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Oeuvres complètes de

Cicéron : avec la traduction


en français. Tome 1 /
publiées sous la direction de
M. Nisard,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Cicéron (0106-0043 av. J.-C.). Auteur du texte. Oeuvres complètes
de Cicéron : avec la traduction en français. Tome 1 / publiées sous
la direction de M. Nisard,.... 1869.

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COLLECTION

DES

AUTEURS LATINS
AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS

PUBLIÉE SOLS LA DIRECTION.

DE M. NISARD
DE L'ACADKMl FRANÇAISE
• 1>SPLCTELH U£.\ÈUAI. DE L'ESSi)lU.>EME.M SLPÈRiEL'R
ŒUVRES

COMPLÈTES

DE CICÉRON
îums. rvfiH.HAi^iiiK ni-; iniwii> ihiwt fuirus, iils i:i <:ik, mF. jacob, SC.
ŒUVRES

DE CICÉRON
COMPLÈTES

AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS

IMIBLIF.KS SOUS LA DIRECTION

DE M. NI8ARD
DEL'ACADÉMIEFRANÇAISE
GENERAL
INSPECTEUR DE L' ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR

TOME PREMIER

PARIS
CHEZ FIRJ11N DIDOT FRÈRES, FILS ET C", LIBRAIRES
IMPRIMEURS DE l'iNSTITUT DE FRANGE
BUE JACOB, 5(i

M DCCC LXIX
AVANT-PROPOS.

Nous n'avons pas entrepris sans quelque inquiétude cette traduction des
œuvres de Cicéron. Outre la difficulté matérielle de réunir en cinq volumes,
distribués avec ordre et clarté, la matière de près de quarante volumes des
éditions ordinaires, nous avions à redouter le souvenir qu'a laissé aux amis
des lettres latines le beau travail de M. J. V. Leclerc. Rien n'eût été plus
désirable pour notre collection que d'y faire entrer cette traduction juste-
ment célèbre, avec les améliorations de détail que, sans aucun doute, 1<*
savant éditeur eût jugé nécessaire d'y introduire. La chose n'ayant pas été
possible, nous avons dû entreprendre nous-mêmes une nouvelle traduction,
en tâchant de découvrir en quels points M. Leclerc aurait pu songer à amé-
tiorer son travail; et, pour le reste en nous attachant à suivre cet excellent
modèle.
L'édition que nous donnons ici avec la seule confiance de n'avoir rien
négligé pour la rendre bonne, n'est pas, nous nous hâtons de le déclarer,
une édition savante. Il faut laisser ce nom à l'œuvre de M. J. V. Leclerc,
avec l'honneur qui y est justement attaché. Nous n'avons pas fait pro-
prement de travail philologique sur le texte et quant à nos annotations,
réduites à ce qui nous a paru le strict nécessaire, elles sont loin d'avoir le
caractère de dissertation qui distingue cette partie du travail dans une
édition savante.
Toutefois, s'il ne nous coûte pas de reconnaître ce qui nous manque au
point de vue scientifique, il y aurait peut-être trop d'humilité à taire les
motifs solides que nous croyons avoir eus de conserver à l'édition de Cicé-
ron en particulier le caractère élémentaire qui est propre à notre collec-
tion. Cette nécessité même nous a peut-être préservés de certains inconvé-
nients attachés aux éditions savantes.
S'agit-il en effet d'établir un texte? il faut renvoyer le lecteur à toutes
les sources et indiquer toutes les variantes. Or, il n'est guère d'auteur
dont l'édition ne s'accroîtra d'un tiers, si l'on y veut faire entrer toutes
les leçons, ou même se réduire aux leçons accréditées. Pour Cicéron en
particulier, l'édition la plus récente et la plus complète, à cet égard, qui en
ait paru jusqu'alors, celle du savant Orell ou Orelli, prouve que les leçons
peuvent équivaloir à plus d'un tiers du texte. In omettre et faire un triage.
c'est affaiblir l'autorité scientifique de l'édition. D'autre part il faut bien
donner les raisons pour lesquelles on a préféré telle leçon à telle autre.
De là, d'interminables discussions philologiques. L'esprit s'y noie; et s'il
est un lecteur assez courageux pour s'y engager, il risque d'y perdre le sen-
timent littéraire, pour acquérir, sur des points insignifiants, un savoir in-
grat et qui n'est rien moins qu'assuré. C'est peut-être le défaut des philo-
logues de profession de se tromper sur les besoins du lecteur, et de lui
prêter leurs propres scrupules et leurs incertitudes. Il faut dire de cette
philologie ce que Bossuet, dans sa préface du discours sur l'Histoire uni-
verselle, dit de la chronologie minutieuse qui a bien son usage, dit-il,
mais qui n'est pas propre à éclairer l'esprit d'un grand prince » ajou-
tons, ni celui d'un simple particulier.
S'agit-il d'un travail d'annotations historiques? Le champ n'a guère plus
de limites. Où s'arrêter ? Où poser la borne du nécessaire? Quel fardeau sté-
rile pour la mémoire, par exemple, que ces généalogies de tous les noms
subalternes qui ont été mêlés par le hasard aux événements et aux person-
nages principaux A quoi bon des éclaircissements sur des passages où le
lecteur, abandonné à lui-même, ne sentirait pas le besoin d'être éclairé?
C'est le danger de la philologie minutieuse, d'insister là où l'auteur n'a
voulu que glisser, et d'imaginer de grands desseins où il n'y a peut-être
que de la négligence, 11 semble que la plupart des travaux de ce genre
aient pour but de donner les moyens de faire facilement des livres médio-
cres, plutôt que d'apprendre à goûter les bons.
Si notre édition n'a pas le mérite d'une édition scientifique, s'il n'y faut
pas chercher les qualités d'ailleurs estimables qui recommandent ces sortes
d'ouvrages, on ne risque pas d'y trouver les inconvénients que nous signa-
tons. Notre pensée ayant été bien moins de hasarder quelques éclaircisse-
ments de plus sur des points indifférents, que de rendre facile la lecture de
tant de beaux ouvrages dont la clarté éclate, à la première vue, pour qui-
conque sait même médiocrement la langue, il ne faut rien chercher dans
cette édition qui n'ait ce but. Ainsi on ne trouvera dans nos notes ni le
degré auquel tel centurion a pu être parent de tel personnage politique, ni
si les noms sont exactement les mêmes, ou s'ils n'ont pas été altérés par
d'ignorants copistes, qui auraient substitué telle lettre à telle autre; ni, dans
nu ordre de faits un peu plus utiles, ce grand nombre d'explications ingé-
nieuses, mais contestables, sur tant de petites choses dites entre gens qui
s entendaient à demi-mot; ni surtout ces discussions sur le sens, où le der-
nier arrivant des traducteurs démontre à tous ses devanciers qu'ils se sont
grossièrement trompés. Nous sommes si convaincus de l'inutilité de ces
éclaircissements que nous nous sommes fait un devoir, à un très-petit
nombre d'exceptions près, de ne mettre aucun chiffre ou signe de renvoi en
tête des passages qui ont donné lieu à des notes. Si le lecteur ne s'y sent
pas arrêté, il passe outre et nous n'avons pas du moins le tort de lui avoir
donné un scrupule qu'il n'aurait pas eu de son propre mouvement. S'il a
besoin d'être éclairé, il recourt aux notes rejetées à la fin de l'ouvrage, et
il y trouve satisfaction.
Ce n'est pas par ce seul point dont nous ne nous faisons d'ailleurs qu'un
mérite négatif, que notre édition diffère d'une édition scientifique.
Par exemple, il paraîtrait monstrueux, dans une édition qualifiée de
ce nom, qu'on n'y eût pas fait entrer les moindres fragments de l'auteur,
ni donné place aux ouvrages apocryphes, reconnus pour tels par tous les
savants, dont l'accord sur ce point devrait pourtant ôter tout scrupule.
Le caractère élémentaire de notre édition nous a mis fort à l'aise à cet
égard. Ainsi, nous avons cru devoir en conscience laisser dans les
grammairiens ou dans les scoliastes, d'où on les a extraits, des fragments
du genre de ceux-ci Deum fidem. Questus que mecum est. Commis-
sura. Puncta Poematorum. fragments qui ont appartenu à des dis-
cours ou d'autres, commecelui-ci Antecellunt. qui a fait partie d'un des
traités philosophiques: non que nous blâmions le soin religieux qui a ras-
semblé ces débris, ou que nous ne comprenions pas cette superstition, la
plus innocente de toutes, pour les œuvres du génie. Mais nous ne croyons
pas que ce soit uu défaut de ne pas charger une édition de mots isolés ou
de lambeaux de phrases qui n'ont aucun sens hors de l'ouvrage dont on les
a tirés ainsi en fait de fragments, ne donnons-nous que ceux qu'on ne re-
trouverait dans aucun des ouvrages de la collection et n'en donnons-nous
aucun qui n'offre un sens complet soit qu'il s'agisse d'un fait, soit qu'il
s'agisse de quelque pensée morale ou philosophique. Nous n'avons point à
faire les affaires de l'espèce de curiosité un peu stérile qui s'attache à ces
reliques, mais bien ù appeler l'attention sur les ouvrages intacts, sur ces
corps pleins de vie, auxquels les érudits ont le tort de préférer des membres
dispersés, disjecti membra, pour l'honneur que leur en fait la restaura-
tion conjecturale.
Quant aux apocryphes, la superstition, à cet égard, nous parait une
impiété nous ne craignons pas de dire que nous en avons nettoyé notre édi-
tion. On n'y trouvera plus, par exemple ce traité de la Consolation, attri-
bué à tort, presque méchamment, perperam, à Cicéron, et qui n'est, ainsi
que l'a très-bien prouvé M. J. V. Leclerc, qu'une mauvaise déclamation
de quelque rhéteur médiocre des âges suivants. Mais à quoi bon alors le pu-
blier et le traduire? La pieuse main du savant éditeur a respecté Cicéron
jusque dans une méchante déclamation longtemps décorée de son nom, Il
a prouvé l'indignité de la pièce, et il a conclu à ce qu'elle fùt conservée.
Nous, nous avons, sur la foi d'un juge si compétent, adopté l'arrêt; et,
pour être conséquents, nous l'avons exécuté.
Mais la plus grave de nos innovations, c'est, premièrement, d'avoir ter-
miné les œuvres de Cicéron par le recueil de ses lettres, ordinairement pla-
cées entre les discours et les œuvres philosophiques; et, en second lieu,
d'avoir publié ces lettres dans l'ordre chronologique. Il convient d'exposer
en peu de mots les motifs de ce double changement.
Ces motifs, quant au renvoi du recueil des lettres à la fin des œuvres, sont
de pure commodité. C'est, aujourd'hui, un usage universel, et qui ne choque
point les érudits, de terminer les grandes collections d'ouvrages par la cor-
respondance de l'auteur. Après l'écrivain vient l'homme; après la vie pu-
blique, la vie privée. Les lettres sont presque toujours le commentaire des
écrits; or, la place naturelle du commentaire est à la suite des œuvres. Un
autre motif, c'est qu'il n'y en a aucun pour conserver l'ancien ordre intro-
duit, on ne sait pourquoi, par les premiers éditeurs de Cicéron, et res-
pecté, sans plus de raisons connues, par les plus récents. Placés entre l'u-
sage nouveau, suivi universellement et dans toutes les éditions d'écrivains
modernes, et cet autre usage qui n'a de respectable que son antiquité,
nous avons risqué volontiers, pour le plaisir du lecteur, un changement
qui fait ressembler cette édition de Cicéron à celles des œuvres de Bos-
suet, de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau, dont la correspondance forme
la dernière partie.
Il était peut-être plus téméraire de publier les lettres dans l'ordre chro-
nologique, quoiqu'on n'y ait jamais fait qu'une objection, assez grave, il est
vrai c'est la difficulté, pour beaucoup de lettres, et l'impossibilité pour
un certain nombre, d'en déterminer même la date approximative; c'est
en outre, pour celles même, en si grand nombre, qui ne sont datées quedu
mois, le risque d'en intervertir l'ordre.
Ces scrupules, très-fondés au point de vue de la philologie minutieuse, nous
semblent perdre de leur valeur au point de vue pratique. Les lettres qu'il est
difficile de dater, ou celles qu'on ne peut point dater, même approximative-
ment, sont, il faut le dire, ou d'un intérêt médiocre, ou tout à fait insigni-
fiantes. C'est presque de leur faute si elles ne se datent pas elles-mêmes. Ce
sont des billets où Cicéron n'a pas jugé à propos ou n'a pas eu le temps
d'exprimer aucune de ces pensées importantes, de ces préoccupations pour
ainsi dire publiques, qui donnent une date certaine à toutes les lettres
véritablement intéressantes de ce vaste recueil. Quant à celles qui sont
datées du môme mois, et dont on peut risquer en effet d'intervertir l'or-
Hi'fi_ (\(\ rmollft nfititft fînnséminnrA SAr;iit nnp. Arrnnr dp. p.a ppnpnî fiii'irrm/w-
terait même la date certaine, là où manquerait la vraie date, la date mo-
rale, celle que donnent à tant de lettres de Cicéron un grand mouvement
dans la politique, une grave discussion au sénat, une défaite ou une
victoire du vieux parti républicain? Quand l'ordre n'est pas dans les ma-
tières, à quoi sert l'ordre matériel des titres?
La seule objection qu'on ait faite à l'ordre chronologique n'est donc pas,
comme on vient de le voir, sans réplique. Et, au contraire, les avantages
de cet ordre sont si réels, même au point de vue de la science, qu'il est
douteux qu'on n'adopte pas désormais l'usage de substituer un recueil
unique et continu aux recueils détachés et distincts que les premiers édi-
teurs des lettres de Cicéron ont scrupuleusement publiés tels qu'ils les avaient
reçus de l'antiquité. En entrant les premiers dans cette voie, nous croyons
rendre service aux lettres latines.
Ces avantages sautent à tous les yeux. Il suffit d'avoir lu la correspon-
dance do l'un de nos grands écrivains, celle de Voltaire, par exemple, qui
ressemble par tant de points à celle de Cicéron, pour apprécier, jusqu'à
n'en pouvoir supporter d'autre, l'ordre chronologique. L'ordre par recueils
séparés, pour ne parler que des lettres de Cicéron, expose à de faux juge-
ments sur l'homme. Il est rare, en effet, que Cicéron se montre exactement
le même à ses différents correspondants. Avec celui-ci il est plus réservé;
plus ouvert avec celui-là. Il n'est guère moins rare que ses impressions
et ses jugements ne diffèrent pas quelque peu, sur les mêmes choses,
d'une lettre à l'autre. Soit que ces légères variations soient délibérées, soit
qu'il n'y faille voir qu'un effet delà mobilité de son caractère, il importe
de suivre successivement, et dans l'ordre des dates, toutes ces nuances,
dont la comparaison seule nous peut découvrir le véritable état de son
esprit.
Mais l'avantage le plus manifeste de l'ordre chronologique, c'est la
clarté. La lettre qui suit explique celle qui précède. Ce que Cicéron insinue
à celui-ci à demi-mot, il va l'exposer à celui-là dans tous ses détails. Au-
jourd'hui, des occupations lui ont à peine laissé le temps d'écrire un billet,
qui d'abord est presque une énigme. Le prochain messager apportera une
longue lettre où l'énigme sera expliquée, et le billet deviendra un piquant
chapitre d'histoire anecdotique. Telle lettre fait allusion à un personnage,
désigné par trop peu de traits pour qu'on le reconnaisse; la lettre sui-
vante, ou bien le nomme, ou le caractérise si distinctement, que son por-
trait le trahit. Un récit d'abord écourté, par défaut de temps, se complétera
dans une suite de plusieurs lettres. Des notes sont à peine nécessaires, et
ce n'est pas un médiocre gain que de pouvoir en réduire le nombre. Les
lettres se commentent elles-mêmes pour tout ce dont il importe d'avoir
immédiatement l'explication les notes ne servent qu'à éclaircir les choses
indifférentes.
La traduction des lettres, dans notre édition, est nouvelle. Quoique
l'exemple de M. Leclerc nous autorisât à reproduire, avec de légères modi-
fications, les traductions justement estimées de Mongault et de Prévost, il
nous a paru qu'il pouvait y avoir quelque avantage à en essayer une nou-
velle. S'il est un ouvrage de Cicéron pour la traduction duquel le tour d es-
prit et la langue des gens de goût, au dix-neuvième siècle, peuvent offrir
quelques ressources de plus que la langue des deux derniers siècles, ce
sont peut-être les lettres. Depuis Mongault et Prévost, ces lettres ont
reçu, dans ce qui en fait le principal intérêt, c'est à savoir l'histoire po-
litique, un imposant commentaire. Ce sont nos deux révolutions; ce sont
vingt-cinq années d'existence laborieuse sous un gouvernement libre; c'est
l'expérience, trop souvent cruelle, des luttes de partis, des abus de la
parole dans les assemblées, de ce besoin de popularité qui n'a été si
souvent, à Rome comme chez nous, que le culte rendu par la peur à la
force brutale c'est enfin un certain sens politique qui a dû manquer à
nos pères, et qui nous a donné l'intelligence pratique de ce qu'ils ne ju-
geaient qu'en spéculatifs. Il en est résulté dans le langage des change-
ments et des accroissements de bon aloi, comme tous ceux qui se font du
consentement général, et d'où le traducteur habile peut tirer des analogies
directes et frappantes, pour rendre tout ce qui, dans l'original, se rapporte
à cet ordre d'idées. Ce sera peut-être le mérite de la traduction que nous
devons à deux hommes detalent et de goût (*), lesquels l'avaient commencée
sans dessein de la publier, et ont bien voulu l'achever pour notre collec-
tion, se partageant le travail qui a été revu en commun.
L'adoption, pour le recueil des lettres, de l'ordre chronologique, n'est
peut-être pas le seul avantage que nous ayons sur les éditions antérieu-
res et même sur celle de M. Leclerc. Il faut bien, par exemple, que
nous regardions la traduction nouvelle du De Oratore, par M. A. Th. Gail-
lard, comme de beaucoup meilleure que celle qu'il a publiée dans l'édition
de M. Leclerc, et dont il a laissé à peine un tiers dans son nouveau travail.
Or, on sait que le De Oratore est à la fois le plus long et le plus goûté des
traités de rhétorique de Cicéron. Cette supériorité de notre travail sur quel-
ques points compensera notre infériorité dans d'autres parties où notre désir
de bien faire n'aura pas pu nous tenir lieu du profond savoir et du talent
de notre devancier.

(') MM. Defresne, ancien secrétaire général de la préfecture de la Seine, et Sava-


lette, conseiller maître à la cour des comptes.
Notre édition a d'ailleurs en commun avec la sienne, soit les traductions
du domaine public qui lui ont paru dignes d'être réimprimées, soit celles
que les auteurs ont bien voulu nous autoriser à reproduire. Parmi les pre-
mières, il faut noter les Tusculanes, par l'abbé d'Olivet et le président Bou-
hier, et l'excellent choix de discours, par Gueroult. Parmi les secondes,
nous réimprimons tout ce qu'a traduit M. Burnouf père, dont on connaît le
grand savoir comme philologue et l'habileté comme interprète des anciens.
On sera heureux de retrouver le Traité des Lois, dont l'élégante version
est l'ouvrage de SI. de Rémusat, ainsi que le Traité de l'Invention, cons-
ciencieux et solide travail de M. Liez, l'un de nos plus habiles professeurs,
si prématurémentenlevé à l'enseignement et aux lettres anciennes.
Parmi les réimpressions des traductions du domaine public, on a repro-
duit lidèlement celle des Tusculanes et celle dé la Nature des Dieux, par
l'abbé d'Olivet. Les retouches sont permises dans un ouvrage qui n'est
qu'estimable, et dont les qualités sont de celles que peut donner le travail à
tout esprit bien fait. Quand le style ne porte pas la marque de cette origi-
nalité qui est comme la physionomie de chaque auteur, et qu'il ne s'élève
pas au-dessus de ce que nous définirons le langage ordinaire des esprits
cultivés, des corrections habiles, loin de gâter une traduction, peuvent la
rendre meilleure. Mais si le traducteur est un écrivain c'est à savoir une
personne qui met son empreinte particulière sur le langage de tous, il
semble qu'on n'ait pas le droit de toucher à son travail, et que des cor-
rections ne peuvent que le défigurer. Or, les excellentes traductions des
Tusculanes et de la Nature des Dieux sont une œuvre d'écrivain, et, à ce
titre, méritaient d'être réimprimées dans leur intégrité. S'il est vrai que ce
ne soit déjà plus la fermeté et la force du style du dix-septième siècle, on ne
peut nier qu'une correction élégante, un tour heureux, un naturel que n'a
pas gâté l'exagération philosophique de l'époque, ne fassent de ce travail
dans un rang secondaire, un ouvrage original et digne de sa réputation. Il
n'y a donc été rien changé dans cette réimpression. Des notes rejetées à la
fin des traités, comme il a été fait dans notre Sénèque, pour la traduction
si remarquable des épîtresC), réparent les omissions, ou indiquent les in-
terprétations nouvelles qu'ont pu rendre nécessaires, soit l'intelligence plus
exacte du latin, soit les améliorations qu'a reçues le texte des recherches ulté-
rieures de la philologie.
Mais on n'a pas eu le même scrupule à l'égard de quelques autres traduc-

(•) On sait que cette traduction est l'œuvre de Pintrel, cousin de la Fontaine, et a
été très-certainement revue par ce grand poëte, qui en a traduit en vers toutes les ci-
tations.
tions moins remarquables, qui d ailleurs l'étaient assez pour qu fùt inutile
de les remplacer. La table indiquera toutes celles qui ont été revues. Nous
avons été trop heureux de pouvoir suivre là encore l'exemple de M. Leclerc,
dont nous nous étions écartes, non sans inquiétude, en ne croyant pas de-
voir toucher aux traductions de l'abbé d'Olivet.
Il nous reste à parler des travaux accessoires de cette édition.
Le plus considérable est une vie de Cicéron, composée d'après les faits
les plus authentiques, et où l'on s'est abstenu de tout jugement pouvant
sentir la prétention oratoire on le caprice. La moralité des faits sort de
l'exposé même qui en a été fait avec fidélité. On ne s'est pas cru obligé à
faire de l'éloquence à froid à propos du plus grand orateur de l'antiquité.
On s'est interdit avec le même scrupule ces jugements travaillés où l'auteur
fait de vains efforts pour différer de l'opinion commune. Il n'y a,
depuis longtemps, rien à dire de nouveau sur l'un des auteurs les plus
universellement pratiqués, depuis dix-huit siècles, comme sur l'un des
hommes qui se sont le mieux peints dans leurs écrits. Mais un travail où
sont recueillies dans leur suite, et racontées avec une simplicité distinguée
toutes les circonstances de cette grande vie, sera toujours lu avec plaisir et
profit. Nous serions heureux que notre biographie de Cicéron parùt porter
ce caractère et avoir cet effet (*).
Ce travail est suivi de la vie traduite de Plutarque par Amyot, et accom
pagnée d'un grand nombre de notes, de la même main qui a composé la
biographie. Ces notes comprennent tous les détails relatifs aux habitudes
privées, à la vie domestique de Cicéron, à ses maisons de campagne, à la
manière dont il y employait ses loisirs, à sa famille et à celle de son frère,
et généralement à toutes les circonstances, pour ainsi dire, familières, qui
n'auraient pu prendre place dans la biographie sans y jeter quelque confu-
sion. lîien de ce qui se rapporte à ce grand homme, dont les oeuvres for-
ment la cinquième partie de toute la latinité, n'a été omis, nous l'espérons,
dans cette biographie complémentaire.
On nous approuvera sans doute d'avoir fidèlement réimprimé la traduc-
tion d'Amyot. Outre que les inexactitudes qu'on y pourrait remarquer sont
insignifiantes, il n'est pas de traduction nouvelle dont la fidélité ou l'élé-
gance nous puissent dédommager de la force et des grâces de ce langage
dont Montaigne s'est nourri, et dont l'ingénieuse subtilité, qu'il est si aisé
de reconnaître sous la naïveté des tours, sera toujours plus près du génie de
l'original que tout l'artifice savant des traductions faites depuis ou à faire.

(*) L'auteur de ce travail est M. Théophile Baudement, dont la collaboration habile


et dévouée nous a été jusqu'ici d'un si précieux secours.
1
Le tableau synchronique qui vient à la ~n:.a-~ reproduit en abrégé
1- suite
les dates rapprochées de l'an de Rome, de l'ère chrétienne et de 1 âge de
et avec

Cicéron, les principales circonstances qui se rattachent à la vie de ce grand


homme. Ce tableau s'adresse surtout à ceux qui ont besoin d'être fixés
promptement, et sans recherches, sur une date, sur l'époque où a paru un
ouvrage, sur le rapport d'un événement et d'un nom. Il complète certaines
notes ou les supplée. C'est aussi le but d'un second tableau où sont rangées
par ordre alphabétique, et analysées brièvement, toutes les lois citées par
Cicéron. Les éléments de ce double tableau ont été tirés de l'édition d'Orelli.
C'est ici le lieu d'aller au-devant du reproche qui pourrait nous être fait
d'avoir adopté indifféremment la chronologie de Caton, qui fait mourir
Cicéron en 710 et celle de Varron, qui fixe cette mort en 711. Ainsi dans
la biographie de Cicéron, dans les arguments et les notes historiques des
discours, on reconnaîtra celle de Caton; les lettres, au contraire, sont
datées d'après l'année de Varron. Notre unique motif, c'est que n'y ayant
aucune raison décisive et sans réplique d'adopter exclusivement l'une plutôt
que l'autre, partout où nous avons suivi le texte de M. Leclerc ou reproduit
des traductions déjà données par lui, nous nous sommes conformés à sa
chronologie, qui est celle de Caton; et au contraire, pour le recueil des
lettres, où nous nous sommes servis du texte d'Orelli, il nous a paru juste
d'adopter sa chronologie, qui est celle de Varron. La différence entre ces
deux chronologies n'étant que d'une année, on n'a pas à craindre de confu-
sion il y a d'ailleurs été pourvu par un tableau de la suite des consuls,
pendant la vie politique de Cicéron par lequel se terminent les travaux
préliminaires du premier volume, et où l'année de Caton est mise el
regard de l'année de Varron.
Ce tableau fait partie d'un travail très complet, qui comprend
1° l'ancien calendrier romain; 2° la comparaison de ce calendrier
avec celui de César. Les ides, les kalendes, les nones, où il est si diffi-
cile de se reconnaître, y sont ramenées à notre manière de dater les
actes par le nombre des jours du mois. Nous avons d'autant moins hésité
à emprunter ce travail à l'édition d'Orelli, que l'usage n'en sera pas borné
aux lettres de Cicéron, mais qu'il pourra être consulté pour tous les ouvra-
ges de notre collection.
Les lettres ne sont pas le seul ouvrage dont nous ayons emprunté le texte
à l'excellente édition d'Orelli. Nous l'avons suivi le plus généralement pour
toutes les traductions nouvelles, non sans avoir sous nos yeux, pour terme
de comparaison et souvent pour guide, le texte si solidement établi par
M. Leclerc. Pour les traductions, soit du dernier siècle, soit des dernières
années qu'il nous a été permis de réimprimer d'après M. Leclerc, .l" hb
1 1 nous
Il.W
AVANT-PKOl'OS DES ÉDITEURS.

put faire
n'avons pu mieux que de
faire niift reproduirelfl
dp rpnrnrhiirp tniftp qui
le texte nui les
Ipk accompagne.
anor Toute-
fois, dans l'un et l'autre cas, la conformité n'est jamais servile. Sans avcir
la prétention de constituer une fois de plus un texte qui est en quelque sorte
sacré, on ne s'est pas interdit, soit de mêler les deux éditions, en corrigeant
H. Orelli par.11. Leclerc, et réciproquement, soitd'adopter, sur l'autorité des
manuscrits cités par eux, quelques leçons qui ont paru plus fondées que
les leurs. Ces changements d'ailleurs peu importants, et dont les résultats
ne sont guère proportionnés aux scrupulesqu'ils suscitent, ont été faits sous
la même responsabilité qui est chargée de diriger et de revoir tons les
travaux
VIE DE CICÉRON.

Le 3 janvier de l'an 647 de Rome (107 ans frère Qumtus, de trois ans plus jeune que lui, les
avant l'ère chrétienne), MarcusTullius Cicéron na- principes d'une éducation forte, sous les yeux de cet
quit près d'Arpinum, ville municipale du Latium, aïeul que Rome enviait à un petit canton de l'Italie
déjà célèbre pour avoir donné naissance à Marius, et sous ceux de son père, homme d'un grand sa-
et que sa fidélité envers Rome y avait fait agréger, voir acquis au prix de sa santé. Dès cette époque,
dans les comices, à la tribu Cornélia. Helvia, sa il étonnait scs maîtres par un esprit vif, pénétrant,
mère, qui, au rapport de Plutarque, le mit au monde facile, que ne rebutaient les éléments d'aucune con-
sans douleur, soutenait par ses vertus l'illustration naissance. On pouvait deviner déjà la vaste intelli-
de son nom, qui était celui d'une des premières gence qui devait plus tard les embrasser toutes.
maisons de la république. L'origine de Cicéron se- Après cette première institution domestique, son
rait plus illustre encore si, comme il a plu à certains père le conduisit à Rome, où il n'était bruit que des
auteurs, il était possible de le faire descendre d'un triomphes accumulés et des six consulats de Ma-
roi des Volsques; mais cette opinion n'a pas plus rius, cet autre enfant d'Arpinum. Les relations de
de fondement que celle qui lui donne pour père sa famille avec les plus grands personnages de la
un foulon. La superstition de ses admirateurs se république, lui ouvrirent la maison du célèbre ju-
plut aussi à entourer son berceau de prodiges, et risconsulte C. Aculéon, beau-frère de sa mère; de
Plutarque le naïf écho de ces croyances populaires, l'orateur M. Antoine, ami particulier de son oncle
parle d'un génie qui apparut à sa nourrice, et lui Lucius; de M. jEm. Scaurus, chef du sénat; de
dit que l'enfant qu'elle allaitait serait un jour la Q. Mucius Scévola l'augure; de Strabon; de Q. L.
gloire de Rome. Catulus, qui partagea avec Marius la gloire d'avoir
Cicéron, qui s'est plus d'une fois moqué des pré- vaincu les Cimbres; de Cotta, de L. César, deCa-
tentions à une haute noblesse, ne fait pas remon- ton, de P. L. Crassus, illustres consulaires, ora-
ter au delà de son aïeul le peu de renseignements teurs fameux, tous amis de son père, et dont le
qu'il a laissés sur sa famille; réserve où l'on a dernier, le plus célèbre de tous, se chargea de di-
voulu voir l'intentionde s'en faire regardercomme le riger son éducation.
fondateur, et même, en la supposant royale, de Il fut confié aux soins d'un maître grec, dans la
flatter ainsi les Romains dans leur aversion pour maison même de Crassus, ouverte aux savants de la
le nom de roi. Il en a toutefois assez dit sur la Grèce et de Rome, et aux élèves qu'y attirait leur
condition de ses ancêtres pour qu'on sache qu'ils réputation. Le jeune Marcus se distingua bientôt
avaient reçu, avec le droit de cité à Rome, le titre entre tous, et sa supériorité lui valut, de la part de
de chevaliers; et que, faute d'ambition, mais non ses condisciples, de singuliers témoignagesd'admi-
de mérite, ils n'y vinrent briguer les honneurs ration. On les voyait, jusque dans les rues, le placer
d'aucune magistrature; préférant à l'éclat qu'on parhonneur àleurtête, et lui faire cortége. Rentrés
leur y promettait leur solitude d'Arpinum, embel- chez eux, ils racontaient des choses si merveilleuses
lie par la culture des lettres, et d'où ils entrete- de cette précoce intelligence, que leurs parents, d'a-
naient d'honorables relations avec les principaux bord incrédules à ces récits, allaient, à l'heure des
citoyens de la république. Dans la seule occasion leçons, en vérifier l'exactitude, et surprendre ainsi
qu'eut le grand-père de Cicéron de parler devant le les premiers indices de cette gloire naissante. Mais
peuple romain, contre les innovations tentées dans déjà ces leçons ne suffisaient plus à son ardeur.
sa petite ville par un Gratidius son beau-frère, il Plotius, rhéteur célèbre, venait d'ouvrir une école
déploya une si mâle éloquence, que le consul Scau- d'éloquencelatine: Cicéron voulut y courir. Crassus
rus s'écria en pleine assemblée « Plût aux dieux s'y opposa, jugeant les Grecs plus capables de le
que Cicéron voulût consacrer avec nous tant de ver- former pour la carrière du barreau, à laquelle le
tus et de talents aux intérêts de l'État plutôt qu'à destinaient les espérances de sa famille. 11 lui fut
ceux d'un municipe Le vieux Cicéron reprit seulement permis d'étudier sous le poète Archias,
le chemin d'Arpinum, heureux de ce qu'un tel suf- qui s'était depuis peu fixé à Rome; et sa jeune ima-
frage s'adressait surtout à sa vertu; car c'est de lui gination, tournée aussitôt vers la poésie, tira d'une
eette sentence recueillie par Caton Que plus les tragédie d'Eschyle le sujet d'un poëme qui sub-
« hommessavent
bien dire, et moins ils savent bien sistait encore au temps de Plutarque, et dont l'au-
faire. » teur avait à peine treize ou quatorze ans. On rap- `
Cicéron reçut, au sein de sa famille, avec son porte aussi à cette époque lacompositien d'un Traité
cicécon.
CICÉIÎON. toxe i.I.
TOÏB •
de Rhétorique en quatre livres, désavoué depuis par entre autres actions mémorables/à la victoire rem.
le grand orateur, mais qu'il lui suffit de retoucher portée près de Nole sur les Samnites; victoire qui
pour le donner sous le titre de l'Invention. mit fin à la guerre, et rendit Sylla si glorieux, qu'il
Cicéron prit à seize ans la robe virile. Tout con- en fit peindre toutes les circonstances dans sa
courait à rendre solennel ce premier engagement maison de Tusculum, dont Cicéron fut possesseur
contracté avec l'État; le cortége qui accompagnait après lui. A la guerre Sociale succéda la guem
le nouveau membre au Capitole, l'appareil de son contre Mithridate. Sylla et Marius se disputaient
entrée dans le forum cette grande école des af- le commandement des armées; et cette rivalité fa-
faires et de l'éloquence enfin le choix qu'avait tale, marquée bientôt par toutes les horreurs des
fait sa famille, pour le guider dans sa nouvelle proscriptions, ferma au jeune Cicéron les écoles, les
carrière, du célèbre Q. Mucius Scévola, l'augure, tribunaux, toutes les grandes sources de l'instruc-
l'homme de son temps loplus versé dans la pratique tion. Trois années de calme furent enfin rendues à
des affaires, et dont les sentences,appelées les ora- l'État, lorsque, Marius mort et Sylla absent, Cinna
cles de Rome, entrèrent ensuite avec force de loi domina seul. La justice reprit son cours, et le champ
dans le corps de la jurisprudence. Cicéron fit sous fut rouvert aux luttes pacifiques de la parole.
lui de rapides progrès dans toutes les parties de la Quand Cicéron reparut au forum et au barreau,
science du droit, et en pénétra les points les plus il n'y retrouva plus ses maîtres, qu'avait dévorés la
obscurs. On le voyait suivre aussi avec assiduité guerre civile. Par elle avaient péri les deux frères
les débats du forum et du barreau, où brillaient alors L. et C. César, amis de sa famille; Q. Catulus, P.
Crassus, M. Antoine, C. Cotta, Hortensius; et déjà L. Crassus, le premier guide donné à sa jeunesse;
leur secret rival il refaisait chez lui, dans un tra- et enfin l'orateur M. Antoine, « dont la tête fut
vail solitaire, les discours et les plaidoyers qu'il ve- « clouée aux rostres, d'où il avait sauvé celles de
nait d'entendre. En même temps, il traduisait en tant de citoyens, et présidé, pendant son consu-
latin les plus belles harangues de Démosthène et « lat, aux destinées de la république, comme
d'Eschine, plusieurs chants d'Homère, et tout le s'exprime Cicéron, qui devait éprouver le même
poëme grec d'Aratus sur les Phénomènes du ciel. sort et inspirer le même regret, en tombant sous
Phèdre le philosophe l'initiait aux principes de la les coups du petit-fils de cet orateur.
doctrine épicurienne, qui séduisit sa jeunesse, mais Il employa ce temps de calamités à compléter
que réprouva la maturité de sa raison. Son goût pour seul ou avec le peu de maîtres qu'elles lui laissè-
la poésie trouvait encore à se satisfaire au milieu rent, ses études philosophiques oratoires, litté-
de toutes ses études; et l'on dut à sa muse, entre raires, ou, pour mieux dire, universelles; et il en
autres productions dont on connaît à peine le titre, publia le fruit dans plusieurs traités, les uns nou-
une épopée dont Marius était le héros, et à laquelle veaux, la Rhétorique à Hérennius; de l'Adminis-
Scévola, trompé cette fois par sa science d'augure, tration de la république; les autres refaits sur les
prédisaitune durée éternelle. Il en reste treize vers. essais de son enfance, une Grammaire, et les deux
Plutarque affirme, il est vrai, que Cicéron passa Livres de l'Invention. Il lit en outre, vers le même
non-seulementpour le premier orateur, mais aussi temps,untraité de l'Art militaire, et des traductions
pour le plus grand poëte de son temps mais ni Lu- de
l'Économique de Xénophon et du Protagorasde
crèce, ni Catullen'avaient rien produit; Virgilen'était Platon. Il avait retrouvé, comme dédommagement
pas né; et quand le sceptre de la poésie lui fut enlevé, des leçons de l'augure Scévola, victime des pros-
il tenait depuis longtemps celui de l'éloquence. criptions, celles de Scévola le grand-pontife, aussi
La guerre Sociale, qui venait d'éclater de nou- versé que le premier dans la scienoe du droit, et
veau, le força un moment à abandonner ses travaux. appelé par son élève « le plus orateur d'entre les
L'alarme était à Rome; les alliés avaient battu ses « jurisconsultes, et le plus jurisconsulte d'entre les
armées le forum et lebarreau étaient déserts toute « orateurs.
» En outre, il s'était fait le disciple
l'activité toute l'énergie de la république, étaient du célèbre académicien Philon, que la guerre con-
tournées vers la guerre, qui menaçait son existence. tre Mithridate avait contraint de quitter Athènes
Une armée nouvelle venait d'être confiée au père et de venir chercher un asile à Rome, où il enseignait
de Pompée; le vieux Caton, Sylla, Marius, étaient la rhétorique et la philosophie. Il suivait aussi les
.ses lieutenants. Hortensius était volontairement leçonsd'ApolloniusMolon,le plus renommédes ora-
parti; Cicéron le suivit; il avait dix-huit ans. teurs de la Grèce, ambassadeur à diverses reprises,
Ce n'était pas seulement l'effet d'un noble en- à qui le sénat, par une dérogation unique à ses
traînement. Rome ne donnait de fonctions civiles usages, avait accordé le privilége de lui parler en
qu'à ceux qui l'avaient défendue aux armées; il fal- 1
grec. Chaquejour enfin Cicéron déclamait sous dif-
lait mériter sur les champs de bataille l'honneur férents maîtres en grec, ou en latin, mais surtout
de la servir dans les magistratures. en grec, à cause, nous dit-il, de la plus grande va-
Dans cette campagne d'une année, il prit part, riété d'expressions que cette langue lui fournissait
et de la supériorité des maîtres de la Grèce sur ceux menacé dans sa fortune, son honneur et sa vie,
de Rome. A peine se permettait-il le moindre re- Roscius ne pouvait trouver d'avocat; nul ne vou-
pos. 11 entretenait chez lui, et l'y garda jusqu'à sa lait s'exposer au ressentiment du dictateur. Seul,
mort, le stoïcien Diodote, qui payait cette hospita- Cicéron osa le défendre, et le sauva. Son éloquente-
lité de tous les trésors de son vaste savoir, princi- plaidoirie, mélange heureux d'énergie et d'adresse,
palement dans la dialectique. enleva tous les applaudissements ceux même des
Le calme équivoque dont jouissait la république juges et l'on s'entretint longtemps à Rome du
fut bientôt troublé de nouveau. Sylla était revenu succès inespéré de cette cause périlleuse, un de
d'Asie. Il ramenait avec lui les proscriptions. Cieé- ses plus beaux triomphes, un des plus doux souve-
ron, à qui les malheurs publics enlevaient un à un nirs de sa vieillesse.
tous ses maitres, vit périr le second Scévola, et Plutarque dit qu'effrayé de ce succès, Cicéron
demeura de nouveau sans guide au milieu des révo- quitta Rome, et donna pour raison le besoin de ré-
lutions qui changeaientla forme du gouvernement. tablir sa santé. Ces terreurs lui seraient venues un
Le dictateur, après avoir augmenté les prérogatives peu tard; car il est certain qu'il y resta encore plus
du sénat, diminué celles du peuple, détruit celles d'une année,- qu'il y plaida plusieurs causes, et
des tribuns, arraché à l'ordre équestre le pouvoir qu'il affronta même un nouveau danger, en défen-
judiciaire, las enfin de tuer et d'innover, permit dant contre une loi de Sylla les droits d'une femme
quelque repos à la république épuisée. Au forum, d'Arezzo. Mais l'excès du travail avait ruiné sa
au barreau, les affaires reprirent leur cours. Ce fut santé. Il était devenu étique, et avait parfois de
l'époque des débuts de Cicéron. subites défaillances, la débilité de son estomac l'o-
Il apportait dans la double carrière de l'avocat et de bligeant à ne prendre que sur le soir une nourriture
l'orateur, plus de connaissances qu'on n'en deman- légère. Les luttes du barreau, l'ardeur qu'il y porta.
dait avant lui. D'ingénieux Traités sur la Compo- détruisirent ce reste de forces. Sa voix, quoique
sition et le Style avaient prouvé qu'il voulait re- pleine, était dure; ne sachant encore ni la ména-
culer les limites de son art. L'étude constante de la ger, ni l'assouplir,il la montait, dès les premières pa-
langue grecque lui permettait d'en faire passer les roles, aux tons les plus élevés, dans des plaidoiries
richesses dans la sienne, dont il avait d'ailleurs qui duraient desjours. Son action, mal réglée, ajou-
assez étudié le génie pour devenir un jour l'arbitre tait à cette fatigue, et, de son propre aveu, il ne
souverain de la latinité. Il avait étudié et appro- pouvait plaider sans que tout son corps fût aussitôt
fondi, sous lesplusgrands maîtres, lajurisprudence, saisi d'une agitation continue, qui achevait de l'é-
la politique, la philosophie dans ses sectes princi- puiser. Il dépérissait. Les médecins et ses amis
pales, la rhétorique, la grammaire, dans le large exigèrent de lui qu'il renonçât à cette carrière, de-
sens où l'entendaient les anciens; les mathémati- puis dix ans le but de tous ses efforts, où il avait
ques, la géométrie, l'astronomie, la musique même. placé tant d'espérances de gloire et comptait déjà
11 possédait enfin cette universalité de connaissan- des triomphes sur les deux premiers orateurs de
ces dont il a fait, dans ses écrits, un devoir à l'ora- l'époque, Hortensius et Cotta. Le sacrifice était im-
teur, et dont la réunion semble au-dessus des fa- possible. Il consentit seulement à voyager, et pour
cultés d'un homme. faire servir le soin même de sa santé au perfec-
Ses amis lui conseillaientde quitter le nom de Ci- tionnement des études qui l'avaient détruite, il par-
eéron donné à l'un de ses ancêtres pour une petite tit pour la Grèce.
excroissance en forme de pois chiche ( cicer ) au bout Il séjourna six mois à Athènes chez Antiochus
de son nez; ou selonPline,pourdes améliorations l'Ascalonite aussi grand orateur que philosophe
introduites dans la culture de ce légume. « Je veux fameux, qui venait d'abandonner l'Académie pour
« garder mon nom,
leur répondit-il et je ferai en le Portique, mais qui ne réussit pas à s'y faire suivre
sorte de le rendre encore plus illustre que celui des par sonhôte. Atticus, disciple de la secte d'Épicure,
« Scaurus et des Catulus. » l'enlevait souvent à Antiochus, pour le livrer à Phè-
On ne sait pas précisément dans quellecause il dé- dre et à Zénon, ses maîtres, jaloux de le conquérir à
buta mais sa premièrecausepublique,ou criminelle, leur école. Cicéron voulut bien les écouter, mais
en
montra sous le plus beau jour et son talent et son gardant la liberté de les combattre; et peu s'en fallut
courage. Un affranchi de Sylla Chrysogonus, s'é- qu'au lieu de venir à eux, il ne leur enlevât tout à
tait fait adjuger pour deux mille drachmes ( 450 fr.) fait Atticus lui-même, lequel ne put faire impuné-
les biens d'un citoyen tué après les proscriptions. ment d'aussi fréquentes visites au stoïcien Antio-
Roscius Gis et héritier du mort, prouva qu'ils va- chus. Son ami le raille quelque part de s'être mon-
laient deux cent cinquante talents (1,350,000 fr.). ). tré alors peu fidèle aux principes de son maître
Sylla, convaincu d'injustice, se prit de fureur Épicure.
contre Roscius, et le fit accuser, par ce Chrysogo- Cicéron s'attacha plus que jamais à ees études,
nus, d'être lui-même le meurtrier de son père. Ainsi bien résolu s'il lui fallait renoncer aux affaires,
rfaires a
II,
VIE DE CICÉRON.
iiiL,r.nuii.
er au sein de laa
se retirer à Athènes, et à s'y reposer
I désignant
passase, en le
sur son passage, Cest un méchant
philosophie Mais la nouvelle que Sylla venait dee Gree, c'est un oisif, il resta éloigné des affaires
mourir, les lettres de ses amis, qui le rappelaient à et des hommes toute une année, à laquelle on ne
Rome, les instances d'Antiochus lui-même; tout it peut rien rapporter dans ses oeuvres. C'est en cette
réveilla son ardeur pour les études de l'éloquence. année qu'il épousa Térentia.
Il reprit l'usage des exercices oratoires, et reçutit On se trompait sur les motifs de ce silence celui
chaque jour des leçons de Démétrius de Syrie, • qui a écrit que son seul repos était la variété du tra-
rhéteur d'une expérience consommée. vail, ne pouvait s'accommoder de l'oisiveté. Ayant,
Le voyage qu'il fit ensuite en Asie n'eut pas d'au- î- au dire de Plutarque, débuté avec autant de défauts
tre but. Il s'entoura des premiers orateurs de cette :e que Démosthène dans la prononciation et dans le
contrée dont les écoles le disputaient à celles d'A- geste, Cicéron s'appliquait alors sans relâche à les
thènes et il la parcourut à la tête de ce nouveau u corriger. Il avait pris pour maîtres dans cet art les
cortège, auquel Atticus s'était joint, mettant àà deux plus célèbres acteurs de la scène romaine, Ésope
profit, par de savants entretiens, la longueur du et Roscius, lesquels allaient eux-mêmes chaque jour
voyage, et s'arrêtant dans les villes célèbres, pour écouter les bons orateurs. C'était la meilleure école
en écouter les meilleurs maîtres Xénoclès pour
d'A- Cicéron. Le besoin de la vérité paraît avoir
dramytte, Denys de Magnésie, Eschyle de Cnide, été poussé, chez les artistes de ce temps-là, jusqu'à
Ménippe de Stratonice, le modèle achevé de l'élo- a- la passion, s'il est vrai que l'un d'eux, mit les cen-
quence asiatique. A Rhodes, il fréquenta Posido- )- dres de son propre fils dans l'urne funéraire d'O-
nius, le plus fameux stoïcien de son siècle, et revit it reste, afin de pleurer de vraieslarmes; et qu'Ésope,
Apollonius Molon qui fut plus tard le maître de 1e jouant un jour, ou plutôt ressentaut les fureurs

César, et qui alors, pour la troisième fois, celui de 1e d'Atrée, frappa de son sceptre un autre acteur, et
Cicéron, s'attacha principalement à corriger les es retendit mort à ses pieds.
excès de son imaginationet de son style. Un jour, r, II se faisait parfois, dit-on, entre Cicéron et Ros-
dit-on Apollonius l'ayant prié de déclamer en grec ce cius, qui avait élevéla pantomime à une perfection
devant une assembléenombreuse, Cicéron le fit avec ce incroyable, un défi dont le résultat ne t'est pas
tant de bonheur, qu'il fut couvert d'applaudisse- e- moins. Le premier prononçait une période, et le se-
ments. De tous ses auditeurs, un seul était demeuré ré cond en rendait le sens par un jeu muet. Cicéron
muet et pensif; c'était Apollonius. Inquiet de ce si- ci- changeait ensuite les mots et la construction de sa
i,
lence, Cicéron lui en demande la cause « Et moi, phrase; Roscius la reproduisait par de nouveaux
aussi je t'admire, lui réponditMolon mais jepleure re gestes, et l'on ne pouvait décider lequel exprimait
sur le sort de la Grèce, quand je songe que le le le mieux tous les besoins de la pensée, de l'ora-
savoir et l'éloquence, la seule gloire qui lui fût ût teur ou du comédien. Ces luttes, qui avaient de
restée, sont devenus par toi la conquête des Ro- o- nombreux témoins, donnerent à Roscius une si
mains. » haute idée de son art, qu'il écrivit un livre où il le
En revenant à Rome, Cicéron passa par Delphes, s, comparait avec l'éloquence,
et la même curiosité qui l'avait fait initier, à Athè- è- L'action oratoire devint pour Cicéron une des
nes, aux mystères d'Eleusis le poussa, dans cette .te plus puissantes armes de la persuasion et le mit en
autre ville, à en consulter l'oracle, tombé depuis pleine possession de l'éloquence que Démosthène,
longtemps, selon ce qu'il rapporte, dans un juste comme on sait, réduisait tout entière à l'action.
lit
mépris. Il demanda par quels moyens il pourrait A son tour, Cicéron se moqua de ceux qui y sup-
acquérir le plus de gloire. « En suivant tes inspi- )i- pléaient par des cris, les comparant à des boiteux
lit
rations, et non l'opinion du peuple, » lui répondit qui montent à cheval pour se soutenir; il n'épar-
la Pythie. Incrédule avant d'entrer dans le temple, e, gna même pas la raillerie à Hortensius, dont le
é-
il en sortit pensif et méditant le sens de cette ré- geste, à la fois théâtral et efféminé, lui attirait
ponse, qui, ait témoignage de Plutarque, exerça ça tantôt le sobriquet de comédien, tantôt celui de
sur sa conduite une grande influence, et d'abord rd Dionysia, nom d'une danseuse alors célèbre. Mal-
en changea le plan. II allait, plein d'espérances, se heur surtout à l'adversaire chez qui faction était
précipiter dans la carrière des honneurs; l'oracle ;le nulle! comme il arriva dans le procès de Gellius,
vint refroidir pour quelque temps cette ambition on accusé d'empoisonnement. Orateur ingénieux, mais
impatiente. froid, Calidius, l'accusateur, prétendait prouver
En effet, de retour à Rome, après deux ans d'ab- ib- ce crime par témoignages, interrogatoires, révéla-
sence, il y vécutdans une extrême réserve, ne s'em- m- tions, pièces d'écritures, etc. Cicéron détruisit tout
press» point d'aller, comme auparavant, visiter les ce laborieux échafaudage, auquel manquait la vie
magistrats dont on vantait le savoir, ou de mon- m- de l'éloquence par cette véhémente apostrophe
trer au barreau les richesses qu'il apportait de la • Eh,quoi! Calidius, si vous disiez la vérité, est-
Grèce; et, en dépit des railleries de la foule qui criait
ait ce ainsi que vous l'exprimeriez? Où est le ressen-
• timent du mat? où est l'indignation qui arrache sirent. Deux circonstances peu ordinaires rehaus-
d'ardentes paroles de la bouche la moins élo- sèrent le succès du dernier l'unanimité des suf.
« quente? Ni votre âme n'est émue, ni votre corps frages et la jeunesse du candidat, qui avait trenti
« n'est agité; cette tête est immobile, ces bras sont et un ans, à peine l'âge requis pour prétendre à la
« languissants on n'entend même pas le mouve- questure.
« ment de vos pieds. » C'est le trait de Démosthène. Cette charge donnait entrée au sénat. Elle tirait
Un Athénien se présente à lui. « J'ai été battu. une certaine majesté du droit de se faire précéder
Ce n'est pas vrai. Je vous dis que j'ai été de licteurs; et le soin de percevoir les revenus pu-
« battu. – Ce –
n'est pas vrai. Comment par tous blics, et d'approvisionner Rome et ses armées,
les dieux je n'ai pas été battu? Je le crois faisait une des plus importantes fonctions de la ré-
eu

«
maintenant; vous voilà en colère.» publique.
Cet art d'émouvoir la passion, nul peut-être ne Le sort assigna à Cicéron la province de Sicile,
le porta plus loin que Cicéron. Aussi, dans les cau- appelée le grenier de Rome, et la seule où l'on
ses qu'il plaidait en commun avec d'autres avocats, crût nécessaire d'avoir deux questeurs, l'un à Lily-
selon un usage blâmé par lui avec raison, ses col- bée, l'autre à Syracuse. La résidence de Cicéron
lègues, fut-ce même Hortensius, quoique si jaloux fut fixée à Lilybée.
de sa renommée, s'accordaient à le charger de la
péroraison, c'est-à-dire, pour parler comme lui, de La gravité des événements ajoutait alors à l'im-
portance de cette questure. Ladisette, qui commen-
la partie du discours où l'éloquence opère ses plus
grandes merveilles. Plus d'une fois il remporta ce çait à se faire sentir à Rome y était une cause de
triomphe, que ses adversaires restèrent muets après troubles; et la multitude, conseillée par les tri-
buns, refusait son concours au sénat pour la guerre.
lui, frappés de cette stupeur que produisent les sou-
Jamais pourtant la républiquen'en avait eu un plus
daines magnificences du génie. Un jour, entre au-
grand besoin en Espagne, Sertorius; en Asie.
tres, le vieux Curion, l'une des gloires du barreau, Mithridate; la Macédoine soulevée; les côtes, par-
et qui s'était levé pour lui répondre, retomba sur
siège pouvoir répliquer seul mot, tout dégarnies de défenseurs,et envahies tant de
son sans un en
périls appelaient toutes les forces de la république.
s'écriant qu'il était victime d'un maléfice.
Cicéron partit pour Lilybée, persuadé, comme il
Après une année non pas de repos mais d'é-
le dit, que le monde avait les yeux fixés sur lui, et
tudes nouvelles, cédant, nous dit Plutarque, aux
conseils de son père et de ses amis, et à son amour
jaloux de répondre à l'attente universelle.
de la gloire, il se livra tout entier à l'éloquenceju- JI était placé entre deux dangers l'un, de ne
diciaire. Il n'avait plus lieu de craindre quesasanté point satisfaire aux pressants besoins de Rome, en
l'arrêtât une seconde fois. Ses voyages, en perfec- voulant ménager la Sicile appauvrie; l'autre, d'é-
tionnant son talent, avaient fortifié son tempéra- puiser cette province par des exportations trop
ment. L'homme et l'orateur étaient méconnaissa- considérables, Il sut les éviter tous deux, à force de
bles lui-même a pris soinde nous l'apprendre. Mais
prudence et d'activité. Il montra une équité, une
douceur, désintéressement, des vertus que les
ce qu'il ne dit pas, et ce dont Plutarque nous est provincesun
garant, c'est qu'à dater de ce jour il laissa loin der- ne connaissaientplus dans les magistrats
rière lui tous ses rivaux. romaine et il put se rendre à lui-même ce témoi-
Le premier usage qu'il fit au barreau de l'art qu'ilI gnage qu'il n'y eut jamaisen Sicile de questeur plus
devait à Roscius, fut dans la défense même de cett considéré, plus populaire que lui.
acteur, « le seul, dit Quintilien, qui fût digne parr Pour cette tache difficile, moins d'une année lui
son talent de paraître sur la scène, et par ses ver- avait suffi il en employace qui restait à parcourir
tus, de n|y monter jamais: » vertus en effet si ad- l'îleentière,où de doctes souvenirs attiraient partout
mirées, queCicéron déclara, dans cette cause même, sa curiosité. A Syracuse, il voulut visiter le tombeau
qu'il méritait de faire partie du sénat. Tel était l'il- d'Archimède, érigé par Marcellus à l'illustre ennemi
lustre acteur qu'il eut alors à défendre contre l'ac- qui avait seul, pendant trois ans, défendu cette
cusation de s'être approprié par dol une somme àà ville contre lui. 11 pria les magistrats de lui mon-
peine équivalente à ce que produisaient quelquess trer cette tombe, dont il se rappelait jusqu'à l'ins-
heures de son jeu, quand il consentait à les rendren eription et aux ornements. Les Syracusains ne con-
productives; car il était si riche, ou plutôt si désin- naissaient rien de ce monument, et n'en pouvaient
téressé, que, pendant dix années il fit jouir gratui- même indiquer la place. Sur les instances de Cicé-
tement-le.9 Romains de son prodigieux talent. ron, ils le conduisirent à l'une des portes de la ville,
Cette année-là (677 de 11.), les trois premierss dans un endroit couvertde tombes en ruine et cachées
orateurs de Rome briguèrent en même temps less sous les ronces. Après une longue recherche, il aper-
charges publiques Cotta,le consulat Hortensius, çutsur une petite colonne uncylindreet une sphère.
l'édilité; Cicéron, la questure. Tous les trois réus- 11 tressaillit à cette vue, fit couper les broussailles i
l'entour, et lutce qui restait d'une antique inscrip- ji médita pour sa gloire, il résolut de le faire désor-
tion. Il venaitde retrouverletombeaud'Archimède. mais à Rome. « Bien convaincu dit-il, que le peu-
« Ainsi,
disait-il, dans sa vieillesse, en rappelant ple romain avait l'oreille dure, mais l'œil perçant,
cette découverte dont il était fier, ainsi une des plus je cessai de courir après le bruit incertain d'une
célèbres villes du monde, et jadis une des plus sa- renommée lointaine, et je fis en sorte que mes
vantes, ignorerait encore où sont les restes du plus concitoyensme vissent tous lesjours, à toute heure;
grand de ses citoyens, si elle ne l'eût appris d'un je vécus sous leurs yeux, dans le forum, et ne
étranger d'Arpinum.. » Cet étranger consacra lui- souffris jamais que ni mon portier ni mon som-
même en Sicile un monument d'argent, sur lequel il meil leur fermassent l'entrée de ma maison. » De
ne fit, dit-on, écrire que ses deux premiers noms, ce jour, il employa, en les perfectionnant, quel-
Marcus Tullius; ayant voulu, par une allusion un ques-uns des singuliers moyens alors en usage pour
peu puérile à l'étymologie du nom de Cicéron,que le capter la faveur publique. Cest ainsi qu'il parvint à
graveur y substituât un pois chiche. savoir le nom et la demeure des citoyens les plus
Il avait repris ses études oratoires, au milieu de distingués, le lieu et l'étendue de leurs possessions,
ce peuple ingénieux, le premier, suivant lui, qui qui ils avaient pour amis, qui pour voisins; et, quel-
ait fait un art de la parole, et tracé les règles de l'é- que partie de l'Italie qu'il traversât, il pouvait dé-
loquence. Il lui laissa un souvenir de la sienne. De signer chaque maison, chaque terre par le nom du
jeunes soldats étaient accusés d'indiscipline au tri- maître. Ce n'était rien encore. Ceux qui aspiraient
bunal du préteur; il consentit à les défendre, et les aux honneurs se faisaient accompagner partout
fit acquitter. d'un esclave nmnenclateur, dont l'unique soin était
Enfin, à l'expiration de son année, il adressa aux de leur glisser à l'oreille le nomdu moindre citoyen
Lilybéeus un discours où il leur promit son patro- qui passait, et que le maître saluait aussitôt par
nage à Rome; et leur reconnaissance inventa pour son nom d'un air de connaissance. Cicéron ne vou-
lui des honneurs sans exemple. lut compter que sur sa mémoire, à l'exemple de
Il partit extrêmement satisfait du succès de sa Caton et de Pompée, qui se vantaient de pouvoir
questure, et dans la flatteuse idée que Rome et l'I- saluer de cette manière tout le peuple romain mais
talie retentissaient du bruit de ses louanges. Pouz- quelque peine qu'il se fût donnée, il paraît, par plu-
zoles était sur la route; et la saison des bains y avait
it sieurs passages de ses lettres que, dans les circons-
attiré une foule d'oisifs. L'un d'eux l'aborde en lui tances importantes de sa vie publique, il eut tou-
disant «Eli bien quelles nouvelles apportez-vous jours un nomenclateur à ses côtés.
deRome? – Maisjereviensde ma province. -Ah! Six ans après sa questure, Cicéron demanda
vous revenez d'Afrique? -Eh non vraiment; mais l'édilité; fonction qui le plaçait sous VœU perçant
deSicile, n répond Cicéron d'un air dédaigneux et pi- des Romains, et lui promettait tous les avanta-
qué. Alors, un autre qui faisait l'entendu « Com- ges de la popularité, en le créant l'ordonnateur des
ment ne savez-vous pas dit-il au premier, que Ci- fêtes, des jeux, des spectacles, offerts à la curio-
céron était questeur à Syracuse? » Cicéron prit le sité de la multitude. Il fut élu, distinction unique,
parti de ne se plus fâcher; et le questeur superbe par les suffrages unanimes des tribus. Dans le sé-
à qui semblaient dus, selon ses expressions mêmes, nat, où l'avait fait entrer la questure, cette nouvelle
les hommages de tout le peuple romain, se résigna charge lui faisait prendre rang après les consuls et
d'assez bonne grâce à passer pour un de ceux que les préteurs. Un privilége y était attaché, le droit
la mode avait amenés aux eaux. d'images, lequel consistait à ajouter son portrait,
Rome avaitalors des sujets d'entretien un peu plus dans le vestibule de sa maison, à ceux de ses an-
graves que la questure de Cicéron. La guerre venait cêtres qui avaient passé par les dignités curules;
d'être reprise pour la troisième fois contre Mithri- c'était la marque de la noblesse des familles. Cicé-
date, vainqueur d'une armée consulaire. Spartacus ron, qui n'avait pas d'ancêtres,se consolade n'avoir
appelait l'Italie aux armes. Les pirates insultaient sur pas d'images, par la pensée qu'il commençait lui-
toutes les mers à la puissance romaine, pillaient les même l'anoblissement de sa maison. L'orgueil aris-
villes, interceptaient les convois; César était leur tocratique avait un nom pour les plébéiens par-
prisonnier. La lutte avait recommencé plus vive venus, celui d'homme nouveau; il l'accepta, et s'en
entre les consuls et les tribuns Verrès, préteur de fit honneur.
la ville, y faisait de la justice un scandaleux trafic. Après son élection, des envoyés de la Sicile ar-
L'aventure de Pouzzoles lit réfléchir Cicéron, rivèrent à Rome pour demander vengeance des
et, comme il l'avoue lui-même, lui servit plus que crimes de Verrès, dernier préteur de cette province.
les éloges auxquels il s'attendait. Sans réprimer Quoiqu'elle fût, depuis la prise de Syracuse, dans
toutefois cette immense vanité, qui nuisit, dit Plu- la clientelle des Marcellus, ce fut Cicéron qu'elle
tarque, à ses plus sages conseils il donna à son chargea d'accuser le coupable.
ambition une direction nouveUs; et tout ce qu'il Jl n'est plus possible, après ce grand homme, de
faire le récit des concussions, des brigandages, république, à la célébrationdes jeux, étant devenus
des meurtres, des impudicités de Verrès, qui se insuffisants, les édiles y devaient suppléer de leur
vantait de pouvoir, avec le fruit de ses rapines, en propre bien, et se ruinaient souvent par cette dé-
acheter l'impunité. JI était appuyé du crédit despense. On avait vu Appius dépouiller la Grèce et
nobles, des Métellus, des Scipions, et défendu par l'Asie de tout ce qu'elles avaient de plus précieux,
Hortensius,qu'on appelait encore le roi du barreau. pour l'ornement de ces fêtes. César voulut que le
Désespérant de corrompre son accusateur,Verrèsplancher d'un théâtre élevé à ses frais fut d'argent
voulut l'écarter. Un certain Cécilius, son questeur, massif. Chacun de cesmagistrats s'attachait à effacer
les
intervint, et, revendiqua le droit de l'accuser, sous profusions de son prédécesseur. Cette rivalité
le prétexte d'être mieux instruit de ses malversa-fastueuse ne tenta point Cicéron. Il suivit la règle-
tions, pour en avoir été témoin, et plus intéresséi qu'il prescrivit plus tard à son frère, de faire la
à les poursuivre, pour en avoir été victime; mais dépense convenable à son rang, en évitant égale-
en réalité dans le but d'attirer la cause en ses mains, ment de nuire à son caractère par une épargne sor-
et de la trahir. Cicéron triompha sans peine d'un dide, ou à sa fortune oar une vaine ostentation de
pareil rival; et, après le gain de ce procès subsi- magnificence. Les Siciliens lui envoyèrent, pour ses
diaire, il alla recueillir en Sicile les nombreux té- jeux, des animaux de toute sorte, et, pour sa table,
moignages dont il devait s'autoriser dans l'accusa- les meilleures productions de leur île. L'emploi qu'il
fit
tion. Toutes les villes s'empressèrent de les lui four- de ces provisions valait mieux que des specta-
nir, excepté Syracuse et Messine, que Verrès avait cles. Il les partagea entre les citoyens pauvres; et
gagnées, et où Cécilius, ce prétendu ennemi du pré- cette distribution fut si considérable, qu'au rap-
teur, était venu susciter une foule d'embarras à port de Plutarque, elle fit baisser dans Rome le prix
l'accusateur qu'on lui avait préféré. Cicéron avait des vivres.
demandé cent dix jours; au boutdecinquante, il était II se mit, deux ans après, au rang des candidat»
à Rome. pour la préture; mais des troubles empêchèrent,
L'année touchait à son terme. Hortensius, avocat à plusieurs reprises, l'élection des magistrats. Le
de Verrès, et Q. Métellus, son ami, allaient pren- tribun Gabinius avait demandé pour Pompée un
dre possession du consulat; un second Métellus, pouvoir absolu sur toutes [les côtes de la Médi-
de la préture. Si le procèseût été ajourné jusque là, terranée, alors infestées par les pirates; demande
Verrès l'aurait emporté. Déjà même un des pré- qui souleva, de la part des sénateurs, une vive
teurs en charge, de connivence avec lui, avait re- opposition; et, selon Plutarque et Dion, de si vio-
ieté la cause aux dernières audiences, qui ne pou- lentes clameurs, qu'un corbeau qui volait au-des-
vaient -suffire à ces longs débats. Le jour venu, sus de l'assemblée tomba étourdi. La résistance
Cicéron se présente, renonce à plaider, prend ses du sénat fut longue et acharnée, mais sans succès
conclusions, produit les témoins, et demande le la loi passa, soutenue par Cicéron, qui recherchait
jugement. Dérouté par cette tactique, Hortensius l'amitié de Pompée, et qui d'ailleurs le jugeait peu
reste muet devant l'accablante vérité des faits; et dangereux, même avec un grand pouvoir. Un au.
Verrès prévient,par un exil volontaire, unecondam- tre tribun, C. Cornélius, porta ensuite contre la
nation certaine. brigue une loi qui la frappait des peines les plus
Cicéron avait préféré l'intérêt de sa cause à celui sévères. Nouvelle opposition du sénat, non moins
de son éloquence il se dédommagea de ce sacri- violente que la première. On se battit dans Rome.
fice, en écrivant les plaidoyers qu'il s'était d'abord Les consuls menacés prirent une garde; il fallut
proposé de prononcer, et qui sont demeurés, dit un suspendre les élections commencées; l'assemblée
célèbre écrivain comme le chef-d'œuvrede l'élo- fut dissoute deux fois; deux fois Cicéron fut élu;
quence judiciaire, ou plutôt comme le monument il le futune troisième fois, et toujours le premier
d'une illustre vengeance exercée contre le crime par entre les huit préteurs de la ville.
la vertueuse indignation du génie. Mais cette haine Il montra dans ces fonctions une intégrité digne
ne put tenir contre le malheur; et, si l'on en croit de l'accusateur de Verrès. C. Licinius Macer fut tra-
le témoignage de Sénèque, Verrès, abandonné de duit comme concossionnaireà son tribunal, par la
tous ses amis, et traînant dans l'exil une vie mi- province d'Asie; mais son crédit, ses richesses et
sérable, reçut quelques secours de la générosité de t'appui de Crassus, lui avaient inspiré une telle sé-
Cicéron, qui l'aida même ensuite à rentrer dans curité que, le jour même du jugement, sans atten-
Rome. dre que les juges eussent fini d'aller aux voix, il
A l'issue de cette grande affaire, Cieéron entra retourna chez lui, quitta le costume des accusés
en exercice de l'édilité. C'était une dignité onéreuse. pour la toge blanche, et reprit le chemin du Fo-
Les fonds destinés, dès les premiers temps de la rum. A quelques pas de sa maison, il rencontre Cras.
sus, apprend de lui que toutes les voix l'ont con-
M. Villemain
damné, rentre, se couche, et meurt. L'atténtio»
sévère que le préteur avait apportée à ce procès, pas assez favorisé? » Il se fait, à ces mots, dans 1»!
et la sentence qui le termina, dans un temps si esprits, un changementcomplet; on le félicite, on
fécond en acquittements scandaleux, lui firent, l'applaudit, on le prie de se charger lui-méme de la
ecrit-il, le plus grand honneur dans l'esprit du défense de Mamlius il y consent, remonte à la tri-
peuple. Ce fait, attesté aussi par Plutarque, n'est bune, et, reprenant toute l'affaire, s'élève avec force
point démenti parce qu'il y a de contradictoire, contre les prétentions des nobles et les envieux de
quant aux détails entre son récit et celui d'un autre Pompée.
écrivain, lequel rapporte que Macer attendit la sen- Cicéron, après sa préture, ne sollicita point de
tence au tribunal, mais que, voyant Cicéron se gouvernement, quoique ce fût là le prix ordinaire
lever pour le déclarer coupable, il lui fit dire qu'il de ces fonctions. voulait le consulat. De grandes
était mort, et s'étrangla aussitôt, afin de prévenir causes remplirent les deux années qui l'en séparaient
sa condamnation, et de conserver ainsi tous ses encore. La plus importante fut la défense de C. Cor-
biens à son fils. nélius, qui avait signalé son tribunat par des tumul.
Cicéron ne se borna point, pendant sa préture, tes populaires, où les faisceaux du consul Pison
à juger les causes portées à son tribunal; il alla par- avaient été brisés, et sa personne assaillie à coups
fois plaider à celui des autres préteurs. On le vit de pierres. Les nobles et presque tout le sénat s'é-
aussi, à cette époque, fréquenter l'école du rhéteur taientjointsàl'accusateur.Cicéron, qui allait avoir
Gniphon. L'élève avait quarante et un ans. besoin de leur appui, réussit à les ménager, sans
11 y en avait plus de vingt qu'il cultivait l'art de manquer aux devoirs de sa cause, dont les débats
la parole; il était depuis longtemps sans égal au bar- durèrent quatre jours. Sa plaidoirie, aujourd'hui
reau' son éloquence lui avait vam les hautes digni- perdue, passait pour son chef-d'œuvre et l'était à
tés de l'État, et cependant, telle était l'idée qu'il se son propre jugement.
faisait de l'orateur, qu'il n'avait pas encore affronté Le désir de gagner la confiance des nobles, et sur-
la grande épreuve du Forum. Il l'osa enfin; et l'on tout la faveur de Crassus et de César, faillit lui faire
voit, par ses premières paroles, quel respect lui ins- entreprendre, à cette époque, la défense de Catilina,
pirait la majesté d'un auditoire qui était le peuple. lequel, revenu de sa préture d'Afrique, s'était vu ar-
Le tribun C. Manilius voulait enlèvera Lucullus, au rêter dans ses prétentions au consulat par une accu-
profit de Pompée, alors occupé à poursuivre les sation de péculat. Quel motif détourna Cicéron de
tirâtes, le soin de la conduite de la guerre contre ce projet?on l'ignore. Au reste, Catilina sutsepasser
le roi de Pont, et lui faire donner, outre les forces de son éloquence; il acheta l'accusateur, et, après
maritimes dont il disposait déjà, l'Asie mineure, avoir machiné, avec César, deux conspirations qui
la Bithynie,la Ca,ppadoce, la Cilicie, la Colchide, échouèrent; après être sorti triomphant d'une se-
l'Arménie etc. c'est-à-dire, près de la moitié de conde accusation, puis d'une troisième, laquelle
l'empire romain. Le peuple était favorable à cette regardait un incesteavec la vestale Fabia, belle-sœur
proposition. César l'approuvait. Elle était combat- de Cicéron, il brigua le consulat pour l'année sui-
tue par le sénat, surtout par Q. Catulus et Horten- vante. (690 de Rome).
sias. La popularité était liu côté de ceux qui l'ap- Cicéron se mit aussi sur les rangs. Mais il répu-
puyaient. Cicéron, qui songeait au consulat, monta, gnait à l'honnêteté de ses principes d'employer tous
pour la première fois, à la tribune aux harangues, les moyens consacrés par l'usage, comme d'avoir
et appuya la demande de Manilius ou plutôt l'am- des courtiers ( interprètes ), pour marchander les vo-
bition de Pompée- La loi passa. tes des dépositaires connus [séquestres), gardiens
U n'avait plus que deux ou troisjours à exercer sa des sommes destinées à payer ces suffrages; et en-
charge, lorsqu'on traîna devant lui ce même Mani- fin, car c'était la corruption organisée, des distri-
lius, accusé de péculat. Contre l'usage des préteurs, buteurs (divisores), chargés de remettre à chaque
qui était d'accorder, au moins dix jours aux prévenus votant le prix convenu, en même temps que son
pour préparer leur défense, Cicéron fixa l'audience bulletin: trafic, il est vrai, défendu, mais toléré, et
au lendemain. Le peuple, déjà irrité de l'accusation
auquel on affecta même une fois les fonds de l'État,
portée contre son tribun, le fut bien plus encore avec l'approbation deCaton.
de ce court ajournement du préteur devenu, à ses Le frère de Cicéron, craignantque tant de scru-
yeux, le complice de ceux qui persécutaient en lui pules ne le fissent échouer, se hâta de composer
le partisande Pompée. A leurtour, les nouveaux tri- pour lui une espèce de traité sur la candidature
buns citent sur-le-champ Cicéran devant le peuple, (de Petitione consulatns) r retouché, dit-on, et
l'interpellent et le somment de répondre. « En accor- publié par Cicéron et où l'auteur ne recommande
dant, dit-il, à l'accusé dont je suis l'ami, le seul jour toutefois que l'emploi des moyens légitimes, parmi
où je conserve encore le droit d'absoudre, au lieu lesquels il eu est de curieux.
de renvoyer le jugement à un autre préteur, ne l'ai-jc Être toujours prêt à parler. Solliciter sang
cesse, avec instance, avec énergie. -Donner des re- Tels sont, en partie, les préceptes contenus dans
pas, et en faire donner par ses amis; dans les divers cet opuscule (commenlariolum) qui en renferme
quartiers de Rome. – Rechercher les hommes in- aussi de particuliersàCicéronensa qualité d'homme
fluents de tous les ordres. Acquérir l'amitié des nouveau, et qui devint à Rome le manuel du can-
jeunes gens, qui, fiers d'être employés, déploient didat. Cicéron mit à profit .quelques-uns de ces
une activité très-utile, parcourent les centuries, conseils, et ne s'occupa plus que du succès de sa
communiquentleur ardeur, rapportent les nouvel- candidature. Il écrivit à ses amis absents de Rome
les. –Être jour et nuit accessible. – Nedédaigner de le recommander à leurs clients;, il visita Pes par-
aucun moyen, si petit qu'il soit; aucun suffrage, si tisans de Pompée, qui lui devaient leur appui en
inutile qu'il paraisse. -Avoir partout des relations retour de celui qu'il leur avait prêté il fit même un
nombreuses. Gagner à sa cause les gens habiles voyage dans la Gaule cisalpine, pour s'assurer tes
de chaque centurie, et ceux qui disposent des suf- suffrages de cette province et profitant, un jour,
frages de leur tribu.- Faire des promessesàtout de ce que toute la ville était assemblée au Champ
le monde, et remplir celles qui doivent rapporter de Mars, pour l'élection des tribuns, il courut sa
le plus. Promettre toujours que risque-t-on?P mêler à la foule, salua tous les citoyens par leur
Tel qui a reçu vos offres de services n'en réclamera nom, de l'air bienveillantqui distinguait, pour nous
point l'accomplissement, ceux qui comptent sur servir de ses expressions, la gent officieuse des
vous étant d'ordinaireplus nombreux que ceux qui candidats (natio officiosissima) sema des promes-
en usent. Refuser, quand le veut la nécessité, ses, des paroles flatteuses, des mots heureux. A la
de l'air de gens qui accordent. Avoir toujours fin, mourant de soif, il demande un verre d'eau.
présentes l'Italie et ses divisions, afin de ne pas On le lui apporte; et apercevant non loin de là le
laisser un municipe, un village, un hameau, un censeur L. Cotta, lequel passait pour aimer un peu
seul endroit enfin, où l'on ne s'assure un appui.- le vin, il dit à ses amis qui l'entouraient « Vous
En découvrir les habitants qui résident temporaire- faites bien de me cacher, de peur que Cotta ne me
ment à Rome, s'insinuer auprès d'eux, et les appeler censure pour avoir bu de l'eau. »
souvent par leur nom; car ces bons campagnards Des six compétiteurs qu'avait Cicéron deux,
pensent être vos amis dès qu'ils vous sont connus Catilina etAntoine,unis par les liens du crime,jouis-
de nom; et ils se ferontchez eux vos prôneurs. -At- saient, malgré leur infamie,d'un grand crédit auprès
tirer à soi les partisans de ses compétiteurs.-Per- des nobles, et employaient l'intrigue, la corruption,
suader à quiconque vient chez vous que vous le la calomnie, pourécarterCicéron,leur concurrent le
distinguez des autres. Faire des avances à ses plus redoutable. 11 n'avait leur opposer qu'une arme,
ennemis; à ceux qu'on a offensés, des excuses. son éloquence; mais il fallait une occasion; elle
Paraître agir naturellement dans ce qui est le plus se présenta; il la saisit. Le sénat,jaloux deréprimerà
éloigné du naturel, et conformer sa physionomie son tour les excès toujours croissants de la brigue,
et ses discours aux affections de ceux qu'on aborde, venait de porter, à ce sujet, une loi des plus sévè-
de manière à être gai ou triste suivant la circons- res. Cette loi était repoussée par le tribun Q. Mucius
tance. Assurer aux nobles qu'on a toujours pré- Orestinus, défendu naguère par Cicéron, et qui,
féré leur parti à celui du peuple. -Affirmer le con- maintenant son ennemi, ne cessait de tourner en
traire à la multitude. Savoir discerner à quoi ridicule sa naissance et son caractère. Cicéron com-
chacun est propre, et bien distribuer les rôles. battit avec énergie, dans le sénat, l'opposition du
Réunir chaque jour une multitude d'hommes de tribun; et dévoilant les crimes, les manoeuvres, les
toutes les classes, et descendre au Forum à des projets de ses adversaires, il en fit un tableau si
heures fixes, à la tête de ce cortége. Exiger de effrayant que les nobles mêmes, dont l'orgueil avait
ceux qui vous doivent ce service qu'ils
n'y manquent jusque-là rabaissé l'homme nouveau qui osait leur
jamais; et quand ils ne pourront vous le rendre, disputer les hautes dignités de l'État, commencèrent
qu'ils envoient, à leur place, des personnes de leur à le regarder comme le seul citoyen capable de le
maison; suppléants toujours prêts. Se montrer
sauver.
bon nomenclateur, à cause de l'estime particulière Chaque élection devait être pour lui l'occasion
accordée aux candidats dont la mémoire sait se pas-
sans relâchè
d'un honneur sans exemple. Celle des consuls se
ser de celle d'un esclave; perfectionner faisait au scrutin. Cette voie parut trop lente à
cet art de flatter le peuple. Être opiniâtre, actif, l'impatience des Romains. On le nomma par accla-
adroit, persévérant. Supporter l'arrogance,
mation.
l'obstination, la malveillance, l'orgueil, la haine,
C'était, depuis plus de trente années, le premier
la jalousie, l'injustice. -Ne se laisser effrayer par
rjer,. Triompher de tout à force de prudence et
homme nouveau qu'on eût élevé au consulat, et,
depuis l'institution de cette magistrature, le pre-
d'art. Il faut réussir.
mier qui l'eût obtenue à l'âge fixé par la loi. Il avait Tout, avec cette arme, tout lui semblait possi-
quarante-trois ans. b Le tribun Labiénus, poussé par César, avait ac-
ble.
On lui donna pour collègue C. Antoine, par pré- cusé ci le sénateur Rabiriusdu meurtredeSaturninus.
férence à Catilina, et, l'on n'en doute pas, avec On C sait que ce tribun avait été tué dans un tumulte
l'assentiment même de Cicéron, qui le savait moins populaire p dont il était l'auteur, et qui avait forcé la
dangereux. sénat
s à recourir au décret VUkani coiisulcs lequel
Il venait de lui naître un fils; il avait marié sa fille ddonnait aux citoyens le droit de courir sur les re-
Tullie, âgée de treize ans, à C. Pison Frugi, jeune belles. b Rabirius eût-il tué le tribun, ce décret le
homme d'une grande espérance. Son frère était mettait n à couvert. Toutefois Hortensius, son avocat,
a possession de l'édilité; leur père venait de mourir. prouva
D'éclatants succès signalèrent à la fois son crédit clave.
p que le meurtre avait été commis par un es-
Rabirius n'en fut pas moins condamné. Il en
c
et son éloquence, dans l'intervalle de sa nomina- appela a au peuple. Cicéron se chargea de le défendre.
tion à son entrée en exercice. Le tribun Rullus vou- Il i retrouva les mêmes adversaires, César et Labié-
lait faire investir dix commissaires du droit de dis- nus, n qui, pour animer le peuple contre l'accusé,
tribuer des terres aux citoyens pauvres. Cicéron, ijimaginèrent de placer au-dessus de la tribune aux
après avoir attaqué cette proposition devant le j,harangues le tableau de Saturninus expirant, et,
sénat alarmé, ne craignit pas de la combattre à la ppour décourager le défenseur, de ne lui faire accor-
tribune aux harangues. Il y porta aux tribuns le der qu'une'demi-heure. Cicéron accepta tout, même
défi, resté sans réponse, d'en soutenir publique- les [, charges de l'accusation, et loua hautement Ra-
ment contre lui la discussion, et, réfutant, dans ibirius d'un acte qu'on lui imputait à crime. Des
trois discours, leur projet et leurs calomnies, il fit murmures r s'élèvent; il en apostrophe les auteurs
abandonnerpar les organes du peuple une loi toute avec a une énergie qui les force au silence, et il répète,
populaire. d'une
c voix plus ferme encore, l'éloge de Rabirius.
Une autre avait fermé aux enfants des proscrits On ( allait recueillir les voix, quand l'augure Mételius
la carrière des honneurs et l'entrée du sénat. Ils n'a- rompit ] l'assemblée, sous prétexte que les auspices
vaient point cessé d'en demander l'abrogation, et n'étaient | pas favorables. Des événements plus gra-
leurs plaintes devenaient de jour en jour plus éner- ves détournèrent l'attention publique de cette af.
giques. Elles étaient justes, Cicéron l'avouait; faire, ( qui ne fut pas reprise.
mais les jugeant inopportunes, il leur persuada de Le rôle d'homme d'État allait commencer pour
supporter patiemment leur disgrâce, et les fit re- Cicéron. ( Depuis longtemps, dit un de ses plus ju-
noncer volontairement à un droit d'où dépendait dicieux biographes des causes de destruction mi-
leur existence politique. naient la république un malaise secret, une inquié-
Les faits abondent. Le tribun Othon avait fait tude sourde, travaillaient les esprits :les institutions
passer, quatre ans auparavant, une loi qui, entre de Sylla, imposées par la violence, avaient laissé
autres dispositions, assignait aux chevaliers des subsisterdansles âmes un mécontentementprofond:
places distinctes au théâtre privilège qui irritait le la plupartdes grandes familles de Rome, ruinées par
peuple, et soulevait les plus vives réclamations. les guerres civiles, et par les malheurs qui les sui-
Othon, entrant un jour au théâtre, est accueilli par vent, désiraient un nouvel état de choses les for-
les sifflets de la multitude et les applaudissementstunes avaient presque toutes changé de maîtres
des chevaliers. Undésordre affreux commence on la corruption générale s'en était augmentée; la de
crie, on s'injurie, on se menace. Les deux partis1 pravation des mœurs et l'égoïsme avaient éteint l'a-
vont en venir aux mains. Cicéron a tout appris; il mour de la patrie toutes les ambitions étaient en
accourt, commande au peuple de le suivre au tem- mouvement une foule de citoyens intrigantset per-
ple de Bellone, et là lui fait honte de ses clameurs, vers cherchaient à troubler l'État, dans l'espérance
qui avaient interrompu Roscius. La foule retourned'élever leur fortune sur ses ruines l'exemple des
t
au théâtre, et, par un de ces changements qui sont coupables succès de Marius et de Sylla encourageait
comme les miracles de l'éloquence, applaudit celui leur audace. Les circonstances parurent la secon
qu'elle venait de siffler. der. Les forces de Rome étaient occupées, dans
On veut que Virgile ait fait allusion à ce triomphe l'Orient, à combattre Mithridate.Les nombreux vé-
de la parole, dans cette comparaison si connue: térans de Sylla, répandus dans toute l'Italie où le
Ac veluti magno in populo, de. dictateur leur avait donné des terres habitués à la
et Pline, en rapportantces trois exemples, s'aban- violence et au pillage, au mépris des lois, devaient
donne à une espèce de transport d'admiration pourr être autant d'instruments dociles dans la main des
un orateur auquel des hommes passionnés
faisaientt
le sacrifice de leurs intérêts, de leur ambition, de M. GailIard.nuteurclelaremnrgaaMelraduction du Dt
leur inimitié. Oratore, qui fait partie de cette collection.
factieux; et déjà ils rêvaient le pillage des riches- Mais la vigilance de Cicéron pouvait déjouer ce
ses qui frappaient leurs regards et éveillaient leur complot. Catilina voulut s'en défaire avantde partir.
cupidité. A Rome, la populace, insensible au bien Deux chevaliers se chargèrent de le tuer le lende-
public, entendait avec plaisir retentir les bruits main matin dans son lit. Ils se présentent chez
avant-coureurs d'une révolution. Les citoyens les Cicéron ils trouvent une garde à la porte, et
plus.puissants, les César, les Crassus, paraissaient l'entrée leur est refusée.
voir avec indifférence les mouvements qui se pré- A peine, en effet, ces résolutions avaient-ell es été
paraient. Il n'était pas même certain que les cons- formées, que Cicéron les avait apprises de la maî-
pirateurs eussent en eux des ennemis déclarés. Ils tresse d'un des conjurés. Il convoque le sénat au
avaient trouvé un digne chef dans Catilina, homme Capitole, dans le temple de Jupiter, où l'on ne s'as-
hardi, entreprenant, depuis longtemps habitué au semblait qu'aux joursd'alarmes; et là il commence
crime, et qu'aucun forfait ne pouvait épouvanter. » à dérouler le tableau des horreurs qu'on médite.
11 demanda une seconde fois le consulat et les vé- Tout à coup l'on voit entrer Catilina; Cicéron, in-
térans de Sylla vinrent de tous côtés à Rome pour terrompant son discours, l'apostrophe aussitôt par
appuyer au besoin ses prétentions par la violence. un des plus beaux mouvements que ['indignation
Cicéron vit quel ennemi il avait à combattre. Il aitjamaisfournisàréloqn'ence. (I" Catil.) Catilina,
prit sesmesures. Son collègue Antoine était secrè- confondu,balbutie quelques mots; mais interrompu
tement uni avec les factieux il l'en détacha par par les clameurs du sénat, il sort en jetant cette
l'appât de la plus riche des provinces consulaires. déclaration de guerre J'éteindrai sous des ruines
il travailla ensuite à réunir dans l'intérêt d'une dé- l'incendieallumé contre moi. Il retourne chez lui
fense commune les sénateurs et les chevaliers, jus- tient tin dernier conseil, et dans la nuit même il
que-là divisés, et à s'assurer le concours de ces prend le chemin de l'Étrurie.
deux ordres, auxquels il espérait associer le peuple. On accusa Cicéron, et cette accusation s'est per-
Enfin, il porta contre la brigue une loi qui ajoutait pétuée jusqu'à nous, d'avoir laissé échapper Cati-
dix ans d'exil à toutes les rigueurs des précédentes. lina', au lieu de le mettre en jugement. Mais le de-
Catilina, surveillé, affaibli, menacé, forme, avec vait-it ? Lui-même a prouvé que non. Il avait dans
les plus audacieux de ses partisans, le dessein de tuer la noblesse beaucoup d'ennemis, la plupart amis
Cicéron, le jour même de l'élection, dans le désor- secrets du factieux. De tels juges l'eussent-ils con-
dre des comices. Le consul en est instruit, fait damné ? Même devant un tribunal équitable, était-
ajourner l'élection cite Catilina devant le sénat, y ce assez, pour le perdre, du témoignage d'une cour-
dénonce ses projets, le somme de répondre. Quel tisane ? Fallait-il lui donner les avantages d'un
est mon crime? dit l'accusé. De deux corps, dont triomphe?Le forcer de quitter Rome, c'était sous-
l'un, avec une tête, est faible et languissant, et traire à son influence le sénat, l'ordre équestre, le
dont l'autre', grand et fort, n'a point de tête, je peuple. Le forcer d'agir, c'était convaincre les plus
prends ce dernier pour lui en donner une. » Cette incrédules de l'imminence du péril, et armer contre
réponse était la guerre. Le sénat rend aussitôt le lui la république encore incertaine. Le forcer d'a-
décret qui investissait les consuls de la dictature. gir avant d'être prêt, c'était déjà l'avoir vaincu; les
Le jour des comices, Cicéron se présente avec as- forces de l'État feraient facilement le reste. Enfin,
surance mais il a soin
d'entr'ouvrir sa toge et de en séparant le chef de ses complices, il livrait ceux-
laisser voir la cuirasse dont sa poitrine est armée. ci à tous les hasards des résolutions extrêmes, à
On reconnaît le danger du consul on s'indigne, on toutes les imprudences des ambitions rivales, et
l'entoure pour le défendre. L'élection se fait sans surtout, comme l'événement le prouva bientôt, à
trouble. Les consuls désignés furent Silanus et tousles piéges qui allaient leurêtretendus. Le succès
Muréna. justifia toutes les mesures de Cicéron. Sa conduite,
Repoussépour la seconde fois, Catilina, rassem- en cette circonstance, est au-dessus de toutes les ac-
ble ses complices, fixe le jour de l'exécution, dis- cusations, comme de tous les paradoxeshistoriques.
tribue les rôles, et garde pour lui-même le comman- Les amis de Catilina publièrent qu'il était allé en
dement des troupes réunies en Étrurie sous Mal- exil à Marseille; et le bruit, qui s'en répandit dans
lins. Le soulèvement devait éclater à la fois dans Rome, provoqua un retour d'opinion hostile au
les différentes parties de l'Italie. P. Lentulus, Cé- consul, qu'on accusait de tyrannie. « II était sans
thégus,Autronius, et d'autres, devaient mettre le exemple, disait-on, qu'on eût forcé un citoyen à se
feu à tous les quartiers de Rome, égorger tous les bannir, avant d'avoir prouvé son crime. » Cicéron,
magistrats, tous leurs ennemis, un seul excepté, le qui savait Catilina en marche vers le camp de Mal-
fils de Pompée otage qui leur répondrait du père. lius, convoqua le peuple, réfuta ces bruits, dit ou
Dans la confusion du massacre et de l'incendie, était le fugitif, où il allait, et répondit du salut de
Catilina devait paraître avec son armée aux portes l'État. (H' Catil.)
de Rome, et s'en rendre maître. La vérité ne tarda pps à confirmer ses paroles.
VIE DE CICÉRON.
–~
Catilina, après avoir soulevé quelques cantons de putés, pu après les aveux d'un certain Vulturcius, qui
l'Italie, avait rejoint son armée; il faisait porter devaitde leur servir de guide auprès de Catilina, Cicé-
devant lui les faisceaux consulaires, les enseignes ron ro fait ouvrir les lettres, encore scellées, et dont les
romaines, et cette aigle d'argent qui, sous Ma- auteurs au n'osent désavouer ni le cachet ni l'écriture.
rius, avait vu fuir les Cimbres. A ces nouvelles, HJI est rendu un décret qui assigne à chacun d'eux
un décret du sénat le déclara ennemi publie, or- pourprisonles
po maisons d'un certain nombre de séna-
donna aux consuls de hâter les levées, commit ài teurs tei et qui ordonne, comme après une grande
Antoine le commandement des troupes, et à Cicé-victoire, vii des supplications dans tous les temples,
ron, la garde de la ville. de actions de grâces solennelles à tous les dieux,
des
Dans la multitude de devoirs que lui imposait au au nom de Cicéron, le premier Romain qui fut ho-
cette surveillance, et qui lui permettaient à peine neîioré de cette distinction pour des fonctions civiles.
quelques instants de sommeil, le consul trouva en-
la Il était tard quand il sortit du sénat. Il monta à
core le loisir de sauver un ami, et de composer la tribune aux harangues, et apprit au peuple im-
un de ses meilleurs plaidoyers. Caton voulant, patient p, ce qui venait de se passer. (me Catil.) Déjà,
comme il le disait, éprouver sur un candidat con- pendant pl la séance du sénat, Tiron, son affranchi à
qui
sulaire la force de la dernière loi de Cicéron contre qt il avait lui-même enseigné l'art, dont on lui at-
la brigue, en avait aussitôt accusé Muréna; Cicé- tribue tr l'invention, d'écrire par signes abrégés, avait
ron le défendit, et sut assaisonner sa plaidoirie de recueilli
re avec d'autres scribes, tout ce qui s'y était
railleries si fines contre le stoïcisme outré de Ca- dit; di on en avait tiré sur-le-champ des copies que
ton, que rassemblée l'applaudit à plusieurs reprisess le le consul fit distribuer dans Rome, et expédierdans
par des rires qui firent dire à Caton, un peu piqué, touteste les parties de l'empire.
Nous avons un consul facétieux! Muréna fut ab- Il restait à statuer sur le sort des coupables. Ci-
sous. Peu de temps auparavant, C. Pison, consulcéron ci passa cette nuit-là dans la plus grande per-
hors de charge, et accusé du même crime, s'étaitt plexité. p Les laisser vivre, c'était encourager leurs
vu aussi acquitter, grâce au talent de Cicéron, dé- ppartisans, qui s'efforçaient déjà de soulever le peu-
ple
fenseur trop officieux peut-être, comme Caton l'en p pour les délivrer. Faire périr, malgré les lois,
raillait à son tour, de ceux qu'on accusait au nomn des d citoyens romains, c'était prendre une respon-
de sa loi même. sabilité
s. terrible. Il l'accepta.
Vers le même temps, son éloquence et son auto- Le sénat convoqué, Silanus, opinant le premier,
rité, arrachèrent au sénat ses préventions contree conclut c à la mort; César le réfute son discours ar-
Pompée, et au peuple, sa haine contre Lucullus. Le x tificieux
ti entraîne les esprits, et Silanus se rétracte.
premier venait de terminer la guerre contre les pi-i- On C reculait devant un acte de rigueur; les plus cou-
rates et contre le roi de Pont. Cicéron par un sé- i- rageux,
r les amis de Cicéron, son frère lui-même,
natus-consulte, fit décréter, au nom du vainqueur, c, inclinaient
il à l'indulgence,dans la crainte de l'expo-
dix jours de supplications publiques ce qui était.le le ser s à de sanglantes représailles. Tous les yeux
double de l'usage. Il y avait trois ans que Lucullus is éétaient tournéssur lui. Inaccessibleà ces faiblesses,
i- ilï, se lève, et, par une harangue énergique, ramène
sollicitait le triomphe pour ses victoires sur Mithri-
date, et trois ans que, repoussé dans ses prétentionsîs les 1 esprits au parti de la rigueur. (iveCa/iï.)
par les tribuns, il attendait, suivant la loi, dans un
:n C'était le soirdu 5 décembre, nones fameuses que
faubourg de Rome, le jour où il lui serait permis d'y'y Cicéron
( rappelle trop souvent comme le plus grand
rentrer en triomphateur. Cicéron lui fit donner cette j
te jour de sa vie. Il va, suivi du sénat, chez Lentulus
tardive satisfaction; et servit, comme il le dit, à Spinther,i qui avait Lentulus sous sa garde il le lui
introduire dans la ville le char triomphal de cet il- I- demande
( au nom de la république; il le conduit lui-
lustre citoyen. même, par la rue Sacrée et le forum à travers les
Cependant, les conjurés restés à Rome, se re- 3- rangs1
pressés de la foule, jusqu'à. la prison com-
muaient, intriguaient, recrutaient des partisans. in-n- mune, et le livre à l'exécuteur. Céthégus et les au-
formé que Lentulus cherchait à séduire les députés és très conjurés, tour à tour amenés par lui, sont de
des Allobroges, Cicéron les engage à feindre, pour nr même exécutés dans la prison. Des groupes mena-
obtenir la preuve complète du crime. Ils se font en ;n çants de leurs complices, qui ignoraient leur sort,
nt attendaient la nuit pour les délivrer. Ils ont vécu,
effet donner des lettres pour Catilina, qu'ils doivent
allertrouver, pour les Allobroges, dont ils promettent
nt leur dit-il en se tournant vers eux et ce mot lngu-
le secours. Ils concertent avec Cicéron le moment de bre les disperse à l'instant.
leur départ; ils sont arrêtés au pont Milvius, et con-
n- Cicéron fut reconduit chez lui comme en triom-
duits chez le consul. Celui-ci mandeaussitôt chez luiui phe, par tout le corps du sénat, par tous les che-
ns valiers par une foule immense qui remplissait l'air
Leiituhis et ses complices, lesquels s'y rendent sans
rien soupçonner, et il les emmène tous sons bonne ne d'acclamations. On tenait des flambeaux à toutes
escorte au sénat. Là, après les révélations des dé- lé- les portes, pour éclairer sa marche; les femmes
étaient aux fenêtres pour le voir passer, et le mon- avec les froids éloges donnés à son collègue Antoine,
traient à leurs enfants. Il y avait des curieux jusque dont la conduite molle avait été si suspecte. Le sé-
sur le toit illuminé des maisons. nat se borna à le féliciter d'avoir retiré sa confiance
La nouvelle de cette exécutionjeta le décourage- à ses anciens amis, c'est-à-dire, le loua de n'avoir
ment dans l'armée des rebelles. Pressé entre Mé- pas à t'accuser.
tellus et le consul Antoine, Catilina, après avoir Cicéron, à qui ses talents et ses services devaient
longtemps refusé le combat, l'accepta enfin contre assurer un immense crédit dans Rome, s'attira
Antoine, son ancien ami, qui le poursuivait mol- bientôt une foule d'ennemis, à force de rappeler à
lement, etqui lui edt peut-être ménagé une retraite. ses concitoyens tout ce qu'il avait fait pour eux.
Mais Cicéron avait entouré son collègue de lieute- Dans le forum dans le sénat, devant les tribunaux,
il fallait, dit Plutarque, lui entendre répéter tous
nants dévoués à la cause de Rome. Le jour de l'ac-
tion, Antoine ayant été saisi d'un accès de goutte, les jours les noms de Catilina et de Lentulus, et
vrai ou feint, l'un d'eux prit le commandement. On repasser avec lui par tous les événements de son
sait comment se termina cette lutte, si admirable- consulat, loué non sans cause mais sans fin, comme
s'exprime Sénèque. Son penchant à la raillerie ne
ment racontée par Salluste.
lui fut pas moins funeste. Ni les magistrats, ni les
Avec cette grande affaire finit le consulat de Ci- citoyens les plus considérés, ni ses amis, n'étaient
eéron. Il lui restait à le résigner, suivant l'usage,
à l'abri de ses bons mots. Le nombre en fut si
devant le peuple assemblé, dans un discours où se-
grand, quoique certainement exagéré, qu'il en fut
rait retracée sa conduite, et suivi du serment qu'il
fait des recueils par plusieurs de ses contempo-
avait observé les lois. On s'attendait qu'après une
rains, parmi lesquels on cite J. César. Aussi, quand
telle année, et de la part d'un tel orateur, la ha-
une faction puissante se déchaîna contre lui, aux
rangue répondrait à la grandeur des circonstances. envieux que lui avait fait son mérite, aux ennemis
Mais César, alors préteur, et Métellus un des nou-
que lui avaient faits ses épigrammes, il n'eût à oppo-
veaux tribuns, s'opposèrent violemment à ce qu'il
la prononçât. « Celui qui avait fait mettre à mort des ser que sa gloire contestée et un petit nombre d'a-
mis équivoques. Celui pour lequel il avait le plus
citoyens romains sans les entendre ne devait pas,
disaient-ils, avoir le droit de parler pour lui-même. »
fait, Pompée prévenu contre lui par César, ne lui
prêta d'abord qu'un faible appui, et enfin le lui re-
Ils firent placer leurs sièges sur la tribune aux ha-
fusa tout à fait.
rangues, pour l'empêcherd'y monter. Puis, croyant L'attaque recommença par le tribun Métellus
lui tendre un piège, et le placer dans l'alternative
mais bientôt Clodius surpassa, dans ses fureurs,
d'un parjure ou d'un aveu embarrassant, ils lui
permirent de venir à la tribune, à la seulecondition tous les ennemis de l'illustre consulaire. Voici l'ori-
gine de cette persécution. Clodius jeune patricien,
d'y prononcer la formule ordinaire, et d'en descen-
populaire, insolent, audacieux, avait profané les
dre aussitôt. Mais cette intrigue, en nous privant
mystères de la Bonne Déesse, en s'introduisant,
d'un beau discours, nous a valu un plus beau ser-
une nuit, dans la maison de César, où ces mystères
ment. Cicéron parut à la tribune; et quand tout le
monde eut fait silence Je jure, dit-il en élevant se célébraient, auprès de Pompéia, dont il était
l'amant. C'était un sacrilége. Traîné en justice,
sa voix noble et sonore, je jure que j'ai sauvé la
république. Transportée par ce serment d'une toute sa défense se réduisit à prétendre qu'il était
forme si nouvelle, l'assemblée s'écria qu'il avait alors loin de Rome, et plusieurs témoins l'affirmè-
juré la vérité, et l'accompagnajusque chez lui avec rent avec serment. César, qui, au premier bruit de
de bruyantes acclamations. ce scandale, avait répudié sa femme mais qui vou-
lait ménager l'accusé, déclara ne rien savoir. S'il
Peu de temps après, le consulaire Gellius demanda avait répudié Pompéia, c'est, » disait-il, « parce
pour Cicéron la couronne civique; et la voix que la femme de César ne devait pas même être
du peuple confirma le nom que lui avaient décerné soupçonnée. » Cicéron appelé à
son tour en témoi-
Catulus et Caton, l'un dans le sénat, l'autre dans
gnage, affirma que, le jour du crime, Clodius, loin
les comices, le nom de Père de la patrie; titre si d'être absent, était venu le voir chez lui. Les agents
glorieux, que le flatterie l'attacha, dans la suite, à du coupable essayèrent de l'effrayer
par des mena-
la dignité impériale, mais que Rome libre, suivant ces,'et de lui arracher
une rétractation; mais les
l'expression de Juvénal n'a donné qu'au seul Ci-' sénateurs qui assistaient à
ce procès, se levèrent
céron. et le reçurent dans leurs rangs, où cette poignée
Toutes les villes de l'Italie suivirent l'exemple de de furieux n'osa pas venir le chercher. Clodius
Rome; on lui rendit partout des honneurs extraor- avait corrompu ses juges par des séductions dout
dinaires et Capoue, se plaçant sous son patronage quelques-uues sont à peine croyables à force d'être
lui fit élever une statue dorée. infimes. Il fut acquitté. Dès lors il n'eut plus de
De tels hommages contrastaient singulièrement repos qu'il ne se fût vengé de Cicéron ave« éclat; et
c'est dans ce but qu'il songea à se faire nommer tenant nouveau refus de Cicéron. Piqué de cette
tribun du peuple. opiniâtreté, César t'abandonnaà toutes les fureurs
Pompée, de retour de ses expéditions, s'était li- de son ennemi.
gué avec Crassus et César, et cette alliance, ce pre- Cicéron était désormais sans défense. Clodius
mier triumvirat, mettait en leurs mains toutes les avait su gagnerlafaveurdu peuple le sénat était im-
forces de la république, moins le sénat, dernier ap- puissant l'ordreéquestre, en partie dévouéàCésar.
pui de Cicéron, mais qui se voyait réduit, ne pouvant Les consuls en charge, Pison et Gabinius, créatures
les empêcher, à protester contre les actes des trium- des triumvirs, haïssaientCicéron, et s'étaient liés
virs. Ceux-ci avaient plus d'une fois sollicité le avec Clodius par un traité secret dont le premier
concours deCicéron, et, sur son refus, sa neutra- article assurait au tribun, en retour de quelques
lité condescendance qui l'eût soustrait aux dangers complaisances, l'appui de ces magistrats dans ses
dont le menaçait l'animosité de Clodius. Il ne vou- projets contre Cicéron. Clodius put donc agir libre-
lut protéger ni de sa parole ni de son silence une as- ment. Il porta une loi qui condamnait à l'exil quicon-
sociation dont il réprouvait le but, et il ne man- que avait fait mourir un citoyen romain sans que
qua pas une occasion de l'attaquer. Il
chercha au le peuple eût prononcé la sentence. Cicéron, suffi-
barreau le crédit qui lui échappait ailleurs et en- samment désigné par cette loi, et réduit à la con-
tre autres clients célèbres, il défendit le poëte Ar- dition des criminels,en prit aussitôt les vêtements,
chias, son ancien maître. Se réfugiant aussi dans laissa croître sa barbe et ses cheveux, et se montra
l'étude et la gloire littéraire, il composa sur son ainsi dans les rues de Rome pour exciter la com-
consulat des Mémoires en grec, et un poëme latin passion du peuple. Surson chemin, se trouvait par-
en trois chants. Non content d'exalter lui-même tout Clodius, suivi d'une bande de gladiateurs et de
ce consulat, devenu le seul texte de ses discours et satellites armés, qui lui adressaient les plus gros-
de ses écrits, il invitait ses amis à en faire le sujet siers outrages, et qui souvent même jetaient de la
de leurs compositions. Archias, le chantre de Marius boue et des pierres à l'illustre suppliant. Un grand
et de Lucullus, le paya ainsi du'service qu'il en avait nombre de chevaliers, revêtus aussi de l'habit de
reçu. Posidonius et Atticus écrivirent aussi à sa deuil, et vingt mille jeunes gens, la plupart des plus
louange. nobles familles, à la tête desquels était le jeune
Mais ce consulat tant célébré allait devenirle pré- Crassus le suivaient, priant et intercédant pour lui.
texte de sa ruine. Clodius, pour avoir le droit d'être Les amis de Cicéron allèrent, avec tout le sénat,
élu tribun du peuple, s'était fait adopter par un se jeter [aux pieds des consuls, et ne recueillirent de
plébéien, en violant toutes les lois sur l'adoption. Il cette démarche que des insultes et des menaces. Le
étaitfortemeutappuyéparles triumvirs et en parti- sénat venait de décréter, sur la proposition du tri-
culier par César, dontl'influence grandissait chaque bun Kinnius, que tous ses membres et Rome entière
jour, et qui venait de se faire donner pour cinq ans prendraient le deuil, comme dans une calamité pu-
le gouvernementdes Gaules. blique. Clodius investit aussitôt l'assemblée, et les
Cicéron, retiré alors dans ses maisons de campa- sénateurss'enfuirent en déchirant leur toge, en pous-
gne, affectait, loin des menaces de Clodius, une sé- sant des cris de douleur. Un édit des consuls dé-
curité qu'il n'avait pas. C'est là, qu'aigri par le dé- fendit l'exécution du décret, et contraignit ceux
couragement, il se mit à poursuivre tous ceux qu'il qui l'avaient devancée de reprendre l'habit ordi-
avait loués naguère, et fit, sous le titre d'Anecdotes, naire.
ou Histoire secrète de son temps, un livre si plein Cicéron avait un reste d'espoir en Pompée, alors
d'invectives contre ses contemporains, qu'il crut pru- dans sa maison d'Albe. Après lui avoir envoyé son
dent d'en ajourner la publication, et qu'Alticus seul gendre Pison, qui n'en reçut qu'une froide réponse,
en eut communication.Las bientôt de sa retraite, il alla le trouver lui-même. Pompée averti de son
il revint à Rome, et sans prendre aucune part active arrivée, n'eut point la force de l'attendre, et évita,
aux affaires, où il n'avait plus que le choix des rôles en sortant par une porte dérobée, les difficultés
subalternes, il porta toute son ardeur au barreau, d'une entrevue avec son ancien ami.
où son éloquence fit absoudre A. Thermus et L. Trahi, délaissé par tout le monde, Cicéron fit
Flaccus. auprès des consuls une dernière tentative. Gabi-
Clodius venait enfin d'être élu tribun. César, pour nius fut inflexible. Pison lui conseilla de céder au
remettre Cicéron dans sa dépendance, lui offrit les torrent, de supporter ces vicissitudes avec courage,
moyens de se défendre contre Clodius, tout en et, mêlant l'ironie à ses conseils, de sauver encore
une fois Rome en la quittant, au lieu de l'exposer
excitant Clodius contre lui. Il lui proposa de le faire
entrer dans une commission établie pour la distri- par sa résistance à toutes les horreurs de la guerre
bution de quelques terres de la république. Cicéron civile.
répondit parun refus. Le proconsul lui offrit de nou- Cicéron consulta ses amis. Devait-il résister avec
veau de l'emmenerdans les Gaules en qualité de lieu- toutes los forces que lui donnerait la justice de sa
VIE DE CICÉRON.
eause, ou prévenir l'effusion du sang par un exil mépriser la défense du tribun. Les cités lui offraient
volontaire? Lucullus voulaitqu'il engageât la lutte, à l'envi un asile et une garde. On l'escortait d'une
et lui promettait la victoire. Hortensius, Caton et ville à l'autre. Malgré des marques si éclatantes
Atticus l'engagèrentà partir, alléguant qu'il ne tar- d'intérêt et d'affection, triste, abattu, « il tournait
derait pas à être rappelé par le peuple, fatigué sans cesse vers l'Italie, nous dit Plutarque, ses yeux
bientôt des excès de Clodius. Soit faiblesse ou vertu, baignés de larmes. » Il était sans fermeté, sans cou-
Cicéron se décida pour ce parti. rage. Il allait se plaignant à tout le monde et de
Avant son départ, il prit une petite statue de tout le monde. Il accusait ses amis de l'avoir trahi
Minerve, depuis longtemps révérée dans sa famille il fuyait le commerce des hommes, et jusqu'à la
comme une divinitétutélaire, la porta au Capitole, lumière du jour; et ses lettres étaient si lamenta-
et l'y consacra sous cette inscription Minerve pro- bles, que le bruit courut à Rome que sa raison avait
tectrice de Rome; comme pour marquer qu'après souffert quelque échec.
avoir employé à défendre la république toutes les Il s'était dirigé vers la Sicile. Au moment d'y
mesures de la prudence humaine, il l'abandonnait aborder, il reçut du préteur C. Virgilius, autrefois
à la protection des dieux. Il sortit de Rome après son ami, la défense d'y mettre le pied. Il retourna
cet acte de religion, escorté par ses amis, qui l'ac- vers Brindes, dans le dessein de gagner la Grèce,
compagnèrent pendant deux jours, et lui laissèrent et trouva dans la maison de campagne deFlaccus une
ensuite continuer son chemin vers la Sicile, où il es- généreuse hospitalité. Puis il s'embarqua pour Dyr-
pérait que le souvenir de saquesture lui ferait trou- rachium. Plutarque raconte que le vent, qui était
favorable, changea tout à coup, et le força de re-
ver un asile sûr et agréable.
Aussitôt après son départ, Clodius fit adopter par gagner le rivage; que s'étant rembarqué, il fut as-
le peuple, ou plutôt par ce ramas de mercenaires sailli, près de Dyrrachium, par un violent orage,
qu'il avait à sa solde, une loi qui fixait l'exil de Ci- suivi d'un tremblement de terre, et que les devins
céronàladistancedequatrecentsmilles, etquimena- en conclurent que son exil ne serait pas long. Il
çait de mort quiconque lui donnerait asile en deçà de voulait se rendre à Athènes. On l'en détourna, en
lui apprenant que cette partie de la Grèce servait de
tette limite, ou proposerait son rappel. Les maisons
de l'exilé, àRome et àla campagne, furent pillées, refuge aux restes du parti de Catilina II gagna la
brûlées, démolies, et ses biens mis à l'encan. On les Macédoine, avant qu'ils fussent informés de son ar-
cria tous les jours sans qu'il se présentât d'acqué- rivée. C. Plancius, alors questeur, à peine averti
de son débarquement, vint au-devant de lui jusqu'à
reur. Les seuls consuls eurent l'audace de se partager
ses dépouilles. Les colonnes de marbre de sa belle Dyrrachium, et le conduisit dans sa résidence de
maison du mont Palatin furent transportées pu- Thessalonique. L. Apuléius, gouverneur de cette
bliquement chez le beau-père de Pison, et les ri- province, qui ne lui était guère moins attaché que
ches ornements de sa villa de Tusculum, chez Plancius, n'osant pas agir aussi ouvertement, se fit
Gabinius, son voisin, qui s'en fit apporter jusqu'aux du moins un devoir de fermer les yeux sur la con-
arbres. Sur l'emplacement de la maison de Rome, duite de son questeur.
Clodius, afin d'en rendre la reconstruction impos- Cicéron y apprit de Tubéron, qui revenait d'A.
sie, où il avait servi comme lieutenant sous Quin-
sible,fit élever un temple à la Liberté « à la licence, »
dit Cicéron. tus, que les complices de Catilina en voulaient à
Tandis qu'on livrait aux flammes et au pillage les sa vie. Il voulut quitter Thessalonique, et se retirer
biens de Cicéron, les consuls faisaient célébrer en Asie; mais il en fut détourné par les instances
Jes réjouissances publiques, et se félicitaient mu- de Plancius, et les lettres de ses amis de Rome,
tuellement de cette victoire, qui vengeait glorieu- qui lui faisaient espérer que son exil finirait bien-
sement la mort de leurs anciens amis Gabinius se tôt.
vantant de son intimité connue avec Catilina, et En effet, deux mois après son départ, le tribun
Pison, desa parenté avec Céthégus. Clodius, de son Ninnius proposa son rappel dans une assemblée du
côté, poursuivait de ses fureurs la famille de sa vic- sénat, et demanda que la loi de Clodius fût exami-
time. Il tenta plusieurs fois de se saisir du jeune née. Tous les sénateurs applaudirent à cette propo-
Cicéron, pour le tuer; et cet enfant, âgé de six ans sition, que repoussa seul, le tribun Élius Ligus
à peine, ne dut la vie qu'à la fidélité des amis de et décrétèrent que toutes les affaires seraient sus-
son père, qui le tinrent caché. Térentia avait cru pendues jusqu'à ce que le décret du bannissement
trouver un asileinviolabledans le temple de Vesta; fût révoqué.
mais elle en fut arrachée par l'ordre du tribun, et Déjà Pompée commençait à se repentir d'avoir
traînée en justice, comme coupable d'avoir sous- sacrifié Cicéron à la vengeancedeClodius, dont fin-
trait quelques effets de son mari à la cupidité soleuce, tournée maintenant contre lui1, le bravait
des partisans de Clodius. ouvertement dans Rome, et s'emportait jusqu'à in«-
Le respect universel qu'on avait pour Cicéron fit naier sa vie. Toutefois il ne voulait rien faire salll
VIE DE CICERON.
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consulter César. Il lui avait écrit, et attendait sa ré- tacle,
ta décida que la loi serait
sei proposée au peuple; rt
ponse que le proconsul des Gaules ne sa se hâta noint
point la publication fï
publicationen fut fixée
v< au 22. Ce jour-là, Fabri-
d'envoyer. Sextius, un des nouveaux tribuns, alla cius, un des tribuns de Cicéron, se rendit à la tri-
en Gaule avec de nouvelles lettres de Pompée à Cé- bune, avant le lever du soleil, pour s'en saisir avec
sar, lequel consentit enfin au retour de Cicéron, une forte garde. Mais la diligence de Clodius avait
mais en y mettant des conditions dont la discussion prévenu la sienne. Il occupait les avenues du fo-
entraîna de nouveaux délais. rum, décidé à combattre à la tête de ses clients, de
La nouvelle de ces premiers succès, et surtout ses esclaves, qu'il avait armés, et de ses gladiateurs,
'l'approche de Pison, son ennemi, qui venait pren- dont il venait d'augmenter le nombre. JI attaqua
dre possession du gouvernement de la Macédoine, Fabricius, tua une partie de son escorte, et le
lefirent sortir précipitamment de Thessalonique. Il chassa du forum. Cispius, autre tribun, qui vint
se rapprocha de l'Italie, et revint à Dyrrachium, au secours de son collègue, fut repoussé d'une ma-
quoique ce fût rentrer dans les limites d'où l'excluait nière encore plus sanglante. Avec lui était le frère
la loi de Clodius. de Cicéron. Les gladiateurs, auxquels il était dési-
Cependant l'audace de ce tribun lui suscitait cha- gné d'avance, l'attaquèrent et l'auraient tué, s'il ne
que jour des ennemis, même parmi ses anciens com- leur eût échappé à la faveur des ténèbres, et en se
plices. Après avoir attaqué Gabinius et Pompée, tenant caché, jusqu'à la fin de la mêlée, sous les ca-
il attaqua César, et, avant de résigner l'office d'où davres amoncelés dans le forum. Le tribun Sextius
lui venait tout son pouvoir il demanda que les actes fut laissé pour mort sur le champ de bataille. Clo-
du proconsul fussent cassés par le sénat, disant dius,réfléchissantque ce meurtre pourrait le perdre,
qu'à cette condition il consentirait à rappeler Cicé- prit tout à coup la résolution de tuer un de ses pro-
ron, et, ajoutait-il, à le rapporter sur ses épaules. pres tribuns, pour en accuser ses adversaires, et
Cette satisfaction lui ayant été refusée, il se re- rendre ainsi le crime égal entre les deux partis.
tourna contre l'exilé. Les dix tribuns élus pour l'an- La victime dont il fit choix fut Num. Q. Gracchus,
née suivante (696) s'étaient solennellement enga- lequel, informé à temps de ce projet, sortit de Rome
gés à prendre les intérêts de Cicéron; Clodius en sous l'habit d'un muletier.
corrompit deux, L. Attilius Serranus, et Num. Q. Resté maître de la place, Clodius alla mettre le
Gracchus, dont l'opposition suffisait pour empê- feu au temple des Nymphes, où l'on conservait les
cher ce retour désiré par tout le monde. Excepté registres publics. Tout fut consumé par les flammes.
ces deux tribuns, et le préteur Appius, tous les ma- Ensuite, la torche incendiaire d'une main et l'épée
gistrats étaient favorables à Cicéron. Des deux de l'autre, il attaqua la maison du tribun Milon
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consuls désignés, l'un, P. Corn. Lentulus, était son et celle du préteur Cécilius; mais il fut repoussé
ami intime; l'autre, Q. Métellus, s'était naguère dans ces deux entreprises. Milon, à qui l'on refusa
associé aux fureurs de Clodius mais voyant que les le droit de le citer en justice, prit le parti d'opposer
dispositions de Pompée et de César étaient chan- désormais la force à la force, et acheta une troupe
gées, il laissa espérer que sa haine ne serait pas in- de gladiateurs, à la tête desquels il en venait souvent
flexible. aux mains avec son ennemi, dans les rues de Rome.
Le premier jour de janvier (696), après les céré- Clodius perdait tous les jours de son crédit et de
monies ordinaires de l'inauguration, Lentulus ou- ses forces. Les tribuns l'avaient abandonné, et le
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ivrit son consulat par la propositiond'un décret qui sénat put rendre enfin son décret. Il vota des re-
rappelait Cicéron. P. Cotta, invité à dire le pre- merclments aux villes qui avaient accueilli Cicéron,
mier son avis, fit ressortir toutes les nullités de la arréta que l'on rebâtirait aux frais de l'État ses mai-
,loi de Clodius, exalta le dévouement de Cicéron, sons détruites et chargea les consuls de publier
et déclara qu'on devait non-seulement le rappeler, par toute l'Italie que tous ceux qui aimaient la pa-
mais lui conférer de nouveaux honneurs. Pompée trie étaient invités à venir à Rome pour contribuer
ajouta que, pour rendre la réparation plus éclatante au rappel de l'illustre exilé. Cette invitation y attira
il fallait la faire aussi voter par le peuple. On allait une foule innombrable, à laquelle on donna des
dresser le décret, lorsque le tribun Serranus y mitt jeux et des spectacles. Pompée, qui était alors à
opposition, et en demanda l'ajournement au lende- Capoue, revendiqua l'honneur de présider à ces co.
i
main. Ni prières ni menaces ne triomphèrent de sa mices immenses. Mais Clodius essaya de lutter en-
i
résolution et tout ce qu'obtinrent les supplications core, réunit un jour ses affiliés au forum, parodia
de son beau-père, Oppius, qui se jeta à ses pieds, les comices, et voulut faire passer pour 12 voix du
fut la promesse de laisser passer le décret le jourpeuple romain la réponse de cette poignée de merce-
suivant. Le lendemain, il s'y opposa sans restric- naires. Enfin, il se passa encore plusieursmois avant
tion. Clodius lui avait, pendant la nuit, donné le que le peuple put être régulièrement convoqué, lee
double du prix de leur marché, 4 d'août ( G96). Le rappel fut décidé aux acclama-
Le sénat, loin de se laisser arrêter par cet obs- tions de toutes les centuries. Clodius, réduit a
sa seule audace, fit un dernier effort, et voulut at- de cette affaire. Cicéron plaida lui-mSme sa cause,
taquer la loi il fut contraint de se retirer devant et la gagna. Un sénatus-consulte, inutilement com-
les huées. battu par Clodius, qui parla trois heures, donna
Cicéron n'avait pas attendu, pour reprendre le force de loi à la décision des pontifes; et les consuls
chemin de l'Italie, que le décret du sénat fût soumis firent commencer la reconstruction de toutes ses
à la sanction du peuple. Il s'était embarqué le 4 maisons.
d'aodt, le jour même où se tenait l'assemblée, et le Tous les actes du tribunat de Clodius étaient sus-
lendemain il avait pris terre à Brindes, où il trouva pendus au Capitole, gravés, suivant l'usage, sur
sa fille, qui s'y était déjà rendue pour le recevoir. A des tables de cuivre. Cicéron voulut détruire ces
mesure qu'il avançait vers Rome, le bruit de son re- monuments publics de sa disgrâce. Après une pre-
tour attirait sur son passage toutes les populations mière tentative inutile, profitant de l'absence de
de l'Italie. Tout le chemin, bordé de spectateurs Clodius, il monta au Capitole avec une escorte de
depuis Brindes jusqu'à Rome, « ressemblait, dit-il, ses meilleurs amis, et se saisissant des tables il les
à une rue non interrompue; » et il n'exagère pas emporta chez lui. Clodius réclama dans le sénat
quand il assure qu'il y rentra, « porté comme dans contre cette hardiesse; et Caton, qu'il avait eu l'a-
les bras de toute l'Italie. » dresse d'intéresser aux actes de son tribunat, en
A quelque distance de Rome, le sénat, les cheva- lui faisant donner une commission dans l'île de
liers, le peuple vinrent au-devant de lui. Il fut reçu Cypre, se crut obligé de prendre parti contre Cicé-
dans cette ville après dix-sept mois d'absence, aux ron. Le plus fâcheux effet de ces débats fut d'ame-
acclamations dela foule, qui inondait les rues, les ner quelque refroidissement entre ces deux illustres
temples les collines et jusqu'aux toits des maisons. amis.
Au Capitole, où l'on prévoyait qu'il'monterait d'a- La maison du mont Palatin s'élevait déjà jusqu'au
bord, d'autres citoyens, d'autres acclamations,l'at- toit, lorsque les ouvriers se virent attaqués en plein
tendaient. De là, il se rendit à la maison de son jour par une troupe de gens armés qui avaient Clo-
frère, avec toute la pompe d'une marche triom- dius à leur tête. Tout fut démoli et les ouvriers,
phale ce qui lui fitdire dans la suite « qu'on l'aurait chassés. Cette troupe courut ensuite assaillir et
pu soupçonner d'avoir souhaité sa disgrâce pour incendier la maison de Quintus, où Cicéron faisait
obtenir un retour si glorieux. » encore sa demeure les deux frères n'évitèrent la
Le jour suivant ( 5 sept. ), il adressa des remercî- mort que par la fuite.
ments au sénat, et le surlendemain, au peuple. La Clodius voulait l'édilité, et les élections étaient
présence de tant d'étrangers à Rome ayant fait sans cesse ajournées. Furieux, il parcourait les rues
hausser le prix des vivres, Clodius ne manqua pas avec ses incendiaires, en menaçant de mettre le
d'attribuer à Cicéron la misère publique. Ses mer- feu à toute la ville, si l'on tardait plus longtemps
cenaires parcoururent les rues pendant la nuit, de- à le nommer édile. Dans une de ces courses, il ren-
mandant du pain d'une voix lamentable, et nommant contra Cicéron au milieu de la rue Sacrée, et l'atta-
Cicéron dans leurs plaintes. Le sénat délibérait sur qua l'épée à la main, tandis que sa bande* faisait
!es moyens de prévenir la disette. Clodius se rendit voler les pierres autour de lui. Cicéron eut à peine
avec sa suite au temple de la Concorde, où se tenait le temps de se sauver dans une maison voisine, où
l'assemblée. En route, il attaqua le consul Métellus, ses amis étant venus se joindre à ceux de sa suite,
qui, forcé de fuir, se réfugia dans le Capitole où le le mirent en état de se défendre les assaillants fu-
sénat fut aussitôt convoqué. Clodius investit le Ca- rent contraints de se retirer.
pitole mais il fut contraint de fuir lui-même de- Le sénat s'assembla pour délibérer sur ces désor-
vant des forces supérieures. dres, et l'on proposa les partis les plus vigoureux
Cicéron, renfermé chez lui pendant ce tumulte, mais les intrigues de Clodius les firent tous échouer,
vint au sénat quand tout fut apaisé. Il y lit aussitôt et empêchèrent même que Milon pût le citer en justi-
recevoir un décret, qui confiait à Pompée le soin ce. Le sénat voulut revenir sur cette affaire, et Cicé-
de ramener l'abondance, lui donnait pendant six ans ron y dénonça de nouvelles fureurs de Clodius. Celui-
unpouvoir illimité sur tous les magasins de l'empire, ci accourut avec ses satellites, et mit en fuite les
et le droit de se choisir quinze lieutenants. Cicéron sénateurs. Milon ne songea plus dès lors qu'à se dé-
fut le premier qu'il choisit. Il accepta d'abord ces livrer par le fer de ce forcené.
fonctions; mais le soin de ses affaires exigeant sa Ptolémée Aulétès, chassé par ses sujets du trône
présence à Rome, il s'en démit en faveur de Quintus. d'ftgypte, était venu solliciter contre eux le secours
Il éprouvait en effet beaucoup de difficultés pour de la république. Lentulus, déjà pourvu du gouver-
rentrer dans la possession de ses biens. Clodius, en nement de la Cilicie, souhaitait cette commission.
consacrant è la religion la plus considérable de ses Cicéron lui avait promis les suffragesdu sénat. Mais
maisons, l'avait aliénée sans retour. C'était au col- un tribun se déclara hautement contre Ptolémée,
ue» pontifes
lègee des puiiuiea qu'appartenait la connaissance
iju iip)idi leiidiL ta et surtout
cuMiimasdiiue ci aunuui contre ^cuiuibs. Leconsulatde
cuimc Lentulns. ijotuiiâumi ne olui-ci
i^iui-t
UCOON -TOME I. '>
expira bientôt, et il partit pour son gouvernement, L. Bestia, son ennemi, et l'un des complices de
remettant à Cicéron ie soin de cette affaire. Celui-ci ci Catilina. Il le défendit six fois à des époques diffé-
la fit reprendre au commencement de l'autre année :e rentes.
(697), et rencontra l'opposition du même tribun. Il Une cause meilleure, et qui était presque la sienne,

