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#10 2018

DÉC 2017 . JAN


E
U TANDEM SCÈNE NATIONAL
LE JOURNAL D

FACE À LA MER:
BAGDAD

ÉDITO Par Gilbert Langlois, directeur du TANDEM Scène nationale


Cher public,

E n mai dernier, je me suis rendu à Bagdad. J’ai été


frappé par l’engagement, l’énergie des artistes
rencontrés, côtoyant la mort en permanence et refu-
Ne ratez pas ces rendez-vous du parcours Face à la
mer ; spectacles, rencontres avec des artistes, des in-
tellectuels, des journalistes que nous avons associés
sant toute résignation, reconstruire ce qui peut être à la rédaction de cette publication. Que le TANDEM
reconstruit étant la seule façon pour continuer à vivre. soit une porte ouverte, pour que les œuvres de ces ar-
Tels Fekret Salem, et ces très jeunes artistes sortis tistes puissent parcourir le monde !
de l’École des Beaux-Arts de Bagdad. Ils présentent
Hamlet 1983, les 14 et 15 décembre. Ils dénoncent la IRAK,
violence, la corruption et les carcans qui étouffent la UNE FORCE DE VIE SAISISSANTE 2
société irakienne…
Bouleversé par le travail amorcé, j’ai pensé qu’il fal- LA VITALITÉ EXCEPTIONNELLE
lait partager sans attendre nos espaces de travail avec DU THÉÂTRE IRAKIEN 4
ces jeunes artistes ; après un temps de résidence ici,
qu’ils puissent continuer à se construire un avenir LATIF AL ANI 6
chez eux.
HAMLET 1983 8
Dès le 11 décembre, venez découvrir également l’œu-
vre de l’un des plus grands photographes de l’Irak, il UNE OASIS ENTRE DEUX RIVES 11
s’appelle Latif Al Ani. Entre 1960 et 1979, l’Irak a
connu une époque bénie. Bagdad était une métropole L’IRAK : REPÈRES CHRONOLOGIQUES 13
moderne. Au Théâtre d’Arras, Latif Al Ani ressuscite
cette parenthèse historique. L’ACTUALITÉ DU TANDEM 14
ENTRETIEN

IRAK,
UNE FORCE DE VIE
SAISISSANTE
RENCONTRE

REGARD
SUR L’IRAK
CONTEMPORAINE
Entrée libre RENCONTRE AVEC AKR AM BELKAÏD
Propos recueillis par Marina Da Silva, journaliste au Monde diplomatique

C omme l’indique le titre de votre


dernier recueil, Pleine Lune sur
Bagdad1, vous avez des liens particuliers
sentait une grande différence entre la
façon dont on pouvait vivre au Ma-
ghreb, notamment le fait religieux, et
abbassides, la littérature et la poésie
écrite aux Xe ou XIIIe siècles, parce que
l’actualité commandait de s’intéresser à
y avait un volontarisme de construc-
tion d’un État-nation jeune. Le jeu des
autorités quelles qu’elles soient, et no-
avec l’Irak? ce à quoi lui était habitué. Effective- la période présente, terrible ! Depuis le tamment de Saddam Hussein, a été de
ment, l’Irak et la Syrie ce sont des pro- début du vingtième siècle, c’est une suc- casser le référentiel tribal. Il n’a jamais
Je connais l’Irak depuis la fin des années jets nationalistes, tous les deux avaient cession d’affrontements, les Anglais ont pu le faire, mais il a limité son influence.
80 où j’avais pu me rendre juste après la d’assez bonnes relations avec l’Algérie fait des choses abominables : Churchill L’Irak a été un État moderne qui devait
guerre Irak-Iran, en 88-89. C’était un puisqu’ils étaient dans le front du refus, a utilisé des gaz chimiques contre des en même temps tenir compte des soli-
pays qui respirait, au sortir d’une guerre Israël était l’ennemi commun. Ils se di- tribus bédouines révoltées. C’est un darités tribales, souvent supra confes-
dévastatrice qui avait particulièrement saient « progressistes », sur le statut des pays qui a connu des effusions de vio- sionnelles : qui dit tribu ne dit pas for-
ébranlé la société irakienne. J’y suis re- femmes, les questions économiques et lence de manière récurrente. Une partie cément être de la même confession, on
tourné pendant la première guerre du agraires, c’étaient des pays qui tout en de la communauté juive irakienne, qui peut avoir des chiites, des sunnites, des
Golfe, puis durant la période de l’embar- clamant leur non alignement étaient as- était entièrement intégrée à la société chrétiens... Le régime a essayé d’amoin-
go, la décennie des années 90. C’est un sez proches du bloc de l’Est. Contraire- irakienne, a été forcée à l’exil dans les drir ces appartenances tribales et régio-
pays avec lequel j’ai énormément d’at- ment aux pays du Golfe, que l’on voyait années 40, puis 50. Puis on a toutes ces nalistes tout en se bâtissant lui-même
taches et qui a accompagné ma pratique comme étant les relais de l’Amérique, successions de coups d’État, la révolte sur une base régionale. Quelqu’un de
du journalisme. C’était une expérience voire même l’Égypte après les Accords contre la monarchie en 58 et les péri- Tikrit – la région de Saddam Hussein –
saisissante. J’y suis souvent retourné, de Camp David, il y avait une inclinai- péties qui amènent Saddam Hussein à avait beaucoup plus de chance de faire
notamment pour des voyages person- son à l’égard de l’Irak et de la Syrie. prendre le pouvoir de manière progres- carrière. Mais à la différence de la Libye,
nels ou en accompagnant des ong, sim- Et puis il y a aussi la question littéraire sive et définitive. par exemple, Saddam Hussein voulait
plement pour être témoin. C’est resté un et poétique. Les deux pays ont un hé- un État classique, centralisé, avec des
fil en continu. Il y a eu aussi la guerre de ritage culturel extraordinaire. Ce qui On a une vision de l’Irak fragmentée par institutions, un appareil d’État, un sché-
2003, même si je ne suis pas allé couvrir m’a le plus marqué, dans les années 90, les tribus et les confessions. Comment ma pyramidal de prise de décision. En
ce conflit, mais j’y suis retourné à la fin et même après, notamment pendant la est-ce que cela s’organise socialement ? Irak, il y avait plusieurs institutions cen-
des années 2000 alors que Bagdad était guerre du Golfe, c’est qu’avec tout ce trales – les services secrets, mais aussi le
en proie au sectarisme et aux violences. qui a pu être écrit sur Saddam Hussein L’Irak est une création coloniale. Ré- parti, le système éducatif –, les Irakiens
De tous les pays de la région, c’est celui – à raison, c’était une dictature impla- cente. C’est une volonté anglaise de ras- ont essayé de mettre en place un État
avec lequel je me sens le plus concerné, cable – on a réussi à faire oublier, pour sembler des départements sur les restes moderne en allant au-delà des particu-
avec la Syrie. une grande partie du public occidental, de l’empire ottoman, mais selon les his- larités régionales. C’est évident que les
que l’Irak c’est aussi des trésors – je toriens, on se rend compte que les habi- sunnites ont toujours eu le pouvoir et
Peut-être aussi parce ce sont des pays qui ne parle même pas des trésors archéo- tants de Mossoul, par exemple, n’étaient que les questions problématiques – la
étaient porteurs de projets nationalistes ? logiques – poétiques, littéraires. Je me pas forcément emballés de se retrouver majorité démocratique allait aux chiites
souviendrai toujours de cette émission dans un même ensemble étatique que et la minorité kurde a toujours revendi-
J’ai connu l’Irak avant même d’y aller ! de Bernard Pivot où Jacques Berque les habitants de Bassorah. L’Irak est une qué au moins une forme d’autonomie si
Gamin en Algérie, j’ai eu un instituteur essaye de parler des poètes mais on ne construction à laquelle des Irakiens ont ce n’est d’indépendance – n’ont jamais
irakien – à l’époque le pays faisait ap- veut pas l’entendre. On le ramène sur donné corps, et pour laquelle ils se sont été résolues. Le régime a alterné des
pel à énormément de coopérants pour toutes les horreurs du régime. Impos- engagés. Le Baas estimait fondamental phases de répression et de négociation,
le meilleur comme pour le pire – qui sible de parler de la richesse d’un peuple d’avoir une assise nationale et territo- voire quelques concessions. Les rap-
découvrait la société maghrébine. On et de son héritage, Bagdad, les califes riale avant de penser à l’unité arabe. Il ports entre les Kurdes sont assez com-

