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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
was of course a lie ! We said to the muwaẓẓaf : iḍrib al-tilifūn, ʿindi raqm al-mudīr (of
course, we did not know the phone number of the Director) fī farʿ al -ṯānī li-l-Hayʾa,
šāriʿ Kūrnīš al-Nīl. He did not call the Director, but he went down and brought us a free
copy of Muqātil’s Tafsīr. Of course, we gave him a baqšīš for this ḫidma and for this free
(and forbidden, by the al-Azhar’s authorities) copy ! Claude Gilliot, Aix-en-Provence,
19 décembre 2013]
[P. 39] La parution récente de l’édition complète du Commentaire
coranique de Muqātil b. Sulaymān (m. 150/767) 1 est l’occasion de tenter de
1
. Muqātil b. Sulaymān (a. l-Ḥ. Muqātil b. Sul. b. Bašīr al-Baǧalī al-Azdī al-Balḫī
al-Ḫurāsānī al-Marwazī), Tafsīr, I-IV, éd.ʿAl. Maḥmūd Šiḥāta, Le Caire, al -Hayʾa,
1980-88, 604+797+957+1067 p.; 29 x 21. Le vol. I avait déjà paru précédemment, éd.
Shiḥāta, Le Caire, Muʾassasat al-Ḥalabī/Maṭbaʿat al-Madanī, 1969, 15+410 p., jusquʾà
la sourate 6. Pour le reste, cette éd. a un destin « mystérieux », puisque la 2ème éd. du
vol. I date de 1980 (1980 sur la page de titre et pour le dépôt légal, 1979, sur la
couverture) ; la première éd. du vol. II, de 1983. De plus, ce n’est qu’à la suite d’un
parcours « hiérophantique » qu’on peut en obtenir un exemplaire (nous l’avons acquis
au début de 1989), après nous être vu opposer moult fois un fatidique « mā fīš « des
employés de la maison d’édition. L’ensemble du texte était prêt pour l’impression dès
1967 ; en effet, in IV, p. 965, Šiḥāta date du 4 septembre 1967. Nous supposons que la
parution a été retardée par la censure des autorités d’al-Azhar. Quant à la diffusion,
elle est, semble-t-il, contrecarrée pour les mêmes raisons. C’est ce qu’on comprend
d’après de nombreuses notes dans lesquelles l’éditeur cite des auteurs tardifs pour
contrer des interprétations de Muqātil et des récits qualifiés de chimériques. De plus, in
IV, p. 53, suite de la n. 1 de la p. 52, il déclare que cette éd. a été soumise à
l’Administration des Recherches et des Publications d’al-Azhar et « qu’on lui a fourni
des orientations utiles dont il a tiré profit dans les notes ». En fait, on est étonné de voir
citer en guise d’autorités M. ʿAbduh, Haykal pour la vie de Muḥammad et Sayyid Quṭb
(sic !), de préférence à aṭ-Ṭabarī– il figure néanmoins parmi les réf.- dont certains des
récits « légendaires » sont souvent identiques à ceux de Muqātil. Mais on lui préfère ici,
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
comme souvent, Ibn Kaṯīr, et ce pour des raisons évidentes : son commentaire est plus
réduit, et surtout il est plus conforme aux filtrages « orthodoxes », voilant donc
l’évolution historique des doctrines.
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. Pour l’A., v. Plessner, EI1, III, 760-61 (dépassé) ; [Plessner-[A. Rippin], EI2,
(1991), VII, 508-509] et surtout I. Goldfeld, « Muqātil ibn Sulaymān », Arabic and
Islamic Studies, II (1978), XIII-XXX; on y rajoutera aux réf Ḏahabī,
. Taʾrīḫ al-islām,
années 141-60, éd. Tadmurī, Beyrouth, Dār al-K. al-’arabī, 1988, p. 639-42, qui contient
quelques éléments complémentaires; v. aussi Anawati, « Textes arabes anciens »,
MIDEO, 13, n° 13.
3
. P. Nwyia, Exégèse coranique et langage mystique, Beyrouth, Dar El-Machreq,
1970. On ajoutera à cette bibliogr. l’introduction de Šiḥāta à Muqātil, K. al-Ašbāh wa n-
naẓā’ir, éd. ‘Al. Maḥmūd Šiḥāta, Le Caire, al -Hay’a, 1970. 348 p., p. 12-85, et celle de
Isaiah Goldfeld à son éd. de Muqātil, K. Tafsīr al-Ḫamsmiʾat āya, Shfaram, Bar-Ilan
University, al-Mashriq Press, 1980, 317+8 p., soit huit pages d’introduction en anglais,
et p. 5-10 du texte arabe.
4
. J. Wansbrough, Quranic Studies. Sources and methodes of scriptural
interpretation, Oxford University Press (LOS, 31), 1977, XXVI+256 p.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
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. Il faudrait également faire une recherche sur le texte du Coran auquel Muqātil
se réfère. Très souvent l’édit. l’a corrigé en fonction de la version officielle actuelle.
Mais il faudrait voir s’il s’agit de coquilles, de maladresses des transmetteurs ou des
copistes, ou bien si le texte sur lequel s’appuyait Muqātil ou celui qui a collecté ce
commentaire était différent, et cela, en fonction des variantes des mss., v. g. I, p. 553,
III, p. 383, 414, 421, 499 ; IV, p. 23, et passim .
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[484/inc. 23 févr. 1091, selon Asnawī ; lundi 7 muḥ. 494/12 nov. 1100, selon
Ibn ʿAsākir]) 6.
1b. al-Qāḍī a. ʿAl. M. b. ʿA. b. Zādlaǧ (orthographe incertaine?) 7.
1c. ʿAbdalḫāliq b. al-Ḥ. : a. M. as-Saqaṭī al-Muʿaddil, connu comme
Ibn a. Rūbā [ou Ruʾba] (m. [mardi 14 rağab] 356/[25 juin] 967)8.
[Son nom tel que donné par TB, XI, 124, n° 5819 : Abd al-Ḫāliq b. al-Ḥ. b. M. b.
Naṣr b. Bazīʿ b. ʿAr. a. M. al-Saqaṭī, appelé Ibn a. Rūbā (Ruʾba). L’un des maîtres de
Abū Saʿd al-Samʿānī (m. 1er rab. I 562/26 déc. 1166) avait une licence de transmission
du commentaire de Muqātil. Ce maître, c’est Abū ʿAmr al -Balḫī ʿUṯmān b. M. b. A. b.
M. b. Ğaʿfar appelé al-Šarīk, m. à Balḫ, 30 ğum. I 537/21 déc. 1142 (Samʿānī, al-Taḥbīr
fī l-Muʿǧam al-kabīr, I-II, éd. Munīra Nāǧī Sālim, Bagdad, Riʾāsat Dīwān al-
Awqāf/Maṭbaʿat al-Iršād, 1975, I, 552-559, n° 541). Il avait envoyé de Balkh à al-Samʿānī
une licence de transmission de tout qu’il avait appris sous le mode l’audition (kataba
ilayya l-iğāzata bi-ğamīʿi masmūʿātihi min Balḫa). Celui qui avait transmis ledit
commentaire à al-Šarīk était le maître de ce dernier, al-Waḥšī (du nom d’une petite
localité près de Balkh) (a. ʿA al-Ḥ. b. ʿA. b. M. b. A. b. Ğaʿfar, né en 385, m. mardi 6
6
. Asnawī, Ṭabaqāt aš-šāfiʿiyya, éd. ʿAl. Ǧubūrī, Riyad, Dār al -ʿulūm, 1400/1981
(Bagdad, 1391/19711), II, 94, n° 684 [TD, VII, 201-202, n° 506].
7
. V. MuqātilTafsīr Ḫamsmiʾa, op. cit., p. 7 : al-Qāḍī a. ʿAl. M. b. ʿA. Zādlaǧ ; p. 5
(angl.) : Ḏārīǧ, selon l’un des ms.
8
. San [= Ḏahabī, Siyar aʿlām an-nubalāʾ, éd. Šuʿayb a l-Arnaʾūṭ et alii, Beyrouth,
ar-Risāla, 1981-88], XVI, p. 81; TB [= Taʾrīḫ Bagdad], XI, p. 124, n° 5819 ; Samʿānī, al-
Ansāb, éd. ʿAl. ʿU. al -Bārūdī, Beyrouth, Dār al-Ǧinān, 1408/1988, III, 263. Tha’labī,
Qur’ānic Commentary..., éd. I. Goldfeld, Acre, 1984 [désormais : Muqaddima ], donne
Ibn a. Rʾuba (avec tāʾ marbūṭa), nom qui existe aussi, v. Ibn Mākūlā, Ikmāl, Hyderabad,
1962-67 [al-Ikmāl fī rafʿ al -irtiyāb ʿan al-muʾtalif wa l-muḫtalif fī l-asmāʾ wa l-ansāb, I-
VI, éd. ʿ Ar. b. Yaḥyā al -Muʿallimī al-Yamānī, Hyderabad, 1962-7 ; VII, éd. Nāyif al-
ʿAbbās, Beyrouth, 1976 ; réimpr. I-VII, Beyrouth, s.d.], IV, 101. Pour le problème que
pose son nom dans la chaîne de transmission, v. infra, n. 13.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
rab. II 471/16 oct. 1078, d’après Ibn al-Nağğār, à Ballh ; Ibn al-Dimyaṭī-Nağğār, al-
Mustafād min Ḏayl Taʾrīḫ Baġdād (vol. XVIII, de l’ensemble de TB) éd. Qayṣar Abū
Faraḥ, Beyrouth, Dār al-K. al-ʿarabī, 1391/1971, 102-103, n° 68 ; TD, XIII, 317-318, n°
1397 ; Samʿānī, Ansāb, V, 579 ; Ṣafadī, al-Wāfī bi l-wafayāt, XII, 163, n° 136 ; San,
XVIII, 365-367 : il fut l’un des maîtres de Ḫaṭīb Baġdādī à Bagdad et et à Isaphan ).
Waḥšī avait appris ce commentaire sous le mode de la lecture, à Bagdad de (qaraʾtu bi-
Baġdādaʿalā) al-Ḥ. b. A. b. Šāḏān al-Bazzār, ce qu’il faut entendre de a.ʿA. Ibn Šāḏān
al-Ḥ. b. Ibr. b. A. b. Ḥ. b. M. b. Šāḏān b. Ḥarb b. Mihrān al-Bazzār, m. samedi 1er muḥ.
426/16 nov. 1034. Il s’y entendait dans la théologie dialectique asharite et il était connu
pour être un adepte de la dive bouteille (wa kāna yafhamu l-kalāma ʿalā maḏhabi l -
Ašʿariyyi, wa kāna muštahiran bi-šurbi l-nabīḏi, certains ajoutent, selon la pratique des
Coufiens, ʿalā maḏhabi l-Kūfiyyīna), mais finalement il abandonna ce noble plaisir. Il
fut l’un des maîtres d’al-Ḫaṭīb al-Baġdādī (TB, VII, 279-280, n° 3772 ; San, XVII, 418-
418). La transmission du commentaire, il la tenait de (ʿan) ʿAbd al-Ḫāliq b. al-Ḥ. m. M.
b. Naṣr b. Marzūq b. a ; Ruʾba al-Muʿaddil. La suite de la transmsmission ut infra : 1d.,
Ie. 1f.]
1d. Abū Muḥammad ʿAbdallāh 9 b. Ṯābit b. Ya ʿqūb al-Muqriʾ at-
Tawwazī (et non aṯ-Ṯawrī) (né en 223/837, m. 308/920) ; il apprit (aḫaḏa) le
Tafsīr de Muqātil auprès son père en 240/854, sous le mode de l’audition (à
Médine)10.
1e. son père=Ṯābit b. Ya’qūb b. Qays at-Tawwazī 11.
9
. ʿAl., selon TB , IX, p. 426-27, n° 5039 ; Muqātil, I, 25, lit : ʿUbaydallāh, et met
en note : ʿAbdallāh; Goldfeld, in Tafsīr Ḫamsmiʾa , p. 11 : ʿAl. Šiḥāta, tout au long du
texte écrit indifféremment ʿAl. ou ʿUbaydallāh.
10
. TB, VII, 143; IX, 426-27 : a. M. al-ʿAbqasī (de ʿAbd al-Qays) an-Naḥwī. En
Muqātil, I, p. 179, on lit la date de 204, il faut lire 240. Mais on y trouve une information
supplémentaire, celle du lieu : Médine et le fait queṮābit avait alors 85 ans, ce serait
l’année de sa mort.
11
. TB, VII, 143.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
ʿAbdallāh b. Thābit déclara avoir vu écrit sur le livre (=le Commentaire [P.
42] de Muqātil) auprès de son père que celui -ci l’avait appris (aḫaḏa) de
Huḍayl, sous le mode de l’audition, à Bagdad (Darb al-Sidra) en 190/80513. P12F P
Muqātil.
Deux questions, comme beaucoup d’autres, n’ont été ni abordées ni
élucidées par l’éditeur, elles concernent le manuscrit d’al-Azhar. En effet,
celui-ci est (en partie ou en totalité?) dans la recension (riwāya) de Abū
Yaʿqūb Ishāq b. Ibr. b. Ḫalīl al-Ǧallāb [que l’éditeur n’a pas cherché à identifier ;
m. mardi ġurrat de šaʿbān 314 (le 1er est un jeudi, mais ce peut être le mardi suivant/12
P P
oct. 925, ; TB, VI, 392, n° 3435 ; Ibn al-Ğawzī, Muntaẓam, I-XVIIII+ vol. d’index, éd.
ʿAṭā, Beyrouth, Dār al-Kutub al-ʿilmiyya, 1412/1992, XIII, 254, n° 2235 : m. 314 ;
12
. Et non al-Zaydānī, v. Ḏahabī, al-Muštabih, éd. ʿA. M. al-Biǧāwī, le Caire, 1962,
I, 332 ; [Samʿānī, Ansāb, II, p. 497-498 ; TB, XIV, p. 78-79, n° 7431].
13
. TB, XIV, 78-79. Cela est confirmé par l’un des mss, v. I, p. 151-52, avec les
deux dates mentionnées en 1d et 1f. Mais il y a toutefois un problème, avec
l’intervention, en ce même lieu, p. 152, d’un certain Abū ʿAmr qui déclare avoir
recueilli ce commentaire de ʿAl. b. Ṯābit, sous le mode de l’audition, en 284/897, alors
que la chaîne introductive a ʿAbdalḫāliq b. al -Ḥasan en 1c. Il s’agit de Abū ʿAmr b. as-
Sammāk, l’un des disciples de ʿAl. b. Ṯābit, au même titre que ʿAbdalḫāliq, v. TB, IX, p.
426, l. 15. C’est Abū ʿAmr ʿUṯmān b. A. b. ʿAl. b. Yazīd al -Baġdādī ad-Daqqāq, appelé
Ibn as-Sammāk, m. [samedi 27 rab. I] 344/[21 juillet] 955, l’un des maîtres d’ad-
Dāraquṭnī ([TB, XI, 302-303, n° 6092] San, XV, p. 444-45). La solution est peut-être la
suivante : ʿAbdalḫāliq n’aurait pas eu le certificat d’autorité, mais il aurait copié ou
possédé l’exemplaire d’Ibn as-Sammāk. C’est ce que semblerait confirmer la chaîne
introductive où entre 1c et 1d ne figure pas ḥaddaṯanī, mais seulement qāla, alors
qu’entre 1d et 1e, et entre 1e et 1f, on lit ḥaddaṯānā ; entre 1f et Muqātil : ʿan.
V. également en Muqātil, I, p. 179, la mention de l’an 190, pour l’audition de 1e.
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Ḏahabī, Taʾrīḫ, éd. Maʿrūf, VII, 279 -80, sans la date de son décès] . Il y a bien un
personnage qui porte exactement le même nom (m. [mardi du début de
šaʿbān 314/oct. 926 ou 320/932) ; il a vécu à Bagdad15. S’il s’agit bien de lui,
il faudrait le placer au lieu et place de 1d, ou à la rigueur de 1c. Mais s’il
faut entendre riwāya dans le sens de transmetteur direct de Muqātil, nous
ignorons qui il est, à moins de supposer qu’il soit identique à 2c 2e (infra),
et qu’un copiste ait complété son nom par celui d’un transmetteur connu,
al-Ǧallāb ! L’identité avec 2c 2e nous paraît peu vraisemblable.
