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Le fanatisme des philosophes /

[par S. N. H. Linguet]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Linguet, Simon-Nicolas-Henri (1736-1794). Le fanatisme des
philosophes / [par S. N. H. Linguet]. 1764.

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~y~~ la
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f~~r des ~r~ aux
w~~M~
un ~y ~T;
/c&~
ne ~~r~~nM~ ~û~
r~j d~ repentirs.

Je fuis avec rcfpe~


MOJVJJJBt/R,
Votre très-humble
&: très-obéiffant
Serviteur

~4 ~~M~ 3 ~n~ 17~.


LE FANATISME
DES PHILOSOPHES.
ANS Joute le Fanatisme ett un
abus dangereux. C'e& un très-
grand mal produit par un trcs-
crand bien c'en: Famcur de la
religion poune trop loin. La piété bien en-
tendue la Soucient le fanaci&nc la dégrade.
Il eft beau, il eft utïk de travailler a munir
les hommes contre fes ravages mais pour
ie combattra il iaudroit au moins en être
exempt.
C'e~: de quoi les Philosophes fe n~ccent.
A les en croire, ce néau fans eux eft toujours
prêt d'inonder la. terre. Ils font tout leur
pofnble pour en ranurer les Habitans. Venez
à nous, dKenc-ils, nous vous enseignerons
les loix de la douce humanité. Nous vous
ïcmettMns dans. tous les droits de la raifon.
Nos préceptes émouvront tes poignards de
ces Théologiens aigres & cruels qui vous
perdent. Vous recevrez de nous le grand arc
de vivre paifibles & heureux.
Ils vonc donc rendre le calme à l'univers
ils vont être les bienfaiteurs du monde. Pa-
reils à ces Fées prote~rices des anciens Preux,
avec des mots magiques ils fermeront les
plaies de l'humanité. Leurs Livres feront des
taliftnans contre les troubles attreux qu'en-
tance le fanatifme. Quand la Philofophie
aura développé (esaMes for ce globe désolé,
quand elle l'aura pénétré de les heureuses
inHuences on y verra rcna!crc l'âge d'or
& les hommes dans l'extafe d'un bon heur fo-
lidement affermi iront baifer les mains des
Sages à qui ils le devront.
Rien n'égale la beauté de ce tableau. La
religion épurée de tout ce qu'y mêlent les
fbibienes les pallions des hommes en
9
pourroit à peine compofèr un audi fëduifant.
Mais plus il fait naître d'idées agréables,
plus i! fcroit douloureux d'apprendre un jour
qu'il nous auroit trompés. Plus il nous inspire
d'e~ime pour ceux dont nous y voyons les
portraits, plus nous regretterions d'être obli-
gés de les hair comm~ des impo~eurs dan-
gereux.
Faifons donc quelques efforts pour nous
épargner ce chagrin. Apurons-nous bien de
la Science des Medécins avant que de fuivre
leurs confeils. Nous fommes malades des
taies dé6gurenc nos yeux & tes obfcurciffcnt.
On nous offre des recettes pour les enlever.
Examinons fi elles ne font pas présentées par
des aveugles. Craignons qu'en faifant di~pa~
ro!crc une légère incommodité, elles ne nous
donnent une maladie incurable. De quel
droit ces nouveaux Apôtres vicndroicnt-ils
nous entretenir de leurs maximes fi elles
€toieni plus funeftes que le mal dont elles
fcmblent être le remède ?
On a reftreint le nom odieux de fanatifme
aux excès commis par le zèle de la religion
il eft évident qu'on s'cH: trompé. M convient
a toutes les paffions qui rempli&nt Se fubju.

T.<tt~<
guenc le coeur humain. On auroit pu
peut-être dû voir des fanatiques dans tous
les hommes vLvemenc agités d'un dëHr quel<
qu'il (bic. Un avare c(t &nac!que de &n ar-
gentJ comme un cncbouËafte i'eA de fon
cuice~ un ambitieux Fc~ de fa grandeur, u~
voluptueux de fc& ptaiCc~, un Poëte. de fes
vers un amant de la maîcreCë. De tanc
d'hommes qui s'accufent à cet égard de pu-
ËUanimicé & de prëvcncion, il n'y en a pas
un peut-être qui d'un autre côté n'cfluye ac
ne mérite les mêmes reproches.
C'e<t d'après ce principe qu'il faut examl.
ner ce que c'eic que la Philosophie. Partout
pays je vois que les Sages les gens qui ont
fait du bruit dans le monde par leurs rené"
xtons ou par leurs préceptes, ~onc des hom-
mes qui ayant ~u fë faire un fort heureux &
fe difpenfér de toutes les Charges de la So-
ciété, difcourent avec élégance iur la manière
dont les autres doivent les Supporter.
Imaginons un de ces travaux publics, ap-
pelles corvées deux cens malheureux Pay.
fans applaniflènt ou relcvcn: un terrein avec
effort. Un Ingénieur magninquemenc pare:
vient preffer l'ouvrage. Quelques-uns de ces
Pay(ans rapprochent chapeau bas & d'un
air humble. Ils lui font des complimens
ils l'atnutent. Pendant ce tems ils quittent 1~
bêche, font remarquer des défauts dans
la façon dont les autres la tiennent.
Voilà les Peuples les gens en place, &
les Philosophes. Les premiers travaillent
les feconds jouincnt les troiCémes ont la
manie de parler fur les travaux des uns, &
d'en partager avec les autres la jouiffance
tranquille. Si cette manie babillarde eft au-
deffus des remédes, fi elle (e roidit contre les
ob~acles, fi elle furmonte les défcnfcs, s'il
~A auNI cnentiel à un Philosophe de diCcou-
tir, ou'à un Théologien d'argumenter, quand
on accufe cc!ul-cidefanaci(me, il me femblc
qu'il ed difficile d'en juftifier l'autre.
'Or je le demande quel c~ le Philofophe
qu'on a jamais guéri de la fureur de publier
tes opinions ? Quel c~t celui qui a f~u pré-
férer une obscurité filentieute à une répu-
tation bruyante ? Où en trouver un dont le
premier vœu ne foit pas d'être regardé comme
un homme extraordinaire, en fuppofant que
le fecond foit de paner pour un homme ju-
dicieux ? Tous décorent leurs produ~ions de
ces mots fonorcs de bien de la Patrie d'u-
tilité publique d'amour pour l'humanité
mais c'efr pour leur propre avantage qu'ils
parlent de celui de la Patrie c'eft pour leurs
intérêts qu'ils défendent celui du Public
c'eft pour fe faire conudércr qu'ils recom-
mandent avec emphafe d'aimer l'humanité.
La Phitofbphie eft fondée fur la plus in-
curable de toutes les matadies de l'efprit hu-
main, fur un amour propre orgueilleux< C'eA
lui qui fit les premiers Sages. Il leur apprit
a entourer leurs découvertes de difnculcés
afin de les faire paro!cre plus rcfpc~ables,
d'en rendre les hommes plus avides. Il grava
les Hiérogliphes fur les obélisques de l'E-
gypte. Il infpira aux Gym~ofbphiftes le goût
des allégories, adopté depuis par Pythagore,
& faudement attribué par les modernes
la crainte que répand le defpotifme.
