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18 – LA RÉPUBLIQUE ET LA QUESTION OUVRIÈRE : LE FRONT POPULAIRE

Introduction

Le lien entre Front Populaire et « monde ouvrier » est, a priori, eé vident tant l’expeé rience
politique qu’a constitueé e le gouvernement de Leé on Blum semblait correspondre aux deé sirs de ce
qu’on appelait encore une « classe ». Pour autant, si leur relation ne fut pas toujours conflictuelle,
n’en a pourtant jamais eé teé reé ellement serine. Les contours du monde ouvrier, que l’on distingue
du monde artisanal et des employeé s se sont progressivement dessineé s aà l’oreé e des anneé es 30.

Dans son eé tude, Le Monde privé des ouvriers, Olivier Schwartz montre que le travail constitue «
un fondement essentiel des légitimités masculines. Il est terrain d’accès à une forme de
reconnaissance sociale ». La fierteé du meé tier comme celle de la connaissance de l’outil de travail
comptent autant, si ce n’est davantage, que les statistiques dans le sentiment d’appartenance
ouvrier. Les conditions de vie, l’engagement politique et syndical, le deé veloppement d’une
solidariteé et d’une sociabiliteé propres renforcent cette identiteé aà l’usine comme en dehors du
temps de travail, aà travers, par exemple, l’exercice de certains loisirs.

Au cours de l’eé teé 36, cette identiteé est mise aà l’eé preuve des luttes et des contestations comme
reé veé lateurs de la transformation et de l’inteé gration des socieé teé s ouvrieà res. Les reé voltes donnent aà
voir aà la fois les socieé teé s ouvrieà res elles-meê mes et les relations qu’elles entretiennent avec le
pays.

Avec Leé on Blum, en juin 1936, la France compte pour la premieà re fois un chef de gouvernement
socialiste. Le 5 juin 1936, annonçant la constitution de son gouvernement de Front populaire,
Leé on Blum conclue ainsi : « Un grand avenir s'ouvre devant la démocratie française. Je l'adjure,
comme chef du gouvernement, de s'y engager avec cette force tranquille qui est la garantie de
victoires nouvelles. »

Dans une formule concise comme il en a l’intelligence, le nouveau preé sident du Conseil reé sume
parfaitement, aà mots couverts, la situation. En eé voquant la « force tranquille », il faut allusion au
peuple, impatient de voir les reé formes promises durant la campagne, se reé aliser. Il cherche ainsi
aà canaliser leur fougue. Il oppose aà cette nervositeé la neé cessiteé d’entrevoir une gestion politique aà
plus ou moins long terme avant d’eé largir la deé mocratie en socialisme. Un immense espoir
souleà ve le pays. Et pourtant, un an plus tard, le deé senchantement est complet.

Le deé fi releà ve de l’eé quilibre entre une gauche de gouvernement et une aile, plus radicale, qui reê ve
de lendemains radieux. Dans un pays frappeé en 1931, relativement tardivement, par la crise
mondiale qui se traduit par une augmentation brutale du choê mage, et encore sous le choc de la
crise politique du 6 feé vrier 34, les gauches ont peineé aà reé aliser un programme de compromis
avant de se rallier autour de la devise, « pain, paix et liberteé ».

Une fois au pouvoir, perclus de ses propres contradictions, le gouvernement du Front Populaire
eé choue en deé cevant le monde ouvrier qui avait pourtant placeé en lui tous ses reê ves et ses utopies.
L’hostiliteé de ses adversaires, associeé e aà la fragiliteé de la coalition des gauches, finit par emporter
le gouvernement dans le contexte de la Guerre d’Espagne et de crise internationale.

