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DIMITRIS DIMITRIADIS

Catalogues -
Catalogues -
Cet ouvrage est le vingt-deuxième de la collection 

Publié avec l’aide du Service de la Promotion des Lettres


de la Communauté française de Belgique

©  la lettre volée / ante post a.s.b.l.

Cette version française finale des Catalogues -


doit beaucoup à la lecture perspicace et créative
de Daniel Loayza. Qu’il en soit remercié de tout cœur. (D.D.)

La Lettre volée :  avenue Molière, B -  Bruxelles


Tél/fax : +     - Courriel : lettre.volee@skynet.be
Catalogue en ligne : http://www.lettrevolee.com

 ----
Dépôt légal : Bibliothèque royale de Belgique
e trimestre  – D///
DIMITRIS DIMITRIADIS

Catalogues -

Traduit par l’auteur


d’après la version de Robert Longueville
catalogues 1

Il y a une nuit plus sombre que la nuit


Celui qui y entre perd le temps
parle autrement confond dedans et dehors
vit la mort avec une terreur en abysse
clouée pour toujours à la poitrine ruiné
par la violence et voyant ce que personne ne voit
sous les sévères rappels des étoiles
Le jour s’y lit à l’envers
et l’autre monde s’y fait le cauchemar du monde
où personne ne revient le même

seul avec la raideur de la main


seul avec la contraction du cœur
avec le vide qui pousse
à des rencontres stériles avec des monstres brumeux à formes
égyptiennes
Inaptitude de l’âme à supporter sa propre lèpre
à supporter ses hémoptysies les combles de ses syncopes
la force des bras qui l’écrasent lui brisent les dents
l’abandonnent sanguinolente prés des autels des cloaques
où s’exhalent nuit et jour
les ultimes obsèques de l’inanition la plus intime
Océan de la voix noire et inarrachée
Épars et enlacés tous les thèmes
l’arrogance la force l’hégémonie la chute
l’avilissement le rachat
la risée
le savoir
la roue et la lumière


Corps qui ne peut pas parler du corps
Corps qui voit son corps là où les corps ne se touchent pas
Et le cerveau enragé qui vomit tout son sang vers le dedans
surpassant des nuits entières la résistance du corps
travaillant le corps avec la résistance de la rage du cerveau
et de son secret
qui est sans soulagement et le sait bien
Forme humaine écrite
d’une main déshéritée jusqu’à l’os par les mots et sanctifiée
Jambes nouées par des viscères et enroulées d’estomacs
yeux enluminés de dents
vertèbres émerisées d’ongles
et paroles déversées dans des oreilles sauvages
comme des charges de carcasses qui s’effrayèrent dans leur
sommeil
et sont restées la bouche ouverte et les yeux étonnés en
gémissant sans voix
comme des accouchements à l’envers

saints des avortements inéluctables


Saints des profanations de la création
Martyrs des étouffements des privations et des persécutions
sans cesse
Martyrologe des cloîtrés
de ceux qui respirent avec leur bouche dans leur propre bouche
de ceux qui pleurent décharnés leurs os en poussière
tenant fermement la sangle éthérienne de la nature double
qui fait que leurs yeux se regardent
comme des ennemis juxtaposés hors du crâne
Martyrologe de ceux
qui ont vu vivants la face intérieure de leur corps qui
ont ressenti le monde entier devenant une balle
et balançant leur cervelle dans les airs de ceux


qui ont désiré le désir au delà de la résistance de leur désir
et sont passés à la mort avec des prières pour l’immortalité
des corps
dont nul désir du désir ne peut jouir comme des corps en ardeur
de ceux qui ont vécu leur vie parlant leur langue propre avec
leur sang
Sang des hommes qui furent exterminés dans le silence
Sang des hommes qui furent exterminés parlant avec leur sang
Sang de tous ceux qui ont trouvé l’adoration dans leur sang et
sont perdus
Les Catalogues Sacrés d’articles humains jusqu’à l’achèvement
du sacrilège
et jusqu’au rétablissement de l’autre regard qui va
recomposer les ruines saintes
L’Église des nouveaux avilis
L’Église des nouveaux démunis qui se meurent sans postérité
L’Église des nouveaux assassins
qui vont circuler vêtus
des veines vides de leurs victimes innombrables
L’Église des nouveaux vengeurs
qui seront justifiés par l’incendie de l’univers
lavés dans sa cendre féconde
avec un rêve comme une cataracte dans les yeux
L’Église des égorgeurs illimités
de ceux qui ont expié toutes leurs punitions
et furent rasés par toutes les exécutions et ont vécu
toutes les morts l’Église des défonceurs cyclopéens
à l’ineffaçable désintéressement dès la naissance aux passions
abyssales
aux désirs illégaux et aux yeux luisants qui pointent comme
des siècles


tout est prêt Depuis très longtemps mais sans être apparent
Jamais ne se perd ce qui existe dans l’inapparence
L’inapparence ne s’abolit jamais Elle abolit
tout ce qui la cache et dément avec son explosion le visible
le tangible et le mangeable
L’Église de l’inapparence des sanguinaires
afin que se pressent les jambes qui suppléent le cerveau délabré
Viendra le jour où se cautérisera à l’eau buvable
la source des crimes et où seront jugés ses gardiens cendrés
en avouant ce qui a transmis la maladie de la poussière
à la fondation de l’univers entier

vision d’horreur de l’asphalte


une bêche féroce enfoncée dans les reins de la ville
prête à creuser la fosse commune
Interminables rassemblements d’hommes Marches à pied
sans sommeil sans du tout fouler le sol le corps
comme une lance antique
sans se toucher sans regards épris
par le fracas du tonnerre
Une faucille nue fauche au ciel des entrailles vives
Rumeurs de future épidémie de décès
pour des raisons invérifiables
Ils ont peur Ils tremblent comme les feuilles d’un arbre mort
dans l’origine introuvable d’un vent rasoir
Ils se réfugient dans l’arrogance dans l’extension dans le cynisme
même dans la folie même dans le silence
se réfugient même dans la poésie
Il y en a
qui se réfugient même dans la poésie
Ils ont peur Ils voyagent Ils posent
habillés en hippogriffes triomphants devant des photographes
défunts


Mais la nuit dans leur sommeil
ils frappent du poing la poitrine jusqu’à la faire saigner
car le rêve amphistome leur chuchote au coin douloureux du
cerveau
que le matin à leur réveil ils vont se retrouver
avec une jambe coupée ras d’un coup de scie
et jetée sous le lit
Rêve impitoyable Impitoyable comme l’essence de tous les rêves
et comme la grande absence
Spasmes de toutes les écorces de la terre
Vie comme du coton trempé dans l’iode qui a séché et pue la
charogne
Se convulse la race des hommes
suspendue à l’envers au plafond transparent
d’où elle voit la Création
comme un flot éternel de viscères vifs
dans le soleil noir qui siffle
Le craquement assourdissant des fondations
Le sang s’est déchaîné dans les corps
mais la fatigue fait pleurer le cerveau inconsolablement
Les pleurs du cerveau
l’unique langage sous le soleil

déraciner les joues voilà le devoir de tous immoler les mains


et la salive
lécher avec des courbettes irréversibles les suaires des victimes
demander pitié pour les scorpions qui se débauchent dans les
bouches
s’exercer à la terreur de la faiblesse et à la dalle ardente de
l’approbation
adorer l’humilité de l’herbe
prier à la vérité des flagellations internes
avouer l’erreur de la frénésie des dents et


s’éprouver à la tension de l’échec et
passer par les martyres des contemplations infinies de la fin et
s’ouvrir s’ouvrir et s’ouvrir
comme des bêtes sacrificielles à l’audition des leçons nouvelles
La leçon du chaos
du néant et du regard la leçon de la soumission et de l’offrande
la leçon de la lecture des mouvements du cœur et du cerveau
sur l’ordonnance trompeuse du visage
la leçon de la tendresse polymorphe la leçon
de la douleur la plus indispensable de la douleur la plus théophile
de celle qui prédétermine
la leçon de l’exercice au désert et à l’abattement
la leçon de leur mort
Mais auparavant
capables de porter sur leurs épaules le poids du corps
il faut qu’ils voient tout
Qu’ils voient l’homme tuer en tant qu’homme la femme
avant et après la concarnation
la femme se blottir dans la chaussette de l’homme
étreignant dans ses entrailles la semence qui l’a faite femme
Qu’ils voient l’exaspération des draps
qui étouffent dans son sommeil le détenteur de toute la matière
pour que s’équilibrent dans son cœur
ce qu’il possède et ce qu’il devra perdre pour gagner la mort
Qu’ils voient les mots Qu’ils voient les mots qu’ils les voient
devenir des clous polycéphales dans le ventre de ceux
qui les prononcent avec une jactance innommable
afin d’ouvrir le nouveau cycle de leur récolte par la fin de l’ancien
les têtes coupées sous les oreillers
les langues jetées dans les verres les oreilles tranchées
mises entre les pages des livres précieux aux vers célestes
les réfrigérateurs pleins de tripes extirpées les âmes
mangées comme des miettes par les fourmis à l’estomac d’airain
Et le sang couler comme si s’étaient ouvertes les citernes du cœur


