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Pitollet Camille. Armand Godoy, Trois poèmes de saint Jean de la Croix adaptés en français.. In: Bulletin Hispanique, tome 45,
n°2, 1943. pp. 214-221;
https://www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_1943_num_45_2_2963_t1_0214_0000_2
gais, compte tantôt pour deux syllabes (p'rigos), tantôt pour trois. La
même variation s'observe pour poderoso dans ses vers castillans (et
même la graphie podroso s'y rencontre, justifiée par la métrique). En
revanche, on trouve offerecido comptant pour cinq syllabes.
Gil Vicente oscille pareillement entre l'hiatus et la synalèphe
(porque \ en su gentileza, à côté de : porque ^esperanza me hizo). De là,
ehez lui, comme chez les poètes du Cancioneiro de Resende, une
certaine dureté qui contraste avec la fluidité des poètes castillans de la
fin du xve siècle et du début du xvie, chez qui la tendance moderne à
la synalèphe est déjà très forte.
D. Alonso a su remplir avec tact son rôle d'éditeur, en tenant
compte de tous les délicats problèmes que pose le castillan de la Tra-
gicomédie vicentine. Près de 150 pages d'annotations, complétées par
un copieux index alphabétique, élucident les difficultés de sens et
illustrent les particularités de langue. La richesse des matériaux
réunis à cet effet, la méthode précise et souple du commentateur font de
eette édition un instrument de travail de premier ordre, tant pour le
linguiste et le phonéticien que pour l'historien de la littérature.
La bibliographie des ouvrages le plus souvent cités ne remplit pas
moins de six pages. Extrayons-en quelques titres alléchants pour les
hispanistes parisiens soumis à des restrictions sévères :
Gil Vicente, Tragicomedia pastoril da Serra da Estrêla... por Alvaro
Julio da Costa Pimpâo, Coimbra [1941]. — Carmen Fontecha,
Glosario de voces comentadas en ediciones de textos clásicos, Madrid, 1941. —
E. B. Williams, From Latin to Portuguese. Historical Phonology and
M&rpkology of the Portuguese Language, Philadeíphia, 1938. — P. 194
et 302, D. A. mentionne deux récentes publications de E. Zellner sur
l'infinitif personnel, parues à Pôssneck en 1939 : Io Uber Gebrauch und
Ursprung des konjugierten Infinitifs im alteren Gallego-Portugiesi-
schen. 2° Geschichte des konjugierten Infinitivs in alteren Portugiesisch.
II. ûs Cancioneiros. Gil Vicente. Camées. Fernào Lopes.
M. BATAILLON.
1. Au commencement d'avril dernier, j'ai lu, dans le Corriere délia Sera milanais,
un court avis, ainsi libellé, en toutes petites minuscules : La Commenda di San
Gregorio Magno è stata conferita al poeta Armand Godoy per i suoi meriti di nobile asser-
tore deW idea latina e délia fede cattolica in terra di Francia e di Spagna... Le Pape
sait, j'imagine, récompenser les défenseurs de la cause chrétienne mieux encore que
par des Ordres : par une approbation qui doit leur aller au cœur.
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La troisième comprend .des Chansons de Vâme en huit strophes de
cinq vers. Rendre en français la pensée poétique d'un mystique
espagnol, particulièrement de Yépez, n'est pas précisément chose aisée,
pour peu, du moins, que l'on entende rester fidèle à l'original. Pour ce
qui est, précisément, de celui-ci, je crois l'avoir assez bien montré
quand, dans YHispania de Ventura García-Calderón, cet ami et
admirateur de Godoy, j'ai publié la critique de la traduction, par M. René-
Louis Doyon, du Cántico entre los esposos. Je renverrai, sur cette si
délicate matière, l'hispaniste à l'article que Larra écrivit lorsque
D. Juan-María Maury publia à Paris, en 1826-1827 (Maury, auteur
d'un poème épique contre les Anglais, La agresión británica, 1806,
passa presque toute sa vie en France, où, en 1840, il publia son poème
en douze chants, Esvero y Almedora, dont le sujet est emprunté au
Paso Honroso de Suero de Quiñones), son Espagne poétique, choix de
poésies castillanes depuis Charles-Quint jusqu'à nos jours, avsc une
dissertation comparée sur la langue et la versification espagnoles, une
introduction en vers, etc. « Figaro », qui s'y connaissait évidemment en
matière de traductions (puisqu'il gagnait de la sorte une part de sa
triste existence), est d'avis que traduire en vers français des chefs-
d'œuvre poétiques espagnols comporte un écueil presque
infranchissable : « la índole de la lengua y de la poesía francesa, tan opuesta a la
