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Contribution participative de la CGT des collaboratrices et collaborateurs parlementaires sur la réforme des institutions 6/11
Améliorer la procédure parlementaire
Beaucoup se joue par ailleurs dans la capacité des parlementaires eux-mêmes à prendre des
initiatives, à manifester leurs prérogatives en exerçant leur droit d’amendement et de contrôle du
gouvernement mais aussi d'évaluation des politiques publiques. La procédure parlementaire doit
donc permettre aux représentants de la Nation d'exercer pleinement leurs prérogatives.
Organiser l’ordre du jour en deux temps : 2 semaines pour le gouvernement, 2 semaines pour le
Parlement.
Ainsi, les semaines d’initiative et de contrôle seraient fusionnées, de sorte à donner plus de temps à
l’initiative des groupes d’opposition et groupes minoritaires.
L'ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat est fixé par chaque assemblée. En
pratique, sur quatre semaines, deux sont réservées par priorité au Gouvernement, une semaine est
réservée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques et une
semaine à l’initiative parlementaire c’est à dire à l’examen des propositions des lois.
L’expérience a démontré que la séance publique n’est pas le lieu adéquat pour mettre en œuvre la
mission de contrôle du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques.
Nous proposons en conséquence que le contrôle du Gouvernement s’opère, à l’exception des
questions d'actualité au Gouvernement, lors des commissions, commissions d'enquête et missions
d’information. La semaine de séance ainsi libérée serait attribuée au Parlement qui pourrait par
priorité en créditer les groupes d’opposition et les groupes minoritaires.
Confier la maîtrise de la procédure législative au Parlement
La maîtrise de la procédure législative échappe pour beaucoup au Parlement. Ce sujet n’est pas un
enjeu technique secondaire mais un enjeu démocratique majeure qui détermine les conditions dans
lesquelles s’exerce le pouvoir législatif.
La procédure législative, communément appelé “navette parlementaire”, s’organise autour de deux
lectures dans chaque assemblée. Pour contrecarrer ce temps d’examen par le Parlement, le
Gouvernement use de plus en plus du mécanisme de la procédure accélérée qui autorise une seule
lecture (cette procédure accélérée, d'exceptionnelle est désormais devenue la procédure courante ;
depuis le début du quinquennat, tous les textes ont été traités en procédure accélérée ; les textes en
procédure classique lors du précédent quinquennat se comptent sur les doigts des mains). Le
Parlement peut annuler cette procédure accélérée mais l’accord des présidents de l’Assemblée
nationale et du Sénat est nécessaire. Or, le président de l’Assemblée nationale, issu de la majorité et
donc soutien du Gouvernement, use très rarement de cette faculté.
Nous proposons à titre principal de confier à la Conférence des présidents de chaque assemblée,
organe qui détermine l’ordre du jour et dans lequel sont représentés tous les groupes politiques, un
droit de veto concernant la procédure accélérée et d’encadrer la procédure législative de délais
d’examen incompréhensibles : quatre semaines entre le dépôt ou la transmission du texte et son
examen par la commission, deux semaines entre l’examen par la commission et l’examen en séance.
Le Gouvernement a par ailleurs la possibilité de déposer des amendements après l’expiration des
délais de dépôt des amendements des Parlementaires. Afin de rétablir une équité entre le
Gouvernement et le Parlement et permettre aux parlementaires d’examiner sereinement les
amendements du Gouvernement, nous proposons de soumettre le Gouvernement aux mêmes
délais de dépôt des amendements que les Parlementaires. Dans le cadre de la modernisation de
la navette parlementaire, nous proposons de conférer une place accrue aux commissions
permanentes : par exemple, garantir la publicité des travaux des commissions, confier aux
commissions permanentes compétentes l’initiative de convoquer la commission mixte paritaire.
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Doter le parlement et les parlementaires des moyens et outils réels leur
permettant d'exercer leurs missions : élaborer la loi, contrôler le gouvernement,
évaluer les politiques publiques...
Le marché que prétendent proposer le Président de la République et le gouvernement, c’est moins
de parlementaires mais à moyens constants pour que ceux qui restent aient plus de moyens
financiers notamment.
Cette façon de poser le débat est un marché de dupe : Les parlementaires actuels sont déjà débordés
dans un cadre où le parlement est minorisé par l’exécutif et ne parviennent pas à couvrir les
missions théoriques qui leurs sont confiées (Contrôle du gouvernement et évaluation des politiques
publiques) alors même que leur rôle considéré dans l’opinion comme principal (élaborer la loi) leur
est de fait contesté par le gouvernement. Comment imaginer que moins de parlementaires
pourraient mieux couvrir ce que plus ne peuvent faire en réalité dans le cadre actuel ?
Les moyens supplémentaires prétendument dégagés par la réduction du nombre de parlementaires
seraient de toute façon à peine suffisants pour assumer la charge supplémentaire de travail
parlementaire qui retombera sur le nombre restant de parlementaires.
L’enjeu est donc ailleurs : rééquilibrer les pouvoirs, améliorer la procédure parlementaire sans
brider le débat parlementaire comme la pratique et les propositions gouvernementales le suggèrent.
