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c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

Polynômes
Dans tout ce chapitre, K est l’un des corps R ou C. La plupart des résultats présentés demeurent vrais pour un corps K
quelconque, Q par exemple, mais nous ne nous en préoccuperons pas.

1 Construction de l’anneau K[X] des polynômes


Vous n’avez pas distingué jusqu’ici les « polynômes » des « fonctions polynomiales », qui sont pour vous toutes les fonctions
définies sur R de la forme x 7−→ an xn + an−1 xn−1 + . . . + a1 x + a0 pour certains n ∈ N et a0 , a1 , . . . , an ∈ R. Nous allons voir
dans ce chapitre qu’en fait non, les « polynômes » ne sont pas des fonctions.
Notons par exemple P le polynôme 3X 2 + 4X + 1. Calculer P (5), c’est transformer 5 en un autre nombre conformément à
certaines opérations élémentaires — puissances, multiplication par un réel et addition. Or il y a tout un tas de mondes en maths
dans lesquels on sait calculer des puissances, multiplier par un réel et additionner les objets :
– le corps R bien sûr — d’où la possibilité de calculer P (5),
– l’anneau RR des fonctions de R dans R — d’où la possibilité de noter P (exp) la fonction x 7−→ 3e2x + 4ex + 1,
 √    √ √ 
– l’anneau RN des suites réelles — d’où la possibilité de noter P n n n∈N la suite 3n2 n + 4n n + 1 ,

n∈N 
1 3
– l’anneau Mn (R) des matrices carrées réelles de taille n — les matrices sont des tableaux de nombres comme
5 2
que nous saurons bientôt multiplier et additionner.
Bref, dans tout anneau A dans lequel on sait multiplier par un réel et pour tout a ∈ A, on a bien envie de noter P (a) l’élément
3a2 + 4a + 1A de A. On en a bien envie, certes, mais il faut dans ce cas renoncer à l’idée qu’un polynôme est une fonction. Quel
serait sinon le domaine de définition de notre polynôme P = 3X 2 + 4X + 1 ? Il faut qu’il contienne R, RR , RN , Mn (R), etc. Rien
à voir, donc, avec la gentille fonction polynomiale x 7−→ 3x2 + 4x + 1 définie sur R.
Mais alors c’est quoi, un polynôme ? Dans tous les exemples qui précèdent, l’essentiel du polynôme 3X 2 + 4X + 1 n’est pas
la nature de son indéterminée X mais la liste de ses coefficients : 1 (degré 0), 4 (degré 1) et 3 (degré 2). Bref, ce qui compte,
c’est la famille (1, 4, 3). Vous voilà donc prêts pour la définition suivante :

Définition (Polynôme à une indéterminée à coefficients dans K) On appelle polynôme à une indéterminée à
coefficients dans K toute suite presque nulle d’éléments de K, i.e. toute suite (ak )k∈N d’éléments de K dont tous les éléments
sont nuls à partir d’un certain rang. Pour tout k ∈ N, le coefficient ak est appelé le coefficient de degré k du polynôme.
L’ensemble des polynômes à une indéterminée à coefficients dans K est noté K[X], si on choisit de noter X l’indéterminée.

Conformément à cette définition, un polynôme est une suite de la forme (a0 , a1 , . . . , an , 0, 0, 0, . . .) à coefficients dans K.
Nous allons bientôt pouvoir noter an X n + an−1 X n−1 + . . . + a1 X + a0 une telle suite, mais pas tout de suite. Gardez tout de
même cet objectif en tête, il vous aidera à comprendre les prochaines définitions.
Quoi qu’on pense de son abstraction, la définition précédente rend au moins trivial le résultat suivant, si l’on n’oublie pas ce
que c’est qu’une suite. Le résultat analogue sur les fonctions polynomiales est autrement délicat !

Théorème (Identification des coefficients) Deux polynômes de K[X] sont égaux si et seulement si leurs coefficients
sont égaux. Bref, les polynômes (ak )k∈N et (bk )k∈N sont égaux si et seulement si ak = bk pour tout k ∈ N.

Définition (Polynôme constant, polynôme nul) On appelle polynôme constant tout polynôme de K[X] de la forme
(λ, 0, 0, . . .) pour un certain λ ∈ K. Un tel polynôme est alors simplement noté λ.
Avec cette notation, le polynôme 0 est appelé le polynôme nul.

Définition (Degré d’un polynôme, coefficient dominant, polynôme unitaire) Soit P = (ak )k∈N ∈ K[X] non
nul. Le plus grand indice k pour lequel ak 6= 0 est appelé le degré de P et noté ∂˚P . Le coefficient de degré ∂˚P de P est
appelé son coefficient dominant. S’il est égal à 1, on dit que P est unitaire.
Par convention, le polynôme nul est de degré −∞ : ∂˚0 = −∞.
Enfin, pour tout n ∈ N, on note Kn [X] l’ensemble des polynômes de K[X] de degré inférieur ou égal à n.

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Exemple Le polynôme 7X 4 − X 3 + 2X 2 − 3X − 5 est de degré 4 et de coefficient dominant 7. Le polynôme X 3 − 4X 2 + 1


est unitaire de degré 3.

Tâchons maintenant de définir l’addition et le produit de deux polynômes. Intuitivement, nous aimerions pouvoir écrire ceci :
n
! n
! n
X k
X k
X
ak X + bk X = (ak + bk )X k
k=0 k=0 k=0

n
! n
! 2n 2n k
!
X i
X j
X i+j
X X k
X X
et ai X × bj X = a i bj X = a i bj X = ai bk−i Xk.
i=0 j=0 06i,j6n k=0 06i,j6n k=0 i=0
i+j=k | {z }
| {z } On élimine j
On regroupe les termes via la relation j=k−i.
de même degré k.

Définition (Anneau K[X]) Soient P = (ak )k∈N , Q = (bk )k∈N ∈ K[X].



• On appelle somme de P et Q la suite ak + bk k∈N , notée P + Q. Il s’agit bien d’un polynôme.
k
!
X
• On appelle produit de P et Q la suite ai bk−i , notée P × Q ou P Q. Il s’agit bien d’un polynôme.
i=0 k∈N
En particulier, pour tout λ ∈ K, λP est le polynôme (λak )k∈N .

Le triplet K[X], +, × est un anneau commutatif. Le polynôme nul 0 en est l’élément neutre pour +, le polynôme constant
1 l’élément neutre pour ×.

Démonstration Fixons une fois pour toutes P = (ak )k∈N , Q = (bk )k∈N , R = (ck )k∈N ∈ K[X].
• Lois internes : Il s’agit de vérifier que la somme et le produit de deux polynômes sont bien des polynômes,
i.e. des suites presque nulles. Notons N un rang à partir duquel ak = bk = 0. Alors ak + bk = 0 pour
tout k > N , donc P + Q est bien un polynôme. Et P × Q ? Pour tout k > 2N :
k
X N−1
X k
X
ai bk−i = ai bk−i + ai bk−i = 0, donc P × Q est lui aussi un polynôme.
|{z} |{z}
i=0 i=0 i=N
=0 car =0
k−i>k−N>N

• Multiplication par un scalaire : Soit λ ∈ K. Pour tout k ∈ N, le coefficient de degré k de λP vaut


λak + 0.ak−1 + . . . + 0.a0 = λak , donc λP = (λak )k∈N . En particulier, le polynôme 1 est neutre pour ×.

• Propriétés de + : Il n’est vraiment pas difficile de montrer que K[X], + est un groupe commutatif
d’élément neutre 0. L’inverse pour + d’un polynôme P = (ak )k∈N est le polynôme (−ak )k∈N noté −P .
k
X k
X
j=k−i
• Commutativité de × : Pour tout k ∈ N : ai bk−i = bj ak−j , donc P Q et QP ont les mêmes
i=0 j=0
coefficients, i.e. sont égaux.
• Associativité de × : Pour tout k ∈ N, le coefficient de degré k de (P Q)R est :
k i
! k k
! k k−j
!
X X X X X l=i−j
X X
aj bi−j ck−i = aj bi−j ck−i = aj bi−j ck−i = aj bl c(k−j)−l .
i=0 j=0 06j6i6k j=0 i=j j=0 l=0

Le terme obtenu se trouve être égal au coefficient de degré k de P (QR), donc (P Q)R et P (QR) ont les
mêmes coefficients, i.e. sont égaux.
• Distributivité de × sur + : Pour tout k ∈ N, le coefficient de degré k de P (Q + R) est :
k
X k
X k
X
ai (bk−i + ck−i ) = ai bk−i + ai ck−i .
i=0 i=0 i=0

Le terme obtenu se trouve être égal au coefficient de degré k de (P Q)+(P R), donc P (Q +R) et (P Q)+(P R)
ont les mêmes coefficients, i.e. sont égaux. 

