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Extrait distribué par Editions Gallimard (patrimoine numérisé)
Figures
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Guy Rosolato
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FIGURES DU VIDE
C'est d'abord la possibilité d'une punition qui, sur le plan de la morale person-
nelle, devient une nécessité d'expiation, une obligation de s'amender et de changer.
Dans la relation avec autrui s'impose la réparation, au prix d'un effort, d'un travail
d'effacement du mal accompli. Enfin le pardon, notamment avec l'aveu des fautes
qui permet la réconciliation, est le troisième moyen d'étanchement de la culpabilité.
On oublie trop facilement deux de ces aspects pour ne retenir, dans un contexte
psychanalytique courant, que la réparation. Or, sous couvert de celle-ci, ils se trouvent
refoulés, tout en restant inconsciemment en activité.
L'emprise de la culpabilité dépend de celle d'un idéal, d'une loi qui, par l'impor-
tance qu'on lui accorde, quel que soit son contenu, est une forme où s'investit le sacré,
c'est-à-dire où un projet ne souffre pas de défaillances, justifiant ainsi tous les sacri-
fices, jusqu'à celui de la vie. Il va sans dire que cette loi ne saurait se résumer au seul
respect devant le diktat de la force, collective ou individuelle. Elle ne prend son sens
que dans la reconnaissance ou l'espoir d'une vérité.
L'extension de cette loi est variable quant au groupe qu'elle régit. La responsa-
bilité en cause peut valoir pour tout individu placé dans les mêmes circonstances;
elle peut aussi ne concerner que le seul cercle des pairs ayant un idéal commun et y
trouvant leur ciment; pour certains enfin, elle donne l'illusion d'être tout à fait indi-
viduelle, quand aucun point commun n'est reconnu avec autrui (encore que la relation
entre la victime et le bourreau ne soit jamais aussi simplement vécue).
La culpabilité peut se définir également par des traits négatifs ainsi le sentiment
de déplaisir moral, remords, regret, ou dépréciation qui signe le jugement du Surmoi,
ne doit pas, pour apparaître pleinement, être réprimé par les si fréquentes défenses
maniaques. Quant à la culpabilité inconsciente, sachant l'importance des contenus
auxquels elle s'attache, son refoulement global peut être parfaitement concevable.
La question, qui reste souvent mal précisée, est d'arriver à déceler le retour, ou les
transformations affectives qui accompagnent ce refoulement, jusqu'à prendre la
figure de la dépression. On doit donc s'interroger sur ce balancement.
Les altérations de la culpabilité, par défaut ou par excès, ont souvent retenu
l'attention des auteurs. Chez le délinquant, après que l'on ait incriminé l'absence
de sens moral, il est fait plus souvent état d'une culpabilité inconsciente qui pousserait
à des conduites autopunitives tout en préservant le fantasme qui l'entretient. Parfois
il ne s'agit que d'une tentative désespérée d'éprouver cette culpabilité 1.
Aussi intéressantes et surtout exemplaires pour notre propos sont les
manœuvres obsessionnelles. Depuis les confessions scrupuleuses, jusqu'aux rituels
compensatoires, où la culpabilité apparaît au grand jour, excessive, subtile et intransi-
geante, ou subissant de successifs déplacements pour en travestir l'origine, devenant
souvent caricaturale par ses surcharges, ridiculisant la loi à laquelle elle se soumet,
i. D. W. Winnicott, a la Psychanalyse et le sentiment de la culpabilité(1958), in De la
pédiatrie à la psychanalyse, Payot, 1969.
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i. Cf. C. Brenner, « Dépression, anxiety and affect theory », Int. J. Psycho-Anal., 1974,
1, p. 25-32.
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des raisons climatiques. Enfin il n'est pas rare de découvrir dans la petite enfance
une véritable maladie, une infirmité congénitale, ou un traumatisme somatique qui a
pris une portée légendaire dans la famille (par exemple le cas où un pansement à la
teinture d'iode sur l'ombilic du nourrisson a provoqué des brûlures et des troubles
du sommeil persistants).
On remarquera la convergence de cette constatation avec celle que faisait
P. Greenacre au sujet des traumatismes réels subis par les pervers dans leur petite
enfance. Il est probable que dépression et perversion soient deux modes de réaction
à des traumatismes somatiques subis réellement, mais repris et renforcés par des
fantasmes correspondants. La différence tiendrait à la possibilité qu'a le pervers de
trouver dans l'exercice de ses pulsions partielles des satisfactions à départ hallucina-
toire qui ne laissent pas apparaître de ce fait la réaction dépressive. On a déjà noté,
dans la littérature psychanalytique, l'existence d'un fond dépressif chez le pervers.
Mais ce qui reste posé est la confrontation du fantasme avec une réalité (ou une
légende) ancienne et ce que le sujet peut construire à partir de là pour y faire tenir
l'inertie du passé.
La question qui se trouve donc une fois de plus posée et dont on ne peut éluder
la discussion est celle du premier traumatisme, à savoir de la naissance, très spéciale-
ment à propos de la dépression. En effet la régression qui est propre à celle-ci postule
une dépendance absolue, une aspiration à être protégé et une remontée à l'origine
qui ne peut être mieux traduite que par le retour au ventre maternel tout ce qui y
fait obstacle prend une force de déplaisir qui définit le traumatisme. Dans les formes
mélancoliques le lien ne peut se faire avec la symbolique de la castration (le terme de
castration primaire serait donc abusif).
