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Aspects psychologiques et socioculturels


de la peau et de l’apparence
S.G. Consoli

La peau, organe visible de la vie de relation, est située à l’interface entre l’individu et les autres. En outre,
elle participe, en particulier par les échanges tactiles avec le personnage maternel, à la construction de
l’image de soi. La peau occupe donc une place privilégiée dans le sentiment d’être beau et dans
l’apparence, dont l’importance dans notre société occidentale contemporaine n’est plus à démontrer.
Ainsi les femmes et, de plus en plus souvent, les hommes rencontrent un dermatologue pour une
demande d’ordre esthétique à propos d’une maladie cutanée et/ou générale, d’une imperfection cutanée
et/ou corporelle congénitale ou acquise, réelle ou imaginaire, ou bien lors des périodes cruciales de la vie
(l’adolescence ou le vieillissement). Cette démarche visant à améliorer la qualité de vie des sujets fait
entrer le dermatologue dans un domaine complexe de la dermatologie où de nombreux phénomènes
socioculturels et psychologiques s’exercent et où règne en maître l’imaginaire des deux partenaires de la
relation médecin-malade.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Dermatologie esthétique ; Apparence ; Aspects psychologiques ; Aspects socioculturels ;


Adolescence ; Dysmorphophobie ; Body dysmorphic disorder ; Bronzage ; Vieillissement

Plan offre aux autres. Quoi de plus naturel, donc, et de meilleur aloi
que de désirer l’embellir, qu’elle devienne la plus belle des
¶ Introduction 1 messagères du sujet, la garantie de sa beauté.
Cependant, la beauté n’a jamais pu être enfermée dans des
¶ Peau : organe visible, touché, privilégié de la vie de la relation 2
critères objectifs universels. La beauté d’un être humain est
¶ Image de soi : sa construction 2 définie par le seul jugement d’autrui, le regard d’autrui occu-
Corps multiple 2 pant une place absolument centrale dans ce jugement. Ce sont
Phénomènes socioculturels 2
le visage et la forme du corps qui sont les principaux détermi-
Échanges avec le personnage maternel 2
nants de la beauté, et encore de nos jours l’attrait du visage
Identifications 2
d’une femme détermine la plus grande part de son attrait global
¶ Sentiment d’être beau : place du visage dans ce sentiment 3 (près de la moitié de la variance expliquée). On comprend ainsi
¶ Quelques situations cliniques 3 combien la relation médecin-malade en dermatologie esthétique
Maladies cutanées 3 peut être délicate à nouer. Par exemple, un sujet peut demander
Maladies générales 4 l’impossible au dermatologue, c’est-à-dire d’habiter une peau et
Adolescence 4 un corps parfaits et inaltérables, ou bien non concordants avec
Vieillissement 5 sa réalité biologique.
Peau sensible ou réactive 5 Il arrive même, plus que dans tout autre domaine de la
¶ Relation médecin-malade : ses particularités en cosmétologie 5 dermatologie, qu’un dermatologue soit confronté, jusqu’au
¶ Conclusion 6 procès, aux revendications d’un sujet déçu par l’écart entre les
résultats esthétiques tels qu’il les avait imaginés et ceux obtenus
dans la réalité.
Nous étudierons successivement :
■ Introduction • la peau : organe visible, touché, privilégié de la vie de la
relation ;
La peau, organe visible, touché, privilégié de la vie de la • l’image de soi et le narcissisme : leur construction ;
relation, est une véritable interface entre l’individu et les autres, • le sentiment d’être beau : la place du visage dans ce senti-
l’individu et la société. Elle participe à la construction de ment ;
l’image que le sujet a de lui-même et de celle qu’il désire offrir • quelques situations cliniques : les maladies cutanées et
aux autres, et donc, dans une grande mesure, de la beauté du générales ; l’adolescence ; une conduite à risque, le bronzage ;
sujet tout entier. On peut dire avec Serres que la peau est « aux le vieillissement ; la peau sensible ou réactive ;
avant-postes du sujet » [1]. Tout sujet souhaite que sa peau soit • la relation médecin-malade : ses particularités en dermatolo-
en harmonie avec l’image qu’il a de lui-même et avec celle qu’il gie esthétique.

Cosmétologie et Dermatologie esthétique 1

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50-110-A-10 ¶ Aspects psychologiques et socioculturels de la peau et de l’apparence

