LA POLITIQUE

ET 'IMPATIENCE

L'ARMEE
DANS
LA NATION

LES TRAVAILLEURS
AGHREBINS
EN EUROPE

. A. LAH BABI :
une évolution
.déologique
qui est celle
de la bourgeoisie

REVUE MENSUELLE, CULTURELLE.

CCONOMIQUE 6. SOCIALE
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 lamatir N° 56 DEC. 1972

POINTS DE REPERES Les Français du Maroc - La sécurité

en Europe et en Méditerranée - Les
motivations des agressions israélien-
nes - Le nouveau Diem - Le centre
de planmng familial de Casablanca -
Les causes de la crise actuelle au
Maroc 5

POSITION La politique et J'impatience 12

par Lamalif

ETUDE L'armée dans la nation: armée et

technocratie dans le Tiers-Monde 18
par Anouar Abdelmalek

DOSSIER - Les travailleurs maghrébins en Eu-

ro~ . ~
- Les travailleurs marocains .. 34
par Zakya Daoud

ECONOMIE L'Office National des Pêches: des

objectifs ambitieux 36
L'I.S.C.AE.: un instrument original et
dynamique 38

PHILOSOPHIE M. A. Lahbabi: une évolution idéolo-

gique qui est celle de la bourgeoisie
marocaine 40
par Ikhlass Oumelghaït

BIBLIOGRAPHIE La peinture marocaine de Mohamed

Sijelmassi - Renaissance du monde
arabe - Deux étés africains . . . 45

REFLEXION «L' dieu à Venise» 48

par Bernard Rouget

Directeur Gérant LOGHLAM MOHAMED

Rédacteur en Chef ZAKYA DAOUD
Direction. Rédaction.
Abonnements. Publicité LOGHLAM PRESSE, angle rues des Lan-
des et Ibnou-Jabir (Aïn-Diab) - Casa-
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 DEUX GRANDS
ANN IVERSAI RES,

La Grande Révolution Socialiste d'Octobre a ouvert une ère nouvelle dans l'évolu-
tion sociale du monde.
Il y a 55 ans, dans le feu des combats révolutionnaires de 1917 naissait l'Etat sovié-
tique, premier Etat des travailleurs dans l'histoire. Dans les rues de Petrograd (au-
jourd'hui Léningrad) retentissaient encore !es coups de feu, quand les Soviets des
députés des travailleurs auxquels était passé tout le pouvoir dans le pays, adop-
tèrent les décrets sur la paix, sur la terre, sur la création d'un gouvernement ouvrier
et paysan, sur le contrôle ouvrier, etc.

Parmi les premiers décrets, une place
éminente revient à la «Déclaration
des droits des peuples de la Russie ».
Dans celle-ci et, un peu plus tard,
dans la «Déclaration des droits du
peuple travailleur et exploité », la
révolution a proclamé la rupture
complète avec la politique d'oppres-
sion nationale, l'égalité et la souve-
raineté de tous les peuples et ethnies,
grands et petits, jadis opprimés par
le tsarisme, l'abolition de tous les
privilèges et restrictions nationaux
et religieux. Ces déclarations garan-
tissaient au peuple travailleur ~e
toutes les nationalités s dro' et
les libertés démocratiques, accordés
par le nouvel Etat. A toutes les
nations était assuré le droit à l'auto-
détermination, jusqu'à la séparatioOl
complète et la formation d'Etats in-
dépendants.
Cette victoire n'a pas été facile pour
les ouvriers et les paysans. La. révo-
lution a dû se défendre. Les classes
exploiteuses renversées, a v e c le
concours des interventionnistes tran-
gers, sont entrées en lutte contre
elle. Une guerre civile longue et
acharnée s'est engagée. Les ennemis
de la Russie soviétique voulaient la
démembrer. C'est dans les batailles
contre les interventionnistes et la
contre-révolution intérieure que se
renforçaient les liens d'amitié et la
coopération entre les peuples des jeu-
nes républiques nationales soviétiques
qu'un but commun unissait, celui de
l'édification d'une société nouvelle.
La guerre civile avait pris fin. Le
pays soviétique se mit à relever l'éco-
nomie nationale, ruinée et saignée à
blanc par la guerre. Mais le relève-
ment du pays n'était que la première
œuvre urgente. Des tâches d'une im-
portance exceptionnelle se posaient
aux peuples soviétiques, notamment:
assurer la défense de leur Etat contre
les attentats ultérieurs de l'impéria-
li"me, surmonter le retard économi-
que et technique du pays, créer et
renforcer le nouveau système social,
le socialisme. Ce qui exigeait avec
force une union plus étroite et solide
entre les républiques soviétiques.
ous nous approchons ici d'une autre
date historique, liée aux transforma-
tions révolutionnaires à l'échelle du
pays tout entier. Cette date est le
30 dé embre 1922, jour de naissance
de l'Union des Républiques Socialis-
tes Soviétiques.
Cinq années séparent ce jour de la
date de la victoire d'octobre. Pour
l'Histoire, c'est un très bref délai:
quelques années de lutte intense
contre les ennemis de la révolution,
contre la famine et la ruine. Mais,
c'est précisément dans ces années
qu'un immense travail d'organisation
politique a été accùmpli pour créer
un Etat multinational unifié de peu-
'pIes libres.
TI existait alors dans le pays quatre
républiques fédérées: la Fédération
de Russie (R.S.F.S.R.), les républi-
ques d'Ukraine et de Biélorussie, la
Fédération de Transcaucasie qui
groupait la Géorgie, l'Azerbaidjan et
l'Arménie.
La République Socialiste Fédérative
Soviétique de Russie était le centre
d'attraction de toutes les nations, qui
s'appuyaient ur son outien et son
aide dans la lutte contre l'interven-
tion étrangère et la contre-révolution
et, par la suite, dans le relèvement
de l'économie.
La. vie elle-même suggérait la néces-
sité de rassembler plus étroitement
les ressources économiques, politiques
et militaires des rtlpubliques sœurs,
d'unir les actes diplomatiques sur
l'arène internationale et de faire face,
ensemble, à l'entourage capitaliste
hostile. Sans cela, il était impo sible
de sauvegarder leur existence, de
développer l'économie socialiste, d'ob-
tenir une amélioration du bien-être
et une élévation du niveau de culture
des travailleurs.
4: Nous voulons une alliance LIBRE-
MENT CONSEN'I<IE des nations, di-
sait le chef de la révolution Vladimir
Lénine, une alliance qui ne tolère au-
cune violence exercée par une nation
sur une autre, une alliance fondée
sur une confiance absolue, sur une
conscience claire d'une union fraternel-
le, sur un consentement absolument
libre ~ (Œuvres de Lénine, volume
30, p. 303, texte français).
Ce n'était ni simple, ni facile. La
composition multinationale de la po-
pulation du pays, le caractère origi-
nal et spécifique de la structure
économique, de la culture et du mode
de vie de différents peuples et les
particularités de leur développement
historique imposaient l'attention la
plus soutenue, la prise en considé-
ration de ces particularités, la bien-
veillance et le tact. Il a fallu sur-
monter de grandes difficultés dues
au retard économique et culturel de
certaines républiques et régions, com-
battre les tentatives des éléments
contre-révolutionnaires et des natio-
nalistes bourgeois de semer la mé-
fiance, d'attiser la discorde et l'ani-
mosité entre les peuples. Mais la
force vitale des idées de Lénine et la
justesse de la voie choisie étaient
évidentes aux larges masses de toutes
les nationalités, qui ont opté avec fer-
meté pour la formation de l'U.R.S.S.
Le 30 décembre 1922, le 1" Congrès
des Soviets du pays tout entier com-
mençait ses travaux. Les délégués du
congrès, venus des quatre coins du
pays, Russes, Ukrainiens, Biélorus-
ses, Géorgiens, Azerbaidjanais, Ar-
méniens, et les messagers des autres
peuples, saluèrent unanimement et
avec chaleur l'idée d'une union entre
les républiques. Ils discutaient l'im-
portance politique et économique de
l'Union, parlaient des perspectives du
développement et de l'épanouissement
de l'U.R.S.S.
Dans la Déclaration adoptée par le
Congrès, il était dit que seul le
pouvoir soviétique avait créé la possi-
bilité de déraciner l'oppression natio-
n~le, de créer un climat de confiance
réciproque et d'établir les bases d'une
coopération fraternelle entre les peu-
ples, et que seul un Etat fédéral uni-
fié pouvait garantir la sécurité,
l'essor économique et la liberté du
développement national des peuples.
Dans la Déclaration, était exprimée
encore la ferme certitude que le nou-
vel Etat fédéral renforcerait les fon-
dements de la communauté et de la
coopération fraternelle entre les peu-
ples, fondements jetés en octobre
1917.
Le congrès des Soviets a ratüié le
Traité sur la formation de l'U.R.S.S.,
où étaient énumérées les questions
étant du ressort de l'Union des Ré-
publiques Socialistes Soviétiques re-
présentées par ses organes suprêmes.
TI a défini la structure de ces orga-
nes, la modalité des élections, ainsi
que le caractère des rapports entre
les organes du pouvoir fédéraux et
des républiques. Une seule et même
citoyenneté a été instituée pour
l'Union.
L'Union des Républiques Socialistes
Soviétiques naquit donc cinq ans
après la victoire d'Octobre. Récem-
ment, les Soviétiques ont fêté le 55·
anniversaire de la révolution d'Octo-
bre, et bientôt ils célébreront le cin-
quantenaire de la formation de l'U.R.
S.S. La réalité vivante du pays des
Soviets, les progrès et les réalisations
de ses peuples témoignent de la force
révolutionnaire des idées d'Octobre,
devenues le drapeau victorieux de
millions d'hommes.
 L'U.R.S.S. A 50 ANS
ondation et développement de l'Union Soviét'q e
Chiffres et faits
* A la fin de l'intervention et de la guerre civile, on
comptait sur le territoire de l'Union Soviétique, 6 républi-
ques socialistes: la République Socialiste Fédérative Sovié-
tique de Russie, les républiques socialistes, soviétiques
d'Ukraine, de Biélorussie, d'Azerbaïdjan, d'Arménie et de
Géorgie, plus deux républiques populaires soviétiques,
celle de Boukhara et celle de Khorezm.
* En 1920-1921, la Fédération de Russie, l'Ukraine, la
Biélorussie, l'Azerbaïdjan, l'Arménie, la Géorgie et les
républiques de Khorezm et de Boukhara ont conclu des
haités de coopération dans les domaines militaire et
économique.
* Le X' Congrès du Parti communiste (bolchevik) de
Russie concrétisa et développa, en 1921, la conception
léniniste du problème des nationalités et de sa solution.
Après une analyse approfondie de la question, il décida
qu'il était nécessaire de donner aux peuples autrefois
opprimés la possibilité de rattraper la Russie centrale
dans les domaines politique, culturel et économique.
* En décembre 1922, le X· Congrès des Soviets de toute
la Russie jugea opportun de grouper la Fédération de
Russie, les républiques soviétiques socialistes d'Ukraine,
de Biélorussie et la Fédération de Transcaucasie au sein
de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
* Le 30 décembre 1922, le 1cr Congrès des Soviets de
l'Union, tenu à Moscou, dédda la fondation de l'Union
Soviétique.
* En janvier 1924, le II' Congrès des Soviets de l'U.R.S.S.
approuva et adopta la Constitution de l'Union Soviétique
qui donnait aux républiques fédérées des garanties
d'égalité plus importantes et étendait leurs droits souve-
rains (le droit de quitter l'Union et autres). Simultanément
elle accroissait avec le consentement de toutes les répu-
bliques fédérées, les droits e compétence des organes
du pouvoir suprême de l'Union Soviétique.
* En 1924 et 1925, une nouvelle division nationale et
étatique de l'Asie centrale aboutit à la formation de deux
républiques socialistes soviétiques, celle d'Ouzbékie et
celle de Turkménie. En oelobre 1928, la République Socia-
lite Soviétique Autonome de Tadjikie devint République
fédérée. Au début des années 30, l'Union Soviétique
comptait donc 7 républiques fédérées.
Une nouvelle Constitution de l'U.R.S.S. fut adoptée
en 1936. Deux nouvelles républiques sodalistes soviétiques
se constituèrent, celle de Kazakhie et celle de Kirghizie. La
4 _ 'J
même année, la Géorgie l'Azerbaïdjan el l'Arménie, grou-
pés auparavant dans la Fédératio, de Transcaucasie,
adhérèrent directement à l'Union So.:étique la,!uelle fut
désormais formée de onze républiqJes fé:iérées.
* En 1940, les trava'!!eurs des pays baltes, Lettonie,
Lituanie et Estonie, réta!Jlirent, au cours de leur lutte
révolutionnaire, le régime soviétique. Les républiques
soviétiques de Lettonie, de Lituanie el d'Estonie qui se
constituèrent adhérèrent selon le vœu de leurs peuples,
à l'Union Soviétique. La m1!me annt;>e, le peuple moldave
fut réunifié, et la République Socialiste Soviétique Auto-
nome de Moldavie devint république fédérée.
* A l'heure actuelle, 1Union SoviéEque est composée
de 15 républiques fédérées qui comprennent 20 républi-
ques autonomes, 8 régions autonomes et 10 arrondisse-
ments nationaux.
* L'égalité en droits est garantie aux républiques
fédérées dont chacune est un Etat souverain. Ainsi, cha-
que république fédérée adopte sa Constitution, élit ses
organes supérieurs du pouvoir d'Etat et d'administration;
ses frcniières ne peuvent pas être chan:Jées sans son
consentement, elle a le droit d'é:ablir des relations direc-
tes avec les Etats étrangers, de !ormer ses unités mili-
taires, le droit de quitter librement l'Un'on Soviétique.
Aucune loi ne peul être adoptée pcr le Soviet suprême
de l'U.R.S.S. si elle n'a pas obtenu la majorité des voix
dans une de ses chambres, le Soviet des Nationalités,
où toutes les républiques fédérées envoient un nombre
égal de députés. C'est là une garant:e essentielle des
droits des républiques fédérées.
* Depuis la fondation de l'U.R.S.S. toutes les républi-
ques fédérées, tous les peuples habitant l'Etat multi-
national ont remporlé, grâce à leurs efforts conjugués,
des succès très importants dans le domaine économique.
Un chilfre en témoigne: en 1972, le volume global de la
production industrielle a été, pour l'ensemble du pays, 321
fois plus important qu'en 1922.
* De gigantesques changements se sont produits au
cours de la même période dans le développement culturel
des peuples de l'U.R.S.S. Plus de 40 peuples ont acquis
une écriture sous le pouvoir soviétique, toutes les répu-
bliques ont liquidé l'analphabétisme.
* Un eÜort titanesque a été fourni, dans le cadre de
l'Union multinationale des Républiques Socialistes Sovié-
tiques, pour supprimer l'inégalité dans tous les domaines.

La Chambre Française rle Commerce
et d'Industrie de Casablanca a récem-
ment donné les chiffres officiels des
rapatriements, concernant les Français
arrivés au Maroc avant 1956. des ra·
diations des listes des Français partis
et des immatriculations (naissances et
arrivées) du Consulat général de
France de Casablanca à propos du
nombre des Français de la capitale
économique,
Ces chiffres sont les suivants:
- rapatriements en septembre 1969:
113 pour le secteur privé. 9 pour le
secteur public. 122 au total;
- rapatriements en septembre 1970:
49 pour le secteur privé. 6 pour le
secteur public, 55 au total;
- rapatriements en septembre 1971:
117 pour le secteur privé. 14 pour le
secteur public, 131 au total;
- rapatriements en septembre 1972:
109 pour le secteur privé. 5 pour le
secteur public. 114 au total;
- rapatriements depuis janvier 1972:
860 familles. dont 1.716 personnes dans
le secteur privé et 304 dans le secteur
public. soit au total 2.020 personnes.
Il y a donc eu 2.442 personnes rapa-
triées depuis septembre 1969.
Les chilires des radiations. décès non
compris. sont les suivants: 198 en
septembre 1971. 375 en octobre 1971.
291 en novembre 1971. 275 en décem-
bre 1971. soit 941 pour les trois der-
niers mois de 1971. Pour 1972. 4.463
personnes ont été radiées. dont 260
en janvier. 316 en février. 362 en mars.
333 en avril. 925 en mai. 1.034 en juin.
634 en juillet. 349 en août et 250 en
septembre. soit au total 5,404 sur une
année pleine.
Dans le même temps. enlre le 1er jan-
vier 1972 et la fin de septembre 1972.
1.399 nouvelles personnes ont été im-
matriculées et 423 naissances comp-
LES FRANÇAIS DU MAROC
,
ce n est pas tant qu'ils partent,
mals qu'ils ne viennent plus
té es ce qui augmente le nombre des
Français de Casablanca de 1.822.
La différence entre les radiations et les
immatriculations se solde donc en né-
gatif par 3.582 personnes. uniquement
pour Casablanca.
Aussi limités soient-ils. ces chiffres ten-
dent à prouver que la vague des dé-
parts signalés ces deux dernières an-
nées parmi les Français du Maroc n'a
pas autant d'ampleur qu'on a voulu
le dire et qu'elle se situe en réalité
dans le cadre d'une diminution très
progressive. qui était prévue et atlen-
due.
Les Français du Maroc qui étaient
150.549 en 1963. et 90.000 en 1971 se-
raient encore à l'heure actuelle 80.000.
dont 30.000 environ à Rabat et quelque
40.000 à Casablanca.
Sur ce total. environ 25.000 personnes
actives et deux grandes catégories:
les cadres. employés. directeurs et
chefs des entreprises industrielles et
commerciales. les coopérants essen-
tiellement ceux qui sont dans l'ensei-
gnement.
Les chiffres officiels français tendent
à prouver que. pour la première caté-
gorie. c'est-à-dire les agents des enlre-
prises privées. les départs des cadres
et des employés sont minimes. en dépit
des velléités et des possibilités de la
marocanisation. et. essentiellement.
non précipités. c'est-à-dire que si les
volontés de départ sont nombreuses,
ce que les responsables français re-
connaissent. elles ne sont concrétisées
que lorsque les familles ont décidé de
leur réinstallation et de leur travail
ailleurs. Dans cetle catégorie. égale-
ment. les industriels. hommes d'affaires
ei chefs d'entreprises qui opèrent eux-
mêmes une marocanisation progressive
qui les met à l'abri de toute surprise.
n'auraient pas été outre mesure tou-
chés par les deux derniers étés agités
que nous avons connus et la baisse
d'activités économiques qui en a ré-
sulté. Toute panique serait. en ce qui
les concerne. à écarter, au niveau des
décisions naturellement. mais pas de
l'ambiance.
Pour la seconde catégorie, celle des
coopérants. elle. est. au fil des années,
marquée par une grande instabilité.
en ce sens que si les coopérants les
plus anciens au Maroc restent. envers
et contre tout. la grosse masse est
maintenant constituée par de nouveaux
arrivants dont il semble qu'ils ne res-
tent pas au Maroc au delà de deux à
trois ans de séjour. Ces coopérants, le
Maroc est donc contraint d'en recruter
chaque année. et. chaque année. il n'y
parvient qu'avec des difficultés ac-
crues. Il est pratiquement certain que
cetle année. près de 1.500 à 2.000
coopérants étaient demandés pour les
établissements du Ministère de l'En-
seignement. ce qui donne une masse
de départ énorme sur un effectif glo-
bal d'environ 7.000. Or. il est égaie-
ment pratiquement certain que plu-
sieurs centaines de coopérants man-
quent et n'ont donc pas répondu aux
~ppe!s réitérés du Maroc. A Casa-
bianca. par exemple. on cite couram-
ment certains établissements où il man-
que tel professeur de mathématiques
et de sciences et si le gouvernement
n'avait pas décidé de marocaniser et
d'arabiser l'enseignement de l'histoire.
de la géographie et de la philosophie.
il est certain que ces absences se fe-
raient encore davantage sentir.
Même les établissements français. ga-
gnés par cetle compression du person-
nel. doivent y pallier en faisant faire
des heures supplémentaires à leurs
enseignants. Et. naturellement. ceci se
fait encore davantage sentir dans les
petites villes et centres.
Paradoxalement. ce ne seraient donc
pas tant des Français qui partiraient
que des Français qui ne viendraient
pas!

LA SECURITE
E EUROPE
ou la coexistence des blocs
sur le vieux continent
et leur lutte en Méditerranée
Cela fait 1 ans que J'on parlait de
cette Conférence de Sécurité Euro-
péenne dont les prémisses viennent
de s'ouvrir à Helsinki, marqués par
l'offensive des petites nations d'Eu-
rope, soucieuses de faire admettre
concrètement leur droit à la parole
Il est clair en effet que la sécurité
en Europe est, depuis surtout la se-
conde guerre mondiale, l'affaire des
deux super puissances. Le projet
d'une conférence de sécurité a, d'ail-
leurs, été lancé par J'U.RS.S. en
1954, lorsque M. Molotov proposa
«un traité général sur la sécurité
collective en Europe» et il n'a été
rendu possible que grâce aux discus-
sions américano-soviétiques de cette
année.
D'ailleurs le fait que les U.S.A., puis-
sance non géographiquement euro-
péenne, soient invités à Helsinki, de
même que les actuelles négociations
parallèles américano - soviétiques sur
la limitation des armements dans le
cadre du Salt, montrent à l'évi-
dence la liaison étroite de cette confé-
rence avec les problèmes nés de la
division de l'Allemagne à la suite de
la dernière guerre. En 1954, le pro-
blème allemand, et la coupure consé-
quente de l'Europe en deux blocs dis-
tincts et opposés, n'avaient pas suf-
fisamment évolué pour que le ballon
d'essai de M. Molotov ait un écho.
L'idée fut reprise 10 ans apr s, en
1964, par M. Rapacki, Ministre polo-
nais des Affaires Etrang res, puis,
6 - 'j
en 1966, par les Etats membres du
pacte de Varsovie, suivis, un an après
par les partis communistes européens.
L'affaire tchécoslovaque de 1969 met
un coup d'arrêt occidental au proces-
sus, mais accroît l'insistance des pays
de l'Europe de l'Est qui reviennent
à la charge à Prague, en 1969, en
proposant concrètement la conférence
d'Helsinki, selon le même schéma qui
est actuellement le sien. En décem-
bre 1969, le Conseil Atlantique en
accepte pour la première fois le prin-
cipe et le gouvernement finlandais
commence les consultations adéqua-
tes sur le plan diplomatique.
En 1970, la conclusion du traité de
Moscou entre la RF.A. et l'U.R.S.S.,
puis, la signature du traité germano-
polonais accélèrent le processus qui
devait mener à la signature de l'ac-
cord quadripartite sur Berlin, à de
multiples contacts diplomatiques et
finalement à l'accord récent entre le3
deux Allemagne. En ce sens, l'Ost-
politik du chancelier Brandt a ouvert
la porte à la conférence d'Helsinki.
Celle-ci n'est toutefois qu'une confé-
rence préparatoire groupanL 32 pays
européens, y compris de minuscules
principautés, auxquels sont venus
s'ajouter les U.S.A. et le Canada. 198
experts ainsi réunis à 10 kms de la
capitale finlandaise doivent déblayer
le terrain et préparer l'ordre du jour
du grand rassemblement européen qui
aura lieu en 1973, et qui, curieuse-
ment, interviendra 150 ans après la
précédente conférence à l'échelle de
toute l'Europe, celle de Berlin.
Il ne fait aucun doute que c'est l'U.R
S.S. qui a voulu depuis longtemps
et avec acharnement cette conférence
et qu'elle entre dans la définition des
nouvelles zones d'intervention à la-
quelle les deux super puissances se
sont livrées cette année.
Que veut l'U.RS.S. ? L'ordre du jour
qu'elle propose donne une indication
de la stabilité politique et de l'enga-
gement économique qu'elle réclame:
il comporte trois points, la sécurité
enropéenne vue sous son aspect poli-
tique puisque l'aspect militaire n'est
abordé que dans le cadre d'un tête à
tête U.RS.S.-U.S.A. avec les négo-
ciations parallèles du Salt, l'instau-
ration d'une coopération économique
et culturelle entre les deux Europ~
et la création d'un organisme perma-
nent de la sécurité européenne.
Une étude de prospective due à un
savant soviétique sur l'Europe éclaire
le raisonnement et les motivations
qui ont cours à Moscou. L'Europe
ocidentale, dit en substance ce sa-
vant, M. Inozemtsev, membre de
l'Académie des Sciences, est devenue
une réalité économique et un bloc
pUi sant dont l'indépendance est des-
tinée à s'accroitre vis-à-vis des . .A.
durant les 10 prochaines années, malS
dont les tendances à étendre son
union dans les domaines politiques
et militaires visent à opposer entre
elles les deux parties du continent et
constituent un danger pour la déten-
te européenne. Certes, l'emploi de la
force et son développement incontrô-
lé sont et seront de plus en plus
limités par un système d'accords
politiques, mais il existe en Europe
occidentale des tendances opposées
à toute détente. En revanche c si la
C.E.E. élargie fonde sa politique sur
la reconnaissance des réalités en Eu-
rope, la renonciation aux mesures
discriminatoires à l'égard des pays
socialistes et l'adoption du principe
de la sécurité pan-européenne, de nou-
velles formes de coopération multila-
térales entre la C.E.E. et la commu-
nauté socialiste pourraient apparaî-
tre :1>.
Ceci posé, ce savant soviétique pro-
pose trois modèles prospectifs dont le
premier, celui auquel il semble croire
davantage, se fonde sur le progrès
de la coexistence dans le cadre du
processus d'intégration économique
en Europe orientale et occidentale, du
renforcement des échanges et de la
coopération scientifique qui peuvent
aller jusqu'à J'élaboration de grands
projets continentaux. Simultanément,
la réduction des forces armées serait
envisagée et l'on pourrait s'entendre
sur la création de zones démilitari-
sées, désarmées et orientées dans le
cadre d'un organisme permanent eu-
ropéen de détente. La situation se
normaliserait avec le règlement poli-
tique et juridique des relations entre
les deux Etats allemands, le dévelop-
pement de la coopération entre eux,
la reconnaissance de leurs frontières
réciproques actuelles et leur adhé-
sion conjointe à l'O.N.U. Il y aurait
donc gel du statu quo puis évolution.
Au cas où une telle politique serait
adoptée ,et que le modèle de la dé-
tente freinée ne soit pas retenu, le
savant soviétique voit même, ulté-
rieurement, c'est-à-dire après 19 0,
la dissolution des blocs, l'évacuation
des troupes étrangères, la réduction
àes armements et la création d'une
institution pan - européenne perma-
nente.
Pour certain , cela signifie en clair
que Moscou veut faire évoluer la
coupure des deux Europe sur le plan
économique surtout (d'autant plus
qu'il rejoint les U.S.A. dans la crain-
te d'une avance trop grande du Mar-
ché Commun), mais qu'il veut la
stabiliser sur le plan politique. Donc,
le statu quo en premier lieu, la recon-
naissance de ce statu quo, et le coup
de tampon réclamé à toute l'Europe,
 puis l'évolution ultérieure. Aux d -
mandes soviétiques. les Occidentaux
qui ont mis longtemps à répondre
disent désormais oui à la sécurité .
oui à la coopération économique ,
mais ils y adjoignent une coopéra-
tion culturelle qu'ils pr 'f rcnt appeler
libre circulation des idées et des
hommes », tout en se montrant très
vagues quant aux suites à donner à
la conférence.
Cette différence de nuance est essen-
tielle, puisque les Occidentaux ren-
voient la balle aux soviétiques en
sous - entendant que la coopération
économique n'est pas concevable sans
oopération culturelle et sans ouver-
ture politique. Quoi qu'il en soit, si,
pour le chancelier Brandt, dont la
réélection a accru les chances de suc-
cès de la conférence, celle - ci doit
donner une nouvelle qualité à la
paix en Europe », il reste que le pro-
blème est celui d'un rapport de force
et de l'équilibre de ces forces. Les
petits Etats européens se rendent
donc parfaitement compte que Mos-
cou et Washington dialoguent au-
dessus de leurs têtes et ne les réunis-
sent à Helsinki que pour entériner
le stade actuel où leurs compromis
sont parvenus. Ils ne peuvent pas
non plus ne pas se rendre compte que
la sécurité rend essentielle la discus-
sion sur les problèmes militaires et
que ceux-ci justement sont écartés
de la future conférence européenne.
Ce qui fait que certains n'hésitent pas
à parler de «finlandisation de l'Eu-
rope ».
Dans une telle optique, les débats
de procédure d'Helsinki et les offen-
sives de la Roumanie qui reprend
les thèses de l'U.R.S.S., mais en plus
nuancé et en plus ambitieux puis-
qu'elle réclame d'entrée la suppres-
sion des blocs, n'ont que peu d'impor-
tance. La sécurité européenne est en
marche mais nous ne sommes qu'aux
prémisses d'un long processus de dé-
tente et de normalisation.
Il reste en tous cas que, pour les
Maghrébins, cette 'conférence est im-
portante: si l'Europe est stabilisée.
elle ne pourra que chercher à stabi-
liser la Méditerranée qui est conçue
comme son prolongement. C'est en
tous cas l'analyse faite par l'Algérie
et la Tunisie qui ont proposé la con-
férence de sécurité méditerranéenne
que l'on sait et pensent pouvoir la
tenir après la conférence de sécurité
européenne. Les deux pays ont d'ail-
leurs envoyé des délégations à Hel-
sinki et s'y livrent à un travail de
coulisses pour amener à de discrets
débats sur la Méditerranée, travail
qui semble d'ores et déjà avoir porté
ses fruits.
Cependant, si les Européens se mon-
trent de plus en plus perméables aux
thèses algériennes et tunisiennes, le
probl me n'apparaît pas aussi sim-
plement. Dan J'étude de prospective
soviétique à laquelle nous avons fait
allusion plus haut, il est textuelle-
ment 'crit dans le cas du progrès
de la coexistence: «La Méditerranée
restera sans doute la région la moins
touchée par la détente. L'absence de
stabilité et d'un règlement définitif
du conflit du Proche-Orient, l'activité
plus forte qu'ailleurs de la politique
militaire de certains Etats occiden-
taux, créant une menace en puissance
pour les intérêts vitaux des pays so-
cialistes et la nécessité de contre-
mesures de leur part, la diversité
des intérêts politiques économiques et
militaires des Etats de la région, tout
cela contribuera à maintenir dans
la Méditerranée une confrontation
plus rigide que dans les autres sous-
régions européennes. TI est po sible
qu'il y ait momentanément des situa-
tions de crise, mais la menace d'ap-
parition de situations de conflits sus-
ceptibles de se transformer en con-
flits globaux diminuera. Par ailleurs,
une activité intense se déploiera dans
le cadre de l'O.N.U. sur des bases
multilatérales et bilatérales en vue
de transformer la région méditerra-
néenne en une zone de paix stable ».
Et, dans le cas de la détente freinée,
la même étude souligne brièvement:
« La situation en Méditerranée de-
MOYEN ORIENT
Les motivations des agressions
israëliennes
Ce ne sont plus à des représailles
faisant suite à des attaques de com-
mandos palestiniens qu'Israël se livre
actuellement au Moyen-Orient. surtout
contre la Syrie el à un moindre degré
contre le Liban, ce sont à des attaques
préméditées et délibérées qui. dans le
cas du Liban, visent à accentuer les
différends qui existent dans ce pays
à l'égard de l'action des résistants
palestiniens, et, dans le cas de la
Syrie visent à détruire le potentiel
militaire de ce pays, non atteint lors
du conflit des 6 jours et qui depuis
a été fortement renforcé par l'aide
soviétique.
Tous les observateurs et même les
moins suspects de sympathie envers
les pays arabes sont aujourd'hui obli-
gés de conclure qu'Illraël opère des
meurera instable, la confrontation
militaire dans cette région prendra
par moments des formes menaçan-
tes ».
Par ailleurs, on sait parfaitement
que les .S.A. voient d'un très mauvais
œil l'ouverture du Marché Commun
sur le bassin méditerranéen et que
des pressions sont actuelles faites par
\Vashinglon pour que les Européens
«limitent les ambitions de leur poli-
tique méditerranéenne ». On sait aus-
si que, Washington ne dispose pas
seulement d'une base importante en
Méditerranée, Israël, mais de deux,
Israël et la Grèce, surtout la Grèce
depuis ces deux dernières années,
Athènes est devenue une plaque tour-
nante de la politique américaine en
Méditerranée, politique qui rayonne
vers l'Europe orientale, le Proche-
Orient, et l'Afrique. Ceci qui est déjà
su et dit a été le mois dernier étayé
par des précisions importantes, four-
nies dans le cadre d'une conférence
qui s'est tenue à San Francisco, par
M. Andréas Papandréos, fils du célè-
bre leader libéral grec. Dans ces
conditions en comprend bien que la
lutte que les deux super puissances
se livrent actuellement en Méditerra-
née est loin d'être terminée, On veut
bien stabiliser l'Europe, mais pour
« les sous-régions» et surtout celle-
là, on verra après. Les problèmes
méditerranéens risquent donc de du-
rer et surtout le problème palestinien.
agressions délibérées qui ne sont plus
camouflables sous d'autres vocables.
Ce faisant, l'Etat sioniste poursuit ses
trois objec:tifs habituels, d'une part
contraindre les Etats de la région à
" lâcher .. les Palestiniens, d'autre part,
annexer de nouveaux territoires, enfin,
se livrer à des pressions militaires sur
le terrain au moment même où, sur le
plan international. l'affaire du Moyen-
Orient est à nouveau posée.
On pourrait s'étonner que Tel-Aviv se
livre à de telles agressions à l'heure
des àébats de l'Assemblée Générale
de l'O.N.U. sur le Moyen-Orient, si
l'on ne savait qu'Israël. d'Une part.
se moque complètement des résolutions
de l'O.N.U. et, d'autre part, demeure
sûr de l'impunité quoi qu'il fasse en
raison du soutien inconditionnel des
~ - 7
Etats-Unis qui bloque au Conseil de
Sécurité toute décision concrète inter-
nationale.