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plexes. Bien sûr, Saddam Hussein les a
massacrés mais il y a des périodes où il a
essayé de trouver des accords avec eux. « Malgré huit ans de guerre avec l’Iran, l’embargo qui a
Quand arrive la dévastation de 2003 et
que les Américains démantèlent tout ce profondément perverti la société irakienne, puis 2003,
qui a pu être fait, notamment l’armée, le
parti, les appareils d’État, on en revient l’Irak est un pays qui avance, qui a sa vie artistique,
aux solidarités tribales et confession-
nelles. Ce grand vide a créé le chaos intellectuelle. Bien sûr, il y a toujours une espèce
mais l’idée nationale perdure, l’Irak tel
qu’il a été défini dans ses frontières par de chaos, mais je suis optimiste à long terme. »
les anglais demeure. L’idée d’un pays
s’est créée sur trois générations.
Aujourd’hui ce pays est à la croisée des
chemins car on voit bien qu’il y a une c’était le fédéralisme. Les Kurdes de
dynamique de fragmentation au Proche Massoud Barzani ont pensé que c’était
Orient et qu’une des conséquences de l’occasion de le faire mais ils se rendent
l’éclatement de l’Irak en 2003, c’est une compte que cela ne suit pas. Aucune
dépendance plus accrue pour le Kurdis- grande puissance ne les soutient. Ils se
tan irakien et, tôt ou tard, il faudra bien retrouvent à négocier très rapidement.
trouver une solution pour la minorité
sunnite qui jadis avait le pouvoir et était Quel regard portez-vous sur l’avenir et la
le relais des autorités. Aujourd’hui, elle reconstruction de l’Irak ? Sur la création
se retrouve dans le camp des perdants, artistique dans ce pays ?
ce qui explique l’émergence de Daesh.
Mais ce qui garde encore une certaine Ce qui me fascine ce sont les capacités
cohérence c’est qu’en quelques décen- de résistance de la population. Voilà un
nies l’idée d’un État a pu s’ancrer et peuple qui n’a connu que la guerre depuis
aussi injecter un certain nationalisme 1980 : 8 ans de guerre avec l’Iran, les mis-
dans le cœur de la population. On le siles, les combats chimiques, cette énorme
voit bien dans la résistance que le clergé boucherie dont on ne parle pas assez,
chiite irakien oppose aux Iraniens. Ils ne l’embargo qui a profondément perverti
sont pas du tout dans l’asservissement la société irakienne, puis 2003, et malgré
et sont partisans d’une indépendance. cela c’est un pays qui avance, qui a sa vie
Certes ils sont chiites et attentifs à ce artistique, intellectuelle, qui a un person-
qui se passe en Iran mais ils sont d’abord nel politique qui n’est pas du tout à la hau-
Irakiens. teur, mais j’ai été stupéfait de voir qu’il y
a encore des manifestations pour le bien-
Comment analysez-vous le référendum être social, des syndicats qui se créent,
et la volonté d’indépendance des Kurdes ? des journalistes qui peuvent être féroces
malgré le danger. Il y a une force de vie et
Personne dans la région ne voulait ce ce sentiment d’avoir vécu ce que personne
référendum qui obéissait aussi à des n’a vécu, une expérience exceptionnelle
contingences internes puisque les qui donne une affirmation de soi. Bien sûr,
Kurdes sont divisés entre deux grandes il y a toujours une espèce de chaos, mais
familles rivales, que la situation éco- je suis optimiste à long terme. Bien sûr la
nomique n’est pas très bonne puisque situation au Kurdistan peut dégénérer, il y
les prix du pétrole sont tombés et que a des guerres proches, mais il y a cette ré-
le Kurdistan en est ébranlé. Pour les sistance et cette volonté d’aller de l’avant.
Irakiens non kurdes, c’était vu comme Je note aussi que beaucoup d’Irakiens
une sorte de fatalité : s’ils veulent se sé- rentrent en Irak, notamment des intellec-
parer qu’ils le fassent ! Mais cela ne se tuels qui auparavant étaient dans le Golfe,
fera pas sans mal car encore une fois le et ce n’est pas anodin.
nationalisme fait que l’idée d’une par- Pour moi, mon métier ne peut pas aller
tition définitive du territoire est très sans une attention permanente à tout © Lam Duc Hien
mal vécue. On a pensé que le projet ce qui est la création. On peut se perdre
d’une entité fédérale pouvait être dé- dans l’analyse géopolitique et souvent la
fendu mais les circonstances ont mon- culture aide à appréhender, à expliciter
tré que c’était impossible dans un Irak mieux. Les regards des artistes sont très AKR AM BELKAÏD
complètement dévasté, atomisé, avec importants que ce soit dans le domaine
Daesh, les nettoyages ethniques dans du théâtre ou de la littérature, un film, Journaliste au Monde diplomatique,
les grandes villes notamment Bagdad une chronique. On ne peut pas suivre Akram Belkaïd est collaborateur au
où énormément de quartiers ont été l’actualité du monde arabe ou d’une site Orient XXI et à Afrique Méditer-
purgés de leurs habitants sunnites, avec autre région sans s’intéresser à ce qui ranée Business (AMB). Il est aussi
les représailles d’Al Qaida, les attentats est écrit et produit par les gens du cru. essayiste et auteur.
réguliers contre les chiites irakiens, il
était impensable de dire que la solution 1
Erick Bonnier, Paris, France, 2017

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ENTRETIEN

LA VITALITÉ
EXCEPTIONNELLE
DU THÉÂTRE IRAKIEN
RENCONTRE AVEC HAYTHEM ABDERR AZAK
Propos recueillis par Marina Da Silva, avec Arafat Sadallah

j’ai travaillé avec des metteurs en scène


qui m’ont nourri, les jeunes artistes au-
jourd’hui qui ont la possibilité de circu-
ler, ou simplement via internet et les ré-
seaux sociaux, sont inspirés par d’autres
metteurs en scène et d’autres styles,
d’autres formes et esthétiques.
Depuis 2009, il existe à Bagdad un lieu
associatif de création et de représen-
tation, le Muntada Al-Masreh, qui est
mis à la disposition des jeunes artistes,
et où Fekret a pu répéter et présenter
son spectacle. Ce lieu, très novateur à
Bagdad, reçoit le soutien de la direction
générale du théâtre et du cinéma, grâce
à Ikbal Naïm qui est très attentive à son
développement.

On connaît mal l’histoire du théâtre


irakien. Pouvez-vous nous dire la place
qu’il occupait dans le monde arabe
jusqu’au déclenchement de la guerre ?

La place du théâtre irakien a toujours


été, et demeure jusqu’à maintenant,
très importante et très spécifique dans
Le Muntada Al-Masreh © Lam Duc Hien le monde arabe.

P ouvez-vous nous parler de Hamlet


1983, dont le metteur en scène et les
acteurs ont été vos étudiants? Quelles sont
études et collaboré à différents travaux
de mise en scène. La différence avec
d’autres diplômés de la Faculté, c’est
Dans les festivals, on attend toujours
deux théâtres : le théâtre tunisien
et le théâtre irakien qui sont connus
les conditions de travail de cette jeune com- qu’il a eu l’occasion de partir faire un pour leur vitalité et leur production
pagnie et des autres en général? stage en Tunisie, avec Azzedine Gue- incessante (contrairement, en ce qui
noun. Il a été très influencé par ce met- concerne l’Irak, à sa production pour le
Je connais bien Fekret Salem, qui met en teur en scène, influence que lui-même cinéma et la télévision), ils sont un peu
scène Hamlet 1983 de façon originale et déclare et assume, et cela singularise les leaders dans le monde arabe. Même
personnelle – 1983, c’est l’année de sa son travail. C’est très important pour pendant la guerre, et notamment la
naissance, en pleine guerre avec l’Iran –, les artistes irakiens de pouvoir sortir du guerre avec l’Iran des années 80, il y a
il a été l’un de mes étudiants à la Faculté pays et partager d’autres expériences. toujours eu une activité et une créati-
des Beaux-Arts de Bagdad où il a fait ses Moi aussi j’ai eu cette opportunité et vité du théâtre irakien extraordinaires.

