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Résumé
REB 32 1974Francep. 225-245
Denise Papachryssanthou, La Vie de saint Euthyme le Jeune et la métropole de Thessalonique à la fin du IXe et au début du Xe
siècle. — Les conclusions tirées d'un nouvel examen de la Vie d' Euthyme le Jeune par Basile concernent le saint et l'auteur de
sa Vie. D'une part, Basile est à rayer de la liste episcopate de Thessalonique ; il fut peut-être suffragant de la métropole, mais il
ne semble pas être l'auteur de l'acolouthie éditée par L. Petit. D'autre part, la date de la mort du saint en 898 (non 883, comme
le veut Kirsopp Lake) s'accorde avec les événements antérieurs, dont certains, entre 875 et 898, sont précisés.
Papachryssanthou Denise. La Vie de saint Euthyme le Jeune et la métropole de Thessalonique à la fin du IXe et au début du
Xe siècle. In: Revue des études byzantines, tome 32, 1974. pp. 225-245;
doi : https://doi.org/10.3406/rebyz.1974.1486
https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1974_num_32_1_1486
Denise PAPACHRYSSANTHOU
1. L. Petit, Vie et office de saint Euthyme le Jeune (édition parue d'abord dans la
Revue de l'Orient chrétien 8, 1903, p. 168-205), Bibliothèque hagiographique orientale
n° 5, Paris 1904 (édition citée dorénavant sous le titre Vie d'Euthyme), p. 35-36 : salut
miraculeux du saint qui échappe aux mains des Arabes ; p. 37 : myron qui coule du
tombeau de l'ascète Joseph ; p. 39-40 : chute sans conséquence d'Euthyme (?) du haut
de l'église en construction.
2. Don de prophétie : il prévoit l'avenir de son disciple Basile (Vie d'Euthyme, p. 46-
47) ; don de clairvoyance : il a connaissance du danger que courent ses disciples dans
le désert et sur la montagne, et de la décision de deux autres de quitter leur couvent
(ibidem, p. 47-48) ; don de guérison (ibidem, p. 3415, 4720"23).
3. Vie d'Euthyme, p. 29-32 et 39-41.
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d'Euthyme des détails sur la vie monastique au IXe siècle sera plutôt déçu,
car le biographe ne fait qu'énumérer les étapes essentielles de la vie
d'Euthyme et, à l'intérieur de chaque période, il s'arrête seulement aux événements
qui présentent à ses yeux une certaine importance. L'extrême concision
du récit nuit parfois à sa clarté et n'aide pas beaucoup à reconstituer les
circonstances qui ont provoqué telle ou telle décision d'Euthyme.
Néanmoins, par sa conception, l'écrit de Basile inspire la confiance. Nous
partageons sur ce point l'opinion de L. Petit, qui estime que «la biographie
de saint Euthyme est incontestablement l'une des meilleures de
l'hagiographie byzantine4 ».
Ce document précieux5 n'a connu qu'une seule édition du texte entier,
par L. Petit, au début du siècle6. L'édition se fonde sur un codex de Lavra,
du xne siècle (L), collationné avec un manuscrit de Vatopédi, du xve siècle
(V), et avec un autre de Pantéléimon, du xixe siècle7. Nous avons eu
l'avantage d'avoir à notre disposition le microfilm du plus ancien manuscrit
connu, conservé à Moscou (M)8. La collation a prouvé qu'il n'y a pas de
différences graves entre le texte publié et celui de Moscou9. L'intérêt de
ce dernier réside surtout dans le fait qu'il confirme certains points dont
la lecture a suscité des discussions. Nous aurons l'occasion d'en parler
plus bas10.
L'auteur : sa vie et sa carrière. Dans son œuvre, le biographe d'Euthyme
11. Il cite son nom deux fois : Vie d'Euthyme, p. 4628 (εγώ, S> Βασίλειε) et p. 5010
(μέμνησο Βασιλείου τοϋ σοϋ).
12. Vie d'Euthyme, p. 468"4 : Έν ταύταις ούν ταΐς θεοπνεύστοις και μελιρρύτοις
διδασκαλίαις καΐ ημάς καταθέλξας, οΐά τις Όρφεύς, οπαδούς έπηγάγετο.