ploierait seulement l'autorité d'un représentant de


'
fut alors décidé qu'on ne ferait servir au rétablisse- ajouta à sa gloire. Clodius avait accusé de violence
ment du roi aucune armée romaine, et qu'on y em- (de vi) le tribun Sextius, blessé par Clodius.même
le dans
une des luttes engagées pour le rappel de Ci-
la république. Cicéron parla pour Lentulus; Pompée !e céron. Il le défendit, et son plaidoyer est un des
avait aussi des partisans. L'indécision fut telle, que le plus beaux qui nous soient restés de lui. Vatinius
l'on ne nomma ni l'un ni l'autre; et il fut décrété

même. On revint plus tard sur cette résolution; et


' té était
venu témoigner contre l'accusé. Cicéron, au
qu'on laisserait au roi le soin de se rétablir lui- lieu de l'interroger sur les faits de la cause, l'ac-
3t cabla de questions perfides
sur tous les faits hon-
Pompée, à la persuasion de Cicéron, laissa donner!r teux de sa vie. Cet interrogatoire, qui s'est con-
cette commission à Lentulus, lequel, à son tour, ri serve sous ce titre même (interrogatio),est une des
l'abandonna à Gabinius, qui s'y ruina. productions où éclate le plus la verve mordante de
On procéda enfin à l'élection des édiles, et Clo- l'orateur. Sextius fut absous, et Vatinius, sifflé.
dius fut élu. Cette dignité lui donnait de grands Is Cependant, avec la nouvelle des succès de César
avantages sur Milon, et le délivrait d'abord de laa dans les Gaules, on reçut de lui à Rome une re-
crainte d'un jugement. Aussi commença-t-il par quête par laquelle il demandait de l'argent, le
accuser son adversaire du même crime pour lequel el pouvoirde créer dix lieutenants nouveaux, et la pro-
Milon l'avait poursuivi. Milon se présenta devant les ;s longation de son commandement pour cinq ans.
juges, accompagné de Pompée, de Crassus et de le Ces prétentions parurent excessives. Cicéron lui fit
Cicéron. Cette première audience fut tranquille. e. tout accorder.
Dans la seconde, comme Pompée commençait la La rareté de l'argent et la cherté des vivres en-
défense de l'accusé, le parti de Clodius poussa dele tretenaient l'inquiétude à Rome. Cicéron demanda
grandscris. Pompée attendit le silence, et reprit son que, dans l'état présent du trésor, qui ne permettait
discours. Clodius, s'étant levé pour lui répondre, le
de bruit à qu'il pas d'acheter les terres de Campanie, dont un acte
parti de Pompée fit tant son tour, de César avait ordonné de faire le partage au
ne put parler. Il eut recours à ses moyens ordi- peuple, cet acte fut examiné. C'était attaquer le
naires, à la violence. La mêlée fut sanglante; les es triumvirat; et rien ne pouvait être plus agréable
Clodiens furent vigoureusement repoussés par les !S aux ennemis de Cicéron, lesquels se flattèrent aus-
Pompéiens. Cicéron, voyant l'action s'engager, sitôt de voir naître enfin la division
entre lui et
avait pris le chemin de sa maison. Pompée. Il n'en fut rien, et ils ne changèrent même
Le sénat s'assembla sur-le-champ. Pompée, qui 11 point l'habitude où ils étaient de
souper presque
y avait peu d'amis fut blâmé. Cicéron s'était tenu tous les jours ensemble. Mais Pompée, dans une
chez lui pour n'avoir pas à choisir entre le
'suite
dangerentrevue qu'il eut bientôt à Lucques avec César, le
d'offenser Pompée, s'il ne prenait pas son parti, trouva-fort irritécontre Cicéron, auquel il envoya de
et la nécessité de déplaire au sénat, s'il entrepre-
nait de le défendre.
un courrier, le conjurant d'abandonner sa pro-
position. Une lettre de Quintus, lieutenant de Pom-
Devenu impopulaire et odieux, Pompée tint con- pée, lui
en fit voir tous les dangers. Cicéron céda.
seil avec Cicéron sur les moyens de pourvoir à sa
ia
;a
Il se tint quelque temps éloigné des affaires,
sûreté, souvent menacée. Ils firent ensemble unee
espèce de ligue défensive, et appelèrent de toutes
visita ses maisons de campagne, et en surveilla les
les parties de l'Italie leurs amis et leurs clients. travaux,
>s
que Clodius, toujours en lutte contre Mi-
Clodius avait aussi rassemblé tous les siens pour lon, ne trouvait plus le loisir d'empêcher. La seule
l'audience suivante. Mais reconnaissant l'inférioritég bibliothèque de la villa d'Antium, rebâtie depuis
de ses forces, il n'osa rien entreprendre; et après s peu, était encore si considérable, malgré le pillage
deux nouvelles audiences, l'affaire, ajournéede nou- qu'on en avait fait, qu'Atticus lui envoya deux bi-
bliothécaires pour aider les siens à y mettre de
veau, ne parait pas avoir été reprise.
La position de Cicéron devenait de jour en jourr l'ordre.
plus embarrassante devant le sénat, où l'on atta- Cicéron avait alors, avec son jeune fils, celui de
quait sans cesse Pompée et quelquefois César. JIQuintus. Il les faisait instruire sous ses yeux par
prit le parti de n'y plus venir, et se tourna vers lee Tyrannion, célèbre rhéteur grec, qui avait eu Stra-
barreau. Mais là de nouveaux embarras l'attendaient. bon pour élève. Mais la paix de sa solitude était
Il lui fallut, par suite de ses engagements avecc souvent troublée par des chagrins domestiques. Sa
Pompée entreprendre des causes indignes de son a femme et celle de son frère, toutes les deux d'une
earactère et de son talent; par exemple, celle dee humeur difficile, ne pouvaient s'accorder ni ensem-
.m
ble ni avec leurs maris; et c'étaient tous les jours nous révèle toute l'agitation de son âme. « Vous,
de violentes querelles, dont il était tantôt le pacifi- « écrivait-il à Atticus, vous n'avez pris aucun enga-
cateur, et tantôt le sujet. « gement, et le joug que vous portez vous est com-
On rapporte à cette époque de sa vie la composi- « munavec tous les citoyens; mais moi, dont lezèle
tion d'un poème Sur ses malheurs,etd'un autre dont « pour le bien de l'État est traité de folie; les moin-
César était le héros. Il avoue, en parlant du der- « dres ménagements, de servitude honteuse; et le
nier, qu'il a quelque honte d'avoir sitôt changé de « silence même, de lâcheté et de trahison quelle
langage. « Mais, dit-il, tous ces grands sentiments « doit être ma douleur! Encore, si je pouvais me
de fermeté politique, ces maximes rigides, cette « retirer et jouir de la paix; mais je n'en suis plus
probité austère, ne sont plus de saison. C'est trop « le maltre, et il faut me résoudre à être subalterne,
souffrir des envieux; et puisqu'ils ne veulent point « moi qui me suis vu autrefois le chef de l'État! »
de nous, cherchons ailleurs des amitiés plus solides Pompée alla le trouver dans sasolitude, et eut avec
et des protections plus puissantes. » lui de longs entretiens; mais Cicéron laisse entre-
C'est aussi dans le cours de cette année qu'il voir dans ses lettres qu'il doutait desa sincérité.
écrivit à Luccéius, déjà connu par 1,'histoire de la César l'emportait maintenant sur Pompée dans
guerre Italique et des guerres de Marius, cette lettre l'amitié de Cicéron et Il s'était établi entre eux une
fameuse, souvent citée comme un témoignage de correspondance très-suivie. Le proconsul le tenait
sa vanité et de sa passion pour la louange, et où il au courant de ses moindres succès dans les Gaules
le pressed'entreprendre l'histoirede sa vie. Luccéius il lui écrivait même du champ de bataille, avant ou
se rendit à ses vœux mais il ne reste rien de cet ou- après ses victoires. Il avait emmené, comme lieute-
vrage, ni des Mémoires que Cicéron lui avait en- nant, son frère Quintus,et lui marquait une affec-
voyés. tion que Cicéron rapportait à lui-même. Il se plai-
Cicéron fut rappelé au barreau par deux causes gnait de ce que Cicéron ne lui donnait pas assez
importantes. On contestait à Corn. Balbus, origi- souvent l'occasion de l'obliger dans la personne de
naire d'Espagne, et ami de César le titre de citoyen ses amis, comblait de distinctions et de faveurs
que lui avait accordé Pompée. Cicéron le lui fit ceux
qu'il lui envoyait de Rome, et lui écrivait, au
rendre. sujet d'un de ses protégés « Je le ferai roi de la
M. Célius était cité en justice sous l'accusation « Gaule. »
de six crimes différents, mais surtout d'empoison- Cicéron de son côté composa sur la guerre des
nement surClodia.sœurdu fameux Clodius; crimes Gaules un poëme, aujourd'hui perdu, où l'on doit
imaginés par la haine de ses ennemis, et dont le croire que César n'était pas loué médiocrement.
dernier l'avait été par le ressentiment jaloux de Quintus en enireprit un sur l'expédition de Breta-
Clodia, naguère sa maîtresse. L'éloquenoe de Ci- gne, àlapersuasionde sonfrère, qui refusa toute-
céron le fit acquitter sur tous les points; et Célius fois de l'aider, mais par la seule raison que Quintus,
lia depuis avec lui un commerce de lettres, dont qui avait fait quatre tragédies en seize jours, n'a-
besoin de la coopération de personne. Cicéron
une partie se litencore dans le recueil de celles de vait
Cicéron. envoya aussi à César un poëme grec en trois
Un parti puissant dans le sénat voulut retirer chants sur les événements de son consulat. La pre-
les Gaules à César. Cicéron prit en main sa défense mière partie en fut trouvée admirable par le vain-
amena l'assembléeà son avis, et fit du même coup, queur des Gaules.
rappeler de leurs gouvernements Gabinius et Pi- Il composa aussi à cette époque les trois dialo-
son, ses ennemis. Pison, de retour à Rome, atta- gues de l'Orateur, et un Traité du Droit civil; ou-
dontle premier est seul parvenu jusqu'à nous.
qua sur-le-champ Cicéron qui le foudroya par une vrages
répliquedont l'amertume et lavéhémencerappellent Jamais pourtant ses travaux d'avocat n'avaient dû
les Verrines. lui laisser moins de loisirs. Outre ses clients de
Crassus et Pompée, d'accord avec César, s'empa- Rome, il avait sous sa protectiondes provinces, des
rèrent violemment du consulat (698); et une fois colonies, des villes, qui réclamaient continuellement
maîtres du pouvoir, se firent donner toutes les pro- lesecours de son éloquence ou de ses conseils. C'est
vinces qui leur convenaient. Pompée fit administrer ainsi qu'il défendit dans le sénat la liberté des Téné-
les siennes par ses lieutenants et Crassus, attiré en diens, et celle des habitants deRéate, devant dixcom-
Syrie par l'appât des richesses, s'y rendit, après missaires choisis pour juges. A cetteannée se rap-
s'être publiquement réconcilié avec Cicéron long- porte aussi la défense de Cn. Plancius, qui l'avait
temps son ennemi. si généreusement accueilli en Macédoine pendant
Cependant Cicéron, quine pouvait approuver ces son exil. Gabinius était revenu à Rome sous le coup
usurpations, et avait perdu ledroi de les oondamner, de trois accusations. Libre de tout engagement,
s'était retiré près debaïes, dans une de ses maisons Cicéron se fdt porté son accusateur il avait mime
de campagne. Sa correspondance à cette époque déjà prononcé contre lui un discours dans le sénat
Pompée le pria de le défendre. Cicéron hésita long- trats.
ti On proposa encore la dictature de Pompée.
temps. César, de son côté, le lui demandait. Il se I sénat, pour éviter cette extrémité, le nomma
Le
rendit; mais il perdit sa cause devant Caton, juge seul
s consul, et lui confia, ainsi qu'à l'interroi Lé-
inflexible. Après Gabinius il se vit entraîné de pidus,
p la sûreté de la ville pendant la durée de ce
même à défendre Rabirius Posthumus, complice procès.
p
des crimes reprochés à ce dernier. On le vit encore Cette cause fut plaidée avec un appareil extraor-
plaider, à cette époque, pour Cispius, pour Can. ddinaire et devant une foule immense. Trois accu-
Gallus, pour Messius, un des lieutenants de Cé- sateurs
s s'étaient réunis contreMilon.Cicéron s'était
sar; pour Drusus, et M. Mm. Scaurus, accusés, seul
s chargé de sa défense. Pompée devait présider
l'un d'avoir trahi une cause dont il s'était chargé, a jugement. Avant le jour, il avait investi le fo-
au
l'autre, d'avoir pillé la province de Sardaigne; enfin r
rum d'une longue file de soldats armés. Milon
pour Vatinius, qu'il défendit deux fois. craignant
c que les précautions inaccoutumées qu'il
En le voyant défendre ainsi ses plus implacables voyait
v prendre, et qui semblaient révéler de grands
ennemis, et, bien plus, de mauvais citoyens, un dangers, n'intimidassent son défenseur, lui avait
d
Vatinius, un Gabinius, les amis de Cicéron lui re- persuadé
l de se faire porter, dès la veille, au fo-
prochaient sa faiblesse. Personne ne la déplorait rum,
r pour y attendre dans sa litière l'arrivée des
plus que lui. On voitpar seslettres combien il rou- j
juges.
j Le spectacle qui frappa ses yeux au sortir
gissait de sa servitude, du rôle qu'on lui faisait d sa litière, dit Plutarque, Pompée assis vers le
de
jouer, et de n'être plus libre ni dans son amitié ni haut du forum, le tribunal entouré de soldats, cet
dans sa haine. Il enviait le sort de ceux qui pouvaient aspect d'un camp, ces armes qui resplendissaient de
a
faire respecter leur indépendance, et s'écriait dou- ttoutes parts autour de lui, lui causèrent un trouble
loureusement :« Heureux Caton, à qui personne que ( ne put dissiper Milon, dont on remarquait, au
« n'ose
demander une bassesse! » contraire,
( la contenance ferme et assurée, et qui
A la findecetteannée(699), il consentit servir n'avait i pas même voulu laisser croître ses cheveux
de lieutenant à Pompée dans legouvernementd'Es- ni i revêtir l'habit de deuil. Les accusateurs furent
pagne. Mais César, qui travaillait alors à les désu- écoutés
i en silence: mais dès que Cicéron se leva
nir, lui fit direde rester, et il resta, pour surveiller, pour
j leur répondre, les Clodiens poussèrent des cris
avecOppins, les travaux d'un magnifique monument j ]furieux. Il se troubla de nouveau, et ne put revenir

que César faisaitconstruire àRomeavecles trésors de ( cette première impression, qui lui fit perdre une
qu'il devait à ses conquêtes. « Nous faisons une partie
1
de ses moyens, et affaiblit toute sa plaidoirie,
chose bien glorieuse, » écrivait Cicéron à At- laquelle dura trois heures. Milon fut condamné, et
ticus; et peut-être faut-il l'entendre dans un sens s'exila à Marseille, laissant à Rome des dettes si
ironique. énormes (plus de 15 millions), que Pline regarde
L'anarchie était au comble. L'élection des con-,comme un prodige qu'un homme ait pu en contrac-
suls qui devaient remplacer Pompée et Crassus était ter autant, quoiqu'elles fussent moindres d'un tiers
sans cesse ajournée, et il y eut un interrègne de six que celles de César après sa préture.
mois. Pendant ce temps, on parlait de la nécessité Nous n'avons pas le plaidoyer que Cicéron pro-
d'un dictateur; on désignait Pompée; Cicéron n'y nonça pour Milon, et qui existait au temps de Quin-
était pas contraire; mais le sénat et Caton s'y oppo- tilien. Il écrivit à loisir celui qui nous reste, et qui
saient énergiquement, et Pompée dutrenoncerà ses passe pour un de ses chefs-d'œuvre. Il l'envoya à
espérances.César ne le soutenait plus; leur alliance Milon, qui lui répondit « Si vous aviez parlé
était rompue; Julie, fille de César et femme de Pom- « ainsi, je ne mangerais pas à Marseille d'aussi
pée, était morte, et Crassus venait de périr chez les « excellent poisson. »
Parthes. Pompée avait, pendant son troisième consulat,
La mort du jeune Crassus, tué avec son père, porté contre la brigue une loi, en vertu de laquelle
laissait une place vacante dans le collége des pon- les consuls et les préteurs ne pouvaient prétendre
tifes dignité très-recherchée, et dont on gardait au gouvernementd'une province que cinq ans après
toute la vie le titre et les priviléges. Cicéron se mit l'expiration de leur charge. Pendant ces cinq pre-
au nombre des candidats il eut pour lui l'unani- mières années, les vacances devaient profiter aux
mité des suffrages. sénateurs consulaires et prétoriens qui n'avaientja-
Milon avait tué Clodius (701); il fut mis en juge- mais eu de gouvernement. Le sort, qui devait ré-
ment. Cette grande affaire, qui remplit les premiers gler cette distribution, assigna à Cicéron, quand
mois de l'année, réveilla l'animosité des partis, et il pensait le moins à quitter Rome. la province de
devint, pour les restes de la faction Clodiennc, en- Cilicie, composée, outre ce pays, de la Pisidie, de
couragée par trois tribuns, le signal de violences la Pamphylie, et de l'île de Cypre; on lui donnait
nouvelles. L'élection des consuls en devint pres. |i à commander une armée romaine d'environ quinze
que impossible. Rome fut deux mois sans magis- mille hommes. Il partit (701). Il venait d'achever
VIE DE C1CER0N.
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un Traité des Lois, qui servait dek complément son s'cmbaruua
comnlément àà son s'embarqua le 15 Juin pour Antium, avec tout
Traité de la République, composé trois ans aupa- son cortége, et arriva le 26 à Athènes, où il sé-
ravant (699); et il commençait une Histoire ro- journa plus longtemps qu'il n'avait voulu, retenu
maine. par les honneurs publics qu'on lui rendit et par le
Les fonctionsde proconsul et de généralexcitaient charme qu'il trouvait dans les entretiens de tous les
l'ambition des citoyens de Rome, en leur offrant savants. II s'était logé dans la maison d'Aristus, le
comme un fruit certain les richesses et le pouvoir. premier professeur de la secte académique. Il prit
Un proconsul étalait dans sa province la pompe terre à Éphèse le 22 juillet, après quinze jours d'une
des plus puissants monarques. Les princes voisins navigation pénible. Il y reçut aussitôt les députations
venaient prendre ses ordres, et composersa cour. Si de toutes les villes de l'Asie, et les félicitations d'une
son inclination le portait à la guerre, il ne man- infinité de personnages célèbres qui étaient venus
quait jamais de prétexte pour la faire. Il obtenait le de fort loin à sa rencontre.
titre d'imperator, et revenait à Rome pour y bri- Enfin, prenant directement le chemin de sa pro-
guer le triomphe; prétention devenue commune à vince, il arriva à Laodicée, une des principales villes
tous les gouverneurs de provinces. La facilité d'a- de son gouvernement, le dernier de juillet; car il a
masser de l'argent était sans bornes. Outre les som- soin de dater de ce jour le commencement de son
mes immenses qu'ils recevaient du trésor, pour eux, année proconsulaire, « de peur, dit-il, qu'on ne le
pour leur suite, leurs équipages et leur vaisselle, trompe en la faisant commencer plus tard. »
ils en prélevaient d'énormes sur les revenus que Il ne tarda pas à apprendre que les Parthes médi-
la république tirait des peuples conquis, et sur la taient d'envahir ta Cilicie. Il alla, pour observer leurs
paye des armées. Ils avaient autour d'eux une troupe mouvements, camper au pied du montTaurus. Son
d'amis et de clients affamés, lieutenants, tribuns, armée était forte de quatorze mille six cents hom-
préfets, des légions d'affranchis et d'esclaves, pres- mes, sans y comprendre les troupes auxiliaires des
sés de s'enrichir de la dépouille des provinces et par États voisins, ni celles de Déjotarus roi de Gala-
la vente des faveurs de leurs maîtres. L'usage avait tie, et son ami particulier. Les Parthes s'étant par-
consacré ces exactions. tagés en deux corps, l'un s'était avancé dans la
Tous les avantages que Cicéron pouvait se pro- Syrie jusqu1' Antioche où il tenait Cassius bloqué
curer dans une provincetelle que la Cilicie, n'étaient l'autre pénétra dans la Cilicie. Le proconsul, au
pas faits pour le toucher. Des fonctions de cette na- moyen d'une marche prompte et habile, les surprit,
ture ne convenaient, il le dit souvent, ni à son ca- les força à la retraite, lit lever le siège d'Antioche,
ractère, ni à ses talents, et son premier soin fut de et délivra Cassius, qui, tombant sur eux dans leur
se précautionner contre une prolongation de son fuite, les tailla en pièces, et tua leur général.
proconsulat, au delà d'une année, qui était la durée A l'ouvertured'une guerre que la défaite de Cras-
légale de cette charge. Il craignait qu'on ne s'ima- sus avait rendue terrible aux Romains, on parlait
ginât lui faire honneur en lui continuant l'admi- à Rome de leur opposer Pompée ou César; et les
nistration d'une des plus belles provinces de l'em- amis de Cicéron, qui n'avaient pas une haute idée
pire. Aussi, avant son départ il pria tous ses amis de ses talents militaires, n'étaient pas sans inquié-
de ne pas souffrir qu'on se trompât si cruellement tude. L'un d'eux, Papirius Pétus, épicurien connu
sur ses véritables désirs; et pendant son absence, par son esprit, crut devoir lui envoyer quelques ins-
il n'écrivit pas une seule lettre à Rome sans leur re- tructions militaires. Cicéron se contenta d'y faire
nouveler la même prière. une réponse moqueuse Votre lettre a fait de moi
Il partit, au commencement de mai 702, avec « un général consommé! Je ne vous aurais pas cru
son frère Quintus, qui avait renoncé, pour le suivre, si savant dans l'art de la guerre. On voit bien que
à une commission semblable dans les Gaules. Il s'a- vous avez lu. J'aurai donc des vaisseaux, puisqu'il
rêta quelques jours dans sa maison de Cumes, près « n'y a point de meilleure défense contre la cavalerie
de Baies, où il reçut tant de visites, qu'il crut avoir « des Parthes. » Toutefois, Cicéron avait lui-même
une petite Rome autour de lui. Hortensius était au eu soin d'amener avec lui un lieutenant, sur l'ex-
nombre des visiteurs. « Quels ordres, lui demanda- périence duquel il ne craignait pas d'avouer, qulil
t-il, avez-vous à me donner pour le temps de votre comptait beaucoup c'était Pontimius, déjà célèbre
absence? Un seul, répondit Cicéron; c'est d'empé- par la gloire qu'il avait eue de triompher des AJIo-
cher qu'elle se prolonge. » broges.
II passa par Tarente, pour voir Pompée, qu'une Cicéron, après ce succès.sur les.Parthes, attaqua
maladie y'retenait alors dans une de ses maisons à l'improviste les. habitants des montagnes voisi-
de campagne. Ils passèrent trois jours ensemble à nes nation fiera, indépendante qui s'était toujours
s'entretenir des affaires publiques; et Cicéron tira soustraite au joug des Romains. Il eu tua une partie,
de lui quelques leçons sur l'art militaire. fit beaucoup de prisonniers, prit six forts, en hruja
A\rès douze autres jours passés à Brindes, il davantage, et campa sur le. lieu même où, avant
la bataille d'Issus, avait campé Alexandre, « un plus à d'autres Romains; et Cicéron, qu'ils avaient
«
grand capitaine que vous et moi, » écrivait-il à chargé de les recouvrer, n'en put rien tirer. Cepen-
Atticus. De là, il fit marcher son armée contre un dant ce monarque ruiné faisait toujours un pré-
peuple plus indomptable encore, et qui n'avait ja- sent considérable aux gouverneurs de Cilicie. Cicé-
mais été soumis, même par les rois du pays. La ron le refusa, et lui conseilla de l'employer à payer
capitale, nommée Pindénissum,était située sur le ses dettes; Ariobarzane reçut le conseil, et garda
sommet d'une montagne, et pourvue de tout ce qui l'argent.
était nécessaire à une longue défense. Tous les Cicéron consacra le reste de son année aux affai-
jours, on y attendait les Parthes. Cicéron en forma res civiles de la province, et appliqua les principes
le siège, et au bout de six semaines, la força de admirables qu'il avait autrefois tracés à son frère,
capituler. Les habitants furent vendus comme es- et développés dans son traité de la République. C'é-
claves, et le reste du butin fut abandonné aux sol- tait un ancien usage parmi les proconsuls, de mar-
dats. Après tant d'exploits, Cicéron se retira pru- cher avec toute leur suite aux frais des pays qu'ils
demment, « de crainte des surprises, et, ajoutait- traversaient. Cicéron ne voulut être à charge ni aux
il, pour ne pas trop tenter la fortune. » La terreur villes ni aux particuliers. Il n'accepta même pas ce
qu'inspira son nom porta les Tiburaniens, autre qui était dû à son rang d'après la loi Julia, et le
nation voisine, à se rendre volontairementà lui. Il plus souvent il passa exprès la nuit dans sa tente.
fut salué par ses troupes victorieuses du titre pom- Il fit de sa conduite une règle pour son cortége. Un
peux d'imperator qui le flatta singulièrement, et de ses lieutenants avait exigé de son hôte ce que
dont il affecta de se parer même en écrivant à Cé- la loi lui assignait. Cicéron lui en fit de vifs repro-
sar. On le portait d'ordinaire jusqu'au triomphe, ches, comme d'une tache à son gouvernement. Il
que décernait le sénat, et Cicéron le garda toujours, laissa les habitants juger entre eux leurs différends
le jour de son triomphe n'étant jamais venu. suivant leurs lois; il leur prétait seulement le se-
Cette nouvelle gloire lui fit aussitôt des jaloux. cours bienveillant de ses lumières. On n'a pas be-
Bibulus, qui commandait en Syrie, s'était tenu « soin, écrivait-il à un de ses amis, de s'adresser à
jusque-là renfermé dans Antioche. A la nouvelle de « quelqu'unde ma suite pour avoir des audiences. Je
ce succès, voulant égaler Cicéron, et mériter le « me promène chez moi les portes ouvertes, comme
même titre, il alla chercher des ennemis. Il se fit « je faisais à Rome quand j'aspirais aux dignités. »
battre, perdit sa première cohorte et ses meilleurs II soulagea les villes des dettes énormes où les avait
lieutenants. engagées la cupidité de ses prédécesseurs. Leurs
Cicéron se hâta d'informer le sénat de ses victoi- magistrats s'étaient, pendant dix années, engrais-
sés à leurs dépens; il les interrogea, obtint l'aveu
res par des dépêches entourées, selon l'usage, de
feuilles de laurier. Il espérait des actions de grâ- de leurs concussions, et les obligea de restituer
ces,préliminaireaccoutumé du triomphe. Il écrivait tous ces gains illicites. Il avait trouvé plusieurs do-
à Caton pour lui demander son suffrage. Caton, maines publics usurpés par des particuliers; il les
qui marquait toujours de l'éloignement pour ces rendit aux villes. Quelques-unes payaient de fortes
décrets, et se plaignait sans cesse de la facilité avec contributions aux proconsuls, pour se faire exemp-
laquelle on les obtenait, se déclara, dans le sénat, ter de recevoir des troupes en quartier d'hiver;
contre sa demande, et le lui écrivit. Les supplica- Cicéron leur remit cette taxe, qui faisait seule un
tions n'en furent pas moins votées, et Caton, en- revenu considérable. D'autres gratifications plus
traînépar l'unanimité des suffrages, aida ensuite à justes, auxquelles il avait droit, furent appliquées
dresser le décret, et voulut que son nom y fût in- par ses ordres au soulagement des villes ou des
séré. cantons opprimés. Il diminua les impôts, fit bais-
César écrivit des Gaules à Cicéron ( C$sar impe- ser le prix des vivres, et, dans un moment de di-
rator Ciceronilmperatori) moins pour le féliciter sette, ouvrit sa table aux principaux habitants de
sur le succès de ses armes, que pour l'indisposer la province. Ces libéralités lui attiraient les ap-
contre la dureté qu'avait montréeCaton, et brouil- plaudissements et l'amour des peuples de l'Asie;
ler les deux amis. Le vainqueur des Parthes dissi- mais loin d'en faire profiter même sa vanité, il dé-
mula son mécontentement. fendit qu'on fit pour lui aucune dépense en sta-
Il était parti de Rome avec l'ordre de remettre la tnes, en monuments, en chevaux de bronze, suivant
Cappadocesous l'obéissancede son roi Ariobarzane, l'usage desAsiatiques, prodigues de ces distinctions
ami particulier de Caton et de Pompée; et il s'ac- même envers les gouverneurs les plus durs. En-
quitta de cette commission, sans avoir même eu fin, et par un dernier trait de désintéressement
besoin de prendre les armes, avec autant de désin- sans exemple avant lui, comme il avait économisé
téressement que de sagesse. Ce roi était si dénué un million de sesterces sur la somme qui lui était
de tout, que sa pauvreté passa depuis en proverbe. allouée pour sa dépense annuelle, il les remit au
n devait de fortes sommes s Pompée, à Brutus, trésor, au grand déplaisir des plus avides de ta
suite, qui avaient espéré se partager cette somme nouveaux partisans. Pompée ne cherchait plus qu'à
.J
considérable. mettre de son côté ta justice les partis commen-
Appius Claudius l'avait précédé dans ce gouver- çaient à se former ouvertement et chacun prenait
nement, qu'il avait laissé dans un état déplorable des engagements suivant ses intérêts ou ses prin-
la conduite de Cicéron lui paraissant un blâme for- cipes.
mel de la sienne, il lui avait écrit plusieurs lettres Cicéron attendait la fin de son année avec une
pour se plaindre de ce qu'il avait aboli quelques-uns impatiencequi augmentait tous les jours. A peine
de ses règlements. Cicéron, malgré d'autres torts informé de l'élection des nouveaux consuls, il leur
d',Appius qui le touchaient personnellement, lui ré- avait écrit, les conjurant de ne pas prolonger ses
pondit toujours avec beaucoup d'affection, ména- fonctions au delà du terme annuel. Enfin, n'y tenant
geant en lui l'allié de Pompée et le beau-père de plus, sans attendre, sans connaître son successeur,
Brutus. De retour à Rome, Appius se vit accuser, dont les troubles de Rome avaient empêché la nomi-
pour les actes mêmes de son consulat, par P. Corn. nation, il remit toute son autorité à son questeur,
Dolabella, aussi distingué par son esprit que par sa et reprit le chemin de l'Italie.
naissance, mais violent, téméraire, ambitieux, fort Malgré cette précipitation, il s'était arrangé de
attaché à César, et que Tullie, séparée de Crassipès manière à recevoir en chemin des lettres de Rome,
son second mari, venait d'épouser pendantl'absence « afin, disait-il, de méditer sur le parti qu'il lui con-
de son père; mariage que Cicéron n'avait pas ap- viendrait de prendre. H n'avait plus dès lors con-
pris sans quelquechagrin. fiance qu'en Pompée, devenu lui-même l'espoir et
Cette accusation jeta Cicéron dans un grand em- l'idole de Rome, le maitre du sénat, qui, dans ses
barras il se hâta d'écrire à Appius pour se défendre maladies assez fréquentes, décrétait des prières pu-
du soupçon d'en avoir inspiré le dessein son gendre. bliques pour son rétablissement; honneur qui
DeRome,on ne négligea rien pour obtenir de lui un n'avait encore été accordé qu'à lui.
témoignage favorable à son prédécesseur, et Pom- Cependant Cicéron ne désespérait pas de la paix,
pée songea, dans ce but, à env oyer un de ses fils eu et il se nourrissait de la flatteuse idée qu'elle pour-
Cilicie. Mais Cicéron lui épargna ces soins, en se rait être son ouvrage; illusion qui peut s'expliquer,
déclarant de lui-même pour Appius. Celui-ci fut ac- comme on l'a dit, par l'amour de la patrie autant
quitté, et, devenu censeur, montra dans l'exercice que par la vanité. Personne, au reste, n'était plus
de ses fonctions autant de sévérité que ses mœurs propre que lui au rôle demédiateur. Ilavait des amis
avaient été déréglées jusque-là. C'est lui qui chassa dans les deux partis; il en était également recher-
du Sénat l'historien Salluste. Appius regarde la ché César et Pompée lui écrivaient avec la confiance
censure comme une lessive où il espère se net- de l'estime et de l'amitié, et se persuadaient, chacun
« toyer, » écrivait Célius à Cicéron. de son côté, qu'ils se l'étaient attaché.
C'était Célius, auquel il reconnaissait unegrande De Brindes, où il était arrivé le 26 novembre(703)
prévoyance politique, que Cicéron, en quittant avec ses faisceaux couronnés de laurier, suivant l'u-
l'Italie, avait chargé de lui mander les nouvelles de sage des proconsuls qui briguaient le triomphe, il
Rome, pour satisfaire à l'engagement qu'il en avait prit à petites journées le chemin de Rome, s'arrètant
pris. Célius, alors accablé d'affaires, s'était d'abord sur sa route pour conféreravec ses amis, qui venaient
contenté de lui envoyer un énorme paquet des dé- de tous côtés à sa rencontre. Il ne se prononça pour
crets du sénat, des édits des consuls, des pièces de aucun parti, non que son choix ne fut déjà fait, car
théâtre, tous les contes des nouvellistes de Rome il était décidé à suivre Pompée; mais il voulait mé-
et, comme il le disait lui-même dans la lettre d'en- nager sa conduite son dessein était de ne prendre
voi, bien d'autres bagatelles. « Est-ce là, s'il vous aucune part aux décrets que l'on préparait contre
« plaît, lui répondit Cicéron, ce que je vous ai de- César, et de garder quelquetemps les apparences de
« mandé? vous m'envoyez des choses dont on n'ose la neutralité, pour faire l'office de médiateur avec
pas parler devant moi quand je suis à Rome. Je ne plus de convenance et de succès.
du Il eut, le 10 décembre, une conférence avec Pom-
« vous demande point des nouvelles politiques
jour, de quelque importance qu'elles soient; j'ai pée, qui le loua adroitement sur ses succès mili-
• d'autres amis qui me mettent au courant. Je n'at- taires, encouragea ses prétentions au triomphe, et
« tends pas de vous la relation du présent, ni celle lui promit de les appuyer. Pompée voulut encore
« du passé. Ne vous attachez qu'à l'avenir, comme avoir avec lui une entrevue, avant son retour à
a un homme qui voit fort loin devant soi. » Rome; il le joignit à Lavernium et l'ayant acoom-
Lire dans l'avenir était, en effet, le premier besoin pagnéjusqu'à Formies, ils eurent ensemble une con-
de Cicéron. dans son éloignement. Quand il avait versation qui dura la moitié du jour. Pompée tejetait
quitté Rome, la guerre civile était imminente; elle toute idée de rapprochement; il se disait prêt pour
menaçait d'éclater d'un jour à l'autre. L'argent de la guerre, affectait de mépriser les menaces et les
Césaret sa renommée lui donnaient chaque jour de troupes de son rival opposait avec confiance le nom
de la république et le sien; que si César osait faire ennemis leur temps en délibérations, il envoya un
un pas, il saurait bien l'arrêter. Cicéron en doutait plan de conciliation à Rome, et s'efforça de con-
déjà, et ne laissa point de conserver ses espérances vaincre Cicéron de la sincérité de ses propositions.
d'accommodement et le projet d'y employertous ses Personne n'y crut, pas même Cicéron, qui fut
efforts. toutefois d'avis qu'on l'ccoutât. Mais quand il vit
11 se confirma dans cette résolution à mesure Pompée quitter l'Italie, il ne fut plus maître de ses
qu'en approchant de Rome il observa les disposi- inquiétudes, et tomba dansde cruelles irrésolutions.
tions des deux partis. Les républicains étaient mal Devait-il suivre Pompée, dont la cause était celle
unis entre eux la plupart avaient quelque plainte à de la république, mais qui l'avait déjà perdue par
faire de Pompée; on remarquait aussi dans leurs une suite de fautes impardonnables, par une fuite
sentimentsbeaucoup d'emportementet de violence honteuse, et qui n'avait eu d'ailleurs aucun égard
ils ne parlaient que d'anéantir leurs adversaires. à ses avis? Retourner à Rome, et même rester en
Cicéron croyait voir clairement, et ne faisait pas Italie, où n'étaient plus ni les consuls, ni le sénat,
difficulté d'annoncer à ses amis que, de quelque ni l'armée c'était reconnaîtrepour légitime la cause
côté que la fortune se déclarât, il fallait s'attendre de César. « Je sais bien qui fuir, disait-il, mais je
à la tyrannie la seule différence qu'il prévoyait dans « ne sais qui suivre. »
les suites de la victoire, était qu'en supposant l'en- Il se donnait à résoudre, sous la forme d'un texte
nemi vainqueur, on était menacé d'une proscrip- d'école, une suite de questions de morale et de po-
tion, et que le succès du bon parti n'exposait Rome litique, qui, posées d'une manière générale, s'ap-
qu'à la perte de la liberté. Ainsi, quelque horreur pliquaient toutes à sa situation, et il en déclamait
qu'il eût pour la cause de César, il pensait toujours la solution, en se promenant, triste et solitaire,
qu'il valait mieux consentir. à toutes ses demandes, dans ses jardins deFormics. Il les soumit àAtticus:
que de remettre la décision de cette querelle au elles sont en grec. a Peut-on demeurer dans son
sort des armes. Des conditions de paix injustes « pays, lorsqu'il est opprimé? Tous les moyens sont-
valaient mieux, selon lui, que la plus juste guerre; « ils permis pour le délivrer de la tyrannie? Ne doit-
et lorsque, depuis dix ans, on n'avait paru tra- « on pas prendre garde que celui qu'on oppose au
vailler qu'à fortifier César, il trouvaitridicule qu'on « tyran nés' élève lui- même trop haut ? Faut-il comp-
pensât à se battre contre un homme auquel on s'é- « ter, pour servir sa patrie, sur les circonstances et
tait mis volontairement dans l'impuissance de ré- • les négociations plutôt que sur les armes? Est-il
sister. « permis à un bon citoyen, pendant ces temps de
Il était plein de ces réflexions,lorsqu'il arriva aux « troubles de vivre dans la retraite? Doit-on, pour
portes de Rome, le 4 janvier ( 704 ). Il y retrouva « la liberté,s'exposeràtous les périls? Peut-on, pour
l'honorable accueil qui l'attendait toujours. Toute « délivrer son pays d'un tyran, y allumer la guerre,
la ville alla le recevoir, et lui prodigua toutes sor- « et venir même assiéger sa patrie? Ceux qui sont
tes de marques d'honneur. Mais il tombait, comme « d'un sentiment contraire, doivent-ils néanmoins
il le dit au milieu des flammes de la guerre civile, » « s'engageraveceeux du bon parti? Faut-il, dans les
et la trouvait ouvertement déclarée. Deux tribuns « dissensions publiques,suivre la fortune de ses amis
menacés, Marc Antoine et Q. Cassius, s'enfuirent « et de ses bienfaiteurs, lors même qu'ils ont fait des
dans le camp de César, qui, n'attendant plus qu'un « fautes graves et décisives? Un homme qui, pour
prétexte, passa le Rubicon. « avoir rendu à sa patrie de grands services, s'est vu
Pompée quitta Rome, avec les consuls et une « exposé aux persécutionset à l'envie, doit-il les bra-
partie des sénateurs. Quelques-uns furent chargés « ver une seconde fois? Ou ne peut-il pas songer à
de rassembler en Italie des troupes et tout ce qui « lui-mêmeetàsafamille,et laisser le gouvernement
était nécessaire pour la défense commune.On donna « à ceux qui ont le pouvoir? » « Voilà, dit-il, les
à Cicéron la garde de Capoue, avec l'inspection des questions que j'examine, et sur lesquelles jem'exerce
côtes jusqu'àFormies.Il avait refusé déjà une com- pour et contre, en grec et en latin. »
mission plus importante; il résigna l'autre, allé- 11 était aussi troublé par un scrupule que sa situa-

guant que Capoue était incapable de résistance; et tion rendait douloureux. Il devait, on ne sait com-
il attendit les événements dans sa maison de For- ment, de l'argent à César; il ne pouvait s'acquitter
mies. La confiance qui aveuglait Pompée fut encore sans se priver d'une partie des fonds qu'il destinait
augmentée par les rapports de Labiénus, lequel, à son triomphe; et sa délicatesse lui faisait regarder
étant passé du camp de César dans le sien, lui repré- comme une chose inconvenanteet odieuse de pren-
senta César comme un général sans armée, et l'a- dre parti contre un homme dont-il était le débi-
busa en tout sur la, réalité de ses ressources. teur. Pour se mettre à l'aise de ce cô.té il eut re-
Cependant César, tout en poussant la guerre avec cours à l'amitiéd'Atticus, qui lui prêta cette somme.
vigueur, mettait sans cesse en avant les mots d'ac- Césaravait pris Domitiusdans Corfinium, et l'avait
poiiimndenipnt et de paix. Pour faire perdre à ses renvoyé libre, avec tous les sénateurs tombés en son
pouvoir, au nombre desquels était Lentulus Spin- mécontent. « Mais en récompense, dit Cicéron, je
ther, ami intime de Cicéron. Celui-ci se crut obligé suis fort satisfait de moi, ce qui ne m'était pas ar-
d'en remercier le vainqueur. César lui répondit par « rivé depuis longtemps. »
une lettre pleine d'adresse il espérait le voir bien- Entraîné par ce premier mouvement de fermeté,
tôt à Rome, afin d'y prendre ses conseils. De son il ne songea plus qu'à rejoindre Pompée. Ce n'est
côté, Pompée n'épargnait rienpour engager Cicéron pas qu'il se fit illusion sur l'issue de la guerre. Il
à le suivre, et lui écrivait lettres sur lettres. Cicéron reconnaissait la supériorité de César; mais il ne
lui répondit qu'il n'avait pas été libre de le rejoin- pouvait supporter l'idée d'abandonner Pompée, ni
dre, s'étant vu plusieurs fois menacé d'être coupése pardonner même d'avoir tant tardé à le suivre.
par César. Mais ce n'étaient là, comme il le confes- « Je l'aime écrivait-il, et sa cause est la meilleure,
sait à Atticus, que des prétextes pour gagner du « et je préfère être vaincu avec lui que de vaincre
temps, afin de délibérer sur une démarche aussi im- « avec César.»
portante. D'ailleursregardaitencorela paix comme Sa conduite, et le soin qu'il prenait de ne pas
possible, et ne voulait pas que César eût à se plain. s'éloignerde ses campagnes, qui étaient proches de
dre de lui quand il serait réconcilié avec Pompée, la mer, persuadèrentà tout le monde qu'il n'atten-
ce que César faisait espérer toujours. Les instances dait plus'qu'un vent favorable pour s'embarquer.
recommençaient de part et d'autre, trouvant, lais- César lui écrivit encore, dans l'espoir de l'arrêter.
sant Gicéron dans la même incertitude, mais témoi- Rien de plus pressant que ses instances, de plus
gnant dela haute estime où il était alors. On voyait, rassurant que ses protestations. « 11 n'avait aucun
dans une querelle où il était question de l'empire ressentiment de son refus de se rendre à Rome. Il
du monde, et que la force devait décider, les chefs lui connaissait trop de prudence pour prendre un
de deux partis puissants s'efforcer à l'envi de gagner mauvais parti, pour suivre Pompée, maintenant
un homme qui ne pouvait pas les servir dans la que ses affaires étaient en si mauvais état, lui qui
guerre, et qui n'avait d'autre force que son taient n'avait pu s'y résoudre quand elles pouvaientinspirer
et l'autorité de son nom, comme s'il eût dû rendre quelque confiance. Il devait céder à la fortune; il y
meilleure la cause qu'il aurait embrassée. allait de son intérêt. Après tout, quel meilleur parti
N'osant se promettre de le faire entrer ouverte- pour un bon citoyen que de garder une exacte neu-
ment dans ses intérêts, César fit tous ses efforts tralité ? Beaucoup l'auraient voulu prendre. Cicéron
pour le tenirdans une espèce de neutralité. Il lui écri- pouvait s'y tenir avec aussi peu de danger pour sa
vit plusieurs fois lui-même, dans la rapidité de sa sûreté que pour son honneur. »
marche; lui fit écrire, daus le même sens par Bal- Marc Antoine, à qui César avait confié la garde
bus et Oppius, ses amis; lui envoya de ses agents. de l'Italie, lui écrivit aussi le même jour et dans
« On le sollicitait, écrit-il, de retourner à Rome; le même but. « Cicéron ne voudrait pas se déclarer
César ne devait s'y conduire que d'après ses avis. contre le parti de César, où il n'avait que des amis,
Il pouvait ne prendre parti pour personne; César où étaitsongendreDolabella,pour celui d'unhomme
nelui en demandaitpas davantage. » II lui lit même qui lui avait été hostile. » Avec sa lettre, Antoine
offrir une garde, comme Pompée lui en avait donné lui envoya un de ses amis pour en confirmer le
une dans le procès de Milon; offre qui sous l'ap- conteuu, et il l'alla plusieurs fois visiter lui-même.
parence d'une marque d'honneur, cachait le projet Célius, lieutenant de César, lui en écrivit une où
de le rendre prisonnier, et de lui ôter la liberté de il essaya de faire céder sa résolution à la peur. « Pre-
quitter l'Italie. nez garde, lui disait-il, de faire un choix contraire
Cicéron crut devoir répondre à ces avances par à votre sûreté. Si vous vous figurez que César aura
une lettre où, sans rien promettre ni accepter, il toujours la même indulgence pour ses ennemis,
reconnaissait qu'on avait fait une injustice à César vous vous trompez. Il se lassera de faire des offres
en voulant lui retirer son commandement, et où il inutiles, et je vous avertis que son humeur est déjà
le louait de sa modération. Habile à se prévaloir changée; il prend un ton sévère, et ne paraît pas
d'une semblable lettre, César la rendit publique, et disposé pardonner toujours. Pourquoi suivre un
Cicéron, un peu embarrassé, prétendit qu'il n'y fugitif, et embrasser une cause désespérée? Atten-
avait mêlé quelques flatteries que par un motif qui dez du moins l'issue de la guerre d'Espagne, qui ne
l'excusait le désir de la paix. saurait être ni douteuse ni longue ne vous perdez
César, en venant de Brindes, devait passer par pas volontairement avec tout ce qui vous appar-
Formies. Cicéron attendait sa visite avec inquiétude. tient. »
Il aurait voulu l'éviter. 11 ne l'osait pas; il résolut Curion alla passer deux jours avec lui, en se
du moins de le recevoir avec toute la fermeté pos- rendant pour César en Sicile, et s'efforça de l'ébran-
sible. En effet,il lui refusa formellement,dans cette ler par les mêmes raisons. « César n'avait pas pris
entrevue, de se rendre à Rome. César reçut mal ses le parti de la douceur par inclination, mais par po-
raisons, le quitta même avec une menace, et partit litique et ce parti ne lui ayant pas réussi, il ne garde-
rait plus de ménagements. » II venait d'en donner Enfin, après cinq mois d'hésitations il mit à la
une preuve à son entrée à Rome, en brisant les voile
v le 11 juin 704, « se précipitant, dit-il, les yeux
portes du temple de Saturne, où les consuls avaient ouverts
o et volontairement, dans sa ruine, Loin de
laissé le trésor sacré, dont ils avaient emporté la gênerQuintus
g dans ses inclinations,il lui représenta
clef, dans la persuasion qu'il était assez défendu que
q les obligations qu'il avait envers César lui fai-
par la sainteté du lieu. Il s'empara de force de tou- saient
s peut-être un devoir de ne pas quitter l'Italie.
tes les richesses que les siècles y avaient accumu- Quintus lui déclara qu'il ne reconnaissait d'autre
Ç
lées, et voulut tuer le tribun Métellus, qui s'était parti
p que celui auquel s'attachait son frère.
opposé à cette violence. Il arriva heureusement au camp de Pompée, à
Cicéron était toujours décidé à partir, et en avait IDyrrachium, en Épire, avec son fils, âgé de seize
d'autant plus de hâte, comme il le dit lui-même, aans, son frère et son neveu; et, pour réparer un peu
que « ses lauriers, ses licteurs, ses faisceaux, tout l
letort de sa lenteur, et s'attirerplus de considération

cet appareil d'un futur triomphateur, l'exposait à de dans


d son parti, il commença par remettre àPompée
continuelles railleries. » En effet, dès son retourde i somme considérable de ses propres revenus.
une
Cilicie, il avaifsollicité le décret de son triomphe. « Il fut reçu avec joie par tout le monde, dit PJu-
Le sénat l'avait rendu; mais le consul Lentulus t
tarque, exceptépar Caton, qui, en le voyant, le prit à
avait demandé que cotte cérémonie fût différée de part,
i pour lui reprocher d'être venu. Il eût été plus
quelques jours, pour laisser aux affaires, qui ne utile
t à ses amis, lui dit Caton, à ses concitoyens, si,
firent qu'empirer, le temps de s'améliorer; et Cicé- gardant
é la neutralité dans Rome, il eût attendu
ron n'avait pas triomphé. Il n'attendait donc que le l'occasion
1 de les servir, au lieu de se déclarer sans
momentdepasserla meravec Pompée. Les menaces, motif,
r sans nécessité contre César, et de venir par-
les violences de César, la conduite déjà infâme de ttager avec eux de si grands dangers. »
cet Antoine qui lui demandait une bassesse, l'in- Ces paroles le bouleversèrent, et il acheva de se
solence de ces factieux avant la victoire, leurs plans, refroidir
i en voyant que Pompée ne le chargeait
leurs desseins, lui faisaient horreur. Voilà donc, d'aucune
( affaire importante, ne lui demandait au-
«
s'écrie-t-il, par quelles indignes mains il nous faut cun conseil. S'il avait embrassé le parti de la guerre
<

périr. Pour moi, si j'avais le malheur de ne pas avec


ï répugnance, il n'y trouva rien qui ne fût pro-
«
«
trouverunvaisseaujeprendraisplutôtunebarque, ]pre à augmenter son dégoût. « Cequ'on avait conçu,
pouréchapperàleursmainsparricides. «Toutefois ce
( qu'on avait exécuté, lui déplut également; il
«
n'ignorant pas que ses démarches étaient surveil- n'était
i satisfait que de la cause. Les plus fidèles
lées surtout parAntoine, alors dans le voisinage, amis de Pompée se perdaient eux et lui par leurs
et qui avait ordre de César de ne pas le laisser par- conseils.
c
Ils étaient pleins d'une confiance insensée.
tir, il s'efforcait encore de dissimuler, et il écrivit à Pompée
1 affectait une supériorité insupportable; il
ce surveillant qu'il n'avait aucun dessein qui pût se proposait en tout Sylla pour modèle; il méditait
blesser César; qu'il ne pouvait oublier leur an.itié, les mêmes vengeances.
ni ce qu'il devait à Dolabella son gendre et que sa Cicéron entreprit de modérer cette présomption,
principale raison pour vivre dans la retraite était en
( représentant les hasards de la guerre, les forces et
l'embarras de ses licteurs, avec lesquels il n'aimait l'habiletéde
| l'ennemi, et la vraisemblance même
plus à paraître en public. Marc Antoine lui fit une d'une
( défaite, si l'on prenait légèrement le parti d'en
réponse froide, sèche, impérieuse, dont Cicéron venir aux mains. Ses remontrances, méprisées, ne
envoya une copie à Atticus, pour lui « montrer, servirent qu'à le faire accuser de faiblesse et de lâ-
disait-il, quel air de tyrannie on prenait déjà. » cheté. Il prit alors le parti de faire sentir par des
Il fallait partir. Sa fille Tullie se jeta éplorée à ses railleries tes fautes qu'il ne pouvait empêcherpar son
genoux, le supplia d'attendre du moins l'issue de la autorité. 11 laissa voir son repentir d'être venu. Il
guerre d'Espagne" sans y consentir, il différa son ne cessa de rabaisser les préparatifs de Pompée, de
départ. blâmer ses plans, de lancer en toute occasion des
Ses préparatifs terminés, et quand il n'atten- sarcasmes. Il n'était pas gai cependant et on le
dait plus qu'un vent favorable, il se retira dans sa voyait se promener tout le jour dans le camp, d'un
maison de Pompéi, qui étant moins commode pourair morne et soucieux; mais il faisait rire par ses
un embarquement, servait à en écarter le soupçon.
reparties ceux même qui songeaient le moins à rire.
Là, on vint lui dire que les chefs de trois cohortes, « Vous êtes venu bien
tard, lui dit un jour Pompée.
en garnison à Pompéi, demandaient à le voir le i – Je suis venu encore trop tôt, répondit Cicéron
lendemain, pour lui livrer la place et les troupes. car je ne vois rien de prêt. Où est votre gendre?
Le lendemain, Cicéron s'esquiva avant le jour, pour luidemandaune autrefoisPompéed'unaird'ironie.
votre beau-père,» dit-il aussitôt.
ne pas les recevoir, croyant un si petit corps insuf-
– Avec Un Romain

fisant pour la défense du pays, et surtout se défiant t qui arrivait du camp de César dans celui des Pom-
de quelque piège. péiens, racontait que, dans la précipitationde sou
VIE DE CICÉRON.
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départ, il avait oublié son cheval. » Cet homme, dit ment, et l'appelaient Agamemnon le roi des rois;
Cicéron,.a mieux pourvu à la sûreté de son cheval val qui, enfin pleins d'une présomptueuse confiance
qu'à la sienne. » Pompée venait d'accorder le droit oit dans l'issue du combat, couvraient déjà leurs ten-
decité à un transfuge gaulois. « Le plaisant homme! ne tes de lauriers, y faisaient dresser par leurs escla-
dit Cicéron; il donne à des Gaulois une patrie, et et ves des tables chargées de mets dont l'armée vic-
ne peut nous rendre la nôtre! » torieuse et affamée de César allait vanter le goût
Fatigué de ces plaisanteries, Pompée lui dit en- exquis, se disputaient toutes les places que donne-
fin « Passez à César, et vous verrez si je suiss à rait la victoire, et jusqu'à celle de souverain pon-
craindre. » Cicéron avaittort de semer le décourage-ge- tife, que la mort de César devait laisser vacante.
ment dans son parti, de jeter sur le chef un ridi- idi- Enfin, entraîné, harcelé, poussé en avant, Pompée
cule qui rejaillissait sur la cause; et, comme dit céda, malgré l'avis de Cicéron, malgré les conseils
avec force M. Villemain ,
« d'apporter dans le
camp de Pompée les craintes qui pouvaient l'empê- pé1.
d'une prudence un peu tardive.
Cicéron ne se trouva point à la bataille de Phar-
cher d'y venir. Il se hâta, ajoute le même écrivain,in, sale, étant demeuré malade à Dyrrachium. Il avait
de désespérer de la victoire, et laissa entrevoir cette
itte promis'à Pompée de le suivre aussitôt que le lui
défiance du succès, qui ne se pardonne pas, et cette-tte permettrait sa santé et pour gage de sa sincérité, il
prévention contre les hommes et contre les choses, ;eS)
lui avait laissé son fils, qui se distingua dans cette
qui choque d'autant plus qu'elle se trahit par le journée, tête d'un corps de cavalerie.
à la

sarcasme. Cicéron ne modérait pas assez son pen- en- Caton avait à Dyrrachium le commandementde
chant à la raillerie; et, sur ce point, il parait avoir
oir quinze cohortes et d'une flotte considérable. 11 l'of-
manqué souvent de prudence et de dignité. » frit à Cicéron, qu'y appelaitson rang de consulaire.
Tandis que César, maître de l'Espagne et de ]'I_ l'I- Cicéron le refusa; et, si l'on en croit Plutarque,
talie, créé, à Rome, dictateur et consul, accourait 'ait le ieunePompéeen fut si indigné, qu'ayant tiré son
pour combattre Pompée, Cicéron, désespérant tou- )u_
épée, il l'aurait tué, si Caton n'eût arrêté son bras.
jours du succès de la guerre, faisait tous ses efforts
rts Tous ceux qui voulaient continuer la guerre exhor-
pour disposer son parti à la paix. Pompée défendit dit tèrent Cicéron à les suivre; et comme ils lui répé-
qu'on en parlât davantage dans le conseil; il com- m- taient sans cesse qu'il leur restait encore sept ailles,
mençait à reconnaître ses fautes, voulait recon- )n. « cela serait excellent, » répondit-il par un dernier
quérir sa gloire, et avait pris la résolution de périr
rir trait de moquerie, « si vous aviez des geais à com-
ou de vaincre. battre. » 11 déclara que la guerre était finie pour
César le tenait bloqué dans Dyrrachium Dola- la- lui, et se retira, sous la protection de Caton, qui
bella écrivit à Cicéron de profiter de la fuite de eut quelque peine à le soustraire à de nouvelles vio-
Pompée, dont on ne doutait pas, pour se retirer rer lences.
à Athènes ou dans quelque autre ville éloignée du Cicéron reprit le chemin de l'Italie, et descen-
théâtre de la guerre; retraite que César approuvait ait dit à Brindes vers la lin d'octobre 705, toujours
d'avance. Biais ce dernier se vit lui-même contraint,
nt, précédé de ses licteurs et de ses faisceaux couron-
par un revers imprévu de fuir devant Pompée jus- us- nés de lauriers. Il y reçut une lettre d'Antoine qui
qu'en llacédoine. l'avertissait que César lui avait défendu de recevoir
Cicéron revint au conseil qu'il avait déjà don- m. personne en Italie sans nn ordre de sa main. Cicé-
né, de traîner la guerre en longueur, et de ne pas pas ron lui dépêcha aussitôt L. Lîmia, pour l'assurer
s'exposer aux chances d'une bataille. La force de (lue Dolabella lui avait écrit de la part de César
ses raisons les lit goûter de Pompée. Mais le succès ;js qu'il pouvait s'y rendre; il n'était venu que sur la
de Dyrrachium avait achevé de tourner la tête à foi de cette lettre. Antoine publia l'édit qui excluait
de l'Italie tour les partisans de Pompée; mais, dans
cette troupe sénatoriale; elle entraîna son chef. ef_
La résistance lui était difficile au milieu de tous us cet édit même, il excepta Cicéron, affectant de l'y
ces magistrats fugitifs, ses égaux en dignité, qui, xi nommer, pour acheverdelerendre suspect et odieux
,nj à ses anciens amis. Cicéron éprouvait de vives con-
ayant commandé, triomphé comme lui, voulaient
avoir part à toutes les résolutions; qui, n'ayant int trariétés de la part de sa famille. Son frère et
avec lui d'autre engagement que leur inclination, n son neveu avaient suivi César en! Afrique pour en
et libres de l'abandonner au moindre dégoût, en obtenir leur pardon. Quintus rejetait sur son frère
exigeaient d'autant plus de complaisance; qui, tj le blâme qu'il croyait mériter, et ne cessait de Fac-
s'ennuyant de cette vie des camps, aspiraient à j, cuser dans ses discours et dans ses lettres. Son fils
retourner à Rome pour y jouir de leurs richesses ies
avait même pris les devants, en composant contre
et de leurs honneurs; qui, las de lui obéir, l'accu-
,u_ son oncle un discours qu'il devait prononcer de-
Mieut de vouloir se perpétuer dans le commande- |e_ vant le vainqueur. Cicéron, tout irrité qu'il fût de
cette conduite, en tenait une fort opposée, et ap-
1 Biographie universelle article Cicirpn. puyait généreusement leurs accusations contre lui-
même. informé que, dans plusieurs occasions,
casions, César,
César, tout
tnnt entier
pntipr à:i l'expédition
I'pyi d'Egypte, n'avait pas, il
loin de croire aux dénonciations deQuintus l'avait Pst vrai trouvé le temps d'écrire une seule fois
en
au contraire accusé d'avoir entraîné toute sa famille Italie dans l'espace de six mois. Instruits des crain-
dans le parti de Pompée, Cicéron lui écrivitaussi- tes de Cicéron, plusieurs de ses amis de Rome
tôt afin d'en revendiquer le tort, et le pria de rece- imaginèrent, pour les dissiper, de lui écrire, sous
voir son frère en grâce. le nom même de César, et de dater d'Alexandrie une
Dolabella, son gendre, à peine en possession du lettre bienveillante et affectueuse. Mais les termes
tribunat, où il était parvenu autant par ses intri- en étaient si vagues qu'il soupçonna, ce qu'il ap-
gues que par la protection de César, avait excité de prit en effet plus tard, qu'elle venait d'Oppius et
nouveaux troubles à Rome, en faisant revivre une de Balbus, dont l'amitié, vainement ingénieuse à
loi qui éteignait toutes les dettes lui-même en avait le tromper, n'avait trouvé que ce moyen de relever
tant, que sa femme avait été forcée de venir cher- son courage.
cher sa subsistance auprès de son pèré. Cicéron n'a- César lui donna enfin lui-même une marque de
vait pas achevé de payer la dot de sa fille. Ce qu'ilil souvenir, et lui fit remettre les lettres injurieuses
avait donné à Pompée, et la mauvaise gestion de de son frère, comme un témoignage de son affec-
sa femme, l'avaient mis dans une gêne qui ne lui tion et de l'horreur que lui avait inspirée la con-
permettait plus de fournir aux dépenses les plus duite de Quintus. Mais la tristesse habituelle où vi-
indispensables de sa maison; il n'en put sortir qu'a- vait Cicéron tant de fois abusé, abandonné, trahi;
vec l'aide d'Atticus. les noires pensées dont nourrissait son esprit; son
Il reçut à Brindes la nouvelle de la mort de Pom- humeur devenue soupçonneuse et défiante, lui fai-
pée, et en fut peu surpris. Dès qu'on en sut la nou- saient chercher, même dans les bons traitements
velle à Rome, César y fut élu dictateur pour la se- de nouvelles raisons de craindre. Au lieu d'expli-
conde fois, et Antoine maître de la cavalerie. quer favorablement la conduite de César, il ne
Cicéron continua de séjourner à Brindes, mais voulut y voir que la politique d'un vainqueur irrité
dans une situation d'esprit si pénible, « qu'elle lui qui, remettant la vengeance à un autre temps,
paraissait, dit-il, pire que tous les supplices. » Il voulait, pour la mieux assurer, lui inspirer une sé-
n'osait se rapprocher de Rome sans la permission curité trompeuse; et cet empressementmême à lui
formelle de ses nouveaux maîtres; et Antoine ne envoyer par des intermédiaires les lettres de Quin-
laissait pas échapper une occasion de l'humilier. tus lui paraissait moins une avance qu'une mar-
Tout son espoir était dans le retour de César; et que de mépris.
s'il restait à Brindes, c'était pour se faire un mé- Ces sombres idées furent dissipées par une let-
rite de le recevoir à son débarquement. Il était si tre de César qui lui confirmait, dans les tennes les
honteux de son triste rôle, qu'il évitait d'en parler plus affectueux, la possession de son rang, et lui
dans ses lettres, et demandait en grâce à ses amis accordait même la liberté de reprendre ses faisceaux
de ne plus le questionner à ce sujet. et ses licteurs, qu'il venait de quitter. En même
Cependant les restes du parti de Pompée s'étaient temps Quintus, dont César n'avait permis ie re-
ralliés eu Afrique; et leurs forces réunies étaient si tour qu'à la considération de Cicéron, changeant
supérieures à celles de César, qu'ils parlaient de bientôt de langage, écrivit à son frère pour le féli-
passer en Italie avant qu'il fût revenu d'Égypte. Le citer du rétablissement de sa fortune.
bruit s'en répandit bientôt; et Cicéron devait s'at- Cicéron voulait faire partir son fils au-devant de
tendre à être traité par eux en déserteur; car ils César; mais dans l'incertitudedu chemin qu'il pren-
avaient publié qu'ils tenaient pour ennemi quicon- drait, il changea de résolution. Dès qu'il eut appris
que ne se rendrait pas dans leur camp. Il ne restait son arrivée à Tarente, il quitta Brindes pour se
donc plus à Cicéron qu'à souhaiter le succès des présenter à lui sur sa route. Il avoue dans ses let-
armes de César, et le triomphe d'un parti qu'il tres qu'il ressentit quelque trouble àl'approche d'un
avait toujours'détesté. vainqueur contre lequel il avait pris les armes; et
A Rome, on ne lui pardonnait pas de s'être quoiqu'il pdt compter sur un accueil favorable, « il
soumis sitôt à la discrétion du vainqueur. Il était ne savait, dit-il, s'il valait la peine de lui demander
blâmé, condamné, méprisé, sans que personne en- une vie qui cesse d'être à nous lorsqu'elle est le
treprît de lejustifier.. Ému de tant de reproches, il bienfait d'un maître. » Mais, dans leur entrevue, il
chargea son cher Atticus de prendre sa défense, lui ne se vit obligé à rien qui fût au-dessous de sa di-
suggéra les raisons qui pouvaient y servir, et le gnité. César, du plus loin qu'il le vit venir, descen-
pria de les répandre. Mais ces raisons ne pouvaient dit decheval, courut l'embrasser, et, continuant de
que faire ressortir la situation équivoque où il se marcher avec lui l'entretint seul avec familiarité.
trouvait placé. Cicéron ne pensa plus qu'à se rendre à Rome
Pour comble d'inquiétude et de honte, il ne re- et, après quelques jours passés dans sa villa de Tus-
eevait aucune marque d'attention de César, qui, culum, avec ses meilleurs amis, il prit le chemin
de la ville, daus la résolution de s'y consacrer à jpinie, lui disait-on. – « Demain elle sera femme,»
l'étude, et d'attendre, dans cette tranquille occu- répliqua-t-il.
pation, que des jours meilleurs eussent lui pour la De soncôté, Térentia, qui vécut, dit-on cent trois
république. « Heureusement, écrivit-ilà Varron, que ans, prit, suivant saint Jérôme, pour second mari
j'ai fait la paix avec mes livres qui n'ont pas été Salluste, ennemi de Cicéron, et Messala pour le
fort satisfaits de me voir si longtemps oublier leurs troisième. Dion lui en donne même un quatrième,
préceptes. » Vibius Rufus, qui fut consul sous le règne de Ti-
Pressé de repartir pour l'Afrique, César donna le bère, et qui se vantait de posséder deux choses qui
consulat, pour les trois mois qui restaient de l'année, avaient appartenu aux deux plus grands hommes
à Vatinius et à Fufius Calénus, et se nomma lui- du siècle précédent, la femme de Cicéron et le siège
même consul avec Lépide pour l'année suivante sur lequel avait été tué César.
(707). Un usage si arbitraire de sa nouvelle autorité, Ce dernier revint victorieux d'Afrique. L'incerti-
fit juger tout d'un coup parquellesmaximes il se pro- tude où l'on était de l'issue de la guerre avait fait
posait de gouverner, et jeta une grande tristesse garderjusque-là quelques ménagements au sénat;
dans la ville. mais bientôt la flatterie ne connut plus de bornes,
La guerre d'Afrique tenait encore l'univers en etles honneurs qui furent prodigués à César sur-
suspens. Cicéron, n'attendant rien d'heureux de l'un passèrent tout ce qu'on avait jamais vu. Le dégoût
ni de )'autre parti, continua de mener une vie so- que ces bassesses inspirèrent à Cicéron, et la certitude
litaire au milieu de ses livres. Il se lia plus étroite- que son rôle était fini et son éloquence inutile, lui
ment avec Varron, qui passait pour le plus savant firent prendre la résolution d'acquérirà Naples une
des Romains, et leur amitié s'immortalisa parl'hon- maison qui pût lui servir de prétexte pour se tenir
neur qu'ils se firent mutuellement de se dédier leurs désormais éloigné de Rome, « où, suivant ses ex-
ouvrages. Ce fut dans cette retraite que Cicéron, pressions, loin de le mettre au gouvernail on ne
outre des traductions d'Homère, du Timée de Pla- le jugeait pas même digne de travailler à la pom-
ton et des tragiques grecs composa son traité des pe. » Mais ses amis l'en détournèrent, en le pres-
Partitionsoratoires, pour l'instructionde son fils sant de se soumettre à la nécessité, et d'éviter que
ugé de dix-huit ans. Un autre fruit de son loisir fut César expliquât sa retraite comme une marque d'a-
le Dialogue sur les orateurs fameux, qu'il publia version pour lui. Il lui fallut se rendre à leurs avis.
sous le titre de Brutus, ouvrage qui devait servir a Aussi longtemps que notre préfet des mœurs, »
de complément aux trois livres de l'Orateur déjà dit-il par une allusion moqueuse à la censure de
publiés. César, « fera son séjour à Rome, j'y resterai. Mais
Cicéron, au commencement de la guerre civile, lui parti, vite je cours à Naples. »
était ledébiteur de César. Il en était devenu à son César, qui ne songeait guère à consulter Cicé-
tour le créancier. Il était gêné; il aurait voulu être ron, ne dédaignait pas de s'appuyer parfois de l'au-
remboursé, mais ne savait quel moyen employer. Sa torité de son nom, et en souscrivait à son insu les
gêne était d'autant plus grande, qu'un divorce ve- décrets du sénat, lesquels se fabriquaient chez lui et
nait de le séparer de Térentia, depuis trente ans sa par lui. « J'apprends quelquefois, dit Cicéron, qu'un
femme; divorce que tout le monde n'approuva pas, sénatus-consulte passé à mon avis, a été porté en
quoique Térentia, outre son caractère difficile et ses Syrie et en Arménie', avant que j'aie su qu'il ait été
profusions sans bornes, prêtât aussi au soupçon fait; et j'ai reçu des lettres de plusieurs rois, qui
d'accueillir les ennemis de son mari. Elle lui avait me remercient de leur avoir accordé ce titre, tandis
apporté de grands biens, qu'il fallut lui restituer en que j'ignoraisnon-seulement qu'ils l'eussentobtenu,
la quittant. mais qu'ils fussent au monde- »
Ces difficultés forcèrent Cicéron de s'engagerdans Cependant il était recherché des chefs du parti
un autre mariage. « Dans un temps si misérable je victorieux des favoris de César, qui vivaient même
n'aurais jamais pensé, dit-il à changer ma situa- avec!uidanslaplusgrandefamiliarité,et lui com-
tion, si je n'avais trouvé à mon retour mes affaires posaient, comme il le dit, une espèce de cour » c'é-
en aussi mauvais état que celles de la république. taient Balbus, Oppius, Marius, Pansa, Hirtius et
Des intrigues et des perfidies entretenues contre Dolabella il soupait presque tous les jours avec
moi dans ma propre maison m'en ont fait une obli- eux, et les deux derniers s'exerçaient sous lui à la
gation et je me suis vu forcé de chercher, par de déclamation. « Pourquoi, écrivait-il à Varron, pour-
nouvelles alliances, àme défendre contrela trahison quoi me défendrais-je de souper avec ceux qui nous
des anciennes. » Ses amis lui proposèrent plusieurs gouvernent? Que voulez-vous? Il faut céder au
partis. Il se détermina pour une jeune fille nom- temps. » Et pour céder au temps il cherchait dans
mée Publilia, sa pupille, belle, riche, bien alliée. seslivresdephilosophieetd'histoire,nepouvantsans
La disproportion de leur âge ( avait soixante-deux doute les trouver dans sa conscience des maximes
ans) lui attira quelques railleries. « Elle est bienIn des exemples, des raisons qui lui servissent d'excuse
à lui-même. Le sage n'appartient qu'à lui. -Le dde lui répéter tout ce qui m'échappe d'ingénieux ou
sage ne doit pas blesser inutilement.ceuxqui sont dde plaisant dans la variété de nos discours. Je sais
en possession de l'autorité. Quand on a cru que qu'ils
q ont reçu de lui cette commission. »
le meilleur parti était de vivre, il faut bien aimer César ne pouvait douter de l'horreur secrète que
ceux dont on tient cette vie, qu'on a préférée à la Cicéron avait pour son usurpation; mais l'amitié
C
mort. -L'histoire nous montre une infinité de sa- qu'il
q lui portait et un reste de respect lui avaient
ges vivant sous la tyrannie dans Athènes et dans Sy- fait
f; prendre le parti, non-seulement de le traiter
racuse, et y conservant la liberté de leur esprit. a
avec assez de considération pour adoucir ses cha-
Quand il a pris les mesures lesplus justes, et qu'il en grins,
g mais de contribuer de tout son pouvoir à
a été trompé, le sage ne doit pas lutter sans es- lui
fi rendre la vie douce et agréable. Cependant tout
poir contre la force deschoses. » A force d'invoquer c qu'il fit dans cette vue n'obtint deCicéron que des
ce
les maximes des sages, Cicéron oubliait qu'il ne l'était louanges sur sa clémence, et sur l'intention qu'il
I*

plus. Danscettecommunautéd'études et déplaisirs li prêtait de rétablir la république. Du reste, il


lui
avec ses maîtres, il évitait de se mêler des affaires de t traite jamais son gouvernement que de ty-
ne
Rome, même de marquer quelque curiosité de les rannie,
r et le dictateur, que d'ennemi et d'oppresseur
savoir; et il n'employa la faveur où il était auprès d Rome; et sa conduite envers lui, toujours pru-
de
d'eux qu'à rendre service à plusieurs de ses amis, dente et réservée, suivait les vicissitudes de ses
d

que l'exil punissaitde leur attachement à une cause espérances


e et de ses craintes.
naguère la sienne. Il n'épargnait alors ni ses ins- Il donna dans le même temps une preuve éclatante
tances, ni ses peines. Il ne quittait plus la demeure c son indépendance il composa l'Éloge de Caton.
de
de César; et s'il se plaignait parfois de la difficulté Ses
f amis voulurent qu'il considérât longtemps de
des audienccs,etd'avoiralesattendre, avec tous ses cquelle manière il devait traiter un sujet si délicat
clients, dans le vestibule de son palais il n'en accu- E et lui conseillèrent de se borner à des louanges gé-
sait que la multitude et le grandeur de ses devoirs. nérales, et d'éviter des détails qui ne pouvaient man-
Recherché des amis de César, il l'était aussi des quer d'offenser César. Il appelait lui-même cette
partisans de la république et sa maison était plus i difficulté un problème d'Archimède. » Mais sans
fréquentée que jamais. « On cherche, disait-il, à se rendre à ces conseils timides, il éleva jusqu'au
voir un bon citoyen comme une espèce de prodige. » ciel suivant l'expression de Tacite, les vertus et le
ï
Les visites étaient si nombreuses,qu'il en avait réglé caractère de Caton.
l'ordre. Il recevait les républicains de grand matin; Ce livre hardi eut un grand succès. César même,
audience mélancoliqueet triste. Après eux arrivaientt loin d'en témoigner aucun ressentiment, affecta
« les joyeux
vainqueurs comme il les appelait d'en
paraître satisfait mais il déclara que son des-
î
et tous ces visiteurs partis, il se retirait dans sa sein était d'y répondre, et, parson ordre sans doute,
bibliothèque pour lire ou composer. Hirtius composa de suite un petit écrit, en forme de
Toutefois il protestait par des bons mots contrec lettre, qui contenait plusieurs objections, mais où
la tvrannie de César et la bassesse de ses créatures. Cicéron était traité avec beaucoup d'égards.
'Andron de Laodicée, qu'il avait connu en Cilicie, La réponse de César (V Anti-Caton) ne fut pu-
étant venu le saluer, lui apprit que ses conei bliée qu'à son retourd'Espagne,c'est-à-dire, l'année
toyens l'avaient envoyé à Rome pour demander à suivante. C'était une invective laborieuse; on y ré-
César la liberté de leur patrie. « Si vous réussissez, pondait à chaque point du panégyrique. Toutefois
lui dit Cicéron, sollicitez aussi pour nous. « Nee l'auteur y marquait une grande admiration pour
vous étonnez pas, disait-il un autre jour de César, Cicéron; il le comparait pour la vertu aux Périclès
en faisant allusion à son commerce de débauchee et aux Théraméne, noms bizarrement rapprochés.
avecleroideBithynie; ne vousétonnez pas qu'a-i- Ce qu'il ajoutait était plus juste, « que Cicéron
près avoir aimé un roi, il aime tant la royauté. »» était au-dessus de tous les triomphateurs, parce
Ses amis, craignant que cette liberté de langagee qu'il est plus glorieux d'avoir reculé pour les Ro-
ne l'exposât au ressentiment du dictateur, l'exhor- r- mains les limites du génie que celles de leur em-
tèrent à plus de retenue. Mais il leur répondit, < que
le pire. »
lui demander d'étouffer dans sa bouche une rail- I- Ce combat littéraire partagea Rome. Chacun pre-
lerie, c'était vouloir qu'il renonçât à toute réputa- nait
parti suivant ses intérêts ou son inclination,
tion d'esprit. D'ailleurs, ajoutait-il, César a le le et les vertus de Caton, le plus beau caractère de
e. son siècle n'étaient plus qu'un vain sujet de con-
jugement admirable; il faut lui rendre cette justice.
Il s'est tellement familiarisé avec mes bons mots, i versation dans une ville corrompue et esclave.
que si on lui en donne comme de moi qui n'en soientit Cicéron entreprit ensuite, à la prière de Brutus,
st
pas, il les rejette aussitôt. Ce discernement lui est un ouvrage qu'il intitula l'Orateur, et dans lequel
d'autant plus facile, que ses meilleurs amis vivant |
it il voulut donner l'idée la plus parfaite de l'élo-
très-familièrementavec moi, ils ne manquent point at quence. L'accueil que reçut ce livre confirma l'opi-
nion qu'il en avait lui-méme il le regardait comme ecoup de peine, à ce dernier dessein; mais il ne put
son plus beau titre. 1l'empêcherde quitter sa maison, et d'en prendre une
C'est à la même époque qu'il prononça dans le dans U la ville. Pour détruire le fâcheux effet d'une
sénat sa fameuse harangue à César pour le rappel séparation si éclatante, il imagina de l'envoyer à
de Marcellus, son ami, retiré, depuis la journée de
I'harsale à Hitylène. Il y menait' une vie si tran- lui
<.

Athènes, sous prétexte de l'y faire étudier; et, pour


1 faire goûter ce projet, il lui offrit une forte pen-
quille, que Cicéron put à peine le décider à profi- sion. L'offre fut acceptée. Le jeune Cicéron partit
ter de son pardon. Quelques sénateurs s'étaient avec deux affranchis de son père, qui devaient lui
jetés aux pieds de César pour obtenir la grâce de tenir lieu de gouverneurs; et la direction de ses
l'exilé; tous les autres s'étant levés à leur tour et études fut confiée aux philosophes grecs, particu-
approchés du dictateur, avaient joint leurs prières à lièrement à Cratippe, chef des Péripatéticiens.
ces instances. Le seul Volcatius déclara qu'à la place A peine délivré de ce souci il ressentit une afflic-
de Marcellus, protesterait contre cette humilia- tion bien plus cruelle. Tullie mourut. Elle avait
tion. César se laissa fléchir. Cicéron, dans sa re- trente-deux ans, et passait pour la plus lettrée des
connaissance, abandonna la résolution qu'il avait Romaines. Cette perte causa à Cicéron une des plus
prise de garder au sénat un silence éternel, et lui grandes douleursdont l'histoire ait consacré le sou-
adressa ce discours qui, pour l'élégance du style, venir. Plutarque assure que tous les philosophes se
est supérieur à tout ce que l'antiquité nous a laissé rassemblèrent pour !e consoler. Afin d'échapper à
dans ce genre. Les louanges de César y sont pous- ces consolateurs,il se retira dans la maison d'Atti-
sées si loin, qu'ellesont fait douter de la sincérité de cus et là, enfermé tout le jour, toute la nuit,
l'orateur. On a donné pour excuse l'espérance où dans la bibliothèque, son unique occupation était
il était encore de voir César rétablir la république. de feuilleter tous les livres qui pouvaient lui offrir
En effet, il lui conseillait ce grand dessein avec quelque secours contre sa tristesse. II voulut l'é-
toute la force d'un ancien Romain et l'on s'étonne touffer sous l'excès du travail. « Ceux, disait-il, qui
moins qu'une telle exhortation eût besoin d'être me reprochent mon abattement, ne pourraientpeut-
tempérée par quelque flatterie. être pas lire autant que j'ai écrit bien ou mal, peu
Ce succès encouragea Cicéron. Un autre de ses importe. Il est vrai que je ne connais pas le som-
amis, Ligarius, était aussi en exil pour avoir com- meil. »
battu contre César en Afrique; il lui demanda son Cette retraite n'était pas encore assez impéné-
rappel, et reçut une réponse favorable. Mais Tubé- trable il se rendit dans une de ses terres, nommée
ron, ennemi du proscrit, réveilla contre lui le res- Astur, près de celle d'Antium, et l'endroit le plus
sentiment du dictateur, et l'accusa publiquement de propre à nourrir son désespoir, étant remplie de
rébellion. César l'avait donc condamnéde nouveau; grottes profondes et couverte de bois aux allées
mais il voulut que la cause fût plaidée devant lui, sombres et ténébreuses. Là disait-il je vis sans
au forum; et il avait dit à ses amis, à ce que rap- commerce avec les hommes. Dès la pointe du jour, je
porte Plutarque « Qui nous empêche d'entendre m'enfonce dans l'épaisseur des bois, et je n'en .sors
Cicéron, dont l'éloquence est depuis si longtemps que le soir. Je n'ai d'entretien qu'avec mes livres,
muette, lorsque Ligarius est déjà condamné? » et cet entretien n'est interrompu que par mes lar-
Cicéron défendit son ami; et ce juge, qui s'était cru mes. » Atticus et Luccéius le pressèrent de quitter
inflexible, ému, troublé changeant de visage, y ce triste lieu lui représentant que cet excès d'abat-
laissa voir toutes les agitations d'une âme qui cède tement pouvait nuire à sa considération et le faire
à un sentiment nouveau; des papiers qu'il tenait accuser de faiblesse. Tous ses amis lui écrivirent pour
à la main lui échappèrent. Cicéron lui arracha le le consoler; Brutus, dans des termes touchants
pardon de Ligarius. Onlut avec avidité, dansRome, qui l'attendrirent beaucoup; L. Sulpicius, dans une
cet admirable plaidoyer, dont César voulut avoir forme qui a fait de sa lettre un modèle dans ce genre;
un exemplaire. Tubéron, qui n'y était pas ménagé 1 César même, de ses champs de bataille en Espagne.
employa l'entremise de sa femme, parente de Ci- Toutes ces lettres, une fois lues, le laissaient
céron, pour le prier d'y mettre quelque adoucisse- à sa douleur. Il essaya de la combattre en com-
ment en sa faveur. Cicéron n'en voulut rien faire. posant un Traité de la Consolation, dont il avoue
Il n'avait pas trouvé dans son nouveau mariage avoir reçu un puissant secours. Fait sur le modèle
les consolations qu'il en attendait. De graves sujets d'un pareil traité de Crantor l'académicien, ce li-
de plainte naissaient fréquemment entre ses enfants vre était très-lu des premiers Pères de l'Église,
et leur belle-mère. Son fils demandait avec instance particulièrement de Lactance, à qui nous devons
un revenu séparé, et la permission de servir en le peu de fragments qui en restent. Le dessein de
Espagne sous César, qui venait d'y aller combattre Cicéron en l'écrivant, était moins encore de soulager
les fils de Pompée, et que le jeune Quintus y avait son cœur, que d'immortaliser la mémoire et les
suivi. Cicéron le fit renoncer, quoique avec beau- vertus de sa fille.
Sa douleur lui inspira même le projet d'une con- la métaphysique des Grecs; et ce fut lui qui erta
sécration réelle; il voulut bâtir un temple à cette pour les Romains la langue philosophique. « On as-
fille adorée, et l'ériger en divinité. « Oui, s'écriait- sure, par exemple, dit Plutarque, qu'il exprima le
il dans le transport de sa tendresse, oui, je veux premier en latin l'objet, l'essence, la catalepsie,
te consacrer, toi la meilleure et la plus éclairée les atomes, le simple, le vide, et d'autres idées de
des femmes. Je veux te placer dans l'assemblée des ce genre, ou qui du moins les rendit intelligibles
dieux, et t'offrir à l'adoration des mortels. Dans et familiers aux Romains. » « Dans la nécessité où
ce but, il avait fait venir de Chio des colonnes de je suis, dit Cicéron, de renoncer aux affaires publi-
marbre et un sculpteur; et l'une des raisons qui le ques je n'ai pas d'autre moyen de me rendre utile.
déterminèrent à élever un temple plutôt qu'un tom- Je me'Qatte qu'on me saura gré de ce qu'après avoir
beau, était que pour le premier de ces monuments, vu tomber le gouvernement au pouvoir d'un seul
rien ne limitait la dépense, tandis que les lois bor- je ne me suis ni dérobé absolument au public,
naient celle des sépultures. ni livré sans réserve à ceux qui se sont saisis de
Mais l'exécution de ce projet rencontra bien des l'autorité. Mes écrits ont remplacé mes harangues
obstacles. Il avait voulu acquérir au delà du Tibre, au sénat et au peuple, et j'ai substitué les médita-
mais près de Rome, à quelque prix que ce fût tions de la philosophieaux délibérations de la poli-
eût-il dû engager son bien, un jardin où ce temple tique et aux soins de l'État. »
n.agnifique, exposé à la vue de toute la ville, eût Le premier fruit de son travail fut un dialogue
attiré un plus grand nombre d'adorateurs à la nou- philosophique, qu'il intitula Hortensius, pour ho-
velle divinité. Il fallut y renoncer. Atticus lui con- norer la mémoire de son illustre ami mort depuis
seilla d'ériger ce monumentdans l'une de ses terres. cinq ans. Il y faisait à la foisl'élogedela philosophie,
Mais les terres changent de maitres, et un étranger etsa propre apologie contreceuxqui lui reprochaient
pouvait, après lui, le laisser tomber en ruine ou ce genre d'étude etde composition comme étant au-
le convertir à un autre usage. Enfin, il ne parait dessous de sa dignité personnelle. Cet ouvrage est
pas que ce temple ait été bâti, soit que les troubles perdu.Quelque temps après, il publia un traité en qua-
qui agitèrent bientôt la république l'en eussent tre livres, pour expliquer les principes de la secte aca-
empêché, soit que sa douleur ayant cédé au temps, démique, quietaitlasienne.il araitdéjà donné deux
il eût considéré son projet d'un œil plus philoso- ouvrages sur le mêmesujet, sous les titres de Catulus
phique, et reconnu la vanité de ces monuments et de Lucullus, auxquels il le substitua les noms
éternels dont la durée est bornée à quelques siècles. de Caton et de Brutus. Varron ayant désiré de lui
Toutefois, ce désir lui resta quelque temps encore; voir mettre aussi le sien à la tête d'un de ses ouvra-
et l'on voit par ses lettres qu'il continua, dans cette ges, il changea le plan de celui-ci, et le partagea en
vue, de mettre en réserve toutes les épargnes quatre livres, qu'il adressa à Varron. C'est aussi de
qu'il pouvait faire sur les dépenses de sa maison. l'année 708 que date une de ses meilleures produc-
Il en avait renvoyé Publilia, qui avait paru se ré- tions, le traité de Finibus, ou des vrais biens et des
jouir de la mort de Tullie. vrais maux. Il l'adressa à Brutus, en échange du
Marcellus était parti de Mitylène pour revenir à traité de la P'ertu, que celui-ci lui avait dédié.
Rome. En route, il fut assassiné par un de ses amis, Les Tusculanes suivirent immédiatement. Ci-
qui se tua après lui meurtre dont on n'a pu péné- céron avait recommencé de réunir dans ses maisons
trer la cause. César fut soupçonné; et cette pensée de campagne quelques-uns de ses meilleurs amis;
fit tout d'un coup tant de progrès, que chacun com- ils n'y cherchaient ensemble qu'à s'éclairer par de
mença de trembler pour soi-même. Cicéron ne se graves conversations.C'estainsi qu'ayant passé cinq
défendit pas de la frayeur commune; et ses amis jours avec eux dans sa villa de Tusculum, il écrivit
augmentèrent ses craintes en lui faisant observer ces entretiens dans une forme plus méthodique, et
que de tous les orateurs consulaires il était leplus leur donna pour titre le nom même de sa maison.
exposé à l'envie. Atticus même l'exhorta à se tenir Il composa, vers le même temps, V Éloge funèbre
sur ses gardes, et à s'assurer de la fidélité des geus de Porcia, sœur de Caton. Varron et Lollius trai-
qui le servaient. tèrent le même sujet; mais le temps nous a ravi
Le goût de Cicéron pour la solitude n'était pas les trois ouvrages, ainsi que plusieurs autres de
diminué et il y avait repris ces mêmes études de Cicéron, composés à cette époque, et particulière-
philosophiequ'il avait tant aimées dans sa jeunesse. ment des poëmes car il avait repris aussi le goût
Il avait entrepris d'initier Rome à toutes les doc- des vers, et l'on assure qu'il en faisait parfois jus-
trines des écoles grecques, et de faire passer dans qu'à cinq cents dans une nuit.
sa langue les termes de la dialectique et de la phy- Cependant César poursuivait en Espagne les fils
sique, empruntés à la Grèce. Ces matières "étaient de Pompée. Le jeune Quintus, persuadé de nouveau
encore si neuves à Rome, que les Latins n'avaient que le plus sûr moyen de plaire au vainqueur et
pas même de termes pour rendre les abstractions de d'avancer sa fortune, était de mal parler de son
oncle, se livra plus que jamais à cet odieux pen- -~1-
en- « inondée
.J 1-
de soldats;
_1.1_ à peine laissa-t-on libre la
ci- « salle où César devait souper il y avait avec lui
chant, disant que son père et lui étaient d'irréconci-
liables ennemis de César. « Rien ne me serait plus lus « deux mille hommes. Je craignais pour moi le len-
lue « demain. Mais Barba Cassius me délivra de cette
cruel disait à ce sujet Cicéron, si je ne savais que
notre roi ne me croit plus le moindre courage. »» « inquiétude; il mit une garde chez moi, et fit cam-
ne, « per les soldats dehors. Ma maison était sur un
Il put se rassurer il reçut de César, à cette époque,
les mêmes témoignages d'affection qu'auparavant. nt. « bon pied de défense. César demeura chez Philippe
Toutefois, à Rome, les amis de Cicéron l'exhor- or- « jusqu'à une heure après midi, ne vit personne, et
taient à marquer pour lui plus d'estime. Atticus, js, « s'occupa, si je ne me trompe, à régler des comp-
Brutus même, le pressèrent de composer quelque lue « tes avec Balbus. Arrivé chez moi à deux heures, il
lait « se mit dans le bain. Il s'y fit lire des vers sur Ma-
chose qu'il put lui adresser. Cicéron s'en défendait
toujours. Les instances étant devenues plus vives, es, « murra (nom sous lequel Catulle invectivait Cé-
le,
il écrivit à César une lettre politique, sur laquelle, sar) et il les écouta sans changer de contenance.
pour plus de sûreté, on lui conseilla de prendreJe le « On le parfuma, et il se mit à table. Il avait pris
tait • un vomitif (ce qu'il faisait avant tous ses repas);
sentiment d'Hirtius et de Balbus. Cette lettre était
une exhortation à rétablir, avec la paix, la liberté.
'té. mangea bien, but mieux encore, et fut d'une
Hirtius et Balbus n'en approuvèrent pas le sujet, et, « humeur charmante. Le souper était bon et bien
quoique le prudent Atticus la trouvât convenable.>le. « servi. Mais c'était peu
Cicéron prit le parti de détruire sa lettre, ne vou-
ou- Une aimable gaieté mèlait à nos propos
lant pas la refaire moins libre, et déjà honteux eux Les grâces de l'esprit et le sel des bons mots. r
même de l'avoir faite telle qu'elle était, avec les « Outre la table de César, j'en avais trois autres
ménagements qu'il y avait mis. « pour sa suite, qui ne furent pas servies avec moins
On suspectait jusqu'à ses éloges. César venaitlait de recherche. Ses affranchis et ses esclaves ne
d'envoyer à Rome sa réponse à Y Éloge de Caton. 'on. “ manquèrent non plus de rien. Enfin, je m'en
Cicéron lui écrivit pour le remercier des égards irds « suis tiré avec honneur. Mais en vérité ce n'est
avec lesquels il l'avait traité dans cet ouvrage,i et « point un hôte à qui l'on puisse dire Faites-moi
en louer le style. Cette lettre ne put partir qu'a-
n'a- «le plaisir de repasser chez moi à votre retour
près avoir passé par les mains et le contrôle de Bal-
Sal- « une fois suffit. Nous n'avons pas dit un seul mot
bus et d'Oppius. « qui eût rapport aux affaires la littérature fut
César revint à Rome. Son triomphe surpassa en » notre seul sujet d'entretien. Le passe-temps lui
magnificence tous ceux qu'on avait vus jusque-là. « plu. Il parlait de s'arrêter un jour à Pouzzoles
:-la.
Mais au lieu des applaudissementsqu'il attendait,ait, « et un autre à Baies. Voilà cette réception. J'en ai
il n'obtint que le silence. Déjà la même tristesse
îsse « souffert un peu d'embarras, mais sans trop de
avait régné aux jeux du cirque, où la statue du die-
dic- n désordre. En passant près de la maison de cam-
tateur avait été promenée solennellement par l'or-
'or- pagne de Dolabella, son escorte, dans ce seul en-
dre du sénat. Cicéron, toujours absent de Rome, me, droit, marcha sur deux colonnes, à droite et à
apprit toutes ces circonstances avec une joie ex- « gauche de son cheval. Je l'ai su de Nicias. »
trême. Mais Lépide le pressa d'y revenir, l'assurant
rant Le dernier jour de décembre le consul Q. Fabius
que César serait très-sensible à cette démarche.
che. étant mort subitement, César lui donna pour suc-
Cicéron s'y rendit. oesseur, à une heure après midi, C. Rébilus dont
il
Peu de jours après son arrivée, défendit le roi roi la charge ne devait durer que le reste du même jour,
Déjotarus, son ami, accusé par son petit-fils -fils II plut de tous côtés des bons mots sur ce consu-
d'un attentat contre la vie de César; accusationtion lat ridicule. Cicéron y eut la plus grande part. « On
dénuée de vraisemblance et de preuves, mais que demandera, disait-il sous quels consuls Rébilus a
César avait accueillie. Le plaidoyer de Citroni fut
fut été consul. » « La vigilance de Rébilus a été si
prononcé cette fois dans le palais du dictateur.eur. merveilleuse, ajoutait-il, qu'il n'a pasdormi de tout
César ajourna la sentence, qu'il ne parait pas avoir
voir son consulat. » Et l'on applaudissait dans Rome à
rendue plus tard. cette critique détournée des fantaisies dictatoriales
Pour donner à Cicéron un témoignage éclatant
tant de César, lequel entouré de favoris qui lui deman-
de confiance et d'amitié, César s'invita lui-même ne à daieut tous le consulat, ne trouvait d'autre moyen
aller passer un jour avec lui dans une de ses mai- de les satisfaire que de le donner à ceux-ci pour
sons de campagne. Cicéron fit à Atticus le récit it de quelques mois, à ceux-là pour quelques jours, à
cette visite. Sa lettre est curieuse. Quel hôte! et d'autres enfin pour quelques heures, afin d'en faire
« que je le croyais redoutable! Cependant je n'ai autant de sénateurs. Il en porta ainsi le nombre à
« pas sujet de m'en plaindre, et il a paru très-con-
con- neuf cents, et admit parmi eux jusqu'à des Gaulois,
tent. Il était arrivé la veille chez Philippe, mon à qui l'on avait fait changer leurs saies grossières en
• voisin, dont toute la maison avait été aussitôtsitôt
m. -e Vers traduits de Lucillus.
robes sénatoriales. C'était à qui en plaisanterait le ('et dans laquelle étaient entrés plus de soixante sé-
plus; et Cicéron disait « Ce sera faire une bonne nateurs. César fut tué dans le sénat, aux ides de
action que de ne pas montrer à ces sénateurs le mars. On épargna Antoine, faute souvent reprochée
chemin du sénat. » Un de ses clients le priait de depuis aux conjurés par Cicéron, et qui leur fit per-
faire entrer son fils dans le sénat de Pompéi, sa ville dre en effet tout le fruit de leur entreprise, dont
municipale. « A Rome, si vous le voulez lui répon- il ne cessa de vanter la gloire.
dit Cicéron; mais à Pompéi, la cliose est moins fa- Cicéron était présent à la mort de César. Il lui
cile. Enfin ses plaisanteries ne tarissaient pas sur vit recevoir le coup mortel et pousser les derniers
l'abus de ces promotions qui ne tendaient qu'à dé- soupirs. Il ne dissimula point sa joie. Les conjurés
créditer cet ordre, auquel il appartenait. Mais un le regardaient comme un de leurs plus sûrs parti-
jour ce fin railleur fut, à cette occasion, raillé plus sans. Après avoir frappé César, Brutus, levant son
finement encore. Labérius, chevalierromain, avait, poignard sanglant, avait appelé Cicéron pour le fé-
de liciter du rétablissement de la liberté; et tous les
par l'ordre de César, rempli un rôle dans une
ses pièces, où il avait lancé contre sa tyrannie nom-
conjurés, ayant pris le chemin du forum, pour
bre de traits sanglants. La pièce finie, il alla cher- l'y annoncer, avaient mêlé son nom à leurs cris.
cher une place dans les rangs des chevaliers, les- Ce fut plus tard pour Marc Antoine un prétexte
quels se serrèrent à son approche, de manière à ne pour l'accuser publiquementd'avoir participé à la
lui en pas laisser. Cicéron lui cria de loin, du banc conspiration, et même d'en avoir été fauteur. Mais
des sénateurs « Je vous
ferais volontiers place, il paraît certain qu'il ne la connut pas, quoiqu'il fût
mais je suis bien à l'étroit. Cela m'étonne, ré- étroitement uni avec les conjurés et qu'ils eussent
pliqua vivement Labérius de la part d'un homme en lui beaucoup de confiance. Son caractère et son
habitué à s'asseoir sur deux sièges; » allusion mor- âge (il avait soixante-trois ans) le rendaient peu
dante à la versatilité de l'orateur, ami de Pompée, propre à une entreprise de cette nature. Il n'aurait
ami de César. pu leur être fort utile dans l'exécution, et 4son cré-
A l'ouverture de l'année suivante (709), César se dit, au contraire, devait avoir d'autant plus de force
revêtit, pour la cinquième fois, de la dignité consu- pour la justifier, que n'y ayant pas pris part, on ne
laire, et choisit Antoine pour son collègue. Il ne pouvait le soupçonner d'aucun intérêt personnel.
manquait rien à son pouvoir la dictature lui était Telles furent sans doute les raisons qui empêchèrent
abandonnée sans interruption. Il avait reçu du Brutus et Cassiusdelui communiquer leur dessein.
sénat les honneurs les plus extravagantsque la flat- Ils se contentèrent d'être sûrs qu'il les approuverait.
terie puisse inventer, un temple, des autels, des Toutefois, il est évident qu'il s'attendait à cet
prêtres, des sacrifices. Sa statue était placée entre événement, et qu'il l'appelait de tous ses vœux.
celle des rois. Il était appelé le père de la patrie, Il avait écrit à Atticus « que le règne de César ne
titre que Cicéron avait si glorieusement acquis. Ce- pouvait pas durer six mois; qu'on le verrait finir
lui-ci s'efforça de ramener tous ces excès aux bornes violemment, et qu'il souhaitait de vivre assez pour
de la raison. Ses efforts furent inutiles. César am- être témoin de cette catastrophe. » Atticus lui
bitionna jusqu'au vain titre de roi. Antoine offrit le ayant écrit que la statue de César avait été placée
diadème à cet ambitieux insatiable, dans les fêtes dans le temple de Quirinus, voisin de celui de la
des Luperques, prêtres nouvellement institués, déesse Salus, « J'aime mieux, » avait-il répondu en
et parmi lesquels le jeune Quintus s'était fait ad- faisant allusion au sort de Romulus, « qu'il soit avec
mettre, du consentement de son père, mais contre ledieu qu'avec la déesse. » Une de ses lettres prouve
le gré de son oncle. Le peuple murmura. Deux qu'il devait s'être entretenu avec son ami des moyens
tribuns protestèrent avec énergie. César en fut ré- d'inspirer à Brutus quelque résolution généreuse,
duit à se faire un mérite de son affectation à re- en lui rappelant la gloire de sa famille, dont l'ori-
pousser ce diadème dont il n'aurait pu impunément gine remontait à deux hommes, Ahala et Brutus,
se laisser couvrir. qui avaient, par leur courage, assuré la liberté de
Il avait achevé ses préparatifs pour l'expédition Rome. « Brutus croit-il donc qu'on doive attendre
contre les Parthes, et réglé pour deux ans la succes- de César des nouvelles qui puissent plaire aux bons
sion des magistrats. Dolabella était nommé con- citoyens? Je n'en connais qu'une, ce serait qu'il se
sul à sa place, avec Antoine pour lerestede l'année;i fût pendu. A-t-on donc oublié ce tableau d'Ahala
Hirtius et Pansa, pour la suivante; D. Brutus et etdu vieux Brutus, avec l'inscription que vous sa-
1. Plancus, pour celle d'après. Mais ce pouvoir ex- vez ? » On doit remarquer aussi que, dans les ouvra-
cessif, ce mépris superbe de toutes les lois, ses ges qu'il adressa vers le même temps à Brutus, il
violences eoutre des magistrats, de nouvelles tenta- tombe toujours avec beaucoup d'art sur le malheur
tives pour se faire donner le titre de roi, firent public, mais particulièrement sur celui de Brutus.
enfin éclater une conjuration formée depuis long- qui se voyait sans aucune espérance d'employer
temps, dont les chefsétaient M. Brutus et C. Cassius, des talents dienes d'un wnple libre. On ne peut sur-
tout méconnaître cette mtention dans les pensées contre la vie de César, pouvait être ramené au bon
qui terminent le dialogue des orateurs n Quand je parti, il proposa de députer quelques sénateurs pour
« jette les yeux sur vous, Brutus, quelle n'est pas parler de paix à cet ennemi qui tremblait devant
« ma douleur de voir votre jeunesse arrêtée comme eux la veille. En vain Cicéron combattit cette idée,
« au milieu de sa carrière par la malheureuse desti- en vain fit-il sentir qu'il n'y avait aucune sûreté à
« née de la patrie! Atticus et moi nous souhaitons traiter avec un homme qui s'engagerait à tout, tantt
de vous voir recueillir le fruit de votre vertu, et qu'il aurait quelque chose à craindre, et qui revien-
« vivre dans une république où vous puissiez trou- drait à son caractère après le danger. Le sentiment
« ver l'occasion de renouveler et d'augmenter la gloire de Brutus prévalut; mais pendant que les députés
« de vos ancêtres. Vous étiez le maître du forum; perdaient en négociations un temps précieux, Cicé*
« votre gloire y était déjà bien établie vous avez be- ron demeura ferme dansson opinion, ne quitta point
« soin de la république, et la république a besoin de le Capitole, et laissa même passer les deux premiers
« vous.»» jours sans voir Antoine.
Tout semble indiquer que s'il ignorait le fond et L'événementrépondit à ses prédictions.Antoine,
les circonstances ducomplot, il savait en général 'qui ne voulait que gagner du temps pour se prépa-
qu'on s'occupait de quelque grand dessein; et il y rer à la guerre, protesta qu'il n'avait d'autre désir
avait contribué autant qu'il était en lui. Dans ses que la paix et le rétablissement de la république.
réponses à Antoine, il s'honore d'être soupçonné Deux jours se passèrent à répéter des deux côtés
d'y avoir eu part. « Si l'on excepte, dit-il, Antoine les mêmes protestations. Letroisième,Antoine con-
et d'autres flatteurs, il n'y avait point à Rome un voqua le sénat pour régler les conditions de cette
citoyen qui ne souhaitât que César fût tué de sa paix trompeuse, et les confirmer par un acte so-
main. Tous les bons citoyens avaient concouru à lennel. Il dit quelques mots vagues sur le besoin de
l'exécution par leurs désirs et si les moyens ont la concorde Cicéron, dans un discours plus éten-
manqué aux uns, aux autres le courage, la volonté du, demanda au sénat de décréter une amnistie gé-
n'a manqué à personne. » nérale. L'assemblée applaudit à cette proposition.
Après la mort de César, les conjurés se dirigèrent Les conjurés n'étaient pas venus au sénat. A leur
vers le forum. Brutus voulait haranguer le peuple. tour ils craignaient pour eux-mêmes. Antoine pro-
Mais l'agitation que cette nouvelle causait autour posa de les inviter à prendre part aux délibérations,
de lui, et la présence d'un grand nombre de sol- en offrant de livrer son fils pour gage de leur sûreté. A
dats qui s'étaient rendus à Rome pour accompa- cette condition ils descendirent du Capitole, et la
gner César dans son expédition contre les Parthes, confiance sembla renaître entre les deux partis. Bru-
lui firent prendre le parti de se retirer au Capitole. tus soupa le même soir avec Lépide; Cassius, avec
Cicéron l'y suivit avec la plus grandepartie du sénat. Antoine; et la nouvelle de cette réconciliation fut
On y tint conseil sur l'état des affaires publiques, et reçue aux acclamations de toute la ville, qui crut la
sur les moyens d'assurer le fruit de cette révolution. paix et la liberté affermies à jamais.
Brutus finit par convoquer le peuple et dans un dis- Lépide avait fait rentrer à Rome, dans la nuit
cours composé d'avance, il l'exhorta à défendre, qui suivit le meurtre de César, une partie des trou-
contre les partisans de la tyrannie, la liberté nou- pes à la tête desquelles il allait partir pour l'Es-
vellement reconquise. pagne, dont le dictateur lui avait donné le gouverne-
Cependant Marc Antoine, tremblant pour sa vie, ment. Ne voyant personne qui lui fût égal en puis*
s'était dépouillé de sa robe consulaire, et avait, sous sance, il avaitpensé à se jeter sur les conjurés et à
un déguisement, gagné sa maison, où il se tint ca- s'emparer du gouvernement. Mais Antoine, en le
ché. Rassuré par la modération des conjurés, il re- détournant de ce dessein, eut J'adresse de le faire
parut le lendemain en public. servir à ses propres vues. Il maria sa fille au fils de
Les conjurés n'avaient guère porté leurs vues plus Lépide, lui fit donner la dignité de grand pontife,
loin que la mort de César, et s'étaient fiés entière- usa de son crédit et de ses forces pour effrayer les
ment à la justice de leur cause, qui ne pouvaitseule conjurés, jusqu'à les forcer d'abandonner Rome;
et
'
les soutenir. Cicéron stimulait leur inaction. Il sa- quand il eut tiré de lui tout ce qu'il en voulait, il
vait que le peuple était pour eux, mais il craignait lui persuada de partir pour son gouvernement, sous
qu'ils ne donnassent à leurs ennemis le temps de se prétexte de contenir les provinces dans la soumis-
reconnattre et de s'armer. Aussi avait-il conseillé sion.
dès le premier moment, à Brutus et à Cassius, de con- La terreur qu'Antoine commençait à inspirer, et
voquer le sénat, en qualité de préteurs, et d'y por- l'autorité dont il disposait, firentconsentir le sénat à
ter quelques décrets vigoureux. Mais Brutus trouva i divers décrets qui étaient autant de pas vers le but
ce conseil trop hardi. Il se crut obligé à plus de res- où il marchait. L'un confirmait tous les actes de Ci-
pect pour l'autorité du consul et se nattant qu'An-
toine, qui, dans un autre temps, avait aussi conspiré
sar; l'autre assurait des récompenses à ses vétérans;
un troisième lui décernait de magnifiques fu- iijuca jv
c.
nérailles :cérémoniequ' Antoine regardait comme la pleine
pl< d'adresse, où ce dernier le priait de consentir
plus favorableoccasion de susciter des embarras et au au rappel de Sextus Clodius, parent du fougueux
sait quedans tribun
tri qui l'avait exilé et le principal ministre de
des ennemis au parti républicain. On
le tumulte qu'il y sut exciter par l'insidieuse élo- ses ses fureurs. En épousant la veuve de Clodius, An-
quence de l'éloge funèbre de César, Brutus et Cas- toine toi s'était chargé du soin de toute sa famille. L'ar-
sius eurent beaucoup de peine à se garantir de lai tificieux
tifi consul disait à Cicéron que, bien qu'il edt
fureur de ses agents, mélange confus d'étrangers ett déjà dé le consentement de César pour le retour de
d'esclaves, auxquels s'étaient joints les Juifs, qui Sextus,
Se il ne voulait pas en faire usage sans avoir

si
avaient toujours pris le parti de César contre Pom- obtenu ob le sien, et qu'il l'attendait de sa générosité
pée, depuis que celui-ci avait profané leur tem- si connue; que s'il ne l'obtenait pas, il cesserait de
ple. servir
se: Clodius, pour convaincre Cicéron du pouvoir
Les conjurés virent enfin ce qu'ils devaient at- qu'il qu avait sur lui. » Cicéron, dans une réponse fort
tendre d'Antoine. Ils demandèrent une garde au po polie, lui envoya son agrément.
sénat. Antoine les fit avertir que, dans la fureur oùi Antoine, ayant ainsi réglé ses affaires, ajourna au
il voyaitles soldatset le peuple,il croyait une gardes 1er Ie de juin l'assemblée du sénat, et profita de cet
insuffisante. Cet avis leur fut aussi donné par d'au- intervalle
in pour visiter l'Italie dans le but d'engager
tres bouches. Ils prirent donc la résolution de quit- à son service les vétérans qui s'y trouvaient dissé-
ter Rome. Trébonius se rendit dans son gouver- minés m sur plusieurs points. Il avait laissé le gou-
nemeut d'Asie, et Décimus Brutus, dans la Gaulee vernementve de Rome à Dolabella, son collègue.
cisalpine, pour y attendre les événements. Marcuss Qi Quoique Cicéron n'eût jamais eu qu'une très-mau-
Brutus seretira avec Cassius dans une deses terress vaise va opinion des principes de son gendre, il avait
près deLanuvium. toujours
to vécu dans de bons rapports avec lui. Le
Antoine acheva de se fortifier dans le sénat; ett voyant alors dans une position où il pouvait servir
les vc
gardant quelque temps encore le masque de la mo- 'e intérêts de la république, il s'attacha plus que
ja
dération, il proposa une loi pour abolir la dictature: jamais à s'insinuer dans sa confiance. L'absence
la loi passa aumilieu des plus vives acclamations, et
!t d'A
d' ntoine rendait t'entreprise plus facile; et Dola-
des rernercîments lui furent votés pour l'avoir pro- bt
fit bella confirma bientôt les espérances de Cicéron. Il
posée. Il profita de ces dispositions pour se faire fil détruire un autel élevé César, et punir de mort
quelques-uns
à
de ses plus furieux partisans. Toute
donner une garde de six mille hommes. <P

