Lors d’un colloque sur la politique de réduction des risques chez les usagers de la drogue,
vendredi à l’université de Saint-Denis, des acteurs historiques de la lutte ont pointé le
nombre insignifiant en France de ces salles de consommation à moindre risque.
Ils étaient presque tous là, en tout cas tous ceux encore en vie. Vendredi, à l’université Paris-VIII
de Saint-Denis, s’est tenu un colloque autour de la réduction des risques chez les usagers de
drogues, à l’initiative de Patrick Aeberhard, ancien président de Médecins du monde. Et on a
retrouvé ce jour-là les historiques : aussi bien Anne Coppel, sociologue qui fut à la pointe de
l’arrivée de la méthadone en France, que Bertrand Lebeau, médecin militant, ou William
Lowenstein qui, avec Valère Rogissart. Mais aussi Bernard Kouchner ou le professeur Amine
Benyamina, spécialiste du cannabis. Et bien sûr Fabrice Olivet, qui fut à l’origine des premières
associations de toxicos. La plupart étaient déjà là lors du lancement du collectif «Limiter la
casse», en 1993.
C’était un brin nostalgique mais les défis d’aujourd’hui demeurent nombreux. Qui s’intéresse
encore aux toxicos ? Certes, on parle beaucoup de la consommation de cannabis, mais quid des
autres produits, bien plus dangereux ?
La politique de réduction des risques en matière de drogues, on le sait, c’est le bon sens sanitaire
: c’est devant une conduite addictive en particulier qu’il faut se poser la question du danger pour
la santé plutôt que de mettre en place une politique du tout ou rien, c’est-à-dire le sevrage ou le
laisser-aller. Il s’agit de réduire les risques. Ainsi, pour les toxicomanes par voie intraveineuse, il
s’agit de créer des programmes d’échange de seringues mais aussi de rendre accessibles les
produits de substitution. Des mesures qui ont permis de sauver bien des vies.
Pendant longtemps, considérer les toxicomanes comme des malades était une
hérésie
Il a fallu attendre juillet 1992, au Congrès d’Amsterdam sur le sida, pour que quelques
courageux se rendent compte du retard français. Et surtout de l’hécatombe en cours chez les
toxicomanes par voie intraveineuse : plus des deux tiers, alors, étaient contaminés par le sida et
allaient en mourir.
Avec l’arrivée de la politique de réduction des risques, grâce à Simone Veil, alors ministre des
Affaires sociales, puis de Bernard Kouchner, en quelques mois la chute des contaminations par le
VIH chez les toxicos allait être spectaculaire. Rarement une politique de réductions de risques
n’a donné d’aussi bons résultats. Et c’est toujours le cas actuellement, même s’il reste un taux
non négligeable de contamination au virus de l’hépatite B et C.
Timidités
Aujourd’hui entre la méthadone et le subutex, le dispositif français tient pas trop mal la route, les
produits de substitution sont largement disponibles. Les historiques sont un brin fatigués, et
doivent passer le relais. Mais l’ancrage de ces politiques reste-t-il solide ? Lors de ce colloque,
Danièle Bader-Ledit, qui dirige l’association Ithaque gérant la salle d’injection de Strasbourg, a
pointé les timidités actuelles. Il y a seulement deux salles de shoot en France aujourd’hui : l’une
a ouvert il y a un an à Paris, l’autre il y a six mois à Strasbourg. Deux… Autant dire une goutte
d’eau. Aux Pays-Bas, il y a en 37, réparties dans 25 villes. Plus de 90 dans l’Union
européenne. «C’est une folie de croire qu’une seule salle à Paris suffira, a expliqué Danièle
Bader-Ledit. C’est la rendre invivable, car la laisser seule, comme cela, c’est l’assurance qu’elle
rencontrera beaucoup de difficultés, avec plus de 200 passages par jour.»
Les salles de shoot sont fragiles. A Strasbourg, il y a 40 passages par jour. Ce sont surtout des
hommes (73%) qui la fréquentent. L’âge moyen est de 37 ans, une personne sur deux est en
situation de précarité et 21% sont contaminés par le virus de l’hépatite C. Les toxicos qui
viennent sont surtout accros à la cocaïne ou au skénan (un morphinique), alors qu’à Paris, c’est le
crack qui domine, avec une gestion plus délicate. «Nous n’avons eu aucun malaise, ni aucune
overdose», raconte Danièle Bader-Ledit. Qui ajoute : «Nous n’avons pas de contrôle policier aux
alentours, ni de plainte des riverains.»
Bref, les petites structures comme celle de Strasbourg marchent. Elles rendent un évident service
sanitaire. Et sont bien acceptées par le voisinage. Un exemple qui souligne, en creux, l’urgence
de developper de nouvelles salles d’injection pour éviter des points de fixation, comme c’est le
cas à Paris. Comme le disait le Docteur William Lowenstein, «la réduction des risques n’est
jamais gagnée».
Eric Favereau
Le caractère addictif des jeux vidéo concerne essentiellement les jeux de rôle massivement
multi-joueurs. / Luckat/Stock.adobe.com
Le « trouble du jeu vidéo » (« gaming disorder » en anglais) fera son entrée dans la classification
internationale des maladies dont l’organisation mondiale de la santé (OMS) publiera sa 11e
version en juin prochain.
L’OMS s’est basée sur les conclusions d’experts de la santé dans le monde entier pour considérer
qu’il peut y avoir une véritable addiction aux jeux vidéo, comme il peut y en avoir pour les jeux
de hasard ou d’argent.
Si le trouble du jeu vidéo est un concept relativement nouveau qui ne bénéficie pas encore de
nombreuses données épidémiologiques, « les experts de la santé sont d’accord pour dire qu’il y
a un problème », fait valoir Tarik Jasarevic de l’OMS.
À lire aussi
Jeux vidéo, oui mais pas trop
Une personne ne sera diagnostiquée comme souffrant de ce trouble seulement après au moins un
an d’addiction anormale au jeu.
D’après l’institut fédératif des addictions comportementales (Ifac), plusieurs symptômes sont
caractéristiques de l’addiction. À commencer par un temps important consacré au jeu qui se fait
au détriment d’autres activités nécessaires à l’équilibre, notamment les relations sociales ou
familiales et une incapacité à contrôler et à réduire son temps de jeu.
La pratique excessive peut en outre avoir des répercussions sur le travail scolaire ou
professionnel, sur le sommeil ou l’équilibre alimentaire et s’accompagner d’une souffrance
psychique (tristesse, anxiété, agressivité).
L’Ifac fait état de deux études relativement anciennes, l’une réalisée aux États-Unis en 2009 et
l’autre en Espagne en 2002 qui toutes deux estimaient à environ 8 % la part des jeunes de 8 à
18 ans qui présentaient des symptômes d’addiction.
Marie Verdier
Et aussi
60
Partager sur Facebook (nouvelle fenêtre)
Partager sur Twitter (nouvelle fenêtre)
Partager sur Google + (nouvelle fenêtre)
Partager sur Linkedin (nouvelle fenêtre)
Partager sur Viadeo (nouvelle fenêtre)
Envoyer par mail
Imprimer cet article (ouvre la fenêtre d'impression)
Remonter au début de l'article
Du petit café du matin à la cigarette de la pause déjeuner en passant par l’achat compulsif du
samedi, nous sommes tous accro à quelque chose. Et ce n’est pas anodin.
Toujours plus, tout de suite, n’importe où: notre monde moderne est un monde d’addicts. C’est le
point de vue défendu par plusieurs psychologues et philosophes, dont Cynthia Fleury, également
psychanalyste. «Se dire addict, c’est d’abord souvent une manière d’amoindrir le problème.
“Toxico”, “drogué”, ce serait tout de suite plus violent. Addict, c’est presque un gimmick, le prix
de la modernité. Si on est addict, c’est qu’on suit la tendance», explique-t-elle. Un point de vue
partagé par le sociologue Patrick Pharo, selon lequel «on ne rencontre pas dans les sociétés
précapitalistes de phénomène d’addiction de masse, comme c’est le cas dans les sociétés
contemporaines».
Les auteurs du dernier Baromètre santé à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la
santé (INPES) renforcent cette conviction. Entre 2010 et 2016, par exemple, le pourcentage des
fumeurs quotidiens n’a en effet cessé d’augmenter parmi les Français à faibles revenus, en
passant de 35,2 % à 37,5 %. Pour l’expliquer, le rapport avance l’existence d’une «norme sociale
en faveur du tabagisme».
On ne rencontre pas dans les sociétés précapitalistes de phénomène d’addiction de masse,
comme c’est le cas dans les sociétés contemporaines
Abus et dépendance
La même explication pourrait être avancée s’agissant de l’alcool, et notamment de la pratique du
binge drinking, très en vogue chez les jeunes depuis le début des années 2000. Cette pratique
d’alcoolisation intensive, le psychologue et président de la Fédération Addiction Jean-Pierre
Couteron la relie au concept de société «addictogène».
De quoi s’agit-il? «Si l’addiction est en passe de devenir la maladie du XXIe siècle, comme le
furent l’hystérie au XIXe siècle et la dépression au XXe siècle, c’est que cette pathologie est
symptomatique des dynamiques et des conflits qui agitent notre environnement socioculturel, des
aspirations et des paradoxes dans lesquels se trouve pris l’individu contemporain», précise-t-il
dans son livre paru en 2015, Aide mémoire. Addictologie (Ed. Dunod). Et de poursuivre: «C’est
bien de cela dont témoigne avant tout la multiplication des comportements d’abus et de
dépendance: l’avènement d’une société addictivante, ou addictogène, une société qui contribue à
la dérégulation des comportements de recherche de plaisir, qui banalise l’expérience addictive et
l’érige en norme comportementale.»
Mais, toujours selon le spécialiste, il s’agit aussi de se servir d’outils comme l’intervention
précoce, la réduction des risques, la prévention et de les faire interagir. Par ailleurs, plus question
de se contenter de lieux de soins: il faut redéployer les acteurs du soin vers le public - éducateurs,
familles, travailleurs sociaux, etc. - pour les sensibiliser au problème de la société addictogène.
Enfin, il ne faut pas oublier l’éducation, pour compléter et prolonger les acquis: «c’est tout
l’enjeu des actuels programmes sur les compétences psychosociales, sur l’éducation préventive,
dont les impacts en termes de prévention des addictions sont indéniables», conclut Jean-Pierre
Couteron.
La rep des pyrenees
Éviter l’addiction aux jeux vidéo
Pas facile de faire la différence entre un temps de loisirs normal, et une habitude excessive de la part
des adolescents.
© dr
0
« Il faut être attentif à tout phénomène de rupture dans le comportement », conseille le Dr Bruno
Rocher, psychiatre-addictologue au CHU de Nantes. Si votre adolescent, « très sociable
habituellement, devient tout à coup solitaire ». Ou si, « passionné de sport, il ne s’intéresse
plus qu’à ses écrans ». De plus, « l’isolement vis-à-vis de sa famille doit également alerter »,
poursuit-il.
Savoir nuancer
S’il ne dort plus, ne s’alimente plus, ne vous parle plus… Et « si le comportement suspect
perdure plus d’un mois et si l’enfant semble souffrir en montrant des signes de tristesse,
d’angoisse, prenez l’avis d’un tiers », conseille le Dr Rocher.
Ce dernier peut être le médecin traitant bien sûr, mais il ne doit pas forcément être un soignant.
Vous pouvez commencer par simplement demander l’avis d’un parrain, voisin ou parent
d’ami. Cela vous permettra de confirmer vos inquiétudes ou de vous rassurer. Et si vos soupçons
perdurent, n’hésitez pas à consulter votre médecin traitant ou un psychiatre.
Mais avant d’en arriver là, comment faire en sorte que vos enfants ne deviennent pas dépendants
aux jeux vidéo ?
« Comme pour le cannabis et l’alcool, le discours des parents sur les jeux vidéo - et tous les
écrans d’ailleurs - doit être modéré, entre la banalisation et la dramatisation, pour
permettre à l’enfant de grandir sans tomber dans les excès », recommande Bruno Rocher.
Toutefois, « il est essentiel de rappeler que l’addiction a souvent plusieurs causes conjuguées, et
que les parents n’en sont pas forcément responsables ».
Cela dit, les parents peuvent agir en amont pour réduire les risques. Pour ce faire, « il faut
réguler le rapport aux écrans et aux jeux virtuels en particulier, dès le plus jeune âge et les
toutes premières utilisations », détaille-t-il. Et ce, « sans interruption ». Car « si pendant des
mois, des années, le jeune est laissé libre de jouer quand bon lui semble, reprendre le contrôle sur
une situation déjà ancrée sera d’autant plus ardu ». En d’autres termes, il ne faut jamais
démissionner.