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9/3/2019 Que révèlent les traces de réécriture dans les brouillons d’élèves produisant des récits à partir de sources

à partir de sources littéraires ?

Repères
Recherches en didactique du français langue maternelle

57 | 2018 :
Collecter, interpréter, enseigner l’écriture

Que révèlent les traces de


réécriture dans les brouillons
d’élèves produisant des récits à
partir de sources littéraires ?
What do rough drafts taken from pupils’ rewriting notes reveal when producing narratives from literary sources?

KATHY SIMILOWSKI, DOMINIQUE PELLAN ET SYLVIE PLANE


p. 15-34

Résumés
Français English
Notre article s’inscrit dans un ensemble d’études visant à montrer comment l’écrit, apparemment
inerte, est le résultat de métamorphoses dans ses aspects conceptuels et linguistiques. Nous nous
attachons à l’observation d’écrits narratifs produits par des élèves de fin d’école primaire. Nous
émettons des hypothèses sur ce que nous apprennent les traces (suppressions, ajouts, déplacements,
remplacements et surcharges) des procédures rédactionnelles à l’œuvre et mettons au jour des
tendances de comportements scripturaux dans une perspective didactique.

This article is part of a series of studies seeking to show how seemingly inert written texts result
from conceptual and linguistic transformations. By closely observing written narratives produced by
pupils at the end of their primary school education, we make several assumptions about what can be
learned from their rough drafts (e.g. deletions, additions, alterations, replacements, and
overwriting) during the editorial process and shed light on writing behaviour trends from a teaching
perspective.

Entrées d’index
Mots-clés : écriture, école, didactique

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9/3/2019 Que révèlent les traces de réécriture dans les brouillons d’élèves produisant des récits à partir de sources littéraires ?

Keywords : writing, school, didactics

Texte intégral

1. Introduction
1 Cet article s’intéresse au dialogue entre le scripteur, son texte et les textes qui sont à
disposition et qui lui fournissent de la matière à penser et à dire. Ce dialogue muet
s’exprime à travers le texte qu’il produit. En effet, bien qu’étant apparemment inerte et
figé, le texte garde à travers ses marques graphiques la trace du mouvement de la pensée
du scripteur et de son activité langagière. Nous observerons ce que nous disent ces traces
dans deux corpus d’écrits réalisés par des élèves de l’école primaire qui ont en commun
d’avoir été réalisés à partir de sources fournies. Nous nous attacherons à décrypter les
indices qui renseignent sur la manière dont peut se régler chez le scripteur apprenant le
conflit entre le vouloir dire et le système complexe qu’est la langue écrite. Nous nous
intéresserons particulièrement à la matérialité graphique et montrerons qu’on peut
dégager des tendances qui renseignent sur des comportements de scripteurs et
proposerons en conclusion des préconisations didactiques.

2. Le texte et son brouillon : des objets à


interpréter pour identifier le travail
d’écriture des élèves

2.1. Du texte objet statique au texte objet dynamique


2 Le texte est un objet linéaire, à un moment donné stabilisé, ayant un commencement et
une fin, qui va pouvoir être consulté et s’inscrire ainsi dans la permanence. Mais le texte
n’est pas que cet objet figé que le lecteur réanime, il est aussi un objet dynamique révélant
une circulation entre la langue et le « à dire ». La matérialité statique qu’il présente est en
effet le « fruit d’un travail psychique, cognitif et gestuel de la part de l’écrivant qui laisse
des traces matérialisées graphiques de ce travail », comme le dit Fenoglio (2007). Le texte
porte l’empreinte de ce travail, empreinte que la génétique textuelle se propose de mettre
au jour en repérant et analysant les indices matériels qui informent sur les procédures de
création.

2.2. Interpréter les traces graphiques


3 Le manuscrit est observé en tant qu’il porte la trace de la dynamique d’écriture à travers
la présence de certains signes linguistiques et non linguistiques qui témoignent de
changements opérés en cours de scription ou lors de réécritures. Ces traces permettent
d’identifier quatre types d’actions opérées sur le texte (ajouts, suppressions,
remplacements, déplacements) que Grésillon (1989, p. 178) puis Fabre-Cols (2002) ont
d’abord regroupées sous le terme générique de « substitutions », terme que Doquet (2011,
p. 25) propose de remplacer par celui « d’opérations » moins connoté (substitution
renvoyant à l’idée de remplacement) et mieux adapté à l’observation d’une activité
scripturale (la substitution étant un résultat). Tout manuscrit renseigne donc doublement

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sur les processus dont il est issu, c’est-à-dire qu’il informe à la fois sur sa propre genèse et
sur l’activité langagière du scripteur. En effet, pour les spécialistes de génétique, le texte
est considéré comme étant le résultat d’une « suite d’opérations d’écriture observables »
que Doquet nomme « processus d’écriture1 ». Au prix d’une méthodologie rigoureuse2, le
manuscrit permet de retrouver l’ordre de ces opérations et de reconstituer la chronologie
de la scription. En revanche, pour les psychologues, « processus » s’entend au sens
d’activité cognitivo-langagière et désigne dans le modèle princeps de Hayes et Flower
(1980) la planification, la textualisation et la révision, que Hayes requalifiera de « lecture »
en 1995. Ce dernier modèle revisité insiste sur l’intrication des différents processus et sur
leur caractère récursif. Des travaux ultérieurs portant sur les rédacteurs expérimentés
considèrent la révision comme un processus non plus de modification du texte mais de
contrôle et de régulation de l’activité, un « instrument de pilotage de la rédaction » (Favart
et Olive, 2005).

