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Université Hassan II – Mohammedia

Faculté des sciences juridiques économiques et sociales

Cours des Grands systèmes constitutionnels

Professeur Mohamed Nachet

Année universitaire 2013-2014

1
Introduction

La qualificatif de ‘’grands’’ systèmes constitutionnels1 soulève la


question du critère sur lequel on se base pour établir la hiérarchie entre
les différents systèmes constitutionnels. Et si l’on parle de grands
systèmes cela suppose forcément l’existence de petits et moyens
systèmes. Par ailleurs, dans ce domaine les similitudes au plan de la
forme entre les grands et les petits ne sont pas exclues. Nécessairement
les grands servent souvent de modèle pour les moyens et les petits
systèmes.
On désigne par grands systèmes constitutionnels, dans cette matière,
celui de la Grande Bretagne, de la France et des Etats-Unis. Ces
systèmes ont dû éclore, se développer et mûrir tout lentement. C’est un
développement politique qui n’a pas eu de contraintes exogènes. Il a
puisé ses énergies de l’intérieur et a pu répondre aux demandes et
impératifs sociétaux internes.
Ces grands systèmes ont pu se développer à partir d’une matrice
sociopolitique assez féconde à savoir l’Etat/nation2. L’Etat et la Nation
apparaissent dès lors comme deux réalités étroitement liées, au point
qu’à partir du XIXème siècle la notion d’Etat-nation s’impose, justifiant
tantôt l’unification de certains territoires ou la dislocation d’Empires
englobant plusieurs entités nationales. L’Etat se caractérise alors par la
congruence d’une entité politique souveraine avec un ensemble culturel
unifié du point de vue territorial, linguistique ou religieux.

1
Il est à souligner que la démocratie ne s’identifie ni aux assemblées ni aux élections. Elle est beaucoup plus
profonde. Elle renvoie à des valeurs démocratiques, à l’apprentissage et à la culture politique.
2
Le juriste Carré de Malberg le définit comme une "communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et
possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une
puissance suprême d’action, de commandement et de coercition". Il souligne ainsi la double acception de la
notion d’Etat, qui correspond à un mode d’organisation sociale territorialement défini et à un ensemble
d’institutions caractérisées par la détention du monopole de l’édiction de la règle de droit et de l’emploi de la
force publique.

2
Ce processus d’édification de l’Etat national sera ponctué de mise en
place progressive d’un certain nombre de principes et de valeurs, règle
de droit (GB), de révolutions et de déclarations universelles de droits de
l’homme (Etats-Unis, France). Ce sont ces événements majeurs qui
enclencheront le travail d’innovation et d’adaptation politiques.

Chapitre I : La genèse des grands systèmes


constitutionnels
La trajectoire de chacun des trois grands systèmes étudiés lui confère
une certaine spécificité. Mais néanmoins les emprunts et les influences
entre ces systèmes ne sont pas négligeables. C’est le Royaume-Uni qui
s’est démarqué comme étant le premier pays à tendre vers la modernité
politique. C’est ce statut de pays pionnier en matière de développement
politique qui lui procure ce qualificatif de modèle politique et de
berceau de la démocratie.

Section I : Royaume-Uni3
Ce pays entame très tôt son processus de développement politique. Un
certain nombre de règles et principes vont amorcer la marche de la
constitutionnalité de la monarchie.
A- Le processus de constitutionnalisation

3
Le Royaume-Uni (United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland) est constitué (officiellement depuis
1707) de Nations autrefois indépendantes : l'Angleterre, le pays de Galles, l'Ecosse, et d'une partie de l'Irlande -
qui fut indépendante jusqu'en 1175 et qui a retrouvé son indépendance pour les 5/6 de son territoire en 1921.
Mais le Royaume-Uni de Grande-Bretagne est dominé par l'Angleterre (85% des électeurs), sous l'autorité
législative du Parlement de Westminster.

3
La Grande-Bretagne4, dont la constitution est non écrite5, entame très
tôt sa marche vers la mise en place d’un Etat de droit6. La Magna Carta
4
Définition du parlementarisme : Le parlementarisme britannique repose sur la prééminence du parlement. Ainsi
en théorie le Parlement britannique détient la Souveraineté juridique ; c'est- à- dire que ses pouvoirs sont illimités
lorsqu'il s'agit pour lui de légiférer.
Aucune autorité ne peut être supérieure à la sienne et si les juges ont évidemment une certaine faculté
d'interprétation de la Loi, et peuvent invoquer l'existence de droits naturels imprescriptibles, ils ne peuvent, bien
entendu, rendre des décisions qui seraient formellement contraires à la Loi.
Il n'existe pas, au Royaume-Uni, de Cour Suprême ou de Cour Constitutionnelle qui pourrait limiter la
Souveraineté juridique du Parlement.

C'est la Chambre basse du Parlement, la Chambre des Communes, qui détient aujourd'hui, depuis que sa
suprématie sur la Chambre haute, la Chambre des Lords, s'est affirmée au XXème siècle, cette Souveraineté
juridique.
Mais, de fait, cette Souveraineté juridique n'est que théorique puisqu'elle s'exprime par le vote des lois, donc qu'elle
nécessite l'existence d'une majorité parlementaire. Or, en Grande-Bretagne, du fait de l'existence du bipartisme
rigide, la majorité parlementaire s'exprime réellement par la voix du Gouvernement.

5
Par convention de la Constitution (convention of the Constitution) les britanniques entendent toute pratique
constitutionnelle largement acceptée qui devient répétitive de telle sorte qu'un consensus apparaît.
Ainsi, jusqu'en 1800 environ, les ministres sont nommés par le Roi, puis la pratique s'instaure de ne nommer que
des ministres qui puissent disposer du soutien d'une majorité parlementaire, puis le Premier ministre est choisi au
sein de la Chambre des Communes, puis le Premier ministre est le leader du parti qui détient dans cette Chambre
la majorité. Ou, encore, le fait que le Monarque ne puisse agir que suivant l'avis du Gouvernement date d'une
convention de1910.
Une convention n'est donc jamais définitive.
Une convention peut être légalisée : l'existence du Premier ministre a été consensuelle jusqu'en 1937, date à
laquelle son existence a été institutionnalisée par une loi.
Actuellement relève de la convention : l'existence du Cabinet et son organisation, le principe de la responsabilité
collective du Cabinet devant la Chambre des Communes, le choix du Premier ministre et du Cabinet dans la
majorité parlementaire, la plupart des droits et privilèges reconnus à l'opposition parlementaire.

6
Dès 1215, les Anglais obligèrent leur roi Jean sans Terre à signer une "Grande Charte
des libertés d'Angleterre" - Carta Magna - qui limite l'arbitraire royal: le roi ne peut ni
bannir, ni arrêter, ni emprisonner ses sujets comme il l'entend. Cependant cette Charte ne
prévoyant aucune disposition pratique, ses articles sont diversement respectés.

Il faudra attendre presque cinq siècles pour que soit mis en place un véritable mécanisme
de protection des libertés individuelles, une procédure précise. C'est l'objet de la loi de
1679, dite Habeas corpus Act - l'ordre de présentation délivré par un grand juge du pays
et remis au gardien de la prison s'appelle un écrit d'habeas corpus ad subjiciendum,
locution latine signifiant "que tu aies ton corps pour le produire devant la justice".

Les dispositions les plus significatives de cet Act (texte de loi) qui, en interdisant toute
arrestation arbitraire, protège la liberté individuelle, sont les suivantes :

après arrestation, tout prisonnier, personnellement ou par l'entremise de ses amis, peut
adresser une demande d'habeas corpus aux services de la justice,
les services de la justice envoient aux services de la prison un writ (acte délivré par la
juridiction compétente pour enjoindre à celui qui détient un prévenu de le faire comparaître
devant le juge ou devant la cour, afin qu'il soit statué sur la validité de son arrestation),
cet acte oblige les services de la prison à présenter dans les trois jours le prisonnier

4
inaugure en 1215 cette tendance à l’édiction des règles juridiques de
caractère impersonnel, général et impartial. L’habeas corpus est élaboré
en 1679 et le Bill of rights (1689) à la suite de la révolution de 1688
œuvrent aussi dans ce sens.
L’importance du Bill of Rights réside dans le fait qu’elle instaure la
Souveraineté de la Loi. Celle-ci s'impose au Roi comme à tous ses
Sujets. Elle instaure aussi le principe du consentement du Parlement à
l'impôt, de son consentement pour lever et/ou entretenir en temps de
paix une armée, l'illégalité de la suspension par le Roi7, sans
l'autorisation du Parlement, des lois et/ou de leur application ; le droit
de pétition des Sujets, l'interdiction des cautions, amendes, punitions
anormales, excessives et/ou cruelles, la primauté de la Religion
protestante, que les élections au Parlement doivent être libres, que la
liberté de parole, de débat et de procédure, au Parlement, ne peut être
mise en cause devant aucune juridiction ou aucune institution extra-
parlementaire, que le Parlement doit se réunir fréquemment.
La vie politique en Grande Bretagne a commencé à s’organiser dès le
treizième siècle. C’est ainsi qu’en 1259 (les Statuts d'Oxford), un
Parlement féodal8 permanent est institué auprès du Roi, qui est élargi à
la petite noblesse et aux bourgeois en 1265.
Cette évolution sera aussi enrichie au 14ème siècle. Pendant ce siècle,
les représentants des communes siègeront dans ce parlement en

devant le tribunal,
le tribunal examine le cas du prisonnier et vérifie les charges retenues contre lui. Il peut
décider en fonction de ces charges: de maintenir l'emprisonnement; de libérer le prisonnier
sous caution; d'acquitter le prisonnier.

7
En 1701, par l'Acte d'Etablissement (The Act of Settlement), les règles de la succession au trône sont
définies : exclusion des catholiques ou des protestants mariés à un catholique ; règle de primogéniture
pour les descendants mâles et sinon pour les filles ; obligation de prêter serment afin de reconnaître le
Bill of Rights.
8
En 1628 le Roi Charles Stuart (1600-1649), sur la pression de la Chambre des Communes (House of
Commons), dut signer la Petition of Rights, Pétition des Droits. Ce texte exige qu'aucun impôt ne soit
établi sans le consentement du Parlement et que cessent les arrestations et détentions illégales. Elle
interdit le recours à la loi martiale en temps de paix et la conscription forcée.

5
éliminant la noblesse (Lords) et les seigneurs9. Et c’est ce parlement
qui obligera le monarque à accepter le Bill of Rights. Cette loi (Bill)
deviendra le fondement de la monarchie constitutionnelle. Le parlement
dans la tradition britannique est une institution souveraine10. Chaque
Chambre est libre de voter son règlement intérieur. Le pouvoir du
monarque est réduit par des conventions. Et c’est depuis 1910 qu’il ne
peut agir que suivant l’avis du gouvernement.
B- Acteurs politiques

La division de l’opinion anglaise en deux tendances remonte au milieu


du XVIIème siècle (1648), à la suite de la révolution. Cette division
tient surtout à des oppositions de caractère religieux. Les puritains
attaquent l’église anglicane et la survivance des habitudes romaines
qu’on y reconnaît. Ils s’opposent, en même temps, à l’absolutisme
monarchique et défendent le règne de la loi. En revanche, les partisans
du roi soutiennent l’église anglicane et défendent la prérogative royale
contre le parlement11. Par ailleurs, l’extension du droit de suffrage à
partir de 1832 et l’utilisation du scrutin majoritaire à un tour favorisent
l’émergence et le maintien du système de partis britannique (two-party
system)12. Jusqu’en 1906, les conservateurs et les libéraux (successeurs
des tories et des whigs) alternent au pouvoir. Entre 1922 et 1935, les
9
C'est au XVIème siècle, avec la victoire de la Réforme sur le Catholicisme et l'établissement de la religion d'Etat,
l'Eglise anglicane (1534), que la Magna Carta fut interprétée par les bourgeois comme étant la reconnaissance des
droits individuels de tous les propriétaires.
10
Le droit du Conseil de l'Europe, créé en 1949 le Conseil de l'Europe est l'organisation européenne de coopération
politique qui a notamment pour objectif d'assurer la sauvegarde et le développement des Principes démocratiques
fondamentaux. Signée à Rome le 4 novembre 1950, la Convention européenne de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales organise une garantie juridictionnelle des droits qu'elle proclame, qui
concernent les libertés publiques individuelles classiques, déjà proclamées dans la Déclaration universelle des
Droits de l'Homme de 1948 mais qui trouvent ainsi leur pleine reconnaissance et application juridiques. Le
Royaume-Uni est membre du Conseil de l'Europe et est donc soumis à son droit.
11
Whigs et tories ; les cavaliers qui défendent le roi sont surnommés tories du nom des brigands irlandais qui
attaquaient les colons protestants et, cela, pour marquer qu’ils n’étaient que des catholiques camouflés, aristocrates
et propriétaires fonciers, défendant le roi et l’église. De l’autre côté, les têtes rondes de Cromwell qui protègent
le parlement contre le roi, les libertés civiques et la liberté religieuse (sauf toutefois pour les papistes), comprennent
certains nobles, des propriétaires, des hommes d’affaires, des marchands de Londres. Ils sont surnommés
wiggamores ou whigs, du nom d’un groupe de paysans presbytériens de l’ouest de l’Ecosse.
12
Le système politique du Royaume unis se ramène au gouvernement d’un parti sous le contrôle de l’opposition
et l’arbitrage de l’électeur. La séparation des pouvoirs législatif et exécutif est très discutable. Les partis politiques
anglais sont rivaux et associés. Ils se donnent la main pour que le jeu politique soit correctement joué.

6
travaillistes13 (adossés au Trade Union Congress ) supplantent le parti
libéral.
Le système bipartisan britannique assume avec efficacité l’encadrement
aussi bien du corps électoral que de ses représentants au moment de la
consultation électorale. Les partis sont, d’une façon quasi absolue,
maître de la présentation des candidats. Les candidatures indépendantes
sont pratiquement impossibles en raison des frais élevés que les
campagnes électorales exigent.
Ce bipartisme procure une stabilité au système d’alternance. Et dès lors
qu’un gouvernement dispose de la majorité à la Chambre des
Communes, il dispose de la même durée de vie. Il est exceptionnel dans
ces conditions qu’un premier ministre change en cous de mandat ou
qu’un cabinet minoritaire demeure au pouvoir. Mais le système
électoral adopté pénalise le tiers-parti.
Section II : Les Etats Unis d’Amérique
D’un certain nombre de colonies britanniques, les Etats-Unis accèdent
au statut d’Etat fédéral.
A- Formation de l’Etat fédéral

Un pays d’immigration qui a réussi à s’imposer comme le pionnier en


matière constitutionnelle (première constitution écrite dans l’histoire).
Son indépendance de la domination britannique a stimulé son économie
et l’a réorientée d’une économie purement agricole à une économie
industrielle. Aux 13 colonies initiatrices de l’indépendance se sont
incorporées de nouvelles terres (riches) se situant à l’ouest. Ces

13
Le Labour Party a été crée en 1906. C'est aux élections de 1922 que le parti travailliste obtient de meilleurs
résultats que les libéraux (142 députés travaillistes, 115 députés libéraux). De 1922 à 1935 le Royaume Uni connaît
le tripartisme. Puis, le scrutin uninominal majoritaire à un tour jouant son rôle éliminatoire, le parti libéral, bien
que conservant des voix, perd toute possibilité d'accéder au pouvoir (aux élections de 1964 les libéraux obtiennent
11,2% des suffrages exprimés mais seulement 9 sièges sur 630, soit 1,42% des sièges).

7
colonies américaines se situent entre le Canada et le Mexique sur le
front est (east) et orientées nord-est, s’étendant sur 16OO km. Ces
colonies étaient différentes les unes des autres sur les plans
géographique, religieux, économique, etc. Des liens de solidarité se sont
toutefois tissés entre elles lors de leur lutte menée contre les Français
du Canada. Un rapprochement linguistique et culturel s’est aussi opéré
pendant cette période.
La révolte des colons s’est déclenchée contre les mesures fiscales
imposées par la couronne britannique à l’issue de la guerre des 7ans
opposant la Grande-Bretagne à la France et à l’Espagne (1756-1763).
Les colons refusèrent de payer parce qu'ils n'étaient pas représentés
politiquement à la Chambre des Communes à Londres "no taxation
without representation". Le gouvernement britannique empêcha
également les colons des treize colonies d'étendre leurs territoires à
l'ouest des monts Appalaches afin, entre autres, d'éviter les conflits avec
les Amérindiens.
Les colons américains, en particulier les marchands des ports de la
Nouvelle-Angleterre, reprochaient à la Grande-Bretagne sa politique
commerciale : le trafic de certaines marchandises comme le thé était
réservé aux navires britanniques, en vertu du monopole en vigueur.
D'autre part, dans le but d'atrophier l'économie américaine, les
Britanniques en vinrent à interdire à leurs colonies de vendre leurs
produits à un autre pays que la Grande-Bretagne, car l'on estimait que
si les colons avaient le droit de vendre leurs produits comme bon leur
semblait et à qui bon leur semblait, les treize colonies américaines
regorgeraient d’argent, argent qui ne profiterait pas à la couronne,
(première puissance mondiale.
D’autant que les colonies contestaient la division du travail imposée par
l’Angleterre. Elle consistait à ce que les colonies n’accèdent pas au
stade industriel. En d’autres termes, les colonies fournissent à la
métropole des matières premières et que ces dernières restent

8
dépendantes des produits manufacturés et du fret afin d’assurer à la
production métropolitaine le débouché nécessaire.
La guerre avec les français établis au Canada s’étant terminée
victorieusement, en 1763, grâce à l’aide que les colons américains
avaient apportée aux troupes anglaises, la solidarité avec la métropole
s’atténue, une fois le danger disparu, en même temps que s’accroit, chez
les colons le sentiment de leur propre importance14.
C’est à l’issue de cette guerre que Thomas Jefferson et John Adams
rédigèrent la déclaration d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique (4
juillet 1776) qui se présente comme un résumé de la doctrine du droit
naturel15. Elle sera votée par le Congrès continental, qui était
l’organisme de liaison chargé, pour l’ensemble des colonies révoltées
de la conduite de la guerre. Le 14 novembre 1777, elles constituent une
Confédération et Union perpétuelle par les Articles of Confederation
and Perpetual Union. Un organe central, le Congrès, est créé, qui a des
pouvoirs étendus en matière de politique étrangère, mais qui ne peut pas
lever l'impôt. Les Etats membres de la Confédération demeurent
souverains mais leurs citoyens ont la qualité de citoyens de l'Union et
peuvent circuler librement sur l'ensemble de son territoire. Les
décisions judiciaires de chaque Etat sont reconnues par les autres Etats.
La Confédération menaçant de se disloquer, à cause de son manque de
ressources fiscales, et du fait que certains Etats s'entourent de barrières
protectionnistes pour faire face à la crise économique, une Convention
se réunit à Philadelphie en mai 1787, sous la présidence de George

14
Le conflit armé éclate au printemps 1775, avec la bataille de Lexington qui oppose, près de Boston, des milices
coloniales rebelles aux troupes anglaises régulières. La guerre d’indépendance se prolongera pendant 6 ans,
jusqu’à la prise d’Yorktown, en octobre 1781 et se terminera, grâce en partie à l’aide française en volontaires et
en troupes régulières, par une victoire complète des Américains. Le traité de Paris et celui de Versailles du 3
septembre 1783 reconnaissent l’indépendance des anciennes colonies.
15
Le Préambule de la Déclaration d'Indépendance est ainsi conçu : "Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes
les vérités suivantes : Tous les hommes sont créés égaux, ils sont doués par le créateur de certains droits
inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont
établis par les hommes pour garantir ces droits".

9
Washington (1732-1799), qui élabore la Constitution fédérale du 17
septembre 1787, entrée en vigueur en mars 1789.
Les treize Etats devaient démarrer un processus d’intégration ; dans un
premier temps le choix se fut porté sur une confédération qui, une
décennie plus tard, sera transformée en fédération. Un pouvoir exécutif
(de l’Union issue de la constitution de 1787) de l’alliance (tendance à
la centralisation) sera installé. Un bicamérisme fut aussi institué
(compromis du connecticut).
B- La constitution de 178716

La Constitution de 1787/1789 est un contrat entre les Etats membres.


