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Bulletin Hispanique

Armand Godoy, Trois poèmes de saint Jean de la Croix adaptés en


français.
Camille Pitollet

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Pitollet Camille. Armand Godoy, Trois poèmes de saint Jean de la Croix adaptés en français.. In: Bulletin Hispanique, tome 45,
n°2, 1943. pp. 214-221;

https://www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_1943_num_45_2_2963_t1_0214_0000_2

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gais, compte tantôt pour deux syllabes (p'rigos), tantôt pour trois. La
même variation s'observe pour poderoso dans ses vers castillans (et
même la graphie podroso s'y rencontre, justifiée par la métrique). En
revanche, on trouve offerecido comptant pour cinq syllabes.
Gil Vicente oscille pareillement entre l'hiatus et la synalèphe
(porque \ en su gentileza, à côté de : porque ^esperanza me hizo). De là,
ehez lui, comme chez les poètes du Cancioneiro de Resende, une
certaine dureté qui contraste avec la fluidité des poètes castillans de la
fin du xve siècle et du début du xvie, chez qui la tendance moderne à
la synalèphe est déjà très forte.
D. Alonso a su remplir avec tact son rôle d'éditeur, en tenant
compte de tous les délicats problèmes que pose le castillan de la Tra-
gicomédie vicentine. Près de 150 pages d'annotations, complétées par
un copieux index alphabétique, élucident les difficultés de sens et
illustrent les particularités de langue. La richesse des matériaux
réunis à cet effet, la méthode précise et souple du commentateur font de
eette édition un instrument de travail de premier ordre, tant pour le
linguiste et le phonéticien que pour l'historien de la littérature.
La bibliographie des ouvrages le plus souvent cités ne remplit pas
moins de six pages. Extrayons-en quelques titres alléchants pour les
hispanistes parisiens soumis à des restrictions sévères :
Gil Vicente, Tragicomedia pastoril da Serra da Estrêla... por Alvaro
Julio da Costa Pimpâo, Coimbra [1941]. — Carmen Fontecha,
Glosario de voces comentadas en ediciones de textos clásicos, Madrid, 1941. —
E. B. Williams, From Latin to Portuguese. Historical Phonology and
M&rpkology of the Portuguese Language, Philadeíphia, 1938. — P. 194
et 302, D. A. mentionne deux récentes publications de E. Zellner sur
l'infinitif personnel, parues à Pôssneck en 1939 : Io Uber Gebrauch und
Ursprung des konjugierten Infinitifs im alteren Gallego-Portugiesi-
schen. 2° Geschichte des konjugierten Infinitivs in alteren Portugiesisch.
II. ûs Cancioneiros. Gil Vicente. Camées. Fernào Lopes.
M. BATAILLON.

Armand Godoy, Trois poèmes de saint Jean de la Croix adaptés


en français. Paris, Bernard Grasset, 1937 ; in-16, 28 p., 16 fr. 50.
Présenter au lecteur hispaniste la personnalité et l'œuvre d'Armand
Godoy serait peut-être pédantesque. En effet, il existe déjà sur lui
toute une bibliographie, dont les principaux numéros me semblent
consister dans les ouvrages, ou articles suivants, que l'on citera par
ordre chronologique : Eduardo Ayilés Ramírez (traducteur castillan
de Pages choisies, Paris, éditions « Excelsior », 1929, et des Litanies de
la Vierge, Madrid, J. M. Yagüés, 1932) ; Simbad (Hombres, Piedras y
Paisajes, Paris, édit. « Excelsior », 1928) ; Hommage à Armand Godoy,
BIBLIOGRAPHIE 215

