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11-501-G-10
Résumé. – Les embolies artérielles des membres sont dues essentiellement à la migration de caillots venus du
cœur. Les causes rhumatismales ont régressé au profit des causes athéromateuses.
La connaissance des embolies à point de départ artériel s’est développée, ainsi que celle des embolies
paradoxales à point de départ veineux.
La recherche de l’origine des embolies a bénéficié de l’apport des techniques modernes, notamment le holter-
électrocardiogramme (ECG), l’échographie transœsophagienne, l’angioscanner et l’angio-imagerie par
résonance magnétique (IRM). La place de l’artériographie doit être discutée en fonction du degré d’urgence et
des doutes sur l’intégrité de l’artère avant l’oblitération.
Le traitement bénéficie de nouvelles techniques : à côté du cathéter de Fogarty toujours d’actualité, est
apparue la thromboaspiration, réalisable par voie percutanée. La thrombolyse in situ représente un apport
complémentaire, notamment dans les ischémies distales.
Les embolies sur artères pathologiques nécessitent souvent des gestes complémentaires : dilatation
endoluminale ou pontage.
Le pronostic reste grave du fait d’un taux élevé d’amputations et de décès en rapport avec l’étiologie, le
terrain et les autres localisations emboliques.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : artères des membres, embolies, ischémie aiguë, embolie paradoxale, artériographie,
angiographie par résonance magnétique nucléaire, angioscanner, échographie cardiaque
transœsophagienne, thromboaspiration, cathéter de Fogarty, thrombolyse intra-artérielle.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bacourt F et Lasry JL. Embolies artérielles des membres. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-501-G-10, 2003, 7 p.
11-501-G-10 Embolies artérielles des membres Cardiologie
Tableau I. – Étiologie des embolies tronculaires des membres. Valeurs 2 Aortographie : irrégula-
extrêmes des taux rapportés dans plusieurs séries [5, 11, 16, 28]. rités anfractueuses du bord
gauche de l’aorte juxta- et
- Origine cardiaque 80 à 90 % sous-rénale (entre les deux
- Infarctus du myocarde 20 à 30 % flèches), répondant à des pla-
- Fibrillation auriculaire 50 à 77 % ques athéromateuses emboli-
- Valvulopathies rhumatismales 1 à 20 % gènes (une néphrectomie an-
- Cardiomyopathies 1à4% cienne explique l’absence
- Chirurgie cardiaque 1à3% d’artère rénale gauche).
- Origine artérielle 2 à 10 %
- Embolies paradoxales 0,5 à 1 %
- Causes inconnues 10 à 12 %
Étiologie
Le tableau I montre la fréquence respective des causes d’embolies
artérielles des membres inférieurs (embolies tronculaires
essentiellement). Il apparaît que la plupart des embolies artérielles
des membres sont d’origine cardiaque. La meilleure connaissance
des causes artérielles et celle des embolies paradoxales a réduit la
fréquence des embolies de cause inconnue, qui reste encore
importante.
ORIGINE CARDIAQUE
Les principales causes sont l’arythmie par fibrillation auriculaire
(60 %) et l’infarctus du myocarde (20 %). Les lésions valvulaires,
surtout le rétrécissement mitral, sont moins souvent en cause depuis
la régression du rhumatisme articulaire aigu. Les autres causes les
plus fréquentes sont les cardiopathies dilatées non ischémiques, les
endocardites infectieuses, les prothèses valvulaires.
Ces étiologies cardiaques sont détaillées dans le fascicule 19-0530 de
l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale « Ischémie aiguë des
membres ».
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Signes cliniques
L’expression clinique des embolies artérielles des membres est très
variable. Tous les intermédiaires peuvent s’observer entre l’ischémie
aiguë et les formes asymptomatiques.
Causes vasculaires
entre les cavités droite et gauche (le plus souvent un foramen ovale
persistant), à la faveur d’une hyperpression dans les cavités droites Les causes artérielles sont recherchées par l’examen clinique des
(embolie pulmonaire, manœuvre de Valsalva) (fig 6) [9, 13, 14]. trajets artériels et par l’échodoppler artériel. Cependant, c’est
l’apport de l’échographie transœsophagienne [25] et plus encore de
l’angio-IRM ou de l’angioscanner qui permet de découvrir des
TOPOGRAPHIE DES EMBOLIES lésions artérielles emboligènes, notamment aortiques, autrefois
Les caillots s’arrêtent en règle au niveau d’une bifurcation artérielle méconnues même par l’artériographie classique.
ou après la naissance d’une grosse branche collatérale, lorsque le Les causes veineuses (embolies paradoxales) sont soupçonnées
calibre de l’artère se réduit. devant l’existence de signes de thrombose veineuse des membres
Les embolies artérielles des membres inférieurs représentent 75 % et/ou d’embolie pulmonaire. Elles imposent la mise en évidence
des cas. Leur répartition figure sur le tableau II. La localisation sur d’un foramen ovale perméable par l’échographie cardiaque
la bifurcation aortique est particulièrement grave, menaçant les deux transœsophagienne avec contraste gazeux [13, 14].
membres inférieurs et mettant en cause le pronostic vital.