2.3. Interpréter les brouillons d’élèves


4 Les méthodes de la critique génétique mises en place pour étudier les textes des
écrivains ont pu être appliquées à des textes d’élèves parce qu’on a fait l’hypothèse que les
procédures employées étaient du même ordre et qu’on a attribué aux élèves le statut
d’auteur. Ce sont donc à la fois des raisons d’ordre linguistique et psycholinguistique et
des choix didactiques qui sont à l’origine des travaux portant sur les brouillons d’écoliers.
Fabre (1987), met à profit la génétique textuelle pour examiner et comprendre le travail du
scripteur-apprenant à travers l’analyse d’un corpus significatif de brouillons produits à
l’école élémentaire. Ses travaux ont permis de mettre en évidence le rôle métalinguistique
de la rature. L’analyse des brouillons d’écoliers comme « lieu où sont conservées les traces
du débat interne à celui qui lit-écrit » (Oriol-Boyer dans Fabre, 1990, p. 7) est suivie par
d’autres chercheurs (Lamothe-Boré, 1998 ; Calil, 2003 ; Doquet, 2011). Comme l’avait fait
Hay (1984) pour les écrits littéraires, Fabre-Cols (2002) tente de dégager des tendances de
comportements scripturaux et distingue des scripteurs modifiant souvent l’écrit dans le
courant même de l’énonciation et les scripteurs modifiant massivement leur texte
lorsqu’un premier état est achevé. Utiliser les outils de la génétique textuelle pour les
appliquer aux brouillons d’écoliers permet de cibler les types d’interventions les plus
fréquentes d’une tranche d’âge considérée comme « un processus d’équilibrage entre le
plan sémantique et le plan syntaxico-prosodique » (Fabre-Cols, 2002, p. 21) et de
caractériser ainsi l’écriture débutante. C’est en nous appuyant sur l’ensemble de ces
travaux que nous procèderons à l’analyse de copies d’élèves de fin d’école primaire.

3. Des protocoles d’écriture réduisant


l’espace de dispersion des textes à venir
5 Les textes recueillis sont issus de deux recherches dont les objectifs étaient différents,
mais qui avaient pour point commun de fournir aux élèves un substrat initial à partir
duquel ils devaient produire eux-mêmes un texte narratif de fiction. La marge de liberté
laissée aux élèves pour écrire leur propre texte était ainsi réduite par les contraintes
générées par la mise en contact de textes littéraires, contraintes plus ou moins fortes selon
les protocoles mis en place. Il nous a paru intéressant de comparer les données recueillies
afin de voir si des constantes pouvaient être dégagées quant aux traces laissées sur les
brouillons3 et ce qu’elles révélaient de la manière dont ils se réappropriaient des textes
sources et de la capacité des élèves à être fidèles à leur propre texte.

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3.1. L’écriture d’une robinsonnade à partir de textes


lus
6 Une première série de textes a été produite par des élèves ayant eu à lire des textes
littéraires du genre de la robinsonnade. Les groupes 1 et 2 ont écrit deux versions à une
semaine d’intervalle. Le groupe 1 a rédigé un récit à partir de la consigne 1 : « un enfant
arrive sur une ile à la suite d’un naufrage. Raconte ». Le groupe 2 a produit une suite de
récit à partir d’un texte enclencheur et de la consigne 2 : « écris la suite de l’histoire ». Lors
de la seconde version, ces deux groupes n’avaient pas leur premier écrit sous les yeux,
mais disposaient de quatre textes littéraires qu’ils étaient libres d’utiliser ou pas. Les
groupes 3 et 4, quant à eux, ont composé un seul texte à l’aide de ce corpus littéraire : soit
un récit à partir de la consigne 1 (groupe 3), soit une suite de récit à partir de la consigne 2
(groupe 4). Pour la présente étude, nous ne retiendrons que l’analyse des productions au
contact des textes littéraires, soit 96 textes.

3.2. L’écriture d’un conte à partir d’un texte entendu


7 Une seconde série de récits (groupes 5 et 6) a été produite par des élèves qui se devaient
après l’écoute d’un conte africain de le restituer4. Lors de l’écriture, les élèves ne pouvaient
se reporter à la lecture du texte du littéraire qui leur avait été lu. Pour la présente étude,
nous ne retiendrons que l’analyse des textes produits lors d’une première version
d’écriture, soit 50 textes.

3.3. Composition des corpus


8 Le corpus se compose de 146 récits d’élèves de CM1-CM2 écrits en situation écologique.
Les textes ont en effet été produits en situation habituelle de classe à l’aide de consignes de
passation précises écrites formulées par le chercheur ou, lorsque les conditions matérielles
ne le permettaient pas, par l’enseignant lui-même.

Tableau 1 : Caractéristiques générales du corpus

Groupes Niveaux Nombre de copies Nombre de mots en moyenne


G1 CM2 24 388
G2 CM2 24 358
G3 CM2 27 218
G4 CM1-CM2 21 249
G5 CM1 23 131
G6 CM2 27 240

4. Ce que les traces figurant dans les


brouillons de textes narratifs écrits au
contact de textes littéraires révèlent chez
les scripteurs apprenants

4.1. Les opérations d’écriture : des marques d’un


dialogue réflexif
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9 Un recensement manuel des opérations d’écriture comptabilisées de façon globale par


groupes d’élèves a été effectué.