sur le gramophone à la voix insatiable de la condamnation
et qu’il la baigne comme une robe de statue nue d’idolâtrie
nouvelle
la Gnose se faner dans les poches parmi
des préservatifs des billets chiffonnés la crasse de sous-vêtements
et la puanteur d’organes génitaux malpropres
les baraques avec les cadavres amassés des philosophes
à l’issue d’interrogatoires de déshonneurs de désincarnations
jusqu’à l’épuisement
devant des populations rassemblées
qui s’extasient par les ténèbres
les sentences qui condamnent ceux qui aiment éperdument
la cocarde joyeuse du malbonheur étripé empalé
avec son crâne fracassé ses yeux crevés
sa langue coupée ses doigts sciés des
fils chauffés à blanc plantés dans ses oreilles
des coups de marteau sur chacun de ses os
lui qui passe et repasse et encore à travers les rasoirs
pivotants qui déchiquètent toute la magnificence de la chair
en abandonnant aux chiens des chemins indigents les mentons
brisés
qu’ils le voient
Qu’ils voient l’impuissance de la main à toucher une autre main
qui n’a rien d’autre au monde de plus proche
le cauchemar qui pousse comme un arbre d’illumination
dans la vallée nue des larmes de notre vie
le pourrissement du corps le taisement de la musique le démenti
de l’espoir
la nuitation de la beauté le triomphe de l’échec
la fin des appels ardents de l’amour
la consécration de l’arrogance
la domination de l’infamie l’intronisation de l’infamie
le couronnement royal de l’infamie
avec pourpre véritable et guirlande de lauriers


en or massif et lumière verticale
tresse de jade complexe autour du cou et ceinture
en cris de fauves inextricables
et le silence des espaces intersidéraux qui nous attendent
comme attend le prophète l’accomplissement de la prophétie
le mouvement circulaire interminable autour du singe halluciné
qui pisse en rut sur l’icône de la Résurrection du Seigneur
l’inauguration du Millénaire des Excréments
la poésie perdre les allégories et les sens propres
et la beauté fille unique ne se rassasier que des serpents
au sifflement le plus aigu et la fourche entre les sourcils
et l’amour se démentir l’amour se mentalrompre
l’amour se taillader son sang avec rage
l’amour se bouenourrir s’excrémentir se vomisser
se donner aux fosses d’aisance s’encloaquer s’étattaquer
se s’idiocracher
s’excorporiser
se languimmonder
se plantigrader se serpenter se quadrupéder s’empaumiser
encore et encore et de génération en génération et de sommet
en sommet
se strabismer s’épilepsiser se séismer
se perditionner dans des cavités vipérines
se grimacer en tant que bouche féminine à trois niveaux de lèvres
en tant que cinquième sabot du cheval et en tant que la queue
qui pousse de la poitrine
de la belette célibataire et défoncée par les traquenards synanthropes

mais viendront oh viendront les temps des unions illégitimes


des mixtions inconcevables
des rencontres subversives avec la majesté absolue
viendront les temps où le verbe interdit se fera acte
hors des rêves la Chine s’appellera Indes et Amphissa


sera le bordel de Thessalonique et celle-ci deviendra l’antichambre
de la déification et de l’immatérialisation de tous les noyés
dans leur propre sperme
l’Afrique regorgera de toutes les chambres à coucher
la transgression des désirs verra enfin comme une grande joie
la lumière du soleil
la Vierge se mettra à descendre de l’icône et à soulever
ses jupons devant les paroissiens assemblés qui vont l’adorer
en inondant ses entrailles
de tout le pollen de tous les jeunes paysans du globe la peau
sera continuellement incoerciblement fiévreuse
à cause de la confession impétueuse du sang incarcéré
la morale sera d’un autre ordre
d’un autre ordre sera la morale
de même que les femmes seront honnêtes après le déshonneur
et les hommes des hommes après la débandade
et les poètes écriront comme pendant l’exécution d’un crime
ou comme lorsque soudain l’homme
fait une rotation terrestre et surmonte toute la peur de l’homme
et s’enfuit vers cette contrée
où les choses se voient et se disent autrement
où il y a une nuit plus sombre que la nuit
et la cité va glorifier ses fauves la mort sera une affaire
qui élèvera l’âme à des gradations de tensions sismiques d’horreur
sous la moustiquaire du désespoir dans le calme le plus accablant
avec les chaussures jetées n’importe où
dispersés les papiers inachevés les habits piétinés
les secrets passés à des mains étrangères et à des haleines étrangères
avec le lit défait le corps livré nu et sans défense
aux regards des autres qui ne sont pas encore morts
avec les draps tachés par les salives et les spasmes des entrailles
la représentation fiévreuse d’un rideau templier
qui se démène dans l’insomnie d’un bambin
la tête rejetée en arrière la blancheur inarticulée


de la gorge tendue
les viscères vides les ganglions vides les yeux vides
la danse du papillon dans le tympan vertigineux de l’ouïe
le frissonnement indicible du premier vers
le tragique du désir le tragique du désir
le tragique de la fin du désir
le gémissement indissoluble sorti d’une bouche comme la gueule
inversée d’un loup en flammes
et l’immense miroir qui s’effondre à la verticale dans la mer –
se réfracte en mille univers
et fait ressortir tout le dedans telle une âme qui se vide
tout entière dans une autre âme
et tombe définitive
et sublimée dans la nostalgie du malheur qui l’avait nourrie
jusqu’à la fin
Car le malheur est dissuasion détournement de la fin
et sa nostalgie conscience de la fin des fruits
Le malheur est la confirmation inouïe
de la façon secrète dont se dira l’ineffable en lieu et place
parmi des pleurs d’amour et des spasmes de corps qui se délit
Car le malheur est la réponse indicible à la démesure de la matière

ah quand s’arrêtera-il ce halètement


le passage interminable de frontières interminables quand
s’accomplira-t-il
l’attouchement de l’irrésistible écoulement du langage
ne pas te cacher derrière ton cœur
ne pas t’enfermer hors de ta porte ne pas éviter
l’ardeur de ton essence écarlate te livrer accepter
accepter de mourir de faim rassasié et insatiable
par la submersion dans la bouche de ta faim
habillé sans honte de tes vertiges montrant les mains ensanglantées
de crimes incalculables consommés dans l’aire endocrânienne


quand deviendras-tu enfin un homme
Quand deviendras-tu enfin un homme

l’homme est la clôture du cycle de l’homme


Les hommes ne peuvent pas prévenir La vie
disait-il cet anonyme qui était revenu de toutes les expéditions
la vie ne nous laisse pas atteindre ce qu’on met en route
On l’atteint hors de la vie Et c’est ça la vie
Car la vie est omission
L’homme commence au-delà de la vie et au-delà de la mort
Et c’est ça l’homme Car l’homme est omission

dans le calme dans la sérénité des herbes qui adoucissent


mon cerveau
avec le cercle des arbres autour de la tête
épris par la danse géométrique de l’abeille et de son ombre dorée
traversant le lait qui coule insurpassablement tel un cri de création
de la mamelle masculine de la vache la plus fertile
avec des armées innombrables à ma droite
et des peuples vociférant à ma gauche
comme s’il était écrit que je serais crucifié pour sauver
par ma propre mort l’imagination
à l’heure où le mythe est proclamé dans le crépuscule violet
avec les capitales alignées dans l’étage le plus haut du désert
voix de stratèges par des hauts-parleurs détraqués
bourreaux tenant des tentes écrasées dans leurs paumes des satrapies
voyages présidentiels éhontés
un triomphe poétique un nouveau langage musical le cœur humain
comme une semelle aplatie le cerveau humain comme un héritage
décevant
le corps humain comme une fatalité l’amour
comme une vulgarisation des Ennéades


les avenirs comme une évacuation à la suite d’une ripaille bestiale
la joie
comme un suicide raté les verbes s’éclairciser se réfléchiser
se fertiliser s’orientaliser s’espriravir se désiroconquérir
s’ensemenciser se chantaliser
les mots limaçonnage culpabiliarité matériliarité
machinianisme
ontophonie
ocularisme
entaillassement pneumatémèse glossabandon
corporellisme
la Polynésie de l’aventure inavouable la poussière
et la prière dans la poussière et l’angoisse dans la poussière
l’excavation des tombeaux les bouches et la cendre humide dans
les bouches
les rêves et les crimes d’un être de quatre jours
la Pyramide de la Douleur le Diadème de la Souffrance
l’Impératrice des Spasmes
paysage d’une exactitude d’outre-tombe
les foules agenouillées devant un nain
qui leur énumère les dynasties d’Orient et d’Occident en les
faisant sortir
de son caleçon crasseux
et moi
courant de peur les dents de l’hyène ingénieuse
plantées dans mon dos tombant
sans postérité sans piédestal sans patronyme même pas anonyme
moindre que tous les insectes moindre que l’ombre du batelier
couchée sur la réfraction de son labeur marin moindre
que tout le monde mais désirant tout le monde
pour que je m’éteigne dans le monde et devienne comme je
l’aurais été
si je ne m’étais dressé face au monde comme son image
les langues l’une dans l’autre et à travers l’autre