11 fallait abuser les conjurés assez longtemps pour


r lala ville applaudit à cette fermeté. Cicéron qui, dans
leurfaireabandonnertouteslesrésolutionsvigoureu- i- l'opiniondetous,
l'i partageable mérite d'un acte qu'on
attribuait à ses conseils, écrivit de Baies à Dola-
ses, surtout celle de se saisir de quelques provinces is a1

où ils eussent trouvé des troupes et de l'argent. An-i- bella


bi une lettre pleine de marques d'admiration.
toine continua de parler avec respect, dans le sénat, t, II s'était proposé d'employer le temps qu'il pas-
de Brutus et de Cassius, lesquels se laissèrent telle-saits; hors de Rome à faire un voyage en Grèce, pour
ment tromper par ces apparences, qu'ils eurent avec :c y y voir son fils, dont la conduite lui causait de
lui, vers le même temps, une conférence dont ilsIs vifs vi chagrins. Ce jeune homme s'était en effet pré-
furent très-satisfaits. cipité dans tous les vices, et se ruinait en folles
ci
Après le départ des principaux conjurés, Cicéron n dépenses,
d entraîné par Gorgias, son maître de
s'était déterminé aussi à quitter Rome, non sans se ie rhétorique,
ri qui aimait beaucoup le plaisir, et en
plaindre dans toutes ses lettres que l'indolence de le particulier
p celui du vin. L'élève avait, à cet égard,
é- tellement
ses amis eût fait manquer l'occasion de rétablir la ré- t< profité aux leçons de son maître, qu'il
publique. En traversant les cantons voisins,il remar-r- buvait,
b dit-on, jusqu'à deux conges (environ 6
qua sur son passage la satisfaction qu'avait causée li
>e litres) d'un seul trait. Ce n'était pas trop de la pré-
partout la mort de César. « II n'y a point d'expres- s- sence
si de Cicéron pour redresser de pareils égare-
ments.
sion, écrivait-il à Atticus, qui puisse vous retracer n Toutefois, lajoie d'avoir trouvé dans Dola-
les témoignages de joie qui éclatent de tous côtés bella b un chef qui assurait au parti de la liberté
on vient au-devant de moi, on m'entoure, on veut Jt l'appui
il de l'autorité publique, lui fit ajourner son
entendre de ma bouche le récit de ce grand événe- e- départ
d après l'assemblée du 1" juin. Il se contenta
ment. Mais quelle est à présent notre politique! quele d'écrire
d en gtec à Gorgias une lettre fort sévère, et
de contradictions comment pouvons-nous crain- n- lui li ordonna de cesser tout commerce avec son fils,
dre ceux que nous avons terrassés, défendre les es lequel,
li cédant lui-même aux remontrances de ses
actes de ceux dont nous approuvons le châtiment, t amis a surtout à celles d'Atticus, répara toutes ses
souffrir que la tyrannie subsiste après la destruc- c- fautes
f et reprit tant de goût pour ses devoirs, que
tion du tyran, et voir la république presque anéan- n- son s père paya toutes ses dettes, et porta sa pension
tie après le rétablissement de la liberté? » annuelle
a à une somme qui peut être évaluée à plus
Peu de temps après, il reçut d'Antoine une lettre
re de i vingt mille francs.
1-"1_
Les principes bien connus de Cicéron ne Il-l'em-
l vers lui l'engagement de ne se gouverner que par
péchaient pas d'avoir de fréquentes entrevues avec ses conseils.
les derniers ministres de César, Pansa, Hirtius, Ses prétentions alarmèrent à la fois les républi-
Balbus qui continuaient à lui témoigner beaucoup cains et Antoine, qui aspirait lui-même à la succes-
de respect et d'amitié. Ils passèrent avec lui une sion de César.
Présenté au peuple par un tribun,
partie de l'été dans ses maisons de campagne. Mais le jour même de
son arrivée à Rome, Octave célébra
cet empressement n'était pas désintéressé. Ils étaient par des spectacles les victoires de
persuadés que, si le parti républicain l'emportait, son oncle, et fit
porter dans ces jeux la chaire d'or dont le sénat
personne n'était en meilleure position pour les pro- avait décerné le privilége
téger, et que si les intrigues d'Antoine faisaient re- la firent enlever, furent au dictateur. Les tribuns
et applaudis par tout le
vivre la tyrannie, Cicéron serait contre lui leur
corps des chevaliers. Cicéron ressentit une grande
plus puissante ressource. Pansa et Hirtius avaient joie de cet acte d'énergie, il
et surveilla Octave.
été désignés consuls pour l'année suivante. Brutus
Antoine mettait à profit tous les moments, et
et Cassius, sentant de quelle importance il était
marchait à son but avec autant de vigueur
de les faire entrer dans la parti de la république, que
pressaient Cicéron d'y employer toute son adresse, d'adresse. Dans son voyage en Italie, il s'était at-
surtout à l'égard d'Hirtius, qui leur était le plus taché les vétérans par de magnifiques promesses,
et'il en avait fait avancer vers Rome un corps
suspect. Les futurs consuls ne cessèrent pas de l'as- sidérable, pour s'en servir au besoin contre
con-
surer qu'il disposeraitde toute leur autorité pendant ennemis. Sa ses
Icur consulat; et, s'il lui resta quelque défiance politique prévoyante avait fait approu-
il
d'Hirtius, put croire que Pansa était sincère. ver par le sénat tous les actes de César maître de
Brutus et Cassius continuaient de vivre dans leur ses papiers et de son secrétaire Fabérius, il forgeait
retraite de Lanuvium, irrésolus, formant et aban- de nouveaux actes ou insérait dans ceux qui exis.
taient déjà tout ce qui pouvait favoriser
donnant mille projets, attendant les événements et ses vues.
le jour de l'assemblée du sénat. Brutus travaillait Il s'était ménagé par ce moyen un pouvoir absolu
tout ce qu'il voulait faire, il le disait écrit par le
avec soin un discours qu'il voulait y prononcer, dictateur,
il l'exécutait sans avoir désormais be-
et dont il envoya une copie à Cicéron. Préteurs de soin du et
Rome, et réduits à n'y point exercer leur charge, concours du sénat, dont l'indignation de^
ils y faisaient passer des édits sans autorité, où ils
meuraitimpuissante. Il vendait aux villes, aux États,
protestaient de leur amour pour la patrie, pour la aux rois, des priviléges et des immunités, disant
liberté, pour la paix, et proposaient même de se que ces faveurs leur avaient été destinées par César,
qu'il les trouvait toutes réglées dans ses papiers.
soumettre à un exil perpétuel, si on les croyait des et
obstacles au rétablissement de la concorde. « Est-ce là, écrivait Cicéron ce que nous devions
Cependant il s'était élevé depuis quelque temps voir? L'oeuvre de Brutus se réduit donc à le faire
vivre dans sa maison de Lanuvium, et à donner
sur la scène du monde un nouveau personnage, actes, aux
aux promesses, aux discours de César mort
que son âge et sa première obscurité ne semblaient plus
de force qu'ils n'en jamais eue pendant sa
pas appeler au grand rôle qu'il allait jouer. C'était le vie? » Antoine disposaitont
petit-neveu de César, et l'héritier de sa fortune et de tout; il distribuait des
de son nom. « Cétait dit un historien moderne l royaumes, et il tirait de ces marchés, ordinairement
conclus dans l'appartement de Fulvie, sa femme, des
un enfant de dix-huit ans, petit et délicat, souvent
malade, timide et parlant avec peine, au point que sommes si énormes, qu'ayant près de huit mil-
plus tard il écrivait d'avance ce qu'il voulait dire à lions de dettes aux ides de mars, il les avait payées
les calendes d'avril. Ces trafics scandaleux,
sa femme; une voix sourde et faible il était obligé avant
d'emprunter celle d'un héraut pour parler au peu- le pillage du trésor public, des sommes déposées par,r
ple assez d'audace politique il en fallait pour venir César dans le temple d'Ops, et de tout ce que le dic-
à Rome réclamer la succession de César. D'autre tateur avait laissé d'argent dans sa propre maison,
courage, point; craignant le tonnerre, craignant lui avaient donné plus de cent trente-cinq millions,
les ténèbres, et implacable pour qui lui faisait peur.» qu'il employa en partie à augmenter le nombre de
A la première nouvelle de la mort de César, il était ses troupes, et à acheter des partisans. Dolabella
parti d'Apollonie, célèbre école de Macédoine, où était accablé de dettes. Il lui offrit de les payer, et
il faisait ses études, et il avait pris le chemin de de l'associer dans la suite à la dépouille de l'empire,
eltalie. Balbus, Hirtius et Pansa, alors à Gènes, à la seule condition de rompre avec son beau-père
étaient allés au-devant de lui et l'avaient présenté et d'abandonner son parti. Dolabella promit tout;
à Cicéron, sous le consulat duquel il était né. Oc- et devint l'un des plus redoutables ennemis du parti
tave lui marqua les plus grands égards, et prit en- républicain.
Brutus ouvrit enfin les yeux sur la conduite d'An-
M Michclct.
toine, et, de concert avec Cassius, il lui demanda
par une lettre l'explication de ses desseins. « Que armée que des furieux méditaientcontre Tusculum.
veulent, lui disaient-ils, ces vétérans dont Rome Il n'en fallait pas tant pour le déterminer à rebrous-
s'emplit tous les jours et ceux qu'on y attend pour ser chemin, et à ne pas paraître à l'assemblée. La
le 1" juin ? Y aura-t-il sûreté pour nous à l'assem- plupart des sénateurs, tremblants comme lui, sui-
blée du sénat? » On ne voit pas qu'Antoine ait virent son exemple, laissant les consuls libres de
rëpondu à cette lettre il n'avait plus besoin de faire avec les sénateurs restants tous les décrets dont
feindre. ils avaient besoin.
Pendant le séjour de Cicéron à la campagne, Cicéron reprit alors le projet de son voyage en
où il recevait beaucoup d'amis, il trouva le loisir Grèce, ne voulant plus rentrer dans Rome que sous
de composer plusieurs ouvrages philosophiques, qui les successeurs des consuls en charge. Mais il n'était
nous sont heureusementparvenus. Le plus impor- pas permis à un sénateur de quitter l'Italie sans con-
tant est son traité de la Nature des Dieux, adressé gé il fallait qu'il fût chargé d'une de ces missions
à Brutus. Cet ouvrage fut bientôt suivi d'un traité libres (legatio libera) qui cachaient, sous un titre
de la Divination, où fauteur exposedans deux livres pompeux, l'inutilité du voyage, et donnaient droit
tout ce qu'on peut dire pour et contre cette science; aux mêmes honneurs que les ambassadeurs. Ci-
et d'un traité du Destin, qui est le complément du céron sollicita de Dolabella une de ces députations
précédent, comme celui-ci l'est du premier. Il com- honorifiques; il la sollicita aussi d'Antoine tous
posa encore à cette époque un traité des Avanta- deux n'eurent garde de refuser sa demande.
ges de la vieillesse, publié sous le nom de Caton, Brutus et Cassius devaient aussi quitter l'Italie,
et adressé au plus fidèle de ses amis, à son cher avec la commission de faire des approvisionnements
Atticus ouvrage dont on a dit qu'il donnait envie de blé, l'un dans l'Asie, l'autreen Sicile. Leurs amis
de vieillir. Peu de temps après, il fit à cet ami un avaient sollicité pour eux cette charge subalterne,
nouveau présent du même genre, et plus précieux pour donner un prétexte à leur absence, et leur
encore par le rapport particulier qu'il avait à la plus procurer les moyens de pourvoir à leur sûreté, et
douce et à la plus longue habitudede leur vie c'était d'armer quelques provinces pour la défense de la
le traité de l'Amitié. On suppose que sa traduction république. Mais cette commission était au-dessous
du 'limée de Platon fut achevée à cette époque. Il de leur dignité et Antoine, en mettant de l'empres-
s'occupait aussi constamment d'un autre ouvrage sement à la leur faire donner, avait trouvé unedou
commencé depuis plusieurs années, qu'il appelle ses blé satisfaction dans leur éloignement et dans leur
Anecdotes (Àvs'wîo™) et qui était l'histoire secrète humiliation. Hirtius, craignant qu'ils ne commen-
de son temps. Celui-là ne devait pas être publié de çassent la guerre, écrivit à Cicéron de les détourner
son vivant; il ne voulait le communiquer qu'à un pe- de partir. Cicéron les alla joindre à Antium, où ils
tit nombre d'amis; et Atticus, le premier confident devaient tenir conseil avec leurs meilleurs amis.
de ce travail mystérieux, le pressait souvent de Son sentiment fut qu'il fallait accepter cette com-
l'achever. Dion raconte que Cicéron remit cette his- mission. Brutus était d'avis de partir; Cassius, de
toire, cachetée, entre les mains de son fils, avec ordre rester. Cicéron vit avec peine ce désaccord. « Je n'ai,
de ne la lire et de ne la publier qu'après sa mort. dit-il, trouvé ici que ladivision.n'y a ni prudence,
Mais la suite des événements ne lui permit plus de ni ordre, ni raison dans tout ce qu'ils entreprennent.
revoir son fils, et l'ouvrage resta probablement Aussi suis-je plus déterminé que jamais à partir au
imparfait. Il s'en répandit toutefois des copies, et plus tôt, et à me retirer dans quelque coin du monde
Asconius, son commentateur, nous en a conservé où je n'entende plus parler de toutes les fautes qui
quelques traits. se commettent. »
Cicéron, vers la fin de mai, prit le chemin de Octave, en arrivant à Rome, avait reçu d'Antome
Rome, afin de se trouver le Ie' de juin à l'as- un accueil fort dur. Plein de mépris pour un jeune
semblée du sénat. Des nouvelles qu'il reçut en homme sans expérience, et de haine contre un ri-
chemin lui causèrent quelque effroi. On lui mandait val, le consul l'avait fait échouer dans ses préten-
que la ville était peuplée de soldats qu'Antoine en tions au tribunat, dignité que l'inclination du peu-
appelait de toutes parts, qu'il ne dissimulait plus ple semblait luipromettre. Mais tandis qu'Antoine,
ses projets de guerre, qu'il était résolu de retirer à par ses intrigues, ses menaces, son avarice, s'alié-
D. Brutus le gouvernement de la Gaule, pour s'en nait peu à peu tous les esprits, Octave, par une
emparer lui-même. Hirtius lui conseilla de ne pas conduite habile et prudente, sut gagner peu à peu
«'avancer davantage, et paraissait décidé à s'absen- la faveur du sénat, du peuple et des vétérans. Il n'é-
ter aussi. Varron lui écrivit que les vétérans tenaient tait besoin que de l'inimitié d'Antoine et d'Octave
des discours menaçants contre ceux dont ils ne se pour attirer sur ce dernier les regards du parti répu

i
croyaient pas favorisés. Greccéiust'avertit, de la partblicain. Cicéron parut changer d'opinion sur son ca-
de Cassius, de se tenir sur ses gardes, et de se pré- ractère, et concevoirde luide meilleures espérances.
tautionner surtout contre une tentative à main Je trouve, écrivait-il, qu'Octave ne manque ni
d'esprit ni de courage; mais son âge, son nom, ses
prétentions, ses conseillers, tout cela demande que
Pon examine sérieusement si l'on peut se fier à lui.
4
dde sûreté à s'embarquer 4
avec Brutus ct Cassius,
q avaient rassemblé une flotte considérable sur
qui
les côtes de Campanie. Brutus reçut froidement
U
Son beau-père ne le croit pas1; mais il faut toujours s; proposition. Cicéron, persuadé par les lettres
sa
le ménager, ne fût-ce que pour l'empêcher de se d'Atticus que tout le monde approuvait son dé-
d
lier avec Antoine. » part,
P pourvu qu'il fût de retour au commencement
Cicéron, pour se dérober à l'affluence des visi- d l'autre année, suivit lentement la côte jusqu'à
de
teurs, quitta sa maison de Baies, et se rendit à celle Khégium,
I< sortant chaque nuit de son vaisseau
qu'il avait dans levoisinage de Naples. C'est là qu'au pour
p la passer chez quelque ami. S'étant arrêté un
milieu des préparatifs de son départ et des préoc- jour
j< à Vélie, il y commença ses Topiques, et il
cupationsde la politique, il commença, pour Tins- avait
a achevé cet ouvrage avant son arrivée à Rhé-
truction de son fils, son traité des Devoirs et un gium.
g Ayant aussi, dans sa route, ouvert son traité
traité des Yertus. Son histoire secrète n'était pas sur
s la Philosophie académique, il s'aperçut que la
non plus négligée et il envoya bientôt à Atticus ce préface
p du 3. livre était la même qu'il avait déjà
fameux traité de la Gloire, qui s'est conservé jus- publiée
p en tête de son traité de la Gloire. Cedouble
qu'au quatorzième siècle. Pétrarque, qui en possé- emploi
e s'explique par l'habitude où il était d'avoir
dait le seul manuscrit que l'on connût, le prêta, dit- t
toujours en réserve un grand nombre de préfaces
on, à un vieillard, autrefois son précepteur, lequel appropriéesauxsujets
a habituels de ses études, et qu'il
était si pauvre, qu'il le mit en gage dans un moment pouvait
l appliquer, sans trop de changements, à
de besoin. On ne le retrouva plus. chaque
c ouvrage qu'il publiait. 11 en écrivit aussitôt
Cicéron et Attieus reçurent vers le même temps i nouvelle pour le traité de la Gloire, et la fit
dans leur famille, une consolation inattendue. Le une
parvenir
l à Atticus, en le priant de la substituer à la
jeune Quintus, leur neveu, qui, après la mort de première
I dans son exemplaire de ce traité.
César, s'était attaché à Antoine, et était même ARhégium, il reçut la visitedes principaux habi-
appelé son bras droit, prit tout à coup la résolution tants
t de la ville, qui lui apportèrent des nouvelles
de se joindre à Brutus, en protestant de son horreur j arrivées
¡ le même jour de Rome, et auxquelles
pour les desseins secrets d'Antoine. Il apprit à son i était loin de s'attendre. Il s'était fait, disait-on
il
père que ce consul l'avait engagé à se saisir des points dans
( Antoine un changement inespéré; il renonçait
les mieux fortifiés de la ville, et à le proclamer die- àî ses prétentions sur la Gaule; il se soumettait à
tateur; proposition qu'il avait repoussée. Quintus, Il'autorité du sénat; il allaitse réconcilier avec Bru-
charmé de ces sentiments, présenta son fils à Cicé- i et Cassius on ne s'entretenait plus que d'une pa-
tus
ron, lui répondant de sa sincérité, et le priant de <
cification générale; et les affaires, pour prendre la
le réconcilier avec Atticus. Cicéron fut beaucoup direction
( la plus heureuse, ne demandaient plus que
plus difficile à persuader que son frère, et ne douta ]la présence de Cicéron, dont on blâmait le départ.

pas que ce retour ne fût un


nouvel artifice pour Cicéron
( abandonna son projet de voyage. Atticus le
tirer d'eux de l'argent dont ce jeune homme endetté confirma dans cette résolution nouvelle, et le pressa
avait alors un pressant besoin. Mais celui-ci parvint de revenir. Dès que Brutus le sut de retour à Vélie
enfin à détruire les soupçons et les défiances de sa il alla le saluer, et lui apprit ce qui s'était passé
famille. Cicéron, après l'avoir observé quelque dans le sénat à l'assemblée du 1er juin. Pison s'y
temps, fut si persuadé de sa bonne foi, qu'à son était signalé par un discours plein de fermeté. Il
tour il le recommanda tendrement à Atticus, et le avait fait des propositions vigoureuses en faveur
présenta même à Brutus, comme un de ses plus de la liberté; mais personne ne l'avait secondé.
sûrs partisans. Quintus fut fidèle à ses promesses; Quoique, au fond, Cicéron continuâlde s'applaudir
et pour donner un témoignage éclatant de sa sin- de son retour, il lui parut qu'il n'était pas aussi
cérité, il eut la hardiesse, avant la fin de l'année, nécessaire à Rome qu'il se l'était imaginé, puisque
d'accuser Antoine devant le peuple d'avoir pillé aucun sénateur n'avait osé soutenir Pison, et que
le templed'Ops. Mais quelque motif qui eût déter- Pison ne s'était pas assez soutenu lui-même pour
miné ce changement de conduite, il fut fatal à son reparaître le lendemain au sénat.
père et à lui-même, et dut être compté parmi les Cicéron voyait alors pour la dernière fois Brutns,
griefs d'Antoine contre Cicéron. qui quitta bientôt l'ltalie avec Cassius. César leur
Le voyage en Grèce, projeté depuis si long- avait donné pour l'année qui suivrait leur préture,
temps, fut enfin entrepris au milieu de l'été (709). ). à l'un la Macédoine, à l'autre la Syrie; mais An-
Cicéron avait fait préparer trois petits navires pour toine les dépossédant tous deux du gouvernement
de de ces importantes provinces, avait fait donner ce-
sa suite et pour lui. Mais informé qu'il arrivait
tous côtés des légions, et que la mer était tou- lui de la Crète à Brutus de la Cyrène, à Cassius et
jours infestée de pirates, iljugea qu'il y aurait plusprenant pour lui-même la Macédoine, avait aban-
consulaire.
donné la Syrie à Dolabella. Tous ces arrangements
L. Philippe,
luits, il avait aussitôt envoyé son frère Caïus pren- vétérans qu'il avait eu soin de placer à portée de sa
dre en son nom possession de la première, tandis voix, aux portes du temple où était assemblé le
que, de son côté, Dolabella courait s'emparer de sénat.
la sienne. Ils voulaient prévenir leurs ennemis, aux- Cicéron s'était retiré dans la maison qu'il avait
quels ils supposaient le dessein de s'en saisir et près de Naples. C'est dans cet asile qu'il composa sa
qui, en effet, s'étaient enfin déterminés à s'éta- seconde Philippique, la plus célèbre de toutes, que
blir dans leurs provinces, pour y faire l'essai de les Romains appelaient une «œuvredivine, » et qui
leurs forces. a fait admirer comment, sur le déclin de la vie, il a
Dès que l'on sut à Rome que Cicéron allait y pu retrouver la chaleur et l'énergie des plus belles
rentrer, il se porta une telle foule à sa rencontre, productions de sa jeunesse. Cette harangue ne fut
qu'il mit presque un jour à se rendre des portes pas prononcée. Il en envoya seulement une copie à
de la ville à sa maison. Le sénat s'assemblait le Brutus et à Cassius, qui l'admirèrent.
lendemain (ter septembre). Antoine l'invita à s'y Octave se fortifiait touslesjours. Il sollicitaitavec
trouver. Cicéron se tint couché, prétextant le mau- ardeur-les soldats de son oncle, leur donnait de
vais état de sa santé et la fatigue du voyage, mais fortes sommes, leur en promettait de plus fortes,
•en réalité dans la crainte de quelque embûche. An- et en détachait un grand nombre du parti d'An-
toine, offensé du motif injurieux qu'on pouvait toine. Il fit tout pour gagner la confiance des ré-
donnera à cette absence, voulut envoyer des soldats publicains, et obtenirle commandement des troupes
avec l'ordre de l'amener de force, ou de brûler sa dont il prévoyait qu'on aurait besoin contre son ri-
maison. Mais à la prière de plusieurs personnes val. Il écrivit tousles joursàCicéron;ilil lui demanda
qui s'entremirent, il révoqua cet ordre, et se con- une entrevue secrète à Capoue, que celui.ci refusa;
tenta de faire prendre des gages sur ses biens. L'in- ii lefit prier par ses amisde revenir à Rome, l'en-
tention d'Antoine était de faire décerner ce jour- gageant à se mettre à la tête des affaires, à com-
là des honneurs extraordinaires à la mémoire de battre avec lui leur ennemi commun, à sauver une
César; et il s'était flatté, en foreant Cicéron de seconde fois la république, lui promettant de sui-
prendre part à la délibération, de le rendre ou mé- vre tous ses conseils, et l'appelant son père. Mais
prisable aux yeux de son parti, si la peur le faisait tant de promesses et de flatteriesdemeuraient sans
consentir à ce nouveau décret, ou odieux aux vé- succès. Cicéron se défiait toujours d'un enfant (c'^t
térans, s'il avait assez de fermeté pour s'y oppo- l'expression qu'il emploie, et dont Octave devait
ser. En son absence, le décret passa sans opposi- plus tard lui faire un crime), d'un enfant qui ne lui
tion. paraissaitpas capable de se mesurer avec Antoine
Le sénat s'étant assemblé le jour suivant, Antoine et qui, en cas de succès, se signalerait à son tour
s'absenta à son tour, et Cicéron prononça la pre- par des violences. Il était d'ailleurs bien décidé à
mière de ces harangues fameuses qui portent le ne reparaître à Rome que lorsque Antoine en se.
nom de Philippiques, et qui furent le dernier mo- rait sorti et il en attendait le jour dans l'étude et
nument de son éloquence. Il se plaignit de la vio- le travail. Outre la seconde Philippique, il acheva
lence qu'Antoine avait exercée contre lui, déclara son Traité des Devoirs, et commença celui des Pa-
qu'il n'aurait jamais consenti au décret de la veille; radoxes, espèce de développementdes principaux
et, entamant la discussion des affaires publiques, points de la doctrine des stoïciens.
ilexprima son sentiment avec une noblesse et une Antoine était allé à Brindes au-devant de quatre
fermeté dignes des meilleurs temps de la républi- légions qui revenaient de Macédoine; il espérait les
que, conservant à peine d'ironiques ménagements gagner à sa cause, et rentrer avec elles à Rome pour
pour Antoine et pour ceux qui tenaient après lui le l'asservir. Trois d'entre elles repoussèrent obstiné-
premier rang. ment ses offres. Il en fit venir les centurions, au
Furieux de ce discours, Antoineindiqua pour le nombre de trois cents, et les lit massacrer l'un après
19 une assemblée, à laquelle il invita nommément l'autre. Fulvie, avide comme lui d'un tel speitacle
Cicéron. Son dessein étant de lui répondre, il em- eut le visage couvert du sang qui jaillissait.
ploya tout l'intervalle à préparer sa harangue; et il DeretouràRome,il employaisreste de son consu-
passait des jours entiers dans sa maison de Tibur lat à dépouiller sesennemis de leurs gouvernements,
pour assurer sa déclamation.Il se trouva des premiers pour en revêtir ses amis dont quelques-uns n'osè-,
au sénat, avec une garde nombreuse, dans l'espoir rent pas les accepter. Tous ses édits respiraient la
d'y voir venir son adversaire, qu'il attendit en vain. fureur qui le possédait. JI accusait Cicéron d'avoir
Antoine qui, selon l'expression de Cicéron, parut inspiré seul à Octave, qu'il croyait flétrir du nom de
plutôt vomir que parler, se livra contre lui, dans Spartacus, toute sa hardiesse et tous ses projets. 11
son discours, aux derniers excès de la fureur, et traitait le jeune Quintus comme un infâme qui lui
t'accusa d'être le premier auteur de la conspiration avait offertd'assassiner son père et son oncle. Ayant
contre César, afin de pousser i quelque violence les convoqué le sénat pour le 24 d'octobre, il proférîi
des menaces terribles contre ceux qui se dispense-
.1'- -1-1- &L.
cendantde la
1- tribune, il aurait cru qu'il ne manquait
raient d'y assister. Cependant il s'absenta lui-même, rien à sa gloire, puisqu'il avait entendu le peuple
et indiqua une autre assemblée pour le 28. romain s'écrier « II a sauvé encore une fois la
Mais deux des trois légions qu'il avait trouvées patrie. » On pense que ce fut alors qu'il publia sa
inflexibles, avaient pris parti pour Octave, et s'étaient seconde Philippique; elle fut répandue dans Rome
saisies d'Albe, dans le voisinage de Rome. A cette et dans l'Italie, et lue partout avec avidité. Antoine
nouvelle, ilabandonna précipitamment la ville, ne la pardonnajamais à l'auteur,,et ce fut la prin-
pour aller s'emparer avec son armée de la Gaule ci- cipale cause de sa mort.
salpine, qu'il s'était tait donner, et que Décimus Le reste de cette orageuse année fut employé
Brutus occupait déjà. à lever des troupes pour la garde des nouveaux con-
Dès que Cicéron le sut parti, il quitta ses livres suls et pour la défense de l'État. On pressa les pré-
et la campagne, et revint à Rome, où il eut aussi- paratifs de la guerre avec d'autant plus de diligence,
tôt des conférencesavec les consuls désignés et avec qu'on apprit bientôt qu'Antomeavait formé le siège
Octave. Le sénat était convoqué pourle 20 décembre. de Modène, où D. Brutus, qui ne se trouvait pas
Cicéron avait résolu de n'y paraître qu'après l'ins- assez fort pour tenir la campagne, avait pris le
tallation des nouveaux consuls; mais comme on avait parti de se renfermer. Octave, sans attendre l'ordre
reçu la veille un édit de D. Brutus par lequel il in- du sénat, mais par le conseil de Cicéron sortit de
terdisait à Antoine l'entrée de sa province, et lui Rome à la tête de ses troupes, et marcha sur les
déclarait qu'il la conserverait au sénat et au peuple, traces d'Antoine. Lui-même n'était pas en état de
Cicéron crut nécessaire, pour encourager Décimus, le combattre; mais il espérait qu'en l'observant de
d'obtenir du sénat un décret en sa faveur. Il se ren- près, il trouverait l'accasion de lui nuire, et que
dit de bonne heure à l'assemblée; et le bruit qui cette diversionencouragerait Décimus à se défendre
s'en répandit aussitôt y attira tous les sénateurs. avec assez de vigueur pour donner aux nouveaux
Cicéron ouvrit la délibération. Il commença consuls le temps de s'avancer à son secours avec
(m8 Pkilipp.) par s'étonner qu'on voulût attendre le leur grande armée.
1er de janvier pour agir contre Antoine, qui n'atten- Tous les partis attendaient impatiemment l'ou-
dait pas ce terme pour agir contre la république; verture de l'année (710), pour juger des dispositions
il se plaignit qu'on laissât de simples particuliers des nouveaux consuls. Cicéron dans les fréquents
soutenir une guerre qui intéressait tout l'État; il entretiens qu'il avait eus avec eux, en avait obtenu
demanda qu'on récompensât leurs efforts; il exalta la promesse de combattre avec vigueur les ennemis
le dévouement de Décimus et les obligations qu'on de l'État. Mais ce qu'ils devaient à César, et leurs
avait au jeune César, dont le courage avait empêché liaisons avec ses partisans, leur laissaient des scru-
Antoine d'exécuter les projets funestes qu'il médi- pules qui arrêtèrent leur zèle et embarrassèrent
tait contre Rome. La conclusion de son discours leurs premières démarches. Ils voulaient, avant de
fut que les nouveaux consuls, Pansa et Hirtius, recourir à la voie des armes, employer celle des
devaient être chargés de la sûreté de la ville et du négociations. Ils montrèrent toutefois, à la pre-
sénat dans l'assemblée du 1" janvier; qu'il fallait mière assemblée du sénat ( Jcr janvier) beaucoup
décerner des remercîments à D. Brutus, à son ar- de noblesse et de fermeté et exhortèrent les séna-
mée, aux villes et aux colonies de sa province des teurs à prendre des mesuresdignes delà grande cause
éloges et de nouveaux honneurs à Octave et aux dont ils se disaient les chefs. Mais sachant que le
légions qui l'avaientsuivi. » Toutes ces propositions sentiment de Cicéron était que l'on commençât
furent adoptéesunanimement, et lesénatus-oonsulte par déclarer Antoine ennemi public, ils invitèrent
rédigé sur les conclusions de Cicéron. Fufius Calénus ami d'Antoine, à dire le premier
Du sénat, Cicéron se rendit au forum. Là (me son avis dans l'espoir que son opinion contraire
philipp.), il rendit compte au peuple de ce qui ve- aux mesures de rigueur, disposerait les esprits à
nait de se passer au sénat. Il combla de nouvelles la modération. L'opinion de Calénus fut « de sus-
louanges le jeune César, D. Brutus et leurs lé- pendre les hostilités, et d'envoyer une députation à
gions. Il appela Antoine ennemi de l'État, quoique Antoine, pour le prier de renoncer à ses préten-
le sénatus-consulte ne lui eût pas donné ce nom; il tions sur la Gaule, et de reconnaître l'autorité du
lui refusa celui de consul et le peuple applaudit à sénat. Plusieurs sénateurs se rangèrent à cet
tout. Il inspira aux Romains les sentiments qui avis.
avaient animé leurs ancêtres; il leur montra une Cicéron le combattitavec force (ve Philipp.). La
victoire facile, et les enflamma par l'amour d'une république ne pouvait traiter sans hoite avec un
liberté que le sénat à sa voix, à son exemple, allait citoyen armé contre elle, que divers arrêtes du sénat
reconquérir avec eux. Cicéron, en rappelant dans avaient implicitement déclaré ennemi public, et
la suite le jour où il avait prononcé ces deux haran- qu'il fallait flétrirde ce nom par un décret formel.
gues, déclara que s'il avait dû perdre la vie en des- Une députation ne serait pas seulement inutile
mais nuisible. Antoine ne se soumettrait à rien de opposa,
o et les partisans de la députation finirent
juste, et ces lenteurs retarderaient les opérations de par l'emporter.
p
la guerre, refroidiraient l'ardeur des troupes. Il fal- On nomma sur-le-champ pour députés trois sé.
lait, au contraire, ne pas perdre un seul moment, nateurs
n consulaires, S. Sulpicius, L. Pison, et L.
presser la levée des troupes à Rome et dans l'Italie I
Philippus; et Cicéron régla lui-même ou plutôt res-
suspendre les affaires civiles, fermer les tribunaux, t
treignit leurs pouvoirs. Ils ne pouvaient traiter avec
déclarer la patrie en danger, faire prendre à tous les Antoine;
A on les chargeait seulement de lui porter,
citoyens, aux sénateurs même, l'habit de guerre, et aau nom du sénat, l'ordre absolu de lever le siège
charger les consuls de pourvoir à la sûreté de la ré- deModène, et de cesser les hostilités dans la Gaule.
d
publique, en les armant de l'autorité d'une dictature Une si longue délibération intéressait si vive-
temporaire. » Passant ensuite à ce qui regardait les ment le peuple que, tous les jours, il se tenait as-
n
honneurs décernés dans la dernière assemblée du semblé
s au forum, afin d'en avoir des nouvelles, et
sénat, aux citoyens qui en avaient été jugés dignes, d'en
d connaître plustôtl'issue.Le nom.l'élogede Ci-
il présenta un modèle de décret séparé pour cha- céron
c étaient dans toutes les bouches et le jour où
cun d'eux, pour D. Brutus, pourOctave et pour Lé- li discussion fut close au sénat, toutes les voix l'appe-
la
pide. Les actes de ce dernier ne méritaient pas, il lèrent
Ii à la tribune aux harangues. Il y monta,
con-
est vrai, une telle faveur, et sa fidélité même était duit
d par le tribun Apuléius. Il rappela (yi Philipp.)
suspecte; mais se trouvant à la tête de la meilleure c qu'on avait arrêté, d'après son opinion, dans
ce
armée de l'État, ilétaitpeut-êtredetouslescitoyens 1l'assemblée du 20 de décembre; exposa ensuite en
celui dontil y avait le plusde mal à craindre et le plus peu
P de mots l'avis qu'il avait ouvert dans la séance
de services à espérer; Cicéron croyait d'ailleurs le d 1
du de janvier, et qui, après avoir prévalu pendant
gagner, pardes marques de confiance, au parti du trois
t jours, venait d'être abandonné. Toutefois,
sénat. Quant à Octave, après l'avoir de nouveau f
pour soutenir les courages, il s'attacha à prouver
comblé d'éloges, il proposa de lui accorder par un que
Ç
la décision du sénat était moins une mesure de
décret le commandement des troupes qu'il avait conciliation
c qu'une déclaration de guerre à Antoine,
rassemblées, et demanda pour lui le rang et les 1lequel refuserait certainement d'obéir. Il fallait
priviléges de propréteur. Il inotiva cette demande, cdonc, sans hésitation, sans délai, prendre les armes

en faveur d'un citoyen aussi jeune que César, sur et l'habit de guerre. On le verrait lui-même à la
les espérances qu'il donnait à la patrie. Il se rendit le tête
t des défenseurs de la liberté; tout son zèle, toute
garant de ses intentions; « il connaissait, dit-il, jus- s vigilance seraient consacrés à cette noble cause,
sa
qu'aux plus secrets sentiments de son cœur; il en- qui
ç lie pouvait périr.
gageait sa parole qu'Octave ne cesserait jamais Pendant que les députés se rendaient au camp
d'être ce qu'il étaitalors, c'est-à-dire, tel qu'on sou- d'Antoine,
c celui-ci pressait vigoureusementle siège
haitait qu'il fût toujours. » 11 demanda enfin des de c Modène et les amis qu'il avait à Rome voulant
récompenses pour les légions qui l'avaient suivi. Il engager
e le sénat dans de nouvelles négociations,
voulut que les consuls fussent chargés de leur assi- cherchaient
( à prévenir, par des raisons spécieuses
gner des terres, et leur remissent, après la guerre, le mauvais effet qu'y devait produire la réponse pré-
les sommes qui leur avaient été promises. sumée
s
d'Antoine. Calénus, qui était à la tête de ce
Le sénat sanctionna par un décret ces dernières parti, 1
entretenait avec lui une correspondance ac-
propositions de Cicéron; et quoique les distinctions tive,t et publiait celles de ses lettres qu'il jugeait le
sollicitées pour Octave parussent si excessives à Ci- plusI propres à jeter le doute et le découragement
céron même, qu'il n'avait cru pouvoir les proposer parmi 1
leurs adversaires.
sans offrir sa caution, plusieurs sénateurs allèrent Cicéron ne fut pas trompé longtemps par ces in-
encore plus loin que lui, et demandèrent pour l'hé- trigues.
1 Il s'efforça de ranimer le courage des sé-
ritier de César, l'un l'érection d'une statue, l'autre nateurs
i (vir* Philipp.). Il déclara qu'il ne fallait, à
le privilège de posséder avant l'âge toutes les ma- aucun prix, consentir à la paix avec Antoine, parce
gistratures. que cette paix serait honteuse parce qu'elle serait
Mais les débats sur la députation furent plus funeste, parce qu'elle serait impossible trois points
1

longs et plus violents. Quelques-uns des principaux qu'il démontra victorieusement. Il dévoila les pro-
j
sénateurs appuyèrent cet avis, et les consuls qui jets de ceux qui la demandaient, et laissa tomber
le favorisaient, voyant que la majorité des suffra- quelques railleries amères sur Calénus, qui n'y
des injures dans le goût
ges inclinait à celui de Cicéron, laissèrent durer la trouva d'autre réponse que
discussion jusqu'à la nuit. Elle recommença le len- de cette apostrophe: « Voilà ce que j'ai voulu, à
demain avec la même chaleur, fut de nouveau pro- « Cicéron, ou Cicercule, ou Cicérace, ou Cicéri-
longée jusqu'au soir, et reprise le troisième jour. « the, ou quelque autre nom que tu choisisses..»
On allait enfin rédiger un sénatus-consulte conforme Cependant les consuls, animés par Cicéron,
à l'opinion de Cicéron mais le tribun Salvius s'y avaient hâté les préparatifs de guerre. Hirtius t'é-
tait déjà dirigé vers la Gaule à la tête d'une armée, «« de mieux disposé que le peuple et toute l'Italie.
tandis que Pansa, resté à Rome, continuait de près- ««
Rien de si méprisable que nos députés. Tout le
ser les levées. Hirtius espérait que ses forces réunies ««
monde a recours à moi, et je suis, grâce au ciel,
à celles d'Octave suffiraient pour contenir Antoine, «« devenu populaire dans une bonne cause. »
en attendant que Pansa parût avec des légions nou- Les consulaires, cause de leur dignité, étaient
velles, et le mît en état de livrer une bataille dont sxemptés de revêtir l'habit de guerre comme les
es
le succès lui semblait certain. autres citoyens. Pour rendre plus frappante encore
ai
Antoine refusa de se soumettre aux ordres du l'imminence du danger, Cicéron renonça de ce jour
l'i
sénat. Il ne permit même pas aux députés de parler àà son privilège, et prit le sagum avec le reste de la
àD. Brutus, comme le prescrivaient leurs instruc- ville.
vi
tions; défense qui les fit recourir à des stratagèmes Pansa convoqua le lendemainl'assembléedu sénat,
dont l'histoire a conservé le souvenir. Ils s'étaient pour y faire décerner des honneurs à la mémoire de
p
procuré quelquesplongeurs qui portaient sous l'eau l'i
l'un des trois députés, L. Sulpicius, qui, parti malade
à Décimus des avis gravés sur des lames de plomb. (JeRome, était mort en arrivant sous les murs de Mo-
di
Antoine, qui découvrit la ruse, coupa ces commu- dène. Il demanda pour lui des funérailles publiques,
di
nications en faisant placer dans le fleuve des trappes u tombeau, une statue. P. Servilius, qui donna
un
et des filets. Il en fut alors établi une autre par les son avis après lui, approuva les deux premières par-
s<
airs, et des pigeons devinrent des messagers plus ti de sa proposition, mais repoussa l'autre. Lié par
ties
sdrs. Antoine fit porter à Rome par les députés u étroite amitié à Sulpicius, celui des députés sur
une
même des conditions qu'ils eurent la faiblesse de re- lequel
le les bons citoyens avaient fondé le plus d'es-
cevoir et l'imprudence de transmettre au sénat. Ces pérances,
p Cicéron reprit la demande du consul, et y
conditions étaient celles d'un maître des récom- donna
d même une nouvelleextension dans le décret
penses et des terres pour ses troupes; pour lui, le qu'il
q proposa (ixe Philipp.), et qui portait»qu'il se-
gouvernementde lagrande Gaule pendantcinq ans; rait
r; élevé sur la tribune aux harangues une statue
une armée de six légions, formée en partie des trou- d'airain
d à Sulpicius, avec une inscription sur la base
pes retirées à Décimus; le maintien de toutes ses o on lirait qu'il était mort au service de la patrie;

lois judiciaires, de tous les décrets portés par lui au qque l'on concéderait, autour de cette statue, un es-
nom de César. pace
p de cinq pieds carrés à ses enfants et à sa pos.
Ce rapport souleva l'indignation de Rome entière, térité,
ti pour assister aux combats des gladiateurs;
et donna beaucoup d'avantage à Cicéron pour ra- qu'on
q lui ferait de magnifiques funérailles aux frais
mener le sénat à son sentiment. Toutefois le parti d l'État, et que le consul Pansa marquerait, dans
de
de Calénus fut encore assez fort pour obtenir quel- li champ Esquilin ou ailleurs, une place de trente
le
ques ménagements en faveur d'Antoine par exem- pieds
p carrés, pour servir de sépulture à lui et à tous
ple, pour faire qualifier son entreprise de « tumulte » sses descendants. »
au lieu de guerre et de révolte; et le rebelle, « d'ad- Le sénat adopta le décret dans la forme même
versaire, » et non d'ennemi public. Pansa concou- dont
d Cicéron t'avait revêtu, et un jurisconsulte du
rut même par son suffrage à ces mesures timides. troisième
t siècle affirme que la statue subsistait en-
Mais Cicéron fit prévaloir à son tour des réso- ccore de son temps.
lutions plus importantes..Les partisans d'Antoine Ni Brutus ni Cassius n'avaient écrit au sénat de-
avaient proposé une seconde ambassade il la fit puis
p leur départ d'Italie. Le consul Pansa reçut en-
repousser. Il blâma ces ménagements honteux que fin du premier une lettre qui l'informait des avan-
fi

l'on gardait encore avec Antoine, releva l'arrogance ttages remportés par lui sur Caïus, frère d'Antoine,
et l'absurdité de ses demandes, fit honte aux dépu- avec
s les troupes qui lui servaient à contenir dans la
tés d'avoir eu la bassesse de les rapporter, de les soumission
s les provinces de Macédoine, d'Illyrie et
entendre, dénonça les manœuvres de ses partisans, de
c Grèce. Ces dépêches faisaient en outre mention
reprocha leur mollesse aux consulaires, proposa un de quelques autres succès, dont une partieétait duc
terme (le 15 mars) au delà duquel tous ceux qui au jeune Cicéron, qui commandait la cavalerie de
resteraient attachés à Antoine seraient regardés 1Brutus.
comme ennemis publics et 6t d'autres propositions Le sénat aussitôt convoqué, le consul demanda
qu'adopta le sénat. Il paraît même que le consul, à pour| Brutus des actions de grâces et des honneurs,
qui il avait adressé, dès le début de son discours, et, t suivant son usage, il invita Calénus, son beau-
de sévères remontrances, le seconda dans toutes ses père, à dire son opinion. Calénus l'avait rédigée; il
demandes. Il rendit compte de cette séance à Cassius ne lit que la lire; elle portait en substance « Que
• Nous avons lui dit-il, d'excellents
consuls, mais la lettre de Brutus était correctement écrite, mais
« d'infâmes
consulaires. Le sénat est plein de cou- qu'ayant agi sans autorisation, il devait être prié de
« rage; mais ce n'est pas
dans les premiers rangs remettre son armée à celui qui en recevraitle com-
« que sont les gens decœur. Rien de plus
ferme, rien mandement du sénat. Cicéron avec son ironie
habituelle, attaqua la forme d'une telle proposi- Servilie, belle-mère de Cassius, et tous ses amis,
tion avant d'en ruiner lefond (x' f/i!?ipp.] Que la s'efforcèrent, dans cet intervalle, d'obtenir de Ci-
lettre de Brutus filt correctement écrite, c'était le céron qu'il renonçât à parler en sa faveur, dans la
sujet d'un mince éloge et qui le regardait moins que crainte d'exciter contre Cassius et de s'attirer à lui-
son secrétaire; il n'y avait au monde que Calénus même le ressentiment de Pansa. Aucune considéra-
qui eat imaginé de proposer un décret ainsi conçu tion ne put l'ébranler, et le lendemain il appuya de
Telle lettre est écrite correctement. » II combattit toutes les forces de son éloquence le décret qui devait
ensuite avec énergie le reste de la proposition, fit
sauver l'honneur de Cassius (xi* Philipp.). 11 s'é-
le plus grand éloge de Brutus opposa sa conduite, leva avec énergie contre la cruauté de Dolabella,
dans cette guerre, à celle de Caïus, qu'il flétrit des présagede celles d'Antoine, si jamais il était vain-
mêmes couleurs dont il avait coutume de peindre
queur. Il fit du premier un portrait affreux, de-
son frère Antoine; et il soumit à la sanction du sé- manda pardon aux dieux et aux hommes de l'avoir
nat un décret qui laissait à Brutus la garde des pro- eu pour gendre, et s'applaudit de ce qu'on l'avait
vinces de Macédoine, d'Illyrie et de Grèce, et le déclaré ennemi public. Puis réfutant l'une après
commandement de l'armée levée par lui. Celui-ci l'autre les deux propositions de Calénus, il prouva
pouvait, en conséquence, employer à la solde de ses
que Cassius seul pouvait faire la guerre avec succès.
troupes les revenus de l'État, et, en cas d'insuf- Cicéron sortit du sénat après la délibération, et
fisance, imposer des contributions nouvelles. En- alla droit au forum, pour y recommander Cassius
fin il lui était permis d'approcher avecses troupes
au peuple. Il le lit « d'une voix qui, écrit-il rem-
aussi près qu'il voudrait de l'Italie. plit le forum. » « Les applaudissements surpassè-
Gcéron envoya cette harangue à Brutus avec celle
rent, dit-il ailleurs, tous ceux qui avaient jamais
du 1er de janvier. Brutus en fut si satisfait, que accueilli ses harangues. » Mais Pansa l'avait suivi
Cicéron se crut autorisé à lui envoyer toutes les
pour affaiblir l'autorité de ses paroles, il déclara
autres.
au peuple que l'avis de Cicéron était repoussé par
Des nouvelles sinistres corrompirent bientôt la
joie causée par ces heureux événements. Dolabella
ses meilleurs amis, et par les parents même de Cas-
sius. Quelques historiens ont prétendu que le ré-
avait fait prisonnier le proconsul Trébonius, un sultat de ce débat fut à l'avantage de Cicéron; il.
des conjurés; et il avait souillé sa victoire par une
paraît au contraire, par une lettre qu'il écrivit de
horrible cruauté. Trébonius avait subi la torture
suite à Cassius, pour expliquer sa conduite, que le
pendant deux jours; après quoi on lui avait coupé crédit de Pansa l'ayant emporté sur le sien ce fut
la tête, et promené ses tristes restes dans le camp
de Dolabella. Celui-ci fut aussitôt déclaré ennemi aux consuls qu'on décerna les deux provinces. Mais
Cassius suivit le conseil de Cicéron, qui était de
public par le sénat assemblé; tous ses biens furent
confisqués; et Calénus même déclara que si l'on ou- ne se point embarrasser des décrets portés à Rome
il continua la guerre sous ses propres auspices, et
vrait un avis plus sévère, il n'hésiterait pas à l'em-
défit Dolabella, qui se donna la mort pour se sous-
brasser. Il se flattait de jeter Cicéron dans quelque
traire à la vengeance du vainqueur.
embarras, à cause de son alliance avec Dolabella,
Cependant D. Brutus était pressé si vigoureuse-
en faveur duquel il pensait que l'illustre consulaire ment dans Modène, que ses amis en conçurent de
hasarderait un avis plus modéré. Mais s'il se trompa
vives alarmes. On ne doutait pas que s'il tombait au
sur ce point, il l'embarrassaen effet par une autre pouvoir d'Antoine, il n'éprouvât le même sort que
proposition c'était celle de choisir un général pour
commander les forces de la république contre Do-
Trébonius; et cette crainte agit si puissamment sur
le cœur de Cicéron, que sur de nouvelles proposi-
labella. Calénus ouvrit à la fois deux avis l'un, que
tions de paix faites au sénat, il consentit non-seu-
P. Servilius fût envoyé contre lui avec une com-
mission extraordinaire du sénat; l'autre, que l'on lement au décret d'une seconde ambassade,mais à
donnât aux consuls les provinces d'Asie et de Syrie. en faire lui-même partie avec quatre autres consu-
laires. Puis s'étant bientôt convaincu que les par-
La seconde de ces deux propositions fut accueillie
tisans d'Antoine n'avaient donné que de fausses
avec faveur, surtout par le parti d'Antoine, qui n'y
voyait quedesavantages.Eneffet, on détournait l'at- espérances, et qu'il exposerait inutilement sa vie
tention des consuls de la guerre d'Italie; on donnait pour sauver celle de Décimus, dès la première as-
semblée du sénat il demanda instamment que le
à Dolabellale temps de se fortifier en Asie; on jetait
projet de cette ambassade fût abandonné ( xn" Phi-
des semences de froideur entre les consuls et Cicé-
affront à Cassius, qui, se trou- lipp.), et démontra qu'il y était d'ailleurs moins
ron et on faisait un s'était trompé, tout lemonde
vant sur les lieux, semblait avoir plus de droit que propre qu'un autre. «11
s'était trompé avec lui; l'erreur est le partage de
personne à continuer la guerre.
l'humanité, mais il n'y a que le sage qui sache répa-
Le débat ayant duré tout le jour sans amener
aucun résultat, l'assemblée fut remise au lendemain. rer ses fautes. » Et l'assemblée sanctionna par un
nouveau décret l'incontestable vérité de ces maxi- la république. C'est à les conseils, à son autorité,
1;

mes. à son exemple, qu'elle devait l'élan généreux qui


Vers la fin du même mois (avril), Pansa sortit de retarda
r l'instant de sa ruine; il avait soulevé contre
Rome à la tête d'une armée, pour joindre Hirtius i
Antoine toutes les forces de l'Italie. Si Octave était
et Octave, et tenter une bataille décisive qui délivrât aussi
a dangereux qu'Antoine pour la cause publique,
Décimus. l'opposition
1 de leurs intérêts personnels et la jalou-
Tandis qu'Antoine jetait ainsi dans Rome l'in- sie
s qu'ils avaient déjà fait éclater mutuellement,
certitude et la confusion, il s'efforçait d'ébranler pouvaient
[ servir àles ruiner tous deux. Cicéron en
lafidélitéd'Hirtiusetd'Octave.Maisleursréponses, ménageait
r adroitement les occasions, avec l'atten-
toujours pleines de fermeté, le renvoyaient constam- tion
t toutefois de se précautionner contre Octave, en
ment à l'autorité du sénat. Il fit un nouvel effort; mettant
r la supériorité des forces du côté des con-
et dans une lettre adroitement mêlée de reproches suls,
s dont il était parvenu à faire les zélés partisans
et de flatteries, il les plaignit d'oublier leurs vérita- i la liberté. Outre les difficultés qu'il avait ren-.
de
bles intérêts, pour se laisser conduire aveuglément contrées
( à conduire ainsi les affaires d'Italie, il
par Cicéron, qui ne pensait qu'à rétablir la faction trouvait
t d'autres obstacles au dehors dans les gou-
de Pompée, et qu'à se créer un pouvoir dont ils se- verneurs
i de provinces. Presque tous devaient lenr
raient les premières victimes. Hirtius et Octave, <
élévation à César ils avaient été les soutiens de
l'envoyèrent à ssa tyrannie, et désormais détachés du parti de la
au lieu de répondre à cette lettre,
Cicéron, pour en faire l'usage qu'il jugerait conve- vieille
i république, ils espéraient ou s'élever eux-mê-
nable. mes au souverain pouvoir, ou du moins le partager,
De son côté, le sénat en recevait une de Lépide, en épousant la cause de quelque ambitieux qui eût
qui se contentait de l'exhorter à la paix, et ne don- plus de puissance avec les mêmes prétentions. De
nait aucune marque de reconnaissance pour les i tels citoyens, chefs d'armées nombreuses, n'étaient
guère disposés à marquer de la soumission pour le
honneurs que Cicéron lui avait fait décerner. Ce
silence blessa les sénateurs, et confirma le soupçon sénat qu'ils s'étaient accoutumés à mépriser, ni à
de ses intelligences avec Antoine. L'assemblée or- mettre le pouvoir militaire, qui avait longtemps
donna par un décret, « qu'on lui ferait des remer- gouverne, dans la dépendance de l'autorité civile.
ciments de son zèle pour la paix; mais qu'on le C'est cependant ce que tenta Cicéron, avec une
prierait de ne s'en plus mêler, et d'en laisser le activité, une adresse, une autorité, qui le rendaient
soin à ceux qui étaient persuadés qu'elle était im- digne de ce rôle.
possible, si Antoine ne mettait bas les armes et ne Il était déjà l'âme du sénat; il en dictait les déli-
la demandait lui-même. » Toutefois, la lettre de bérations il y jouissait d'une autorité immense,
Lépide fut, pour les amis d'Antoine, une nouvelle qu'il ne devait à aucune grande charge, mais à la su-
occasion de proposer un traité avec ce rebelle. Ci- périorité de son éloquence et de ses vues. Il voulut
céron combattit aussitôt (xuie PMipp.) la propo- que son influence s'étendît au delà de Rome, au delà
sition de ce traité de paix, qu'il appelait « un traité de l'Italie. Il n'épargna ni les exhortations dans ses
d'esclavage, » tout en protestant de sa considéra- lettres aux gouverneurs des provinces, ni les sé-
tion pour Lépide; puis s'emportant contre Antoine ductions par l'offre des dignités, et la perspective
à ses invectives ordinaires, il montra que toute d'une grande part dans le gouvernement légitime.
espérance de paix était avec lui trompeuse et fu- Il entretenait avec eux une correspondance régu-
neste et il en donna pour nouvelle preuve la lettre lière. Ceux qui lui inspiraient le plus de défiance,
à Hirtius et à Octave, qu'il lut à l'assemblée, re- et qu'il pressait avec !e plus d'énergie, étaient Lé-
levant avec une raillerie ingénieuse et vive, l'extra- pide, Plancus, Pollion, Cornificius, que le nombre
vagance, les rancunes, la fureur dont chaque mot de leurs troupes et l'importance de leurs gouver-
était empreint. nements rendaient plus capables de servir la répu-
Aussitôt après ce débat, dont le résultat fut oon- i blique ou de lui nuire. Il leur représenta si vive-
forme à son discours, il écrivit à Lépide une lettre ment les avantages et les forces de la bonne cause,
courte et froide, comme pour lui faire entendre l'union du sénat, du peuple, des consuls, de toute
qu'on était fort tranquille à Rome, et que ses ac- l'Italie, qu'il en gagna entièrement quelques-uns,
tions, quelles qu'elles fussent, y causeraient peu et forca les autres de dissimuler du moins leurs
d'inquiétude. intentions coupables, d'en affecter de pures ,'et sur-
Plancus, qui commandait dans la Gaule, avait tout, ce qui était important, de demeurer neutres
écrit au sénat dans le même sens que Lépide. Ses jusqu'à la conclusion des affaires d'Italie, dont le
exhortations reçurent le même accueil, et Cicéron sort de la république semblait dépendre.
lui fit une réponse encore plus froide qu'à Lépide. Pour prix de tant de soins et de peines, il avait
Cicéron avait fait tout ce qu'on pouvait attendre sans cesse à lutter, dans le sein de Rome, contre les
de la prudence humaine pour le rétablissement de intngues et la rage des factieux. Ceux-ci rendaient sa
position de plus an puis embarrassante par les nou- ttoute la ville, victime de ses fureurs. Si on avait
velles qu'ils feignaient de recevoir tous les jours sur répandu
r les bruits odieux de dictature, c'était dans
la situation de Modène; ils ne parlaient que des 1 dessein de tomber sur lui comme sur un tyran;
le
succès d'Antoine, et de son union avec les consuls. e sa mortdevait être signal du massacre de toute
et
Ces bruits répandirent même dans la ville une telle la
1, ville. Le complot était manifeste, et il se réser-
frayeur, que beaucoup de citoyens ne pensaient vait
t d'en prouver plus tard la réalité. »
plus qu'à la quitter. Au milieu de cette consterna- Le sénatadopta sans restriction toutes les propo-
tion, Cicéron affecta de paraître tranquille et gai; sitions
s contenuesdansson discours, le dernier qu'il
et s'il éprouva quelque chagrin sensible, ce fut du ait
g prononcé, ou qui, du moins, nous reste de lui.
bruit injurieux que ses ennemis firent courir, qu'il Les consuls et Octave remportèrent bientôt sur
voulait serendre maître de Rome, et se faire nom- Antoineunautre
J avantage encore plusdécisif et qui
mer dictateur. Il devait même, ajoutait-on, se délivra
( Décimus. Mais Ilirtius fut tué; et Pansa,
montrer en public, avant deux jours, avec les fais- blessé
1 dans la première action, mourut quelques
ceaux. Mais le tribun Apuléius, un de ses plus fi- jjours après à Bologne.
dèles amis, ayant répété devant le peuple cette mi- La mort des deux consuls portait toiit-d'un coup
sérable calomnie, l'assemblée répondit d'une voix Octave au plus haut degré de la puissance, en le
unanime « que Cicéron n'avait jamais rien fait ni plaçant
j à la tête de deux armées nouvelles, et de
voulu qui n'eût pour objet le plus grand bien de la tous les vétérans, qui n'avaient pas voulu se rallier
république. » Quelques heures après ce grand acte à Décimus. Cicéron prévit les conséquences funes-
dejustice populaire, Cicéron reçut, avec non moins tes de cet événement. Il fit part de ses alarmes à
de joie, la nouvelle d'une victoire remportée sur Brutus et à Cassius, les pressa, dans toutes ses let-
Antoine. tres, de revenir en Italie; et pour donuer plus d'auto-
Cette nouvelle causa dans Rome une allégresse rité à ses instances, il obtint du sénat un décret qui
égale à la terreur qu'y avaient répandue les bruits les rappelait, avec leurs légions, à la défense de la
contraires. Le peuple s'assembla aussitôt devant la patrie. Mais il ne paraît pasqu'ils en eussent le moin-
maison de Cicéron, et le conduisit au sénat, comme dre désir; et Cicéron fut réduit à lutter presque
en triomphe. A son retour, le même cortége l'ac- seul contre les événements et contre les hommes,
compagna jusqu'à la tribune aux harangues, où il qui devaient tour à tour tromper sa prévoyance.
montra tout ce que la république avait à espérer JI imagina de faire décerner le tr'omphe à Octave,
de ce premier avantage; après quoi il fut reconduit ce qui était d'une politique habile; car, sous une
chez lui par la foule, au milieu des applaudissements. apparence d'honneur, elle tendait à le dépouiller de
Dans le sénat, il combattit l'opinion de Servilius, son autorité, l'usage étant que le commandement
qui voulait que l'on quittât l'habit de guerre ( xiv" finît et que l'armée fut congédiée le jour où un
Philipp.). « L'unique objet de cette guerre étant la général mettait le pied dans Rome comme triom-
délivrance de Décimus, on ne pouvait reprendre phateur. Mais le sénat voulut user d'une autre
la toge avant que Décimus fut délivré. Il réclama le politique. 11 chercha d'abord à s'attacher les armées
titre A'imperatorpour les trois généraux Hirtius, par l'appât des distinctions et des récompenses,
Pansa et Octave, qui avaient vaincu Antoine, et il pour les congédier ensuite sous prétexte que !a
fit longuement le panégyrique de chacun d'eux. 11 république, délivrée d'Antoine, n'avait plus besoin
demanda en leur nom cinquante jours d'actions de de tant de soldatsarmés pour elle. Ce moyen n'ayantt
grâces; il provoqua un nouveau sénatus-consulte pas réussi, on eut recours à un autre; ce fut de
qui garantît aux soldats de la république les ré- combler les uns d'honneurs, d'argent, de privilé-
compenses qui leur étaient réservées après la guerre, ges, et de tout refuser aux autres, dans l'espoir de
et les transmît aux parents de ceux qui n'y auraient les affaiblir en séparant leurs intérêts et en se.
pas survécu. Il voulut en outre qu'un monument mant entre eux des germes de jalousie et de haine.
magnifique fût érigé en l'honneur de ces illustres On leur envoya des députés en l'absence d'Octave;
morts, et qu'on y gravât en lettres d'or les témoi- mais ils refusèrent de les entendre s'il n'était pré-
gnages éternels de leur vertu. Il s'étonnait qu'An- sent, et déjouèrent ainsi les projets du sénat.
toine, après toutes les horreurs qu'il avait com- Fort de l'appui de ses troupes, Octave demanda
mises, après toutes celles qu'il méditait, n'eût pas le consulat. Plutarque prétend qu'il fit prier Cicé-
encore été déclaré ennemi public. Il est vrai qu'en ron d'obtenir cette dignité pour tous deux, l'assu-
décernant des actions de grâces pour la victoire rant qu'il disposerait de tout à son gré, qu'il joui-
remportée sur lui on lui donnait en réalité ce ti- rait seul de leur commune autorité. Il ajoute même
tre n'y ayant aucun exemple qu'un tel honneur queCicéron, séduit par les flatteries et les promesses
eût été accordé à d'autres qu'à ceux qui avaient d'Octave favorisa ses prétentions, et lui donna les
vaincu un ennemi. Cicéron lui-même n'avait-il passuffrages du sénat; mais plusieurs des lettres de
manqué, peu de jours auparavant, dît te, avecCicéron prouvent que cet historien s'est trompé. Le
enturion qui,
«eul qui sollicita pour Octave fut ce centurion fa- du
qui,fa- du Réuo
Réno près Bologne. Ils s'y rendirent par des
de Bolo
près de
tigué des retards du sénat, dont aucun membre, pas chemins différents, avec toutes les précautions qui
même Cicéron, ne voulait proposer le décret du convenaient à leur caractère soupçonneux et jaloux,
censtilat, s'écria en montrant son épée « Voiciaccompagnésde leurs meilleures troupes, qui avaient
qui le lui donnera. » Octave marcha en effet sur séparément leur camp en vue de l'île. Lépide y en-
Rome avec ses légions, se fit nommer consul avec tra le premier, comme l'ami commun des deux au-
Pédius, son parent, assemblales comices, qui con- tres, pour s'assurer qu'il n'y avait pas de trahison à
firmèrent son adoption, s'empara de tout l'argent craindre. Lorsqu'il eut donné le signal convenu t
ju'il trouva dans le trésor public, le distribua à ses Antoine et Octave s'avancèrent des deux côtés du
soldats, fit condamner à mort les meurtriers de fleuve, et passèrent dans l'île sur des ponts de bate-
César, et reprit enfin son rôle véritable. aux, où ils laissèrent chacun de leur côté une garde
Il n'avait pas voulu poursuivre Antoine vaincu de trois cents hommes. Leur premier soin en s'a-
il en fut en vain sollicité parle sénat; il trouva mille bordant fut, dit-on, de visiter réciproquement leurs
excuses; et lorsqu'il feignit d'y penser, il fit com- habits, de peur qu'il ne s'y trouvât quelque arme ca-
prendre aisément qu'il était trop tard. Pressé par chée. Octave, en qualité de consul prit ensuite
Cicéron, D. Brutus, après avoir hésité quelque place entre les deux autres, et ils passèrent ainsi
temps, se mit, avec Plancus à la poursuitede l'en- trois jours à former le plan du second triumvirat.
nomi, à la tête d'une armée en partie composée de Le dernierarticle de cette fameuse convention fut
recrues, et qu'il était obligé de soutenir à ses frais. une liste de proscriptions qui comprenaittrois cents
Mais les forces d'Antoine grossissaient tous les sénateurs et trois mille chevaliers. La publication
jours. Ventidius lui avait amené trois légions; Lé- en fut ajournée jusqu'à l'arrivée des triumvirs à
pide vint se joindre à lui avec toutes les siennes, et Rome; ils exceptèrent toutefois de l'ajournement
se contenta d'écrire au sénat qu'il avait été contraint ceux, au nombre de dix-sept, qu'ils avaient le pins
d'obéir à ses troupes mutinées. Le sénat le déclara d'intérêtà ne pas laisser vivre plus longtemps Ci-
ennemi public, et fit abattre la statue qu'on lui avait céron était le premier. Ils firent partir aussitôt des
élevée récemment. Lépide avait épousé la soeur de émissaires pour les surprendre et les massacrer,
M. Brutus, et il en avait eu plusieurs enfants dont avant qu'ils eussent la moindre défiance du danger.
la fortune se trouvait ruinée par ce décret, qui en- Cicéron était, avec son frère et son neveu, dans
trainait la confiscation des biens de leur père. Ser- sa maison de Tusculum, quand il reçut la première
vilie, leur grand'mère et la femme de Cassius, leur nouvelle des proscriptions, et du sort qui l'atten-
tante, suppl ièrent Cicéron d'en empêcherl'adoption, dait. H partit sur-le-champ avec eux pour sa terre
ou d'obtenir une exception en faveur des enfants. d' Asture voisine de la mer, dans l'espoir d'y trou-
Mais il ferma l'oreille à leurs prières. Brutus lui ver quelque vaisseau. Mais comme ils étaient sans
écrivit sur le même sujet une lettre des plus pres- argent, Quintus résolut de retourner avec son fils à
santes, et Cicéron fit suspendre l'exécution du dé- Rome, pour y recueillir de quoi subvenir à leurs
cret en ce qui regardait la confiscation. besoins dans quelque contrée lointaine. Dans cet
Deux légions qui revinrent alors d'Afrique, d'où intervalle, Cicéron ayant trouvé un vaisseau prêt à
le sénat les avait rappelées, furent reçues dans partir d'Asture, s'embarqua; les vents contraires le
Rome avec une joie incroyable. Mais cette joie dura contraignirentbientôt de prendre terre à Circeii. Il
peu; ces légions embrassèrent le parti d'Octave. passa
la nuitdans le voisinagede cette ville, en proie
Pollion, qui revint aussi d'Espagne avec deux de aux plus cruelles perplexités. JI délibéra s'il irait
ses meilleures légions, alla se joindre à Antoine.
chercher unrefuge auprès deBrutus, de Cassius on
Plancus abandonna D. Brutus, qui, en butte aux de Sextus Pompée. Enfin, fatigué de la vie et des
menaces d'une armée séditieuse, se sauva, sous un soins, peut-être inutiles, qu'il prenaitpour la conser-
déguisement, auprès de M. Brutus; mais il fut tué ver, il résolutde mourir dans un pays qu'il avaitsi
en route par des soldats d'Antoine, qui portèrent souvent
sauvé, » disait-il une dernière fois. Plutar-
sa tête à leur général. que rapporte qu'il forma le projet de retourner à
Dès qu'Antoine vit son parti fortifié par toutes Rome, etdesetuer de sapropre main dans la maison
ces défections, il établit une correspondance avec d'Octave, pour faire retomber son sang sur la tête
Octave, qui ne lui renvoya plus ses lettres. Ce de ce perfide. Mais les importunités de ceux qui
jeune ambitieux ne dissimulait plus son mépris pour l'entouraient le firent consentir à faire voile jusqu'à
l'autorité du sénat et pour Cicéron. Quand il eut Caïète, où il prit terre encore une fois, pour se re-
tout réglé à Rome, et réduit le sénat à la soumis- poser dans sa maison de Formies, située près de
sion, il alla joindre Antoine et Lépide, pour avoir la côte. Il y dormit quelques heures; puis ses es-
avec eux une conférence où ils devaient régler tous claves le mirent dans une litière, qu'ils se hâtèrent
trois les conditions de leur alliance, et se partager de porter vers le vaisseau par des chemins détour-
te pouvoir. Le lieu qu'ils choisirent fut une petite île nés, le bruit ayant couru qu'on avait vu dans les
environs des soldats qui le cherchaient. Leur chef de
c l'an 710 de Rome (-14 avant J. C.), Cicéron avait
était le tribun Popillius Lénas, que Cicéron avait soixante-trois
s ans onze mois et cinq jours.
autrefois sauvé dans une accusation de parricide. Les restes mutilés de Cicéron furent, dit-on, en-
Les soldats ne tardèrent pas en effet à rejoindre sevelis
s par un certain Lamia, célébré pour cet acte
la litière, oùCicéron lisait laAIédée d'Euripide. Ses c courage par plusieurs poètes latins; mais une au-
de
esclaves se rangèrent autour de lui, résolus de le Itre tradition veut qu'ils aient été brûlés par ses es-
défendre au péril de leur vie; mais Cicéron leur claves
( mêmes, et ses cendres transportées à Zante,
défendit de faire la moindre résistance; et s'avan- où en creusant en 1544 les fondations d'un
< monas-
çant hors de la litière, il dit aux soldats de faire tère,
t on trouva un tombeau qui portait son nom.
leur devoir. Ceux-cilui coupèrent la tête, ainsi que Le lieu que sa mort avait rendu célèbre fut long-
1temps visité par les voyageurs avec un respect reli-
les deux mains, et retournèrent à Rome pour por-
ter à Antoine cet odieux trophée. gieux. Quoique la haine de ce crime s'attachât parti-
culièrement à Antoine, Octave ne put s'en garantir;
Popillius trouva le triumvir dans le forum, au
milieu de ses gardes, lui montra de loin sa proie, et et c'est là ce qui explique le silence que les écrivains
deson siècle ont gardésur Cicéron. Aucun des poëtes
reçut en échange une couronne d'or et une somme de sa cour n'a osé le nommer. Virgile même aima
considérable. Antoine ordonna que l'a tête fût clouée,
mieux dérober quelque chose à la gloire deRorne,
entre les deux mains, à la tribune aux harangues, cédant Grecs la supériorité de l'éloquence
1

de laquelle, suivant l'expression de Tite- en aux


« du haut
Live, t'orateur avait fait entendre une éloquence que (orabunt causas melius.), qu'ils avaient eux-mêmes
cédée à Cicéron. Il n'y eut guère que Tite-Live qui
n'égala jamais aucune voix humaine. »
rendît à ses talents un hommage pour lequel il ne
Mais avant qu'on exécutât l'ordre d'Antoine, croyait pas avoir assez de tout le sien; « car, dit-il
on porta cette tête chez Fulvie, cette femme dont pour louer dignement Cicéron, il faudrait être lui-
on a dit qu'elle n'avait de son sexe que le corps, qui même. » Dans le palais d'Auguste, dans sa famille,
portait l'épée, haranguait lessoldats, tenait conseil on se cachait pour lire les ouvrages du plus grand
avec les chefs, et qui ajouta sur la liste des pros- orateur de Rome.
criptions des noms inconnus même à son mari. Se Dans la génération suivante, c'est-à-dire, après la
saisissant de cette tête, elle inventa pour elle des mort de ceux que l'intérêt, l'envie, les dissentiments
outrages qui répugnent à retracer. Elle la mit sur politiques avaient forcé de le haïr vivant et de décrier
ses genoux, vomit contre elle de sales injures, cracha sa mémoire, sa réputation reprit tout l'éclat dont
dessus, en tira la langue, et la perça avec l'aiguille elle avait brillé; et sous le règne de Tibère, lors-
d'or qu'elle portait dans ses cheveux. qu'un historien mourait pour avoir loué Brutus, un
La mort des autres proscrits n'excita, dit un his- autre écrivain quittait le ton grave et pacifique de
torien de ce siècle, que des regrets particuliers; l'histoire, pour apostropher Antoine et lui repro-
mais celle de Cicéron causa une douleur universelle. cher le crime inutile de cette mort. Depuis ce temps,
C'était triompher de la république, et fixer l'escla- tous les écrivains de Rome, poètes et historiens,
vage à Rome. Antoine en était si persuadé, qu'il louèrent à l'envi Cicéron; et environ trois siècles
s'écria devant ces restes sanglants Maintenant après le sien, les empereurs lui rendaient une espèce
les proscriptions sont finies! Tué le 7 décembre de culte dans la classe des divinités secondaires.
VIE
DE CICÉRON,
PAR PLUTARQUE,
TRADUITE PAR AMYOT.

I De la famille ~<III.
SOMMAIRE DE LA VIE DE CICÉRON.
n"l"3- faite par
n_ de Cicéron. II. Offrande
cet orateur aux dieux. Époque de sa nais-
ITI
Rome.
XXXII.
5
v.a.
XXXI. Portrait de Cornélius
1 Lentulus
Son projet pour faire entrer les Allo-
sanee. IV. Son aptitude à toutes les sciences, et broges dans la conspiration est heureusement
b
en particulier à l'éloquence et à la poésie. V. Étu- découvert
d par Cicéron. XXXIII. Ce consul fait
des de Cicéron au sortir de ses premières écoles. assembler
a le sénat dans le temple de la Con-
VI. Il plaide la causedeSextus Roscius. VII. Ses corde,
c et lui donne connaissance des lettres
précautions pour se mettre à l'abri des proscrip- qu'il
q avait interceptées. XXXIV. Il délibère sur
tions de Sylla. VIII. Ses nouvelles études pour le parti qu'il y avait à prendre dans cette af-
1

se perfectionner dans l'éloquence. IX. Il s'en ffaire. Sa femme Térentia et son frère Quintus
va en Asie et à Rhodes entendre les orateurs les l'encouragent
1 à faire punirles coupables. XXXV.
plus célèbres. X. Il devient tout à coup le pre- I sont condamnés à mort par décret du sénat.
Ils
mier orateur de son temps. XI. Il cherche à XXXVI.
1 Cicéron les fait exécuter. XXXVII.
imiter, dans sa prononciation, les acteurs Ros- Haute
] réputationoù cet événement élève Cicéron.
cius et Jîsopus. XII. Il exerce la questure en XXXVIII.
] Le peuple lui donne le titre de sau-
Sicile. XIII. Aventure qui lui arrive en revenant veur
i et de second fondateur de Rome. XXXIX.
à Rome. XIV. Il apprend les noms de tous les Vanité de Cicéron; elle le rend odieux à beau-
hommes de quelque qualité, même des lieux où coup
<
de monde. XL. Il rendait volontiersjustice
ils avaient quelque possession. XV. Il se charge au talent des autres. XLI. Son opinion sur
de la cause des Siciliens contre Verrès qu'il fait Théophraste et sur Démosthène. XLII Excès
condamner. XVI. Légers obstacles qu'il éprouve auquel le porte l'ambition de faire valoir son
dans cette affaire. XVII. Fortune de Cicéron, éloquence. XLIII. Bons mots de Cicéron sur
et sa manière de vivre. XVIII. Il est nommé Crassus. XLIV. Sur Vatinius et sur Lucius
préteur. Commentseconduitdans cette charge Gellius. XLV. Sur Publius Sextius. XLVI. Sur
à l'égard de Licinius Macer. XIX. Il plaide Appius Clodius. XLVII. Clodius s'introduit
pour Manilius. XX. Il est nommé consul. XXI. chez la femme de César. XLVIII. Cicéron dé-
Ses grands travaux au commencement de son pose contre lui. XLIX. Clodius est absous. L.
consulat il engage Antoine à entrer dans ses Cicéron est accusé d'avoir fait mourir, contre
vues. XXII. Il fait rejeter la loi agraire que les les lois, Lentulus et les autres complices de Ca-
tribuns proposaient. XXIII. De tous les ora- tilina. LI. Il quitte sa robe ordinaire, laisse
teurs Cicéron est le premier qui ait fait sentir croître sa barbe et prend des habits de deuil.
aux Romains quel charme l'éloquence ajoute à LII. Tristesse du sénat et des chevaliers romains
la beauté de la morale. XXIV. Il fait approuver en voyant Clodius à la tête d'une troupe d'hom-
parle peuple la distinction des places au théâtre, mes armés. LIII. Cicéron va volontairement en
donnée par Othon aux chevaliers romains.XXV. exil. LIV. Clodius le fait bannir par décret du
Cicéron fait appeler Catilina au sénat, et s'arme peuple. LV. Il brûle sa maison. LVI. Rappel de
d'une cuirasse pour la sûreté de sa personne. Cicéron. LVII. Il défend et perd la cause de
XXVI. Il fait échouer Catilina dans la demande Milon qui avait tué Clodius. LVIII. Il est nom-
du consulat. XXVII. Découverte de la conjura- mé augure et proconsul de Cilicie. LIX. Sa
tion de Catilina. XXVIII. Cicéron assemble le conduite dans son gouvernement. LX. Il passe
sénat. XXIX. Il est prévenu par Fulvie que à Athènes en retournant à Rome. LXI. Cicéron,
Marcius et Céthégus doivent se rendre un matin piqué contre César, va trouver Pompée. LXII.
chez lui avec des dagues couvertes pour l'assas- Plaisanteries ou épigrammes de Cicéron dans le
siner. XXX. Il ordonne à Catilina de sortir de camp. LXIII. Il ne parait pae et ne se trouve
CICÉRON– –'rniiit
Cirfon"! TOWt
point à la journée mémorable de Pharsale; il re- ment et qu'elle a toujours vescu honorablement
fuse même, malgré les prières de Caton, d'être mais quantàson père, on en parle fortdiversement
utile au reste de l'armée de Pompée. LXIV. Il et sansmoyen, pource que les uns disent qu'il nas-
va joindre César qui le reçoit avec honneur. quit et fut riourry en l'ouvrouer d'un foulon
LXV. Il défend devant le vainqueur de Phar- les autres le font descendrede Tullius Attius
sale la cause de Ligarius, et la gagne. LXVI. qui temps fut honoré comme roy entre les
Il enseigne la philosophie. LXVII. Il cultive la en son
Volsques, et feit la guerre fort et ferme aux
poésie pendant son séjour auprès de Tusculum.
LXVIII. Il répudie Térentia; se remarie à une Romains 3 bien me semble il que le premier
jeune femme, et la répudie aussi. LXIX. Après de celle race, qui fut surnommé Ciceron, fut
la mort de César, il propose au sénat de faire un quelque personnagenotable, et que pour l'amour
décret d'abolition générale. LXX. Il forme le de luy, ses descendons ne rejetterent point ce
dessein d'aller à Athènes. LXXI. Il revient à surnom, ains furent bien aises de le retenir,
Rome, et est mandé au sénat par Antoine. encore que plusieurs s'en mocquassent, pource
LXXII. Il épouse avec chaleur le parti du jeune que Cicer en langage latin signifie un poychiche,
Octave. LXXIII. Il fait chasser Antoine de
et celuy là avait au bout du nez, comme un poi-
Rome, et envoie contre lui les consuls Hirtius et sembloit proprement un
Pansa pour le combattre. LXXIV. Octave le sa- reau, ou une verrue, qui
crifie à Antoine. LXXV. Cicéron s'enfuit avec poy chiche, dont il fut pour cela surnommé Ci-
son frère Quintus. LXXVI. Il est tué.LXXVII. ceron 4. Mais cestuy duquel nous escrivons pre-
Antoine fait attacher sa tête et ses mains à la sentement responditbien un jour gaillardement
tribune aux harangues. LXXVIII. A ce triste à quelquessiens amis, qui lui conseilloient de lais-
spectacle, les Romains croient avoir devant les ser etchanger ce nom là au premier magistratqu'il
yeux, non le visage de Cicéron, mais une image
fidèle de l'âme d'Antoine. (Ep. fam. xvi, 26) « Elle avait coutume, écrit-il à
Tiron de cacheter jusqu'aux bouteilles vides, afin
CICERO ». qu'on ne pût prétendre que celles qu'on lui vidait
à la dérobée fussent de ce nombre.
» – Elle eut
I. Quanta la mere de Ciceron, qui s'appelloit une sœur, mariée à C. Aculéon, chevalier ro-
Helvia', on dit bien qu'elle estoit née noble- main d'un mérite distingué, ami intime du cé-
lèbre orateur L Crassus, et célèbre lui-même
La seule vie de Cicéron qui nous soit restée de par une connaissance approfondie du droit civil,
l'antiquité est celle de Plutarque. Cornélius Népos, dans lequel ses fils cousins germains de Cicéron,
ami de cet orateur, l'avait aussi composée, ainsi s'acquirent aussi dans la suite une réputation ex-
que TulliusTiron, son affranchi, dont l'ouvrage
traordinaire.
est cité par l'historien grec. Cicéron lui-même () Fufius Calénus adresse ce reproche à Cicéron
avait écrit en grec l'histoire de son consulat, et dans la longue invective rapportée par Dion Cas-
des Mémoires secrets qui ne devaient être publiés sius (xlvi 4).
qu'après sa mort. Ce consulat avait aussi été le su- 2 II y a dans le grec Tullius Appius; mais tous
jet des compositions de quelques-uns de ses amis; les interprètes ont lu Tullus Attius; c'est le roi des
par exemple, d'Atticus, d'Hérode d'Athènes, de Volsques auprès duquel se retira Coriolan, banni
Posidonius,deL. Luccéius. – Dans le moyen âge, de Rome (T.-Liv. n; Dionys. via.). Cicéron était
cet vie fut souvent écrite, et l'on trouve encore loin de prétendre lui-même à une haute noblesse.
dans les bibliothèques de ces biographies inédites. «C'est, dit-il, comme si je me disais issu de
Chez les modernes, de semblables travaux, M. Tullius, patricien, qui fut consul avec Serv.
presque tous en latin, se multiplièrent dès le Sulpicius dix ans après l'expulsion desrois. » Voyez,
quinzième siècle, à un point qui en rend l'énumé- sur son père, de Leg. il, 1; sur son aïeul ibid. m,
ration presque impossible. -Les historiens les plus 16; deOrat. il, 66.
complets qu'ait eus Cicéron dans des temps plus 3 Ce dernier membre de phrase manque dans la
rapprochés, sont, chez nous, Morabin (1745), et, pl upart des manuscrits et dans quelques éditions de
chez les Anglais, Middleton (1743), dont l'ou- Plutarque ( Kai rco).£ti7i(iaVTa *Ptt)[jLExCot; oùx àfiûvaT&jç
).
vrage, justement estimé, et traduit par l'abbé Clavier et Coray approuvent cette addition qu'on
Prévôt (1743), nous a été du plus grand secours trouve dans un manuscrit anonyme, et Dacier l'a
pour la fie placée au commencement de ce volume. traduite comme Amyot.
1 On lisait dans Plutarque Olbia; mais Jos. 4 Les anciens ne sont pas d'accord sur l'origine
Scaliger, dans ses observations sur Eusèbe, au de ce surnom. Pline l'ancien (1. xvm, c. 3) le
n" mdccccxi, a corrigé ce nom en celui A'Hehia fait venir de la culture du pois chiche, comme
nom d'une famille connue à Rome, et à laquelle ceux des Fabius, des Lentulus, etc., sont venus de
appartenaient les Cinna. Cicéron ne parle de sa la culture des fèves et des lentilles. Quintilien (i 4)
mère dans aucun endroit de ses écrits; Quin- pense, comme Plutarque, que ce surnom fut donné
tus son frère est le seul qui nous la fasse con- à un des ancêtres de Cicéron, à cause d'une marque
naître par un petit trait d'économie domestique qu'il avait au visage.
demanda, et quand il commencea à s'entremettre qu'à nul autre, et treuve Ion jusques aujourd'huy
du gouvernement de la chose publique car il un petit poëme qu'il escrivit estant encore en-
leur dit qu'il mettroit peine de rendre le nom fant, qui se nomme Pontius Glaucus', en vers
des Cicerons plus clair et mieulx luysant que iambiques de huit pieds et depuis s'estant ad-
ceulx des Scaures ni des Catules . donné plus chauldement à cest estude, il fut
II. Et depuis estant questeur, c'est-à-dire, su- tenu non seulement pour le meilleur orateur,
perintendant des finances en la Sicile, il donna mais aussi pour le meilleur poëte des Romains
une offrande de quelque vase d'argent aux dieux, de son temps: toutefois la gloire de l'eloquence,
sur lequel il feit engraver tout du long ses deux et l'honneur de bien dire luy est tousjours de-
premiers noms, Marcus Tullius, et au lieu du mou ré jusques icy, encore qu'il y ait eu depuis
troisième commanda par jeu à l'ouvrier qu'il grande mutation en la langue latine mais sa
y entaillast la forme d'un poy chiche. Voilà ce poésie a perdu tout bruit et toute réputation
que l'on treuve pas escript quant à son nom. pource qu'il y en a eu depuis d'autres beaucoup
III. Au demourant, ou dit que sa mere l'en- plus excellens que luy.
fanta sans peine ne douleur quelconque, le troi- V. Sorty qu'il fut de l'estude des premieres et
sième jour de janvier': au quel jour les officierspueriles lettres 3 il fut auditeur de Philon, phi-
et magistrats de Rome ont maintenant accous-losophe academique, celuy de tous les disciples
tumé de faire tous les ans solemnelles prières et de Clitomachus, que les Romains estimerent
sacrifices pour la santé et prospérité de l'empe- pour son eloquence, et aimerent le plus pour ses
reur' et dit on plus, qu'il apparut un esprit à meurs et ses façons de faire. Il hanta aussi alen-
sa. nourrice, lequel luy predit qu'elle nourrissoitt tour de Mutius Scœvola qui pour lors estoit
un enfant qui seroit un jour cause d'un grand homme d'affaire et la premiere personne du se-
i
bien à tous les Romains et combien que telles nat, duquel il apprenoit le droit et l'intelligence
choses, semblent à plusieurs estre songes et res- des lois, et si suyvit encore les armes quelque
veries, si est ce que luy mesme bien tost aprèss temps sous Sylla en la guerre Marsique i mais
montra que c'estoit prophetie veritable inconti- voyant que les affaires estoient tumbées en sedi-
nent qu'il futparvenu en l'aage d'apprendre, tantt tions et guerres civiles, et de guerres civiles en
il acquit de bruit et de renom entre les enfans, monarchie, il se rendit à l'estude et à la vie
pour la vivacité de son bon entendement de
maniere que les peres des autres enfans venoientt 1 Ce Glaucus, si célèbre chez les poëtes grecs,
eulx mesmes aux escholes pour le veoir auvisage, était
i un pêcheur de la ville d'Anthédon, près de
et pour sçavoir plus asseureement s'il estoit vray l'Euripe en Eubée; on prétend que l'usage d'une
qu'il eust l'esprit si agu et si vif à apprendre, herbe merveilleuse lui procura l'immortalité. Il en
comme Ion disoit mais quelques uns qui es- avait découvert la vertu en voyant un lièvre pres-
t
toient plus rustiques, s'en courrouceoient, et que mort de fatigue recouvrer sa force et son agi-
tensoient leurs enfans de ce qu'en allant parmyj lité par le contact de cette herbe. Athénée (liv. vu
les rues ilz le mettoient tousjours au milieu c. 12) a rassemblé tout ce qu'on a dit de curieux
d'eulx par honneur. sur ce Glaucus.
IV. Or avoit il l'entendement et la naturetoute1 2 Une anecdote, rapportée par Aulu-Gelle,
Cicéron était à Rome l'arbitre du lan-
telle comme Platon la demande4 pour estre pro- prouveetque aussi quels étaient ses scrupules jusque
gage,
pre aux lettres et idoine à l'estudc de la philoso- dans les plus petites choses. Pompée préparait une
phie car il embrassoit toute sorte desçavoir, et n'y inscription pour le frontispice du nouveau temple
avoit art ny science quelconque liberale qu'il1 qu'il avait élevé, près de son théâtre, à Vénus la
dedaignast mais neantmoins si estoit il en sess Conquérante. Mais il s'éleva une question de gram-
premiers ans plus enclin à l'estude de la poësie maire sur le terme par lequel on voulait expri-
mer dans l'inscription son troisième consulat. Les
Les Scaurus et les Catulus étaient deux dess uns voulaient que ce fût consul tertium; les au-
plus anciennes et des plus illustres maisons dee tres, consul tertio. Cette question fut déférée
Rome. aux savants de Rome, qui ne s'accordèrent point
Plutarque dit, le troisième jour des nouvelless dans leur décision. Pompée déclara à Cicéron
calendes ce qui répond au troisième jour de jan- qu'il ne s'en rapporterait qu'à lui. Cicéron re-
fusa de prononcer. Enfin Varron fit recevoir son
vier, l'an de Rome 847. Ad Att. ep. vu, 5; un, avis, parce qu'il éludait la difficulté. Il conseilla
42;Aul. Gell. xv,28.
3 Voyez Jules Capitolin, Pertinax, c. 6; et Lu- d'abréger le mot, et de mettre seulement tert.
cien, Âpophr., c. 3. 3 Voyez, pour toute cette époque, le Brutus,
Platon, liv. v, de la Jiépvb., et le eommenee- c. 89 et suiv.
ment du sixième. On l'appela aussi la guerre sociale et italique.
contemplative hantant les hommes grecs spjï-
tmps prpps sça- il s'absenta
s'ahsenta de Rome.
Rome, et s'en alla en la Grèce,
>ans, et estudia tousjours aux sciences jusques faisant courir le bruit que c'estoit pour se faire
à ce que Sylla fut demouré vaincueur, et que panser de quelque indisposition qu'il sentoit en
les troubles de la chose publique commencerent sa personne; car, à la verité, il estoit aussi fort
i se rasseoir. maigre et fort descharné, et mangeoit bieu peu,
VI. Mais environ ce temps là ayant Sylla et encore sur le tard, pour l'imbecillité et la foi-
fait mettre en criée et subhastation les biens d'un blesse grande de son estomac toutefois, il avoit
que Ion disoit avoir esté occis, pource qu'il es- la voix bonne et forte, mais elle estoit un peu
toit du nombre des proscripts (c'est à dire, ban- rude, et non encore bien formée: et pour la
nis par affiches'), Chrysogonus, un des serfs af- vehemence et l'affection de son parler montoit
franchis de Sylla, favorisé de son maistre, les tousjours, et esclattoit jusques aux plus haults
achepta pour la somme de deux mille drachmes'; tons, de maniere qu'il y avoit danger que un
de quoy le fllz et heritier legitime du deffunct, jour cela ne luy apportast quelque notable acci-
appelléRoscius, estant fort desplaisant, monstra dent en sa personne.
que c'estoit un manifeste abus, pource que le VIII. Arrivé qu'il fut à Athenes il ouit An-
bien de son pere montoit jusques à la somme tiochus, natif de la ville d'Ascalone, prenant
de deux cents cinquante talents Sylla se sentit plaisir à la doulceur coulante et à la bonne grace
picqué decela, se voyant convaincu d'avoir fait de son langage, encore qu'il n'approuvast pas
ceste fraude au public pour gratifier à un sien les nouvelletez qu'il avoit introduittes en la phi-
valet; si feit mettre sus à cestuy Roscius par la losophie a car Antiochus avoit ja abandonné les
subornation de ce Chrysogonus, que c'estoit luy opinions de la secte de philosophie, que Ion ap-
mesme qui avoit tué son propre pere. 1 n'y avoit pelloit la nouvelle Academie, et avoit laissé la
orateur qui s'ozast presenter pour defendre ce ligue de Carneades, soit ou pource que l'evi-
pauvre Roscius, ains s'en tiroit chacun arriere, dence manifeste des choses, et la certaineté des
pource qu'ilz craignoient l'austérité et la cruaulté sens le feist fleschir et changer d'opinion, ou,
de Sylla. Parquoy le pauvre jeune homme Ros- comme aucuns veulent dire, pouree que par ja-
cius, se voyant destitué de tous autres, fut con- louzie et envie de contredire aux escholiers et
trainct de recourir à Ciceron, auquel ses amis adherens de Clitomachus et de Philo, il eust
conseillerentqu'il entreprist hardiment ceste de- reprouvé les resolutions des academiques, qu'il
fense, pource qu'il ne recouvreroitjamais une si avoit longtemps defendues, pour adherer à celles
belle occasion ne si honorable commencement des stoïques en la plus part. Mais Ciceron ai-
de se mettre en réputation, que celuy là: si se moit plus les academiques et y estudioit plus
resolut de prendre en main ceste cause, et la qu'aux autres, faisant son compte, que s'il se
plaida si bien qu'il obteint tout ce qu'il voulut, voyoit de tout poinct forclos et privé du manie-
dont il fut merveilleusementestimé. ment des affaires, il s'en iroit vivre à Athenes,
VII. Mais redoubtant l'indignation de Sylla loing de toute plaiderie, et de toute administra-
tion de la chose publique, pour user ses jours au
Ceci n'est point dans le grec. La proscription repos de l'estude de la philosophie: mais quand
la nouvelle luy fut venue, que Sylla estoit mort,
n'était pas le bannissement, mais une condamna-
tion à mort. près avoir consacré deux années entières aux exer-
"Deux cents escus. AMYOT. Cette somme a été cices du barreau, il partit pour la Grèce.
évaluée par Ricard à 1800 livres. 1 On présume que c'est alors qu'il se fit initier

3 Cent cinquante mille escus. AMYOT. Ricard aux mystères d'Éleusis; initiation qu'on ne peut
évalue cette somme à 1,250,000 livres. Scaliger en effet mieux rapporter qu'à l'époque de ce voyage
avait reproché à Plutarque de s'être trompé dans philosophique et littéraire.
l'évaluation qu'il avait faite de la somme marquée Antiochus s'était jeté dans les sentiments de
par Cicéron dans son plaidoyer pour Roscius la vieille académie et avait abandonné Carnéade,
'c. 2); mais Ruauld l'a justifié de cette inculpa- qui était fort attaché à la nouvelle, et grand ennemi
tion dans sa vingt-septième observation critique des stoïciens. On le voit dans un passage de Cicéron
sur Plutarque, et il a prouvé que la somme énoncée de son premier livre des Académiques, c. 4.
par Cicéron avait été bien évaluée à deux cent cin- 3 Amyot et Dacier ont entendu que Cicéron ai-
quante talents. mait cette nouvelle académie, et qu'il s'attachait
Il ne parait point que la crainte ait obligé Ci- de plus en plus à ses principes; Ricard a suivi le
céron à s'absenter de Rome; il dit lui-même(Brut. sens donné par Xylander à ce passage (la philoso-
80, 91) que la cause de Roscius fut la première phie en général), sens adopté par Barton, et fondé
cause publique ou criminelle qu'il plaida; qu'il sur ce que Cicéron ne s'attacha à cette nouvelle
défendit depuis plusieurs autres accusés, et qu'a- académie que dans un âge beaucoup plus avancé.
qu'il veit que son corps estant renforcé par exer- rendre
r fort illustre, la prophetesse Pythie luy
clces, s'en alloit estre d'assez bonne et forte com- respondit,
r « qu'il le feroit moyennant qu'il suyvist
plexion, et que sa voix se façonnant tous les pour la guide de sa vie plus tost sa nature que
1
jours de plus en plus, venoit à emplir l'oreille l'opinion
1 populaire': » au moyen dequoy, quand
d'un son doulx et gracieux, et si estoit as. i fut à Rome du commencement, il se gouver-
il
sez forte pour la proportion de la puissance de i assezreserveement, et s'approchoit mal vou-
noit
son corps, avec ce qu'il recevoit tous les jours 1luntiers des magistrats; encore quand il y alloit,
lettres de ses parens et amis, qui luy escrivoient n'en
r faisoit on pas grand compte: car on l'appel-
de Rome, et le prioient qu'il s'en retournast au 1loit communement le Grec et l'escholier qui
païs, et que Antiochus aussi, d'autre costé, l'ad- sont
s deux paroles que les artisans, et telle ma-
monestoit fort de se mettre à l'action et au ma- niere
i de gens mechaniques à Rome, ont assez
niement des affaires, il se remeit de rechef à accoustumé
î d'avoir en la bouche. Mais estant
estudier en rhetorique, et à cultiver son elo- cde sa nature desireux d'honneur, et poulsé par
quence comme un util necessaire à qui se veult les
1 exhortemens de son pere et de ses amis, il
entremettre du gouvernement de la chose pu- s meit à la fin à advocasser, là où il ne parvint
se
blique, en s'exercitant continuellement à faire 1pas au premier lieu petit à petit et par le menu,
des harengues sur argumens supposez, et s'ap- ains
i tout aussi tost qu'il s'y fut mis, reluisit en
prochant des orateurs et maistres d'eloquence estime
f de bien dire par dessus tous les autres
qui pour lors estoient les plus renommez. orateurs qui se mesloient de plaider en ee temps
<
IX. Car pour cest effect il s'en alla en Asie 1là, et les laissa tous derriere luy.

et à Rhodes et entre les orateurs asiatiques il XI. Si dit on neantmoins qu'ayant eu au


hanta Xenocles Adramettin, et Dionysius Ma- < commencement les mesmes defaults de nature,
gnesien, et estudia aussi avec Menippus Carien, quant
( au geste et à la pronunciation qu'avoit eu
et à Rhodes il ouit Apollonius Molon, et le phi- Demosthenes
1 pour les emender il estudia soi-
losophe Posidonius; et dit on que Apollonius, gneusement
{ à imiter Roscius', qui estoit excel-
u'entendant pas la langue romaine, le pria qu'il
voulust, par maniere d'exercice, declamer en 1 On ne trouve rien dans Cicéron qui ait rapport
grec devant luy ce que Ciceron feit fort vou- ài cette tradition.
luntiers, estimant que par ce moyen ses faultes Xylander entend ce dernier mot (ï)^3«jt"Ù?)
en seroient mieulx corrigées. Quandil eut achevé dans
( le sens d'oisif (otiosus), quoique la plupart
de harenguer, tous les autres assistans se trou- des
( traducteurs lui aient conservé le sens que lui
donne
| Amyot. Le mot grec a il est vrai, ces deux
verent fort esbahis, et le louerent tous à l'envy significations; et la première nous semble préfé-
l'un de l'autre; mais Apollonius, pendant qu'il J
rable dans ce cas-ci.- Cette apostrophe injurieuse
parla, ne monstra oncques semblant de joyeuse se
s trouve aussi parmi les injures que Dion Cas-
chere, et quand il eut achevé, demoura longue- sius
f (xlvi, 18) prête à Calénus contre Cicéron.
ment assis tout pensif sans mot dire. De quoy -Le fondement de cette dénomination méprisante
Ciceron estant mal content, Apollonius à la fin donnée
( à Cicéron était son goût pour la philoso-
luy dit: « Quant à moi, Ciceron, non seulement phie
] et la littérature grecques, auxquelles il con-
< je te louë, ains, qui plus est, je t'admire aussi
sacrait
s alors beaucoup de temps. Les Romains
« mais bien ay-je compassion de la pauvre Grece,
regardaient
] comme un emploi inutile de la vie
de s'appliquer à l'étude des sciences et des let-
« voyant que le sçavoir et l'eloquence, les deux
(