Tableau 2 : Les opérations d’écriture du corpus

Groupes Remplacements Suppressions Ajouts Déplacements Total


G1 109 99 21 0 229
G2 65 53 6 0 124
G3 59 45 7 0 111
G4 66 60 8 0 134
G5 36 47 7 0 90
G6 41 25 18 0 84
Total 376 (48,7 %) 329 (42,6 %) 67 (8,7 %) 0 772
10 Dans les deux dispositifs, les résultats sont similaires. Sur les quatre opérations
textuelles, seulement trois sont présentes : aucune trace de déplacement n’existe.
L’absence de déplacement correspond aux constatations effectuées par Fabre (1987)
considérant « qu’il n’y a pas d’au-delà de la phrase » en termes de révision rétrospective
avant 9 ou 10 ans. En effet, cette opération nécessite une appréhension globale du texte
encore en cours de construction, alors que les écoliers « ne parviennent au mieux qu’à le
faire sur des unités lexicales ou syntagmatiques, et s’abstiennent de modifier l’ordre
textuel dans son ensemble » (Fabre-Cols, 2002, p. 146). Même limité à la phrase, le
déplacement se révèle être une opération très complexe car engageant « deux points
distincts du discours » (ibid.).
11 L’opération majoritaire est le remplacement. On aurait pu s’attendre à ce que cette
proportion soit inférieure, Fabre-Cols ayant observé, sur un corpus d’écoliers du CE1 au
CM2 qui comportait 45 % de remplacements, que la part de cette « variante à tout faire »
laissait progressivement la place aux autres opérations (2002, p. 79-81). Viennent ensuite
les suppressions qui sont à la fois l’indice d’un tâtonnement et d’un discours
métalinguistique (Fabre, 1987) puis, pour une faible part, les ajouts. Nos constatations
s’éloignent ici de celle de Fabre-Cols. Les ajouts représentaient 30 % des opérations (2002,
p. 103) et l’auteure concluait à leur développement régulier pendant les années de l’école
élémentaire, ce qui aurait pu laisser présager un taux encore plus élevé sur un corpus de
CM1-CM2. Ces résultats quantitatifs sont différents de ceux observés par Fabre-Cols.
L’ajout significativement moins important cède le pas aux autres opérations. Une des
hypothèses pouvant être avancée avec prudence tiendrait aux spécificités de chacun des
protocoles. En effet, Fabre-Cols (2002, p. 106) a mis au jour la répartition de l’ajout lors
de la genèse du texte et montré un pourcentage croissant d’ajouts entre le brouillon
(état 1), la relecture de révision (état 2) et la copie (état 3). Or, les productions constituant
notre corpus sont pour les groupes 3 à 6 des « premiers jets » (état 1). Par ailleurs, l’ajout
change de sens avec l’âge et le degré d’expertise et s’attache progressivement à des
segments discursivement significatifs. Or, on peut se demander si la mise à disposition de
textes ressources lus ou entendus n’a pas permis la prise en compte d’informations servant
la narration et l’inscription de segments littéraires instantanément dans le texte, là où
dans un autre protocole ils auraient pu être insérés lors d’une seconde phrase d’écriture.
12 En tout état de cause, à l’inverse des opérations de « suppression » où l’écriture est
raturée, l’ajout se révèle être pour les scripteurs ayant peu d’expérience de l’écriture une
opération très difficile (Fabre, 1986).

4.2. Le remplacement : une opération présente tout


au long de la mise en texte
13 Nous avons choisi de caractériser les remplacements en croisant niveau d’intervention
linguistique (graphème, lexème, syntaxe) et fonctions (corrections formelles, ou

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intervention sur le contenu et l’expression). Fabre-Cols (2002) avait remarqué que les
remplacements s’opéraient majoritairement dans les six premières lignes des productions
écrites. Dans notre corpus, et malgré de fortes disparités, ces opérations s’effectuent
encore et majoritairement au-delà de ces six premières lignes. Les scripteurs semblent
donc capables d’effectuer cette opération de révision tout au long de leur travail d’écriture.

Tableau 3 : Les opérations de remplacement


Nombre total de Nombre de remplacements Pourcentage de remplacements
Groupes
remplacements dans les 6 premières lignes dans les 6 premières lignes
G1 109 35 32 %
G2 65 15 23 %
G3 59 20 34 %
G4 66 16 24 %
G5 46 22 47 %
G6 50 3 6%
395 111 28,1 %

4.3. Le remplacement : ce qu’il révèle des


hésitations et des décisions du scripteur, du
graphème au texte
14 Le remplacement est en grande majorité le lieu d’hésitation linguistique (Fabre, 1987).
De nombreuses corrections formelles, courantes chez les scripteurs débutants, sont
relevées (graphèmes et corrections orthographiques d’un lexème entier). Cependant, nous
avons catégorisé d’autres remplacements qui peuvent être la marque de réflexions
lexicales, sémantiques ou stylistiques.
15 Nous avons observé ce que nous nommerons des ratures d’attaques : traces graphiques
qui manifestent que le scripteur opère une suppression d’un ou plusieurs graphème(s),
puis écrit un lexème avec le(s) même(s) premier(s) graphème(s). Ces ratures sont
probablement consécutives à un encodage trop rapide par rapport à l’anticipation de la
suite du texte. Le scripteur semble emporté par sa mise en texte et dans le même temps se
questionne sur l’usage orthographique et/ou l’emploi lexical.

Le bateau finit par me v voir et me repéché (Martin, G1).

La, La gaz La gazelle avait (Lassana, G6).

16 De même pour ce que nous qualifierons de remplacement avec réitération, lorsque les
scripteurs suppriment puis réécrivent le ou les même(s) lexème(s) sans correction
orthographique. Il s’agit bien d’un remplacement mais il est formel. Il n’est pas toujours
aisé de savoir s’il s’agit d’hésitation graphique, orthographique ou sémantique, le scripteur
s’interrogeant alors sur la suite du texte. Selon Fabre, quand un terme est éliminé puis de
nouveau écrit, l’hésitation montrerait que le jeune scripteur éprouve des difficultés à
« choisir » le meilleur terme (Calil et Felipeto, 2006, p. 66). Cependant dans l’énoncé de
Love-Eva, il n’est pas évident d’envisager une alternative à la préposition « sur », qui avait
par ailleurs été lisiblement et correctement écrite. Il s’agit de la reprise in extenso de la
consigne 1 du protocole.

Un enfant arrive sur sur une ile à la suite d’un naufrage (Love-Eva, G3).

17 Des indices de la réflexion du scripteur s’observent encore par ce que nous appellerons
le remplacement/déplacement, procédé consistant en l’insertion/interposition d’un
nouveau contenu sémantique puis à la reprise des lexèmes supprimés. Cette intervention

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suggère la mise en mémoire de lexèmes qui sont ensuite réutilisés dans la suite du texte.
Elle s’apparente à un déplacement géré dans le cours de la linéarisation.

La gazelle doit de l’argent au léopart et va chez comme il le savez il va chez la gazelle


(Loïc, G6).

18 Cette anticipation du contenu à venir pourrait être expliquée par le fait que, chez
l’apprenant, la motricité manuelle va moins vite que la parole intériorisée : « La
synchronisation, propre au scriptural, de la motricité de la main et d’une verbalisation en
projet, n’est pas complète » (Fabre, 1986, p. 76).
19 Les scripteurs apprenants procèdent par essais successifs et peuvent revenir sur le
remplacement projeté : ces cas de remplacement abandonné attestent aussi du dialogue
entre l’auteur et son texte en cours de scription.

J’ai tout suites mi fais mis le feu […] (Quentin, G2).