la bouche humble du prophète qui rougit comme une jeune
fille nigaude
la triple tête de l’hyène paisible couronnée
des roses du repentir
et des lys de la fonte des glaces
l’éveil de mon toucher des invisibles
la frénésie de l’imagination fébrile
jusqu’à ce que mes cendres soient dispersées dans cette mer
qui m’a rejeté sur le rivage je choisis
le feu le plus grand et je me jette dedans
je me jette dans le feu le plus grand
en éventant les sandales de soie
pour que le monde soit de nouveau rempli par la déesse
et par les hymnes qu’il faut qu’ils soient écrits pour elle
Et
j’ai vu la main impotente s’immatérialiser
s’emparer du champ magnétique entier et le presser pour qu’il
devienne de l’encre
sur une feuille de papier vierge qui palpitait
comme la matrice d’une bête prête à mettre bas J’ai entendu
le cri radical
au centre de l’Image
et senti sur la bordure inabordable de ma profondeur
la Conception du monde telle que la souhaite l’œil insatiable
du désir


Première contradiction

L’unique enfant au monde est celui qui trahit sans arrêt et de


mille façons les espoirs qu’a fondés sur lui l’humanité. Chaque
matin, à son réveil, il se met à bâtir un monde encore plus
mauvais que le vrai, et chaque matin le nouveau monde est pire
que celui de la veille, qui chaque fois était plus mauvais que le
vrai. Ce qu’il fait provoque en lui une telle joie, un tel
enthousiasme, il s’amuse tellement de ses résultats quotidiens
merveilleux et inespérés, qu’il ne craint pas que s’épuise un jour sa
noire inépuisable imagination. Il est l’unique enfant au monde
parce qu’il trahit les espoirs qu’a fondés sur lui le monde. Et
l’enfant va devenir encore plus enfant lorsque le pire des mondes
qu’il va construire remplacera le vrai dans toutes ses dimensions.
Dès lors il ne sera plus un enfant car il aura accompli son unique
vocation.
catalogues 2

l’inabolissable trône
pour le sacre impérial du Temps
Récits de grands désastres dits par des bouches saccagées
avec un cerveau qui ne supporte pas sa propre essence
et recherche la narration au-delà de la narration
la représentation au-delà de la répétition
l’incarnation au-delà de la chair
là où se termine toute errance et toute issue
au terme de l’ivresse fleurie et au début du relatement de la
vieillesse
L’incurable nostalgie du passé pour le présent
c’est ainsi que va s’ouvrir le nouveau cycle
Qui n’a pas trouvé sa voix
qu’il laisse derrière lui déverrouillée la porte de sa demeure
et qu’il verse tout son sang pour la trouver
à des ruelles coupe-gorge à des cuisses funestes
à des crachats et des égouts
qu’il perde son nom son honneur et son rang au clergé
et qu’il verse tout son sang pour la trouver
car seule cette voix n’aura pas à le railler le jour du bilan
elle se tiendra solidaire au vertige de son ouïe
et apaisera le frétillement du corps échoué
elle seule
car maintenant chaque mot doit être dit
avec la détermination consciente de l’acte criminel
qui fut dessiné avec une perfection démente
dès le premier jour que se forma la bouche dans la matrice
Pour que soit restitué ce qui n’a pas encore existé
mais va exister autrement
car c’est la nécessité qui le veut


car c’est elle qui le veut
Chaque mot doit être écrit
pourvu à présent d’un détonateur infaillible
afin qu’il n’y ait finalement pas une seule raison de douter
que même les âmes les plus impotentes
les plus abortives
celles qui se traînent avec tous leurs os fracassés
et leur formation charnelle semblable à la tête d’un trépassé
dont a été lavé depuis des siècles par la mer tout ce que laisse
derrière elle la mort
vont cracher leur sang empoisonné
dans les saints lavoirs de la race
pour que soit obtenu le mal le plus aigu sur terre
C’est ainsi que chaque mot sera écrit
Ensuite vont commencer les hymnes les danses dans les voiles
les unions salivaires sur les lits moelleux avec vue sur la fiente noire
la vivification des murs glacés
les enroulements des germinations du cauchemar dans les oreillers
la gloire les banquets de victoire et l’immortelle musique
C’est ainsi que chaque mot sera écrit –
insurpassable trappe du présent
Toutes les souffrances amassées comme des papillons aveugles
dans un et seul corps qui se convulse sur la couverture sauvage
Des dents enfoncées telles des dents de loup
là où jaillit la mémoire en s’égouttant mielleusement
comme dans le sommeil la salive sur l’oreiller

mais maintenant parlons d’un amour

passion traquée pourchassée dans la boue et dans les arbres mouillés


de village en village
encerclée de pierre coupante


les bras déchirés par les épines et les racines sauvages
chair meurtrie insupportablement torturée
par les fouettements des pensées et les aboiements du cœur
descendant des ravins abrupts des torrents des crêtes pareilles
à des dos humains
passion interdite qui accepta l’interdiction comme une
connaissance de soi-même
et s’est tenue là où on saisit du regard
le déploiement de la braguette infectée des lois

il faut frapper l’enfantement à sa racine


pour que renaisse un nouvel enfantement
Il faut renverser la croyance actuelle
sur l’intérieur du crâne
afin de transmuer le trou des lieux d’aisance
en matrice de miracles en clause de drames expiatoires en monde
orné différemment
En monde orné différemment
Cet homme est encore hors du monde
Qui est aujourd’hui hors du monde
c’est lui qui appartient au monde futur
c’est lui qui viendra en renversant avec larmes avec deuils
en apportant son propre renversement
Car dans chaque monde il y a toujours
un homme hors du monde
Qui est aujourd’hui hors du monde
c’est lui seul qui va parler comme jamais personne
Qui est aujourd’hui hors du monde
c’est lui qui sera glorifié et va gagner l’autre vue
qui seule sauve
de l’humain spectacle d’exécution
Il faut que la vie-même soit frappée à sa racine
pour que naisse une nouvelle vie


La vie est pour une vie de mort
Car la vie
pourchasse la vie comme une passion interdite
avec des gourdins des lanciers et des régiments de chevaliers
des gangs de voyous débraillés
de gardiens et de dignitaires
qui tiennent fermement dans leurs mains les miettes
du pouvoir qui appartient à d’autres
avec des trappes compliquées
des risées écrasantes des humiliations et une haine jurée
de village en village
ne la laisse s’abreuver à aucun puits
clôture les arbres lâche ses chiens
en la montrant du doigt de toutes parts
semant en elle le remords
et la crainte indéracinable du fantôme ayant sur lui le sang
inextinguible
déchaîne toute la population bienséante
qui n’en sait rien de la vie
et la pourchasse en tant que mort
La vie est pour une vie de mort
cette vie-ci pourtant celle qui pourchasse la vie
celle qui ne laisse pas en paix la vie et qui l’interdit
la vie qui a reçu l’interdiction comme une connaissance de
soi-même
En une course éperdue derrière la passion persécutée
sur terre et sur mer que des essaims de farfadets polycéphales
sillonnent les sommets
opérations expéditives de tous les terriers de la terre
excavant les déserts aplanissant les crêtes
arrondissant les forêts attelant les peuples par la force du
dévergondage
afin que l’ennemi soit touché en plein centre de sa reproduction
au cœur du recyclage de sa semence


là où est douce l’odeur de l’aisselle profonde
là où les mots d’amour sont semés en tant que corps dans le corps
là où l’homme est mangé par amour
là où l’image plate du cerveau s’effondre
et règne la vue des corporaisons incandescentes
Qu’il soit démembré incinéré éparpillé
aux rafales des vents qui bouleversent les océans
mais qui a regardé en lui-même
lui-même en lui-même et a dit Je l’accepte
Qui a osé écouter le silence ineffable
l’absence inouïe qui rend si défectives les présences

il faut que la force de l’homme soit écrasée


Il faut qu’elle soit écrasée sans pitié Que la pitié s’ensuive
Mais qu’elle soit d’abord écrasée sans pitié
Il faut que l’homme perde
qu’il se voie jetant les dès
et que l’autre ramasse plus
que ramasse plus l’autre
et qu’il se lève alors
et donne tout et reste
seulement avec ses os seulement avec ses os
seulement avec ses os
et qu’il appuie de nouveau sa main vide sur le sol
et sente de nouveau la force du sol
plus grande que la sienne
qui ne sera plus de la force
mais acceptation d’une autre force
Il faut que l’homme soit écrasé
et qu’il ait faim comme jamais il n’a eu faim
afin qu’il conserve sa nouvelle satiété
qui conservera sa faim intacte
Car l’homme est pour l’écrasement