« seulz biens et honneurs qui nous estoient de- tres ils n'estimaient que celle qui regardait les
soins du gouvernement et le service militaire.
« mourez, sont par toy conquis sur nous et attri- jL'oracle avait donc raison, dit Ricard, de conseil-
« buez aux Romains » Iler à Cicéron de ne pas se conduire d'après l'opi-
X. Ainsi estant Ciceron en voulunté et en nion
i du peuple, qui lui marquait son mépris par
train de s'en aller gayement et avec bonne espe- ses
s injures, puisqu'en la suivant il se serait re-
rance jetter au gouvernement de la chose pu- buté,
1 et n'aurait pas acquis la gloire que son élo-
blique, il en fut un peu refroidy par un oracle quence et ses ouvrages philosophiques lui procurè-
qui luy fut respondu. Car ayant enquis le dieu rent.
Apollo Delphique, comment et en quelle sorte il crobe,
1
3 Macrob. Saturnales 14. m « Suivant Ma-
il se faisait entre Cicéron et Roscius une
pourroit acquérir très grande renommée, et se espèce de défi, qui confondrait, je crois, dit
la Harpe, nos plus habiles pantomimes. L'ora-
1 Ciceron à qui l'on a tant reproché sa vanité, teur prononçait une période, et le comédien en
n'a parlé nulle part, au mpins dans ce qui nous rendait le sens par un jeu muet. Cicéron en
reste de lui, de cet hommage rendu par Apolioniuschangeait ensuite les mots et le tour, de manière
a son incomparable éloquence. que le sens n'en était pas énervé, et Rosciui l'ex-
lent joueur de comœdies, et ^Esopus joueur de aller à pied aussi eulx ( ce disoit-il ) crient
tragœdies, du quel ^Esopus on escrit, que jouant pource qu'ilz ne sçavent pas parler. Or quant à
un jour en plein théâtre le rolle d'Atreus, qui ceste joyeuseté de se mocquer et rencontrer
delibere en soy mesme comment il se pourra ainsi plaisamment c'est bien chose seante à qui
venger de son frère Thyestes il y eut d'adven- se veult mesler de plaiderie et qui part de bon
ture quelqu'un des serviteurs qui voulut soudain esprit mais par en user trop souvent et à tout
passer en courant par devant luy et que luy propos il faschoit beaucoup de geus et se fai-
estant hors de soy mesme pour l'affection vehe- soit estimer homme picquant et maling.
mente et pour l'ardeur qu'il avoit de bien XII. II fut eleu quœsteur en temps de cherté,
representer au vif la furieuse passion de ce roy qu'il y avoit faulte de blez à Rome, et luy advint
tuy donna sur la teste un tel coup du sceptre la Sicile pour sa province là où du commence-
qu'il tenoit en la main qu'il le rua mort sur la ment il fut mal voulu des Siciliens, à cause qu'il
place aussi ne donnoit pas la grace de la pro- les contraignit d'envoyer du bled à Rome mais
nunciation peude force de persuader aux parolesdepuis quand ilz eurent un peu essayé sa dili- i-
de Ciceron, lequel se mocquant des orateurs qui gence sa justice et sa clemence, ils l'honore-
en harenguant crioient à pleine teste souloit rent et aimerent autant ou plus que gouverneur
dire qu'ilz faisoient comme les boitteux, lesquelzqu'ilz eussent one eu de Rome. Or y avoit il plu-
montent à cheval pource qu'ilz ne peuvent sieurs jeunes hommes romains de bonnes et no-
bles maisons, qui estans accusez d'avoir lasche-
primait par de nouveaux gestes. Il y a bien dans ment fait faulte à leur honneur et devoir contre
Cicéron tel morceau dont je crois la traduction les ordonnances de la guerre, avoient esté ren-
possible en langage d'action, et ce sont, par exem- voyez par devant le praeteur de la Sicile Cice-
ple, tous ceux d'un certain pathétique; mais com- ron parla pour eulx et les defendit excellente-
ment rendre les phrases de raisonnement? com- ment, de sorte quilz furent absouls.
ment rendre une grande pensée? II n'y a point d'art XIII. Au moyen de quoy se promettant beau-
qui n'ait ses bornes naturelles; et si tous les su-
de soy, quand son temps fut achevé, il
jets ne sont pas propres à la poésie, comment coup
le seraient-ils tous à la pantomime? » – Un des s'en retourna à Rome, et luy advint par le che-
plus graves historiens de Cicéron Middleton, min, une chose digne de risée car en passant
révoque en doute tout ce qu'on a dit des le- par le 'pais de la Champagne autrement ditte
çons données par Roscius et Ésope à l'orateur. terre deLabour, il rencontra d'adventure l'un
« Il
les estimait singulièrement, dit-il, et Its té- des principaux Romains qui estoit de ses amis,
moignages qu'il rend de leur habileté, marquent la au quel il demanda quel compte Ion faisoit de luy
haute opinion qu'il en avait. Mais, quoiqu'il les à Rome, et quelle opinion
honorât de son amitié, il aurait dédaigné de les on avoit de ses faiets,
prendre pour maîtres. Il s'était formé sur un plan
pensant bien avoir emply toute la ville de la
gloire de son nom et de ses gestes l'autre luy
plus noble. Les règles de son action avaient leur
demanda, « Etoùestoistu cependant que nous
source dans la nature et la philosophie, et sa prati-
que dans l'imitation des orateurs les plus parfaits. « ne t'avons point veu, Ciceron ? Cela le descou-
Son sentiment était que l'école du théâtre ne con- ragea fort sur l'heure quand il veit que le bruit
venait point à un orateur, parce que les gestes de son nom entrant en la ville de Rome comme
sont trop détaillés trop efféminés, et plus propor- en une mer infinie s'estoit ainsi evanouy sans
tionnés à l'expression des mots qu'à la nature des qu'il en fust mention notable Mais depuis
choses. Il raillait quelquefois Hortensius de son quand il vint à considerer
artion trop théâtrale. Cependant Hortensius était discours en luy mesme avec
de raison qu'il se travaillait pour ac-
ai éloigné d'avoir emprunté son action du théâtre,
querir une chose infinie que la gloire, où il n'y
que le théâtre au contraire le prenait pour exem-.
pie de la sienne et l'on rapporte qu'Ésope et Ros-
cius assistaient à toutes ses harangues, pour se thegmes « disoit que les orateurs qui crioient
former sur un si grand modèle. Il est naturel en haut à pleine tête, parce qu'ils se sentoient fai-
effet que les comédiens, qui ne représentent quebles de suffisance, avaient recours au haut braire,
des actions feintes, s'attachent à l'imitation de ne plus ne moins que les boiteux montent sur des
ceux dont l'objet continuel est de représenter la chevaux. » (Traduction d'Amyot).
vérité. Au reste, il n'en est pas moins vraisembla- Grec, la Campanie.
ble que Cicéron prenait quelquefoisplaisir à s'exer- Cicéron parle en plusieurs endroits de ses ou-
cer avec Roscius, et qu'ils essayaient ensemble vrages de la manière honorable dont il exerça la
quel était le plus capable d'exprimer toutes les va. questure en Sicile; le récit qu'il fait lui-même
riétés d'une passion, l'un par le discours, l'autre (pro. Plane. 26) de l'aventure de Pouzzol diffère
P«l*g«ste. » un peu de celui de Plutarque, et offre d/ailleurg
Plutarque a cité ce même mot dans ses apoph- plus d'intérêt.
avait but ne terme quelconque prefix, auquel qu'il ne recevoit salaire ny present quelconque
l'homme peust advenir, cela luy retrancha beau- pour cause qu'il plaidast mesmement lorsqu'il
coup de l'ambition qu'il avoit mise en sa teste. entreprist de plaider la cause contre Verres. Ces-
Toutefois l'estre extremement joyeux de se sentir tuy Verres avoit esté prœteur et gouverneur de
louer' et l'estre passionné du desir d'honneur la Sicile là où il avoit commis plusieurs mes-
luy demoura tousjours tant qu'il vescut jusques chancetez, pour lesquellesles Siciliens l'avoient
à la fin, et le feit plusieurs fois devoyer du droit appelle en justice et Ciceron ayant pris en main
chemin de la raison. la cause pour eulx le feit condemner non en
XIV. Au demourant quand il commencea de plaidant, mais, par maniere de dire, en non
s'entremettre à bon esciant des affaires de la plaidant pour autant que les praeteurs qui es-
chose publique il luy sembla mal seant que toient comme les presidens ès jugemens vou-
les artisans mechaniques eussent plusieurs ins- loient gratifier à Verres, et avoient tant donné
trumens et utilz sans ames, desquelz Hz sçavent de remises et de delais qu'ilz avoient rejeté la
tous les noms les lieux où ilz les doivent pren- cause jusques au dernier jour plaidoyable. Par
dre, et l'usage auquel ilz servent, et qu'un homme quoy Ciceron voyant que le jour ne suffiroit pas
d'estat qui fait ses actions avec l'aide et le ser- à prononcer tout ce qu'il avoit à dire contre luy,
vice des hommes, fust negligent et paresseux et que par ce moyen le procès ne seroit pointt
d'apprendre et retenir les noms de ses citoyens vuidé ne la cause jugée, il se leva en pieds, et
à l'occasion de quoy il s'accoustuma à sçavoir dit qu'il n'estoit point autrement besoing de ha-
non seulement les noms des hommes de quelque rengues, ains produisit seulement ses tesmoings
qualité, mais aussi les quartiers de la ville où aux juges et les ayant fait interroguer, leur requit
ilz demouroient les beaux lieux qu'ilz avoient qu'ilz jugeassent sur lesdepositions destesmoings
aux champs, les amis avec lesquelz ilz hantoient qu'ilz avoient ouïs. Toutefois, on compte encore
et les voisins qu'ilz frequentoient de maniere plusieurs plaisantes rencontres qu'il dit en ceste
qu'en allant par l'Italie en quelque endroit que cause là. Les Romains appellent un pourceau qui
ce fust Ciceron pouvoit monstrer et nommer les n'estpoint chastré Verres, c'est-à-dire,un verrat.
possessions et maisons de ses amis. XVI. Or y avoit il un nommé Cecilius flïz d'un
XV. Il n'avoit pas beaucoup de biens, et si serf affranchy, qui estoit souspeçonné d'adhérer à
en avoit assez pour fournir à sa despense, dont on la loi des juifz.Cestuy Cecilius',vouloit deboutter
s'esbahissoit, et l'estimoit on grandement de ce les Siciliens de ceste accusation de Verres, et
que la charge de l'accuser luy fust baillée à luy
« « On l'a blâmé surtout des éloges qu'il se seul. Ciceron se mocquant de ceste siene pour-
donne; on le blâmera encore je ne l'accuse, ni ne
le justifie. Je remarquerai seulement que plus un
suitte, lui dit •• Quelle chose peult avoir un juif
peuple a de vanité au lieu d'orgueil, plus il met à demesler avec un verrat' ? » Cestuy Verres avoit
de prix à l'art important de flatter et d'être flatté, un filz qui estoit ja à l'entrée de son adolescence,
plus il cherche à se faire valoir par de petites cho- et avoit le bruit de peu honestement user de sa
ses au défaut des grandes, et plus il est blessé de beaulté: parquoy un jour que Verres se cuida
cette franchise altière, ou de la naïve simplicité mocquer de Ciceron disant qu'il estoit trop
d'une âme qui s'estime de bonne foi, et ne craint délicat, « C'est à ses enfans dit-il qu'il fault
pas de le dire. J'ai vu des hommes s'indigner de faire ces reproches là, en secret, à la maison. >
ce que Montesquieu avait osé dire Et moi aussi En ceste cause l'orateur Hortensius n'oza pas di-
je suis peintre. Le plus juste aujourd'hui, même
rectement prendre la defense de Verres' mais
en accordant son estime, veut conserver le droit de
la refuser. Chez les anciens, la liberté républicaine
permettait plus d'énergie aux sentiments et de 1
Cicéron se conforma toujours à la loi (Cincia)
franchise au langage. Cet affaiblissement du ca- qui défendait aux avocats de recevoir aucun sa-
laire on pourrait le prouver par une foule de ci-
ractère, qu'on nomme politesse, et qui craint tant
d'offenser l'amour-propre, c'est-à-dire la faiblesse tations. Nous nous bornerons à celle d'un passage
inquiète et vaine, était alors plus inconnu. On as- de l'opuscule de son frère Quintus sur lq demande
du consulat, c. 9 Quoniam nulla impensa perte
pirait moins à être modeste, et plus à être grand.
alii rem, alii honestatem, alii salutem ac fortunas
Ah que la faiblesse permette quelquefoisà la force
de se sentir elle-même, et, s'il nous est possi-omnes obtinuerunt.
ble, consentons à avoir de grands hommes, même C'est contre cette prétention de Cécilius Niger
à ce prix. » (Thomas, Essai sur les éloges, de Sicile, et qui avait été questeur de Verrès, qu'est
c.1O). dirigé le discours de Cicéron, intitulé Ditlinatio.
Verrine.)
La questure donnait alors entrée au sénat. (Ire
(Cioér. Act. I, in fer*. 15; Ep.fam. n,7; lell.. 3 Pour autant que les juifs ne mangent point de

n,94\ chair de pourceau. Amyot.


quant à la coudemnatiou de l'amende il se près de Naples, et une autre alentour de la ville
laissa bien induire à comparoir pour luy, et pour de Pompéi, qui n'estoient pas gueres grandes,
ce faire en eut en don une image de sphinx d'y- Cicéron, était dans la Campanie, à l'occident de
voire' que Verres luy donna, de quoy Ciceron l'Italie, aussi bien
à que les deux villes nommées
luy jetta quelque mot picquaut la traverse et ensuite. Cette ville, qui appartient aujourd'hui au
Hortensius ne l'ayant pas entendu, dit qu'il royaumedeNaples,avaitétéagrégécà la tribu Cor-
n'avoit point appris souldre les énigmes « Si nélia de Rome. Le territoire d'Arpinum était rude
« as tu un
sphinx en ta maison luy respondit et montagneux. Cicéron lui applique dans une de
« incontinent Ciceron.»
A la fin Verresayant esté ses lettres la description qu'Homère fait de l'île
condemné en la somme de soixante et quinze d'Ithaque. Mais la maison de Cicéron, éloignée de
mille escus pour l'amende Ciceron fut souspe- la ville d'environ une lieue, était dans une agréa-
çonné de s'estre laissé gaigner et corrompre par ble situation. Elle était environnéede bois et d'al-
lées qui conduisaient jusqu'aux bord»
argent pour conclure contre luy en si petite d'unecouvertes rivière nommée Fibrenus, divisée en deux
somme 3 ce neantmoins quand il vint à estre bras d'égale grandeur par une petite île ornée d'un
eleu JEAWe les Siciliens se sentans ses redeva- grand nombre d'arbres et d'un portique, où l'on
bles,luy apportèrent et envoyerent plusieurs pre- avait réuni tout ce qui était nécessaire pour l'étude
sens de leur isle dont il ne tourna chose quel- et pour les exercices du corps. C'était dans ce beau
conque à son particulier profit et uza de leur lieu que Cicéron se retirait ordinairement, quand
libéralité seulement à faire ravaller les prix il avait quelque ouvrage important à finir. Atticus
des vivres en la ville. fut charmé de cette habitation dès qu'il la vit,
XVII. Il avoit un beau lieu dedans le territoire et il parut surpris que Ciceron ne la préférât point
Ji toutes ses autres maisons. Cicéron nous apprend
de la ville d'Arpos' et une autre possession au-
que l'édifice était encore fort bas et de peu d'éten-
Ce sphinx était d'argent, suivant Plutarque, due pendant la vie de son grand-père, « se ressen-
dans ses Apophthegmes d'airain, suivant Quin- tant, comme la ferme Sabine du vieux Curius, de
tilien (vi 3); d'airain de Corinthe, suivant Plinei la frugalité de l'ancien temps, » mais que son père
(xxxi v, 8), qui ajoute qu'Hortensius aimait tantl'embellit et l'augmenta jusqu'à la changer en la
ce sphinx, qu'il le faisait porter partout avec lui. grande et belle habitation qui fit l'admiration
'On pourrait dire que cemot n'est pas entièrement d' Atticus. Elle appartient aujourd'hui à un ordre
i
juste; car le sphinx proposait les énigmes etncles de moines.
expliquaitpas.Maislesphinx,qui proposaitdes énig- Cicéron possédait un grand nombre de belles
mes, devait être fort habile à lesexpliquer. Dacier. maisons dans les différentes parties de l'Italie;
3 Le reproche aurait été très-fondé, dit Ri- quelques écrivains en comptent dix-huit. qu'il avait
card en effet, les sept cent cinquante mille achetées ou bâties lui-même, à la réserve de celle
drachmes (qu'Amyot traduit par soixante et quinzed'Arpinum qui lui était venue de ses ancêtres d'au-
mille escus) ne font guère que sept cent mille li- tres portent ce nombre à vingt et une; d'autres enfin
vres de notre monnaie. Ainsi, Ruauld, dans la à vingt-trois; c'étaient Anagninum{2),Jntium{%\
trentième remarque critique sur la Vie de Cicéron, Arpinas, Astura, Calenum, Cluvianum, Cuma-
t
a raison de relever cette absurdité, parce qu'il est num, Faberianum, Formianum, Frusinas, Fun-
impossible de supposer que Cicéron, après avoir• danum Horti suburbani, incerti nominis, Lacus
demandé à Verrès dix-huit millions sept cent cin- (Baianum), Lanuvium, Pompeianurn, Puteola-
quante mille livres, ait conclu contre lui à une num, Sinuessanum Tusculanuni, Festiamtm,
restitution de sept cent mille livres; d'où Ruauld ficus, outre tous les fonds de terre appelés prx-
établit qu'il faut lire, dans le texte de Plutarque, dia il faut toutefois remarquer que plusieurs de
au lieu de sept millions cinq cent mille drachmes, ces maisons n'étaient que des maisons de passage
neuf millions sept cent cinquante mille, somme à comme celle de Sinuesse, et que Cicéron ne les
peu près équivalente à celle de neuf millions des posséda pas toutes à la fois, s'étant défait de
notre monnaie, ou à dix millions de drachmes, quelques-unes pour en acheter d'autres. Elles
que les Siciliens prouvaient leur avoir été volée par étaient situées généralement dans le voisinage
Verrès. Cela posé, sur quoi pourrait tomber le soup- de la mer à des distances raisonnables, le long
i
çon dont parle ici Plutarque? Sur ce que Cicéron de la Méditerranée, entre Rome et Pompéi, quii
ayant demandé à Verrès environ vingt millions dej n'était éloigné de Naples que dequelquesmilles.
livres, on prétendait que ce ne pouvait être que3 II ne devait rien manquer à l'élégance des édifices
par collusion que Verrès n'en eût payé que neuf. ni à l'agrément de leur situation, puisqu'il les ap-
Gautier de Sibert a parfaitement justifié Cicéroni pelle lui-mêmeles délices de l'Italie. On ne doit pas
de ce reproche dans un mémoire lu à l'Académies oublier que la magnificence des Romains éclatait
des belles-lettres. surtout dans leurs maisons de campagne. Quel-
4 II y a dans le texte Arpos ou Arpi. au lieu d'Ar- ques-unes de ces demeures ressemblaient à des
pinum; mais Arpi était dans la Pouille, à l'orientt villes, au dire des anciens mêmes (Sali., Ca^. ,12;
de l'Italie; Arpinum, au contraire, la patrie deî Séncq., Benef. vu, 10, ép. 90; Horat., Oil.,n',
et depuis eut encore le douaire de sa femme douze mille eseus et une succession qui pou-
Terentia qui pouvoit monter à la somme de voit valoir environ neuf mille escus', dont il

15, etc.). Celles que Cicéron habitait le plus volon- des colonnes et des édifices de Cicéron, et les aque-
tiers et où il passait régulièrement quelque partie ducs qui portaient l'eau dans ses jardins. Lors-
de l'année, étaient Tusculum, Antium, Astura, qu'il se sentait quelque dégoût extraordinaire pour
Arpinum, Formies, Cumes, Pouzzol et Pompéi, la ville, ou que le redoublement de ses travaux
où l'on déterra en 1764, une habitation recouverte l'avait disposé à souhaiter un asile encore plus pai-
depuis, et qui est ordinairement appelée Maison de sible, il se retirait dans sa maison d'Antium ou
Cicéron. « Mais, dit M. Mazois dans ses Ruines de dans celle d'Astura. Il avait dans la première sa
Pompéi (p. 55), cette dénomination me paraît ha- meilleure collection de livres, et n'y étant qu'à
sardée. Cicéron avait bien à Pompéi une maison trente milles de Rome, il pouvait être informé tous
de plaisance qu'il affectionnait beaucoup et où il les jours de ce qui s'y passait. Astura était une pe-
composa en grande partie ses Traités des Devoirs, tite île à l'embouchure d'une rivièredu même nom,
de la Divination et de la Yieillesse, mais elle de- éloignée d'environ deux lieues de la côte, entre les
vait être plus éloignée de la ville. Il écrivait lui- promontoires d'Antium et de Circéum. Elle était
même à Atticus « Je suis ici dans un endroit très- couverte d'un bois épais, partagé par des allées
agréable, mais surtout fort retiré; un homme qui sombres, où Cicéron passait tes moments fâcheux
compose y est à l'abri des importuns.» Or, cette et mélancoliquesde sa vie. -Dans les plus grandes
habita tion-ci placée aux portes de la ville, au bord chaleurs, sa maison d'Arpinum et la petite île qui
de la grande route et tout proche du port, n'aurait l'avoisinait, avec ses bosquets et ses cascades, ser-
pu lui offrir cette tranquillité qu'il vante plus d'une vaient à le défendre contre les ardeurs de l'été.
fois dans ses lettres et il n'eût pu l'appeler un lieu Ses autres maisons étaient situées dans les lieux les
retire. Au surplus, elle est vaste, bien située; les plus fréquentés de l'Italie. Il en avait deux à
décorations qui y furent trouvées font présumer Formies, une haute et une basse; celle-ci pro-
qu'elle dut appartenir à quelqu'un des principaux che du port de Caiète, et t'autre sur les mon-
habitants. » Toutes ces maisons de campagne dei tagnes voisines. Il en avait une troisième sur le
Cicéron avaient assez d'étendue pour recevoir, avecrivage de Baies, entre le lac d'Averne et Pouz-
sa famille, un grand nombre de ses amis, dontt zol; c'est celle qu'il appelait la Putéolane. Elle
plusieurs, qui tenaient le premier rang à Rome, s'y avait été bâtie sur le plan de l'Académie d'A-
arrêtaient ordinairement quelques jours avec lui, thènes. C'est dans cette dernière qu'Adrien mourut
quand ils avaient quelque voyage à faire dans en adressant à son âme les petits vers si connus
les environs. Mais, outre ces maisons qui pou-• que nous a conservés Spartien. -Toutes les mai-
vaient être regardées comme autant de terres, sons de Cicéron étaient meublées avec une élégance
et qui étaient entourées d'un parc et de champsï proportionnée à la délicatesse de son goût, et à la
cultivés, il en avait de moins considérables sur laî magnificence des édifices. Ses galeries étaient or-
route, qu'il appelle lui-même de petites hôtelle- nées des plus belles statues et des meilleurs ta-
t
ries, ou des lieux de repos, bâtis apparemment bleaux de la Grèce. Sa vaisselle et tous ses meu-
t
pour la commodité de ses voyages lorsqu'il passait bles répondaient à cette richesse par la beauté
t
d'une terre à l'autre. Celle de Tusculum avait de la matière et par l'excellence de l'ouvrage. Pline
appartenu au dictateur Sylla. Elle était à quatree parle d'une table de cèdre qui existait encore de son
milles de Rome, sur le sommet d'une agréable col- temps. C'était, dit-il, la première qu'on eût vue à
line, couverte d'un grand nombre d'autres mai- Rome, et Cicéron l'avait payée 200,000 sesterces
sons, et d'où la vue embrassait Rome et toute laa (environ 91,375 fr.). Atticus ayant fait long-
campagne voisine. A si peu de distance du centree temps son séjour à Athènes, Cicéron se procura
des affaires, il pouvait y aller respirer l'air de laa par son entremise un grand nombre de statues pour
campagne à toutes les heures, et se délasser avecc l'ornement de ses maisons de campagne, prin-
sa famille ou ses amis des travaux du forum et duii cipalement pour celle de Tusculum. Il y avait
sénat. Aussi passait-il ses plus agréables momentss fait construire des salles et des galeries, à l'imi-
dans cette délicieuse retraite, et le goût qu'il yy tation des écoles et des portiques d'Athènes.
prenait l'avait porté à l'orner avec plus de soin n II leur avait donné les noms antiques de gymna-
que toutes ses autres maisons. Elle appartient au-sium et d'académie, et il les avait de même con-
jourd'hui à des moines, dont le couvent s'appelle e sacrées à ses conférences philosophiques avec
Grotta Ferrata, et ils montrent encore les restess ses amis. Atticus avait reçu de lui, en général,
1 Elle et
était soeur de la vestale Fabia Térentia,
la commission de lui acheter toutes les statues
tous les tableaux grecs qu'il jugerait propres
dont parle Plutarque dans la Pie de Caton d'Uti-à à orner son académie. Il s'en acquitta avec au-
que, c. 19, éd. de Reiske. On ne sait rien de plus[S
de la famille de Térentia; mais on peut conclure e Lisez cent vingt mille deniers. Ricard évalue
de son nom, de ses richesses etde la condition de le cette somme à 108,000 livres.
sa soeur, qu'elle appartenait à une des plus illustres
fs 'Lisez quatre-vingt-dix mille deniers. 81,000
maisons de Rome. livres, d'après l'évaluation de Ricard.
vivoit honestement et sobrement sans superfluité les lettres se mettant à table bien peu souvent
avec ses familiers Grecs et Romains qui aimoient avant le coucher du soleil, non tant pour occupa-
tions grandes qu'il eust, que pour la foiblesse et im-
tant de goût que de zèle. On voit par leurs lettres becilité de son estomac car il estoit au demou-
qu'il lui envoya,dans plusieurs occasions, un grand rant exquis et diligent au soing de sa personne,
nombre de statues, lesquelles arrivèrent heureuse-jusques à
Formies user de frottement et de tours de pro-
ment au port de Caiète, d'où sa maison de raenemens en nombre certain et par ce moyen
n'était pas éloignée, et elles lui furent si agréa-
bles, que chaque fois qu'il en recevait quelques-traittant et gouvernant son corps, il se le
unes, il en demandait aussitôt de nouvelles. J'aii mainteint non seulement sans maladie mais
conçu, lui écrivait-il, tant de passion pour ces ra- aussi fort et robuste pour supporter plusieurs
retés, qu'au risque d'en être blâmé, je vous supplie grands labeurs et travaux qu'il luy convint
toujours de la satisfaire. » Son ardeur pour l'em- soustenir depuis. II ceda la maison paternelle à
bellissement de Tusculum alla jusqu'à lui faire son frere', et luy s'en alla tenir au mont Palatin,
envoyer à son ami le plan de ses plafonds, qui
étaient de stuc, pour y faire ajouter dans les com- ble et qui avait procuré à Cicéron de fréquents
partiments des ornements de sculpture et de pein- secours; c'étaient les legs qu'on recevait de ses
ture. Il lui envoya aussi le dessin des sommets deamis à leur mort. Par un usage particulier aux
ses puits ou de ses fontaines, qui étaient ornés, Romains les clients et tous ceux qui avaient fait
suivant l'usage de ces temps, de figures en relief,profession de quelque attachement pour une fa-
et composées sur les meilleurs modèles. Lesmille illustre, laissaient à leurs patrons une par-
soins d'Atticus ne lui furent pas moins utiles pour tie considérable de leur bien, comme le témoi-
recueillir des livres grecs et pour former sa biblio- gnage le plus certain de leur respect et de leur
thèque. Cet illustre ami qui avait la même pas- gratitude; et le crédit d'un citoyen augmentait à
sion, profitait du libre accès qu'il avait dans toutesmesure
que ses richesses s'accroissaient par cette
les bibliothèques d'Athènes, pour faire copier les voie. Cicéron avait
reçu un grand nombre de ces
ouvrages des meilleurs écrivains par ses esclaves. présents testamentaires. Il s'en félicite lui-même
Il était parvenu ainsi à se faire une collection fortdans plusieurs de ses lettres; et lorsque Antoine
nombreuse des livres les plus curieux, dans le des- lui reprocha faussement d'avoir été négligé dans
ces
sein, à la vérité, de les vendre, et l'on voit par une occasions, il déclara dans sa réponse que
de ses lettres qu'il s'ouvrit là-dessus à Cicéron; son bien s'était accru par ce seul moyen de plus
mais il lui faisait entendre qu'il en espérait une de vingt millions de sesterces, dont il était rede-
plus forte somme que celle qu'il pouvait attendre vable à des donations libres et volontaires, et
de lui; ce qui engagea Cicéron à le prier dans plu-
non, comme il en accusait Antoine, à des testa-
i
sieurs lettres de les garder tous pour lui, jusqu'à ments forgés, dont les auteurs étaient inconnus.
ce qu'il fût en état d'en payer la valeur. « Je vousî Middleton.
demande en grâce, lui écrit-il, de me conserverr
vos livres; si je me ruine en les achetant, je me La maison paternelle de Cicéron est placée, par
croirai plus riche que Crassus et je mépriserai less P. Victor, dans le quatrième quartier de Rome,
plus belles maisons de campagne. Gardez-moi cesqu'on appelait le Temple de la Paix, et près de la
livres; je mets à part tout ce que.je puis épargner maison de Pompée. Celle qu'il alla occuper était
i
de mon revenu pour me procurer cette consolation dans le dixième quartier, qu'on nommait le Palais
dans ma vieillesse. » (Palatium), dans le voisinage du temple de Jupiter
Quand on songe à la médiocrité de son patri- et de la maison de Catulus. Il la tint d'abord à
moine, on a peine à comprendre quelle était laloyer de Crassus, mais il l'acheta après son consu-
source d'un revenu assez vaste pour fournir à la lat, comme il le dit lui-même, Ep.fam. v, 6.
construction de tant d'édifices, et aux frais conti- C'est en 691 de Rome que Cicéron, alors âgé de
nuels de leur entretien et de ce magnifique ameu- quarante-cinq ans, acheta cette maison, qui lui
blement. Mais l'étonnement doit cesser, si l'on coûta une somme considérable, et semble avoir été
i
considère quelles grandes occasions il avait eues une des plus belles de Rome. Elle avait été bâtie
d'augmenter sa fortune. Les premiers citoyenstrente ans auparavant par le tribun Liv. Drusus.
de Rome avaient deux voies toujours ouvertes On rapporte que l'architecte ayant offert de la
pour acquérir des richesses premièrement, lesi construire avec tant d'art qu'on n'y pourrait être
i
magistratures publiques et les gouvernements des vu du voisinage, Drusus répondit Faites plutôt
provinces; ensuite les présents des rois, des prin- que tout le monde puisse voir ce que j'y ferai. »
ces et des États étrangers, qu'ils s'étaient atta- Elle était située dans la partie la plus élevée de la
chés par leurs services et par leur protection.ville, presqu'au centre de toutes les affaires, avec
Quoique Cicéron eût usé de ces avantages avec une la vue fort libre sur le forum et sur la tribune aux
admirable modération, ce qu'il en avait tiré suffi- harangues, et elle touchait aubeau portiquede Ca-
sait à un homme si réglé, si supérieur aux plaisirst tutus. Aulu-Gelle raconte que Cicéron étant résolu
frivoles. Il y avait d'ailleurs une troisième voied'acheter cette maison, "t n'ayant point la somme
pour s'enrichir, qui était estimée la plus honora- qu'on lui demandait, t'emprunta secrètement do
à celle fin que ceulx qui le viendroient visiter révérence aux magistrats en plaidant, ayant au
par honneur, et qui luy feroient la cour ne se demourant le col tout plein d'escrouelles, se
travaillassent pas tant d'aller si loing car il n'y presentoit un jour arrogamment devant Ciceron
avoit pas moins de gens tous les matins à sa estant en son siège praetorial et luy demandoit
porte,qu'à celle de Crassus pour ses richesses, ou quelque chose, que Ciceron ne luy vouloit point
de Pompeius pour l'authorité et le credit qu'il ottroyer sur le champ, ains s'en vouloit conseil-
avoit entre les gens de guerre, qui estoient les ler à loisir et Vatinius luy dit qu'il ne feroit
deux plus puissans hommes qui fussent pour lors point de difficulté de cela s'il estoit pirateur.
à Rome et, qui plus est, Pompeius luy mesme Ciceron se tournant vers luy, luy respondit
luy faisoit la cour, à cause que l'entremise de Aussi n'ay je pas le col si gros que toy'. »
Ciceron lui servoit de beaucoupà l'accroissement XIX. Environ la fm de son magistrat, deux
de sa gloire et de son authorité. ou trois jours avant que son temps expirast, il
XVIII. Quand il vint à briguer et demander y eut quelqu'un qui meit en justice par devant
l'estat de prœteur, qui est comme juge ordinaire, luy Manilius, l'accusant semblablement d'avoir
encore qu'il eust beaucoup et de grands competi- desrobbé la chose publique. Cestuy Manilius es-
teurs, il fut le premier de tous declaré eleu en toit bien voulu et favorisédu peuple, lequel avoit
l'exercice duquel estat il se gouverna si honeste- opinion que Ion le persecutoit non tant pour sa
ment, qu'il ne fut jamais souspeçonné de corrup- faulte, que pour faire desplaisir à Pompeius, de
tion ny de concussion quelconque. Et à ce propos qui il estoit particulierement amy. Il demanda
on racompte que Licinius Macer, hommequi pou- quelquesjours pour respondre aux charges qu'on a
voit beaucoup de luy mesme, et qui oultre cela luy mettoit sus, et Ciceron ne luy bailla pour tout
estoit encore porté et soustenu par Crassus, fut delay que le jour ensuivant seulement, dont le
accusé devant luy de larcin et de maleversation peuple se courroucea fort, à cause que les autres
en son estat, et que se confiant au crédit qu'il prêteurs avoient accoustumé de donner en telz
cuidoit avoir, et à la brigue grande que faisoient casdix jours dedelay pour le moins. Le lendemain,
ses amis pour luy, il se retira en sa maison comme les tribuns du peuple le tirassent en ju-
avant que la sentence de son procès fust don- gement, et proposassent leur accusation contre
née, estans encore les juges sur les opinions, et luy, il pria Ciceron de le vouloir patiemment
que là il feit en diligence sa barbe, et vestit une ouir et Ciceron respondit, que sa coustume
belle robbe neufve, comme se tenant tout asseuré estant de user de toute la gracieuseté, douceur
d'avoir gaigné son procès, puis s'achemina vers et humanité, qui luy estoit loisible par les loix,
la place mais Crassus luy alla au devant, et le envers ceulx qui estoient accusez il luy sem-
rencontrant, luy dit comme il avoit esté con- bloit qu'il tiendroit grand tort à Manilius s'il ne
demué par toutes les sentences de tous les juges, faisoit le semblable à son endroit, et que pour
dont il fut si desplaisant, qu'il s'en retourna ceste cause n'ayant plus qu'un seul jour à estre
tout court, et s'alla mettre au lit, dont il ne re- en son office de prêteur, il luy avoit expresse-
leva oncques puis'. Ce jugement apporta gtande ment donné ce jour là, à fin qu'il peust respon-
réputation à Ciceron pource que Ion luy donna dre devant luy, pource qu'il luy sembloit, que
la louange d'avoir diligemment tenu la main à
ce que la justice eust lieu. Un autre nommé Va- haine publique dont il fut l'objet, ses écrouelles et
tinius homme effronté et qui portoit peu de
son consulat, passèrent en proverbe. Sénèque en
fait un portrait frappant (de Const. cap. n, 6.).
Sylla, son client, dans le temps même qu'il tra- C'est ainsi que Xylander interprète les mots
vaillait à sa défense; mais que le bruit s'en étant ojx iyu tïiXixoûtov Tpâgiitov. C'est aussi le sens que
répandu, il nia également et l'empruntet le dessein leur donne Ricard. M. Leclerc, dans son excel-
qu'il avait d'acheter la maison. Il ne laissa pas de lente traduction, a adopté un sens un peu diffé-
1 acheter quelques jours après, et répondit à
ceux rent « C'est, fait-il dire à Ciceron que je n'ai pas
qui lui reprochaient sa dissimulation, qu'il fallait tête aussi forte que toi. » Un autre passage de
une
être fou pour s'imaginer qu'ayant l'intention de se Plutarque dans la Vie de Marius
nous apprend
procurer une maison, il dût l'apprendre à tout le qu'aux yeux des Romains un cou épais indiquait
monde, au risque de faire naître des concurrents disposition à parler de tout avec assurance.
qui en augmentassent le prix. une
« Atque etiam Marius in senatu respondit Non
1 Valère-Maxime raconte ce fait autrement (ix, ita latum esse collum, ut de tanta re quicquam
12). Voyez aussi Cicéron (pro Rab. perd. c. 2; ep. affirmare ausit de lege saturniana loquens.
ad AU. i 4.).
Le
sens d'Amyot nous semble donc préférable. Vati-
Voyez l'invective conlre Vatinms; Catulle, nius d'ailleurs n'avait pas ses écrouelles à la tête,
Carm. xiv, 13; Macrob. Saturn. n, 6, etc. La mais au cou.
de remettre le jugement de ceste cause, et le quets, amours de folles femmes, et leur four-
renvoyer par devant un autre prêteur, n'eust nissoit argent largement pour soustenir toute
pas esté fait en homme qui eust eu envie de luy celle despense. Davantage toute la Thoscane es-
faire plaisir. Ces paroles changerent merveilleu- toit en branle de se rebeller, et la plus grande
sement l'opinion et l'affection du peuple envers partie de la Gaule aussi, qui est entre les Alpes
luy, et en disant tous les biens du monde de luy, et l'Italie et si estoit la ville de Rome d'elle
le prierent de prendre la protection et defense mesme en grand danger de mutation pour l'ine-
de Manilius ce qu'il feit bien vouluntiers, et se galité des biens des liabitans, à cause que ceulx
presentant en jugement comme orateur, pour des plus nobles maisons, et qui avoient le cueur
plaider pour luy, feit une belle harengue, en la- plus grand avoient despendu tous leurs patri-
quelle il parla bien aigrement et franchement à moines en jeux et en festins, ou en edifices qu'ilz
l'encontre des gros de la ville, et de ceulx qui faisoient bastir à leurs despends pour gaigner la
portoient envie à Pompeius. grace du peuple, à fin d'obtenir les magistrats,
XX. Etneantmoins quand il vint à demander de sorte qu'ilz en estoient devenus pauvres, et
et prochasser l'oflice du consulat, il ne trouva les richesses estoient devoluës entre mains de
pas moins de port et de faveur envers les nobles petits personnages qui avoient les cueurs bas,
et les principaux de la ville qu'envers le menu de maniere qu'il falloit bien peu de chose pour
peuple car ilz luy aiderent à obtenir ce qu'il faire tourner l'estat des affaires sans dessus des-
demandoit pour le regard du bien et de l'utilité soubz, et estoit en la puissance de quiconque
publique, à cause de telle occasion la mutation l'eust ozé entreprendre, de remuer le gouverne-
du gouvernement qu'avoit introduit Sylla, du ment, tant la chose publique estoit corrompue
commencement avoit semblé bien estrange au et gastée au dedans de soymesme. Toutefois
peuple, mais lors s'y estans jà les hommes ac- Catilina voulant encore se saisir d'un fort, pour
coustumcz par traict de temps, elle commenceoit mieux pouvoir parvenir au but de son entente,
à prendre pied et àn'estre plus trouvée mau- demanda le consulat, ayant grande esperance
vaise toutefois il y avoit quelques particuliers qu'il seroit eleu consul avec Caius Antonius,
qui vouloient changer et renverser tout sans homme qui de soymesme n'estoit pas pour com-
dessus dessoubz pour servir à leur propre ava- mencer à faire ny grand bien ny grand mal,
rice, et non point pour aucun bien publique, at- mais qui pouvoit adjouxter beaucoup de force à
tendu mesmement que lors Pompeius estoit en- un autre qui l'eust mené ce que prevoyans
core en Levant, où il faisoit la guerre aux roys plusieurs gens de bien et d'honneur, solliciterent
de Pont et d'Arménie, et qu'il n'estoit demouré Ciceron de demander le consulat, et le peuple
à Rome aucune force qui fust suffisante pour l'ayant aggreable, Catilina vint par ce moyen à
resister à ces seditieux, qui cherchoient de decheoir de son esperance, et Antonius et Cice-
faire quelque nouvelleté, lesquelz avoient pour ron furent declarez consulz, combien que Cice-
leur chef Lucius Catilina, homme hardy et ha- ron fust seul entre les poursuivans, né de père
zardeux à entreprendre toute grande chose, chevalier seulement', et non senateur romain,
cauteleux et malicieux de nature, et que l'on et si ne sçavoit pas encore la commune les se-
chargeoit entre autres forfaittures enormes dont crettes menées de Catilina.
il estoit souspeçonné, d'avoir dépucelle unesiene XXI. Mais dès le commencement de son con-
fille propre, et d'avoir tué son frère germain, sulat, il eut de grands travaux et grands af-
duquel meurtre craignant d'estre appelle en jus- faires, pource que d'un costé ceulx à qui il estoit
tice, il pria Sylla de le faire mettre au nombre defendu par les ordonnances de Sylla de tenir
des condamnez et proscripts comme s'il eust magistrats à Rome, qui n'estoient point foibles
encore esté vivant. Ces meschans seditieux donc- ny en petit nombre, alloient prattiquans la bien-
ques ayans un tel homme pour leur capitaine, vcillance du peuple, en disant et alleguant plu-
s'estoient asseurez et obligez les uns aux autres sieurs choses justes et veritables contre la vio-
par plusieurs moyens, et entre autres, avoient
tué un homme, duquel ilz avoient mangé la
Cicéron avait eu six compétiteurs au consulat
chair ensemble et avoient corrompu une >
patriciens, P. Sulp. Galba, et L. Serg. Cati-
grande partie de la jeunesse car le capitaine deux lina deux d'extraction noble, Antoine, fils du cé-
leur subministroit à chascun tous les plaisirs lèbre orateur de ce nom, et Cassius Longinus;
ausquelz la jeunesse est encline, comme ban- deux qui, sans être nobles, étaient fils de sénateurs,
Q. Cornificius et C. Licinius Sacerdos. Cicéron était
> Salluste
(Cat. 22) parle moins affirmativement le seul de l'ordre équestre. Ajsconius, Argum. orat.
de ce pacte des conjurés. In Tog. cand.
lente domination et tyrannie de Sylla, mais en le suyvre, non seulement feit rejetter la loy de
temps qu'il n'estoit pas seur de rien changer ny ces tribuns au peuple mais davantage leur feit
remuer au gouvernement de la chose publique perdre esperance de pouvoir rien conduire à
et d'autre costé les tribuns du peuple mettoient chef de tout ce qu'ilz avoient entrepris: tant
en avant des loix et des edicts servans à ce pro- il les abaissa et supplanta par son eloquence.
pos car ilz vouloient que Ion eleust dix com- XXIII. Car ce a esté le personnage qui plus a
missaires avec puissance et authorité souveraine fait cognoistre aux Romains combien l'eloquence
par toute l'Italie, par toute la Syrie, et encore adjouxtede plaisir et fait trouverdoulx ce qui est
par tous les païs et provinces, que Pompeius honeste, et que le droit et la raison sont invin-
avait nouvellementacquises à l'empire romain, cibles quand on les sçait bien dire, et qu'il fault
de vendre et aliener ce qui appartenoit a la chose que celuy qui veult faire devoir d'homme sage
publique, faire le procès à qui bon leur semble- au gouvernement d'une chose publique, voyse
roit, bannir et envoyer en exil, peupler vil- tousjours de faiet preferant ce qui est utile à ce
les, prendre argent au tresor de l'cspargnc, qui chatouille et qui flatte la multitude: mais de
lever des gens de guerre, les entretenir et sou- paroles qu'il doit aussi chercher de faire, que ce
doyer tant et si longtemps que bon leur semble- qui est utile ne soit desplaisant •.
roit. Pour ceste grande puissance il y avoit plu- XXIV. Auquel propos on peult aussi alléguer,
sieurs hommes de qualité qui adheroient et pour monstrer combien il avoit de grace en son
favorisaient à ces loix, mesmemeut Antonius parler, ce qu'il feit du temps de son consulat,
compagnon de Ciceron pource qu'il avoit espe- touchant l'ordre de seoir au théâtre à veoir jouer
rance d'estre l'un de ces dix commissaires: et si les jeux; car au paravant les chevaliers romains
pensoit on qu'il sçavoit bien la menée de Cati- seoient pesle mesle parmy le menu peuple ainsy
lina, et qu'il n'eu estoit pas mal content, pource que chascun se rencontroit, et le premier qui y
qu'il se trouvoit fort chargé de debtes: ce qui meit distinction futMarcus Otho1, lors prœteur,
donnoit plus de crainte aux gens de bien que lequel feit un edict, par lequel il ordonna des
nulle autre chose: et pourtant Ciceron, voulant sieges séparez pour les chevaliers romains, de
premierement remedier à ce danger, feit que la là où ilz verroient des lors en avant jouer les
province du royaume de Macedoine luy fut jeux. Le peuple prit cela à cueur, comme estant
destinée1, et luy estant à luy mesme preson- fait à son deshonneur, de sorte que depuis,
tée celle de la Gaule, il s'en excusa: et par le quand Otho entra dedans le theatre, tout le
moyen de ce benefice gaigna Antonius comme menu peuple se prit à le siffler pour lui faire
un joueur de farces mercenaire, luy faisant honte, et au contraire les chevaliers lui feirent
promettre pour le bien de la chose publique, place entre eulx avec grands batemens de
qu'il le seconderait et ne diroit sinon ce qu'il mains, en signe d'honneur: à l'occasion de quoy
lui nommeroit. le peuple de rechef commencea à siffler plus que
XXII. Quand il eut gaigné celuy là, et qu'il devant, et les chevaliers a batre des mains, et
l'eut rendu maniable à sa voulunté, il se com- de là se totirnerent à s'entredire villanie les uns
mencea à asseurer davantage, et à resister plus
hardiment à ceulx qui mettoient en avant ces 1 Voici comment Ricard a rendu ce passage de
nouvelletez car en plein sénat il se prit un jour Plutarque, un peu obscur dans Amyot. Cicéron est
à reprouver et condemner la loy que les tribuns1 de tous les orateurs celui qui a le mieux fait sen-
vouloient faire passer, et estonna tellement
tir aux Romains quel charme l'éloquence ajoute à
la beauté de la morale; de quel pouvoir invincible
ceulx qui en estoient autheurs, qu'il n'y eut la justice est armée quand elle est soutenue de celui
personne d'eulx qui luy ozast contredire. Ce de la parole. Il leur montra qu'un homme d'État
neantmoins les tribuns attenterent encore une qui veut bien gouverner doit, dans sa conduite po-
autre fois depuis de la faire authoriser, et don- litique, préférer toujours ce qui est honnête à ce
nerent assignation aux consulz de comparoir qui flatte; mais que, dans ses discours, il faut que
devant le peuple mais Ciceron ne s'estonna la douceur du langage tempère l'amertume des ob-
point pour cela, ains commandant au senat de jets utiles qu'il propose.
Aultres le nomment Lucius Roscius Otho, tri-
bun du peuple. AMYOT. C'est ainsi qu'il faut
II ne reste qu'un fragment du discours de Pro- lire, suivant Cicéron (pro Muren. c. 19); Tite-Live
scriptorum liberis. (Epitom. lib. 99); Velléius (n, 32); Acron. (in
J A Caius Antonius Horat. Epod. 4, etc.). La loi Roscia avait été por-
3 Nous avons encore les trois discours de Cicé- tée quatre ans auparavant (Dion, xxxvi, 25). Il ne
ron contre Servilius RuIlus, qui était à la tête des reste que deux ou trois mots du discours prononce
tribuns; mais le dernier est fort mutilé. alors par Cicéron.
aux autres, de maniere que tout le theatre estoit « fais-je, si y ayant deux corps en ceste ville
en confusion; ce qu'entendant Ciceron s'y en «« l'un gresle, maigre et tout pourry, qui a un
alla luy mesme, et appellant le peuple au temple •« chef, et l'autre grand, gros et fort, qui n'en a
de la deesse Bellone, le tensa et le prescha si « point, je lui en mets un? » Voulant, par ceste
bien, que retournant sur l'heure mesme au response r enveloppée et couverte, signifier le
théâtre, ils honorerent et recueillirent aussi de peuple
l et le sénat. Ceste response ouye, Ciceron
batemens de mains Otho, et feirent à l'envy eut e encore plus grande crainte que devant, de
des chevaliers à qui plus luy feroit de caresse et sorte
s qu'il s'arma d'un corps de cuirace pour la
d'honneur. scureté
s de sa personne, et fut accompagné par
XXV. Mais les complices de la conjuration tous t les gens de bien et grand nombre de jeu-
de Catilina, qui du commencement s'estoient nes t hommes, à l'aller de son logis jusques au
un petit refroidiz pour la peur qu'ilz avoient champ ( de Mars où se faisoient les élections et
euë, recommencerent de nouveau à prendre avoit c expressément laissé son saye lasche au
cueur en se trouvant ensemble et s'entre en- collet, ( à fin qu'on peust voir le bout de la cui-
courageant de mettre la main à l'œuvre plus race ] qu'il avoit sur son dos, pour faire cognoistre
hardiment, devant que Pompeius fust de re- ài ceulx qui le regarderoient le danger auquel il
tour; lequel on disoit estre ja en chemin pour estoit.
s'en retourner avec son armée: mais surtous, les XXVI. Ce que tout le monde trouvoit fort
soudards qui jadis avoient esté à la guerre mauvais, et se rangcoit on autour de lui pour
soubs Sylla, estans escartez cà et là par toute le défendre de qui l'eust voulu assaillir. Si fut
l'Italie, et plus part d'iceulx, mesmement les la chose à tant conduitte, que par les voix du
plus belliqueux, estans espandus et semez par les peuple Catilina fut une autre fois débouté de
villes de la Thoscane, solicitoient et hastoicnt l'office du consulat, et furent eleuz consulz Syl-
Catilina, se promettans bien qu'ilz auroient lauus et Murena.
encore une autre fois des richesses toutes prestes XXVII. Peu de temps après ceste election,
à piller et à robber à leur plaisir. Ces soudardsestans ja ensemble les soudards de la Thoscane
ayans pour leur capitaine un nommé Manlius, qui devoient venir à Catilina, et estant le jour
qui autrefois avoit eu charge notable soubz Sylla, prochain qu'il avoit prefix pour executer leur
estoient bandez avec Catilina et s'estoiententreprise, environ la minuict vindrent en la
trouvez à Rome pour luy aider à sa brigue car maison de Ciceron trois des principaux et
il s'estoit mis à demander de rechef le consulat, plus puissans hommes de la ville, Marcus Cras-
ayant deliberé de tuer Ciceron durant le bruit sus, Marcus Marcellus et Scipio Metellus, et ba-
et le tumulte de l'élection.Les dieux monstroient tant à la porte, appellerent le portier, et luy
assez évidemment par tremblemens de terre, dirent qu'il allast esveiller son maistre, et luy
par foudres et tonnerres, et par visions de fan-faire entendre comme ilz estoient eulx trois à la
tasmes' qui apparoissoient, les menées secrettesi porte, et qu'ils avoyent à parler à luy pour une
qui se machinoient, et en avoit on des indicestelle occasion Le soir après soupper, le por-
veritables par personnes qui les venoient reve- tier de la maison de Crassus lui avoit baillé un
ler mais ilz n'estoient pasencore suffisans pourpacquet de lettres qu'un homme incogneu avoit
proceder à l'encontre d'un homme noble, et qui apportées, lesquelles s'adressoient à diverses
pouvoit beaucoup, comme Catilina. ParquoyCi-personnes, et y en avoit une qui n'estoit point
ccron dilayant le jour de l'élection, feit appel-
ler Catilina au senat, là où il l'interrobua sur cegrec
signifiât une réponse qui n'était point molle;
qui se disoit contre luy; et luy se persuadant qu'Amyot aitécrit
une réponse non molle, et que
qu'il y en avoit beaucoup dedans le senat mesme,
qui ne demandoient autre chose que la nouvel-
sa petite particule négative ait disparu à l'impres-
sion les autres ont corrigé le texte même de Plu-
leté et la mutation, et aussi se voulant monstrertarque; les interprètes latins ont traduit respon-
prest à ceulx qui estoient de sa conjuration, feitt dit Ciceroni leniter, et M. Leclerc Il fit cette
une response molle' à Ciceron, disant Quel mal1 réponse détournée, » en prévenant qu'il n'adopte
ni le changement fait par Reiske, ù patax^v ànô-
Cicéron (in Catil. ni, 8; de Divin. i, 11 ) ra- «punv, ni la leçon de Coray, |unmfri.
conte fort au long tous ces prodiges, que Plutar- Salluste ne dit rien de cette visite nocturne dee
des indices qu'il s'empressa
que ne fait qu'indiquer ici. Ils sont aussi rapportéss Crassus à Cicéron, et
par Dion (xxxvn) Julius Obséquens, et Arnobe. de lui fournir.
Ce passage a donné lieu à beaucoup d'in- Dans le grec, ceci est une autre phrase, qui
terprétations diverses; les uns ont voulu que lee signifie Voici quel était le sujet de leur visite.
soubscripte nccmt !ia frfi«iis
laquelle s auurcssoii wassus luy
Itiv
n mesme devers Manlius, là où estoit leur
ïYiesmfi dpvfirs
mesme. ceste lettre portoit que bientost il se armée;
a maisavant que partir il attiltra un nom-
devoit faire un fort grand meurtre en la ville n Marcius et un autre Cethegus ausquelz

par Catilina, à raison de quoy il l'admones- il commanda s'en aller le matin à la porte du
toit et conseilloit de sortir de la ville. Crassus logis1( de Ciceron avec des dagues couvertes pour
ayant leu ceste lettre ne voulut point ouvrir le I( tuer, soubz couleur de lui venir donner le
les autres, ains s'en alla tout droit vers Ciceron, bbonjour et le saluer.
meu de la crainte du danger, et en partie aussi XXIX. Mais il y eut une dame de noble mai-
pour se justifier de quelque souspeçon qu'on son s nommée Fulvia qui la nuict de devant en
avoit sur luypour l'amitié qui estoit entre luy et alla a avertir Ciceron, l'admonestant qu'il se gar-
Catilina. ddast de ce Cethegus, lequel ne faillit pas à venir
XXVIII. Ciceron doncques ayant deliberé le l, lendemain de bon matin, et luy estant l'en-
avec eulx sur ce qui estoit à faire en tel cas, le trée t de la maison défendue, commencea à se
lendemain au plus matin feit assembler le sénat, courroucer
c et à crier devant la porte, ce qui le
et portant avec soy les lettres, les distribua à rendit r encore plus suspect. A la fin, Ciceron
ceulx à qui elles s'addressoient leur comman- ssortant de sa maison, feit appeller le senat au
dant de les lire tout hault. Ces lettres toutes éga- ttemple de Jupiter Stator, qui vault autant à
lement et conforméement descouvroient la con- idire comme, Arresteur, lequel est situé à l'en-
juration et davantageQuintus Arriushomme ttrée de la rue Sacrée, ainsi que Ion monte au
d'authorité, comme celuy avoit autrefois esté mont r Palatin.
prœteur, dit publiquement les amas de gens de XXX. Là se trouva Catilina avec les autres,
guerre qui se faisoient par la Thoscane et rap- comme ( pour se justifierdes choses dont on le sous-
porta Ion encore que Manlius avec une grosse peçonnoit, 1 mais il n'yeust pas un des autres sena-
trouppe de soudards tenoit les champs alentour tteurs qui se voulustasseoir auprès de luy, ains
des villes de la Thoscane, n'attendant autre se g leverent tous du banc sur lequel il avoit pris
chose que les nouvelles de quelque mouvement place, 1 et quand il cuida commencerà parler ne
qui se devoit faire à Rome. Toutes lesquelles1peut oncques avoir audience pour le bruit qui se
choses considerées, il fut fait un arrest et decret leva contre luy, jusques à ce que finablement
1

au senat, par lequel on remettoit entièrement Ciceron se leva, et lui commanda de sortir de la
les affaires entre les mains des consulz, à celle ville 1
(

et qu'il falloit nécessairement qu'il y


fin qu'eulx en prenant la charge prouveussent eust separation de murailles entre eulx, attendu
avec authorité souveraine ainsi que mieulx ilz que l'un se servoit de paroles, et l'autre vouloit
<

pourraient et sçauroient faire, à ce que la chose user d'armes et de voye de faict.


>

publique ne tumbast en aucun inconvenient. XXXI. Parquoy Catilina, sortant incontinent


Ceste manière de decret et de conclusion ne se de la ville avec trois cents hommes armez, nefut
souloit pas souvent prendre au senat, ains seu- pas plus tost hors de l'enceinte des murailles,
1

lement alors qu'ilz redoubtoient quelque grand qu'il feit par des sergens porter devant luy des
danger evident Parquoy Ciceron ayant verges liées avec des haches, comme s'il eust
ceste pleine puissance, commeit les affaires de esté magistrat legitime, et feit lever des ensei-
dehors à Quintus Metellus et reteint à luy gnes de gens de guerre, et en cest equippage s'en
la charge du dedans de la ville et le jour alla rendre la part où estoit Manlius, n'ayant pas
en allant par la ville estoit environné d'un
i moins de vingt mille hommes, avec lesquelz il
si grand nombre d'hommes, que quand il alloit essayant de prattiquer et gaigner les villes,
passoit à travers la grande place, elle estoit pres- de sorte que la guerre estant par ce moyen de-
que toute remplie de la trouppe qui l'accompa- clarée ouvertement, Antonius le compagnon de
gnoit. A l'occasion de quoy Catilina ne pouvant Ciceron au consulat y fut envoyé pour le com-
plus différer ni attendre, resolut de s'en aller
Plutarque, en nommant les deux Romains apos-
tés pour tuer Cicéron, n'est point d'accord avec
• Il est nommé Marius par Salluste, et par d'au-
Salluste, qui lui-même ne l'est pas avec Cicéron.
tres, Martius et Attius.
1 Cette assertion n'est pas exacte. Cicéron n'or-
» La formule de ces décrets était celle-ci Vi-donna pas à Catilina de sortir de Rome; il aurait
deant consules nequid detrimenti respublica patia- craint, en le faisant, de paraître agir avec une
tur. Voyez sur cette formule Cicéron, (in Cat. i, 2 i autorité trop absolue. Il fit mieux, et tel fut le
pro Rabir. perd. i 1 Philippie. n 21 v, 12;pouvoir de son éloquence, que Catilina, effrayé,
vin, 4, 5; Ep. fam. xiv, 11). César (de Bel! civ. prit de lui-même le parti de quitter Rome.
5); Dion (xxxvn, 31 etc.). Jiicard.
battre. Cependant Cornelius Lentulus surnom- public dequoy Sylla estant courroucé contre
mé Sura, homme de noble maison, mais de mau- luy, et luy en demandant compte devant le se-
vais gouvernement, et qui pour sa meschante nat, il se tira en avant fort nonchalamment, et
vie avoit paravant esté jette hors du senat, as- en homme qui monstroit bien ne s'en soucier
sembla le demourant de ceulx qui, ayans esté gueres, etdit qu'il ne sçauroit autrement rendre
corrompus par Catilina, estoient encore demou- compte, mais qu'il presentoit le gras de sa jam-
rez en la ville après luy, et les admonesta de ne be, comme font les enfans quand ilz ont failly
s'estonner de rien. Il estoit lors prateur pour au jeu de la paulme. De là vint que depuis on le
la seconde fois, comme la coustume est, quand surnomma toujours Sura, parce que Sura en la-
quelqu'un vient à recouvrer de nouveau la di- tin signifie le gras de la jambe Une autre
gnité de senateur qu'il a perdue et dit on fois estant appellé en justice pour quelque autre
que le surnom de Sura lui fut donné par une maléfice, il corrompit par argent aucuns des
telle occasion: Estant quaesteur du temps quei juges, et ayant esté absouls par deux voix de
Sylla avoit le gouvernement de la chose pu-• plus tant seulement, qu'il eut en sa faveur, il dit
blique en main, il despendit et consomma fol- qu'il avoit perdu l'argent qu'il avoit baillé àl'un
lement une bonne grosse somme d'argent du[ de ces deux juges là, pource que ce luy estoit
assez d'estre absouls par une seule voix de plus.
>
Ce passage avait été mal traduit per les inter-Cesthomme doncques estant detellenature, avait
prètes. Il est cependant d'une grande importance;premierement esté esbranlé
il atteste bien formellement un usage re- par Catilina, et
car nous achevé de guaster par certaius pronostiqueurs
marquable des Romains qu'il ne sera pas inutile
i
d'expliquer ici, en montrant par quelles voies un et faulx devins qui l'avoient abuzé de vaine es-
sénateur, qui avait été chassé du sénat, pouvait yperance, en luy chantant des vers qu'ils avoient
rentrer. Ce n'était que par une deces cinc] votes il1 feincts et controuvez, et des faulses propheties,
fallait, ou qu'il fût retenu par le collègue du cen- qu'ilz disoient estre extraittes des livres de la
seur qui l'avait chassé, ou qu'il fut rappelé par less sibylle, par lesquelles estoit porté qu'il devoit
censeurs suivants, ou que, par le jugement des avoir trois Corneliens monarques à Rome, des-
commissaires qu'on lui donnait, il oût été lavé des| quelz les deux avoient ja accomply la destinée,
accusations dirigées contre lui, ou que le peuple Cinna
l'eût absous, ou qu'enfin, après avoir repassé par et Sylla: et que au reste la fortune luy
les charges inférieures qu'il avait déjà exercées, il1 presentoit à luy, comme au troisième, la mo-
narchie, et qu'il la fallait embrasserchaudement,
se fût élevé à une des charges curules qui, seule,
le rétablissait de droit dans le sénat. Mais sur ce et non pas laisser perdre les occasions en trop
dernier moyen, voici la différence qui s'observait dilayant, comme avoit fait Catilina.
si le sénateur, avant d'être chassé, avait eu quoi- XXXII. Si n'avoit pas cestuy Lentulus entre-
que magistrature curule, il n'était pas obligé de3 pris chose petite De legere, ains avoit proposé
repasser par les charges moins élevées; il suffisait1 de tuer tout le sénat entièrement, et des autres
qu'il revînt à la charge curule qu'il avait exercée,citoyens autant qu'ilz pourroient occire, de
3t qu'il t'obtînt de nouveau des suffrages du peuple.
en
brusler toutelaville, sans pardonner à personne
C'est ce que confirment deux exemples célèbres, quelconque
celui de Salluste, et celui de Lentulus, dont Plu- sinon aux enfans de Pompeius, des-
tarque parle ici. Salluste n'avait été que questeur, quelz ils se devaient saisir et les garder pour
lorsqu'il fut chassé du sénat par les censeurss gages et ostages, de faire puis après leur appoin-
Appius Claudius et Pison. Il obtint une secondee tement avec luy car il estoit ja grand bruit, et
fois la questure, et il fut rétabli dans le sénat, non» le tenoit on pour tout asseuré, qu'il retournoit
par lebénéflee de cette charge, qui pourtant donnait1 des grandes guerres et conquestes qu'il avoit
quelquefois l'entrée au sénat (Cic. in Ferr. v, 14;faittes ès païs d'Orient. Si prirent assignation
Ep.Jam. ir, 7), mais par la faveur et le crédit pour executer leur entreprise à une nuict des Sa-
de César. Lentulus Sura, qui avait été chassé du
sénat par les censeurs Cn. Lentulus et L. Gellius, 3, turnales, et avoient porté force estouppe et souf-
après avoir été consul en 682, ne fut point réduitit fre, avec grande quantité d'armes en la maison
à passer par les moindres charges, qu'il avait déjàà de Cethegus, et oultre ce, avoient deputé cent
exercées, comme la questure; il sut'lit qu'il briguâtt hommes eu cent quartiers de la ville afin que
et qu'il obtint de nouveau la préture qui de pleinn le feu estant mis tout à coup en plusieurs en-
droit lui ouvrait l'entrée du sénat. C'estceque Dionn
fait fort bien entendre lorsqu'il écrit, xxxvn 30,i, • Ce surnom de Sura est beaucoup plus ancien
que P. Lentulus, un des adhérents de Catilina, que Plutarque ne le dit; car on trouve dans Tite-
ayant été chassé du sénat, après avoir été consul, Live, liv. xxn c. 31 un P. Sura lieutenant du
était alors préteur pour recouvrer ainsi son rang dee préteur Émilius en Sicile.
sénateur. Ce passage de Dion explique parfaite- » Salluste, avec plus de
vraisemblance,n'en met
ment bien celui de Plutarque. Dacier. que douze.
droits, elle en fust tant plus tost embrazée de grand
t nombre de dagues et d'espées toutes fres-
tous costez. Il y avoit d'autres hommes commis chement
c emoulues. Finablement le senat ayant
pour estoupper les canaulx et conduits par où |
promis impunité à ce Crotoniate pour deceller
l'eau venoit en la ville, et occire aussi ceulx ce
< qu'il sçavoit de ceste conjuration, Lentulus se
qui votildroient prendre de l'eau pour esteindre ttrouva par luy convaincu, et fut contraint de
le feu. Mais en ces entrefaittes, il se trouva d'ad- 1renoncer à son magistrat de prœtenr devant tout
venture à Rome deux ambassadeurs de la nation le senat, et changeant sa robbe de pourpre en
1

des Allobroges, laquelle pour lors estoit très mal prendre


] une autre convenable à sa malheureté.
contente, et portoit fort impatiemment le joug Cela fait, luy et ses consorts furent baillez en
de la domination des Romains. Lentulus pensa garde par les maisons des prêteurs et le soir
que c'estoient personnes idoines pour emouvoir estant ja venu, tout le peuple attendant alentour
et faire soublever toute la Gaule si feittant qu'il du lieu où le senat estoit assemblé, Ciceron
les gaigna et les tira à leur conspiration; et leur sortit à la fin, et declara à l'assistance du peuple
donna lettres addressantes au conseil de leur comme les choses estoient allées si fut recon
païs, par lesquelles il leur promettoit toute fran- voyé par tout ce peuple jusques en la maison
chise et d'autres addressantes à Catilina par d'un sien amy son voisin à cause que les damea
lesquelles il l'admonestoit de proposer liberté de la ville occupoient 1a siene, y faisans en
aux serfs, et de s'en venir le plus tost qu'il secret une feste et un sacrifice solennel en l'hon-
pourroit droit à Rome et envoya quant et eulx neur d'une deesse que les Romains appellent la
un nommé Titus' natif de la ville de Crotone, Bonne Déesse et les Grecs la nomment Gyme-
qui avoit la charge de porter les lettres mais cia, comme qui diroit feminine, à la quelle tous
tous leurs conseils et toutes leurs deliberations, les ans se fait un solennel sacrifice par la femme
comme d'hommes estourdis, qui ne se trouvoient ou mere du consul dedans sa maison', en pré-
jamais ensemble sinon en yvrognant avec folles sence des vierges religieuses vestales.
femmes, estoient facilement descouverts par XXXIV. Ciceron doncques estant entré en la
Ciceron, qui les alloit espiant et recherchant maison de celuy sien voisin, se meit à penser en
avec grande sollicitude, sobre jugement, et sens soy mesme ayant bien peu de gens autour de luy,
fort agu et clairvoyant car il avoit mis plusieurs comment il se devoit gouverner en ceste affaire
gens au guet hors de la ville, qui les guettoient car de punir les criminel à la rigueur selon que
et les suivoient aussi à la trace pour descouvrir leurs mesfaiets t'avoient deservy il doubtoit et
tout ce qu'ilz projettoient et si parloit encore craignoit de le faire, tant pource qu'il estoit
secrettement à quelques uns, desquel z il se fioit, doulx et humain de sa nature, que pource qu "il
que les autres cuidoientestre participans de leurne vouloitpas sembler avoir vouluntairementem-
conspiration par le moyen desquelz il sceut brassé l'occasion d'employer sa puissance abso-
comme les conjurez avoient eu pratique et com- I uë, pour aigrement punir à la rigueur des citoiens
munication avec ces ambassadeurs estrangers qui estoientdes plus nobles maisons de la ville, et
i
et finablement les feit espier la nuict, si bien qui y avoient beaucoup d'amis. Et au contraire
qu'il surprit les ambassadeurs et le Crotoniate aussi, s'il se portoit en cest affaire trop molle-
avec les lettres qu'il portoit, à l'aide des ambas- ment, il redoubtoit le danger qui pendoit de leur
sadeursallobroges, lesquelz s'entendi rent secret- témérité se doubtant bien que s'il leur faisoit
tement avec luy. souffrir punition moindre que le mort, ilz ne se
XXXIII. Le lendemainau poinet du jour il feitt chastieroient pas pour cela, faisant compte d'en
assembler le senat dedans le temple de Concorde, estre echappez à bon marché, ains en devien-
là où il leut publiquement les lettres, et ouit less droient plus audacieux et plus temeralres que
dépositions des complices et tesmoings. Il y eutt jamais, adjouxtans un aiguillon de nouveau
davantage un senateur Junius Syllanus quii courroux à leur ordinaire meschanceté: et luy
tesmoigna que quelques uns avoient ouy dire àà en seroit reputé couard et homme de peu le
Cethegus, qu'ilz devoient occire trois consulz ett cueur, avec ce que d'ailleurs il n'estoit pas tenu
quatre prêteurs. Piso aussi senateur, qui autre- pour fort hardy. Ainsy que Ciceron estoit en ces
fois avoit esté consul, declara presque semblabless doubtes, il apparut aux dames qui sacrifiaient
choses. Et Gaius Sulpitius, l'un des prêteurs, quiii en sa maison un miracle car le feu semblant ja
fut envoyé en la maison de Cetbegus rapportaa estre du tout amorty sur l'autel où l'on avoit sa-
qu'il avoit trouvé force traicts, force armes, criflé, il se leva soudainementdes cendres d'es-
T. Volturcius. (Sali., CatU., c. 44) « Ou dans la maison du préteur. ( Plutarque,
Junius Silanus, consul désigné. César, c. 9; Dion, xxxvi. 45).
-1-
corces que l'on y avoit bruslécs une grande et
claire flamme, dequoy les autres femmes furent
punir Ics __1"1.
1_- malfaiteurs, Silanus, auquel premier
en fut demandé l'advis dit que Ion les devoit
fort esbahies mais les vierges sacrées Vestales mener en la prison pour illec estrepuniz de l'ex-
dirent à Terentia la femme de Ciceron, qu'elle treme supplice; les autres qui opinerent conse-
s'en allast incontinent devers son mary l'advertir cutivement après luy furent tous de son avis,
qu'il ne faignist point d'executer hardiment ce jusques à Caius Caesar, qui depuis fut dictateur,
qu'il avoit en pensée pour l'utilité de la chose et lors estoit encore jeune1, et ne faisoit que com-
publique, et que la deesse avoit fait sourdre ceste mencer à venir, mais qui ja, en tous ses deporte-
grande lumière pour luy monstrer que cela luy mens et en son esperance,prenoit le chemin sui-
devoit ressortir à grand bien et grand honneur vant le quel depuis il tourna la chose publique
Terentia qui n'estoit point femme molle ny crain- romaine en monarchie; car alors mesme Ciceron
tive de sa nature, ains ambitieuse, et qui plus eut plusieurs souspeçons sur lui, mais nulle
avoit tiré de son mary touchant la cognoissance suffisante preuve pour le convaincre; et y en
des affaires publiques, qu'elle ne luy avoit mons- avoit qui disoient qu'ayant approché bien près
tré ny communiqué des affaires du mesnage et d'estre attainct et convaincu, il s'en estoit sauvé;
domestiques, ainsi que Ciceron luy mesme le les autres disent au contraire que Ciceron sciem-
tesmojgue lui alla faire ce rapport, et le solli- ment ne feit pas semblant d'ouïr ny de sçavoir
cita de faire la punition de telles gens autant en les indices que Ion luy vint descouvrir contre
feit Quintus Ciceron son frère, et semblablement luy, pour crainte qu'il eut de ses amis et de son
Publius Nigidius qui estoit son familier pour credit, pource qu'il estoit tout apparent que si
la conférence qu'ilzavoientensemble des estudes Ion mettoit Cœsar au nombre des accusez, il se-
de la philosophie, et du conseil du quel il usoit roit plus tost cause de leur faire sauver la vie à
fort au maniement des principaux affaires. culx, que eulx de la faire perdre à luy. Quand
XXXV. Le lendemain, le propos estant mis doncques ce vint à luy à dire son opinion à son
en deliberation du sénat comment on devoit tour touchant la punition des prisonniers, il se
leva en piedz, et dit qu'il n'estoit point d'advis
1 On trouve des récits presque semblables dans qu'on les feist mourir, ains que Ion confisquast
Pausanias, v, 27; Suétone, Tib., 14; Solin, c. 5; leurs biens, et quant à leurs personnes, qu'on
Servius, ad y£n., xn 200; Ammien Marcel- les gardast en prison l'un deçà l'autre delà,
lin, xxxm, 6, etc. Le consulat de Cicéron fut
précédé d'un pareil présage; Cicéron apprit cela par les villes d'Italie, telles qu'il plairoit à Cice-
de sa femme et l'inséra dans son poëme (Serv. ad ron, jusqu'à ce que la guerre fut achevée contre
Eclog., vm, 106), mais ces vers ne nous sont point Catilina Cette sentence estant plus doulce, et
parvenus. « II aurait pu aisément connaître dit l'autheur d'icclle très éloquent pour la faire
Bayle, qu'il n'y avait rien là de surnaturel il n'est trouver bonne, Ciceron luy mesme y adjouxta
point rare que si l'on jette du vin sur des cendres encore un grand poids inclinant en l'une et
chaudes, parmi lesquelles il y a presque toujours l'autre opinion, en approuvant en partie la pre-
un peu de braise, les esprits du vin prennent feu; miere et en partie celle de Caesar 3. Ses amis
voilà tout le prodige que la femme de Cicéron mesmes, pensans que la sentence de Csesar estoit
rapporta à son mari. D'autres disent que ce pro- plus seure pour Ciceron qu'il seroit
à cause
dige se fit voir aux femmes qui célébraient la féte
moins subject à estre calumnié quand il n'au-
de la bonne déesse le feu qui était allumé sur
roit point fait mourir les prisonniers suivirent
l'autel paraissait éteint, et cependant il s'éleva
plus tost la seconde; de maniere que Silanus
tout d'un coup du milieu des cendres et des tisons
mesme se reprit de ce qu'il avoit dit, et inter-
une grande flamme. Cela pouvait être fort naturel:
pretason opinion, disant qu'il n'avoit point en-
nous voyons tous les jours que des restes d'un fa-
got qui ne rendaient plus de flammes se rallu- tendu qu'on les deust faire mourir, pource qu'il
ment d'eux-mêmes. Ceci a bien l'air d'un conte estimoit le dernier supplice à un senateur ro-
brodé sur un autre. On aura changé les circons- main estre la prison. Mais le premier qui con-
tances du fait dont Cicéron décora son poëme et
ainsi, pour un prodige, on en aura donné deux. » II avait trente-sept ans, étant né l'an de Rome
» Cet aveu ne se trouve pas aujourd'hui dans les 654.
œuvres de Cicéron. 3 Il conclut à la prison perpétuelle, comme l'at-
3 P. Nigidius Figulus le plus savant des Ro- teste Cicéron lui-même (in Cat. iv, 5.); Salluste
mains après Varron, selon Aulu-Gelle (iv, 9), est (Cat. 51); Dion (xxxvn,36).
qualifié de sénateur par Dion (xlv, 1). Cicéron, 3 Plutarque ne fait pas assez entendre que Ci-
au rapport du même Aulu-Gelle (xt, 11), avait céron, dans la quatrième Catilinaire, tout en ba-
pour lui la plus grande estime, à cause de son es- lançant l'opinionde César et celle de Silanus, laisse
prit et de ses connaissances. voir clairement qu'il préfère la seconde.
tredit à ceste sentence fut Catulus Luctatius, et cuidoient proprement que ce fust comme quel-
après lui Caton, lequel, avec une grande vehe- que mystère solennel pour le salut du pais qui
mence de parler, rendit Cœsar fort suspect et sejouast de puissance absoluë par les plus gros
remplit au dcmourant tout le senat de cour- personnages de la ville avec terreur et frayeur.
roux et de hardiesse, tellement que sur l'heure Quand il eut passé à travers la place, et qu'il fut
mesme fut arresté à la pluralité des voix qu'ilz arrivé à la prison, il délivra Lentulus entre les
seroient exécutez à mort; mais Cœsar de rechef mains du bourreau, et lui commanda de le faire
s'opposa à la confiscation de leurs biens, ne vou- mourir, puis après Cethegus, et consequemment
lant pas que Ion rejettast ainsi tout ce qu'il y tous les autres, qu'il conduisit tous luy mesme
avoit d'humanité en son opinion, et que l'on n'en en la prison, et les y feit desfaire.
retinst que ce qu'il y avoit de severité seulement; XXXVII. Et en voyant encore plusieurs de
mais pource que le plus grand nombre le gai- leurs complices en trouppe sur la place, qui ne
gnoit et l'emportoit coutre luy, il appella à son sçavoient rien de ce qui s'estoit fait, et atten-
aide les tribuns du peuple, à fin qu'ilz s'oppo- doient seulement que la nuict fut venuë pour
sassent toutefois, ils n'y voulurent point en- cuider aller prendre par force leurs compagnons
tendre là où ilz seroient pensant qu'ilz fussent encore
XXXVI. Mais Ciceron, cedant de luy mesme, vivans, il se tourna vers eulx et leur cria tout
remeit la confiscation des biens, et avec le senat hault: Hz ont vescu. Ce qui est une façon de
s'en alla trouver les prisonniers, lesquels n'es- parler, dont usent quelquefois les Romains quand
toient pas en une seule maison car les prê- ilz veulent eviter la dureté de ceste rude parole
teurs en avoient en garde chascun un 3 si alla de dire Il est mort.
prendre Lentulus le premier, qui estoit au mont XXXVIII. Quand le soir fut venu, et qu'il se
Palatin, et le mena tout le long de la rue Sacrée voulut retirer en sa maison, passant par la place,
à travers la place, accompagné des plus gens de le peuple le reconvoya non ja plus en silence
bien et des plus apparens de la ville, qui l'envi- sans mot dire, ains avec grandes clameurs à sa
ronnoient tout a l'entour et luy tenoient la louange et batemens de mains partout où il
main forte; ce que voyant, le peuple se heris- passoit, en l'appellant sauveur et second fonda-
soit et trembloit de peur, et passoit oultre sans teur de Rome, et y avoit à toutes les portes des
mot dire mesmement les jeunes hommes qui maisons force flambeaux, torches et lumieres,
de sorte qu'il faisoit clair comme de jour parmy
Salluste n'a pas même parlé du discours de les rues Les femmes mesmes esclairoient du
Cicéron dans cette délibération du sénat. Catu- plus hault des maisons, pour luy faire honneur
lus, sur lequel cet historien garde le même si-
lence, se prononça pour le dernier supplice. En- et pour le veoir accompagné et reconvoyé fort
fin, Caton entraîna les suffrages par l'admirable honorablement d'une longue suitte des princi-
harangue que nous lisons dans le Catilina (c. 52), paux hommes de la ville, desquelz plusieurs
et qui contenait contre César de courageuses .n- avoient achevé de grosses guerres, dont ils es-
vectives dont Plutarque fait mention, et que Salluste toient retournez en triomphe et avoient fait de
a dissimulées. grandes conquestes à l'empire romain, tant par
2 Quand. César sortit du sénat, où il avait parlé mer que par terre, confessant entre eulx les uns
avec tant de chaleur pour soustraire les conjurés
au supplice, les chevaliers qui étaient de garde lui C'est une métaphore prise des mystères d'É-
présentèrent d'un air menaçant la pointe de leurs leusis, dans lesquels on éprouvait les initiés par
épées. Ils l'auraient tué, si Cicéron, sur lequel ils les spectacles les plus effrayants, par des alterna-
avaient les yeux attachés comme pour lui demander tives de lumière et de ténèbres, par des tremble-
ses ordres, ne leur eût fait signe de le laisser échap- ments qui secouaient les murs du temple, par des
per. Voy. Plutarque, César. apparitions et des fantômes (Meursius, Eleusinia,
3 Appien, liv. n, des Guerres civiles, dit, c. 11|. On les préparait ainsi au dernier acte de
comme Plutarque, que les conjurés furent distri- l'initiation, qu'on nommait l'époptée, ou la vue
bués dans les maisons des préteurs, qui leur servi- même et la révélation du vrai but des mystères.
rent de prison; mais Salluste, qui nous a conservé Barlon.
les noms de ceux à la garde desquels ils furent con- 1 C'était la coutume dans les occasions impor-
fiés, ne donne à aucun d'eux la qualité de préteur. tantes, d'allumer des flambeaux dans toutes les
Bien plus, Lentulus, second chef de la conjura- rues et de faire de grandes illuminations. Cet usage
tion, fut détenu chez Publius Lentulus Spinther était venu de la célébration des mystères, où l'on
alors édile; Gabinius, chez M. Crassus, qui avait allumait une infinité de flambeaux parce qu'on les
été consul; CépariuschezCn.Térentius, sénateur; célébrait la nuit. Ces illuminations étaient fort ho-
et Statilius fut confié à César, qui selon Cicéron, norables pour ceux qui obtenaient cette distinction,
n'était encore que préteur désigné. et on les regardait comme un acte de religion.
aux autres que le peuple romain devoit bien à quoy CiEsar et les autres tribuns du peuple ses
plusieurs capitaines et chefz d'armée de leur malveuillans estans encore plus irritez contre
temps le grand mercy de beaucoup de richesses, luy s'estudierent à luy machiner et susciter
de despouilles et d'accroissement de puissance d'autres nouveaux troubles et entre autres,
qu'ilz luy avoient acquises; mais que la grace meirent en avant que l'on rappellast Pompeius,
de son salut et de sa conservation, il la devoit avec son armée, pourrefrenerlatyrannie de Ci-
toute à Ciceron seul, lequel l'avoit préservé d'un ceron. Mais Caton qui lors estoit aussi tribun
si grand et si extreme danger; non que ce leur du peuple, luy servit beaucoup et à toute la
semblast acte si admirable d'avoir empesché chose publique, s'opposant à lcurs menées, avec
que t'entreprise des conjurés ne sortist à effect, pareille puissance que la leur, à cause de son
et d'avoir puny ceulx qui la vouloient executer magistrat, et avec meilleure reputation qu'eulx;
mais pource qu'estant la conjuration de Catilina de sorte que non seulement il rompit aiseement
la plus grande et plus dangereuse qui eust ja- tous leurs coups, mais en une belle harengue
mais esté faitte contre la chose publique, il l'a- qu'il feit en pleine assemblée devant tout le peu-
voit esteinte et assopie avec si peu de maulx, et ple, il magnifia et haultloua tellement le consu-
sans tnmulte, trouble ne sedition quelconque: lat de Ciceron et les choses faittes en ieeluy,
car la plus part de ceulx qui s'estoient amassez que Ion luy decerna les plus grands honneurs
autour de Catilina, quand ils entendirent comme que jamais eussent auparavant esté decrettez et
Lentulus et les autres avoient esté desfaicts, se ottroyez à personne du monde car il fut ap-
retirerent incontinent; et luy combatant en ba- pelé par decret du peuple, pere du païs, ainsi
taille rengée avec ceulx qui luy estoient de- que Caton l'avoit nommé en sa harengue', ce
mourez contre Antonius, fut mis en pieces sur que jamais homme n'avoit esté auparavant luy,
le champ, luy et son armée. et eut pour lors plus grande authorité que nul
XXXIX. Ce neantmoins encore y en avoit il autre en toute la ville. Mais il se rendit luy
qui pour ce faict mesdisoient de Ciceron, et se mesme odieux, et acquit la male grace de plu-
preparoient pour l'en faire repentir, ayans pour sieurs gens, non pour aucun mauvais acte qu'il
leurs chefs Caesar, qui ja estoit designé et eleu eut fait ou attenté de faire, ains seulement
prœteur pour l'année ensuivant, et un Metellus pource qu'il se louoit et magnifioit trop luy
et Bestia, qui devoient aussi estre tribuns du mesme car il ne se faisoit assemblée ny du
peuple, lesquelz soudain qu'ilz furent entrez en peuple, ny du senat, ny du jugement, là où Ion
possession de leurs magistrats, ne voulurent ja- n'eust la teste rompue d'ouïr à tout propos ra-
mais souffrir ne permettre que Ciceron baren- mener en jeu Catilina et Lentulus, jusques à
guast devant le peuple, quoy qu'il eust encore emplir ses livres et les œuvres qu'il composoit
quelques jours à estre en son office de consul de ses propres louanges, ce qui rendoit son lan-
et pour l'empescher feirent mettre leurs bancs gage et son stile, qui autrement estoit si doulx
dessus la tribune des harengues que l'on appel- et si aggreable, fascheux, ennuyeux et desplai-
loit à Rome Rostra, et ne l'y voulurent jamais sant à tous ceulx qui l'entendoient car il fal-
laisser entrer, ny le souffrir parler au peuple, loit toujours que ceste fascherie y fust attachée
sinon pour se deposer de son magistrat seule- comme un malheur fée qui luy ostoit toute sa
ment-, et cela fait, eu descendre tout inconti- bonne grace.
nent à quoy il s'accorda, et y montant soubz XL. Toutefois quoy qu'il eust ceste extreme
ceste condition et lui estant presté silence, il ambition et convoitise d'honneur en la teste, il
feit un serment, non tel comme les autres ma- ne portoit envie quelconque à la gloire des au-
gistrats ont accoustumé de jurer quand ilz se tres, ains estoit fort liberal à louer les hommes
déposent de leur authorité, et renoncent à leurs excellens, tant ceux qui avoient esté par avant
estats, mais un tout nouveau et non usité, jurant luy, que ceux qui estoyent de son temps, comme
qu'il avoit préservé la ville de Rome, et gardé de l'ou peult voir par ses escripts.
ruiner l'empire romain. Tout le peuple assistant XLI. Et Ion a encore mis par memoire quel-
le confirma, et jura le mesme serment' de ques mots notables qu'il dit d'aucuns des an-
ciens, comme d'Aristote, que son stile estoit un
Quand les consuls entraient en charge, ils ju-
raient entre les mains du consul qui les avait pro- Q. Catulus fut le premier qui donna à Cicéron,
clamés, qu'ils observeraient fidèlement les lois, dans le sénat, le titre de sauveur de Rome [la
t't lorsqu'ils en sortaient, ils juraient de nouveau, Pis. c. 3); plusieurs autres suivirent son exemple;
en présence du peuple, qu'ilsavaient rempli leur mais Caton, étant tribun, le lui donna devant le
premier serment. peuple assemblé.
• Kp. fam. v, 2; in Pison. c. 3 Vu malheur fatal.
fleuve d'or coulant et de Platon, que si Jupi- rer à Athènes pour enseigner et Instruire les
ter mesme vouloit parler, il parleroit comme jeunes gens, comme faisant grand honneur, et
luy • et de Theophrastus, qu'il appelloit ses de- estant un singulier ornement de leur ville; et
lices et des oraisons de Demosthenes, un jour treuve ton encore des lettres missives de Cice-
qu'on luy demanda la quelle lui sembloit la meil- ron escriptes à Herodes1, et d'autres à sou pro-
leure, il repondit: La plus longue 3. Toutefois;il pre filz, par lesquelles il lui commande de hanter
y en a quelques uns qui, pour monstrer qu'ilz et de conferer de ses estudes avec Cratippus; et
sont grands zelateurs de Demosthenes, s'atta- une autre au rhetoricien Gorgias, par laquelle il
chent à une parole que Ciceron met en quelque luy défend de frequenter à l'entour de son fils,
epistre qu'il escrit à l'un de ses amis 4, disant pource qu'il avoit entendu qu'il le desbaucboit
que Demosthenes s'endort en quelques unes de en l'induisant à yvrogneries et à voluptez des-
ses oraisons, et cependant ils oublient à dire les honnestes'.
grandes etmerveilleuses louanges qu'il lui donne XLII. Il n'y a entre ses epistres grecques que
ailleurs, et qu'il appclla les oraisons qu'il escri- celle là seule qui soit escritte en cholere, et une
vit contre Antonius, ès quelles il employa plus autre qu'il escrit à Pelops Byzantin3; etquant à
de peine et plusd'estude qu'en nulles autres,Phi- Gorgias, il avoit raison de se courroucer à luy
lippiques', à l'imitation de celles que Demos- et le piquer par sa lettre, s'il estoit homme de
thenes escrivit contre Philippus, roi de Mace- mauvaise vie et de mauvaise conversation,
doine. Et des hommes qui de son temps ont esté comme il semble qu'il estoit; mais quant à ce
renommez ou en éloquence ou en sçavoir, il n'y qu'il escrit à Pelops, se plaignant de luy de ce
en a pas un duquel il n'ait encore esclarcy la qu'il n'avoit tenu compte de prochasser envers
renommée en escrivant ou parlant honorable- les Byzantins, qu'ilz feissent quelques ordon-
ment de luy, comme il impetra de Caesar ayant nances publiques à son honneur et à sa gloire,
ja la monarchie en sa main, que Cratippus, phi- cela procedoit de sa trop grande ambition la
losophe peripatcticien, fust fait citoyen romain, quelle, en plusieurs endroits, le transportoit
et feit encore que par arrest et ordonnance de la jusques à luy faire oublier le devoir d'homme
cour d'Areopage, il fut requis et prié de demou- de bien, pour s'attribuer la gloire de bien dire;
comme ayant quelquefois defendu en jugement
• Dacier a substitué ici le nom de Démosthène Mimatius 4, lequel, peu de temps après, meit en
à celui d'Aristote un passage des Académiques justice un sien amy nommé Sabinus, on dit
(h, 38) prouve l'exactitude de la citation de Plu- qu'il s'en courroucea à luy si aigrement qu'il ne
tarque. « Flumen orationis aureum fundens Aris- se peut tenir de luy dire « Ne sçais tu pas bien,
toteles. »
« Munatius, que tu ne fus pas dernierement ab-
» Jovem sic aiunt philosophi, si graece loqua-
tur, loqui. » (Brutus, c. 31). « soulz en jugement pour ton innocence, mais
3 Pline le jeune (t, 20) a transporté le même éloge « pour ce que je jettay de la poudre aux yeux

aux discours de Cicéron « M. Tullium, cujus ora- de tes juges tellement qu'ilz ne peurent voir
tio optima fertur esse., quae maxima. » la verité de ton forfaict? »
4 Nous n'avons plus cette lettre; mais Quintilien XLIII. Une autre fois, ayant loué publique-
atteste la même chose (x, 1; xn, 1). Toutefois ment en chaire Marcus Crassus avec paisible
personne n'a parlé de Démosthène d'une manière audience de tout le peuple, peu de jours après,
plus honorable que Cicéron; et quoiqu'il dise
{orat. e. 29 ) que l'orateur grec ne remplit pas au contraire, il dit au mesme lieu tous les maulx
entièrement l'idée qu'il s'est faite d'un orateur par- du monde de luy. Crassus adonc luy dit « Com-
fait, il convient qu'il en approche de très-près, et 1 Cicéron,
dont le fils étudiait alors à Athènes,
que personne ne peut lui être comparé. l'avait confié à cet Hérode sinon pour l'instruire
S Ce nom de Philippiques avait d'abord été donné car il parait que c'était un écrivain médiocre, au
par Cicéron à ses harangues contre Antoine, sans moins pour le tenir au courant des progrès que fai-
aucune vue sérieuse. « J'ai lu vos deux discours, sait son fils.
lui écrivait Brutus (n, 5). Je vous passe à présent La lettre grecque au rhéteur Gorgias ne s'est
de leur donner ce nom de Philippiques, comme point conservée, non plus que les autres lettres
vous paraissez me le faire entendre en plaisantant grecques de Cicéron.
dans une autre lettre. » Ce nom fut si bien reçu, 3 Voyez Ep. adAttic. xiv, 81.
qu'H est devenu un titre fixe sous lequel tous les 4 C'est probablement Munatius Plancus Bursa,
siècles suivants nous ont conservé ces harangues. tribun du peuple l'an 701 de Rome, ennemi de Ci-
On trouve néanmoins quelques auteurs qui les ont céron et de Milon, qui, après avoir été défendu
appelées indifféremment Antoniennes et Philippi- par Cicéron, fut ensuite condamné, sur l'accusa-
gnes (Aul. Gell. xiii, 1). tion de cet orateur, comme coupable de violence
6 Augmenté. (Ep. fam. vu, 11; Philipp., yi, 4).
VIE DE CICERON,
'L-t~jFjm~~j
ment, ne me louas tu pas l'autre jour sihaute- les 1 voix du peuple, que les terres du pays de la
«
-ment toy mesme en ce mesme lieu? – Oui, Campagne' seroient departies entre les gens de
1

luy respondit Ciceron, pour plus exciter mon guerre,¡ plusieurs en furent très mal contens,
'éloquence, j'avois pris uu mauvais subject à et Lucius Gellius entre autres, lequel estoit fort
<

«
louer. » Quelqueautre fois il advint à ce mesme vieil, dit qu'il n'endureroit jamais que cela se
Crassus de dire en pleine assemblée devant le feit i tant qu'il vivroit. « Attendons un petit, dit
peuple que nul de la maison des Crassus n'avoit « adonc Ciceron, car le bonhomme Gellius' ne
oncques passé l'aage de soixante ans; et depuis demande pas long delay. » H y avoit un
s'en repentant, il le nia très bien, disant Je ne autre nommé Octavius, que l'on souspeçonnoit
« sçay à quoy je pensois quand j'allay dire cela. » estre natif de
l'Afrique3 cestuy dit un jour ainsi
Ciceron lui respondit « Tu sçavois bien que ce que Ciceron plaidoit une cause, qu'il ne l'oyoit
«
seroit un propos aggreable au peuple, c'est ce point. Ciceron luy respondit tout promptement
« qui te
le feit dire, pour gaigner la grace de la « Si tu as l'oreille percée.»»
« commune,
» Une autre fois, comme Crassus XLV. Un autre coup, Metcllus Nepos luy dit
dist que les raisons des philosophes stoïques luy qu'il avoit affolé 4 plus d'hommes par son tes-
plaisoient, en ce qu'ilz disoient que l'homme moignage qu'il n'en avoit sauvé par son beau
sage estoit riche, Ciceron luy respondit « Re- parler. « Je le confesse, respondit Ciceron aussi
« garde que ce ne soit plus tost pour ce
qu'ilz « y a il plus de foy que d'eloquence en moy. »
i disent que tout est au sage. » Or estoit ce Cras- II y eut un jeune homme, lequel estant souspe-
sus mal nommé, pource qu'il estoit extreme- çonné d'avoir empoisonné son pere dedans un
ment avaricieux. Il y avoit un des enfans de ce tourteau falsoit du mauvais et menaçoit Cice-
Crassus, qui ressembloit fort à un qui se nom- ron luy dire injure. « Encore aime je mieulx
moit Actius; et pour ceste cause en estoit la merei « cela de toi, dit Ciceron, que je ne fais de ton
souspeçonnée d'avoir forfait à son honneur avec tourteau. » Publius Sextius en un procès cri-
cestuy Actius. Et un jour ce tilz feit une ha- minel qu'il eut, le prit pour son advocat, avec
rengue devant le senat, que plusieurs trouverentt encore quelques autres; mais neantmoins il
bonne; si fut demandé à Ciceron qu'il luy eni vouloit luy mesme toujoursparler, et ne donnoit
sembloit II me semble, respondit-il, qu'il estt pas loisir à ses orateurs de rien dire. A la fin,
«
Actius de Crassus. » Environ le temps quequand on veit evidemment que les juges le vou-
Crassus estoit sur le point de partir pour s'eni loient absouldre, ainsi qu'ilz estoient desja aux
aller en Syrie, il voulut avoir Ciceron pour amy opinions, Ciceron luy dit: u Employe bien au-
plus tost que pour ennemy; et à ceste cause unt jourdhuy le temps, car demain tu seras homme
soir en le caressant luy dit qu'il avoit envie de « privé » Un autre Publius Cotta vouloit estre
soupper avec luy. Ciceron s'offrit bien voulun- 1 Campanie.
ticrs à luy en donner. Gellius Publicola avait été consul l'an de Rome
XLIV. Quelque peu de jours après, il y eutt 681. Étant à Athènes, il assembla tous les philo-
de ses amis qui luy parlerent de Vatinius, di- sophes de cette ville, et fit tous ses efforts
pour
sans qu'il cherchoit de faire son appointement t leur persuader de mettre enfin un terme leurs
à
avec luy, et de devenir son amy, car il estoit son1 disputes. Croyant que toutes ces opinions diverses
ennemy. « Veultil point doncques, dit-il, soup- pouvaient se soumettre, comme une affaire civile,
« per
aussi chez moi?» Voilà comment il se de- à un arbitrage volontaire, il leur offrit sa média-
tion. Il vivait encore l'an de Rome 697, et mou-
porta envers Crassus. Au demourant, ce Vati- extrêmement vieux.
nius avoit des escrouelles au long du col, à raison1 rut
3 Pour
de quoy Ciceron l'ayant un jour ouy plaider, les oreillescepercées. que les Africains ont ordinairement
AMYOT.
t'appela orateur enflé. Une autre fois, ayant ouyY 4 C'est-à-dire, qu'il avait fait mourir plus d'hom-
dire qu'il estoit mort, et tout incontinent aprèss mes en rendant témoignage contre eux
ayant entendu certainement qu'il estoit vivant: 5 Gâteau.
« Maie mort, dit-il, viene à celuy qui a si malJ 6 Ricard, qui a traduit comme Amyot, avoue

« menty. »
Et comme Caesar eust fait passer parr qu'il n'a pas entendu le sens de cette plaisanterie
queM. Leclerc a traduite ainsi :«Car demain tu ne
Actius (Axius) est un nom propre romain, ett seras plus rien. » Ne signifie-t-elle pas Parle au-
«fcuwen grec signifie digne: ainsi la grâce de lai jourd'huitout à ton aise, puisque tu y prends un si
rencontre est en l'ambiguïté de ce mot axius. grand plaisir; car la circonstancequi te le permet,
AMYOT. « Digne de Crassus, » ou « c'est l'Axius s ce rôle d'accusé qui fait aux autres une obligation
de Crassus. » Le sens de cette plaisanterie, fondée i de t'écouter, tout cela aura disparu demain, et,
sur une équivoque est intraduisible en français, rentré dans la vie ordinaire, tu seras réduit ou à
et Cicéron n'a dd la prononcer qu'en grec. ne rien dire ou à parler sans auditeurs?
tenu pour sçavant homme en droit, et n'y en- « l'eau. » Car le censeur avoit le bruit d'aimer
tendoit rien, et si n'avoit point d'entendement. fort le vin. Rencontrant un jour Voconius, le-
Ciceron, en quelque cause, le feit appeller en tes- quel menoit quant et luy trois sienes filles qui
moignage, et luy estant interrogué, respondit estoient fort laides, il s'escria tout hault
qu'il n'en sçavoit rien. Ciceron luy rcpliqua in- Cestuy malgré Phœbvs a semé des en/ans •.
continent « Tu penses à l'adventure que l'on te
On avoit quelque opinion que Marcus Gellius
« demande du droit. » Metellus Nepos, en quel-
que noise et debat qu'il eut avec Ciceron, lui re- n'estoit pas né de pere et de mere francs et de
petoit souvent: Qui est ton père? » Ciceron condition libre, et un jour au sénat il leut des
luy respondit « Ta mere a fait de sorte qu'il te lettres avecunevoix linulte et claire à merveilles;
« serait bien plus malaisé de respondre à cette adonc Ciceron se prit à dire à ceulx qui estoient
demande. » Car la mere de cestuy Nepos avoit autour de luy «Ne vous en esbahissezpas, car il
le bruit d'estre peu honeste, et luy estoit homme « est de ceulx qui ont autrefois esté crieurs. »

inconstant et leger car estant tribun du peuple, Faustus, le filz de Sylla qui usurpa un temps
il abandonna l'exercice de son estat pour s'en puissance souveraine comme monarque à Rome,
aller en Syrie devers Pompeius sans propos quel- et qui feit par affiches proscrire plusieurs Ro-
conque, et puis s'en retourna de là tout soudain mains, à ce qu'on les peust, sans danger, occir
encore plus follement. Et estant mort son pré- partout où on les trouveroit, apres avoir des
cepteur nommé Philager, il le feit inhumer et pendu la meilleure part de son patrimoine, sa
ensepulturer fort soigneusement, et feit mettre trouva encore fort endebté; de sorte qu'il fut
dessus sa sepulture le portraict d'un corbeau de contraint d'exposer en vente, par affiches, jus-
pierre. Ce que voyant Ciceron, dit « Tu as fait ques à ses meubles. Ciceron ce voyant, dit
« Encore mç plaisent plus ces affiches et pros-
« en cecy fort sagement car ce maistre icy t'a
criptions que celles de son pere. » Ces brocards
« enseigné plus tost à voler qu'à parler »
XLVI. Une autre fois, Appius Clodius, plai- poignans sans propos le rendirent odieux à
dant une cause, au proëme de son plaidoyer dit plusieurs
XLVII. Mais la malvueillance grande que luy
que son amy l'avoit bien instamment requis et
prié d'employer en son procès toute diligence, porta Clodius, commençea par telle occasion
scavoir et fidelité. « Et dea dit Ciceron as tu cestuy Clodius estoit de bien noble maison,
« bien puis après esté homme si dur de ne faire
« entierement rien de tout
cela que ton amy t'a i Dacier, Ricard et Coray prétendent que c'est
<• requis?»Orquant à user de telz brocards aigres un vers de Sophocle parlant d'OEdipe. Mais on ne
le trouve nulle part dans les tragédies de ce poëte.
et piquans à rencontre de ses ennemis ou de
ses adversaires, c'est une partie de bon orateur;
On fit une infinité de recueils des bons mots do
Cicéron, qui se répandirentdans toutes les maisons
mais d'en piquer indifferemment tout le monde de Rome. C. Trébonius, son intime ami, se crut
pour faire rire les assistans, cela lui acquit la obligé, par l'intérêt qu'il prenait à sa gloire, d'en
malvueillance de beaucoup de gens, dont je met- donner une édition authentique. Furius Bibaculus
tray icy quelques exemples: Marcus Aquinius poëte satirique, en publia une autre. Jules César
avoit deux gendres, qui tous deux estoient les réunit en grande partie dans ce recueil A'apoph-
bannis; Ciceron, pour cela, l'appelloitAdrastus thegmes, dont, suivant Suétone, Auguste défendit
la publication. Mais le recueil le plus
Lucius Cotta d'adventure estoit censeur lorsque connu en fut
Ciceron briguoit et prochassoit son consulat, et fait par son affranchi Tullius Tiron, recueil que
Cicéron avait revu, s'il ne l'avait pas composé lui-
estant à la poursuite le jour de l'election, il eut même CMacrobe, n, 1). De toutes ces collections
soif, et fut force qu'il bust; mais pendant qu'il de bons mots, il paraît que c'était la plus volumi-
beuvoit, tous ses amis se rengerent à l'entour de neuse. Elle comprenait trois livres; mais, au rap-
luy, et luy, achevé qu'il eust de boire, leur dit: port de Quintilien, il eût dû mettre plus de goût à
« Vous faittes bien d'avoir peur que le censeur les choisir que de zèle à les ramasser tous. Il ne
« ne se courrouce à moy de ce que je bois de nous reste aucun de ces livres, et nous n'avons
point d'autre monument decessaillies dufacétieux
1 Ce mot est sans doute une allusion à ce voyage consul, comme l'appelait Caton, que ce qui s'en
de Syrie fait si rapidement, que Metellus avait sem- trouve dispersé dans ses ouvrages et dans ceux de
blé voler plutôt que marcher; peut-être aussi Me- quelquesanciens Quintilien (de la Plaisanterie,
tellus avait-il mérité le reproche d'infidélité dans le vi, 3); Pline l'ancien (xxxiv, 8, xxxvi, 6); Aulu-
maniement des deniers publics, et la voracité du Gelle (xii 12); Pl utarque (Apophtliegmes fie de
corbeau est assez connue. Caton d'Utique, 6; Pie de César, 59; outre tous
Adraste avait marié ses deux filles à Ëléocle ceux qu'il rapporte dans sa Pie de Cicéron); Ma^
et à Polynice, tous deux bannis. crobe (Sat. u, 3, vu, 3).
jeune d'aage, et au demourant homme téméraire déposa que le jour mesme il estoit venu en sa
et iDsoIent et estant amoureux de Pompeia, la maison luy parler de quelques affaires ce qui
femme de Caesar, il trouva moyen d'entrer se- estoit veritable mais toutefois il semble que Ci-
crettement dedans la maison en habit et avec ceron ne le faisoit pas tant pour le regard de la
l'equipage d'une jeune garse menestriere, pource vérité, que pour se justifier envers sa femme Te-
que ce jour là les dames romaines faisoient en rentia, laquelle haïssoit Clodius de mort, à cause
la maison de Caesar ce sacrifice là solennel et de sa soeur Clodia, qui vouloit espouser Ciceron,
secret, qu'il n'est pas loisible de veoir aux mas- et faisoit conduire ceste menée par un nommé
les, et pour ceste cause n'y avoit homme du monde Tullus, qui estoit fort privé et familier amy de
sinon Clodius, qui esperoit qu'on ne le cognois- Ciceron et pource qu'il hantoit fort souvent et
troit point à cause qu'il estoit encore jeune gar- visitoit ceste Clodia, laquelle demouroit tout
son n'ayant point de barbe et qu'il pourroit joignant Ciceron, Terentia en prit une jalousie
par ce moyen s'approcher de Pompeia parmy en sa teste. Ceste Terentia estant femme per-
les femmes mais estant entré la nuict dedans verse, et qui maistrisoit son mary, solicita Cice-
ceste maison grande, dont il ne sçavoit pas les ron de courir sus à Clodius en son adversité, et
,estres, il y eut une des chambrières de Aurelia, de tesmoigner contre luy, comme plusieurs au-
mere de Caesar, qui le voyant aller errant ça et tres gens de bien tesmoignerent aussi, les uns
là par la maison, luy demanda qui il estoit et qu'il estoit parjure, les autres qu'il faisoit mille
comme il avoit nom si fut contraint de parler, insolences, qu'il corrompoit le menu peuple par
et dit qu'il cherchoit une des servantes de Pom- argent, qu'il avoit seduit et violé plusieurs fem-
peia, qui s'appelloit Aura'. La chambrière co- mes. Lucullus mesme produisit des servantes,
gneutincontinent que ce n'estoitpoint la voixny lesquelles deposerent que Clodius avoit cogneu
la parole d'une femme, et s'escria, et appella les charnellement sa propre sœur la plus jeune, du-
autres femmes, lesquelles fermèrent très bien rant qu'elle estoit mariée avec luy, et si estoit
les portes et chercherent partout, tellement grand bruit qu'il avoit semblablementeu encore
qu'elles le trouverent dedans la chambre de la affaire avec les deux autres, dont l'une s'appel-
servante avec laquelle il estoit entré. Le bruit loit Terentia', et estoit mariée à Marcius Rex,
de ce scandale fut incontinent divulgué partout et l'autre Clodia que Metellus Celer avoit es-
car Caesar en repudia sa femme, et l'un des tri- pousée, laquelle on surnommoit publiquement
buns du peuple appella Clodius en justice, le Quadrantaria, pouree qu'un de ses amoureux
chargeant d'avoir poilu les sainctes cerimonies luy envoya une bourse pleine de quadrins', qui
des sacrifices'. sont petites monnoyes de billon, au lieu d'ar-
XLVIII. Ciceron pour lors estoit encore son gent. Clodius eut plus mauvais bruit pour celle
amy comme de celuy qui luy avoit tousjoursi là que pour nulle des autres.
très affectueusement assisté, et l'avoit accompa- XLIX. Toutefois le peuple vouloit mal à ceulx
gné pour le defendre si aucun luy eust voulu qui tesmoignoient contre luy et qui le poursui-
faire violence, en l'affaire de la conjuration dei voient. Ce que craignans les juges feirent met-
Catilina. Clodius maintenoit fort et ferme qu'il tre des gens armez alentour d'eulx au jour du
n'estoit rien de ce dont on le chargeoit, disantjugement pour la seureté de leurs personnes et
qu'en ce temps là il n'avoit point esté à Rome, ès tablettes où ilz escrivirent leurs sentences,
ains en lieux bien eloignez de la ville. Et Cice- les lettres en la plus part estoient toutes confu-
ron porta tesmoignage contre luy, parce qu'il ses Toutefois, on trouva qu'il y avoit plus

