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NOUVELLES TECHNIQUES DE COMMUNICATION ET NOUVEAUX
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LIENS SOCIAUX
André Akoun

Presses Universitaires de France | « Cahiers internationaux de sociologie »

2002/1 n° 112 | pages 7 à 15


ISSN 0008-0276
ISBN 9782130520801
Article disponible en ligne à l'adresse :
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http://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2002-1-page-7.htm
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Pour citer cet article :


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André Akoun, « Nouvelles techniques de communication et nouveaux liens sociaux », Cahiers
internationaux de sociologie 2002/1 (n° 112), p. 7-15.
DOI 10.3917/cis.112.0007
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NOUVELLES TECHNIQUES
DE COMMUNICATION
ET NOUVEAUX LIENS SOCIAUX
par André AKOUN

Nouvelles techniques, nouveaux liens sociaux

André Akoun

RÉSUMÉ

Nous sommes dans une société où se multiplient les techniques de communication.


Quelles sont-elles ? Quelles nouvelles formes de lien social accompagnent-elles ? Com-
ment penser le rapport entre techniques et société ? Telles sont les interrogations avancées
et qui s’appuient sur la demande sociale latente propre à nos sociétés et qui est à la
source des progrès techniques, ceux-ci, ensuite, imposant leur propre logique.
Mots clés : Techniques (information, communication), Modernité, Lien
social.

SUMMARY

In our society, techniques of communication increase in number. What are they ?


What new forms of social link go with them ? How are we supposed to think the rela-
tionship between techniques and society ? Such are the questions we have to ask. They
imply a social unconscious characteristic of modern societies and, in feed-back, the effects
of the technical logic.
Key words : Techniques (media, communication), Modernity, Social link.

La rumeur sociologique nous l’affirme, nous sommes dans la


société de l’information et de la communication, comme si informer et
communiquer n’étaient pas des caractéristiques consubstantielles à
toute société et aux hommes en tant que tels. Ajoutons que, para-
doxalement, nos sociétés de communication peuvent aussi bien être
définies comme des sociétés où la communication y est la plus pro-
blématique, car, à considérer l’évolution du paysage médiatique, ce
qui apparaît, c’est la constitution d’un univers saturé de messages où
plus rien ne semble véritablement être dit ni être entendu et d’où
tout sens est absent. Plus les médias développent leur autonomie
– et donc leurs « effets » – et plus il apparaît qu’ils n’aboutissent qu’à
Cahiers internationaux de Sociologie, Vol. CXII [7-15], 2002
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fabriquer un élément (au sens où on dit de la mer qu’elle est un élé-


ment) qui est aussi bien communication et incommunication. Peut-
être est-ce parce que nous sommes dans une société où les individus
ont une demande exorbitante de communication, et que l’échec de
celle-ci à y répondre engendre ce sentiment d’incommunicabilité
ainsi que l’exigence infinie de nouvelles techniques offertes à la
communication et à l’information, ces médias liés à la mécanisation
et au progrès scientifique depuis l’invention de la presse de masse.
Est-ce à dire que notre temps s’éclaire et révèle sa vérité par le fait
qu’il soit déterminé, dans ses caractères et ses dynamiques, par ce
sol, objectif et aisément définissable, de la technique qui serait comme
son infrastructure ? Nous aurons à en discuter.
Auparavant interrogeons-nous sur le glissement qui voit l’intérêt
se déplacer des mass media aux NTIC (nouvelles techniques d’infor-
mation et de communication) qui les intègrent et les dépassent. La
substitution est significative. Avec les NTIC, liées à l’informatique et
au numérique, à la notion de masse se substitue celle d’individus
dans une relation interactive avec leurs machines à communiquer.
La notion de masse était grosse d’hypothèses implicites sur la nature
et le rôle des mass media. À définir ainsi l’audience par la notion de
« masse » on induit inconsciemment que cette audience est indiffé-
renciée, « massive » et dominatrice. Il reste que mass media ou NTIC,
ce qui est mis en évidence, c’est le sentiment d’originalité et
l’ambivalence que, dès leur origine, les techniques suscitèrent. De la
grande presse à l’ordinateur, les moyens d’information et de com-
munication se sont multipliés et diversifiés.

