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cardiovasculaire
et respiratoire
Chez le même éditeur
Conseils à l’officine. Le pharmacien prescripteur, par J.-P. Belon, 8e édition, 2016. 552 pages.
Guide de thérapeutique, par L. et G. Perlemuter, 8e édition. 2015. 2432 pages.
Pharmacie clinique et thérapeutique, par l’ANEPC, coordonné par J. Calot, S. Limat, C. Fernandez,
G. Aulagner, 4e édition. 2012. 1336 pages.
Guide du préparateur en pharmacie, 3e édition, par B. Charpentier, F. Hamon-Lorleac’h, A. Huard,
L. Ridoux, S. Chansellé, 2008. 1374 pages.
Le matériel de maintien à domicile, par J. Callanquin, C. Camuzeaux, P. Labrude, 4e édition, collection
« Abrégés de pharmacie », 2008. 360 pages.
La médication officinale. Traitement de la petite pathologie par le pharmacien, par R. Caquet,
3e édition, collection « Abrégés de pharmacie ». 2009. 216 pages.
Pharmacologie, par Y. Touitou, 11e édition. 2007. 407 pages.
Santé publique. Médecine légale. Médecine du travail. Pharmacologie, par M.P. Tavolacci,
J. Rongère, M. Coffy-Cloupet, Collège national de pharmacologie médicale (CNPM). 2014. 560 pages.
Pharmacologie
cardiovasculaire
et respiratoire
Société Française
de Pharmacologie et de Thérapeutique
Coordonné par
Dr Jérémy Bellien
Pr Jean-Luc Cracowski
Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans
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lective et, d'autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans
laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
Ouvrage rédigé sous l'égide de la Société Française Y. Donazzolo, Eurofins Optimed, Gières.
de Pharmacologie et de Thérapeutique (SFPT) S. Faure, faculté de pharmacie d'Angers.
et du Collège National de Pharmacologie C. Funck-Bretano, faculté de médecine Pierre-
Médicale (CNPM). et-Marie-Curie, Paris.
F. Gueyffier, faculté de médecine de Lyon-Est.
B. Ghaleh, faculté de médecine de Créteil.
Coordonné par : F. Lamoureux, centre hospitalier universitaire de
Rouen.
J. Bellien et J.-L. Cracowski. S. Laporte, centre hospitalier universitaire de
Saint-Étienne.
B. Laviolle, faculté de médecine de Rennes.
Liste des collaborateurs S. Legeay, faculté de pharmacie d'Angers.
C. Lotiron, faculté de médecine et de pharmacie
P. Ambrosi, faculté de médecine de Marseille.
de Toulouse.
M. Andréjak, faculté de médecine d'Amiens.
V. Michel, faculté de médecine et de pharmacie
D. Angoulvant, faculté de médecine de Tours.
de Bordeaux.
C. Atkinson, faculté de médecine de Nancy.
P. Mismetti, centre hospitalier universitaire de
C. Barau, faculté de médecine de Créteil.
Saint-Étienne.
P. Bedouch, centre hospitalier universitaire de
M. Molimard, faculté de médecine et de pharma-
Grenoble.
cie de Bordeaux.
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L. Monassier, faculté de médecine de Strasbourg.
Tours.
D. Montani, hôpital de Bicêtre, APHP.
J. Bellien, faculté de médecine de Rouen.
B. Muller, faculté de médecine et de pharmacie
J. Benevent, faculté de médecine et de pharmacie
de Bordeaux.
de Toulouse.
A. Pathak, faculté de médecine de Toulouse.
A. Berreni, faculté de médecine de Toulouse.
N. Picard, pharmacologie, centre hospitalier uni-
V. Berthat, faculté de pharmacie de Paris-Descartes.
versitaire de Limoges.
A.-L. Bourgeois, faculté de médecine de
M. Plotkine, faculté de pharmacie de Paris-
Toulouse.
Descartes.
P. Bousquet, faculté de médecine de Strasbourg.
S. Pons, faculté de médecine de Créteil.
P. Boutouyrie, hôpital européen Georges-
C. Ribuot, faculté de pharmacie de Grenoble.
Pompidou.
V. Richard, faculté de médecine de Rouen.
G. Bricca , faculté de médecine d'Amiens.
†
M. Roustit, faculté de médecine de Grenoble.
M.-C. Chaumais, hôpital Béclère, APHP.
J.-M. Senard, faculté de médecine de Toulouse.
J.-L. Cracowski, faculté de médecine de Grenoble.
D. Ternant, faculté de médecine de Tours.
F. Despas, faculté de médecine et de pharmacie
Q. Timour, faculté de médecine de Lyon-Est.
de Toulouse.
Hommage
au Professeur
Giampiero Bricca
• une diminution du débit sanguin rénal par effet explique pourquoi un blocage brutal du sys-
vasoconstricteur direct sur le système vasculaire tème rénine-angiotensine entraîne une insuffi-
rénal et indirect par l'augmentation du tonus sance rénale aiguë en cas de sténose bilatérale
sympathique systémique (lié à la stimulation du des artères rénales. De façon générale, quand la
système nerveux central) et intrarénal ; pression de perfusion rénale est basse, l'angio-
• un effet variable sur le débit de filtration glomé- tensine II, en contractant l'artériole efférente
rulaire : en effet, des effets vasoconstricteurs sur du glomérule, permet de maintenir un débit de
les artérioles afférentes et efférentes du glomé- filtration glomérulaire suffisant.
rule s'opposent. Chez le sujet sain, l'effet résul-
tant est relativement neutre sur le débit de
filtration glomérulaire. En cas d'hypertension Médicaments existants
rénovasculaire, l'effet sur l'artériole efférente
prédomine de sorte que l'angiotensine II aug- Les médicaments du système rénine-angiotensine
mente le débit de filtration glomérulaire. Ceci sont classés en trois catégories (tableau 1.1).
Il n'existe pas d'exception à l'application de racines Leur effet hypotenseur est réel mais modeste
de la dénomination commune internationale : chez le sujet sain à apport sodique normal.
• inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'an- Inversement, en cas d'activité rénine plasmatique
giotensine (IEC) : « -pril » ou « -prilate » ; parmi élevée, l'effet hypotenseur est immédiat et soutenu.
eux, seul le captopril comporte un groupement Cette situation est rarement rencontrée chez le
sulfhydryl ; sujet sain, mais sera présente chez les patients insuf-
• antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II fisants cardiaques, les sujets traités par des natriuré-
(ARA II) : « -sartan » ; tiques et, à un moindre degré, chez les hypertendus
• inhibiteurs de la rénine : « -kiren ». essentiels.
Le tableau 1.1 indique également les indications
des différents médicaments. Tous sont indiqués en
première intention dans l'hypertension artérielle. Antagonistes des récepteurs
Les autres indications diffèrent selon le niveau de AT1 de l'angiotensine II (ARA II)
preuve obtenu dans le cadre d'essais cliniques.
Ces médicaments sont 10 000 fois plus sélectifs pour
le récepteur AT1 que pour le récepteur AT2. L'ordre
Mécanisme d'action d'affinité est le suivant : candésartan = olmésartan
des différentes molécules > irbésartan = éprosartan > telmisartan =
valsartan > losartan.
Il s'agit d'inhibiteurs compétitifs ; cependant, leur
Les médicaments inhibiteurs du système rénine-
antagonisme est souvent insurmontable — irréver-
angiotensine actuellement commercialisés agissent
sible en présence d'angiotensine II — du fait de leur
à trois niveaux (figure 1.2) et sont abordés
lente dissociation du récepteur. Ceci est un avantage
chronologiquement.
en cas d'activation du système rénine-angiotensine
et permet une relative tolérance pour les oublis de
Inhibiteurs de l'enzyme de prise.
conversion de l'angiotensine (IEC) Différents facteurs distinguent les antagonistes
des récepteurs AT1 des IEC, mais restent à présent
Ces médicaments ont deux actions : sans conséquences en termes de prise en charge
• ils inhibent la conversion de l'angiotensine I en thérapeutique :
angiotensine II : leur effet est donc d'inhiber les • ils réduisent l'activation des récepteurs
effets liés à la synthèse d'angiotensine II ; AT1 de façon plus efficace que les IEC du fait
• ils augmentent les concentrations de bradyki- de l'existence de voies accessoires de synthèse
nine : d'où une augmentation de la biosynthèse de l'angiotensine II (indépendamment de
de certaines prostaglandines dites bradykinine- l'ECA) ;
dépendantes. • ils permettent l'activation des récepteurs AT2 :
comme les IEC, ils activent la synthèse de
rénine ; cependant, l'absence de blocage de l'en-
Foie zyme de conversion induit une augmentation
Rein
importante des concentrations circulantes d'an-
Aliskiren
giotensine II, disponible pour l'activation des
Suffixe DCI : « -kiren »
récepteurs AT2 ;
Captopril
Suffixe DCI : « -pril »
• les IEC augmentent plus les concentrations
« -prilate »
d'angiotensine I que les ARA II ;
• les IEC augmentent les concentrations
Losartan
Suffixe DCI : « -sartan » d'autres substrats de l'ECA, tels que la bra-
Figure 1.2. Sites d'action des médicaments inhibiteurs dykinine et le tétrapeptide proangiogénique
du système rénine-angiotensine. AcSDKP.
Chapitre 1. Inhibiteurs du système rénine-angiotensine 7
Tableau 1.4. Suite.
Nature de l'effet Gravité Estimation En savoir plus
indésirable de la fréquence sur l'effet indésirable
Fœtotoxicité Très grave Exceptionnel Du fait de l'hypotension artérielle fœtale, survenue d'oligamnios, de retard de
croissance et de mort fœtale
La grossesse est une contre-indication formelle
Plus spécifiques des IEC
Toux Bénin Fréquent : 5 à Toux sèche, survenant dans la semaine à 6 mois après initiation du traitement
20 % pour les Elle est liée à l'accumulation de bradykinine et de substance P, et cesse dans les
IEC, 1 à 3 % sous 4 jours après arrêt du traitement.
ARA II
Modification du goût, Bénin Rare Principalement liées au captopril
rashs cutanés
Neutropénie Grave Rare Principalement en cas de néphropathie associée
Spécifique de l'olmésartan
Entéropathie grave Grave Exceptionnel Imprévisible et pouvant se manifester dans un délai de plusieurs mois/années par
une diarrhée sévère
Spécifique des inhibiteurs de la rénine
Diarrhée Bénin Fréquent : 2,4 %
Mécanismes d'action
Figure 2.1. Couplage excitation-contraction dans le
cardiomyocyte.
La libération calcique calcium-induite est due à l'activation Les inhibiteurs calciques se lient tous aux canaux
par le Ca2 + des récepteurs de la ryanodine (RyR) insérés calciques de type L, plus précisément à la sous-
dans la membrane du réticulum sarcoplasmique. Les RyR
unité α1, qui comporte elle-même quatre domaines
sont également activés après stimulation des récepteurs
β-adrénergiques (β-AR). La relaxation se fait ensuite par composés chacun de six segments transmembra-
repompage du Ca2 + dans le réticulum via une Ca2 +-ATPase naires. Le vérapamil (une phénylalkylamine) se lie
(SERCA) et une fuite extracellulaire par l'échangeur Na+/ au segment 6 du domaine IV, le diltiazem (une ben-
Ca2 + (NCX).
zothiazépine) au pont cytoplasmique reliant les
domaines III et IV, et les DHP se lient aux
La dépolarisation de la membrane active l'ouver- domaines III (segment 5 et segment 6) et IV (seg-
ture des CCTL, accroissant la concentration de ment 6) (figure 2.4). Cette liaison entraîne une
Ca2 + intracellulaire ; ce signal entraîne l'activation diminution du flux calcique entrant dans la cellule.
de récepteurs à l'inositol triphosphate (IP3R), qui Ces différences au niveau des sites de liaison ont
libèrent du Ca2 + depuis le réticulum sarcoplas- un impact sur leurs effets pharmacologiques. En
mique. Parallèlement, les canaux potassiques effet, les DHP vont préférentiellement bloquer les
calcium-dépendants de large conductance (BKCa) CCTL dans les tissus pour lesquels la différence de
sont activés par deux stimuli : la dépolarisation de potentiel de membrane de repos est faible. C'est le
la membrane cellulaire, ainsi qu'une modification cas des cellules musculaires lisses artérielles, plus
de la concentration cytosolique de Ca2 +. Leur dépolarisées au repos que les cardiomyocytes. Ceci
activation conduit à une ouverture des canaux, explique l'effet vasculaire prédominant des DHP.
aboutissant à une sortie de K+ et à une hyperpola-
risation de la membrane. Cette hyperpolarisation
diminue l'activité des canaux calciques de type L, Propriétés
régulant ainsi la concentration de Ca2 + intracellu- pharmacologiques
laire et le tonus vasculaire (figure 2.2).
Effets vasculaires
Médicaments existants Coronaires
Tous les inhibiteurs calciques diminuent les résis-
Les inhibiteurs calciques (figure 2.3) représentent tances vasculaires et augmentent le débit sanguin
un ensemble de médicaments que l'on peut classer coronaire, augmentant ainsi les apports myocar-
en deux groupes : d'une part le vérapamil et le dil- diques en O2. Chez le patient coronarien, les artères
tiazem, qui ont des effets vasculaires et cardiaques, sténosées ayant une moindre capacité à se dilater, il
et d'autre part les dihydropyridines (DHP), dont existe en cas de vasodilatation intense et rapide un
l'effet est principalement vasculaire à dose théra- risque d'hémo-détournement vers les territoires
peutique (tableau 2.1). Ces médicaments sont irrigués par des artères coronaires saines, parfois
couramment qualifiés d'« inhibiteurs calciques » appelé « vol coronaire ». Par ailleurs, une vasodilata-
(parfois « calcium-bloqueurs » ou « antagonistes tion périphérique brutale augmente parallèlement
Chapitre 2. Inhibiteurs calciques 15
Figure 2.4. Structure du canal calcique de type L et sites de liaison des inhibiteurs calciques.
L'action des inhibiteurs calciques sur le cardio- DCI Effets Effet Effet Effet dro-
vascu- inotrope chro- motrope
myocyte est à l'origine de leur effet inotrope laires négatif notrope négatif
négatif. Bien que cet effet existe pour tous les négatif
inhibiteurs calciques, il est plus marqué avec le Vérapamil ++ ++ +++ +++
vérapamil et le diltiazem. En effet, la vasodilata- (effet
tion périphérique marquée des DHP à faible dose direct)
entraîne une augmentation du tonus sympathique Diltiazem ++ + +++ ++
par mise en jeu du baroréflexe : cette activation (effet
sympathique compense alors l'effet inotrope direct)
négatif, observé pour des doses supérieures aux DHP +++ +/– 0/– (effet 0
indirect)
doses vasodilatatrices ; il en résulte un effet tachy-
cardisant, atténué par les formes à libération
prolongée. Indications
Enfin, le vérapamil et, dans une moindre
mesure, le diltiazem ne diminuent pas seulement
le flux calcique entrant mais allongent également
Angor
la durée de la période réfractaire au niveau des Le vérapamil et le diltiazem, ainsi que certaines
cellules nodales sinuatriales et atrioventriculaires. DHP (amlodipine, félodipine et nifédipine) sont
Cela se traduit par une diminution de la fréquence indiqués dans l'angor stable. Le vérapamil et le
cardiaque (effet chronotrope négatif) et une diltiazem peuvent également être utilisés dans les
conduction atrioventriculaire ralentie (effet dro- syndromes coronariens aigus sans sus-décalage du
motrope négatif). Ce dernier effet explique leur segment ST (ST–).
efficacité dans le traitement des tachycardies Les DHP à courte durée d'action, notamment la
jonctionnelles. nifédipine, sont à proscrire en monothérapie : bien
Ces effets cardiaques contribuent également à qu'elles puissent être associées à un β-bloquant à
diminuer la consommation myocardique en O2. cause du risque de « vol coronaire » (cf. supra), les
Le tableau 2.2 fait la synthèse de ces données. formes à libération immédiate sont évitées.
18 Les médicaments vasodilatateurs
Tableau 2.6. Principales interactions médicamenteuses des inhibiteurs calciques avec, dans chaque cas, le risque
encouru.
Vérapamil Diltiazem DHP
Interactions pharmacodynamiques
Dantrolène Fibrillations ventriculaires ?
Antiarythmiques Aggravation de troubles du rythme, dépression myocardique
Médicaments bradycardisants (dont amiodarone, Bradycardie excessive, de troubles de la conduction AV
ivabradine, β-bloquants, digoxine)
Médicaments torsadogènes (érythromycine, Troubles du rythme ventriculaire (torsades de pointe)
neuroleptiques, etc.)
Antihypertenseurs, neuroleptiques, Majoration de l’effet hypotenseur
antidépresseurs, dérivés nitrés
Interactions pharmacocinétiques
Dérivés de l’ergot de seigle Surdosage en dérivés ergotés (risque
de nécrose des extrémités)
Inducteurs enzymatiques (carbamazépine, Diminution des concentrations plasmatiques de l’IC (risque de sous-dosage)
phénytoïne, rifampicine, etc.)
Atorvastatine, simvastatine Surdosage des statines avec majoration des effets indésirables dose-dépendants
Immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrolimus, Surdosage des immunosuppresseurs (adapter leur posologie) et surveiller leurs
sirolimus, évérolimus) concentrations
Inhibiteurs puissants du CYP3A4 (ritonavir, Surdosage de l’IC (bradycardie) Surdosage de l’IC (œdèmes)
macrolides, antifongiques azolés),jus de
pamplemousse
Dabigatran Surdosage du dabigatran et risque de
saignement
Diltiazem + nifédipine Augmentation importante des concentrations de nifédipine (risque
d’hypotension sévère)
IC, inhibiteur calcique.
Contre-indication/Association déconseillée/Précautions d'emploi.
20 Les médicaments vasodilatateurs
Grossesse
En cas de découverte d'une grossesse sous inhibi-
teur calcique, il faut rassurer la patiente et, si la
poursuite d'un inhibiteur calcique est indispen-
sable, privilégier la prescription des inhibiteurs cal-
ciques les mieux connus chez la femme enceinte :
• nifédipine (Adalate®) en première intention ;
• nicardipine (Loxen®) ou vérapamil (Isoptine®)
en deuxième intention.
Chapitre 3
Dérivés nitrés et apparentés
Rédacteur : J.-L. Cracowski1 Relecteur : M. Plotkine2
1
Faculté de médecine de Grenoble, 2 Faculté de pharmacie de Paris-Descartes
Syndrome coronarien aigu avec à une nécrose ischémique d'une région myocar-
sus-décalage du segment ST dique en rapport avec une occlusion complète et
prolongée d'une artère coronaire.
Le syndrome coronarien aigu avec sus-décalage
du segment ST (SCA ST +) correspond à l'infarc-
tus du myocarde à la phase aiguë. Il est défini sur Médicaments existants
l'ECG par un sus-décalage persistant du segment
ST (en anglais STEMI pour ST-segment Elevation La nitroglycérine (également dénommée trinitrine)
Myocardial Infarction). Le SCA ST + correspond est un liquide huileux instable qui, pur, est un puis-
sant explosif (figure 3.1) ; elle entre dans la compo-
sition de la dynamite. Sous forme diluée, elle est
utilisée dans l'industrie pharmaceutique. Elle a été
synthétisée en 1846 par Sobrero ; ce dernier observa
que de faibles quantités placées sur la langue entraî-
naient des céphalées sévères. Il fut ensuite décrit
que la prise empirique sublinguale de la trinitrine
permettait de supprimer les crises d'angine de
poitrine.
Les nitrates organiques (-C-O-NO2) (figure 3.1)
sont des esters de l'acide nitrique, tandis que les
nitrites organiques (-C-O-NO) sont des esters de
l'acide nitreux. Les nitrates organiques et les
nitrites sont collectivement dénommés dérivés
nitrés (nitrovasodilatateurs) et doivent être méta-
bolisés pour produire du NO (donneurs indirects
de NO).
Le tableau 3.1 indique les médicaments exis-
tants, ainsi que la forme galénique disponible, et
leur utilisation pour le traitement aigu (action
Figure 3.1. Structure chimique des dérivés nitrés. immédiate) ou chronique (action prolongée).
p articulier à la phase aiguë ; ils ne sont plus un trai- Les dérivés nitrés diminuent à la fois la pré-
tement de référence dans l'insuffisance cardiaque charge et la post-charge, du fait de l'effet respectif
chronique. de dilatation veineuse et artérielle. Les dérivés
nitrés à faible dose dilatent préférentiellement les
artères coronaires épicardiques par rapport aux
Pharmacodynamie artères. De ce fait, leur effet net est de diminuer la
des effets utiles en clinique consommation en oxygène myocardique.
En cas d'angor d'effort, la présence d'une (ou
La principale cible des dérivés nitrés est le système des) sténose(s) athéromateuse(s) sur les artères
cardiovasculaire, leur effet antiangineux résultant coronaires ne permet pas une élévation suffisante
à la fois d'une diminution de la consommation en du débit à l'effort pour répondre à l'augmentation
oxygène myocardique et d'une redistribution du des besoins en O2 en aval de l'obstacle. L'action
débit coronaire. bénéfique des dérivés nitrés est double :
• le débit sanguin coronaire augmente par effet
vasodilatateur coronaire direct. Cet effet est
Effets hémodynamiques prépondérant sur les troncs épicardiques, des
systémiques données expérimentales ayant montré que les
artères coronaires de plus de 200 μm de dia-
Les dérivés nitrés à faible dose dilatent préféren- mètre étaient très répondeuses, contrairement à
tiellement les veines par rapport aux artères. Cet celles de moins de 100 μm, ce qui explique l'ab-
effet spécifique est imparfaitement compris, mais sence de phénomène de vol coronaire. L'effet
semble lié à une augmentation de l'activité des sys- vasodilatateur existe également dans les terri-
tèmes enzymatiques transformant les dérivés nitrés toires collatéraux ;
en NO dans les veines par rapport aux artères. • les dérivés nitrés réduisent les besoins en oxy-
Cette veinodilatation diminue les volumes télé- gène du myocarde en réduisant la précharge,
diastoliques et la précharge ventriculaire (pression élément essentiel du travail cardiaque et donc
télédiastolique), et modifie peu les résistances vas- des besoins en O2 du myocarde. Par ailleurs, la
culaires systémiques. réduction de la pression télédiastolique favorise
Les dérivés nitrés, même à des doses ne modi- la redistribution du débit vers les zones sous-
fiant pas la pression artérielle systémique, pro- endocardiques, les plus vulnérables. À doses
duisent souvent une dilatation artériolaire de la plus fortes, la dilatation peut porter aussi sur le
face et du cou. Ceci explique les flushes du visage, lit artériel, réduisant ainsi les résistances péri-
et la dilatation artériolaire méningée explique les phériques (post-charge) : cette baisse peut
céphalées. contribuer à l'effet bénéfique en réduisant le
Des doses plus élevées de dérivés nitrés dimi- travail cardiaque et donc les besoins en O2 ; tou-
nuent la résistance artériolaire, d'où une hypoten- tefois, elle peut conduire à une hypotension
sion artérielle systémique, avec tachycardie réflexe, artérielle marquée.
pâleur, fatigue et malaise. Les dérivés nitrés n'exercent pas d'effet direct
sur le rythme ou l'inotropisme cardiaque.
Effets hémodynamiques
coronaires Autres effets
Les principaux déterminants de la consommation Les dérivés nitrés peuvent relâcher les cellules
en oxygène myocardique sont la tension pariétale musculaires lisses de tous les tissus. Le seul effet
ventriculaire gauche (dépendant de la précharge clinique notable est la relaxation musculaire lisse
et de la post-charge), la fréquence cardiaque et la du tissu digestif : relaxation de l'œsophage et
contractilité ventriculaire. diminution de sa motilité, et relaxation des canaux
Chapitre 3. Dérivés nitrés et apparentés 25
La prise accidentelle de trinitrine par des enfants tique sur la douleur angineuse, mesure de la ten-
peut être à l'origine de méthémoglobinémie et il sion artérielle).
convient de garder ces médicaments hors de leur Il n'existe pas d'indication de suivi thérapeu-
portée. tique pharmacologique.
Points clés
Les diurétiques sont, par définition, des médicaments
qui augmentent le volume des urines de 24 heures,
ou diurèse. Cet effet est à différencier de la
pollakiurie, qui est une augmentation du nombre des
mictions. L'augmentation de la diurèse induite par
ces médicaments n'est en fait, pour l'essentiel des
molécules utilisées en thérapeutique et pour lesquelles
le terme de diurétique est utilisé, que la conséquence
de l'augmentation de l'élimination urinaire de sodium
suivie de celle d'eau. Le terme de « diurétique » est
consacré par l'usage alors qu'il serait préférable de
Figure 4.1. Sites de réabsorption du NaCl et de l'eau
parler d'« agents natriurétiques » ou de « salidiurétiques » tout au long du néphron.
renvoyant ainsi à leur mode d'action initial. D'ailleurs, Les pourcentages indiqués sur ce schéma correspondent
pour certains médicaments comme les antagonistes au Na+ filtré toujours présent dans le tubule.
de la vasopressine, on utilise le terme d'aquarétiques
car l'augmentation de l'élimination urinaire d'eau n'est
pas associée à une majoration de la natriurèse. charge sodée filtrée. Lorsque celle-ci diminue, la
quantité de sodium réabsorbé augmente.
L'anse de Henlé permet la réabsorption de 25 à
Rappels physiopathologiques 30 % du sodium filtré, principalement dans sa
branche ascendante. La réabsorption du sodium
Dans les conditions normales, environ 99 % du fait intervenir un système de cotransport Na+/
sodium filtré par le glomérule est réabsorbé tout K+/2Cl- situé sur la membrane apicale des cellules
au long du tubule rénal (figure 4.1) et, en état (figure 4.2). Celui-ci permet l'entrée de ces ions
stable, la quantité de sodium éliminée dans les dans la cellule tubulaire, le sodium passant ensuite
urines correspond strictement aux apports. dans l'interstitium rénal au moyen de la pompe à
Le tubule proximal est le siège de la réabsorp- sodium Na+/K+-ATPase située sur les faces laté-
tion d'environ 60 % du sodium filtré et ce de façon rales et basales des cellules tubulaires. Quant au
active au moyen d'une pompe Na+/K+-ATPase potassium, il retourne dans la lumière tubulaire
ainsi que par différentes autres pompes. L'eau suit par un canal potassique. La partie ascendante de
passivement le sodium. La quantité de sodium l'anse étant relativement imperméable à l'eau,
réabsorbée à ce niveau varie en fonction de la l'urine est diluée.
Médicaments existants
Les diurétiques constituent une classe hétérogène
de médicaments. Ils sont répartis, pour ceux utili-
sés en pathologie cardiovasculaire, en trois grandes
classes :
• les diurétiques thiazidiques et apparentés ;
Figure 4.2. Cellule tubulaire de la branche ascendante • les diurétiques de l'anse ;
de l'anse de Henlé. • les diurétiques dits « d'épargne potassique », par
opposition aux deux classes précédentes qui
sont hypokaliémiantes, eux-mêmes répartis en
deux sous-classes :
– les antagonistes de l'aldostérone ;
– les diurétiques hyperkaliémiants non antago-
nistes de l'aldostérone.
Le tableau 4.1 reprend les différentes classes de
diurétiques avec leurs principaux représentants
ayant des indications cardiovasculaires.
Figure 4.3. Cellule tubulaire du segment cortical de Les diurétiques osmotiques (représentés par le
dilution. mannitol) et les inhibiteurs de l'anhydrase carbo-
nique (représentés par l'acétazolamide), qui n'ont
pas d'indication spécifique en pathologie cardio-
vasculaire, apparaissent dans le tableau 4.2.
Mécanisme d'action
des différentes molécules
Inhibiteurs de l'anhydrase
carbonique
Figure 4.4. Cellule tubulaire distale. Les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique, qui
R, récepteur aux minéralocorticoïdes.
sont représentés par un seul principe actif utilisé
en thérapeutique, l'acétazolamide, exercent un
À la fin de la branche ascendante de l'anse de effet natriurétique faible. Dans le tube contourné
Henlé, dans le cortex rénal, les urines sont hypo- proximal, la réabsorption du sodium passe en par-
toniques — on parle alors de segment cortical de tie par la réabsorption de bicarbonate de sodium,
dilution. À ce niveau, la réabsorption du sodium processus qui fait rentrer du Na+ dans la cellule
fait intervenir un système de cotransport Na+/Cl–, tubulaire en échange d'ions H+. Dans la lumière,
le sodium sortant ensuite de la cellule tubulaire un ion H+ réagit avec le HCO3− filtré pour former
grâce à la Na+/K+-ATPase de ses membranes du H2CO3 (acide carbonique) qui est rapidement
baso-latérales (figure 4.3). décomposé en CO2 et H2O sous l'effet de l'anhy-
Finalement, le tubule distal est le siège d'une drase carbonique. Suite à l'inhibition de cette
réabsorption de Na+ contre des ions K+ et H+, ce enzyme par l'acétazolamide, l'acide carbonique
mécanisme étant influencé par l'aldostérone, s'accumule dans la lumière tubulaire, limitant
une hormone stéroïde corticosurrénalienne ainsi la sécrétion d'ions H+ et donc la réabsorption
(figure 4.4). de Na+ (via l'échangeur Na+/H+).