Et voilà, le temps de la notation polynomiale est enfin venu ! Désormais, grâce au théorème suivant, les polynômes seront
toujours notés comme des polynômes au sens intuitif du terme. Je ne vous conseille certainement pas d’oublier la construction
que nous venons d’effectuer, mais nous n’aurons maintenant plus vraiment besoin de voir les polynômes comme des suites presque
nulles. Ce point de vue nous a seulement permis de fonder proprement le monde des polynômes formels — on les qualifie de
« formels » pour les distinguer des fonctions polynomiales sur lesquelles nous reviendrons plus tard.

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Théorème (Notation polynomiale) Dans K[X], on choisit de noter X le polynôme (0, 1, 0, 0, . . .).
• Pour tout k ∈ N : X k = (0, . . . , 0, 1, 0, 0, . . .), polynôme dans lequel le 1 est en position « degré k » :

1 = (1, 0, 0, . . .), X = (0, 1, 0, 0, . . .), X 2 = (0, 0, 1, 0, 0, . . .), X 3 = (0, 0, 0, 1, 0, 0, . . .) . . .


n
X
• Pour tout polynôme non nul P = (ak )k∈N de degré n, P = ak X k .
k=0
+∞
X
On peut aussi écrire que : P = ak X k et cette écriture unique. Une telle somme est finie contrairement aux
k=0
apparences car la suite (ak )k∈N est presque nulle. Cette notation « infinie » rend de précieux services de rédaction.

$ $ $ Attention ! X n’est pas un nombre ! Otez-vous une fois pour toutes cette idée de la tête.

Théorème (Addition, multiplication et degré) Soient P, Q ∈ K[X] et λ ∈ K.


n o
(i) Degré d’une somme : ∂˚(P + Q) 6 max ∂˚P, ∂˚Q .
Cette inégalité est stricte si et seulement si P et Q ont le même degré et des coefficients dominants opposés.
(ii) Degré d’un produit : ∂˚(P Q) = ∂˚P + ∂˚Q. En particulier, si λ 6= 0 : ∂˚(λP ) = ∂˚P .

Démonstration Toutes les formules du théorème sont évidentes dans le cas où P = 0 ou Q = 0. Supposons
donc P et Q non nuls et notons P = (ak )k∈N et Q = (bk )k∈N , m le degré de P et n celui de Q.
n o n o n o
(i) Clairement, ak + bk = 0 pour tout k > max m, n , donc ∂˚(P + Q) 6 max m, n = max ∂˚P, ∂˚Q .
k
X
(ii) Pour tout k ∈ N, notons ck = ai bk−i le coefficient de degré k de P Q.
i=0
=0 car
m+n−i>n =0
m+n
X m−1
X z }| { m+n
X z}|{
– Tout d’abord : cm+n = ai bm+n−i = ai bm+n−i + am bn + ai bm+n−i = am bn ,
i=0 i=0 i=m+1
donc comme am 6= 0 et bn 6= 0, alors cm+n 6= 0 donc ∂˚(P Q) > m + n.
m
X k
X
– Pour tout k > m + n : ck = ai bk−i + ai bk−i = 0, donc ∂˚(P Q) 6 m + n. 
|{z} |{z}
i=0 i=m+1
=0 car =0
k−i>n

 
Théorème (Intégrité de K[X]) K[X] est intègre, i.e. : ∀P, Q ∈ K[X], PQ = 0 =⇒ P = 0 ou Q = 0 .

   Explication Ce résultat serait nettement plus difficile à prouver si on travaillait avec des fonctions polynomiales et
non avec des polynômes. En effet, si on a P (x)Q(x) = 0 pour tout x ∈ R, alors en tout point l’une des fonctions P et Q s’annule.
Mais qui nous dit que l’une des deux s’annule tout le temps ? Rien a priori.

Démonstration Soient P, Q ∈ K[X] tels que P Q = 0. Alors ∂˚(P Q) = −∞. Or ∂˚(P Q) = ∂˚P + ∂˚Q, donc
nécessairement ∂˚P = −∞ ou ∂˚Q = −∞, i.e. P = 0 ou Q = 0. 

Définition (Composition des polynômes)


+∞
X +∞
X
• Soient P = ak X k , Q ∈ K[X]. On appelle composée de Q suivie de P , noté P ◦ Q, le polynôme P ◦ Q = ak Q k .
k=0 k=0

• Degré d’une composée : Si Q n’est pas constant : ∂˚(P ◦ Q) = ∂˚P × ∂˚Q.

Démonstration On suppose Q non  constant, i.e. ∂˚Q > 1. Par produit, pour tout k ∈ J0, mK : ∂˚(Qk ) = k∂˚Q,
donc comme ∂˚Q > 1, la suite ∂˚Qk 06k6m est strictement croissante.
m
!
X k am 6=0
Du coup, par somme : ∂˚(P ◦ Q) = ∂˚ ak Q = ∂˚Qm = m∂˚Q = mn. 
k=0

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+∞
X
Définition (Dérivation des polynômes) Soit P = ak X k ∈ K[X].
k=0
+∞
X k−1
• Le polynôme kak X est appelé le polynôme dérivé de P et noté P ′ (par convention 0×X −1 = 0, c’est pourquoi
k=0
dans cette définition X −1 apparaît faussement).
• On définit par récurrence la suite des polynômes dérivés de P . Pour commencer, le 0ème polynôme dérivé de P est
P (0) = P . Ensuite, pour tout n ∈ N, le (n  + 1)
ème
polynôme dérivé de P , noté P (n+1) , est le polynôme dérivé du nème
(n+1) (n) ′
polynôme dérivé de P : P = P .
Pour n = 1 et n = 2 respectivement, on note plutôt P ′ et P ′′ que P (1) et P (2) .

Exemple Si P = 8X 3 − 5X 2 + 3X + 1, alors P ′ = 24X 2 − 10X + 3, P ′′ = 48X − 10, P (3) = 48 et P (4) = 0.

Théorème (Propriétés de la dérivation des polynômes) Soient n ∈ N et P, Q ∈ K[X].


(i) Degré : ∂˚P (n) = ∂˚P − n si n 6 ∂˚P et P (n) = 0 sinon.
(n) (n) (n)
(ii) Somme : (P + Q) =P +Q .
n
!
(n)
X n
(iii) Produit : ′
(P Q) = P Q + P Q .′ ′
En général : (P Q) = P (k) Q(n−k) (formule de Leibniz).
k
k=0

(iv) Composition : (P ◦ Q)′ = Q′ × P ′ ◦ Q.

$ $ $ Attention ! La formule de Leibniz ressemble certes à la formule du binôme de Newton et elle se démontre de la
même façon, mais elle fait apparaître les dérivées de P et Q et non leurs puissances.

Démonstration Introduisons (ak )k∈N et (bk )k∈N la suite des coefficients de P et Q respectivement.

(i) Nous pouvons supposer P non nul et noter d son degré, de sorte que ad 6= 0. Si d = 0, P ′ = 0 comme le veut
d
X
le théorème. Si au contraire d > 1, alors par définition P ′ = kak X k−1 avec dad 6= 0, donc ∂˚P ′ = d − 1.
k=0
On généralise par récurrence aux cas des dérivées successives.

(iii) Commençons par démontrer la formule « (P Q)′ = P ′ Q + P Q′ », i.e. que les polynôms (P Q)′ et P ′ Q + P Q′
k+1
X
ont les mêmes coefficients. Soit k ∈ N. Le coefficient de degré k de (P Q)′ est (k + 1) ai bk+1−i , celui de
i=0
k
X k
X
′ ′
P Q + P Q est (j + 1)aj+1 bk−j + ai (k − i + 1)bk−i+1 . Comme voulu ces coefficients sont égaux car :
j=0 i=0

k
X k
X k+1
X k
X
i=j+1
(j + 1)aj+1 bk−j + ai (k − i + 1)bk−i+1 = iai bk+1−i + ai (k − i + 1)bk−i+1
j=0 i=0 i=1 i=0
k+1
X k+1
X X
k+1  k+1
X
= iai bk+1−i + ai (k − i + 1)bk−i+1 = iai bk+1−i + ai (k − i + 1)bk+1−i = (k + 1) ai bk+1−i .
i=0 i=0 i=0 i=0

Déduisons-en par récurrence sur n la formule de Leibniz. Initialisation : Pour n = 0, rien à faire !
Hérédité : Soit n ∈ N. Faisons l’hypothèse que la formule de Leibniz « (P Q)(n) = . . . » est vraie pour tous
P, Q ∈ K[X]. Alors pour tous P, Q ∈ K[X].
n
! n
!
(n+1) ′ (n) ′ (n) (ii) (n) ′ (n)
X n ′ (k) (n−k)
X n ′ ′
(P Q) = (P Q) ′
= (P Q + P Q ) ′
= (P Q) + (P Q ) = (P ) Q + ′
P (k ) (Q′ )(n−k )
k k
k=0 k′ =0
n
! n
! n+1
! n
!
X n (k+1) (n−k)
X n (k′ ) (n+1−k′ ) l=k+1
X n (l) (n+1−l)
X n ′ ′
= P Q + ′
P Q = P Q + ′
P (k ) Q(n+1−k )
k k l − 1 k
k=0 k′ =0 l=1 k′ =0
n
! n
!
X n X n
= P (n+1) Q(0) + P (k) Q(n+1−k) + P (k) Q(n+1−k) + P (0) Q(n+1)
k−1 k
k=1 k=1
n
" ! !#
X n n
= P (n+1) Q(0) + + P (k) Q(n+1−k) + P (0) Q(n+1) Utilisons la formule de Pascal.
k=1
k − 1 k
n
! n+1
!
(n+1) (0)
X n+1 (k) (n+1−k) (0) (n+1)
X n+1
=P Q + P Q +P Q = P (k) Q(n+1−k) .
k=1
k k=0
k

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+∞
X +∞
X ′
(iv) Par définition P ◦Q = ak Qk , donc (P ◦Q)′ = ak Qk . Or il n’est pas dur de montrer par récurrence
k=0 k=0
′
à partir de la formule de dérivation d’un produit que Qk = kQ′ Qk−1 pour tout k ∈ N, avec la convention
+∞
X
que 0 × Q−1 = 0. Comme voulu : (P ◦ Q)′ = ak × kQ′ Qk−1 = Q′ × P ′ ◦ Q. 
k=0

2 Division dans K[X]

2.1 Relation de divisibilité

Définition (Divisibilité, diviseur, multiple) Soient A, B ∈ K[X]. On dit que A divise B, ou que A est un diviseur de
B, ou que B est divisible par A, ou que B est un multiple de A, s’il existe P ∈ K[X] tel que B = AP . Cette relation se note
A|B.

Exemple Le polynôme X 2 + 3X + 2 est divisible par X + 1 car X 2 + 3X + 2 = (X + 1)(X + 2).

   Explication On peut définir une notion de divisibilité dans tout anneau quel qu’il soit — dans Z et maintenant
K[X], mais bien au-delà. La divisibilité est en un sens ce qui différencie les anneaux les uns des autres et le point de départ de
l’arithmétique en général. La très grand proximité des anneaux Z et K[X] justifie que nous omettions ci-après certaines preuves
qui ressemblent à s’y méprendre aux preuves du chapitre « Arithmétique des entiers relatifs ».

Théorème (Propriétés de la relation de divisibilité) Soient A, B, C, D ∈ K[X].


• La relation de divisibilité | est réflexive et transitive sur K[X], c’est même une relation d’ordre sur l’ensemble des
polynômes unitaires ou nuls de K[X], mais elle n’est pas antisymétrique sur K[X] car :

A|B et B|A ⇐⇒ ∃ λ ∈ K∗ / A = λB. On dit alors que A et B sont associés (sur K).

• Si D|A et si D|B, alors D (AU + BV ) pour tous U, V ∈ K[X].

• Si A|B et si C|D, alors AC|BD. En particulier, si A|B, alors Ak |B k pour tout k ∈ N.

Démonstration Pour le défaut d’antisymétrie, l’une des deux implications est triviale : si A = λB avec λ ∈ K∗ ,
1
i.e. B = A, alors A|B et B|A. Réciproquement, supposons que A|B et B|A. Il existe alors P, Q ∈ K[X] tels que
λ
A = BQ et B = AP , donc A = AP Q. Deux cas se présentent alors.
– Si A = 0, alors B = AP = 0, et donc A = λB pour λ = 1.
– Si au contraire A 6= 0, P Q = 1 par intégrité de K[X]. En particulier P et Q sont non nuls, donc de
degrés entiers. Finalement, les inégalités 0 6 ∂˚P 6 ∂˚P + ∂˚Q = ∂˚(P Q) = ∂˚1 = 0 montrent que ∂˚P = 0,
i.e. que P est un polynôme constant non nul. Notons-le λ. On a comme voulu A = λB et λ ∈ K∗ . 

Définition (Diviseur/multiple commun) Soient A1 , . . . , Ar ∈ K[X].


• On appelle diviseur commun de A1 , . . . , Ar tout polynôme de K[X] qui divise à la fois A1 , . . . , Ar .
• On appelle multiple commun de a1 , . . . , ar tout polynôme de K[X] divisible à la fois par A1 , . . . , Ar .

2.2 Division euclidienne

Théorème (Division euclidienne) Soient A, B ∈ K[X] avec B 6= 0. Il existe un et un seul couple (Q, R) ∈ K[X] × K[X]
tel que : A = BQ + R et ∂˚R < ∂˚B.
On appelle A le dividende de la division euclidienne de A par B, B son diviseur, Q son quotient et R son reste.

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Démonstration
• Existence : Notons b le degré de B et β 6= 0 son coefficient dominant. Si B divise A, A = BQ pour
un certain
n Q ∈ K[X]
o et on peut poser R = 0. Supposons désormais que B ne divise pas A. L’ensemble
D = ∂˚(A − BK) est alors une partie non vide de N — valeur −∞ exclue par hypothèse — donc
K∈K[X]
possède un plus petit élément r. Introduisons Q ∈ K[X] un polynôme pour lequel ∂˚(A − BQ) = r, posons
R = A − BQ et notons ρ le coefficient dominant de R. Est-il vrai que ∂˚R < ∂˚B, i.e. que r < b ?
 
ρ
Raisonnons par l’absurde en supposant r > b. Alors ∂˚ R − X r−b B < r puisque la soustraction par
 β 
ρ r−b r ρ r−b
X B tue le terme dominant ρX de R. Or ∂˚ R − X B = ∂˚(A − BK) ∈ D si l’on pose
β β
ρ r−b
K =Q+ X . La minimalité de r est ainsi contredite. Comme voulu, r < b.
β
• Unicité : Soient (Q1 , R1 ) et (Q2 , R2 ) deux couples associés à la division euclidienne de A par B. Alors
A = BQ1 + R1 = BQ2 + R2 , donc B(Q1 − Q2 ) = R2 − R1 .
Supposons Q1 6= Q2 . Alors ∂˚(Q1 − Q2 ) > 0, et donc ∂˚B(Q1 − Q2 ) > ∂˚B. Or ∂˚(R2 − R1 ) < ∂˚B par
définition de R1 et R2 — contradiction. Conclusion : Q1 = Q2 , puis R1 = A − BQ1 = A − BQ2 = R2 . 

   En pratique (Algorithme de la division euclidienne) Comme dans Z, la démonstration précédente nous


fournit un algorithme facilement utilisable. Illustrons par exemple la division euclidienne de 7X 5 + 4X 4 + 2X 3 − X + 5 par X 2 + 2.
Laisser la place des monômes de degré 2
même s’il n’en apparaît pas pour le moment.

7X 5 + 4X 4 + 2X 3 − X + 5 X2 + 2 7X 5 + 4X 4 + 2X 3 − X + 5 X2 + 2
− 7X 5 −14X 3 7X 3 − 7X 5 −14X 3 7X 3 + 4X 2
4X 4 −12X 3 − X + 5 4X 4 −12X 3 − X + 5
. . . ensuite. . .
− 4X 4 − 8X 2
5 2 3
On divise 7X par X . Résultat : 7X . −12X 3 − 8X 2 − X + 5

On retranche ensuite 7X 3 X 2 + 2 du polynôme initial.
On répète cette opération dans les étapes suivantes.
. . . et enfin. . .
5 4 3 2
7X + 4X + 2X − X + 5 X +2
− 7X 5 −14X 3 7X 3 + 4X 2 − 12X − 8
4X 4 −12X 3 − X + 5
− 4X 4 − 8X 2
−12X 3 − 8X 2 − X + 5
Le quotient de notre division
+12X 3 + 24X est 7X 3 + 4X 2 − 12X − 8,
et son reste est 23X + 21.
− 8X 2 + 23X + 5
+ 8X 2 + 16
23X + 21

3 Racines d’un polynôme

3.1 Fonctions polynomiales

Définition (Evaluation polynomiale et fonction polynomiale)


+∞
X +∞
X
• Soient P = ak X k ∈ K[X] et λ ∈ K. On note P (λ) l’élément P (λ) = a k λk de K (somme finie en fait).
k=0 k=0

• La fonction x 7−→ P (x) de K dans K est appelée la fonction polynomiale associée à P . On la note Pe quand on veut
la distinguer proprement du polynôme P , mais on la note aussi souvent P .

• Pour tous P, Q ∈ K[X] : P^


+ Q = Pe + Q,
e g
P Q = Pe Q,
e ^
P ◦ Q = Pe ◦ Q
e et f′ = Pe ′ .
P

6
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   Explication La dernière assertion n’est pas une évidence. Nous disposons sur K[X] et KK de notions différentes
d’addition, multiplication, composition et dérivation. Dans la formule « P ^ ◦ Q = Pe ◦ Qe » par exemple, ce ne sont pas les mêmes
« ◦ » qu’on trouve à gauche et à droite, et dans la formule « Pf′ = Pe ′ », la dérivée P ′ est une dérivée formelle alors que la dérivée
Pe ′ est la dérivée d’une fonction définie comme limite d’un taux d’acroissement.

3.2 Racines

Théorème (Division euclidienne par X − λ) Soient λ ∈ K et P ∈ K[X]. Le reste de la division euclidienne de P par
X − λ est P (λ).