L'Etat sioniste lance donc un nouveau

défi à l'opinion publique mondiale et
aux Etals. Et il est intéressant de
remarquer qu'il le lance dès après
la réélection de Nixon, qui a vu aussi-
tôt après Dayan, Allon et Abba Eban
se précipiter à Washington, et dans le
temps même où les officiels américains
parlent d'un "plan de paix pour le
Moyen-Orient» qui serait en prépa-
ration aux Etats - Unis. Tout indique
aussi que l'administration américaine
assurée d'un répit de 4 ans, veut lan-
cer une offensive diplomatique vers le
Moyen-Orient. qui a même des chan-
ces de voir le che! de l'exécutif amé-
ricain visiter la région au printemps
prochain. C'est, en outre, en janvier
que Washington doit donner davan-
tage de précisions sur les objectifs
qu'il vise par cetle offensive nouvelle.
On peut alors se demander si Israël
ne se livre pas à une course de vitesse
dans celle perspective pour acquérir
de nouvelles cartes contre les résis-
tant palestiniens et les Etats arabes.
Ceux-c.Î en tous cas ont donné l'impres-
~
CHA M P A G N E
sion de réagir; les allaques israélien-
nes contre la Syrie ont provoqué une
riposte diplomatique égyptienne et l'on
Ch. de Cazanove
n'écarterait plus au Caire l'idée de
revenir à une guerre d'usure sur le
front. Cependant. si l'on sen! un cer-
tain durcissement du gouvernement,
celui-ci demeure réservé dans l'atlen- distribué par MARTINI &- ROSSI
te du débat onusien, d'une part, et de AIN-E S-SE BAA. Tel.: ."'01-02-03
l'offensive américaine, d'autre part.

la construction de barrages et de
systèmes d'irrigation. Cela aurait
Les caus es de la crIse l'avantage de maintenir les paysans
sur la terre, de leur en donner de
nouvelles sans que soient inquiétés
actuelle au Maroc les gros propriétaires, et d'améliorer
les produits d'exportation, surtout les
agrumes.
Voici 1 ré um - d'un article publié dans une revue américaine par James A. Paul. LA NOUVELLE POLITIQUE
ou n'avons pu, étant donn - la ngueur de œ texte, le traduire dans tous ECONOMIQUE
sc détails et ses ubtilités. Mais le résumé que nous en donnons montre bien
Les Européens voyaient trois princi-
r entiel de l'analy ~ ce chercheur américain, et la manière dont les
paux avantages à cette politique:
vroblèmes du Maroc ont abordés par 1 s inJtellectu ls de ce pays. (1) Puisqu'on ne favorisait pas la
naissance d'industries, il re terait
L'indépendance fut accordée au Ma- truction d'aciéries. Mais il avait toujours un flot de main-d'œuvre bon
roc par la France pour y maintenir contre lui les puissances étrangères, marché pour les usines d'Europe.
plus sûrement les intérêts du gros la réaction, la féodalité et la bour- (2) La construction d'immen es bar-
capital (en sacrifiant les petits et les geoisie marocaine. En 1960, la gau- rages fournirait un marché pour les
colons) et pour en faire une néo-co- che fut écartée du pouvoir. entrepreneurs européens, pour les fa-
lonie. bricants d'acier et d'équipements
Les buts politiques du pouvoir furent lourds, sans parler des cimenteries
La résistance à cette politique fut alors de développer la campagne aux qui étaient locales mais dont les pro-
priétaires étaient européens. (3) Le
menée par le parti de l'U.N.F.P. qUl dépens des villes, car c'est en milieu barrages feraient pousser plu s
avait élaboré des plans de réforme urbain que naissent les résistances d'agI' Imes et, de plus, créeraient des
agraire, d'économie mixte. de cons- les plus efficaces. On projeta donc besoins en blé europ en.

8 - 'J
 Le Marché Commun, en pleine expan-
sion, avait également à vendre ses
climatiseurs, ses avions, ses cars de
luxe, et était par conséquent inté-
ressé par la priorité n" 2 de la nou-
velle politique: le tourisme.
Ce programme reçut J'appui, d'une
part, des gouvernements français et
américain et de la finance interna-
tionale qui accorda une aide géné-
reuse économique et militaire, et
d'autre part, celui des Français du
Maroc, de la bourgeoisie marocaine,
des propriétaires fonciers, voire celui
des artisans et des petits commer-
çants.
En 1963, des conseillers de la Ban-
que Mondiale furent invités au Ma-
roc pour mettre au point les projets
concernant aussi bien les barrages
et J'irrigation, que le tourisme.
Il est intéressant de signaler le rôle
prépondérant de l'Etal dans le finan-
cement de ces projets: en effet,
l'apport du capital privé étran?~r
restait stationnaire, et la bourgeoIsIe
locale ne s'intéressait qu'aux profits
rapides, c'est-à-dire à la spéculation
foncière, au commerce, et à l'expor-
tation de ses capitaux.
En 10 ans (de 1956 à 1966) la contri-
bution du capital privé étranger n'a
atteult que 60 millions de dollars.
alors que pendant la même période
celle du capital public étranger
(France, Etats-Unis, Banque Mon-
diale) fut de 80 à 100 millions de
dollars par an.
Le rôle économique joué par J'Etat
fut encore renforcé par la nationa-
lisation de certaines terres de colo-
nisation, des chemins de fer, de J'eau
et de J'électricité. La vraie raison
de ces nationalisations fut de réalise1"
une redistribution du capital. Les
anciens propriétaires (Banque de Pa-
ris et des Pays-Bas... ) purent rapa-
trier la moitié de leur capital et ré-
investir le reste dans des secteurs
plus profitables.
Le petit capital ~rançais fut liquidé
(rapatriement des petits fermiers,
restaurateurs, hôteliers, co m mer -
ç a n t s) et ce fut la pénétration des
Belges, des Allemands, des Améri-
cains. Les intérêts marocains firent
leur apparition dans certaines ban-
ques et compagnies d'assurance, et
dans le textile. Mais les intérêts
étrangers contrôlaient 80 % de l'en-
semble des industries et des ban-
qu~s.
En 1968, parmi les 30.000 postes de
direction de cadres supérieurs et des
professions libérales, plus de la moi-
tié étaient occupés par des étrangers.
La présence militaire étrangère est
considérable. (Pour les Américains, le
programme d'aide militaire est le
deuxième d'Afrique, après l'Ethio-
pie).
Les budgets xpansionnistes, entraî-
nant l'inflation et la pénurie de de-
vises, nécessitent dès 1964 un pro-
gramme d'austérité. On réduit les
programmes sociaux. Le prix du su-
cre est presque doublé, et sa consom-
mation baisse de 18 % en 5 ans.
En 1968, J'aide étrangère représente
40 % du budget national.
En 1969, le Maroc devient associé du
Marché Commun.
L'AGRICULTURE
Dans le domaine rural, la politique
agricole du gouvernement n'a pas
donné les résultats escomptés.
A partir de l'année 1963, à cause de
la nationalisation de certaines terres
de colonisation, les propriétaires eu-
ropéens songèrent à vendre, malgré
les interdictions de la loi. Des spé-
culateurs marocains, avec d'indispen-
sables complicités, se mirent à ache-
ter, surtout dans la vallée du Gharb,
aussi bien les terres «françaises»
que celles des secteurs traditionnels,
où beauf'oup de petits propriétaires
avaient tout perdu dans une inonda-
tion catastrophique. Cette spéculation
effrénée fut en partie financée par
la Banque Mondiale avec son immen-
se « Projet Sebou» de développement
de la région, et par les crédits agri-
coles du gouvernement, et encore
intensifiée par la découverte de gaz
par Petrofina, et par l'annonce des
projets de grandes firmes comme
Del Monte et Libby d'établir des
conserverIes dans la rég·on. Entre
1965 et 1970, 45.000 hectares furent
ainsi accaparés par de grands pro-
priétaires marocains. Pendant ce
temps, le nombre de paysans moyens
diminua de 10 % et le nombre de
paysans sans terre augmenta de
]50 %'
La colère des paysans s'est manifes-
tée par des «occupations» de terres,
des affrontements avec les forces de
l'ordre, l'incendie de wagons de che-
min de fer, l'attaque de trains, etc.
Les nomades, eux, sont pourchassés
soit parce que leurs troupeaux pro-
voquent l'érosion et l'engorgement
progressif des bassins de retenue des
barrages, soit que le gouvernement
ait besoin de leurs territoires pour
la réalisation de projets grandioses,
tel celui du King Ranch dans la val-
lée de l'Adarouche, projet conçu pour
subvenir aux besoins grandissants de
l'industrie touristique et des privilé-
giés des villes.
Même la «Promotion ationale "
(parrainée par les Américains) ne
peut plus absorber le chômage agri-
cole ni arrêter la migration déses-
pérée vers les bidonvilles.
Quant aux agrumes, que J'on fait
pousser pour le profit du capital aux
dépens du blé el du sucre indispen-
sables au peuple, leur exportation est
en baisse sérieu -e à cause de la
concurrence méditerranéenne et amé-
ricaine.
LE MECONTENTEMENT
La crise actuelle se traduit par le
mécontentement général conlre la
corruption stupéfiante, qui gaspille
une grande partie du capital étran-
ger si chèrement acquis; contre le
chômage, qui sévit même parmi les
classes bourgeoises, contre la forte
proportion d'étrangers, qui détien-
nent les postes clefs et contrôlent
l'économie du pays.
Les ouvriers sont de plus en plus
mécontents de leurs conditions de
travail et du blocage des salaires.
Les commerçants et artisans sont de
moins en moins riches.
Les paysans sont désespérés par la
spéculation et par les concentrations
de terres. La paysannerie moyenne,
bien que soutenue, risque de s'effon-
drer et les masses misérables urbaines
s'accroissent.
Les étudiants sont révoltés par la
nature de la politique de l'Education
Nationale.
Il existe également un mécontente-
ment que l'on peut qualifier de tech-
nocratique.
Enfin, même les coopérants étrangers
contestent le bien-fondé de leur pré-
sence et s'accusent de servir les in-
térêts de l'impérialisme.
Le gouvernement répond par des pro-
messes de réformes. La marocanisa-
tion du secteur tertiaire se poursuit,
mais certaines pressions et le biais
d «associations» entre partenaires
étranger et marocain ma quent la
réalité du contrôle effectif. On lance
un projet d'as ainissement des bidon-
villes, financé par la Banque Mon-
diale, et qui ne pourra être que très
limité. Oft projette une fois de plus
la construction d'une ac~érie, entre-
prise de l'Etat, on abaisse le prL'< du
sucre, on augmente les fonctionnaires
et les militaires, le S.M.I.G. et le
S.M.A.G., on lance une campagne
contre la corruption.
La seule solution satisfaisante serait
une politique courageuse de progrès
et de changement radical fondée sur
des principes révolutionnaires et 'ap-
puyant solidement sur les ouvrier
et les paysans. Sinon, le jeu de forces
en présence risque de s'accentuer.
J. PAUL
'J - 9

JI/LiE bES NE60Zl/11/0~
VIETNAM:
LE NOUVEAU DIEM
Décidément. elle est longue à finir la
guerre du Vietnam! Depuis le 31 octo-
bre, qui, lui-même avait mis près de
trois années, les plus meurtrières de
la guerre, à se dessiner, plus d'un mois
s'est écoulé sans que raccord entre
Washington et Hanoi puisse vraiment
être concrétisé. Et, dans cette attente,
la guerre continue, les affrontements
militaires sur les hauts plateaux du
centre se multiplient, chaque camp
voulant gagner du terrain avant le
cessez-le-feu, et le tonnage quotidien
des bombes déservées par les Amé-
ricains sur le Nord Vietnam dépasse
tout ce que l'on a connu jusqu'à pré-
sent. Le règlement politique du conflit
marque le pas au prix de nouvelles
destructions et de nouvelles victimes,
à la fois criminelles et inutiles, d'au-
tant plus aberrantes qu'elles n'émeu-
vent plus personne, chacun s'étant fait
à ridée commode que la paix étant
inéluctable ne peut que finir par se
concrétiser.
De quoi s'agit-il en fait? Des exigen-
ces posées par Thieu, «bombe à re-
tardement .. dont Washington se pré-
vaut pour retarder la conclusion de
raccord. Mais les exigences de Thieu
sont inacceptables pour les Vietna-
miens du Nord et du Sud. Elles peu-
vent se résumer ainsi: retrait des
troupes nord-vietnamiennes qui aident
le F.N.L. au Sud et estimées à 150.000
hommes, refus d'un cessez-le-feu sur
place et refus d'un gouvernement de
coalition.
10 - 'j
E#~
L n'ont fait aucune publicité.
Thieu veut contraindre le Nord Viet-
nam à négocier avec lui autant qu'avec
les Américains, il refuse en oulre le
gouvernement de coalition au Sud et
pour mieux écarter cette éventualité,
il demande que le F.N.L. lui soit livré
poings et pieds liés sans raide des
guérilleros du Nord.
Pour Hanoi ces exigences remettent
tout en question et elles équivalent à
une guerre pour rien. Il ne serait plus
question, si les thèses de Thieu préva-
laient. d'unification future des deux
Vietnam. Ce serait le gel des coupures
actuelles et pour un temps indéfini. On
voit la manœuvre. Elle ressemble trait
pour trait à celle de Diem en 1954,
lorsque ne se sentant pas lié par les
accords de Genève le dictateur de Saï-
gon fit. après maintes provocations et
maintes violations des accords, appel
aux Américains pour reprendre la
guerre au lieu et place des Français,
Accepter les exigences de Thieu après
25 ans de guerre, équivaudrait à nier
tous les sacrifices, loes morts, les énor-
mes destructions subies par ce peuple
héroïque et laisser la porte ouverte
à une reprise des hostilités encore
plus terrible. Cependant. une question
doit être posée, ces exigences n'éma-
nent-elles que de Thieu? Dans quelle
mesure celui-ci n'est-il pas poussé par
certaines tendances américaines qui
voudraient geler pour un temps le pro-
blème pour mieux reprendre la guerre
après?
Le Centre
de planning
familial
de Casablanca
Un centre de planning familial s'est
ouvert depuis juin à Casablanca, 19,
rue Claude - Perrault. Il fonctionne
comme une clinique. 5 médecins y
sont détachés une partie de la jour-
née et dispensent aux femmes qui
viennent les consulter les soins et
les conseils qu'elles réclament. Le
promoteurs de ce centre, ont été, se-
lon leurs propres termes, étonnés de
l'afflux féminin qui s'est immédiate-
ment manifesté, d'autant plus qu'ils
En effet, la seule propagande du cen-
tre a été certaines conférences-débats
sur le planning familial, la limitation
des naissances et la contraception,
dans certaines grandes entreprises de
Casablanca, où, grâce à l'appui du
directeur, les responsables du centre
de planning familial ont été auto-
risés à informer de leur action les
cadres administratüs et techniques.
les délégués du personnel et les res-
ponsables syndicaux de l'entreprise
Les discussions qui ont eu lieu dans
ce cadre ont été très franches, fai-
sant droit à la réticence vis-à-vis des
moyens de contraception générale-
ment connus mais à propos desquels
une certaine crainte se manüeste,
aux freins sociaux que l'on pense
devoir entraver la contraception et
aux opinions admises en la matière,
et, enfin, au désir manifeste et pro-
fond de parvenir à une limitation des
naissances sans problèmes après le
3" ou le 4" enfant.
Il appartient ensuite aux personnes
ainsi informées de décider si elles
doivent faire bénéficier l'ensemble
des membres du personnel de l'entre-
prise des données sur la planüication
familiale dont elles disposent. C'est
d'ailleurs généralement le cas et
dans l'entreprise même un petit co-
mité du planning se crée souvent
autour de l'assistante 0 iale quand
il y en a une.
Les responsables du planning familial
déclarent d'ailleurs qu'immédiat p •
ment après la tenue de ces confÂ-
rences-débats, de nombreu es fem-
mes du personnel de l'entreprise con-
sidérée se présentent d'elles-mêmes
au centre de planning familial, sou-
vent accompagnées de femmes d~
leurs familles ou de leurs voisines
ce qui prouve que la propagand~ «de
bouche à oreilles» est de lom la
meilleure.
Des centres semblables ont été créés
à Rabat et à Tanger. Il faut pr ciser
qu'il reçoivent 11ne aide de l'org~­
nisation internationale de la plal1l-
fication familiale, qu'ils travaillent
en étroite liaison avec les maternités,
et qu'outre les conseils et soins gra-
tuits qu'ils donnent en matière de
planification familiale, ils soignent
également gratuitement toute ma-
ladie découverte au cours de l'examen
pratiqué sur les personnes qui
s'adressent à leurs consultations.

Ainsi, jusqu'à présent, les trois -cen-

tres préfèrent le travail en profon-
deur à une propagande inconsidérée
qui a eu dans le passé des aspects
as ez négatifs. La planification fami- -
liale est un problème trop intime
et trop important pour devoir être ~ ~tfIIII ,-- __ ..--
du domaine de la propagande quelle
qu'elle soit. C'est aux familles de
juger si elles envisagent de la pra-
8'Rlll CONla()\.. Cl' Nit /

tiquer et il faut alors leur en donner

les moyens, c'est-à-dire les éléments
d'appréciation et de jugement, les
conseils si elles les sollicitent et les
soins si elle les réclament.

Toutes les enquêtes faites à ce sujet,

et l'expérience de plusieurs mois des
centres de planning familial les con-
firment, montrent en tous cas que
les femmes, dans leur majorité, pour-
vu qu'elles aient déjà les enfants
qu'elles souhaitent et peuvent élever,
sont excessivement réceptives à
l'égard du planning familial, si récep-
tives même qu'elles pratiquent encore
trop souvent une contraception avec
des méthodes aléatoires, d'autant
plus dangereuses qu'elles sont faites
sans aucun examen médical préala-
ble. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle les centres de planning fami-
lial ont choisi de parler aux maris
plutôt qu'aux femmes qu'ils savent
convaincues, puisque le blocage vient
souvent beaucoup plus des hommes
que des femmes, et que la femme se
sent contrainte de procréer de façon
quasi ininterrompue par peur de la
répudiation.

En l'état actuel des choses, toute-

fois, les centres de planning ne
s'adressent et ne peuvent s'adresser
qu'à une catégorie bien définie de la
population: les classes moyennes et
ouvrières urbaines, disposant d'un
revenu mensuel fixe et intéressées
en conséquence à ajuster la dimen- (Playboy)
sion de leurs familles à la fois à ception pour laquelle elles ont les sources fait que les arguments écono-
leurs ressources, mais aussi à leurs moyens de recourir aux cliniques et miques n'ont naturellement aucun
possibilités et à leurs besoins. En médecins privés. Quant aux classes poids pour elles, tant que leur objec-
effet, les classes urbaines les plus défavorisées des villes et des cam- tif primordial reste, par la force des
favorisées pratiquent déjà une contra- pagnes, leur manque total de res- choses, la survie.

