Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
Actes du colloque
ͶͶͳ
ASSOCIATION FRANÇAISE DROIT ET CULTURES ͳͶͳ
© L’HARMATTAN, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-343-00437-2
EAN : 9782343004372
Sommaire
Les auteurs...................................................................................................................... 9
Avant-propos
7
Troisième partie : Ethnologie des Justices de l’Invisible
Annexe
8
De la maladie à la guérison : le rôle de régulateur du
praticien dans les textes magiques égyptiens
Frédéric ROUFFET
Résumé : Durant un rituel magique, le magicien est confronté à une sorte de « dualité des
mondes » en ce sens qu’il se fait l’intermédiaire entre le monde-ci, terre des hommes, et le
monde-autre, patrie des dieux. Guérir le patient le conduit donc à intercéder auprès des dieux.
Loin d’être anodine, cette adresse aux divinités prend place dans un cadre précis, celui de la
remise en ordre du monde à travers la guérison du patient, épisode présenté comme
restauration de la Maât.
Abstract: When the Egyptian magician accomplishes a ritual to cure his patient, he connects
two different worlds : the human land and the gods’ kingdom. This healing forces the ritualist
to intercede with the gods, asking them for help. Far from being trivial, this address to the
gods takes place in a specific context, that of the reordering of the world. Indeed, the patient’s
situation is presented as due to Isefet, the opposite of Maat. So the magician has the role of a
regulator of the world order.
1
Fr. SERVAJEAN, « Des poissons, des babouins et des crocodiles », dans I. RÉGEN, FR. SERVAJEAN (éd.),
Verba Manent. Recueil d’études dédiées à Dimitri Meeks II, CENiM 2/2, 2009, p. 405-424 démontre
qu’un texte magique peut présenter une accumulation de sens qui modifie sensiblement la lecture et
complique l’étude du texte.
2
Voir notamment celle de R.K. RITNER, The Mechanics of Ancient Egyptian Magical Practice, SAOC
54, 4e éd. corrigée, 2008, p. 220-233, « The Identity of the Magician ».
3
Pour une traduction du texte, se reporter entre autres à M. LICHTHEIM, Ancient Egyptian Literature I.
The Old and Middle Kingdoms, Berkeley & Los Angeles & Londres, 1973, p. 215-222 ; P. GRANDET,
Contes de l’Egypte ancienne, Hachette, 1998, p. 65-82 ; W.K. SIMPSON (éd.), The Literature of Ancient
Egypt. An Anthology of Stories, Instructions, Stelae, Autobiographies, and Poetry, Yale, 3e éd., 2003, p.
13-24. Pour une analyse récente, se reporter à B. MATHIEU, « Les contes du Papyrus Westcar. Une
interprétation », Égypte, Afrique et Orient 15, 1999, p. 29-40.
198
De la maladie à la guérison :
le rôle de régulateur du praticien dans les textes magiques égyptiens
Il est bien défini dans les textes magiques que le praticien est l’acteur
principal et le témoin privilégié d’une communication originale entre le monde-
ci, territoire des hommes, et le monde-autre, univers divin. Cette relation
privilégiée entre le magicien et la divinité est renforcée par le fait que celui-ci
agit en nom et place du pharaon. En effet, dans la conception égyptienne,
Pharaon est le seul et unique ritualiste d’Égypte, les prêtres n’effectuant les
rituels qu’en tant que ses délégués. C’est ce que nous apprend un passage de la
Stèle Metternich dans lequel le magicien s’adresse ainsi au dieu Horus : « C’est
grâce à ta magie-hékaou que j’ai pu conjurer, c’est grâce à ta magie-akhou que
j’ai pu réciter et c’est grâce à ta parole que j’ai pu jeter un sortilège »6.
Or, comme souvent dans certains textes, ce n’est pas au dieu Horus que
s’adresse directement le ritualiste, mais bien au pharaon lui-même. Le praticien
explique ainsi la raison d’être de sa fonction : il agit en tant que substitut du roi
puisqu’il ne dispose pas originellement de certains éléments nécessaires au bon
fonctionnement d’un rituel7.
4
Cf. D. JONES, An Index of Ancient Egyptian Titles, Epithets and Phrases of the Old Kingdom II, BAR
S866 (II), 2000, p. 781 et fig. 1.