Nous avons évoqué ces sujets plus haut. Mais d'autres chantiers sont devant nous : donner de réels
moyens techniques, logistiques, collaborations, outils d’investigation et de contrainte dont ils ne
disposent pas aujourd’hui et qui forcément ont un coût : oui la démocratie a un coût et la démocratie
ne peut se renforcer dans l’austérité budgétaire.
Lever les obstacles aux pouvoirs de contrôle et d’évaluation du Parlement
Renforcer les droits de l’opposition et étendre les pouvoirs d’enquête
La Constitution prévoit la possibilité de créer au sein de chaque assemblée des commissions
d’enquêtes dont les modalités sont définies par la loi et le règlement de chaque assemblée.
Les règles encadrant les commissions d’enquête sont extrêmement restrictives.
L’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires prévoit qu’il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant
donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ;
Le règlement du Sénat prévoit qu’un groupe a droit à la création d'une seule commission
d'enquête ou mission d'information par année parlementaire.
Les droits de l’opposition s’expriment par l’exercice des pouvoirs de contrôle, via notamment les
missions d’informations et les commissions d'enquête. Mais les modalités actuelles de recours à ces
pouvoirs de contrôle sont très restrictives pour les groupes d’opposition et les groupes minoritaires.
Or, le contrôle de l’action du gouvernement a vocation à être exercé principalement par les
oppositions et non pas par le groupe majoritaire qui soutient le gouvernement. Nous proposons donc
de renforcer ces pouvoirs de contrôle par quatre moyens :
Permettre aux groupes d’opposition un recours accru aux commissions d’enquête et aux
missions d’information ;
Supprimer la restriction qui empêche la constitution d’une commission d’enquête sur des
faits pour lesquels des poursuites judiciaires sont en cours ;
Permettre la constitution de commission d’enquête commune à l’Assemblée nationale et au
Sénat ;
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Élargir le contrôle « sur place et sur pièces » à chaque rapporteur de commission
permanente.
Renforcer les moyens d’information et d’évaluation du Parlement
Conformément à l’article 24, le Parlement vote la loi, contrôle l’action du gouvernement et évalue
les politiques publiques. Pour accomplir ces trois missions, des moyens renforcées sont nécessaires.
Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact dont les critères sont encadrés par la loi
organique du 15 avril 2009. S’il est précisé que l’étude d’impact doit exposer l’évaluation des
conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que les coûts et
bénéfices financiers attendus, ces éléments méritent toutefois un travail plus approfondi et des
cadres statistiques élargis pour guider la décision publique.
C’est pourquoi, nous proposons que de nouveaux indicateurs, complémentaires à celui du Produit
Intérieur Brut, soient intégrés, en vue de mesurer l’impact en matière de bien-être et d’inégalités,
dans un contexte de soutenabilité environnementale.
Il serait, à cet égard, justifié que l'étude d'impact fût élaborée par une instance indépendante du
gouvernement.
La publicité de l’avis du Conseil d’État sur un projet de loi est actuellement possible, mais pas
obligatoire. Nous proposons de la systématiser.
Soumettre le pouvoir de nomination à l’approbation des 3/5 des membres des commissions
compétentes des deux assemblées
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, certaines nominations en raison de leur importance
pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, sont examinées
par les commissions compétentes des deux assemblées.
La constitution prévoit que pour s’opposer à ces nominations, il faut réunir une majorité des trois
cinquièmes. De sorte à assurer des nominations consensuelles, nous proposons d’inverser les
modalités de vote pour prévoir que pour être validée une nomination doit recueillir un vote positif
des trois cinquièmes.
Des parlementaires en capacité d'assumer leurs missions
Nous l'avons dit et répété plusieurs fois depuis le début de cette contribution : il n'y a pas trop de
parlementaires en France. Aux États-Unis, ils sont 7 500 pour 300 millions d'Américains ; en
Allemagne 699 pour 82 millions d'Allemands ; en Grande-Bretagne 1450 pour 64 millions de sujets
britanniques ; en Italie 945 pour 61 millions d'Italiens ; en Espagne 616 pour 47 millions
d'habitants.
Avec 925 parlementaires, un parlementaire français représente en moyenne 72.634 habitants, en se
basant sur l’estimation de l’Insee de la population en 2018. Ce qui place le pays au quatrième rang
au sein de l’Union européenne. Après la réforme, la moyenne par parlementaire passerait à 103.683
habitants. La France serait alors le deuxième pays au classement, derrière l’Allemagne qui compte
un parlementaire pour 116.598 habitants, d’après les chiffres du Monde.
Suivent ensuite les Pays-Bas, avec 75.637 habitants représentés par parlementaire, l’Espagne, avec
75.396 habitants par parlementaire, la Pologne avec 67.764 habitants par parlementaire, puis l’Italie
avec 64.128 habitants représentés par parlementaire.