'1 - 11
POSITION
Pour la econde foi n l'e pac d'un an, nou,
avon a', ist' à la r'pétition du mAme cénario
politique, à qu lque variant pr'. pl' l ] 6
août, comm aprè le LO juil1rt, un procp u de
contact entre le Roi et l s re'pon able de parti
politique 'e t in 'tamé. En ] 971, le conta·t,
pl'é<'édé' par d ' conv r 'ation exploratoire, c
. ont eng-agé. en novembre pour e ponr uine en
décembre t jam·ier. Int l'rompu à la suite d la
proclamation de la 3e con titution marocaine, il
ont repri n'anmoin en fé"rier-mar pour échouer
pratiquem nt définitivem nt n avril-mai.
LA LETTRE
ROYALE
En 1972, c'e t l 23 ptembre, c'e t-à-dire un
moi aprè l'attaque du Boein fT royal et tou le
·,·'nement qui lui ont ,uec'dé qu, par une
lett!'p officiell adr 'ée à 6 pc'r 'oillHtli té' d('
parti politiqu , le Roi a repri l'initiative d
contact en invitant le organisation à participer
à la formation d'un nouveau gouvern ment et en
h'ur demandant l ur opinion quant aux moyen~
qui faciliteraient cette participation.
Jl1 '1 ai 'i le chef. de:s parti politiqu(" ont
r'uni leur in tance, con u]t' l('ur état -major'
(>t lrurs cadre . La procéchll'e a duré em'iron un
mois. Les premières répon 'e 'galem('nt écrite
ont été remi,·. wr: le 16 o<'tohre, alOI' que le.
6 personnalités étai nt r r,:us avec leur délégations
au Palai,. A moment, la teneur de r'pon e
n"tait à peu Pl''' connu qu dan' sa ub tance,
(·t 11(' a m Amc' donn' li 1.1 à des jeux d mot : on
parlait ain, i d «oui mai », cl «oui-non» rt d
« non-oui ».• i les conditions mi par le partis
à leur participat ion gouvern('m ntair SP!11 blai('nt
COlT spondr à lc'Ul' lignr politiqu affirm'e, les
di. cus ions s mblai nt ouv rte..
Pui ,1 2 nov mbr ,1 Roi d' ignait 1. 0 mane
pour pl" 'id l' l futur gOUY rn m nt n le char-
geant « d' ngag r d <,on ultation' av c le parti
à la lumière de leur répon ».
LE REFUS
DES PARTIS
L 3 novembre. )1. 0 mane recevait la premlere
de 6 per,'onnalité ,)1. llal cl Fa j, au nom du
parti d 1'1 tiqlal et c lui-ci déclinait l'offr de
participation au gouvernemrnt en motivant on
refu par le fait que «le fTouvernement qu'il
'ao-it de formel' n(' di po e VU de'. condition'
et drs moyen pratiqu ponr ré oudre la cri c
que traver e le pay ».
Le communiqué publié à cette occa ion tipul que
U. Allal cl Fa i a xpliqué à )1. 0 man que
«l'œuvrc de rcdl'e ement qu' xio-e la cri e grave
que tra"el' e le pay néc ite la con titution d'lm
gouvernement homogèn, plpin ment re pon able,
pré id' p:11' lme pel' onnalité politique engag'e et
cc:.pable de promouvoir un proO'ramme répondant
aux a piration profon 1 ~ d ma. e' populair ».
En con équenc , «le parti cl 1'1 ,tiqlal xprime on
rejet global de la formule adopt' e pour l" ou he
la eri e ».
I/une aprè l'autre le div r l'pel' onnalité
con nlté ' devaient, dan le jour lli"ant . d'cliner
l 'offr de participaüon en rappc1ant le contenu de
Jc.ur répon e ,
A ce ta de, on e deman lait natur 11 m nt, i, à
l'instar cl ce qui e pa e ai1lem n pareil a,
le Premier Mini tre pl' enti Il 'allait pa lai' r
lu plac(' à un autre pel' onnalit' qui pour ui\Tait
e contact, Il n'en fut rien.
Le 20 novembre, le Roi allllon<;ait la n titution
d'lm nOl.weau gouv rn m nt qui, dan on principe
ne- diffère en ri n du pr'céc1ent pui que con titué
dl' personnalit' apolitiqu , n u lié aux parti,
et de t chnici n et technocrate' d' jà pourvu' de
hnuts po te dan l'admini tration.
 lA POllTIOUE
ET l'IMPATI E CE
LE DISCOURS
ROYAL
Simultanément, le Roi, dan un di cour, explicitait
l, tâchr a igl)ée~ à ce nouy an O'ouyernement
t 1 proee II qui y a,'ait conduit.
On relèYe dan le di cour ro~'alle point ni vant' :
«.Je ne peux en aucun fac:on mc dt' ai il' de
la otn'eraineté marocain int'rieurt' et extérieure ».
- «Le meilleur régime qui conYient au Maroc e't
c lui de la monar hie con titutionnelle qui ünpo e
dune faç:on ab olue l'exi tence de parti politiqu
t d yndicat multiple, d'autant plu que l'indé,
pendance a été acqui e par le peuple entier et que
le nationalisme ne peut tre l't'y n liqué ni pal'
A
un parti unique, ni par certain parti politique,
ni par certaine pel' onnalité ».
- «Je ne peux permettl'e à quiconque d'appliquer
un programme qui impliquerait de' choix irr'yer-
ible tant qu de élection' n'auront pa préci é
qu'rlles ont le personne et le groupe qui repré-
('J1t nt véritabl ment le peuple t e a piration..
.JL veux de' élection sincère qui indiquent il tou
quelle ont le yéritable orientation et le per-
enne qui doivent m'aider à conduire 1 navire ».
- «.Je ouhaite que le cadre de certaine forma-
tion politique e joignent un jour à l'effort
rommun, Les ·parti politiqu doiyent opérer leur
reeonwr'ion ».
- «Le g'otn'ernement ya préparer de '1 rtion et
j" garderai vacant. de multiple Mini tères d'Etat
à la di po ition dl' tou ceux qui veulent, e joindr
au gouyerJwment, sans a umer d'autre re pon-
,'abilité;; que celll' de contrôler la incérité cle opé-
ration électorale »,
- «Le véritable problème qui. (' po ent au pay
'QJÜ Cl'UX du chômage, de l'en eignt'ment, d l'agri-
culture, de l'indu triali ation, de la marocani ahon,
qu'il faut ré'oudre par la création d'indu 'trie,', 1.
relèvement du niveau colaire, la réform agraire.
t'a' ociation d ~ trayaill ur aux bénéfice drs
ntr pri 'e , la r fonte et la rénoyation de' texte'
a Imini tratif et de tructurt' de l'administra-
tion ».
LA REPONSE
DE L'ISTIQLAL
imultanément, éO'alement, 1'1 tiqlal publiait, le
21 noyembre, a r'pon à la lettre royale datée
du 16 octobre. n relhe dan~ cette répon 'e 1 "
élém nt uivant
- « eul un O'ou"ernem nt de patriote. i us du
peuple et joui ant de sa confiance e t en me url'
1'a ~umer e re pon abilité, un gouyernenl<'nt
homogene, di'po ant de tou le Pl U\'oÎl's née '-
aire, qui, dan l'attente d'él ction légi latiye
libres, au uffrage uni"er el direct doit prendre
en on eil de ::\1ini tre ,tou le d'cret t toute
le' loi' ».
- «La première tâche de ce gOl1Yernement doit
être de r'tablir un climat de confiance n garanti -
,ant le re. peet total de liberté indiyiduelle et
publique, et en libérant le d'tenu politique »,
- «Le proO'ramme d ce gOUY rnement doit être
hl récupér3tion de territoire encore ou domina-
tion étrangère, la uppre 'ion l toutE'. le ba
étrang'r , l'unité maO'hr'bin , l'indép ndance du
pouvoir judiciaire, l'in tauration d'une d'mocrati
politiqu , ' conomique t ocial, ur le plan poli-
tique, l" galitari me économiqu a ,'ec la nationali-
iltion d . ecteur clé, la réform agraire l'arr At
de la hau e d prix, la ré\'i ion du régime fi'cal,
1(' développement de région le plu d'fayori ée',
l'arabi ation et la rénovation d l'en eiguemcnt, une
politiqu de logement, la réorgani ation de l'armée,
l'arabi ation de l'admini tration, la libération de
ln diplomatie marocaine t la mi e en place de'
in ,titution con titutiolln 11 dan le adr dé la
on titution »,
"J - 13
LA REPONSE DE L'U.N.F.P.
(tendance Bouabid)
lat' du]5 ('tobr, la d r T.X.F.P.
(t ndan B uabid) fon l ntiel1<'m<'nt 111' la
1,l'oclamation o1<'nnell que le peuple maro 'ain
rait appel' à 'lire une a 'embl'e nationale con,-
tituant et l'cri latiye, ur la ba e du ouffl'a cr ('
uniyer' l dir ct, qui aura pour tâche d re"oir la
'on titution 0 ] 97-, smtout dan le.. domaines
1'(' pectif' d la loi t du rècrl ment, t ur le,
rapport' entr 1 diff'r nt pOl1\'oir, ain i qu'une
t<;che lé?;i latiye ordinair ,L' . T.l; .P. réclame ' cr 3-
lem nt «l'abrocration d texte lécri latif, ou 1"0'1 -
1l1Cntairl' l' tr ignant l' x l'cie de liberté publi-
que ou privé ,l'abrogation de dahir' ,t arrêt'
l"pre if' adopt' po t'l'i Ul' ln nt à ]962 ur les
eode pénal, criminel et l'amni ti général
an xclusive ». Une foi ce me'ures adop-
t'), un crOUY rn m nt joui ant de la confianc
lopulatioll, pourrait, dit la répon e de l'U.K.F.P.,
~tre con titu' pour une dur'e déterminée ct avec
c~ tflche pl" ci e, la premi 'l'étant d veiller
à la -incérit' de 'lection, de mettr au point
une nouv Ile loi 'lectoralc, d' x l'cel' le pouvoir
l" glem ntaire, de pl' ndr , pendant la périod tran-
-jtoire le me me légi lative n ons il de JUini-
tre - ct d fair fac aux me ure - le plu urg nte
clan 1 oomain 'conomique, 'ocial t culturel.
crouvern m nt l'rait tran itoir , le gom'ernement
llpré entatif d tiné à entrepr ndre l'œun d'édi-
fication d'un démocratie économique devant être
con titué aprè le 'Iection.
LA REPONSE DE L'U.N.F.P.
(tendance Ibrahim)
D on côté, la réponse de l' , .F,P, (tendance
.A. Ibrahim) tipul qu «la ri e a tuelle aicruë
t galopante, née ite à priori ct avant tout un
gouvern ment l' ,poJl'abl qui oit en m<' ur d'en-
t'lm l' l'application d'un politique de chanD' ment
fondam ntal des tructures éeonomiqu , ocial
t politiqu du pay. ' qui impo.'(' l'ajomn m lit
pro\'i oir de '1 'tion n att ndant qu la poli-
tiqu de chang m nt fondam ntal fa de pa en
ayant t prenn un chemin anl) retour et qu l
p upl compr nne qu'il e t lib 'ré ». L' , ,F. P.
tim 'gal m nt qu la chart de la Koutla al
~ atania, l' ndu pullique l 22 juill t 1970, e,l
l' xpr . ion national d a, pi ration populair
t e t donc valahle pour , l'vil' d ba au travail
gou verllementa1.
Le autr répon ,c Ile, d 1 1. harc1ane pour
le Iouv m nt Populair , Abd lkrim Khatib pour 1
Mou,enwnt Populaire et D'mocratiqu' et Hassan
Ol1azzani pom II' Parti [)'moc'l'atiqlH' (' 1l.ti lItion-
Il l, n'ont pa - 'té, à notr onnai 'UI[(,(', l'pndlll'
publiqu<' .
LES PROPOSITIONS
DE M. ALI YATA
Il faut égalenl<'llt pl" ci..er q n' ntre tC'nl P , :\1. Ali
l'ata, l'e -pon anle du P.L.•. interdit t qni aurait
'té rec:u n auc1ienc par le Roi, a lancé l'idée d'nne'
ta.ble rondr immédiat d .. fore .. nat ional ,r'\,o-
Illtionnaire , pro"'!' ' i 'te et nationali·t n préci-
ant qlH' 1 point' 11'a cord exi tent dan' le pro-
gramm .. 1'e p ctif"ur le' point· suiyant' : libéra-
tion de, tel'l'itoir occupé par l'E 'paCl'n , r'form
acrraire, indllstriali..ation par le 'C'eteur d'Etat, auO'-
n:lentation d'alaires t pl' tation', llouwlle poli-
tlque d'en 'eign ment, politiqu ext'ri nr prO!ITe-
'i 'te t indépendante, rétabli emC'nt c1 lib l'té.
publiqu plein et enti '1' ,. En in -i 'tant nI' la
néce' ité ur o ' nt d'un allianc ut' cette ba .
entr toute cc' forces, en ..ouliO'nant la 1'1.' pon a-
bHité hi toriqu' de force yiye' dn pay t n
ritiquant la politiqu du tout ou ri n t l po 1-
tion marquées du 'igne de l'aH nti me et d l'irr -
ron'abilité de c ux qui attendent un pourri m nt
wcore pIns grand c1 la, ituation, )L Ali Yata
P. tim q ne 1 'première tâche ont l'a. aini cm nt
dl' la ituation, la libération cl tou l détenu
politique, et 1"1 ction au uffra cr uni,' r'el dir cl
et 'ecret d'une as emblée con 'tltuant et légi lati,·e.
LE PROBLEME
DES INSTITUTIONS
'l'elles sont, n gro ,le opullon enu de part
et d'aulr et qui étant cette foi 'crite t offici Ile
(·nt l m'rite d'~tre plu clair et plu préci e. '
I! e t aisé aloI' de voir qu l probl' me fondam ntal
dan' ce pay, elui qui hloqu toute ouverture poli-
tique, est celui c1e in titution . En e n , il t
permi, de dire qu le d l'nier oubr aut qu
nou a\'on' y'CU , n'ont pa modifi' d pO'ition
connu s ct affirmée dè 1 année 60 t 63, ce'
po ition' qui ont ét' à l'origin de la ra ur nre-
gistrée entre l pou voir t le di ffpr nte oppo i-
tions. La dualité d la V1 ion politique non ule-
ment n . t pa att'nué mai' '·t m~ln l' n-
forcée et durci d part et d'autre, m ~me i on
la dis. imule 'ous quelqu nuanc '. En c n, bi n
qu 1 port ne oi nt pa f l'm' ,d 'ailleur en
politique le portes n ont jamai f rm e t a u
)[aroc moin lu'ailleut", on yoit mal la natuI' du
dialogue de tin' à 'in, taurer. Ain i l'incompr'-
hension ,emble totale sur le différ nt p int
C'_·prim~s. A la r<,\'C'ndication d'nn on tituant , il
a été répondu qU'UIl(, t Ile i su(' était néce" aire
10r,qu'il 'agit de J'(\l1Iplac r un régim" un ,'ystè'm ,
de remoùeh r un Etat aprr, ulle rholution ou un
coup d'Etat «('1.' qui Il'(' -t pil' le ca' du ~Iaroc »,
(n'au. i bitn «il ne p nt ~. a,'oir d cOll,tituant('
~ou, un l"gillle Ill( IlHrchiqUl" mai, -etll<'I11('11t d .
con:-;titutioll octroyée .. car 1 monarque <'st déten-
tl ur de pouyoir » et <lU «la forme monarchiqu<'
dé l'Etat ne pl'ttt faire 1'objrt d\111 l'hi 'ion COll ti-
tutionnclle »,
\. la rewndication d\111 goun:rn m nt homogèn ,
qu'il oit, cOl1lme l'a dit 1'1,tiqlai, ba é 'l1l' l'unicite>
ou ur une pluralité dot' d'une plate-forllle poli-
tiqu COmmUllE', il a été répondu qn 'on ne yoyait
ra ur que]](' ba e confi('r le gouyernement à
une force politique déterminée qui, au 'urplu,
ambitionne d'appliquer un programm llac:ant la
nation devant de choix irrév r ihl ,tant que de
'l ction 11 'auront pa démontré i c ttc force e t
bl n celle qui repré nte l peupl ct a pira-
tlOn ,

LA QUESTION
DES ELECTIONS

Tout donc. en principe, tournerait autour de ce

él ction , mai n principe eul ment. l'ci pour
troi rai on , D'une part, en l"tat actuel de po i-
tion gelée et du climat pel' i tant (le problèm
tudiantin" Yiennent encore de le confirmer), et
11 dépit d prome' e r'itérée, on yoit mal 1
èéroulement de c ' élection. qui, au urplu, YU
le deux xpérienc précédent, ne ont pas de
nature à motiyer l'enthou ia m populaire et à
pr'parer la dynamique de chanO'em nt attendu.

On aurait, en effet, trop tendanc à oublier qU'il

l'État actu 1 du pay , 1 "élection dépendent dayall-
tag de l'admini tration que du O'ou" rn ment, rt
que l'admini tration, comme chacun 1 ait, e t
pratiqu ment de,enue un corp autonome, une
p'ce de l'la l', oucieu d'agir dan l cadre d
on maintien et d la perpétuation d on influence
dominant. e n'e t donc pa uniquement au tade
le plus élevé qu'il faudrait contrôl r le" élection,
mai à tous le tad de la machine admini trative,
ce qui l'l'pré ente une tâche giO'ante qu , qui, elle-
même, ne peut êtr entr vue que dan l'hypothè e
de la création d'un consen u national nouveau.
La l'conde rai on t que, outre la cri l'politique,
il, y a un crise de coniianc , en ce 'en qu le
peupl~, écarté depui tellement d temp de toute
participation, e t aujourd'hui non pa indiffér nt
comme on voudrait 1 croire, mai dégoûté, con- Ci-d u, le di h' de l'original d la lettre adre '
cient que dan unp ociété conditionné, tout t
au président llal El Fas i
f<tu é, et réticent en con équence à tout formule
qui ne pré enterait pa de a pect fondamenta-

'1 - 15
 Il ment nou\' aux. Enfül, la tl'oi'ièmc rai'on S1 ri politiqu<' a grandi (>t If" )I(jI'I)('aiI~ on
llC'.
qu(' si 1 pou\'oir plac Il' él dion au pn'mi r ('han~é. On \'oit d'ailleurs I;a et la, dan <ln '1' (-
phm du pro ('.. u a ngager, l 'oppo ition n<> 1 fOl'mati 11' politique" Ir.. 1 r'mi .. ' d'un ('hange-
\' it qu'omm la concr't1:ati n d'Ull \olont' de />10nt fondam nta1.
<'hang('ment qui doit êtr amorc'e de fa(;on pr'a-
1<:ble.
PREMISSES
L pl' blèm 'en trou\' donc compliqué. 'i~ z:
ET DEBATS
s'aO'i ait que cl"l ction , à la limit , il n ,'aO'lralt
que d leur libert' et de leur :illcérit'. }.I~i , (lan;;;
Ct-penclant c pl'émi '. e. doivent êtrr pour l~ivi ,
le cadI' dl' la \'ision duali<;t d" la POLItlqU , le..
ac -entu ", renforcé, pour qu'un qu Iconque 1.. u~
'1ecti011 , étant \'U pour cc qu'elle ont, (,'e t-
à la cri e pui'.'e êtr cp'r'e. Et 1 chang-<'m nt qUI
à-dire un moyen t non une fin, ntr nt dan deux
doit ~tr opé!", il faut le pr'parer. (' n'e·t p:!'
trat'o-i fo~dam ntalem nt diff'r nt('. t dont on
a\'ec de. «truc,» qu l'on mobili' le ma. e. Il
\'oit mal la conciliation po ible, ou le écrit t
faut hic'l1 rntC'nc1u un prog;ramlll clair, conséqu at,
le' lire de un et de' autre, il Y a, en ('Het,
encor qu'il ne faill pa n n ph: tomber d~z:' le
,,' ible ('n filigrane, t d'autant p~u \',i ible "qu~ mythe du prOOramml.', cal' un programm politIque
II' jeu politique dan cc pay n'a Jamal. "a1'le III
ql~i tra ~uit un idéologie affa'.'e n'a au -une
dan' , n fond, ni dan a forme le intention ou-
chance de O'aO'ner de' uffrage, t ce n', t pa en
jucent<". Il t peu de dire qu'il y a dunE me.
multipliant l 'programme qu 'on re\'i \'ifi l'action.
Pour mi ux 1 compr ndre, il faut ncorc préri l'
Il faut là au i t "lU'tout e fonder ur une liO'n
que ce duali me e t fond am ntalement enrac.iné,
idéoloo'ique claire, mai 'il faut engaO'er le combat
(,ue 10 an de -ri e inc ant(' t d ux tentatlve
idéoloO'ique c n'e t pa n'importe quel débat
â coup d'Etat n'ont pu le modifier et qu'aujoUl'- 1 ui 'ont à propo el', car il t d, débat lui ~('
d'hui comme hi l', aucun' d \'i ion. politiqn'
mènent à rien et qui pel1\'ent JU tem nt - l'YU'
aiÏirm' n' t encore ('n me m'e d'annihiler l'autre.
d'alibi pour ne m n l' à rien. Ces d'bat' ont
D'où l'attenti me et l'immobili me apparent. intellectu llement ati fai ant pui qu'il permettl.'ut
d< e l'éfugi l' dan 1 hauteur de la riO'ueUl' loc-
ttinale, an tomber dan l'ar'u de combat' quo-
LA NECESSAIRE RENOVAT[ON tidien .
DES PARTIS Et ur c plan de la quotidienneté, ay 'mi
,
l l' t n marO'e de derni l' contact perm ttent
101' ? Paraphra ant Eng l, on doit ici dire qu'on de· voir que ur cel'tain qu tion e entielle.
ne p ut pl'cndre pour politiqu on impatience. comm la réforme ao-raire, l'indu triali ation, la
refonte de tructur de]' n eignement, la maro-
Dan la ituation actuelle, la premièr tâch nou'
cani'ation, la lihération économique, le chôma<> et
emble être que le parti l' nforc nt. 01', se
la àramatique ituation ociale, ain i qu'un l' nou-
l'enfor ('l', c la ignifi au 'i e rénover, chano'er
\' a n culturel l 'tmanimité d' O'aO'e. n unanimité
T
l méthode intern et xternc, intéoT l' tou le
qui ne re ort pa d'un programme parti an mai'
'lém nt jeune t dynamiqu du pay , dont on
cl un on en u national trè larO', t dont le 'arac-
peut C011'tater qu'il ont été pal' tl'OP lai é à 1" cal't
t' re il'rh r ihle e t com.mand' par l a pira tion
du courant et des tructure, réduit. au l'ôl de
poplùaire'. Il n'e t aloI' nul he oin de a \'oir . i
. p ctat ur , d'acc 'cl ur le idée, de base, c('rte ,
te] parti remportera t liège dan l futur parle-
mais non mo])ili 'é pour pan'I il' à 1(' oncr'ti l'
Il:rnt pour opérer dan ce ecteur 1 réforme~
t à le meHr en pratique, non mobili é' t non
née ail' et urtout pour l imp' l', dan l
1'(:' pon, able, De 'e fait, pour l'in tant, la politiqu
t mp même où l'action politiqll est l' ufor ' .
au ::\1aroc (' t un peu un affair de chap lie. 'tt
donnée, qui tau.. i un évidence, n implifi e11('-ei e t aujourd'hui la n' cité la plus vitale,
c('rtain m('llt pa le problème t t lm nou\' 1 cal' tant qUE' le :Maroc n di po el'a pa' tl 'unE' ppo-
'lém nt qui concourt à l'ab n e d'i 'u de qu lque iUon unie, forte t con équente, t, urt ut, urt ut,
natm'(' qu' II oit, Bien qu'il aien,t beau~oup d'un yéritable parti ciali t t prog'l'l' . i te, t ut
attendu pour opér l' c He r fonte qUI e t ntal , a politiqu 'e trOll" ra bloquée.
l ,'parti politique' peu\' nt encor l'attrap l' les
année, perdue., ann'e d'ailleur. qui n'ont 't' p l'-
du qu dan l'hypoth', d'un ,olution 'quilihr'e
de la cri. mal'oeaine, mai' qui n'ont pa 't' p l'due'
O'lohalement, aus. i bi n ri n n'e t jamais prrdu
~n politique, Imi. que, d l'a\'i, unanim, la cons-

16 _ 1
 . J~
•
.sAIS.
~"NAIG"' DE PU'S
:JE PoIJ~tA1S
J.ONGT''''P~ • v/''fVf~ TE Ile
ri· t?

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J\~ ~~
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Pli/ S , , Jç JI A'
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H If It.cHEfI.. •• r;p

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SI' :rÈ~A'

~~
tillE
--- PE NE PAS' POcJ'ID'(f.
RE'PA~rl·~ st
If' M AlttlfrE•

(0
~

'4 _ 17
 anouar abdelmalek

L'ARMÉE DANS LA NATION

°
Avec « La dialectique sociale» (1), recueil d'études parues dans diverses revues du-
rant ces 1 dernières années, et réunies par l'auteur, sociologue éminent, et maître
de recherches au C.N.R.S. à Paris, Anouar Abdelmalek, dont les travaux sur le
Tiers-Monde font autorité, et spécialement d'ailleurs sur le monde arabe, puisqu'il est
lui-même Egyptien, a présenté ce qu'il appelle « un livre en étoile ». Pour deux
raisons. La première est que cet ouvrage constitue à la fois le bilan d'un travail
théorique entrepris durant les années 1960, et l'introduction d'une œuvre idéolo-
gique plus générale, plus globale. La seconde, et le lecteur en est vite convaincu,
c'est que tous les thèmes développés so nt si actuels que la marche du monde en
devenir, dont Anouar Abdelmalek voit la dialectique principalement entre les na-
tions industrialisées et le Tiers-Monde en émergence, doit leur apporter d'immé-
diates concrétisations.
Ce n'est donc pas un hasard si Anouar Abdelmalek a rassemblé ces textes en une
somme d'interrogations qui s'articulent en quatre parties. Dans la première, l'auteur
délimite on champ de réflexion, ce qu'il appelle « le moment historique du travail
théorique» et « l'avenir de la théorie soc iale ". Ensuite, il passe à ce qui a été fina-
lement l'origine même de la réflexion dans tout le Tiers-Monde et ce pourquoi lui, per-
sonnellement, a créé un vocable, « le ph énomène nationalitaire",
On aurait tort de croire qu'avec les indépendances, nous sommes sortis de cette
phase historique. Tout au contraire, et, ne serait-ce que sur le plan marocain. qui
n'est certainement pas le seul, nous y so mmes de plus en plus plongés, puisqu'il
s'avère que l'indépendance n'a rien régi é et que tout ce qui était pendant, avant,
loin d'être résorbé, a été poursuivi et ag gravé.
Cette partie du travail d'Anouar Abdelma tek nous intéresse donc au premier chef,
d'autant plus qu'elle s'ordonne pratiquement chronologiquement, depuis « la vision
du problème colonial par le monde afro-asiatique .. , « l'orientalisme en crise ", jus-
ETUDE qu'à une « analyse des formations nationales .. , « la sociologie du développement
 La grande intelligence englobe
La petite intelligence discrimine
La gramde parole est 'clatante
La p tite parole est 1. erbl-tts

Tchouang T cu

ARMEE ET TECHNOCRAliE
DANS LE TIERS - MONDE :
, ~

contribution a une étude sociologique du pouvoir

national», la c< problématique du socialisme dans le monde arabe ", l'influence de
la pensée libérale européenne sur le développement de la pensée égyptienne, et
I~ concept de c< renaissance nationale».

Cependant ce phénomène nationalitaire est aujourd'hui débordé par ce qu'Anouar

Abdelmalek appelle c< la dialectique des civilisations à la lumière du marxisme».
La spécificité des termes, comme toujou rs chez Anouar Abdelmalek, peut rebuter,
mais l'interrogation est fondamentale. Le marxisme a profondément changé toutes
les théories du développement. Le Tiers- Monde ne peut pas ne pas les intégrer.
La question est alors comment. Anouar Abdelmalek la cerne en 5 études: « socio-
logie et histoire économique, un essai de médiation .. , c< vers une sociologie com-
parative des idéologies», « marxisme et libération nationale .. , c< la notion de pro-
fondeur du champ historique en sociolo gie .. et « marxisme et sociologie des civi-
lisations ».
Phénomène nationalitaire toujours en cou rs, introduction du marxisme et les chan-
gements fondamentaux ainsi apportés, la réflexion ne serait pourtant pas complète
si elle n'intégrait ce qu'Anouar Abdelma lek intitule c< la sociologie du pouvoir»
qu'il cerne par une approche de la « sociologie de l'impérialisme» et par deux
études sur le rôle de l'armée dans le pouvoir. Sur ces deux thèmes, d'une actua-
lité brûlante, Anouar Abdelmalek a des réflexions à la fois originales et basées
sur l'expérience. On se souvient, en effet, que son premier ouvrage, paru en 1962,
fut « Egypte, société militaire» dans lequ el il étudiait ce phénomène lié à l'Egypte.
C'est pourquoi il nous a semblé intéress ant de reproduire ci-contre la substance
de ces dernières études, la réflexion qui les inspire nous intéressant particulière-
ment.

(1) «La dialectique sociale », Anouar Abdelmalek, éditions du Seuil, Paris, 1972. 50 DH.

1 _ 19
 L'émergence de l'armée dans le do-
maine de l'action politique, économi-
que et sociale, depuis plusieurs années
dans de nombreux pays du Tiers-
Monde, n'est pas un phénomène nou-
veau, ni un phénomène propre au
Tiers-Monde, affirme avec force Anouar
Abelmalek. A l'appui. il cite le rôle
du complexe militaire et industriel aux
U.S.A.. la part prédominante de l'ar-
mée dans la constitution de l'unité
allemande, son jeu dans les périodes
de crise en France, son impact dans
les deux pays de la péninsule ibé-
rique qui paraît d'ailleurs ressoriir
d'une tradition, et l'importance quOelle
a en U.R.S.S. et dans divers paY3
socialistes européens. Et s'il cite éga-
lement divers exemples plus reculés
d Etats militaires dans les pays dits
aujourd'hui Tiers, il s'étend plus lon-
guement sur le dépeçage de l'Afrique,
le rôle, donc, des armées occidentales
dans celte conquête et aussi sur les
guerre coloniales et les conflits de
civilisation. "On voit bien, relève-t-iL
que, depuis Yalta, les seules guerres
où les Etats occidentaux consentent
encore à s'engager sont celles que
l'on conduit contre l'Orient en renais-
sance et en révolution". Phénomène
mondial donc, et qui. aujourd'hui prend
peut-être une coloration nouvelle par
le fait même qu'il s'étend au Tiers-
Monde.
VARMEE EST AU CENTRE
DU POUVOIR
TOUJOURS ET PARTOUT
Mais, l'idée centrale d'Anouar Abdel-
malek est celle-ci: l'heure est à la
mondialisation des problèmes, mais
celle mondialisation ne peut être vrai-
ment ressentie qu'à travers l'approfon-
dissement des spécificités.
D'où une démarche à deux niveaux.
Le premier est celui-ci: «L'histoire des
sociétés humaines témoigne que l'ar-
mée a toujours été placée au centre
du processus de constitution des- 101:-
mations socio-économiques, des socié-
tés, en formations nationales, c'est-à-
dire au centre de la constitution des
nations et de leurs Etats », «Chaque
fois que les sociétés humaines ont
tenté de se donner une existence inté-
grée en tant qu'entité nationale dis-
tincte autour d'un centre de pouvoir,
lui-même instrument de l'hégémonie
d'une ou de plusieurs classes sociales
dominantes, l'armée a été au centre
du processus tout entier, le fer de lan-
ce qui a déblayé le terrain, assuré le
pouvoir national, protégé les frontières,
unifié chaque fois que l'occasion po-
sait le problème de l'unité, les diffé-
rentes composantes de l'entité natio-
nale, par le fer et le feu certes, mais
toujours à partir d'un projet politique
20 - '1
nationaL parfois accompagné d'une
vision du monde ». Et ceci parce que
"l'armée se place au noyau le plus
profond du pouvoir. au lieu de jonc-
Con entre le projet politique national
el l'appareil qui en assure la main-
tenance·».
Cependant. et c'est le second stade de
le: réflexion d'Anouar Abdelmalek, non
seulement celle évidence a été mé-
connue, rejetée dans le flou et l'am-
bigu. suivant le principe que l'on «ne
repère que ce que l'on souhaite meltre
en lumière, ce contre quoi on n'entend
pas se garder .., mais encore. on a
tenté de rejeter ce phénomène dans le
Tiers-Monde, de la marginaliser en
quelque sorte à dessein.
UN PHENOMENE
QUE L'ON VOUDRAIT
MARGINAL
ET EXCEPTIONNEL
Pourquoi avoir ainsi voulu nier le rôle
de l'instrument militaire et nier en
même temps celui de la violence dans
le pouvoir? C'est, répond Anouar Ab-
delmalek. en disséquant la pensée
occidentale, que " l'anti - militarisme
vient de loin ». Les théories du rationa-
lisme et de l'humanisme ont abouti à
réprouver la violence, et à rejeter dans
l'ombre la réalité du pouvoir,
Partant de là, le rôle de l'armée dans
le corps social tout entier ne serait
qu'une exception à la normalité, qui.
elle-même se baserait sur la préémi-
nence de la société civile, à vocation
démocralique, laïque, pluraliste, pacifi-
que et donc humaniste. D'où aussi l'il-
lusion tenace de la division du pouvoir
«qui va inciter la classe politique à
ne reconnaître l'armée qu'en tant qu'ul-
time recours, ce qui l'engagera vis-à-
vis d'elle dans la voie du déni et de
l'hostilité". Anouar Abdelmalek note
alors: "Tout se passe comme si l'Etat
bourgeois et la société capitaliste se
lavaient les mains de ce qui constitue
l'armature même de leur existence et
de leur pouvoir, au nom d'un humanis-
me tempéré tour à tour de spiritualité
et de scientisme techniciste ".
Les penseurs occidentaux libéraux in-
terprètent la violence en termes cultu-
rels et voient sa négation dans le pro-
grès et le développement économique.
Hostile à la violence, la sociologie eu-
ropéenne est donc inapte à en rendre
compte. La montée des socialismes
bouleverse ces données, et la seconde
guerre mondiale les fait éclater en
morceaux.
Pour Shumpeter: «Le capitalisme ne
crée pas une machine de guerriers,
mais, plutat, cette machine de guer-
riers creee par les guerres qui en ont
besoin, crée maintenant des guerres
dont elle a besoin ...
Il est devenu impossible de nier la
réalité. Le monde a été mis à Jeu et
à sang. Les guerres coloniales, l'émer-
gence de la Chine sur la scène mon-
diale, ceCe de l'ensemble du Tiers-
Monde, les bouleversements armés qui
en résulteni, étayent encore le rôle de
la violence dans l'histoire. Pourtant. les
penseurs occidentaux qui tiennent les
sciences sociales reJusent encore de
tenir compte de l'évidence. Comme ils
ne peuvent plus la nier, ils vont la re-
léguer dans le monde dit Tiers, ce qui
signifie pour eux, à la limite, anormal.
On voit qu'ainsi la démarche intellec-
tuelle alteint son but: l'armée reste.
tout comme la violence qui l'institu-
tionnalise et le pouvoir d'Etat qui lui
sert de suppo:t. des phénomènes ex-
ceptionnels. Tout se passe, ou du moins
on veut que tout se passe, "comme si
l'armée était détachée de l'appareil
du pouvoir, comme si les militaires,
étrangers eux-mêmes à l'étrange pro-
cessus du pouvoir, s'a visaient subite-
ment de leurs potentialités et se lan-
çaient dans l'aventure ...
De celte manière, aussi. on évite de
répondre à des questions aussi essen-
tielles que celles-ci: la violence armée
est-elle le propre de l'armée ou bien
la caractéristique spécifique de l'ap-
pareil de l'Etat? Est-il possible de
concevoir la mis'e en œuvre d'un ob-
jectif social de quelque importance
en dehors de la mise en œuvre de la
violence organisée?
LA LOGIQUE AMERICAINE
TROIS DEFINITIONS
DU ROLE DE L'ARMEE
Celle limitation volontaire et arbitraire
à la fois sociologique, politique ei géo-
graphique, du raie de l'armée, est im-
putable, souligne Anouar Abdelmalek,
essentiellement aux chercheurs amé-
ricains. Jusqu'à ces dernières années.
en effet, les penseurs européens éprou-
vaient encore trop de répugnance
quant à l'armée et à la violence pour
en tenir vraiment compte. Quant aux
chercheurs du Tiers-Monde où ils ne
se penchaient pas sur le phénomène,
ou ils le subissaient, ou, encore, leurs
travaux étaient inconnus.
Partant de ces a-prioris. après d'ail-
leurs les avoir créés, les chercheurs
américains les ont conduit très loin
avec le sens de l'efficacité qui leur est
propre, Et ces idées ont eu une in-
fluence déterminante dans le Tiers-
Monde notamment.
En 1959, dans le cadre d'une grande
étude sur la question mise en chantier
par la fameuse Rand Corporation à
Santa Monica, des thèses qui ont été
par la suite appliquées, ont été pré-
sentées. Il est intéressant de les rele-
ver.