Si l'envie d'induire les hommes, de tes
fendre plus vertueux, étoit le feul motif des
Philoîophcs auroient-ils imagine ces voiles
plus propres à donner à l'erreur l'apparence
de la vérité qu'à faire briller celle-ci fans
impo~urc Si l'ardeur fanatique de la répu-
tation ne lestranïportoic, entendroit-on leur
voix furpauer en tout pays celle du Magifirac
qui les proïcric a Verroit-on la Philofophic
profiter de toutes les inues pour fë gliileE
dans un Etat y tranfpirer à travers les. di-
gues les plus épalnes, comme ces eaux in-
commodes qui menacent à chaque indanc
de fubmcrgcr un pays donc on les a chances
LesLéginaceurs les plus éclairés, (e feroienc-
ils crus obligés de prendre contre elle les
plus fortes précaucions Auroiene-lls craint
de n'en pouvoir jamais trouver que d'inu.*
ïiies <'
Des Symptômes bien marques du fana-~
tifine font l'audace qu'il infpire, & la cré-
dulité qu'il recommande. Il ne faut pas aller
bien loin pour juger fi ces deux caractères
conviennent à la Philosophie. Ouvrez feu-
Jemcnc tous les Livres où elle a prodigué l'en-
luminure dont elle feule a le (ecrec voyez
quelle tournure y prennent toutes les pen-
tcM. Examinez de quel air font préfentés les
cernes les moins probables ou les maxi-
J
mes les plus dangereuses. Mais en les exa-
minant, gordez'vous de les combattre. Leurs
Auteurs ont des yeux de lynx pour les pro-
ductions étrangéres. Ils deviennent aveugles
pour celles dont ils ont écayé leur gloire.
Dès que la critique ote y toucher leur
cccurs~ouvrea la colère, leur plume fe rem-
plit de fiel; ils prodiguent à grands nots Fa-
mertume &: le ridicule~ Voyez avec quel or-
gueil ils (c défendent avec quelle fureur ils
attaquent. Ne ~byez pas dupe de la préten-
due liberté qu'ils reclament à hautement.
Ils veulent bien qu~on leur donne celle de
produire leurs penfées mais ils s'indignenc
<ics qu~on s~atiribue le droit de les juger
ou même d'en douter. Le plus crédule des
emhouûa~es a moins de refpe~ pour les
Tcveries de tes Docteurs que n'en exige
pour fes chimères le plus extravagant des
Philosophes.
Ceux-ci au refic n'ont point un fanatifme
indifcret. Dans leur délire ils renemblent à
ces fous qui infultent les Etrangers, & mé-
nagent le Gardien qui leur porte manger
tous les jours & les fouette quelquefois. Ils
carènent les Princes. Ils cachent d'apprivoi-
fer les Puiuances. Ils leur dédient des Livres.
Ils louent leurs venus, leur goût pour los
Art~ & furtout L
leur J
libéralité. Car c'ed en.
Yain qu'ils s'applaudirent de leur dé~ntére~
iemenc, qu'ils ceilcnt de vanter la folitude
donc ils Semblent fi jaloux & cet éloigne-
J
ment pour les grandeurs qu~Usan~~enc quel-
quefois avec tant d'écalage.
H y a peu de mérite à avoir des vertus dont
on leur fait une néce(ucé. Les gens en place
font presque toujours en garde contre des
talens qu'ils redoutent. Inftruits par l'exem-
pte de leurs prédéceneurs, combien les Phi"
Ïoïophcs ont de penchant à mordre tout ce
qui les irrite ou jaloux d'un éclat qui pour-
roit les éclipser, ou convaincus de la futilité
des Sciences ils repounenc loin d'eux les
cfprics frivoles qui les cultivent. L'orgueil
hilofophique écarté des emplois qu'il am-
bitionne en fecret fë ménage la con~bla-
1,
tion de paroître les mépriser. Ceux qu'il
anime ont loin d'Mnucr du fonds de leur
retraite combien un Gouvernement éclaire
doit d'égards & de protection aux Sçavans.
Ne pouvant le dire aux Princes ils le di-
fcnt au public dans les Livres. En attendant
que ces maximes ayent produit quelque ettec,
ils aScdent un grand déûncérenemenc pour
leur donner plus de poids. Ils annnoncent
une parfaite indin~rence pour les honneurs
i~&iavagc de la Cour. Mais fi ia barrière
J
~ui leur en défendoit l'entréo 1 vient à fe te-
ver, ils s'y précipitent avec ardeur.
Sous Conttancin & fon Fils, Princes ab-
folus & fanguinaires, trop occupés des a<tai<
res de la Religion pour eftimer les Philo-
fophes qui la combattoient, ceux-ci fe firent
une gloire de refter dans leurs cabinets. Ils
y enieveliSbienc avec regret une Science que
le Gouvernement dédaignoit. Mais quand
un nouveau Ma!cre eut amené d'autres ma-
ximes, quand Julien eut remis pour quel-
que tems la Philofophie fur le Trône, qu'il
eut deviné les emplois & les gratifications à
devenir la récotnpcnfe des Sages, on les vie
accourir de toutes parts aux lieux où tomboit
cette manne précieufe. Ils fe preffoient en
foule autour du Prince. Parmi les cafques
& les cuiraffes des Gardes on diftinguotc
le petit manteau des Stoïciens &: la barbe
pointue des Cyniques. Les cabinets furent
bientôt déierts. Chacun fe hâcoic d'apporter
à laCourdesm~ru~ions chèrement payées,
ces mains bornées auparavant A manier le
fhlet le compas, ne s'ouvrirent plus que
pour recevoir des préfens ou pour en ibi-
liciter.
Apres avoir fuivi les Philofophes dans leurs
haines & dans leurs flatteries que ieroic-co
6 j'examinoM les Ibins qu'ils fc donnent pou~
faire des Prosélytes, nje developpoïs lésera*
tagcmcs qu'ils employent pour Ce les atta~
cher l'art dout ils (e fervent pour les reie"
nir ? L'enthouiiafte dogmatique étant fondé
fur la pcduauon doit être plus ardenc. Ce"
lui des prétendus Sénateurs de la fageflè re*
~anc (ur l'orgueil doit être plus opiniâtre.
L'un s'arme de vidons, de prodiges enrayans~
l'autre de maximes feduiiàntes, de pré-t
ceptes flatteurs. L'un s'exprime avec plus de
force que d'agrément il tonne, il foudroyet
il fe dit defcendu du Ciel, & exige à ce
titre une obéiffance fans réserve. L'autre s*ap"
proprie tous les charmes de l'éloquence t il
s'inunue dans les coeurs il y réveille les pat-
fions qui ne peuvent que le bien fervir il
promet à tous ceux qui l'ëcoutenc une par<
faite indépendance. Le premier (e multiplie
furtout parmi les efprits greniers les âmes
foibles. Pour admettre le fecond il ne faut
couvent qu'un efprit indocile, avec un cœur
pervers. Enfin celui-ci iurcharge les hommes
de Scrupules, de devoirs gênans celui-là
brifc preique tous les liens, Se quoiqu'il (ca-
che en forger d'une autre efpéce, pour s'ajf-
furer de fes captifs, c'cft toujours en prenanc
la libère pour dcvife qu'il les traîne à fa
(uite, vaincus & fubjugucs.