■ Peau : organe visible, touché, sociofamilial très dense par de nombreux liens qui le dépassent
et en même temps le façonnent. Ces liens sont réels (génétiques
privilégié de la vie de la relation par exemple) ou imaginaires, s’appuyant sur l’image que les
parents en particulier désirent avoir de cet enfant futur adulte
La peau, organe privilégié de la vie de relation, n’est pas un (par exemple, le jeu subtil et souvent pervers de l’attribution des
organe comme un autre que l’on répare quand il est malade, ressemblances). Puis, le corps réel et en particulier la peau de
dont on attend un fonctionnement silencieux et même, le plus tout individu est modelé par le regard des autres par l’intermé-
souvent, invisible. La peau participe de la vie sociale et affective, diaire, par exemple, des codes de la mode de sa classe sociale et
et y compris de la séduction et de la vie amoureuse. Elle est liée de la société dans laquelle il vit (cf. supra).
au plaisir, à la sexualité, et elle est le lieu de naissance de la
tendresse, de la sensualité. La peau est une véritable interface
entre l’individu et les autres. Sur la peau s’expriment les Échanges avec le personnage maternel
sentiments, s’inscrivent les cicatrices indélébiles des blessures,
les marques du temps qui passe et les transformations corporel- Ceux-ci sont médiatisés non seulement par le regard, mais
les qui en découlent ainsi que les signes de l’identité du sujet, aussi par la parole, les odeurs et le toucher. Les études psycha-
en particulier de son identité sexuelle par l’intermédiaire, par nalytiques, comme les études éthologiques, ont montré
exemple, des poils et des cheveux, et des habitudes esthétiques l’importance de la relation mère/enfant médiatisée par la peau
qui s’y rapportent en fonction des cultures et des modes. La pour l’intériorisation par chaque individu d’une image de soi
peau de chaque individu est modelée par le regard des autres cohérente, c’est-à-dire d’un modèle interne le représentant non
par le biais des codes de la mode de la classe sociale et de la fragmenté pourvu de limites assurant bien leur rôle de frontières
société dans lesquelles vit cet individu (par exemple, le défrisage entre le monde interne et le monde extérieur. Cette image de
et le rajout de postiches chez les sujets à peau noire vivant en soi est accompagnée d’un sentiment de sécurité interne physi-
France). Ainsi de tous temps et dans toutes les cultures, selon les que et psychique, et d’un sentiment d’estime de soi. Ce sont ces
coutumes et les modes en vigueur, la peau a été parfumée, différents éléments qui fondent le narcissisme de chaque
maquillée, ornée, épilée, blanchie, ou au contraire bronzée. En individu.
effet, les manifestations, au niveau de la peau et des phanères, Anzieu, psychanalyste français, a beaucoup travaillé sur la
des exigences et des désirs plus ou moins subtils des autres sont peau en tant qu’enveloppe de protection contre les agressions,
innombrables : depuis la coupe de cheveux imposée par les frontière entre le dedans et le dehors, zone privilégiée d’échan-
parents au bronzage qui, dans nos pays occidentaux, est imposé ges avec autrui. Cet auteur insiste aussi sur la peau en tant
par la mode et le signe de la réussite sociale. Mais il est qu’organe participant au développement affectif, cognitif et
intéressant de noter qu’au Japon, par exemple, jusqu’à très
social du petit homme. Il soutient l’hypothèse d’un « Moi-
récemment, les femmes dans un souci esthétique ont blanchi
peau », rappelant ainsi que le bébé acquiert la perception de sa
leur visage et ont noirci leurs dents en y appliquant un vernis
peau comme surface à l’occasion des expériences de contact de
noir, luisant et malodorant.
son corps avec le corps de sa mère et dans le cadre d’une
relation sécurisante d’attachement avec elle. Par « Moi-peau »,
cet auteur désigne une figuration dont l’enfant se servirait au
■ Image de soi : sa construction cours des phases précoces de son développement pour se
représenter lui-même comme Moi à partir de son expérience de
Corps multiple la surface du corps [2].
Winnicott, pédiatre et psychanalyste anglais, a beaucoup
L’image de soi se construit sur le corps et en particulier sur insisté sur l’importance des expériences de portage et d’agrippe-
deux parties de celui-ci, le visage et le sexe. Le corps est ment dans la maturation affective de l’enfant. Il a aussi montré
multiple. Il existe un corps réel et un corps imaginaire. l’importance du rôle de miroir joué par la mère dans le déve-
loppement de l’enfant. Cet auteur avance l’idée que le précur-
Corps réel seur du miroir, dans le développement émotionnel de
l’individu, est le visage de la mère. C’est ainsi qu’il écrit :
Anatomique, sexuellement identifiable, il est lui-même « Quand le bébé tourne son regard vers le visage de sa mère, ce
subdivisé en corps propre et en corps libidinal. qu’il voit c’est lui-même. En d’autres termes, la mère regarde le
Le corps propre, objectif, est le corps confié aux médecins, aux bébé et ce que son visage exprime est en relation directe avec
chirurgiens pour être soigné, réparé. ce qu’elle voit ». C’est sur le visage de sa mère et dans le regard
Le corps libidinal est un lieu d’échanges avec autrui, une de celle-ci posé sur lui-même que l’enfant découvre qui il est,
source de plaisir pour soi et les autres : c’est un aspect du corps le bon qu’il renferme en lui, ce qu’il donne à l’autre et com-
fondamental pour l’équilibre somatopsychique de tout individu. ment il peut ainsi le toucher et le transformer [3]. Ainsi se penser
être, depuis le tout début de sa vie, l’objet du regard de sa mère
Corps imaginaire permet au sujet d’acquérir le sentiment harmonieux de son
unité et de sa beauté, et de construire par là-même son narcis-
C’est une image ou une représentation mentales plus ou sisme. Un narcissisme de bonne qualité est indispensable à
moins inconscientes que le sujet a de son corps. Ce corps certains moments cruciaux de la vie, quand l’image de soi subit
imaginaire organise l’image que le sujet a de lui-même, son
de profonds remaniements : l’adolescence, la vieillesse et lors de
identité psychique, sa personnalité, bref le Moi qui le repré-
la survenue d’une maladie.
sente. L’identité psychique d’un individu peut s’écarter de son
identité biologique et sociale telle qu’elle est inscrite sur sa carte
d’identité et telle qu’elle est perçue par le regard des autres. Cet Identifications
écart entre corps réel et corps imaginaire est évident en patho-
logie. La femme qui refuse de vieillir, le jeune dysmorphopho- Ce sont des processus psychiques individuels complexes par
bique, le transsexuel, l’anorexique, désirent faire céder leur lesquels un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut
corps réel aux exigences de leur corps imaginaire. de l’autre et par là-même se transforme lui-même. Cependant,
des identifications peuvent être rejetées à certaines époques de
Phénomènes socioculturels la vie, à l’occasion d’événements de vie particuliers. Par
exemple, à l’adolescence, un jeune homme peut ne pas suppor-
Avant même sa naissance, dans l’imaginaire, entre autres, de ter son alopécie androgénogénétique naissante qui va lui
ses parents, puis à peine né, un bébé est rattaché à un réseau rappeler la calvitie de son père.