Ainsi Hans Speir déclare: «Dans plu-

sieurs nouveaux Etals qui ont émergé
au cours de la période récente de dé-
colonisation, les militaires jouent un
rôle vital. En tant que force révolu-
tionnaire, ils ont contribué à la désin-
tégration de l'ordre politique tradition-
nel; en tant que force de stabilisation,
ils ont empêché certains pays de deve-
nir la proie du pouvo;r communiste;
en tant que force de modernisation,
ils ont été les champions des aspira-
tions des classes moyennes ou des
demandes populaires pour le change-
ment social et ont fourni talents admi-
nistratifs et technologiques au secteur
civil des pays où ces talents sont ra-
res ».

Johnson ajoute: «La recherche fonda-

mentale se mettra en quête des indi-
cations sur la manière dont les poli-
ticiens en uniforme entrent en concur-
rence avec les nationalistes, les bu-
reaucrates étatistes, les intellectuels
occidentalisés. Et quand les o~iciers
arrachent le pouvoir des mains des mi-
litaires, comme ils l'ont fait en d'innom-
brables occasions dans des sociétés à
toutes les étapes du développement.
on étudiera leurs qualités charismati-
ques ainsi que leurs talents adminis-
tratifs et organisationnels entre autres
raisons, afin de trouver la réponse à
la question de savoir pourquoi les
gouvernements militaires ont favorisé
le développement national et les pra- l.N.S.
tiques démocratiques dans certains
pays alors qu'ils ont exercé une in-
fluence retardataire dans d'a u t r e s les pihtins du dollar-
pays ",

Enfin, Shils assigne à l'armée-le rôle

de «combler le fossé entre l'élite mo-
dernisante et la masse de la popula-
tion comme pré-condition de la créa-
tion d'une société politique ".
Pour Anouar Abdelmalek, ces trois dé-
finitions du rôle de l'armée se ressem-
blent en ce sens que la question sous-
jacente à laquelle elles veulent répon-
dre est celle - ci: «Comment rendre
compte de l'aberrance des militaires
qui jouent aux politiques? ».
DES NATIONS
A RECONSTRUIRE
PAR L'ARMEE
Cependant il retient en premier lieu
que, dans cette logique des chercheurs
américains. le r61e le plus important
qui est assigné aux militaires est celui
d'accélérer • la modernisation », c'est-
à-dire d'accélérer le processus imita-
tion de développement de l'Occident à
défaut de le rattraper '». Comment y
parvenir? Pratiquement biologique-
ment, en «créant un noyau dur capa-
ble d'unifier et d'organiser les diffé-
rentes composantes d'une société don-
née ». Il faut d'abord, disent les cher-
cheurs américains, structurer ce noyau
dur avant d'agir dans le cadre plus
général de la société donnée, l'appa-
reil militaire étant assimilé à une clas-
se politique et les relations civils mili-
taires n'intervenant qu'en dernière
analyse, On mesure ainsi qu'au cen-
tre de tout figure le problème du pou-
voir. Ce processus «d'intégration dy-
namique» que les chercheurs améri-
cains veulent mellre en œuvre a natu-
rellement ses fondements dans le pays
considéré, mais il est aussi vu en rela-
tion étroite avec les facteurs issus de
la conjoncture internatioale, Il va sans
dire que, dans celle optique, le statu
quo est la donnée de base et que si
les guerres localisées sont perçues,
elles ne sont vues que comme traitées
par des forces militaires à lonction
policière.
To tes ces analyses, déclare Anouar
Abdelmalelc. donnent de l'armée l'ima-
ge suivante: «A l'intérieur du pays
un agent incomplet de changement po-
litique, par la voie de l'intégration et
de la modernisation, à l'extérieur, un
policier des rapports internationaux ".
Et tout ceci, note encore Anouar Ah-
delmalek, parce que les classes
moyennes, la bourgeoisie nationale,
les élites intellectuelles, les technocra-
tes modernistes. paraissent avoir fait
leur temps, au moins au centre de l'ap-
pareil du pouvoir. Alors on invoquera
l'armée, intégratrice. éducatrice, mo-
dernisante.

~ - 21
Mais Anouar Abdelmalek s'interroge
sur les fondements de celle réflexion
américaine, indépendamment de ses
motivations culturelles qu'il a déià sur-
volées. Il en voit deux, D'une part, la
coupure du monde industrialisé en
deux idéologies. D'autre part. les ten-
dances américaines 0 l'hégémonie
dans tout le Tiers-Monde, et :'1 pro-
pension américaine à extrapoler de sa Speed of Light
propre expérience de nation neuve. . Depuis 120 ans, les Ecossais
pour créer partout dans le monde des apprécient "the William Lawsoll'.
nations, selon ses propres critères. ~ Light Scotch Whisky":
naturellement. ses propres intérêts. il est synonyme de lumière.
légèreté, finesse.
Aussi ce n'est pas étonnant
que vos amis le boivent
UNE POUSSEE MILITARISTE à la vitesse de la lumière.
MONDIALE Peut-étre est·ce .
pour rattraper le temps perdu.
Et, curieusement. dans le même temps,
ces mêmes nations. dites neuves. et
qui sont en réalité souvent très vieil-
les, sont cependant aux prises avec
des troubles profonds quant à leur
identiié nationale, en raison d'un man-
que de structuration nationale-étatique.
et de l'absence de classes politiques.

Ces mêmes nations sont aussi mar-

quées par des putschs en cascade,
" C'est le temps des colonels. celui des
cavalcades. des chevauchées à travers
de grands espaces qui ne mènent .:z
aucune Californie, celui de l'ascension
," .
de l'oligarchie militaire et des compra-
dores. plus tard du guérillérisme dans
les montagnes. loin des masses popu-
laires dont la faible intégration dans
la société et la nation irrite. Le terreau
rejoint donc la théorie »,

Fi pourtant de ces belles constructions

intellectuelles! s'écrie Anouar Abdel-
malek: "Le problème fondamental.
celui du rôle de l'armée dans les so-
ciétés modernes, demeure ».

Car. comment expliquer alors les gran-

des opérations policières et militaires
à l'échelle de la planète "qui vont
limiter les dégâts et partant sauver la
face»? Comment expliquer "l'Iran de
Mossadegh. l'Indonésie de Sukarno,
Cuba et Saint Domingue? Le Mozam-
bique, l'Angola. le Soudan. la Jorda-
nie. le Maroc»? Comment e li e le
Vietnam martyr où les Etats-Unis ont
déversé plus d'explosifs quOau cours
de la deuxième guerre mondiale?
Comment expliquer donc cette poussée
militariste impérialiste à l'échelle du
monde et qui veut répondre à la mon-
tée des mouvements nationaux d'in-
dépendance et de libération?
Or. dans l'un et l'autre cas. celui de
l'impérialisme et celui du Tiers-Monde.
l'armée se trouve placée au coeur de
la jonction: en tant qu'armée de l'Etat
national. garante de la stabilité de ses
institutions et de l'autonomie de son
pouvoir de décision. en tant qu'armée
du peuple en lutte pour sa libération
ei sa révolution. en tant. aussi. qu'ar-
mée des puissances impérialistes qui
portent leur action à l'extérieur de
leurs frontières,
Mais la vision que l'on a de l'armée
en Occident. permet de blanchir les ar-
mées des Etats impérialistes. leur ré-
pression. leurs ratissages. leurs mas-
sacres. et même leurs génocides. en
voulant masquer le contenu socio-poli-
tique de l'institution milltaire et son
rôle fondamental qui est la mainte-
nance de l'ordre de la société au sens
le plus large d'un Etat national donné.
Ou bien. il équivaut à afflubler du
même coefficient de négativité les ar-
mées populaires. puisque les unes et
les autres sont des armées.
Pour éviter de tels pieges. Anouar Ab·
delmalek est formel: il faut situer l'ar-
mée dans le cadre du pouvoir car
l'armée n'est pas une notion abstraite.
découpée du substrat où elle vit et
agit. mais bien une composante de la
formation socio - éconmique nationale
tout entière. et \me composante privi-
légiée puisqu'elle en constitue l'axe
de puissance,
PAS DE POUVOIR
SANS VIOLENCE
Le rôle de la violence est en effet émi-
nent dans l'exercice du pouvoir. et. à
la limite. il n'y a pas de pouvoir sans
violence. L'histoire du pouvoir d'Etat
dans le monde a été celle de l'orga-

22 - '1
nisation toujours plus rationnelle de la
violence en tant qu'instrument de l'hé-
gémonie des classes et groupes so-
ciaux dirigeants au sein de l'Etal na-
tional. Ceci a été masqué en Europe
quand une relative paix civile régnait
à l'intérieur et de l'extérieur. Mais, pen-
se Anouar Abdelmalek, si l'Etat pou-
vait se concevoir comme l'Etat de la
seule paix civile, c'était au prix d'une
véritable mutilation idéologique et
théorique destinée à masquer la na-
lure de classe du pouvoir, pour main-
lenir la fiction de sa division et celle
du primat de la liberté individuelle for-
melle sur les libertés publiques.
Aujourd'hui, on ne peut plus masquer.
Il y a eu trop de violences, trop .de
Vietnam. Les peuples ont pris cons-
cience de la réalité du pouvoir d'Etat
et la violence hier identifiée à tous les
démons se révèle être à la fois l'ins-
trument de la mort massive et celui
de la création d'un mono:te nouveau.
Et puisque le facteur militaire n'est
plus conçu en termes utopiques, l'ar-
mée parait tout naturellement devoir
occuper une place centrale au sein de
l'appareil de violence rationalisée qui
constitue la nature même du pouvoir
et de son Etat.
Et ce d'autant plus que l'Etat moderne
totalise l'hégémonie de décision sur
tous les plans. au bénéfice d'une ou
plusieurs classes et groupes sociaux,
du fait de l'évolution même des scien-
ces et des techniques. Le problème du
pouvoir se pose donc aujourd'hui en
termes nouveaux et, par voie de consé-
quence. l'armée acquiert, elle aussi,
un rôle nouveau.
Cette transformation de la nature mê-
me du pouvoir et de son instrument
l'Etat, permet alors de mieux rendre
compte du rôle imparti à l'armée. Ce
n'est pas pour pallier la carence d'une
classe ou d'un groupe social quelcon-
que que l'armée se trouve partout
aujourd'hui au centre du fait politique.
Mais en raison du fait que l'Etat est
devenu le centre du pouvoir de déci-
sion sur tous les plans de la vie so-
ciale, de sa maintenance, comme de
son évolution, qu'il s'agisse d'écono-
mie, de politique, de culture, d'idéolo-
gie et même de vie quotidienne.
Dans cette nouvelle réalité, on conçoit
alors, comme Gramsci l'avait prévu,
que le noyau central de décision du
pouvoir d'Etat soit assuré par une
.. classe politique» qui comprend les
cadres des classes et groupes sociaux
dominants, leur appareil de parti et
d'Etat et, naturellement, le corps des
officiers. L'armée s'en trouve démysti-
fiée, elle qui justement joue le rôle
central dans la structuration de ce pou-
voir politique, surtout dans les pays
où il n'y a pas de tradition de plura-
lisme politique: dans ceux où l'Etat
a toujours joué le rôle dominant, dans
ceux qui v;ennent de se constituer, et
dans ceux aussi où la tradition cultu-
relle con:ond les pouvoirs spirituels et
temporels, comme en Islam, de même
que dans ceux où le pouvoir a été
pris par le peuple en armes sous la
direction d'un parti révolutionnaire.
Si la structuration sociale est ancienne
et s'est opérée à l'abri des invasions
et de la domination étrangère, la clas-
se politique peut être à prédominance
civile, encore que fond2e en dernier
recours sur l'appareil de l'Elat, donc
l'armée. Mais le plus souvent. ceae
classe politique s'est constituée avec
et autour de l'armée, même si elle
ne veut pas se l'avouer. A c~ stade,
Anouar Abdelmalek se pose la ques-
tion du projet national sous tendu
par le pouvoir d'Etat et son ax~ l'ar-
mée, et dont celle-ci assure la main-
tenance. Il s'agit de co la volonté com-
mune d'une société globale de vivre
ensemble, dans la continuité d'une
nation, et d'évoluer ensemble, ce qui
est à la mesure du potentiel national
mobilisable. seul capable d'alimenter,
de soutenir, d'absorber les chocs et
de fournir le temps et le recul indis-
pensables à tout grand dép:oi ...
O.K, ! VOUS ne voulez pas tuer.
Mais votre religion ne vous interdit pas d'être tué!
~ARMEE ENTRE ~ORDRE
ET LE PROGRES
C'est sur quoi se fondent les institu-
tions d'un Elat, et nulle part, note
Abdelmalek, autant qu'au se:n de l'ar-
mée, projet national et projet institu-
tionnel ne sont autant con!ondus. Or,
le projet esl actuellement bien souvent
le progrès, la science, ce que l'armée
comprend d'autant mieux qu'elle est
amenée à se servir des moyens les
plus avancés du progrès technologi-
que.
De là naît une dialectique qui s'appro-
fondit au sein même de l'armée entre
secteurs traditionnalistes qui raison-
nent en termes d'ordre et de mainte-
nance et secteurs dynamiques qui ap-
prochent les problèmes de la mainte-
nance et de l'ordre dans une perspec-
tive prospective. L'armée devient alors
le lieu de médiation entre l'ordre et le
progrès et celle armée marginalisée
par les intellectuels qui l'abhorrent, se
trouve en profonde mutation comme
le lieu privilégié de toutes les contra-
dictions.
Quel est alors le projet national propre
à l'armée elle-même, rl.ans la mesure
où elle ne vise pas uniquement le seul
exercice du pouvoir politique hégémo-
nique sur l'ensemble de la société ci-
SELECTIVE'
'OERVICE
........
L..c .... L.~p
(Playboy)
'1_ 23
vile, et dans la mesure aussi où son
noyau dirigeant, le corps des officiers,
ne résume par son programme au
putsch et à la technique du coup
d'Etat? On remarquera que, même
dans ce cas d'ailleurs, tous les mili-
taires venus au pouvoir dans le Tiers-
Monde s'assignent ouvertement deux
objectifs: l'indépendance et la moder-
nisation, puisque la bourgeoisie na-
tionale, sauf à quelques rares excep-
tions temporaires près, paraît incapa-
ble d'assurer le déracinement en pro-
fondeur de l'emprise impérialiste et
que celte même bourgeoisie paraît
assez peu soucieuse d'opérer la recon-
version de l'économie par l'industria-
lisation et le développement concerté
et planifié,
Le rôle des militaires se situerait donc
à leurs yeux, dans le contexte suivant:
introduire dans la société la moder-
nité économique en luttant contre le
retard scientifique et techn'~ue et les
blocages culturels. Evidemment. seule
la spécificité historique d'une nation
peut rendre compte de ses attitudes
vis-à-vis de la modernité scientifique
et technique et de ses capacités d'assi-
milation. Mais l'analyse schématique
conduit à réduire les facteurs de cette
spécificité et la modernisation pour la
modernisation va vite solliciter l'en-
thousiasme des cadres militaires dési-
reux d'agir sur la société. Par ailleurs,
leur formation professionnelle comporte
une forte proportion, qui va grandis-
sant, de matières scientifiques et de
connaissances techniques, et l'état
d'esprit qui imprègne cette formation
est dominé par le souci d'efficacité
maximale, puisqu'aussi bien l'objectif
est d'assurer le pouvoir par la puis-
sance. Et ce souci d'efficacilé s'accom-
pagne d'un mépris mal dissimulé pour
les considérations de rentabilité et de
coût de réalisation, l'armée étant
moins soumise aux exigences de l'éco-
nomie et de la plus-value.
LA LIAISON
ARMEE~ECHNOCRATES
C'est celte mentalité et celte formation,
en dépit de divergences cult e les et
théoriques, qui expliquent l'amalgame
qui se produit entre militaires el ca-
dres modernistes de la bourgeoisie na-
tionale, les technocrates comme on les
appelle. C'est du moins l'opinion
d'Anouar Abdelmalek. Il estime certes
qu'il y a des divergences entre les
deux groupes, les civils étant plus ou-
verts et les militaires davantage
concentrés dans un univers d'ordre
hiérarchique, de rigueur, de volonta-
risme et d'absolutisme intellectuel qui
débouche sur le totalitarisme en ma-
tière de pouvoir de décision. Muis, dit-
il, les militaires évoluent rapidement.
"Les années récentes ont vu la mon-
24 - '1
tée d'un nouveau type d'officier, véri-
tablement polytechnicien, homme de
guerre et de science, intelleciuel et ad-
ministra:eur. dont la volonté est tou-
jours d'assurer le pouvoir par la puis-
sance n.
Or, c'est ici le point fondamental de
rencontre avec les technocrates. En
eUet. ceux-ci. dans des sociétés où la
complexité est à la mesure du progrès
économique, en sont venus à se penser
comme les cadres les plus qualifiés
pour la gestion, puis pour la décision
économique. Puis, prenant conscience
de l'imbrication directe de l'économi-
que el du polilique. le pouvoir de
décision politique leur paraît égale-
ment devoir leur incomber.
Donc les technocrates envisagent aus-
si l'usage rationnel de la violence et
de la coercition dans le cadre de leur
volonté de puissance et, dans la fou-
lée, ils réalisent que l'armée est l'élé-
ment décisif au sein de l'appareil du
pouvoir. Les militaires, quant à eux,
peuvent être aussi hostiles aux tech-
nocrates qu'ils le sont viscéralement
aux politiques, mais ils peuvent cepen-
dant penser les utiliser dans le cadre
de la conjonction temporaire et secto-
rielle de leurs intérêts. face à l'insuf-
fisance des classes dirigeantes tradi-
tionnelles, Et l'on ne peut s'étonner
que les technocrates en viennent à
faire la même analyse vis-à-vis des
militaires. L'interpénétration entre les
deux groupes va croissant à mesure
que les militaires touchent à l'écono-
mie, à l'administration, à la gestion
et même aux sciences sociales.
ET LA DIMENSION
POLITIQUE?
Mais il y a quand même une contra-
diction, et de taiIle. Celle du pouvoir
de décision et de la dimension poli-
tique, Anouar Abdelmalek estime que
cette dimension politique revêt une
importance qui dépasse de loin celle
qu'on lui reconnaît dans les pays in-
dustrialisés dans les pays encore sou-
mis à l'impérialisme et au néo-impé-
rialisme ou qui viennent de s'en déga-
ger d'une manière plus ou moins radi-
cale.
C'est que tout est à faire ou à refaire,
que la libération nationale constitue
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A LAMALIF
le préalable à tout et que les pro-
blèmes de structuration nationale se
posent alors à paJ'tir d'une double
contrainte: celle de la luite POUl'
échapper à l'hégémonie impérialiste
et celle de la lutte contre le moi pro-
lond, les résistances, les traditions, les
mentalités. De ce fait, la dimension
politique en vient à commander la vie
quotid;enne et tout projet social. Dans
ce cadre donc, poUJ' les militaires, face
aux impératifs de la résurgence natio-
nale. puis de la survie, souvent pré-
caire, de l'indépendance dans le pro-
grès, les technocrates ne peuvent être
qu'une force d'appoint, appréciable
certes, mais à la limite, non détermi-
nante.
Or, dans le même temps, et pour les
mêmes raisons, puisque les problèmes
ne sont pas posés comme ils devraient
l'être. en termes de culture et de civi-
lisation, l'intellizentsia critique est mar-
ginalisée, c'est - à - dire étouffée, bien
que de ce fait même elle jouisse d'une
audience et d'un prestige accrus par-
mi les mases populaires,
La technocratie, et c'est également sa
force. se situe alors en un lieu inter-
médiaire entre l'Etat et l'intelligentsia.
Elle peut donc être appelée par les
militaires à une plus grande partici-
pation dans la programmation politi-
que. Tels sont les points de rencontre
immédiats. Ils sont importants et non
négligeables. Mais il reste cependant
que la vision d'une classe politique,
où les intellectuels et les politiques
occuperaient la place centrale, est très
éloignée de la mentalité des cadres
militaires. Et cela conduit à des im-
passes où se heurte leur action, et qui
sont mises au compte de l'inadéqua-
tion technique ou administrative, alors
qu'il s'agit d'un problème fondamen-
talement politique.
Bien sûr de telles approches ne sont
valables qu'autant que l'armée d'un
pays soit vraiment nationale et qu'au-
tant qu'on n'y introduit pas de corps
étrangers destinés à réduire les dan-
gers potentiels qu'elle recèle. Cepen-
dant, ces corps étrangers eux-mêmes
peuvent donner lieu à une accéléra-
tion du mûrissement de la volonté de
changement des militaires, par et pour
ear.
dix
•
raisons
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DOSSIER