Que teroic-cc cncorcûjc de~ccndois dan$
~es laboratoires où les Sages compofent eux"
crèmes l'encens dont leur amour propre eft
avide ? Si je les repréfencois dans ces Temples
dont ils le iont faits les premieres Divinités,
jouant tour à tour le rôle de Sacrificateurs ô~
d'Idoles, & rendant à leurs voifins préciiemenc
la doie de fumée qu'ils en ont reçue ? Ce
ibnt-là fans doute des traits caractéristiques
du fanatifme qui les poiféde mais auiR ce
font des vérités trop faciles à prouver. Il ne
faut que jecccr les yeux fur leur conduite
dans tous les fiécles pour s'en convaincre.
Je pane à d'autres vérités non moins certai-
nes,1, mais moins généralement reconnues
& qui par con~quent méritent d'être expo-
sées avec plus de dérail.
Le fanatifme religieux enfanglante la
Terre. Il éleve à rintotérancedes monumens
affreux. 11 s'entoure de cadavres c'ed eo bu~
vant leur fang qu'il s'applaudit de la v~oire.
Il feroic inutile de le nier. Cette vérité dé-
montrée par l'expérience de tous les fiécles,
une tride preuve de la foibleffe humaine.
Le fanatifme philofophique, moins dedruc-
teur en apparence, eMI moins funefle CM
effet ? Parce qu'il ed plus tranquille faut-
H Croire qu'il Soie moins nuidble ? L'un ébranle
ia Terre il déshonore les maximes con(o-
!antM de ta Religion, parles avions cruelles
des enthounafres L il égareJ
quelquefois les
hommes; mais il !cui donne la force de mar*
cher. La vigueur qu'il nourrit dans les âmes,
peut les conduire au crime mais elle les
îbutient fur le chemin de la vertu.
L'autre au concraire introduit danslemon~
de un calme perfide. Il n'entrame peut-ctre
pas necenairemcnc au vice mais il emprche
nécenairemenc d'arriver à la vertu.Il n'égorge
pas les hommes au nom de Dieu mais il les
empoifonne il les fait périr par l'abus du
J
luxe. Ce n'eft pas u l'onveucàdes argumens
Théologiques qu'il les immole c'en: à des
payons îecretces honceufcs. S'il ne ïe dé-
truifoit pas lui-même à force de decruire ~i
les progrès n'ann~antinoienc pas les Sciences
dont il eft né fi la favorable ignorance ne
venoit ouvrir un afyle au monde fi par une
attention fecrette de la Providence, elle ne
foutenoit autant la population d'un côté, que
la Philosophie la détruit de l'autre, le genre
humain périroïc en peu de tems fous les yeux
de fes Doreurs. Le moment où des Séries
orgueilleufes oferoienc lui promettre des lu-*
mieres feroit voifin de celui où la Terre
1,
manqueroit d'Habitans.
Ceci n'en: point une de ces récriminations
odieufes dont l'atrocité diminue la force.
On voit dans les uécles tllu~rcs par la Phi-
lolophie
lofophie, la population dimitluer les Arts
1,
dégénérer, & ta liberté, compagne ordinaire
de la vercu céder la place a la bane fervi-
1,
tude, fuivance inféparable du vice. Alors les
hommes plus éclairés iur leurs devoirs de-
viennent moins fcrupul~ux à les violer. Ils
connoifiènt mieux le prix de la venu mais
ils foncent mieux aun! l'utilité du vice &: fes
agrémens. La morale dilperfée dans les Li-
vres perd la force neceHaire pour diriger les
avions. Des mains habiles mettent au jour
les plus fecrets liens de la Société. Elles péné-
trent tout le jeu du corps politique mais ce
corps devienc bicncôc pareil aux fquelectes,
où les Anatomitles ne peuvent chercher les
organes de la vie,t qu'en les dérruifanc. Ses
muscles, fes renorts ainfi défauembles, dé*
1,
pouillés des voiles favorables qui cnencrece-
noicnc la ibupicne & l'union, n'offrent plus
que l'image de la mort, avec un appareil do
fcience aufli fastueux qu'inutile.
Alors on entend diHercer avec grâce fur
le bonheur, & les oréilles ne font frappées que
des géminemens des malheureux. Des Phi<
loi-ophes élégamment vêtus prodiguenc les
éloges aux lumieres de leur uécle, a ia dou-
ceur de tes moeurs, & l'on ne rencontre hors
de chez eux que la mifere & le défefpoh'. Eux-
picmes les fouc naître par leurs exaltons.
On voit des Senéqucs ruiner par Future des
Provinces entières, en écdvanc des Traites
fur la bienfaifance &: composer des Livres
contre le luxe iur des tables d'un bois plus
précieux que l'or.
Bientôt !e deipotifme, enhardi par la lâ-
cheté commune, s'élève appuyé iur des Trai-
tes Philoiophtques. Il y puiïe l'art trompeur
de tout couvrir d'un vernis (ëdui~nc il y
apprend à meprifer les hommes, à!es regar-
der comme des indrumens utiles faits pour
fervir Ces panions ou Ces caprices. Les plainrs
& les Arts deviennent fes plus fûrs Satellites.
H multiplie les écabnnemens où des hommes
voués à la louange, Ce coniacrenc à faire des
Panégyriques. Il paye il encourage leurs
menfonges. Tel eic Fenec de leurs travaux
& de les foins que de leurs discours mis bout
à bout, on pourroit conclure qu'il n'y a ja-
mais eu dans le monde que des iiecles de lu-
miere, que des Princes parfaits que des
1
Peuples fortunés, que de grands hommes en
tout genre.
Mais tandis que ces lâches imposteurs s'e-
tourditlènt eux-mêmes par la vapeur d'un
encens impur, !c montre redouble tes rava~
ges. C'en: précifëment dans !e tems où tout
le monde parle des égards dus à l'humanité,
~u'on riniulce avec moins de ménagement. Ce
tableau efr cnfre mais on l'a déjà vA fe repro"
dutre plus d'une fois. On le reverra (ans doute
chez les Peuples qui nous fuccéderont, com-
me il a paru chez ceux qui nous ont précèdes.
Partout pays la paix, la hbercé & la vertu
fuivent l'ignorance fourenue par la pau«
vreté <5<: l'amour d'un travail gro~Eer. Elles
iuyenc d'un Empire à mefure qu'il s'ytrouve
plus de gens aflèz opulens pour s'attri-
buer le droit de ne rien faire & ancz dé-
~occupës pour chercher à s'instruire. Alors
des nchenes vient le luxe de l'oitiveté les
Sciences. Du luxe &: des 1,Sciences réunies
naîc la Philofophie, production funcu:e, qui
fe bornant d'abord a dégrader les Arts, pane
bientôt jusqu'aux mœurs qui énervant le
Peuple, &: corrompant les grands d'une Na-
tion, y fait germer avec rapidité la banene
l'oubli des devoirs réciproques, & enfin le
defpocifme.
