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Point de réel

sinon le Réel

Claude Ollier

J' admire les livres brillants, spectaculaires, fastueux de dons et de culture,


s~_irirLI:els, ~légams_. J'aime le~ ,li~res ~onc_is: sobres, exact~, nourris d'ellipses et
d'1rome, ou ce qui est donne a hre n obluere pas le trava1l sur le langage, mais
le laisse évaluer, apprécier sans ostentation, le valorise en filigrane, lui rend sa
noblesse.
Je relis souvent Equipée. Si j'élisais des livres a mon chevet, celui-la serait
en bonne place sur la perite table, cotoyant L 'espace du dedans, Comment c'est,
Fictions... Ces livres, et quelques autres, sont de ceux qui, indépendamment de
leur genre, de leur facture, de leur scyle, se présentent coujours en meme temps
comme d 'authentiques manuels de technique poétique; d'innovation, done,
c'est-a-dire d'imitation détournée, gauchie, des formes en l'honneur al'époque.
Les clichés font l' objet, et les frais, de ces modulations et césures, tant il ese
vrai, comme l'affirme Ezra Pound, que« la beauté ese ce sursaut entre un cliché
et un aucre ». Sursaut, ou crispation, alerte ... Eveil. Le sursaut ne garantir pas
absolument la reviviscence du cliché, qui toutefois !'implique. Nous vivons de
clichés, qui sont bien vivants en leur grande majorité, puisqu'on s'accorde raci-
tement sur leur survie et leur sens. Ou alors, page 56 de Voyage au pays du Réel,
ces « accessoires du langage » ne vivent plus, « ex-votos du réel accrochés en les
crypres d 'un imaginaire désuet ». 11 ese question dans ce fragment_de la S~1_1~ale
et du Bacon, des sensations que procurent dans la marche ces obJets aux1haires

