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LIENS SOCIAUX
André Akoun
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NOUVELLES TECHNIQUES
DE COMMUNICATION
ET NOUVEAUX LIENS SOCIAUX
par André AKOUN
André Akoun
RÉSUMÉ
SUMMARY
TECHNIQUE ET SOCIÉTÉ
social et dont elle s’y voit assignée. Ce n’est donc jamais à partir des
seules caractéristiques d’une technique, et selon une logique qui
réduirait l’explication à la seule nature intrinsèque de celle-ci, que
peut être comprise sa socialisation. Ce que nous voulons dire c’est
que les effets d’une technologie et son devenir social ne relèvent
pas d’une approche positiviste où la technique serait, en tant que
telle, cause de ses effets sociaux, mais qu’il y a à considérer que
nous sommes dans une logique du symbolique, logique qui ne
relève pas de l’explication en termes de cause et effet. C’est de
l’analyse de l’Esprit d’une société (d’autres diront de son imaginaire)
que s’explique la socialisation d’une invention technique en tant
que celle-ci répond à une demande sociale latente qu’elle rend
manifeste.
C’est pourquoi l’histoire des médias ne peut trouver son sens si
on la sépare de la mutation sociopolitique qu’est l’avènement de la
société moderne, la « société démocratique » sans entendre, par ce
terme, une forme particulière de gouvernement mais ce boulever-
sement dans la façon dont les hommes pensent leur rapport au
monde, à autrui, à eux-mêmes, et qui s’exprime par la sécularisation
du politique et par l’individualisme. Une nouvelle logique signi-
fiante est née de ce bouleversement que fut la rupture de la société
avec tout fondement, transcendant ou naturel, et sa substitution par
l’homme. Présentant l’univers des médias, Francis Balle en parle
comme de « la double aventure de l’industrie et de la liberté ».
L’image est forte, mais reste floue du fait de la multiplicité des sens
et des valeurs qu’implique le terme liberté. Nous dirons donc que
les médias résultent de l’industrialisation et du mouvement de sécu-
larisation et d’individualisme qui inaugure, à partir du XVIe siècle, la
modernité occidentale. C’est cet espace social, qui est la terre natale
de notre monde de communication.
De ces mutations, on trouve des analyses, entre autres chez
R. Sennett qui écrit : « Les communications électroniques sont
l’un des moyens par lesquels la notion même de vie publique a été
étouffée. Les médias ont énormément accru la quantité des
connaissances que les groupes sociaux ont les uns des autres, mais
ils ont également rendu tout contact réel superflu. » Et qui
montre comment les médias incarnent « le paradoxe de l’isolement
et de la visibilité » sous l’effet d’un impératif de transparence
généralisée.
J. Habermas, lui aussi, s’interroge : « Les nouveaux médias capti-
vent le public des spectateurs et des auditeurs, mais en leur retirant
par la même occasion toute distance émancipatrice, c’est-à-dire la
possibilité de prendre la parole et de contredire. L’usage que le
public des lecteurs faisait de sa raison tend à s’effacer au profit des
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LA SOCIÉTÉ RÉTICULAIRE
La numérisation
Originellement circonscrit au domaine de l’informatique le
numérique s’est imposé dans celui des communications, se substi-
tuant au mode analogique alors en cours et bouleversant le monde
des télécommunications. Il en est résulté toute une modification de
l’usage du téléphone qui acquiert, de par l’intégration de la micro-
électronique dans l’appareil, de nouvelles facilités (voir l’article de
L. Bardin), c’est le téléphone portable personnel qui s’accorde si
bien à une société de l’intimité où le réel social tend à se réduire à la
« famille ». Désormais il est permis de joindre directement quel-
qu’un, ou d’être joint n’importe où, n’importe quand. Chantal de
Gournay y verra la naissance du citoyen nomade (titre de son article
dans la revue Esprit, en novembre 1992). La conversation à distance
retrouve intérêt et importance dans les usages quotidiens. La com-
munication en direct est assurée instantanément malgré l’instabilité
géographique de chacun.
Il serait erroné de croire que le téléphone mobile est une inven-
tion destinée à une catégorie professionnelle à forte mobilité. Il est
en réalité pour chacun une extension de l’ubiquité. Ce qui limitait
le téléphone, ce n’était pas la distance entre correspondants mais la
multiplicité des lieux que chacun fréquente en dehors du domicile
ou du bureau, et qui le rend hors d’atteinte. Avec le portable il n’est
plus aucun lieu d’où l’on serait absent, sauf choix de l’être. En
même temps que le virtuel et le monde « cyber », le portable con-
tribue à de nouvelles formes de lien social, à un univers qui institue
des relations de proximité ambiguës puisque proximité dans
l’absence de la présence physique et du contact réel.
Du téléphone comme du Net, quant à leur lien avec la subjecti-
vité contemporaine, D. Wolton donne un admirable tableau sur ce
qu’il désigne d’un terme heureux « les solitudes interactives » (in
Internet et après ?, Flammarion, 1999) : « Le symbole de cette
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Internet
Internet est issu du réseau Arpanet créé en 1968 par le départe-
ment américain de la Défense pour relier ses centres de recherche.
En 1979, des étudiants de Duke University à Durham (Caroline du
Nord), eurent l’idée de faire correspondre des ordinateurs entre eux
pour échanger des informations scientifiques. Phénomène militaire
d’abord, universitaire ensuite, Internet assurera son succès auprès
des grandes entreprises privées, des PME et, enfin, des particuliers.
Avec l’ordinateur domestique, il prend dans ses rets sphère de
l’intime et sphère publique.
Incontestablement le Net s’inscrit dans ces formes du vécu indi-
viduel dans nos sociétés, mais on ne peut le réduire à ce seul effet.
On pense au Minitel, qui ne répondit pas, à ses débuts, aux attentes
de ses concepteurs, et ne trouva son essor que dans la création de
kiosques conviviaux, amicaux ou érotiques (minitel rose). Mais
ensuite, et depuis, il inscrit ses usages dans la communication utili-
taire, celle des individus (renseignements bancaires, SNCF, locations
diverses) et dans celle des institutions et des entreprises. Forums,
épanchements imaginaires, relations e-mail caractérisent le Net.
Mais aussi l’immense banque d’informations qu’il propose et l’infini
des contacts à l’échelle du monde.
ET DEMAIN ?
BIBLIOGRAPHIE