Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
Religieuses
Nédoncelle Maurice. Prosopon et persona dans l'antiquité classique. Essai de bilan linguistique. In: Revue des Sciences
Religieuses, tome 22, fascicule 3-4, 1948. pp. 277-299.
doi : 10.3406/rscir.1948.1865
http://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1948_num_22_3_1865
I. — GRÈCE
II. — ROME
(1) C'est tout à fait tard, et par exception sinon par erreur, que
persona a désigné le visage. « Horum personam non vidi, quoniam aversi
erant », lit-on dans une traduction latine d'Hermas au Ve siècle (Palatïna
versio, 3, 10, 1). D'autres versions traduisent plus correctement le texte
grec de ce passage par faciès. Cité par H. Rheinfelder, Das Wort
Persona,. Halle, 1928, p. 43.
(2)1 Nuits attiques, V, 7.
(3) Patrologie latine, 64, col. 1343 D.
(4) Cité par Rheinfelder, p. 18.
p. 33-38.
(5) Biographies of Words, London, 1898 (Collected Works, vol. X),
286 M. NÉDONCELLE
tout lieu dans les verbes causatif s ; or, personare en est un, puisque
le sens principal est : faire retentir. Pourtant, c'est lui qui est
bref et c'est persona qui est long. Il y a là une objection ou du
moins une difficulté et l'on souhaiterait qu'il l'examinât de plus
près. Nous pouvons négliger! en revanche la critique de Rheinfelder
qui juge invraisemblable la dérivation régressive de persona à
partir de personare (1). Il est tout à fait exact qu'une telle
filiation est impossible, mais elle n'est pas du tout impliquée dans
l'hypothèse de Max Mûller. « Nous devons essayer de découvrir »,
écrivait-il, « si le latin n'a pas pu former deux mots, l'un perso-
nus, qui signifie sonore, et l'autre persona, qui signifie un
instrument sonore » (2). On voit en même temps comment il essayait
de répondre implicitement à la première difficulté que nous avons
signalée, puisqu'il laisse de côté le verbe personare dans cette
affaire et fait de personus, qui est un adjectif, l'expression d'un
état plutôt que d'une action.
Même si nous renonçons à cette étymologie, il faut reconnaître
que les Romains pouvaient la proposer sans faire sourire au
ii° siècle et qu'à cette époque les masques étaient encore en usage
sur la scène (3). Leur erreur, si erreur il y a, doit être jugée
avec prudence par l'historien et par le linguiste. Si l'association
de persona et de personare est fautive, elle a été assez précoce
à tout le moins pour influer sur l'évolution sémantique de
persona. Une confusion, quand elle est si ancienne, contribue à la
formation du langage.
1 D'autres etymologies ont été proposées qui sont beaucoup moins
sérieuses. Mentionnons pour mémoire le glossaire de Papias au
xie siècle : persona dicitur quia per se sonat; et celui de Placidus :
persona eo quod per se una est (à). Cette dernière «origine»
est souvent admise au Moyen Age; elle est signalée par saint
Thomas (5). A la Renaissance, Scaliger, pour expliquer l'o long,
lance une idée étrange: persona viendrait de rapi-amuicr ou de
TOpt-Co>vY) . . . Mais, comme on l'a remarqué avec esprit, une ceinture
n'est pas un vêtement, et une robe de travesti n'est pas un masque.
La métonymie a tout de même des limites que le bon sens inter-
(2)' Biographies
(1) Rheinfelder,ofouv.
words,
cité,p. p.36.21.
(3) Ils disparaîtront à la fin de l'Empire et ce sont les Arabes qui
rendront à l'Europe le goût des mascarades.
(4) Rheinfelder, ouv. cité, p. 21.
(5) Summa theologica, I, q. 29, a. 4, resp.; persona dicitur quasi
per se una.
PROSOPON ET PERSONA 287
(1)| Cela ne veut pas dire que le théâtre dit profane n'ait pas gardé
toujours quelques vestiges d'ordre religieux : ainsi la reprise de certaines
pièces populaires avait parfois pour prétexte la nécessité de corriger
une faute rituelle qui avait gâté la première représentation. Les rôles
féminins étaient joués par les hommes, ce qui n'est pas non plus sans
rapport avec une règle religieuse. Le théâtre doit son origine au désir
d'implorer les dieux ou de les remercier. Mais sa profanité était plus
grande que celle des jeux atellans et c'est tout ce qui est indispensable
à l'hypothèse que je développe.
(2) Cf. Dictionnaire de Daremberg, art. Histrio, p. 226.
(3) VII, 2.
sens (4)
cité par
du mot
«Rheinfelder,
Quod
est : oculis
rôle] nisi
obvervis
p. 7.parasitas
erat pronuntiabat
nee satis decorus
», Arsin grammatica,
personis [iciIII,
le
296 M. NÉDONCELLE
Maurice Nédoncelle.
(1)' Ep. à Luc. 24, 13. Voir un texte analogue dans Lucrèce, De
rer. nàt., III, 58 : eripitur persona, manet res.