et cela ne s’oublie pas
Malgré la jeunesse qui orne les os

mais maintenant on va parler d’un amour

passion illégitime habillée en haillons les pieds incapables de courir


le corps entier blessé par les épines
les mains dominées par l’entêtement des nerfs et des articulations
passion haletante meurtrie
cherchant des cachettes dans les ailes des insectes
dans les ventres des reptiles
dans le dédale du vol des oiseaux dans leurs migrations mythiques
dans les fruits et dans les troncs
dans le silence de l’herbe dans l’isolement hors du monde de
la racine
passion qui trace son sillon pour imprimer sa marque
et elle a tout contre elle et elle est contre tout
et dit son nom et se noie sans son nom et ne recule pas
et parvient jusqu’où parvient la fin de celui qui la pourchasse
afin de commencer par là sa propre vie
la vie d’une autre vie qui ne pourchasse rien

la passion qui
quand ce monde-ci fut bâti
a été rejetée comme étant d’un autre monde
Dès aujourd’hui
tout ce que ce monde-ci refuse
c’est de la vie


car la vie est une passion interdite effarouchée par les javelotages
pourchassée dans la boue et dans les arbres mouillés
de pays en pays
brouillant les frontières qui s’emmêlent à ses pieds comme des fils
les cheveux collés par la sueur
sur le front sur la nuque sur les tempes
la bouche pleine d’une amertume sommettisée
le sang voulant jaillir de tous les pores dilatés
obstinément inspirée par sa condamnation
exaltée par le vertige de son malheur
par l’ivresse de son propre sang
ayant des visions éblouissantes dans le tourbillon obscur de sa peur
avec la fécondité invincible de son ventre persécuté
passion découverte hurlant sans couche exhibée injuriant
nuit et jour injuriant
injuriant comme une évacuation de dieux
attrapant sans rien saisir
labourée par le magnétisme de la transgression des termes
passion avec sa propre théologie
et ses propres modes d’immatérialisassions
du corps chloranthème du corps glorisensible
adorationnel myrrhéternel
qui remue doucement et glaivement comme un amour vain
et comme le sang de la mémoire sur une tempe enfiévrée de passion
qui vit affamée
comme un chien battu des bas-fonds comme une chatte
malade des bordels
assimilée au vide abyssal
qui est l’autre face de la plénitude et des images inépuisables
énigmatique insoluble imprenable imbattable mysticopathe
et démophage
donnée au martyre de l’élévation de l’indicible et de l’inaccessible
avec ses mamelles brûlées sa matrice volée sa langue mangée
les sens tous cloîtrés


et les intuitions toutes aiguisées à l’extrême
à l’extrême toutes les intuitions
toutes les intuitions aiguisées à l’extrême
En vue de l’avalanche des prophéties
En vue du Levant des prêtres nouveaux
Afin que les attroupements entendent la parole
et glorifient le nom de ce qui fut jusque-là innommable

bouche à l’envers
qui dis dès maintenant
dans les fers et le goudron aux dents
ce que le monde va voir
avec son renversement
bouche à l’envers
qui pendant des années ravalais tes paroles
en les méprisant dans la formulation des autres
noyant ta langue dans ta propre salive
toi qui as passé des nuits
à mâchonner le sable et la saumure
oh bouche qui renverses tout
et dont chaque mot prononcé
est une détermination consciente
de l’acte criminel
dessinée avec une perfection démente
depuis que tu as pris forme dans la matrice
Chacun de tes mots
un mécanisme infaillible de détonation
afin que le grand feu s’élève
que le feu redevienne fin et commencement
que le ciel se fasse de nouveau
la rose inaccessible
et la terre le lieu d’écrasement de l’homme et de sa progéniture
dans la polyphonie des choses


et des ouvrages de la mesure implacable
En voyant clairement l’élévation
de l’inabolissable Trône
pour le sacre impérial du Temps

se crépusculise l’aurore de la jactance


À droite les porteurs réfléchis de la gloire revenue des illusions
sereines blessées des envols secrets de la soumission inavouable
de l’acceptation libératrice Et des coups de feu clandestins du
cerveau qui soulagent de l’obstination basaltique du monde
à gauche les passions absolues pour la désarticulation immédiate
des définitions pour la rupture totale des jointures
de la structure la plus imparfaite
de l’engeance depuis les premiers temps des idoles de la Terreur
Majestueuse la cérémonie et terminale
Présents tous les rois de l’univers
avec leurs sujets leurs trésors et leurs bêtes
afin qu’ils témoignent avec leurs voix millénaires
dans le cristal des répétitions de la même faute
Car maintenant on va parler d’un amour
Lui et tous les autres

comme une femme


Dont aucune joie n’a jamais léché le corps
et nul assouvissement du désir ne fut effarouché au centre de ses
entrailles
femme dont tout le miel de son regard devint
au fil des siècles
un cobra qui crache le venin par sa queue secrète
et caresse avec la fourche de sa langue
comme celle qui n’a jamais perdu son corps dans une autre étreinte
s’est enfermée dans son propre corps et l’a fermé à elle-même


et vécut en adorant avec des cris de chimère massacrée
les visions qu’elle composait en les puisant dans les vieux
feuillets des Écritures
et s’est flétrie desséchée encendrée
et tua avec la hache de son cerveau
et tout à coup elle tombe
comme tombe tout à coup une femme
la moitié de son corps tombe
et tire vengeance de l’autre moitié
elle tombe seule
seule comme une passion pourchassée dans sa propre passion
et alors s’élève le Temps se dresse grimpe
et la passion se glorifie après la persécution
dans la neige et les injures du ciel
en l’emportant sur l’horreur du fantôme sanglant
qui sort comme un glaive silencieux du chaudron où pourrissait
son cadavre
Que reste-il d’un homme
De tout ce qu’a pu vivre un homme
que reste-il d’un homme
Et non pas tant ce qu’il laisse derrière lui
que ce qu’il emporte avec lui
Qu’emporte-il avec lui un homme
quand il laisse tout derrière lui
Même celui qui sortit du cercle de la passion
et regarda dans le cercle
l’infatigable entredéchirement des psychophages insatiables
Que reste-il
d’un homme quand il laisse tout derrière lui
et n’emporte rien avec lui
La transmission de la passion d’homme à homme
et l’acceptation de la passion Ou sa dénégation
Comme une femme qui la dénia
et s’intronisa le Temps sur sa tombe


l’impériale intronisation du Temps
c’est la fin de l’homme
hors du cercle de la passion
et dans le cercle du couronnement du Temps
Le Temps est la passion de l’homme
et il est pourchassé dans la boue et dans les arbres mouillés
car l’homme ne veut pas être la passion
et la passion qu’il est la pourchasse en haletant à autrui
Comme une femme
qui pourchassa la passion dans la passion
et fut conquise

le cercueil se tient seul sur le feu


Les dentelles de cire bruissent autour du corps étendu
rempli de fer glacial
La tête est sans cheveux Les yeux sont des trous
qui en soulevant la paupière
atteignent le centre de la terre
Autour de la bouche bourdonnent en injures assourdissantes
tous les baisers qui n’ont pas été donnés et reçus
Un vent de désespoir va et vient
sur la roche poreuse de la gorge
Elle n’a jamais été aimée Pas une nuit
ne l’a faite se crisper de ce spasme qui rend les nuits inoubliables
Dans ce corps
est restée enfermée une malédiction qui ne sera jamais entendue
car le corps ne peut maudire le corps
même s’il sait qu’il a commis une faute
Le cercueil vogue seul sur le feu
Les mains sont en bois dur
Les veines saillent comme des marches compliquées de soldats
qui se dirigent dans la nuit vers la mort
Un vent de désespoir va et vient


sur les mains comme s’il voulait dévoiler les paumes secrètes
Les pieds ne sentent plus les chaussures
Le cercueil repose seul dans le feu
Le nez s’élève tuméfié et extrême comme un sentiment non
dépensé
pointant vers la direction de la poursuite de la passion
pareil à une errance haletante
et vaine sur des chemins où se répète la beauté de la beauté
comme un pouvoir
derrière des amours perdus intacts
Un vent de désespoir va et vient sur le front
qu’une lueur horizontale relie à jamais aux pieds

personne ne va échapper à la persécution de la faute


car la faute est la persécution
et la persécution est la direction de l’homme
Personne ne va échapper à la direction de l’homme
L’homme est la direction de l’homme
et cela est sans consolation Tout ce qui vient
n’apporte pas la consolation apporte la direction de l’homme
et l’homme ne va jamais échapper à l’homme
Car l’homme est la faute de l’homme
Quiconque va tenter de sortir de la faute
va s’enfoncer plus profond dans la faute
et quiconque va tenter de persécuter la faute
va persécuter l’homme en s’enfonçant au plus profond dans
l’homme
Car quiconque va tenter de sortir de la faute
va se persécuter lui-même en la personne de l’autre
dans la boue et dans les arbres mouillés
de planète en planète


forêts du cerveau humain avant de devenir pierre noire
vous maintenant récitez
la cendre de la passion
qui accepta l’interdiction comme une connaissance de soi-même


