Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide
range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and
facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org.
Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at
https://about.jstor.org/terms
Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend
access to Les Études philosophiques
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
LA DÉCONSTRUCTION
ET LE PROBLÈME DE LA VÉRITÉ
/. Eléments de déconstruction
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
222 Francois Mary
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
La déconstruction et le problème de la vérité 223
neutralisation ne doit pas conduire à traiter les opposés de manière égale, car
cela reviendrait à ignorer l'appropriation, et donc à en accepter tacitement
les effets11. Il faut donc maintenir le renversement, même lorsque la contami-
nation originaire a été repérée, c'est-à-dire accorder un privilège compensa-
toire permanent au terme dominé12. Le double geste que Ton vient de décrire
sape l'appropriation sur les deux plans où elle s'exerce, car en subvertissant
le rapport hiérarchique interne à l'opposition, il résiste au projet subjectif
de maîtrise reposant sur ce rapport. Ultimement, le sujet est destitué de sa
souveraineté non seulement parce que les objets et procédures sur lesquels
il essaye de la fonder sont instables, mais encore parce qu'il est lui-même
constitué par une ex-appropriation lui interdisant l'hégémonie qu'il reven-
dique13. La déconstruction est donc, dans sa structure essentielle et ses motifs
les plus fondamentaux, une résistance à l'appropriation comme maîtrise
régulatrice14.
Prenons comme exemple la voix et l'écriture, opposition centrale parce
qu'elle révèle parfaitement le privilège de la présence, que Derrida tient pour
un trait essentiel de la métaphysique. Dans l'expérience que le sujet fait de
sa propre voix, le signifiant semble coïncider parfaitement avec le contenu
exprimé et donne le sentiment d'un signifié appréhendé sans médiation.
Celui-ci apparaît comme une présentation de la « chose même » (qu'il
s'agisse en dernière analyse du sens ou du référent15), c'est-à-dire comme une
expérience directe de l'être dans le concept16. La phone est ainsi la matrice de
toutes les figures du logos , ou « signifié transcendantal17 ». Cette idée fonda-
mentale désigne un savoir archétypique garanti, soit qu'il s'efface jusqu'à se
confondre avec son objet, soit qu'il le rassemble de façon pleinement maî-
trisée18. Le terme de « logocentrisme », dès lors, désigne toute configuration
intellectuelle dans laquelle on suppose l'objet de la connaissance approprié
d'avance à celle-ci. L'étant, la réalité ou le sens y sont conçus comme fon-
cièrement intégrés à une structure ontologique et/ou idéale, qui les rend
pleinement disponibles pour le savoir. Le privilège de la voix traduit donc
la recherche d'une présence de la chose même comme norme, assurance et
source de maîtrise dans le discours théorique19. L'écriture, par contraste, est
un signe qui paraît complètement séparable du contenu auquel il renvoie.
Elle implique une distance par rapport à la chose même, qui lui interdit la
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
224 Francois Mary
20. De la grammatobgie, p. 25 ; P
21. Ibid., p. 40.
22. De la grammatologie , pp. 10
23. La Voix et le Phénomène , pp.
24. De la grammatologie, pp. 41
25. Ces processus aporétiques re
immunité. Cf. Apories , Paris, Galil
26. Cf. Du droit à la philosophie, P
ture) induit toujours une injoncti
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
La déconstruction et le problème de la vérité 225
27. Dans l'enquête qui s'ouvre, nous privilégierons les textes où Derrida s'exprime en
son nom, par rapport à ceux qu'il consacre à la lecture d'autres auteurs. Le sens précis de sa
position est assez difficile à arrêter pour que l'on ne puisse s'engager dans un travail de démar-
cation complexe. C'est pourquoi nous évoquerons peu certains textes où la vérité joue un rôle
important (par exemple La Vérité en peinture, Paris, Flammarion, 1978 ; ou La Carte postale.
De Socrate à Freud et au-delà , Paris, Flammarion, 1980 ; ou encore Parages , Paris, Galilée,
1986).