20 Des interventions peuvent être qualifiées de remplacement par ajustement sémantique.


Les scripteurs procèdent par substitution entre lexèmes avec équivalence sémantique
(synonyme, hyperonyme, hyponyme, changement de verbe, etc.). Les traces laissées
rendent compte de l’activité métadiscursive des scripteurs. Lorsqu’elle conclut son récit,
Marine substitue à « histoire » un synonyme appréciatif.

Je raconta cette histoire aventure a tout le monde (Marine, G4).

21 D’autres opérations s’apparentent à des remplacements pour réorientation du récit. La


substitution du ou des lexèmes montre qu’il n’y a pas volonté du scripteur de procéder par
stricte équivalence sémantique. Sofian avait décidé de terminer son récit, se ravisa et
sembla s’amuser avec le lecteur en créant un horizon d’attente.

Et cette histoire continua sans fin

FIN à suivre… (Sofian, G3).

22 Enfin, le remplacement stylistique témoigne aussi d’un dialogue entre le scripteur, son
texte et le lecteur. La suppression du présentatif provoque un effet esthétique dans
l’énoncé de Thaïs. Le remplacement opéré par Shanna concerne l’unité énonciative
(on/tu), mais peut s’interpréter aussi comme une reformulation syntaxique à visée
stylistique avec l’inversion verbe/sujet.

Oui c’ elle était belle cet vallée (Thaïs, G2).

[C]omment on fait fait tu pour faire […] (Shanna, G65).

23 On peut supposer que tous ces remplacements sont les rouages à la fois de l’elocutio
« emploi des idées et des mots les plus propres » et de l’inventio « dans les cas de grande
mobilité énonciative » (Fabre-Cols, 2002, p. 82).

4.4. Le remplacement : ce qu’il révèle du dialogue


entre le scripteur et des textes littéraires sources
24 L’incipit est un lieu de confrontation d’options dont le manuscrit porte la trace. Mayelly
cherche l’amorce de son récit, et trouve une réponse dans les textes littéraires qui
accompagne son écriture. Après avoir convoqué l’incipit d’un premier texte6 : « Je
marchais comme un habitué à travers les arbres chargés de fruits […] », elle choisit celui
d’un second texte7 : « Quelques jours plus tard, je réussis à allumer un feu. » Le saut de
ligne marque un nouveau départ du texte.

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Je marchais comme un habitué

Quelques jours plus tard, je réussis à allumer un feu (Incipit) (Mayelly, G4).

25 Le remplacement peut également révéler une hésitation entre le modèle énonciatif


fourni par un corpus littéraire rédigé à la première personne et le modèle énonciatif
in absentia du récit d’aventures écrit à la troisième personne. Ainsi, alors que les textes du
corpus sont écrits « à la première personne » typique des romans autobiographiques,
Hugo, comme d’autres jeunes scripteurs, opte pour la forme distanciée de « la troisième
personne » plus fréquente dans les romans d’aventures.

Quelques heures plus tard, j étais il était tout seul (Incipit) (Hugo, G1).

26 Le remplacement porte encore la marque de l’empreinte des textes littéraires lorsque le


scripteur modifie son texte pour se rapprocher de la formulation du texte source. Ainsi,
Quentin choisit de poursuivre le récit d’un texte littéraire8 donné à lire en seconde version
et remplace le lexème « veaux » initialement écrit par « chevreaux » puis ajoute « trois ».

Néanmoins un matin, allant visiter mes pièges après avoir changé mon système de
trappe, j’y trouvai trois chevreaux, un mâle et deux femelles (Texte C).

Alors je’ l’ai les ai pris les veaux trois chevreaux et une femelles que j’ai relâché
(Incipit) (Quentin, G2).

27 Salma, quant à elle, modifie le cours de son histoire car la gazelle, mise dans le filet, ne
sera pas « emmenée », c’est-à-dire conduite jusqu’au bout de son voyage : elle s’enfuit
avant. Dans le conte entendu, malgré les supplications de la gazelle (« ne me tue pas. »), le
léopard, son ravisseur, intime l’ordre à deux hommes de préparer un filet pour la ficeler.
Cependant, rusée, la gazelle profite de la naïveté d’une antilope qui prendra sa place dans
le filet, pour se cacher et échapper à son sort. L’énoncé de Salma est une reformulation
résumante de l’histoire.

[I]l l’emena la metta dans un filet mais la Gazel lui dit de ne pas la tuer et donc elle
s’enfuit (Salma, G6).

28 Les textes sources ne sont pas accueillis sans questionnement. Le remplacement met au
jour les interrogations du scripteur sur leurs choix lexicaux par rapport aux propositions
des textes littéraires. Judith substitue « cabane » à « maisonnette » en expliquant lors
d’un entretien que le premier terme correspond mieux, de son point de vue, à l’image
insulaire : « Le rajout sur la maison de bambou, c’est parce que j’ai essayé de reprendre le
dernier texte9. J’ai mis “maisonnette” et j’ai raturé parce que c’est pas vraiment une
maisonnette. C’est fait avec des choses que la personne a trouvées sur l’ile. Alors j’ai mis
cabane ».

Je me trouvait déjà sur l’ile depuis longtemps mais je n’avais jamais remarqué cette
petite maisonette cabane, au sud de l’ile (Judith, G1).

29 Inès écrit de mémoire le conte qu’elle a entendu. Le remplacement qu’elle opère par
rapport au texte source accentue sans doute de son point de vue le caractère malin de
l’animal.

La gazelle […] faisant semblant d’ignorer le but de sa visite matinale (texte source)

La gazelle savais pourquoi il étais la, mais elle fesa semblant mine de ne rien savoir
(Inès, G5).

30 Le conte comporte un nom générique « boisson » (3 occurrences) et un nom dénotatif


« vin de palme » (2 occurrences). Dans l’énoncé d’Inès, le remplacement peut traduire une
hésitation d’ordre orthographique, mais l’élève a pu vouloir aussi privilégier un
hyperonyme plus courant. L’emploi du démonstratif signale que le mot « boisson » a été

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employé et il l’a même été deux fois puisqu’il figure à la fois dans le texte d’Inès et dans le
texte source dont elle se remémore le contenu. En somme, le déictique actualise
l’hyperonyme cité.