Deuxième contradiction

Il y a trois dieux que personne ne connaît aujourd’hui. Ils sont


devenus des dieux parce qu’ils comprirent, crurent et diffusèrent
trois choses, une chacun, et c’est à cause d’elles qu’ils ont été
sacrifiés par les hommes. Le premier abjura frénétiquement le
monde, crut qu’aucun homme n’a raison, et on l’a écorché vif. Le
deuxième eut comme unique but, et il y a réussi, de conquérir
toute son intériorité, crut que la raison est toujours partagée entre
deux ou plusieurs partis opposés, et on lui a tranché tous les
membres en gardant pour la fin sa décapitation. Le troisième
trouva le secret de la créativité inépuisable, crut que sont
infiniment répugnants tant celui qui a tort que celui qui a raison,
et on l’a empalé par tous ses orifices à la fois.
catalogues 3

le jardin d’enfant pour le triomphe à venir de la mort


Rien de plus haut que l’homme L’homme et rien d’autre
Le jardin d’enfant pour l’accomplissement humanoïde
de la vocation principale de l’homme Voilà qu’advient le bien
suprême
en forme d’homme L’homme est la justice de la bête
Une nuit chaude sous les grands arbres sombres
les étoiles à la hauteur des yeux la lascivité de la profondeur sombre
dans les herbes un appel à travers les herbes un attrait
qui vient à travers les herbes à travers la profondeur sombre
du sang des arbres pareils à une mer verte chargés immenses
comme des nerfs à l’heure du crime immobiles humides comme
une bouche
qui fut embrassée à la manière historique qu’embrasse l’humanoïde
enveloppés dans le calme de la mort à venir
le jardin d’enfant avec l’arbre divinisé au milieu
tel un instrument d’exécutions purificatrices
Une nuit insoupçonnée Là toutes les personnes marquées par
l’ignorance
Aucun grincement avec l’horreur inconsciente de l’ignorance
dans le rire torrentiel derrière lequel s’érige la représentation
en vue de l’écrasement du suprême et de la soumission du bien
en forme d’homme depuis toujours et pour toujours totalement
Rien de plus haut que l’homme L’ignorance inconsciente de
l’horreur

une autre nuit


Encore des herbes
Une poursuite effrénée coups sauvages aux centres du corps
sans raison mortels peut-être l’homme en tant qu’homme


fidèle à l’homme
coups humanoïdes ruades humanoïdes griffes humanoïdes
Tout en l’homme est humanoïde l’homme est humanoïde
L’homme et rien d’autre
L’homme est la justice de dieu
La première nuit Le cerveau
ne peut pas saisir les deux bouts du fil qui est foudroyé
mais l’autre nuit est dans la première nuit
les mêmes arbres la même tranquillité à travers les grands
arbres sombres
la même lascivité l’attrait
le sang toujours là le toujours sang
une soie inimaginable parfumée descend rouge et or
du scalpel de l’âme du ciel des miroitements
se balance autour des petits corps ignorants du sperme
ignorants de la pointe carnassière du sperme
femmes qui sont la vie
femmes sans qui la vie est soustraite
dans la soie inimaginable qui se balance en descendant parfumée
dans la fraîcheur de la mer des arbres
dans l’odeur de l’herbe frottée
sur la même herbe un bout sur la même herbe l’autre bout aussi
du fil qui est prêt à se briser foudroyé
petits corps ignorant le sens du balancement rouge et or
femmes
qui ne mourront jamais mais c’est elles qui mourront
afin que la croyance immémoriale soit démentie
Les femmes

voilà qu’arrive le jardin pour le triomphe de la mort


et en lui les femmes Pareilles à des grands arbres marins emplies
de lait
le corps entier lié avec des veines en des entrelacements vertigineux


seins profonds comme l’appel de la lascivité rires dans les
camomilles
les cheveux aspergés du sable éternel les dos comme l’arc de la terre
Femmes grandes comme la chaleur et comme la pluie
avec les hommes accrochés à leurs flancs comme des arêtes de
poissons
avec les exemples de leurs mains attachés comme des emblèmes
sur les linteaux des maisons comme des couronnes de légende
reflétées dans des miroirs pudiques qui les ont vues
se donner et se prendre
les femmes
Chaque femme et la terrhistoire
Chaque femme et toute l’herbe sur elle
toute la soie rouge et or à travers les miroitements
qu’elle vienne en tant qu’avenir qu’elle s’assoie qu’elle se fasse
souffrir qu’elle se partage
qu’elle gémisse en passant
les mains noires sur les yeux comme si elle voulait effacer la
source des larmes
la femme crachant elle seule languissant s’affamant
s’enfuyant laissant en arrière ce que laisse en arrière la vie se vidant
se saignant
la menace humanoïde qu’aucune femme n’est jamais parvenue
à emmener avec elle en fuyant afin que le mal manque
Ce mal ne va jamais manquer
Aucune femme ne parviendra jamais à ce que le mal manque
Car le mal est humanoïde
Et tout ce qui est humanoïde est mal
La femme n’emmènera pas avec elle l’humanoïde et la femme
meurt afin que se démente le bien suprême en forme
d’homme
car rien de plus haut que l’homme
L’homme et rien d’autre
Une brillance insoutenable qui vipérise les nerfs


Mais voilà arrive le jardin d’enfant avec l’inexplicable lascivité –
et à sa propre terminaison l’inexplicable agression l’accomplissement
de la principale vocation humaine l’humanoïde et rien d’autre
Une sauvagerie humanoïde une humanodie Car l’homme
est l’humanodie de l’autre homme
et de cela pas de délivrance

l’autre, la calme nuit


Corps qui est avili d’abord par des mots par son nom
par les noms de ses géniteurs par le sacré de sa solitude
ensuite traîné sur les herbes les habits supplient les chaussures
frémissent elles regardent doucement en souriant
et frémissent le corps
s’ensanglante il crie crie
sans être entendu
sans dans la nuit calme être entendu il a peur et crie
l’autre corps se gonfle s’enfle sort des écailles des angles il rue
s’aiguise
sang qui coule des pieds qui courent en criant comme crie le sang
les sombres arbres calmes la neutralité des arbres
Et sous les arbres l’humanodie seule et vaste
comme une lumineuse soie inimaginable qui descend parmi les os
en cousant les petits corps avec le corps qui est battu par
l’autre corps
avec humanodie
et les femmes alentour qui regardent et tressent
en plantant les aiguilles dans la chair qui crie sans être entendue

si l’homme et rien d’autre


pas de délivrance et alors que les yeux pleurent
que la tête s’incline et pleure pour toujours


que le corps dégringole encore que le cerveau invente
encore une dégringolade du corps
que le corps se donne d’horreur en horreur sans attendre rien
d’autre
si seul l’homme
Car
si l’homme et rien d’autre
rien pour l’homme Rien sans l’autre
Une telle dégringolade une telle glissade un tel dénuement
et encore de nouveau la foi au bien suprême en forme d’homme
Le jardin d’enfant pour le triomphe à venir de la mort
Ici la foi aussi immémoriale qu’elle soit rend des comptes
Les femmes enveloppées l’une dans l’autre
draps interminables plongés dans de l’eau bouillante
et accrochées par leurs cheveux comme des noces spoliées
pieds nus cloués sur des pierres lacérées
idoles effarouchées au-dessus de mers renversées
avec la puanteur coulant comme du sang d’agneau sur leurs cuisses
avec des voix qui parviennent jusqu’à la racine des arbres sombres
Données les femmes à l’impérissabilité de leur germe
et contemplant le monde tel un entrelacement suspendu
d’horreur et de souffrance
elles attirent tous les cercueils dans leur ventre
en déchirant l’arabesque inscrutable du nombril
en ensemençant leur immortalité avec la mort légale
Si les femmes meurent
alors ce n’est pas seul l’homme et rien d’autre
c’est d’abord l’autre et ensuite l’homme
d’abord l’altruïde et ensuite l’humanoïde
car l’humanoïde est la justice de la bête
l’humanoïde est la théodicée de dieu
et de cela pas de délivrance
Les femmes sont immortelles mais elles meurent
afin que rien ne soit plus haut que l’homme


