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s’est faite dans la violence et les protestations lors


des Printemps arabes de 2011 qui ont débouché sur
Quatre années d’une guerre sans héros
PAR THOMAS CANTALOUBE
la chute du pouvoir), s’est transformée en conflit par
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 26 MARS 2019 procuration entre deux ennemis régionaux, Téhéran
et Riyad, porté par la vanité du nouvel homme fort
Le 26 mars marque le quatrième anniversaire de
saoudien, le prince héritier et ministre de la défense
l’intervention saoudienne au Yémen, transformant une
Mohammed ben Salmane (surnommé MBS).
guerre civile en conflit international. Aujourd’hui, la
crise humanitaire ne fait qu’empirer, mais des signaux
indiquent que 2019 pourrait enfin voir un cessez-le-
feu durable s’installer.
« Il n’y a pas de héros au Yémen. Il n’y a que
des victimes et des criminels. » La femme qui parle
ainsi est Radhya Almutawakel, son visage doux
encadré d’un foulard. Présidente de Mwatana, une
Des enfants dans le nord-ouest du Yémen victimes de
organisation de défense des droits de l’homme, elle malnutrition comme 80 % de la population du pays. © Reuters
s’efforce de recenser les violations perpétrées par tous Comme dans toute guerre, les civils se sont
les belligérants dans le conflit yéménite. Une tâche retrouvés pris au piège entre des intérêts qui les
presque impossible qu’elle s’acharne à remplir, tout dépassaient. Écartelés entre les deux factions, Houthis
en essayant de mobiliser la communauté internationale et gouvernement, qui contrôlent chacune une partie
afin de tenter de ramener la paix dans son pays après du territoire, mais surtout, pour les populations en
plus de quatre ans de conflit. zone rebelle, bombardées de manière relativement
Car, oui, cela fait aujourd’hui plus de quatre années indiscriminée par l’aviation saoudienne et émiratie
que les rebelles houthis, qui mènent un mouvement et encerclées par un blocus maritime. Pendant
chiite basé dans le nord du Yémen mais qui se bat les deux ou trois premières années, la guerre au
principalement contre la marginalisation de cette zone Yémen a été « oubliée », car le pays demeure
par le pouvoir central, ont renversé le gouvernement quasiment inaccessible aux journalistes, mais aussi à
du président élu Abdrabbo Mansour Hadi, plongeant de nombreux humanitaires. Aujourd’hui, si cet accès
le pays dans la guerre civile. Une guerre qui s’est très ne s’est pas amélioré, la tragédie des civils sur place a
vite internationalisée, avec l’intervention militaire de quelque peu réveillé l’opinion publique internationale.
l’Arabie saoudite le 26 mars 2015, à la tête d’une Selon l’ONU et la plupart des ONG, la situation au
coalition incluant les Émirats arabes unis (EAU), le Yémen fait partie « des pires crises humanitaires de
Maroc, la Jordanie, l’Égypte. Sans oublier l’appui notre époque ». Retour du choléra, famine rampante,
des États-Unis en matière de renseignement et de malnutrition généralisée (80 % de la population a
ravitaillement en vol, et de plusieurs pays européens, besoin d’assistance humanitaire pour survivre)… Si
dont la France, en armements divers. les chiffres de mortalité sont difficiles à établir, ils
Officiellement, l’Arabie saoudite et ses partenaires ont ont été longtemps sous-estimés, selon l’organisation
justifié leur intervention pour rétablir le gouvernement ACLED qui juge que le décompte des morts dues
légitime du président Hadi. Officieusement, il au conflit se chiffrerait à près de 80 000 décès, soit
s’agissait de contrer l’Iran, qui soutient en sous-main cinq à huit fois plus que communément établi jusqu’à
les rebelles houthis. Ainsi, une guerre civile comme le présent.
Yémen en a malheureusement déjà connu beaucoup (le Depuis les négociations timides entamées à Stockholm
pays a longtemps été divisé, jusqu’en 1990, entre un au mois de décembre 2018, un accord signé par les
Yémen du Sud et un Yémen du Nord, puis l’unification différentes parties belligérantes a permis un début de