Les embolies des artères des membres supérieurs concernent pour Facteurs thrombophiliques
20 % les artères sous-clavières, 20 % les artères axillaires, et 60 % la La recherche de facteurs thrombophiliques [6, 17] pouvant favoriser
bifurcation de l’artère humérale [23]. L’embolie de la bifurcation du les thromboses veineuses ou artérielles emboligènes est impérative
tronc artériel brachiocéphalique associe une ischémie du membre (antithrombine III, protéine C, protéine S, facteur V de Leiden,
supérieur droit et des signes neurologiques du côté gauche. facteur II, homocystéine).
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Typiquement, elle diffère de l’embolie par : seigle et de triacétyl-oléandomycine est susceptible d’entraîner une
ischémie grave [1, 27] répondant aux traitements vasodilatateurs.
– l’âge plus avancé ;
– l’existence d’antécédents de claudication intermittente ; [18]
MICROEMBOLIES
– un début moins brutal ; L’orteil bleu peut être dû à une oblitération distale non embolique :
– un terrain athéromateux (antécédents vasculaire, cardiaque, ou artérite distale, maladie de Buerger, polyglobulie, ergotisme.
cérébral, facteurs de risques, terrain familial) ; Cependant, la discussion doit s’élargir aux maladies de système :
– l’existence d’une cause favorisante : chute du débit cardiaque par sclérodermie, lupus, connectivite mixte. La périartérite noueuse est
insuffisance cardiaque ou par hypovolémie, hypercoagulabilité le diagnostic principal.
(polyglobulie, hyperplaquettose, facteurs thrombophiliques La cryoglobulinémie, les spasmes digitaux au cours des hépatites B,
constitutionnels) ; les nécroses digitales des cancers peuvent simuler des
– l’absence de causes emboliques cardiaques ; microembolies.
– des signes d’artériopathie chronique particulièrement visibles sur
le membre inférieur controlatéral ; Traitement
– l’aspect artériographique de l’oblitération : effilé, en « queue de
radis », opposé à l’aspect cupuliforme de l’embolie, l’existence de MÉTHODES
collatérales partant de l’artère en amont de la zone oblitérée étant Les méthodes comportent :
un des meilleurs arguments en faveur d’une sténose préexistante,
ainsi que l’existence de sténoses sur les artères du membre opposé. – le traitement médical : héparines, fibrinolytiques ;
En fait, le diagnostic est souvent difficile : – le traitement intra-artériel percutané : thromboaspiration (fig 9,
10), fibrinolyse in situ [34] ;
– l’embolie survient souvent à l’heure actuelle chez des sujets âgés,
athéromateux ; – l’embolectomie chirurgicale par le cathéter de Fogarty [29] ou un
autre procédé mécanique [26] ;
– l’athérome peut atteindre également des malades jeunes ;
– la revascularisation par pontage ou dilatation endoluminale en cas
– la brutalité du début peut être identique ; d’embolies sur artérite ;
– l’athérome cardiaque est une cause fréquente d’embolie ; – des gestes chirurgicaux complémentaires : aponévrotomies,
– l’aspect artériographique de l’interruption n’est pas un signe excisions musculaires, lavage de membre, prévention d’équinisme
constant ; du pied par fixateur externe, amputations.
– la cause des embolies n’est pas toujours évidente ; Ces méthodes sont détaillées au chapitre « Ischémie aiguë des
membres ».
– une embolie peut survenir sur une artère athéromateuse, ce qui
est fréquent à l’heure actuelle puisque le terrain est commun. ¶ Traitement de la cause
En pratique, il est surtout important de déterminer si l’oblitération Ce traitement représente la prévention des récidives, fréquentes et
artérielle survient sur une artère saine (essentiellement embolie) ou graves [16].
sur une artère pathologique, qu’il s’agisse d’une embolie ou d’une
Le traitement chirurgical est indiqué chaque fois que possible pour
thrombose. Les mesures thérapeutiques seront déterminées
supprimer une cause cardiaque ou artérielle d’embolie :
essentiellement par cette donnée.
valvulopathie cardiaque, anévrisme, tumeur, plaque athéromateuse
¶ Maladie de Buerger emboligène. Lorsque le foyer emboligène ne peut être traité
chirurgicalement, le traitement par antivitamine K au long cours est
Elle peut se discuter devant des oblitérations tronculaires indispensable.
prédominant sur les artères de jambe, chez un sujet jeune. Le
diagnostic est orienté par un tabagisme constant, une atteinte
INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES
veineuse associée. Il ne doit être retenu qu’après élimination
formelle d’une compression extrinsèque par un « piège poplité », ou ¶ Embolies tronculaires sur artère saine avec ischémie
d’un kyste adventiciel, ou encore d’un athérome du sujet jeune, qui aiguë
peuvent se manifester par une symptomatologie voisine.