Le léopard appeine avait parlé quelle lui dit : veut tu de vingt de palme cette boisson ?
(Inès, G5).

31 Beatriz, dont la langue maternelle est le portugais, est la seule à récupérer le terme
« limonier » du texte de Defoe proche du mot portugais limão signifiant « citron ».
Pourtant, elle le rature pour l’abandonner et lui substitue le terme « citronnier » par
ailleurs également présent dans le texte source.

Jean ne trouva rien sauf un limonier citronier (Beatriz, G1).

32 Dans les énoncés d’Inès et de Beatriz, les termes biffés n’apparaissent pas dans la liste
des 1 500 mots les plus fréquents établie par E. Brunet10. Les jeunes scripteurs établissent
probablement des stratégies de contournement pour éviter la récupération de matériaux
lorsqu’ils n’en comprennent pas le sens ou lorsque d’autres, s’éloignant du lexique
littéraire mais mieux maitrisés, sont disponibles.
33 À l’inverse, le lexique du texte source (argent : 9 occurrences) peut contribuer à
autocorriger l’emploi de termes familiers, comme le montre l’exemple de Loïc.

[L]a gazelle <et dit> je veux mon ponion argent !! [...] La gazelle c’est fait choper et
meur sans passer le pon frique argent (Loïc, G511).

34 Les modifications rencontrées dans les textes produits signalent aussi une relecture des
textes sources. Dans l’énoncé de Sabrine, le terme « visitant » est recontextualisé : le héros
ne visite plus ses bagages, il visite l’ile. Camille adapte à son propos le segment verbal
« vient d’échouer », et la rature introductrice montre qu’il y a eu un retour réflexif sur le
segment saisi. Le scripteur choisit un actant inanimé.

Au milieu de tous mes travaux il m’arriva de trouver, en visitant mes bagages, un


petit sac (texte source12).

Au milieu de tous mes travaux il m’arrivai de trouver des <en> ba de visitant l’ile de
trouver des bagages et un sac (Sabrine, G1).

Abel vient d’échouer sur une ile déserte (texte source13).

Camille vient Le bâteau de Camille vient d’échouer sur une ile sauvage (Valentine,
G1).

35 Le dialogue avec le texte source conduisant à une relexicalisation14 peut également


s’expliquer par une recherche du « mot juste » lors du travail de remémorisation du texte
source entendu. Ainsi, Vanessa cherche à reconvoquer le nom spécifique correspondant à
la désignation exotique d’un breuvage (« itoutou », 3 occurrences) : les deux propositions
sont erronées.

Et comment le fabrique-t-on, ton itoutou ? (texte source).

[F]ais mon itou mais quand comment fais tu ton tiffou (Vanessa, G5).

4.5. La suppression : marque de choix et


d’abandons
36 L’essentiel des suppressions15 se situe au niveau du graphème ou du mot. Elles sont
motivées par des corrections de surface (Fabre-Cols, 2002, p. 131). Des suppressions
laissent également apparaitre une hésitation sur une expression référentielle (Fabre,

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1987). Il est toujours présomptueux d’interpréter les traces graphiques des élèves, mais
l’on peut se demander si les suppressions suivantes, qui sont des renoncements à qualifier
un substantif, ne sont pas la manifestation d’une recherche de vraisemblance avec les
conditions insulaires de la robinsonnade.

[J]e me construisit […] une belle maison (Alizée, G1).

[J]e decida de faire une maison spacieuse (Pierre-Yves, G1).

37 D’autres suppressions révèlent une hésitation lors de la mise en texte, signalant une
volonté de réorientation du texte ou une volonté de substitution (recherche sur la
référence), non finalisées. Ainsi, les ratures d’Ernestine et de Ruben en clausule semblent
mettre fin à un travail de recherche. À contrario, celle de Nina amorce une opération que
le scripteur a été incapable de poursuivre (« fin » non remplacé sans doute par « faim »),
ce qui pose probablement ici la question des limites de la mémoire de travail des
scripteurs débutants, telles que l’ont démontré notamment les travaux des
psycholinguistes (Olive et Piolat, 2005).

Puis le mit dans une bouteille et la lançà très loin et espérera un jour qu’ils viendront
me chercher. Mais peut être pas. FIN (Ernestine, G1).

[E]lle était très belle et gentil et on vécur tous heureux. Fin c’était (Ruben, G4).

J’avais fin donc j’appris seul a me faire à manger, pour y mettre la nourriture, je pris
de l’argile et me fit des plats (Nina, G2).

38 Fabre avait déjà remarqué que la suppression pouvait traduire « soit l’abandon de la
vigilance linguistique, soit celui de l’invention » (1986, p. 73).

4.6. L’ajout : correction orthographique


économique, réponse à l’omission et indice de
compétence rédactionnelle
39 La plupart des ajouts se situent sur un plan formel (orthographique et grammatical)
pour compenser l’omission soit de lettre(s) soit d’un ou plusieurs lexèmes. L’opération vise
donc un retour à la norme et correspond à une correction économique dans la mesure où
le scripteur cherche à éviter une réécriture du lexème ou du segment défaillants.

[Q]ui lui avait voller <son argent> alors un jour (Emme, G6).

40 En revanche, d’autres interventions ont une valeur argumentative, sémantique et/ou


stylistique. Ezekielle ajoute ainsi le connecteur argumentatif « mais » qui renforce l’idée
d’une carence en eau.

[I]l trouva quelques fruit <mais> pas de l’eau (Ezekielle, G3).

41 Même si ces ajouts restent souvent infraphrastiques, ils témoignent de la capacité des
scripteurs à réviser dans le cours de l’écriture. Certains ajouts vont même au-delà. Judith
ajoute une réplique dans la marge.

Je n’avais pas encore vu son visage, mais je vis à sa voix qu’elle était gentille. Je lui
répondit : « Oui. » et elle sauta de joie. <« On se retrouve à la cabane ! » cria-t-elle.>
Je me recoucha (Judith, G1).

