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1. Littérature
HEROS CESAIRIEN
Actualités ET IDENTITE
DISCURSIVE :
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ETHOS, LOGOS,
--> PATHOS Imprimer
J.-J. Rousseau TANDIA AIME CESAIRE, LE
MOUAFOU CESAR DE L’EMPIRE DES
LETTRES AFRO-
ANTILLAISES
ORPHEE NOIR ET LA
Recherche sur le site Ethiopiques numéro NEGRITUDE COMME OUBLI
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spécial. DE LA LOI DU
>> CANNIBALISME CULTUREL,
Hommage à A. CESAIRE ET IGNORANCE DE
2ème semestre 2009 L’IDENTITE CULTURELLE
COMME RAPPORT A
L’AUTRE
Auteur : J.-J. Rousseau TANDIA POUR UNE APPROCHE
MOUAFOU [1] GENRE DE LA NEGRITUDE :
CONTRIBUTION FEMININE A
La question de la construction de LA PENSEE CESAIRIENNE
l’identité est centrale en analyse du AIME CESAIRE ET
discours, surtout lorsqu’il s’agit de LEOPOLD SEDAR
l’énonciation théâtrale - celle d’Aimé SENGHOR FACE A
Césaire - que nous envisageons L’HISTORICITE NEGRE
comme corpus d’étude. Il s’agit, au EDOUARD GLISSANT,
LES INDES ET LE SEL
reste, d’un espace discursif où les
NOIR : L’HISTOIRE DANS LA
protagonistes « s’emploient VALLEE DE LA MEMOIRE
constamment à se positionner à AIME CESAIRE : UN
travers ce qu’ils disent, à s’affirmer en SAINT LAÏC OU LA
affirmant [...] à se valoriser et à CANONISATION D’UN
surmonter les menaces de HERETIQUE ENGAGE
dévalorisation » [2]. Nous sommes HOMMAGE A AIME
CESAIRE
bien dans la logique d’une construction
HOMMAGE A AIME
identitaire discursivement rendue et CESAIRE
fonctionnant, d’après les termes de AIME CESAIRE : LA
Fabien Eboussi Boulaga, « comme GLOIRE ET L’AMERTUME
l’exigence d’une relation paradoxale à AIME CESAIRE :
la fois de non séparation et de non POÈTE SUBVERSIF
coïncidence absolues, de l’identité AIME CESAIRE ET LE
avec la non-identité, de l’unité avec REFUS DU METISSAGE
l’unicité, du même et de l’autre » [3]. POLYPHONIE
ENONCIATIVE,
Notre projet herméneutique,
SCENOGRAPHIE ET
particulièrement centré sur le VARIATION DE L’ETHOS
personnage principal qu’est le héros, DANS LA POESIE D’AIME
s’articule autour de trois notions CESAIRE
centrales en analyse du discours : CESAIRE
DRAMATURGE DE LA
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l’ethos, le logos et le pathos. D’abord DECOLONISATION DANS LA
la question de la construction de TRAGEDIE DU ROI
CHRISTOPHE
l’image de soi dans le discours
LE THEATRE D’AIME
théâtral (l’ethos), entendu comme
CESAIRE : UN MANIFESTE
« l’apparence que lui confèrent [au DE LA DISSIDENCE
héros] les modalités de sa parole » [4]. LES RELENTS DE
Ce qui précède sera forcément MEURTRE OEDIPIEN DU
rattaché au logos, car le héros PERE CESAIRE ET LEUR
césairien est d’abord cet homme du NARRATIVISATION DANS
verbe dont la construction de l’identité L’ŒUVRE DE P.
CHAMOISEAU
constitue autant de morceaux
poétiques au sens jakobsonien du
terme. Mais il est avéré que l’identité
n’a de consistance que par rapport à
l’altérité, bref que l’altérité est la face
cachée de l’identité. C’est ce qui nous
amènera dans un troisième temps à
voir comment dans le théâtre d’Aimé
Césaire l’argumentation rationnelle de
l’identité cache mal un discours
essentiellement destiné, finalisé, et
dont le but ultimement visé est de
susciter un modèle d’émotion chez le
récepteur ( le pathos).
Cette réflexion, qui se situe dans la
perspective d’une analyse du discours,
voudrait analyser l’esthétique théâtrale
de Césaire en rapport avec la
conjoncture socio-historique qui l’a vu
naître. L’objectif serait de montrer, à
travers le prisme de la Négritude, que
la dramaturgie césarienne, c’est avant
tout du poétique au service d’une
idéologie, d’une vision du monde.
