Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
Le cheval pourrait avoir eu très tôt une place symbolique de premier plan
puisqu'il est l'animal le plus représenté dans l'art préhistorique1, privilégié
depuis le XXXVe millénaire av. J.-C., bien avant sa domestication2. Représenter
le cheval davantage que d'autres animaux tout aussi (sinon plus) abondants
était déjà un choix pour les hommes préhistoriques. En l'absence de preuves
concrètes expliquant ce choix, toutes les interprétations restent possibles, du
symbole de pouvoir3 (selon l'exposition Le cheval, symbole de pouvoirs dans
l’Europe préhistorique) à l'animal chamanique (selon la théorie de Jean Clottes
reprise par Marc-André Wagner). Le cheval devient aussi un ancêtre
totémique, plus ou moins divinisé4.
La domestication
Poneys konik, race que l'on croit très proche des premiers chevaux
domestiqués.
Le mythe du centaure
Statue de centaure à Hambourg.
Évolution du symbolisme
Patrice Franchet d’Espèrey relève qu'au début du XXIe siècle, l’équitation a fait
du cheval l'incarnation des voyages dans les grands espaces, de la maîtrise de
soi, de la maîtrise de l’autre et de la communication avec la nature29.
Le véhicule
Victor Hugo, Au
cheval
Traverse tout,
enfers, tombeaux,
Précipices, néants,
mensonges,
Et qu’on entende tes
sabots
Sonner sur le
plafond des
songes30.
Odin et Sleipnir, dessin de John Bauer, 1911. Sleipnir est un passeur de
mondes et un psychopompe dans la mythologie nordique.
Chamanisme
Rites et possessions
Une métamorphose rituelle de l'homme en cheval se retrouve dans des rites
initiatiques incluant des possessions. L'homme qui s'abandonne à un esprit
supérieur peut être possédé par une entité démoniaque ou positive, le
« cheval » étant le canal qui leur permet de s'exprimer45. Le Vaudou d'Haïti,
du Brésil et d'Afrique, l'Égypte jusqu'au début du XXe siècle, ainsi que
l'Abyssinie sont concernés. Le possédé est chevauché par des esprits, puis
dirigé par leur volonté49. Les adeptes des Mystères de Dionysos, en Asie
mineure, étaient symboliquement chevauchés par leurs dieux50. Ces
possessions se retrouvent peut-être dans l'ancienne Chine, où les nouveaux
initiés portaient le nom de « jeunes chevaux » tandis que le nom de
« marchands de chevaux » désignait les initiateurs45, comme les propagateurs
du taoïsme et de l'amidisme51. L'organisation d'une réunion initiatique est
nommée « lâcher de chevaux »45.
Hippomancie
En tant qu'intermédiaire entre les dieux et les hommes chargé de porter les
messages divins, le cheval s'est vu confier un rôle d'oracle ou de devin52,
notamment chez les Perses et les Celtes de l'Antiquité. Il peut être présage de
triomphe, de guerre, ou encore de mort45 : selon le grec Artémidore de Daldis,
rêver du cheval pendant une maladie annonce un décès prochain.
Du chamanisme à la sorcellerie
Cheval chtonien
Offrande funéraire
Le cheval est enterré, sellé et bridé, aux côtés de son maître, afin d'assurer ce
rôle de psychopompe dans les régions de l’Altaï43, chez les Avars, les
Lombards, les Sarmates, les Huns76, les Scythes, les Germains70, et bon
nombre de civilisations asiatiques primitives, où cet enterrement est précédé
d'un sacrifice rituel. La mythologie grecque rapporte, dans L'Iliade, qu'Achille
sacrifie quatre chevaux sur le bûcher funéraire où son ami Patrocle se
consume, afin qu'ils puissent le guider vers le royaume d'Hadès77. Les Francs,
qui voient surtout le cheval comme un animal guerrier, sacrifient aussi celui
du roi pour l'enterrer à ses côtés78,79. Ces sacrifices rituels sont parfois
précédés d'une course de chevaux80.