pour le triomphe à venir de la mort
Voici qu’arrive le jardin d’enfant
Le petit corps est saisi et tourné avec une force humanoïde
vers la lascivité de la profondeur sombre et là livré au viol
à l’irrigation des os dans les camomilles
dans les étoiles qui sont descendues à la hauteur des yeux
criant sans être entendu
courant comme des pieds qui courent en criant comme crie le sang
Le crâne est fracassé successiccessivement
et les flancs contractent la sapsichanosis féminine
en délirant dosinélytement
tandis que l’épine dorsale se soleillise avec une prémonition
des membres
qui ramènent les feuillages verdoyants vers les teints des trépassés
Le petit corps est l’un et l’autre bout du fil
qui s’humanoïdise à l’extrême
et s’éteint comme si la brute était née dans dieu
L’union se fait dans les cavités du petit corps
qui apprend ses extrémités et conçoit sa justice
après son écrasement choélique qui l’âmelise
Mains qui deviennent des mains
la bête retourne à sa place d’où elle voit le monde mesuré
le talon ressent sa vigueur dans la nouvelle acceptation du sol
et arrivent les punitions
Le jardin s’emplit de punitions Les punitions en tant que femmes
Les punitions telles que rien de plus haut que l’homme
Car
si rien de plus haut que l’homme
alors rien pour l’homme
Alors rien de plus bas de l’homme L’homme le plus bas
L’homme somatise le plus haut et psychise le plus bas
se somatise et se psychise et pend avital
baigné dans la pourpre qui l’habille d’une rage humanoïde
parmi les dents aiguisées et dans la frélanésie de leurs pointes


la sérénité est la destination du sang
Le voyage stationne à des massacres successiccessifs
et se poursuit pour d’autres encore plus terribles
mais la sérénité est la destination du sang
De cela pas de délivrance Et cela adviendra Car c’est cela la
délivrance
Tous prendront la pose qui sied
Et ce sera une pose de punition extrême écrasante
sans la moindre pitié suprêmement charnélisée humanoïsante
d’une inertie enivrante ou d’une mobilité broyeuse de l’esprit
avec des cas d’effraction continuelle de la langue
d’ophtalmoptysie d’ostéophanie
d’inhumanisme d’impétueuse diminution de la chair
avec les yeux jalousant les pieds et le toucher se transférant au nez
et le mécanisme des bas viscères conquérant l’antre de la bouche
avec des stations de plus en plus terribles de massacres
Car c’est cela la délivrance
L’esprit délabré
avec les points de son horizon se strabismant et s’entre-haïssant
se réveillera totalement au moment ultime et verra tout
comme un rassemblement terminal de tous les rêves antérieurs
dans une exaltation insupportable
et sera enflé par le recyclage de l’angoisse
et ira demander pardon aux mains rongées
il ira le demander bourgeonnant et ne l’obtiendra pas Et il ira
le demander
ira demander l’exachliosis immédiate de tous les rêves martyrisants
qu’il verra pour la première fois comme l’arrangement véritable
de son squelette
dans la lumière de l’imposition irrévocable des arrêts du devoir
lequel maintenant aura soleillement la parole et distribuera
les poses en forme de punition
afin que tous prennent celle qui sied


la fin doit rendre compte au commencement
revenir à lui et à partir de lui recommencer afin d’être une fin
La fin faut-il qu’elle revienne à genoux au commencement
en frappant les joues et les flancs avec ses larmes
et qu’elle avoue comment depuis lors le voyage et pourquoi
s’est-il poursuivi avec des massacres de plus en plus terribles
et qu’elle apprenne enfin quelle est la destination du sang
Mais trop tard

aura lieu ce qui n’a jamais eu lieu jusqu’à présent


La mort deviendra commencement
pour l’investigation minutieuse de tout ce qui a précédé
afin que la connaissance parle à partir du commencement
et que la terreur divine guide incite et répartisse
en récompensant ses exploits
et le signalement des malinisations
Pour que la poussière voie son propre visage et se ressaisisse
Car cela sera la délivrance
Le jardin :
torse en direction du dos
épaules élevées au-dessus de la normale
et ongles tournés vers l’intérieur
cheveux en forme d’aiglecorbeauvautour hors de la tête
la marche incontrôlée et irrémédiable d’un pied contraire à
celle de l’autre
et la pousse des cheveux en incarphosis et procodie
et les pleurs en tant que crise de sclérose des cellules à des
niveaux inaccessibles
avec le thrène des mères pour les enfants et des enfants
pour leurs jeux avec l’humus tard dans l’après-midi
quand l’odeur moite de la terre prend le jardin
et le soulève à la hauteur du crépuscule avec les chants des
oiseaux croliens


en intensité adoucissante de la sérénité
Le jardin d’enfant Pour la destination à venir du sang
À une extrémité l’émotion insupportable des corps tendus
qui se sont mis en mouvement au premier âge
avant la sauvagerie humanoïde avant l’humanodie
les herbes hautes et les fleurs en tant que glorifications du sang
novice
dans le duvet des feuilles toutes vertes et le parfum des pourries
une quiétude du sol sous les sandales
la sensation d’une peau véritable d’un souffle donné du dedans
le corps entier qui se sent en extase mais aussi qui garde le silence
comme s’il connaissait le tout dès maintenant mais le laissait
pour plus tard
lorsque rien ne se fait comme il se ferait maintenant s’il se faisait
Tout écrit clairement tel des fruits dans la lumière unie
les zinnias desséchés et les grenades immatures
mouches nombreuses plumes
un empire d’odeurs un piège de touchers
tout écrit clairement tel des insectes dans la lumière unie
un soupçon d’humidité de cave une humidité humanoïde
à l’autre extrémité
elle arrive survient repart se lève revient ne part plus

le sang est la destination de la sérénité


le sang est la destination humanoïde
La sérénité n’est pas humanoïde
La tête est écrasée sur les dalles le sperme sort comme une gerbe
de lames de rasoir
et taillade la chair là où elle souffre le plus
en plein dedans au plein du dedans au plus plein
La menace humanoïde les grenades immatures car le mal est
humanoïde
car rien de plus haut que l’homme


car l’homme est l’humanodie de l’autre homme
et de cela pas de délivrance
Le voyage se poursuit avec des massacres successiccessifs
Les poses en forme de punition
L’humanoïde courbé muet et impuissant
seul comme son crime seul comme ses prétextes
comme ses intentions comme ses élans et ses secousses
seul l’humanoïde en tant qu’humanoïde
obéissant antichicaneur profondément attentif et épris de passion
le polycorde
le maladif le virussé l’à rebours
l’éternellement à rebours
l’humanoïde secoué par l’autre hauteur
par la hauteur de l’autre
prosterné devant lui l’iconisant lui offrant sa fumée
dans l’incessante révélation de la faute et de l’échec
soumis lié jamais nondisant et perpétuellement ouidisant
pendu à l’arbre au milieu du jardin
et les enfants l’aiguillonnant d’en bas avec des roseaux
traçant sur sa plante ses délits comme des cris de repentis
ensanglantant sa chair insensible raillant ses spasmes
vidant son sang jusque sur l’herbe et sur les fleurs
la terre buvant son sang avec les cris des enfants qui affolent
le monde
les roseaux pleins de sang l’humanoïde suspendu en tant
qu’humanoïde
et son sang comme potence
l’appel à travers les herbes
l’humanoïde seul comme son sang comme sa destination
Car l’humanoïde n’a pas de sérénité L’humanoïde
est la destination de l’homme
et la sérénité la destination du sang
De cela pas de délivrance


Troisième contradiction

Le nez, franchissant violemment un jour la frontière inviolable de


la vue après une très longue préméditation, cria triomphalement
de toute la force de ses narines : « L’œil était jusqu’à maintenant
le plus fort de tous sur le visage, mais désormais c’est moi qui verrai
à sa place. » Et en se tournant pour regarder le monde pour la
première fois, il l’a vu inodore, à tel point même que, pris de
panique, il a recherché son odorat pour se rassurer après cette
impression bouleversante, mais il était trop tard. L’odorat était
exclu du nez pour toujours. C’est ainsi que le nez fut obligé dès lors
de voir le monde sans pouvoir le sentir et sans être en mesure de
confirmer cette impression bouleversante qui n’a aucun rapport
avec la vue. Cela l’a rendu fou et un jour on l’a retrouvé pendu
avec les yeux crevés. C’est depuis ce jour-là que s’est répandu le
proverbe : « Qui cherche à crever son œil avec un nez, ne peut voir
de cendre ni sentir de fumée. »
catalogues 

l’immense fatigue la dislocation du cerveau


le corps sale le corps sec l’aporie du corps
la non contenance de l’haleine dans la bouche
les sous-vêtements cholériques
le désordre cauchemardesque sur la table morceaux de pain
comme des papiers froissés
papiers comme des morceaux de pain desséchés le désordre
cauchemardesque
sur le lit un mal de cœur qui tire la moitié du visage
et la cloue sur le mur d’en face comme un pied tendu
les doigts qui ne sentent plus rien
les doigts qui n’ont pas touché depuis l’allaitement la matière
des autres doigts un calme qui n’est pas du calme
une sérénité qui est l’envers de la sérénité une inertie
qui ne dit pas son vrai nom
les choses qui ne compatissent pas
les pantoufles renversées une pantoufle en biais à côté de l’autre
la poussière enfoncée dans les vêtements éparpillés dans les
roses fanées
dans les pores des bois l’écrasement de l’imagination
la terreur devant la répétition des mêmes invocations de l’âme
les mêmes rythmes
les assiettes sales
la paralysie des yeux devant l’hécatombe qui submerge l’évier
insectes morts partout ficelles traces de pas
secrets taches remords
une atmosphère lourde de sursis
la chemise mal tirée en forme de fauve crispé
le corps sale la dislocation du cerveau
les dents gelées les chevaux