Chapitre 4. Diurétiques 33
L'effet natriurétique des diurétiques thiazidiques La résistance aux diurétiques est un phénomène
et apparentés varie en fonction des doses. Au de tolérance médicamenteuse principalement
maximum de l'effet natriurétique de ces médica- observée pour des doses fortes de diurétiques de
ments, le pourcentage de sodium filtré dont la l'anse lors du traitement de l'insuffisance car-
réabsorption est inhibée ne dépasse pas 10 %. diaque. Elle se traduit par la nécessité d'une aug-
L'augmentation de la natriurèse s'accompagne mentation des concentrations circulantes nécessaires
d'une majoration de l'excrétion des ions Cl− et K+ pour obtenir un effet natriurétique et une diminu-
et d'une réduction de la calciurèse. tion de la réponse maximale.
L'effet des antagonistes de l'aldostérone dépend Elle pourrait être expliquée par plusieurs méca-
directement des concentrations d'aldostérone, nismes :
d'où un effet natriurétique et antikaliurétique • diminution du débit sanguin rénal ;
marqué en cas d'hyperaldostéronisme primaire ou • activation neuro-hormonale (système rénine-
secondaire. À l'opposé, l'effet des diurétiques dis- angiotensine-aldostérone, endothéline, vaso-
taux non antagonistes de l'aldostérone (action pressine) responsable d'une augmentation de la
tubulaire directe) ne dépend pas du niveau de réabsorption tubulaire de Na+ et d'une vaso-
sécrétion de cette hormone. Il est faible, ne s'op- constriction rénale ;
posant à la réabsorption que de 1 à 2 % du Na+ • réduction de la sécrétion tubulaire des diurétiques
filtré. L'intérêt de ces diurétiques est l'épargne par les transporteurs d'anions (OAT, Organic
potassique, en particulier dans le cadre d'une asso- Anion Transporters) par des médicaments comme
ciation à un diurétique hypokaliémiant. les bêtalactamines et les anti-inflammatoires non
Les principaux effets pharmacodynamiques des stéroïdiens utilisés simultanément ;
diurétiques à connaître pour optimiser leur utilisa- • hyper-réabsorption sodée par les sites tubulaires
tion thérapeutique apparaissent dans le tableau 4.3. de réabsorption autres que celui ciblé par le
Les effets à long terme des diurétiques ne sont mécanisme d'action du diurétique concerné, sur-
plus apparents en ce qui concerne la majoration tout si l'apport sodé alimentaire n'est pas réduit.
de l'excrétion hydrosodée, du fait des mécanismes
d'adaptation homéostatique en particulier de la
stimulation du système rénine-angiotensine Principales caractéristiques
conduisant à un hyperaldostéronisme secondaire. pharmacocinétiques
On n'observe alors plus que le maintien de la
déplétion hydrosodée obtenue avec les premières Elles ne sont pas nécessairement corrélées à l'acti-
doses, l'arrêt du traitement se traduisant par le vité natriurétique des produits ou à la baisse de
retour à l'état antérieur avec reprise d'1 à 2 kg de pression artérielle. En pratique, tous les diuré-
poids corporel. tiques, à l'exception des antagonistes de l'aldosté-
rone, doivent nécessairement être excrétés par le
rein pour être présents dans l'urine tubulaire et
Tableau 4.3. Effets des trois principales classes de
accéder aux sites de leur action natriurétique qui
diurétiques sur la natriurèse, la kaliémie et la calciurèse.
sont situés sur la membrane luminale des cellules
Effet Effet sur la Effet sur la tubulaires.
natriurétique kaliémie calciurèse
maximal*
Cette excrétion dans les urines permettant
l'activité des diurétiques se fait par deux méca-
Diurétiques 5–10 % ↓ ↓
thiazidiques nismes :
• filtration glomérulaire (généralement réduite
Diurétiques 20–25 % ↓ ↑
de l'anse du fait d'une fixation protéique importante) ;
Diurétiques 1–3 % ↑ – ou ↓
• sécrétion tubulaire proximale (par la voie de
d'épargne sécrétion des acides organiques).
potassique La plupart des diurétiques passent la barrière
* % Na+ filtré. fœto-placentaire et dans le lait maternel.
36 Les médicaments diurétiques
tiques. Certains diurétiques voient leur demi-vie • les antagonistes des récepteurs de l'angioten-
s'allonger de manière importante en cas d'insuffisance sine II (ARA II) ;
rénale, comme c'est le cas avec l'hydrochlorothiazide, • l'aliskirène (inhibiteur de la rénine).
le furosémide, l'amiloride, mais paradoxalement avec L'intérêt de ces associations repose particulière-
une réduction de leur effet natriurétique (moindre dis- ment sur les effets opposés de leurs constituants sur
ponibilité intratubulaire). la sécrétion de la rénine, majorée par les diuré-
tiques — ce qui tend à limiter leur effet antihyper-
tenseur — et, à l'opposé, réduite pour les
Indications médicaments des autres classes qui leur sont asso-
ciés. Elles ont aussi pour objectif un meilleur
Hypertension artérielle contrôle de la kaliémie.
On parle d'HTA résistante lorsqu'une trithéra-
C'est avec les diurétiques que les bénéfices d'un trai- pie antihypertensive est inefficace alors qu'elle
tement médicamenteux de l'hypertension artérielle comporte au moins un diurétique sous réserve de
(HTA) ont pu être démontrés pour la première fois la vérification de l'observance.
(baisse des complications cardiovasculaires : cardio-
pathie ischémique, accidents vasculaires cérébraux,
insuffisance cardiaque). Les diurétiques thiazidiques Insuffisance cardiaque
constituent dans les recommandations actuelles l'un
des traitements de première intention de l'HTA. Les diurétiques constituent, en réduisant la réten-
Le mécanisme de la baisse tensionnelle induite par tion hydrosodée, un traitement majeur de l'insuf-
les diurétiques reste mal connu. Dans un premier fisance cardiaque congestive quel qu'en soit le
temps, celle-ci peut s'expliquer par la déplétion hydro- mécanisme, systolique ou diastolique.
sodée. Il en résulte une diminution du débit cardiaque On peut utiliser des diurétiques thiazidiques
(DC) qui conduit à la baisse de la pression artérielle mais on préférera les diurétiques de l'anse, du fait
(PA = DC × RP). Après quatre semaines, le DC est de leur plus grande efficacité natriurétique et de la
revenu à son niveau initial, alors que la PA reste abais- fréquence d'une insuffisance rénale fonctionnelle
sée. On impute alors ce maintien d'efficacité à la baisse due à la baisse du débit cardiaque, qui constitue
des résistances périphériques (RP), qui apparaît pro- une source d'inefficacité des diurétiques thiazi-
gressivement sous diurétiques en raison : diques. On les associe aux antagonistes des récep-
• d'un effet vasodilatateur direct des artérioles ; teurs de l'aldostérone pour les effets antifibrosants
• d'une augmentation de la compliance des gros myocardiques de ces derniers. Leur efficacité a été
troncs artériels (capacité de ceux-ci à amortir démontrée tant sur le plan symptomatique que sur
l'élévation tensionnelle lors de l'éjection ventri- celui de la survie.
culaire gauche). Le traitement diurétique s'impose dans l'insuf-
Les diurétiques peuvent être utilisés : fisance cardiaque décompensée et doit être adapté
• en première intention, en particulier sous la à l'importance de la rétention hydrosodée. Une
forme d'une association fixe de diurétiques thia- fois la phase de décompensation contrôlée, les
zidiques et de diurétiques d'épargne potassique ; doses de diurétiques doivent être réduites.
• en deuxième intention en cas d'efficacité insuf- Dans le cadre de l'œdème aigu du poumon
fisante d'un traitement par une autre classe (OAP), l'utilisation intraveineuse de diurétiques
d'antihypertenseurs. de l'anse fait partie, à côté de l'oxygénothérapie et
Pour ce type d'associations ont été développées de l'utilisation des dérivés nitrés, de la prise en
des combinaisons fixes de diurétiques thiazidiques charge en urgence (en l'absence d'hypotension
ou apparentés (surtout hydrochlorothiazide 12,5 artérielle). Ils permettent une baisse rapide
ou 25 mg) avec : (quelques minutes) des pressions capillaires pul-
• les β-bloquants ; monaires (effet sur le retour veineux) parallèle-
• les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) ; ment à l'augmentation de la diurèse.
38 Les médicaments diurétiques
Autres interactions
Contre-indications
Avec les AINS
Thiazides
Du fait d'un risque d'insuffisance rénale aiguë
majoré chez certains patients à risque (patients • Insuffisance rénale sévère (clairance de la créati-
âgés et/ou déshydratés), par accentuation de la nine < 30 ml/min).
perte d'adaptation de la filtration glomérulaire à la • Encéphalopathie hépatique.
réduction de la perfusion rénale liée à l'hypovolé- • Hypokaliémie.
mie — inhibition de la synthèse de prostaglan-
dines qui intervient par dilatation de l'artériole Diurétiques de l'anse
afférente du glomérule dans l'adaptation de la fil- • Hypovolémie.
tration glomérulaire. • Déshydratation.
• Insuffisance hépatocellulaire sévère.
Avec le lithium • Insuffisance rénale sur obstacle au niveau des
Les diurétiques peuvent être à l'origine d'un sur- voies urinaires.
dosage en lithium du fait d'une hyperréabsorption
tubulaire proximale de cet ion — qui suit la réab- Diurétiques d'épargne potassique
sorption du sodium stimulée en cas de déplétion • Hyperkaliémie.
hydrosodée. L'association du lithium à un diuré- • Insuffisance rénale sévère.
Chapitre 5
α-bloquants
Rédacteurs : P. Bousquet1, L. Monassier1
Relecteur : J.-L. Cracowski2
Points clés
Les α-bloquants sont des antagonistes des récepteurs
α1-adrénergiques. Ils sont utilisés dans deux grandes Métabolites
désaminés
MAO
indications : l'hypertrophie bénigne de la prostate Phénylalanine
Recapture 1
Il résulte de ces considérations que le blocage des Comme l'hypotension et l'hypotension orthosta-
récepteurs α1-adrénergiques au niveau de ces jonc- tique, les autres effets indésirables sont évidemment
tions neurovasculaires aboutit à une inhibition, voire les mêmes que ceux rencontrés lors de l'emploi de
une abolition de ce tonus sympathique et donc du ce type de produits dans les indications urologiques.
tonus vasomoteur. L'inhibition du tonus vasomoteur On notera que, par exception, l'effet vasodilatateur
entraîne donc une vasodilatation que l'on pourrait de la prazosine n'est généralement pas accompagné
dire passive, avec une baisse importante des résistances de tachycardie réflexe, comme l'est en général l'effet
périphériques et de la pression artérielle systémique en hypotenseur des vasodilatateurs. On attribue cette
raison de la répartition très ubiquitaire des récepteurs absence de tachycardie réflexe aux effets inhibiteurs
α-adrénergiques dans les différents lits vasculaires. de la prazosine sur la composante vagale du baroré-
flexe mais aussi à un effet bradycardisant compensa-
teur d'origine centrale.
Effets indésirables
Puisqu'une des voies effectrices du réflexe baro- Pharmacocinétique
sensible est précisément le système nerveux ortho-
sympathique à destinée vasculaire, l'hypotension Cf. supra « α-bloquants dans leurs indications
orthostatique sera l'effet indésirable le plus redou- urologiques ».
table. L'hypotension et l'hypotension orthosta-
tique sont les deux effets indésirables qui font que
ces puissants antihypertenseurs ne sont plus utili- Contre-indications
sés en première intention dans le traitement de
l'hypertension artérielle, mais sont réservés aux Aux contre-indications évoquées dans la partie
traitements des hypertensions artérielles sévères consacrée aux indications urologiques s'ajoutent :
résistant aux médicaments habituellement admi- • l'œdème pulmonaire associé aux sténoses aortiques
nistrés en première intention et mieux tolérés. et mitrales ;
Pour prévenir l'hypotension orthostatique, des • l'insuffisance cardiaque droite ;
protocoles posologiques progressifs sont mis en • les épanchements péricardiques ;
œuvre et les malades sont informés de la nécessité • l'insuffisance cardiaque à débit élevé.
de passer de la position couchée à la position L'hypertension de la grossesse et l'allaitement
debout en deux étapes, avec pour étape intermé- sont des contre-indications relatives en l'absence
diaire la position assise. de données spécifiques.
Chapitre 6
β-bloquants
Rédacteur : V. Berthat1 Relecteur : J.-L. Cracowski2
Points clés
Une arythmie indique une irrégularité du rythme
cardiaque en rapport avec la modification de
l'activité électrique consécutive à la modification
des transferts ioniques Na+, Ca2 + et/ou K+ au
niveau des cardiomyocytes. Elle se traduit par
différents types de troubles au niveau de l'étage
supraventriculaire (tachycardie ou bradycardie
sinusale, flutter ou fibrillation atriale, troubles
de conduction intra-atriale ou atrioventriculaire)
Figure 7.1. Modalités des transferts ioniques
ou de l'étage ventriculaire (extrasystoles
transmembranaires.
isolées ou en salves, bigéminisme, tachycardie Au repos, l'intérieur de la cellule est chargé négativement
ventriculaire, torsades de pointes ou fibrillation par rapport à l'extérieur de la cellule. Elle est donc
ventriculaire). La prévention et le traitement de polarisée. L'échangeur Na+/Ca2 + et les pompes
ces arythmies sont fondés, selon leur nature, sur ATPasiques interviennent dans le rétablissement des
l'utilisation des antiarythmiques de classe I, II, concentrations ioniques. Le fonctionnement de cette
III ou IV, et sur celle de la digoxine et de l'ATP. ATPase Na+/K+-dépendante, de l'ATPase Ca2 +-dépendante
et celui de l'échangeur Na+/Ca2 + rétablissent, pendant la
diastole, les différentes concentrations ioniques initiales et
tendent à maintenir un niveau de polarisation diastolique
Activité électrique maximum constant (− 90 mV pour les cellules du système
cardiaque : rappels His-Purkinje, SHP).
physiologiques
Au repos, les fibres myocardiques sont polari-
L'activité mécanique cardiaque est liée à son acti- sées (intérieur négatif par rapport à l'extérieur). La
vité électrique qui, elle-même, dépend des trans- différence de potentiel entre les milieux intracellu-
ferts ioniques au travers des membranes des laire et extracellulaire est de – 90 à – 50 mV sui-
cardiomyocytes. Ces mouvements ioniques s'ef- vant le type de cellule cardiaque.
fectuent par l'intermédiaire (figure 7.1) : L'inversion momentanée de cette polarisation,
• des canaux liés à la perméabilité sélective passive ; que l'on appelle potentiel d'action, assure l'activité
• des pompes Na+/K+-ATPases, pompes à Ca2 + ; cardiaque. Le développement de ce potentiel d'ac-
• des échangeurs. tion (figure 7.2) est lié à un brusque changement
Figure 7.2. Représentation schématique des différents courants ioniques passifs lors d'un potentiel d'action.
Développement du potentiel d'action des fibres du SHP : mouvements ioniques passifs (phase 0, 1, 2 et 3), mouvements
ioniques actifs (ATPase-dépendants). Dans une cellule du SHP : la phase 0 correspond à l'entrée cellulaire des ions Na+ ; la
phase 1 de repolarisation est liée à la sortie des ions K+ (rectification anormale) ; la phase 2 (phase du plateau du potentiel
d'action) est liée à l'entrée cellulaire des ions Na+ et Ca2 + par des canaux de cinétique lente ; durant cette phase se
développent également les contractions cardiaques consécutives à l'entrée dans la cellule des ions Ca2 +. La phase 3
indique la repolarisation liée à la sortie des ions K+ et, enfin, la phase 4 est la phase de diastole pendant laquelle seuls sont
actifs la conductance potassique IK1 et les échangeurs et pompes ioniques (échangeur Na/Ca, pompes Na/K…). Dans les
cellules du nœud sinusal, cette phase 4 est celle de la dépolarisation diastolique lente (ddl) qui est spontanée et liée à
l'activation du courant If, courant entrant et donc dépolarisant.
A. Corrélation avec le tracé ECG de surface. B. Corrélation avec les conductances ioniques. C. Durant la phase 4, les
cellules cardiaques douées d'automatisme propre (ici cellule du SHP) présentent une dépolarisation diastolique lente (ddl)
dont la pente, bien qu'atténuée par rapport à celle des autres cellules automatiques (nœud sinusal et surtout nœud
auriculo-ventriculaire), permet d'amener le potentiel de repos jusqu'au niveau du potentiel seuil de dépolarisation. Les
cellules automatiques ont une pente de dépolarisation diastolique qui est normalement lente. Si elle s'accentue (flèche
bleue) pour passer au tracé rouge, elle déclenche un potentiel d'action plus précoce (trait vert).
NB : Dans le nœud sino-atrial (NSA), les courants de fuite Na+ et Ca2 + (+ courants d'échangeurs non neutres et pompes)
sont presque constants. Le courant entrant If s'active très lentement en réponse à l'hyperpolarisation et cause une lente
dépolarisation. Lorsque le voltage atteint le seuil de déclenchement du courant ICaL (courant calcique lent), une
dépolarisation régénérative déclenche le potentiel d'action sinusal et c'est de nouveau la phase 0. Dans les fibres de
Purkinje, le potentiel diastolique maximal (PDM) est plus négatif (− 90 mV) et c'est le courant INa qui répond de manière
autorégénérative à la dépolarisation causée par If, ce qui débute le potentiel d'action.
de la perméabilité membranaire, à l'origine de la phases sont dues à des mouvements ioniques pas-
dépolarisation (inversion transitoire des charges sifs suivis de mouvements ioniques actifs (phase 4)
électriques, l'intérieur devenant positif par rapport sous la dépendance des pompes ATPasiques.
à l'extérieur de la cellule). On conçoit donc que la dépolarisation cellulaire
Ces phénomènes de dépolarisation-repolarisa- puisse être retardée par une hyponatrémie majeure
tion, qui dépendent des modifications de transferts qui entrave de façon plus ou moins importante
ioniques transmembranaires, se déroulent en cinq l'entrée sodique dans la cellule.
phases, dénommées phase 0 (entrée cellulaire des La repolarisation cellulaire s'explique par
ions Na+ dans les cellules), phase 1 (sortie faible et (figure 7.3) :
transitoire des ions K+), phase 2 (entrée cellulaires • la diminution des charges positives dans la cel-
des ions Na+ et Ca2 + à travers des canaux de ciné- lule, liée à la diminution de l'entrée de Na+ et
tique lente), phase 3 (sortie des ions K+). Ces l'augmentation de la sortie passive de K+ ;
Chapitre 7. Médicaments antiarythmiques : généralités 61
Entrée de Na+
Diminution des charges
Conduction positives dans la cellule
Sortie de K+
Réactivation gNa
Repolarisation des conductances
(Em > – 55 mV) gNa-/Ca
Excitabilité
Pompes ATPase
• la récupération de l'excitabilité qui, au-delà
de – 55 mV, permet la réactivation des conduc-
tances gNa et gNa-Ca. Rétablissement
Pour compenser ces phénomènes passifs qui des concentrations ioniques
aboutiraient, s'ils étaient seuls, à un enrichisse-
ment progressif de la cellule en Na+ et Ca2 + et à
son appauvrissement en K+, il existe des mouve- Na+ − K+ Ca++
ments ioniques inverses, actifs, qui se font contre
le gradient électrochimique de concentration par
PDM
l'intermédiaire de pompes ATPasiques (Na+/K+-
dépendante et Ca2 +-dépendante) et d'échangeurs Figure 7.4. Rôle des pompes ioniques dont l'activation
permet le rétablissement post-systolique des
Na+/Ca2 +. L'énergie nécessaire au fonctionne- concentrations en différents ions et permet d'atteindre le
ment des pompes ATPasiques est fournie par la potentiel diastolique maximal (PDM), dont le niveau est
dégradation de l'ATP, sous la dépendance d'une de – 90 mV pour les cellules du système His-Purkinje (SHP).
enzyme (ATPase) membranaire.
Le fonctionnement de ces ATPases et celui de bilité d'arythmies de réentrée objectivées par
l'échangeur Na+/Ca2 + rétablissent, pendant la des troubles de conduction (élargissement des
diastole, les concentrations ioniques intracellu- complexes QRS, par exemple) ;
laires initiales et tendent à maintenir un niveau • le myocarde commun (atriale ou ventriculaire).
de polarisation diastolique maximum constant Une arythmie peut se traduire cliniquement par
(− 90 mV pour les cellules du système His- des palpitations (extrasystoles ventriculaires
Purkinje : figure 7.4). [ESV]), une tachycardie ventriculaire [TV], ou
encore peut provoquer la mort subite par fibrilla-
tion ventriculaire [FV].
Ces arythmies (figure 7.5) peuvent se situer à
Arythmies : rappels l'étage :
physiologiques • supraventriculaire, au niveau :
– atrial avec des troubles de la formation de l'in-
Par définition, une arythmie est un dysfonction- flux (tachycardie, bradycardie), de la conduc-
nement du rythme cardiaque qui peut intéresser : tion intra-atriale (extrasystoles atriales [ESA],
• le tissu nodal : nœud sinuatrial (ou nœud sinu- flutters atriaux, fibrillation atriale [FA]) ;
sal ou nœud de Keith et Flack), nœud atrioven- – atrioventriculaire (tachycardie paroxystique :
triculaire (ou nœud d'Aschoff-Tawara), faisceau supraventriculaire ou jonctionnelle, bloc auri-
atrioventriculaire et branches sous-endocar- culoventriculaire [BAV]) ;
diques (ou système His-Purkinje), avec la possi- • infrahisien, avec des troubles de :
62 Les médicaments bradycardisants et antiarythmiques
• inhibiteurs à tropisme d'action cardiaque : phé- produit une baisse de la pression de perfusion
nylalkylamine (vérapamil) et benzothiazépine myocardique avec, pour conséquence, une
(diltiazem). réduction de l'activité des pompes ATPasiques,
Cependant, la classification de Vaughan-Williams, suivie de l'enrichissement des cardiomyocytes
fondée sur des études in vitro, est critiquable en Na+ et en Ca2 + et leur appauvrissement en
puisque : K+. La surcharge Na+, par exemple, diminue la
• elle ne tient pas compte des situations physiolo- « driving force » et donc l'entrée cellulaire des
giques, telles que l'existence de l'innervation ions Na+, ce qui peut aboutir à des arythmies de
extrinsèque (tonus vagal, par exemple) : en réentrée per- ou post-ischémie myocardique.
effet, l'action du disopyramide (AAR IA) sur la Dans de telles conditions, l'administration des
période réfractaire du nœud atrioventriculaire AAR IA et surtout des AAR IC peut déclencher
est totalement opposée selon qu'il est ajouté à une fibrillation ventriculaire, alors qu'habituel-
une préparation in vitro (où il allonge la période lement — dans des conditions de circulation
réfractaire du nœud atrioventriculaire) ou qu'il coronarienne physiologique — ils sont doués de
est administré à un animal (in vivo) à tonus propriétés antifibrillantes ;
vagal intact, chez qui il réduit la période réfrac- • elle n'inclut pas tous les médicaments à effet
taire du nœud atrioventriculaire par son effet antiarythmique : c'est le cas, par exemple, de
vagolytique ; l'ATP (Krenosin®) utilisé dans la conversion en
• elle ne tient pas compte des situations patholo- rythme sinusal des tachycardies jonctionnelles,
giques : en effet, lors d'une ischémie myocar- même associées à un syndrome de Wolf-
dique, par exemple, outre l'acidose cellulaire et Parkinson-White ; ces AAR sont traités dans le
l'accumulation de métabolites toxiques, il se chapitre 10.
Chapitre 8
Médicaments antiarythmiques
de classe I : inhibiteurs Na+
Rédacteur : Q. Timour1 Relecteurs : C. Ribuot2, C. Funck-Bretano3
3
Faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, Paris
y compris le placenta. Elle est métabolisée par plu- NB : Les dérivés de la quinidine accélèrent la
sieurs CYP (CYP1A2, 2D6 et 3A4). Son principal conduction dans les cellules du nœud atrioven-
métabolite est actif. Son élimination est urinaire ; triculaire du fait de leurs propriétés anticholi-
une partie suit un cycle entérohépatique. nergiques.
Figure 8.5. Bigéminisme
Chaque ESV comporte un complexe QRS prématuré large
Figure 8.2. Fibrillation auriculaire. (flèche), non précédé par une onde P et suivi d'un repos
Les ondes P sont remplacées par des complexes de compensateur.
largeur et d'amplitudes différentes (flèches).
Contre-indications
AAR IA
Contre-indications absolues
Infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque,
Figure 8.7. Fibrillation ventriculaire. hypersensibilité, maladie du sinus, bloc sino-
Les complexes sont remplacés par des ondes dénommées
« mailles ». Ces ondes sont différentes les unes des autres
auriculaire, BAV, blocs de branche, allongement
en amplitude et fréquence. Il s'agit des contractions de l'espace QT, torsades de pointes, intoxication
anarchiques des cardiomyocytes ventriculaires avec une digitalique.
inefficacité totale en termes d'hémodynamique.
Contre-indications relatives
Grossesse, allaitement, myasthénie.
– une fibrillation ventriculaire [FV], qui
conduit rapidement à l'arrêt cardiaque AAR IB
en l'absence de choc électrique externe : Contre-indications absolues
des cas de FV ont été rapportés avec des
médicaments qui ralentissent la conduc- Hypersensibilité aux anesthésiques locaux à fonc-
tion intraventriculaire (AAR IA et IC) tion amide, porphyrie, épilepsie, troubles de la
(figure 8.7) ; conduction atrioventriculaire, injection IV d'anes-
• arythmies par troubles de repolarisation : ces thésiques locaux (anesthésie locorégionale).
arythmies s'expliquent par allongement de la
repolarisation (phase 3 du potentiel d'action AAR IC
des cardiomyocytes) par les AAR de la Contre-indications absolues
classe IA, allongement qui est dû aux proprié- Infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque,
tés de classe III de ces médicaments. Sur un dysfonctionnement sinusal et maladie du sinus,
ECG de surface, cet allongement se traduit BAV du 2e et 3e degré en l'absence d'appareillage,
par l'allongement de l'intervalle QT avec bloc de branche gauche, bloc bifasciculaire.
risque de torsades de pointes. Celles-ci sont
liées aux troubles de repolarisation des cardio- Contre-indications relatives
myocytes ventriculaires et surviennent quand Grossesse, allaitement.
le potentiel d'action est allongé par les
AAR IA, par exemple, qui s'opposent à la sor-
tie des ions K+ pendant la phase 3 de repolari- Interactions médicamenteuses
sation cardiaque. Elles sont de courte durée
en général — moins d'une dizaine de secondes, AAR IA
pendant lesquelles le patient peut être en syn- D'ordre pharmacocinétique
cope — mais peuvent dégénérer en FV. Au niveau hépatique
La quinidine est essentiellement métabolisée par
le CYP3A4. Les inducteurs et inhibiteurs du
CYP3A4 peuvent donc modifier le métabolisme
NB : D'autres médicaments cardiotropes de la quinidine. Les concentrations plasmatiques
(AAR III, bépridil) et non cardiotropes (cer- et, en conséquence, l'efficacité de la quinidine
tains anti-H1, macrolides, psychotropes…) diminuent en cas d'association à des inducteurs
peuvent allonger l'intervalle QT en s'opposant enzymatiques (carbamazépine, barbituriques,
à la sortie du K+ et conduire aux torsades de phénytoïne, rifampicine), qui augmentent sa bio-
pointes. transformation hépatique. En revanche, on
Chapitre 8. Médicaments antiarythmiques de classe I : inhibiteurs Na + 69
observe une augmentation des concentrations de NB : Une attention particulière est nécessaire
quinidine lors de son association à l'itraconazole lors de l'association d'un AAR IA avec des
(inhibiteur du CYP3A4), avec un risque d'aug- médicaments bradycardisants (digitaliques,
mentation de sa toxicité cardiaque et de survenue anticholinestérasiques, inhibiteurs calciques
d'acouphènes et d'hypoacousie. De plus, la quini- β-bloquants, amiodarone) et hypokaliémiants
dine inhibe le CYP2D6 et son association à des (diurétiques de l'anse et thiazidiques, gluco-
substrats de cette enzyme ne doit être envisagée corticoïdes, minéralocorticoïdes, amphotéri-
qu'avec prudence ou être évitée. C'est le cas du cine B en IV, laxatifs stimulants, Kayexalate®)
tamoxifène, dont l'association à la quinidine aug- en raison du risque majoré de torsades de
mente le risque d'événements thromboembo- pointes. En effet, la bradycardie et l'hypokalié-
liques. Enfin, la quinidine inhibe la P-gp au niveau mie constituent des facteurs de risque de la
digestif ; il en résulte une augmentation de la bio- survenue de torsades de pointes chez un patient
disponibilité de la digoxine dont il faut tenir traité par un médicament potentiellement
compte, d'autant plus que la quinidine diminue la torsadogène.
clairance rénale de la digoxine.