Les embolies tronculaires sur artère saine relèvent d’une
¶ Dissection aortique thromboaspiration ou d’une embolectomie chirurgicale encadrée par
une héparinothérapie efficace.
La dissection aortique peut se traduire uniquement par une ischémie
d’un membre en cas d’atteinte iliaque ou sous-clavière. Le diagnostic
n’est parfois évoqué qu’à l’intervention devant une artère non
battante mais vide, sans caillot, l’oblitération siégeant en amont.
¶ Phlébites bleues
Les phlébites bleues sont trompeuses du fait de l’existence de signes
d’ischémie (douleurs, membre froid, abolition des pouls). Mais,
l’existence d’un œdème et d’une coloration bleutée ou rosée du
membre doit redresser le diagnostic [20]. Elles répondent à des
oblitérations veineuses tronculaires massives, iliaques et/ou du
carrefour veineux fémoral. Les signes artériels sont liés au blocage
de la circulation artérielle par l’hyperpression veineuse et l’absence
de retour veineux. Une désobstruction veineuse s’impose parfois,
mais en règle aucun geste artériel n’est indiqué.
¶ Spasmes artériels
Le spasme artériel ne doit être retenu comme une cause d’ischémie
qu’avec réserve. Cependant, l’association de dérivés de l’ergot de 9 Schéma de la thromboaspiration d’une embolie tronculaire.
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¶ Embolies sur artère pathologique d’une artérite fémorojambière diffuse [15]. Le traitement hépariné
isolé donne lui aussi des résultats satisfaisants dans ces formes [21].
Les embolies sur artère pathologique sont traitées par embolectomie
à la sonde de Fogarty ou par thromboaspiration associée à une ¶ Embolies tronculaires et ischémie chronique
dilatation endoluminale ou un pontage pour traiter l’artère Les embolies tronculaires avec ischémie chronique relèvent en règle
pathologique. Elles peuvent être traitées directement par pontage d’un pontage, si le lit d’aval l’autorise.
sans tentative d’embolectomie, si les lésions artérielles sont diffuses,
sous réserve que le lit distal soit suffisant. En cas de désobstruction ¶ Microembolies
incomplète du lit distal, une fibrinolyse in situ est indiquée. Les microembolies relèvent de l’héparinothérapie et des
vasodilatateurs par voie générale. Cependant, l’héparine doit être
¶ Embolie du carrefour aortique proscrite dans les embolies de cholestérol qu’elle favoriserait.
L’embolie du carrefour aortique est traitée par embolectomie
bilatérale à partir d’un abord des deux artères fémorales communes RÉSULTATS
au triangle de Scarpa. Le risque est double, vital et local [22]. La mortalité reste élevée en
relation avec l’âge, la cause, l’état cardiopulmonaire, la localisation
¶ Embolies paradoxales haute de l’embolie et le retard au diagnostic. Elle est globalement
évaluée autour de 15 % dans les séries récentes [3, 28]. Le taux
Le traitement des embolies paradoxales comporte une interruption d’amputations chez les survivants s’est globalement abaissé en
cave première, de préférence par filtre, par voie jugulaire sous même temps que le taux des gestes de restauration vasculaire s’est
anesthésie locale. Ainsi sera évitée l’hypertension pulmonaire élevé, il se situe autour de 20 % [3].
observée fréquemment au cours de l’induction de l’anesthésie Les récidives surviennent dans 7 % des cas sous anticoagulant et
générale et susceptible de provoquer des récidives. Le traitement de dans 21 % des cas sans anticoagulant [8, 28]. Elles sont souvent
l’embolie artérielle suivra sans particularité [13]. multiples et graves et mettent l’accent sur l’intérêt des mesures
préventives.
¶ Embolies tronculaires et ischémie subaiguë
Les causes de mortalité tardive les plus fréquentes sont en
Dans ces cas, les traitements fibrinolytiques, de préférence par voie proportion à peu près égales : les cardiopathies ischémiques, les
locale, peuvent donner les meilleurs résultats, surtout en présence accidents vasculaires cérébraux et le cancer [15].
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