les chevaux blancs qui attendent derrière le rideau
la fumée de sacrifice qui s’élève des draps
le paysage d’exécutions qu’entaillent les couvertures sur le lit
comme un lieu d’expiation privé
pages d’un journal intime sur la commode avec les calmants
si tu veux que ta vie ne se poursuive pas comme un tétanos
et un verre d’eau morte à côté
l’oreiller
en forme de maladie soudaine les boutonnières subites
comme un désastre inattendu qui serre le hurlement comme
un fil de fer
autour du cerveau
le plafond avec ses plaines répulsives
les pieds endoloris d’où on tire les chaussettes
et s’en vont eux aussi avec
l’effondrement de toutes les expressions du visage
la déchéance de toutes les expressions du trône du visage
le visage dévasté comme un trône
chaque mouvement du corps laisse derrière lui une vague bourbeuse
chaque mouvement lent comme une confession
soulève des vagues tourbillonnantes de toiles d’araignée
pelotonnées dans des masses houleuses d’une eau insondable
le corps vide l’obscurité du cerveau la dignité de la chaise
l’heure avancée dans la nuit qui rend intolérable le mur aveugle
où commence à s’élever comme une souffrance la vision blême
de l’horreur matinale
l’amour
comme une humidité de poisson dans un papier à se moucher
déplié
l’amour
comme une chaussette humide jetée sous le lit
la chambre
en forme de salle d’opération avec une imbécillité répandue
sur tout


le lent déshabillage
le remuement de toutes les odeurs comme dans des eaux
calmes vespérales
les poils en position sournoise
le labyrinthe superficiel de la chair insensible
le silence des viscères
comme un département souterrain de musée
avec un clair de lune sarcastique qui vient du plancher
les creux les plis les deuils des lignes
les extrémités des membres comme un rappel de la fin du
monde
la nudité
la nudité monumentale
comme un cri dans un sommeil aux yeux ouverts
sorti d’une bouche plus grande que le corps qui l’a
le piétinement des révoltés et des affreux
l’obscurité du cerveau le cerveau
comme un corps vide l’écrasement du cerveau
le cerveau comme un corps sale comme des sous-vêtements
cholériques
de tous côtés le piétinement des révoltés
et des affreux
l’égorgement d’un pauvre épicier dans la rue
le sang de l’épicier au milieu en pleine rue
l’âme
comme un désir déchiqueté
l’âme
comme un pauvre épicier massacré en pleine rue
comme le sang sorti de la bouche de l’épicier qui coule encore
la marche en avant des troupes dans le territoire conquis
du pays ami qui fut envahi comme un ennemi sempiternel
l’extermination des populations civiles
les tombes ouvertes avec les têtes coupées
un bruit incessant d’incendie dans le mur de gauche


un dégoût dans le corps étendu les doigts hors de la couverture
pour ne pas bégayer de dégoût
le cerveau se soulève pour dire quelque chose – mais retombe
il veut dire quelque chose mais retombe
il ne peut pas le veut – mais retombe
des essaims de peuples qui avancent triomphalement
et sont exterminés se relèvent et retombent
les nouveaux décrets
les changements de garnison les acclamations les changements
d’emblèmes
les acclamations l’interdiction de circuler
la nuit
une pluie de soufre le réveil des volcans
le courroux de la terre troupeaux de reptiles dans les yeux des
hommes
autour des langues telles des phrases interminables
semant des poisons dans les corps
la destruction de l’appareil respiratoire
la propagation des animaux
la terreur tel un œil qui mange toute la bouche et arrive
jusqu’aux plantes des pieds en sphérisant tous les organes
une corde tendue et à l’une de ses extrémités
une barque
à l’autre une main diaphane
une corde qui est foudroyée et la main s’affole en devenant noire
naufrages l’obscurité
l’obscurité hémophore
un orage autour des draps qui ont la forme du corps étendu
le corps vide le corps comme un cerveau obscur corps
comme un cerveau sale
corps en forme de cerveau écrasé
la cendre la cendre
encore et encore elle la cendre
qui rend l’homme conséquent avec ses fins


le vain mouvement de la main dans les draps
le spectre de la bouche qui crache ses dents
sur celui qui lui a mangé les lèvres en laissant
seulement la pourpre tuée des gencives
la déroute des expressions sur le visage
poitrine comme champ de bataille après l’extermination mutuelle
l’écrasement de la justice
des morts par répétitions écroulements de villes
écroulements de villes comme effondrements des expressions
du visage
villes pareilles à des visages épouvantés
visages pareils à l’ahurissement de divisions d’une tempe à l’autre
le martyre de la vue
la condamnation au martyre de la vue
détrônements
changements foudroyants de régimes vers le pire du meilleur
grèves rebellions marches
échanges de populations réformes d’étendues gigantesques
les entrailles de la terre autour des gorges mangées
incendies assassinats de poètes sur le poème
le poème
transactions pour la prédominance des égorgeurs les plus noirs
le poème
rançons pour l’imposition des imposteurs les plus hideux des
assassins
des affreux
le cerveau se soulève veut dire quelque chose
une clameur de sang infini
pourparlers sur la souveraineté absolue des affreux
il veut dire quelque chose mais retombe
il ne peut pas le cerveau veut – mais retombe
les suicides
Le poème l’immense fatigue du cerveau la dislocation du cerveau
l’obscurité du cerveau


le corps sale le corps vide le corps froid le corps sec l’obscurité
du corps
le silence du corps
la chambre avec les massacres collectifs
les foules au marbre dans les yeux
à la peur inexprimable et à l’enveloppe oursine de la pitié
à côté du lit tyrannique sous l’oreiller
dans les draps sur le corps étendu profondément dans
l’écrasement du cerveau
l’hématémèse intarissable obstinée dès le premier instant du
premier instant
les mutilations l’étau en des formes d’une variété inépuisable
les martyres la prière de la chair livide
les hosannas des vessies urinaires
les litanies des os décloués
les psaumes de la gastrite
la haine le défoulement de la haine sur la dépouille de l’amant
le cérémonial des mains qui tremblent
la somptuosité
l’extravagance de la somptuosité et le soulèvement des velours
piétinés
le paroxysme du goût
le cerveau
le cerveau veut dire quelque chose – mais tombe
La glace du corps le corps jeté dans l’immense berceautisation
le cerveau désert seul avec son silence
qui lèche ses propres membres et s’en réjouit
telle une sentinelle solitaire dans une guérite embrouillardée à
la frontière
oubliée de tous avec les loups tout proches
et l’envie d’un corps chaud cloué au sien
toujours loin ou d’une âme qui mangera la sienne
en la rassasiant toujours loin comme appartenant
à un autre pays à une autre vie qui ne revient pas


qui s’en va mais ne revient pas
Les draps Le plafond descend s’approchant
comme un amour railleur le rasoir à la main Jamais le poème
Un ronflement comme un vomissement dans le sommeil
L’âme comme un drap sale
drap tordu très long
vers le haut vers le bas comme l’âme entière tordu
et attaché plusieurs fois tordu avec fatigue
chargé de l’écrasement du cerveau
les nombres la palinodie innombrable des démentis
un dénombrement de misères des gueules affreuses des mains
armées de canifs
et de bagues grossières des dents gâtées par les jurons et les
malédictions
par les revendications dents
dévastées par la diffamation et la vilenie
et l’éloge imposteur
corps avec la lèpre du désir
qui est gonflé par le fiel de l’amour et meurt en le vomissant
pieds usés par la recherche de l’animal
par la recherche de l’homme en tant qu’animal de l’animal en
tant qu’homme
la nuit jusqu’où se termine l’encéphale
yeux mâchonnés par la haine joues ankylosées par la raillerie
et le crachat
Cette personne qui est dénigrée dans ses draps
n’a été caressée par aucun rêve
le sommeil vient comme une consommation du temps pour
parachever le dénigrement
qu’a inauguré la lumière de la terre
C’est cela la fin La fin vient comme cela
Et quand elle arrive rien ne l’atteint
L’immense fatigue
le martyre des apparitions de la chair dans le martyre de la vue