13. H faut faire une distinction entre l'âge d'entrée au couvent et l'âge de la tonsure,
qui était conférée, sauf dans les cas d'exception, après deux ou trois ans de noviciat (cf.
novelle 123 de Justinien, ch. 35 ; Grumel, Regestes, n° 468 ; D. Pétrakakos, 01
μοναχικοί θεσμοί εν τή... Εκκλησία, Leipzig 1907, p. 64 ; P. De Meester, De monachico
statu iuxta disciplinam byzantinam, Vatican 1942, p. 356-360 ; R. Janin, Le monachisme
byzantin au Moyen Age, REB 22, 1964, p. 23), et le plus souvent après l'âge de 16 ans.
Ainsi s. Basile ("Οροι κατά πλάτος, 15 : PG 31, 952^-957^) admet les enfants au couvent,
mais il précise qu'ils ne seront tonsurés qu'après avoir atteint l'âge de raison (ώστε του
λόγου προσγενομένου... μετά τήν τοϋ λόγου συμπλήρωσιν : 956s). Ailleurs, il fixe cet
âge à 16 ou 17 ans (PG 32, 720B). Le concile in Trullo (canon 40 : J. B. Pitra, Juris eccle-
siastici graecorum historia et monumenta, II, Rome 1868, p. 45) abaisse l'âge minimum
de la tonsure à 10 ans, mais il laisse à la discrétion de l'évêque de déterminer dans chaque
cas particulier l'âge effectif de la prise d'habit. La novelle 6 de Léon VI (PG 107, 440B
= P. Noailles et A. Dain, Les Novelles de Léon VI le Sage, Paris 1944, p. 33-35) cherche
à concilier les deux limites extrêmes (10 et 17 ans).
14. Vie d'Euthyme, p. 464~e : έτος ήδη έν τη θεοσυστάτφ μονή διαπεραιούμενος
τέταρτον, άποκείρας μέν ήμας έν τη Σερμυλία λεγομένη κώμη, έν τφ Δημητρίου ναφ...
Le couvent de Péristérai fut fondé en 871 (voir plus bas, p. 235-236). Pour une identification
de l'église de Saint-Dèmètrios, voir M. Chrysochoos, Σερμύλη, Έπετηρις Παρνασσού
4, 1900, p. 112.
15. Vie d'Euthyme, p. 467"8 : προς βραχύ τάξας έν τοις άναχωρητικοΐς αύτοΰ κελλίοις
Ιξω κατοικεϊν.
16. Le canon 41 du concile in Trullo ordonne un séjour de trois ans dans le couvent
avant que l'on ne se livre à la vie d'anachorète (cf. J. B. Pitra, op. cit., II, p. 46).
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25. Il faut faire la distinction entre les titres des manuscrits et ceux des diverses
rubriques des catalogues. Ainsi des phrases comme celle-ci : Βίος... συγγραφείς υπό Βασιλείου
επισκόπου Θεσσαλονίκης (cf. S. Eustratiadès, Συμπλήρωμα αγιορείτικων καταλόγων
Βατοπεδίου και Λαύρας, Paris 1930, ρ. 19 ; Idem, Catalogue of the Greek Manuscripts
in the Library of the Monastery of Vatopedi, Cambridge [Mass.] 1924, p. 124), ne relèvent
que de l'autorité des éditeurs.
26. Aucun synaxaire, ménologe ou menée hors de l 'Athos ne connaît Euthyme. La
première mention se trouve dans Nicodème, Συναξαριστής των δώδεκα μηνών, au 14
octobre ; voir aussi n. 36.
27. Cf. Vie d'Euthyme, p. 1-2 et 12-13.
28. Vie d'Euthyme, p. 52-76 ; voir aussi p. 10-11.
29. Vie d'Euthyme, p. 52.
30. Il y a lieu de distinguer un office ancien, plus simple, composé d'un canon, de
stichèra et d'un kathisma (cf. Denise Papachryssanthou, L'office ancien de s. Pierre
l'Athonite, An. Boll. 88, 1970, p. 29 et n. 2), et un office plus récent, amplifié, tel qu'on
le trouve dans l'édition de L. Petit. Ce dernier office associe au culte le biographe
d'Euthyme, Basile (cf. Vie d'Euthyme, p. 11-12).
31. S. Eustratiadès, Ταμεΐον εκκλησιαστικής ποιήσεως, 'Εκκλησιαστικός Φάρος
37, 1938, ρ. 259-261 : cinq manuscrits à Lavra, allant du XIe au xve s. (nous supprimons
le codex Δ 37, qui est un menée de mars-avril ; introduit ici par erreur ?) ; un manuscrit
à Vatopédi, du xme s., et un manuscrit de Kausokalybia (le seul manuscrit de Kauso-
kalybia qui contienne l'office du saint est le codex 258 de 1858, compilé par le moine
de Néa Skètè, Jacques : cf. E. Kourilas, Κατάλογος των κωδίκων της ιεράς σκήτης
τών Καυσοκαλυβίων, 'Αγιορείτικη βιβλιοθήκη 5, Paris 1930, ρ. 129 ; le titre du morceau
est le même que celui de l'édition, malgré la faute Ευθυμίου pour Βασιλείου et l'omission
d'une ligne entière).
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non pas de l'office entier, mais du canon32. Le problème, pour nous, était
de savoir si ce titre du canon avec le nom de Basile se trouve dans les
manuscrits anciens de l'office, ou si Eustratiadès l'emprunte à un des manuscrits
récents comme Yapographon utilisé par L. Petit. Faute de pouvoir
consulter les manuscrits athonites, nous nous en sommes rapportée à deux autres
aussi anciens qui se trouvent hors de l'Athos, mais en proviennent : le
nom de Basile ne se rencontre ni dans l'un ni dans l'autre33. Nous pouvons
donc dire avec certitude que les copistes athonites byzantins de l'office
ignoraient la tradition qui attribue l'office à la plume de Basile le
biographe34. Et comme le nom de Basile n'est pas du tout cité dans leurs
copies, ce ne sont pas ces copistes-là — pas plus que ceux de la Vie — qui
répandirent l'assertion que Basile avait occupé le siège métropolitain de
Ttiessalonique.
Nous rencontrons pour la première fois la tradition qui faisait du
biographe d 'Euthyme un métropolite de Thessalonique dans le Synaxaristès
de Nicodème35 ; dans une note, Nicodème dit que la Vie ancienne d'Eu-
thyme se trouve dans le 1er Panègyrikon de Vatopédi (= Vatopédi 631)
et à Lavra, et qu'elle a été composée par Basile évêque de Thessalonique36.
A son tour, Théodoret, moine de Lavra et plus tard higoumène d'Esphig-
ménou, parle de la Vie d'Euthyme écrite par Basile de Thessalonique37,
comme le feront aussi les copistes des manuscrits qui contiennent la Vie
d'Euthyme paraphrasée en langue moderne38. Jusqu'ici, on a affaire à
32. Cf. S. Eustratiadès, art. cit., p. 261 : δ κανών οδ ή άκροστιχίς... Ποίημα Βασιλείου
αρχιεπισκόπου Θεσσαλονίκης. Même assignation dans l'édition (Vie d'Euthyme, p. 63).
S. Eustratiadès (art. cit., p. 260) attribue aussi à Basile un kathisma.
33. Mosqu. 446 (Vladimir 287), du XIIe s., f. 112V : Μηνί τφ αύτω ιε του οσίου πατρός
ημών Ευθυμίου τοϋ νέου ; f. 1 14 : ό κανών τοϋ οσίου φέρων ακροστιχίδα* Χαίροις τό θείον
των μοναζόντων κλέος (microfilm à l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes de
Paris). — Codex Leningrad., Collection A. Dmitrievskij, n° 28 = Grandstrëm, VV 23, 1963,
p. 202, n° 420, f. 6V : Μηνί Όκτωβρίω ιε' τοϋ οσίου πατρός ημών Ευθυμίου τοϋ έν τω
βρει του "Αθω (nous avons décrit ce manuscrit dans l'article cité plus haut, p. 28-29). Le
canon y porte un titre très proche de celui du Mosquensis.
34. Le nom de Basile doit donc être effacé de la liste des hymnographes byzantins
où il est entré ; cf. par exemple N. Tomadakès, Εισαγωγή εις τήν βυζαντινών φιλολογίαν,
Athènes 1952, p. 151.
35. Nicodème composa cette œuvre entre 1805 et 1807 ; cf. Théoklètos Dionysiatès,
"Αγιος Νικόδημος ο 'Αγιορείτης, Athènes 1959, p. 299-303.
36. Nicodème, Συναξαριστής, au 14 octobre. Un astérisque précède le nom du saint,
ce qui signifie que Nicodème ne l'a trouvé ni dans les menées ni dans le synaxaristès
publié avant lui. Le distique, précédé d'une croix, est son œuvre.