Démonstration La division de P par X − λ s’écrit P = (X − λ)Q + R pour certains Q, R ∈ K[X] avec ∂˚R < 1,
donc en fait R est un polynôme constant. Evaluons en λ : P (λ) = (λ − λ)Q(λ) + R(λ) = R. 

De ce théorème découle directement la double définition suivante :

Définition (Racine) Soient P ∈ K[X] et λ ∈ K. Les assertions suivantes sont équivalentes :

(i) P (λ) = 0. (ii) P est divisible par X − λ dans K[X].

On dit dans ce cas que λ est une racine de P (dans K).

$ $ $ Attention ! La précision « racine dans K » n’est pas superflue. Par exemple, le polynôme X 2 + 1 n’a pas de
racine dans R, mais il en a deux dans C, à savoir i et −i.

3.3 Multiplicité

Définition (Multiplicité) Soient P ∈ K[X] non nul et λ ∈ K.


n o
• L’ensemble k ∈ N/ (X − λ)k divise P possède un plus grand élément m qu’on appelle (ordre de) multiplicité de
λ dans P . On dit souvent pour résumer que m est la plus grande puissance de X − λ qui divise P .
En particulier, dire que λ n’est pas racine de P c’est dire que λ a pour multiplicité 0 dans P . Une racine de multiplicité
1 est dite simple ; de multiplicité 2, double.
• Plus concrètement, m est caractérisé par les propositions suivantes :
(i) P est divisible par (X − λ)m mais pas par (X − λ)m+1 .
(ii) Il existe Q ∈ K[X] tel que P = (X − λ)m Q et Q(λ) 6= 0.

n o
Démonstration Pour montrer que l’ensemble M = k ∈ N/ (X − λ)k divise P possède un plus grand
élément, il nous suffit de montrer que c’est une partie non vide majorée de N.
– M est non vide car (X − λ)0 = 1 divise P .
– Montrons que ∂˚P majore M. Soit k ∈ N pour lequel (X − λ)k divise P . Alors P = (X − λ)k Q pour
un certain Q ∈ K[X]. Or P 6= 0 donc Q 6= 0, puis ∂˚Q > 0, et enfin : k 6 ∂˚Q + k = ∂˚P . 

+∞
X P (k) (λ)
Théorème (Formule de Taylor polynomiale) Pour tous P ∈ K[X] et λ ∈ K : P = (X − λ)k .
k!
k=0
P (k) (0)
En particulier, pour tout k ∈ N, le coefficient de degré k de P est .
k!

7
c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

Démonstration
+∞
X
• Cas où λ = 0 : Introduisons les coefficients de P : P = ai X i . Pour tout k ∈ N, dérivons k
i=0
+∞
X +∞
X
i! i!
fois : P (k) = ai X i−k puis évaluons en 0 : P (k) (0) = ai 0i−k = ak k!. Bref,
(i − k)! (i − k)! | {z }
i=k i=k
i=k
+∞
X
P (k) (0) P (k) (0) k
ak = , et enfin : P = X .
k! k=0
k!

• Cas général : Posons Q = P (X + λ). Alors Q(k) = P (k) (X + λ) pour tout k ∈ N, donc Q(k) (0) = P (k) (λ),
+∞
X +∞
Q(k) (0) k X P (k) (λ) k
et donc : Q = X = X . Pour finir, on compose enfin à droite par X − λ. 
k=0
k! k=0
k!

Théorème (Utilisation des dérivées successives pour le calcul d’une multiplicité) Soient P ∈ K[X], λ ∈ K et
m ∈ N. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) λ est de multiplicité m dans P . (ii) P (i) (λ) = 0 pour tout i ∈ J0, m − 1K mais P (m) (λ) 6= 0.

Démonstration
(i) =⇒ (ii) Supposons λ de multiplicité m dans P , i.e. que P = (X − λ)m Q pour un certain Q ∈ K[X] avec
Q(λ) 6= 0. D’après la formule de Taylor :
degré strictement inférieur à m
z }| {
+∞
X (i) m−1
X +∞
X
P (λ) P (i) (λ) P (i) (λ)
P = (X − λ)i = (X − λ)i + (X − λ)m (X − λ)i−m
i=0
i! i=0
i! i=m
i!
= 0 + (X − λ)m Q.
m−1
X P (i) (λ)
Par unicité de la division euclidienne de P par (X − λ)m : (X − λ)i = 0, donc après
i=0
i!
m−1
X P (i) (λ) i
composition à droite par X + λ : X = 0. Enfin, par identification, P (i) (λ) = 0 pour tout
i=0
i!
+∞
X P (i) (λ)
i ∈ J0, m − 1K. Ensuite, toujours par unicité de la division euclidienne : Q = (X − λ)i−m .
i=m
i!
P (m) (λ)
Comme Q(λ) 6= 0, on obtient 6= 0 après évaluation en λ, donc enfin P (m) (λ) 6= 0.
m!
(ii) =⇒ (i) Supposons que P (λ) = P ′ (λ) = . . . = P (m−1) (λ) = 0 mais que P (m) (λ) 6= 0.
+∞
X P (i) (λ) P (m) (λ)
La formule de Taylor en tête, posons Q = (X − λ)i−m . Alors Q(λ) = 6= 0 et :
i=m
i! m!
+∞
X m−1
X P (i) (λ) +∞
X
P (i) (λ) P (i) (λ)
P = (X − λ)i = (X − λ)i + (X − λ)m (X − λ)i−k = (X − λ)m Q,
i=0
i! i!
i=0 | {z } i=m
i!
=0

donc λ est de multiplicité m dans P . 

Exemple La multiplicité de 1 dans P = X 4 + 3X 3 − 3X 2 − 7X + 6 est égale à 2.


En effet Déjà, P (1) = 1 + 3 − 3 − 7 + 6 = 0. Ensuite P ′ = 4X 3 + 9X 2 − 6X − 7, donc P ′ (1) = 4 + 9 − 6 − 7 = 0.
Enfin P ′′ = 12X 2 + 18X − 6, donc P ′′ (1) = 12 + 18 − 6 = 24 6= 0.

3.4 Nombre de racines

Théorème (Factorisation « par les racines ») Soient P ∈ K[X] non nul et λ1 , . . . , λr des racines distinctes de P
r
X
de multiplicités respectives m1 , . . . , mr . Alors (X − λ1 )m1 . . . (X − λr )mr divise P . En particulier : mk 6 ∂˚P .
k=1

Démonstration Montrons par récurrence que pour tout k ∈ J1, r − 1K, (X − λ1 )m1 . . . (X − λk )mk divise P .
• Initialisation : λ1 est racine de P de multiplicité m1 , donc (X − λ1 )m1 divise P .

8
c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

• Hérédité : Soit k ∈ J1, r − 1K. Faisons l’hypothèse que (X − λ1 )m1 . . . (X − λk )mk divise P .
– Alors P = (X − λ1 )m1 . . . (X − λk )mk A pour un certain A ∈ K[X].
– Si α désigne la multiplicité de λk+1 dans A, A = (X − λk+1 )α B pour un certain B ∈ K[X] avec
B(λk+1 ) 6= 0. En outre (X − λk+1 )α divise A, donc P , donc α 6 mk+1 .
– Enfin P = (X − λk+1 )mk+1 C pour un certain C ∈ K[X] avec C(λk+1 ) 6= 0.
Il découle de ces trois points que (X −λ1 )m1 . . . (X −λk )mk (X −λk+1 )α B = (X −λk+1 )mk+1 C. Divisons cette
égalité par (X − λk+1 )α grâce à l’intégrité de K[X] : (X − λ1 )m1 . . . (X − λk )mk B = (X − λk+1 )mk+1 −α C.
Le polynôme de gauche n’admettant pas λk+1 pour racine, il en est de même du polynôme de droite, donc
α = mk+1 . Bref, (X − λk+1 )mk+1 divise A, donc (X − λ1 )m1 . . . (X − λk+1 )mk+1 divise P . 

Exemple Le polynôme (X − 1)4 X 2 (X + 2) possède en tout trois racines distinctes : 1 (de multiplicité 4), 0 (double) et −2
(simple). On dit en revanche qu’il possède 7 racines comptées avec multiplicité, car 7 = 4 + 2 + 1.

Théorème (Nombre de racines comptées avec multiplicité)


• Un polynôme non nul P possède au plus ∂˚P racines comptées avec multiplicité.
• En particulier, seul le polynôme nul possède une infinité de racines.

$ $ $ Attention ! Ce théorème est l’un des plus importants du chapitre !

Un polynôme de degré n n’a pas forcément exactement n racines comptées avec multiplicité. Nous verrons que c’est le cas si
K = C mais pas si K = R. Par exemple, X 2 + 1 ∈ R[X] est de degré 2 mais n’a aucune racine réelle.

Exemple La fonction sinus n’est pas polynomiale car elle s’annule une infinité de fois sans être identiquement nulle.