28. De la grammato logie, p. 21.
29. Les diverses présentations ne se recoupent pas exactement, insistant tantôt sur la seule
présence, tantôt sur la seule distinction entre adéquation et dévoilement {La Dissémination ,
p. 219), et tantôt sur une diversité de sens plus grande : « La valeur de vérité comme bomoiôsis ,
adaequatio , comme certitude du Cogito (Descartes/Husserl), ou comme certitude opposée à
la vérité dans l'horizon du savoir absolu (Phénoménologie de l'esprit) ou enfin comme aléthéia ,
dévoilement ou présence... » (. Positions , pp. 79-80, n. 23). Nous allons tenter d'ordonner ces
définitions.
30. Marges , p. 93.
31. LEcriture et la Différence , p. 198 : la vérité est 1 « être de ce qui est en tant qu il est
et tel qu'il est ».
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
226 Francois Mary
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
La déconstruction et le problème de la vérité 227
à une trace. Celle-ci ne peut jouer son rôle que si elle est « itérable », si elle
peut se répéter comme la même dans d'autres contextes, d'autres conditions.
Or, parmi les conditions contextuelles variables et même dispensables figurent
le sens et le réfèrent, puisque la marque en question doit aussi pouvoir jouer
son rôle dans un contexte de fiction, de citation, voire d'absurdité. Il appar-
tient nécessairement à la nature de la marque formelle de se prêter à une telle
inscription, de sorte qu'on ne peut tenir ces contextes pour anormaux, ni
les écarter des conditions du fonctionnement ordinaire du signe38. La trace,
dégagée de son interprétation théorique, apparaît alors comme une forme de
non-vérité précédant et rendant possible le logos originaire lui-même39. Cette
phase de renversement permet de comprendre telle déclaration radicale selon
laquelle « la non-vérité est la vérité40 » (ce qui paraît être une inversion sim-
ple). On comprend également pourquoi l'articulation entre vérité et non-
vérité est présentée parfois simplement comme non-vérité41 (c'est le maintien
du renversement après la neutralisation). C'est en ce sens qu'« il n'y a pas de
hors- texte42 », que « la chose même est un signe43 » ou que le référent semble à
la fois indispensable et inutile44.
Néanmoins, l'interprétation de tels propos doit reconnaître leur caractère
stratégique et compensatoire, c'est-à-dire tenir compte de la neutralisation.
La trace, en effet, n'est pas réellement opposée à la vérité - l'interpréter ainsi
revient à écraser la différence entre l'autre de simple opposition (par exemple,
l'écriture), et le tout autre indécidable (l'¿rr/?/-écriture). Le non-vrai n'est pas
moins que le vrai un effet d'inscription de la trace dans un contexte déter-
miné. Celle-ci n'est donc pas contraire au logos , mais joue à un niveau où les
opposés s'entremêlent, de sorte que toute production de vérité inscrit dans
celle-ci les conditions de la non-vérité ; c'est l'aporie comme conséquence de
l'ex-appropriation. On retrouve bien la contamination originaire, qui inter-
dit au pôle dominant de revêtir ses caractères métaphysiques - et donc d'être
réellement dominant -, sans pour autant accorder au pôle dominé un privi-
lège réel (c'est-à-dire non compensatoire).
Quel est alors le sens exact du geste derridien ? D'un côté, il semble
parfois récuser la vérité comme telle, par exemple lorsqu'on lit qu'elle « n'a
de sens que dans la clôture logocentrique de la métaphysique de la pré-
sence45 », et que son concept même est l'effet d'un « leurre46 ». Toutefois,
Derrida affirme explicitement la nécessité générale de maintenir les concepts
métaphysiques - sans quoi, il n'y aurait plus de pensée possible, pas même
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
228 Francois Mary
La thématique de l'interprétation
au dévoilement de la vérité comm
etc. Chiffre sans vérité ou du moin
vérité qui en devient alors seuleme
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
La déconstruction et le problème de la vérité 229
54. « On the Gift », God, the Gift and Postmodernism , J. D. Caputo et M. J. Scanion
(éds.), Indiana University Press, 1999, p. 72.
55. Les premiers indices de cette nouvelle conception remontent au moins à un texte sur
Blanchot ; « Survivre » (1978), dans Parares , pp. 170-172 en particulier.