37. Cf. K. Simonidès, Σύμμιγα, Moscou 1853, p. κα' : έν τφ βίω τοϋ οσίου Ευθυμίου
ο Βασίλειος Θεσσαλονίκης...
38. Sur cette paraphrase et ses manuscrits, voir Vie d'Euthyme, p. 9-10.
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46. Il est probable que Basile imite en cet endroit son grand homonyme, qui écrit
dans une lettre à Grégoire de Nazianze (PG 32, 22AA) : κατέλιπον μέν γαρ τάς έν #στει
διατριβας ώς μυρίων κακών άφορμάς.
47. Le nombre des moines à l'Athos augmenta tellement, dit-il, que l'on se sentait
ώς έν ά"στει σύν άλλήλοις διατριβήν καΐ παρενόχληση/ (Vie d'Euthyme, p. 3424~25).
48. Vie d'Euthyme, p. 3314-21-33, 3410, 4924 . p. 391 . p. 382i.
49. Vie d'Euthyme, p. 475~7 : ... καΐ ημών ώς γεννητόρων μνημόνευε καί της μονής καΐ
των έν αύτη αδελφών μηδέποτε λήθην παρασκευάσης έπιγενέσθαι σοι.
50. Vie d'Euthyme, p. 15es·, 5025-26.
51. Vie d'Euthyme, p. 469"14 : καΐ τάς έν αστει διατριβας μετά ταΰτα προετιμήσαμεν, δτε
ζήλω θείω κινούμενοι καΐ τήν μανιχαϊκήν βίβλον 'Αντωνίου του έν Κρανέαις πεπλανημένου
μοναχού, εύχαΐς τοϋ Εερου ποιμένος πυρί καύσαντες ήφανίσαμεν, ή « Τα απόκρυφα μέν
τοϋ Ευαγγελίου » έπεγέγραπτο, πασαν δέ βλασφημίαν καΐ πασαν αίρέσεως άπαρχήν έν
έαυτη έπεφέρετο.
52. Il semble bien qu'Antoine doive être identifié avec l'auteur d'un livre hérétique
mentionné par Théodore Stoudite dans sa lettre adressée àThéoktistos (PG99, 1528Λ) :
περί βιβλίου του επιλεγομένου του 'Αντωνίου δτι λέγεις εύαπόδεκτον είναι, έν ώ πολλά
βλάσφημα, ώς ημείς αυτοί άναγνόντες ^γνωμεν. Une formule d'abjuration contre les
Pauliciens anathematise aussi Antoine (TM 4, 1970, p. 20386).
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53. Vie d'Euthyme, p. 5010~13 : εκείνο θεδν άντιδοΰνοα ήμΐν έξαιτούμενος, δ και εν τφ βίφ
περιών πολλάκις υπέρ ημών καθικέτευσας, άξίως ημάς της κλήσεως και του επαγγέλματος
πολιτεύεσθαι.
54. Saufen cas de dispense, l'âge canonique pour devenir évêque était de 30 ans révolus
(Novelle 137 de Justinien, ch. 2 ; Rhalli-Potli, Syntagma, I, p. 66). Vu que Basile devait
être un jeune homme en 875, cette ordination ne peut remonter plus haut que vers 890.
55. L. Petit, Les évêques de Thessalonique, EO 4, 1900-1901, p. 218-221 ; Vie
d'Euthyme, p. 6.
56. L. Petit, Le Synodicon de Thessalonique, EO 18, 1916, p. 236-254 ; voir p. 242 :
« Après le n° 23 notre document présente une lacune incontestable ; il a omis le nom
de Basile le biographe de S. Euthyme de Thessalonique. »
57. Ibidem, p. 240 ; cf. J. Gouillard, Le Synodikon de l'Orthodoxie. Edition et
commentaire, TM 2, 1967, p. 114e.
58. Edition Th. Iôannou, Μνημεία αγιολογικά, Venise 1884, p. 40-53.
59. Sur Plotin, voir Patricia Karlin-Hayter, Byz. 32, 1962, p. 129-131, 391, 465 ;
Eadem, Byz. 34, 1964, p. 55-56, 59-67 ; L. G. Westerink, Arethae archiepiscopi Caesa-
riensis scripta minora, I, Leipzig 1968, p. 192-196.
60. F. Dölger, Aus den Schatzkammern des heiligen Berges, Munich 1948, n° 107
de 942 (faussement attribué par P. Uspenskij et K. Lake aux années 881-882) ; Germaine
Rouillard et P. Collomp, Actes de Lavra, Paris 1937, n° 5 de 943. Une lettre du
métropolite de Nicée Alexandre s'adresse à lui ; cf. J. Darrouzès, Epistoliers byzantins du
Xe siècle, Paris 1960, p. 76 (vers 945) ; voir aussi p. 8145.
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il occupait le siège au moins en 942 et 943. Entre Plotin qu'il faut placer
en 905 et Grégoire (942), le Synodikon place deux autres archevêques,
Syméon et Euthyme, inconnus par ailleurs61. En conséquence, le nom de
Basile doit être rayé de la liste episcopate62, puisqu'il ne figure pas dans
le Synodikon de la ville et que Basile lui-même ne se déclare pas
archevêque de Thessalonique dans la biographie d 'Euthyme.
Nous ne sommes pas en mesure de dire de quelle ville notre biographe
était le prélat, ni le rang qu'il avait. Une chose est sûre : son siège faisait
partie de l'ancien Illyricum. En effet, il déclare qu'«il dépendait de l'Eglise
de s. Pierre, aussi longtemps que celle-ci restait dans l'orthodoxie63 ».
Etant donné que Basile est resté en liaison avec son couvent et avec la région
de la Chalcidique, il est permis de formuler l'hypothèse qu'il fut un évêque
suffira gant de la métropole de Thessalonique.
8. C'est la correction que préfère L. Petit (Vie d'Euthyme, p. 81 n. 29) ; mais en fixant
la date au 30 novembre 871, L. Petit abandonne non seulement l'an mondial, mais aussi
l'année du règne.
9. Le regretté P. Grumel a beaucoup milité pour faire accepter son point de vue que
l'ancien début de l'année en mars trouvait encore des adeptes parmi les chronographes
byzantins (V. Grumel, L'année du monde dans la Chronographie de Théophane, EO 33,
1934, p. 396-408 ; L'année du monde dans l'ère byzantine, EO 34, 1935, p. 319-326 ;
La date de la promulgation de l'Ecloge de Léon III, EO 34, 1935, p. 327-331 ; L'ère
mondiale dans la date du martyre des vingt moines sabaïtes, REB 14, 1956, p. 207-208) ;
il résume ses opinions dans Im chronologie. Nous n'ignorons pas que ces opinions n'ont
pas trouvé toujours un écho favorable, mais il faut reconnaître que personne n'est arrivé
à donner une meilleure explication à des éléments troublants ; vu la complexité du sujet,
on doit se garder de rejeter catégoriquement une solution, tant que le problème n'est pas
vraiment résolu. Il ne nous semble pas dépourvu d'intérêt d'ajouter ici qu'un synaxaire
annuel (Paris, gr. 1585), aussi bien que le calendrier slavon, Scaliger 38b, s'ouvrent
sur le mois de mars (voir An. Boll. 88, 1970, p. 366). Sur d'autres manuscrits slaves qui
placent probablement le début de l'année en mars, voir V. MoSin, Svetogorski protat,
Starine 43, 1951, p. 89.
10. Si l'on accepte ce raisonnement, on doit réviser deux dates dans la Vie d'Euthyme :
le saint serait né en 824, après mars, et non pas vers la fin de 823 ; son départ pour l'Olympe
serait du 15 septembre 842 (et non pas de 841). Il n'y a aucune objection réelle à ces
changements ; ces deux dates s'accordent même mieux avec l'affirmation de l'auteur
qu'Euthyme avait 18 ans lors de son départ. Cependant, elles laissent quatre mois
d'intervalle entre l'arrivée d'Euthyme à l'Olympe et sa tonsure (vers janvier 843) ; la chose
n'est pas impossible, si l'on pense qu'Euthyme fut tonsuré non pas dans un couvent,
où l'on observait les coutumes et les règles établies, mais par un vieil anachorète.
LA VIE DE SAINT EUTHYME LE JEUNE 237
17. Vie d"Euthyme, p. 4816-19 : καί δή Μεθόδιον τόν ίερόν της Θεσσαλονίκης άρχιε-
πίσκοπον άμφοτέραις ταΐς μοναΐς προσκαλεσάμενος, λείψανα τε αγίων καί θυσια-
στήριον ιερόν ίδρύσαι έν αύταΐς πεποιηκώς, αμφότερα Θεφ άφιεροΐ τα μοναστήρια.