I. L’ESPOIR DU FRONT POPULAIRE


1. La victoire électorale

Une bataille eé lectorale dans la tradition reé publicaine, mais particulieà rement dure et agiteé e, qui
avait deé boucheé , apreà s un premier tour indeé cis le 26 avril, sur la victoire du Rassemblement
populaire le 3 mai. La discipline reé publicaine donne un second tour sans « bavures » et la logique
brutale du scrutin d'arrondissement joue pour la premieà re fois aà plein en faveur de la gauche :

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l'alliance preé eélectorale porte ses fruits ; qu'un eé lecteur sur dix ait abandonneé le centre et la
droite suffit aà faire basculer le pays. Mince victoire en chiffres absolus : un deé placement de moins
d'un million de voix a emporteé la deé cision. Mais large victoire politique et psychologique pour
une gauche deé sunie depuis 1920.

Les radicaux, compromis depuis 1932 dans une mauvaise gestion de la crise eé conomique et
morale, sont les grands vaincus, meê me s'ils dominent encore sur le Seé nat : ils ne conservent, en
effet, que 2 millions d'eé lecteurs et 110 sieà ges aà la Chambre, soit 50 de moins qu'en 1932. Les
communistes, eux, sont les grands vainqueurs : ils passent, depuis 1932, de 782 000 aà 1 468 000
voix et de 11 aà 72 deé puteé s, au moment preé cis ouà le dynamisme militant de leur parti lui fait
deé passer en effectifs la SFIO. L'Union de la gauche profite ainsi d'abord au PCF. Les socialistes,
enfin, stabiliseé s autour de 2 millions de suffrages et progressant leé geà rement en sieà ges (de 131 aà
147), cimentent la coalition victorieuse, posseà dent le plus fort groupe parlementaire aà la
Chambre et peuvent donc leé gitimement imposer Leé on Blum aà la preé sidence du Conseil.

Pourtant, cette gauche socialiste n'a pas la majoriteé sociologique : la droite a reculeé en bon ordre,
le gouvernement Blum sera soumis aà la pression des communistes et surveilleé par des radicaux
blesseé s, diviseé s et, on l'a vu, maîêtres du Seé nat, ouà la tentation est grande de renouer des alliances
au centre et aà droite. En fait, le Front populaire a sauveé le reé gime reé publicain attaqueé dans la rue
par les ligues depuis le 6 feé vrier 1934, il a reé affirmeé la force de conviction d'une deé mocratie
parlementaire reé gleé e par les partis, mais il n'a pas reé solu, d'entreé e, la question d'avenir :
stabiliser durablement aà gauche des classes moyennes agiteé es par la crise, choyeé es par les
droites classiques ou extreê mes, deé sorienteé es par l'affaissement continu du parti radical qui avait
longtemps si bien exprimeé leurs revendications. Le Front populaire ne s'est pas imposeé au centre
sociologique de la politique française. Toute revanche du social sur l'eé lectoral est possible.

2. Une expérience gouvernementale inédite mais ambiguë

Pour la premieà re fois dans l'histoire de la Reé publique, un socialiste dirige le gouvernement et
reçoit le soutien du Parti communiste. Il accueille trois femmes en son sein, alors que l'eé lectorat
est masculin. Il n'entend pas se couper des masses et il pousse le dialogue avec les syndicats, les
comiteé s, les mouvements et les associations qui ont adheé reé au Rassemblement populaire. Ce
contact avec les sources vives devrait lui donner force et imagination. Or le drame est pour lui
d'avoir aà faire face aà une cascade d'urgences.

A l'inteé rieur, la droite n'a pas deé sarmeé , les classes moyennes parlent haut, les greà ves « sur le tas »
font tache d'huile. A l'exteé rieur, la speé culation attaque le franc et la guerre eé clate en Espagne le
18 juillet. Presseé par le temps, le gouvernement Blum a fait galoper le Parlement : en quelques
semaines, celui-ci vote plus de textes que dans toute la leé gislature preé ceé dente.

Se succeà dent ainsi les trois lois des 11 et 12 juin sur l'eé tablissement de la semaine de travail de
40 heures, la creé ation de deux semaines de congeé s payeé s par an et la proceé dure d'eé laboration de
conventions collectives par branche industrielle et dans chaque entreprise, trois mesures
inscrites au programme du Rassemblement populaire mais dont l'adoption est haê teé e par l'accord
Matignon le 7 juin. Suivent dans la fouleé e des textes leé gislatifs annulant les deé crets-lois du
gouvernement Laval qui peé nalisaient les fonctionnaires et les pensionneé s, eé purant la police,
interdisant les ligues factieuses.