Elle ne comprend, à l'origine, que 7 articles auxquels seront ajoutés
ensuite 26 amendements.
Les 10 premiers amendements, adoptés en 1791, constituent la Charte
des Droits fondamentaux (Bill of Rights) pour la Fédération, mais,
historiquement, la première Déclaration américaine des Droits est la
Déclaration des Droits qui précède la Constitution de Virginie du 12
juin 1776, qui est immédiatement suivie de la Déclaration
d'Indépendance du 4 juillet 1776. Les apports de cette constitution sont
nombreux : l’Etat fédéral, régime présidentiel, bicamérisme.
Du fait du caractère rigide et formel de la constitution américaine, la
procédure de révision se décompose en 2 phases : l’élaboration et la
ratification du texte de révision17. Les amendements18, au nombre de 27
16
D’aucuns interprètent la Constitution américaine comme étant une transposition, dans le cadre républicain,
des institutions britanniques (une monarchie limitée). C’est en 1782 que la monarchie britannique venait
d’inaugurer l’étape de monarchie parlementaire. Et cela en rapport avec la guerre d’indépendance des USA. La
théorie des checks and balances (faculté de neutralisation réciproque entre les institutions) domine l’approche
des pères fondateurs dans la conception du système politique américain.
17
Si c’est le Congrès qui établit le texte de l’amendement, celui-ci doit être voté par chacune des deux chambres
à la majorité des deux tiers ; si ce sont les parlements fédérés (les législatures) qui prennent l’initiative, la
proposition de révision doit être votée par les deux tiers des parlements fédérés ; puis, une convention nationale
ad hoc est convoquée pour rédiger le texte. La ratification doit se faire dans un délai de 7ans suivant sa
transmission, sauf prorogation votée par le Congrès par les ¾ des Etats membres. Elle se fait par les parlements
locaux (les ¾ des Etats membres).
18
Les premiers amendements furent opérés en 1791. Certains Etats n’avaient consenti à ratifier la constitution
qu’à la condition qu’elle fût immédiatement amendée ; et ce fut la déclaration des droits de l’Etat fédéral (bill
of rights).

10
depuis 1787, se rapportent à la condition des personnes et à
l’organisation des pouvoirs publics.
La condition des personnes se décompose en droits de l’individu et ceux
du citoyen. Ainsi l’amendement XIII de 1865 complète les garanties
des libertés individuelles. Il abolit l’esclavage. L’amendement XIV
intervenu en 1868 établit les conditions du droit à la citoyenneté et
l’étendue des garanties juridictionnelles dont peut bénéficier chaque
citoyen (l’égale protection des lois). Quant aux droits du citoyen,
l’amendement XV de 1870 étend le pouvoir du suffrage ; il interdit de
refuser le droit de suffrage pour des raisons tenant à la race ou à l’état
de servitude antérieur. Le XIXème amendement établit en 1920 le
suffrage des femmes, et le XXVIème (1971) abaisse l’âge de la
majorité électorale de 21 à 18 ans.
Quant aux amendements relatifs à l’organisation des pouvoirs publics,
le XIIème prévoit la différenciation entre les élections du Président et
du vice président des USA (1804) ; le XVIIème dispose que les
sénateurs sont élus au suffrage universel direct (1913). Le XXème de
1933 ramène le temps mort au 20 janvier suivant l’élection et non plus
fin mars comme auparavant, l’entrée en fonction du président
nouvellement élu. Le XXIIème de 1951 interdit au Président d’être
réélu plus d’une fois ; le XXVème intervenu en 1967 organise la
suppléance du président en cas d’empêchement et le remplacement du
vice président.

C- Partis politiques aux Etats-Unis d’Amérique

Deux grands partis se partagent la scène politique américaine. Le Parti


démocrate19 américain tire ses origines du Parti démocrate-républicain fondé

19
Il est celui qui est resté le plus longtemps au pouvoir de façon continue, et l'une des plus grosses organisations
politiques mondiale (72 millions d'inscrits pour les primaires en 2004). C’est à l'origine un parti anti-fédéraliste
défendant la liberté des États face au pouvoir fédéral, et celle des propriétaires individuels face aux intérêts
bancaires et industriels. Il évolue nationalement vers une vision moins conservatrice et moins libertarienne dès

11
dans les années 1790 par Thomas Jefferson pour s’opposer à la
politique de George Washington. Ce nouveau parti, libre-échangiste est
opposé à une trop grande centralisation du pouvoir politique. Les
démocrates sont aussi de fervents anti-esclavagistes. C’est d’ailleurs
une loi prônant l’extension de l’esclavage à tous les Etats de l’Union
qui est à l’origine de la création du parti.

Le Parti républicain (1854) défend quand a lui le monde des affaires,


les producteurs, le grand capital, les fermiers des plaine. Dès la fin des
années 1850, les Républicains deviennent le second parti des États-
Unis, s’imposant face aux Démocrates. Leur ascension est favorisée par
l’inquiétude croissante que provoque, dans le Nord, l’influence des
États du Sud à Washington, et par les divisions du Parti démocrate,
déchiré entre esclavagistes et modérés. Depuis ses débuts, le Parti
républicain incarne une certaine image de l’Amérique, nationaliste,
protestante et anglo-saxonne, et se prononce en faveur d’un
gouvernement fédéral fort.

Section II : La France

L’histoire de la France, aux XVème, XVI, XVIIème et


XVIIIème siècles, oscille entre féodalisme et monarchie
héréditaire.
A- L’affirmation de l’Etat

La France a vécu pendant des siècles sous le joug de


l’absolutisme des rois. Ce régime politique (ancien régime)
perdure bien que les péripéties et les évolutions sont
nombreuses (monarchies administrative des XVII et XVIII

les années 1890, et plus nettement dans les années 1930 avec le New Deal du président Franklin Roosevelt, en
valorisant le rôle de l'État dans la protection des minorités. Dans les années 1960 et 70, il s'inscrit à gauche sous
l'impulsion des sénateurs Hubert Humphrey, George McGovern ou Edward Kennedy, avant de se replacer vers
le centre sous les mandats de Jimmy Carter et Bill Clinton.

12
siècles, Capétiens et Valois). Ses caractères généraux
demeurent largement les mêmes jusqu’à la révolution.
L’hérédité joue depuis le XIIIème siècle un rôle dans la
transmission du pouvoir en France. Elle joue également comme
mode de nomination des administrateurs et même des
gouvernants. C’est avec la désignation d’Hugues Capet qui
marque le point de départ du système héréditaire. Il demeure
néanmoins articulé au système féodal ; donc son autorité est
beaucoup plus effective dans le duché de l’Ile-de-France que
sur les terres de ses feudataires20. La renaissance du droit
romain, au XIV siècle, viendra renforcer le pouvoir royal. Ses
juristes retrouvent dans les institutions de Justinien et les autres
monuments du droit romain l’idée de souveraineté, de pouvoir
inconditionnel. Ainsi le roi absolu21 prend la place du roi féodal.
Cela répond aussi à une demande populaire afin d’échapper à
l’autorité seigneuriale, étant plus proche, devenant de plus en
plus lourde.
Aux XVIe et XVIIe siècles, la théorie de la monarchie absolue
prend de l'ampleur. Elle a comme principal relais dans les
provinces les officiers de justice qui cherchent à réduire les
droits de justice seigneuriale. La justice est en effet un puissant
moyen d'unification du pays. Tous les cas peuvent aller en appel
auprès du conseil du roi par le moyen des évocations. La
coutume de Paris a tendance à s'imposer comme droit commun
coutumier.
B- Renforcement de l’absolutisme

20
Dans ce système, fortement hiérarchisé, le roi est placé à la pointe de la pyramide : il est le suzerain du
royaume, tous les seigneurs étant médiatement ou immédiatement ses vassaux. L’absorption par le roi de ce
système s’est faite de cette manière : le roi va contrôler les justices seigneuriales et établir sa justice propre
comme recours suprême ; il superposera ses édits et ses ordonnances aux établissements seigneuriaux ; il
ajoutera les services publics royaux aux services seigneuriaux et s’attachera à fondre ces derniers dans les siens :
l’armée d’abord, les finances ensuite ; le reste suivra.
21
Le roi est lege solutus, c’est-à-dire affranchi de l’observation des lois.

13
L’absolutisme se renforce avec Louis XIV (1661-1715). Dès le début
de son règne, il entreprit le redressement de l’autorité royale. Ainsi Les
gouverneurs des provinces, issus de la haute noblesse n'ont plus
d'armée à leur disposition et doivent résider à la cour, ce qui
rend plus difficile le clientélisme. En 1665, Louis XIV interdit
aux parlements de délibérer sur les édits et leur ordonne de les
enregistrer sans vote. Les états provinciaux de Normandie,
Périgord, Auvergne, Rouergue, Guyenne et Dauphiné
disparaissent. Avec Colbert, il entreprend de réformer la justice
et fait rédiger toute une série d’ordonnances ou codes
applicables dans tout le royaume. N'étant pas sûr de la fidélité
des officiers propriétaires de charges héréditaires, il confie leurs
fonctions à des commissaires révocables. Ce procédé finit par
contraindre les officiers à l'obéissance. La noblesse perd tout
pouvoir politique.
Les efforts faits pour moderniser et discipliner l'armée
permettent à Louis XIV de remporter d'éclatantes victoires dans
la première partie de son règne personnel. Cela lui permit de
conquérir de nouvelles places fortes au nord de la France parmi
lesquelles Dunkerque, Lille et Douai. Le traité de Nimègue de
1678 mettent fin à la guerre de Hollande. Il procéda aussi à la
politique des « réunions » dont Le but est de relier le chapelet
de places fortes : Nancy et Strasbourg. Mais cette politique va
susciter une violente réaction des pays européens, notamment
l’Angleterre, la Hollande et l’Espagne.

14
Sur le plan des institutions, il est à noter l’existence des Etats
généraux22 dont les modes23 d’élection ont beaucoup varié selon
les époques. Les députés aux Etats généraux reçoivent un
mandat impératif et sont élus sur la base d’un cahier de
doléances. Ils n’avaient par conséquent pas de marges de
liberté. D’autant plus qu’ils n’avaient que des pouvoirs
consultatifs. Le pouvoir royal s’est montré (aux XIV et XVème)
assez fort pour résister aux tentatives de contrôle par les Etats
généraux. Ceux-ci n’avaient jamais pu fonctionner avec une
périodicité régulière, ce qui fait que leurs pouvoirs furent
intermittents. Leur division en trois ordres a contribué à leur
désordre et à leur impuissance.
C- Relâchement de l’absolutisme

Les parlements judiciaires sont également des institutions de


l’ancien régime. Ils avaient hérités les attributions judiciaires du
roi et avaient tendance à revendiquer des prérogatives
politiques. Ils étaient habilités à enregistrer les édits et
ordonnances royaux (promulgation) au même titre que celui
d’adresser des remontrances au roi, c’est-à-dire des
observations sur leur teneur. Cela leur conférait un pouvoir
politique appréciable car ils pouvaient résister au roi. Ces
parlements ont joué un grand rôle dans le déclenchement de la
révolution.

Au XVIIIème siècle, la France connait un essor culturel mais des


problèmes d’ordre économique et des tensions politiques persistent.

22
La première réunion des EG remonte à 1302, sous Philippe le Bel.
23
Mode assez libéral au XIVème siècle ; restreint au XVIème ; libéral pour les Etats généraux de 1789.

15
Malgré les tentatives de centralisation administrative, le pays
est loin d'être unifié24. Il existe des douanes intérieures entre les
provinces, il n'y a pas d'unité des poids et mesures. Tout ceci
entrave le développement économique de la France à un
moment où l'Angleterre est en plein décollage industriel. Les
impôts ne sont pas perçus de la même manière dans tout le pays,
même si les intendants25 en supervisent la répartition et la levée.
Malgré les efforts entrepris depuis François Ier avec
l'ordonnance de Villers-Cotterêts, les lois ne sont pas les mêmes
dans tout le royaume. Le nord est encore soumis au droit
coutumier, à peu près 300 coutumes, alors que le sud est régi
par un droit écrit, inspiré du droit romain26.
L’absolutisme persiste mais devient anachronique27. A la veille
de la révolution, le sacre ne résiste28 plus à l’esprit des
Lumières. La hiérarchisation de la société française en trois
ordres (ayant chacun un statut juridique particulier : le clergé,
la noblesse et le tiers-état) y suscite une ébullition. Les deux
premiers ordres jouissent des privilèges matériels et
honorifiques dont le tires-état était exclu29. Ce tiers-état
représentait, en 1789, 98 %. On y trouvait une grande

24
Le règne de Louis XIV marque une centralisation extrême du pouvoir royal. Les grandes décisions
sont prises par le conseil d'en haut qui se réunit deux ou trois fois par semaine et où ne siègent que 3
à 5 ministres. Les intendants sont plus que jamais la voix du roi dans les provinces. A la fin du 18ème
siècle, c’est la police du roi qui fait régner l’ordre dans le pays.
25
Les 36 intendants répartis sur le territoire à la veille de la révolution française et soumis étroitement à l’autorité
royale ont contribué à absorbé les pouvoir locaux (ancêtres des préfets).
26
Cette confusion s'explique par la manière dont le domaine royal s'est formé. À chaque acquisition, les
rois promettaient de respecter les privilèges et les coutumes des provinces et des villes. À l'aube de la
Révolution les particularismes régionaux restent très vifs.
27
Devant le parlement de Paris en 1766, Louis XV déclare : C’est en ma personne que réside l’autorité souveraine,
dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison. C’est à moi seul qu’appartient le pouvoir
législatif sans dépendance et sans partage. L’ordre public tout entier émane de moi. (Jean Gicquel, p. 381).
28
Ce pouvoir illimité du roi est légitimé par le sacre qui consiste à dire que l’évêque de Reims a transmis un
sacrement au roi qui est le don miraculeux de guérir les écrouelles et par conséquent il est considéré comme le
représentant de Dieu sur terre ; il doit compte de ses actes à la divinité, mais ses sujets lui doivent tant qu’il est
sur le trône, la même obéissance qu’à Dieu lui-même.
29
La noblesse était essentiellement une classe terrienne (possession de la terre. Le clergé n’exerçait aucune
activité économique. Le tiers état jouait un rôle dans la production et le commerce. Il mêlait dans ses rangs, avant
la révolution, bourgeoisie, ouvriers, paysannerie.

16
bourgeoisie, composée de financiers, d’armateurs et de grands
négociants ; une bourgeoisie moyenne, comprenant des
professions libérales et du moyen négoce et une petite
bourgeoisie composée d’artisans et de petits commerçants. Ce
tiers-état comprend aussi la masse paysanne (ou le peuple). Ce
tiers-état sera le porte-parole du peuple dans lequel la
bourgeoisie jouera un grand rôle notamment dans
l’inauguration du l’ère constitutionnelle de la France30.
Les représentants du peuple français réunis en Assemblée
Nationale exposent dans une déclaration31 solennelle les droits
30
A l’ouverture des Etats généraux le 5 mai 1789 à Versailles en vue de la régénération de l’Etat, le cours des
événements prend une orientation inattendue. Le 17 juin, le tiers-état se proclame Assemblée nationale et se
reconnaît le pouvoir de consentir l’impôt. ; le 2 juin, cette assemblée prête serment de ne pas se séparer avant
d’avoir donné une constitution à la France. Le 9 juillet, cette Assemblée se transforme en Assemblée
constituante. La révolution française a eu lieu donc le 14 juillet 1789. Le 4 aout l’Assemblée décrète l’abolition
des privilèges, l’égalité des impôts et l’admission de tous les citoyens aux emplois publics ; le 26 aout, la
Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen est votée ; le 3 septembre 1791, l’Assemblée adopte la première
Constitution de France.

31
Article 2 - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
Article 3 - Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne
peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
Article 4 - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels
de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces
mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Article 5 - La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par
la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Article 6 - La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement
ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle
punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois
publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Article 7 - Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les
formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires
doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant ; il se rend coupable
par la résistance.
Article 8 - La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni
qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Article 9 - Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé
indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être
sévèrement réprimée par la loi.
Article 10 - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne
trouble pas l'ordre public établi par la loi.
Article 11 - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ;
tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas

17
naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration,
constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle
sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir
législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant
comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus
respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais
sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au
maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

D- Partis politiques en France

Les formes proto-partisanes sont déjà présentes dans l’opposition entre


la Montagne et le Marais, les Jacobins et les Girondins pendant la
révolution. Mais pendant longtemps les Français ont élu les hommes
influents de leur circonscription32 : propriétaires terriens, nobles,
entrepreneurs…. Quand les Républicains parviennent à faire entendre
leur message politique, ils sont élus pour leurs orientations face aux
problèmes politiques du pays.

Ce n’est qu'en 1901 qu’apparaît le premier parti, le parti radical et en


1905 avec la création de la SFIO33. Ce sont deux partis de gauche. La
droite met plus longtemps à créer des partis organisés. Pendant

déterminés par la loi.


Article 12 - La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc
instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.
Article 13 - Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution
commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 14 - Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la
contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le
recouvrement et la durée.
Article 15 - La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
Article 16 - Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs
déterminée, n'a point de Constitution.
Article 17 - La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité
publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

32
La Loi Le Chapelier, promulguée en France le 14 juin 1791, est une loi proscrivant les organisations ouvrières,
notamment les corporations des métiers, mais également les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le
compagnonnage. Cette loi suit de très près le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, tant dans ses objectifs que
par leur proximité historique. Elle interdit de fait les grèves et la constitution des syndicats au cours du siècle
suivant, mais aussi certaines formes d'entreprises non lucratives comme les mutuelles.

33
Section française de l'Internationale ouvrière. En 1969, la SFIO devient le Parti socialiste, lors du
congrès d'Issy-les-Moulineaux où elle s'associe avec l'Union des clubs pour le renouveau de la gauche.

18
longtemps, les partis de droite sont des groupes informels réunis autour
de leaders et d’intérêts communs.

Le radicalisme est un courant politique français particulièrement


influent pendant la Troisième République. Républicain, très attaché à la
propriété privée et à la laïcité, c'est un parti intermédiaire entre la
gauche et la droite susceptible de s'allier aux socialistes ou aux
conservateurs suivant les circonstances. Les radicaux étaient considérés
aux débuts de la IIIe République, très à gauche34 face aux modérés,
ralliés, orléanistes, bonapartistes ou légitimistes.

Toutefois en dépit de positionnements sur des sujets particuliers qui


peuvent être appropriés par un côté ou l'autre, le clivage droite/gauche,
est avant tout fondé sur l'opposition conservatisme/progressisme. Le
conservatisme étant fondé, lui, sur la conservation des hiérarchies
économiques et sociales au nom des valeurs "transcendantales" (pour la
droite religieuse, l'ordre divin moral et, pour la droite libérale, la loi du
marché).

Le progressisme a pour but l'égalité sociale et économique des citoyens


et leur émancipation des règles traditionnelles, en favorisant la
transformation de la société par l'évolution des lois adaptées par et pour
les citoyens.

C'est ainsi qu'au cours de l'histoire de la France, les libéraux se sont


décalés vers la droite. Au moment de la révolution, les libéraux étaient

34
La distinction gauche/droite fut établie au XIXe siècle de façon empirique. On a pris l’habitude de
parler de partis de droite et de partis de gauche dans les pays où les assemblées nationales élues
siègent en hémicycle, c’est-à-dire dans une salle en demi-cercle analogue à la forme d’un théâtre grec
(tels la Pnyx à Athènes ou le théâtre d’Épidaure).À la gauche du président de l’Assemblée
parlementaire, quand il regarde la salle, siègent les partis socialistes, social-réformistes et radicaux, les
partis sociaux-démocrates au centre-gauche, à sa droite les partis conservateurs et libéraux, et au fond
à droite, les partis d’extrême droite. L'origine historique de ce clivage se trouve dans un vote ayant eu
lieu en France à l’assemblée nationale d'août-septembre 1789. Lors d'un débat sur le poids de l'autorité
royale face au pouvoir de l'assemblée populaire dans la future constitution, les députés partisans du
veto royal (majoritairement ceux de l'aristocratie et du clergé) se regroupèrent à droite du président
(position liée à l'habitude des places d'honneurs). Au contraire, les opposants à ce veto se
rassemblèrent à gauche sous l’étiquette de «patriotes» (majoritairement le Tiers état). Après la
Révolution, cette opposition s'est instituée dans la culture politique des systèmes d'assemblées, même
si d'autres groupes antagonistes émergèrent, tels les «montagnards» proches des tribunes du peuple,
et la «plaine ».