Exemple Il n’existe pas de polynôme P ∈ R[X] tel que pour tout n ∈ N : P (n) = n2 + (−1)n .
En effet Supposons par l’absurde qu’un tel polynôme P existe.
2 2 2
Pour tout n ∈ N : P (n) − n2 − 1 = (−1)n − 1 = 1 − 1 = 0, donc le polynôme P − X 2 − 1 admet
 2
tout entier naturel pour racine, donc possède une infinité de racines, donc est nul : P − X 2 = 1. Dans ces
2
 
2 2 2
 2
conditions : 2∂˚ P − X = ∂˚ P − X = ∂˚1 = 0, donc ∂˚ P − X = 0, i.e. P − X = λ pour un certain
2
λ ∈ R∗ . Comme P − X 2 = 1, forcément λ = ±1.
Finalement, si λ = 1, alors P = X 2 + 1 donc P (1) = 2 6= 0 = 12 + (−1)1 , et si λ = −1, alors P = X 2 − 1 donc
P (0) = −1 6= 1 = 02 + (−1)0 — contradiction.

Théorème (Identification polynôme/fonction polynomiale) Pour tous P, Q ∈ K[X], si les fonctions polynomiales
Pe et Q
e sont égales, alors les polynômes P et Q eux-mêmes le sont — i.e. leurs coefficients.

Démonstration Sous l’hypothèse que Pe = Q, e la fonction P^


− Q est nulle sur K, donc P −Q admet tout élément
de K comme racine. Or dans ce chapitre, K = R ou K = C, donc P − Q possède une infinité de racines, donc est
nul, bref P = Q. 

3.5 Polynômes scindés et relations coefficients/racines

Définition (Polynôme scindé) Soit P ∈ K[X]. On dit que P est scindé (sur K) si P n’est pas constant et possède
exactement ∂˚P racines dans K comptées avec multiplicité.
r
Y
Dire que P est scindé sur K revient donc à dire que P est de la forme : P = A (X − λk )mk , où λ1 , . . . , λr sont les
k=1
racines distinctes de P dans K, de multiplicités respectives m1 , . . . , mr , et où A est son coefficient dominant.

$ $ $ Attention ! La précision « scindé sur K » n’est pas superflue, puisqu’un polynôme peut avoir des racines complexes
mais aucune réelle. Le polynôme X 2 + 1 = (X + i)(X − i) est scindé sur C mais pas sur R.

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c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

Y Y
n−1
2ikπ

Exemple Pour tout n ∈ N∗ , le polynôme X n − 1 est scindé sur C : Xn − 1 = (X − ω) = X −e n .
ω∈Un k=0
2ikπ
En effet Non constant, le polynôme X n − 1 admet les n nombres e n pour racines, k décrivant J0, n − 1K.
Comme il possède au plus n racines comptées avec multiplicité, il en possède exactement n, donc est scindé sur C.

n
X
Théorème (Relations coefficients/racines) Soit P = ak X k ∈ K[X] scindé de degré n. On note λ1 , . . . , λn les
k=0
racines de P comptées avec multiplicité (éventuellement répétées).
X an−k
Pour tout k ∈ J1, nK, si on pose : σk = λi1 λi2 . . . λik , alors : σk = (−1)k .
an
16i1 <i2 <...<ik 6n

   Explication
• Ce théorème ne nous permet pas de calculer les racines de P à partir de ses coefficients — ce serait trop beau — mais il
nous permet de le faire pour certaines fonctions σ1 , σ2 , . . . , σn des racines, appelées les fonctions symétriques élémentaires
de λ1 , λ2 , . . . , λn — symétriques parce qu’elles ne dépendent pas de l’ordre dans lequel on a rangé λ1 , λ2 , . . . , λn . Deux
d’entre elles sont plus simples et plus utilisées que les autres :
n
X n
Y
σ1 = λk (somme des racines) et σn = λk (produit des racines).
k=1 k=1

Pour que tout soit bien clair, détaillons σ1 , σ2 , σ3 et σ4 dans le cas où n = 4 : σ1 = λ 1 + λ 2 + λ 3 + λ 4 ,

σ2 = λ 1 λ 2 + λ 1 λ 3 + λ 1 λ 4 + λ 2 λ 3 + λ 2 λ 4 + λ 3 λ 4 , σ3 = λ 1 λ 2 λ 3 + λ 1 λ 2 λ 4 + λ 1 λ 3 λ 4 + λ 2 λ 3 λ 4 et σ4 = λ 1 λ 2 λ 3 λ 4 .
b c
• Pour n = 2, le résultat est connu : la somme des racines du polynôme aX 2 + bX + c (a 6= 0) vaut − et leur produit .
a a

Démonstration Tout repose sur une identification des coefficients de P exprimés de deux façons différentes.
Xn
Première expression, triviale : P = ak X k .
k=0
n
Y  
Seconde expression, moins triviale : P = an (X −λi ) = an X n −σ1 X n−1 +σ2 X n−2 −σ3 X n−3 +. . .+(−1)n σn .
i=1
n
Y
Pour saisir intuitivement le sens de cette seconde expression, calculez le coefficient de degré n dans (X − λi ),
i=1
puis celui de degré n − 1, puis celui de degré n − 2, etc. Vous trouverez 1, −σ1 , σ2 , −σ3 , etc. Finalement, par
identification : an−1 = −an σ1 , an−2 = an σ2 , an−3 = −an σ3 , . . . a0 = (−1)n an σn . 

n−1
X X n−1
Y Y
2ikπ 2ikπ
Exemple Pour tout n > 2 : e n = ω=0 et e n = ω = (−1)n+1 .
k=0 ω∈Un k=0 ω∈Un
X Y
En effet Dans le contexte du polynôme scindé X n − 1 : σ1 = ω et σn = ω. Comme le
ω∈Un ω∈Un
0
coefficient de degré n − 1 de X n − 1 vaut 0 : σ1 = (−1)1 = 0, et comme son coefficient de degré 0 vaut −1 :
1
−1
σn = (−1)n = (−1)n+1 .
1

Exemple On admet momentanément que le polynôme X 3 − 2X + 5 possède trois racines complexes x, y et z comptées avec
multiplicité. L’unique polynôme unitaire de degré 3 dont les racines sont x2 , y 2 et z 2 est alors le polynôme X 3 − 4X 2 + 4X − 25.
  
En effet Nous devons calculer explicitement les coefficients du polynôme X − x2 X − y 2 X − z 2 :
    
X − x2 X − y 2 X − z 2 = X 3 − x2 + y 2 + z 2 X 2 + x2 y 2 + y 2 z 2 + z 2 x2 X − x2 y 2 z 2 .

Posons alors σ1 = x + y + z, σ2 = xy + yz + zx et σ3 = xyz. Les relations coefficients/racines du polynôme


X 3 − 2X + 5 s’écrivent alors : σ1 = 0, σ2 = −2 et σ3 = −5. Or :

x2 + y 2 + z 2 = (x + y + z)2 − 2(xy + yz + zx) = σ12 − 2σ2 = 4, x2 y 2 z 2 = (xyz)2 = σ32 = 25



et x2 y 2 +y 2 z 2 +z 2 x2 = (xy +yz +zx)2 −2 xy ×yz +yz ×zx +zx ×xy = σ22 −2xyz(x +y +z) = σ22 −2σ1 σ3 = 4.
  
Comme annoncé : X − x2 X − y 2 X − z 2 = X 3 − 4X 2 + 4X − 25.

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4 Arithmétique dans K[X]


Les preuves qui ressemblent très fort à celles du chapitre « Arithmétique des entiers relatifs » seront omises.

4.1 PGCD

Définition (PGCD d’une famille de polynômes) Soient A1 , . . . , Ar ∈ K[X]. On appelle plus grand commun diviseur
(ou PGCD) de A1 , . . . , Ar tout polynôme D ∈ K[X] satisfaisant les deux assertions :
– D est un diviseur commun de A1 , . . . , Ar , – D est divisible par tout diviseur commun de A1 , . . . , Ar .

Théorème (« Unicité » du PGCD) Soient A1 , . . . , Ar ∈ K[X]. En cas d’existence, A1 , . . . , Ar possèdent un unique


PGCD unitaire ou nul appelé le PGCD de A1 , . . . , Ar et noté A1 ∧ . . . ∧ Ar , et leurs autres PGCD sont tous les associés
de A1 ∧ . . . ∧ Ar , i.e. les polynômes λ(A1 ∧ . . . ∧ Ar ), λ décrivant K∗ .

Comme dans Z, nous commencerons par une étude circonstanciée du PGCD de deux polynômes avant de généraliser.

Théorème (Idée fondamentale de l’algorithme d’Euclide) Soient A, B ∈ K[X] avec B 6= 0. On note R le reste de
la division euclidienne de A par B. Alors A et B ont les mêmes diviseurs communs que B et R.

   Explication En particulier : A∧B =B∧R — du moins quand nous aurons prouvé l’existence du PGCD.