[Le 15/12/2013 Gilliot a trouvé in Abū Bakr al-Bayhaqī, al-Asmāʾ wa l-ṣifāt, Le
Caire, 1358/1939 ; réimpr. Beyrouth, Dār al-Kutub al-ʿilmiyya, 1984, p. 296/litho, texte
ḥyī l -Dīn al-Ğaʿfarī al-Zaynī, Allahabad al-Maṭbaʿ (sic) al-
revu (taṣḥīḥ) par M. Mu
musammā bi-Anwār Aḥmad, 1313/1895, p. 172, l. 1-8, à la fin du chap. qawlihi ʿazza wa
ğall : inna rabbakumu Llāhu llaḏī ḫalaqa (…) bi-amrihi (7, Aʿrāf, 54) : la chaîne
suivante : (…) M. b. Masʿūd/Isḥāq b. Ibr. al-Ğallāb/M. b. Hāniʾ/al -Ḥus. b. Maḥmūd/al-
Huḏāyl/Muqātil, ad Coran 7, 54 : a-lā lahu l-ḫalqu wa l-amru : « Cela montre que al-
amr est différent de al-ḫalq, puisque (Dieu) distingue entre les deux ; il veut donc dire
une parole (kalāman) par laquelle il crée les créatures (yaḫluqu bihi l-ḫalqa), ou une
volonté (irāda)… » ; même chaîne, p. 299, sur les deux sens de ğaʿalū/litho de
Allahabad, 1313, p. 173, l. 14sqq.]
La deuxième question concerne une chaîne qui apparaît au moins
deux fois dans ce même manuscrit : Abū Ǧa’far M. b. Hāniʾ/Abū l-Qāsim
al-Ḥusayn b. ʿAwn/Huḏayl/Muqātil ou Mu ʾ] /Abū l-
ḥammad [i.e. b. Hāni
Qāsim [i.e. al-Ḥus. b. ʿAwn]/Huḏayl/Abū Bakr b. ʿAl. al-Huḏalī [Sulmā b ʿAl. b.
Sulmā b. ʿAbd b. Ḥabīb (…) b. Tamīm b. Saʿd b. Huḏayl a. Bakr al-Huḏālī al-Baṣrī, m.
159/inc. 31 oct. 775 ; il transmit, entre autres, des traditions de Ḥasan al-Baṣrī et de ʿIkrima. Ce
14
. V. l’introd. de l’édit., I, p. z et III, p. 402, n. 1-2.
15
. V. la notice en TB, VI, p. 392-93 [n° 3435] ; San, XIV, p. 467 (sans notice),
place sa mort en 320.
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traditionniste, l’un des commensaux du calife a. Ğaʿfar al-Manṣūr, passe pour « faible »
selon les critères de qui l’on sait ! V. TB, IX, 223-226, n° 4800 ; Ibn ʿAdī, Kāmil, IV,
339-347, n° 774 ; Ibn Mākūla, Ikmāl, IV, 326 ; Ibn Nāṣir al-Dīn al-Dimašqī, Tawḍīḥ al-
Muštabih fī ḍabṭ asmāʾ al-ruwāt wa ansābihim wa alqābihim wa kunāhum, I-X, éd. M.N.
al-ʿArqūsī, Beyrouth, Muʾassasat al-Risāla, 1993, V, 143, sur les variantes de son nom ;
Marzubānī, M. b.ʿImrān, Nūr al-Qabas, Die Gelehrten Biographien des Abū
ʿUbaydallāh al-Mazrzubānī in der Rezension desḤāfiẓ al -Yaġmūrī, hrsg. R. Sellheim,
Wiesbaden, Franz Steiner Verlag (in Kommission bei) («Bibliotheca Islamica», 23a),
1964, 40-46, n° 11 ; van Ess, TG, II, 291, qui ne s’appuie que sur Nūr al-qabas, le
16
qualifie de « grammairien »]/ʿIkrima (m. 105/723) . Nous [P. 43] n’avons pu
identifier ni M. b. Hāniʾ ni al-Ḥusayn b. ʿAwn. Pour ce dernier, à voir la
chaîne qui est en partie huḏalite, on peut penser que c’est un descendant
de ʿAwn b. ʿAl. al-Huḏalī al-Masʿūdī (ob. post 110/728)17.
[Gilliot 16 décembre 2013 : ce pourrait être Abū Ğaʿfar M. b. Hāniʾ b. Ṣāliḥ,
lequel fut un élève de a. Yaʿqūb Isḥ. b. Ibr. b. Naṣr al-Nisābūrī al-Buštī (ob. ca. 303/inc.
17 juil. 915) ; Ibn ʿAbd al-Hādī (M. b. A. b. ʿAbd al -Hādī b. ʿAbd al -Ḥamīd b. ʿAbd al-
16
. Pour les deux premiers personnages, il doit s’agir des mêmes dans les deux
chaînes, successivement [Muqātil, Tafsīr], III, 225, l. 1 [ad Q 25 (Furqān), : a. Ğaʿfar M.
b. Hāniʾ/a. al-Q. al-Ḥus. b. ʿAwn/a. Ṣāliḥ al-Huḏayl…], et 402, n. 2 1 [ad Q 30 (Rūm), 1 :
M./a. al-Q./al-Huḏayl/a. Bakr b. ʿAl. al-Huḏālī/ʿIkrima] ; en ce dernier lieu, avec un
récit de ʿIkrima, p. 402-05, sur le début de la sourate 30, Rūm, puis reprise dès le début,
sans isnād, du commentaire de Muqātil [III], p. 406sqq. Abū Bakr al-Huḏalī al-
Baṣrī= Sulmā b. ʿAl. [b. Sulmā], disciple d’al-Ḥasan al-Baṣrī ; [Ibn ʿAdī, al-Kāmil li-l-
ḍuʿafāʾ, I-IX, éd. ʿĀdil A. ʿAbd al -Mawğūd et ʿA. M. Muʿawwaḍ, Beyrouth, Dār al -
Kutub al-ʿilmiyya, 1418/1997, IV, 339-347, n° 775 ; Ibn Ḥağar al -ʿAsqalānī, Tabṣīr al-
muntabih bi-taḥrīr al-muštabih, I-IV, éd. ʿAlī M. al -Biǧāwī et M. ʿAlī al-Naǧǧār, Le
Caire, al-Muʾassasa al-miṣriyya li-l-taʾlīf…, 1964-7, II, 687, l. 4] ; Id., Lisān al-Mīzān, III,
p. 71.
17
. San, V, p. 103-5.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Hādī b. Yūsuf), Ṭabaqāt ʿulamāʾ al-ḥadīṯ, I-IV, éd. Akram al-Būshī et Ibr. al-Zaybaq,
Beyrouth, al-Risāla, 1417/19972 (1406/19861), II, 422-23, n° 690, où M. b. Hāniʾ b. Ṣāliḥ
figure au nombre des élèves d’al-Buštī. Quant à sa kunya, Abū Ğaʿfar, c ’est Yāqūt qui
la donne ; Jacut’s Geographisches Wörterbuch, I-VI, éd. F. Wüstenfeld, Leipzig, DMG,
in Commission bei F.A. Brockhaus 1866-73, 19242, I, 629, l. l. 4-5, sub Bušt]
Dans l’introduction à son Commentaire, Abū Isḥāq aṯ-Ṯaʿlabī (m.
muḥ. 427/inc., 5 nov. 1035) donne trois voies de transmission :
La première est celle d’al-Huḏayl, elle est identique à celle du Tafsīr
édité, sauf pour 1a et 1b. A la place de 1a, on a ṯa -Ṯaʿlabī lui-même, et au
lieu de 1b, Abū. Ish. Ibr. b. M. b. Ibr. [b.] Mihrān b. al-Isfarāyīnī al-
Mihraǧānī [al-uṣūlī al-šāfiʿī] (m. [le jour de ʿĀšūrā , 10 muḥ.] 418/[20 févr.]
1027)18. Il s’agit bien de lui, en effet, puisqu’il entendit les leçons de
ʿAbdalḫāliq b. a. Rūbā (Ruʾba) (supra sub 1c)19.
18
. Goldfeld, Muqaddima, n. 236 [ ; Ṣarīfīnī, al-Muntaḫab min al-Siyāq li-Ta’rīḫ
Nīsābūr, éd. M.A. ʿAbd al -ʿAzīz, Beyrouth, Dār al-Kutub al-ʿilmiyya, 1409/1989, 120-
122, n° 269 ; San, XVII, 353-356].
19
. D’après San, XVIII, 353.
20
. GAS [F. Sezgin, Geschichte des arabischen Schriftttums, I, Leiden, Brill, 1967]
I, 47 ; [Ṣarīfīnī, Muntaḫab, Q. 79-80; Nr. 482; Ḏahabī, Siyar, XVII, S. 237-38 ; W. Saleh,
10
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
The Formation of the classical tafsīr tradition. The Qur’ān Commentary of al-Tha‘labī
(d. 427/1035), Leyde, Brill, (Texts and Studies on the Qur’ān, I), 2004, 45-47 ; Gilliot,
« Kontinuität und Wandel in der “klassischen” islamischen Koranauslegung (II./VIII.-
XII./XIX. Jh.) », Der Islam, 85 (2010), p. 1-155, § 45]
21
. V. van Ess, Ungenützte Texte zur Karrāmiyya, Heidelberg, 1980, p. 51 et p. 44,
n° 17.
22
. V Mīzān [= Ḏahabī, Mīzān al-iʿtidāl, éd.ʿA. al -Biǧāwī, Le Caire, 1963 ;
Beyrouth, Dār al-Ma’rifa, s. d.], I, p. 106-08, Suttūq/Sattūq ; Ansāb, p. I, 126-27 ; van
Ess, op. cit., p. 49.
11
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
23
206-207 ; n° 194 ; 298-299, n° 344] [Ḥākim al-Haskānī (ʿUbayd Allāh b. ʿAl. b. A.al-
Ḥaḏḏāʾ al-Ḥanafī al-Nīsābūrī, Ve hégire), Šawāhid al-tanzīl fī l-āyāt al-nāzila fī ahl al-
bayt, I-II, éd. M. Bāqir al-Maḥmūdī, Muʾassasat al-ṭabʿ wa l-našr, Wizārat al-ṯaqāfa wa
l-iršād al-qawmī, 1411/1990, II, 141, n° 775 : al-Ustāḏ a. l-Q. al-Ḥ. b. M. b. Ḥabīb/a. l-Q.
ʿAl. b. Maʾmūn/a. Yāsir ʿAmmār b. ʿAbd al-Mağīd/A. b.ʿAl./Isḥāq b. Ibr. al -
Taġlibī/Muqātil b. Sulaymān al-Balḫī, bi-tafsīrihi wa fīhi : ad Coran 33 (Aḥzāb), 58 : wa
llaḏīna yuʾḏūna l-muʾminūna…, selon Muqātil, il est dit que ce verset fut révélé à
propos de ʿAlī b. a. Ṭālib ; cf. Muqātil, Tafsīr, III, 507. L’éditeur Šiḥāta, inspiré ou non
par des Azhariens, écrit une longue note, sur cette tradition, et y voit un ajout d’un
copiste chiite ! Cf. Wāḥīdī, al-Tafsīr al-basīṭ, I-XXV, éd. M. Ṣāliḥ b. ʿAl. al-Fawzān, et
al., Univ. M. b. Suʿ ūd, 1430/2010, XVIII, 291, selon Muqātil, mais sans la chaîne de
garants ; al- Irbilī (Bahāʾ al -Dīn a. al-Ḥ. ʿAlī b. ʿĪsā b. a. al-Fatḥ, m. 693), Kašf al-
ġumma fī maʿrifat al-aʾimma, I-II, Téhéran, Maṭbaʿat Qum, 1294/1877 ; réimpr.
Beyrouth, Dār al-Aḍwāʾ, 1405/19852, I, 329].
Muqātil.
23
. V. nos remarques supra à propos du ms. du commentaire de Muqātil b.
Sulaymān qui est à al -Azhar. [Sur Muqātil b.Ḥayyan, v San, VII, 340-341 ; P. Crone,
« A Note on Muqātil b. Ḥayyān
. and Muqātil b. Sulaymān », Der Islam, 74 (1997),
p. 238-49 ; van Ess, TG (Theologie und Gesellschaft im 2. und 3. Jahrhundert Hidschra.
Eine Geschichte des religiösen Denkens im frühen Islam, Berlin, Walter de Gruyter, I-
VI, 1991-97), II, 510-516].
12
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
24
. Dūlābī, al-Kunā wa l-asmāʾ, Hyderabad, 1322/1904, p. 31. Muqātil épousa la
mère de Abū ʿIṣma, v. TT [Ibn Ḥağar, Tahḏīb al-tahḏīb, éd. Amīr Ḥasan, et al., I-XII,
Hyderabad, Dāʾirat al -maʿārif al-niẓāmiyya, 1325-7/1907-9 ; réimpr. Beyrouth, Dār
Ṣādir, s.d.], X, p. 280, l. 10 (notice sur Muqātil b. Sulaymān) ; [Mizzī (Tahḏīb al-kamāl fī
asmāʾ al-riğāl, I-XXIII, éd. Aḥmad ʿAlī ʿAbīd et Ḥasan Aḥmad Āġā, « revue » (sic !)
par Suhayl Zakkār, Beyrouth, Dār al-Kutub al-ʿilmiyya, 1414/1994), Tahḏīb, XIX, 176-
179, n° 7089].
25
. TT, X, 486-9 ; cf. Lisān al-mīzān [Ibn Ḥaǧar, I -VII, Hyderabad, 1911-3;
ʾassasat al -Aʿlamī, 1986], VI, 172-3 ; Laknawī, al-Fawāʾid al-
réimpr. Beyrouth, Mu
bahiyya fī tarāǧim al-ḥanafiyya, Le Caire, 1323/1906, p. 235, l. 18; 221-2 ; Ǧarḥ [= Ibn a.
Ḥātim ar-Rāzī, al-Ǧarḥ wa t-taʿdīl, Hyderabad, 1941-56 ; réimpr. Beyrouth Dār al-
Kutub al-’ilmiyya, s. d., avec tomaison différente, mais pagination identique], VIII, 484.
C’était un disciple de Abū Ḥanīfa ; il fut cadi de Merv.
26
. GAL S I, 287, antepen. ; il aurait été l’un des premiers à collecter les matériaux
du maître.
27
. Corr. l’intervertion dans Goldfeld Muqaddima, qui donne : « A. b. ‘Al. » b. aṣ-
Ṣiddīq, v. San, XIV, 254= notice de 3c; TB, IX, 390, n° 8984. [La chaîneʿAbdallāh b. A.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
14
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30
. TT, VII, 308 [van Ess, TG, II, 519-520, 555-556]
31
. Supra n. 25.
32
. C’est J. van Ess qui a attiré notre attention sur ce fait, qu’il en soit remercié;
l’expression « recension persane » est de lui, correspondance du 22/9/89, dans laquelle
il écrit, d’après notre traduction : « Je puis supposer que celle-ci (i. e. la recension
iranienne) s’étendait plus sur les questions d’anthropomorphisme que la recension
irakienne, la seule qui nous soit conservée ». V. également J. van Ess, « The Youthful
God : Anthorpomorphism in early islam », in Ninth Annual Univ. Lecture in Religion,
Arizona State Univ., March 3, 1988, p. 4. [Depuis, v. van Ess, TG, II, 516-532, sur
Muqātil].
33
. Marw aš-Šāhiǧān, actuellement dans la RSS du Turkménistan, v. EI2, VI, 603-
6) (3b-3f).
15
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
34
. Sibṭ Ibn al-Ğawzī, Mir’āt al-zamān fī ta’rīḫ al -a’yān, éd. I. ’Abbās, Beyrouth,
Dār aš-Šurūq, 1985, p. 202, 205, 404, 415; ailleurs seulement Muqātil ou Muqātil b.
Sul. : p. 197, 208, 216, 223, 238, 254, 265, 268, 270, 275-6, 281, 295, 299, 316, 322, 327,
329, 339, 344, 348, etc.
35
. Baġdādī (Ismāʿīl Bāšā), Hadiyyat al-ʿārifīn, II, 470, ajoute au (nous nous
limitons ici aux disciplines coraniques) Tafsīr Ḫamsmiʾa , au Tafsīr et au K. al-Wuğūh
wa n-naẓāʾir, les ouvrages suivants : K. al-Āyāt al-mutašābihāt, K. al-Ǧawābāt fī l-
Qurʾān, K. an-Nāsiḫ wa l-mansūḫ, K. al-Qirāʾāt et Nawādir at-tafsīr ; GAS, I, 37/5, op.
