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Lymphadénectomie lomboaortique
par laparotomie
C. Uzan, S. Gouy, P. Morice
La lymphadénectomie, ou curage lomboaortique (LLA), est une technique visant à retirer les tissus
ganglionnaires en latérocave, précave, inter-aortico-cave, préaortique, latéroaortique sus- et sous-
mésentérique et au niveau du promontoire. Dans de nombreux cas, cette intervention peut être réalisée si
les conditions spécifiques de la patiente le permettent par cœlioscopie (restadification des cancers de
l’ovaire de stade précoce, stadification préthérapeutique dans les cancers du col). Toutefois, en cas de
carcinose, si ce geste est indiqué, le standard demeure la laparotomie. En gynécologie, en l’absence de
contre-indications liées aux caractéristiques propres des patientes, elle est indiquée dans les cancers de
l’ovaire de stade précoce (sauf pour les tumeurs mucineuses) et de stade avancé, dans la stadification des
cancers du col (par cœlioscopie), dans certains cancers de l’endomètre à risque d’extension
lomboaortique. Cette chirurgie nécessite une certaine technicité, surtout en cas d’adénopathies
volumineuses ou fixées, avec une équipe soignante et anesthésique entraînée pour gérer d’éventuels
risques vasculaires.
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Mots clés : Lymphadénectomie lomboaortique ; Laparotomie ; Veine rénale gauche ; Cancer de l’ovaire ;
Artère mésentérique inférieure
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très rares. Dans 12 % des cas, cette atteinte ganglionnaire est cas de métastase pelvienne, le risque d’atteinte lomboaortique
isolée sans atteinte cytologique ou histologique du péritoine [1]. est de 25 %, ce qui justifie la réalisation de la LLA, possible par
De plus, les examens radiologiques (scanner, imagerie par cœlioscopie [15]. Ainsi, tout l’enjeu de cette chirurgie ganglion-
résonance magnétique [IRM] ou tomographie par émission de naire pelvienne est de ne pas méconnaitre les patientes avec
positons [PET]-scan) ou la palpation peropératoire ne permettent métastase ganglionnaire. Un des éléments essentiel de cette
pas de définir avec fiabilité le statut ganglionnaire. stratégie est l’examen extemporané, dont la pertinence est
Lorsque le diagnostic de tumeur maligne de l’ovaire est posé directement liée à l’anatomopathologiste avec, selon Fanfani,
au moment de l’examen histologique définitif, après une une sensibilité de 83 % pour un anatomopathologiste spécia-
intervention (souvent laparoscopique) pour une tumeur ova- liste, contre 52 % pour un anatomopathologiste généraliste [16].
rienne non ou peu suspecte lors du bilan pré- et peropératoire, Pour les tumeurs du col de plus de 4 cm (supérieur à
la chirurgie initiale a été le plus souvent carcinologiquement IB2 selon la classification de la FIGO), le standard est un
incomplète (ovariectomie ou annexectomie seule). Une chirur- traitement par radiochimiothérapie concomitante, suivie d’une
gie de complément, dite « de restadification », doit être impéra- curiethérapie utérovaginale, de nombreuses études ayant
tivement réalisée afin d’effectuer les gestes d’exérèse nécessaires démontré la supériorité de cette prise en charge par rapport à
à une stadification fiable. une radiothérapie seule [17]. Le lieu de prédilection des atteintes
Cette intervention est indispensable, car il existe une sur- ganglionnaires en lomboaortique est au niveau latéroaortique
stadification chez 25 % à 35 % après cette chirurgie de (72 % des atteintes), alors que les atteintes au niveau latérocave
restadification [2-4]. Ce changement de stade peut est liée à la sont rares (5 %) [18]. En cas de métastases au niveau lomboaor-
découverte d’une atteinte extraovarienne histologique non tique, le pronostic est très péjoratif : la survie globale est de
décelable lors de l’examen macroscopique : atteinte ganglion- 28 % à 3 ans et la survie sans récidive de 15 % dans les stades
naire ou, le plus souvent, atteinte péritonéale et/ou épiploïque. IB2-II. Pour les mêmes stades sans atteinte lomboaortique, ces
Ce changement de stade est fondamental, car il peut modifier survies s’élèvent à 88 % et 74 % respectivement [19].