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Je n’en connais pas le secret, mais je sais demandes d’inscription rien que pour le
que même durant les périodes les plus théâtre, en cours du soir. Concernant la « Dans les festivals, on attend toujours
difficiles, même pendant la guerre ci- formation, l’offre est donc suffisante que
vile, le théâtre est resté d’une ténacité ce soit à Bagdad ou dans les régions. deux théâtres : le théâtre tunisien et
exceptionnelle, et toujours très présent Pour ce qui est de la professionnali-
sur la scène du monde arabe ou la scène sation, cela reste très difficile pour le théâtre irakien qui sont connus pour
internationale. les artistes de parvenir à vivre de leur
Même durant la période très dure de métier, et c’est la même chose dans le leur vitalité et leur production incessante,
2004, en pleine guerre, nous avons par- domaine du cinéma. Les possibilités de
ticipé avec ma compagnie au festival professionnalisation restent très faibles ils sont un peu les leaders dans
du Caire, où nous avons obtenu le prix jusqu’à ce que l’un des acteurs accède à
du meilleur spectacle avec ma création la célébrité ! le monde arabe. »
Pardon, professeur, nous n’avions pas l’in- Mais c’est souvent le même problème
tention. dans le monde entier.
Même pendant l’embargo économique, Il y a aussi la question matérielle des
les compagnies irakiennes ont continué moyens de production pour réaliser AR AFAT SADALLAH
à travailler, à produire et à sortir d’Irak les créations même si les Universités
pour aller jouer ailleurs. mettent à disposition des lieux pour
Arafat Sadallah est né à Casablanca. Il vit et travaille à Paris. Chercheur en
Il y a toujours eu beaucoup de compa- travailler, ou que l’on peut trouver des
philosophie, il est aussi collaborateur artistique à la plate-forme SIWA, es-
gnies de théâtre en Irak, pas seulement lieux et des aides privés. En ce mo-
à Bagdad mais dans tout le pays. Cepen- ment, les jeunes compagnies de théâtre pace de réflexion et laboratoire d’expérimentation des créations arabes
dant, à partir de 2003, avec la guerre et connaissent de grandes difficultés : il contemporaines. Il fait des recherches sur le concept de représentation (d’un
le démantèlement de l’État, le statut de n’y a pas de financement, il n’y a pas de point de vue philosophique et esthétique) dans le monde arabe. Et il pour-
compagnie a été abrogé et il fallait passer moyens matériels de production, mais suit, en étroite collaboration avec des artistes, des projets prenant diverses
par un statut d’ong pour pouvoir rester nous espérons qu’avec cette nouvelle formes, du commissariat à la performance.
en activité ou créer une compagnie. loi, cela va changer les choses. Nous
Toutes les compagnies, depuis 2003, et avons demandé des budgets pour pou-
cela dans toutes les régions d’Irak, ont voir les allouer aux compagnies.
un statut d’ong et ne sont pas du tout On le doit notamment à Naziha al-Du- maintenant vu que le gouvernement a
soutenues par l’État. Mais aujourd’hui Dans la troupe de Hamlet, il y a deux laimi, une femme exceptionnelle qui repris tous les territoires où il y avait des
les choses changent, et un projet de loi jeunes actrices mais elles sont encore a été la première femme ministre en différends entre le Kurdistan et le gou-
vient d’être présenté au Parlement qui peu présentes sur les scènes. Quelles Irak et dans le monde arabe. Elle était vernement central. Au sein même du
va de nouveau instituer le statut de conséquences la guerre a-t-elle eu sur membre du parti communiste – sous la gouvernement kurde il y a une grande
compagnie de théâtre. L’État va donc les droits des femmes et leur place dans direction de Abdelkarim Qassem, qui a différence entre Jalal Talabani qui veut
de nouveau s’engager pour soutenir les la société ? fait la révolution en 1958 et instauré la négocier et Massoud Barazani qui est
compagnies et manifeste le désir de fon- république en Irak – et cofondatrice de plutôt pro-indépendance, mais c’est
der des théâtres nationaux, régionaux, Pour parler des droits des femmes en la ligue des droits des femmes en Irak. plutôt le camp de Talabani qui prend le
des centres dramatiques, dans toutes Irak, il faut préciser que ce n’est pas Elle a participé à la rédaction du droit dessus.
les régions d’Irak. Il faut aussi souligner une question institutionnelle, c’est une civil irakien de 1959, qui définit le code Après une période d’inquiétude et d’ex-
que malgré ce statut d’ong, il existe au- question sociale générée par la guerre de statut personnel, œuvrant active- pectative, cela n’a pas eu d’influence sur
jourd’hui des festivals partout en Irak. et surtout par la première guerre Iran- ment pour les droits des femmes. nos activités et en ce moment la situa-
On y présente des spectacles de toute Irak qui a provoqué beaucoup de diffé- En 2014, il y a eu une tentative de ré- tion est stable, nous pouvons travailler.
sorte, que ce soit du monodrame, de la rences sociales. Les hommes partaient vision, très réactionnaire, de ce code, Durant la crise, j’ai été invité à un fes-
comédie, du théâtre de boulevard ou ex- à la guerre et les femmes restaient à qui voulait, par exemple, réintroduire la tival de cinéma à Souleimaniye. J’ai dé-
périmental, il y a du théâtre dans tout le la maison, cela a beaucoup influencé polygamie, et je dois préciser que c’était cliné pensant qu’il n’y aurait pas de vol
pays, de Erbil à Najaf ou Kerbala. la société. Et puis il y a les différences une proposition portée par des femmes vers le Kurdistan mais en fait le festival
communautaires et confessionnelles à parlementaires conservatrices. Mais avait bel et bien lieu ! La vie reprend son
Quels sont les moyens mis à la disposition l’intérieur de l’Irak, qui ont été activées grâce à l’action et à la mobilisation des cours.
des acteurs et metteurs en scène pour se par l’invasion américaine. Paul Bremer mouvements militants des droits hu- L’horizon nous semble plutôt serein :
former et se professionnaliser ? lui-même disait dernièrement que ces mains et féministes, de la société civile, les gens qui appellent à la guerre sont en
divisions n’étaient pas de la responsa- cette tentative religieuse et rétrograde a nombre très limité, nous avons la convic-
Pour les acteurs, il y a à Bagdad, par bilité américaine, qu’ils avaient reçu des échoué. tion d’aller vers des accords politiques.
exemple, la Faculté des Beaux-Arts qui demandes de la part des Irakiens pour La guerre a empêché les actrices d’accéder
fait partie de l’Université, dans laquelle activer ces différences confessionnelles non seulement à la scène mais à l’espace
il y a une spécialité d’acteur et de mise et qu’ils y avaient simplement répondu ! public en général, mais aujourd’hui elles
en scène et où ils peuvent obtenir une L’extrême souffrance des femmes en sont de plus en plus présentes partout.
licence. Il y a aussi trois instituts où ils Irak a surtout été vécue par les femmes
peuvent avoir un diplôme qui n’est pas yézédites et à Mossoul, là où Daesh avait Quelle est la situation à Bagdad après
un diplôme universitaire mais un di- son emprise et où elles y étaient traitées le référendum pour l’indépendance du
plôme d’institut, plus professionnel. Il comme des butins de guerre. Mais dans Kurdistan? Est-ce que cela a des inci-
y a une Faculté et des instituts à Erbil, la société irakienne, les femmes ont dences sur vos activités ?
à Souleimaniye, à Kouts, au sud, à Bas- toujours été considérées comme des
sorah. Même à Mossoul, où juste après actrices. La constitution irakienne est La question du Kurdistan n’est pas
l’effondrement de Daesh, la Faculté a d’ailleurs, pour les femmes, l’une des encore réglée mais tout le monde est
réouvert, et il y a eu énormément de plus progressistes du monde arabe, qui optimiste car nous allons vers des né-
demandes d’inscription. J’ai appris par leur donne le plus de droits, bien plus gociations. J’imagine que c’est plus in-
un de mes étudiants qu’il y avait eu 800 qu’au Liban ou en Tunisie par exemple. téressant pour le Kurdistan de négocier

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PORTRAIT

VERNISSAGE

EXPOSITION
LATIF AL ANI
PHOTOGRAPHIQUE Par Jean-Pierre Thibaudat, journaliste à Médiapart
Rencontre avec Latif Al Ani
et Catherine David à 20:00

Exposition gratuite
du 11 au 22 décembre

L atif Al Ani fut le grand photographe


de l’Irak « d’avant » (l’avènement au
pouvoir de Saddam Hussein et du par-
d’un pays qui n’existe presque plus. Sa
voix est douce, légèrement voilée. Il
photographie l’Irak depuis 1953, pour
Irak in Pictures est une somme malheu-
reusement introuvable. Cependant,
bonne nouvelle, une monographie vient
ti Baas – ndlr), lui qui a si souvent et si des firmes privées ou des agences. Il n’a de paraître en Allemagne aux éditions
bien photographié les grandes avenues pas eu son pareil pour photographier les Hannibal. La Biennale de Venise a su lui
de Bagdad, désormais défigurées par la paysages irakiens, à commencer par les rendre hommage en 2015 mais son pays
guerre. On le retrouve chez un ami ga- paysages urbains. Au début des années le méconnaît. Quand Saddam Hussein
leriste qui expose les nouveaux peintres 60, il a séjourné deux ans aux États-Unis est arrivé au pouvoir, Latif Al Ani a re-
irakiens qui se réfugient volontiers dans et a photographié la vie américaine tout fermé définitivement l’étui de cuir de son
l’abstraction et l’imaginaire. Latif Al Ani comme il l’a fait au Caire, à Damas, en Rolleiflex 6x6.
est aujourd’hui un vieux monsieur au vi- Jordanie, au Koweït ou à Barheïn. C’est
sage émacié et aux yeux plein d’images un immense photographe. Son livre

Ces photographies sont reproduites avec


l’aimable autorisation de Latif Al Ani.

Festivités de la Journée de la femme,


Rashid Street, Bagdad, 1962

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UNE PARENTHÈSE HISTORIQUE

Latif Al Lani est le photographe le plus important de l’Irak moderne. Il donne à voir
l’histoire irakienne des années 60 à 79 : une œuvre personnelle, un regard sur la
ville de Bagdad et son architecture moderniste remarquable, aujourd’hui défigu-
rée. Dans les années 1960, entre la chute de la monarchie et l’avènement du parti
Baas, l’Irak connut une ère de relative stabilité aujourd’hui perçue comme une
époque bénie dans la mémoire collective. L’œuvre du photographe a été exposée
à la Biennale de Venise en 2015 dans le cadre de l’exposition Invisible Beauty au
Pavillon irakien. Il a également été lauréat par la Fondation Prince Claus en 2015.

En haut, à gauche
Couple américain à Taq Kasra, Al Mada’in,
Salman Pak, Bagdad, 1965

En haut, à droite
Shopping à Bagdad, 1964

Ci-contre
Yarmouk, Bagdad, 1962

À droite
Famille Mandean, Bagdad, 1961

AND #10 . Le Journal du TANDEM Scène nationale | Décembre 2017 . Janvier 2018 7
ENTRETIEN
Il me paraissait important de tenter de
découvrir de nouveaux talents et de les
aider dans le contexte très difficile que
connaît l’Irak aujourd’hui.