Le texte grec porte en effet ACpav, mot auquel i Aucuns vieux textes lisent Tertia. AMYOT.
Reiske propose de substituer "Aêpav, qui est le nomi Cette dernière leçon est celle qu'ont adoptée la
de cette même esclave dans la ï'ie de César (c. 10, plupart des traducteurs.
éd. de Reiske). Presque tous les traducteurs ont Le quadrin ou quadrans faisait la quatrième
traduit Abra; mais ces deux noms, prononcés à partie de l'as romain, et n'était pas la plus petite
la manière des Grecs modernes, offrent le mêmedes monnaies de cuivre qui eussent cours à Rome.
son. Il paraît' par Varron, de iing. lat., liv. v, c. 36,
» D'après le texte grec "«' 8îxr]v cmzYpitytno, qu'il y avait encore le sextula qui faisait la
c'est César lui-même qui auraittraduit Clodius en sixième partie de l'as.
jugement ce qui est contre la vérité historique, 3Ces lettres étaient A çtbsoho C, candemno
puisque cette action fut intentée par le tribun dui KL, non liqvet. Dacier croit ce passage corrompu,
peuple Fuflus Calénus. Dusoul veut lire ici <««- parce qu'il trouve ridicule cette manière de don-
tpijiimo. César,loin d'accuser Clodius ne voulutt ner son avis en brouillant et confondant les lettre.;
même pas témoigner contre lui. mais, dit Ricard dans les affaires de la nature
grand nombre de ceulx qui les absouloient que een fut content parquoy Clodius voyant que
d'autres. Aussi disoit on qu'il y en avoit qui p ce moyen il evitoit l'année de son tribunat,
par
s'estoient laissé gaigner et corrompre par ar- feit
f< semblant de se vouloir reconcilier avec luy,
gent. A raison de quoy Catulus les rencontrant disant
d qu'il sçavoit plus mauvais gré à Terentia
en son chemin après qu'ilz eurent donné leurs dde ce qu'il avoit fait contre luy, qu'à luy mesme,
sentences, leur dit « Vrayement, vous aviez e parloit amiablement de luy partout où il en
et
bien raison de demander des gardes pour vos- venoit
v à propos, en disant toutes bonnes et doul-
« tre seureté, car vous craigniez que
l'on ne vous c paroles, qu'il ne luy vouloit point de mal,
ces
« ostast
l'argent que vous avez reçeu Et Ci- r n'avoit point autrement de rancune contre
ny
ceron dit à Clodius, qui luy reprochoit que son luy mais qu'il s'en plaignoit seulement un peu,
1

tesmoignage n'avoit point eu de foy « Mais au comme


c amy ayant esté offensé de son amy. Ces
contraire, dit-il, vingt et cinq de tes juges l
propos osterent toute crainte à Ciceron, telle-
•<
m'ont creu car autant y en a il eu qui t'ont rment qu'il renoncea à la lieutenance de Caesar,
«
condemné, et les trente qui ne t'ont pas voulu t se remeit de rechef au maniement des affaires
et
«
croire toy, car ilz ne t'ont point voulu absoul- comme
( devant de quoy Caesar estant despit,
« dre, que premierement ilz n'eussent touché irrita
i et aiguillonna encore davantage Clodius
« argent.»
Toutefois, en ce jugement jamais Cse- encontre luy et, qui plus est, aliéna fort Pom-
<

sar ne porta tesmoignage contre Clodius, et dit peius de luy, et luy mesme dit et tesmoigna pu-
1

qu'il ne tenoit pas sa femme pour adultere, bliquement devant tout le peuple qu'il luy
mais qu'il l'avoit répudiée pource qu'il falloit sembloit que Ciceron avoit mal et injustement
que la femme de Caesar fust non seulement nette contre les loix fait mourir Lentulus, Cethegus et
de tout acte deshoneste, mais aussi de tout les autres, sans avoir esté premierement con-
souspeçon vaincus et condemnez en jugement car c'es-
L. Ainsi estant Clodius eschappé de ceste ac-
cusation,et ayaut trouvé moyen de se faire élire consulaires, c. 17, dit que César ne lui avait pas
tribun du peuple, se meit incontinente persecuter seulement proposé cet emploi mais qu'il l'avait
Ciceron, remuant toutes choses, et irritant tou- instamment prié de l'accepter.
tes sortes de gens ensemble contre luy car 1 Clodius avait convoqué le peuple au cirque
premierement il gaigna le menu peuple par or- Flaminien, hors des murs de Rome, afin que Cé-
donnances nouvelles qu'il proposa au profit et à sar, qui en était déjà sorti avec le titre de procon-
l'advantage de la commune, et feit decerner à sul, pût se trouver à l'assemblée. Le tribun y avait
l'un et à l'autre des consulz de grandes et am- fait appeler aussi tous les jeunes nobles et les che-
ples provinces, à Piso la Macedoine, et à Ga- valiers, pour qu'ils eussent à rendre compte de
binius la Syrie il feit donner le droit de bour- leur conduite et à se justifier de l'intérêt qu'ils
prenaient à Ciceron. Mais dès qu'ils parurent,
geoisie à plusieurs pauvres personnes et avoit |
ordonna à ses esclaves et à ses mercenaires de
tousjours grand nombre de serfs armez alentour fondre sur eux; et l'attaque fut si brusque,
de luy. Or y avoit il en ce temps là trois per- qu'Hortensius fut presque tué, et que Vibiénus,
sonnages à Rome tjai avoient le plus d'autho- autre sénateur, mourut peu de temps après de
rité l'un estoit Crassus, qui ouvertement se de- ses blessures. (joro Sext., c. 12 ;proMilon., c. 14).
claroit ennemy de Ciceron; l'autre Pompeius, Alors Clodius produisit les deux consuls pour
qui se faisoit faire la cour par l'un et par l'au- déclarer au peuple leur sentiment sur le consulat
tre le tiers estoit Cœsar, lequel s'en devoit bien de
vité
Cicéron. Gabinius dit avec beaucoup de gra-
qu'il condamnait sans exception tous ceux qui
tost aller en la Gaule avec armée. Ciceron seavaient mis citoyen à mort sans lui avoir fait
jetta soubz l'aile de celuy là, encore qu'il luy un
ne son procès Pison dit seulement qu'il avait tou-
fust pas bien asseuré amy, et qu'il se deffiast de'• jours été du parti de l'indulgence, et qu'il avait
luy pour les choses passées en la conjuration de beaucoup d'aversion pour la cruauté. (Post redit.
Catilina, et le pria qu'il peust aller à la guerrei in sert., e. 6, 7; in Pison., c. 6). César, prié de
avec luy comme l'un de ses lieutenants'. Caesarr donner son avis sur la même question après les
consuls, déclara que la forme des procédures con-
tre
de celles de Clodius, où les juges avaient à craindre Lentulus et ses complices avait été irrégulière
la fureur du peuple s'ils le condamnaient il et contraire aux fois, et que personne n'ignorait
n'est pas étonnant qu'ils cherchassent à cacherc quelle avait été alors son opinion, mais qu'il n'ap-
l'avis qu'ils donnaient, et qu'ils se contentassent t prouvait pas qu'on fit maintenant une loi sur dés
de proclamer la sentence d'absolution. affaires qui remontaient à plusieurs années.
Voyez Ep. ad Ait., i, 16- (Dion, xxxviii, 17). Cette réponse adroite obli-
Plutarque, César, c. 0 geait Clodius en confirmant le fondement de sa
3 Cicéron dans
10

son discours sur les Provinces loi, et Cicéron pouvait croire aussi qu'il y était
toit l'accusation de Ciceron, et ce pourquoy on n'ayant
n' plus au demourant autre à qui recourir,
l'appelloit en justice. se jetta entre les bras des deux consulz, desquelz
LI. Parquoy se voyant accusé et poursuivy Gabinius
G luy fut tousjours aspre et rude mais
de ce faict, il changea sa robbe ordinaire en ves- Piso
Pi luy parla plus gracieusement, le priant et
tement de dueil, et laissant croistre sa barbe et admonestant
ac de s'absenter pour quelque temps,
ses cheveux sans les accoustrer ne peigner, alla en ei cedant un petit à la furieuse impetuosité de
par tout suppliant humblement le peuple mais Clodius,0 et de porter patiemment la mutation
en tous lieux Clodius se trouvoit au devant de des di temps, pource qu'en ce faisant, il seroit un
luy parmy les rues, ayant autour de luy des ai autre fois sauveur de son païs, lequel pour l'a-
hommes oultrageux, insolents et injurieux, qui ni mour de luy estoit tout en combustion.
s'alloient deshonteement mocquans de ce qu'il LUI. Ceste response ouye, Ciceron s'en con-
avoit ainsi changé de robbe et de contenance, et seilla
sc avec ses amis, entre lesquelz Lucullus es-
bien souvent luy jettoient de la fange et des toit tt d'advis qu'il devoit demourer et qu'il serait
pierres, entrerompans les prieres et requestesi le le plus fort les autres furent d'opinion qu'il
qu'il faisoit au peuple. s' allast plus tost, pource qu'il ne passeroit
s'en
LII. Ce neantmoins presque tous les cheva- gueresg de temps, que le peuple le regretteroit,
liers romains changerent leurs robbes quant etquand q il auroit bien enduré de la follie et fureur
luy, et y avoit ordinairement bien vingt mille de i d Clodius. Ciceron aima mieulx suivre ce cou-
jeunes hommes de bonnes maisons, qui le sui- si seil, et ayant de long temps en sa maison une
voient les cheveux nonchalamment avaliez, ett statue si de Minerve, laquelle il reveroit grande-
alloient prians et intercedans pour tuy. D'avan- ment,n la porta luy mesme et ta donna au Capi-
tage le senat s'assembla pour decerner que lei tôle, t< avec une telle inscription « A Minerve,
peuple se vestit de dueil comme en une calamité conservatrice
« et gardiene de Rome'. Et luy
publique mais les consulz s'y opposerent ett aayans ses amis baillé des gens pour le conduire
Clodius estoit avec une trouppe d'hommes ar- seurement,
s sortit de la ville environ minuict,
mez à l'entour du senat, tellement qu'il y eustE et e prit son chemin par terre à travers le païs des
t I
plusieurs senateurs qui s'en coururent hors, et Lueaniens, voulant tirer en Sicile 5.
sortirent du sénat en criant et deschirant leurs5 L1V. Si tost que l'on sceut qu'il s'en estoit
liabillemens par destresse mais pour veoir toutt fouy,t Clodius le feit bannir par arrest du peu-
cela, ces hommes n'en avoient point plus de ï ple, et le feit déclarer par affiches publiques
pitié ny de honte, ains estoit force que Ciceroni interdict4,
i avec défense de le recevoir à couvert
s'en allast vouluntairement en exil, ou qu'il1
combatist par armes contre Clodius. Adonc see Caton et Hortensius. Voyez Cicéron, ad AU
tourna Ciceron à prier Pompeius de luy estree III, 1 15; ad Q. Fr. r, 3. Dion, xxïïin, 17.
en aide mais il s'estoit expressement retiré dee lie Leg. n, 17; pro Dom., c. 57; -rp. fam. xn,i,
j
la ville pour ne luy point aider, et se tenoit en 25; 2 ad Attic. vu, 3, etc. Nepouvant plus défendre
une de ses maisons aux champs près la ville e Rome1 par son éloquence, Cicéron voulut la mettre
d'Alba si luy envoya premierement Piso son ainsi a sôus la protection de Minerve. Cette petite
gendre, pour le prier, puis y alla luy mesme en0 dre,statue fut renversée et mise en pièces par la fou-
mais Pompeius adverti
i quatorze ans plus tard (709), après la mort
personne de sa venue,;> dei César. Quoique Cicéron et les écrivains de son
n'eust pas le cueur de le laisser venir en sa pré-
'' temps
t n'aient rien attaché d'extraordinaire à cet
sence pour le regarder au visage car il eust euu événement,
( quelques historiens des siècles suivants
trop grande honte de refuser la requeste d'unu assurent
¡ qu'il fut regardé comme le présage de sa
personnage qui avoit autrefois tant travaillé lé ruine.
1
Mais le sénat, par considération pour un ci-
pour luy et tant fait et dit de choses fa- toyen
1 aussi illustre ordonna que la statue serait
en sa l- rétablie
veur mais estant gendre de Caesar, à sa re- aux frais de l'État.
fjueste ilabandonnamalheureusementaubesoing 3 On peut consulter pour toutes les circons-
g
celuy à qui il estoit obligé pour inlinis plaisirs
.s
tances de l'exil de Cicéron, ses discours Post re-
qu'il en avoit receuz par le passé et pour ceste ditum, pro flom.; sur la Réponse des arupiees;
quand il le sentit venir, il sortit la sur les Provinces consulaires; l'Invective contre
Pison,
cause par les plaidoyers pour Plancius, pour Sextius,
porte de derrière, et ne voulut point parler apourà Milon, et un grand nombre de ses let-
îuy. Ainsi Ciceron se voyant trahy de luy, et et tres.
<Clodius lui fit interdire l'usage dufeu et de l'eau.
traité avec modération; elle mettait d'uu côté les
?s -Voici comment on a conçu la loi portée par Clo-
apparences du service, et de l'autre la réalité.é. dius contre Cicéron, d'après les fragments qu'on
l\Jiddk(on. en a recueillis. « Comme il est notoire que M. T. Ci-
a cinq cents milles à la ronde de toute l'Italie' départir: excepté en une ville de Lucanie, qui
mais les autres portans révérence à Ciceron, ne lors s'appelloit Hipponium, et maintenant s'ap-
feirent compte aucun de ceste défense, ains pelle Vihone, où un Sicilien nommé Vibius1,
après lny avoir fait tout le plus courtois recueil à qui Ciceron avoit fait plusieurs plaisirs, et
qui leur fut possible, le convoyerent encore au notamment, entre autres, l'avoit fait estre mais-
tre des ouvriers l'année qu'il fut consul, ne le
céron a mis à mort des citoyens romains sans qu'ils voulutoneques recevoir eu sa maison mais bien
eussent été entendus ni jugés, et qu'abusant dans luy promeit qu'il luy designeroit un lieu aux
cette vue de l'autorité du sénat, il a forgé un dé- champs, où il se pourroit retirer. Et Gaius Vir-
cret, vous êtes suppliés d'ordonner qu'il ait été in- ginius 2, pour lors prateur et gouverneur de la
terdit de l'eau et du feu; que, sous peine de mort, Sicile, qui paravant se monstroit estre son grand
personne n'ose le recevoir et lui accorder un asile,
et que tous ceux qui proposeront son rappel ou amy, luy escrivit qu'il ne s'approchast point de
qui parleront, qui donneront leur suffrage, enfin Sicile. Ces choses luy crevercnt le cueur si
qui feront pour cela quelque autre démarche, dressa son chemin droit à la ville de Brundu-
soienttraitéscommeennemispublics; à moins qu'ils sium, là où il s'embarqua pour traverser à Dyr-
n'aient commencé par rendre la vie aux citoyens rachium, et eut du commencement le vent à
que Cicéron a fait mourir injustement. » Cette gré mais quand il fut en haulte mer, il se
loi avait été dressée par Sept. Clodius, proche pa- tourna et le ramena le lendemain dont il estoit
rent du tribun, quoique Vatinius s'attribuât l'hon- party depuis il feit voile une autre fois, et dit
neur d'y avoir aussi mis la main, et qu'il fût le on qu'à son arrivée à Dyrrachium, quand il
seul de l'ordre des sénateurs qui l'eût ouvertement
approuvée. Dans le fond et dans la forme, elle descendit et sortit hors du vaisseau la terre
blessait égalementtoutessortes de règles. 1° On lui trembla dessoubz luy, et la mer se retira tout
donnait mal à propos le nom de loi. C'était uni- ensemble, par où les devins interprétèrent que
quement ce qu'on devait appeler à Rome privile- son exil ne seroit pas long, pource que l'un et
gium, ou un acte contre un particulier; ce que l'autre estoit signe de mutation Mais encore
les lois desdouzeTablesdéfendaient expressément, qu'il vinst beaucoup de gens le visiter pour l'a-
à moins que cet acte n'eût été précédé de l'instruc- mitiéqu'ilz luy portoient,et que les villesgrec-
tion formelle du procès. 2° Les termes en étaient
absurdes et contradictoires car on ne demandait ques feissent à l'envy les unes les autres à qui
plus l'honorcroit, ce neantmoins il demouroit
point que Cicéron fût interdit, mais qu'il l'eût été;
tousjours triste, et ne pouvoit faire bonne chere,
ce qui était impossible, dit-il lui-même, puisqu'il
n'y a point d'autorité sur la terre, qui puisse faire ains retournoit tousjours ses yeux vers l'Italie,
qu'une chose qui n'a pas été exécutée, l'ait néan- comme font les passionnezamoureux devers leurs
moins été réellement. 3° La clause pénale étant
fondée sur une disposition manifestement fausse
amours se
monstrant plus foible de cueur, et

qui était que Cicéron eût forgé quelque décret du Comme Cicéron désigne par le surnom de Sica
>

sénat, il était clair qu'elle devait tomber d'elle- l'ami qui lui offrit sa terre auprès de Vibone {Ep.
même. 4° Quoique cette loi défendît de recevoir le ad AU. in, 2, 4, etc.), et chez lequel il logea en-
coupable, elle n'ordonnait point à ceux qui l'au- core quelques années après (Ibid. xvi, G.), on a
raient reçu de le chasser, ni à lui-même de quitter conjecturé que Vibius n'était autre que ce Siea et
la ville de Rome. Enfin c'était t'usage, dans toutes s'appelait conséquemment Vibius Sica. Aussi, au
les lois qui étaient portées par les tribus, d'insérer lieu de odiStos, ïixsM>; Mp, M. Leclerc a-t-il propo-
le nom de la première tribu dont on avait demandé sé, peut-être un peu témérairement, de lire oùt-
les suffrages, et le nom du premier citoyen qui ëio; Eîxctç, àv^p âXXa ts rcoX).à, etc.
avait donné son approbation à la loi. Cet honneur II y a dans le texte Verginius (OùspYïvo?) mais
était tombé ici sur un certain Sédulius, homme Cicéron ne laisse aucun doute sur le nom de ce pré-
teur, qu'il nomme partout Virgil ius {pro Plane, c.
sans aveu et sans demeure fixe qui déclara dans 40; Ep. fam. il,19; ad Q. Fr. i, 2, etc.), et presque
la suite qu'il n'était point alors à Rome, et qu'il
avait même ignoré ce qui s'y passait. tous les traducteurs ont adopté cette orthographe.
3 Cicéron ne parle nulle part de ce présage; mais
1 Dion (xxxvm, 17) dit à 3750 stades de Rome dans son traité de la Divination (i 28; il 67), il
et non de l'Italie, de sorte que Cicéron eût pu se raconte et explique le songe fameux qui lui avait
retirer sur les frontières de la Péninsule. Mais on annoncé son retour, et dont Valère Maxime a parlé
peut conclure de quelques passages de Cicéron lui- après lui (i, 7). Voyez aussi le plaidoyer pro Sext.,
même (Ep. ad AU. in 6, 7) que Dion s'est trom- 54 56.
pé. Toutefois l'exilé dit quatre cents milles (Ibid. 4 Ainsi Démosthène qui passait le temps de son
ni, 4); et c'est cent milles de moins que dans exil à Égine ou à Trézène, pour être moins éloigné
Plutarque. Dacier, dans sa traduction,a substitué de sa patrie, tournait sans cesse du côté d'Athè-
Je mot de Rome à celui d'Italie, sans en donner la nes ses yeux baignés de larmes (Plutarque, Dç-
raison mostn., c. 26).
plus laschement abbatu et abaissé de ceste siene repentoit taschant par tous moyens avec ses
adversité, que l'on n'eust peu esperer d'un per- amis de le faire rappeller. Clodiusau contraires'y
sonnage qui avoit si bien estudié et qui sçavoit opposoit tant qu'il pouvoit mais lc senat una-
tant comme luy et toutefois il prioit ses amis nimement ordonna qu'il ne se despescheroit ny
i
bien souvent de ne l'appeller point orateur, mais ne s'arresteroit chose quelconque appartenant au
plus tost philosophe, disant que la philosophiei public, que premierement le retour dé Ciceron
estoit sa principale profession, et que de l'elo- ne fust décrété Lentulus estoit lors consul et
quence il n'en usoit sinon comme d'un util né-proceda la sedition et le tumulte si avant sur
cessaire à qui s'entremet du gouvernement dess ce faiet, qu'il y eut des tribuns du peuple qui
affaires. Mais l'opinion a grande force à effacerfurent blecez sur la place mesme et Quintus
le discours de la raison, ne plus ne moinsi Ciceron le frère fut abbatu et caché soubz les
qu'une teinture, des ames de ceulx qui s'empes-morts.
chent du gouvernement des affaires publiques, LVI. Adonc le peuple commencea à changer
et à leur imprimer les mesmes passions que sen-• de voulunté et Annius Milo, l'un des tribuns du
tent les hommes vulgaires pour la communica- peuple fut le premier qui oza mettre la main
tion et fréquentation ordinaire qu'ilz ont avec sur Clodius et le tirer par force en justice et
eulx, si ce n'est qu'ilz prenent bien gardcà eulx, Pompeius assembla autour de sa personne bon
et qu'ilz vienent au maniement de la chose pu-nombre d'hommes tant de la ville de Rome
blique, avec ceste ferme resolution d'avoir àmesme que des villes voisines, avec l'asseurance
traitter de mesmes affaires que le vulgaire, mais dcsquelz il sortit de sa maison et contraignit
non pas à s'embrouiller des mesmes passions queClodius de se retirer de la place et lors il ap-
leur engendrent les affaires pella le peuple pourdonner ses voix surle rappel
LV. Or ne fut ce pas assez à Clodius d'avoir de Ciceron. Lon dit que jamais le peuple ne de-
chassé Ciceron hors de tonte l'Italie, car il luy creta chose avec si grande affection, ne si una-
brnsla encore ses maisons aux champs et cellenime consentement que ce retour et le senat
de la ville sur la place, de laquelle il feit edi- faisant à l'envy du peuple, ordonna que les
fier un temple de Liberté, et fcit porter ses Le jour que le sénat rendit le décret qui rap-
biens meubles à l'encan là où tout le long du pelait Cicéron, mais que Clodius empêcha long-
jour on ciioit biens à vendre et ne se trouvoit temps encore d'être adopté par le peuple,lefameux
Ésope représentait Télamon, banni de son
personne qui en voulust achepter pour lesquel- acteur
les violences il commencea à estre redoutable pays, dans une tragédie d'Accius. Avec un peu
d'emphase qu'il mit dans sa voix, et par le chan-
aux autres gros personnages de la ville et ti- gement d'un mot ou deux dans quelques vers, il eut
rant a son plaisir comme il vouioit le menu l'adresse de faire tomber la pensée des spectateurs
peuple abandonné à toute licence et toute inso- sur Cicéron. Lui
« ce courageux citoyen, qui a dé-
lence, il chercha de se attacher à Pompeius, en fendu si constamment la république, qui dans un
parlant mal de quelques choses qu'il avoit or- temps de troubles a prodigué sa vie et sa fortune!.
données du temps qu'il faisoit la guerre dont Quel ami! que de mérite et de talents! 0 père
tout le monde disoit que c'estoit très bien em- de la pitrie! J'ai vu tous ses biens consumés
ployé, et luy se blasmoitgrandement soy mesme parles flammes. Grecs ingrats, peuple incons-
de ce qu'il avoit abandonné Ciceron et s'en tant, sans mémoire pour les bienfaits. Le voir
banni, chassé, lelaisser dans cet état! » A cha-
1 On a
reproché à Cicéron trop de sensibilité, cun de ces passages, les applaudissements recom-
trop d'affliction dans ses malheurs. Il confie ses mencèrent, et semblaient ne pouvoir finir. Dans
justes plaintes à sa femme et à son ami et on im- une autre tragédie du même poète, dont le titre
pute à lâcheté sa franchise. Le blâme qui voudra, était Brutus l'auteur ayant prononcé au lieu de
d'avoir répandu dans le sein de l'amitiélesdouleurs ce nom celui de Tullius, on lui fit répéter plusieurs
qu'il cachait à ses persécuteurs; je l'en aimedavan- fois le même endroit au milieu des plus vives ac-
tage. Il n'y a guèreque lésâmesvertueusesdesensi- clamations. Ces allusions étaient passées en habi-
bles. Cicéron, qui aimait tant la gloire, n'a point tude,au théâtre, depuisletemps de l'exil de Cicé-
ambitionnécellede paraître ce qu'il n'était pas. Nous ron, chaque passage despoëtes,qui paraissait avoir
avons vu des hommes mourir de douleur pour avoir quelque rapport à lui, était toujours applaudi et
perdu de très-petites places, après avoir affecté de redemandé.
dire qu'ils ne les regrettaient point quel mal y a- 1 Le texte dit, en effet, Ittaîui;; mais comme
t-il donc à avouer à sa femme et à son ami, qu'on Plutarque emploie rarement cet adverbe, Dusoul
est fâché d'être loin de Rome qu'on a servie, et a proposé de lire Btaiwv, et le sens serait alors que
d'être persécuté par des ingrats et par des per- Milon accusa Clodiusde violence. Cette correction,
fides ? Il faut fermer son «air à ses tyrans, et l'ou- adoptée par Coray, est d'ailleurs conforme au texte
vrir à ceux qu'on aime. Voltaire. de Cicéron pro MU. là; pro Sext. 41.
villes qui avoycnt veceu et honoré Ciceron du- estoit e: des familles que ton appelle patricienes,
rant son exil, en seroient louées, et que ses pos- et e par ce que tout ce en quoy il estoit entrevenu
sessions qui avoient esté demolies et rasées par en e son tribunat, estoit nul. Caton se courroucea
Clodius seroient restablies aux despens du public. decelad et s'y opposa, non pource qu'il trouvast
Ainsi retourna Ciceron seize mois apres son ban- rien r de bon de ce que Clodius avoit fait car au
nissenient et en monstrerent les villes et citez contraire
c il blasmoit bien fort toute son admi-
par où il passa si grande rejouissance que nistration n mais pouree qu'il luy sembloit que
toutes sortes de gens luy allerent par honneur ce c seroit chose trop violente et desraisonnable,
au devant, de si bonne affection et de si bon que q le sénat cassast et annullast tant de choses
cueur, que ce que Ciceron en dit depuis estoit qui q avoient esté faittes et passées durant son tri-
encore moindre que la verité car ildit que l'I- bunat, 1 mesmement qu'entre icelles estoit ce
talie le rapporta sur ses espaulesjusques dedans que q luy mesme avoit manié en l'isle de Cypre,
Rome là où Crassus mesme, qui avant son et e en la ville de Byzance. Cela fut cause qu'il y
bannissement luy estoit ennemy tuy alla dili- eut e quelque aliénation de vouluntez entre eulx,
gemment au devant et fcit son appointement laquelle I; toutefois ne proceda point jusques à en
avec luy disant que c'estoit pour l'amour de faire f aucune démonstration apparente au dehors,
son filz qu'il le faisoit, lequel estoit grand ama- mais r seulement jusques à se hanter et caresser
teur de Ciceron. Si ne fut pas plus tostde retour, moins r familierement l'un l'antre qu'ilz ne fai-
qu'il espia un jour que Clodius estoit hors de la soient s auparavant.
ville', et s'en alla avec bonne compagnie de ses LVII. Quelque temps après Milo tua Clodius,
amis au Capitole, là où il arracha rompit et et f en estant appellé en justice comme homicide,
gasta les tables, ès quelles estoit enregistré et ili pria Cicerou de prendre ladefense de sa cause:
escrit tout ce que Clodius avoit fait durant son mais r le senat craignant que ceste accusation de
tribunat ce que Clodius voulut depuis tourner Milo, I qui estoit homme courageux et personnage
en crime à Ciceron mais Ciceron luy respondit, de i qualité, ne fust cause de quelque trouble et
qu'il avoit indeuëment et contre les loix esté créé sedition
s en la ville, donna commission à Pom-
tribun4 ce qu'il ne pouvoit estre, attendu qu'il peius j de tenir la main forte à la justice, tant en
Plutarque parle ici du jour où le rappel fut cestec cause comme ès autres criminelles, à ce
ordonné; car Cicéron ne rentra dans Rome que que c la ville demourast en paix, et que les juge-
dix-sept mois après en être sorti. mens
i se peussent exercer en toute seureté. A
» Voyez le discours prononcé par Cicéron après
son retour (in Sen. c. 15). Vatinius, si souvent plai- secrètement
s par César et par Pompée. Il y avait
santé par lui, l'interrompit à ce passage de sa ha- troist conditions nécessaires pour que ces actes
rangue, en lui disant Pourquoi donc alors avez- fussent i réguliers. La première, que celui qui
vous des varices? Unde ergo tibi varices? (Ma- adoptait fût plus âgé que le fils d'adoption, et
<
crobe, Sat. n, 3),. que
( non-seulement il eût passé l'âge d'avoir des
3 Dion (xxxix 21) parle d'une première tenta- enfants,
f mais qu'il n'en eût point eu déjà; en
tive de ce genre, qui avait échoué, Clodius, alors second s lieu, que la dignité des deux familles
à Rome, s'y étant opposé avec son frère Caius, et n'en i reçussent aucune atteinte; enfin qu'il n'y
lui ayant arraché des mains les tables de ses lois, eût ni fraude, ni collusion, et qu'on ne se pro-
<

Dans la seconde, Cicéron profita de l'absence de posât point d'autre but que les effets naturels d'uno
son ennemi s'empara des tables, et ne les détruisit véritable
i adoption. Aucune de ces conditions n'a-
pas dans le temple même, comme le dit Plutarque,vait été observée dans celle de Clodius. On n'avait
mais les emporta chez lui, aidé de ses amis.. pas même consulté le collége des prêtres, qui pro-
4 Clodius, pour parvenir au tribunat, s'était fait nonçait d'abord sur de pareilles propositions. Fon-
adopter par une famille plébéienne. C'était un cas téius, qui adoptait, était un homme marié,
sans exemple et contraire à toutes les formes éta- qui avait encore sa femme et ses enfants, qui
blies; un cas qui renfermait des contradictions sur était d'une naissance obscure, et dont l'âge ne
chaque point, et qui ne conduisait à aucune des passait pas vingt ans, tandis que Clodius en avait
tins qu'on devait se proposer dans les adoptions trente-cinq, et tenait undes premiers rangs à Rome
régulières. Aussi dès la première demande qu'en par sa qualité de sénateur et par la noblesse de sa
fit Clodius, il ne put persuader qu'il parlait sé- naissance. D'ailleurs celui-ci n'avait pas d'autre
rieusement. Le tribun Hérennius fut le premier but que d'éluder la loi qui regardait les tribuns,
qui ouvrit cette proposition dans le sénat et devant et en effet, l'adoption ne fut pas plutôt prononcée
le peuple. Il y trouva si peu d'encouragement, que qu'il fut émancipé, c'est-à-dire délivré par le père
le consul Métellus, quoique beau-frère de Clodius, même qu'il venait de se donner, de toutes les obli-
s'y opposa de toute sa force, et protesta même gations qu'il avait contractées envers lui. Ainsi
qu'il le tuerait plutôt de sa propre main que de le Cicéron fut poursuivi exilé, ruiné par un tribur.
souffrir. Cependant Clodius l'emporta soutenu que toutes les lois empêchaient de le devenir.
l'occasion de quoy, Fonapcius dès la nuict pre- gnast ny laisser croistre ses cheveux comme
cedente ayant fait saisir les plus haults lieux de souloient faire les autres accusez, ny se vestir
la place par hommes de guerre armez qu'il dis- de robbe noire, ce qui semble avoir esté t'une
posa tout à l'environ, Milo craignant que Ciceron[ des principales causes de sa condemnation
ne s'estonnast de veoir reluire ces armes autourtoutefois on eut opinion que ceste timidité de
de luy, pource que c'estoit chose non accoustu- Ciceron procedoit plus tost de bonne affection
mée, et que cela ue l'empesehast de bien plaider qu'il avoit envers les siens, que de faulte de
sa cause, le pria de se faire porter de bonnecueur ne par couardise.
heure en littiere sur la place, et là se reposer, en LVIII. Il fut aussi eleu l'undespresbtresdevins
attendant que tous tes juges fussent venus et le qu'ilz appellent augures au lieu de Crassus le
parquet tout remply. Pource que Ciceron n'estoitt jeune après qu'il eut esté tué au pais des Parthes.
pas seulement craintif aux armes, mais aussi ài Depuis luy estant escheute au sort la province de
plaider car il ne commenceoit jamais à parlerr la Cilicieavec une armée de douze mille hommes
que ce ne fut en crainte, età peine cessa il de va- de pied, et deux mille cinq cens chevaux', il
ciller et trembler de peur lorsque son eloquence3 monta sur mer pour y aller, et arrivé qu'il y fut,
estoitja parvenue à sa fleur, et avoit attainctt
à la cyme de sa perfection' tellement qu'en une Les augures avaient pour marques distinctives
cause de Lucius Murena, qui fut accusé parp 1° une espèce de robe rayée de pourpre qu'on appe-
Caton, se perforceant de surmonter Hortensius, lait trabea; 2° unecoiffure de forme conique sem-
duquel le plaidoyer avoit esté bien estimé, il ne• blable à celle des pontifes; 3° un petitbâton courbé
reposa point de toute la nuict, et pour avoir trop qu'ils portaient leur main droite pour désigner
à
veillé et trop travaillé, se sentit mal de sorte les diverses régions des cieux, et qu'on nommait
lituus. Cette dignité était fort recherchée à
qu'il ne fut pas trouvé avoir si bien plaidé commecause de la considération qu'elledonnait, et parce
l'autre1. Estant doncqueslorsallé pour defendre5 qu'on gardait
toute la viele titre et les privilèges.
la cause de Milo, quand au sortir de sa littiere, Dans en tous les autres sacerdoces, dit Plutarque
dedans laquelle il s'estoit fait porter, il apper-> (Quxst. rom.), lorsqu'on avait été condamné à la
ceut Pompeius assis en hault lieu, comme s'il1 mort ou au bannissement, on était interdit de
eust été en un camp, et la place environnée d'ar- toutes fonctions, et la place passait à unautre:
mes reluisantes tout à l'entour, il se troubla dec l'augure, tant qu'il vivait, eût-il été condamné
telle manière, qu'à peine cuida il jamais com- pour les plus grands crimes, n'était point dé-
pouillé de cet honneur religieux. C'était, comme
mencer à parler, tant tout le corps luy trembloit afin qu'ils n'eussent aucun pré-
fort, et ne pouvoit avoir sa voix là où au con- on le suppose,
traire, Milo luy mesme assistoit asscureement texte, pas même celui de la mort civile, pour se
dispenser de garder le secret de leur art, qu'ils
et sans apparence de crainte quelconque à cee avaient juré à leur réception; et comme il n'y a pas
jugement de sa cause, sans que jamais il dai- d'exemple dans toute l'histoire qu'aucun d'eux l'ait
révélé, on demanderait inutilement quel en était
Coray, lisant faofcTo, donne à cette phrase unn l'objet, ou quels étaient les principes sur lesquels
autre sens « A peine cessait-il de trembler en par- ils décidaient que telle ou telle chose était un pré-
lant, même lorsque son discours était déjà loin dee sage, si un présage était heureux ou malheureux,
l'exorde. » L'interprétation d'Amyot est celle dee et de quelle manière, dans ce dernier cas, il devait
tous les traducteurs et nous semble préférable. être expié. Le Traité de la Divination était le livre
Voyez Cicéron in Cœcil, 13; pro Cluent., 18; Dion n où Cicéron aurait pu nous en apprendre quelque
(XLVI, 7). chose, s'il n'avait pas été lié par son serment; et il
'Muréna avait trois défenseurs, Hortensius, est assez étonnant que, des deux livres que nous
Crassus et Cicéron. Hortensius avait déjà parléé avons de lui sur cette matière, ayant employé le
pour lui avec beaucoup d'éloquence: Cicéron, ja- premier à faire parler son frère, qui n'était pas
loux de le surpasser, se donna tant de peine pour y augure, d'après l'opinion des stoïciens sur la fata-
réussir, quecet excès de travail nuisit à sa cause, et•l lité, il se fut réservé le second pour le combattre,
le fit paraîtreinférieur àlui-inéW, quoiqueson plai- i- et pour faire triompher le système académique. Ce
doyer soit loin de passer aujourd'hui pour un ou- i_ n'était assurémentpas pour donner du crédit à l'art
vrage médiocre. Il paraît d'ailleurs que Cicéronat- t.
t- des augures ni pour en faire valoir le métier, puis-
tachait une grandeimportaneeà préparer longtemps )s
qu'il laisse une liberté pleine et entière d'en croire
ses discours. « II avoità orer en publicque, dit Mon-). ce qu'on voudra. Morabin.
taigne d'après Plutarque, et estoit un peu pressé du u 'Le texte dit deux mille six cents, tusyûiian
temps pour se préparer à son ayse. Éros, l'un de le Ëïawmow; et c'est ainsi qu'ont traduit Dacier, Bi-
ses serfs, le vint advertir que l'audience étoit re- )- card et M. Leclerc. -Les deux légions n'étaient
mise au lendemain: il en fut si aise, qu'il lui donna
la pas complètes quand Cicéron partit, mais il reçut
la liberté pour ceste bonne nouvelle. ensuite des secours.
»
PAR PLUTARQUE.
rendit la Cappadocie obéissante à son roy Ario- LX. En s'en retournant de son gouvernement,
barzanes, suivant la commission et le mande- il i passa par Rhodes, et feit quelque séjour à
ment qu'il avoit du sénat il rengea et ordonnaAthencs J avec grand plaisir pour la memoire du
toutes choses là et ailleurs si bien sans guerre contentement
s qu'il avoit eu autrefois, du temps
que lou n'y eust seu rien desirer et voyant que qu'il c y demouroit à i'estude. Si fut visité par les
les Ciliciens estoient devenus un peu forts en ipremiers hommes en sçavoir et en lettres qui y
bride pour la secousse que les Romains avoient ffussent, et veit ses familiers et amis qui pour
receuë des Parthes, et pour les mouvemens de lors y residoient. Et finablement après avoir re-
1

la Syrie, il les ramena à la raison, en leur ceu dela Grece le recueil et l'honneur qui lui
<

commandant gracieusement, et ne receut jamais appartenoit i il s'en retourna à Home là où il


present quelconque que Ion luy envoyast, non ttrouva les partialitez ja tellement enflammées'
pas des princes ny des roys mêmes, et si des- que ( Ion voyoit évidemment qu'il en sortiroit à
chargea ceulx de sa province des banquets et la fin une guerre civile. A l'occasion de quoy le
1

festins qu'ilz avoient accoustumé de faire aux sénat ayant decerné qu'il entreroit en triumphe
autres gouverneurs avant luy. dedanslaville, il respondit que plus vouluntiers
LIX. Mais luy au contraire avoit tous les jours il suivroit le chariot triumphant de Caesar, y
à sa table les honestes gens de sçavoir à manger ayant un bon accord fait entre culx, de quoy
avec luy, et les traitoit honestement, sans aucune faire il les exhorta et conseilla fort, en escrivant
superfluité toutefois. Sa maison n'avoit point de par plusieurs fois à Cœsar, et en priant de bou-
portier ny jamais homme ne le veit couché che Pompeius luy mesme en présence taschant
en son lict,car dès lapoincte du jour il selevoit, addoulcir et appaiser l'un et l'autre par tous
et en se promenant devant son logis ou se tenant moyens mais le mal estant si incurable, qu'il il
debout, recneilloit gracieusement tous ceulx n'y avoit plus ordre ne moyen de les pouvoir ac-
qui le venoient saluer et visiter. Et dit on que corder, quand Pompeius sentit Caesar appro-
jamais il ne fcit fouetter ny batre de verges cher, il n'oza demourer en la ville ains en
personne, ny deschirer les vestemens jamais sortit avec plusieurs autres gens de bien et
ne dit injure à homme quel qu'il fust par cholere, grands personnages. Ciceron ne le suivit point
ny n'en condemna à l'amende avec oultrage. Et en ceste fuitte et pourtant estima Ion qu'il fust
trouvant plusieurs choses appartenantes au pu- pour se joindre au parti de Cœsar, et est certain
blic, que des particuliers avoient usurpées et qu'il fut en très grande perplexité, ne sachant
desrobbées, il les rendit aux villes, lesquelles par comment s'en resouldre et en grande destresse
ce moyen en devindrent riches et neantmoins en son entendement. Car il escrit en ses Epis-
encore sauva il l'honneur à ceulx que les avoient tres « De quel costé me doy je tourner ? î Pom-
usurpées, sans leur faire autre mal, que de les peius a bien la meilleure et la plus honeste
contraindre à rendre ce qu'ilz detenoient du cause de faire la guerre mais Caesar conduit
public. Il feit aussi un petit de guerre, et chassa « miculx son affaire, et se gouverne mieulx pour
quelques brigands qui se tenoient aux environs « s'asseurer luy et les siens :de sorte que j'ay
de la montagne d'Amanus, pour lequel exploit bien qui fouir, mais non pas à qui recourir.»
ses soudards le declarerent et le nommèrent Im- LXI. Sur ces entrefaittes, il y eut un des fa-
perator, c'est-à-dire souverain capitaine. Il y miliers de Caesar nommé Trebatius, qui luyescri-
eut environ ce temps là un orateur Cecilius qui vit un lettre par laquelle il luy mandoit que
le pria par lettres de luy envoyer des leopards et Cœsar estoit d'advis qu'il s'en devoit principa-
des pantheres de la Cilicie pour quelque esbate- lement venir vers luy pour courir sa fortune et
ment qu'il vouloit donner au peuple à llome. participer à son esperance mais s'il faignoit de
Ciceron se glorifiant de ses faicts, luy rescrivit ce faire pour le regard de sa vieillesse qu'il
qu'il n'y avoit plus de leopards en Cilicie, et s'en devoit aller en la Grèce se reposeret s'oster
qu'elles s'en estoient fouies en la Carie de despit dedevantles uns et les autres. Ciceron trouvant
qu'elles avoient deveoir que toutes choses estans estrange comment Cœsar ne luy avoit escrit luy
en paix en la Cilicie, on n'y faisoit plus la guerre mesme,respondit en cholere « qu'il ne ferait rien
que contre elles. indigne de ce qu'il avoit fait au demourant de
sa vie. » Voilà ce qu'il en escrivit en ses lettres
1 Cette punition ignominieuseétait très-ancienne; missives. Mais s'en estant CEesar allé en fles-
on la voit pratiquée chez les Ammonites, dès le
temps de David. Reg., n, 10, 4. Dacier. 1 Ego ad urbem accessi pridie nonns j.iniiar.
3 II faut lire Cœlius, alors édile curule (i-p.fant., Incidi in ipsam flanimaiii civilis discordiac, vel
n, il) potius belli. » (F.p.fam. xvi,11.)
pagne, il monta incontinentl-!iiniifen
on mer pour s'en
mo* nntTit n^n tre, iltin ouvriers
tre des
t~>»a miwraiîana du
ri camp de ce qu'il avoit bien
aller trouver Pompeius là où arrivé qu'il fut, reconforté
recc les Rhodiens touchant la perte qu'il»
tous les autres le veirent vouluntiers excepté avoient
avoi faitte de leurs vaisseaux « Voyez dit
Caton lequel à part en secret le reprit bien Ciceron, quel grand bien c'est d'avoir un mais-
«« Ci
fort de ce qu'il s'estoit venu joindre à Pompeius, tn des œuvres grec Quand ce vint à join-
«« tre
disant « que quant à soy il ne luy eust pas esté dre de près que Caesar avoit quasi l'avantage
honeste d'abandonner alors le party qu'il avoit h tenoit presque assiegez, Lentulus dit un
et les
dès le commencement choisy et suivy au gou- joui qu'il entendoit que les amis de Caesar es-
jour
vernement de la chose publique mais quant à toient tous tristes et melancholiques. Ciceron
toie
luy qu'il eust esté plus utile et pour le bien pu- luy respondit,« Dis-tu qu'ilz portent mauvaist
blic du pais et particulierement pour tous ses vouluntéà
vou Caîsar » Un autre nommé Marcius
amis qu'il fust demouré neutre entre les deux venant
ven tout freschement d'Italie, dit que lebruit
parties en s'accommodant selon ce qui advien- este à Rome, que Pompeius estoitassiégé:Cice-
estoit
droit, et qu'il n'y avoit nulle raison, ny cause ron luy dit «
Comment t'es-tu donc embarqué
necessaire qui le contraignist de se declarer en- « pour
pc le venir voir toy mesme à fin que tu le
nemy de Cœsar et de venir là se jetter en un si creusses quand tu l'aurois veu? » Après la
« cr
grand péril. » Ces remonstrances de Caton ren- desfaitte il y eut un Nonnius qui dit que ton
des
verserent toute la resolution de Ciceron, avec ce devoit encore avoir bonne espérance pource
dev
que Pompeius ne se servoit de luy en nulle chose que l'on avoit pris sept aigles' dedans le campde
de conséquence de quoy toutefois il estoit plus pur
Pompeius « Ton admonestement ne seroit pas
cause luy mesme que Pompeius parce qu'il mauvais, luy dit Ciceron si nous avions à
« n;
confessoit ouvertement qu'il se repentoit d'estre combatre contre des pies ou des geays. » La-
«“ c<
venu là et que ordinairement il ravalloit et bienus alloitasseurant sur la fiance de quelques
hiei
faisoit les préparatifs de Pompée petits, et qu'il oracles,
ora, qu'il estoit force que Pompeius enfin
trouvoit mauvaises toutes leurs deliberations, demourast supérieur « Voiremais, dit Ciceron
den
ce qui le rendoit suspect et si ne se pouvoit pas avec toute ceste belle ruze de guerre, nous
tenir de laisser eschapper tousjours quelque mot
de risée et de mocquerie encontre ceulx de son

“ ai
•<a
avons naguères perdu notre camp pourtant.3 »

party, combien que luy mesme n'eust aucune ava écrit l'Histoire des guerres de Pompée, au-
avait
envie de rire car il alloit par le camp triste et pré duquel il jouissait d'un très-grand crédit; qui
près
pensif mais il disoit tousjours quelque brocard lui avait donné le droit de bourgeoisie en présence
de l'armée et qui avait, à sa considération, rendu
qui faisoit rire les autres, encore qu'ilz en eus-
la liberté aux Mityléniens (pro Arch., 10); mais
sent aussi peu de voulunté que luy. Cicéron ne paraît pas en faire grand cas dans une
LXII. Si ne sera point hors de propos en met- lett à Attieus'(ix, 1). On voit dans la rie de
lettre
tre quelques uns en cest endroit. Domitius tas- Pompée,
pm par Plutarque, que ce fut Théophane qui
choit d'avancer un certain personnage auquel il dor
donna à ce général le funeste conseil de se retirer
vouloit faire donner une place de capitaine et auprès
au[ de Ptolcmée, roi d'Égypte, après la perte de
pour le recommanderdisoit,qu'il estoit homme la 1bataille de Pharsale.
honeste sage et modeste. Ciceron ne se peut C'est-à-dire d'avoir un Grec pour intendant,
tenir de luy dire Que ne le gardes tu donc P01 chef des ouvriers.
pour
pour gouverner tes enfans ? Il y en avoit qui 2 faut entendre: parce qu'il restait 7 aigles,
louoient Theophanes Lesbien qui estoit mais- kXsîtpSai.
Xe)iE C'est ainsi que lit Xylander avec raison.
3 Le bonheur que Pompée avait eu de plaire à
Cicéron parle lui-même (Philipp., Il, de
15) Sylla, et ensuite de se soutenir par la bonne opi-
Syl
cette tristesse profonde qui le suivait partout, nion qu'il donna de lui, et par les actions vérita-
nio
lorsqu'il était dans le camp de Pompée, et il l'at- ble
blement grandes qu'il exécuta, semblaient lui pro-
tribue au pressentiment funeste qu'il avait de l'a- mettre un tout autre sort que celui qui l'accueillit;
me
venir. Il se justifie ensuite (c. 16) de toutes ces ma la fortune l'ayant aveuglé, elle l'abandonna
mais
plaisanteries qu'Antoine lui avait reprochées, « et au moment où il crut ne lui rien devoir, et où il
qu'il lie s'était permises, disait-il, que pour dis- voulut
vol la régler suivant ses propres lumières. Une
traire les autres des chagrins et des inquiétudes première
prf faute fut suivie de plusieurs, qui le firent
dont ils étaient tourmentés. » passer
pai d'un état digne d'envie à un autre qui lui
^Domitius, d'abord assiégé dans Corfinium, et att la pitié de ses admirateurs, et fit enfin, à ce
attira
renvoyé libre par César après la prise de cette place qu l'on croit, verser des larmes à son plus grand
que
(Cas., de Bell, civ., t, 23), était venu joindre ennemi.
em Cicéron nous a laissé sur Pompée des té-
Pompée, et périt à Pharsale (Ibid., m, 99; Phi- moignages
me très-différents les uns des autres. Ceux
#pp.,n,39). qu lui rend dans ses discours publics sont si
qu'il
3T!iéophane de Slitylène, dans l'île de l.esbos, brillants et si glorieux, qu'ils ont passé pour eta
bri
LXIII. Après la journée de Pharsale, en la- c eut beaucoup d'affaire ù le sauver et ù l'en-
et
quelle, il ne se trouva pas, pour ce qu'il estoit vvoyer à sauveté hors du camp.
malade, s'en estant Pompeius fouy, Caton se LXIV. Quand il fut arrivé à Brundnsium, il
trouvant à Dyrrachium là où il avoit ramassé sejourna
s là quelque temps, attendant Ceesar qui
bon nombre de gens de guerre, et grosse flotte tardoit à venir
to pour les affaires qu'il trouva
de vaisseaux, le pria de prendre la charge et la tant en Asie qu'en .«Egypte; mais finablement
t.
superintendance de toute ceste armée, comme il la
1; nouvelle estant venue qu'il estoit arrivé à
luy appartenoit ayant esté consul. Ciceron non- 1Tarente, et qu'il s'en venoit de là par terre à
seulement le refuza, mais aussi leur declara i
Bruudusium, il se partit pour aller au devant
qu'il ne vouloit plus en sorte quelconques'entre- dde luy, ne se deffiant pas que Caesar ne fust pour
mettre de ceste guerre, ce qui fut presque cause luy pardonner, ains ayant honte de se presenter
li
de le faire tuer, pource que le jeune Pompeius à un sien ennemy victorieux en presence de
et ses amis qui estoient là l'appellerent traistre ttant de gens qu'il y avoit à l'entour de luy tou-
et desguainnerent leurs espées sur luy pour le tefois,
t il ne fut point contrainct de faire ne dire
tuer, n'eust esté Caton qui se meit entre deux chose
< aucune derogeanteà sa dignité car Caesar
1levoyant venir au devant de luy bien loing devant
gérés. Dans ses lettres à Atticus, il le traite moins
favorablement, et l'on croirait qu'il ne lui rend la
1 trouppe des autres, descendit de cheval et l'em-
1brassa, et chemina bien longuement devisant
pas justice. Ces inégalités ont leur cause. Devant
1tousjoursavecluy seul à seul, etdelàen avanteon-
un peuple extrêmement prévenu pour Pompée,
l'orateur n'avait qu'à rapporter à la prudence, à tinuatousjoursà
1 l'honoreretcaresser,desorteque
l'activité, et aux autres vertus guerrières de ce gé- Ciceron
( ayant escrit un traitté à la louange de
néral, un enchaînement de prospérités qui seules Caton,
( Caesar en escrivit à l'encontre un autre, au-
auraient suffi à remplir la mesure de son surnom quel
( il loua l'eloquenceet la viede Ciceron, comme
il était difficile qu'on ne trouvât pas quelque excès semblable à celle de Pericles et de Theramenes.
}
dans ses éloges. Lorsqu'il s'adresse à un ami pour J
Ce traitté de Ciceron est intitulé Caton, et celuy
qui il n'avait rien de caché, et dans des lettres qui
roulaient presque toutes sur des actions privées, de Caesar Anticaton, c'est-à-dire, contre Caton.
LXV. Et dit on davantage que Quintus Li-
le jugement qu'il en porte et les plaintes qu'il en
fait n'ajoutent rien aux impressions qui nous res- garius estant accusé d'avoir porté les armes
teraient s'il s'en était tenu au simple récit. La contre Cœsar, Ciceron le prit à defendre, et que
raison de cette différence est donc dans Pompée, Cssar dit à ses amis, qui estoient autour de luy
et non dans Cicéron historien également fidèle, « Qu<j nous nuira d'ouir Ciceron qu'il y a long
quand il a placé Pompée au-dessus des héros pré- « temps que nous n'ouysmes ? car au demourant
cédents par l'importance et le nombre de ses ex- Ligarius est, quant à ma resolution, pieça tout
péditions militaires, et quand il l'a rapproché du condemné, pource que je letiens pour un mau-
niveau des hommes ordinaires par le récit de ses >

petitesses et de ses fautes. Ainsi, que l'on ne con- « vais


homme et pour mon ennemy. Mais Cice-
fonde point les louanges prodiguées à Pompée ron n'eut pas plus tost commencé à entrer en
par quelques écrivains, pour avoir été à la tête du propos, qu'il l'emeut merveilleusement, estant
parti qu'on appelait le meilleur, avec celles qui lui son propos si plein de bonne grace, et si vehe-
étaient personnelles que l'on songe ensuite aux ment en affections, que l'on dit que Caesar chan-
préventions de ces écrivains attachés au même gea sur l'heure de plusieurs couleurs, monstrant
parti alors on se désabusera d'idées vagues evidemment à sa face qu'il sentoit toutes sortes
communément fausses, qui ne peuvent subsister de mouvemens en son cueur, jusques à ce que
contre celles que Cicéron en avait, et qu'il n'aurait
fmablement l'orateur vint à toucher la bataille
certainement pas exprimées avec tant d'assurance
de Pharsale car alors Caesar, transporté hors
et d'uniformité, dans ses lettres à Atticus, si cet
ami et toutes les personnes sensées n'en avaient
point jugé de la même façon. Cicéron plaignit le 1 Quoi que l'on ait dit de la diligence de César
sort de Pompée, et il le plaignit de très-bonne foi, après Pharsale, dit Montesquieu, Cicéron l'accuse
parce qu'il aimait sa personne, et lui reconnaissait de lenteur avec raison. Il dit à Cassius (Ep. fant.,
d'honorables qualités. Non possum ejus casum xv,15)qu'ils n'auraientjamais cru que le parti de
non dolere; hominem enim integrum, et castum, Pompée se fût ainsi relevé en Espagne et en Afri-
et gravem cognovi (ad Att., xi, 6). Voilà à quoi que, et que, s'ils avaient pu prévoir que César se
se réduisait, dans l'opinion des hommes sages, ce fût amusé à la guerre d'Alexandrie, ils n'auraient
surnom de Grand, qu'on s'était trop pressé de lui pas fait leur paix, et qu'ils se seraient retirés avec
donner. Cicéron (Tuscul., i,3S), Sénèque (Consol. Scipion et Caton en Afrique. Ainsi un fol amour
ad Marc, e. 20) et Juvénal (Sat. x 283), se lui fit essuyer quatre guerres; et, en ne prévenant
rencontrent dans la même pensée, qu'il avait trop pas les deux dernières il remit en question ce qui
vécu pour sa gloire. Morabin. avait été décidé à Pharsale.
CICÉRON – TOME
a
1.
de soy, tressaillit de toute sa personne, de sorte culum, de là où il escrivoit à ses amis, qu'il menoit
que quelques papiers qu'il tenoit luy tomberent la vie de Laertes soit qu'il le dist en jouant,
des mains, et fut contrainct malgré luy, contre comme c'estoit bien sa coustume, ou pource qu'il
son prejudice, d'absouldre Ligarius. sentist des pointures de l'ambition qui luy feis-
LXVI. Depuis estant la chose publique re- sent desirer de retourner au maniemeut des af-
duitte en monarchie, quittant de tout poinct le faires, et s'ennuyer de l'estat present de la chose
maniement des affaires, il se meit à enseigner la publique tant il y a qu'il venoit bien peu sou-
philosophie aux jeunes hommes qui le voulurent vent à la ville, pour visiter et entretenir Caesar
hanter, par la frequentation desquelz, pource seulement, et estoit tousjours le premier à ap-
que c'estoient presque tous les premiers et les prouver et confirmer les honneurs qui lui es-
plus nobles de la ville, il vint de rechef à avoir toient decernez, et s'estudioit à dire tousjours
autant ou plus d'authorité en la ville que jamais. quelque chose de nouveau à la louange de luy
Son estude et occupation estoit de composer et de ce qn'il faisoit, comme fut ce qu'il dit tou-
des discours de philosophie, en maniere de dia- chant les statues de Pompeius, lesquelles ayans
logues et devis, et d'en translater de grec en esté abbatues, Caesar commanda qu'elles fussent
latin, mettant peine de rendre les paroles grec- redressées, comme elles le furent: car Ciceron
ques qui sont propres aux dialecticiens ou aux dit alors « que Caesar, par ceste humanité d'avoir
physiciens, par autres latines car ce a esté, fait redresser les statues de Pompeius, avoit as-
comme Ion dit, le premier qui a donné noms latins seul e les sienes. »
à ces mots grecs, qui sont propres aux philoso- LXVIII. Mais ayant proposé d'escrire toute
phes, phantasia, c'est à dire, apprehension, ca- l'histoire romaine, et y mesler parmy beaucoup
tathesis, consentement, epoché, doubte, cata- des Grecques, en y adjouxtant toutes les fables et
lepsis, comprehension, atomon, indivisible fictions entierement que les Grecs escrivent
ameres, simple, cenon, vuide, et plusieurs autres et racomptent, il fut surpris de plusieurs affai-
semblables au moins si ce n'a esté le premier, res et accidents publiques et privez, qui l'accueil-
ce a bien esté celuy qui plus en a inventé et usé, lirent oultre son gré, dont toutefois il s'en pro-
en tournant aucuns par translations autres en cura la plus part luy mesme car premierement
termes propres, si bien qu'ilz estoient receuz, il repudia sa femme Terentia, pource qu'elle
usitez et entendus de chascun. n'avoit tenu compte de luy durant la guerre, de
LXVII. Quant à la facilité et promptitude maniere qu'il se partit de Rome sans avoir ce
d'escrire vers, il en usoit aucune fois par ma- qui luy estoit necessaire pour s'entretenir hors
niere de passe temps car on dit que quand il de sa maison, et encore quand il s'en retourna ne
s'y mettoit une fois, il en escrivoit bien cinq feit elle aucun acte ny devoir de bonne affection
cents pour une nuict. Or durant tout ce temps là envers luy car elle ne vint onques à Brundu-
il se tenoit presque ordinairement aux champs, sium,là où il sejourna longtemps; et, qui pis est,
en quelques maisons qu'il avoit aupres de Thus- à sa fille, qui eut bien le cueur de se mettre en
chemin pour faire un si long voyage, elle ne luy
Dusoul a remarqué qu'après urarçpdcilBv, quel- donna ny suitte, ny compagnie ny argent et
ques manuscrits ajoutent tiv» toO nUnovoc; mots equippage tel comme il luy appartenoit, ains
qui feraient particulièrement allusion à la traduc- feit en sorte que Ciceron à son retour, trouva
tion du Timée et du Protagoras de Platon par sa maison vuide, et ayant faulte de toutes choses
Cicéron. necessaires, et au contraire bien lourdement
*T1\v ipavrasiav,l'objet, \\sio,(Acad., n,6); t^v ovy-
chargée de debtes c'estoient les plus honestes
x!xtc8e<tiv, l'assentiment, assensio. (Acad., n 12:
deFato., c. 28); assensus, (Acad.,n, 33); appro- • Cette allusion au père d'Ulysse ne se trouve
batio (ibid., n, 12, 17);tï|v èto>xJ|v, l'époque, ou in- nulle part dans les lettres qui nous restent de Ci-
certitude entre deux opinions, assensionis reten- céron.
tio, (Acad. ii 18); t^v y.a.x&y^n, la catalepsie ou a Les dilapidations de Térentia commencèrent
compréhension, comprehensio, (ibid., n 47) sd dès le séjour de son époux en Cilicie, et peut-être
creonov, les atomes, atomi, id est, corpuscula, cor- même dès le temps de son exil. Mais la confiance
pora individua, (de Fin.j i, 6; de Natur. deor., i, que Cicéron avait en elle lui avait fermé les yeux sur
20); ti àneptî, le simple, l'indivisible, individuum, ces premiers dérangements; et à l'égard de ceux qui
simplex corpus, (deFin., n, 23; de Fato. c. 11) étaient survenus depuis il était aussi aisé à une
Tb xsvàv, le vide, inane, vacuum (deFin., i, 6). Ci- femme adroite, qui connaissait la faiblesse de son
eéron a enrichi la langue philosophiquedes Ro- mari, et qui pouvait compter sur les intendants de
mains de bien d'autres mots empruntés à celle sa maison, de s'entendre avec eux, qu'il était dif-
des Grecs et que l'usage consacra. Voyez Sénè- ficile à lui de s'en apercevoir, surtout après avoir
que (Ep. 58). ité plusieurs années absent de chez lui. Morabin.
eauses que l'on alleguast de leur divorce. Mais plus constantes natures. Toutefois la conspira-
oultre ce que Terentia les nioit, luy mesme luy tion ayant esté executée par Brutus et par Cas-
donna bien grand moyen de s'en justifier, parce sius, les amis de Caesar s'estans bendez ensem-
que peu de temps apres il espousa une jeune ble, on eut grande doubte que la ville ne tum-
fille dont il estoit devenu amoureux, comme di- bast de rechef en guerres civiles. Et Antonius
soit Terentia, pour sa beaulté, ou, comme Tiro qui lors estoit consul feit assembler le sénat
son serviteur a escrit, pour sa richesse à fin là où il parla quelque peu de reduire les choses
que des biens d'elle il peust payer ses debtes à concorde: mais Ciceron ayant fait plusieurs
car elle estoit fort riche, et luy gardoit Ciceron remonstrances propres au temps, proposa fina-
ses biens ayant esté institué héritier commis- blement au senat de decerner à l'exemple des
saire pour cest effect: etpource qu'il devoit une Atheniens une generale abolition et
oubliance
grosse somme d'argent, ses parens et ses amis des choses faittes à rencontre de Cœsar, et de
luy conseillerent d'espouser ceste jeune fille, distribuer à Brutus et à Cassius quelques gou-
encore qu'il fust hors d'aage pour elle, à fin que vernemens de provinces: mais il ne s'en feit du
des biens d'elle il peust satisfaire à ses créan- tout rien: car le peuple de luy mesme s'esmeut
ciers mais Antonius faisant mention de ce à pitié et compassion quand il veit porter le
mariage ès responses qu'il feit à rencontre des corps à travers la place. Et quand Antonius da-
Philippiques de Ciceron, lui reproche qu'il avoit vantage leur monstra sa robbe toute pleine de
chassé une femme auprès de laquelle il estoit sang, percée et détaillée de coups d'espée, adone
envieilly, se mocquant clamamment en passant devindrent ilz presque furieux de courroux,
de ce qu'il avoit esté homme oiseux, qui ne s'es- cherchans par la place s'ilï trouveroient aucuns
toit jamais party de sa maison ny n'avoit esté de ceux qui l'avoient tué et prenans des tizons
en guerre pour faire service à la chose publique. de feu s'en coururent vers leurs maisons pour
Peu de temps après qu'il eut espousé cette se- les y brusler; mais eulx ayans bien preveu ce
conde femme, sa fille mourut en travail d'en- danger s'en sauverent: et se doubtans que s'il?,
fant en la maison de Lentulus auquel elle avoit demouroient à Rome ilz auroient beaucoup
esté mariée en secondes nopces après la mort de de telles alarmes, ilz abandonnerentla ville.
Piso, son premier mary, si le vindrent veoir les LXX. Parquoy Antonius incontinent leva la
philosophes et les gens de lettres de tous costez, teste haulte, et devint redoutable à tous, comme
pour le reconforter: mais il porta si impatiem- pretendant à se faire monarque, mais plus en-
ment ceste mort, qu'il en repudia sa seconde core à Ciceron qu'à nul autre: car Antonius
femme, pource qu'il luy fut advis qu'elle se res- voyant que Ciceron commenceoit à rentrer en
jouit de la mort de sa fille. Voilà i'estat auquel authorité au maniement des affaires, et sçachant
estoient les affaires de sa maison. qu'il estoit familier amy de Brutus, ne le voyoit
LXIX. Quant à la conjuration à rencontre point vouluntiers auprès de luy, et si avoit en-
de Caesar, il n'en fut point participant, encore core d'ailleurs souspeçon entre eulx deux pour
qu'il fust des plus grands amis de Brutus, et qu'il la diversité de leurs meurs et la difference de
fust desplaisanï de veoir les choses reduittes leurs natures: ce que craignant Ciceron, fut
en l'estat qu'elles estoient, et qu'il regretast le premierement en propos de s'en aller au gou-
passé autant que nul autre: mais les conjurez vernement de la Syrie soubzDolabella, comme
eurent peur de sa nature, qui avoit faulte de l'un de ses lieutenans mais ceulx qui estoient
hardiesse, et de son aage, auquelbien souvent designez pour estre consulz l'année ensuivant
!'asseurance vient à faillir aux plus fortes et après Antonius, deux hommes de bien, grands
zelateurs de Ciceron, Hircius et Pansa, le prie-
» Plutarque se trompe en disant que Tullia mou- rent de ne les abandonner point,
rut en couchechez son mari Lentulu3 (P. Cornelius eulx qu'ils aboliroient prenans snr
Lentulus Dolabella); il est certain que celui-ci ceste trop grande puis-
l'avait répudiée quelque temps avant qu'elle mou- sance d'Antonius, pourveu qu'il voulust demou-
rût. Aussi Tunstall veut qu'on traduise ûKmwx rer avec eulx. Parquoy Ciceron ne les croyant,
irapà AévrXt}>, étant épouse de Lentulus, et non chez ny ne les descroyant pas aussi du tout, laissa
Lentulus. Mais c'estforeer la signification de tetfà aller Dolabella et promeit à Hircius et Pansa
devant le cas qui suit. M. Leclerc a proposé de
lire tïxToiratxTOfiàAévîXov./xm'eaj ex Lentulo, leçon
1 Lorsque Thrasybule, parti de Thèbes avec les
ingénieuse. En outre, Plutarque ne donne ici que citoyens bannis comme lui d'Athènes, eut défait
deux maris à la fille de Cicéron il oublie Cras-
les trente tyrans, et se fut rendu maître de la ville,
sipès, qu'elle avait épousé après la mort de Pison,
il publia une amnistie générale pour tout ce qui s'é-
son premier mari. tait passé depuis l'établissement de la tyrannie.
r
qu'il passcroit sou esté à Athenes, et que si tostsar. A l'occasion de quoy Philippus qut avoit
qu'ilz auroient pris possession de leur consulat, espousé la mere de ce jeune Caesar, et Marcel-
il s'en retourneroit à Rome: et en ceste resolu- lus, qui estoit mary de sa soeur, s'en allèrent
tion monta sur mer tout seul pour s'en aller enavec
ble
luy devers Ciceron, et convindrent ensem-
Ciceron presteroit Caesar la fa-
la Greee. que au jeune
LXXI. Mais ainsi qu'il advient souvent, il y veur de son authorité et de son eloquence, tant
eut quelque empeschement qui le retarda qu'il envers le senat qu'envers le peuple, et que le
ne peut faire voile, et luy venoient tous les jeune Csesar en recompense asseureroit Ciceron
jours nouvelles de Rome, comme est bien la par le moyen de son argent et de ses armes:
coustume, que Antonius s'estoit merveilleuse- car le jeune homme avoit desjà autour de luy
ment changé, et qu'il ne faisoit plus rien, sinon plusieurs des vieux soudards qui avoient esté
avec l'authorité et le consentement du senat, et à la guerre soubz Caesar. Et davantage il y avoit
qu'il ne tenoit plus qu'à sa presence que toutes une autre cause que faisoit que Ciceron accep-
les choses n'allassent bien. Adonc luy mesme toit bien vouluntiers l'amitié de ce jeune Cassar:
condemnant sa trop grande crainte, s'en re- c'est que du vivant de Pompeius et de Julius
tourna de rechef à Rome, là où il ne se trouva Caesar, il luy fut advis une nuict en songeant,
point deceu de sa première espérance, tant il que Ion fcit appeller les enfans des senateurs
sortit de gens qui allerent au devant de luy, de au Capitole, pource que Jupiter avoit ordonné
sorte qu'il consuma presque tout un jour à em- de monstrer celuy qui devoit un jour estre chef
brasser et toucher en la main de ceulx qui et prince de Rome, et que tous les Romains, de
par honneur l'estoient venu rencontrer tant à grand desir qu'ilz avoient de veoir qui ce seroit,
la porte de la ville, que par le chemin jusques estoient tous accourus autour du temple et que
en sa maison. Le lendemain Antonius feit as- tous les enfans semblablement estoient là at-
sembler le senat, et le feit nommeement appel- tendans avec leurs belles robbes bordées de
ter il n'y voulut pas aller, ains se meit au lict, pourpre, jusques à ce que soudainement les
feignant se trouver mal pour le travail qu'il portes du temple s'ouvrirent: et adonc les eu-
avoit enduré le jour précèdent: mais la vraye fans se leverent les uns après les autres et alle-
cause pour laquelle il n'y alloit pas, estoit la rent passer au long de la statue de Jupiter, qui
crainte et lesouspeçon d'une embusche que l'on les regarda tous et les renvoya bien mal con-
luy avoit dressée sur le chemin s'il y fust allé, tents, excepté ce jeune Caesar, auquel quand il
ainsi qu'il luy avoit esté revelé par un de ses vint à passer devant luy, il tendit la main, et dit:
amis. Antonius fut marry de ce qu'on le ca- • Seigneurs Romains, cest enfant icy est celuy
lumnioit à tort de le faire aguetter, et envoya « qui mettra fin à vos guerres civiles, quand il
des soudards en sa maison, ausquelz il com- « sera vostre chef. » Lon dit que Ciceron eut
manda de l'amener comment que ce fust, ou de ceste vision en dormant, et qu'il imprima bien
mettre le feu dedans sa maison: toutefois plu- fermement en sa memoire la forme du visage
sieurs s'en entremirent, qui le prierent de n'en de l'enfant, mais qu'il ne le cognoissoit point, et
faire rien, et se contenta de faire seulement que le lendemain il s'en alla expressement au
prendre des gages en sa maison champ de Mars, où se souloient aller esbatre
LXXII. Depuis ceste heure là, ils continuerent les jeunes gens, là où il trouva que les enfans
toujours às'entreharcelertout doulcementneant- ayans achevé leurs exercices, s'en retournoient
moins, en se donnantgardel'un de l'autre, jusques en leurs maisons, et qu'entre eulx il appercent
à ce que le jeune Cœsar, retournant de la ville le premier celuy qu'il avoit veu en songeant
d'Apollonie, se porta pour heritier de Julius et le recogneut fort bien, dequoy estant encore
Caesar, et vint en different avec Antonius pour plus esbaby, il luy demanda qui estoit son pere
la somme de deux millions cinq cent mille es- et sa mere. Il estoit filz d'un Octavius, homme
cus qu'il retenoit riere luy des biens de Cae- non autrement de grand renom, et de Accia
Lorsqu'on envoyait un licteur à un sénateur ou Cette somme, d'après l'évaluation de Ricard, fai-
à un magistrat, pour lui porter l'ordre de se trou- sait environ vingt-trois millions de notre monnaie
ver au sénat ou au conseil, s'il refusait de s'y ren- Ruauld (Jnimadvers. xxxm) avait cru dé-
dre, ou faisait emporter de chez lui quelque meuble, couvrir ici une grave erreur. Barton l'a victorieuse-
qui était comme un témoin de sa désobéissance, et ment réfuté (éd. Reiske, p. 953.).
on appelait cela prendre des gages, pignora ca- Cicéron ne parle de ce songe dans aucun des
pere. Voyez la première Philippique de Cicéron, ouvrages qui nous restent de lui.
c. 5, et son troisième livre de l'Orateur, c. i. • Le texte dit Attia, et en fait une sœur de Césai
• Le grec dit vingt-cinq millions de drachmes. (àEiàp/K Km'aafoî); mais c'est vraisemblablementurt
sœur de Julius Cffisar, lequel n'ayant point vouloit et embrouilla si bien Antonius qu'il le
d'enfant, t'institua par testament son heritier, chassa de la ville, et envoya contre luy pour Je
en luy laissant ses biens et sa maison. Depuis combattre touslesdeux consulz Hircius et Pansa,
ce temps là, on dit que Ciceron estoit bien aise et feit que le senat ordonna au jeune Cœsar des
de parler à luy quand il le pouvoit rencontrer, sergens pour porter les haches devant luy, et
et que [uy aussi recevoit amiablement le bon tout l'autre ornement et equippage de prseteur,
recueil et la chere que luy faisoit Ciceron car comme combatant pour le bien public. Mais
encore de bonne adventure il avoit esté né l'an- apres qu'Antonius eut perdu la bataille, et que
née mesme de son consulat. tous les deux consulz y eurent esté tuez, toutes
LXXIII. Voilà les causes que Ion allegue de les armées se rengerent ensemble à Cœsar. Le
l'inclination que Ciceron avoit à ce jeune Cœsar senat adonc ayant peur de ce jeune homme qui
mais, â la verité, la haine grande qu'il portoit avoit la fortune si grande, tascha de rappeller
à Antonius premierement, et puis sa nature qui par honneurs et par presens les armées qu'il
estoit ambitieuse, furent, à mon advis, les prin- avoit autour de luy et luy distraire ceste si
cipales causes qui luy donnerent ce goût pour grande puissance, disant qu'il n'estoit plus be-
Cœsar, estimant que le port de sa puissance en soing de force pour la defense de la chose pu-
armes luy serviroit à fortifier son authorité au blique, puisque l'ennemy Antonius s'en estoit
maniement des affaires, avec ce que le jeune enfuy. Ce que craignant Caîsar, envoya secret-
homme le sçavoit si bien flatter qu'il l'appelloit tement devers Ciceron gens pour luy suader et
son père de quoy Brutus se courrouceant fort le prier de procurer qu'ilz fussent eulx deux
es epistres qu'il escrit à Atticus, reprent aigre- eleus ensemble consuiz et que quand ilz se-
ment Ciceron, disant « que pour la crainte qu'il roient en Testât il ordonneroit de toutes choses
avoit d'Antonius, il se soubmettoit à ce jeune ainsi que bon luy sembleroit, et manieroit ce
César, et monstroit ne tascher pas tant à re- jeune homme à son plaisir, lequel n'en desiroit
mettre Rome en liberté, comme il prochassoit avoir que le tiltre et l'honneur seulement. Csesar
d'avoir un maistre doulx et gracieux. » Toutefois, mesme confessa depuis que, craignant d'estre
Brutus ne laissa pas pour cela d'emmener avec tout à plat ruiné et de demourer tout seul H
luy le filz de Ciceron, qui estudioit à Athenesen s'estoit servi bien à poinct à son besoin de l'am-
la philosophie, et luy donner charge de gens au- bition de Ciceron et qu'il l'avoit exhorté et so-
pres de luy, et de s'en servir en plusieurs en- licité de demander le consulat avec le port et la
droits esquelz il se porta très bien. Mais l'autho- faveur qu'il, luy feroit'.
rité et la puissance de Ciceron fut alors en vi-
d'État. Il se laissa abuser par César et par Antoine,
gueur plus grande qu'elle n'avoit encore jamais
esté' car il faisoit et obtenoit tout ce qu'il et finit par être la victime de sa crédulité. Plutar-
que n'a fait qu'indiquer ces événements, et ce qu'il
faute de copiste, et plusieurs critiques l'ont corri- en dit ne suffit pas pour en donner une juste idée
gée (àSeXqi'Sii?)' D'après Plutarque lui-même, dans 1 Le sénat, suivant Dion Cassius (xlvi, 40) ne
la rie de Brulus où elle est appelée nièce de Cé- voulut pas récompenser tous les soldats, de peur
sar, ainsi que dans un endroit de la Vie d 'Antoine de leur inspirer trop de fierté et trop de confiance
(quoique dans un autre il la nomme sa sœur) il dans leur chef, ni leur donner à tous des marques
est certain qu'Attia était femme d'Octavius, mère d'imprécation et de mépris, dans la crainte de les
d'Auguste, et fille de AU jus Balbus et de. Jul ie, aliéner du sénat et d'augmenter leur union. Il prit
M

soeur de César. donc un parti moyen ce fut de décerner aux uns


« Licet patrem appellet Octavius Ciceronem. » des témoignages publics d'estime et d'en priver les
(Ep. Brut. 17). autres; de permettre, par exemple, à un certain
•On pourrait reprocher à Plutarque, ,dit Se- nombre de porter, dans les assemblées, des cou-
cousse (dans ses remarques critiques sur la vie de ronnes d'olivier, et de leur faire une distribution
Cicéron, Mémoires de l'Acad. des belles-lettres, d'argent, tandis que les autres n'auraient aucune
tom. vu ) de ne s'être pas assez étendu sur le de ces distinctions. Le sénat ne doutait pas que
temps le plus brillant de la vie de Cicéron ce fut cette préférence accordée aux uns sur les autres
celui qui suivit la mort de César. Il joua pendantn'excitât quelque dissension parmi eux et ne les
quelque temps le premier rôle; il était la seule res- affaiblit. Il envoya des députés aux soldats pour
source de la république; Antoine le craignait et leleur parler hors de la présence de César; mais les
i
ménageait beaucoup. Le jeune César avait besoin troupes refusèrent de les entendre s'il n'était pré-
de lui, et paraissait ne vouloir rien faire que par sent, et déjouèrent ainsi la politique du sénat.
i
ses eonseils. Ce temps-là ne fut pas, il est vrai de Voyez aussi Velléius, il, 62, et Appien, Guer.
longue durée. Cicéron, le premier orateur de son civ. m. Ricard.
temps, n'était pas le plus habile politique, quoi- 3«Quelquesanciensauteurs,quelesmodernesont
qu'il eût d'ailleurs de grandes parties d'un homme suivis sans précaution, rapportent, dit Middleton
LXXIV. Là fut Ciceron bien abuzé et affiné hors de toute raison et de toute humanité pour
tout vieil qu'il estoit, par ce jeune homme, quand servir à la passion de leur furieuse haine et en-
il se laissa conduire à favoriser sa poursuitte ragé courroux, ou,pour mieulxdire, ilz monstre-
du consulat, et luy rendre le senat favorable, rent qu'il n'y a beste sauvage au monde si cruelle
dontsur l'heure mesme il fut grandement repris que l'homme, quand il se treuve en main la li-
par ses amis, et peu après il s'apperceut bien cence et le moyen d'executer sa passion.
qu'il s'estoit ruiné luy mesme, et avoit quant et LXXV. Pendant que ces choses se faisoient,
quant perdu la liberté de son païs car ce jeune Ciceron estoit en une de ses maisons aux champs
homme se trouvant grand par son moyen, si tost pres la ville de Thusculum, ayant son frère Quin-
qu'il seveitprouveu du consulat, le planta là, et tus Cicéron avec luy, là où leur estant venue la
s'accorda avec Antouius et Lepidus; et assem- nouvelle de ces proscriptions,ilz resolurent de
b)ant ses forces avec les leurs partagea avec descendre à Astyra qui est un lieu joignant la
eulx l'empire romain, ne plus ne moins que si marine, où Ciceron avoit une maison, pour là
c'eust esté un héritage commun entre eulx, et s'embarquer et s'en aller en Macédoine devers
fut fait un rollede plus de deux cents personnes Brutus: car il estoit ja bruit qu'il se trouvoit
que ton devoit faire mourir; mais le plus grand fort et puissant; si se feirent porter tous deux
différent et plus mal aisé à accorder qu'ilz eu- en littieres, estans si affoiblis d'ennuy et de dou-
rent entre eulx, fut de la proscription de Cice. leurs, qu'à peine eussent ilz peu autrement aller;
ron car Antonius ne vouloit entendre à appoin- et par les chemins faisans approcher leurs lit-
tement quelconque que celuy là premierement tieres coste à coste l'une de l'autre alloient
ne mourust: Lepidus estoit de son advis: et deplorans leurs miseres, mesmement Quintus
Cœsar leur contredisoit à tous deux. Leur entre- qui perdoit patience. Si luy souvint encore qu'il
veuë futaupresde laville de Boulogne là où ilz n'avoit point pris d'argent au partir de la maison,
furent trois jours à parlementer eulx trois tout et Ciceron son frère en avoit luy mesme bien petit,
seulz en secret dedans un lieu environné tout à et à ceste cause qu'il valoit mieulx que Ciceron
l'entour d'une petite riviere, et dit on que les gaignast tousjours le devant, ce pendant que luy
deux premiers jours Cœsar teint bon pour Cice- iroit un tour courant jusques en sa maison pour
ron, mais que le troisieme il se laissa aller, et prendre ce qui luy estoit nécessaire, et s'en re-
qu'il l'abandonna. Le contre eschange qu'ilz courir incontinent apres son frère Mlz furent tous
feirent entre eux fust tel Cœsar abandonna Ci-
ceron, et Lepidus son propre frere Paulus, et rent ni l'un ni l'autre. L. Paullus, sauvé par des
Antonius bailla aussi Lucius Cœsar, qui estoit centurions, alla joindre M. Brutus; et après le dé-
son oncle, frere de sa mère tant ilz se jetteront sastre de Philippes, se retira à Milet (Dion, xlvii,
8) où il résista aux offres qui lui furent faites par
que, séduit par les flatteries et les promesses d Oc- les vainqueurs, de rentrer dans sa patrie. L. César
tave, Ciceron favorisa ses prétentions au consulat, fut sauvé par sa sœur, mère d'Antoine (Appian,
dans l'espérance de devenir son collègue et de le iv); ce qui prouve la fausseté de ce que dit Orose,
gouverner pendant leur administration. Mais plu- liv. vi, qu'Antoine, après avoir sacrifié son oncle,
sieurs de ses lettres prouvent que ces auteurs se mit le comble à son crime en proscrivant sa mère.
trompent, et que de tous les Romains il était non- Barton,
seulement le plus opposé aux desseins amnitieux du 1 Voyez plus haut, dans l'énumération des mai-
jeune César, mais le plus ardent à l'en détourner. » sons de campagne de Cicéron, cc qui concerna
Bologne. Cette entrevue eut lieu dans une île, celle-ci.
appelée depuis l'île des Triumvirs, et formée par le 'Sénèque le Rhéteur nous a laissé (Suasorix,
Reno. c. 7) un fragment de Tite-Live, où cet historien
L. Emilius Paullus, frere de Lépide. avait été décrit la fuite de Cicéron d'une manière qui ne
consul en 703, et César lui avait tait de grands s'accorde point tout à fait avec le récit de Plutar-
avantages pour l'attirer dans son parti (Suétone, que. Selon lui, Cicéron alla par des chemins dé-
des. 29). Mais, après la victoire de Modène. il tournés de Tusculum à Formies, et de là au port de
avait proposé au sénat de donner à D. Brutus deux Caiète, qui n'en est pas trés-éloigné. Il monta sur
légions, et de déclarer son frère Lépide ennemi un vaisseau qui prit le large, mais que les vents
publie. – L. Julius César, oncle maternel d'An- repoussèrent quelque temps après sur la côte. Ci-
toine et consul en 689, s'était montré bon citoyen oéron que la mer avait rendu fort malade, et qui
dans des occasions importantes, soit en condam- était d'ailleurs ennuyé de la vie et de l'agitation
nant Lentulus, le mari de sa sœur, à l'époque de qu'il se donnait pour la conserver, descendit à terre
la conjuration de Catilina(/>At/jpp.,n, 6), soit en et retourna à sa maison de Formies. éloignée d'un
proposant des résolutions vigoureuses contre An- mille du rivage. « Je mourrai, s'écria-t-il dans
toine, son neveu {Ibid. vm 1); mats ils ne péri- cem patrie que j'ai souvent sauvée. Moriar in pa-
rAA PLUTARQUE.
PAR CliUJ
deux de cest advis, et s'entrembrassans en plo-i- cris prindrent leur vol vers le bateau dedans
<

rant tendrement, se departirent l'un de l'autre. lequel estoit Ciceron, qui voguoit le long de la
1

Peu de jours après, Quintus ayant esté trahy et ;t terre; si s'en allerent ces corbeaux poser sur l'un
1

decelé par ses propres serviteurs à ceulx qui le ie et l'autre bout des verges de la voile, les uns
cherchoient, fut occis luy et son fils: mais Ci- i- orians, les autres becquettans les bouts des cor-
ceron s'estant fait porter jusques à Astyra, et y dages, de manière qu'il n'y avoit celuy qui ne
ayant trouvé un vaisseau, s'embarqua inconti- j
i- jugeast que c'estoit signe de quelque malheur à
nent dedans, et alla cinglant au long de la coste le venir.
jusqu'au mont de Circé avec bon vent et de la LXXVI. Ciceron neantmoins descendit à
voulans les mariniers incontinent faire voile, il terre, et entra dedans le logis, où il se coucha
descendit en terre, soit ou pource qu'il crai- i- pourveoirs'il pourroit reposer mais la plus part
gnist la mer, ou qu'il ne fust pas encore du tout It de ces corbeaux s'en vint encore jucher sur la
hors d'esperance que Cœsar ne l'auroit point It fenestre de la chambre où il estoit, faisant si
abandonné, et s'en retourna par terre devers rs grand bnlit que merveille, et y en eut un en-
Rome bien environ six lieuës; mais ne sçachant at tre autres qui entra jusques sur le lict où estoit
à quoy se resouldre et changeant d'advis, il se couché Ciceron, ayant la teste couverte, et feit
feit de rechef reporter vers la mer, là où il de- e- tant qu'il lui tira petit à petit avec le bec, le
moura toute la nuict en grande destresse et drap qu'il avoit sur le visage ce que voyans
grande agonie de divers pensemens: car il eut ut les serviteurs, et s'entredisans qu'ilz seroient
quelquefois fantasie de s'en aller secrettement nt bien lasches s'ilz attendoient jusques à ce qu'ilz
eu la maison de Cœsar, et de se tuer luy mesme le veissent tuer leur maistre devant leurs yeux, là
à son foyer, pour luy attacher les furies venge- e- où les bestes luy vouloient aider et avoient
resses de son sang: mais la crainte d'estre sur- r- soing de son salut, le voyans ainsi indignement
pris par le chemin et tourmenté cruellement le traitté, et eulx ne faisoient pas tout ce qu'ilz
destourna de ce propos; parquoy reprenant de le pouvoient pour tascher à le sauver si feirent
rechef autres advis mal digerez pour la pertur- r- tant moitié par prières, moitié par force', qu'ilz
bation d'esprit en laquelle il estoit, il se rebailla la le remeirent en sa littiere pour le reporter vers
à ses serviteurs à conduire par mer en un autre re la mer: mais, sur ces entrefaittes, les meurtriers
lieu nommé Capites', là où il avoit maison et qui avoient charge de le tuer, Herennius un
une fort doulce et plaisante retraitte pour la sai- li- centenier, et Popilius Lena, capitaine de mille
son des grandes chaleurs, quand les vents du lu hommes, que Ciceron avoit autrefois défendu en
nord, que l'on appelle Etesiens, souflent au cueur w jugement, estant accusé d'avoir occis son pro-
de l'esté, et y a un petit temple d'Apollo tout ut pre pere, ayans avec eulx suitte de soudards, ar-
sur le bord de la mer, duquel il se leva une ne riverent, et estans les portes du logis fermées,
grosse compagnie de corbeaux*, qui avec grands ds les meirent à force dedans là où ne trouvans
point Ciceron ils demanderent à ceux du logis,
Iria ssepe.servata. Tite-Live ajoute tout de suite te où il estoit. Ilz respondirent qu'ilz n'en sça-
qu'il fut tué dans sa litière. Il faut remarquer ce- e- voient rien. Mais il y eut un jeune garson,
pendant, si l'on veut mettre en balance ces deux ux nommé Philologus', serf affranchy par Quintus,
autorités, que l'on s'aperçoit, à I? lecture du frag-S' à qui Ciceron enseignoit les lettres et les arts li-
ment deTite-Live, que ce n'est qu'un extrait; et l'on011 beraux, qui descouvrit à cestuy Ilerennius, que
peut croire que si l'on avait le passage entier, on'ejy ses serviteurs le portoient dedans
trouverait la confirmation de quelques-unes des une littiere
circonstances rapportées par Plutarque, circons- 1S_ vers la mer par des allées qui estoient couver-
tances qu'il avait sans doute empruntées aux Mé- <é- tes et umbragées d'arbres de costé et d'autre.
moires de Tiron. Extr. des Rem. de Fr. Secousse. oe. Le capitaine Popilius incontinent prenant avec
1 Aucuns lisent Caïète. AMYOT. On rat lui quelque nombre de ses soudards, s'en courut
lit Ktoîtci;
dans les anciens textes. L'interprète latin y a subs->s- à l'entour par dehors pour l'attraper au bout de
titué Capoue, et plusieurs critiques Caiète; leçon on l'allée, et Herennius s'en courut tout droit par

semblable. Valère-Maxime dit, en effet (i, 4), in


a.
qui, d'après la positiondes lieux, paraît la plus vrai- les allées. Ciceron qui le sentit aussi tost venir,
"1 commanda à ses serviteursqu'ilz posassent sa lit-
villa Caietana, et (v, 3), en parlant de Popillius: IS:
gaudio exsultans Caietam cucurrit. « « Cremutius
Cordus ait Ciceronem, quum co-
» Valère-Maxime (i, 4) ne parle que d'un seul cor-
3f- gitasset, utrumne Brutum, an Cassium, an Sext.
beau, auquel il fait jouer d'ailleurs un autre rôle île Pompeium peteret, omnia illi displicuisse, praeter
que celui que Plutarque attribue plus bas (c. ixx vi)
si) mortem. » Sénèque, Suasor., 7.
au plus tenace de tous ceux de cette «grosse com- M- Il paraît, par une lettre de Cicéron à Quintus
pagnie. u que cet affranchi s'appelait Philogonus.
tiere", et prenant sa barbe avec la main gau- le commandement d'Antonius, avec les deux
le
che, comme il avoit accoustumé, regarda fran- mains
n desquelles il avoit escrit les oraisons
chement les meurtriers au visage, ayant les
cheveux et la barbe tout herissez et poul- titre
ti d'amis et dont il estimait le caractère. Il
dreux, et le visage desfaict et cousu pour les faisait
f; ses délices de servir à l'avancement de leur
fortune et de les secourir dans l'adversité. L'o-
ennuis qu'il avoit supportez de maniere que pinion qu'on avait à Rome de son zèle pour ses
p
plusieurs des assistens se boucherent les yeux amis, était telle, que l'un d'eux pour s'excuser
pendant que Herennius le sacrifioit si tendit le j
d l'importunité avec laquelle il lui demandait
de
col hors de sa littiere, estant aagé de soixante quelque
q faveur, lui faisait observer à lui-même
et quatre ans', et luy fut la teste couppée par « qu'il avait accoutumé ses
amis non à le prier,
mais
r à lui ordonner familièrement de leur rendre
1 On a prétendu qu'il lisait alors, dans sa litière, service.
s » Le moindre témoignage de regret et
laMédée d'Euripide. Ptolém. Hépliest. lib. v, c soumission de la part de ses ennemis lui faisait
de
far. Hist. ap. Phol. perdre le souvenir des plus cruelles injures. Quoi-
En rassemblant tous les traits sous lesquels que c le pouvoir et l'occasion ne lui manquassent
Cicéron nous est représenté par les anciens on point ] pour se venger, c'était assez pourlui d'avoir
trouve qu'il avait la taille haute mais menue, le cette certitude, pour qu'il cherchât des raisons de
<

cou assez long, le visage mâle et les traits régu- pardonner.


1
Jamais il ne rejeta des offres de ré-
liers; l'air si ouvert et si plein de sérénité, qu'il conciliation, de la part même de ses plus mortels
inspirait tout à la fois l'amour et le respect. Son ennemis; l'histoire de sa vie est remplie de ces
tempérament était faible mais il l'avait fortifiéexemples, etc'était une de ses maximes ordinaires,
si heureusementpar la frugalité, qu'il l'avait rendu que les haines devraient être passagères et lés
capable de toutes les fatigues d'une vie fort labo- amitiés immortelles. » L'état de sa maison ré-
rieuse et de la plus constante applicationà l'étude. pondait par sa splendeur à la dignité de son ca-
La santé et la vigueur étaient devenues sa dispo- ractère. Sa porte était ouverte aux étrangers qui
sition habituelle. Le soin qu'il prenait pour les lui
leur
paraissaient dignes de quelque distinction par
conserver était de se baigner souvent de se faire mérite, et à tous les philosophes de l'Asie et
frotter le corps, et de prendre chaque jour, dans de
i
la Grèce. Il en avait constamment plusieurs
son jardin, l'exercice d'une courte promenade, où auprès de lui qui faisaient partie de sa famille, et
I
il se rafraîchissait la voix. Dans la belle saison il qui lui furent attachés dans cette familiarité pen-
s'était accoutumé à visiter régulièrement toutess dant toute sa vie. Ses appartements étaient rem-
les maisons qu'il avait dans différentes parties de3 plis le matin d'une multitude de citoyens qui se
l'Italie. Mais le principal fondement de sa santéé faisaient honneur de venir le saluer, et Pompée
était la tempérance.– Dans les habits et la parure, même ne dédaigna pas de se faire voir quelquefois
il observait ce qu'il a prescrit dans son traité dess dans cette foule. La plupart y venaient non-seu-
Offices, c'est-à-dire, toute la modestie toute lalement pour lui rendre un devoir de politesse,
i
décence qui convenait à son caractère et à son mais pour l'accompagner ensuite au sénat et au
rang. Il aimait la propreté sans affectation. Ilforum où ils attendaient la fin des délibérations
évitait avec soin les singularités, également éloignéé pour le reconduire jusqu'à sa maison. Les jours
'r
de la négligence grossière et de la délicatesse ex- où l'intérêt public ne l'appelait pas hors de chez
cessive. L'une et l'autre en effet, sont égalementt lui, son usage, après les visites du matin qui
contraires à la véritable dignité l'une supposee finissaient ordinairement avant dix heures, était
qu'on t'ignore ou qu'on la méprise; l'autre qu'ona de se retirer dans sa bibliothèque et de s'y tenir
y prétend pardes voies puériles.-Rien n'était pluss renfermé sans mêler d'autre amusement à ses
fait pour plaire que sa conduiteet ses manières dansIS occupations que l'entretien et les caresses de ses
sa vie domestique et dans la société de ses amis.'• enfants, qu'il y recevait dans quelques intervalles
C'était un père indulgent un ami zélé et sincère,!> de loisir. Son principal repas était le souper,
un maître sensible et généreux. Sa bonté s'éten- suivant l'usagede ce siècle, où les grands aimaient
dait, dans une juste proportion jusqu'à ses es- »" à voir leurs amis rassemblés à leur table et pro-
claves, lorsque leur fidélité et leurs services !s longeaient ces réunions assez avant dans la nuit
avaient mérité quelque part à son affection. On le
remarque surtout dans l'exemple de Tiron.
le

''ce qui n'empêchait point Cicéron de sortir régu-


Il lièrement du lit avant le jour, quoiqu'il ne dormit
II
avait les plus sublimes notions de l'amitié. L'ou- jamais à midi, suivant l'habitude que tout la
vrage qu'il nous a laissé sur cette matière ne con- monde observait à Rome, et qui s'y est conser-
tient point de règles et de maximes qu'il ne pra- vée depuis. Dans ces réunions il animait ses
tiquât continuellement. Dans cette variété de le convives
par les charmes de son esprit, natu-
liaisons où l'éminence de son rang et la multitude le rellement enjoué et même un peu tourné à la
de ses relations l'avaient engagé, jamais on ne le raillerie. Ce talent lui avait été fort utile au bar-
t'accusa d'avoir manqué de droiture ou de cons- reau pour réprimer l'insolence de ses adversaires.
s- le

tance, ou même de zèle et de chaleur pour le


moindre de ceux à qui il avait une fois accordé le Le texte dit la main, ni t*,v Xeîp*.
Philippiques contre luy car ainsi avoit Ciceron de d luy, et sont encore ainsi nommées jusques
intitulé lesharengues qu'il avoit escrittes en haine aujourd'huy.
a
LXXVII. Quand on apporta ces pauvres mem-
pour se concilier l'attention et la faveur des juges, bres
b tronçonnez à Rome, Antonius estoit d'ad-
en égayant les sujets les plus graves, et pour les venture
v occupé à presider l'election de quelques
forcer quelquefois d'adoucir une sentence, en les magistrats, et l'ayant ouy et veu, il s'escria tout
n
faisant rire aux dépens de l'accusateur. L'usage hault«
qu'il fit de la plaisanterie dans les affaires publi- que maintenant estoient ses proscriptions
exécutées,»
o et commanda que Ion allast porter
ques fut toujours assez mesuré pour ne lui attirer
aucun reproche; mais dans les conversations par- la li teste et Ics mains sur la tribune aux haren-
ticulières f fut quelquefois accusé d'avoir poussé ggues, au lieu qui se nommoit Rostra.
trop loin la raillerie, et de s'être abandonné à la LXXVIII. Ce fut un spectacle horrible et ef-
vivacité de son esprit, sans faire attention au fifroyable aux Romains, qui n'estimerent pas
chagrin que ses bons mots pouvaient causer. veoir la face de Ciceron, mais une imagede l'ame
Cependant, de tous ceux qui nous ont été trans- et e de la nature d'Antonius, lequel entre tant de
mis par l'antiquité, le plus grand nombre ne tom- mauvais
r actes, en feit un seul où il y eut quel-
bent que sur des sots dont il méprisait les ridi- de bien, c'est qu'il meit Philologus
cules, ou sur des méchants, dont il détestait les qque apparence
vices. S'il irrita quelquefois la malignité de ses entre
e les mains de Pomponia, femme de Quin-
ennemis, plus qu'il ne l'aurait dû pour son propre tust Cicero, et elle l'ayant en sa puissance oultre
repos, il ne paraît point qu'il ait jamais blessé ou les autres cruelz tourmens quelle luy feit endu-
1

perdu un ami, ni personne à qui il dût de l'estime, rer,


r le contraignit de coupper luy mesme de sa
par une raillerie inconsidérée. Middleton. chair
i propre par morceaux, et les rostir, et puis
Dans une fie de Cicéron, publiée d'après deux les ] manger. Ainsi l'escrivent aucuns des histo-
manuscrits du quinzième siècle, on lit que les res- riens
I toutefois Tiro, qui estoit serviteur affran-
tes mutilés de Cicéron furent ensevelis par un chy t de Ciceron ne fait aucune mention de la
nommé Lamia Cadavere Ciceronis tumulalo per trahison de ce Philologus. Maisj'ay entendu que
quemdam Lamiam nomine; et trois anciennes épita- 1
fhesqmfontpOLTtieAeVsintfiologielatine,semblent Caesar Auguste longtemps depuis alla un jour
4

ne devoir laisser aucun doute sur ce fait et sur ce


nom. Cependant, on a prétendu anciennement (dit selon que quelques-uns ont écrit, on avait trouvé
Schœll, Hist. de la littér. rom., n, 86) que les le tombeau de Cicéron et de Tertia Antonia, sa
esclaves de Cicéron avaient eu le soin de brûler le femme mais je n'y remarquai autre chose qu'une
corps de leur maître, et de transporter ses cendres espèce d'urne de porphyre, et je ne pus apprendre
dans l'île de Zante (Zacynthus), où, en creusant, aucune nouvelle du reste. Cependant P. Schryver
en 1544, les fondations d'un monastère, on trouva, (Scriverius), dans une note rapportée par P. Bur-
dit-on, un ancien monument sépulcral avec celte man Second (Anthol. lat., vol. r, p. 348 c'est
inscription M. Tvlli. Cicebo hâve. ET.TU. aussi Burman qui donne l'épitaphe précédente
Xebtia. ApiTQNiA; et les quatre vers suivants dont Lignaminœus ne parle pas ) cite un voyageur
Ille oratorum princeps, et gloria lingnaî
hollandais, H. J. l'an Balen qui affirme avoir
Roman», jacet hac cum conjoge Tulliua urna vu ce monument en 1545. L'itinéraire de Van Ba-
Tullîus ille inquam de se qui scripserat olin Ion n'a pas été imprimé ou du moins ne l'était
O fortunalam natsin me consute Rnnilin
pas du temps de Seriverius mort en 16GO. Le
Dans le tombeau, il y avait deux urnes de verre; même Burman, tout en convenant que le monu-
l'une plus grande renfermait les cendres; l'autre
était decette espèce de vases qu'on appelle lacry-
i ment lui parait suspect, cite un autre voyageur
hollandais, J. Cootwyck, qui, dans son itinéraire
matoires, et qui étaient destinés à contenir des de Jérusalem, assure avoir vu ce monument, non,
essences odoriférantes. Au fond de l'urne ciné- à la vérité, dans l'église de Zante où Van Balen
raire, on lisait cette inscription AVE. Mae. Tïjl. l'avait visité, mais à Venise, dans le palais Conta-
Un dominicain de Padoue, Desiderius Lignami- rini où il avait été transporté. Le voyage de Coot-
noeus, publia, en 1557 à Venise, sous le titre de i wych a paru en 1019; il n'est donc pas sur-
Facies sepulcri M. Tulli Ciceronis in Zacyntho i prenant que, plus de cinquante ans après, Spon
reperti, la description du tombeau et des urnes, n'ait pas trouvé ce tombeau dans l'île de Zante.
conservés dans une église de Zante. En rapportant C'est à Venise qu'il faudrait le chercher, si l'on
ce fait à la suite de la Vie de Cicéron, Fr. Fabri- voulait examiner de nouveau cette question. Nous
cius exprime des doutes sur l'authenticité du mo- ferons observer cependant que le nom d'Antonia
nument, et Ernesti, dans ses deux premières édi- donné à celle qui parait avoir été la femme du Ci-
tions de Cicéron, où cette Vie a été réimprimée,i céron enterré à Zante, ne permet en aucun casdd
les confirme par le témoignage de Spon, célèbre regarder cetombeaucommecelui du célèbre orateur.
voyageur, dont il rapporte le passage suivant: Ou ne sait rien d'un troisième mariage qu'il aurait
« Au-dessus de la ville (de Zante) en allant à la contracté après avoir répudié Publilia,et saosdouta
forteresse, il y a une église appelée St-Élie, où, il en serait fait mention dans sa correspondance.
veoir un de ses nepveux, lequel tenoit en sess La. comparaison de Ciceron
avec Demot-
mains un livre de Cicerou, et que luy craignant thenes
que son oncle ne fustmal content de luy trouver cee
livre en la main, le cuida cacher soubz sa robbe. I. Voila ce qui est peu venir à nostre cognois-
Ctesar le veit, et le luy prit, et en leut tout dee sance, touchant les choses notables et dignes de
bout une grande partie, puis le rendit au jeunee de
ses collègues dans cette charge. Plus tard, Au-
garson en luy disant « C'estoit un sçavantt guste le choisit pour son collègue dans la dignité
« homme, mon
filz, et qui aimoit fort son pais.» Et
it de consul. Les lettres par lesquelles il informa le
après qu'il eut desfait Antonius estant consul, ilil peuple romain de la victoire d'Actium, et de la
choisit pour son compagnon au consulat le filzz conquête de l'Egypte furent adressées à Cicéron,
de Ciceron, du temps duquel le senat ordonna a consul, qui eut la satisfaction de les lire au sénat
que les statues d'Antonius seroient abbatues, etj. et au peuple, et celle de porter ce fameux décret
qui ordonnait que toutes les statues et les au-
priva sa memoire de tous autres honneurs, ad-

avant nul de la famille des Antoniens


et
jouxtant davantage à son decret que lors en tres monuments
d'Antoine seraient renversés,
que sa famille ne prendrait plus le nom de
ne pour- lIfarcus; et le peuple regarda comme une disposi-
roit porter le avant nom de Marcus. Ainsi la jus- tion admirable de la Providence que la ruine d'An-
tice divine feit encore tumber la fin extreme dee toine et de tous les restes de sa fortune eût été
la punition d'Antonius enla maison de Ciceron réservée au consulat du fils de Cicéron. Marcus fut
ensuite nommé proconsul d'Asie, ou, suivant le
II ne sera sans doute pas inutile d'ajouter ici témoignage d'Appius proconsul de Syrie, et son
quelques détails sur Quintus, le frère de Cicé- nom ne se trouve plus dans l'histoire. Les écrivains
ron, sur son fils, et sur Atticus, son plus fidèleanciens nous ont conservé deux traits qui prouvent
ami. La biographie qui précède cette vie de Cicé- du moins que la ruine de son parti et de sa fortune
ron par Plutarque, montre Quintus liéaux plus im-
t_ n'avait point abattu son courage. Dans une par-
portantes circonstances de la vie de son frère. Il1 tie de débauche, il jeta un verre à la tête d'Agrippa,
était avec lui à Tusculum quand la première nou- qui tenait le premier rang dans l'empire après Au-
velle des proscriptions leur parvint, et Quintus ré-j_ guste, et l'on a présumé que cette querelle venait
solut de retourner avec son fils à Rome, pour y de quelque vive contestation sur les anciens intérêts
recueillir de quoi subvenir à leurs besoins danss qui avaient divisé la république, ou de quelque ex-
quelque pays éloigné. Il échappa quelque tempss pression insultante d'Agrippa contre les héros du
aux satellites d'Antoine; mais leur diligence et parti vaincu. Une autre fois, pendant son gouver-
l'ordre qu'ils avaient reçu particulièrement de sur-nement d'Asie, Cestius, qui fut élevé ensuite à la
prendre les Cicérons, l'emportèrent sur toutes less préture, flatteur d'Auguste et ennemi déclaré de
précautions de la prudence. Son fils étant tombé lee la réputation de Cicéron, eut la hardiesse de se
premier entre leurs mains, refusa de dire où étaitit présenter à sa table. Marcus, qui ne le connaissait
caché son père, et, pour vaincre sa résistance, onn point, n'eut pas plutôt appris que c'était l'homme
le mit à la torture. Il continua de se taire au milieu u
qui outrageait perpétuellement la mémoire de son
des supplices Le père, instruit de son sort, vint ,t
père, jusqu'à l'accuser d'ignorance, qu'il le fit en-
se livrer à ses bourreaux, et imploia l'unique fa- lever de sa présence, et donna l'ordre de le fouet-
veur de mourir le premier. Son fils sollicita la même e ter publiquement. Pour ce qui est d'Atticus
grâce. On les tua en même temps. Après la ba- l'art qu'il avait trouvé de mener une vie paisible et
taille de Philippes et la mort de Brutus, le fils dee calme dans des temps si difficiles et si tumnl.
Cicéron (Marcus) alla joindre Sextus Pompée, tueux, confirme l'idée que l'on a de ses principes,
maître de la Sicile, et continua d'y soutenir laa et doit le faire regarder comme un maître con-
tause de la liberté, jusqu'à ce que Pompée, «t sommé dans cette doctrine, qui proposait le plaisir
dans un traité de paix avec le triumvirat, obtint, [' le repos pour souverain bien. On s'imaginerait
,J naturellement
parmi les conditions, le pardon et le rétablissement que ses liaisons avec Cicéron et Bru-
de tous les citoyens exilés ou proscrits, qui avaient it tus, jointes à la renommée de ses richesses, de-
porté sous lui les armes. Marcus alors rentra dans IS
vaient le faire envelopper dans les proscriptions
Rome avec le reste de son parti. Il retomba dans IS
du second triumvirat. Il en fut lui-même si alarmé,
ses déréglements passés, comme s'il eût entrepris, qu'il demeura quelque temps caché; mais ses crain-
suivant la remarque de Pline l'ancien de ravir à tes étaient sans fondement L'intérêt de son repos
Marc-Antoine, l'assassin de son père, la gloire lui
i.
avait fait prévoir les maux dont Rome était
d'être le plus grand ivrogne de l'empire romain. menacée. 11 avait fait assidûment sa cour à Mare-
Toutefois, Auguste le fit recevoir dans le collège ;e
Antoine, et dans le temps même de la disgrâce de
des Augures, et le mit au nombre des magistrats ts celui-ci, lorsqu'il était chassé de l'Italie, et que ses
qui présidaient à la fabrication de la monnaie ie affaires paraissaient désespérées, il avait rendu
(Treviri ou Triurnviri monetales). Il nous reste ;e On trouve aussi ce parallèle littéraire dans
une médaille qui porte d'un côté le nom de Marcus is Quintilien (x, 1) et dans Longiri (c. 10), pour ne
Cicéron et de l'autre celui d'Appius Claudius,
unn citer que les anciens.
memoire que Ion a mis par escript de Ciceron qu'il cherchoit les occasions de monstrer en pas-
et de Demosthenes. Au demeurant, laissant à sant qu'il avoit cognoissance des bonnes lettres.
part la comparaison de la similitude ou diffe- II. Et davantage peut on aussi veoir a travers
rence de l'eloquence qui est en leurs oraisons, leurs stiles quelque umbre de leur naturel car
il me semble que je puis bien dire jusques là, le stile de Demosthenes n'a rien de gayeté
que Demostheues employa entierement tout tant rien de jeu ny d'enibellissement,ains est par tout
qu'il avoit de sens et de science ou naturelle ou serré, et n'y a rien qui ne presse et qui ne poigne
acquise en l'art de rhétorique, et qu'il surpassa à bon esciant, et ne sent pas seulement la lampe,
en force et vertu d'eloquence tous ceulx qui de comme disoit Pytheas en se mocquant, ains sent
son temps se meslerent de harenguer et advo- un beuveur d'eau, un grand travail, et ensem-
casser et en gravité et magnificence de stile, ble une aigreur et austérité de nature. Là où Ci-
tous ceulx qui escrivent seulement pour monstre ceron bien souvent usoit du mocquer jusques à
et pour ostentation et en diligence exquise et approcher bien fort du plaisant et du gaudisseur
artifice, tous les sophistes et maistres de rheto- et tournant en ses plaidoyers des choses de con-
rique. Et que Ciceron estoit homme universel sequence en jeu et en risée, pource qu'il luy ve-
meslé de plusieurs sciences, et qui avoit estudié noit à propos, oubliolt quelquefois le devoir bien
en diverses sortes de lettres, comme Ion peut seant à uu personnage de gravité et de dignité
cognoistre, par ce qu'il a laissé plusieurs livres telle qu'il estoit comme en la defense de Celius,
philosophiques qui sont de son invention escrits là où il dit qu'il ne falloit point trouver estrange,
à la maniere des philosophes academiques et si si en une si grande aflluence de richesses et de
peut on voir encore ès oraisons qu'il a escrittes delices, il se donnoit un peu de bon temps, et
en quelques causes pour s'en servir en jugement, que c'estoit une folie de n'user pas des voluptez
qui estoient licites et permises, attendu mesme-
d'importants services à ses amis de Rome. Il avait ment qu'il y avoit eu des plus renommez philo-
protégé sa femme et ses enfants, et les avait aidés sophes qui avoient colloqué la souveraine felicité
de ses richesses. Aussi le triumvir, en arrivant à de l'homme en la volupté
Rome, et dans la chaleur du massacre, s'empressa-
et dit on que ayant
Marcus Caton accusé Murena, Ciceron estant
t-il de faire chercher Atticus; et dès qu'il eut décou-
consul le defendit, et qu'en son plaidoyer il bro-
vert le lieu de sa retraite, il lui écrivit de sa propre
main pour calmer toutes ses craintes et l'inviter à carda plaisamment toute la secte des philosophes
venir le trouver. Il lui envoya même une garde, stoïques à cause de Caton, pour les estranges
pour le mettre à couvert de l'insulte et de la vio- opinions qu'ilz tiencnt que Ion appelle para-
lence des soldats. C'est encore aux précautions doxes, de sorte que tous les assistens s'en met-
d'Atticuspour assurer son repos, qu'il faut attribuer tans à rirehault et clair, jusques aux juges mes-
la suppression de toutes ses lettres dans le recueil
decellesdeCicéron.On est étonné qu'après une si mes, Caton aussi se soubriant un petit se prit à
dire à ceulx qui estoient assis auprès de luy,
longue correspondance entre ces deux amis, il ne se
trouve pas une seule lettre d'Atticus. Il n'en faut
Que nous avons un grand rieur et un grand
•< mocqueur de consul, seigneurs» Mais sans
pas chercher d'autre cause que le soin qu'il eut de
redemander toutes les siennes à Tiron, après la cela il semble que Ciceron a tousjours fort aimé
mort de son maître, et de les supprimer sans ex- à rire et à se mocquer, tellement que sa face
ception, dans la crainte qu'elles nepussentlui nuire, mesme, seulement à la veoir, promettoit bien
ou diminuer son crédit auprès du parti vainqueur. une nature joyeuse, gaye et enjouée là où au
Sa tranquillité et sa fortune furent bientôt établies visage de Demosthenes on lisoit tousjours une
sur un fondement plus solide que celui de son mé- activité, un chagrin resveur et pensif qui ne le
rite personnel, par le mariage de Pomponia, sa laissoit jamais, de maniere que ses ennemis,
fille unique, avec Marcus Agrippa. Il fut redevable
à Antoine de cette haute alliance, qui le fit admet- comme il dit luy mesme, l'appelloient fascheux
tre à la familiarité d'Auguste, par la faveur d'A- et pervers.
grippa son ministre et son favori; et, dans la suite, III. Davantage en leurs compositions on voit
il devint lui-même l'allié du maître de l'empire, en
mariant sa petite-fille à Tibère. Riais s'il vit encore Démosthène ne se refusait cependant pas tou-
dans la mémoire des hommes, il ne le doit qu'à l'a- jours le plaisir ou les avantages de la plaisanterie.
mitié de Cicéron; car, ainsi que s'exprime Sénèque, Cicéron, dans son Brutus, reconnaît que rien ne
m son gendre Agrippa, ni Tibère, mari de sa pe- sent plus l'urbanité que les traits de ce genre que
tite-fille, ni Drusus, son arrière-petit-fils, n'au- l'on trouve dans ses ouvrages.
raient pas servi beaucoup à sa gloire, si le nom de 2 Plutarque exagère beaucoup ce que Cicéron dit
Ciceron emportant celui d'Atticus à sa suite, ne dans son plaidoyer pour Célius; l'orateur excuse
l'eût comme associé à son immortalité (Extr. de un peu le goût de cet accuse pour les plaisirs, mai^
Middletm). il est loin de l'approuver.
que l'un parle sobrement à sa louange, de ma- main ont eu affaire de leur éloquence comme
niere que Ion ne s'en sçauroit offenser, et non Chares, Diopithes et Leosthenes se sont aidez
Jamais, sinon qu'il en soit besoing pour le re- de Demosthenes et Pompeius et le jeune Ctesar
gard de quelque chose de conséquence au de- de Ciceron, ainsi que Cassar mesme le confesse
mourant fort reservé et modeste à parler de soy en ses commentaires qu'il a escripts à Agrippa
mesme et au contraire les demesurées repeti- et à Mœcenas. Mais ce qui plus espreuve et qui
tions d'une mesme chose, dont usoit Ciceron à plus descouvre la nature de l'homme, comme
tout propos en ses oraisons, monstroient une Ion dit, et comme il est vray, c'est la licence et
excessive cupidité de gloire quand il crioit in- l'anthorité d'un magistrat, laquelle remue tout
cessament,1 tant qu'il y a de passions au fond du cueur d'un
Cède la force armée à la prudence,
homme, et fait venir en evidence tous les vices
Le triumphal laurier à l'eloquence secrets qui y sont cachez Demosthenes ne l'a
point eu, ny n'a point donné aucune telle preuve
Il y a plus, qu'il ne louoit pas seulement ses de soy, par ce qu'il ne fut jamais en magistrat
actes et ses faicts, mais aussi les harengues de grande authorité ny dignité
qu'il avoit escrittes ou prononcées, comme s'il sit car il ne condui-
pas comme capitaine général l'armée que luy
eusteu à s'esprouver alencontre d'un Isocrates ou avoit dressée contre Philippus là où Ci-
d'un Anaximenes, maistre d'eschole de rhetori- mesmefut envoyé quœsteur la Sicile, et pro-
ceron en
que, et non pas à manier et redresser un peuple consul
en la Cilicie et Cappadocie, en un temps
romain
que l'avarice et convoitise d'avoir estoit si ef-
Champion ferme armé pesantement, frenée, que les capitaines et gouverneurs que
Pour l'ennemy attendre ouvertement l'on envoyoit pour regir les provinces, estimans
Car il est bien nécessaire qu'un gouverneur que c'estoit couardise de desrobber, ravissoient
d'estat politique acquiere authorité par son elo- ouvertement par force et auquel temps le pren-
quence mais d'appeter gloire de son beau par- dre n'estoit pas réputé mal fait, ains celuy qui
ler, ou, qui pis est, la mendier, c'est acte de le faisoit modereement en estoit aimé luy au
cueur trop bas et pourtant en ceste partie il faut contraire y monstra un grand mespris d'argent,
confesser que Demosthenes est plus grave et plus et feit cognoistre une grande humanité, doulceur
magnanime, qui luy mesme alloit disant "que et debonnaireté qui estoit en luy. Et dedans
toute son éloquence n'estoit qu'une rotine ac- Rome ayant esté cleu en apparence consul, mais
quise par long exercice, laquelle avoit encore à la verité dictateur, avec souveraine authorité
besoing d'auditeurs qui voulussent ouïr patiem- et puissance de toutes choses alencontre de Cati-
ment, et qu'il reputoit sots et impertinents, lina et de ses complices, il porta tesmoignage de
comme à la vérité ilz sont, ceulx qui s'en glo- vérité à l'oracle de Platon, lequel a dit, « Que
rifloient.» « lors les villes seront à la fin de leurs miseres et
IV. Cela ont ilz bien également commun entre « malheurs, quand par quelque bonne et divine
eulx que tous deux ont eu grand credit et « fortune, puissance grande conjoincte avec sa-
grande authorité à prescher le peuple et à ob- « pience et justice, se rencontreront en un mesme
tenir ce qu'ilz ont voulu proposer, de sorte que « subject »
les capitaines et ceulx qui avoient les armes eu V. Lon blasme Demosthenes d'avoirfait gaing
mercenaire de son eloquence, et qu'il escrivit
Pison avait fait un crime à Cicéron de ce vers secrettement une oraison pour Phormion, et une
si connu autre pour Apollodorus en une mesme cause où
Cedant arma toge, concédât laurea lingutt ils estoient parties contraires et fut aussinoté
ou laudi comme il le rapporte lui-même et sui- de recevoir argent du roy de Perse et de faict
vant Quintilien (xi, t). Pison prétendait que par la attaint et condemné pour l'argent qu'il avoit
première partie de ce vers, l'auteur avait entendu pris de Harpalus. Et si d'adventure Ion vou-
que les plus grands généraux devaient céder à la loit dire que ceulx qui escrivent cela, qui sont
toge de Cicéron; et que par la seconde partie, il dé- plusieurs, ne disent pas la verité pour le moins
signait Pompée, lequel en avait été très-blessé, et
était devenu son ennemi. Cicéron expliqua sa pen- est il possible de réfuter ce poinct que De-
sée(in Pis. 29; de Off. i 22), et se justifia avec mosthenes n'a pas esté homme de cueur assez
une rare adresse de cette double accusation. ferme, pour oser franchement regarder alencon-
Vers d'Eschyle, au témoignage de Plutarque tre des presens, que les roys lui offroient, en
lui-même, qui l'a cité plusieurs fois dans ses OEu- le priant de les accepter pour l'honneur d'eux
vres mélées. C'est dans le traité sur la rortune et pour leur faire plaisir aussi n'estoit ce pas
d'Alexandre (c. 2) qu'il nomme l'auteur de ce vers. acte d'homme qui prestoit à usure navale la
plus excessive de toutes. Et à l'oppositc comme Ciceron de ce qu'il se tcnoit coy sans mot dire',
nous avons ja dit, il est certain que Ciceron re- lorsque le jeune Caesar requit qu'il luy fust per-
fuza les presens que luy offrirent les Siciliens mis de demander le consulat contre toutes les
pendant qu'il y estoit questeur, et le roy des loix, en aage qu'il n'avoit encore poil aucun de
Cappadociens pendant qu'il estoit en Cilicie barbe et Brutus mesme luy reproche par lettres
proconsul, et mesme ceulx que luy presenterent qu'il avoit nourry et eslevé une plus griefve et
et le presserent d'accepter ses amis, en bonne et plus grande tyrannie que celle qu'eulx avoient
grosse somme de deniers, quand il sortit de ruinée.
Rome à son bannissement. VII. Et après tout, la mort de Ciceron est
VI. Davantage le bannissement de l'un luy miserable, de veoir un pauvre vieillard, que par
fut honteux et infame, attendu qu'il fut banni bonne affection envers leur maistre ses serviteurs
par sentence comme larron et à l'autre fut aussi trainnoient çà et là cherchant tous les moyens
glorieux que acte qu'il ait oncques fait estant de pouvoir eschapper et fouir la mort, laquelle
chassé pour avoir osté des hommes pestilentieux ne le venoit trouver gueres de temps avant son
à son païs pourtant ne parla on point de celuy cours naturel, et puis encore à la fin luy veoir
là depuis qu'il s'en fut en allé mais pourcestuy tontvieil qu'il estoit, ainsi piteusement trencher
cy le senat changea de robbe et se vestitde dueil, la teste là où Demosthenes quoy qu'il s'abais-
et arresta qu'il n'interposeroit son authorité à sast un petit quand il supplia celuy qui estoit
decret quelconque que premierement le rappel venu pour le prendre si est ce, que avoir pre-
de Ciceron ne fust passé par les voix du peuple. paré le poison de longue main l'avoir tousjours
Vray est que Ciceron passa en oisifveté le temps gardé, et en avoir usé comme il en usa, ne peut
de son bannissement estant à ne rien faire en estre sinon grandement louable. Car puisqu'il ne
la Macédoine et l'un des principaulx actes que plaisoit pas au dieu Neptune qu'il jouist de la
feit oncques Demosthenes en tout le temps qu'il il franchise de son autel il eut recours, par ma-
s'entremeit des affaires publiques fut pendant niere de dire, à une plus grande, qui est la mort,
qu'il estoit en exil car il alla par toutes les villes et s'y en alla, en se tirant soy mesme hors des
aidant aux ambassadeurs des Grecs, et rebou- mains et des armes des satellites d'un tyran et
tant ceulx des Macedoniens en quoy faisant il se mocquant de la cruaulté d'Antipater.
se monstra bien meilleur citoyen que ne feirent
Themistocles ny Alcibiades en pareille fortune. Quel autre parti avait-il à prendre que ie si-
Et soudain qu'il fut rappellé et retourné il se lence, dit Ricard,lorsquelecenturion Cornélius,
meit de rechef à suivre le mesme train qu'il ayant rejeté sa robe, avait montré la garde de son
avoit suivy par avant, et continua tousjonrsde épéeen disant
dans le sénat: « Celle-ci le lui don-
nera ? (Suet. Aug. 26). Cependant, suivantDion,
faire la guerre à Antipater et à ceulx de Mace-
xlvi 43, Cicéron lui répondit « Si vous deman-
doine là où Lœlius en plein sénat dit injure à dez le consulat de cette manière, César l'obtiendra..
TABLEAU
SYNCHRONIQUE

DES ÉVÉNEMENTS QUI SE RATTACHENT A LA VIE DE CICÉRON.