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•11 de l'équilibre du corps, de la répartirion de son po id
de l·1 chcv1 e, , 1 1 1 s - et d
sensanons e r percefctions ~ue procurent
· . l a a . ecture es mots qu a¡·~ tnant .es
. 1 . hrases eur ryc me, eur poncruanon . ces
o b1ets, es,P di·rai ' ríen qui. n ,a1t
. et
, é sen u· autrero1s
e · ( ) .
.. . ma,s que l'o b.
« Je n en . l . n ou J,
Ul
. tom b e » . << Senti » ' et• non• « écnt » : e ra1Jeorc amb,valent •
du fnOt a e et
ql t a sa percepcion 1rrad1e dans cet entre- eux, aga par retours la
c 1ose e . . . d e • . d et va-et-
.
v1ent pr éciºpités , mtrodu1sant , e ce . ratt, en tout essa,
• . d'analyse ' un é .
s rieu
'te Ce qui se veut d « express,on » ne sera1t-1 1 que « écoute » d x
casse- t e • • l - e la
• de la perception aux mots qut sont censés a modeler J'exas ,
é
r acnon . • e ¡. d ' perer ou
1,am enuiser, la perpétuer,. lu1 . preter
d rorme,, une . . mu
, tltu de ,de Mformes success1.ves
, ¡ entiment la conv1ct10n e son antenonre se per . ots et cho .
ou e s , . bl . dé •t bl ses un1s
munauté de signes, mséca e, m me a e, que ces mors s'eng
en Com h hé . p agent
dans l'exposé absrrai~ ~u la métap or~ synest s1que. r~,n??s ?eux exem les .
en Position de ced1lle ou furure ced1lle » ( Comment J az ecrzt certains [lp ·
« . .• fif: d. d bl 1· de mes
livres) et : .. . « des écheveaux a a 1s u rouge au anc, a1ssent glisser le son
comme une corde de l_urh dont on dévisse la clef » (Equipée, page 66) . <e Posi-
tion de cédille », « dév1sser la clef » . . . Ces mots ont leur prolongement in
tané dans Je corps : 1' appré hens,on · d es ugures,
c. le grap h 1sme
' d u signe comme Sran-
le
dessin du Juth et de la clef mett_e nt en branle _nerfs et muscles,_ ec, les sensarions
internes des mou;ements ,1es d1ffére~tes ~ame~ du corp~. Qui s avencurerait a
soucenir que ce n ese pas 1!mage d~.s!gne md~1sanc le deplacement du poignec
et de la 1;1ain 9u~ peut avotr do:1ne 1C1_ la solu~to~ du probleme, de fin de panie
en son enonc1at10n supe;be, l~ la mise en ~qu,valen~e - d un symbolisme
flamboyant, risqué . - d un gli~semenr_ ec d un affa11sse~enr se conjuguanr
pour accorder ulténeurement retl et ore1lle, la percepnon, s1mulée par l'anifice
du langage, engendrant, dans un différé qui peut erre proche (carnet de notes
journal de bord, lettre) ou lointain (récit, essai, traité) la perception réelle ?
Mais qu'en esr-il alors de la perception « réelle »?
Équipée se donne d 'emblée un enjeu clair: on nous rebar les oreilles avec
l'opposirion entre réel et imaginaire, ces « deux mondes (qui) s'attribuenc tour
a tour la seule exisrence » , mais en quoi consiste au juste cene opposition, de
quoi se nourric-elle, de quel « vécu » véritable ou ficrif? Voyageons done pour
en avoir le creur net, c'est le voyage qui procure au mieux le « corps a corps
rapide, brutal, impitoyable » entre « les deux mondes » et le « double jeu des
mots » . Celui qui va partir s'avoue ainsi, en accord avec la perspective bipolaire
meme qu'il viene de rappeler en deux pages, double : écrivain et voyageur,
arpenteur et poete, et fait vreu que le parcours simultané des deux personnages
soit le plus concret possible, le plus lié aux avatars des matieres du monde phy-
sique, le plus riche en sensations déclenchées par la mobiliré des éléments, le
caractere plus ou moins sauvage, inédit, des contrées traversées, leur plus o~
moins grande richesse en traces culturelles, en rappels d ' expériences et de savoH
accumulé.
11 ne leur faur pas aller tres loin sur le continent chinois pour que les
démarcacions se brouillent, s'effacent entre ces catégories ; la m émoire interfere
a tour moment dans l'activité de l'imaginaire, les remémorarions de plus ou
moins longue date précipirem dans la perceprion « acruelle » , q~i reg_ne u~
temps en mahresse, en phénomene hégémonique d ' ou les figurauons 1mag,-
née_s peuvenc e~re éliminées sur le coup, repoussées du lieu de l'~vén~n;ien~~
ma1s ces figurauons refluent et regagnent le rerrain perdu pour se mel~r .ª 1un
vers de ce « réel » a nouveau (mais a l' état de so u venir, cerre fo is) et edifi~r ~n
monde « provisoire » , en équilibre instable ou le souvenir rattrape l'imagina•t
et s'y incruste - ou accompli et inacc;mpli se rabattent rous deux sur e