NB : Attention à la quantité d'iode par com- Cet effet explique l'allongement des périodes réfrac-
primé, à l'origine d'effets indésirables thyroï- taires et la diminution de l'excitabilité myocardique
diens spécifiques de l'amiodarone. Une partie aux étages atrial, nodal et ventriculaire. Le ralentis-
de l'iode est éliminée sous forme d'iodures dans sement de la conduction ainsi que l'allongement des
les urines et le reste est éliminé dans les fèces. périodes réfractaires dans les voies accessoires atrio-
ventriculaires justifie l'utilisation de l'amiodarone
L'amiodarone a un volume de distribution très dans le syndrome de Wolf-Parkinson-White.
élevé (environ 60 l/kg), ce qui indique une très L'action bradycardisante de l'amiodarone s'ex-
forte concentration tissulaire (ses concentrations tis- plique par l'atténuation de la pente de la dépolari-
sulaires peuvent atteindre 1 000 fois ses taux plasma- sation diastolique lente (ddl) des cellules du nœud
tiques) et explique sa rémanence dans l'organisme sinusal (figure 9.4), qui conduit au ralentissement
plusieurs semaines après l'arrêt du traitement. de la conduction atrioventriculaire, ce qui justifie
L'amiodarone est métabolisée par le CYP3A4 et son utilisation dans le traitement des arythmies
son métabolite principal est éliminé dans les fèces. supraventriculaires. En revanche, la conduction
Il n'y a pas d'élimination rénale et donc une intraventriculaire n'est pas modifiée par les AAR III.
réduction de la posologie n'est pas nécessaire en
cas d'insuffisance rénale.
Actions et mécanismes
L'amiodarone est surtout utilisée dans le traitement
des flutters (figure 9.1) et des fibrillations atriales
(figure 9.2) ainsi que dans les tachycardies supraven-
triculaires et ventriculaires. Elle est utilisée dans la
prévention de la fibrillation ventriculaire chez les
sujets coronariens et chez ceux qui présentent une
fonction ventriculaire gauche altérée. Par voie IV,
l'amiodarone est utilisée dans le traitement du syn-
drome de Wolf-Parkinson-White (figure 9.3).
L'amiodarone, comme tous les AAR III, s'op- Figure 9.3. Présence d'une onde delta (zone hachurée
pose à la sortie du K+ pendant la phase 3 du poten- en rouge), qui caractérise le syndrome de
tiel d'action, qu'elle allonge, retardant ainsi la Wolf-Parkinson-White.
repolarisation membranaire des cardiomyocytes.
mV
–70
Er (potentiel repos)
2 K+
Canal calcique
voltage-dépendant un mécanisme de défense contre les herbivores
[Na+] 140 mM ; [K+] 4 mM
+++ vertébrés, ce qui explique la toxicité de ces plantes.
---
[Na+] 10 mM ; [K+] 150 mM
Ces propriétés toxiques étaient d'ailleurs bien
3 Na+
connues, d'où les surnoms des digitales : Dead
2+ 2+
1 Ca Ca
Réticulum
SERCA
Ca2+ Ca2+ Ca2+ Ca2+ Ca2+ Ca2+
Man's Bells ou Witches' Gloves.
sarcoplasmique Ca2+ Ca2+ Ca2+
RYR
Ca2+ Ca2+ Ca2+
Les digitaliques sont donc des substances d'ori-
gine végétale, issues de la digitale pourpre
Ca2+
(Digitalis purpurea, figure 10.2) ou de la digitale
Actine Myosine
laineuse (Digitalis lanata). Ces glycosides car-
diaques possèdent un noyau stéroïde commun
Cellule musculaire cardiaque substitué par un ou plusieurs résidus glycosides en
Figure 10.1. Mécanisme de la contraction
C3, d'où leur autre dénomination (glycosides car-
des cardiomyocytes. diaques ou glycosides digitaliques). L'amélioration
de la prise en charge de l'insuffisance cardiaque a
réduit l'intérêt de cette classe thérapeutique qui
(PMCA) et par un antiport (ou échangeur) Na+/ reste cependant utilisée dans le contrôle du rythme
Ca2 +. La capacité d'échange Na+/Ca2 + de cet anti- cardiaque de la fibrillation atriale.
port dépend étroitement de la concentration cyto- La digoxine est le seul digitalique actuelle-
solique de sodium. En effet, d'une part l'antiport ment utilisé. Elle est administrée par voie orale
utilise le gradient sodique pour déplacer du cal- (comprimé et solution buvable) ou sous forme
cium vers l'espace extracellulaire contre son injectable.
propre gradient de concentration ; d'autre part, les
concentrations extracellulaires de Na+ et Ca2 + sont
bien moins variables que les concentrations cyto-
soliques dans des conditions physiologiques.
Le sodium entré dans le cardiomyocyte est
ensuite externalisé par la pompe Na+/K+-ATPase
(ou pompe à sodium). En effet, la pompe Na+/K+-
ATPase, en extrayant du sodium intracellulaire, est
le principal déterminant de la concentration cyto-
solique en sodium. L'influx sodique suivant les
potentiels d'action cardiaque en est le second
déterminant.
Médicaments existants
Les digitaliques ont été découverts par William
Withering, médecin et botaniste britannique du
xviiie siècle. Withering constate que l'état de l'un de
ses patients, atteint d'« hydropisie » (probablement
des œdèmes liés à une insuffisance cardiaque
congestive), s'améliore considérablement après
l'administration d'un mélange de plantes.
Withering étudie alors ce mélange, identifie que le
principe actif est issu de la digitale pourpre et le
nomme digitaline. Il est important de noter que la Figure 10.2. Digitale (Digitalis purpurea).
présence de ces substances dans les digitales est (Cliché de J.-L. Cracowski.)
Chapitre 10. Autres antiarythmiques : digitaliques et ATP 77
Posologie
Réticulum Ca2+ Ca2+ Ca2+ Ca2+ Ca2+ Ca2+
sarcoplasmique Ca2+ Ca2+ Ca2+ Ca2+ Ca2+ Ca2+
RYR
Ca2+
Ca2+ Ca2+ Ca2+
Ca2+
Digoxine :
Actine Myosine
• chez l'adulte : traitement d'entretien 0,25 mg
par jour ;
Cellule musculaire cardiaque • sujet âgé : 0,125 mg par jour ;
Figure 10.3. Mécanisme d'action myocardique de la • traitement d'attaque par voie IV : 1 à 2 ampoules
digoxine. (0,50 mg) par jour.
78 Les médicaments bradycardisants et antiarythmiques
cependant de noter que l'efficacité neurohormonale peuvent être observés (extrasystoles ventricu-
est atteinte pour des concentrations de 0,5 à 1 ng/ laires, souvent bigéminées, tachycardie ventri-
ml, alors que l'effet maximal sur la contractilité est culaire, tachysystolie atriale avec conduction
observé pour des concentrations de 1,4 à 1,8 ng/ml. 2/1, troubles de conduction).
Il existe clairement un chevauchement des valeurs • Troubles digestifs : premiers signes de surdosage
de concentrations plasmatiques entre les zones théra- (anorexie, nausées, vomissements, diarrhées).
peutique et toxique, avec une corrélation entre risque • Troubles visuels : dyschromatopsie (troubles de
de décès et concentrations même pour des concen- la vision des couleurs), hallucinations visuelles.
trations thérapeutiques. Néanmoins, la toxicité se • Troubles neurologiques : vertiges, céphalées,
manifeste généralement pour des concentrations insomnie, troubles psychiques chez le sujet âgé.
plasmatiques de digoxine supérieures à 2,0 ng/ml. On considère que la toxicité se manifeste géné-
ralement pour des taux supérieurs à 2,0 ng/ml,
mais il convient de se rappeler qu'il s'agit d'un
Effets indésirables seuil relativement arbitraire.
des digitaliques
Conduite d'urgence
Aux doses thérapeutiques • Dans le cas d'un surdosage thérapeutique :
– arrêt du digitalique et repos ;
Les effets indésirables sont rares si les concentra-
– s'abstenir d'antiarythmiques ou d'isopréna-
tions plasmatiques sont adéquates. La survenue
line du fait du risque accru de troubles de
d'effets indésirables est en général un signe de
rythme ventriculaire ;
surdosage (tableau 10.3). On distingue des effets
– en cas de bradycardie : atropine ;
cardiaques (les plus graves, résultant de la majora-
– en cas d'hyperexcitabilité myocardique : phé-
tion des effets chronotrope négatif, dromotrope
nytoïne, lidocaïne.
négatif et bathmotrope positif) et des effets extra-
• L'utilisation des anticorps monoclonaux spéci-
cardiaques (digestifs, neurosensoriels).
fiques Fab, antidote spécifique, est indiquée en
cas de toxicité avec mise en jeu du pronostic
Intoxication aiguë et surdosage vital (arythmies ventriculaires graves ou BAV ne
répondant pas à l'atropine). Ces anticorps sont
Symptômes
issus d'immunoglobulines de moutons immuni-
• Troubles cardiaques avec anomalies de l'ECG sés avec un digitalique, fournis sous forme de
potentiellement graves, voire mortels : tous les poudre lyophilisée. Leur efficacité repose sur
troubles de la conduction et de l'excitabilité une liaison quasi complète de la fraction libre de
Tableau 10.3 Effets indésirables des digitaliques.
Nature de l'effet indésirable Gravité Estimation de la En savoir plus sur l'effet indésirable
fréquence
Nausées et vomissements Modérée Fréquent Ce sont les premiers signes de surdosage
Troubles de l'excitabilité Variable Fréquent Survenue d'extrasystoles ventriculaires (figure 10.4), signe d'alerte
ventriculaire
Modifications électro- Modérée Très fréquent Bradycardie sinusale ou ralentissement d'une fibrillation auriculaire par
cardiographiques sous digoxine ralentissement de la conduction auriculo-ventriculaire
aux doses thérapeutiques Raccourcissement de l'intervalle QT
Sous-décalage en cupule du segment ST (figure 10.5), prédominant
dans les dérivations précordiales gauches ; il ne s'agit pas d'un signe de
surdosage ou de toxicité mais d'imprégnation
Aplatissement ou négativation des ondes T ; ces anomalies
(aplatissement ou négativation) des ondes T rendent difficile
l'interprétation de la repolarisation
80 Les médicaments bradycardisants et antiarythmiques
Extracardiaques
Anxiété, céphalées, syncope, vision trouble, acou-
phènes, douleurs, oppression thoracique.
Chapitre 11
Inhibiteurs du courant If
Rédacteur : Q. Timour1 Relecteurs : C. Ribuot2, C. Funck-Bretano3
1
Faculté de médecine de Lyon-Est, 2Faculté de pharmacie de Grenoble, 3Faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, Paris
Points clés
Découvert dans les cellules du nœud sinusal (ou nœud
Rappels
sinuatrial), le courant If fait partie des canaux HCN physiopathologiques
(Hyperpolarisation-activated Cyclic Nucleotide-gated
channels). Ce courant est appelé « funny » car il est La genèse de la fréquence cardiaque dépend de
activé par l'hyperpolarisation, alors que les autres l'activité des cellules pacemaker du nœud sinusal.
courants (appelés courants voltage-dépendants ou
Ces cellules sont douées de propriétés d'automa-
VOC, Voltage-Operated Channels) sont activés par la
dépolarisation. Il s'agit de courants pacemaker qui tisme spontané et sont donc capables de s'auto-
interviennent dans la dépolarisation diastolique des dépolariser. En effet, lorsque la phase de
cellules du nœud sinusal et sont donc impliqués dans repolarisation amène le potentiel de membrane au
la genèse du rythme cardiaque. Le courant If s'active niveau du potentiel diastolique maximal (PDM),
entre – 50 et – 80 mV à la fin de la repolarisation et la dépolarisation diastolique lente (ddl) déplace le
au cours de la dépolarisation diastolique lente (ddl), ce potentiel de repos de la membrane au potentiel
qui accentue la pente de la ddl et, ainsi, augmente la seuil de dépolarisation et un nouveau potentiel
fréquence sinusale. Un effet similaire est obtenu par la d'action se développe. La propagation de ce
stimulation β-adrénergique. À l'inverse, une stimulation
potentiel d'action dans le tissu nodal assure la
parasympathique, en libérant l'acétylcholine, atténue
la pente de la ddl et diminue la fréquence cardiaque ; contraction cardiaque. La fréquence cardiaque
cette action semble être liée à l'inhibition de l'adénylate dépend donc de la pente de la ddl : si la pente est
cyclase (effet inverse d'une stimulation sympathique). accentuée, la fréquence augmente, et inversement
Sur le plan pharmacologique, l'activité de ce courant (figure 11.1).
est bloquée par l'ivabradine, inhibiteur spécifique du Découvert dans les cellules du nœud sinusal, le
canal If au niveau du nœud sinusal. De ce blocage courant If fait partie des canaux HCN (Hyperpola-
résulte une baisse de la fréquence sinusale. L'action risation-activated Cyclic Nucleotide-gated channels).
de l'ivabradine sur le nœud sinusal et l'absence d'effet Ce courant est appelé « funny » car il est activé par
inotrope négatif lui permet d'être utilisée dans le l'hyperpolarisation, alors que les autres courants
traitement des cardiopathies ischémiques. En effet, (appelés courants voltage-dépendants, ou VOC, Vol-
l'ivabradine, comme les β-bloquants, limite efficacement
tage-Operated Channels) sont activés par la dépolari-
l'ischémie myocardique induite par l'exercice mais,
sation. Il s'agit de courants pacemaker qui
contrairement aux β-bloquants, elle n'altère pas la
contractilité cardiaque et ne ralentit pas la conduction interviennent dans la dépolarisation diastolique des
atrioventriculaire. Des études cliniques indiquent qu'en cellules du nœud sinusal et sont donc impliqués dans
cas d'angor stable, l'ivabradine exerce une action la genèse du rythme cardiaque.
anti-ischémique myocardique identique à celle obtenue Le courant If s'active entre – 50 et – 80 mV à la
avec un β-bloquant mais n'a pas d'effet antiarythmique. fin de la repolarisation et au cours de la ddl, ce qui
Pharmacologie cardiovasculaire et respiratoire
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84 Les médicaments bradycardisants et antiarythmiques
Pharmacodynamie des
effets utiles en clinique
Si les concentrations en AMPc augmentent, l'iva-
Figure 11.1. Effet de l'ivabradine sur la fréquence bradine exerce son action pharmacodynamique en
cardiaque par l'atténuation de la pente de la ddl (en
rouge).
inhibant le courant pacemaker If. Il en résulte une
atténuation de la pente de la ddl des cellules du
nœud sinusal et, en conséquence, une réduction de
accentue la pente de la ddl et, ainsi, augmente la
la fréquence cardiaque. L'inhibition du courant If
fréquence sinusale. Ce courant entrant augmente
étant spécifique, aucune autre propriété (électro-
au cours du temps, expliquant l'augmentation
physiologique ou hémodynamique) cardiaque n'est
progressive de la pente de la ddl. Le potentiel
affectée. En effet, aux doses thérapeutiques, l'admi-
d'inversion de ce courant est d'environ – 30 mV,
nistration d'ivabradine n'entraîne aucune modifica-
ce qui est dû à une perméabilité partielle aux
tion significative du temps de conduction
ions Na+ et K+ (fraction respective de 0,27 et
sino-atriale, atrioventriculaire ou intraventriculaire.
0,73). Dans ces conditions, le gradient électro-
Elle n'affecte pas non plus la repolarisation des
chimique du Na+ est plus important que celui du
myocytes ventriculaires, n'altère pas la contractilité
K+, ce qui explique que le courant global est
cardiaque et ne modifie pas la pression artérielle.
dépolarisant.
Rappelons qu'une fréquence cardiaque élevée
L'activité de ce canal dépend de la concentra-
joue un rôle délétère important dans la survenue
tion en AMPc :
d'événements néfastes chez le coronarien chez qui
• lors d'une stimulation β-adrénergique, la
la tachycardie augmente le risque d'épisodes
concentration en AMPc augmente, favorisant sa
ischémiques. Il a, par ailleurs, été démontré
fixation sur le canal If et, en conséquence, son
qu'une réduction de 10 bpm de la fréquence car-
ouverture : c'est précisément cette ouverture
diaque réduit la mortalité d'origine cardiaque de
qui accentue la pente de ddl, augmentant ainsi
26 % en période post-infarctus. Ce constat indique
la fréquence cardiaque ;
l'existence d'une étroite corrélation entre fré-
• on obtient l'effet inverse lors d'une stimulation
quence cardiaque et mortalité chez les patients
parasympathique qui diminue la concentration
atteints de coronaropathie ischémique.
en AMPc, compromettant ainsi l'ouverture du
L'ivabradine exerce une action anti-ischémique
canal If : il en résulte une atténuation de la
s'expliquant par la baisse de la fréquence cardiaque
pente de ddl et une réduction de la fréquence
sinusale qui diminue la consommation myocar-
cardiaque.
dique en oxygène (MVO2) et améliore l'apport en
O2 en allongeant la durée de la diastole ainsi que
Mécanisme d'action la relaxation cardiaque. Ceci favorise la perfusion
coronarienne, qui s'exerce préférentiellement en
Le seul inhibiteur du courant If actuellement dis- diastole, et améliore la fraction d'éjection ventri-
ponible est l'ivabradine (Procoralan®). Il existe des culaire (figure 11.2).
comprimés de Procoralan® dosés à 5 ou 7,5 mg. La réduction de la fréquence cardiaque obtenue par
L'ivabradine inhibe le courant If, atténue la l'ivabradine et les conséquences favorables sur la per-
pente de ddl et, ainsi, diminue la fréquence car- fusion coronarienne qui en découlent lui permettent
diaque (figure 11.1). Son action dépend de l'état d'être utilisée chez les patients en rythme sinusal dans
de l'ouverture du canal If : si le canal est ouvert, le traitement des formes stables et chroniques de l'an-
c'est-à-dire activé, la fréquence est élevée et l'iva- gor, notamment, en cas d'intolérance ou de contre-
bradine la diminue considérablement. En indication aux β-bloquants. L'association de
revanche, lorsque le canal est fermé, la pente est l'ivabradine aux β-bloquants est possible si la fré-
atténuée et l'action de l'ivabradine est modeste. quence cardiaque sinusale est supérieure à 60 bpm.
Chapitre 11. Inhibiteurs du courant I f 85
médicaments est également contre-indiquée (cf. tige), des troubles digestifs (nausées, vomissements,
infra, Interactions médicamenteuses). diarrhées, constipation) ou urogénitaux.
Contre-indications relatives
L'administration de l'ivabradine est déconseillée Interactions
en cas de fibrillation atriale et chez les patients médicamenteuses
ayant une arythmie cardiaque compromettant le
fonctionnement normal du nœud sinusal. Son uti- D'ordre pharmacocinétique
lisation doit également être évitée en cas d'acci-
dent vasculaire cérébral et chez les patients L'ivabradine est métabolisée par le CYP3A4. De
présentant un syndrome de QT long congénital ce fait, ses concentrations plasmatiques et, en
ou traités par des médicaments allongeant l'inter- conséquence, ses taux tissulaires augmentent ou
valle QT. diminuent respectivement lors de son association
à un inhibiteur ou à un inducteur du CYP3A4.
Les inhibiteurs du CYP3A4 sont des macrolides,
Effets indésirables des azolés (itraconazole, miconazole, fluconazole),
des inhibiteurs des canaux calciques lents (vérapa-
Effets indésirables cardiaques mil, diltiazem), des anti-H2 (cimétidine), des inhi-
biteurs de protéases (ritonavir, indinavir…) et
L'ivabradine peut provoquer des hypotensions l'amiodarone. L'association de ces substances à
probablement liées à la baisse de la fréquence l'ivabradine augmente la toxicité de cette dernière.
cardiaque. Les inducteurs du CYP3A4 (barbituriques, phény-
De plus, des cas de bradycardie dose-dépendante toïne, millepertuis) peuvent compromettre son effica-
ont été rapportés avec une baisse de la fréquence cité thérapeutique en cas d'association à l'ivabradine.
cardiaque parfois sévère, de l'ordre de 40 bpm,
chez 3,3 % des patients.
NB : L'association de l'ivabradine aux azolés,
Plus rarement, l'ivabradine a provoqué des
macrolides et inhibiteurs de protéase est
extrasystoles supraventriculaires, des BAV du 1er
contre-indiquée. À titre d'exemple, l'exposi-
degré, des extrasystoles ventriculaires et, excep-
tion plasmatique à l'ivabradine est multipliée
tionnellement, des fibrillations atriales, des BAV
par 8 en cas de son association à la josamycine
du 2e et du 3e degré et la maladie du sinus.
(macrolide).
fibrine qui forme l'essentiel de l'architecture du synthèse, le syndrome des antiphospholipides et les
caillot où sont faits prisonniers des globules rouges thrombophilies héréditaires.
qui donnent sa couleur au caillot rouge. Les princi- La part respective du caillot plaquettaire, résultat
paux facteurs déclenchant l'activation de la coagu- de l'hémostase primaire, et du caillot fibrineux,
lation sont le contact du sang avec le facteur résultat de la coagulation, varie selon la localisation.
tissulaire (FT) exposé au niveau d'une lésion vascu- La thrombose artérielle résulte avant tout d'un cail-
laire et la stase sanguine. Certains états favorisent la lot plaquettaire sur une lésion de la paroi artérielle,
thrombose veineuse et parfois la thrombose arté- principalement une rupture ou une ulcération de
rielle : la grossesse, l'exposition aux œstrogènes de plaque d'athérosclérose. La thrombose veineuse ou
dans l'atrium, au contraire, résulte principalement
de l'activation de l'hémostase secondaire à la suite
Lésion vasculaire
d'un phénomène de stase. De ce fait, les antithrom-
botiques privilégiés sont d'une part les antiagré-
Facteur tissulaire-VIIa gants dans la pathologie artérielle et d'autre part les
Rivaroxaban,
apixaban,
anticoagulants dans la maladie veineuse throm-
X Xa édoxaban boembolique et la fibrillation atriale.
HBPM,
IX IXa
+ VIIIa
fondaparinux Les facteurs de la coagulation sont fabriqués par
Prothrombinase
HNF le foie et, parmi eux, les facteurs II, VII, IX et X
Phospholipides-Va-Xa
sont vitamine K-dépendants, c'est-à-dire que leur
Prothrombine (II) Thrombine (IIa) Dabigatran synthèse nécessite la vitamine K comme cofacteur.
Les anticoagulants bloquent à divers niveaux la
Fibrinogène Fibrine cascade de la coagulation (figure 12.2), principa-
Figure 12.2. Points d'impact des différents anticoagulants. lement au niveau du facteur X et du facteur II
En vert, facteurs diminués par les AVK. (prothrombine) mais pas exclusivement ; ainsi, les
antivitamines K bloquent la synthèse des fac- disponible sous forme injectable IV et sous forme
teurs II, VII, IX, X. injectable SC (héparine calcique). Elle est formée
d'un mélange de longues molécules de glycosami-
noglycanes, de poids moléculaire variant de
Médicaments existants 10 000 à 30 000 daltons. Les chaînes d'héparine
sont susceptibles de former des complexes avec le
Les médicaments anticoagulants sont classés en facteur 4 plaquettaire et ce motif antigénique peut
trois catégories : alors entraîner la formation d'autoanticorps res-
• héparine et dérivés : héparine non fractionnée ponsables de thrombopénies La recherche s'est
(HNF), héparines de bas poids moléculaire donc dirigée vers des molécules de plus petites
(HBPM), fondaparinux ; tailles gardant le site actif de l'HNF.
• antivitamines K (AVK) ;
• anticoagulants oraux directs (AOD).
Le tableau 12.1 indique les principales indica-
Héparines de bas poids
tions des différents médicaments. moléculaire (HBPM)
Tous, sauf HBPM et fondaparinux, sont indi- Les HBPM sont issues du fractionnement de
qués en première intention dans la prévention des l'HNF et ont un poids moléculaire variant de
complications thromboemboliques de la fibrilla- 2 000 à 10 000 daltons. Elles possèdent toutes un
tion atriale (FA). Lors de la découverte d'une FA site commun de cinq sucres spécifiques permet-
non valvulaire à risque thrombotique élevé, deux tant la liaison à l'antithrombine. Ces molécules
stratégies sont possibles : AOD d'emblée ou trai- ont un effet anti-Xa très supérieur à leur effet anti-
tement par héparine relayé par AVK. IIa. En effet, pour inhiber la thrombine, l'hépa-
Dans la maladie veineuse thromboembolique rine doit se lier à la fois sur la thrombine, sur le
(MVTE), là encore deux stratégies sont possibles : facteur IIa et sur l'antithrombine, tandis que l'in-
héparine ou HBPM relayées par AVK, ou AOD hibition du facteur Xa nécessite seulement la liai-
d'emblée. son de l'héparine à l'antithrombine. Elles ont une
Deux indications sont spécifiques aux AVK : très bonne biodisponibilité et leur effet anticoagu-
prévention au long cours des thrombus ventricu- lant peut être prédit de manière fiable en tenant
laires gauches et prévention des complications compte du poids de l'individu. Cependant, ces
thromboemboliques de la FA valvulaire et des HBPM peuvent s'accumuler en cas d'insuffisance
prothèses valvulaires. rénale et conservent la capacité de provoquer des
thrombopénies.
fois par semaine pendant un mois, puis une fois par avec une insuffisance rénale modérée. L'activité
semaine jusqu'à l'arrêt de l'héparine. Il existe cepen- anti-Xa cible dépend de l'héparine et du nombre
dant des situations médicales où la surveillance pla- d'injections par jour.
quettaire n'est pas nécessaire : ce sont les cas de
patients sans comorbidités importantes et sans
exposition à l'héparine dans les six derniers mois. Situations à risque
Le traitement par HNF nécessite la réalisation
d'un temps de céphaline activé (TCA) 4 à 6 heures et situations déconseillées
après la première dose puis quotidiennement, en
visant un TCA compris entre 1,5 et 3 fois le temps En cas d'insuffisance rénale
du témoin. Pour les patients sous héparine cal- modérée (30 < clairance
cique, le prélèvement se fait à mi-parcours (soit à de la créatinine < 60 ml/min)
4 heures en cas d'injection toutes les 8 heures).
Ces prélèvements représentent une contrainte et Le fondaparinux et les HBPM ne posent pas de
ils exposent à un risque d'erreur si les tubes ne difficultés particulières aux doses prophylactiques.
sont pas rapidement transmis au laboratoire. En revanche, aux doses curatives, ces mêmes
La mesure de l'activité anti-Xa est une alterna- molécules nécessitent des précautions d'emploi :
tive au TCA pour l'HNF. Elle est particulièrement chez un patient à haut risque hémorragique, il
intéressante chez les patients avec un TCA sponta- faudra préférer l'HNF ou adapter la dose d'HBPM
nément allongé ou chez les patients résistants à de manière empirique ou en fonction de l'activité
l'héparine — c'est-à-dire chez lesquels le TCA ne anti-Xa.
s'allonge pas de façon significative en dépit de
fortes doses d'héparine, ce qui peut se voir dans
des syndromes inflammatoires. L'activité anti-Xa Chez la femme enceinte
peut également être d'une certaine utilité chez les
patients traités par des doses curatives d'HBPM, En l'absence de données suffisantes, le fondapari-
par exemple chez les sujets de poids extrêmes ou nux est déconseillé. Les héparines ne passent pas la
94 Les médicaments de la thrombose
barrière placentaire et sont les anticoagulants de de gravité des hémorragies sont : certaines locali-
choix chez la femme enceinte. Compte tenu de sations (par exemple, hémorragie intracrânienne,
l'absence de contrôle de la coagulation et d'un intraoculaire, intrarachidienne, intra-articulaire ou
moindre nombre d'injections, les HBPM sont rétropéritonéale), la mauvaise tolérance hémody-
recommandés de préférence à l'HNF chez la namique avec chute de la pression artérielle, la
femme enceinte. Dans le cas particulier des nécessité de transfuser ou d'hospitaliser. En cas
femmes enceintes porteuses de valves mécaniques, d'hémorragie sévère sous HNF, en plus des
une administration d'HBPM deux fois par jour est mesures symptomatiques, on pourra administrer
recommandée de préférence à une fois par jour, l'antidote, qui est la protamine IV. La protamine
avec ajustement de la dose par mesure de l'activité agit mal en cas d'hémorragie sous HBPM. Le fon-
anti-Xa 4 heures après l'injection, la valeur cible daparinux n'a pas d'antidote.