5
Voir notamment R.K. RITNER, « The Romance of Setna Khaemuas and the Mummies (Setna I) » et
« The Adventures of Setna and Si-Osire (Setna II) », dans W.K. SIMPSON (éd.), op. cit., p. 453-489.
6
Sd~n=j m HkAw=k, Dd~n=j m Axw=k, Sn~n=j m md.t=k = Stèle Metternich, col. 106-108 ; cf.
C.E. SANDER-HANSEN, Die Texte der Metternichstele, AnAeg VII, 1956, p. 51-53.
7
Cf. « 1kAw, Axw et md.t : éléments essentiels d’un rituel égyptien », à paraître.
199
Frédéric ROUFFET
L’historiola
8
C’est ce qui résulte de l’étude de D. MEEKS, « Notion de "dieu" et structure du panthéon dans l’Égypte
ancienne », RHR CCV/4, 1988, p. 425-446.
9
La question de la pertinence du terme « magie » appliqué à l’Égypte ancienne ne sera pas soulevée ici.
Nous intégrons dans le groupe des « textes magiques » les textes désignés comme tels par les éditeurs des
ostraca ou papyrus ainsi que certaines formules extraites des papyrus médicaux et dont la structure
rappelle plus un texte magique (formule à réciter + prescription) que celle d’un texte médical (liste
d’ingrédients + modus operandi).
10
Cf. le début du Papyrus Ebers (Eb. 1-3) : Th. BARDINET, Les papyrus médicaux de l’Egypte
pharaonique, s.l., 1995, p. 39-59 (= chap. 2 « Protections et combats magiques »).
11
Th. BARDINET, « La contrée de Ouân et son dieu », ENiM 3, 2010, p. 65, n. 59.
12
Voir à ce propos Sc. MORSCHAUSER, Threat Formulae in Ancient Egypt, Baltimore, 1991.
13
C’est la définition qu’en donne B. MATHIEU, « La littérature narrative de l’Egypte ancienne : un bilan »
dans Z. HAWASS (éd.), Egyptology at the Dawn of the Twenty-First Century. Proceedings of the Eighth
International Congress of Egyptologists III, Le Caire & New York, 2003, p. 299 : « Parfois, la narration
est intégrée dans le discours magique ou religieux à des fins étiologiques ou pour servir de simple référent
mythologique ».
200
De la maladie à la guérison :
le rôle de régulateur du praticien dans les textes magiques égyptiens
14
Y. KOENIG, Magie et magiciens dans l’Égypte ancienne, Paris, 1994, p. 64.
15
Il suffit de relire le mythe d’Isis et Osiris relaté par Plutarque dans lequel Osiris règne sur l’Égypte et
est assassiné par son frère Seth, jaloux de sa position.
16
Fr. SERVAJEAN, Djet et Neheh. Une histoire du temps égyptien, OrMonsp XVIII, 2007, p. 48.
201
Frédéric ROUFFET
L’injonction comminatoire
17
Le texte souligné indique un passage rubriqué du papyrus.
18
L'emploi du futur résulte d'une volonté de rester au plus proche du texte égyptien.
19
P. Chester Beatty V, vo 4, 10 – 6, 4 [3] ; cf. A.H. GARDINER, Chester Beatty Gift I. Text, HPBM III,
Londres, 1935, p. 51 et id., Chester Beatty Gift II. Plates, HPBM III, Londres, 1935, pl. 28-30.
20
D’importantes études de cette notion sont dues à J. ASSMANN, Maât, l’Égypte pharaonique et l’idée de
justice sociale, éd. La Maison de Vie, 2003 et B. MENU, Maât. L’ordre juste du monde, Paris, 2005. Se
reporter également l’article de B. Menu dans le présent ouvrage.
202
De la maladie à la guérison :
le rôle de régulateur du praticien dans les textes magiques égyptiens
Conclusion.
21
Op. cit., p. 116.
22
Cf. supra n. 14.
23
D’où la définition de ce procédé comme « solidarité forcée » par S. SAUNERON (« Le monde du
magicien égyptien », SourcOr VII, 1966, p. 37).
203