42 Faïz (G3) écrit : « <Un jour de Malchance> » dans la partie supérieure de sa feuille, ce
qui démontre que le choix de titrer le récit, pour répondre à une norme scolaire
intériorisée, est intervenu après le début de la rédaction16. Ces ajouts sont bien un « indice
de compétence ou de qualité scripturales » (Fabre-Cols, 2002, p. 108).
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4.7. L’ajout comme retour au texte source


43 Comme les remplacements, des ajouts sont la trace du dialogue qui s’établit entre le
scripteur et un texte source. La modification de Dylan n’est pas que stylistique : elle est
une reprise d’un segment du conte entendu, à un moment de l’histoire où la gazelle
explique au léopard, son créancier, comment recueillir du vin de palme, pour le distraire
de sa requête en remboursement.

[T]u n’as qu’à aller recueillir la sève qui a coulé durant toute la nuit […] il prit sa
hache et coupa deux bananiers […] et attendit jusqu’au matin suivant (texte source).

[I]l falait couper 2 palmier et mettre un receptacle dessous le tron puis attendre
<toute> la nuit (Dylan, G6).

44 Après une première mise en texte, Ghildas se remémore plusieurs énoncés du conte
entendu et procède à deux ajouts argumentatifs. On notera le changement de pronom
personnel sur le second segment reformulé.

[L]e léopard, qui était gourmand, oublia à nouveau de réclamer son argent. […] Oh
mais, tu en connais des trucs ! Justement, en ce moment on manque de viande et de
poisson chez moi ! Je vais essayer (texte source).

[A]lors il va voir la gazelle il y avait beaucoup de poisson <comme le léopard était


gourmand> quel est la technique <car nous manquons de viande et de poissons>
(Ghildas, G6).

45 Une différence de résultats entre les deux recherches est à mentionner. Alors que des
ajouts signalant le rappel du conte entendu sont observés, nous n’avons pas relevé d’ajouts
dans les textes produits en présence de textes littéraires donnés à lire et donc disponibles
lors de la mise en texte.

5. La matérialité graphique : un révélateur


de comportements scripturaux
46 Si les brouillons peuvent être observés à travers l’ensemble de leurs modifications, les
traces dans leurs aspects non linguistiques et l’occupation de l’espace graphique sont
généralement moins étudiées. Leur analyse contribue néanmoins à mieux connaitre les
comportements scripturaux des apprenants. Par ailleurs, au cours de nos investigations,
nous avons relevé l’existence de traces graphiques ne faisant pas partie des quatre
opérations d’écriture de révision décrites par les généticiens, mais qui nous ont semblé
avoir leur importance dans le processus de textualisation.

5.1. La surcharge : pause rédactionnelle ou/et


opération d’écriture ?
47 Lorsque le scripteur repasse à l’aide de son stylo (ou tout autre instrument d’écriture)
sur l’écriture existante, se dessine ce que nous nommerons une surcharge. Ces surcharges
permettent que subsistent deux lectures du texte : en arrière-plan, celle du texte avant
intervention, terreau de nouvelles idées qui viennent après, soit au fil de l’écriture soit à la
relecture ; au premier plan, une autre lecture disponible qu’autorise la surcharge. Elles
instaurent donc une sorte de connivence avec le lecteur. Certaines surcharges semblent
être des reprises de ce qui est recouvert, tandis que d’autres viennent corriger l’écrit du
dessous. Elles sont utilisées pour un retour à la norme graphique ou orthographique, y
compris de type phonétique. Rappelons que l’enseignement de l’écriture à l’école repose
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principalement sur les aspects graphiques (soin apporté à la forme des lettres) et sur les
conventions orthographiques. Une première hypothèse consiste à y voir une « économie »
dans la tâche pour éviter une réécriture, à l’image des ajouts de graphèmes au sein des
mots. Par ailleurs, cette technique pose la question de l’emploi de la rature en classe et du
statut de l’erreur. En effet, l’école apprend à l’élève à rendre un écrit soigné et lisible. Si
elle n’est pas enseignée comme non seulement permise mais utile dans un processus de
création, l’élève cherchera à éviter toute rature. La surcharge pourrait donc être la marque
d’une autocensure du scripteur ou d’une volonté de se conformer à l’image d’un scripteur-
modèle. Enfin, des surcharges montrent que la correction n’est peut-être pas seulement
graphique ou orthographique. Des énoncés pourraient en effet contenir des
relexicalisations.

Figure 1 : Mathis, G4
48 La surcharge a assurément une double fonction : assurer la lisibilité graphique ou
recouvrir et remplacer un ou plusieurs graphèmes ou lexèmes. Dans le cas d’une reprise
d’un graphème à l’identique, outre la volonté d’une meilleure lisibilité, il est permis de se
demander si la surcharge ne traduit pas une pause dans la mise en texte, marque d’une
activité mentale en cours.

5.2. L’espace scriptural : un lieu investi de dialogue


avec le lecteur
49 Lorsqu’ils interviennent sur leur texte, les élèves respectent généralement le cadre
contraint du support-page, mais ils en investissent tous les espaces : les éléments
graphiques s’inscrivent autour de la silhouette centrale du texte, entre les lignes (au-
dessus/au-dessous), entre les mots, dans les blancs de la feuille (marge, haut et bas de
page). On peut observer que ces interventions se situent presque toujours avec un souci de
demeurer dans une linéarité « horizontale » du texte.

Figure 2 : Walid S., G3

Figure 3 : Alyssia, G4

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50 Les ajouts sont tributaires de l’espace laissé disponible par le texte déjà-produit : il vient
s’inscrire dans « les entours et les marges qui viennent moduler » un texte central « dont
l’ébauche a vraisemblablement constitué le début de l’écriture » (Doquet, 2011, p. 93). Les
ajouts (et remplacements) peuvent s’analyser grâce aux indices spatiaux comme des
variantes d’écriture lorsque l’intervention semble se produire « au sein d’une période
d’activité scripturale de continuation de texte » (entre les mots) ou de lecture repérable au
fait que ces interventions ne sont pas effectuées « sur la ligne d’écriture » mais dans un
espace plus vaste (Doquet, 2011, p. 95). Il reste cependant très difficile de classer
chronologiquement ces opérations en l’absence d’observation en temps réel17. Par ailleurs,
pour signifier son ajout repérable par sa place anormale, l’auteur utilise des flèches, croix,
astérisques ou autres signes manifestant une appropriation d’un système sémiotique
paralinguistique (Rey-Debove, 1982). Les scripteurs débutants s’avèrent ingénieux dans
cette création et prennent ainsi en compte leur lecteur en marquant l’insertion. Coline (G1)
semble avoir écrit « Avec sa machette il coupa le pied du figuier » après avoir corrigé
l’antépénultième phrase en y ajoutant des informations consignées dans des bulles.