Il y a chez vous une volonté de trans-


mission très forte. D’étudiant en arts du
spectacle vous êtes tout naturellement
devenu professeur…

J’ai très vite enseigné et cela pendant cinq


ans à l’Institut des Beaux-Arts. Trans-
mettre mes connaissances, mon expé-
rience, est primordial pour moi. Nous
sommes une génération qui vit dans la
guerre, qui va peut-être mourir durant la
guerre : du coup la question de la trans-
mission de l’art est essentielle. Dans ce

HAMLET 1983
domaine Haythem Abderrazak est un
modèle pour moi et pour tous ceux de ma
génération. Un maître, acteur, metteur
en scène, professeur, qui nous a élevés
dans ce milieu. Mais, malheureusement,
c’est l’un des derniers « experts » dans le
domaine théâtral qui nous reste en Irak.
Le retrouver à la Scène nationale d’Arras
RENCONTRE AVEC FEKRET SALEM où nous allons jouer est un véritable bon-
heur : il a été mon maître, je le retrouve
Propos recueillis par Jean-Pierre Han, comme collègue !

rédacteur en chef de Frictions Vous parliez tout à l’heure de théâtre pro-


fessionnel, que recouvre cette expression
et Lettres françaises, dans l’Irak d’aujourd’hui ?

traduits pas Arafat Sadallah C’est déjà une folie que de choisir une
vie professionnelle liée au théâtre. C’est
une folie encore plus grande de le faire
dans les conditions dans lesquelles vit
l’Irak en ce moment. Nous ne cessons
d’être critiqués à cause de cette activité,
de cette « occupation », alors que notre
THÉÂTRE

HAMLET 1983
F ekret Salem, le titre de votre spec-
tacle, Hamlet 1983, indique de ma-
nière délibérée votre date de naissance.
En fait j’ai essentiellement fait des
études de mise en scène. Cela dit, j’ai été
acteur pendant un certain temps, no-
société, notre pays, le monde entier est
en pleine crise ! En fait si nous tenons
à continuer à faire du théâtre, c’est bien
Vous êtes jeune, quel a été votre par- tamment dans la compagnie du Théâtre parce que, pour reprendre l’expression
Création cours jusqu’à présent ? national dirigée par Shakiq el Mahdi. de Peter Brook qu’il a exprimée lors
Coproduction TANDEM J’ai également joué dans une adaptation d’un festival en 2012, « nous cherchons
J’ai étudié à Bagdad à l’Institut des de Roméo & Juliette de Shakespeare ré- la vie ». Je cherche la vie à travers le
Durée : 1 h environ Beaux-Arts et à la Faculté des Beaux- alisée par Monazil Daoud ; nous avons théâtre. Et je m’y retrouve : faire du
Spectacle en arabe, Arts également. J’ai obtenu un diplôme présenté ce spectacle à Bagdad, bien théâtre est le seul moyen de transmettre
surtitré en français à l’Institut et suis ensuite allé en Tunisie sûr, mais aussi au Festival Shakespeare mes préoccupations, de parler des pro-
où j’ai suivi un cursus de mise en scène de Stratford-upon-Avon en 2012. blèmes auxquels est confrontée toute
au Centre d’études dramatiques de Tu- Pendant mes neuf années d’études à Bag- une génération. Je travaille par ailleurs
nis que dirige Azzedine Guenoun qui a dad suivies de deux autres années pas- pour gagner ma vie comme comédien à
lui-même a été formé en France. sées en Tunisie je n’avais pratiquement la télévision, mais je ne peux exprimer
réalisé que des travaux universitaires. J’ai ce que je ressens vraiment que sur la
Vous avez donc eu Haythem Abderrazak vraiment travaillé professionnellement scène et à travers elle.
comme professeur… à partir de 2004, dans les plus grandes Pour en revenir au professionnalisme,
compagnies, celle du Théâtre national, je c’est une affaire compliquée ici en Irak. Il
Effectivement, je l’ai eu comme professeur l’ai dit, mais aussi dans la Compagnie de est, par exemple et pour le moment, très
à la Faculté, mais je l’ai surtout connu après Bagdad… En 2011, j’ai obtenu le prix du difficile de créer de véritables compagnies
mes études, dans la compagnie du Théâtre meilleur comédien de l’année à Bagdad. théâtrales. J’en parlais hier encore avec
national où j’ai travaillé pendant un moment. À partir de là, je suis devenu une sorte Haythem Abderrazak qui vient de dépo-
d’enfant gâté dans le milieu, mais j’ai ser au parlement un projet pour voir la
Vous avez une formation de comédien ; préféré me tourner très rapidement vers possibilité de fonder une compagnie de
comment en êtes-vous venu à la mise en un travail plus expérimental, moins « of- théâtre. Depuis 2004, c’est juridiquement
scène ? ficiel », réalisé avec des jeunes artistes. devenu extrêmement compliqué.

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Pour Hamlet 1983, j’ai travaillé avec une Mais la vérité c’est que les lieux où se Entre nous, nous entretenons des rap- imaginer que pour sortir du pays, cela
compagnie qui existe depuis les années retrouvent les professionnels sont plu- ports amicaux. Par la force des choses ; n’a pas été simple. De ce point de vue
80 et qui tente de faire travailler de nou- tôt rares. À Bagdad il y a le Théâtre comme nous n’avons pas beaucoup de je peux me considérer comme privilé-
veaux talents. national, la Faculté des Beaux-Arts et ressources pour monter nos produc- gié et très chanceux ! D’autres qui ne
Mon souhait maintenant c’est de pou- quelques cafés littéraires où on se cô- tions, nous sommes contraints de nous manquent pas de talent n’ont pas eu
voir créer une académie de théâtre à toie. On est même « condamnés » à se entraider, louons ensemble par exemple cette chance. On peut le dire : de vraies
Bagdad. Une académie spécialisée dans croiser régulièrement. Comme de mon des lieux de résidence et de répétition… et fortes énergies artistiques ont été
tous les métiers du théâtre, pas seule- côté j’ai passé de longues années en Mais l’esprit de compétition demeure et victimes des choix opérés, et ont subi
ment ceux du jeu et de la mise en scène. études théâtrales j’ai largement eu le je trouve cela plutôt stimulant. Arriver à de véritables injustices. Pour ce qui
J’ai enseigné pendant cinq ans. Pendant temps d’établir des contacts avec les uns s’affirmer n’est pas chose aisée d’autant me concerne, je le répète, j’ai eu de la
ces années-là je n’ai pu que constater la et les autres. J’ai fréquenté plusieurs gé- qu’il y a très peu de producteurs poten- chance, mais j’ai lutté pour la forcer et
baisse du niveau de l’enseignement. Voi- nérations de professionnels de théâtre. tiels de spectacles. Alors vous pouvez ça n’a pas été sans souffrances.
là ce qui a donné l’impulsion à ce projet.
Mon expérience en Tunisie n’a fait que
renforcer ce désir. J’ai également fait
le constat qu’il ne fallait pas non plus
compter uniquement sur les entreprises
publiques et qu’il fallait aussi s’ouvrir à
des possibilités d’ordre privé… Tout cela
demande bien entendu des études ap-
profondies et surtout des financements
appropriés !

Pouvez-vous vivre de votre métier ?

La majorité de ceux qui travaillent dans


le théâtre souffrent de problèmes ma-
tériels. Certains ont donc des métiers
alimentaires. Dans le groupe de Hamlet
1983 nous sommes trois à avoir d’autres
activités qui parfois n’ont rien à voir
avec le théâtre. L’un d’entre nous est
employé dans un magasin de pneus, un
autre (mon assistant à la mise en scène)
est maçon. Nous aidons nos camarades
pour tout ce qui concerne les frais de
l’équipe, comme les transports, le loge-
ment, etc. ; nous le faisons volontiers
parce que nous tenons absolument à ce
que tout le monde puisse poursuivre son
activité dans le théâtre. Nous sommes
dans une économie de survie, mais nous
acceptons tous les sacrifices...
Vous vous posez peut-être aussi la
question de savoir si Hamlet 1983, par
exemple, est un travail d’école ou un tra-
vail véritablement professionnel : je dirais
que la différence n’est pas évidente, et que
ce qui est essentiel c’est d’avoir trouvé de
nouvelles énergies, voire de nouveaux
talents. C’est chez moi une attitude de
tous les instants : essayer le plus possible,
et faire le tour des facultés pour cela, de
trouver des jeunes gens pour les inciter à
travailler et utiliser leurs qualités le mieux
possible.
Nous nous situons en fait avec Hamlet
1983 à la frontière entre l’école et la pro-
fession. Deux des comédiens de la distribu-
tion ont ainsi, grâce à ce spectacle, franchi « 83 n’est pas seulement ma date de naissance,
le pas: il s’agit de la jeune Ridhab Ahmed
Hassan et de Amir Ihsan Mahmoud. Tous c’est celle de toute une génération qui est née
les techniciens, eux, sont professionnels.
dans la guerre, en plein conflit avec l’Iran . »
Comment se passe la vie théâtrale, s’il y
en a une, à Bagdad ?
Oui, bien sûr, il y a une vie théâtrale !