*»»•. Ann.
«no. Ann.
it H. •». 1.C-C. d* LlC deR. ».Ann.J.C. Ann,
deCiC,
«48 106 Consulat de C. Atilius Serranus et 1
653 101 guerre, est accusé de concussion par L. 1
Fii fins il est défendu par Antoine, et
de Q. Servilius Cépion
Naissance de M. Tulhus Cicéron, à absous. C. Marius et le proconsul Q.
Arpinum le 3 des nones de janvier1. Il
Lutatius battent les Cimbres sur les
bords de l'Adige.
a pour père M. Tullius Cicéron, pour
mèreHelvia3.3.
654 100 Consulat de C. Marius (sixième) et 7
Expédition de Marius en Numidie
de L. Valérius Flaccus.
contre Jugurtha.
Sédition de L. AppnléiusSaturninus,
Naissance de Cn. Pompée, la veille
tribun du peuple, et de C. Servilius
des kalendesd'octobre.
Glaucia. Ils sont tous deux mis à mort.
Servilius Glaucia ayant cité en jus.
G49 loi Consulat de P. Rutilius Rufus et de 2
tice Q. Métellns le Numidique, parce
Cn. Mallius. qu'il refusait de jurer sa loi agraire, Q.
Jugurtha est livré à L. Cornélius
Métellus s'éloigne de Rome, plutôt que
Sylla, questeur de Marius, et amené par
de se soumettre à celle loi.
lui à Marius.
6A5 99 Consulat de M. Antoine (l'orateur) 8
650 104 Consulat de C. Marius (deuxième)et 3
de C. Flavius Fimbria.
et de A. Poslumius Albinus.
Q.MélellusleNumidiqueest rappelé»à
C. Marius triomphe de Jugurtha aux
kalendes de janvier. On décide la guerre Romesur la proposition de Q. Calidius,
tribun du peuple.
contre les Cimbres et les Teutons.

Consulat de C. Marius (troisième) et 4 656 98 Consulat de Q. Célius Métellns Né- 9


651 103
de L. Aurélius Orestes. pos et de T. Didius.
Marius emploie cette année à faire Adoption de la loi Cécilia Didia, qui
les préparatifs de la guerre contre les statue que les lois seront promulguées
Cimbres. C'est cette année ou la précé- pendant trois jours de marché, et qu'on
denteque parait être né Q. Cicéron,frère ne réunira pas dans la même loi plu-
de Marcus. sieursobjets distincts. (Ne quisper sa-
turamferat.)
662 102 Consulatde C. Marius (quatrième) et 5
de Q. Lutatius Catulus. 657 97 Consulat de Cn. Cornélius Lentulus 10
Victoire remportée par C. Marius sur et de P. Licinius Crassus.
les Teutons et les Ambrons à Aix, près Les censeurs L. Valérius Flaccus et
de Marseille. Expédition d'Antoine con- M. Antoine l'orateur ferment le lustre.
tre les pirates. Le poëte Archias
vientRome 4. 658 96 Consnlat de Cn. Domitius Ahénobar- 1 1

bus et de C. Cassius Longinus.


65J 101, Consulat de C. Marius (cinquième) et 6 Ptolémée Apion, roi de Cyrène, lè-
de M' Aquilins. gue par testament ses États au peuple
M' Aquilius, consul, est envoyé en romain.
Sicile contre les esclaves. La mort d'A-
659 95 Consulat de LiciniusCrassus et de Q. 12
7
thénion, leur chef, met fin à la guerre
Mucius Scévola.
Servile.- M' Aquilius, au sujet de cette Adoption de la loi LiciniaMucia, qui
1 RruL, 43,3.
9. restreint le droit de cité aux seuls ci-
» Legg., 11,1.t. toyens romains. Cette loi est la prinoi-
Ad Att. vu, 6; mi, M. pale cause de la guerre Sociale.
ProArctda,a. a
Ann. A»n.
de»..t.J.C
Consulat de C. Célius Calrlus et de
Ann.
leKi«-
Ann.
île
066
R. âT.J.C. «leUo,
Aon.

88 pose des lois funestes à l'instigationde


xant

6C0 94 13
L. Domitius Ahéuobarbus. Marius. Il fait périr le fils du consul Q. t9
9
Pompée, gendre deSylla. – Sylla vient à
061 93 Consulat de C. Valérius Flaccus et de 14 Romeavec son armée. – Mort de P. Sul-
M. Hérennius. picius. Marius s'enfuit d'abord à
Minturoes puis en Afrique – Sylla,
Ml 92 Consulat de C. Claudius Pulcher et 15 après avoir rétabli l'ordre dans Rome,
de M. Perpenna. part pour la guerre contre Mithridate.
Q. Pompée, suivant les conseils du pro-
COJ St Consulat de L. Marcius Philippus 16 consul Cn. Pompée, auquel il devait suc-
et de Sext. Julius César. céder dans le commandement, se rend
au camp pour prendre part à la guerre
Cicéron prend la robe virile i. com- contre les Marses, et est assassiné par
pose poème intituléPontins Glaucus les soldats.
et les vers héroïques en l'honneurde Ma- Cicéron étudie à Rome sous Phèdre
rius'. l'épicurien*, puis sous Philon, chef
Le tribun M. Livius Drusus veut trans- de l'Académie 3.
férer les fonctions judiciaires des cheva- Il apprend le droit civil sous la direc-
liers au sénat. Il fait espérer le droit de tion de l'augure Scévola, et, après la
cité aux alliés et aux Italiens. Quelque mort de ce dernier, il suit les leçons du
temps après, au moment où il revenait pontifeQ. Mucius Scévola 4.
du forum, il est assassiné par Q. Varius,
dans le vestibulede sa maison. 6G7 87 Consulat decu. Octavius etdel. Cor- 20
Cette année est aussi celle de la mort nélius Cinna.
de L. Crassus, l'orateur3. Cinna, consul ayant fait passer
par la violence, des lois funestes, est
chassé de Rome par son collègue Cn.
f.64 90 Consulat de L. Julids César et de P. M
Octavius, et destitué par le sénat, qui
Rulilius Lupus.
Commencementdela guerre Sociale nomme à sa plàce L. Cornélius Mérula.
G. Mérula soulève les villes d'Italie,
ou Marsique. Le refus du droit de cité prend le commandement de l'armée
ayant amené la défection desalliés, Q.
d'Appius Claudius et rappelle Marius
Varins propose une loi qui ordonne des
poursuitescontre ceux dont les conseils avec les autres exilés. Marius s'ap-
proche de Rome avec son armée, s'en
avaient soulevé les alliés. Mais le sénat
décide que tant que dnrerait la révolte empare, et la livre au pillage. Plu-
sieurs sénateurs sont mis à mort, entre
desitaliens,il n'y aurait point de pour- autres Q. Catulus, M. Antoine et les
suites judiciaires.
Cicérontraduit en vers latins les Phé-
deux frères C. et L. César». –
Corné-
lius Mérula abdique et s'ouvre les vei-
nomènes d'Aratus^.
nes.
Cicéron étudie à Rome sous Apollo-
665 89 Consulat de Cn. Pompéius Strabon 18 nius Molon, de Rhodes, célèbre rlié-
et de L. Porcius Caton. teur 6.
Cicéronfait ses premières armes dans
la guerreSociale sous les ordres du con- 668 86 Consulat de L. Cornélius Cinna 21
sul Cn. Pompée 5. (deuxième)et de C. Marius (septième).
Cette année, la loi Plotia, portée par Marius, consul, meurt aux ides de
Plautius Silvanus, tribun du peuple, janvier L. Valérius Flaccus lui suc-
partage les fonctions judiciaires entre cède il est envoyé par Cinna pour
les sénateurs et les chevaliers. Le même prendre la place de Sylla dans l'expédi-
tribun porte la loi de Vi armai homi- tion contre Mithridate, et passe en Asie.
nitnu, qui prononçait la peine de mort Vers cette époque, Cicéron compose
contre quiconque aurait usé de violence. son ouvrage sur la Rhétorique; il nous
en reste deux livres qui traitent de l'In-
666 18 Consulat de L. Cornélius Sylla et de 19 vention s.
Q. Pompéius Rufus. i Pro Plane, i(i. Vell. Pat., il, il).
P. Sulpicius,tribun du peuple, pro. a Ad Fam., xm, 1.
BruL, 89.
'l/d.,1.t. L«l., i. Brut, 00. De Orat., l, 45.
Mut, Cie., I. De Legg., l, 1. De Orat,, u, 1. Tusc. v, 19. De Orat., m, 3.
> De Orat., m, 1, 2. 6 Brut., 89.
• OeOrat., 1,34. De Net. Dcor., m 3J.
• Pkil.,111, 11. « De Orat., i, 2. *.
DES ÉVÉNEMENTS QUI SE RATTACHENT A LA VIE DE CICÉBON.
Ann. AHn.
AMn.
rftR. »t,JC Ann.
Ann.
Ann. Ann.
deCic' A Ami.
ddi H. •«. J. C. éaClc.
669 85 Consulat de L. Cornélius Cinna 22 673
6 81 publique. Cn. Pompée met fin à la 26
(troisième) et de Cn. Papirius Carbo. guerre d'Afrique contre Domitius et
Hiarbas, roi de Numidie. Il triomphe,
670 84 Consulat de Cn. Papirius Carbo 23 âgé de vingt-six ans, et quoique simple
(deuxième) et de L. Cornélius Cinna chevalier.
(quatrième). f. Cicéron prononce son discours pour
Succès de Sylla contre Milhridate. Quintius.
Cicéron étudie à Rome sons le stoïcien
Diodotus; il s'exerce particulièrement 674
6 80 ConsnlatdeL.S;lla(deuxiènie)etd« 27
à la dialectiqueet à la déclamation en Q. Cécilius Mételius Pius.
latin et en grec A la même époque, Cicéron défend Sext. Roscius Améri-
il traduit du grec en latin les Économi- nus, accusé de parricide '•
ques de Xénophon et quelques dialo-
gues de Platon. 675
6 79 Consulatde P. Servilins Valia Isau- 28
riens et d'App. Claudius Palcher.
83 Consulat de L. Cornélius Scipion 4
Sylla abdique la dictature. Cicéron
B7I
l'Asiatique et de C. Junius Norbanus défend la liberté d'une femme d'Arre-
Bulbus. tium contre Coda' Quelque temps
Sylla fait la paix avec Mithridate, et après, il part pour la Grèce. II étudie
revient en Italie. Il bat le consul C. à Athènes sous Antiochus d'Ascalon.
Norbanus. L'autre consul, Scipion, Il suit les leçons de Phèdre et de Zénon,
qui était à Téanum avec son armée, entre philosophes épicuriens 3.
en négociation avec Sylla a mais ils ne
s'entendent point sur les conditions du 676
6 78 Consulat de M. Émilius Lépidus et 59
traité. Alors l'armée de Scipion passe de Q. Lutalius Catulus.
du côté de Sylla. Scipion reste seul dans Mort de L. Cornélius Sylla 4. Le con.
son camp avec son fils, se retire et sul M. Lépidus, part pour la Gaule,
s'exile à Marseille. 3-Le Capitole est province qui lui avait été assignée; il
frappé de la foudre. veut faire abolir les lois de Sylla et or-
donnerle rappel des proscrits. Il marche
672 82 Consulatde C Marius (fils de Caïus), 25 sur Rome à la tête d'une armée; mais
il est repoussé par le consul Catulus et
et de Cn. Papirius Carbo (troisième).
Le préteur L. Damasippus, à l'insti- par Cn. Pompée, et meurt dans l'exil
gation du consul Marius, massacretoute en Sardaigne.
lanoblesse.SylIa,vainqueuràSacriporl, Cicéron s'exerce à l'art oratoire, à
Athènes auprès de Démétrius de Syrie.
vient à Rome, proscrit ses ennemis, et
JI parcourttoute l'Asie, et étudie sous
confisque leurs biens. Il met une gar-
les rhéteurs Ménippe de Stratonice,
nison dans Rome, et bat dans diverses
Xénoclés d'Adramytte,Eschyle de Cni-
rencontres le consul Cn. Carbon 4, qui de et Denys de Magnésie. A Rhodes, il
s'enfuit en Sicile, et est bientôt après s'exerce à prononcer des harangues en
pris et mis à mort par Cn. Pompée.
Enfin,il remporteune victoiredécisive grec auprès d'Apollonius Molon, et suit
les leçons d u philosophestoïcien Posido-
sur les autres chefs du parti de Ma- nius 5.
rius, Carinas, Damasippc et Cn. Mar-
cius Censorinus. Après quoi il revient 677
f¡ 77 Consulat de D. Junius Brutus et de 30
dans Rome, fait égorger une foule de Mam. Émilius Lépidus Liviauus.
citoyens, et est nommédictateuren vertu Cn. Pompée est envoyé contre Sert
d'une loi proposée au peuple par Tinter- torius. Cicéron revient de son voyage
roiL.ValeriusFlaccuss.ilexercecette en Grèce et en Asie; il épouse Térentia.
dictature pendant quelques années, en
permettant toutefois que l'on nomme 678
f 76 Consulat de Cn. Octavius et de T.
des consuls. Scribonius Curion.
Batailles sanglantes livrées en Es.
373 81t Consulat de M. Tullius Décula et de 26 pagne contre Sertorius.
Cornélius Dolabella.
Sylla donne de nouvelles lois à la ré- Brut, M. De Off., n, 14.
1 Pro Cœc., 33.
« Brut, 90.
• Phil., xii, II.
3 Brut, 91. De Fin.,
« u. Sulla. De Fin.,
, 5. De Mysteriis Eteus. De Ugg.

3 Pro Seatio, 3.
4Ad fam., ix,2i-
DeLege ag. lit, 2.
• Brut. SI.
De Fin., n, 38.
BI.. m 22. Off., n, 28- De Legg. n sa.

CICÉRON – TOME I. î
il
IH. “.] Ion.
C.
Cicéron plaide plusieurs causes dans
le forum, entre autres celle du comé-
dien Roscius Il sollicite la questure, et
Ano*
ilaCie.
Ann.
J
d« R.

684
Ann.
av.J.C.
70
C.
en Sicile, et qui s'était livré pendant sa 37
magistrature aux actes les plus violents
de tyrannie, de cruauté et d'avarice
'Anw
«cCki

l'obtient dans les comices à l'unanimité A cette cause appartiennent le discours


des suffrages 2. intitulé Divinatio in Cœcilium, et la
première Action contre Verrès. Les
679 7J Consulat de L. Octavius, et de C. Au- 32 cinq livres de la seconde Action furent
rélius Cotta. écrits plus tard, lorsque Verrès était
Cicéron questeurde Lilybée en Sicile, déjà parti pour l'exil.
pendant la préture de Sext. Péducéus J. Cette même année, le préteur L. Au-
rélius Cotta présente à l'adoption du
tta 74 Consulat de L. Licinius Lucullus et 333 h loi
peuple la toi Aurélia judiciaria, qui
~Mre!'ft~'MtftCtat't<t,
de M. Aurélius Cotla. étendait aux chevaliers et aux tribuns
M. Antonius Créticus.père de Marc du trésor public les fonctionsjudiciaires
Antoine le triumvir, chargé de faire la exclusivement accordées aux sénateurs
guerre aux pirates qui infestaient les par la loi Cornélia. Les tribuns sont ré-
coles maritimes, pille la Sicile et les tablis dans toutes leurs prérogatives.
autres provinces dont la défense lui
était confiée, et meurt après une ten- 685 69 Consulat de Q. Hortensius et de Q. 38
tative infructueuse contre l'île de Crète. Cécilius Métellus Créticus.
Cicéron revient à Rome à l'expiration Cicéron,édile, fait célébrer trois espè-
de sa questure'. ces de jeux avec un appareil modeste
IldéfendM. Fontéins, accusé de conçus-
«81 73 Consulat de M. Térentius Varron 34 sion pendant ses fonctions dans la Gaule
Lucullus, et de C. Cassius Varus. cisalpine, province dont il avait été
Commencement de la guerre des Gla- gouverneur pendant trois ans. Il faut
diateurs en Italie, sous la conduite de rapporter à la même année le discours
Spartacns.Lucullus attaque Mithridate, pour Cécina.
et le force à lever le siége de Cynique.
686 68 Consulat de L. Cécilius Métellus. et 39
*82 7S Consulat deL. GelliusPoplicolaetde 35
Î5 de Q. Marcius Rex.
Cn. Cornélius Lentulus Clodianus. Cicéron adresse cette année ses pre-
Lucullus poursuit Mithridate jusque mières lettres à Atticus. Mort de L.
dans son royaume de Pont. Spartacus Cicéron, cousin germain de Marcus 3.
bat les deux consuls envoyés contre lui.
6S7 f.7 Consulat de C. Calpurnius Pison et 40
680 71 Consulat de Cn. Aufidius Orestes et 30 36 de M. Acilius Glabrion.
de P. Cornélius Lentulus Sura. Cicéron brigne la préture. Il est nom-
Mithridate se réfugie en Arménie au- mé le premier des huit préteurs 4. Vers
près de Tigrane, son gendre. Spartacus la fin de l'année, il promet la main de
est vaincu et meurt dans une bataille sa fille Tullia à C. Pison, fils de Lucius,
que lui livre le préteur M. Licinius Cras- surnommé Frugi. Tullia n'étant pas en-
sus 5. Vers la fin de cette année, Pom- core nubile, le mariage est fixé à trois
pée, de retour d'Espagne,où il avait ter- ans plus tard.
miné la guerre de Sertorius, taille en La loi Gabinia confie à Cn. Pompée la
pièces cinq mille gladiateurs échappés conduite de la guerre contre les pira-
du champ de bataille, et obtient les tes*. L. Roscius Othon, tribun du
honneurs du triomphe 6. peuple, porte une loi qui accorde aux
chevaliers quatorze gradins au théâtre,
684 70 Consulat de Cn. Pompée et de M. 37 57
688 immédiatement après les sénateurs6.
Licinius Crassus.
Cicéron, édile désigné, se charge de 66 Consulat de M. Émilius Lépidus et 41
soutenir l'accusationintentée par les Si- de L. Volcatius Tullus.
ciliens à C. Verrès, qui avait rempli pen- Cicéron, préteur. Son frère Quin-
dant trois ans les fonctions de préteur lus sollicite l'édilité. Cicéron prononce
1 Brut. 92. Cfr. Verr., 1 3.
De Roscio, cfr. de Orat, l, 2s. Val. Max., vin, 7. 1 In Pis., I. Verr., il, V, 14. Pro Mur., 19. De Off., n, n.
Brut., in Pis., l.
M, Plut., Cic, 9.
• In Verr. u, v, 14. Tusc. v, 23. » Ad Att, i,6. 6.
Pro Plant., 26. Pro lege Man., 1. Brul., 83.
•Cfr. In Pis., 24. Pro lege Man..
Cfr pro legs Man., n. Pro Sest., 31 Pro Mut. 19. n, 12,
Afin Ann. Aon.
t~.
*»»•
deU.
»"“
jn.J.C.
Ann.
«Cic..1de
deGir. Jd a. nv.J.C de CiC.

Manilia en fa- 692 62 Consulat de D. Jnnius Sitanus et de 46


son discours Pro legs
41 «
68S 66 L. Licinius Muréna.
veur de la loi proposée par le tribun du Catilina contre qui le sénat avait en.
peuple C. Nianilius pour donner à Cn.
voyé Antonius à la tête d'une armée, est
Pompée le commandement de la guerre
vaincu et tué par M. Pétréius, lieute-
contre Mithridate, dont Lucullus était
nan t du proconsul. Antonius part pour la
alors chargé. La même année, il pro-
Macédoine, province qui toi était échue.
nonce les plaidoyers pour A. Cluentius Pompée revient à Rome après avoir ter-
et M. Fundanius.
miné la guerre contre Mithridate.
Consulat de I-. Amélius Cotta et de 42 Métellus Népos tribun du peuple, se
689 65
répand en invectives contre Cicéron et
L. Manlius Torquatus.
Cicéron défend,devant le préteur Q. le sénat. Il soutient devant le peuple
Gallius, C. Cornélius Gallus accusé de assemblé que les complices de Catilina
crime d'État1. ne devraient pas être mis àmort sans ju-
u.
gement. Cicéron lui répond par le dis-
Consulat de L. Jalius César et de C. 43 cours connu sous le nom de Oratio Me-
690 64 ielliana. Il achète une maison sur le
Marcius Figulus.
mont Palatin Vers la fin de l'année,
Cicéron demande le consulat. Il pro-
Clodius, épris de Pompéia, femme de
nonce, avec la toge de candidat, un dis- César, s'introduit secrètementdans sa
cours contre la ligue de Catilina et d'An- maison déguisé en musicienne,le jour
tonins. Il est désigné consul avec C.
où Pompéia célébrait les mystères do
Antonius. Naissance de son fils Il 11
la Bonne Déesse; il est reconnu et
donne en mariage sa fille, âgée de treize
chassé
ans, à C. Pison, fds de Lucius surnom- La même année, Cicéron prononce le
mé Frugi3. Le père de Cicéron meurt le
plaidoyer pour P. Cornélius Sylla, ac-
18 des kalendes de décembre'. °.
cusé de conjuration par L. Torquatus
C. Julius César, préteur, informe
Q. Cicéron,frère de Marcus, remplit la
contre les sicaires de Sylla.
charge de préteur.

j9l m Consulat de M. Tullius Cicéron et de 44f>93


61 Consulat de M. Papius Pison Calpur- 40
C. Antonius.
nins et de M. Valérius Messala Niger.
P. Servilius Rullus, tribun du peu- Clodius, accusé d'inceste, s'efforce
ple, avait proposé la Loi Agraire. Ci- de repousser l'accusation en soutenant
céron prononce contre cette loi trois
qu'il a passé la nuit du crime à Inté-
discours, le premier dans le sénat, le
second et le troisième devantle peuple 5. ramne et non à Borne. Cicéion, appelé
en témoignage, déclare que Clodius est
Ces discours sont bientôt suivis des
venu chez lui le jour même. Clodius
plaidoyers pour L. Roscius Othon et n'en est pas moins absous.
pour Habirïus Postuimise et du dis- Q. Cicéron frère de Marcus, à l'ex-
cours sur les Fils desproscrits que Syl-
piration de sa préture, obtient la pro-
la avait dépouillés des biens de leurs vince d'Asie. Cicéron confond Clodius
pères et exclus du droit de briguer les dans le sénat par un discours suivi et
honneurs loi cruelle, dont Cicéron
demande cependant le maintien, dans par la discussion des faits'. Il pro-
l'intérêt de la république'. Vient en- nonce cette année son discours Pour le
poëte ArcMas.
suite le discours qu'il prononça devant
Le 3 et la veille des kalendes d'octo-
le peuple en sortant de charge. La con-
bre, Pompée triomphe de Mithridate,
juration de Catilina contre la républi-
de Tigrane et des autres rois qu'il a
que ayant éclaté, Cicéron prononce les
Catilinaires.8 Enfinil défend L. Muréna, vaincus. César, après sa préture, ob-
tient la province d'Espagne.
consul désigné, accusé de brigues.

694 60 Consulat de L.Afranius et de Q.Céoi- 47


1 tir.Oral., 67, 70. Quintil-, vin, 3.
lius Métellus Celer.
• De Legeagr. n, 2.
i Ad AU. i. 2. An commencement de l'année, Ci-
• Ibid., 3. ceron empêche qu'on ne donne unsuc-
5 Ibid., 6.
« Plut. Cic., H. cesseur à son frère Quintus dans son
i De Off., m, 25, in Pis., a.
• Cfr. Pro Olio, » «. Pro Mur., 04, s«. 1 Ad Fam. v, 6.
> Cfr. Pro Flaeco, 39 et de onmi Cic. consulat» in Pis..
i.. Ad Att., 1,13. Parad. îv, a.
PrcStilla, 1 AdAU.,1,1*.
»
& .fj".c
6R. v .J.C
i"ôc.
deeie.
Ann.
A
A
drlt.
d
Ami.
av. J.
C. tic CM.
Ann.

gouvernementd'Asie. P. Clodius, vou- 47 690


° 58 publiquement.Uneautreloidéclareque 49
694 e0
lant obtenir le tribunat pour se venger toute personne qui aura fait mettre
de Cicéron,travaille à devenir plébéien. à mort un citoyen non condamné sera
Cicéron écrit l'Histoire de son con- privé du feu et de l'eau. Après l'adop-
sulat. Il publie le livre qu'il avait écrit tion de cette loi, Cicéron prend desvft
tements de deuil, et se présente devant
en grec sur le même sujet. Enfin il corn
le peuple en suppliant'. Un grand
pose un poème en trois livres sur son
consulat 1. nombre de sénateurs, l'ordre presque
entier des chevaliers, et plus de vingt
Vers la fin de cette année, César forme
mille citoyens prennent également des
une ligue avec Pompée et M. Licinius habits de suppliants
Crassus.
Cicéron sort de Rome à la fin du mois
de mars 3. Après son départ, Clodius
695 59 Consulat de C. Julius César et de M. 48
fait rendre contre lui un décret de ban-
Calpurnius Bibulus. nissement, lui fait interdire l'eau et le
Cicéron refuse la lieutenance que lui
feu, et lui défend de séjourner dans un
offre César, et s'oppose au partage du
rayon de quatre cent milles. Puis il fait
territoire de la Campanie par les vigin- brûler ses maisons du mont Palatin, de
tivirs. César, irrité desa résistance, Formies et de Tusculnm et mettre ses
fait entrer dans l'ordre des plébéiens
biens en vente^. Cicéron se rend à
Clodius, qui venait d'être adopté par le r
Vibo, à Thurium à Tarente, àBrindes,
plébéien P. Fontéius'C. Antonius est
accusé au retour de sa province, et
et arrive à Thessalonique le 10 des
kalendes de juin Bientôt, pouvant
défendu par Cicéron. Il est condamné à
espérer son rappel, il revient à Dyrrha.
l'exil et se retire à Céphallénie. Cicéron
chium vers le 6 des kalendes de dé-
plaide deux fois pour M. Thermus, et le
cembre. Son frère Quintus quitte, la
fait absoudre. JI prononce ensuite son
veille des kalendes de mai la province
Plaidoyer pour L. Valérius Flaccus
accusé de concussion par D. Lélius
d'Asie, qu'il avait gouvernée pendan
trois ans.
ses heureuses saillies sauvent Flaccus
malgré les charges qui l'accablent.
Après ledépartdeCicéronpour l'exil,
Clodius fait passer une loi ayant pour
César, consul, obtient pour cinq ans,
but d'ôter à Ptolémée le royaume de
sur la proposition du tribun du peuple Cypre, pour le réduire en province.
P. Vatinius, et malgré le sénat, le gou-
M. Caton est chargé de l'exécution de
vernement de la Gaule extérieure et de cette loi.
l'Illyrie, avec trois légions. Bientôt le
sénat lui-mêmeajoute à son comman-
697 57 Consulat de P. Cornélius Lentulus M
dement la Gaule ultérieure et une nou-
velle légion. P. Clodius est nommé tri-
Spinther et de Q. Cécilius Métellus Né-
bun dansl'assemblée des comices, et pos.
Aux kalendes de janvier, le consul
entre en charge au mois de décembre.
Leiitulns Spinther propose dans le sé-
nat le rappel de Cicéron; il est secondé
696 58 Consulat de L. Calpurnius Pison Ce- 49
par presque tous les tribuns du peuple,
soninus et d'Aul. Gabinius. et particulièrement par P. Sestius et
Le tribun Clodius propose plusieurs T. Annius Milon. Ces manifestations
lois la première ordonne que le blé provoquent d'abord un décret du sé-
soit désormais distribué gratuitement nat, puis l'adoption par toutes les cen-
au peuple la seconde défendde prendre turies d'une loi sur le rappel de l'exilé,
les au spices et d'observerle ciel lorsque portée la veilledes uones d u mois d'août6.
le peuple est assemblé pour des affaires Le même jour, Cicéron part de Dyrrha-
publiques; la troisième statue que les chium et arrive à Brindes le jour des
anciennes compagnies ou associations
nnnes, anniversaire de la naissance de
(collegia) d'ouvriers, abolies depuis
sa fille Tullia. Après avoir traversé l'I-
Numa, seront rétablies, et qu'on insti- talie, au milieu des applaudissements
tuerad'autrescorporations de même na- et des félicitations des villes munici-
ture laquatrième enlève aux censeurs
le droit d'exclure un citoyen du sénat ou 1 Cfr. ad AU., m, 15.
de lui infliger aucune peine infamante, Pro Ststio, 14.
sans l'avoir accusé et fait condamner Ibid, 16 22. Pro Plane., 35-37. in Pis., 9.
4 Pro Sestio, 24. Pro C. Rabirio, 17.

i'-»AdDeProv.Con».,
Au. i, 19.
17. Att., I, IS.Cfr. ihid., H, 19; ix,
Pro Planc., 40, 41.
ProSest.,3Mi,64-68, 60-62, in Pis., 16.
Ad 2.
un. An*. Ann. Aon. Aen.
C.
T. J.C. deCic. deR. av. J.C.
C. il«C(«.

097 57 pales, des préfectureset des colonies, il 50 608 56 C.JuliusCésar,aprèsavoirfailentrer 51


arrive à Rome la veille des nones de ses troupes dans les quartiers d'hiver,
septembre. Le lendemain, il adresse un vient lui-même passer l'hiver à Luc-
discours d'actions de grâces d'abord ques. Il appelle auprès de lui Pompée,
au sénat, puis an peuple assemblé par et Crassus et convient avec eux qu'ils
les consuls'. Laveille des kalendes d'oc- solliciteront ensemble un second con-
tobre, il prononce devant les pontifes le sulat, afin d'écarter la candidature de
discours Poursablaison. Ses maisons L. Domitius, qui avait menacé César de
du mont Palatin, de Tusculum et de lui enlever le commandement des ar-
Formies sont rebâties aux frais de la ré- mées, s'il était nommé consul.
publique
La même année, aussitôt après le re-
G9'.) 55 Consulat de Cn. Pompée(deuxième), st
et de M. Licinius Crassus ( deuxième).
tour de Cicéron, et sur son avis, un
Après un interrègne, les consuls
sénatus-consulleel bientôt uneloi donne
à Pompée pour cinq ans la charge entrent en charge. Le gouvernement
des provinces leur est accordé pour
de faire venir des blés en Italie de tou-
cinq ans. Pompée obtient l'Espagne avec
tes les parties du monde 3. Cicéron est
l'Afrique Crassus, la Syrie. César est
du nombre des lieutenants que Pompée
maintenu pour cinq nouvelles année»
s'adjoint en cette circonstance, et part dans son gouvernement des Gaules.
pour la Sardaigne. Pompée fait administrer ses provinces
par ses lieutenants Afranius et Pé-
«98 ad Consulat de Cn. Cornélius Lentulus 51 tréius il reste lui-même en Italie. Mar-
Marcellinus et de L. Marcius Philippus. cus Crassus, avant de partir pour l'ex-
Au commencement de l'année, Ci- pédition contre les Parthes, soupe avec
céron demande an sénat que P. Lentu- Cicéron dans les jardins de son gendre
lus, proconsul de Cilicie, soit chargé Crassipèdes.
de ramener le roi Ptolémée dans son Cette année, Cicéron prononce son
royaume. Dans un discours qui nous discours contre Pison, et écrit trois li-
reste, il défend et fait absoudre P. Ses- vres du de Oralore On prétend à
tius, accusé de violence d'après la loi tort qu'il écrivit aussi trois livres de
Lutatia par M. Tullius Albinovanus. Temporibus suis.
Vatinius avait porté témoignage contre
Sestius; aussi Cicéron, par une suite de 700 54 Consulat de L. Domitius Ahénobar- 54
questions pressantes critique sa con- bus et d'App. Claudius Pulcher.
duiteet son tribunat. Le 3 des ides de fé- Cicéron défend Crassus dans le sé-
vrier, il défend lieslia, accusédebrigue. nat. Il
prononce des plaidoyers pour
La veille des nones d'avril, il promet Vatinius, pour ilessius et Drusus,
sa fille Tullia Furius Crassipèdes. L'an- pour JIL,Émillus Seaurus, et A. Gabi-
née précédente, des prodiges avaient niust aqcusés de concussion (il défend
éclaté dans k Latium.et les aruspi- ce dernier à la demande de Pompée )
ces les avaient attribués entre autres pour. Cn. l'iancius, pour C. Rabirius
causes à ce que des lieux consacrés ser- Postumus accusé de crime d'État.
vaient à des usagés profanes. Clodius, Il consacre son loisir à son ouvrage de
qui était édile, soutient dans l'assem- la République 2. Q. Cicéron part pour
blée du peuple que la maison de Cicé- la Gaule en qualité de lieutenant de
César3.
3.
ron avait é bâtie sur un de ces empla-
cements sacrés. Mort de Julia, fille de César, et femme
On suppose que ce fut là l'occasion de Cn. Pompée.
du discours de Haruspicumresponsis.
Ensuite, Cicéron défend L. Cornélius 701 53 Consulat de Cn. Domitius Calvinus 54
Balbus de Gades, à qui l'on contestait et de M. Valérius Messala.
le titre de citoyen romain. Il prononce, Les consuls ne sont pas nommés aux
peu de temps après, dans le sénat, son calendes de janvier ils le sont seule.
discours Sur les Provinces consulai- ment au mois d'avril, après plusieurs
res. La même année, il défend M. Ce- interrègnes. Après la défaite et la mort
lius, accusé d'avoir pris l'or de Clodia, de Crassus chez les Parthes, Cicéron.
et d'avoir voulu l'empoisonner. es/ nommé augure à sa place
1 Ad Fam., ».
iv. Pro Sesl., C:j. fn Plsonem 22. DeLegg. n, ro.
.,iv, 2, J. Cfr. ad Att. iv, is.
t. Philipp., ii,4. Brut., 1.,
4nr. kita, Ann. Ann. Ann. A^n.
i«h. «t. J. C. de Ctc de R. 3. C.
bv. S. da &f.
702 52 Troisième consulat de Cn. Pompée. 55 le commandement au questeur C. Ce-
11 n'a point de collègue.
lius. Parti d'Ëphèse aux kalendes d'oc-
Cette année, Milon P. Plantiiis Hyp- tobre, il arrive à Athènes la veille des
séusetQ.Métellus Scipion demandaient ides. Il laisse Tiron malade à Patras.
le consulat; Clodius briguait la préture. Il arrive à Brindes le septièmejour des
On achetait les suffrages aux prix de lar-
kalendes de décembre.
gesses dont on ne rougissait plus; on
avait recours à la violence et au meur- 705 49 Consulat de C. Claudius Marcellus 5»
tre. Le treizième jour des kalendes de fils de Marcus, et de L. Cornélius
février, Milon, en se rendantà Lanuvium Lentulus Crus.
pour nommer un flamine, rencontre Cicéron, en arrivant à Rome la veille
Clodius, qui revenait d'Aricie une que- des nones de janvier, trouve la guerre
relles'engage; Clodius est tué. Pompée, civile allumée entre Pompée et César
créé consul par l'interroi S. Sulpicius, Aux kalendes de janvier, un sénatus-
le 5 des kalendes de mars, commence consulte ordonne à César de quitter
à s'éloigner de César. 11 épouse Corné- son armée avant les kalendes de mars,
lia, fille de Q. Métellus Scipion, et prend sous peine d'être déclaré eunemi de la
son beau-père pour collègue pendant les république. Les tribuns du peuple M.
cinq derniers mois de cette année. Antoine et Q. Crassus s'opposent vai-
Cicéron défend Milon accusé de nement à ce décret. Le sénat charge
meurtre. Mais les cris des partisans de les conseils, les préteurs, les tribuns
Clodius, et la présence des soldats en. du peuple et les proconsuls de veiller
voyéspar Pompée, l'épouvantent telle- au salut de la république. Cicéron,
ment, qu'il oublie la meilleure partie ae après de vains efforts pour rapprocher
sa harangue. Le discours pro Milone, les deux partis, voyant que César
que nous avons, fut composéplustard, avait passé le Rubicon et s'était emparé
après la condamnation de Milon,qui fut de plusieurs villes, sort de Rome, et se
exilé à Marseille. Il défend ensuite et charge de défendre Capoue et les cotes
fait absoudre M. Sauféius. Au mois de de la mer. Pompée arrive à Brindes le
décembre, le tribun du peuple C. Muna- huitième jour des kalendes de mars.
tius PlancusBursa,en sortant de char- Le septième jour des ides du même
ge, est accusé par Cicéron et condamné. mois, César arrive sous les murs de cette
Cette année, ou au commencement de ville. Le seizième jour des kalen-
la suivante, mais sans nul doute après des d'avril, Pompée s'embarque pour
le jugement de Milon, Cicéron compose la Grèce avec toutes ses troupes sur
onn traité de Legibus les vaisseaux qu'il avait réunis à Brin-
des. César entre le lendemain dans la
7ai 6) Consulat de Serv. SulpiciusRufus et 56 ville, harangue les habitants, et part
de M. ClaudiusMarcellus. ensuite pour Rome. Snr la route, Cicé-
Un sénatus-consulte, jendu l'année ron vient le trouver. Le septième jour
précédente, avait déclaré que les person- des ides de juin, Cicéron, après avoir
nages prétoriens ou consulaires ne de- fait prendre la robe virile à son fils à
vaient point se rendre dans leurs pro- Arpinum, s'embarque pour rejoindre
vinces avant cinq ans. Néanmoins on les Pompée en Grèce. César défait les lieu-
oblige à s'y rendre. Cicéron est envoyé tenants de Pompée,et se rend maître de
comme proconsul en Cilicie, avec une l'Espagne. Nommé dictateur en son ab-
armée de douze mille hommes d'infan-
sence par le préteur Lépidus il revient
terie et de deux mille six cents che- à Rome, se fait créer consul pour l'an-
vaux. Il succède dans ce gouvernement, née suivante avec P. Servilius,et pré-
à Appius Claudius. Il arrive à Laodicée side à l'élection des autres magistrats.
la veille des kalendes d'août
706 4S Consulat de C. Julius César (deuxiè- à»
704 40 Consulat de L. Émilius Paullus et de 57 me), et de P. ServiliusYatia lsaurieus.
C. Claudius Marcellus fils de Caïus. La veille des nones de janvier, César
Les exploits de Cicéron font décré- s embarque à Brindes, et passe en Épire.
ter par le sénat des supplications en son Il enferme Pompée dans Dyrrachium.
honneur J. Il quitte sa province le troi. Ce dernier force les lignes de son en.
704 50 sièmejour des kalcndes d'août, et laisse nemi, et transporte le théâtre de la
guerre en Thessalie. Là se livre, la
ÂdFam, ix.S. 2.
Cfr. ad Alt. v, a ,7, 10, 15.
» Ad Fam., xv, ». rAdFaœ xvi, r
»nn.
d« R.Ann.
J. c.
In.
de Clc.
de"a.Tc
Ann. Ann.
J. C.
«J^
4. à- Ci«.

706 48 veille des kalendes d'octobre, la célèbre 59 708 46 Q. Ligartus, accuséparQ.ÉliusTubé- 61


bataille de Pharsale. Pompée, vaincu, ron. Vers la fin de l'année, il répudie sa
s'enfuit en Égypte auprès de Plolémée, femme Térentia.
qui le fait assassiner. Guerre d'Alexan-
drie. 709 45 Consulat de C. Julius César, dicta-
Cicéron abandonne l'année, et arrive G*
teur pour la quatrième fois; M. Émilius
à Brindes. Lépidus, mattre de la cavalerie.
707 47 C.Julius César, dictateur pour la se. 60 César consul pour la quatrième fois
conde fois; M. Antoine maître de la ca- sans collègue.
valerie. César, vainqueur en Espagne des fils
César, après avoir terminé la guerre de Pompée, Sextus et Cnéus, revient
d'Alexandrie, revient en Italie au mois à Rome au mois d'octobre, abdique le
de septembre. Cicéronva à sa rencontre. consulat et fait nommer à sa place Q.
Dès que César l'aperçoit, il descend Fabius Maximus et C. Trébonius. Le
de cheval, l'embrasse, et marche plu- dernierjour de décembre, Fabius meurt
sieurs stades en s'entretenant avec iui. subitement; en l'absence de Trébo-
Bientôt Cicéron, qui jusque là avait sé- nius, on nomme consul C. Céninius Ré.
bilus ce qui fait dire à Cicéron qu'on
journé à Brindes, vient à Home.
Pendant les trois derniers mois de n'avaitjamais vu un consul plus vigilant,
puisq u'il n'avait pas dormi une seule fois
cette année, Rome a pour consuls Q.
pendant tout son consulat.
Fufius Calénus et P. Vatinius. César,
le sixième jour des kalendesdejanvier,
Cicéron, au commencement de cette
année ou à la fin de la précédente, ré-
passe de Lylibée en Afrique pour com-
pudie Térentia et épousePublilia, riche
battre les partisansdePompée, Scipion
héritière dont le père avait en mourant
Caton et Juba roi de Mauritanie.
laissé tous ses biens à Cicéron en fldéi-
708 46 Troisième consulat et troisième die- 61 commis. Tullia, sa fille, après s'être
tature de C. Julius César; M. Émilius séparée de son époux Dolabella,donne
Lépidus, consul et maître de la cava- naissanceà On fils, et meurt peu de temps
lerie. après. Cicéron, inconsolabledesa perte,
Au commencementdu mois d'avril renvoiePublilia, et va cacher sa douleur
César défait Scipion et Juba. Peu de à Astura, où il cherche quelques con-
jours après, Caton se donne la mort à solations dans l'érection d'un tombeau
Utique. César, après avoir terminé, la aux mânes de sa fille et dans l'étude
guerre d'Afrique, s'embarquelejourdes JI compose cette année la consolation,
ides de juin, et arrive en Sardaigne trois le traité de Finibus bonorum et malo-
jours après. Il en part le troisième jour rum et les Questions académiques.
des kalendesde juillet, et arrive à Rome Il s'occupe aussi du traité adressé à
le septième des kalendesd'août. H triom- César de Republica ordinanda. Au
phe de quatre nations à la fois se fait mois d'avril, il envoie son fils étudier à
décerner la dictature perpétuelle, et Athènes, quitte bientôt après Astura, et
porte ainsi un coup mortel à la liberté passe le reste de l'année en partie à Tus-
de la république. Vers la fin de l'année, culum, en partie à Arpinum et dans ses
il part pour aller combattre les fils de autres maisonsde campagne. Il vient à
Pompée en Espagne, et s'y rend en Rome au mois d'octobre. Au mois de
vingt-sept jours. Cette année, César cor- décembre, il se rend à Pouzzol, où
rige le calendrier; pour mettre plus il reçoit chez lui, le douzième jour des
de régularité dans la chronologie, à par- kalendes de janvier, César et ceux qui
tir des kalendes de janvier il intercalle, l'accompagnent.
entre novembre etdécembre, deux mois
710 44 Consulat de C. Julius César et de 63
nouveaux; de sorte que cette année M. Antoine.
eut quinze mois, en y comprenant l'an-
Dans les premiers mois de cette an-
cien mois intercallaire.
née, Cicéron termine ses Tusculancs.
Cicéron compose cette année son ou-
Aux ides de mars, César est assassiné
vrage intitulé Partitionesoratoriœ, et dans le sénat par M. Brutus, C. Cassius
l'Éloge de Caton, auquel César oppose
TAnti-Caton. Il adresse l'Orateur à M. et les autres conjurés. Les assassins se
réfugientdans le Capitole. Dolabella est
Brutus, qui commandait alors dans la
nommé consul en remplacement de
Gaule cisalpine. La veille des kalendes
César.
du premier mois intercallaire il pro-
nonce devant César son plaidoyer pour Tusc, iv, :» Ad Att., xii i» et sa.
Ana. Aai. o». Arn. Ana.
R..r. J. C. Cic.
A
<c de a.. 7.
e. ^n»
710 44 Leseizièmedeskalendesd'avril,Cicé- C3 710 44 lendemain, Cicéron se rend au sénat, 63
ron prononce undiscours en faveur de
la en l'absence d'Antoine, et prononce le
paix, dans letempledela déesse Tellus. Il discours connu sous le nom de pre-
déclare que tous tes citoyens doiventou- mière Philippique. Antoine furieux
blier leurs divisions. Antoine feignant de le somme de paraltre au sénat, le 13 des
partager cet avis, les assassins de César kalendes d'octobre. Pour lui, il passe
descendent du Capitole. On confie le dix-sept jours dans la maison de Tihur
gouvernement de la Crète à M. Brutus; de Scipion, et y prépare le discoursqu'il
celui de l'Afrique à Cassius; l'Asie à prononça contre Cicéron le 13 des ka-
Trébonius la Bithynie à Cimber, et la lendes d'octobre dans le temple de la
Gaule citérienre à D. Brutus. Mais au Concorde. Cicéron, suivant le conseil
convoi de César, Antoine ayant pro- de ses amis, qui craignaient pour lui
noncé son éloge, Brutus et Cassius, qui quelque trahison, ne se rend pas au
redoutaientles effets de e la colère du peu- sénat. Il répond au discours d'Antoine
ple, sortent de Rome et se retirent à An- par sa seconde Phttippiqwt. Ce dis-
tinm et Lanuvium. Antoine parcourt cours ne fut point prononcé, mais écrit
l'Italie. Cicéron visite ses maisons de comme s'il eût été prononce le 13 des
campagne. Il écrit les traités de Natura kalendes d'octobre en présence d'An-
Veorum de Divinatione, de Fato, de toine. Dans les derniers jours d'octobre
Amicitia, de Seneclute et de Gloria. et au mois de novembre, Cicéron visite
sa maison de Pouzzol et d'autres, et
Dolabella fait abattre une colonne
achève son traité de O/ficils. Pendant
que le peuple avait érigée en l'honneur
ce temps, Antoine va, le 7 des ides
de César, et mettre à mort les sédi- d'octobre, au-devant des quatre légions
tieux. C. Octavius, héritier de César, quirevenaientde Macédoine, et cherche
vient d'Apollonie à Kaples le 14 des à les gagner. Il se rend à Brindes le 7 des
kalendes de mai. Aux kalendes de juin, ides d'octobre. Octavius,ou César Octa-
les sénateurs se présentent au sé-
vien, comme on l'appelait depuis qu'il
nat d'après l'ordre d'Autoinc Ils se reti- avait prls possession de l'héritage de
rent effrayés par l'aspect de ses sa- César, soulève les vétérans de César, et
tellites. Cicéron visite ses maisons de forme une armée assez considérablegros-
campagne, etcommencesontraité de Of- sie par d'autres recrues. Quelque temps
ficiis. Ayant été nommé lieutenant après, les légions Martia et Quarta ahan-
avec le droit de choisir la province, donnent le parti d'Antoine et passent
il prend la résolution de se rendre dans celui d'Octavien. A cette nouvelle,
en Grèce. Il part de Vélia, le 12 des Antoine qui avait convoqué le sénat au
kalcndes sextiles, passe par Rhégium
Capitole le 4 des kalendes de décembre,
et arrive à Syracuse aux kalendes quitte précipitamment l'assemblée, et
d'août. C'est pendant ce trajet qu'il
se retire dans la Gaule citérieiire. Dec.
écrit ses Topijues à Trébatius. S'étant Brutus propose un édit par lequel il pro-
rembarqué le lendemain, il est poussé met de retenir la province de Gaule au
par les vents versle promontoire de Leu- pouvoir du sénat et du peuple romain.
copétra dans le territoire de Ithégium. Cicéron rentre dans Rome, le 5 des ides
Quelques Rhégiens qui arrivaient de de décembre. Les nouveaux tribuns
Rome lui ayant raconté ce qui se passait ayant convoqué le sénat le 13 des ka.
de mapière 4 lui faire concevoir l'espé- lendes de janvier, Cicéron prononce le
rance de la retraite d'Antoine et du re- discours connu sous le nom de troi-
tour des assassins de César, et lui ayant sième Philippique. Il est d'avis qu'il
fait entendre qu'on désirait sa présence faut sanctionner publiquement les cho-
à Rome, et qu'on .accusait son éloigne- ses qu'avait faites le jeune César, louer
ment, il renonce à son projet de départ, leslégions d'avoir abandonné Antoine et
reprend en toute bâte le chemin de récompenser D. Brutus d'avoir résisté à
Rome, et y arrive ta veille des kalendes Antoine et dans la Gaule, Le sénat fait
de septembre. Auxkalend.esde septem- un décret conforme à ces propositions.
bre, Antoine assemble le sénat pour r
Cicéron se présente à l'assemblée du
faire voter des supplications en l'hon- peuple, et expose ce qui a élé ait et dé-
neur de César. Cicéron ne se rend point cidé. C'est le sujet de la quatrième
au sénat, craignant quelque piège d'An- Jhilippique.
toine. il lui fait dire qu'il est indisposé
des suites de son voyage. Antoine dé- 711 43 Consulat de Vibius Pansa et de Q.
piriius. u
clare dans le sénat que, s'il ne se pré-
tent* point, il fera forcer sa maison. Le Aux kalendes de janvier, les consul
'tni 1 43
kgn Ann.
ith. »f.J.C
43 appellent l'attention
Ann.
84
An-doClc I
Ann.
delt*.
à

l'attentiou du sénat sur An- 64 711


,\no..4,n.
'»*. J.C,
43
C,
du général qu'on enverra contre lui. 64
de CM.

toine, qui assiégeait Brutus dans Mo- Cicéron prononce sa onzième Philip.
dène. Pison et d'autres proposent d'en- pique, et démontre qu'il faut choisir
voyer des ambassadeursà Antoine. C'est C. Cassius, et lui donner pouvoir de
alors que Cicéron prononce la cin- poursuivre Dolabella sur terre et sur
quième Philippique, dans laquelle il mer. Présenté à FasseniMëe du peuple
repousse le projet d'ambassade comme par le tribun M. Servilius, il soutient
indigne de la majesté du sénat et du la même cause au milieu des acclama-
peuple romain, et insiste pour qu'An- tions du peuple.
toine soit déclaré ennemi de l'État. Ce- Le consul Pansa propose d'envoyer
pendant la veille des nones de janvier une seconde ambassade auprès d'An-
le sénat rend un décret par lequel Serv. toine pour traiter de la paix. Ceux qui
Sulpicius, L. Pison et L. Philippe sont donnaientles premiersleur avis, deman-
chargés d'aller trouver Antoine et de dent qu'on charge de cette ambassade
lui enjoindre de ne plus attaquer Bru- P. Serviliuset Cicéron. Cicéron déclare
tus, de ne plus lever de troupes, et de que la paix avec Antoine est impossible,
se soumettre aux ordres du sénat et du et refuse cette mission. (xne Philippi-
peuple romain. Cicéron, présenté à que.)
l'assemblée du peuple par le tribun Ap- Pendant que le consul Pansa était à
puléius, parle sur ce sënatus-consulte. l'armée le sénat délibère sur les lettres
C'est le sujet de sa sixième Philippi- que lui adresse M. Émilitis Lépidus.
que. Quelque temps après, le consul pour l'engager à faire la paix avec An-
Pansa consulte le sénat au sujet de la toine. Cicéron, dans sa treizième Phi-
voie Appia et de Monéta, et un tribun lippique, s'oppose encore à cette paix.
du peuple au sujet des Lupercales. Cicé- Il donne lectme des lettres d'Antoine à
ron, à ce propos, sort de l'objet de la Hirtius et à Octavien, et réfute succes-
discussion, et représente la paix avec sivement toutes les raisons qui y sont
Antoine comme déshonorante, dange- exposées.
reuse, et impossible. (vne Philippi- Le 17 des kalendes de mai, Antoine
qtie.) Les ambassadeurs envoyés à An- est vaincu à Modène. Un des deux con.
toine reviennent à Rome au commen- suls, Hirtius, périt dans cette bataille;
cement de février, à l'exception de Serv. l'au tre consul, Pansa, y est grièvement
Sulpicius, qui élait mort en route. Ils blessé, et meurt à Bologne quelques
exposent au sénat les prétentions intolé- jours après. Dès que la nouvelle de la
rables d'Antoine. Le sénat veut décla- victoire de Modène est arrivée à Rome,
rer qu'il y a tumulte, le nom de guerre Cicéron est conduit au Capitole au mi-
déplaisant à quelques-uns. Cicéron, lieu des applaudissementsd'un immense
aux ides de mars, s'oppose à cette me- concours de peuple; il est porté sur la
sure (vme Philippique), et s'élève tribune aux harangues, et reconduit
contre FuOus Calénus, qui propose la en triomphe jusque chez lui.
paix. et contre les autres partisans d'An- La veille des Vinalia, le 1 0 des kalen-
toine. Le lendemain, le sénat ayant à des de mai, Cicéron prononce sa qua-
s'occuperde la récompenseà accorder à torzième Philippique. II propose de
Serv. Sulpicius, Cicéron propose de décréter une supplication de cinquante
lui élever aux Rostres une statue d'ai- jours au nom des trois généraux Hir-
rain en pied. (ixe Philippique.) Le con- tius, Pansa et César Octavien, et d'ériger
sul Pansa ayant Iules lettres de M. Bru- un monument à la mémoire des soldats
tus sur ses succès en Macédoine, Q. qui sont morts pour la défense de la ré-
Fufius Calénus prend la parole contre publique.
lui. Cicéron réfute Calénus dans sa Le 4 des kalendes de juin, M. Lépidus
dixième Philippique, et propose de se réunit à Antoine, qui, après la bataille
maintenir dans le gouvernementde Ma- de Modène, passe les Alpes la veille des
cédoine le proconsul Q. Hortensius, qui kalendes il est déclaré ennemi del'Étal.
avait secondé Brutus dans la levée d'une Quelque temps après, César Octavien
armée. Avant les kalendes d'avril, on abandonne la cause des grands; il
apprend à Rome la mort de C. Trébo- appelle en Italie Antoine et Lépide.
nius, que P. Dolabella avait fait périr Créé consul avec Q. Pédius, il entre
à Smyrne au milieu des plus affreux en fonctions le 10 des kalendes d'oc-
tourmente. Dolabella esl déclaré ennemi tobre.
de l'État, et l'on délibère sur le choix César Octavien, Antoine et Lépide
»!h. •»Ad».
de J. C.
Ann.
de Cie.
Ann.
deR
Ann.
»..J. C. »“,
de Ole.
7tt 43 fontlapaix. Réunis entre Pérouse et Bo- 64 711 43 conséquence Antoine envoie le centu- ei
logne, ils conviennent qu'ils fortneront rion Hérennius et M. Popilius Lénas,
un triumvirat pour gouverner la répu- pour faire périr Cicéron qui «'était re-
blique pendant cinq ans, et qu'ils pros- tiré à Astnra. Il est assassiné le 7 des
criront leurs ennemis respectifs. En ides de décembre.
TABLEAU
ET

ANALYSE DES LOIS CITÉES DANS LES OUVRAGES DE CICÉRON.

AC1LI t consuls, abolissentla dictature. Cette loi et les suivantes


|
furent proposées après la mort de César.
De pecuniis rcpclundis, 652. Manius Acilius Glahrio,
tribun du peuple. Cette loi ordonnait que les prévenus Agraria. M. Antoine charge son frère Lucius de distri-
d'extorsion fussent jugés dans une seule et même au- buer au peuple des terres en beaucoup d'endroits, et
dience. Elle abrogeait la loi Servilia, et fut elle-même entre autres dans les marais Pontins.
abrogée par la loi Cornélia, qui était plus sévère. Judiciaria. Accordait la judicature aux Antesignani,
Manipulâtes et Alaudœ.
ACILIA CALPt1R:i'IA. Voyez CALPURNIA de Ambitu. De provocatione. Permet à ceux qui ont été condamnés
pour violence ou pour crime de majesté, d'en appeler
ACILIA DIDIA. Voyez C jECILIA D1DIA. au peuple.
jEBUTIA. De quinto die ludorum romanarum Cœsari tribuendo.
Antoine demandait, par cette loi, que les jeux romains
Ébulius, tribun du peuple. Celui qui a porté mie loi rela- fussent prolongé» d'un jour en l'honneur de César.
tive à quelque charge, ne peut exercer cette charge, ni De pcrmulationeprovinciarum. Accordait à Antoine la
lui, ni ses collègues, ni ses parents, ni ses alliés. Gaule, qui appartenait à Brutus, consul désigné, et l'A-
sie à Dolabella.
rELIA ET FUFIA.
APULEIA.
607. Q. Élius Pétus et M. Fnfius, tribuns du peuple. Deux
lois distinctes. La première portait que lorsque les co- Agraria, 653. L. ApuléiusSaturninus,tribun du peuple.
mices s'assembleraient, les magistrats observeraient le Donnait au peuple des terres dans la Gaule.
ciel, et que si les présages étaient contraires, ils pour-
raient rompre l'assemblée elle portait aussi que les ma-
Frumentaria. Elle est un renouvellement de la loi Sent-
gistrats revêtus d'une autorité égale à celle du président pronia frumentaria dont il sera question plus tard.
des comices, ainsi que les tribuns, pouvaient s'opposer De coloniis deducendis. Proposait de conduire des colo-
à une loi. nies dans la Sicile, l'Achaïe et la Macédoine.
La loi Fufia défendait de faire aucune loi les jours De majestate. Voici à peu près en quoi elle consistait
fastes.
les lois faites par le peuple assemblé en tribus seraient
obligatoires pour le peuple; lorsqu'un tribun présente-
MAAk SENTIA. rait; une loi au peuple, celui qui s'y opposerait serait
criminel envers l'État; le sénat aurait cinq jours pour
Date incertaine. Il y a bien une loi ^Elia Sentia de 756;
sanctionnerles plébiscites les séuateurs qui refuseraient
mais elle est postérieure à la mort de Cicéron
leur sanction, seraient rayés du nombre des sénateurs,
et payeraient au peuple une amende de vingt talents.
ANNALES.
AQUILLIA.
Dans les premiers temps, on pouvait se présenter à lout
âge aux divers emplois, ou plutôt les règlements qui De damno, 572. L. Aquillius Gallus, tribun du peuple on
existaient à cet égard n'avaient rien de précis. En 573, la peut-être en 467, lors de la retraite sur le Janicule. Cette
loi de L. Villius, tribun du peuple, fixa un âge rigoureux loi concernaitles indemnités.
pour les différentes candidatures. Pour laquesture, trente
et un ans; pour l'édilité, trente-sept; pour la préture,
aquilliajm: FORMULA.
quarante; jour le consulat, quarante-trois. Voyez plus 687. C. Aquillius Gallus,préteur. Règlement sur les cautions
bas la loi Cornelia de magistratibus qui complète dans les contrats.
celle de Villius.
ATESS1A TARPEIA.
ANTONIA.
299. Sp. Tarpéius et A. Aternius, consuls. Cette lui per-
De dictatura tollmda, 709. M. Anloniusct P. Dolabclla, mettait aux magistrats de condamner à des amende*
œui qui aivr.iicm méconnu leur autorité, ces amendes CARBOMS tribunicia. Voyez PAPIRIA de tnbunîs
ne devaient pas excéder la valeur de deux bœufs et de
trente moutons. Un bœuf fut pins tard estimé cent as, plebis reficiendis.
et un mouton, trente.
CARBONIS iabellaria. Voyez TABELLARLE.
ATlNIiE.
CASSIA ET TERENTIA.
Lois sur le droit civil exclusivement.
Frumentaria,
1 680. C. CassiusetM. Térentius, consuls.
AUFIDIA. Selon cette loi, chaque année une somme devait être
prise sur le trésor public, et remise au préteur
692. Aufidins Lurco, tribun du peuple. Elle contenait les pour qu'il
dispositions suivantes si uncandidatavaitpromis de l'ar- en achetât du blé dans la Sicile (et peut-être aussi dans
d'autres pays). prix était fixé pour tous les ans à qua-
Le
gent à une tribu sans rien payer encore, il n'était pas
pun;; s'il avait donné quelque chose, il était condamné tre sesterces le boisseau de blé, et deux sesterces le
boisseau de froment. On devait distribuer à chaque ci-
a payer annuellement toute sa vie une amende de trois
toyen pauvre cinq boisseanx de blé par mois. Voyez
mille sesterces.
la loi Semproniafrumentaria.
AURELIA.
Judiciaria, 683. C. Aurélius Cotta. Accordait aux cheva- CENSORLE.
liers et aux tribuns du trésor le droit de rendre la jus*
tice, auparavant réservé aux sénateurs. ( édits des censeurs portaient sur le trésor et les impôts
Ces
sur la répartition du peuple en tribus et en centuries,
De ambitu. Sur la brig sur les édifices publics, et autres choses semblables.
CjECILIA.
CICERONIS. Voyez TULLLE.
De P. Sulla et P. Aulronio, 690. L. Cérilius Rufus, tri-
bun du peuple, demandait qu'on rendit à P. Cornélius CINCIA.
Sylla et P. Autronius Pétus, condamnés pour brigue par Muneralis, 549. M. Cincius Alimentus, tribun du peu-
la loi Calpurnia, le rang de sénateur et le droit de rem- ple. Elle défend de recevoir de l'argent ou des présents
plir les charges publiques.
pour plaider une cause.
C/ECILIA ET DIDIA.
CLAUDIA.
655. Q. Cécilius Métellus et T. Didius, consuls. Elle vou-
lait que les lois fussent promulguées trois jours de J senatoribus, 535. Q. Clandius, tribun du peuple. Il
De
marché avant d'être présentées. Cicéron en parle aussi n' permis à aucun sénateur, ni à aucun fils de séna-
comme ordonnant qu'une même loi n'eut pas deux ob- teur, de posséder un vaisseau de plus de trois cents am-
jets différents. phores.

CjELIA iabellaria. Voyez TABELLARLE. CLAUDLE.


CJÏPIONIS judiciaria. Voyez SERVILIA judiciaria.
De senatu cooptando Halesinorum,658. Les Halésiens,
L
1J
C.ESARIS LEGES. Voyez JULM.
partagés sur la manière de former un sénat, s'adressè-
CALIDIA. rentau sénat romain, qui chargea C. Claudius Pulcher
de faire plusieurs règlements à ce sujet.
De Q. Metello Numidico, 654. L. Calidius, tribun du peu-
ple, demandaitqu'on renditle droit de cité a Q. Métellus CLODIA.
Kumidicus, que Saturninus avait fait exiler.
Frumentaria
.F 695. Le peuple, conformément à une loi
CALPURNIA. de Gracchus payait pour chaque boisseau six as et un
tiers. P. Clodius lui fit distribuer le blé gratuitement.
Depecuniis repetundis, 604. L. PisonFrugi, tribun du
peuple. Si des magistrats romains ou leurs aides avaient De censoria notione. Le censeur ne devait rayer un ci-
D>

illégalement levé des contributions sur des provinces, toyen de la liste des sénateurs qu'après l'avoir accusé
publiquement et condamné par un arrêt.
ou commis tout autre délit, c'était à Rome que l'action
devait être intentée contre eux, et que les restitutions De collegiis. Cette loi rétablissait les anciennes associa-
devaient être faites. tions d'ouvriers abolies par le sénat.
Deambttu, 686. C. Calpurnius Pison, consul. Celte loi fl| auspiciis. Abolissait les lois Élia et Fvfia
De citées plivs
interdisait pour toujours les magistratures à ceux qui loin.
étaient convaincus de brigue.
/n Ciceionem. Cette
Jn loi, dirigée contreCicéron, interdisai t
CANULEIA. le feu et l'eau à ceux qui avaient fait périr des citoyens
qui n'avaient pas été condamnés.
De connubio patrum et plebis, 308. C. Canuléius, tri-
bun du peuple. Cette loi permettait le mariage entre les Dt rege Plolemœo et de exsttlibus Byzantinis. Ene
De
familles patriciennes et plébéiennes interdit par les dc- dépouillait deses Étals te roi de C) pie, pour le punir de
cfimirs. n'avoir pas voulu payer la rançon de Clodius, pris par
des pirater, et renvoyait dans leur patrieles exilés byzan- teur était arrivé dans la province, celui-ti devait la
tins. quitter.
De provinciis consularibus. Elle donnait à Pison toute Teslamentaria. Cette loi concerne les faussaires en fail
la Macédoine et la Grèce, et à Gabinius, la Syrie, pour de testament; elle prononce le dernier supplice contre
les récompenserd'avoir seconde Clodius. les esclaves, et la déportation contre les gens libres.
De Pessinuntio Matris magnas sacerdote. Elle dépouil- Nummaria. Contre les faux monnayeurs.
lait de sa charge le prêtre de Cybèle de Pessinoute, en Deproseriptione. Elle ordonnait de vendre les biens des
Phrygie. proscrits, interdisait à leurs enfants l'accès des hon-
De libertinorum suffragiis. Cette loi distribuait les ai- neurs et imposait aux fils de sénateurs les charges de
franchis dans les diverses tribus où ils auraient le ce titre, sans leur laisser le titre même.
droit de suffrage. Corneliœ agrariœ. Ces lois ordonnaient de vendre tes
biens des criminels d'État, et de les donner aux vété-
COCTIA. rans.
L. Aurélius Cotta. Cette loi réglait les jugement- Majestatis. Elle déclarait criminels d'État ceux qui condui.
saient leur armée hors de leur province, qui entrepre-
CORNELLE. naient une guerre de leur propre chef, et soulevaient
les soldats.
De senatu cooptando Agrigentinorum, 548. P. Corné-
lius Scipion l'Africain. C'étaient des lois puur la forma- De magistratibus. Elle défendait de commander une ar-
tion du sénat d'Agrigente. mée avant d'avoir été questeur, et d'être consul avant
d'avoir commandé une armée; elle prescrivait qu'on ne
CORNELIA, L. CINNJ2. pût être nommé une seconde fois à la mêmecharge qu'a-
près un intervalle de dix ans.
De novorum civium et libertinorum suffragiis 666-
L. Cinna, consul. Cette loi distribuait les affranchis dans De civitate. Cette loi enlevait aux peuples d'Italie (qui
toutes les tribus. avaient embrasséle parti de Marins) le droit de cité, en
leur laissant toutefois le droit d'hériter et d'aliéner leurs
CORNELLE, L. SULL£. biens.
Tribunicia, 672. L. Sylla, dictateur. Cette loi restrei- CORNELIA, C. CORNELII.
gnait le pouvoir des tribuns; elle leur interdisait d'as-
pirer à d'antres magistratures,et leur otait dans certai- 666. C. Cornélius,tribun du peuple.
nes occasions, le droit de s'opposer à une loi. Il proposa une loi qui portaitd'abord que nul ne pour-
rait être exempté des lois que par le peuple; il la modifia
Judiciaria. Par cette loi, Sylla rendait aux sénateurs le ensuite, et laissa aux sénateurs le droit d'exempter des
droit dejuger, dont C. Gracchus les avait dépouillés au
lois quand ils seraient au moins deux cents. Par une
profit des chevaliers. autre loi, ilordonnait que les préteurs rendissent la jus-
De sententia ferenda. Avant qu'on délibérât pour tice conformémentà leurs édits perpétuels.
rendre la sentence, l'accusé avait le droit de demander
qu'elle fût prononcée à haute voix ou écrite sur des but- De restihiendo Cicerone, 696. Publius Lentulus, consul,
demandait le rappel de Cicéron.
letins.
COTT.'E. Voyez AURELIA.
De rejectione judicum. Par cette loi les chevaliers et
les plébéiens accusés n'avaient le droit de récuser que CRASSI. Voyez LICIN'LE.
trois juges; les sénateurs pouvaient en récuser davan-
tage. CURIAT/E.
De repetundis. Si la fortune d'un homme qui avait été Lois que rendait le peuple assemblé par curies.
condamné pour extorsion ne suffisait pas pour payer
le procès, il était permis de poursuivre ceux entre les DOiMiTIA.
mains de qui ces biens avaient passé. Voyez la loi Julia De sucerdotiis, 649. Cn. Domitius (Ahénobarbus),tribun
de repetundis. du peuple. Cette loi donnait au peuple l'élection de.
De sicariis et veneficis. Elle condamnait à mort les as. pontifes, augures, quindécemvirs,etc., qui auparavant
sassins et ceux qui attentaient par des sortilègesà la étaient élus par leurs collèges respectifs.
vie des autres citoyens.
DUODECIM TABÎJLARUM.
De provinciis ordinandis. Voici plusieurs chefs de cette
303-4. Portées par les décemvirs.
loi: 1° elle limitait les dépenses que pouvaient faire
les provinces quand elles envoyaient à Rome des am- FABIA.
bassadeurs pour louer dans le sénat ceux qui les avaient
gouvernée^; 2° ceux qui étaient gouverneurs d'une De plagiariis. La date et l'auteur sont incertains. Elle
province en vertu d'un sénalus-consulte, restaient en- punissait celui qui emprisonnait, vendait ou achetait
core gouverneurs tant qu'ils n'étaient pas entrés dans un citoyen romain, ou disposait d'un esclave qui ne lui
Rome; 3° trois ionrs après que le successeur d'un pré- appartenait pas.
De numéro sectalorum. Cette loi limitait le nombre des nerait le mois de février tout entier à la réception de.
sectatores,c'est-à-dire, de ceux qui accompagnaient tou- ambassadeurs.
jours les candidats. Elle ne fut pas admise.
GELLIA ET CORNELIA.
FANMA de Peregrinis. Voyei JUNIA.
De civi!ate, 681. L. Gellius et Cn. Cornélius, consuls.
FABRICIA. Cette loi reconnaissaitle droit de cité à ceux à qui Cn.
Pompée l'avait accordé, sur l'avis de son conseil.
De reditu Ciceronis, 696. Q. Fabricius tribun du peu-
ple. demande le rappel de Cicéron. HERENNIA.

FLAMINIA. 693. C. Hérennius, tribun du peuple, demande par celle


loi que tout le peuple se réunisse dans le Champ de Mars
Agraria, 521. C. Flaminius, tribun du peuple. Il propo- pour juger l'affaire de Clodius.
sait par cette loi de distribuer au peuple les terres du
Picénum, enlevées aux Gaulois Sénonais. HIERONICA.
Frumentaria. Cette loi affermait les terres publiques de
FLAYIA. Sicile aux mêmes conditions que Hiéron avait autrefois
imposées à ses fermiers. Elle fut imposée par le préteur
Agraria, 693. L.Flavius,tribundupeuple.Voici plusieurs Rupilius aux Siciliens, lors de la réduction de la Sicile en
dispositions de cette loi. Le territoirequi, sous le consu-
province romaine.
lat de P. Mucius et de L. Calpurnius, avait été mis dans
le domaiae public, et qu'aprèsleur consulat le sénat avait HIRTIA.
vendu, devait être partagé, et les acheteurs rembour-
sés les terres des habitants de Volaterre et d'Arrétium, De Pompeianis, vers 707. A. Hirtius, préteur, porta, à
l'instigation de César, cette loi qui excluait des dignités
que L. Sylla, dictateur, avait données à l'État, et n'avait
les partisans de Pompée.
pas vendues,devaient être vendues l'argent des impôts
levés dans la dernière guerre devait être employé à JULIA.
acheter des terres pour les distribuer au peuple.
De civitate sociorum, 663. L. Jules César, consul. Cette
FUFIA. loi accordait le droit de cité aux alliés et aux Italiens
qui voulaient l'accepter.
Dereligione, 692. Q. Fufius Calénus, tribun du peuple.
Clodius avait violé les mystères de la Bonne Déesse; le Agraria, 691. C. César, consul, puis dictateur. Cette loi
consul demandait que les juges de Clodiusfussentchoisis ordonnait de distribuer des terres dans la Campanie
environ à vingt mille citoyens pauvres, pères de trois
par le préteur. Fufius proposa de les tirer au sort, dans
l'intérêt de Clodius. enfants ou d'un plus grand nombre.
De provinciis. Une disposition de cette loi interdisait aux
FURIA. préteurs de prendre le commandement d'une province
Testamentaria.C.Furius. Cette loi portait que nul, sauf avant un an, et aux consuls, avant deux années. Elle
quelques personnes désignées, ne pouvait recevoir un ordonnait aussi que les villes libres fussent régies par
legs de plus de mille as, et condamnait les infracteurs leurs propres lois et leurs propres magistrats, et non
à payer le quadruple de la somme reçue. par des magistrats romains.
De pecuniis repetundis. Cette loi contenait plus de cent
FURIA ET ATILIA. articles; elle donnait recours à ceux qui avaient été dé-
617. P. Furius et Sex. Alilius, tribuns du peuple. Caïus pouillés contre ceux aux mains de qui seraient passés
Mancinus, pour obtenir d'être livré aux Numantins,avec leurs biens.
lesquels il avait fait un traité sans le consentement du De sacerdoliis. Cette loi permettait de nommer des ab-
sénat, fit présenter par ces deux tribuns une loi qui le sents aux fonctions sacerdotales. Elle est renouveléede
remettait aux mains des ennemis. la loi Domitia.
GABINIA. De liberis legationibus. Cette loi limitait à cinq ans la
durée des ambassades libres.
De uno imperatore contraprœdones constituendo, 686. Sumptuaria. Cette loi limitait la dépense des repas, et
A. Gabinius, tribun du peuple. Cette loi donnait à Pom-
ne permettait l'usage des litières, de la pourpre et des
pée le commandementde toutes les forces de mer, et le perles, qu'à certaines personnes, à certain âge et à
pouvoir d'un proconsul dans toutes les provinces dans
certains jours.
un rayon de cinquante milles, à partir de la mer, pour
détruire les pirates. Depublicanis.Cette loi relevaitles fermiers généraux du
tiers des sommes qu'ils devaient payer.
De versura Rmnœ provinchuious non facienda. Cette Jul. judiciariœ. Ces lois accordaient le droit de juger aux
loi interdisait aux habitants des provinces d'emprunter sénateurs et aux chevaliers, à l'exclusion des tribuns du
<ians Rome à un citoyen pour en payer un autre. trésor.
De senatu legatis dando. Elle décidait que le sénat don- De vi de majestade. Elle» interdisaient l'eau et le feu a
eeux qui s'étaient rendus coupables de violence ou de MAMIL1A.
crime contre l'ttat.
Juliœ, Cœsare mortno a M. Antonio fixa. Lois qu'An- De limitibus, 643. C. Mamilius, tribun du peuple. Cette
toine prétendit avoir trouvées dans les mémoires de loi ordonnait de laisser en friche un espace de cinq
César. pieds entre deux propriétés.
De rege Dejotaro. Le roi Déjotarus avait été dépossédé De Jugurthœ fautoribus. Elle ordonnait d'informer
de la tétrarchie et de l'Arménie par César, pour avoir contre ceux dont les conseils avaient poussé Jugurtha
suivi le parti de Pompée cette loi les lui rendait. à mépriser les décrets du sénat, et contre ceux qui, dans
De Creta. Cette loi donnait la liberté à la Crète, à l'expi- leurs commandements ou dans leurs ambassades, en
ration du pouvoir de M. Bmtns dans cette province. avaient reçu de l'argent, ceux qui avaient livré des
De cxsulibus. Cette loi rappelait les citoyens exilés par éléphants, des transfuges, et ceux qui avaient fait des
César. pactes avec lui pour la paix ou la guerre.
De Siculis. Cette loi accordaitle droit de cité aux Siciliens.
MANILIA.
JTJLIA et PAPIRIA.
De suffragiorum confusione, 686. C. Manilius tribun
323. C. Julius et Papirius, consuls. Cette loi évaluait le du peuple. Cette loi permettait aux affranchis de voter
bétail qui était saisi pour payer les amendes. Voyez la dans toutes les tribus. C'est un renouvellement de la
loi Aternia Tarpeia. loi Cornelia.
JUNIA. MANILIAN.E.
De peregrinis 627- M. Junius Pennus, tribun du peu. Venalium vendendorum, 604. M. Manilius, consul.
ple. Cette loi chassait de Rome tous les étrangers. C'étaient des formules pour les ventes et les achats.
JUNIA ET LICINIA. MARCIA.
691. Licinius Muréna et Junius Silanus, consuls. Cette loi
consacrait par des punitions sévères la loi Cécilia Didia, Agraria, 649. Loi agraire proposée par L. Marcins Phi-
dont il a été fait mention plus haut. lippus, tribun du peuple.

LICINIA. MAKIA.

377. C. Licinius Stolon (?), tribun du peuple. Elle contient 634. C. Marius, tribun du peuple, proposait de rétrécir
les mêmes dispositions que la loi Ebulia. Voyez plus les ponts sur lesquels on passait pour porter son suffrage
afin que personne ne pût voir le contenu du bulletin, et
haut.
pour prévenir l'intrigue.
De sacerdotiis, 698. M. LiciniusCrassus, consul. Par cette
loi, qui ne fut pas adoptée Licinius voulait donner au MESSIA.
peuple le droit d'élire les prêtres. Voyez la loi Domitia.
De revocando Cicerone, 696. C. Messins, tribm du peu.
De sodalicüs. Contre les sociétés formées dans le dessein
ple, demandait le rappel de Cicéron.
de briguer pour faire obtenir une place à quelqu'un. Cette
loi était très-sévère. De Cn. Pompeii imperio. Pompée avait re des pleins
LICINIA-MUCIA. pouvoirs pour cinq ans pour approvisionner Rome de
blé; Messius fit remettre entre ses mains tout le trésor,
De civibus redigundis, 658. L. Licinius Crassus et Q.
Mucius Scévola, consuls. Un grand nombre d'Italiens une armée, une flotte, et lui fit donner dans toutes les
provinces une autorité supérieure à celle des procon-
avaient usurpé le droit de cité. Cette loi le leur ota et
suls.
leur ordonna de rentrer dans leur pays.
MILITARES.
LICINIA.
Lois pour l'armée. Une de ces lois permettait à un soldat
De creandis triumviris epulonibus, 557. C. Licinius envoyé par le sort dans une légion dont le tribun com-
Lucullus, tribun du peuple. Cette loi créait trois pon- mandantjui semblerait être son ennemi, de passer dans
tifes surnuméraires pour aider les pontifes dans l'ordon.
une autre légion.
nance des fêtes religieuses.
MUCIA.
LIVIA.
De L. Tabula, 612. Mucius Scévola demandait par cette
Judiciaria, 662. M. Livius Drusus, tribun du peuple. loi qu'on informât contre L. Tubulus, qui, dans sa
Cette loi parait avoir eu deux dispositions première- préture ayant à juger des assassins, s'était laissé évi-
ment, que les juges seraient pris indifféremment parmi demment corrompre.
les chevalierset les sénateurs en second lieu, que les ju-
ges qui auraient accepté de l'argent seraient poursuivis. OCTAVIA.
MŒNIA. Frumentaria, 666. M. Octavius, tribun du peuple. Cette
466. Ménius, tribun du peuple. Cette loi ordonnait au loi abrogeait la loi Sempronia, ou plutôt la modifiait, en
sénat de ratifier par avance les décisions du peuple. élevant le prix du blé qui était vendu au peuple.
FAPIA. pouvait pailer deux heures, et l'on en avait trois pour
se défendre.
De peregrinis ex urbe ejiciendis, 688. C. Papius,
tribun du peuple. Cette loi ordonnait aux étrangers de POKCLE.
sortir de Rome, et aux alliés du nom latin, de retour- 697. C. Caton, tribun du peuple.
ner dans leur pays. C'était un renouvellement de la loi
Junia. PUPIA.

PAPIRIA. De senatuhabendo, 529 (?). Cn. Pupius, tribun du peu.


ple (?). Cette loi défendait au sénat de s'assembler avant
De consecratione œd'mm. Vers 449 (?). Cette loi défendait les calendes de février, et dans tout le mois de février.
de consacrer un temple ou un édifice sans l'ordre du avant d'avoir entendu les ambassadeurs.
peuple.
De tribunis plebis reftetendis 622. C. Papiritis Carbon REMMIA.
tribun du peuple, demandait par cette loi qu'on pût
réélire un tribun du peuple autant de fois qu'on vou- De calumniatoribus.Cette loi condamnait les calomnia-
drait. teurs qui ne pouvaient pas prouver ce qu'ils avaient
avancé.
PEDUCjEA. BOSCIA.

610. Ses. Péducéus, tribun du peuple. Il accusait par Theatralis, 686. Roscius, tribun du peuple. Roscius de-
cette loi L. Métellus, grand pontife, et tout le collège des mandait que dans le théâtre les quatorze premiers gra-
pontifes, d'avoir mal jugé l'inceste de plusieurs vestales. dins fussent réservés aux chevaliers. D'autres places
étaient assignées à ceux des chevaliers qui avaient dissipé
PRETORIA (LJETOMA?).
leur fortune.
De circumscriptione adolescentium, 490. M. Létorius RUPILIA.
Plancianus, tribun du peuple. Cette loi protégeait les
mineurs. Elle défendait de contracter avant vingt-cinq De cooptando senatu, Heracliotarum, 622. P. Rupi-
ans. lius, proconsul.Il envoya une colonie à Héraclée, et régla
la formation du sénat, comme autrefois Scipion avait fait
PLAUTIA (seu PLOTIA).
pour celui d'Agrigente.
Agraria, 655. A. Plautius Silanus, ou 664 M. Plautius Dejtidiciis. Conformément au décret du sénat, et avec
Silvanus. Elle contenait les mêmes dispositions que la l'avis des dix ambassadeurs, Rupilius donna des lois ju-
loi Flavia. diciaires aux Siciliens.
Judiciaria, 664. M. Plautius Silvanus, tribun du peuple. De re frumentaria. Cette loi défendait aux laboureurs
Cette loi admettait des plébéiens à juger avec les séna- de donner une caution hors du forum.
teurs et les chevaliers. Chaque tribu nommait annuelle-
ment quinze juges. SACRAT^E.

PLAUTIA (seu PLOTIA) ET LUTATIA. On entend par lois sacrées celles qui prononcent l'inter-
diction religieuse,et plus particulièrement celles qui
De vi. Contre la violence. furent portées pendantla retraite du peuple sur le mont
sacré l'an de Rome 260. Voici ces dernières
POMPEIA. Chaque année, on devait élire cinq tribuns pris dans
Tribunicia, 683. Cn. Pompée et M. Crassus, consuls. le peuple pour le défendrecontre l'autorité des consuls;
Cette loi rétablissait le pouvoir des tribuns du peuple Ces tribuns seraient inviolables
qui, sous Sylla, avait été complétement effacé. Les plébéiens seuls pouvaient le devenir.
Il faut peut-être y ajouter les suivantes
Judiciaria, 698. Cn. Pompée, à son second consulat. Elle On ne pourrait prononcer la peine de mort que dans
ordonnait d'élire les juges parmi les citoyens les plus les comices par centuries;
riches dans les trois ordres. On ne pourrait pas porter de lois contre un particu-
De imperio Cœsari prorogando, 698. Cette loi prorogeait lier.
le proconsulat de César pour cinq années.
SCATINIA (seu SCANT1NIA). ).
De ni, 701. Dans son troisième consulat, Pompée de-
manda par cette loi qu'on informât extraordinairement De nefanda Venere. Scatinius, tribun du peuple, ou C.
touchant le meurtre de Clodius, l'incendie du sénat et Scantinius Capitolinus. Cette loi punissait d'une amende
l'attaque faite contre la maison de l'interroi M. Lépidns. de dix mille as les amours illicites.

De jure magistratuum. Cette loi excluait des candida- SCRIBOSIA.


tures tout citoyen absent; elle n'exceptait que J. César.
Pompée, par une loi, modifia la forme des jugements. Viaria. 703. C. Scribonius Curion, tribundu peuple.
Elle accordait trois jours à l'audition des témoins, et le Cette loi établissait un Impôt pour entrenen des
quatrième la sentence devait être rendue. L'accusateur routes.
Alimentana. Sans doute cette loi ordonnait des distri-
butions gratuites 'dcblé au peuple. TABELLARLE.

SEMPRONLË T. GRACCHI. CABINLI.

C20. Tib. Sempronius Gracchus, tribun du peuple. Tabellaria, 614. Gabiuius, tribun du peuple, demande
Une de ces lois défendait de posséder plus de cinq cents par cette loi que pour l'élection des magistrats on se
arpents déterres publiques. servit de bulletins au lieu de la faire à haute voix. Ce
fut la première loi qui établit ce mode de voter.
SEMPRONUE C. GRACCHI.
CASSIA.
Frumentaria, 630. C. Gracchus tribun du peuple. Tabellaria,
Cette loi ordonnait de vendre le blé au peuple un tiers 616. Cassius Longinus, tribun du peuple.
et une moitié ou dix douzièmes d'as le boisseau, et de Cette loi demandait le vote par bulletins pour tous les
faire sur le trésor public les avances pour l'achat du blé. jugements, excepté pour les crimes de trahison.

De capite civium romanorum. Cette loi défendait de PAPIRIA.


condamner un citoyen à mort sans l'intervention du
peuple. Tabellaria, 622. C. Papirius Carbon, tribun du peuple,
étendit cette manière de voter à l'adoption des lois.
Judiciaria. Cette loi donnait aux chevaliers le droit de
juger, qui auparavant appartenait au sénat. COELtA.

Ne quis judicio cïrcumvenirelitr. Loi contre la corrup- Tabellaria, 646. Célius, tribun du peuple, demanda que
tion des juges. les crimes de trahison exceptés par la loi Cassia fussent
jugés aussi par bulletins.
De provinciis consularibus. Par cette loi, chaque année,
avant les comices pour l'élection des consuls, ou choi- THORIA.
sissait deux provinces entre toutes qui portaient le nom
de provinces consulaires. Agraria, 646. Sp. Thorins, tribun du peuple. Cette loi
dispensait de la redevance ceux qui possédaient pour
De provincia Asia. Cette loi retirait les fermiers de l'A. un temps des terres en Italie. Elle contenait aussi des
sie pour lui imposer un tribut. reglements sur les pâturages.
s.

SERVILIA. TITIA.

Judiciaria, 647. Q.'Servilius Cépion, consul. Cette loi Agraria. Sext. Tilius, tribun du peuple. Loi agraire.
ordonnait de choisir parmi les chevaliers et les séna-
TULLIA.
teurs les juges qui, dix-sept ans auparavant, par la loi
Sempronia, devaient être choisisparmi les sénatenrs à De ambitu, 690. M. Tullius Cicéron consul. Cette loi
l'exclusion des chevaliers. confirmait par des peines plus sévères la loi Calpurnia.
Voici plusieurs de ses dispositions Elle ajoutait dix
De pecuniis repetundis. C. Servilius Glaucia, tribun.
Cette loi accordait à celui qui était accusé d'extorsion
ans d'exil aux autres peines déjà prononcées; elle dé-
fendait de donner des combats de gladiateurs pendant
une seconde séance pour se défendre. Par une autre dis. deux ans, du moment qu'on se déclarait candidat pour
position de cette loi, celui des Latins alliés du peuple
quelque emploi.
romain qui accusait et faisait condamner un citoyen
De liberis legationibus. Cette loi limitait à une année le
romain, prenait le rang du coupable.
temps de l'ambassade libre. Voyez la loi Julia, sur le
SERVILIA ( RULLIJ. même objet.

Agraria, 689. P. Servilius Itullus, tribun. Cette loi or- VALERIA.


donnait la création de dix commissaires avec des pou-
De provoeatione. P. Valérius Publicola, consul. Cette
voirs illimités pour acheter et vendre des terres et les loi défendait aux magistrats d'exécuter la sentence
distribuer au peuple, et établir de nouvelles colonies où contre un citoyen romain, s'il voulait en appeler au
ils le jugeraient convenable. Leur pouvoir devait durer peuple.
dix ans. Cicéron, alors consul fit rejeter cette loi.
VALERLE ET HORATLE.
SESTIA.
304. L. Valérius et M. Horatius, consuls, portèrent une
De revocando Cicerone, 696. P. Sestius, tribun du peu. loi qui défendait de créer aucune magistrature sun9
ple, demandait le rappel de Cicéron. appel, et permettait de tuer celui qui avait fait une
semblable proposition.
SULPICIA.
VALERIA.
De ersulibus reducundis, 665. P. Sulpicius, tribun du
peuple. lai sur le retour des exilés. Decivitate Valliphanœveliensis, 655. C. Yalér. FIjoth,
préteur urbain. Par cette loi, il proposait de donner le De L. Vellii judicio. L. Vettius, homme corrompu, avait
droit de cité à Calliphane,de Vélie, prêtresse de Cérès. annoncé, à l'instigation de Vatinius, qu'il indiquerai!
De œre alkno, 667. L. Valérius Flaccus consul. Cette bon nombre de nobles qui avaient conjuré contre Pom-
loi portait que les débiteurs seraientlibérés en ne payant pée et l'avaient chargé de l'assassiner. Il fut jeté en pri-
que le quart de leurs dettes. son, et tué par ceux qui l'avaient poussé à cette dénon-
De Sulla dictatore, 671. L. Flaccus, interroi. Cette loi ciation. Vatinius promulga une loi par laquelle il de.
ratifiait tous les actes de Sylla pendant sa dictature. mandait qu'on informât contre ceux que nommerait
Vettius. Elle ne fut pas adoptée.
VARIA.
YERRÎA.
Pu majestate, 662. Q. Varius, 'tribun du peuple. Cette
loi ordonnait d'informer contre ceux qui avaient, par Frumentaria. Cette loi fixait la redevance à payer aux
leurs intrigues, provoqué la guerre Sociale et la guerre fermiers.
civile.
VATINIA. VIARIA. Voyez SCR1BONIA.

De imperio C. Ccesaris, 694. P. Vatinius, tribun du peu- VILLIA annalis. Voyez ANNALES.
ple. Cette loi chargeait César de conduire des troupes
VOCONIA.
dans la Gaule cisalpine et l'Illyrie, et lui donnait pour
cinq ans le commandement de trois armées. 584. Q. Voconius Saxa, tribun du peuple. Cette loi dé-
De rqectione judicum. Cette loi permettait à l'accusé fendait à celui qui possédait cent mille as d'instituer sa
et à l'accusateurde rejeter une fois chacun tous les ju- femme son héritière; par une autre disposition, elle dé-
ges. Auparavant, on ne pouvait en récuser qu'un certain fendait aussi que la somme des legs excédât la part des
nombre. héritiers.
TABLEAU
DE L'ANCIEN CALENDRIER ROMAIN,
DEPUIS L'AN DE ROME 691 JUSQU'A L'AN 709;

suivi d'uk

TABLEAU COMPARATIF
DES MOIS DE L'ANCIENNE ANNÉE ROMAINE ET DE CEUX DE L'ANNÉE
DE JULES CÉSAR;

ET DE I.A

SUITE DES CONSULS,


DEPUIS L'AN DE ROME 690 JUSQU'A L'AN 711, SELON LA CHRONOLOGIE DE CATON
ET CELLE DE VARRON.
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LA SUITE DES CONSULS

DEPUIS L'AN DE ROME 690 JUSQU'A L'AN 7U.

CHRONOLOGIE.
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CatoD. Varron. Av. J. C
689. 64. L. Jules César, C. Marcius Figulus.
690.
190. 691. 65. M. Tullius Cicéron, C. Antonius.
691. 692. 62. D. Julius Silanus, L. Licinius Murena.
692. 693. 6i. M. Pupius Pison, M. Valerius Messala.
693. 694. 60. Q. Cécilius Metellus Celer, L. Afranius.
694. 695. 39. C. Jule César, M. Calpurnius Bibulus.
695. 696. 38. L. Calpurnius Pison Césoninus, A. Gabinius.
696. 697. 87. P. Cornelius Lentulus Spinther, Q. Cécilius Metellus Nepos.
697. 698. 86. Cn. Cornélius Lentulus Marcellinus, L. Marcius Philippus.
698. 699. 38. Cn. Pompée ( le Grand ) II M. Licinius Crassus n.
699. 700. 84. L. Domitius Ahénobrabus, Ap. Claudius Pulcher.
700. 701. 83. Cn. Domitius Calvinus, M. Valérius Messala.
701. 702. 82. Cn. Pompeé (le Grand) III.
702. 703. 81. Ser. Sulpicius Rufus, M. Claudius Marcellus.
703. 704. 80. L. Émilius Paullus, C. Claudius Marcellus.
704. 705. 49. C. Claudius Marcellus, L. Cornélius Lentulus.
705. 706. 48. C. Jules César II, P. Servilius Vatia Isauricus.
706. 707. 47. C. Jules César Il dictateur, M. Antoine maître de la cavalerie.
707. 708. 46. C. Jules César III M. Émilius Lépidus.
708. 709. 48. C. Jules César, Consul IV, et Dictateur II, M. Émilius Lépidus, maître
de la cavalerie.
709. 710. 44. C. Jules César V., M. Antoine
710. 711. 43. M. VibinsPansa, A. Hirtius.
RHÉTORIQUE,
A C. HËRENNIUS.

INTRODUCTION. un homme qui aurait tenu école de rhétorique M plaindrait-


il de n'avoir pas assez de loisir pour écrire sur son art, parce
On a longtemps et longuement discuté la question de que son temps serait pris tout entier par le soin de ses af-
savoir si la Rhétorique à Hérennius devait être comptée faires domestiques et l'étude de la philosophie? Et ne
parmi les ouvragesde Cicéron. Derespectablestémoignages savons-nous pas au contraire que, dès ses plus jeunes an-
parmi les anciens la lui ont attribuée de la manière la moins nées, Cicéron montra pour la philosophie le goût le plus
douteuse, entre autres nniinus Priscien et surtout saint prononcé, et qu'il ne cessa jamais pendant toute sa carrière
Jérôme, qui dit en propres termes lege ad Herennium de lui demander ses plus pures jouissances et ses délasse-
Tullii libros. Après eux, et sur la foi des plus anciens ments les plus doux? Ajoutons que le caractère de cette
manuscrits presque tous les éditeurs du quinzième et du philosophie,tel qu'il se montre dans l'invective lancée con.
seizième siècle se sont rangés à cette opinion. Quelques-uns tre les stoïciens, liv. II chap. 1 est le même que dans la
même ont désigné ce traité sous le nom de Rhetoricavêtus, plupartdes autres ouvragesphilosophiques de notre auteur.
C'est cet éloignement c'est ce dédain pour la doctrine du
pour le distinguer de celui de l'Invention, sur l'authenticité
duquel on n'a jamais élevé de doute. Portique, que manifeste en toute occasion l'admirable et
Mais plus tard, quelques savants remarquèrent que abondant interprète des doctrinesde l'Académie.
Quintilien, dans plusieurs passages, cite comme emprun- Les opinions, ou plutôt les impressions politiques qui
tées à Cornificius des expressionsqui se rencontrent dans se remarquent dans cet ouvrage ne trahissent pas moins
les livres à Hérennius. On ne manqua pas d'en conclure que la main du jeune Cicéron, du Cicéron des premiers discours
la Rhétorique avait été attribuée à tort à Cicéron, et sur et même de l'adversaire de Verres. A cette époquede sa vie
un si faibleindice, on en disposa en faveur de Cornificius. il n'a de sympathie que pour les Gracques et pour les autres
Dans le plaisir que leur causait cette découverte, ces sa- chefs du parti vaincu par Sylla dont il déteste et ilétrit le
vants ne firent pas attention qu'on trouve dans le même triomphe; il justifie Saturninuset parle avec amertumedes
Quintilien beaucoup d'expressions de Cornifîcins' qui ne cinq tribuns égorgés dans l'espace de quarante-cinq ans.
se voient pas dans la Rhétorique, et que rien n'est plus Ce sont enfin les sentimentset le langage de celui qui écri-
simple et ne doit prêter moins à des conjectures de ce genre vait à la même époque le poème deMarius, le défenseur
quequelqnesnéflnitionssemWablesde certaines figuresdans des idées démocratiques.
im sujet spécial, où doivent se reproduire inévitablement
1 Aucun des faits contemporainscités dans l'ouvrage ne
des ctassifications pareilleset des nomenclaturesidentiques. contredit cette remarque, que fortiiient au contraire toutes
Mais les érudits ne renoncent pas facilement à leurs inven- les concordances historiques. Depuis le traité honteux de
tions aussi persista-t-onà mettreCornificiusen possession Popilius Lénas l'an de Rome 646, un an avant la naissance
de la Rhétorique. Maisquel était ce Cornificius?Quintilien de Cicéron, jusqu'au meurtre du tribun Sulpicius, vingt
lie l'ayant pas fait suffisamment connaître, il fallut bienac- ans après tous les événements dont il est ici question
cumuier les hypothèses. On finit par trouver trois Cornifi- étaient pour lui on présents, ou si récents, qu'ils devaient
cius au lien d'un. Un critique plus sévère, Schùtï ayant s'offrir naturellementà son esprit, toutes les fois qu'il cher-
démontré qu'aucun d'eux ne pouvait être celui qu'on cher- chait des sujets ou des exemples. Le choix de citations em-
chait, les conjectures prirent une nouvelle direction sans pruntées de préférence à Ennius, à Pacuvius, et aux autres
autre règle alors que le caprice particulier on se passa de poétes dramatiques, n'est pas un signe moins certain. On
Quintilien, et on étendit d'autant plus les bornes de la sait de Cicéron lui-même qu'il eut dès sa jeunesse un gotU
discussion, qu'il devenait plusdifflcile de la soutenir. particulier pour le lliéatre. Il avait été l'admirateur pas-
Nous ne discuterons pas tontes ces hypothèses. M. Le- sionné de Roscius avant d'en être l'ami et le défenseur.
clerc a trop bien résumé ce long débat, et établi trop solide- Si de ces observations, qui regardent l'homme, nous
ment les faits, pour qu'il ne nous suffise pas de donner un passons maintenant à celles qui concernentplus particuliè-
aperçu de son grave et ingénieux travail. Encore, parmi rement l'écrivain, nous trouvonstout aussi peu de motifs
toutes les raisonsqu'il développe pour conserver à Cicéron de doutes.
le titre qu'on lui dispute, nenousarreterons-nousqu'à celles Cen'est pas un maître qui a fait ce livre, ce n'est qu'un
qui ressortent de l'ouvrage lui-même et qui sont les plus disciple. On sait que les premiers ouvrages d'un jeune
concluantes parce qu'elles sont les plus sures. Partout où écrivain sont presque toujours empreints de l'esprit de
nous pourrons retrouverdes traces des sentiments et des ses modèles. Or ce qui frappe tout d'abord dans les livres
habitudes de celui qui plus tard ne laissa rien ignorer sur à Hérennius ce sont des divisions trop multipliées et trop

'hypothèses des érudits, et après avoir une fois reconnu et


lui-même nous pourronsnous y fier plus sûrement qu'auxconfuses, nu certain désordre dans l'énumération des parties
dans celle des figures, un abus de conclusions après cha.
l'homme, nous serons bien près d'avoir aussi retrouvéS que matière qui, sous le prétexte de transitions, ne sont
l'écrivain. le pins souvent que des redites, enfin les défauts qui an-
D'abord, la première phrase de l'ouvrage ne permet pascusent avant tout une soumission trop docile à la mé-
de t'athibuer un rhéteur
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CICÉRON. TOME 1. l
M jeunesse que des maîtres de cette nation; il était donc ARGUMENTS.
tout naturel qu'il leur empruntai dans ses premiers
essais la forme de leurs compositions et qu'il en reprodui-
sit tous les vices. De plus, c'est dans leur langue qu'il
s'exerçait le plus souvent (Brutus, chap. 90) de là un LIVRE PREMIER.
penchant presque irrésistibleà transporter dans sa langue
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maternelle les formes propres sa langue adoptive. C'est Après une courte préface, l'auteur expose les trois genres
ainsi que s'expliquent les fréquents héllénismes qui se sur lesquels s'exerce l'éloquence, et il distingue les qualités
rencontrentdans la Rhétorique.Au reste nous n'accordons nécessaires à l'orateur il exige de lui l'invention, l'art de
à personneque cet essai soit indigne de C icéron. Les défauts, la disposition, l'élocution, la mémoire, la prononciation, 11
qui tiennent à une imitation nn peu trop servile de ses consacre ce premier Livre à I'Lwektion en générnl; et d'a-
maîtres, sont rachetés par une élocution généralement bord, il parle de l'exorde, depuis le chapitre III jusqu'au
simple, facile, harmonieuse; par des mouvementset une chapitre Vit; il traite de la narration dans les chapitres
vivacité de tour qui sont déjà d'un grand écrivain. On VIII et IX, et de la division au chapitre X; il s'occupe ensuite le
de la confirmation et de la réfutation et elles dépen-
sent dans cette facilité à tout exprimer, l'homme auquel dent de l'état de la il établit,
comme
jusqu'au chapitre XVII, •
il sera donné plus tard de déployer toutes les richesses les principes des trois états de cause,
causes questions, savoir
île la langue latine arrivée à son point de perfection; de la question conjecturale, ou question ou de fait; la question de
même que, selon la remarque de M. Leclerc, on reconnatt droit, et la question juridiciaire.
avec intérêt dans les amplificationsdu quatrième livre, si
riches de sentiments, de pensées et d'images, les premières
traces de ce grand art qui devait un jour le faire régner
sur nn peuple libre.
LIVRE SECOND.
Mais l'autorité la plus incontestable peut-être, et celle
à laquelle on a le moins songé, c'est Cicéron lui-même Après avoir rappelé succinctement ce qu'il a dit, et an-
noncé ce qu'il va dire, l'auteur considère particulièrement
«'est fauteur non contesté de l'Invention qui ne parait l'invention dans le genrejudiciaire. Comme ce genre embrasse
être qu'une nouvelle édition de la Rhétorique à Hérennius. les trois différents étals de questions la question de fait, la
Ou ces deux ouvrages appartiennent au même auteur, question de droit, et la question judiciaire; qu'il en avait
ou dernier venu n'a
lé fait que copier l'autre; or, comme expliqué la nature et les divisions dans le Livre 1er, et qu'il
il est hors de doute que les livres à Hérennins ont précédé avait montré le moyen de reconnaître le point à juger (tô
ceux de l'Invention, il faut admettre que le plus fécond xptvonevov ) quand l'orateur connaissait l'état de la cause et
des écrivains romains a commencé par n'être qu'un pla- les preuves qui viennent à l'appui; il enseigne maintenant la
giaire, ou que, de son droit d'autear, en même temps qu'il de traiter chacune de ces questionsselon les règles de
ïl manièredéveloppe
s'est corrigé il s'est quelquefois copié lui-même. Entre l'art. Il avec beaucoup d'étendue, depuis le cha-
pitre Il jusqu'au chapitre IX, ce qu'on entend par question
autres preuves frappantes, que l'Invention n'est qu'une de fait. n donne des préceptessur la narration judiciaire, sur
seconde édition, ou un développement de la Rhétorique, la probabilité, les rapports, les indices, les suites, les preuves
nous ne citerons que le passage de ce dernier ouvrage où simples, les preuves confirmatives. Ensuite, depuis le cha-
l'auteur se félicite (liv.I, chap. 9) d'avoir distingué le pre- pitre IX jusqu'au chapitre XIII, il trace la conduite que
mier les trois circonstances où l'on doit employer l'exorde doit tenir l'orateur en traitant la question de droit, lorsque le
par insinuation. Ouvrez le premier livre de l'Invention sens d'une loi ou d'un écrit donne lieu à la controverse.Enfin,
le chapitre XIII jusqu'au chapitre XVIII, il expose
cette distinction s'y trouve reproduite dans les mêmes ter- depuis les moyens dont il faut faire usage dans les deux espèces de
mes. Il faut donc bien reconnaître qu'il n'y a qu'un seul question judiciaire, et surtout ceux de la question judiciaire
auteur, mais à deux époques distinctes de sa vie, et qu'un accessoire, l'alternative, la récrimination l'aveu la dépréca-
seul ouvrage, mais sous deux formes différentes. Ce que tion, le recours. Apri ces développements il indique la ma-
Cicéron avait fait pour la rhétorique, il le lit également nière de fortifier les preuves, et distingue dans l'argumen-
pour les Académiques, et on a été longtemps sans dis. tation l'exposition, les raisons, les raisons contirmatives, les
tinguer en quoi diffèrent les deux éditions qui se succé- ornementsdes preuves la conclusion dont nous apprend à il
dèrent. connaitre les qualités et les défauts. Ces règles sont la matière
Concluonsdonc de ces courtes observations, qu'il faut de tous les chapitres, ainsi depuis le dix-huitièmejusqu'au der-
nier. L'auteur termine
laisser à Cicéron, quelque indifférent que cela puisse être avait promis
les préceptes particuliers
dans
qu il
sur l'invention le genre judiciaire, et il
pour sa gloire, un ouvrage qu'une saine critique ne saurait remet les deux autres genres au Livre suivant.
lui disputer sans injustice.
Au reste, s'il est très-vrai que ce traité pourrait être
retranché du corps de ses crnvfes sans que la grandeur
en fui diminuée la Rhétorique à Hérennins est loin d'être LIVRE TROISIÈME.
un ouvrage sans importance historique. C'est un monu-
ment curieux de l'abus que peut faire l'esprit humain de L'auteur parle, comme il l'avait promis, de l'invention,
ce qu'il a imaginé lui-même pour se retenir et se renfermer dans le genre délibératif et dans le genre démonstratif. Il
dans le simple et véritable usage des choses, nous voulonsenseigne, depuis le chapitre II jusqu'au chapitre VI, quelles
s
dire les règles et la méthode. Sous ce rapport non moins diose,les
sont preuves dont il faut se servir pour persuader une
ou pour en dissuader. Il découvre ensuite, chapitres
que par le détail, souvent exagéré mais plus souventf VI VII et VIII, quelles sont les sources de la louange et du
exact, des ressources infinies de l'esprit se manifestant Marne. Après avoir termine ainsi la première partie de l'art
par la parole, la Rhétorique à Hérennius mérite d'être l'inveution, il passe aux autres devoirs de l'orateur. Par les
lue avec attention, et ne saurait être étudiée sans fruit. règles de la Disposition il lui apprend à distribuer le sujet,
il établit l'ordre des preuves; c'est la matière des chapitres.
IX et X. Il remet l'élocution au quatrième Livre, et les cha-*
pitres XI, XII, XIII, XIV et XV, ont pour objet la Pbo-
Ko.sciiTios, c'est-a-dire la voix, la physionomieet le geste
de l'orateur. Les derniers chapitres, qui sont surtout dignes
de remarque, renferment des préceptes sur la Mnémonique,
nu l'art de la Mémoire, propre à fortifier et à augmenter la
mémoire naturelle. L'auteur enseigne la manière de trouver
cp qu'il appelle des emptacements et des images c'est en cela pas paraftre en savoir assez, et pour faire croire
ju'il fait consister principalement la mémoire arliticielle, la science beaucoup plus difficile qu'elle ne l'est
et it traite cette partie avec beaucoup de soin d'étendue et
de subtilité. réellement, ils sont allés chercher des choses qui
n'ont aucun rapport avec leur sujet. Pour moi, je
LIVRE QUATRIEME me suis renfermé dans ce qui me semblait du
domaine de la rhétorique. Ce n'est en effet ni l'es-
Comme l'auteur a dessein, eu parlant de FÉLOCunoN d'ac- pérance du gain, ni l'ambition de la gloire qui
sompagtier ses définitions d'exemples écrits par lui-même, et m'engagent, comme beaucoup d'autres, à écrire;
qu'il prévoil les reproches que lui attirera cette innovation
il indique, dans une espèce de préface, les raisons qui l'ont mon seul but est de répondre à vos vœux, autant
déterminé à s'écarter de la coutume des autres rhéteurs. Il qu'il est en mon pouvoir. Mais pour ne pas trop
%'attache à prouver la sagesse de son opinion, comparée à
l'opinion de ceux qui choisissent leurs exemples dans les prolonger ce préambule, je vais entrer en matière,
meilleurs ouvrages des poêles et des orateurs. C'est la matière après vous avoir donné cet avis, toutefois que
des sept premiers chapitres. Depuis le chapitre VIIIjusqu'au
chapitre XII, il s'occupe de l'éloculion elle-méme, et des trois l'art, sans l'exercice assidu de la parole, n'est pas
genres de styles. Il.parle ensuite des qualités de l'élocution, d'un grand secours, d'où vous devez couclure
de la correction, de l'élégance, et enfin de la noblesse, qu'ilïl qu'il faut joindre la pratique aux préceptes que
fait consister dans le bon usage des figures de mots et de
pensées. H s'étend beaucoup sur chaque ligure, dont il donne je
J vais tracer.
des exemples c'est ce qui fait l'objet des derniers chapitres Il. Le devoir de l'orateur est d'être en état de
de ce Livre et de ce Traité depuis le chapitre XII jusqu'à
l'épilogue ou la conclusioo. parler sur toutes les questions de l'ordre civil qui
sont réglées par les coutumes ou par les lois, en
se conciliant, autant que cela peut dépendre de
LIVRE PREMIER. lui, l'assentiment des auditeurs. Ily a trois gen-
res de causes qu'il est obligé de connattre le
I. Bien que mes affaires domestiques ne me démonstratif, le délibératif et le judiciaire. Le
permettent guère de me livrer à l'étude, et que je démonstratif, qui a pour objet la louange ou le
consacre plus volontiers à la philosophie le peu blâme d'une personne en particulier; le délibé-
de moments qu'elles me laissent, toutefois, C. ratif, qui, reposant sur l'examen d'une question
Hérennius,ainsiquevousm'enavez prié, jeme dé- douteuse, se propose de conseiller ou de dissua-
termine à traiter de l'art oratoire vous ne pense- der et le judiciaire, qui consiste dans une con-
rez pas du moins quej'aie reculé devant les dif- troverse, et renferme l'accusation ou l'attaque
ficultés d'un pareil travail, ou que je m'y sois en même temps que la défense. J'enseignerai d'a-
refusé, quand c'est vous qui me le demandiez. Et bord quelles sont les qualités nécessaires ù l'ora-
même, je m'y suis mis avec d'autant plus d'ar- teur je ferai voir ensuite comment il convient
deur que ce n'est pas sans motif, je l'ai bien vu, de traiter ces différents genres. Il faut dans l'ora-
que vous voulezconnattrelespréceptesdelarhéto- teur l'invention, la disposition, l'élocution, la
rique. L'abondance de la parole, la facilité de l'é- mémoire et la prononciation. L'invention lui fait
locution, ne sont pas de médiocres avantages en trouver les moyens sûrs ou vraisemblables d'as-
effet, lorsque c'est un jugement droit, un esprit surer le succès de sa cause. La disposition est
sage et mesuré qui les gouvernent. Voilà pour- l'ordre dans la distribution des parties; elle lui
quoi j'ai laissé de côté tous ces ornements dont la indique la place où chacune doit être mise. L'é-
vanité des rhéteurs grecs a fait un étalage aussi locution approprie aux idées fournies par l'in-
pompeux que frivole. Car, dans la crainte de ne vention les mots et les tours qui leur conviennent