TECHNIQUE ET SOCIÉTÉ

L’histoire des médias est celle des mutations technologiques qui


les rendent d’abord industriellement possibles, puis, le progrès
aidant, de plus en plus sophistiquées, raffinées, différenciées. Mais
ces mutations technologiques, comment faut-il les comprendre ?
Ce n’est certes pas en acceptant l’idée d’une causalité technique
directe et mécanique. Il nous faut sociologiser, anthropologiser le
rapport technique et société.
Si personne ne doute que les progrès techniques impliquent de
nouvelles socialités, cette implication ne saurait être un rapport
cause-effet. Les ingénieurs qui inventent de nouvelles techniques
imaginent souvent des pratiques qui découlent de leur propre
rationalité technique mais que la société contourne souvent. C’est
que toute nouvelle technologie ne s’inscrit dans le corps social et
ne s’y impose que de la façon dont elle reçoit sens dans ce corps
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social et dont elle s’y voit assignée. Ce n’est donc jamais à partir des
seules caractéristiques d’une technique, et selon une logique qui
réduirait l’explication à la seule nature intrinsèque de celle-ci, que
peut être comprise sa socialisation. Ce que nous voulons dire c’est
que les effets d’une technologie et son devenir social ne relèvent
pas d’une approche positiviste où la technique serait, en tant que
telle, cause de ses effets sociaux, mais qu’il y a à considérer que
nous sommes dans une logique du symbolique, logique qui ne
relève pas de l’explication en termes de cause et effet. C’est de
l’analyse de l’Esprit d’une société (d’autres diront de son imaginaire)
que s’explique la socialisation d’une invention technique en tant
que celle-ci répond à une demande sociale latente qu’elle rend
manifeste.
C’est pourquoi l’histoire des médias ne peut trouver son sens si
on la sépare de la mutation sociopolitique qu’est l’avènement de la
société moderne, la « société démocratique » sans entendre, par ce
terme, une forme particulière de gouvernement mais ce boulever-
sement dans la façon dont les hommes pensent leur rapport au
monde, à autrui, à eux-mêmes, et qui s’exprime par la sécularisation
du politique et par l’individualisme. Une nouvelle logique signi-
fiante est née de ce bouleversement que fut la rupture de la société
avec tout fondement, transcendant ou naturel, et sa substitution par
l’homme. Présentant l’univers des médias, Francis Balle en parle
comme de « la double aventure de l’industrie et de la liberté ».
L’image est forte, mais reste floue du fait de la multiplicité des sens
et des valeurs qu’implique le terme liberté. Nous dirons donc que
les médias résultent de l’industrialisation et du mouvement de sécu-
larisation et d’individualisme qui inaugure, à partir du XVIe siècle, la
modernité occidentale. C’est cet espace social, qui est la terre natale
de notre monde de communication.
De ces mutations, on trouve des analyses, entre autres chez
R. Sennett qui écrit : « Les communications électroniques sont
l’un des moyens par lesquels la notion même de vie publique a été
étouffée. Les médias ont énormément accru la quantité des
connaissances que les groupes sociaux ont les uns des autres, mais
ils ont également rendu tout contact réel superflu. » Et qui
montre comment les médias incarnent « le paradoxe de l’isolement
et de la visibilité » sous l’effet d’un impératif de transparence
généralisée.
J. Habermas, lui aussi, s’interroge : « Les nouveaux médias capti-
vent le public des spectateurs et des auditeurs, mais en leur retirant
par la même occasion toute distance émancipatrice, c’est-à-dire la
possibilité de prendre la parole et de contredire. L’usage que le
public des lecteurs faisait de sa raison tend à s’effacer au profit des
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simples opinions sur “le goût et l’attirance”, qu’échangent des