AND #10 . Le Journal du TANDEM Scène nationale | Décembre 2017 . Janvier 2018 9
Parlons de Hamlet 1983 dans ce contexte. de la violence. transmettre, mais avec plaisir. Pour moi, le présent, et était persuadée qu’elle allait
Comment est né ce projet ? 83 est l’année L’autre idée que je voulais développer théâtre reste le seul espace où je peux res- échouer dans cette nouvelle expérience.
de votre naissance, faut-il en conclure dans Hamlet 1983 concerne les femmes. pirer, vivre, exprimer ce que je veux, crier, Moi qui commence toujours le travail de ré-
qu’il s’agit là d’un spectacle très personnel La société irakienne, comme toutes les aimer, être moi-même enfin. pétition en essayant de mettre à l’aise tous
voire autobiographique ? sociétés orientales, est une société in- les participants et faire preuve de beaucoup
juste envers les femmes. Dans le texte Vous disiez tout à l’heure que vous aviez de psychologie pour n’avoir plus de pro-
83 n’est pas seulement ma date de nais- de Shakespeare justement, les deux mis l’accent dans votre Hamlet 1983 sur blèmes et de conflits à résoudre par la suite,
sance, c’est celle de toute une généra- femmes, Gertrude la mère d’Hamlet et la question des femmes. Qu’en est-il des j’étais servi! Je tiens, au début des répéti-
tion qui est née dans la guerre, en plein Ophélie ont un destin funeste. Je me suis comédiennes en Irak, et pouvez-vous tions, à installer une sorte d’alchimie pro-
conflit avec l’Iran ; deux ans après cette emparé de ces deux personnages pour nous parler plus précisément de celles voquant ainsi parfois des psychodrames,
guerre a commencé celle du Golfe, ça traiter à travers elles de la position de que vous avez choisies pour interpréter et passer ensuite à autre chose. J’ai fini
a continué et en 2003 a débuté la deu- la femme irakienne. Je prends la défense les rôles de Gertrude et d’Ophélie dans par convaincre Basma qu’elle allait réussir
xième guerre du Golfe, Daech est arri- d’Ophélie qui était prête à se sacrifier votre spectacle ? cette expérience de Hamlet 1983, qui plus
vé en 2013… La génération dont parle pour Hamlet qu’elle aime. Concernant est dans le rôle d’une femme beaucoup plus
Hamlet 1983 est une génération qui vit Gertrude je me suis écarté du person- Il y a des comédiennes en Irak, mais elles âgée qu’elle. C’est effectivement le cas, je le
dans une sorte de deuil continu. Il n’y a nage original de Shakespeare. J’ai voulu sont rares ! La société s’est refermée sur pense profondément.
pas un jeune en Irak qui n’a pas perdu évoquer la situation des femmes de mar- elle-même depuis de nombreuses années. Pour Ridha les choses ont été plus simples.
un proche. tyrs de guerre. Chez nous, la convention Il y a donc une véritable régression liée à Pas de problème avec la famille, d’autant
sociale contraint la femme d’un martyr cette fermeture. Le premier danger pour que celle-ci a accepté qu’elle intègre la Fa-
Dans votre pièce c’est le personnage à épouser le frère de celui-ci. Cela a gé- les comédiennes, ce sont les contraintes culté des Beaux-Arts et l’univers théâtral.
d’Hamlet qui a disparu… néré une sorte de tradition folklorique sociales et plus particulièrement les Son seul problème était qu’elle habitait à
lors des cérémonies de deuil, avec les contraintes familiales. Seules quelques 300 kilomètres de Bagdad. Il a fallu qu’elle
Je l’ai fait disparaître parce qu’en tant pleureuses qui interpellent la veuve sur familles autorisent leurs filles à s’enga- déménage avec sa mère pour venir vivre
qu’artiste de cette région, je refuse la ce sujet… De nombreux problèmes sont ger dans la carrière de comédienne et, à Bagdad. J’estime que Ridhab a eu une
violence et l’idée de vengeance. J’ai com- nés de cette coutume qui ébranle les dans un premier temps, à entreprendre chance assez rare dans ce domaine. On
mencé à travailler sur ce texte dans des structures même de notre société. des études, comme celles dispensées à la peut dire que l’expérience de Hamlet 1983
ateliers d’expérimentation ; je reprends Faculté des Beaux-Arts. Mais une fois ce a été fondatrice pour elle. Tout de suite
volontiers le propos du psychologue Erik Vous assignez au théâtre une mission premier pas franchi, il y en a un second, après ce travail elle a entamé une carrière
Erikson qui dit en substance que « la hautement éthique. bien plus délicat, celui qui consiste à se professionnelle, a joué dans d’autres spec-
répétition évolue, et j’évolue avec elle ». En effet. J’ai beaucoup parlé de la guerre retrouver sur les planches et à jouer. tacles, Strip-Tease à Bagdad, sur un texte
J’ai évolué en développant des idées qui en Irak, de la dévastation de la socié- L’artiste d’une manière générale, déjà, de Mokhallad Rasem qui a pu être pré-
sont venues d’Europe, cherchant une té irakienne, j’ajouterai que ce n’est pas est perçu de manière négative, surtout en senté aux Journées théâtrales de Carthage
interprétation après toutes celles que je seulement la société qui est dévastée, ce ces temps de guerre où tout est fait pour en Tunisie, et aussi dans une production
connais. Je suis arrivé à l’idée que Hamlet sont les personnes elles-mêmes. J’assigne que la culture disparaisse. L’artiste c’est de théâtre pour jeunes spectateurs. Elle
représente une vie de vengeance qui doit au théâtre une mission éducatrice, d’éveil quelqu’un d’immoral, de pervers. Pour ne a également tourné dans plusieurs courts
être condamnée et supprimée. Cette de la conscience, mais j’ajouterai immé- pas entrer dans cette problématique-là les métrages. Son expérience est également
idée fait que nous vivons en enfer depuis diatement que cette mission ne saurait metteurs en scène choisissent des textes riche d’un spectacle qu’elle a réalisé dans
longtemps ici en Irak. Nous avons besoin être accomplie sans plaisir. Cette notion dans lesquels il n’y a pas de rôle féminin… le cursus de ses études. Je pense que dé-
de finir notre vie d’une manière qui ne de plaisir est essentielle. La spécificité du sormais elle va avoir beaucoup de respon-
passe plus par le cycle de la vengeance et théâtre réside bien dans sa capacité à tout On a pu le constater; sur les trois spectacles sabilités à assumer.
auxquels nous avons pu assister au Mun-
tada en mai dernier, Hamlet 1983 était le Fekret Salem, vous parliez de vingt étu-
seul à avoir une distribution mixte… diantes sollicitées pour travailler avec
vous, et de deux seulement à avoir ac-
RIDHAB AHMED HASSAN Pour Hamlet 1983 il y a deux comédiennes cepté de tenter l’expérience du plateau.
ÊTRE ACTRICE DANS L’IR AK CONTEMPOR AIN dans la distribution. Au départ, ces deux Que vont devenir les dix-huit jeunes
jeunes femmes étaient des étudiantes de filles qui ont pourtant suivi un cursus en
« Avec Hamlet 1983 ma vie d’actrice a été profondément transformée, tout théâtre et j’étais intervenu dans leur cur- arts du spectacle ?
particulièrement sur un plan technique. J’ai pu développer mes techniques sus. Sur une vingtaine de jeunes filles sus-
d’actrice, développer l’aspect technique du métier, après des études plutôt ceptibles de jouer, je n’ai pas eu à choisir: C’est simple, elles vont continuer leurs
théoriques à la Faculté des Beaux-Arts. Enfin je me confrontais à la pratique ! toutes ont refusé sauf Ridhab Ahmed Has- études jusqu’à l’obtention d’un diplôme et
Le paradoxe voulant d’ailleurs que je suive un cursus de mise en scène plutôt san et Basma Munir! Pour cette dernière vont finir par trouver une place dans une
que de comédienne. Tout cela pour faire plaisir à ma mère qui, elle-même, à qui interprète le rôle de Gertrude, la mère administration, ou bien elles vont se ma-
son époque, voulait faire du théâtre, mais qui, bien sûr n’avait pas pu réaliser ce de Hamlet, cela a été extrêmement com- rier et rester à la maison. Elles ne connaî-
rêve à cause de sa famille. Ce rêve, elle l’a réalisé à travers moi, et pour m’ac- pliqué; il a fallu beaucoup de discussions et tront jamais l’expérience du plateau !
compagner à Badgad elle a elle-même dû rompre avec sa propre famille ! Je de négociations pour convaincre la famille
ne pouvais qu’opérer ce petit changement de programme, du jeu à la mise en de lui donner l’autorisation de jouer. Elle Qu’attendez-vous de votre passage au
scène, c’était la moindre des choses ! J’ai vraiment voulu lui faire plaisir, mais était voilée, mais j’avais demandé qu’elle TANDEM ?
désormais je me sens bien dans ma pratique de comédienne ! La mise en scène retire son voile pour jouer; pour la famille
je l’ai pratiquée lors de mon travail d’école, mais désormais c’est vraiment le il n’en était pas question. On a fini par trou- Arras, c’est la porte qui s’ouvre pour que
jeu qui m’intéresse. Je m’y sens à l’aise, même si, au sein de notre société dont ver un arrangement: elle pouvait jouer, Hamlet 1983 puisse parcourir le monde,
on connaît la situation et la place des femmes, les choses sont loin d’être évi- mais avec une perruque! … Vous imaginez être représenté partout, sur tous les
dentes. Il n’y a pas un paysage sûr pour que l’on puisse exercer nos activités de le stress de cette toute jeune actrice dont continents. Et permettre ainsi de chan-
manière naturelle, la peur étant toujours là, présente. » c’était le premier rôle et qui était complète- ger l’image de l’Irak concernant l’art et
ment déstabilisée. Lors des premiers jours la culture. C’est aussi un premier jalon
de répétition je l’ai trouvée en pleurs: elle avant que je présente un Macbeth, tou-
disait n’avoir rien réussi dans sa vie jusqu’à jours d’après Shakespeare !