4, ajoute K. al-Luġāt fī l-Qurʾān, d’après al-Ḫaṭīb al-Baġdādī. [van Ess, TG, V, 223-24 :
12 titres, d’après Ibn al-Nadīm, repris par Dāwūdī, Ṭabaqāt al-mufassirīn, II, 331]
36
. Muṭahhar al-Maqdisī, K al-Badʾ wa t-taʾrīḫ, éd. et trad. Cl. Huart, IV, p. 102-
04/trad. p. 97-98; pour Abū Ḥuḏayfa, v. GAS, I, p. 293-94, avec la mention des parties
conservées en ms. Une partie importante des Qiṣaṣ al-anbiyāʾ d’aṭ-Ṭarafī (a. ʿAl. M. b.
A. b. Muṭarrif, m. 454/1062) s’appuie sur l’ouvrage de Abū Ḥuḏayfa ; v. Tilman Nagel,
Die Qiṣaṣ al -anbiyāʾ. Ein Beitrag zur arabischen Literaturgeschichte, Bonn, 1967, p.
113-19.
16
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
37
. Selon certains, Muqātil n’aurait pas assisté aux leçons d’aḍ-Ḍaḥḥāk (m.
105/723). Même si cela était, on ne peut en tirer la conclusion qu’il n’a pas pu être le
rival de Ǧahm (m. 128/746), comme le fait Goldfel d, art. cit., p. XXI. En effet, cette
information provient d’un disciple d’aḍ -Ḍaḥḥāk, Ǧuwaybir, qui ne dit pas que Muqātil
n’était pas né à la mort d’aḍ-Ḍaḥḥāk, mais qu’il était enfant : « Par Dieu, à la mort d’aḍ-
Ḍaḥḥāk, Muqātil avait des boucles d’oreilles et il était au kuttāb ». Ḏahabī, Taʾrīḫ, p.
639-40, et autres réf. en Goldfeld, n. 42. De plus, il n’est pas rare que des condisciples
d’un même maître s’arrogent l’exclusivité ou l’antériorité de son enseignement. A
l’opposé de cette opinion, on mentionnera celle selon laquelle Muqātil serait mort
centenaire macrobite, mais nous n’avons pas trouvé une source plus ancienne qu’al-
Ḫalīlī (al-Ḫalīl b. ʿAl., m. 446/1054, v. GAL S I, p. 618) de qui TT, X, p. 284, l. 15-16,
tient cette information. Ce qui paraît vraisemblable, en tout cas, c’est que Muqātil a
entendu les leçons d’aḍ-Ḍaḥḥāk, alors qu’il était enfant ou tout jeune adolescent (en
compagnie de son père, selon Tahḏīb al-kamāl, in TT, X, p. 280, n. de l’éditeur). Quant
à son Commentaire, Muqātil l’aurait composé du vivant d’aḍ-Ḍaḥḥāk, donc avant
105/723. De plus, après la mort d’aḍ-Ḍaḥḥāk, Muqātil, si l’on doit l’en croire, aurait lu
les « livres » d’aḍ-Ḍaḥḥāk (les livres écrits par lui, les livres d’autres qu’il possédait, ou
les deux à la fois?) conservés dans la bibliothèque de celui-ci, v. infra, n. 100. Faut-il
rappeler qu’aḍ-Ḍaḥḥāk était également de Balḫ ? En outre, dans le commentaire édité
la chaîne Muqātil/aḍ-Ḍaḥḥāk (parfois continuée par Ibn ʿAbbās) est fréquente (ce qui
n’est pas, nous le concédons, une preuve décisive), v. I, p. 35; II, p. 351, 528, 540; IV, p.
389, 523, 530, 771, et passim .V. infra n. 70.
38
. Ibn Salāma, Hibatallāh, al-Nāsiḫ wa l-mansūḫ, en marge d’al-Wāḥidī, Asbāb
an-nuzūl, Le Caire, [Maṭbaʿat Hindiyya, fin rab. I] 1316/1878 [explicit. 17 août 1898], p.
341-42.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
I-III, éd. M. Saʿīd b. ʿUmar Idrīs, Riyad, Maktabat al-Rušd 1409/1989, pour sa
précieuse notice sur Muqātil, v. III, 928-29]
Abū ʿIṣma apparaît également chez aṯ-Ṯaʿlabī 39 , avec la chaîne
suivante : Abū. Sa’īd M. b. ʿAl. b. Ḥamdūn (sous le mode de la récitation
en 333/944)
[Ce maître de Ṯaʻlabī, Abū Sa‘id Muḥammad b. ‘Abd Allāh b. Ḥamdūn al -Zāhid
(m. ḏū al-ḥiğğa 390/inc. 2 novembre 1000, à Nichapour), dans cette chaîne de garants,
est connu ; il suivit, entre autres, les leçons de Abū Bakr Muḥammad b. Ḥamdūn, dont
Subkī se demande s’il était son oncle. Il apparaît comme l’un des élèves de Abū Ḥāmid
Aḥmad b. Muḥammad b. al-Ḥasan al-Šarqī al-Ḥāfiẓ (m. ramaḍān 325/inc. 13 juillet
937 ; Sam‘ānī, Ansāb, III, p. 417-8 ; GAS, I, 174 : on corrigera la date de sa mort, non
pas 315, mais 325 ; Ḏahabī, San, XV, 37-9, sub Ibn al-Šarqī. Il fut l’élève de Muslim, et
il est l’auteur d’un Ṣaḥīḥ), chez Ḏahabī (San, IX, 58). Il ne convenait donc pas de
corriger le nom du maître deṮaʻlabī, comme l’a fait H. Busse et d’y voir al-Ḥākim al-
Nīsāburī. Ce dernier fut bien l’un des maîtres importants de notre auteur, mais ce n’est
pas de lui dont il s’agit dans la présente chaîne de garants ; Heribert Busse, Übersetzt
und kommentiert von, Islamische Erzählungen von Propheten und Gottesmännern.
Qiṣaṣ al-anbiyāʾ oder ʿArāʾis al-mağālis von Abū Isḥāq Aḥmad b. Muḥammad b.
Ibrāhīm aṯ-Ṯa‛labī, Wiesbaden, Harrassowitz, 2006, p 23-24, a corrigé « Abū Sa‘id » en
Abū ʿAbd Allāh et « Ḥamdūn » en Ḥamdawayh, ce qui devient : al-Ḥākim al-Nīsābūrī :
Abū ʻAl. M. b. Al. b. M. b. Ḥamdawayh al -Ḍabbī Ibn Bayyiʿ. Quant à William M
Brinner, dont la traduction en anglais de ce même ouvrage de Ṯaʿlabī fourmille
d’erreurs en tout genre, il laissé, avec raison, le nom de Abū. Sa’īd M. b. ʿAl. b.
Ḥamdūn, mais sans se soucier de tenter de l’identifier, donc plus par négligence que
par conviction ; William M. Brinner, translated by, ʿArāʾis al-majālis fī Qiṣaṣ al-anbiyāʾ,
or “Lives of the Prophets” as recounted by Abū Isḥāq Aḥmad Ibn Muḥammad Ibn
39
. Ṯaʿlabī, ʿArāʾis al-maǧālis, Le Caire, aš-Šamarlī, s. d., p. 19. Si c’est notre Abū
‘Iṣma (m. 173), il doit manquer un chaînon, et as-Sulamī n’a pu le connaître, qui est né
en 182, v. San, XII, p. 384.
18
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Ibrāhīm al-Thaʿlabī, Leyde, Brill, 2002, 29 ; v. Gilliot, « Les Histoires des prophètes
d’al-Ṯaʿlabī. Sources et traductions », Oriente Moderno, LXXXIX/2 (2009), p. 333-47,
p. 344].
/Abū Ḥāmid A. b. M. b. al -Ḥ. aš-Šarqī (Ibn al-Šarqī al-Nīsābūrī, m.
ram. 325/inc. 13 juillet 937)/a. l-Ḥ. A. b. Yūs. as-Sulamī (an-Nīsābūrī, m.
264/877 [TD, VI, 106-110, n° 324 : appelé Ḥamdān ; San, XII, 384-388])/Abū. ʿIṣma
Yaḥyā (leg. Yazīd Nūḥ ?) b. a. Maryam al-Ḫurāsānī/Muqātil/ʿIkrima/Ibn
‘Abbās : suit la célèbre tradition tant critiquée sur le soleil et la lune le jour
de la résurrection. Aṭ-Ṭabarī 40, rapporte la même tradition, mais par canal
de Muqātil b. Ḥayyān qui transmet de Abū Nuʿaym ʿU. b. aṣ-Ṣubḥ) 41
[Depuis nous disposons de plus d’informations sur le traditionniste khorasanien
Abū Nuʿaym ʿUmar b. Ṣubḥ b. ʿImrān al-ʿAdawī al-Balḫī al-Ḫurāsānī qui passa par la
suite pour être le troisième « innovateur » (« blâmé », mubdiʿ, en l’occurrence ;
l’élévation des mains, rafʿ al-yadayn, lors du takbīr de la prière, coutume en usage chez
beaucoup de combattants de la guerre sainte dans cette région), avec Muqātil b.
Sulymān et Ğahm b. Ṣafwān ; van Ess, TG, II, 532-534]
40
. Ṭabarī, Ta’rīḫ (éd. orientaliste), I, p. 61/(éd. M. Abū l-Faḍl Ibrāhīm) I, p.
64/The History of al-Ṭabarī, I, trad. Fr. Rosenthal, Albany, Suny, 1989, p. 231.
41
Al-Balḫī al-Ḫurāsānī aṣ-Samarqandī TT, VII, 463 ; v. la critique de cette
tradition par le canal Abū ʿIṣma/Muqātil b. Ḥayyān, in TT, X, 486-87.
42
. I. Goldfeld, art. cit., p. XXIV-XXV. Contrairement à ce que semble dire
Goldfeld, nous ne pensons pas que ces quinze transmetteurs de Muqātil doivent être
considérés comme des transmetteurs de ses œuvres. Il suffisait parfois, pour les
19
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
biographes, que tel personnage ait rapporté quelques traditions d’un maītre pour qu’il
figurât dans la liste de ses disciples. A l’inverse, de grands transmetteurs n’étaient pas
inclus dans cette liste.
43
. supra n. 36.et infra n.100. Il figure en bonne place dans une chaîne de Ṯalʿlabī,
ʿArāʾis al-maǧālis, op. cit., p. 104, 111, 112, 178, 179, citant visiblement le K. al-
Mubtadaʾ de Muqātil. A-t-il entendu le Tafsīr ou le K. al-Mubatadaʾ ou les deux de
Muqātil ? Fihrist, p. 94/Trad.Dodge, I, p. 202 : min aṣḥab al-siyar wa l-aḥdāṯ.
44
. Laysat lahā uṣūl , i. e. ils ne répondaient pas aux critères de la transmission
reconnue; v. TB, VI, 326-8.
45
. Abū Nuʿaym al -Iṣfahānī, Ḥilyat al-awliyāʾ, I, 20, l.1sqq. Il ne peut s’agir de
Saʿīd b. Ǧubayr, m. 95/714.
20
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
46
. Badʾ al-ḫalq wa qiṣaṣ al-Anbiyāʾ, éd. R. G. Khoury, Les légendes prophétiques
dans l’Islam, Wiesbaden, 1978; v. index, p. 367, du texte ar.
47
. Cf. Ibn Waṯīma, p. 139, sur Salomon, avec Tafsīr, III, p. 303 : Ibn Waṯīma, p.
142sqq. et Mirʾāt al-zamān, p. 512 et 513 avec Tafsīr, III, p. 303, 304, 305, où les deux
premiers récits attribués à Muqātil sont beaucoup plus développés que dans son Tafsīr.
48
. Mirʾāt az-zamān, I, op. cit., p. 268, pour Abraham ; p. 316, pour Loth ; p. 339,
pour Joseph ; p. 390, pour Moïse ; p. 459, pour Elie ; p. 466, pour Elisée ; p. 476, pour
David ; p. 498, pour Salomon ; p. 557, pour Jonas.
21
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
49
. Nous entendons par sources idoines, des sources anciennes ou moins
anciennes qui font référence à Muqātil sur une tradition ou sur une interprétation, ou
qui donnent une interprétation semblable. Pour ce dernier cas, le Durr de Suyūṭī est
une référence indispensable que Šiḥāta n’utilise pas une seule fois, ce qui est
regrettable, même si Muqātil n’y figure jamais. V. n. 1, supra, sur la censure azhariste.
Ṭabarsī, entre autres, cite Muqātil. Ainsi sur, 2, Baqara, 243, Ṭabarsī [Maǧmaʿ al-bayān
(fī tafsīr) li-’ulūm al-Qurʾān, Beyrouth, 1380/1961 ; réimpr. Beyrouth, al-Ḥayāt, s. d.],
II, 269/Muqātil, I, 202, plus développé; sur 4, Nisāʾ, 34, v. Ṭabarsī, V, 94/Muqātil, I, 370,
plus développé, et passim. Il en est de même de Rāzī, de Qurṭubī et Abū Ḥayyān al -
Ġarnāṭī, comme nous le verrons. Les mss. utilisés pour cette éd. : Ahmet III, complet,
copié en 882; Köpr. ; Feyz., 2e moitié du Coran, copié en 524; Azhar 516, de Maryam à
Fuṣṣilat copié ca. IVe s. h. dans la recension de a. Yaʿqūb Isḥ. b. Ibr. (b. Ḫalīl) al-Ǧallāb,
v. aussi, III, p. 402, n. 1 ; Hamid 58, complet, du XIIe s. h. selon Sezgin ; XIIIe, selon
l’édit. ; Emanet, complet, copié en 1165 ; l’édit. suppose qu’il a été copié sur le ms.
Ahmet III. Pour ces ms. v. GAS, I, 37.
50
. Muqatil Ibn Sulayman, an early Zaidi Theologian with special reference to his
Tafsir al-Khamsmi’at Aya, Thesis D. Phil., Oxford, Hertford College, Juin 1968, p. 159-
22
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
210 (Chap. Muqātil’s Place in Commentary), liste non exhaustive : Māturīdī, Ibn
Salāma, Ṯa’labī, Wāḥidī, Baġawī (m. 516/1122); Zamaḫšarī (m. 538/1143); Ṭabarsī (m.
538/1153); Ibn al-Ǧawzī (m. 596/1199, dans son Zād al-masīr), Rāzī (606/1209);
Qurṭubī (m. 671/1272); Niẓāmadīn Nīsābūrī (viv. 1ère moitié du VIIIe s), Ibn Taymiyya
(728/1328), Šawkānī (m. 1250/1834), etc. E. g. Māturīdī (m.333/944), Taʾwīlāt, éd.
Ǧāsim M. al-Ǧubūrī, Bagdad, 1983, p. 210, sur 2,104, unẓurnā =qaṣadnā (? leg.
iqṣidnā) [corrigé dans la nouvelle éd. de Turquie, I, 2005, p. 197, ad Q 2, 154]/Muqātil,
I, 129 : ismaʿ minnā. Pour Wāḥidī (m. 468/1075), Asbāb al-nuzūl, v. Al-Sawwaf, p. 166-
7, cf. Muqātil, I, p. 116 ; III, p. 372.
51
. En nous limitant à quelques réf., I, p. 27, 28, 29, 35, 37, 324, 325, III, p. 48-52,
ʿAl./Huḏayl/suivis d’autres garants, mais sans Muqātil, etc., le début de l’isnād étant
identique à 1d et 1e de la chaîne de transmission de cette recension, et les autorités
d’al-Huḏayl étant : Musayyab b. Šarīk (Lisān al-Mīzān, VI, p. 38-39), a. Bakr al-Huḏalī,
Abū Yūsuf, al-Waqidī, etc. P. 27, il faut corriger Ibn al-Musayyab (m. 94/713, Huḏayl
n’a pas pu transmettre de lui) par ʿan al-Musayyab. IV, p. 200, Huḏayl, sans chaîne ; III,
p. 283-84 ; IV, p. 199, remontant à Ibn Ǧubayr. III, p. 344 : qāla l-Huḏāylu ʿan ġayri
Muqātil, sans chaîne à la suite.
52
. E. g. I, p. 37; I, p. 149 : ‘Al./son père/Huḏayl/Layṭ b. Sa’d, etc. ; même page,
même début d’isnād, mais Huḏayl/Ibn Lahīʿa (m. 174/790, ou 170, etc.)/Abū Qabīl, etc.,
v. R. G. Khoury, ʿAbd Allāh Ibn Lahīʿa : juge et grand maître de l’école égyptienne,
Wiesbaden, 1986, p. 91, pour a. Qabīl. Abū M seul : Muqātil, I, p. 400.