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'sene qualifié de « réel » coujours, mais doté d 'une aire amenuisée,
moment
, • , pre ,
anescente aux con fims d e 1,.111 us01re
• et d u rantasmattque,
e ·
un ree , 1d
onc
écrec1e, ev ' . . ,
la résence courcise la v1rtua ne. 1 , . , ,. .
p C'esc la l'expérience du voyageur,, 1 e_nse1gnement T?eme qu 11 r_e¡;:01t_ par
•b i·ci et la , inaccendues, dans1un eclau, 1et .que cons1gnent
, 1 .chemm fa1sant
b n ,es,pes e
du livre, pour crouver eur 1ormu atton nene a a vmgtteme etape,
., ,
1es eta
ces termes balancés : « L' avant-mond e et l' arnere-mon ·, d e»; pu1s · : « La
d ans . . d , d ,
, oire ( ...) aux apparences mmutteuses est sa:ur, e meme race et e meme
memce que la prévision nourne · d ' avance d '·1mages et d 'émottons. fi
» ; et en m d e
e · e
essen d . d
compre : « ... et le terrain se par_t~ge en ,eux antt_po es : ~e qui est 1a1t. · _e _qm·
· ne » . « Apparences » des v1s10ns retrospecttves, « 1mages » des v1s10ns
f~:ures ... Que sont de telles images, sino~ des figures simplifi.ées, abstraites,
chématiques, fantaisistes, de paysages, de heux, de parcours, d 'aventures et de
~éactions a ces aventures, d 'émotions, de surprises, d~ _pé,rils, de jouissai:ices -
sinon des simulations du monde, des formes ant1c1pees de perceptton du
monde? Et que sont ces « apparences minutieuses », sinon le reliquat schéma-
tique, simplifié, déformé, crouble, recomposé de scenes pass,ée_s, de trace: d 'épi-
sodes échus - simulacre récurrents de ces scenes, de ces ep1sodes, pregnance
différée, réitérée de faits et de réactions vives venant colorer l'instant de plus en
plus succinct, ponctuel, de fréquentation du « réel »?
Le cexte, dans ces pages, découvre et décrit ce recouvrement réciproque des
deux séries de simulacres, impose au lecteur, par l'agencement éconnamment
sobre et précis des mots, un lot d '« images » - sonores, visuelles, tactiles,
kinesthésiques - se superposant a celles qu' il évoque, lui qui ne peut jamais
qu' évoquer ou faire allusion, suggérer le goC1t et le sentiment des choses et des
acres, tels que les simulacres concomitancs en leurs concours flous, mouvancs,
les ont évoqués déja. Simulacre organisé par le texte, construir, réfléchi,
conscient plus ou moins, postérieur a l' acte et inapte a en restituer de fronc
tous les caracteres; décourné, concournant l'infranchissable obstacle, l'inacces-
sible, l'impossible « réel ».
L'illisible réel. L' opposition, la, s' est dissoute, s' est diluée, elle qui ne tient
jamais que par répéticive transmission d 'un présupposé, tenace perpétuation
d 'un cliché idéologique. Au long de cet itinéraire, d'autres oppositions sont
écornées dans Équipée : entre incérieur et extérieur par exemple, espace et
temps. « ... sous les pas, sous les doigts et le crayon, le grand blanc provisoire
de ~risaille, l'inconnu se dépece et se dessine, l'imprévisible devient le déja vu
et s écrit » (page 95). Et, un peu plus loin : « Le pays blanc sur la carte est plein
de reculé et fourmille de monstres. L'arriere-monde ici n'est plus qu'un peu de
papier noirci » (page 96) . Le plus frappant, le plus attachanc, dans ce petit livre
que d'autres fragments devaient ou pourraient compléter, mais qui, on peut en
etre a peu pres certain, ne modifieraient pas substantiellement son propos ni
son allur~, le plus curieux, a mesure de la progression dans les arriere-provinces
de la Chine, est l' oscillation entre ces deux points de vue : dissolution du dis-
cours traditionnel, et retour furtif, comme machina!, a ce meme discours. On
p~ut ainsi remarquer que l'opposition de départ, pourtant tranchée, se
de~ouble peu a peu et finir par revetir deux sens tres différents : Réel (monde
v~ai)_contre lmaginaire (monde figuré); et Réel (l'instant présent) contre lma-
~tnaue (traces .passées et futures) . Par ce balancement conscant s'insinue peut-
etre le progress1f délaissement d 'une idée humaniste de la relation de l'homme
¡u monde, ou les certitudes de la conscience claire trouveraient leur ébran-
5emenc, celle, entre autres, soutenant l'édifice du « personnage » de roman.
egalen sene ce basculemenc, le décrit avec minutie; si ce qu'il « die » et ce qu'il

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« écric » se combanenc dans une cercaine mesure, l'intuition d
1
la, c'est elle qui guide ces brefs récits et réflexions, et dési n; ª ru~ture est
reflux ou le dépérissement du romanesque. g ' ce fa1sanc, le
Le sentiment étrange d'aneindre par moments au point ,
remporelle se dérobe sous le « réel » impregne ce livre, et celu ?U toure surface
1
sublimation de ces « arrees» du cemps, de la transmutation du ' p~rs:anc, d 'une
ruel » a b soI u, en un Rée I anno bl 1 une maJuscu e nouvelle, en lob1 en « vir-
• d • . l « ree »
et simulacres. g anr lllonde
L'intuition - le désir? - d'un tel phénomene n'éclot 1· ·
· 1a 1ecture d e son attente s 'y r:ra1t
va 11 es, ma1s · vert1ge.
· ci que p ar •nter-
·
Le monde respire, le simulacre rayonne.

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