10 AND #10 . Le Journal du TANDEM Scène nationale | Décembre 2017 . Janvier 2018
PORTRAIT

UNE OASIS Yagoutha Belgacem dirige la plate-


forme Siwa: à travers la rencontre

ENTRE DEUX RIVES


entre artistes, citoyens du Maghreb,
du Machrek et de l’Occident, elle
contribue à créer des ponts entre
les deux rives de la Méditerranée.

PORTRAIT DE YAGOUTHA BELGACEM


Par Jean-Pierre Thibaudat

N ée en France de parents tunisiens,


de culture musulmane, Yagoutha
Belgacem aime tendre des fils et ourdir
(Théâtre du radeau), et Arafat Sadallah
précieux collaborateur à Siwa depuis le
début.
artistes. Les questions qu’elle leur pose,
elle se les pose à elle-même. Le film sera
projeté à l’édition suivante du festival.
ajoute aux projets amenés par Siwa, tout
un travail mené sur le territoire du 17e
arrondissement avec les femmes maghré-
des filiations entre les deux pôles qui Fort de ce compagnonnage et de ces ex- C’est un début. bines. L’Irakien Haythem Abderrazak
constituent sa vie. périences, Yagoutha Belgacem voyage est là. Et, pour traduire ses dires et ceux
Des rencontres – mot-clef de son par- dans le monde arabe, allant de festival en Siwa est le nom d’une petite oasis, dans d’autres artistes, Arafat Sadallah.
cours – l’entraînent sur la voie du théâtre. festival. En Syrie, au Liban, en Égypte, en le désert égyptien près de la frontière «Je travaille avec des artistes irakiens depuis
Non comme actrice mais en coulisses. « La Jordanie, en Tunisie. Elle part seule, sans libyenne. Yagoutha y était allée en va- 2007 et je me rends à Bagdad régulière-
rencontre importante, c’est celle de Nicole recommandations, sans être chaperonnée. cances, elle y est retournée, elle s’y sent ment depuis 2009. On ignore tout de l’Irak
Gauthier » en 1991. « Amman est le festival qui m’a plus inspiré. bien. Siwa est une oasis – où se rendit et des Irakiens, ce pays est devenu le nom du
En 2005-2006, elle a eu envie de tout ar- C’était comme une plate-forme. Tous les ar- Alexandre le Grand pour consulter son désastre, l’incarnation du tragique, un trou
rêter. «Je trouvais que le milieu théâtral était tistes arabes pouvaient aller en Jordanie. Ce célèbre oracle d’Ammon, elle est la plus noir. On ne sait pas qu’en dépit des guerres,
trop tourné sur lui-même c’était l’époque où n’était pas le cas pour les autres pays arabes. belle et la plus secrète oasis d’Égypte. des crimes politiques et du chaos, des souf-
l’islam commençait à poser des problèmes. En Cela créait une ambiance extraordinaire et Perdue dans un désert absolu, ayant vécu frances endurées pendant l’embargo – en
France, il n’y avait quasiment pas d’Arabes les premières années du festival, l’exigence plusieurs millénaires selon ses propres un mot, du tragique lui-même, l’Irak est res-
dans les théâtres. Où était la mixité? Nourrie artistique était grande. C’est là que j’ai ren- lois, elle est le symbole de toutes les dif- té l’un des pays arabes les plus attachés à la
d’une culture, l’islam, je me demandais: qu’est contré le metteur en scène irakien Haythem férences, de toutes les libertés menacées culture. S’il y a un mystère irakien, c’est bien
ce que je fais de tout cela? Il y avait tout un Abderrazak, en 2005 ». Un artiste de par la moderne uniformité du monde. celui-ci: à Bagdad, il existe encore, tant bien
pan de moi-même qui manquait. Un vide. grande envergure professeur à l’Institut Yagoutha donne le nom de Siwa à son que mal, une scène artistique. Des artistes qui
Comme si j’étais hémiplégique. Où étaient du théâtre de Bagdad et puissant metteur projet : un laboratoire artistique itiné- refusent de s’exiler, des hommes et des femmes
et comment vivaient les artistes dans les pays en scène. rant des mondes arabes contemporains. qui vont au théâtre. On méconnaît la vivacité
arabes?» Yagoutha retourne au Festival d’Amman Printemps 2007, première édition de la de la scène artistique irakienne, performance,
Cette question la taraude. Elle en parle à trois ans de suite. « Tout le monde était plate-forme Siwa au Théâtre de la cité théâtre, poésie chantée, cinéma… n’ont cessé
Fethi Benslama, psychanalyste exerçant là pendant toute la durée du Festival. On internationale. Rencontres, spectacles, d’émerger pendant les décennies tragiques.»
en France. «Seule, tu n’y arriveras pas, il faut était ensemble, on mangeait ensemble, on présentation du film. « Peu de moyens, En 2010, Siwa est au Théâtre des Bouffes
que tu rencontres des gens». Il l’aiguille vers parlait la même langue. Une expérience mais des jeunes pousses qui ne demandent du Nord. Haythem revient, Yagoutha in-
l’équipe du Manifeste des Libertés dont la unique et extraordinaire et je me suis dit qu’à grandir et se fortifier. Je me rends vite également l’irakien Mokhallad Rasem
devise est «De même que l’Europe n’est pas qu’on pourrait faire quelque chose du compte ce qu’il ne faut pas faire : aller cher- qu’elle avait vu à Amman, la première an-
la seule affaire des Européens, l’Islam n’est même ordre entre l’Europe et le monde cher des spectacles dans les pays arabes et née dans le spectacle d’Haythem. Réfugié
pas la chose exclusive des musulmans». Elle arabe. C’était une façon d’être cohérente les balancer comme ça dans les théâtres. en Europe, il mène un travail associant
y croise des personnalités comme Sophie avec moi-même, ma double culture, sortir Je comprends ce qu’il faut faire : être dans corps et images.
Bessis, Tewfik Allal . «Ce fut un salut pour de l’hémiplégie. Revenir aux sources et te- une même temporalité, habiter le même
moi. Je rencontrais des penseurs qui travail- nir les deux bouts. C’était et c’est toujours temps pour être dans une contemporanéité, Le projet Siwa n’entre dans aucune case,
laient déjà ces questions. J’ai beaucoup appris mon exigence. C’était clair. Mais comment associer des équipes, faire des traversées et à chaque projet Yagoutha bute contre
auprès d’eux, cela m’a nourrie. Des loupiotes faire ? » surtout accompagner. Tenir les deux bouts, des montagnes d’incompréhension. Elle
se sont allumées». Ils deviendront des amis, En 2006, au festival d’Amman, avec une c’est être avec et contre des deux côtés. » accuse le coup « mais arrive le printemps
des conseillers, voire des collaborateurs petite équipe et à ses coté Jean-Pierre arabe. C’est une renaissance. »
comme la philosophe Nadia Tazi qui la Han, précieux fidèle et conseiller, elle En 2008, seconde édition aux ateliers Yagoutha va voir ce qu’elle peut faire
présentera plus tard à François Tanguy fait un film où elle interroge tous les Berthier du Théâtre de l’Odéon. Yagoutha en Tunisie. « Je suis une fille de la Tunisie