Mais ce traumatisme a ceci de particulier que son intensité et sa précocité ne
permettent aucune assimilation vécue, aucune « expérience », ni à plus forte raison
aucune représentation consécutive. Les réflexions d'un article posthume de Winnicott1
peuvent nous aider à comprendre cet état initial appelé, en des termes plus accusés
que celui d'angoisse, agonie primitive. Cet état de déréliction a eu lieu mais n'a pu être
intégré du fait des défaillances du milieu environnant et de la mère. Nous dirons, de
plus, que dans les cas de dépression- grave il y a lieu d'invoquer une telle « agonie »,
plus ou moins assumée, chez la mère elle-même. Comme le fait remarquer Winnicott,
dans la psychose (disons la mélancolie) cet état est impensable. Celle-ci s'organise
en tant que défense à l'égard de ce point de fuite, qui ne donne aucune prise et reste
un danger d'annihilation. Et, toujours selon Winnicott, ce défaut d'intégration initiale
laisse comme une forme imparfaite qui tend à se compléter, une compulsion à vivre
pleinement dans le futur une telle épreuve. Il est vrai que dans ce domaine les mots
semblent insuffisants et doivent trahir cette expérience. Ainsi le terme de traumatisme
i.« Fear of breakdown », The International Review of Psycho-Analysis, 1974,1-2, p. 103-107.
Cf. la traduction de ce texte ici même, p. 35-44.
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Le manque et l'état de détresse ont pour effet de fixer l'attention de l'enfant sur
l'objet qui assure ses satisfactions le sein, la mère. Mais cette prise en considération
peut se faire par diverses voies qui usent de différents fantasmes relatifs à la mère,
soit pour la maîtriser ou la détruire, soit pour entretenir une relation privilégiée avec
son corps, soit dans une réaction narcissique et la mise en jeu du double (et du Moi
Idéal).
C'est Abraham qui a souligné le fait « que la vie psychique du mélancolique se
meut surtout autour de la mère1 ». Cette observation vaut pour les deux sexes.
On sait depuis M. Klein comment la mère peut être tenue par l'enfant pour un
objet persécuteur, cause d'annihilation, de destruction par inanition ou dévoration.
Pour E. Bergler, c'est le paradigme du crime majeur, à l'origine de tout repliement
masochiste. Il est vrai que les tentatives, ou les fantasmes de rétorsion et de projection
paranoïaque ont des effets redoutables puisqu'ils supposent la disparition d'un objet
vital sans que la détresse en soit pour autant atténuée.
Aussi dans l'étape dépressive voyons-nous se nouer une relation fantasmatique
i. « Les États maniaco-dépressifs et les étapes prégénitales d'organisation de la libido»
(1924), in Œuvres complètes 2, Payot, 1973, p. 284.
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plus nuancée et conservatrice à l'égard de la mère, qui se centre sur le corps, dans un
rapport qui use de l'imaginaire, et dont nous décrirons trois aspects importants pour sa
compréhension. Chacun d'eux, l'incorporation orale, le refuge matriciel, et la relation
somato-psychique, appartient à une relation plus générale de contenant à contenu qui
vient donc au premier plan de notre question.
Il faut d'abord rappeler qu'Abraham avait poussé le détail en décrivant l'incor-
poration jusqu'à distinguer une série de quatre opérations 1.
Quand nous disons incorporation, nous nous référons au fantasme qui adopte
comme solution à une tension, à un conflit, l'intervention corporelle, orale, digestive,
destructive et sadique. Cette réaction primitive ramène donc à la plus ancienne relation
à la mère, se centre sur elle plutôt que d'avoir à s'en écarter. Il va sans dire que l'entrée
corporelle peut être anale, génitale, par les organes des sens, tout en restant une figu-
ration orale d'absorption destructrice.
L'incorporation ainsi conçue se distingue donc de l'introjection et de l'identifi-
cation. Dans l'introjection, l'optique est différente, l'opération orale et digestive est
dépassée, il s'agit surtout d'un processus 2, ou plus généralement d'une entrée dans le
champ psychique, d'un accroissement, par voie perceptuelle, des informations, et
partant du stock mémoriel et du territoire. L'objet est ainsi reçu, recomposé, conservé,
par un ensemble de signifiants (analogiques ou digitaux) qui s'en distinguent tout en
renvoyant à lui. Le propre de l'introjection est de permettre la différenciation d'un
(ou plusieurs) objet(s) à l'intérieur de l'ensemble topique où il garde son indépendance
et participe aux conflits du système. L'animal introjecte également des signifiants
analogiques; sa « culpabilité » est fruste et bâtie sur la crainte directe, acquise par les
essais, la perte de l'objet ou par le châtiment qui résulte d'un simple rapport de
forces. L'introjection est donc un modèle de relation avec un objet privilégié, qui peut
être exclusif, restreint et qui oriente les relations objectales ultérieures. Elle prend un
sens en fonction d'une topique.
Au mouvement centripète de l'introjection qui est une acquisition de pouvoir
s'oppose le mouvement centrifuge de la projection qui rejette une partie du territoire
sur l'objet dont on ne peut plus dès lors que subir l'action.
Avec l'identification, ce qui domine, c'est la similitude de traits tant psychiques que
physiques qui relie le Moi à l'objet gardant son autonomie externe; ici c'est l' « être
comme » qui remplace l' « avoir ». Le manque de l'objet est compensé par cette unifi-
cation à partir d'un trait commun de remplacement. Dans l'identification il y a un
effet de transformation alors que dans l'introjection opère l'adjonction, l'accumulation,
l'augmentation par rajout d'éléments qui gardent leurs particularités propres d'objets,
comme lorsque l'aimant se charge de limaille. Dans l'identification, il s'agit surtout
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