étant celle préconisée par le fabricant pour le trai-
tement curatif.
Thrombopénie induite
par l'héparine (TIH)
Associations déconseillées
On distingue deux types de thrombopénie induite
En raison d'une augmentation du risque hémorra- par l'héparine (TIH). Les TIH de type I sont pré-
gique, notamment par inhibition des fonctions coces et sans gravité, elles correspondent à une
plaquettaires, l'association d'une héparine avec formation d'agrégats plaquettaires. Les TIH de
des anti-inflammatoires non stéroïdiens ou l'aspi- type II sont rares, souvent graves et plus tardives :
rine à dose analgésique et antipyrétique par voie la numération plaquettaire chute au-delà du
générale est déconseillée. 5e jour de traitement, parfois plus tôt en cas d'an-
técédent de traitement par héparine dans les
Précautions d'emploi semaines précédentes. Ces TIH de type II ont un
mécanisme immunoallergique et sont liées à la
L'association d'une héparine avec les antiagré- formation d'anticorps dirigés contre le complexe
gants plaquettaires ou les thrombolytiques est à héparine-facteur 4 plaquettaire. Les TIH de
surveiller en raison d'une majoration du risque type II sont souvent graves car elles peuvent s'ac-
hémorragique. compagner de thromboses focales et de symp-
tômes de coagulation intravasculaire disséminée
(CIVD). Parfois, les manifestations thrombo-
Hyperkaliémie tiques précèdent d'un ou deux jours la thrombo-
pénie. Ainsi, il faudra évoquer une TIH de type II
Il y a augmentation du risque d'hyperkaliémie devant un AVC ischémique ou une phlébite surve-
en cas d'association avec les anti-inflammatoires nant sous héparine ou devant une chute de plus de
non stéroïdiens, la ciclosporine, les diurétiques 30 % de la numération plaquettaire. Dans ces cas,
hyperkaliémiants, les inhibiteurs de l'enzyme de il faut arrêter l'héparine sans attendre la confirma-
conversion et sartans, les sels de potassium, etc. tion biologique par les tests mettant en évidence
les anticorps anti-plaquettes ; en effet, ces tests
sont peu fiables et leurs résultats ne sont pas dis-
Effets indésirables ponibles dans l'urgence. L'héparine est alors rem-
placée par un héparinoïde, le danaparoïde,
Hémorragie mélange de chaînes de glycosamino-glycuro-
nannes sulfatés non héparinique de faible poids
Le principal effet indésirable de tous les anticoa- moléculaire, extraits de la muqueuse intestinale de
gulants est l'hémorragie. Les principaux critères porc. Il possède une activité anti-Xa prépondé-
Chapitre 12. Médicaments anticoagulants 95
rante, s'exerçant par l'intermédiaire de l'anti- Les antivitamines K (AVK) sont des inhibiteurs
thrombine et n'étant pas inactivée par les facteurs de la vitamine K, dont l'efficacité sur la coagula-
endogènes de neutralisation de l'héparine. Le tion dépend donc des apports en vitamine K. Il
danaparoïde inhibe la formation de thrombine et faut en règle générale au moins 36 heures et plus
donc de thrombus. Il s'administre par voie sous- souvent trois jours avant que l'effet des AVK sur la
cutanée et présente l'inconvénient de donner dans coagulation soit significatif.
environ 5 à 10 % des cas une réactivité croisée avec
les anticorps responsables de la thrombopénie.
Sources de variabilité
Caractéristiques de la réponse
pharmacocinétiques
utiles en clinique L'effet anticoagulant des AVK varie beaucoup
d'un individu à l'autre et chez le même individu.
Les principaux facteurs de la variabilité de la
La biodisponibilité des AVK est bonne. Ils sont
réponse sont les facteurs génétiques, les apports
dégradés par le foie, ce qui explique que les induc-
en vitamine K dans l'alimentation et les interac-
teurs enzymatiques contrarient leur effet en accé-
tions médicamenteuses.
lérant l'élimination de leur forme active. Les
produits de dégradation sont éliminés dans les
urines et il existe un risque d'accumulation modé- Facteurs génétiques
rée en cas d'insuffisance rénale sévère. Les demi-
vies des AVK varient notablement d'un principe D'une part, le facteur génétique est responsable
actif à l'autre : 40 heures pour la warfarine, de variations interindividuelles importantes dans
31 heures pour la fluindione, 10 heures pour l'activité du cytochrome P450 (CYP) 2C9. Deux
l'acénocoumarol. Il est vraisemblable mais non principaux variants génétiques sont retrouvés
démontré que l'effet anticoagulant est plus stable dans la population caucasienne, l'allèle
avec les AVK de longue demi-vie. CYP2C9*2 et l'allèle CYP2C9*3, conduisant à
l'identification d'individus dits métaboliseurs
intermédiaires (génotype hétérozygote) ou
métaboliseurs lents (génotype homozygote
Surveillance muté). Les patients présentant l'allèle muté pré-
biologique : l'INR sentent un risque hémorragique plus important
avec des doses à l'équilibre plus faible par rapport
L'élément principal de la surveillance est l'Inter- aux individus non mutés.
national Normalized Ratio (INR) qui dérive, D'autre part, il existe un polymorphisme géné-
comme le taux de prothrombine (TP), du temps tique concernant la cible VKORC1 avec une
de Quick (temps de recoagulation d'un plasma hypersensibilité aux AVK chez les individus mutés.
citraté en présence de calcium et d'un extrait tissu- Enfin, on note des variations interethniques.
laire dénommé thromboplastine) : Par exemple, le génotype muté VKORC1 est
INR = (temps de Quick du malade/temps Quick très représenté dans la population asiatique,
témoin)ISI où ISI est un indice de standardisation alors que les allèles mutés CYP2C9 sont plus
international qui dépend de la thromboplastine rares par rapport aux populations caucasiennes,
utilisée et qui permet de diminuer les variations liées expliquant des doses plus faibles chez les
au réactif utilisé. Asiatiques. Des études sur la warfarine ont
En l'absence de traitement anticoagulant, l'INR suggéré un bénéfice à réaliser le génotypage
est égal à 1. pour ces deux gènes avant l'initiation du traite-
Il a été démontré que l'efficacité de la préven- ment afin de déterminer plus rapidement la
tion est corrélée à la proportion d'INR dans la posologie personnalisée pour un INR cible.
Chapitre 12. Médicaments anticoagulants 97
Des algorithmes conseillant une posologie per- Relais de l'héparine par un AVK
sonnalisée en fonction des caractéristiques
génétiques et cliniques sont disponibles1. L'AVK est introduit soit le même jour que l'hé-
parine soit après plusieurs jours d'héparine.
Comme l'AVK n'est efficace qu'au bout de plu-
Facteurs alimentaires sieurs jours, il faut maintenir le traitement par
héparine tant que l'INR n'est pas dans la four-
Les aliments les plus riches en vitamine K sont les chette thérapeutique.
choux (y compris le chou-fleur), certains navets, Prenons l'exemple de l'introduction de la fluin-
les blettes et les asperges, même après cuisson. dione chez un patient avec un INR cible entre
Leur consommation est déconseillée aux malades 2 et 3 :
sous AVK. Les salades, les tomates contiennent des • à J1, l'AVK est débuté sans arrêter l'héparine ;
quantités modérées de vitamine K : leur consom- • à J4, il faut doser l'INR :
mation est autorisée sous réserve d'être modérée – habituellement, l'INR est inférieur à 2 et il
et régulière. La prise aiguë d'alcool, supérieure à faut poursuivre l'association AVK et héparine
trois verres de vin par exemple, augmente l'INR. et répéter les INR de façon rapprochée ;
– l'héparine est arrêtée lorsqu'on a obtenu
deux INR consécutifs supérieurs à 2, si l'INR
Interactions médicamenteuses cible se situe entre 2 et 3.
Si l'héparine est une HNF, sa dose est adaptée
Le tableau 12.3 donne quelques-unes des nom- en fonction du TCA pendant le relais. Si c'est un
breuses interactions impliquant les AVK. D'une HBPM, la dose reste inchangée pendant le relais.
manière générale, les inhibiteurs enzymatiques En général le relais est terminé à J6. Si l'INR
augmentent l'INR en ralentissant le métabolisme tarde à s'élever, il faut augmenter la dose d'AVK
des AVK, tandis que les inducteurs diminuent par quart de comprimé. Chez le sujet âgé ou
l'INR en accélérant ce métabolisme et donc l'éli- dénutri, on débute par des doses d'AVK moindre.
mination des formes actives. Chez le sujet dénutri, il est prudent de doser
l'INR dès J3.
plusieurs jours, lorsque le risque hémorragique survient avec ou sans surdosage, ce qui change
est tolérable. peu la conduite pratique. Elle survient avec ou
sans lésion sous-jacente. Cependant, la probabi-
lité de trouver une telle lésion décroît lorsque
Surveillance à distance l'hémorragie survient dans un contexte d'INR
de l'initiation très élevé.
Par la suite, la périodicité des déterminations de
l'INR est d'au moins une fois par mois, davantage en Conduite à tenir en cas
cas d'instabilité. En cas de vomissements, de diar- de saignement non grave
rhée, de modifications des traitements associés ou de
changements importants dans le régime alimentaire, En cas de gingivorragie ou d'épistaxis de faible
il est recommandé de refaire une détermination de abondance par exemple, l'arrêt de l'AVK n'est
l'INR. Tout changement de posologie doit être suivi habituellement pas nécessaire. Il suffit de vérifier
d'un contrôle de l'INR à brève échéance (trois à sept l'INR et d'utiliser des tampons hémostatiques. Si
jours). l'hémorragie persiste, il faut arrêter temporaire-
ment le traitement anticoagulant.
Surdosage sans
hémorragie (INR cible Conduite à tenir en cas
compris entre 2 et 3) de saignement grave
Le tableau 12.4 donne la conduite à tenir en cas L'hémorragie peut être grave en raison de son
de surdosage sans hémorragie. abondance (choc, nécessité de transfusion, chute
Dans la mesure du possible, la vitamine K doit de l'hémoglobine de plus de 20 g/l, nécessité d'un
être administrée per os, en raison d'un risque rare geste hémostatique urgent par cathétérisme ou par
de choc anaphylactique avec la voie IV. endoscopie…) ou de sa localisation (hémorragie
cérébrale, rachidienne, oculaire…). Il s'agit alors
d'une urgence nécessitant la mise en route des
Hémorragie sous AVK mesures suivantes :
• arrêt de l'anticoagulant et éventuellement d'un
L'hémorragie est le principal effet indésirable antiagrégant associé, même chez un patient à
sous AVK, réel problème de santé publique. Elle haut risque thrombotique. La durée de l'arrêt
de l'AVK dépend de l'évolution clinique. Un
Tableau 12.4. Conduite à tenir en cas de surdosage en relais par héparine sera réalisé dès que possible
AVK sans hémorragie en cas d'INR cible compris entre chez les patients à haut risque thrombotique.
2 et 3. Lorsque la cause de l'hémorragie a été traitée,
3 < INR < 6 Arrêter 24 h le traitement par exemple lorsqu'on a corrigé une hémorragie
anticoagulant avant de le gastrique par mise en place d'un clip, l'héparine
reprendre à une dose moins peut être reprise très rapidement. En cas d'hé-
élevée (par exemple ¾ cp./j si
le patient prenait 1 comprimé/j
morragie rétropéritonéale, un délai de plusieurs
de fluindione) jours est habituellement nécessaire avant la
6 < INR < 10 Arrêter l'AVK, administrer 1 mg
reprise du traitement anticoagulant par hépa-
de vitamine K per os, contrôler rine. En cas d'hémorragie intracrânienne, le
l'INR le lendemain traitement anticoagulant est souvent définitive-
10 ≥ INR Arrêter l'AVK, administrer 5 mg ment contre-indiqué. Le cas des prothèses val-
de vitamine K per os, contrôler vulaires mécaniques est à part : la durée
l'INR le lendemain d'interruption du traitement anticoagulant est
Chapitre 12. Médicaments anticoagulants 99
la plus courte possible, inférieure à deux la femme en état de procréer (le stérilet est
semaines ; déconseillé) : en effet, les AVK ne doivent pas
• hospitalisation pour surveillance clinique (pouls, être utilisés au cours du premier et du troisième
pression artérielle…), groupage, numération trimestre ; ils exposent à un risque d'hydrocépha-
des globules et des plaquettes, coagulation et lie ou d'atteinte osseuse au premier trimestre et
fonction rénale, imagerie au besoin ; d'hémorragie fœtale au troisième trimestre.
• remplissage par solutés macromoléculaires en
cas de chute importante de la pression artérielle
systolique ou si celle-ci tombe en dessous de
90 mm Hg, suivi de transfusion ; Anticoagulants oraux
• correction en urgence de l'hypocoagulabilité quel directs (AOD)
que soit l'INR. Elle fait appel conjointement à la
prise d'antidote (administrer 10 mg de vitamine K Mode d'action
en IV lente ou per os), qui n'agit qu'au bout de
plusieurs heures, et à l'injection d'un complexe Les anticoagulants oraux directs sont soit des anti-
prothrombique qui agit plus rapidement. Le com- Xa directs (rivaroxaban, apixaban, édoxaban) soit
plexe prothrombique est un concentré de facteurs des antithrombines (dabigatran). Les anti-Xa directs
vitamine K-dépendants ; inhibent le facteur Xa sans faire intervenir l'anti-
• traitement de la lésion qui saigne si possible. Par thrombine, à la différence des héparines. Le dabiga-
exemple mise en place d'un clip sur une artère tran étexilate est une prodrogue métabolisée dans le
gastrique qui saigne. Le drainage des héma- plasma et le foie en dabigatran qui est un inhibiteur
tomes est rarement nécessaire. Il n'est indiqué compétitif de la thrombine. Les quatre principales
qu'en cas de signes de mauvaise tolérance, après différences entre les AOD et les AVK sont :
correction de l'hypocoagulabilité. • un effet très rapide sur la coagulation, au bout
d'une heure : un traitement initial par héparine
n'est donc pas habituellement nécessaire ;
• un risque plus élevé d'accumulation en cas d'in-
Conseils à un patient suffisance rénale ;
sous AVK • une fréquence moindre d'interactions médicamen-
teuses et très peu d'interactions avec l'alimentation ;
Les trois principaux conseils sont les suivants : • l'absence de surveillance de la coagulation en
• avoir des apports alimentaires en vitamine K routine, ce qui le plus souvent est perçu comme
réguliers sans excès ; un avantage par le patient et son médecin mais
• éviter l'automédication et les interactions médica- peut également être un inconvénient dans cer-
menteuses ; en particulier, prendre du paracétamol taines situations, en particulier chez le patient à
en cas de douleur et éviter les anti-inflammatoires haut risque de surdosage ou chez le patient
non stéroïdiens ; malobservant.
• surveiller l'INR au moins une fois par mois avec
tenue d'un carnet de surveillance.
Il faut également éviter les situations à risque Effets utiles en clinique
de saignement et surveiller l'apparition de signes
d'hémorragie. Des hémorragies minimes (ecchy- Prévention de la thrombose
moses cutanées, épistaxis, hémorragies lors du veineuse après mise en place
brossage dentaire…) doivent amener à faire d'une prothèse de hanche
déterminer l'INR. Des selles noires ou une ou de genou
hémorragie importante doivent faire consulter
en urgence le médecin. En raison d'un effet téra- Le dabigatran, le rivaroxaban et l'apixaban ont
togène, la contraception est recommandée chez une AMM dans ces indications orthopédiques. Le
100 Les médicaments de la thrombose
délai entre la chirurgie et la première prise n'est semaines puis 20 ou 15 mg par jour selon la fonc-
pas le même pour tous les AOD : 1 à 4 heures tion rénale sans nécessité d'un traitement initial
pour le dabigatran, 6 à 10 heures pour le rivaroxa- par héparine. Le dabigatran est utilisable dans
ban, 12 à 24 heures pour l'apixaban. cette indication en relais de l'héparine.
En revanche, les AOD n'ont pas obtenu d'AMM
dans la prévention de la thrombose veineuse en
milieu médical, les essais comparatifs avec les Caractéristiques
HBPM n'ayant pas démontré un avantage pour le pharmacocinétiques
patient en termes d'efficacité. utiles en clinique
Comme le montre le tableau 12.5, les AOD ont
Prévention des complications des demi-vies d'élimination relativement courtes,
thromboemboliques de la ce qui justifie la nécessité de deux prises par jour
fibrillation atriale non valvulaire dans le traitement initial de la maladie veineuse
Le dabigatran (300 ou 220 mg par jour), le riva- thromboembolique pour le rivaroxaban et le trai-
roxaban (20 ou 15 mg par jour) et l'apixaban (10 tement au long cours de la fibrillation atriale ou de
ou 5 mg par jour) sont au moins aussi efficaces que la thrombose veineuse pour le dabigatran et
la warfarine dans cette indication. Cependant, il l'apixaban. De plus, tous peuvent s'accumuler en
demeure des incertitudes quant à leur intérêt réel cas d'insuffisance rénale, surtout le dabigatran.
chez les patients très âgés avec des fonctions rénales
dégradées ou de nombreuses comorbidités.
Aucun des AOD n'est indiqué dans la fibrilla- Sources de variabilité
tion atriale (FA) valvulaire. Cette situation est à de la réponse
plus haut risque thrombotique. Ni le rivaroxaban,
ni l'apixaban n'ont été testés dans cette indication. Interactions pharmacocinétiques
Le dabigatran s'est révélé moins efficace et moins
bien toléré que la warfarine chez les patients por- Du fait d'un métabolisme hépatique partiel ou
teurs de valves mécaniques. d'interactions au niveau du transporteur d'efflux
P-gp (P-glycoprotéine), les AOD peuvent présen-
ter des interactions avec d'autres médicaments.
Traitement de la maladie Une diminution des concentrations plasmatiques
thromboembolique veineuse du rivaroxaban et de l'apixaban est attendue en cas
d'association avec des inducteurs du CYP3A4
Le rivaroxaban, l'apixaban et le dabigatran sont comme la rifampicine, la carbamazépine, la phény-
indiqués dans le traitement de la maladie throm- toïne, etc. Une augmentation des concentrations
boembolique veineuse. Le rivaroxaban est prescrit plasmatiques de rivaroxaban et d'apixaban, donc
à la dose de 15 mg deux fois par jour pendant trois une majoration du risque hémorragique, est
a ttendue en cas d'association avec des inhibiteurs cependant où un test de coagulation peut avoir un
du CYP3A4 (par exemple, antifongiques azolés, intérêt : vérification de l'observance, diagnostic
antibiotiques, etc.). L'association du dabigatran, d'un surdosage ou avant une chirurgie pour déter-
du rivaroxaban et de l'apixaban est déconseillée miner le moment où l'intervention sera possible.
avec les inducteurs de la P-gp (rifampicine, mille- Pour ces indications, des tests sont disponibles
pertuis, carbamazépine, etc.) qui induisent une dans certains laboratoires d'hémostase : par
diminution de leur concentration. Les inhibiteurs exemple, temps de thrombine dilué (Hémoclot®)
de la P-gp (kétoconazole, amiodarone, vérapamil, pour le dabigatran, activité anti-Xa spécifique
etc.) sont eux responsables d'une augmentation pour le rivaroxaban et l'apixaban.
possible des concentrations plasmatiques des AOD.
Certaines interactions sont plus spécifiques au
dabigatran. Il ne doit pas par exemple être associé Situations à risque
à la ciclosporine, au tacrolimus, au kétoconazole et situations déconseillées
par voie systémique ou encore à l'itraconazole. Sa
posologie doit être diminuée en cas de coprescrip- Un poids inférieur à 50 kg, le grand âge et l'insuf-
tion de vérapamil ou d'amiodarone. fisance rénale modérée sont des facteurs de risque
hémorragique sous AOD. S'ils sont associés, il faut
Interactions soit diminuer la posologie soit préférer les AVK.
L'insuffisance rénale sévère est une contre-indi-
pharmacodynamiques cation du dabigatran ; dans cette situation, l'utili-
L'association avec d'autres médicaments à effet sation de l'apixaban ou du rivaroxaban est
anticoagulant, sauf en cas de relais des anticoagu- déconseillée.
lants entre eux, est contre-indiquée. L'association
des AOD avec des médicaments modifiant l'hé-
mostase, par exemple les antiagrégants, est à Contre-indications
prendre en compte et à surveiller en raison du
risque hémorragique. Les principales contre-indications des AOD sont
les situations à risque d'hémorragie majeure et
l'insuffisance rénale sévère pour le dabigatran.
Autres facteurs de variabilité L'utilisation pendant la grossesse et l'allaitement
est déconseillée.
Un poids inférieur à 50 kg, le grand âge et l'insuf-
fisance rénale sont les principaux facteurs poten-
tialisant l'effet des AOD. Effets indésirables
Le principal effet indésirable des AOD est l'hé-
Surveillance biologique morragie. Des antidotes sont en cours de dévelop-
pement. Pour le moment, la prise en charge des
Le dosage de la créatininémie est impératif avant de hémorragies est empirique en l'absence d'étude
débuter le traitement par AOD et la clairance doit de qualité pour valider l'emploi de complexes
être calculée selon la formule de Cockcroft qui a été prothrombiques (par exemple, Kanokad®) ou de
utilisée dans les essais. Ce dosage doit être répété facteurs de la coagulation (par exemple, Feiba®)
chez les patients avec des reins fragiles, chaque fois dans ces situations.
que l'insuffisance rénale est susceptible de se majo- Les AOD peuvent également être mal suppor-
rer, par exemple à l'occasion d'une déshydratation tés au plan digestif (nausées, diarrhées, dyspepsies,
ou d'une détérioration hémodynamique. douleurs abdominales), au niveau hépatique avec
Les AOD ne nécessitent pas de surveillance bio- une augmentation des transaminases, au niveau
logique de la coagulation en routine. Il est des cas hématologique (anémies, thrombopénies).
Chapitre 13
Antiagrégants plaquettaires
Rédacteur : J.-L. Cracowski1 Relecteur : S. Laporte2
1
Faculté de médecine de Grenoble, 2CHU de Saint-Étienne
COX-1 plaquettaire, vont, lorsqu'elles seront La glycoprotéine IIb/IIIa est une intégrine pré-
répétées dans le temps, produire un blocage com- sente à la surface membranaire sous forme de
plet de la synthèse de thromboxane A2, avec des 80 000 dimères par plaquette, inactive sur une pla-
effets sur les autres types cellulaires très modestes. quette non activée. L'activation plaquettaire change
La sensibilité unique des plaquettes pour de si sa conformation et lui permet de servir de récep-
faibles doses d'aspirine vient d'une inhibition pré- teur au fibrinogène, mais également au facteur von
systémique dans la circulation portale avant que Willebrand, permettant donc l'ancrage des pla-
l'aspirine soit déacétylée par effet de premier pas- quettes entre elles et sur le sous-endothélium.
sage hépatique. L'inhibition de ce récepteur bloque l'agrégation
En dehors du flurbiprofène, les autres AINS ne plaquettaire induite par tous les agonistes. Par
présentent pas d'efficacité comme antiagrégants conséquent, les inhibiteurs de ce récepteur sont des
et peuvent même interférer avec l'action de médicaments très puissants, agissant par un méca-
l'aspirine. nisme distinct de l'aspirine et des thiénopyridines.
L'abciximab est le fragment Fab d'un anticorps
monoclonal humanisé dirigé contre la GPIIb/IIIa. Il
Inhibiteurs du récepteur n'est pas spécifique, se liant également au récepteur
plaquettaire à l'ADP P2Y12 à la vitronectine (intégrine proche de la GPIIb/
IIIa), ce qui explique une efficacité semblant légère-
Ils ne comprennent que deux types de molécules :
ment supérieure. L'eptifibatide est un antagoniste
• les thiénopyridines (ticlopidine, peu utilisée,
peptidique du récepteur GPIIb/IIIa, tandis que le
clopidogrel et prasugrel) ;
tirofiban est un antagoniste non peptidique.
• les cyclopentyl-triazolo-pyrimidines (ticagrélor).
Ils agissent sur la voie d'activation plaquettaire
dépendant de l'adénosine diphosphate (ADP) en Autres antiagrégants
bloquant le récepteur plaquettaire à l'ADP P2Y12.
Les plaquettes contiennent deux récepteurs Le dipyridamole agit sur le métabolisme plaquet-
purinergiques, P2Y1 et P2Y12. Ce sont des récep- taire en augmentant la concentration intraplaquet-
teurs couplés à des protéines G dont l'agoniste est taire en AMPc. Cet effet est lié à l'inhibition de
l'ADP. Le récepteur P2Y1 activé induit un change- phosphodiestérase et/ou le blocage de la recapture
ment de forme et l'agrégation plaquettaire. Le de l'adénosine. Son bénéfice comme antithrombo-
récepteur P2Y12 est couplé à une protéine Gi, dont tique est limité et sa prescription peu fréquente.
l'activation induit une inhibition de l'adénylate
cyclase, d'où une diminution des concentrations
d'AMPc et par conséquent une réduction de l'in- Effets utiles en clinique
hibition AMPc-dépendante de l'activation pla-
quettaire. Les deux récepteurs P2Y1 et P2Y12 Ces médicaments représentent un traitement de
doivent être stimulés pour induire une activation référence pour la réduction de la morbi-mortalité
plaquettaire et, par conséquent, l'inhibition du cardiovasculaire au cours des pathologies athéro-
P2Y12 suffit pour bloquer l'activation plaquettaire. thrombotiques suivantes.
Les thiénopyridines sont des prodrogues dont
l'effet antagoniste P2Y12 est irréversible, tandis En prévention primaire
que le ticagrélor est un inhibiteur réversible dont
• Une inhibition plaquettaire au long cours par
le métabolite est également actif.
aspirine seule (75–160 mg par jour) est recom-
mandée chez les diabétiques lorsque le risque
Inhibiteurs du récepteur GPIIb/IIIa cardiovasculaire est élevé et le risque hémorra-
gique faible (pas d'antécédent d'hémorragie
Ils inhibent la voie finale commune de l'adhérence gastro-intestinale, pas d'ulcère digestif, pas
et de l'agrégation plaquettaire. d'utilisation concomitante de médicaments
106 Les médicaments de la thrombose
susceptibles d'induire un saignement tels que • les syndromes coronariens aigus avec ou sans
les AINS ou les anticoagulants). sus-décalage de ST : aspirine + un inhibiteur du
• La découverte d'une plaque carotidienne lors récepteur plaquettaire à l'ADP ;
d'un dépistage systématique ne conduit pas à la • en cas d'angioplastie coronarienne avec pose
prescription d'un antiagrégant plaquettaire, d'endoprothèse : un inhibiteur du récepteur
sauf chez le patient à haut risque cardiovascu- GPIIb/IIIa + aspirine + un inhibiteur du récep-
laire ci-dessus. teur plaquettaire à l'ADP.
Parmi les anti-inflammatoires non stéroïdiens,
En prévention secondaire seul le flurbiprofène, dont l'action antiagrégante
• Coronaropathies : est réversible en 24 heures, peut être utilisé comme
– syndromes coronariens aigus avec et sans sus- traitement substitutif d'un antiagrégant plaquet-
décalage de ST et en prévention secondaire taire en prévention secondaire post-infarctus du
après infarctus du myocarde et angor ins- myocarde chez les patients pour lesquels un traite-
table : indication d'une prescription de l'asso- ment par l'aspirine est temporairement contre-
ciation de l'aspirine et d'un inhibiteur du indiqué (intervention chirurgicale programmée).
récepteur plaquettaire à l'ADP (synergie) ;
– dans l'angor stable et après pontage corona-
rien : monothérapie par aspirine. Caractéristiques
• Accidents vasculaires cérébraux (AVC) isché- pharmacocinétiques
miques permanents et transitoires (AIT) : aspirine utiles en clinique
ou aspirine + dipyridamole ou clopidogrel. Le
prasugrel et le ticagrélor sont contre-indiqués Elles sont indiquées dans le tableau 13.2.
du fait de l'augmentation du risque hémorra-
gique intracérébral.
• Artériopathies des membres inférieurs : aspirine, Sources de variabilité
clopidogrel.