Nous avouons que le sens de ce passage nous reste obscur. Péristérai fonctionnait depuis
plus de 14 ans, et la première chose qu 'Euthyme y a bâti a été l'église de s. André flanquée
de deux chapelles, du Prodrome et de s. Euthyme (p. 3926~27). On sait d'autre part que l'on
ne pouvait célébrer la messe dans une église qui n'abritait pas de relique et qui n'avait
pas été consacrée par un évêque (voir N. MilaS, Ta έκκλησιαστικόν δίκαιον της
ορθοδόξου ανατολικής 'Εκκλησίας, traduction M. Apostolopoulos, Athènes 1906, p. 809-
811, avec les références aux sources ; K. Rhallès, Περί της καθιερώσεως τών ναών κατά
τό δίκαιον της ορθοδόξου ανατολικής Εκκλησίας, Έπετηρις τοϋ Εθνικού και Καποδι-
στριακοϋ Πανεπιστημίου, 1913, ρ. 99-130). Est-ce que, malgré la mention de deux
couvents, la consécration ne concernait que la nouvelle église du couvent féminin ?
Néanmoins le passage nous suggère plus que cela. Peut-être devrions-nous déduire que la
phrase αμφότερα Θεώ" άφιεροΐ τά μοναστήρια (p. 4819) n'a pas la signification courante :
consacrer un emplacement au culte (dans ce sens, Péristérai, lieu de culte, avait été
consacré à Dieu depuis longtemps), mais qu 'Euthyme a assujetti à ce moment les deux
monastères au métropolite de Thessalonique. En effet, on se souviendra que, vers le milieu
du Xe siècle, l'empereur Constantin VII libéra par un chrysobulle le couvent de Péristérai,
qualifié d'impérial, de toute prétention de tutelle que le métropolite de Thessalonique
pût avoir sur lui. Voir les dispositions de cet acte insérées dans les Actes de Lavra, I
(édition P. Lemerle, N. Svoronos, A. Guillou et Denise Papachryssanthou, Paris
1970, citée dorénavant sous le titre Actes de Lavra2), n° 3327% surtout n° 3335~36 :
μή τόν μητροπολίτην Θεσσαλονίκης προνόμιόν τι κατά της τοιαύτης κτασθαι μονής
(Péristérai) ; n° 3337"38 : ή της περί αυτήν φροντίδος δήθεν άντέχεσθαι; η° 3340~41 :
άνίσχυρον δέ μάλλον καί άβέβαιον διαμένειν... ζϊ τι παλαιότερον μετά ταύτα καθυποδεϊξαι
βουληθεΐεν οί της μητροπόλεως σιγίλλιον πλέον τι τούτου διαγορευον, ce qui signifie que
la métropole avait assuré ses droits sur le couvent par un acte.
18. Vie d'Euthyme, p. 4819 : μετ' ου πολύ.
19. La colonne sur laquelle il avait déjà vécu auparavant pendant quelque temps (Vie
d'Euthyme, p. 4822"23, p. 349~13).
20. Vie d'Euthyme, p. 48-49.
LA VIE DE SAINT EUTHYME LE JEUNE 239
21. Il assiste à la sixième session (mars 880) du concile photien (Mansi 18a, 513).
Le patriarche Photius lui adresse une lettre qui peut être datée de 883 ou de 885, mais
ne saurait être antérieure au début de 8S3 (cf. Grumel, Regestes, n° 530). Une
inscription de Sainte-Sophie de Thessalonique, datée de novembre, indiction 4, et
mentionnant l'archevêque Paul, peut concerner ce Paul et être datée de novembre 885. Voir,
en dernier lieu, J.-M. Spieser, Inventaires en vue d'un recueil des inscriptions historiques
de Byzance. I : Les inscriptions de Thessalonique, TM 5, 1973, p. 160-161, n° 10.
22. Voir ci-dessus p. 236 et note 10.
23. Cela pouvait se passer un ou même deux ans avant septembre 871 (L. Petit, Vie
tTEuthyme, p. 82 n. 34). Remarquons de nouveau que les 14 ans d'Euthyme à Péristérai
s'accordent mieux avec un départ en 842 qu'en 841.
