisme — Écart Organo-clinique — Modèle Organo-Dynamique).
1446 LEXIQUE

Organo-clinique (Écart). — Terme que nous utilisons depuis longtemps pour


marquer ce qui nous sépare des théories organicistes-mécanistes en marquant
l’écart et l’articulation qui s’introduisent entre la condition négative organique
(désorganisation processuelle) et la production positive du tableau clinique (délires,
Hallucinations, comportements anormaux), laquelle implique la dynamique des
instances inconscientes normalement contenues par l’être conscient.
O rgano-dynam ique (Modèle). — Modalité d ’une conception organiciste ou orga-
nismique de la maladie mentale qui récuse le modèle mécaniste traditionnel auquel
il n ’emprunte que leur thèse commune : la base somatique de la pathologie men­
tale. Ce modèle s’oppose naturellement au modèle psycho-dynamique qui, faisant
appel aux notions de réaction, de projection de l’inconscient et plus généralement
d ’intentionnalité, vise des formes normales de défense de l’organisme psychique et
non sa désorganisation.
Le Modèle organo-dynamique, au contraire, définit et traite le champ de la
psychopathologie en fonction de l’idée de désorganisation. D ’où ces quatre prin­
cipes essentiels : Organisation du corps psychique (architectonie) — Hétéro­
généité ou Anomie de tout phénomène psychopathologique — Classification des
maladies mentales par référence aux modalités des diverses déstructurations (syn­
chronique et diachronique) de l’être conscient — Subordination au trouble néga­
tif du dynamisme positif qui se manifeste dans la phénoménologie du tableau
clinique (v. Mécanicisme — Psycho-Dynamique).
Paranoïa. — V. Délires Systématisés.
Paraphrénies. — Y. Délires Fantastiques.
P erception. — Acte par lequel le Sujet se saisit d ’un objet, en s’en séparant pour
le faire entrer dans la catégorie de la réalité de son expérience actuelle.
Phantéidolies. — Variétés d ’Éidolies hallucinosiques qui se caractérisent par leur
forme complexe constituant un fragment de rêve (comme les Hallucinations hypna-
gogiques).
Processus. — Se dit de l’ensemble étio-pathogénique dont dépend la constitution,
la condition et l’évolution des maladies mentales. La notion de « processus
psychique » selon Karl Jaspers, lui-même n ’en souligne pas moins le caractère
« alloplastique » (Freud) de la désorganisation complexe dont les maladies
mentales sont les manifestations en quelque sorte « phénotypiques ».
Protéidolies. — Variétés d’Éidolies hallucinosiques qui se caractérisent par les
formes élémentaires à très forte esthésie — et parfois de variétés esthétiques
(décoratives) — et sans enchaînement scénique.
Phantasm e (ou Fantasme). — Ce mot que nous préférons écrire avec « ph » désigne
des représentations imaginaires complexes des pulsions. Ces représentations for­
ment les constellations, les figures ou les signifiants-clés de l’Inconscient (œdipe,
culpabilité, castration, etc.).
P seu do-H allucinations. — Concept négatif variant avec le concept d’Hallucina-
tion vraie. Si celle-ci est l’Éidolie, toutes les Hallucinations délirantes sont « pseudo­
hallucinatoires ». Si l’Hallucination vraie est définie par l’Hallucination psycho­
sensorielle, toutes les perceptions sans objet n’ayant pas de caractère nettement
sensoriel sont classiquement décrites comme « pseudo-hallucinatoires ». Pour nous,
LEXIQUE 1447

ces deux variétés de pseudo-Hallucinations sont naturellement des Hallucinations,


et seules sont fausses les soi-disant « Hallucinations » normales (v. Hallucinations
psychonomes).
Psychanalytique, — V. Psycho-Dynamique.
Psychédélique. — Se dit des expériences vécues (des « voyages » au « Pays des
Merveilles ») que les drogues hallucinogènes (et particulièrement de LSD) provo­
quent en ouvrant les portes de la perception (A. Huxley) ou « les yeux émerveillés »
(Rouhier) sur les « paradis artificiels » (Baudelaire) au cours des « fantasia »
(Th. Gautier) ou des « happenings » (Th. Leary).
P sycho-dynam ique (Modèle). — Conception étio-pathogénique des maladies
mentales qui fait appel à des causes morales et psychiques. Ces causes sont, soit la
motivation ou la réaction en relation avec les situations vitales, sociales ou fami­
liales (socio-genèse) — soit les mobiles inconscients. C’est dans ce dernier sens que
l’on parle le plus souvent de « Psychodynamique », de telle sorte que ce terme est à
peu près équivalent de celui de « psychanalytique ».
Le modèle psychogénétique a révélé assez rapidement, malgré sa référence à
la « Psychologie des profondeurs », son caractère un peu superficiel, et en tout cas
impropre à rendre compte des variations pathologiques de la vie de relation orga­
nisée précisément pour réagir aux diverses conditions de l’existence.
Le modèle proprement psychanalytique ou freudien postule le caractère
pathogène de l’Inconscient qui, en tant que refoulé, perturbe sur le plan dynamique,
économique et topique, l’équilibre psychique. Mais en généralisant le rôle et
l’importance de l’Inconscient dans la vie psychique, les psychanalystes dans la
mesure même où ils la réduisent à être soumise à l’omnipotence originaire et
constante de l’Inconscient, se privent de la possibilité de pouvoir évoquer son
action pathogène.
C’est pourquoi ils la nient de plus en plus fréquemment en effaçant la limite
du normal et du pathologique (v. Table des Concepts-Clés, Inconscient-Conscient,
Pathologique-N ormal).
Psychonom es. — V. « Hallucinations » Psychonomes.
Psychose. — Maladie mentale caractérisée par le Délire, en tant qu’elle est toujours
une maladie de la réalité dans le sens de Freud ( Realitätverlust). C’est l’altération
du Système de la Réalité qui caractérise essentiellement la psychose, et ce système
est fonction de l’organisation du Moi et de l’être conscient. Toute Psychose pro­
jetant l’Inconscient ou régressant vers l’imaginaire ou le symbolique du « monde »
soumis au principe de plaisir, dépend donc, en définitive, de la désorganisa­
tion de l’être conscient. Le Délire est une notion coextensive à celle de Psychose,
car la Psychose actualise la virtualité hallucinatoire de l’Inconscient et désorganise
(en la réorganisant sur le plan de l’imaginaire) la manière-d’être-au-monde
(v. Névrose).
Psychose hallucinatoire chronique (La P. H. C. de l’école française). — Cadre
nosographique artificiel établi sur la pathogénie du Délire par les Hallucinations
(Automatisme Mental); de telle sorte qu’il groupe les cas de Psychoses hallucina­
toires dont le Délire est contingent, sinon absent (?). Ces cas entrent plus naturel­
lement dans les Délires ou Psychoses chroniques de type schizophrénique, fan­
tastique ou systématisé (v. définition de ces termes).
1448 LEXIQUE

Schém a corporel. — Terme général qui désigne l ’image de son propre corps et,
par extension, l’image de soi. Son usage doit être réservé à la représentation et à
la perception de l ’ordre spatial des diverses parties (partes extra partes) du corps.
Cela revient à dire qu’il faut distinguer les Hallucinations délirantes corporelles
qui correspondent au sens général de la perception et de l’image de soi, et les
Éidolies (Somatoéidolies) que l’on désigne effectivement en Neurologie comme
troubles asomatognosiques.
Schizophrénie. — Psychose à évolution chronique (ce qui ne veut pas dire incurable)
caractérisée par sa tendance à la désorganisation autistique des rapports du Moi
au monde de la réalité. Cette Psychose délirante comporte non seulement dans sa
forme dite paranoïde une activité hallucinatoire, surtout acoustico-verbale, mais
aussi, et selon les phases de l’évolution, un syndrome hallucinatoire où prédo­
minent les voix, les délires d’influence et les Hallucinations corporelles. L’évolu­
tion typique de cette Psychose se fait vers un déficit schizophrénique, mais elle est
susceptible de réversibilité (même si l’on a soin d ’écarter de ce cadre la plupart des
Psychoses délirantes aiguës abusivement appelées Schizophrénies aiguës).
Spontanément, 10 % des schizophrénies évoluent vers des psychoses fantas­
tiques — 5 % se réduisent à des délires systématisés — et environ 30 % peuvent
présenter d’excellentes et stables rémissions.
Sensory deprivation . — V. Isolement sensoriel.
Sociogenèse. — Conception de la maladie mentale qui la fait dépendre de facteurs
situationnels, éthologiques ou épidémiologiques, soit en la réduisant à n ’être que
l’effet du micro-milieu pathogène (relations intersubjectives familiales, événements,
conflits, etc.), soit en la réduisant à n ’être qu’un aspect général de l’aliénation de
la condition humaine, c’est-à-dire de la répression qu’exerce sur l’individu la
Société (v. Antipsychiatrie).
S om ato-éidolies. — Phénomènes hallucinatoires corporels caractérisés par la
désintégration partielle du schéma corporel.
Som atognosie. — V. Schéma corporel.
Stru ctu re e t structu ralism e. — L’usage du terme « Structure » consacre une
réaction contre l’atomisme psychologique. La notion de structure implique celle
d ’un système de parties articulées dans une totalité et survivant à ses transforma­
tions. Totalité et constance désignent les attributs fondamentaux de la structure.
Les structures physiques sont l’objet d’une science des transformations possibles
au sein d’un système réel (réalité objective). Les structures mathématiques cor­
respondent aux actes et modèles opératoires logiques qui s’appliquent à la cohé­
rence du système ou à son maintien, opérations isomorphes à l’esprit des opéra­
teurs. En linguistique, la structure est essentiellement l’organisation synchronique
du discours (R. de Saussure), mais pose des questions au structuralisme trans-
formationnel (N. Chomsky). En Psychologie et en Psychiatrie, il y a lieu de dis­
tinguer deux types de structures : l’une, dynamique et intentionnelle qui anime
1’ « Aktpsychologie » et la « Gestaltpsychologie » en ordonnant la totalité des élé­
ments par rapport à son sens (structuralisme de l’école allemande, Dilthey et
Brentano) — l’autre, algorithmique ou formaliste qui fait apparaître les formes
constantes prises dans leur propre objectivité, et (tout comme la Sociologie consi­
dère les structures sociales comme transculturelles et transhistoriques) entraîne
le « structuraliste » à les traiter comme une combinatoire purement symbolique.
LEXIQUE 1449

Subception. — Terme très proche de celui de Préperception, en ce sens qu’il désigne


les infrastructures ou le travail préconscient ou inconscient de l’acte perceptif.
S ystém a tisés (Délires). — Ces Délires correspondent au concept de Paranoïa,
c’est-à-dire d ’une Psychose se développant dans Tordre et la clarté et « sans
Hallucinations » selon les Classiques (Kraepelin, Sérieux et Capgras, etc.), mais
cliniquement basés sur des postulats, ou intuitions, ou interprétations délirantes
leur absence de sensorialité ne suffit pas à les exclure de la catégorie des Hallu­
cinations. Ils sont des délires hallucinatoires caractérisés par le travail idéo-verbal
qui se manifeste par les Hallucinations noético-affectives. Leur évolution est géné­
ralement progressive, mais il existe des formes réversibles (22 %), comme il existe
des transformations de ces Délires en schizophrénie (5 %) ou en délires fantas­
tiques (4 %).
Uncinate fits . — V. Dreamy States.
Vigilance. — Désigne, soit l’activité nerveuse généralement éveillée (arousal), soit
— comme l’indiquait Head — l’intégration d ’un système ou d’un sous-système
fonctionnel quelconque.
Wahn. — Mot allemand désignant le Délire vrai, primaire ou endogène, caractérisé
par des idées ou des convictions fausses et inébranlables.
Wahneinfall. — Mot allemand désignant la forme d ’irruption intuitive de l’idée
délirante.
W ahnstim m ung. — Mot allemand désignant le fond de troubles psychiques de
l’expérience délirante.
W ahnwahrnehmung. — Mot allemand désignant la forme délirante des Halluci­
nations : perceptions délirantes plus ou moins clairement distinguées des « Hal­
lucinations » caractérisées par leur caractère psycho-sensoriel.
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(1) Dans cette bibliographie ne figurent pas certains travaux dont la référence se trouve dans l’intérieur de
l’ouvrage (se rapporter à l ’I n d e x d e s a u te u rs ). Par contre, exceptionnellement, quelques travaux qui figurent
dans cette bibliographie ne sont pas mentionnés dans le corps de l’ouvrage, en particulier divers travaux
récents qui n’ont pu être consultés.
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TRAVAUX DE HAUTEUR SUR LES H A L L U C IN A T IO N S

É volution des idées sur l ’hallucination , avec H. C laude. E n c é p h a le ,


1932, 2 7 , 362-377.
L es études sur l ’hallucination de P. Q uercy. E n c é p h a le , 1932,2 7 , 436-445.

Obsession hallucinatoire zoopathique guérie par psychothérapie, avec


A. Borel. A n n . m é d .-p s y c h o l., 1932, 2 , 181-183.
H allucinose et hallucination . L a théorie neurologique et les théories
psychosensorielles, avec H. C laude. E n c é p h a le , 1932, 2 7 , 576-620.

La c r o y a n c e et l ’h a l l u c in é . A n n . m é d .-p s y c h o l., 1932, 2 , 13-37.


H allucinations, pseudo-hallucinations et obsessions, avec H. C laude.
A n n . m é d .-p s y c h o l., 1932, 2 , 273-316.

T roubles psycho-sensoriels et états oniriques dans l ’encéphalite épi­


démique chronique, avec H. C laude. P r e s s e m é d ., 1933, 65.

L es états h a l l u c in a t o ir e s a ty p e s c h iz o p h r é n iq u e d a n s l ’en c é p h a l it e
ÉPIDÉMIQUE CHRONIQUE ET LES PROBLÈMES HALLUCINATOIRES, a v e c H. CLAUDE.
E n c é p h a le , 1928, 485-503.

É tats « dysesthésiques » et structure comitiale, avec P. M igault . A n n .


m é d .-p s y c h o l., 1934, 7, 257-265.

État schizomaniaque, crises délirantes oniroïdes, avec J. D ublineau


et P. R ubenovitch. A n n . m é d .-p s y c h o l., 1934, 1, 557-562.
Q uelques aspects généraux du problème des hallucinations (rapport à
la Réunion, octobre 1933). A r c h . S u iss e s d e N e u r o l, e t P s y c h ia t., 1933, 32.

Brèves remarques historiques sur les rapports des états psychopathiques


avec le rêve et les états intermédiaires du rêve, du sommeil et de la
veille. A n n . m é d .-p s y c h o l., 1934, 2 , 319.
1502 BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

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La 1855 a la S o c ié t é M é d ic o -P sy c h o lo g iq u e su r l ’h a l l u c i ­
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(Esquisse d’une théorie de la relativité
po r t s a v ec la p s y c h o p a t h o l o g ie
généralisée de la désorganisation de l’être conscient et des diverses mala­
dies mentales). — Rapport au 4e Congrès Mondial de Psychiatrie. Sept.
1966, in C . R ., I, 139-157 (texte in e x te n s o publié dans l ’É v o l. P s y c h iq t.,
1970, 3 5 , 1-37).
INDEX ALPHABETIQUE
DES AUTEURS

L e s n o m b re s c o m p o s é s en ita liq u e s r e n v o ie n t a u x p a s s a g e s le s p lu s im p o r ta n ts . L e s n o m b re s
c o m p o s é s e n tre p a r e n th è s e s r e n v o ie n t a u x ré fé r e n c e s b ib lio g ra p h iq u e s c ité e s d a n s le te x te .

I, — AUTEURS DE TRAVAUX NEURO-PSYCHOPATHOLOGIQUES

A A h le n stielH., 77, 112, 117, Mme R., 1368,


A l c a la y
120, 127, (162), 1 8 0 -1 8 2 , (1414).
A b b ia ti L., (242). 337, 344, planche I, 347, A lem a G., 562, 702, (1414).
A bbo G., 547. 350, 367, 370, (377), 942, A lema P. M., 1369.
A b el , 529. 1011, 1184, 1 1 9 4 , 1291, A lexandavosky A. B., 613.
A bely P., 480, 1358. 1300, 1320, 1325, 1 3 2 7 , A lexander D ., 325.
A bely X., 465, (465), (1411). 1328, 1330, 1335. A le x a n d e r F. A ., 1357,
A berle D. F., (604). A h l h e id A ., 44, 242, 245, 1381, (1409).
A braham A., (1414). (248), 734. A lexander G., 548.
A b r a h a m K ., 216, 414, 715, A hmed A., 1356, (1411). A lexander L., (895).
793, 820, 1014, 1030, 1032, Aita, 478. A lla ix D., 159, (353), (658).
1039. A ju r ia g u e r r a J. DE, 110, A ll eg r o J. M., (601), 659,
A brahams I., 672. 132, (132), (150), 151, 185, 681.
A bramov L, 1141, (1141), (229), 241, 255, 270, 2 7 4 , A ll en I. M., 469.
1167. 2 7 9 , (282), 283, 284, 285, A ll en V. S., (1414).
A bram son H. A ., 550, 553, 286, 2 8 7 , 288, 290, 293, A llenstuck S., 526, 527.
554, 560, 570, 572, 573, 321, (352), 354, 359, 363, A lleva P. M., (1414).
579, 587, (590). 364, 367, (368), (377), 466, A l l ie z J., 2 3 3 -2 6 2 , (264),
A c h a in t r e A ., 1 3 5 9 , 1 3 6 5 , 467, 468, 469, 470, 471, 309, 453, 455, 465, 480,
(1412), (1413). 472, 473, (474), (486), 481, 781, 784, 1307.
A chard Ch., 456. (487), 496, 499, 5 0 0 , 506, A l l p o r t F. H., 60.
A ck , 1248. 507, (508), (535), 5 6 1 , A l l u a u m e , 1362.
A c k er ly W., 284, 285. (563), 622, 674, 679, 684, A lonso F ernandez F., 756,
A d a m A ., 1360, (1412). 702, 7 0 3 -7 0 6 , 708, (710), 1272.
A dam s L E.,952,1300,1310. 9 2 7 -9 2 8 , 934, 935 , 9 3 6 , A l p e r t M., 191, 192, 565,
A dam s R., 530, (543). 1282, (1282), 1304, 1307, 776.
A d ey W. R., 555, 558. 1310, 1316, 1336. A ltenburger H., 945.
A d l e r A ., 876, 1379, 1380. A k er fe ld S., 610. A ltsh ü le r K. Z., 705, 706,
A d r ia n E. D., 235, 912, 9 3 7 , 775, 784.
A kert K., 1262, (1262).
1087, 1090, 1125, 1 1 3 8 , A lvarez L. G., 579.
1305, 1329. A l a jo u a n in e T., 324, 461. A lv im F., (274), (297), 315,
A ghajanian G. K., 550. A l b e r t E. v o n , (484), (487), 317, 324.
A gadzhanian N. A., 691. 1293. A lz a m o r a R. C., 300, 324.
A g o s t in i L., 122. A lberti G., 251, 261, 262, A l z h e im e r , 484.
A g r est i E., 266, 315, 324. (264). Amery W., (1415).
A g u il a r M. Toscano, (601). A lbrech t, 485, 820. Ames F., 527, (543).
1504 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

A migo G., 323. A udouard X., 273, 323. Barande R., 1052, 1383,
A m ler G. v o n , 479. A uersperg A. P., 266, 284, 1386, (1414).
A m stu t z Cl., (1413). 323, 1110. B a r a t , (335), 931, (994),
A n a sta so po u lo s G. K., 152, A ufriev A. K., 781. 1312.
186, 230, 1294, 1304, 1335. A ugsburg T., 690, 697. Barber T., 877, 881, 882,
A n d e r so n M., 133,138, 784, A ulagnier P., 825. (895).
786, 1131, 1309. A ulnay J. d ’, (1412). Barduzzi E., 253.
A ndreoli G., (1415). A uschberg, 643. B a r e t , 851.
A ndré -T homas, 270. A x el r o d J., 550, 607. BAr iso n F.,453, (463),(1410).
A nduzeacher H., (1411). A yd F. J., 584. Barlow H. B., 912.
A ngel E., 1250. A yllon T., 63, 1148. Barnett B., 44.
A n g e l J., (1362). A ymé J., (1409). Barraguer, 704.
A n g e l e r g u e s R., 270, 285, A zima F. J., 695. Barrat-L eulier H .. (482),
286, 290, 323, 359, 477, A zima Fl., 695. (487).
(480), 493, (493), 738, 933, Barre W. L., (604).
(1312). B ar rés P., 1355, (1411).
A n g l a d e L., 1356, 1358, Barron S. P., 565, 582.
1399. B Barros F erreira M. de ,
A n g l a d e R., 451, 926. 737, 784, 1262, 1263-1269.
A n g y a l L. v o n , 289, 290, B a b in s k i , 283. Barrowelough B., 1262,
314, (323), 1282. Babsky B. E., 613. (1262).
A n n e , (1413). Badaracco J. G., 120, 352, B arsa J., 1368.
A n o k in P. K., 977, 1097. 355, 456, 702, 927, 928, Barte H., 689, (710), 1264.
A n s c h ü t z G., (169), (628). 1316. Barter J. T., 582.
A n se ll G., 610. Baeyer W. von, 394. Barthélémy C., 1365, 1366,
A nton , 283. Bahnson Cl. B., (274). 1372.
A n toni N., 254. Bailey, 467. B a r tle t J. E. A., 141-150,
A ntopol W., 557. B a il l a r g e r J., 80, 82,83-85, 354, 365, (704).
A nzieu B., 1386. 91, 92, 93, 138, 145, 174, B a r u k H., 254, 255, 333,
A ppenzeller O., 285, 286, 193, (193), 205, 217, 221, 336, 354, 356, 365, 459,
325. 387, 451, 454, 714, 750, 465, (466), 469, 471, 472,
A fter J. T., 550, 561, (562). 901, 907, 956, 974, 975, (487), 497, (497), 502,
A ranson, 569, 576. (980) , 1072, 1180, 1181, (508), 553, 577, 611, 929,
A rbousse -B astide J. C. 1207, 1213, 1214, 1216, 1358, 1365, 1381.
(1415). 1230, 1231-1233, 1253, Baruk J., 451.
A rdis J. A., 651. 1263, 1309, 1350. B a sa g lia F., 792, 1386,
A r ie t i S., 13, 667, (781), Bailly-Salin P., (587). 1389, (1410).
1038, 1176. B a ir H. J., 468. B ash K. W., 222.
A r l o w J., 1052, 1066. Baldi F., 455. Basowitz H., 1148.
A r n a u d F. L., 861. Balduzzi E., 251, (264). Bateman K., 548.
A r n e A. L., 876. M., 361, (377),
B a l d w in B a u d o n J., 471, (471).
A r n h e im R., 104. 492, 494, 552, 935, 953, B a u er S. F., 1223.
A r n o l d O.H., 550, 571, 578. (981) . Bauer S., 906.
A r n o l d G., 547, 554. Balestrieri A., 521, 593, Baumgardt E., 112-113.
A r n o u l d F., (1414). 606, 607, (1412). Baumgartner G., 1334.
A r o nso H., 554, 576. Balini M., 1059. B a u m stil er Y., 1289, (1289).
A r sen i C., 324. B a l in t , 458, 1059. B ay F., 475, (479), (487),
A sf eld , 574. Ball, 46, 190, 747. 933, 1195, 1291, 1294,
A struc L., 13-(13). Ballerini A., 501, (501), 1304, 1322.
A strup C., 485, (485), 804. 504, (504). Bazanïe A., 12.
A tschkova M., 576, 579. B a ll etG., 261, 315, 450, B eams A. L., 63, 1148.
A ttneave F., 1135. 723, 744, 818, 830, 919, B ea r d A. W., 501, (501),
A twell A., 672. 1246. 502, 503-504.
A uber, 702. Balling Peter, 68, 989. B eaur oy R. P., 1264.
A u b er t M., 229, 930, 1331. Balvet P., 314, (315), 354, Beaussart L., 1262.
A u b in B., 44. 780, 1359, (1412), (1413). Becher D. I., 560.
A ubin H., 308, 465. Bancaud J., 102, (102), Bechterev, 496, 929.
A u b in M., 324. 1171. B e c k A., 494, (494).
A u d is io M,, 254,(254), 255, Banton A., 284, 323. Be c k e r A. M., (545), 554,
(360), 361, (491), (508), Barahona F ernandes H. J., 571.
1099, (1099), (1142), 1174, 272, 323, (1411). Becker J., (1413).
1288, 1310, 1369. Barande I., (1067). Beckett-L ang , 462.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1505

Bedoret J. M., (1262). B er g so n H., 61, 62, 68, 912, Bitterlin , 1360.
B ek en y G. v o n , 122, 123, (912), 978, 1010, 1076, Blackly P. H., 522, 531,
164, 338, 338, 358, 361, 1077, 1088, 1092, 1105, (582).
1138, 1163, 1286, 1312. 1112, 1125, 1133, 1143, Blake R., 60, 63.
Bellak L., 259, 880. 1145, 1150, 1153, 1154, B la n c C., 928, (1099), 1288,
B e l l a n g e r J. L., 509. 1248, 1295, 1 5 5 4 , 1336. 1376.
B e l l e r in i A., 266. Berheman-T essier Fr., 504. B la n c M., 1366.
Belsanti R., 579. B e r in g e r K., 159, 245, 257, B l a n k H. H., 698.
B elsasso M., 284, 286, 805. 568, 616, 6 2 6 , 634, 636, B la t t A. M., 525, (543).
Bem H. S., 323. 637, (658). Bleandonu G., (1410).
Benassy P., 324. B e r l in L., 576. B le u le r E., 93, 94, 95, 118,
Be n d a Ph., 5 6 7 -5 7 0 , 571, B er m a n A., (400), 1061, 192, 214, 218, 222, 375,
573, 576, 578, 580, 585, 1064. 393, 431, 442, 443, 449,
(590). Bernard Cl., 1100. 458, 467, 478, 480, 725,
Bender H., 101, (101), 665. B er n a r d P., 759,893, (1415). 744, 756, 7 7 4 -7 7 5 , 777,
B en d e r L., 172, 548, 1 1 9 2 , Berner C., 804. 779, 783 , 7 8 4 , 789, 7 92-
1193. B e r n er P., 804, 805, 824. 793, 794, 795, 799, 8 0 4 ,
B en d e r M. B., 114, 151,284, Be r n h eim F., 607, 984. 8 1 7 , 826, 835, 852, 858,
(347), (357), 363, 466, 468, B e r n h e im H., 1180, (1180). 881, 974, 975, 976, 994,
469, 470, 471, 935, 936, Bernheim M., 607. 1000, 1039, 1077, (1077),
1334. Bernick N., 697. 1255, 1278, 1 2 7 9 , 1280,
B en e d ek L., 1282, 1293. B e r n ie r A., 1023. 1281.
B en e d e t t i G., 153, 191, 2 2 2 , Bernoulli, 1124. B le u ler M., 442, 480, 556,
4 4 9 , 450, (740), 775, 776, N., 239, 246, 247, (248).
B ers 579, 774, 787, 788, 789,
779, (1280). Berta M., 1382. 796, 797, 835, 8 5 2 -8 5 3 ,
Beneke F. Ed., 990. Bertalanffy L. von, 1176. 976, 1279, 1281, 1 3 4 5 ,
B e n e tt D. H., 270. B e r t h ie r Ch., (1413). 1 3 9 3 , (1413).
B e n it e z F., 592, (601). Bertoloni, 453. Blickenstorfer E., 521,
B e n n a n -W o l fen sv er g er , B er ze J., 95, 776, 789, 79 5, (579).
502. 796, 799, 1279, 1401. Blickford R. G., 935.
Bennett A. M., 684. B essiere R., 480, 1 5 8 1 -1 3 8 2 . B liss E. L., 550, 690, 783,
B e n n e t t D., 323. B everly B. I ., 172, 1192, 1196.
B e n o it P., 513. (1193). Blix M., 235.
Benon R ., 477, 480, 933. B ex to n W. H., 110, 685, Bload, 286.
B en son D. F., 284, 325. 688, 6 8 9 , 700. Block K ., 608.
B ensoussan P. A., 513, 526, B ib b R. E., 582. Block W., 608.
528,565,584,1370,(1415). Bickford R. G., 494. Blofeld J., 676.
B en t e D., 324, 554. Bidon , 931.
Benton A., 324. B ie l s c h iw s k y , 122.
Blo n d el Ch., 96, (269),
294, (294), 380, 384, 3 8 7 -
Benzi M., 602. B ie r e r , 1384.
3 8 9 , 394, 1202, 1216, 1246,
Bequart P., 1388, (1409), Bies C., (1412). 1247, 1402.
(1410). Bignall K. E., 165.
Berard H., 1362. Bignani , 449. Blondel F., (1413).
Berard M. J., 548. B il z R. D., 138, 1309, 1328. Blood A. M., 284.
Berber T. X., 661. Binder H., (222), 449, (740). Blough D. S-, 560.
Bercel N. A., 573. B in e t , 61, 108, 169, 8 7 5 , Blum R. H., 531.
B e r c h t o l d R., 239, 246, (875), (895), 978, 1010, Boakes R. J., 517.
247, (248). 1145. Boardman W. K., 569.
B er d e B. von, 556. B in g l e y T., 492, (492). B obon J., (1414).
Beres D., 1015. B i n i , 1355, 1356. B obon P., 526, (1362).
Berg R. F., 276. B in s w a n g e r L., 28, 95, 96, Bockmukl K., 323.
Bergener M., (487). 159, 215, 393, 3 9 4 , 4 1 4 , Bodin , 705.
Be r g e r D., 1023,1024, 1025, 443, 715, (740), 746, 756, B o er h a v e , 79, 172, 905.
1026. 761, 775, 777, 791, 7 97, Bogliolo G., 781.
B er g er H., 335, 336, 930. 852, 975, (1078), (1250), B o g o slo w sk iA. I., 9 3 9 -9 4 0 ,
B er g er R., 548,1262, (1262), 1 2 5 1 , 1255, 1256, 1 2 80- 1287, 1333.
9 4 1 -9 4 2 ,
1301, 1302. 1281, 1380. B o h a r d F., (243), 738, 1366,
B e r g er o n M., 494, 494. Bion W. R., 1384. 1373, 1400, (1414), (1415).
B er g le r E., 297, 324. B ir n b a u m , 453, 661, 1248. B oissenot Y., 1263, (1263).
Bergmann B., 918. Bishop G. H., 942. B oissier J. R., 5 1 2 , 5 1 7 -5 1 8 ,
Bergouignan M., (1412). B is h o p M. P., 1412. 545, 549, 554, 557, 558,
B er g r ee n G., 929. Bitter W., (668). 561, 1372.
1506 INDEX ALPHABETIQUE DES AUTEURS