dans la revue Mediterránea de mars 1929, numéro spécial ; Francis de


Miomandre, Quelques réflexions sur Armand Godoy, à propos du
« Drame de la Passion » (Paris, Govone, 1930); J.-J. Rabearivelo,
Enfants d'Orphée (Port-Louis, île Maurice, The general Printing &
Stationary Company, 1931) ; Jean Royère, Frontons, première série
(Paris, Seheur, 1932) ; Osvaldo Bazil, Cabezas de América (Habana,
Molina y Cía, 1933); Carlos Deambrosins-Martíns, La Poesía de
Armando Godoy (Con una Introducción de Jean Royere : El Musicismo
en la Sorbona, Barcelona, Editorial Iberia, 1933) ; André Devaux,
Armand Godoy (Paris, Éditions des Portiques, 1933) ; Pietro S. Pas-
quali, Armand Godoy (Con una Prefazione di Jean Royere, « Éditions
Romanes », Paris, Lausanne, Milano, 1933) ; Armand Godoy, UArte
e V Opera, par Antonio Jàcono (Milano, Edizioni Latine, 1935) ; Carlos
Deambrosins-Martíns, Armando Godoy, Poeta Francés. El Hombre.
Ritmismo. Musicismo. Misticismo, avec triple Prologue : Godoy y su
crítico, par Gabriela Mistral (Madrid, novembre 1934), Prólogo, par
Francis de Miomandre, La Palabra del Maestro, par Federico Henri-
quez y Carvajal (daté : En la Primada de América)1, une Página
Liminar, par Fauteur, Uruguayen, né à Paris- en 1900 à la Légation
de l'Uruguay, homme de lettres à la féconde carrière (il fut, en
particulier, rédacteur en chef de La Antorcha, fondée par Vasconcelos, et
qui se publiait à Paris et Madrid), et, en Appendice (p. 297-361),
diverses pièces intéressantes : Armando Godoy, Poeta francés-cubano,
par Luisa Luisi (Montevideo, 1934) ; El ritmo en la obra de Armando
Godoy, El encantador, par Paul Fort ; El misticismo poético y musical
de Armando Godoy, par Jean Royère (Paris, 27 septembre 193,4) ; El
misticismo de Armando Godoy, par Francis Jammes ; puis une petite
Anthologie des poésies de Godoy, mises en castillan par Agustín Acosta
(Cuba), Carlos López Narváez, Eduardo Aviles Ramírez, Francis de
Miomandre, Armand Godoy lui-même (Nocturno de Chopin, Op. 62,
número I), Enrique A. Carrillo, Otto de Greiff (poète colombien) et
Ismael Enrique Arciniegas : cet ouvrage renferme, en outre, un
portrait de Godoy, crayon d'A. Bilis, et, daté de Paris, 1930-1934, il a été
publié en volume en 1935 à Santiago de Chile, sur les presses de
1' « Editorial Ercilla » : c'est, à la date de sa parution, l'étude la plus
complète sur Armand Godoy ; André Devaux, Armand Godoy, poète
catholique (Paris, Au « Sans Pareil », 1936), avec un fac-similé de
l'écriture du poète (p. 80-81), un portrait de Godoy, d'après le tableau de
Beltrán-Massés, au Frontispice, et une phototypie : Armand Godoy
et son fils Jean-Charles (photo Manuel frères), p. 180-181 ; (abbé)

1. Le Dr Federico Henrfquez y Carvajal est ancien recteur de l'Université de Saint-


Domingue. Son frère, D. Francisco, ex-président de la République dominicaine,
présidait, naguère, une conférence donnée à la Sorbonne par Deambrosis-Martins sur
La poesía de Armando Godoy.
216 BULLETIN HISPANIQUE