2 Cosmétologie et Dermatologie esthétique

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Aspects psychologiques et socioculturels de la peau et de l’apparence ¶ 50-110-A-10

■ Sentiment d’être beau : Au bout du compte, l’essence même de la beauté reste


mystérieuse. Or, certaines femmes et certains hommes veulent
place du visage dans ce sentiment à tout prix se conformer à un modèle idéal et donc inatteigna-
ble. La quête d’une beauté insaisissable, d’une jeunesse qui
Dans le dictionnaire historique de la langue française, Le s’enfuit inexorablement, d’une féminité à jamais énigmatique,
Robert, il est dit que le mot « visage » dérive de l’ancien français est un rêve partagé par beaucoup qui peut vite devenir un
« vis » lui-même issu du latin « visus », à la fois action, faculté véritable cauchemar. Le sujet est alors prisonnier de son
de voir, sens de la vue, et ce qu’on voit, l’aspect, l’apparence. imagination, esclave de sa réalité psychique, aveugle au monde
Le sentiment d’être beau se construit principalement encore de réel (la mode des lèvres pulpeuses en est un exemple).
nos jours sur le visage. Avoir une jolie peau sur le visage De nombreuses études ont montré cependant l’importance de
participe beaucoup du sentiment d’être beau. En outre, grâce à l’apparence physique dans les relations avec autrui. L’apparence
sa mobilité et à son pouvoir d’expression, le visage est le lieu est constituée de multiples signaux dont la taille, le poids, la
géographique de la personnalité, de l’intime, de l’identité, de chevelure, la régularité des traits du visage, mais aussi la voix,
l’humain (ces éléments expliquent les polémiques soulevées par les odeurs, les éléments en jeu dans la communication non
les « greffes de visage »). verbale. L’interlocuteur d’un sujet dont l’apparence physique est
Au siècle des Lumières, l’embellissement concerne surtout le attractive a tendance à penser que celui-ci remporte de nom-
visage et l’art de le farder. Il privilégie l’affermissement des breux succès professionnels et affectifs, et est plein de qualités.
chairs pour embellir mais aussi pour améliorer la santé : les C’est ainsi que des femmes dont on a changé l’apparence
marches toniques, le froid, les bains, associent ainsi beauté et physique grâce à une prise en charge d’ordre cosmétologique
santé. Plus tard, au début du XXe siècle et entre les deux guerres, ont trouvé plus facilement un emploi et se sont vu proposer des
se développent les courants hygiénistes et naturistes, les soins salaires plus élevés [6, 7].
du corps ne luttent plus seulement contre la saleté, les odeurs,
les poils, bref la part animale de tout être humain. La femme
occidentale noue avec sa peau, son corps, et avec la nature, le ■ Quelques situations cliniques
sport et le soleil des liens privilégiés renforcés par la dimension
économique et sociale (être musclé, bronzé, signifie qu’on peut
s’offrir des loisirs qui ne sont pas encore possibles pour les Maladies cutanées
classes moyennes de la société). Les photos de Riefenstahl
Ce sont souvent des maladies affichantes. Toute affection
illustrent en Allemagne nazie les dérives totalitaires de ces
organique réalise chez le sujet malade une blessure narcissique
courants, dérives qui valorisent « l’homme nouveau », alors que
plus ou moins importante, la spécificité des affections cutanées
la femme va être reléguée à un rôle de mère et d’épouse au
est de faire appel au regard et d’altérer l’image de soi. Selon les
foyer. Plus récemment encore, depuis les années 1980 aux États- cas, une telle image altérée va être source de curiosité, de
Unis d’Amérique, il n’y a pas de beauté sans exercice, sans dégoût, de répulsion, ou encore de gêne ou de honte. Dans
sport, sans santé. Comme le rapporte Tirard dans un article : l’inconscient collectif, la maladie de peau reste encore en effet
« Jane Fonda n’a jamais été laide, mais elle n’est vraiment belle synonyme de maladie contagieuse, de maladie vénérienne, de
que depuis qu’elle aérobique » [4]. Actuellement, le bien-être, la maladie honteuse. La peur de la contagion a favorisé l’exclusion
forme physique, la santé et les conseils pour la préserver, sont du malade dermatologique qu’il était interdit de toucher. Les