Enfin, une impressionnante batterie de mesures eé conomiques et financieà res proceà de de la meê me
haê te : reé forme de la Banque de France pour lutter contre les « deux cents familles » (1) ;
nationalisation des fabrications de mateé riel de guerre, qui seront vigoureusement relanceé es ;
lancement de grands travaux ; creé ation d'un Office du bleé ; prolongation de la scolariteé ; collectif
budgeé taire, emprunt ; creé dits et aides. En quelques semaines, une « reé volution par la loi » semble

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acquise, contre le patronat et les puissances de l'argent, et sans ceé der trop dangereusement aà la
pression contraire du « ministeà re des masses ».

3. Les grèves de l’été 36

Les greà ves de 1936, d’une ampleur ineé dite dans notre histoire, appartiennent aujourd’hui aà la
meé moire collective, et de la gauche en particulier qui les commeé more reé gulieà rement.

Les speé cialistes ont recenseé plus de 12 000 greà ves, dont preà s de 75% d’entre elles eé taient
accompagneé es d’une occupation, plus ou moins longue et plus ou moins partielle des lieux de
production aussi bien dans les usines que dans les magasins. Au cours de ce vaste mouvement,
on comptera plus d’1,8M de greé vistes. Spontaneé ici, deà s longtemps preé pareé par une poigneé e de
militants « gauchistes » ou communistes ailleurs, spectaculaire et impreé vu - une « gifle » pour le
gouvernement, dira Leé on Blum -, il deé voile un monde d'oppression patronale et il exerce, assez
joyeusement, la lutte des classes.

Des patrons « de droit divin » comme des petits tyrans sont contraints pour la premieà re fois
d'engager le dialogue avec leurs ouvriers et employeé s, dans les grandes usines de la meé tallurgie
comme dans les petites entreprises familiales. Ils se voient meê me obligeé s d’appliquer la loi, voir
s'installer face aà eux un travailleur syndiqueé .

Car le mouvement syndical français a enfin recruteé des troupes dans ces greà ves et l'accord
Matignon l'a installeé au rang de neé gociateur privileé gieé et d'interlocuteur reconnu : les
« partenaires sociaux » devront apprendre aà cohabiter autour d'une table et dans le respect de la
nouvelle leé gislation. Prolongeé e par les premiers congeé s payeé s de l'eé teé , vibrante et gaie, plus
libeé ratoire qu'eé mancipatrice, la greà ve du printemps 1936 fut un choc social impreé vu et
inoubliable. Une onde aussi forte ne s'eé puise pas en quelques semaines : le Front populaire devra
geé rer une situation ineé dite, ouà le social devance le politique.

Enfin, un authentique et confus mouvement de masse enveloppe et deé passe l'eé lection, la
pratique de gouvernement et meê me la greà ve. Un mouvement collectif, bien suê r, mais qui saisit
l'individu, bouscule les sociabiliteé s locales et enivre les moins militants. Car, avec la crise et la
bataille contre le fascisme - reé el ou supposeé : en France, l'antifascisme a preé ceé deé toute menace
fasciste reé ellement constitueé e aà l'inteé rieur -, ont surgi des comiteé s de choê meurs qui sont illustreé s
par de grandes « marches de faim » depuis 1933 ; des comiteé s de Rassemblement populaire, des
associations qui reé unissent travailleurs et intellectuels imposent leur turbulence aux sections
locales des syndicats et des partis politiques.