LIBER PRIMUS. enim spe quœstus, aut gloria commoti venimus ad seri-
hendum quemadmodum ceteri; sed ut industria nostra
1. Etsi negotiis familiaribns impediti, vix satis otium tute moreni geramus voluntati. Nunc, ne nimium longa
studio snppedilare possumus, et id ipsum, quod datnr sumatur oratio, de re dicere incipiemus; si unum illud
utii, libentius in philosophia consumere consuevirnus; monuerimns artem sine assiduitate dicendi non multum
tameu tua nos, C. Herenni, voluntas commovît, ut de juvare ut intelligas, hanc rationem praxeptionis ad exe'
ratione dicendi conscriberemus ne aut tua causa noluisse citationem accommodari oportere.
nos autfugisse laborem putares. Et eo studiosius hoc ne- II. Oratoris oflicium est, de his rebus posse dicere, quse
gotium snscepimus, quod te non sine causa velle cogno- res ad usum civilem moribus ac legibus constituUe sunt
scere rhetoricam intelligebamus. Non enim parum in se cum assensione auditorum quoad ejus fieri poterit. Tria
fruclus habet copia dicendi, et commoditas orationis, si recta sunt genera causarum, quae recipere debet orator demon-
intelligentiaetdefinitaaniminioderationegubernetur.Quas etrativum, deliberativum, judiciale. Demonstrativumest,
obres illa, quae Graeci scriptores inanis arrogantia; causa quod tribuitur in alicujus certae persona; laudem, vel vitu-
sibi assumserunt, reliquimus. Nam illi, ne parum multa peralionem deliberalivuniect, quod in consultationsposi-
scisse viderentur, ea conqiiisierunt quae nihil attinebant, tum, habet in se suasionem et dissuasionem judiciale est,
ut ars difficilior cognitu putaretur nos autem ea, quae quod pMÎtum in controversia,habet accusationem, aut pe.
videbanturad rationem dicendi pertinere, sumsimus. Non titionem cum defensione. Nunt quas res «ratorem liaberet
J.
le mieux. La mémoire fixe solidement dans l'es- Ces genres sont au nombre de quatre l'honnête,
prit les pensées, les mots et la disposition du le honteux, le douteux et le bas. La cause ap-
discours. La prononciationfaitnuanceravec gràce partient au genre honnête, quand nous défendons
la voix, la physionomie et le geste. Nous avons ce qui serait probablement défendu par tout le
trois moyens d'acquérirtous ces avantages l'art, monde, ou que nous combattons ce que chacun re-
l'imitation, l'exercice. L'art, c'est l'ensemble pousserait comme nous par exemple, quand
des préceptes qui tracent la route de l'éloquence nous parlons en faveur d'un homme de bien,
et enseignent à suivre cette route. L'imitation contre un parricide. On entend par honteuse,
nous fait travailler avec un zèle intelligent pour la cause qui a pour objet d'attaquer ce qui est
ressembler à certains modèles. L'exercice est le honnête, ou de protéger ce qui ne l'est pas. Elle
continuel usage de la parole, et l'habitude qu'on est douteuse quand elle participe à la fois des
s'en fait. deux précédentes; elle est basse, quand son objet
J'ai fait connaître les genres de causes que doit inspire le mépris.
traiter l'orateur et les qualités qui lui sont néces- 1 V. 11 conviendra,par conséquent, que l'exorde

saires je vais parler maintenant de l'application soit approprié au genre de la cause. Il y a deux
qu'il en peutfaire dans la pratique de l'éloquence. sortes d'exordes le simple début, que les Grecs
III. L'invention s'étend aux six parties oratoi- appellent rcpooîjMov, et celui qui se fait par insi-
ies t'exorde, la narration, la division, la con- nuation, qu'ils nomment &o5o< L'exorde n'est
firmation la réfutation, la péroraison. L'exorde qu'un simple début quand, dès l'abord, nous dis-
est le début du discours; il dispose l'esprit de posons l'esprit de l'auditeur à nous écouter; il a
l'auditeur à l'attention. La narration est l'exposé pour objet de nous le rendre attentif, docile,
réel ou vraisemblable des faits. Dans la division bienveillant. Si notre cause est douteuse, afin
nous établissons les points qui sont hors de doute, d'empêcher que ce qu'elle a de honteux ne puisse
ceux qui sont contestés, et nous exposons l'objet nous nuire, nous commencerons par attirer la
du discours. La confirmation développe nos ar- bienveillance. Si elle est du genre bas, nous exci-
guments avec leurs preuves. La réfutation détruit it terons l'attention; si elle est honteuse, il faudra
ceux qu'on nous oppose. La péroraison termine recourir à l'insinuation, dont il sera parlé tout
avec art le discours. Maintenantque, des devoirs à l'heure, à moins que nous n'ayons trouvé le
de l'orateur, je suis passé, pour les mieux faire moyen de capter la bienveillance en incriminant
connaître, aux parties oratoires, en les rappor- notre adversaire. Si elle est honnête, nous pour-
tant à d'invention, je crois devoir traiter d'abord rons indifféremment faire usage du simple dé-
de l'exorde. La cause une fois déterminée, il but, ou nous en passer. Si nous voulons l'em-
faut, pour y approprier plus convenablement ployer, il faudra montrer en quoi la cause est
t'exorde, considérer à quel genre elle appartient. honnête, ou bien exposer en peu de mots notre

oporteat, docebimus deinde quo modolias causas tractari conveniat, quid in controversia sit; et per quamexponi.
rtinveniat, ostendemus. Oportet igituressein oratore inven- mus, quibus de rebus simus dicturi. Confirmatio est no-
tionem, dispositionem, clocutionem memoriam, et pro- strorum argumentorumexpositio cum assereratione. Con-
nuntialionem. Inventio est excogitatio rerum verarum aut futatio est contrariorum locorum dissolutio. Conclusio est
verisimilinm, quae causam probabilem reddant. Disposi- arlinciosus terminus orationis. PJvinc quoniam nna cum
tio est onlo et (listributio renim; quae demonstrat, quid oratoris ofliciis, quo res cognitu facilior esset, producti
quibus in locis sit collocandum. Woculio est idoneorum sumus, ut de orationis partibus loqueremur, et eas ad
verborum et senlentiarnmad inventionem accommodatio. inventionis rationem accommodaremus, de exordio pri-
Mcmoria est firma animi rerum et verborum et disposi- nium dicendum videtur.
tionis perceptio. Promintiatio est vocis, vultus, gcstns Causa posita, quo commodius exordki possimus, ge-
moderatio cum venustate. Hœcomnia tribus rébus assequi nus causse considerandum est. Genera causarum snnt qua-
poterimus, arte, imîtatione, exercitatione. Ars est pra> tuor honestum, turpe, dubium, bumile. Honestum
ceptio, quae dat certara viam rationemque dicendi. Imi- causœ genus putatur, quum aut id defendimus quod ab
tatin est, qua impellimur cum diligenti ratione, ut ali- omnibus defendendum videtur; aut id oppugnamus, quod
quorum similes in dicendo velimiis esse. Exercitatio est ab omnibus videtur oppugnari debere ut pro viro forti
assiduus usus consuetudoqne dicendi. Quoniam jgiturde- contra parricidam. Turpe genus intelligi!ur,quum aut lio-
moustratum est, quas causas oratorcm recipere, ijuasqtie nesta res oppugnatur, aut defenditur turpis. Dubium go
res habere eonveniret mine, quemadmodum ad oratio- nus est, quum habet in se causa et bonestalis, et tur*
nem possint oialoiis officia aecommodari dicendum vi- pitudinis partem. llumile genus est, quum contemta
detur. res aftertnr. r
111. Inventio in sex partes orationis consnmiUir, in IV. Quum bsec ita sint, conveniet exordioriini ralionem
exordiuin,nairationem, tiivisioneni.coijlïrniatiuneiu, con- ad genus causa; aecommodari. Exordiorum duo sunt ge-
futalionem conclnsionem. Exordium est principium ora- nera Principium, quod grasce rcpooijiiov appellatur; et
tionis, per quod animus auditoris constituitur ad au- insinualio, quœ ifoao; nominatur. Principium est, quum
diendum. Nanalio est rerum gestarum, aut perinde ut statim auditoris animum nobis idoneum reddimus ad au-
gesturum, expositio. Divisio est, per quam aperimus quid diendum. Id ita bumitur, ut attentos, ut dociles, ut béai*
sujet. Si nous y renonçons, il sera nécessairee voulu placer en d'autres nos espérances. Nous ob-
de faire valoir, en commençant, une loi, uni tiendrons la bienveillance en parlant de nos ad-
écrit, ou quelque autre circonstance capable d'of-versaires, lorsque nous en ferons des objets de
frir à notre cause l'appui d'un argument irré- haine, d'envie ou de mépris: de haine, en signa-
sistible. Puisque nous voulons captiver l'intérêt, lant
dans leur conduite quelque trait d'infamie,
la bienveillance et l'attention de l'auditeur, nouss d'orgueil, de perfidie, de cruauté, de présomption,
allons indiquer les moyens d'y parvenir. Nouss de malice, de perversité, d'envie; en produisant
pourrons captiver son intérêt, si nous savons ex- au grand jour leur violence, leur tyrannie, leurs
poser rapidement le fond de la cause, et fixer sonn intrigues, leur opulence, leurs dérèglements l'a-
attention; car c'est nous témoigner de l'intérêtt bus qu'ils font de leur noblesse, le nombre de
que de consentir à nous écouter. Nous comman- leurs
clients, de leurs hôtes, leurs liaisons, leurs
derons l'attention en promettant de parler dee alliances, et en prouvant qu'ils mettent plus de
choses importantes, nouvelles, extraordinaires,confiance dans ces avantages que dans la justice
ou de faits qui regardent l'État ou l'auditoire lui-i- de leur cause; enfin, de mépris, en dévoilant leur
même, ou bien le culte des dieux immortels, enn ignorance, leur lâcheté, leur mollesse, leurs
priant que l'on nous écoute avec soin, et en fai- excès. On pourra se concilier la bienveillance en
sant l'énumération des points que nous allonss parlant des auditeurs, par l'éloge du courage,
traiter. Quant à la bienveillance, il y a quatree de la sagesse, de la douceur, de l'éclat de leurs
moyens de se la concilier, c'est de parler, ou dee jugements; par la considérationde l'estime qu'ils
soi, ou de ses adversaires, ou de ses auditeurs, ouu vont mériter, de l'attente qu'ils doivent remplir.
de la cause elle-même. Le sujet lui-même appellera la bienveillance,
V. Pour attirer la bienveillance en parlant dee quand nous exalterons la bonté de notre propre
nous-même, nous ferons un éloge modeste dee cause en méprisant celle de nos adversaires.
nos services; nous rappellerons notre conduite e VI. Nous allons traiter à présent de l'exorde
envers la république, envers nos parents, noss par insinuation. 11 y a trois circonstancesoù l'on
amis ou ceux même qui nous écoutent, pourvuu ne peut user du début simple; il faut les exami-
que tous ces souvenirs se lient à notre cause. Nouss ner avec soin c'est lorsque nous plaidons une
pourrons tracer aussi le tableau de nos disgrâces, cause honteuse, c'est-à-dire propre à indisposer
de nos besoins, de notre abandon, de nos mal- contre nous ceux qui nousécoutent, ou bien lors-
heurs supplier les auditeurs de nous prêter se- que les raisons présentées par nos adversaires
cours, en leur témoignant que nous n'avons pass semblent assez fortes pour porter la conviction

volos auditoreshaberepossimus.Si genus causaedubiumha- eam ipsam rem, de qua agitur, sint accommodala. Item si
bebimus, a benivolentia principium constituemus,ne quid1 nostra incommoda proferemus inopiam solitudinem, ca-
t
illa turpitudinis pars nobis obesse possit. Sin humile erit lamitatem et, si orabimus, ut nobis sint auxilio simui
genus cause, faciemus attentes. Sin turpe causa1 genus erit, ostendemus, nos in aliis spem noluisse habere. Ab adver-
insinuationcutendum est, de qua posterius dicemus, nisii sarionim persona benivolentia captabitur, si eos in odiuni
quid nacti erimus, quam adversarios criminando beni in invidiam, in conlcmtionem adducemus. In odium rapie-
volentiam capere possimus. Sin honestum causée genuss mus, si quod eorum spurce, superbe, perfidiose, crudG-
erit, licebit recte vel uti, vel non uti principio. Si uti vo- liter, conlidenter, malitiose, flagîtîose factum proferemus.
lemus, aut id oportebitostendere,quare causa sit honesta, In invidiam trahemus, si vim, si potentiam, factioncm,
aut breviter, quibus de rebus siimis dicturi exponere. Sii divitias, iucontinentiam, nobilitatem, clientelas, hos|ii-
principio uti notemus, a lege, a scriptura, aut ab aliquo lium sodalilatcm afliuitates adversariorum proferemus
lirmissimo nostrae causa? adjumento principium capere et his adjumentismagis, quam veritate eos conlidere ape-
oportebit. Quoniam igitur docilem, benivolum attentum riemus. ln contemtiunem adducemus si inertiam, igna-
liabere auditorem volumus, quomodo quidque conficii viam, desidiam, luxuriam adversariorum proferemus.Ah
possit, aperiemus. Docilesauditores habere poterimus, auditorum persona benirolentia colligetur, si res eorum
si sumiram causse breviter exponemus et si attentos eos fortiter, sapienter, mansuele, magnifice judicatas profere-
faciemus nam docilis est is qui attente vult audire. At- mus et si, qure de iis existimatio, quae judicii cxsi^cta-
tentos habebimus, si pollicebimur, nos de rebus piagnis, tio sit, aperiemus. Ab rebus ipsis benivolum efiieiemu*
iiovis inusilatis verba facturas aut de iis rebus, quœ ad1 auditorem si nostram causam laudaudoextollemus adve-
rempublicam pertineant, aut ad eos ipsos, qui audient, sariorum percontemtionem depriinemus.
au t ad deorum immortalium religionem et, si rogahimus, VI. Deinceps de insinuation aperiendum est. Tria
ut attente audiant et, si numéro exponemus res, qui- sunl tempora, qnibus principio uti non possumus, qiu«
bus de rebus dicturi sumus. Benivolos auditores faccree diligenter sunt consideranda aut quum turppm caitsam
quatuor modis possumus, a nostra, ab adversariorum, abhabemus, hoc est, quum ipsa res animum au<litoris a no-
auditorum persona, et a rebus ipsis. bis aliénât aut quum animus auditoris persuasus videtur
V. A nostra persona benivolentiam contrahemus si no- esse ab iis, qui anle contra dixerunt; aut quum defessus
strura ofh'cium sine arrogantia laudabimus, aut in rempu- est eos audiendo, qui ante dixerunt. Si causa turpitiidinem
blicain qualesfuerimus aut in parentes, aut in amicos, autt habebit eiordiri poterimus liis i alionibus rem nfln homi-
iu cos ipsos, qui audiunt, refeiemus, dum usée omnia ad1 uem aut bomiucin uuu i«u spectari i>port«i « iuiu |il»-
dans les esprits; ou bien encore lorsque l'audi- lerpar quelque chose qui puisse exciter le rire,m
toire est fatigué par l'attention qu'il a déjà prê- apologue, un conte, une citation forcée, une in-
tée à ceux qui ont parlé avant nous. Si la cause version, ou une équivoque, une conjecture, un
a quelque chose de honteux, voici comment nous sarcasme, une naïveté, une hyperbole, un rap-
pourrons commencer C'est la chose et non pas prochement, un changementde lettres ou bien
la personne, ou bien la personne et non pas la encore nous piquerons la curiosité au moyen
chose qu'il faut considérer nous sommes bien d'une comparaison, d'une bizarrerie; en citant
loin d'approuver les faits allégués par nos adver- une anecdote, un vers; en profitant d'une inter-
saires ils sont indignes, ils sont odieux. Puis, pellation, d'un sourire approbateur. Nous pour-
lorsque nous aurons développé cette idée pen- rons promettre aussi de répondre autrement que
dant longtemps, nous prouverons qu'il n'y a rien nous n'y étions préparés; de ne pas nous expri-
eu de pareil dans notre conduite; ou nous nous mer comme les autres ont l'habitudede le faire;
appuyerons d'un jugement prononcé par un au- et nous montrerons en quelques mots en quoi
tre tribunal dans une cause analogue ou tout à consiste leur manière et la nôtre.
fait semblable, dans une moins importante ou VII. Voici quelle est la différence entre l'exorde
plus grave encore. Nous arriverons ensuite iu- par insinuationette simple début. Dans ce dernier,
sensiblement à la nôtre, et nous ferons voir en nous devons employer, dès l'abord, les moyens
quoi elle ressemble à celle que nous venons de que nous avons prescrits pour nous concilier la
citer. Nous déclarerons aussi que notre intention bienveillance, l'attention et l'intérêt de l'audi-
n'est pas d'attaquer la personne de nos adver- teur tandis que, dans le premier, nous cachons et
saires tout en restaut dans lacause. Cependant,et dissimulons notre marche pour arriver au même
malgré cela, nousen traiteronsd'unefaçondétour- but, et nous faire obtenir les mêmes avantages.
née par quelques mots jetés comme au hasard. Sans doute l'orateur doit se proposer, dans toute la
Si notre adversaire avait persuadé les auditeurs, suite de son discours, d'atteindre un triple but,
«'est-à-dire que son discours eût produit la convic- c'est-à-dire de captiver continuellement les au-
tiou, ce qu'il nous sera facile de reconnaitre, puis- diteurs, de se les rendrefavorables, bienveillants;
que nous savons les moyens qui la déterminent or- mais c'est surtout dans l'exorde qu'il doit s'as-
dinairement, nous nous insinuerons dans lacause surer cette bienveillance. Maintenant, je vais
de la manière suivante Nous promettrons de t'enseigner à éviter les défauts, qui pourraient
parler d'abord de ce que nos adversaires ont déparer ton exorde. Lorsqu'on commence un
regardé comme l'invincible argument de leur discours, il faut avoir soin de donner de la dou-
cause; ou bien nous commencerons par attaquer ceur à son débit et de la simplicité à son langage,
quelques-unes de leurs assertions, et surtout la afin que rien ne sente l'apprêt. L'exorde n'est pas
dernière; on nous paraîtrons ne pas savoir par bon lorsqu'il peut convenir également à plusieurs
laquelle nous devons débuter, nous demandant causes; c'est celui qu'on appelle banal; il en est de
avec embarras quelle est celle que nous réfute- même, lorsque votre adversaire peut l'employer
ronsla première. Enfin, si l'attentionde l'atiditeur aussi bien que vous; c'est l'exorde vulgaire; ou
est fatiguée, nous essayerons d'abord de la réveil- bien encore, s'il suffit de légers changements pour

«•ne nobis ipsis, qiue facta dicantur ab adversariis, et esse nUalione, litterarum mutatione; praterea exspectatione,
indigna aut nofaria. Deinde qnum diu rem auxerimus ni- ùmililudine novitate, historia, versu; aut ab alicujus
liil simile a nobis factura ostendemus aut aliquorum judi- nterpellalione, aut arrisione; et si promiserimus, aliter, ac
dum de simili causa, aut de minore, aut de majore pro- larati fuerimus, nos esse dicturos; nos non eodem modo,
feremus. Deinde ad nostram causam pedctciitira accede- ni ceteri soleant, verba facturos; quid alii soleant, quiil
nuis, cl similitiidinem conferemus. Item si negabimus, nos facturi sintus breviter exponemus.
nos de adversariis, aut de aliqua re dicturos, et tamen VII. Inter insinnationem et principium hoc interest.
oceiiile dicemus interjectione Ycrhoriim. Si persuasus Principium hujusmodi debet esse, ut statim apertis ratio-
auditor fuerit, id est, si oratio adversanorumauditoribus nibus, quibus prsescripsimus, aut benivolum, aut atten-
lideni fecerit (neque enim non facile scire poterimns, tum, ant docilem faciamusauditorem at insinuatio ejus.
quoniam non suinus nescii, quibus rébus tifles fieri soleat ) modi debet esse, ut occulte per dissimulationem eadem
er^o si fidcm factam putabimus, bis nos rébus insinuabi- illa omnia conliciamus, ut ad eamdem conimoditatem in
mus ad causant de co, quod adrenaiïi firmissimum sibi dicendi opere perveuire possimus. Verum liae très ntilila-
atljiimentum pulaverint, pritnuin nos difturos pollicebi- tes tametsi in tata oratione sont comparandat, hoc est, ut
mur aul ab adversarii dicto exordiemur, et ab eo maxima, auditores sese perpetuo nobis attentos, dociles, benivolos
iniod ille nuperrime dixerit; aut dubilatione utemiir, quid prœbeant tamen id per exordium causm maxime contpa-
polissimum dicamus aul eut locoprimum respondeamus randuru est. Nunc, ne quando vitioso exordio utamur, quae
cutn admiratione. Si defessi erunt audiendo ab aliqua le, vitia vilanda sint, doceho. In exordienda causa servandum
quîc risum movere possit, exordiemur, ab apologo, a est, ut leuis sit sermo, et usitata verborum consuetudu,
fabula veiisinu'li imitatione, depravalione inversione, ut non apparata oratio esse videatur. Vitiosuni exordium
ambiguo, suspicione hrisione, stultitia, exsuperatione, est, quod in plures causas potest accotnmodari, quod
J
qu'on puisse vous l'opposer. Il n'est pas moins crainte, le soupçon, le désir, la dissimulation, la
imparfait lorsque les termes en sont trop recher- pitié,l'inconstance des événements, les vicissitu-
chés, qu'il est trop long ou ne parait pas naître des de la fortune, les revers inattendus, les joies
du sujetlui-même (on l'appelle alors étranger, subites, les dénoûmentsfavorables. Mais c'est par
cequicomprendaussi l'exorde d'emprunt);quand l'exercice que l'on acquiert ces qualités. Je vais
il ne se lie pas étroitement à la narration; lors- indiquer à présent comment il convient de trai-
que enfin il ne produit sur l'auditeur aucun des ter la narration d'un fait véritable.
trois effets qu'on se propose. Mais c'est assez sur IX. Trois qualités sont nécessaires à la nar-
l'exorde; passons maintenant à la narration. ration, la brièveté, la clarté, la vraisemblance.
VIII. Il y a trois genres de narrations. L'une Puisque nous savons que ces conditions sout es-
qui expose les faits et sait les présenter sous un sentielles, apprenonsà les remplir. Nous pourrons
;our avantageux à la cause, pour assurer le faire une narration rapide si nous commençons où
succès c'est celle qui convient dans les affai- il faut commencer, sans vouloir remonter trop
res soumises à un jugement. L'autre est celle haut; si nous présentons les faits sommairement
qu'on fait entrer quelquefois dans le discours, et non dans leurs détails; si au lieu de les épui-
comme moyen de preuve, d'accusation, de ser, nous n'employons que ceux dont nous avons
transition, de préparation ou d'éloge. La troi- besoin; si nous n'usons pas de transitions si nous
sième ne s'emploie pas dans les causes ci- suivons sans nous en écarter la route que nous
viles, et cependant il est utile de s'y exercer, avons prise; et si nous exposons la conséquence
afin de réussir plus aisément dans les deux au- des faits de manièreà ce qu'on puisse savoir ceux
tres. Elle se divise en deux genres, l'un qui re- qui se sont passés avant, quoique nous n'en ayons
garde les choses, et l'autre, les personnes. Celle pas parlé. Quand je dis, par exemple • Je suis
qui regarde les choses a trois parties, la fable, • revenu de la province, » on comprend que j'y
l'histoire et l'hypothèse. La fable présente des étais allé. Il vaut mieux passer tout à fait, non-
choses qui ne sont ni vraies ni vraisemblables, seulement ce qui peut nuire à la cause, mais en-
comme celles que nous ont transmises les tragi- core ce quiy est indifférent. Gardons-nous aussi
ques. L'histoire reproduit un fait vrai, mais dont de répéter deux ou plusieurs fois la même chose,
le souvenir remonte à un antre âge. L'hypo- ou de reprendre le membre de phrase qui précède
thèse suppose une action qui aurait pu se passer, comme par exemple
comme dans les comédies. La narration qui re- » Simon arriva le soir d'Athènes a Mégare dès
garde les personnes doit unir, aux grâces du « qu'il fut arrivé à Mégare, il tendit des pièges à
style, la variété des caractères; tantôt grave et « unejeunefîlle; après lui avoir tendu des pièges,
« lui fit violence dans le même lieu. »
tantôt légère, elle doit peindre l'espérance, la
vulgaredicitur item vitiosum est, qno nihilomtnus adver- Illud genus narrationis, quod in personis positum est,
sarius potest uti, quod commune appellatur; item illud, debet liabere sermonis feslivitafem animorum dissimili-
quo leviter commutato adversarios poterit uti ex contra- tudinem,gravitatem,levitalem,spem, metum, suspicio-
rio; item vitiosum est, quod nimium apparatis verbis nem, desiderium, dissimulationem mUericordiain rerum
compositum esf, ant nimis longum est, et quod non ex ipsa varietates fortunée commutationem, insperatum iiiconi-
causa*natum videtur (quod separatum vocalur; in quo modum, subitam laetitiam jucundum exitum rerum. Ve-
etiam translatum includitur), ut proprie cohaereat cum rum baec in exercendo transigentur illud, quod ad veri-
narratione et quod neque benivolum, neque docilem, tatem pertinet, quomodo tractari conveniat, aperiemus.
neque attentum facit auditorem. De exordio satis dictum IX. Tres convenit res habere narralionem, ut brevis,
est deinceps ad narrationem tianseamns. ut dilucida, ut vel'isimilis sit qua? quoniam fieri oportere
scimus quemadmodumfaciamus,cognoscendumest.Rem
VIII. Narrationum tria sunt genera. Unum est, quum breviter narrare poterimus, si inde incipiemus narrare,
exponimus rem gestam, et unumquodque trahimus ad unde necesse fi il et si non ab ultimo initio repetere vole-
uti:itatem nostram, vincendi causa quod pertinet ad eas et si summatim, non particulatim narrabimus; et
mus
causas, de quibus judiemm futurum est. Alterum genus si non ad extremum, sed usque eo, quo opus erit, perse-
narrationis est, quod intercurrit nonnunquam fidei, aut et si transitionibus nullis utemur; et si non
quemur
criminationis. aut transitionis, aut alicujus apparationis, deerrabimusab eo, quod coeperimus exponere; et si exitus
vel laudationiscausa. Tertium geiius est id, quod a causa
civili remotum est in quo tamen exerceri convenit, quo rerum ita ponemus, ut ante quoque quae facta sunt, sciri
possint, tametsi nos reticuerimus quod genus est, si
commodius illas superiores narrationes in causis tractare dicam « me ex provincia redisse, profectum quoque
possimus. Ejus narrationis duo sunt gênera unum quod »
in provinciam iutelligatur. Et omnino non modo id quod
in negotiis; alterum, quod in personis positum est. Id, obest, sed etiam id quod neque obest, neque adjuvat, sa.
quod iu negotiorum exposttione positum est, très habet tius est praterire. Et ne bis aut sa-pius idem dicamus,
partes: (abulam, bistoriam, argumentum. Fabula est, cavendum est etiam ne id, quod semel supra dilimus,
quai ueque veras neque verisimiles continet res, ut lue, deinceps dicamus, hoc modo:
quœ a tragœdis tradilœ sunt. Historia est res gesta, sed
ab (Klatis nostrœ memoria remota. Argumentum est ficta « Athenis Megaram vesperi advenit Simo:
« Ubi ad raiit Megaram insidias fecit virgini
res, quoe tamen fieri putuit; velut argumentacomœdiarum. « Insidias postquam fecit, vtm in loco allulit. u
Notre narration sera claire, si elle présente X. Maintenant qu'il me reste à traiter encore
d'abord les faits qui se sont passés les premiers, de la partie de l'invention, qui est proprement la
en conservant l'ordre réel ou du moins probable tâche de l'orateur, je m'efforcerai d'y apporter
des choses et des temps. C'est ici qu'il faudra tout le soin que réclame l'utilité de la matière;
soigneusement éviterd'être confus, embrouillés, et je dirai d'abord quelques mots de la division.
équivoques; qu'il faudra s'interdire les néolo- La division renferme deux parties. En effet,
gismes, les digressions; ne pas reprendre de trop la narration achevée, nous devons montrer d'a-
loin, ne pas traîner en longueur; ne rien laisser bord en quoi nous sommes d'accord avec nos
échapper de ce qui tient au sujet, tout en obser- adversaires; puis, quand nous avons fait les con-
vant les préceptes de la brièveté; car plus le ré- cessions qu'il nous est utile de faire, arriver à
eitest court, plus il est clair et facile à saisir. La ce qui reste en discussion, par exemple « Oreste
narration sera vraisemblable, si nous parlons « atuésa mère, j'en conviens avec ses accusateurs;
d'une manière conforme à l'usage, à l'opinion, à « en avait-il le droit? lui a-t-il été permis de le
la nature; si nous mettons bien d'accord le laps « faire? voilà la question à débattre. De même,
du temps, la dignité des personnes, les motifs dans la réplique « On reconnaît qu'Agamemnon
des résolutions, les convenances des lieux; de « a
été tué par Clytemnestre; et malgré cet aveu,
peur que l'on ne puisse nous répondre Le temps «
l'onprétendquejen'aipasdûvenger mon père. »
a été trop court; il n'y avait aucun motif; le lieu La division établie ilfaut passera la distribution,
n'était pas favorable enfin les personnages n'ont qui renferme l'énumération et l'exposition. L'é-
pu ni agir ni laisser agir ainsi. Si le fait est vrai, numération nous servira pour annoncer le nombre
il ne faut pas moins prendre toutes ces précau- de points que nous allons traiter. Elle ne doit pas
tions en le racontant; sans quoi la vérité peut avoir plus de trois parties; car il y a du danger
souvent ne pas paraître vraisemblable. Si le fait à dire trop ou trop peu on fait par là soupçon-
est supposé, c'est un motif de plus d'observer ner à l'auditeur de la préméditation et de l'arti-
ces précautions. On ne doit contester qu'avec iice ce qui détruit la confiance dans nos paroles.
réserve tout ce qui paraît s'appuyer sur des titres L'exposition consiste à donner un aperçu rapide
écrits ou sur une autorité respectable. Dans ce et complet de ce qui fera l'objet du discours.
que j'ai dit jusqu'ici, je pense être d'accord avec Passons maintenant à la confirmation et à la
les autres maîtres de l'art à l'exception toute- réfutation, sur lesquelles reposent toute l'espé-
foisdeschosesneuvesquej'aitrouvéessurl'exorde rance du triomphe et tous les moyens de persua-
par insinuation. Le premier, j'ai distingué les sion car lorsque nous aurons développé nos ar-
trois cas qui lui sont particuliers, afin de présenter guments, et détruit ceux de nos adversaires,
une méthode certaine, une théorie claire sur les nous aurons entièrement accompli l'œuvre ora-
txordes. toire.

Rem dilucide narrabimus, si, nt quidque primum ge- X. Nonc.quod'reliquum est, quoniam de rerum inven-
stum erit, ita primum exponemus, et rerum ac temporuin tionedisputandumest, inqiiasingulareconsumituroratoris
ordinem conservabimus, ut gesUc res enmt, aut ut po- officium, dabimus operam, ut nihilo minus industrie,
luissc geri videbuntui Hic erit considerandum, ne quid quam rei utilitas postulabit, qunesiissevideamur; si prius
perturbate ne quid contorte, ne quid ambigue, ne quid pauea de causarum divisione dixerimus.
nove dicamus, nequain in aliam rem transeamus, ne ab Causarum divisio in duas partes distributa est. Primum
ultimo repetamus, ne longe persequamur, ne quid, quod enim peroratanarrationedebcmus aperire, quid nobis con-
ad rem pertineat, praetereamus et si sequemur ea quœ veniat cuin adversariis; et si ea, quœ nobis utilia erunt,
de brevitate praecepta sunt nam quo brevior, co dilucîdjor convenient, quid in controversia relinquatnr, hoc modo
etcognitu facilior «arralio liet. Verisimilis nai ratio erit, « Jnlerfectam esse matrem ab Oreste, convenit mihi cum
si, ut mus, ut upinio, ut natura postulat, dicenius; si « adversariis jurene fecerit, et licueritnc tacerc, id est
spatia lemporum, personarum dignitates, consiliorutn ra. incontroversia. » item e contrario, « Agamemnonein
tiones locorum opportunitates constabimt ne refelli pus- « esse a ClyUcmnestraoccisum confîtentnr quum id ita
sit, aut teraporis parum fuisse, aut causai» nullam, aut « sit, me ulcisci pareutem negant oportuisse. » Deinde
lociim idoneum non fuisse, aut homines ipsos i'acere ant quum hoc fecerimus, distributione titi debemus. Ea di-
pati nuit potuisse. Si vera res erit, 1 nihilo minus lifte viditur in duas partes, enumerationem et expositionent.
omnia narrando conservanda sunt: nam sa;pe veritas, nisi Enumeratione utemur, quum diccmus numéro quot ie
baec servata sint, lideiu facere non potest sin erit ficta rcbus dicturi simns. Eain plus quam trium partinm nu-
eo magis erunt conservanda. De iis rebus caute coulli. mero esse non oportet nam et periculosum est, ne quando
gendum est, quibus in rébus tabulas, aut alicujus (irma plus minusve dicamus, et suspicionem affert auditori me*
auctoritas videbitur inleifuisse. ditalionis et artilicii quai res fidem abrogat orationi. lx-
Adliuc qu<e dicta sunt, arbitror mihi constare cum ce. positio est, quum res, de quibus dicturi sumus exponi-
teris artis scriptoribus nisi quia de insinuationibus nova mas brevileret absolute.
excogitavimus, quod eas soli nos, prêter ceteros, in tria Nunc ad conlimiiilionem et confulationem transeamus.
tempora divîsimus, ut plane certam viain et perspicuam Tola spi's viucendi ratimpie persuadendi posita est in
ralionein exoidioruui babcreinus. umlinuutioncet coulutatiuiie nam quuin adjumenta no-
XI. Nous obtiendrons ce double résultat, si nous « porte, que ceux qui auront abandonné leur rais-
connaissons bien l'état de la question. Quelques « seau durant la tempête en perdront la propriété
auteurs ont établi quatre espèces de questions; « et que le bâtiment, s'il échappe appartiendra,
Hermès, dont j'ai reçu les leçons, n'en reconnaît ainsi que sa cargaison, à ceux qui ne l'auront
que trois, moins pour rien ôter à l'invention « pas quitté. Effrayés par la violence de la tem-
de ce que les autres y faisaient entrer, que pour
montrer qu'ils ont divisé en deux espèces dis-
tinctes ce qui devait n'en former qu'une seule
et unique. Ce qui constitue la question, c'est
• « pète tous les passagers d'un vaisseau l'ont
abandonné pour se jeter dans la barque à l'ex-
« ception d'un malade, à qui son état n'a pas
« permis de s'échapper et de fuir avec les autres
la première base de la défense, rapprochée des « le
hasard et la fortune ramènent sans accident
imputationsde l'accusateur.Les questions, comme le vaisseau dans le port le malade en est doue
nous venons de le dire, sont au nombre de trois « possesseur l'ancien propriétaire le réclame. »
la question conjecturale la question légale, et la i Voilà une question légale qui repose sur la dis-
questionjudiciaire. La question est conjecturale; tinetion entre la lettre et l'esprit de la loi.
lorsque c'est sur le fait que porte la discussion La controverse résulte de la contradiction
par exemple « Ajax, instruit de ce qu'il a fait des
lois, lorsqu'une loi ordonne ou permet une
« dans son
délire, se jette sur son épée auchose, et qu'une autre la défend; ainsi Une
x milieu
d'un bois. Ulysse survient, le voit sanst « loi défend à celui qui a été condamné pour
"vie et arrache de son corps le fer sanglant. Teu- « concussion de parler devant l'assemblée du
« cer arrive
ensuite; il trouve, à côté de son frère « peuple. Une autre loi veut que l'augure désigne
mort, l'ennemi de son frère un glaive sanglant « dans l'assemblée du peuple le candidat qui se
à la main il accuse Ulysse d'être le meur- « présente à la place de l'augure décédé. Un au-
» Ici, comme on ne peut chercher la vé- gure condamné pour concussion a proposé le
« trier.
rité que par conjecture,'il y aura discussion sur• successeur de son collègue. On demande qu'il il
le fait; et voilà pourquoi la question s'appelle soit puni. » Voilà une question légale fondée
conjecturale. On la nomme légale, lorsque la con- sur la contradiction des lois entre elles.
testation s'élève au sujet d'un écrit. Ici on dis- XII. L'ambiguïté des termes donne naissance
tingue six cas différents; c'est lorsqu'il s'agit la contestation, quand l'expression d'une pen-
de la lettre et de l'esprit d'une loi, de la contra- sée présente deux ou plusieurs sens différents.
diction de deux lois entre elles, de l'ambiguïté des Par
exemple « Un père de famille, en instituant
termes, de la définition, d'une question d'attri- « son fils héritier, a légué par testament de ta
bution, d'un raisonnement par analogie. La con- • vaisselle d'argent à sa femme, en disant Tul-
troverse roule sur la lettre et l'esprit, lorsque lat «lius, mon héritier, donnera à Térentia, ma
volonté du législateur parait en opposition avec « femme, trente livres de vaisselle d'argent, à
les termes mêmes de la loi; par exemple « Une loii I « son choix. Après la mort du testateur, sa femme

stra exposnerimus contrariaqne dissolverimus, absolute s navim reliquerint, omnia perdere eorum navim, cetera-
nimirum muaus oraturium contecerimus. que esse, si navis conservata sit, qui remanserint in navi
XI. Utrumque igitur facere poterimus, 8i constitulionem magnitudine tempeslatis omnts perterriti navim relique-
causas cognoverimus. Causarum constitutiones alii quatuorr <> runt et in scaphatn conscenderunt,praeter anum a,*gro-
t'eceriint noster doctor Hermes tres putavit esse; non utt « tum; is propter morbum exire et fugere non potuit
de illorum quidquam detraheret inventione, sed ut osU-ji- « casu et fortuitu navis in portum incolumis delata est
deret, id, quod oportuisset simpliciter ac singulari modoi « illain aegrotus possidet navim petit ille, cujus fuerat.
doceri, illos distribuisse dupliciter et bipartito. Constitutio> Haec constitutio legitima est ex scripte et senlenlia. Ex
tione conjuncta. Constitutiones itaqne, ut ante diximus,t aut alia
oat prima deprecatio defensoris cum accusatoris insimula- contrariislegibusconlroversia constat, quum alia lex jubet
vetat quippiam fieri, hoc modo < Lex
très surit conjecturalis, legitima, juridicialis. Conjectu- « vetat enm, qui de pecuniis repetundis damnatus sit, ill
rait» est, quum de facto controversia est, hoc modo concione orationem habere. Altéra lex jubet, augurem,
« Ajax in silva, postquam rescivit, (|uri! fecisset per insa- « in demortui locum qui petat, in concione nominare. Au-
• niam, gladio incubuit. Ulysses iiilci venit occisum con- « gur quidam damnatus de pecuniis repetundis, in demor-
« spicatur; e corpore telum cruenltim educit. Teucer in- tui locum nominavit petitur ab eo multa. » Constitutio
« tervenit; fratrem occisum et
inimicum fratris cum gla- hœc legtlima est ex contrariis legibus.
« dio cruento videt capitis arcessit. » Hic,
quoniam con-i- XII. Ex ambiguo controversia nascitur, quum res iii
juctura verum quafiritiir,de facto erit controversia, et ex eounam sententiam scripta, duas aut plures sententias signi-
constitutio causée conjecturalisnominaliir. Légitima consti- ficat, hocmoilo n Paterfamilias quum filium beredeni
tutio est, quum in scripto aliquid controversia; nascitur. Eaa « faccret, testamento vasa argentea uxori legavit. Tui.-
dividitur in partes sex scriptum et sentenliam, contrarias S « LIUS, nEHES MEUS, ÏEBENT1* HXOKI «EX., XXX l'OHDO
leges, ainbiguum, delinitioneui, translationem, ratiocinât»- « YASORUM ARGENTEOHUM DATO, QVJE VOLET. PoSt MlOrtem
nem. Ex scripto etsententia nascitur contruversia quiunfi « ejus vasa prcliosa, et caelala magnifice, petit millier,
videtur scriptoris voluntas cum scripto ipso disseutire hocc Tullius se, quae ipse velit, in xxx pondo ei ileberc di-
modo: Il Silex sitsquïejubeat,eos,qiiiiirop(ertemi;estateiui cil. » Constitutio est légitima ex ambiguo. Ex dciiuilione
demande des pièces de vnissclle précieuses et et causes criminclles dans lesquelles nous ern-
»
« il
d'un magnifique travail. Tullius prétend qu'il ployons ce moyen; par exemple « Un homme
» peut donner celles qu'il voudra, pourvu qu'il il «est accusé de péculat pour avoir enlevé d'un lieu
« y en ait trente livres pesant.
La é- « particulier des vases d'argent appartenant à
question lé-
gale résulte ici de l'ambiguïté des termes. Elle le « l'Etat. Il peut dire, après avoir défini le vol et
dépend d'une définition, quand le débat repose se « le péculat, que c'est une action de vol, et non
sur le nom que l'on doit donner à un fait; en n « de péculat, qu'on doit lui intenter. » Cette
voici une de cette espèce « Lorsque L. Saturni- i- sorte de question légale d'attribution se présente
« nus se disposait
à faire porter la loi sur les dis-
s- rarement; car lorsqu'il s'agit d'une action parti-
«
tributions de blé au prix d'un demi-as et d'un in culière, il y a les exceptions établies par le pré-
« tiers d'as, Q.
Cépion, qui se trouvait à cette te teur; et celui-là perd sa cause, qui ne l'a pas
«
époque questeur de la ville, avertit le sénat at présentée dans les formes prescrites, tandis que
« que le
trésor publie ne pouvait suffire à une ie dans les actions publiques les lois, favorables
« aussi
grande largesse. Le sénat décréta que ce- e- à l'accusé, lui permettent de faire prononcer
lui qui présenterait cette loi devant le peuple le avant tout si l'accusateur a le droit d'intenter
serait regardé comme ayant contre u- une action.
la répu-
»
blique. Saturninus veut la proposer. Ses collè- 3- XIII. C'est l'analogie qui fait la base de la
gués s'y opposent. Il n'en apporte pas moins à discussion, lorsqu'à défaut d'une loi qui s'appli-
•<

« li.
la tribune la cassette qui renfermait la loi. que au cas particulier dont il s'agit, on a recours
i Cépion voyant dans cet acte une révolte dulu à d'autres lois qui s'en rapprochent. Ainsi, par
«tribun contre le sénat, contre ses collègues, s exemple « Une loi met le furieux et ses biens
contre la république, s'élance accompagné de le n sous la tutelle de ses agnats et des membres
« quelques
bons citoyens, brise les ponts, ren- il- « de sa famille. Une autre loi ordonne que celui
« verse les urnes, et
empêche que la loi ne soit lit « qui aura été condamné comme parricide soit
» portée. Cépion est accusé du crime de lèse-ma- a- « enveloppé et lié dans un sac de cuir, et jeté à
« jesté. » La question légale dépend ici d'une dé- é- « la rivière. D'après une troisième loi, le père de
finition c'est en effet le nom même de l'accusa- a- « famille a le droit de disposer comme il lui con-
tion qu'il faut définir, quand on demande ce « vient de ses esclaves et de sa fortune. Une qua-
qu'on entend par crime de lèse-majesté. La con- n- « trième, enfin, porte que si le père de famille
troverse repose sur une question d'attribution, a, « meurt intestat, ses esclaves et ses biens pas-
lorsque l'accusé prétend qu'il faut lui accorder er « sent à ses agnats et aux parents de son nom.
un délai ou bien lui donner un autre accusateur, r, « Malléolus est déclaré coupable du meurtre de
d'autres juges. On en trouve de fréquents exem- n- « sa mère. Aussitôt après sa condamnation, on
ples chez les Grecs dans les causes criminelles, s, « lui enveloppe la tête dans une peau de loup,
et chez nous dans les affaires civiles. C'est dans ns « on lui met des entraves aux pieds, et on le
ce cas que la science du droit civil nous sera ra « conduit en prison. Là ses défenseurs apportent
d'un grand secours. Il y a cependant quelques es « des tablettes, et écrivent son testament en sa

constat causa, quum in controversia est, quo nomine » lisse, possit dicere, quum definitione sit usus, quid sit
factam appelletair; ea est hujusmodi « Quum L. Satur- « fur'tum, quid peculatus; &ecumfui'tiagL,nonpeuilaLus,
ât ninus legem frumentariam de semissibus et trientibus « oportere. » Heec partitio légitimée constitutions bis de
« laturus esset, Q. Cœpio, qui per id temporis quaestor causis raro venit in judicium, quod in privala action»
« urbanuserat, docuit senatum, œrarium pati non posse prœtoriieexcepliones sunt, et causa cadit is, qui non, quenv
« largitionem lantam. Senatus decrevit, si eam
legem ad admodum oportet, egerit; et in pnblicis quœstionibus
« populumferat,adversusremp.videri euni facere. Satur- cavetur legibus, ut ante, si reo commodum sit, judicium
« ninus ferre cœpit. Collogffi inlercedere.
llie nihilo minus de accusatore liat, uli um illi liceat accusare neene.
« cislellam
detulit. Ca-pio ut illum contra S. C., interce- XIII. Ex raliocinationc controversia constat, quum res
« dentibus collegis, adversus remp. vidit ferre, cum viris sine propria lege venit in judicium, quœ tamen ab aliis
«bonis impelum facit, pontes distuibat, cislas dejicit, legihus similitudinem quamdam aucupalur. Ea est hujus-
ft impedimcnlo est, quosecius feratur lex arcessitur Cœ- modi Lex est, « Si l'uriosus escit, agnatiint gciitilininque
« pio majestatis. » Constitulio est légitima ex deliniLione. n in eo peeuniaque ejns potcslas esto. »
Et lex « Qui pa-
Vocabulum enim «lefinitur ipsum, quum qiireriliir, quid « renletn necasse juuicalus
erit, ut is obvolutus et obli-
sit minuere majestatem. « Si'tuscorio, devebatur in proHuentem.Et lex, « Pater-
Ex translatione controversia nascitur, quum aut tempus « familias nli super familia pecuniave sua legassil, ita
differendmn aut accusatorem mutandum, aut judices « jus esto. » Et lex, «Si paterfamilias intestatus raoritiu-,
mutandos reus dicit. Hue parte constitutionis, Grxei in « familia pecuniaque ejus agnalum
genliliumque esto.
judiciis nos in jure civili plerumque ntimur. In bac parte « Mallcolus judicatns est matrem necasse
ei damnato
nos juris civilis scicntia juvabit. In judiciis tamen nonni- « statim folliculo tupino os ob-volutum est, et solex ligne»!
hit ea utimur, boc modo n Si qnis peculatus occusetur, « pedihus ïndiictic sunt, et
in rarcerem dnctus est. Qui de-
qnod vasa argenlea publica de loco privalo dicatur sustu- « fciHlebant euni tabulas in carcerera ail'erunt testamen-
«
présence, devant les témoins requis. Peu de se rejette alors sur la fortune, sur l'ignorance,
« temps après, il est la nécessité. Sur la fortune, comme fit Cépion
livré au supplice. Ceux qu'il
«
avait institués ses héritiers dans son testament devant les tribuns, pour se justifier de la perte
«
réclament la succession. Son plus jeune frère de son armée l'ignorance, comme cet homme
qui s'était porté son accusateur, revendique qui fit mettre à mort l'esclave de son frère,
«' l'héritage en sa qualité d'agnat. Aucune loi qui avait assassiné son maître, avant d'avoir
formelle ne peut s'appliquer à ce cas; et cepen- ouvert le testament qui affranchissait cet es-
dant on en cite un grand nombre d'après les- clave la nécessité, comme celui qui n'a pas re-
« quelles on élève la question de savoir si Mal- joint au jour marqué par son congé, parce que
«.léolus avait ou non le droit de tester. » C'est le débordement des eaux lui a fermé le passage.
là une question légale qui dérive de l'analogie. Dans la déprécation, l'accusé convient du crime
Nous avons montré quelles sont les différentes et de la préméditation; mais il n'en implore pas
espèces de questions légales; parlons maintenant moins la pitié. On ne peut guère en faire usage
de la question judiciaire. devant un tribunal, à moins que l'on ne parle
XIV. Celle-là se présente lorsque, tout en pour un homme que recommandent plusieurs
convenant du fait, on recherche si son auteur belles actions reconnues. Dans ce cas, l'orateur
était ou non dans son droit. Elle se divise en employant le lieu commun de l'amplification
deux espèces, l'une absolue, l'autre accessoire. dira « Quand bien même l'accusé serait coupa-
Elle est absolue, quand nous soutenons que l'ac- « ble il serait juste néanmoins de lui pardonner
tion peut se défendre en elle-même, et sans re- « en faveur de ses services passés; mais il ne de-
courir à aucune considération étrangère. Ainsi « mande pas de pardon. » Ce n'est donc pas en
« Un comédien interpella le poëte Accius par justice que ce moyen est convenable; mais on
« son nom, en plein théâtre Accius le poursui- peut s'en servir devant le sénat ou devant un
« vit pour injures; celui-ci se contenta de ré- général et son conseil.
a pondre pour sa défense qu'il était permis de XV. La question repose sur la récrimination,
« nommer celui qui se proclamait l'auteur de la lorsque, sans nier le fait, nous prétendons y avoir
« pièce représentée. La question est accessoire, été contraints par la faute d'autrui par exemple
lorsque la défense, faible par elle-même, em- Oreste, pour se défendre, rejette son crime sur sa
prunte le secours d'une circonstance étrangère. mère. La question se fondesur le recours, quand
Ces circonstances sont au nombre de quatre on repousse, non pas le fait, mais la culpabilité,
l'aveu du crime, le recours, la récrimination, en la rejetant sur quelqu'un ou sur quelque chose
l'alternative. Par l'aveu, l'accusé demande qu'on sur quelqu'un, ainsi « Un homme est accusé d'a-
lui pardonne; il a pour cela deux moyens, la voir tué Sulpicius; il en convient, mais il al-
justification et la déprécation. La justification, «
lègue pour sa défense un ordre des consuls, et
quand il proteste qu'il a agi sans desseins. Il «
prétend que non-seulement ils lui ont prescrit

tum ipso prœsente consentant testes rite affuerunt de est, quum consulto se negat rens fecisse. Ea dividitur in
« illo supplicitim paullo posl sumitur; ii, qui lieredes erant
fortuuam, imprudentiam, neeessilatem. Fortunam, « ut
« testamento, liereditatemadeunt. Frater minor Malleoli, Il
Ca:pio ad tribunos pl. de amissione exercitus » impru-
« qui eum oppugnaveiat in ejus periculo, suani vocat he- dentiam, « ut ille, qui de eo servo, qui dominum occi-
« reditalem lege agnationis. Hic certa les in rem nulla « durât, supplicium sumsit, cui frater esset, antequam
« affcrlur, et tamen multa?afferuntur,e quibus ratiocinatio « tabulas listamenti apcruit, quum is servus manumissus
« nascitur, quare potnerit, aut non potuerit jure testa-
« testamento esset: » necessitudinem « ut ille, qui ad
mentum lacère. Constitutio legitima est exratiocinatione. « diem commeatus non venit, quod eum aquse inlerclusis-
Cujusrnodi partes essent légitima? constitutionis,osleiidi* » seul. » Dcprccatioest, quum et peccasse se, et consulta
mus nunc de jiiridicialx constitulionedicamus. fecisse reus confitetur et tamen postulat, ut sui nuserean-
XIV. Juridicialis constitutif) est, quum factum conve- tur. Hoc in judicio fcre non potest usu venire nisi quando
nit scd jure, an injuria factum sit.quœrilur. Ejus consti-
pro eo dicimus, cnjus multa recte facta constant. Hoc modo
tutinnis partes sunt duœ, quarum una absoluta, altera in loco conimuni per amplilicationem injiciemus « Quod
assumtiva nominatur. Absoluta est, quum id ipsum, quod « si hoc fecisset, lamen ei pro pristinis beneficiis ignosci
factum est, ut aliud nihil foiassumatur, recte factum esse « conveniret verum niliil postulat ignosci. » Ergo in judi-
dicemus. Ea est hujusmodi « Mimus quidam nominalim cium non venit; at in âenalum aut ante imperatorem et
« Attium poetam compellavit in scena cum eo Attius in consilium talis causa potest venire.
« injuriarnm agit hic nihil aliud défendit, nisi licere no- XV. Ex translatione criminis causa constat, qnum fe-
« minari eum, cujns nomine scripta dentur agenda. » cisse nos non negamus, sed aliorum peccatis coactos fecisse
Assumtiva pars est, quum per se defeusio infirma est, sed dicimus ut Orestes quum se défendit, in matrem confert
assunita extraria re comprobatur. Assumtivœ partes sunt « ciimen.nEx remolionc criminis causa constat, quum a
quatuor concessio, remotio criminis, Iranslatiocrirninis, nobis non crimen, sed culpam ipsam amovemus, et vel in
comparatio. Concessioest, quum reus postulat sibi ignosci tiominem transferimus, vel in rem quampiam conferimus.
ea dividitur in purgationeni. et dcprecalioiifin. Purgatio tn homim'm iransfertur ut « si accusetur is, qui P. Sttl
ce meurtre, mais qu'ils lui ont expliqué les mo- l'adversaire, c'est-à-dire le point essentiel de
«
« tifs qui
le rendaient légitime. Sur quelque l'accusation, ce q«e l'on oppose à la raison de
chose, comme « Si un plébiscite défend ce qu'un la défense dont nous venons de parler. Voici
« testament
prescrit de faire. » La question roule comment on établira ce point « Lorsque Oreste
sur l'alternative, quand on dit qu'il fallait faire « aura fait valoir cette raison « J'ai eu le droit de
nécessairement de deux choses l'une, et que le « tuer ma mère, car elle avait donné la mort à
parti qu'on a pris était le meilleur. En voici un « mon père, » l'accusateur répliquera « Mais ce
exemple « C. Popillius, enveloppé par les Gau- « n'était pas à vous à lui arracher la vie, et à la

•>
lois, et ne pouvantleur échapper d'aucune façon, punir sans qu'elle eût été condamnée. » C'est
« entra en
pourparler avec les générauxennemis, de la raison de la défense, et de la réplique de
« et obtint de
dégager son armée à la condition l'accusation, que résulte nécessairement le point
«
d'abandonner ses bagages. Il jugea qu'il valait à juger, que nous nommons judicatio, et que
« mieux
perdre ses bagages que ses troupes; il les Grecs appellent xpivôfievov. Ce qui le consti-
« emmena son armée et laissa ses convois; on tue, c'est le concours de la réplique de l'accusa-
« l'accuse
de lèse-majesté. » tion avec la raison de la défense; ainsi « Lors-
XVI. Je crois avoir montré quelles sont les « que
Ores te prétendque c'est pour vengerson père
questions et comment elles se divisent; il faut qu'il a tué sa mère, il s'agit de savoir s'il était
«
faire voir à présent de quelle manière et avec » juste que
Clytemnestre fût immolée par son
quelle méthode il convient de les traiter, après fils, et sans avoir été jugée. » Tel est le moyen
•<

avoir indiqué d'abord quel est, pour chacune des de découvrir le point à juger. Une fois qu'il est
parties, le point dans lequel se résume toute la trouvé, c'est là qu'il faut diriger tout l'ensemble
plaidoirie. L'état de la question étant donc re- du discours.
connu, il faut en chercheraussitôt la raison. La XVII. Voilàcommentdans toutes les questions
raison, c'est ce qui constitue la cause, et contient et dans leurs différentes parties on trouvera les
toute la défense. Ainsi (pour faire servir le même points à juger, excepté dans la question conjectu-
exemple ànos démonstrations) « Oreste avouant rale. Car alors on ne cherche pas quel a été le
« qu'il a tué sa
mère, s'ôterait tout moyen de dé- motifde l'action, puisqu'on nie l'action el le-même
« fense, s'il
n'alléguait la raison qui l'a fait agir; on ne s'occupe pas non plus de la réplique, puis-
« il en donne
donc une, sans laquelle il n'y qu'on n'a pas eu de raison à fournir. Aussi le
«
aurait pas même de cause; elle avait, dit-il, point àjuger résulte-t-il de l'imputation d'une part
« tué mon
père. » La raison est donc, comme je et de la dénégation de l'autre par exemple im-
l'ai fait voir, la base de la défense; sans elle, il putation Vous avez tué Ajax; » dénégation
n'existerait pas même le plus léger doute pour re- « Jene l'ai pas tué; » pointa juger L'a-t-il tué ?»
tarder la condamnation. La raison une fois trou- C'est vers ce point, comme je l'ai déjà dit, que
vée, il faut chercher quelle sera la réplique de doit tendre tout le système des deux orateurs.

«
fateatur occidisse, et idjussuconsulum defcn-
picium se quœ continet defensioncm sine qua ne parva quidem du-
« dat; et eos dicat non modo împerasse, sed rationem bitatio potest remorari damnationem. Inventa ratione, lir-
fi
quoqneostendisse, quare id facere liceret. » I» rem con- mamentum quœrendumest; id est, quod continet accusa-
fcrtur, ut « si quis, ex testament*) quod facere jussus sit, tionem, quod affertur contra rationem defensionis, de qua
« ex plebiscito vetelur. » Ex
comparatione causa constat, ante dictum est. Id conslituetur hoc modo Quum usus
quum dicimus necesse fuisse alterutrum facere, et id, quod fuerit Orestes ratione, hoc paclo, « Jure occidi, illa enim
fecerimus, satins fuisse facere. Ea causa liujiismn.li est « patrem meum occiderat; utetur accusator firmamenlo,
« C. Popillius, quam a Gallis obsideretur, neque cffugere hoc pacto Sed non abs te occidi, neque indemnatam
« ullo
modo posset, venit cum lioslium ducibus in collocu- k pœnas pendereoporluit. » Ex ratione defensionis, et ex
•<
tionem; ita discessit ut, si impedimenla rclinqueret firmamento accusation^, judicii quœstio nascatur oportet;
« exercitum cduceret. Salius esse duxit, amittere impedi- quam nos judicationem, Greci xpivojxevov appellant. Ea
« menla, quam exercitum exercitum eduxit, impedimenta constîtuelurex conjuuctione lit mamenti et rationis [ defeii-
h reliquit. Arcessitur majestatis. » sione], hoc modo « Quum dicat Orestes, se palris ni-
XVI. Quœ constitutiones,et quas constitutionumpartes « ciscendi causa matrem occidisse, rectumne fuerit, a tilio,
sint, videur ostendisse. Nunc quo modo eas et qua via « sine judicio,Clytaemnestrain occidi. »Eiro bac ratione ju-
(raclari conveniat, demonstrandumest; si prius aperueri- dicationem renerireconvenit. Reperta judicatione, omncm
mus, quid oporteat ab ambobus in causa destinari qno rationem totius orationis eo conferri oportcbit.
ratio omnis totius oralionis conferatur. Constitutions igi- XVII. Inomnibusconslitutionihuset partibusconstitutio-
turreperta,statiinquierenda est ratio: ralio est,qurc causant num hac viajudicationcsreperientur, pra'tcrquam in con.
facit, elcontinet defensionem, hocmodo(ul docendicausa jecturali constitutione. Nam in ea nec ratio, quare fecerit,
in hoc potissimum consistants) Orestes, quum con- qureritur fecisse enim negatur nec ririnamentiimexqui-
« titeatur se ocddisse matrem, nisi attulerit facti rationem, ritur qnoniam nnn subest ratio. Quare ex intention et
« perverterit
defensionem ergo alfert eam; quœ nisi in- inlitiatione jndicatio constituitur, hoc modo Inlentio
« tercederet, ne causa quidem esset llla eniin, inquit, « Occidisti Ajaceni. lnfiliatio « Non occidi. » Juiiicatio
« Occiderituc? Ratio
« palrem tneum occiderat. » lirgo (ut oslendi) ratio ca est, omnis utiiusouc oraliunis, ulaulo
S'il y a plusieurs questions, ou parties de ques- le délibératif et le judiciaire. Ce dernier est de
tion, il en résultera plusieurs points à juger, beaucoup le plus difficile; c'est donc celui que
mais on les trouvera tous de la même manière. j'expliquerai d'abord. C'est la marche que j'ai
J'ai mis un soin attentif à présenter d'une façon suivie dans le livre précédent, lorsque j'ai parlé»
rapide et claire les matières que j'ai traitées jus- des cinq devoirs de l'orateur, dont l'invention est
qu'ici. Maintenant que je me suis assez étendu le plus important et le plus difficile. Je vais
dans ce livre, i! vaut mieux exposer dans un autre achever à peu près dans ce livre ce qui la con-
ce qui me reste à dire, de peur que votre esprit ne cerne, et n'en reporterai qu'une faible partie
se fatigue et s'arrête devant la longueur des dé-
dans le troisième. J'ai commencé à décrire les
veloppements. Mais si je remplis ma tâche trop six parties oratoires. Dans le premier livre, je vous
lentement au gré de votre ardeur, vous devez l'at- ai parlé de l'exorde, de la narration, de ladivi-
tribuer à l'importance du sujet et à la multitude sion, sans m'étendre plus qu'il n'était nécessaire
de mes occupations. Je me hâterai néanmoins, et et aussi clairement que vous pouviez le désirer.
jesaurai réparer à force de zèle le temps que m'au- J'y ai joint ensuite la confirmation et la réfu-
ront ôté les affaires, dans l'espoir de vous offrir, tation, ce qui m'a conduit à faire connaître les
en me rendant à vos vœux, l'hommage le plus états de question et leurs parties; et par consé-
digne à la fois de votre affection et de mon dé- quent à montrer comment, la cause étant po-
vouement. sée, on peut trouver l'état de la question et ses
diverses parties. Je vous ai fait voir ensuite de
LIVRE SECOND. quelle manière il fallait chercher le point à juger,
lequel, une fois établi, doit déterminer tout le
système du discours. Enfin, je vous ai fait re-
I. Dans le premier livre, Hérennius, j'ai rapi-
du do- marquer qu'il est un assez grand nombre de
dement exposé de
les genres causes qui sont auxquelles peuvent s'adapter plusieurs
causes
maine de l'orateur, les devoirs dont son art exige états ou plusieurs parties de questipn.
l'étude et les moyens tes plus faciles pour les rem-
plir. Mais comme il n'était pas possible d'entrer à Il. II me restait à montrer comment l'inven-
la fois dans tous les détails, et qu'il fallait d'abord tion peutappliquerses ressourcesà chaque état de
traiter des plus importants, afin de vous faciliter I question, ou à chacune de ses parties; ensuite
1

la connaissance des autres, j'ai jugé convena- quels sont les arguments (È7nxeiprju.etTa chez les
ble de m'occuper de préférence des difficultés les Grecs) qu'il faut employer, ceux qu'il faut ex-
plus grandes. clure deux choses qui regardent la confirmation
1! y a trois genres de causes le démonstratif, et la réfutation. Je ferai voir ensuite, en dernier

diclnm est, ad liane judicationem conferenda est. Si plures Causarum triasuntgenera, demonstrativum.delibera-
triinl conslitutiones, aut partes constitutionumjudicatio- tivum, judiciale multo diflïcillimum est judiciale; ergo id
nes quoque plnrcs erunt in una causa, sed omnes
simili primum absolvemus. Hoc et priore libro egimus, quum de
rationc lepericnlur. quinque oittoris ofliciis tracïâremus, quorum inventio et
Sedulodedinmsoperam,lit lireviteretdilncide, quibus prima, et difficillima est eaque nobis erit hoc in libro
lie lelmsadliucdicendum fuit, diceremus. Nunc quoniam propemodumabsoluta, et parvam partem ejus in tertium
salis lwjiis Toluminis magnitude crevit, commodiusest in volumen transferemus. De sex partibus orationis primum
allcro libro de céleris rebus deinceps exponere; ne qua, scribere incepimus in primo libro locuti sumus de exor-
propler mnlliludinem lilterarum possit animum tutimde- dio, narratione, divisione, neo pluribus verbis, quamno
mfealio iclaidare. Sed si qno tardius hœc, quam stmles cesse fuit, nec minus dilucide, quam te velle existimaba-
alisolveiilur, qmim rerum magniludini tum nostris quo- mus deinde conjunctim de confirmatione et confutatione
que occupaiionibusassignare debebis. Verumtamenmalu- dicendum fuit quare genera constitutionum et earum
abinius et quod negotio deminutum fuerit, exsequabimus partes aperuimus ex quo simul ostendebalur, qtiorcodo
indiisliia lit pro tuo in nos officio et nostro in te studio constitutionem et partes constitntionis, causa posita, repe-
îiiuiuis hoc accuniulatissiinc ture largiamur voluntati. riri oporteret deinde docuimiis, judicationem quemad-
modumqusericonveniret;qiiauiventa,curanduin,utomnis
s
ratio totius orationis ad eam conferatur postea admonui-
mus esse causas compares, qnibus plures constitutiones
LIBER SECUNDCS aut partes constitul.ionumaccommodarcnlur.
I. In primo libro, Hercnni, breviter exposuimus quas If. Reliqumn videbatur esse, ut ostenderemus, quae
ofliciis ratio posset invenliooes ad unamquamque constitutionem
oausas recipere oratorem oportevet, et in quibus
artis elaborare conveniret,et ea officia qua ratione lacillime aut partem constitntionis accommodare et item quas argu-
consequi posset. Verum, qnia neque de omnibus rebus iuentationes,quasGra3ci £iuyzipr,\La.tcL appellant, sequi, et
simnl dici poterat, et de nmimis primum scribendum quas vitari oporteret quorum utr.umque pertinet ad con-
fuit, quo cetera tibi faciliora cognitu yiderentur ita nobis lirmationem et confutationem. Deinde ad extremum doce-
placilum est, nt ea, qua: diflicillima essent, potissiinum bimus,cujusmodi mnclusianibns orationum uti oporteat
cousiiibercnius. qui locus erat extremus de sex partibus oralioni».
lieu, de quelle espèce de conclusion il faut faire tiendra, s'il le peut, que les motifs n'existaient
usage c'est la dernière des six parties du dis- pas, on du moins il en affaiblira singulièrement
cours. le pouvoir. Ensuite il ajoutera qu'il est injuste
Nous cherchons donc d'abord comment il de soupçonner d'une mauvaise action tous ceux
convientde traiter chaque cause et nous exami- qui pouvaient en retirer quelque avantage. Puis
nerons avant tout la cause conjecturale qui est viendra l'examen de la conduite du prévenu par
la première et la plus difficile. Dans cette cause, ses actes précédents. L'accusateurdevra considé-
la narration de l'accusateur doit être entremêlée rer d'abord s'il ne s'est pas déjà rendu coupable
de soupçons semés partout aucun acte, aucune de quelque fait de ce genre; s'il n'en trouve au-
parole, aucune démarche, rien enfin ne doit y cun, il cherchera s'il n'a pas donné lieu quelque-
paraître manquer d'intention. La narration du fois à de sèmblables soupçons; et s'attachera,
défenseur doit présenter un exposé simple et lu- dans ce cas, à faire voir que le motif qu'il a
cide qui puisse affaiblir le soupçon. Six moyens supposé n'a rien qui ne s'accorde avec la conduite
différents constituent l'ensemble de cet état de habituelle de l'accusé. Prétend-il, par exemple,
cause, les probabilités, les convenances, les in- que c'est l'amour de l'argent ou celui des hon-
dices, l'argument, les suites, les preuves. Mon- neurs qui l'a fait agir? Il le montrera constam-
trons quelle est la valeur de chacund'eux. Par les ment avare ou ambitieux, de manière à ce que
probabilités,on fait voir que l'accusé avait intérêt le vice de l'âme paraisse inséparable de la cause
au crime, et que jamais il ne fut éloigné d'une du crime. S'il ne peut trouver un défaut en rap
semblable turpitude; ce qui divise la discussion port avec le motif qu'il suppose, il faut qu'il en
en deux parties, la cause du crime et la conduite cherche un contraire. Dans l'impuissance de
de l'accusé. La cause du crime, c'est ce qui pousse convaincre l'accusé d'avarice, il le montrera, s'il
à le commettre, par l'appât d'un avantage ou en a quelque moyen, corrupteur et perfide;
pour éviter un désagrément. L'on cherche alors enfin il lui imprimera la souillure ou d'un ou de
quel intérêt a rendu l'accusé coupable; si c'est la plusieurs vices, d'où l'on pourra conclure qu'il
soif des honneurs, de la fortune, ou du pouvoir; n'est pas étonnant qu'un homme dont la conduite
s'il voulait assouvir son amour ou quelque autre est si coupable, soit l'auteur de ce nouveau for-
passion de ce genre; ou bien s'il échappait à quel- fait. Si l'adversaire jouit d'une haute réputation
que dommage, à des inimitiés, à l'infamie, à la de sagesse et d'intégrité, l'accusateur dira que
douleur, au supplice. c'estaux actes et non pas à la renommée qu'il faut
III. L'accusateur, s'il s'agit de l'espoir d'un avoir égard que cet homme a jusque-là caché ses
avantage, montrera l'avidité de celui qu'il atta- désordres, et qu'il sera démontréqu'il n'est point
que il exagérera ses craintes, si c'est un mal innocent. Le défenseur prouvera d'abord, s'il peut
qu'il a voulu fuir. Ledéfenseurau contraire sou- te faire, que la vie de son client est sans tache

Primum ergo quœremns, qnemadmodum quamque ad qnos aliquid emolnmenti ex aliqua re pervenerit, in
causam tractari conveni.it et nimirnm conjecturalem suspicionem maleficii devocari. Deinde vita hominis ex
quap prima et difficillima est, potissimum consideremus. ante factis speclabitur. In que primo considerabit accu-
ln causa conjeeturali, narratio accusatoris suspiciones sator, num quando simile quid fecerit siid non reperiet,
interjectas et dispersas babere debet, ut nihil actum, ni. quœret, num quando venerit in sùniletn suspicionem; et
hil dictum, nusquam ventum aut abitum, nihildenique in eo debebit esse occupatus, ut ad eam causam peccati
factum sine causa putetur. Defensoris narratio simplicem quam paullo ante exposuerit, vita hominis possit accom.
et dilucidain expositionem debet haberc, cum attenuationc niodari, hoc modo Il Si dicet pecuniœ causa fecisse, osten-
suspicionis. Hujus constitulionis ralio in sex partes est det eum semper avarum fuisse; si honoris, ambitiosum:
(ïslributa, probabite, collationcm, signum, argumentant, « i ta poterit anhnivitium cum causa peccali conglulinare. »
ronsecutionent approbationetn. ilorum nnuniquidi|ue Si non potcrit par ainmi vitium cum causa reperire,
quid valeat, aperiemus. reperiat dispar. Si non poterit avarum demonstrare,
Probabile est, per qnod probatur, expedisse reo peccare, demonstret corruplorem vel perfidiosum si quo modu
et a simili turpitmliite hominem nunquam abfuisse. 1J poterit: denique aliquo, aut quam pllirimis vitiis conta-
dividilur in causam et in vilam. Causa est ea quîfi indn- minabit persniiant deinde qui illud fecerit tam iiequiter,
xit ad malelieium commodorum spe ant incommodorum eumdem hoc tam perperam fecisse non esse mirandum. Si
vitatione ut qiium quœritur, num quod conimodnm ma- vehfimenter castus et inlfiger cxistimahitur adversarius,
leficio appetierit, num honorem, num pecuniam, num dicet fada, non famam spectari oportere; il lum ante oc-
dominationem num aliquam cupiditatem amoris, aut hu- cuitasse sua fiagilia se planum facturuui, ab eo tnatefl-
jusmodi librdinis volutrit cxplere; aut num quod incom- cium non abfsse. Defcnsor primum demonstrabit vitam
modum Uarit inimicitias, inlumiam, dolorem, suppli- intégrant, si polei it id si non poterit, conftigiet ad impni-
dum. dentiam, sttiltitiam, adolescentiam, vim, persuasioncm
III. flic aceusator in spe cotnmodicupiditatem ostendet quibus de rébus viluperatioeorum, unie extra id crimen
adversarii, in vitatione incontmodi tbrmidinem augobit erunt, non debeat assignari. Sin vehementer hominis tur-
defensor autem negnbit fuisse causam, si p<it«it aut eam pitudine impedietur et infamia, prius dabit operam, ut fal
vehementerexlenuabit; deinde inicjuum esse uicet, omnes, sos rumores dissipatos esse dicat de innocente; et utetur
sinon, il se rejettera sur l'imprudence, l'aveugle- à chacun d'en jugerdès que lacause est posée. L'art
ment, la jeunesse, la violence, la captation. Ces doit fournir les sources de l'invention; l'exercice
excuses feront écarter le blâme des actes étrangers fait acquérir aisément le reste. Pour lc temps,
à l'accusation. S'il se trouve dans un sérieux em- on cherche dans quelle saison, à quelle heure le
barras par la turpitude et l'infamie avérée du fait s'est accompli: si c'était de nuit ou de jour,
prévenu, son premier soin sera de dire qu'on a à quel moment de la journée, à quelle heure de
répandu de faux bruits sur un innocent, et d'em- la nuit, et pourquoi dans tel ou tel instant. On
ployer ce lieu commun, qu'il ne faut pas croire considère, relativement à la durée, si elle a pu suf-
aux bruits populaires. S'il ne peut user d'aucune fire à l'accomplissementde l'action, et si l'accusé
de ces ressources, il dira pour dernier moyen de pouvait savoir qu'elle serait assez longue. Car il
défense, qu'il n'a point à plaider devant des cen- importe peu qu'il ait eu l'espace de temps néces-
seurs pour la moralité de son client, mais à ré- saire, s'il n'a pas pu d'avance le savoir ou le cal-
pondre devant des juges aux accusations de ses culer. Quant à l'occasion, on cherche si elle était
adversaires. favorableà l'entreprise,ous'il n'y en avaitpas une
1V. Pour l'accusateur, les convenances consis- meilleure qu'on a laissé passer ou qu'on n'a pas
tent à démontrer que l'action imputée à l'adver- attendue. Pour apprécier l'espoir du succès, on
saire n'a été avantageuse à nul autre qu'à lui; examinera s'il y a concours des indices dont j'ai
ou bien qu'il pouvait seul l'exécuter, qu'il n'y parlé tout à l'heure, et si l'on remarque, en outre,
serait pas parvenu par d'autres moyens, ou qu'il d'une part la force, l'argent, l'adresse, les lu-
n'y aurait pas aussi facilement réussi ou que la mières, les préparatifs; et de l'autre la faiblesse,
passion qui l'entraînait ne lui a pas laissé voir de le dénûment, l'ignorance, le défaut de prudence
moyens plus commodes. Dans ce cas, le défen- et de précautions. On saura par ce moyen si l'ac-
seur doit faire voir que faction a profité tout aussi cusé devait avoir de la crainte ou de la confiance.
bien à d'autres, ou que d'autres ont pu faire ce L'espoir du secret ressortira de la recherche des
qu'on reproche à son client. On entend par indi- complices, des témoins, des coopérateurs, qu'ils
ces ce qui montre que le prévenu avait la faculté soient libres ou qu'ils soient esclaves, on qu'il y
de faire ce qu'on lui impute. On les divise en six en ait des uns et des autres.
parties le lieu, le temps, la durée, l'occasion, V. L'argument présente contre l'accusé des
l'espoir de la réussite et celui du secret. Le lieu; indices plus certains, des soupçons plus fondés.
était-il fréquenté ou désert? est-il toujours dé- H embrasse trois époques le temps qui a précédéG
sert, ou bien l'était-il au moment de l'action? Est- l'action, celui de l'action même, et celui qui l'a
ce un lieu sacré ou profane, publie ou particulier? suivie. A l'égard du premier, il faut considérer
Quels sont les lieux attenants? Pouvai.t-on voir la où était l'accusé, ou et avec qui on l'a vu s'il a
victime ou l'entendre ? Je ne refuserais pas d'ensei- fait quelques préparatifs s'il est allé trouver quel-
gnerquelssontceux de ces moyensqui conviennent qu'un s'il a dit quelque chose; s'il a eu des com-
à l'accusateur ou à l'accusé, s'il n'était pas facile plices, des coopérateurs, des secours; s'il s'est

rumoribuscredi
Incrt communi rumoribus
loco onortere. Sin nihil t
credi non oportere. ita queeritur (rua parte anni; qna hora nortn, an in-
horum tieri poterit, ntatur extrema defensione, et dicat, t, terdiu qua dici, qua noctis hora factum esse dieatur, et
non se de moribus cjus apud censores, sed de criminibus eut ejusmoditemporibus. Spatium ita considcratur: satisne
adversariormn apmljtidic.es dicere. longum fuerit ad eam rem transigendam, et potiierilun
IV. Collatioest, quum accusator id, qiiod adversarium scire satis ad id perficiendum spatii futurum. Nam pars
fecisse criminatur, alii nemini, iiisi reo, bono fuisse de- refert satis spatii fuisse ad id perliciemlum, si id aute scii
monstrat; ant alium neminem potuisse perficere, nisi ad- etratione provideri non potuit. Occasioqiiîcritur, kloiteane
versarium aitt eum ipsum aliis rationibus aut non potuisse, fuerit ad rem adoriendam, an alia melior, qute aut pra>
aut non îtfque commode potuisse; aut eum fugisse alias ra- teritasit,aut non exspectata. Spes perliciendi quai fuerit,
tiones conunodiores propter cupiditatem. Hoc locodefensor spectabitur hoc modo si, qua: supra dicta sunt signa,
demonsti'et,oportet, ant aliis quoque hono Cuisse, aut alios concurrerinl; si prœterca ex altera parte vires, pecunia,
quoque id, quod ipse insimuletur,facere potuisse. Signuin m consilium, scientia, apparalio videbitur fuisse; ex altera
est, per quod ostenditur idonea perfieiendi facultas esse parte imoccillitas, inopia, stultitia, imprudentia inappa-
qiiœsita. Id dividitur in partes sex locum, tempus, spa- ratio demonstrabitor fuisse quare scire potuerit, utrum
tium, occasionem, spem perficiendi, spem celandi. Locus diffidendum, an confidendum fuerit. Spes celandi qua
quseritur.celebris,an deserlus; semper désertas, an tum, fuerit, quxritur ex consciis, arbitris, adjutoribus, liberis,
quum id factum sit, fuerit in eo loco solitudo; sacer, an aut servis, aut utrisque.
profanus; publicus, an privatns fuerit; cujusmodi loci V. Argumentum est, per quod res coargnitur certioribns
attingant; num, qui es! passus, perspectus ant exauditus argumentis, et magis Urina suspiciono. Id dividitur in
esse possit. Horum quid reo, quid accusatori couveniat, tempora tria prarteiïtum instans conseqneus. In pra:-
im'scribere non gravaremur, nisi facile quivis causa po- Icrito tempore oportet considerarc ubi fuerit, ubi visus
sita, posset judicare initia enim inventionis ab ai de- sit, quorum visus sit; num quid appararit, num quem
dixerit
bent proficisci;ceterafacilecomparabiteJiercilatio.Tempus convenorit mim quid num qutm uabucri! de cou-
rencontré dans ce lieu contre son liabitude, ou que,
q fort de son innocence, il ne pouvait éprouver
dans un autre moment que celui qu'il prenait dd'alarmes.
d'ordinaire. Pour le temps même de l'action, a- VI. La preuve confirmative est le dernier
t-on vu l'accusé la commettre; a-t-on entendu du imoyen dont on se sert quand on a bien établi les
tumulte, des cris, un bruit de pas; enfin, l'un des soupçons.
s Elle a ses lieux propres et ses lieux
sens, l'ouïe, le tact, l'odorat, le goût a-t-il été communs.
c Les lieux propres sont ceux dont per-
frappé? car chacun d'eux peut faire naître un sonne
s autre que l'accusateur ou le défenseur ne
soupçon. Quant au temps qui a suivi l'action, on peutuser.
t Les lieux communs sont ceux qui, dans
examine s'il est resté, après le fait accompli, t causes différentes, peuvent être employés
des
quelque chose qui indique qu'un délit a été com- i l'un ou par l'autre. Dans la cause conjectu-
par
mis, ou en révèle l'auteur. Veut-on constater rale,
i le lieu propre pour L'accusateur consiste à
l'existence du crime? si le cadavre de la victime dire
t qu'il ne faut avoir aucune pitié des mé-
est enflé et livide, son état prouve un empoison- chants,
( et à exagérer l'atrocité du crime. Pour
nement. Cherche-t-on quel en est l'auteur? on a le défenseur, au contraire, il s'agit d'émouvoir
trouvé le poignardde l'accusé; un desesvêtements 1la pitié, de repousser l'accusation comme une
ou quelque objet pareil abandonnépar lui ou des calomnie.
( Les lieux communs à l'usage de l'une
traces de ses pas; il y avait du sang sur ses ha- <et l'autre partie. consistent à parler pour ou con-
bits aussitôt après l'exécution du crime, on l'a ttre les témoins, pour ou contre les tortures,
saisi ou aperçu dans le lieu même où il s'est com- 1pour ou contre
les arguments, pour ou contre la
mis. Argumenter des suites, c'est rechercher les trumeur publique. En faveur des témoins on fera
signes auxquels on reconnaît d'ordinaire un cou- >
valoir leur gravité, leur conduite, la constance
pable ou uu innocent. L'accusateur dira, s'il le de leurs dépositions; contre eux, on alléguera
peut, que son adversaire, à l'approche des té- la turpitude de leur vie, la contradiction de leurs
moins, a rougi, pâli, chancelé; qu'il s'est contre- 1 témoignages. On soutiendra que le fait n'a pu ar-
dit, qu'il est tombé dans l'abattement, qu'il a fait river, ou qu'il n'est point tel qu'ils le disent, ou
des promesses, toutes choses qui prouvent l'agi- qu'ils n'ont pu le connaître, ou que la passion
tation de sa conscience. Si l'accusé n'a rien fait de inspire leurs paroles et leur raisonnement. C'est
tout cela, l'accusateur dira qu'il avait si bien cal- ainsi que l'on attaque ou que l'on soutient les
culé d'avance les suites de ce qu'il allait faire, témoignages.
qu'il a répondu sans broncher et avec l'assurance VII. Pour justifier les tortures, nous ferons
la plus complète preuve d'audace et non pas voir que c'est pour découvrir la vérité que nos
d'innocence. Le défenseurprétendra, si son clientancêtres l'ont voulu chercher par les tourments
a montré de la crainte, que c'est à la grandeur du et par les souffrances et que c'est l'excès de la
péril et non point à ses remords qu'il faut attri- douleur qui contraint les hommes à dire tout ce
buer son émotion s'il ne s'est pas effrayé, c'est qu'ils savent. Ce moyen de discussion aura d'ail-

sciis, de adjutoribus, de adjumentis, num quo in loco tum esse dicet; si non pertimuerit, fretum innocenta ne-
prœter consuctudinem fuerit, ant aïieno tempore. in in. gabit esse commotum.
stanti tempore quïcrilur, num visus sit, quum faciebat; VI. Approbatio est, qua utimur ad extremum, confir-
num qui strepitus, clamor, crepitus exauditus sit; aut mata suspicione ea hahpt locos proprios, atque commu-
denique num quid aliquo sensu perceptum sit, adspectu nes. Proprii sunt, quibus, nisi accusator,et, quibus, nisi
auditu, tactu, odoratu, gustatu nam quivis horum sen- defensor, nemo potest uti. Communes sunt, qui alia in
sus potest conllare suspicionem. ln conséquent! tempore causa ab reo, alia ab accusatore tractanhir. In causa con-
spcclabilur, num quid re transacta relictum sit, quod in- jecturali proprius locus accusatoris est, qnum dicit malo-
dicet ant factum esse maleliciuin aut a quo sit factnm. rum misereri non oportere, et quum auget peccati atroci-
Factutn esse, hoc modo si tu more et livore decoloratum tatem. Defensoris proprius locus est, quum misericordiam
est corpus inorttii, significat cum veneno nccatuni. A quo captat,et quum accusaturemcalumniaricriminatur.Com-
factuin hit, hoc modo si telitm si vestimenlum si quid munes loci sunt quum accusatoris, tum defensoris, a tes-
r jiiflinorii relictum, aut vestigiuin repertum fuerit; si cruor tibus, contra testes; a qujcslionihus, contra quœstiones ah
iii vestimentis; si in eo loco corapreheiisus, aut visus argumentis, contra argumenta; a rumoribus, contra ru-
transacto ncgotio, quo in loco res gesta dicitur. mores. A testibus dicemus secundum anctoritatem et vi-
Consecutio est, quum quDeritur, quœ signa nocentis et lain testium, et conslantiamtestimoniorum.Contra testes
innoccutis consequi soteant. Accusator dicet, si poterit, secundum vitrc ttirpitudinem testimonioum inconstan-
adversarium, quum ad euin ventiun sit, erubuisse, ex. tiam si aut lieri non potuisse dicemus, aut non factum
palluisse, titubasse, incouslanterlocutum esse, concidisse, esse quod dicant, aut scire illos non potuisse, aut cupide
pollicitum esse aliquid quae signa conscientia: sunt. Si dicere, et argumentari. Haec et ad iniprobalionem et ap-
reus horum niliil fecerit, accusator dicet, eum usque adeo probationem testium perlinebunt.
prameditalum fuisse, quid sibi esset usu venturum, ut YJI. A quaestionibus dicemus qnum demonstrabimus,
eoiifidentissiine rcsistens responderet qiiîe signa confi- majores ver! inveniendi causa tormentis et cruciatibus
vo-
dente, non innocenta sunt. Defensor, si pertimuerit, luisse quacri, et summo dolore homines cogi, ut quidquid
inagniliiiline periculi, non conscientia pecrati se commo. sciant, dicant. Et prœterea conlirmatior bx'C erit dispu*
leurs bien plus de force, si par l'emploi des ar-
guments propres à traiter toute question de fait,
j
A HÉRENiMUS, LIV. Il.
J

moyens semblables, nous ferons voir qu'il n'y


a pas une seule chose qui ne puisse être atta-
y
»

vous donnons aux aveux obtenus un caractère de quée par le soupçon; nous atténuerons ensuite
vraisemblance; ce qu'il faudra faire également chaque soupçon en particulier; nous nous effor-
à l'égard des témoignages. Contre les tortures, cerons de montrer qu'ils s'appliquent aussi bien
nous dirons d'abord que nos ancêtres n'y ont eu à toute autre affaire qu'à la nôtre; et que c'est
recours que dans certaines causes où l'on pou- une indignité de se croire, en l'absence de témoi-
vait reconnaître la vérité des réponses ou en réfu-gnages, suffisamment éclairés par une conje-
ter l'imposture; comme dans cette question « En ctureet par un soupçon.
«
quel lieu cette chose se trouve-t-elle, » ou toute VIII. Si l'on veut tirer avantage des bruits
autre semblable qui se puisse vérifier par lespublics, on dira qu'ils ne naissent
reconnaître à quelque analogie. Nous pas au hasard
yeux, ou se et sans quelque fondement; qu'il n'y a pas de
prétendrons ensuite qu'il ne faut pas s'en rappor- raison
personne les ait inventés faus-
ter à la douleur, parceque tel homme y est moins sement pour que
accoutumé qu'un autre, qu'il est plus ingénieux nous soutiendrons,en outre, que s'il en
à trouver un mensonge; ou qu'enfin il peut sou- dont est d'autres habituellement mensongers, celui
il est question n'a rien que de vrai. Si l'on
vent savoir ou soupçonner ce que le juge veut1 veut les
apprendre, et qu'il voit bien qu'en le disant il repousser, on établira d'abord qu'il y en
a beaucoup de faux, et l'on citera des exemples
mettra fin à son supplice. Cette argumentation qui en prouvent l'imposture; on pourra les at-
sera plus puissante si nous réfutons par des
tribuer à des ennemis, ou à des hommes natu-
preuves irrécusables des dépositions faites au rellement malveillants et calomniateurs. On
milieu des tourments, en employant, pour y réus- reproduira
quelque fable inventée contre ses
sir, les moyens que nous avons indiqués déjà pour adversaires,
et que l'on dira se trouver dans la
les causes conjecturales. Les arguments, les bouche de
tout le monde; ou bien un bruit véri-
signes et les autres lieux communs qui fortifient table qui
le soupçon, doivent être mis en usage de la façon
porte atteinte à leur honneur, et auquel
suivante Lorsqu'un grand nombre d'arguments
on déclare ne pas ajouter foi; par la raison que
le premier venu peut être l'auteur d'un récit
et de signes se réunissent et s'accordent entre eux déshonorant, et répandre une calomnie. Toute-
pour une chose, il en résulte forcément l'évi- fois si le bruit qu'on
dence et non pas le soupçon. 11 y a plus; ces si- tère véhémentementnous oppose offre un carac-
probable, on pourra, par
gnes, ces arguments méritent plus de confiance
la force du raisonnement, en détruire l'autorité.
que des témoins; car ils déposent des choses tel-
les qu'elles ont eu lieu dans la réalité, tandis C'est parce que la question conjecturale est la
que des témoins peuvent être corrompus par l'ar- plus difficile à traiter, et la plus ordinaire dans
gent, les faveurs, la crainte ou la haine. Pour les causes véritables, que j'ai mis plus de soin
combattre les arguments, les signes, et autres à en approfondir toutes les parties, afin que

tatio, si, quae dicta erunt, argumentando iisdem viis, corrumpi posse vel pretio, vel gratia, vel metii vel simul-
quibus omnis conjectura tractatur, trahemus ad verisimi- taLe. Contra argumenta, et signa, et ceteras suspiciones
lem suspicionem; idemque hoc in testimoniis facere opor- dicemus hoc modo si demonstrabimus, nullam rem esse,
tebit. Contra quœstîones hoc modo dicemus primum quam non suspicionibus quivis possit criminari deinde
majores voluisse certis in rebus interponi quaestiones, unamquamque suspicionem extenuabimus et dabimus
quum, quae vere dicerentur, sciri quae falso in quœstione operam, ut ostendamus, nihilo magis in nos eam quam
pronuntiarentur, refelli possent, hoc modo « Quo in loco in alinm quempiam convenire; indignum esse facinus, sine
« quid positum sit; » et si quid esset simile, quod videri, testibus conjecturam et suspiciouem firmamenti salis ha-
aut aliquo [simili] signo percipi posset deinde, dolori bere.
credi non oportere, quod alius alio recentior sit in dolore, VIII. A rumoribus dicemus, si negabimus temere fa-
quod ingeniosior ad comminiscendum,quod denique saspe mam nasci solere, quin subsit aliquid; et si dicemus cau-
scire, aut suspicari possit, quid quaesitor velit audire; sam non fuisse, quare quispiam confingeret et com*
quod quum dixerit, intelligat sibi finem doloris futurum. minisceretur; et praeterea, si ceteri falsi soleant esse,
Haec disputatio comprobabitur,si refellemus, quae in quœ- argumcntabimur hune esse verum. Contra rumores dice-
stionibus erunt dicta, probabili argumentatione; idque mus primum, si docebimus multos esse falsos rumores,
partibus conjecture, quas ante exposuiraus facere opor- et exemplis utemur, de quibus falsa fama fuerit; et aut
tebit. inimicos nostros aut homines natura malivolos et maledi-
Ab argumentis, et signis, et ceteris locis, quibus au- cos confinxisse dicemus el aut aliquam Bctam fabulam in
getur suspicio, dicere hoc modo convenit Quum multa adversarios afferemus, quam dicamus omnibus in <in>
concurrant argumenta et signa quœ inter se consentiant, esse; aut verum rumorem proferemus, qui ïllis aliquid
rem perspicuam, non suspiciosam videri oportere item turpitudinis adorât neque tamen ei rumori nos fidem liar
plus oportere signis et argumentis credi, quam testibns bere dicemus; ideo quod quivis homo possit quemvis tur.
hœc enim eo modo exponi, quo re vera siut gesta; testes pem de quolibet rnmorem proferre, dt confictam faluil.mi
acf.nox. TOMK
CICÉRO*. tomk i.
I. 2
nous ne soyons arrêtés ni par de faux pas, ni to en faisant l'aveu d'une action contraire aux
tout
par des obstacles, s'il nous arriveun jour de join- termes
te d'une loi, ou aux dispositions d'un testa-
dre aux préceptes de l'art l'exercice assidu de la ment, cherche néanmoins à s'en justifier.
m
pratique. X. Si nous parlons en faveur de l'interpréta-
IX. Passonsmaintenantauxdifférentesparties tion ti de la loi, nous louerons d'abord l'auteur du
de la question de droit. Lorsque l'intention du lé- texte
te de la judicieuse concision avec laquelle il
gislateur parait en contradiction avec la lettre de n'aditque
n' ce qu'il était nécessaire de dire, aban-
la loi, si nous soutenons le texte même, voici di donnant à notre intelligence ce qui n'avait pas
b
les moyens dont nous ferons usage aussitôt après besoin d'être expliqué. Nous ajouterons que c'est
la narration. D'abord l'éloge de celui qui a fait le propre de la mauvaise foi de ne s'attacher
la loi; puis la lecture du texte; ensuite une apos- qu'aux
q mots et à la lettre, sans tenir compte de
trophe aux adversaires savaient-ils qu'il y eût l'l'intention; que ce qui est écrit ne peut être exé-
une disposition semblable dans la loi, dans le tes- cuté
ci ou ne saurait l'être qu'en blessant les lois,
tament, dans le contrat, ou dans tout autre écrit les le usages, la nature, la justice, l'honneur; toutes

se rapportant à la cause? après cela, le rappro- choses


cl dont personne ne niera que le législateur
chement de la lettre de la loi avec les déclarations ait
a voulu la religieuse observation: Eh bien, tout
des adversaires à quoi le juge doit-il s'en rap- ce ci que nous avons fait a été fait justement. D'ail-
porter d'un texte rédigé avec soin ou d'une inter- leurs
]< l'opinion de nos adversaires est nulle, ou
prétation insidieuse? On combat ensuite avec dé- insensée,
ii ou injuste, ou impraticable.Elle répugne
dain le sens que les adversaires ont imaginé à ce qui précède ou à ce qui suit; elle est en op-
d'attribuer à la loi; quelle raison, demandera- position
p avec le droit commun, avec les autres
t-on, aurait empêché le legislateur de l'exprimer lois, ou avec des jugements déjà rendus. Et nous
1<

clairement, s'il l'avait voulu? Alors on exposera citerons


c ensuite des exemples de décisions fon-
le sens véritable et le motif qui l'a dicté; on en ddées sur l'intention de la loi et contrairement
démontrera la clarté, la précision, la justesse, a texte; nous donnerons.de rapides extraits
an
la parfaite convenance; à l'appui, l'on citera les d lois et de contrats dans lesquels il faut inter-
de
exemples de jugements rendus conformément à préter
[ la volonté qu'ont exposée les termes. C'est
la lettre de la loi, malgré les efforts des adver- un
u lieu commun contre celui qui rapporte un
saires pour faire valoir l'esprit et l'intention. On t
texte, sans rechercher l'intention de son auteur.
fera voir enfin le danger qu'il y a de s'écarter du 1Lorsque deux lois sont contradictoires, il faut
texte. Ce lieu commun s'emploie contre celuiqui, considérer
( d'abord s'il n'y a pas abrogation ou

dissipare. Verumtamen si rumor vehementer probabilis cquum fateatur, se contra id, qnod legibus sancitum, aut
esse videbitur, argumentando famai fuient poterimus Ilestamento perscriptum sit, fecisse, tamen facti quœrat
abrogare. idefensionem.
Quod et difficillima tractatu est constitntio conjecturalis, X. A sententia sic dicemus. Primum laudabimus scri-
et in veiis causis ssepissime tractanda est, eo diligentius ptoris[ commoditatem atque brevitateme quod tantum
omnesejus parles perscrutati sumus ut ne parvula quidem scripserit,
s quod necesse fuerit; illud, quod sine scripto
tituhationeaut offensione impediremur, si ad hanc ralio- intelligi potnerit, non necessario scribendum putaril.
nem preeceptionis assiduitatem exercitationis accommo- ]Deinde dicemus calumniatoris esse officium, verba et lit
dassemus. teras
1 sequi, nepligere voluntatem. Deinde id, quod scri-
IX. Nunc ad legitimse constitutionis partes Iransea- ptum sit aut non posse fieri aut non lege, non more, non
nuis. Quum voluntas scriptoris cnm scripto dissiderc natura, non œquo et bono posse fieri quae omnia scripto-
videbitur, si a scripto dicemus, liis locis ntemur, se- rcm noluisse quam rectissimefieri, nemo dicet: at ea, qua:
cundum narrationem primum scriptoris collaudatione a nobis [actasint, justissime facta. Deinde contrariam sen-
deinde scripti recitatione; deinde percunctatione, scirent- tentiam aut millam esse, aut stullam, aut injustam, aut
ne adversarii id scriptnm fuisse in lege, aut in testamento, non posse fieri, aut non conslare cum superioribus et infe-
aut in stipulatione, aut in quolibet scripto, quod adeam rioribus sententiis, ant cum jure cominuni, aut cum
rem perlineat; deinde collatione, quid scriptum sit, quid aliis legibus communibns, autcum rebus judicatis dissen-
adversarii se ferisse dicant, quid jndicem seqni convenial, tire. Deinde exemplorum a voluntate, et contra scriptuin
utrumid^pioddiligenterperscriptum sit, an id, quod ar,ule jmlicatarum emimcratione utemur; deinde legnm et stipu-
sit excogitatum. Deinde eftsentenlia,quœabadversariissit tationum breviler exrerptarum, in quibus intelligatur scri-
excogitata et scripto attributa, cnntemnetur et infirma- ptorum voluntas et expositio. Locus communis coutra.etim,
bitur. Deinde quœrentur, quid ci obfuerit, si id voluisset qui scriptum recitet, et scriptoris volnntatem non interpre-
adscribere, num non potuerit prescribi. Deinde a nobis tetur. Quum duae leges inter se discrefialit videndum est
sententia reperietur, et causa proferetur, quare id scriptor primum, num quaabrogalioautderogatiosit. Deinde, ulrum
senserit, quod perscripsit: et demonstrabitur scnptum illud leges ita dissentiant, ut altéra jubeat, altéra vetet an ita, ut
esse dilucide, breviter, commode, perfecte, certa cum alteracogat, altera permittal. Infirma enim eril ejus dclen-
i
mlione. Deinde exempla proferentur, qnae res, quum ab sio, qui negabit, se fecisse, quod cogeretur, quum altera
adversariis sententia et voluntas afferrelur, a scripto potius lex permitteret. Plus enim valet sanctio permissione. Item
judicatae sont. Deinde ostendetur quam periculosum sit illa defensio tenuis est, quum ostenditur id factum esse,
i
a scripto recederc. Locus communis est contra eum, qui quod ea lex sanciat, cui legi obrogatum, vel derogatum sit:
dérogation, ensuite si leur opposition est telle que expressions à double face, même après celles
l'une ordonne et que l'autre défende; ou bien que qui en ont une qui ne signifie rien du tout. Aussi,
la première contraigne et que la seconde laisse quand ils écoutent, ils interrompent à tout propos
faire. Car ce serait se défendre bien faiblement tous les discours; quand ils parlent, ils ne sont
que de se disculper par une loi qui permet, en pré- que de fâcheux et d'obscurs interprètes; et à force
sence d'une autre qui ordonne; l'ordre formel de vouloir parler avec prudence et précision, ils
l'emportant sur la permission.La défense est fai- finissent par ne pouvoir rien dire. Ils redoutent
ble encore lorsqu'on fait voir qu'on s'est conformé tellement de laisser échapper un terme équivo-
aux prescriptions d'une loi qui a été abrogée ou que, qu'ils ne peuventprononcer leur propre nom.
réformée, en négligeant celles d'une loi posté- Mais je réfuterai, quand vous le voudrez, leurs
rieure. Aussitôt après ces considérations, nousopinions puériles par les raisons les plus solides
ferons connaître la loi qui nous protège; nous la pour le moment, il n'était pas hors de propos
lirons à haute voix, nous en ferons l'éloge. Nous d'en dire en passant quelque chose, afin de mar-
expliquerons ensuite l'intention de la loi qu'on quer
mon mépris pour cette école impuissante et
nous oppose, et nous l'amènerons à nous servir. bavarde.
Enfin nous emprunterons à la question judiciaire XII. Quand on emploie la définition on dé-
absolue la doctrine du droit; nous rechercherons finit d'abord rapidement le mot dont il s'agit;
si ce droit est pour l'une ou pour l'autre des lois par exemple « Celui-là est coupable de lèse-
contraires; question que nous traiterons plus majesté, dont la violence s'attaque aux choses
tard. qui font la grandeur de l'État quelles sont
XI. Si la disposition écrite est ambiguë, de ces choses? les suffrages du peuple et le conseil
i
manière à présenter deux ou plusieurs sens, voici des magistrats or, tu as privé le peuple du droit
comment il faut en traiter on cherche en pre- de suffrage et les magistrats du droit de s'assem-
mier lieu s'il existe en effet quelque ambiguïté; bler,
lorsque tu as renversé les ponts. » L'accusé
on fait voir ensuite comment se serait exprimé répondra au contraire « Celui-là porte atteinte
l'auteur du texte, s'il avait voulu y donner le à la majesté publique, qui fait perdre à l'État
sens qu'offre l'interprétation des adversaires. quelque chose de sa grandeur. Moi, je ne l'ai point
Après quoi nous démontrerons que la nôtre est altérée, mais j'ai empêché qu'on ne l'altérât car,
i
admissible, qu'elle n'a rien que de conforme à j'ai sauvé le trésor publie; j'ai résisté aux mau-
l'honneur, à la justice, à la loi, aux usages, à lai vaises passions; je n'ai pas souffert que la majesté
i
nature, à la droiture et à l'équité tandis que celle romaine pérît tout entière. » Après cette défini-
de nos adversaires y répugne qu'il n'y a pas tion
rapide et faite dans l'intérêt de la cause, on
i
d'ambiguïté, puisqu'on comprend quel est le vrai en rapproche le fait que l'on défend; on combat
sens. Il y a des auteurs qui regardent comme par- ensuite la définition contraire; on la montre
faitement appropriée à ce genre de discussion, fausse, impropre, honteuse, outrageante; et on
cette connaissancedes amphibologies qu'ont pro- emprunte encore ses moyens aux doctrines du
fessée les dialecticiens.Moi, je pense au contraire droit
dans la question judiciaire absolue, dont
que, non-seulement elle n'est d'aucun secours, nous allons parler tout à l'heure. Dans tes récu-
mais qu'elle doit encore embarrasser beaucoup. sations, l'orateur cherche d'abord si celui qui
Tous ces sophistes, en effet, courent après less intente une action, une réclamation, une pour-

id, quod posteriorilegesancitum sit,esse neglectilm. Quum profprtur. Xos vero arbitramur, non modo nullo adju-
liœc erunt considerata, statim nostrae legis expositione, mentoesse, sed potius maximoimpedimento: omnes enim
recitatione, coliaudatione utemnr. Deinde contrarias legis illi amphibolias aucupantur, eas etiam quae ex altera parte
enodahimus voluntatem, et eam trahemus ad nostrae sententiam nullam possunt interpretari. Itaque et alieoi
causse commodum.Deinde dejuridicialiabsoluta sumemus sermonis molesti interpellatores, et scripti tum odiosi,
rationem jnris, et quaereraus partem juris, utrum cum ea tum obscuri interpretes sunt; et dum caute et expedite
facial de qua parte posterius disseremus. loqui volunt, infantissimi reperiuntur- Ita dum metuunt
XI. Si ambiguum est scriptum, ut puta quod in duas in dicendo, ne qnid ambiguum dicant, nomen suum pro-
aut plures sententias trahi possit, hoc modo tractandum nuntiare non possunt. Verum horum puerites opiniones
est. Primum, sitne ambiguum, quaerendum est. Deinde, rectissimis rationibus, quum voles, refelleirius. In prie-
quomodo scriptum esset, si id, quod adversarii interpre- sentia hoc interdicere non alienum fuit ut hujus infantise
tantur, scriptor fieri voluisset,ostendendumest. Deindeid, garrulam disciplinam contemneremus.
quod nos inlerpreternur, et fieri posse, et honeste, recte XII. Quum deûnitione utemur, primum afferemus bre-
lege, more, natura, bono et aequo fieri posse quod ad- vem vocabuli definitionem, hoc modo Majestatem is
versarii interpretentur, e contrario: nec esse ambigue scri- « minuit, qui eatollit,exquibusrébus tivitatis amplitudo
ptum,quum inteliigatur, utrasententia vera sit. Sunt, qui constat quae sunt ea? quse capiunt suffragia populi, et
arbitrentur, ad hanc causam tractandam vebementer per « magistratus consilium. Nempe igitur tu et populum
tinere cognitioneni amphiboliarnmeam, quœ a dialeccicis « suffragio, et magistratum consilio privasti, quum pon-
S.
1t 1-
":1 ne fallait r sur la loi,
suite, a bien le droit de le faire; s'il 1. est celui que sanctionne la volonté du
1.

pas prendre une marche différente, choisir uni peuple ainsi la lof vous force à comparaître de-
t
autre temps, un autre lieu; si l'affaire ne devait vant elle quand vous êtes assigné. Le droit ré-
pas être intentée ou suivie en vertu d'une autree suite de l'usage, lorsqu'en l'absence de toute loi,
loi. leiles moyens se puiserontdans les lois, danss la coutume le consacre jusqu'à le rendre légitime
les mœurs, dans le bon droit; j'en parlerai danss par exemple, si vous avez porté des fonds à un

l'on s'appuie sur l'analogie, on recherchera d'a- Il


la cause judiciaire absolue. Dans une cause oùù banquier, vous pouvez les réclamer à son associé.
résulte de jugements, lorsqu'il est intervenu,
bord les dispositions écrites ou les arrêts renduss sur la même question, une sentence ou un dé-
dans des causes d'une importanceou plus grande,cret. Mais il y en a qui se contredisent, suivant
ou moindre, ou tout à fait égale. Ensuite, si le lesdécisions opposées d'un juge, d'un préteur,
fait est semblable à celui dont il s'agit, ou s'il enn d'un consul ou d'un tribun; car il arrive que,
diffère si l'absence d'un texte qui y soit applica- dans un même cas, l'un a prononcé d'une manière
ble n'est pas calculée, parce qu'on n'aura pas s contraire à l'autre; par exemple M. Drusus,
voulu le prévoir, ou parce qu'on aura pensé l'a- n préteur de la ville, autorisa l'action intentée
voir prévu en s'expliquant sur des textes analo- i- « contre un héritier en vertu d'un mandat; S. Ju-
gues. Je me suis assez étendu sur les divisions s « Iras la refusa. Le juge Célius renvoya absous
de la question de droit; je reviens maintenant à le
comédien qui avait injurieusement nommé
la question judiciaire. « sur
la scène le poëte Lucilius, et P. Mucius
XIII. On se sert de la question judiciaire ab-h condamna celui qui en avait fait autant pour le
solue, lorsqu'on soutient la justice d'une actionn «poète Accius. » Ainsi donc, puisqu'on peut
dont on se reconnaît l'auteur, sans recourir à produire deux jugements contradictoiressur une
i-
aucun moyen accessoire. Dans ce cas, il faut exa- même affaire, il faut, lorsque ce cas se présente,
miner si l'on était fondé en droit ce que l'onn comparer ensemble les juges, les temps, le nom-
pourra faire, une fois la cause établie, si l'onn bre des sentences. Le droit dérive de l'équité,
connaît les sources du droit. Or le droit dérivee lorsqu'il paraît basé sur la vérité et l'utilité com-
de la nature, de la loi, de l'usage, des jugements, munes. Par exemple: « un homme âgé de plus de
de l'équité, des conventions. Le droit naturel aa soixante ans, et malade, peut comparaître par
pour base les liens du sang ou du respect; c'est laa procureur. » On peut même établir de là une nou-
nature qui établit entre les pères et les enfants s velle espèce de droit, suivant les circonstances et
un culte d'affection réciproque. Le droit fondéé la dignité de la personne. Le droit s'établit par un

« tes disturbasti. Item ex contrario. « Majestalem is mi- gnoyerimus. Constat igitur ex his partibus natura, lege,
« nuit, qui ampliltidincm civîLatis detrimcnto afficit. Ego consuetudine judicato œquo et bono, pacto. Natura jus
« non affeci, sed prohibui detrimento; acrarium enim est, quod cognationis aut pietatis causa observatur; quo
« cpnservavi,
libidini malorum restiti, majestatem omnem jure parentes a liberis et a parentibus liberi coluntur.
n intente non passus sum. » Primum igitur vocabuli sen- Lege jus est id, quod populi jussu sancilum est; quod ge-
tentia breviler, et ad utilitatem causa; accommodate de- nus, ut in jus cas, quum voceris. Consucludine jus est
scribetur deinde factum noslrum cum verbi descriptione:1 id, quod sine lege, a'que ac si legitimum sit, usitatum
conjungelur deinde conlrarim descriptionis ratio refelle- est; quod genus, « id quod argentario tuleris expensum,
tur, si aut falsa erit, aut inaililis, anl turpis, aut injuriosa « a socio ejns recte rcpetere possis. u Judicatum est id,
id quoque es juris partibus sumetur de jnridiciali absoluta, de quo sententialata est, aut decretum interpositum. Ea
de quajamloquemur.Qiiœiiturin translationibus,primum, sœpediversa sunt, ut aliud alii judici, aut pratori, aut
num aliquis ejus rei aclionem, peLitionem, aut persecu- consuli, aut tribuno plebis placitum sit; et fit, ut deeademree
tionem habeat, quem non oporteat; num alio modo, tem- sœpe alius aliud decreveiit, aut judicaverit; quod genus
pore, loco num alia lege, num alio quœrente aul agente. « M. Drusus, praïtor urbanus, quod cum herede man-
Hîpc legibus, moribus, îequo et bono reperientur; de « dati ageretur, judicium reddidit; S. Julius non reddidit.
quibus dicetur in jutïdiciali absoluta. In causa rationali « Item, C. Cœlius judex absolvit injuriarum eum, qui
primum quairetur, ecquid in rébus majoribus, aut mino- » Lucilium poelam in scena nominatim lœserat; P. Mucius
ribus, aut similibus, similiter scriptum aut judicatnm sit « eum, qui L. Attium poetam
nominaverat, condem-
deinde, utrum ea res similis sit ei rei, qua de agitur, « navit. Ergo, quia possunt res simili de causa dis-
an dissimilis deinde, utrum consulto de ea re scriptum similiter judicatœpitrferri, qnum usu venerit, judicem
non sit, quod noluerit cavere, an quod satis cautum pu- cum judice, tempus cum tempore, numerum cum numéro
lalit, propter ceterorum scriptorum similitudinem. De judiciorum proferetnus. Ex aequo et bono jus constat,
paitibus légitima; constitutionis satis dictum est; nunc ad quod ad veritatem et utilitatem communem videtur per-
juridicialem revertamur. tinere quod genus, « ut major annis Lx, et cui morbus
XIII Absolut» i uridiciali constitutione utemur, quum « causa est, cognitorem det. • Ex eo vel novum jus con-
ipsam rem, quara nos fecisse confitemur, jure factam di- stitui convenit ex tempore, et hominis dignitate. Ex pacto
cemus, sine ulla assumtione extradas defensionis. In ea jus est, « si qui inter se pepigerunt, si quid inter quos
quœri convenit, jurene faclum sil de eo, causa posita, « convenit. « Pacta sunt, quse legibus observanda sunt,
dicere poterimus, si ex qnibuK partibus jus constet, co- hoc modo « Rem ubi nagunt, oralQj ni paguut, io eo.
A HÉRENNIUS, LIV. H.
IL 111SL\Li1·L·1L
contrat, lorsque les parties se sont liées par des dera en même temps aux accusateurs et aux Juges
contrats ou par des conventions. Les contrats sont eux-mêmes ce qu'ils auraient fait s'ils avaient
des traités dont les lois garantissent l'exécution; été à la place de l'accusé; et il leur mettra sous
ainsi « S'il y a contrat, qu'on plaide à l'endroit les yeux le temps, le lieu, la chose et les motifs
« convenu; s'il
n'y a pas contrat, qu'on porte la qui l'ont fait agir.
« cause aux comices ou au forum avant midi. Les XV. Il y a récrimination, lorsque l'accusé mo-
conventions sont des traités dans lesquels les lois tive sa faute sur celle que d'autres ont commise. Il
n'interviennentpas, mais qui s'exécutent de droit. faut, dans ce cas, examiner d'abord si ce moyen
Voilà donc par quels moyens on peut démontrer peut être légitimement admis; en second lieu, si
les torts d'un adversaire, et appuyer son droit; le délit que l'accusé rejette sur un autre est aussi
voilà comment il faut procéder dans la question grave que celui dont il se reconnaît coupable;
judiciaire absolue. ensuite s'il y avait nécessité pour lui de commettre
XIV. Quand on emploiera l'alternative pour une faute dont un autre lui avait donné l'exemple.
savoir s'il valait mieux agir comme l'accusé dé- Ne fallait-il pas qu'un jugement eût été prononcé
clare l'avoir fait, ou comme l'accusateur prétend auparavant? et en l'absence d'un jugement sur
qu'il aurait fallu le faire, il convient de recher- cette action qu'il impute à un autre, devait-il en
cher d'abord lequel des deux partis aurait été le porter un lui-même sur une question qui n'avait
plus utile; c'est-à-dire, le plus honorable, le point encore été décidée par les tribunaux? Ici
plus facile, le plus avantageux. Il faudra de- viendra un lieu commun de l'accusateur contre
mander ensuite si c'était l'accusé qui devait ju- ceux qui s'imaginent que la violence doit l'em-
ger lui-même du degré d'utilité, ou s'il apparte- porter sur les jugements il demandera à ses ad-
nait à d'autres de Je fixer. Alors l'accusateur, versaires ce qui arriverait si d'autres se condui-
procédant comme dans la question conjecturale, sant comme eux, et d'après l'exemple qu'ils
fera naître le soupçon que si l'accusé s'est con- conviennentd'en avoir donné, infligeaientle sup-
duit ainsi, ce n'était pas pour préférer le meil- plice avant que la condamnation eût été portée;
leur au pire, mais par fraude et par mauvaise que serait-ce si l'accusateur lui-même en avait
foi. Ne pouvait-on pas éviter, demandera-t-il de voulu faire autant? Le défenseurdévoilera toute
venir dans ce lieu? Le défenseur, au contraire, l'atrocité de ceux sur lesquels on rejette la res-
réfutera l'argumentation conjecturale par quel- ponsabilitédu crime il mettra sous les yeux le
qu'une des raisons probables dont nous avons fait, lelieu, le temps, de manière à faire croire à
déjà parlé. Ces moyens employés, l'accusateur ceux qui l'entendront, qu'il était impossible ou
attaquera, par un lieu commun, celui qui préfère qu'il n'était pas utile de juger l'affaire.
à l'utile ce qui ne l'est pas, lorsqu'il n'avait pas XVI. Par l'aveu, nous demandons qu'on nous
le pouvoir de choisir. Le défenseurrépliquera par pardonne. Il est de deux sortes; la défense du
un lieu commun, en forme de plainte, contre motif, et la déprécation.Dans le premier cas, nous
ceux qui pensent qu'il est juste de préférer une nions avoir agi àe dessein prémédité, nous nous en
chose pernicieuse à une chose utile; et il deman- prenons à la nécessité, au hasard, à l'ignorance.