LES TRAVAILLEURS MAGHREBINS EN EUROPE

par zakya daoud

 1971 : A Ivry, pour un pot <le yaourt
volé, la police française tire cinq
balles sur un ouvrier algérien affa-
mé, et l'assomme ensuite à coups
de pelle.
Prémonition sans doute de ce que
sera il y a quelques jours le meurtre
d'un autre ouvrier algérien dans un
commissariat de police français.
827 Algériens sont expulsés. A Tou-
louse, une famille nord-africaine est
expulsée en 24 h. parce qu'un enfant
de 9 ans, en compagnie de camarades
français, avait volé 75 frs. Plus de
56 Algériens sont agressés en 15
jours, 5 au moins en meurent.
1972: 5 marchands ambulants ma-
rocains sont molestés par des gar-
diens de la paix dans les rues de
Rouen. On les fr8lppe, on lâche sur
eux un chien policier et on les déleste
de leurs tapis pour la ridicule somme
de 5 frs.
- Une famille tunisienne es~ expul-
sée, après 6 ans de séjour, parce
qu'elle n'avait pas réuni en temps
suffisant les papiers nécessaires au
renouvellement de sa carte de séjour.
Ceux qui veulent la défendre sont
interrogés «sans tendresse» dans un
commissariat.
- Dans le Mistral, le train Marseille-
Paris, un Algérien, malmené et inju-
rié par les contrôleurs, se suicide par
électrocution. Le train s'arrête. C'est
un «incident technique ».
- A Mantes-la-Jolie, aux environs
de Paris, un ouvrier marocain entre
dans un café, boit une bière et de-
mande qu'on lui rende la monnaie
sur un billet de 10 frs. La police
l'appréhende, le frappe, l'enferme
dans les toilettes du commissariat et
le contraint, le lendemain matin, à
payer 5 frs, «pour 'la chambre~.
- Quelques Jours plus tard, dans la
même ville, trois ouvriers marocains
sont obligés de «rembourser» trois
képis de policiers qu'ils seraient cen-
sés avoir endommagés au cours d'un
contrôle d'identité.
- Citroën fait placarder des offres
d'emploi en recommandant aux Afri-
cains et Nord-Africains de s'abste-
nir.
- Le 25 août, en R}4'.A., un ouvrier
marocain de 29 ans est poursuivi par
un groupe de jeunes délinquants,
pourchassé, agressé, laissé sans
connaissance, et, pour finir, lapidé.
Décédé le lendemain.
C'était avant l'affaire de Munich et
la chasse aux Arabes à laquelle elle
a donné lieu ...
LA MONTEE
DU RACISME
Depuis 1971, le racisme sévit dans
toute l'Europe, principalement contre
les Nord-Africains,. et, par extension,
contre tous «les Arabes ». Il est ali-
menté circonstantiellement par divers
phénomènes, tels la crise pétrolière
franco-algérienne de l'an passé, res-
ponsable de la majorité des agres-
sions de 1971, et les retombées de
l'affaire de Munich, qui ont provoqué
en 1972 la nouvelle vague de racisme
an ti-arabe que l'on sai~. Mais, au-
delà de ces crises politiques, il existe
un racisme latent et sournois, ambi-
gu et diffus, sur lequel elles vien-
nent se greffer pour les acc~ntuer.
Si ce n'est pas tous les jours «la
chasse aux Arabes », les agressions,
les expulsions et les meurtres, les
ouvriers nord-africains sont soumi
tous les jours à des petites vexations,
à des brutalités discriminatoires, à
des injures, à des refus de louer,
d'embaucher, de servir, à des licen-
ciements abusifs, et même à une
répression qui s'exprime parfois par
les sinistres «ratonnades» que l'on
croyait terminées depuis la guerre
d'Algérie. Ils subissent une série de
petits faits quotidiens, tantôt rap-
portés par la presse, tantôt ignorés.
Des petits faits qui peuvent paraître
parfois sans importance mais dont le
renouvellement incessant prend l'en-
vergure d'un phénomène.
Il faut croire que ce phénomène com-
mence à être ressenti comme inquié-
tant, puisque le parlement français
a voté en 1972 une loi contre le
racisme qui inflige des peines sévè-
res à tous ceux qui se rendent cou-
pables de cette «lèpre grandissante»
pour parler comme le garde-des-
sceaux français, M. Pleven. Un délit
nouveau est stipulé: celui d'incita-
tion à la discrimination raciale et de
provocation à la haine ou à la vio-
lence raciste. Les injures proférées
contre quelqu'un en raison de son
origine ou de sa race sont punies
d'emprisonnement et d'amendes. Tout
un arsenal juridique est ainsi mis
sur pied pour combattre «ce poison
qu'est l'intolérance dont meurt une
société et dont le racisme est la for-
me la plus pernicieuse ».
LES TRAVAILLEURS
IMMIGRES REAGISSENT
Est-ce un hasard pourtant? Cette
loi, les débats qui l'entourent, les dé-
clarations auxquelles elle a donné
lieu, les délits qu'elle recense et ré-
prime, ont été entourés d'un halo
de silence et d'indifférence. C'est à
peine si les Français aujourd'hui sa-
vent que cette nouvelle loi les régit.
Et s'ils ne le savent pas, c'est qu'ils
ne veulent pas le savoir, d'abord
parce qu'ils ne veulent pas s'avouer
racistes et ensuite, parce que, collec-
tivement, ils le sont.
Mais, fort heureusement, cette loi
est connue 'des victimes du racisme
qui ont commencé à s'en servir. Les
5 marchands ambulants molestés à
Rouen ont porté plainte. Les gardiens
de la paix ont été condamnés. Le
patron d'un café de la Bourse à
Paris qui avait refusé de servir de
jeunes Marocains et Tunisiens a été
condamné lui aussi, à sa grande stu-
péfaction d'ailleurs, puisqu'il se dé-
clarait non-raciste. La famille tuni-
sienne qui devait être expulsée a
bénéficié de tout un courant de sym-
pathie dans les milieux intellectuels
français qui s'est même traduit par
une grève de la faim. Un voyageur
du Mistral a témoigné contre les
contrôleurs et informé l'opinion pu-
blique. La C.G.T. a publié un commu-
niqué contre les offres d'emploi de
Citroën. Les étudiants allemands ont
manifesté contre les expulsions des
ressortissants arabes.
Un double phénomène est donc en
cours. D'une part, les travailleurs
étrangers, notamment africains et
nord-africains dans les pays d'Euro-
pe, cette «armée de réserve indus-
trielle» pour parler comme Marx et
qui représentent de très loin la ma-
jorité des gens du Tiers-Monde vivant
en Europe, sortent peu à peu du si-
lence dans lequel la peur et l'exploi-
tation les confinait, et, d'autre part,
parmi les Européens eux-mêmes, un
courant de soutien encore limité à
certains milieux ouvriers, politiques,
et intellectuels, mais qui lui aussi
va grandissant, s'affirme contre le
racisme ambiant.
'1 _ 27
En France, c'est surtout depuis mai
196 , que les ouvriers immigrés du
Tiers-Monde ont pris conscience de
l urs droits et affirm leur volonté
de faire changer leurs conditions de
vie et de travail. Beaucoup l'ont
payé par des expulsions. Il n'empê-
che que le mouvement s'av re irré-
versible et qu'il se traduit par une
participation de plus en plus active
des ouvriers immigré aux luttes ou-
vrières françaises. L'exemple le plus
significatif, il est d'aiJ1eurs récent,
est le conflit de Pennaroya, lors du-
quel pendant 32 jours, 105 ouvriers
immigrés, en majorité Nord - afri-
cains, ont occupé la fonderie Pen-
naroya de Lyon. Cette grève a pro-
voqu' un intense mouvement de soli-
darité, non seulement parmi les tra-
vai11eurs français, mais aussi parmi
les paysans, et pour la première fois,
dans toute la France. Elle s'est ter-
minée par une victoire, l'amélioration
des salaires et des conditions de tra-
vail. Cette grève a changé l'image
que les immigrés avaient d'eux-mê-
mes et aussi celle que les Français
se faisaient d'eux.
UN CONFLIT
DE CIVILISATfON
Il Y a également eu au cours de ces
derniers mois, une multiplication des
grèves des loyers dans les taudis, les
garnis, les hôtels meublés, les im-
meubles désaffect s, loués à prix d'or
aux travai11eurs étrangers et dans
lesquels on les entasse comme du
bétail. Des «négriers », «des mar-
chands de sommeil» ont été séques-
trés. Les propriétaires ont parfois
réagi en coupant l'eau, l'électricité,
et en appelant les forces de l'ordre
à la rescousse. Les travai11eurs im-
migr's ont néanmoins tenu, et le
phénomène a fait boule de neige. On
comntait début 1972, 17 foyers d'im-
mig;és touchés par la grève des
loyers, dans la région parisienne.
1: va néanmoins sans dire que ces
réactions contre l'exploitation du tra-
vail et l'exploitation du sommeil pro-
voquent en corollair une nouvelle
flambée de racisme. Cependant il a
quand même des raisons plus pro-
fondes. Ainsi, le problème palestinien
dont ont directement pâtit les 50 à
60.00 arabes de R.F.A. dont près de
la moitié sont Marocains, et, indi-
rectement tous les immigrés arabes
d'Europe, a fait résurgir le tradi-
tionnel conflit entre les Arabes et
l'Occident. Entre les Arabes et les
Occidentaux, le compte à régler re-
monte aux Croisades, et, aussi pa-
radoxal que cela puisse paraître, il
n'est pas réglé, la colonisation aidant,
une colonisation qui avait dans ce
cas pratiquement un caractère de
revanche. Les guerres coloniales, la
28 _ '1
guerre d'Algérie surtout, l'ont aggra-
vé.
C' st véritablement un conflit de civi-
lisalion. Pour les Arabes, l'Occident
est ft l'autre '" mais, pour l'Occident,
les Arabes, ce sont «les autres)J. Il
est donc certain à la faveur du pro-
bl' me palestinien comme de tout au-
tre conflit opposant les Arabes aux
Européens, que les vieilles rancœurs,
les vieilles haines résurgissent, d'au-
tant plus qu'elles étaient, qu'elles
ont toujours été latentes. Tous les
observateurs européens témoignent
du fait que si le racisme contre les
noirs est important, il n'atteint ja-
mais les dimensions qu'il a v:s-à-vis
des Nord-Africains. D'un côté, vis-à-
vis des noirs, il yale racisme mépri-
sant, de l'autre, vis-à-vis des Ara-
bes, il yale racisme haineux, ali-
menté par tous les prétextes e': toutes
les conjonctures.
LE SEUIL DE TOLERANCE
EST ATTEINT
Mais, dans cette nouvelle flambée de
racisme, il y a aussi le fa;t qu'en
Europe, et particulièrement en R.F.A.
et en France, le nombre des étrangers
immigrés grandit constamment et
atteint 6 à 7 % de la population.
Or, les sociologues sont d'accord pour
fixer à 10 % le seuil de tolérance
au delà duquel, dans J'entreprise, le
logement, la vie quotidienne, la pré-
sence d'immigrés provoque une aller-
gie sociale, la xénophobie et les af-
frontements. Ce niveau critique est
donc proche et l'intolérance s'étend
d'autant plus que, depuis 1971, une
certaine récession et une aggravation
du chômage (25 % en France) se
sont manifestées en France et en Al-
lemagne. Et, comme toujours dans les
p riodes de déséquilibre ou de muta-
tions économiques, le racisme s'affer-
mit. Les cris de «ils nous prennent
notre pain, nos maisons, notre tra-
vail» fusent avec une vigueur accrue
et le gouvernement français, a pour
la première fois, manifesté le souci
d'endiguer l'immigration, de la ren-
dre soi-disant convenable, mais, sur-
tout, de la contrôler et de la réduire.
Il est d'ailleurs symptomatique de
constater que le premier contrôle
opéré l'a été sur l'immigration
algérienne dont le contingent annuel
a été diminué de 10.000, passant de
35.000 à 25.000, dans le mêm temps
d'ailleurs où le contingent portugais
était porté à 65.000.
Ce sont les classes moyennes et celles
qui sont les plus défavorisées, .qui
se sentent menacées dans leur evo-
lution sociale et dans leur avenir éco-
nomique, qui sont responsables de
cette xénophobie grandi!' ante. s
enquêtes ffectuées ces dernicres an-
nées en France t<:nt révéla rices d.
cet égard, même s: elles t6moignent
d'un raci me plus sou--jacent qu'af-
firmé, car c'est un sentiment si irrai-
sonné que l'on a hon'e de le mani-
fester clairement. AInsi on se re-
tranche dans les réponses, sûr les
attitudes des autres. Je connais de'
gens, dit une personne interrogée,
qui... plutôt que de se trouver ass.s
dans le métro en face d'un Arabe,
préfèrent attendre sur le quai la ra-
me suivante~. Les • ord - Africains
sont cependant perçus g,obalement
comme "sales- J>, '" misérables "', .. dé-
paysés », • malades , 'mal habillés ,
e~, surtout, Llrtcut, différen~3: ' Ils
ont de ces mœurs », If ils ont une fa-
çon de regarder ,), ils font peur D. SI
différents qu'ils gênent, et qu'on es
mal à l'aise, même pour en par:er.
UN PHENOMENE
CUMULATIF
Ces sentiments sont d'autant plus
dangereux que le racismz, préjugé
social, acquis et transmis, est cumu-
latif. C'est un véritable Ct:i\.;~ vicieux:
rejetant le groupe le plus faible, on
l'empêche de s'éduquer e~ parce qu'il
n'est pas éduqué, on le rejette et on
justifie la position subalterne qu'on
lui attribue. Ainsi, on dit couram-
ment en France surtout que les
« les Nord-Africains s:mt sales et ai-
ment la promiscuité », en foi de quoi,
aucun propriétaire ne veut les loger.
De ce fait, ils ne trouvent que des
logements dégradés et surpeuplés, et
ils sont donc effectivement sales et
vivant dans la promiscuité.
Or, si l'attitude des travail1eurs a
consiàérablement évolué ces derniè-
res années à l'égard des travailleur
immigrés, si l'action de syndicats
a porté là se fruits, si le clas"es
bourgeoises se sentent peu concer-
nées par le problème, tout en sachant
parfaitement quel profit l'économie
fr~l~a:se cn retire, les m;:mifestation
de rici::mz !:cnt le fait des petits et
moyens bourgeo:s que leur position
d'intermédiaires sociaux conduit :\
une si~ u:l.tion d'incertitude et qui se
montrent s;)ucleux d'une promotion
sociale dent ils entent qu'clle leur
échappe chaque feis qu'ils croient
l'atteindre, et les la se le plus
défavorisées de la sociét' et même
du monde cuvrier. Il e t courant de
dire, par ex mple, que les travailleur
immigrés font to lS le travaux sale~.
rebutants, p nibles, dangereux, de-
gradants et ous-pay 's, m; on ne
peut pa d mander aux travailleurs
européens qui les partagent encore
avec eux d'en convenir. Dans ce der-
nier cas le racisme a l'évidente fonc-
tion de maintenir un groupe de la
population dails une position subal-
terne pour tenter de ju tifier sa pro-
pre supériorité. Dans le premier cas,
par contre, le racisme est une ma-
nière de manifester l'inquiétude et
l'agressivité face à l'avenir t la mé-
fiance pour tout ce qui est étranger
et qui est donc suspect de vouloir
bouleverser l'ordre hab~tuel des cho-
ses. Ce sentimeilts sont alimenté3
par une presse d'un raci me farou-
che qui a pris l'habitude depuis long-
temps, d'imputer aux étrangers et
spécialement aux Nord-Africains, les
viols, les meurtres, e~ les délits les
plus graves, en dépit du fait, atte:;té
et confirmé par les statistiques, qu'à
toutes proportions égales, les délits
sont bien moindres dans les commu-
na;Jt 's étrangères d'Europe que par-
mi les Européens elL'{-mêmes.
Ce racisme pèse d'un poids très lour-d
sur la situation des travailleurs im-
migrés, il rend leur sort aléatoire. On
peut même dire sans risques d'er-
reurs, que tous les maux dent souf-
frent les travailleurs marocains, al-
gériens, tunisiens, sénégalais, ma-
liens, portugais, espagnols, dans les
pays d'Europe occidentale, ne sont
que la conséquence directe du racis-
me exercé à leur encontre.
RESPONSABLES DU TIERS
DE L'ACCROISSEMENT
INDUSTRIEL EUROPEEN
Et pourtant, comme l'a écrit Pierre
Viansson Ponté dans «Le Monoe» :
« Quand les Français crient: «Qu'ils
l'etournent vivre ou crever chez eux,
la France aux Français.p, si par
malheur ils étaient écoutés, ils ver-
raient tous leurs chantiers et bien
des usines s'arrêter et bientôt leur
niveau de vie baisser, faute d'ouvriers
nord-africains et portugais, sans par-
ler des bonnes espagnoles, des ba-
layeurs noirs et des postiers antillais.
Si ces Français là n'ont pas la recon-
nais~ance du cœur, qu'ils aient au
moins celle du ventre, et qu'ils n'ou-
blient pas trop vite, que, dans leur
pays, 10 millions de citoyens comp-
tent un ou plusieurs de ces étrangers
détestés ou méprisés, parmi leurs
azcendants des quatre générations
antérieures ».
Car les travailleurs étrangers en
France ou ailleurs, ne sont pas re-
cueillis par charité. Tout au contrai-
re, ils font marcher pour environ
le tiers, la machine industrielle euro-
péenne, qui, faute de leur concours,
se réduirait, entrainant toute l'Europe
dans une récession analogue à cel1e
qui a frappé les U.S.A. au début
du siècle.
E. QUETE D'EMPLOI
Or, de ceci, les Européens sont très
mal iilformés, on les a, à dessein d ail-
leurs, mal informés, pour que cette
armée de réserve indispensable, soit
tenue dans des conditions de vie et
de travail qui la rendent mal1éable.
Pourtant, en l'absence des travail-
leurs immigrés, l'économie allemande
aurait été en état de «suremploi ».
L'embauche de la main - d'œuvre
étrangère a permis de rétablir l'équi-
libre sans compromettre le niveau de
vie allemand. Et, en 1965, 1967, en
basse conjoncture, on a littéralement
jeté dehors 250.000 travailleurs immi-
grés. De cette façon on exporte le
chômage et on atténue les tensions
sociales des pays capitalistes en proie
à des fluctuations économiques.
La France, du fait de son intégration
au Marché Commun avait besoin
d'augmenter la capacité technique de
ses industries. de réduire les coûts
unitaires de production, e~, pour ce
faire, de créer une masse de salaires
très bas. Elle n'y est parvenue qu'en
ayant recours à l'immigration. Tou-
jours en France, les travailleurs im-
migrés sont responsables du quart de
la croissance économique. Ils repré-
sentent 20 % des ouvriers de l'indus-
trie. C'est-à-dire que, sans eux, la
machine productive devrait se ralen-
tir. En effet, les travailleurs immi-
grés repré3entent 35,6 % des effec-
tifs globaux de l'industrie du bâti-
ment, 22,3 % de ceux des mines,
11,55 % de ceux des industries de la
construction, 13,5 % de ceux des
industries mécaniques, 6,9 o/c de ceux
des industries chimiques, 6,42 % de
ceux des industries textiles 6,37 %
de ceux de3 industries de transfor-
mation et 5,80 % du commerce. En
1970 et 1971, 20.000 travailleurs
étrangers ont été embauchés dans
,
l'agriculture et les forê~s, 36.000 dans
le secteur tertiaire et 118.747 en
1970, contre 77.055 en 1971, dans les
industries.
Et, si 57 % des travailleurs immigrés
sont des ouvriers qua 1 i fié s, on
compte parmi eux 2 % d'employés,
de cadres et de techniciens. Pour
57.080 manœuvres immigrés engagés
en 1971, il Y avait 41.451 ouvriers
spécialisés (dont le nombre augmen-
te) et 35.000 ouvriers qualifiés ainsi
que 2.742 cadres et techniciens.
UNE FONCTION
DEMOGRAPHIQUE
Mais cet impact n'est pas le seul
bénéfice retiré par l'Europe de l'em-
ploi des travailleurs immigrés. Il y a
aussi le fait que les bas salaires
alloués à l'immigration constituent
une mesure anti-inflationniste, le fait
que la mobilité géographique et sec-
torielle des travailleurs immigrés per-
met de diminuer les tensions existant
entre zones et activités, le fait, aussi
que l'immigration a permis le sau-
vetage de certaines entreprises m">.r-
ginales, condamnées, sans cet apport
de main-d'œuvre bon marché à fer-
mer ou à. se concentrer. Enfin, le
fait que si le sur-travail, la plus va-
lue supplémentaire retirés du travail
des étrangers profitent à tous les
Français (et par extension à tous
les Européens) qui voient leur niveau
de vie s'améliorer, l'immigration cons-
titue une aide quasi-directe accordée
aux employeurs européens. A cet
égard, M. Pompidou, dans une confé-
rence de pres e a été net: «L'im-
migration, a-t-il dit, est un moyen
de créer une certaine détente sur le
marché du travail et de résister à la
pression sociale ».
~ - 29
 D plus, en France notamment, les
travailleurs immigrés ont aussi une
fonction d mographiquc: sans leur
concours, la pyramide des âges en
France serait telle qu'i! y aurait 153
inactifs pour 100 actifs, 100 actifs qui
seraient donc contraints de nourrir
153 non-actifs. Leur présence inverse
le processus, et s'ils représentent 6 %
de la population française ils sont
responsables, à plus de 50 %, de
son accroissement, d'une part, par
leur venue, et, d'autre part, grâce
aux naissances enregistrées dans leur
groupe. il naît chaque année en Fran-
ce 60.000 enfants de père étranger
(1 sur 12) soit toute proportion gar-
dée, 5 fois plus que de père fran-
çais. Les travailleurs immigrés cons-
tituent un frein au vieillissement de
la France et, sur ce plan aussi, leur
apport est vital.
UNE ECONOMIE
DE 50 MILLIARDS DE DOLLARS
Sur le plan social, les théories racis-
tes veulent que les travailleurs immi-
grés, pauvres, malades, misérables et
inadaptés grèvent le budget social de
la France. Il n'en est rien tout au
contraire. Tout d'abord en acceptant
les travaux les plus rebutants et les
moins payés, les travailleurs étran-
gers participent directement à la
promotion sociale des travailleurs
français. Ensuite, on les emploie sans
avoir supporté les frais d'éducation
de leur premier âge, de santé, de
nourriture, si minime soient-ils, que
l'O.C.D.E. a chiffré à 3.000 dollars
par tête pour un non-Européen, et à
10.000 dollars par tête pour un Eu-
ropéen. Sans aussi supporter leurs
frais de vieillesse puisqu'ils retour-
nent dans la majorité finir leur vie
dans leur pays. Cette économie en «in-
vestissement humain» a, été chif-
frée par l'O. C. D. E. à 50 milliards
de dollars. Enfin, ce sont les travail-
leurs immigrés qui alimentent dans
une proportion assez forte les caisses
d'allocation familiale et les fonds
d'aide sociale destinés théoriquement
à leur construire des logements. p
le biais de la compensation opérée,
entre les cotisations sociales versées
en France et celles versées dans le
pays d'origine. Cela fait une somme
non négligeable puisque les alloca-
tions familiales sont, en France de
500 frs pour 4 enfants et un salaire
unique, de 71 frs au Portugal, de
120 frs en Algérie, et.de 180 frs en
Espagne.
DES CADENCES DOUBLEES
OU TRIPLEES
Cette situation donne la mesure de
l'injustice et de la discrimination exer-
30 - '1
cées en Europe à l'encontre des tra-
vailleurs immigrés. Car, non seule-
ment, ils souffrent du racisme, mais
encore ils sont exploités dans leur
travail, ce qu'on veut généralement
ne pas croire. Les statistiques ren-
dues publiques en France prouvent
que les travailleurs immigrés tou-
chent 3 Cft: de moins que leurs collè-
gues français dans le bâtiment et
de 15 à 25 'k de moins dans le reste
de l'industrie. On sait aussi les éco-
nomies réalisées à leur encontre sur
les heures supplémentaires, les pri-
mes de toutes sortes. et même les
allocations sociales, de même d'ail-
leurs que le chantage au travail. Les
ntreprises de travail temporaire sont
passées maitresses dans cette sur-
exploitation en relouant le double du
prix qu'elles leur allouent. les tra-
vailleurs immigrés à des entreprises
industrielles. Il est en de même pour
tous les négriers professionnels, des
vendeurs de passeports, aux passeurs
et des racoleurs aux policiers d'entre-
prise.
Il faut également souligner que les
travailleurs immigrés sont plus sou-
mis au chômage que leurs collègues
français, ce que 64 % de ceux-ci, in-
terrogés par l'I.F.O.P., trouvent nor-
mal et souhaitable.
Les détails les plus sordides de cette
surexploitation sont cependant restés
dans l'ombre à dessein. Mais deux
exemples en font foi: dans certaines
entreprises il y a des chaînes spé-
ciales pour les travailleurs étrangers
où l'on double, voire même triple, les
cadences, et 10,6 % des travailleurs
immigrés, notamment les travailleurs
maghrébins sont victimes d'accidents
du travail, contre 2,6 % pour J'en-
semble de la classe ouvrière. Ils sont
également 2 à 6 fois plus hospitalisés
que les travailleurs français.
Après l'exploitation dans le travail,
il y a l'exploitation dans le logement
sur laquelle l'attention de l'opinion
publique a été particulièrement atti·
rée, depuis, surtout, que 5 travailleurs
maliens ont trouvé la mort, en 1970.
dans l'incendie d'un dépôt-dortoir à
Aubervilliers. Depuis, sans compter
tout ce que l'on ne sait pas, une
famille portugaise a péri carbonisée à
Villeneuve-le-Roi, de même que 2
enfants marocains, 3 enfants espa-
gnols, et 3 enfants algériens.
COMME
DES RATS
L'attention a également été attirée
sur les bidonvilles, surtout dans la
r gion de ParIs et celle de Marseille,
qui recueillent 92 % d'étrangers, mais
ne concernent finalement que 3 %
d'entre eux. rais, outre le fal qu'une
lutte sévère e t actuellemen menée
en France pour leur résorption, et
que 40.000 personnes ont é é relogées
sur environ 75.346, le véritab e pro-
blème n'est pas là. Le véritable pro-
blème réside dans les taudis miséra-
bles, les caves et le usines désaf-
fectées, les immeubles vét tes en
VOle de rénovation, les pavillons de
banlieue squattéri és, les H.L.~ L
transformés en ghettos. sous-loués et
reloués à des prix exhorbltants par
des marchands de sommeil qui font
occuper les lits 24 h. sur 24, qui en-
tassent 400 personnes dans une vieillE:
imprimerie en les faisant payer cha-
cune 50 à 70 frs par mois, qui, aussi,
ce ne sont que des exemples, confi-
nent 50 personnes dans un pavillon
de 5 pièces pour 70 frs par mois
chacune. Le véritable problème réside
dans le fait que l'on a b<;soin des
étrangers pendant les heures de tra-
vail, mais que personne n'en veut
le reste du emps, et que l'on n'a
pas prévu pour eux de meubles de
rangement. On les refoule à la péri-
phérie des villes, on les refoule en-
core quand on veut construire un
quartier périphérique ou quand on
veut rénover les quartiers désaffec-
tés des centres, et on les contraint
à se terrer, la nuit, comme des rats.
Actuellement, en France, les travail-
leurs immigrés sont incapables de
trouver un logement décent, à cause
de la pénurie de logements sur le
marché français, du manque d'infor-
mation, de l'inadaptation et surtout
du racisme qui crée, là encore, un
cercle vicieux. C'est ce que Paulette
et Pierre Calame appellent dans leur
livre «Les travailleurs étrangers en
France '>, «l'utilité négative ». Les
marchés du logement pour les étran-
gers et pour les Français sont dis-
joints. Les premiers ne peuvent espé-
rer se loger que grâce à un marché
parallèle «noir» dans tous les sens
du terme, qui se renforce avec l'in-
adaptation et le racisme et qui est
renforcé par eux. Ils ne peuvent donc
se loger que dans des logement c ré-
cupérés» sur le mar hé franç:ais, ce
qui accentue la pénurie, laquelle est
d'ailleurs encouragée par tous les
marchands de sommeil soucieux de
poursuivre leur chantage au logement
et dont il est symptomatique de consi-
dérer que, lorsqu'ils sont Français ils
appartiennent à la catégorie des
anciens militaires, gendarmes et co-
loniaux. Mais ils sont aussi et le plus
souvent Africains.
Les effets du relogement s'annihilent
d'eux-mêmes d'autant plus qu'ils sont
minimes et qu'ils ont entravés par
le manque de terrains disponibles,
l'absence de promoteurs, les réticen-
ces des mairies et des municipalités
et les normes et les procédures de
financement.
LA DEGRADATION PHYSIQUE
AUGMENTE
LA VALEUR VENALE
De ce fait, les immigrés s'entassent
dans les H.L.M. qui se dégradent
et il est, en effet, tentant de trans-
former toujours plus de logements
pour Français en logements pour
étrangers puisque même leur dégra-
dation physique augmente alors leur
valeur vénale. Les cités de transit
proposées ne sont pas une bonne
solution, car elles deviennent perma-
nentes, non plus que les foyers pour
travailleurs célibataires (30.000 lits
construits dans la région parisienne)
où le contrôle très strict, les inter-
dictions de recevoir et de sortir, ac-
croissent le désarroi psychologique
des immigrés. De plus, dans certains
foyers, construits grâce à l'argent
des travailleurs immigrés on leur fait
payer le téléphone 1 fr. et le droit
de regarder la télévision 5 frs. TI
s'agit donc de prisons très chères.
Cette situation dramatique, plus dra-
matique encore que ne l'est l'excrois-
sance spectaculaire des bidonvilles,
aggrave la désillusion des travail-
leurs immigrés, qui, dans leur majo-
rité, et malgré leurs ressources ré-
duites et leur volonté de prélever
sur leurs salaires les sommes à en-
voyer au pays, ont une très forte
aspiration à des logements décents,
conscients qu'ils sont qu'un logement
non satisfaisant accroit les substi-
tuts, café, alcool, jeu, qui sont fina-
lement plu s onéreux. D'ailleurs,
contrairement aux opinions admises,
les conditions climatiques aidant, les
travailleurs immigrés sont générale-
ment plus mal logés en Europe qUf'
dans leurs pays d'origine.
Actuellement, alors que certaines
mesures de résorption des bidonvilles
et certains efforts de construction
sont en cours en France, le principal
danger réside dans l'accentuation et
dans la multiplication des ghettos.
qui accroissent fondamentalement
l'inadaptation dont souffrent les tra-
vailleurs immigrés. Les réflexes ra-
cistes et les préjugés sociaux s'en
trouvent alors renforcés dans les
deux sens, puisque le repli sur soi des
communautés étrangères accentue le
phénomène de rejet à leur encontre.
Si le ghetto est créé par le racisme,
il crée lui-même le racisme. La seule
solution entrevue, serait que les em-
ployeurs, principaux bénéficiaires de
l'emploi de la main-d'œuvre étran-
gère, contribuent davantage à leur
logement, ce qu'ils ne font actuel-
lement que dans une proportion de
20 %'
LES GHETTOS:
ECRAN OU REMPART?
Tous ces problèmes sont aggravés
dans le cas de la présence des fa-
milles. Il y a d'abord le cas des
enfants. On dénombre en France
700.000 enfants d'immio-rés à scola-
r.sar qui sont très défavorisés. Ils
s'adaptent mal à l'enseignement fran-
çait et très peu parviennent à la fin
du secondaire. Aux obstacles maté-
riels et culturels s'ajoutent l'inadap-
taLon des familles, leur déracinement
e~ le barraje de la langue. Des clas-
ses d'initiation sont prévues, mais il
n'en existe que 250 pour toute la
France et il a été dénoncé le fait
qu'elles pouvaient être des « machines
à franciser)).
De plus, dans le cas où les enfants
s'adaptent à l'école et à la société
d'accueil, ils se heurtent alors à leurs
parents. Le problème le plus grave
est, à beaucoup d'égard celui des
adolescents, vis-à-vis desquels le
groupe forme un écran trop opaque,
mais un rempart trop mince. Ils sont
souvent désœuvrés et à la limite de
la délinquance. Ils sont à cheval sur
deux cultures et adoptent parfois ce
que l'on appelle « un traditionnalis-
me du désespoir », qui est d'autant
plus grave qu'il y a appauvrissement
progressif de la culture d'origine et
'1 _ 31
adaptaticn d vian te à la société in-
dustrielle. P. et P. Calame estiment
ainsi que les familles immigrée en
viennent à tre d s sous-prolétaires,
terme auquel ils attribuent un sens
plu culturel qu'économique, alors
qu'elles ne l'étaient pas à leur arrivée,
parce qu'elles voudraient s'adapter
mais qu'on ne leur en donne pas les
moyens.

L'adaptation d'une famille dépend

surtout du logement et de la femme.
mais celle-ci, dans la majorité des
cas apparaît comme la grande victi-
me de la rupture brutale de la tra-
àition, et le conflit qui en résulte, se
répercute Sè!r la génération suivante.
celle des jeunes filles. En règle géné-
rale pourtant, les enfants sont un
puissant agent d'intégration familial.

SuIs ils arrivent à rompre le repli

sur soi, le réflexe défensif que pro-
voquent l'i olement et le racisme, les
dilficultés de dialogue, l'analphabé-
tisme et l'absence d'information. Mais
encore faut-il que les moyens leur
en soient donnés.

TI faut aussi noter que le sort des

immigrés change fondamentalement
dans le cas de la présence de leur
famille. Celle-ci leur crée des besoins
nouveaux qui font que le retour au
pays devient généralement très diffi-
cile. Celui-ci alors n'est que la consé-
quence d'une promotion ou celle d'un
échec total, échec qui pourtant atteint
25 à 35 o/c des familles, marginalisées
et inadaptées qui ne voient alors de
salut que dans la fuite. Tous ces pro-
blèmes font qu'il y a actuellement
en France tout un mouvement qui
se développe pour refuser les familles,
notamment maghrébines, jugées inca-
pables de s'adapter et pour n'accep-
ter en tant que travailleurs immigrés
que les célibataires, pour une durée
temporaire, qui eux, développent
«une philosophie de passage ~ esti-
mée plus acceptable.
L'ARGENT
ET L'EVASION
On sait naturellement ce qu'ils vien-
nent chercher en Europe. Repoussés
par le chômage et le sous-emploi dans
leur pays, par la misère et par le
dégoût, ils sont attirés par le désir
de gagner de l'argent et aussi par
celui de fuir. Mais on doit recon-
naître que chez les jeunes notamment
se développe une mentalité qui fait
pratiquement encore plus droit au
désir d'émancipation et d'évasion. Et
il a été remarqué le fait, tr s impor-
tant, que, dans la plupart des cas,
les travailleurs qui partent étaient
employés dans leur pays, ou même
s'ils n'avaient pas de travail (c'est-
à-dire s'ils étaient semi - employés
dans l'agriculture et le commerce fa-
milial) ne se sont même pas donné
la peine de prospecter vra:ment le
marché du travail qui leur était of-
fert, persuadés qu'ils étaien~ qu'ils
ne trouveraient pas de place et aussi
poussés par la volonté puissante d'im-
migrer. La présence d'un ami, de
quelqu'un de la ville ou du village
d'or:gine en Europe détermine le
choix du lieu d'immigration et c'est
le phénomène bien connu de la « bou-
le de neige» qui, dans le cas parti-
culier du Maroc est très important.
Les immigrés ont aussi une vision
mythique de l'Europe, surtout de la
Suède et de la France. D'où une plus
for e désillusion, d'où aussi un choc
fondamental à l'arrivée et le fait que
le contact avec une société à la fois
différente et hostile bouleverse pro-
fondément les immigrés, et provoqu~
des déchirements et des contradic-
tions, des désirs et des besoins dont
on mesure encore mal l'ampleur.
En général, ce choc et cet~e désillu-
sion sont tels que le travailleur se
replie sur lui, et sur son groupe et
ne pense plus qu'à accumuler l'ar-
gent, à for e de travail et de priva-
tions, pour l' nvoyer au pays et aussi
pour se pl' parer un avenir à son
retour.
Mais si te! est le schéma générale-
ment admis, les statistiques man-
quent peur l'étayer. On connaît mal,
en effet, le nombre des familles d'im-
migrés qui s'intègrent et aussi, et
peut-être surtout, celui des céliba-
taires qui se fixent d'une manière
permanente.
On ne connaît pas le nombre de ceux
qui rentreront au pays après un laps
de temps plus ou moL'1S réduit, soit
parce qu'ils n'en peuvent plus, soit
parce qu'ils ont suffisamment accu-
mulé, soit encore qu'une formation
professionnelle acquise sur le tas
leur fasse espérer un emploi meilleur
au pays. On ignore le nombre de
ceux qui ne rentreront qu'à la fin
de leur vie active, pour la retraite,
ceux qui ne voient d'espoir de retour
que dans leurs enfants et ceux qui
ne rentreront jamais.
LES NATURALISATIONS
En France, on a dénombré 20.307
naturalisations en 1963, 17. 10 en
1964, 22.874 en 1966 et 45.663 en
1967. Pal' ordre d'importance, elle
seraient le fait d'Italiens, d'Espa-
gnols, de Tunisiens, de Polonais et de
Marocains. On estime généralement
en Franc que, sur 3.500.000 immi-
grés à l'heure actuelle, les 592.790
Italiens qui restent sont plus ou
moins intégrés, comme les 107.370