Sur ce fond permanent de fermentation sociale s'eé panouit donc, en 1936, une sorte d'« agit-
prop » culturelle qui signe l'entreé e de la France dans l'aê ge nouveau. Les slogans, les images, les
chansons fleurissent. La radio prend son essor de meé dia de masse. Et, deà s le mois d'aouê t, l'espoir
a pris le soleil, sur les plages envahies par « les salopards en casquette » et dans les campagnes
parcourues le sac au dos ou en tandem. Cet « air du temps », qui enteê tera longtemps de son
parfum, excite donc les militants les plus disciplineé s : « 36 » fut profondeé ment creé ateur.

Cet apprentissage de la neé gociation implique la prise en compte des pratiques, mais aussi des
acteurs, leaders et meé diateurs, qui eé voluent eé galement treà s fortement. On peut par exemple
constater le roê le preé pondeé rant tenu par les organisations syndicales dans l’encadrement et
l’organisation des protestations. Au-delaà des processus de politisation, reé volte et contestation
sont autant de moyens d’eé laboration d’une identiteé sociale et professionnelle, qui vient se
substituer progressivement aà l’identiteé communautaire.

II. LES HÉSITATIONS DU MONDE OUVRIER

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1. L’effervescence ouvrière

Entre-deux-guerres, l’adoption du taylorisme releà ve davantage de l’eé clectisme que de l’adheé sion
inconditionnelle et systeé matique. Le chronomeé trage n’intervient pas avant 1925 dans les mines
du Nord, et n’est geé neé raliseé qu’aà la fin des anneé es 30 chez Renault ou dans le chemin de fer.

L’OST bouleverse classifications ouvrieà res et durcit, en meê me temps, clivages hieé rarchiques au
sein de l’entreprise. Au sommet, les ingeé nieurs imposent un pouvoir, d’autant plus distant et
incontestable qu’il s’exerce au nom d’une science inaccessible aux ouvriers. La seé paration
physique des bureaux d’eé tudes d’avec les ateliers souligne la coupure entre ceux qui conçoivent
et ceux qui exeé cutent. Les visites des premiers, le mode de communication, par voie de fiches et
de notes de service, indiquent le caracteà re unilateé ral des relations ordinaires. A la base, le
systeà me, fondeé sur l’ambition d’un controê le absolu du personnel, x les postes d’encadrement
eé leé mentaire, accentuant tendance perceptible deà s le XIXe sieà cle. H. DUBREUIL, Standards,
Grasset, 1929, admirateur du systeà me ameé ricain, deé plore la « transposition du reé gime militaire »
dans l’usine.

En 1930, alors que la population est devenue, statistiquement, plus urbaine que rurale, on
compte eé galement plus de la moitieé des salarieé s employeé s dans des eé tablissements de plus de
200 personnes et un quart dans ceux de plus de 500. 18% de salarieé s en 1931 dans un
eé tablissement de plus de 500 personnes. A Boulogne-Billancourt, 20 000 personnes s’activent
sous l’autoriteé de Louis Renault.

Les plus grandes victimes sont les travailleurs isoleé s, artisans notamment. La grande entreprise
triomphe : chimie, sideé rurgie, automobile, meé tallurgie. L’artisanat reé siste et s’adapte. En 1936 :
44 % des salarieé s travaillent dans des entreprises de moins de 10 employeé s. Issu du vieux
systeà me de la manufacture dispersée, le travail aà domicile teé moigne d’une belle vitaliteé en ville
comme en campagne. En France, 1M de femmes travaille comme cela en 1936, et malgreé le recul
des industries rurales, sensible depuis les anneé es 1860, les machines aà coudre et l’eé lectriciteé
redonnent une nouvelle jeunesse aux ateliers familiaux du tournant du sieà cle.

L’identiteé ouvrieà re se renforce. Les usines sont ceintes de murs qui, symboliquement, se coupent
de leur environnement mural. On eé tablit un « espace de travail » circonscrit par une discipline
stricte (empeê chant notamment les ouvriers de « retourner aà la campagne pour les moissons »).
On deé finit des reà gles d’avancement au sein de l’entreprise pour renforcer le sentiment
d’appartenance de l’ouvrier aà son lieu de travail. C’est le temps du patron paternaliste aà la teê te de
« petites et moyennes » entreprises de 200 aà 300 ouvriers, notamment dans le secteur du textile.