Je ne fçais pas bien précifément ce que
c'ett que l'homme & la fbciëcé mais je ~ais
que pour que l'un foit heureux pour que
l'autre fubutre fans trouble il faut ïur la
Terre beaucoup d'obeinance, & très-peu de
railonnement. Jamais l'un ne s'accroît qu'aux
dépens de l'autre. Et qu'on ne dife pas qu'une
tbumiCEon aveugle eft le (butien du defpo-
tifmc, le tombeau de la liberté. Non l'o~
bei(!ance e~ la vertu des Républiques ou
des Ecacs qui ne ibnc pas encore corrompus.
Elle vient de l'amour des Loix du refpe<3:
J
pour une Pu~ance légitime. Le Citoyen
obéit lans rayonner. Son coeur & fbn bras
font toujours d'accord. Mais le Phitofbphe
raisonneur qui difcute qui péfe les droits
des Puiffances, qui diflèrte fur les vertus &
les vices, eft trop Uchc pour ravoir obéir.
Son coeur flétri par Ces rrétendues lumicres,
n'eA accenible qu'à la peur. Deïabu~ fur
ces mots de patrie1, d'honneur, de devoir,t
accoutumé a les difféquer, à en examiner les
lapporcs it n'en connoit plus ni la forcet
ni la douceur. C'e~ un vil efclave qui cëdc
à la crainte prêt à Ce révolter dès que le
maitre aura tourné les yeux, 6~ fufpendu fon
fouet.
Quoi dira-t-on ces Philofophes hardis
t
qui ïë permettent de tout examiner, dont la
main puiiîanre fe joue des liens qui accablent
les sucres hommes, (bnc les pères du defponC-
mei Ces dérenfeurs des droits de l'humanité
en feroient les plus cruels deihu~eurs > La
Servitude ennemie décidée des lumières de
touce espèce, feroit le fruit de ces recherches
laborieutes, entreprifes pour nous éclairer 1.
Cela n'en: que ~op vrai. L'excès du pou-
voir arbitraire naîc parcouc des études phi*
to~bphïques. La foumiflion prompte & re~.
pe~rueufe de la l'berce n'exige dans ta. force
que chez les Nations ignorances. Elle s~arfbl-
blit, quand ces Nations cédant a une curio-
sité déplorabte,' appellent dans leur fein les
Arts & tout leur dangereux cortége. Elle
s'y annéantit enfin, quand les Arcs, les Scfen-
ces portées à leur dernier période dégénè-
rent en Philosophie.
Les Sciences elles-mêmes éprouvent alors
le fort de la vipère, qui fë voit dévorée par
les enfans. Elles ~bntctounees par cette bran-
che <iangereu(e quelles ont produite. L'es-
prit du catcuHnte~e tous les etprits. M éteint
cette hardiene ce délire du génie qui eft
à la vérité une preuve de corruption mais
9
qui crée, ce qu'on appelle les grands Animes
chez les Peuples à demi-corrompus. Oa
analyfe les vercus on touc les penfées on
a des Algcbnftcs, des Géomètres~ des Phy-
ficiens mais on n'a plus d'Orateurs plus
de Poètes, & furtout plus de Citoyens. Après
s'être quelque tems livré à cette froideur ma-
thématique qui engourdit tous les membres
d~un Etat, on arrive enfin en raifonnant à
Ja barbarie. Celie-cî, comme un nouveau
déluge, inonde les champs malheureux où
germoient auparavant la Philofophie & tes
vices. Elle les diïpofe à reproduire un jour
fous une autre génération, l'ignorance les
vertus.
Telle eft la marche invariable des hom-
mes depuis qu'ils c~ï~enc ïucce~ivemenc
barbares & corrompus, ne pratiquant la fa-
ge~e que quand ils en ignorent les régies,
& négligeant leurs devoirs dès qu'ils ga-
vent les dcSnir. Aucun tems 1, aucun pays
n'a écë exempt de ces fune~es inHuencesdc la
Philofophie. Elle, l'aneancinemcnc des Arcs,
celui des moeurs le defpotitme, ont tou-
jours marché du même pas. Les plus ab-
iolus, les plus vicieux des Cal'pucs, furenc
ceux qui firent d~cner des tables agrono-
miques. Le goût des Sciences dégérëra chez
les Sarrafins, dés qu'ils eurent traduit la mo-
rale d'Ari~ote. Jamais il n'y eue plus d'obéif-
fance, plus de liberté, & moins de Philofophie
que dans Rome aux premiers fiécles de la
République. Les Fanions, les Guerres civi-
les, s'y introduiGrenc avec la politene &
jamais il n'y eut une lâcheté plus ieditieufe,
une oppredon plus tyrannique un goût
plus dépravé que dans cette même Rome
quand elle eut dans (on fein des Ecoles de
Philosophie quand elle fut gouvernée par
des Empereurs éleves ou amis des Philo-
sophes.
Les Princes ont cependant quelquefois la
fbib!ene de croire que l'éducation de leurs
enfans ne fcauroic être mieux que dans les
mains des Sages. On en a vu chercher à
grands frais des Inftituteurs célébres pour
leurs hénc'ers. Les Annales Philofophiques
n'ont pas laine perdre la Lettre du Roi de
Macédoine au Chef du Lycée. Le Prince
conquérant y paroit Se féliciter moins de
fes vi~oires que de pouvoir donner à fon
~Is un Précepteur tel qu'Ariftoie. En effet,
on eSt porté d'abord à admirer ce choix. Il
femble que le genre humain foit trop heu-
reux d'avoir à fa tête des Princes instruits
par des gens accoutumés à étudier les foi.
blelfes de l'humanité, plus encore à fo
vanter de les guérir.
Quel dommage que cette idée Haiceufe ne
foit qu'une illufion Une expérience trop
fuivie, trop réitérée/démontre que ces édu-
cations tant vantées ne produifent guére que
des tyrans. Ce Philippe de Macédoine fi
bon juge du mérite d'Ariftoce, élevé lui-même
du Philofophe Epaminondas, ctolt un ufur-
pateur adonné aux excès les plus honteux,
capable de tout fach~er à l'ambition & à fes
plaifirs fe jouant des fermons comme des
hommes. On fçait quelles vertus rapporta
Alexandre des Leçons d'un Maître foup-
~onné d'avoir contribué à fa more. Platon
conduit avec pompe en Sicitc, pour former les
moeurs du jeune Denys ne rëmnc qu'à en
faire un compose de lâcheté & de mo!cne
»
trop heureux d'aller à fon tour enseigner
pour vivre ces connoiflànces qui lui avoient
coticé Ton Trône & ~a vertu.