B o issier d e S a u v a ges , 79, B o u r g u ig n o n E., 677, B r in d l e y G. S., 938, 940,


80, 229, 705, 905, 917, 929, (1311). (940), 941, 1286, 1287.
1180. B o u r g u ig n o n G., 284, 285, Brion S., 481, 876.
Boldrey, 945. 939. Briquet, 874.
Boll, 1167. B o u r n e G. H., 551, 556. B r issetCh., 893,1359, 1376,
B o l z a n n i L., 721. B o u r r â t L., 354. (1410), (1411), (1412),
B o m b a r d A., 684. B o u sq u et , 385, 387, 1180, (1413).
Bomboir R ., (1414). 1234, (1237). Broca, 911, 912, 915.
Marie, 13, (400),
B o n a pa r t e Bouttier D ., 1363. B r o c c a r d , 364.
996, 1023, 1061, 1064. B o u v et M., 296, 297, 298, Brock S., 475.
Bonduelle M., 455, (499). 324. Brodie B. B., 517.
B o n e (M.), (1410). Bouzigue , 355, (455), 928. Brodman, 235, 268.
Bonfiglio G., 150, 1406. Boven, 501, (501). Brody J. P., 876.
B o n g a er ts C., (1414). B o w er s K. S., 877, 881, 882. Bromberg W., 251, 253,
B o n h o e ff e r K., 221,
247, (264), 527.
B o w er s M. B., 565.
411, 448, 464, 520, 544, Bowers S. F., 876. B r o n is c h W. F., 484, (484).
564, (740). B o x te r , 701. B r o n n F. C., 658.
B o n h o m m e , 377. B oy d E. S., 556. Brotteaux P., 543.
B o n n a fé L ., 1387, 1390, B rousso lle P., 1360, 1367-
B oyer R., 1363, (1413).
(1409), (1410). B oyle S. S., (543). 1368, 1404, (1414), (1415).
B o n n a fo u s -S ér ieu x Bozzi R., (495), 504, 506. B r oussot Mlle T., (1415).
Mme H., 845-846. B r a dley C. A., 609, 1192. Brown B. B., 1371.
B o n n e t V., (1139), 1163, B r a dley G. S., 1333. Br o w n G. W., (1410).
1296. B r a dley P. B., 518, 552, Brown H ., 527.
B o n n ie r (P.) 269, 319. 554, 555, 563, (1412). Brown T. S., 1141.
Bonvicini, 358. B r a d y E. M., 558. Bruck G., 284.
Book H. E., (258). Braid , 255. Brücke, 1017.
Boor W. d e , 559. Brain R., 1336. Bruens J. H., 499.
Borcharst, 943, 944. Braines C. H ., 521. Bruhova S., 1309.
Borditsch , 655. B r a u J. L., (509). Bruner J. S., 61, 63, 168,
B o r el A., 246, (246), 453, B r a u n E., 1078, (1078). 689, 1132, 1147, 1148,
480, 869. B r a u n F., 360, (508). 1157.
B r a u n m ü h l A. v o n , (1411). Brunerie A., 1406.
B o r e n st ein P., 554, 1359,
1365, 1366, 1370, 1371, B r a u n s c h w e ig D., 1015, B r u n s w ic k R. M., 865.
1059, (1067). B r y a n t S., 229, 705, 929.
1372, 1399, (1412), (1415), Buccola, 861, 868, 869.
(1416). B ray C. W., 1163.
B rem er F., 164, 685, 933. Bû c h e z , 83, 907, 1180.
Borhs, 287. Buffon , 1076.
Bornstein S., (1415). B r e n g e l m a n n J. C., 549,
784, 1260, 1282. Buknell J. M ., 286.
Bors, 286. Bu la n d ra R., 270, 493,
B osc h a rd t, 112. Brenman M., (880).
Brenner C., 477, 933.
(493).
Boss M., 784, 785. Bu llen F. S., 251, (264).
B o st o n , 259. B r e sc h i F., 325.
Bressler B., 284, 285.
Bu m k e, (236), 294, 348 (hors
Bostroem A., 453. texte), 449, 754, 836.
Bottex, 92. Bresson F., 170, (1289).
B u n a g R. D., 517.
Bo tton J., 483, (483), (487). Breuer, (263), 867, 885,
B u r c h a r d J. M., 120, 138,
Boucaud M. de , (1414). 1043, 1053. 285, 340, 341, 347, 352,
Bouch a rd J. M., 495, 1359, Breusch Ch., 1066. 356, (377), 490, 520, 1320,
1364, 1368, (1412). B r ia n d M., 456, 457, 505. 1322, 1335.
B o u c h a r d y M., (1415). B r id g e r W. H., 606, 611, B u r d a c h , 235, 268, 906,
Boudin G ., (495). 613. 907, 918, 925.
Boudouresques J., 469, 493, B r id g m a i F., 1373. B ur es Mme I. d e , 1363.
(493). A.,
B r ie r r e d e B o ism o n t B ü r g e r H., 458, 459.
B o u l ig a n d G., 1093, (1093). (77), 81, 83, 92, 120, (161), B ü r ge r m e ist er J. J., (150),
B o u m a n M. A., 112, (1142). (330), 451, 684, 907, 1072, 352, (377), 927, 928, 1316.
B o u q u e t J., (543). 1180, 1213, 1347, 1349- H., 120,
B u r g e r - P r in z
Bourdier P., 698. 1351, 1353. (162), 340, 34, 7, (738).
Bourdin , 83, 907. B r ih a y e J., 285. Burkhardt , 1357.
Bourgeois M., (264), (308), B r il l A. H., 251, 253, 254, Burney C., 684.
324, 928. 259, (264), 988, (988). Burns J. R., 691.
B o u r g u ie r , 456. B r il l o u in L., (1093). Burrow , 456.
B o u r g u ig n o n , A., 403. B r im blec o m b e R. W., 611. Burton P., (1414).
INDEX ALPHABETIQUE DES AUTEURS 1507

B u s c a in o G. A., (545), 550, C a rgnello D., 96, 132, 150, C havany J. A., 361.
551, 556, 564, 646, 1357. 151, 362, 364, 554. C hazaud J., (889), (895).
B u sc a in o L. V., 578. C a r lisle S., (1412). C h ee k F. E., 547.
B u s c a in o V. M., 103, 165, C aro D., 554. C herpillod C., 708.
(232), (352), (377), (486), C a r o n M., 484, (487). C hertok L., 371, (880).
555, 646. C arp T., 324. C hiaramonti, (498).
Buscher H., 323. C a r p in a c c i J. A., 1378, C h i b o n P ., 548, (1495).
Busemann H., 478, (478). (1410). C h il d e r s R., (1414).
Buser P., 613, (613). C a r r A., 997. C h ir o n , 1360.
Busman A., (487). C a r r e r P ., 1366, (1415). C h it a n o n d h FI., 256, 1359,
Busscher J. de , 357. C a r re re J., 1372, (1416). (1411).
B usse , 114. C a r r e r -S a in t -P ère S ., 1366, C h o lden L. S., 549, 571,
Bussopulos W. von , (464). (1415). 573, 579, (590), 657.
Butler R. A., 1163. C a r re tt e P., 455. C h o p r a G. S., 526, (543).
Buttollo W. H., 1357, C a r r ic k J. E. L., 1367. C h o p r a R. N., 526, (543).
(1411). C a r r o u g es M., 1005. C h r ist ia n J., (98), 918, 988.
B u y t e n d ijk F. J. J., 62, C a r u c c i G., 830. C hristiansen A., 575.
271, 1110, 1132, 1146. C a r uso I., 1 0 0 9 , (1309), C h r ist o p h e J., 254,334, 361.
B y r d R. E., 684. 1328, (1328). C hweitzer A., 613, 614.
B zh a l a v a I. T., (1097). C assassuce J., (1415). C hwelos N ., 571, 615.
C a ssir e r , 66, 454, 1105. C icéron, 79.
C a st a ig n e P., 357. C iganek L., 102.
C a st ell a n i A., 146. C ima, 1282.
C C a st eln a u B. d e , 907. C issler K. R., 13.
C a tt el l J.' P., 324, 572, 657. C it r o l o R., 314, 324.
C abaleiros G oas M., (232). C a tsar a s , 916, 921. C la r e M. H., 942.
C abanis, 82. C a ze n eu v e J., 604, (604). C la r k D. H., 1410.
C a h e n R., 1380. C a z u l l o C. L., (495). C la r k L. D., 528, (543),
C a h n J., 525, 549. C a z z a t o G., 505. 550, 556, 690, 694, 783,
C a h n R., 354, 929. C e il l ie r A., 382, 383, 868, 1196, (1410).
C a in J., 258, 455, 465. 872, 968, 9 9 6 , 1202. C la u d e H., 7 2 , 93, (98),
C a l a p ie t r a , 500. C en a c -T h a l y H., 315, 324. 159, 208, (218), (318), 3 2 9 ,
C a l d o n a z z o C ., 501, (501), C e r l ett i A., 513, 549, 550, 333, 334, 336, 352, 354,
504, (504). 551, 556, 557, 592, 1355, 363, 365, (376), (377), 382,
C a ldw ell A. E., 1361, 1356. 383, 453, 456, (456), 457,
(1412). C e r n y M., 207, 777. (457), 459, (459), 4 6 2 -4 6 3 ,
C allao M onferrer, 521. C h a b e r t F., (1263). (463), 469, 480, (486), 497,
C allieri B., 456, 1293. C h a bo r a J., 166. (497), 500, 5 0 7 , (507), 615,
C almeil L., 447, 907, 918, C haigneau H. (1409), 7 21, 727, 767, 818, 832,
925, 929. (1410). 836, 8 6 1 , 872, (895), 929,
C alverley D. S., 881, 882. C h a k m a t o v N. F., 484, (962), 968,996,1202,1243,
C a m e r o n D. E., 1261. (484), (487). 1339, 1354.
C a m p a n a A., 466, 469, 471, C h a m p io n C ., 1372. C la u sen J., 112, 113, 120,
472, 487, 9 3 4 . C h a n d l e r A. L., 579. (162), 370, 560, 9 4 0 , 1333.
C ampanella G., 248. C h a p o t G., (1414). C laveland S., 278, 323.
C ampbell N. K ., 592, 1192. C h a p o u l a u d J., 375, (375), C lément J., 1373.
C amus, 117, 269, 297, 807. 929. C lé r a m b a u l t G. d e , 5 5 ,
C ancrini L., 593, (599). C h a p r a G. S., 526, 528. 8 7 -8 8 , 89, 90, 91, 93, 124,
C anguilhem G., 856. C h a ra l a m p o u s K. D., 607, 127, 147, 1 5 4 -1 5 8 , 161,
C anner , 494. 608. (161), 184, 192, 194, 197,
C annon W. B., 268, 609. C h a r c o t , (205), 287, 8 7 4 , 2 0 8 -2 1 2 , 213 , 218, 220,
C antril H., 61. 881. 221, 225, (232), 241, 2 4 3 -
C a pg r a s J., 89, 223, 260, C h a r o u s e k , 937. 2 4 4 , (248), 261, 339, 366,
480, 505, 7 4 4 , 7 4 9 -7 5 1 , C h a r p e n t ie r , 1362. 371, 382, 384,389,396,
753, 801, 8 0 2 -8 1 1 , 814, C h a r p ig n o n L., 882. 397, 4 0 8 , 409,4 2 2 , 443,
815, 816, 851, 995. C h a r r io t G., (1414), (1415). 447, 455, 465,486,513,
C a p r o n H., (1414). C h a s l in , 142, 425, 501, 502, 520, 523, 625,704,723,
C a r c a sso n n e P., 480. 731, 1246. 725, 7 52, 754,773,786,
C a r d a n J., 1327. C h a sseg u et -S m ir g e l J., 13, 801, 8 0 2 -8 0 3 , 804, 818,
C ardenas d e Sahagun B., (13;, 270, 274, 323. 819,820,822,827,8 3 0 -8 3 4 ,
602. C h a t e a u , 120, 1362. 846, 901, 909, 916, 922,
C ardone S., 324. C h a u c h a r d P., 557. 923 , 9 6 2 -9 7 4 , 980, (980),
E y. — Traité des Hallucinations. II. 49
1508 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

989, 996, 1 0 0 3 , 1178,1180, C o r r a d i M., 284, 324. D a um ezon G., 209, 736,
1202, 1203, 1207, 1215, C o r sin o G. M., 1407, (1412). 1358, 1387,(1409), (1411).
1234, 1239, 1243, 1247, C orven M. A., 775. D a u ty R., (1412).
1273, 1274, (1274), 1 2 7 8 , C ossa P., 319, 324, 367, 491, D a v id M ., 178, 185, (185),
1350, 1353, 1360, 1372, (1093), 1381. (367), 466, 467, 934, 937,
1397, 1398. C osta E., 469, 517. 1358, (1411).
C linco A. A., 252. C o st er m a n J., 1148. D a v id so n G. M., 251, 259,
C lisbee F. M., (543). C o t a r d , 3 0 1 -3 0 2 , 406, 415, (264).
C luny Cl. M., (672). 431, 500, 761. D avidson P. W., 314, 325.
C n a pk e n s R., (1414). C o u f f ig n a l L., 1 0 9 3 -1 0 9 4 . D avis H., 1138, 1286.
C obbold, 655. C oulonjou R ., 178, (367). D avis J. M., 615,685, (1412).
C oche R., 1406. C o u r b o n P., 375, (375), 929. D avis R., 456, 561.
C oc het-D eniau M., 278. C o u r t a u l d A., 684. D av so n H., 1141, (1141).
C o c h in J., 607, 608, 611. C o u r t o is A., 459, 460, (460). D ay J., 579.
C odet H., 714. C o u r v il l e C . B., 367, 468, D eak G ., 285, 286.
C ohen M. M., 547. 487, 935. D echambre, 747.
C ohen N., 692, 693, 696, C ozzolino , 929. D ecobert S., (1409).
699. C r a ig K. W., 469. D ecourt G., 336, 1043.
C ohen S., 513, 519, 544, 547, C ra m er A., 86, 187, 204, D efer B., 526, 530, 543.
548, 559, 563, 565, 567, (231), 705, 1124, 1218. D eglon J. J., 660.
568, 569, 570, 571, 573, C r a p p e r D. R., 9 4 1 , (941). D ejean C. H., 354.
576, 577, 578, 579, 580, C r em ieu x A., (460). D e je r in e , 915.
582, 584, (590), 632, 657, C r est , 1388. D e jo n g R. N., (1124).
709. C r in is M. d e , 231, 1078, D elahousse J. L., 290.
C ohn R. C., 324, 365. (1078). D ela sia u v e , 83,95,
135, 142,
C o if f u B.,
482, (482), (487). C r it c h l e y M., 42, 270, 284, 221, 330, 3 8 5 , 4 2 5 , 449,
1367, 1402.
C o ir a u l t , 319, 325, 335, (335), 357, (508), 731, 1235, 1255,
Colbert J., 275. 361, 456, 493, (493). 1246.
C ole J. O., (1412). C r o c k e r , 1131. D elattre J., 1382.
C olis, 453. C r o c k e t R., 513, 579, (590), D elaunay J., (1415).
C ollard J., (1414). (605), 658. D elay J., 159,465, 481, 513,
C ollbach E., 531. C r o n e - M u s z e b r o c k A., 530, 549, 553, 554, 5 6 7 -
C ollins V. J., 559. 285. 5 7 0 , 571, 573, 578, 580,
C o llom b H., 308, 324, 1371, C ronholm B., 284, 285, 286. 585, (590), 591, 592, 601,
(1415). C ropper D. R., 1287. 606, 609, 6 2 5 -6 3 4 , 635,
C o lm a n S., 931, (931). C rouzon , 729. (658), 738, 1282, 1353,
C olmart Ch., 1373. C r o w l ey A., 69, (69), 1217. 1355, 1357, 1 3 5 9 -1 3 7 1 ,
C olom b D., 606, (606), C u a n d e r a , 592. 1381, 1404, (1411), (1412),
1354. C u b a J. M., 456. (1413) , (1414).
C o n n o ly F. H., 251, 260. C uel, 354. D el b ec k e , 363.
C o n r a d K., 132, 138, 152, C u jo Ph., 1372, (1415). D e l et er , (456).
239, 246, 247, (248), (319), C u l u e r , 818. D el e u z e G., 213, 216, 399,
347, 394, (448), (449), 483, C u r t is D. R., 561. 661, (681), 760, 773, 792,
(486), 490, 746, 755, 756, C u s h in g FI., 151, 254, 361, 793 , 8 1 4 , 838, 8 5 6 , (967),
777, 7 8 5 - 7 8 9 , 791, 7 9 5 -7 9 6 , 447, 466, 467, 470, 934, 971, 972, 996, 997, 999,
799, 850, 1000, 1078, 9 3 5 , 9 4 3 , 953, 1296. 1 0 0 3 , 1040, 1065, 1066,
(1078), 1304, 1308, 1330. C utner M., 573. (1067), 1080, 1092, 1102,
Conte C , 451, 1364. 1152, 1228, 1 2 7 9 , 1 2 8 1 ,
C ook L., 575. 1378, 1380.
C o o per D., 800, 1271, 1 3 8 6 , D D elgado J. M., 494.
(1410). D ell P., (268), 518, 552,
C ooper H. A., 570. D a c q u in o G., 152, 472. 1292.
C o o per R., 784, 1259, 1271, D’A g o st in o E., 593, (599). D elmas A., 501, 727.
1389. D a kley R. S., 574. D elmas-M arsalet P., 1356,
Copcevitch, (461). D a l b ie z , 977, 1383. (1410).
C o ppola C. F., 504, (504). D alle B., 1370, (1415). D elmont J., 1356.
C ordier J., (499). D a ll iso n B., (1410). D eltour G. H., 609.
C or-M ordret M., 1368, D aly J., 607, 610. D emailly A., 528.
(1414). D a r io t is , (1412). DEMANGEAT M., (1412).
C ornie, 178. D a r o n d e l A., 1370. D emay J., (122).
C ornu F., (1412). D a u b e , 257. D emay - L aula n (M m e),
C ornw ell, 701. d ’A u l n a y J., 1354, 1355. (1414) .
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1509
D em en t W. C., 425, (649), E. v o n , (458), 667,
D o m ar us E
1027, 1262. 781, 1311.
d e M o n t m o l in G., 61. D omino E. F., 286, 323. E asson W. M., 276, 323.
D en b er H. C. B., 579, 606, D onat, 705. E bbecke U., 116, 1012, 1328.
607, 609, 616, 636, 657, D onati A., 363, 374, 456, E b t in g e r R., 239, 246, 247,
1363, 1382, (1414). 954, 955. (248), 481, (481), 1355,
D e n g l e r H. J., 609. D onati O., 151, 470, 1293. 1356, (1410), (1411).
D en h a m J., 1367. D o n g ie r M., 258, (264), E c cles J. C., 9 3 7 , 1333.
D e n ik e r P., (512), 513, 514, 469. E ccles O., 654, 1285, 1328.
522, 525, 527, 531, 565, D orey R., 1354, (1411). E cheverra, 499.
584, 1282, 1353, 1355, D orolle, 500. E ck M., 1178.
1 3 5 9 -1 3 7 1 , 1404, (1412), D orpat Th. L., 285. E ckes J., 554.
(1413), (1414), (1415). D orseg M., 1058. E conomo, 457.
D e n is , 1203. D o u ssin et P., 1360, (1412). E dert, (303).
D enker C. B., (1412). D o u st W. A., 579. E dinger , 250.
D eny, 269, 297, 807. D rambarean, 63. E d m u n d J., 468, 469, 935.
D eren H., 935. D r et ler J., 46, 459, (459), E d w a r d s A. E ., 519, 559,
d e r Beek M., 284, 285. (486). 563, 577.
D eron, 7 1 6 -7 1 8 , 720. E fross D. H., 525.
D reyfuss L., (1413).
d e R opp R ., 530. E g o z c u e J., 548.
D r il l V.A., 553, 611.
D esbois Mlle A. M., 1405, E hranmayer, 272.
D romard G., 750, (750),
(1411) . 751, 806. E hrenfels C. von, 1185,
D esch a m ps A., (1413). 1248.
D roysen, 1225. E hrenwald H., 283, (323).
D escham ps Mlle, 497, 500,
D ublineau J., 203, (203), E ic k e D., 324, 781.
1362, 1381. (497), 727, 752, (752).
D esclaux P., 451, (465). E igelhardt D., 579.
D ubois-P oulsen A., 1145. L., 71, 112, 172,
E isen b er g
D eshaies G., 1366, (1413).
D u b o is -R e y m o n d , 1126. 1191, 1192, 1193.
D eshon H. J., 578.
D esmedt J. E., 1292. Duc N., 287, 1370. E itinger , (485).
D esmond-M orris, 29.
D ucham pM., 399, 1004. E kbom K., 151, 2 3 9 , 243,
D esoille, 1382. D uchêne H., 1 3 5 8 , 1 3 8 7 , 2 4 6 -2 4 7 , (248), 362.
(1411). E lder J. T., 553.
D esper t J. L., 71, 172,1 1 9 2 ,
(1193). D ugas, (294), 296, 317, E l ia G., (1411).
D etre T. P., 1353, 1357,
(323). E lisalde B., (1414).
1396, 1401, (1411), (1412). D uhl F. J., 1176. E lkes J. L., 563.
D eu t sc h H., 1009. D umas G., 64. E ll en b er g er H. F., (98),
D eutsch L., 1311. D umont S., 1292. 876, 8 8 1 -8 8 3 , 884, 887,
D evereux G., 1187. D u p a in M. L., 308, 501, (895), 990, 995, 1017,
D ewhurst K., 44, 132, 501, (501). (1027), (1067), 1240, 1250,
(501), 1217. D u po n t J., 1031. 1375, 1380.
D upont M., (1414). E n g e l m e ie r , 1355.
D ewort M ., 357.
D upotet J., 882. E n g e r t h G., (162), 284, 334,
D iatkine R ., 71, 455, 1 0 5 2 ,
D upouy R ., 154. 350, 356, 358, 363, 931,
1193, 1378, 1 3 8 3 -1 3 8 8 ,
1011, 1314.
1 4 0 2 , (1409). D u pré E., 153, (238), 2 3 9 ,
300, (323), 339, 371, (377), E pen J. H. van, (1415).
D iederichs A., (1414). E p p e J. P., 568, 1368, (1414).
D ieschofer K., 518. 466, 506, 738, 751, (751),
753, 8 2 9 -8 3 0 . E pstein A. W., 287, 325,
D igo R ., 1370. 493, (493).
di M asc io A., 1359, 1401, D upuis R ., 456.
E rfan M. E., 1356, (1411).
(1412) . D urand Ch., 1 8 6 ,2 0 9 , (232),
(264). E r ik se n C. W., 61, 63, 1148,
D imitz L., 457. 1149.
D ischotsky N. I., 548. D urand V. J., (264), 545, E r ik so n E. H., 1001, 1058.
D itchburn R. V., 62. 553, (590), 784, 1363. E r m e n t in i A., 505.
D itman K. S., 565, 570. D urand de Bousingen R., E secover H., 124.
D ivry P., (1414). 481, (481). E sk u c h e n R., (161), 361,
D ix o n G. E., 606. D u r a n d in M. C., 592, 601. 1313.
D ix o n J. J., 277. D u r c k h e im , 387. E spier M. L., 455.
D o ane B. K., 110, 685, 686, D u r e u x J. B., 287, 324, 493, E spin a s A., (1414).
690, 691, 692. (493). E s q u ir o l J. E. D.,
71, 78,
D o e p f n e r , 553. D urham N. C., (665). 84, 85, 87, 97, (98),
7 9 -8 2 ,
D ollard J., 1148. D uvoisin R. C., 455. 190, 373, 379, 716, 801,
D o lt o Fr., 1052, 1193. D uyckaerts Fr., 856. 802, 956, 988, 1006, 1072,
1510 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