32 - '1

ENCORE
DE R 1'['0 NADE
Polonais, les 65.000 Belges et les
42.000 Allemands. Et si l'immigration
espagnole, forte actuellement de
645.705 personnes et qui commence
à amorcer une courbe descendante,
doit réintégrer l'Espagne dans une
assez forte proportion, comme les
65.040 Yougoslaves, on pense qu'il en
sera de même pour l'immigration
portugaise, de beaucoup la plus im-
portante ces dernières années et qui
est responsable de la moitié des en-
trées en 1969, 1970 et 1971. Les Por-
tugais sont 607.070 en France.
Le Ministère français des AfÏaires
Sociales a élaboré une doctrine qui
vise à fixer et à assimiler les immi-
grés par un processus de naturali-
sation facilitée. Cette doctrine n'est
toutefois valable que pour les immi-
grés européens. Dans une telle opti-
que, si les Portugais et les Espagnols
présentent encore un cas à part, vis-
à-vis duquel toutes les hypothèses
sont permises, les véritables immigrés
de la France ne seraient alors que
les 650.000 Algériens (17,68 % du
total), les 170.000 Marocains
(3.31 %), les 96.800 Tunisiens
(2,25 %), les 65.000 Africains noirs
dont 20.000 Sénégalais, et, aussi, pa-
radoxalement, les 150.000 Antillais,
Martiniquais, Guyanais, Français de
nationalité, mais contre lesquels
s'exerce la m -me xénophobie.
Et, toujours hormis le cas, provisoire
qu'il soit réglé par retour ou par
assimilation de Espagnols et des
Portugai, malgré les restrictions
exercées depuis 1971 contre l'afflux
de l'immigration en France (195.130
entrées en 1969, 212.7 5 en 1970,
177.377 en 1971, 150.000 en 1972,
san compter les entrées clandestines
plus ou moins régularis 'es, dans une
proportion de 60 % apI" s, mais uni-
quement de 23 % pour les Africains),
il est certain que l'émigration ma-
ghrébine et africaine en France est
destinée à s'accentuer. En dépit donc
de toutes les réglementations, de tous
les obstacles, et de tout le racisme;
les 900.000 Maghrébins et les 65.000
Africains qui vivent à l'heure actuel-
le en France, doivent voir leur nom-
bre grandir au fil des années, ne
serait-ce que par le fait que le phé-
nomène de départ et d'arrivée qu'ils
représentent résulte d'un besoin et du
pays d'origine et du pays d'accueil.
La France va donc voir et de plus
en plus un afflux de travailleurs du
Tiers-Monde, justement ceux contre
lesquels s'exerce le plus le racisme.
S'il ne faut pas sous-estimer les
problèmes sociaux qui en résulteront
pour elle, il faut aussi chiffrer l'im-
pact que cela aura, a déjà, notam-
ment, pour les pays africains et ma-
ghrébins.
UNE PONCTION
SUR LE TIERS-MONDE
On se doute bien que les profits reti-
rés par l'Europe de l'emploi des tra-
vailleurs immigrés, se traduisent, en
corollaire par des pertes correspon-
dantes pour les pays d'origine, spé-
cialement du Tiers - Monde, encore
plus défavorisés. On est là aussi très
loin des idées reçues qui voudraient
que l'Europe, en employant ces tra-
vailleurs rende service à leurs pays
d'origine d'une part, en employant
une main-d'œuvre en surplus réduite
au chômage et d'autre part en ali-
mentant ainsi en devises les balances
extérieures des nations défavorisées.
Certes, cela est vrai, mais il faut
bien dire que les profits immédiats
que les pays d'origine retirent de
l'exportation de leurs travailleurs ne
peuvent pourtant pas compenser la
déperdition qui en résulte pour eux
globalement et à plus longue échéan-
ce.
Les 3/4 des immigrés sont des adul-
tes actifs et ce qu'ils apportent à
l'économie européenne, ils ne l'appor-
tent pas chez eux. De plus leur pays
supporte pour eux ce que l'on appelle
«le coût de formation et le coût
de renouvellement de la main-d'œu-
vre» sans pouvoir le rentabiliser et
le concrétiser. En outre, ceux qui
rentrent au bout de quelqJes années
se sont infligés de telles privations
et de tels rythmes de travail, qu'ils
sont le plus souvent physiquement
épuisés. Cela est par tic u l i ère -
men t dramatique dans des pays
qui, comme le Maroc, exportent leurs
travailleurs et importent des coopé-
rants étrangers comme cadres et
techniciens.
De plus, la solution de l'immigration
retarde et masque les difficultés réel-
les du décollage économique et accen-
tue la démobilisation civique et so-
ciale, ce qui est encore aggravé en
cas àe non retour ou de fb<ation
familiale provisoire ou définitive. On
peut donc mesurer que loin d'être une
aide au Tiers-Monde, l'immigration
des travailleurs est au contraire une
nouvelle ponction opérée sur le Tiers-
Monde. Cette ponction aurait pu être
compensée par une formation profes-
sionnelle qui seule aurait pu être une
contrepartie réelle de l'emploi des
travailleurs étrangers en France par
exemple. Mais outre que, lorsqu'elle
existe, cette formation est plus diri-
gée vers les besoins du pays hôte que
du pays d'origine, elle ne concernait
en France en 1972 que 20.000 travail-
leurs étrangers sur 3.500.000.
UNE FORME
DE BRASSAGE
Le seul exemple de formation effi-
cace et ayant servi au pays d'origine
est celle du complexe d'Annaba en
Algérie où sont employés en majo-
rité d'ex-travailleurs immigrés. C'est
un cas pratiquement unique, mais qui
n'a pu réussir que parce que les
Algériens ont contacté eux - mê-
mes leurs immigrés en Europe et
leur ont offert des salaires analogues
à ceux qu'ils avaient à l'étranger. Les
pays du Tiers-Monde sont dans l'im-
migration d 0 u b 1 e men t pénalisés.
D'une part on leur dit que leurs
ressortissants sont inassimilables, ils
sont sujets au racisme, ils entrent
clandestinement en France avec tout
ce que cela comporte, et s'ils s'intè-
grent ils ne repartent plus. Là en-
core l'effort algérien, récent, est à
remarquer: les 230.000 jeunes et
enfants des 650.000 Algériens de
France sont en voie d'encadrement
algérien, on les arabise, on le envoie
en Algérie en colonies de vacances,
on a créé pour eux de structures
"1 - 33
 yndicales et culturelles qui tendent
à 1 ratta h r à leur pays d'origine.
Cela indique la voie à suivre pour
éviter le r jets, les dévalorisation
culturelle et sociales, et les protes-
tations.
Mais l'immigration avec tous ses
aléas et toutes ses tares, représente
un phénomène destiné à marquer le
monde actuel, un phénomène aussi
important que l'internationalisation
du capital. Grâce à elle, grâce aux
mutations progressives des traditions,
des mentalités qu'elle occasionne, de
part et d'autre, un nouveau type de
rapports va s'instaurer entre le Tiers-
Monde et les pays développés, sur-
tout si les travailleurs immigrés pre-
nant conscience de leur importance
vitale dans l'économie européenne.
revendiquent les droits et la dignité
qui doivent en être le corollaire, sur-
tout s'ils participent aux luttes ou-
vrières européennes. De plus, l'immi-
gré qu'il soit clandestin, ou adapté,
persécuté ou révolté, sujet, objet et
victime du racisme, représente quand
même une forme essentielle du bras-
sage entre les hommes, les peuples,
les civilisations et les cultures. Mais,
comme pour tous les phénomènes en
marche, et celui là est relativement
récent, il est encore difficile d'en chif-
frer les résultats et l'importance des
mutations qu'il occasionne. On ne
peut pour l'instant que les constater.
Zakya DAOUD
Abonnez vous
à du Rif. du nord et des régions saha-
Lamalif
LES TRAVAILLEURS MA -------A
A L'ETRANGER
Il y a aujourd'hui plus de 350.000 ou-
vriers marocains en Europe, dont
170.000 officiellement en France, où
ils sont sans doute plus nombreux,
quelque 30.000 en Allemagne Fédérale,
15.000 en Hollande et les autres répar-
tis entre la Belgique, les pays scan-
dinaves, l'Espagne où leur nombre est
important. mais inconnu, el le reste
de l'Europe.
Ce phénomène d'émigration des tra-
vailleurs marocains est relativement
ancien: il s'est dessiné entre les deux
guerres mondiales et la participa1ion
à celles-ci, dans !es armées françaises,
de nombreux Marocains. Cependant. si
depuis l'indépendance du pays, ce
mouvement s'est très progressivement
accentué, il n'a pris toutelois un essor,
aussi soudain que brutal. qu'au cours
de ces dernières années. Ainsi. en
1969, le nombre des Marocains à
l'étranger était. selon certaines statis-
tiques, deux lois plus élevé qu'en 1968.
Il a en tous cas doublé en France en-
tre 1967 et 1972. Actuellement, il aug-
menlerait de 30.000 chaque année, soit
près de 10 ,"0 ce qui est énorme, mais
ce chiflre esl sans doute très sous-
es;imé puisque les slatistiques olliciel-
les françaises font état de 24.077 en-
trées de travailleurs marocains en 1970
et de 20.681 en 1971.
Une chose en tous cas est certaine: il y
a aujourd'hui plus d'ouvriers marocains
en Europe qu'il n'yen a au Maroc, de
l'industrie s'entend. Ces ouvriers à
l'étranger, ne sont pas tous des ma-
nœuvres loin de là et on constate
même un mouvement qui date d'en-
viron 2 à 3 ans et dans lequel ce sont
davantage les travailleurs spécialisés
et qualifiés qui émigrent. Aussi bien,
certains chels d'industrie au Maroc se
plaignent-ils, depuis plus de deux ans,
de la déperdition qui en résulte sur
le plan local.
Principalement ongmaires du Souss,
riennes, les travailleurs marocains en
Europe sont employés surtout dans la
métallurgie, J'industrie automobile, le
bâtiment, les mines et l'agriculture. En
France, ils sont concentrés dans le
nord et surtout dans la région pari-
sienne et si Casablanca est la pre-
mière ville française à l'élranger, Paris
est la première ville marocaine hors
du Maroc, avec environ 90,000 Maro-
cains.
Selon le schéma généralement admis
ici, les trava:lleurs marocains en Eu-
rope partiraient dans un but unique-
ment lucratif. appuyés par les accords
de main-d'œuVTe conclus par le gou-
vernement dans ce sens, leur moyenne
de séjour hors du Maroc serait d'en-
viron 3 ans et à force de travail et de
privalions, ils enverraient d'importantes
sommes d'argent à leurs famil!es.
Si un tel schéma n'est pas encore
étayé suffisamment scientifiquement
pour être exclusivement retenu, si,
aussi, la moyenne de séjour de lYois
ans, est infirmée par de nombreux
exemples, il est absolument certain
que les travailleurs marocains ont pour
principale motivation l'envoi de res-
sources à leurs familles restées au
pays.
On connaît ainsi des villages du Ril et
du Sud (région de Marrakech notam-
ment) qui ne vivent que de l'apporl
des travailleurs marocains à l'élranger,
recrutés parmi les adultes jeunes el
actifs. De tels villages ont vu ces der-
nières années, leur niveau de vie aug-
menter dans des proportions considé-
rables, le vocable considérable étant
bien entendu relatif. d'autant plus
qu'ils étaienl auparavant pratiquement
exclus du système monétaire, grâce
à cet apport. Les moyennes mensuelles
envoyées à leurs familles par les tra-
vailleurs marocains d'Europe sont par-
fois estimées à 600 DH (enquête dans
un village de la région de Marrakech),
mais, elles s'établissent sans doute
plus autour de 400 DH.
De tels chiffres sont. en soi. exces-
sivement élevés. Certains économistes,
se basant sur la moyenne des salaires
mensuels des travailleurs algériens de
France, parmi lesquels existent beau-
coup de manœuvres, moyenne qui est
de l'ordre de 85.000 anciens francs,
estiment donc que la moyenne des
salaires mensuels des Marocains à
l'étranger et notamment en France, se·
rait de l'ordre de 100.000 anciens francs,
avantages sociaux, quand i!s existent.
compris,
Si donc les travailleurs marocains par-
viennent à envoyer à leurs familles
entre 600 et 400 DH par mois, cela don-
ne la mesure des privations qu'ils
s'imposent. D'autres économistes esti-
ment aussi qu'ils parviennent bon an,
mal an, à adresser au Maroc. des som-
mes de l'ordre de 500.000 anciens
francs par an.
Si ces chiffres demandent à être ven-
fiés et confirmés, il est en tous cas de
Jait que l'apport des travailleurs maro-
cains à la balance extérieure du Ma-
roc, depuis quelques années, et surtout
depuis que l'on s'est efforcé d'éviter
les traditionnelles déperditions de de-
vises par le canal de l'ouverture des
c.omptes à la Banque Populaire, est
devenu prépondérant. On peul même
dire sans risque d'erreur que ce sont
les trava:lleurs marocains de l'~t:ranger
qui sont à l'origine de la bonne santé
monétaire dont les responsables se
targuent tant à l'heure actuelle.
En 1969-1970, le Marché Commun a
calculé que les transferts des travail-
leurs marocains à destination du Ma-
roc et partant des 6 pays de la C.E.E..
s'étaient élevés à 62,5 millions de dol-
lars, soit 312,5 millions de OH. Pour
1971 et 1972, des économistes et ban-
quiers marocains chillrent quant à eux
l'apport en devises des travailleurs à
l'étranger à 50 milliards d'anciens
francs par an, soit 500 millions de OH,
chiUre qu'ils estiment même très sous-
estimé, et dont ils pensent qu'il peut
globalement même alleindre le double.
De celle façon, les sueu s et les souf-
frances des travailleurs marocains è!
l'étranger deviennent le principal poste
de la balance extérieure du Maroc.
Il y a tout lieu d'estimer qu'en dépil
des protestations que l'immigration
des travailleurs suscite au Maroc, le
nombre des ouvriers marocains en Eu-
rope est destiné à augmenter dans une
très forte p:oporlion au cours des pro-
chaines années.
D'une part. parce que le Maroc a fait
de l'immigration une des données pre-
mières de sa politique en malière
d'emploi, pour ne pas dire la seule et
que, dans celle optique, tous les ac-
cords de main-d'œuvre conclus avec
les pays eurol)éens sont présentés
comme des victoires.
D'autre part, parce que les travailleurs
marocains, bien que sujets au racisme,
sont demandés individuellement et col-
lectivement dans toute l'Europe où les
employeurs apprécient leur ardeur au
travail et leur sens de l'économie,
Enfin, parce qu'il existe au Maroc,
surtout parmi les jeunes, qui sont,
comme on le sait les plus soumis au
chômage (sur les 350.000 chômeurs
permanents que le gouvernement
avoue, 56 '10 ont entre 15 et 24 ans)
el pour des raisons qui sont à la fois
économiques, culturelles, politiques et
sociales, une très forte aspiration au
départ.
Aussi dangereuse et désastreuse que
soit pour l'honneur national, celle aspi-
ration, on ne peut pas ne pas le cons-
tater et remarquer qu'elle a encore
plus joué que tous les accords de
main-d'œuvre pour faire évoluer entre
1967 et 1972, le nombre des travailleurs
marocains à l'étranger.
S. M. M.
DAVU -MAROC
C BL
Tt'l 48 - 51
 ,
FFICE
ATIONAL
DES PÊCHES
DES OBJECTIFS AMBITIEUX POUR MODERNISER L'ARMEMENT
Avec une production annuel1e de l'or-
dre de 250.000 t.. le Maroc occupe une
place non négligeable dans le concert
des nations maritimes. mais une place
particulière du {ait que 89 % de la
production esl destinée à la transfor-
mation industriel1e et que 75 '10 de
celle même production est représentée
par la sardine.
Celle production est également en
majeure partie exportée. et, sur ce
plan. les produits de la pêche occupent
la troisième place dans les exporta-
tions marocaines après les phosphates
et les agrumes. avec 150 millions de
DH d'apports en devises en 1969-70
et 165 millions de DH en 1970-71.
Cependant. cetle industrie. importante.
présentait et présente encore un cer-
tain nombre de lacunes et de pro-
blèmes qui ont conduit à encourager
sa modernisation, sa rénovation el son
extension.
En effet. compte tenu des potentialités
des ressources halieutiques du Maroc,
d'une part, des besoins nutritionnels
de la population marocaine et des pos-
sibilités d'absorption des marchés ex-
térieurs. d'autre part. la production
annuel1e n'est ni assez abondante. ni
asse:: régulière. ni assez diversüiée. ni
assez moderne. Et. hormis ses difficul-
tés structurelles. la pêche au Maroc
souffre de düficultés conjoncturel1es
tel1es que la baisse de qualité du pois-
son pêché. le faible niveau de consom-
mation intérieure et les lourdes char-
ges qui pèsent sur l'armement.
LES PROBLEMES
A RESOUDRE
Celui-ci. composé pour l'instant de 280
sardiniers concentrés à 80 '10 dans la
zone Safi - Essaouira - Agadir. de 120
chalutiers. 103 chalutiers sardiniers.
2,669 petites embarcations à rames et
452 petites embarcations à moteur,
n'est pas en mesure de pratiquer la
pêche au large. ce qui est d'autant
plus grave que. depuis près de trois
ans. les bancs de sardines ont déserté
les zones côtières. prospectées jusqu'à
l'épuisement pour se retirer au large.
De ce fait les apports sont devenus
irréguliers et d'une qualité qui laisse
à désirer puisque celle flollille de pe-
tite dimension ne dispose pas de
moyens de conservation. La rentabilité
de cet armement est d'autant plus
aléatoire qu'el1e est basée sur un
produit unique. la sardine. devenu
vulnérable. D'où la nécessité de nou·
veaux armements modernes, puissants
et spécialisés.
Quant à l'industrie de la conserve de
poisson qui traite 89 '10 de la produc-
tion marocaine. el1e dispos~ de 46
unités groupant 73 usines représentant
35 millions de DH d'investissement et
une production estimée à 136 millions
de DH pour la sardine. de 17 usines
pour la farine de poisson et de 5 usi-
nes de congélation et de réfrigération.
Mais ces usines qui se sont principa-
lement développées au lendemain de
la seconde guerre mondiale. grâce au
conth1gent ouverl sur le marché fran-
çais, se sont contentées de travailler
dans le cadre facile de ce conûngent
sans chercher à améliorer leurs capa-
cités de production et de rentabilité.
Les aléas du contingent français. des-
tinés à s'aggraver dans le cadre du
<c marché bleu» de la C.E.E. font que
ces usines au demeurant beaucoup
trop nombreuses. tournent actuel1ement
à 60 '10 de leurs capacité et n'ont pas
de prix de revient compétitifs.
Cet armement et celle industrie répon-
dent à un marché intérieur beaucoup
trop réduit. puisque la production ma-
rocaine est de l'ordre de 17 kgs par
personne. mais que la consommation
ne dépasse pas 1.8 kg. de poisson frais
el n'absorbe pas plus de 7 '10 de la
production de conserve de sardines.
Pour les marchés extérieurs. principa-
lement la C.E.E. (à 60 %). les expor-
tations ne touchent pas plus de 3.000
t. pour le poisson de marée (pour
13.200.000 DH), 23.000 t. de farines de
poissons, 2 millions à 2.5 millions de
caisses de sardines et des quantités
minimes d'aulres productions halieuti-
ques.
Quant à la situation sociale de la pro-
duction. el1e est à la mesure des diffi-
cultés rencontrées. aggravées par une
exploitation peu rationnel1e. le manque
d'organisation et une inadaptation
structurel1e à l'évolution du march6.
L'OFFICE NATIONAL
DES PECHES
ET SES OBJECTIFS
Pour faire face à tous ces problèmes,
le gouvernemenl a décidé de metlre
sur pied un organisme approprié: l'Of-
fice National des Pêches. qui a effec-
tivement vu le jour le 21 février 1969,
et auquel divers objectiIs avaient été
assignés tels que de permetlre une
intervention directe de l'Etat dans la
produclion el la commercialisation du
poisson. de favoriser l'abaissemenl des
prix de revient grâce à l'intégration
verticale des unités de pêche et des
conserveries, d'aider les professionnels
à promouvoir leurs activités, c'est-à-
dire de créer des coopératives de ma-
rins-pêcheurs, et de lancer la consom-
mation du poisson sur le marché inté-
rieur.
Après s'être doté de moyens de fonc-
tionnement pour assurer sa tâche, et
après avoir étudié en profondeur les
problèmes qu'on lui demandait de ré-
soudre. 1'0Uïce National des Pêches.
c. en septembre 1971. défini 5 orien-
tations prioritaires: la réorganisation
de l'armement et la promotion du ma-
rin et de l'armateur. l'élaboration de
mesures d'encouragement propres au
secteur de la pêche, l'augmentation
et la diversification de la production,
le développement de la commerciali-
sation sur le marché intérieur et la
,~-~---~-------~~
~AROCAIN ET RENOVER L'INDUSTRIE DE LA PECHE
mise au point d'un programme de
recherches scientifiques, Dans ce ca-
dre, l'O.N.P. a pu mener à bien les
réalisations suivantes: la flotte maro-
caine a été dotée du premier thonier
congélaleur océanique, de 5 sardiniers
modernes, du premier chalutier hau-
turier, qui ont accru l'armement maro-
cain de la %.
De plus une cinquantaine de sardiniers
anciens ont été équipés de pouli<:.s
hydrauliques dans le cadre de la mé-
canisation du travail et grâce à une
aide linancière de l'Office, L'Ollice
s'est également préoccupé de consti-
tuer des sociétés mixtes avec tous les
investisseurs étrangers intéressés à la
pêche marocaine. Une société maroco-
japonaise a ainsi vu le jour pour la
pêche au chalut avec 6 grands ba-
teaux hauturiers modernes, dont le
premier. équipé également d'un congé-
lateur, est entré en service en juin
1972, et les autres sont prévus pour
1974. Une société maroco - espagnole
pour la pêche hauturière au chalut
et la pêche océanique des thonidés
a également vu le jour et ses premiè-
res unités vont être lancées incessam-
ment. On voit donc que l'O.N,P. a pu
organiser les bases administratives et
scientifiques de son aclion. et entre-
prendre. en trois ans. un travail d'in-
téressement des capitaux au secteur
de la pêche ainsi que l'action de mo-
dernisation et de diversification de la
produchon qui s·imposait.
LES NOUVELLES
ORIENTATIONS DE L'O.N.P.
Cependant. il va de soi que. fac~
aux problèmes auxquels l'O.N.P. est
confronté. ce programme et ses réali-
sations ne sont que l'amorce d'une
action de rénovation en profondeur
dont l'Office vient de définir les nou-
velles orientations: exploitation ration.
nelle des ressources halieutiques. reva.
lorisation optimum de ces ressources.
développement des exportations et de
la consommation intérieure que l'O.N.P.
va réaliser avec la collaboration des
expsrts de la F.A,O.
Un programme vient d'êlre signé à ce
sujet. le 14 septembre 1972 au terme
duquel. et pour 4 ans. le P.N.U.D. va
prêter son assistance au Maroc pour
l'aider à diversilier et à accroître la
production de la pêche et développer
la consommation intérieure et l'expor-
tation,
Dans ce cadre. les nouveaux objectifs
sont de porter la consommation inté-
rieure de L8 kg. par personne à 5.2 en
1978. soit 100.000 t. de poisson fais au
total au lieu de 27.000 t. actuellement,
et d'augmenter de 30 '10 la consom-
mation des conserves de poissons la
portant de 150.000 à 250.000 caisses.
Sur le plan extérieur. l'O,N.P. veut
porter les exporlations de poisson Irais
à 10.000 t. contre 3.000 t, à l'heure
actuelle. les exportations de conserves
de sardines de 2.5 millions de caisses
(50.000 t.) à 3.5 millions de caisses
(81.250 t.), les exportations de poissons
congelés de 6,500 à 19,000 t.. celles de
larines de poisson de 23.000 à 40.000 t.
el celles d'huiles de poisson de 6.000
à 9.000 L Ainsi. la production totale
du Maroc passerait de 250.000 à 437.800
t. entre 1972 et 1977.
On se doute bien que de tels objectifs
nécessitent la mise en œuvre de
moyens appropriés. au niveau de l'ar-
mement tout d'abord. n faudrait no-
tamment acquérir en priorité pour y
parvenir, 24 chalutiers hauturiers. dont
10 immédiatement. 10 thoniers clippers
modernes. et plus tard 10 thoniers océa-
niques. 21 sardiniers senneurs moder·
nes. 36 chalutiers dont les premiers
seraient livrés en 1975 et 6 chalutiers
crevettiers. n faudrait aussi dévelop-
per de 10 '10 l'armement artisanal et
rénover la flottille existante. Sur le
plan du traitement industriel. il fau-
drait rénover les installations existen-
tes. les concentrer. pour les amener à
moderniser leur équipement et à bais-
ser leurs prix de revient. il laudrait
aussi créer 7 à 8 nouvelles unités in-
dustrielles,
Sur le plan des exportations, il lau·
drait rénover les installations existan-
tations. et prospecter systématiquement
de nouveaux marchés. Sur le plan du
marché intérieur il faudrait développer
le réseau de commercialisation. par la
création de dépôts lrigorifiques. de
points de ventes. et rachat de moyens
perfectionnés de transport. en même
tsmps que lancer un programme d'édu-
cation diététique de la population. Il
laudrait aussi développer la recherche
scientifique. par l'achat d'un navire
adéquat el la création de laboratoires.
porter un gros ellort sur la formation
des cadres qualifiés. améliorer la si·
tuation sociale de la pro f e s s ion
par la création de coopératives et
l'extension de la sécurité sociale. des
caisses mutuelles. des caisses de chô-
mage et de secours. marocaniser les
conserveries. et adopter un certain
nombre de mesures juridiques desti-
nées à encourager les investissements
dans ce secteur de la pêche. notam-
ment le développement d'un crédit ma-
ritime par un système analogue à celui
du crédit agricole. l'adoption de me-
sures spéciales dans le cadre du code
des investissements et celle d'un régi-
me fiscal approprié aux al-:-as de ce
secteur économique dont l'importance
n' est plus à souligner,
Nantis de ces moyens techniques. hu-
mains. financiers et juridiques. l'O.N.P.
pense pouvoir amorcer le développe-
ment souhaitable de la pêche maro-
caine et rendre à cette industrie natio-
nale la place qui lui revient dans
l'économie du pays. Les réalisations
qu'il a pu promouvoir en si peu de
temps, augurent en tous cas bien de
ses actions futures et permettent d'en-
visager les perspectives d'avenir avec
le maximum d·enthousiasme.
't - 37
 • .C.A.E. ••
AU SERVICE DE LA FORMATION ET DE LA MAROCANISATION
Avec l'Institut Supérieur de Commerce
et l'Administration des Entreprises
(I.S.C.A.E.) qui vient d'ouvrir ses por-
tes à Casablanca, le Maroc dispose
maintenant d'une école supérieure de
commerce originale et spécifiquement
nationale.
De ce fait, tous les étudiants, désireux
de se préparer à l'exercice de fonc-
tions supérieures dans les entreprises
du secteur privé et public et. soucieux,
en conséquence, de disposer d'un en·
seignement à haut niveau couvrant les
techniques commerciales, financières
et comptables, ainsi que les techniques
d'économie appliquées èt l'entreprise,
n'ont plus besoin de se rendre à
Paris, à Bruxelles ou à Harvard, pour
être aptes à la vie professionnelle
qu'ils ont choisie, puisqu'il existe au
Maroc un Institut susceptible de leur
assurer cetle formation. Mais ils onl
d'autant moins besoin de se rendre
à l'étranger et d'autant moins de pré·
textes pour y rester, que l'I.S.C.A,E.
leur offre plus que les écoles de com-
merce des autres pays. Il leur offre
un enseignement de même niveau
mais rénové dans ses méthodes el ses
objectifs, et, surtout, marocanisé, c'est·
à-dire essentiellement branché sur la
réalité économique nationale, au ni-
veau globaL comme à celui des entre-
prises,
Vocation ambitieuse s'il en est, mais
que l'I.S.C,A,E. est déjà en mesure
d'assumer.
UN INSTRUMENT
DE LA MAROCANISATION
DES CADRES
L'idée de cetle école de commerce
dont il est question depuis 12 ans a,
en effet. évolué à la mesure du retard
mis à la réaliser. Et si, c'est finale-
ment en 1971 qu'en a été jetée la
première amorce concrète avec la for-
mation de bacheliers de séries mathé-
matiques, sciences expérimentales et
sciences économiques dans le cadre
d'une année préparatoire, si, aussi.
c'est en octobre 1972 que le véritable
enseignement a démarré avec les pre-
miers étudiants issus de cetle année
préparatoire, sélectionnés par concours,
et 100 nouveaux bacheliers, recrutés
également sur dossiers pour l'année
préparatoire, ce n'est certainement pas
un hasard.
UN INSTRUMENT ORIGINAL ET DYNAMIQUE
Une symbiose s'est opérée entre les
velléités, transformées depuis peu en
volontés, de marocanisation des cadres
supériours du commerce, de l'indus-
trie et des services et la nécessité de
créer un organisme susceptible de for-
mer au Maro:: des gestionnaires de
haut niveau, Ges cadres concepteurs
polyvalents, en prise directe sur la
réalité qui puissent à la !ois concevoir
de nouvelles structures pour les entre-
prises nationales et les gérer au mieux,
à la fois dans le cadre du marché
actuel de remplacement et dans celui
du marché de croissance,
Les besoins du Maroc en cadres de ce
genre pour les secteurs privé, public
et para public ont été estimés à 1.200
environ, essentiellement dans le mar-
ché de remplacement des cadres étran-
gers. Il fallait bien entendu les former
et non plus selon les méthodes diver-
ses et empiriques qui avaient eu cours
jusqu'alors et qui n'étaient ni effica-
ces, ni satis~aisantes, ni suffisantes.
En effet, par exemple, les élèves des
écoles étrangères ne devenaient renta-
bles au Maroc qu'au bout d'une période
de réadaptation, le temps de s'intégrer à
une réalité qu'on ne leur avait pas
enseignée, Pour leur part, les titu-
laires de licences de sciences écono-
miques n'étaient rentables qu'après
des stages leur permetlant de s'adap-
ter à une pratique pour laquelle ils
n'avaient pas été formés. Il fallait donc
combiner les deux, mais en innovant.
et surtout en se hissant au niveau non
plus seulement des réalités, mai.s aussi
des perspectives nationales. D'où l'Ins-
titut.
UNE ORGANISATION
PEDAGOGIQUE NOUVELLE
Mais on se doute bien que de tels
impératifs imposaient d'eux-mêmes un
enseignement de type nouveau, pra-
tique et concret dans ses méthodes et
ses champs d'application pour rendre
les cadres formés directement opéra-
tionnels ô leur sortie de l'Institut. actif.
c'est-ô-dire suscitant leur intérêt et exi-
geant leur participation, étayé sur
l'analyse théorique pour développer
les facultés de réflexion et préparer
ô la prise de décision, pluridisciplinai-
re pour répondre ô la nécessité de la
polyvalence, seule à même de réaliser
l'intégration dans la vie profession-
nelle, mais aussi spécialisé pour ren-
forcer l'efficacité. D'où l'emploi de mé-
thodes pédagogiques qui ont fait leur
preuve ailleurs, notamment aux U.S.A.,
mais qu'il importait d'adapter au
contexte marocain: cours dialogués,
travaux pratiques, discussions de cas
concrets, travaux en gToupes élargis
(20 élèves) ou restreints (4 à 5), confé-
rences de méthodes, rédaction ~e mé-
moires individuels sur des sujets pra-
tiques de l'économie marocaine et de
la vie des entreprises, jeux d'entre-
prise pour préparer à la prise de dé-
cision, visites commentées d'activités
économiques, et. surtout, stages prati-
ques dans les entreprises, en première
année au niveau de l'exécution, en
seconde année au stade de la prise
de responsabilité concrète, et, enfin, en
troisième année, dans le cadre de la
pré-spécialisation avec rédaction d'un
rapport.
Ces méthodes pédagogiques appuient
un enseignement dont la progression
est la suivante:
- une année préparatoire dont la fonc-
tion est de remodeler et de compléter les
diHérentes formations en les axant su.r
l'enseignement particulier de l'Institut,
sur la culture générale, les langues,
les mathématiques, la géographie éco-
nomique, etc,
- une première année consacrée à
l'acquisition des concepts et des tech-
niques de base: comptabilité, produc-
tion, droit, statistiques, organisation,
sciences humaines, économie, informa-
tique, par le biais de cours dialogués
et de travaux pratiques,
une seconde année résolument axée
sur l'analyse des fonctions de l'entre-
prise, marketing, finances, contrôle de
gestion, etc, durant laquelle l'étudiant
doit utiliser les techniques qu'il a ac-
quises pour résoudre des problèmes
pratiques et formuler des propositions
d'actions concrètes,
- une troisième année enfin, d'appro-
fondissement des connaissances et de
pré-spécialisation entre les options
telles que finance, contrôle de gestion,
marketing, fiduciaires, banques, assu-
rances, affaires internationales, écono-
mie agricole, gestion du personneL
petites et moyennes entreprises, qui
prépare donc directement à la vie pro-
fessionnelle, en fonction du choix des
étudiants et des possibilités du mar-
ché de l'emploi. A cetle troisième an-
née, les titulaires des licences de scien-
ces économiques peuvent directement
accéder par concours.