56. Derrida identifie rétrospectivement l'émergence de cette « vérité à faire », dans Le
Monolinguisme de l'autre (Paris, Galilée, 1996, p. 117), et dans Points de suspension (p. 358)
- et renvoie chaque fois à « Circonfession » {Jacques Derrida de J. Derrida et G. Bennington,
Paris, Le Seuil, 1991). Ces textes permettent de lier l'inflexion du discours au thème de la
confession et, au-delà, à celui de la promesse et du témoignage. Dès 1999, J. Rogozinski
signalait ce déplacement vers une « vérité événementielle, purement performative » (« "Il faut
la vérité". Notes sur la vérité de Derrida », Rue Descartes , t. XXIV, Paris, Puf., 1999, p. 38).
57. « Circonfession », Jacques Derrida , p. 56.
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
230 Francois Mary
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
La déconstruction et le problème de la vérité 23 1
Telle est la vérité à laquelle j'en appelle et à laquelle il faut croire, même, et sur-
tout, quand je mens ou je parjure. Cette vérité suppose la véracité , même dans le faux
témoignage - et non l'inversé.
67. Voir par exemple « Foi et savoir », La Religion , J. Derrida et G. Vattimo (dir.),
Paris, Éditions du Seuil, 1986, p. 41, puis pp. 58-60 ; et Cahier de VHerne. Jacques Derrida ,
p. 532.
68. « Foi et savoir », La Religion , p. 43.
69. Ibid. , pp. 39-41 ; « Religion et raison se développent ensemble à partir de cette res-
source commune : le gage testimonial de tout performatif » (ce qui rend possible l'opposition
est manifestement du côté de la foi plus que du savoir).
70. Le Monolinguisme de Vautre y pp. 17-18.
71. Ibid., p. 17. Il s'agit de la contradiction performative frappant toute démarche qui
cherche à contester théoriquement la vérité et semble condamnée a asserter certaines propo-
sitions pour ce faire.
72. Ibid., pp. 18-19.
73. Ibid., p. 115.
74. Ibid., pp. 40-41.
75. Ibid., p. 41 (je souligne).
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
232 Francois Mary
Repartons de la déconstruc
avons-nous conclu, porte su
originaire absolument garanti
ayant évacué cette interprétat
Toutefois ne laisse-t-il pas la
gence d'un savoir faillible, ma
problème, il convient de reve
tion théorique, qui sous-tend
l'attestation (telle qu'on vient
et jusqu'où doit-elle aller ?
La réponse semble déjà conn
tend toujours à occulter l'ex
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
La déconstruction et le problème de la vérité 233
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
234 Francois Mary
Tant quon n'aura pas détruit ces deux types de maîtrise en leur familiarité essen-
tielle [. . .] tant qu'on n'aura pas détruit jusqu'au concept philosophique de maîtrise,
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
La déconstruction et le problème de la vérité 235
toutes les libertés quon dira prendre avec l'ordre philosophique resteront agitées a
tergo par des machines philosophiques méconnues. [...] Certes, jamais on ne prou-
vera philosophiquement quii faut transformer une telle situation et procéder à une
déconstruction effective pour laisser des marques irréversibles. Au nom de quoi et
de qui en effet82 ?
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
236 Francois Mary
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
La déconstruction et le problème de la vérité 237
En face il y a un autre [...] qui, lui, va voir ou dire la vérité, ou fixer la vérité.
Faire la vérité. L'indécision, de ce point de vue-là, c'est en effet ne pas pouvoir déci-
der en tant que sujet libre, « moi », conscience libre, et être paralysé ; mais d'abord
parce qu'on donne la décision à l'autre ; ce qu'il y a à décider revient à l'autre ;
dans le cas d'Abraham, c'est effectivement Dieu qui décide. Ça ne veut pas dire
qu'Abraham ne fait rien, il fait tout ce qu'il y a à faire, mais il sait en un certain sens
qu'il obéit à l'Autre100.
C'est l'autre qui décide ultimement. L'autre n'est pas (d'abord) autrui, mais
plutôt une altérité plurivoque irréductible, qui exige la production d'un
savoir sans qu'aucun savoir puisse y correspondre de façon absolue. Face à
cette exigence, nous sommes comme Abraham, qui ne peut s'assurer du sens
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
238 Francois Mary
et de la valeur de ce quii ac
dement n'en est pas moins im
se valent absolument pas.
On peut évoquer pour fini
décrivant la situation ďun su
et qui chercherait à déjouer
s'identifier au modèle domin
mnèse du tout-autre », déploy
This content downloaded from 193.52.24.30 on Mon, 15 Oct 2018 15:02:15 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms