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[par S. N. H. Linguet]
A LONDRES~
<& /? ~4M~
Chez DE VÉRITÉ, Libraire, rue S.
Gilles~ prcs 1~ P!~ce S. Gcorg~~
176~
A MONSIEUR jD0~7~7ZZ~,
CONSEILLER AU PRÉSIDIAL~
ANCIEN MAYEUR,
ET COMMANDANT fOUR LE ROÎ
A ABBE VILLE.
AfOjV~ JT JË~
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guenc le coeur humain. On auroit pu
peut-être dû voir des fanatiques dans tous
les hommes vLvemenc agités d'un dëHr quel<
qu'il (bic. Un avare c(t &nac!que de &n ar-
gentJ comme un cncbouËafte i'eA de fon
cuice~ un ambitieux Fc~ de fa grandeur, u~
voluptueux de fc& ptaiCc~, un Poëte. de fes
vers un amant de la maîcreCë. De tanc
d'hommes qui s'accufent à cet égard de pu-
ËUanimicé & de prëvcncion, il n'y en a pas
un peut-être qui d'un autre côté n'cfluye ac
ne mérite les mêmes reproches.
C'e<t d'après ce principe qu'il faut examl.
ner ce que c'eic que la Philosophie. Partout
pays je vois que les Sages les gens qui ont
fait du bruit dans le monde par leurs rené"
xtons ou par leurs préceptes, ~onc des hom-
mes qui ayant ~u fë faire un fort heureux &
fe difpenfér de toutes les Charges de la So-
ciété, difcourent avec élégance iur la manière
dont les autres doivent les Supporter.
Imaginons un de ces travaux publics, ap-
pelles corvées deux cens malheureux Pay.
fans applaniflènt ou relcvcn: un terrein avec
effort. Un Ingénieur magninquemenc pare:
vient preffer l'ouvrage. Quelques-uns de ces
Pay(ans rapprochent chapeau bas & d'un
air humble. Ils lui font des complimens
ils l'atnutent. Pendant ce tems ils quittent 1~
bêche, font remarquer des défauts dans
la façon dont les autres la tiennent.
Voilà les Peuples les gens en place, &
les Philosophes. Les premiers travaillent
les feconds jouincnt les troiCémes ont la
manie de parler fur les travaux des uns, &
d'en partager avec les autres la jouiffance
tranquille. Si cette manie babillarde eft au-
deffus des remédes, fi elle (e roidit contre les
ob~acles, fi elle furmonte les défcnfcs, s'il
~A auNI cnentiel à un Philosophe de diCcou-
tir, ou'à un Théologien d'argumenter, quand
on accufe cc!ul-cidefanaci(me, il me femblc
qu'il ed difficile d'en juftifier l'autre.
'Or je le demande quel c~ le Philofophe
qu'on a jamais guéri de la fureur de publier
tes opinions ? Quel c~t celui qui a f~u pré-
férer une obscurité filentieute à une répu-
tation bruyante ? Où en trouver un dont le
premier vœu ne foit pas d'être regardé comme
un homme extraordinaire, en fuppofant que
le fecond foit de paner pour un homme ju-
dicieux ? Tous décorent leurs produ~ions de
ces mots fonorcs de bien de la Patrie d'u-
tilité publique d'amour pour l'humanité
mais c'efr pour leur propre avantage qu'ils
parlent de celui de la Patrie c'eft pour leurs
intérêts qu'ils défendent celui du Public
c'eft pour fe faire conudércr qu'ils recom-
mandent avec emphafe d'aimer l'humanité.
La Phitofbphie eft fondée fur la plus in-
curable de toutes les matadies de l'efprit hu-
main, fur un amour propre orgueilleux< C'eA
lui qui fit les premiers Sages. Il leur apprit
a entourer leurs découvertes de difnculcés
afin de les faire paro!cre plus rcfpc~ables,
d'en rendre les hommes plus avides. Il grava
les Hiérogliphes fur les obélisques de l'E-
gypte. Il infpira aux Gym~ofbphiftes le goût
des allégories, adopté depuis par Pythagore,
& faudement attribué par les modernes
la crainte que répand le defpotifme.
Si l'envie d'induire les hommes, de tes
fendre plus vertueux, étoit le feul motif des
Philoîophcs auroient-ils imagine ces voiles
plus propres à donner à l'erreur l'apparence
de la vérité qu'à faire briller celle-ci fans
impo~urc Si l'ardeur fanatique de la répu-
tation ne lestranïportoic, entendroit-on leur
voix furpauer en tout pays celle du Magifirac
qui les proïcric a Verroit-on la Philofophic
profiter de toutes les inues pour fë gliileE
dans un Etat y tranfpirer à travers les. di-
gues les plus épalnes, comme ces eaux in-
commodes qui menacent à chaque indanc
de fubmcrgcr un pays donc on les a chances
LesLéginaceurs les plus éclairés, (e feroienc-
ils crus obligés de prendre contre elle les
plus fortes précaucions Auroiene-lls craint
de n'en pouvoir jamais trouver que d'inu.*
ïiies <'
Des Symptômes bien marques du fana-~
tifine font l'audace qu'il infpire, & la cré-
dulité qu'il recommande. Il ne faut pas aller
bien loin pour juger fi ces deux caractères
conviennent à la Philosophie. Ouvrez feu-
Jemcnc tous les Livres où elle a prodigué l'en-
luminure dont elle feule a le (ecrec voyez
quelle tournure y prennent toutes les pen-
tcM. Examinez de quel air font préfentés les
cernes les moins probables ou les maxi-
J
mes les plus dangereuses. Mais en les exa-
minant, gordez'vous de les combattre. Leurs
Auteurs ont des yeux de lynx pour les pro-
ductions étrangéres. Ils deviennent aveugles
pour celles dont ils ont écayé leur gloire.
Dès que la critique ote y toucher leur
cccurs~ouvrea la colère, leur plume fe rem-
plit de fiel; ils prodiguent à grands nots Fa-
mertume &: le ridicule~ Voyez avec quel or-
gueil ils (c défendent avec quelle fureur ils
attaquent. Ne ~byez pas dupe de la préten-
due liberté qu'ils reclament à hautement.
Ils veulent bien qu~on leur donne celle de
produire leurs penfées mais ils s'indignenc
<ics qu~on s~atiribue le droit de les juger
ou même d'en douter. Le plus crédule des
emhouûa~es a moins de refpe~ pour les
Tcveries de tes Docteurs que n'en exige
pour fes chimères le plus extravagant des
Philosophes.
Ceux-ci au refic n'ont point un fanatifme
indifcret. Dans leur délire ils renemblent à
ces fous qui infultent les Etrangers, & mé-
nagent le Gardien qui leur porte manger
tous les jours & les fouette quelquefois. Ils
carènent les Princes. Ils cachent d'apprivoi-
fer les Puiuances. Ils leur dédient des Livres.
Ils louent leurs venus, leur goût pour los
Art~ & furtout L
leur J
libéralité. Car c'ed en.
Yain qu'ils s'applaudirent de leur dé~ntére~
iemenc, qu'ils ceilcnt de vanter la folitude
donc ils Semblent fi jaloux & cet éloigne-
J
ment pour les grandeurs qu~Usan~~enc quel-
quefois avec tant d'écalage.
H y a peu de mérite à avoir des vertus dont
on leur fait une néce(ucé. Les gens en place
font presque toujours en garde contre des
talens qu'ils redoutent. Inftruits par l'exem-
pte de leurs prédéceneurs, combien les Phi"
Ïoïophcs ont de penchant à mordre tout ce
qui les irrite ou jaloux d'un éclat qui pour-
roit les éclipser, ou convaincus de la futilité
des Sciences ils repounenc loin d'eux les
cfprics frivoles qui les cultivent. L'orgueil
hilofophique écarté des emplois qu'il am-
bitionne en fecret fë ménage la con~bla-
1,
tion de paroître les mépriser. Ceux qu'il
anime ont loin d'Mnucr du fonds de leur
retraite combien un Gouvernement éclaire
doit d'égards & de protection aux Sçavans.
Ne pouvant le dire aux Princes ils le di-
fcnt au public dans les Livres. En attendant
que ces maximes ayent produit quelque ettec,
ils aScdent un grand déûncérenemenc pour
leur donner plus de poids. Ils annnoncent
une parfaite indin~rence pour les honneurs
i~&iavagc de la Cour. Mais fi ia barrière
J
~ui leur en défendoit l'entréo 1 vient à fe te-
ver, ils s'y précipitent avec ardeur.
Sous Conttancin & fon Fils, Princes ab-
folus & fanguinaires, trop occupés des a<tai<
res de la Religion pour eftimer les Philo-
fophes qui la combattoient, ceux-ci fe firent
une gloire de refter dans leurs cabinets. Ils
y enieveliSbienc avec regret une Science que
le Gouvernement dédaignoit. Mais quand
un nouveau Ma!cre eut amené d'autres ma-
ximes, quand Julien eut remis pour quel-
que tems la Philofophie fur le Trône, qu'il
eut deviné les emplois & les gratifications à
devenir la récotnpcnfe des Sages, on les vie
accourir de toutes parts aux lieux où tomboit
cette manne précieufe. Ils fe preffoient en
foule autour du Prince. Parmi les cafques
& les cuiraffes des Gardes on diftinguotc
le petit manteau des Stoïciens &: la barbe
pointue des Cyniques. Les cabinets furent
bientôt déierts. Chacun fe hâcoic d'apporter
à laCourdesm~ru~ions chèrement payées,
ces mains bornées auparavant A manier le
fhlet le compas, ne s'ouvrirent plus que
pour recevoir des préfens ou pour en ibi-
liciter.
Apres avoir fuivi les Philofophes dans leurs
haines & dans leurs flatteries que ieroic-co
6 j'examinoM les Ibins qu'ils fc donnent pou~
faire des Prosélytes, nje developpoïs lésera*
tagcmcs qu'ils employent pour Ce les atta~
cher l'art dout ils (e fervent pour les reie"
nir ? L'enthouiiafte dogmatique étant fondé
fur la pcduauon doit être plus ardenc. Ce"
lui des prétendus Sénateurs de la fageflè re*
~anc (ur l'orgueil doit être plus opiniâtre.
L'un s'arme de vidons, de prodiges enrayans~
l'autre de maximes feduiiàntes, de pré-t
ceptes flatteurs. L'un s'exprime avec plus de
force que d'agrément il tonne, il foudroyet
il fe dit defcendu du Ciel, & exige à ce
titre une obéiffance fans réserve. L'autre s*ap"
proprie tous les charmes de l'éloquence t il
s'inunue dans les coeurs il y réveille les pat-
fions qui ne peuvent que le bien fervir il
promet à tous ceux qui l'ëcoutenc une par<
faite indépendance. Le premier (e multiplie
furtout parmi les efprits greniers les âmes
foibles. Pour admettre le fecond il ne faut
couvent qu'un efprit indocile, avec un cœur
pervers. Enfin celui-ci iurcharge les hommes
de Scrupules, de devoirs gênans celui-là
brifc preique tous les liens, Se quoiqu'il (ca-
che en forger d'une autre efpéce, pour s'ajf-
furer de fes captifs, c'cft toujours en prenanc
la libère pour dcvife qu'il les traîne à fa
(uite, vaincus & fubjugucs.
Que teroic-cc cncorcûjc de~ccndois dan$
~es laboratoires où les Sages compofent eux"
crèmes l'encens dont leur amour propre eft
avide ? Si je les repréfencois dans ces Temples
dont ils le iont faits les premieres Divinités,
jouant tour à tour le rôle de Sacrificateurs ô~
d'Idoles, & rendant à leurs voifins préciiemenc
la doie de fumée qu'ils en ont reçue ? Ce
ibnt-là fans doute des traits caractéristiques
du fanatifme qui les poiféde mais auiR ce
font des vérités trop faciles à prouver. Il ne
faut que jecccr les yeux fur leur conduite
dans tous les fiécles pour s'en convaincre.
Je pane à d'autres vérités non moins certai-
nes,1, mais moins généralement reconnues
& qui par con~quent méritent d'être expo-
sées avec plus de dérail.
Le fanatifme religieux enfanglante la
Terre. Il éleve à rintotérancedes monumens
affreux. 11 s'entoure de cadavres c'ed eo bu~
vant leur fang qu'il s'applaudit de la v~oire.
Il feroic inutile de le nier. Cette vérité dé-
montrée par l'expérience de tous les fiécles,
une tride preuve de la foibleffe humaine.
Le fanatifme philofophique, moins dedruc-
teur en apparence, eMI moins funefle CM
effet ? Parce qu'il ed plus tranquille faut-
H Croire qu'il Soie moins nuidble ? L'un ébranle
ia Terre il déshonore les maximes con(o-
!antM de ta Religion, parles avions cruelles
des enthounafres L il égareJ
quelquefois les
hommes; mais il !cui donne la force de mar*
cher. La vigueur qu'il nourrit dans les âmes,
peut les conduire au crime mais elle les
îbutient fur le chemin de la vertu.
L'autre au concraire introduit danslemon~
de un calme perfide. Il n'entrame peut-ctre
pas necenairemcnc au vice mais il emprche
nécenairemenc d'arriver à la vertu.Il n'égorge
pas les hommes au nom de Dieu mais il les
empoifonne il les fait périr par l'abus du
J
luxe. Ce n'eft pas u l'onveucàdes argumens
Théologiques qu'il les immole c'en: à des
payons îecretces honceufcs. S'il ne ïe dé-
truifoit pas lui-même à force de decruire ~i
les progrès n'ann~antinoienc pas les Sciences
dont il eft né fi la favorable ignorance ne
venoit ouvrir un afyle au monde fi par une
attention fecrette de la Providence, elle ne
foutenoit autant la population d'un côté, que
la Philosophie la détruit de l'autre, le genre
humain périroïc en peu de tems fous les yeux
de fes Doreurs. Le moment où des Séries
orgueilleufes oferoienc lui promettre des lu-*
mieres feroit voifin de celui où la Terre
1,
manqueroit d'Habitans.
Ceci n'en: point une de ces récriminations
odieufes dont l'atrocité diminue la force.
On voit dans les uécles tllu~rcs par la Phi-
lolophie
lofophie, la population dimitluer les Arts
1,
dégénérer, & ta liberté, compagne ordinaire
de la vercu céder la place a la bane fervi-
1,
tude, fuivance inféparable du vice. Alors les
hommes plus éclairés iur leurs devoirs de-
viennent moins fcrupul~ux à les violer. Ils
connoifiènt mieux le prix de la venu mais
ils foncent mieux aun! l'utilité du vice &: fes
agrémens. La morale dilperfée dans les Li-
vres perd la force neceHaire pour diriger les
avions. Des mains habiles mettent au jour
les plus fecrets liens de la Société. Elles péné-
trent tout le jeu du corps politique mais ce
corps devienc bicncôc pareil aux fquelectes,
où les Anatomitles ne peuvent chercher les
organes de la vie,t qu'en les dérruifanc. Ses
muscles, fes renorts ainfi défauembles, dé*
1,
pouillés des voiles favorables qui cnencrece-
noicnc la ibupicne & l'union, n'offrent plus
que l'image de la mort, avec un appareil do
fcience aufli fastueux qu'inutile.
Alors on entend diHercer avec grâce fur
le bonheur, & les oréilles ne font frappées que
des géminemens des malheureux. Des Phi<
loi-ophes élégamment vêtus prodiguenc les
éloges aux lumieres de leur uécle, a ia dou-
ceur de tes moeurs, & l'on ne rencontre hors
de chez eux que la mifere & le défefpoh'. Eux-
picmes les fouc naître par leurs exaltons.
On voit des Senéqucs ruiner par Future des
Provinces entières, en écdvanc des Traites
fur la bienfaifance &: composer des Livres
contre le luxe iur des tables d'un bois plus
précieux que l'or.
Bientôt !e deipotifme, enhardi par la lâ-
cheté commune, s'élève appuyé iur des Trai-
tes Philoiophtques. Il y puiïe l'art trompeur
de tout couvrir d'un vernis (ëdui~nc il y
apprend à meprifer les hommes, à!es regar-
der comme des indrumens utiles faits pour
fervir Ces panions ou Ces caprices. Les plainrs
& les Arts deviennent fes plus fûrs Satellites.
H multiplie les écabnnemens où des hommes
voués à la louange, Ce coniacrenc à faire des
Panégyriques. Il paye il encourage leurs
menfonges. Tel eic Fenec de leurs travaux
& de les foins que de leurs discours mis bout
à bout, on pourroit conclure qu'il n'y a ja-
mais eu dans le monde que des iiecles de lu-
miere, que des Princes parfaits que des
1
Peuples fortunés, que de grands hommes en
tout genre.
Mais tandis que ces lâches imposteurs s'e-
tourditlènt eux-mêmes par la vapeur d'un
encens impur, !c montre redouble tes rava~
ges. C'en: précifëment dans !e tems où tout
le monde parle des égards dus à l'humanité,
~u'on riniulce avec moins de ménagement. Ce
tableau efr cnfre mais on l'a déjà vA fe repro"
dutre plus d'une fois. On le reverra (ans doute
chez les Peuples qui nous fuccéderont, com-
me il a paru chez ceux qui nous ont précèdes.
Partout pays la paix, la hbercé & la vertu
fuivent l'ignorance fourenue par la pau«
vreté <5<: l'amour d'un travail gro~Eer. Elles
iuyenc d'un Empire à mefure qu'il s'ytrouve
plus de gens aflèz opulens pour s'attri-
buer le droit de ne rien faire & ancz dé-
~occupës pour chercher à s'instruire. Alors
des nchenes vient le luxe de l'oitiveté les
Sciences. Du luxe &: des 1,Sciences réunies
naîc la Philofophie, production funcu:e, qui
fe bornant d'abord a dégrader les Arts, pane
bientôt jusqu'aux mœurs qui énervant le
Peuple, &: corrompant les grands d'une Na-
tion, y fait germer avec rapidité la banene
l'oubli des devoirs réciproques, & enfin le
defpocifme.
Je ne fçais pas bien précifément ce que
c'ett que l'homme & la fbciëcé mais je ~ais
que pour que l'un foit heureux pour que
l'autre fubutre fans trouble il faut ïur la
Terre beaucoup d'obeinance, & très-peu de
railonnement. Jamais l'un ne s'accroît qu'aux
dépens de l'autre. Et qu'on ne dife pas qu'une
tbumiCEon aveugle eft le (butien du defpo-
tifmc, le tombeau de la liberté. Non l'o~
bei(!ance e~ la vertu des Républiques ou
des Ecacs qui ne ibnc pas encore corrompus.
Elle vient de l'amour des Loix du refpe<3:
J
pour une Pu~ance légitime. Le Citoyen
obéit lans rayonner. Son coeur & fbn bras
font toujours d'accord. Mais le Phitofbphe
raisonneur qui difcute qui péfe les droits
des Puiffances, qui diflèrte fur les vertus &
les vices, eft trop Uchc pour ravoir obéir.
Son coeur flétri par Ces rrétendues lumicres,
n'eA accenible qu'à la peur. Deïabu~ fur
ces mots de patrie1, d'honneur, de devoir,t
accoutumé a les difféquer, à en examiner les
lapporcs it n'en connoit plus ni la forcet
ni la douceur. C'e~ un vil efclave qui cëdc
à la crainte prêt à Ce révolter dès que le
maitre aura tourné les yeux, 6~ fufpendu fon
fouet.
Quoi dira-t-on ces Philofophes hardis
t
qui ïë permettent de tout examiner, dont la
main puiiîanre fe joue des liens qui accablent
les sucres hommes, (bnc les pères du defponC-
mei Ces dérenfeurs des droits de l'humanité
en feroient les plus cruels deihu~eurs > La
Servitude ennemie décidée des lumières de
touce espèce, feroit le fruit de ces recherches
laborieutes, entreprifes pour nous éclairer 1.
Cela n'en: que ~op vrai. L'excès du pou-
voir arbitraire naîc parcouc des études phi*
to~bphïques. La foumiflion prompte & re~.
pe~rueufe de la l'berce n'exige dans ta. force
que chez les Nations ignorances. Elle s~arfbl-
blit, quand ces Nations cédant a une curio-
sité déplorabte,' appellent dans leur fein les
Arts & tout leur dangereux cortége. Elle
s'y annéantit enfin, quand les Arcs, les Scfen-
ces portées à leur dernier période dégénè-
rent en Philosophie.
Les Sciences elles-mêmes éprouvent alors
le fort de la vipère, qui fë voit dévorée par
les enfans. Elles ~bntctounees par cette bran-
che <iangereu(e quelles ont produite. L'es-
prit du catcuHnte~e tous les etprits. M éteint
cette hardiene ce délire du génie qui eft
à la vérité une preuve de corruption mais
9
qui crée, ce qu'on appelle les grands Animes
chez les Peuples à demi-corrompus. Oa
analyfe les vercus on touc les penfées on
a des Algcbnftcs, des Géomètres~ des Phy-
ficiens mais on n'a plus d'Orateurs plus
de Poètes, & furtout plus de Citoyens. Après
s'être quelque tems livré à cette froideur ma-
thématique qui engourdit tous les membres
d~un Etat, on arrive enfin en raifonnant à
Ja barbarie. Celie-cî, comme un nouveau
déluge, inonde les champs malheureux où
germoient auparavant la Philofophie & tes
vices. Elle les diïpofe à reproduire un jour
fous une autre génération, l'ignorance les
vertus.
Telle eft la marche invariable des hom-
mes depuis qu'ils c~ï~enc ïucce~ivemenc
barbares & corrompus, ne pratiquant la fa-
ge~e que quand ils en ignorent les régies,
& négligeant leurs devoirs dès qu'ils ga-
vent les dcSnir. Aucun tems 1, aucun pays
n'a écë exempt de ces fune~es inHuencesdc la
Philofophie. Elle, l'aneancinemcnc des Arcs,
celui des moeurs le defpotitme, ont tou-
jours marché du même pas. Les plus ab-
iolus, les plus vicieux des Cal'pucs, furenc
ceux qui firent d~cner des tables agrono-
miques. Le goût des Sciences dégérëra chez
les Sarrafins, dés qu'ils eurent traduit la mo-
rale d'Ari~ote. Jamais il n'y eue plus d'obéif-
fance, plus de liberté, & moins de Philofophie
que dans Rome aux premiers fiécles de la
République. Les Fanions, les Guerres civi-
les, s'y introduiGrenc avec la politene &
jamais il n'y eut une lâcheté plus ieditieufe,
une oppredon plus tyrannique un goût
plus dépravé que dans cette même Rome
quand elle eut dans (on fein des Ecoles de
Philosophie quand elle fut gouvernée par
des Empereurs éleves ou amis des Philo-
sophes.
Les Princes ont cependant quelquefois la
fbib!ene de croire que l'éducation de leurs
enfans ne fcauroic être mieux que dans les
mains des Sages. On en a vu chercher à
grands frais des Inftituteurs célébres pour
leurs hénc'ers. Les Annales Philofophiques
n'ont pas laine perdre la Lettre du Roi de
Macédoine au Chef du Lycée. Le Prince
conquérant y paroit Se féliciter moins de
fes vi~oires que de pouvoir donner à fon
~Is un Précepteur tel qu'Ariftoie. En effet,
on eSt porté d'abord à admirer ce choix. Il
femble que le genre humain foit trop heu-
reux d'avoir à fa tête des Princes instruits
par des gens accoutumés à étudier les foi.
blelfes de l'humanité, plus encore à fo
vanter de les guérir.