Chez les Romains le barbare Silla l'u-
3
furpateur Cëfar, Augufie pendant vingt ans
le plus cruel fléau qui aie jamais an~gc la
Terre ëcoienc en liaifon avec tous les Phi-
lofophes de leur tems. Tibere ecoicRhëceur,
J
Agronome Grammairien. Il avoit pane la
moicië de fa vie dans les Ecoles, &~ de toutes
les Sciences qu'un délire orgueilleux com-
prend fous le nom d'w la 7~~
aucune ne lui étoit inconnue. Perfonne n'i-
gnore entre quelles mains Ncron avoit pane
fajeuneue. Sencque, ufurier & Philosopher
fit exprès pour lui unTraicé de la clémence.
Il radrena à ce Prince, qui n'en fit pas plus
de cas que Seneque lui-même n'en faifoit de
fes autres maximes.
On fçait dans quels excès fe plongea Com-
mode, Fils d'un Empereur Philosophe, in~-
trutc par des Philosophes choifis dans tout
l'Empire. Un autre de ces montres à figure
humaine qui déshonorerenc fi fouvent Je
Trône des Cëfars, Caracalla étoit fils d'une
femme Philosophe. Julie fa mère recevoit
i Sa Cour les L
Agronomes J les Géomètres.
C'étoic-elle qui vouloit nommer tous les Pro-
feffcurs de Rome. On fit en fon honneur
FHi~oire des Femmes Phîlofbphes le
fruit de tant de beaux Livres de tahC de
Sages maximes fut que Caracalla voulut
pludeurs fois afTaitner fon Père, qu'il égorgea
fon Frère de ia main, dans les bras de ~a
Mère, qu'il furpana les folies de Caligula
la cruaucé de Néron.
On ne manqueroit pas de pareils exem-
ples dans des tems plus modernes. Partout
on verroit la fureur naître fur le trône des
leçons de la fageflè, & le mépris des vertus,
ou de la vie des hommes, s'introduire dans
les cœurs avec les plus brillantes fentences
de vertu & d'humanité. Que les Philofophes
nous rendent donc raifon de cet effet étrange.
Qu'ils nous apprennent comment avec de fi
beaux préceptes, ils font de fi mauvais éle-
ves. Qu'ils nous difënc pourquoi la vertu s'e-
clipfc des Cours dès qu'ils y paroi~enc, pour-
quoi les plus violensoppreHeurs des hommes
font fortis de ces Ecoles, où l'on n'enseigne
en apparence qu'a chérir l'humanité~
Au contraire, du petit nombre de bons
Princes, dont l'Hiftoire a confervé le fouve-
nir, il n'y en a pas un qui n'ait du fon édu"
cation à des mitres obïcurs, capables de
montrer a pratiquer la vertu précifëment
-<

parce qu'ils ne ~avoienc pas en parler. Tra-


jan Antonin Charlemagne Louis X 1,
Henri IV avoient eu pour Précepteurs des
ignorans. Ils ëcoienc ignorans eux-mêmes.
Leurs cœurs n'écoienc point embarraf!ës de
ce vain attirail de préceptes, de connoi~an-
ces futiles ils en étoient plus accenibles à la
bonté à la compa~on, â la tendrcne pour
Jes hommes. Ils cheriHbienc leurs Sujets ils
en étaient les délices 8~ l'admiration. Parmi
les Princes Philolophes, combien en trou-
vera-t-on qui n'en aycnc pas été le lcandalc
ou le Héau
Que ~erc donc la Phi!ofophie aux Maîtres
du monde fi elle n'cft propre qu'à les cor-
1,
rompre, ou fidu moins elle eft abfblumenc
impuinanre à reformer leurs penchans ? Je
ne reviens point de ma (urprite, quand j'en-
tends les Sages attribuer au zéte indiscret de
Ja Religion, presque tous les crimes qui dé-
foicnt iifbuvenc la Terre. Sans doute la voix
des Prêtres a quelquefois commandé des for-
faits. Leur main en a peut-être quelquefois
exécutés. Mais enfin je ne vois point de Prê-
tres dans ces Cours fi longtcms inférées
par la Philosophie. Ce ne fuc point le grand
Sacrificateur de Cybele qui s'offrit à Néron
pour compofcr l'apologie du meurtre d'A-
grippine. Ce fut Seneque-t qui fe chargea de
le juftifier, après l'avoir conféré. Quoiqu'on
en dife, fi les Instituteurs Sacrés ont fait quel-
quefois de leurs Eleves des enthoudaftes cré-
du!es les Instituteurs Philotophes n'ont
guère 1,fait de leurs difciples que des barba-
res voluptueux.
Un homme éloquent a déjà développe le
germe de toutes lesvéricés que j'o(e découvrir
ici. Mais il s'écoic appliqué a démontrer le
danger des Sciences par des raifonnemens
plus que par des faits. Soit mcnagemenc
pour les Sociétés où il vivoit foit égard
pour le Corps auquel il deflinoit (on Ou-
vrage il s'en faut bien qu'il ait pounc fes
conséquences au~! loin qu'il le pouvoit faire.
Il a pourtant réduit fes adverfaires au filence.
Il cft forci vidoneux d'une querelle où il n'~
pas daigné ie fervir de tous fes avantages.
Une des plus foibles obje&ions qu'on lui ait
opposées, c'eft la gro~nérecé les vices odieux
de quelques Peuples ignorans. On en a fait
grand bruic, parce qu'il n'a pas voulu s'a-
muter la détruire.
1,
Mais où font ces vices?
Quelle eft cette gro(Eéreté que nous repro-
chons à mille Peuples refpe~ables ? A quoi
fe réduifent tous les noms ignominieux que
nous leur prodiguons? Ils ugniNentiimple-
~ncnt que ces Peuples ne nous rcOemblenc pas.
C'e~t ainfi que les LRomains J
libres encore
& vertueux, étaient nommes par la Grèce,
déjà ~avance corrompue. C'cu: a~nu que
Rome à on tour in~ruice & dépravée
crut marquer fon mépris à des Nations aflèz
heureufës pour ignorel lès fciences & fes
vices.
Les Tartares les Calmouks les Bédouins
font des barbares dic-on. Qu'eft-ce à dire a
Ils n'ont ni Lunectes ni Microscopes~ ni
1,
Agronomes. Ils n'ont pas de Poëces qui louent
& déchirent pour de ~argenc, point de Phy-
ficiens qui écrivent des In-folio fur les pacces
des chenilles, point d'Anacomi&cs qui dinë-
quenc les morts & tuent les vivans, furtout
point de Philofophes qui flattent les Princes~
& s'épuifent à rendre probables des fyfiëmes
ridicules. Ils ïbnc doux pailibles, hofpita-
liers. Mais ils font voleurs ils accaquenc les
Caravanes, ils vont au loin attendre les Voya-
geurs, & s'approprient leurs effets.
C'eMa ~ans doute une grande barbarie
(urtout aux yeux de ceux qu'ils dëpouUIenc.