1. HEROS,
DISCOURS ET
CONSTRUCTION
DE L’ETHOS
Il est aisé de constater que la figure
du héros traverse les quatre œuvres
théâtrales [5] de Césaire. Elle y
apparaît comme matérialisation d’un
« exemplum » car, comme l’explique
Jean Michel, « le héros [est] un
exemple de courage dont on pourra
citer, ensemble ou séparément, les
différents traits significatifs » [6]. En
réalité, Le Rebelle de Et les chiens se
taisaient, Lumumba de Une saison au
Congo, Christophe de La tragédie du
roi Christophe, Caliban de Une
tempête constituent tous ensemble un
symbole archétypique, l’ « homme seul
qui tente de donner forme au chaos
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laissé par l’esclavage et la
colonisation [7] ». Ce faisant, ces héros
successifs mettent en avant des
images discursivement rendues, leurs
mœurs oratoires en somme. Ainsi, le
héros césairien, chaque fois qu’il
prendra la parole, se fabriquera un ou
plusieurs ethos considérés comme
autant de ses traits distinctifs. Une
lecture transversale des œuvres de
notre corpus nous a permis d’en
retenir plusieurs types.
1.1. L’ethos du
bâtisseur
On sait en effet que la dramaturgie
de Césaire naît au moment où
émergent politiquement les nations
nègres. Du coup, son esthétique
théâtrale se trouve marquée par la
conception d’un personnage central
ayant vocation de bâtisseur. Il s’agit
d’un comportement à la fois opératoire
et oratoire, le héros se projetant
comme un démiurge qui a comme
ambition de transformer le monde par
le verbe créateur. C’est l’ethos que se
construit Lumumba dans Une saison
au Congo :
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C’est le même motif du bâtisseur qui
se retrouve chez Christophe :
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1.2. L’ethos de
l’opiniâtre
L’une des caractéristiques du héros
césairien, c’est sa persévérance face
aux obstacles qui se dressent sur son
chemin de bâtisseur. Dans Et les
chiens se taisaient, Le Rebelle résiste
au bâillonnement : « Vous ne
m’empêcherez pas de parler à mes
amis sans éclipse » (ECT : 34). C’est
le même registre qu’utilise Caliban
lorsqu’il rejette l’offre de paix que lui
propose Prospero : « Ce n’est pas la
paix qui m’intéresse, tu le sais bien.
C’est d’être libre. Libre, tu
m’entends ! » (T : 87). Il en est de
même de Christophe qui refuse toute
offre de collaboration de la part de la
métropole :
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Je serai le b ouvier du Kivu
Je serai sur le mont, je serai dans le
ravin » (SC : 110).
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« Et je n’oublierai jamais pour ma part
que c’est au Ghana - au Ghana et par
N’krumah - que l’oiseau africain aux
ailes rognées par le colonialisme
secoua d’abord l’abâtardissement et,
s’élançant sans crainte ni vertige au-
devant du soleil, se sentit autre chose
qu’un cœur de faucon niais » (SC : 76).
On voit bien comment le trope s’ancre
dans le groupe nominal « l’oiseau
africain », qui connait par la suite une
expansion par une série de
déterminants et de prédicats. Plus tard,
c’est par une autre métaphore filée
qu’il dresse le bilan de son œuvre :
« Ma fonction était, sur le ciel noir et
l’horizon bouché, de dessiner d’un seul
trait incantatoire la courbe et la
direction. Désormais tout est sauvé »
(SC : 87), et il finit par relever le côté
inaltérable de son œuvre au moyen
d’une comparaison : « [...] c’est une
idée invulnérable que j’incarne, en
effet ! Invincible, comme l’espérance
d’un peuple, comme le feu de brousse
en brousse, comme le pollen de vent
en vent, comme la racine dans
l’aveugle terreau » (SC : 109). On note
bien comment l’irréversible
propagation de son idéologie est
rendue par des comparés exprimant
une sorte de cinétisme : (« le feu de
brousse en brousse », « le pollen de
vent en vent », « la racine dans
l’aveugle terreau »). Christophe lui
aussi, pour exprimer son projet
révolutionnaire, a recours à une suite
d’images : « Précisément, ce peuple
doit se procurer, vouloir, réussir
quelque chose d’impossible ! Contre le
Sort, contre l’Histoire, contre la Nature,
ah ! ah ! l’insolite attentat de nos mains
nues ! Porté par nos mains blessées,
le défi insensé » (TRC : 62). On le voit,
les obstacles supposés se dresser
sur le chemin de la révolution, à la fois
abstraits et concrets, sont mis en
exergue par une capitalisation des
initiales (« le Sort », « l’Histoire », « la
Nature »). Cependant, ils ne résisteront
pas à la bourrasque révolutionnaire ici
textualisée par la métaphore à cadre
déterminatif « l’insolite attentat de nos
mains nues ».
Une autre façon de verbaliser
l’idéologie passe, chez le héros, par
une espèce de jeu sur le signe
linguistique considéré comme « total
associatif du signifiant et du signifié ».