2. Une crise d’identité

Mais la meé canisation remet en cause ces pratiques. Entre la fin de la guerre et la crise de 1929, le
groupe Citroeë n multiplie par 4 ses acquisitions de machines. Chez Citroeë n, le travail aà la chaine,
deé jaà en place lorsque l’usine de Javel produisait des obus, se perfectionne tandis que s’accroîêt la
speé cialisation des ateliers [Sylvie SCHWEITZER, Des engrenages à la chaine. Les usines Citroën
1915-1935, PUL, 1982]. En 1933, avec outillage reé noveé , refonte de l’eé tablissement, permettant
production sans interruption le long d’une chaine unique.

On assiste aà une acceé leé ration de la deé composition des taê ches des ouvriers : dans la socieé teé Anzin,
le travail du mineur est segmenteé en points – minutes. La reé glementation enserre le travailleur
dans une cadence dont le rythme lui eé chappe. Reé compenses et peé naliteé s accompagnent cet
effort. La seé curiteé du poste de travail, la santeé meê me de l’ouvrier sont alors secondaires.
L’alieé nation au travail est manifeste : deé placement limiteé , station verticale de travail, silence,
hygieà ne et alimentation strictement limiteé es dans le temps et l’espace. Le patron controê le le

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corps du travailleur au sein de l’eé tablissement. Les activiteé s des travailleurs sont surveilleé es
(listes noires, deé nonciateurs). Controê le administratif freé quent.

Le patronat reà glemente et rationalise, eé tend preé rogatives sur ce terrain, avec des reé sultats
ineé gaux. Les bureaux d’eé tudes butent sur l’impossibiliteé d’exercer un controê le total sur les
hommes : freinage, coulage, perruque,… liste longue des braconnages d’atelier.

Rire, discussions, chants, disputes, rixes, consommation de nourriture et de boissons, sexualiteé


voire sommeil. Les ouvriers de la filature de laine d’Amiens, ceux de la manufacture de
porcelaine de Vierzon, improvisent discours, lisent journal aà voix haute, racontent des histoires.
On est loin de l’usine taylorienne preé occupeé e de disloquer la communauteé ouvrieà re que de
deé composer les gestes de travail. Sur les chaines, tension entretenue par obsessionnelle cadence
qui appauvrit « aà l’extreê me les rapports sociaux entre les opeé rateurs ». En queê te d’un sourire,
d’une « parole de bonteé », Simone WEIL note « le plus souvent, les rapports meê me entre
camarades refleà tent la dureteé qui domine tout laà -dedans ». Des relations interpersonnelles
subsistent pourtant, difficilement, les OS de chez Citroeë n aiment leur travail car ils y voient « pas
mal de monde » et « que c’est un moyen d’avoir des contacts ».

Le recours aà la greà ve se solde souvent par un eé chec (hormis celles de 1936). Dans les anneé es 30,
la reé pression vise les « fauteurs de trouble ». Les patrons ont recours aà des travailleurs « allieé s »
dans la traque des meneurs mais eé galement en faisant appel aà des services comme les 1500
« moutons » contre le syndicalistes.

Plus que la rationalisation, ce sont ses conditions sociales et salariales d’application que
critiquent les syndicats. Les theà ses fordiennes d’eé largissement du marcheé par augmentation du
pouvoir d’achat des salarieé s n’enthousiasment gueà re patrons. La crise et le choê mage des 30’ ne
les encouragent pas dans cette voie et seules les greà ves de 36 les y contraignent. Par les
conventions collectives, mais aussi par la loi, sanction supreê me aux yeux d’une classe ouvrieà re
impreé gneé e de culture reé publicaine, les eé veà nements de 36 inaugurent un systeà me de reé gulation
salariale qui, en rupture avec la « sainte » loi du marcheé , reconnaîêt et inteà gre la dimension sociale
de la reé muneé ration ouvrieà re.