Chasses fantastiques
Anthropophagie
Cavaliers de l'Apocalypse
L'une des représentations maléfiques du cheval les plus connues est celle des
Quatre Cavaliers de l'Apocalypse, dans la Bible. Les couleurs des chevaux sont
le blanc, le rouge feu, le noir et le vert pâle. Leurs cavaliers ont pour mission
d'exterminer par la conquête, par la guerre, par la faim et par la maladie89. De
nombreuses interprétations de ce passage ont été proposées, dont le fait que
les chevaux représenteraient les quatre éléments, dans l'ordre : l'air, le feu,
la terre et l'eau90.
Association au Diable
Gravure sur bois représentant Orobas dans le Dictionnaire infernal, 1863.
Chevaux de cauchemar
Animal de guerre
Symbole royal
Le lien entre le cheval et la royauté existe dans de nombreuses civilisations,
notamment chez les Perses118. Certains mythes comme celui d'Hippodamie,
en Grèce antique, font du cheval un moyen d'accession au mariage royal111.
Un rite d’intronisation irlandais consistait à sacrifier une jument blanche, la
faire bouillir, et à partager sa chair dans un banquet. Le prétendant au trône
devait ensuite se baigner dans le bouillon de l'animal et en ressortait investi
de pouvoirs secrets. La jument sacrifiée symbolise ici la terre, et le roi le ciel119.
Les oreilles de cheval du roi Marc'h, souvent assimilées à une marque animale
honteuse dans les plus anciennes interprétations, sont plus probablement une
marque de royauté légitimant la fonction du souverain dans la société
celtique120.
Compagnon d'aventures
Sherwood Anderson
décrivant le western
Donnez-moi un
cheval rapide, un
bandit de sac et de
corde, une femme
merveilleuse et
d'immenses espaces
pour galoper.
J'emplirai vos yeux
de tant de poussière
Le western véhicule l'image du cheval compagnon et de fumée de
d'aventures. Ici, un cow-boy texan vu par Stanley poudre que vous ne
L. Wood. penserez plus ni à
vous-mêmes ni au
Enfourcher sa monture, tant dans la littérature monde
qu'au cinéma, est souvent vu comme le point de environnant125.
départ pour l'aventure. C'est le cas dans les
romans de Chrétien de Troyes126 : Erec, par exemple, choisit un cheval et une
épée en « suivant un élan créatif qui le mène vers sa propre réalisation » et
entame ainsi sa quête initiatique vers le pouvoir et la pureté127. L'image du
chevalier errant, recherchant l'aventure et les hauts faits en parcourant le
monde à cheval, y est étroitement liée128.
La plupart des épopées font du cheval l'allié fidèle et dévoué du héros qu'il
assiste quels que soient les dangers. Bayard, cheval-fée donné à Renaud de
MontaubanNote 5, demeure ainsi son fidèle protecteur et allié même lorsque
Renaud le trahit en le livrant à Charlemagne, qui ordonne ensuite de le noyer.
Dans les contes, le cheval n'est jamais le héros de l'histoire, même lorsqu'il
donne son nom au conte comme cela peut être le cas avec Le Petit Cheval
bossu. À l'inverse d'autres animaux des contes qui ne sont que des « masques
des faiblesses humaines », les pouvoirs du cheval paraissent illimités et sa
loyauté envers son maître est toujours sans failles129.
Fécondité et sexualité
Rites de fécondité
La viande d'un cheval sacrifié dans le cadre de ces rituels était parfois
consommée, et supposée transmettre les forces de l'animal35. Le Völsa þáttr,
où un couple de fermiers païens gardent le pénis d'un cheval en le considérant
comme un dieu, témoigne de ces « pratiques rituelles fort anciennes140 », et
souligne le caractère sacré du cheval141.
Un couple de centaures dans les bois par Heinrich Wilhelm Trübner, 1878,
collection privée.
Paul Diel parle du cheval comme d'un symbole de « l'impétuosité du désir »142,
et de nombreux textes, notamment les épopées grecques, content comment
des dieux se changent en chevaux pour s'accoupler143. Dans l’épopée
finlandaise Kalevala, Lemminkäinen interrompt une réunion de jeunes filles,
monté sur son coursier, et enlève Kylliki. Pour Henri Gougaud, le cheval
symbolise là « l’énergie sexuelle libérée sans contrainte »16. Carl Jung lie le
Diable dans son rôle de dieu jetant l'éclair (« le pied de cheval ») au rôle sexuel
et fécondant de l'animal : l’orage féconde la terre et l’éclair revêt un sens
phallique, faisant du pied de cheval « le dispensateur du liquide fécondant »,
et du cheval un animal priapique dont les empreintes de sabots « sont des
idoles qui dispensent bénédiction et abondance, fondent la propriété et servent
à établir les frontières ». Ce symbolisme se retrouve dans le fer à cheval porte-
bonheur98.