consommateurs ; et même le fait de parler de ce qu’on a
consommé, cette contre-épreuve des expériences du goût, est inté-
gré au processus de consommation lui-même. »
Société séculière, qui, donc, ne se pense plus fondée sur un
ordre transcendant, c’est par le débat et donc par un nouveau type
de communication qu’y seront construits et légitimés le lien social
et le vivre-ensemble. Comme l’écrit Hegel dans ses Principes de la
philosophie du droit : « Le principe du monde moderne exige que ce
que chacun accepte lui apparaisse comme quelque chose de légi-
time. » C’est-à-dire comme quelque chose qui résulte, au moins en
apparence, d’une discussion libre (d’où l’importance de la notion
d’opinion publique).
À cela s’ajoutent l’affaiblissement des groupes intermédiaires,
l’éloignement et l’abstraction de ce qui incarnait, hier encore, la
communauté vivante. Obligé de « faire le point » sans cesse et pour
son propre compte, l’individu dans nos sociétés a besoin d’une
masse énorme d’informations, perpétuellement renouvelées et
actualisées, pour être en état de répondre aux sollicitations d’un
monde en continuel bouleversement, qui rapetisse et où l’ubiquité
abolit le lointain. Enfin ce même affaiblissement crée un manque
(Durkheim parlerait d’anomie) que les médias visent à combler en
offrant un modèle réticulaire qui allie l’isolement de chacun et sa
relation potentielle avec tous, n’importe quand.
Ainsi les médias remplissent-ils deux fonctions qu’il serait hasar-
deux de confondre : la fonction d’information et celle de commu-
nication. L’information, prise dans son sens strict, peut être définie
comme la circulation de messages dont le contenu, transporté d’un
lieu à un autre, modifie et enrichit la « connaissance » qu’ont les
agents sociaux de leur monde. La communication implique autre
chose que la relation du message envoyé et du message reçu avec
pertes mesurables. Quand l’adage populaire dit : « Ce n’est pas parce
qu’on n’a rien à dire qu’on doit se taire », il pose qu’il y a un dire du
« ne rien dire » et c’est là la communication. Celle-ci institue le lien
social comme tel, avec ses obscurités, ses constructions identitaires
et ses dynamiques de reconnaissance.
Certes, informer et communiquer s’entrelacent dans l’acte info-
com, mais doivent être distingués et l’étude de cet entrelacement
complexe ne saurait renvoyer aux modèles offerts par les ingé-
nieurs de télécommunication qui aplatissent la communication à
l’information.
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LA SOCIÉTÉ RÉTICULAIRE