Je n'entreprends pas de la ju&iner mais
fans m'arrêter à des .récits peut-être exagé-
rés j'examine leurs mœurs leur façon de
vivre. Chez les Peuples fçavans polices
les hommes vertueux en ~uppo~anc qu'il
1)
yen eut, mourroient faim, s'ils n'avoicnc
de
pas d'argent, ou s'ils ne pro!t!cuo!enc leurs
talens pour en amatlèr. Chez ces mêmes
Peuples fameux par les Arts & par l'opu-
lence, l'unique espérance des trois quarts
de la Nation eft de périr fur un fumier,
J
aux premières maladies caufées par l'excès
du travail & de la miïere. L'indigent s'y nour-
rit d'un pain qui n'en: guère arrofé que de
fes larmes, & le riche à qui il a facrifié fa vie,
lui difpute Peuventjuïqu'~ la paille <ur laquelle
il va mourir. En-ce dans les defëns de la
Crimée qu'on retrouve de pareilles horreurs ?
Comment fe fait-il que chez ces prétendus
Barbares il n'y ait ni Pauvres ni Hôpi-
taux, ni Infirmes ? Au milieu de leur flupi-
dite ils ont donc un fecret qui échappe
notre policene celui de vivre heureux, li-
bres & fains.
Quand aux ravages qu'ils exercent, com-
ment ofe-t-on les leur reprocher quand on
comble d'éloges tant d'hommes polis pour
les avoir imités & peut-être furpanés ? L'His-
toire, ne reproche aux Tamerlans, aux Ma-
homeis, qu'un ïëulvice, la cruauté. Ils vou-
loient être conquérans ils décruifoienc la
moitié d'une Nation, pour fubjuguer l'autre.
Mais qu'on me trouve un feul guerrier Sca"
vant ou Philosophe à qui on n'ait que ce
reproche aiairc. Alexandre, te Difciple d'un
Philofophe aimoit EpheMon, comme le
Philofbphe Socrate aimoïc Alcibiade. Le plus
beau trait de fon Hi~oire, fa continence à
l'égard de la Femme & des Fil!es de l'infor-
tuné Darius, eft peut-être le monument le
plus aHuré defahonceuie dépravacion. D'ail.
leurs il ïbuilloit fa table du fang de fes amis.
L'yvrcnë ou le poifbn en lui ocanc la vie à la
fleur de fon âge ne 6 rêne fans doute que
2
prévenir de plus grands excès & de plus
grands crimes. Célar, ce Guerrier invinci-
ble, cet Orateur fublime ce Philofbphe
éclairé, étoit le mari de toutes les femmes,
& la femme de tous les maris. Si des taches
énormes paroiflènt ainfi fur la vie de ces
fameux meurtriers à travers les éloges que
leur ont prodigua tant de Poeces d'Hiico-
riens, de Phiiofbphes,J c'eft-a-dire tant de
bas flatteurs combien ce vernis trompeur
nous en a-t-il caché ? Les trouverions-nous
bien fupërieurs~aux Attila aux Genférics
fi nous pouvions les voir tels qu'ils écoienc
Les Huns, les Gots, fe précipitoient avec
fureur dans les batailles. Ils manacroienc
fans pitié leurs ennemis vaincus. Ils répan-
doicnt la flamme dans les Villes dont ils avoient
détruit les Habitans. Mais que font donc chez
les Peuples polices ces Armées levées par
des Miaiftïes Philofophes, conduites par des
OSciers 1 qui au moins lifent les Livres de
Phito~ophie, & quelquefois les composent ?a
La guerre en-ehe moins cruelle, les batailles
{ont-elles moins tanglantes ? On a vu de nos
jours des Angiois faire panfer des Françoîs
b!enës, leur prêter de l'argent. A la bonne
heure mais qui cd-ce qui les avoic bleues
ces François ? Pour les féconrir il falloir les
dégager d'entre les ras de leurs camarades
cxp~ians dans les plus anreufes douleurs. Ce(t-
Ia~ c'eft fur ces champs de batailles fumans
de1 iang qu'il faut conduire ceux qui van-
tent h nëremenc les progrès de l'humanité.
Quelle humanité qui ne te produit qu'en fou-
lant aux pieds cent mille cadavres égorges
par elle ï
Mais nous gëminbns (ur ces lauriers arrofés
de fang humain. Nous condamnons les cruau-
tés de nos contemporains, comme celles de
nos ancêtres. Vous les condamnez dites-
vous ? Eh bien voyez donc de quels titres
1,
& de quelles correfpondances s'honorent:
ceux qui les commettent! En vérité j'ai bien
peur que tout connderé on ne trouve entre
les fiécles policés & les tems barbares d'au-
tre diiïerencea l'avantage des premiers, quo
les Académies. Or je le demande e~t-ce la
peine d'en parler ?
Dans les jours dignorance la population
n'a point d'autre ennemi que la guerre. Mais
dans les fiécles éclairés le luxe s'y joint S~
produit bien d'aucres ravages. C'e(t le plus
impitoyable de tous les fléaux qui détruifènt
les hommes. On voit les Nations entieres ~e
fondre à fon approche. Pareil à ces Sirènes~
J
qui par la douceur de leur chant, attiroient
les Voyageurs contre des écueils où ils trou-
voient la mort il fe ferc de l'attrait des plai-
firs pour encàHerles hommes dans les Villes~t
où il les dévore à ton aile. Les déïcrcs fë mul-
tiplient autour de tons les lieux où il ïë fixe.
Mais tandis qu'il exerce fes ravages dans l'in-
térieur d'un Etat les guerres ne s'en foucc-
nant pas moins au dehors, il eft clair que
ces prétendus tems de lumières ont deux
ftéauxa (bucenir. Pour parler en cormes Phi-
lofbphiques, fi l'ignorance fait une plaie
J
l'humanité les Sciences lui en font deux.
Or la feconde le luxe eft fans contredit
plus terrible que la premiere. Elle porte avec
elle une corruption pour qui la politique ni
la raifon n'ont point de reméde. C'eit une
gangrene qui néceffite la diffolution d'un
corps dès qu'elle s'y eft accachée.
Je fçais bien que de cres-Sçavans hommes
ont fait l'apologie de ce monftre, digne d'a-
voir des Philosophes pour Panégyristes Je ne
j~als s'ils ont convaincu beaucoup de per-
Ibnne~
tonnes. Mais je ne voudrois que!curs propres
Ouvrages, pour les réfuter. Suivant eux le
luxe eti: edimable, parce que consumant les
hchenes de ceux qui ont tout, il donne à
vivre à ceux qui n'onc rien. Ils approuvent
que la (ubGfiance des uns dépende du gonc
qu'ont les autres pour les fuper~uirës, re-
gardant les p!aUirs dont le riche (e gorge
comme une aumône qu'il fait aux Pauvres
ils lui permettent, ils lui commandent de fc
livrer à tous tes caprices pourvu qu'il foit
en état de les payer.
Il y auroit bien des chofes à dire fur cet
étrange raifonnement mais je ne cherche
ici que Famnicé qui fe trouve entre le luxe
& la Philosophie~ Ce feroit perdre du tcm<
que de s'amufer à prouver que le premier e(t
la pefie de la population je ne veux que
faire voir qu'il marche toujours avec la (e<
conde. On ne (e livre au luxe que parce qu'on
eft riche. On ne devient Philosophe, que
parce qu'on a commence par. être riche
oifif. Or ces deux caufes, !a nchene & l'oi-
fiveté n'allant jamais l'une fans l'autre, il eft
bien naturel que leurs effets ne (oient pas
féparés.