Certains poètes utilisent le mot « pouliche » pour désigner une jeune femme
fougueuse146. D'après Jean-Paul Clébert, le cheval blanc joue un rôle érotique
dans les mythes relatant des enlèvements, des rapts et des viols de femmes
étrangères147. L'hippomane, structure flottante trouvée dans le liquide
amniotique des juments, s'est longtemps vu attribuer des vertus
aphrodisiaques bien qu'il ne possède aucune propriété particulière148.
Pédérastie
Viol
Tout comme le satyre, le centaure est réputé pour son appétit sexuel
insatiable, allant jusqu'à enlever des femmes pour les violer 151. En raison de
sa proximité symbolique (érotisme, peur du piétinement et de la morsure152)
mais aussi étymologique avec le cauchemar, le cheval est considéré comme
un animal incube dans bon nombre de pays153, c'est-à-dire un violeur de
femmes. Cette perception est évidente dans Le Cauchemar de Füssli, où « le
cheval vient du dehors et force l'espace intérieur ». La simple présence de sa
tête et de son cou entre les rideaux symbolise le viol, tandis que son corps
demeure à l'extérieur, dans la nuit154. Carl Jung rapporte le cas d'une femme
que son mari avait très brutalement prise par derrière, et qui rêvait souvent
« qu’un cheval furieux sautait sur elle, lui piétinant le ventre de ses pattes de
derrière »21.
L'eau
Des quatre éléments, l'eau est celui que l'on retrouve le plus souvent associé
au cheval160, que l'animal soit assimilé à une créature aquatique, qu'il soit lié
à des êtres féeriques comme les kappa du Japon, ou qu'il soit monture de
divinités des eaux. Il peut naitre lui-même de l'eau ou bien la faire jaillir sur
son passage. Cette association peut relever autant de l'aspect positif et
fécondant de l'eau que de ses aspects dangereux161.
Le mythe le plus fréquent est celui du cheval qui révèle l'eau, tel Pégase faisant
jaillir la source Hippocrène, le cheval sourcier du dieu Balder selon le folklore
scandinave, le cheval blanc de Charlemagne creusant une source pour
désaltérer les soldats en campagne, la jument de Bertrand Du Guesclin
découvrant les eaux de la Roche-Posay160, ou encore Bayard, créateur de
nombreuses fontaines portant son nom dans le massif central. Une explication
possible réside dans une croyance partagée dans toute l'Eurasie, selon laquelle
le cheval perçoit le cheminement des eaux souterraines et peut les révéler
d'un coup de son sabot168.
Des vertus sont parfois associées à ces eaux nées sous le sabot du cheval.
L'Hippocrène acquiert le don de changer qui y boit en poète, ce qui revient
symboliquement à l'image d'un enfant buvant à la source, un « éveil des forces
impulsives et imaginatives »168. À Stoumont, le cheval Bayard aurait laissé son
empreinte sur un bloc de quartzite. L'eau stagnante dans la cuvette de ce Pas-
Bayard est réputée soigner les maladies de la vue et les verrues169.
Le cheval né de l'eau
L'une des plus anciennes sources des légendes associant eau et chevaux figure
dans le Rig-Veda, qui fait naître le cheval de l'océan170. Dans la mythologie
grecque, le cheval est l'attribut du dieu grec de la mer Poséidon, qui l'aurait
créé avec son trident. Les hippocampes tirent son char au milieu des
vagues171. L'épopée celtique de Giolla Deacar parle de palefrois nés des vagues
et venus du Sidh, capables de porter six guerriers sous l'eau comme en l'air172.
Selon Raymond Bloch, cette association reprise dans le domaine romain par
Neptune se retrouverait ensuite, à l'époque médiévale, dans le personnage du
lutin, suivant une évolution linguistique où Neptune devient le monstre marin
Neptunus, puis le Neitun du roman de Thèbes, le Nuitun sous l’influence des
mots « nuit » et « nuire », et enfin le lutin173. Le souvenir des chevaux de la
mythologie, qui sont généralement blancs et apparaissent en jaillissant de la
mer, est présent à l'époque médiévale bien que très estompé : c'est le cas
dans le lai de Tydorel, où un chevalier mystérieux émerge de son royaume
maritime sur le dos d'une monture blanche174.