   En pratique (Algorithme d’Euclide) Soient A, B ∈ K[X]. En quête d’un PGCD de A et B, nous pouvons
supposer ∂˚B 6 ∂˚A. L’algorithme d’Euclide va nous permettre de calculer rapidement le PGCD de A et B — dont il prouve au
passage l’existence. On définit les polynômes R0 , R1 , R2 . . . de la façon suivante :
– Au départ, on pose R0 = A et R1 = B.
– Ensuite, pour k ∈ N, tant que Rk+1 6= 0, i.e. ∂˚Rk+1 6= −∞, on note Rk+2 le reste de la division
euclidienne de Rk par Rk+1 — en particulier, ∂˚Rk+2 < ∂˚Rk+1 .
A l’issue de cette construction : ∂˚R0 > ∂˚R1 > ∂˚R2 > ∂˚R3 > . . . Comme il n’existe qu’un nombre fini d’entiers naturels
entre 0 et ∂˚R0 , on obtient forcément ∂˚RN = −∞N = 0 pour un certain N ∈ N∗ , i.e. RN = 0, et l’algorithme s’arrête. Or en
vertu de l’idée fondamentale de l’algorithme d’Euclide, A = R0 et B = R1 ont les mêmes diviseurs communs que R1 et R2 , puis
que R2 et R3 . . . et enfin que RN−1 et RN = 0. Comme RN−1 ∧ 0 = RN−1 , A et B admettent donc aussi RN−1 pour PGCD.

Conclusion : Le dernier reste non nul de la suite des restes successifs R0 , R1 , R2 . . . est un PGCD de A et B.

Théorème (Existence du PGCD de deux polynômes) Soient A, B ∈ K[X]. Alors A et B possèdent un PGCD.

Théorème (Relations de Bézout pour deux polynômes) Soient A, B ∈ K[X]. Il existe des polynômes U, V ∈ K[X]
tels que A ∧ B = AU + BV . Une telle relation est appelée une relation de Bézout de A et B.

$ $ $ Attention ! Les polynômes U et V ne sont pas du tout uniques.

   En pratique (Algorithme d’Euclide étendu) Même principe qu’au chapitre « Arithmétique des entiers
relatifs ». Cherchons par exemple le PGCD des polynômes A = 6X 4 + 8X 3 − 7X 2 − 5X − 2 et B = 6X 3 − 4X 2 − X − 1 ainsi
qu’une relation de Bézout associée. Tout commence avec les divisions euclidiennes successives de l’algorithme d’Euclide, dont
nous notons R0 , R1 , R2 , . . . les restes successifs à partir de R0 = A et R1 = B :
R0 R1 R2
z }| { z }| { z }| {
6X 4 + 8X 3 − 7X 2 − 5X − 2 = (X + 2) × 6X 3 − 4X 2 − X − 1 + 2X 2 − 2X,
R1 R2 R3 R2 3 R R4
z }| { z }| { z }| { z }| { z }| { z}|{
puis : 6X 3 − 4X 2 − X − 1 = (3X + 1) × 2X 2 − 2X + X − 1, et enfin : 2X 2 − 2X = 2X × (X − 1) + 0 .

11
c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

Le dernier reste non nul est X − 1 et il est unitaire, c’est lui le PGCD de A et B. Finalement :
R3 R1 R2
z }| { z }| { z }| {
A ∧ B = X − 1 = 6X 3 − 4X 2 − X − 1 −(3X + 1) × 2X 2 − 2X
R1 R0 R1
z}|{ z}|{ z}|{ 
= B −(3X + 1) × A −(X + 2) × B (on élimine R2 )
R0 R1
z}|{  z}|{
= −(3X + 1) × A + 3X 2 + 7X + 3 × B . La voilà, notre identité de Bézout.

Théorème (Existence du PGCD et relations de Bézout pour une famille finie de polynômes)
Soient A1 , . . . , Ar ∈ K[X].
• Existence : Les polynômes A1 , . . . , Ar possèdent un PGCD.
• Relations de Bézout : Il existe des polynômes U1 , . . . , Ur ∈ K[X] tels que : A1 ∧ . . . ∧ Ar = A1 U1 + . . . + Ar Ur .
Une telle relation est appelée une relation de Bézout de A1 , . . . , Ar .

Démonstration Résultat trivial sin A1 = . . . = Ar = 0, nous supposerons qu’au contraire l’un des Ak au moins
o 
est non nul. Dans ce cas, l’ensemble ∂˚ A1 P1 + . . . + Ar Pr \ − ∞ est une partie non vide de N
P1 ,...,Pr ∈K[X] 
donc possède un plus petit élément d. Par définition, cet entier naturel d s’écrit d = ∂˚ A1 U1 + . . . + Ar Ur pour
certains U1 , . . . , Ur ∈ K[X]. Nous noterons D le polynôme A1 U1 + . . . + Ar Ur — tiens, une relation de Bézout. Il
nous reste à montrer que D est un PGCD de A1 , . . . , Ar .
• Pour montrer que D est un diviseur commun de A1 , . . . , Ar , il suffit de montrer que D divise A1 par symétrie
des rôles de A1 , . . . , Ar . La division euclidienne de A1 par D s’écrit A1 = DQ + R pour certains Q, R ∈ K[X]
avec ∂˚R < d.n Aussitôt R = A1 − DQ = A1 − (A1 U1 + . . . + Ar Ur )Q = A1 (1 − U1 Q) − A2 U2 Q − . . . − Ar Ur Q,
o 
donc ∂˚R ∈ ∂˚ A1 P1 + . . . + Ar Pr \ − ∞ . Par minimalité de d, forcément ∂˚R = −∞, i.e.
P1 ,...,Pr ∈K[X]
R = 0, i.e. D divise A1 .
• Ensuite, tout diviseur commun de A1 , . . . , Ar divise D puisque D = A1 U1 + . . . + Ar Ur . 

4.2 Polynômes premiers entre eux

Définition (Polynômes premiers entre eux, cas de deux polynômes) Soient A, B ∈ K[X]. On dit que A et B sont
premiers entre eux si 1 est leur seul diviseur commun unitaire, i.e. si A ∧ B = 1.

Définition (Polynômes premiers entre eux dans leur ensemble/deux à deux) Soient A1 , . . . , Ar ∈ K[X].
• On dit que A1 , . . . , Ar sont premiers entre eux dans leur ensemble si 1 est leur seul diviseur commun unitaire, i.e.
si A1 ∧ . . . ∧ Ar = 1.
• On dit que A1 , . . . , Ar sont premiers entre eux deux à deux si Ai et Aj sont premiers entre eux pour tous i, j ∈ J1, rK
distincts.

$ $ $ Attention ! Premiers entre eux deux à deux =⇒ Premiers entre eux dans leur ensemble

mais la réciproque est fausse ! Par exemple, X(X + 1), X(X + 2) et (X + 1)(X + 2) sont premiers entre eux dans leur
ensemble mais X(X + 1) ∧ X(X + 2) = X 6= 1, X(X + 2) ∧ (X + 1)(X + 2) = X + 2 6= 1 et X(X + 1) ∧ X(X + 2) = X 6= 1.

Théorème (Théorème de Bézout) Soient A, B ∈ K[X]. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) A ∧ B = 1. (ii) Il existe deux polynômes U, V ∈ K[X] tels que AU + BV = 1.

Théorème (Théorème de Gauss) Soient A, B, C ∈ K[X]. Si A|BC et si A ∧ B = 1, alors A|C.

12
c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

Théorème (Polynômes premiers entre eux et produit de polynômes) Soient P, A1 , . . . , Ar ∈ K[X].


(i) Si chacun des polynômes A1 , . . . , Ar est premier avec P , leur produit A1 . . . Ar l’est aussi.
(ii) Si A1 , . . . , Ar divisent P et sont premiers entre eux deux à deux, leur produit A1 . . . Ar divise P .

4.3 PPCM

Définition (PPCM de deux polynômes) Soient A, B ∈ K[X]. On appelle plus petit commun multiple (ou PPCM) de
A et B tout polynôme M ∈ K[X] satisfaisant les deux assertions :
– M est un multiple commun de A et B, – M divise tout multiple commun de A et B.

   Explication Rappelons que lorsque A et B sont unitaires ou nuls, alors au sens de la divisibilité :
Borne supérieure = Plus petit majorant = Plus petit commun multiple = PPCM.

Théorème (Existence du PPCM et lien avec le PGCD) Soient A, B ∈ K[X].


• Existence et « unicité » : Les polynômes a et b possèdent un unique PPCM unitaire ou nul appelé le
PPCM de A et B et noté A ∨ B, et leurs autres PPCM sont tous les associés de A ∨ B, i.e. les polynômes λ(A ∨ B), λ
décrivant K∗ .
• Lien avec le PGCD : Les polynômes AB et (A ∧ B) (A ∨ B) sont associés.

4.4 Polynômes irréductibles

Définition (Polynôme irréductible) Soit P ∈ K[X]. On dit que P est irréductible (sur K) si P n’est pas constant
et si ses seuls diviseurs sont 1 et P (et leurs associés).

   Explication Les polynômes irréductibles sont l’analogue polynomial des nombres premiers dans Z et des particules
élémentaires en physique. Ils vont nous servir à casser tout polynôme en petits morceaux que l’on ne peut pas casser plus.