Cadre normal et concret d’exercice de l’activiteé , l’entreprise est, avec le meé tier, l’une des
reé feé rences de cette part de l’identiteé ouvrieà re forgeé e au travail. La culture d’entreprise devient
une speé cification de la culture de classes, et non sa fin, avec ses connivences, ses compromis et
ses lignes de fracture.

Le monde industriel subit la concurrence de l’eé mergence du secteur des services ouà les employeé s
beé neé ficient de protections juridique et sociale bien plus avanceé es que dans le secteur ouvrier.

3. La portée des mesures sociales

L'accord Matignon (7 juin 1936) est le premier accord contractuel entre le patronat et les
syndicats conclu sous l'eé gide de l'EÉ tat. Le patronat « admet l'eé tablissement immeé diat de contrats
de travail » (art.1) et reconnaîêt le « droit pour les travailleurs d'adheé rer librement et
d'appartenir aà un syndicat professionnel » (art.2). L'eé lection de deé leé gueé s ouvriers dans les
entreprises est preé vue (art.5). Des augmentations de salaires, allant de 7 % pour les salaires les
plus eé leveé s aà 15 % pour les salaires les moins eé leveé s, sont deé cideé es (art. 4).

La loi des 40 heures est la cleé de vouê te du programme eé conomique et social du Front populaire.
La reé duction du temps de travail, hebdomadaire, de 48 aà 40 heures, avec maintien du salaire
anteé rieur, avait pour objectif de « remeé dier aà la crise du choê mage, en reé partissant
judicieusement, sur la collectiviteé des travailleurs, les disponibiliteé s de travail ».

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Meê me si les reé sultats furent particulieà rement deé cevants, le nombre de choê meurs ayant
finalement moins diminueé qu'en Allemagne, aux EÉ tats-Unis, en Belgique ou au Royaume-Uni,
cette reé forme n'avait rien d'utopiste. D'abord, de nombreux travailleurs beé neé ficiaient deé jaà de ces
mesures aux EÉ tats-Unis, en Italie, en Tcheé coslovaquie ou en Allemagne. De plus, observant que
de nombreux travailleurs eé taient, du fait de la crise, en sous-productiviteé , employeé s aà des taê ches
de nettoyage ou ralentissant volontairement le rendement par crainte du choê mage, les socialistes
espeé raient que le regain de productiviteé provoqueé par la diminution du temps de travail
compenserait largement la baisse de la production.

L'instauration des congeé s payeé s annuels par la loi du 11 juin 1936 reste la plus symbolique des
lois sociales du gouvernement Blum. Elle s'applique aà tous les salarieé s lieé s aà un employeur par un
contrat de travail ; la dureé e est de quatorze jours, dont douze ouvrables, apreà s un an de services
continus. Le 3 aouê t 1936 est creé eé le billet de congeé populaire annuel aà 40 % de reé duction. Preà s de
600.000 travailleurs en profiteà rent au cours de l'eé teé 1936.

Deé bat : cf. cours.

III. DÉSILLUSIONS ET ÉCHECS DU FRONT POPULAIRE


1. Les résistances

Il ne faut pas sous-estimer le roê le de la grande peur sociale que les greà ves sur le tas ont
deé chaîêneé e. Sans doute la reé volution n'y eé tait-elle pas aà l'ordre du jour, quoi qu'en aient cru
quelques militants des minoriteé s reé volutionnaires qui campaient sur les marges du PCF et de la
SFIO : deà s le 11 juin, Maurice Thorez, au nom des communistes, a deé clareé qu'il faut savoir
terminer une greà ve deà s que satisfaction a eé teé obtenue.

Il n'empeê che que de dangereuses « queues de greà ves » sont observeé es en septembre et qu'une
agitation larveé e se poursuivra dans les entreprises. Or les patrons, pousseé s aà neé gocier depuis
l'accord Matignon et le vote des lois sociales, sont bien deé cideé s aà ne plus ceé der un pouce de leur
souveraineteé et aà proteé ger la rentabiliteé de leurs entreprises : ils engagent leur « bataille de
la Marne » avec deé termination. Et ils trouvent dans cette lutte contre tout retour du « printemps
de la peur » de solides allieé s chez les adversaires politiques du Rassemblement populaire.