L'association entre le cheval et la mer est très fréquente dans les pays
celtiques (en France, par exemple, elle se retrouve principalement sur les côtes
bretonnes et dans le Poitou où la mer s'appelle Grand'jument), ce qui laisse à
penser qu'en France du moins, son origine est Celte175. Les chevaux
aquatiques (Kelpie, Aughisky, Bäckahäst...), souvent vus comme féeriques,
sont toujours mentionnés dans le folklore de nombreux pays d'Europe
occidentale. Ils partagent une grande affinité avec l'élément liquide ainsi
qu'une irrésistible beauté. Certains sont réputés très dangereux de par leur
habitude de séduire les humains afin d'être chevauchés, pour ensuite les
noyer, voire les dévorer. Leur forme la plus commune est celle d'un très beau
cheval noir, blanc ou gris pommelé qui semble perdu et se tient debout au
bord de l'eau où il broute tranquillement176. En Bretagne et selon Pierre
Dubois, tous les chevaux fabuleux « règnent sur la mer » et trois juments,
aspects des vagues, possèdent le pouvoir de régler les marées, calmer la houle
et les flots. Une autre mène les poissons177. Cette association symbolique
perdure à l'époque moderne, ainsi que le prouvent des films comme Crin-Blanc
et Le Cheval venu de la mer.
Le sacrifice du cheval dans l'eau semble avoir été pratiqué par bon nombre de
peuples indo-européens. Il participe généralement à des rites de fécondité :
les Perses effectuaient ce type de sacrifice en l'honneur de la déesse Anahita,
et les russes noyaient un cheval volé dans la rivière Oka, comme offrande
saisonnière au « Grand-Père », génie des eaux168,Note 6. En Grèce antique, le
sacrifice avait pour but de se concilier les bonnes grâces de Poséidon avant
une expédition maritime178. Les habitants de l'Argolide sacrifiaient ainsi des
chevaux harnachés au dieu, les précipitant dans le fleuve la Dine selon
Pausanias160. Dans l'Iliade, les Troyens sacrifient des chevaux au fleuve
Scamandre, vu comme une divinité161.
Le cheval et la pluie
L'air
Chevaux du vent
Chevaux ailés
Pégase sur un dessin de Mary Hamilton Frye, 1914.
Le cheval ailé possède, comme son nom l'indique, une paire d'ailes,
généralement à plumes et inspirées de celles des oiseaux, qui lui permet de
voler dans les airs. Ses premières représentations datent du XIXe siècle av. J.-
C., chez les proto-hittites. Il est possible que ce mythe se soit répandu chez
les Assyriens ensuite, puis ait gagné l'Asie mineure et la Grèce188. On le
retrouve dans des régions aussi variées que la Chine, l'Italie, l'Afrique ou
encore l'Amérique du Nord après sa colonisation par les européens. Il associe
la symbolique habituelle du cheval à celle de l'oiseau, la légèreté et l'élévation.
Le cheval ailé est lié à l'élévation spirituelle et à la victoire contre le mal.
L'origine de l'iconographie et des traditions le mentionnant est probablement
l'extase du chaman qui monte au ciel sur une créature ailée, généralement un
oiseau. Dans toutes les pratiques chamaniques, l'homme qui entreprend un
voyage spirituel est assisté d'un « animal qui n'a pas oublié comment on
acquérait des ailes », faute de quoi il ne peut s'élever189. Pégase est, tout
comme le cheval ailé des Bambara, lié aux notions d'imagination, de vitesse
et d'immortalité168.
Chez les anciens scandinaves, cette association apparaît sur des dessins
rupestres et de nombreux objets, le plus connu étant le Char solaire de
Trundholm192. Chez les germains, les mythes de Skinfaxi et d'Árvak et Alsvid
renvoient à une monture cosmique dont la crinière créé le jour, et à un char
solaire hippomobile197, mais peu de liens pertinents sont connus quant à
d'éventuels cultes solaires équins118. Les peuples de l'Oural et de l'Altaï
associent la terre au bœuf et le ciel au cheval mâle solaire198.