$ $ $ Attention ! La précision « irréductible sur K » n’est pas superflue. Nous allons voir dans un instant que le
polynôme X 2 + 1 est irréductible sur R alors qu’il ne l’est pas sur C car X 2 + 1 = (X + i)(X − i).

Exemple Tout polynôme de degré 1 est irréductible.


En effet Soit P ∈ K[X] de degré 1. Soient D un diviseur de P et A ∈ K[X] tel que P = AD. Alors A est non
nul donc ∂˚A > 0, donc ∂˚D 6 ∂˚P . Ainsi D est de degré 0 ou 1.
– Si ∂˚D = 0, D est constant non nul.
1
– Si ∂˚D = 1, alors ∂˚A = 0, i.e. A est constant non nul a. Aussitôt D s’écrit P.
a
Tout ceci montre bien que P est irréductible sur K.

Exemple Tout polynôme de degré 2 sans racine dans K est irréductible dans K[X] — par exemple, X 2 + 1 dans R[X].
En effet Soit P ∈ K[X] de degré 2 sans racine dans K. Soient D un diviseur de P et A ∈ K[X] tel que P = AD.
Alors A est non nul donc ∂˚A > 0, donc ∂˚D 6 ∂˚P . Ainsi D est de degré 0, 1 ou 2.
– Si ∂˚D = 0, D est constant non nul.
1
– Si ∂˚D = 2, alors ∂˚A = 0, i.e. A est constant non nul a. Aussitôt D s’écrit P.
a
– Enfin, D peut-il être de degré 1 ? Si c’était le cas, D serait de la forme aX + b pour certains a, b ∈ K
b
avec a 6= 0 donc − serait une racine de P , contrairement à nos hypothèses.
a
Tout ceci montre bien que P est irréductible sur K.

13
c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

Théorème (Factorisation irréductible, existence et unicité à l’ordre près) Soit P ∈ K[X] non nul. Alors P
possède, à l’ordre près, une et une seule décomposition de la forme P = λP1m1 . . . Prmr où λ ∈ K∗ est le coefficient dominant
de P , où P1 , . . . , Pr sont des polynômes unitaires irréductibles sur K et où m1 , . . . , mr ∈ N∗ . Cette décomposition est appelée
la factorisation irréductible de P sur K. Dans le cas où P est constant non nul, on autorise la convention « r = 0 », i.e.
l’absence des polynômes P1 , . . . , Pr .
Les polynômes P1 , . . . , Pr sont tous les diviseurs irréductibles unitaires de P . Pour tout k ∈ J1, rK, Pkmk est la plus grande
puissance de Pk qui divise P et mk est appelé la multiplicité de Pk dans P .

   En pratique Quand on connaît la factorisation irréductible de deux polynômes A et B, on peut déterminer A ∧ B


et A ∨ B sans utiliser l’algorithme de Bézout. Le principe est le même que dans Z.

Exemple 2X(X + 1)2 (X + 2)3 ∧ X(X + 2)4 X 2 + 1 = X(X + 2)3 et 3X 2 (X + 1) ∨ X 4 (X + 2)2 = X 4 (X + 1)(X + 2)2 .

5 Le théorème de d’Alembert-Gauss
Tout polynôme possède-t-il une racine ? Le résultat suivant est un théorème majeur des mathématiques.

Théorème (Théorème de d’Alembert-Gauss)


Tout polynôme non constant de C[X] possède au moins une racine complexe.

Démonstration Hors programme. Les curieux en trouveront tout de même une preuve à la fin du chapitre. 

$ $ $ Attention ! Le théorème est faux dans R[X]. Le polynôme X 2 + 1, par exemple, n’a pas de racine réelle. Le
théorème de d’Alembert-Gauss montre que tous les corps K ne se valent pas vis-à-vis de la factorisation irréductible. Le corps C
est optimal, le corps R est moins souple.

Théorème (Polynômes irréductibles de C[X])


(i) Les irréductibles de C[X] sont exactement les polynômes de degré 1.
(ii) Tout polynôme de C[X] est scindé sur C.

Démonstration
(i) Soit P ∈ C[X] irréductible. Non constant, P possède une racine λ ∈ C d’après le théorème de d’Alembert-
Gauss, donc X − λ divise P . L’irréductibilité de P sur C montre alors que P et X − λ sont associés, donc
que P est de degré 1. La réciproque a déjà été traitée plus haut.
(ii) découle de (i) et du théorème de factorisation irréductible. 

+∞
X
Définition (Conjugué d’un polynôme) Soit P = ak X k ∈ C[X].
k=0
+∞
X
• On appelle conjugué de P et on note P le polynôme ak X k .
k=0

• Pour tout λ ∈ C, la multiplicité de λ dans P est égale à la multiplicité de λ dans P .


En particulier, si P ∈ R[X], P = P . Dans ce cas, pour tout λ ∈ C, λ et λ ont la même multiplicité dans P .

+∞ +∞
(k)  X p X
Démonstration Pour tout k ∈ N : P λ = ap λ = ap λp = P (k) (λ). Du coup, pour tout m ∈ N :
p=0 p=0
 
λ est de multiplicité m dans P ⇐⇒ ∀k ∈ J0, m − 1K, P (k) (λ) = 0 et P (m) (λ) 6= 0
 (k)   (m) 
⇐⇒ ∀k ∈ J0, m − 1K, P λ =0 et P λ 6= 0
⇐⇒ λ est de multiplicité m dans P . 

14
c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

Théorème (Polynômes irréductibles de R[X])


(i) Les irréductibles de R[X] sont exactement les polynômes de degré 1 et les polynômes de degré 2 à discriminant
strictement négatif (i.e. sans racine réelle).
r
Y s
Y n
(ii) Pour tout P ∈ R[X] non nul, la factorisation irréductible de P sur R est A (X − λi )mi × X 2 + bj X + cj j ,
i=1 j=1
où :
– A est le coefficient dominant de P ,
– λ1 , λ2 , . . . , λr sont les racines réelles distinctes de P et m1 , m2 , . . . , mr leurs multiplicités respectives,
– les polynômes X 2 + bj X + cj sont distincts et irréductibles sur R pour tout j ∈ J1, sK, avec nj ∈ N∗ .

Démonstration
(i) Soit P ∈ R[X] irréductible. Non constant, P possède une racine λ complexe d’après le théorème de
d’Alembert-Gauss.
• Si λ ∈ R, X − λ divise P dans R[X]. Or P est irréductible sur R, donc P et X − λ sont associés et
P est de degré 1.
• Si λ ∈ C \ R, λ 6= λ. Or λ est une racine de P et P ∈ R[X], donc P = P et λ est aussi une
racine de P . Comme λ 6= λ, les polynômes X − λ et X − λ sont premiers entre eux donc leur produit
(X − λ)(X − λ) = X 2 − 2Re(λ)X + |λ|2 divise P . Or X 2 − 2Re(λ)X + |λ|2 ∈ R[X] et P est irréductible sur
R, donc P et X 2 − 2Re(λ)X + |λ|2 sont associés et P est de degré 2. Enfin P est bien sans racine réelle.

(ii) Soit P ∈ R[X] non constant. Alors P est scindé sur C. De plus, comme P = P , les racines non réelles
de P peuvent être regroupées par paires de conjuguées (avec la même multiplicité) et, comme en (i), le
regroupement de deux termes X − λ et X − λ donne un terme X 2 − 2Re(λ)X + |λ|2 . 

   En pratique La méthode de l’exemple suivant est à connaître impérativement. La factorisation irréductible sur R
se calcule à partir de la factorisation irréductible sur C, i.e. à partir des racines complexes (avec multiplicités), par regroupement
de chaque racine non réelle avec son conjugué.
 iπ
 iπ
 3iπ
 3iπ

Exemple La factorisation irréductible de X 4 + 16 sur C est : X 4 + 16 = X − 2e− 4 X − 2e 4 X − 2e− 4 X − 2e 4 .
√  √ 
Sur R : X 4 + 16 = X 2 − 2 2X + 4 X 2 + 2 2X + 4 .
En effet
• Commençons par déterminer les racines complexes de X 4 + 16. Pour tout r ∈ C :
 iπ 4 iπ 2ikπ
r 4 + 16 = 0 ⇐⇒ r 4 = −16 = 2e 4 ⇐⇒ ∃ k ∈ J0, 3K, r = 2e 4 + 4 .
iπ 3iπ 3iπ iπ
Les racines de X 4 + 16 sont donc 2e 4 (k = 0), 2e 4 (k = 1), 2e− 4 (k = 2) et 2e− 4 (k = 3). La
factorisation irréductible de X 4 + 16 sur C en découle — toutes les multiplicités valent forcément 1 ici.
• Sur R, nous devons regrouper les racines par paires de conjuguées comme dans le résultat qui précède :
 iπ
 iπ
  iπ iπ
 π √
X − 2e− 4 X − 2e 4 = X 2 − 2 e− 4 + e 4 X + 4 = X 2 − 4 cos × X + 4 = X 2 − 2 2X + 4
4
 3iπ
 3iπ
  3iπ 3iπ
 3π √
et X − 2e− 4 X − 2e 4 = X 2 − 2 e− 4 + e 4 X + 4 = X 2 − 4 cos × X + 4 = X 2 + 2 2X + 4.
4

Nous terminerons ce paragraphe sur une preuve — hors programme — du théorème de d’Alembert-Gauss.