19
à gauche de l'échiquier et ont participé aux transformations de la société
française de l'ancien régime en participant à la rédaction des
constitutions et des lois.

Cependant, avec l'évolution de la société, les inégalités n'étaient plus


dues à des privilèges de rang, mais à une propriété économique
favorisée par le libéralisme économique. Ainsi, au cours du XIXe siècle,
la défense du libéralisme économique s'est-elle rapprochée de la
défense des inégalités en faveur d'un patronat capitaliste triomphant au
nom de la loi du marché et des libertés économiques. Les radicaux
existent idéologiquement depuis le début du XIXe siècle, avec de
grandes figures politiques, comme Ledru-Rollin et Louis Blanc. Mais
on pourrait facilement retrouver des traces de leur existence aux sources
même de la Révolution, par les Lumières, et principalement par
Voltaire et Condorcet. Le nom radical vient du fait que ce courant de
pensée regroupait les républicains radicaux, qui cohabitaient au
parlement avec les républicains modérés, les républicains ralliés et les
trois courants monarchistes.

À sa naissance, le 21 juin 1901 à Paris, le Parti radical35 hérite de cette


tradition radicale qu’avaient portée de grandes figures politiques
comme Gambetta ou Clemenceau. Avant même son apparition en tant
que parti politique, le courant radical avait fourni à la République
plusieurs grands serviteurs de l’État, sans oublier plusieurs Présidents
du Conseil (Ferdinand Buisson, Émile Combes ou Charles Floquet par
exemple). Outre cet héritage, le nouveau parti fusionne avec plusieurs
tendances rivales. C’est un assemblage hétéroclite de comités
électoraux, de loges maçonniques, de sections de la Ligue des droits de

35
C'est le premier parti politique fondé en France (1901). Jusque là, en effet, il n'existait que des
groupes parlementaires de différentes tendances politiques et des comités électoraux locaux aux
conceptions encore plus variées. L'idée était de réunir au niveau national, dans un même parti des élus
et des militants de même tendance. Le Radicalisme possède une vision spécifique de l’organisation
sociale et humaine fondée sur la primauté de l’individu. Il prend sa source dans l’histoire même de la
République à laquelle il est étroitement lié. La profession de foi du radicalisme est composée de cinq
points : « Laïcité, Solidarité, Humanisme, Tolérance, Universalisme ».

20
l’homme, de la Ligue française de l'enseignement, dont la tendance de
gauche semble majoritaire à ce moment-là.

Lors de la fondation du nouveau parti, la déclaration de clôture de ce


premier congrès, lue par Camille Pelletan, servit de cheville ouvrière au
programme politique revendiqué par les radicaux durant les premières
années du XXe siècle. Cette déclaration insistait donc sur l'union à
gauche, la nationalisation des grands monopoles, la séparation de
l'Église et de l'État et la création d'un impôt égalitaire fondé sur le
revenu36.

Chapitre II L’organisation constitutionnelle (répartition des


pouvoirs, distribution des pouvoirs)

Cette organisation constitutionnelle porte sur les trois grands systèmes


constitutionnels retenus dans le programme.

Section I : La Grande Bretagne

36
Ce programme fut partiellement appliqué durant les années suivantes, profitant d'une alliance à
l'Assemblée nationale, entre les socialistes (de Jean Jaurès) et les radicaux (qui mirent Émile Combes
au gouvernement). Cette période fut marquée par la lutte très dure contre les congrégations religieuses
dont les plupart sont expulsées.

En 1907, au congrès de Nancy, le parti adopte enfin un véritable programme politique (présenté par
une commission dont le rapporteur était Édouard Herriot). Nettement ancré à gauche, confirmé par le
congrès de Pau en 1913, ce programme, avec quelques dépoussiérages, sera la pierre angulaire du
programme politique de ce parti durant plus d'un demi-siècle.

Il prône une politique laïque et anticléricale, marquée par l’action du Président du Conseil Émile Combes
(1902–1905) qui amènera les lois de séparation de l’Église et de l’État adoptée avec les efforts plus
subtils du député socialiste Aristide Briand. Il vante la propriété privée : en effet, les radicaux voient
dans l’accession des salariés à la propriété le remède aux problèmes de la société industrielle.

Durant l’entre-deux-guerres, les idées qu'il défend, constituent un ensemble dans lequel se reconnaît
une grande partie des Français. Tout d’abord, un attachement profond à la nation et au régime
républicain, identifié au système parlementaire, ensuite une conception de la République qui intègre de
manière ferme voire intransigeante la laïcité, érigée en l’un des fondements de la République, dont
l’instruction dispensée par l’école est le moteur du progrès social. Le tout est mâtiné d’une conception
humaniste de la société et de la politique.

21
La caractéristique du parlementarisme britannique c’est l’existence
d’un gouvernement adossé à une majorité parlementaire et agissant
théoriquement au nom de la reine ou du roi. Le Cabinet est en fait un
resserrement ou ramassement des fonctions principales du
gouvernement. C’est lui qui exerce la fonction exécutive de l’Etat. Il
existe aussi un comité de liaison entre le Cabinet et le gouvernement.

A- Le Parlement

Les deux chambres (les Communes et les Lords) siègent séparément


depuis le XIVème siècle.

1- Chambre des Lords

C’est la Chambre des Communes qui constitue la clé de voûte du


pouvoir législatif britannique. Celle des lords37 joue un rôle protocolaire
depuis son effacement (1832)38.Elle est constituée de pairs héréditaires
(pairs éternels). Y siéger est une forme de récompense pour des
personnalités éminentes. Elles sont nommées par le 1èr ministre pour la
couronne (26 lords appartiennent à l’Eglise anglicane + 12 juges + 540
pairs). Lord Salisbury fut le dernier Prime Minister venant de cette
Chambre (1902). Le pouvoir législatif de cette dernière s’amenuisait
peu à peu. Progressivement, le bicaméralisme s’installe d’une manière
égalitaire39.

La Chambre des Lords demeure pleinement compétente pour les lois


d'intérêt particulier (private bills), qui sont dérogatoires aux public bills
et qui consistent à accorder des droits et prérogatives aux personnes
privées et aux collectivités locales, les lois de ratification des décrets-
lois d'intérêt particulier (provisional order bills) et la législation
déléguée (order bills).

37
Cette Chambre est la plus haute juridiction du royaume : l’appellate Committee, formée des 12 law Lords, est
compétente en matière civile et criminelle.
38
Jusqu’en 1832, la Chambre des communes ne représentait que 4% des électeurs environ de la population.
C’est la réforme électorale introduite par Lord Grey à cette date qui allait limiter l’étendue de son pouvoir.
39
Le Premier ministre libéral (Llyod George) présente en 1909 the People’s Budget marqué par une réforme
fiscale. Les Lords s’y opposèrent. La Chambre des Communes est dissoute et de nouvelles élections sont
organisées. Le parti libéral est reconduit, et les MPS votèrent, la loi des finances, un texte amputant les pouvoirs
des Lords. Une nouvelle dissolution s’ensuivit mais le parti libéral en sortit triomphant et les Lords s’inclinèrent
en acceptant le Parliament Act de 1911. Ainsi depuis, les Lords disposent d’un droit de veto temporaire ou
suspensif, limité à 1ans pour toutes les matières sauf les money bills qui ne peuvent être amendés par les Lords.

22
L’inutilité de cette Chambre devient évidente ; mais les personnalités
siégeant dans cette chambre en fait une tribune de sages exerçant un
magistère moral. Le rôle juridictionnel des Lords en matière des droits
fondamentaux, à la manière d’une cour suprême ou constitutionnelle
(law lords), s’affirme de plus en plus. Les arrêts qu’elle rend ont une
grande portée jurisprudentielle.

2- Chambre des Communes

Cette chambre est issue des élections auxquelles participent tout citoyen
britannique âgé de 18 ans ainsi que les nationaux irlandais et les
citoyens du Commonwealth résidents (depuis 1981). La durée d’une
législature, s’il n’y a pas de dissolution, est de 5 ans depuis 1911.

Le rôle du Speaker dans la Chambre des Communes est très important.


Il est le porte-parole et le défenseur des privilèges des Communes. Il est
chargé d’y diriger les débats, d’y assurer la discipline, de désigner les
présidents des commissions permanentes et, dans le cadre de la
procédure législative, de sélectionner les amendements à proposer. Il
est généralement nommé d’un commun accord de la majorité et de
l’opposition.

La Chambre des Communes dispose du pouvoir législatif et possède


l’initiative en la matière (private member’s bills), mais la plupart des
lois sont d’origine gouvernementale (govenment’s bills).
Naturellement dans un régime parlementaire, puisque le gouvernement
est issu de la majorité parlementaire, il est censé être l’animateur
principal de la vie législative. Si l’opposition procède à une proposition
de loi, cela restera à l’état de pétition de principe.

Le travail de la Chambre des Communes se base essentiellement sur le


travail des commissions. La commission de la Chambre entière
(plénière) est compétente des lois de finance et des lois
constitutionnelles (ratification des traités). Les Commissions
permanentes (standing commissions) sont au nombre de 10. Elles ont
des compétences indifférenciées. Chaque commission comprend 50

23
membres. D’autres commissions existent pour des tâches de moindre
importance40.

Les débats au sein des Communes sont organisés par le speaker. Il


dispose de toute latitude d’éliminer les amendements 41 dilatoires ou
inutiles comme il est habilité à clore les débats dans les cas où les
discussions lui paraissent s’acheminer vers l’obstruction (filibustering).
Il intervient dans le déroulement des débats pour faire le point. Il
organise les séances consacrées aux questions orales (question-time)42.

B- Le gouvernement

Le gouvernement est historiquement issu du conseil privé du roi


(Privacy council). Ministère et Cabinet se présentent à la manière de
cercles concentriques.

1- Le cabinet43

C’est le noyau dur de tout le mécanisme exécutif. Il comprend un


nombre réduit de ministres44. C’est le premier ministre qui choisit
personnellement les membres du Cabinet, renforçant ainsi le
parlementarisme moniste au détriment du parlementarisme dualiste 45.

2- Le premier ministre46
40
Des commissions spéciales nommées à l’occasion d’un bill de caractère technique ou d’une enquête ; les
commissions mixtes composées des membres de la chambre des Communes et celle des Lords pour des
questions d’intérêts communs aux 2 assemblées. On note aussi l’existence d’une commission chargée de la
législation communautaire.
41
Le gouvernement en GB n’est pas investi du pouvoir d’exécution des lois. Les règlements (statutory
instruments) sont élaborés par les services du ministère compétent et soumis pour approbation au Parlement.
Le silence observé en règle générale pendant une durée de 40 jours, par une chambre, vaut approbation. Les
MP’s ne contribuent qu’à concurrence de 10 à 15% dans l’élaboration législative. Le gouvernement peut aussi
bénéficier d’une habilitation législative (législation déléguée), qui est d’édicter des dispositions au lieu et place
des assemblées.
42
Le Whipchief est chargé de rameuter la majorité et de lui imposer une discipline. Il est assisté d’une vingtaine
d’assistants.
43
En matière législative, le Cabinet de dispose de l’initiative financière.
44
On y trouve : le premier ministre (et vice-premier ministre), le secrétaire au foreign office, les ministres chargés
de l’intérieur, de la défense, de l’éducation du commerce et de l’industrie, de l’agriculture, des affaires de
l’Ecosse, du pays de Galles, de l’Irlande DU Nord, des affaires sociales, de l’emploi, des leaders (Chiefs whips) des
Communes.
45
Le parlementarisme dualiste : C’est le premier ministre qui propose les ministres et c’est au monarque de les
nommer et les révoquer.
46
Si le Premier Ministre échoue dans sa mission, il démissionne pour éviter que cela n’ait des répercussions sur
le parti. Le gouvernement demeure en contact avec la population par le biais des sondages, des élections

24
Il occupe un rang de premier plan du fait de sa légitimité
populaire47. C’est pourquoi, il est courant de désigner l’exécutif
britannique par gouvernement de cabinet. Il nomme les membres
du Cabinet, en modifie la composition. Il peut demander à l’un de
ses ministres de démissionner ou de changer d’attributions. Il peut
révoquer les ministres, porter au roi la démission du
gouvernement et annoncer la dissolution des Communes. C’est lui
qui assure la liaison entre le gouvernement et le roi (ou la reine).
Il supervise de près le travail de ses subordonnés, accordant une
attention particulière à la politique étrangère. Par ailleurs, il est
assisté dans sa tâche par un groupe de conseillers (et des comités).
Le Prime Minister Office fait office de secrétariat général du
gouvernement qui supervise le travail de tous les départements, y
compris le travail de l’administration.

C- La monarchie britannique (la couronne)48

La Grande Bretagne doit à la monarchie (le roi Egebert) l’unification


territoriale du pays (829). Elle a un enracinement historique indéniable,
ce qui par conséquent lui assure un consensus national. Son évolution
s’est opérée sur la base d’une distinction entre gouvernement et règne.

La personne du roi est inviolable (il est irresponsable politiquement). Il


ne peut être poursuivi, ni pénalement ni civilement devant les tribunaux
du royaume. En revanche la reine ou la reine ne sont pas libres de leurs
mouvements49. La vie privée du monarque ou de la reine sont également
soumis au contrôle du gouvernement50.

partielles et générales. Par son vote, l’électeur choisit à la fois un député, un chef de gouvernement, une équipe
et un programme gouvernemental (quoique l’électeur est mis devant un choix binaire avec le two-party system).
La responsabilité du gouvernement est électorale et non pas parlementaire du fait de la logique majoritaire.
L’éventualité d’une scission au sein du parti gouvernemental peut entrainer la dissolution des Communes et le
recours prématuré aux élections.
47
Il est en charge de son projet politique sur lequel il a été élu, simultanément, avec sa majorité. C’est avec une
grande indépendance qu’il détermine la politique intérieure et extérieure du pays.
48
L’accession au trône n’est possible à aucune personne de religion catholique. Le roi et la reine doivent, l’un et
l’autre, être membres de l’Eglise d’Angleterre en vertu du Settlement Act de 1701.
49
Le 1er Ministre peut avoir un droit de regard sur leurs mouvements. M Tatcher s’est opposée à la Visite de la
Reine à Moscou en 1988 et 1989.
50
Le 1er Ministre Baldwin a contraint Edourd VIII à abdiquer, en 1936, au moment où celui-ci songeait à épouser
Wallis Simpson, déjà divorcée deux fois.

25
Théoriquement la couronne dispose d’un pouvoir limité. Le roi ou la
reine entérine la volonté populaire en nommant le 1er Ministre du parti
de la majorité, sorti vainqueur des élections. Elle (la reine actuellement)
promulgue les lois. Elle donne des avis, jamais des ordres. Elle reçoit
en audience chaque semaine le Premier Ministre, pour le compte rendu
des délibérations du Cabinet, une manière de la tenir informée de la
gestion des affaires de l’Etat. On lui communique aussi toutes les
dépêches diplomatiques et les dépêches d’agences ainsi que les Procès
verbaux analytiques des séances du parlement.

Section II : Les Etats-Unis d’Amérique51

Selon la constitution de 1787, le parlement fédéral s’appelle le Congrès.


Il comprend ainsi une chambre des représentants et un Sénat.

A- La chambre des représentants

Ses membres (435) sont élus pour un mandat de 2 ans au scrutin


majoritaire uninominal à un tour. Et pour y être éligible, il faut être âgé
d’au moins 25 ans, être citoyen américain depuis 7 ans52.

1- Sénat53

Il est composé de deux membres par Etat (100)54, élus au scrutin


majoritaire uninominal à un tour (amendement XVII, 1913) pour six
ans et renouvelable par tiers tous les deux ans au moment où ont lieu
les élections à la Chambre des Représentants ; et pour être éligible au
Sénat, il faut être âgé de 30 ans, posséder la nationalité américaine
depuis 9 ans.

Pour ce qui est des travaux du Congrès, ce dernier tient une session
annuelle qui démarre début Janvier et se termine fin juillet. Pendant la
durée de la session, chaque Chambre est autorisée à s’ajourner pour une
période ne dépassant pas 3 mois pour éviter toute obstruction à l’autre

51
L’expression de régime présidentiel a été inventée par Walter Bagehot.
52
A souligner que les fonctionnaires ne sont pas éligibles au Congrès.
53
C’est le vice président des USA qui, de droit ,fait office de Président du Sénat américain.
54
Le Poto Rico (Etat libre associé aux USA) ne dispose que d’une représentation au Sénat. Par référendum
(organisé en 1993 et 1998), les populations ont voté contre son rattachement aux USA.

26
Chambre. Son travail se déroule dans des commissions (permanentes).
Chaque commission est souveraine dans son domaine. Les institutions
des whips et du speaker sont introduites dans le Congrès américain55.
Les présidents des commissions sont désignés du parti de la majorité.
Par ailleurs chaque assemblée peut décider librement la création de
commissions d’enquête et ordonner la comparution56 de toute personne,
en dehors du président et du vice-président.

2- Les prérogatives du Congrès

Le pouvoir législatif est exercé concurremment et à parité par les deux


Chambres57, sauf en matière d’impôt où l’initiative appartient à la
Chambre des représentants. Si, au cours de la procédure parlementaire,
les deux Assemblées sont en désaccord, une commission mixte de
conciliation est mise sur pied (Conference Committee) réunissant les
élus des deux assemblées pour essayer de trouver un modus vivendi.

Le Congrès dispose également d’un pouvoir électoral. Ainsi, à


l’occasion de l’élection du Président et du vice-président, si un
ballotage se produit, la Chambre des représentants intervient pour
désigner le Président, et le Sénat pour désigner le Vice-président. Aussi,
au cas de vacance de la vice-présidence, après le choix d’un nouveau
vice-président par le Président, les deux Chambres interviennent-elles
pour confirmer la nomination (XXVème amendement, 1967).

Le Congrès participe à la nomination des juges à la Cour suprême (loi


de 1869) et supervise le fonctionnement des services publics et les
fonctionnaires fédéraux. Le Président ne peut engager des troupes

55
Selon les observateurs, ces deux institutions sont inefficaces dans le système politique américain. Les débats
au sein des assemblées sont chaotiques. On reproche aussi au congrès l’irresponsabilité (ou médiocrité) de ses
membres et l’activité néfaste des lobbies. C’est un cimetière législatif, selon M.-F. Toinet. La commission du
règlement (Rules Committee) est capable de bloquer ou de faire passer un texte de loi. C’est pourquoi sa
présidence est décisive en matière de procédure législative.
56
Ces commissions procèdent aussi à des auditions publiques (hearings) qui sont des formes d’interpellation. Les
médias jouent un rôle très important dans la diffusion de ces auditions.
57
Sous la pression des lobbies, les textes de loi proviennent essentiellement de la Chambre des
représentants. Leur sort dépend de la Commission des règlements pour leur inscription à l’ordre du jour.
Ces textes de loi sont examinés dans les Commissions permanentes avant d’être transmis à la
Commission des règlements. En matière budgétaire, le Congrès détient les pleins pouvoirs et par voie
de conséquence un pouvoir de nuisance à l’égard du Président. La plupart du temps, il se rallie aux
choix des Congressmen après avoir épuisé les ressources de la négociation. Le principe de la
séparation des pouvoirs est appliqué avec rigueur.