Figure 4 : Coline, G1

5.3. Des tendances de profils liés aux interventions


scripturales
51 Nous avons relevé d’abord des comportements différenciés dans le traitement de la
rature, qu’elle soit utilisée pour le remplacement ou la suppression. Certaines ratures que
nous appellerons de « connivence18 » laissent coexister deux versions d’écriture dont l’une
est dominante. A contrario, d’autres ratures de « délétion » tâchent d’occulter la forme
initiale frappée du droit au secret de l’auteur dans la mutation génétique de son texte.

Figure 5 : Nora, G3

Figure 6 : Djénéba, G3
52 Sur le plan de la structure générale du texte, la prédominance de l’utilisation d’une
opération au détriment des autres, permet de conclure que ces altérations portent la
marque de la relation singulière que chaque écolier entretient avec l’écriture. Les uns
adoptent une « écriture en continu » sans révision visible de leur récit, ou rare. Certains
utilisent « l’écriture sur l’écriture » comme si les lettres et les mots n’étaient que des

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esquisses au crayon noir que la surcharge viendrait infirmer ou confirmer. D’autres biffent
avec une sorte d’excès leur texte, cette « écriture raturée » faisant penser à une
autocensure permanente. Le « scripteur correcteur » procède davantage par ajouts pour
un retour à la norme mais aussi pour expanser le texte, cette « écriture en
épaississement » nous montrant la capacité du scripteur à revenir sur le déjà-là en vue de
précisions sémantiques (Plane, 2017). Enfin, témoignant déjà d’une certaine expertise, il
est des scripteurs « bricoleurs » qui s’approprient les trois opérations de révision pour
forger leur texte19.

6. Conclusion : des traces aux pistes


didactiques
53 Dans l’ensemble des récits produits, nous avons trouvé des marques d’un travail
métalinguistique qui témoignent de l’activité réflexive du scripteur apprenant face à son
texte en cours de scription, d’une prise en compte du destinataire de l’écrit avec l’usage
d’un système paralinguistique pour organiser une communication optimale dans l’espace
de la page et des manières différentes de dialoguer avec les textes littéraires qui sont à la
source de leurs écrits.
54 À cet égard, la confrontation des formes ébauchées et de leurs modifications permet de
tirer plusieurs conclusions. D’une part, les traces peuvent révéler la volonté des scripteurs
de se rapprocher de la formulation des textes sources sur le plan sémantique (Quentin,
Salma) et stylistique (Dylan). D’autre part, elles témoignent du travail d’appropriation
lexical qui prend plusieurs formes. En s’appuyant sur les textes littéraires, les scripteurs
cherchent à adopter un lexique convenu (Loïc), à convoquer le mot « juste » (Vanessa) et
procèdent à une relexicalisation en substituant à des lexèmes présents dans les textes
sources d’autres lexèmes également issus de ce substrat mais sans doute plus accessibles
(Inès, Beatriz). Pour autant, les choix lexicaux des textes littéraires sont questionnés et les
scripteurs proposent leur propre partition lexicale (Judith, Inès), lorsque les mots ne sont
pas détournés de leur emploi initial pour être recontextualisés (Sabrine). L’étude montre
ainsi que les traces graphiques peuvent révéler cette tension entre imitation des textes
sources et invention chez le scripteur apprenant.
55 Dans une perspective didactique, nous noterons l’importance des travaux portant sur
ces traces de modifications du texte. Pour pallier l’absence de déplacement et le peu
d’ajouts, les préconisations d’Oriol-Boyer (1989) visant à travailler sur un même texte
exclusivement une opération, à comparer les résultats et à en évaluer les mérites, restent
d’actualité20. Afin de réhabiliter la rature et de susciter des modifications textuelles, nous
pensons intéressant de supprimer tous les correcteurs graphiques (gomme, effaceur) et de
proposer aux élèves l’utilisation d’une feuille non lignée, espace de liberté autorisant tous
les essais et rompant le carcan du brouillon linéaire. Il nous semble par ailleurs judicieux
de recourir à un enseignement spécifique d’explicitation des formes graphiques de
révision. Les brouillons des écrivains montrent un processus récursif de l’écriture, par
ailleurs mis au jour par les travaux des psycholinguistes, avec des formes diversifiées
d’intervention témoignant d’une forme de bricolage. Leur lecture permet de repérer les
opérations d’écriture, par exemple en utilisant un surligneur de couleur dédié à chacune
d’entre elles, puis de les classer. Cette première conscientisation des pratiques de révision
ouvrirait à de nouvelles investigations sur les textes des pairs. Il est possible alors de
provoquer un retour réflexif de l’apprenant sur son propre brouillon en lui demandant de
dénombrer et de commenter les modifications apportées : « Quelles opérations sont
constatées ? À quoi ont-elles servi ? Est-ce efficace ? » Questionner aussi sur l’origine des
surcharges qui peuvent alerter sur une difficulté graphomotrice et/ou sur une mise en
texte laborieuse. Le système sémiotique paralinguistique pourrait faire l’objet d’une
réflexion collective à partir de laquelle certains signes seraient retenus pour signaler au

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lecteur une altération du texte. En classe, l’affichage de ces signes collectivement définis
serait un outil rappelant à l’élève qu’un texte se construit par manipulations successives.
L’espace de la feuille, les opérations de révision, l’insertion d’un code sémiotique adapté
s’enseignent, comme s’enseigne le droit à la rature, aux hésitations, au doute. À cet égard,
il convient de saluer les programmes scolaires de 201521 qui valorisent la mise en texte
s’appuyant sur les brouillons et les écrits de travail et l’usage au cycle 3 de « balises de
doute lors du processus d’écriture afin de faciliter la révision »22. L’enjeu est d’associer
l’élève à ce regard sur les traces en lui concédant une capacité à s’engager dans « une
activité de langage qui consiste à revenir sur le “déjà-là” pour le modifier, quelle que soit la
nature de la modification » (Lamothe-Boré, 1998, p. 14) pour susciter son désir d’auteur. Il
s’agit de mieux décrire, interpréter, juger pour mieux agir.

