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Source de multiples tensions dans les familles, le désordre est pourtant indissociable du monde de l'enfance et de l'univers des
adolescents
L'intention était louable, mais n'a pas eu le résultat espéré. « Dès son retour, à peine entrée dans sa chambre, elle en est
ressortie furieuse, en me reprochant d'avoir fouillé dans ses affaires. Je me suis sentie incomprise et blessée. Mais elle
l'était aussi. » L'histoire de Fabienne et Laura n'est pas isolée et témoigne combien la question du rangement - ou plutôt
du désordre - confine souvent au dialogue de sourds. Le plus souvent, et particulièrement à l'âge de l'adolescence, le
sempiternel « range ta chambre ! » se heurte à une porte fermée sur un territoire dont l'autonomie est revendiquée haut et
fort.
« Pour l'adolescent, l'ordre dans la maison, c'est l'ordre "de" la maison, un ordre tout juste bon pour les vieux et les
enfants. Une mainmise sur lui et son potentiel de libertés. S'y conformer, c'est abdiquer, se soumettre », explique Maryse
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Vaillant, psychologue (1). L'adolescent qui traverse une phase de remaniement psychique a ainsi besoin de «
déconstruire » pour reconstruire ensuite, quitte à passer par l'étape « cocon », voire « tanière » !
Aujourd'hui, les enfants circulent librement dans les logements et la marque suédoise n'hésite pas à s'inspirer des
habitudes des plus jeunes, notamment des adolescents qu'il s'agit avant tout de motiver à ranger ! Ainsi, parmi les
dernières créations de la marque, figure un coffre de rangement doté d'un trou, pour que les ados puissent y jeter leurs
habits en boule, et surmonté d'un portemanteau dont « le côté déstructuré plaît aux jeunes », remarque Karin Aubertin.
Enfance et désordre font-ils toujours aussi bon ménage ? Oui, disait la pédiatre et psychanalyste Françoise Dolto qui
soulignait qu'un enfant ne perçoit pas spontanément l'utilité de ranger. « Plus il y a du désordre, plus il se sent dans le
droit de vivre. Quand un enfant joue, il met du désordre, c'est obligatoire ! Il n'a pas encore "son ordre". "Son ordre" va
arriver à 7 ans », écrit-elle dans Lorsque l'enfant paraît (Éd. du Seuil).
Hormis durant cette période, il est donc très rare qu'un enfant ressente le besoin de bien ranger. « Si c'est le cas, il peut
s'agir d'une protection contre l'angoisse », observe Emmanuelle Rigon. Ainsi, lorsqu'on lui demande de mettre de l'ordre, il
a le sentiment d'une intrusion qui perturbe ses jeux et qui le « dérange », lui ! Ce qui ne veut pas dire qu'il faut renoncer à
lui expliquer les avantages d'un espace dégagé. « Il est important de lui apprendre qu'il existe des espaces communs où
plusieurs personnes coexistent, et des espaces privés : l'éducation consiste à apprendre qu'on ne doit pas laisser tout
traîner. »
L'exemple suffit-il ? « L'enfant est certainement influencé par l'environnement dans lequel il vit. Mais comme dans de
nombreux domaines, il va se construire soit pas opposition, soit par imitation. S'il est ordonné (ou désordonné) comme
l'un de ses parents, c'est plus par désir d'affiliation que par hérédité », constate Emmanuelle Rigon. Ce qui explique les
conflits à répétition lorsque plusieurs enfants partagent la même chambre. « Ce sont de vraies affaires de territoire »,
observe Emmanuelle Rigon, un sujet ô combien explosif.
Pourquoi est-il si difficile de supporter le désordre, et notamment celui de l'adolescence ? D'abord parce qu'à cet âge, il
confine parfois au chaos, du moins aux yeux des parents qui ont du mal à comprendre pourquoi leur « grand » qui peut
passer un temps infini à soigner son apparence se montre si négligent vis-à-vis de son environnement immédiat. Mais
aussi parce que « les parents ont surtout l'impression que le désordre extérieur correspond à un désordre intérieur de leur
enfant et que cela les inquiète », explique Pascale Roux, psychologue (4).
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Est-il possible de lutter contre cette formidable force d'inertie ? Si dans l'enfance, il est important de poser des bases et
d'expliquer l'intérêt de vivre dans un espace organisé, la politique de la « non-ingérence », sous réserve que les règles
élémentaires d'hygiène soient respectées, est sans doute la plus efficace durant l'adolescence. Ce qui n'empêche pas de
rappeler de temps à autre qu'il est plus facile et agréable de travailler ou de recevoir des amis dans une chambre aérée et
où l'on peut circuler.
Désordre intérieur
« Si le jeune perçoit de lui-même qu'il est mal à l'aise dans son univers, il peut aussi être intéressant d'inverser le
mouvement. C'est ce qui m'est arrivé en consultation avec une jeune fille. Elle me racontait l'état de sa chambre en
m'expliquant qu'elle se sentait trop mal pour ranger. Je lui ai proposé d'imaginer que, si sa chambre était le reflet de son
désordre intérieur, elle pouvait imaginer que ranger sa chambre serait l'occasion de mettre de l'ordre dans ses idées.
Cependant, il est indispensable que l'adolescent prenne conscience lui-même de ce malaise intérieur et fasse le lien pour
avoir envie d'y remédier », observe Pascale Roux. En attendant cette prise de conscience, mieux vaut faire preuve de
patience, fermer la porte de la chambre si l'on se sent agressé par la vision du fouillis, et positiver, en se rappelant que «
l'ennui naquit un jour de l'uniformité ».
Marie AUFFRET
http://www.la-croix.com/Famille/Parents-Enfants/Dossiers/6-a-12-ans/Range-ta-chambre-!-_NP_-2010-02-23-547289
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