23
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
ne le sont pas du fait de Muqātil, et pour cause, ils sont postérieurs. C’est le
cas d’al-Farrāʾ (m. 207/822) et deṮa ʿlab (m. 291/904), plus rarement de
Abū ʿUbayda (m. 207/822). Ces interpolations sont, en général le fait de
Abū Muḥammad ʿAbdallāh b. Ṯabit at -Tawwazī, qui, notons-le, était
lecteur et grammairien 53. En outre, il s’agit rarement de [P. 50] questions
grammaticales; ce sont le plus souvent des interprétations 54. D’ailleurs,
l’ensemble du Commentaire est quasiment dépourvu de remarques
proprement grammaticales, ce qui est normal, vu l’époque de sa
composition. Cela serait, d’ailleurs un argument en faveur de son
authenticité, sans qu’on puisse exclure pour autant un travail rédactionnel
de l’un ou l’autre de ses transmetteurs.
53
. Il figure souvent avant les noms de Ṯaʿlab/al -Farrāʾ, ou d’al-Farrāʾ, ou encore
de Ṯaʿlab, comme suit : qāla Abū M. ou qāla ‘Abdallāh, v. n. suivante, pour quelques
réf. Cela dit, ces ajouts d’al-Farrāʾ et de Ṯaʿlab expressément signalés sont inégalement
répartis dans le Commentaire. Ainsi on n’en trouve qu’un seul dans le commentaire de
la sourate 2, un seul dans celui de la sourate 18, Muqātil, II, p. 580. Il est signalé par
Wansbrough, Quranic Studies, op. cit., p. 143-44, qui n’a pas vu que l’auteur de ces
ajouts est at-Tawwazī. Du reste, l’édit. lit ce passage : qāla Abū l-ʿAbbās Ṯaʿlab : allafū
hāḏihi l-wāw l-ḥāl . Wansbrough lit : qāla Abū l-ʿAbbās Ṯaʿlab qāla l-Farrāʾ hāḏihi l-
wāw wāw l-ḥāl .Cette explication grammaticale ne se trouvant pas dans les Ma’ānī al-
Qurʿān, on peut penser qu’elle est de Ṯaʿlab.
54
. II, p. 286, 298; II, p. 298 : ʿ Al. b. Ṯābit/Ṯaʿlab; p.299 : ʿAl. b. Ṯābit/al -Farrāʾ ;
III, p. 90-91, 276, 621 ; IV, p. 197, 277 (al-Farrāʾ et Abū ʿUbayda) ; IV, p.200, 204, 402,
et passim. De même Abū M./Abū l -ʿAbbās (= Ṯaʿlab), IV, p. 178 ou ʿAl./Abū l-ʿAbbās
A. b. Yaḥyā (= Ṯaʿlab), III, p. 739 ; IV, p. 197, 258, 563, et passim. L’édit. n’a pas jugé
bon d’identifier les noms des personnages, ce qui peut conduire à des erreurs de
lecture.
24
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
55
. Maq.[= Ašʿarī, Maqālāt al-islāmiyyīn, éd. Ritter, Wiebaden, 19632], p. 152-53.
56
. Maq., p. 209, mais avec ǧuṯṯa au lieu de ǧumma, et il ajoute : « beaucoup de
gens disent [des adeptes d’al-Ǧawāribī ou d’autres ?] : « Il est massif, et ils interprètent
la parole de Dieu : aṣ-ṣamad : le massif qui n’est pas creux » (al-muṣmatu llaḏī laysa bi-
aǧwaf).
57
. Lrs [= Shahrastani, Livre des religions et des sectes, I, trad. D. Gimaret et G.
Monnot, Paris/Louvain, 1986], p. 339 et n. 4; p. 342, n. 22.
25
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
identique à celle de Šayṭān aṭ-Ṭāq (M. b. an-Nuʿmān a. Ǧa ʿfar al-Aḥwal al-Bağalī al-Kūfī
58
[ob. ca. 180/796 ; van Ess, TG, I, 336-349] quant à la « forme » de Dieu . Aš-
Šahrastānī ne fait pas de même, en revanche, pour Dāwūd al-Ǧawāribī59 ,
dont on rapporte qu’il disait que Dieu : « est corps, chair et sang. Il est
pourvu d’extrémités et de membres, tels que main, pied, tête, langue, yeux,
oreilles. Cependant c’est un corps différent des [autres] corps, une chair
différente des [autres] chairs...Il ne ressemble à nulle chose de Ses
créatures et nulle chose ne Lui ressemble ».
[Depuis l’écriture de ces pages, a paru une importante monographie sur les
« anthropomorphismes » en islam, et notamment dans la sunna : Daniel Gimaret, Dieu
à l’image de l’homme. Les anthropomorphismes de la sunna et leur interprétation par
les théologiens, Paris, Cerf (Patrimoines. Islam), 1997, 336 p. ; c.r. Gilliot, in Stud. Isl.,
LXXXVIII (1998), 216-218, et plus court, in « Bulletin d’études arabes et
d’islamologie », Rev. Sc., ph. th., 82 (1998), 495-496].
Ibn Taymiyya [Taqī l-Dīn a. l-ʿAbbās A. b. ʿAbd al-Ḥalīm al-Ḥarrānī al-
Dimašqī al-Ḥanbalī, m. 20 ḏ. l-q. 728/26 sept. 1328] reprend (3) d’al-Ašʿarī qu’il
58
. Lrs, p. 540 et n. 206. M. b. an-Nu’mān est appelé par les chiites Muʾmin aṭ-Ṭāq,
v. San, X, p. 553-54., v. aussi Lrs, p. 539, n. 196-99. Les lieux où il pouvait être question
de la forme de Dieu se trouveraient plutôt dans le ḥadīṯ, Dieu venant à Muḥammad
« sous la plus belle des formes », v. Ibn Ḫuzayma, K. at-Tawḥīd, éd. M. Ḫalīl Harrās, Le
Caire, 1968 ; réimpr. Beyrouth, Dār al-kutub al-’ilmiyya, 1978, p. 217sqq.; cf. Tilman
Nagel, Die Festung des Glaubens. Triumph und Scheitern des islamischen
Rationalismus im 11. Jahrhundert, Munich, C H. Beck, 1988, p. 175sqq., avec d’autres
réf.
59
. En San, X, p. 441, il est placé dans la liste des théologiens dogmatiques et des
muʿtazilites qui vécurent encore après l’an 200/815; Mīzān, II, p. 23, ne donne pas la
date de sa mort. Il serait mort noyé lors de la rupture du pont de Wāsiṭ ; Satan sortit [de
lui] et dit : « c’est moi Dāwūd al-Ǧawāribī ! ».
26
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
60
. Lrs, I, 531, n. 152
27
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
61
. Ibn Taymiyya, Minhāǧ as-sunna al-nabawiyya, I-IX, éd. M. Rašād Sālim, Le
Caire, Muʾassasat Qurṭuba, 1406/1986 (i.e. 1962-86), II, 617-620.
62
. I Op. cit., p. 500-01, pour le texte d’al-Ḥillī : « Dieu est corps, chair, sang ; il a
des extrémités, des membres, tels la main, le pied, la langue, les yeux et les oreilles. On
dit aussi qu’il déclarait que Dieu est creux du haut jusqu’à la poitrine, mais massif pour
le reste, qu’il a du poil de chat. Ils ont dit aussi [les ḥašwiyya assimilationnistes] que ses
yeux furent malades (ištakat) et que les anges les soignèrent. C’est ainsi qu’il pleura
tellement sur le Déluge de Noé que ses yeux en eurent la chassie. Ils disent aussi qu’il y
28
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
aussi qu’il qu’Ibn Taymiyya fait souvent preuve de perspicacité dans ses
raccourcis sur l’histoire et la généalogie des doctrines. La remarque
concernant certaines des sources d’al-Ašʿarī empruntant aux muʿtazilites,
comporte certes une pointe polémique, mais celle-ci n’épuise pas le
contenu de la réserve d’Ibn Taymiyya. En effet, al-Ašʿarī lui-même suggère
que les muʿtazilites auraient pu être à l’origine d’une « nouvelle »
interprétation de ṣamad, celle-là même qui s’est imposée par la suite : le
Seigneur ou celui à qui l’on s’adresse lorsqu’on a besoin de quelque
chose63. Le souci d’Ibn Taymiyya est de retrouver pour la communauté le
a une distance de quatre pouces entre lui et chaque côté du trône ». Ibn Taymiyya
répond à cela en disant qu’al-Ḥillī ou les maîtres de ce dernier sont des ignorants et
qu’ils confondent Dāwūd aṭ-Ṭāʾī avec Dāwūd al-Ǧawāribī (p. 620-22). Dāwūd aṭ-Ṭāʾī
est Abū Sul. Dāwūd b. Nuṣayr al-Kūfī az-Zāhid, m. 162/778 ou 165, San, VII, 422-25.
Les attaques d’al-Ḥillī contre Dāwūd aṭ-Ṭāʾī et les assimilationnistes, d’une part, et
celles du Šayḫ al-Mufīd (m. 413/1022) contre al-Ašʿarī et sa doctrine des attributs,
d’autre part [D. Sourdel, L’imamisme vu par le Cheikh al-Mufīd, Paris, Geuthner, Rei–
Hors série, 7, 1974, extrait de REI, XL/2 (1972), p. 23/235 et 50/262], sont pour nous
l’occasion de revenir sur l’auteur du K. ar-Radd ʿalā l-Ḥurqūsiyya [v. Gilliot, Exégèse,
langue et théologie en islam, op. cit., p. 64-66]. Bien que ces deux auteurs soient tardifs,
nous y voyons un confirmatur pour l’attribution de cet ouvrage non pas au Tabari
sunnite, mais à un Tabari chiite, probablement Abū Ǧaʿfar M. b. Ǧarīr b. Rustam aṭ -
Ṭabarī (m. 1er quart du IV/Xe s.). Ce que nous avons écrit sur les œuvres de ce dernier,
op. cit., p. 66, est à corriger ou à compléter par l’introd. de Fr. Rosenthal à : The
History of al-Ṯabarī, I, op. cit., p. 118-20.
63
. Ašʿarī, Maq, p. 218, l. 8. Cf. Josef van Ess, « The youthful God », art. cit, p. 5a
et n. 34. Šawkānī, V, p. 528, sans mentionner les muʿtazilites, expose bien ces deux
interprétations. Selon az-Zaǧǧāǧ : aṣ-ṣamad signifie le soutien qui résume l’autorité du
chef suprême (as-sanadu llaḏī intahā ilayhi s-sūdadu fa-lā sayyida fawqahu). Ou, selon
29
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
la seconde interprétation : celui vers qui on se tourne lorsqu’on a des besoins, c’est-à-
dire qu’on s’adresse à lui parce qu’il est capable de les satisfaire. La première est la
quatrième interprétation donnée par Tab [= Ṭabarī, Ǧāmiʿ al-bayān ʿan taʾwīl al -
Qurʾān, éd. A. Saʿīd ʿAlī, Muṣṭafā as-Saqqā et alii, Le Caire, 1954-57, cité dans cet art. à
partir de 14, (Ibrāhīm), 28, soit du vol. XIV, p. 196 au vol. XXX. Pour ce qui précède
du Coran, éd. Maḥmūd M. et A. M. Šākir, Le Caire, 1954-69, jusqu’au vol. XVI], XXX,
p. 346 ; v. Franz Rosenthal, « Some minor problems in the Qurʾân », The Joshua Starr
Memorial Volume, New York, 1953, p. 72 sqq.
30
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
64
. Trad. D. Gimaret, in La doctrine d’al-Ashʿarī, Paris, Cerf, 1990, p. 255 ; Ašʿarī,
Maq, 31, l. 11-13; 207, l. 7-8. Cette distinction entre les deux types de corporéistes est
également empruntée à lui, nous le démarquons ici, p. 254-57.
65
. Le débat sur la « corporéité » et la « forme » de Dieu a animé, comme on le
sait, également le judaïsme, il est en relation avec les attributs positifs de Dieu. C’est
ainsi qu’en plein XIIIe s. Meschullam b. Salomon reproche à Maïmonide d’ouvrir la
voie à l’incroyance en niant les attributs de Dieu. Maïmonide compte an nombre des
hérétiques (mimin) celui qui déclare « qu’il y a un Souverain, mais qu’il a un corps et
une forme», v. Fr. Niewöhner, Veritas sive varietas. Lessings ToleranzParabel und das
Buch Von den drei Betrügern, Heidelberg, Lambert Schneider, 1988, p. 139-40, v. notre
c. r. de cet ouvrage, à paraître dans Arabica, [XXXVIII (1991), 382-89].
31
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Muqātil, III, 914, n. 7] Cela est dit dans le cadre d’un récit qui rapporte les
circonstances de la révélation. Il en est de même de [P. 55] trois autres
interprétations rapportées ou données par Muqātil : « celui qui n’a pas de
ventre (de creux) (ǧawf) semblable au creux (ventre) des créatures. On dit
aussi aṣ-ṣamad, le chef à qui s’adressent les créatures pour leurs besoins,
pour trouver la stabilité et le repos (bi-l-iqrār wa l-ḫuḍūʾ) » [Muqātil, Tafsīr,
IV, 916, l. 2-3]. On le voit, ici les deux interprétations principales (il ne
mange ni ne boit/il n’a pas de creux (ventre), apparaissent dans des récits
différents sur les circonstances de la révélation. Tabari, lui, les associe en
une seule, si bien que ǧawf ne peut plus être compris comme « creux »,
mais doit l’être comme « ventre », ce qui fait que l’interprétation
anthropomorphiste est écartée. Or dans la deuxième interprétation, laissée
à elle-même, on peut entendre que Dieu n’a pas de creux semblable au
creux des créatures, donc qu’il est massif, ce qui, dans un état ultérieur, de
la théologie pouvait être tenu pour du corporéisme, la « massivité » étant
la caractéristique des corps 66.
66
. Tab, XXX, p. 344-45, 1ère interprétation. Pour les différentes interprétations
de ṣamad, v. Gimaret, Les noms divins en Islam, Paris, Cerf, 1988, p. 320-23, et van Ess,
art. cit. p. 3-5. A notre connaissance, le plus grand nombre d’interprétations
rassemblées dans une même tradition est celle que rapporte Baḥrānī, al-Burhān fī tafsīr
al-Qurʾān, Téhéran, 1375/1956 ; réimpr. Beyrouth, al-Wafāʾ, 1983, IV, 524-26, d’après
al-Bāqir. Cf. Rāzī [= at-Ṭafsīr al-kabīr ou Mafāṭīḥ al-ġayb, éd. M. Muḥyīddīn
‘Abdalḥamīd et alii, Le Caire, 1933-62], XXXII, 181-82 qui donne deux types
d’interprétation «acceptable», puis il les subdivise, ne donnant pas les noms des auteurs
d’une interprétation assimilationniste. Il ajoute celle d’un philologue tardif (qui ?) : « la
pierre lisse sur laquelle la poussière ne tient pas, dans laquelle rien ne peut pénétrer et
dont rien ne peut sortir » [p. 181, l. 10-11]. On notera à propos de « creux », que, selon
32
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Muqātil, le fils d’Adam (l’homme) était creux (aǧwaf) comme un pot avant que Dieu ne
lui insuffla l’esprit, IV, p. 197, sur 55 (Raḥmān), 14; cf. I, p. 97, sur 2, 30. Cela rappelle
Gn, 1, 2, à propos de la terre qui était « le désert et le vide » (tohū, bohū) ; cf. van Ess,
« The youthful God », art. cit., p. 1, d’après Tab, I, p. 459.
67
. V. les nombreuses références dans Gimaret, Les noms divins, op. cit., p. 322, in
med. ; A. A. Ambros, « Die Analyse von Sure 112 », Der Islam, 63 (1986) pp. 220-47,
pour ce qui nous occupe, p. 228sqq. Ambros voit, par ailleurs, dans aṣ-ṣamad : « un
remplissage à des fins formelles et esthétiques, sans intention sémantico-théologique »,
p. 243.
33
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
68
. Gimaret, al-Ashʿarī, p. 252, traduit très justement : « à sa semblance il n’est
rien ». Nous préférons maintenir ici l’idée de « chose », car elle joua un rôle, par la
suite, dans les discussions sur l’essence de Dieu.
69
. Muqātil, III, p. 465. N’oublions pas qu’al-Ašʿarī, après avoir décrit le
corporéisme de Muqātil, ajoute que pour ce dernier, « Dieu, malgré cela ne ressemble
à rien et rien ne lui ressemble, v. Maq, p. 153, l. 2-3 ; Lrs, p. 339, n. 4.