les maux du toucher
un continent se penche et se vide tout entier
dans la miséricorde immémoriale du pouvoir absolu des
glaces
L’extermination des armées Nouvelles mobilisations Les
orateurs glossabhorrent
se tiennent face à face et glossabhorrent Les foules se divisent
leur sang s’arme les orateurs face l’un de l’autre debout sur
leur obstination
et en bas les foules trament des exécutions
en semant la victoire des idées
C’est cela la fin
Le corps se perd ne peut plus avancer
corps comme des tas de déchets sur les places publiques une
pluie de dégoût
sur les corps entremassacrés le défilé des vainqueurs
les yeux rouges des vainqueurs les yeux jaunes des vainqueurs
fêtes avec les tripes des massacrés
fêtes avec les crânes frais des massacrés pour le triomphe des
vainqueurs
le nouveau drapeau avec comme emblème la lame tordue
comme un glaive de diable
ou comme un drap de l’âme
le cerveau veut dire quelque chose
l’actualité totalitaire du sang interminable
le triomphe des affreux
l’avidité la fondation de la nouvelle vie commune l’avidité
l’avidité les Lois de l’avenir l’avidité
l’avidité crimes sur les arbres
le cerveau veut il meurt mais veut dire quelque chose
un visage de taureau grogneux contraphile et aréodoque
obstrue le ciel entier
Le poème
Le poème une puanteur pourtant le poème une immense puanteur


qui brûle les semailles
le poème tout seul détend les membres dans la crinolivose
des liquides
dans l’achélatose des muscles dans l’ostéanisme des pulsations
dans la phricholasis des doigts le poème dans la proctose des langues
dans la vaginalose des mots d’ordre et des proclamations dans
la trichélatose des prévisions et des grades là le corps
massacré par les draps et spolié par son abomination
avec le relent qui pourrit dans l’oreiller
et le cœur écrasé sous le coup de pied innombrable
aucune main aucune voix le silence blanc des murs
la respiration poreuse des meubles
là le poème tout seul

la lumière commence à partir de très bas


La lumière s’élève à partir de très bas
et rien ne parvient plus haut que la lumière
Quiconque veut la lumière qu’il aille là où parvient la lumière
et personne ne parvient plus haut que celui qui parvient à la
lumière
Quiconque veut la lumière qu’il aille là où parvient la lumière
et personne ne parvient plus bas que celui qui parvient à la
lumière
On ne parvient jamais si bas
car la lumière commence à partir de plus haut que tout
et on ne parvient jamais si haut car la lumière commence à
partir de plus bas que tout
Quiconque veut la lumière qu’il oublie la lumière
qu’il ferme les yeux et qu’il l’oublie
qu’il renverse ses yeux et qu’il regarde ses propres extrémités
car ce sont elles la lumière


corps donné à la lumière passé à travers la fraîcheur de la parole
enveloppé dans les couvertures répétitives qui ressentent ton combat
attends reste là et attends sans espérer
laisse-toi perds-toi unis-toi avec la phlébite des images enivrées
et l’hématurie effrénée des comparaisons donne-toi
donne tout efface-toi sois injuste envers toi-même deviens
l’écrasement du cerveau
corps comme un cerveau exténué noirci comme un cerveau
balbutié
comme un discours d’aliéné qui prononce son dernier monologue
attaché par des nerfs de fauves sur la couche de sa vie lamentée
et toi cerveau oh cerveau cerveau qui ne crois plus à ton essence
et sans arrêt tu la renies et de son manque tu souffres et tu pourris
toi cerveau corps cholérique et disgracié
qui vis de lichen et te nourris de sable anthophile
aux ailes lunaires engendrées de secrets et assoiffé d’Être
sarcophile dieudonné apeiromane et iconophrène
écoute ta voix et brise-toi de son écho
Car il existe ce sparadisiaque ce gouffreprospère cet oliachtien
entre ceux ici et ceux là-bas
et c’est tout
Écoute ta voix
et crie
crie
crie
à cause de l’écho de ta voix
car il n’existe rien de plus terrible
que l’écho entier du cerveau
qu’un cerveau qui écoute
l’écho entier du cerveau
jusqu’à la fin
jusqu’où finit le cerveau
ayant tout laissé derrière lui
et n’ayant plus à avancer


Car il n’existe rien de plus terrible que cela
Car c’est cela le gouffreprospère l’oliachtien le triseumolpien
et c’est tout
Il existe entre ceux ici et ceux là-bas
il regarde vers ici et vers là-bas
et il veut mais ne peut pas
mais il veut et se tient
mais il peut parce qu’il se tient là
le cerveau comme un corps vide comme des dents gelées
se tient
entre ceux ici et ceux là-bas
l’écrasement du cerveau le corps balbutié
Il se relève et retombe
séparation en forme de rhizome vide avide de sang
il écoute sa voix
et crie
crie
crie
à cause de l’écho de sa voix
car il n’existe rien de plus terrible
que l’écho entier du corps
qu’un corps qui écoute
l’écho entier du corps
jusque là où finit le corps
Car là-bas parlent ceux qui ne se parlent jamais autrement
et c’est cela qu’ils attendent
car ils se parlent en cela
et c’est tout
Il n’existe rien de plus terrible
après cela il n’y a rien
ayant laissé tout en arrière
et n’ayant plus à avancer
Jusque là où finit le cerveau
Jusque là où finit le corps


Jusque là où finit le corps
Jusque là où finit le cerveau
Jusque là où finit le corps
Et c’est tout
Jusque-là
Le réveil auroral de l’univers
Cerveaucorps
Le chantebrille le vieiltimide le zechliaste l’iambophile
le vervérien l’anauplien
l’agiésien
l’aachéen
le cladisien le kyriarchique le poulanien
le roésien le roésien
le phtéchalisien le diabouleschiste
le phterokidalioprosvlitiaschistolithiasomène
le limien
le krounien le tristique l’ourliamène
l’ourliamène l’ourliamène
l’ourliamène
le xespilien le xovien le xavien
le bidisien l’achronien le métaxoblète l’aéroplaste le sangdonné
le ventallègre
le sidéromorphe le nostophagé le thalassoplècte le photophane
l’érévosalmien le pénélopésien
le dacryplècte l’anaphilimène le sanglogène
le psychéen le psychéen
l’ovovlite l’apatrique le patriedonné le patrieruiné le
patrophage
l’éolien
l’hypsomane
le glossomène
le nécronourri le zoophage le mnémoschème
le nécronourri le nécronourri le zoophage
l’ionien


l’icien le làbasien le mélanchien
l’icien
l’icien
le làbasien le dipsophile
le chrétolamien le vivinarien le zaen
le lilien le deudopien le déchtoploque
le phrodype le chrotée
l’icien le làbasien
l’icilàbasien
le làbasicien
le làbasicien le làbasicien l’icilàbasien l’icilàbasien l’icilàbasien
le làbasicien l’icilàbasien
le làbasicien
le làbasicilàbasien

-
DIMITRIS DIMITRIADIS, né à Thessalonique en , est poète,
prosateur, romancier, dramaturge et essayiste. Il a fait des études de
théâtre et de cinéma à Bruxelles et à Paris entre  et . Sa
première œuvre théâtrale, Le Prix de la révolte au marché noir, est
montée par Patrice Chéreau en  à Aubervillers. Plusieurs de ses
livres ont été traduits et publiés en français au cours des dernières
années. Retenons : Le Vertige des animaux avant l’abattage (trad.
Armando Llamas et Olivier Goetz, Besançon, Les Solitaires
intempestifs, ) ; Léthé (trad. Dominique Grandmont, Bruxelles,
La Lettre volée, ) ; Je meurs comme un pays (trad. Michel M.
Volkovitch, Besançon, Les Solitaires intempestifs, ) ; Phaéton
(trad. Michel M. Volkovitch, Besançon, Les Solitaires intempestifs,
) ; La Ronde du carré (trad. Claudine Galea et Dimitra
Kondylaki, Besançon, Les Solitaires intempestifs, ) ; Homériade
(trad. Michel M. Volkovitch, Besançon, Les Solitaires intempestifs,
) ; Chrysippe (trad. Michel M. Volkovitch, Besançon, Les
Solitaires intempestifs, ) ; Théâtre en écrit (Besançon, Les
Solitaires intempestifs, ) ; Insenso (trad. Robert Davreux et
Constantin Bobas) suivi de Stroheim (trad. Christophe Pellet et
Dimitra Kondylaki, Saint-Gély-du-Fesc, Éditions ). Trois de ses
pièces de théâtre, Je meurs comme un pays puis Le Vertige des animaux
avant l’abattage et La Ronde du carré, sont montées à Paris, au Théâtre
de l’Odéon, au cours de la saison -.
table

Catalogues  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
Catalogues  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
Catalogues  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
Catalogues  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
Notice biographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
Cet ouvrage a été achevé d’imprimer
sur les presses de l’imprimerie Snel Grafics
à Vottem (Belgique) en mai 
pour le compte des éditions de La Lettre volée.
et les poètes écriront comme pendant l’exécution d’un crime
ou comme lorsque soudain l’homme
fait une rotation terrestre et surmonte toute la peur de l’homme
et s’enfuit vers cette contrée
où les choses se voient et se disent autrement
où il y a une nuit plus sombre que la nuit

DIMITRIS DIMITRIADIS

ISBN ---- € 

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