UNE LIAISON ETROITE
AVEC LES ENTREPRISES
MAROCAINES
Mais cet enseignement n'a de sens
que conçu dans le contexte spécifique
au Maroc, Par exemple, il ne servirait
à rien d'enseigner une comptabilité
théorique si elle n'était prolongée par
les pratiques de la fiscalité marocaine,
li ne servirait pas davantage d'initier
les étudiants aux pratiques et straté-
gies du développement, si celles-ci
n'étaient eesentiellement vues dans le
contexte des pays en voie de dévelop-
pement, et, parmi ceux-cL de l'ensem-
ble maghrébin. Il ne serait pas davan-
tage utile de disserter sur les mérites
comparés des économies libérales et
planifiées, si ceux-ci n'étaient vus en
liaison étroite avec les problèmes du
Maroc, qui paradoxalement combinent
les deux, et, en l'absence de choix
définitifs, doivent être ouverts sur les
deux types.
Tout ceci exigeait naturellement que
l'enseignement soi t profondément
adapté dans son essence m~me au
Maroc, et plus encore aux entreprises
du Maroc puisque \'Institut est conçu
pour les pourvoir en cadres opération-
nels. D'où une liaison étroite avec le
monde économique marocain et avec
les entreprises marocaines,
Il n'était pas facile de répondre à
cette gageure. L'Institut y est parvenu
en adoptant plusieurs méthodes. Ainsi,
les représentants des entreprises ont
été consultés sur la marche de \'Insti-
tut et appelés à participer à l'élabo-
ration des programmes d'enseignement.
Ainsi aussi. sur les 33 professeurs que
compte_ \'Institut, la moitié sont vaca-
taires et proviennent à la fois de l'Uni-
versité dont \'Institut est partie inté-
grante, et du monde économique. Des
ingénieurs d'entreprises comme la
S.A.M.I.R.. des responsables de socié-
tés commerciales comme l'O.C:E. ou la
C.T.M., ont accepté d'enseigner à l'Ins-
titut. Et, naturellement les cours qu'ils
dispensent sont adaptés à des prati-
ques el à des besoins dont ils ont une
connaissance intime et journalière,
DES METHODES
DE FONCTIONNEMENT
ORIGINALES
Un tel enseignement et une telle liai-
son avec le monde économique néces-
sitaient, d'une part, d'être définis juri-
diquement, et 'd'autre part, des métho-
des de fonctionnement originales.
Dans le cadre d'un enseignement ré-
nové et modernisé, les étudiants sont
extrêmement encadrés dans leurs étu-
des, ce qui demande des efforts sup-
plémentaires au corps professoral. On
compte à l'I.S.C.A.E., 33 professeurs
pour 140 étudiants, qui formeront des
groupes de 5 assistés d'un tuteur en-
seignant. Chaque professeur assure,
en plus de ses heures de cours, 7 heu-
res d'encadrement par semaine. Les
enseignants sont regroupés en 10 dé-
partements dont les membres travail-
lent en équipe et tiennent des réunions
hebdomadaires. Chaque département
assure un groupe de cours (économie,
sciences humaines, gestion, production,
techniques quantitatives, droit, anglais,
arabe, marketing), effectue des tra·
vaux de recherche, et remplit une fonc-
tion au service de l'ensemble, comme
le département des relations extérieu-
res. Ces départements cooptent 5
professeurs auxquels s'adjoignent le
directeur de \'Institut, le directeur des
études et deux représentants des
étudiants pour former un conseil inté-
rieur qui organise le fonctionnement
des études, élabore les programmes
d'enseignement, discute les problèmes
pédagogiques et de discipline, super-
vise les examens et établit un projet
de règlement. Ce conseil directeur as-
siste dans sa tâche le directeur res-
ponsable devant le conseil d'adminis-
tration. Car \'Institut est un établisse·
ment public dolé de la personnalité
civile et de l'autonomie financière et
placé sous la tutelle du Ministre du
Commerce. Celui-ci préside le conseil
d'administration dans lequel siègent
aussi les Ministres de l'Enseignement
supérieur et des Finances. le président
de la Fédération des Chambres de
Commerce et d'Industrie, le doyen de
la Faculté de Droit et 6 personnalités
du monde économique désignés par le
Ministre du Commerce, qui sont les
directeurs de l'O.C.E.. de la C.T.M./
L.N., de la B.M.C.E.. du Crédit du Ma-
roc, de la B.C.M. et un responsable de
l'O.C.P. Ce conseil d'administration dé·
termine les plans d'action de \'Institut,
son statut et son budget qui provient
de subventions de l'Etat et des entre-
prises.
VERS UN INSTITUT
DE RECHERCHE
Mais il est visible qu'avec une telle
structure et de telles ambitions, l'Ins-
titut sera rapidement appelé à débor-
der de son rôle de pur enseiqnant pour
accéder au statut d'un Institut de re-
cherches sur l'économie marocaine et
les entreprises. Il a, d'ailleurs, déjà
joué ce rôle ne serait-ce que pour
déterminer les besoins quantitatifs aux-
quels il devait répondre. Il n'envisage
pas de s'anêter en si bon chemin. Sou-
cieux d'aider les entreprises, l'Institut
envisage à terme des proqrammes de
cours de recvcIaqe à destination des
cadres actuels de l'entrepr'se .. t ;"'tte
l'amorce d'une formation complémen-
taire. continue et permanente. Soucieux
de devenir un pôle d'attraction pour
les problèmes économiques, il projette
de tenir dans quelques semaines une
réunion d'information à !aquelle seront
conviés un grand nombre des respon-
sables de la vie économique. Ce ne
sont là que quelques projets parmi
beaucoup d'autres. L'Institut. oui dans
deux ans. s'installera dans de nou-
veaux locaux à la périohérie casa-
blancaise et qui. en 1975, sortira ses
premiers cadres démarre avec un en-
thousiasme et un dynamisme aui au-
gurent bien de son avenir. .
'1 - 39
 PHILOSOPHIE
M. A. LAHBABI
une évolution idéologique
qUI est celle de la
bourgeoisie marocame
par zakya daoud
Mohamed Aziz Lahbabi, ancien
doyen de la Faculté de Lettres de
Rabat, aujourd'hui professeur à l'Uni-
versité d'Alger, qui a joué un rôle
non négligeable par les postes qu'il
a successivement occupés dans l'ad-
ministration marocaine, donc l'in-
fluence qu'il a pu avoir sur la poli-
tique culturelle du pays, et par les
multiples ouvrages qu'il a publiés
tant en arabe qu'en français, de 1946
à 1968, a été pourtant, curieusement
négligé par les chercheurs et par les
étudiants.
Personne ne s'était jusqu'à présent
penché sur son cas au Maroc, bien
que deux thèses l'aient pris pour
objet, l'une en Italie, et l'autre au
Liban.
Cette lacune marocaine vient heureu-
sement d'être comblée par Ikhlass
Oumelghaït qui livre, à propos de
M. A. Lahbabi, une étude intitulée
« l'impersonnalisme occidentalisant ».
Cette étude mérite d'autant plus
qu'on s'y arrête que la philosophie de
Lahbabi a des prolongements très
actuels au Maroc, même si elle sem-
ble condamnée pour l'avenir. «On ne
se réclame pas du lahbabisme, écrit
Ikhlass Oumelghaït, mais on l'appli-
que dans la vie quotidienne ». Pour
elle, cette philosophie, qui n'est d'ail-
leurs pas unitaire, mais triple, en ce
sens qu'elle a évolué en trois direc-
tions différentes, mais partant des
mêmes bases, durant les 20 dernières
années, est essentiellement une «théo-
rie de la compensation».
TOUT
EST lM PENSE
Ikhlass Oumelghaït part, d'abord,
dans son analyse du lahbabisme d'une
première constatation: l'idéologie de
Lahbabi a été élaborée durant la fin
de la période coloniale et le début
de la période néo-coloniale, mais tout
ceci est refoulé, impensé, l'histoire
n'affleure jamais, la relation coloni-
sateur-colonisé qui forme le sous-ja-
cent de cette œuvre n'est jamais
théorisée. Il y a donc là un phéno-
mène de refus, de blocage, et d'in-
conscience, qui permet, en allant plus
loin, de comprendre le phénomène de
dépolitisation dans lequel le Maroc a
vécu longtemps, essentiellement par
déviation de l'agressivité.
Pourquoi un tel phénom ne chez U:1
auteur marocain, à l'époque même où
Fanon, par exemple, pensait «Les
damnés de la terre» ? l :explication
est recherchée par Ikhlass Oumel-
ghaït dans l'enfance de Lahbabi qui,
lui-même, se présente comme un or-
phelin, ayant subi des carences affec-
tives dans une famille patriarcale où
le père était une autorité ab en e et
où la mère avait délégué ses pou-
voirs à une tierce personne. L.ahbabl
a dit, lui-même, que l'enfant subis-
sait «un complot prénatal» en ce
sens où l'on projette sa naissance
pour des raisons qui lui sont exté-
rieures: affirmation du père à l'égard
de son propre père, et de la mère à
l'égard de son mari et de sa famille,
J'enfant étant conçu comme une ri-
chesse, une prévoyance, une puissance
et aussi comme un bouc émissaire.
D'où une aliénation infantile: un re-
fus de l'enfance et un être qui n'e t
que vacuité, qu'image virtuelle, con-
trairement à toutes les thèses sur la
question et notamment au freudisme.
De plus, pour Lahbabi, l'adulte pour-
suit cet enfant, et donc ne se connaît
pas davantage. «Le poids de l'être
continuera de peser s r la personne
et l'adulte sera toujours enchaîné
comme un esclave ». Pour au i cu-
rieuse que soit cette théorie qui part
du postulat inver e de tout ce qui e t
désormais admis, qLli confirme le
péché originel» de la naissance,
l'absence de mémoire, de conscience
et de légitimité, Ikhlass Oumelghaït
y voit quant à elle: l'inverse du dis-
cours explicite qui accompagne le
système patriarcal ».
En effet, l'éducation qui 'en uit
dans ce système, par son caractère
autoritaire, refoule toute révolte et
empêche m é mesa théorisation.
Lahbabi, dit Ikhlas Oumelghaït, ex-
prime la "ensibilité d'une gén 'ration,
sans doute la dernière, qui, au Maroc,
vit les valeurs de l'ancienne ociété
{:atriarcale . Car Lahbabi ne peut
pas s'avouer à lui-même ce drame
qu'il ressent, alors il a recours à la
métaphore, à l'obscur, à des concepts
flous, au verbalisme et au langage
poétique, pour ne pa accepter son
incapacité à formaliser les données
de la vie intérieure.
LE DRAME
DES ELITES
Le premier thème explicite dans
l'idéologie de Lahbabi est celui de
l'angoisse résultant de la solitude.
~ L'être humain, écrit-il, vit seul son
intimité, jalousement seul ». On ne
s'étonnera pas alors de déboucher sur
une philosophie totalement individua-
liste, qui tend à réserver l'usage ex-
clusif de cette solitude aux cadres
des pays colonisés, ceux dont Lahba-
bi avouent «qu'ils ne s'adaptent plus
ou pas, à leur ociété ». Il écrit, en
effet: On est légion, mais solitaire,
c'est le cas des élites asiatiques et
africaines. Elles... n'arrivent pas à
se mettre à J'unisson de leurs peu-
ples, ni à maîtriser les vagues qui
déferlent au sein de ces peuples. Elles
sont conscientes d'être au croisement
des chemins, au milieu de sociétés qui
ne comprennent pas encore le mes-
sage dont elles sont porteuses. Les
élites se sentent vivre seules le sen-
timent grave et décisif du choix entre
la civilisation artisanale, la leur, et
la civilisation industrielle contempo-
raine... elles souffrent de la double
solitude, isolées au milieu de leur
société et incomprises à l'étranger ».
Pour Lahbabi et il y insiste beau-
coup, les élites sont prépondérantes,
il faut leur faire confiance, même si
elles ne sont que des «à peu près
Occidentaux et des à peu près étran-
gers à l'Occident », même si elles
sont tiraillées et déchirées, car elles
humaniseront l'univers et feront ap-
paraître les mécanismes de la prise
de conscience collective ». Ces élites
jouent dans les sociétés colonisées,
le rôle attribué au messie. Mais que
doivent-elles faire? Recourir à la
contre-violence pour répondre à la
violence coloniale ? Lahbabi n'en par-
le jamais et aussi bien déclare ré-
prouver toute violence. Accepter
cette solitude ou la conduire à des
termes tels que le suicide, le narcis-
sisme ou le mystique? Non répond
Lahbabi, il faut refuser cette soli-
tude et la dépasser par la «commu-
nication ».
Et, dans J'optique de Lahbabi la seul~
personne avec laquelle il vaille la
peine de communiquer est le colon.
Comment? Deux possibilités se dé-
gagent de l'œuvre initiale de Lahbabi
auxquelles viendra s'ajouter une troi-
sième aprè l'indépendance et une
quatri me, depui qu'il est en Algé-
rie. Les deux premières façons qu'il
voit d'être reconnu par le colon, sont,
oit d'accentuer les différences, soit
de les supprimer.
LA NEVROSE
DES OBJETS
Accentuer les différences, c'est, par
la possession, mais surtout des bi~ns
et des choses, devenir J'égal du colon
et cette déification de la propriété,
théorisée très clairement et avec un
grand cynisme, est peut-être - d'a<.l-
tant plus qu'elle est une formulation
des attitudes de la bourgeoisie ma-
rocaine - ce qui est dans le lahba-
bisme le plus original et le plus lourd
de prolongements et de conséquences
actuelles.
Pour Ikhlass Oumelghaït en tous
cas, cette relation névrotique avec
les objets et les biens est de la magie
pure, une pratique destinée à effacer
avant tout l'angoisse. D'ailleurs, Lah-
babi écrit: «L'objet contribue à per-
sonnaliser l'être humain autant que
celui-ci humanise toute chose qui en-
tre dans son horizon... La propriété
devient physiquement e. moralement
une partie du moi ». Il s'agit, comme
on le voit, d'une position très réaliste
qui exclut tout changement de hié-
rarchie car Lahbabi préci e aussi que
la possession des biens doit se dou-
bler d'une possession des relations
sociales à propos desquelles il est
également très clair. En effet, il va
jusqu'à écrire: «Le cousin d'une
tante par alliance, s'il est le cadi, est
plus nôtre que notre oncle le mar-
chand de tapis... ce qui fait J'orgueil
du moi c'est plus la parenté avec le
pouvoir du cadi qu'avec le cousin-
cadi-au-pouvoir ,).
Sur le type de biens à posséder, Lah-
babi n'est pas moins net: il réprouve
J'industrialisation à outrance, de type
européen, mais privilégie les investis-
sements agraires et foncier'. Ikhlass
Oumelghaît note donc: «Lahbabi a,
malgré lui, et c'est très révélateur,
d'emblée l'attitude du propriétaire
absentéiste ». Il écrit, en effet: «Ce
terrain de maïs, du fait même qu'il
m'appartient, par la médiation de
mon horizon, me met en relation,
malgré moi, avec le fisc, avec les
ouvriers agricoles qui le transfor-
ment... Mon horizon s'élargit grâce
au concours de ceux qui sont à mon
service On ne s'étonnera donc pas
si, aprè cette citation, Ikhlass Ou-
melghaït s'écrie: « Exploitons le
khammès ou le fellah et ainsi notre
être deviendra« une personne»
qui pourra communiquer avec le co-
lon. Le pauvre Mounier ne se doutait
pas qu'on prendrait caution de son
nom pour élaborer un cel "personna-
lisme réaliste », ajoute-t-elle, en par-
lant de «personnalisme mercantile »,
qui ne craint pas de souligner «le
rôle important de la monnaie dans
l'éveil de la conscience aux réalités
sociales », et en ajoutant: «La mon-
naie pose le problème de la valeur
de la dignité des personnes ». Pour
Ikhlass Oumelghaït il s'agit en fait
d'une mentalité très ancienne, qui est
ainsi exprimée avec des termes mo-
dernisants. Elle rappelle, en effet,
que l'accumulation magique des biens
et des objets est ancestrale et qu'on
ne concevait pas auparavant une
maison vide de gens et vide de pro-
duits alimentaires. Amasser c'est
donc effacer les frustrations à la fois
du père autoritaire, et du colon tout
puissant.
AMASSER POUR EFFACER
LES FRUSTRATIONS
L'objet joue un rôle de compensation,
il calme les sentiments d'insécurité.
Ii faut rappeler aussi là que Lahbabi
a dû vendre, après la guerre, son
premier livre de porte en porte pour
pouvoir vivre. Cependant, par la sui-
te, « l'important ne sera plus pour lui
tant de posséder, que de faire savoir
que l'on possède et de faire appré ier
la chose posSédée ».
Il est également curieux de constater
que, dans une telle logique, la femme
est perçue comme étant plus appropria-
tive que l'homme, plus personnaliste
donc, et cela sans doute parce qu'elle
ressent davantage l'angoisse et l'in-
sécurité. Mais l'homme se défend
contre cette volonté qu'il re sent
comme une menace, et il tente alors
de s'approprier la femme, de la consi-
dérer comme son bien, une chose
parmi on horizon encombré d'objets,
de propriétés latifundaires, de tra-
vailleurs agricoles et de relations
sociales. Pour Lahbabi donc, « pos-
séder c'est élargir son horizon ».
Il va alors ans dire que seules les
classes possédantes ont un horizon
et qu'il ne fait pas bon être pauvre
dans le personnalisme lahbabien. Mais
cette notion d'horizon est très impor-
tante, même si elle ressort de la
névrose des objets, car quelqu'un qui
possède est puissant, donc considéré,
donc personnalisé, puisqu'il n'est plus
lui-même chosifiable ». En effet, note
Ikhlass Oumelghaït, l'aliénation n'est
'1 - ~1
 plus pos ible pour le riche, il ne peut
plus avoir le statut de J'esclave, qu'on
vend comme un objet, car cela sem-
ble bien être la principale crainte in-
consciente de Lahbabi. C'est d'ail-
leurs pourquoi, Lahbabi se défend
contre les critiques qui peuvent être
fai es à cet « arrivisme ou à cet appé-
tit de jouissance et de puissance qui
caractérisent son personnalisme et le
comportement de la bourgeoisie na-
tionale marocaine actuelle, en distin-
guant «les types de possession», don
l'un, celui de J'industriel, a "similé à
l'exploitation d'autrui est estimé
condamnable, et l'autre, celui du pro-
priétaire de biens est décrété envia-
ble. Ce sont là les conceptions des
mercantilistes et des physiocrates.
Et puisqu'il faut air.si avoir un hori·
zon, les deux sanctions suprêmes,
pires même que la mort, d'ai11eurs
inconnue dans le droit marocain du
siècle dernier, sont les amendes et
J'exil. «Exiler quelqu'un, dit Lahbabi,
ne consiste-t-i1 pas à l'éloigner de son
horizon habituel ». C'est la peine ca-
pitale, tout comme le séquestre qui
avait la même signification. On peut
donc ainsi comprendre que Lahbabi
ait amèrement ressenti son exil en
Algérie lorsqu'il fut contraint, en
1969, de quitter le pouvoir à la Fa-
culté de Lettres de Rabat, et pour-
quoi il ressentit cette éviction comme
une sanction.
On doit en tous Cli$ remarquer que
cette idéologie est très représentative
de son milieu. Cependant qu'y a-t-il
au bout du chemin ? Une déception.
Le rêve de l'assimilation ainsi pour-
suivi ne peut être réalisé car, écrit
Lahbabi, «l'Occident développe de
façon inquiétante un individualisme
exaspérant ». La communication n'est
donc pas possible. Le colon la refuse.
Lahbabi se laisse a11er au pessimis-
me: «Rien n'est plus grand que
rien ».
HUMANISME
FOLKLORISTE
Cependant l'angoisse et la solitude
sont des motivations trop puissantes
pour être délaissées. Infatigable,
Lahbabi élabore alors une seconde
variante de son personnalisme, ce11e
d l'humanisme. Il postule alors au
départ que tous les hommes sont mé-
taphysiquement égaux, ce qui supprI-
me toutes les différences entre eux,
et contraint le colon à communiquer.
Il n'y a plus de Français, il n'y a
plus de Marocains, il n'y a que des
hommes, dont il faut s'efforcer d
rechercher la composante univ rse11e
minimale, en éliminant tous les mar-
ginaux, en condamnant tous les na-
tionalismes et tous les phénomènes
d'agressivité. Dans la première pha-
se, «l'être avait tendu vers la per-
sonne, maintenant, dans la seconde.
la personne pourra tendre vers J'hom-
me et même le ré;1Jj:;er ». «La notion
d'homme est à la fois le point de
l'encontre de la personne et de l'être
et leur transcendance~. Dans de te11es
conditions, Dieu est singulièremen~
absent de la doctrine lahbabienne.
Mais cette transcendance humani-
taire qui vise surtout à détruire la
souffrance engendrée par la situation
coloniale, sans détruire ce11e-ci, qui
vise à la communication pour faire
disparaître l'angoisse, ne trouve pas
tellement de terrains d'application,
sinon la culture supra-nationale, uni-
verselle, telle que la conçoit J'U.N.E.
S.C.O.
Ce qui fait finalement, note Ikhlass
Oumelghaït, que cet humanisme de
Lahbabi est purement et simplement
un européo-centrisme, puisqu'aussi
bien le Maroc «est malade du sous·
développement » e~ que les êlites
«sont des émigrés de J'intérieur ».
D'où, alors le désir de plaire à l'Eu-
ropéen, de s'imposer à lui en accep-
tant sa culture, de « s'introduire dans
son horizon ». Là se situe l'épisode de
«rives méditerranéennes », J'associa-
tIOn que dirigeait, à Rabat, Lahbabi
et qui avait pour objet de faire échan-
ge de conférenciers d'une rive à J'au-
tre de la Méditerranée. Mais pour
éviter tout problème, les conféren-
ciers sollicités étaient souvent de
inconnus, ou des enseignants sur pIa-
ce, de la Faculté des Lettres, e11e-
même. Au point de vue de sa vie
personne11e, tout comme il avait assu-
mé le désir de possession et de puis-
ance qu'il prônait dans son person-
nalisme, Lahbabi va jusqu'au bout
dans sa tentative d'assimilation hu-
maniste. D'où l'accusation de folklo-
rité qui lui sera faite, le folklore
étant ici entendu comme la recon-
naissance d'un centre étranger con i-
déré comme supérieur. Mais l'huma-
nisme lahbabien se rétrécit de lui-
même as:>ez vite, car nous sommes
n pleine phase néo-coloniale. Devant
la décolonisation politique et les pro-
blèmes qui lui sont afférents, l'huma-
nisme ne trouve plus comme siège
que la logique, la morale, et, surtout,
la création artistique, l'esthétisme
souverain, la science au si, mais à
un moindre degré, d'autant plu
qu'elle ne rentre pas dans le champ
des préoc upations de Lahbabi. Une
t Ile opliqu , con tate Ikhlass Oumel-
ghaït, justifie toutes les formes d'im-
p l'ialism ulturel.
L'ART:
NOUVEAU VOLAPUK
Et elle s'é rie: Vive J'art, ce vola-
puk colonial, l'œuvre d'art est un
espéranto à l'échelle de J'histoire hu-
maine... l'art est métalangage ou
d 'passement du langage . Elle ajou-
te à ces citations, une remarque très
pertinente et qui vient encore d'être
confirmée par le tout récent voyage
au Maroc de M. Maurice chumann,
Ministre français des Affaires E ran-
gères: On comprend dès lors, l'im-
portance des expositions picturales
dans les sociétés néo-coloniales. C'est
que la bourgeoisie nationale ne peut
rien comprendre d'autre. Une expo-
sition technique ne pourrait pas l'in-
téresser et les anciennes métropoles
gardent jalousement les secrets de
leurs industries de pointe. On va
àonc multiplier les galeries de pein-
ture, et lorsqu'un ministre françai:>
viendra en visite officelle au Maroc,
en dehors des conversations écono-
miques et politiques, sa seule activité
consistera à inaugurer des exposi-
tions artistiques ». Voilà donc le rôle
assigné à l'art, et voilà donc Lahbabi
écrivant que l'art est un nouveau
messie, et réduit pour sa part, au rôle
de principal agent et interlocuteur
des missions culture11es étrangère ,
fort de ce que, selon ses propres ter·
mes, «la création artistique est la
voie royale qui mène à la libération .
Cependant on ne peut ramener l'œu-
vre de Lahbabi uniquement à de tel
schémas et il est intéressant de re-
marquer que l'on trouve dans ses
cuvrages d'autres nuances ressortant
d'un rationalisme strict et parfois
d'un matérialisme historique puisque
J'homme est conçu uniquement com-
me un produit du milieu. On y trouve
aussi un agnosticisme très déterminé,
puisque le seul but assigné à la
personne est la transcendance ter-
restre, celle de l'homme. L'idée hu-
maine du progrès remplace alors la
notion de Dieu. Mais l'idéalisme trè
profond ressurgit au sitôt, et le pro-
grès envisagé est limité, à l'affirma-
tion de soi. Déclarant que son per-
sonnalisme est réaliste et refusant
celui de Mounier, Lahbabi souligne
que le «vrai humanisme con iste à
mettre Dieu «entre parenthèses ,
c'e t-à-dire à n'en faire ni un accusé,
ni un ob tacle, ni un moteur absolu .
Lahbabi 'e t ainsi, note Ikhlass Ou-
melghaït, donné les moyen de com-
muniquer avec le colon gràce à l'art,
la cien e et à l'acceptation d'une
position agno tique, pour parvenir
un interhorizon commun. Mais a
position qui aut à une aliénation
librement onsentie qui ex lut d'elle-
m me tout rapport po sibl ave au-
trui, à moins de recourir à des pro-
positions étranges pour maintenir la
communication.