C'eH: auu! ce qu'on peut remarquer. Ou-
vrez l'Hifroire cherchez un Peuple riche
qui n'ait point eu de Philosophe trouvez un
Peuple pauvre qui en ait eu. Examinez 6 ce
germe empoisonné a pris racine dans les cli-
mats à qui la nature a refufé les métaux qui
nourrirent le luxe, tant qu'ils ont (çu le dé-
fendre de les recevoir. La Philofophic naïc
fur les bords du Gange au milieu de l'or 6c
des diamans, qu'une malheureufe fécondité
produit dans l'Inde. Elle s'y attache elle y
vegette encore aujourd'hui avec ces triées Sbu-
tiens d'un defpohfme opulent mais voyez-
la s'exiler elle-même de Sparte, & Suivre l'or
que Lycurguecn chanbic. Voyez-la (ë répan-
dre dans Athencs avec le goût du commerce,
& devenir bientôt un effet commercable dans
cette Ville trafiquante. L'orgueil & ravidito
y jettent les fondemens du Lycée, du Por-
tique, des Académies. Ces lieux encore cé-
lébres deviennent des Foires où Ce débitent
à grand prix des potions rafinés. Ils fe rem-
plinenc de Marchands jaloux qui décrienc
les drogues de leurs Confrères, pour aCurec
leur propre débit.
C'ctUa que les Romains viennent puisée
le goût du fafle, & l'oub!i de la vertu. C'e~
là que fe forgent les fers que porteront bien-
tôt les vainqueurs du monde. C'eMAau(E quo
vicndront s'abîmer les Nations nombreufes
qui couvroient auparavant FhaHe. Cette C(m-
ir~e fi longtems icrtiiifec par des mains igo~
tantes deviendra ftérile des qu'un de fes
Citoyens connoïcra le nom d'Archiméde. Dès
c u'Agrippa l'aura décorée de Portiques, &
'un Temple fur le modèle du Panchéon,
dès qu'on y lira avec délices ou le Poëme de
Lucrèce, ou les Ouvrages de Cicéron elle
attendra en tremblant que les vents lui ap-
portent d'Egypte ou d'Afrique une fubfidancc
que les mains délicates de tes Habitans ne
pourront plus lui fournir.
Il y a plus. Ses campagnes feront cou-
vertes de fang on n'y marchera plus que
fur des cadavres Ces Villages détruits, fes
Villes embrasées, donneront à l'univers le
fignal de la plus terrible révolution & ces
nleurtres, ces incendies, feront commandés
par des efpritsélégansqui auront étudié long-
tems la Philofophie dans Athènes & ~au-
ront ordonner des Fêtes avec magnificence.
Si le luxe qui détruit, fi la cruauté qui prodi-
gue la vie des hommes à tes plaitirs ne font pas
les compagnons inféparables de laPhilofbphic
qui raifonne pourquoi eft-ce du tems des
Socrates & des Anaxagores qu'on eft con-
traint d'admettre dans Athencs les bâtards au
rang des Citoyens pour repeupler la Ville
devenue déferre ? Pourquoi eft-cc tandis que
Cicéron écrivoit tes Tufculanes que le fang
Romain verfé par des mains Romaines, inon-
doit l'Italie ? Pourquoi Silla Céfat fbnc"
ils contemporains des Varrons des Coiu-
melles, qui déptoren: le vuide des Cam~
pagnes ? Pourquoi à Londres à Paris écrit<
on- tant de beaux Livres fur la population
fur l'Agriculture dans ce beau ilécle ou
l'on prétend que le Soleil de la Philofophie
s'eft levé pour nous ? On ne demande à
manger que quand on a faim. Dès qu'on veut
dans un Royaume enfeigner à le peupler
c'eft un figne infaillible qu'il fe dépeuple.
Mais e~-ce chez des Peuples pauvres & dans
des fiécles d'ignorance, qu'on a besoin de pa~
teUs fècrets, & qu'on les publie ?
Le fanatisme Philofophiquc n'ett pas feu-
lemenc destructeur: il cft encore lâche & ti-
mide. Il ne (e contente pas d'opprimer do
faire périr les hommes, il les dégrade. En
leur donnant une audace coupable, il y joint
une tâchccé aviMante & toutes deux par
un mélange qu i ne fe voit point ailleurs, con-
tribuent également à avilir les cœurs où elles
fe font établies. Les Sages déclament contre
ceux qui prétendent leur annoncer la vérité.
Ils publient qu'eux feuls en ont le recrée
mais ils ont la ba(!cue de la déguifer. Un en-
thou~a(te prêche avec une noble hardicno
ce qu'il croit vrai. Il ne cache ni fon culte,
ni les dogmes. Il brave les tourmens Ce les
bourreaux, quand il s'agit de foutenir fa créan-
ce. Mais le Phtioïbphe ménage avec foin tes
expre~ons. Amoureux tout à la fois de ton
bien être & de tes opinions il ne découvre
les unes qu'autant qu'il le faut pour les ré-
pandre, fans expofer l'autre. Vil hypocrite,
il fe met à genoux dans les Temples du Dieu
qu'il apprend à mépriser. Tratcre dangereux
il fe preile autour des enfeignes du parti qu'il
brûle de combattre.
Il fe vante même de ce lâche fubterfuge.
Confignant à la postérité fa honte & ton
deshonneur, il publie la découverte de cette
qui confifle à parler au-
trement qu'on ne penfë, à agir autrement
qu'on ne parle. Il enveloppe fes fentimens
fous des exprefijons obscures. Ses difcours
deviennent une perpétuelle allégorie dont
il fait fous main courir la clef. En parlant la
langue du Peuple il tient un langage tout
diftérent, & faifant de la parole un abus qu'on
ne peut pardonner qu'aux efclaves de la for-
tune, il expo(e la fois à l'erreur, & le vul-
gaire qui felon lui ne doit pas le comprendre,
& les Sages qui fouvent ne le peuvent pas.
Les feuls objets que les Philosophes trai-
tent fans déguisement, &: où l'obfcurité ~c-
roic pourtant fans fcandale & fans confë-
qucnce, ce font les Arts où éclatte l'induftnc
humaine, furtout J
V l'éloquence de ceux qui

en parlent. C'eâ-là qu'ils abufent avec excès


de la fcience des mots. Raifbns raifbnne-
»
mens, intrigues, injures, ils employent tout
pour faire valoir ces découvertes dont quel-
ques-unes peuvent être utiles mais dont le
grand nombre n'eit qu'une pure charlatane,
rie. Combien de volumes ennuyeux de re"
proches grofEers ont occaûonné ces tour.
billons abfurdes où s'eft égaré Dcfcartes ce
vuide immenfe où s'e~ perdu Nevcon, ces
monades dont l'Auteur fût mort aux petites
Maifbns peut-être, fi on lui eut rendu judice
Tous bâtiment fur un &ble mouvant. Ces peu
tits édi~ces croulent au premier choc les uns
fur les autres, dilparoiffent aux yeux do
la poMrite. Ce qu'ont pourtant de bon ces
ditputes c'eft que chaque inventeur de fyf-
tême aide à fentir le ridicule de celui qu'il
foutient par la facilité avec laquelle M pu~
vérife celui qu'il combat.