27
américaines dans une guerre au-delà de 60 jours sans avoir obtenu au
préalable l’accord des deux Chambres. La Chambre des représentants,
sur la procédure de l’mpeachment, vote la mise en accusation du
Président et le Sénat le juge (présidé par le Chief justice de la Cour
suprême). L’accord du Sénat est incontournable au Président pour la
nomination des hauts fonctionnaires (ambassadeurs) ; du chef d’état-
major interarmées, des membres du FED (fédéral Election
Commission) ; FCC (Federal Communications Commission). Le sénat
est habilité aussi à examiner les traités négociés et conclus par le
Président ; ils ne sont approuvés qu’à la majorité des 2/358.

B- Election et pouvoirs du Président américain59

C’est le Chief executive qui nomme les ministres (appelés secrétaires).


Il est chef d’Etat et chef de gouvernement. Son élection passe tout
d’abord par la sélection des candidats des partis d’une part et celui des
élections nationales d’autre part. Ainsi les conventions des partis se
tiennent après la désignation des délégués, et c’est là où les candidats
sont désignés60. A l’issue de la désignation des candidats, la campagne
(caucus) pour les départager commence. Le Président sortant (rééligible
une fois) est normalement dispensé de cette campagne.

L’élection du Président et du Vice-président se fait normalement par les


grands électeurs. Ces derniers sont élus par les assemblées des Etats.
Cette procédure a été petit à petit supplantée par le choix direct des
grands électeurs choisis par les citoyens. C’est cette procédure qui cadre
le plus avec la logique démocratique. C’est au scrutin de liste
majoritaire à un tour que le peuple désigne les grands électeurs dans
chaque Etat dont le nombre est égal, à celui de ses congressmen à
Washington. Ainsi un collège des grands électeurs61 est formé au plan

58
Les executive agreements ne sont pas soumis à l’approbation du Sénat. C’est une manière de contourner les
dispositions constitutionnelles. La Cour suprême reconnait aux executive agreements les mêmes effets qu’aux
traités.
59
L’éligibilité d’un Président est soumise aux conditions suivantes : être citoyen américain de naissance ; être
âgé d’au moins 35ans et résider depuis au moins 14 ans aux USA.
60
Pour les Républicains, tout électeur peut participer à la désignation des délégués, ce qui n’est pas le cas des
démocrates. Chaque candidat à la présidence choisit son vice –président (colistier). Ce dernier doit remplir les
mêmes conditions que le Président, à condition qu’il n’habite pas le même Etat que le Président.
61
C’est lors de leur candidature que les grands électeurs indiquent leur intention soit de voter pour le candidat
aux présidentielles républicain ou démocrate.

28
national. Le candidat ayant atteint la majorité absolue des mandats des
Etats (les mandats électoraux, soit 270, et non celle des voix
populaires)62 est considéré comme vainqueur. Et dans l’éventualité
d’un ballotage au sein du collège électoral, le Congrès est appelé à
départager les candidats en application du XIIème amendement de
1804.

Le Président des USA63 est élu pour un mandat de 4 ans, renouvelable


une fois64. En cas de vacance de la présidence (mort) ou lorsque le
Président est empêché définitivement, il est remplacé par son VP qui
achève le mandat commencé, dans la plénitude de ses attributions.

Dans le schéma de la séparation des pouvoirs, la fonction du Président


est contrecarrée par les autres pouvoirs. Son efficacité est tributaire de
ses rapports avec le Congrès. Toutefois il détient le pouvoir
réglementaire (ordres et proclamations). Il promulgue les lois 65,
supervise le fonctionnement des services publics et nomme les
fonctionnaires fédéraux. Il détermine la politique extérieure des USA
avec l’assistance du secrétaire d’Etat aux affaires étrangères. A ce titre,
il conduit les négociations diplomatiques, nomme les ambassadeurs,
signe les traités. En outre, le président dispose de l’armée et de
l’initiative et la conduite des opérations. Il dispose aussi du droit de
grâce au plan fédéral66.

C- Rapports du Président au congrès

Le congrès et le Président peuvent avoir des rapports tumultueux. Le


Président ne peut dissoudre le Congrès et ce dernier ne peut obliger le
Président et ses secrétaires à démissionner. Chacun paraît enfermé dans

62
Le collège électoral comprend 538 membres (435+ 3grands électeurs attribués au District de Columbia+100
qui correspond aux nombre des sénateurs). L’élection d’un Président minoritaire sur le plan de décompte des
voix populaire n’est pas exclue.
63
Tous ses collaborateurs sont placés sous son contrôle immédiat. Il les nomme avec l’accord du Sénat. Ils
forment un cabinet technique. Ces collaborateurs coordonnent l’activité au sein de l’exécutif, supervisent ses
relations avec le Congrès et préparent les décisions incombant au Président. Ils travaillent sous le contrôle d’un
secrétaire général. Outres ces collaborateurs (7OO), il dispose d’un dispositif de bureaux de conseil dans
différents domaines.
64
C’est le Président F. Roosevelt qui, depuis 1932, a été reconduit pour un quatrième mandat en 1944, mais cela
est à cause des circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouvaient alors les USA.
65
Il dispose du pouvoir d’émettre des vetos à l’encontre des lois.
66
Au plan fédéré, le droit de grâce est du ressort du gouverneur.

29
sa fonction et isolé dans un rôle. Mais la négociation et la persuasion
sont des moyens de gestion incontournables de leurs rapports. Le
compromis est toujours un moyen de déblocages des situations
d’impasse.

A cet égard, le Président (art. 1, sect. 7 de la Constit.) dispose du droit


de veto à l’égard des textes de loi (l’intégralité de la loi67) votés par le
Congrès. Ce veto peut être surmonté par un vote à la majorité des 2/3
dans chacune des chambres. Il appartient aussi au Président d’initier des
lois soit d’une manière indirecte, par le biais d’un Congressman, soit
d’une manière directe lors du discours (sous forme de messages
annexés) sur l’état de l’union prononcé au début de la session
parlementaire devant les chambres réunies à cet effet. Aussi appartient-
il au Président la tâche de préparation du budget68 fédéral, et ce depuis
1921.

Le Congrès, quant à lui, dispose d’une procédure de travail


imperméable à l’intervention (et à l’action) du Président (l’inscription
à l’ordre du jour et les manœuvres dilatoires ou d’obstruction outre
l’absence de discipline majoritaire)69. Le moyen de pression le plus
important, c’est le refus de vote du budget. Le Congrès peut aussi
destituer le Président par le biais de la procédure de l’impeachment.
Cette procédure est opératoire lors d’une mise en cause de la
responsabilité du Président dans l’exercice de ses fonctions (s’il est
reconnu coupable de trahison ou de concussion en vertu de l’art. 2, sect.
4 de la Constitution70)

D- La Cour suprême

67
Il y a aussi ce que l’on appelle le veto de poche (pocket veto ; une forme de veto officieux) lorsque le Président
s’abstient de promulguer la loi au moment où s’achève la session parlementaire et le Congrès peut attendre la
session suivante pour répliquer.
68
L’Office of management and Budget s’occupe de la préparation du budget. Mais avec l’intervention des lobbies
dans le processus décisionnel le Président ne maitrise pas cette tâche.
69
Les intérêts des groupes de pressions rajoutent d’autres complexités aux procédures parlementaires.
70
Sur recommandation de la commission judiciaire, la Chambre des représentants se charge de l’accusation à la
majorité simple et le Sénat, sous la présidence du Chief justice de la Cour suprême, le juge en se prononçant sur
sa culpabilité.

30
Il existe des juridictions propres aux Etats fédérés et à l’Etat fédéral.
Mais c’est la Cour suprême qui dispose du pouvoir judiciaire suprême
(art. III, section I) ; elle coiffe l’ensemble du système judiciaire
américain. Elle constitue par conséquent le dernier recours en cassation
de tous les jugements des tribunaux des Etats fédérés. Elle dispose
d’une compétence de droit commun ou générale71. Elle a aussi la
compétence d’interpréter la constitution72. Elle juge aussi bien du fait
que du droit. Elle effectue un contrôle du fédéralisme qui se traduit par
une supervision des arrêts des Cours des Etats fédérés. Il s’agit de
vérifier si les Cours d’Etats prennent soin d’arrêter les lois des Etats
particuliers qui seraient en contradiction avec la constitution fédérale ;
d’où aussi cette tâche du contrôle de la constitutionnalité73 des lois
(judicial review) votées par le congrès74.

Cette cour est composée de 9 juges (justices) (loi de 1869) nommés à


vie par le président de la République et confirmés par le Sénat. Le
Président consulte la corporation (Americain Bar Association) des
lawyers (avocats) pour toute nomination de juges.

Section III : La distribution des pouvoir dans le système politique


français

La France en ébullition met fin à l’ancien régime.

A- Fin de l’ancien régime

71
En l’absence de tribunaux administratifs, elle est habilitée à traiter aussi bien les litiges privés que publics.
72
Le gouvernement des juges (forgé par Edouard Lambert) fait référence à cette période (fin du XIXème siècle
jusqu’aux années 30, du 20ème siècle) où le contrôle de la constitutionnalité jusqu’aux amendements à la
constitution. Le juge américain se place ainsi au-dessus du pouvoir constituant, car, pour lui il existe des principes
supérieurs de droit naturel, formant une éthique, à laquelle la constitution elle-même doit se conformer, au nom
d’une supra-constitutionnalité. Pendant cette période aussi, les législatures et le congrès se trouvent bridés par
cette Cour.
73
Charles Hugues disait de la Constitution : « Nous sommes régis par une constitution, mais cette constitution
est ce que les juges disent qu’elle est ». Justice Jackson compare la Cour suprême à une convention
constitutionnelle permanente qui sans soumettre ses propositions à aucune ratification, peut modifier la loi
fondamentale (J. Gicquel, 281).
74
Le juge procède par une interprétation constructive du texte contraire à la lettre de la constitution. Dans le cas
ou cela ne peut cadrer avec cette interprétation il déclare son inconstitutionnalité.

31
L’instabilité politique caractérise pendant longtemps la période post-
révolution. La convention nomme un conseil exécutif provisoire. Par la
suite, c’est le comité de Salut qui lui succède. Robespierre qui présidait
ce comité faisait régner la terreur et la Convention finit par l’exécuter.

La Constitution de 1793, appelée constitution montagnarde, a été


refusée par la Convention, car elle stipulait l’élimination de la dictature
de l’Assemblée. La constitution du 22 août met fin à la dictature de la
convention mais n’établit pas de dictature de l’exécutif.

Un régime politique bicaméral est institué par la constitution de 1795 :


une chambre basse (le conseil des cinq cents) et une chambre haute (le
conseil des anciens) : Sénat électif de 250 membres. Les projets de lois
sont votés par le conseil des 500 ; le Conseil des Anciens peut
seulement approuver ou rejeter les lois votées par la Chambre basse
sans les amender. L’exécutif sera un Directoire (organe collégial)
composé de 5 membres et renouvelé partiellement par l’élection d’un
nouveau membre chaque année. Ce directoire nomme et révoque les
ministres, qui ne sont pas responsables devant le parlement75. Ce
gouvernement du directoire fonctionne dans des conditions de
turbulences politiques pendant 5 ans76, à l’issue desquels un coup d’Etat
se produit77.

B- La période de Napoléon (et la constitution de 179978)

75
Les Conseils se convoquent et s’ajournent eux-mêmes, ils ne peuvent être dissous par les directeurs.
En revanche, ni les directeurs, ni leurs ministres ne peuvent être interpelés ou révoqués par les
Conseils, ces derniers ont seulement le droit de mettre les directeurs en accusation devant la haute
cour de justice.
76
Le directoire et les assemblées sont restés aux mains des révolutionnaires jusqu’aux élections de 1797. Une
majorité modérée investit le Conseil des 5OO. Une période d’épuration réciproque entre le Directoire et les
assemblées.
77
C’est Bonaparte qui monte ce coup d’Etat. Il supprime ainsi le Conseil des 500 et le Conseil des Anciens, les
remplaçant par un Consulat provisoire dont les membres sont : Bonaparte, Sieyès et Roger Ducos. Il élabore la
Constitution du 13 décembre 1799.
78
Cette constitution n’est pas précédée par une déclaration des droits.

32
La constitution napoléonienne79 établit une dictature de l’exécutif80.
Toutefois des institutions politiques vont subsister. Le droit de vote a
été réduit à un devoir de plébiscite. Les électeurs établissent des listes
de confiance comprenant des notabilités parmi lesquelles le
gouvernement et le Sénat choisissent les législateurs, les consuls, les
tribuns, les Conseils d’Etat, les ministres, les administrateurs, etc. Le
corps électoral est appelé aussi à plébisciter, à intervalles réguliers, les
décisions du gouvernement. Le Sénat est chargé de veiller au respect
des lois constitutionnelles et le cas échéant les modifier.

Dans ce système, le pouvoir législatif est très complexe. Il comprend


plusieurs assemblées : le corps législatif (trois cents membres), le
tribunat (100 membres), le conseil d’Etat. Et c’est le gouvernement qui
a l’initiative des lois. C’est lui qui choisit, sur les listes de présentation,
les membres des Assemblées législatives. La défaite de Napoléon
entraine sa déchéance et désormais s’ouvre une période d’équilibre
entre les pouvoirs.

Cette période verra la consolidation de régime représentatif. Un


parlementarisme se met en place, s’imposera avec les Chartes de 1814
et de 1830. La loi constitutionnelle du 25 février 1875 le consacrera.
Selon ce système, les ministres sont solidairement responsables devant
les Chambres de la politique générale du gouvernement, et
individuellement de leurs actes personnels. C’est pendant cette période
aussi que se produit la première restauration et la seconde restauration81,
après le coup de force mené par Bonaparte82.

79
A souligner que Napoléon Bonaparte s’est illustré par ses victoires en Italie. Il a tendu pour asseoir sa légitimité
d’établir une alliance entre le temporel et spirituel : le concordat de 1801.
80
C’est en fait le premier consul qui gouverne à l’aide de ses ministres, de son conseil d’Etat et du Sénat.
Bonaparte a été consul à vie (le 2août 1802). L’empire a été institué le 18 mai 1804).
81
Louis XVIII, lors de son séjour forcé (exil) en Grande Bretagne, a été imprégné de parlementarisme britannique.

82
L’acte additionnel aux constitutions de l’empire du 22 avril 1815. Cet acte prévoit une Chambre des
pairs et une Chambre des représentants qui sont toutes les deux des assemblées législatives. Cet acte
est rédigé par Benjamin Constant.

33
La restauration, sur le plan juridique, a été très féconde au point que le
droit constitutionnel et le droit financier lui doivent beaucoup
d’apports83.

C- Charte constitutionnelle du 4 juin 181484

Avec cette charte octroyée, la souveraineté devient dès lors royale. Elle
offre une chance à la monarchie d’être constitutionnelle. Elle n’autorise
pas un retour à la monarchie absolue ; car cette charte maintient
l’égalité civile ; libertés individuelles (c’est-à-dire liberté d’aller et
venir) ; liberté religieuse ; liberté de la presse ; libre détention des biens
nationaux85.

Cette Charte dispose que la personne du roi est inviolable


(irresponsable) et que ses ministres sont responsables (art. 13) ; il
nomme les ministres ainsi que les fonctionnaires de l’Etat ; il dispose
de la force armée (art. 14) ; seul, il propose la loi (art. 16) ; il la
promulgue (art. 22) ; il convoque les deux chambres et peut dissoudre
celle des députés (art. 50).

La chambre des pairs est une véritable chambre législative, mais elle
n’est pas d’origine élective. Ses membres sont nommés par le roi à vie
ou avec transmission héréditaire. Ses séances ne sont pas publiques (art.
24 à 34). Le cas échéant, elle peut être érigée en Cour pour statuer sur
les crimes de haute trahison. La chambre des députés, quant à elle, est
élue pour 5 ans et renouvelable chaque année par cinquième. En 1824,
une loi établira le renouvellement intégral tous les sept ans (suffrage
censitaire et les électeurs les plus imposés votent 2 fois). Celle –ci peut
être dissoute par le roi, à la condition de convoquer les collèges
électoraux dans le délai de 3 mois.

D- Charte du 14 août 1830

Sous Charles X, des ordonnances furent publiées dont les conséquences


sont la suspension de la liberté de la presse, la dissolution de la Chambre
83
Les grands principes ont été posés en matière budgétaire (annualité, universalité).
84
Louis XVIII avait compris qu’un roi constitutionnel doit régner sans gouverner, contrairement à Charles X qui
monte sur le trône en 1824.
85
La liberté de réunion et la liberté de d’association ne furent pas reconnues par la révolution et ne le furent
pas non plus par la Charte.

34
des députés, la modification du régime électoral (en prenant en compte
seulement l’impôt foncier dans le calcul du cens : éliminant la
bourgeoisie). Des soulèvements éclatèrent immédiatement et Charles X
dut s’exiler et un gouvernement provisoire est formé.

Cette nouvelle Charte86 est établie en accord avec le parlement. La


souveraineté redevient nationale. Louis-Philippe qui succède à Charles
X assure le fonctionnement d’un régime parlementaire qui dura 18 ans :
un partage de la puissance d’Etat entre les Chambres et le roi.

Ainsi le conseil de ministres87 se réunit sans la présence du prince


héritier, et du roi. La carrure du chef de gouvernement imprime une
nouvelle culture politique à l’action politique. Ainsi la solidarité
gouvernementale se voit consacrée par la Charte. La question de
confiance et la défense de sa politique devant les Chambres sont
établies. Désormais, le contrôle parlementaire s’affirme avec
l’invention de l’interpellation du gouvernement.

Mais du moment que le chef du gouvernement n’est pas assez fort, le


roi revient à la charge en s’appuyant sur la polycéphalie ministérielle
en dotant le gouvernement d’un chef nominal. Dans ces circonstances
le régime parlementaire reste fictif. C’est Louis-Philippe qui demeura
la clé de voûte du système. Malgré l’abaissement du cens, le corps
électoral reste très restreint. Le peuple est en majorité exclu du vote
(avec ses intellectuels). A ces restrictions politiques s’ajoute une crise
économique (question sociale) pour déclencher une nouvelle révolution
(du 24 février 1848) débouchant sur la 2ème République.

E- La deuxième République (1848)

C’est par le décret du 5 mars 1848 que le suffrage universel est


proclamé. L’esclavage est aboli dans les colonies françaises le 27 avril
1848. Un gouvernement provisoire est constitué (présidé par Dupont de
l’Eure) et une assemblée constituante88 est élue le 4 mai 1848. Celle-ci

86
Ici, la liberté de la presse est garantie, la religion catholique n’est plus religion d’Etat. Elle reconnait aux
Chambre le droit d’initiative en matière législative ; elle supprime les pairs héréditaires ; le cens électoral est
abaissé et le roi n’édicte plus les ordonnances pour la sûreté de l’Etat.
87
C’est Casimir-Périer qui forme le premier gouvernement, en 1831.
88
Elle sera à majorité conservatrice. Par les élections de mai 1849 l’assemblée devient majoritairement
monarchiste.

35
mettra sur pied une Commission exécutive. Une constitution verra le
jour le 4 novembre 1848 ; elle sera inspirée du régime présidentiel
américain.

Cette constitution prévoit une séparation claire des pouvoirs (art. 19).
Ainsi, le pouvoir législatif est attribué à une Assemblée89 unique
constituée de 750 membres, élus pour 3 ans au suffrage universel. Le
pouvoir exécutif est confié à un Président de la République90, élu
directement par le peuple pour une durée de 4 ans (art.45) à la condition
d’être né français et âgé de 30 ans. Le Président nomme et révoque les
ministres (art. 64). Ces derniers sont responsables devant l’Assemblée
(art. 68).

Cette Seconde République sera avortée par le coup d’Etat de 185191.


Une nouvelle constitution (14 janvier 1852) bonapartiste verra le jour.
Celle-ci réitère les principes de 1789, et stipule que le Président
gouverne au moyen de ses ministres, du conseil d’Etat et du corps
législatif (art.2) ; la puissance législative s’exerce collectivement par le
Président de la république, le Sénat et le corps législatif (art. 4) ; et il
est responsable devant le peuple auquel il a toujours droit de faire appel
(art.5). Il est chef des armées (art. 6). Il possède seul l’initiative des
lois, qu’il promulgue (art. 8 et 10). Il prend les décrets nécessaires à leur
exécution (art. 6)92.