Il en résulte des isolexismes très
suggestifs, comme dans cette
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déclaration de Christophe : « Nous
devons être des « griffus ». Non
seulement les déchirés, mais aussi
les déchireurs » (TRC : 37). C’est aussi
le cas de Lumumba qui affirme :
« Camarades, tout est à faire, ou tout
est à refaire, mais nous le ferons, nous
le referons. Pour Kongo » (SC : 29),
avant d’enchaîner sur une
homéotéleute en finale de participe :
« Tout ce qui est courbé sera redressé,
tout ce qui est dressé sera rehaussé »
(SC : 29). Dans les précédents extraits,
figurent des familles dérivationnelles
qui font véritablement sens. Dans le
premier, le couple « déchirés » -
« déchireurs », outre le fait qu’ils sont
les mots de la même famille,
structurent sémantiquement une
antithèse qui permet d’envisager un
renversement de l’histoire. Le participe
passé « déchirés » exprime un état
passif alors que le substantif
déchireurs exprime une action en plus
de véhiculer une caractérisation
intrinsèque par l’italique. Dans le
second extrait, le couple de verbes
« faire » - « refaire » à l’infinitif, sont
des formes mortes, le procès
s’inscrivant dans la virtualité. Son
actualisation future est apportée dans
la suite de l’énoncé par les formes
conjuguées de ces verbes repris à
l’identique (« ferons », « referons »).
Dans le troisième extrait, au-delà de la
musicalité des propos, se lit en
filigrane une gradation dans le
sémantisme des participes passés :
« courbé - redressé - dressé -
rehaussé ». Le projet idéologique est
ainsi censé croître vers un idéal.
Par ailleurs, le héros césairien a
abondamment recours aux figures
d’opposition. Les idées, a priori
contradictoires, ne se neutralisent pas
parce que l’une l’emporte forcément
sur l’autre. C’est ainsi que procède Le
rebelle dans Et les chiens se taisaient,
lorsqu’il veut faire prendre conscience
à son peuple de son véritable
potentiel : « Ha, Ha, quelle revanche
pour les Blancs. La mer indocile...le
grimoire des signes...la famine, le
désespoir...Mais non, on t’aura menti,
et la mer est feuillue, et je lis du haut
de son faîte un pays magnifique, plein
de soleil...de perroquets...de
fruits...d’eau douce...d’arbres à pain »
(ECT : 67). C’est de la même façon que
Caliban affirme sa prise de conscience
de son identité, contrairement à celle
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qui lui a été donnée par procuration :
« Allons
de noms de gloire je veux couvrir vos
noms d’esclaves,
de noms d’orgueil nos noms d’infamie,
de noms de rachat nos noms
d’orphelins ! » (TRC : 37).
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(TRC : 138-139).
2. DISCOURS
HEROÏQUE ET
INTENTIONNALITE
PATHEMIQUE
Le potentiel pathémique d’un
discours peut se mesurer à l’aune de
l’émotion qu’il est supposé provoquer
chez le destinataire. Pour ce faire, le
héros césairien joue sur deux
registres, allant de l’émotion montrée à
l’émotion suscitée. Dans le premier
cas le locuteur, pour communiquer
l’émotion, se montre soi-même ému.
D’où, chez Le Rebelle, cette évocation
du passé esclavagiste qui n’est pas
dénué d’affectivité :
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« A qui fera-t-on croire que tous les
hommes, je dis tous, sans privilège,
sans particulière exonération, ont
connu la déportation, la traite,
l’esclavage, le collectif ravalement à la
b ête, le total outrage, la vaste insulte,
que tous, ils ont reçu, plaqué sur le
corps, au visage, l’omni-niant
crachat ! » (TRC : 59).
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Empruntant à la métaphore de la
prédation « le Congo est une chèvre
entre les dents du fauve ! », il montre
comment le Congo, à peine accédé à
l’indépendance, est déjà menacé.
Cette présentation est de nature à
déclencher chez les Congolais,
particulièrement chez les soldats
auxquels il s’adresse, un instinct de
défense ou de préservation car comme
l’explique Giuseppe Mininni, « lorsque
l’on menace ce qui est « glorieux », on
veut anéantir une évaluation partagée
et donc mettre en crise un accord ou
entamer une ligne de partage stipulée
par le jugement social » [14].
Empruntant toujours à la stratégie de la
communication politique, le héros va
structurer son discours autour d’un
mécanisme de compétition. De nature
foncièrement polémique, son discours
va traiter une instance adversaire
toujours disqualifiée aux yeux du
destinataire. S’il se considère comme
agent social mandaté par le Bien, son
adversaire quant à lui est perçu
comme suppôt du mal. Ce faisant, il se
lance, nolens volens,dans ce qui
ressemble fort bien à une
argumentation de la haine. C’est ce
que fait Christophe en étiquetant à sa
façon les ennemis de son peuple :
« Notre fierté, on, je dis On nous la
vola ! Pierre, Paul, Jacques, Toussaint !
Voilà les estampilles humiliantes dont
on oblitéra nos noms de vérité » (TRC :
37). C’est vrai que Christophe, par
l’emploi du pronom indéfini « on », feint
d’entretenir une opacité référentielle
autour de l’identité de l’ennemi
commun. Mais en cumulant usage (sa
nature de pronom) et mention (l’italique
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REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
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