Nous avons souligné ce glissement imposé par l’évolution des


techniques, des mass media aux NTIC. Nous verrons plus loin quel
est aujourd’hui le magasin des objets de communication qui ont
transformé l’univers technologique (la télé qui se fait support multi-
média, le téléphone portable personnel, l’ordinateur domestique,
Internet, etc.). Conformément à notre postulat, ce nouvel univers
d’objets est l’effet d’une demande de l’espace social, demande imagi-
naire qui sera surdéterminée par l’intrusion des techniques. Aussi
nous paraît-il prioritaire de définir ce nouvel espace sociologique à
la fois cause et effet des inventions techniques.
Quelle est donc, au sein même de la modernité, cette mutation
qu’accompagnent et modèlent les nouvelles formes de communica-
tion et d’information ? Hier la société était soumise à une structure
centralisée ; pas d’État sans capitale d’entreprise, sans son centre de
décision, de famille sans chef de famille. La structure identitaire
reposait sur un étrange nœud borroméen. Le je individuel/subjectif
s’inscrivait dans une suite de cercles concentriques et le cercle le
plus élevé, au-dessus même de la nation, était celui de l’humanité
dans lequel trouvaient à s’incarner la valeur la plus haute et la pleine
réalisation de soi. Ainsi le je individuel était-il aspiré vers le haut.
Mais, dans le même mouvement, cette pyramide inversée reposait
en principe sur le je originaire, un je clivé ou le haut légitimait
l’origine et l’origine le haut.
Cette structure centralisée, ce civisme où le moi ne se fait sujet
qu’en soumettant sa particularité à l’universalité de son je, ne fonc-
tionne plus. L’individu ne se saisit plus dans un lieu organisé en cer-
cles concentriques. Il se découvre, multiple, sans ordre ni raison. Et
il se découvre habitant d’une société réticulaire où tout lui semble
éclaté, éparpillé, mais ce n’est là qu’une illusion qui dissimule
l’instauration d’un monde nouveau, celui des réseaux.
Privée de toute structure pyramidale, la nouvelle société se
donne comme un ensemble de configurations multipolaires, des
nœuds, des flux, des circulations, des interconnexions.
Doit-on poser qu’on doit la naissance de ce monde nouveau à
l’ensemble des découvertes informatiques des années 1970, à
l’entrée de l’ordinateur dans tous les espaces, domestiques ou
publics, à Internet, et, redoublant cette réalité, accepter son orches-
tration par des discours (voir l’article de P. Ansart), apocalyptiques
ou édéniques, sur notre avenir, discours qui sont, tous, à la fois vrais
et faux, disant tout et son contraire ? D’un côté on pleure l’homme
perdu dans la multiplicité des écrans et des flux, s’égarant, privé de
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tout ancrage, entre les mondes virtuels et les mondes réels ; de


l’autre, on chante l’homme prométhéen disposant de prothèses
techniques qui abolissent la distance, rapprochent et permettent
enfin à une humanité réunie de bâtir sa fraternité nouvelle.
Il faut d’abord prendre la mesure de la mutation sociale qui a
amené la société moderne, de son moment civique où le sujet
s’investissait dans la citoyenneté et dans cet imaginaire où il se pen-
sait source volontaire du social et voyait dans celui-ci la condition
de sa propre identité à ce moment (certains parleront, de façon
excessive, de postmodernité) où l’universalité fait place à la particu-
larité et où le moi triomphe, non dans un orgueilleux solipsisme
mais dans sa fusion avec ceux-là qui sont comme lui dans un espace
atomisé et communautarisé.
C’est la logique de la modernité qui aura mené d’un univers de
l’individualisme citoyen à un univers de l’individualisme narcis-
sique. La vie intime, privée, se voit surchargée de signification et de
valeur. Le domaine privé, désormais, affirme sa prééminence sur le
domaine public, la famille devient forteresse contre un monde
public de la guerre économique et de l’amoralité, monde dange-
reux. La société se fait intimiste. Rien ne traduit cela mieux que le
changement de sens du mot « publicité » qui, au XVIIIe siècle, ren-
voyait à l’acte de rendre publics les actes du pouvoir et les arracher
au secret de l’arbitraire et qui, aujourd’hui, renvoie à la promotion
marchande dans un discours séducteur. L’étude du phénomène
publicitaire peut, d’une certaine façon, être une voie royale pour
comprendre cet entrelacement d’un devenir social et d’un devenir
médiatique. Ainsi nous faut-il nous interroger « sur ce qui accorde
la publicité au présent social... comprendre comment le monde se
publicise non par l’effet mécanique de la publicité mais parce que la
publicité est l’écho “image et son” de ce monde qu’elle contribue à
installer » (A. Akoun, La communication démocratique et son destin, PUF,
1994).
Notant ces faits, M. Castells en conclut que les nouvelles tech-
nologies de l’information et la communication informatisée font
naître un vaste ensemble de communautés virtuelles, en même
temps qu’elles redonnent intensité à des identités premières, ancien-
nes et enracinées dans l’histoire ou la géographie ou à des identités
inventées dans une quête de spiritualité. C’est là le paradoxe. Alors
qu’ils accroissent les pouvoirs humains d’organisation et d’inté-
gration, les réseaux subvertissent le concept occidental d’un sujet
indépendant et autonome. Et Castells cite Raymond Barglow (Cri-
sis of the Self in the Age of Information, Londres, 1994) : « Le passage
historique des techniques mécaniques aux technologies de l’infor-
mation concourt à bouleverser les notions de souveraineté et
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d’autosuffisance qui offrent un ancrage idéologique à l’identité per-