Quant au Sénat, il est investi de la mission de gardien du pacte


fondamental et des libertés publiques (art.25). Il examine les lois avant
leur promulgation et contrôle par conséquent la constitutionnalité des
lois (art. 26). Il règle par sénatus-consulte tout ce qui n’a pas été prévu
par la constitution et qui est nécessaire à sa marche et il fixe le sens des
articles de la constitution qui donnent lieu à différentes interprétations
(art. 27). Il propose des modifications à la constitution (art. 31)93.

89
Cette assemblée nomme aussi les membres du Conseil d’Etat (art. 71) par lequel elle contrôle l’administration
publique.
90
Le 10 décembre 1848 Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République. Il établira une véritable
dictature exécutive. Elu à une écrasante majorité, la perspective de sa mise à l’écart après 4 ans d’exercice
devenait aléatoire. Le coup de force était inévitable. Il a eu lieu le 2 décembre 1851.
91
Outre le climat social, une crise éclata entre l’Assemblée et le Président au sujet du suffrage universel que
cette dernière voulait limiter. Le Président demanda l’abrogation de cette loi, mais l’Assemblée refusa.
92
Louis-Napoléon Bonaparte acquerra la dignité impériale le 7 nov. 1852 par un sénatus-consulte.
93
Le Sénat fait office d’un pouvoir constituant permanent à la disposition du chef de l’Etat.

36
C’est le conseil d’Etat qui se charge de rédiger les projets de loi (art.
50) ; c’est lui qui aussi qui soutient, au nom du gouvernement, la
discussion desdits projets devant le sénat (art. 51).

Le régime du second empire ne maintenait que théoriquement le


suffrage universel. Les débats parlementaires, la liberté de la presse, la
participation des Chambres au gouvernement sont réduits. Mais un
certain assouplissement est apparu en 1860. Entre 1867 et 1869 le droit
d’interpellation, d’initiative et d’amendement sont reconnus aux
députés. D’autres réformes sont envisagées mais la guerre de 1870 ruine
le régime impérial.

F- La constitution du 21 mai 1875

Dans la Constitution du 21 mai 1870, le pouvoir reste héréditaire, c’est


l’empereur qui détient l’autorité politique. Le Sénat devient une
seconde chambre législative (art. 30). Le pouvoir constituant est confié
à l’empereur (art.44). Mais la IIIème république va s’établir et
s’enraciner progressivement dans la conscience collective, surtout après
la défaite militaire de 187194. En 1875, la république sera
définitivement consacrée

Une Assemblée Nationale est élue le 8 février 1871, elle se consacra à


la paix. Elle dut faire face à l’insurrection de la Commune. Elle instaure
un régime provisoire par le moyen de 3 Constitutions successives95.

G-La constitution de la IIIème République (1875)

94
Le 2 sept. 1870 Napoléon III dut capituler et se livrer lui-même. Le territoire français est envahi par les armées
de Bismarck et l’armistice est signé le 28 janvier 1871.
95
Loi ou constitution Rivet du31 août 1871, qui dispose que le chef du pouvoir exécutif prend le titre de Président
de la République, responsable devant l’assemblée. Elle prévoit que le conseil des ministres fonctionnera sous
l’autorité d’un vice président du conseil responsable devant l’assemblée.
La constitution de Broglie du 13 mars 1873 organise la procédure d’intervention du Président de la République
dans les affaires intérieures et dans les débats devant l’Assemblée.
La loi du 2O novembre 1873 confie le pouvoir exécutif au maréchal Mac Mahon pour sept ans. La loi du 20
novembre 1873 (art. 2) décide la nomination d’une commission de trente membres pour l’examen des lois
constitutionnelles. Elle conclut à ce que le Président de République soit élu à la majorité absolue des suffrages
par le Sénat et la Chambre réunis en Assemblée nationale.

37
Cette constitution, qualifiée de stabilisatrice de la situation politique et
constitutionnelle, va durer 65 ans (jusqu’à 1940). Elle comprend 34
articles et, par les révisions de 1879 et 1884, elle raccourcit davantage.
Elle se borne à décrire certaines institutions et leur fonctionnement
politique96.

La constitution de 1875 structure ainsi les pouvoirs publics :

1- Les Chambres

L’élection est la base de recrutement des membres des deux chambres ;


l’une au suffrage direct, l’autre au suffrage indirect. Le mode de scrutin
en vigueur pendant toute la durée de la IIIème république est le scrutin
majoritaire uninominal à deux tours97 pour la Chambre des députés.
L’âge de l’éligibilité à cette Chambre était de 25 ans et le mandat de 4
ans (nombre de députés entre 500 et 600). En cas de vacance d’un siège,
des élections partielles avaient lieu pour y pourvoir. Par rapport au
Sénat, la Chambre des députés était prioritaire dans le domaine
financier, car la loi de finances devait d’abord être déposée sur son
bureau. Quant au Sénat, le scrutin est indirect. Cette Assemblée est
soumise périodiquement au renouvellement par tiers tous les 3 ans. Le
scrutin de liste était le mode en vigueur pour les élections sénatoriales.
Le collège électoral était composé des députés, des conseillers
généraux, des conseillers d’arrondissement et principalement de
délégués élus par les conseils municipaux pour un mandat de 9 ans.

Le sénat possède la plénitude de la compétence législative. Une loi,


pour être promulguée, doit être votée dans des termes identiques par la
Chambre des députés et le Sénat. Le système de la navette est par
conséquent institué. Le Sénat possède aussi le pouvoir de contrôle
politique, au même titre que la première Chambre, du cabinet (loi du
25fév. 1875, art. 5). Le Sénat ne pouvait être dissous, mais il intervenait,
pour avis conforme, dans la procédure de dissolution de la Chambre des
députés (art.5 de la loi du 25 février 1875). En outre, le président du
Sénat était le second personnage de l’Etat. Le Sénat pouvait aussi se

96
Les transactions opérées pour avoir une majorité favorable en fait une constitution empirique. Elle est l’œuvre
des républicains et des monarchistes. Cette constitution ne pose aucun principe. Elle ne vise aucun droit, aucune
liberté. Elle maintient le suffrage universel et un parlementarisme républicain et démocratique.
97
On l’appelait aussi scrutin d’arrondissement (Voir détails de ce scrutin, in. J. Gicquel, p. 428) .

38
constituer en Cour de justice (pour juger le chef de l’Etat et les ministres
(art.9).

2- Le président et le Cabinet

Il est élu à la majorité absolue par les deux Chambres réunies en


assemblée nationale98. Il est pénalement et politiquement irresponsable
sauf dans le cas de la haute trahison. C’est lui qui nomme les ministres.
Ces derniers sont les collaborateurs directs du Président. C’est à partir
de 1879 que le Président choisit la personnalité chargée de former le
ministère (le conseil ou Cabinet), qu’il entérine par la suite. Ces
ministres sont solidairement responsables devant les Chambres de la
politique générale du gouvernement et individuellement de leurs actes
personnels (art. 6 de la loi du 25 fév. 1875).

La pratique politique oscille entre un parlementarisme dualiste et un


autre moniste. Par ailleurs, une crise en survient entre Mac-Mahon et
l’assemblée au sujet de l’étendue de ses pouvoirs et la désignation du
cabinet. Cette crise dura jusqu’en 1879, lorsqu’il était amené à
démissionner. Dès lors le régime moniste de l’assemblée s’affirme 99.
Désormais les ministres devaient gouverner avec la confiance du
Parlement, sans que le chef de l’Etat puisse lui imposer ses directives100.
Le droit de dissolution va échapper au Président. Le travail des
commissions parlementaires sert comme instrument de contrôle des
projets du gouvernement101. Le Sénat avait, à cette date, les mêmes
prérogatives que la première Chambre.

La IIIème république sera emportée par la défaite de 1940. Et entre juin


1940 et août 1944 s’affrontent deux légitimités, celle de l’Etat français
et celle de la France libre ; et le maréchal Pétain102 qui obtint l’armistice
98
On procède à autant de tours qu’il est nécessaire pour qu’un candidat obtienne cette majorité.
99
Cette orientation parlementariste ne sera bousculée qu’en 1962. La révision constitutionnelle de 1884 frappe
d’inéligibilité à la présidence de la République les membres de familles ayant régné sur la France.
100
Ce n’est que pendant la guerre de 1914-1918 que le gouvernement a été autorisé à prendre des décrets ayant
force de loi (décrets-lois).
101
Entre 1886 et 1889 la crise boulangiste se déclare. Le général Boulanger imprégné de culture bonapartiste
tentait de renverser le régime parlementaire. Il déposait sa candidature aux législatives dans plusieurs
circonscriptions. Son programme politique se ramenait à des slogans de : dissolution, constituante, révision.
102
Ce dernier s’est nommé lui-même chef de l’Etat en vertu de la réforme constitutionnelle du 1O juillet 1940.
Cette réforme est en contradiction avec l’interdiction faite en 1884 de porter atteinte à la forme républicaine du
gouvernement.

39
le 16 juin 1940 sera investi d’un pouvoir constituant par la loi
constitutionnelle du 10 juillet 1940.

H-La Constitution de la IVème république103 (du 27


octobre1946)

Pour le projet de Constitution du 19 avril 1946, une assemblée


constituante est élue, elle dispose du droit d’initiative et propose le
contenu du projet de Constitution qui sera soumis à l’approbation du
corps électoral par voie de référendum. Elle est tenue par les délais (7
mois). Après le rejet de ce projet, une autre assemblée constituante est
élue le 2 juin 1946 et dont le projet est ratifié par le corps électoral et
promulguée le 27 oct. 1946.

Dans son préambule, elle restaure la déclaration des droits de l’homme


et du citoyen. Elle établit le régime d’Assemblée (bicamérisme partiel
dans lequel le Sénat (appelé conseil de la république) dispose de moins
de pouvoirs que dans la constitution de 1875).

Dans cette constitution, l’Assemblée nationale est élue au suffrage


universel direct. Elle concentre la totalité des pouvoirs du parlement,
comme elle peut renverser le gouvernement en lui refusant la confiance
ou en votant la censure.

Quant au Conseil de la République, il comprenait les représentants des


conseils municipaux ; et par la loi du 23 septembre 1948, il intègre dans
sa représentation les campagnes. Ce Conseil participe au choix du chef
de l’Etat et à la désignation des membres d’un certain nombre de grands
corps (Comité constitutionnel, Assemblée de l’Union française, Conseil
supérieur de la magistrature, etc.104). Le conseil examine les
propositions ou projets de loi et formule son avis par un vote précédé
d’un débat. Mais l’Assemblée n’est pas liée par l’avis du Conseil. Et

103
Le projet de constitution du 19 avril 1946 a été rejeté. Il préconisait une Assemblée législative unique (l’une
des raisons majeures de son rejet). C’est cette Assemblée qui devait élire le président de la République qui ne
devait avoir qu’un rôle honorifique. Le pouvoir exécutif réel devait revenir au Président du Conseil élu par
l’Assemblée nationale. C’est donc lui le chef de gouvernement, et c’est lui qui devait choisir ses ministres. C’est
un régime d’Assemblée qui émerge de ce projet.
104
Dans le domaine législatif, il n’assure qu’un rôle de réflexion (consultatif). Il n’a pas de pouvoir de contrôle
sur le gouvernement.

40
c’est à partir du 7 décembre 1954 qu’une réforme rétablit le système de
navette entre les deux Assemblées105.

La IVème république connaitra une instabilité chronique en douze ans


de son existence ; en cause le défaut de majorité, à l’Assemblée, des
gouvernements successifs. Aucune législature n’est parvenue à son
terme. En cause aussi le manque de coalitions solides. La constitution
de 1958, instituant la Vème République, va récuser la souveraineté
parlementaire, se présentant comme l’antithèse de la IIIème république.

I- La constitution de 1958106 (la Vème république)

Cette constitution consacre les principes républicains d’indivisibilité de


l’Etat (Etat central et souverain), de laïcité (loi de 1905), de démocratie
(égalité devant la loi et suffrage universel) et de souveraineté du peuple
(art. 3 C).

1- L’exécutif

Cette constitution consacre la primauté du pouvoir exécutif et provoque


la relégation du parlement (le gouvernement du peuple par ses élus).
Mais néanmoins cette constitution introduit le référendum comme
forme de consultation et d’expression populaire107. En 1962, le chef de
l’Etat est élu au suffrage universel, par le peuple.

Ainsi l’exécutif se désengage de l’emprise de l’Assemblée. Les


nouvelles attributions du Président en font un personnage central de

105
Le texte est considéré comme adopté par l’assemblée nationale, après un délai de 100 jours et après une
deuxième lecture.
106
L’IVème République était confrontée au problème de décolonisation et à la guerre de l’Algérie. Une tentative
de coup d’Etat militaire (à Alger, l’armée met en place un Comité de Salut Public) conduit au retour du Général
de Gaulle au pouvoir. C’est sous direction que la Constitution de 1958 a été élaborée, approuvée et promulguée
(le 4 oct. 1958). C’est le gouvernement présidé par de Gaulle qui sera investi de pouvoir législatif et constituant.
C’est René Coty (sous la IVème République) qui était Président de la République à cette époque.
107
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie référendaire
(art. 3C). La possibilité est aussi au peuple de voter lui-même une loi en lieu et place des parlementaires (art.11).
C’est la raison pour laquelle on considère que c’est un passage de la démocratie d’adhésion à la démocratie de
participation.

41
l’Etat108 : il veille au respect de la constitution et au fonctionnement
régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat, selon les
termes de l’article 5 de la constitution109. Ses compétences s’expriment
avec ou sans contreseing ministériel110 (art. 19). Il nomme le premier
ministre (art. 8) et recourt au référendum législatif (art. 11). Il peut
aussi dissoudre l’assemblée nationale (art. 12). Il nomme les membres
du conseil constitutionnel (art. 56). Il saisit ce dernier au sujet des traités
(art. 54) ou d’une loi (art. 61).

Désormais c’est le Chef de l’Etat qui a la compétence d’investiture du


gouvernement. L’Assemblée Nationale111 n’est plus appelée à
participer à la formation du gouvernement ; mais elle vote tout de même
la confiance (art. 49, al. 1) ou le refus de confiance (al. 2).

Cette constitution de 1958 fait du président de la république un arbitre


en cas de dérèglement des rapports entre les pouvoirs publics et le
gouvernement ; aussi détermine-t-il et conduit-il la politique de la
nation (art. 20 C). Il agit par voie de règlements dans le processus
normatif (art. 37) (d’ordonnances conformément aux art. 38 et 45).
Aussi le gouvernement a-t-il désormais le droit d’initiative en matière
financière (art. 40), la fixation de l’ordre du jour de l’Assemblée (art.
48), l’adoption de la loi (art. 45 et 49). Le contrôle de la
constitutionnalité (art. 61) lui revient aussi.

2- Le parlement

108
La Vème République sera caractérisée par un dualisme de pouvoir. Si la majorité présidentielle et
parlementaire s’harmonisent cela s’identifie à la prééminence présidentielle. Si elles se contredisent, c’est le
gouvernement qui prédomine. Le premier cas s’apparente à un régime présidentiel le second à un
parlementarisme dans le cadre de la cohabitation. Le pouvoir de l’exécutif est réhablité en même temps que
celui des juges.
109
Avant la réforme de 1962, un collège élargi (80000 citoyens détenteurs d’un mandat électif) élit le président
de la république (art. 6 et 7 C).
110
Cette procédure désengage la responsabilité de l’auteur principal de l’acte lorsqu’une seconde personne
appose sa signature après celle de ce dernier.
111
C’est cette nouvelle orientation dans la redistribution des pouvoirs que l’on appelle parlementarisme
rationalisé. Cette rationalisation consiste en la limitation de son activité. L’article 34 énumère les matières qui
relèvent du domaine de la loi.

42
Depuis la mise en place de la Cinquième République française,
l’Assemblée nationale fait partie, avec le Sénat, du Parlement112. Le rôle
de ce dernier est de discuter et de voter les lois. Il contrôle aussi l'action
du Gouvernement et évalue les politiques publiques113. L’Assemblée
nationale a, contrairement au Sénat, le pouvoir de renverser le
Gouvernement, ce qui implique que celui-ci ne peut être en désaccord
avec elle. Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder
cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct. Le Sénat, dont le nombre
de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage
indirect114. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la
République (art. 24).

112
En 2010, l’Assemblée compte 577 membres appelés « députés », élus pour la plupart aux élections législatives
des 10 et 17 juin 2007 au suffrage universel direct au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour une durée
de cinq ans, qui forment la XIIIe législature, où le groupe UMP est majoritaire
113
Article 50. Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu'elle désapprouve le
programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au
Président de la République la démission du Gouvernement.
114
Le président de l'Assemblée nationale est élu pour la durée de la législature. Le Président du Sénat est élu après
chaque renouvellement partiel.

43
Le système constitutionnel115 marocain
(Petit ou moyen système !!)

Aperçu historique

Le Maroc est resté à l’abri de l’invasion turque, mais les assauts répétés des
puissances occidentales vont progressivement le soumettre et le dépouiller de son
indépendance. Ces assauts commencent par des traités de commerce (1856)116,
des indemnités de guerre (1860) et des prêts usuraires. Le cercle vicieux des
emprunts117 précipita l’étouffement des finances du Maroc. En 1904, le Maroc
perd le contrôle de ses douanes au profit de la France dont une partie servira au
remboursement de dettes.

L’acte d’Algésiras (1906) proclame l’indépendance du Maroc mais reconnait aux


différentes puissances européennes le droit d’y faire des affaires (une
internationalisation économique du Maroc)118. Cet acte reconnait vaguement à la
France une position privilégiée et confirmait la zone d’influence consentie à
l’Espagne en 1904. Ce sont les incidents survenus aux frontières algéro-
marocaines qui servent comme prétexte aux troupes françaises d’intervenir dans
l’oriental marocain. Le sultan (à Fès), se sentant menacé par une révolte, fait appel
à la France. Ce qui laisse libre cours à l’établissement du protectorat au Maroc en
1912119

**Protectorat et naissance du nationalisme marocain

115
L’objet d’une constitution digne de ce nom est de soumettre l’Etat au droit (Gicquel).
116
Un traité de commerce entre la Grande-Bretagne et le Maroc ouvrit le Maroc aux produits européens.
117
Des banques françaises, espagnoles et anglaises se chargèrent de prêter au Maroc à des taux d’intérêt très
élevés.
118
Différence entre pays colonisé et pays protégé (colonisation et protectorat). La ligne de partage passe moins
entre pays colonisé et pays dépendants qu’entre deux formes de colonisation et de dépendance : la destruction
des institutions locales et leur survie.

119
Conformément au Traité de Fès, le Sultan reconnait à la France l’exercice de pouvoirs de réforme de
l’organisation politico-administrative, de maintien de l’ordre et de représentation externe. La France s’engage à
sauvegarder la situation religieuse, le respect et le prestige traditionnel du sultan, l’exercice de la religion
musulmane et des institutions religieuses et notamment celle des habous. Elle s’engage aussi à organiser le
Makhzen chérifien réformé et à prêter un constant appui à Sa Majesté chérifienne contre tout danger qui
menacerait sa personne ou son trône ou qui compromettrait la sécurité de ses Etats ou de l’héritier du trône ou
ses successeurs.

44
Selon le traité de 1912, le sultan détient officiellement tous les pouvoirs, mais en
réalité il n’a la maitrise d’aucun pouvoir120. Le processus d’élaboration des
décisions et de leur exécution, bien qu’elles soient revêtues de ses sceaux, lui
échappe complètement. L’administration du makhzen est maintenue, flanquée
cependant d’une administration de contrôle exerçant une tutelle sur les ministres
et les responsables régionaux (une dualisation). C’est ainsi que le sultan règne et
la France gouverne.

Le système de protectorat établi par le traité de Fès opte pour la conservation et


le maintien des structures mentales et sociales traditionnelles. Il ménage le
makhzen et tous les satellites tournant autour, à savoir les confréries et le système
des familles de notables. Aucun moyen de promotion sociale n’est mis en place
pour renouveler le système makhzanien.