Léon Côte (de Moulins), Un grand poète catholique, Armand Godoy, ou


Vascension d'une âme (Lyon et Paris, Emmanuel Vitte, 1936 s ces
pages avaient vu le jour dans Christus, revue mensuelle de la maison
Em. Vitte) ; Emile Schaub-Koch (professeur à Genève), Armand
Godoy (Paris, Collection La Phalange, Albert Messein, 1938). On
pourrait ajouter d'autres numéros, sans doute moins importants, à cette
bibliographie, par exemple, l'article sur Godoy aux Suplementos de
V Enciclopedia Espasa, renvoyer à divers articles sur et par lui dans la
nouvelle série de La Phalange, qu'il dirige avec Royere, mais en en
supportant seul le lourd fardeau pécun;a;re, etc. Ce que nous venons
d'indiquer suffît à qui veut se faire une idée précise de la personne et
de l'œuvre d'un poète, qui, s'il a eu ses détracteurs chez nous (nous
citerons, entre autres auteurs de diatribes contre* Godoy, MM. Pille-
ment, Fontainas et Derème, qui le couvrirent d'ailleurs de fleurs à ses
débutSj et il serait instructif de rechercher les motifs de leur «
évolution »), ne compte plus ses amitiés dans ce que notre monde littéraire
actuel possède de meilleur et de plus sain.
Retracer ici, même en abrégé, la courbe de son effort depuis qu'en
1919 il s'installait à Paris, riche de science, de talent et de courage et
totalement inconnu chez nous, jusqu'à ses succès incontestables et
incontestés de l'heure présente, serait, dans un rapide article
bibliographique comme celui-ci, chose de tous points impossible. Son œuvre
poétique compte plus de vingt volumes, dont plusieurs ont été
plusieurs fois réimprimés : après la disparition de la maison d'édition
Émile-Paul frères, l'auteur est passé chez Bernard* Grasset, mais
diverses publications de lui ont paru chez des éditeurs fort différents,
ainsi Lemerre (en 1925, A José-María de Heredia, sonnets déclamés
par Mme Segond-Weber au Luxembourg, lors de l'érection du buste du
poète franco-cubain près du rucher du célèbre jardin parisien ef publiés
d'abord par la Revue des Deux Mondes), Éd. Champion (Chansons
créoles, dans la collection Aux Amis d'Edouard, avaient d'abord
paru dans Figaro et sont dédiées à « Gérard d'Houville », fille d'
Heredia), Id., Triptyque (poèmes sur trois tableaux de Beltrán-Massés,
qui y sont reproduits par le procédé Jacomet, avec un prologue en
fac-similé par Camille Mauclair : ces deux publications sont de 1926),
Ronald Davis {Stèle pour Charles Baudelaire, 1926), etc. Nous
renvoyons à la bibliographie de ses Œuvres dans le second des ouvrages
plus haut cité, de Deambrosis-Martins, p. 363-366, et André Devaux,
second ouvrage plus haut cité, p. 207-210. Au moment où nous
rédigeons ces lignes (mai 1938) paraît le dernier ouvrage en date de Godoy,
une réédition du Poème de V Atlantique, huit sonnets sur huit tableaux
dupeintre Nestor, paru originairement chez Émile-Paul en 1931 et
dédié à Francis Jammes. Et, pour n'avoir qu'une bonne idée,
cependant suffisamment complète et juste, de ce que représente dans l'effort
BIBLIOGRAPHIE 217
poétique contemporain en France la production de Godoy, nous
recommanderions simplement la lecture du volume de M. Schaub-Koch,
152 pages vendues 12 francs, où sont étudiées avec pénétration les
sources de l'inspiration, les causes profondes du mysticisme, la
qualité même (il l'appelle espagnol et gallican) du catholicisme de ce fils
de Don Joaquín Godoy y Riera (des amis répètent que- de
descendance du célèbre prince de la Paix), fils lui-même de Don José Godoy,
secrétaire de Benito Juárez, président du Mexique, qui, comme le
père du poète, était né à Santiago de Cuba (Godoy naquit, le 1er avril
1880, à La Havane) et fut, en outre, député du Mexique, étant mort
subitement à la fin d'un discours qu'il venait de prononcer au
Congreso Nacional; cependant que la mère d'Armand Godoy, Doña
Cayetana Agostini y Cortés, si elle était d'origine corse par son père, se
rattachait par sa mère à des Cortés espagnols établis au Venezuela.
Étrange complication d'hérédité, on le voit, et plus encore si l'on songe
que la grand'mère paternelle de notre poète descendait d'une souche
catalane ! Et si l'on ajoute que le père d'Armand Godoy décéda à
quatre-vingt-deux ans, après avoir donné à sa femme, morte, elle, à
quatre-vingt-trois ans, en 1933, la belle couronne de onze rejetons,
sept garçons (le poète, sixième par l'ordre de sa naissance, fut le
quatrième de ces garçons) et quatre filles ; que Doña Cayetana faisait des
vers, encore qu'elle ne les ait jamais publiés (exemple suivi par un
frère cadet, Gustavo) ; qu'un cousin paternel, Federico Garcia Copley,
fut un poète distingué, qui figure dans des recueils de vers cubains de
son époque et, professeur à l'Université de Santiago, donna le jour à
l'excellent écrivain de Saint-Domingue, Don Federico Garcia-Godoy ;
que l'épouse d'Armand Godoy, Doña Julia Cordovés y Tovar, si ses
parents sont Cubains, a pour aïeux des Espagnols ; que ce fut à l'âge
de deux ans qu'Armand Godoy fit son premier voyage en Espagne ;
qu'en 1884 il revint à Cuba, où, jusqu'à dix ans, aux Escuelas Pías de
Guanabacoa, près La Havane, il reçut sa première instruction ; qu'en
1890, la famille Godoy va s'établir au Pérou, à Lima, cette capitale
grise et mélancolique, où Armando poursuit ses études et sent
s'éveil er une irrésistible vocation de poète (il y fonde, en 1892, une revue
hebdomadaire d'étudiants : El Colegial)1 ; qu'à quinze ans, ce fort en
algèbre (les mathématiques seraient son violon d'Ingres) est reçu
bachelier ; que, trois années durant, il travaille dans une banque à Piura,
sur la frontière nord du Pérou, près de l'Equateur ; qu'à vingt-quatre
ans, il s'embarque pour La Havane, décidé à y faire fortune et, de ce
fait, se trouve à Paris en 1904, où, dans les trêves de ses besognes
financières, il fréquente assidûment le Quartier latin (alors réel)

