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MARDI 14 AOÛT 2018

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Les nouvelles habitudes alimentaires

bousculent les industriels du secteur

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▶ Le marché mondial des ▶ Les vidéos sur les abat- ▶ Ces nouveaux modes de ▶ En France, les industriels
protéines végétales aug- toirs, la présence de nitri- consommation touchent cherchent aussi un
mente en moyenne de tes dans la charcuterie ou de plein fouet les géants second souffle, avec des
5,5 % tous les ans, et les de salmonelle dans le lait de l’agroalimentaire ; une produits plus sains,
Français réduisent leur infléchissent les habitudes dizaine de patrons ont été moins sucrés et plus bio Disparition
consommation de viande alimentaires des 18-35 ans remplacés aux Etats-Unis PAGE 9
V. S. Naipaul,
l’ombrageux Nobel
de littérature
« Sir Vidia », grande
figure de la littérature
anglaise, est mort
samedi 11 août à Londres
PAGE 1 2

Européennes
Macron et la
droite, l’ombre
Les guerres de d’un doute
Don McCullin La popularité du chef de
l’Etat baisse auprès de
Rencontre avec le maître l’électorat Les Républicains
de la photographie britannique,
PAGE 6
de son enfance modeste
aux premières photos
de paysages. Puis du Vietnam
PAGES 16-17 1
ÉD ITOR IAL
La deuxième
chance d’Edith MONSANTO,
Cresson UN JUGEMENT
L’aciérie d’Hartlepool (Royaume-Uni),
au lever du jour, en 1963. DE LA LUMI È R E À L’O MB R E SALUTAIRE
DON MCCULLIN/ CONTACT PRESS IMAGES PAGE 1 9
P A G ES 5 ET 21

Gaza Washington Politique Russie

La perspective Le rassemblement François Hollande Les cinéastes

CEFAM
WITH
d’une trêve entre anniversaire joue la « mouche
Israël et le Hamas des suprémacistes du coche » de pour Oleg
s’éloigne fait un flop son successeur Sentsov
PAGE 2 PAGE 4 PAGE 7 REACH YOUR INTERNATIONAL BUSINESS AMBITIONS
David Cronenberg,
Jean-Luc Godard, Ken
LE REGARD DE PLANTU Loach, Françoise Nyssen
et des dizaines de person-
nalités appellent à la libé-
ration du cinéaste ukrai-
nien en grève de la faim
PAGE 21

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de Jean-Luc Mélenchon,
veut saisir la justice, alors
que la nouvelle direction Contact : Maude Foyatier - 04 72 85 73 63 - maude.foyatier@cefam.fr www.cefam.fr
s’interroge sur des
mouvements de fonds
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Algérie 220 DA, Allemagne 3,30 €, Andorre 3,20 €, Autriche 3,30 €, Belgique 2,90 €, Cameroun 2 200 F CFA, Canada 5,40 $, Chypre 2,70 €, Côte d'Ivoire 2 200 F CFA, Danemark 34 KRD, Espagne 3,10 €, Gabon 2 200 F CFA, Grande-Bretagne 2,60 £, Grèce 3,20 €, Guadeloupe-Martinique 3,10 €, Guyane 3,20 €, Hongrie 1 050 HUF,
Irlande 3,10 €, Italie 3,10 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,90 €, Malte 2,70 €, Maroc 19 DH, Pays-Bas 3,20 €, Portugal cont. 3,10 €, La Réunion 3,20 €, Sénégal 2 200 F CFA, Slovénie 3,20 €, Saint-Martin 3,20 €, Suisse 4,00 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 3,20 DT, Afrique CFA autres 2 200 F CFA

2|
INTERNATIONAL
A Gaza, la perspective d’une trêve s’éloigne
La méfiance entre Israël et le Hamas s’exacerbe un peu plus à chaque escalade de violence
REPORTAGE
gaza - envoyée spéciale
I
l ne reste plus qu’un im-
mense tas de gravats. Des ga-
mins grimpent, pieds nus,
sur les énormes cylindres de
béton couchés au sol. L’un d’entre
eux s’aventure vers un bloc plus
haut perché pour y planter un dra-
peau palestinien, comme un si-
gne d’ultime résistance. Des artis-
tes viennent aussi se recueillir sur
les ruines. Jeudi 9 août, l’aviation
israélienne a bombardé le centre
culturel Said Al-Meshal, dans le
centre de Gaza-Ville. Le bâtiment
de cinq étages abritait notam-
ment un théâtre, une bibliothè-
que ainsi que le bureau de la com-
munauté égyptienne de Gaza.
La frappe israélienne a clôturé
24 heures d’intense escalade. Mer-
credi soir, les factions palestinien-
nes avaient tiré 200 roquettes et
obus depuis Gaza vers le sud d’Is-
raël. L’armée israélienne a frappé
150 cibles militaires du Hamas
dans l’enclave : les raids aériens
ont fait dix-huit blessés palesti-
niens, et trois morts. Une ving-
taine d’Israéliens ont également
été blessés.
L’armée israélienne a déclaré
avoir localisé dans le centre Said
Al-Meshal les bureaux des forces
de sécurité intérieure du Hamas,
le mouvement qui contrôle la
bande de Gaza depuis 2007. Elle
l’a donc ciblé, en représailles au
tir, jeudi, d’une dernière roquette
palestinienne qui a atterri près de
la ville de Beer-Sheva, à une qua-
rantaine de kilomètres de Gaza,
donc exceptionnellement loin.
Comme à la fin de la guerre de
2014, lorsque des bâtiments affi-
liés au Hamas étaient pilonnés en
plein Gaza-Ville, la frappe du
9 août a sonné comme un avertis-
sement : la promesse d’une
guerre destructrice à Gaza, en cas
de surenchère de la part du Ha-
mas. Les factions palestiniennes
n’ont d’ailleurs pas répliqué, ap-
prouvant le soir même l’accord de
cessez-le-feu soumis par l’Egypte.
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
« Tout cessez-
le-feu suppose
une amélioration
de la vie des gens
à Gaza et donc la
levée du blocus »
AHMAD YOUSSEF
membre du Hamas
Les escalades entre Israël et le
Hamas se multiplient depuis le
29 mai, alors qu’aucun d’eux ne
souhaite s’engager dans un conflit
armé à Gaza. Chaque nouvelle
poussée de fièvre fragilise l’accord
d’un cessez-le-feu de longue du-
rée, négocié depuis mars par l’in-
termédiaire de l’Egypte et des Na-
tions unies (ONU). Son objectif est
d’éviter une nouvelle guerre à
Gaza et d’envisager ainsi la réhabi-
litation de l’enclave palestinienne,
dont la situation sociale et huma-
nitaire est catastrophique.
Annoncée dans certains médias
pour la fin du mois d’août, la pers-
pective d’une trêve s’est à nou-
veau éloignée après l’escalade de
la semaine dernière. « Nous avons
atteint un niveau de négociations
avancées par l’intermédiaire de
l’Egypte, admet Ahmad Youssef,
considéré comme une figure mo-
dérée du Hamas. Mais la situation
actuelle est très critique. Les tracta-
tions vont se poursuivre au Caire
dans les prochains jours. Elles dé-
termineront si une trêve est tou-
jours possible, ou si nous nous diri-
geons vers une nouvelle guerre. »
L’objectif immédiat de l’Egypte
et de l’ONU est de stabiliser la si-
tuation, avant d’envisager tout ac-
cord de grande ampleur. Cepen-
dant, les parties impliquées doi-
vent encore s’accorder sur les
conditions. Le Hamas et les fac-
tions palestiniennes de Gaza im-
pliquées dans les négociations
considèrent que « l’arrêt des opé-
rations militaires avec Israël » va
de pair avec « la levée immédiate
du blocus israélo-égyptien à
Gaza », mis en place en 2007 pour
faire pression sur le Hamas, après
sa prise de pouvoir dans l’enclave,
explique Daoud Shihab, le porte-
parole de l’une d’entre elles, le Ji-
had islamique, qui dispose d’une
branche armée, comme le Ha-
mas. « Un simple retour au calme
ne serait pas suffisant, poursuit
Ahmad Youssef. Tout cessez-le-feu
suppose une amélioration de la vie
des gens à Gaza et, donc, la levée
du blocus qui nous [les Gazaouis]
opprime depuis plus de dix ans. »
Le Hamas et les factions main-
tiennent la Marche du retour, qui
mobilise chaque vendredi, depuis
le 30 mars, des milliers de Palesti-
niens le long de la barrière fronta-
lière avec Israël, réclamant le droit
au retour des réfugiés, ainsi que la
fin du blocus, en partie responsa-
ble de l’effondrement économi-
que de Gaza.
Engins incendiaires
Après vingt semaines, la Marche
connaît un regain de mobilisa-
tion. Vendredi 10 août, 9 000 ma-
nifestants palestiniens, selon l’ar-
mée israélienne, ont convergé
sur les cinq sites frontaliers. A
Malaka, le plus proche de Gaza-
Ville, plus d’un millier de person-
nes s’étaient rassemblées à l’ap-
pel du Hamas. Sur place, des
pneus ont été brûlés près de la
frontière, des cerfs-volants et des
ballons incendiaires envoyés au-
delà de la clôture afin de provo-
quer des départs de feu dans les
champs israéliens situés de
l’autre côté.
Galvanisés par la dernière esca-
lade contre Israël et redoutant
l’imminence d’un conflit qui ra-
vagerait Gaza encore davantage,
les manifestants appelaient la
communauté internationale à in-
tervenir pour lever le blocus. De
son côté, l’armée israélienne a ac-
cusé des Gazaouis présents le
long de la frontière d’avoir « lancé
des pierres, des engins explosifs et
des cocktails Molotov » contre ses
soldats. La riposte a été dure de la
172 morts depuis le 30 mars
Nombre de tués*
Lieux de rassemblements
palestiniens
Postes-frontières
fermés
ouverts
BANDE DE GAZA
Mer Méditerranée
Boureij
Deir Al-Balah
Khan Younès
Khan Younès
Rafah
Rafah
ÉGYPTE
21
5 km
part des forces de sécurité de
l’Etat hébreu. Le ministère de la
santé à Gaza a fait état de 307 bles-
sés et trois morts palestiniens
tués par les soldats israéliens.
Pourtant, l’escalade de la veille n’a
pas repris.
Israël, qui reproche au Hamas
une récupération politique de la
Marche, exige un arrêt complet
des manifestations et de l’envoi
d’engins incendiaires vers son ter-
ritoire. Le Hamas s’y refuse, dé-
fendant une initiative spontanée,
populaire et pacifique. Un niveau
de tension constant est ainsi
maintenu par le mouvement isla-
mique le long de la barrière fron-
talière : en réponse, le resserre-
ment israélien du blocus, opéré
dès le 19 juillet, reste en vigueur.
Jabaliya
Gaza
nord
41
Gaza
Malaka Gaza
39
Zone centrale
ISRAËL
24
Bande de terre
interdite aux Palestiniens
Tel-Aviv
47
ISRAËL
* 172 morts dont 124
pendant les manifestations
SOURCE : OCHA
La méfiance entre les deux parties
s’exacerbe un peu plus à chaque
escalade. « Israël néglige tous les
efforts faits dans les négociations
et cherche des excuses pour échap-
per à l’accord, qui divise sa classe
politique », affirme Daoud Shihab.
« Notre demande est claire : un ces-
sez-le-feu total », a affirmé Benya-
min Nétanyahou, le premier mi-
nistre israélien, dimanche.
La réconciliation palestinienne
est également compromise alors
qu’elle est une des garanties d’un
calme durable et de la mise en
place de solutions immédiates à la
crise humanitaire. Avec l’Egypte,
le coordinateur spécial de l’ONU
pour le processus de paix, Nikolaï
Mladenov, insiste pour un retour
de l’Autorité palestinienne (AP) à
0123
MARDI 14 AOÛT 2018
Des
Palestiniens
inspectent
les restes
d’un centre
de distribution
d’eau détruit
par des frappes
israéliennes,
le 9 août
à Mughraqa,
dans la bande
de Gaza.
ADEL HANA/AP
Gaza, alors que celle-ci se sent ex-
clue des négociations actuelles.
Même s’il compte améliorer la si-
tuation humanitaire à Gaza, le Ha-
mas ne veut pas faire de conces-
sions politiques, notamment en
matière d’armement.
« Echange des prisonniers »
De son côté, « l’AP n’est pas prête à
sacrifier Gaza sur un prétexte hu-
manitaire, explique Atef Abu Saif,
porte-parole du Fatah (le parti do-
minant de l’AP) dans l’enclave. Or,
le Hamas veut négocier avec Israël
une paix économique séparée qui
lui permettra de garder le contrôle
à Gaza ». L’AP refuse donc de lever
les sanctions prises contre l’en-
clave, et notamment le gel partiel
des salaires des fonctionnaires. Le
Hamas est néanmoins résolu à
continuer les négociations, avec
ou sans Mahmoud Abbas, le pré-
sident de l’AP.
A ce jour, la perspective d’une
trêve à trois ans ou plus semble
bien lointaine. « Elle sera possible
si le calme continue. Mais la prio-
rité est de reconstruire Gaza, dé-
fend Ibrahim Al-Madhoun, ana-
lyste politique proche du Hamas.
Chaque piste sera traitée de ma-
nière indépendante : le retour au
calme, la réconciliation et
l’échange des prisonniers. » En
amont de toute négociation, les
autorités israéliennes ont tou-
jours exigé du Hamas qu’il rende,
sans condition, les deux civils et
les deux soldats détenus à Gaza
depuis 2014.
Or, selon l’analyste, le mouve-
ment palestinien ne concédera
rien tant que la cinquantaine de
détenus palestiniens, relâchés
dans le cadre de l’accord de libéra-
tion du soldat Shalit (2011), puis
réincarcérés en Israël, ne sont pas
remis en liberté. Cet élément de
blocage supplémentaire exacerbe
les tensions entre les deux par-
ties : il compromet les négocia-
tions et laisse ainsi ouverte la pos-
sibilité d’une nouvelle démons-
tration de force militaire. p
claire bastier

0123
MARDI 14 AOÛT 2018
Erdogan, de plus en plus isolé, s’en remet à Poutine
Le maintien de la sphère d’influence turque dans le nord de la Syrie dépend du bon vouloir de Moscou
istanbul - correspondante
C
onfrontée à une crise di-
plomatique sans précé-
dent avec les Etats-Unis,
affaiblie par la crise fi-
nancière et l’effondrement record
de sa monnaie, la Turquie se cher-
che « de nouveaux alliés », a pré-
venu le président Recep Tayyip Er-
dogan, dimanche 12 août au soir,
face à ses partisans à Trabzon (ré-
gion de la mer Noire). Il s’agit, se-
lon le chef de l’Etat turc, de ripos-
ter à un « complot politique » fo-
menté par Washington.
La crise actuelle pousse Ankara,
membre de l’OTAN depuis 1952, à
se réfugier plus avant dans les
bras de la Russie. Le ministre russe
des affaires étrangères, Sergueï La-
vrov, est attendu à Ankara, lundi 13
et mardi 14 août, pour des entre-
tiens avec son homologue turc,
Mevlut Çavusoglu. Il y sera no-
tamment question du dossier sy-
rien et du sort de l’enclave rebelle
d’Idlib, dernier territoire tenu par
des groupes armés d’opposition
et djihadistes qui échappe au con-
trôle de Damas.
« Zones de désescalade »
Ces derniers jours, des frappes aé-
riennes et terrestres menées par
les forces du régime se sont abat-
tues sur ce secteur, faisant des di-
zaines de morts. Limitrophe de la
Turquie, la région risque d’être la
cible d’une prochaine offensive du
régime syrien, avide de reconqué-
rir l’ensemble de son territoire
avec l’aide de ses alliés russe et ira-
nien. Ankara, qui se pose en pro-
tecteur de l’opposition et dispose
d’une influence certaine dans la ré-
gion d’Idlib par l’intermédiaire de
Une explosion tue 39 personnes
dans le secteur rebelle d’Idlib
Une explosion a détruit dimanche 12 août deux immeubles d’ha-
bitation à Sarmada, localité du secteur rebelle d’Idlib en Syrie,
où étaient probablement entreposées des armes et des muni-
tions. D’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme
(OSDH), l’incident a fait au moins 39 victimes, dont 12 enfants, et
de nombreux blessés. L’origine de l’explosion n’a pas été établie.
D’après l’OSDH, elle serait survenue dans un dépôt d’armes lié
au groupe Hayat Tahrir Al-Sham. Vendredi, l’OSDH avait rapporté
la mort de 22 personnes dans des bombardements du régime
dans les zones rebelles du nord-ouest syrien, dont Idlib.
L’Irak est déchiré entre ses alliés américain et iranien
La visite du premier ministre Haïder Al-Abadi à Téhéran a été annulée, après son annonce qu’il appliquerait les sanctions de Washington
bagdad - envoyée spéciale
L e rétablissement des sanc-
tions américaines contre
l’Iran, dont le premier volet
est entré en vigueur le 7 août,
s’annonce potentiellement désta-
bilisateur pour l’Irak, pris en te-
nailles entre Téhéran et Washing-
ton, ses deux partenaires stratégi-
ques. L’assurance donnée par le
premier ministre irakien, Haïder
Al-Abadi, de respecter, quoique
« contraint », le régime des sanc-
tions, qu’il a qualifié d’« erreur
stratégique », a provoqué l’ire de
la République islamique.
Dimanche 12 août, sa visite offi-
cielle en Iran a été annulée. Si son
cabinet invoque « un calendrier
chargé », des sources irakiennes
ont indiqué, sous couvert d’ano-
nymat, que l’annulation émanait
de Téhéran. L’imbroglio diploma-
tique fait suite à des critiques sévè-
res visant en Irak l’Iran et ses alliés.
Dans un communiqué, Mouj-
taba Al-Hussein, le représentant à
Bagdad de l’ayatollah Ali Khame-
nei, le Guide suprême de la Répu-
blique islamique, a dénoncé di-
manche « une attitude déloyale
envers la position honnête de
l’Iran et du sang des martyrs que
ce pays a versé pour défendre la
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
Recep
Tayyip
Erdogan
à Trabzon,
sur la mer
Noire,
le 12 août.
MURAT KULA/AFP
groupes armés alliés, ne voit pas
d’un bon œil la possibilité d’une
attaque de grande ampleur des for-
ces de Bachar Al-Assad. A la mi-
juillet, lors d’un entretien par télé-
phone avec son homologue russe,
le président Erdogan a menacé de
quitter le processus d’Astana en cas
d’offensive sur la province.
Ce dispositif établi avec Moscou
et Téhéran a permis de créer des
terre d’Irak face au groupe Etat is-
lamique. (…) Nous sommes attris-
tés par cette position qui montre
que [M. Abadi] est défait psycholo-
giquement face aux Américains ».
L’organisation chiite irakienne
Badr, principale composante de
l’Alliance de la Conquête, arrivée
en seconde position aux élec-
tions législatives du 12 mai, a ap-
pelé le gouvernement à « soutenir
et défendre l’Iran » face à « la vo-
lonté américaine injuste ».
« Une fuite en avant »
Artisan de l’équilibre entre ces
deux puissances ennemies, enga-
gées auprès de l’Irak dans la lutte
contre l’organisation Etat islami-
que (EI), Haïder Al-Abadi prend le
risque d’apparaître aligné sur l’al-
lié américain. Des diplomates oc-
cidentaux n’excluent pas un
choix tactique de sa part, alors
que sa liste n’est arrivée que troi-
sième aux législatives. Washing-
ton et Téhéran ont traditionnelle-
ment voix au chapitre dans les né-
gociations sur la formation d’une
coalition gouvernementale et le
choix du futur premier ministre.
« Comme il a perdu les faveurs
des Iraniens, encore prêts à soute-
nir sa candidature il y a quelques
mois, M. Abadi pourrait être dans
« zones de désescalade » garanties
entre les trois puissances entre
les divers groupes armés de l’op-
position et le régime sur plu-
sieurs lignes de fracture du terri-
toire syrien. Toutes ont été recon-
quises par Damas et ses alliés de-
puis le début de l’année, à
l’exception d’Idlib, où Ankara
possède douze postes militaires
qui font office de tampon entre
les forces d’opposition et celles
du régime syrien.
Le maintien du statu quo dans
cette région de 2,5 millions d’ha-
bitants est un enjeu majeur pour
la Turquie, qui craint plus que
tout une nouvelle arrivée de réfu-
giés. Quelque 3,5 millions de Sy-
riens sont déjà hébergés par la
Turquie. Pas question pour An-
kara de faire face à de nouveaux
afflux de population, d’autant
plus que des dizaines de milliers
de combattants se trouvent
parmi les civils, regroupés à Idlib
« Nous n’avons
pas d’autre choix.
Tout le commerce
en Irak est réalisé
en dollars »
MADHAR MOHAMMAD SALEH
conseiller d’Haïder Al-Abadi
une fuite en avant et miser sur les
Américains pour obtenir sa recon-
duction à un second mandat », es-
time une source diplomatique,
sceptique quant aux chances de
succès de cette stratégie.
« Nous n’avons pas d’autre choix.
Tout le commerce en Irak est réa-
lisé en dollars, notamment pour les
exportations de pétrole », qui re-
présentent plus de 90 % des recet-
tes de l’Etat, se défend le conseiller
économique de M. Abadi, Madhar
Mohammad Saleh. « Ne pas res-
pecter les sanctions américaines
reviendrait à placer l’Irak dès no-
vembre sous le régime des sanc-
tions alors que nous sortons tout
juste d’une guerre. Nous devons
trouver des voies pacifiques pour
résoudre cette question », poursuit
M. Saleh, ajoutant que le gouver-
nement irakien espère obtenir de
au fur et à mesure des accords
d’évacuation conclus dans les zo-
nes rebelles reprises par Damas
depuis le début de l’année.
« Part de responsabilité »
Recep Tayyip Erdogan est à la
merci de Moscou, dont dépend le
maintien de sa sphère d’in-
fluence dans le nord de la Syrie.
Depuis 2016, l’armée turque et
ses supplétifs syriens occupent,
en effet, une portion de territoire
de 90 kilomètres de long située
entre les villes d’Azaz et de Djara-
bulus, conquise lors de l’opéra-
tion militaire baptisée « Bouclier
de l’Euphrate ».
Les militaires turcs contrôlent
également la région kurde
d’Afrin, adjacente à Idlib, qui a été
prise aux forces kurdes syrien-
nes au début de 2018 avec l’aval
du Kremlin.
« Comme la Turquie ne peut plus
compter sur le soutien américain,
Washington des exemptions afin
de poursuivre ses échanges éco-
nomiques avec l’Iran.
Les sanctions, dont le second
volet doit entrer en vigueur en
novembre, devraient affecter
trois secteurs majeurs de l’écono-
mie irakienne. Bagdad appré-
hende une baisse du tourisme re-
ligieux, dopé par l’afflux de 2,5 à
3 millions de pèlerins iraniens par
an dans les villes saintes chiites.
Les importations de gaz naturel et
d’électricité iraniens couvrent la
production de 6 000 des 16 000
mégawatts d’électricité en Irak.
Alors que le pays souffre déjà d’un
déficit de 3 000 mégawatts, des al-
ternatives telles que l’exploita-
tion du gaz naturel irakien ou
l’importation par voie maritime
seront longues à mettre en place.
L’Irak, qui dépend depuis l’em-
bargo international imposé
en 1991 des importations de biens
de consommation iraniens (auto-
mobile, textile, agroalimentaire,
électroménager…), est aujourd’hui
le deuxième pays d’exportation de
l’Iran, pour 6,6 milliards de dollars
(5,8 milliards d’euros) en 2017. A
court terme, l’arrêt de ces impor-
tations risque de priver les Ira-
kiens de produits peu chers. « Cela
nous oblige à repenser notre éco-
international | 3
c’est le moment rêvé pour la Russie
de contrer les rebelles à Idlib. An-
kara devra se plier au plan russe,
en contrepartie du maintien de sa
présence au nord d’Idlib, si toute-
fois Poutine sait se montrer géné-
reux », expliquait Soner Cagaptay,
directeur du programme d’étu-
des turques au Washington Insti-
tute, sur son compte Twitter sa-
medi 11 août.
Les zones conquises par l’ar-
mée turque sont vouées à être re-
peuplées de réfugiés syriens ac-
cueillis depuis 2011 en Turquie.
Le président Erdogan a ainsi dé-
claré à plusieurs reprises ces der-
niers mois que tout serait fait
pour faciliter « le retour à la mai-
son de tous nos invités ». Le 2 août,
Ankara a annoncé le démantèle-
ment de cinq camps de réfugiés
situés dans les régions de Ga-
ziantep, Adiyaman et Mardin,
dont le camp de Nizip, visité par
la chancelière allemande, Angela
nomie et à créer des alternatives
dans les domaines énergétique et
du commerce traditionnel, en redé-
veloppant nos secteurs agricole et
industriel », suggère M. Saleh.
L’effet des sanctions est déjà
une réalité en Irak. La banque cen-
trale a décrété l’interdiction aux
banques irakiennes d’opérer des
transactions en dollars avec les
banques iraniennes. Les importa-
tions automobiles ont cessé, tan-
dis que certains revendeurs
d’électroménager ou de fruits et
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Le statu quo
dans la région
d’Idlib est
un enjeu majeur
pour Ankara,
qui craint plus
que tout
un nouvel afflux
de réfugiés
Merkel, en avril 2016. Au total,
34 180 personnes vont être sor-
ties de ces camps pour être réins-
tallées au plus près de la fron-
tière turco-syrienne, à Kilis, au
Haray, à Sanliurfa.
Par ailleurs, le sort des réfugiés
du conflit syrien est au cœur
d’un plan élaboré par Moscou et
Ankara pour inciter l’Allemagne
et la France à financer la recons-
truction de la Syrie, condition de
leur retour. La Russie, secouée
par une chute du rouble à l’an-
nonce de nouvelles sanctions
américaines, n’a pas les moyens
de la financer. D’après une
source proche du ministère russe
des affaires étrangères, Moscou
considère que « les puissances oc-
cidentales doivent, elles aussi, as-
sumer leur part de responsabilité
dans la destruction de la Syrie ».
Dans le plan envisagé à grands
traits par MM. Erdogan et Poutine,
les entreprises turques du bâti-
ment, affectées par la crise finan-
cière qui secoue le pays, se refe-
raient une santé en se chargeant
du gros œuvre, Moscou condui-
rait la normalisation politique
tandis que les Etats européens as-
sumeraient la note.
A cette fin, M. Erdogan a convo-
qué, le 7 septembre à Istanbul, un
sommet sur la Syrie auquel sont
censés participer la Russie, l’Alle-
magne et la France et auquel le
président turc entend donner des
airs de front anti-Trump. Si Mos-
cou a confirmé, lundi, un som-
met à quatre « prévu dans un ave-
nir proche », Berlin et Paris n’ont
pas répondu officiellement à l’in-
vitation de M. Erdogan. p
marie jégo
légumes de Bagdad disent s’ap-
provisionner dans d’autres pays
de la région depuis plusieurs se-
maines, après une hausse des
taxes sur les importations d’Iran.
Les experts ne doutent pas que
des alternatives pourront être
trouvées par des acteurs désireux
de contourner les sanctions, au
niveau des transactions financiè-
res ou par la contrebande, le long
de la frontière poreuse de mille ki-
lomètres entre les deux pays. p
hélène sallon