des thèmes très fréquemment traités par les magazines dits « de lépreux en sont l’exemple le plus frappant. Le caractère affi-
beauté ». chant des maladies cutanées a aussi favorisé une interprétation
La beauté a une parenté avec la bonté et avec le bien : ce qui surnaturelle de leur survenue : les maladies de peau ont pu être
est beau est bon, d’où l’expression « belle à croquer » ; ce qui est considérées comme les marques d’une souillure, d’une impureté
laid est mauvais. Ainsi la beauté, le sentiment d’être beau, de l’âme, d’un châtiment divin. Cependant, à côté d’une
seraient le gage que la haine n’est pas déchaînée et n’est pas interprétation de la maladie de peau comme châtiment divin,
prête à s’exercer, aussi bien sur les objets extérieurs que sur les s’est développé peu à peu une autre interprétation, celle de la
objets internes, et qu’elle est donc liée. La beauté a aussi une maladie de peau comme épreuve satanique. Tout homme, aussi
parenté avec la vérité : comme cette dernière, dit-on, elle intègre, vertueux et religieux qu’il puisse être, peut être mis à
s’impose avec évidence, elle plait à l’esprit et, parfois, touche le l’épreuve par Dieu (comme Job, ce vieil homme couvert de
cœur. plaies prurigineuses par Satan et qui, sur son tas de fumier,
La beauté est surtout liée à la jeunesse et à la féminité. La garde confiance en Dieu).
beauté et la jeunesse sont gages de séduction, de plaisir, de Toute altération de la peau risque donc de faire surgir chez le
réussite sociale, de bonheur. Dans le même temps, la dégrada- malade le fantasme selon lequel sa peau, lorsqu’elle est atteinte,
tion physique, la vieillesse, sont cachées comme si elles déran- montre, dévoile, ce qui aurait dû rester caché, contenu dans son
geaient l’ordre social et étaient honteuses. Les images véhiculées propre espace psychique, et qui, faute d’un contenant suffisam-
par les médias vont toutes dans le même sens : la réussite ment efficace, va ainsi pouvoir s’étaler sur la surface corporelle,
appartient à ceux qui sont beaux et jeunes. Personne n’est assez aux yeux de tous. À tout moment, le malade peut craindre
naïf pour ignorer que, derrière ces images, existe un puissant d’être « trahi » par sa peau : depuis le simple rougissement
marché de produits dit « de beauté » et d’actes rémunérateurs intempestif du visage jusqu’aux lésions cutanées difficiles à
liés à l’esthétique (comme par exemple le bronzage en cabine) masquer. Surtout, risque de s’effectuer insensiblement, au
qui entretiennent avec l’argent et le profit des liaisons niveau imaginaire, un glissement sémantique : de la maladie de
dangereuses. peau, à l’anormalité, la monstruosité, la faute morale. Non
La beauté est aussi, encore de nos jours, liée à la féminité. Cet seulement « qu’ai-je fait ? », mais aussi « qu’ai-je fait de mal ? »
héritage provient en grande partie de la Renaissance, période (sous-entendu, pour être ainsi marqué aux yeux de tous). Tous
pendant laquelle, selon Vigarello, la beauté moderne ne se ces éléments expliquent combien l’altération de la qualité de vie
définit qu’au féminin [5]. Les temps cependant changent. Les ainsi que le retentissement socioprofessionnel et psychologique
hommes revendiquent aussi le droit d’être beaux et deviennent des maladies cutanées sont imprévisibles et souvent non
les initiateurs d’un immense marché cosmétique et esthétique parallèles à la gravité clinique constatée par le dermatologue [8].
par lequel ils sont entraînés. L’habituelle chronicité des maladies cutanées explique aussi la
La beauté, enfin, a des facettes troubles et cachées. Elle est fréquence de l’association d’un épisode dépressif et/ou anxieux
souvent associée à la bêtise (d’où les expressions : « une à une affection cutanée, ainsi que la fréquence de l’altération de
ravissante idiote » ou « sois belle et tais-toi ») et parfois à la la qualité de vie, y compris dans sa dimension sexuelle, et de
méchanceté. D’ailleurs, la beauté peut faire peur : on parle de l’inobservance (en dehors du problème du coût de la mala-
« beauté fatale » ou de la « beauté du diable ». die) [9, 10].

