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de Paris
Nanterre
1970-2010 : les sciences de l’Homme en débat
| Hervé Inglebert, Yan Brailowsky
Que devient la
théorie ? Sciences
humaines,
politique,
philosophie (1970-
https://books.openedition.org/pupo/2793 1/20
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2010) : réflexions
et propositions
Étienne Balibar
p. 21-38
Texte intégral
1 Je voudrais avant toute chose remercier les organisateurs du
colloque de m’avoir invité à prononcer la première
communication, en ouverture des travaux. C’est un grand
honneur et un grand plaisir. Les questions qui vont être ici
débattues pendant deux jours recoupent certains de mes
intérêts les plus anciens, mais je crois pouvoir assurer aussi
qu’elles ont une importance objective, dans une conjoncture
critique pour les savoirs qu’on a rassemblés sous le nom de
« sciences humaines et sociales », et pour les institutions qui
les hébergent. Ce rapport, bien entendu, est circulaire. Dans
l’expression qui nous convoque, cependant, chaque terme
fait problème, et surtout la conjonction. C’est pourquoi on
peut s’interroger sur les attendus du texte qui, de façon
semi-officielle, a été mis en circulation à l’intérieur de
l’université pour préparer le colloque et qui, si je comprends
bien, suscite un certain nombre de réactions-dont certaines
assez vives1. Écrire :
On a longtemps cru à une crise des sciences humaines et
sociales (SHS). Après 1970, les paradigmes marxiste ou
structuraliste se sont effrités face à la réalité du sujet concret
qu’ils ne parvenaient pas à expliquer ; et on a pensé que
d’autres disciplines comme l’économie ou la biologie
permettraient de mieux comprendre le fait humain dans ses
deux dimensions de généralité et de singularité…
Notes
1. Je prends connaissance après-coup du texte publié dans Libération du
16 décembre 2010 par un collectif d’enseignants-chercheurs de Nanterre
sous le titre « le colloque pris aux mots », comportant notamment les
formulations suivantes : « sciences humaines et sociales. Malgré la
qualité des intervenants, cette catégorie qui suscita jadis tant de
polémiques, qui alimenta une énergie critique prodigieuse, consiste ici
en un catalogue hétéroclite où dominent deux partis pris présentés
comme inéluctables, aussi naturels que l’air du temps. D’une part, la
rengaine sur “l’effritement du paradigme structuraliste et du paradigme
marxiste” (au singulier), faisant l’impasse sur leurs riches prolongements
et leur renouvellement théorique dans l’espace intellectuel mondial.
D’autre part, l’évocation par certains, en guise de socle commun, d’un
positivisme new-look, celui du “paradigme cognitif” : exit la critique
sociale, vives les neurosciences et théories du comportement. »
2. Ils vacillent pour des raisons intrinsèques, mais aussi, à l’occasion,
extrinsèques : qui dira à cet égard ce qui est responsable de
« l’effritement » du paradigme « marxiste » (si effritement il y a), de ses
apories théoriques propres, ou des attaques dont il fait l’objet dans les
institutions et dans l’opinion publique, et du rapport que les unes et les
autres entretiennent avec des événements historiques qui le mettent en
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cause ? qui assurera que cette évolution est linéaire ? que les mêmes
hypothèses ne resurgissent pas sous une autre forme, qu’il n’y aura pas -
ou qu’il n’y a pas déjà - un « néo-marxisme » comme il y a un « néo-
keynésianisme » ?
3. Texte aujourd’hui disponible sur le site :
http://cirphles.ens.fr/ciepfc/publications/etienne-balibar/
4. M Jean-Claude, Le Périple structural. Figures et paradigme,
nouvelle édition revue et augmentée, Lagrasse, Éditions Verdier, 2008.
5. Sur ces qualifications, voir mon récent recueil : La Proposition de
l’égaliberté. Essais politiques 1989-2009, Paris, PUF, 2010.
6. Dans mon exposé de 1995, j’avais cité P Jean-Claude, Le
Raisonnement sociologique. L’espace non-poppérien du raisonnement
naturel, Paris, Nathan, 1991 et W Immanuel, Impenser la
e
science sociale. Pour sortir du XIX siècle, Paris, PUF, 1995. Je pourrais
citer le tournant « critique » initié par James C et George
M dans Writing Culture. The Poetics and Politics of Ethnography
(Berkeley, University of California Press, 1986), à partir de l’idée qu’une
recherche anthropologique est toujours un travail d’écriture dont les
codes s’inscrivent en un lieu institutionnel déterminé.
7. « The concepts which I propose to examine relate to a number of
organized or semi-organized human activities : in academic terms they
belong to aesthetics, to political philosophy, to the philosophy of history
and the philosophy of religion. My main thought with regard to them is
this. We find groups of people disagreeing about the proper use of the
concepts [...] When we examine the different uses of these terms and the
characteristic arguments in which they figure we soon see that there is
no one clearly definable general use of any of them which can be set up
as the correct or standard use [...] Now once this variety of functions is
disclosed it might well be expected that the disputes in which the above
mentioned concepts figure would at once come to an end. But in fact
this does not happen [...] each party continues to defend its case with
what it claims to be convincing arguments, evidence and other forms of
justification », G W. B., « Essentially Contested Concepts », in
Proceedings of the Aristotelian Society, New Series, vol. 56, 1955-1956,
p. 167-198. Voir le commentaire de C Nestor, Le Concept
d’idéologie, Paris, PUF, 2004, p. 293 et suiv.
8. Gallie se réfère aux « antinomies » kantiennes comme à une
procédure philosophique de « résolution » des conflits conceptuels, mais
on peut penser que leur première caractéristique est d’en faire une
condition de la pensée (incompatible avec la constitution empirique des
sciences de la nature et excluant du même coup l’anthropologie du
champ de la scientificité).
9. Je démarque ici de mémoire une formule dont se servait dans son
enseignement le philosophe Georges Canguilhem : la notion de
« scientificité » est équivoque, puisqu’elle recouvre à la fois le modèle
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Auteur
Étienne Balibar
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