• Aspirine en prévention des accidents throm-
de la réponse (tableau 13.3)
boemboliques de la fibrillation atriale non rhu-
matismale chez certains patients à faible risque L'association de plusieurs médicaments anti-
thromboembolique ou en cas d'impossibilité de thrombotiques (antiagrégants plaquettaires, anti-
prescrire un traitement anticoagulant. coagulants, fibrinolytiques) potentialise l'effet
• Prise en charge des thromboses sur valve méca- antithrombotique observé, au détriment d'une
nique cardiaque en plus des AVK : générale- augmentation du risque hémorragique. Aussi est-il
ment l'aspirine. déconseillé voire contre-indiqué de prescrire deux
Dans chacune de ces indications, les agents anti- antithrombotiques chez un même patient, en
plaquettaires sont efficaces en prévention primaire dehors des indications où ces associations ont
et secondaire et à la phase aiguë ou non de la montré un rapport bénéfice/risque favorable,
maladie. comme les syndromes coronariens aigus.
L'association d'antiagrégants plaquettaires n'a
pas d'effet bénéfique dans l'angor stable, les acci- NB : L'arrêt temporaire des antiagrégants pla-
dents vasculaires cérébraux ischémiques perma- quettaires, par exemple pour une intervention
nents et transitoires et l'artériopathie des membres chirurgicale, expose à un risque accru d'événe-
inférieurs. ments thrombotiques et doit donc faire l'objet
Du fait de leurs modes d'action synergiques, d'une réflexion précise sur le bénéfice (hémor-
l'association d'antiagrégants plaquettaires est ragie) par rapport au risque (thrombotique) et
bénéfique malgré un risque hémorragique accru la date de reprise du traitement si l'arrêt est
dans les indications suivantes : décidé.
Chapitre 13. Antiagrégants plaquettaires 107
intravasculaire et conduit à l'obstruction locale donc essentiellement dans les toutes premières
et/ou à la migration du thrombus et à l'obstruc- heures de l'accident ischémique et le bénéfice
tion sur un site plus en aval du vaisseau. On parle attendu ne peut que décroître avec le délai de mise
de maladies thromboemboliques pour ces mala- en œuvre d'un traitement de reperméabilisation.
dies qui favorisent et s'accompagnent de la forma- Ceci souligne d'emblée un élément majeur du
tion de thrombus intravasculaires (figure 14.1). rapport bénéfice-risque des traitements thrombo-
Sur le plan structural, on distingue des throm- lytiques, qui sera d'autant plus favorable que l'in-
bus fibrino-cruoriques et fibrino-plaquettaires. tervention sera précoce (figure 14.2).
Les premiers sont le plus souvent d'origine vei- La fibrinolyse est assurée par la plasmine prove-
neuse et les seconds se forment au contact des nant du clivage du plasminogène par l'activateur
plaques d'athérome. Dans le système veineux, le tissulaire du plasminogène (tPA). Le tPA est pro-
risque principal est celui de l'embolie pulmonaire, duit par l'endothélium et sous le contrôle d'un
tandis que le thrombus artériel ou cardiaque inhibiteur puissant, l'inhibiteur de l'activateur du
migre dans le système artériel pour s'arrêter dans plasminogène (PAI-1). Le plasminogène est essen-
un vaisseau de plus petit calibre en aval. Tous les tiellement fabriqué dans le foie et circule sous
territoires peuvent être atteints. L'intensité et forme soluble dans le plasma. Il présente une cer-
l'étendue des lésions d'ischémie dépendront taine affinité pour la fibrine qui lui permettrait de
directement des capacités de suppléances par les s'y fixer et d'exercer son effet après activation
réseaux anastomotiques. locale. L'activation du plasminogène en plasmine
La formation et la migration d'un thrombus repose sur un clivage protéolytique réalisé par le
semblent causales dans une large majorité des tPA libéré par l'endothélium. Le tPA, en coupant
infarctus du myocarde et des accidents vasculaires une séquence inactive d'environ 150 acides aminés
cérébraux. Les lésions d'ischémie irréversibles du plasminogène, libère la plasmine et l'activité
s'établissent en quelques heures, tandis que la protéolytique. La plasmine dégrade surtout la
résorption physiologique du thrombus met plu- fibrine, mais accepte également comme substrat le
sieurs jours. La fenêtre thérapeutique se situe fibrinogène. La baisse du fibrinogène circulant est
un effet de toutes les substances qui activent cette
Maladie thromboembolique enzyme. Ces deux effets combinés, la lyse du
thrombus et la déplétion en fibrinogène, peuvent
1. Formation du thrombus concourir à l'établissement d'états hémorragiques
Veineux : phlébite…
Artériel : athérome…
Cardiaque : FA, valvulopathie
Matériel exogène : cathéters, valves…
2. Migration du thrombus
Territoire pulmonaire
Territoire artériel
3. Ischémie
Embolie pulmonaire
Infarctus du myocarde
AVC
Ischémie périphérique
très sévères. L'effet de la plasmine circulante libre nouvelles entités moléculaires qui diffèrent de plus
est inhibé in vivo par l'α2-antiplasmine. en plus de la protéine humaine originale.
Les substances
Mécanisme d'action
On distingue les thrombolytiques d'origine
extractive et les thrombolytiques recombinants Les agents fibrinolytiques sont tous des activa-
(tableau 14.1). teurs du plasminogène. Ce sont des protéines
Les thrombolytiques d'origine extractive sont enzymatiques de très haut poids moléculaire,
des « protéines purifiées » à partir d'un organisme dégradées dans le tube digestif et donc utilisées
qui les produit naturellement. La streptokinase est uniquement par voie intraveineuse. Ils libèrent la
fabriquée par les streptocoques β-hémolytiques. plasmine du plasminogène. Ils peuvent s'activer
L'urokinase est un activateur tissulaire du plasmi- en liaison avec le plasminogène ou la plasmine
nogène sécrété par les cellules rénales et purifié à comme la streptokinase ou plutôt à la fibrine et
partir d'urine humaine. éventuellement au fibrinogène comme le rtPA. La
Le rtPA (recombinant tissue Plasminogen plasmine formée dégrade alors la fibrine présente
Activator, 527 acides aminés, altéplase) est obtenu dans son environnement et permet la résorption
à partir de la séquence codante intégrale du gène du thrombus. L'activité protéolytique de la plas-
humain surexprimé dans des cellules CHO. mine s'exerce également vis-à-vis du fibrinogène
Initialement conçu pour être mieux toléré car et d'autres protéines de la coagulation, contri-
« identique » à la protéine endogène, le rtPA permet buant au risque hémorragique (α2-antiplasmine et
des modifications structurales affectant la lon- dans une proportion moindre des facteurs V et
gueur de la séquence en acides aminés (rétéplase) VIII). Le caractère de liaison préférentielle du
ou la séquence des acides aminés par mutagenèse rtPA à la fibrine permettrait de concentrer l'acti-
dirigée (ténectéplase). Ceci aboutit à la création de vité protéolytique aux zones riches en fibrine.
Ceci a pu être mis en avant pour expliquer la
moindre chute des taux circulants de fibrinogène
Tableau 14.1. Principaux thrombolytiques utilisés en
thérapeutique.
(de l'ordre de 60 %) avec ces produits.
Les modifications induites dans la séquence
Substance Structure Spécialité Demi-vie protéique de la ténectéplase et de la rétéplase ont
Extractives pour objectif d'accroître la sélectivité de la liaison
Streptokinase Bactérienne Streptase® 10 à 80 min à la fibrine des thrombus et de résister au PAI. La
streptokinase forme un complexe actif avec le
Anistréplase Complexe de Aminase® 90 min
streptokinase plasminogène circulant et aboutit à une activation
et de systémique de la plasmine accompagnée d'une
plasminogène baisse très importante du fibrinogène circulant.
humain Le retour du fibrinogène à la normale s'effectue
Urokinase Humaine Actosolv® 2–3 min en 24 heures environ. Cette quasi-disparition du
naturelle Ukidan® fibrinogène justifie le délai de mise en place de
(rénale)
l'héparinothérapie avec la streptokinase. La baisse
Recombinantes humaines (rtPA) du fibrinogène circulant est beaucoup moins
Altéplase Complète Actilyse® 3–5 min importante avec les rtPA, permettant une hépari-
(527 AA) nothérapie immédiate.
Rétéplase Tronquée (357 Rapilysin® 14–20 min L'activité thrombolytique devrait être titrée
AA) en UI par rapport à un standard OMS, mais les
Ténectéplase Mutée (527 Métalyse® 20–30 min échelles sont tellement différentes qu'il faut véri-
AA) fier pour chaque composé. Seul l'altéplase est
114 Les médicaments de la thrombose
dosée en mg de protéines recombinantes, 1 mg la dose de 2 000 UI/kg par heure ou sur des
correspondant à 580 000 UI (à vérifier suivant les périodes plus courtes de 12 heures à 24 heures à
lots). des doses de 4 000 à 5 000 UI/kg par heure.
Toutes les autres ont pour indication l'infarctus
du myocarde à la phase aiguë ; seule l'altéplase est
Spécialités et indications indiquée dans le traitement d'AVC ou de l'embo-
lie pulmonaire avec retentissement cardiocircula-
Douze spécialités médicales sont commercialisées toire (tableau 14.4).
en 2013 en France. Elles sont constituées de l'un
des cinq thrombolytiques avec parfois plusieurs
conditionnements et indications (tableaux 14.2 Relation dose-effet,
et 14.3).
L'urokinase est réservée aux désoblitérations
ajustement des doses
artérielles ou veineuses par un thrombus et dans
certains cas d'embolie pulmonaire. Elle est égale- L'objectif thérapeutique étant la désobstruction
ment utilisée pour désobstruer des voies veineuses d'un vaisseau et la reperfusion des tissus, l'adminis-
centrales ou les shunts artérioveineux. L'urokinase tration est le plus souvent réalisée sur une durée
est administrée pendant des durées prolongées à courte (90 à 180 minutes), par perfusion le plus
souvent (streptokinase, altéplase, rétéplase) ou par-
fois par bolus réitérés (ténectéplase). L'augmentation
Tableau 14.2. Spécialités médicales et leurs indications des doses des rtPA (altéplase, rétéplase, ténecté-
en France. plase) aboutit rapidement à une augmentation du
Substance Spécialité Indication(mode risque hémorragique qui compromet tout bénéfice,
d'administration) raison pour laquelle des doses maximales ont été
Extractives définies.
Streptokinase Streptase® Infarctus du Pour la streptokinase dans l'infarctus du myo-
1 500 000 UI myocarde carde, le schéma thérapeutique est standard :
750 000 UI (perfusion) 1 500 000 UI en perfusion pendant 60 minutes.
500 000 UI
Les doses de rTPA doivent tenir compte du poids
Anistréplase Aminase® Non commercialisé pour l'altéplase et la ténectéplase mais pas pour la
30 UI en France (bolus IV)
rétéplase qui est administrée en deux bolus stan-
Urokinase Actosolv® Obstructions dards. Pour l'altéplase, on distingue les patients de
100 000 UI artérielles et
poids supérieur à 65 kg, pour lesquels le schéma
600 000 UI veineuses, embolie
Urokinase Choay® pulmonaire est standardisé avec une dose maximale de
100 000 UI (perfusion) 100 mg, des patients de poids inférieur à 65 kg,
300 000 UI pour lesquels les doses sont adaptées au poids
Recombinantes humaines (rtPA) (dose maximale de 1,5 mg/kg). L'adaptation
Altéplase Actilyse® Infarctus du posologique se fait pour la ténectéplase en fonc-
2 mg, 10 mg, myocarde, embolie tion du poids entre 60 et 90 kg de 6 000 U à
20 mg, 50 mg pulmonaire, 9 000 U par tranche de 10 kg. Des schémas théra-
AVC ischémique
(perfusion)
peutiques, suivant que le traitement est institué
avant ou après la 6e heure après les premiers signes,
Rétéplase Rapilysin® Infarctus du
10 UI myocarde (bolus
peuvent également être proposés (tableaux 14.3
réitéré) et 14.4). L'hyperactivation de la plasmine plasma-
Ténectéplase Métalyse® Infarctus du
tique avec dégradation complète du fibrinogène
10 000 UI myocarde (bolus) circulant peut conduire à des états d'hypocaogula-
1 mg d'altéplase correspond à 580 000 UI. bilité difficiles à maîtriser.
Chapitre 14. Thrombolytiques 115
de la PDE-5 sont donc à l'origine d'une augmen- macitentan et le riociguat peuvent également
tation de la concentration de GMPc et d'une aug- être utilisés (grade IB) ;
mentation de la vasodilatation (figure 15.1). Le • classe fonctionnelle NYHA III : certains traite-
riociguat agit sur la même voie en stimulant direc- ments oraux (ambrisentan, bosentan, sildénafil)
tement la GCs. (grade IA), l'iloprost inhalé ou le tréprostinil
sous-cutané (grade IB) ou encore l'époprosté-
nol IV (grade IA) sont indiqués ;
Indications • classe fonctionnelle NYHA IV : seul l'épopros-
ténol IV a un haut niveau de preuve (grade A)
La prescription des médicaments spécifiques de chez les patients les plus sévères.
l'HTAP est hospitalière et réservée aux spécialistes Des traitements dits combinés associent deux
(cardiologie, médecine interne, pneumologie). médicaments ayant des mécanismes d'action diffé-
Les critères de choix thérapeutiques sont la rents. Ils peuvent être proposés d'emblée ou si la
classe fonctionnelle NYHA, ainsi que le niveau de réponse à une monothérapie est insuffisante (cf.
preuve et de recommandation : infra, Pour aller plus loin).
• classe fonctionnelle NYHA II : l'ambrisentan, le À noter : le riociguat est également indiqué
bosentan et le sildénafil sont recommandés en dans les hypertensions pulmonaires d'origine
première intention (grade IA) ; le tadalafil, le thromboembolique.
124 Les médicaments de l'hypertension artérielle pulmonaire
Pharmacocinétique
Les propriétés pharmacocinétiques des différentes
classes thérapeutiques abordées dans ce chapitre
sont très différentes (tableau 15.2), les analogues
de la prostacycline étant caractérisés par des demi-
vies d'élimination très courtes, imposant une
administration continue (ou des inhalations fré-
quentes pour l'iloprost).
Concernant les formes orales, la pharmacociné-
tique du bosentan (figure 15.2) expose à un risque Figure 15.2. Transport et biotransformation
important d'interactions médicamenteuses (cf. hépatocytaire du bosentan.
Les flèches rouges en pointillé représentent un effet
infra, Interactions médicamenteuses). inhibiteur du bosentan sur des transporteurs des acides
biliaires.
BSEP, Bile Salt Export Pump ; CYP, cytochrome P450 ;
Tableau 15.2. Principales caractéristiques
NTCP, Na+-Taurocholate Cotransporting Polypeptide ;
pharmacocinétiques des médicaments de l'HTAP. OATP, Organic Anion Transporting Polypeptides ;
DCI Biotransformation Effets à l'origine MRP, Multidrug Resistance-associated Protein.
et élimination d'interactions
médicamenteuses
Prostacycline et analogues de la prostacycline
Époprosténol t½ : 3–6 min Contre-indications
Iloprost t½ : 5–25 min
Tréprostinil t½ : 3–5 h Les principales contre-indications des médica-
Antagonistes des récepteurs de l'endothéline ments spécifiques de l'HTAP sont résumées dans
Bosentan Transport hépatocytaire Inducteur CYP2C9
le tableau 15.3.
par OATP1B1 et et CYP3A4
OATP1B3 Inhibiteur de
Biotransformation : transporteurs
CYP2C9 et CYP3A4 biliaires (MRP2, Effets indésirables
BSEP)
Ambrisentan Biotransformation : Effets indésirables communs
CYP3A4 principalement
Macitentan Biotransformation : Ils sont liés à leur effet pharmacologique principal
CYP3A4 (effet vasodilatateur). Ils sont, par ordre décrois-
Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 sant de fréquence, observés avec les analogues de
Sildénafil Biotransformation : la prostacycline, les inhibiteurs de la PDE-5 et
CYP3A4 (et CYP2C9) stimulateur de la GCs et, enfin, les antagonistes
Tadalafil Biotransformation : des récepteurs de l'endothéline. Ils sont dose-
CYP3A4 dépendants et nécessitent exceptionnellement une
Stimulateur de la guanylate cyclase soluble interruption du traitement :
• céphalées, parfois très intenses, qui justifient le
Riociguat Élimination rénale Inhibiteur puissant
sous forme inchangée/ du CYP1A1 recours à un traitement antalgique symptoma-
biliaire après tique (paracétamol de préférence ; les AINS
biotransformation sont à éviter) ;
par CYP1A1, CYP3A4,
• bouffées vasomotrices, érythème ;
CYP2C8 et CYP2J2
• hypotension, vertiges.
Chapitre 15. Médicaments de l'hypertension artérielle pulmonaire 125
Médicaments Contre-indications
Prostacycline et Insuffisance cardiaque congestive due à un dysfonctionnement sévère du ventricule gauche
analogues de la Cardiopathie ischémique sévère ou angor instable ; infarctus du myocarde récent (< 6 mois)
prostacycline Arythmies sévères
Lésions cérébrovasculaires récentes (< 3 mois)
Suspicion de maladie veino-occlusive
Situation à risque hémorragique (risque de saignement majoré)
Antagonistes des Insuffisance hépatique modérée à sévère
récepteurs de Taux sériques des aminotransférases hépatiques > 3 fois la normale avant mise en route du traitement
l'endothéline Association à la ciclosporine
Grossesse (cf. infra)
Fibrose pulmonaire idiopathique (pour l'ambrisentan)
Inhibiteurs de la Infarctus du myocarde récent (< 3 mois)
phosphodiestérase Hypotension sévère (< 90/50 mm Hg).
de type 5 Association aux dérivés nitrés ou aux « donneurs de NO » ou au riociguat (majoration du risque hypotenseur)
Neuropathie optique ischémique antérieure non artéritique (NOIAN)
Association aux inhibiteurs puissants du CYP3A4 (pour le sildénafil)
Stimulateur de la Insuffisance hépatique sévère
guanylate cyclase Hypotension sévère (systolique < 95 mm Hg)
soluble Association aux dérivés nitrés, aux « donneurs de NO » ou aux inhibiteurs de PDE-5 (majoration du risque hypotenseur)
Grossesse (cf. infra)
augmente la contraction des cellules musculaires particulièrement au niveau des vaisseaux de la peau
lisses, des phosphodiestérases, la phospholipase et des muqueuses, des organes abdominaux et des
A2, la phosphorylase kinase, certaines ATPases, reins. La stimulation des récepteurs α1 induit aussi
les tyrosine et phénylalanine hydroxylases ; une contraction d'autres muscles lisses, dont l'uté-
• la protéine Gs augmente l'activité de l'adénylate rus et les sphincters urinaires. Elle a également un
cyclase, qui assure la transformation de l'ATP en effet proagrégant plaquettaire.
AMPc, libéré dans le cytoplasme. L'AMPc est un Les récepteurs α2 sont le plus souvent présynap-
activateur enzymatique, notamment des protéines tiques et leur stimulation se traduit par une dimi-
kinases A (PKA), dont le rôle est de phosphoryler nution de la libération de noradrénaline.
un certain nombre de protéines. La durée de vie Les récepteurs β1 sont postsynaptiques et leur
de l'AMPc dans le cytoplasme est courte car il est stimulation au niveau cardiaque se traduit par un
inactivé par des phosphodiestérases. effet inotrope positif (augmentation de la force de
Les catécholamines ont une action plus ou contraction), chronotrope positif (accélération du
moins préférentielle sur un ou plusieurs de ces rythme), dromotrope positif (accélération de la
récepteurs, ce qui explique les différences d'action conduction) et bathmotrope positif (augmenta-
et d'effets indésirables. tion de l'excitabilité).
Les médicaments qui ont des effets du même La stimulation des récepteurs β2 induit une aug-
type que ceux des catécholamines sont appelés mentation de la libération de noradrénaline, une
sympathomimétiques. vasodilatation, une bronchodilatation et une
relaxation utérine.
La stimulation des récepteurs dopaminergiques
Effets de la stimulation D1 induit une vasodilatation aux niveaux rénal,
des récepteurs des mésentérique et coronaire.
catécholamines (tableau 16.1)
La stimulation des récepteurs α1 postsynaptiques se
traduit essentiellement par une vasoconstriction,
Tableau 16.1. Principaux effets de la stimulation des récepteurs α et β périphériques des catécholamines.
α1 α2 β1 β2
Activation de la Inhibition de l'adénylate Activation de l'adé- Activation de l'adénylate
phospholipase C cyclase nylate cyclase cyclase
Cœur Inotrope + Présynaptique : ↓ libération de NA Inotrope + Chronotrope +
Chronotrope + Chronotrope + Présynaptique : ↑ libération
↑ Risque arythmies Dromotrope + de NA
Bathmotrope +
Vaisseaux Vasoconstriction Vasoconstriction (effet plus lent) Vasodilatation
Présynaptique : ↓ libération de NA
Bronches Bronchoconstriction (en Présynaptique : ↓ libération de NA Bronchodilatation
pathologie)
Tube ↓ Péristaltisme ↓ Péristaltisme
digestif ↓ Sécrétions ↓ Sécrétions
Utérus Contractions Relâchement (↓ contractions)
Plaquettes Agrégation Agrégation
Œil Mydriase
134 Les médicaments du choc cardiogénique
La dobutamine est titrée en fonction du débit ont tous une demi-vie très courte, ce qui per-
cardiaque et la noradrénaline en fonction des met d'adapter rapidement les doses à l'évolu-
résistances vasculaires systémiques. tion des conditions hémodynamiques. Ils
doivent préférentiellement être perfusés sur un
cathéter veineux central pour éviter des effets
Noradrénaline secondaires (nécrose cutanée) au point de
perfusion (surtout pour l'adrénaline et la
La noradrénaline entraîne une élévation de la pres-
noradrénaline).
sion artérielle systolique et diastolique proportion-
nelle à la dose, augmente le retour veineux via une
veinoconstriction et favorise une redistribution du
débit cardiaque vers le cœur et le cerveau. Elle Dobutamine
donne parallèlement une diminution du débit san- Bien que le délai d'action de la dobutamine soit
guin dans la plupart des organes (rein, foie, cer- de 1 à 2 minutes, un délai de 10 minutes peut
veau…). Son efficacité est remarquable dans tous être nécessaire pour atteindre des concentra-
les états de choc où la vasodilatation prédomine. tions plasmatiques en état d'équilibre et le plein
Du fait d'intenses propriétés vasoconstrictrices, effet de la dose, quelle que soit la vitesse de per-
l'association avec un inotrope puissant (dobuta- fusion. Les concentrations plasmatiques à
mine) peut être utile, la noradrénaline étant titrée l'équilibre sont liées à la vitesse de perfusion de
en fonction des résistances vasculaires et l'agent façon linéaire. La clairance plasmatique de la
inotrope en fonction du débit cardiaque. dobutamine chez l'Homme est de 2,4 l/min/
m2, le volume de distribution est approximative-
Adrénaline ment de 20 % du poids corporel et la demi-vie
d'élimination plasmatique est inférieure à
L'adrénaline est indiquée pour le traitement des 3 minutes.
états de choc où un effet inotrope positif puissant
est recherché, éventuellement associé à un effet
d'élévation des résistances vasculaires systémiques. Noradrénaline
La concentration plasmatique en noradrénaline
Dopamine et agonistes est fugace — la demi-vie est de 2 à 3 minutes.
dopaminergiques L'élimination est rénale sous forme de
métabolites.
La dopamine possède une action complexe dose-
dépendante sur les récepteurs α1, α2, β1-adrénergiques
et dopaminergiques. À dose faible ou moyenne, les Adrénaline
effets β prédominent, entraînant une augmentation du
L'adrénaline est la seule catécholamine qui peut
débit cardiaque par augmentation de la force contrac-
être utilisée par voie intramusculaire ou sous-
tile du myocarde, et une diminution des résistances
cutanée. Cette possibilité est mise à profit dans
périphériques. À forte dose, les effets α prédominent,
l'attente de la mise en place d'un abord veineux.
entraînant une élévation de la pression artérielle.
Symptômes
neurovégétatifs
Rappels Nausées,
vomissements
Ganglion trigéminal
physiopathologiques 5-HT1B/D
V
Cette maladie fréquente (12 % de la population CGRP,SP
L'existence de facteurs
de déclenchement souvent Médicaments du
propres à chaque migraineux traitement de fond
Certains sont endogènes, tels que l'anxiété ou le
Les médicaments du traitement de fond sont pré-
stress, le manque ou l'excès de sommeil, les varia-
sentés dans le tableau 17.2.
tions du taux des hormones au cours du cycle
menstruel… D'autres, extrêmement nombreux,
sont environnementaux, tels que des facteurs ali-
mentaires, toxiques, climatiques… L'analyse de ces
Mécanismes d'action
facteurs déclenchants est difficile et il ne faut pas les des différentes molécules
confondre avec les prodromes de la crise (faim, soif,
polyurie, modification de la température corpo- Médicaments de la crise
relle, troubles de la vigilance, bâillements, fatigue, Antalgiques non spécifiques
troubles de l'humeur…) qui touchent 60 % des
patients et traduisent un dérèglement transitoire de Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
noyaux sérotoninergiques ou dopaminergiques Leur utilisation repose sur une logique pharmaco-
situés dans l'hypothalamus et le mésencéphale. logique, car la migraine s'accompagne d'une
inflammation de la méninge. Parmi les nombreux
AINS disponibles sur le marché, seuls l'ibuprofène
Médicaments existants et le kétoprofène disposent d'une AMM pour le
traitement de la crise migraineuse. L'acide acétyl-
On distingue les médicaments utilisés pour traiter salicylique, en monothérapie ou en association
la crise et les médicaments utilisés pour la prévenir avec le métoclopramide, permet de traiter à la fois
(traitement de fond). les céphalées et l'inconfort digestif.
Chapitre 17. Antimigraineux 145
Tableau 17.2. Médicaments du traitement de fond. leurs, leur action agoniste au niveau des récepteurs
Mécanisme Classe Médicaments 5-HT1B/1D présynaptiques des terminaisons trigé-
d'action thérapeutique minées des méninges inhibe la libération des
Antagonistes β-bloquants Propranolol, neuro peptides pro-inflammatoires et vasoactifs
des récepteurs métoprolol impliqués dans la genèse de la crise migraineuse.
β-adrénergiques Certains auraient en plus un effet central sur les
Antagonistes Antimigraineux Pizotifène, neurones sérotoninergiques du raphé.
des récepteurs oxétorone
sérotoninergiques Dérivés de l'ergot de seigle
et histaminergiques
Les dérivés ergotés, ou alcaloïdes de l'ergot, ont des
Inhibiteurs des flux Antimigraineux, Flunarizine
calciques antivertigineux propriétés similaires à celles des triptans sur les récep-
teurs sérotoninergiques 5-HT1B/D. Par ailleurs, ils
Agonistes Alcaloïdes de l'ergot Méthysergide
α1-adrénergiques de seigle agissent aussi sur les récepteurs dopaminergiques,
Inhibiteurs non Antidépresseurs, Amitryptiline,
rendant compte de leur effet émétisant, et sur les
spécifiques de antalgiques, clomipramine récepteurs α1-adrénergiques. Ce profil pharmacolo-
la recapture des antimigraineux gique explique leur effet vasoconstricteur prolongé
monoamines* des artères cérébrales, à l'origine de leur activité anti-
Inhibiteurs Antiépileptiques Topiramate, migraineuse, mais également un effet vasoconstric-
canaux sodiques, valproate de sodium teur systémique, à l'origine des effets indésirables.
GABA-mimétiques,
antiglutamates
*Ces médicaments ne seront pas discutés dans ce chapitre. Médicaments du
traitement de fond
Paracétamol
Bien que très souvent utilisé (sur prescription ou Le mécanisme d'action rendant compte de l'acti-
en automédication) en premier lieu car ayant la vité antimigraineuse est inconnu, même si la plu-
meilleure balance bénéfices-risques, son efficacité part de ces médicaments se comportent comme
n'a jamais été réellement démontrée dans des des antagonistes sérotoninergiques des récepteurs
essais cliniques de qualité. La consommation 5-HT2B exprimés par les cellules endothéliales des
chronique et/ou la prise de doses élevées pendant artères méningées.
la crise exposent au risque d'hépatotoxicité. β-bloquants
Opioïdes faibles Les β-bloquants agissent probablement dans la
Il est préférable d'éviter les opioïdes faibles, tels migraine par leur action antagoniste des récepteurs
que la codéine ou le tramadol, qui peuvent aggra- β-adrénergiques et sérotoninergique. En France,
ver les troubles digestifs et augmentent le risque seuls le propranolol et le métoprolol disposent d'une
de céphalées chroniques quotidiennes (CCQ). Le AMM pour le traitement de fond de la migraine.
tramadol expose au syndrome sérotoninergique Tricycliques
en cas d'association avec un triptan.