le traitement post-chirurgical et impliquer la réalisation d’une Lorsqu’il existe une atteinte en lomboaortique, le champ
chimiothérapie adjuvante qui n’aurait pas été administrée en d’irradiation est étendu en lomboaortique [20]. Toutefois, cette
l’absence de stadification correcte (25 % dans la série de irradiation en lomboaortique ne peut être systématique pour
Leblanc) [4, 5]. tous les cancers du col localement avancés, car elle n’est pas
Lors de la réintervention chirurgicale de restadification, une exempte de morbidité, notamment en cas d’antécédent de
cytologie péritonéale, une omentectomie, une appendicectomie, laparotomie. Le taux de toxicité radique de grade 4 ou 5 est
des biopsies péritonéales, une lymphadénectomie pelvienne et multiplié par deux en cas d’irradiation lomboaortique (8 %
lomboaortique et, éventuellement, une hystérectomie avec versus 4 % en cas d’irradiation pelvienne isolée), ce taux
annexectomie controlatérale doivent être réalisées. Ces diffé- s’élevant à 11 % en cas de chirurgie abdominale antérieure [20].
rents gestes peuvent être réalisés par cœlioscopie si la tumeur Ces complications sont difficiles à prendre en charge, avec une
paraît a priori limitée à l’ovaire ou par laparotomie. La laparo- mortalité non négligeable. Comme une large partie des patien-
tomie est préférée s’il existe une ascite et/ou une tumeur de tes n’a pas de métastases en dehors du champ d’irradiation
stade initial supérieur ou égal à IC. pelvien, le risque de surtraiter des patientes non métastatiques
Pour les tumeurs ovariennes de stade avancé, le taux d’enva- en lomboaortique prime sur les avantages d’étendre systémati-
hissement ganglionnaire varie de 25 % à 50 % [6-8] dans les quement l’irradiation en lomboaortique pour une minorité de
stades II et atteint 50 % à 70 % dans les stades III. La LLA, patientes métastatiques en lomboaortique.
considérée comme partie intégrante de la chirurgie de réduction L’idéal serait de disposer d’un moyen moins invasif pour
tumorale, doit être réalisée chez les patientes ayant eu une déterminer le statut ganglionnaire en lomboaortique pour les
résection complète de leur maladie péritonéale [9, 10]. En effet, lésions de plus de 4 cm. Le scanner et l’IRM ont une sensibilité
en cas de résidu tumoral macroscopique péritonéal résiduel, la insuffisante pour dépister les atteintes ganglionnaires, surtout si
réalisation de cette chirurgie ganglionnaire devient caduque, car elles sont infracentimétriques. De nombreuses métastases
l’événement carcinologique qui domine alors est celui de la ganglionnaires sont inférieures à 1 cm et sont donc méconnues
récidive péritonéale. Si, aux vues des taux d’envahissement par le bilan d’imagerie classique préthérapeutique des cancers
ganglionnaire et de l’impact pronostique majeur de la résection du col. Le PET-scan est plus performant que l’IRM pour dépister
complète des lésions dans le cancer de l’ovaire, le curage parait ces lésions [21]. Cependant, n’ayant pas une sensibilité parfaite,
logique dans les stades avancés, on ne dispose pas d’études il ne peut à lui seul remplacer une étude anatomopathologique.