Du scepticisme aà l'invective, de la deé nonciation du deé sordre dans la rue et aà l'usine aà


l'antiseé mitisme, qui touche particulieà rement le preé sident du Conseil, tout l'eé ventail de la haine
s'est ouvert, de l'Action française aux anciennes ligues qui vont se reconvertir en partis politiques
(pour l'essentiel, le PSF de La Rocque et le PPF de Doriot), des conservateurs deé termineé s aux
radicaux apeureé s. Nourrie de la deé nonciation de « l'utopie socialiste », ne renonçant pas aà la
calomnie, cette haine de classe fait rebondir la vieille deé nonciation de la « Gueuse » dont
l'extreê me droite s'eé tait fait une speé cialiteé . Au fil des mois, dans une bourgeoisie traumatiseé e, le
nombre grossit de ceux, extreé mistes ou non, qui aspirent aà un pouvoir fort, aà un reé gime viril, et
qui murmurent deé jaà « plutoê t Hitler que Blum ! » . La crise de Munich en septembre 1938
paracheà vera leur eé volution.

2. Une politique étrangère confuse

Au vrai, le Front populaire subit de plein fouet le choc d'une eé volution brutale de la situation
internationale : les arguments de ses adversaires se renforcent avec la menace de guerre. Le
drame s'est noueé , on le sait, de juillet aà septembre, deà s lors que le gouvernement Blum a
proclameé la non-intervention de la France dans la guerre civile espagnole. Cette deé cision, prise
dans la douleur et peé niblement compenseé e par des toleé rances officielles pour l'acheminement
ulteé rieur de quelques armes aà destination du camp reé publicain, suffit aà briser net la fragile
alliance avec les communistes, et les atermoiements du gouvernement deé senchantent les

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radicaux : voici les socialistes seuls, en proie aà leurs contradictions, isoleé s dans leur bonne ou
leur mauvaise conscience deé chireé e.

Et ayant aà assumer la charge de la preé paration militaire d'une France alanguie, largement
pacifiste et disposeé e tout au plus aà preé voir un effort deé fensif qui la mettrait aà l'abri du souffle des
fascismes qui balaye deé sormais si furieusement l'Europe. Le proceà s d'une gauche pacifiste,
fauteuse de guerre, coupable d'impreé voyance militaire, a eé teé instruit abondamment, et deà s 1940
aà Vichy. Et Leé on Blum dut reé pondre - aà la confusion de ses juges - au proceà s de Riom en feé vrier
1942 d'une accusation, somme toute, de trahison. De solides travaux universitaires ont depuis
eé claireé le deé bat. C'est la vigueur meê me de l'effort d'armement entrepris par le gouvernement
Blum qui doit eê tre retenue pour explication majeure de l'eé chec du Front populaire. Deà s le
7 septembre 1936, aà la lumieà re tragique des eé veé nements d'Espagne, le gouvernement suit la
proposition de Daladier qui fait engager 14 milliards de francs de deé penses pour la production
d'armements modernes et enteé rine le plan de construction de 1 500 avions de combat mis au
point par Pierre Cot : c'est d'un coup multiplier par quatre un effort national de deé fense neé gligeé
par les gouvernements preé ceé dents.

Ce couê t croissant des deé penses militaires en 1936-1938 scande l'histoire de l'affaissement des
espoirs du printemps 1936. Car celles-ci contraignent deà s l'eé teé aà faire appel aà l'aide exteé rieure :
la « non-intervention » en Espagne s'explique en bonne part par le souci de ne pas inquieé ter
l'allieé britannique et les banquiers de la City dont la France est deé bitrice. L'espoir d'une deé tente
internationale ayant eé teé ruineé par le discours sans eé quivoque de Hitler le 30 janvier 1937, il
fallut sacrifier au reé armement les derniers espoirs de relance des reé formes sociales : la « pause »
est deé creé teé e en feé vrier, un emprunt pour la deé fense est lanceé en mars.