Pizotifène et oxétorone sont des dérivés tricy-
Traitements spécifiques cliques sans effet antidépresseur démontré. Ils
de la crise migraineuse : réponse possèdent des propriétés antisérotoninergiques,
à la douleur et à la vasodilatation antihistaminiques et anticholinergiques, partici-
pant sans doute à l'effet antimigraineux et expli-
Triptans
quant les effets indésirables.
Les « triptans » sont des agonistes des récepteurs
sérotoninergiques 5-HT1B/1D postsynaptiques Flunarizine
exprimés par les artérioles méningées et dont la La flunarizine est non seulement un antagoniste
stimulation entraîne une vasoconstriction. Par ail- sérotoninergique, mais également un antagoniste
146 Les médicaments antimigraineux
similaires à celles du sumatriptan, mais une meil- faible biodisponibilité de la dihydroergotamine est
leure biodisponibilité par voie orale. En cas de compensée par des formes galéniques parentérales
vomissement précoce, une forme non orale est à (per-nasales ou injectables). La longue demi-vie des
préférer : auto-injection sous-cutanée de suma- dérivés ergotés antimigraineux participe au risque
triptan (non remboursé dans cette indication), d'ergotisme chronique. Le métabolisme dépendant
spray nasal de sumatriptan ou de zolmitriptan. La du CYP3A4 explique quant à lui le risque d'ergo-
présentation sous forme de spray permet un pas- tisme aigu lors d'association avec un médicament
sage direct du sumatriptan dans la circulation san- inhibiteur de cet enzyme.
guine, ce qui constitue un avantage en cas de
vomissements. Les formes orodispersibles ne
donnent pas lieu à un passage sublingual du prin- Médicaments du
cipe actif, l'absorption restant digestive : ces pré- traitement de fond
sentations s'avèrent intéressantes lorsqu'une
Flunarizine
boisson n'est pas disponible ou pour éviter les
nausées et les vomissements pouvant accompagner Sa demi-vie est de 5 à 15 heures chez la majorité
la prise du médicament avec du liquide ; toutefois, des patients, mais peut être très longue chez cer-
l'apparition de l'effet thérapeutique peut être tains, jusqu'à 30 jours, du fait d'une redistribution
retardée chez certains patients en raison de du produit à partir d'autres tissus. Ceci peut
l'absorption plus lente du triptan sous forme rendre compte de l'action thérapeutique retardée.
orodispersible comparativement à un comprimé. De même, en cas d'effet indésirable, la régression
Une demi-vie courte explique une action certes à l'arrêt du traitement peut prendre plusieurs
rapide, mais sur une période brève : elle offre une semaines voire plusieurs mois.
marge de sécurité autorisant plusieurs prises sur
Méthysergide
une journée. Par contre, une demi-vie prolongée
constituerait un avantage relatif en limitant le Sa biodisponibilité est faible (13 %) et sa demi-vie
risque de récurrence des crises. d'élimination est d'environ 1 heure. Le principal
métabolite actif est le méthylergométrine, dont la
demi-vie d'élimination est plus longue (3 à
Dérivés ergotés 4 heures). Environ 56 % du produit sont excrétés
Le tartrate d'ergotamine est associé à la caféine dans les urines sous forme métabolisée ou inchan-
(Gynergène Caféiné®), ce qui augmente l'absorption gée. La voie biliaire participe également à l'excré-
intestinale de l'ergotamine et sa biodisponibilité. La tion du composé.
Chapitre 17. Antimigraineux 149
cinq ans ou de 20 kg, et de 200 à 600 μg chez Tableau 18.3. Utilisation des β2-mimétiques dans le
l'adulte, à renouveler si nécessaire. traitement de fond de la BPCO.
Dans ce cas, le traitement par β2-mimétique de Stade Symptômes Traitement
courte durée d'action peut être associé à une cor- 0 Toux et
ticothérapie par voie orale. Bronchite chronique expectorations
Si les symptômes ne s'améliorent pas 1 heure simple inconstantes
après le traitement, il s'agit d'une crise d'asthme Absence de
dyspnée
aigu grave qui doit être traitée en urgence de pré-
férence par des nébulisations voire des injections 1 Toux et β2-mimétique de
BPCO légère expectorations au courte ou de longue
de β2-mimétiques de courte durée d'action en moins 3 mois dans durée d'action
association avec des antagonistes cholinergiques l'année et 2 années Association
(cf. chapitre 19), des corticoïdes et une de suite possible avec un
oxygénothérapie. Absence de anticholinergique
dyspnée inhalé
Cas particulier du traitement 2 Toux et
préventif de la crise d'effort BPCO modérée expectorations
fréquentes
Les β2-mimétiques de courte durée d'action sont Dyspnée d'effort
également indiqués 15 à 30 minutes avant un inconstante
effort physique, à raison de 100 à 200 μg, afin de 3 Toux et β2-mimétique
prévenir une éventuelle crise d'effort. BPCO sévère expectorations de longue durée
quasi constantes d'action en
Dyspnée d'effort association avec
Les β2-mimétiques 4 Dyspnée au
un corticoïde inhalé
si exacerbations
dans le traitement de la BPCO BPCO très sévère moindre effort, voire
au repos
répétées malgré le
bronchodilatateur et
Les β2-mimétiques, comme les anticholinergiques un anticholinergique
(cf. chapitre 19), constituent la base du traitement et oxygénothérapie
en plus si
de la BPCO (tableau 18.3). nécessaire
inhalée à des enfants en bas âge, à des personnes apparaître lors de l'administration de β2-
âgées ou en cas d'urgence. mimétiques, en particulier si ceux-ci atteignent la
Un code couleur a été déterminé pour les médi- circulation générale.
caments par voie inhalée. Ainsi, toutes les formes En effet, les récepteurs β2 sont présents au
pharmaceutiques qui contiennent un bronchodi- niveau des muscles lisses. Les β2-mimétiques ont
latateur seul sont de couleur bleue ou verte. donc un effet utérorelaxant et peuvent être indi-
qués dans le traitement de la menace d'accouche-
ment prématuré, notamment par voie orale ou
Pharmacocinétique injectable. Les β2-mimétiques présentent égale-
ment la propriété de diminuer la motilité intesti-
Les β2-mimétiques par voie nale. Sur le système cardiovasculaire, les
inhalée β2-mimétiques induisent une vasodilatation ainsi
qu'une tachycardie. Ils peuvent activer des voies
Leurs caractéristiques pharmacocinétiques sont métaboliques telles que la glycogénolyse et la néo-
résumées dans le tableau 18.4. glucogenèse hépatique, conduisant à une hyper-
glycémie. Une hypokaliémie, des céphalées, des
Les β2-mimétiques par voie orale tremblements, des crampes musculaires, des
arythmies et des troubles du comportement avec
Leurs caractéristiques pharmacocinétiques sont nervosité, agitation, notamment chez l'enfant,
résumées dans le tableau 18.5. ont également été rapportés.
Du fait d'une grande distribution des récep- Comme tout principe actif, des réactions aller-
teurs β2, de nombreux effets indésirables peuvent giques peuvent apparaître, pouvant se traduire en
Acétylcholine Acétylcholine
M1 M3 M5 M2 M4
Gq Gq Gq Gi Gi
AC
PLC Inactivée
Activée
ATP AMPc
DAG + IP3 PIP2
Ca2+
Ca
Cv Ca2+ PKA
Ca2+ Ca2+ Inactive
IP3 R
Ca2+ Ca2+
Ca2+ Ca2+ RE
2+
[Ca ]
ACTIVATION Etat non relaxé
(cellules musculaires lisses bronchiques)
Figure 19.1. Mécanisme d'action de l'acétylcholine selon ses récepteurs muscariniques (au sein d'une cellule
musculaire lisse).
dans la BPCO, il apparaît essentiellement une infil- peuvent être indiqués dans certaines conditions
tration bronchique de lymphocytes T CD8+, de pour le traitement de la BPCO aux stades sévères
macrophages et de polynucléaires neutrophiles. La (cf. infra, « Indications »).
chronicité de cette inflammation au niveau de l'épi- Un code couleur a été déterminé pour les médi-
thélium bronchique aura comme conséquences une caments par voie inhalée. Ainsi, toutes les formes
bronchoconstriction, une stimulation des sécrétions pharmaceutiques qui contiennent un glucocorti-
bronchiques, des lésions de l'épithélium qui peuvent coïde seul sont de couleur rouge ou brun/orange.
se compliquer en fibrose et entraîner une insuffi- Lorsque le glucocorticoïde est en association avec
sance respiratoire chronique (figure 20.2). un bronchodilatateur, les formes pharmaceutiques
sont de couleur violette.
Médicaments existants
Mécanismes d'action
L'asthme et la BPCO sont des pathologies inflam-
matoires chroniques. Leur traitement peut être Les glucocorticoïdes peuvent interrompre de
envisagé avec des anti-inflammatoires stéroïdiens nombreuses voies de l'inflammation impliquées
(glucocorticoïdes) administrés par voie inhalée dans l'asthme et la BPCO, notamment la commu-
(tableau 20.1) ou orale (tableau 20.2). nication intercellulaire via les cytokines.
Les glucocorticoïdes inhalés constituent la base Le récepteur aux glucocorticoïdes (GR) appar-
du traitement de fond de l'asthme persistant et tient à la superfamille des récepteurs intracellulaires
Chapitre 20. Antiasthmatiques : glucocorticoïdes inhalés 167
facteurs de transcription. Il est codé par un seul Lors de l'inflammation, les facteurs de transcrip-
gène situé sur le chromosome 5. Deux isoformes tion NF-κB (Nuclear Factor kappa B) et AP-1
du GR ont été identifiées : GRα et GRβ, qui est une (Activator Protein 1) sont activés au niveau
forme tronquée de GRα. GRα est le récepteur quan-
titativement majoritaire et est considéré comme le
Tableau 20.2. Principaux glucocorticoïdes par voie
récepteur fonctionnel des glucocorticoïdes. orale.
Corticoïde voie Forme galénique Dosages
orale
Bétaméthasone Comprimé 2 mg
effervescent,
Tableau 20.1. Principaux glucocorticoïdes inhalés. dispersible
Corticoïde inhalé Forme galénique Dosage Solution buvable 0,05 %
Béclométasone Poudre, suspension, 100 à 400 μg/dose Dexaméthasone Comprimé sécable 0,5 mg
solution
Méthylprednisolone Comprimé sécable 4 à 16 mg
Budésonide Poudre, suspension 100 à 400 μg/dose
Prednisolone Comprimé 5 à 20 mg
Ciclésonide Solution 80 à 160 μg/dose effervescent,
(prodrogue) dispersible
Fluticasone Poudre, suspension 50 à 500 μg/dose Solution buvable 1 mg/ml
Mométasone Poudre 200 à 400 μg/dose Prednisone Comprimé sécable 1 à 20 mg
168 Les médicaments antiasthmatiques
cellulaire. Ces facteurs activent les voies de trans- médiateurs pro-inflammatoires (cytokines, fac-
cription de médiateurs pro-inflammatoires tels que les teurs de croissance, chimiokines, etc.) et des voies
cytokines, les facteurs de croissance, les chimiokines… NF-κB et AP-1, et par transcription de médiateurs
Les glucocorticoïdes, grâce à leurs propriétés lipo- anti-inflammatoires telles que la lipocortine 1 (ou
philes, traversent la membrane plasmique des cel- annexine A1) qui est inhibitrice de la PLA2 (phos-
lules et atteignent leur récepteur GR intracellulaire. pholipase A2), enzyme à l'origine de la synthèse
GR, lié au glucocorticoïde, va, d'une part, inte- des prostaglandines et des leucotriènes.
ragir avec des voies de signalisation cellulaires De plus, les glucocorticoïdes sont capables
impliquées dans la régulation de facteurs de trans- d'augmenter la production du récepteur β2-
cription telles que la voie des MAPK (Mitogen- adrénergique au niveau des cellules musculaires
Activated Protein Kinase) (voie non génomique). lisses des bronches.
L'activation de la voie des MAPK présente un
effet anti-inflammatoire par diminution de la pro-
duction des cytokines pro-inflammatoires et aug-
Traitement
mentation de la production de cytokines
anti-inflammatoires. La voie des MAPK conduit Les glucocorticoïdes sont, entre autres, indiqués
également à la diminution de la production de dans le traitement de fond de l'asthme et, dans une
protéines de la matrice, empêchant ainsi le remo- moindre mesure, de la BPCO. Pour ces indications,
delage des tissus des voies respiratoires. la voie inhalée est privilégiée de façon à permettre
D'autre part, GR lié au glucocorticoïde pourra un effet local et limiter les effets indésirables.
se dimériser et migrer dans le noyau, où l'en-
semble se liera à une séquence spécifique de Traitement de fond de l'asthme
l'ADN, le GRE (Glucocorticoid Response Element), par glucocorticoïdes
et activer ou réprimer certains gènes (voie géno-
mique) (figure 20.3). Il en résulte un effet anti- Les glucocorticoïdes par voie inhalée sont la base
inflammatoire par répression de la transcription de du traitement de fond de l'asthme persistant
(tableau 20.3). Leur posologie augmente avec la Tableau 20.4. Utilisation des glucocorticoïdes dans le
traitement de fond de la BPCO.
sévérité de l'asthme. Les glucocorticoïdes par voie
orale sont utilisés de façon exceptionnelle chez Stade Symptômes Traitement
l'enfant en raison des effets indésirables, à la dose 0 Toux et Pas de traitement
la plus faible, s'il présente une résistance aux glu- Bronchite chronique expectorations par glucocorticoïdes
cocorticoïdes par voie inhalée ou dans le cas simple inconstantes
Absence de
d'asthme aigu grave. Chez l'adulte, une glucocor- dyspnée
ticothérapie par voie orale peut être nécessaire
1 Toux et
dans le cas d'asthme persistant sévère ou lors BPCO légère expectorations au
d'exacerbation. moins 3 mois dans
l'année et 2 années
de suite
Traitement de fond de la Absence de
dyspnée
BPCO par glucocorticoïdes
2 Toux et
BPCO modérée expectorations
Les études cliniques montrent que, contrairement fréquentes
à ce qui est observé dans l'asthme, les glucocorti- Dyspnée d'effort
coïdes n'ont que peu d'efficacité dans le traite- inconstante
ment de fond de la BPCO. Aucun corticoïde 3 Toux et Glucocorticoïde
inhalé n'a l'AMM dans la BPCO : ils sont seule- BPCO sévère expectorations par voie inhalée
ment indiqués, en association à des β2-mimétiques quasi constantes si exacerbations
Dyspnée d'effort répétées malgré
à longue durée d'action, chez les patients qui ont un traitement
4 Dyspnée au
bronchodilatateur
BPCO très sévère moindre effort voire
continu,
au repos
Tableau 20.3. Utilisation des glucocorticoïdes dans le exceptionnellement
traitement de fond de l'asthme. par voie orale
Stade Symptômes Traitement
1 < 1 crise/semaine une BPCO sévère avec des exacerbations répétées
Asthme intermittent < 2 épisodes malgré un traitement bronchodilatateur continu.
nocturnes/mois
Fonction Si un traitement par voie orale est indiqué, il ne
respiratoire normale dépassera pas trois semaines (tableau 20.4).
entre les crises
2 > 1 crise/semaine Glucocorticoïde
Asthme persistant < 1 crise/jour inhalé à dose faible Caractéristiques
léger > 2 épisodes
nocturnes/mois pharmacocinétiques
Activité physique et
sommeil peuvent Les traitements par voie orale étant exceptionnels,
être perturbés
seuls les paramètres pharmacocinétiques des glu-
3 ≥ 1 crise/jour Glucocorticoïde
Asthme persistant > 1 épisode inhalé à dose faible
cocorticoïdes administrés par voie inhalée sont
modéré nocturne/semaine ou moyenne détaillés ici (tableau 20.5).
Activité physique Afin de mieux comprendre ces paramètres, la
et sommeil distribution des glucocorticoïdes par voie inhalée
fréquemment
perturbés
en solution ou en suspension est représentée dans
la figure 20.4.
4 Symptômes Glucocorticoïde
Asthme persistant permanents ou inhalé à dose forte
Ainsi, après inhalation, une partie de la dose
sévère fréquents et, si nécessaire, atteint les bronches et exerce un effet local, et
Activité physique par voie orale à la l'autre partie est avalée et entre dans le système
fortement limitée dose la plus faible digestif. L'effet pharmacologique de cette partie
170 Les médicaments antiasthmatiques
est négligeable par rapport à l'effet local et peut libre — qui est la fraction active — s'en trouve
être la cause d'effets indésirables. donc diminuée, ce qui tend à limiter les effets indé-
Dans les deux cas, les glucocorticoïdes peuvent sirables. La lipophilie augmente également le
atteindre la circulation générale et être métaboli- temps de rétention des molécules au niveau des
sés au niveau hépatique. poumons, favorisant ainsi leur effet au niveau local.
La faible biodisponibilité orale est recherchée La durée des effets des glucocorticoïdes est diffi-
puisqu'elle limite le passage systémique de la frac- cilement appréciable, ceci étant dû à leur méca-
tion avalée, limitant ainsi les effets indésirables. nisme d'action. En effet, les glucocorticoïdes
De plus, la lipophilie des molécules augmente agissent à travers l'activation et la répression de
leur fraction liée, c'est-à-dire le pourcentage de gènes cibles. Leur effet anti-inflammatoire est donc
liaison aux protéines plasmatiques. Leur fraction observé 12 à 24 heures après leur administration.
Chapitre 20. Antiasthmatiques : glucocorticoïdes inhalés 171
Le métabolisme des glucocorticoïdes est hépa- De plus, le traitement de fond par glucocorti-
tique, essentiellement par les cytochromes P450 coïde induit une augmentation de la proportion
(en particulier CYP3A4) et leur élimination est des récepteurs GRβ par rapport aux GRα.
effectuée sous forme inchangée dans les fèces (pour Une résistance plus importante est constatée chez
la fraction avalée ayant une faible biodisponibilité) les sujets atteints de BPCO par rapport aux sujets
ou dans la bile ou les urines pour les métabolites. asthmatiques. En effet, le stress oxydant généré lors
Le ciclésonide possède quant à lui un métabo- de la BPCO diminue l'activité des glucocorticoïdes
lisme particulier. En effet, cette molécule est une à travers une diminution de leur capacité à activer les
prodrogue qui est métabolisée par les estérases facteurs de transcription. Ce stress oxydant favorise
pulmonaires en des-ciclésonide qui est le métabo- également la phosphorylation du GR.
lite actif (figure 20.5).
Cette biotransformation permet de concentrer
la forme active au niveau local, de limiter les effets Variabilité de la réponse
indésirables et d'assurer un effet anti-inflamma-
toire pendant une durée de 24 heures. Une seule
administration par jour est donc suffisante pour Les mécanismes de l'inflammation des voies res-
maintenir un effet anti-inflammatoire. piratoires dans la BPCO diffèrent de ceux de
l'asthme. En effet, dans la BPCO, la réponse
inflammatoire implique essentiellement les lym-
phocytes T CD8+ et les neutrophiles, tandis que
Résistance au traitement dans l'asthme elle implique en majeure partie les
lymphocytes T CD4+ et les éosinophiles. Or, l'ef-
Une résistance au traitement par glucocorticoïdes fet anti-inflammatoire des glucocorticoïdes sur les
peut apparaître chez certains sujets. Plusieurs lymphocytes T CD8+ et les neutrophiles est moins
mécanismes pourraient expliquer cette résistance important par rapport aux lymphocytes T CD4+
au traitement. et aux éosinophiles. Ceci pourrait expliquer la
Tout d'abord, des facteurs génétiques peuvent être meilleure efficacité des glucocorticoïdes dans le
incriminés puisqu'il a été constaté une forme hérédi- traitement de fond de l'asthme — ce qui fait
taire de résistance dans des familles asthmatiques. d'eux le traitement de choix — par rapport à la
Également, le traitement au long cours par gluco- BPCO.
corticoïdes peut, chez certains sujets, induire une De plus, la faible efficacité des glucocorticoïdes
diminution du nombre de récepteurs aux glucocorti- dans la BPCO pourrait être expliquée par une
coïdes, une diminution de leur affinité ainsi que de résistance plus importante dans cette pathologie
leur phosphorylation, réduisant ainsi leurs fonctions. (cf. supra).
Les IgE sont donc caractéristiques de la réaction l'aminophylline a pu être administrée par voie
inflammatoire d'origine allergique. intraveineuse, en perfusion, pour le traitement de
L'omalizumab, par neutralisation des IgE, dimi- l'asthme aigu grave. La pharmacocinétique des
nue la réaction inflammatoire d'origine allergique. xanthines est très variable suivant les individus. De
plus, des formes à libération prolongée existent,
compliquant davantage les estimations pharmaco-
Traitement cinétiques de cette famille.
L'omalizumab est administré en sous-cutané, à
Ces principes actifs sont indiqués dans le traite- raison d'une à deux injections par mois.
ment de fond de certaines formes d'asthme ou
dans la BPCO. Ils ne doivent pas se substituer aux
bronchodilatateurs de courte durée indiqués dans
le traitement de la crise d'asthme ou des exacerba- Variabilité de la réponse
tions (tableau 21.2).
Le temps de demi-vie des xanthines est très
variable, notamment en fonction de l'âge. En
Pharmacocinétique effet, il varie de 3 à 5 heures chez l'enfant, alors
qu'il peut atteindre 7 à 9 heures chez l'adulte. La
Les xanthines et le montélukast sont administrés forme à libération prolongée permet de s'affran-
par voie orale (tableau 21.3). Parmi les xanthines, chir de cette variation.
De plus, le temps de demi-vie plasmatique des
xanthines est augmenté chez des patients en insuf-
Tableau 21.2. Indication des différentes molécules. fisance hépatique, obèses, fiévreux ou ayant pris
Principe actif Indication de l'alcool, et est diminué chez le fumeur. Les
Théophylline Traitement additif de l'asthme xanthines sont principalement métabolisées par le
Bamiphylline persistant et de la BPCO CYP1A2. Or, il a été mis en évidence de nom-
Aminophylline breux polymorphismes de cette enzyme en fonc-
Montélukast Prévention de l'asthme d'effort tion des origines ethniques. Une attention particulière
Traitement additif dans le cas devra donc être portée en début de traitement.
d'asthme léger à modéré
insuffisamment contrôlé par Il en est de même pour le montélukast, puisque
glucocorticoïdes inhalés et des polymorphismes des gènes codant le CYP3A4,
bronchodilatateurs la LOX-5 et les récepteurs cysLT ont été identi-
Dès 6 mois fiés. Cependant, le retentissement clinique de ces
Omalizumab À partir de 6 ans dans le traitement de variabilités est très faible.
l'asthme allergique sévère dépendant
aux IgE
Tableau 21.4. Principaux effets indésirables. À ce jour, hormis l'allergie à l'un des consti-
tuants, aucune autre contre-indication n'a été rap-
Principe actif Effets indésirables
portée pour le montélukast et l'omalizumab.
Xanthines Tachycardie, arythmie, excitation,
insomnie, majoration du reflux gastro-
intestinal, relaxation des muscles lisses
(syndrome occlusif, augmentation de
la diurèse…)
Effets indésirables
Montélukast Infection des voies aériennes
supérieures, insomnie, irritabilité, Les principaux effets indésirables sont indiqués
anxiété, augmentation des dans le tableau 21.4.
transaminases (ALAT et ASAT), réaction
allergique, rash cutané
Omalizumab Fièvre, syndrome grippal, réaction
allergique, augmentation du risque Interactions
d'infection helminthique chez les
personnes exposées, réactions au point
médicamenteuses
d'injection (rougeur, douleur, prurit)
Les xanthines et le montélukast sont métabolisés
par les cytochromes P450. Ainsi, les inducteurs
enzymatiques tels que le millepertuis, la phény-
Contre-indications toïne, la rifampicine et le phénobarbital diminuent
leur efficacité. Également, les inhibiteurs enzyma-
Les xanthines sont contre-indiquées chez l'en- tiques tels que l'érythromycine, la cimétidine, la
fant de moins de trente mois, chez des patients ciprofloxacine et la ticlopidine réduisent leur méta-
atteints de porphyrie et en association avec bolisme, augmentant ainsi leur concentration plas-
l'énoxacine. matique et exposant à un risque de surdosage.
Chapitre 22
Médicaments antidiabétiques
Rédacteurs : C. Barau1, S. Pons1, B. Ghaleh1 Relecteur : C. Atkinson2
Faculté de médecine de Créteil, 2Faculté de médecine de Nancy
1
+
Utilisation
glucose Sulfamides hypoglycémiants
Tissus périphériques DPP-4
+
(sulfonylurées)
(muscles, adipocytes)
–
GLP-1 GLP-1 Les sulfamides hypoglycémiants stimulent la sécré-
tion d'insuline par les cellules β pancréatiques en les
Figure 22.1. Régulation de la glycémie.
GLP-1, Glucagon-Like Peptide 1 ; sensibilisant à l'action du glucose. Ils se fixent sur la
DPP-4, Dipeptyl-Peptidase 4. protéine SUR (Sulfonylurea Receptor) des canaux
Chapitre 22. Médicaments antidiabétiques 181
INTESTIN
Sulfamides
Polysaccharides Néoglucogenèse hypoglycémiants
Disaccharides Glycogénolyse Répaglinide
Metformine
–
α-glucosidases – Production - Insuline
Inhibiteurs des
glucose +
a-glucosidases
Glucose +
Monosaccharides
sanguin Cellules b
Metformine
+ +
Utilisation Agonistes
+ glucose récepteurs
Inhibiteurs
de DPP-4
GLP-1
+
Tissus périphériques
(muscles, adipocytes)
– DPP-4
–
GLP-1 GLP-1
pas métabolisé et est éliminé sous forme inchan- ments antidiabétiques, ainsi que lors d'une
gée par voie rénale. co-prescription avec d'autres classes pharmacolo-
giques ayant un impact sur leur métabolisme ou
leur fixation protéique (tableau 22.3).
Sources de variabilité
de la réponse
Effets indésirables
L'utilisation de l'ensemble de ces substances doit
tenir compte d'un certain nombre d'interactions Les principaux effets indésirables rencontrés avec
médicamenteuses lors d'association de médica- l'utilisation des antidiabétiques sont résumés dans
une acidose lactique qui représente une situation Surveillance des effets
d'urgence médicale. Le traitement le plus efficace
pour éliminer le lactate et la metformine est
L'hémoglobine glyquée (HbA1c) est le meilleur
l'hémodialyse.
indice de surveillance du diabète et de l'efficacité
des traitements antidiabétiques. Elle permet de
juger de l'équilibre glycémique au cours des
Contre-indications 120 jours précédant le dosage sanguin. Pour la
plupart des patients diabétiques de type 2, le
Contre-indications communes dosage doit être réalisé quatre fois par an et une
à tous les médicaments antidiabétiques cible d'HbA1c inférieure ou égale à 7 % est recom-
• Grossesse et allaitement en l'absence de don- mandée. Le traitement médicamenteux doit être
nées chez la femme enceinte et sur le passage instauré ou réévalué si l'HbA1c est supérieure à
dans le lait maternel. 7 %. Lors de l'introduction d'un médicament sus-
• Diabète de type 1, coma diabétique, acidocétose. ceptible d'induire des hypoglycémies, il est impor-
tant d'apprendre au patient à prévenir, identifier
Contre-indications spécifiques et prendre en charge une hypoglycémie. Même si
• Insuffisance rénale sévère pour la metformine, l'autosurveillance glycémique est plutôt recom-
les inhibiteurs des α-glucosidases et les sulfa- mandée chez les patients diabétiques de type 2
mides hypoglycémiants. traités par insuline afin d'adapter les doses et de
• Affections entraînant une hypoxie tissulaire prévenir les hypoglycémies, elle peut être utile
(insuffisance cardiaque, infarctus du myo- chez des patients traités par les sulfamides hypo-
carde…), insuffisance hépatique sévère et alcoo- glycémiants ou les glinides. L'autosurveillance
lisme pour la metformine. glycémique peut permettre chez ces patients de
• Insuffisance hépatique sévère pour le répagli- prévenir et de détecter d'éventuelles hypoglycé-
nide et les sulfamides hypoglycémiants. mies. La réalisation systématique de l'autosurveil-
• Maladie chronique associant des troubles de la lance glycémique chez des patients traités par des
digestion et maladies inflammatoires chroniques antidiabétiques ne provoquant pas d'hypoglycé-
intestinales pour les inhibiteurs des α-glucosidases. mies n'est pas recommandée.