70
. V. van Ess, « Ḍirār b. ʿAmr und die ‘Cahmiyya’. Biographie einer vergessenen
Schule », II, Der Islam, 44 (1968), p. 36 sqq. ; Id., Die Erkenntnislehre des ʿ Aḍudaddīn
al-Īcī, Wiesbaden, 1966, p. 403-05; 192-200 : ar-Rāzī (d’après le ms. Aya Sofya 2376 de
Nihāyat al-ʿuqūl fī dirāyāt al-uṣūl), les muʿtazilites et les ašʿarites.
34
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
partie contemporain de Muqātil 71, mais nous savons peu de chose sur les
détails de sa doctrine. Il ne semble donc pas qu’à l’époque de Muqātil ce
verset ait fait partie des arguments qu’on se lançait à la figure pour nier ou
pour affirmer les attributs divins. D’ailleurs, les [P. 57] grands
commentaires coraniques ne nous ont conservé aucune tradition des
premières générations d’exégètes sur cette expression coranique 72.
71
. Même si Muqātil était né en 101, ce qui n’est pas certain, on ne peut exclure la
possibilité qu’il ait eu une dispute théologique avec Ǧahm, et ce contrairement à
Goldfeld, art. cit., p. XXXI. Mais il est bien difficile de concilier les diverses
affirmations consignées dans les ouvrages d’onomastique, car on nous dit, par ailleurs,
qu’il compila son Tafsīr du vivant d’aḍ -Ḍaḥḥāk, m. 105/723, v. Goldfeld, p. 33, n. 78 et
supra. notre n. 37. De plus l’information donnée par al-ʿAbbās b. Muṣʿab al-Marwazī
[Abū’l-Faḍl ʿAbbās b. Muṣʿab b. Bishr b. Faḍāla b. ʿAbd Allāh b. Rāshid b. Marwān al-
Faqīh al-Marwazī, ob. entre 250/864 et 260/873 ; Rosenthal, A History of Muslim
historiography, 477, auteur d’une Histoire de Merv, d’après Šams al-Dīn al-Saḫāwī ; v.
Gilliot, « A Schoolmaster, storyteller, exegete and warrior at work in Khurāsān: al-
Ḍaḥḥāk b. Muzāḥim al-Hilālī (d. 106/724) », 2013, § 16] nous paraît digne d’être prise
au sérieux : « Muqātil vint à Merv et y épousa la mère de Abū ʿIṣma Nūḥ b. a. Maryam.
Il prêchait (yaquṣṣ) dans la mosquée.Ǧahm vint pour le voir et s’entretint avec lui
(ǧalasa ilayhi). Ils s’échauffèrent (waqaʿati l-ʿaṣabiyyatu baynahumā) et chacun d’entre
eux écrivit un ouvrage dans lequel il s’en prenait à l’autre », Ḏahabī, Taʾrīḫ, op. cit.,
années 141-160, p. 641 ; TT, X, p. 280, l. 9-11.
72
. Tab, XXV, p. 12, fait remarquable, n’en cite aucune. Il donne deux
interprétations : il n’est pas comme une chose. pour la seconde, il ne fait que reprendre
l’expression : à sa semblance, il n’est pas de chose; Durr [= Suyūṭī, ad-Durr al-manṯūr fī
t-tafsīr al-maʾṯūr, Le Caire, 1314/1896 ; réimpr. Beyrouth, Dār aṯ-Ṯaqāfa, s. d.], VI, p.
343, n’a aucune tradition ; Qurt [= Qurṭubī, al-Ǧāmiʿ li-aḥkām al-Qurʾān, éd. al-
Bardūnī et alii, Le Caire, 1952-67 ; réimpr. Beyrouth, Dār Iḥyāʾ at-turāṯ al-ʿarabī, 1965-
67], XVI, p. 8-9, ne donne aucune interprétation des anciens exégètes. Ibn Taymiyya a
35
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
3) La face de Dieu.
Sur 55, (Raḥmān), 26-27 : « Tout ce qui se trouve sur la terre
disparaîtra. la face de ton Seigneur subsiste », Muqātil déclare : « Lorsque
ce verset fut révélé, les anges qui sont dans le ciel dirent : “Les gens de la
terre périssent, chose étrange, à quoi leur sert de vivre”, c’est alors que fut
révélé : ‘Toute chose périt, à l’exception de sa face’ (28, Qaṣaṣ, 88), c’est-à-
dire, toute chose– les vivants des cieux et de la terre– périt, hormis sa face,
il veut dire hormis Dieu ». Sur ce dernier verset, Muqātil donne la même
interprétation : « hormis lui » (illā huwa)74. On est loin ici [P. 58] de toute
écrit un traité sur ce verset, il le mentionne en Minhāǧ as-sunna, éd. M. Rašād Sālim, II,
p. 185; il n’est pas dans Daqāʾiq at-tafsīr, éd. Ǧulaynid, Damas, Beyrouth, Djeddah,
19883.
73
. Rāzī, Tafsīr, XXVII, p. 150-53. Pour van Ess, v. supra, n. 69 70 ; Id., « The
youthful God », art. cit., p. 3a.
74
. Muqātil, IV, p. 198; III, p. 360. Sur 2, (Baqara), 115, I, p. 133, l’interprétation
est identique : fa-ṯamma llāhu. Cf. l’interprétation identique sur le même passage, in
Tafsīr al-Ḫamsmiʾa, p. 37. Sur 6 (Anʿām), 52, I, p. 563, il commente : yabtaġūna bi-
36
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
4) La main de Dieu
Aux lieux où l’on s’attendrait à trouver des propositions significatives
de l’orientation anthropomorphiste qu’on lui prête, à savoir : 3, 26, 73 : 23,
(Mu’minūn), 88 ; 36, (Yāsīn), 71, 83 ; 38, (Ṣād), 75 ; 48, (Fatḥ), 10 ; 57,
(Ḥadīd), 29 ; 67, (Mulk), 176, et 5, (Mā’ida), 64, Muqātil n’exprime rien qui
avait de quoi choquer. En ce dernier lieu : « La main de Dieu est fermée »,
notamment, il déclare : « c’est-à-dire qu’elle s’abstient de nous [donner]
(mumsika ʿannā). Dieu retient sa main pour ne pas nous [donner] (amsaka
yadahu ʿannā), il ne la déploie plus sur nous pour nous donner du bien (fa-
lā yabsuṭuhā ʿalaynā bi-ḫayr), il n’est pas prodigue [pour nous] ; en effet,
Dieu avait [jusqu’alors] déployé sa main sur eux, leur donnant la
subsistance »77.
37
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Sur 7 (Aʿrāf), 145 : « Nous avons écrit pour lui sur les Tables »,
Muqātil commente : « En creusant comme pour graver une anneau ; il y
avait sept tables (...) ‘une exhortation’ contre l’ignorance ‘et une
explication’, c’est-à-dire une exposition claire ‘de toutes choses’, l’ordre et
l’interdit, la limite; Dieu y a écrit de sa main : je suis Dieu, hormis moi, il
n’est point de Dieu, le Miséricordieux, le Clément, n’associez rien à moi,
ne tuez pas d’être vivant, ne forniquez pas, ne vous adonnez pas au
brigandage, n’injuriez pas les parents; c’est à cela qu’il les exhorta. Les
tables étaient de jacinthe et d’émeraude »78.
[P. 59] Tabari, quant à lui, ne s’étend guère sur ce verset, n’indiquant
rien sur le nombre des Tables, non plus que sur leur matériau. La seule
tradition intéressante pour notre sujet, est une explication attribuée à
Wahb, mais dans laquelle il n’est pas fait mention de la main de Dieu79.
Les interprétations les plus reçues sont : c’est Gabriel qui a écrit (selon Ibn
Ǧurayǧ [Abd al-Malik b. ʿAbd al -ʿAzīz b. Ğurayğ, i.e. Gregorios, mawlā de Umaya b.
Ḫālid, al-Qurašī al-Umawī al-Makkī, m. 150/767, in Bagdad), ou c’est Dieu qui a
ordonné au calame d’écrire pour Moïse, ou encore kataba a le sens de
prescrire80.
78
. Muqātil, Tafsīr, I, 62-63.
79
. Tab, XIII, p. 108, n° 15111. L’explication de Muqātil n’est pas mentionnée non
plus en Qurt, VII, 281, qui toutefois énumère les matériaux des tables, ni en Ṭabarsī,
IX, 19. Baḥr [= Abū Ḥayyān al-Andalusī, Tafsīr al-baḥr al-muḥīṭ, Le Caire, 1328-
29/1911 ; réimpr. Beyrouth, Dār al-Fikr, 1983], IV, p. 387, rapporte l’opinion : kataba
bi-yadihi, mais sans en donner l’auteur. En revanche, il cite Muqātil pour le nombre des
tables.
80
. Abū Ḥayyān al-Andalusī, Baḥr, loc. cit. ; Rāzī, XIV,p. 236-37 ; ce dernier
indique le nombre des tables, avec la tradition de Ibn Ǧurayǧ, en énumère les
38
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
On peut voir ici dans l’explication de Muqātil, qui précise que Dieu a
écrit de sa main, une orientation anthropomorphiste. Mais, mais dans ce
cas, pour autant que l’on puisse se fier aux attributions dans les traditions,
cette interprétation était, à un moment donné, plus répandue qu’on ne
voudra l’admettre par la suite. Selon ʿAbd (ʿAbdalḥamīd) b. Ḥamīd
(Ḥumayd) al-Kissī (al-Kiššī, San, XII, 235-38, m. 249/863), auteur d’un
commentaire que connaissait as-Suyūṭī, ʿIkrima aurait dit : « Dieu n’a
touché que trois choses : il a créé Adam de sa main; il a planté le paradis
de sa main et il a écrit la Torah de sa main ». Parfois la liste s’allonge
encore : « De sa main, il a créé Adam, Gabriel, le calame, son trône; de sa
main, il a écrit le Livre qui est auprès de lui, et que personne n’a jamais vu
sauf lui, ainsi que la Torah ». Une grande partie de ces matériaux est
consigné dans le K. aš-Šarī’a d’al-Āǧurrī [a. Bakr M. b. al-Ḥus., m. 1er muḥ.
360/4 nov. 970]81.
Il est un autre lieu où l’on pourrait chanter pouilles à Muqātil pour
une position anthropomorphiste, sur 39 (Zumar), 67 : « Ils n’ont pas
estimé Dieu à sa juste mesure. La terre entière, le Jour de la Résurrection,
matériaux, puis il déclare que rien n’indique dans le verset la qualité des tables et la
modalité de l’écriture. Pour Šawkānī, Fatḥ al-qadīr, Beyrouth, Dār al-Fikr, 19733, II, p.
244, Dieu s’attribue ici l’écriture par honneur pour ce qui est écrit, alors que cela a été
écrit sur son ordre. Selon une autre interprétation, cette écriture a été créée dans les
Tables.
81
. Suyūṭī, Durr, III, p. 12 [/al-Durr al-manṯūr fī al-tafsīr al-maʾṯūr, I-XVII, éd.
ʿAbd Allāh ʿAbd al-Muḥsin al-Turkī, Le Caire (Guizéh), Dār Hajr, 1424/2003, V, 566] ;
d’après aṭ-Ṭabarānī [dans son K. al-Sunna], Ibn ʿUmar aurait mentionné Adam, l’Eden
et la Torah ; [op. cit., 567 ; les autres choses ayant été créées par le « sois ! » (kun) ;
Āǧurrī, K. aš-Šarīʿa, p. 320sqq.
39
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
sera une poignée dans sa main et les cieux seront pliés dans sa main
droite », ce qu’il commente : « Ils seront pliés dans sa main droite, le jour
de la résurrection. C’est une antéposition, car ici tous deux [les cieux et la
terre] seront dans sa droite, c’est-à-dire qu’ils seront empoignés par la
droite (fī qabḍati l-yamīn). Ibn ʿAbbās a dit : il empoignera à la fois la terre
et les cieux; on n’en pourra voir les extrémités de la façon dont il les
empoignera (min qabḍatihi) »82. L’éditeur du texte réagit à l’interprétation
de Muqātil, y voyant une atteinte à la transcendance de Dieu, et renvoyant,
une fois de plus à Sayyid Quṭb (sic !). Dans ce cas, il faudrait blâmer
également le corporéisme de plusieurs traditions attribuées au Prophète,
et qui figurent chez Muslim et chez al-Buḫārī. C’est ainsi que, d’après Ibn
ʿUmar, le Prophète aurait expliqué ce passage en disant que Dieu pliera les
doigts puis les ouvrira; Ibn ʿUmar poursuit en disant que Muḥammad
imitait à ce point le mouvement que la chaire en était secouée. Le cadi
ʿIyāḍ, commentant ce ḥadīṯ [à la suite du commentaire de a. ʿAlī M. b. ʿA. al -
Māzārī, m. 536/1141, al-Muʿlim bi-fawāʾid Muslim] déclare qu’il fait problème, et
ajoute : « Nous croyons en Dieu et en ses attributs, nous ne l’assimilons à
aucune chose et nous ne le comparons à rien, lui à la semblance de qui, il
n’est pas de chose (42, 11) [...]. Ce qu’a dit l’Envoyé de Dieu, et qui est
assuré, est vérité, nous n’avons aucunement sa science. Avec la grâce de
Dieu, ce qui nous échappe, nous y croyons »83. [Qāḍī ʿIyāḍ (al-Qāḍī Abū l-Faḍl
82
. Muqātil, III, p. 685. La suite est incompréhensible : wa yaduhu l-uḫrā yamīn.
Tab, XXIV, p. 27-28, qui rapporte deux traditions approchantes d’Ibn ʿAbbās a : et il
n’y aura rien dans sa main gauche.
83
. D’après Nawawī, Šarḥ Ṣaḥīḥ Muslim, Le Caire, 1349/1929-30 ; réimpr.
Beyrouth, Dār al-Fikr, s.d., XVII, p. 132-33 131-132, sur Muslim, 50, K. Ṣifāt al-
40
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
ʿIyāḍ b. Mūsā al-Yaḥṣubī al-Sabtī, m. 9 ǧum. II 544/14 oct. 1149), Ikmāl al-Muʿlim bi-
fawāʾid Muslim, I-IX, éd. Yaḥyā Ismāʿīl, Mansoura, Dār al -Wafāʾ, 1419/1998, VIII, p.
32]
Ce qui était acceptable dans un contexte homilétique ancien ne l’est
plus après l’âge du kalām et des luttes entre les partisans du kalām et les
adeptes de la « doctrine des Anciens ». Tout au plus, est on obligé de
l’accepter lorsque les critères fixés tardivement par les lettrés pour la
réception des traditions prophétiques sont observés.
munāfiqīn, K. Ṣifat al-Qiyāma al-ğanna wa l-nār, 25, IV, p. 2148-49, n° 2788 (1-3). Il
nous paraît que ces traditions font plutôt partie du livre 51 de Muslim : Ṣifat al-qiyāma,
c’est d’ailleurs là qu’elles sont placées dans le commentaire de Nawaw
ī. Pour cette
tradition et d’autres du même genre, v. Tab, XXIV, p. 25-28; IbnḪuzayma, K. at-
Tawḥīd, p. 70-73; Bayhaqī, K. al-Asmāʾ wa ṣ-ṣifāt, Beyrouth, Dār al-Kutub al-’ilmiyya,
1405/1984, 1ère éd. (sic != en fait, éd. al-Kawṯarī, Le Caire,1358/1939, avec une autre
pagination), p. 409-410 ; Durr, V, p. 334-36.
84
. Muqātil, IV, p. 179. Telle aurait était également l’interprétation de Qatāda,
v. Tab, XV, p. 309, n° 18131; pour les autres interprétations, v. Qurt, XVII, p. 133 ; Tab,
XXVII, p. 94-95, ne commente pas cette expression, car il l’a fait sur 11, 37. Même
interprétation in Muqātil, III, 27, bi-ʿayni llāh, sur 20 (Ṭāhā), 39.
41
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
85
. Muqātil, II, p. 281 ; Qurt, IX, p. 30. V. Rāzī, XVII, p. 222-23, et sa réfutation
de l’interprétation anthropomorphiste.
86
. Muqātil, III, p. 155. Notons que pour Ibn Kullāb, la main, l’œil et le visage sont
des attributs révélés, parce qu’ils sont mentionnés dans le Coran. En revanche,
contrairement aux corporéistes dont parle al-Ašʿarī, les deux mains, les deux pieds, les
deux yeux et le côté n’étaient pas tels pour Ibn Kullāb, v. Maq, p. 217, l. 15-218, l. 2 ; p.