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profonde, mes parents viennent d’un vil- Parallèlement, Yagoutha mène un autre Être contemporain, c’est habiter le même
lage bédouin, pauvre. C’est la Tunisie que chantier, Looking for Orestia, associant temps : celui de deux étrangers se recevant
j’aime et qui m’a formée. Je veux retrouver Haythem Abderrazak et Célie Pauthe qui mutuellement. Dans un monde véritable-
ça. Et je me suis souvenue des événements dirige le cdn de Besançon. Des étapes de ment contemporain, il n’y aurait plus que
de Redeyef. » travail ont eu lieu à Bagdad, à Besançon, des habitants du seuil. Des seuils. »
à la Fonderie du Mans. D’autres auront
En 2008, suite à une flagrante injustice lieu cette saison à Bagdad et la saison 2
C’est à la suite de ce voyage que Gilbert
dans l’attribution des postes, une grande prochaine à Besançon. Siwa est artiste Langlois (qui avait pu découvrir le travail
grève avait été déclenchée dans le bas- associé au cdn Besançon et c’est grâce d’Haythem Abderrazak au Festival d’Amman
sin des mines de phosphates. Il y eut des à cette étroite collaboration qu’un projet en 2005) décide, sans attendre, d’accueillir
morts, des blessés, des arrestations. Le comme celui-ci peut s’inventer. en résidence l’équipe de Fekret Salem qui
pouvoir de Ben Ali essaya en vain d’étouf- présente sa dernière création Hamlet 1983,
fer le scandale. En 2011, dans la foulée En mai dernier, un petit groupe de per- sur la scène du TANDEM.
de la Révolution, les gens de Redeyef sonnes, dont Gilbert Langlois, le directeur
destituèrent leur municipalité, rejetèrent du TANDEM, se sont retrouvés à Bagdad2,
l’autorité du sous-préfet et organisèrent pour aller à la rencontre de la jeune scène
leur propre police. La plus belle richesse irakienne. «Une suite logique après Amman,
de Redeyef, c’est sa population, et c’est ce Redeyef» constate Yagoutha. D’autant plus
que pressentait Yagoutha Belgacem. Elle logique que le dernier jour à Redeyef, autour
en parle à Marianne Dautrey, autre amie d’un repas, Haythem et son actrice Ekbal LA PLATE-FORME SIWA
précieuse et fidèle qui l’accompagne dans (qui allait devenir un peu plus tard respon-
l’aventure. sable du théâtre et du cinéma de son pays) Siwa est un laboratoire artistique itinérant des mondes arabes contemporains
Une fois encore, tout s’inscrit dans la avaient invité les convives à venir à Bagdad. initié par Yagoutha Belgacem. La plate-forme donne à voir en Europe les pro-
rencontre. Un ami journaliste tunisien ductions culturelles les plus expérimentales de ces pays. En réciprocité, elle
Adel Haj Salem vient avec elle à Redeyef, «Pour moi, le rêve ce serait que Siwa devienne fait connaître en Tunisie et en Irak des expériences artistiques européennes.
il a un copain à Gafsa, Chems. Ils logent véritablement une oasis. C’est-à-dire la chance Dans le climat actuel de défiance et de tension, l’art regagne une vocation de
chez lui, la connivence est immédiate et extraordinaire de l’autre, où l’on s’efforce de nécessité et d’avant-garde. Siwa mène un travail de médiation et de partage
Yagoutha propose à Chems de travailler faire couler côte à côte les langues arabes et les essentiel, contribuant ainsi aux processus d’émancipation à l’œuvre dans ces
avec elle. C’est le début d’une nouvelle langues françaises, où l’on suscite des gestes de sociétés. Dès sa création, dans ses échanges avec des artistes irakiens , elle
aventure qui verra, in fine, l’ancien création conjointe qui n’oublient pas la surdité en a perçu les prémices.
économat (de l’occupation française) ni l’aveuglement ni l’incompréhension des uns
transformé en lieu culturel pour les et des autres, où l’on s’efforce de penser la créa- Siwa est aussi et surtout un lieu de réjouissances où l’on peut exposer et débattre
jeunes de Redeyef, la venue et la col- tion avec l’irréductible étrangeté de l’étranger. en toute liberté, conduire une recherche dans le long cours, capter les symp-
laboration de la Fonderie pour des Où plus exactement, de la confrontation tômes et les tensions qui travaillent ces mondes. Siwa est un lieu du possible
rencontres, des ateliers et un spectacle avec l’étranger faire advenir la création : dans un univers en crise. La jeunesse de ces sociétés arabes, cette majorité
de l’Irakien Haythem associant ses ac- où chacun s’interroge en interrogeant trop longtemps minorée, montre aujourd’hui un très grand désir de savoir et de
teurs et des jeunes de Redeyef : une l’autre. Dès lors, le mot de « contempo- création. Cette jeunesse a d’une certaine façon exaucé cette aspiration. C’est à
version sauvage d’une pièce d’Heiner rain » prend tout son sens, le sens d’une la confluence de cette curiosité intellectuelle et artistique que Siwa se situe et
Müller. coexistence sans conditions de recevabilité. s’essaye à la politique autrement.

Pont de Samarra, 1960 © Latif Al Ani

12 AND #10 . Le Journal du TANDEM Scène nationale | Décembre 2017 . Janvier 2018
S
EN SAVOIR PLU

REPÈRES
CHRONOLOGIQUES
4500 à 2006 av. J.-C. 1916 1980 2003
Civilisation sumérienne en Mésopotamie. Les accords secrets de Sykes-Picot par- L’Irak attaque l’Iran devenue République En mars, les États-Unis et la
Naissance de l’écriture, invention de la tagent le Moyen-Orient entre la France islamique sous la tutelle de Khomeyni. Grande-Bretagne attaquent l’Irak.
roue et de la bière. et la Grande-Bretagne. Un million de morts de part et d’autre. Fin des combats le 15 avril.
Cessez-le-feu en 1988 et retour aux
1894-1255 av. J.-C. 1920 - 1932 frontières initiales. 2006
Babylone. Premier code juridique de Mandat britannique. Saddam Hussein est jugé, condamné à
l’histoire. 1990 mort puis exécuté.
1924 L’Irak envahit le Koweit. Sanctions de
334 av. J.-C. Élection d’une assemblée constituante l’ONU et début de l’embargo international 2011
Alexandre le Grand conquiert Babylone. le 25 février. Première Constitution le volontairement entretenu par Saddam Les troupes américaines se retirent
14 juin. Hussein qui entraînera la mort d’au moins d’Irak.
500 000 Irakiens, dont principalement des
750-1258 1927 enfants. 2014
Califat abbasside, Bagdad est fondée Premier gisement de pétrole découvert Mossoul tombe entre les mains de
en 762 et l’Irak devient le centre du à Kirkouk. 1991 Daesh ainsi qu’une partie du nord-ouest
califat. En janvier, une coalition internationale de l’Irak.
1932 - 1958 attaque l’Irak. En février, Saddam Hussein
1258-1534 Royaume hachémite. accepte un cessez-le-feu et se retire du 2017
Invasions mongoles. Koweit. L’Irak proclame la libération de
1936 Mossoul. Le « oui » l’emporte lors du
1534-1917 Coup d’État militaire, le premier dans 1995 référendum d’indépendance organisé
Mésopotamie ottomane. le monde arabe, mais qui ne dure pas. Résolution de l’ONU dite « Pétrole au Kurdistan irakien.
contre nourriture ».
1940
. Nouveau coup d’État nationaliste de Hatra, Ninive, dans les années 70 © Latif Al Ani
Rachid Ali Gaylani, qui dépose le régent,
et premier gouvernement favorable aux
puissances de l’Axe. Pogroms contre les
juifs.

1941
En avril, intervention militaire britannique
qui met fin au gouvernement pronazi.

1958
Renversement de la monarchie par un
coup d’État. Institution de la république.

1968
Arrivée du parti Baas au pouvoir avec
un coup d’État du général al-Bakr
assisté de Saddam Hussein.

1978
L’Irak expulse l’ayatollah Khomeyni
vers la France.

1979
Saddam Hussein prend toutes les rênes
du pouvoir.

AND #10 . Le Journal du TANDEM Scène nationale | Décembre 2017 . Janvier 2018 13
LA PRESSE EN PARLE
OUS
VOS RENDEZ-V

MUSIQUE

LE CONCERT D’ASTRÉE
Direction Emmanuelle Haïm
© Pedro Machado

© Mathilda Olmi
Mercredi 13 décembre . 20:30
Arras . Théâtre
Les solistes les plus prometteurs (dont Lea Desandre,
Révélation artiste lyrique de l’année aux Victoires de la
musique 2017) et un chœur de haute voltige accompa-
gnés par l’orchestre au grand complet interprètent deux
CANDOCO FAIT DANSER LE THÉÂTRE EXPLOSIF œuvres mythiques : le Dixit Dominus de Haendel et le
Magnificat de Bach.
TOUS LES CORPS DE VINCENT MACAIGNE
Par Rosita Boisseau . Le Monde Par Thierry Sartoretti . RTS (Suisse) MUSIQUE

Un phénomène comme on les aime. Généreux, témé- Vincent Macaigne propose un spectacle tornade de plus LA MUSIQUE SANS MARTEAU
raire, inflexible. […] Née en 1991, la Candoco Dance de deux heures. […] Après Idiot ! Parce que nous aurions Quatuor Béla
Company, troupe « inclusive » (« intégrée ») britannique, dû nous aimer (2014) et En manque (2016), le metteur Mercredi 20 décembre . 18:30
qui mêle handicapés et non-handicapés, autrement dit en scène revisite un texte de jeunesse qui tient de la Douai . Hippodrome
des interprètes en fauteuil roulant et d’autres sans, est science-fiction politique, romantique et théologique. La Musique sans marteau est un concert adressé à
toujours dans la course. Et si on ne la voit malheureuse- Pour le fond, Je suis un pays parle d’amour, de Dieu, de tous : les musiciens du Quatuor Béla nous invitent à
ment jamais en France, c’est sans doute que « si progres- Marie, d’écologie, de politique, de jeunesse et d’avenir. un cheminement ludique, pédagogique et plein d’hu-
siste soit-il, votre pays ne l’est pas encore malheureusement Pour la forme, ce spectacle discret comme les chutes du mour sur l’histoire de la musique contemporaine.
dans ce domaine », assène le codirecteur de la troupe. Niagara tient à la fois de la boum, de la performance, du
Dans le secteur chorégraphique, Candoco est l’excep- meeting, de l’opéra, du show télévisuel et du film d’épou-
tion qui confirme (presque) la règle. Très peu de com- vante. L’expérience est forte, […] et le public emballé ou MUSIQUE
pagnies professionnelles dans le monde accueillent les interloqué devant une telle déferlante visuelle, textuelle
danseurs valides et les autres. […] Candoco ne brandit et musicale. […] Les humains dépeints par Vincent Ma- PEDRO SOLER/GASPAR CLAUS
son label « intégré » que pour affirmer une valeur artis- caigne sont perdus, paumés, largués dans un monde do- Vendredi 12 janvier . 20:30
tique ajoutée. « S’agissant du handicap, la danse est une miné par les multinationales et un système électoral qui Arras . Théâtre
discipline dérangeante, car c’est précisément le corps qu’elle tient de la téléréalité. […] Il y a du Méliès chez Vincent Ou comment père (guitariste) et fils (violoncelliste)
met en œuvre et offre au regard. Mais, comme le prétendait Macaigne : un esprit aussi pionnier que bateleur et bri- inventent un flamenco lumineux, émouvant, aussi se-
la chorégraphe américaine Anna Halprin, chaque corps coleur. Imaginez la rencontre entre Benjamin Castal- rein que turbulent ; la promesse d’un concert dont le
peut danser. » di, le Grand Inquisiteur, Jean-Luc Mélenchon, Dieu et lyrisme contenu et la virtuosité des deux musiciens
quelques zombies en (grosse) colère et vous aurez une effacent les frontières et bouleversent durablement
THE SHOW MUST GO ON petite idée de ce qui vous attend dans Je suis un pays. les auditeurs.
Jérôme Bel . Candoco Dance Company Cette pièce est un ouragan. Avec quelques trous d’air
Mardi 19 décembre . 20:00 textuels, des éclairs de génie absolu, des instants d’ac-
Douai . Hippodrome calmie scénographique et un souffle formidable. Ce n’est DANSE / CIRQUE
pas le moindre des exploits de Vincent Macaigne et de
sa troupe : avec Je suis un pays, le théâtre s’offre un bain LES OS NOIRS
d’énergie électrique qui rappelle les plus excitants des Phia Ménard . Compagnie Non Nova
concerts de rock. Mardi 16 janvier . 20:00
Douai . Hippodrome
JE SUIS UN PAYS / VOILÀ CE QUE JAMAIS JE NE TE DIRAI Seule en scène, la marionnettiste et danseuse Chloée
Vincent Macaigne . Compagnie Friche 22.66 Sanchez joue avec les voiles et se débat avec la bour-
Du 9 au 11 janvier . 19:30 | Douai . Hippodrome rasque : Phia Ménard poursuit ici son exploration
esthétique du vent, sublimée par une chorégraphie
intense.
S
HORS LES MUR CRÉATIVE MEMORY : L’EXPO
THÉÂTRE / MUSIQUE
Sana Yazigi, artiste syrienne en exil à Beyrouth, est À l’occasion du premier focus Face à la mer en mars
la créatrice du projet Creative Memory (La mémoire 2017, le TANDEM a choisi de présenter une sélection DJ SET (SUR) ÉCOUTE
créative de la révolution syrienne), qui donne à en- de ces œuvres à Douai et Arras, et prolonge depuis Mathieu Bauer
tendre la voix du peuple syrien à travers le prisme son accompagnement aux côtés de Sana Yazigi. Mercredi 17 janvier . 20:30 | Jeudi 18 janvier . 20:00
artistique. Ce site internet, intégralement mis à jour Arras . Théâtre
en octobre dernier, est à la fois mémoire et actualité, ART IN REVOLUTION : THE CHALLENGE OF ART Un spectacle électrisant, entre DJ set et concert live,
archives et instantanés. IN SITUATIONS OF POLITICAL REPRESSION qui interroge sur les sons qui ont jalonné l’histoire de
www.creativememory.org Du 18 au 21 janvier | Anvers la musique telle une partition sonore de nos vies.