24. Voir ci-dessus p. 226 et ci-dessous p. 243.
240 DENISE PAPACHRYSSANTHOU
La seule date qui reste est celle d'octobre 898 et elle s'accorde avec les
autres données de la Vie : l'inauguration du couvent de femmes entre 885
(voir plus haut) et 889, date probable de la mort de l'archevêque Méthode25,
et l'abandon par Euthyme de la direction des deux couvents. A notre avis,
Euthyme laissa les couvents à ses petits-enfants beaucoup plus près de 889
(sinon après 890) que de 885, à cause de l'âge de ces derniers. La fille d'Eu-
thyme se maria vers 859-86026. Son premier enfant serait né au plus tôt
vers 860-861 ; il aurait, en 885, 25 ans (en supposant que ce soit Méthode
ou sa sœur Euphémie), et son cadet serait encore plus jeune. Autrement dit,
ni l'un ni l'autre n'auraient atteint l'âge canonique, 30 ans accomplis,
requis pour un higoumène27. Admettons que l'argument soit bien fragile
au vu des nombreuses entorses faites à la règle28 ; il resterait à expliquer
pourquoi, peu après 885, Euthyme, qui était alors dans la force de l'âge,
aurait violé la coutume et la règle canonique, d'autant plus que le
biographe précise que le saint ne se démunit de sa charge qu'après avoir préparé
ses successeurs à leur tâche29. L'higouménat de Méthode et d 'Euphémie
avant 890 se heurte aussi à un autre obstacle. La coutume voulait que le
futur higoumène eût reçu la tonsure depuis 8 ou 10 ans et, s'il était xéno-
kouritès, qu'il se trouvât dans le couvent depuis un certain temps30. Dans
l'un ou l'autre cas, peu après 885, ils ne remplissaient pas les conditions
d'ancienneté pour revêtir la charge d'higoumène31. Tout cela incite à croire
que le changement n'a eu lieu que vers 890, ou même après.
32. Cf. Actes de Lavra2, n° 1. Signalons qu'un des vendeurs, Jean Tsagastès, moine
de son état, était membre de la communauté monastique de Péristérai (cf. Vie d'Euthyme,
p> 4712,15).
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3. La translation de s. Euthyme
35. Voir son tableau chronologique (Vie d'Euthyme, p. 84). Par une erreur manifeste,
les Vies des Saints (cf. note 10, p. 226), p. 465, écrivent qu'Euthyme est inhumé dans
l'église thessalonicienne de Saint-Sozon ; elle est le lieu de sépulture du maître d'Euthyme,
Théodore, et non pas d'Euthyme lui-même (Vie d'Euthyme, p. 3316).
36. Voir une note du moine athonite Jacques de Néa Skètè, mentionnée dans la
traduction russe de la Vie (Afonskif Paterik2, II, Moscou 1890, p. 286) et reprise dans la
compilation dite les Petits Bollandistes, 6e éd., XII, p. 273. P. Uspenskij (Istorija Afona,
III, 1, p. 33) répète à son tour cette affirmation.
37. Cf. B. Menthon, op. cit., p. 170 ; K. Lake, op. cit., p. 51.
38. Vie d'Euthyme, p. 4917~21 : Διαγνωσθείσης... της αύτοϋ έν Κυρίω κοιμήσεως, οΕ της
αύτοΰ μονής πόθω του και μετά θάνατον εχειν αύτον φρουρον και υπερασπίζοντα, δια
Παύλου μοναχού και Βλασίου πρεσβυτέρου, έν ξυλίνη λάρνακι τοϋτον έαυτοΐς άνακομί-
ζουσι.
39. Ainsi, p. 463~14, l'auteur nous donne l'essentiel de sa carrière de moine et de prélat,
avant de raconter (p. 46-47, § 35) quelques épisodes de celle-ci. P. 4811-16, l'arrivée de la
famille du saint est liée directement à l'abandon par Euthyme de la direction du couvent ;
c'est dans les lignes suivantes (16-22) qu'il mentionne les phases intermédiaires, avant
ce départ ; cf. ci-dessus note 16, p. 237.
40. Vie d'Euthyme, p. 4922~23 : ... μέχρι Δεκεμβρίου είκάδος δευτέρας έν τφ σπηλαίω
χρονίσαντος.
41. Vie d'Euthyme, p. 4923~25 : ... τη τρισκαιδεκάτη τοϋ Ίαννουαρίου μηνός έν τη
μαρτυροπλουτίστω των Θεσσαλονικέων πόλει τοις μαθηταϊς έπιφοιτήσαντος.
42. Vie d'Euthyme, p. 4925-506.
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