Il eft des recherches d'un autre genre ce
font celles qui traitent des re~ources de la
mécanique, qui s'occupent à dompter les
J
démens, parle moyen defquelles l'homme
paro!c vraiment commanderà la nature. Peut-
€tre c~i-il douteux que ces machines ingé-
nieufes puinenc ju(U6er tous les éloges qu'on
leur donne. Si du moins elles adouciHoicnc
le malheur de la plus nombreuse partie du
genre humain, û en facilitant quelques tra-
vaux elles diminuoienc le nombre des pro-
férons laborieufës on pourroit les louer de
quelque utilité. Mais le luxe a toujours plus
de befoins qu'on ne peut trouver de moyens
pour le fatisfaire. Son avidité multiplie les
travaux pénibles à mefure que Findu~ne les
abrége. Comme il en dévore à chaque inC'
tant les fruits, qu'à chaque infant il en de-
mande de nouveaux, que fa faim s'augmente
à mefure qu'il confomme, c'eft lui ieul qui
gagne à ces inventions.
Le vent, l'eau font tourner nos moulins.
Ce n'e(t plus de la farine que nous deman-
dons à nos efclaves. Mais il faut qu'ils nous
fb~rniftenr du fucre. Notre gourmandife les
attache à des machines périlleuses qui leur
coûtent Couvent les membres, & quelquefois
la vie. Qu'a gagné l'humanité à la fuRpreHion.
des moulins bras ?
On a imaginé l'arc de multiplier tout d'un.
coup les copies d'un Livre de répandre
fans frais les Satyres ameres, les Panégyri-
ques ridicules, les fy~ëmcs extravagans mais
les Prêtes & le nombre des Loueurs fe font
multipliés dans la même proportion. L'im-
preffion fatigue aujourd'hui plus de mains que
les copies n'en occupoient autrefois. On peut
en dire autant de beaucoup d'autres rnach!
nes dont la description & les éioges tiennent
une grande place dans les Livres & qui ont
fait très-peu de bien au monde.
D'ailleurs quand ces découvertes mérite-
j-oienc tout le bien qu'on en dit, e~-ce à la
Philosophie qu'on !es doit Ces lunettes qui
naccenc l'orgueil d'un Agronome & trom-
pent peuc-ctfc fes yeux, ces microfcopes où
l'imagination d'un naturalise apperçoit tant
de merveilles, ceLte pompe à feu dont les
fiécles à venir feront plus d'usage que nous
où la pefanteur de l'air & la dilation de l'eau1
combinée foulevent des fardeaux énormes,
font-ce des hommes éclairés qui les ont trou-
vées ? Non. Un Ecrivain célèbre l'a dit, fi
je ne me trorn pe les ignorans inventent,
les Sçavans raiionnent.
La ïcule, l'unique découverte que l'un!"
vers ait reçue des Philosophes, c'eit cette
compoucion meurtriere qui renverfe les mu-
railles., qui embraie les Villes, qui ~ur-
paHant la violence de la foudre, a remis dans
les mains du crime les armes devinées par
la divinité à faire briller là grandeur. Ce
font vraiment des mains gavantes qui ont
calculé la portée des mines & fondu les mor.
tiers. Quelle cfpécc d'obligation ont donc les
hommes à la Philosophie? Elle ne leur parle
de la morale que pour la leur faire oublier
Elle ne fournit à leur curiofité que des ama-
îemens frivoles. Elle ne préfence à la méde-
cine que des remédes tres-impuinans pour
les guérir, & elle donne au génie les fecrets
les plus terribles, les plus fûrs pour les anéan-
tir. Si chaque forfait commis chaque fyC.
tême commenté, chaque malade empoifonné
dans un pays policé, iont des preuves de l'i~
nutilité des Sciences, chaque coup de ca-
non qu'on y tire, n'en cft-il pas une de leur
danger ?
Concluons de tout ce que j'ai dit qu'il
n'e(t jamais utile d'éclairer les hommes,
qu'il eft toujours dangereux de les éclairer
trop. Fixons le jugement qu'on doit porter
de la Philosophie. Son nom fignifie amour
de la fagene. Elle s'en pare avec fierté, comme
on charge les armoiries de fymboles, qui n'ont
aucun rapport avec les actions de ceux qui les
portent. Tres-~buvenc un lâche fait peindre
un lion dans fbnecunbn. Plus couvent encore
ces prétendus amateurs de la fagene <e li-
vrent à toutes les folies dont les pauions ex-
cenives rendent les hommes capables. Un
orgueil fanatique preude leurs travaux, 0~
les dirige. Ils <ë picquent d'un attachement
invincible pour leurs opinions. Ils n'oublient
rien de ce qui peut contribuer à les répan"
dre. Ils éclattent avec emportement contre
tous ceux qui o(ënt les combattre.
InfenCbles au ridicule dont ils fë couvrent,
ils multiplient les Panégyriques~ & pour les
Princes aveugles qui veulent bien les payer,
& pour les hommes illu~rés déjà par l'abus
des talens dont ils fe flattent d'être un jour
ou les imitateurs ou les rivaux. Ils vendent
cher au genre humain le peu de connoiflan-
ces réelles qu'ils lui procurent. En travaillant
à le polir ils le détruisent comme ces Sculp-
teurs mal-habiles qui fous prétexte d'ébau-
cher une figure, réduifent à rien un bloc do
Marbre.
Voilà les réHëxions qu'à fait na!cre dans
mon efprit le nom de Philofophie que notre
~ecle a fi fort accrédité. Je les ai dévelop-
pées avec franchiïë. J'ai parlé fans enthou-
~afme comme fans préjuge. En citant des
exemples odieux, je n'ai point donné la pré-
férence aux plus modernes. Ce n'cH: pas aCu-
rément par l'impoGibUicé d'en trouver. Tout
Le~eur fente verra bien que je n'aurois
été embarrafïé que fur le choix. Mais en di-
fant des chofes vraies, je n'ai pas voulu qu'on
pût me fbup~onner d'avoir cherché à faire
une fatyre.
J'efpere qu'on me f~aura gré de n'avoir
~crit que trente pages fur un fujet qui pou.
voit fournir de gros volumes. J'auroi«s pA
faire une hiftoire critique de la Philofophie,
qui auroit mérité ce titre, mieux que la fade
& ennuyeufe compilation de Demandes.
Mais il y a des occafions où il n'eft pas né*
ceffaire de dire tout ce qu'on fçait ni de
faire tout ce qu'on peut. QueIqu'imprcfEon
que produife ce difcours dans le Public, je la
verrai fans intérêt. Les éloges ni les fatyres
ne feront pas changer le jugement que j'enL
ai porté moi-même. S'il m'attire des réponses
injurieufes, des railleries améres ces raille-
ries & ces injures feront des preuves mani*
feUes des vérités qu'il contient.
-MM-M–MM~
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trouvent f&~ L~Mrc.
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