Cosmétologie et Dermatologie esthétique 3

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50-110-A-10 ¶ Aspects psychologiques et socioculturels de la peau et de l’apparence

Maladies générales dépression légèrement inférieur à celui des malades souffrant


d’un psoriasis, alors que le score de ces derniers était le score le
L’apport de la cosmétologie dans les maladies générales, en plus élevé retrouvé chez tous les malades souffrant d’une
particulier dans le cancer mais aussi, par exemple, dans le lupus maladie cutanée. En outre, le taux de prévalence de l’idéation
érythémateux aigu disséminé, n’est plus à démontrer [11-13]. Les suicidaire chez les malades souffrant d’une acné (7,2 %) était
soins cosmétiques aident le malade à composer avec une image plus élevé que ceux rencontrés chez les maladies souffrant
de soi dégradée par la progression de la maladie et par les d’autres affections chroniques réputées plus graves (diabète,
différents traitements réalisés (la chute des cheveux secondaire hypertension artérielle, maladies rhumatologiques, etc.) (de
à la chimiothérapie ou les altérations cutanées dues aux 3,3 % à 3,4 %) [17].
nouvelles molécules anticancéreuses ciblant les récepteurs Dans ces conditions, on conçoit facilement que le médecin a
tyrosine kinase et le récepteur à l’epidermal growth factor) [14]. de nombreuses occasions d’ordre cosmétologique ou esthétique
Une telle image de soi risque de rappeler à chaque instant au de rencontrer un adolescent.
malade sa maladie ainsi que la menace qui pèse sur sa vie. Dans Un dialogue doit alors s’instaurer entre l’adolescent et un
ces conditions, il n’est pas étonnant que des soins cosmétiques, médecin particulièrement à l’écoute de la plainte esthétique
parfois organisés dans des centres spécialisés, puissent lutter exprimée par son jeune patient. Des décisions thérapeutiques
contre la survenue d’un éventuel mouvement dépressif et/ou adaptées et raisonnables peuvent être ainsi élaborées conjointe-
anxieux. ment par le praticien, l’adolescent et si nécessaire les parents de
La prise en considération des problèmes cosmétiques liés à ce dernier. Dans un tel climat de confiance, l’adolescent
une maladie cutanée ou générale mais aussi aux différents parvient à comprendre les limites des approches thérapeutiques
traitements de celles-ci permet une amélioration de la qualité de
dans certains problèmes esthétiques et à accepter une éventuelle
vie des malades et une meilleure observance du traitement par
abstention thérapeutique.
ces derniers (par exemple en cas d’acné chez un adolescent).
Il arrive que les préoccupations de l’adolescent concernant
Cependant, le caractère particulièrement affichant, chronique et
l’esthétique de son corps soient franchement anormales [18, 19].
grave d’une maladie ne doit pas faire minimiser, dans l’intensité
Elles ne correspondent à aucune imperfection cutanée et/ou
du retentissement socioprofessionnel, familial et psychoaffectif,
corporelle constatée, ou bien elles sont disproportionnées par
le rôle de facteurs psychologiques préexistants à la survenue de
rapport à l’imperfection incriminée. On parle de dysmorpho-
cette maladie [13].
phobie ou, selon la dénomination adoptée par le Diagnostic
and Statistical Manual of Mental Disorder IV, de body dysmorphic
Adolescence disorder. Les préoccupations inquiètes de l’adolescent sont
C’est une période délicate de maturation de la sexualité et de surtout d’allure obsessionnelle : elles sont étrangères à la
l’affectivité pendant laquelle se mettent en place des processus volonté du sujet, absurdes ou répréhensibles, d’où une lutte
de séparation. L’adolescent doit découvrir d’autres personnes anxieuse pour en venir à bout. Elles sont relatives à l’ensemble
que les parents à séduire, et des ressources différentes en lui- de la morphologie corporelle (silhouette, taille, poids) ou à une
même et dans son corps de celles de son enfance pour atteindre partie définie du corps (visage, pilosité, texture de la peau,
ce but. Les recherches vestimentaires, cosmétiques, esthétiques implantation des cheveux, forme du nez, etc.). Parfois, enfin,
des adolescents jouent un rôle non négligeable dans l’accession aucun dialogue, aucune réassurance, aucun traitement ne
de ces derniers à une autonomie à conquérir et à une identité parvient à calmer ces inquiétudes. L’adolescent va scruter
(sexuelle, en particulier) à affirmer. L’appartenance à un groupe indéfiniment dans le miroir les follicules pilosébacés de son nez,
est aussi importante pour l’équilibre somatopsychique de par exemple, avec un grand sentiment d’étrangeté ou même de
l’adolescent : elle le rassure sur ses capacités à être apprécié et perte d’identité. On parle alors de dysmorphophobie délirante
aimé. Cette appartenance se marque, en particulier, sur la peau. pouvant marquer l’entrée dans une schizophrénie : l’adolescent
Ces marques peuvent prendre la valeur d’un véritable passage à a la conviction inébranlable que telle ou telle partie de son
l’acte permettant, en les marquant, de renforcer des limites corps est disgracieuse. C’est une idée erronée auquel il croit, en
somatique et psychique vécues comme fragiles par l’adolescent. totale opposition avec la réalité ou l’évidence.
D’ailleurs, une étude a montré que les tatouages et les piercings Tous ces cas nécessitent une double prise en charge à la fois
peuvent être les signes d’une fragilité psychique et prédire des somatique (dermatologique) et psychiatrique. Le travail le plus
conduites à risque (addictions diverses) [15]. ardu revient au somaticien car il est consulté en première
Pendant longtemps, l’adolescent peut avoir honte des trans- intention et seul, et ce pendant parfois longtemps, et il doit
formations visibles de son corps. Cette honte s’exprime souvent faire accepter à l’adolescent l’idée de cette double prise en
par une pudeur exagérée. Le médecin ne doit pas oublier charge. Dans ce but, le somaticien peut s’appuyer sur la
l’existence possible de tels sentiments chez son jeune patient. découverte d’une dépression (qui peut être majeure et conduire
À l’adolescence, l’insécurité narcissique est donc extrême et au suicide) pour encourager l’adolescent à aller consulter un
elle peut être augmentée par la moindre imperfection de la peau psychiatre. De toutes les façons, avec un adolescent souffrant
du visage ou du corps. Ainsi, à cause de cette insécurité d’une dysmorphophobie, la seule urgence est celle de nouer une
narcissique et à cause du caractère chronique de l’acné, le relation médecin-malade solide.
retentissement psychosocial de cette maladie est fréquemment L’éreutophobie, la peur de rougir devant les autres, se
important. Même si les patients souffrant d’une acné ne se rapproche des dysmorphophobies. Il s’agit d’une manifestation
vivent pas comme des handicapés, ils rapportent une qualité de phobo-obsessionnelle fréquemment associée à d’autres signes
vie altérée. Une étude a montré que le degré d’altération de la d’anxiété sociale. Elle peut néanmoins annoncer une idée
qualité de vie dans l’acné était comparable à celui des maladies délirante à thème corporel et être vécue comme la crainte de
somatiques chroniques réputées plus graves (asthme, épilepsie, laisser transparaître des pensées, ou des sentiments, honteux ou
lombalgie, etc.). Une autre étude particulièrement originale a coupables (délire de devinement de la pensée).
montré qu’il n’y avait pas de corrélation entre la gravité
clinique de l’acné et le montant de la somme que les patients Bronzage
étaient prêts à payer pour guérir de cette maladie. En revanche,
il existait une corrélation entre le montant de cette somme et À l’adolescence, tout particulièrement, existe une conduite à
le degré de l’altération de la qualité de vie [16]. Une comorbidité risque concernant les dermatologues : le bronzage. Le bronzage,
avec des troubles psychiatriques souvent indépendante de la obtenu par des expositions répétées et longues au rayonnement
sévérité clinique est fréquemment retrouvée chez les malades ultraviolet naturel ou artificiel, et surtout recherché par les
souffrant d’une acné. Une étude a ainsi montré que les malades jeunes occidentaux, est une véritable conduite à risque
souffrants d’une acné moyenne à modérée avaient, parmi les puisqu’elle favorise la survenue, entre autres, de cancers cutanés
malades souffrant de maladies cutanées variées, un score de et, principalement, de mélanome. Le dermatologue est souvent