Démonstration (du théorème de d’Alembert-Gauss) Soit P ∈ C[X] non constant. Pour montrer que
P possède une racine dans C, nous allons nous intéresser à la fonction |P |, prouver d’abord qu’elle possède
un minimum, puis prouver que ce minimum est forcément 0 — ce qui garantira bien l’existence d’une racine.
d
X
Introduisons pour le moment les coefficients de P : P = ak X k , avec d = ∂˚P > 1 et ad 6= 0.
k=0

• Montrons que |P | possède un minimum dans C. En tout cas, la fonction |P | étant positive, la propriété de
la borne inférieure justifie l’existence de m = inf |P |. Mais avons-nous là un minimum ?
C
d−1
X d−1
X

1) Pour tous r > 0 et z ∈ C de module r : P (z) > |ad |.|z| − d
ak z > |ad |r d −
k
|ak |r k . Or

k=0 k=0
d−1
! d−1
d
X k d
X k
lim |ad |r − |ak |r = +∞, donc |ad |r − |ak |r > m + 1 pour tout r strictement supérieur à
r→+∞
k=0 k=0
un certain R > 0. Finalement, pour tout z ∈ C tel que |z| > R : P (z) > m + 1.

15
c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

1 1
2) Pour tout n ∈ N, m + n ne minore pas |P |, donc P (zn ) < m + n pour un certain zn ∈ C —
2 2
1
et même : m 6 P (zn ) < m + n . D’après le théorème d’encadrement : lim P (zn ) = m.
2 n→+∞

1
3) Pour tout n ∈ N : P (zn ) < m + n 6 m + 1, donc par contraposition, d’après 1) : |zn | 6 R.
2
Bref, la suite (zn )n∈N est bornée. Elle possède une suite extraite convergente
(zϕ(n) )n∈N d’après
le théorème
de Bolzano-Weierstrass, disons de limite ℓ. Dans ces conditions : lim P (zϕ(n) ) = P (ℓ) , mais comme
n→+∞
lim P (zn ) = m : m = P (ℓ) . Cette égalité montre exactement que m est un minimum de |P | —
n→+∞
pas seulement une borne inférieure.

• Montrons que le minimum m = P (ℓ) de |P | vaut forcément 0. Raisonnons pour cela par l’absurde en
supposant P (ℓ) 6= 0. Notons Q le polynôme P (X + ℓ) — par hypothèse, Q(0) 6= 0 — avec ses coefficients :
Q = b0 + bq X q + bq+1 X q+1 + . . . + bd X d , où bq est le premier
coefficient non nul après b0 = Q(0) 6= 0. Notons
b0 b0 b0 iθ
en outre θ un argument de − , de sorte que = − eiθ . Fixons enfin r ∈ ]0, 1] et posons z = re q .
bq bq bq

d
X bq r q eiθ Xd
Q(z) = b0 + bq z q + bq+1 z q+1 + . . . + bd z d 6 b0 + bq z q + |bk |.|z|k = |b0 |. 1 + + |bk |r k
b0
k=q+1 k=q+1

0<r61 bq Xd bq X d

6 |b0 |. 1 − r q + r q+1 |bk | = |b0 |. 1 − r q + r q+1 T si l’on pose T = |bk | > 0.
b0 b0
k=q+1 k=q+1

s
b0 |bq | bq |bq |r q
Choisissons a posteriori r inférieur ou égal à q et . Alors : 1 − r q > 0 et r q+1 T 6 ,
bq 2T b0 2
!
bq |bq |r q |bq |r q
donc : Q(z) 6 |b0 |. 1 − r q + = |b0 | − < |b0 | = Q(0) = P (z0 ) = m.
b0 2 2

Finalement : P (z + ℓ) = Q(z) < m. Cette inégalité stricte contredit le fait que m minore |P |. Ainsi
comme voulu, P (ℓ) = 0. 

6 Polynômes d’interpolation de Lagrange


Etant donnés des points x1 , . . . , xn ∈ R tels que x1 < . . . < xn et des réels y1 , . . . , yn ∈ C quelconques, la problématique
de l’interpolation consiste en la construction de fonctions f : [x1 , xn ] −→ R pour lesquelles f (xi ) = yi pour tous i ∈ J1, nK.
Il existe bien sûr beaucoup de telles fonctions f , on peut par exemple en construire une en reliant linéairement les points de
coordonnées (x1 , y1 ), . . . , (xn , yn ). La méthode d’interpolation de Lagrange étudiée dans ce paragraphe est une autre approche
du même problème.

n o
Définition (Symbole de Kronecker) On appelle symbole de Kronecker la fonction δ : C × C −→ 0, 1 définie pour

1 si a = b
tous a, b ∈ C par : δab =
0 si a 6= b.

Définition (Polynômes de Lagrange d’une famille finie de points distincts) Soient x1 , . . . , xn ∈ K distincts.
Y X − xk
• Pour tout i ∈ J1, nK, on pose : Li = . Les polynômes L1 , . . . , Ln sont appelés les polynômes de
xi − xk
16k6n
k6=i
Lagrange de x1 , . . . , xn .
• Pour tous i, j ∈ J1, nK : Li (xj ) = δij . En particulier, donc, Li admet x1 , . . . , xi−1 , xi+1 , . . . , xn pour racines —
mais pas xi .

   Explication Tâchons d’expliciter les choses pour n = 3. Dans ce cas :


(X − x2 )(X − x3 ) (X − x1 )(X − x3 ) (X − x1 )(X − x2 )
L1 = , L2 = et L3 = .
(x1 − x2 )(x1 − x3 ) (x2 − x1 )(x2 − x3 ) (x3 − x1 )(x3 − x2 )

16
c Christophe Bertault – Mathématiques en MPSI

Théorème (Polynôme d’interpolation de Lagrange de degré minimal) Soient x1 , . . . , xn ∈ K distincts et


n
X
y1 , . . . , yn ∈ K quelconques. On reprend les notations L1 , . . . , Ln de la définition précédente. Le polynôme yi Li est alors le
i=1
seul et unique polynôme P ∈ K[X] de degré inférieur ou égal à n − 1 pour lequel P (xi ) = yi pour tout i ∈ J1, nK.

Démonstration
n
X
• Existence : Posons P = yi Li . Par définition, L1 , . . . , Ln sont de degrés inférieurs ou égaux à n − 1,
i=1
n
X n
X
donc P aussi. Ensuite, pour tout j ∈ J1, nK : P (xj ) = yi Li (xj ) = yi δij = yj .
i=1 i=1

• Unicité : Soient P, Q ∈ K[X] de degrés inférieurs ou égaux à n − 1 tels que pour tout i ∈ J1, nK :
P (xi ) = Q(xi ) = yi . Alors P − Q admet x1 , . . . , xn pour racines distinctes, donc au moins n racines
comptées avec multiplicité, or ∂˚(P − Q) 6 n − 1, donc finalement P − Q = 0, i.e. P = Q. 


Exemple Notons f la fonction x 7−→ sin sur [0, 4], pour laquelle f (0) = f (2) = f (4) = 0, f (1) = 1 et f (3) = −1. Notons
2
ensuite L0 , . . . , L4 les cinq polynômes de Lagrange de 0, . . . , 4. Le polynôme d’interpolation de Lagrange de f aux points 0, . . . , 4
X 4
est alors en vertu du théorème précédent le polynôme f (i)Li = L1 − L3 . Or :
i=0

X(X − 2)(X − 3)(X − 4) X(X − 1)(X − 2)(X − 4)


L1 = − et L3 = − ,
6 6
X(X − 2)(X − 3)(X − 4) X(X − 1)(X − 2)(X − 4) X(X − 2)(X − 4)
donc L1 − L3 = − + = .
6 6 3

b b b

b b b b b b b b b b b b

y = L0 (x) y = L1 (x) y = L2 (x)

y = L1 (x) − L3 (x)
b b b

y = sin x
b b b b b b b b b b b

y = L3 (x) y = L4 (x)
b

Théorème (Polynômes d’interpolation de Lagrange, cas général) On reprend les notations du théorème précédent
n
X
et on note Y le polynôme yi Li . Les polynômes P pour lesquels P (xi ) = yi pour tout i ∈ J1, nK sont exactement tous les
i=1
n
Y
polynômes de la forme Y + Q (X − xk ), Q décrivant K[X].
k=1

Démonstration Pour tout P ∈ K[X] : ∀i ∈ J1, nK, P (xi ) = yi ⇐⇒ ∀i ∈ J1, nK, P (xi ) = Y (xi )
n
Y
⇐⇒ P − Y admet x1 , . . . , xn pour racines ⇐⇒ (X − xk ) divise P − Y
k=1
n
Y
⇐⇒ ∃ Q ∈ K[X]/ P −Y =Q (X − xk ). 
k=1

17

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