1178, 1213, 1214, 1231, F eldm an M., 114, 151, 152, F o l l in S., (294), 314, (323),
1323, 1349. 347, 363. 324, 422, 501, (501), 5 0 2 -
E ssig C. F., 124. F e l d m a n n H., 479, 480, 862, 5 0 3 , 505, 781, 787, 799,
E stabrooks G. H., 877, 881. (862), 936. 878, (889), (895), 1 3 9 0 .
E sv a n J., 501, (501). F e l d s t r in , 1401. F o n t E., 502.
E urieult M., (1414). F elice P. de , 170, (509). F ontaine, 568.
E v a l d , 1311. F elsinger J. M. von, 576. F o r c e L., 501, (501).
E v a n s J. H., 286, 324. F ender D. H., 62. F o r el A., 881.
E vans L. T., 561. F erdiere G ., 1234. F o r r e r G. R., (172), (545),
E v a n s Ph., (1226), 1227. F ere Ch., 61, 108, 287, 8 7 5 , 551, 702, 1192, 1193.
E v a rts E . V., (98), 553, 561, (875), (895), 931, 1295. F o r r e r R. D., (545), 551,
690, (981), 1297, 1300. F e r e n c z i S., 215, 793, 820, 1357.
E w a l d G., 456, 461. 999, 1019, 1 0 3 1 , (1067), F o r ster E., 112, 159, 634,
Ey H., 6 7 , 1 9 4 , 7 9 1 , 8 4 5 -8 4 6 , 1280. 638, 639.
8 5 5 , 929, 9 6 2 , 1 1 9 9 , 1 2 6 3 - F erguson S., 490. F ortineau J., (474).
1269, 1304, 1 3 3 8 -1 3 3 9 , F e r l in i G., 153, (1415). F o u c a u l t M., 108, 607, 656,
1346, 1363, 1388, 1390, F e r n e l , 78. 667, 760, 1011, (1011),
1 3 9 3 -1 3 9 4 , (1409), (1414). F er r a r i G., 708, 710, 1303. 1076, (1145), 1314.
Voir p. 1501 les travaux F erreira G oes J., (1412). F o u k s L., 1 3 6 0 , 1 3 6 7 -1 3 7 0 ,
de l’auteur. F er r ie r D., 89, 911, 914, (1412), (1414), (1415).
E y se n c k H. J., 3 7 5 , 784, 915, 946, 1350. F o u lk es D., 737, 1262,
1260, 1 2 6 1 , 1282, 1383, F erro M ilone F., 412, 472. (1262), 1301, 1309.
(1409). F e r r u s , 387, 1233. F o u lk es S. H., 1384.
E ysenk Ph., 63. F euchtwanger , 475, 1180. F o u q u e t P., 25, (543), 1387.
E zriel H ., 1384. F euillet C., (1411). F ourment, 701.
F iamberti, 1357, 1358. F ournial P., (1414).
F F inder J., 318. F o u r n ie r , 453.
F in k M., 1355. F oville, 802, 918.
F a b in g H. D., 549, 607, F inkelstein, 940. Fox R. P., 935.
1371, (1415). F in n e s o n , 284. F raisse P., 63, (63), 1184.
F aillace L. A., 513. F is c h Fr., 520. F r a nc es R., 60,61,65, 1 1 4 7 ,
F airbairn W., 997. F is c h e r G. H., 475, 478, 1 1 4 9 , 1 1 5 0 , 1156.
F a k h r E l -I slam M., (1411). (487), 933. F rank J., 1384.
F akler M., 1356. F ischer O., 357. F r a n k L., 493.
F a l c o n e r M. A., 493, (493), F is c h e r R., 12, 128, 5 6 6 , F r a n k e E. A., 456.
504. 567, 577, 596, 608, 671, F r a n k l V. E., 1 3 8 0 , (1380).
F a lr et J. P., (46), 81, 92, 95, 1218. F raser T. M., 684.
221, 222, 223, 381, 387, F r aske D. A., 375.
F ish F., 515.
393, 406, 4 0 8 , 409, 410, F isher Cl., 1 0 1 1 , 1027, 1 1 9 5 ,
F recourt J., 1388, (1410).
428, 4 3 0 -4 3 1 , 434, 435, F redericks J. A. M., 324,
1315.
(435), 440, 443, 451, 716, F r e d e r k in g W., 579, 615.
F isher S., 271,275, 277, 278,
742, 7 4 3 , 756, 801, 802, 323, 324. 657.
811, 821, 824, 861, 871, F reedm a n A. M., 1067,
F iske D. W., 684.
907, 922, 968, 975, 1006, F it z g e r a r d Roy G., 698,
1377.
1231, 1 2 3 8 , 1274, 1398. F reedm a n D. X., 513, 517,
702.
F arnarier F., (723), 726. 521, 545, 548, 574, 606.
F iu m e S., 495, 504, (504),
Fau , (1362).
120, F r ee dm a n S. J., 245, 279,
505. 686, 688, 690, 691, 693,
F aure H., 71, 216, 239, 246,
247, (248), 1360, (1360), F ield S. P., (275). 694, 695, 699, 707, 708,
1398.
F lataker L., 553, 574. 709, 1143, 1145, 1196,
F l e c k U., 247, (464). 1336.
F avory, 354.
F l e s c h ig , 953, 1086, 1295. F reem an H., 579, 657.
F echner G. T„ 990, 1017,
F l o u r n o y H., 117, 125, 169, F r eem an T., (1066), (1410).
1018.
F ed ern P., 297, 315, 323, 350, 927, 958, 1 0 1 1 , 1 0 5 3 , F reem an W., 118, 238, 955,
777, 1079, 1 2 8 0 , 1378, (1067), 1316, 1317. 1357, 1358, 1359, 1399,
(1409). F l o u r n o y Th., 121, 134, 1406, (1411).
F e d id a P., 22, (266), (273), 180, 334, 344, 366, 927. F r e n c h , 369.
(274), 324. F oerster O., 165, 269, 287, F r e n k e l -B r u n s w ic k R., 63.
F einberg L, 449, 731, 736, 294, 356, 361, 462, 476, F res I., 513.
737,782,979,1262, (1262), 643 , 9 4 4 -9 4 5 , 946, 953, F r et et , (106), 192, (192).
1301, 1308, 1328. 1296. F r e t ig n y R., 1382, (1410).
F e l d M., 113, 579. F I ogel, 58. F r eu d A., 1047, 1193,(1463).
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1511

F reud S., 7, 13, 56-57, 67, G amps, 1364, (1413). G erminano G., 790.
93-94, 96, 109, 126, 133, G andiglio G ., 412,473,825. G eronimus L. H., 550.
144, 174, 196, 208, 215, G anne, 354. G erstmann J., 283, 284,
227, 250, 253, 263, (263), G antheret F., 323. 319, 324, 451, 453, (486).
274, 298, 309, 315, 320, G antt W. H., 606, 611, 613. G eschwind N., 284, 325.
360, 370, 388, 395, 397- G arattini S., 513, 525, 528, G esell A. L., 1016.
404, 414, 443, 669, 715, (1412). G esmano G., 315, 501, (501),
746, 753, 757, 777, 793, G ardeil Père, (673). 504, (504).
814, 816, 820, 828, 832, G ardet L., (674). G estring C. F., 561.
851, 855-859, 861, 863, G ardner G. E., 1038, (1038) G hetti V., 513, (1412).
(864), 865, 867, 868, 869, G ardner L. M., 708. G iacomo U. de , 482, (482),
871, 879, 883, 884, 885, G argeon A., (1413). 932.
888, 895, (895), 908, 920, G arma A., 1025,1028, 1059, G iacomo d ’E lia , 1356.
969, 978, 983-1067, (1067), (1067). G iannelli A., 495, 506.
1079, 1081, (1084), 1104, G arner W. R., 1135. G iannini A., 323,458, (458).
1120, 1149, 1158, 1191, G arnier A., 907, 1180. G iarman N. J., 517, 518,
1226, 1238, 1239, 1246, G arnier P., (152), 523, 731, 545.
1248, 1279, 1280, 1288, 736. G ibbs, 466.
1309, 1314, 1340, 1341, G arrone G., (229), 702, G iberti F., 549, 579.
1377, 1378, 1380, 1386. 703-706, 927. G ibson E., 60, 1150.
F reund , 79. G artside I. B., 323. G ibson J. J., 55, 58, 61, 66,
F rey von, 235, 236, 654. G astaldi G., 231, 514. 102, 104, 654, 1112, 1123,
F ried G. H ., 557. G astaut H., (249), 255, 493, 1125, 1133, 1134, 1135,
F riedman A. P., 477, (477), (493), 519, 531, 554, 677, 1136, 1143, 1145, 1161,
933. (677), 1262. 1163, 1261, 1322, 1334-
F riedmann, 860. G atian G., 909. 1335.
F rieske A., 775, 783. G aupp , 500, 804, 817, 826, G ibson W., 684.
F ritsch G., 911, 914, (914), 851. G iesler D., 1262, (1262).
943, 948. G autheret F., 269, 324. G il l M . M ., 698, (880).
F rölich , 1334. G autz , 606. G illespie H. K., 528.
F romm E., 1380. G ayral L., 1358, 1359, G illibert J., (13), (414),
F romm-R eichman F., 315 1368, 1370, (1411), (1412), 719 - 720, 1021, (1021),
1280, 1377, 1378, 1402, (1415). (1067).
(1409). G eblewitz E., 613, 614. G ilmore J. B., 877, 881.
F rongia N., 550, 556. G ebsattel V. E. von , 715, G inestet D., 565, 1364.
F rontini G., (1412). 862. G insborg B. L., 62.
F rosch J., 1058. G ediman H. K., 1047. G ion C ondrau , (545).
F uhrman A., 690, 699. G edo J. E., 13. G iordani L., (710), 1303.
F uller J. L., 611. G eertsma R. H., (274), 324. G ioscia V. G., 581.
F urstner C., 229, 484, 705. G eiger R. S., 556. G iovanni-R ossi P., 493.
F usswerk J., 1381-1382. G eisler A., 548. G irard H ., 159.
F uster 1. M., 521, 563, 574. G ekière F. Mme, (1415). G irard P., 1373, 1416.
G elb, (358). G irard R. W., 1287.
G ellman Ch., 279, (279), G iraud G., (544), 564.
G 929. G ittleson N. L., 251, 260,
G elma E., 187, (187), 367, 293, 323.
G abrio B. W., 608. 371, 375, (377), 929. G iudicelli A., 725.
G achkel V., (1456). G emelli A., 503. G lass G. S., 565.
G addum J. H., 514, 517, 549, G endrot A., 530. G latzel J., 191, 225, (232),
556, 609. G enest P., 548. 293, (297), 324, 329, (713),
G ager, 528. G enil -P errin , 804, 1037. 776, 787, 795, 798, (798).
G aillard A., 229, (365), G entili C , 324, 781. G lees P., 785.
706, 930, 1331. G en tis R .,792, 1386, (1410). G loning 1., 123, 132, 151,
G aillard J. M., (271), 325, G eorgi F., 1097. 152, 242, 270, 319, 325,
484, (484). G erard H. P., 606, 609, 335, 338, 339, 363, 1296,
J., 1144.
G a it o 625-634, 635, 658. 1304, 1335.
G al P., 469, 935. G éraud J., 1358, 1368, G loning K., 132, 151, 152,
G alambos R., 1292. (1411). 242, 270, 319, 325, 335,
G alanter A., (1079). G eretzoff, (249). 338, 339, 363, 1296, 1304,
G allet H., 915. G erle B o ., 1363. 1335.
G alton F. Sir, 684. G erman, 935. G nanck R., 502, 505.
G amper, 246. G ermano G., 324. G nirss F., (601).
1512 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

G o d d a r t J., 526. G r ee na c r e Ph., 13. G uyot P., 1358, 1361,


G o d efr o y , (1413). G reenbaum, 1196. (1411), (1412).
G o d e n o u g h D. R., 737. G reenberg R ., 736, 1262. G u y o t a t J., 1355, 1360.
G o ffm a n E., 1386, 1389, M., (207), 245,
G r ee n b l a t t
(1410). 685-710, 1196, (1412).
G o la d ec R. G., 482, (482), G regor J., 253. H
931. G r eg o r y R. L., 102, 104,
G o l a n t -R a tn e r R ., 1282. (706), 1112, (1133), 1140, H aase G. R., 473.
G o lb er g er L., 279, 684, 1163. H a b ec k D., 251, 261, 262,
686, 690, 692, 698, 709. G r e n e t , 1283. (264).
G o lb er g er M., 557, 647. G ribinski M., 1387. H aber W „ 284.
G o l d in S., 122. G r ie s in g e r W., 86, 447, H aberlin P., 13.
G oldner R. D., 562, 702. 1178, 1214, 1237. H afer G., (443).
G oldstein K., (358), 475, G r im a u d , (1412). H a fn er H ., 394, 1272.
978, (980), 1077, 1078, G r im so n , 268. H a g e n , 86, 136, 145, 194,
(1078), 1227. G rinberg L., 297, 317, 323. 430, 1215.
G oldstein L., 519. G roos Fr., 1076. H a k e n , 61.
G oldstein M., 607. G ros, 165. H a lb er st a d t , 485, 820, 836.
G oldsteinas L., 737, 784, G ross M. M., 177, 221, H a l b w a c h s , 174.
1262, 1263-1369. (375), 523, 731, 736, 1262, H aley T. J., 611.
G oldstone S., (55). (1262), 1308, 1406. H a ll R„ 655, 1282.
G oldwurm G. F., 1369, G r o tea u P., 706, 930. H allen O. von , 284, 285.
1383, 1410. G r u e n e w a l d D., 1375, H allovitz E., 1384.
G olgi, 268. 1381, (1410). H alnan C. R. E., 272.
G o l l , 235, 268. G r ü h l e H. W., 95, 380, 392, H alpern B., 1371, (1413).
G o ll a P., 613. 393, 394, 395, 396, 398, H alfern L., 357.
G olse M. J., 1360, (1412). 408, 501, (501), 502, (508), H alpern H., 527.
G o l z , 1087. 754, 755, 756, 786, 789, H alssan C. R., 323.
G o o d h a r t , 288. 804, 812, 1248. H amel R., 606.
G o o d m a n C. L., 1147. G r u n e b a u m H. U., 245, 690, H amilton C. L., 521, 575.
G o r bo v F. D., 691. 691. H amon J., 1362, (1413).
G o r d o n , 254, 371, (377), H anna T. D., 691.
G rüner E., 102.
592. H arbauer H ., 247.
G runthal E., 114.
G o r i R ., 2 1 3 , 7 9 3 . H a r d e n A., 513.
G uattari F., 793, 814, 856, H ardes A., 191.
G o t h l in G . F r., 917.
1003, 1065, 1066, 1067, H argreaves M. A., (1416).
G o u l d L. M., 207, 778.
1080, 1092, 1102, (1410).
G o u rv es J., 526. H arig K., (323).
G o z z a n o M., 1096. G udmund S., 1150. H arl J. M., 1363.
G u e n n o c A., 737, (737), H arley-M ason J., 605, 607.
G o z z e t t i G ., 153.
G r a c e G. S., 606, 610.
1262, 1263, (1263), (1264), H arlow H. F„ 685, 710.
G r a ha m H .,(102),456,1293.
1366, (1415). H arlow M. K., 685, 710.
G r a h a m J. O. P., 551. G ueraldi G. P., 781, (1464). H armignies M., (1413).
G r a ha m K. R., 876. G u il b a u t G. Th., 1093. H arper M., 869.
G r a h a m S., 613. G uillaume P., 60. H a r r is J. E., 314, 324, 781,
G r a n o m o n t a g n e O., 1371. G u il l y P., 285, 286. 1279.
G r a n g e r G. W., 784, 1260, G u io t , 254. H arrison A., 690.
1261, 1282. G u ir a u d P., 231, 255,
(323), H art E. R., 517, 554, 555,
G r a n it R., 102, 654, 938, 345, 382, (382), (389), 389- 557, 611.
941, 1125, 1140, 1163, 391, 443 , 447, 458, 465, H a r t l in e H. K., 938, 940,
1167, 1286, 1287, 1292, (486), 600, (648), 694, 1133, 1164, 1287.
1329, 1332, 1333. (694), 742, 746, 750, (750), H a r tm a n A. M., 560, 573,
G rant F. C., 561, (561). 754, 756, 779, 826, 964, 574, (601), 627.
G rasse P. P., (1101). 975,978, 1092, 1147, 1202, H artman H ., 1001, 1058.
G rateau P., 229, 365, 1331. 1247, 1255-1257, 1289, H artman K., 513.
G ratiolet, 61. (1289), 1324, 1354. H artmann E., 1262.
G ravelea u D., 357. G utter P. A., (1076). H artmann N . von , 990.
G ray W., 1176. G unter-H ofer, 391. H artmann-von M onakow
G reen A., 132, (746), 870, G u r e v it c h M., 287, 314, K., 579.
(870), (1067), 1376, (1409). 321, 1250. H arvey de Saint -D enis,
G r een D. E., 556. G uthrie Th., (494), 576. 1327.
G r ee n R. T., 1142. G u t t m a n E., 287, 606, 613, H arvis J. R., 285.
G r een W. J., 564. 630. H assler R., (242), (268), 325.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1513

H aug K., 294, 296. H enle, 269. H och P. H., (293), (377),
H augaard N., 610. H enne M., 1360, 1363, 1364, (508), 549, 550, 551, 572,
H aumonte M. T., 1371, 1370, (1413). 573, 578, 579, 607, 636,
(1414) , (1416). H enneman, 268. 649, (981), 1261, 1293,
H auptman, 361. H enning G. B., 254. 1353, 1354, (1411).
H auss K ., 715. H e n r ic Mlle, 568. H ochberg J. E., 63.
H avelock E llis, 616, 629, H en r y G. W., 466, 471, 472, H oche A., (138).
630, 657. (487). H ochley J. E., (60).
H avens L. L., 799. H enry J., (1414). H ochman J., 792, 1386,
H awkins J. R., (1415). H en s c h e n J. S., (162), 470. 1389.
H dalcova, (464). H en sc h e n S. E., 54,112,361, H o d g k inA. L., 654, 1285,
H ead H., 234, 270, 319, 447, (486), 641, 914, 915, 1329.
(955), 978, 1320, 1333. 922, 924, 931, 932, 936, H œ r r J., (79).
H ea to n J. M., 277, 324, 698. 1246, 1296, 1299, 1305. H ofer G., 382.
H ebb D . O ., 111, 685-687, H e r d e r J. G., 1157. H off H., 117, 122, 123, 150,
695, 699, 710, 1145, 1196. H ergraeve H ., 1371. 152, (162), 165, 242, 283,
H ec a en H., 102, (102), 120, H e r in g E., 912, 1095, 1125, 334, 350, 356, 358, 363,
132, (132), 150, (150), 151, 1131, 1142, 1289, 1334. 367, 470, 554, 571, 578,
162, 177, 178-179, 180, H e r m a n C. B., 579, 657. 931-932, 946, 1011, 1304,
183, 185, 186, 229-230, H ermann G., 358. 1314, 1315, 1335.
231, 232, 282, 283, 284, H ermann K., 456. H o ffe r A., 159, 511-520,
285, 286, 287, 288, 290, R., 361,
H è r n a n d e z -P eo n 544, 545, 546-566, 568,
293, 321, 337, 338, 347, 1292, (1293), 1300, 1307- 569,570-577,573,575,576,
352, 355, 359, 363, 364, 1302, 1310, 1317, 1322. 578, 579, 581, (590), 592,
365, (367), 367, 368, (368), H er o n W., 684, 685-710, 593, (601), 605, 607-615,
(377), 456, 466, 467, 468, 1196. 616, 621, 636, 647, (658),
469, 470, 471, 472, 473, H e r p in Th., 255, 508. 702, 1382.
477, (486), (487), 493, H e r sc h el J. F. W., 117, H o ffm a n J., 110, 284, 285,
(493), 702, 705, 927, 928, 915, 1305. 550.
929, 933, 935, 936, 937, H eschl, 365, 1299. H o ffm a n n H. F., 1077,
958, 1171, 1282, (1282), A., 390, 870, (870),
H esn a r d (1077).
1304, 1307, (1312), 1316, (1067), 1247, 1250. H o fm a n n A., 545, 592.
1326, 1358, (1411). H ess R., 138, 151, 364, 456, H o fm a n n F. B., 655.
H e f fn e r E., (464). 1311. H ofstein Fr., 582.
H effter A., 605, 606, 610. H ess W. R., 1095, 1333. H o l d e n J. M. C., 552.
H eidelberg, 392, 974, 1398. H esser, 268. H ole G., 1187, 1190.
H eider F., 705. H eurtier, (1414). H oley T. J., 551.
H eider G., 705. H eu y e r G., 451, 455, 497, H ollen O., 285.
H eilbronner K., 497. 500. H o ll e n d e rM. H., 259,
H eim R ., 591, (591), 592, H ev ero ch , 361. (264), 784, (889).
(601). H ey c k H. von, 138, 364, H o ll ist er L. E., 507, 511,
H eimann H., 513, 1237. 456, 1311. 513, 516, 525, 526, 527,
H eimburger R. P., 325. H eyman H., 606. 528, (543), 551, 560, 573,
H ein H., 1328. H eyward H ., 792, 1386. 574, 578, (601), 627, (895),
H e in r ic h K., 474, 1370, H ichin , 268. 1401.
(1415) . H id d em a F., 297, 324. H olmboe R., 485, 804.
H e in r o t h , 1180. H ildesheim, 918. H olmes G., 1082.
H e in t e l H., 132, 152, 456, H ill J. M., (774), (995). H o l m g r e n , 1164.
479, (479), 933. H im w ic h H .E., 517, 549, H olst E. v o n , 1095.
H eld J. F., 584. 552, 554, 607, 611, 612, H olstein C. M., 547.
H eld R., 698, 1145. 614, 1357, 1371, (1411). H o lt R. R., 279, 647, 684,
H el m c h en H., 804. H im w ic h W. A., 519, 1354, 690, 692, 698.
H e l m h o l t z H. L. F. v o n , 1357. H o l z e r , 1356.
16, 59, 66, 80, 112, 663, H inage C. F., 513. H olzman Ph. S., (274), 324.
911, 937, 939, 1017, 1123, H ir a pa y a L., (279). H onigswald , 1251.
1124, 1125-1132, 1133 H ir o se S., 1359, (1411). H o pe J. M., 191, 222, 450.
1134, 1137, 1141, 1142, H irsch M. W., 554. H o p p e J. J., 1325.
1146, 1156, 1164, 1289, H irsch S. J., 895. H orn , 454, 484.
1291, 1300. H it z i g , 89, 911, 914, (914), M. J., 116, 323,
H o r o w it z
H emon G., 284, 287. 943, 948. 560, 928, 952, 1296, 1300.
H enderson W. B., 285, 287. H o a g l a n d H ., 518, 554, 1310, 1325, 1335.
H endrick , 297. 556. H o r r a x , 935, 953.
1514 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

H orsley St., 1381. 1091, 1092, 1117, .1145, 755, 756, 819, 820, 8 2 1 -
H orval I., 778. 1170, 1 2 2 5 -1 2 3 0 , 1231, 825, 822, 823, 824, 827,
H orwitz W. A., 1038. 1234, 1238, 1239, 1253, 847, 851, 891, 968, 974,
H osko M. J., 611. 1255, 1257, 1258, 1262, 975, 1118, 1178, 1181,
H oussait A., (1415). 1278, 1279, 1293, 1295, 1214, 1 2 1 5 , 1225, 1234.
H ouston F., 672. 1299, 1300, 1306, 1310. 1250, 1 2 5 1 , 1253, 1259,
H o w a r t h C. 1., 940, 1333. J acob A., 455. 1269, 1 2 7 2 -1 2 7 5 , 1275,
H o w e n , 466. J acob E., 1369. 1398, 1402.
H oyos K. v o n , 479, (479). J acob Fr., 6 6 9 , 7 0 7 6 , 1 0 8 0 , J aubert P., 548.
H ubel D . H ., 701. 1094, 1 1 0 0 , 1 1 0 1 . J aval, 122.
H u b erG., (382), 394, (448), J acob H., 483, (483), (487), J ay M., 122.
(753), 779, (1272), (1273), 704, 907, 942, 954. J ean-Sedan C. W., 703.
(1280). J acobs G. H., 102. J ekels L., 1016.
H uger, 804. J acobs R., (1414). J el g er sm a , 1038.
H u g o n e n q H ., (1414). J acobsen E., 518. J enik F., 1097.
H u g u e s D., 528. J acobson E., 1031, (1031). J odelet F., 170.
H u g u e n a r d , 1361, 1362. J acobson J. H., 561, 942, J oel E., 527, (527).
H u ig h e R., (348). 1332. J oensch E. R., (162).
H u m p h r e y N. K., 1167. J acquin , 453. J o ffr o y , 451, (455), 916,
H u n t e r R. C. A., 317, 324, J aegg F., 622. 921.
996, 997, 1001, 1038. J aehn M., (374), 478. J o h a n n s en D. E., 1148.
H u n t e r W.,
613, 614. J aensch E. E., 64, 1 14, J ohnson D. R ., 528.
H u r s t L. A.,
551. (1078), 1216. J o h so n J. B., 574, 591.
H u r v ic h M.,
1059. J aensch W., 1 1 4 , 1078,1216, J ones A., 698.
1082.
H u t c h in s o n , J ahrreiss W., 449. J ones E., 13, 216, (1017),
H y d e R. W.,513, 518, 572. J akab I., 783, 1383. (1060), (1067).
J akob H., 462, (462). J ones M., 1383,1389, (1409).
J akobson R ., 188. J o n g H. d e , 608, 611.
I J ameison G. R., 466, 471, J o u v e , 1307.
472, (487). J o u v et M., 425, 612, 977,
I deler C. W., 1180. J anet P., 28, 71,95,108,147, 1292, 1301, 1317.
I gert C., 568, 704, 1358, 1 9 6 , (196), 215, (231), 262, J o v in o , 553.
1396, 1407, (1409). 296, 298, 299, 317, 318, J uba A., 1293, 1311.
I mberciadori E., (462). 384, 391, 412, 428, 431, J udd L. L., 548.
I mpostato, 1356. 826, (826), 851, 861, 8 6 2 , J u il l e t P., 1354, 1373,
I nglis J., 690. 8 6 5 -8 6 8 , 869, 871, 874, (1411).
Inouye T., 207, 777. 880, 881, 8 8 2 -8 9 5 , 901, J uliusburger O., 271, 324.
I ntroma F., 478. 975, 1010, 1061, 1076, Jung C. G., 777, 953, 9 9 5 ,
I onasesco V., 493, (493). 1077, 1118, 1188, 1 2 3 9 - 1013, 1039, 1 1 4 0 -1 1 4 2 ,
I rwin S., 548. 1 2 4 8 , 1255, 1375, 1381. 1280, 1379.
I sakower, 1315, (1315). J anssen P. A. J., 1368. J u n g R., 55, 61, 62, (62),
I sbell H., 516, 525, 549, J ansson B., 777. 103, (103), (162), 254, 358,
572, 573, 593. J antz H., 608. 4 9 0 -4 9 1 , (494), 495, (508),
I slam E., 1356. J anzariP W., (448), (485), (653), 654, 9 3 7 -9 4 1 , 981,
Israël L., 736. 713, 746, 756, 795, 797, 994, 999, 1078, 1 0 9 5 -1 0 9 6 ,
I ssaacs S., 672, 1019. (797), 798, 799, 805, 813, 1097, 1098, 1099, 1125,
I t il T., 552, 554. 821, 852, 1274. 1133, 1139, 1140, 1141,
J arecki H. G., 1353, 1357, (1142), 1154, 1164, 1167,
1396, 1401, (1411), (1412). 1168, 1170, 1171, 1174,
J J ares O., (601). 1226, 1284, 1286, 1287,
J arvik L., 548. 1288, (1290), 1292, 1310,
J a c kso n C. W., 150, 151, J arvik M. E., 285, 554, 560, 1324, 1328, 1329, 1332,
688, 697, 7 0 2 -7 0 3 , 784, 575. 1334, 1335, 1337.
931, 1196. J arvis J. H., 285. J urquet-M aillet A., (1413).
J a c k so n H., 254, 3 4 9 -3 5 0 , J asfield P., 574. Jus A., 504, (504).
359, 360, 364, 402, 431, J asper H. H., (508), 950. J ustin -Besançon J., 1372.
447, 468, 473, 4 8 9 -4 9 1 , J aspers K., 68,96,106,(117),
495, (508), 612, 709, 748, 189, 218, 219, 221, 381,
793, 794, 914, 948, 949, 382, 383, 384, 3 9 1 -3 9 2 , K
953, 977, 978, 1 0 7 1 , 1077, 395, 396, 407, 410, 4 1 2 ,
1078, 1079, 1081, 1 0 8 1 - 430, 4 3 2 , 4 3 8 -4 4 1 , 443, K aberlah, 480.
1 0 8 6 , 1087, 1088, 1090, 477, 501, 740, 748, 7 53, K afkalides A ., 579.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1515
K agan, 369. K elly D., (1412). K lüver H., 355, 364, (377),
K ahlbaum K ., 55, 86, 89,92, K endel, 1185. 569, 616, 6 2 6 -6 2 7 , 636,
145, 447, 919, (980). K enna J. C , 324, 493, (493), 637, 652, (658), 9 3 5 , 955,
K ahn A., 499, (499), 508, 497, 569. 1170, 1 2 9 3 -1 2 9 4 , 1302.
1014, 1304. K ennedy F., 254, 466, 9 3 5 , K n ig h t J., 525, 527, 1140.
K a h n R. L., 114, (357). 1296. K n o l l M. v o n , 112, 113,
K aïla M., 738. Kent , 1360. 127, 150, 348, 367, 370,
K a k o n , 257. K erneuzet P., (1414). (377), 1012.
Kalant O. J., (543). Keschner M., 471. K œ c h l in Ph., (1409).
K alberer F., 592. K estemberg Mme, (1409). K offa, 705.
K alinowski M., 676. K estemberg E., 1383, 1 3 8 4 . K o ffk a K., 1139, 1185,
K alinowsky L., 1354, 1355, K ety S. S., 610. 1248.
(1411). K eup W., 52, (486), 516, K ofman S., (13).
Kallensohn , 1139. 523, 699, 1279, 1308. K ohler I., (1123).
K allmans F. J., 1257. W., 113, 124, 1185,
K ey B. J., 521, 555, 574. K ö h le r
K amaluddin S., 273. K haldi A. I., 551. 1248, 1251, 1260.
K äm m erer Th., 229, 736, K han R., 1158. K olb L. C., 270, 284, 285,
1355, (1380). K ieffer C. M., 273. 286, 324.
K andel E. J., 697.
K ielholz , 1355. K olle K., (448), 791, 804,
V. K ., 14, 86,
K a n d in sk y
K ies M. W., 551. 836.
(98), 106, 136, (161), 339, K illiam E. K., 552. K o n o r s k i , 977.
341, 344, 430, 906, 976, K illiam K. F., 552. K o n u m a M., 2 5 , 725.
(980), 1187, 1188, 1215. K inross-W right J., (1413).
K andisky, (981). K onzett H ., 601.
K ipfer , 254. K o ppe, 229, 705, 929.
K anizsa G., 1185. K ireboth, 1293.
K anner L., 1193. K oraluck O., 708.
K irkegaard G., (1413). K orchin S. J., 1148.
K ant F., 527.
K ischer M., 466. K orn W., (457), 459, 474.
K a n t O., 1282.
K isker K. P., 477, 934. K ornetsky C., 554, 977.
K a n z e r M. G., 469, 470, K issel P., 284, 324. K o r n m u l l e r , 611.
935. K itay P. M., 997.
K aplan H. L., 1066. K ors, 568.
K lages I., 251, 257, 2 5 9 -2 6 0 , K orte F., 525.
K aplan M., 998, 1377. (264).
K aplan de N o u r A., 324.
K otz Ph., 323.
K ardiner A., 1187. K lages W., 241, 246, (248), K o u p e r n ik C., 1376, (1410),
K arkous E., (1411). 251, 257, 2 5 9 -2 6 0 , (264), K ovarik J., (601).
K arli P., 509. 363, 779, 876, 1010. K r a e p e l inE., 93, 135, 174,
K a r tsson J. O., 702. K lee G. D., 152, 526, 549, 191, 221, 223, 2 2 9 , 257,
K ashima N. G., 528. 554, 567, 572, 573, 574, 260, 329, 434, 435, 448.
K ast E., 559, 568. 576, 577. 449, (449), 450, 458, 483,
K a ta n M., 997, 999. K lein F., 453, 525. 484, 485, 502, 706, 725,
K a t z D., (233), 1110. K lein H., 186, 231, 1038. 7 4 3 -7 4 5 , 772, 774, 775,
K a t z Ph., (248), 285, 287. K lein Mélanie, 13, 71, 216, (775), 777, 787, 789, 791,
K auffman D., (1414). 297, 315, 714, 715, 746, 795, 8 0 1 -8 0 4 , 806, 820,
K a u ffm a n n R., 112, 117 793, 820, 858, 1015, 1017, 829, 8 3 4 , 835, 836, 843,
120, (162), 229 planche I 1019, 1020, 1031, 1032, 851,974,1211,1212,1276,
(348), 370, 1 1 9 4 , 1291, 1038, 1 0 3 9 , (1067), 1192, 1281.
1300, 1325, 1 3 2 7 , 1328, 1193, 1280, 1 3 7 7 , 1378, K rafft-E bing , 499, 803.
1335. (1409). K ramarz P., 880.
K ayser Ch., (102), 235, 249, K lein R., 287, 319, 367. K r a m pf e r , 530.
653, 1139. K leinman M. L., 63. K ranz , 643.
K ayser H., (248). K leist K., 151, 152, 185, E., (294), (323), (458),
K r a pf
K eaber A., 1388. (185), 230, 447, 456, 4 7 5 - 502, 527.
K eeler M. H., 542. 4 7 7 , 478, 479, 483, 4 8 5 , K rause F., (77), 112, 235,
K e h r er F . A., 94, 394, 821, (486), (487), 720, 738, 788, 268, 9 4 3 .
825, 836, 1001, 1037, 818, 8 2 0 , 932, 9 3 3 , 934, K reis W., 151.
1216, 1259, 1272, 1273. 955, (980), 1037, 1178. K retsc hm er E ., 93, 94, 191,
K e id e l W. D., 1335. K leitmann, 425. 260, 804, 8 1 8 , 826, 995,
K eith S., 573. K lemperer E., 1382. 1001, 1030, 1037, 1078,
K eller D. L., 553. K lienberger, 366, 929. (1078), 1273, 1399.
K eller M., 1369. K limer K ., 1282. K ries J. v o n , 54, 233, 654,
K ellerschohn C., 102, K lines K., 314. 912, (1123), 1125, 1164,
(1163). K lopp H. W., 120, 347. 1185, 1294.
1516 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