española ». Cette brève phrase en dit plus qu'une dissertation. Et, pour
consciencieux qu'ait voulu être Maury — dont on sait que Juan
Valera a écrit que le style était un modèle de correction et de
purisme — il est clair que le peu de fidélité envers ses modèles n'est pas
son moindre défaut. Il abrège et supprime (voir sa version du Salicio y
Nemoroso de Garcilaso), ou bien amplifie et délaie, ce qui, d'autres
fois, ne l'empêche pas de produire de petits chefs-d'œuvre, comme,
par exemple, dans El Caballo y la Ardilla d'Iriarte, la Rosa de Rioja,
A las Estrellas de Meléndez Valdés, etc. (il s'était attaqué à Garcilaso,
sainte Thérèse, Luis de León, Herrera, Cervantes, Góngora, Lope de
Vega, les Argensolas, Quevedo, Rioja, Villegas, Luzán, Cadalso,
Iriarte, Meléndez Valdés, Iglesias, Noroña, Cienfuegos, Moratin,
Quintana et Arriaza). Où il réussit le mieux, c'est dans le genre
héroïque et les fables. La seule composition qu'il ait tenté de rendre de
Quevedo (une pièce jocosa) ne faisait que confirmer cette vérité
élémentaire que cet auteur (de récents essais, de nos jours, ne le
démentiraient pas) est, dans ses vers, intraduisible. Et si Rioja, Quintana et
les romances se sont le mieux trouvés de cet habillage en notre parler,
c'est, sans doute, que la tendance philosophique des premiers, la
vigueur virile et le parfum antique des seconds s'adaptaient le mieux au
génie de la langue française. M. Armand Godoy, qui domine d'égale
façon l'idiome français et celui d'Espagne, s'efforce, quand il fait
passer dans sa langue d'adoption des poésies de celle de ses premiers ans
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(ainsi, dans ses adaptations du Cubain José Marti, parues en 1929 chez
Émile-Paul et réimprimées en 1937 chez Bernard Grasset en un
volume in-16 de 142 pages, vendu 20 francs), de ne point trop s'éloigner,
sinon du texte littéral, de l'esprit de ses auteurs. C'est encore Larra
qui l'a observé (dans son article : De las Traducciones, à propos de
l'introduction du vaudeville français sur le théâtre espagnol) : « La
tarea del traductor no es tan fácil como a todos les parece y por eso es
tan difícil hallar buenos traductores ; porque cuando un hombre se
halla con los elementos para serlo bueno, es raro que quiera invertir
tanto trabajo sólo en hacer resaltar la gloria de otro... » Ce
raisonnement est, d'ailleurs, un peu spécieux et le Moratin du Médico a palos
en démontre assez l'inexactitude, pour ne pas citer d'exemples
d'excellents traducteurs modernes qui furent aussi de parfaits écrivains
originaux : ce qui est, d'ailleurs, le cas d'Armand Godoy.
M. Godoy n'ayant illustré d'aucune note ni préface ce petit essai, où,
comme toujours, il reste le vrai poète que doit être un traducteur (et
en vers) de poètes, nous pourrons observer un petit détail, assez
curieux, d'histoire littéraire espagnole, qui a échappé" au critique de ce
volume dans YOsservatore Romano, un collaborateur qui signe M.-F.
(n° 103 (23687), du 4 mai 1938, page 3 : Poésie religiose di Armand
Godoy) et semble connaître sa matière. La plus intéressante des pièces
adaptées par Godoy, la Complainte de Vâme qui peine pour voir Dieu, a,
en effet, une histoire assez curieuse, en ce sens qu'on la trouve dans
toutes les éditions courantes des Œuvres de sainte Thérèse
(spécialement dans les recueils de ses poésies) comme partie intégrante des
fameux Versos nacidos del fuego del amor de Dios, qui glosent V
estribillo :
Vivo sin vivir en mí
y tan alta vida espero
que muero porque no muero.
Or, ces vers, depuis la strophe :
Estando ausente de tí...
jusqu'à la fin de la composition — soit six strophes — ne sont
nullement de la Vierge d'Ávila, mais de Jean de la Croix. On en trouvera
la preuve en se reportant à l'édition magistrale des Obras de San Juan
de la Cruz, par le P. Gerardo de San Juan de la Cruz, t. III (Toledo,
1914, p. 143 et suiv.). Évidemment, il y a là une petite énigme. La
poésie de sainte Thérèse aurait été composée ou en 1573, selon
l'éditeur susnommé, ou en 1571, selon l'abbé Rodolphe Hornaert (Sainte
Thérèse écrivain. Son milieu. Ses facultés. Son œuvre, Paris, Désolée,
De Brouwer et Cle, 1922), et elle trouve son commentaire adéquat au
ch. xxix du Libro de mi Vida, où la sainte dit qu'elle se voyait mourir
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