217, l. 10-11. Cf. van Ess, « Ibn Kullāb und die Miḥna », Oriens, 18-19 (1965-66), p. 123-
24/trad. Cl. Gilliot, Arabica, XXXVII (1990), p. 216-17. Selon Ibn al-Ǧawzī, pour Ibn
Ḫuzayma, Dieu a deux yeux; il est en est de même pour le ḥanbalite Ibn Ḥāmid, v. Ibn
al-Ǧawzī, Daf’ šubah at-tašbīh bi-akuff at-tanzīh fī radd ‘alā l-muǧassima wa l-
mušabbiha, éd. M. Zāhid al-Kawṯarī, préface de M. Abū Zahra, Le Caire, al-Maktaba
at-Tawfīqiyya, 1977, p. 31-32. L’ensemble de l’ouvrage vise à réfuter troisḥanbalites :
Ibn Ḥāmid (a. ʿAl. al -Ḥ. b. Ḥāmid al-Baġdādī al-Warrāq, m. 403/1012), son disciple,
Abū Yaʿlā (al-Qāḍī Ibn al-Farrāʾ M. b. al-Ḥus., m. 485/1092) et Ibn az-Zāġūnī (a. l-Ḥ.
ʿA. b. ʿUbaydallāh al-Baġdādī, m. 527/1132), l’un des maîtres d’Ibn al-Ǧawzī. V. Ibn
Ḫuzayma, K. at-Tawḥīd, p. 42-44. Il déclare : « Dieu a deux yeux », p. 42, il s’appuie
pour cela, non sur le Coran, mais sur le ḥadīṯ.
42
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
6) La jambe de Dieu87.
Sur 68 (Qalam), 42 : yawma yukšafu ʿan sāqin, aucune des traductions
existantes ne correspond aux explications de Muqātil : « Le jour où l’on [P.
62] retroussera les jambes » (Kasimirski) ; « Au jour où l’on découvrira le
danger » (Blachère) ; « Le jour où les jambes seront mises à nu » (Masson).
Avant d’examiner la position de Muqātil, il convient de remarquer que ce
verset a fait problème comme l’indiquent les variae lectiones. Ibn ‘Abbās et
Ibn Mas’ūd auraient lu : takšifu, ce qu’al-Qurṭubī88 comprend : « le jour où
l’adversité ou la résurrection découvrira sa jambe », comme lorsqu’on dit :
« la guerre a retroussé sa jambe » (la guerre fut mise sur pied, elle éclata).
Dans deux cas, au moins, le sujet direct est Dieu : Ibn Hurmuz (ʿAr. al-
Madanī al-Aʿraǧ, m. 117/735) et Ibn ‘Abbās auraient lu nakšifu ; de même,
Ibn ʿAbbās aurait lu également yakšifu89.
87
. Muqātil, III, 687, IV, p. 408-09. Pour la jambe, d’après Abū Saʿīd al-Ḫudrī :
« ...Y a-t-il entre lui et vous un signe par lequel vous puissiez le reconnaître ?. Ils
diront : la jambe. Alors Dieu découvrira sa jambe et tous les croyants se
prosterneront», Buḫ [= Buḫārī, K. al-Ǧāmi’ aṣ-ṣaḥīḥ, éd. L. Krehl et Th. W.Juynboll,
Leyde, 1862-1908/trad. O. Houdas et W. Marçais, Paris, 1903-14; réimpr. 1977], 97,
Tawḥīd, 24/5, IV, 463, l. 16-17/trad., IV, p. 602, modifiée par nous. Cf. Buḫ, 65, Tafsīr,
68/2, III, p. 362, l. 8-11/trad., III, p. 485, du même Abū Saʿīd, où, cette fois, Houdas
traduit par : « Le Seigneur retroussera les pans de son manteau », alors que le texte
arabe est le même; cf. Fatḥ [= Ibn Ḥaǧar, Fatḥ al-bārī bi-šarḥ Ṣaḥīḥ al-Buḫārī, Le
Caire, 1348-52/1929-33 ; réimpr. Beyrouth, Dār Iḥyāʾ at-turāṯ al-ʿarabī, 1402/1981],
VIII, p. 538-39.
88
. Qurt, XVIII, 248.
89
. Abū Ḥayyān, Baḥr, VIII, p. 316, l. 9-11, pour l’ensemble de ces variantes. Selon
al-Bannā, Itḥāf fuḍālāʾ al-bašar bi-l-qirāʾāt al-arbaʿat ʿašar, éd. Šaʿbān M. Ismā’īl,
Beyrouth/Le Caire, 1987, II, p. 555, al-Ḥasan (al-Baṣrī) aurait lu yakšifu.
43
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
90
. Ṭabarsī, Tafsīr, XIX, p. 33 ; cf. Tab, XXIX, p. 42, à peu près semblable, d’après
‘Ikrima, puis Ibn ‘Abbās, avec un vers, mais sans la mention de la poésie, registre des
Arabes. Ṭabarsī, loc. cit. cite également al-Qutaybī, c’est-à-dire Ibn Qutayba, Taʾwīl
muškil al-Qurʾān, p. 137 : as-sāq est ici un emploi métaphorique pour l’adversité. En
effet, lorsqu’on est dans une situation dangereuse, on a besoin d’endurance et d’effort,
et l’on « retrousse la jambe » (šammara ʿan sāqihi).
91
. Muqātil, III, 687-688.
92
. Yaʿnī ʿan šiddati l-āḫira ; Muqātil, IV, 408.
44
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
93
. Muqātil, IV, p. 409. Cette interprétation anthropomorphiste prêtée à Ibn
Masʿūd se trouve également dans une autre tradition de lui consignée par ʿAbdarrazzāq
(m. 211/827), parʿAbd b. Ḥamīd et par Ibn Mandah (M. b. Isḥ, m. 395/1004) : « Il
découvre ses deux jambes », Ibn Mandah ajoute que la lecture d’Ibn Masʿūd était peut -
être : yakšifu, d’après Suyūṭī, Durr, VI, p. 254, l. 28-30. Voir la critique de ces traditions
par al-Ḫaṭṭābī que cite Bayhaqī, Asmāʾ, p. 435-39. Moins développées, mais parfois plus
argumentées sont les remarques d’Ibn al-Ǧawzī, Daf’ šubah at-tašbīh, p. 35-37.
94
. Ibid. Pour l’interprétation du verset par al-Ǧuwaynī, v. T. Nagel, Die Festung
des Glaubens, op. cit., p. 176. Cf. notre présentation de cet ouvrage sous le titre :
« Quand la théologie s’allie à l’histoire : triomphe et échec du rationalisme musulman à
travers l’œuvre d’al-Ǧuwaynī », à paraītre dans in Arabica, XXXIX (1992), p. 241-60.
95
. Peut-on ajouter foi à la tradition selon laquelle il aurait été grandement
courroucé à ce sujet, déclarant : « Des gens prétendent que Dieu découvrira sa jambe,
alors qu’il découvrira (déclenchera) l’adversité » ? Durr, VI, p. 255, l. 15-17, d’après
ʿAbd b. Ḥamīd et Ibn Munḏir.
45
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
7) Le côté de Dieu.
On ne trouve pas la moindre allusion anthropomorphiste de Muqātil
sur 39 (Zumar), 56 : « Malheur à moi de tant de négligences du côté de
Dieu (fī ǧanbi llāh) » (trad. Gilliot) 98, car il déclare : « d’avoir été négligent
à l’égard de Dieu en lui-même (fī ḏāti llāh), c’est-à-dire dans la mention de
Dieu » 99. Nous n’avons pas retrouvé le début de cette interprétation (fī ḏāti
llāh) dans les commentaires. En revanche, la seconde partie est signalée
96
. Léon Gauthier, La perle précieuse de Ghazâlī, Genève, Bâle, Lyon, 1878 ;
réimpr. Amsterdam, 1974, p. 59.
97
. V. infra p. 217 sqq. Conclusion
98
. V. Senoussi, Les prolégomènes théologiques, trad. J. D. Luciani, p. 138 :
« Malheur à moi qui me suis rendu coupable du côté de Dieu », traduit ainsi pour les
besoins de l’argumentation de Senoussi qui dénonce l’opinion selon laquelle ǧanb
désigne ici un membre.
99
. Muqātil, III, p. 684. Nous ne pensons pas que ḏāt puisse être traduit ici par
« essence ».
46
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
par ar-Rāzī 100 comme étant de Muqātil. Mais elle est attribuée également à
aḍ-Ḍaḥḥāk b. Muzāḥim (m. 105/723) ; cela n’a pas de quoi étonner,
puisque Muqātil qui, nous semble-t-il a suivi les leçons d’aḍ-Ḍaḥḥāk a
également eu accès aux « livres » conservés chez ce dernier, et ce après sa
mort 101.
100
. Rāzī, XXVII, p. 6, avec, en outre, la réfutation de l’interprétation corporéiste
qui voit en ǧanb un membre; Ibn al-Ǧawzī, Dafʿ šubah at-tašbīh, op. cit., p. 35-36. V.
pour d’autres lieux où cette interprétation est réfutée Lrs, p. 342, n. 26.
101
. K. al-Badʾ wa t-taʾrīḫ, IV, p. 102-04/trad. p. 97-98. Abū Ḥuḏāyfa déclare que
Muqātil a dit : « J’ai lu dans les livres d’aḍ -Ḍaḥḥāk b. Muzāḥim, après sa mort, c’est-à-
dire dans les livres conservés chez lui ». Contrairement à Huart, on ne peut exclure que
ces « livres » aient été aussi des écrits ḍd’a -Ḍaḥḥāk (v. supra, n. 37). On corrigera
Goldfeld, p. XXI, leg. Abū Ḥuḏayfa al-Buḫārī et non Abū Ḥanīfa ; de même n. 44, leg.
p. 102-4 et non 202-4. Pour l’interprétation d’aḍ-Ḍaḥḥāk, v. Qurt, XV, p. 271 : « c’est-à-
dire la mention (ḏikr) de Dieu. Il dit : le Coran et sa mise en pratique» ; de même Abū
Ḥayyān, Baḥr, VII, p. 435, l. 20. Tab, XXIV, p. 19, ne retient que : « J’ai été négligent à
l’égard de l’ordre de Dieu », selon Muǧāhid b. Ğabr et as-Suddī. (al-Kabīr, a. M. Ismāʿīl
b. a. Karīma al-Kūfī, m. 128/745).
47
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
(m. 214/829) dire : Muqātil b. Sulayman disait aux gens : Dieu est sur son
Trône (Allāh taʿālā ʿalā ʿaršihi) »102. Rien de semblable ne se trouve sur 7
(Aʿrāf), 54, ni sur 9 (Tawba), 129, ni sur 10 (Yūnus), 3, ni sur 13 (Raʿd), 2;
ni sur 32 (Saǧada), 4 103.
En revanche, l’interprétation qui lui est attribuée par Makkī al-Balḫī
figure sur 11 (Hūd), 7 : « C’est lui qui a créé les cieux et la terre en six
jours », ce que Muqātil complète par la parole du Coran : ṯumma stawā
ʿalā l-ʿarš, qu’il comprend comme suit : « c’est-à-dire il s’est établi sur le
trône » (yaʿnī staqarra ʿalā l-ʿarš)104. De même sur 40, Ġāfir/Muʾmin, 15 :
« Il est celui qui est élevé aux degrés les plus hauts, le Trône lui
appartient », ce qu’il commente : « c’est-à-dire qu’il est sur lui, à savoir sur
le Trône » (ʿalā l-ʿarš) 105. On peut voir effectivement ici une interprétation
anthropomorphiste. Cela dit, elle n’apparaît telle que du point de vue de
102
. Ḏahabī, Taʾrīḫ, années 141-60, éd. Tadmurī, op. cit., p. 642 [éd. Baššār
ʿAwwād Maʿrūf, I-XVII, Beyrouth, Dār al-Ġarb al-islāmī, 2003 p. 235 ; l’ensemble de
la notice sur Muqātil, p. 232-235]. Abū s-Sakan Makkī b. Ibr. b. Bašīr at-Tamīmī al-
Ḥanẓalī al-Ḫurāsānī al-Balḫī, v. San, IX, p. 549-53 ; Abū Ḥafṣ ‘U. b. Mudrik al-Qāṣṣ al-
Balḫī al-Baṣrī était l’un des disciples de Makkī, ibid., p. 550. Il tenait des séances dans la
maison de Muqātil i. e. où il avait habité, à Balḫ ou à Baṣra ou à Bagdad ? V. TB, XI, p.
211-13.
103
. Ad 7, 54, Muqātil, II, p. 41 ; ad 9, 29, II, p. 205 ; ad 10, 3, II, p. 225-26 ; ad 13,
2, II, p. 366 ; ad 32, 4, III, p. 448. Pour la position d’al-Ašʿarī à ce sujet, v Gimaret, al-
Ashʿarī, p. 327-28. Pour la position de Tabari et d’autres, v. Gilliot, Exégèse, langue et
théologie en islam au III/IXe siècle. L’exégèse coranique de Tabari, Paris, Vrin (Etudes
musulmanes, XXXII), 1990, p. 238-41. Pour Ḏū l-ʿarš comme nom divin, v. Gimaret,
Les noms divins, p. 105.
104
. Muqātil, II, p. 272. De même sur 20 (Ṭāhā), 5, II, p. 20-21.
105
. Muqātil, III, p. 708.
48
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
106
. V. Ibn Ḫuzyama, K. at-Tawḥīd, p. 101sqq. ; Bayhaqī, Asmāʾ, p. 513 sqq. : sont,
en général, considérées comme corporéistes, à ce sujet, même si l’on ne parle pas de
corps : la hauteur, au sens physique du terme (mais l’on peut dire que Dieu est ʿālin ʿalā
ʿaršihi), l’établissement (istiqrār), la session (quʿūd ou ǧulūs), etc., v. Bayhaqī, op. cit.,
p. 518.
107
. Rāzī, Tafsīr, XXVII, p. 43.
108
. Muqātil, III, p. 21. L’éditeur du texte déclare cette interprétation inacceptable
et appuie sa position par une soi-disant « source » : le commentaire de Sayyid Qu
ṭb
(sic !).
109
. Ṭabarsī, Tafsīr, VIIII, p. 74-75.
49
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
110
. Cette interprétation est rapportée par Bayhaqī, op. cit., p.520-22, qui en
donne d’autres et qui critique la qualité de l’isnād. Pour la silsilat al-kaḏib, v. Suyūṭī,
Itqān, IV, p. 239 ; GdQ, II, p. 170 ; Gilliot, La sourate al-Baqara dans le Commentaire
de Ṭabarī, thèse pour le 3ème cycle, Université Paris, III, 1982, p. 141-42. M. b. Marwān
as-Suddī aṣ-Ṣaġīr, m. 189/804; al-Kalbī M. b. as-Sā’ib, m. 146/763; Abū Ṣāliḥ mawlā de
Umm Hānī ne doit pas être confondu avec Abū Ṣāliḥ al-Miṣrī ‘Al. b. Ṣālīḥ al-Ǧuhanī,
m. 223-838, v. Gilliot, op. cit., p. 130-31. Dans Ibn al-Qayyim, Iǧtimāʿ al-ǧuyūš al-
islāmiyya ʿalā ġazw al -muʿaṭṭila wa l-ǧahmiyya, Beyrouth, Dār al-Kutub al-ʿilmiyya,
1984, p. 68, 162, 163, une interprétation de 57 (Ḥadīd), 3-4, est attribuée à Muqātil sans
autre précision : « Il est sur le trône (notez ʿalā, et non pas fawqa) et sa science est avec
eux ». Il s’agit, en fait de Muqātil b. Ḥayyān, transmettant, d’ailleurs probablement,
d’aḍ-Ḍaḥḥāk b. Muzāhim, cf. op. cit., p. 162; Bayhaqī, Asmāʾ, p. 541-42; Ḏahabī , K. al-
ʿUluww li-ʿalī al-ġaffār fī ṣaḥīḥ al-aḫbār wa saqīmihā, éd. ʿAr. M. ʿUṯmān, Médine,
19682, p. 102-103 (leg. Bukayr b. Maʿarūf an -Nīsābūrī [a. Muʿāḏ al -Damġānī al-Asadī,
cadi de Nishapour, murğiʾite ; van Ess, TG, II, 515, et surtout 606], et non Bakr, v. TT,
I, p. 495-96, m. 163/779, disciple de Muqātil b. Ḥayyān et auteur d’un tafsīr), d’après le
K. as-Sunna d’Ibn Ḥanbal et d’après al -Bayhaqī, Asmāʾ. Ḏahabī ajoute : « ce Muqātil
est une autorité, c’est un imām contemporain d’al-Awzāʿī. Ce n’est pas Ibn Sul. ; en
effet, ce novateur (hérétique) n’est pas une autorité ». Muqātil b. Sul. avait une
interprétation semblable des deux mêmes versets, mais sans la mention du trône, IV, p.