4 Cosmétologie et Dermatologie esthétique

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amené à donner son avis car, malgré les messages de préven- possibilités de changements. Des identifications réussies, aux
tion, loin de diminuer les expositions au soleil sans protection parents par exemple (et aussi à des personnages publics pris
adéquate (crème, chapeau, vêtement couvrant) sont en nette comme modèles), permettent d’accueillir comme des retrou-
augmentation comme l’indique un travail réalisé chez des vailles avec de bons objets perdus, et non de rejeter avec haine,
étudiants âgés de 12 à 17 ans, tous les 3 ans de 1993 à 2002 [20]. des signes physiques (ou psychiques) du vieillissement constatés
Les bénéfices narcissiques obtenus à court terme par le chez son père ou chez sa mère. Enfin, la qualité des liens
bronzage (principalement l’amélioration de l’apparence physi- relationnels noués dans l’enfance, ainsi que la qualité de ceux
que, du pouvoir de séduction et, donc, la restauration d’une noués à l’âge adulte et conservés tout au long de la vie,
image de soi que l’adolescent croit défaillante) sont supérieures préservent de la solitude quand le sujet vieillit.
aux inconvénients possibles et, ce, d’autant plus que les En fait, on vieillit d’autant mieux que l’on sait garder en soi,
principaux inconvénients du bronzage concernent un futur tout au long de sa vie, de bons objets internes, c’est-à-dire des
lointain dans lequel les adolescents, tout particulièrement, ont personnes, des idéaux, des passions, etc. C’est la permanence de
beaucoup de mal à se projeter [21]. Une étude suédoise illustre ces bons objets en soi qui donne au sujet un sentiment de
bien ces notions [22]. Bien entendu, un individu plus âgé peut continuité et qui lui permet de se reconnaître dans le miroir, et,
avoir des conduites adolescentes à l’égard du bronzage quand, donc, de ne pas se vivre comme étranger à lui-même, inquié-
par exemple, il a une mauvaise image de soi et une faible estime tant, alors que le vieillissement a changé, transformé son corps,
de soi accompagnées ou non d’un état anxiodépressif. son visage, son apparence toute entière.
Les dermatologues sont donc bien placés pour délivrer des
messages préventifs cohérents et efficaces à l’adresse, par Peau sensible ou réactive
exemple, des jeunes gens : se réparer narcissiquement ne passe
pas seulement par le corps, mais aussi par l’acquisition de bons Elle correspond à des plaintes d’inconfort cutané (démangeai-
objets internes (amitiés, amours, travail, loisirs, etc.). son, tiraillement, picotement, etc.) surtout au niveau du visage et
chez des femmes de pays industrialisés. Ces plaintes s’accompa-
gnent, dans la moitié des cas seulement, de quelques signes
Vieillissement objectifs (érythème, desquamation) et surviennent après une
Dans notre société occidentale contemporaine, l’allongement application de produits d’hygiène, de soins, de maquillage, ou
de l’espérance de vie est spectaculaire, mais le grand âge n’est une exposition à des facteurs climatiques ou d’environnement.
guère une valeur sociale. Tout le monde désire vivre plus Les mécanismes en jeu relèvent d’un phénomène orthoergique
longtemps, mais personne ne veut vieillir [23]. mais restent mal élucidés. Deux mécanismes sont souvent
Notre société est aussi de plus en plus marquée par l’indivi- avancés et associés : une altération de la fonction barrière de la
dualisme. Chaque individu devient une personne autonome, peau et un dérèglement de l’expression des neuropeptides cutanés
devant sans cesse faire ses preuves et se mesurer aux autres, et (dans les deux mécanismes, le stress pourrait être l’un des facteurs
seule responsable de ce qui lui arrive : responsable de ses déclenchants). Les tests cutanés diagnostiques les plus employés
réussites et de ses échecs, et donc responsable aussi de « se sont ceux qui explorent la composante irritation de la déclaration
laisser vieillir ». peau sensible (comme le stinging test à l’acide lactique). Cepen-
Le sujet vieillissant peut ainsi se sentir coupable de laisser son dant, aucun test ne s’est révélé fiable quant à la concordance
corps se dégrader, les chairs devenir flasques, et honteux de ne avec la déclaration peau sensible et quant à la reproductibilité.
pas avoir pris soin de lui et de ne pas avoir su garder sa Les données concernant la fréquence de la déclaration peau
jeunesse. Vieillir entraîne alors une profonde blessure narcissi- sensible chez les sujets asiatiques et/ou à peau noire sont
que, et ce d’autant plus que les effets du vieillissement mar- actuellement très contradictoires, même si on a pu penser que
quent la peau, et altèrent beauté et séduction. En outre, à la les sujets asiatiques déclaraient plus souvent que les sujets
suite de la perte de la jeunesse, de la beauté, de la séduction, les caucasiens une peau sensible et que les peaux noires, grâce à
pertes lors du vieillissement touchent tous les domaines de la leur taux de lipides épidermiques élevés, devaient être plus
vie : social (travail par exemple), affectif (conjoint, amis), protégées du phénomène d’irritation [25].
personnel (les capacités psychiques, physiques, sexuelles). Si pour beaucoup de sujets la plainte s’atténue grâce à une
Il arrive donc un moment où le sujet ne peut plus cacher son prise en charge médicale adaptée, patiente et attentive, d’autres
âge, un moment où il est renvoyé à la perte de la fiabilité de sa sujets, en revanche, s’installent dans un statut de malade. La
peau, qui n’est plus la plus belle des messagères de son intimité. plainte d’inconfort cutané devient un véritable signe fonction-
Vieillir va même jusqu’à faire perdre au sujet ce que Le Breton nel pouvant révéler une humeur dépressive associée ou non à
appelle son « visage de référence » [24]. Pour cet auteur, le visage une anxiété et survenir sur des personnalités diverses. Il peut
de référence est celui de la jeune maturité, celui qui a connu alors prendre la valeur d’un symptôme conversif, hypochon-
l’éveil au monde, la facilité des contacts avec les autres, l’amour. driaque, obsessionnel ou même psychotique. Cependant, tout
Le vieillissement fait perdre aux hommes et aux femmes leur sujet, en dehors d’une humeur dépressive, peut avoir recours à
« vrai visage », il peut être vécu comme une défiguration et peut une plainte somatique pour exprimer des difficultés psycholo-
même conduire à une perte de soi, à une dépossession de soi. giques en prenant appui sur un dysfonctionnement préexistant
Les hommes et les femmes ne sont pas encore égaux devant la plus ou moins important d’un organe [26].
perte de leur jeunesse puisque, alors, la féminité elle-même
risque aussi d’être perdue. Dans son roman La fin de Chérie,
Colette décrit en ces termes Léa, la vieille maîtresse de Chéri : ■ Relation médecin-malade :
« la jupe unie, la longue veste impersonnelle entrouverte sur du ses particularités en cosmétologie
linge à jabot, annonçaient l’abdication, la rétraction normale de
la féminité, et une sorte de dignité sans sexe ». L’exercice de la dermatologie esthétique ne s’improvise pas.
Cependant, il existe des vieillards soignés, coquets, ne La plupart du temps, les sujets qui rencontrent un dermatologue
renonçant pas à une certaine séduction, à l’intelligence aiguisée, à cette occasion sont dans une démarche volontaire, bien
efficaces dans de nombreux domaines, actifs sexuellement et de informés, à la recherche d’un service adapté à leur demande,
jeunes adultes vieux avant l’âge, menant une vie monotone, exigeants quant à la prise en charge matérielle (locaux, instru-
morne, pauvre en investissements affectifs et sociaux. En fait, le ments utilisés, organisation du cabinet, etc.) et psychologique
vieillissement met à l’épreuve les capacités du sujet à s’adapter (qualité de l’écoute, disponibilité, communication aisée et fiable,
aux pertes et à changer. Ces capacités s’enracinent d’abord dans etc.) et vigilants quant aux résultats obtenus. Il faut donc savoir
une image de soi qui reste fiable au fil du temps. Un « capital prendre en compte tous ces éléments, et assumer le passage
narcissique » suffisamment solide pour résister à la blessure progressif d’une relation médecin-malade à une relation
narcissique engendrée par le vieillissement contribue aussi à médecin-client où les actes peuvent être hors nomenclature et
l’adaptation du sujet aux pertes qu’il subit et favorise ses exiger un devis détaillé à remettre à ce dernier [27].