randomisées démontrant l’impact en survie globale du curage Dans une étude rétrospective réalisée à l’Institut Gustave Roussy,
dans les cancers de l’ovaire de stade avancé. Panici et al. [11] ont le taux de faux négatifs du PET-scan au niveau lomboaortique
retrouvé une amélioration de la survie sans récidive, mais pas de sur des lésions IB2-II était de 8 % (métastases histologiquement
la survie globale en cas de curage. Dubois et al., en combinant prouvées) [22]. Comme on ne dispose pas d’un mode d’imagerie
différent essais randomisés, confirment le probable impact suffisamment performant pour prédire l’atteinte ganglionnaire
positif des curages [12] . D’autres études randomisées pour lomboaortique infracentimétrique, de nombreuses équipes
confirmer l’impact en survie sont en cours [13]. proposent une stadification préthérapeutique lomboaortique
Dans les récidives isolées ganglionnaires de cancer de l’ovaire, pour les lésions de plus de 4 cm par cœlioscopie pour adapter
la patiente peut bénéficier de curage suivis d’une chimiothéra- le champ d’irradiation. Cette attitude permet d’éviter de
pie. En cas de carcinose, le pronostic est lié à la possibilité de surtraiter les patientes indemnes de lésions en dehors du pelvis
retirer toutes les lésions péritonéales et un geste ganglionnaire et de ne pas sous-traiter les patientes avec métastases de petites
n’est réalisé qu’en cas de lésion palpable ou si les curages n’ont tailles en lomboaortique. Selon les équipes, cette cœlioscopie est
pas été réalisés initialement. réalisée par voie transpéritonéale ou par voie rétropéritonéale.
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■ Anatomie (Fig. 1) l’utilité de leur ablation n’a jamais été démontrée et où le risque
de blessure de la citerne de Pecquet, générateur de lymphocèle
La LLA consiste à disséquer complètement une zone limitée importante, en est augmenté.
par les uretères lombaires latéralement et par la bifurcation À mi-hauteur de la dissection, naît l’artère mésentérique
aortique en bas, en remontant jusqu’à la veine rénale gauche. inférieure. Bien que cela soit discuté par certains, une majorité
En profondeur, l’ablation des ganglions rétrovasculaires, d’auteurs recommandent, au vu des modes de dissémination des
rétrocaves et rétroaortiques est discutée, dans la mesure où cancers gynécologiques, de réaliser un curage sus- et sous-
mésentérique. Les différentes aires à traiter sont définies par la
disposition vasculaire (Fig. 2) : latéralement à l’aorte, l’aire
latéroaortique ; en avant de l’aorte, l’aire préaortique ; entre
aorte et veine cave inférieure (VCI), l’aire inter-aortico-cave ;
latéralement à la VCI, l’aire latérocave. Les ganglions inter-
aortico-caves et latéroaortiques sont répartis en deux couches,
l’une superficielle et l’autre profonde (au contact des vaisseaux
lombaires et des chaines sympathiques, qu’il convient de
préserver). La crosse de l’azygolombaire peut être très délicate à
contrôler en cas de plaie ; elle se jette le plus souvent dans la
veine rénale gauche à côté de la veine ovarienne gauche, mais
elle peut aussi se jeter directement dans cette dernière ou ne pas
être visualisée dans le champ de dissection. La dissection peut
être rendue délicate par des antécédents chirurgicaux rétropéri-
tonéaux inducteurs de fibrose, par une pathologie aortique
(anévrisme). Les variations anatomiques sont nombreuses dans
cette région et peuvent être source de plaie vasculaire si elles
sont méconnues lors de la dissection. Les plus fréquentes sont
les suivantes : artères rénales polaires inférieures (Fig. 3), reins
ou artères rénales ectopiques (Fig. 4), veine cave double (Fig. 5),
veine rénale gauche rétroaortique. L’artère rénale droite,
habituellement plus haute que la veine rénale gauche, peut être
plus basse (Fig. 6) ; il faut alors prendre garde de la léser en
libérant la partie inférieure de la veine rénale gauche. De même,
l’artère rénale gauche peut être plus basse que la veine rénale
gauche. Malgré une étude soigneuse du scanner préopératoire,
beaucoup de ces variations sont de découverte peropératoire ; il
convient donc de disséquer avec prudence. Il faut toujours
Figure 1. Voies lymphatiques principales. 1. Canal thoracique ; 2. veine
tenter de préserver les artères polaires inférieures car, si elles
sous-clavière ; 3. canaux intercostaux ; 4. citerne de Pecquet.