1. Un fac-similé de cette Revue a été donné dans le numéro spécial de Mediterránea,


plus haut cité.
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218 BULLETIN HISPANIQUE

durant les quinze jours de ce séjour ; que, de retour à la Havane, il y


est nommé directeur de la manufacture des Tabacs, où, par ses efforts
trop exagérés dans un labeur absorbant, il tombe malade, est envoyé à
un sanatorium des États-Unis, d'où, guéri, il revient à son île pour s'y
marier ; que, sur la fin de 1918, suffisamment riche pour ne plus vivre
que pour les vers, il s'installe avec les siens à New- York, d'où, vers le
milieu de 1919, il passera, comme on l'a dit plus haut, à Paris, d'où il
transférera, finalement, sa résidence en Suisse française, à Lausanne :
si l'on songe à tout cela, on aura peut-être une faible idée de la
complexité des facteurs qui ont joué dans la vie et dans la pensée de Godoy !
Mais, de toute cette tumultueuse existence, le fait capital, c'est, à
notre avis comme à celui de tous, la conversion d'Armand Godoy au
catholicisme. Un catholicisme qui n'a rien de commun avec celui de
M. Francis Jammes, hâtons-nous de le marquer, bien que Godoy ait
une affection sincère pour le poète de la Divine Douleur, auquel, on l'a
dit, il dédia son Poème de V Atlantique, mais qui se rapprocherait assez,
à notre avis, de celui de M. Paul Claudel, du Claudel qui, dans sa
Correspondance avec Jacques Rivière, déclarait, page 64, que, si « le
paganisme ne voit pas de chemin entre Dieu et l'homme et désespère,
comme il est naturel », le chrétien, par contre, « a une traite sur Dieu,
signée du sang de Jésus-Christ » ; du Claudel, encore, qui, dans Y
Annonce faite à Marie, a eu le courage de proclamer cette vérité qui,
interprétée comme on le voudra, est un rappel à l'ordre à l'adresse de
l'universel matérialisme de notre époque : « Nous ne sommes pas sur
terre pour être heureux, mais seulement pour tracer notre sillon... »
C'est cette souveraine solution de l'existence, sur les bases du
spiritualisme, que Godoy voudrait nous restituer. Nous l'avons perdue
par la faute de tant de rains efforts dans le sens de ce que Jacques
Maritain, dans sa Grandeur et misère de la métaphysique, dénomma
1' « empiro-mathématisme1... ». Mais passons à l'ouvrage qui fait
l'objet de notre article.
Dans cette élégante plaquette, Godoy interprète, en s'efforçant de
conserver la mesure métrique et le rythme des originaux, tout en les
revêtant de son style propre, trois des compositions poétiques du
mystique Jean de la Croix. La première : Complainte de Vâme qui peine pour
voir Dieu, est extraite des Devotas Poesías, qui comprennent trois
lamentations en copias, une glosa, une canción et dix romances. La
seconde est le Chant de VAme qui se réjouit de connaître Dieu par la Foi.