K r il lA. E., 561, 562, 702, L a d a m e , 466. L ashley , 913, 914, 1086.
1196. L a fo n M. R., 151. L a t il P. d e , (1093).
K ripnner S., 673. L a f o r a , 356, 931. L a t o u r H., (544), 564.
K ris E., 13, (13), 1001. L a g a c h e D., 2 0 6 -2 0 7 ,
(231), L a u b e r H. L., (377).
K r is c h G., 496, (496). 443,822,826,1041,(1067). L a u n a y L, 451, 1365.
K rishaber, 269, 294, 317, L ä g e t P., 1 1 3 8 , (1289), L a u r a s A., (495), (1410).
(323). 1305, 1335. L a v ie J. C., (270), 277, 324.
K r is p in -E x n e r K., 120. L a i G., 1 3 9 0 . L a v il le C., 1372.
K r o be r A. L., (1410). L aignel-L avastine M., 456. L a y c o c k H. Th., 1082,1228.
K roll M. von, 1328. L a in e B., (1412), (1414). L a z a r u s R. S., 63, 1149.
K ronfeld A., 26, 28, 35, L a in e E., 290, 319, 325. L a z o r th e s G., 1358, 1359,
3 4 1 , (341), 1248. L a in -E n t r a l g o P., 1 0 7 5 . 1399, (1411).
K rüffmuller K ., 1097. L a in g R. D., 777, 792, 793, L eary Timothy, 2 4 5 , 5 0 9 ,
K rum pf J., 478, (487). 800, 1271, 1 2 7 9 , 1 2 8 1 , 534, 565, 566, 5 7 4 , 5 8 1 ,
K rus D. M., 579. 1376, 1 3 7 9 , 1 3 9 6 -1 3 8 7 , 584, 5 8 5 -5 8 7 , 6 0 0 , 6 5 9 ,
K ru se W., 1368, (1414), (1409). 676, 681.
(1415). L a ir y G. C., 736, 737, 784, L e B ea u J., 113, 361, 1358.
K rüver H., (1293). (1067), 1145, 1262, 1 2 6 3 - L ebedev V. L, 662.
K ryashev V. J., 613.1 1 2 6 9 , (1301). L ebel J. J., 672.
K ryspin-E xner K ., 357,485. L amache, 497, 500. L e b o v ic i S., 71, 315, 777,
K u a m b a c h , 836. L a m a n d J. C., (1415). 1 1 9 3 , (1377), 1378, 1383,
K u b ie L. S., 13, 274, 324, L am b ert P. A., 1353, 1360, 1 3 8 4 -1 3 8 8 , 1402.
1381. 1362, 1 3 6 5 -1 3 7 1 , 1372, L eb o w its B. Z., 286, 513.
K ubzansky P. E., 684, 685, 1 3 1 6 , 1396, 1404, (1412), L e Bras R ., 371.
688. (1413), (1414), (1415). Lebrun Y., 324.
K u ffler S., 1164, 1334. L ambo, 277. L ec l a ir e S., 1 4 7 -1 4 8 , 777,
K uhn R., 393, 395, 746, L a m i, 165. 862, (862), 865, 1015,
(1078), 1250, 1 3 8 0 . L ammers H. J., (249).
1060.
K ü l p e , 1248. L amponi S., 1282.
L amy H., 357, 931. L ecom te M. G., (1414).
K umpf J., 933.
L e c t u r e , 946.
K ü p p e r s E ., 1125, 1142, L a n c a s t e r , 1356.
L ec u y er R., (1415).
1249, 1333. L ancelot M., 582, 584,
K urland A., (1415). 659, 672, 673, 676, 681. L ee P. A., 509.
L efevre E., (1414).
K u t z n a s o v O. N., 662. L andis C., 560.
L eff J. P., 1196.
K w in t -G ross , 458. L a n d o l t H., 497, 499.
L a n d o n G. M., 567, 577, L e G a ll a is P., (1412).
L eg e n n e J., 702.
593, 671.
L L a n g J. L., (264), 1261. L eger Y., (1415).
L e g g e r i C., 705.
L a n g e I., 804, 836.
L a n g e r D. v o n , 979, 1 2 6 1 - L e g o u x J. P., (164).
L abhardt F., 1363, (1413).
1 2 6 1 , 1299, 1335.
L e g r a in , 740, 802.
L a b ia t i , 242.
L e G r a n d Y., 102.
L a b o r it H., 553, 1 3 6 1 -1 3 6 2 , L a n g fe l d t G., 147, 458,
L egros H., 1023.
1394. 464.
L a n g l e y , 268. L eg u e n Cl., (150), 456.
J., 1354, 1355,
L a b o u c a r ié
L a n g s R. J., 519, 587. L e G u il l a n t L., 480, 1387.
1358, 1368, 1399, (1411),
L e G u in e l N., (273), 324.
L a c a n J., 216, 275, 397, 443, L angwilt D. I., (270).
L e h m a n , (643), 1003.
451, 461, (461), 773, 777, L a n n o is , 465.
804, 816, 820, 821, 822, L anter R., 579. L e H uche , 480.
825, 995, 996, 997, 998, L a n t e r i -L a u r a G ., 1250-
L eib , 267.
999, 1 0 0 1 -1 0 0 2 , 1003, 1251, (1413). L eid e r m a n P., 687, 690, 691,
1006, (1007), 1033, 1 0 3 5 . L anz U. von , 550. 699, 709.
1037, 1 0 4 1 -1 0 4 2 , 1057, L a p ip e , 1356. L e ig h t o n A. H., 1187.
1060, 1067, 1225, 1251, L a pl a n c h e J.,216, 1004, L ejeu n e -L a u r ia t E., (1415),
1271, 1272, 1 2 7 3 , 1378, (1031), 1049, 1 0 5 4 -1 0 5 5 , L e L ea n n e c A. M., (1415).
1380, 1390. 1058, 1059, (1067), 1377. L e l o n g P., 98, 443, 1202.
L a c assin P., 1355, (1411). L a po r te Y., 235, (235), 236. L e l u t F., 68, 71, 79, 81, 92.
L acoste G., (1413). L a r r o u s in e , 868. 105, 172, (172), 907, 989,
L a c o u r t J., 1368, 1369, L asègue Ch., 81, 92, 142, 1180, 1187, 1213, 1217.
(1414). 152, 221, 222, 223, 406, L e M a g n e n J., (249).
M. P.,
L a c r o ix - H e r p i n 422, 425, 4 4 9 , 523, 731, L e m a ir e , 602.
1361, 1394, (1409). 7 3 5 , 736, (740), 7 4 3 , 802, L emos M., 230, 288, 931.
L a c ub e P., 471, (471). 975, 1214. L emoyne L , 165.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1517

L em perier e T., 593, (601), (377), 447, 456, 462, 480, L u g a r e si E., (495), 501,
(1414). 484, (674), 954, (955), (501), (508).
L engerman R. R., 509. (981), 9 5 4 -9 5 5 , 1 3 1 0 . L u k ia n o w ic z N., 105, 132,
L ennox M. A., 942. L ib er so n W., 613, 614, 1356. 317, 324, 1282.
Le N y J. F., 977. L ic h t e n s t e in I., 550. L u k in o v ic h N., 554.
L enz H., 497, (497). L id e l l , 977. L u n d M., 254, 932.
L e o n h a r d K., 138, 151, 363, L ie b a l d t G., 151, 241, 246, L unn V., 131-132, 283, 284,
457, (461), 462, (486), 775, (248). 285, 287, 324.
7 8 8 , 1293. L iébault A., 882. L uquet P., 13, (13), (274),
L epoire J., 286, 287. L iebert R. S., 560. 297, 317, 324.
L ereboullet J., 284, (1413). L il ly J. C., 110, 615, 684, L uys J., 89, 447, 918.
L e r i A., 702. 685, 6 8 7 , 690. L y a g er T., (1413).
L e r ic h e , 287, 1360. L indberg B. J., 1282. L y c k o w it z FI. H., 172.
L e R oy, 112. L indemann E., 606, 1381. L yet R., 192, (192).
L eroy B., 138, (162), 174, L indqvist, 283.
868, 1309, 1327.
1010, L in d lsey D. B., 701, 707.
L eroy Cl., 494, (494), (1456). L in d sl ey O. R., 207.
L eroy E. B., 262, (264). L in n L., (703). M
L eroy R., 453, (486). L insenn R., 667.
L etailleur M., (1413). L in t o n H. B., 587. M a b il e a u J. F., 522, 526.
L eu b u sc h e r , 89. L in t o n R., 1187. M abille, 366, 929.
L e u l ie r , 465. L ip k o w it z , 1192, (1193). M a c a l p in e L , 996, 997, 999,
L eupold E., 990. L ip p M. R., 529, 531. 1001, 1003, 1038.
8 8 , 92, 802,
L eu ret, 8 5 , L ip p m a n C. W., 324, 357, M acario M., 308.
966, 1349, 1350, 1353, 492, 507. M acC leary R. A., 1149.
1375. L ip p s Th., 111, 990. M acD ougall J. C., 1377.
L eveque M ., (1411). L ittré K. D., 557. M a c G innies , 63, 1148.
L evi K., 1282. L ittré , 79. M ac G r o u g h J. L., 521.
L e v in M., 172, 207, 1080, L itwin C. H., 600. M achoulam R ., 525.
(1080), 1082, 1084, (1084,) L evinson H., 227. M achover S., 113, 114.
1192, (1193), 1227, (1227), L l o p is B., 746. M ack J. E., 1066, 1141.
1259. L lo y d D. R., 235. M acL ay W. S., 630.
L ev in e A., 554, 575. L o -C a sc io G., 138, 1009, M acP herson J., 1178.
L evine S., 574. 1282, 1309. M acrovitch R. L, 1282.
Levitan H. L., 270, 324. L oegren L. B., 297. M adekovitch G., 453.
L evy A., 1388. L cewe S., 526. M adow L., 6 8 3 -7 1 0 , 1262.
L evy E. Z., 688, 692, 697, L œ w e n s t e in R., 356, 868, M a d r é Mme J., (1413).
1196. 943, 944, 996, 1001. M a e d e r , 994.
L evy G., 362, 374, (374). L o fg e n L . B ., 317, 324. M a g n a n V., 89, 92, 93, 142,
L evy R., 1356. L o g a n C. R., 549. 152, 190, (205), 221, 223,
L evy-Schoen A., (103). L o g r e B., 258, 506, (751), 255, 425, 447, 4 4 9 , 450,
L e w inB. D., 1009. 829, 830, 876. 451, 5 2 3 , 713, 7 2 6 , 727,
L e w inK., 798, 1079, (1079). L o h m a n n , 643. 7 3 1 -7 3 3 , 736, (740), 743,
L e w inL., 158, 5 0 9 , (509), L o n g -L a n d r y Mme, 1203. 802, 803, 834, 861, 871,
604, 616. Loo H., 513, 528, 584. 907, 975.
L ewinsohn P. M., 741. Loo P., 1361. M a g o u n H. W., 552, 1081,
L ewis A. B., 293, 324. L oomis, 139. 1084.
L ewis I. M., (308). L o p e z I bor J. J., 323. M a h l G. F., 953, 1299.
Lewis J. L., 609. L o p e z Z a n o n A., 241, 246, M ahler D. J., 521.
L e w is N., (293), 324. (248). M ahon , 579.
L e y r it z J., 329, 352, 371, L oras O., (138). M ahoudeau, 254, 1367.
(377). Lorente de N o , 1095, 1285. M aier Fl. W., 513.
L eyritz M. M., (1414). Loughmann W. P., 548. M a il l a r d J., 530.
L eyser , 458. L ower R. B., 297, 324. M a in e T. F., 677, 1389.
L h er m it t e F., 553, 554, L owett J. W., 576. M aïo D. d e , 2 4 9 , 2 5 1 , 2 5 2 -
1310. L u b in A., 690. 253, 255, 257, 258, 259,
J., 64, 107, 120,
L h e r m it t e L uby E., 513. 260, 264, 784.
122, 131, 132, 133, 138, L ucena J., (543). M airet, 822.
150, 1 5 1 , (162), 241, 270, L u c ia n i , 915, (915), 919. M aison M., (1415).
287, 290, 3 0 8 , 319, 321, L u d w ig A. M., 574, 708, M akang M a M bog M.,
(323), 329, 338, 350, (352), 710. 1187.
354, 157, 363, 364, 374, L ugano , 929. M alam ud N., 469, 470, 474.
1518 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

M alan D. H., (1409). M atefi L., 615. M e g g e n d r o f e r , 191.


M aldiney H., 1251. M a t h é , 568. M e h r h o f E. G., (264), 784.
M ale P., 1384. M a t h is , (1414). M e ig n a n t P., 254, 459.
M a le t J., (457). M attos E., 1262, 1263. M einong , 1185, 1248.
M alineau R ., 1355, (1412). M atu ssek P., (51), 96, 394, M eissner U., 235, 267, 820.
M alitz S., 124, 579, 636. (394), 395, (443), 756, 775, MELANGER B., 519.
M aldum B. S., 593. 784, 804, 812, 813, 1259, M elges F. T., 528.
M am-Sonn , (146). 1272, 1279. M e l l in a S., 921, 1300.
M andala, 681. M aupertuis de , 1076. M elm a n Ch., 1259.
M anitoba, 135. M aurel H., (1413). M e n a n t e a u , 474.
M ann D., 937. M aury A., 83, (98), (161), M e n d e l G., 267, 270, 323,
M a n n o n i M .,270, 274, 323, 174, 1010, 1180, 1233, 803, 852.
792, 1193, 1387, (1410). 1309. M endela, 1196.
M a n n o n i O., (1180). M auss, 387. M en d e lso n J. H., 687-697,
M a n s J., 1366. M ay R., 1250. 700, 708.
M arburg , 505. M ayendorf N. v o n , 54, 352, M enninger K., 746, (1409).
M archais P., 862, (862). 455, 486, 922, (922), 924, M enninger L erchenthal,
M archand L., 255,287,288, 931, 933, (980). (132).
455, 469, 474, (474), 480, M a y er W., 454, 836. M entzos S., 713.
M a y er -G ross W., 95, 96, M e r ic c i , 1282.
482, 494, 496, 497, (497),
499, 500, 502, 506, 507, 145, 159, (177), 256, 286, M e r k l e n , 500.
(508), 1307, 1310. 296, 339, 348, 382, 412, 11, 28,
M e r l ea u -P o n t y M .,
422, 459, 502, 564, 572, 31, 32, 47, 55, 58, 59, 60,
M arconi J., 1282. 627, 628, (629), 637, 638,
M arcou G ., (1415). 65, 66, 96, 266, (266), 267,
654, 656, (656), (658), 730, 271, 274, 275, 276, (276),
M arc-Vergnes J. P., (1411). 740, 779, 799, 820, 836,
M areschal J., 674. 280, 290, 394, 395, 419,
891, 975, (980), 994, 1118, 648, (681), 913, 1040,
M arfeld A. F., 1098. 1249, 1279, 1331, 1333.
M arforio S., (486). 1074, 1105, 1108, 1109,
M ayora F., 1357. 1110, 1111, 1117, 1123,
M argarit J., 1372.
M a za r s G., 177, 1405, 1125, 1133, 1134, 1143,
M argat P., 1370, (1415).
(1411). 1152, 1153, 1154, 1157-
M arguery, (239).
M ariategui J., 513. McA ll R. K., 308, 324. 1158, 1250, 1256, 1288,
M a r ie A., 450. M c C artney W., (249). 1334.
M arijnissen R., 30. M c C awey, 593. M er l is S., 514,605,613,614,
M arinesco, 353. M c C oll J. D., 611. 636, 657.
M a r k s P. A., 686. M c Court W. F., 615. M essimy R ., 367.
M a r r a z z i A.S., 517, 521, M c C ritchley , 322. M ettler, 455.
549, 554, 555, 556, 557, M c C ulloch W. S., 1094. M etzner R., 565, (600),
(558), 564, 574, 611, 612, M c D o nald C., 784, 786, 676.
614. 1282. M eumann E., 456.
M ars L., 308, 324.
M c D o nald J. S., 547, 549, M e u n ie r R., 530, (543).
M a r sh a l l W. H., 561, 942. 1309. M e u r ic e E., 490, (490), 492.
M a r tel Th. d e , 151, 334, M c G augh J. L., 575. M euriot , 868.
356, 361, 447, 469. M c G il l T. E., 685, 692, 693, M eurisse G., (543).
M a r ten s S., 519.
694, 697, 699, 707, 1196. M ey er A., 94, 1358.
M artimor E., 262, (264). M c I l w a in H., 609. M eyer H. H. v o n , 482, 487.
M artin A. J., 579. M cK egney F. P., 885. M eyer J. E., 77, 135, 137
M artin D. d e , 314. M c K el la r P., 631, 635, 651, (note), 138, 142, (162),
P., 229, 491, 889,
M a r t in 693. (294), (323), 355, (377),
895, 930, 1331. M c L ea n A. F., 456. 479, 481,(481), 493, (493),
M artin W. L., 1356. M ead M., 1187. 779, 933, 1293.
M artis D. de , 324. M echaneck R., 579. M eyer R. E., 529.
M arty R ., 613. M e d a k o w it c h G., 453, M eyerso n L, 992, 1023,
M a s c io c c h i A., 1369. (486). 1024, 1025, 1026, 1055,
M a sq u in , 453, 480. M edenet I., 1372. 1056.
M asselo n , (231), 409, 719, M e d l ic o t t R. W., 172, M e y n e r t Th., 89, 135, 447,
753, 818, 1203, 1216. 1192, 1193. 860, 907, 915, 976, (980),
M asserm an J., 1080, (1080). M e d u n a v o n , 147, 458, 460, 1017.
M a ssio n , 254. 1356, 1357. M ezner R ., 509.
M asters R. E. L., 672. M ee r o v ic t h R. I., 270, 314, M ic h a u x L., 71, 125, 495,
M asur J., 525. 321. 1193.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1519

M ic h e a C. F., 81, 83, 85, M o n ro e R . R ., 503, 519, M ounier E., 1078.


218, 330, 714, 1180, 1213, 555, 607, 614. M o u n tc a stl e V. B., 235,
1277. M o n t a g u A., 234, (248). 236, 268.
M ic h e l e t t i V., 481, (481). M ontanari C., 122,576. M o u r e n P., 1 1 9 , 120, 153,
M ic h o t t e A., 60. M ontanini R ., (495), 505. (162), 191, 2 2 2 , 324, 3 3 4 -
M ic k l e r W. A., 451, 860. M ontassut M., 371, (461). 3 3 6 , 347, 355, 357, 358,
M ic o r ey M., 1217. M o n t e l Ch. d e , (1015). 450, 453, 480, 490, (725),
M id e n e t Mme J., (1415). M o n t e v e r d e , 775. (740), 1277, 1311, 1325,
M ie su t N., 1158. M ontmolin G. d e , 61. 1334.
M ig a u l t P., 721. M o r a x , 354, 469. M o u r g u e R., 62, 64, 79,
M ig n a r d M ., 384, 394. M oreau de T ours J., 81, 92, 8 8 -8 9 , (98), 114, 117, 119,
M ig n o t H., 95, (95), (385). 95, 153,244, 330, 380, 381, 134, 165, 185, 2 0 5 -2 0 7 ,
451, 468, 935, 1 2 3 4 , 1 3 8 7 . 383, 3 8 4 -3 8 7 , 387, 393, 254, 257, 2 8 8 , 289, 292,
M il a n A., 1369. 394, 412, 427, 434, 443, 305, 337, 342, 343, 352,
M iles J., 284, 286. 510, 528, 529, 530, 5 3 2 - 357, 363, 364, 3 7 0 , (377),
M il e t t o G., (1414). 5 3 4 , 5 3 9 -5 4 0 , 541, 542, 379, 390, 447, 462, (486),
M iller A ., 569, 738, 777. (543), 578, 579, 636, 661, 647, 709, 904, 9 0 6 , 917,
M iller D. M ., 1097. 662, 664, 677, 742, 748, 919, 9 2 0 -9 2 2 , 9 2 7 , 932,
M iller E., 1411. 753, 907, 974, 976, 977. 955, 973, 9 7 7 -9 7 9 , (980),
M il l e r G. A., 1079, (1079). 1000, 1227, 1232, 1233, 1010, 1072, 1078, 1 0 9 2 ,
M il l e r N. E ., 977. 1 2 3 4 -1 2 3 8 , 1247, 1250, 1143, 1145, 1180, 1181,
M il l e r -G u e r r a , 324. 1258, 1270, 1350, 1353, 1216, 1228, 1247, 1294,
M il l e r - K r eu ser E ., 456, 1359, 1360, 1368, 1375, 1295, 1299, 1316, 1317,
1293. M oreau P., (1193). 1322, 1333, 1360.
M il l e t t o G., (1415). M o r el F., 113, 118, 153, M ourly-Vold , 369.
M il l o n M ., 177, 230. (153), (162), 177, 230, 231, M oyra W., 325.
M il o n d i P., 152. 355, 3 7 5 , (375), 523, 643, M ueller-L yer H. A., 560.
M in k o w s k a Fr., 502, 627. 705, 7 0 6 , 734, 736, 802, M ulder D. W., 492, 493.
M in k o w s k i E ., 1, 28, 46, 860, 922, 9 2 3 , 9 3 0 , 948, M ullan S., 359, 492, (492),
57, 58, 62, 65, 95, 96, 215, 1 3 2 6 , 1330. (508), 953.
3 0 0 -3 0 1 , 384, 393, 394, M o r el P., 1371, (1411), M ü l l e r J., 54, 80, 82, (161),
(394), 395, 714, 7 1 5 , (740), (1413). 344, 476, 479, 481, 483,
746, 756, 780, 781, 821, M o r en o J. L., 1383, 1 3 8 6 , 607, 636, 653, 906, 907,
975, 1 0 4 0 , 1247, 1250, (1386), (1410). 9 1 1 -9 1 4 , 918, 925, 937,
1 2 5 1 , 1256, 1279. M orgenstern F. S., 285. 956, 1010, 1012, 1 1 2 3 ,
M orgoules J., 286, 325. 1125, 1127, 1133, 1134,
M ir a r C. J., 525.
M orris F., 324. 1136, 1142, 1169, 1214,
M it c h e l l - H e g g s , (1412).
M orris G. O., 690. 1291, 1324, 1327.
M it c h e l l Silas Weir, 138,
285, 616, 630, 657, 1309, M o r sel li G. E., 159, 314, M u l l e r M ., 1354, (1411).
1327. 382, 521, 616, 625, 629, M uller P. H., 529.
636, 860. M uller-L yer, 691, 1161,
M it iv ie r M ., 1350. M or sier G. d e , 27, 115,1 1 6 ,
M it t e l st a r d t H., 1095.
1185, 1260.
(116), 117, 118, 119, 120, M u l l e r -S u u r H., 96, 394,
M iy o sh i A., 596. 122, 124, 150, 151, 152,
M o d el l A. H., 216, 225, 755, 756, 804, 871, (871).
(162), 230, 232, 253, 254, M u r k H ., 89, 343, 911, 914,
636, 1280. 283, (323), 334, 342, 3 4 4 ,
M ole M., (674). 915, 943, 977, 978.
(352), 356, 362, 363, (377),
M ö ll er A. G., 607. M u n r o H., 1228.
379, 447, 479, 480, 481,
M ö l l e r O., 506. M u r g u ia D. L., 293, 324.
484, (487), 702, 7 0 3 -7 0 4 ,
M o ll et F., (1413). 705, 922, 9 2 3 -9 2 4 , 9 2 5 , M urphree FI. B., 549.
M o n a k o w C. v o n , 165, 254, M u r p h y D. B., 6 8 5 -6 9 7 ,
927, 928, 930, 937, 946,
305, 390, 447, 462, 914, (9 5 5 ), 958, (980), (981),
1009, 1147, 1196.
915, 978, 979, 1077, 1078, 1296, 1297, 1305, 1 3 1 1 , M urphy G., 63.
(1078), 1 0 9 2 , 1 2 2 8 , 1247, 1 3 1 6 -1 3 1 7 , 1326, 1330. M u r r a y E. J., 1262.
1294, 1305. M ortimer O., 324. M uscatello C. F., (710),
M o n c e a u x J. P., 1368, 1369, M oruzzi G., 552. 1303.
(1414). M oscatelli G., 456, 466, M utze O., 996.
M o n iz E., 1357. 467, 469, 470, (487), 935, M ’U zan Michel de , 13, (13).
M o n k , 1261. 1293. Muzio J. N., 564.
M o n l a u P. F., (79). M o ta A., 114. M yers T. I., 684, 6 8 5 -6 9 7 ,
M o n n ie r M ., 518, 555, 592. M otokawa K., 112, 938, 1 1 9 6 , (1410).
M o n o d J., 1094, 1438, 1450. 9 4 1 , 1286, 1332. M yklebust H. R., 705.
1520 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

N O esterreich T. K ., 308, P a p v o n , 453.