237, cf. Iǧtimāʿ, p. 68, interprétation de Muqātil (b. Ḥayyān).
50
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
111
. Muqātil, IV, 423. De même en IV, p. 200, a d 55 (Raḥmān), 37, il déclare :
« C’est la fente du ciel pour la descente de ceux qui y sont, c’est-à-dire le Seigneur et les
anges ».
112
. Tab, XXVII, p. 57, d’après a ḍ - Ḍ a ḥ ḥ ā k ; Qurt, XVIII, p. 265; Rāzī, XXX, p.
108 ; Abū Ḥayyān, Baḥr, VIII, p. 323, l. 19-20, d’après aḍ-Ḍaḥḥāk et Ibn Ǧubayr. Rien
en Durr, VI, p. 265.
113
. Ibn Ḫuzayma, K. at-Tawḥīd, op. cit., p. 125-136 ; Āǧurrī, K. aš-Šarī’a, op. cit.
p. 306-314 ; H. Laoust, La profession de foi de Ibn Baṭṭa , Damas, 1958, p. 104-05, et n.
4.
51
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
114
. Sur 75 (Qiyāma), 23, IV, p. 513. Muʿāyanatan est également utilisé par
Muqātil pour commenter la demande des juifs qui disent : « Fais-nous voir Dieu au
grand jour (ǧahratan) », 4 (Nisāʾ), 153, I, p. 419.
115
. Henri Laoust, La profession de foi d’Ibn Taymiyya. La Wāsiṭiyya, Paris,
Geuthner, 1986, p. 65 et p. 17 (ar.) : « yarawna...’iyānan bi-abṣārihim ». Pour des
témoignages plus anciens du même courant, v. Id., Ibn Baṭṭa , op. cit., p. 103, n. 4. Pour
les positions d’al-Ašʿarī, v. Gimaret, al-Ashʿarī, p. 329-43.
116
. Buḫ, 97 (Tawḥīd), 24, éd. Krehl, IV, p. 460sq./trad. Houdas, IV, p. 598sqq.
52
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
117
. Muqātil, I, p. 582. C’est aussi l’interprétation qu’a donnée, par la suite, al-
Ašʿarī de ce verset qui semblait être en contradiction avec 75, 23, v. Gimaret, op. cit., p.
333-37.
118
. Muqātil, IV, p. 51-52.
53
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Ici encore, l’éditeur réagit violemment. Or l’on sait que le sujet a été
grandement discuté entre les théologiens des générations postérieures à
Muqātil. Pour le courant qu’on appellera « salafiste » et plus généralement
pour les « gens du ḥadīṯ », les parents du Prophète sont en enfer. Ils
s’appuient pour cela sur des traditions dont la plus célèbre est celle que
rapporte Anas : «Un homme dit : ‘O Envoyé de Dieu, où est mon père?’ Il
(Muḥammad) dit : ‘En enfer.’ L’homme tourna le dos (qaffā), mais il
(Muḥammad) l’appela et dit : ‘Ton père et mon père sont en enfer’ »119.
Un autre type de tradition qui va dans le même sens est connu comme « le
ḥadīṯ de l’imploration du pardon », il est rapporté de Abū Hurayra :
l’Envoyé de Dieu a dit : « J’ai demandé à Dieu la permission d’implorer le
pardon pour ma mère, mais il ne me l’a pas permis, et je lui ai demandé la
permission de visiter sa tombe, mais il ne me l’a pas permis »120.
Comme on le voit, le récit de Muqātil n’est pas isolé. Mais la réflexion
théologique à ce sujet va s’est par la suite développée en liaison avec celle
qui concerne le sort des « gens de l’intervalle » (fatra), c’est à dire ceux qui
ont vécut dans l’intervalle entre deux «prophètes», et plus spécialement
entre l’époque de Jésus et de Muḥammad, et qui n’ont pas été interpellé
par une Révélation.
119
. Muslim, Ṣaḥīḥ, éd. M. F.ʿAbdalbāqī, Le Caire, 1954 ; réimpr. Beyrouth, Dār
al-Fikr, 19782, 1, Īmān , 88, I, p.191, n° 347/Nawawī, III, p. 79/Abū Dāwūd, Sunan, éd.
M. Muḥyīddīn ‘Abdalḥamīd, Le Caire, 1945 ; réimpr., Beyrouth, Dār al-Fikr, s. d., 39,
Sunna, IV, p. 230, n° 4718.
120
. Muslim, 11, Ǧanāʾiz , 36, II, p. 671, n° 105.
54
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
121
. Suyūṭī, in al-Ḥāwī li-l-fatāwī, Beyrouth, Dār al-Kitāb al-ʿarabī, s. d., II, p. 402-
44, la citation, p. 402.
122
. Dans l’une des ʿAqīda-s ašʿarites de Abū Isḥāq aš-Širāzī, la proposition sur
l’absence de mérite attaché à la parenté est illustrée par un argument dont le contenu
paraîtra plus conforme à la tradition salafiste qu’à la doctrine ašʿarite : la preuve que la
parenté ne donne aucun mérite (faḍl) est que les parents du Prophète sont en enfer. On
notera toutefois qu’il utilise cet argument dans le contexte du kasb : « Il n’y a pas de
mérite dans la parenté, parce que l’homme n’acquiert le mérite que par ce qu’il fait de
lui-même [...], la parenté est quelque chose qui revient à Dieu, ce n’est pas par elle que
l’homme acquiert le mérite ou autre chose... ». V. Cl. Gilliot, « Deux professions de foi
du juriste-théologien Abū Isḥāq aš-Šīrāzī », Stud. Isl., LXVIII (1988), p. 181-82.
123
. Suyūṭī, Ḥāwī, op. cit., p. 434-35
124
. Al-Baṣrī, m. 167/784. Selon as-Suyūṭī, il faut préférer le texte transmis par
Maʿmar à celui transmis par Ḥammād, car on a émis des réserves sur la mémoire de ce
dernier, qui d’ailleurs a rapporté des traditions inacceptables. V. San, VII, p. 444-56,
notice élogieuse. On le place au nombre des « Substituts » (min al-abdāl), c’est -à-dire
de ces hommes nobles et droits dont le monde n’est jamais dépourvu ; quand l’un
d’entre eux meurt, Dieu le remplace (badala) par un autre. Mais des réserves sont
émises par certains sur la mémoire de Ḥammād.
55
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
cette tradition est contredite par une autre transmise par Maʿmar (b.
Rāšid, m. 154/770)/Ṯābit/Anas : « Si tu passes devant la tombe d’un impie,
souhaite-lui l’enfer »125.
125
. Suyūṭī, Masālik al-ḥunafāʾ, op. cit., p. 434sqq. Sur cette question, v. Ibn
Taymiyya, Maǧmūʿat al-fatāwā, I, pp. 146-147, mais pour appuyer, cette fois, la doctrine
selon laquelle les parents de Muḥammad sont en enfer. Même si beaucoup de
ḥanbalites plaçaient les parents du prophète en enfer, ce n’était pas le cas de tous,
comme le suggère Suyūṭī, op. cit., p. 444, par l’exemple de Muwaffaqaddīn b. Qudāma
al-Ḥanbalī. V. également, pour l’ensemble du problème, Suyūṭī, al-Fawāʾid al-kāmina fī
īmān al-Sayyida Āmina, ou al-Taʿẓīm wa l-minna fī anna abaway al-muṣṭafā fī l-ǧanna,
éd. Muṣṭafā ‘Āšūr, Būlāq, Maktabat al-Qurʾān, s. d. (1988), 95 p., v. notre c. r. à paraître
dans in « Textes arabes anciens », MIDEO, 20 (1991), n° 211.
126
. Muqātil, II, p. 327-29, et la longue note 2 de l’éditeur.
56
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
donne des explications pour montrer que l’épreuve fut imposée à Joseph
afin qu’il expérimentât la largesse de la grâce et de la miséricorde de
Dieu127. Muqātil, lui, se contente de donner l’interprétation, ce qui devint
inacceptable dès lors qu’une doctrine plus ferme de l’impeccabilité se fut
imposée.
Il en est de même de l’histoire du mariage de David avec Bethsabée,
après qu’il eut envoyé son mari, Urie128, au combat dans la Balqā’ [contre
les Ammonites 129], afin que celui-ci fût tué et que David pût épouser
Bethsabée dont il était tombé amoureux. Le récit de Muqātil n’est pas
tellement différent de ceux que rapporte at-Ṭabarī 130, mais comme il est
unique, il permet difficilement aux théologiens de rivaliser d’astuce afin de
préserver l’honneur prophétique de David131.
127
. Tab, XVI, p.33-49 ; Qurt, IX, p. 165-70, affine encore les explications. Cf. à ce
sujet, A.-L. de Prémare, Joseph et Muhammad, le chapitre 12 du Coran, Aix-en-
Provence, 1989, p. 63-70.
128
. L’éditeur lit dans les mss. « Adriyā », il s’agit de Ūriyā.
129
. 2 Samuel, 11 ; 2 S, 12, 1-13 : reproches de Nathan à David et repentir de David
130
. Ṭabarī, Taʾrīḫ, I, p. 479-81 ; Tab, XXIII, p. 146-50. V. aussi infra, p.74-75 et n.
141, pour la comparaison entre l’attitude de Muḥammad dans son mariage avec Zaynab
bint Ǧaḥš et celle de David dans son mariage avec Bethsabée.
131
. L’éditeur est scandalisé, il écrit : « Dans nos pays, nous subissons l’épreuve de
l’Etat d’Israël. Dans notre exégèse (coranique), nous subissons l’épreuve des menteries
des fils d’Israël. Quand purifierons-nous nos pays des juifs ? Quand préserverons-nous
notre exégèse des légendes bibliques des juifs ?», Muqātil, III, p. 641, suite de la n. 5, de
la p. 640. V. Sibṭ Ibn al-Ğawzī, Mir’āt az-zamān, p. 484, où l’auteur, à la suite de son
grand-père (dans son Commentaire et dans le Muntaẓam), donne des explications pour
montrer que la faute de David n’était pas majeure, mais mineure. Parfois, c’est Hu
ḏayl
lui-même qui introduit des « légendes », avec une chaîne, ainsi celle qui remonte à
57
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Ǧābir b. ʿAl., dans laquelle Dieu est censé déclarer à Moïse qu’il lui a parlé « avec la
force de dix mille langues, j’ai la force de toutes les langues, et je suis d’ailleurs plus fort
que tout cela », III, p. 284. L’édit. déclare que : « le corporéisme et l’assimilationnisme
sont choses connues chez les juifs » (sic ! Quel abominable mélange idéologique, une
insulte aux études académiques !). En plus d’un endroit, il a supprimé ce qu’il considère
comme des « légendes bibliques », en général, lorsqu’elles se trouvaient dans l’un des
mss. seulement, v. g. III, p. 655, n. 1. On aurait souhaité qu’elles fussent reproduites
dans les notes.
132
. Muqātil, III, p. 434-45.
58
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
133
. Ṭabarī, Taʾrīḫ, I, p. 592-93/I, p. 499-500 ; Tab, XXIII, p. 158, d’après as-
Suddī/Ṯaʿlabī, Qiṣaṣ al-anbiyāʾ, Le Caire, s. d., p. 323-24 ; D. Sidersky, Les origines des
légendes musulmanes dans le Coran et dans les vies des prophètes, Paris, Geuthner,
1933, p. 117-18, 120-21, texte proche de celui du Talmud babylonien (Guitin, 68b);
Balʿamī, La chronique de Tabari, trad. du persan par Zotenberg, I, p. 451-54/Tabari
(=Balʿamī), De Salomon à la chute des Sassanides, Paris, Sindbad, 1984, p. 24-28; Jan
Knappert, Islamic Legends, Leyde, Brill, 1985, I, p. 146-149. L’édit. de Muqātil renvoie
à un texte «authentique» d’al-Buḫārī qui n’a absolument rien à voir avec ce passage
coranique Buḫ, 56, Ǧihād, 23, éd. Krehl; II, p. 206-07/trad. Houdas, II, p. 292.
59
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
134
. A vrai dire, ce récit est précédé d’un autre dans lequel intervientʿAlī auprès
du Prophète, sur les instances de Zayd, afin que M. persuade les parents de Zaynab de
donner leur fille en mariage à Zayd. M. dépêcheʿAlī auprès des parents de Zaynab, et
celui-ci obtient leur accord. Après le mariage, Zayd n’est pas content de son épouse et
M. fait des remontrances à Zaynab ; c’est alors que M. se prend « d’admiration » pour
elle. Zayd continuant à se plaindre, M. lui dit : « Garde ton épouse et crains Dieu » (33,
37). Comme on le voit, par cette dernière citation, l’utilisation du Coran par Muqātil ne
correspond pas à ce qui s’imposera par la suite, Muqātil III, 491-493. V. les longues
notes de l’éditeur qui est scandalisé, et qui rétabli ce qui, selon lui, est la « vérité » !
135
. Dans l’une des versions de ce récit, d’après Yaḥyā b. Ḥibbān, M. hésite
d’abord à entrer, parce que Zaynab ne porte qu’un seul vêtement (fuḍūl) )
Zaynab s’empresse d’en endosser un autre. M., en admiration devant elle, détourne la
tête et murmure quelque chose d’inaudible, puis il dit à haute voix : « Grand Dieu !
Dieu Très-Haut ! Toi qui retournes les cœurs ». Lorsque Zayd revient, Zaynab insiste
sur le fait que M. n’a pas voulu entrer, Ṭ a b a r ī , T a ’ r ī ḫ , I, p. 1461/II, p. 562-63.
60
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
L’ensemble du récit est moins direct que celui de Muqātil. On y sent le souci du conteur
d’insister par des détails narratifs sur le fait que le Prophète a résisté à la passion. Dans
un autre récit, c’est le vent qui soulève le rideau de l’entrée, selon Ibn Zayd, op. cit., I,
p. 1461/II, p. 563. V. aussi les nombreuses versions rapportée par Qurt, XIV, p. 189-95,
et les récits découpés, pour les besoins de l’exégèse par Tab, XXII, p. 12-15. En un
mot : la Cour s’amuse !
136
. Cette variante, en Qurt, XIV, p. 190, qui rapporte ce récit d’après Muqātil.
137
. Pour cet épisode, v. M. Hamidullah, Le Prophète de l’islam, sa vie, son œuvre,
Paris, 19794, § 134, d’après Suhaylī et Ibn al-Gawzī.
138
. Muqātil, III, p. 493-96. La tradition attribuée ici à ʿUmar est également
attribuée à ʿĀʾiša et à al-Ḥ. al-Baṣrī, avec des variantes, v. Qurt, XIV, p. 189.
61
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Muqātil compare ensuite cette passion, et, il faut bien le dire, cette
« faute » à l’attitude de David, à propos de 33, 38 : « Il n’y a pas de faute à
reprocher au Prophète au sujet de ce que Dieu lui a imposé,
conformément à la coutume instituée par Dieu pour ceux qui vécurent
autrefois ». Il commente : « C’est-à-dire David, le prophète, lorsqu’il
s’éprit de la femme qui le séduisit, la femme de Urie (= dans la Bible, Urie
le Hittite)139 b. Ḥannān 140. Dieu fait le lien entre David et la femme dont il
s’était épris, d’une part, et Muḥammad et Zaynab dont il s’était épris,
d’autre part 141. ‘L’ordre de Dieu est un décret immuable’ (33, 38), c’est
139
. Dans la Bible, Bethsabée, fille d’Eliam et femme d’Urie, mère de Salomon, 2
Sam, 11-12; Heinrich Speyer, Die biblischen Erzählungen im Qoran, Gräfenhein, 1931,
p. 376. P. Jensen, « Das Leben Muhammeds und die David-Sage », Der Islam, 12
(1922), p. 84-97, qui donne de nombreux parallèles entre les hagiographies
muḥammadienne et davidienne, ne mentionne pas celui-ci.
140
. Khoury, Les légendes prophétiques, op. cit., p. 102, 105sq. (ar.), Ūriyā b.
Ṣūriyā et son épouse Sābiġ bint Ḥanānā; Mas’ūdī, Les Prairies d’or, trad. Barbier de
Meynard et Pavet de Courteille, revue et corrigé par Ch. Pellat, I, Paris, 1962, p. 45 :
Urie (Ūriyā), fils de Hayyān; Ch. Pellat, n. 7, qui relève les variantes Ḥayyān et Ḥassān,
note que l’ethnique, le Hittite, a été transformée en patronyme.