La domination coloniale stimule la naissance d’une réaction nationaliste. C’est


ainsi qu’une nouvelle élite voit le jour (c’est en fait une frange de populations
urbaines et une bourgeoisie commerçante de Fès) et déterminera la configuration
de l’Etat marocain postcolonial. C’est dans le giron de ces composantes sociales
que les germes du mouvement national ont pris. Le dahir berbère121 est un facteur
de déclenchement de l’action de ce mouvement. En 1933, se crée le Comité
d’Action Marocaine (CAM) qui se charge d’élaborer et d’exposer la plate-forme
revendicative du mouvement 122: le « Plan de réformes marocaines » présenté aux
autorités du Protectorat en 1934. Ce plan revendique la création de municipalités
et d’un Conseil national consultatif (élu) auprès du sultan123.

Dans ce processus d’affirmation du mouvement national, le CAM connaitra des


dissensions internes et éclata en 1937 en deux organisations rivales : le parti
national d’Allal el-Fassi et le parti populaire de M. H. el-Ouazzani. Le parti
d’allal el-Fassi devient le parti de l’Istiqlal en 1944. Il fera de l’ombre au parti de
M. H. Ouazzani et au Parti démocratique de l’indépendance (PDI).

120
L’article 4 du traité de protectorat autorise le sultan à déléguer aux autorités résidentielles le pouvoir
législatif et par la suite à déléguer tous les pouvoirs.
121
Texte législatif portant le sceau du sultan soustrayant les tribus dites de coutumes berbères du champ
d’application du chrâa (le statut personnel musulman).
122
Le projet politique nationaliste avait pour contours idéologique un retour aux sources réputées intangibles de
la tradition. Son attitude vis-à-vis de l’institution sultanale s’inscrivait dans la même perspective. Ce faisant ce
projet prônait une adhésion au statut du sultan comme représentant de la communauté.
123
En filigrane, le projet met l’accent sur la dimension contractuel du sultan au détriment de sa dimension
surnaturelle.

45
Le parti de l’Istiqlal sera la pièce maîtresse du Mouvement national. Ce dernier
est dominé par la bourgeoisie traditionnelle et était ainsi incapable de faire adhérer
les diverses composantes sociales à sa stratégie revendicative. Seul le sultan s’est
révélé à même de fédérer les différentes couches au projet de l’Istiqlal. Cet état
des choses va impacter le contenu du « Manifeste » et en faire un document
ambigu. C’est pourquoi la revendication du mouvement national est restée très
modeste en ménageant le sultan et en voulant à en faire un symbole doué de
prestige traditionnel124 (programme institutionnel portant sur le statut de la
monarchie). C’est d’ailleurs le mot d’ordre du retour du sultan au Maroc, après sa
déposition par la France en 1953, qui redonne au Mouvement national une
apparence d’unité après son éclatement et après que l’Istiqlal ait perdu son
monopole sur ses différentes composantes.

**Etat postcolonial

A l’indépendance, le sultan devient roi, il impose son leadership et assoit la


légitimité de la dynastie chérifienne alaouite en fonction d’une nouvelle
articulation, de la double dimension intrinsèque et contractuelle du sultanat
(Michel Camau, p. 400). Ainsi l’institution du sultan se trouve restaurée et
modernisée. C’est un changement dans la continuité. Mohamed V a certes
sauvegardé le prestige traditionnel de ses ancêtres et, avec lui, la modalité de
discipline de l’ancien makhzen. Il n’en a pas moins hérité des ressources de
gouvernement (logistique bureaucratique, quadrillage administratif, fiscalité…)
du Résident général de France125.

Ces circonstances de lutte pour l’indépendance consacrent le sultanat (le


makhzen) comme étant l’incarnation du peuple, du pays et comme, in fine, le

124
L’ambigüité de l’Istiqlal et son quasi-monopole seront battus en brèche dans les années 1950 lorsque, au
moment de l’arrestation des principaux dirigeants du parti et la déposition du Sultan (1953) par le gouvernement
français, le mouvement prend plus d’envergure en dehors de la structure initiale : émergence d’une centrale
syndicale ouvrière marocaine (UMT), développement de l’action armée dans les villes. Une armée de libération
(ALN) se met en place et conteste la représentativité de l’Istiqlal. Malgré ces dissensions au sein du Mouvement,
le sultan va servir de catalyseur de la résistance.
125
L’indépendance du Maroc fut proclamée le 22 mars 1956 et la première constitution a vu le jour le 14
décembre 1962. Pendant cette transition de 6 ans un certain nombre de textes furent adoptés et des mesures
prises : institution d’un conseil national consultatif, le 3 août 1956 ; Charte des libertés publiques du 15 novembre
1958 ; élections communales du 29 mai 1960. Le Conseil consultatif était composé des représentants (76
membres), nommés par le roi pour deux ans renouvelables, des partis politiques et des milieux socio-
professionnels. Sa fonction était consultative : il pouvait formuler des avis sur des problèmes d’ordre politique,
économique et social que le Roi estimait nécessaires de lui soumettre. Il était également habilité à interroger les
ministres, à la faveur des questions orales et écrites auxquelles ils devaient répondre. Les activités de ce CC n’ont
duré que 2 ans.

46
dépositaire de la souveraineté nationale. Et sous couvert d’un rôle d’arbitre entre
les différentes tendances de l’opinion marocaine, le roi tisse des alliances lui
permettant de neutraliser l’Istiqlal. Le gouvernement qu’il nomme remplit des
tâches de gestion sans avoir les moyens de gouverner. L’absolutisme 126
traditionnel sera reconduit, dans la constitution, sous une forme moderne. Il va
être investis de tous les pouvoirs même ceux que ne lui revenaient pas avant le
Traité de Fès.

Le Maroc va ainsi inaugurer la pratique des constitutionnelle écrites127. Ce faisant,


il va connaitre six constitutions depuis son indépendance. Elles ont été
promulguées respectivement en 1962, 197O, 1972, 1992, 1996 et 2011..

Section I : La constitution du 14 décembre 1962

La première constitution (1962) traduit l’issue d’un rapport de forces entre, d’une
part, les partisans d’une monarchie128 constitutionnelle129 et une monarchie
soucieuse de sa pérennité, d’autre part. Celle-ci s’érige le droit de mettre sur pieds
une Assemblée constituante dont le mode de désignation est contesté par les
partisans d’une monarchie constitutionnelle.

Mohamed V met en place, par dahir du 3 nov. 1960, un conseil Constitutionnel


composé de 78 membres. Constitué des représentants des partis politiques (PI,
UNFP, MP, PDC), le conseil s’est empêtré dans des divergences sur l’orientation
(idéologique) à prendre et la méthode de travail à adopter. Et c’est à l’arrivée
d’Hassan II au trône en 1961, qu’une constitution sera préparée et soumise au
référendum130 du 7 décembre 1962 et promulguée le 14 décembre de la même
année.

Cette constitution stipule (art. 1er) que le Maroc est monarchie constitutionnelle,
démocratique et sociale et la souveraineté appartient à la nation qui l’exerce
directement par voie de référendum et indirectement par l’intermédiaire des
institutions constitutionnelles. Elle proclame (art. 9) la liberté de circulation,
d’établissement, d’opinion, d’expression sous toutes ses formes, de réunion,
d’association, d’adhérer à toute organisation syndicale ou politique. Son article
126
Le Maroc se déclare indépendant du Khalifat de Bagdad en 1145. C’est à partir de cette date que le chef de la
communauté marocaine porte le titre d’Amir al Mouminine (commandeur des croyants).
127
Le texte constitutionnel remplace le dahir par décret.

128
La dynastie alaouite fut établie au XVIIème siècle.
129
Le sultan était choisi par les oulémas et les populations par le procédé de la Ba’ya. L’accession héréditaire
au trône n’était pas admise dans le régime politique marocain traditionnel.
130
Cette constitution a recueilli 97,86% de suffrages favorables.

47
10 stipule que « Nul ne peut être arrêté, détenu ou puni que dans les cas et les
formes prévus par la loi. Le domicile est inviolable. Les perquisitions ou
vérifications ne peuvent intervenir que dans les conditions et les formes prévues
par la loi ». L’article 11 stipule que la correspondance est secrète. Elle reconnait
les droits économiques et sociaux essentiels : droits à l’éducation et au travail (art.
13), droit de grève (art. 14), droit de propriété (art. 15).

A- La Royauté

Les prérogatives du roi, selon cette constitution, sont tentaculaires. L’article 19131
en fait même une institution au-dessus de la constitution. Il règne et gouverne
éclipsant ainsi le rôle des institutions et faisant du gouvernement un instrument
tributaire dans son action de la volonté royale132. Le roi peut dissoudre la Chambre
des représentants après avoir consulté le Président de la Chambre
constitutionnelle et adressé un message à la nation (art. 77). L’article 35 de la

131
Le Roi, « Amir Al Mouminine » (commandeur des croyants), symbole de l'unité de la nation, garant de la
pérennité et de la continuité de l'État, veille au respect de l'Islam et de la Constitution. Il est le protecteur des
droits et libertés des citoyens, groupes sociaux et collectivités.

132 Article 22.Le Roi dispose d'une liste civile. Article 23. La personne du Roi est inviolable et sacrée. Article
24.Le Roi nomme le premier ministre et les ministres. Il met fin à leurs fonctions, soit à son initiative, soit du fait
de leur démission individuelle ou collective. Article 25.Le Roi préside le Conseil des ministres. Article 26.Le Roi
promulgue la loi. Il peut la soumettre à référendum ou à une nouvelle lecture dans les conditions prévues au titre
V. Article 27. Le Roi peut dissoudre la Chambre des représentants par décret royal dans les conditions prévues au
titre V, articles 77 et 79. Article 28. Le Roi peut adresser des messages au Parlement et à la nation. Le contenu
des messages ne peut faire l'objet de débats parlementaires. Article 29. Le Roi exerce le pouvoir réglementaire
dans les domaines qui lui sont expressément réservés par la Constitution. Les décrets royaux sont contresignés
par le premier ministre, sauf ceux prévus aux articles 24, 35, 72, 77, 84, 91, 101. Article 30. Le Roi est le chef
suprême des forces armées royales. Il nomme aux emplois civils et militaires et peut déléguer ce droit. Article 31.
Le Roi accrédite les ambassadeurs auprès des puissances étrangères et des organismes internationaux. Les
ambassadeurs ou les représentants des organismes internationaux sont accrédités auprès de lui. Il signe et ratifie
les traités. Toutefois, les traités engageant les finances de l'État, ne peuvent être ratifiés sans l'approbation
préalable du Parlement. Les traités, susceptibles de remettre en cause les dispositions de la Constitution, sont
approuvés selon les procédures prévues pour la réforme de la Constitution. Article 32.Le Roi préside le Conseil
supérieur de la promotion nationale et du plan. Article 33. Le Roi préside le Conseil supérieur de la magistrature
et nomme les magistrats dans les conditions prévues à l'article 84. Article 34. Le Roi exerce le droit de grâce.
Article 35.Lorsque l'intégrité du territoire national est menacée, ou que se produisent des événements
susceptibles de mettre en cause le fonctionnement des institutions constitutionnelles, le Roi peut, après avoir
consulté les présidents des deux Chambres et adressé un message à la nation, proclamer, par décret royal, l'état
d'exception. De ce fait, il est habilité, nonobstant toutes dispositions contraires, à prendre les mesures
qu'imposent la défense de l'intégrité territoriale et le retour au fonctionnement normal des institutions
constitutionnelles. Il est mis fin à l'état d'exception dans les mêmes formes que sa proclamation.

48
Constitution accorde au roi le pouvoir de proclamation de l’état d’exception sans
aucun contrôle juridictionnel. Le roi peut en recourir lorsqu’il estime que la
stabilité et l’intégrité du pays sont menacées. Il met aussi fin à cet état d’exception
lorsqu’il juge que la situation en est favorable. Durant l’état d’exception, le
fonctionnement des institutions constitutionnelles est suspendu. Le roi dispose
d’un pouvoir discrétionnaire pour évaluer si un état de troubles, d’instabilité
interne ou de menaces extérieures justifie le recours à l’état d’exception.

Cette situation s’explique par la conjoncture d’instabilité qui se caractérise par la


persistance d’une tradition makhzénienne et par le manque d’une culture politique
moderne dans le nouveau jeu politique marocain. Ce régime politique désormais
appelé néopatrimonial réduit le gouvernement et le parlement aux rangs de
figurants.

B- Le gouvernement

Les membres du gouvernement sont nommés par le roi. Ils sont responsables
devant lui. ‘’Ils le sont également devant le parlement’’. Après sa nomination, le
premier ministre se présente devant les deux chambres et expose sa déclaration de
politique générale (art. 65). Cette présentation n’est pas suivie de vote, car le
gouvernement est responsable devant le roi en premier lieu. Le gouvernement
veille à l'exécution des lois. Il dispose de l'administration (art. 66). Le premier
ministre a l’initiative des lois et exerce le pouvoir réglementaire autonome, sauf
dans les matières expressément dévolues par la constitution au roi. Aucun projet
de loi ne peut être déposé par ses soins sur le bureau des Chambres, avant qu'il
n'en ait été délibéré en Conseil des ministres (art. 67). Les actes réglementaires
du Premier ministre sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution
(art. 68).

La responsabilité du gouvernement peut être engagée devant la Chambre des


représentants par le biais de la question de confiance ou par la motion de censure.
La première est posée par le Premier ministre, après délibération en Conseil des
ministres, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d’un texte. La
seconde est à l’initiative de la Chambre des représentants. Elle doit être déposée
par un dixième au moins de ses membres… La censure n’est approuvée qu’à la
majorité absolue des membres composant la Chambre (art.8O-81). Le contrôle
du gouvernement se fait également par le biais des questions adressées par les
représentants au gouvernement (contrôle parlementaire).

Le gouvernement expédie les affaires courantes et ne définit pas la politique


générale de la nation. Du fait de sa dépendance de l’institution royale, il n’a qu’un
rôle limité. Il revêt l’aspect d’une institution apolitique.

49
C- Le parlement

Dans la Constitution de 1962, le Parlement (est bicamérale) se compose de deux


chambres : la Chambre des représentants et la Chambre des Conseillers (art. 36).
La première est élue au suffrage universel direct pour quatre ans (art. 44). Le mode
de scrutin majoritaire à un tour fut établi. La Chambre des Conseillers se
compose de deux tiers des membres des assemblées préfectorales et provinciales,
des Conseils communaux, et d’un tiers des membres élus des Chambres
d’Agriculture, du Commerce et de l’industrie et des organismes syndicaux. Les
membres sont élus pour six ans, mais la moitié est renouvelée tous les trois ans
(art. 45).

La loi est votée par le Parlement. Le Parlement peut autoriser le gouvernement,


pendant un délai limité, et en vue d'un objectif déterminé, à prendre par décret,
délibéré en Conseil des ministres, des mesures qui sont normalement du domaine
de la loi. Les décrets entrent en vigueur dès leur application, mais ils doivent être
soumis à la ratification du Parlement, à l'expiration du délai fixé par la loi
d'habilitation. La loi d'habilitation devient caduque si la Chambre des
représentants est dissoute (art. 47)

Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux
Chambres, en vue de l'adoption d'un texte identique. Lorsqu'un projet ou une
proposition de loi n'a pu être adopté qu'après deux lectures par chaque Chambre,
ou si le gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture par chacune
d'entre elles, le projet ou la proposition de loi est soumis de nouveau à la Chambre
des représentants qui l'adopte ou le rejette à la majorité des deux tiers. En cas
d'adoption, le texte est laissé à la décision du roi (art. 62).
Les lois organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes : le
projet ou la proposition n'est soumis à délibération et au vote de la première
Chambre saisie, qu'à l'issue d'un délai de dix jours après son dépôt. La procédure
de l'article 62, alinéa 2, n'est pas applicable. Selon l’article 63, les lois organiques
ne peuvent être promulguées qu'après avoir été soumises à l'approbation de la
chambre constitutionnelle de la Cour suprême. Le roi promulgue la loi, il peut la
soumettre à une nouvelle lecture (art. 26 et 71).

D- Les autres institutions constitutionnelles

50
L’article 86 de la Constitution prévoit la création d’un Conseil supérieur de la
magistrature, composé de 11 membres et présidé par le Roi, et dont la mission est
de veiller, selon l’article 87, à l’application des garanties accordées aux
magistrats (avancement et discipline). Quant à la Haute Cour de justice (Titre
VII), elle juge, selon l’article, 86 les membres du gouvernement pour des délits
commis pendant l’exercice de leur fonction. Elle est composée de parlementaires
élus en nombre égal par les deux chambres et son président est nommé par décret
royal. Quant à l’article 100, il stipule : « Il est institué au sein de la Cour suprême une
chambre constitutionnelle ». Elle statue (art. 103) sur la régularité de l'élection des
membres du Parlement et des opérations de référendum. Elle statue aussi sur le
conflit opposant le gouvernement et les Chambres sur le caractère législatif ou
réglementaire d’un texte (art. 56). Elle contrôle la conformité des règlements
intérieurs des assemblées parlementaires et des lois organiques à la constitution
avant leur entrée en vigueur (art. 43 et 63).
Il faut noter que, dans cette constitution, la Chambre constitutionnelle n’est pas
compétente pour contrôler la constitutionnalité des lois ordinaires.

La première constitution marocaine est promulguée le 14 décembre 1962. Elle


s’inscrit dans ce processus de modernisation de l’Etat makhzénien entamé depuis
le traité de Fès. Ce processus demeure néanmoins limité et contrôlé, car l’enjeu
du pouvoir suscite des convoitises et des guerres souterraines. Ainsi des élections
à la chambre des représentants sont organisées le 17 mai 1963. Ces élections vont
faire apparaitre deux pôles politiques : pôle de la conservation du makhzen,
représenté par principalement par le mouvement populaire, du parti démocratique
constitutionnel et des libéraux indépendants regroupés sous la bannière du Front
pour la défense des institutions constitutionnelles (FDIC) et formé la veille des
élections ; pôle de l’opposition représenté par l’Istiqlal et l’UNFP.

Une confrontation entre ces deux pôles va s’ensuivre. Elle va paralyser le


parlement et conduire à la proclamation de l’état d’exception. Le résultat des
élections à la première chambre donne l’opposition aux coudes à coudes avec le
FDIC133. Quant à la deuxième Chambre, le FDIC obtient 102 sièges sur 120.
L’opposition conteste ces résultats pour fraude et accuse les autorités d’être
intervenues au profit des candidats du FDIC. Par ailleurs, l’opposition s’est
montrée très soudée et très combattive à l’égard du gouvernement, lequel s’est
montré faible du fait de son hétérogénéité et du fait aussi que le Mouvement

133
Lors de ces élections, le FDIC recueille 69 sièges ; PI : 11 ; UNFP 28 sièges, les sans étiquettes 6 sièges. La
Chambre est formée de 144 membres.

51
Populaire se désolidarise souvent du gouvernement. Ce blocage amène le roi
Hassan II à recourir à l’article 35 de la constitution (le 7 juin 1965). Il dissout la
Chambre des représentants et s’arroge tous les pouvoirs sans annoncer le recours
à de nouvelles élections. Il annonce que la Constitution ne garantit pas le bon
fonctionnement des institutions politiques et, par conséquent, elle doit être
révisée, sans pour autant préciser la date de cette révision. Ce n’est que le 31 juillet
1970 qu’une nouvelle constitution est adoptée.

Section II- La constitution du 31 juillet 1970

C’est encore une fois le roi qui procède à la révision constitutionnelle. C’est ce
qui suscite encore une fois le lever de bouclier de l’opposition. D’autant plus dans
la nouvelle Constitution les prérogatives du roi seront encore plus étendues au
détriment du gouvernement et du parlement.

A- Les pouvoirs du roi dans cette révision constitutionnelle

L’article 19 renforce davantage les prérogatives du roi. Désormais, il est


représentant suprême de la Nation. Il est de fait au-dessus des représentants (élus)
ordinaires. Des restrictions seront apportées dans le nouveau texte (art. 28) au
droit de débattre des discours du roi que ce soit au sein du parlement, de la presse
ou entre les citoyens. Egalement, l’article 37 exclut l’immunité parlementaire
pour ceux qui s’expriment en mettant en cause le régime monarchique, la religion
musulmane, ou constituent une atteinte au respect dû au Roi. L’article 20 lui
accorde le pouvoir réglementaire (ce qui en fait un pouvoir exécutif). Et
conformément à l’article 50, le roi est habilité à modifier à tout moment des textes
pris en forme législative et qui sont du domaine réglementaire. Le roi exerce le
pouvoir législatif en cas de dissolution de la Chambre des représentants (art. 70).