(323). P a p e z , 254.
N a c h in C., (1411). O ffner, 1356. P apillon , 684.
N acht S., 216, 397, 443, O kuma T., 784. P a p o I., 253.
111, 820, 997, 1034, 1039, O l d f ie l d R. C., (270), 323. P aquay J., (1414).
1040, 1048, (1067), 1280, O leron P., 705. Pa r a ir e J, 1362, (1413).
1377, 1378. C., 522, 531,
O liev en stein P a r c h a p p e , 83, 89, (89),
N a e g e l i , 354. 584, 1372, 1399. 330, 383, 918, 1180, 1234.
N a g a tsu k a Y., 691, 700. O llivier, 1349. P ardes H., 191, (377), 523.
N a g er a H., 71, 172. O lsen , 283. P a r e t t i E., 861, (895).
N a h o s G., 525, 531. O mbredanne A., 465, (486). P arhon C., 42.
N a k a jim a H., 549, 592, O nken h o u t L. A., 1370, P a r in a u d , 108, 875, 1184.
(601). (1415). P a r k in s o n D., 151.
N andy K., 551, 556. O o s ip h il e , 1203. P asamanik, 1261.
N applel, 112. O p h u is je n J. H. W. VAN, P ascalis G., 273, 323.
N aquet R., 593. 1038. P asche F., 1052.
N ardi I., 463. O rbach J., 323, 324. P a sq u et , 371, 375.
N aruyania K., 700. O rgass B., 276, 284, 319. P assi T ognazzo D., 117.
N athan P. E., 328. O rne M. T., (895). P asso u a n t P., 115, 138,
N athanson M., 284. O r s in i F., 569, 575. 1293, 1311.
N ava V., 169. O sel, (79). P astor J. T., 286.
N avarran P., 376. O sg o o d , 310. P aternello L., 1370, (145).
N a v ille E., 344, 483, 927. O sm ond H., 159, 511-520, P a terson D. S., 1356, (1410).
N a z a k a w a A., 251, (252), 522, 544, 545, 546-566, P atzig B., 608.
260, 262, 263, (264), 784. 568, 569, 570, 573, 574, P a u g e t , 1367.
N eff W. D„ 1163, (1163). 575, 576, 577, 578, (590), P a u l S., (1414).
N e u m a n n , 746. 592, 593, (601), 605, 607, P a u l e ik h o f f B., 341, 392,
N eunberg, 294. 608-615, 616, 621, 628, 756, 791, 804, (819), 820,
N eu sta d t, 458. 636, 647, (658), 676, 702, (822).
N eveu P., 222. 1382. P aumelle P., 1388.
N icolas M., 1360. O s t a p t z e f f - L a v o in e M., P a u w e l s R., 1364, (1412).
N icolas-C harles Mlle P., 1373. P a vlov I., 977, 1081, 1097.
(601). O s t a pt z e ff G., 1373. P a yne R. W., 784, 1261,
N iederland W. G ., 997. O stfeld A. M., 513. 1282.
N ielsen J. B., 283, (1413). O st o w M., 132, 133, 270, P azat P., 229, 365, 706, 930,
N ieto G omez D ., (601). 324, 715. 1331.
N odenot L. E., 453. O t t o n e l l o P., 705, 929. P ea r lm a n C., 736, 1262.
N o d et Ch., 831, 1052. OUGHOURLIAN J. M., 520. P earson J., 132.
N oell W. K., 938, 941, O ules J., (1415). P eisse , 83, 269, 907, 1180,
(941), 1287. O ury J., (1409). 1234.
N o g u e J., 250, (250), 251, P elicier Y., 513.
254. W., 54, 112, 151,
P e n f ie l d
N ols E., (1414). P 165, 230, (232), 254, 268,
N ordman, (377). 356, 359, 361, 364, 367,
N oseda M., 251, 258, 259, P ace R., (1484). 447, 467, 470, 476, 491,
(264). P acello, 1356. (492), 492-493, 494, (508),
N oy P., 13. P a c in i , 235, 267. 552, 652, 935, 943, 945-
N oyhas, 191. P age I. H., 556. 953, (981), 1292, 1293,
N u n b e r g H., 297, 315, 997. P ages J. C., (102), 102, 1296, 1297, 1299, 1300,
N u r ie g a G., 513. 1139, (1163). 1305, 1310, 1298-1300.
N y d er J., 997, 1001. P a g o t R., 1370, (1414). P ennes H. H., 579.
P a h n k e W. N., 678, 681. P enta P., 1311.
P a il la s J. E ., 178, 251, 253, P eo n H., (955), 979.
O 254, (264), 286, 324, (367). P erdriel G., (102).
P a l a z z io l i M., (498). P er e t z D., 605.
O berndorf, 297. P alem R. M., 501, (501). P erez de F rancisco C., 592,
O biols J., 1363. P a n k o w G., 270, 274, (274), (601).
O blin M., 493, (493). (297), 314, 315, 317, (323), P er ie r M., (1415.
O chs S., 611. 324, 782, 1280, 1378, 1402, P erivier Ed., (1415).
O ’C o n n o r M., 685, 710. (1410). P eron A., (308).
O d y , 1358. P anse F., 257. P erot P., 947.
O economos, 323. P aoli Marcel, 710. P erret A., (1413).
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1521

P erria J., (364). PlORRY, 1233. P urkinje , 1327.


P errien, 258. P ir e t J. M., 1368. P urpura D. P., 555, 560.
P errier A., 882. P ir o n H . T ., 3 0 . P ustell Th. E., 1148.
P er r ie r M., 1370. P it r e s , 147, 262, 263 , 860- P utzl , 283.
P e r r in J., 1363, (1414). 861, 868. P yle W. A., 1150.
P errinet , 527. P it t s W., 1094.
P erroti N., (294), 297, (323), P later F., 79, 929.
324. P laut F., 371, 451, 452-453,
P ertuiset B., 268, 285. (486). Q
P eter A., 122, 123, 270, 336, P loger A., 684.
338, 358, 361, 931, 1312. P l o k k eb J. H., 13. Q uastel J. H ., 609.
P eter J. P., 324. P lo t sc h e r A., (498), 501, Q u ercy P., x ii, 46, 47, 53,
P eters G., (486). (501), (508). 68, (68), (98), 105, 107,
P eters U. H., 657, 804, 805. P o ec k K., 270,276,284, 285, 108, (113), (114), (162),
P eter so n E. A., 685. 319, 323, 324, 325. 169, (169), 171, 175, 221,
P e t it G., 86, (98), 136, 145, P oggendorff J. C., 1185, 231, (335), 352, 358, (377),
198-202, 213, 218, (231), 1260. 379, 382, 409-410, (486),
328, 443, 456, 1215, 1354. P ohl O., 138, 364, 1311. 616, 625, 626, 628, 632,
P e t it J. M., 506, 510. P ojella E., 253. 633, 674, 749, 984, 989,
P e t it P., (474), 1366. P ollack M., 1142, (1142), 1158, 1177, 1180, 1187,
P etit-D utaillis D., 284, 1304. 1188, 1197, 1202, 1203,
287. P ollard J. C., 697, 1196. (1203), 1205, 1216, 1221,
P e y t o n , 1358. P ollatin Ph., (462). 1247, 1259.
P fe iff er C. C., 466, 519, 562, P o l l in W. J., (1258). Q uesler H ., 1093.
(562). P oloni A., 556, 557. Q u e t in A. M., 573, 591,
P feiffer J., 1094. P o ly a k St. L., (102), 1165, (591), 592, 593-596, 599,
P feiffer W. M., 1187. 1292. (601).
P fersdorff, 836. POMERAND G., (582). Q u e y r a t , 718.
P flüger, 112. P omme B., (460), (464).
P hilipson R., (543). P oncet M., 284.
P ia g e t J., 60 (n o te ), 112, P o n ta lisJ. B., (1031), 1049,
1010, 1076, 1077, 1080, 1054, 1055, 1058, (1067), R
1092, 1108-1109, 1120, 1377.
1132, 1151, 1161, 1288. P opham R. E., 590. R abbiner, 458.
P ic a r d J., 497, (497), 1360, P o po v E. A., 977, 979, (980). R abkin R., 52.
(1412). P o r o t A., 258, 525, 527, R a c am ier P. C., 159, 216,
P ic a r d P ., 354, 371, 376. 530, 531, (543). 397, 443, 628, 685, (710),
P ichler E., 357. P orot M., 513. 777, 820, (885), 892, 997,
P ic h o n E., (465), 1239. P orta A., 314. 1034, 1039, 1040, 1048,
P ic h o t P., 593, (601), (1414). P ost F ., ( 1 4 1 1 ) . (1067), 1280, 1363, 1377,
P ic k A., 915, 932. POSTEL J., (1415). 1378, 1384-1388, 1389,
P ic k H. L., 165, 185, 269, P o stm a n L., 61, 63,103,168, (1390), 1398, 1402, (1410).
270, 284, 285, 319, 323, 1147, 1148. R acker H., 1021.
344, 354, 363, 484, (980), P ö t z l O., 117, 122,123,150, R a c l o t M., 616, 1402,
1313. (162), 283, 334, 338, 350, (1410).
P id o u x H., 308, 324. 356, 357, 358, 470, 476, R a d u , 255.
P ie l m a n n J., (1414). 484, (492), 492, 643 , 931- R a in a u t J., 1370, (1415).
P ie r c e C. M., 553. 932, 946, (980), 1011, R a in er J. D., 229, (377), 705,
P ie r o n H., 60, 117, 249, 1195, 1300, 1308, 1310, 706, 775, 929.
1124, 1130-1131, (1150). 1313, 1314, (1315). R ajotte P., (1414).
P ierr e R., 554. P o w d e r m a k e r F., 1384. R amadier, 937.
P ie r r e t , 454, 455, 486, 702. P owitzkaja R. S., 457, R amamusthi,254,492,(492).
P il l a r d R. C., 529. (463). R amon y C ajal, 920.
P il o n L., (889), (895), 1359, P ratt G., 665. R amsey G. V., 60, 63, 701.
1364, (1413). P r a t t R. T. C., (466), (486). R a n ce A. M., (1413).
P inard W. J., 697, (697), P ribram K. H., (1079). R a n c o u l e M., 138, 151,
363,
703, (703). P riori R., 44. (364), 456, 457, (457), 459,
PlNCHARD A., (1414). P rokop H., 513. (461), 461, 462, (463),
P ineas, 283. P rusmack J. J., (601). (487), 615, 636, 954, 1311.
P inelli P., 522, 612. P u e c h P., 254, 1399. R a n k O., 13, 133.
P in h o A. R., 527, 528. P u jo l R., 260, 262, (264), R apaport D., 13, (13).
P into G., 354, 355. 465, 486. R apaport R. N., 1390.
1522 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

R appaport M., 189. R id d o c j , 286. R o sensto c k J. M., 1148.


R a ppa rd Ph., 1396, (1409). R id ja n o v ic S., 1264.' R o se nt h a l R ., 570, (955).
R asadmir, 1369. R iese W., 284, 285, 1081, R osenzweig N ., 708.
R asm ussen T., 268 , 470, 1082, 1084, 1085, 1293. R o solato G., 3, 213, (213),
508, 947, (981). R iesen A. FI., 7 0 1 -7 0 2 . (266), 270, (274), 317, 324,
R attuff F., 938. R ig a l J., 1363, 1373. 777, 1383.
R a t z Ph., 276. R iggs L. A., 62, 938. Ross W. D., (479).
R a u c h S., 164. R in a l d iF., 549, 552, 554, Rossi A. M., 684, 685, 688,
R aymond F., 861. 555, 611. 690, 699.
R e b u c c i G. G., (1412). R in k e l M., 513, 518, 519, R o t h B., 138, 364, 456, 922,
R ed a G. C., 202, 593, (599), 549, 556, 562, 578, 579, 1293, 1309, 1310.
(601), 861, (895), 1215. 657, 1353, 1354, (1411). R o t h Mlle M., 869.
R edalie L., 453, 868. R ip p s H., 1140, 1141. R o t h b a l l e r , 518.
R edlich , 229, 358. R iser M., 1368, 1399. R o t h l in E ., 547, 549, 550,
R ees L., (1411). R it t e r C., 112. 551, 557, 977.
R e g is E., 135, 142, 147, 152, R it t i A., 55, 89, 383, 483, R o t l if F., 941.
153, (161), 177, 178, 190, 484, 747, 919, (921), (980), R o t o n d o FF., 615.
221, 229, 231, 263, 366, 1180, 1246, 1296. R o t t e n b e r g , 461.
411, 422, 4 2 5 , 4 4 8 , 449, R ivers W. H. R., 635. R o u a r t J., (42), 1 8 7 , (187),
450, 451, 464, 482, 520, Rizzo M., 779, 1176. 706, (1082), 1226, (1226),
523, 636, 705, 706, 727, R obert FF., (1415). (1229).
731, 7 3 5 -7 3 6 , 738, (740), R o bert M. P., 459. R o u b ic e k J., 554.
8 6 0 -8 6 1 , 868, 892, (892), R oberts B., (207), 277. R oubinovitch J., 714.
919, 920, 929, 931, 958, R oberts G. E., 606. R o u g e a n M., 451.
1246, 1270. R oberts L., (981). R o u g e u l A., 520, 613, (613).
R eil , 1180. R o b in so n J. T., 366, 491. R o u g ie r , 4 5 4 , 455, (486).
R eim e rFr., 141, (162), 338, R obinson P. K., (508). R o u h ie r A., 124, 159, 245,
352, (352), 372, (377), 449, R o c h a L., 1360, (1412). 6 0 2 - 6 0 4 ,6 1 6 -6 2 5 , 619, 620,
450, 456, 480, 483, 484, R o c h e M., 519, 700. 625, 626, 629, 630, 631,
(486), 738, 740, 932, (981), R o c h e r D., 656. 632, 633, 636, 657, 658.
1293, 1311. R oelens R., (1409). R ousseau J., 1371, (1415).
R eitan R. M., 478. R o g er H., 178, 367. R ousseaux R ., 284, 286.
R eite M., 582. R o g er J., 264, 465, 486, 493, R oussel A., (123).
R eivich M., 550. (493). R ousselot, 207.
R ektor L., 448. R o g er M. J., (1413). R o u tso n is C. G., 483, 1307.
R e m e n c h ik A. P., 314, 324, R o g n a n t J., 1383, (1410). Roux M. L., 273, 279, 324.
. 781. R ohmer F., 736. R o vetta P., 611.
R émond A., 1145. R ohracher H., 9. R o y er P., 451, (453), 1307.
R e m v ig J., 187, 705. R o jo -S ie r r aM., 521, 579. R u b e n o v it c h P., 7 2 7 -7 3 0 .
R é m y , 1366. R o k h l in e L. L., 977, (981). R u b e r t S. L., 255, 257, 259,
R enna J. C., 287. R ondepierre J., 474, 1356. (264), 784.
R e n n ie I. D., 183, 230. R o n t o r p S., (1413). R ubin , 691.
R ennie T. A., 493. R opert Mme M., 245, 606, R udler , 254.
R enschow S., 1151. 613, 625, (658). R uff G. E., 684, 688, 692,
R enzis G. de , 310, 324. R opert R ., 177, 1 7 8 -1 7 9 , 697, (710).
R e q u e t A., 1355, (1411). 180, 183, 185, 186, 2 2 9 - R u f f in i A., 234, 235, 268,
R e t i L., 605. 2 3 0 , 231, 232, 337, 338, 912.
R e t t e r s t o l N., (485), 804. 347, 352, 365, 366, 368, R u iz -M arcos, 102.
R e u c k , 1140. (377), 466, 705, 9 2 9 , 9 3 3 , R u m k e H. C., 821, 1274.
R evault d ’A llones, 1203. 935,937,958,1326, (1413), R üm m ele W., (601).
R evol L., 1365,1 3 6 6 , (1413). (1414). R u n g e W., 457, 483, (486).
Rey Ph., 454, (486), 677. R o sa n sk i J., 183. R u s h t o n W. A. H., (1138),
R hine J. B., 665. R ose J. E., 235. 1167.
R ibon J. F., (498). R osen H., 183, 553. R u sil e a N., 453.
R ib o tTh., 61, 978, 1077, R osen J. N., 1039, 1280, R utein B., 1310.
1145, 1227, 1 2 9 5 . 1 3 7 7 -1 3 7 8 , 1 4 0 2 , (1409). R uth B., 478, 1187.
R iccio A., 284. R o se nb l at t S. M., 736. R utkin B. B., 1300.
RicE W. B., 611. R o se n b l ith W. A., (62), 164, R u t o n i, 1185.
R ic h e r S ., 2 7 8 . 1094, 1138, 1142, 1163. R uyer R ., 55, 1 0 9 3 , (1093),
R ichter D., 608. R o se n b l u e th A., 1092. 1094, 1139, 1 1 4 2 , 1172,
R id a r d M., 1359, (1412). R o senfeld FF., 484, 1378. 1174, 1335.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1523

S S a vage Ch., 579, 580. K., 214, 380, 382,


S c h n e id e r
S a v a g n o n e E., (495), (506), 392, 393, 407, 428, 443,
Saavedra Al., 314, 324. (508). 448, 754, 755, 756, 786,
Saba S., (1361). Savelli A., 1373. 791, 804, 812, 1178, 1255,
Sa cchi U., 557. S a v o lti F., 522, 612. 1259, 1272, 1274.
Sachs, 13. Saxena A., 607, 611. S chneider P. B., 1384.
S a c k E. L. N. S., (1486). Schächter S., 684. Schneider R. C., 552.
Sä c k l e r M. D., 1357. Sc h a d e r M., 1401. Schnetzler J. P., 1366,
Sa d g e r , 297. Schaefer Th. J., 697. (1415).
Sagar , 79. Schaltenbrand, 468. S c h ob er W., 492, (492).
S a g r ip a n t i P., 572, 616, SCHATZMAN, 175, (175). S c h o e c h t e r - N a n c y , 258.
(1416). Schaub S., 1371, (1413). Schohr W., 483.
Sahanek O., 448. S c h a w E., 556. Schonfeld W. A., 323.
Saillant C., (243). S c h effer W., (1415). Schopp R. T., 611.
Sakel, 259. S c h eib el A. B., 364, (652), G., (31), 51, 62,
S c h o r sc h
Salomon K., 608. 690, 697, 955, (981), 1297, 89, 98,(443), 1153,(1248).
Salvatore S., 572. 1299, 1300, 1302, 1310. SCHRACK J. M., 174.
Sal y R osas F., 1363. S c h e ib e l M. E., 364, (652), Schrimer, 358.
Salzarulo P., 1262, 1264. 697, 955, 979, (981), 1297, P., 72, 124, (161),
Sc h r ö d e r
Salzman S. S., 113, 114. 1299, 1300, 1302, 1310. 329, 334, 352, 361, 377,
Sami-A l i , (1022), 1031. Scherrer J., 1292. 453, 477, 486, 641, 933,
Sami H ahmoud Ali, 323. Scherrer P., (1416). 1248-1249, 1253, 1277,
Sampaio B., 568, 704, 1407. Schevren, 1315. 1284, 1331.
Sampaio M. R. P., 528. Schiefer W., 469. Schrœder van der K olck ,
Samson R. A., (658). Schieldkraut J. J., 525. 918, 1299.
Samulak G., 1369. P., 459, 460, (460),
S c h if f S c h u e le r F. W., 607, 609.
Sanctis S. de , Voir à Santé 730, 820, 1037, (1037), S c h u l t e R. E., 482, 591.
de Sanctis. (1067). S c h u l t z D. P., 688, 707.
S a n d e r , 803, 1260. Schiffer K. H., 456, (486), Schultz J. H., 1382.
S a n d iso n R. A., 513, 547, 520. Schultz -H enke, 315, 1280.
579, (590), 605. SCHIFFERLI P., 113. Schumann H. J., 698.
S a n d r i M. R., 495, (495), Schiffman H., 685, 692, 693, Sc h urr P. H., (1411).
501, (508). 697, 1196. Schuster S., 283, 466.
S a n f o r d H. S., 468. Schilder P., 251, 253, 270, Schutzenberger P., 467.
S a n g e r , 476, 931,932, 1313. (270), 286, 294, 297, (297), Schwartz O., 894.
S a n g u in e t t i I., 151, 363, 315, 319, 320, 321, (323), Schw arz B. E., 492, 519,
374, 456, 470, 554, 613, 363, 369, (369), 456, 457, 555, 611, 615.
614, 954, 955, 1293. 480, 880, 1010, 1079, S c h w a r z L. H., 242, 275,
S a n k a r S. D. V., 548. (1195), 1300, 1308, 1313, 279, 323, 324.
S a n t é d e S a n c t is , 152, 257, 1315, (1315). S c h w e ic h M., 1402, (1409).
457. Schiller , 13. S c io r t a A., 364, 455, 462,
Santini M., 501. S c h ip k o w e n s k y N., 299, 954.
Santon M., (1496). 714. Scolombe A. G., 554.
Santos M., 528. Schirmer, 335. S c o t t M., 470.
S a n z F., 186, 231, 367, 932. B.,
S c h l e s in g e r 1080, S c o tt T. H., 685, 688, 689,
S aravay S. M., 153, 191, (1080), 1086, (1086). 690, 700.
230, (377), 523, 734. Schlichting U ., 509. S c o tto J. C., 513, 1371,
S a r g a n t W., 501, (501), S c h m id E. E., 554. 1394, 1395, 1396, 1399.
1399, (1411), (1412). Schmidt F. O., 1293. S c o v il l e , 1358.
S a r go ss , 513. Schmidt G., 361, (382), 394, Seaborn J ones G., 1407.
S a r tr e J. P., 1, 31, 66, 104, (443), (753), (1272), (1280). Searles H. F., (1410).
126, 138, 146, 175, 231, Schmidt P., (359), 490, 491, Sec h eh a y e Mme, 315, 777,
267, 271, 412, 426, 542, (508), (1180). 1039, 1280, 1377, 1378,
634, 760, 1250, 1309. S c h m it t W., 254, 334, 1412. 1402, (1409).
S a s k a t c h e w a n , 578. S c h n a l e r , 614. Sed m a n G., 44, 136, 186,
SATTAT H., 455. Schneck J. M., 138, 174, 202, 277, 287, (293), 323,
Sattes H ., 756. 881. 493, (493), 497, 569, 777,
Sauguet J., (118), 185, (461), C., 51, 96, 114,
S c h n e id e r 779, 1215, 1325.
1358, (1411). 219, 328, 339, 754. S eevers M. H., 607, 608,
Sauniers J., 166. S chneider D., (374), 478, 611.
Sauvage J., 1361. (478). S eg a l Jacob, (377), 906,939-
Sauver-F orner, 1376. Schneider D. F., 549. 940, 941, 1287, 1333.
1524 INDEX ALPHABETIQUE DES AUTEURS

Seglas J.,8 6 , 89, 92,93,116, Siegman A. W., 64, 1148. Sommer R., 63, 314,1148.
147, 189, 1 9 0 , 193, 2 0 4 - Sieper H., 525. Sonmereich C., (1412).
206, 207, 208, 211, 213, Sigg B. W., 531, (543). Sormani J., 481.
218, 219, (219), 220, 221, Sigwald J., 362, 455, 1363, Soulairac A., 1 3 6 0 , 1366,
2 2 3 , 229, (231), 269, 297, 1364, 1366, (1413). 1371, (1371), (1413).
3 0 1 - 3 0 2 , 304,3 0 7 -3 0 8 , 319, Silberer H., 635, 992, Soule M., 1377.
329, 339, 366, 382, 383, (1011), 1012, 1063, 1309. Souriac P., 256.
406, 410, 428, 443, 455, SlLBERMAN, 165, 367. Soury J., (335), 358, 904,
483, 484, 705, 714, 718, Silverman A. J., 694. (914), 930.
723, (740), 744, 753, 778, Silvers K. N., 191, 192. Spalding J. M. K., 455.
(803), 818, 851, 860, 861, Silverstein A. B., 576, 577. Spann W., 475.
868, 871, 872, 901, 916, Simmel E., (1409). Spanos N., 877, 882.
919, 921, 929, 974, 978, Simmel M. L., 284, 285. Spath E., 605.
(980), 9 9 4 , 1215, 1216, Simon J., 1383. Specht L. B., 606, 611, 804.
1218, 1250, 1296. Simon P. Max, 907. Spector E., 608.
Seguin , 931, 1313. Singer L„ 367, 376, 929, Sperling O. E., 1009, 1328.
Selbach H., 456,1293,1311. 1399. Spiegel J. P., 297, 324.
Selecki B. R., 325. Sinisi C., 504, (504). Spielmann J. P., (1413).
Selvini M. P., 270, 317, 324. Sivadon P., 1 3 8 7 . Spinks G. S., 674.
Semelaigne, 371. Sivick A., 501. Spitz R. A., 1017.
Semerari A., 133. Sizaret , 1370. Spoerri T. H., 225, 778.
Sem-J acogsen C. W., 554. SjOERASME, 549. Sprince H., 550.
Semon R., 917. Skinner , 177. Springaris M. G,, (543).
Semrad E. V., 1066. Sklar-W einstein A., 672. Srnec J., 554.
Serafetinides, 493, (493), Skurko T., (464). Staborinski J., 698.
504, 1368, 1373. Slater E., 502,5 0 3 -5 0 4 , 505, Stace W. T., 674, 676.
Serci M., (601). 779, (1411). Stafieri J. R., 324.
Sergeer G. V., 1357. Slater I. H., 557. Stahl G. E., 1125.
Sérieux, 89, 92, 93, 223, 230, Slavson G. R., 1 3 8 4 , (1409). Stanley W. J., (1414).
260, 451, 468, 505, 723, Sloane B., 579. Stanton J., 284.
744, 7 4 9 -7 5 1 , (749), 753, Slocum J., 684. Starcke A., 820, 1031, 1038.
801, 8 0 2 -8 1 1 , 814, 815, Slotta K. N., 607, 636. Stare F. A., 1196.
816, 851, 935, 995. Smart R. G., 548. Stark L. H., 574.
Serin , (453). Smirnoff V. N., 1004, 1014. Stcherbak, 288, 337.
Serko H., 159, 485, 616. Smith S., 691, 697. Steck H., 457, (457), 460,
Shader M., (1412). Smyth G. E., 285, 287. (463), (486), 820.
Shafer R., 63, 1049, 1147. Smythies J. R., 45, 64, 266, Stefanini, 1131.
Shagan C., 573. 271, 275, 323, 514, 516, Stefaniuk B., 560, 575.
Shakow D., 177, 777, 784. 519, 553, 558, 578, 579, Stein H ., (162).
Shannon C. E., 1 0 9 3 , 1094, 605, (605), 6 1 0 , 612, 613, Stein J., 119, 159, 236, (236),
1138, 1305. 628, 636, 1282. 347, 564, 627, 628, 637,
Shapiro Th., 323. Snejnevsky A. V., (981). 638, 646, 647, 648, 6 5 4 -
Shaw E. N., 513, 514, 517. Snow L. H., 6 8 3 -7 1 0 , 1262. 6 5 6 , (658), (912), 1110,
Shentoub S. A., 270, 274, Snyder S. H., 63, 525, (543), 1113, 1248, 1295, 1203,
323. 550, 1148. 1322, 1333.
Sherman M., 1192, 1193. Société de P sychologie mé­ Steinbuch K., 1092, 1093,
Sherrington Sir C. S., 978, dicale, 486. (1093), 1096.
1080, 1081, 1 0 8 7 -1 0 9 2 , Soghani, 616. Steiner, 502.
1092, 1097, 1113, 1127, Sogliani G., 572. Stenberg H., 513.
1286, 1333. Sokamoto K., 545. Stengel, 484.
Sherwood J. N ., 573. Sokoloff L., 551. Stenver H. W., 362, (362),
Shimitzu A., 207. Sollier, (131), 132, 147, 363, 364.
Shiranashi H., 554. 269, 297. Steriade M., (101).
Shirley, 1017. Solms H., 547, (1410). Stern F., 482, (482), 932.
Shmatko N. S., (1489). Solomon D., (543). Stern M. M., 1009, 1328.
Shurley J. T., 255, 279, 615, Solomon Ed., 530. Stern W., 59, 1109.
685, 686, 687, 689, 694, Solomon P., 110, 135, (207), Stevens J. R., (495), 503.
699. 615, 684, (684), 6 8 5 -7 1 0 , Stevens S. S., 254, 1124.
Shy G. M., 473. 1196. Stewart H., 1260.
Sichel C., 118. Solomon R. C., 513. Stewart O., 604.
Sidel , 703. Sommenstein, 998. Stewart P., 254.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1525

S t in g a r is M. G., 527, (543). T T imsit M., (1414).