. Cité par Qurt, XIV, p. 195-96, qui cite Muqātil et à al-Kalbī, d’après aṯ-Ṭaʿlabī.. Le thème d
141
même (v. infra). Ce motif est d’origine judaïque, v. g. « Seigneur du monde, scrute-moi,
éprouve-moi », Ps 26, 2; 2 Sam 11, 2, v. M. Grünebaum, Neue Beiträge zur semitischen
Sagenkunde, Leyde, 1893, p. 195-98. Dans le Talmud, c’est David lui-même qui
souhaite être tenté. Pour être « prophète/patriarche », au même titre que les autres, il
faut être tenté. Muḥammad [et ceux qui l’ont aidé à s’instaurer lui -même prophète]
(et/ou la pensée religieuse ultérieure) s’est appliqué ce principe au nom de l’imitatio
prophetarum.
62
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
142
. Muqātil, III, p. 496-97. On comparera ce récit avec la présentation
hagiographique que fait de l’épisode Magali Morsy, Les femmes du Prophète, Paris,
Mercure de France, 1989, chap. 8, p. 118-123. Cet ouvrage manque d’esprit critique, de
sens historique et anthropologique; de plus son auteur n’a pas accès aux sources
originales en langue arabe, v. Gilliot, « Bulletin d’islamologie et d’études arabes », Rev
Sc. ph. th., 74 (1990), p. 487-489.
143
. Elle était de la première migration (en Abyssinie) avec son Ǧaʿfar aṭ-Ṭayyār
, v. Ibn al-Aṯīr (ʿIzzaddīn), Usd al-ġāba, éd. Maḥmūd Fāyid et alii, Le Caire, aš-
63
Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
qui était l’épouse de Ǧaʿfar Ḏū l-Ǧanāḥayn 144. ‘en dehors de celles qui sont
la possession de ta droite’, c’est-à-dire en état [P. 76] d’esclavage. Après
quoi, il met en garde le Prophète de commettre une faute non convenable
à leur égard »145.
La première chose qui peut choquer, c’est que Dieu mette en garde le
Prophète de commettre une faute, comme le déclare Muqātil. Nous
n’avons pas retrouvé cette interprétation dans les commentaires
postérieurs. Certains ont recours à l’abrogation, soit par le Coran, soit par
la Sunna. « Il ne t’est plus permis [ ] de prendre d’autre femmes » (Q 33,
52) est abrogé par « Nous avons déclaré licites pour toi.. » (Q 33, 50)146 ou
par « Il n’y a pas de reproche à te faire si tu fais attendre celle d’entre elles
que tu voudras » (Q 33 51) 147. Il est intéressant de noter qu’aṭ-Ṭabarī
n’évoque l’abrogation, qu’il rejette d’ailleurs, que lorsqu’il énonce son
Ša’b, 1964, VII, p. 14sqq. Elle était la sœur de Maymūna bint al-Ḥāriṯ, épouse du
Prophète. A Médine, elle épousa , Abū Bakr puis ,à la mort de celui-ci, ʿAlī. Cette
circonstance de la révélation est citée par Qurt, XIV, p. 221, tradition déclarée faible
par Ibn al-ʿArabī : à la mort de Gaʿfar, le Prophète la trouva belle et s’éprit d’elle.
Ṭabarī ne la mentionne pas.
144
. I. e. Ǧaʿfar aṭ -Ṭayyār b. a. Ṭālib, cousin du prophète, frère deʿAlī. Le
surnom : « aux deux ailes » lui serait venu du fait que son père lui aurait demandé de
prier entre Muḥammad et ʿAlī, v. Usd al-ġāba, I, p. 341sqq. V. autre explication in EI,
II, p. 282, et autres surnoms
145
Muqātil, III, p. 503.
146
. Ibn al-Ǧawzī, Nawāsiḫ al-Qurʾān, Beyrouth, Dār al-Kutub al-’ilmiyya, s. d. (ca.
1985), p. 210.
147
. Naḥḥās, an-Nāsiḫ wa l-mansūḫ fī l-Qurʿān, Le Caire, ʿĀlam al -kutub, 1986, p.
245-48, les deux versets et l’abrogation par la Sunna, repris par Qurt, XIV, p. 219-22,
avec d’autres possiblités.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
propre choix, après avoir classé les traditions. Il ne parle pas des sept
femmes comme Muqātil, mais pour lui ce verset signifie que ne sont licites
pour le Prophète que les femmes qui lui ont été déclarées licites 148 ! On
notera que Abū ʿUbayd (m. 224/839) 149 ne mentionne pas l’abrogation de
ce verset dans son ouvrage; en cela, aṭ-Ṭabarī qui lui doit tant, semble
l’avoir suivi. On peut donc supposer qu’avec la sacralisation progressive de
la personne du Prophète, non seulement l’évocation d’une faute possible,
suite à ses passions amoureuses, est devenue impossible, mais qu’on a dû
avoir recours à l’abrogation pour justifier certaines de ses pratiques en fait
de mariage. Le texte coranique lui-même, par ses contradictions, suggère
déjà l’embarras, car ici, comme souvent,il est lié aux avatars de la vie
personnelle de Muḥammad.
148
. Tab, XXII, p. 30.
149
. Abū ʿUbayd, K. an-Nāsiḫ wa l-mansūḫ, éd; J. Burton, Gibb Memorial Trust,
Cambridge, 1987, 13+192+116 p. On se gardera toutefois d’en tirer trop vite
argument, car cet ouvrage ne suit pas le texte du Coran ad litteram, mais est ordonné
par sujets, en fonction de la jurisprudence. Abū ʿUbayda (m. 207/822), Maǧāz al-
Qurʾān, éd. F. Sezgin, Le caire, 1954, II, p. 140, évoque la solution qui fut retenue par
al-Ṭabarī, mais il ajoute : « Si l’on dit qu’elles ne sont pas illicites pour lui, dans ce cas,
le verset est abrogé ». On voit donc combien notre prudence est justifiée.
150
. Muqātil, III, p. 132, sur 22, Ḥaǧǧ, 52 ; p. 680-81, simple évocation, sur 39,
Zumar, 45 ; IV, p. 162, sur 53, Naǧm, 24, évidemment, le passage le plus développé.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
151
. Muqātil, IV, p. 162.
152
. En Muqātil, III, p. 132, il n’est pas fait mention de Satan, mais seulement de la
somnolence de M. : fa-naʿasa fa-qāla. La somnolence du Prophète est mentionnée
également d’après Qatāda, v. Qurt, XII, p. 81, ult., probablement d’après le Qaḍī ʿIyāḍ,
aš-Šifāʾ, Le Caire, al-Maktaba al-Tiǧāriyya (date?) ; Beyrouth, Dār al-Fikr, s. d., II, p.
129, l. 7-10, qui rejette ce point, car cela n’est pas compatible, dit-il, avec la dignité et
l’impeccabilité du Prophète.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Ayman et ses compagnes 153 ‘. Umm [P. 78] Ayman était la servante du
Prophète; quant à Ayman, c’était un serviteur du Prophète, il fut tué le
jour de Ḫaybar (sic !) » 154.
Ce qui choque l’éditeur du texte ici, c’est l’idée que le Prophète puisse
avoir somnolé en récitant une sourate et aussi l’intervention de Satan.
Cela, en effet, menace la véracité du Coran. C’est ce qu’ont bien compris
les théologiens et les exégètes qui ont mis en œuvre toute leur habileté
pour trouver des solutions plus acceptables. Ce n’est pas le lieu de les
exposer ici. On notera, une fois de plus, que ce qui gêne ici c’est le fait que
Muqātil ne donne qu’une seule version, de plus sans chaîne de garants et
sans autre explication que celle du récit lui-même, autant d’éléments qui,
dans un état postérieur de la pensée religieuse, sont devenus
inacceptables 155. On remarquera qu’aṭ-Ṭabarī introduit cet épisode en
153
. Umm Ayman était éthiopienne. Elle fut la nourrice de M. Il l’affranchit et elle
se convertit; elle fit les deux migrations, celle d’Éthiopie et celle de Médine. V. Ibn al-
Aṯīr (ʿIzzaddīn), Usd al-ġāba, VII, p. 205-06.
154
. Ayman b. ʿUbayd, fils de Umm Ayman. Il fut tué à Ḥunayn (et non à Ḫaybar),
v. Usd al-ġāba, op. cit.., I, p. 189, Balāḏurī, Ansāb al-ašrāf, éd. M. Hamīdallāh, I, Le
Caire, 1959, p. 471, antepen. Nous n’avons pas retrouvé cette parole d’al-Walīd b. al-
Muġīra dans une autre source ; Ṭabarī, Taʾrīḫ, I, p. 1195/II, p. 340 : ce sont les
Qurayšites qui disent : « Nous reconnaissons que c’est Dieu qui fait vivre et mourir... ».
155
. V. J. Burton, « ‘Those are the high-flying cranes’ », JSS, 15 (1970), p. 246-265.
Cette étude très intéressante est cependant trop marquée par le souci de son auteur de
mettre cet épisode en relation avec la théorie de l’agrogeant et de l’abrogé. C’est vrai
qu’il y a un rapport; toutefois, même chez at-Ṭabarī, le récit est rapporté en soi, ce que
Burton n’a pas vu, v. Taʾrīḫ, I, p. 1192-95/II, 337-41/trad. W. M. Watt et M. v.
Macdonald, The History of al-Ṭabarī, VI, New York, Suny, 1988, p. 107-11. De plus
d’importants matériaux restent à exploiter dont : Qurt., XII, p. 79-86, qui s’appuie
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
déclarant que Muḥammad était avide du bien -être de son peuple (ḥarīṣan
ʿalā ṣalāḥ qawmihi ), qu’il souhaitait un rapprochement (muḥibban
muqārabatahum) à tout prix et qu’il voulait trouver un moyen pour
parvenir à cette fin, et que c’est ce qui se produisit dans l’épisode évoqué.
A notre connaissance, aucun théologien musulman ancien n’a fait preuve
d’autant de sens politique, social et psychologique à ce sujet 156. Les
modernes ont plongé pieusement ce point de vue dans l’oubli 157.
surtout sur le cadi ʿIyāḍ et sur Ibn ʿAṭiyya; ‘Iyāḍ, Šifāʾ, II, p. 124-35; Bāqillānī, Nukat al-
intiṣār, éd. M. Zaġlūl Sallām, Alexandrie, 1971p. 307-11, etc.
156
. Ṭabarī, Taʾrīḫ, I, p. 1192.
157
. . M. Rodinson, Mahomet, p. 135 sqq. qui exploite notamment ce texte.
L’hyptothèse ne peut être écartée a priori que Muḥammad ait gardé des attaches avec
les croyances de son peuple. Quant au thème des ġarānīq, il faudrait aussi le mettre en
relation avec celui des « grues d’Ibykus » dans la littérature orientale, v. Jes P.
Rasmussen, « Bermerkungen zum ‘die Kraniche des Ibykus’-Motiv in der
orientalischen Literatur », in Living Waters, Scandinavian Orientalistic Studies
presented to Pr. Dr. Frede Løkkegaard, éd. by Egon Keck, et alii, Copenhague,
Museum Tusculanum Press, 1990, p. 27-30, avec la bibliogr. afférente.Les sources
arabes y sont trop peu exploitées et notre épisode n’y figure pas. En français, l’art.
ancien de Grangeret de Lagrange, « Les grues d’Ibykus », JA, XVI (1835), p. 179-84.
158
. Ašʿarī, Maq, p. 151, l. 6-7 ; Goldfeld, art. cit., p. XVIII. Nous préférons
traduire muwaḥḥid par unitariste, plutôt que par monothéiste. En effet, selon nos
représentations, les chrétiens et les juifs sont des monothéistes ; selon celles de Muqātil
et de l’islam des clercs, en général, ce sont des associationnistes.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
159
. Ibn Ḥazm , Fiṣal, Le Caire, 1317-21, IV, p. 205/éd. M. Ibr. N a ṣ r e t ʿAr.
ʿUmayra, Beyrouth, 1985, V, p. 74 ; Toshihiko Izutzu, The Concept of Belief In Islamic
Theology, Tokyo, 1965 ; réimpr. New York, 1980, p. 163.
160
. D’après aš-Šahrastānī, Lrs, p. 427, où l’on lira la suite de la formulation qui est
importante.
161
. Muqātil, III, p. 538, ad 35 (Fāṭir), 32-33.
162
. Muqātil, III, p. 553.
163
. Muqātil, II, p. 130, 160, 181, 188 ; III, p. 152, 259, 261, 270, 338, et passim. On
pourrait y ajouter d’autres racine, ainsi ḏkr : III, p. 346-47.
164
. Muqātil, II, p. 157, 175, 386, 397 ; IV, p. 43, passim.
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165
. Muqātil, II, p. 158, 159, 228 ; III, 281 (min aš-širk wa l-kufr), passim.
166
. II, p. 163, 166, 172, passim.
167
. II, p. 157, 159, 300 ; III, p. 241, 525, passim.
168
. Muqātil, II, p. 373 ; III, p. 229.
169
. Muqātil, II, p. 381, 398, passim.
170
. II, p. 483
171
. II, p. 236, 241 ; III, p. 373 : as-sayyiʾāt : yaʿ nī š-širk , mais l’un des mss. a :
yaʿanī llaḏīna ʿamalū š-širk.
172
. Muqātil, III, p. 123 ; III, p. 242.
173
. II, p. 430.
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174
. Muqātil, I, p. 377.
175
. II, p. 299.
176
. V. Gilliot, Exégèse, langue et théologie en islam, op. cit., p. 223-24
177
. Muqātil, III, p. 614 ; II, 431.
178
. Muqātil, IV, p. 742.
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Gilliot « Muqātil, grand exégète, traditionniste et thélogien maudit » G.3.17. revised 2013
Nous nous sommes limité ici aux points essentiels qui ont fait problème
dans la pensée religieuse.
III) Conclusion
Que s’est-il passé intellectuellement entre l’époque de Muqātil et
celle d’al-Ġazālī, nous demandions-nous plus haut ? Al-Ġazālī ne nous
servait que de marqueur, car nous pourrions nous poser la même question
par rapport à un théologien du IIIe/IXe s. La « querelle des significations »
qui existait déjà dans les premières générations de l’islam n’a fait que
s’amplifier. Les muʿtazilites que nous prenons ici à témoin, non pas parce
qu’ils auraient été «les premiers penseurs de l’islam», mais parce qu’ils
sont représentifs d’un courant « rationaliste » appuyé, ont fait la chasse aux
anthropomorphismes, au nom de la transcendance de Dieu. Cela parut à
certains insupportable, non pas seulement parce que ces prises de position
leur semblaient aller à l’encontre de la lettre du Coran, mais peut-être
surtout parce qu’elles menaçaient de saper les bases d’un édifice sur lequel
l’islam s’était de plus en plus établi, la Sunna et le ḥadīṯ. Mais d’autre part,
on ne pouvait pas faire comme si les muʿtazilites ou d’autres avant eux
n’avaient pas « parlé » (takallama fī et kalām), et il fallut donc également
« se positionner » par rapport à eux, avec leurs propres armes. C’est ce que
tentèrent de faire, entre autres, mais ils ne furent pas les seuls, ni même les
premiers, les ašʿarites qui se présentèrent comme les vrais défenseurs de la
Sunna. Ils furent conduits, eux aussi, dans le sillage des muʿtazilites, à
rejeter certaines de ces interprétations anthropomorphistes. Pourtant les
traditions ne laissaient pas de circuler et elles avaient reçu des bases que
certains appellent de nos jours encore « scientifiques ! » (critique du ḥadīṯ,
improbation, approbation, etc.) qui étaient devenues l’arsenal nécessaire
de la Sunna. D’autres traditions, au contraire, qui bien souvent, d’ailleurs,
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181
. V. supra, n. 72 et le passage correspondant de Rāzī, cité dans le texte ; cf. n.
85.
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182
. TT, X, p. 280, l. 8-9 ; Goldfeld, art. cit., p. XVII.
183
. V. Goldfeld, art. cit., avec réf.
184
. V. W. Madelung, « The early Murji’a in Khurāsān and Transoxiania and the
spread of Ḥanafism », in Religious Schools and Sects in Medieval Islam, Londres, 1985,
III, p. 39 : l’exemple du credo ḥanafite influencé par le traditionalisme de Buḫāra, et n.
31, avec autre réf.
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185
. V. Madelung, art. cit., p. 38.
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