1. Au commencement d'avril dernier, j'ai lu, dans le Corriere délia Sera milanais,
un court avis, ainsi libellé, en toutes petites minuscules : La Commenda di San
Gregorio Magno è stata conferita al poeta Armand Godoy per i suoi meriti di nobile asser-
tore deW idea latina e délia fede cattolica in terra di Francia e di Spagna... Le Pape
sait, j'imagine, récompenser les défenseurs de la cause chrétienne mieux encore que
par des Ordres : par une approbation qui doit leur aller au cœur.
BIBLIOGRAPHIE 219
La troisième comprend .des Chansons de Vâme en huit strophes de
cinq vers. Rendre en français la pensée poétique d'un mystique
espagnol, particulièrement de Yépez, n'est pas précisément chose aisée,
pour peu, du moins, que l'on entende rester fidèle à l'original. Pour ce
qui est, précisément, de celui-ci, je crois l'avoir assez bien montré
quand, dans YHispania de Ventura García-Calderón, cet ami et
admirateur de Godoy, j'ai publié la critique de la traduction, par M. René-
Louis Doyon, du Cántico entre los esposos. Je renverrai, sur cette si
délicate matière, l'hispaniste à l'article que Larra écrivit lorsque
D. Juan-María Maury publia à Paris, en 1826-1827 (Maury, auteur
d'un poème épique contre les Anglais, La agresión británica, 1806,
passa presque toute sa vie en France, où, en 1840, il publia son poème
en douze chants, Esvero y Almedora, dont le sujet est emprunté au
Paso Honroso de Suero de Quiñones), son Espagne poétique, choix de
poésies castillanes depuis Charles-Quint jusqu'à nos jours, avsc une
dissertation comparée sur la langue et la versification espagnoles, une
introduction en vers, etc. « Figaro », qui s'y connaissait évidemment en
matière de traductions (puisqu'il gagnait de la sorte une part de sa
triste existence), est d'avis que traduire en vers français des chefs-
d'œuvre poétiques espagnols comporte un écueil presque
infranchissable : « la índole de la lengua y de la poesía francesa, tan opuesta a la
española ». Cette brève phrase en dit plus qu'une dissertation. Et, pour
consciencieux qu'ait voulu être Maury — dont on sait que Juan
Valera a écrit que le style était un modèle de correction et de
purisme — il est clair que le peu de fidélité envers ses modèles n'est pas
son moindre défaut. Il abrège et supprime (voir sa version du Salicio y
Nemoroso de Garcilaso), ou bien amplifie et délaie, ce qui, d'autres
fois, ne l'empêche pas de produire de petits chefs-d'œuvre, comme,
par exemple, dans El Caballo y la Ardilla d'Iriarte, la Rosa de Rioja,
A las Estrellas de Meléndez Valdés, etc. (il s'était attaqué à Garcilaso,
sainte Thérèse, Luis de León, Herrera, Cervantes, Góngora, Lope de
Vega, les Argensolas, Quevedo, Rioja, Villegas, Luzán, Cadalso,
Iriarte, Meléndez Valdés, Iglesias, Noroña, Cienfuegos, Moratin,
Quintana et Arriaza). Où il réussit le mieux, c'est dans le genre
héroïque et les fables. La seule composition qu'il ait tenté de rendre de
Quevedo (une pièce jocosa) ne faisait que confirmer cette vérité
élémentaire que cet auteur (de récents essais, de nos jours, ne le
démentiraient pas) est, dans ses vers, intraduisible. Et si Rioja, Quintana et
les romances se sont le mieux trouvés de cet habillage en notre parler,
c'est, sans doute, que la tendance philosophique des premiers, la
vigueur virile et le parfum antique des seconds s'adaptaient le mieux au
génie de la langue française. M. Armand Godoy, qui domine d'égale
façon l'idiome français et celui d'Espagne, s'efforce, quand il fait
passer dans sa langue d'adoption des poésies de celle de ses premiers ans
220 BULLETIN HISPANIQUE