Dans la mythologie grecque, Apollon remplace Hélios et son char attelé aux
chevaux du soleil192, mais conserve le cheval comme attribut10. Le mythologie
romaine popularise les coursiers du char d'Hélios en les nommant et en
rapportant le mythe de Phaéton197. Des cultes solaires et des courses en
l'honneur de cet astre témoignent de cette association durant l'Antiquité, tant
chez les romains à travers les courses de chars, que chez les Perses, à
Salente199, ou encore chez les grecs en Laconie et à Rhodes118.
Un char solaire est attesté dans la Bible, (Deuxième livre des Rois, II), attelé
de chevaux de feu, il emporte Élie dans le ciel. Verticaux et aériens, les
chevaux marquent ici une rupture entre le monde céleste et le monde
terrestre200. L'Hortus Deliciarum, encyclopédie chrétienne médiévale, présente
une miniature où un char solaire est traîné par des chevaux, probablement
une reprise d'un thème antique10.
Le tonnerre et l'éclair
Gilbert Durand note que l'animal s'associe à « l'effroi devant la fuite du temps
symbolisée par le changement et par le bruit », le plus souvent en lien avec
les constellations aquatiques, le tonnerre et les enfers201. Les « chevaux du
tonnerre » sont caractérisés par leur galop bruyant, un son « isomorphe du
rugissement léonin »202. Carl Jung relève aussi cette analogie entre le cheval
et l'éclair, et cite le cas d'une hystérique terrorisée par l’orage, qui voyait un
cheval noir immense voler jusqu’au ciel à chaque fois que la foudre frappait.
Les mythologies connaissent aussi des associations éclair-cheval, notamment
avec le dieu hindou Yama. Enfin la cuisse du cheval était réputée détourner
les éclairs « selon le principe similia similibus »98.
Importance de l'apparence
Blanc
Le Schimmel Reiter, cheval blême du folklore allemand, par Franz Karl Basler-
Kopp.
Article détaillé : Cheval blanc dans la culture.
Le cheval blanc est le plus souvent, à l'image de Pégase, l'animal positif des
sphères célestes, un symbole de majesté et de quête spirituelle : le Christ et
ses armées sont parfois représentés sur son dos, l'animal porte les dieux,
héros, saints et toutes sortes de prophètes tels le Bouddha. Kalki, avatar de
Vishnou à venir, aura une forme de cheval blanc et combattra le mal qui ronge
le monde12. Svantovit, puissant dieu slave des Rugiens, possède un cheval
blanc sacré204. Henri Dontenville rapporte une croyance jurassienne en une
dame blanche accompagnée de lévriers et de chevaux blancs, jouant une
musique harmonieuse et élévatrice avec sa trompe205.
Toutefois, des chevaux maudits de couleur blanche froide, vide, blême et pâle,
« lunaires »206, « nocturnes, livides comme les brumes, les fantômes, les
suaires »207, sont connus du folklore, à l'exemple de la blanque jument et du
Schimmel Reiter. Leur blancheur a une signification inverse à celle des chevaux
blancs ouraniens : ils évoquent le deuil, tout comme la monture blanche d'un
des cavaliers de l'Apocalypse annonce la mort61. Il s'agit d'une inversion de la
symbolique habituelle à la couleur blanche, une « apparence trompeuse » et
une « confusion des genres »208, devenue un archétype des chevaux de la
mort89. En Angleterre et en Allemagne, rencontrer un cheval blanc est signe
de mauvais augure ou de mort prochaine209.
Noir
Chanson populaire
slave
Ah ! Mes serviteurs,
mes jeunes
serviteurs !
Attelez les bœufs
gris
Et les chevaux noirs,
Et allons à la
recherche de mes
jeunes années210.
Dans le légendaire breton, Morvac'h, qui est capable de courir sur les flots,
n'est pas décrit comme maléfique bien que les conteurs racontent qu'il expire
des flammes par les naseaux lorsqu'il galope. Le cheval noir est aussi une
monture magique capable de parler dans un conte des More Celtic Fairy
Tales212, et un jeune homme ayant appris à se métamorphoser dans un conte
populaire russe d'Alexandre Nikolaiévitch Afanassiév213.