Dans cette révision, le Premier ministre n’a plus l’initiative de la révision


constitutionnelle et ne peut exercer le pouvoir réglementaire que par délégation
du roi.

B- Un parlement et un gouvernement effacés

La nouvelle mouture de la constitution prévoit la mise en place d’un parlement


monocaméral dont le tiers seulement des membres est élu au suffrage universel
direct et les deux tiers au mode indirect et provenant des collèges composés des
conseillers communaux, des chambres professionnelles et des représentants des
salariés (art. 43). Et selon l’article 97, le parlement est dessaisi de l’initiative de
la révision constitutionnelle ; il peut seulement adresser une proposition qui doit
52
être adoptée par les deux tiers de ses membres. Le droit de guerre n’appartient
plus au parlement (art. 72). Le roi peut aussi s’accorder la totalité des pouvoir du
parlement (art. 70) pendant une durée de trois mois à la suite de sa dissolution.

Cette constitution réaffirme la suprématie du roi sur toutes les institutions et lui
donne un pouvoir de contrôle général sur tous les rouages de l’Etat. La
constitution précise les modalités de ce contrôle général et les moyens de sa
réalisation par rapport à chacun des pouvoirs publics, y compris le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif (voir O. Bendourou, Droit constitutionnel et
institutions politiques, 2011).

Cette nouvelle constitution suscite encore la réaction de l’opposition regroupée


désormais sous le vocable de la Koutla el watania (22juillet 1970). Elle a appelé
à boycotter les élections organisées à partir du 21 aout 1970 et que le MP et les
candidats du Makhzens ont raflé (261 sièges). Cette situation traduit une tension
dans la vie politique. La violence exercée par le makhzen sur l’opposition et le
manque de perspectives politiques claires conduisent inéluctablement à un
blocage politique. La tentative de coup d’Etat entrainera un fort raidissement du
régime de Hassan II. Cette constitution va être encore suspendue jusqu’en 1972.

Section III- La constitution du 10 mars 1972

Si la constitution précédente avait verrouillé le champ politique au profit du roi,


celle du 10 mars 1972 entreprend une ouverture très timide envers l’opposition.
Mais il faut dire de prime abord que cette constitution est aussi élaborée par le roi.
La revendication de l’opposition d’une assemblée constituante élue n’a encore pas
été retenue.

A- Un début d’ouverture

Cette ouverture concerne la remise du pouvoir réglementaire au premier ministre,


mais le roi ne demeure pas moins chef de l’Etat et du gouvernement, car ce
dernier exerce ses fonctions sous le contrôle du roi.

Aussi est-il le cas du parlement qui reprend son droit d’initiative en matière de
révision constitutionnelle. Laquelle révision doit recueillir une majorité des deux
tiers des membres composant la chambre des représentants pour être soumise au
référendum. La dissolution de la Chambre des représentants est entourée d’un
ensemble de garanties. Ainsi le roi ne peut plus la dissoudre du fait seulement que
le peuple approuve un projet de loi rejeté par la Chambre. En d’autres termes le
référendum législatif n’est plus autorisé.
53
Un autre changement est intervenu au niveau de la composition de la chambre des
représentants. Elle est désormais formée de deux tiers élus au suffrage direct et un
tiers au suffrage indirect.

L’ouverture touche aussi les autres institutions constitutionnelles. Ainsi est-il le


cas de la chambre constitutionnelle. Celle-ci, selon les articles 94-95, est
désormais formée de six membres : trois nommés par le roi et trois désignés par
le président de la chambre des représentants.

C- Le consensus

Il faut dire le climat politique demeure tendu jusqu’en 1977, date de la mise en
place des institutions prévues par la constitution. Entretemps il y a eu une
deuxième tentative de coup d’Etat. C’est néanmoins l’affaire des provinces
sahariennes récupérées qui va susciter le consensus entre l’opposition et le roi. Et
entre 1977 et 1992 il n’y a eu que deux élections législatives. En 1983, le roi
reporte les élections et en 1990, il proroge le mandat des députés de deux ans. Et
le déroulement des élections et de leurs résultats obéissent à un jeu politique
contrôlé par le roi. Une nouvelle révision constitutionnelle est entreprise en 1992.

Section IV- La constitution du 9 octobre 1992 (Apports de la nouvelle révision


constitutionnelle)

C’est toujours le roi qui est derrière cette nouvelle révision constitution. Le
processus de démocratisation de l’Europe de l’est et la conditionnalité de l’aide
internationale au progrès de la démocratie en Afrique combinés à la revendication
intérieure, poussent Hassan II à entreprendre une réforme cosmétique du système
constitutionnel.

A- Proclamation des droits de l’homme

Dans son préambule, pour la première fois, une constitution marocaine dispose :
‘’Conscient de la nécessité d'inscrire son action dans le cadre des organismes internationaux, dont il
est un membre actif et dynamique, le Royaume du Maroc souscrit aux principes, droits et obligations
découlant des chartes desdits organismes et réaffirme son attachement aux droits de l'homme tels qu'ils
sont universellement reconnus’’.
Ce qui veut dire que le Maroc est amené à adapter sa
législation aux traités et conventions signés et adoptés par ce dernier.

B- Parlement et Gouvernement

54
La nouveauté dans cette constitution concernant le gouvernement, c’est la
disposition de l’article 60 : ‘’Sous la responsabilité du Premier ministre, le gouvernement assure
l'exécution des lois et dispose de l'administration’’. L’article 4O, quant à lui, prévoit pour la
première fois dans l’histoire du Maroc, la création de commissions d’enquête. Et
le parlement n’est pas dissout en cas de proclamation de l’état d’exception.

C- Juridiction

C’est aussi par cette révision qu’un conseil constitutionnel est institué (art. 76).
Cet organe est habilité à vérifier la conformité des lois ordinaires à la Constitution
avant leur promulgation134. Il est également consulté par le chef de l’Etat en cas
de proclamation de l’état d’exception.

D- Collectivités territoriales et conseil économique et social

Aux termes du Titre X, articles 94, 95, 96, la constitution prévoit la mise en place
de la région comme collectivité territoriale. Elle pose que : ‘’Toute autre collectivité
locale est créée par la loi’’ et que : Dans les préfectures et les provinces, les gouverneurs
coordonnent l'action des administrations et veillent à l'application de la loi. Ils exécutent en
outre les décisions des assemblées préfectorales et provinciales.

***

Dans cette constitution, on prévoit également la création d’un conseil économique


et social (art. 91). La mission de ce conseil reste néanmoins consultative.

Des élections ont été organisées le 25 juin 1993 à la suite de la promulgation de


cette constitution. Au scrutin direct, l’opposition –Koutla- (PI, USFP, PPS et
OADP) a obtenu 111 sièges sur 222 ; les partis de l’entente -Wifac- (UC, MP,
PND) ont recueilli 88 et le RNI 28. Au scrutin indirect, l’opposition n’a recueilli
que 21 sièges sur 111. Ce qui l’a poussée à crier au scandale des irrégularités
entachant ce scrutin. Mais pour contenir sa colère le roi lui proposer de participer
au gouvernement. Elle rejette cette offre prétextant qu’elle ne pourrait participer

134
L’article 79 de la constitution prévoit : ‘’Le Conseil constitutionnel exerce les attributions qui lui sont dévolues
par les articles de la Constitution ou par des dispositions de lois organiques. Il statue, par ailleurs, sur la régularité
de l'élection des membres de la Chambre des représentants et des opérations de référendum. En outre, les lois
organiques avant leur promulgation, et le règlement de la Chambre des représentants, avant sa mise en
application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.
Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel avant leur promulgation, par le Roi, le
Premier ministre, le président de la Chambre des représentants ou le quart des membres composant cette
dernière’’.

55
à un gouvernement qui n’aura pas les moyens constitutionnels pour mettre en
œuvre sa politique. Elle conditionne sa participation par une réforme
constitutionnelle substantielle. En réaction à ce rejet de l’offre royale, le roi
nomme un gouvernement de technocrates en dehors de la majorité parlementaire.
Ce qui ne contribue nullement à décrisper le climat politique. En attendant la
révision constitutionnelle de 1996, chaque camp campe sur ses positions.

Section V- La constitution de 1996

Hassan II initie encore, pour la cinquième fois, une révision constitutionnelle dans
laquelle les attributions du roi et du gouvernement demeurent inchangées.

A- Les nouveautés dans cette constitution

Le parlement devient bicaméral135 (art. 36) : Chambre des représentants et


Chambre des conseillers. Les premiers sont élus au suffrage universel direct
(art.37) et les seconds au suffrage indirect136 (art.38). Ce parlement se réunit en
session ordinaire deux fois par an, et chaque session doit durer au moins trois mois
(art.40). Il peut aussi se réunir en sessions extraordinaires (art.41).

L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux


membres du Parlement. Les projets de lois sont déposés sur le bureau de l'une des
deux Chambres (art. 52). Et les lois sont adoptées par les deux chambres en termes
identiques.
Quant au pouvoir de contrôle du gouvernement (art. 75), le Premier ministre peut
engager la responsabilité du gouvernement devant la Chambre des Représentants,
sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d’un texte. Et selon
l’article 76, la Chambre des représentants peut mettre en cause la responsabilité
du Gouvernement par une motion de censure (recevable lorsqu’elle signée par le
quart au moins des membres composant la Chambre). Quant à l’article 77, il
stipule : « La Chambre des Conseillers peut voter des motions d'avertissement ou des motions
de censure du Gouvernement. La motion d'avertissement au Gouvernement doit être signée par
le tiers au moins des membres de la Chambre des Conseillers. Elle doit être votée à la majorité

135
Le domaine de la loi a été élargi. Le parlement est désormais compétent pour organiser la liberté
d’entreprendre qui devient aux termes de l’article 15 de la constitution une liberté constitutionnelle. Font partie
aussi des compétences du parlement l’organisation de la Cour des comptes et les cours régionales (art.99), les
conditions dans lesquelles le gouverneur exécute les délibérations des assemblées provinciales, préfectorales et
régionales (art.101).
136
La chambre des conseillers est constituée des 3/5 des membres élus dans chaque région par les représentants
des collectivités locales et des 2/5 des membres élus par les chambres professionnels régionales et par des
membres élus sur le plan national par un collège composé des représentants des salariés. Leur mandat est d’une
durée de neuf ans renouvelable par tiers tous les trois ans. Le premier et le deuxième renouvellement se font
par tirage au sort. Le nombre des représentants et des conseillers ainsi que leur mode d’élection sont déterminés
par une loi organique.

56
absolue des membres composant la Chambre. Le vote ne peut intervenir que trois jours francs
après le dépôt de la motion. Le vote de censure entraîne la démission collective du
Gouvernement ».
Quant à la révision constitutionnelle (Titre XII), l’article 104 dispose: « La
proposition de révision émanant d'un ou de plusieurs membres d'une des deux Chambres ne
peut être adoptée que par un vote à la majorité des deux tiers des membres qui composent cette
Chambre. Cette proposition est soumise à l'autre Chambre qui peut l'adopter à la majorité des
deux tiers des membres la composant. L’article 105 stipule que les projets et propositions de
révision sont soumis, par dahir, au référendum. »

B- Conseil constitutionnel et Cour des comptes

Pour le Conseil constitutionnel, dans la constitution de 1996, le nombre de


conseillers passe de neuf à douze, six sont nommés par le roi, dont le Président du
conseil, et les deux présidents des deux chambres en nomment chacun trois. Leur
mandat passe de six à neuf ans renouvelable pour chaque catégorie de membres
tous les trois ans (art. 79).
La Cour des comptes a été instituée par la constitution dans son Titre X. L’article
96 stipule que la Cour des comptes est chargée d'assurer le contrôle supérieur de
l'exécution des lois de finances. Par ailleurs, ‘’elle s'assure de la régularité des
opérations de recettes et de dépenses des organismes soumis à son contrôle en
vertu de la loi et en apprécie la gestion. Elle sanctionne, le cas échéant, les
manquements aux règles qui régissent les dites opérations’’. Et en vertu de
l’article 97, ‘’la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans
les domaines relevant de sa compétence en vertu de la loi’’. Elle rend compte au
Roi de l'ensemble de ses activités’’.
Les Cours régionales des comptes, quant à elles, sont chargées d'assurer le
contrôle des comptes et de la gestion des Collectivités Locales et de leurs
groupements, conformément à l’article 98.

-----------------------

A partir de cette date, s’instaure un consensus entre les différentes sensibilités


politiques. Ainsi toutes les lois votées (le code électoral par exemple du 2 avril
1997) conformément aux dispositions de la constitution de 1996 ont bénéficié de
ce nouvel environnement politique. La mise en place de toutes les institutions
constitutionnelles s’inscrit dans cette nouvelle tendance de semi détente, laquelle
aboutit à la signature d’une déclaration commune du 28 février 1997 par le

57
gouvernement et les partis politiques au terme de laquelle les deux parties
s’engagent à œuvrer à assurer des élections transparentes137.
Des élections législatives sont organisées le 14 novembre 1997pour la première
chambre et le 5décembre 1997 pour la deuxième chambre, dont les résultats sont
contestés aussi bien par l’opposition que par certains partis de l’ex-majorité. Pour
la première chambre, la Koutla a obtenu 102 sièges, le Wifaq 100, le FFD 9, le
PSD 5, le RNI 46, le MDS 32, le MNP 19, le MPDC 9, le PA 2 ; le PDC 1. Ainsi
aucune majorité absolue ne se dégage de cette élection. Quant à la deuxième
chambre, les résultats sont comme suit : RNI 42 sièges, MDS 33, UC 28, MP 27,
PI 21, PND 21, USFP 16, MNP 15, PA : 13, FFD : 12, PPS : 7, PSD : 4, PDI : 4.
Les élections des collèges de salariés ont donné les résultats suivants : CDT : 11
sièges, UMT 8, UGTM : 3 et un seul siège pour chacune des centrales syndicales
suivantes : UDT, COM, USP, SND.
Malgré ces résultats contestés, les partis de l’opposition ont accepté le jeu de
l’alternance avec les assurances et les garanties de Hassan II. Ainsi le 4 février
1997, le roi charge A. Youssoufi de former un gouvernement d’union nationale.
Désormais est entamée une nouvelle ère appelée d’alternance et de transition138.

137
Une commission nationale de suivi des élections a été établie par le dahir du 1 er mai 1997. Elle comprend le
ministre de l’intérieur, le ministre de la justice, le secrétaire général du gouvernement, les représentants des
onze partis politiques ayant signé la déclaration du 28 février 1997(partis du Wifaq et de la Koutla et du RNI, le
MNP, le PSD, le FFD et le MSD). Cette commission est présidée par le premier président de la Cour suprême.
138L’opposition (la Koutla) se montre attentive aux garanties de Hassan II et adopte une posture de flexibilité par
rapport à cette offre, bien qu’un malentendu persiste sur la teneur des réformes constitutionnelles à
entreprendre. Ainsi une majorité plurielle (USFP, PI, RNI, MNP, FFD, PPS, MNP, PSD) formera le gouvernement
de transition (vers la démocratie) présidée par A. Youssoufi. Cette nouvelle option de gouvernement demeure
toutefois plombée par l’existence des ministères de souveraineté, outre son hétérogénéité intrinsèque.
Après la mort de Hassan II, Youssoufi sera reconduit à la tête d’un nouveau gouvernement (le premier remanié) :
gouvernement de Yousoufi II en 2000. Les mêmes procédures de nomination des ministres ont été reconduites
aussi. La marge de manœuvre du premier ministre, sur ce plan, demeure toujours marginale. Le Palais continue
à avoir la mainmise sur le cours de la vie politique, car la constitution de 1996 n’apporte pas de changement au
fond du système politique. Les directives royales guident toujours le gouvernement d’autant plus que l’article 66
de la constitution stipule que le conseil des ministres est saisi préalablement des questions concernant la
politique générale de l’Etat. Les élections législatives de 2002 vont voir le retour à la primature d’un ministre sans
étiquette politique (D. Jettou).
Les élections législatives du 27 septembre 2002 ont donné des résultats que l’opposition admet. Une coalition
va constituer le gouvernement (avec une majorité de 195 sièges au parlement) : USFP, PI, PPS, RNI, MNP (41
ministres) avec des ministères de souveraineté. Cette coalition aura un programme gouvernemental inspiré du
discours royal prononcé à l’ouverture de la législature du 11 octobre 2002 et dont les priorités sont : l’emploi
productif, le développement économique, l’enseignement utile et le logement décent.
Les législatives de 2007 va voir la participation de 36 partis politiques. Les sans appartenances politiques ont
aussi participé à ces élections avec treize listes. Les résultats donnent encore un paysage politique éclaté.
A l’issue de ces élections un gouvernement, dont la présidence est confiée à Abbas El Fassi, sera formé. Ce sera
encore une fois un gouvernement de coalition. Il reconduit tous les partis de l’ancien gouvernement à l’exception
du MP (33 ministres). En aout 2009, le MP intègre le gouvernement El Fassi. Une prolongation qui éternise la

58
Section V- La constitution de juillet 2011

Aux manifestations du 20 février 2011, le roi Mohamed VI répond par un


discours (le 9 mars 2011) dans lequel il dit : « La sacralité de nos constantes font
l’objet d’une unanimité nationale, à savoir l’Islam en tant que religion de l’Etat,
la commanderie des croyants, le régime monarchique… et à partir de ces
prémisses référentielles immuables, nous avons décidé d’entreprendre une
réforme constitutionnelle globale ».
Cette constitution va être, par certains aspects, une avancée, mais néanmoins elle
va garder un certain nombre de ses attributs absolutistes classiques. La
prééminence religieuse et politique du souverain est reconduite dans cette
nouvelle mouture139 légèrement tempérée par le renforcement du statut du chef de
gouvernement,140 de la constitutionnalisation du conseil du gouvernement et la
réhabilitation de la chambre des représentants. L’avancée dont il est question ici
ne touche pas aux constantes du régime ou les traits fondamentaux qui le

transition politique et finit par la décrédibiliser. La culture de l’autoritarisme s’avère résistante au changement
et au renouvellement des générations.
Cet ordre politique ankylosé sera ouvertement critiqué. L’avènement du printemps démocratique relancera chez
certaines franges de la société marocaine, notamment la jeunesse, l’idée de réforme. Seulement les réflexes
ancestraux du Makhzen font qu’une ouverture incontrôlée du système est inadmissible. Il déploiera tous les
artifices juridiques pour que toute réforme constitutionnelle s’inscrive dans la lignée dynastique et religieuse
de ses prédécesseurs pour consolider son autorité.

139
Selon l’article 42 de la constitution du premier juillet 2011, le roi est « chef d’Etat, son représentant suprême,
symbole de l’unité de la nation, garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et arbitre suprême entre ses
institutions, veille au respect de la constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles… Il
est garant de l’indépendance du royaume et de son intégrité territoriale ». Et, selon l’article 41, « le roi est Amir
Al Mouminine : commandeur des croyants ». Le roi préside le conseil des ministres (art. 48). C’est dans ce conseil
que sont examinées les orientations stratégiques de la politique de l’Etat, les projets de révision de la
constitution… les orientations générales du projet de loi de finances, la nomination, sur proposition du chef de
gouvernement et à l’initiative du ministre concerné, aux empois civils de Wali de Bank el Maghreb,
d’ambassadeurs, de walis et de gouverneurs et des responsables des établissements et entreprises publics
stratégiques (art 49). Le roi, selon l’article 59, proclame l’Etat d’exception. C’est son domaine exclusif lorsqu’il
juge que « l’intégrité du territoire national est menacée et que se produisent des événements qui entravent le
fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles… ». Le roi peut aussi être l’initiateur d’une révision
constitutionnelle : « Le roi peut soumettre directement au référendum le projet de révision dont il prend
l’initiative (art. 172). Et, en vertu de l’article 174, le roi peut, après avoir consulté le président de la cour
constitutionnelle, soumettre par dahir au parlement un projet de révision de certaines dispositions de la
constitution. Et selon l’article 53, le roi est chef suprême des forces armées et nomme aux emplois militaires. Il
préside le conseil supérieur de sécurité (art. 54) et préside aussi le conseil supérieur du pouvoir judiciaire (art.
56). L’article 26 donne au roi le pouvoir de dissoudre le parlement…
140
Sous l’autorité du chef de gouvernement (art. 89), le gouvernement met en œuvre son programme
gouvernemental, assure l’exécution des lois, dispose de l’administration, et supervise les établissements et les
entreprises publics et en assure la tutelle.