Quel dommage que cette idée Haiceufe ne
foit qu'une illufion Une expérience trop
fuivie, trop réitérée/démontre que ces édu-
cations tant vantées ne produifent guére que
des tyrans. Ce Philippe de Macédoine fi
bon juge du mérite d'Ariftoce, élevé lui-même
du Philofophe Epaminondas, ctolt un ufur-
pateur adonné aux excès les plus honteux,
capable de tout fach~er à l'ambition & à fes
plaifirs fe jouant des fermons comme des
hommes. On fçait quelles vertus rapporta
Alexandre des Leçons d'un Maître foup-
~onné d'avoir contribué à fa more. Platon
conduit avec pompe en Sicitc, pour former les
moeurs du jeune Denys ne rëmnc qu'à en
faire un compose de lâcheté & de mo!cne
»
trop heureux d'aller à fon tour enseigner
pour vivre ces connoiflànces qui lui avoient
coticé Ton Trône & ~a vertu.
Chez les Romains le barbare Silla l'u-
3
furpateur Cëfar, Augufie pendant vingt ans
le plus cruel fléau qui aie jamais an~gc la
Terre ëcoienc en liaifon avec tous les Phi-
lofophes de leur tems. Tibere ecoicRhëceur,
J
Agronome Grammairien. Il avoit pane la
moicië de fa vie dans les Ecoles, &~ de toutes
les Sciences qu'un délire orgueilleux com-
prend fous le nom d'w la 7~~
aucune ne lui étoit inconnue. Perfonne n'i-
gnore entre quelles mains Ncron avoit pane
fajeuneue. Sencque, ufurier & Philosopher
fit exprès pour lui unTraicé de la clémence.
Il radrena à ce Prince, qui n'en fit pas plus
de cas que Seneque lui-même n'en faifoit de
fes autres maximes.
On fçait dans quels excès fe plongea Com-
mode, Fils d'un Empereur Philosophe, in~-
trutc par des Philosophes choifis dans tout
l'Empire. Un autre de ces montres à figure
humaine qui déshonorerenc fi fouvent Je
Trône des Cëfars, Caracalla étoit fils d'une
femme Philosophe. Julie fa mère recevoit
i Sa Cour les L
Agronomes J les Géomètres.
C'étoic-elle qui vouloit nommer tous les Pro-
feffcurs de Rome. On fit en fon honneur
FHi~oire des Femmes Phîlofbphes le
fruit de tant de beaux Livres de tahC de
Sages maximes fut que Caracalla voulut
pludeurs fois afTaitner fon Père, qu'il égorgea
fon Frère de ia main, dans les bras de ~a
Mère, qu'il furpana les folies de Caligula
la cruaucé de Néron.
On ne manqueroit pas de pareils exem-
ples dans des tems plus modernes. Partout
on verroit la fureur naître fur le trône des
leçons de la fageflè, & le mépris des vertus,
ou de la vie des hommes, s'introduire dans
les cœurs avec les plus brillantes fentences
de vertu & d'humanité. Que les Philofophes
nous rendent donc raifon de cet effet étrange.
Qu'ils nous apprennent comment avec de fi
beaux préceptes, ils font de fi mauvais éle-
ves. Qu'ils nous difënc pourquoi la vertu s'e-
clipfc des Cours dès qu'ils y paroi~enc, pour-
quoi les plus violensoppreHeurs des hommes
font fortis de ces Ecoles, où l'on n'enseigne
en apparence qu'a chérir l'humanité~
Au contraire, du petit nombre de bons
Princes, dont l'Hiftoire a confervé le fouve-
nir, il n'y en a pas un qui n'ait du fon édu"
cation à des mitres obïcurs, capables de
montrer a pratiquer la vertu précifëment
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