Le chevalier noir est bien connu des traditions populaires et des écrivains 216.
Dans la légende arthurienne, Perceval vainc un chevalier noir et emporte sa
monture217, cet épisode possède peut-être une symbolique alchimique en
relation avec la couleur de l'animal218. Les films et la littérature récents,
comme la saga de L'Étalon noir, ont donné une nouvelle image du cheval noir,
celle d'un animal sauvage et fougueux qui ne peut être monté que par une
personne unique, avec laquelle il partage un lien de confiance proche de la
parenté totémique des légendes médiévales211.
Liens symboliques
Cervidés
Lutins
Puck, lutin issu originellement du Songe d'une nuit d'été, a rejoint le folklore
britannique où dit-on il se change en cheval pour jouer des tours.
Article connexe : Lutin.
Comme le fait remarquer Anne Martineau, « il existe entre les lutins et les
chevaux des liens très étroits. Si étroits que, dans les chansons de geste
médiévales comme dans le plus moderne folklore, lorsque le lutin prend forme
animale, il adopte presque toujours celle-là ». La raison semble liée, en plus
du lien à l'élément liquide déjà évoqué plus haut, au fait que le cheval, animal
familier des hommes, est aussi le plus approprié pour se rendre dans les
univers féeriques et pour jouer les tours caractéristiques du lutin, tels que jeter
un cavalier dans une mare de boue, une rivière ou une fontaine. Dans la
littérature médiévale, Malabron (chanson de Gaufrey) et Zéphir (Perceforest)
se changent en chevaux. Paul Sébillot rapporte des croyances populaires quant
à plusieurs lutins-chevaux : le Bayard en Normandie, le Mourioche de Haute-
Bretagne, Maître Jean, le Bugul Noz et la jument blanche de la Bruz. Dans les
îles anglo-saxonnes, Puck (ou le Phooka) prend cette forme223.
L'étude de Jean-Michel Doulet sur les changelins précise qu' « au bord de l'eau,
les silhouettes du lutin et du cheval tendent à se confondre et à se fondre en
un seul personnage dont le rôle est d'égarer, d'effrayer et de précipiter dans
quelque mare ou rivière ceux qui les montent »224. L'elficologue Pierre Dubois
cite de nombreux lutins du foyer dont l'un des rôles attribués est de prendre
soin des écuries, et d’autres plus sauvages, qui visitent les mêmes lieux durant
la nuit en laissant des traces visibles de leur passage, par exemple en tressant
les crinières des chevaux, un tour connu comme les « nœuds de fées »225.
Marc-André Wagner remarque le Kobold, lutin germanique du foyer vu comme
« celui qui surveille et administre la Kobe, la hutte, le foyer, et par extension
la maison ». Kobe pouvant également signifier « écurie », le Kobold serait le
« gardien des chevaux », situé dans « l’espace intermédiaire entre la
civilisation des hommes, l’élément sauvage et le monde surnaturel »226.
Serpents et dragons
L'un des chevaux fabuleux les plus connus d'Europe de l'Ouest, Bayard, est
par son origine de cheval-fée né d'un dragon et d'une serpente sur une île
volcanique tout comme par sa couleur un animal lié à la terre et au feu,
incarnant l'énergie tellurique et la vigueur227. Il pourrait être lui-même un
dragon métamorphosé228.
Notes
1. ↑ Par exemple, le renard symbolise la ruse, le lapin la fécondité, le lion
et l'aigle la royauté, mais aucun sens ne semble attaché au cheval de
manière universelle.
2. ↑ En hippomancie, rêver du cheval est le plus souvent présage de mort.
3. ↑ Voir chapitre sur l'eau plus bas.
4. ↑ Le fleuve Styx sépare le monde des vivants de celui des morts, et
l'Autre Monde celtique est généralement atteint après une traversée
d'eau, par exemple.
5. ↑ Par l'enchanteur Maugis, la fée Oriande ou le roi Charlemagne selon
les versions.
6. ↑ Voir le chapitre consacré à ces rites, plus haut dans l'article.
7. ↑ Cette légende a de nombreuses variantes, le vent étant parfois celui
du sud, parfois issu des quatre points cardinaux, d'autres fois le
sirocco...
Références
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
Ouvrages universitaires
Encyclopédies et dictionnaires
Ouvrages non-universitaires
Articles