Deà s lors, les partisans du Front populaire soupçonnent le gouvernement d'avoir trahi la cause
des reé formes : la majoriteé de Rassemblement n'existe plus. Et ses adversaires enragent de plus
belle, l'eé pargne s'inquieà te de la menace de conflit, la speé culation s'acceé leà re et tous les posseé dants
concluent que « le Front populaire, c'est la guerre ». L'exode des capitaux se combine avec la peur
sociale pour affaiblir le gouvernement. Le 16 mars, une bataille de rue entre extreé mistes de
droite et de gauche fait cinq morts aà Clichy. En juin, Blum doit deé missionner, apreà s que le Seé nat a
priveé son gouvernement des moyens financiers qu'il reé clamait pour la deé fense.

3. Les renoncements

De Camille Chautemps en EÉ douard Daladier, l'agonie du Front populaire sera longue, parsemeé e
de nouveaux eé checs (celui de Blum en mars 1938, celui des communistes et de la CGT avec la
reé pression qui suit la greà ve du 30 novembre 1938) et d'eé veé nements internationaux qui
aboutissent aà la guerre. A droite et chez les radicaux, la confiance est revenue. La politique
d'armement est financeé e.

Le Front populaire, avancent divers eé conomistes, dont Alfred Sauvy, aurait eé choueé pour n'avoir
pas respecteé les reà gles minimales du jeu eé conomique. A preuve, concluent-ils,
l'« assouplissement » des 40 heures en 1938-1939 a fait redeé marrer les entreprises. Ce deé bat,
qui hante jusqu'aà nos jours une gauche soucieuse de montrer qu'elle peut geé rer aussi bien que la
droite, est inteé ressant. Mais il importe d'en relativiser la porteé e : l'essentiel, on l'a vu, est ce choix
du reé armement, qui reé duit la marge de manœuvre, deé çoit les amis et encourage les adversaires.
Les classes moyennes, qu'il s'agissait de rameuter pour la deé fense de la reé publique et de gagner
deé finitivement aà la deé mocratie de progreà s social, ne sont pas entreé es dans le jeu. Le
gouvernement souhaitait alleé ger la fiscaliteé et aurait aimeé tenter une injection dans l'eé conomie
en crise des capitaux jusqu'alors steé rilement theé sauriseé s. Mais comment cette eé pargne serait-elle
mise aà la disposition d'un gouvernement de gauche dans la violence ambiante, alors que tant de
nantis donnent l'exemple de la dissimulation fiscale et de la fuite des capitaux aà l'eé tranger ? Blum
entendait maintenir la paix civile, rassurer l'eé pargne et arbitrer sans relaê che : il fut bien vite

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prisonnier de la « confiance » de l'eé pargne et du capital, qui lui fut au bout du compte refuseé e. Le
cercle vicieux de la meé fiance est boucleé .

Le Front populaire a donc veé cu douloureusement, jusqu'aà en peé rir, les contradictions de
l'antifascisme. Sa deé fense reé publicaine, si elle va au bout de la logique du reé armement neé cessaire
qu'il faut acceé leé rer, heurte le pacifisme de ses eé lecteurs et de ses adversaires. Sa politique de
mieux-eê tre social et de relance eé conomique ne peut pousser assez loin sa logique
interventionniste sans meé contenter une bonne part de ses eé lecteurs, et se brouiller, d'abord, avec
les radicaux, tout en deé cevant les communistes. Il a fait eau de toutes parts.

Conclusion

La disparition de la classe ouvrieà re comme univers ideé ologique est aujourd’hui admise. Le
sentiment meê me d’appartenance a fortement diminueé aà tel enseigne que la pertinence meê me du
concept d’« ouvrier » fait aujourd’hui deé bat au sein des sciences sociales.

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