Chapitre 23
Médicaments hypolipémiants
Rédacteurs : C. Barau1, S. Pons1, B. Ghaleh1 Relecteur : F. Gueyffier2
Faculté de médecine de Créteil, 2Faculté de médecine de Lyon-Est
1
17 % 6% 5%
20 % 21 %
8% 25 % 20 %
40 %
Rappels
10 %
90 % 55 % 20 %
20 %
53 % 50 %
30 %
et leur transport Triglycérides
Cholestérol
Protéines
Phospholipides
Les lipides jouant un rôle important dans l’orga- Figure 23.1. Composition des lipoprotéines.
nisme sont les acides gras, les triglycérides, les HDL, High Density Lipoproteins, lipoprotéines de haute
phospholipides et les stérols. Parmi les stérols, le densité ; IDL, Intermediary Density Lipoproteins,
lipoprotéines de densité intermédiaire ; LDL, Low Density
cholestérol est le précurseur des hormones stéroï- Lipoproteins, lipoprotéines de faible densité ;
diennes et des acides biliaires et c’est aussi un LPL, lipoprotéine lipase ; VLDL, Very Low Density
constituant essentiel des membranes cellulaires. Lipoproteins, lipoprotéines de très faible densité.
Cholestérol
HDL
alimentaire
Cholestérol
Acides Acides HMG-CoA Tissus
biliaires biliaires réductase HMG extra-
hépatiques
Cholestérol
LDL
LCAT
Excrétion
LPL Résidus de LPL
Chylomicrons VLDL IDL
chylomicrons
cholestérol qui en résultent apportent le cholesté- téines de haute densité) sous l’action de la
rol au foie par l’intermédiaire des récepteurs des lécithine-cholestérol acyl-transférase (LCAT).
résidus de chylomicrons. Les IDL perdent encore plus de triglycérides et
deviennent alors des LDL (Low Density
Voie endogène Lipoproteins, lipoprotéines de faible densité) qui
approvisionnent les tissus en cholestérol. Les
Le cholestérol peut également être synthétisé dans
LDL sont catabolisées dans les hépatocytes et
le foie à partir de molécules d’acétate. La deu-
d’autres cellules suite à une endocytose dépen-
xième étape de cette synthèse implique une
dant du récepteur aux LDL.
enzyme, l’hydroxy-méthyl-glutaryl-coenzyme A
réductase (HMG-CoA réductase), qui catalyse la
réduction de l’hydroxy-méthyl-glutarate (HMG) Les dyslipidémies
en acide mévalonique en présence de coenzyme A
(CoA). Une partie du cholestérol hépatique formé Les dyslipidémies regroupent l’ensemble des
est dégradée dans le foie en acides biliaires par la troubles du métabolisme des lipides. Une classifi-
7α-hydroxylase, l’autre partie étant incorporée cation des dyslipidémies en six classes a été propo-
dans les VLDL (Very Low Density Lipoproteins, sée par Frederickson (tableau 23.1).
lipoprotéines de très faible densité). Les VLDL Les types I, IV, V se réfèrent à des hypertrigly-
sécrétées par le foie transportent des triglycérides céridémies, les types IIb et III étant des hyperlipi-
et du cholestérol vers les tissus extra-hépatiques. démies mixtes et le type IIa correspond à une
Après avoir perdu une bonne partie des trigly- hypercholestérolémie pure.
cérides sous l’action de la lipoprotéine lipase Les dyslipidémies de type IIa, IIb et III consti-
(LPL), les VLDL deviennent des IDL tuent une cause majeure d’athérosclérose, qui est
(Intermediary Density Lipoproteins, lipoprotéines le lit de maladies ischémiques. En effet, les VLDL,
de densité intermédiaire). Ces dernières se les IDL et les LDL sont considérées comme des
chargent en esters de cholestérol transférés à par- lipoprotéines athérogènes car elles jouent un rôle
tir des HDL (High Density Lipoproteins, lipopro- important dans l’évolution de l’athérosclérose. La
Chapitre 23. Médicaments hypolipémiants 191
Fibrates,
+ acide nicotinique
Cholestérol
alimentaire HDL
Ézétimibe Statines
Cholestérol Tissus
Acides Acides HMG-CoA
réductase HMG extra-
biliaires biliaires
hépatiques
Cholestyramine
+
+
Cholestérol
LDL +
+
Statines, ézétimibe, Statines, LCAT
cholestyramine cholestyramine
Excrétion
LPL Résidus de LPL
Chylomicrons VLDL IDL
chylomicrons
+ Fibrates + Fibrates
bénéfice (proportionnel au risque) permet de La plupart d’entre elles sont fortement liées aux
justifier le risque plus élevé d’effets protéines plasmatiques ; leur métabolisme est
secondaires ; essentiellement hépatique et leur élimination s’ef-
• l’association d’un hypolipémiant (acide nicoti- fectue principalement par voie biliaire. En ce qui
nique, fibrate, ézétimibe) à une statine réduit concerne les fibrates, ils sont caractérisés par une
mieux la cholestérolémie, mais ne se traduit pas bonne résorption digestive, une liaison impor-
de façon significative par une réduction de mor- tante aux protéines plasmatiques, un métabolisme
talité ou du risque d’accident cardiovasculaire ; par glucuronoconjugaison et une élimination
• les statines majorent le risque d’apparition d’un rénale.
diabète (10 à 20 % après cinq ans).
Sources de variabilité
Principales caractéristiques de la réponse
pharmacocinétiques
L’utilisation de l’ensemble de ces substances doit
Les principales caractéristiques pharmacociné- tenir compte d’un risque important d’interactions
tiques des médicaments hypolipémiants sont résu- médicamenteuses. Celles-ci se produisent lors
mées dans le tableau 23.3. Les statines sont d’association d’hypolipémiants entre eux
résorbées rapidement après leur administration (tableau 23.4) ainsi que lors d’une co-prescription
mais elles présentent, à l’exception de la fluvasta- avec d’autres classes pharmacologiques, notam-
tine, une faible biodisponibilité par voie orale, due ment avec des inducteurs ou des inhibiteurs de
à un fort effet de premier passage hépatique. cytochromes P450 (tableau 23.5).
par une statine ou un fibrate. Si les symptômes Dans le cas d’un traitement prolongé avec des
disparaissent et que la concentration de créatine fortes doses de cholestyramine, une supplémenta-
kinase s’est normalisée, il est possible d’envisager tion en vitamines liposolubles (A, D, E et K) peut
la réintroduction du traitement hypolipémiant à s’avérer nécessaire.
la dose la plus faible et sous surveillance étroite.
Chapitre 24
Pharmacogénétique et pathologie
cardiovasculaire
Rédacteur : F. Lamoureux1 Relecteur : N. Picard2
1
Pharmacologie, CHU de Rouen, 2Pharmacologie, CHU de Limoges
• protéines cibles ou effectrices de l'action, théra- séquences sujettes à des variations ne représentent
peutique ou toxique, du médicament : récep- donc que moins de 0,5 % du génome et il est
teurs, protéines impliquées dans la transduction remarquable de constater que le matériel génétique
du signal, etc. de deux individus est comparable à plus de 99,9 %.
Dans une population, les gènes codant des pro- Dans la majorité des cas, les polymorphismes
téines impliquées dans la pharmacocinétique et/ou génétiques sont sans conséquence fonctionnelle
la pharmacodynamie sont naturellement suscep- (pas d'effet sur l'expression et/ou l'activité d'une
tibles de présenter des variations qui correspondent protéine) du fait de la redondance du code géné-
à des anomalies de la séquence génétique. Les tique (existence de plusieurs codons pour un
variations les plus fréquentes sont ponctuelles et même acide aminé) : on parle alors de variations
correspondent à la substitution d'un nucléotide par « synonymes » ou « silencieuses ». Une variation
un autre dans la séquence d'ADN (ou SNP, Single génétique peut cependant être délétère pour le
Nucleotide Polymorphism, figure 24.1). Dans cer- fonctionnement du produit du gène, quelle que
tains cas, il peut également s'agir de délétions ou soit sa localisation sur la séquence d'un gène
d'insertions d'un à plusieurs nucléotides ou encore (promoteur, introns, exons), en particulier :
de duplications voire d'amplification génique. • les variations anti-sens ou faux sens : modifica-
Lorsqu'elles sont fréquentes (plus de 1 % des indi- tion de la séquence génétique à l'origine d'une
vidus d'une population), les variations sont à l'ori- altération de la structure et/ou de l'activité
gine du polymorphisme génétique qui désigne la protéique ;
coexistence de plusieurs allèles pour un gène ou • les variations non-sens : modification de la
locus dans une population. Ces variations sont lar- séquence génétique avec apparition d'un codon
gement répandues dans l'ensemble du génome où stop ou modification des sites d'épissage, condui-
l'on retrouve un polymorphisme génétique toutes sant à la traduction d'une protéine tronquée,
les 100 à 1 000 paires de bases en moyenne. Les d'activité potentiellement diminuée ou abolie.
Si une variation délétère est présente à l'état
homozygote (présence de l'allèle muté sur chaque
chromosome, maternel et paternel), l'effet de cette
mutation sur l'activité enzymatique est maximal —
par exemple, phénotype métaboliseur « lent ». En
revanche, dans le cas d'un patient hétérozygote,
même si un allèle est inactif, le second peut être
Allèle 1 fonctionnel et suffire à conserver un phénotype
Allèle2 normal à intermédiaire (figure 24.1).
2 allèles 1 allèle fonctionnel 2 allèles Duplication/Amplification:
Les premiers exemples cliniques relevant de la
Génotype
délétères et 1 allèle délétère fonctionnels ≥ 3 allèles fonctionnels
pharmacogénétique remontent au milieu du xixe
Protéine:
Conséquences
Activité
et/ou
Activité
et/ou
Activité
et/ou expression
Activité
et/ou expression
siècle : anémies hémolytiques mortelles décrites
chez des patients traités par antipaludéens et défici-
expression expression
fonctionnelles normale(s) augmentée(s)
réduite ou nulle réduite ou nulle
Figure 24.1. Des variations génétiques aux connaissances sur le génome ont été considérable-
modifications du phénotype. ment développées : séquençage complet du génome
Dans cet exemple, la variation correspond à la substitution humain et apparition d'outils de détection des poly-
d'un nucléotide C (allèle sauvage) par un nucléotide T
morphismes génétiques. Les exemples d'applica-
(allèle muté et délétère) dans la séquence d'un gène
codant une enzyme impliquée dans le métabolisme de tions cliniques de la pharmacogénétique se sont
médicaments. ainsi multipliés au cours des dernières années.
Chapitre 24. Pharmacogénétique et pathologie cardiovasculaire 201
Lorsque ces applications font l'objet de recomman- La vitamine K époxyde réductase sous-unité C1
dations validées (instances sanitaires, sociétés (VKORC1) est une enzyme clé du cycle de la vita-
savantes, études cliniques…), elles apportent des mine K principalement exprimée au niveau du
perspectives de médecine personnalisée en fonction réticulum endoplasmique des hépatocytes. Elle
des caractéristiques génétiques du patient dans de constitue la cible pharmacologique des AVK dont
nombreux domaines : pathologie cardiovasculaire, l'action inhibitrice bloque l'activation des facteurs
mais également oncologie, immunologie, trans- de coagulation « vitamine K-dépendants » (fac-
plantation, thérapies anti-infectieuses. teurs II, VII, IX et X). Le gène VKORC1 qui
code cette protéine est localisé sur le chromosome
16 et comprend trois exons. Plusieurs dizaines de
Pharmacogénétique et polymorphismes génétiques, associés ou non à un
pathologie cardiovasculaire : retentissement clinique, ont été décrits pour ce
tests actuellement proposés gène. Un polymorphisme fréquent (noté c.-
1639G > A ou rs9934438) correspond à la subs-
titution d'une guanine par une adénine dans la
La pharmacogénétique permet aujourd'hui d'expli-
région promotrice du gène (partie 5' non codante
quer en partie la variabilité interindividuelle de
et régulatrice du gène) et est associé à un risque
réponse à certains médicaments utilisés dans le trai-
hémorragique accru chez les patients traités par
tement de pathologies cardiovasculaires. Pour cer-
AVK. La fréquence de ce variant allélique est
tains traitements, les tests génétiques sont prédictifs
variable selon les origines ethniques : 42 % en
de l'efficacité thérapeutique ; pour d'autres, ils sont
population caucasienne (environ 50 % de patients
utilisables à visée explicative ou prédictive d'un
hétérozygotes GA et 18 % de porteurs homo-
risque de toxicité. Les applications de routine
zygotes AA) et 15 % en population africaine. La
restent toutefois limitées dans ce domaine et
conséquence fonctionnelle de ce polymorphisme
concernent principalement les anticoagulants oraux,
est une diminution de l'activité transcriptionnelle
les antivitamines K, certains antiagrégants plaquet-
du promoteur, associée à une diminution d'ex-
taires, les hypocholestérolémiants de la famille des
pression de VKORC1 de l'ordre de 40 %. En
statines et certains antiarythmiques (tableau 24.1).
conséquence, chez les sujets porteurs du variant
c.-1639A, à l'état hétérozygote ou homozygote,
Pharmacogénétique l'enzyme VKORC1 est moins exprimée et une
des anticoagulants posologie standard est associée à un risque accru
oraux antivitamine K d'hémorragie par surexposition au traitement. Il
est donc recommandé chez ces patients d'intro-
Les médicaments antivitamine K (AVK : fluin- duire le traitement par AVK à une posologie
dione, warfarine, acénocoumarol) sont caractérisés réduite de 25 à 50 % (tableau 24.1).
par une variabilité interindividuelle de réponse Dans des cas plus rares, des mutations ponc-
importante, associée chez certains patients à un tuelles sont à l'origine d'une résistance aux AVK.
risque hémorragique par surexposition ou à une Une vingtaine de mutations, situées dans les exons
résistance au traitement. Les AVK sont difficiles à du gène VKORC1 et associées à une diminution
manier à cause de leur marge thérapeutique étroite de sensibilité de la cible, ont ainsi été décrites chez
et à cause de l'importante variabilité inter- et intra- des patients nécessitant des doses particulièrement
individuelle de la réponse, évaluée par l'INR. On élevées d'AVK.
estime ainsi que la dose d'AVK à l'équilibre peut Le cytochrome P450 2C9, codé par le gène
varier d'un facteur 20 d'un individu à l'autre. Cette CYP2C9 sur le chromosome 10, est impliqué dans
variabilité est en grande partie déterminée par le métabolisme hépatique des AVK (warfarine et
deux gènes codant des protéines impliquées res- acénocoumarol essentiellement). Des facteurs géné-
pectivement dans la pharmacodynamie et la phar- tiques sont à l'origine de variations interindivi-
macocinétique des AVK : VKORC1 et CYP2C9. duelles importantes dans l'activité de ce cytochrome.
202 Nouvelles approches pharmacologiques
Tableau 24.1. Exemples de tests pharmacogénétiques proposés pour des médicaments à visée cardiovasculaire.
Gène biomarqueur Phénotype Conséquences Attitude thérapeutique
associé à l'allèle cliniques pouvant être proposée en
Fréquence délétère potentielles fonction du génotype ou du
Traitement Nom Polymorphisme allélique phénotype
Anticoagulants oraux AVK
Warfarine VKORC1 rs8824438 47 % Diminution Augmentation – Génotype GG : posologie
Fluindione c.-1639G > A d'expression de du risque standard
Acénocoumarol la cible VKORC1 hémorragique – Génotype GA : réduction de
l'ordre de 25 %
– Génotype AA : réduction de
l'ordre de 50 %, associé à un
suivi accru de l'INR
Hypocholestérolémiants
Statines SLCO1B1 SLCO1B1*5 15–20 % Diminution Augmentation – Génotype TT : posologie
(simvastatine) rs4149056 d'activité du du risque standard (mais < 80 mg/j sauf
c521T > C transporteur de toxicité tolérance depuis 1 an)
OATP1B1 musculaire – Génotypes TC et CC :
posologie réduite à 40 et
20 mg/j max de simvastatine
respectivement ou proposer un
traitement alternatif
Associer à un suivi accru des
CPK
Éviter l'association aux
médicaments susceptibles
de majorer l'exposition à la
simvastatine : amiodarone,
vérapamil, diltiazem,
amlodipine, ciclosporine
Chapitre 24. Pharmacogénétique et pathologie cardiovasculaire 203
Antiarythmiques
Flécaïnide CYP2D6 1) Nombreux 1) Activité 1) Perte ou 1) Augmentation – ML : réduction de posologie
Métoprolol allèles délétères, nulle : diminution du risque de 50 % à 70 % associée à un
Propafénone dont : jusqu'à d'activité CYP2D6 toxique par monitoring ECG renforcé ou
– CYP2D6*3 à 6 30 % (selon allèles) (MI surexposition au proposer un traitement alternatif
(activité nulle) Activité et ML) traitement non substrat du CYP2D6
– CYP2D6*10 et réduite : – MI (hétérozygotes) : réduction
41 (activité jusqu'à possible de posologie de 25 % à
réduite) 20 % 50 % associée à un monitoring
ECG renforcé ou proposer un
traitement alternatif non
2) Duplication 2) Activité 2) Augmentation 2) Diminution de
substrat du CYP2D6
ou amplification augmentée : de l'expression l'efficacité par
– MUR : augmentation de
allélique : jusqu'à du CYP2D6, selon sous-exposition
posologie sur la base des
CYP2D6xN (1 à 10 % nombre de copies au traitement
concentrations plasmatiques ou
13 copies) (MUR)
proposer un traitement alternatif
non substrat du CYP2D6
Dans la population caucasienne, deux principaux du médicament est susceptible de modifier la straté-
variants génétiques sont associés à un déficit d'acti- gie de suivi de l'INR. À titre indicatif, l'état d'équi-
vité du CYP2C9 : les allèles CYP2C9*2 ou libre des concentrations de warfarine (et donc de
c.430C > T et CYP2C9*3 ou c.1075A > C (l'allèle l'INR) est atteint en quatre à cinq jours pour les
CYP2C9*1 correspondant à la forme sauvage et métaboliseurs conventionnels, alors qu'il faudra
active du gène). Ces polymorphismes fréquents attendre huit à dix jours pour les métaboliseurs
(fréquence allélique de l'ordre de 10 %) définissent intermédiaires et deux à quatre semaines pour les
des individus métaboliseurs lents (génotype asso- métaboliseurs lents.
ciant au moins deux des allèles mutés, soit environ En pratique clinique, le génotypage VKORC1/
1 % des individus) et des métaboliseurs intermé- CYP2C9 est indiqué :
diaires (génotype hétérozygote pour un de ces • avant initiation d'un traitement par AVK, à visée
allèles, soit environ 18 % des individus). Ainsi, près prédictive d'un risque hémorragique ;
de 20 % des individus caucasiens sont porteurs d'au • après initiation d'un traitement par AVK, à visée
moins un allèle muté, associé à une altération du explicative d'un accident hémorragique ou de
métabolisme des AVK. Il existe une corrélation difficultés à stabiliser l'INR ;
entre la présence d'allèle(s) muté(s) de CYP2C9 et • pour explorer une résistance au traitement AVK
le risque hémorragique sous warfarine et acénocou- qui se traduit par une posologie anormalement
marol : les patients présentant un génotype muté élevée : dans ce cas, un séquençage des exons du
présentent un risque plus élevé de surdosage à l'ini- gène VKORC1 est généralement réalisé après
tiation du traitement et nécessitent des doses avoir exclu un problème d'observance ou
moyennes à l'équilibre plus faibles par rapport aux d'interaction.
individus de génotype sauvage. La réduction de Il est généralement préférable de combiner les
posologie nécessaire chez les hétérozygotes est de génotypages VKORC1/CYP2C9 avec des don-
l'ordre de 20 à 40 % de la dose standard et peut nées clinico-biologiques et environnementales
atteindre 90 % chez les patients porteurs de deux pour une meilleure prédiction de la posologie à
allèles mutés. Par ailleurs, l'allongement de demi-vie l'état d'équilibre (effet cumulatif des génotypes,
204 Nouvelles approches pharmacologiques
Tableau 24.2. Posologie journalière indicative de warfarine (en mg) en fonction des génotypes de CYP2C9 et VKORC1
Génotype CYP2C9
*1/*1 *1/*2 *1/*3 *2/*2 *2/*3 *3/*3
GG 5–7 5–7 3–4 3–4 3–4 0,5–2
Génotype
VKORC1
accru d'échec thérapeutique : mauvaise réponse Figure 24.2. Arbre décisionnel suggérant la conduite à
ou absence de réponse au clopidogrel. La FDA tenir en fonction du génotype CYP2C19 lors de
(Food and Drug Administration, États-Unis) l'instauration d'un traitement par clopidogrel.
Chapitre 24. Pharmacogénétique et pathologie cardiovasculaire 205
soit commune à l'ensemble des statines, son Réduction de posologie Alternative thérapeutique
cours de la première année (et d'une manière fication génique pouvant comprendre N copies
générale d'un traitement par statine à dose CYP2D6 fonctionnelles : deux à treize copies).
maximale en cas de doute sur la tolérance) ; D'autre part, l'analyse du gène consiste à recher-
• dans le cas de la simvastatine, de réduire la poso- cher les quatre principaux allèles délétères, de
logie à 40 mg par jour maximum chez les patients manière à identifier plus de 90 % des métaboli-
hétérozygotes SLCO1B1*1/*5 (génotype CT) seurs lents :
et à 20 mg par jour maximum chez les patients • les allèles CYP2D6*3 et *6 correspondent res-
homozygotes SLCO1B1*5/*5 (génotype CC) ; pectivement à la délétion d'une base adénine et
dans ces conditions, en cas d'échec thérapeu- thymine sur le gène, à l'origine d'un décalage
tique ou de toxicité, un traitement alternatif doit du cadre de lecture au cours de la transcription,
être envisagé ; aboutissant à une protéine non fonctionnelle
• dans tous les cas, chez les patients porteurs du (fréquence allélique de 1 à 2 %) ;
rs4149056, d'utiliser la dose minimale de sta- • l'allèle CYP2D6*4, impliquant la substitution
tine recommandée, associée à une surveillance d'une guanine par une adénine, est associé à un
étroite des CPK, et d'éviter l'association d'une défaut d'épissage et une absence d'activité enzy-
statine à des médicaments inhibiteurs de matique (fréquence allélique proche de 25 %
OATP1B1 (susceptibles de majorer l'exposition chez les Occidentaux) ;
aux statines, tableau 24.1). • l'allèle CYP2D6*5 correspond à la délétion du
Il convient enfin d'informer le patient sur la gène (absence d'expression enzymatique, fré-
toxicité potentielle du traitement et d'arrêter le quence de 3 à 5 %).
traitement en cas de douleurs musculaires. La recherche d'autres SNP anti-sens ou associés
à un défaut d'épissage aboutissant à une réduction
de l'activité enzymatique (CYP2D6*10, *17 ou
Pharmacogénétique *41) peut également s'avérer utile pour l'identifi-
des antiarythmiques cation de phénotypes métaboliseurs intermé-
diaires à lents. Les métaboliseurs lents
Dans le domaine des traitements antiaryth- correspondent aux homozygotes et doubles hété-
miques, peu de tests pharmacogénétiques sont rozygotes pour ces allèles, soit environ 10 % des
actuellement proposés en pratique clinique. patients dans les populations occidentales.
Cependant, de nombreux travaux de recherche En pratique clinique, le génotypage de CYP2D6
s'intéressent à la variabilité de réponse interindi- reste exceptionnel pour les traitements à visée car-
viduelle de ces traitements, qui sont souvent diovasculaire, mais pourrait présenter un intérêt à
caractérisés par un index thérapeutique étroit l'instauration de certains traitements antiaryth-
(risque d'échec thérapeutique ou de surdosage). miques ou à visée explicative d'une toxicité ou
Le cytochrome P450 2D6 (CYP2D6) est une d'un échec thérapeutique. Afin d'éviter la surve-
enzyme hépatique impliquée dans le métabo- nue de troubles du rythme chez des patients pré-
lisme de certains médicaments, en particulier des sentant une altération de l'activité CYP2D6, des
antiarythmiques pour lesquels des recommanda- études cliniques préconisent une réduction de
tions ont été proposées à partir de travaux de posologie pour les antiarythmiques métoprolol,
recherche clinique : β-bloquants, flécaïnide et flécaïnide et propafénone de l'ordre de 50 à 75 %
propafénone (tableau 24.1). chez les patients identifiés métaboliseurs lents
Avec plus d'une centaine d'allèles décrits, le (ML) et de 25 % chez les métaboliseurs intermé-
gène CYP2D6 est caractérisé par un polymor- diaire (MI), associée à un monitoring ECG rap-
phisme important qui conditionne l'activité de proché et, dans la mesure du possible, à un suivi
cette protéine. Dans la population caucasienne, 1 des concentrations plasmatiques pour ajuster la
à 5 % des individus sont porteurs de copies surnu- dose (tableau 24.1). Chez les métaboliseurs ultra-
méraires du gène à l'origine d'un métabolisme rapides (MUR), le retentissement clinique du
« ultrarapide » : allèle noté CYP2D6*1XN (ampli- polymorphisme génétique sur l'efficacité théra-
Chapitre 24. Pharmacogénétique et pathologie cardiovasculaire 207
peutique n'a pas été clairement démontré. En Tableau 24.3. Liste non exhaustive d'applications
potentielles des tests pharmacogénétiques pour des
l'état actuel des connaissances, il n'est pas recom-
médicaments à visée cardiovasculaire.
mandé chez ces patients d'augmenter la posologie
de manière systématique. Dans tous les cas, chez Traitement Gène(s) d'intérêt Conséquence(s)
potentiel(s) potentielle(s) de la
les patients présentant une modification du méta- (des) mutation(s)
bolisme par le CYP2D6, la possibilité d'un traite-
Acide PEAR-1 Résistance au
ment alternatif non substrat du CYP2D6 est à acétylsalicylique ITGB3 traitement (?)
considérer (sotalol, disopyramide, quinidine,
β-bloquants ADRB1/2 Diminution de
amiodarone, etc.). réponse (?)
IEC ACE Diminution de
BK-2 réponse (?)
Risque toxique
Pharmacogénétique : augmenté (?)
applications potentielles en NACO : dabigatran, P-gp Risque
pathologie cardiovasculaire rivaroxaban, CYP3A4 hémorragique
apixaban CYP3A5 accru (?)
Résistance au
Le développement de tests pharmacogénétiques traitement (?)
pourrait apporter de nouvelles perspectives de Ivabradine CYP3A4 Risque toxique
« médecine personnalisée » dans la prise en charge accru (?)
thérapeutique de nombreuses pathologies cardiovas- Bosentan, CYP3A4 Diminution de
culaires. Dans ce domaine, des études récentes se ambrisentan CYP3A5 réponse (?)
sont intéressées à l'impact des polymorphismes géné- CYP2C9 Risque toxique
CYP2C19 augmenté (?)
tiques sur la réponse pharmacodynamique, pharma- OATP1B1
cocinétique ou toxique des principales classes
thérapeutiques : traitements antithrombotiques, anti-
hypertenseurs, diurétiques et antiarythmiques. Ces Facteurs génétiques
études ont permis d'identifier des gènes d'intérêt de résistance à l'acide
dont les polymorphismes semblent moduler les effets acétylsalicylique
du médicament. Cependant, la traduction clinique
de certains polymorphismes génétiques reste souvent L'aspirine demeure un des traitements anti-
incertaine et nécessite des études complémentaires thrombotiques les plus largement utilisés pour
pour rechercher ces derniers de manière systématique réduire significativement la survenue d'événe-
en pratique clinique. L'utilité clinique de ces tests ments cardiovasculaires graves. Bien que des
reste donc à démontrer en tenant compte de critères doses standards d'aspirine de 80 à 325 mg par
tels que la gravité de la pathologie traitée, l'index thé- jour soient théoriquement largement suffisantes
rapeutique étroit du médicament associé à un effet pour obtenir une inhibition complète de l'en-
important de la mutation sur son efficacité ou sa toxi- zyme cyclo-oxygénase 1 (COX-1), on observe
cité, la fréquence de la mutation, le coût du traite- fréquemment en pratique clinique une variabilité
ment. Les tests génétiques potentiellement utiles à interindividuelle d'agrégation plaquettaire à ces
l'optimisation des traitements cardiovasculaires sont posologies. On estime ainsi qu'environ 25 % des
résumés dans le tableau 24.3. Dans de nombreux cas, patients traités sont résistants (ou « mauvais
la pharmacocinétique et/ou la pharmacodynamique répondeurs ») à l'aspirine et présenteraient ainsi
complexe(s) de ces molécules, impliquant des voies un risque accru de récidives cardiovasculaires.
de signalisations variées avec de multiples protéines Les études réalisées dans le but d'identifier les
dont l'activité ou l'expression sont génétiquement mécanismes de résistance à l'aspirine ont notam-
déterminées, rendent difficile l'étude isolée de l'effet ment mis en évidence un rôle du
d'un polymorphisme génétique sur leur réponse thé- rs2768759(A > C) située dans la région promo-
rapeutique ou leur toxicité. trice du gène PEAR-1 (Platelet Endothelial
208 Nouvelles approches pharmacologiques
Activation Receptor 1). La présence de l'allèle bases (définissant les allèles ACE I/D). La fré-
variant C serait associée à une augmentation de la quence des patients homozygotes « DD » atteint
capacité intrinsèque d'agrégation plaquettaire jusqu'à 30 % dans la population caucasienne.
qui pourrait expliquer en partie la résistance à L'allèle D est associé à une augmentation de l'acti-
l'aspirine observée chez certains patients. vité de l'ECA à l'origine d'un risque accru d'hy-
D'autres travaux suggèrent une association entre pertension artérielle et d'atteintes cardiovasculaires,
la résistance à l'aspirine et des polymorphismes en particulier d'infarctus du myocarde. D'autre
du gène ITGB3 codant la glycoprotéine plaquet- part, l'association de ce polymorphisme du gène
taire IIIa. ACE avec la réponse thérapeutique aux IEC a été
suggérée par plusieurs études cliniques mais reste
actuellement controversée, en particulier du fait de
Facteurs génétiques d'efficacité la pharmacodynamie complexe des IEC, faisant
ou de toxicité des β-bloquants intervenir des voies de signalisations complexes.