Stockert F. G. von, 481, T inklenberg J. R., 528.
(481). T ab ar y J. C., 495. T islow R ., 611.
G. T., 626.
S t o c k in g s T a d a H., 691. T issot R., (150), 352, (510),
Stoland E., 1388. T aeschler M., 601. 563, (563), 927, 928, 1336.
Stolaroff M. J., 580. T a k a cs L., 293, 324. T it c h e n e r , 1133, 1150.
S t o l l W. A., 5 4 5 , (545), 5 4 7 , Takay Y. F., 612. T ix ie r L ., (496).
550, 551, 552, 571, 573, T a l a ir a c h J., 1359, (1411). T odd J., 44, 525.
576, 579, 580, (590). T a l l a n d G. A., 738. T o lo r A., 275, 323.
Stone T. T., 284. T also P. J., 314, 781. T o m k ie w ic z S., 318, 324.
St o r c h A., 269, 294, (394), T am a let J., 253, 254, (264). T o n in i G., 557, 576.
797, 836, 1279. T a m b u r in i A., 54, 55, 86, 89, T ö n n ies J. F., 1287, (1287).
S t o r in g T., 1293. 342, 861, 9 1 5 -9 1 9 , 936, T o n n is W., 469.
Storring G. E., 114. 1296. T o r r ig ia n i G., (498), 501,
Stotland E., (1410). T a n z i E., 89, 915, (915), 9 1 6 , (501), 1369.
Stourgh H., 122. 919, 9 2 0 . T orrubia H., 792, (1409).
Str a a tsm a B. R., (102), T a r a c h o w S., 466, 471, 472, T osquelles F., 1 3 8 7 , (1410).
1141, 1163, 1164. 473, (487), 9 3 4 . T oth S., 286.
S tr a n sk y E., 836, 929. T a r g o w l a R., 2 0 3 , (329), T oulet M., 1363.
Stratton, 120, 691. 354, 453, (486), 7 5 2 , (752). T oulouse E., 714, 929.
Straube W., 478. T a r o c h o v , 935. T ournay A., 119, 286.
St r a u s Ervin, 22, 28, 54, 58, T arsitano, 608. T owson H., 1377.
60, 63, 65, 66, 96,104, 166, T a sa k i I., 1139, 1285. T raub A. C., 323.
193, 225, 2 3 3 -2 3 4 , 237, T a ssin a r i A., (1490). T ravanky Ph., 529.
2 5 0 , (250), 255, 267, (269), T atossian A., 1 1 9 , 120, 153, T relat, 802.
271, 291, 394, 437, 636, (162), 191, 2 2 2 , 334, 336, T relles A., 1307.
654, 715, 778, (778), 913, 347, 352, 355, 358, 490, T relles O., (460), 1307.
977, 1014, 1040, 1 0 5 0 , (725), (740), 1277, 1311, T renel, 1354.
1 0 6 1 , 1109, 1 1 1 0 , 1 1 1 2 , 1325, 1334. T r il l a t E., 270, 2 7 4 , 323,
1 1 2 3 , 1125, 1147, 1153, T a u sk V., 215, 400, 777, 832, 324.
1 1 5 7 , 1178, 1280, 1289, 996, 1 0 0 4 , 1005, 1280. T r il l o t J., 354, 704.
S tr a u ss I., 466, 468, 471. T a v er n ier J. B., 1358, 1411. T r ip o d J., 607.
502. T a y lo r J., 1082, 1226. T ruc H., 354.
Strauss J. S., 379. T ees R. C., 691. T ruche Ch., 497, 500.
Ström-O lsen R., 1359, T el le n b a c h H., 2 5 0 , 251, T ruelle V., 456, (486).
(1412). (264), 715. T schermak A., 1142.
T e r so n , 354. T sinimekis, 456.
Stumpt C., 555, 912.
T euber H. L ., (335), 338, T u b e r , 369.
Stu r t e v a n t F. M., 553, 611. 357, 359, 1143, (1143), T u ffe t P., (1415).
Subra G., (1414).
S u e d fe l d P., 111, 683, 684, 1145, 1171. T u k e Hack, 860.
T hale T h ., 608, 636. T ulquin , 553.
685, 689, 690, 694, 6 9 8 . T h a le r V., 684, 692, 697. T unturi A. R., 164.
S u l l iv a n H . S., 94, 324, 777, T h e r r ie n R., (1414). T u r c i P. E., (1412).
793, 1039, 1377, (1409). T héry, 568. T u r n e r W. J., 514, 605.
Sullivan R., 1280. T hevenot J. P., (1415). T ym ons R., 1217.
Surrey, 1389. T hiebault F., 165.
Surstner, 483. T hiébaux M., 1363, (1413).
Sutherland J. D., 1384. T hieberge, 246. U
Sutter J. M., (360), (508), T hiele W., 324, 779, (779).
513, 1 3 5 9 - 1 3 7 3 , 1360, T h is C., 13, 1383. U en o H., 691.
1364, 1370, 1371, 1372, T homas J., (502), 1260. U exkull J. v o n , 62, (1079).
1382, 1 3 9 4 -1 3 9 6 , 1399, T hominet M., 1372. U hthoff W., 354.
1401, (1412). T homson, 655. U le K., 1150.
S vab L., (710). T hompson Ch. H., 602. U mbreit W. W., 553.
Svaetichin G., 1167, 1332. T hompson R. H. S., 557. U nadzé D. N ., 977.
Swann , 822. T houvenot M., (1415). U n g e r S., (580).
Swedjden J., 552. T huillier J., 592, (601), 606, U n g e r l e id e r J. T., 530, 582,
S w e e t W. H., 284. 609. (590).
S y kes E. A., 605, (605), 613. T hurner F. K., (1409). U r b a n H., 665, 944, 946.
S z a s z Th., 526, 565, 660, T hurstone L. L., 1260. V., (161),
U r b a n t s c h it s c h
1271. T ietz W., 1356. 178, 229, 366, 925, (925),
S z il a z i W., 1520. T il l e r P. O., 691. 929, 1011, 1314, 1327.
1526 INDEX ALPHABETIQUE DES AUTEURS

U rechia C. I., 453. Vie J., 256,288. W andering G., 79.


U sm a n , 5 2 7 . Villa G., (601). W apner S., 579.
U sunoff G., (1417). Villamil J. P., 231,470,652, W a r d R . H ., 5 7 6 .
U thoff W., 702, 927, (927). 957, (957), 1296, (1296). W ar m J. S ., 1 1 4 8 .
U znadze D. N., 1097. Villata E., (1476). W arren R. P., 1126.
VlLLAVERDE, 453. W arren W., 548.
VlLLIAUMEY E. M., 1371, W arrington E. K., 738.
(1415). W artel R., 1356.
V Vinar O., 587, 1359, (1412). W artenberg, 1131.
Vinavèr B., 45, 107. W asson R. G., 510, 591,
Vadenski, 880. Vincent C., 151, 331, 334, (591), 592, (601).
V alentin E. H., 565. 356, 361, 447, 466, 467, W atson C. W. M., (665).
V allade L., 1370, (1414), 469, 934. W atson W. J., 610.
(1415). Virel A., 579, 1180, 1382, W att A. C., 491, (491).
Vallet R., 482, (482), (487). (1410). W att J. M., 527, (543).
Vallon Ch., 455. Vitrogradova O. P., 776. W atts J. W., 1357.
Valois R. L. de , 942, 1141, Vizioli R., (495), (981), W a y n e G . G ., 2 5 2 .
(1141), 1167, 1332. 1300. W eale R. A., (1499).
Valverde F., (102). Vogel G. W., 1262, (1262), W eatley, 614.
V an Bogaert L., 120, 138, 1309. W eber, 998.
150, 151, 270, 283, 284, Vogel V. H., 607. W eber A., 730.
286, 329, (334), 350, 357, Vogt M., 643. W eber H ., 254.
362, 363, 364, 456, (461), VOITEKOWSKY M., 518. W eber W. C., 235, 358, 490-
(462), 954, (955), 1293, VÖLKEL H., 114. 491, (508), 1310.
1310. Volmat R., 1383. W ecknowicz T. E., 324,
Volstein, 457, 458, 459. 519, 522, 553, 555, 560,
V an den Bos, (1287).
VOLTA, 941. 575, 784, 1261, 1282.
Vangaard Th., 579.
Votava Z., (1412). W eech A. A., 548, 582.
V annier, 1360.
V ourc ’h G., 525, 531. W eider A., (576).
Varenne G., 509, 522, 584.
Varga L., 293.
Vujic V., 1282. W eidley E., 575.
Vurpas, 753, 809, 1247. W eidmann H. von , 551, 593,
Vaschide, 753, 809, 1247.
Vurpillot E., 112, plan­ (601).
Vedebeck Th., 251.
che VI. W eil B., 284, 285, 287.
Vejas, 500.
Vella G., 202, 324, 593, W eiman A. J., 283, 325.
(599). W einberg L. M., 561, (561).
W W einer M. F., 71,172,1192.
Velluz J., 1363, (1413).
V enables P. H ., 1261. W eingarten K., 120, 335.
W aelhens A. de , 216, 395,
Vercellino F., 776, 799. W einschenk C., 51.
443, 792, 794, (825), 857,
V erdeaux J., 520, 553, 554, 975, (994), 1015, 1057, W einstein E. A., 321, (321),
593, 613, (613), 797, 1078, 1065, 1067, 1074, 1250, 324, 325, (377), 482, 1190,
1250. 1251, 1255, 1256, 1271, 1334, 1335.
Verbecken J. L. T., 285. 1272, 1279, 1281, 1378, W einstein S., (710).
Verga E. P., 527, 528. 1380. W eischenk C., 1216, 1259.
Vermeylen, 453. W agner S., 270, 323. W eisenburg, 470.
V ermorel H., 1355, 1360, W alaszek E. J., 517. W eiskrantz L., 1167.
1368, 1410, (1411). W ald G., 1167. W eiss B., 1145.
V ermorel M., 1410. W alk A., 513, (590). W eissmann M., 456.
V ermory, 254. W alker K. E., 608. W eissman Ph., 13, (13).
V ernon J. A., 110, 615, 685- W allace G. B., 530. W eitbrecht H. J., 407, 713.
710, 1196. W allace J. G., (706). W eitmann H., 557.
Verwaeck P., 333, 354, 453. W allon H., 275,1077, 1151. W eizsàcker V. von, 54, 62,
Vetrogradova O. P., 784. W alsh J., 523. 66, 103, 119, 271, 347,
Viala A., 1371, (1415). W alshe Fr., 1082, 1084, (347), 462, 564, 654, 656,
VlALLET, 915. (1084). 912, 913, 978, 1010, 1110,
V iaud G., 653. W alter C. J., 1359, (1412). 1112, 1123, 1132, 1133,
V ictor M., 191, 222, 450. W alter W. G rey, 613, 700. 1143, 1145-1147, 1152,
Vidal J. C., 1262, 1264. W alther-B uël H., 335,466, 1157, 1168, 1249, 1294,
Vidart L., 284, 1406. 467, (487), 579. 1295, 1302, 1304, 1333,
Videbeck Th., 251,261, 262, W alton R. P., 525, 528, 1334.
(264). (543). W elch G., 691.
1 INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1527

W engerter K., 357. W ilson K., 151, 254, 256, YAP P. M., 273, 323.
W erner H ., 270. 288, 338, 357, 3 6 0 -3 6 1 , Y ates A. J., 1383, (1410).
W ernicke C., 5 5 , 72, 87, 89, 375, 491, (508), 935. Y oung H., 1127.
91,116,152,153, 191,212, W ilson N. J., (880).
221, 242, 247, 257, 269, W ilson R. E., 513, 573.
293, 2 9 4 , (323), 3 2 9 , 339, W ilson W. P., 775, 783. Z
371, 391, 440, 443, 447, W inkler W., 284, 286.
448 , 449, 450, 452, 456, W innicot D. W., 266, 270, Z achner R. C., (677).
457, 464, 477, 523, 636, 324, 1014, 1017, 1019. Z ador J., 159, 344, 373, 562,
725, 734, (740), 831, 860, W inter C. A., 553, 574. 599, 630, 633, 634, 637,
907, 915, 916, 932, 9 7 6 , W ispe, 63. 651, 652, 654,
6 3 8 -6 5 0 ,
993, 1214, 1246, 1248, W itman C. W., 1146. (658), 702, 703, 914, 9 5 6 -
1277, 1305, 1315, 1359. W itney G., 784. 9 5 7 , 1010, 1219, 1308-
W ertheimer M., 784, 1185, W itt P. N., 553, 575. 1324, 1333.
1251, 1261. W ittkower E. D., 308, 324. Z agdoun R., (814), 1003,
W est L. J., (55), (110), 124, W ittkowsky L., 355, 479, Z aimov K., (1417).
285, (486), 553, (558), 579, (479), 481, (481), 933, Z ambranchi, 246.
612, 636, 683, 686, 690, 1293. Z ambrano M., 513.
781, 783, 979, (981), 1262, W olbach A. B., 606. Z angwill O. L., 478.
1299, 1300. W olberg L., (880), 1375. Z anocco G., 324.
W estertep, 824. W olf G., 455. Z apparoli G ., 1006.
W eston W. J., 481. W olfensberger, 191, 449, Z arattini F., (1487).
W estphal, 451, 453, 454, 450. Z azzo B., 275, 276, 323.
860. Z eller, 746, 1237.
W olff D., 736.
W etzel A., 730. Z ellweger H., 547, 548.
W olff E., 116, (116), 122,
W exler D ., 709. Z erbin-R üdin E., (1258).
1 3 7 , 329, 3 4 1 , 361, (377).
W exler P. H., 687. Z iambianchi A., (248).
W eyer E. G., 1163. W olff P. O., 527, 530. Z ibetti A., (486).
W olinetz E., 113, 165, 361. Z iehen, 120.
W eyl B., (545).
W olner M., 1150. Z ielen V., 324.
W e y s e n b e c k H ., 1359,
W olstenholm G. E. W., ZlGLER E., 276.
(1411).
525, 527, (543). Z illig G., 477, (477).
W heatley A. H. M., 609.
W oLtring L. M., 271, 323. Z ingerlé , 955.
W hite J. C., 284.
W hite R. B., 997, 1001, W ood J. D., 610. Z io lk o H. U ., 111, 114, 117,
W oodbury M. A., 1389. 858.
1003.
W oods L. A., 607, 608, 611. Z iskind E., 354, 690, 6 9 7 -
W hitlock F. A., 481. W oolley D. W., 513, 514,
W iart Cl., 599. 699, 1196, 1316.
517, 553, 556, 592. Z latan B. D., (482).
W idlocher D., 572, (590),
W oolsey C. N., 235, 236. Z ourabachvili A. D., 1 0 9 7 .
1019.
W orld , 1141. Z sigmond E. K., 592.
W ieck H. H., 480, (480), W ormser P., 979,1299,1322. Z ubek J. P., 110-111-135,
738, 740. W right G. H., 272, 273, 683, 684, 6 8 5 -7 1 0 , 1196.
W ieckewicz , 314. 323. Z ubiani A., 253.
W iener N ., 1 0 9 2 , 1100. W undt , 976, 1133, 1248. Z ubin J., (293), (377), 649,
W iesel T. N., 701, 702. W yke M., 738. (981), 1293, 1353.
WlESER S. VON, (248). W yrsch J., 95, 1 9 1 -1 9 2 , 214, Z ubini J., 1261.
W ik i .fr a ., 531, (543), 614, 222, 225, 394, (448), 457, ZUBORSKY, 1315.
626. 725, 775, 776, 778, (778), Z ucker K., 159, 339, 630,
W ilbrand , 476, 915, 931, 783, 7 8 7 , 7 9 1 -7 9 2 , 7 9 6 -7 9 7 , 633, 634, 636, 637, 638,
1313. 798, 852,1279,1 2 8 0 ,1 3 9 3 , 649, 652, (658), 775, 776,
W ilhelm , (1413). 1401. (776), 1 2 0 1 , (1201).
W ilkens B., 124, 549. W yss M. A., 547, 548, 549, Z uckerman M., 111, 683,
W ilkin M., 1370. 550, 5 6 5 , 582, (590). 688, 690, (692), 693, 694,
W ill O. A., 1377. 696, 697, 6 9 8 -7 0 2 , 707,
W ille, 860. (707).
W illiams D ., 335. Z uk G., 284, 287.
W illiams H. L., 690. Z ullinger G., 246, (248).
W illiams J. M., 118, 238, Y Z utt J., 42, 96, 103, 2 6 7 ,
955, 1359, 1406, (1411). (267), 271, (308), 324, 394,
W illonger, 152. Y ahr M., 455. 395, (395), 756, 804, 821.
W ilmann C. W., (102). Y amada T., 549, 550. Z wandemaker, 254, 1131.
1528 INDEX ALPHABETIQUE DES AUTEURS

II. — PHILOSOPHES, BIOLOGISTES, PSYCHOLOGUES, SOCIOLOGUES

A D escartes, 287, 668, 905, H ill J., (147), 774, (994).


989, 1076, 1089, 1122. H offman, 132.
A ristote, 237, 668, 737, D e R o p p R ., 5 3 0 . H usserl E., 4, 6, 8, 1 0 , 1 1 ,
1055, 1089, 1104, 1225, D evereux G., 1187. 18, 19,61,64,65, 104,176,
1317. D ilthey W., 8, 1010, 1079, 273, 274, 275, 342, 392,
1225, 1248. 648, 663, 911, 1074, 1102,
B D riesch H., 1079. 1103, 1105, 1108, 1112,
D umery H., (681). 1125, 1133, 1134, 1143,
Bachelard G., 1, 57, (681), D urand G., (681), 751, 1180. 1250, 1251, 1254, 1288.
1103, 1107, (1107). D urkheim E., 387, 1177, H yppolite J. 1121.
Barte Nhi, (681). 1191, 1439.
Baruzi J., 673.
Bastide G., (681). J
Baudouin Ch., (681). E
Bergson. Voir table générale J acob F., 6 6 9 , 1 0 7 6 , 1 0 8 0 ,
des auteurs. E liade M., (667), (681). 1094, 1098, 1 1 0 0 , 1 1 0 1 .
Berkeley, 1123. É picure , 1082. 1139, 1206.
Bichat , 1100. E schenmayer A., 990, 1076. J ames W., 342, (674), 977,
Blanché R., (681). 1145, 1248, 1335.
Bonnet Ch., 79, 180, 334, F
344, 704,904,1316,1317. K
Bord A., (681). F abre Henri, 1105.
Bourbaki, 1108. F edida P. Voir table géné­ K ant E., 6, 60, 61, 79, 680,
Brentano F., 8, 93, 1248. 905, 1040, 1076, 1105,
Brunschvigg L., (1107).
rale des auteurs
F ernet Jean, 1089. 1106, 1108, 1336.
Buber Martin, (681). F oucault M. Voir table K auder, 604.
générale des auteurs. K ierkegaard S., 167, 659,
667.
C K lages L., 8,28,31, (31), 62,
G 66, 103, 151, 168, 506,
C antor, 1108. 648-876,1 0 1 0 , 1078, 1079,
C armélitaines études, 673, G odel, 1108. 1106, 1113, 1120, 1 1 5 2 -
(681). G oethe, 132, 990. 1 1 5 4 , 1157, 1172, 1248,
C arus C. G., 4, 1154, 1180. G oldschmidt V., (681). 1249, 1306, 1333, 1335.
Cassirer E., 66, 1076, 1105. G ouhier H., 681. K rüger F., 282, 836, 1 0 1 0 ,
C homski, 1 7 0 . G urwitsch Aron, 977, (1077), 1079, 1155, 1248.
C hrysippe, 1076. (1108), 1151.
C ircé , (681).
C lément d ’A lexandrie , L
674. H
C ondillac , 82, 263, 269, L amarck, 1076, 1077.
294, 904, 1108, 1109. H aberlin P., 12, 1250. L eibniz , 65, 67, 68, 667, 989,
C uvier, 1076. H artmann Ed. von, 667, 1076, 1109.
(667). L ersch Ph., 8, 1077, (1077),
H artmann Nicolaï, 1076, (1106).
0 1077, (1077), 1079, 1 0 9 8 - L evy-B rühl L., 387.
1 0 9 9 , 1104, 1107, 1226. L evy-Strauss CI., 387, 1212.
D arwin E., 79, 918, 925, H egel G. F. W., 4, (4), 275, L inné , 1212.
929, 1076, 1077, 1081. 666, 667, 1076, 1105, 1108, L ocke J., 294, 904, 1108,
D elacroix H., 673. 1121, 1250. 1129.
D elage Y., 1010, 1027. H eidegger M., 65, 66, 267,
D elbeuf, 106, 112. 660, 777, 1250, 1255.
D eleuze G. Voir table géné­ H eraclite, 1107. M
rale des auteurs. H erbart J. F., 403, 990.
D émocrite, 1082. H érodote, 530. M aine de Biran , 61,65, 977,
D errida J., 1 0 -1 2 , (13), 23, H ervey de Saint -D enis 1010, 1077, 1143, 1145,
28, 32, 167, 170, 1342. Marquis, 1027. 1295, 1336.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1529

M alebranche N. de, 79, P ascal, 172, 266, 659, 667, Spinoza , 6, 67, 68, 109, 989,
(905), 917, 989. 907, 988, 1381. 1076, 1096.
M arcel G., (681). P laton, 6, 667, 1075, 1089, Spranger Ed., 1077, (1077),
M aritain J., 671, 676, 679, 1108. 1248.
680. P lotin , 667, 1075. Straus Ervin. Voir table
M arx K., 6, (653), 912,1076, P radines M., (913). générale des auteurs.
1285. Stuart M ill , 1129.
M erleau-P onty M. Voir
table générale des auteurs. R
M eyerson E., 1107. T
M onod J. Voir table géné­
rale des auteurs. R ibot Th. Voir table géné­ T aine H., 68, 82, 109, 269,
M orris D ., 29. rale des auteurs. 294, 904, 908-909, 977,
M ounier E., 1077, 1078, R icœur P., 4, 323,681,1026, 1180.
(1078). 1121. T heilard de C hardin ,
R obert W., 1027, (1027). 1076.
R othaker E., 1077. T illette, (681).
N R oussel R .,.29. T olman E. C., 1079, (1079).
R ussel B., 275, 1108.
N abert J., (681). R uyer R. Voir table géné­
N avratil M., 117. rale des auteurs. V
N ewton , 13. Sartre J. P. Voir table géné­
N ietzsche F., 29, 668, 990, rale des auteurs. Vaihinger Hans, 876.
1103, 1107.
N ovalis, 990.
W
S
O W aelens A. de . Voir table
Scheler Max, 58, 1078, générale des auteurs.
O ppel , 112. (1078). W atts A., (667), 674, 676,
O rigène, 674. Schelling F. W., 667, 681, 681, 1358.
990, 1076. W atson J. E., 1079, (1079).
SCHERNER K. A., 1027, W hitehead A. N., 1108.
P (1027). W olfson L., 213, 216, (793),
Schopenhauer A., 667, 990, 1003, (1469).
P alagyi M., 8, 28, 31, (31), 1086, 1129.
62, 103, 168,648,654,655, Socrate, 71, 172, 659, 904,
1010, 1112, 1120, 1152- 928. Z
1154, 1157, 1164, 1172, Spencer H., 1077, 1081,
1333. 1082, 1085. Z enon, 1076.

III. — ARTISTES, POÈTES, ETC.

A Bosch H., 30, 312, 581, 667, D


783.
A nnunzio d ’, 132, 1217. Brahms, 628. D a l i S a lv a d o r, 312, 582,
A miel, 317. Breadsley A., 672. 783.
A rtaud A., 30, 107. Breton A., 29, 30, 581. D ostoïewski, 132,498.121".
D ubuffet J., 29.

B C E
E r n st M ix . 3. 29, 312.
Bach , 179. C alderon, 1128.
Baudelaire, 107, 154, 245, C ezanne, 14. E sc h e r M. C., 3, 246.
334-335, 534, 581. C hagall, 29.
Beethoven, 179. C hamisso, 132. F
Blake William, 657, 659, Cocteau J.. 581.
672. Colette, 13. F laubert G., 106.
1530 INDEX ALPHABETIQUE DES AUTEURS

G M Q
G autier T., 153-154, 534. M agritte, 3. Queneau R., 838.
G insberg A., 659, 676. M allarmé S., 107. Q uincey T. de , 154.
G œthe , 132,267,1121,1217. M alraux A., 14-15, 29-30,
G ogh van , 29. 672. R
M aupassant Guy de , 132.
M ichaux H., 107, 159, 245, R edon O., 1200.
H R embrandt, 107.
535-538, 581, 597-598, 616,
H amlet, 659. 622, 623-624, 629, 657, R ichter J. P., 1217.
H ölderlin , F r., 29. 878-880. R imbaud A., 107, 581.
H uxley A., 509, 574, 584, M olière, 121. R obe-G rillet , 660.
616, 627, 657, 659, 676, M usset A. de , 132, 1217. R odin A., 14.
6817 1285. R olland Romain, 298.

N S
K
N erval G. de , 29, 107. Shakespeare, 107, 1121,
K afka, 308, 600, 660.
1158.
K andinsky (le peintre), 14.
Shelley, 132.
K lee Paul, 14. P Steinbeck, 132.
Sw ift , 120, 122.
L P icasso P., 14, 29, 127.
P irandello , 761, 1120. V
L awrence M., 603. P oë E., 13, 132.
L éonard de Vin c i , 274. P roust M., 251, 256. Velasquez, 14, 1200.

IV. — MYSTIQUES, SAINTS, etc.

A rc Jeanne d ’, 214. Louis de la T rinité R. P. Saint J ean de la Croix , 673,


(Amiral Thierry d’Argen- 674, 675.
B ernadette S oubirous , lieu), 671. Sainte T hérèse d ’Avila ,
1190, 1191. 501, 674, 684, 984, 1198.
Boehme Jacob, 674. M aleus M aleficarum, 308. Suzuki D. T., 666, (667).

E ckart (Maître), 674. Quetzalcoatl, 603. T auler J., 674, 1190.

G uyon (Madame de), 501. Saint A ugustin , 501, 667. R uusbroec J. van, 674.

V. — CAS, OBSERVATIONS OU AUTO-OBSERVATIONS CÉLÈBRES


OU PARTICULIÈREMENT IMPORTANTS

A chille (P. J anet), 888. D enise (Henri E y), 1417- Le petit H ans (F reud), 865-
1431. 866.
Berbiguier (Pinel), 77, 78, D olin (K andinsky), 1188. L ’homme au loup (F reud),
83, 96, 371, 1213, 1219, 865-866.
1342, 1418. Étudiant (M ariller), 106. L ’homme aux rats (F reud),
864.
Clérambault G. de (auto­ H a l lu c in o g èn es(auto­
observation), 704. observations de R ouhier , J ean-P ierre (Henri E y ) , 498.
Colette (M. Bouvet), 298. de H enri M ichaux , J... M adame (Henri E y ) ,
Q uercy , C ohen, Timothy 331-333.
D elbeuf (auto-observation), L eary, etc.). Cf. le chapi­ J ustine (Pierre J anet), 885-
106. tre : Hallucinogènes. 887.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1531

L ullin Ch. (aïeul de Ch. 481, 1213, 1219, 1349, Vieillard (observation de
Bonnet) (Ch. Bonnet) 1418. Th. F lournoy) (H. F lour­
Cf. Index alphabétique noy), 117, 169, 350, 958,
des matières à : Syndrome P sychologue (H. A hlen- 1011, 1053, (1067), 1316,
de Charles Bonnet. steil), 180-183. 1317.
Villamil (cas de), 957.
M adeleine (Pierre J anet), Q uinze personnages déli­
866-867. rants (Henri E y), 760-
Voss Lola (Binswanger),
M üller J. (auto-observa­ 771.
797.
tion), 161. P résident Schreber, 215,
783, 793, 820, 838, 839,
Naville E. (auto-observa­ 995, 996-1005, 1038. W est Ellen (Binswanger),
tion), 344, 483, 927. 1281.
N icolaï (auto-observation), U rban Suzanne (Binswan - W olfson L., 216, 1003,
77, 78, 83, 96, 330, 371, ger), 797, 1281. (1469).
(■
J

t
INDEX ALPHABÉTIQUE
DES MATIÈRES

L e s m o ts p r é c é d é s d 'u n a s té r is q u e re n v o ie n t a u L e x iq u e . L e s m o ts p r é c é d é s d e d e u x a s té ­
ris q u e s re n v o ie n t à la T a b le d e s c o n c e p ts -d é s . L e s n o m b re s c o m p o s é s en ita liq u e s r e n v o ie n t a u x
p a s s a g e s le s p lu s im p o rta n ts.

A *, **, A nti-psychiatrie, vi, v ii , 1 4 3 7 sq.