14 AND #10 . Le Journal du TANDEM Scène nationale | Décembre 2017 . Janvier 2018
CES ARTISTES QUI MONTENT, QUI MONTENT...
ECTEUR
COUP DE PROJ
NDEM
s cinéma du TA
Les rendez-vou ul Desmarets
Douai . Salle Pa

CINÉ-GOÛTER (DÈS 6 ANS)


UN CONTE PEUT EN CACHER UN AUTRE
de Jakob Schuh & Jan Lachauer
Mercredi 6 décembre . 14:30
La projection du film sera suivie d’un échange avec le
public, à l’issue duquel un goûter sera offert aux jeunes
spectateurs !

CINÉ-DIMANCHE
ARRAS FILM FESTIVAL OFF
EN PRÉSENCE DE L’ÉQUIPE ORGANISATRICE
Dimanche 10 décembre . À partir de 11:00
Un Ciné-dimanche d’anthologie! L’occasion de venir
découvrir en avant-première trois films présentés (et
primés) lors de la dernière édition du Arras Film Festival.
© Verena Chen

© Loïc Benoit

CINÉ-RENCONTRE
ENSEIGNEZ À VIVRE !
d’Abraham Ségal
QUATUOR AROD MALIKA DJARDI Jeudi 21 décembre . 18:00 | 20:30
La projection du film sera suivie d’un débat en présence
Les spectateurs qui ont eu la chanse d’assister au Inqualifiable Malika Djardi. Née en banlieue lyonnaise du réalisateur et d’Edgar Morin (sous réserve).
concert Mozart / Mendelssohn du 11 octobre dernier, ne où elle prend ses premiers cours de danse aux côtés de
seront pas surpris de retrouver les quatre magnifiques Maguy Marin, elle se forme aux arts plastiques avant
interprètes du Quatuor Arod dans cette rubrique consa- de partir étudier la danse contemporaine à l’Université CINÉ-DROIT
crée aux artistes de la saison qui ont le vent en poupe. du Québec à Montréal, puis au cndc d’Angers. Après OMBLINE
Formé en 2013 par Jordan Victoria, Alexandre Vu (vio- quelques premiers projets chorégraphiques – dont de Stéphane Cazes
lons), Corentin Apparailly (alto) et Samy Rachid (vio- Love Song en 2010 pour lequel elle s’entoure de futures Mardi 12 décembre . 20:30
loncelle), le Quatuor Arod a déjà remporté de nombreux étoiles de la danse contemporaine (Maud Le Pladec, À l’issue de la projection, nous vous proposons une
prix sur la scène internationale, notamment le Premier Trajal Harrell…) – Malika Djardi crée le solo Sa Prière rencontre avec Anne Jannequin, Maître de Conférence
prix du Concours international de l’ard de Munich en en 2014. On y découvre une danse-documentaire en Droit public à la Faculté de Droit de Douai.
2016. Nommés « bbc New Generation Artists » pour les d’un nouveau genre, construite à partir d’entretiens
deux années à venir, les quatre virtuoses viennent de enregistrés avec sa mère racontant son lien à l’Islam,
sortir en octobre dernier leur premier disque consacré tandis que s’exécute au plateau une danse libre et dé-
à Mendelssohn chez Erato Warner Classics (enregistré bordante d’énergie. Très remarqué, ce solo propulse la INFOS PRATIQUES
dans la salle des concerts du Théâtre d’Arras). chorégraphe sur la scène des Rencontres Chorégra-
phiques Internationales de Seine-Saint-Denis où elle
Tous quatre sortis du cnsm de Paris, ils se sont trou- crée Horion en 2016. Dans cette pièce coup-de-poing, Arras . Théâtre
vés et accordés, comme en témoigne l’exceptionnelle Malika Djardi rue dans les brancards avec son com- 7 place du Théâtre . 62000 Arras
écoute mutuelle que nous avons pu apprécier. Tout plice Nestor Garcia Diaz et construit un duo frénétique Douai . Hippodrome
en élégance et délicatesse, leurs cordes fusionnent, fait de corps qui s’entrechoquent, se percutent, jusqu’à Place du Barlet . BP 10079 . 59502 Douai Cedex
chaque corps épouse son instrument, esquissant l’affrontement – et non sans humour.
une chorégraphie gracile et envoûtante qui plonge Abonnement à partir de 5 spectacles
le spectateur fasciné et concentré dans une intense À découvrir également cette saison : 3, sa nouvelle Abo jeune - 26 ans à partir de 3 spectacles
émotion. Ces quatre charmeurs surdoués n’ont pas création, entre cinéma documentaire, science-fiction Jusqu’à 40% de réduction sur vos spectacles
fini d’éblouir le public du monde entier : à leur agen- et paysages plastiques post-apocalyptiques. L’occasion
da, une centaine de concerts sur les scènes les plus de retrouver la géniale Ana Pi qui avait arpenté les Tarifs cinéma
prestigieuses, dont celles de Salzbourg, de Bayreuth quartiers de Douai et d’Arras en 2016 avec Le Tour du Plein tarif . 6.50 € | Tarif adhérent . 4.50 €
ou de Vienne… À suivre ! monde des danses urbaines en 10 villes. Pass cinéma (10 places) . 41 €

SA PRIÈRE / HORION (Soirée composée) Accueil . Billetterie


Jeudi 25 janvier . 20:00 | Vendredi 26 janvier . 20:30 Du mardi au samedi, de 14:00 à 18:45
Arras . Théâtre 09 71 00 5678

3 (Création) www.tandem-arrasdouai.eu
Coproduction TANDEM Scène nationale Inscrivez-vous à notre newsletter et retrouvez
Vendredi 23 mars . 20:00 l’actualité du TANDEM sur les réseaux sociaux !
Douai . Hippodrome

AND #10 . Le Journal du TANDEM Scène nationale | Décembre 2017 . Janvier 2018 15
DU
LE JOURNAL

Directeur de la publication
Gilbert Langlois

Comité de rédaction
Gilbert Langlois, Romain Rousseau,
Pierre Laly, Christophe Teillout, Anne Pichard

Rédaction
Marina Da Silva,
Jean-Pierre Thibaudat, Jean-Pierre Han

Design graphique
Romain Rousseau

Impression
La Voix du Nord
Tirage 23 000 exemplaires

Photographies de première et quatrième de couverture


© Latif Al Ani
En haut
Déjeuner à l’école, école primaire Tous droits de reproduction réservés
d’État, Bagdad, 1961 © TANDEM Scène nationale - novembre 2017

Au centre Le TANDEM Scène nationale est subventionné par la


Deux femmes, festivités de la Journée Ville d’Arras, la Ville de Douai, le Ministère de la Culture
de la femme, Bagdad, 1962 et de la Communication, le Conseil régional des Hauts-
de-France / Nord Pas-de-Calais Picardie, le Conseil
Ci-contre départemental du Nord et le Conseil départemental du
Shorja Street, Bagdad, 1960 Pas-de-Calais

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