Quelques travaux se sont également intéressés à
Les facteurs génétiques de variabilité de la réponse certains effets secondaires des IEC, tels que la
interindividuelle aux β-bloquants ont été largement toux ou l'incidence d'angio-œdèmes bradyki-
étudiés mais, outre les exemples précédents impli- niques. Selon certaines de ces études, l'incidence
quant le CYP2D6, ils restent difficiles à identifier, de la toux sous IEC pourrait être corrélée au
compte tenu de la diversité des molécules et classes génotype ACE DD ainsi qu'à certains polymor-
de β-bloquants. Les polymorphismes rs1801253 et phismes des récepteurs aux bradykinines, tels que
rs1042713 rencontrés respectivement sur les gènes la protéine BK-2 (Bradykinin Receptor 2).
ADRB1 et ADRB2 (codant les récepteurs β1- et
β2-adrénergiques) sont les plus étudiés et leur fré-
quence allélique atteint plus de 30 % en population Nouveaux traitements
occidentale. Ils pourraient, selon certaines études, à visée cardiovasculaire et
influencer la survenue d'événements cardiovascu- applications potentielles de
laires en modulant la réponse thérapeutique chez tests pharmacogénétiques
des patients traités par β-bloquants. Cependant,
l'impact clinique de ces polymorphismes reste à Les nouveaux anticoagulants oraux (NACO), dabi-
élucider par des études complémentaires avant de gatran, rivaroxaban et apixaban, constituent une
développer des stratégies thérapeutiques fondées alternative aux AVK particulièrement intéressante.
sur des tests génétiques. Cependant, les risques majeurs des NACO sont
similaires à ceux des AVK : risque hémorragique
potentiellement grave en cas de surexposition et
Facteurs génétiques d'efficacité risque thrombotique en cas de sous-exposition au
et de toxicité des inhibiteurs traitement. En 2012, la Commission de transpa-
de l'enzyme de conversion rence a conclu à une « absence d'amélioration du
de l'angiotensine (IEC) service médical rendu » (ASMR niveau V) par rap-
port aux AVK dans l'indication de prévention de
Les IEC présentent une variabilité interindivi- l'embolie systémique au cours de la fibrillation
duelle importante en termes de réponse thérapeu- atriale. Sur le plan pharmacocinétique, il est intéres-
tique et de toxicité. Les résultats de plusieurs sant de constater que les NACO sont tous substrats
études cliniques indiquent que cette variabilité de la protéine d'efflux P-gp (P-glycoprotéine ou
pourrait résulter du polymorphisme du gène ACE, Multidrug-Resistance Protein 1, gène ABCB1) et/
codant l'enzyme de conversion de l'angiotensine ou des CYP3A4/5. La P-gp participe à l'élimina-
(ECA). La principale mutation analysée corres- tion de substances exogènes depuis le milieu intra-
pond à la présence (insertion ou I) ou l'absence cellulaire, en particulier au niveau des cellules de
(délétion ou D) d'une séquence de 278 paires de l'intestin, du foie, du rein ou de la barrière hémato-
Chapitre 24. Pharmacogénétique et pathologie cardiovasculaire 209
Tableau 25.1. Nomenclature des anticorps monoclonaux selon l'espèce d'appartenance des parties constituantes.
Murin Chimérique Humanisé Humain
Parties constantes Souris/rat Homme Homme Homme
Parties variables Souris/rat Souris/rat Homme Homme
Parties hypervariables Souris/rat Souris/rat Souris/rat Homme
Nom « -momab » « -ximab » « -zumab » « -mumab »
« -mamab »
Exemple Muromomab Cétuximab Elotuzumab Daratumumab
Ibritumomab Rituximab Bévacizumab Panitumumab
Comme nous le verrons, le fait d'utiliser des du récepteur ou un effet cytolytique par apoptose.
séquences humaines a amélioré mais n'a pas Citons le cétuximab (Erbitux®) qui bloque le récep-
fait complètement disparaitre les phénomènes teur EGF (Epidermal Groth Factor) à l'origine
d'immunogénicité. d'une multiplication cellulaire incontrôlée dans
certains types de cancers.
Effet agoniste
Effet antagoniste
Apoptose
Lyse cellulaire
Lyse cellulaire
FcgR (CD16)
C3
C1q
C5
C5b9 Cellule effectrice
3. Effet cytolytique par activation du complément (CDC) 4. Effet cytolytique par fixation sur CD16 (ADCC)
Cas 4
Autres modes d'action
L'action par liaison sur un récepteur FcγR (ou
CD16) d'un effecteur cellulaire, ou ADCC Enfin, cette spécificité de cible des anticorps
(Antibody-Dependent Cell-mediated Cytotoxicity). monoclonaux est également utilisée pour délivrer
En effet, certaines cellules effectrices, comme les à un endroit précis :
cellules Natural Killer (cellules NK) ou les macro- • soit une petite molécule, une toxine, un cytosta-
phages, expriment la protéine de surface CD16, tique, qui sera responsable de l'activité pharma-
qui est un récepteur à Fc (FcγR). La fixation de cologique du complexe « immunoconjugué »
l'anticorps à la cellule effectrice par l'intermédiaire formé d'un anticorps « porteur » et d'une molé-
du récepteur FcγR (ou CD16) va être à l'origine cule active ;
Chapitre 25. Anticorps monoclonaux 215
• soit un isotope radioactif utilisé pour la destruc- pratiquement impossible — la protéine étant
tion des cellules sur lesquelles se fixe l'anticorps transformée en éléments plus petits, acides aminés
ou en diagnostic, comme par exemple le com- ou oligopeptides sous l'action des systèmes
plexe immunoconjugué formé par le technétium enzymes protéolytiques digestifs.
99 et l'arcitumomab ; cette utilisation d'immu- L'administration est donc possible par les voies
noconjugués permet alors de concentrer le intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée.
rayonnement radioactif sur le tissu tumoral. Pour ces deux dernières voies, l'absorption est très
lente et variable, avec un Tmax atteint entre deux et
dix jours et une fraction absorbée d'environ 60 à
Ces mécanismes d'action expliquent des notions
70 %. La demi-vie d'élimination longue conférée
importantes. Seuls les mécanismes cytolytiques
par le fragment Fc justifie le rythme d'administra-
sont spécifiques des anticorps monoclonaux et
tion des anticorps monoclonaux, prescrits une fois
de leurs domaines Fab et Fc distincts (cas 3 et
par semaine ou une fois par mois (et non matin,
4). Dans les deux premiers cas (cas 1 et 2), la
midi et soir). Aujourd'hui, la plupart des anticorps
portion Fc n'est pas impliquée ; aussi certaines
présents sur le marché sont administrés par voie
protéines peuvent-elles également avoir les
intraveineuse. Néanmoins, des formes sous-cuta-
mêmes mécanismes d'action sans avoir la struc-
nées sont à l'étude pour plusieurs de ces anticorps
ture complète des anticorps monoclonaux.
(rituximab, bévacizumab, cétuximab…).
Citons par exemple l'étanercept (Embrel®), un
Contrairement aux petites molécules chimiques
inhibiteur du TNFα, sur le marché depuis
classiques, les anticorps monoclonaux ne subissent
1998, impliqué dans de nombreux processus
pas de métabolisme hépatique.
inflammatoires chroniques. Il ne s'agit pas d'un
Dans le compartiment plasmatique, il faut ima-
anticorps monoclonal, mais d'une protéine de
giner cette structure de « grosse molécule » pro-
fusion entre une partie du récepteur soluble du
téique, plus ou moins liée dans l'organisme à un
TNFα (fraction p75) et d'un fragment Fc qui
antigène, lui-même plus ou moins présent en
lui donne une demi-vie plus longue. Un autre
fonction de la pathologie. La quantité d'antigène
exemple est celui du ranibizumab (Lucentis®),
présent dans l'organisme (masse antigénique) va
qui n'est constitué que d'un fragment Fab d'an-
ainsi déterminer la quantité d'anticorps libres cir-
ticorps humanisé dirigé contre le facteur de
culant dans l'organisme.
croissance vasculaire endothélial A (VEGF-A) ;
Schématiquement, on peut distinguer trois
il bloque l'interaction de ce dernier avec ses
voies d'élimination des anticorps monoclonaux de
récepteurs à la surface des cellules endothéliales
la circulation systémique :
et empêche ainsi la prolifération des cellules
• catabolisme non spécifique des protéines ; ce
endothéliales, la formation de néovaisseaux et
mécanisme n'est pas saturable ;
l'augmentation de la perméabilité vasculaire, ce
• fixation à l'antigène-cible sur un récepteur cel-
qui lui donne une indication dans le traitement
lulaire ou formation de complexes immuns cir-
de certaines formes de dégénérescence macu-
culants : il s'agit ici d'une élimination liée à la
laire liée à l'âge (DMLA).
cible ou « target-mediated drug disposition » ; ce
mécanisme est limité par la quantité disponible
d'antigène-cible et est donc saturable ;
Pharmacocinétique • production d'anticorps spécifiques dirigés
contre l'anticorps monoclonal, ou Anti-Drug
Le comportement pharmacocinétique d'une pro- Antibodies (ADA) : l'anticorps monoclonal, par
téine de 150 000 daltons est très différent de celui sa nature protéique, peut en effet induire une
d'une petite molécule chimique classique de 300 réponse immune dirigée contre lui-même ; cette
ou 500 daltons. immunogénicité est un facteur de perte d'effica-
Comme pour toute protéine, l'absorption de la cité par neutralisation et/ou augmentation de
chaîne protéique compète par voie digestive est l'élimination de l'anticorps, et peut également
216 Nouvelles approches pharmacologiques
laquelle a été exposée l'espèce la plus sensible sans Il faut donc garder à l'esprit que, du fait de leur
qu'on observe d'effets toxiques. Cette dose est spécificité de cibles humaines, il est parfois difficile
alors transformée en dose équivalente humaine en de prévoir les effets pharmacologiques (thérapeu-
tenant compte de facteurs allométriques, puis tiques ou indésirables) des anticorps sur des
réduite d'un facteur de sécurité supplémentaire. modèles animaux. L'étude de ces effets chez
En 2006, c'est cette méthode qui avait permis l'Homme est donc essentielle, en prenant toutes
de déterminer la première dose de TGN1412, un les précautions nécessaires en termes de sécurité
anticorps superagoniste anti-CD28 destiné à acti- lors des différentes étapes du développement, puis
ver la production de lymphocytes T chez certains en accordant une place importante à la recherche
patients porteurs d'hémopathies malignes. Le fac- clinique et à la surveillance active de ces médica-
teur de sécurité choisi était d'ailleurs élevé. Or, ments lorsqu'ils sont sur le marché.
l'administration de cette dose chez six volontaires
sains a conduit à une libération massive de cyto-
kines inflammatoires et à une défaillance multivis- Développements cliniques
cérale grave pour ces six volontaires. Cet accident actuels et perspectives
a conduit à revoir la stratégie d'évaluation des
risques lors de l'introduction chez l'Homme de C'est dans le domaine de l'oncologie que le déve-
molécules notamment biologiques, pour les- loppement des anticorps monoclonaux a été le
quelles les modèles animaux restent peu prédictifs plus important. En 2011, vingt-six anticorps
des réactions humaines et dont le mécanisme d'ac- monoclonaux étaient commercialisés en France :
tion consiste en l'amplification d'un signal ago- 38 % l'étaient dans le domaine de l'onco-hémato-
niste ou en l'induction d'un processus cytotoxique logie, 13 % en dermatologie (psoriasis notam-
de type ADCC ou CDC. ment), 10 % en rhumatologie (polyarthrite
Le concept de MABEL (Minimum Anticipated rhumatoïde notamment). Toutes les spécialités
Biological Effect Level) a alors fait son apparition. Il médicales se retrouvent dans les autres indica-
s'agit non pas d'une donnée de toxicologie, mais tions, des pathologies inflammatoires du système
d'une donnée d'activité biologique : c'est la dose la digestif aux pathologies neurodégénératives, de
plus petite pour laquelle une activité pharmacody- l'asthme ou des maladies métaboliques.
namique a été observée dans les études précliniques. Pour les produits en développement, l'onco-
En utilisant le concept de MABEL, une dose 30 fois hématologie représente toujours 45 % des pro-
plus faible de TGN1412 aurait été choisie. duits et l'immunologie 14 %.
Une autre méthode de détermination de la pre- Dans le domaine cardiovasculaire, les travaux
mière dose consiste à évaluer le pourcentage d'oc- sur de nouveaux traitements destinés à diminuer le
cupation des récepteurs-cible de l'anticorps taux des lipides circulants sont parmi les sujets de
(Receptor Occupancy). Dans le cas du TGN1412, recherche les plus importants, afin de mieux maî-
la dose utilisée dérivée des données toxicologiques triser les phénomènes d'athérosclérose et les acci-
était de nature à occuper plus de 90 % des récep- dents cardiovasculaires qui en découlent (accidents
teurs. L'hypothèse d'une occupation de seule- vasculaires cérébraux, infarctus du myocarde).
ment 10 % des récepteurs CD28 présents à la Parmi les dizaines de cibles thérapeutiques en
surface des lymphocytes T aurait conduit à l'admi- cours d'évaluation, la réduction des taux de LDL-
nistration d'une dose de 100 fois inférieure. cholestérol par la voie de la PCSK9 fait l'objet de
Lors des études cliniques portant sur des anticorps travaux intensifs.
monoclonaux, l'importance quantitative de la cible doit La proprotéine convertase subtilisin/kexin de
être prise en compte afin de pouvoir obtenir une évalua- type 9 (PCSK9) participe à la régulation des taux
tion correcte du comportement pharmacocinétique, de plasmatiques de LDL-cholestérol, en augmentant la
la relation pharmacocinétique-pharmacodynamie et de dégradation du récepteur au LDL (LDL-R). Le blo-
la relation concentration-toxicité. cage de PCSK9 augmente le nombre de récepteurs
218 Nouvelles approches pharmacologiques
LDL-R disponibles et permet ainsi une fixation plus De même, certains travaux portant sur des cel-
importante de LDL-cholestérol circulant. Plusieurs lules aortiques de patients atteints de polyarthrite
études conduites avec deux anticorps monoclonaux rhumatoïde et traités par certolizumab, un anti-
actuellement en cours d'évaluation, l'évolocumab corps anti-TNFα, pourraient suggérer une voie
(AMG145) et le REGN727/SAR236553, ont ainsi utile dans la prévention de phénomènes d'athéro-
permis de mettre en évidence une bonne évolution sclérose accélérée et de dégradation des fonctions
du LDL-cholestérol, dont les taux plasmatiques ont cardiovasculaires fréquemment notés chez ces
été réduits de 40 à 72 %, ainsi qu'une bonne tolé- patients et pouvant être en lien avec des taux cir-
rance générale. Même si l'évolution de ce biomar- culants élevés de cytokines pro-inflammatoires. Le
queur, le LDL-cholestérol plasmatique, semble canakinumab, dirigé contre l'interleukine IL-1β
prometteuse, des études sont encore nécessaires est également en cours d'investigation dans les
pour évaluer l'intérêt de ces traitements à plus long mêmes indications cardiovasculaires.
terme, tant en matière d'efficacité sur les paramètres
cardiovasculaires qu'en termes de tolérance et de
sécurité.
Certains travaux chez l'animal ont permis de Conclusion
montrer l'intérêt d'un anticorps monoclonal dans
la vasculopathie du greffon après transplantation Les possibilités thérapeutiques des anticorps
cardiaque en ciblant la voie du OX40L, un monoclonaux sont immenses. Ces traitements
membre de la famille des récepteurs au TNFα. Ces innovants ont, depuis quelques années, représenté
travaux suggèrent que le ciblage de OX40L par un une révolution dans le traitement de certains can-
anticorps monoclonal anti-OX40L pourrait éviter cers ou de certaines pathologies inflammatoires
l'activation de certains lymphocytes T à l'origine chroniques, comme la polyarthrite rhumatoïde ou
de cette vasculopathie. la maladie de Crohn. Dans le domaine cardiovas-
D'autres travaux ont montré que l'IL-17, une culaire, les travaux sont plus récents mais la pour-
cytokine pro-inflammatoire, pouvait jouer un rôle suite de l'identification précise des cibles et la
important dans la physiopathologie de certaines conduite d'études pertinentes portant sur l'éva-
myocardites et que l'utilisation d'anticorps mono- luation de l'intérêt des concepts et du profil de
clonaux anti-IL-17 pourrait être une voie intéres- tolérance permettront sans doute d'apporter de
sante pour en limiter les effets. grands services aux patients.
Chapitre 26
Nouvelles classes
pharmacologiques
Rédacteurs : J. Bellien1, V. Richard1, L. Monassier2, T. Bejan-Angoulvant3, D. Angoulvant3
1
Faculté de médecine de Rouen, 2Faculté de médecine de Strasbourg, 3Faculté de médecine de Tours
Principe général
de l'inhibition de SGLT2
Dans l'organisme, le glucose emprunte deux types Figure 26.3. Les gliflozines réduisent la réabsorption
de transporteurs pour entrer dans nos cellules et tubulaire du glucose dans le tube contourné proximal en
franchir les barrières biologiques, les transporteurs bloquant sélectivement SGLT2.
224 Nouvelles approches pharmacologiques
Figure 26.4. De la phlorizine de l'écorce du pommier aux gliflozines. La canagliflozine et la dapagliflozine sont deux
chefs de file de la famille.
Les cercles de couleur indiquent les zones modifiées chimiquement dans la molécule de phlorizine.
de l'écorce du pommier, la phlorizine ou phloridzine mais aussi à une récupération de la sensibilité tis-
(figure 26.4). En plus d'être un inhibiteur non sélec- sulaire périphérique aux effets de l'insuline.
tif des deux SGLT (IC50 SGLT2/SGLT1 = 6), cette Plusieurs molécules ont donc été mises en déve-
molécule présente une partie hydrophile loppement clinique avec des fortunes diverses.
O-glycosidique reliée à une structure hydrophobe La sergliflozine et la remogliflozine (GSK) ont vu
par une liaison glycosidique, lui conférant une faible leur développement arrêté. La canagliflozine
biodisponibilité orale. (Invokana®, Janssen Pharmaceutical) a été approu-
Tous les analogues structuraux actuellement en vée par la Food and Drug Administration (FDA)
développement clinique sont identifiables par leur aux États-Unis en mars 2013 et sa demande d'AMM
suffixe « -gliflozine » (dapagliflozine, ipragliflozine, européenne est en cours. La demande pour la dapa-
kanagliflozine, empagliflozine, etc.) et ont perdu gliflozine (Forxiga®, BMS, AZ) a été rejetée par la
cette liaison glycosidique, les autres modifications FDA en janvier 2012 (risque de cancers de vessie et
portant sur la structure hydrophobe (introduction du sein), mais elle dispose d'une AMM européenne
d'atomes de chlore, de fluor ou d'un cycle soufré). depuis avril 2012 permettant sa commercialisation
Ces produits apparaissent très sélectifs pour SGLT2 au Royaume-Uni et en Allemagne. L'empagliflozine
par rapport à SGLT1 (× 250 pour la canagliflozine (Boehringer Ingelheim, E. Lilly) est en phase 3 de
à × 3 000 pour la tofogliflozine) et résistent à l'hy- développement, de même que la tofogliflozine
drolyse intestinale suite à leur administration orale. (Roche Chugai) au Japon.
Tableau 26.1 Analyse synthétique du rapport bénéfice/ LDL-cholestérol par son récepteur. Des études
risque des inhibiteurs de SGLT2. précliniques suggèrent également un rôle de
Bénéfices Risques PCSK9 dans l'accélération des phénomènes
Baisse de la glycémie sans Infections génito-urinaires
d'athérosclérose, indépendamment de son action
hypoglycémie Polyurie, pollakiurie sur le LDL-R.
Baisse de l'HbA1c (− 0,5 Hypotension Plusieurs stratégies d'inhibition de PCSK9 ont
à – 0,9 %) Cancers du sein, de la vessie été développées ces dernières années et actuelle-
Baisse du poids et de la masse (dapagliflozine ?)
grasse
ment trois anticorps monoclonaux sont évalués
Baisse de la pression artérielle dans des essais de phase 3. Certaines visent à
(effet osmotique) diminuer la biosynthèse de PCSK9 en utilisant
Augmentation de la fonction des oligonucléotides anti-sens ou des siRNA
β-pancréatique
Baisse de la résistance à
(small interfering RNA). Il a également été pro-
l'insuline posé des inhibiteurs du processus de maturation
Baisse de la stéatose hépatique de PCSK9 dans le réticulum endoplasmique.
Enfin, la stratégie la plus avancée vise à bloquer le
site de liaison entre PCSK9 et le LDL-R en utili-
sant soit des petites molécules soit des anticorps
Inhibiteurs de PCSK9 monoclonaux.
L'inhibition de PCSK9 (proprotein convertase
subtilisin/kexin type 9) est une nouvelle stratégie Anticorps monoclonaux
pharmacologique prometteuse dans le traitement inhibiteurs de PCSK9
des hypercholestérolémies à LDL-cholestérol. Il existe des données cliniques concernant trois
PCSK9 est une protéine circulante qui favorise la anticorps monoclonaux thérapeutiques bloquant
dégradation des récepteurs au LDL (LDL-R) la liaison de PCSK9 sur le LDL-R : l'évolocumab
diminuant ainsi leur turn-over à la surface des (AMG 145) développé par Amgen, l'alirocumab
hépatocytes. Son rôle a été mis en évidence après (SAR236553/REGN727) développé par Sanofi/
l'observation de sujets ayant un « gain de fonc- Regeneron et le bococizumab (RN316/
tion » de PCSK9 sans mutation du LDL-R ou du PF04950615) développé par Pfizer/Rinat. Les
gène de l'Apo-B, résultant en une hypercholesté- deux premiers sont des anticorps totalement
rolémie familiale autosomique dominante. Chez humains, le troisième étant un anticorps humanisé.
ces patients, le nombre de LDL-R était spontané- D'autres anticorps monoclonaux ou des petites
ment très faible en raison d'une hyperdégradation. molécules visant à bloquer le site de liaison entre
À l'inverse, il a été observé des sujets ayant une PCSK9 et le LDL-R sont en cours de développe-
« perte de fonction » de PCSK9 présentant spon- ment (en phase préclinique pour la plupart).
tanément des concentrations très faibles de
LDL-cholestérol. Données cliniques
Tous les essais de phase 1 et 2 ont montré des
Stratégie d'inhibition de PCSK9 diminutions significatives du LDL-cholestérol de
Lorsque PCSK9 est internalisée avec le complexe 40 à 70 % chez les patients porteurs d'hypercho-
LDL-R/LDL-cholestérol, ce dernier est dégradé lestérolémies avec ou sans statine associée. Les
dans l'appareil lysosomal des hépatocytes, empê- profils de tolérance étaient rassurants sur des suivis
chant le recyclage du LDL-R à la surface membra- de huit à douze semaines, les seuls effets indési-
naire (figure 26.5). Le blocage de PCSK9, par un rables rapportés étant des réactions cutanées aux
anticorps monoclonal par exemple, empêche sa points d'injection et un cas de vascularite cutanée
fixation sur le complexe LDL-R/LDL-cholestérol. leucocytoclastique. De faibles titres d'anticorps
Le LDL-R est ainsi recyclé à la surface membra- anti-alirocumab et évolocumab ont été détectés
naire, ce qui permet d'augmenter la clairance du chez certains patients.
226 Nouvelles approches pharmacologiques
Anticorps anti-PCSK9
PCSK9
Milieu extracellulaire
Membrane
de l’hépatocyte
Milieu intracellulaire
PCSK9/
LDL-R/LDL
Synthèse
de PCSK9
Dégradation
PCSK9/
LDL
LDL-R/LDL
PCSK9
Anticorps anti-PCSK9
Q Salmétérol, 156
Quinapril, 5 Saxagliptine, 181–182
Quinidine, 62, 65, 207 Scopolamine, 164
Quinolones, 150 Sécrétion tubulaire proximale, 35–36
Sélexipag, 127
R
Sensibilisateurs calciques, 131–132, 138
Ramipril, 5
SERCA, 75
Réabsorption
Sergliflozine, 224
–– du calcium, 34
SGLT, 223
–– du sodium, 31–32, 41
Sildénafil, 122, 127–128
Récepteur(s)
Silodosine, 47
–– sérotoninergiques 5-HT1B/1D, 145
Simvastatine, 128, 202
–– à la ryanodine RYR2, 75
siRNA (small interfering RNA), 225
–– aux glucocorticoïdes, 166
Sitagliptine, 181–182
–– aux leucotriènes, 174
SLCO1B1, 205
–– cholinergiques, 161
SNP, 206, 209
–– de l'angiotensine, 4
Sotalol, 52, 62, 71, 207
–– de la ryanodine (RyR), 13
Spironolactone, 33, 36, 40
–– de l'endothéline, 122
Stabilisateurs de membrane, 52
–– des catécholamines, 133
Statines, 192, 204
–– dopaminergiques D, 133
STEMI, 22
–– du CGRP, 151
Sténose bilatérale des artères rénales, 9
–– du GLP-1, 181
Stimulateurs de la guanylate cyclase soluble, 122
–– FcγR, 213
Streptokinase, 113, 115
–– GPIIb/IIIa, 103, 105
Substance P, 143
–– muscariniques, 161
Sulfamides hypoglycémiants, 181, 185
–– plaquettaires à l'ADP XE "ADP (récepteurs à l'–)"
Sumatriptan, 148
P2Y12, 103
Syndrome
–– PPARα, 192
–– coronarien aigu, 92
–– purinergiques, 75, 80, 105
–– – avec sus-décalage de ST, 22, 106
–– sérotoninergiques 5-HT2B, 145
–– – sans sus-décalage de ST, 17, 21, 23, 106
–– α-adrénergiques, 45, 133
–– de Wolf-Parkinson-White, 63, 72–73, 75, 80–81
–– ß-adrénergiques, 51, 133, 156
–– œdémateux, 38–39
Relais
–– sérotoninergique, 145
–– de l'héparine par un AVK, 97
Système
–– d'un AVK par l'héparine, 97
–– cholinergique parasympathique, 161
Remogliflozine, 224
–– rénine-angiotensine, 3, 41, 52
Rénine, 3, 52
–– sympathique, 43, 48
Répaglinide, 182, 185
Résistances artérielles périphériques, 4, 7 T
Résistances vasculaires périphériques, 16, 53, 136 Tachyarythmie, 66, 73
Rétéplase, 113 Tachycardie
Rifampicine, 68, 74, 100–101, 125–128, 176 –– jonctionnelle, 17–18, 63, 75, 80–81
Riociguat, 27, 122, 127 –– supraventriculaire, 71
Ritonavir, 128, 195 –– ventriculaire, 59, 61, 67, 71, 73, 79
Rituximab, 213 Tachyphylaxie, 25
Rivaroxaban, 90, 99–100 Tadalafil, 122, 127
Rizatriptan, 148 Tamsulosine, 47
Rosuvastatine, 194 Telcagépant, 151
rtPA (recombinant tissue Plasminogen Activator), 113 Telmisartan, 5
Ténectéplase, 113
S
Térazosine, 47
Salbutamol, 156
Terbutaline, 156
Salidiurétiques, 31
Tertatolol, 52
234 Index