* A perception , 17, 65, 1128, 1156 sq. —
* A c o u p h è n e s , 177, 228, 229, 230, 364 s q ., Voir aussi P erception.
705, 928 s q ., 933, 947, 1330. A phasie (H. et), 185, 186, 476, 484.
A coustiques (H.). — Voir A uditives (H.). A pprentissage.
* A ction extérieure (Syndrome d ’), 93, — Effets des hallucinogènes, 528, 552 sq.,
832, 996. 613.
A ffectivité, A ffects. — Voir Inconscient. — Perception, 6 0 , 6 1 , 1 1 5 0 sq.
— Projection dans les Éidolies, 247, 287 sq., A rchaïque (Structure).
3 48, 351, 370, 1008 sq., 1312 sq., 1327 sq. — des Délires hallucinatoires chroniques,
------ dans les Hallucinations, 93, 94, 126 sq., 3 8 7 sq., 4 3 6 sq., 7 74 sq., 8 3 4 sq., 9 9 4 sq. —
198 sq., 226, 260 sq., 296 sq., 310 sq., Voir aussi R égression.
3 80, 3 9 7 sq., 405 sq., 41 7 sq., 428 sq., — des Eidolies, 150, 3 4 8 , 1012.
743 sq., 774 sq., 792 sq., 820 sq., 841 sq., ** A rchitectonie (O rganisation).
983 sq., 9 94 sq. — V o ir N é v r o s e s . — l re Thèse organo-dynamique, 1073,
------- d a n s la P e rc e p tio n , 61 s q ., 105, 169, 1 0 7 5 sq. (tout le chapitre).
250, 2 73 sq., 1143 sq., 1294. — du « corps psychique », 1100 sq.
A g n o s ie (H. e t) , 150, 230, 2 8 7 s q ., 356, — des systèmes perceptifs, 1 1 2 2 sq., 1 2 8 8 sq.
357, 367, 475 s q ., 484, 1312, 1322 s q . — Voir O rgano-dynamique (M odèle).
A lcool, A lcoolisme, 25, 131, 152, 156, A rousal. — Voir Vigilance .
4 48 sq., 523, 725, 731 sq. A rousal perceptif , 1 1 7 0 sq., 1320, 1321.
* A liénation du moi (P athologie des ** A rt (C réation), 4 sq., 2 8 sq., 6 7 0 sq.,
délires chroniques), 428 sq., 741 sq., 1435.
1121, 1269 sq. — Voir aussi Conscience * A ssertion, A ssertivité, 3 4 0 , 1 2 0 0 sq.
et P rocessus. A ssociation des H. des divers sens, 291,
A m a u r o s e . — V o ir C é c i t é . 1 1 5 6 sq. — Voir Synesthésies.
A mblyopie. — Voir C écité. A ttention (Influence dè l ’) sur les H.,
« A motival syndrom », 529. 133, 693. \
A m p h é t a m in e s , 5 1 3 . A udition .
*, **, A nomie (H étérogénéité patholo­ — Neuro-physiologie, 1 6 3 sq., 1 1 3 7 sq.
gique), x iii , 44, 50, 51, 5 2 , 64, 1176 sq. — Phénoménologie, 165, 166, 170 sq>\
— Diagnostic de l’H. et des illusions nor­ — Virtualité hallucinatoire de la perceptio-
males, 71, 104, 105, 167 sq., 293, 661 sq., acoustico-verbale, 167 sq. — Voir Per­
1177 sq. (tout le chapitre). — Voir aussi ception .
C ro y a n ces, C u ltu r els (F acteurs), N o r ­ A uditives (H.) ou Acousnco-verbales (H .>.
m a l et P a t h o l o g iq u e . sq. (tout le chapitre), 2 2 4 sq., 411 sq..
176
** Anti-hallucinatoire (O rganisation). sq., 714 sq., 777 sq.. 8 0 6 sq.. 8 3 0 sq.
436
— du corps psychique, 1073, 1 1 0 0 sq. — Eidolies hallucinosiques. 2 2 7 sq., 3 6 4 sq.,
— des systèmes perceptifs, 1 1 2 2 sq. 493. '0 5 sq.
1534 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES

— Pathogénie mécaniste, 89 9 sq. — Expériences hallucinatoires, 383 sq.,


------ organo-dynamique, 1255 sq., 1320, 4 1 1 sq.
1329 sq. — Pathogénie, 1 2 5 5 sq. — Voir aussi É pi ­
------ psycho-dynamique, 983 sq. lepsie, E xpériences hallucinatoires, N é­
— Rapports avec le Délire, 741 sq. (tout le gatif et P ositif.
chapitre). — Voir aussi A utomatisme * C hamp perceptif . — Voir Systèmes
mental (S yndrome d ’) et N ervöses. perceptifs.
A uras (H. et), 151, 358 sq., 4 9 0 sq., 1307 sq. C h i r u r g ie . — Voir N e u r o - c h i r u r g i e .
A utomatisme mental (Syndrome d ’), C on ­ C hloral, C hloraliques (H.), 1 5 4 sq., 244.
ception DE G. DE CLÉRAMBAULT. C hlorpromazine, 549, 1 3 6 2 sq., 1 3 9 4 sq.
— Historique, 8 7 sq., 754, 910 sq. C h r o n ic it é , P s y c h o se s c h r o n iq u e s , 4 0 5 s q .,
— Description clinique, 192, 208 sq., 962 428, 482, 8 4 5 s q ., 1 3 4 5 s q .
963. C l a s s if ic a t io n d e s H.
— Pathogénie mécaniste, 964 sq. — Voir — Classification classique, 2 1 6 sq.
P sychoses hallucinatoires chroniques. — Classification de l’école allemande, 219,
Auto -représentation aperceptive, 198 sq. 3 9 1 , 3 9 2 , 7 5 3 sq.
A veugles (H. des). — Voir Cécité. — Classification proposée, 49, 6 7 sq.,
1 3 6 sq., 2 2 0 sq., 3 2 7 sq. (toute la 3e Par­
tie), 1 2 1 0 sq. (tout le chapitre).
B — Historique, 7 2 sq. — Voir aussi É id o l ie s
e t H a l l u c in a t io n s d é l ir a n t e s .
Baillarger (J.), 83 sq., 193, 194, 1231 sq. C lérambault (G. G atian de). — Voir
Bandeau (Syndrome du ), 134, 354, 703, 704. A utomatisme mental.
Bonnet (Syndrome de C harles), 125, 150, C ocaïne, 157 sq.
180, 344, 926 sq., 956, 957, 1316, 1317. C ollectives (H.), 109, 529 sq., 5 8 0 sq.,
Bouffées délirantes, 720 sq., 727 sq., 671 sq., 698, 8 8 0 ,1 1 8 8 sq. — Voir N ormal
1392 sq. ou P athologique (P hénomène halluci­
natoire).
C C ommentaire des gestes et des actes, 192,
210 , 211 .
Ç a . — Voir I nconscient et P sychodyna­ C ompagnon (I mage d u ), 132, 1192.
mique (M odèle). C ompréhension (R elations de).
C annabis, C annabinols. — Voir H aschich . — Conception de l’école allemande, 394,
C écité (H. et), 134, 149, 150, 331 sq., 353 sq., 395, 4 2 8 sq., 8 2 0 sq., 1 0 2 9 sq. — Voir aussi
562, 641 sq., 702 sq., 1312 sq. — Voir N é g a t if et P o s it if , N o r m a l et P a t h o l o ­
aussi I solement sensoriel. g iq u e .
Cécité psychique (H. et), 335, 336, 1312. ** C onnaissance (T héorie de la) et P ro­
Cénesthésie, 269, 387, 391. blème des H., 4 sq., 19, 4 7 sq., 5 8 sq.,
C entrale o u périphérique (L ocalisation), 6 6 5 sq., 1101 sq.
149, 227 sq., 283 sq .,954 sq., 1140, 1141, *, **, C onscience (Structure de la),
1164 sq., 1295 sq., 1305 sq., 1331 sq. Ê tre et devenir conscient.
— Action des drogues hallucinogènes : LSD, — Intégration des Systèmes perceptifs à
551 sq. ; Mescaline, 637 sq. l’être consient, 6 5 sq., 1 1 7 0 sq.
— Action de l’isolement sensoriel, 699 sq. — — Structure synchronique (champ de la
Voir aussi P athologie cérébrale et Conscience) et structure diachronique
Systèmes perceptifs. (être conscient de soi), II, III, 70, 3 9 3 sq.,
C entrencéphale. — Voir D iencéphale, 1 1 1 5 sq.
L imbique (S ystème), R éticulée (F or­ — Subordination d e Tics au Cs, 4 sq.,
mation), T halamus, T ronc cérébral. 1 0 5 7 sq., 1 1 1 3 sq. — Voir aussi C h a m p d e
Centres corticaux. — Voir Centrale la C o n s c ie n c e , C orps p s y c h iq u e , In ­
(L ocalisation) et C entres sensoriels c o n s c ie n t .
spécifiques. ** C onscient (D ésorganisation halluci­
C entres sensoriels (spécifiques), 102, 103, natoire de l ’être).
164, 165, 235, 250, 267 sq., 552, 914 sq., — Catégories d’H., 3 2 8 sq., 1 2 1 7 sq.
943 sq., 1295 sq. — Voir aussi Centrale — Expériences hallucinatoires et déstructu­
o u PÉRIPHÉRIQUE (LOCALISATION). ration du champ de la Conscience, 4 1 1 sq.,
CÉRÉBRALE (PATHOLOGIE). — Voir PATHO­ 7 1 3 sq., 1 2 5 4 sq.
LOGIE CÉRÉBRALE. — H. noético-affectives des Psychoses chro­
*, * * , C hamp de la conscience (Structure niques et désorganisation du Moi, 4 2 8 sq.,
ET DÉSTRUCTURATION DU). 741 sq. (tout le chapitre), 1 2 7 0 sq. —
— Architectonie du « corps psychique », Voir aussi D é l ir e , H. n o é t ic o -a f f e c t iv e s ,
1115 sq. P rocessus.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1535

C onscientes (H.). — Voir É idolies. D elirium tremens, 25, 131, 449, 523.
C onsécutives (I mages). — Voir P ost- D énégation, 1033 sq.
images. D épersonnalisation, 292 sq., 417 sq., 497,
C o r p o r e l l e s (H.), 2 6 4 sq. (tout le chapitre), 721 sq., 779 sq., 862, 1115 sq. — Voir
337, 3 6 8 sq., 4 1 7 sq., 493,497, 559, 568 sq., aussi C orporelles (H.), N évroses, Schi­
599, 629, 691 sq., 7 7 9 sq., 809, 842. zophrénie .
** C orps psychique (O rganisation, A rchi­ D ermatozoïque (Syndrome), 246 sq.
tectonie). D iscussion de 1855 (Société médico-
— l re thèse organo-dynamique, 1 0 7 4 sq. psychologique), 82 sq., 907.
(tout le chapitre). D ésafférentation. — Voir I solement sen­
— Intégration des organes des sens dans le soriel.
« corps psychique », 1 1 2 2 sq. — Voir aussi D ésir (E xpression et P rojection du ). —
C o n s c ie n c e , I n c o n s c i e n t , O r g a n o - d y n a ­ Voir P sychodynamique (M odèle).
m iq u e ( M o d è l e ) , S y st è m e s p e r c e p t i f s . ** D ésorganisation, D éstructuration du
C réation (C réativité), 4 sq., 2 8 sq., 541, corps psychique.
5 7 4 sq., 6 6 5 sq., 1230. — Voir aussi — Désintégration des Systèmes perceptifs :
N égatif et P ositif, P rocessus. Éidolies, 329 sq.
C r o y a n c e (H. et). — Désorganisation du Moi, 428 sq., 741 sq.
— Composante affective des H. noético- — Désorganisation et phénomènes halluci­
affectives, 4 0 5 sq., 4 2 8 sq., 1242 sq., natoires, 56 sq., 438 sq. (tableau), 1176 sq.
1255 sq. — Déstructuration du champ de la Con­
— Projection affective. — Voir A f f e c t iv it é . science, 383 sq., 715 sq.
— Projection inconsciente, 9 8 3 sq., 9 9 4 sq., — Pathogénie organo-dynamique des H.
1 0 1 6 sq. — Voir aussi C o l l e c t iv e s (H.), délirantes, 1223 sq.
C u l t u r e l s ( F a c t e u r s ) , P r o je c t io n , S u g ­ — des Éidolies, 1283 sq. — Voir aussi
g e s t io n . C o r ps p s y c h iq u e , N é g a t if et P o s it if .
** Culture , C ulturels (F acteurs), i ii , ** D éterminisme, 1436.
64, 6 8 sq., 1 0 7 sq., 5 2 9 sq., 5 8 0 sq., 6 7 0 sq., D ouble (Image du ), H éautoscopie, 69,
6 8 0 sq., 8 8 0 sq., 1 1 8 6 sq., 1 2 5 5 sq. — Voir 131 sq., 290, 318 sq., 479, 1217.
aussi A nomie, C royances, N ormal et * D reamy state (C rises de l ’uncus), 151,
P athologique, P ossession, Sorcellerie. 254, 359 sq.
C ybernétique, 1 0 9 2 sq., 1 2 8 8 sq. — Voir D rogues. — Voir H allucinogènes.
aussi I nformation et P erceptifs (Sys­
tèmes).
E
D
* É cart organo-clinique (M odèle or­
D édoublement (E xpériences d e ), 419 sq., gano-dynamique), 975, 1227, 1275. —
723. Voir N égatif et P ositif.
D éfenses (P rocédés d e ) , 191. É cho d e la pen sé e , 106, 192, 209 sq., 963 sq.
D éfenses (P sychanalyse), 856, 1 0 2 2 sq. — E cmnésie, 950.
Voir aussi Inconscient, P sychodynami­ É conomique (M étapsychologie freu ­
que (M odèle). dienne), 1022 sq.
D éfinition d e l ’H allucination , xii , 21 sq., É corce cérébrale. — Voir C entres cor­
37, 4 5 sq., 1 2 0 5 sq. ticaux .
D élirantes (H.). — Voir E xpériences E cphorie. — Voir E ngrammes.
délirantes et N oético-affectives (H.). E. E. G.
* D élire et R apports du délire et des — E. E. G. et Hallucinogènes, 527, 554, 555,
H allucinations. 593, 611, 654, 677.
— Historique, 77 sq., 222, 3 8 2 sq., 7 2 3 sq., — Perception, 1170, 1171.
7 4 3 sq. — Sommeil, Rêve et Psychoses, 736, 737,
— Généralités, 77 sq., 3 8 3 sq., 7 4 3 sq., 1197 sq., 1262 sq. — Voir aussi R ê v e ,
1 2 5 5 sq. Sommeil, Vigilance .
— Expériences délirantes et Déstructuration ** Ego. — Voir Moi.
du champ de la Conscience, 3 8 3 sq., * É idétiques (Images), 114.
713 sq., 1 2 5 4 sq. * É idolies hallucinosiques.
— H. noético-affectives et Désorganisation — Classification (Phantéidolies et Protéido-
du Moi, 4 2 8 sq., 7 4 7 sq. (tout le chapitre), lies), 344 sq.
1 2 7 0 sq. — Définition, 71, 72, 73, 115, 143. 329.
■— H. sans délire. — Voir É id o l ie s h a l l u c i - 344 sq., 1216, 1220 sq.
NOSIQUES. — Diagnostic, 370 sq.
1536 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES

— Divers syndromes neurologiques et psy­ — Critique de la pathogénie mécaniste par


chiatriques, 140, 141, 148, 149, 151, l’excitation, 954 sq., 1284 sq.
227 sq., 242, 254, 255, 282 sq., 357 sq., — Excitations électriques expérimentales
461 sq., 542. 937 sq., 1332.
— Im portance théorique, 70, 143, 329 sq., — Lésions « irritatives », 925 sq.
1211 sq. — Neurophysiologie, 911 sq.
— Pathogénie, 1283 sq. (tout le § V du cha­ — Pathogénie des H. par excitation des
pitre IV de la 7e Partie). organes et centres sensoriels, 54, 55, 87 sq.
— Phénoménologie et Psychopathologie, 917 s q . — Voir aussi M écaniste (M odèle),
338 sq. Stimuli.
— Thérapeutique, 1405 sq. E xogènes (P sychoses ou R éactions). —
** E mpirisme, 1435. Voir E ndogènes (P sychoses).
E ncéphalites (H. dans les), 430 sq. * E xpériences hallucinatoires déliran ­
— Encéphalite épidémique, 455 sq. tes.
— Encéphalites et Éidolies, 452, 461, 462. — Diagnostic avec H. noético-affectives,
— H. délirantes et Encéphalites, 450 sq., 438 sq.
456 sq., 465, 466, 474, 480 sq. — Diagnostic avec Phantéidolies, 373.
— Sclérose en plaques, 465 sq. — Historique, 382 sq.
— Sénescence, 482 sq. — Interprétation psychanalytique, 397 sq.
— Neuro-syphilis, 430 sq. — Pathogénie, 383 sq., 715 sq., 1223 sq.
E ndogènes et E xogènes (P sychoses). — Phénoménologie et Clinique, 411 sq.
— Processus hallucinogènes « symptoma­ — Psychoses aiguës, 411 sq., 662 sq. — Voir
tiques » ou « essentiels » ?, 448, 458, 481, aussi C hamp de la Conscience (D éstruc­
499 sq., 578, 579, 635, 636, 1255 sq. — turation ) et N oético-affectives (H.).
Voir aussi H allucinogènes, P athologie ** E xpression, E xpressivité (de l ’image a
CÉRÉBRALE, PROCESSUS. son objectivation), 4 sq., 1435.
E ntoptiques (Sensations), P hotopsies. — E xtra-campines, 118.
Voir P rotéidolies et Visuelles (H.).
É nergie spécifique des nerfs (J. M üller),
80, 911 sq., 1125 sq., 1285 sq. — Voir aussi F
E xcitation, M écaniste (M odèle).
E nfants (D élires et H. chez les), 71, 172, F a b u l a t io n . — Voir I m a g e s , I m a g in a t io n .
1191 sq. — Voir aussi A nomie, R égres­ F a l r e t (J. P.), 406 s q ., 430, 431.
sion. F a n t a s m e s . — Voir P h a n t a s m e s .
E ngrammes (E cphorie des), 88 sq., 904 sq., * F a n t a s t iq u e s ( D é l ir e s ) ou P a r a p h r é ­
918 sq., 944 sq., 1285 sq. — Voir M émoire. n ie s , 146, 766 s q ., 834 s q ., 845 s q ., 996. —
É nonciation des gestes et des actes, 192, Voir aussi I m a g in a t io n ( D é l ir e d ’) ,
210. P s y c h o se s h a l l u c in a t o ir e s c h r o n iq u e s .
É pilepsie (H. et). F o r c l u s io n (e n a l l e m a n d V e r w e r f u n g ) ,
— Auras, « Dreamy states », etc., 151,358 sq. 1001 s q .
490 sq., 1307 sq. F r o n t a l ( L o b e ) , 262,468,472,473,484,936.
— Délires hallucinatoires chroniques, 500 sq. F r e u d (S.).
— Expériences délirantes aiguës, 495 sq. — Conception psychanalytique de la projec­
** É pistémologie. — Voir Connaissance. tion hallucinatoire, 93, 215, 395 sq.,
E. R. G. (É lectrorétinogramme), 562, 701, 983 sq. (chapitre II de la 6e Partie).
1164 sq.
E rgot de seigle. — Voir L. S. D.
É rotiques (H.), 129,421,586, 587, 723 sq. — G
Voir aussi Influence, P ossession.
É rotomanie (H. et), 307 sq., 819.
G é n é t iq u e ( P s y c h o l o g ie ) d e l a p e r c e p t i o n .
E squirol, 79 sq., 1231. — Apprentissage, 60, 1150 sq.
* E sthésie (C aractères sensoriels de l ’H.), — Psychanalyse, 1016 sq. — Voir aussi
21 sq., 59 sq., 7 1 , 82 sq., 84 sq., 90, 91, 97, E nfants.
148, 154 sq., 187 sq., 218, 339, 904 sq., G e r s t m a n n (S y n d r o m e d e ) , 283, 284, 319.
1202, 1216, 1224. — Voir aussi O psiphile , G e s t a l t p s y c h o l o g ie , 59, 60, 654 sq., 1077,
P sycho-sensorielles (H.). 1108 sq., 1161, 1174 sq.
** E sthétique (E xpérience et C réation). G r a p h iq u e s (H.), 118.
— Voir C réation. G u i r a u d (P.), 382, 389, 390, 1247, 1248,
É tymologie, 79. 1289.
E xcitation neuronale (N erfs, O rganes G u s t a t iv e s(H.), 249. — Voir aussi O l fa c­
des sens, V oies et C entres). t iv e s (H.).
INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1537

H H istorique, É volution des idées sur les


H allucinations et les délires halluci­
* H a l l u c in a t io n . natoires, 77 sq., 382 sq., 743 sq., 1212 sq.,
— Classification, 67 sq., 136 sq., 216 sq., 1225 sq.
327 sq. (toute la 3e Partie), 1210 sq. (tout H ydroxytryptophanes (H. 5). — Voir,
le chapitre III de la 7e Partie). SÉROTONINE.
— Diagnostic avec Illusions normales, H ypnagogiques (H.), 115, 174, 357, 494,
1179 sq. 542, 699, 1303, 1309 sq.
— avec Illusions, Interprétations, « pseu- H ypnose (H. et), 880 sq. — Voir Sugges­
do-Hallucinations », 79 sq., 116, 749 sq., tion .
805 sq., 1208. H ypochondrie (H. et), 299 sq., 779 sq. —
— Étymologie et Définition, x i i , 45 s q ., Voir C orporelles (H.).
1205 s q . H ystérie (H. et), 874 sq.
— Historique, 77 sq. (tout le chapitre III de
la l re Partie).
— Pathogénie, 6e et 7e Parties.
— Phénoménologie et Psychopathologie, I
41 sq., 338 sq., 1197 sq., 1338 sq.
* H allucinations délirantes, 71 sq., * Idéo-verbal (P rocessus hallucinatoire)
78 sq., 379 sq. (chapitre II de la 3e Partie). ou noético-affectif.
— Voir aussi E xpériences hallucina ­ — Caractéristiques cliniques et Psychopatho­
toires et N oético-affectives (H.). logie, 428 sq., 741 sq.
* H allucinations négatives, xiv, 133, — Définition du concept, 405 sq.
292 sq., 1065. — Pathogénie, 1269 sq. — Voir aussi D é­
* H allucinations noético-affectves. — lires, noético-affectives (H.) et P ro ­
Voir N oético-affectives (H.). cessus.
* H allucinations psychiques, 82 sq., * I llusions.
193 sq., 217 sq., 339, 405 sq., 430, 775 sq., — Distinction ou assimilation des Illusions
1214 sq. — Voir P seudo-hallucinations. et des H., 79 sq., 116, 749, 750, 1205 sq.
* H allucinations psycho-motrices, 86, — Illusions normales, 68 sq., 111, 112,
204 sq. — Voir Influence (P hénomènes 1160 sq., 1174 sq., 1181 sq. — Voir aussi
d ’). D éfinition de l ’H., N ormal et P atholo­
* H allucinations psycho -sensorielles, gique .
79 sq., 187 sq., 217 sq., 906 sq., 1212 sq. — ** Images, I maginaire, I magination.
Voir aussi E sthésie, H istorique, H. psy­ — Délire d’imagination, 829 sq.
chiques, O psiphile . — Image et Perception, m, 4 sq., 62 sq.,
* H allucinations réflexes, 190. 68 sq., 83, 101, 1017, 1151 sq.
H allucinogènes (D rogues). — Image, Sensation, Hallucination (Pro­
— Généralités, 509 sq. blème de l’intensité hallucinogène), 82 sq.,
— Haschich, 524 sq. 904 sq., 919 sq., 1179 sq.
— L. S. D., 544 sq. — Images ou Phantasmes inconscients et
— Mescaline, 602 sq. Projection hallucinatoire du désir, 983 sq.
— Problèmes esthétiques, moraux et reli­ (tout le chapitre II de la 6e Partie).
gieux, 659 sq. — Imaginaire, Symbolique et Inconscient,
— Problèmes sociaux, 530, 531, 580 sq. — 4 sq., 994 sq., 1113 sq., 1434 sq.
Voir aussi A lcool, C hloral, C ocaïne, — Imagination créatrice et contrôlée, 20 sq.,
O p iu m . 74, 1187 sq. — Voir aussi I nconscient,
H allucinolytiques (M édications), 1359sq., L angage, Symbolique.
1392 sq. ** Inconscient (P rojection de l ’) dans les
* H allucinose. — Voir É idolies halluci- H allucinations.
NOSIQUES. — Corporelles (H.), 273 sq., 291, 297, 298.
H allucinose pédonculaire. — Voir Pédon- — Éidolies, 348, 1008 sq., 1314 sq., 1328.
culaire . — Expériences délirantes, 397 sq., 413 sq.,
* « H alluzinose » de W ernicke, 221 sq., 991 sq.
242, 449, 450, 734, 1277. — Expression des images, 9, 12 sq., 31.
H aschich (C annabis). — Généralités (Modèle psychodynamique
— Chimie et Pharmacologie, 525 sq. et Psychanalyse), 943 sq. (tout le chapitre II
— Toxicomanie (Chanvre indien, Mari­ de la 6e Partie).
juana), 529 sq. — Influence (Phénomènes et Délire d’),
H éautoscopie. — Voir D ouble (I mage du ). 305 sq.
H é m ia n o p s iq u e s (H.), 117, 350, 356 s q ., — Névroses, 860 sq. (tout le chapitre III de
470, 640, 931, 1312 s q ., 1367. la 5e Partie).
1538 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES

— Noético-affectives (H.). Processus idéo- zophrénie, Délires systématisés, Délires


verbal des Délires chroniques (Paranoïa, fantastiques, 741 sq. (tout le chapitre II
Schizophrénie, Paraphrénie), 400 sq., de la 5e Partie).
432 sq., 757, 758, 792 sq., 805 sq., 836 sq., — Formes verbales de TH., 173 sq., 364 sq.,
994 sq., 1417 sq. 405 sq., 419 sq.
— Psychoses aiguës, 494 sq., 499, 505. — Perception, 9 sq., 167 sq., 1006 sq., 1041,
— Voix, 212 sq., 224 sq. — Voir aussi 1104 sq.
N é g a t i f e t P o st t if , P r o c e s s u s , P s y c h o ­ — Psychoses aiguës (Halluzinose, S. d’auto­
d y n a m iq u e ( M o d è l e ) e t S y m b o l iq u e . matisme mental aigu), 221, 222, 242,
I n d o l e ( N o y a u ) d e s h a l l u c in o g è n e s , 514sq. 428 sq. — Voir aussi A uditives (H.),
I n f l u e n c e ( D é l ir e e t P h é n o m è n e s d ’), I déo-verbal (P rocessus), N oético-affec­
193 sq., 223, 305 sq., 417 sq., 459, 474, tives (H.).
774 sq., 818, 841 sq., 883 sq., 962 sq., L earning . — Voir A pprentissage.
988 sq., 1029 sq., 1242 sq., 1269 sq. — L illiputiennes (H.), 120 sq., 333, 356.
Voir aussi P s y c h o - m o t r ic e s (H.) et L imbique (S ystème) et H., 552 sq., 562, 614,
P s y c h iq u e s (H.). 955, 1293, 1294, 1301, 1302.
I n f o r m a t io n . * L inéaires (M odèles), 54 sq., 897 sq.
— Pathogénie des Éidolies, 1288 sq. (totalité de la 6e Partie).
------ des Phantéidolies, 1305 sq. L ocalisation. — Voir Centrale ou P éri­
------ des Protéidolies, 1321 sq. phérique .
— Perception, 1132 sq., 1164 sq. — Voir ** L ogique.
aussi C y b e r n é t iq u e et P e r c e p t if s (S y s ­ — Généralités, 18 sq., 665 sq., 1119 sq.,
t èm e s ). 1155 sq.
I n s u l in o t h é r a p i e , 1354, 1394. — Organisation cérébrale et logique, 18 , 19 ,
I n t é g r a t i o n , 1075 sq., 1164 sq. — Voir aussi 1092 sq. — Voir aussi A rchitectonie ,
A r c h it e c t o m i e , C o r p s p s y c h i q u e , O r - C onnaissance, É pistémologie.
GANO-DYNAMIQUE (MODÈLE). L. S. D., 544 sq., 659 sq.
* I n t e r p r é t a t i o n s d é l ir a n t e s ( R a p p o r t
d e s H. e t d e s ) , 746 sq., 805 sq., 820 sq. —
Voir aussi N o é t ic o -a f f e c t iv e s (H.), S y s ­ M
t é m a t is é s ( D é l ir e s ).
I n s t it u t i o n n e l l e ( T h é r a p e u t iq u e ) , 1385 sq.
I n t u it i o n s d é l i r a n t e s , 751, 752, 755. M anie (H. et), 311, 413, 414, 496, 574, 575,
* I s o l e m e n t s e n s o r ie l , 683 sq. (tout le 678, 619, 715 sq.
chapitre IV de la 4e Partie), 1284 sq. — M arihuana . — Voir H aschich .
Voir aussi C é c i t é , S u r d i t é . M écaniste (M odèle).
— Critique du modèle, 57, 92 sq., 191, 384,
391 sq., 494, 756 sq., 924 sq., 975, 976,
J 1284 sq., 1331 sq.
J ackson (H ughlings).
— Évolution vers une conception neurobio­
— Conception générale, 489, 1081 sq., logique dynamique, 976 sq.
1225 sq. — Historique, 84 sq., 740, 904, 905.
— Épilepsie, 359, 360, 491. — Théorie de l’excitation psycho-senso­
J alousie (D élire de) et H., 821 sq. rielle, 87 sq., 905 sq.
J anet (Pierre), 885 sq., 1239 sq. ------ de la production mécanique des
J aspers (Karl), 391, 756 sq., 821 sq., 1269 sq. Délires hallucinatoires (de Clérambault),
J ugement (P erception), 61, 1127 sq., 90, 961 sq.
1155 sq. — Voir R éalité. ------ réductionniste de la genèse des Délires
hallucinatoires, 747, 748, 971 sq. — Voir
aussi A utomatisme mental et E xcita ­
K tion .
M égalomanie, 128, 129, 302, 303, 414, 451,
K orsakov (Syndrome de) et H., 152, 480, 534, 535, 574, 575, 582, 583, 623, 624,
481, 737 sq. 745, 762 sq., 834, 835, 996 sq.
K raepelin (E.), 174, 229, 743 sq., 791, 801, M élancolie (H. et), 311, 415, 416, 496,
820, 834 sq. 714 sq.
M embre fantôme, 284 sq., 368, 369.
L
M émoire.
** L angage et H allucinations. — H. et troubles de la mémoire, 480,489 sq.,
— Délires hallucinatoires chroniques : Schi­ 569, 731 sq.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1539