4 | international
L’extrême droite n’ose pas se montrer à Washington
Un an après les violences de Charlottesville, les contre-manifestants étaient plus nombreux que les suprémacistes
washington - envoyé spécial
O
n a cherché Jason
Kessler, le leader de
l’extrême droite, dé-
sespérément. Ce di-
manche après-midi 12 août, l’or-
ganisateur du défilé supréma-
ciste blanc de Charlottesville, où
Heather Heyer, contre-manifes-
tante, a été tuée le 12 août 2017,
devait arriver par une station de
métro et marcher fièrement avec
ses comparses vers la Maison
Blanche.
En réalité, Jason Kessler est ar-
rivé piteusement, escorté par la
police. Avec un drapeau améri-
cain, une vingtaine d’acolytes, à
peine visibles des contre-mani-
festants. Un petit discours, quel-
ques entretiens avec la presse,
l’orage qui a éclaté et c’en était fini
pour l’alt-right américaine : elle
n’a pas osé montrer le bout de son
nez à Washington dimanche. La
manifestation « Union de la
droite – épisode 2 » avait fini
avant d’avoir commencé.
Cette journée anniversaire a fait
partie de ces non-événements
surcouverts médiatiquement par
la planète entière. Ou plutôt,
Washington a rendu l’extrême
droite persona non grata.
« Washington DC n’est pas Char-
lottesville », proclamait le calicot
d’un contre-manifestant.
Prêts à en découdre
Effectivement, le contraste était
saisissant avec l’an dernier. Le Ku
Klux Klan avait pu parader dans
Charlottesville, en Virginie, à plu-
sieurs reprises, protestant contre
le retrait d’une statue du général
sudiste Robert Lee. La pression
avait culminé le 11 août par une
procession aux flambeaux vers
l’université de Virginie et le
meurtre, le lendemain, de Hea-
ther Heyer, écrasée par la voiture
d’un néonazi.
Dans l’après-midi, les oppo-
sants ont commencé à se rassem-
bler. Parfois dans l’indifférence,
tel ce militant afro-américain ha-
ranguant les quelques touristes
devant le mémorial d’Abraham
Au Mali, un second tour entre indifférence et violence
Le président d’un bureau de vote a été tué près de Tombouctou, lors d’une présidentielle marquée par l’abstention
bamako - correspondance
Ç a manque de suspense,
tout ça », lâche Mamadou
Konaté, l’air désabusé, ac-
coudé à sa moto. Le bu-
reau de vote de Boulkassoum-
bougou, en périphérie de Ba-
mako, n’est qu’à deux pas. Pour-
tant, M. Konaté n’est pas allé
voter ce dimanche 12 août, pour
le second tour de l’élection prési-
LE PROFIL
Ibrahim Boubacar Keïta
Originaire de Koutiala, dans
le nord-est du Mali, le président
« IBK » a été chef de la diploma-
tie, puis premier ministre (1994-
2000). Elu en 2013, il a largement
remporté le premier tour
de l’élection présidentielle le
29 juillet et il est bien parti pour
un deuxième mandat. Soutenu
par Paris en 2013, son bilan a été
qualifié ensuite de « décevant ».
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
A la veille de
la manifestation,
Donald Trump
avait envoyé un
message d’unité :
« Nous devons
nous rassembler
comme
une nation »
Lincoln, le père de l’abolition de
l’esclavage.
Sur Pennsylvania Avenue et à
Lafayette Square, devant la Mai-
son Blanche, la foule, plus nom-
breuse et mixte, a fini par attein-
dre quelques milliers. Il y avait
bien sûr l’extrême gauche. « Il faut
arrêter les fascistes », expliquait
Pete Ha, devant le slogan de son
groupuscule – « Le système ne
peut être réformé, il doit être ren-
versé ». Un rappeur dansait sous
le regard de la foule, poing fermé
contre l’adversaire.
Mais d’autres étaient beaucoup
plus modérés, telle cette profes-
seure de Virginie, Sherry Watken,
dont le tee-shirt proclamait : « Ne
huez pas, votez ! » Cette partisane
de l’ancien président, Barack
Obama, se bat contre l’ignorance,
qui, selon elle, a fait élire Donald
Trump, suggérant avec humour :
« Si vous pensez que l’éducation
coûte cher, essayez l’ignorance. »
Sherry Watken est venue avec sa
fille, mais son amie, Kathy Van
Dike, a été plus prudente : « J’ai de-
mandé à ma fille de ne pas venir. »
Car en ce début d’après-midi,
beaucoup craignaient les déborde-
ments. Telle Marie-Alice Ball, de
l’équipe Paix pour Washington :
« On est inquiets. Nous sommes
pour la désescalade », confiait-elle
avant de proposer, bienveillante :
« Si vous vous sentez menacé, cher-
chez une de nos équipes. »
Clairement, beaucoup sont ve-
nus pour l’affrontement. Dès
15 heures, des jeunes ont com-
mencé à se masquer le visage et à
dentielle opposant le président
sortant Ibrahim Boubacar Keïta,
surnommé « IBK », à Soumaïla
Cissé. IBK est largement favori. Il
est sorti nettement vainqueur
du premier tour, le 29 juillet, avec
41,7 % des suffrages, contre
17,78 % pour « Soumi », qui n’a
pas reçu le soutien des autres
candidats de l’opposition. Ce
grand écart de près de 24 points a
découragé M. Konaté : « A quoi ça
sert de se déplacer ? On sait qui va
être élu », soupire-t-il.
Les premières estimations du
taux de participation sont large-
ment en dessous des 42,7 % du
premier tour. Le Pool d’observa-
tion citoyenne du Mali (Pocim)
l’a établi à 22,38 % sur un échan-
tillon de 1 571 bureaux observés,
soit 6,8 % du total des bureaux.
« Même dans les grands centres
de vote de Bamako, la mobilisa-
tion était vraiment timide », pré-
cise ainsi Ibrahima Sangho, le
chef de mission.
Sur le large goudron de Kou-
likoro menant au centre-ville de
Bamako, il y avait plus d’ache-
teurs postés devant les troupeaux
de moutons que d’électeurs dans
les bureaux de vote visités. L’Aïd-
el-Fitr sera célébrée le 21 août et
les préparatifs de cette fête sem-
blent davantage passionner les
Maliens, majoritairement musul-
mans, que le scrutin présidentiel.
Des manifestants antifascistes dans le centre-ville de Washington, dimanche 12 août. LEAH MILLIS/REUTERS
enfiler leur casque. Soudain, les
Black Lives Matter ont débarqué :
quelques jeunes filles masquées
devant une voiture de police
criaient tranquillement « Fuck the
police ! », liberté d’expression
oblige, tandis qu’une grosse cen-
taine d’Afro-Américains a défilé
en proclamant « Non au KKK ».
Prêts à en découdre.
Sauver la face
Sauf qu’il n’y a pas de Ku Klux
Klan ni d’extrême droite. Ils ont
déclaré forfait. A 17 heures, la
pluie a commencé à tomber dru
et les contre-manifestants trem-
pés ont commencé à plier bagage.
Un peu dépités par la désertion
A 4 kilomètres de là, le centre
de vote de Dravela-Bolibana est
quasiment vide. Sous la pluie,
quelques délégués des partis en-
jambent les flaques, sacs en plas-
tique sur la tête. Sous les préaux
des bureaux de vote, il y a plus
d’observateurs électoraux et de
forces de sécurité que d’élec-
teurs. A l’intérieur du bureau 8,
l’isoloir est vide. Kadiatou Diarra,
déléguée de la Commission élec-
torale nationale indépendante
(CENI), n’est pas surprise de cette
faible affluence. « Au premier
tour, il y avait 24 candidats.
Aujourd’hui, il en reste deux. Les
gens dont les candidats ont été
éliminés sont découragés, ils vont
rester à la maison », prédit-elle.
D’autant qu’aucun des princi-
paux perdants du premier tour
n’a donné de consignes de vote.
Urnes brûlées
Les rumeurs de fraude, agitées
frénétiquement lors de l’entre-
deux tours par le camp de
M. Cissé, auraient-elles fini de dé-
courager les Maliens ? La veille du
second tour, lors d’une confé-
rence de presse organisée à la va-
vite sur les coups de minuit,
l’Union pour la République et la
démocratie, le parti de Soumaïla
Cissé, a montré un carnet vierge
de cinquante bulletins de vote, ré-
cupéré à Bamako. « Si des bulletins
des adversaires, même si Daniel
– qui a refusé de donner son nom
de famille – crie victoire. N’a-t-il
pas entravé le sacro-saint pre-
mier amendement de la Consti-
tution américaine, qui garantit à
chacun la liberté d’expression, y
compris à l’extrême droite ? « Ils
ont choisi librement de ne pas
exercer leur droit aujourd’hui car
nous étions plus nombreux »,
tranche Daniel.
Sur Twitter, Jason Kessler cher-
che à sauver la face, un peu pi-
teux : « Merci à toutes les forces de
l’ordre qui ont protégé aujourd’hui
la liberté de parole et la sécurité
publique », écrit-il, ajoutant :
« Tout cela a été un défi logistique
« Comment
frauder quand
on a l’assurance
de l’estime
de son peuple ? »
IBRAHIM BOUBACAR KEÏTA
président sortant
circulent ainsi, n’est-ce pas pour
détourner le vote des Maliens et in
fine bourrer les urnes ? Nous avons
toutes les raisons de croire que
d’autres carnets sont en circula-
tion à Bamako et ailleurs », a dé-
claré Tiébilé Dramé, le directeur
de campagne de Soumi.
« Il est des manœuvres dont nous
savons qu’elles sont à l’œuvre pour
faire croire que nous serions dans
une logique de fraude. (…) Com-
ment frauder quand on a l’assu-
rance de l’estime de son peuple ?
Pourquoi essayer de frauder ? », a
réagi dimanche matin IBK, après
être allé voter.
Le Pocim a relevé « l’utilisation
de deux bulletins présignés par
des électeurs à Bamako » ainsi
que « la signature illégale de pro-
curations par le sous-préfet de
Kati », près de la capitale. « Beau-
coup de cas de fraudes nous ont
été rapportés mais pas autant
que lors du premier tour, car il y
d’enfer mais nous avons prouvé
que nous pouvions le faire en dépit
des éternels négatifs. »
Restent les conséquences politi-
ques de l’affaire. Les manifestants
liaient tous leur rejet de l’extrême
droite et leur détestation de Do-
nald Trump, telle Sanam Malak,
30 ans : « Trump est responsable
de la division de l’Amérique », ex-
pliquait-elle, ajoutant que « c’est à
cause de lui que les racistes sortent
sans honte. »
A la veille de la manifestation, le
président des Etats-Unis, qui avait
provoqué un tollé en renvoyant
dos à dos les deux camps l’an der-
nier, avait envoyé un message
d’unité. « Les émeutes de l’an der-
avait 24 candidats et la majorité
d’entre eux avaient fraudé », as-
sure M. Sangho.
Lors de ce second tour, le prési-
dent d’un bureau de vote a été as-
sassiné au sud de Tombouctou et
au moins une dizaine d’incidents
ont été relevés par les autorités et
les observateurs. Des urnes ont
été brûlées et enlevées près de
Diré (région de Tombouctou,
nord), deux bureaux de vote in-
cendiés et des agents électoraux
molestés près de Douentza (cen-
tre)… Pourtant, 6 000 éléments
supplémentaires des forces de dé-
fense et de sécurité avaient été dé-
ployés pour ce second tour, ve-
nant s’ajouter aux 30 000 hom-
mes déjà en place lors du premier.
« La menace sécuritaire est plus
importante que lors du premier
tour. Dans le centre et au nord, la
psychose s’est installée. Les gens
ont eu peur. Des bureaux de vote
ont fermé plus tôt dans les zones
de Niafounké ainsi que vers Ténen-
kou et Youwarou », dans le centre
du pays, précise M. Sangho. Cette
psychose devrait fortement im-
pacter le taux de participation au
nord et au centre, tandis que dans
la capitale, l’indifférence semblait
avoir gagné de nombreux Ma-
liens, lors de ce second tour dont
les résultats provisoires sont at-
tendus d’ici à vendredi 17 août. p
morgane le cam
0123
MARDI 14 AOÛT 2018
nier à Charlottesville ont conduit à
une mort absurde et à la division.
Nous devons nous rassembler
comme une nation. Je condamne
tout type de racisme et tout acte de
violence. Paix à TOUS les Améri-
cains », a tweeté Donald Trump,
sans distinguer l’extrême droite.
Sa fille, Ivanka, a choisi d’expri-
mer ce que son père refuse de
dire : « Alors que les Américains
ont la grâce de vivre dans un pays
qui protège la liberté, la liberté
d’expression et la diversité d’opi-
nion, il n’y a pas de place pour le
suprémacisme blanc, le racisme
et le néonazisme dans notre
grand pays. » p
arnaud leparmentier
CORÉ ES
Discussion sur
un nouveau sommet
Les deux Corées ont entamé
lundi 13 août des discussions
afin de préparer un nouveau
sommet entre le président
sud-coréen Moon Jae-in
et le dirigeant du Nord, Kim
Jong-un. La rencontre pour-
rait avoir lieu en septembre à
Pyongyang. Depuis le début
de l’année, la péninsule est le
théâtre d’une détente excep-
tionnelle qui s’est concréti-
sée par le sommet d’avril
et par la rencontre en juin, à
Singapour, entre M. Kim et le
président américain Donald
Trump. En cas de sommet,
MM. Moon et Kim devraient
tenter d’avancer sur la ques-
tion d’un accord de paix afin
de mettre formellement fin
à la guerre de Corée. – (AFP.)
MER C ASPI EN N E
Accord historique
entre pays riverains
Après plus de vingt ans de
négociations, la Russie, l’Iran,
le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan
et le Turkménistan ont signé
dimanche 12 août un accord
historique définissant le
statut de la mer Caspienne.
Réunis dans le port kazakh
d’Aktaou, les cinq pays qui
bordent la Caspienne se sont
mis d’accord sur l’autorisa-
tion de la construction de
pipelines sous-marins, des
quotas de pêche et l’interdic-
tion de toute présence
militaire d’un pays tiers
sur la Caspienne. – (AFP.)

0123
MARDI 14 AOÛT 2018
Monsanto : le procès américain
« va avoir un impact » en Europe
L’eurodéputé Eric Andrieu, qui préside la commission d’enquête sur
l’évaluation des pesticides dans l’UE, pointe les lacunes en la matière
ENTRETIEN
U
n tribunal californien
a condamné, ven-
dredi 10 août, la so-
ciété Monsanto, dé-
sormais propriété du groupe alle-
mand Bayer, à verser un dédom-
magement de 289,2 millions de
dollars (248 millions d’euros) à un
jardinier frappé par un cancer du
système lymphatique qu’il attri-
bue à son exposition à des herbi-
cides à base de glyphosate.
Ce jugement a été marqué
par les « Monsanto Papers », ces
documents internes de la société
que la justice américaine a com-
mencé à rendre publics dès le
printemps 2017. En Europe où, au
contraire du Centre international
de recherche sur le cancer (CIRC),
les agences réglementaires ne
considèrent pas le glyphosate
comme cancérogène, l’exploita-
tion de ces documents par la
presse a conduit le Parlement
européen à former, en février,
une commission d’enquête spé-
ciale sur les processus d’évalua-
tion des pesticides.
Pour son président, l’eurodé-
puté Eric Andrieu (Alliance pro-
gressiste des socialistes et démo-
crates), le jugement californien
met en lumière les carences de
l’Union européenne dans l’appli-
cation du principe de précaution.
Quel enseignement principal
tirez-vous du jugement
de la justice californienne ?
Cela illustre, d’abord, le peu de
responsabilité du Conseil euro-
péen, qui en novembre 2017 a
réautorisé le glyphosate pour une
durée de cinq ans – décision qui
souligne une incapacité à appli-
quer le principe de précaution,
pourtant inscrit dans le droit
européen. Aujourd’hui, on voit
beaucoup de déclarations fortes
du ministre de l’environnement,
Nicolas Hulot, mais il faut rappe-
ler que la France n’a pas fait
grand-chose, au niveau euro-
péen, pour éviter la réautorisa-
tion du glyphosate : il aurait, par
exemple, été possible d’attaquer
la décision du Conseil européen
Nicolas Hulot : « La fin de l’arrogance »
En France, les antipesticides ont salué unanimement le jugement contre Monsanto
A l’avenir, « n’attendons pas
la démonstration du pire
pour agir », car alors « les
poisons auront fait leurs effets et
leurs victimes seront excessive-
ment nombreuses ». Le ministre
de la transition écologique et soli-
daire, Nicolas Hulot, a été l’un des
premiers à réagir à la condamna-
tion de Monsanto, vendredi
10 août, par la justice califor-
nienne. Sur BFM-TV, il a appelé dès
le lendemain, à « appliquer enfin le
principe de précaution », en fusti-
geant la firme américaine,
aujourd’hui dans le giron du
groupe allemand Bayer.
Dimanche 12 août, dans une in-
terview à Libération, M. Hulot se
montre encore plus virulent.
« C’est le début de la fin de l’arro-
gance, de la suffisance de ce cou-
ple maudit Monsanto-Bayer.
Cette décision confirme ce que de
nombreux lanceurs d’alerte ont
dit depuis tant d’années sur la
dangerosité du glyphosate », dé-
clare-t-il. Et d’ajouter : « C’est une
décision de justice très argumen-
tée, qui est providentielle, car elle
rend enfin visible ce que certains
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
devant la Cour de justice de
l’Union pour non-application du
principe de précaution.
On voit que la justice califor-
nienne va bien plus loin que la
simple présomption d’un lien en-
tre glyphosate et cancer : elle est la
première juridiction à associer
l’exposition à ce produit avec le
développement de la maladie qui
a touché ce jardinier. Il faut bien
sûr attendre de voir ce qui va se
produire en appel, mais ce juge-
ment va avoir un impact sur ce
qui se passe en Europe, car même
s’il n’y a pas de jurisprudence
transférable entre les Etats-Unis
et l’Union européenne, on ne
peut pas ignorer ce qui se passe de
l’autre côté de l’Atlantique.
La décision des jurés califor-
niens va-t-elle être examinée en
détail au Parlement européen ?
En septembre, la commission
spéciale que je préside va audi-
tionner des parties prenantes de
l’affaire qui vient d’être jugée en
Californie et j’aimerais que les
avocats de M. Johnson soient pré-
sents. Car dans le déroulement du
procès, il y a non seulement les
éléments de la controverse scien-
tifique qui ont été présentés pen-
dant près d’un mois, au jury et
aux magistrats, mais il y a aussi
les documents internes de Mon-
santo qui ont été utilisés par les
conseils du plaignant. La justice
californienne a pris en compte ces
éléments internes de la société et
il nous faut savoir précisément ce
qu’ils contiennent.
Tout cela doit nous aider à com-
prendre à quels niveaux de la pro-
cédure d’évaluation des pestici-
« La justice
californienne
va bien plus loin
que la simple
présomption
d’un lien entre
glyphosate
et cancer »
s’obstinaient à ignorer depuis trop
longtemps : le fait que l’objectif
dissimulé de Monsanto, sa straté-
gie ignoble, est de mettre en coupe
réglée les ressources alimentaires
de la planète. »
Interdit en France en 2021
Le ministre salue un jugement qui
« vient corriger l’indifférence des
politiques vis-à-vis de cette firme,
qui dure depuis des décennies ». Il
n’a pas précisé si sa remarque vi-
sait les membres du gouverne-
ment, qui, eux, ne se sont pas ex-
primés. A ce stade, pourtant,
M. Hulot ne prévoit pas d’accélérer
la sortie du glyphosate en France.
Le chef de l’Etat, Emmanuel Ma-
cron, s’est engagé à ce que l’herbi-
cide, classé comme « cancérogène
probable » par le Centre interna-
tional de recherche sur le cancer,
soit interdit en France en 2021
pour ses principaux usages, et
complètement d’ici cinq ans. Mais
le gouvernement a refusé que
cette interdiction soit inscrite
dans le projet de loi sur l’agricul-
ture et l’alimentation. Si l’affaire
ne suscite que peu de commentai-
des se situent les éventuels points
faibles, et à proposer ensuite les
changements qui nous sem-
bleront nécessaires. Nous avons
déjà conduit un certain nombre
d’auditions, et mon opinion per-
sonnelle est qu’il y a beaucoup de
trous dans la raquette.
Pour ne citer qu’un exemple :
aujourd’hui, c’est l’industriel qui
choisit lui-même l’Etat membre
qui va se charger de l’expertise
préliminaire de la molécule qu’il
souhaite soit mettre sur le mar-
ché, soit faire réautoriser ! Pour la
dernière évaluation européenne
du glyphosate, c’est l’Allemagne
qui avait été choisie par les in-
dustriels pour conduire cette ex-
pertise préliminaire, finalisée par
l’Autorité européenne de sécurité
des aliments [EFSA]. Ce n’est pas
acceptable. Il faut que le secteur
public prenne ses responsabilités.
Le jugement californien
associe exposition au
glyphosate et cancer, mais
ce lien n’est pas reconnu par
les agences réglementaires…
L’une des questions qui se pose,
selon moi, et que pose ce juge-
ment, est celle de l’objectivité des
expertises, en particulier celle des
conflits d’intérêts dans l’exper-
tise. Par exemple, on voit qu’à
l’EFSA, c’est l’agence elle-même
qui évalue les déclarations d’inté-
rêts des experts qui travaillent
sous son autorité et qui évaluent
les molécules. A titre personnel, je
pense qu’il faut aller beaucoup
plus loin et, par exemple, confier
à une instance extérieure le soin
de déterminer si les liens d’inté-
rêts des experts sont de nature à
influencer leur travail.
Pourquoi Monsanto et Bayer
ne sont-ils pas venus répondre
aux questions de votre
commission ?
Dans cette commission, il y a
une majorité et celle-ci a considéré
que le fait d’auditionner le syndi-
cat de l’industrie des pesticides [le
European Crop Protection Associa-
tion, ECPA] permettait de ne pas
auditionner des entreprises parti-
culières. Ce n’était pas mon opi-
res aux Etats-Unis, où elle n’est
guère reprise dans les médias, elle
donne lieu en revanche à beau-
coup de réactions dans l’Hexa-
gone, surtout dans le camp des
antipesticides. L’association Géné-
rations futures se félicite d’« une
décision historique qui reconnaît le
caractère cancérogène de ces
produits à base de glyphosate et la
responsabilité de Monsanto dans le
fait de les avoir mis sur le marché
sans en avertir le consommateur ».
Pour son directeur, François
Veillerette, cette condamnation
« souligne l’urgence de retirer les
pesticides à base de glyphosate du
marché, ce que nous appelons le
gouvernement français à faire
au plus vite ».
Même satisfaction du côté de la
Confédération paysanne. « Ce ju-
gement, c’est une nouvelle fois la
preuve que les pesticides sont dan-
gereux pour la santé, des utilisa-
teurs en premier lieu – et donc des
paysans et des paysannes – et puis,
par ricochet, aussi de ceux qui
consomment les produits, estime
son porte-parole, Laurent Pinatel.
Il faut absolument se donner les
LE PROFIL
Eric Andrieu
Né à Narbonne (Aude) en 1960,
il est député européen depuis
2012. Ce socialiste préside la
commission spéciale d’enquête
sur le processus d’autorisation
des pesticides dans l’UE, créée
en février à la suite des révéla-
tions par la presse des « Mon-
santo Papers », des centaines de
documents internes à la firme.
nion. Nous avons donc rencontré
l’ECPA qui est venu intervenir de-
vant nous au nom de toute l’in-
dustrie et qui assure que le glypho-
sate est la molécule la plus sûre
qui existe… Selon les industriels,
leurs produits ne sont responsa-
bles de rien, ni de la survenue
précoce de certaines maladies, ni
de l’effondrement des pollinisa-
teurs… Ce n’est pas très sérieux.
Votre commission va-t-elle pro-
poser un protocole d’arbitrage
pour départager les expertises
divergentes, comme celles du
CIRC d’un côté, et des agences
européennes de l’autre ?
Il semble clair qu’aucune de ces
institutions ne se dédira. Mais il y
a le passé et il y a l’avenir. C’est
vers cela qu’il faut regarder. Des
propositions de réforme du fonc-
tionnement de l’EFSA, à commen-
cer par une augmentation de ses
moyens, ont été faites par la Com-
mission européenne. Il est possi-
ble d’aller plus loin et de renforcer
encore l’expertise publique en fé-
dérant ou en réunissant des agen-
ces réglementaires qui, d’une ma-
nière ou d’une autre, conduisent
des travaux comparables. p
propos recueillis par
stéphane foucart
moyens de sortir des pesticides, de
cette dépendance. »
« Notre première réaction, c’est
de dire “enfin et heureusement”,
parce qu’avec tous les éléments à
charge contre Monsanto, il aurait
été absolument incompréhensible
qu’il ne soit pas condamné », indi-
que pour sa part Suzanne Dalle,
de Greenpeace France. « La justice
agit là où le gouvernement n’est
pas présent. »
Le revers subi par Monsanto de-
vant la justice américaine, en pre-
mière instance, n’a toutefois pas
empêché le groupe chimique et
pharmaceutique Bayer de réaffir-
mer l’innocuité de l’herbicide in-
criminé. « Sur la base de preuves
scientifiques, d’évaluations régle-
mentaires à l’échelle mondiale et
de décennies d’expérience pratique
d’utilisation, Bayer estime que le
glyphosate est sûr et non cancéro-
gène », a déclaré, samedi, un por-
te-parole du géant allemand. Le
groupe a déjà annoncé son inten-
tion de faire appel de la condam-
nation de Monsanto (une amende
248 millions d’euros). p
pierre le hir
planète | 5
Un système de bonus-
malus pour favoriser
le recyclage du plastique
Les emballages non issus du recyclage
pourraient être pénalisés dès 2019
L’ achat de produits à base de
plastique non issu du recy-
clage sera pénalisé dès l’an
prochain. La secrétaire d’Etat à la
transition écologique et solidaire,
Brune Poirson, l’a annoncé diman-
che 12 août, dans un entretien au
Journal du dimanche, où elle a dé-
voilé la mise en place d’un « sys-
tème de bonus-malus » pour 2019,
pouvant aller « jusqu’à 10 % du prix
des produits ». « Demain, quand il y
aura le choix entre deux bouteilles,
l’une fabriquée en plastique recyclé
et l’autre non, la première sera
moins chère », a développé la mi-
nistre, sans préciser dans quelle
proportion le dispositif diminue-
rait le coût des objets en plastique
recyclé, et augmenterait le coût de
ceux qui ne le sont pas.
« Il faudra voir s’il s’agit d’une
taxe de 10 % sur le prix de vente, ce
qui est une vraie mesure incitative,
ou si cela porte uniquement sur le
prix de l’emballage, ce qui est indo-
lore », a réagi Laura Chatel, experte
en prévention et valorisation des
déchets pour l’association Zero
Waste France qui défend une dé-
marche « zéro déchet ».
Pas de contrainte réglementaire
L’annonce de Mme Poirson inter-
vient alors que le gouvernement a
dévoilé, fin avril, sa feuille de route
pour une économie 100 % circu-
laire. Celle-ci affiche, entre autres,
l’objectif d’atteindre un taux de
« 100 % de plastiques recyclés
en 2025 », une promesse de campa-
gne d’Emmanuel Macron. « Il
s’agit d’envoyer un signal “prix” au
consommateur pour qu’il favorise
dans son acte d’achat des produits
plus respectueux de l’environne-
ment », a expliqué le cabinet de la
ministre au Monde.
Cette mesure n’impose pour
l’heure aucune contrainte régle-
mentaire aux industriels. « Cin-
quante-cinq fédérations industriel-
les et d’entreprises du secteur se
sont engagées à doubler la quan-
tité de plastique recyclé intégrée
dans leurs produits. D’autres sui-
vront. Si dans deux ans le compte
n’y est pas, alors on passera au rè-
glement », a précisé Mme Poirson
au JDD. Ce « flou » gêne Zero Waste
France de même que la présenta-
S ÉI S MES
Au moins 387 morts
dans les tremblements
de terre de Lombok
Sur l’île indonésienne de
Lombok, en Indonésie, les
deux tremblements de terre
du 29 juillet et du 5 août ont
été suivis de nombreuses ré-
pliques dans les jours qui
ont suivi. « On prévoit que le
bilan va continuer de s’accroî-
tre, car des victimes sont en-
core probablement sous des
torrents de boue ou des rui-
nes », a indiqué, samedi
11 août, un porte-parole de
l’agence chargée des catas-
trophes naturelles. Il a en
outre prévenu que des cen-
taines de milliers de person-
nes déplacées manquaient
encore d’eau, de nourriture
et de médicaments. – (AFP.)
I N C EN D I ES
De nouveaux
feux se déclarent
près d’Athènes
Environ 500 personnes ont
été évacuées de l’île grecque
d’Evia, située à 90 kilomè-
tres d’Athènes, où de violents
incendies se sont déclarés di-
manche 12 août, moins d’un
mois après les pires feux de
forêt de l’histoire du pays qui
ont causé la mort d’au
moins 94 personnes. « Tou-
Le production
mondiale de
plastique est
passée, en
dix ans, de 255
à 348 millions
de tonnes par an
tion du bonus-malus comme une
guerre déclarée au plastique lui ap-
paraît « exagérée ». « Vu l’urgence,
une contrainte avec un délai per-
mettant l’adaptation aurait été
plus efficace, estime Laura Chatel.
Par ailleurs, outre les bouteilles en
PET dont on sait réintégrer la ma-
tière recyclée en petite proportion
dans de nouvelles bouteilles, il reste
tous les emballages plastiques non
recyclables dont la consommation
continue d’augmenter partout
dans le monde. »
La production mondiale de plas-
tique – dont l’emballage est le pre-
mier débouché – a progressé de
plus de 40 % en dix ans, passant de
255 à 348 millions de tonnes par
an. Selon une enquête du maga-
zine 60 millions de consomma-
teurs publiée en mars, seuls 26 %
des emballages plastiques sont ac-
tuellement recyclés, et la filière du
plastique est celle où la part de
matières premières réutilisées
dans la production est la plus fai-
ble, avec seulement 6 %, contre
66 % dans celle du papier ou 44 %
dans l’aluminium.
Zero Waste reproche aussi au
gouvernement de se « focaliser sur
le recyclage » qui est « indispensa-
ble mais pas suffisant ». « Il faut
agir à la source, or il manque à la
France l’approche “réduction” de la
production et de la consommation
pourtant en vogue à l’échelle de
l’Union européenne », note Laura
Chatel. Fin mai, la Commission
européenne a en effet annoncé
des objectifs de réduction drasti-
ques du plastique. Elle a listé des
objets et emballages en plastique à
usage unique pour lesquels elle
propose soit une interdiction to-
tale soit une limitation. p
patricia jolly
tes les forces régionales ont
été transférées » vers la zone
sinistrée, a déclaré le minis-
tre de l’agriculture, Vangelis
Apostolou, qui s’est rendu
sur place. Le gouvernement
a été très critiqué pour sa
gestion de l’incendie qui a
ravagé la station balnéaire de
Mati, le 23 juillet. Une nou-
velle victime de cette catas-
trophe est décédée, samedi.
Plus de trente autres blessés
sont toujours soignés dans
les hôpitaux. – (AFP.)
AST R ON OMI E
Le parc naturel des
Cévennes distingué
pour son ciel étoilé
Le parc national des Céven-
nes célèbre, lundi 13 août, le
label de « réserve internatio-
nale de ciel étoilé » (RICE) qui
vient de lui être attribué.
Avec ses 3 560 km2, le parc,
qui s’étend sur les territoires
de l’Occitanie et de l’Auver-
gne, est le plus grand de
France métropolitaine. Cette
consécration délivrée par
l’International Dark Sky As-
sociation (IDA) fait de lui la
plus vaste RICE d’Europe.
Cette qualification exige une
protection particulière de la
zone à des fins scientifiques,
éducatives et pour la préser-
vation de la nature.
 РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS

6|
FRANCE
0123
MARDI 14 AOÛT 2018

Macron et la droite, l’ombre d’un doute

Les sondages enregistrent une baisse de la popularité du chef de l’Etat auprès de l’électorat LR

C
e n’est pas une rupture,
plutôt un cahot. De ceux
qui secouent une rela-
tion et projettent l’om-
bre du doute sur son devenir. A la
suite de l’affaire Benalla, qui a em-
poisonné l’exécutif en juillet, le
pouvoir de séduction exercé par
Emmanuel Macron sur une partie
de la droite semble avoir perdu de
sa force.
Les sondages enregistrent une
baisse de la popularité du chef de
l’Etat auprès de l’électorat de cette
famille politique ; les élus Les Ré-
publicains (LR) ou de centre-droit
qui affichaient leur bienveillance à
son égard ne se sont pas bousculés
pour le soutenir au pire moment
de la crise ; et les transfuges de LR
membres du gouvernement,
Bruno Le Maire, Gérald Darmanin
ou Sébastien Lecornu, ont été ac-
cusés de ne pas monter en pre-
mière ligne avec un entrain suffi-
sant. Autant de nuages qui
s’amoncellent, à la veille des élec-
tions européennes de 2019, une
échéance perçue par l’exécutif
comme une étape supplémen-
taire de la recomposition de la vie
politique.
Conciliant libéralisme économi-
que, verticalité dans l’exercice du
pouvoir et posture de réforma-
teur, le président de la République
séduit pourtant à droite depuis
son élection, en mai 2017. Mais la
machine semble grippée. Selon
une enquête Ipsos pour Le Point
publiée le 24 juillet, le chef de l’Etat Emmanuel Macron à La Mongie (Hautes-Pyrénées),
a perdu neuf points de popularité le 26 juillet. VINCENT NGUYEN/RIVA PRESS POUR « LE MONDE »
en un mois auprès des électeurs
LR, sa cote s’établissant à 34 % de
bonnes opinions. Dans un autre
sondage, réalisé cette fois-ci par présentants de la droite modérée (licencié depuis), en marge des En privé, M. Wauquiez répète Comme l’a révélé Le Canard en-
l’IFOP pour le Journal du diman- durant la séquence Benalla. « Les manifestations du 1er-Mai. « Pour que le discours de son parti ne
Tout l’enjeu pour chaîné, Emmanuel Macron conti-
che, il chute de huit points auprès élus, leur positionnement est in- tous les présidents de la Républi- peut pas être audible tant que la LR consiste à nue de soigner ses relations à
de cette même catégorie, enregis- dexé sur la courbe des sondages », que, il y a eu ce type de dérives sur popularité du chef de l’Etat em- droite. Il a reçu, le 2 août, à l’Elysée,
trant 39 % d’opinions positives. s’amuse ainsi Brice Hortefeux, les questions de sécurité, pardonne piète à droite. L’heure serait donc
tenter d’endiguer plusieurs maires LR compatibles
soutien du président de LR, Lau- quant à lui Jean-Luc Moudenc, venue de repartir à l’offensive. « Il la migration avec sa ligne, comme Alain Juppé,
Repartir à l’offensive rent Wauquiez. maire LR de Toulouse. Je ne crois y aura un avant et un après Christian Estrosi et Jean-Luc Mou-
Cette dernière étude, menée en Certains, comme le maire LR de pas que ce soit de nature à préoccu- Benalla. Les Français ont découvert
de ses forces denc, pour discuter de l’avenir des
deux temps – une semaine avant Nice, Christian Estrosi, qui avait per les Français. » que le macronisme était un châ- vives vers LRM métropoles. « Une réunion techni-
l’affaire Benalla puis une semaine reçu Emmanuel Macron lors de la De son côté, LR veut profiter de teau de cartes, souligne Geoffroy que, élude-t-on dans l’entourage
après –, inscrit cette chute dans un campagne présidentielle, se sont ce contexte pour tenter de repren- Didier, secrétaire général délégué de M. Estrosi. Il n’a pas été question
cadre plus global. « On constate même montrés offensifs à l’en- dre la main. « L’anesthésiant jeté de LR. Cette affaire a fait prendre majoritaire parviendra à arrimer des listes municipales pour 2020. »
qu’à droite l’essentiel de la baisse droit du locataire de l’Elysée. « Les pour désintégrer la droite n’opère conscience qu’il y a la nécessité à sa liste la droite modérée. « Nous « Je ne pense pas que les discus-
était déjà là avant l’af- Français veulent savoir ce qui s’est plus, veut croire le député LR des d’offrir une alternative républi- pouvons partir tout seuls, présen- sions sur les équipes et les projets
faire Benalla », relève Jérôme Four- passé sur l’affaire Benalla, qui a des Alpes-Maritimes Eric Ciotti. Pour caine. C’est là où l’horizon s’ouvre ter une liste avec [les centristes de] ne commencent avant l’été 2019,
quet, directeur du pôle opinion de répercussions institutionnelles. (…) Macron, un face-à-face au second pour nous. » l’UDI, ou nous réunir pour une liste souligne de son côté M. Moudenc,
l’institut, qui avance comme expli- Dans ce contexte, le silence peut tour avec Laurent Wauquiez, c’est Tout l’enjeu pour le parti de la commune avec LRM, explique qui refuse pour sa part de confir-
cation l’absence de résultats sur le être complice ou coupable », a-t-il la certitude que tout le monde rue de Vaugirard consiste à tenter Agnès Firmin Le Bodo, députée mer l’existence de cette réunion.
front économique et la résurgence lancé sur Twitter, le 22 juillet, alors jouera contre lui. On l’a vu à l’As- d’endiguer la migration de ses for- Agir (droite « constructive », ma- Quand ce sera le cas, l’affaire
de la question migratoire. que le chef de l’Etat se murait dans semblée nationale avec les motions ces vives vers La République en cron-compatible) de Seine-Mari- Benalla sera bien loin. » Le temps
Cet affaiblissement auprès du le silence, juste après les révéla- de censure déposées par la gauche marche (LRM). D’ailleurs, dans la time. Mais il n’y a pas de lien de des doutes aussi, peut-être. p
peuple de droite s’est conjugué à tions du Monde sur les agisse- et la droite. Son enjeu reste donc de perspective des européennes, il cause à effet entre l’affaire Benalla olivier faye
un relatif silence de la part des re- ments du collaborateur élyséen tenter de nous dynamiter. » n’est pas encore dit que le parti et notre éventuel soutien. » (avec daryl ramadier)

Raffarin : « L’affaire Benalla est plus un accident qu’une rupture »

L’ancien premier ministre affirme que la « droite humaniste » pourrait présenter sa propre liste aux élections européennes de 2019

l’emploi. L’affaire Benalla est plus nance. Mais contrairement à cer- face aux extrêmes ou la droite gie, entre l’affirmation d’une mondial qui règne aujourd’hui,
ENTRETIEN un accident qu’une rupture. taines autres, la Constitution classique a-t-elle encore entité spécifique par la formation marqué, par exemple, par de gra-

J ean-Pierre Raffarin, ex-pre-

mier ministre de Jacques
Chirac, n’a plus de fonction
élective mais, à 70 ans, il reste
actif politiquement. Cet Européen
convaincu s’est éloigné de Lau-
rent Wauquiez, président de LR.
L’affaire Benalla peut-elle affai-
blir Emmanuel Macron dans
l’opinion, en particulier auprès
de l’électorat de droite qu’il
cherche à attirer depuis un an ?
Cette affaire a affaibli le prési-
dent qui, jusqu’ici, avait montré
de la force et de l’adresse. Il avait
même fait un parcours quasi sans
faute. Or, l’exécutif a été lent et fai-
ble dans la gestion de cette crise.
Néanmoins, l’avenir d’Emmanuel
Macron, comme celui de sa politi-
que, repose principalement sur sa
capacité à construire une nou-
velle politique migratoire au ni-
veau européen, à réduire les dé-
penses publiques et à favoriser
Vous y voyez une simple erreur
de gestion de crise, pas un pro-
blème de fond ?
La crise n’est pas sans impor-
tance. Elle a donné une occasion
de dialogue entre l’extrême droite
et l’extrême gauche et offert une
consistance à une opposition sys-
tématique – ce qui a permis à
M. Mélenchon et à Mme Le Pen
d’occuper le devant de la scène. Le
risque majeur pour M. Macron et
pour la France, c’est le rapproche-
ment des extrêmes, c’est-à-dire le
scénario italien. Or, cette crise a
plutôt favorisé cette dérive.
Cette affaire illustre-t-elle la
nécessité de mieux équilibrer
les pouvoirs, alors que certains
s’inquiètent de voir le rôle
du Parlement diminuer avec
la réforme constitutionnelle ?
La vertu première de la Ve Répu-
blique est de permettre l’alter-
française a toujours voulu proté-
ger le pouvoir de l’exécutif, de ma-
nière à permettre l’efficacité de
l’action publique. Je suis favorable
à un pouvoir fort au Parlement,
dans un système nécessairement
bicaméral. Néanmoins, dans un
pays qui aime toujours le débat, et
parfois la polémique, il faut veiller
à ce que l’exécutif ne soit pas em-
pêché ou réduit à l’impuissance.
On a peu entendu les représen-
tants de la droite modérée venir
en soutien du chef de l’Etat…
A partir du moment où le prési-
dent de la République était silen-
cieux, la situation se révélait in-
certaine. Il n’était pas facile de
faire le tri entre les attaques politi-
ciennes sommaires, d’une part, et
la vérité des responsabilités quant
aux fautes, d’autre part.
M. Macron représente-t-il,
à vos yeux, la seule alternative
son mot à dire ?
Il est tôt pour faire un bilan glo-
bal de l’action d’Emmanuel
Macron et d’Edouard Philippe. Le
premier semestre 2019 sera très
important, parce qu’un sujet es-
sentiel se présentera au président :
la rénovation du projet européen.
Là, il devra déployer ses talents. La
droite, sous l’impulsion de Lau-
rent Wauquiez, a une stratégie
qu’il ne faut pas mésestimer. C’est
une stratégie passive, fondée sur
le glissement à droite de la société,
sous l’effet de la question migra-
toire et de la montée d’un senti-
ment anti-Macron. En cas d’échec
d’Emmanuel Macron, cette straté-
gie n’est pas condamnée.
Dans ce contexte, une question
reste à déterminer : quel rôle
jouera la droite humaniste et euro-
péenne, nécessaire pour toute vic-
toire ? Elle a devant elle un rendez-
vous important avec les européen-
nes. Elle devra décider de sa straté-
d’une liste, ou un accord politique
novateur pour l’Europe, soit sur sa
gauche, soit sur sa droite. Le débat
européen aura un impact majeur
sur la vie politique française.
Vous n’avez pas encore déter-
miné votre positionnement ?
Les lignes européennes des uns
et des autres doivent être clari-
fiées, la nôtre est clairement euro-
péenne. Nous aurons une rencon-
tre, les 8 et 9 septembre, à l’occa-
sion des Vendanges de Bordeaux,
autour d’Alain Juppé. Nous discu-
terons de ces sujets avec plusieurs
représentants de cette droite hu-
maniste, comme Valérie Pécresse
ou Dominique Bussereau.
Mme Pécresse s’est félicitée fin
juin que l’« euroscepticisme »
recule à LR. Vous partagez
son constat ?
Oui, l’euroscepticisme recule,
notamment en raison du désordre
ves tensions entre Etats-Unis et
Chine. Dans ce contexte, la néces-
sité européenne apparaît. Cela dit,
tout l’enjeu sera la crédibilité du
nouveau projet européen.
LR est-il encore un parti de gou-
vernement ou bien M. Wau-
quiez se cantonne-t-il, pour
reprendre votre expression,
à un « bavardage populiste » ?
Sur le plan stratégique, la ligne
Wauquiez est claire : parier sur la
montée du sentiment anti-Ma-
cron, le stimuler, et se positionner
fortement à droite. Pour le mo-
ment, sur les questions économi-
ques ou européennes, le message
n’est guère constructif. C’est une
stratégie passive, à l’affût. Il fau-
dra bien un jour définir la nature
précise du projet politique de LR
quant aux grands sujets que sont
l’Europe, la dépense publique ou
la politique économique. p
propos recueillis par o. f.
 РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS

france | 7
0123
MARDI 14 AOÛT 2018

Hollande,
«la mouche du
coche de Macron» François
Hollande,
à Saint-Cyr-
sur-Mer
L’ancien chef de l’Etat multiplie les (Var),
le 5 août.
signatures dans le sud de la France FRANCK
BESSIÈRE/HANS
LUCAS

L
a tournée des librairies de
François Hollande pour
dédicacer son ouvrage Les
Leçons du pouvoir (Stock,
288 p., 22 euros) devait s’arrêter
avant l’été. Puis, elle a été prolon-
gée au mois de juillet. Il ne devait
rien se passer en août, un mois de
« repos » et de « vacances », comme
le précisait son entourage avant la
pause estivale. Mais l’ancien chef
de l’Etat n’a pas pu résister…
En vacances dans les Bouches-
du-Rhône avec sa compagne Julie
Gayet, François Hollande a finale-
ment décidé de se rendre dans le
département voisin du Var pour
une nouvelle séance de signa-
tures, assortie d’un bain de foule.
Le 5 août, l’ex-président a ainsi
dédicacé son ouvrage dans une
librairie de Saint-Cyr-sur-Mer
(Var), à une soixantaine de kilomè-
tres du fort de Brégançon, où le
couple Macron se repose depuis le
début du mois.
Difficile de ne pas y voir un fait
exprès. « Il a peut-être eu un petit
rire dans le cœur », en pensant à
son successeur, si près, concède
Michel Sapin en souriant. « Mais il
ne faut pas surinterpréter. Il n’y
avait rien d’organisé ni de médité »,
promet l’ancien ministre des fi-
nances, qui a rejoint l’équipe de
l’ex-président dans ses bureaux de
la rue de Rivoli. « François Hol-
lande pouvait choisir de parler de
l’affaire Benalla, mais il ne l’a pas
fait. En revanche, au moment où
Emmanuel Macron hésite à faire
des bains de foule, lui ne résiste pas.
Il y va, et souligne ainsi la diffé-
rence », analyse de son côté l’an-
cien premier secrétaire du PS Jean-
Christophe Cambadélis.
En marge de sa séance de dédica-
ces, c’est donc un François Hol-
lande souriant et bronzé qui a
fendu la foule, serré des mains et
mis en scène sa proximité avec les
Français. Alors que son successeur
n’était toujours pas sorti de la rési-
dence d’été réservée aux prési-
dents en exercice. Du pain bénit
pour l’ancien président qui, selon
l’un de ses proches amis, n’a « tou-
jours pas digéré » la victoire de son
ancien ministre de l’économie.
« Très amer envers Macron »
Dans l’entourage de l’ex-chef de
l’Etat, on relativise, non sans une
pointe de malice : « François Hol-
lande a simplement répondu à l’in-
vitation d’un libraire… mais peut-
être qu’Emmanuel Macron finira
par sortir de son fort ! » Le 7 août, le
président de la République s’est en
effet offert une première sortie.
Large sourire et tenue décontrac-
tée, accompagné de son épouse,
M. Macron a salué les vacanciers,
s’adonnant aux selfies et embras-
sant les cheveux des enfants. « Ce
n’est pas Hollande qui colle Ma-
cron, c’est Macron qui colle Hol-
lande ! », ironise M. Cambadélis.
Depuis que M. Macron lui a suc-
cédé à l’Elysée, M. Hollande ne dé-
colère pas contre son ancien
conseiller, qui l’ignore superbe-
ment. Depuis son arrivée à l’Ely-
sée, il y a plus d’un an, le chef de
l’Etat a appelé ou reçu tous ses
prédécesseurs, à l’exception de
M. Hollande. Il entretient même,
ou feint d’entretenir, de bonnes re-
lations avec Nicolas Sarkozy, qu’il
voit et consulte. Le couple Macron
a même invité l’année dernière les
Sarkozy à dîner à l’Elysée.
Mais l’ancien conseiller de Fran-
çois Hollande n’a jamais pris son
téléphone pour proposer à son an-
cien patron un déjeuner ou un dî-
ner. Une indifférence impardon-
nable aux yeux de l’ancien prési-
dent. « François n’a qu’une idée en
tête, c’est la revanche. Il est encore
très amer envers Macron. Il trouve
par ailleurs que son bilan est une
catastrophe », confesse un proche.
Au sommet de l’Etat, les prises de
parole médiatiques de l’ex-loca-
taire de l’Elysée, qui s’est lancé
dans un véritable tour de France à
l’occasion de sa tournée de promo-
tion, ne sont pas commentées.
« Ça n’intéresse pas les Français »,
évacuait avant l’été Emmanuel
Macron auprès du Monde.
« M. Hollande fait ce qu’il veut.
Nous n’allons pas rebondir sur cha-
« Au moment où
Macron hésite à
faire des bains de
foule, Hollande
y va et souligne
sa différence »
JEAN-CHRISTOPHE
CAMBADÉLIS
ex-premier secrétaire du PS
cune de ses déclarations, et je doute
que cela ait un très grand impact
sur les Français », ajoute-t-on au
siège de La République en marche.
« Ses déclarations trahissent
l’amertume et l’esprit de revanche
d’un triste sire qui ne s’est tou-
jours pas consolé de son abdica-
tion », persifle de son côté le vice-
président du groupe LRM à l’As-
semblée nationale, Gilles Le Gen-
dre. « François Hollande serait plus
utile en revenant dans le débat pu-
blic avec des propositions pour ré-
soudre les grandes questions de
l’époque, ajoute le député de Paris.
Commentateur aigre de l’action
d’Emmanuel Macron, il lui en veut
d’avoir plus fait pour le pays en un
an que lui-même en cinq. »
Jouer l’indifférence
Mais François Hollande n’a pas
l’intention de désarmer. L’ex-chef
de l’Etat a programmé une nou-
velle séance de signatures dans
le sud de la France, mardi 14 août,
à Cassis (Bouches-du-Rhône). Et il
pourrait se rendre à La Rochelle le
25 août pour l’université d’été des
élus socialistes. Il envisage même
d’y prononcer un discours sur
l’Europe. Une tribune de rentrée
qui permettrait à l’ex-stratège de la
Rue de Solférino un coup double
dont il a le secret : évincer le pre-
mier secrétaire, Olivier Faure, en
se positionnant comme le leader
de l’opposition et continuer de
mettre au défi Emmanuel Macron,
à neuf mois des européennes.
« A l’Elysée, ils sont agacés, croit
savoir le conseiller régional d’Ile-
de-France Julien Dray. Ils n’arrivent
pas à se débarrasser de François
Hollande. Il est comme le spara-
drap du capitaine Haddock. » Pour
ce proche de l’ex-président, M. Hol-
lande, qui a reproché à M. Macron
d’être le « président des très riches »,
n’a « jamais été aussi bon que dans
l’opposition ». « Il est la mouche du
coche de son successeur. Il le pique.
Emmanuel Macron a la nuque
raide et n’aime pas ça. Il le pousse
ainsi à la faute », prédit ce fin ana-
lyste de la vie politique.
Pour l’heure, M. Macron conti-
nue de jouer l’indifférence. Mais il
n’en a pas fini avec celui qu’il a
poussé vers la sortie. « François
Hollande est en train de préparer
l’année qui vient, dit Michel Sapin
depuis son bateau de pêche, au
large de la Vendée. Après ces quel-
ques mois de bonheur, d’écriture et
de promotion, il lui faudra trouver
les bons moments pour parler. » p
astrid de villaines

Lutte contre la pauvreté : PUBLICATIONS JUDICIAIRES

pas de rallonge en vue 01.49.04.01.85 - annonces@osp.fr
Le gouvernement veut simplifier l’accès Par un jugement rendu le 29 janvier 2018, le Tribunal de Grande Instance de Beauvais a jugé que certaines clauses des Condi-
aux aides sans en accroître les montants tions Générales de Sixt, qui étaient en vigueur jusqu’en avril 2018, devaient être réputées non écrites, à savoir les clauses
suivantes :
[Art. 3.1] le loueur se réserve la possibilité de subordonner la location d’un véhicule à d’autres conditions ; [Art. 6] le client

L’ annonce de la « stratégie
de lutte contre la pauvreté
des enfants et des jeunes »,
ou plus simplement du plan pau-
vreté du gouvernement annoncé
dès octobre 2017 et repoussé plu-
sieurs fois, est désormais attendue
pour le 15 septembre. Au début du
mois de juillet, les associations dé-
çues de ce retard étaient reçues à
déjeuner à l’Elysée.
Dans un entretien au Journal du
dimanche le 12 août, Agnès Buzyn,
ministre des solidarités et de la
santé chargée de ce dossier aux
côtés d’Olivier Noblecourt, délé-
gué interministériel à la lutte
contre la pauvreté, dévoile la phi-
losophie du projet : « Les presta-
tions monétaires ont permis de ré-
duire l’impact de la crise économi-
que, pas de diminuer les inégalités
de destin. Quand on naît dans une
famille pauvre, on le reste pendant
des générations. » Autrement dit,
il n’est pas question de revaloriser
les aides sociales « monétaires »,
notamment le revenu de solida-
rité active (RSA). « Les aides finan-
cières ne règlent pas tout, mais el-
les restent indispensables pour
survivre et avoir accès à l’école, la
culture… », estime Claire Hédon,
présidente d’ATD Quart Monde.
La ministre confirme aussi
qu’en 2019 sera mis en place le
versement unique des alloca-
tions, un premier pas, en moins
ambitieux, vers l’allocation so-
ciale unique dont l’échéance est
repoussée en 2020 ou 2021. Ce
versement est unique en ce que
toutes les allocations sont versées
au même moment, sur les mê-
mes critères, épargnant au béné-
ficiaire de multiplier les justifica-
tifs. La réforme est facilitée par
l’instauration du prélèvement à la
source de l’impôt sur le revenu.
Allocations automatiques
Les allocations deviennent auto-
matiques, sans avoir à les deman-
der ce qui diminuerait les cas de
« non-recours » qui, pour le RSA,
par exemple, concernent environ
30 % des bénéficiaires potentiels.
De même, les montants s’ajustent
aux variations de revenus. « Il n’y
aurait plus le décalage de deux ans
entre les revenus pris en compte et
le calcul du montant de l’aide, es-
père Mme Hédon. Mais attention à
ne pas rendre ces aides trop ins-
tables et variables d’un mois à
l’autre, au gré d’une reprise d’em-
ploi à temps partiel. Cela risque
d’aggraver l’incertitude du lende-
main, qui caractérise la pauvreté. »
Agnès Buzyn annonce éga-
lement « la création d’un fonds
d’investissement social abondé
de plusieurs millions d’euros ».
« C’est une bonne nouvelle, car
nous avons besoin de ces outils
pour expérimenter, juge Mme Hé-
don, mais l’évaluation de ces inno-
vations doit s’intéresser d’abord
aux 20 % parmi les plus pauvres.
C’est l’objectif que nous voudrions
voir inscrit dans la loi. » p
isabelle rey-lefebvre
ou tout conducteur autorisé est tenu en cas de détérioration d’un ou plusieurs pneumatiques et/ou jantes pendant la loca-
tion, de procéder à ses frais (…) à la réparation ou à l’échange du pneumatique et/ou de la jante détériorée ; [Art. 7] pour
le transport de toute matière inflammable, explosive (…) et dans les pays prohibés par le contrat de location ; [Art. 8] si le
client ou tout conducteur autorisé souhaite procéder à une restitution en dehors des heures d’ouverture d’une agence, il le
fait à ses risques et périls ; même si le véhicule est garé par le Client ou tout Conducteur autorisé sur le parking de l’agence
et que les clés ont été le cas échéant déposées dans la boîte aux lettres de l’agence, le véhicule reste sous la responsabilité
du Client ou de tout Conducteur autorisé jusqu’à l’ouverture de l’agence ; [Art. 9.2] des garanties couvrant les dommages
corporels du conducteur et des passagers du véhicule (…) ces garanties ne s’appliquent pas (…) pour le transport de toute
matière inflammable, explosive ou radioactive (…) dans les pays prohibés par le Contrat de location ; [Art. 10.1] le client et
tout conducteur autorisé répondent, conformément aux dispositions de l’article 1732 du code civil, de la perte et des dégra-
dations causées au véhicule au cours de la location ; [Art. 11.1] avertir le loueur ou au plus tard dans les vingt-quatre (24)
heures qui suivent la survenance ou la découverte de l’un des sinistres ou dommages susmentionnés ; [Art. 11.3] en cas de
vol ou de pertes des clés originales, le client ou tout conducteur autorisé est tenu de procéder immédiatement à la déclaration
du vol ou de la perte des clés auprès du Loueur et des autorités compétentes sous peine de perdre le bénéfice des limitations
de responsabilité optionnelles visées à l’article 10.2.1. ; [Art. 12] sauf contre-expertise, les parties conviennent que l’éva-
luation des dommages réalisée par l’expert indépendant est définitive et reconnaissent expressément que celle-ci les liera et
leur sera opposable comme valant accord entre elles sur l‘équivalent monétaire des dommages ; [Art. 13.1] le client et tout
conducteur autorisé sont tenus solidairement au prix de la location ; le nombre de kilomètres parcourus pendant la durée
du contrat est celui indiqué par le compteur installé dans le véhicule par le constructeur ; si le compteur est débranché, un
forfait de mille kilomètres par jour sera facturé ; les durées de location sont exprimées en jours de location et, sauf accord
exprès du loueur, toute journée commencée est due ; si le véhicule n’est pas rendu avec le même niveau de carburant, le
loueur refacturera le carburant manquant à un prix intégrant le coût du service de remplissage ; tous frais encourus par le
loueur par suite d’une infraction au Code de la route, d’une mise en fourrière du véhicule ou de l’appréhension du véhicule
par les services de Police, de Gendarmerie ou des Douanes ; [Art. 13.2] le client sera en outre redevable de plein droit d’une
indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement fixée à quinze (15) euros ; [Art. 14] en cas d’annulation d’une réservation
pour une Location au tarif prépayé, le prix de la location déjà versé sera remboursé après déduction d’un dédit dû au titre
de l’annulation, dont le montant correspond au maximum au prix de trois (3) jours de location ; si le Client ne se présente
pas pour se faire remettre le véhicule loué au tarif prépayé à la date convenue et au plus tard soixante (60) minutes après
l‘horaire indiqué lors de la réservation, le prix de la location déjà versé restera acquis au Loueur dans son intégralité ; [Art.
16] dans ce cas, le client devra supporter le surcoût engendré par la transmission sur support papier ainsi que les frais de port
; [Art. 17] le loueur dispose également d’un fichier regroupant les « Personnes à risque » lui permettant de ne pas autoriser
la location aux personnes concernées ; [Art. 18] le contrat de location pourra être résilié unilatéralement et le cas échéant
sans préavis, par l’une des parties en cas de manquement par l’autre partie à tout ou partie de ses obligations résultant
dudit Contrat de location ou des présentes Conditions Générales de Location.

8 | france
Règlement de comptes au « Média »
La nouvelle direction de la Web TV s’en prend à la cofondatrice Sophia Chikirou, proche de Jean-Luc Mélenchon
L
a deuxième saison du
Média n’a pas commencé,
mais tout laisse penser
qu’elle sera aussi trépi-
dante que la première. Ce média
alternatif de gauche lancé en
janvier traverse une crise d’une
ampleur inédite. Comme l’a ré-
vélé Mediapart, l’une des chevilles
ouvrières du Média et ex-con-
seillère de communication de
Jean-Luc Mélenchon, Sophia Chi-
kirou, poussée à la démission
pendant l’été, a annoncé vouloir
saisir la justice, alors que la nou-
velle direction s’interroge sur des
mouvements de fonds réalisés
juste avant qu’elle ne quitte la di-
rection, fin juillet.
Les six premiers mois de cette
petite entreprise (35 salariés dont
une douzaine de journalistes)
avaient déjà été riches en polé-
miques, notamment sur le départ
de la première présentatrice ou
la diffusion d’une fausse infor-
mation à propos de l’évacuation
policière de l’université Tolbiac…
Mais, en juin, lors du dernier
point d’étape diffusé sur You-
Tube, les dirigeants affichaient
à l’écran une belle unité et un
certain optimisme.
Mme Chikirou, cofondatrice aux
côtés du psychanalyste Gérard
Miller et du producteur Henri
Poulain, revendiquait alors plus
de 19 000 « socios » qui, grâce
à leurs contributions, permet-
tent à la structure de se financer.
Et même si Le Média perdait
32 000 euros par mois, elle se ré-
jouissait du lancement d’un
mensuel papier, 99 %, et présen-
tait un plan de développement
prévoyant notamment la mise
en place d’une coopérative pour
mettre fin au bricolage juridique
(une association détient deux so-
ciétés, l’une salariant les journa-
listes, l’autre gérant les aspects
techniques). L’objectif était d’at-
teindre les 25 000 « socios » d’ici à
la fin de l’année 2018 pour assu-
rer l’équilibre financier.
Deux mois plus tard, Sophia
Chikirou n’imagine plus l’avenir :
elle tente de justifier le passé.
Tout s’est joué lors d’un sémi-
naire de deux semaines en juillet,
où, selon Henri Poulain, « certains
ont dénoncé une gouvernance ex-
Le parquet retient le caractère raciste
de la fusillade de Beaune
Après une cavale, les deux hommes interpellés le 10 août ont été placés en détention provisoire
L eur cavale a duré treize
jours et s’est achevée à
Saint-Andiol (Bouches-du-
Rhône), où ils ont été interpellés
vendredi 10 août : les deux
fuyards suspectés d’être les
auteurs de la fusillade ayant fait
sept blessés à Beaune (Côte-d’Or),
400 kilomètres plus au nord,
dans la nuit du 29 au 30 juillet,
sont désormais en détention
provisoire, l’un à Dijon, l’autre à
Besançon.
Ils ont été mis en examen di-
manche 12 août pour « tentative
d’assassinat », « violences aggra-
vées », « injures publiques » et
« menaces de mort », a fait savoir
le parquet de Dijon. Le tout avec la
circonstance aggravante que les
faits ont été commis « en raison
de l’appartenance à une soi-di-
sant race, religion ou ethnie,
réelle ou supposée ».
La nuit des faits, vers 2 heures du
matin, une Renault Clio avait
foncé sur quatre personnes, sans
les heurter, dans le quartier popu-
laire de Saint-Jean, à Beaune. Deux
heures plus tard environ avait dé-
boulé, au même endroit, une Mer-
cedes Classe B dont les occupants
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
trêmement solitaire » de l’intéres-
sée. « Cela avait des conséquences
éditoriales. Le JT absorbe 50 % des
finances mais 90 % des énergies et
cela empêche de penser de nou-
veaux formats, de nouvelles émis-
sions… », poursuit-il. Au sein de la
rédaction, certains dénoncent
aussi son autoritarisme.
« Blessure d’orgueil »
Les débats ont été âpres – « tous
les cadavres sont remontés à la
surface en l’espace de quarante-
huit heures », se souvient un des
participants –, se soldant par le
départ de Mme Chikirou à la fois de
la présidence de la société de
presse – où elle a été remplacée
par la journaliste Aude Lancelin –,
puis de celle de la société de pro-
duction – où a été nommée une
directrice de production, Stépha-
nie Hammou. Le premier départ
était prévu, car elle avait annoncé
qu’elle rejoignait la campagne de
La France insoumise pour les
élections européennes. Mais le
second l’est moins.
Mme Chikirou affirme avoir posé
trois conditions à son départ :
« Que tous les salariés en CDD qui
le souhaitent soient confirmés
sous forme de CDI dès le mois de
juillet ; que les journalistes qui,
eux, ne souhaitaient pas mon dé-
part, ne soient pas victimes de re-
présailles à la rentrée et donc
que leurs émissions soient confir-
mées ; que ma société, prestataire
du Média, soit payée de sa der-
nière facture. Aucune de ces condi-
tions n’a été respectée. » D’où l’af-
frontement actuel.
La nouvelle direction explique,
en effet, avoir découvert en
juillet les prestations « de direc-
tion conseil et stratégique » factu-
rées par la société de communica-
tion de Sophia Chikirou, Medias-
cop, alors qu’elle a toujours dé-
claré travailler bénévolement
pour Le Média. Deux demandes
de virements, pour un montant
total de 130 000 euros, ont été
présentées à la banque fin
juillet par Mme Chikirou. L’une
d’elles (qui s’élève à plus de
67 000 euros) a été refusée.
Si M. Poulain évoque « une bles-
sure d’orgueil », la journaliste
Aude Lancelin, nouvelle prési-
Les deux suspects
ont changé
fréquemment
de planque
et de puces
téléphoniques
avaient ouvert le feu à l’aide d’un
fusil, blessant sept jeunes âgés de
19 à 25 ans. L’un d’eux avait été tou-
ché au ventre, sans que son pro-
nostic vital soit engagé.
Au bout d’une traque rendue
compliquée par les précautions
prises par les deux suspects, qui
ont changé fréquemment de
planque et de puces téléphoni-
ques, ceux-ci ont fini par être arrê-
tés dans les environs d’Avignon,
en deux temps : l’un d’eux était
d’abord parvenu à prendre la fuite
à bord de son véhicule, blessant
au passage un policier à la jambe,
sans gravité. Il est également
poursuivi pour « tentative d’ho-
micide volontaire sur personne
dépositaire de la force publique ».
Sophia Chikirou a quitté « Le Média » pour rejoindre la campagne de La France insoumise aux européennes. GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP
dente de l’entreprise de presse,
juge que « Sophia ne veut pas que
Le Média survive à son départ ».
« Chercher à effectuer ces deux vi-
rements à quarante-huit heures
d’intervalle, sans en avertir per-
sonne, c’est vouloir asphyxier fi-
nancièrement un média fragile »,
relève-t-elle.
Mme Chikirou répond que tout
le monde était au courant de ces
« prestations très précises », enca-
drées par une convention signée
en janvier, et surtout met en
avant une trésorerie « largement
positive » : plus de 113 000 euros.
« La nouvelle direction empêche le
paiement de cette facture. Dès lors,
elle a lancé, semble-t-il, une cam-
pagne mettant en cause ma pro-
bité », déclare-t-elle.
Dans son communiqué publié di-
manche, le procureur de Dijon,
Eric Mathais, déclare que les deux
mis en examen contestent globa-
lement les faits qui leur sont re-
prochés : « Ils reconnaissent avoir
été présents dans un véhicule au
moment de la première scène de
violences, indiquent n’avoir pas
voulu foncer délibérément sur le
groupe de victimes, mais avoir
tenté de prendre la fuite lors d’une
altercation. Ils contestent être re-
venus quelques heures plus tard
armés d’un fusil et avoir fait feu. »
Casier judiciaire chargé
Des insultes visant la commu-
nauté maghrébine auraient été
prononcées, selon les victimes,
lors du passage de la première voi-
ture. Plusieurs associations s’en
sont émues, notamment SOS-Ra-
cisme, qui a lancé un appel au ras-
semblement sur les lieux des
faits, où quelque 150 personnes se
sont réunies vendredi 10 août. De-
vant les enquêteurs, rapporte Le
Parisien, les deux mis en examen
ont nié toute motivation raciste.
« La Clio n’est pas venue à
Beaune dans un but raciste, pré-
Deux demandes
de virements,
pour un total de
130 000 euros,
ont été
présentées à la
banque fin juillet
par Mme Chikirou
Ses anciens camarades affir-
ment ne pas disposer des pièces
nécessaires pour avoir une vision
claire de la situation, car l’ancien
bureau de Sophia Chikirou est
fermé à clé – qu’elle a perdue. Ils
ont tous les documents en leur
cise au Monde Thierry Bas, procu-
reur adjoint de Dijon. Ses occu-
pants cherchaient quelqu’un
d’autre, pour une histoire liée pro-
bablement à un trafic de voitures.
Ils sont tombés par hasard sur ce
groupe de jeunes, à qui cela n’a pas
plu que l’on vienne sur leur terri-
toire. Cela n’empêche pas qu’il y ait
pu y avoir des insultes racistes au
cours de cet épisode. » C’est l’un
des points que l’information judi-
ciaire devra éclaircir.
Agés de 31 ans, les deux suspects
sont originaires de la région dijon-
naise, où ils ont chacun leur domi-
cile, et « n’appartiennent pas à la
communauté des gens du
voyage », explique Thierry Bas,
contrairement à ce que laisse sup-
poser une rumeur. Tous deux ont
un casier judiciaire chargé :
21 mentions pour l’un, 22 pour
l’autre, notamment des faits de
vols et de violences – l’un d’eux a
déjà été condamné aux assises
pour vol avec arme –, mais aucun
délit ni crime aggravé « en raison
de l’appartenance à une soi-disant
race, religion ou ethnie, réelle ou
supposée » des victimes. p
henri seckel
0123
MARDI 14 AOÛT 2018
possession, rétorque-t-elle. Face de Sophia Chikirou s’inquiètent.
à ce qu’elle qualifie de diffa- Un ancien responsable des ré-
mation, elle explique n’avoir seaux sociaux, Bastien Parisot,
« d’autre choix que de saisir la jus- qui a démissionné, dénonce un
tice : d’abord pour demander « changement d’identité » et une
qu’un administrateur provisoire « purge » à l’encontre des suppo-
soit nommé et surtout qu’un sés soutiens de Mme Chikirou.
audit des comptes et du business Parmi eux, Serge Faubert. « Nous
plan que j’ai mis en place soit sommes cinq journalistes dans le
fait ». Gérard Miller, qui juge collimateur de la nouvelle direc-
avoir « beaucoup donné pendant tion. Cette chasse aux sorcières fait
la saison 1 du Média », ne veut curieusement écho à des tentati-
plus s’exprimer. Il a quitté la pré- ves communautaires ou identitai-
sidence de l’association. res au sein de la rédaction. Sur ces
cinq, nous sommes quatre Blancs,
« Chasse aux sorcières » quinquagénaires, et cela semble
Pendant ce temps, Aude Lancelin poser un problème à certains », dé-
prépare la rentrée, qui sera mar- clare-t-il. Au Média, qui se veut le
quée par la fin du JT et la volonté miroir des luttes sociales, la ren-
de développer l’investigation et la trée sera chaude. p
critique des médias. Les proches françois bougon
42
Médailles aux championnats européens
A Berlin et à Glasgow, les Français terminent sixième au tableau final
avec 13 médailles d’or, 14 en argent et 15 en bronze, derrière la Russie,
la Grande-Bretagne et l’Italie en tête du classement. Le perchiste
Renaud Lavillenie a remporté dimanche en finale une médaille de
bronze, s’inclinant face au jeune Suédois Armand Duplantis, prodige
de la compétition. La Française Alexandra Tavernier a remporté
l’argent en lancer de marteau et a battu le record de France dès son
premier jet en finale avec 74,78 m. Un classement final jugé décevant.
ÉCOLOGI E d’une enquête pour « recher-
Nicolas Hulot répond che des causes de la mort »
aux critiques de Brigitte après le décès vendredi soir
Bardot de Louis Fajfrowski, rugby-
Brigitte Bardot a ouvert les man de 21 ans. Après un pla-
hostilités samedi dans Var- quage lors d’un match amical
Matin à l’encontre du minis- contre Rodez, le joueur a
tre de la transition écologique, perdu connaissance dans les
dont elle réclame la démis- vestiaires. Il n’a pas pu être ra-
sion : « C’est un trouillard de nimé. Une autopsie devait dé-
première classe (…). Il ne sert terminer si la commotion cé-
à rien », estime l’ex-actrice. rébrale, qui pèse sur le monde
« Je ne supporte plus les déma- du rugby depuis longtemps,
gos », a répondu, dimanche, est à l’origine du décès. – (AFP.)
sur Franceinfo, l’ex-anima-
teur : « Quand on donne des Les portes d’une mosquée
conseils à distance depuis sa du Nord enfoncées
propriété tropézienne, cela ne Dans la nuit de samedi
fait pas avancer la cause. » à dimanche, un homme au
volant d’une voiture a délibé-
J UST I C E rément foncé sur les portes
Une enquête ouverte de la mosquée de Mons-en-
après la mort Barœul (Nord). Aucun blessé
du rugbyman n’est à déplorer mais le par-
Louis Fajfrowski quet de Lille a été saisi. Le
Le parquet d’Aurillac suspect était toujours en
a annoncé samedi l’ouverture fuite lundi matin. – (Reuters.)
 РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS

ÉCONOMIE & ENTREPRISE |9

0123
MARDI 14 AOÛT 2018

Valse des patrons dans l’agroalimentaire

La PDG de PepsiCo va quitter son poste, comme nombre de dirigeants du secteur depuis dix-huit mois

A
qui le tour ? La ques-
tion se pose, alors que
PepsiCo a annoncé, le
6 août, le rempla-
cement d’Indra Nooyi, la PDG de
l’entreprise américaine, par Ra-
mon Laguarta, le 3 octobre, ve-
nant grossir les rangs des diri-
geants sortants. Une valse des
patrons qui touche tout parti-
culièrement les groupes de
l’agroalimentaire.
En l’espace de dix-huit mois, la
liste des départs ne cesse, en effet,
de s’allonger. Côté américain, le
grand concurrent de PepsiCo,
Coca-Cola, a changé de pilote il y a
quasiment un an, donnant le pou-
voir à James Quincey. Exit Muhtar
Kent, en poste depuis 2008. Puis, à
la tête de Mondelez, le fabricant
des biscuits Lu et Oreo, Irene
Rosenfeld a laissé la place à Dirk
Van de Put. Idem aux manettes
de Campbell Soup, où Denise Mor-
rison a dû s’effacer, laissant Keith
McLoughlin assurer le rôle de PDG
par intérim. Le spécialiste des cé-
réales de petit déjeuner Kellogg a,
pour sa part, été chercher Steve Ca-
hillane afin de succéder à John
Bryant. Sans oublier General Mills,
connu pour ses glaces Häagen-
Dazs, qui a promu Jeff Harmening
en remplacement de Ken Powell.
A noter que, dans ce jeu de chai-
ses musicales, trois femmes font
partie des sortants, et qu’aucune Indra Nooyi, le 7 juin 2015,
n’est présente dans le camp des à New York. La PDG de
entrants. De quoi réduire encore PepsiCo quittera son poste
le petit cercle des femmes diri- le 3 octobre.
geantes de multinationale. SPENCER PLATT/AFP
Le mouvement ne se limite pas
aux Etats-Unis. Le leader mondial
de l’agroalimentaire, le suisse
Nestlé, est aussi dans la danse. Il a che un nouveau souffle. En effet, nationales de l’alimentaire. Une tion ont atteint un niveau record nouvelles têtes pour accélérer
même rompu avec les traditions les géants des sodas, des céréales, baisse de régime qui pousse les
Les fusions et en 2017, avec un total de 60 opé- le rythme du changement. « Etre
pour trouver un successeur à Paul des conserves ou des produits investisseurs activistes à passer à acquisitions ont rations pour un montant de PDG nécessite d’avoir de bonnes
Bulcke. Allant chercher son laitiers sont confrontés aux l’action. Nelson Peltz s’est, un 145 milliards de dollars (127 mil- jambes, et j’ai l’impression d’avoir
nouveau patron, Ulf Mark Schnei- changements d’habitudes ali- temps, invité à la table de Monde-
atteint un record liards d’euros). couru deux étapes d’une course
der, hors du sérail, et choisissant mentaires des consommateurs. lez. Mais a aussi fortement en 2017, avec Danone s’est emparé du spécia- de relais et je veux quelqu’un
un homme qui a fait ses armes C’est particulièrement vrai des aiguillonné la patronne de Pep- liste du bio et des produits végé- d’autre avec des jambes solides
non dans l’agroalimentaire mais millennials, les 18-35 ans, dési- siCo. Third Point, est, quant à lui,
60 opérations taux américain WhiteWave. et un œil aiguisé pour venir pren-
dans la santé. reux de s’offrir une nourriture entré au capital de Nestlé à l’été pour un montant Nestlé a cédé sa confiserie améri- dre ma suite et diriger l’en-
plus saine, moins sucrée, qui 2017. Corvex, de son côté, est ac- caine et noué un accord avec Star- treprise », a d’ailleurs déclaré
Pression concurrentielle plébiscitent le bio, voire le végan. tionnaire de Danone. Souvent,
de 145 milliards bucks. Et le mouvement se pour- Mme Nooyi lors de l’annonce de
En France, la transition à la tête de Ils sont méfiants vis-à-vis des ces fonds activistes demandent de dollars suit. Fin juin, l’américain Conagra son retrait, le 6 août.
Danone s’est accélérée. Emma- grandes marques et adorent les aux patrons cessions, scissions a acquis Pinnacle Foods pour Qui sera le prochain sur la liste ?
nuel Faber a été nommé PDG du produits locaux ou artisanaux. et rachats d’actions pour accroî- créer un géant des plats surgelés, Peut-être Paul Polman, patron
leader mondial des yaourts le Les entreprises sont aussi soumi- tre la rentabilité de l’entreprise et D’autant que des fonds de capi- moyennant 8,1 milliards de dol- d’Unilever. Il avait été dit fin 2017
1er décembre 2017, Franck Riboud ses à l’évolution très rapide de faire monter sa valeur boursière. tal-investissement très agressifs, lars. Tout récemment, depuis que le groupe néerlandais avait
laissant la présidence. On pour- la distribution avec l’irruption Chez PepsiCo, Mme Nooyi a, elle, comme le brésilien 3G ou le début août, des rumeurs évo- sélectionné un cabinet de recru-
rait aussi citer la succession dans d’Amazon ou d’Alibaba, prêts à tenu tête à M. Peltz, refusant de fonds JAB, de la famille alle- quent une possible offre de Kraft tement pour trouver son rem-
l’entreprise familiale Bonduelle, bousculer les règles du jeu. scinder son groupe en deux, entre mande Reimann, sont aussi à la Heinz sur Campbell Soup. plaçant. Mais, interrogé en mai
Guillaume Debrosse prenant le Ces bouleversements, ainsi que les sodas et les snacks. manœuvre. Selon le cabinet de La course est difficile et semée sur cette question, M. Polman a
relais de Christophe Bonduelle. l’augmentation de la pression Sous cette pression, les opé- conseil en stratégie OC & C, les d’obstacles pour les multina- affirmé ne pas être pressé de quit-
Tous ces exemples le prouvent, concurrentielle, ont mis à mal les rations de fusion et d’acquisition fusions et acquisitions dans le tionales de l’agroalimentaire. ter son poste… p
l’industrie agroalimentaire cher- moteurs de croissance des multi- se multiplient dans ce secteur. secteur des biens de consomma- D’où leur volonté de chercher de laurence girard

Quand les consommateurs veulent concilier alimentation et santé

Les scandales sanitaires, les émissions télévisées sur l’agroalimentaire, les études médicales et le courant végan contribuent à cette évolution

D ans l’alimentaire, le
match végétal/animal ne
fait que commencer. »
Le titre d’une étude publiée en
juillet par la société Xerfi donne le
ton. Selon elle, le marché mondial
des protéines végétales, en crois-
sance annuelle moyenne de 5,5 %,
frôlera la barre des 11 milliards
d’euros en 2020. Un signe,
parmi d’autres, des changements
d’habitudes alimentaires des
consommateurs.
La santé est désormais en tête
des préoccupations quand chacun
remplit son cabas ou compose son
repas. Les scandales sanitaires, les
émissions de télévision dévoilant
les coulisses de l’industrie agroali-
mentaire, de même que les études
médicales faisant le lien entre la
composition de l’assiette et des
pathologies comme l’obésité, le
diabète ou le cancer ont servi
d’électrochoc dans la population.
Ainsi le scandale Lactalis, avec ses
laits infantiles contaminés à la sal-
monelle, a mis en exergue les limi-
tes de la politique d’autocontrôle
des entreprises et les aléas des
rappels de produits en magasin.
Quant aux enquêtes démontrant
la présence de nitrites dans la
charcuterie ou jetant un regard
cru sur l’élevage intensif de sau-
mon en Norvège, elles ont, un
temps, limité les achats de ces pro-
duits.
A ces préoccupations sanitaires
viennent s’ajouter les coups de
boutoir des associations véganes.
Désireuses de bannir tout pro-
duit d’origine animale du menu,
En France, la
valeur du panier
de courses bio
a progressé
de 18 % en 2017
et frôle les
8 milliards d’euros
elles multiplient les vidéos chocs
d’abattoirs ou d’animaux en batte-
rie. Voire, en période de canicule,
stigmatisent les élevages pour leur
consommation d’eau. Oubliant au
passage que l’un des substituts,
l’amande, venant essentiellement
de Californie, est plus que gour-
mande en eau. Des discours qui ré-
sonnent aux oreilles des millen-
nials, ces jeunes de 18 à 35 ans.
Résultat, même si les végans
sont encore une minorité, le flexi-
tarisme, qui consiste à réduire sa
consommation de protéines ani-
males, progresse. De même, que
la chasse au gluten, au lactose, à
l’huile de palme, aux sucres ajou-
tés, aux pesticides ou aux additifs.
Le succès d’applications mobiles
comme Yuka le prouve. Elles per-
mettent au client dans un maga-
sin, en scannant l’étiquette d’un
produit alimentaire avec son télé-
phone, de visualiser dans le détail
sa composition et d’obtenir des
suggestions d’alternatives plus
saines. Ces initiatives s’appuient
sur la base de données collabora-
tives Open Food Facts, dont les
contributeurs sont autant des
particuliers que des entreprises.
Dans ce contexte, les groupes
d’agroalimentaires tentent de réa-
gir. Conscients du climat de dé-
fiance qui s’est installé vis-à-vis
des grandes marques, et soucieux
de répondre aux nouvelles atten-
tes, les fabricants de soda comme
Coca-Cola ou PepsiCo – pointés du
doigt pour les risques liés à la con-
sommation excessive de ces bois-
sons sucrées et confrontés à la
baisse des ventes – ont diversifié
leur offre. Le géant d’Atlanta veut
séduire les jeunes avec sa marque
de jus de fruits et de smoothies In-
nocent que bien peu associent à
son propriétaire. Elle mise aussi
sur l’eau en bouteille, les boissons
au thé bio ou les produits laitiers.
De même, PepsiCo, qui possède
les jus Tropicana, a étendu sa
gamme avec des marques d’eau
ou des soupes froides.
Ces diversifications passent par
des rachats de petites sociétés ré-
pondant aux nouvelles tendances
de consommation. A l’exemple de
Nestlé s’offrant Freshly, une
start-up de livraison de repas pré-
parés, ou Sweet Earth, un spécia-
liste des produits végétariens.
D’autres, comme Danone, n’ont
pas hésité à débourser plus de
11 milliards d’euros pour s’empa-
rer de l’américain WhiteWave, roi
des produits laitiers bio et des pro-
téines végétales avec la marque Al-
pro en Europe. Une manière de
pallier le reflux des ventes de
yaourts en Europe.
Des « salades marketing »
Danone n’est pas le seul à mettre à
sa carte des protéines végétales.
Les fabricants de charcuterie
comme Nestlé, sous la marque
Herta, ou Fleury Michon modi-
fient leurs recettes pour propo-
ser des alternatives sans viande.
Xerfi estime que le segment de
marché du traiteur végétal, tout
récent, devrait progresser de 25 %
par an et atteindre 130 millions
d’euros en 2020.
Les grands groupes de l’agroali-
mentaire tentent aussi de prendre
la vague du bio. Il est vrai qu’en
France, la valeur du panier de
courses bio a progressé de 18 %
en 2017 et frôle la barre des 8 mil-
liards d’euros. De quoi susciter
quelques appétits. Même tardifs.
L’offensive de la grande distribu-
tion dans ce domaine joue effet
d’entraînement. Quitte à bouscu-
ler les acteurs historiques du bio.
Mais des ONG comme Food-
watch veillent au grain. Et conti-
nuent à débusquer les « salades
marketing » de l’agroalimentaire.
Elle vient d’épingler les Knacki
Herta 100 % poulet, contenant de
la peau de poulet et des restes de
viande recueillis sur les carcasses
et du nitrite de sodium. Quand
aux lardons fumés bio de Fleury
Michon, elles contiennent aussi
du nitrite. La vigilance du con-
sommateur reste de mise. p
l. gi.

10 | économie & entreprise
La montagne retrouve
son attrait touristique en été
Les stations ont amélioré et fait évoluer leur offre.
Leur chiffre d’affaires en été dépasse désormais les 5 milliards d’euros
REPORTAGE
les saisies (savoie) - envoyé spécial
S
ur la droite, deux nouvel-
les pistes de descente de
VTT viennent compléter
la dizaine de pistes
existantes. A gauche, le centre
aqualudique ne désemplit pas,
tandis qu’un circuit de pump-
track – une piste à bosses destinée
aux vélos et trottinettes – est en
cours d’aménagement. Il y a bien
sûr aussi des dizaines de sentiers
de randonnée ou de course à pied,
mais aussi une piste de luge et
une salle de bowling.
« Nous n’avions pas vraiment le
choix, explique Bruno Clément,
directeur de l’office de tourisme
des Saisies, une station de
moyenne montagne savoyarde.
La saison d’hiver ne suffit plus
pour garder l’emploi et l’activité. Il
nous faut diversifier nos offres
pour attirer une nouvelle clientèle
aussi l’été et étendre l’activité de
quatre à six, voire huit mois pen-
dant l’année. » Et cela fonctionne.
« Nous avons augmenté la fré-
quentation ces dernières années
de 25 % en été, et les deux remon-
tées mécaniques, que nous faisons
En 2018, 90 millions de touristes
étrangers devraient venir en France
L’année 2018 devrait être une nouvelle année historique pour
l’Hexagone. Selon Atout France, pas moins de 90 millions de tou-
ristes étrangers devraient être reçus, contre 87 millions en 2017.
Selon les données de l’Insee, publiées le 8 août, la fréquentation
touristique, en nombre de nuitées, est en progression de 2,1 %
au deuxième trimestre, contre 7,4 % au premier trimestre.
Ce ralentissement est dû notamment, pour le mois de juin,
à une météo maussade et aux grèves dans les transports.
Par rapport à 2017, l’augmentation du nombre de nuitées est
bien plus forte pour les touristes étrangers (4,5 %), notamment
en Ile-de-France, que pour les touristes français (0,9 %).
La Poste veut attirer ses salariés dans
ses 1 700 bureaux « à forts enjeux sociaux »
Un accord social prévoit notamment 3 000 euros d’indemnité et une mobilité plus facile
L e bureau de poste qui fait
l’angle de la rue Marx-Dor-
moy et de la rue Ordener,
dans le 18e arrondissement de Pa-
ris, fait le plein en ce début août,
comme chaque mois lorsque
tombent les prestations sociales.
La clientèle est à l’image de ce
quartier populaire où se côtoient
des populations d’immigration
plus ou moins récentes. Une ving-
taine de personnes font patiem-
ment la queue devant l’unique
guichet bancaire ouvert, sous
l’œil placide d’un vigile portant
un brassard rouge « sécurité ».
Aux alentours, La Poste est la
seule à mener une activité de ban-
que sociale en permettant aux
plus fragiles d’utiliser le Livret A
comme un compte courant. Les
allocations y sont versées le plus
souvent entre le 5 et le 9 du mois,
et aussitôt retirées au guichet. Ce
matin, l’ambiance est tranquille,
mais un postier confie que, « ici,
être chargé de clientèle demande
une certaine diplomatie ».
La Poste a établi en septembre
un « diagnostic » de ces « bureaux
à forts enjeux sociaux », qui
représentent 20 % de ses guichets
et accueillent 37 % des clients.
Il révèle plusieurs dysfonctionne-
ments. L’absentéisme y est de
40 % à 50 % supérieur à la
moyenne nationale en nombre
d’arrêts de travail, et « la couver-
ture des absences » y est « insuffi-
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
été mitigé, constate son maire,
« Nous avons Jean-Luc Boch, le président de
augmenté la France Montagnes. A l’image des
autres destinations françaises, la
fréquentation ces saison a pâti du bon Mondial de
dernières années l’équipe de France de football, et du
mauvais temps du début d’année.
de 25 % pendant Cependant, le mois d’août se pré-
la saison estivale » sente bien mieux ! »
Avec chaque année plus de
BRUNO CLÉMENT
92 millions de nuitées et plus de
directeur de l’office de
5 milliards d’euros de chiffre d’af-
tourisme des Saisies
faires en été, la montagne re-
trouve tout son attrait. Et la cani-
cule n’explique pas tout. Alors
fonctionner à cette période, sont que cette destination estivale tra-
même à l’équilibre. Cette année,
c’est encore bien orienté », assure
ditionnelle était très en vogue
dans les années 1980 et 1990,
M. Clément. les années 2000 ont été très diffi-
Si les bords de mer font le plein, ciles et la crise de 2008 a porté un
la montagne a de nouveau la cote. rude coup au tourisme.
« Cette année, la destination est
orientée à la hausse, avec une aug- « Elargir sa cible »
mentation de 1,4 % des nuitées en « En 2008, nous avons commencé
juillet et même de 6 % dans les Alpes à nous interroger sur ce qu’il fallait
du Nord », confirme Charles-Ange faire, se rappelle M. Clément, des
Ginésy, le maire de Péone-Valberg Saisies. La baisse de l’enneige-
et président de l’Association natio- ment, d’un côté, et l’orientation de
nale des maires des stations de notre offre, trop sportive, trouvait
montagne (qui en réunit 350). moins d’écho auprès d’une clien-
Dans certaines d’entre elles, tèle vieillissante. D’où le lancement
les touristes se sont fait attendre. d’investissements pour attirer de
« A La Plagne, le mois de juillet a nouveau davantage de familles. »
Autrefois, les stations considé-
raient l’été comme un complé-
ment de l’hiver, alors qu’aujour-
d’hui, elles en ont fait, surtout
pour les plus basses, leur princi-
pale saison d’activité. « Cela n’est
possible qu’en revoyant de fond
en comble le logiciel de pensée,
remarque Raphaël Bouju, du cabi-
net Atemia. Traditionnellement,
les stations organisaient leurs
gros travaux pendant l’été. Avec
des tractopelles, vous n’attirez pas
de touristes ! »
Les édiles en tiennent désor-
mais compte. « Les stations de
sante », reconnaît l’opérateur pu-
blic dans un document interne.
Parmi les éléments d’explica-
tion, les organisations syndicales
évoquent les tensions lorsque les
ont généré 24 000 jours d’ab-
sence pour accident du travail.
« On constate autant d’incivilités
de la part de cols blancs », précise
Mme Derouet. « Les zones rurales
files d’attente s’allongent, et le sont aussi concernées, renchérit
manque de personnel pour servir une déléguée SUD-PTT. Dans un
les clients. « On les oriente vers les bureau de la Drôme que je connais
automates, où ils peuvent récupé- bien, les collègues ont collé sur les
rer l’argent de leur livret A avec une comptoirs les socles des stylos
carte de retrait, mais une grande pour ne plus se les prendre sur
partie de ces populations ne peut la tête. » Selon le document in-
pas se débrouiller seule », raconte terne, « la violence des incivilités »
une représentante syndicale. reste toutefois « trois fois plus
Pour Patricia Derouet, la DRH du marquée » dans les bureaux éti-
réseau du groupe La Poste, le ton quetés « banque sociale » (plus
monte surtout lorsque le client fréquentés), notamment en Ile-
ne parvient pas à retirer d’argent, de-France, dans le Sud-Est et dans
parce qu’il n’a pas les fonds les départements d’outre-mer.
ou qu’il n’a pas de pièce d’identité
pour prouver qu’il est bien le titu- Quartiers sensibles
laire du compte. Pour faire baisser la pression dans
La Poste a recensé en 2016 plus ces bureaux de poste, le groupe
de 15 000 déclarations d’incivili- vient de conclure un accord, signé
tés (+ 10 % par rapport à 2015), qui le 20 juin par quatre organisa-
Davantage de recours aux intérimaires
Dans son bilan social de l’année 2017, La Poste indique que ses
effectifs ont à nouveau reculé pour atteindre près de 214 700 per-
sonnes à fin décembre, contre plus de 220 500 un an plus tôt,
et très loin des 323 400 postiers recensés fin 2002. A cette date,
le taux de fonctionnaires dépassait 66 % ; il s’établit aujourd’hui
à 40,5 %. Le recours au personnel intérimaire progresse. Quasi-
ment inexistant au début des années 2000, il a triplé en cinq ans,
passant de près de 3 000 en 2013 à plus de 9 000 salariés en 2017.
Les montants versés aux entreprises de travail temporaire sont
passés de 196 à 390 millions d’euros entre 2015 et 2017.
En Chine, les conflits sociaux
étendent leur périmètre
montagne ont décidé de fonder
leur offre sur le bien-être, la récupé-
ration pour des citadins stressés,
confirme M. Boch. Nous voulons
les aider à se ressourcer chez
nous. » « Afin d’élargir sa cible
touristique, il faut proposer des ac-
tivités faciles, simples, fun et acces-
sibles à tous, indique Willy Fux, du
cabinet LHM, Le tout en toute
sécurité. L’Autriche réussit cela très
bien. En France, les stations fran-
çaises n’en sont qu’au début de
leur transition. »
Chemins plus larges, aménage-
ment de plages le long de certains
lacs, parcours dans des ruisseaux,
adaptation des pistes de vélo se-
lon les niveaux pour bénéficier de
cycles à assistance électrique, dé-
veloppement d’une offre cultu-
relle bien plus large, par le biais
d’organisation de festivals (musi-
que, film, spectacles pour enfants,
etc.). Beaucoup de choses ont
d’ores et déjà été tentées. Et cela,
« en offrant des prix bien plus at-
tractifs que sur le littoral, constate
M. Ginésy. La semaine est en
moyenne à 390 euros, deux fois
moins chère qu’à la mer. »
Pour accompagner ces dévelop-
pements, un écosystème de
400 PME s’est progressivement
mis en place, réuni au sein du
Cluster Montagne. « De nombreux
acteurs ont émergé pour accom-
pagner le développement de l’offre
estivale », confirme Nathalie
Saint-Marcel, directrice adjointe
de cette association. Ainsi Tech-
fun, filiale du spécialiste des re-
montées mécaniques MND, équi-
pe-t-il les stations de luges, de ty-
roliennes et autres espaces aven-
tures, ou Bike Solutions, qui a
tracé les pistes de VTT ou le circuit
de pumptrack des Saisies. p
philippe jacqué
tions syndicales (CFDT, FO, CFTC
et CGC). Sud, la CGT et l’UNSA ont
refusé de le parapher, estimant
qu’il n’allait pas assez loin.
Le texte prévoit que dans les
quelque 1 700 bureaux concer-
nés, implantés dans des quar-
tiers sensibles ou très sollicités
pour des retraits sur livret A aux
guichets, une indemnité de
3 000 euros sera versée aux char-
gés de clientèle qui y exercent au
moins la moitié de leur temps
de travail (1 000 euros par an sur
les trois premières années de
présence). Leur prime commer-
ciale annuelle sera revalorisée
de 100 euros. Au terme de quatre
années passées derrière ces
guichets, les postiers seront prio-
ritaires lorsqu’ils postuleront
ailleurs.
Pour prévenir les agressions,
l’entreprise recourra à un dépôt
de plainte et à la demande de
clôture du compte des clients ré-
cidivistes. Le recours aux vigiles
sera facilité, notamment lors de
la semaine de versement des
prestations sociales.
La Poste va également dévelop-
per les partenariats avec des
associations spécialisées dans la
médiation sociale et l’inclusion
numérique, et certains bureaux
testeront des mesures plus anec-
dotiques, comme l’installation
d’écrans de télé. p
véronique chocron
0123
MARDI 14 AOÛT 2018
C’ est une radiographie extrêmement précise et
intéressante des conflits du travail en Chine et de la
capacité de mobilisation des travailleurs de la se-
conde économie mondiale qu’a publiée, lundi 13 août, China
Labour Bulletin (CLB). Le nouveau rapport de l’ONG, basée à
Hongkong et fondée en 1994 par Han Dongfang, un ancien
du mouvement démocratique de Tiananmen, dresse un état
des lieux des conflits sociaux dans l’ex-empire du Milieu en se
basant sur l’analyse de près de 7 000 mobilisations qui se sont
déroulées dans le pays entre 2015 et 2017.
Premier constat : désormais, les mouvements de protestation
ne se limitent plus aux régions côtières, où ont été lancées les
réformes économiques il y a quarante ans, que ce soit dans le
sud (delta de la rivière des Perles) ou dans l’est (delta du Yangzi).
Ainsi, la province qui a été le théâtre du plus grand nombre de
conflits entre ouvriers et patrons, dans les secteurs de la cons-
truction, des transports ou de la distribution, est celle du He-
nan, dans le centre. La transformation de l’économie chinoise
peut expliquer ce phénomène : nom-
bre d’usines sont délocalisées dans
les régions les plus pauvres du centre
L’ONG CHINA LABOUR et de l’ouest, à la recherche de coûts
salariaux moins élevés.
BULLETIN, BASÉE Autre constat du CLB : avec le
À HONGKONG, développement du numérique, les
salariés se retrouvent de plus en plus
A ANALYSÉ PRÈS DE « ubérisés » – il faudrait plutôt dire
« didisés », du nom du géant chinois
7 000 MOBILISATIONS du VTC Didi –, avec pour consé-
QUI SE SONT quence des conflits croissants dans
le secteur des services, de la livraison
DÉROULÉES ENTRE à domicile de nourriture ou de biens
de consommation. Ces mêmes
2015 ET 2017 nouvelles technologies ont cepen-
dant aussi permis aux travailleurs
de mieux s’organiser et d’obtenir « une négociation plus ration-
nelle et ordonnée », relève l’ONG. Fini les grèves sauvages
sans lendemain.
Mais le principal obstacle reste l’incapacité du syndicat offi-
ciel, la Fédération nationale des syndicats de Chine (ACFTU se-
lon son acronyme en anglais), à porter réellement la voix
des travailleurs. Même si, souligne le rapport, le Parti commu-
niste chinois – désireux de redorer son blason auprès des moins
privilégiés et de s’attaquer aux inégalités croissantes qui mena-
cent sa légitimité politique – s’est lancé dans une réforme de la
Fédération en 2015. « Au niveau local, l’ACFTU a cherché à créer de
nouvelles branches, à recruter de nouveaux membres et à proté-
ger les droits et les intérêts de ses membres. Cependant, le syndi-
cat n’a pas vraiment changé son identité et les réformes menées
trahissent encore une attitude paternaliste », indique le rapport.
Dans le même temps, le régime a réprimé dans la pro-
vince méridionale du Guangdong des organisations non offi-
cielles : des militants ont été arrêtés et leurs associations
dissoutes. Encore un effort pour être vraiment socialistes,
conclut ironiquement le rapport, en s’adressant aux autorités
syndicales officielles du pays. p
françois bougon
T RAN SPORT AÉR I EN
Les pilotes d’Air France
menacent de faire grève
va procéder à une augmenta-
tion de capital pour lever
800 millions d’euros, a-t-il
Le futur patron d’Air France- annoncé, lundi 13 août.
KLM devra reprendre la
négociation avortée sur
les salaires « ou alors il y aura
Le groupe, qui a multiplié
les acquisitions ces dernières
années, peine à redresser
quinze jours de grève », la barre malgré un remanie-
prévient Philippe Evain, ment de son équipe de
président du Syndicat direction en 2017. – (AFP.)
national des pilotes de ligne
(SNPL) de la compagnie
aérienne franco-néerlan-
daise, dans un entretien au
Parisien, dimanche 12 août.
L’avertissement du premier
AU TOMOBIL E
Tesla : le PDG Elon Musk
poursuivi par au moins
deux investisseurs
Le Tweet publié le 7 août par
syndicat de pilotes fait écho Elon Musk, le PDG de Tesla
à celui de l’intersyndicale (« J’envisage de retirer Tesla de
d’Air France, dont les dix or- la Bourse à 420 dollars. Finan-
ganisations ont annoncé fin cement assuré »), continue de
juillet qu’« avec ou sans PDG, faire des vagues. La Securities
dès le mois de septembre, (…) and Exchange Commission
le conflit pour les salaires (SEC), le gendarme boursier
[reprendrait] ». américain, s’interroge sur
une possible manipulation
F I N AN C E de cours, et au moins deux
La banque centrale investisseurs poursuivent
turque promet d’agir Elon Musk pour ce motif.
La banque centrale
de Turquie a annoncé, lundi COMMER C E
13 août, qu’elle prendrait Donald Trump
« toutes les mesures nécessai- s’en prend de nouveau
res » pour assurer la stabilité à Harley-Davidson
financière, notamment en Le président américain,
fournissant de la liquidité Donald Trump, s’en est de
nécessaire aux banques. nouveau pris, dimanche
Vendredi 10 août, la livre 12 août, à Harley-Davidson,
a perdu plus de 15 % de sa en conseillant de boycotter le
valeur, sur fond de tensions constructeur de moto s’il dé-
avec les Etats-Unis. – (AFP.) plaçait une partie de sa pro-
duction en Europe. Les
CON S OMMAT I ON dirigeants de la marque amé-
Le groupe Aryzta lance ricaine ont révélé fin juin
une augmentation qu’ils prévoyaient de reloca-
de capital liser sur le Vieux Continent
Le groupe suisse de boulan- la partie de leur production
gerie industrielle Aryzta, destinée à ce marché, pour
à la tête d’une participation éviter de subir le relèvement
de 49 % dans l’enseigne des taxes douanières
française de surgelés Picard, européennes. – (AFP.)
 РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS

REPRODUCTION INTERDITE MARDI 14 AOÛT 2018/LE MONDE/11

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profession de sage-femme délivrée par le ministre chargé de la santé en
application de l’article L. 4151-5-1 de ce même code.
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Le concours d’accès au cadre d’emplois des sages-femmes territoriales
comporte une épreuve orale d’admission consistant en un entretien, ayant
pour point de départ un exposé du candidat sur sa formation et son projet
professionnel, permettant au jury d’apprécier sa capacité à s’intégrer dans
l’environnement professionnel territorial au sein duquel il est appelé à
travailler, sa motivation et son aptitude à exercer les missions dévolues aux
membres du cadre d’emplois (durée : 20 minutes, dont 5 minutes au plus
d’exposé).
Modalités d’inscription
Toute inscription au concours doit faire l’objet d’une préinscription sur le
site internet du centre de gestion de la Meuse www.cdg55.fr et d’une
impression papier du dossier saisi en ligne. Aucun dossier photocopié ou
impression d’écran ne sera accepté. Seul le dossier issu de la préinscription
et comportant le numéro du candidat ainsi que les informations saisies en
ligne sera accepté.
Le règlement du concours et les informations relatives au cadre
d’emplois des sages-femmes territoriales figurent dans la
brochure d’information accessible sur le site de préinscription.
L’épreuve unique orale d’admission aura lieu
à compter du 25 mars 2019.
La période de préinscription est fixée
du 6 novembre 2018 au 12 décembre 2018.

L’INGÉNIERIE DE L’ENERGIE Les dossiers d’inscription devront être retournés ou déposés au

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tion des situations.
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12 | disparitions
V. S. Naipaul
Prix Nobel de littérature
I
l était l’une des grandes
figures de la littérature an-
glaise, et sûrement l’une
des plus ombrageuses. Vi-
diadhar Surajprasad Naipaul,
plus connu sous ses initiales de
V. S. Naipaul (ou de « Sir Vidia » de-
puis qu’il avait été anobli,
en 1989), est mort à son domicile
de Londres à l’âge de 85 ans, a an-
noncé sa famille, samedi 11 août.
Issu de la communauté in-
dienne de Trinité-et-Tobago,
dans les Antilles britanniques,
mais ayant étudié à Oxford et
passé une grande partie de sa vie
en Grande-Bretagne, il avait reçu,
en 2001, le centième prix Nobel
de littérature. A l’époque, les jurés
de Stockholm l’avaient qualifié
de « circumnavigateur littéraire »,
ajoutant qu’il ne se trouvait « vrai-
ment chez lui qu’en lui-même ».
Il est vrai que cet homme plutôt
sombre, intransigeant, réputé
pour son conservatisme politi-
que, son caractère irascible et une
certaine forme de misanthropie,
semblait avoir tranché, une fois
pour toutes, la question de l’ap-
partenance : refusant de s’iden-
tifier à une communauté plutôt
qu’à une autre, V. S. Naipaul
ne respectait ni les raisons d’Etat
ni les bons sentiments. Il cher-
chait seulement, disait-il, à saisir
la vérité du monde contempo-
rain, et ses fractures.
Non conformiste dans le
contenu de ses écrits, il s’était
aussi affranchi des frontières
entre les genres, se jouant avec
élégance des distinctions qui sé-
parent la fiction de la non-fiction.
Parmi la grosse trentaine de
livres publiés depuis son premier
roman, Le Masseur mystique
(paru en 1957 ; Gallimard, 1965),
on trouve d’abord des romans, et
notamment le célèbre Une mai-
son pour Monsieur Biswas (1961 ;
Gallimard, 1964), fiction bio-
graphique inspirée par la figure
de son père, qui rencontra un
énorme succès. V. S. Naipaul fut
aussi l’auteur de nouvelles (par
exemple, Miguel Street, en 1959 ;
Gallimard, 1967), de biographies
et, surtout, de nombreux essais
historiques ou géopolitiques
écrits à partir d’importantes en-
quêtes préliminaires.
Dans A la courbe du fleuve (1979 ;
Albin Michel, 1982), il décrivait
Etienne Chicot
Acteur et chanteur
S
i son nom était méconnu
du plus grand nom-
bre, beaucoup reconnais-
saient son visage au ha-
sard des nombreux films aux-
quels il avait participé depuis le
milieu des années 1970. L’acteur
Etienne Chicot, mort mardi 7 août
à Paris, à l’âge de 69 ans, excellait
dans les seconds rôles.
Né le 5 mai 1949 à Fécamp (Sei-
ne-Maritime), il vit durant son en-
fance et son adolescence en Afri-
que. C’est à l’âge de 20 ans qu’il
vient vivre à Paris. Il suit des cours
de comédie au Cours Simon de
1970 à 1971 et ne tarde pas à faire
quelques apparitions sur le grand
écran. Il est ainsi lieutenant au
côté de Jacques Dutronc dans
Le Bon et les Méchants (1976), de
Claude Lelouch, policier dans
Mr Klein (1976), de Joseph Losey,
avec Alain Delon.
Il faut toutefois attendre 1979
pour que l’acteur soit plus visible,
grâce à son interprétation du
milliardaire Zéro Janvier dans
Starmania, l’opéra rock de Michel
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
par exemple les conséquences
perverses du colonialisme dans le
tiers-monde, tandis que Jusqu’au
bout de la foi (Plon, 1998) retraçait
sa passionnante plongée dans le
monde des musulmans convertis
au christianisme, en Indonésie,
Iran, Pakistan et Malaisie. Avec, au
bout de tout cela, un constat : « Je
suis la somme de mes livres », affir-
mait l’écrivain dans son discours
de réception devant l’académie
Nobel. Ou encore, dans un
entretien accordé au Monde, en
août 2001 : « Mes livres reposent
les uns sur les autres. Ils sont nés
les uns des autres. N’importe le-
quel de mes livres contient une
cellule qui a été créée par toutes les
cellules antérieures. »
La quête d’identité
L’une de ces cellules, sûrement
la plus fondatrice et en tout cas la
plus persistante, est la quête
d’identité – quel que soit le genre
choisi pour donner forme à cette
interrogation. Identité indivi-
duelle ou collective, culturelle et
sociale, chez cet homme qui ap-
partenait déjà à une communauté
d’exilés avant de se déraciner lui-
même. Né, en 1932, dans une fa-
mille brahmane, V. S. Naipaul était
un élève extrêmement brillant. Il
décrocha une bourse pour Ox-
ford, où il partit en 1950 avec l’am-
bition de devenir écrivain.
L’écrivain racontera à plusieurs
reprises les angoisses du jeune
migrant, débarquant sans le sou
dans un monde dont il ne
connaissait pas les usages et où
la couleur de sa peau contribuait
à l’isoler. Londres, à l’époque,
n’avait pas encore connu les gran-
des immigrations de la seconde
moitié du XXe siècle. Les senti-
ments d’humiliation et de rage
que le jeune homme éprouva
durant ces années difficiles ont
sans doute contribué à façonner
son caractère. Mais ils ont aussi
développé chez lui cette quête
inlassable et brûlante de l’origine
qui se manifeste à la fois dans
les romans et dans les récits auto-
biographiques.
L’Enigme de l’arrivée (1987 ;
Christian Bourgois, 1991) décrit
très bien comment un « voyage en
mer au grand soleil » le fit aboutir
dans une « dangereuse cité anti-
que », froide et triste, où sa pau-
YOURI LENQUETTE / ALAMO
vreté l’obligeait à se terrer dans 1992), il décrivait ainsi le pays où il
des pensions minables. Ce mys- était arrivé pour la première fois
tère des débuts, il l’avait déjà en 1962, après un interminable
exploré dans Prologue à une auto- périple en train, puis en bateau,
biographie (l’un des textes du puis en train, puis encore en ba-
recueil Sacrifices, Albin Michel, teau : « J’étais assez loin de l’Inde
1984), et le fera de nouveau dans pour cesser d’en faire partie. Je
Un chemin dans le monde (une connaissais ses rites, mais j’étais
suite de neuf récits parue chez incapable d’y prendre part ; j’en-
Plon en 1994). Ou encore, plus tendais les gens parler, mais je ne
tard, grâce à un roman très alerte captais que les mots les plus sim-
et très triste, La Moitié d’une vie ples. J’étais pourtant suffisam-
(Plon, 2002), dont le héros peu ment proche encore pour en com-
reluisant, Willie, est un Indien prendre les passions ; et aussi pour
venu faire ses études à Londres, sentir que mon propre destin était
qui vit entre deux mondes, avec lié à celui du peuple de ce pays. »
la hantise de ne pas être « entier »,
d’être inachevé. Reconstituer le puzzle
Mais la recherche des origines le De cette contrée gigantesque,
conduisit aussi en Inde, terre de chacun des exilés de Trinidad
départ de ses ancêtres, un siècle possédait un petit morceau,
avant sa propre naissance. Dans comme le fantôme d’un souvenir
L’Inde. Un million de révoltes, sa collectif. Avide de reconstituer le
troisième grande enquête sur la puzzle, de comprendre cette terre
République indienne (1990 ; Plon, lointaine et si difficile à déchif-
5 MAI 1949 Naissance à
Fécamp (Seine-Maritime)
1976 « Le Plein de super »,
d’Alain Cavalier, dont il
compose aussi la musique
1979 Participe à l’opéra rock
« Starmania »
1981 « Hôtel des
Amériques », d’André
Téchiné et « Le Choix des
armes », d’Alain Corneau
1989 Molière du meilleur
comédien dans un second
rôle pour « Une absence »
de Loleh Bellon
7 AOÛT 2018 Mort à Paris
Berger et Luc Plamondon, avec
Daniel Balavoine et Diane Du-
fresne, présenté au Palais des
Congrès, à Paris. Air hagard,
visage blême, il y entonne le Blues
du businessman, l’un des airs
les plus célèbres du spectacle, po-
pularisé précédemment par
Claude Dubois : « J’aurais voulu
être un artiste/Pour pouvoir faire
mon numéro. »
17 AOÛT 1932 Naissance
à Chaguanas
(Trinité-et-Tobago)
1950-1953 Etudes à Oxford
1957 Publie « Le Masseur
mystique », son premier
roman
1961 « Une maison
pour Monsieur Biswas »
1990 « L’Inde. Un million
de révoltes »
1998 « Jusqu’au bout
de la foi »
2001 Prix Nobel
de littérature
2010 « Le Masque
de l’Afrique »
11 AOÛT 2018 Mort
à Londres
frer, l’écrivain a effectué un long
périple à travers les paysages et
les réalités sociales. Le livre qu’il a
tiré de ce voyage offre une saisis-
sante galerie de destins où se
Ce goût pour la musique,
Etienne Chicot l’aura entretenu
tout au long de sa carrière d’ac-
teur. En campant des mélomanes
– tour à tour guitariste dans Hôtel
des Amériques, d’André Téchiné
(1981), ou responsable de maison
de disques dans Mort un diman-
che de pluie, de Joël Santoni
(1986) – et même en composant
des bandes originales, comme
celle du Plein de super (1976),
d’Alain Cavalier, qui lui offre l’un
de ses rares premiers rôles.
Marque discrète mais durable
Bien que les années 1990 et le dé-
but des années 2000 aient été da-
vantage consacrées à la télévision
– avec quelques apparitions dans
les séries Maigret, Commissaire
Moulin ou encore Louis la Bro-
cante –, l’acteur continue d’être
présent au cinéma, avec des pas-
sages par la comédie dans Les Por-
tes de la gloire (2001), de Christian
Merret-Palmair, avec Benoît Poel-
voorde, ou Palais Royal ! (2005),
de Valérie Lemercier.
0123
MARDI 14 AOÛT 2018
En 2013. LEBRECHT/LEEMAGE
croisent un sage brahmane, un
érudit musulman, un militant
maoïste bengali rescapé de la gué-
rilla naxalite, un truand ou un ci-
néphile passionné.
Vifs, aigus, les portraits brossés
par V. S. Naipaul constituent le
meilleur de son œuvre : contraire-
ment aux personnages de ses ro-
mans, dont certains sont un peu
figés, les figures qui émergent de
ses essais sont vibrantes et surtout
pleines d’humanité. Portées par le
regard d’un auteur qui expliquait,
au sujet de L’Inde… : « Je m’intéresse
aux drames des hommes. Je ne suis
pas un politicien, je ne suis pas
un commentateur, je ne veux pas
prophétiser. Je viens seulement avec
mes yeux et je vous dis : voilà ce que
j’ai vu. » Voir, y compris ce qui ne
plaît pas, et comprendre, même ce
qui dérange, tel était son métier
d’écrivain. p
raphaëlle rérolle
Zéro Janvier aurait « voulu être
un acteur/pour tous les jours chan-
ger de peau », Etienne Chicot ne
s’en est pas privé. Comédien pro-
lifique, il s’est illustré dans plus de
cent films, français comme étran-
gers, interprétant notamment un
lieutenant au côté de Tom Hanks
dans le Da Vinci Code (2006), de
Ron Howard. Des films de Claude
Chabrol à ceux de Dany Boon, en
passant par ceux de Claude Sautet
(Un mauvais fils, 1980, auprès de
Patrick Dewaere), Alain Corneau
(Le Choix des armes, 1981, avec Yves
Montand), Catherine Breillat (36
fillette, 1988) ou Olivier Assayas
(Désordre, 1986), Etienne Chicot a
laissé une marque discrète mais
durable à l’écran, même s’il ne fut
jamais récompensé par un prix.
Contrairement à la scène, en dé-
pit d’une participation modeste
(quatre pièces). Il avait reçu le Mo-
lière du meilleur comédien dans
un second rôle, en 1989 pour Une
absence, de Loleh Bellon, mis en
scène par Maurice Bénichou. p
alice rosenthal

0123
MARDI 14 AOÛT 2018
La rigueur cubiste
de Valérie Jouve
La photographe originaire de Firminy,
près de Saint-Etienne, a élaboré
un remarquable montage de son travail
sur les conséquences de l’activité humaine
EXPOSITION
saint-priest-en-jarez (loire) -
envoyé spécial
V
alérie Jouve est née à
Firminy, près de Saint-
Etienne, en 1964 et y a
vécu son enfance. C’est
plus qu’un détail biographique,
parce que l’exposition de ses pho-
tographies au Musée d’art mo-
derne et contemporain Saint-
Etienne Métropole repose en par-
tie sur ce fait et ses conséquences.
A la fin des années 1980, quand
elle commence à regarder le
monde par le viseur d’un appareil
photo, ce sont des cités ouvrières,
des industries qui périclitent, des
mines dont il ne reste que les bâti-
ments de surface.
En noir et blanc et en couleurs,
elle étudie des façades d’usines dé-
saffectées, monumentales et inu-
tiles, et les suites de petites mai-
sons alignées, toutes semblables.
Les cadrages sont d’une simplicité
qui proscrit, déjà, les effets facile-
ment surprenants. Plus rarement,
avec la même neutralité, elle pho-
tographie les habitants de ces
quartiers, deux femmes et leur
chien sur le balcon étroit d’un im-
meuble, une autre agenouillée
près d’une plante en pot devant ce
que l’on suppose être son pavillon.
On précise la description parce
qu’il est clair que le hasard n’a
aucune part dans ces portraits, pas
plus que dans les vues de la ville.
Ces petits formats d’il y a trente
ans sont désormais pris dans le
dispositif de son exposition. Cel-
le-ci est un montage qui continue
sans rupture d’une salle à l’autre.
Que ce soit ces représentations
d’autrefois ou des travaux très ré-
cents, elle les assemble, les juxta-
pose, les superpose sur leurs
bords parfois. Les uns sont des
tirages encadrés, d’autres sont im-
Parfums coquins à Grasse
Le Musée Fragonard a rassemblé une trentaine de tableaux
délicieusement licencieux, peints juste avant la Révolution
ARTS
GRASSE (ALPES-MARITIMES)
Ç a sent le soufre au pays du
parfum. Le petit musée
privé des entreprises Fra-
gonard, à Grasse, s’est ad-
joint les talents, le savoir et la cu-
riosité – assez orientée en l’occur-
rence – de l’historienne d’art
Carole Blumenfeld pour proposer
une exposition délicieusement
polissonne et joyeusement rafraî-
chissante. Une trentaine de ta-
bleaux, pour l’essentiel peints
juste avant la révolution fran-
çaise, en un moment où une – pe-
tite – partie du pays vivait ses der-
niers instants de légèreté.
On s’y embrasse, on s’y caresse,
on s’y contemple, on s’y pâme
parfois. Ici règnent l’allégorie co-
quine, le sous-entendu grivois, le
symbole à la signification souvent
oubliée par nos âges rustres, le dé-
tail ambigu. Les poitrines sont
opulentes et largement découver-
tes, les femmes entre elles plus
que complices, les jeunes hom-
mes empressés et les vieillards co-
cus. Encore que, dans cette épo-
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
primés sur de grands papiers fixés
aux murs. La construction de l’en-
semble ne répond pas à la chrono-
logie, ni à un classement par
genre, ni non plus à la géographie
– la région stéphanoise d’un côté,
les territoires palestiniens d’un
autre, par exemple. L’exposition
est, si l’on peut dire malgré l’ana-
chronisme de la référence, une
composition cubiste, sur le mode
des papiers collés.
Rien n’y est anodin
Il revient à l’œil et à l’esprit de pro-
céder aux comparaisons et asso-
ciations grâce auxquelles fonc-
tionnent ces dispositifs visuels. A
chacun d’observer comment des
formes se répètent et se font écho,
les plus visibles étant les plus géo-
métriques, de cette géométrie or-
thogonale qui est autant celle des
citadelles de la sidérurgie que celle
des colonies d’occupation qui
écrasent de leur masse les collines.
Travaillant à la chambre, donc
avec une certaine lenteur, Jouve
découpe ses compositions avec
une remarquable justesse. Il ar-
rive qu’échappe d’abord la raison
pour laquelle elle a pensé que tel
morceau d’architecture banale,
telle vue d’une fenêtre ou telle su-
perposition de pierres doit être
photographié et l’image tirée en
grand format. Il suffit alors de
prendre ce qu’il faut de temps
pour pénétrer la logique interne
de l’œuvre. Rien n’y est anodin ni
A chacun
d’observer
comment
des formes
se répètent
et se font écho
que raffinée et comme le rappelle
Chamfort, « n’est pas cocu qui
veut : savez-vous que pour l’être, il
faut savoir tenir une maison, être
poli, sociable, honnête ? »
Les oiseaux disent aux specta-
teurs d’alors bien autre chose que
« cui-cui », les chiens, rarement
plus imposants que des bichons,
sont toujours fidèles – ils sont
bien les seuls – et souvent très ca-
ressants. Quant aux écrivains,
autres drôles d’animaux, leurs
livres que laissent échapper des
jeunes filles troublées sont néces-
sairement libertins.
Habitués de la gaudriole
Certes, aux habitués de la gau-
driole sur Internet, elles paraîtront
bien anodines, ces peintures pour-
tant signées Jean-Honoré Frago-
nard, Jean-Frédéric Schall, Louis-
Léopold Boilly, ou la trop négligée
Marguerite Gérard. Cependant, un
brin de nuance, une once de déli-
catesse ne nuisent pas à la chose,
ni à la compréhension d’icelle. Du
Bouton de rose de Pierre-Alexan-
dre Wille (1748-1821) par exemple,
brandi à proximité de son mame-
culture | 13
« Sans titre »
(les Façades),
de Valérie
Jouve.
VALÉRIE JOUVE/ADAGP,
PARIS 2017
insignifiant parce qu’elle concen- des photos de troncs d’arbres habillées à la mode de tous les introduire un simulacre de
tre des éléments qui, par leur jux- cadrés de très près, leurs écorces jours, dans une rue dont la pers- nature dans un intérieur
taposition, deviennent porteurs striées d’incisions comme des ci- pective fuit vers le fond – comme d’aujourd’hui. Telle est la cohé-
de sens et de symbolique. catrices encroûtées de sang séché. dans un De Chirico – ou contre un rence du travail de Jouve : rigou-
Cette symbolique est principale- Valérie Jouve remontre quel- vieux mur. Ce sont moins des por- reux, sobre et froidement exact. p
ment celle de la transformation ques-unes des pièces de la série Les traits que des allégories. philippe dagen
malheureuse du monde par Personnages, qui l’a fait reconnaî- Dans l’une d’elles, une femme
l’homme depuis un siècle et tre au début des années 2000 et s’appuie à une rambarde de fer, Formes de vie, Musée d’art
demi. Si la géométrie structure les qu’elle continue. Ce sont des figu- au-dessus d’une forêt qui s’étend moderne et contemporain Saint-
plans par ses lignes parallèles et res, presque toutes féminines. Il vers l’horizon, mais celui-ci paraît Etienne Métropole, rue Fernand-
ses angles droits, c’est évidem- n’y en a jamais qu’une par cadrage, si lointain que l’on en vient à dou- Léger, Saint-Priest-en-Jarez
ment pour composer une image vue d’assez près, le regard dirigé ter de la réalité de la forêt. Ce pour- (Loire). Du mercredi au lundi, de
stable et profonde. Mais c’est tout vers on ne sait quoi qu’on ne verra rait n’être qu’un papier peint 10 heures à 18 heures. De 4,50 €
aussi évidemment parce que cet pas ou les yeux clos. Elles sont photographique fabriqué pour à 6 €. Jusqu’au 16 septembre
ordre strict et répétitif est celui
que la modernité, depuis les pre-
mières révolutions industrielles,
dont Saint-Etienne et Firminy ont
été des théâtres, impose à la na-
PYRAMIDE PRÉSENTE
ture qu’elle exploite, au paysage
qu’elle dénature et aux hommes À 18 ANS, ELLE ÉCRIT FRANKENSTEIN ET RÉVOLUTIONNE LA LITTÉRATURE
qu’elle contraint.
Sans le proclamer avec em-
phase, l’œuvre de Jouve est politi- “Une femme fantastique,
Elle Fanning vibre comme jamais”
que parce que ses images font
voir ce que l’indifférence ou l’ac-
coutumance dissimule d’ordi-
naire : les intrusions de plus en CAUSETTE
plus tyranniques de l’activité hu-
maine, que l’on ne peut considé- “Un film d’une énergie saisissante ”
rer à la longue que comme des FRANCE INTER
souillures. Sans doute est-ce pour
cette raison que l’artiste place,
parmi tant de machines métalli-
ques et de béton, quelques gran-
lon dévoilé : même Rocco Siffredi
pourrait apprécier la métonymie !
Une finesse et des sous-enten-
dus largement inspirés, explique
Carole Blumenfeld dans le catalo-
gue de l’exposition, par la pein-
ture hollandaise du siècle précé-
dent, ces Hollandais qui furent
souvent nos maîtres en matière
de vice autant que de vertu et dont
les tableaux étaient très en vogue
dans le Paris prérévolutionnaire.
Ainsi, à Danton qui réclamait « de
l’audace, encore de l’audace, tou- E L L E F A N N I N G
M ARY S HELLEY
jours de l’audace », on aurait pu ré-
pondre : « Regarde sur les murs,
dans un certain registre, c’est déjà
fait ! » A Grasse, l’été n’est pas seu-
lement chaud, il est torride, assez
moite. Il exhale aussi un parfum
U N F I L M D E
capiteux et des plus envoûtants. p
H A I F A A A L - M A N S O U R
harry bellet
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
Parfums d’interdit. Musée
Fragonard, collection Hélène
et Jean-François Costa, 14, rue
Jean-Ossola, Grasse (Alpes-
Maritimes). Tél. : 04-93-36-02-07.
De 10 heures à 13 heures et de
14 heures à 18 heures. Jusqu’au
23 septembre. Entrée libre

14 | télévision
Aux origines de la religion de Mahomet
La place accordée à Jésus par le Coran sert de point de départ à une passionnante histoire de l’islam
ARTE
MARDI 14 - 22 H 40
SÉRIE DOCUMENTAIRE
C
ette série documentaire
sur l’émergence de l’is-
lam a tout pour passion-
ner un public en quête
de sens. Ses sept épisodes font ap-
paraître l’humus religieux sur le-
quel s’est constituée la religion de
Mahomet, et dont le Coran garde
l’empreinte. Les auteurs ont choisi
pour point d’accroche deux ver-
sets (157 et 158) de la sourate IV du
Coran, qui évoquent la crucifixion
« en apparence » de Jésus. Puis ils
ont interrogé, au sujet de ce texte
court mais à la signification incer-
taine, vingt-six des meilleurs
chercheurs de différents pays, de
différentes traditions.
Scrutant chaque mot, dissé-
quant chaque expression, interro-
geant chaque interprétation, ils
explorent, sur un simple fond
noir, le sens de ce court passage.
Arrimés à ce point de départ, ils
font peu à peu affleurer tout un
contexte historique et religieux.
La première surprise, pour le néo-
phyte, vient de l’importance de la
place accordée à Jésus, dernier
prophète avant Mahomet, par le
Coran. Le « fils de Marie » est men-
tionné une douzaine de fois, con-
tre quatre pour Mahomet. Il est
présenté comme un être à part, né
de « l’esprit de Dieu » ou encore du
Enlèvement, chantage et émotion
Jean-Marc Thérin transpose avec une certaine inspiration un roman de l’écrivaine américaine Mary Higgins Clark
FRANCE 3
22 H 40
TÉLÉFILM
I l y a, dans le développement
maîtrisé de cette intrigue cen-
trée sur un double kidnap-
ping d’enfants, quelque chose de
l’ordre de la mécanique de préci-
sion. On y reconnaît la dextérité
narrative de la reine du polar amé-
ricain, Mary Higgins Clark. Car
c’est son roman, Deux petites filles
en bleu (Le Livre de poche, 2008),
qui est ici porté à l’écran par Jean-
Marc Thérin.
GRILLE N° 18 - 188
PAR PHILIPPE DUPUIS
1 2 3 4 5 6
I les couleurs. Celui d’avant. V. A fui
II
III
IV
V allant de 1 à 9.
VI
VII
VIII
IX
X nisse pas roide. 5. Pourra se déplacer
SOLUTION DE LA GRILLE N° 18 - 187
HORIZONTALEMENT I. Gérontologue. II. Axone. Titres. III. Reg. Geisha.
IV. Dm. Août. Echo. V. Epanchés. EPR. VI. Cluse. Pas. VII. OAS. Dahl. Bu.
VIII. Ritournelles. IX. Prier. Aréole. X. Sensibleries.
VERTICALEMENT 1. Garde-corps. 2. Exemplaire. 3. Rog. Austin. 4. On.
Ans. OES. 5. Négoce. Uri. 6. Euh. Dr. 7. Otite. Anal. 8. Lis. Sphère.
9. Othe. Aller. 10. Grâces. Loi. 11. Ue. HP. Bêle. 12. Essoreuses.
Mahomet et Jésus, vision d’Isaïe. Manuscrit iranien du XVIe siècle. FRANÇOIS CATONNE/ARCHIPEL 33
« souffle de Dieu ». « Jésus est quel-
qu’un de très spécial dans le Coran,
dit l’un des intervenants, et on
peut même soutenir qu’il est plus
spécial que le prophète Mahomet. »
Controverses théologiques
Le documentaire est loin de se li-
miter à Jésus. A travers la figure de
ce Juif de Galilée devenu le fonda-
teur du christianisme, le Coran
Parents de jumelles de 6 mois,
Simon (Stéphan Guérin-Tillié) et
Julie Malherbe (Marie Guillard)
assistent à la soirée annuelle de
l’entreprise où Simon travaille
comme ingénieur. Pour l’occa-
sion, ils ont confié leurs deux
petites filles à une voisine retrai-
tée. Inquiets de ne pas réussir à
joindre la vieille dame par télé-
phone, les jeunes parents déci-
dent d’écourter leur sortie. De
retour chez eux, ils découvrent
la voisine évanouie, tandis que
les enfants ont disparu. Effon-
drés, Simon et Julie ne tardent
7 8 9 10 11
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
installe une continuité entre
Abraham, socle tutélaire du mo-
nothéisme, et l’islam de Maho-
met. Il permet aussi de repérer,
nous expliquent les chercheurs,
l’écho des controverses théologi-
ques qui, au VIIe siècle, animaient
l’aire proche et moyen-orientale.
Substrat biblique, traditions
judéo-chrétiennes, conceptions
syriaques, hérésies chrétiennes,
pas à recevoir une demande de
rançon de 8 millions d’euros.
Mais si la thèse de l’enlèvement
est ainsi confirmée, qui peut bien
vouloir faire chanter ce couple
sans histoires et sans fortune ? En
charge de l’enquête, Stéphanie
(Christine Citti) va devoir explorer
plusieurs pistes avant de s’orienter
vers les vrais coupables. Une
course contre la montre s’engage,
puisque les deux enfants souf-
frent de problèmes respiratoires et
risquent de ne pas survivre long-
temps entre les mains de leurs
ravisseurs sans soins appropriés.
HORIZONTALEMENT
I. Mieux vaudrait pour tout le monde
que sa production s’envole. II. Trai-
tées comme de jeunes enfants.
III. Son évêque partage son titre avec
notre président. Déjection ou inter-
12
jection. IV. Nous en fait voir de toutes
l’Espagne avec sa guitare pour s’ins-
taller en France. Impeccables. VI. Aller
au gré de sa fantaisie. Dérange autour
de lui. VII. Changeante et chatoyante.
Malin qui doit être protégé. VIII. Au
théâtre dans les décors. Eut tout à re-
prendre. Conjonction. IX. Négation.
Passage au grave. Sa fin et son début
sont festifs. X. Préparasse le terrain à
la mise en carte.
VERTICALEMENT
1. Entraîne vers une fin dramatique.
2. Renforcer son idée. 3. S’exprime-
rait avec violence. 4. Solides bois de
charpente. Pour que l’astéroïde ne fi-
dans l’espace. Ouverture de compte.
6. Le temps de faire un tour. Suit le
bis. Des cailloux dans les sables.
7. Poussera à l’action. 8. Frugivore au
réveil. Présente la marchandise. 9. A
mis des spaghettis dans ses westerns.
Enfant d’Emile. 10. Point matinal.
Pour les amateurs de bains à bulles.
Points opposés. 11. Personnel. On
voudrait les voir bien pleines mais
surtout pas bourrées. 12. Repartie
ailleurs.
évangiles apocryphes ont laissé
leur empreinte dans le texte saint
de l’islam, situant la nouvelle reli-
gion dans un continuum avec les
monothéismes antérieurs. Cette
toile de fond est très éloignée de
celle que dépeint la tradition mu-
sulmane, pour qui la révélation à
Mahomet intervient dans une so-
ciété essentiellement païenne et
idolâtre. Elle apparaît au contraire
Servi par des comédiens bien di-
rigés et inspirés, le film bénéficie
aussi du travail d’adaptation
mené par les scénaristes Claire
Lemaréchal et Yann Le Nivet. Par-
venant à transposer en France le
suspense imaginé par l’écrivaine
américaine, ils ont également
réussi à donner vie à des person-
nages crédibles dont le caractère
se nuance au fil de l’intrigue.
Parmi eux, on retient d’abord
l’enquêtrice méthodique mais
non dénuée de sensibilité inter-
prétée par Christine Citti. On s’at-
tache aussi au couple de parents
SUDOKU
N°18-188
3 6 4 6
8 3
9 1
5 2
2 3 8 9
4 2
7 9 1
5 6
Réalisé par Yan Georget (https://about.me/yangeorget)
0123
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hors-série
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Tirage du Monde daté dimanche 12-Lundi 13 août : 237 710 exemplaires
ici très travaillée par les diverses
filiations monothéistes.
Aborder le texte coranique
– considéré par la tradition musul-
mane comme la parole de Dieu di-
rectement révélée à Mahomet par
l’archange Gabriel – à la manière
d’un objet d’investigation histori-
que ne va pas de soi. Certains des
chercheurs interrogés hésitent
d’ailleurs au seuil de leur spécialité
scientifique lorsque leur sont po-
sées la question de la constitution
du Coran et celle de son « auteur ».
Par définition, la démarche criti-
que et historique s’émancipe de la
foi et pose des questions qui, si el-
les ne trouvent pas toujours de ré-
ponse, dérangent. Peut-on parler
d’« influences » sur le texte du Co-
ran ? Mahomet a-t-il voulu insti-
tuer une nouvelle religion ? Pour-
quoi son nom disparaît-il dans les
décennies qui suivent sa mort
pour réapparaître soixante-dix
ans plus tard sur l’inscription du
dôme du Rocher, à Jérusalem ?
Quand et comment est-il devenu
cette figure si fondamentale de
l’islam ? Mille et une questions en
suspens font regretter qu’il n’y ait
à cette série que sept épisodes. p
cécile chambraud
Jésus et l’islam, de Gérard
Mordillat et Jérôme Prieur
(Fr., 2015, 7 × 52 min). Episodes 1
à 3 mardi 14 août à 22 h 40 ; ép. 4
à 7 mercredi 15 août à 22 h 30.
prêts à se déchirer avant que
l’épreuve ne les rapproche. Inter-
prété par Stéphane Guérin-Tillié
et Marie Guillard, ce couple-là sait
s’en tenir à une émotion forte sans
basculer dans le pathos. Certes, les
trois personnages de ravisseurs
sont bien moins aboutis. Mais au
final, ce suspense tissé dans une
intrigue resserrée et efficace fonc-
tionne jusqu’au dénouement. p
hélène delye
Deux petites filles en bleu,
de Jean-Marc Thérin (Fr., 2013,
95 min).
1 6 3 2 7 4 9 5
7 9 2 8 5 6 1 3
4 5 8 1 3 9 7 2
4 9 7 2 8 5 1 3
2 1 7 3 4 5 6 8
8 5 6 9 1 4 7 2
8 3 1 4 6 7 2 9
5 2 4 9 1 3 8 6
9 7 6 5 8 2 3 4
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100 pages - 8,50 €
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0123
MARDI 14 AOÛT 2018
VOTRE
SOIRÉE
TÉLÉ
M AR D I 14 AOÛT
TF1
21.00 Camping Paradis
Série. Avec Laurent Ournac
(Fr., 2015, 2 × 110 min).
France 2
20.55 Le Meilleur des Années
bonheur
Divertissement présenté
par Patrick Sébastien.
23.20 Les Enfants de la télé
Divertissement présenté
par Laurent Ruquier.
France 3
20.55 Les Années perdues
Téléfilm de Nicolas Picard-Dreyfuss.
Avec Sarah Adler, Anne Alvaro
(Fr., 2015, 105 min).
22.40 Deux petites filles en bleu
Téléfilm de Jean-Marc Thérin.
Avec Christine Citti, Yann
Sundberg, Aymen Saïdi
(Fr., 2013, 95 min).
Canal+
21.00 L’Atelier
Drame de Laurent Cantet.
Avec Marina Foïs, Matthieu Lucci,
Florian Beaujean (Fr, 2017, 110 min).
23.40 Une belle rencontre
Comédie dramatique de Lone
Scherfig. Avec Gemma Arterton,
Sam Claflin, Bill Nighy
(GB, 2016, 110 min).
France 5
20.55 Au bout c’est la mer
Le Mékong
Documentaire de Nicolas Boero
(Fr., 2018, 4/4, 50 min).
21.45 Le Marcheur du Nil
Egypte
Documentaire de Jamie Berry
(GB, 2014, 4/4, 50 min).
Arte
20.50 Les Dossiers secrets
du Vatican
Documentaire de Jan Peter
(All., 2015, 1 et 2/2, 100 min).
22.40 Jésus et l’islam
Série documentaire de Jérôme
Prieur et Gérard Mordillat
(Fr., 2015, 1 à 3/7 ; 3 × 55 min).
M6
21.00 Audition secrète
Divertissement animé
par David Ginola et Eric Antoine.
0.10 Empire
Série. Avec Terrence Howard
(EU, 2016, S3, ép. 6 à 8/18).
0123 est édité par la Société éditrice
du « Monde » SA. Durée de la société : 99 ans à
compter du 15 décembre 2000.
Capital social : 124.610.348,70 ¤.
Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui,
8
75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00
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6
Abonnements par téléphone : de France 3289
(Service 0,30 ¤/min + prix appel) ; de l’étranger :
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Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤
5
Courrier des lecteurs
7
1
blog : http://mediateur.blog.lemonde.fr/ ;
Par courrier électronique :
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n° 0722 C 81975 ISSN 0395-2037
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Laurence Bonicalzi Bridier PRINTED IN FRANCE
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Fax : 01-57-28-39-26
L’Imprimerie, 79 rue de Roissy,
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Montpellier (« Midi Libre »)
Origine du papier : France. Taux de fibres recyclées : 100 %.
Ce journal est imprimé sur un papier UPM issu de forêts gérées
durablement, porteur de l’Ecolabel européen sous le N°FI/37/001.
Eutrophisation : PTot = 0.009 kg/tonne de papier
 РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS

0123
MARDI 14 AOÛT 2018 carnet | 15
François et Marie-Christine Georges, Paris 17e. Banassac (Lozère). Mme Micheline Schweitzer,
Marie-Anne Georges, son épouse, Anniversaires de décès
ses enfants, Denyse Marchand, Mme Marie Schweitzer,
/H &DUQHW Anne-Charlotte, Emilie, Paul-Antoine, son épouse, sa fille,
en vente Camille-Solesmes et Augustin, Marie-Helène, Benoit, Xavier, Isabelle, M. Antony Guitton, M. Edward GIROLLET,
actuellement 9RV JUDQGV pYpQHPHQWV ses petits-enfants, Frédéric, Laurence, son gendre, 25 février 1929 - 14 août 1998.
Gabrielle, ses enfants, Jules et Mathilde,
1DLVVDQFHV EDSWrPHV PDULDJHV son arrière-petite-fille, Chloé, Joël, Quentin, Jules, Baptiste, ses petits-enfants,
Pauline, Bastien, Louise, Mathilde, Vingt ans déjà, son souvenir est toujours
K En kiosque $YLV GH GpFqV UHPHUFLHPHQWV Mme Geneviève Georges,
Hippolyte, Emile, Merlin, Gabin, présent.
L’abbé Antoine Georges, ont le regret d’annoncer le décès de
PHVVHV DQQLYHUVDLUHV Auguste,
HORS-SÉRIE sa belle-sœur et son beau-frère,
&ROORTXHV FRQIpUHQFHV En communion avec ses petits-enfants, M. Roland SCHWEITZER, Une pensée pour lui.
Mélusine et Zéphyr,
UNE VIE, UNE ŒUVRE

SRUWHVRXYHUWHV VLJQDWXUHV M. Bernard Georges (†),

son époux, ses arrière-petits-enfants, survenu à 7 h 36, le 7 août 2018, Les familles Girollet, Gironce, Zemoz.
6RXWHQDQFHV GH PpPRLUH WKqVHV à l’âge de quatre-vingt-douze ans.
ont le chagrin de faire part du décès de
ont la tristesse de faire part du décès de
3RXU WRXWH LQIRUPDWLRQ &DUQHW  Ses obsèques auront lieu le 14 août,
À mon amie,
     Bernard MARCHAND,
Mme Clarisse GEORGES, expert-comptable, dans la plus stricte intimité.
George
     née FAYOUX, Chantal LAMBRECHTS,
Sand FDUQHW#PSXEOLFLWHIU co-fondateur et président
des Chalets internationaux Georges Travert, 1961-2016.
L’insoumise
Vue par Beauvoir, Sagan, Balzac, Baudelaire, Flaubert, Hugo…
Et aussi : chronologie, portfolio, lexique et bibliographie.

survenu à l’âge de quatre-vingt-quatorze de haute montagne (CIHM), son mari,

AU CARNET DU «MONDE» ans. Carine et Nathalie,
Hors-série Ariane Damain Vergallo.
survenu dans la lumière et la chaleur ses filles,
La cérémonie religieuse a été célébrée de l’été lozérien, le 7 août 2018, Sacha et Samuel,
Décès ce lundi 13 août 2018, à 10 heures, à l’hôpital de Mende (Lozère), ses petits-fils, Prix
0123 en l’église d’Ansac-sur-Vienne à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Annie Bihel,
hors-série
Bastia. Vanves. Pressins. (Charente).
Angkor Sainte-Lucie-de-Mercurio. La cérémonie religieuse a eu lieu
sa sœur et Alain,
Arnaud et Anthony,
Cet avis tient lieu de faire-part. le samedi 11 août, à 10 h 30, en l’église ses neveux,
restaurer
Michèle Bertrand-Zuccarelli,
découvrir
de Banassac (Lozère). Toute la famille
son épouse,
11, rue Samarcq,
visiter

Camille Bertrand, Et toutes celles et ceux qui ont eu la

Raphaël et Dominique Bertrand, 92100 Boulogne-Billancourt. Une messe sera célèbrée en septembre, chance de partager avec elle son travail
Emilie et Enzo Bertrand-Lucchese, à Paris.
et ses passions,
ses enfants, 159, avenue Pierre-Brossolette,
Louise, Béatrice, Giulia, Lucie, Dino, 92120 Montrouge. Le Viala,
ont l’immense tristesse de faire part Prix de la découverte poétique
Mathieu, 48500 Banassac.
de la disparition brutale,
ses petits-enfants, Simone de Carfort 2018
La famille Lalonde, 92, avenue de Villiers, survenue le 7 août 2018,
Hors-série M. et Mme Yves Bertrand, d’une très grande dame, Fondation
Phédra 75017 Paris.
Mme Claire Gauthier,
et sa mère, Antoinette, Frédéric et Simone de Carfort,
M. et Mme Claude Bertrand,
M. et Mme Olivier Bertrand, Frédérique Josette TRAVERT, sous l’égide de la Fondation de France.
HORS-SÉRIE

et ses filles, Elise et Justine Brillouet, Menton. née GREGOIRE,

M. Denis Bertrand,
M. et Mme Jacques Bertrand, Walther professeur émérite des Universités,
Adrienne Molinari, ancien directeur de l’IUT de Caen, Ce prix a pour objet la découverte
ses frères et sœurs, et sa compagne, Stéphanie Dengel, sa fille,
L’HISTOIRE leurs enfants et petits-enfants, ses enfants, présidente honoraire d’un poème d’expression française,
Martine Ducloy et Anne Jolibert, de l’université de Caen Normandie,
DES M. et Mme Claude Levy, Michel inconnu ou méconnu.
ses sœurs, ancien recteur
RÉVOLUTIONS M. et Mme Emile Zuccarelli, et sa compagne, Martine, Adresser
Mme Danielle Zuccarelli, leurs conjoints et leurs enfants, de l’académie de Grenoble,
François,
De l’âge de pierre à l’ère numérique

ses beaux-frères et belles-sœurs, Les Familles Molinari, Clerici, Bosio membre et ex-présidente soit quatre jeux identiques
ses frères, et Rousset, de 30 poèmes inédits,
leurs enfants et petits-enfants, de la commission consultative nationale
Ses cousins, Les familles Kirscher et Gallice, Parents
des IUT, soit quatre exemplaires
Parents et amis, Edouard Prefontaine et Nicole, Et amis,
commandeur d’un ouvrage de poésie édité
ses amis,
ont la tristesse de faire part du décès de dans l’ordre des Palmes académiques,
Hors-série ont l’immense tristesse de faire part Philippe Pierrat au cours des cinq dernières années,
officier de l’ordre national du Mérite,
du décès de et son épouse, Monique, chevalier de la Légion d’honneur. jamais primé,
Ses frères et sœurs d’obédiences, Jacques MOLINARI,
accompagnés d’une notice biographique
Collections Hugues BERTRAND,
X 64, ont la tristesse de faire part du décès de
docteur en sciences, ingénieur atomiste,
ancien fonctionnaire international Un hommage lui sera rendu le jeudi
16 août, à 15 heures, au crématorium
avant le 5 octobre 2018
professeur des Universités, à l’AEIA, à Vienne, en pli non recommandé à :
ancien directeur du CEREQ, ancien conseiller technique de Caen, rue de l’Abbaye d’Ardenne.
chevalier de la Légion d’honneur,
Philippe LALONDE, de l’ambassade de France, à Budapest,
fondateur du GIR-MARALPIN, Aux fleurs seront préférés des dons Fondation de France
survenu à Bastia, le 9 août 2018. survenu le 1er août 2018, membre du bureau de l’ASPONA, au profit de toute association d’intérêt Prix Simone de Carfort
à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. général choisie par les donateurs. 40, avenue Hoche, 75008 Paris.
Une bénédiction a lieu ce lundi 13 août, survenu le 8 août 2018, en son domicile.
à 14 h 30, en l’oratoire de la Conception, Une cérémonie a eu lieu ce lundi Messages sur registre.
à Bastia. 13 août, à 10 h 30, au crématorium Ses obsèques ont été célébrées Le montant du prix est de 2 500 euros.
du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. le vendredi 10 août, à Menton. Contact : georges.travert@wanadoo.fr Aucun retour des manuscrits ne sera fait.

Denis BOUTET DE MONVEL Isabelle et Marcel Le Bris,

Cécile et Claude Maille,
nous a quittés. Armelle Dłubak,
Sont dans la peine de cette disparition : Hervé et Christine Mähl-Le Hors,
Elise et Guy Brunet-Mähl,
Dès jeudi 16 août, Les familles Bellemare, Boutet de Anne-Françoise et Jean Bouzid,

   



le vinyle n° 2 SGT PEPPERS Monvel, Favre Duchartre, Nicot, Pierlot ses enfants et leurs conjoints,
LONLEY HEARTS CLUB BAND Et ses ami(e)s.
Myriam, Fanny, Joran, Augustin,
Pour tous, il a semé un très grand amour Hadrien, Emilie, Antoine, Grégoire,
du cinéma et de la lecture. Bruno, Louise, Martin, Olivia et Markus,


GÉNIES des ses petits-enfants,
MATHÉMATIQUES « Ma vie ne tient qu’au fil poétique. »
Elko, Co rw in, Ca mille, Eliott,
Claude COURTOT, Benjamin, Juliette, Lisa, Apolline,
écrivain et poète, Zacharie, Margot et Raphaëlle,

 
6 janvier 1939 - 5 août 2018.
ses arrière-petits-enfants,
La cérémonie a eu lieu dans la plus
stricte intimité, au crématorium ont la grande tristesse de faire part
du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, du décès de
le vendredi 10 août, à 14 h 30.
Mme Irène MÄHL,
La famille Courtot née LE CORBEILLER,
Et l’Association des amis
de Benjamin Péret.
veuve de M. Hubert MÄHL, 

Dès jeudi 16 août, le volume n° 22 survenu le 3 août 2018, à Meudon,
 

EUCLIDE LA RIGUEUR DU
RAISONNEMENT GÉOMÉTRIQUE
Claudine Attias-Donfut,
sa mère,
à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans.
 


ÝÞ
Emmanuel et Nathalie Donfut, Les obsèques ont eu lieu le jeudi 9 août,
son frère et sa belle-sœur, à 10 heures, en l’église de Saint-Martin
Maxime Donfut,

0123
Une collection
son neveu,
Sa famille
de Meudon, 45 rue de la République.   
 
 
 
 




  


Et ses amis, Suivie de l’inhumation au cimetière
des Longs Réages de Meudon, avenue
  (0%/0?.*/?*9B .*/?*9 

  
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de la Paix.
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ont l’immense douleur de faire part

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08&608-10.

du décès de
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) *, ' "+(
 
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Nos pensées vont aussi à son fils,

Eric DONFU,
sociologue, écrivain, Bernard MÄHL, &" " % &" ! ('&"   "&! 
ancien maire adjoint !  !#!%
à la mairie du Havre, décédé le 28 mars 2014
survenu le 9 août 2018, et à son gendre,
à l’âge de cinquante-six ans.
 
 
Dès mercredi 15 août, Zbignlew DŁUBAK,

   
  
  - !AK/!
755!4!5GB -
99OO - DIODD
AAB !!M 6 9CH

Une cérémonie a eu lieu au crématorium
le volume n° 30 du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e,
décédé le 21 août 2005.

 1! 4@755!  3  

 J  74 
TIKAL ce lundi 13 août, à 10 heures. :!55G H 47/B :7JA
J 3/!J ! II*6O
;:A/M ! K!5G! !5 2/7B?J!<
B7/G  3@#B  3@
        C 17JABEC A"574 
Famille Attias-Donfut, Contact : Famille Mähl,
Nos services 26, rue de Pontoise,
75005 Paris.
11, boulevard des Nations-Unies,
92190 Meudon.
>      >  
 

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A!BB! 
7! :7BG3 

Lecteurs ,#?J! 5/A!  3@7AA! ! 3 7/"G" "/GA/! J  73/G" 

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K Boutique du Monde Rédaction en chef quotidien Michel Guerrin, Christian Massol
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B:"/'/?J!
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74/5G/K! 733!G/K! B3/!A
3! L!!2-!5
Tél. : 01-57-28-28-28 Directeur artistique Aris Papathéodorou
Photographie Nicolas Jimenez
Infographie Delphine Papin       
 
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 - C)O9H 
  - *HH $69 $)O  A/B - :/G3 ! 9I* D9O H*$CO= (A! A"B!AK"! JM 57JK!JM 755"B
!G K33! !5 A5! 4"GA7:73/G/5! 1JB?J@J H9E9IEIO9$= 5 A!G7JA55G ! &7A4J3/A! K7JB !:G!N ?J! ! 75! A!B:75B3! ! GA/G!4!5G JG/3/B! K7B 755"!B :!AB755!33!B :7JA
Médiateur Franck Nouchi 3!B !B7/5B ! K7GA! 7445! ! 3 A!3G/75 3/!5G !G @G/75B 4A2!G/5+ BJA B!B :A7J/GB !G B!AK/!B= 7JA 7550GA! 3!B 473/G"B ! GA/G!4!5G ! K7B 755"!B /5B/ ?J! 3!B A7/GB
Secrétaire générale du groupe Marguerite Moleux 75G K7JB /B:7B!N ;#B A!G/'/G/75 !(!4!5G 7::7B/G/75 :7AG/3/G" 3/4/GG/75 !B GA/G!4!5GB B7AG !B 755"!B :A#B "#B< 75BJ3G!N 57GA! :73/G/?J! ! 75'/!5G/3/G" 
Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget 3@A!BB! ,GG:BEELLL=3!475!=&AE75'/!5G/3/G!E 7J "A/K!N  57GA! "3"+J"  3 :A7G!G/75 !B 755"!B - $O 
J+JBG!-35?J/ % C)COC A/B !!M 9H 7J :7+A7J:!3!475!=&A=
Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président, Sébastien Carganico, vice-président

16 |
batcombe, somerset (angleterre) -
envoyés spéciaux
L
e photographe a refermé la porte
de la chambre noire – la chambre
de ses « fantômes », dit-il. C’est là
qu’ils ont émergé, les « fantô-
mes », dans ce cabanon en préfa-
briqué, derrière la maison. Ils sont
sortis de ces quatre bacs d’une immaculée
blancheur – révélateur, bain d’arrêt, fixateur
et lavage. A côté, les machines d’agrandisse-
ment, et, sur des étagères, des rames de pa-
pier, l’ensemble flottant dans une méchante
odeur d’iodure de potassium. « Vous savez,
presque tout se passe ici, dans la chambre
noire », dit Donald McCullin : soixante ans de
photographie, dont dix-huit consacrés à la
guerre. « D’ici peu, je bazarde tout ça. J’arrive
au bout du voyage. » On peine à y croire. Cet
homme-là a risqué mille morts à la guerre.
En 2016 encore, il crapahutait en Irak. Il a été
blessé au Cambodge, tabassé dans les prisons
d’Idi Amin Dada. Sa tête a été mise à prix au
Liban. A Palmyre, en Syrie, il y a deux ans en-
core, il a un poumon transpercé en faisant
une chute. « J’ai payé un bon prix », dit-il, mais,
en un demi-siècle de reportages dans la caté-
gorie « journalisme de l’extrême », McCullin
n’a jamais été compté K.-O. Les deux autres
grands noms qui ont exercé avec lui, le Fran-
çais Gilles Caron et le Britannique Larry Bur-
rows, ont été tués en Indochine.
Il y a un phénomène McCullin. Sa renom-
mée dépasse le monde de la photographie.
Juste ou injuste, il incarne son métier, il est
partout sollicité. On vient l’empoisonner
jusque dans sa retraite du Somerset – pour
des questions jugées déplacées, il a flanqué
Jean-Luc Godard à la porte. Quand un héli-
coptère survole la maison, il pense à la
guerre du Vietnam. Hollywood préparerait
un « biopic » à partir de son autobiographie –
Risques et périls (Delpire, 2007). Un seul nom
est cité pour le rôle : l’excellent Tom Hardy,
qui est venu, ici, en pèlerinage.
« GOYA DES GUERRES MODERNES »
McCullin a 82 ans – pleine forme, grand, droit
comme un soldat, rasé de près, torse puis-
sant, pommettes hautes, œil gris-bleu dé-
lavé. Sa carte d’identité tient en quelques
mots. Le Britannique est l’un des plus grands
photographes de son époque. Henri Cartier-
Bresson l’a baptisé : « Vous êtes le Goya des
guerres modernes. » Artiste, journaliste, re-
porter de guerre, artisan de l’image ? « Dites
juste photographe, ça me suffit, je n’aime pas
qu’on réduise mon œuvre à la guerre. »
Photographe, il l’est du début à la fin de
l’exercice, comme ça ne se fait plus. Mania-
quement, il contrôle son artisanat, de bout en
bout, du terrain à l’avion qui le ramène à Lon-
dres, puis de la chambre noire à la publica-
tion. Il a toujours défendu bec et ongles le pri-
vilège de développer et tirer lui-même ses
photos. Pas d’assistant. « Voilà des dizaines
d’années que, cinq heures par jour, j’assure
tout seul mes tirages. Debout, dans le noir, les
mains dans le produit chimique, même en
écoutant Wagner, ça épuise. » McCullin expli-
que qu’il prenait trop de risques sur les
champs de bataille pour donner ses pellicules
à quiconque, quand la règle, dans le photo-
journalisme de l’époque, était de les confier à
une compagnie aérienne pour que journaux
et agences les réceptionnent à l’arrivée.
Cette manière de travailler à la main et à la
maison ne le rend pas seulement unique chez
les photographes d’aujourd’hui. A l’heure du
numérique, d’Instagram, bref de la fluidité
d’images qu’Internet véhicule à la vitesse
grand V, McCullin court le risque de la ringar-
dise. Pour les grands noms de la photogra-
phie contemporaine, qui méprisent le noir et
blanc, le labeur en laboratoire, le tirage dra-
matisé et pictural, McCullin serait dépassé. Il
sait qu’on le dit « démodé » et que son style de
photo « va disparaître ». Il peste, en retour,
contre cette société de l’image banalisée où
« n’importe quel imbécile prend des photos ».
Démodé, McCullin ? Ses images sont plus sol-
licitées que jamais. Sa force est de n’avoir pas
changé. Sa spécificité tient à son conserva-
tisme. S’il fuit les mails et le téléphone,
comme les mondanités, l’évolution de la
technologie ne l’a pas déclassé – au contraire.
Pantalon de grosse toile beige, chemise
blanche sans col, McCullin va vers le jardin.
En fait de jardin, et pour être tranquille, il a
acheté toute la vallée qui descend en dou-
ceur face à sa maison, une grosse ferme du
début du XIXe siècle, un solide bloc de pierres
du pays. Le hameau s’appelle Batcombe Hill,
perché sur une colline du Somerset, entre
l’élégante bourgade de Bruton et la petite
ville de Shepton Mallet. De Londres, il faut au
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Les guerres
de Don McCullin
De son enfance pauvre à ses paysages en
DO N M CCUL L I N, PH OTO GRAP H E 1 | 6
passant par le Vietnam, pour le maître de la photographie britannique
tout est conflit. « Le Monde » est allé à sa rencontre et revient aujourd’hui
sur cet itinéraire qui l’a conduit des gangs londoniens à la célébrité
Don McCullin au Vietnam, en 1968. NIK WHEELER
moins deux trains et un taxi pour se retrou-
ver au milieu d’un paysage de gravure an-
glaise : haies sauvages, clôtures blanches,
bouquets d’arbres et poneys au lointain.
Il vit depuis plus de trente ans à Batcombe
dans cet écrin de nature paisible qui est
l’exact inverse de ce à quoi il a consacré sa
vie : tenir la chronique visuelle de la tour-
LA PHOTOGRAPHIE mente du temps. De la fin des années 1950 à
aujourd’hui, il a été de tous les conflits,
EST « MA DROGUE, ET traîné dans les émeutes urbaines et par-
C’EST UNE DROGUE couru des guerres civiles. Il a saisi un peu des
swinging sixties londoniennes, beaucoup
PUISSANTE QUI FINIT des fractures de classe de son pays et des pay-
sages dévastés de la désindustrialisation.
PAR VOUS POSSÉDER L’un des préfaciers des quelque trente re-
CORPS ET ÂME, cueils de photos qu’il a publiés observe : « De
1960 à la fin du siècle, des photos de Don Mc-
ELLE PEUT DÉTRUIRE Cullin jalonnent la plupart des grands événe-
ments. Elles sont autant d’images symbole,
VOTRE FAMILLE » iconiques, de l’époque. C’est un cas presque
MAIS, « BON DIEU !, unique dans l’histoire de la photographie. »
Ses photos sont des repères, des références,
ELLE M’A SAUVÉ » des marqueurs. Elles appartiennent au
grand récit sur l’Histoire. Elles expriment
MCCULLIN toute la puissance de l’image fixe, en noir et
blanc, prise avec application, face à la caco-
phonie de l’univers médiatique mondialisé-
numérisé. Comme la littérature, elles relè-
vent de ce miracle d’une subjectivité prenant
valeur de témoignage universel.
Quand nous l’avons rencontré trois jours
durant, fin mai, à Batcombe, il revenait du
Moyen-Orient et partait pour Los Angeles, où
l’une des plus importantes galeries d’art con-
temporain du monde, Hauser and Wirth, lui
consacre une exposition. Une rétrospective
est en préparation à Londres, pour fé-
vrier 2019, à la Tate Britain, qui offre, pour la
première fois, ses murs à un reporter de son
vivant. Parmi les 260 photos retenues, toutes
choisies par lui, figurent celles auxquelles il
tient « plus que tout » : son travail de paysa-
giste, ces « natures » anglaises tourmentées,
fixées au petit matin, l’hiver, quand les
champs sont inondés, gelés ou enneigés.
MISÈRE D’UN QUARTIER PROLO
McCullin a appris à vivre avec sa célébrité. Il
n’est pas faussement modeste – d’autres se
sont chargés de lui tirer le portrait. Il sait
l’ampleur de son œuvre. Le succès a été im-
médiat. Il en parle très bien. Il est le meilleur
conteur de sa propre aventure – dans la
presse, à la radio, à la télévision et même
dans un élégant court-métrage publicitaire
réalisé pour la firme de luxe Dunhill. Ce
n’était pas, croit-il, « une vocation » mais, dès
qu’il a commencé à s’imposer dans la presse
illustrée, la photographie est devenue « une
passion ». McCullin lui rend hommage : « Je
ne l’ai pas découverte, la photographie, elle
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MARDI 14 AOÛT 2018
m’a découvert ou, plutôt, elle m’a permis de
me découvrir. » Elle est « ma drogue, et c’est
une drogue puissante qui finit par vous possé-
der corps et âme, elle peut détruire votre fa-
mille » mais, « bon Dieu !, elle m’a sauvé ».
John le Carré rencontre McCullin à la fin
des années 1970. Le grand romancier préface
l’un des plus beaux recueils du déjà grand
photographe, intitulé Images des ténèbres
(Robert Laffont, 1981). « Ce qui me semble
chez un artiste l’évidence même – mais qui ne
l’était pas du tout pour lui –, c’est que son
œuvre est une extériorisation de son identité
fracturée », écrit le Carré.
En l’espèce, l’histoire commence dans la
misère d’un quartier prolo du nord de Lon-
dres, Finsbury Park. Les parents McCullin –
de très lointaine origine irlandaise – et leurs
trois enfants vivent dans un appartement de
deux pièces en sous-sol. C’est un logement
public pour indigents : souffrant de terribles
crises d’asthme, le père travaille de temps à
autre dans une poissonnerie. Don McCullin
a 5 ans quand le Blitz vient ajouter la peur des
alertes et le fracas des bombes à la pauvreté.
Il est dyslexique, nul en classe, mais dessine
bien et peint sur les murs.
A 14 ans, il décroche une bourse pour un
collège d’arts pratiques. Episode dickensien :
la mort de son père, à 40 ans à peine, oblige
Don à abandonner ses études pour tra-
vailler. Petits boulots, puis retour le soir à
Finsbury Park, où il fréquente une des ban-
des les plus violentes du quartier. Les « Gu-
vnors » – c’est le nom du gang – appartien-
nent à la tribu urbaine des Teddy Boys.
« C’était pire que des bagarres, on attaquait
[les autres bandes] au cutter. Certains de mes
copains portaient des cicatrices le long de la
gorge. J’ai vu un gars le nez tranché. » Mais,
attention, on fait tout ça puis, le samedi soir,
on danse le fox-trot et les premiers rocks sur
Bill Haley, « sapé » en Teddy Boy – veste à col
de velours noir ou redingote, fine cravate et
chaussures à semelles compensées.
« C’EST VOUS QUI AVEZ PRIS ÇA, VRAIMENT ? »
Les « Guvnors » auraient pu mener McCullin
en prison, ils vont être la chance de sa vie.
McCullin travaille dans un studio de dessins
animés, où il développe des films. Il a accom-
pli son service militaire au département
photographique de la Royal Air Force. L’ar-
mée l’a jugé inapte à être photographe mili-
taire et l’emploie au tirage de clichés aériens.
Sur une base, il achète d’occasion un Rollei-
cord qu’on plaque sur le ventre pour faire le
point avant de prendre une photo.
Les premières pièces du puzzle s’emboî-
tent. McCullin appartient à ces photogra-
phes qui, sans diplômes ni culture, se font un
nom en se colletant à la vie. Fin 1958, un des
« Guvnors » est impliqué dans une bagarre
qui finit par la mort d’un policier. Ce fait di-
vers passionne la presse. Dans son studio de
dessins animés, McCullin a raconté qu’il
avait déjà pris beaucoup de photos de sa
bande. On lui conseille d’aller les montrer
aux journaux. The Observer, hebdomadaire
dominical, l’un des plus vieux titres de Fleet
Street, pauvre, de gauche, sérieux, indépen-
dant, « intello », demande au jeune homme :
« C’est vous qui avez pris ça, vraiment ? »
Le 15 février 1959, The Observer publie un
des clichés des « Guvnors » qui va devenir
culte, emblématique du travail de McCullin.
Elle montre la bande endimanchée qui pose
aux différents étages d’un immeuble en rui-
nes de Finsbury Park. Il a 23 ans : « Cette photo
va changer ma vie. » Reconnaissant, mais réa-
liste, il ajoute : « Vous pouvez dire que ma vie
dans la photographie a commencé dans la
violence, avec cette image, liée à la mort d’un
policier, et puis, après ça a été comme ça pen-
dant près de soixante ans. » Mais « c’était la
meilleure chose qui m’arrivait » : McCullin
échappe à son destin de petite frappe de
quartier. Il est vite embauché par The Obser-
ver. Il est vite remarqué par tous les jour-
naux. Il est vite primé : meilleure photo de
presse de l’année pour ses images de Berlin
au moment des premières journées de l’édi-

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Le gang des Guvnors photographié par Don McCullin, à Finsbury Park,
à Londres, en 1958. Son premier cliché publié dans « The Observer », le 15 février 1959.
DON MCCULLIN/CONTACT PRESS IMAGES
fication du Mur ; nouveau prix pour sa cou-
verture de la guerre civile à Chypre en 1964 ;
premier d’une série de dix-huit voyages dans
le Vietnam en guerre la même année ; 70 000
visiteurs en 1980 pour sa première exposi-
tion, dans le très chic Victoria and Albert Mu-
seum de Londres ; plusieurs fois élu photo-
graphe de l’année. McCullin a été anobli par
la reine, fait chevalier en 2017, et rigole quand
il reçoit du courrier adressé à Sir Donald…
Rien de tout cela ne vient orner les murs de la
maison de Batcombe, sinon, peut-être, les
toilettes du rez-de-chaussée.
Cet enfant de la guerre a bâti sa légende
dans la guerre. Il a changé de milieu social, il
parcourt le monde entier. Pas si simple.
Quitte-t-on jamais tout à fait Finsbury Park ?
La marque de la violence, celle de la pauvreté
aussi, les épreuves de l’enfance lui collent à la
peau. Elles signent une grande partie de son
travail. Elles donnent à ses photos cette fa-
çon brutale et composée de vous mettre
sous le nez ce qui fait mal : la première ligne
sur un front de guerre, l’envers des beaux
quartiers en ville. McCullin est le photogra-
phe des marges. « Les oubliés, les laissés-
pour-compte, les humiliés, dit-il, je les photo-
graphie bien, parce que je les connais, pas
comme des étrangers, j’ai été à leur place. »
Il aime rire, blaguer, il est de fort bonne
compagnie, il ne manque pas d’humour mais
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il avoue aussi : « Je suis un homme sombre. »
Un puissant désir de revanche sociale – contre
la misère, contre l’injustice de la mort du
père, contre son milieu d’origine, contre la bê-
tise des petits chefs – a nourri la rage de travail
du McCullin des années 1960 et 1970. Le pho-
tographe a la fragilité de ceux qui ne trichent
pas. Il est trop intelligent pour ne pas souffrir
« ON ATTAQUAIT de ce qu’il appelle son « manque d’éduca-
tion » : « A The Observer, je travaillais avec des
[LES AUTRES super-diplômés, des écrivains parmi les plus ré-
BANDES] AU CUTTER. putés de l’époque. Ils m’ont sorti de mon bour-
bier d’ignorance. » Le dur de dur ne s’est ja-
CERTAINS DE MES mais blindé : pas de trace de cynisme chez le
reporter, qui avoue avoir pleuré. Enfin, le Bri-
COPAINS PORTAIENT tannique qui vit aujourd’hui dans la gentry
DES CICATRICES LE éprouvera toujours le sentiment d’avoir
« trahi » Finsbury Park, même s’il s’en félicite.
LONG DE LA GORGE.
LES BEATLES, BACON, ANTONIONI
J’AI VU UN GARS Dressant le portrait de McCullin en 2005,
LE NEZ TRANCHÉ » l’écrivaine britannique Aida Edemariam par-
lait d’une vie de « dislocations » : une carrière
MCCULLIN faite de va-et-vient entre les petites brutes ra-
cistes de Finsbury Park et les collègues culti-
vés des journaux, « entre les zones de guerre et
les cocktails radical-chics de Londres, entre les
sans-logis de banlieue et la vie privée qu’il s’est
construite » (Le Guardian du 5 août 2005).
« Culpabilité, insécurité, indignation », écrit Le
Carré, rassemblant les éléments de cette
« identité fracturée ». The Observer a été le pre-
mier journal à faire confiance à ce jeune
homme taillé en athlète, timide, aussi mal à
l’aise avec lui-même qu’avec le monde. Mais
McCullin ne serait pas devenu ce qu’il est
sans The Sunday Times. Cet autre hebdoma-
daire dominical est un journal de rêve dirigé
à l’époque par un rédacteur en chef de lé-
gende. Venu d’un milieu ouvrier, lui aussi, du
nord de l’Angleterre, du Yorkshire, Harold
Evans est l’homme de presse le plus inventif
de sa génération. A ses côtés siège Michael
Rand, un directeur artistique très sensible à la
photo. Le tandem bouleverse les maquettes :
le journal et son supplément couleur pu-
blient des images pleine page, des portfolios
de dix, douze, quinze photos. Le Sunday Ti-
mes accueille les longs papiers d’écrivains,
d’enquêteurs sans peur, des reporters les plus
talentueux du moment.
Ce gros kilo de papier hebdomadaire,
« c’était la Rolls-Royce du journalisme », se sou-
vient McCullin. Il travaille avec les vedettes de
ce genre si bien renouvelé par les Anglo-
Saxons qu’est le récit de voyage, les Bruce Cha-
twin, Eric Newby, Norman Lewis. Il sillonne le
monde avec eux et certains deviennent des
amis. Evans protège son équipe. On prend six
semaines pour faire un sujet. McCullin est le
photographe star du Sunday Times. Il se ris-
que, une fois, à la photo de mode – on ne l’y re-
| 17
prendra pas. Il fait le portrait du grand V.S. Nai-
paul et celui du peintre Francis Bacon, il pho-
tographie les Beatles. Pour Michelangelo An-
tonioni, « toujours de mauvaise humeur », il
prend toutes les photos qui, sur fond musical
des Yardbirds (avec Eric Clapton), apparaissent
dans le film Blow up (1966).
Ce sont de brèves incursions dans les vire-
voltantes années 1960 londoniennes. Son
champ profond est ailleurs. Il sillonne le Viet-
nam, le Biafra, les guerres libanaises et, de re-
tour à la maison, il s’attache à ceux qui ra-
ment, qui perdent pied, la tribu des men-
diants, des dérangés, des couche-dehors et
des picole-trop, bref les recalés du modèle qui
peuplent son bouleversant livre Homeco-
ming (1979). Puis, comme une manière de dé-
compression et pour chasser ses cauche-
mars, ses « fantômes » de guerre, viennent les
paysages, « ses » paysages : un tour de Médi-
terranée en quête des ruines de l’Empire ro-
main et, plus encore, les charmes des collines
du Somerset. Cette vie de chasseur d’images
tient en 9 000 tirages, photos souvent gra-
vées dans nos mémoires parce que frappées
d’un sceau inimitable : le style McCullin. p
alain frachon
et michel guerrin
Prochain épisode Entre l’obscurité
et la terreur
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18 | 0123
MARDI 14 AOÛT 2018

La jeunesse marocaine drague

sur smartphone
Dans une société tiraillée entre traditions et modernité,
S’AI M ER AU M AGH REB 1 | 6
MA CHANSON l’apparition des réseaux sociaux et des applications de rencontres a bouleversé
D’AMOUR la vie des jeunes. Et a redonné le droit aux femmes de séduire
CHRISTIANE TAUBIRA
« CRY ME A RIVER » casablanca (maroc) - envoyée spéciale

D’ELLA FITZGERALD
A 66 ans, Christiane Taubira est en
retrait de la vie politique. Sous la prési-
dence de François Hollande, elle a
mené la bataille du mariage pour tous
à l’Assemblée nationale en 2012 comme
garde des sceaux. Femme de lettres,
ses discours sont toujours ponctués de
citations littéraires ou philosophiques.
Son dernier ouvrage « Baroque sara-
bande » (Philippe Rey, 173 p., 9,50 euros)
revient sur les livres qui ont compté
pour elle, de son enfance en Guyane,
dont elle fut députée durant dix-neuf
ans, jusqu’à aujourd’hui. Interrogée sur
une chanson qui a marqué sa vie,
Christiane Taubira a écrit ce texte.
Mordre la poussière… Se croire
encore verticale, mettre un pied
devant l’autre, parler haut, chanter
clair, siffler toujours vigoureuse-
ment en pédalant, imputer au pollen
qui vadrouille dans l’air cette boule
dans la gorge et votre voix qui sou-
dain casse au mitan d’une chanson.
Accuser les papillons-cendre
grégaires et désinvoltes de vous
piquer les yeux comme le feraient
des larmes, détraquer le dernier
vers d’un poème qui pourtant vous
a toujours fait cortège…
Voilà que, furtifs, les regards de vos
amies faisant miroir à leur insu vous
révèlent le tassement de vos épaules,
léger mais bien arrondi ; elles n’osent
rien dire de vos robes devenues am-
ples et plus confortables. Ainsi vont
mes embardées amoureuses. « C’est
quand tu es ivre de chagrin que tu n’as
plus du chagrin que le cristal. » René
Char savait aimer. C’est bien à la brû-
lure du chagrin que l’on mesure l’in-
candescence d’un amour.
UN GOUFFRE SCINTILLANT
Je ne pleure pas, je fonds. Je ne fléchis
pas, je fonce, vers des défis, des ur-
gences, des ombres et des ivresses,
je suis bronze de Giacometti, fine et
incurvée, granuleuse, le regard égaré,
pas pour de vrai mais bronze tout de
même, « l’alliage du sang fort
qui gicle quand souffle le vent
des marées saillantes ». C’est ce que
croit Tchicaya U Tam’si.
Le vent déraille et le temps joue à la
vierge folle. Pas de rédemption. Les
souvenirs vous lacèrent en perforant
vos ruses. Le silence, votre refuge.
« Samba Pa Ti ». Santana. Premières
notes, et l’éden s’ouvre comme un
gouffre scintillant aux parois brin-
quebalantes. Pas un mot, version ins-
trumentale. Mais ces amours-là sont
encore trop melliflues. Il y manque la
rugosité de l’impatience. Une impa-
tience qui ne se livre qu’en gestes.
Dans la culture créole, les mots de
tendresse, de passion, de désir sont
trop pudiques, farouches, ils habi-
tent les cavernes, ne remontent ja-
mais jusqu’à la glotte. Parfois un air
s’invite, les paroles restent souterrai-
nes, « Dance me through the panic till
I’m gathered safely in, Dance me to
the end of love… » [Dance Me To the
End of Love, de Leonard Cohen.] Les
mots vacillent mais refusent de naî-
tre. Aimer trop, aimer mal… Et genou
à terre, se croire encore verticale,
« Cry me a river/come on and cry me
a river/Told me love was too ple-
beian/now come on, cry me a ri-
ver »…[Cry Me a River, d’Ella Fitzge-
rald] Un ciel existe et c’est vous qui
en détenez la clé. Je. p
propos recueillis par
astrid de villaines
Prochain épisode Tatiana de Rosnay,
« I’m Not in Love », de 10 CC
F
acebook est le seul endroit
où Nadia [les prénoms ont
été modifiés] a le droit de sor-
tir le soir. Depuis sa minus-
cule chambre sans fenêtre, où le ven-
tilateur tourne à plein régime, elle
s’accorde une bouffée d’oxygène.
Comme un prolongement d’elle-
même, les réseaux sociaux ont révo-
lutionné son univers. Celui d’une
jeune employée de banque qui
traîne depuis vingt-trois ans une vie
banale, étouffée par des traditions
auxquelles seuls ses parents croient
encore. Dans la pièce à côté, ils sont
loin de s’imaginer ce qui se passe
dans la tête de Nadia, sous le voile
multicolore qui couvre ses longs che-
veux châtain foncé. Une soie « de
belle qualité venue d’Arabie saoudite »,
souligne fièrement la jolie Marocaine
aux grands yeux noirs.
Chaque matin, pourtant, sitôt le
seuil de la banque franchi, elle range
son voile dans le tiroir de son bu-
reau. « Il y a un temps pour chaque
chose », dit-elle. Nadia remet son fou-
lard pour rentrer dans l’appartement
de ses parents, dans un quartier po-
pulaire de Casablanca. Sur le chemin
du retour, ce soir de printemps, dans
le bus, sur le boulevard interminable
qu’elle remonte à pied ou en bas de
son immeuble, Nadia va faire de
nombreuses rencontres. « Je ne sais
pas si on peut appeler ça des rencon-
tres, corrige la jeune femme. Des ren-
contres à sens unique peut-être. » Elle
a compté : pas moins de quatre hom-
mes l’ont abordée à coups de « jolie
gazelle », « Alors, tu me passes ton
WhatsApp », « Tu vas où comme ça, on
te voit pas ? ». Sans le voile, elle aurait
certainement doublé son score. Mais
Nadia les a ignorés un par un, tête
baissée. « Dans la rue, ce n’est pas de la
drague, c’est du harcèlement. »
Sur Facebook, en revanche, Nadia
répond quasiment à tous les coups.
« Ici, j’ai le contrôle. » Sur son écran
de smartphone, elle fait défiler avec
son pouce la centaine de messages
anonymes qu’elle a reçus depuis son
inscription en 2012. Etonnants, ces
jeunes gens qui « souhaitent commu-
niquer » sans l’avoir jamais vue. « Les
mecs cherchent des jeunes filles qui
habitent ici pour coucher ou pour
du sérieux. Avec les filtres Facebook,
c’est facile à trouver. Ensuite, ils choi-
sissent en fonction des photos. » Tout
un art. Sur la sienne, Nadia, les che-
veux à découvert, affiche un beau
sourire et un air décontracté. « Tu
parles ! Ça m’a pris des semaines pour
trouver la pose parfaite. »
Après le dîner de famille commence
le rituel. « Ils ne me plaisent pas forcé-
ment, mais j’éprouve du plaisir à dra-
guer pour draguer. » Petits mots doux,
parfois pas très orthodoxes, jamais
vraiment explicites. Dans sa chambre
ou parfois au milieu du salon, défiant
ses frères et ses parents, Nadia flirte
avec le danger, c’est excitant. En ce
moment, elle « sort » avec un certain
LES RÉSEAUX SOCIAUX
SE SONT INFILTRÉS
EN MÊME TEMPS QUE
L’INFLUENCE SALAFISTE
SE PROPAGEAIT
AU MAROC, CREUSANT
UN PEU PLUS LE FOSSÉ
ENTRE CONSERVATEURS
ET RÉFORMISTES
Yassir. Il vit à Tanger, il a promis de
venir la voir d’ici la fin de l’année. Il y a
eu d’autres hommes, plusieurs en
même temps, des histoires d’amour,
des découvertes sexuelles.
Dans ce pays tantôt accroché à ses
éternelles traditions, tantôt rattrapé
par sa modernité, la drague 2.0 a re-
donné leur pouvoir aux femmes. Sur
les réseaux sociaux, les Marocains
peuvent apprendre à se connaître
sans être vus. Et les Marocaines ont
gagné le moyen de séduire « sans
passer pour des putes ». Les termes
crus sortent de la bouche de Fatiha,
sa grande sœur. A 29 ans, elle a déjà
deux enfants et bien sûr que non, elle
n’a pas eu « le luxe de rencontrer son
mari », s’exaspère-t-elle. Il lui a été
présenté par des amis de la famille.
Fatiha n’a pas connu – à temps –
l’ère numérique. Celle de la libération
des mœurs. Certes, virtuelle, décalée
de la réalité, mais une libération
quand même.
L’« HONNEUR DE LA FAMILLE »
« Comme Nadia, je n’avais pas le droit
de sortir avec des mecs. Si on leur
parlait dans la rue, on était sûres que
le soir même, notre mère allait s’en-
fermer avec nous dans la chambre
et chuchoter d’un ton sec que les
filles frivoles font perdre l’honneur de
la famille. » Ici, rien ne se cache.
« Aujourd’hui encore, poursuit Fa-
tiha, des voisins se mettent à leur fenê-
tre pour traquer les tourtereaux et
les dénoncer à leurs parents, parfois
à la police. » Le code pénal marocain
ne laisse pas beaucoup d’espace :
l’article 490 punit d’un mois à un an
les relations sexuelles hors mariage ;
l’article 489, l’homosexualité ; le 491,
l’adultère.
Les réseaux sociaux se sont infil-
trés en même temps que l’influence
salafiste se propageait au Maroc,
creusant un peu plus le fossé entre
conservateurs et réformistes. Dans
un pays où hommes et femmes sont
traditionnellement « chacun d’un
côté », pour ne pas dire séparés, et où
les strates sont cloisonnées, Internet
a fait voler en éclats les barrières
tenaces de l’espace public – plus de
63 % de la population est connectée.
DANS SA CHAMBRE
OU PARFOIS AU MILIEU
DU SALON, DÉFIANT
SES FRÈRES ET
SES PARENTS, NADIA
FLIRTE AVEC LE DANGER,
C’EST EXCITANT
« Dans la rue, les cafés, les restaurants,
les transports, on ne rencontre que des
gens qui viennent du même milieu
que nous. Sur Facebook, il y a des
femmes de ménage comme des chefs
d’entreprise. Ceux qui ne savent pas
lire se débrouillent avec les notes
vocales, il y a de la place pour tout le
monde », explique Nadia.
Depuis quelques années, le phéno-
mène Tinder a conquis les célibatai-
res marocains. En un clic, des centai-
nes de partenaires potentiels géo-
localisés par l’application appa-
raissent. Inutile de braver les
obstacles de la vie réelle et ses lieux
interdits, souvent réservés aux hom-
mes. D’autres sites de rencontre, des
déclinaisons locales de Meetic, ont
fait leur apparition. Les slogans vont
de « Homme cherche femme » à
« Trouve un mari » ou encore « Trouve
un homme riche au Maroc ». Tout le
monde y trouve son compte.
A la différence des pays occi-
dentaux où sont nés ces sites de ren-
contre, « on ne peut pas se retrouver
dans un bar une demi-heure plus
tard », nuance Salim, 32 ans, ingé-
nieur en informatique. Il a rejoint
Narjisse à l’étage d’un café, un ren-
dez-vous classique des couples casa-
blancais. « En haut, on peut se tenir
la main sous la table, se faire un bisou,
cachés. Jamais en terrasse ! » Ils se
sont rencontrés il y a un an lors d’un
week-end de séminaire à Marrakech.
Au début, WhatsApp a aidé pour
maintenir le contact.
Mais ils vivent tous les deux chez
leurs parents. Salim n’a « pas encore
de quoi s’offrir son propre apparte-
ment », les temps sont durs. « Pour
DELPHINE LEBOURGEOIS
une Marocaine, même lorsqu’elle en
a les moyens, c’est très difficile de
quitter le foyer familial avant le ma-
riage », explique Narjisse, 28 ans.
Dans les villes, où les femmes sont
de plus en plus actives, accédant
plus facilement à des postes à res-
ponsabilité, l’âge moyen du mariage
est passé à plus de 26 ans, contre
moins de 20 dans les années 1960.
« Mais les filles célibataires qui habi-
tent seules sont très mal vues par l’en-
semble de la société. »
À L’ABRI DES REGARDS
Il a donc fallu ruser pour s’aimer. « On
se cachait dans les cages d’escalier des
immeubles à la pause déjeuner pour
s’embrasser. Il y avait des préservatifs
usagés par terre, c’était pas très ro-
mantique », confie Salim, les joues
empourprées. A l’arrière d’une voi-
ture, au cinéma, derrière les buissons
ou cachés par les rochers sur la plage,
à l’abri des regards : voisins, gardiens
et indics de la police en tout genre
sont prompts à la dénonciation. « On
a toujours une fausse alliance sur
nous, au cas où, raconte Salim. Il suffit
qu’on soit tous les deux dans la voiture
ou en train de nous promener pour
qu’un flic nous arrête et nous de-
mande ce qu’on fait ensemble. »
Puis vint Airbnb. Alors que les pa-
trons d’hôtels sont tenus d’exiger
l’acte de mariage, la plate-forme a
permis de contourner la loi. « On y va
après le boulot, sans jamais passer la
nuit pour que ses parents ne se dou-
tent de rien. Généralement, c’est le
concierge qui nous accueille. » Un ma-
laise s’installe soudainement. Salim
hésite et finit par dire à voix basse :
« On lui graisse la patte. » Narjisse fait
une grimace. A chaque fois, un senti-
ment de dégoût l’envahit. L’impres-
sion de passer pour une prostituée.
Fatiguée de toujours devoir faire vite,
se cacher, mentir à ses proches.
La crainte aussi que cette relation
n’ira pas là où elle espérait. « Si jamais
nos familles apprenaient qu’on se fré-
quente, ce serait terminé. » p
ghalia kadiri
Prochain épisode Apprendre à faire
l’amour en Algérie
 РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS

0123
MARDI 14 AOÛT 2018 | 19

Edith Cresson,
à son domicile
parisien,
le 13 juillet. RICHARD
DUMAS POUR « LE MONDE »

E
n ce temps-là, Jacques
Chirac se plaignait du
« bruit et des odeurs » des
immigrés, les hémophi-
les mouraient du sida et le juge
antiterroriste Bruguière traquait
le Palestinien Abou Nidal, tandis
que les femmes obtenaient le
droit de travailler la nuit. Nous
étions en 1991, le Parti socialiste
s’apprêtait à perdre les élections
régionales et, pour la première (et
la seule à ce jour) fois sous la
Ve République, le locataire de Ma-
tignon était une locataire : Edith
Cresson. Elle fut notre premier vé-
ritable contact avec la politique.
L’année suivante, elle avait eu
l’idée de tenir un meeting, un soir
de février, à Créteil, en région pa-
risienne. Nous l’avions alors ren-
contrée, prestement. Deux ques-
tions, pas une de plus. Puis nous
l’avions écoutée, voix légère-
ment criarde, lâcher ces quelques
mots, à la tribune, cinglant les
gaullistes du RPR : « Ils disent :
“Avec Le Pen, jamais” ; ils diront
demain : “Nous avec Le Pen, pour-
quoi pas ?…” » Une tirade toujours
d’actualité, vingt-six ans plus
tard, au moment de retrouver
une Edith Cresson exfiltrée des
dans tout Paris, à tel point que les
premières rumeurs fusent. Elle
n’en a cure. Vient le 10 mai 1981 et
sa nomination au ministère de
l’agriculture. D’emblée, le choc est
violent. « La FNSEA [le syndicat
agricole] sort des banderoles, où
est écrit “Edith, on t’espère
meilleure au lit qu’au ministère”.
Et en Normandie, on veut me met-
tre dans une fosse à purin. »
Elle raconte ça d’un ton neutre.
L’habitude. Comme ces soirées à
l’Assemblée nationale, où elle fut
élue en 1981 (mais où elle ne sié-
gera qu’à partir de 1986). « Quand
on allait à la tribune, se souvient-
elle, et que ces messieurs avaient
bien déjeuné, on entendait des, “à
poil !”… » Elle se réjouit, évidem-
ment, que la vague #metoo dé-
ferle sur la France, mais se veut lu-
cide : « Bien sûr que les droits des
femmes progressent, et j’en suis ra-
vie, mais la classe dirigeante reste
empreinte d’une culture machiste.
Je pense que cette misogynie fon-
damentale est propre à la politi-
que française… »
L’INVECTIVE FACILE
Quatre fois ministre, elle plaque
tout en 1990, alors que Michel Ro-

oubliettes de la politique, le
temps d’un entretien.
On la remarque à peine, sil-
houette légèrement voûtée,
La deuxième chance
card est à Matignon. Elle déplore
alors tout haut « l’affaiblissement
de la France » : elle est comme ça,
Edith, elle dit ce qu’elle ressent, et

quand elle quitte chaque jour son
domicile parisien, à bord de sa
voiture avec chauffeur, escortée
de sa sécurité, fournie depuis si
longtemps par l’Etat français.
Nous la retrouvons dans son petit
bureau, près de la station de mé-
tro Bir-Hakeim, dans le 15e arron-
dissement. Simple et souriante,
elle se prête de bonne grâce au jeu
des questions, qu’il convient de
poser bien fort. C’est ainsi, l’ex-
premier ministre a 84 ans… Eh
oui, le temps a passé. D’ailleurs,
on dirait « première » ministre,
maintenant. Elle restera à jamais
la fondatrice d’une lignée, en mal
de successeur(e).
Sur les étagères de son bureau,
quelques rares photos de l’époque
dorée, et c’est tout, comme si elle
avait voulu reléguer ce passé bien
loin de ses souvenirs. Car l’his-
toire contée par Edith Cresson fait
peine à revisiter, même si elle a su
rebondir, à sa façon. Aujourd’hui,
elle forme des jeunes « décro-
cheurs » par milliers, sortis de ses
126 sites de la « 2e chance », et c’est
sa grande œuvre. Elle aimerait
tant ne parler que de ça, l’ancien
temps l’ennuie – à moins qu’il ne
la meurtrisse.
Il faut pourtant y revenir, à ces
années douloureuses, tant elles
expliquent ce présent salvateur.
Un mari, deux enfants, des études
à HEC, et un grand homme, ren-
contré dès 1969 : François Mit-
terrand. Le futur président la re-
marque, la bombarde secrétaire
nationale du PS en 1974. Elle se
met à son service, le véhicule
« MOI, JE N’AI JAMAIS
ACCORDÉ D’IMPORTANCE
À L’APPARENCE.
LES HOMMES ONT BESOIN
DE ÇA, MOI NON. ET TOUS
LES JOURS, JE SUIS
AU BUREAU, AU TRAVAIL »
ÉDITH CRESSON
c’est tranchant, sans ambages. Du
reste, c’est probablement ce qui a
tant plu à Mitterrand. Elle n’est
d’aucun sérail, refuse les cou-
rants, méprise ouvertement les
uns et les autres. Une Ségolène
Royal avant l’heure, peut-être.
En 1983, en quittant le ministère
de l’agriculture, elle lâchera, tren-
te-quatre ans avant l’ouragan
Weinstein : « Finalement, j’étais
bien à l’agriculture, puisque j’avais
affaire à des porcs ! »
Son exil ne dure pas bien long-
temps. Un jour, Mitterrand la fait
venir à l’Elysée, par la grille du
Coq, l’entrée des visites discrètes.
« Il me dit : “J’ai pensé à vous pour
succéder à Rocard”, se rappelle-t-
elle. Je lui réponds : “Ils vont être
fous furieux.” Je refuse, d’abord. »
Elle se ravise rapidement. On ne
dit pas non à Mitterrand. Et puis,
Matignon a beau être un enfer, ça
ne se refuse pas. Elle est introni-
sée le 15 mai 1991.
Pour Mitterrand, le coup politi-
que est fameux ; une femme à Ma-
tignon, pensez-vous… Le coût per-
sonnel, en revanche, c’est Edith
Cresson qui va l’assumer, à un
prix exorbitant. A peine nommée,
les amabilités tombent. Le député
François d’Aubert la traite de
« Pompadour », « Le Bébête Show »
– « Les Guignols » de l’époque – la
brocardent en panthère « Ama-
botte », lovée à Mitterrand. Jusqu’à
Claude Sarraute qui, dans sa chro-
nique du Monde, hésite à son pro-
pos entre une « femelle en cha-
leur » et un « charretier en fureur ».
Vous en voulez d’autres ? Michel
Charasse, alors ministre délégué
au budget : « C’est une folle. » Jean-
Paul Huchon, un proche de
Rocard, la surnomme « Calamity
Jane ». Bon, il faut admettre
qu’Edith Cresson y met du sien,
aussi ! Elle traite les Japonais de
« fourmis jaunes », la Bourse, elle
« n’en a rien à cirer », elle trimballe
un conseiller omniprésent, refuse
les 35 heures, délocalise l’ENA à
Strasbourg… Bref, elle multiplie
les embardées et bouscule le mi-
crocosme, ce cénacle de notables
socialistes qu’elle n’a pas su dé-
d’Edith Cresson
Elle a connu l’« enfer » de Matignon
DE L A LUM I ÈRE À L’O M B RE 1 | 6
et a subi les violentes amabilités des hommes politiques.
« La Pompadour » et son franc-parler ont marqué la fin du règne
de Mitterrand. Aujourd’hui, elle poursuit sa grande œuvre :
développer l’apprentissage dans ses 126 écoles de la « 2e chance »
boulonner, Mitterrand lui ayant mois d’exercice, elle est débar- Elle a conservé des amitiés de De toute façon, aujourd’hui, elle
interdit de toucher aux « élé- quée par son mentor, vexé l’époque, quelques personnalités est très éloignée du terrain politi-
phants », les Jospin, Fabius, et d’avoir commis une erreur de influentes qui l’avaient aidée, que. Elle concentre ses efforts sur
autres Bérégovoy. Bérégovoy, cet casting qui ne lui ressemble pas. comme Pierre Joxe ou Jean-Pierre ses passions de toujours, notam-
ennemi juré qu’elle surnomme Mitterrand lui dégotte une place Chevènement. Elle garde aussi ment l’apprentissage, via ses éco-
« l’enflure de Bercy ». à la Commission européenne. son respect pour Dominique les de la deuxième chance, qu’elle
Elle a l’invective facile, Edith, la Membre de la commission San- Strauss-Kahn : « Je voulais le met- avait lancées depuis son poste de
parole libre. Dans cet univers cor- ter, elle trouvera le moyen, à tre au ministère de l’économie, re- commissaire européenne. Même
seté, elle détonne. Et détone. Bruxelles, dans cette sinécure lève-t-elle, mais Mitterrand a re- la Cour des comptes, récemment,
Même si son premier coup d’éclat politique, de se faire des enne- fusé. C’est un type brillant, il com- les a jugées utiles, fait-elle obser-
tourne au pétard mouillé : son mis et des ennuis, encore. Pour prend l’économie, il aurait fait un ver fièrement. Elle milite aussi,
discours de politique générale est avoir fourni un emploi supposé bon président. Mais je ne connais- depuis son passage à Matignon,
un échec total, les députés l’écou- fictif au sein de son cabinet à un sais pas ses penchants… » pour le développement de l’intel-
tent, goguenards, les pieds sur les ami, dentiste à Châtellerault, elle ligence économique… « Ce qui
pupitres. Sa voix passe mal, son est suspectée de népotisme. In- DANS SON RÔLE DÉSORMAIS compte, c’est ce qu’on fait », lâche-
discours, jugé par Mitterrand culpée pour corruption par la Mais son nouveau grand homme, t-elle en guise de conclusion.
« long et ennuyeux », est lénifiant. justice belge, elle bénéficie fina- c’est Emmanuel Macron. Bien Elle nous rattrape, sur le pas de la
« J’ai revu mon discours, confie-t- lement d’un non-lieu. En revan- qu’elle paye toujours sa cotisation porte, pour nous donner quelques
elle aujourd’hui. L’acoustique de che, elle est condamnée le à la section socialiste de Châtelle- brochures vantant ses réussites en
l’Assemblée n’était pas faite pour 11 juillet 2006 par la Cour de jus- rault (Vienne), dont elle fut long- matière de formation des jeunes.
ma voix. Mais globalement, Mati- tice de l’Union européenne, qui temps maire : « Voter Benoît Ha- Elle semble à sa place, dans son
gnon, cela a été l’enfer, j’avais sous- la dispense toutefois de toute mon, c’était vraiment impossible. rôle, enfin, et se fend d’un sourire
estimé la violence de mon propre sanction pécuniaire. J’ai choisi Macron au premier et au figé : « Je vis très bien le retrait, vous
camp qui s’est déchaînée envers Aujourd’hui, elle balaie l’épi- second tour. J’essaie d’avoir du bon savez. Moi, je n’ai jamais accordé
moi. » Elle en conserve des blessu- sode, tant il l’a profondément sens. » Elle assiste, à peine dépitée, d’importance à l’apparence. Les
res, et des regrets. Car à examiner blessée : « J’avais recruté cet à l’effacement progressif du PS : hommes ont besoin de ça, moi non.
son bilan, elle avait anticipé bien homme avec l’autorisation de la « C’est une lente dégradation, on ar- Et tous les jours, je suis au bureau,
des choses. « Je voulais relancer Commission, plaide-t-elle encore, rive au bout d’un processus. Mais je au travail. Car je n’ai pas fait à Mati-
l’apprentissage, on m’en a empê- je ne savais pas qu’il fallait le CV trouve cela plutôt pas mal que tout gnon le dixième de ce que je voulais
chée, assure-t-elle. En France, il y a d’un chercheur de haut niveau. » le paysage politique ait explosé. Et faire. » Ils disent tous ça, les an-
une pesanteur et une agressivité
extraordinaires. Evidemment, si
Quoi qu’il en soit, à l’orée des an-
nées 2000, elle disparaît pour de
puis, la démarche globale est
bonne : Macron, les réformes, il les
ciens premiers ministres. Mais le-
quel a autant souffert que l’éphé-
on ne fait rien, il n’y a pas de blo- bon du paysage. Dans l’imaginaire fait ! » Elle aimait bien Manuel mère Edith Cresson ? p
cage. Le problème, c’est que si Mit- populaire, son nom est, au mieux, Valls ou encore Bernard Caze- gérard davet
terrand me soutenait, il ne s’inté- synonyme de gâchis, au pire, de neuve, mais pour elle, le PS souffre et fabrice lhomme
ressait pas à l’économie… »
L’expérience vire au fiasco. Dès
catastrophe politique. « Même si
les gens sont bienveillants, dans la
de son évanescence : « Un parti
sans ligne, c’est comme n’importe Prochain épisode
le 2 avril 1992, après à peine dix rue », relativise-t-elle. quelle structure, il s’effondre. » Luc Montagnier

20 |
Selon l’écrivain américain David Rieff,
C ’ÉTAI T M I EUX AVANT ? 2 | 6
l’amélioration supposée de la condition humaine ne
se résume pas à des données statistiques, mais le déclinisme
se complaît inutilement dans le regret du monde d’hier
Optimistes et pessimistes sont engagés
dans un dialogue de sourds
¶ politiques, qu’un pessimisme assez gratuit
David Rieff est né en 1952
aux Etats-Unis. Ecrivain et
analyste politique, grand
reporter, auteur de plu-
sieurs ouvrages traitant des
enjeux humanitaires, il a
notamment couvert, dans
les années 1990, les conflits
des Balkans pour le « New
York Times », le « Los Ange-
les Times » et « The New
Republic ». Le livre qu’il a
consacré aux derniers jours
de sa mère, Susan Sontag
(« Mort d’une inconsolée »,
éd. Climats, 2008), a été
salué par la critique.
Il a récemment publié
« Eloge de l’oubli. La mé-
moire collective et ses piè-
ges » (éd. Premier parallèle,
222 pages, 18 euros)
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
Par DAVID RIEFF
L es Etats-Unis sont un pays où, au
moins encore récemment, la convic-
tion que le présent serait meilleur
que le passé et l’avenir meilleur que le pré-
sent était un prérequis idéologique et émo-
tionnel conditionnant la pleine apparte-
nance à la nation. Le sentiment partagé par
nombre de Français, de diverses sensibilités
imprégnerait le discours des élites et l’in-
conscient populaire de leur pays semble
donc quelque peu étrange à un Américain.
Aux Etats-Unis, Steven Pinker, un cher-
cheur en psychologie sociale enseignant à
Harvard et faiseur d’opinion, a récemment
publié un ouvrage intitulé Enlightenment
Now [à paraître en novembre aux éditions
Les Arènes sous le titre “Le Triomphe des lu-
mières”]. Il y affirme que nous, êtres hu-
mains, ne nous sommes jamais aussi bien
portés, ainsi qu’en témoigneraient des critè-
res mesurables comme le nombre de guer-
res en cours ou l’état de la santé publique.
Bill Gates ayant présenté ce livre comme
« son préféré, le meilleur qu’il ait jamais lu », il
est culotté de la part de Pinker d’affirmer
que sa vision du monde n’est en rien celle
de l’élite américaine, particulièrement dans
ses variantes « Wall Street » et « Silicon Val-
ley ». Mais, en France, où l’on a toujours bien
plus prêté attention aux pessimistes et où
diverses versions du déclinisme demeurent
tout à fait influentes, des auteurs comme
Lucien Jerphagnon et Michel Serres ont cer-
tainement eu de bonnes raisons de se sentir
fort isolés dans leur optimisme invétéré.
A l’évidence, ni le fait d’être l’intellectuel
de référence du philanthrope le plus riche
de l’histoire de l’humanité ni celui d’avoir
grandi en France dans un environnement
intellectuel où, comme l’écrit Jerphagnon,
on est « tôt vacciné contre l’optimisme chro-
nique », n’est gage de véracité. Et lorsqu’on
se penche sur les arguments échangés par
nos docteurs Pangloss les plus en vue, dont
Serres et Pinker, et par nos cassandres du
jour, au nombre desquelles on peut comp-
ter le philosophe britannique John Gray ou
l’environnementaliste américain Bill Mc-
Kibben (ou encore, de fait, l’auteur de ces li-
gnes), il semble évident que, dans leur
grande majorité, les optimistes et les pessi-
mistes se sont pour l’essentiel engagés dans
un dialogue de sourds. Les premiers ras-
semblent quantité de statistiques censées
démontrer que non seulement les choses
n’ont pas empiré mais qu’au contraire elles
se révèlent très manifestement meilleures à
(presque) tous égards. « Si vous êtes lucide,
écrit Serres, vous allez vous apercevoir que le
moment que nous vivons n’a pas de compa-
raison dans l’Histoire. »
PROFESSION DE FOI
Certaines des statistiques qu’utilisent les
optimistes pour mieux étayer leur propos
sont soit plus que douteuses soit condam-
nées à une péremption rapide. L’explosion
du nombre de migrants et de populations
déplacées est un événement historique
mondial, et tragique pour les personnes
concernées – et non la simple itération,
d’une moindre gravité, d’un processus his-
torique qui se serait montré bien pire dans
le passé. Autre exemple, le nombre des théâ-
tres de guerre croît à nouveau, après avoir
longtemps continûment baissé.
Bien sûr, Serres répondra à cela que même
le pire de ces conflits – en Syrie, au Yémen –
ferait pâle figure comparé aux deux guerres
mondiales du siècle précédent. Et il aura rai-
son sur ce point. Très discutable est en re-
vanche sa manière de soutenir qu’un tel re-
flux des instincts meurtriers est inélucta-
ble, et que le nationalisme xénophobe qui a
donné de la voix lors des victoires de Trump
et du Brexit n’a aucune chance de s’imposer
sur le temps long. Aucune base empirique
n’est susceptible d’étayer de telles affirma-
tions. Nul besoin de croire que tout était
mieux auparavant, ni même que les choses
sont meilleures aujourd’hui, pour mettre
en doute la conviction des optimistes que
tout n’ira que pour le mieux à l’avenir. Nous
n’avons pas là un exposé factuel mais une
profession de foi.
L’optimisme est ainsi. Comme l’écrivit le
psychanalyste Erich Fromm, « l’optimisme
est une forme aliénée de la foi ». Non que
Fromm ménageât les pessimistes. Le pessi-
misme était, pensait-il, « une forme aliénée
du désespoir ». Ses analyses s’appliquent à
coup sûr autant à la nostalgie qu’au pessi-
misme. Les électeurs de Trump, qui éprou-
vent la nostalgie d’une hégémonie mascu-
line blanche incontestée et de rôles genrés
fixés une fois pour toutes, sont dans le
même temps nostalgiques de ce monde-là
et désespérés de l’avoir vu disparaître. Et il
est permis d’en dire autant de ces Britanni-
ques qui ont voté pour le Brexit. Pour ces
gens, dont beaucoup sont évidemment des
femmes, les choses allaient sans conteste
bien mieux avant. Les « progressistes » s’en
offusqueront peut-être, mais tant pis : cette
vision des choses ne se résume pas, me
semble-t-il, à une simple ignorance du pro-
grès, comme le plaiderait un Serres ou un
Jerphagnon. Nous avons là un désir de sécu-
rité culturelle, même si cette expression
peine à saisir pleinement ce dont il est ques-
tion. Mais, bien sûr, un tel sentiment ne
saurait être quantifié. Et c’est là une des fai-
blesses principales de ceux qui, à l’instar de
Pinker et de Serres, croient avoir discrédité
les tenants du « C’était mieux avant ».
Comme l’a avancé le professeur de droit
Samuel Moyn dans une recension dévasta-
trice d’Enlightenment Now pour The New
Republic, « un monceau de données ne fait
pas une philosophie de l’histoire ».
L’OBSESSION DE LA COMMÉMORATION
Pointer cela, ce n’est en rien affirmer que
tout allait réellement bien mieux aupara-
vant. Laissons de côté les grandes réalisa-
tions de la modernité – pour n’en citer que
trois : l’abolition de l’esclavage dans la plu-
part des régions du monde (hélas, pas tou-
tes), l’émancipation partielle des femmes et
le déclin de la violence à l’encontre des en-
fants. Intéressons-nous plutôt au quoti-
dien : toute personne allongée sur le fau-
teuil d’un dentiste peut-elle sérieusement
prétendre que tout allait bien mieux aupa-
ravant ? La réponse est dans la question. Et le
passé n’est pas un menu permettant de
choisir entrée, plat et dessert. Supposons,
au nom de l’échange de vues, que la dispari-
tion de la communauté, de la vie de quartier
est tout simplement une perte immense. Il
semble pourtant bien périlleux de déplorer
son déclin, car caresser l’idée que l’on pour-
rait bénéficier de ce tissu communautaire
sans avoir avec le patriarcat qui lui a permis
de prospérer est un non-sens complet. Pour
citer le romancier anglais L. P. Hartley, « le
passé est un pays étranger ; les choses se font
différemment là-bas ».
En réalité, le « C’était mieux avant », loin
de porter sur le passé, porte sur le présent,
exactement comme le devoir de mémoire,
0123
MARDI 14 AOÛT 2018
LE TEMPS EST
PEUT-ÊTRE VENU
POUR LES DEUX CAMPS
D’ABANDONNER
LES POSTURES POUR
DÉBATTRE NON DU PASSÉ
NI DU PRÉSENT
MAIS DE L’AVENIR
l’obsession de la commémoration, qui ren-
dent un bien mauvais service au passé en
tant que passé – dans toute sa différence. On
sélectionne ici ces événements qui permet-
tront d’étayer les déclarations que l’on en-
tend faire au sujet du présent, tout en igno-
rant royalement ceux qui n’ont que peu de
rapport, ou aucun, avec les enjeux de l’épo-
que. Il en va ainsi de la remémoration, prati-
quée de la même manière à n’importe quel
endroit de l’échiquier politique : seuls chan-
geront les événements à célébrer ou à pleu-
rer (et, du moins faut-il l’espérer, à expier).
Ceux qui débattent de la question de sa-
voir si « c’était mieux avant » se conforment
à la même logique. Et, de ce point de vue, en
dépit de ses déficiences manifestes – le
déterminisme historique, la conviction que
le progrès technique et scientifique con-
duira au progrès social et moral –, le récit
progressiste des optimistes est plus cohé-
rent et, dans une large mesure, plus exact.
Etrangement, les manières de commémo-
rer qui dominent aujourd’hui, et qui s’effor-
cent de rappeler les horreurs du passé, de-
vraient contribuer à démonétiser le « C’était
mieux avant ». Si le passé, c’est l’esclava-
gisme, le colonialisme, l’assujettissement
des femmes et la répression des minorités
sexuelles, alors, il est certain qu’il n’y a rien
en lui dont il faudrait être nostalgique.
PLUS DE PASSÉ DERRIÈRE EUX
Qu’il en aille autrement dans bien des cas,
on peut au moins en partie l’attribuer aux
enjeux psychologiques qui sont à l’œuvre.
Si tant de gens âgés sont enclins à penser
que « c’était mieux avant », c’est tout simple-
ment parce qu’ils ont plus de passé derrière
eux que d’avenir devant eux. Il est vrai qu’il
faudrait tenir du héros moral pour réussir à
évacuer une telle pensée. Et comme l’ont
montré les victoires de Trump et du Brexit,
les angoisses civilisationnelles témoignent
d’une même dynamique.
Quant aux jeunes gens, si nombre d’entre
eux adhèrent au « C’était mieux avant », cela
a à voir avec un phénomène qu’un cynique
pourrait désigner sous le nom d’« ingrati-
tude hormonale ». Sermonner les jeunes,
leur rebattre les oreilles avec les horreurs du
passé s’est toujours révélé pour l’essentiel
parfaitement inefficace, jusqu’à l’absurdité.
Un tel constat vaut pour la génération qui a
fait la révolution à Cuba, et dont les mem-
bres se sentent obligés d’édifier la jeunesse
en lui rappelant les atrocités du régime pré-
cédent ; et il vaut pour un Michel Serres ré-
pétant à satiété à quel point le conflit syrien,
si terrible soit-il, fait pâle figure comparé
aux crimes d’Hitler, Staline ou Mao. Bien
sûr, ce propos est absolument juste. Mais,
en termes de compréhension de l’humain,
il se révèle largement non pertinent, quand
bien même nous souhaiterions le contraire.
Etait-ce mieux avant ? La question elle-
même invite à en soulever de nombreuses
autres, si nombreuses d’ailleurs que le
temps est peut-être venu pour les deux
camps d’abandonner des postures qui ren-
dent les débats actuels trop souvent atrabi-
laires ou complaisants, pour débattre non
du passé ni du présent mais de l’avenir. Pour
en débattre mais surtout pour agir en son
nom. On peut espérer à bon droit que Serres
et Pinker soient dans le vrai. Mais même
s’ils concédaient qu’un changement clima-
tique plus spectaculaire encore que prévu
aurait des répercussions dramatiques
comme la multiplication des guerres, le
probable retour de la famine (dont l’aboli-
tion presque totale est l’une des plus gran-
des réalisations de l’histoire humaine), des
pandémies et des vagues migratoires en
comparaison desquelles les flux actuels ap-
paraîtraient insignifiants, l’avenir sera à
vrai dire, de toute façon, lugubre. Lorsque
nous y serons, un peu de nostalgie sera
même très possiblement le bienvenu. Dans
L’Introuvable, un roman policier de Dashiell
Hammett devenu un classique, Nick et Nora
Charles soignent à un moment leur gueule
de bois autour d’un déjeuner. C’est alors que
Nora lance à Nick : « C’était le bon vieux
temps. » Ce à quoi Nick réplique : « Non, le
bon vieux temps c’est maintenant. » p
Traduit de l’anglais par Frédéric Joly
Prochain épisode Camille Cottin
 РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS

0123
MARDI 14 AOÛT 2018 débats & analyses | 21
Il faut agir vite pour MONSANTO,
UN JUGEMENT
ne pas laisser SALUTAIRE
santo Papers » et leurs lourds aveux, qui ont
emporté la décision des jurés. Oui, disent les
jurés dans leur jugement, le produit phare de
réactions. A peu près toutes hostiles au géant
agrochimique, la palme de la virulence reve-
nant au ministre français de la transition éco-

Oleg Sentsov mourir Monsanto est dangereux. Et oui, ajoutent-ils,

le géant de l’agrochimie connaissait les ris-
ques, « à la lumière des connaissances scienti-
fiques disponibles ». Le groupe allemand
Un collectif de personnalités, parmi lesquelles Bayer, propriétaire de la firme américaine de-
la ministre de la culture, Françoise Nyssen, puis le 7 juin – acquise pour 63 milliards de
dollars – conteste avec vigueur la décision.
Jean-Luc Godard et Ken Loach, lance dans « Le glyphosate est sûr et non cancérogène », a-
« Le Monde » un appel à la libération du cinéaste t-elle répété.
La firme a bien entendu annoncé son inten-
ukrainien, détenu en Russie depuis quatre ans tion de faire appel. Mais des milliers d’autres
plaignants poursuivent le géant agrochimi-
logique et solidaire, Nicolas Hulot, qui a qua-
lifié la société d’« ignoble » dans un entretien
à Libération et a appelé à mener la « guerre
contre les pesticides »…
La force de ces propos est un cache-misère,
qui signale surtout l’impuissance des pou-
voirs publics sur ce dossier. Le glyphosate
n’est pas le pire des poisons, comme on l’af-
firme souvent, et de nombreux autres pestici-
des sont bien plus problématiques. Mais il est
le plus utilisé au monde, il est omniprésent et
est devenu, en deux décennies, la pierre angu-

Collectif liberté d’expression ? Son seul

« crime » ne serait-il pas de pou-
L a justice est passée. Vendredi 10 août, à
San Francisco, Monsanto a perdu son
procès devant un tribunal de l’Etat de
Californie. La firme américaine a été condam-
que. Un autre procès, devant une juridiction
fédérale celui-ci, rassemble plus de 350 plai-
gnants et le juge chargé de l’affaire a donné
son feu vert aux poursuites, le 10 juillet, esti-
laire d’une agriculture productiviste qui de-
meure – malgré des dégâts toujours plus visi-
bles et toujours mieux documentés – large-
ment intouchable. La puissance de ses lobbys

A rtisans de l’image et de
l’imaginaire, les cinéas-
tes nous émeuvent et
nous émerveillent, capturent no-
tre époque et nous captivent. Par
voir exprimer son engagement
politique à travers son art ?
Enfermé au nord de la Sibérie
dans des conditions effroyables
et inhumaines, il aurait perdu
née à verser près de 290 millions de dollars
(254 millions d’euros) d’indemnités à
Dewayne « Lee » Johnson, un jardinier atteint
d’un cancer qu’il attribue au glyphosate, la
substance active du Roundup, l’herbicide le
mant que les experts entendus avaient fourni
des éléments de preuve suffisants « pour
qu’un jury raisonnable puisse conclure que le
glyphosate peut causer un lymphome non
hodgkinien à des doses d’exposition rencon-
mine la confiance et abîme la démocratie.
Bien sûr, Emmanuel Macron en personne a
annoncé que la France se passerait de l’herbi-
cide en 2021 « dans ses principaux usages »…
Mais, sans préjuger de la volonté présiden-
leurs œuvres, ils partagent leurs près de 30 kg depuis le début de sa plus vendu au monde. Ce jugement, le pre- trées chez les humains ». En Europe et en tielle, il faudra juger sur pièces, d’autant que
regards et éveillent les nôtres. Ils grève de la faim, il y a maintenant mier à associer exposition au glyphosate et France, où deux actions sont en cours contre l’engagement n’a pas été inscrit dans la loi.
font entendre leurs voix – des près de trois mois. Alors que son cancer, est historique. Il pèsera à l’évidence la firme, le jugement californien pourrait Souvenons-nous du Grenelle de l’environne-
voix parfois dissidentes : partout état de santé semble se dégrader sur la prochaine réévaluation de la substance faire des émules et mettre plus encore le gly- ment. C’était il y a dix ans. Une réduction de
dans le monde, elles constituent dangereusement de jour en jour, en Europe, prévue pour 2022. phosate en difficulté. 50 % du recours aux pesticides avait été pro-
des contre-pouvoirs essentiels, il faut agir. Et il faut agir vite. Les tribunaux ne disent certes pas la A la différence des Etats-Unis, où l’affaire mise en une décennie. Une décennie a passé :
construisent de nouvelles pen- science, mais en l’espèce ce sont les docu- n’a guère mobilisé les médias, elle a suscité l’usage des phytos n’a pas chuté. Il a crû de
sées. La diversité d’opinions, les LA LIBERTÉ DE CRÉATION ments internes de la firme, les fameux « Mon- sur le Vieux Continent une avalanche de plus de 20 %. p
débats, désaccords et discussions Ne pas agir, ce serait laisser Oleg
qu’alimentent les artistes sont Sentsov mourir. Ce serait renon-
une chance pour la démocratie, cer à nos valeurs et à nos princi-
pour la liberté, pour le progrès. pes, renoncer à ce que nous dé-
Parce que l’art ne connaît pas de fendons et à ce que nous som-
frontières, parce que l’art est uni-
versel, les droits de ceux qui le
font vivre devraient l’être égale-
mes. Ce serait tolérer qu’on peut
être tué pour ses idées, ses opi-
nions, ses prises de position. Le
La guerre russo-géorgienne,
ment. La liberté d’expression et la
liberté de création ne sauraient
s’arrêter là où commence la dissi-
traitement dont il est l’objet est
une atteinte à la liberté de pensée
et à la liberté de création.
ou comment Poutine a testé l’Occident
dence. Pourtant, aujourd’hui, un Nous ne pouvons l’accepter. Il
cinéaste se meurt parce qu’il est devient urgent et nécessaire pour conclusions de cette mission apparais-
dissident. Menacé à cause de ses la Russie de trouver une solution
En août 2008, cette guerre de quelques jours n’avait sent trop politiquement correctes et res-
idées, comme Vassili Grossman, non seulement humanitaire mais pas semblé d’une importance capitale. semblent à une volonté politique de li-
Soljenitsyne et bien d’autres sous aussi politique à cette situation. miter, à l’époque, l’implication occiden-
le régime communiste. Non seulement la France – le pré-
Pourtant, estime Thorniké Gordadzé, ancien ministre tale. L’UE, tout en condamnant le non-
Oleg Sentsov est détenu en Rus- sident Emmanuel Macron a émis géorgien, elle a donné à Vladimir Poutine la certitude respect de l’intégrité territoriale de la
sie depuis plus de quatre ans. Sa plusieurs propositions auxquelles Géorgie par la Russie, a refusé obstiné-
condamnation à vingt ans de ré- le président Poutine s’est engagé à
qu’il pouvait agir brutalement ment d’utiliser dans ses documents offi-
clusion par un tribunal militaire répondre –, mais l’ensemble de la ciels les termes d’« occupation » et de
russe, au terme d’un procès qui communauté internationale, de « nettoyage ethnique », afin de ne pas
n’a manifestement pas respecté l’Union européenne à l’ONU, doit Par THORNIKÉ GORDADZÉ En effet, plus qu’une victoire militaire brusquer son grand voisin.
les droits de la défense, est une se mobiliser pour Oleg Sentsov et brillante (la Russie a perdu un nombre Moscou a tiré plusieurs enseignements
violation du droit international pour obtenir des réponses. non négligeable d’aéronefs militaires et de cette crise, qui lui ont servi à mettre en
et des normes fondamentales de
la justice. Son seul « tort » réel ne
serait-il pas d’avoir manifesté sa
Les artistes du monde entier sa-
vent pertinemment que le prési-
dent russe a le pouvoir d’arrêter
cette tragédie humaine et démo-
cratique. Partout dans le monde ;
D ix années se sont écoulées de-
puis la guerre russo-géorgienne,
dont la phase active s’est dérou-
lée du 7 au 12 août 2008. Cette petite
guerre, qui a eu lieu aux confins du conti-
de soldats en cinq jours de combats face à
un adversaire infiniment moins puis-
sant), cela a été pour le régime russe une
victoire politique. Sur le plan interne, la
popularité de Poutine a atteint des som-
œuvre sa stratégie en Ukraine, en Syrie et
plus globalement vis-à-vis de l’Ouest.
Poutine a compris que sa popularité in-
terne et la stabilité de son régime étaient
liées à la conduite de la guerre, et que les
dans le monde du cinéma, de la nent européen, se révèle capitale pour mets, tandis que la communauté inter- difficultés économiques ou sociales pou-
SON SEUL « CRIME » culture mais bien au-delà, une comprendre l’évolution de la politique nationale, malgré ses bonnes paroles et vaient être balayées d’un revers de la
mobilisation internationale doit de Vladimir Poutine et les interventions ses condamnations effarouchées, a fini main en mettant en avant le mythe de la
NE SERAIT-IL PAS DE se faire entendre pour défendre militaires russes postérieures, aussi bien par intérioriser les nouvelles règles du patrie assiégée d’ennemis. La Russie a re-
ce cinéaste. Au nom de la liberté en Ukraine qu’en Syrie. De plus, cette jeu. Ainsi, la Russie a obtenu un veto de doublé d’efforts pour moderniser et
POUVOIR EXPRIMER SON artistique et de la liberté d’ex- guerre a parachevé la formation de la vi- facto et tacite sur l’élargissement de améliorer son outil militaire en accrois-
ENGAGEMENT POLITIQUE pression, nous appelons de nou- sion poutinienne des relations interna- l’OTAN dans l’espace postsoviétique. sant singulièrement des dépenses dans
veau à la libération immédiate tionales. Elle a donné au chef du Kremlin Non seulement aucune sanction n’a ce domaine, elle a senti la force sans pré-
À TRAVERS SON ART ? d’Oleg Sentsov. p l’ultime conviction de la faiblesse et de la été introduite à l’encontre de l’agres- cédent de l’outil de la propagande, moins
décadence de l’Occident et l’a conforté seur, mais Moscou a été au contraire pour convaincre le monde de la justesse
dans l’idée que l’usage de la force au mé- « récompensé » par l’offre de dialogue de et de l’exactitude de sa position que pour
¶ pris du droit international serait tou- la part des Américains et des Européens créer une atmosphère rendant la vérité
La Société des auteurs et compositeurs dramatiques, jours profitable en dernier ressort. à partir d’une page blanche : quelques indiscernable du mensonge.
la Société civile des auteurs multimédia, la Société civile L’invasion de la Géorgie a succédé à mois à peine après le conflit, les uns ont Le maître du Kremlin a compris que le
des auteurs-réalisateurs-producteurs, la Société des quinze années de soutien militaire, fi- lancé le « reset », les autres le « partena- prix à payer, sur le plan international, de
réalisateurs de films, l’Association des réalisateurs et réali- nancier et politique aux sécessionnistes riat pour modernisation ». ses actions unilatérales et de ses viola-
satrices francophones (Belgique), le Théâtre du Soleil abkhazes et sud-ossètes par Moscou, à la tions majeures du droit international ne
distribution massive de passeports rus- LA LOI DE LA JUNGLE pesait pas lourd face aux bénéfices en-
Premiers signataires : ses dans les deux provinces et à la prise Afin de masquer son inaptitude à faire grangés et face à la validation, de facto,
Jean-Pierre Améris, Antonin Arnold (Haïti), Yvan Attal, en charge totale et « hybride » des forces empêcher la première modification, par de ses ambitions géopolitiques. Poutine
Jacques Audiard, Christophe Barratier, Nicolas Bary, Lucas armées séparatistes. Elle est la première la force des armes, de frontières interna- a définitivement acquis la certitude que
Belvaux(Belgique), Julie Bertuccelli, Dominique Cabrera, Lau- intervention militaire de la Fédération tionalement reconnues d’un Etat euro- les relations internationales étaient
rent Cantet, Christian Carion, Camille de Casabianca, Olivier russe à l’extérieur de ses frontières. Si on péen depuis 1945, la communauté inter- semblables à la loi de la jungle, où le plus
Casas, Chad Chenouga, Laurent Chevallier, Malik Chibane, étend l’horizon temporel à l’époque so- nationale s’est laissé bercer et partielle- puissant et le plus audacieux finit par
Jean-Paul Civeyrac, Clément Cogitore, Jean-Louis Comolli, viétique, elle est la première depuis l’in- ment convaincre par les tactiques en l’emporter. Mais le plus alarmant et pré-
Costa-Gavras, David Cronenberg (Etats-Unis), Jean-Pierre Dar- vasion de l’Afghanistan en 1979. A la dif- plein perfectionnement de la propa- judiciable à la paix mondiale, c’est qu’il a
denne (Belgique), Amat Escalante (Mexique), Dan Franck, Jean- férence de cette dernière, la campagne gande russe de type nouveau, censée flairé que l’Occident était faible, faillible,
Luc Godard (France-Suisse), Fiona Gordon (Canada), Romain géorgienne a été largement considérée avant tout dérouter, semer le doute, peu enclin à défendre les principes qu’il
Goupil, Lucas Guadagnino (Italie), Robert Guédiguian, Joana par la Russie comme une victoire mili- brouiller et gommer la frontière entre le a lui-même pensés et enfantés durant
Hadjithomas (Liban), Michel Hazanavicius, Christoph taire, politique et géopolitique, une vrai et le faux. Ainsi a vu le jour le narratif des décennies. L’annexion brutale de la
Hochhäusler (Allemagne), Christophe Honoré, Agnès Jaoui, vraie inversion du cours de l’Histoire et mi-figue, mi-raisin des responsabilités Crimée, la guerre à l’est de l’Ukraine avec
Thomas Jenkoe, Pierre Jolivet, Sam Karmann, Vergine Kea- des défaites accumulées depuis la fin de partagées entre une provocation de Mos- ces vrais-faux auxiliaires locaux, les net-
ton, Lodge Kerrigan(Etats-Unis), Cédric Klapisch, Héléna Klotz, la guerre froide. Les parallèles, aussi cou et l’imprudence de Tbilissi, l’invasion toyages ethniques au prix d’une vio-
Jan Kounen, Gérard Krawczyk, Pierre Lacan, Alexandre ineptes que patriotards, avec la victoire russe et la faute géorgienne d’avoir lence inouïe contre les populations non
Lança, Eric Lartigau, Sébastien Laudenbach, Michel Leclerc, pendant la seconde guerre mondiale ouvert le feu sur les positions « séparatis- loyales de la Ghouta et d’Alep, ont été
Louis-Do de Lencquesaing, Sébastien Lifshitz, Ken Loach ont fusé sur les écrans de télévision et tes » dans la nuit du 7 au 8 août, alors que autant de stratégies fondées sur les en-
(Angleterre), Jean Marbœuf, Nathalie Marchak, Tonie Marshall, dans les discours politiques. des centaines de véhicules blindés et de seignements tirés de cette petite guerre
Patricia Mazuy, Agnès Merlet, Anne-Marie Miéville (Suisse), tanks russes avaient déjà franchi le tun- qui n’a ni changé ni choqué le monde. p
Radu Mihaileanu (France-Roumanie), Jonathan Millet, Nadir nel de Roki, marquant la frontière inter-
Moknèche(France-Algérie), Ariane Mnouchkine, Dominik Moll, nationale entre les deux Etats.
Cristian Mungiu (Roumanie), Olivier Nakache, Françoise Nys- POUTINE A COMPRIS La responsabilité au moins partielle
sen, Nakache Safy Nebbou, Rithy Panh (Cambodge), Héloïse dans l’élaboration de ce narratif in-
Pelloquet, Antonin Peretjatko, Thierry de Peretti, Christian QUE SA POPULARITÉ combe à la conclusion du rapport de la
Philibert, Nicolas Philibert, Martin Provost, Lola Quivoron,
Brigitte Roüan, Jaime Rosales (Espagne), Nicolas Saada, Ma-
INTERNE commission d’investigation mise en
place par l’Union européenne et dirigée
hamat Saleh Haroun(Tchad), Jean-Paul Salomé, Pierre Salva- ET LA STABILITÉ par la diplomate suisse Heidi Tagliavini.
dori, Riad Sattouf, Pierre Schoeller, Céline Sciamma, Abder- Après la révélation des tactiques utili- ¶
rahmane Sissako (Mauritanie), Bertrand Tavernier, Joachim DE SON RÉGIME sées en Ukraine d’implication des forces Thorniké Gordadzé
Trier(Norvège), Justine Triet, Margarethe von Trotta (Allema- régulières russes dans l’uniforme des est chercheur, enseignant
gne), Jaco Van Dormael (Belgique), Régis Wargnier, Frederick ÉTAIENT LIÉES « séparatistes locaux », du transfert mas- à l’Institut d’études politiques
Wiseman (Etats-Unis), Rebecca Zlotowski. À LA CONDUITE sif des armes les plus sophistiquées, de la de Paris, ancien ministre
diffusion de la réalité virtuelle avec de l’intégration européenne
Liste complète des signataires sur Lemonde.fr DE LA GUERRE l’usage industriel des « fake news », les de la Géorgie

22 |
HISTOIRES DE LANGUE
LE PARTICIPE BIENTÔT
UN ACCORD DU PASSÉ ?
« Clément Marot a ramené deux
choses d’Italie, la vérole et l’accord
du participe passé », fulminait
Voltaire, précisant : « Je pense que
c’est le deuxième qui a fait le plus
de ravages ! »
Les enquêtes le démontrent an-
née après année, cette règle est
toujours celle qui déstabilise
le plus les Français. Nous avons
tous à peu près assimilé le fait
que le participe passé employé
avec l’auxiliaire être s’accorde
avec le sujet (les dictionnaires
sont rangés). Mais les choses
se corsent déjà avec les verbes
pronominaux : leur participe
passé ne s’accorde pas quand le
verbe est suivi d’un complément
d’objet direct (elles se sont lavé
les mains) – ou, c’est moins
connu, quand il ne peut pas avoir
de COD (elles se sont succédé).
Et l’apparition de l’auxiliaire
avoir complique encore la chose :
le participe passé s’accorde alors
avec le COD, mais s’il est placé
avant le verbe. Dans le cas
contraire, il est invariable :
« les mains qu’ils ont serrées »,
mais « ils ont serré des mains ».
Et nombre d’exceptions confir-
ment cette règle déjà passable-
ment alambiquée.
QUATRE-VINGTS HEURES
« La règle de l’accord du participe
passé (…) est l’une des plus artifi-
cielles de la langue française »,
confirme le vénérable Besche-
relle, accusant, comme Voltaire,
le poète officiel de François Ier.
« Il s’en est fallu de peu, poursuit
Bescherelle, que la règle instituée
par Marot ne fût abolie par le
pouvoir politique. En 1900, un mi-
nistre de l’instruction publique
courageux, Georges Leygues,
publia un arrêté qui tolérait
l’absence d’accord. Mais la pres-
sion de l’Académie française fut
telle que le ministre se vit
contraint de remplacer son arrêté
par un autre texte. »
L’enseignement des subtilités
du participe passé exige environ
quatre-vingts heures dans une
scolarité moyenne… pour le ré-
sultat qu’on connaît. Un nombre
croissant de voix s’élèvent pour
réclamer que soit tolérée l’inva-
riabilité du participe passé,
en coexistence avec l’accord,
qui serait simplement considéré
comme d’un niveau de langue
supérieur. C’est l’un des chevaux
de bataille de Jérôme Piron et Ar-
naud Hoedt, notamment, dont le
spectacle, La Convivialité, tourne
un peu partout en France et en
Belgique (dates sur Laconvivialite.
com). Ils y fustigent les incon-
gruités de l’orthographe (pour-
quoi mettre un t à édit ou à bruit,
comme dans éditer et bruiter,
mais pas à abri, alors qu’on écrit
aussi abriter ? ; pourquoi la confi-
ture de groseilles prend-elle un s,
et pas la gelée de groseille ?). « Que
pourrait-on enseigner à nos en-
fants, en quatre-vingts heures, à la
place du participe passé ?, rêvent-
ils. Le piano ? Les claquettes ? »
Si l’on en juge par le nombre
d’erreurs que commettent les
Français – journalistes, politi-
ques et président de la Républi-
que inclus –, on peut considérer,
qu’on le veuille ou non, que
l’usage est en passe de leur don-
ner satisfaction. p
muriel gilbert
Prochain épisode Féminisme
et féminin
РЕЛИЗ ПОДГОТОВИЛА ГРУППА "What's News" VK.COM/WSNWS
Steven Spazuk
et la peinture de feu
Bougies, briquets et torches sont
UN ARTISTE, UNE MATIÈRE 1 | 6
ses pinceaux. Grâce à des pochoirs artisanaux, il guide,
sans la brider, la flamme sur la toile ou la feuille blanche
léry (québec) - envoyée spéciale
C
omme tous les ans, au dé-
but de l’été, les habitants de
Léry, une petite ville cham-
pêtre et tranquille au sud de
Montréal (Québec), rejoignent les
berges du lac Saint-Louis pour se ra-
fraîchir. Les plus matinaux pêchent
le maskinongé, une espèce améri-
caine de brochet, avant que leurs voi-
sins ne louent des kayaks au club
nautique Woodlands ou ne se lais-
sent voguer sur des coussins gonfla-
bles. Alors que des enfants enfilent
des sandalettes en plastique pour
s’aventurer sur les sols caillouteux, la
municipalité surveille de près la
montée des eaux, qui a fait quelques
dégâts dans les environs, en 2017.
De l’autre côté de la petite route qui
longe le lac, un homme jette quelques
coups d’œil aux baigneurs par la fe-
nêtre de son grenier. Mais il a re-
noncé à sortir. « Je prépare une exposi-
tion pour la galerie Adelson à Boston
[Massachusetts] en novembre. J’ai en-
core plein de tableaux à produire »,
jauge-t-il devant cinq ou six toiles
blanches empilées contre un tréteau.
Ici et là, quelques œuvres, en noir et
blanc ou en couleurs : des fleurs, des
oiseaux, une tête de lion. Si on re-
garde d’un peu plus près, on décou-
vre qu’elles partagent toutes le même
secret. Il suffit de passer légèrement
« CE N’EST PAS
PLUS DANGEREUX
QUE DE DÎNER
AUX CHANDELLES
AVEC SON AMOUREUSE.
JE N’AI JAMAIS EU
D’ACCIDENT »
Steven Spazuk, en octobre 2017. OLY BERNARDI
un doigt dessus pour en effacer une
partie et se retrouver couvert de suie.
Steven Spazuk a beau habiter une
maison avec vue sur le lac, son regard
est toujours de braise. L’homme
peint avec le feu. Bougies, briquets et
torches sont ses pinceaux.
Pieds nus et légèrement vêtu, rien
ne laisse supposer que Spazuk est au
travail. « Ce n’est pas plus dangereux
que de dîner aux chandelles avec son
amoureuse, souffle-t-il. Je n’ai jamais
eu d’accident. Seulement une goutte de
cire dans mes yeux. » Il attrape une
feuille blanche découpée et brûlée par
endroits. On distingue un oiseau sur
un fusil. « Comme j’aime de plus en
plus être hyperréaliste, je confectionne
des pochoirs qui me permettent de gui-
der le feu », décrit-il sous l’œil amusé
du peintre et sculpteur ornithophile
canadien Jean-Paul Riopelle (1923-
2002), dont il a fait le portrait.
« DESSINER LA LUMIÈRE »
Pas question pour Spazuk de brider
complètement la flamme. Il décolle
légèrement son pochoir de la toile
pour laisser les flammes se glisser
entre les deux et créer des volutes qui
échappent à son contrôle. « Il m’arrive
aussi de faire des jam sessions… Je
prends une chandelle, et je suis son
mouvement », ajoute-t-il. Technique
aléatoire qui le conduit parfois à ti-
sonner d’immenses portraits à partir
de plusieurs centaines de bouts de pa-
pier chauffés. « J’ai fait mon père, ma
mère, ma femme, le peintre et photo-
graphe Chuck Close… Pour des gens
que j’admire, il faut compter un mois
de travail », confie-t-il.
Avril 2001. Cela fait quinze ans que
Spazuk a fondé, avec ses associés,
l’agence de publicité Tam-Tam et neuf
ans qu’il a créé Tarzan Communica-
tion Graphique. Mais voilà que le pu-
blicitaire se met à rêver d’un paysage
en noir et blanc. « Je savais que c’était
fait avec du feu », raconte-t-il. Pourtant,
à cette époque, il n’a pas encore pris
POUR SON EXPOSITION
À BOSTON,
IL A CHOISI
UN SUJET BRÛLANT,
CELUI DU CULTE
DES ARMES À FEU
AUX ÉTATS-UNIS
connaissance de la technique du
fumage, mise au point en 1937 par le
peintre autrichien Wolfgang Paalen
(1905-1959), et reprise dans les années
1970 par Salvador Dali (1904-1989). A
son réveil, il recouvre un carton de
suie et dépose son empreinte digitale.
Ses aquarelles et peintures acryliques
du week-end sont définitivement
remisées.
Petit à petit, Spazuk esquisse des for-
mes avec ce qui lui passe sous la main.
La tignasse d’une poupée Barbie, un
bout de corde effilochée, un stylet, un
couteau, un grattoir. « Au lieu de dessi-
ner des ombres, je dessinais la lumière
dans le noir de la suie. J’avais tout à
réapprendre », frémit-il. En 2012, alors
que sa femme est soignée pour un
cancer, il façonne différents pinceaux
à partir des cheveux qu’elle a perdus
pendant ses traitements de chimio-
thérapie pour réaliser un portrait sal-
vateur, Danielle 3, en « gravant la lu-
mière dans son visage », dit-il. Il laisse
tomber la publicité.
A ses débuts, Spazuk doit résoudre
un gros problème. Un matin, il re-
trouve sur un tableau qu’il a posé par
terre des petites traces blanches. « J’ai
compris qu’une araignée était passée
dessus ! », s’amuse-t-il. Dès lors, celui
qu’on surnomme « The Fire Painter »
vaporise du vernis en bombe aérosol
pour fixer ses dessins. Mais la bête à
huit pattes lui a donné une idée. « Je
venais de découvrir ce que j’appelle
0123
MARDI 14 AOÛT 2018
des “entomogrammes”, des dessins
faits par des insectes. » Spazuk quitte
son grenier, dévale les escaliers et se
dirige vers la salle à manger. Là, sur le
mur central, un « entomogramme »
de 1,50 mètre sur 2,15 mètres affiche
un grand papillon monarque, célèbre
pour ses allers-retours panaméri-
cains de près de 8 000 kilomètres, en-
tre le nord-est du Canada et le Mexi-
que, où il vient chaque année passer
l’hiver. « C’est un autoportrait de mo-
narque », indique fièrement Spazuk.
Un migrateur, oui. Mais peintre ?
EMPREINTES HUMAINES
Spazuk, sa femme, Danielle Delhaes,
et une centaine de bénévoles ont aidé
le papillon à faire son grand œuvre.
En 2013, ils recueillent sur des car-
tons de suie plusieurs milliers d’em-
preintes de monarques dans les fo-
rêts du Michoacan, au Mexique. Fixés
par des épingles entomologiques,
15 000 pixels formeront la mosaïque
finale. « Vous voyez le blanc tout
autour du papillon ? Ce sont les
feuilles que les monarques n’ont pas
touchées. C’est aussi une manière de
montrer que cette espèce est en voie de
disparition. En 2013, la population
avait déjà diminué de 40 % par rap-
port à 2012. La suie est une matière tel-
lement fragile que c’est un bon moyen
d’explorer la fragilité de la vie. »
Cette année, les Spazuk défendent
l’hirondelle, qu’on voit de moins en
moins séjourner sur les fils électri-
ques en fin d’été avant de rejoindre
l’Afrique. Elle constituera le second
volet de leur projet éducatif, écologi-
que et artistique « Révérence ».
L’œuvre finale sera cette fois réalisée à
partir d’empreintes humaines.
« Mettre son visage dans le noir de car-
bone, qui est la matière même de la
pollution, c’est le symbole du mea
culpa », estime l’artiste, qui envisage
déjà de passer le flambeau au tigre du
Bengale, au panda et à l’ours polaire.
Il remonte dans son atelier au gre-
nier. Jette rapidement un œil au lac
Saint-Louis et lorgne ses toiles blan-
ches qui seront exposées dans quel-
ques mois à Boston avant de partir
pour New York. Il a choisi un sujet
brûlant. « L’exposition devrait s’appe-
ler Cease Fire. Avec le sous-titre
Flower Power. » Spazuk entend calci-
ner le culte des armes à feu aux Etats-
Unis après avoir déjà peint au noir de
carbone Trump, une goupille entre
les dents, Trump and the Pin (2017).
« J’essaie de proposer l’antidote d’une
arme à feu. » Il apporte un de ses
derniers tableaux. Une fleur dans un
canon de fusil.
Le motif rappelle l’œuvre qui l’a
rendu célèbre en 2014, Pin 1, un oiseau
sur une grenade, travaillé à la plume.
Viral sur Internet, il s’est retrouvé ta-
toué sur des dos, des bras et des cuis-
ses du monde entier et a valu à Spazuk
une commande de la célèbre marque
de briquet-tempête Zippo. Cet oiseau,
on le rencontre souvent dans l’œuvre
de ce Vulcain québécois, comme der-
nier rempart contre les petites bom-
bes du quotidien. Dans un autre
genre, on croise aussi plusieurs fois
un autre cui-cui, perché sur des mi-
cros. Spazuk l’appelle Twitter (2017).
« The bird is twitting, non ? », sourit-il.
Il fait encore jour. L’artiste se dirige
vers son chevalet et allume une chan-
delle. « Mon voisin de droite a trois
grands garçons qui sont tous pom-
piers, glisse-t-il avec malice. Et mon
voisin de gauche fait des barbecues
tous les jours de l’année. Etrange,
non ? » Et, pourtant, il n’y a jamais eu
le feu au lac, à Léry. p
maroussia dubreuil
Prochain épisode José Le Piez