UNE CONCEPTION
DE LA RELATION COLONIALE
DANS LE MARIAGE
La Loterie Nationale procède à 116
Où va mener alors ce second méca-
nisme de défense? Ikhlass Oumel- tirages par an. Ne laissez échapper
ghaït conclut à son échec en se réfé-
rant surtout à l'évolution de la doc-
trine et de la pratique lahbabicnne
aucune des 116 chances qui vous sont
à propos de la fenune, objet de com-
pensation par excellence, et qui, si ainsi offertes.
elle est française, et dans cette pha-
se, naturellement, elle doit l'être, doit
à la fois effacer l'angoisse due à la
situation coloniale mais en même
temps rappeler sans cesse cette situa- 3 MOIS 6 MOIS 1 AN
tion. Cependant, il faut se défendre
contre cette femme, perçue comme
dangereuse parce que plus captative 1/10e 121 OH 242 OH
que l'homme, plus possessive, aUSSI, DE BILLET
et vite vue comme une concurrente.
1/2 320 OH 600 OH 1.200 OH
Tout est alors fait pour la culpabi- BILLET
liser, et, comme face au colon, pour
lui imposer afin de communiquer 1 BILLET 1.910 OH
sans frictions, uniquement un petit 477,50 OH 955 OH
ENTIER
nombre de propositions, un inter-
horizon, sur lequel on pense qUE
l'accord pourra se faire. TI y a dom 1 CHOISISSEZ UN NUMËRO (5 chiffres)
chez Lahbabi une étrange conceptior,
de la relation coloniale vue à travers COMPLËTEZ et RENVOYEZ le bulletin
un couple mixte, qui existe sans doute 2 ci-dessous accompagné du règlement
chez beaucoup d'autres, mais qui est
ici, comme dans la névrose des objets. du montant (chèque ou mandat) corres-
conduite jusqu'à ses limites extrê- pondant à l'abonnement désiré (tableau
mes. Dans ces conditions, on ne ci-dessus).
s'étonnera pas que cette étrange re-
lation, soit vue comme un révélateur,
et que Lahbabi une nouvelle fois 3 LA LOTERIE NATIONALE, 21, rue
Ahmed Faris, à Casablanca, vous
déçu, ne voit plus à son désir de
communication de réponse que <Ians adressera une lettre dont copie est
les animaux. Ce qui fait naturelle- déposée chez maître Simon, Notaire
ment dire à Ikhlass Oumelghaït:
«Un humanisme qui n'aboutit qu'à à Casablanca, confirmant le numéro
la zoophilie, c'est bien la manifesta- choisi ainsi que les tranches auxquelles
tion de l'échec du second mécanisme vous êtes admis à jouer.
de défense de Lahbabi ».

Aussi bien celui-ci sans se découra-

ger à nouveau, prépare-t-il aussitôt
un troisième mécanisme de défense
qui, note - t - elle, «n'est qu'une va-
Bulletin de souscription à adresser à
riante du second, comme s'il lui était la Loterie Nationale
radicalement impossible de modifier
ses postulats de base ». Ce troisième 21, Rue Ahmed Faris - Casablanca.
mécanisme est lui aussi construit à
partir de l'universalité mais il y a
un renversement: alors que cette
universalité signifiait auparavant
culture européenne, elle signifie dé-
1 NOM ET PRENOM

AORESSE
_

sormais Islam. Car celui-ci est «le

plus petit dénominateur commun de
toute la société marocaine» et l'in-
1
.............
SIGNATURE
dépendance venue, le problème des
relations avec le colon s'efface devant
celui des relations avec les nouveaux
maitres du Maroc. En effet, si l'on • ffiffi
 d ire l'harmonie sociale, la paix uni-
rselle, sans lutte de classes, il
faut faire appel l'idéologie i lami-
que. Lahbabi s'attelle don à retrou-
yer Dieu, puis à produire une idéo-
logie ba e sur un schéma cyclique
de l'histoire, qui est d'ailleurs égale-
ment commune à de nombreux mem-
bres de la bourgeoisie nationale ma-
rocaine actuelle.
3' STADE:
L'UNIVERSALITE PAR L'ISLAM
, dans sa vie pratique.
Cette conception e t répandue: les
ténèbres avant l'Islam, l'âge d'or à
ses premiers temps, âge d'or qui si-
gnüie aussi sommet de l'histoire,
réconciliation, révélation première et
de tout. Lahbabi parle ainsi -de « l'ex-
périence personnaliste très promet-
teuse des premiers siècles de l'hé-
gire» et tout aboutit à faire consi-
dérer que l'humanisme tant recher-
ché ne se trouve pas dans la culture
européenne, mais bien dans la révé-
lation du Qoran, et que les Européens
ne se sont livrés qu'à un mauvais
pastiche de l'Islam, tandis que les
musulmans qui avaient tout, l'igno-
1 aient. Mais une rupture s'établit aux
10' et 14 e siècles. Et de cette déca-
dence Lahbabi trouve des exemple
d'ailleurs vrais et touchants dans le
Maroc d'aujourd'hui. Pour la stopper
il suffit, dit-il, de revenir à l'âge d'or
de l'Islam, d'y faire retour pour être
sauvé. Donc vive la Salafiya, mais
une Salafiya sans prolongements po-
litiques, uniquement religieuse, .qui
elle seule a conduit à la décolomsa-
tion. Lahbabi à ce stade, condamne
la lutte nationaliste et l'existence des
partis politiques. Il ge pose en défen-
seur <le l'Islam orthodoxe. Le futur
imméàiat il le voit alors dans la pu-
reté, le retour aux origines, pour
refaire la société musulmane sur
terre, avec des prolongements œC11-
méniques. Sur le plan pratique, Lah·
babi pense qu'il faut donner le pou-
,"oir à la bourgeoisie nationale et
créer une monarchie constitutionnel-
le toutes réformes d'ailleurs qui sont
c~ntenues dans l'Islam.« 0 som-
mes, écrit Lahbabi devant une alter-
native apocalyptique, ou bien nous
continuons à vivre le divorce entre
la morale et le perfectionnement in-
interrompu de l'industrie, alors la
hantise de la faillite demeurera notre
lot ou bien l'éthique évoluera paral-
lèl~ment à l'évolution des sciences
et des techniques », et, c'est sous-
entendu, nous parviendrons à un nou-
vel âge d'or, entrevue par Lahbabl
rhilosophe et chanté par Lahbabi
poète. Ce qui est curieux c'est que,
omme dans ces précéd nts mé ani -
mes de défen e, Lahbabi a une con-
eption d la fin de l'histoire. Il
ouligne que quand les médecin
ociaux,. auront mb au point leurs
thérapeutiques, le progr" s changera
de sens, il n'y aura plus élévation
continue, mais pallier de la perfec-
tion, plus progrès de la connaissance,
mais uniquement progrès dans la dü-
fusion de la connaissance, et, par la
coexistence pacifique entre les race,
les régimes, la paix universelle, qUI
est d'ailleurs vue ainsi par toute3
les religions du livre, notamment le
catholicisme. Lahbabi d'ailleurs, com-
me pour ses deux précédentes ver-
sions idéologiques, applique celle-ci
UNE POLITIQUE
REFORMISTE
ET UNE MORALE DU MILIEU
Ce progrès, cette perfection, sont
donc, dans l'optique de Lahbabi, uni-
quement à l'usage des sociétés mu-
sulmanes et des sociétés occidentales.
Ainsi l'angoisse initiale, la solitude
seront détruites, et la communicatio:l
universellement réinstaurée.
Ayant ainsi analysé l'évolution philo-
sophique de M. Aziz Lahbabi, Ikhlass
Oumelghaït estime que cette œuvre
pose un certain nombre de problè-
mes théoriques. C'est, dit-elle, une
vision du phénomène nationalitaire
qui condamne formellement la vio-
lence et ne situe pas la renaissance
du Maroc avec la lutte pour l'indé-
pendance, mais avec l'introduction
ici des thèses wahabites, qui, aussi
ne voit l'identité nationale que dé-
truite sous prétexte de primitivisme,
puis reconstruite par des élites, et
non par le peuple, selon un modèle
profane, puis religieux.
Quelle fut l'influence de ces thèse3
sur les étudiants? Ikhlass Oumel-
ghaït estime que Lahb.abi a .ainsi
poussé une partie des Jeunes mtel-
1 ctuels à refuser en bloc, et par
réaction, l'ensemble de la culture oc-
cidentale. Mais, ajoute-t-elle, sa pra-
tique de la coopération culturelle n'a
pas pour autant été condamnée, car
une bonne partie des étudiants issus
en majorité de la moy,mne bourgeoi-
sie pour les garçons et de la haute
bouro-eoisie pour les filles (les gar-
çons t:> de la haute bourgeoisie font
leurs études à l'étranger) a partagé
es conceptions jusque dans les an-
nées 68-69 lorsque les générations
de l'indépe~dance ont accédé à l'uni-
versité. Aussi bien, les thèses de Lah-
babi s'apparentent à celle de Jamal
ed din al Afghani et de Mohamed
Abduh, et on les trouve au Maroc
répandues chez les propriétaires ter-
riens, les ommerçants et les hauts
fonctionnaires.
Ce thèses 'expriment pratiqu me~lt
par la conceptIon que l'on pell par-
venir à l'indépendance en négocian
avec l'ancienne puissance coloniale,
par la volonté de réhabiliter les pré-
ceptes de l'Islam originel. d'unliiel
la communauté et de refuser le
pluralisme politique au nom juste-
ment de l'unüication et de a base
religieuse. Ikhlass Oumelghaït e time
que cette idéologie a sa cohérence
interne et que Lahbabi en a fourni
une version marocaine "b. Elle a, aussi
son prolongement économique, puis-
que Lahbabi reprend les thème de
la voie capitali te de développement,
de la libéralisation économique, de
la protection douanière, du contrôle
du pouvoir politique, et de la coopé-
ration économique avec l'Europe, en
refusant un capitaiisme sauvage et
la concurrence et en prônant la me-
sure. Ainsi, on peut consommer,
mais cela ne doit jamais aller jusqu'à
l'indécence. C'est une voie moyenne
qui est toujours et en tout prônée.
Pas d'industrialisation à outrance,
pas de technocratisme, pas de refus
global de l'étranger, pas d'exode ru-
ral, pas de bidonvilles, perçus comme
le siège de toutes les perversions. Un
développement bourgeois, mo<léré,
mesuré, progressü, réformi te.
Cette philosophie, note donc en
conclusion Ikhla s Oumelghaït, n'est
donc qu'une des idéologies élaborées
actuellement par la bourgeoisie ma-
rocaine dans cette phase de construc-
tion nationale. «Le lahbabisme est
un optimisme persévérant, d'où l'an-
goisse cherche à être bannie par l'au-
tovalorisation et par l'uniformisa-
tion ». «De ce fait, le lahbabisme a
des disciples silencieux qui sont appe-
lés à occuper des postes clés dan
l'administration marocaine ces pro-
chaines années », pense Ikhlass Ou-
melghaït. Mais elle conclut à l'irra-
tionnalité flagrante de cette idéologie
et estime que Lahbabi est, comme il
le dit lui-même dans un de ses poè-
mes, «un fervent tyran de l'imagi-
naire >.
Cependant il reste à poser cette ques-
tion : dans cette évolution de Lahba-
bi évolution remarquable dans la
m~sure où elle a uivi et parfoi pré-
cédé celle de son milieu ambiant dont
il ne s'est jamais départi, que va
devenir cette id 'ologie apr s ce long
séjour en Algérie ? On ne peut pa
pour l'instant répondre. Mais simple-
ment constater que si on ne peut pas
écarter comme on le voudrait bien,
Lahbabi pour le passé et le prése~t
marocain, il faudra un jour y revemr
pour voir si ces conceptions de l'ave-
nir auront changé.
Zakya DAOUD
LU POUR VOUS
• Benoist - Mechin: ft DEUX ETES
AFRICAINS .. - Mai-juin 1967 - Juil-
let 1971. Paris - Albin Michel -
1972 - 389 pages.
Cet ouvrage, comme son titre l'indique,
est composé de deux parties d'impor-
tance très inégales. La première est
la plus intéressante mais elle se rap-
porte à l'Egypte. Le texte consacré à
Skhirat (intitulé .. Massacre pour un
anniversaire ..) est très court puisqu'il
commence page 313 seulement.
Ce type d'historiographie mérite une
attention toute particulière car il dé-
voile de façon très claire comment un
certain type .. d'historien" européen se
comporte face à des événements qui
se sont produits dans notre pays, Il est
évident que Benoist-Méchin n'a rien
compris des faits dont il a été le té·
moin. Il n'y a aucun embryon d'ana-
lyse dans sa production idéologique
et c'est volontaire, Bénoist-Méchin veut
embrouiller la situation pour faire croi-
re à ses lecteurs européens qu'il exis-
terait une sauvagerie .. naturelle .. chez
nos militaires. C'est pour cacher la réa-
lité impérialiste qu'il part dans de!>
divagations irrationnelles.
.. La vie... se déroule simultanément
sur trop de niveaux enchevêtrés pour
qu'on puisse les démêler. Et soudain
j'éprouve une sensation... celle d'être
un nageur que le courant emporte, un
courant trop fort pour qu'il puisse y
résister. D'ailleurs à quoi se raccro-
cher? Il n'y a qu'à s'abandonner au
brassage de la houle" (p. 317). Com-
ment mieux exprimer le sentiment
éprouvé par le nostalgique de l'empire
au moment où déferlent les mouve-
ments de renaissance nationale. Face
à cette force nouvelle qu'il ne peut
pas comprendre, le biographe de Lyau-
tey ne peut se réfugier que dans le
fatalisme. Il n'a plus aucun instrument
intellectuel pour comprendre la situa-
tion politique nouvelle qui se dévelop-
pe sous ses yeux.
Il en est réduit à faire appel à la
catégorie de folie collective (p. 339).
Selon lui les soldats paraissaient .. mus
par une frénésie aveugle qui semble
remonter des tréfonds de l'Afrique ..
(p. 339). Etrange, cette façon d'inter-
préter les conséquences d'une situa-
tion néo coloniale propre à notre temps,
à partir d'une conception raciste du
Marocain! Et comme Benoist-Méchin
ne comprend rien du tout, il fait appel
à des causes extérieures, comme au
XIX' siècle on expliquait les crises
économiques par les cycles solaires.
Voilà pourquoi les soldats .. ont été
drogués! Seule la drogue peut expli-
quer leur excitation, l'écume qui mous-
se aux commissures de leurs lèvres, le
tremblement incoercible qui agite leurs
mains. Plus rien ne les retiendra! Ce
sont des hallucinés" (p. 342)... Il y a
des moments où les âmes arabes me
donnent le vertige. Je perds pied dans
leurs dédales inutilement compliqués"
(p. 349). Bref. on serait devant un coup
de force qui .. demeure inexplicable...
ni pro·nassérien, ni pro-russe, ni pro-
américain, ni pro - chinois; ...c'est
LU POUR VOUS
l'exemple pour ainsi dire unique d'un
coup de force à l'état pur .. (p. 363).
Tant de bêtises nous sidère. Et la
conclusion est digne du reste. Il faut
faire intervenir .. la volonté de Dieu.
Seul un élément surnaturel pouvait
endiguer ce débordement de folie ..
(p. 351) ... La Baraka d'Hassan el Da-
khil n'avait pas abandonné (le roi).
C'est là, à plus d'un égard, la grande
leçon de cette journée .. (p. 378).
Pauvre Benoist-Méchin, esprit vraiment
pitoyable!
Samira MOUNIR
•••
• « RE TAI CE D 1\10 DE
ARABE », colloque interarab de
Louvain, ous la direction de
Ml\l. Anouar Abdel-Malek, Ab-
d l-Aziz B lai et "as an Hanafi.
Editions Duculot, Ge m b 1 0 u x
(B Igillue), 1972, 551 pag , 25
fran
Ce livre est le résultat d'une initia-
tive prise par l'Université catholique
de Louvain, qui organisa, en octobre-
novembre 1970, une session d'étude
sur la renaissance du monde arabe.
En faisant appel pour ce colloque à
des intellectuels, des penseurs et de.>
chercheurs de différents pays arabes
n'ayant pas le même horizon idéolo-
gique.
Ce choix répondait à une double pré-
occupation: faire contrepoids à
l'abondante littérature occidentale
consacrée au monde arabe, qui donne
'1 - 45
 trop souvent des chémas stéréotypés,
imaginair ou empreints de partia-
lité; aid r à faire découvrir l'essen-
tiel derri re la politique événem n-
tielle, parce que la façon dont la
conscience occidentale a perçu cer-
taines de ses manifestations - conflit Martini on the rocks
israélo-arabe, guerre d'Algérie, diver- Martini repond
gences inter-arabes, etc. - a contri- a la question internationale'
bué à lui masquer le mouvement de Que désirez·vous boire? .
réflexion qui se développait en pro- En demandant Martini. vous obtenez l'apeflt,f
fondeur sur l'autre rive de la Médi- _ le plus apprecle dans le monde.
Goutez tout l'arôme subtil de MarLini
terranée et l'importance de l'évolu-
servi Sur deux glacons,
tion de la société arabe en mutation. avec un zeste de citron.
Ces intellectuels de diverses discipli-
nes - historiens, sociologues, écono-
mistes, anthropologues, philosophes
- , réunis grâce à l'Université, ont
pu confronter librement leurs vues
pour mieux éclairer les trois grandes
visions qui guident les Etats arabes
dans leur renaissance et leur libéra-
tion : celles de type traditionnel qui
s'expriment dans l'Islam politique,
celles des mouvements nationaux
d'indépendance de type étatique ou
révolutionnaire, celles, enfin, des di-
vers projets de société socialiste.
Les interventions ont été organisées
autour de trois grands thèmes: l'ap-
proche socio-économique, animée par
M. Abdel-Aziz Belal, professeur à
l'Université Mohammed-V de Rabat;
l'approche socio - culturelle, dirigée
par M. Hassan Hanafi, professeur à
l'Université du Caire, et l'approche
socio-politique, confiée à M. Anouar
Abdel-Malek, maitre de recherches
au C. .R.S.
Comment les Arabes répondent - ils
aux différents défis qui leur sont
lancées par leur passé, par les puis-
sances étrangères, par l'industriali-
sation? Comment réaliser la synthèse
entre la volonté oes Arabes d'accéder
à la civilisation machiniste, tout en
préservant leur authenticité? Com- ghrara et Gharbaoui, Cherkaoui et
ment la conscience arabe perçoit-elle • «LA PEINTURE MAROCAINE»,
de Mohamed Sijelmas i, éditions Melehi. Des peintres qui même lors-
ses richesses naturelles, notamment qu'ils s'expriment à peu près de la
le pétrole, et quelle utilisation comp- Jean-Pierre TaUandier, Paris -
168 pages, 134 tableaux. même façon, ont une vision du mon-
te-t-elle en faire? Comment harmo- de si dissemblable.
niser les spécificités nationales et Avec «La peinture marocaine », Mo-
l'appartenance à un ensemble cultu- Dans les naïfs, par exemple, il est
hamed Sijelmassi a réalisé un très bel évident, pour ne prendre que ceux
rel et historique plus étendu, afin de ouvrage, qui s'imposait. Bel ouvrage
réaliser l'unité arabe? Que repré- qu'il a retenus, que le regard de Ait
par la qualité des photographies qui Youssef, de Ben Allal et de Dris i
sente la Ligue Arabe? C s q s ions restituent, et même parfois subli-
et bien d'autres concernant une ac- n'est pas le même. Dans le géométri-
ment, les peintures présentées, par la ques également, et si Melehi et ta-
tualité brûlante ont été posées. Le qualité de l'impression et de la pré-
travail d'analyse et de réflexion au- allah paraissent au premier abord
sentation, ressemblants ils n'ont pas du tout
quel il a donné lieu et les perspectives
d'avenir que les participants se sont Certes, n'étant pas critique d'art, les mêmes relations avec l'e pace.
efforcés de dégager font que ce col- comme il le dit lui-même dans sa Melehi semblant privilégier, la paix,
loque de Louvain marque une date préface, Mohamed Sijelma si n'a pas l'équilibre, la recherche intérieure et
importante dans l'histoire des rela- situé les tableaux qu'il a choi is, cette Ataallah voulant déborder la toile, le
tions culturelles entre l'Europe et le peinture marocaine qu'il a aimée et cadre, pour accéder à l'infini. ce qui
monde arabe. présentée, dans des courants artis- fait qu'il sont en réalité profondé-
Regroupées en un fort volume, ces tiques qui auraient pu expliquer les ment différent .
interventions représentent une som- diverses tendances qui l'animent. Quant aux peintres impres ionni te
me qui, par la densité et la diversité Il n'a pas non plus expliqué pourquoi ou symboli tes qui paraissent 'in-
st un instrument de travail indis- et comment, le Maroc a donné nais- pirer e sentiellement de la tradition
pensable. san e à des peintres aussi différents marocaine, ils ne la restituent pa
et même opp sés que Belkahya et pour autant de la même façon, et si
Paul BALTA Ahardane, Tallai et Ataallah, Me- folklore il y a, ce qui est parfois

46 _ '1
 tres, et même sur les 39 qu'il énumère
dans son index biographique? Pour-
quoi en avoir oublié certains qui n'au-
raient sllrement pas déparé son li-
vre? à dessein? et en vertu de quoi?
Comme il ne s'en explique pas, on
lui en tiendra sans doute grief.
Mais ces reproches ne nouS semblent
pourtant pas non plus tel1emE'nt fon-
dés. Qu'il ait privilégié ou oublié cer-
tains peintres résulte là encore du
choix de Sijelmassi. Photographe et
photographe amateur, admirateur de
la peinture marocaine, on se doute
bien que son choix est animé à la fois
par son gollt et par sa sensibilité.
En matière d'art, plus peut-être que
partout ailleurs, on ne peut qu'expli-
quer ou qu'aimer. Mohamed Sijel-
massi ayant choisi d'aimer a donc
présenté dans son ouvrage les pein-
rn tabl au tres qui l'ont le plus ému, le plus
ilr Farid touché, et de ces peintres les toiles
qui lui ont été les plus accessibles,
Belkahya encore que certaines ne soient pas
particulièrement représentatives de
indéniable, comment expliquer que ce Sijelmassi ne s'étonnera sûrement l'œuvre et de l'évolution du peintre
folklore soit à la fois différent et pas que, là encore, on lui fasse peut- considéré.
multiple? être et même sans doute, des procès Mais ces restrictions faites, il reste
Et que dire alors de tOlIs ceux qui se d'intention: pourquoi avoir privilégié que grâce à Mohamed Sijelmassi
situent hors des courants - soit par tel peintre plutôt que tel autre, 12 nous disposons désormais d'un très
leur originalité fondamentale, comme pages, pour un, 6 pour un autre, et beau catalogue, de certaines œuvres
Ahardane avec ses toiles surréalistes une à deux pour un autre ? Pourquoi de certains peintres marocains qui
et fantastiques, Meghara par la sin- n'avoir retenu que 24 peintres sur les valaient d'être réunies.
gulière clarté qui anime ses toiles quelques dizaines qui se disent pein- Zakya DAOUD
d'une beauté intemporelle, TallaI avec
ses personnages violents et tristes,
Chaïbia avec sa couleur, son agres-
sivité, son énergie, Louardighi avec
sa richesse foisonnante - soit par
leurs recherches incessantes, leur tra-
vail acharné, leur diversité d'expres-
sion, axés sur un talent indiscutable
comme Farid Belkahya? Sans par-
Ier de Cherkaoui le superbe dont
le rayonnement éclate par delà la
mort et nous restitue sa présence,
sans parler non plus de Gharbaoui
le tourmenté dont la luminosité dé-
croît de toile en toile à mesure que
s'approche la solitude et la mort...
Il aurait fallu motiver ces courants
si contradictoires, expliquer pourquoi
ils trouvent les uns et les autres leur
expression dans le terroir marocain
et s'y intègrent en poursuivant une
double approche, celle des tendances
les plus modernes de la peinture
mondiale et celle de l'art ancestral
marocain.
Il y a là naturellement matière à un
ouvrage qui reste à faire, et dont
il faut souhaiter qu'il soit fait, parce
que là encore il s'impose. Cependant,
le propos de Sijelmassi était diffé-
rent et l'on ne peut lui tenir grief
d'un choix dont lui-même s'explique:
i; voulait, dit-il, «donner à voir» et
il y est parfaitement arrivé.
Mais là une question se pose : pour-
quoi tel peintre, pourquoi telle de
ses œuvres?

'j - 47
REFLEXION
ce n'est pas seulement venIse
« L'Adieu à Venise» est un très beau
film qui pose différentes questions
à un étranger qui vit au Maroc et
qui n'a pas cessé de se demander
depuis qu'il s'y trouve quelles peu-
vent être les conséquences de la
coexistence ou de l'affrontement de
deux cultures.
J'ai dit affrontement parce que, pour
certains, le problème est là. Est-ce
un problème de civ.ilisation, de reli-
gion ou d'écologie? Il est difficile
d'en saisir tous les aspects, mais il
est évident que la présence étrangère
ubie reste un thème de blessure
intérieure ou de propagande, selon
l'optique de chacun, l'un et l'autre
d'ailleurs pouvant se rejoindre.
Il est évident que l'histoire a enr -
gistré l'expansion de différentes
cultures et pour la seule Méditerrané~
nous notons celle des Grecs, celle des
Romains, celle des Juifs, celle des
chrétiens, celle des Arabes et plus
récemment la culture occidentale, et
ce ne sont que les principales.
La culture gr e c que a imprégné
la culture romaine, comme la culture
romaine a imprégné la culture
chrétienne à quoi s'ajoutait la culture
juive qui apparaît aussi dans la
culture arabe qui s'imprégnera aussi
de la culture grecque quand elle
s'imposera et l'imposera par un choc
en retour, à tout le Moyen-Age euro-
péen.
Les arguments qu'il serait possible
d'accumuler de part ct d'autre ne
seraient plus finalement que ceux
d'une tour de Badel où la division
linguistique ne pourrait plus auto-
riser que le retour de hacun chez
soi.
Mais les événements ont décidé que,
bon gré mal gré, nous soyions appe-
lés à vivre les uns avec les autres,
ou du moins les uns à côté de-
autres.
Ayant vu «L'Adieu à Venise'> je me
posais la question de savoir si un
tel film ne me paraît beau, alors
que sa t chnique st parfaitement et
banalement classique, uniquement à
cause de la génération à laquelle
j'appartiens ou de la culture à la-
quelle je suis forcément astreint,
puisque c'est elle où J'ai baign t
où je m suis baigné.
cc L'ADIEU A VE ISE ~~
.
Le thème un peu délirant du film où
se mêle l'amour, la musique et la
mort est celui que Denis de Rouge-
mont a somptueusement analysé dans
son livre «L'Amour et l'Occident 1>
qui est une des œuvres clé de la pen-
sée occidentale.
Au pire certains pourront parler de
mélo, au mieux d'autres prononceront
le mot sublime. Dans la simplicité
nue où la caméra promène ses héro"S
dans Venise «bateau qui sombre '1>,
comme sombre le destin du héros qui
a voulu retrouver avant de mourir
l'extase physique de celle qui avait
été a~ssi bien le grand déchirement
de sa vie que son plus grand cri
de passion. Tristan et Yseut sont si
proches que rien n'empêcherait d'en-
tendre en même temps que la musi-
que de Beethoven et celle de l'Ano-
nyme de Venise l'envoûtante drogue
mélodique où Wagner a jeté à ja-
mais les accents les plus déchirants
de l'âme européenne.
Emporté par cette marche incessante
des héros, et leur navigation à tra-
vers la ville marine, nous affrontons
le désespoir de la vie, à la frontière
de la mort. L'approche extatique mêle
l'un et l'autre aux blessures sans
remède de l'âme.
La violence de la passion ne peut
s'accommoder que de la violence des
mots, des gestes et des sentiments,
où la lutte homme-femme se magni-
fie en apothéose ou en ruine telle
cette ville qui pourrit lentement au
bord de sa lagune, pour être à la
fois la plus belle du monde et la plus
atteinte, sans avenir, sans espoir,
avec le seul ressac qui à chaque jour,
à chaque heure, à chaque minute, la
mine, comme les jours, les heures et
les minutes minent l'existence de cha-
cun, de chaque pays, de chaque civi-
lisation dans le temps qui passe et
engloutit êtres et objets à la mesure
de qui, à la mesure de quoi ?
Cette appréhension personnelle me
faisait me poser la question de savoir
si elle était celle de mes jeunes com-
patriotes et encore plus des jeune
Marocains qui se trouvaient à côté
de moi. J'aurais dCl peut-être le leur
demander, mais il est difficile, tout
à trac, et sans connaître, de po el'
des questions qui omportent de
points d'int rrogation aussi impl -
cables.
qUI meurt
par bernard rouget
Car, c~s racines en nous, qui font que
ces hi toires d'amour et de mort ont
élernellement les nôtres, peuvent-elles
avoir un écho dans une autre civili-
sation ? Pourtant, le sanglot continu
de la musique arabe est aussi un
large appel à la souffrance et nous
savons que la mystique soufie a pré-
cédé celle des mystiques européens.
Mais chaque pays a sa mu ique
intérieure. Au moment où les jour-
naux discutent sans arrêt d'un ciné-
ma marocain qui est en gestation et
où déjà nous pourrions nommer cer-
tains talents prévisibles, nous atten-
dons les œuvres qui pourrons nous
dire si nos histoires héroïques et dé-
sespérées peuvent rapprocher ou dif-
férencier profondément l'Europe et
l'Afrique.
Comme je lisais ces quelques ligne
à un jeune Marocain il eut cette
réponse qui me surprit et m'éclaira:
«Peut-être ces sentiments sont - ils
un luxe que la complexité de pro-
blèmes qui nous assaillent nou em-
pêchent de nou payer". Il est évi-
dent que les problèmes posés par
chaque communauté sont souvent dif-
ficiles à percevoir, quand il ne sont
pas impossibles à distinguer. La poli-
tique a pris une telle importance
dans la gestation des peuples déco-
lonisés que peut-être elle ne laisse
plus de place à l'analyse subtile des
sentiments. Personne ne voudra
l'avouer et probablement que le
vieux civili és de Cordoue et de
Grenade au XIVe siècle devaient
comprendre düficilement les problè-
mes des gens d'en face, tou à leurs
conquêtes et leurs fortere se, de
même que les gens d'en face, tout
à leur puberté de civilisation, ne de-
vaient pas trop se passionner pour les
fleurs entimentales éclo e à l'ombre
des précieu es et arachnéenne colon-
nes de l'Alhambra.
Ce erait un beau ujet de méditation
pour ceux qui viennent dans le pay
neufs, que de s'attacher à ne pas
calquer leurs probl mes sur celLX des
êtres différents qu'il vont rencon-
trer et ce serait peut-être notre de-
voir, au delà des critiques et des
jugements sans logique, de chercher
à écouter et d'entendre battre de
cœurs qui ne battent pa omme le
nôtres.
Bernard RO GET
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