(ainsi, dans ses adaptations du Cubain José Marti, parues en 1929 chez
Émile-Paul et réimprimées en 1937 chez Bernard Grasset en un
volume in-16 de 142 pages, vendu 20 francs), de ne point trop s'éloigner,
sinon du texte littéral, de l'esprit de ses auteurs. C'est encore Larra
qui l'a observé (dans son article : De las Traducciones, à propos de
l'introduction du vaudeville français sur le théâtre espagnol) : « La
tarea del traductor no es tan fácil como a todos les parece y por eso es
tan difícil hallar buenos traductores ; porque cuando un hombre se
halla con los elementos para serlo bueno, es raro que quiera invertir
tanto trabajo sólo en hacer resaltar la gloria de otro... » Ce
raisonnement est, d'ailleurs, un peu spécieux et le Moratin du Médico a palos
en démontre assez l'inexactitude, pour ne pas citer d'exemples
d'excellents traducteurs modernes qui furent aussi de parfaits écrivains
originaux : ce qui est, d'ailleurs, le cas d'Armand Godoy.
M. Godoy n'ayant illustré d'aucune note ni préface ce petit essai, où,
comme toujours, il reste le vrai poète que doit être un traducteur (et
en vers) de poètes, nous pourrons observer un petit détail, assez
curieux, d'histoire littéraire espagnole, qui a échappé" au critique de ce
volume dans YOsservatore Romano, un collaborateur qui signe M.-F.
(n° 103 (23687), du 4 mai 1938, page 3 : Poésie religiose di Armand
Godoy) et semble connaître sa matière. La plus intéressante des pièces
adaptées par Godoy, la Complainte de Vâme qui peine pour voir Dieu, a,
en effet, une histoire assez curieuse, en ce sens qu'on la trouve dans
toutes les éditions courantes des Œuvres de sainte Thérèse
(spécialement dans les recueils de ses poésies) comme partie intégrante des
fameux Versos nacidos del fuego del amor de Dios, qui glosent V
estribillo :
Vivo sin vivir en mí
y tan alta vida espero
que muero porque no muero.
Or, ces vers, depuis la strophe :
Estando ausente de tí...
jusqu'à la fin de la composition — soit six strophes — ne sont
nullement de la Vierge d'Ávila, mais de Jean de la Croix. On en trouvera
la preuve en se reportant à l'édition magistrale des Obras de San Juan
de la Cruz, par le P. Gerardo de San Juan de la Cruz, t. III (Toledo,
1914, p. 143 et suiv.). Évidemment, il y a là une petite énigme. La
poésie de sainte Thérèse aurait été composée ou en 1573, selon
l'éditeur susnommé, ou en 1571, selon l'abbé Rodolphe Hornaert (Sainte
Thérèse écrivain. Son milieu. Ses facultés. Son œuvre, Paris, Désolée,
De Brouwer et Cle, 1922), et elle trouve son commentaire adéquat au
ch. xxix du Libro de mi Vida, où la sainte dit qu'elle se voyait mourir
BIBLIOGRAPHIE 221

du désir de voir Dieu et ne savait où trouver, si ce n'est dans la mort,


cette souveraine vie. Cette poésie qui jaillit dé son âme sous le choc
d'une populaire copia, comment se fait-il donc que celle de Jean de la
Croix, dont une part, par la faute de copistes, est, répétons-le, mêlée
à la sienne, la reprenne en l'amplifiant sur le même thème? Elle doit
dater de 1578. La simple chronologie contient-elle la clef de ce petit
mystère, ou ne faut-il pas la chercher dans l'identité spirituelle de
deux âmes? Car, si, dans l'ordre de ces mystiques espagnols de la
Grande Époque, Fray Luis représente, plus encore que le calme, le
sosiego (¡ sosegaos ! disait, comme, dans notre Midi, l'on dit encore :
remettez-cous ! Philippe Ier à ses visiteurs), Jean de la Croix l'extase,
mieux, V arrobo, Malón de Chaide le scolasticisme théologique médiéval,
Thérèse, plus qu'eux tous, c'est le feu ardent, le transport lumineux,
le délire sacré ; et, de même que la grande conque marine, décrite par
Miró dans El caracol y el Faro, conserve dans ses entrailles de nacre le
frémissement des ondes marines, ainsi dans les rimes de la fille d'
Alfonso Sánchez de Cepeda et de Beatriz Dávila y Ahumada (cinquième
rejeton d'un homme qui disait descendre des rois de León et, en deux
mariages, avait procréé douze enfants), l'on perçoit, mieux encore que
nulle part ailleurs, les vibrations intimes de l'âme d'élite insatisfaite,
qui pouvait, en toute sincère illusion, proclamer, en cris d'amour
inimitables, sa tragique nostalgie du ciel :
Sólo con la confianza
Vivo de que he de morir,
Porque, muriendo, el vivir
Me asegura mi esperanza...

P.-S. — Depuis que furent écrites les lignes ci-dessus, La Phalange


a prématurément disparu (cf. Bull, hisp., 1938, p. 475) et Godoy n'a
publié que de rares fruits — inter arma suent leges. . . et artes — de sa
veine poétique : De Vêpres à Matines, chez Emmanuel Vitte, menue
plaquette donnée comme étant « le psaume de la sainte Montée, le
vol de l'âme qui se dégage des liens charnels et les évoque avant de
les laisser mourir » (octobre 1941), puis Bréviaire, chez le même
éditeur, dont Georges Maréchal a dit, dans Candide du 5 août 1942, que
c'était « une suite de très beaux poèmes, pour la plupart des sonnets,
d'inspiration catholique et mystique, où les vers, d'une qualité
musicale remarquable, ont, de surcroît, une émotion et une tendresse
profondément franciscaines ».
Camille PITOLLET.

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