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Comme dans toutes les autres disciplines médicales, à leur Tableau 1.


premier rendez-vous, les deux partenaires de la relation arrivent Personnalité paranoïaque.
chacun avec leurs propres images ou représentations, entre Caractéristiques principales Méfiance générale injustifiée,
autres de la beauté, de la jeunesse, de l’amour, de la santé, de avec absence de confiance en autrui
la maladie et du malade, de la médecine et des médecins, de la Hypersensitivité
vie, de la vieillesse, de la mort, etc. Mais en dermatologie
Restriction de l’affectivité, définie
esthétique, ce contexte, de façon plus ou moins manifeste, est
par au moins deux des manifestations
particulièrement à l’œuvre, puisque l’imaginaire est au centre de suivantes :
la relation médecin-malade.
- apparence de « froideur »
Un sujet dont la demande se situe dans le domaine de la
- fierté d’être objectif,
cosmétologie risque donc souvent d’interpeller le dermatologue
rationnel, sans émotion
dans ses convictions et ses croyances. Cette interpellation
mobilise alors chez le dermatologue, plus ou moins consciem- - manque de sens de l’humour
ment, des affects variés parfois violents. Ces affects, s’ils sont - absence de sentiments passifs, doux,
mal repérés par le dermatologue, peuvent entraver la relation tendres et de sentimentalité
médecin-malade et donc une prise en charge cosmétique Autres caractéristiques Hostilité avec égocentrisme
cohérente. Rigidité
Le praticien doit donc être autant à l’écoute de lui-même que Refus du compromis
du sujet qui fait une démarche d’ordre cosmétique. L’écoute de Ambition
ce sujet doit être guidée par des questions dénuées d’a priori, et Mépris des autres perçus comme faibles
aider ce dernier à exprimer au mieux ses motivations et ses
Difficultés interpersonnelles fréquentes
attentes. Par exemple, il est important de repérer le contexte avec parfois inadaptabilité
biographique dans lequel est survenue la demande d’ordre socioprofessionnelle
cosmétique ou esthétique. Cette demande est ainsi mieux située
dans l’histoire du sujet et son sens en est plus clair (une
dépression, par exemple, peut se révéler). Malentendus, décon-
venues, rancœurs, sont ainsi évités : le dermatologue qui
accorde de l’importance à la dimension cosmétique de la un mieux-être psychique. Dans cette démarche, la dermatologie
dermatologie n’est pas un personnage tout-puissant capable de esthétique a un rôle important à jouer, que le sujet rencontré
créer une beauté imaginaire et de faire revenir les amours soit indemne de toute maladie de peau ou non. La dermatologie
envolés, etc. esthétique permet d’améliorer la qualité de vie d’un malade
Enfin, seul un dermatologue peut déceler, au-delà d’une peau ainsi que l’observance de celui-ci quant au traitement local
sensible ou d’une lutte acharnée pour conquérir une beauté qui et/ou général de sa maladie cutanée ou générale. La dermatolo-
se dérobe ou pour effacer le moindre signe du temps qui passe, gie esthétique permet aussi une traversée plus harmonieuse de
des souffrances psychiques enfouies et enracinées dans une certains moments cruciaux de la vie tels que l’adolescence et la
fragilité narcissique ancienne (une dépression par exemple). Une vieillesse. Quand il a recours à la dermatologie esthétique, le
revue d’études épidémiologiques montre que le taux de suicide dermatologue aide donc le sujet à se réconcilier avec sa peau,
chez des femmes ayant reçu un implant mammaire à visée avec son corps. Cette réconciliation est souvent associée à une
esthétique est deux fois plus élevé que chez les femmes de la réconciliation de ce sujet avec son image de soi et à des
population générale [28]. De toutes les façons, une dépression ne retrouvailles avec une estime de soi qu’il croyait perdue.
contre-indique pas une démarche d’ordre cosmétique. Il faut
seulement la traiter et en tenir compte lors des conseils esthé-
tiques proposés et de l’exposé des résultats escomptés.
.