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Notes
1 « Opérations » et « processus » sont des mots clés de l’analyse génétique, mais aussi de la
psychologie cognitive qui leur donne un sens différent (Plane, 1995, p. 7).
2 « On identifie les fragments textuels, on reproduit leur disposition topographique dans l’espace
de la page, on les recopie sous forme lisible, on note la disposition des traits de biffure et leur
étendue » (Lebrave, 1987, p. 121).
3 Les textes produits n’ont donc pas été « mis au propre » et constituent des avant-textes au sens
d’une variante d’écriture qui précède une version définitive (Fabre-Cols, 2002).
4 Il s’agit du conte gabonais transcrit par A. Raponda-Walker en 1996 et paru dans Contes
gabonais, Paris : Présence africaine. Ce conte, intitulé « Les trois ruses de la Gazelle », a servi de
support dans le cadre d’une étude portant sur les variations dans les processus de mise en texte chez
des écoliers (Plane, Rondelli et Vénérin, 2013).
5 Nous mettons, dans l’exemple de Shanna et les exemples suivants, la première lettre en
majuscule entre crochets pour signifier que l’élève a déjà débuté sa phrase et que nous n’en avons
extrait qu’un segment.
6 Sa Majesté des mouches de W. Golding, Folio junior, édition de 2007, p 78-79.
7 L’ile d’Abel de W. Steig, Folio junior, édition de 1982, p 56-58.
8 Robinson Crusoé de D. Defoe, Classiques abrégés de l’école des loisirs, édition de 1982, p. 36-
38, p. 42-43.
9 Vendredi ou la vie sauvage de M. Tournier, Flammarion jeunesse, édition de 1987, p. 34-35.
10 <http://eduscol.education.fr/pid23250-cid50486/vocabulaire.html>.
11 Par convention, nous signalons les ajouts en les faisant figurer entre chevrons (« < et dit > »).
12 Robinson Crusoé de D. Defoe.
13 L’ile d’Abel de W. Steig.
14 Nous l’entendons comme une proposition d’une unité lexicale de substitution par référence aux
travaux de Vénérin-Guénez (2012).
15 Nous noterons qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer suppression et remplacement lorsque
la linéarité du texte n’est pas altérée comme en témoignent ces exemples : « je grimpit sur un volcan
qui était entouré d’eau d’un lac (Jules, G2) » ; « Il fallait alle visiter les allentours » (Ambre, G4).
16 Les scripteurs du groupe 3 (par opposition aux autres groupes) ayant majoritairement choisi
un titre pour leur récit, on peut considérer que ce scripteur souhaite se conformer à un
apprentissage de classe. Il s’agit d’une norme intériorisée car les consignes du protocole
n’imposaient pas de titrer les récits.
17 D’où les travaux portant sur l’observation de l’écriture en temps réel à l’aide de tablettes
graphiques, de capteurs oculaires (Chesnet et Alamargot, 2005), ou d’enregistrement visuel de la
saisie numérique d’un texte en cours de création (Doquet, 2011).
18 Le terme est proposé pour désigner un accord tacite de l’élève au regard porté par le lecteur sur
les mots raturés.
19 Le texte de 401 mots de Quentin (G2) comprend 32 interventions (5 suppressions,
14 remplacements, 2 ajouts et 11 surcharges).
20 « [R]ecopier un brouillon (le sien ou de celui de quelqu’un d’autre) afin de prendre conscience
du cheminement d’une écriture, autoriser sur un même texte exclusivement des ajouts, puis des
suppressions, puis des remplacements, puis des déplacements, afin de peser sur les mérites de
chaque opération, élaborer des hypothèses pour expliquer les raisons d’une rature, justifier une
modification, “corriger” à la manière de » (1989, p. 94).
21 Bulletin officiel spécial no 11 du 26-11-2015.

https://journals.openedition.org/reperes/1448 16/18
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22 Il s’agit d’indications codées (une étoile, un soulignement, etc.) que l’élève place sur sa copie
pour exprimer un questionnement (le choix ou l’orthographe d’un mot, le temps d’un verbe, etc.) et
qui lui permettent par la suite de revenir sur son texte pour le rectifier ou compléter les points à
propos desquels il hésitait (page 113 des programmes).

Table des illustrations


URL http://journals.openedition.org/reperes/docannexe/image/1448/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 110k
URL http://journals.openedition.org/reperes/docannexe/image/1448/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 301k
Titre Figure 2 : Walid S., G3
URL http://journals.openedition.org/reperes/docannexe/image/1448/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 156k
URL http://journals.openedition.org/reperes/docannexe/image/1448/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 197k
URL http://journals.openedition.org/reperes/docannexe/image/1448/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 131k
Titre Figure 5 : Nora, G3
URL http://journals.openedition.org/reperes/docannexe/image/1448/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 241k

Pour citer cet article


Référence papier
Kathy Similowski, Dominique Pellan et Sylvie Plane, « Que révèlent les traces de réécriture dans les
brouillons d’élèves produisant des récits à partir de sources littéraires ? », Repères, 57 | 2018, 15-
34.

Référence électronique
Kathy Similowski, Dominique Pellan et Sylvie Plane, « Que révèlent les traces de réécriture dans les
brouillons d’élèves produisant des récits à partir de sources littéraires ? », Repères [En ligne],
57 | 2018, mis en ligne le 30 juin 2018, consulté le 10 mars 2019. URL :
http://journals.openedition.org/reperes/1448 ; DOI : 10.4000/reperes.1448

Auteurs
Kathy Similowski
Université Paris-Sorbonne, équipe d’accueil Sens, Texte, Informatique, Histoire (STIH, EA 4509)

Dominique Pellan
Université Paris-Sorbonne, ESPE de l’académie de Paris

Sylvie Plane
Université Paris-Sorbonne, équipe d’accueil Sens, Texte, Informatique, Histoire (STIH, EA 4509)

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Droits d’auteur

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