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désescalade, mais il reste très fragile selon plusieurs salaires, plus d’usines, les produits mettent du temps à
représentants de la société civile yéménite. La raison arriver et sont très chers, les pêcheurs ne peuvent plus
en est que toute forme d’État a quasiment disparu s’éloigner des côtes en raison du blocus. »
au Yémen, aussi bien dans les zones houthies (au
nord-ouest), que dans celles restées dans le giron
gouvernemental (au sud et à l’est). « À Aden [au
sud-ouest – ndlr], on considère généralement que
la guerre est terminée, rapporte Laila Alshabibi,
une responsable associative. Après quatre années, on
s’attendait à un changement, mais ce n’est que le début
d’une autre guerre. » La situation au Yémen début 2019 : en vert la zone contrôlée par les Houthis, en rose
par les forces loyales au gouvernement, et en jaune et blanc par des groupes terroristes.
« Le gouvernement, qui était déjà fragile auparavant, D’après toutes les ONG qui opèrent au Yémen,
s’est complètement effondré et il n’arrive pas à qu’elles soient locales ou internationales, « l’énormité
gérer tous les problèmes : services à la population, de la crise est telle qu’elle dépasse les simples
approvisionnement, déplacés internes… ajoute-t- capacités des humanitaires », comme l’explique Dina
elle. Les prix ont énormément augmenté et il y a de el-Mamoun, la responsable d’Oxfam à Sanaa, la
moins en moins de liquidités, notamment parce que le capitale. « Il y a vingt millions de personnes qui ont
gouvernement a interdit la réception d’argent depuis besoin d’une assistance alimentaire. Qu’est-ce que les
l’étranger. L’essentiel de la population dépend des ONG peuvent faire face à un tel problème ? »
salaires versés par le gouvernement, qui est presque
le seul employeur. Mais toutes les familles n’ont pas Pour Radhya Almutawakel : « Les Yéménites ne
la chance d’avoir un fonctionnaire en leur sein… » souffrent pas de la faim : ils sont affamés. Le Nord
Avant la guerre, le revenu moyen d’une famille était et le Sud sont désormais contrôlés par des groupes
de 1 300 dollars par mois, aujourd’hui, il se situe entre armés fanatiques qui n’ont aucune considération
300 et 400 dollars alors que les prix de la nourriture pour la population ordinaire. Sans même parler
et du carburant ont bien souvent doublé, triplé ou des intervenants extérieurs comme l’Arabie saoudite,
quadruplé. l’Iran ou les groupes terroristes qui jouent avec le
Yémen comme sur un échiquier. La seule possibilité
Quant aux Houthis, ils n’ont pas réellement essayé pour ramener la paix est politique. Le processus
de bâtir un État et une administration dans les de Stockholm est la seule solution que nous ayons
territoires qu’ils contrôlent. Dans la ville d’Hodeïda, aujourd’hui et il faut donc le poursuivre. »
qui comprend le principal port de l’ouest du pays,
« tout est sinistré », selon les mots que Dalia L’an passé, Riyad ne voulait pas écouter les pays qui
Qasim peine à trouver. « La région était déjà très poussaient le Royaume à négocier une sortie politique.
pauvre auparavant, les gens vivaient de l’agriculture Pour le prince héritier Mohammed ben Salmane, il
familiale, ils étaient pêcheurs et il y avait quelques s’agit d’une affaire de prestige – il a démarré cette
ouvriers et commerçants. Aujourd’hui, il n’y a plus de guerre et interdit à quiconque parmi ses sujets de
la critiquer. Mais après l’assassinat du journaliste et
opposant Jamal Khashoggi et l’opprobre qui s’est
ensuivi, l’échine de MBS est soudainement devenue
plus souple. En décembre 2018, Riyad a fait volte-face
et envoyé tout son cortège de diplomates à Stockholm.
Cela fait dire à Radhya Almutawakel qu’« il existe
un équilibre de faiblesse entre toutes les parties en

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présence au Yémen. Personne ne veut négocier, mais mettre fin à ce conflit, confie en off un diplomate du
comme personne n’est puissant, tout le monde est Quai d’Orsay responsable du dossier. Ils veulent que
sensible à la pression ». 2019 marque la dernière année de la guerre. »
Les Houthis comme les forces loyales au Bien évidemment, il est toujours plus aisé de vouloir
gouvernement voient bien qu’ils ne peuvent remporter la paix que de la conclure. Et, comme avertissent les
la guerre ni même rétablir la paix sur leur territoire, les membres de la société civile yémenite par la voix
Émirats arabes unis sont depuis longtemps convaincus de Radhya Almutawakel, « il serait très dangereux
de l’inanité de ce conflit, l’Arabie saoudite est de plus de passer un accord entre l’Arabie saoudite et les
en plus isolée et l’Iran a d’autres chats à fouetter. Dans Houthis qui laisserait de côté le reste du peuple
les chancelleries également prédomine le sentiment yéménite. Il faut que toutes les parties et la population
qu’il est possible d’en finir. « Nous recevons de soient associées à la fin du conflit, autrement la paix
signaux de la part de Riyad et des EAU qu’ils veulent ne tiendra jamais ».

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