sonnelle depuis que les philosophes grecs en ont élaboré le
concept. »

Les autoroutes de l’information


Ce processus trouve dans les autoroutes de l’information ses instru-
ments adéquats. Ces autoroutes de l’information, on peut les résu-
mer au développement des ordinateurs et leur entrée dans l’espace
familial (voir l’article de L. Le Douarin), aux effets de la numérisa-
tion et au réseau Internet.

La numérisation
Originellement circonscrit au domaine de l’informatique le
numérique s’est imposé dans celui des communications, se substi-
tuant au mode analogique alors en cours et bouleversant le monde
des télécommunications. Il en est résulté toute une modification de
l’usage du téléphone qui acquiert, de par l’intégration de la micro-
électronique dans l’appareil, de nouvelles facilités (voir l’article de
L. Bardin), c’est le téléphone portable personnel qui s’accorde si
bien à une société de l’intimité où le réel social tend à se réduire à la
« famille ». Désormais il est permis de joindre directement quel-
qu’un, ou d’être joint n’importe où, n’importe quand. Chantal de
Gournay y verra la naissance du citoyen nomade (titre de son article
dans la revue Esprit, en novembre 1992). La conversation à distance
retrouve intérêt et importance dans les usages quotidiens. La com-
munication en direct est assurée instantanément malgré l’instabilité
géographique de chacun.
Il serait erroné de croire que le téléphone mobile est une inven-
tion destinée à une catégorie professionnelle à forte mobilité. Il est
en réalité pour chacun une extension de l’ubiquité. Ce qui limitait
le téléphone, ce n’était pas la distance entre correspondants mais la
multiplicité des lieux que chacun fréquente en dehors du domicile
ou du bureau, et qui le rend hors d’atteinte. Avec le portable il n’est
plus aucun lieu d’où l’on serait absent, sauf choix de l’être. En
même temps que le virtuel et le monde « cyber », le portable con-
tribue à de nouvelles formes de lien social, à un univers qui institue
des relations de proximité ambiguës puisque proximité dans
l’absence de la présence physique et du contact réel.
Du téléphone comme du Net, quant à leur lien avec la subjecti-
vité contemporaine, D. Wolton donne un admirable tableau sur ce
qu’il désigne d’un terme heureux « les solitudes interactives » (in
Internet et après ?, Flammarion, 1999) : « Le symbole de cette
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montée en puissance des solitudes interactives se voit dans


l’obsession croissante de beaucoup d’être continuellement joi-
gnable : c’est le téléphone portable et le Net. Des milliers
d’individus se promènent ainsi, le portable à la main, le courrier
électronique branché, et le répondeur comme ultime filet de sécu-
rité ! Comme si tout était urgent et important, comme si l’on
mourrait de n’être pas joint dans l’instant. A contrario, on voit se des-
siner d’étranges angoisses, celles de ne pas être assez appelé, ou de
ne pas recevoir de courrier électronique. »
Mais il serait hâtif de résumer (ce que ne fait pas Wolton) les
technologies à leur seule dimension subjective et d’occulter les
effets en retour des usages utilitaires. En fait les deux dimensions
sont indissociables, celle d’information utilitaire et celle de commu-
nication. Ainsi en est-il aussi d’Internet.