Si ces comparaisons ont un sens, c'est de démontrer que notre nombre de parlementaires n'est pas
excessif et que l'enjeu est celui des pouvoirs qu'ils exercent et les moyens qu'on leur donne. Le
débat autour du scandale « Pénélope » puis de la loi « moralisation de la vie publique » devenue loi
de « confiance dans la vie politique » a focalisé autour des emplois supposés fictifs ou des frais de
mandats des parlementaires. Certains d'entre eux auraient d'ailleurs mieux fait de se battre pour être
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doté de véritables moyens que de s'inquiéter du contrôle nécessaires sur les avances de frais de
mandat.
Pour la loi de « confiance dans la vie politique » a été obligée de prendre en compte un sujet qu'elle
avait écarté, sauf sous la forme d'une caricature pénélopienne, celui de l'importance des
collaborateurs parlementaires et de l'importance d'assurer un statut qui leur permette d'être
disponible pour le bien commun et non soumis à la tentation des lobbies.
Un Parlement souverain est, en effet, un Parlement qui doit disposer de moyens considérables.
Ainsi, l’augmentation du crédit collaborateur de 10 %, décidée en janvier à l'Assemblée nationale et
ces derniers jours au Sénat, paraît-elle relativement insuffisante. Car elle consiste en une simple
revalorisation salariale là où une réévaluation globale des moyens parlementaires s’avère
indispensable. Au demeurant, on peut également s'interroger sur le fait que les crédits collaborateurs
ne soient pas équivalents à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Qu’on en juge : au Bundestag allemand, le crédit collaborateur avoisine les 20 000 euros ; au
Parlement européen, il s’élève à 25 000 euros quand, aux États-Unis d'Amérique, il atteint les
60 000 dollars (48 620 euros) !
Ainsi, un représentant américain peut-il s’entourer de dix-huit collaborateurs, tandis qu’un sénateur
américain recrute en moyenne jusqu’à trente-quatre assistants ! Avec 10 581 euros à l'Assemblée
nationale et 7 639 euros au Sénat (bruts), et de deux à cinq collaborateurs (pas toujours payés au
maximum de l'enveloppe), le Parlement français fait figure de parent pauvre des grandes
démocraties parlementaires. Face à la puissance épisocratique de l’administration gouvernementale,
ne devient-il pas impératif d’attribuer à nos représentants de tels moyens pour qu’ils puissent
recruter des équipes politiques de haut niveau ? Entre nous soit dit, il vaut mieux avoir beaucoup de
collaborateurs parlementaires que des rapports écrits par des administrateurs parlementaires qui
écriront la même chose quelles que soient l'orientation du parlementaire chargé du rapport. On nous
a déjà expliqué que les Administrateurs faisaient loyalement en fonction des commandes passées
par les Parlementaires et des idées qu'ils avaient ; nous ne doutons pas que certains parlementaires
soient dotés d'une autorité naturelle nourrie de leur longue expérience, ou que certains
administrateurs soient encore pleinement de loyaux fonctionnaires, mais nous pourrions témoigner
de nombreuses fois du fait que des collaborateurs et des collaboratrices aient dû intervenir (à la
demande explicite ou pas de leur employeur) pour faire corriger des documents malgré la mauvaise
grâce de l'administrateur qui en était chargé.
Enfin, à l’image du Parlement européen et du Bundestag qui recourent à l’emploi de
« collaborateurs scientifiques », le Parlement français pourrait notamment offrir à ses
parlementaires une enveloppe destinée au recrutement d’enseignants-chercheurs à titre occasionnel.
On essaiera de nous opposer que le budget du Bundestag est d'un niveau équivalent à celui du
Parlement français, et donc que celui-ci n'est pas désavantagé par rapport au Bundestag niveau
financier. Pourtant ce dernier avec un budget équivalent à celui du Parlement français paye mieux et
plus de collaborateurs parlementaires, permet aux différents groupes parlementaires d'avoir des
collaborateurs en capacité de rédiger des contre-expertises et des contre-études d'impact ; les
parlementaires allemands ont accès à des outils de contrôle et d'analyse qui manquent cruellement
aux parlementaires français (et entre nous soit dit, s'ils en disposaient ils auraient besoin de plus de
collaborateurs qu'aujourd'hui pour pouvoir exploiter ces données) ; le Bundestag exercent sur
plusieurs administrations une tutelle conjointe avec le gouvernement fédéral. Le sujet n'est pas le
niveau de budget accordé aux Assemblées mais sa répartition interne : on peut en déduire que celle-
ci n'est aujourd'hui pas optimale.
La loi pour la « confiance dans la vie politique » a introduit pour la première fois une possibilité
d'encadrement des emplois de collaborateurs parlementaires ne serait-ce qu'en reconnaissant
ouvertement cette profession. Le travail qui est devant nous reste important : la nécessité d'établir
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un cadre d'emploi précis et des règles déontologiques permettant de soustraire les collaborateurs
parlementaires aux conflits d'intérêts, bref des droits et des devoirs, sera d'autant plus forte que
l'augmentation des moyens financiers mis à disposition des parlementaires et des groupes
parlementaires pour assumer leurs missions (pas pour leur indemnisation ou les frais de mandat)
imposera une exigence de contrôle accrue sur l'utilisation de cet argent public.
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