59
définissent en termes d’autoritarisme (A. Azzouzi, p. 112). En d’autres termes, la
réforme constitutionnelle entreprend un changement dans les modalités
d’exercice du pouvoir royal sans toucher à la nature du régime.
A- La fonction de chef de gouvernement
Dans cette nouvelle constitution, le chef du gouvernement est pleinement
responsable du cabinet qu’il préside, de l’administration publique et de la mise en
œuvre de la politique gouvernementale (art. 89). Selon l’article 47, le chef de
gouvernement est nommé par le roi, et le roi a l’obligation de le nommer au sein
du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la chambre des
représentants, et au vu de leurs résultats. Ce chef de gouvernement, selon l’article
104, peut dissoudre la chambre des représentants, par décret pris en conseil des
ministres. Il a aussi le pouvoir de nommer aux emplois civils dans les
administrations publiques et hautes fonctions des établissements et entreprises
publics (art. 91). Il peut aussi à sa demande réunir le conseil des ministres ou se
voir, sur la base d’un ordre du jour déterminé, déléguer (par le roi) la présidence
d’une réunion du même conseil (art. 48). Et selon l’article 92, le chef de
gouvernement peut délibérer avec ses collègues du gouvernement de la politique
générale de l’Etat avant sa présentation au conseil des ministres. Il délibère aussi
sur les politiques publiques, des politiques sectorielles, des projets de loi, des
décrets-lois, des conventions internationales, de la nomination des secrétaires
généraux.
B Le parlement
Il est resté bicaméral141 mais avec une priorité accordée à la chambre des
représentants. L’article 70 stipule que Le Parlement exerce le pouvoir législatif.
Il vote les lois142, contrôle l'action du gouvernement et évalue les politiques
publiques.

Ainsi, seule la chambre basse peut mettre en cause la responsabilité du


gouvernement par le vote d’une motion de censure (art. 105). La chambre des
conseillers, selon l’article 106, peut interpeller le gouvernement par le moyen
d’une motion d’interpellation signée par le cinquième au moins de ses membres

141
Selon l’article 60 : « La Chambre des Conseillers comprend au minimum 90 membres et au maximum 120,
élus au suffrage universel indirect pour six ans.
142Selon l’article 70 : « Une loi d'habilitation peut autoriser le gouvernement, pendant un délai limité et en
vue d'un objectif déterminé, à prendre par décrets des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les
décrets entrent en vigueur dès leur publication, mais ils doivent être soumis, au terme du délai fixé par la loi
d'habilitation, à la ratification du Parlement. La loi d'habilitation devient caduque en cas de dissolution des deux
Chambres du Parlement ou de l'une d'entre elles. »

60
et votée par la majorité absolue. Cette motion d’interpellation n’entraine pas la
chute du gouvernement, elle l’oblige seulement à répondre. Cette réponse est
suivie d’un débat sans vote.
Le rôle législatif du parlement s’élargit 143. L’article 78 stipule que les projets de
loi sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des Représentants.
Toutefois, les projets de loi relatifs notamment aux Collectivités territoriales, au
développement régional et aux affaires sociales sont déposés en priorité sur le
bureau de la Chambre des Conseillers. Et selon l’article 84 : « Tout projet ou
proposition de loi est examiné successivement par les deux Chambres du
Parlement pour parvenir à l'adoption d'un texte identique ».

143
Sont du domaine de la loi, outre les matières qui lui sont expressément dévolues par d'autres articles de la
Constitution :
- les libertés et droits fondamentaux prévus dans le préambule et dans d'autres articles de la présente
Constitution ;
- le statut de la famille et l'état civil ;
- les principes et règles du système de santé ;
- le régime des médias audiovisuels et de la presse sous toutes ses formes ;
- l’amnistie ;
- la nationalité et la condition des étrangers ;
- la détermination des infractions et des peines qui leur sont applicables ;
- l'organisation judiciaire et la création de nouvelles catégories de juridictions ;
- la procédure civile et la procédure pénale ;
- le régime pénitentiaire ;
- le statut général de la fonction publique ;
- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires ;
- le statut des services et forces de maintien de l'ordre ;
- le régime des collectivités territoriales, dont les principes de délimitation est de leur ressort territorial ;
- Le régime électoral des collectivités territoriales, dont les principes du découpage des circonscriptions
électorales ;
- le régime fiscal et l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impôts ;
- le régime juridique de l'émission de la monnaie et le statut de la banque centrale ;
- le régime des douanes ;
- le régime des obligations civiles et commerciales, le droit des sociétés et des coopératives ;
- les droits réels et les régimes des propriétés immobilières publiques, privées et collectives ;
- le régime des transports ;
- Les relations de travail, la sécurité sociale, les accidents de travail et les maladies professionnelles ;
- le régime des banques, des sociétés d'assurances et des mutuelles ;
- le régime des technologies de l'information et de la communication ;
- l'urbanisme et l'aménagement du territoire ;
- les règles relatives à la gestion de l'environnement, à la protection des ressources naturelles et au
développement durable ;
- le régime des eaux et forêts et de la pêche ;
- la détermination des orientations et de l'organisation générale de l'enseignement, de la recherche
scientifique et de la formation professionnelle ;
- la création des établissements publics et de toute autre personne morale de droit public ;
- la nationalisation d'entreprises et le régime des privatisations.

61
Et selon le même article, « la Chambre des Représentants délibère la première sur
les projets de loi et sur les propositions de loi initiées par ses membres, la Chambre
des Conseillers délibère en premier sur les propositions de loi initiées par ses
membres. Une Chambre saisie d'un texte voté par l'autre Chambre, délibère sur le
texte tel qu'il lui a été transmis. La Chambre des Représentants adopte en dernier
ressort le texte examiné. Le vote ne peut avoir lieu qu'à la majorité absolue des
membres présents, lorsqu'il s'agit d'un texte concernant les collectivités
territoriales et les domaines afférents au développement régional et aux affaires
sociales ».

Séparation des pouvoirs

Le régime constitutionnel marocain est fondé sur la séparation, l’équilibre et la


collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et
participative… (Titre I, art. 1). Mais cette séparation bute sur les dispositions de
l’article 42 (mentionné ci-dessous).

Et selon l’article 47, c’est le roi qui nomme le chef de gouvernement et les
membres du gouvernement. Le chef du gouvernement propose une liste de
candidats aux portefeuilles ministériels sans que le roi soit obligé de s’y tenir. Il
peut avoir des objections sur la liste proposée par le chef de gouvernement. C’est
aussi le roi qui préside le conseil des ministres selon l’article 48.

Les prérogatives du roi qui limitent ce principe de séparation des pouvoirs


s’étalent dans un certain nombre de textes. Ainsi, le Roi promulgue la loi dans les
trente jours qui suivent la transmission au gouvernement de la loi définitivement
adoptée (art. 50). Le Roi peut aussi dissoudre, par dahir, les deux Chambres du
Parlement ou l’une d’elles dans les conditions prévues aux articles 96, 97 et 98
(art.51). L’article 52 stipule que le Roi peut adresser des messages à la Nation et
au Parlement. Les messages sont lus devant l’une et l’autre Chambre et ne peuvent
y faire l’objet d’aucun débat.

Quant à l’article 53, il prévoit que le Roi est le Chef Suprême des Forces Armées
Royales. Il nomme aux emplois militaires et peut déléguer ce droit. Le Roi préside
le Conseil de sécurité144 (art. 54) et peut déléguer au Chef du Gouvernement la
présidence d’une réunion du Conseil, sur la base d’un ordre du jour déterminé. Le

144
Il est créé un Conseil Supérieur de Sécurité, en tant qu’instance de concertation sur les stratégies de sécurité
intérieure et extérieure du pays, et de gestion des situations de crise, qui veille également à l’institutionnalisation
des normes d’une bonne gouvernance sécuritaire.

62
règlement intérieur du Conseil145 fixe les règles de son organisation et de son
fonctionnement.

Sur le plan de la diplomatie, le Roi accrédite les ambassadeurs auprès des


puissances étrangères et des organismes internationaux. Les ambassadeurs ou les
représentants des organismes internationaux sont accrédités auprès de Lui. Il signe
et ratifie les traités (art. 55).

Les pouvoir du Roi s’étendent au pouvoir judiciaire. Ainsi, selon l’article 56, le
Roi préside le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. La nomination des
magistrats est aussi de son ressort. L’article 57 dispose que le Roi approuve par
dahir la nomination des magistrats par le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.
Le Roi exerce aussi le droit de grâce conformément aux dispositions de l’article
58. Quant à la cour constitutionnelle, l’article 130 prévoit : La Cour Constitutionnelle
est composée de douze membres nommés pour un mandat de neuf ans non renouvelable. Six
membres (sur douze) sont désignés par le Roi. Le même article prévoit la désignation du
président de cette cour par le roi.

C- L’opposition parlementaire

La Constitution garantit à l’opposition parlementaire un statut lui conférant des


droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses missions
afférentes au travail parlementaire et à la vie politique. L’article 10 de la
constitution stipule que l’opposition bénéficie des garanties suivantes :

- la liberté d’opinion, d’expression et de réunion,

145
Le Conseil Supérieur de Sécurité comprend, outre le Chef du Gouvernement, le président de la Chambre des
Représentants, le président de la Chambre des Conseillers, le président-délégué du Conseil Supérieur du pouvoir
Judiciaire et les ministres chargés de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de la Justice et de l’administration de la
Défense nationale, ainsi que les responsables des administrations compétentes en matière sécuritaire, des
officiers supérieurs des Forces Armées Royales et toute autre personnalité dont la présence est utile aux travaux
dudit Conseil.

63
- un temps d’antenne au niveau des médias officiels, proportionnel à leur représentativité,

- le bénéfice du financement public, conformément aux dispositions de la loi,

- la participation effective à la procédure législative, notamment par l’inscription de


propositions de lois à l’ordre du jour des deux Chambres du Parlement,

- la participation effective au contrôle du travail gouvernemental, à travers notamment les


motions de censure et l’interpellation du Gouvernement, ainsi que des questions orales
adressées au Gouvernement et dans le cadre des commissions d’enquête parlementaires,

- la contribution à la proposition et à l’élection des membres à élire à la Cour


Constitutionnelle,

- une représentation appropriée aux activités internes des deux Chambres du Parlement,

- la présidence de la commission en charge de la législation à la Chambre des Représentants,

- disposer de moyens appropriés pour assurer ses fonctions institutionnelles,

- la participation active à la diplomatie parlementaire en vue de la défense des justes causes


de la Nation et de ses intérêts vitaux,

- la contribution à l’encadrement et à la représentation des citoyennes et des citoyens à travers


les partis politiques qui la forment et ce, conformément aux dispositions de l’article 7 de la
présente Constitution,

- l’exercice du pouvoir aux plans local, régional et national, à travers l’alternance


démocratique, et dans le cadre des dispositions de la présente Constitution.

Les groupes de l’opposition sont tenus d’apporter une contribution active et


constructive au travail parlementaire. Les modalités d’exercice par les groupes de
l’opposition des droits susvisés sont fixées, selon le cas, par des lois organiques
ou des lois ou encore, par le règlement intérieur de chaque Chambre du parlement.

D- Droits de l’homme et Société civile

Dans le contexte des révolutions démocratiques (arabes), la première des


revendications portait sur la protection des droits de l’homme qui furent bafoués
pendant longtemps. C’est ainsi que la constitution marocaine s’est orientée à
proclamer la protection des droits et libertés. Elle a prévu une certains nombre de
mécanismes de recours pour les citoyens. La société civile est corrélée avec cette
tendance de protection des droits de l’homme.

64
Ainsi l’article 23, dispose que : « nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné
en dehors des cas et des formes prévus par la loi. La détention arbitraire ou secrète et la
disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et exposent leurs auteurs aux
punitions les plus sévères. Toute personne détenue doit être informée immédiatement, d’une
façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de
garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance juridique et de la possibilité
de communication avec ses proches, conformément à la loi. »

Et dans son al. 2, le même article dispose : « La présomption d’innocence et le droit à


un procès équitable sont garantis. Toute personne détenue jouit de droits fondamentaux et de
conditions de détention humaines. Elle peut bénéficier de programmes de formation et de
réinsertion. Est proscrite toute incitation au racisme, à la haine et à la violence. Le génocide,
les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et toutes les violations graves et
systématiques des droits de l’Homme sont punis par la loi. »

A ces droits fondamentaux, s’ajoutent des droits économiques et sociaux qui sont
mentionnés dans la constitution (art. 31) et que l’Etat, les établissements publics
et les collectivités locales sont amenés à satisfaire. Ils portent sur des droits 146 :

- aux soins de santé,


- à la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité mutualiste
ou organisée par l’Etat,
- à une éducation moderne, accessible et de qualité,
- à l’éducation sur l’attachement à l’identité marocaine et aux constantes
nationales immuables,
- à la formation professionnelle et à l’éducation physique et artistique,
- à un logement décent,
- au travail et à l’appui des pouvoirs publics en matière de recherche d’emploi
ou d’auto-emploi,
- à l’accès aux fonctions publiques selon le mérite,
- à l’accès à l’eau et à un environnement sain,
- au développement durable.

La constitution prévoit aussi la mise en place d’un certain nombre de mécanismes


de nature à renforcer la protection de ces droits. Ainsi en est-il le cas de l’article
161 qui prévoit la mise en place d’un Conseil national des droits de l’Homme.

146
L’article 27 prévoit aussi que : « les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue
par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public. Le
droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne
la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir
l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines
expressément déterminés par la loi .»

65
Ce dernier « est une institution nationale pluraliste et indépendante, chargée de connaître de
toutes les questions relatives à la défense et à la protection des droits de l’Homme et des
libertés, à la garantie de leur plein exercice et à leur promotion, ainsi qu’à la préservation de
la dignité, des droits et des libertés individuelles et collectives des citoyennes et citoyens, et ce,
dans le strict respect des référentiels nationaux et universels en la matière. » A cette
institution constitutionnelle s’ajoute une autre qui va œuvrer dans le sens de la
protection des citoyens de l’abus et de déni de justice, à savoir l’institution du
médiateur. Cette dernière est, selon l’article 162, « est une institution nationale
indépendante et spécialisée qui a pour mission, dans le cadre des rapports entre
l’administration et les usagers, de défendre les droits, de contribuer à renforcer la primauté de
la loi et à diffuser les principes de justice et d’équité, et les valeurs de moralisation et de
transparence dans la gestion des administrations, des établissements publics, des collectivités
territoriales et des organismes dotés de prérogatives de la puissance publique ».

Dans ce sens aussi, il est à souligner le rôle de la Cour constitutionnelle en matière


de protection des droits, car l’article 133 stipule « La Cour Constitutionnelle est
compétente pour connaître d’une exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un
procès, lorsqu’il est soutenu par l’une des parties que la loi dont dépend l’issue du litige, porte
atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution 147.»

Il faudrait souligner aussi que la protection des droits de l’homme est tributaire
du fonctionnement de la justice. Celle-ci connait un quasi chaos indescriptible.
C’est pourquoi sa réforme devient une urgence nationale. C’est pourquoi aussi la
constitution prévoit, dans son article 107, l’autonomie du pouvoir judiciaire. Elle
ajoute, dans son article 109 : « Est proscrite toute intervention dans les affaires soumises
à la justice. Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d’injonction ou instruction,
ni être soumis à une quelconque pression. Chaque fois qu’il estime que son indépendance est
menacée, le juge doit en saisir le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.

Tout manquement de la part du juge à ses devoirs d’indépendance et d’impartialité, constitue


une faute professionnelle grave….

La loi sanctionne toute personne qui tente d’influencer le juge de manière illicite. »

Quant au chapitre de l’élargissement de la participation des citoyens aux affaires


(qui relève aussi indirectement du volet des droits de l’homme), la constitution
prévoit dans son article 14 que « les citoyennes et les citoyens disposent, dans les
conditions et les modalités fixées par une loi organique, du droit de présenter des propositions
en matière législative. Un ou plusieurs groupes de la Chambre parlementaire concernée peut
parrainer ces motions et les traduire en propositions de loi, ou interpeller le gouvernement
dans le cadre des prérogatives conférées au Parlement ». Et, dans son article 15, elle

147
Une loi organique fixe les conditions et modalités d’application du présent article.

66
ajoute que « Les citoyennes et les citoyens disposent du droit de présenter des pétitions aux
pouvoirs publics. Une loi organique détermine les conditions et les modalités d’exercice de ce
droit ». Ce qui est envisagé dans cette nouvelle orientation constitutionnelle, c’est
d’associer l’opinion publique, comme force de proposition, à la décision.

E- Cour constitutionnelle

Dans cette constitution, une cour constitutionnelle est instituée148 (12 membres)
conformément à l’article 129. Et malgré sa composition qui privilégie le pouvoir
du roi qui nomme six de ses membres dont le Président, cette cour est censée être
impartiale du fait de la qualité des compétences qu’elle est censée réunir ( ses
membres sont choisis « parmi les personnalités disposant d’une haute formation dans le
domaine juridique et d’une compétence judiciaire, doctrinale ou administrative, ayant exercé
leur profession depuis plus de quinze ans, et reconnues pour leur impartialité et leur probité »
dit l’article 130, al.4.

I- La régionalisation élargie

Aussi, dans la constitution de 2012, est-elle instituée une régionalisation élargie


(Titre IX). L’article 135 en fait ainsi une nouvelle option de la démocratie locale
lorsqu’il prévoit : « Les collectivités territoriales du Royaume sont les régions, les
préfectures, les provinces et les communes. Elles constituent des personnes morales de droit
public et gèrent démocratiquement leurs affaires. Les Conseils des régions et des communes
sont élus au suffrage universel direct… ». L’objectif déclaré de cette régionalisation est
de faire impliquer le citoyen dans la gestion et le développement locaux. Ce
faisant, l’article 131 dispose que : « l’organisation territoriale du Royaume repose sur les
principes de libre administration, de coopération et de solidarité. Elle assure la participation des
populations concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au
développement humain intégré et durable149 ».

Bibliographie :

148
Une loi organique détermine les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, ainsi
que la procédure qui est suivie devant elle et la situation de ses membres (art. 131 de la constitution).

149
Selon l’article 139, des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les
Conseils des régions et les Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyennes
et des citoyens, et des associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement. Les
citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l’inscription
à l’ordre du jour du Conseil, d’une question relevant de sa compétence. L’article 140 dispose que : « sur la base
du principe de subsidiarité, les collectivités territoriales ont des compétences propres, des compétences
partagées avec l’Etat et celles qui leur sont transférables par ce dernier. Les régions et les autres collectivités
territoriales disposent, dans leurs domaines de compétence respectifs et dans leur sort territorial, d’un pouvoir
réglementaire pour l’exercice de leurs attributions ».

67
- Ph. Lauvaux, Les grandes démocraties contemporaines, éd. PUF, 1998
- Y. Mény, Le système politique français, éd. Monchrestien, 1993
- J.J. Chevalier, Histoire des institutions et des régimes politiques de la
France moderne, éd. Dalloz, 1985
- J. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, éd.
Monchrestien, 2005
- J.L. Quermone, les régimes politiques occidentaux, éd. du seuil, 2006
- Maurice Flory et autres, Les régimes politiques arabes, éd. Puf, 1992
- A. Menouni, Institutions politiques et droit constitutionnel, Toubkal, 1991

68

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