sont lésées, elles peuvent conduire à une ischémie partielle du
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Figure 3. Artère rénale polaire inférieure droite (ou pourrait être une Figure 5. Veine cave double.
artère rénale droite très basse).
Figure 6. Artère rénale droite plus basse que la veine rénale gauche.
Figure 4. Artère rénale ectopique (ici trois artères rénales).
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Figure 9. Amorce du décollement colique droit, incision du péritoine
de la gouttière pariétocolique droite, en prenant soin de ne pas dévier
en arrière du rein.
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Figure 12. Les anses sont réclinées et maintenues hors du champ Figure 14. Curage ganglionnaire interaorticocave, en prenant garde
opératoire par deux valves de Leriche (les anses grêles peuvent être aux pédicules lombaires.
entourées d’un grand champ bleu régulièrement humidifié) ; dissection
de la veine rénale gauche et de la terminaison de la veine ovarienne
gauche qui s’y abouche.
et à sa face antérieure. L’exérèse des ganglions inter-aortico-caves
se fait de bas en haut. Il est parfois nécessaire d’utiliser un
écarteur de Papin pour récliner les gros vaisseaux. La partie haute
de cette lame contient la citerne de Pecquet, ainsi que de
nombreux lymphatiques et de volumineux ganglions. L’utilisa-
tion de clips métalliques permet d’assurer une lymphostase
correcte. Une autre alternative pour traiter ces canaux lymphati-
ques est d’utiliser les techniques de coagulation ou de thermofu-
sion avec les nouvelles énergies, qui semblent parfaitement
adaptées à ce temps.
La lame inter-aortico-cave est ensuite séparée du plan posté-
rieur, constitué par l’aponévrose prévertébrale. Il faut éviter de
blesser les vaisseaux lombaires situés transversalement sur le
plan postérieur (Fig. 14).
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Figure 19. Vue en fin de curage. 1. Veine rénale gauche ; 2. veine ■ Conclusion
ovarienne gauche liée sous la naissance de l’azygolombaire ; 3. crosse de
l’azygolombaire (naissant dans ce cas de la veine ovarienne gauche) ; La LLA est une chirurgie qui nécessite un opérateur entraîné,
4. aorte ; 5. veine lombaire (danger lors du curage inter-aortico-cave) ; une bonne exposition et une capacité à contrôler des gestes
6. veine cave inférieure ; 7. artère mésentérique inférieure ; 8. bifurcation vasculaires de base. Si ces conditions sont remplies, cette
aortique ; 9. veine iliaque primitive gauche (danger lors du curage du chirurgie peut être réalisée avec un taux limité de complica-
promontoire) ; 10. uretère gauche. tions. Ses indications, qui doivent toujours être pesées et mises
en balance avec les morbidités de la patiente, ne doivent pas
être limitées par le manque d’expérience de l’opérateur.
plaie, une suture par points séparés (avec quelques points de fil
adapté,par exemple PDS ® 4/0) sous couvert d’une pose de
sonde JJ est à réaliser.
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C. Uzan (catherine.uzan@igr.fr).
Département de chirurgie, Institut Gustave Roussy, 114, rue Edouard-Vaillant, 94805 Villejuif, France.
S. Gouy.
P. Morice.
Service de chirurgie gynécologique, Institut Gustave Roussy, 35, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Uzan C., Gouy S., Morice P. Lymphadénectomie lomboaortique par laparotomie. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Gynécologie, 41-734-D, 2011.
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