Internet
Internet est issu du réseau Arpanet créé en 1968 par le départe-
ment américain de la Défense pour relier ses centres de recherche.
En 1979, des étudiants de Duke University à Durham (Caroline du
Nord), eurent l’idée de faire correspondre des ordinateurs entre eux
pour échanger des informations scientifiques. Phénomène militaire
d’abord, universitaire ensuite, Internet assurera son succès auprès
des grandes entreprises privées, des PME et, enfin, des particuliers.
Avec l’ordinateur domestique, il prend dans ses rets sphère de
l’intime et sphère publique.
Incontestablement le Net s’inscrit dans ces formes du vécu indi-
viduel dans nos sociétés, mais on ne peut le réduire à ce seul effet.
On pense au Minitel, qui ne répondit pas, à ses débuts, aux attentes
de ses concepteurs, et ne trouva son essor que dans la création de
kiosques conviviaux, amicaux ou érotiques (minitel rose). Mais
ensuite, et depuis, il inscrit ses usages dans la communication utili-
taire, celle des individus (renseignements bancaires, SNCF, locations
diverses) et dans celle des institutions et des entreprises. Forums,
épanchements imaginaires, relations e-mail caractérisent le Net.
Mais aussi l’immense banque d’informations qu’il propose et l’infini
des contacts à l’échelle du monde.

ET DEMAIN ?

Il est évident que les développements technologiques auront des


conséquences instrumentales fondamentales, reléguant le minitel
dans la préhistoire de la télématique et transformant le récepteur de
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télévision en un écran ouvert perdant sa place souveraine d’écran-


spectacle pour, désacralisé, n’être plus qu’un vidéo-serveur. Chacun
aura désormais accès à des milliers de banques de données profes-
sionnelles ; il y aura généralisation de la vidéo-conférence, du télé-
enseignement, du télétravail, du télé-achat. Par le réseau Internet les
livres de toutes les grandes bibliothèques du monde deviendront
accessibles à chacun, et de même les œuvres des musées, mais aussi
la lecture des journaux, et sans aucun barrage de frontières natio-
nales. Les modes de consommation seront transformés ; des rela-
tions et des groupes à distance se feront et se déferont par le seul
lien des réseaux de communication, sans autre contact interindivi-
duel que les contacts communicationnels. À la fois séparé du monde
et en relation avec lui, à distance de chacun et proche de tous,
entouré des prothèses que sont la radio, le téléphone, la télévision,
le fax, et mille autres instruments régis par l’ordinateur, l’individu
s’installe dans les rets des divers réseaux interactifs denses et, dans le
même temps, verra diminuer les contacts face à face.
Ce qui se développe, selon Paul Virilio, c’est ce qu’il appelle la
« téléprésence » et qu’il explicite ainsi : « Depuis toujours on
invente des moyens d’aller plus vite, plus loin, à moindre effort. On
ne peut pas inventer une technologie pour ralentir. Mais les tech-
nologies visent à éliminer la nécessité même de se mouvoir, du
mouvement du corps. » Il en conclut : « On va vers l’inertie. »
Nous ne dirons pas ainsi. Ce qui naît, c’est cette nouvelle figure du
monde où les liens sociaux anciens se délitent au profit de nouvelles
formes d’individualisme et de nouveaux liens sociaux. Mais il est
toujours dérisoire de se laisser aller aux charmes de la prospective.
Celle-ci ne nous parle jamais que du présent et de son imaginaire.

Université René-Descartes – Paris 5

BIBLIOGRAPHIE

Balandier Georges, Le Grand Système, Fayard, 2001.


Balle Francis, Le Mandarin et le marchand, Flammarion, 1995.
Beaud P., Flichy P., Quéré L., Sociologie de la communication, CNET-Réseaux,
1997.
Cazeneuve Jean, La société de l’ubiquité, Denoël, 1979.
Jouet Josiane, L’écran apprivoisé, télématique et informatique à domicile, CNET-
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