— Problèmes neurobiologiques de l’ecpho- N eurobiologie des H allucinations.


rie des engrammes, 54, 55, 86, 87, 90, — Conception organo-dynamique des rap ­
904 sq., 914 sq., 948 sq., 978, 1042 sq., ports du « corps psychique », du cerveau
1092 sq., 1125 sq., 1150, 1151, 1302. — et des Systèmes perceptifs, 150 sq., 227 sq.,
Voir aussi E n g r a m m e s , I m a g e . 282 sq., 318 sq., 329 sq., 699 sq., 1075 sq.,
M e r l e a u -P o n t y ( M .) , 11, 31, 47, 58, 59, 6 6 , 1283 sq.
266, 275, 276, 681, 1108, 1117, 1157 sq. — Généralités et Historique, 77 sq.
M e s c a l in e , 511 sq., 602 sq. — Isolement sensoriel, 683 sq. (tout le
M é t a b o l is m e c é r é b r a l , 510 sq., 555 sq., chapitre IV de la 4e Partie).
608 sq. — Pathologie cérébrale, Éidolies, Halluci­
M é t a p s y c h o l o g ie . •— Voir I n c o s n c ie n t , nations délirantes, 447 sq.
p s c h o d y n a m iq u e ( M o d è l e ). — Théorie de l’excitation des organes, des
M é t e s t h é s ie s . — Voir P o s t - im a g e s . nerfs et des centres spécifiques, 903 sq. —
M o i ( E g o ). Voir M écaniste (M odèle).
— Psychanalyse (Topique, Fonctions du — Toxiques hallucinogènes, 509 sq. (tout le
Moi), 1001, 1016 sq., 1034, 1040 sq., 1064. chapitre II de la 4 e Partie). — Voir aussi
— Psychologie et Phénoménologie, 1100 sq., Centrale ou P ériphérique (L ocalisa­
1119 sq. tion), Systèmes perceptifs.
— Psychopathologie, 405 sq., 428 sq., N euro-chirurgie , 481, 1357 sq.
743 sq., 885 sq., 1270 sq. — Voir C o n ­ N euroleptiques, 1362 sq., 1401 sq.
s c ie n c e . * N évroses (H. et), 147, 226, 236, 262, 263,
95, 384 sq., 532 sq.,
M o r e a u (d e T o u r s ) , 435, 436, 855 sq. (tout le chapitre III de la
539 sq., 1234 sq. 5e Partie).
M o t iv a t io n . — Voir A f f e c t i v it é . * N oético-affectives (H.).
M o u r g u e (R.), 79, 88, 89, 288, 977 s q ., 1092. — Définition, 405 sq., 428 sq.
M o u v e m e n t , P s y c h o - m o t r ic i t é . — Diagnostic avec Expériences délirantes,
— Composante motrice des H., 152, 203 sq., 438 sq.
363, 653 sq., 778. — Structure des Psychoses délirantes chro­
— Perception, 61 sq., 1143 sq. — Voir niques, 432 sq., 756 sq., 774 sq., 811 sq.,
H. PSYCHO-MOTRICES. 841 sq., 1270 sq. — Voir aussi D élire ,
M y s t iq u e s , M y s t ic is m e , 673 s q . P rocessus, Schizophrénie , Systématisés
— Délires et expériences pathologiques, 128, (D élires).
307 sq., 497, 498, 727 sq., 885 sq. * N oéphème (T hèse de) selon P. Q uercy,
409, 818, 1205, 1221.
N ormale ou P athologique (P roblème de la
N nature) des H allucinations, x ii , x iii ,
44, 50 sq., 68 sq., 83, 399, 1177 sq.
N arcolepsie, 456, 1311, 1312. — Les H. dites normales (psychonomes) ne
* N é g a t if e t P o s it if ( C o m p l é m e n t a r it é d e s sont pas des Hallucinations, n i, 62 sq.,
fa c t e u r s ) d a n s la p r o d u c t io n h a l l u c i­ 68 sq., 83, 104 sq., 237 sq., 250, 276 sq.,
n a t o ir e . 984, 985, 1178 sq., 1186 sq.
— Organisation anti-hallucinatoire du sys­ — Les H. sont des phénomènes patholo­
tème de la réalité (Cs), 1074 sq. (tout le giques, 45 sq., 670 sq., 696 sq., 1197 sq.
chapitre premier de la 7e Partie) ; pulsions et tout le chapitre II de la 7e Partie. —
et phantasmes virtuellement hallucina­ Voir aussi A nomie, I llusions.
toires (les), 4 sq., 68 sq., 104 sq., 167 sq., * N osographie des psychoses hallucina ­
276 sq., 670 sq., 984 sq., 1181 sq. toires.
— Structure négative des délires hallucina­ — Classification proposée, 3e Partie (330 sq.)
toires (H. délirantes), 1222 sq. (tout le et chapitre III de la 7e Partie (1211 sq.).
chapitre IV de la 7e Partie). — Historique, 77 sq., 745.
---------d e s e x p é r ie n c e s d é lir a n te s , 382 s q ., — La psychose hallucinatoire chronique de
440 sq., 539 sq., 574 sq. l ’école française, 830 sq. — Voir aussi
------ des H. noético-affectives, 405 sq., C lassification des H. et D éfinition des
712 sq., 792 sq., 820 sq., 841 sq. H.
—• Structure positive des expériences déli­
rantes, 411 sq., 440 sq., 532 sq., 662 sq., O
713 sq., 910 sq.
------ des H. noético-affectives, 428 sq., ** O bjet, O bjectivation.
712 sq., 841 sq., 994 sq. — Définition de l’H., 45 sq., 1176 sq.
N é g a t io n d e l ’H a l l u c in a t i o n , 45 s q ., 94, — Objectivation de l’image, 4 sq., 1143 sq.
104 s q ., 167 s q ., 801 s q ., 899, 900, 1177 s q . — Objet et Désir (Psychanalyse), 983 sq.
(tout le chapitre II de la 7e Partie). (tout le chapitre II de la 6e Partie).
E y. — Traité des Hallucinations. II. 50
1540 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES

— Objet et Sujet dans la Perception, 58 sq., * P aréidolies, 116, 117, 350, 351, 1317.
1107 sq. — Voir aussi I mages, P erception, P ariétal (L obe), 235, 268 sq., 282 sq., 287,
P rojection. 473, 936.
O bsessions (H. et), 860 sq. P arkinson (S. de), 457 sq., 1311.
O ccipital (L obe), 102 sq., 115 sq., 356 sq., P assionnels (D élires), 818, 819, 822 sq.
469 sq., 915, 928 sq., 931, 934, 944 sq. — P athologie cérébrale, 150 sq., 230,
Voir aussi Systèmes perceptifs, Visuelles 282 sq., 293, 447 sq.
(H.). — Désafférentation (Isolement sensoriel),
OCULOGYRES (CRISES), 461, 1311. 699 sq.
Œ dipe (C omplexe d ’), 216, 864 sq., 995 sq., — Encéphalites, 450 sq.
1052, 1065. — Épilepsie, 489 sq.
O lfactives (H.), 249 sq. — Lésions vasculaires, 482 .
O néirophrénie (von M eduna), 458. — Sénescence cérébrale, 483 sq.
142sq.,422sq.,
O n ir is m e , O n i r o ï d e s ( É t a t s ) , — Toxiques hallucinogènes, 509 sq. (tout
726 sq., 1265, 1269. — Voir aussi E x p é ­ le chapitre III de la 4e Partie).
r ie n c e s DÉLIRANTES, PSYCHOSES HALLUCI­ — Traumatismes cranio-cérébraux, 475 sq.
NATOIRES AIGUËS. — Tumeurs cérébrales, 466 sq. — Voir
** O ntologie, O ntogenèse, 1075 sq. aussi M écaniste (M odèle), O rgano -
(tout le chapitre premier de la 7e Partie). dynamique (M odèle), P rocessus.
— Voir aussi C orps psychique et O rgano- P athogénie , P athogéniques (C onceptions).
DYNAMIQUE (MODÈLE). — Généralités, 53 sq., 899 sq.
O phtalmopathies (H. et), 148 sq., 353 sq., — Historique, 79 sq.
562, 641 sq., 702 sq., 925 sq., 1316 sq. — Modèle mécaniste, 903 sq.
O pium , 154. — Modèle organo-dynamique, 1069 sq.
* O psiphile (T hèse
d ’) d’après P. Q uercy , — Modèle psycho-dynamique, 983 sq.
749, 1203. — Voir aussi E sthésie. PÉDONCULAIRE (Hallucinose) , 151, 362 sq.,
O rganes des sens. — Voir Systèmes per­ 462, 954, 1310.
ceptifs. *, **, P erception.
O rganisation. — Voir C orps psychique, — Problèmes généraux, 58 sq., 1107 sq.,
1075 sq. (tout le chapitre premier de la 1159 sq., 1175.
7e Partie). — Systèmes perceptifs, 1122 sq., 1284 sq.,
*, **, O rgano-dynamique (M odèle). 1288 sq., 1298 sq.
— Historique, 57 sq., 94 sq., 1225 sq., — Virtualité hallucinatoire de la perception,
1230 sq. 68 sq., 104 sq., 168 sq., 276 sq., 1180 sq. —
— Thèses fondamentales, 1073, 1338 sq. Voir aussi E xcitation , Sensation.
— l re Thèse, Architectonie du « corps Périphérique ou C entrale (L ocalisation)
psychique », 1075 sq. des H. — Voir C entrale.
------ Architectonie des Systèmes perceptifs, P ersécution (D élire de), 215, 305, 436,
1122 sq. 743 , 760 sq., 774 sq., 805 sq., 830 sq.,
— 2e Thèse, Anomie (hétérogénéité patho­ 964 sq., 996 sq., 1029 sq.
logique) des H., 1178 sq.; définition ** P ersonnalité. — Voir Moi.
explicitée de l’H., 1205 sq. P eyotl. — Voir M escaline.
— 3e Thèse, Deux grandes catégories : * P hantasmes. — Voir I maginaire, I ncon ­
H. délirantes et Éidolies, 1211 sq. scient et Symbolique.
— 4e Thèse, Pathogénie négative primor­ * P hantéidolies.
diale des phénomènes positifs hallucina­ — Définition, 348 sq.
toires, 1223 sq. — Voir aussi M écaniste — Description clinique et Diagnostic, 125,
(M odèle), P rocessus, P sycho-dynamique 150, 180, 184 sq., 376, 461, 462, 490 sq..
(M odèle). 649, 693, 948 sq.
(H. et), 178,183,228 sq., 365 sq.,
O t o p a t h ie s — Pathogénie, 1008 sq., 1303 sq. — Voir
705 sq., 928 sq., 1296, 1329 sq. aussi É idolies et P rotéidolies.
OXAFLUMAZINE, 1372. P hénéthylamines, 511, 512, 605.
P hénoménologie.
— Hallucination, 45 sq., 96 , 339 sq., 393 sq.,
P 411 sq., 662 sq., 756 sq., 797, 821 sq..
841 sq., 850 sq., 1250 sq., 1270 sq.
P a l in o p s ie , 183. — Voir P o s t - im a g e s .
P hobies (H. et), 863 sq.
P a r a l y s ie g é n é r a l e , 400 s q . P hosphènes, 111 sq., 646 sq., 939 sq..
* P a r a n o ïa . — Voir S y s t é m a t is é s ( D é l ir e s ). 1321 sq. — Voir aussi P rotéidolies.
* P a r a p h r é n ie s . — Voir F a n t a s t iq u e s P hotopsies. — Voir P hosphènes.
( D é l ir e s ). P iaget (J.), 60, 1104, 1108 sq., 1155, 1161.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1541

P l a is ir ( P r i n c i p e d e ) , 397 sq., 1016 sq. — *, **, P s y c h o - d y n a m iq u e ( M o d è l e ) , P sy ­


Voir aussi I n c o n s c i e n t , R é a l it é . ch o g en èse, P sycha nalyse.
P o ss e s s io n (E x p é r ie n c e s d é l ir a n t e s e t — Manifestations symboliques de l’Ics dans
D é l ir e d e ) , 307 s q ., 417 s q ., 777 s q . le Rêve et les Expériences délirantes,
P ost-images, 113,114, 550, 1305 sq., 1314 sq., 397 sq., 990 sq., 1022 sq.
1334. — Métapsychologie de la régression (exposé
P o t e n t ie l s é v o q u é s , 519, 554, 555, 611 sq., critique), 1036 sq.
701. — Nécessité d’un complément à la théorie
P réconscient, 1008 sq., 1045, 1149, 1151, psycho-dynamique, 1050 sq.
1155, 1313 sq. — Projection de Tics dans les Psychoses
* P ro cessu s g é n é r a t e u r de d é l ir e et chroniques (Paranoïa, Schizophrénie, etc.),
d ’ H a l l u c in a t io n s . 994 sq., 1029 sq.
— Critiques de la notion de processus, 395, — Psychose et signifiants originaires,
792, 820, 821, 825, 855 sq., 975, 994 sq., 1001 sq., 1041. — Voir aussi I n c o n s c ie n t ,
1272, 1279 sq. P r o j e c t io n , R é g r e s s io n , S y m b o l iq u e .
— Généralités, 52 sq., 94 sq., 383, 384 sq., P s y c h o - m o t r ic e s . — Voir H a l l u c in a t io n s .
387 sq., 389 sq., 391 sq., 393 sq. * P s y c h o n o m e s (H.) ou « H a l l u c in a t io n s
— Processus et Délires chroniques (H. noéti- n o r m a l e s ». — Voir N o r m a l .
co-afïectives), 741 sq. (tout le chapitre II * P s y c h o s e (Généralités), 382 -443 , 716-859 ,
de la 5e Partie), 1223 sq. ( l re moitié du 962 -976 , 1230 -1280 . — Voir aussi
chapitre IV de la 7e Partie). D é l ir e .
— Processus de désintégration perceptive * P s y c h o se s h a l l u c in a t o ir e s .
et Éidolies, 1283 sq. (fin du chapitre IV — Pathogénie, modèle mécaniste, 961 sq.
de la 5e Partie). ------ modèle organo-dynamique, 1255 sq.
— Processus et Expériences hallucinatoires, ------ modèle psycho-dynamique, 994 sq.
713 sq. (tout le chapitre premier de la — Problème nosographique de la Psychose
5e Partie). hallucinatoire chronique, 830 sq., 961 sq.
— Théorie du processus selon K. Jaspers, — Psychoses aiguës, 713 sq.
756 sq., 821 sq., 1271 sq. — Voir aussi — Psychoses délirantes et hallucinatoires
A n t i -p s y c h ia t r ie , O r g a n o -d y n a m iq u e chroniques, 741 sq.
( M o d è l e ) , P s y c h o - d y n a m iq u e ( M o d è l e ). — Psychoses et Névroses, 855 sq.
P rojection (P sychanalyse), 55 sq., 820, P s y c h o t h é r a p ie , 1375, 1390, 1397 s q .,
994 sq. 1402, 1404 sq., 1408.
* P r o t é id o l ie s . P s y c h o m im é t iq u e s (E f f e t s ) des d ro gues.
— Clinique, 115 sq., 141, 176 sq., 227 sq., — Généralités, 520 sq.
255, 284 sq., 289, 353 sq., 1008 sq. — Haschich, 538 sq., 1234 sq.
— Définition, 345 sq. — L. S. D., 578 sq.
— Pathogénie, 1321 sq. — Voir aussi É i d o - — Mescaline, 615 , 635 sq.
LIES, PHANTÉIDOLIES. P s y c h o t o x iq u e a i g u (S y n d r o m e ) , 522, 538,
* P s e u d o - H a l l u c in a t i o n s . 542, 579, 600, 615.
— Diverses catégories, 136 sq., 193 sq.,
218, 219, 405 sq., 430 sq.
— Historique et ambiguïtés du concept,
84 sq., 217 sq., 1212 sq., 1252, 1253. — Q
Voir aussi D é f i n it i o n d e l ’H ., E s t h é s ie ,
H a l l u c in a t io n s p s y c h o - s e n s o r i e l l e s , Q u a d r iju m e a u x (C o r ps g en o u il lés ), 102,
P s y c h iq u e s ( H .) . 164, 942.
P s il o c y b in e , 591 s q . Q uercy (P .), 409, 625 sq., 674, 984 sq., 1221.
** P s y c h a n a l y s e . — Voir P s y c h o -d y n a ­ — Voir aussi N oéphème, O psiphile,
m iq u e ( M o d è l e ). P sychonomes (H .).
* P s y c h é d é l iq u e s (E x p é r ie n c e s ).
— Cannabis, 530 sq.
— L. S. D ., 566 sq. R
—• Peyotl et Mescaline, 616 sq.
— Psilocybine, 593 sq. R éa c t io n s a u x sit u a t io n s . F a c teu r s réac­
— Problème des valeurs (esthétique, etc.), 93 sq., 580 sq., 587, 660, 696 sq.,
t io n n e l s ,
659 sq. — Voir aussi P s y c h o t o m im é t iq u e s 804, 819, 821, 983 sq.
( E f f e t s ). ** R é a l it é .
P sychiques (H.), 84 sq., 193 sq., 218, 219, — Épreuve et système de la réalité (M éta­
339, 405 sq., 430, 775 sq., 1214 sq. — Voir psychologie), 397 sq., 1057 sq.
H allucinations psychiques. — Généralités, 7 sq., 1100 sq., 1435 .
1542 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES

304 sq., 370 sq.,


R é a l it é ( J u g e m e n t d e ) , — Psychogenèse et critique de la notion de
1202, 1212 sq., 1303 sq. — Voir aussi processus de la Schizophrénie, 792 sq.,
A s s e r t io n , A s s e r t iv it é . 1252, 1272.
R é f é r e n c e ( D é l ir e d e ) . — Voir R e l a t io n Sclérose en plaques, 465, 466.
( D é l ir e d e ). S cotom e et H., 153, 1326.
R é fl e x e s (H.). — Voir H a l l u c in a t i o n s Séglas (J.), 86, 197 sq., 744, 818, 994. —
réflexes. Voir aussi H. psycho-motrices, I nfluence
R é f l e x o l o g ie , C o n d it i o n n e m e n t , 54, 977, (D élire d ’)-
1097, 1150 sq., 1288, 1299. — Voir Sens (O rganes des). — Voir Systèmes per­
C y b e r n é t iq u e . ceptifs.
R efo u lé, R efo u lem en t ( I n c o n s c ie n t ), ** Sens, Signes, Signifiants , 7 sq., 170,
999 sq., 1006 sq., 1022 sq., 1040 sq. 1002 sq., 1020, 1104 sq. — Voir aussi
R é g r e s s io n ( P s y c h a n a l y s e ) , 756 s q ., 1026, L angage, Structuralisme, Symbolique.
1036 s q ., 1051 s q ., 1279. — Voir aussi Sensations (R apport des) des images et des
N év ro ses, P r o c essu s, P sy c h o ses. perceptions, 4 sq., 53 sq., 79 sq., 104 sq.,
R é j e c t io n ( P s y c h a n a l y s e ) , 1029 s q . 168 sq., 266 sq., 904 sq., 1125 sq.
R e l a t io n ( D é l ir e d e ) d e K r e t s c h m e r , 819. ** Sensationnisme (E mpirisme), 18 sq.,
R e p r é s e n t a t io n . — Voir aussi I m a g e s e t 58 sq., 666 sq., 1101 sq., 1143 sq., 1435,
H a l l u c in a t io n s p s y c h iq u e s . 1436.
R e p r o d u c t i o n p l a s t iq u e d e s H., 1 s q . Sensorialité (E sthésie) des H. psycho­
(Avant-propos). sensorielles, 54 sq., 79 sq., 183 sq.,
R é t ic u l é e ( F o r m a t io n ). — Voir T ronc 217 sq., 339, 904 sq., 1202 sq.
cérébral. — Critique de la distinction classique des
R é t in e , 102, 561, 613, 938 sq., 1160 sq., H. psycho-sensorielles et des H. psychiques,
1332. 47 sq., 80 sq., 1177 sq., 1201 sq. — Voir
R êve et D é l ir e ( G é n é r a l it é s ) , 95 sq., aussi D é f i n i t i o n , C l a s s if ic a t io n , P s e u d o -
1231 sq. (tout le chapitre IV de la 7e Par­ H a l l u c in a t io n s .
tie). S é r o t o n in e ( e t 5 H. T.), 517 s q ., 551, 555 s q .
— Assimilation de certaines Psychoses au Somato-cosmique ( D é l ir e ) , 302 sq., 843,
rêve (Déstructuration du champ de la 996 sq.
Conscience), 383 sq. — Voir E x p é r ie n c e s S o m a t o - é id o l ie s , 282 s q .
DÉLIRANTES. Somatognosie, Somesthésie (H. et), 266 sq.
— Du modèle sommeil-rêve à la désorga­ Sommeil (P sychophysiologie du ) et H.,
nisation du Moi (Psychoses délirantes 551 sq., 611 sq., 699 sq., 737, 1225 sq.,
et hallucinatoires chroniques), 405 sq., 1261 sq., 1300 sq. — Voir aussi E. E. G.,
428 sq., 756 sq., 792 sq., 821 sq., 841 sq., H ypnagogiques (H.), R êve.
1255 sq. Sorcellerie, 307 sq., 1189 sq. — Voir aussi
— Rêve et Phantéidolies, 125, 150, 180, P ossession.
184 sq., 348 sq., 373, 461 sq., 490 sq., Sosie (Illusions d e ) , 480, 769.
649, 693, 948 sq., 1008 sq., 1303 sq. Stimulation expérimentale. — Voir E xci­
— Le rêve manifestation de l’Ics (Psychana­ tation .
lyse), 1040 sq., 1054 sq. — Voir aussi
S t im u l i .
E x p é r ie n c e s d é l ir a n t e s , I n c o n s c ie n t ,
O n ir is m e . — Neurophysiologie. — Voir E x c it a t io n
neuronale.
R é v e r s ib il it é d e s p r o c e s s u s p s y c h o t iq u e s
c h r o n iq u e s , 845 sq., 1345 sq. — Voir — Réception et codage dans la Perception,
aussi C h r o n ic it é , P s y c h o s e s c h r o n i q u e s . 58 sq., 1122 sq., 1284 sq. — Voir aussi
R h i n e n c é p h a l e . — Voir L im b iq u e (S y s ­ C y b e r n é t iq u e , E x c i t a t i o n , R éflex o lo ­
t è m e ). g ie .
*, **, Structuralisme (L inguistique et
S I nconscient), 1001 sq., 1041 sq., 1104 sq.
*, **, Structure . — Voir aussi A rchitec ­
tonie , G estaltpsychologie, Symbolique.
Schém a co rpo rel. — Voir C o r p o r e l l e s (H.), * S u b c e p t io n , 59 sq., 1143 sq.
SOMATO-ÉIDOLIES.
Schröder (Paul), 329, 352, 1248 sq., 1277, 108, 522, 533 sq., 574 sq,.
Su g g e s t i o n ,
1299, 1351. 696 sq., 874 sq., 880 sq. — Voir aussi
H y s t é r ie , N o r m a l e t P a t h o l o g iq u e .
(H. e t ) , 146, 453 s q ., 460,
S c h i z o p h r é n ie
474, 481, 578 s q ., 635 s q ., 774 s q ., 845 s q ., Sulpiride , 1372.
994 s q . Surdité (H. et), et Surdi-mutité, 42, 229 sq.,
— Problème des Schizophrénies aiguës, 726, 365 sq., 705 sq., 928 sq., 1330, 1331.
786, 1347, 1392 sq. S u r - M o i , 109, 1034, 1046 s q .
INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1543

** S y m b o l iq u e (L e ) , 4 sq., 1041 sq., 1251. — T opique (P sychanalyse), 1040 sq.


Voir aussi I m a g in a ir e , I n c o n s c i e n t . T oxicomanies (D rogues hallucinogènes),
S y m b o l iq u e s ( M a n i f e s t a t io n s ) d e l ’i n c o n ­ 508 sq., 529 sq., 580 sq.
s c ie n t . — Voir I n c o n s c i e n t . « T ravail délirant ». — Voir I déo-
Synesthésies, 58 sq., 125, 190, 213, 287 sq., verbal (P rocessus) et N oético-affec­
533 sq., 571, 599, 628, 653 sq., 1110, 1123, tives (H.).
1156 sq. T ronc cérébral, F ormation réticulée,
S y p h i l i s ( N e u r o -), 450 s q . S. A. A., 138, 151, 321, 456, 470 sq., 476,
* S y s t é m a t is é s ( D é l ir e s ) , P a r a n o ïa . 551, 552, 614, 652, 954 sq., 1292 sq.,
— Délires systématisés chroniques, 801 sq. 1300 sq.
— Interprétation et hallucination dans la
falsification perceptive, 223 sq., 428 sq., U
805 sq. — Voir aussi I n t e r p r é t a t i o n s ,
N o é t ic o - a f f e c t iv e s (H .) . U ncus (C rise de l ’), É pilepsie temporale,
S y s t è m e s p e r c e p t i f s ( O r g a n e s et c e n t r e s D reamy state, 140 sq., 254 sq., 359 sq.,
DES DIVERS SENS). 490 sq., 1309 sq.
— Généralités, 57 sq., 1122 sq. (tout le
4e paragraphe du chapitre premier de la
7e Partie), 1284 sq., 1288 sq. V
— Audition, 163 sq.
— Corporel (schéma) et somatognosie, Vestibulo-labyrinthique (Système) et H.,
267 sq. 151, 288, 363 sq.
— Olfaction, 249 sq. Vision , Système perceptif visuel (N euro-
— Tact, 234 sq. psychologie), 101 sq., 1160 sq., 1170 sq.
— Vision, 101 sq., 1160 sq., 1170 sq. — Voir Visuelles (H.), Visions.
aussi C e n t r a l e ou P é r i p h é r i q u e ( L o c a ­ — Description et classification (Expériences
l is a t io n ) , C e n t r e s s e n s o r ie l s s p é c if iq u e s . délirantes hallucinatoires, Phantéidolies,
Protéidolies), 115 sq., 331 sq., 353 sq.,
422 sq., 449, 461 sq., 471 sq., 476, 490 sq.,
T 498 sq., 693 , 726 sq., 782 sq., 864, 870,
880 sq.
T abès, 454 sq. — Pathogénie, 911 sq., 925 sq., 930 sq.,
T actiles (H.) ou H aptiques, 234 sq. 934 sq., 1008 sq., 1022 sq., 1285 sq.,
T emporal (L obe). 1304 sq., 1321 sq. — Voir aussi Bonnet
— Convexité, Insula, Centres auditifs et (Syndrome de C harles), H émianopsi-
du langage, 162 sq. ques (H.), H ypnagogiques (H.), O nirisme.
— Excitations expérimentales, 943 sq. Voix, 10, 183-231, 288 sq., 364 sq., 777-779,
— Pathologie (Tumeurs, etc.), 468 sq., 1243. — Voir aussi A uditives (H.).
472 sq., 477 sq. — Voir L imbique (Sys­ Vol de la pensée, 211, 832.
tème).
T ératologiques (E ffets) et P athologie
CHROMOSOMIQUE DES SUBSTANCES HALLUCI­ Z
NOGÈNES (L. S. D.), 547 sq.
T halamus, 235 sq., 268, 490, 913. Z oopsies, 131.
MASSON ET Cle, É D IT E U R S
120, Boul. St-Germain, PARIS V Ie
Dépôt légal : 3e trim. 1973

Imprimé en France

IMPRIMERIE BARNÉOUD S. A.
LAVAL (Mayenne)
N° 6643. — 7-1973

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