Enfin, malgré tous les efforts déployés par son dermatologue,


un sujet de bonne foi ou de mauvaise foi peut ne pas être
■ Références
satisfait par les résultats obtenus. Le dermatologue doit d’abord [1] Serres M. Les cinq sens. Paris: Grasset; 1985.
écouter avec empathie les griefs de ce sujet sans s’autoflageller [2] Anzieu D. Le Moi peau. Paris: Dunod; 1985.
ou attaquer, puis chercher avec ce dernier un compromis pour [3] Winnicott D. Processus de maturation chez l’enfant. Paris: Payot; 1970.
sortir du conflit. Certains sujets, cependant, deviennent très [4] Tirard F. USA, « Pire qu’un menteur : un gros! Autrement 1987;81:
revendicateurs, parfois même sur un mode délirant. Il importe 137-41.
donc que le dermatologue puisse repérer les principales caracté- [5] Vigarello G. Histoire de la beauté. Le corps et l’art d’embellir. De la
ristiques des personnalités paranoïaques et ait un correspondant Renaissance à nos jours. Paris: Le Seuil; 2004.
psychiatre (Tableau 1). Ce dernier, qu’il rencontre ou non le [6] Feingold A. Good looking people are not what we think. Psychol Bull
malade, représente une aide précieuse. 1992;111:304-41.
[7] Maisonneuve J, Bruchon-Schweitzer M. Le corps et la beauté. Paris:
PUF; 1999.
■ Conclusion [8] Richards HL, Fortune DG, Griffiths CE, Main CJ. The contribution of
perception of stigmatisation to disability in patients with psoriasis.
La peau occupe une place centrale dans le sentiment d’être J Psychosom Res 2001;50:11-5.
beau et dans l’apparence. Or, une apparence attractive est [9] Dehen L, Taieb C, Myon E, Dubertret L. Symptomatologie dépressive
devenue, en particulier dans notre société occidentale contem- et dermatoses. Ann Dermatol Venereol 2006;133:125-9.
poraine, un atout majeur pour une réussite affective, sociale et [10] Picardi A, Amerio P, Baliva G, Barbieri C, Teofoli P, Bolli S, et al.
professionnelle. Le culte de l’individu autonome, responsable de Recognition of depressive and anxiety disorders in dermatological
son corps, de son apparence, de sa santé, renforce cette ten- outpatients. Acta Derm Venereol 2004;84:213-7.
dance tout comme la compétitivité souvent féroce qui s’exerce [11] Boehncke WH, Ochsendorf F, Paeslack I, Kaufmann R, Zollner TM.
principalement dans le domaine professionnel. En outre, dans Decorative cosmetics improve the quality of life in patients with
ce domaine, l’expérience liée à l’âge n’est plus guère valorisée et disfiguring skin diseases. Eur J Dermatol 2002;12:577-80.
les années qui sont passées doivent plutôt être effacées. Ce [12] Hale ED, Treharne GJ, Norton Y, Lyons AC, Douglas KM, Erb N, et al.
mouvement, encouragé bien sûr par les industries concernées et ‘Concealing the evidence’: the importance of appearance concerns for
les médias, paraît actuellement inéluctable et n’est pas cepen- patients with systemic lupus erythematosus. Lupus 2006;15:532-40.
dant sans retombées positives. Chacun est, en effet, poussé à [13] Fawzy NW, Secher L, Evans S, Giuliano AE. The Positive Appearance
prendre soin de lui-même, à y consacrer du temps (et aussi de Center: an innovative concept in comprehensive psychosocial cancer
l’argent) pour un mieux-être physique, premier pas parfois vers care. Cancer Pract 1995;3:233-8.

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44:508-12. suicide. Am J Psychiatry 2007;164:1006-13.

S.G. Consoli, Dermatologue, psychanalyste (sylvie.consoli@wanadoo.fr).


7, rue Mouton-Duvernet, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Consoli S.G. Aspects psychologiques et socioculturels de la peau et de l’apparence. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Cosmétologie et Dermatologie esthétique, 50-110-A-10, 2008.

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