«
mitio, aut in foro aute meridiem causam comeito.Sunt ab judicibus ipsis, quid facluri essent, si in eo loco fuis-
item pacta, quae sine legibus observantur ex convenui sent; et tempus, locum, rein, deliberationem suam ponet
i]uœjure praestari ilicmitur. His igitur paiïibus injuriam ante oculos.
demonstrari, jus confirmari convenit, idque in absoluta XV. Translatio criminis est, quum ab reo facti causa in
jiiridiciali faciendum videtur. aliorum peccatum transfertnr. In qua primum quacrendum
XIV. Quum ex comparalione quaerettir, utrum satins est, jurene in alium crimen transferatur deinde spectan-
fueiit agere id, quod reus dicat se fecisse, an id, quod dum est, an feque magnum sit illud peccatum, quod in
accusator dicat oportuisse fieri primum qaaeri convenit, alium transferatur, atque illud, quod reus suscepisse se
utrum fueritutilius ex contentione, hoc est, utrum ve- fateatur deinde, oportueritue in ea re peccare in qua
nustius, facilius, conducibilius. Deinde oportebit qnaeri, alius ante peccarit: deinde, oportueritne judicium ante
ipsumne oportucrit judicare, utrum fuerit utilius, an fieri deinde, quum factum judicium non sit de illo cri- i-
aliorum fuerit statuendi potestas. Deinde inlcrponetur abIb miné, quod in alium transferatur, oporteatne (le eare judi-
accusatore suspicio ex constitutione conjecturali, quare cium fieri, quae res in judicium nondum venerit. Locus
putetur non ca ratione factum esse, quo melius deteriori communis accusaloris, contra eum, qui plus censeat vim,
anteponeretur, sed dolo malo negotium gestum. Deinde quam judiciavalere oportere: etab adversariis percuncta-
quieretnr, potueritne vitari, ne in eum locum veniretur. bitur accusator, quid futurum sit, si idem ceteri faciant,
Ab defensoie contra rcfelletur argumentatio conjecturalis, ut de indemnalis supplicia sumant, quod eos idem fecisse
aliqua probabili causa, de qua anle dictum est. His ita dicaot. Quid si ipse accusator idem facere voluisset? De-
trattalis, accusator utetur loco communi in eum, qui fensor eorum peccali atrocitatem proferet, in quos crimen
inutile utili pra?posuerit, quum statuendi non baberet po- transferetur;rem, locum, tempus ante oculos ponet, ut
testatem. Defensor contra eos, quisequumcenseant, rem ii, qui audient,existiment aut non potuisse ant non fuisse
perniciosam utili prwponi, «tetur loco communi per utile, rem in judicium veoire.
conquesli©nem,.et simul qujeret ab accusatoribus, et XVI. Concessio est, per quam nobis ignosci irailul»
Voyons d'abord ces moyens; nous reviendrons près semblables. Voici les lieux communs qui
ensuite à la déprécation. On examine d'abord, conviennent à ce genre de causes l'accusateur
si c'est par sa faute que l'accusé en est venu à s'élèvera contre celui qui, après avoir fait l'aveu
cette nécessité, ou bien si c'est la nécessité elle- de son crime, veut arrêter les juges par de vaines
même qui fa rendu coupable ensuite, quel moyen paroles; le défenseur, implorant l'humanité, la
il y avait de l'éviter ou de la rendre moins fâ- clémence répondra qu'il faut en tout considérer
cheuse on demande si celui qui la donne pour ex- l'intention et que là ou il n'y a pas eu de dessein
cuse a tenté de faire ou d'imaginer quelque chose prémédité, il ne faut pas chercher de crime.
contre elle; s'il n'y a pas quelques motifs du XVII. Nous nous servons de la déprécation
genre de ceux que peut fournir la question de lorsqu'en convenant de notre faute sans l'attri-
fait, pour soupçonner la préméditation là où l'on buer ni à l'ignorance ni à la fortune, ni à la né-
accuse la nécessité. D'ailleurs la nécessité, quel- cessité, nous n'en demandons pas moins le par-
que pressante qu'elle soit, doit-elle constituer don. Nous nous fonderons, pour l'obtenir, sur les
une justification suffisante? Si c'est par ignorance considérations suivantes les services du prévenu
que l'accusé prétend avoir failli, on cherchera sont plus nombreux et plus grands que ses fautes;
d'abord s'il pouvait ou non apprécierles suites de il a du mérite ou de la naissance; on doit espé-
son action; s'il s'est donné quelque soin pour les rer qu'il se rendra utile, s'il échappe au châti-
prévoir; ensuite, si son ignorance est fortuite ou ment. Cet homme, aujourd'hui suppliant, s'est
coupable. Car, celui qui rejetterait sur l'excès du montré doux et miséricordieux quand il avait la
vin, de l'amour ou de la colère l'absence de sa puissance. S'il a commis une faute, ce n'est ni
raison, aurait perdu le jugement par l'effet d'un la haine ni la cruauté qui l'y ont poussé, mais son
vice et non par ignorance aussi son ignorance, amour du devoir et son zèle dans une circons-
loin de le justifier, le rend plus coupable encore. tance pareille, d'autres n'ont pas été punis; il
Ensuite, à l'aide de la question de fait, on re- ne saurait y avoir aucun danger à le renvoyer
cherchera s'il a su ou non ce qu'il faisait; et l'on à son tour: cet arrêt n'encourra le blâme ni de
examinera si dans le cas d'un fait constant, Rome ni des cités voisines. L'humanité la for-
l'ignorancepeut constituer une excuse suffisante. tune, la clémence, l'instabilité des choses humai-
Quand le défenseur se rejettera sur la fortune, nes fournissent des lieux communs. L'accusa-
en disant qu'elle doit faire pardonner à l'accusé; teur y oppose les lieux communs contraires, en
il aura les mêmes considérations à faire valoir amplifiant, en énumérant les crimes de l'accusé.
qu'en parlant de la nécessité. Il y a tant de rap- La déprécation ne peut s'employer devant les
ports en effet entre ces trois sortes d'excuse, tribunaux, ainsi que je l'ai fait voir dans le pre-
qu'on peut les traiter toutes par des moyens à peu mier livre; mais comme on peut la présenter

mus. Es dividitur in purgationem et deprecationem. Pur- omnes hœ tres partes purgationis inter sefinitîmae sunt, ut
gatio est, quum consulto a nobis factum negamus. Ea in omnes eadem fere possint accommodari. Loci communes
dividitur in necessitudinem fortunam, imprudentiam.De in his causis accusatoris contra eum, qui, quum se pec-
his primum partibus ostendendum est; deinde ad depre- casse confiteatur, tamen oratione judices demoretur; de-
catioriem revertendum videtur. primum considerandum fensoris, de humanitatc, misericordia Yoluntatem in
est, num culpa Tentum sit in necessitudiuem num cul- omnibus rcbtis spectari convenire, et qure consulta facta
pam veniendi necessitudo fecerit. Deinde quœrendumest, non sint, in iis iraudem esse non oportere.
ecquo modo vis illa vitari potuerit, ac levari. Deinde is, XVII. Denrecatione utemur, quum fatebimur nos pec-
qui in necessitudinem causam conferet, expertusne sit, casse, neque id imprudenter, aut fortuitu aut necessario
quid contra faccre, aut excogitare posset. Deinde, num fecisse dicemus et tamen ignosci nobis postulabimus.
quae suspiciones ex conjecturali constitutione trahi pos- Hic ignoscendi ratio quaeritur ex lis locis, si plura aut
sint, quœ significent, id consulto factum esse, quod ne- majora officia, quam maleficia, videbuntnr constare; si
cessario accidisse dicitur. Deinde, si maxime necessitudo qua virlus, aut nobilitas erit ineo,quisupplicabit;siqua
quaepiam fuerit, conveniatne eam satis idoneam causam spes erit, usui t'uturum, si sine supplicio diseesserit;
putari. Si autem imprudentia reus se peccasse dicet, pri. si ipse ille supplex, mansuetus et misericors in potestati-
mnm quœretur, utrum potuerit scire, an non potuerit. bus ostendetur fuisse; si ea, quae peccavit, non odio,
Deinde, utrum data sit opera, ut sciretur, an non. Deinde, neque crudelitate, sed offtcio et recto studio commotus
utrum casu nescierit, an culpa: nam qui se propter vi- fecit; si tali de causa aliis quoque ignotum est; si nihii
num, aut amorem, aut iracundiam, fugisse rationem ab eo periculi nobis futurum videbitur, si eum missuir
dicet, is animi vitio videbitur nescisse, non imprudentia: fecerimus; si nulla ant a nostris civibus, aut ab aliqua
quare non imprudentia se defendet, sed culpacontamina- civilate\ituperatioexeare suscipielur. Loci communes, @
bit. Deinde conjecturali constitutione quœretur, ulrum de humanitate, fortuna, misericordia, rerum commuta-
w.ierit, an ignoraverit; et considerabitur, satisne impru- tione. His locis omnibus ex contrario uteluris, qui contra
dentia prasiiiii debeat esse, quum factum esse constet. dicet, cum amplilicatione et enumeratione peccatorum.
Quum in fortunam causa conferetur, et ea re defensor Hase causa judicialis fieri non potest, ut in primo libro
ignosci reo dicet oportere, eadem omnia videntnr conaide- ostendimus sed quod potest vel ad senat.um vel ad con-
fanda, quae de necessitudine prœscripta sunt. Etenim sumai venire, non visa est supersedenda.
dans le sénat ou devant un conseil militaire, je plus
p achevée est celle qui renferme cinq parties
n'ai pas cru devoir la passer sous silence. l'exposition,
l' les raisons, la confirmationdes rai-
Lorsque nous voudrons décliner la responsa- ssons, les ornements, et la conclusion. L'exposi-
bilité d'un crime, uous en ferons retomber la tion fait voir sommairement ce que nous voulons
ti
cause ou sur les choses ou sur les personnes. Si prouver.
p Les raisons démontrent, par une ra-
c'est à un homme que l'on s'en prend, la première pide
p analyse, que c'est la vérité que nous nous
chose sera d'examiner si cet homme a eu au- proposons
p d'atteindre. La confirmation des rai-
tant d'autorité que l'accusé le déclare, et quels sons
si a pour objet de corroborer, par de nombreux
moyens pouvait avoir celui-ci de résister avec arguments,
a les raisons que nous avons succincte-
honneur et sans danger: et dans le cas où tout cela ment
n exposées. Les ornements, quand l'argumen-
serait vrai, s'il faut lui accorder qu'il ait agi par tation estsolidement établie, viennent la décorer
ti
une impulsion étrangère. Ensuite on rentrera e l'enrichir. La conclusion termine rapidement
et
dans la question de fait pour discuter la prémé- e réunissant les moyens de t'argumentation.
en
ditation. Si c'est sur les choses que l'on s'excuse, XIX. Pour faire l'usage le plus complet de
il faudra recourir aux mêmes considérations, à c cinq parties, nous traiterons l'argumentation
ces
peu près, outre toutes celles que j'ai présentées dde cette manière « Nous démontrerons qu'Ulysse
sur la nécessité. « avait
des raisons pour tuer Ajax car il voulait"
XVIII. Maintenant qu'il me semble avoir suf- « se
défaire d'un implacable ennemi, qu'il avait
fisamment indiqué quels sont les arguments qui raison
« de redouter comme infinimentdangereux.
conviennent à chaque genrede cause judiciaire, «« 11 voyait qu'il n'y avait pas de sécurité pour lui
il me reste, je crois, à vous montrer la manière tant
« que cet homme vivrait; il espérait par ce
de les embellir et de leur donner toute leur va- «« meurtre sauver sa propre vie; il avait coutume,
leur. Il est peu difficile en effet de trouver ce qui quand
»
les motifs légitimes lui manquaient, de
doit fortifier une cause mais ce qui l'est infini- «
préparer la perte d'un ennemi par des machina-
ment, c'est de perfectionner ce qu'a fourni l'in- •« tions criminelles, ce dont la mort indigne de
vention et de l'exprimer avec convenance. C'est «» Palamède fournit le témoignage. Ainsi, d'une
par là que nous éviterons de nous arrêter trop long- «• part,
la crainte du danger le portait à faire périr
temps sur les mêmes objets, ou d'y revenir encore « un hommedont il redoutait la vengeance et, de
après les avoir traités déjà; de quitter un raison- « l'autre, l'habitude du crime lui ôtait tout
scru-
nement commencé, et de passer mal à propos à i «• pule de le commettre. Les hommes ne s'aban-
un autre. Par là nous pourrons, de notre côté, donnent pas sans motif aux fautes les plus légè-
nous souvenir de ce que nous aurons dit danss « res mais c'est surtoutpour les plus grandsexcès
chaque partie, et l'auditeur pourra saisir et se«
« qu'il fautqu'un avantage certain les conduise. Si
rappeler non-seulement l'ensemble de la cause, « Pappàtderoradétournétantd'hommesdeleurs
mais encore la place de chaque argument en par- « devoirs; si l'ambition du pouvoir en a poussé
ticulier. L'argumentation la plus complète et laa < tant d'autresau crime; si le plus frivole avantage

Qnum a nobis crimen removere volemus aut in rem butionem


hntinnnm percipere nfrnnm:n:eennr.ln.f T.~ra.h"I..tÎ<
mrrwnrn et-meminissepoterit. Ergo absolutis-
aut in hominem nostri peccati causam conferemus. Si sima et perfectissima argumentatioest ea quœ in quinque
causa in hominem conferetur, quaerendum erit primum partes
j est distributa: propositionem, rationem, rationis
potueritne tantum, quantum reus demonstrabit, is, in confirmationem, exornationem, complexionem. Propo-
quern causa conferetur, et quonani modo aut honeste, sitio est, per quam ostcndimussummatim quid sit quod
ant sine periculo potuerit obsistere: si maxime ita sit, probare volumus. Ratio est causa, quae demonstrat verum
num ea re concedi reo conveniat, quod alicno inductu esse id, quod intendimus, brevi subjectionc. Rationis
fecerit deinde in conjecturalem trahetur controversiam, confirmalio est ea, quae pluribus argumentis corroborât
et edisseretur, num consulte factum sit. Si causa in rem breviter expositam rationem. Exornatio est, qua utimini
quamdam conferetur, hœc eadem fere, etomnia, quae de rei honestandae et coliocupletanda; causa, confirmata ar
necessitudine prsecepimus, consideraudaerunt. gumentatione. Complexio est, quœ concludit breviter,
XVIII. Quoniam satis ostendisse videmur, qnibus argu- colligens partes argumentationis.
mentalionibus in unoquoqne genere causse judicialis uti XLX. Hisce igitur quinque partibus ut absolutissime
conveniret, conseqni videtur, ut doceamus, quemadmo- utamur, hoc modo tractabimus argumentationem.« Cau-
dum ipsas argumentationes ornate et absolute tractare « sam ostendemusUlyssifuisse, quare interfeceritAjacem:
possimus. Nam fere non difficile est invenire, quid sit cau- « inimieum enim acerrimum de medio tollere volebat;
sa; adjumcnto diflïcillimum vero est, inventum expo- a a quo sibi non injuria summum periculum metuebat.
lire, etexpedite pronuntiare.'Hrccenim res facit, ut ne- « Yidebat, illo incolumi> se incolumem non futurum;
que diutius, quam satis sit, in eisdem locis commoremur, « sperabat illius morte se salutem sibi comparare consue-
« verat, si jure non poterat, quavis injuria iniinico eiitium
neque eodem identidem revolvamur, neque inchoatam ar-
gnmentationem relinquamus, neque incommode ad aliam machinari cui rei mors indigna Palamedis lestimoniuii)
deinceps transeamus. Itaque hae ratione et ipsi meminisse c dat. Ergo et metus periculi hortabalur eum interimere
poterimus, quid quoquo loco dixerimus, et auditor quum « quo supplicium verebatur et consueludo peccandi^
totius causa tum luiiuscujusque argumentationis distri. » maleficii. suscipiendi icmoTebat dubiiationom. Omne»
« a été souvent acheté au prix des plus coupables
écarts qui pourrait s'étonner qu'Ulysse n'ait
a" o.
clusion
(
< et aux ornements. Dans toute argumen-
ttation il faut, pour les deux dernières parties,
« pas
reculé devant un crime que les terreurs de- observer
( la règle que je trace. L'argumentation
« vaient nécessairement l'engager à commettre? la plus étendue se compose donc de cinq parties;
L'homme le plus vaillant, le plus intègre, le la plus courte en a trois, et la moyenne quatre
plus implacable contre ses ennemis, outragé, on en retranche ou les ornements ou la conclu-
furieux, était pour un lâche, pour un coupable sion.
«

« qui avait la
conscience de son crime, et l'ha-
perfidie, un ennemi qu'il ne vou-
1cieuses
XX. Il y a deux sortes d'argumentations vi-
« bitude de la celle l'adversaire
que réfuter
peut avec
« lait pas laisser vivre; personne
n'en sera sur- avantage, et qui appartient à la cause; et celle
« pris.
Puisque nous voyons les bêtes féroces qui, malgré sa futilité, n'appelle pas de réponse.
« s'élancer avec
ardeur pour nuire à d'autres ani- Si je ne mettais pas sous vos yeux quelques
« maux,
il n'est pas incroyable qu'un homme exemples, vous ne pourriez pas distinguer bien
«
farouche, cruel, inhumain comme celui-là, ait clairement les argumentations qu'il convient de
• marché avec fureur à la perte de son ennemi. repousser, et celles qu'on peut passer sous un
Encore les animaux n'ont-ils aucune raison, dédaigneux silence, et laisser sans réfutation.
ni bonne ni mauvaise, pour se nuire, tandis Cette connaissance des argumentations vicieuses
que nous savons que cet homme en avait nous présentera un double avantage elle nous
• de très-nombreuses et de très-criminelles. Si avertira d'éviter les défauts dans notre argumen-
donc, j'ai promis d'indiquer le motif qui a pu tation, et nous apprendra à reconnaîtreaisément
« porter Ulysse au meurtre, et si j'ai démontré ceux que n'auraient pas évités nos adversaires.
qu'il y avait de sa part une violente inimitié, et Après avoir montré que l'argumentation entière
«
la crainte du péril, il n'y a pas de doute qu'il ne et parfaite a cinq parties, considérons main-
«
faille convenir qu'ilyaeudesraisonsducrime.» tenant les défauts qu'il faut éviter dans chacune
L'argumentation la plus complète est celle qui de ces parties, afin que nous puissions nous
renfermecinqparties;mais elle n'est pastoujours en garantir pour notre compte, soumettre à
nécessaire. Tantôt, en effet, on peut se passer de l'épreuve de ces règles toutes les parties des ar-
la conclusion, si l'affaire est courte et facile à gumentations de nos adversaires, et venir à bout
embrasser par le souvenir; tantôt on néglige les d'en ébranler quelqu'une.
ornements, si lepeu de richesse du sujet, excluant L'exposition est vicieuse, lorsqu'en se fondant
l'amplification, ne les comporte pas. Quand l'ar- sur un cas particulier, ou sur le plus grand nombre
gumentation est rapide, et que le sujet est de peu de cas, on applique à tous les hommes ce qui ne
d'importance ou commun, on renonce à la con- leur convientpas nécessairement, comme dans cet

« enîm quum minima peccata cum causa suscipiunt, tum locuples ad amplificandum et exornandumresvidetur esse.
vero illa, quae multo rnaxima sunt matefleia aliquo certo Sin etbreviserit argumentatio, et res tenuis, aut huirjilis
emolumentoductisuscipere conantur. Si multos induxit tum et exornatione et complexione supersedendum est. in
« in peccatum peeuniae spes, si cumplures scelere se con- onini argumentations de duabus partibus postremis, Ikl't1,
» tainjnaverunt imperii cupiditate, si multi leve compen- quam exposui ratio est liabenda. Ergo amplissima est
« dium fraude maxima commutarunt; cui mirum vide- argumenlatio quinquepartita; brevissima est tripartita,
bitur, istum a maleficio propter acerrimam formidinem t
mediocris sublata aut exornatione aut complexione, qua-
''non tempérasse? Vtrum furtissimum, integerrimum, dripartita.
> ininiicitiarura persequentissimum, injuria lacessilum XX. Duo genera sunt vitiosarum argnmentationum
n ira exsuscitaluro homo limjdus, nocens, conscius sui unum, quod ab adversario reprehendi potest, idque per-
peccati, insidiosus inimicum incolumem esse noluit tinet ad causam; alterum quod tametsi niigatorium est,
• cui tandem hoc mirum videbitur? Nam quum fcras be- tamen non indiget reprehensionis. Qune sint, quœ repre-
« stias videainus alacres et erectas vadere, ut alteri besti'œ hensione confutari conveniat, quae tacite contemni atque
iioccanl, non est incredibile putandum, istins quoque vitari sine reprehensione, nisi exempla subjecero, intelli.
• aniraum feruni, crudelem, atque inhumanum, cupide I gere dilucide non poteris. Haec cognitio viliosarum argu-
« ad iniraici
perniciem profectum prasertitn quum in bc- mentationuin duplicem utilitatem afJeret nam et vitare in
• sliis nullam ncque bonam neque malam rationem videa- argumentatione vitium admonebit et ab aliis non vitatum
« mus; in isto plurimas el pessimas rationes semper fuisse j commode reprebendere docebit. Quoniam igitur ostendi-
mus
« intelligaraus. Si ergo pollicitus sum, incdalurumcausam, perfectam et plenam argumentationem ex quinque
« qua inductus Ulyssos accesserit ad malericium, et, si partibusconstare, in unaquaque parte argumcnlalionis quae
• inimicitiarum acerrimam rationem, et periculi metum vitia vitanda sint, consideremus, ut et ipsi ah his vitiis
« intercessisse demonslravi non est dubiuin quin confi- recedere, et adversariorum argumentationes hac prœce-
» teatur causam
nialcficii fuisse. » Ergo absolutissima est pLione in omnibus partibus tentaie, et ab aliqua parte labe-
ai'gumenlatio ea, quœ ex quinque partihus constat sed ea tactitre possimus.
non semper necesse est uti. Tum enim complexioue super- Expositio vitiosa est, quum ab aliqua ant a majore parle
Ketknduin est, si res brevis est, ut facile ntemoria com- ad onmes id confertur, qnod non necessario est omnibus
I relii'iKlatur tum cwnatio practcrmittcndaest, si parum attribiituin; ut si quis hoc nwdo exponat » Omnes, qui
exemple
« aiment mieux en sortir par des moyens criminels

A HÉRENiNIUS, L1V. II.
Tous ceux qui sont dans la pauvreté,
i
brigands,
ou des ennemis, ou notre client; nous
I répondrons que le meurtre a pu être commis par
d'y rester honorablement. » Si un orateur ex- les esclaves ou par les cohéritiers de l'accusé.
––
« que
pose ainsi son argumentation, sans songer quelle L'énumération de l'accusateur, ainsi renversée,
preuve et quelle confirmation de preuve il appor- il nous restera pourladéfenseunchampplus vaste.
tera, nous réfuterons aisément cette exposition en Il faut donc éviter aussi dans l'exposition, quand
faisant voir qu'il est faux et injuste d'attribuer à nous paraîtrons vouloir y rassembler tous les
tous les pauvres ce qui n'est vrai que d'un pauvre points, d'en omettre un important. C'est encore
dépravé. L'exposition est vicieuse encore, lors- un défaut dans cette partie que de présenter une
qu'on nie absolument l'existence d'une chose qui fausse énumération, et de n'offrir qu'un petit
n'arrive que rarement; par exemple « Personne nombre de cas, lorsqu'il y en a beaucou plus: par
« ne peut devenir amoureux d'un
regard et en exemple « Il y a deux choses, juges, qui portent
« passant. » Car, comme il y a eu
des hommes « tous les hommes à mal faire, le luxe et l'nva-
enflammés par un seul regard, et que l'orateur « rice. » – « Et l'amour? vous répondra-t-on et
a nié que cela pût arriver à personne, peu importe l'ambition? la superstitionla craintede la mort?
que le fait soit rare, pourvu qu'il soit prouvé qu'il « le désir de régner? et tant d'autres passions? »
a existé, ou pu exister quelquefois. L'énumération est fausse également lorsqu'elle
XXI. L'exposition est défectueuse encore, ne comprend que peu de cas, et que nous l'éten-
lorsque avec la prétention de rassembler toutes dons à un plus grand nombre; par exemple
les circonstances, on en omet une importante «
Trois mobiles font agir tous les hommes la
par exemple » Puisqu'il estconstantqu'unhomme « crainte, le désir, l'altération de l'âme. » Il suffi-
«
a été tué, il faut nécessairement qu'il l'ait été sait en effet, de dire la crainte et le désir; car
ou par des brigands, ou par des ennemis, ou par l'altération de l'âme se confond nécessairement
« vous qu'il avait institué en partie son
héritier. avec l'une et l'autre.
« Or, on n'a jamais vu de brigands dans cet en-
XXII. L'exposition pèche encore lorsqu'elle
«
droit il n'avait point d'ennemis; d'où il résulte est prise de trop loin par exemple « La sottise
« que s'il n'est pas
tombé sous les coups des bri- est la mère de tous les maux, puisqu'elle engen-
«
gands, puisqu'il n'en 'existait pas, ni de ses « dre d'innombrables désirs. Or des désirs innom-
« ennemis,
puisqu'il n'en avait pas, c'est vous qui « brables n'ont ni limite ni mesure. Ils produisent
«
êtes le meurtrier. On réfute une exposition sem- « l'avarice, et l'avarice pousse l'homme à tous les
blable en faisant voir que d'autres encore, outre « excès. C'est donc l'avarice qui a conduit nos ad-
ceux que l'accusateur a nommés, ont pu com- « versaires à se rendre coupables de cette action. »
mettre le crime. Ainsi dans cet exemple, il a dit Il suffisait du dernier membre de cette phrase;
qu'il fallait nécessairement en accuser ou des autrement on fait comme Ennius et les autres

« in paupertatc sunt, raalunt maleficio parare divitias a nobis occisum esse; dicemus potuisse vel a familia vel a
« quam officio paupertatem tueri. » Si quis hoc modo ex-
coheredibusnostris. Quum hoc modo illorumcolleclkmem
posuerit argumentationem, ut non curet quaerere, qualis disturbaverimus,nobis latiorem locum defendendi relin-
ratio aut rationis confirmatio sit, ipsam facile reprehende-e- quemiis. Ergo hoc quoque vitandum est in expositione,
mus expositionem, quum ostendemus, id quod îd aliquo ne quando, quum omnia collegisse videamur, aliquam
paupere improbo ait, in omnes pauperes falso et injuria idoneam partem reliquerimus. Item vitiosa expositio est
conferri. Item vitiosa exposilio est, quum id, quod raro qu% constat ex falsa enumeratione ut si, quum plura
fit, fieri omnino negatnr, hoc modo « Nemo potest nno sunt, pauciora dicamus, hoc modo « Duae res sunt ju-
« adspectu neque
prataïens in amorem incidere » Nam « dices, qurc omnes ad inaleficium impellunt, luxuries et
quum non nemo devenerit in amorem uno adspectu, et « avaritia. « Quid amor? inquiet quispiam quid am-
quum ille neminem dixerit omnino, niliil dilfert raro id ie bitio? quid religio ? quid metus mortis? quid imperii
lirai, dummodo aliquando fieri aut posse fieri intélliga- « cupiditns ? quid deuique alia permulta? » Item falsa
tur. enumeratio est, quum pauciora sunt, et plura dicimus,
XXI. Item vitiosa expositio est, quum omnes res osten- hoc modo « Tres res sunt, quae omnes homines sollici-
dimus nos collegisse,et aliquam rem idoneam prœterimus, k tant, metus,
cupiditas, segritudo. Satis enim fuerat
hoc modo •< Quoniam igitur hominum occisum constat dixisse metum et cupiditatem; quoniam œgritudinem
« esse necesse est aut a praedonibus aut ab inimicis occi- cum utraque re conjunctam esse necesse est.
H sum esse, aut
abs te, quem ille heredem testamento ex XXII. Item vitiosa expositio est, quae nimium longe
« parte fecerat.
Praedones illo loco nunquam sunt visi repetitur, hoc modo « Omnium malorum stultitia est
nullum habebat relinquitur,si neque prœdo- k mater, quae
parit immensas cupiditates immensœ porto
« inimicuni
nibus, neque ab inimicis occisus est, quoniam alteri non « cupiditates infinité et immoderatae sunt ha; partout
erant. alteros non habebat ut abs te sit interemtus. » n
avaritiam avarilia porro hominem ad quodvis malefi-
Nam ia hujuscemodiexpositiune reprehensione utemur, si i. cium impellit. Igitur araritia inducti adversarii nostri,
quos prater eos, quos ille dixerit potuisse suscipere ma- n
hoc in se facinus admiserunt. » Hic id quod extremum
leficium osteuderimus velut in hoc exemple, qnum dixe* dictum est, satis fuit exponere, ne Ennium, et celerog
rit necesse esse aut a prœdoniltus aut ab inimicis, aut [netas imiteimir, quibus hoc modo loqui concessum eêt
poetes, qui seuls ont la permission de parler ainsi l'utilité de son action. La raison est fausse lors-
Plût aux dieux que jamais les pins de la forêtt qu'elle s'appuie sur une fausseté On ne doit
de Pélisa ne fussent tombés sous la hache, ett « pas fuir l'amour, car il est la
source de la plus
n'eussent servi à former le navire que l'ont « véritable amitié. Ou bien II faut fuir la
«
nomme à présent Argo navire sur lequel l'élitee « philosophie, parce qu'elle amène l'engourdisse-
des Argiens, transportée dans la Colchide à lai « ment et la paresse. Car si ces raisons n'étaient
voix artificieuse du roi Pélias, alla chercher la point
fausses, il faudrait reconnaître la vérité de
toison d'or! Carjamais ma maîtresse, errantel'exposition qui les précède. La raison est faible
aujourd'hui, l'âme inquiète et blessée par unencore quand elle ne forme pas la base nécessaire
amour cruel, ne serait sortie de son palais. de l'exposition.Ainsi, dans Pacuvius
C'était assez de dire, si le poëte eût voulu s'en1 Les philosophes nous disent que la fortune
teuir à ce qui suffisait à la pensée
est insensée, aveugle, discernement; ils
sans
Plût aux dieux que ma maîtresse, errantet nous la représentent roulant sur un globe de
aujourd'hui, ne fût jamais sortie de sonpalais! pierre; ce qui leur fait penser qu'elle tombe
Gardons-nous donc avec soin, dans l'exposi-
à Fendrait où le hasard a poussé ce globe.
Elle est aveugle, répètent-ils parce qu'elle ne
tion, de reprendre ainsi de trop loin; car ce dé-
où elle se fixe; elle est insensée, parce
faut n'a pas besoin d'être relevé, comme beaucoup voit pas
d'autres; il se manifeste de lui-même. qu'elle est cruelle, incertaine, capricieuse;sans
discernement, parce qu'elle ne peut distinguer
XXIII. Une raison est vicieuse, lorsqu'elle ne celui
qui mérite ou ne mérite pas ses bien-
va pas à l'exposition, soit par sa faiblesse, soit t faits. Il y a d'autres philosophes qui nient au
par sa fausseté. Elle est faible, quand elle ne
e contraire qu'aucun malheur vienne de la for-
prouve pas nécessairement la vérité de ce qu'on 1 tune, et soutiennent que la témérité gouverne
a exposé; comme dans cet exemple de Plaute
tout; ce qui est vraisemblable, disent-ils, et
Cest une chose désagréable de reprendre uni démontré par l'expérience. Oreste, par exem-
ami pour unefaute, mais c'est quelquefois utilee pie, de roi, qu'il était d'abord, devint men-
et profitable. Voilà l'exposition; voyons la raisonti diant; mais ce fut l'effet de son naufrage, et
qui vient ensuite car moi-même je reprendraii non pas l'œuvre de la fortune.
aujourd'huimon amipourcelle qu'ila commise.
Pacuvius se sert ici d'une raison bien faible
C'est d'après ce qu'il va faire, et non d'aprèss pour donner plus de vraisemblance à l'empire
ce qu'il convient de faire, qu'il donne la raison dee du hasard, qu'à celui de la fortune; car, dans

Utinam ne in neraore Pelio securibus convenit, utile quid sit, ratiocinatur. Vana ratio est, quae
<^csa cecidisset abiegna ad lerram Irabes; ex falsa causa constat, hoc modo « Amor fugiendus non
lveve inde navis inchoandœexordium
Cœpisset, quœ nuoe nominatur nomine « est nam ex eo verissima nascitur amicitia. » Aut hoc
modo • Philosophia vitanda est affert enim secordiam
Argo, qua vecti Argivi delecli viri,
Petebanl illam pellem inauratam arietis, « atque desidiam- » Nam hae ratioues nisi falsx essent,
ColchU imperio regis Peliœ per dolum! expositiones quoque earum veras esse confiteremur.
Nam nunquam hera errans mea, domo efferret pedem Item infirma ratio est, quae non necessariam causam affcrt
Medea, ammo aegra, amore sœvo saucia. expositionis* velut Pacuvius
Nam hic salis erat dicere ( si id modo, qiiod es&et satis Fortunam insanam esse et caecam et brutam perbibent plil
curassetpoeta) losophi
Ftlnam ne liera errans mea domo efferret pedem Saxoque illam instare globoso prredicanl volubilem
Medea! Ideo, quo saxum impulerit fors, cadere eo Fortunam autu
Ergo hac quoque ab ultimo repetitione in expositionibus iS mant.
supersedendum est enim reprehensione, Cœcam ob eam rem esse iterant, quia niliil cernat, quo sese
magnopere non applicel.
sicut alise complures, sed sua. sponte vitiosa est. Insanam autem ainnl, quia atrox, incerta, instabilisqueait
XXIII. Vitiosa ratio est quœ ad expositionem non est st Brulam, quiadi^num atque indignum nequeatInternoscere.
accommodata, vel propteriniirmilatem, vel propter vani- Sunt autem alii philosophi, qui contra Fortiinara negent
tatem. Infirma ralio est, quae non necessario ostendit ita
ta Miseriam esse ullam, sed temeritate nmnia regi id magis
esse, quemadmodum exposituui est; velut apud Plau- !• Verlsimile aiunt; quod usus rcapse experiundo edocet.
tnra Velut Orestes modo fuit rex modo im-ndicus factus est.
Naufragiores contigit: nempe ergo haud fortuna obtigit.
Amicum castigare ob meritam noxiam,
immune est facinus verum in a/tato utile Nam hic Pacuvius inlirma ratione utitur, quum ait, « ve-
Et cooducibile.
« rius esse temeritate, quam fortuna res régi nam utra-
Ha* exposilio est videamus, quœ ralio afferalur que opinione philosophorum fieri potuit, ut is, qui rez
ISum ego amicum hodie meum fuisset, mendions fieret.
Concastigabo pro commerita noxia. XXIV. Item infirma ratio est, quœ videtur pro ratione
Ex eo, quod ipse facturus est, non ex eo, quod liairi aiTerri sed idem dicit, quod in exposilione dictum est,
l'une comme dans l'autre opinion #"it~\i »i /in rtdes
7 «in philoso-
nni l st^st
•% jugéa f*Cresphonte
^v – – I. _J_
un méchant homme, pourquoi
phes, il a pu arriver que celui qui était roi de- me le donniez-vous
pour époux? Si c'est, au
vint mendiant. contraire, un homme de bien, pourquoi me
XXIV. Une raison est faible, lorsque parais- forcer, contre ses vœux et les miens, de m'en
sant s'offrir à ce titre, elle ne fait que répéter• séparer? a
ce qui a été dit dans l'exposition. Par exemple Cette argumentation se réfute, soit en la re-
L'avarice cause de grands maux à l'homme,
«
le désir bornes des richesses,
tournant tout entière, soit en en combattant une
« parce que sans partie. En la retournant,quandon dit, parexem-
lui fait subir de cruels et de nombreux incon-
« ple Je ne commets, mafille, aucune injustice
« vénients. » Car ici la raison ne fait que re- à ton égard. Si Cresphonte
produire en d'autres termes ce qui a été énoncé est vertueux,
dansl'exposition. La raison est faible aussi, quand
j'ai dû te le donner pour époux; s'il ne l'est
je t'arrache, par le divorce, aux malheurs
elle ne prête à l'exposition qu'un appui pluss pas,
faible que celui dont elle a besoin par exemple qui te menacent. En combattant une partie,
« La sagesse est utile parce que ceux qui la pos- quand on ne repousse que l'une des deux conclu-
sèdent, pratiquent ordinairement la piété. » Ou sions, par exemple
bien Il est utile d'avoir de vrais amis, carr Si vous avez jugé Cresphonte un méchant
c'est le moyen d'avoir avec qui plaisanter. Car,homme, pourquoi me le donniez-vous. pour
i
dans ce cas, l'exposition s'appuie sur une raison époux? – Je l'ai cruplein de probité; je me suis
qui n'est ni générale, ni absolue, mais qui l'af- trompé, je l'ai reconnu plus tard, et je m'éloi-
faiblit. La raison est faible également, quand gne de lui. l
elle peut convenir à une autre exposition, comme
dans l'exemple de Pacuvius qui prouve par une La réfutation de cet argument est donc de

et qu'elle est sans discernement. la


seule et même raison, que la fortune est aveugle deux espèces la première est plus piquante
seconde est plus facile à trouver.
XXV. La confirmation des preuves est défec-
Dans la confirmation des raisons, il y a un{
grand nombre de défauts que nous devons éviter tueuse, lorsqu'on donne pour le signe certain
d'une chose ce qui peut en indiquer plusieurs
pour nous-mêmes, et découvrir dans nos adver-
saires observation qui demande d'autant plus autres; ainsi « II faut nécessairement qu'il ait
de soin, qu'une confirmation bien travaillée « été malade, puisqu'il est pâle. Cette femme a
forme le plus solide appui de l'argumentation. « certainement accouché, puisqu'elle tient un
Aussi les auteurs laborieux, pour appuyer leurs « nouveau-né dans ses bras. » Car, ces signes
raisons, se servent-ils du dilemme, comme dans n'ont rien de certain en eux-mêmes, si d'autres,
cet exemple de même nature, ne concourent avec eux; s'ils
s'y joignent, ils ne laissent pas que de donner
Vous me traitez, 6 mon père, avec une ri- quelque poids à la conjecture. C'est encore un.
gueur que je ne mérite pas; car si vous aviez défaut d'avancer contre l'adversaire une chose-

hoc modo ft Magno malo est homimbus avaritia idcirco Cur me huic locabas nuptiis ? sin est probus
«
quod homines magnis et multis iucommodis conllicUm- Cur talem invitam invitum cogis linquere?
« tur propter immensam pecuniœ cupiditatem. Nam hic Quae hoc modo concludentur, aut ex contrario converlen-
aliis verbis idem per rationem dicitur, quod dictum est tur, aut ex simplici parte reprehendentur. Ex contraria
per expositionem. Item infirma ratio est, quae minus hoc modo
idoneam,quam res postulat,causamsubjicit expositionis,
hoc modo « Utilis est sapientia, propterea quod qui sa- Nulla te indigna nata, aflicio injuria.
Si prohus est, collocavl sin autem improbus,
« pientes sunt,
pietatem colere consuerunt. Item, » Utile Divortio te liberano incommodis.
« est amicos veros habere habeas enim quibuscum jocari i
possis. Nam hujusmodi in rationibus non universa, Ex simplici parte reprehendentur, si ex duplici conclusione
allcrutra pars diluetur, hoc modo
neque absoluta, sed extenuata ratione expositio confirma-
toi-. Item infirma ratio est quœ vel alii expositioni potest Nam, si improhum Cresphontem existimaveras t
aecommodari, ut tacit Pacuvius, qui eamdem affert ratio- Cur me huic locabas nuptiis? – Duxt probum.
nem, quare caeca; eamdem, quare bruta Fortuna dicatu r. Erravipost cognovi et fugio cognitum.
In conlirmatione raiioitis multa et vitanda in nostra, et Ergo reprehensio hujus conclusionis duplex est; acutior
observandain adversariorumratione sunt vitia propterea- illa superiur, facilior haec posterior ad excogitandum.
que diligentius consideranda, quod accurata confirmatio XXV. Item vitiosa est confirmatio ration^, quumearCj
rationis tolam vehemenUssime comprobat argumeatatio- quae plura significat, abutimur pro certo unius rei signa,
nem. Utuntur igitur studiosi iu cuntirmanda ratione du- hoc modo « Necesse est, quoniam pallet, aegrotasse »
plici conclusione hoc modo aut, Necesse est peperisse, quoniam sustinet puerum
Injuria abs te afficior indigna, pater. infantem. Nam haec sua sponte certa signa non habent
Nam, si improbum Crcsphontem existimaveras si non cetera qnoque similia concurrant. Quod si concur-
qui peut s'appliquer à tout autre, ou même à XX\ ne faut pas non plus dire une chose
I. 11

celui qui parle, comme dans ce cas qui peut être prise dans un autre sens que celui
C'est un malheur que de se marier. Et qu'on veut lui donner; comme le seraient, par
vous avez pris une seconde femme! exemple, dans la bouche d'un homme puissant
On a tort également, lorsqu'on ne présente et factieux ces mots adressés au peuple « 11
qu'une défense banale, telle que celle-ci « C'est « vaut mieux obéir à des souverains qu'à de
-la colère qui l'a rendu coupable, ou bien la jeu- mauvaises lois. » Car cette pensée, bien qu'elle
l'amour. » Car de semblables excuses, puisse ne présenter qu'un développement sans in-
« nesse, ou
ei on les admettait, laisseraient les plus grands
tention coupable, donne prise à un grave
crimes impunis. C'est encore un défaut de prendre soupçon, si l'orateur est puissant. C'est un tort
également d'employer des définitions fausses
pour certain ce dont tout le monde n'est pas
d'accord, et ce qui est encore en litige; par exem- ou vulgaires. Elles sont fausses, si l'on dit,
ple par exemple « Qu'il n'y a point d'injure sans
« voie
de fait, ou sans paroles outrageantes. «Vul-
Ne sais-tu pas, toi, que les dieux dont la
gaires, si l'on peut les appliquer également bien
puissance gouverne les cieuxet les enfers, en- à une autre chose; par exemple « Le délateur,
tretiennent dans l'Olympe la paix et la con-
corde ? pour le peindre d'un trait, est un homme digne
C'est un exemple que, de son autorité privée,
de mort; car c'est un méchant et un dangereux
« citoyen. » Car ce n'est pas plus la définition
Ennius met dans la bouche de Cresphonte, comme d'un délateur que celle d'un brigand, d'un as-
si, par des raisons assez fortes, il avait déjà dé- sassin, ou d'un traître. Il ne convient pas non
montré la vérité de ce point. C'est une mauvaise plus de citer en preuve ce qui est encore en dis-
excuse que de dire que I'od a reconnu sa faute cussion comme dans le cas où un homme en
trop tard, et quand elle était déjà commise, accusant un autre de vol, dirait « C'est un mé-
comme celle-ci « Si j'y avais réfléchis Romains, «
chant, un avare, un trompeur, et ce qui le prouve,
n je n'aurais pas laissé la chose en venir à ce point;
«
c'est qu'il m'a volé. » Il ne faut pas non plus
< car,
j'aurais fait ceci ou cela; mais je n'y ai pas résoudre une question par ce qui ferait la ma-
«
songé dans le moment. C'est mal se défendre tière d'une autre; par exemple Vous ne devez
aussi, quand il s'agit d'un crime avéré, que de se •>

pas, censeurs, lui faire grâce, en considération


rejeter sur quelque léger service; par exemple de ce qu'il n'a pu, vous dit-il, se présenterau jour
«
Lorsque tout le monde vous recherchait je « où il avait promis par serment de le faire. Car
vous ai laissé sur le trône le plus florissant s'il ne se fût pas rendu à l'armée, donnerait-il
maintenant que vous êtes abandonné de tous, « cette excuse au tribun des soldats? Cette argu-
seule, au prix des plus grandspérils, je me pré- mentation est d'autant plus vicieuse, qu'elle pro-
pare à vous y replacer. duit, comme exemple, une chose quin'est niincon-
rerint, non nihil illiusmodi signa adaugent suspicionem. Quum te expetebant omnes florentissimo
Item vitiosum est, quum vel in alium, vel in eum ipsuni Regno reliqui nunc desertum ab omnibus,
qui (Jixil, id, qnod in adversarium dicitur, potest conYc- Summo periculo sola ut restituam paro.
iiire, hoc modo
XXVI. Item vitiosum est, quod in aliam partem, ac
Miseri sunt, qui uxores ducunt. At tu duKisti alteram. dictum sit, potest accipi. Id est hujusmodi ut, si quis po-
llem vitiosum est id, quod vulgarem habet defensionem tens ac factiosus in concione dixerit « Salius est uti régi.
hoc modo « Iracundia iuductus peccavit, aut adolescen- « bus, quam malis legihus. Nam et hoc tametsi rei au-
lia, aut amore. » Hujuscernodi enim deprecationes sipro- gendœ causa potest sine malitia dici, tamen propter
babuntur, impune maxima peccata dilabentur. Item vitio- potentiam ejus, qui dicit, nondicitur sine atroci suspicione.
sum est, quum id pro certo sumitur, quod inter omnes Item vitiosum est, falsis, aut vulgaribus definitionibusuti.
non constat, quia etiam nunc in controversia est, hoc Falsse sunt hujusmodi, ut si qnis dicat, « Injuriam esse
modo « nnllam, nisi quae ex pulsatione, aut convicto constet. »
Vulgares sunt, quae nihilo minus in aliam rem transferri
Eho tu dit, quibus est potestasmotus superum, atqufi in- possunt; ut si quis dicat, Quadruplator, ut breviter de-.
ferum «
scribam, capitalis est est enim improbus, et peslifer
Pacem inter sese conciliant, et conferunt concordiam. «
« civis. » Kam nihilo magis quadruplatoris, quam furis,
Nam ita pro suo jure hoc exemplo usum Cresphontem quam sicarii, aut proditoris, attulil deuiutioncm.Itcm vi-
l'nidus induxit, quasi jam salis certis rationibus, ila esse, tiosum est pro argumenta sumere, quod in disquisitionc
dcmonstrasset. Item vitiosum est, quod jam quasi sero, positum est; ut si quis quem furti arguat, et dicat, « eum
atque acto negotio, dici videtur, hoc modo « lu mentem « esse hominemimprobum avarum fraudulentum ei rei
« mihi
sivenisset, Quirites, non commisissem,ut hune in « testimonium esse, quod sibi furtum fecerit. » Item vi-
« locutn res
veniret; nam ant hoc, aut hoc fecissem sed tiosum est, controversiam contruversia dissolvere, hoc
« me tum ha-'C
ratio lugit. » Item vitiosum est, quum id, modo « Non convenit, censores, istum vobis satisfacere
quod in apei U> dtlicto positum est, tamen aliquo levi te- « ex co, quod ait, se non potuisse adesse ita, ut juratus
gilur dcfensione, hoc modo « fuerat quod si ad exercitum non veuisset idne tribuno
A IIÉRENMUS, L··W II.
·UJ) LIV. ~J
testable, ni jugée, mais douteuse et faisant elle- chers, ou quelque autre objet de leur préférence.
même question. C'est pareillement un défaut de C'cn est une également de ne pas produire toutes
laisser sans explication suffisante, et comme déci- les preuves que l'on a promises dans l'exposition.
dée, la chose même qui fait le principal objet de Il faut éviter encore, lorsque la discussion roule
la controverse; comme dans cet exemple sur un objet, d'en traiter un qui soit sans rap-
paroles de l'oracle sont fort claires, si port avec celui dont on dispute; il faut bien se
Les garder de rien ajouter ni retrancher à son plan
tu les veux comprendre il dit de donner les de
d'Achille guerrier qui montre ne pas changer complétementla nature de sa
armes au se son
égal, si nous voulons nous rendre maîtres de cause, comme dans la scène de Pacuvius où"
Zéthus et Amphion discutent d'abord sur la mu-
Pergame.Je déclare que ce guerrier, c'est moi;
j'hérite frère, sique, et finissent par des dissertations sur les rè-
il est juste que des de
armes mon gles de la sagesse et sur l'utilité de la vertu. Il
et qu'on me les adjuge, soit comme à son pa- faut prendre garde aussi l'accusation ne porte
à l'émule de valeur. que
rent, soit comme sa sur uu point, et la défense sur un autre ce qui ar-
Il n'est pas moins blâmable de se contredire rive souvent au coupable par la nécessité de sa
soi-même, et de combattre, plus tard, ce qu'on mauvaise position; ainsi Un homme accusé
aura soutenu d'abord. « de brigue
dans la recherche d'une magistrature,
Je ne puis vous dire, en y réfléchissant « répond qu'il a reçu pendant la guerre de nom-
bien, pourquoi j'accuse cet homme; car, s'il a « breuses récompenses des généraux. Si nous
de la pudeur, dois-je accuser un homme de observons avec soin nos adversaires, nous sur-
bien s'il est d'un caractère qui ne rougisse de prendrons souventcette tactique, et nous nous en
rien, à quoi bon accuser un homme qui sera servirons en la dévoilantpour montrer qu'ils n'ont
insensible à mes discours? rien de précis à répondre. On a tort de blâmer
Il paraît se donner à lui-même une assez bonne un art, une science, un
raison de ne pas accuser; que signifie donc ce
travail, à cause des vices
de ceux qui s'y livrent, comme ceux qui blâment
la rhétorique à cause de la conduite condamnable
qu'il dit ensuite
de quelque orateur: on ne doit pas non plus, parce
Maintenantje vais, en remontant au com- que l'existence d'un crime est constante, s'ima-
mencementde ta vie, te faire connaître tout en- giner qu'on a fait connaître le coupable qui l'a
fier? commis. « Le cadavre, dites-vous, est défiguré
XXVII. C'est une faute encore de blesser les « enflé, livide; donc c'est le poison qui a donné
affections des juges ou des auditeurs, en attaquant « la mort. » Oui mais si vous passez tout votre
le parti qu'ils suivent, les hommes qui leur sont temps comme le font beaucoup d'autres, à prou-

« militum diceret? Hocideo vitiosum est, quia non ex-


»>
quas pollicïtu sis in expositione. item verendum est, ne
pedita, aut judicata res, sed impedita, et in simili contro- de atia re dicatur, quum alia de re controversia sit, inque
versia posita, exempli loco profertur. Item vitiosum est, hujusmodi vitio considerandum est, ne aut ad rem addatur
quirm id, de quo summa controversia est, parum expedj- quid, aut quippiam de re detrahatur; aut tota causa mu-
tur, et quasi transactum sit, relinquitur, hoc modo tata in aliam causam derivetur uti apud Pacuvium Ze-
thus cum Amphione, quorumcontroversiaquumde musica
Aperte fatur dictio, si Intel Ugas. inducta sit, disputatio in sapientia? rationem et virtutis
Tali dari arma, qualis, qui gessit, fuit,
Jubet, potiri si studeamus Pergamo utilitatem consumitur. Item considerandum est, ne aliud
Ouem ego profiteor esse me me œquum est frut accusatoris criminatio contineat, aliud defensoris ratio pur-
Ffaternis armis, mihique adjudicarier, get quod sœpe consulte multi ab reo faciunt, angustiis
Vet (|uod propinquus, vel quod virtute semulus. causas coacti uti, si quis, quum accusetur, ambitu
Item vitiosum est, ipsum sibi in sua oratione dissentire « magistratum petiisse ab imperatoribus sœpenuniero se
et contra ea quae ante dixerit, dicere, hoc modo « apud exercilum donatum esse dicat. » Hoc si diligenter
in adversariorum oratione observaverimus, ssepe depre-
Quare accusem huno nequeo exputando evolvere; hendemus,et in bujusmodi deprehensione ostendemus,
Nam veretur, quid eum accusem, qui est probus?
si
Sin inverecuudum animi ingenium possidet,
eos, de [ ea re quid dicant, non habere. Item vitiosum
Quid eum accusem, qui id parvi auditu existimet? est, artem aut scientiam autstudium quodpiamvituperare
propter eorum vitia, qniineo studio sunt veluti, qui rbe-
Non incommoda ratione videtur sibi ostendiase, quarenon toricamvituperanttpi'opteralicujus oratoris vituperandam
accu&aret. Quid? postea quid ait vitam. Item vitiosum est, ex eo, quod perperam factum
Nunc ego te ab summo jam detexam exordlo ?î esse constet, putare ostendi, a quo homine factum sit,
hoc modo « Mortuum deformatum, tumore preeditum,
XXVII. Item vitiosum est, quod dicitur contra judicisJ « decoloratum fuisse constat
ergo veneno necatus est. >•
voluntatem, aut eorum, qui audiunt, si aut partes, qui- Deinde, si sit usque in
bus illi student, aut homines quos illi caros habent, lœ-
eo occupatus, ut multi faciunt,
• venenum datum, vitio mediocri conflictetur. Non enim
dantur, aut aliquo hujusmodi vitio laedatur auditoris vo- • factumne sit, quœritur,non
sed a quo factum sit.
luntas. Item vitiosum est, non omnes res conlirmare, XXVlIf. Item vitiosum est in comparandis ri'bus altfl-
ver l'empoisonnement, vous aurez montré une « le peuple romain; ou comme si tous ceux à qui
grande faiblesse; car on ne demande pas si le L'on a interdit l'eau et le feu, n'étaient pas des
crime existe, mais bien quel est celui qui l'a «
exilés. » Peut-être faut-il pardonner à Sulpi-
commis. cius, qui avait en cela une intention. Pour nous,
XXVIII. La confirmation des raisons est vi- regardons comme un vice oratoire d'engager une
cieuse, si dans la comparaison de deux choses, discussion -pour un changement de mot.
vous en omettez une ou ne la traitez qu'avec né- XXIX. L'ornement des preuves consistant
gligeuce si, par exemple, « examinant la ques- dans les comparaisons, les exemples, les amplifi-
« tion
de savoir si les distributionsde blé sont ou cations, les jugements et autres moyens capables
non avantageuses au peuple, » vous vous at- de donner à l'argumentation plus de force et de
tachez à en énumérer les avantages, en laissant richesse; examinons quels sont les défauts qui
de côté les inconvénients, comme indifférents, ou s'y rattachent. La comparaison est défectueuse,
ne parlant que des plus légers. C'est un défaut en- lorsqu'elle n'est pas applicable en un point; lors-
core, de se croire obligé, dans un rapprochement, que la similitude n'est pas juste, ou qu'elle nuit
de blâmer une chose parce qu'onfait l'éloge d'une à celui qui s'en sert. L'exempleest vicieux, s'il est
autre. Par exemple « On cherche si l'on doit ren- assez faux pour être repoussé, ou assez blâma-
dre de plus grands honneurs aux Albains, ble pour ne pas être suivi ou s'il prouve plus ou
« qu'aux Vénusiens, pour les services qu'ils ont moins que le sujet ne l'exige. On a tort de citer
rendus à la république. » Si vous parlez en fa- un jugement, s'il se rattache à un objet dif-
veur des uns, n'allez pas blesser les autres; car férent, ou à quelque point qui n'est pas en dis-
il n'est pas nécessaire de justifier votre préférence cussion s'il est injuste, ou de telle nature que
par un blâme. Vous pouvez même, tout en don- les adversaires pourraient en citer un plus grand
nant la plus grande part de louanges aux uns, en nombre ou de plus concluants. C'est un défaut,
laisser quelqu'une pour les autres, pour ne pas quand l'adversaire convient d'un fait, d'argu-
paraître avoir combattu la vérité par la passion. menter pour en établir la preuve; car il suffit
C'est un dernier défaut, de disputer sur la nature d'amplifier cet aveu. De même l'amplification est
et le sens des mots dont l'usage explique très- vicieuse, quand elle prend la place de la preuve:
bien la signification. « Sulpicius, après s'être op- commesi, par exemple, un homme portant con-
«
posé à ce qu'on rappelât les exilés qui n'avaient tre
un autre l'accusation d'homicide allait,
« pas
été libres de se défendre, changea plus avant de fournir les preuves nécessaires, am-
« tard de résolution, et, tout en proposant la « plifier le crime, et dire qu'il n'y a rien de plus
même loi, prétendit en porter une autre, à cause « affreux que l'homicide. Car la question est de
«
de la différence des mots car il demandait le savoir, non pas si le crime est affreux, mais s'il
«
rappel, non des exilés, mais de ceux qu'on a été commis.
avait chassés par la force comme s'il se fùt agi La conclusion est mauvaise, si elle ne s'atta-
« de discuter alors de quel Wn devait les appeler che pas à l'ordre établi dans le discours; si elle

ram rem efferre, de altéra raefiîionem non facere, aut ne- Verum illi fortasse ignoscimus, si cum causa fecit nos
gligentius disputa» ut « si comparetur, utrum satins sit tamen intelligemus, vitiosnm esse, intendere controver-
n populum
frumentum accipere, an non? » quae commoda siam propter nominum mntationem.
sint in altera re cures enumerare quœ in altera incom- XXIX. Quoniam exornatio constat ex similibus, et
moda sint, velut depressa praetereas; aut ea, qum minima exemplis, et amplificationibus, et judicatis, et ceteris rc-
sint, dieas. Item vitiosum est, in rebus comparandis ne- bus, quae pertinent ad exaggerandam et collocupletandam
cesse putare atteram rem vituperari quum alterara laudes argnmentationem, quse sintiis rebus vitia, consideremus.
quod genus, « si quaeratur, utris major honor habendus Simile vitiosnm est, quod ex aliqua parte dissimile est,
« sit, Albensibus, an Venusinis, quod reipublfce populi nec habet parcoi rationem comparalionis,ant ipsi obest,
Il
romani profuerint; » et is, qui dicat alteris, alteros Le- qui affert. Exemplum vitiosum est, si aut falsum est, ut
dat non enim necesse est, si alleros praeponas, alteros reprehendatur; aut si improbum, ut non sit imitandum;
vituperare. Fieri enim potest, ut, qiinm alteros magis aut majus, aut minus, quam res postulabit. Res judi-
laudaris aliqnam alteris laudis partem attribuas ne cupi- rata vitioseprofertur, si ant dissimili de re proferatur; aut
dius pugnasse contra veritatem puteris. Item vitiosum est, de ea re, qua de controversia non est aut si improba;
de nomine et vocahulo ejus rei controversiam struere, aut ejusmodi, ut aut plures, aut magis idoneae res judi-
quam rem consuetudo potest optime judicare « velut catse ab ailversariis proferri possint. Item vitiosum est, id
qui intercesserat, ne exsuies, quibus causam quod adversarii factum esse confiteantur, de eo argumen-
« Sulpicius,
« dicere
non licuisset reducerenlur, idem posterius, im- tari, et planum facere factum esse nam id tantum augeri
« mutata voluntale quum eamdem legemferret, aliam sese oportet. Item vitiosum est, id augere, quod convenit
K
ferre dicebat, propter nominum commutationem nam doceri, hoc modo ut « si quis quem arguât, hominem
« non essuies, sed vi ejectos se reducere aiebat; perinde « occidisse, et antequam satis idoneas argumentaliones
« qnasi id fuisset in
controversia, quo illi nomine appel- «attulen't, augeat peccatum, et dicat, nihil indignius
« larentur a
populo romano, aut perinde quasi non omnes, « esse, quam hominem occidere » non enim, utrum ihdi-
gnnm sit, an non, sed factumnesit, qnœritur.
1
• t'.uibus aquaet igni interdictum est,exsules appellentur. »
n'est pas succinete; si elle ne laisse pas voir, rapporte la chose qui fait le sujet de l'accusation
après la récapitulation, un point certain et fixe, si c'est à l'universalité des hommes, ce qui la rend
qui montre quel était le but de l'argumentation, plus atroce; si c'est aux supérieurs, c'est-à-dire,
celui des preuves, de leur confirmation, et le ceux qui fournissent le premier lieu commun, ce-
résultat de l'œuvre tout entière de l'orateur. lui de l'importance de la chose; si c'est aux
XXX. Les conclusions, que les Grecs appellent égaux, c'est-à-dire à ceux qui sont placés dans
épilogues, ont trois parties l'énumération, l'am- une situation pareille, du côté de l'esprit, du
plification et la commisération; car elles doivent corps on de la fortune ou enfin, aux inférieurs,
énumérer, amplifier, attendrir. On peut les em- ceux qui, sous tous ces rapports, sont au-dessous de
ployer en quatre endroits différents du discours l'accusé. Au moyen du troisième, on demande
dans l'exorde après la narration; à la suite des ce qui arrivera si l'on a la même indulgence pour
preuves confirmatives; et dans la péroraison. tous les coupables; et, dans cette supposition, on
L'énumération recueille et rappelle en peu de fait voir quels seraient les dangers et les inconvé-
mots ce dont nous avons parlé, pour en renouve- nients auxquels on s'exposerait. Le quatrième
ler le souvenir, et non pour les répéter; elle re- sert à démontrer,que si l'on fait grâce à l'accusé,
produit l'ordre que nous avons suivi dans nos beaucoup d'autres, que la crainte du jugement
pensées, afin que l'auditeur, s'il les a confiées retient encore, se porteront au crime avec plus
à sa mémoire, puisse les y retrouver avec ce se- d'ardeur. Le cinquième fait voir, que si l'on pro-
cours. Il faut avoir soin de ne pas faire remonter nonce une fois autrement, rien ne pourra porter
l'énumération à l'exorde ou à la narration; car remède au mal, ni réparer l'erreur des juges.
alors l'orateur paraîtrait n'avoir fait et préparé C'est là qu'il ne sera pas inutile de montrer
son discours avec tant de soin que pour faire éta- par des exemples qu'il y a d'autres abus que
lage de son art, de son esprit ou de sa mémoire. le temps peut affaiblir, ou la prudence rendre
Ilfautdoncnelacommencerqu'à la division;puis sans danger; mais que pour celui dont il s'agit
exposer rapidement ce qu'on a dit dans la con- rien ne pourra contribuer à l'atténuer ni à le
firmationet la réfutation. L'amplificationemploie détruire. Le sixième démontre la prémédita-
le lieu commun pour exciter l'auditeur en faveur tion, et établit qu'il n'y a pas d'excuse pour un
de la cause. Il y a dix sortes de lieux communs crime volontaire, tandis qu'on peut pardonner
très-propres à exagérer une accusation. Le pre- avec justice à l'imprudence. Le septième fait
mier se tire de l'importanceet de la dignité d'une ressortir tout ce qu'il y a eu d'horrible, de cruel,
chose, prouvée par l'intérêtqui y ont pris les dieux d'atroce, d'oppressif dans le crime; tels sont,
immortels, nos ancêtres, les rois, les cités, les na- par exemple, les outrages commis envers des
tions, les hommes les plus sages, le sénat, et surtout femmes, ou quelqu'une de ces entreprises qui
par la sanction qu'elle a reçue des lois. Le second mettent les armes à la main, et font répandre le
consiste à examiner quels sont ceux auxquels se sang dans les combats. Le huitièmedémontre que
Complexio vitiosa est, quae non, ut quodque primum sime sumuntur adaugendi criminis causa. Primus locus
dictum est, primum complectitur, et quœ non breviter sumitur ab auctontate, quum commemoramus, quanta;
concludit, et quae non ex enumeratïonccertum et constans curœ ea res fuerit diis immorlalibus, aut majoribus nostris,
aliquid relinquit, ut intelligatur, quid propositum in argu- regibus, civitatibus, nationibus, hominibus sapientissi-
mentatione sit, quid deinde ratione, quid contirmatione, mis, senatui item maxime, quo modo de bis rébus legibus
quid tota argumentatione demonstratum. sancitum sit. Secundus locus est, quum consideramus,
XXX. Conclusiones quae apud Graecos èh&oyoi nomi- illae res, de quibus criminamur, ad quos pertineant: utrum
nantur, tripartitic sunt nam constant ex enumeratione, ad omnes, quod atrocissimumest; an ad superiores, quot)
amplificatione, et commiseratione. In quatuor locis uti genus ii sunt, a quibus auctoritatis locus communis su-
possumus conclusionibus in principio, secundum narra- milur an ad pares, hoc est, in eisdem partibus animi,
tionem, secundum firmissimam argumentationem, in con- corporis, fortunarum positos; an ad inferiores, qui omni-
clusione. Enumeratio est, per quam colligimus et commo- bus his rebus antecelluntur. Tertins locus est, quo per-
nemus, quibus de rebus verba fecerimus, breviter; ut cunctamur, quid sit eventurum si omnibus idem conce-
renovetur, non redintegretur oratio et ordine, quidquid datur et ea re neglecta, ostendimus, quid periculorum
erit dictum, referamus, ut auditor, si memoriaemandave- atque incommodorum consequatur. Quartus locus est,
rit, ad id, quod ipse meminerit, reducatur. Item curan- quo demonstratur, si huic sit remissum, multos alacriores
dnm est, ne aut ab exordio, aut a narratione repetatur ad maleficia futuros, quos adhuc exspectatio judicii re-
orationis enumeratio facta enim et dedita opera compa- moretur. Quintus locus est, per quem ostendimus, si se-
rata oratio videbituresse, aut artifïcii signilicandi, aut ù> mel aliter judicatum sit, nullam rem fore, quse incommodo
genii Tenditandi, aut memoriae ostentandœ causa. Qua- mederi, aut erratum judicum corrigere possit quo in loco
propter initium enumerationis snmendumest a divisione non incommodum erit uti ceterarum rerum comparatione,
deinde ordine breviter exponendse sunt res, quœ tractalae ut ostendamus alias res posse aut vetustate sedari, aut
erunt in confirmatione et confntatione. Amplilicatio est, oonsilio corrîgi luijus rei aut leniendae, ant corrigendso
qua;, per locum communem,instigationisauditoi um causa nullam rem adjumento futuram. Sextus locus est, quum
snmitur. Loci communes ex decem praeceptis commodis. ostendemus ex consulto factum, et dicemus voluntario fa.
le crime qu'on poursuit n'est point ordinaire protestons de la fermeté de notre âme et de notre
mais unique, infâme, atroce, inouï, et qu'il ap- résignation pour les malheurs à venir. Mais il ne
pelle une vengeance d'autant plus prompte et plus faut pas s'arrêter sur les moyens de compassion;
terrible. Le neuvième sert à établir une compa- car rien ne sèche plus vite que les larmes.
raison entre les délits on établit, par exemple, J'ai traité dans ce livre tous les points les plus
que c'est un plus grand crime d'attenter à l'hon- obscurs de l'art; c'est ce qui m'engage à le ter-
neur d'une femme libre, que de piller un tem- miner. Je réserve pour le troisième tous les autres
ple parce que l'un peut naître du besoin, et que préceptes qui me paraîtront nécessaires. Si vous
l'autre prouve l'absence de tout frein dans la mettez autant de soin à les suivre que j'en ap-
passion. Le dixième lieu commun, expose toutes porte à les tracer, je trouverai dans votre instruc-
les circonstances qui accompagnent et qui sui- tion le fruit de mes soins, et vous-même me sau-
vent un fait avec tant de vigueur, tant de soin, rez gré de mes efforts en vous réjouissant de vos
d'adresse et de vérité, que l'auditeur semble voir progrès. Vous deviendrez plus habile par la con-
revivre l'action elle-même. naissance des préceptes de l'art, et moi je ne
XXXI. On excite la compassion dans l'âme de mettrai que plus de zèle à compléter mon ou-
l'auditeur, en rappelant les vicissitudes de la for- vrage. Cet espoir ne me trompera pas, je le sais
tune en mettant en parallèle la prospérité dont car je vous connais bien. Je vais donc passer à
nous avons joui, et l'adversité qui nous poursuit présent aux autres préceptes, car mon plaisir
à présent; en plaçant sous ses yeux l'énumération le plus grand est de remplir votre légitime at-
et le tableau de tout ce qui résulterait de fâcheux tente.
pour nous, si nous perdions notre cause en re-
courant aux prières, et nous mettant à la merci
de ceux que nous implorons. Retraçons les maux LIVRE TROISIÈME.
que notre disgrâce fera retombersur nos parents, I. J'ai fait voir suffisamment, ce me semble,
nos enfants, nos amis; et montrons-nous affligés dans les livres qui précèdent, comment il faut
non pas de nos propres souffrances, mais de la appliquer les règles de l'invention au genre judi-
solitude et de la misère qui les menacent. Faisons ciaire. J'ai renvoyé dans celui-ci celles qui concer-
connaître la clémence, l'humanité, la douceur nent le délibératif et le démonstratif, afin de vous
que nous avons montrée nous-mêmes envers les en présenter sans retard l'ensemble complet. Il
autres. Prouvons que nous avons été toujours ou restait encore quatre parties de l'art. Je traiterai
souvent malheureux; déplorons le malheur de de trois dans ce livre de la disposition, de la
notre destinée ou les persécutions de la fortune; prononciation, de la mémoire. L'élocution me

cinori nullamexcusationem,impnidentine justam depreca diu in malis fuisse ostendemus si nostrum fatum, aut
tionem paratam. Septimus locus est, quo ostendemus te- fortunam conqueremur si animum nostrum fortem, pa-
trum facinus crudele, nefarium, tyrannicum esse quod tientem incommodorum ostendemus futurum. Commise-
genus, injuriai mulierum, aut carum rerum uliquid, qua- rationem brevem esse oportet nihil enim lacryma citius
rum rcrum causa bclla suscipiuntur, et cum hostibus de arescit.
vita dimicatur. Octavus locus est, quo ostendimus, non Ferc locos obscurissimos totius artificii tractavinius in
vulgare, sed singulare esse maleficium spurcum, nefa- hoc libro quapropter hnic volumini modus hic sit. Reli-
riiun inusitatmn quo maturius et alrocius TÎndicanduni quas praeceptiones, quoad videbitur, in tertium librum
sit. Nonus locus constat ex peccatorum comparatione, transferemns. Haec si, ut conquisite conscripsimus, ita ut
quasi quum dicemus, inajus esse maleficiimrstuprarein- diligenter fueris consecutus, et nos industrie fructus ex
genuam, quam sacrum lcgere quod propter egestatem tua scientia capiemus, et tute nostram diligentiam lauda-
alteruiu alterum propter inlemperantcm superbiam fiat. bis,tuaqueperceptioneUetabere tuscientiorerisprœceplo-
Decimus locus est, per quem omnia, quœ in negotio ge- rum artificio, nos alacriores ad reliquum persolvendam.
rundo acta sunt, quaeque rem consequi soient exponemus Verum ha;c futura satis scio te enim non ignore. Nos
acriter, et criminose, et diligenter, ut agi res, et geri ne- deinceps ad cetera praecepta transeamus, ul, quod liben-
gotium videatur, rcrum consequentium enumeratione. tissime facimns, tuaî voluntati rectissimœ morera geraraus.
XXXI. Misericordiacommovebiturauditoris animus, si
variam fortunarum commutationem dicemus; si ostende.
mus, in qnibus commodis fuerimus, quibusque incommo- LIBER TERTIUS.
dis simus, comparatione si, quae nobis fulura sint, nisi
causam obtinuerimus, enumerabimus, et ostendemus si I. Ad omnem judicialem cansam quemadmodum conve-
supplicabimus,et nos sub eorum, quorum misericordiam niret inventionem rerum accommodai1satis abundanter,
captabimus, potestatem subjiciemus si, quid nostris pa> ut arbitror, superioribus libris demonstratum est. Nuno
rentibus, liberis, ceteris necessariis casurum sit propter earum rationem rerum inveniendaruni, quae pertinerent
nostras calamitates, aperiemus, et simili ostendemus, ad causas dcliberativas et demonstrativas, in hune libriim
J
illoruin nos solitudine et misena non nostris incommodis transtulimus, ut omnis inveniendi praeceptio tibi quam
dolere si de clementia, humanitate, misericordia nostra, primum persoiveretur. Reliquae quatuor partes erant arti-
qua in alios usi sumus, apeiïcmns si nos semper, ant iicii. De tribus parlions in hoc libro dicemus, dispositions.
paraissantexiger de plus longs détails, j'ai mieux même. Lorsqu'un motif étrangeren constituera le
aimé la développer dans un quatrième livre, que fond, c'est ce motif qu'il faudra faire valoir oh
je terminerai,je le pense, et vous enverrai promp- combattre. Tout orateur qui ouvrira un avis
tement, afin que rien ne vous manque sur l'art de devra se proposer pour but l'utilité, et diriger
la rhétorique. En attendant, vous reviendrez sur là toute l'économie de son discours. Dans les
les premiers préceptes par des lectures que vous délibérations politiques, l'utilité se divise en
ferez, soitavec moi, sivousle désirez, soit en votre deux parties, la sûreté et l'honnêteté. La sûreté
particulier, et rien alors ne vous empêchera d'en fait voir un moyen quelconque d'éviter un dan-
retirer le même profit que moi. Prêtez-moi main- ger présent ou à venir; les moyens sont la force
tenant votre attention, je vais poursuivre le but ou la ruse, qu'il s'agit d'employer ou séparément
que je me suis marqué. ou de concert. La force consiste dans les armé es
II. Dans le genre délibératif on examine tan- les flottes, les armes, les machines de guerre,
tôt quel est le parti que l'on doit prendre, tantôt les levées d'hommes, et autres ressources de ce
quel est le meilleur qui se présente. Dans le pre- genre. La ruse a recours à l'argent, aux promes-
mier cas, par exemple « Faut-il détruire Car- ses, à la dissimulation, à la promptitude, aux
« thage, ou la laisser
debout? » Dans le second bruits divers, et à beaucoup d'autres stratagèmes,
« Annibal se
demande, lorsqu'on le rappelle à dont je parlerai plus à propos, si je me décide à
« Carthage, s'il doit rester en Italie, ou retourner traiter jamais de l'art militaire et de l'administra-
« en
Afrique, ou passer en Égypte pour s'emparer tion civile. L'honnêteté renferme deux parties,
« d'Alexandrie. » Les
délibérations portent quel- le bien et le louable. Le bien est ce qui se trouve
quefois sur la nature même de la chose; par d'accord avec la vertu et le devoir. Il réunit sous
exemple « Le sénat délibère s'il rachètera ou son nom la prudence, la justice, la force d'âme
« non les prisonniers. »
Quelquefois ellc embrasse et la tempérance. La prudence, c'est l'habileté
quelque motif étranger 1 ainsi: «Le sénat délibère, qui fait un choix entre le bien et le mal. On
« si
dans la guerre d'Italie, il doit affranchir appelle aussi prudence une connaissance acquise,
« Scipion du joug de la loi pour qu'il puisse être ou la mémoire longtemps exercée, ou une longue
« fait consul avant l'âge. » Il en est qui reposent
expérience des affaires. La justice, c'est l'équité
à la fois, et sur la nature même de la chose, et rendantàchacunselon son mérite. La forced âme,
plus encore sur des considérations étrangères; c'est la passion des grandes choses et le mépris des
par exemple: « Le sénat délibère si, dans la guerre petites c'est la patience dans les travaux en vue
« d'Italie, il accordera ou refusera aux
alliés le de leur utilité. La tempérance est le pouvoir qui
« droit de
cité. » Dans les causes où la nature du modère les passioqs de l'âme.
sujet fera la matière de la délibération, le dis- III. L'orateur fait usage de la prudence dans
cours tout entier devra se renfermer dans ce sujet ses diverses acceptions, lorsqu'il compare les

I
pronuntiatione, memoria. De elocutionc, quia plura di- extranca causa conliciet deliberationem, in Elis ea ipsa
cenda videbantur, in quarto libro conscribere maluimus causa erit adaugenda aut deprimenda. Omnem orationem
quem, ut arbitror, tibi librum celeriter absolution mitte- eorum, qui sententiam dicent, finem sibi conveniet utili-
mus, ne quid tibi rhetoricœ artis déesse possit.' Interea tatis proponere, ut omnis eo totius orationis ratio confera-
prima quœque et nobiscum, quum voles, et interdira sine tur. Utilitas in duas partes in civili consultationedividitur,
nobis legendo consequere, ne quid impediare,qui ad banc tutam, et lionestam. Tuta est, quae conlicit instantis, aut
utilitatem pariter nobiscum progredi possis. Nunc tu fac consequentis periculi vitationem qualibet ration* Hecc
attentum te prœbeas nos proficisci ad inslituta pergemus. distribnitur in vim, et dolum quorum aut alterum sepa-
H. Deliberaliones partim sunt hnjusmodi ut quœratur, ratim, aut ulrumque sumemus conjunctim. Vis ilecerni.
utrum potius faciendum sit; partim hujusmodi, ut, quid tur per exercitus, classes, arma, tormenta, évocations»
potissimum faciendumsit, consideretur. Utrum polius, hoe hominum, et alias hujnsmodi res. Dolus consiimitur in
modo « Carthago tollenda, an relinquenda
videatur.» pecunia, poHicilatione,dissimiilatione,maturatione, meit-
Quid potissimum, hoc pacto « ut si Hannibal consultet, tione, et ceteris rébus, de nuibus magis idoneo lenipore
« quum ex
Italia Carthaginem arcessitur, in Italia rema- loquemur, si quando de re militari, aut de administiaiione
« neat, an domum redeat, an
in jEgyptum profectus occu- reipublicae scribere volemus. Honesta res di\iditur in re-
« pet Alexandriam. » Item deliberationes
partim ipsae ctum, et laudabile. Rectum est, quod cum virtute et otfr'to M
propter se consultandae sunt
captivos ab hostibus redimat,
ut si deliberet senatus,
Partim 1
propter
fit. Id dividitur in prudentiam, justitiam, fortitudinein
modestiam. Prudentia est calliditas, qiiae ratione quadam
« an non. »
aliquam extraneam causam veniunt in detiberationem potest delectum habere bonorum etmalurum dicitur item
bello ltalico, solvatne legibus prudentia, scientia cujusdam arlificii item appellatur
« ut si deliberet senatns,
tempus consulem fieri. » prudentia,multarum rerum memoria, et usus complurium
« Scipionem, ut eum liceat ante
Partim et propter se sunt deliberandae, et magis propter negotiorum. Justifia est aequitas, jus unicuique tribuens
extraneam causam veniunt in consultationem « ut si de- p. Ijul,,Ue, F,tild,,
pro dignitate cujusque. Fortitudo e,~t
est rerum
6>r, milllillum
magnarum
appetitio, et rerum humilium contemtio, et laboris cum
« liberet senatus, belle
Italico, sociis civilatem det, an
rei natura faciet deliberationem, utilitatis ratione perpessio. Modestia est in animo continens
« non. » In quibus causis
uinnis oratio ad ipsam rem accommodabilur. In quibus moderatio cupiditatum.
avantages et les inconvénients, exhortant à profi- mépriser par conséquent celles qui sont basses et
ter des uns, et à éviter les autres; lorsqu'il peut honteuses, et les regarder comme au-dessous
avoir de la chose qu'il conseille, une science prati- de leur dignité; que lorsqu'il s'agit de ce qui est
que, et qu'il montre comment et par quel moyen honnête, il n'y a pas de dangers ni de travaux si
on y réussit; lorsqu'il engage à prendre une me- grands qu'ifs doivent nous en détourner; que la
sure dont il peut citer une application récente, ou mort est préférable à l'infamie; que la douleur
avoir gardé le souvenir. Dans ce cas, il lui est fa- ne doit jamais nous contraindre à nous affran-
cile d'opérer la persuasion par cet exemple. Nous chir de notre devoir; qu'il ne faut craindre les
nous appuierons sur la justice, si nous demandons inimitiés de personne, quand il s'agit de la vérité;
la pitié pour les innocents et les suppliants; si nous que pour la patrie, pour nos parents, nos hôtes
montrons qu'il faut être reconnaissant des bien- nos amis, et pour tout ce que la justice commande
faits, et se venger des outrages; si nous recom- de respecter, il faut braver tous les dangers,
mandons surtout la fidélité à la foi promise, et la supporter toutes les fatigues. Nous chercherons
conservation des lois et des mœurs de la cité si nos moyens dans la tempérance, en jetant le
nous proclamons le maintien des alliances et des blâme sur la passion immodérée des honneurs
amitiés, l'observation religieuse des devoirs que des richesses, et des autres avantages de ce
la nature nous impose envers nos parents, les genre; en marquant les bornes précises que la
dieux, la patrie; les égards sacrés que nous de- nature a mises à chaque chose; en montrant à
vons à nos hôtes, à nos clients, à notre famille, chacun ce qui lui suffit et le détournant d'aller
à nos alliés et à nos amis; si nous enseignons que au delà; en fixant les limites de toute chose.
ni l'appât du gain, ni la faveur, ni le danger ne Voilà les divisions de la vertu amplifiez-les si
doivent nous détourner du droit chemin; que, vous conseillez; si vous dissuadez, atténuez les
dans toute occasion, c'est de l'équité qu'il faut moyens que je viens d'indiquer. 11 n'y a personne
faire notre règle c'est par ces moyens ou d'autres assurément, direz-vous, qui pense qu'on doive
du même genre que, dans une assemblée du peuple s'écarter de la vertu; mais la circonstance n'était
ou dans un conseil, nous montrerons que la chose pas de nature à la faire briller et c'est plutôt dans
que nous conseillons est juste; nous en emploie- une circonstance contraire qu'elle se montrera. De
rons de contraires pour en prouver l'injustice même, si cela est possible en quelque façon, on
de sorte que les mêmes lieux nous fourniront les prouvera que ce qui s'appelle justice dans la bou-
ressources nécessaires pour persuader ou dissua- che de l'adversaire, n'est que lâcheté, fai-
der. Si nous voulons conseiller un parti qui de- blesse, fausse générosité qu'il donne le nom de
mande de la force d'âme, nous ferons voir qu'il prudence à l'impiété, au bavardage, à un sa-
faut rechercheret entreprendreles choses grandes voir importun que ce qu'il appelle tempérance,
et éievées; que les hommes de courage doivent n'est qu'inertie et coupable indifférence; et

III. Prudeutiaepai'libusuteinunndicemlOjSicouiinoda înas et œlsas sequi, et apjwli oportere et item res liumiles
fivim incommodis conferemus qnum altevum sequi vitare et indignas viros fortes proptcrca contenmere oportere,
atterum cohortar>imnr ant si qua in re cohortabimnrali- nec idoneas dignitati sua? judicare. Item a nulla re honesta,
quid, cujus rei aliquam disciplinabilem scientiam poteri periciili aut laboris magnitudinc dednci oportere anti-
mna liabcrc; et quo modo, aut qua quidque iatione lieri quiorem mortem turpitudine habere nullo dolore cogi,
oporteat,ostendemus aut si siiaclelmmis quippiam,cujus ut ab officio îcccdaliir nullius pro rei veritate metuere
rei gestae aut prsesentem, aut auditam memoriam poteri- inimicitias qnodlibet pro patria, parentibus, hospitibus,
rmtg habere qua in re facile id, quod veïimtis, exemplo amicis, et iis rebus, quas justifia colere cogit, adire pe-
nltato persuadere possûnus. Justitîac partibus utemur, si riculnm et quemlibet suscipere laborem. Modesliœparti-
aut innocentum, aut snpplicnm dicemus misereri oportere bus utemur, si nimias liDÎdines honoris, pecuniae, simi-
Moslemleraushenomerentibus gratiam refevri convenire: liumque rertun vituperabimus si uiiani<[uainque rem
si demonstrabimus ulcisci maie meritos oportere: si (idem cerlo natinw tennino ddinicinus si, qnoad cuique satis
magnopcre censebimus conservandam si leges et mores sit, o&tendemus, et nimium progre<ii dissuadebimus, et
livilatis egregie dicemus servari oportere si societates modum tmicuique rei statuerons. Hujusraodi partes sunt
atquc amieitias stndiose dicpmiis <oli convenir» si, quod virlutis, anipiiliiurul.T si .suadebimiis atlenuandse si ab
jus in parentes, deos, patriam natura comparavit, id re- his dcuortabimiir, [ut b'TC utlenucntur,] quîc supra de-
ligiose coleiiduni dnnmislralmims si hospitia, clientelas, monstravi. Nam nemo erit, qui censeat a virtute receden-
copnaliones, affinitates caste colendas esse dicemus si dum verum ant res non hujusmodi dicatur esse, ut vir-
nec pretio, nec gratia, nec periculo, nec simultate a via tutem possinms egregiam experiri autin contrariis potins
renia ostendemns dcdiici oporlerc si dicemns, in omnibus rebus, quam in bis, virttis constare ostendatur. Item si
>us
ipqùahile statni convenire. His atque hujusraodi parti- quo pacto notctïmus (piam ifi qui contra dicet,justitiam
bus justitûc si quam rem in concione, aut in consilio fa- Tocarit nos dcmonsli abimus ignaviam esse, et inertiam
(iendam censebimus jiiKtum esse ostendemus; contrariis, ac pravam liberalilatem quam prudenliam appellarit,
injustam. Ita tii't, ut eisdcoi locis et ad suadendum, et ad iueplam et gai rulam et odinsara scientiam esse dicemus
disgnadendum simus comparati. Sin fortitudinis ietinend.ie quam ille mmlcsliain dicet esse, cam nos inertiani, et
Musa feuendam quid esse dicemus, ostcndnmis res m»- disriolulutn ncg]igcntîamdic^mas quam ille fortitudinom
A HËRENNIUS, L1V.

ce qu'il prétend être la force d'âme une aveugle


7 l
III.
reté, on emploiera la division précédente, de la
témérité de gladiateur. force et de la sagesse. Car ce que nousavons ap-
IV. On entend par louable, ce qui assure au pelé ruse, pour rendre nos préceptes plus clairs,
moment même et dans la suite, un honorable nous l'appellerons dans le discours du nom plus
souvenir. Si je le distingue de ce qui est bien, ce honorable de sagesse. Si nous nous fondons sur
n'est pas que les quatre parties, comprises sous le le bien, et si nous avons recours aux quatre par-
nom de bien, ne puissentcontenir l'idée de ce qui ties qui la constituent, notre division aura éga-
est honorable; mais quoique la gloire ait sa lement quatre parties; si nous ne parlons que de
source dans le bien, toutefois il faut l'en séparer quelques-unes, notre division n'ira pas au delà.
dans le discours. Il ne doit pas suffire, en effet, Pour la confirmation et la réfutation, il faudra
de pratiquer le bien par ambition, pour la gloire; mettre en usage les lieux que nous avons indiqués
mais si l'on peut se la promettre, le désir de faire déjà, soit pour fortifier nos arguments, soit pour
le bien en acquiert une double force. Quand donc renverser ceux qu'on nous oppose. On cherchera
nous aurons fait voir qu'une chose est bien, nous dans le second livre les moyens d'argumentation
démontrerons qu'elle est louable, soit par l'opi- que l'art peut offrir.
nion des juges compétents, si les hommes du V. Mais s'il arrive que, dans une délibéra-
rang le plus distingué l'approuvent, tandis que tion, l'un cherche ses motifs dans la sûreté, et l'an-
ceux de la classe inférieure la blâment, soit par tre dans l'honnêteté, comme dans l'exemple de
les suffrages qu'elle aura mérités de quelques-uns l'armée qui, cernée parles Carthaginois, délibère
de nos alliés, de tous les citoyens, des nations sur le parti qu'elle doit prendre l'orateur qui
étrangères et de la postérité. conseillera de s'attacher à la sûreté, emploiera
Telle est la division des lieux communs appli- les lieux suivants: Nul parti n'est plus utile que
cables au genre délibératif; je vais indiquer en celui de sa conservation personne ne peut faire
peu de mots l'ordre dans lequel il faut traiter usage de sa vertu s'il n'a pourvu à sa sécurité;
la question tout entière. On peut débuter ou par les dieux eux-mêmes ne sauraient secourir celui
l'exorde simple, ou par l'insinuation, comme qui s'expose témérairement au danger; il ne faut
dans le genre judiciaire. Si l'on a quelque fait à rien estimer honorable, de ce qui ne peut assurer
raconter, il faudra suivre les règles que j'ai tra- le salut. Celui qui voudra mettre, au contraire,
cées à cet égard. Commedans ces sortes de causes l'honnêteté avant la sûreté, dira que dans au-
on a pour but l'utilité, qui se divise en deux cune circonstance il ne faut renoncer à la vertu
espèces la sûreté et l'honnêteté; si l'on peut les qu'eût-on même à redouter la douleur ou la
réunir toutes deux, on promettra d'en donner la mort, elles sont plus supportables que le dés-
preuve dans la suite du discours; si l'on ne veut honneur et l'infamie. Considérez, dira-t-il, quelle
développer que l'une d'elles, on l'annoncera honte vous allez encourir, et que cette honte ne
simplement. Si l'on dit que le fait intéresse la su- peut vous assurer l'immortalité ni voussauverpour

noininarit, eam nos gladiatoriam, et incousideratamap- dicturi


< aumus, ostendemus.At si nostram rationem tutam
pellabimns temeritatem. esse
t dicemus, divisione utemur in vim, et consilium
IV. Laudabile est, quod conficit honestam, et praesen- nam,
i quod in docendo, rei dilucidandae causa, dolum
tem et consequentemcommemorationem. Hoc nos eo a appellavimus
£ id in dicendo honestius consilium appellà-
recto separamus, non quod lue quatuor partes, qusc sub- tbimus. Si rationis nostrœ sententiam rectam esse dice-
jiciuntur sub vocabulo recti, banc honestatis commemo- tmus, et omnes partes rectiincident; quadripartite divisione
rationem dare non soleant sed quanquam ex recto lauda- utemur si non incident, quot eiunt tot exponemus in
bile nascitur, lamen in dicendo seorsum tractandum est dicendo.
( lu connrmatiorie et confutatione ntemur loris,
hoc ab illo. Neque enim solum laudis causa rectum seqni quos
c ante oslendimus, nostris ennfirmandis, contrariis
convenit; sed si laus consequitur, duplicatur recti appe- confulandis.
( Argumeutationis artiticiose tractandae ralia
tendi voluntas. Quum igitur erit demonstratum rectum, de
<
secundo libro (letelur.
taudabile esse demonstrabimusaut ab idoneis hominibus, V. Sed si acciderit, ut in consultatione alteri ab tuta
ut si qua res honestiori ordini placeat, quai a détériore ratione, alteri ab honesta, sententia sit, ut in délibéra-
ordine improbetur aut ab aliquibus sociis ant omnibus tione eoruin qui a Pœnis eïrcumsessi deliberant, quid
civibus, fxteris nationibus, posterisquenostris. agant; qui lutam rationem sequi suadebit, lits locis ute-
Quum hujusmodi loconim divisio sit in consultatione, tur Nullam rem utitiorem esse iacolumltale virtutibu»
breviter aperieuda est totius tractatio causse. Exordiri li- uti neminem posse, qui suas rationes in tuto non colloca*
cebit, vel a principio, vel ab insinuatione, vel iisdem ra. rit: deos quidem esse auxilio iis, qui se incAnsDllo in
ne
tionibus, quibus in judiciali causa. Si cujus rei narratio perieulum mittant honestum nihil oportere enislimari
incidet, eadem ratione narrare oportebit. Quoniam in hu- quod non salutem pariai. Qui tubs rei prasponet rationein
jusmodi eausis finis est utilitas et ea dividitur in rationem honeslam his locis utetur Virtutem nulh) tempore ralia-
tut.it» atque honestam: si uti unique poterimusostendere quendam veldolorem, si isttmeatur; vel mortem, »i r»
ntrumque pollicebimur nos in dicendo demonstraturos formidetur, dedecore et infamia leviorem esse conjlde-
esse; sin alterum demonstraturi erimus, simpliciter, quod lii i
rare, qoœ sit turpiludo conseculura; atnon immortaliu-
immoria
3.
toujyars; il n'est pas prouvé qu'après avoir évité tirerons
[ l'exorde, soit de notre personne, soit de
ee péril, vous ne retomberez pas dans un autre. celle que nous devons louer, soit des auditeurs,
La mort même est belle quand on y marche soit de l'objet même de notre discours. Si l'ora-
volontairement par son courage; d'ailleurs la teur, dans un éloge, parle de lui-même, il dira
fortune seconde d'ordinaire la valeur; celui- que c'est par devoir, ou par affection qu'il agit
là vit en sûreté qui vit avec gloire et non pas ou par l'empressement de célébrer une vertu dont
qui se sauve du danger; l'homme qui vit dans chacun voudrait assurer le souvenir, ou parce
l'opprobre ne peut jouir d'un repos durable. Les qu'il est séant de se faire connaître soi-même,
conclusions dont on a coutume de se servir dans en faisant l'éloge des autres. S'il a l'intention de
ce genre sont à peu près les mêmes que celles blâmer, il dira que les traitements qu'il a reçus
du genre judiciaire; à la différence qu'il est lui en ont donné le droit; ou que son zèle lui fait
extrémement utile dans ces dernières de citer regarder comme utile de dévoiler aux yeux de
un grand nombre d'exemples du passé. tous une méchanceté, une perversité sans exem-
VI. Passons maintenant au genre démonstra- ple ou qu'il veut montrer, par la censure qu'il
tif. Comme il comprend la louange et le blâme, fait des autres, son aversion pour leurs excès.
les moyens contraires à ceux dont nous aurons S'agit-il de la personne dont nous parlons, et
tiré la louange nous serviront à répandre le voulons-nous la louer ? nous laissonsvoir la crainte
blâme. La louange peut avoir pour objet ou les de ne pas atteindre à la hauteur de ses actions
accidents étrangers,ou lesattributs du corps et de ses vertus méritent l'éloge de tout le monde tout
l'âme. Les accidents étrangers sont ceux, qui dé- ce qu'il a fait est au-dessus de féloquencede tous
pendent du hasard, de la bonne ou de la mauvaise les panégyriques. Voulons-nous la blâmer? nous
fortune; comme la naissance, l'éducation, les emploierons les moyens contraires, avec de légers
richesses, le pouvoir, les honneurs, la gloire, le changements de formes, selon l'exemplequenous
droit de cité, les liaisons d'amitié; toutes les cho- en avons donné tout à l'heure. Si l'orateur tire
ses de cette nature, et cel les qui leur sont opposées. son exorde de la personne de l'auditeur, et qu'il
Les attributs du corps, ce sont les avantages loue, il dira que son héros n'étant pas inconnu
ou les inconvénients qu'il tient de la nature, de l'assemblée, il n'a pas besoin d'un long préam-
comme la légèreté,la force, la dignité, la santé; bule si on ne le connaît pas, il demandera la
et les défauts opposés. A t'âme appartient ce qui permission de faire connaître uu tel homme à
dépend de notre sagesse et de notre jugement des auditeurs qui n'ont pas moins de zèle que lui
la prudence, la justice la force, la tempérance, pour la vertu, et qui apprécieront une conduite
et les vices contraires. Nous trouverons donc là qu'il ferait approuver de tout le monde. Pour le
des moyens pour la confirmation ou pour la ré- blâme, nous suivrons la marche contraire les
futation. Ainsi dans le genre démonstratif, nous auditeurs connaissent-ils celui dont nous parlons;

tem neque aeternam incolumitatem consequi nec esse persona, aut ab re. A nostra, si laudabimus dicemus aut
exploratum, illo vitato periculo, nullum in aliud pericu- oRicio facere, quod causa necessitudinisintercédât; aut
]um venturos virtute vel ultro ad morlem proficisci, esse studio quod ejustnodi Tirtutis sit, ut oinnes comuieinorare
pneclarum fortitudini fortunam quoque esse adjumento debeant velle; aut quod rectum sit, ex aliorum laude
solere enm tute vivere, qui lioneste vivat, non qui in o^tendere, qualis uosteranimus sit. Si vituperabimus, aut
praesentia incolumis sit, eteum, qui lurpiter vivat, inco- merito facere, quod ita tractali simus; aut studio, quod
lumeni in perpetuum esse non posse. Conclusionibus fere utile putemus esse, ab omnibus unicam malitiam atque
similibus in his, et judicialibus causis uti solemus, nisi nequitiam cognosci aut quod placeat ostendi, quid nobis
ijuoj in his maxime conducit quam plurima rerum ante displiceat, ex aliorum vituperatione. Ab ejus persona, de
geMarum exempla proferre. quo loquemur, si laudabimus, vereri nos dicemus, ut
VI. Nunc ad demonstrativumgenus causiï transeamns. illins Tacta verbis consequi possimus omnes liomincsillins
Quoniamliax causa dividitur in laiidem, et \ituperalio- virtutespraedicareoportere;ipsafactaomnîumlaudatorum
ucm, quibus ex rébus laudem constitnenmus ex conlrariis eloquentiam anleire. Si vituperabimus,ea, quœ videbimus
rébus erit vituperatio comparanda. Laus igitur potest esse contraria, paucisverbis commutatis, dici posse, dicemus
rerum exterriarum, et corporis.et animi. Reium exter- ut paullo ante exempli causa demonstratum est. Ahaudito-
narum sunt ea, quoe casu, aut fortuna secunda, aut adversa, rum persona, si laudabimus, quoniam non apud ignotos
acciderc possunl ut geuus, educatio, divitiae, potestales, laudemus, nos monendi causa pauca esse dicturos: aut si
glortae, civitas amiciliœ et quœ hujnsmodi sunt; et ca erunt ignoti ut talent virum velint cognoscere petemus;
t)u.i; liis sunt contraria. Curporis sunt ea,qu<enatura cor-quoniam in eodem virtutis studio sint, apud quos laude-
Ikh attribuit conmioda aut incommoda mus, quo ille, qui laudetur, fuerit, aut sit, sperare nos
ut velocitas, vi.
»ts, diguitas, valitudojetqusccontrariasunt.Animi sunt facile iis.quibusyeiimus.bujusfacta probaturos. Contraria
ea, quae consilio, et cogitatione nostra constant ut pru- vituperalio quoniam norint, pauca de nequitia ejus nos
Jentia, justitia, l'ortiludo, modestia; et qure contraria esse dicturos quod si ignorent, petemus ut cognoscant
sunt. [Eril igitur hœc conlirmatio et confutatio nobis.] In uti malitiam vitare possint; qnoniam dissimiles sint, qui
liujnsuiodi igilur causa principium stimetur ant a nostra, audiunt, atque ille, qui vituperatur, nos sperare illius vi-
sut ah ejus de quo joqueinur, aut ab eoruin qui audienl! tam vehementer imprnbaluroa. Ab rebus ipsis, inceito»
nous avons peu de chose à dire de sa perversité qu'il a trouvé moyen de la rabaisser. En seeond
leur est-il inconnu; nous tiendrons à le dévoiler, lieu l'éducation dans l'éloge, on la représente
pour qu'ils puissent se garantir de lui; car ils sont soigneusementet librement dirigée pendant toute
loin de lui ressembler, et nous nous flattons qu'ils l'enfance du héros, d'après les meilleurs princi-
le désapprouveront hautement. Empruntons-nous pes dans le blâme, on fait le contraire. Il faut
notre exorde à l'objet même du discours; nous passer ensuite aux avantages du corps. Parle-
dirons que nous ne savons ce qu'il faut louer da- t-on des dons de la nature dans un but de
vantage que nous craignons, tout en parlant de louange; le héros a-t-il l'élégance et la beauté";
beaucoup de choses, d'en omettre un plus grand il les a fait tourner à son honneur, au lieu d'en
nombre encore; et autres tournures du même faire comme tant d'autres, des instruments de
genre. Pour blâmer, nous emploierons les tour- ruine et de honte. Possède-t-il à un degré remar-
nures contraires. quable la force et l'agilité c'est par d'honnête»
VII. Lorsqu'on a tiré l'exorde de l'une des cir- et habiles exercices qu'il l'a atteint. Jouit-il d'une
constances que je viens d'indiquer, on a rare- santé robuste; c'est le fruit de ses bonneshabitu-
ment besoin de le faire suivre d'une narration des et de sa tempérance. Dans le blàme, si ces
mais s'il en fallait une, pourexposer, dans un but mêmes avantages existent, on dira qu'il a fait un
d'éloge ou de blâme, quelque action de celui mauvais usage des dons que le dernier des gladia-
dont nous parlons, on se reportera au premier li- teurs peut tenir comme lui duhasard et de la na-
vre pour les préceptes qui se rapportent à cette ture. S'il n'a plus que la beauté, on dira que c'est
partie. Voici comment doit se faire la division parsa faute et son intempérance que le reste a pé ri
on expose d'abord les choses que l'on va louer Après quoi, revenant aux choses extérieures, on
ou blâmer; ensuite on dispose chacune d'elles en considère les vertus ou les vices dont elles sont de-
suivant l'ordre du temps où elle a été faite, de venues la source. On s'étend sur l'opulence ou la
manière à faire comprendre combien elle a de- pauvretédesonclient;sursesplaces, ses honneurs,
mandé de précaution et d'habileté. On entre après ses liaisons, ses inimitiés; sur le courage dont il a
dans le détail des vertus ou des vices, des avan- fait preuve contre ses ennemis, et le motif qui
tages ou des défauts du corps, des choses exté- les lui a suscités; sur la bonne foi, la bienveil-
rieures, et du parti que l'esprit en a tiré. L'or- lance, l'affection qu'il a montrées à ses amis.
dre à suivre dans ce tableau de la vie est le sui- On fait connaître sa conduite dans la bonne ou
vant Les choses extérieures, et en premier lieu dans la mauvaise fortune; le caractère qu'il a
la naissance. On parle des ancêtres de son héros. déployé dans l'exercice du pouvoir. S'il n'existe
Veut-on le louer; s'ils sont illustres, on dit qu'il plus, on rappelle les circonstances qui ont ac-
les a égalés ou surpassés; s'ils sont obscurs, qu'il compagné sa mort, et celles qui l'ont suivie.
doit tout à son mérite, et rien à celui de ses pères. VIII. Toutes les fois qu'il sera question
Veut-on le blâmer; on montre, dans le premier des qualités de l'âme, il en est quatre qu'il
cas, qu'il a déshonoré sa race, et dans le second, faudra faire ressortir. Pour louer uue action,

esse, quid potissimum laudemns vereri, ne, quum multa omnem pueritiaincducalum esse in vituperalione e fon-
dixerimus, plura prœtcreamus; et quœ similes sententias trario. Deinde transire oportet ad corporis couimoria. A
liabebunt quibus sententiis contraria sumuntur a vilupe- natura in laude: si sit dignitas atque forma laudi fuisso
ratione. eam nonquemadmodumceteris,detrimento atque dede-
Vil. Principio tracto ab aliqua hat'iim, quasante com- cori si vires atqne relocitas egregia honestis exercitatio-
memoravimus rationnm narratio non erit ulla, quae ue- nibus et industriis dicemus comparais si valitudo perpe.
«sessarioconsequatur sed si qua incident, quum aliquod tua diligenlia, et temperantiacupiditatum. ln vituperalio-
factum ejus, de quo loquemur, nobis narrandum sit cum ne, si erunt hœc corporiscommoda,maie his usum dicemus,
laude, aut vituperalione, prœceptio narrandi de primo' quae casu et nature, tanquam quilibet gladialor, habuerit
libro repetetur. Divisione hac utemur. Primo exponem us si non erunt, prarter formam onmia ipsius culpa et intempe-
quas res laudaturi suinus, aut vitiiperatinï deinde, ut rantia occidisse dicemus. Deinde revertemur ad extraneas
quœque quove tempore res erit gesta, ordine dicemus, ut, res, et in bis animi virtutes aut vitia qua? fuerint, con-
quid quamque tute cauteque egerit, intclligatur. Sed ex- siderabimus divitiic an paupertas fuerit, et qiœ pôle-
ponere oportebit animi virtutcs, aut vitia deinde com- states Lquaegloriae], quae amirili.v, quic inimicitiw, et
moda aut incommoda corporis, aut rerum externarum, quid fortiter in inimicitiisgereudis fecerit cujus causa su-
quomodo ab animo tractata sint, demonstrare. Ordinem sceperit inimicitias; qua hde, benivolenlia, ol'liciogesscrit
hune adhibei* in demonstranda vita debemus. Ab externis amicilias in divitiis qualis aut in pauuertate cujusmuili
rebus genus, iulaude l quihus majoribus natus sit] si fuerit quemadmodum habuerit in potestatibus gerendis
bono genere, parem, aut excelsiorem fuisse; si humili ge- animum. Si interierit, cujusmodi mors ejus fuerit, cujus-»
nere, ipsum in suis, non in majorum viilutibus habuisse modi res mortem ejus sit consecuta.
praesidium. In vituperatione, si bono genere, dedecori ma- VIII. Ad omnes autem res, in quibus animus liomiiiit.
jorihus fuisse si main, tamen his ipsis detrimento fuisse. maxime consideratur, illae quatuor animi viitulps tiin>t
Ëducatio iu laude, beue et houeste iu bonis disciplinis per auxoinmodanUiC ut, si laudemiie, aliud jutlu, aliud fur-
nous en montrerons ou la justice, ou le courage, ordre les moyens fournis par l'invention, de ma-
ou la modération,ou la prudence; pour la blâmer, nière à ce que chacun se produise à la place qui
nous en ferons voir ou l'injustice, ou la lâcheté, lui convient, il faut examiner en quoi consiste cet
ou l'excès, ou la sottise. On aperçoit déjàclaire- ordre. Il y a deux sortes de dispositions, l'une qui
ment, par cette disposition, comment il faut trai- résulte des préceptes de l'art; l'autre qui dépend
ter les trois parties dans lesquelles se divisent des circonstances. Employer la première, c'est
la louange et le blâme. Ajoutons toutefois qu'il suivre les règles que nous avons tracées dans le
n'est pas nécessaire de marquer ces trois parties premier livre; c'est-à-dire, distinguer l'exorde,
dans la louange ou dans le blâme, parce qu'il la narration, la division, la confirmation, la ré-
arrive souvent qu'elles ne s'y rencontrent pas, futation, la péroraison, et leur assigner l'ordre
ou qu'elles y sont si faiblement indiquées, qu'il que nous avons établi. Ces mêmes règles servi-
est inutile d'en parler. 11 faudra donc choisir ront, non-seulement pour le plan général du
celles qui présenteront le plus de force. Nous discours, mais encore, pour chacune des divisions
conclurons brièvement par une récapitulation à dont nous avons traité dans le second livre, l'ex-
la din du discours. Dans le discours lui-même position, les preuves, la confirmation des preu-
nous intercalerons de fréquentes et rapides am- ves, les ornements, la conclusion. La disposition
plitleations au moyen des lieux communs. fondée sur les préceptes de Fart est donc de deux
Quoique ce genre de cause soit d'un usage peu espèces l'une, qui se rapporte à l'ensemble du
fréquent, il ne faut pas néanmoins en négliger discours; l'autre, à ses diverses parties.
les règles. Car, dût-on ne le traiter qu'une fois, Mais il y a encore une autre sorte de disposi-
il faut être en état de le faire de la manière la plus tion qui s'écarte de l'ordre artificiel pour s'accom-
convenable. Si le genre démonstratif ne s'emploie moder aux circonstances, suivant le goût de l'o-
que rarement seul, l'éloge ou le blâme tient sou- rateur on peut commencer par la narration, ou
vent une grande place dans les causes judiciaires par un argumentpuissant, ou par la lecture d'une
ou délibératives. Soyons donc persuadés que lettre; ou bien placer la preuve aussitôt après
ce genre exige aussi qu'on y apporte quelque l'exorde, et la faire suivre de la narration; on
soin. faire, dans l'ordre ordinaire, tout autre chan-
Maintenantque nous avons achevé la partie la gement de ce genre, pourvu qu'il soit justifié
plus difficile de la rhétorique, en traçant les par l'intérêt de la cause. Car, si l'on voit que
règles de l'invention et en les appliquant à tous les oreilles des auditeurs sont lasses, ou leurs
les genres de causes, il est temps d'aborder les esprits excédés du bavardage des adversai-
autres parties. Nous allons donc traiter de la dis- res, il sera facile de se passer d'exorde, et de
position. commencer par la narration ou par quelque ar-
IX. La disposition étant l'art de mettre en gument victorieux. Ensuite, si on y trouve un

liter, aliud modeste aliu prnderiter factum esse dicamus mus in ordinem redigimus, ut certo quidque loco pronun-
vituperemus, alind injuste aliud ignave, aliud immo-
.«in tietur, videndum est, cujusmodi rationem in disponendo
deste, aliud stulte factum esse dicamus. Perspicnum est habere conveniat. Gênera dispositionum sunt duo nnurn
jam nimirurn ex hac dispositione, quemadmodumsit tra- ab institutione arhs profectum; alterum ad casum tempo-
dandalripartftadivisio laudis et vituperalionis; si illud ris accommodatum.Ex institutioneartis disponemus, qnum
etiam assuroserimus non necesse esse nos omnes has sequemur eam praxeplionein quam in primo libro expo-
partes in laudem, et vituperationem transfère, propterea suimus, hoc est, ut utamur principio, narratione, divi-
<|uod sœpc ne incidunt quidem srrpe ita tenuiter incidunt, eione, confirmatione, confutatione, conclusione et bunc
nt non sint necessariae dictii. Quapropter eas partes qtiîe ordinem, quemadmodum praeceplum est ante, in dicendo
firmissimse videbuntur, légère oportebit. Conclusionibus sequemur. Item ex institutione artis, non modo totas
brevibus utemur, ennmeratione ad exitum causae in causas per oralionem sed per singulas quoque argumen-
ipsa causa crebras et brèves amplilicationes interponemus tationes disponemus, quemadmodum in secundo libro do-
per locos communes. Nec hoc genus causer, eo quod raro cuiinus [id est, expositionem, rationem, conlirmationern
accidit in vita, negligentius considerandum est. [<e<)ue rationis, exoroationem, complexionem]. Haec igitur duple.
enim id, qnod potest accidere, lit facienduin sit aliquan- dispositio est una per orationes, altera per argumentatio
do, non oportet velle quam commodissime posse facere. nes, ab institulione artis profecta.
Et, si separatim toc causa minus sœpc tractatur, at in Est autemet alia dispositio. que, quum ab ordine arlili-
judicialilius et in deliberativie causis sïrpe magn<e partes cioso recedendum est, oratoris judicio ad tempos accom-
rersantiir laudis, aut vitnperationis. Quare in bucquorjue nmdatui' ut si a narratione dicere incipiamus,autab aliqua
genere causas iiomiiliil industrie consumendurn putemus. lirmissinia aiguinentatione aut a litterarum aliquarum
Nunc, absoluta nobis difliciïlima parte rhetorietc, hoc recitatione; aut si secundum principium confirmatione
est, inventione perpolita at«,ne ad omne causse grima utamur, deinde narratione; aut si quam liujusinodi permu-
Kconmiodata, lempiis est ad ceteras partes 1)rorjcisci. Deiu- tationem ordinis faciamus quorum nihil, niai causa po-
eeps igilur de dispositione dieemus. stulet, lieri oportebit. Nam si vehementer aures auditorum
IX. Quoniam dispositio est, per quam illa, q»ne iiiveiii* ohtusïc videbuntur, atque aiiimi dvfaligati ab advtrsai jis
avantage, car ce n'est pas toujours une nécessité, nombre de maîtres, est ce qu'il y a de plus utile
ou peut revenir à l'idée fondamentale de l'exorde à l'orateur, et ce qui contribue le plus puissam-
qu'on a supprimé. ment à la persuasion. Pour moi, je ne donnerais
aisément la prépondérance à l'une des cinq
X. Si notre cause parait offrir une telle diffi- pas qualités sur les autres; mais je ne craindrai pas de
culte, que personne ne veuille consentir à écouter dire la prononciation est d'une très-grande
exorde, la narration que
un nous commenceronspar utilité. Car une invention facile, une élocution élé-
pour revenir ensuite sur la pensée qui devait être
gante, une disposition habile, une mémoire tou-
produite d'abord. Si la narration a peu de chances jours fidèle,
de succès, nous débuterons par quelque preuve prononciation, ne pourront pas plus se passer de la
celle-ci ne saurait suffire toute
solide. Ces changements et ces transpositions de- seule. Aussi, que n'a soigneusement
viennent souvent nécessaires, lorsque la nature comme personne
traité cette matière, parce qu'on ne croyait pas
même du sujet exige de modifier avec le secours possible de donner des préceptes clairs sur la
de fart les préceptes que l'art a donnés. Dans la
voix, le visage et le geste, toutes choses qui se
confirmation et la réfutation des preuves, voici
rapportent aux sens; et comme il faut que l'ora-
la disposition qu'il convient de suivre les argu- teur donne beaucoup d'attention à cette partie
mentations les plus concluantes se placent au je crois devoir présenter des observations exactes
commencement et à la fin; les médiocres, celles et complètes cet objet.
essentielles, qui, chacune sur
qui ne sont ni utiles ni On distingue, dans la prononciation, l'inflexion
en particulier, et placées séparément, restent de la voix et le mouvement du corps. L'inflexion
sans force, tandis qu'elles en tirent une suftisante de la voix est le caractère propre que lui ont
de leur réunion avec d'autres, doivent être dis- donné l'habitude et l'art. Trois qualités s'y rap-
posées dans le milieu. Car, après une narration, portent, l'étendue, la fermeté, la flexibilité. La
l'esprit de l'auditeur attend la preuve qui peut première est, avant tout, don de la nature;
présenter d'abord un
la confirmer. Il faut donc en l'étude y ajoute encore, mais surtout la conserve.
une qui ait de la valeur. Et, comme la mémoire La fermeté dépend beaucoup aussi de la nature;
retient facilement ce qui a été dit en dernier, il
elle s'augmente et se maintient principalement
est utile de laisser, en finissant, dans celle des
l'exercice de la déclamation. C'est encore cet
récente d'une par
auditeurs, l'impression preuve exercice qui sert le plus à nous faire acquérir la
pleine de force. Cet arrangement des parties flexibilité, laquelle consiste à pouvoir varier, à
pourra rendre la victoire facile pour l'orateur, notre gré, les intonations de notre voix. 11 n'entra
comme le fait, pour un général, la disposition donc pas dans mon dessein de parler de l'étendue
de ses troupes. ni de la fermeté de la voix, puisque la première
XI. La prononciation, de l'avis d'un grand dépend de la nature, et que l'autre résulte de

multitudine verborum, commode poterimus principio su- XI. Pronuntiationem multi maxime utilem oratori di-
persedere, et exordiri causam aut a narratione, aut ah aliqua xerunt esse, et ad persuadendum plurimum valere. Nos
firma argumentatione.Deinde, sicommodumerit, quia non quidem unam de quinque rebus plurimum posse non fa-
semper necesse est, ad principii sententiam reverti licebit. cite dixerimus; sed egregie magnam esse utilitatem in pro.
X. Si causa nostra magnam difficidtatem videbitnr ha- nuntiatione, audacter confirmaverinius.Nam comimidîe
bcre, ut nemo a-quo animo principium possit audire, a inventiones, et Mincinnre verborum eloculiones et par-
narratione quum inceperimus ad principii sententiam re- tium causa: arUTiciosae dispositiones, et horum omnium
vertamur lieebit. Si narratio parum probabilis est, exor- diligens memoria, sine pronunciatione, non plus, quam
diemur ab aliqua firma argumentatione. His commuta- sine his rebus prouuntiaLiosola,valere poterit. Quare, quia
lionibus, et translalionibus partium ssepeuli necesse est, nemo de ea re diligenterscripsit ( nam omnes vix posse pu
quum ipsa res artificiosam dispositionem artificiose corn- taruntdevoce,etvultn,et gestudilucidescribi, qnum lia*
mutare cogit. In conlirmatione et confutatione argumen- res ad sensus nostros pertinerent), et quia maguopere ea
tationum dispositiones hujusmodi convenit habere tir- par sa nobis ad dicendum comparandaest, non negligenter
missimas argumentationesin primis et in postremis causa? videtur tota res consideranda.
partibus collocare; mediocres, et neque inutiles ad dicen- Dividitur igitur pronuntiatio in vocis figuram et corpo-
dum, neque necessariasad probandum, qure si separatim ris motum. Figura vocis est, quœ suum quemdam possi-
ac singuUe dicantur, infirma sint, cum ceteris conjunct»
det habitum ratione et industria comparatum. Ea dividitur
fii m» et probabiles fiant, interponi et in medio coltocari in tres partes, magnitudinem firmitudinem, mollitudi-
:oportet. Nam, re narrata, statim exspeclat animus audi- nem. Magnitudinem vocis maxime comparat natura non-
toris, ex qua re causa confirmari possit. Quapropter con- nihil adauget, sed maxime conservât cura firmitudinem
tinuo (irmamaliquam oportet inferre argumentationem.Et vocis maxime natura comparat, f nonm'hil adauget, sed
quoniamnuperrimedictum facile memoriaemandatur, utile le maxime conservatexercitatio declamalionis mollitudinpm
est, quum dicere desinamus, recentem aliquam relinqueie vocis, hoc est, ut eam torquere in dicendo, pro nostro
in animis auditorum bene firmam argumentationem.Hœc commodo, possimus, maxime faciet exercitatio declamalio-
dispositio locorum, tanquam instructio militum, facillime nis. Quapropterde magnitudinevocis, etfiïmitudinis parte,
in dicendo, sicut illa in pugnando,parare poterit victoriam. quoniam altera natura, altera cura comparatur nihil ad
i'iiabitude je me contenterai de renvoyer à ceux butant. Quoi de plus désagréable que d'entendre
qui enseignent les moyens artificiels de cultiver crier dès l'cxorde? Les repos affermissent la voix,
cet organe. ils donnent aux périodes plus de grâce en les
XII. Je vais m'occuper de cette partie de la fer- détachant, et laissent à l'auditeur le temps de
meté que l'exercice de la déclamation conserve, la réflexion. Les changements de ton sont favo-
et de la flexibilité, qui est surtout nécessaire à rables à la voix outre que la variété plaît beau-
l'orateur, et que le même moyen procure. Ce qui coup à l'auditeur; le ton familier les intéresse,
peut assurer le plus la fermeté de la voix, c'est un ton plus haut les réveille. Une déclamation
de parler, en commençant, d'un ton très-calme aiguë blesse l'organe de la voix; elle blesse aussi
et très-modéré. Car on blesse les artères,si, avant l'auditoire; car elle a quelque chose de peu noble,
de les préparer peu à peu par des tons doux on qui convient plus aux criailleries des femmes,
les enfle par des éclats criards. Il est bon aussi qu'à la dignité de l'homme. Vers la péroraison,
de faire usage de longs repos, car la respiration les tiradessont d'un bon effet pour la voix; ne ré-
rafraîchit la voix, et le silence repose l'organe. chauffent-elles pas aussi puissamment l'âme de
Il faut quitter un ton habituellement élevé, l'auditeur, au moment le plus décisif du discours?
pour reprendre celui de la conversation; car il Les mêmes moyens servent à la fermeté de la voix
résulte de ces transitions que la voix, n'ayant et à l'agrément du débit. J'ai pu réunir dans ce
épuisé aucun de ses tons reste maîtresse de les paragraphe toutes les observations que m'ont
prendre tous. On doit éviter les exclamations ai- semblé fournir ces deux objets. Ce qui concerne
guës, carelles produisent une percussion qui nuit les autres qualités trouvera bientôt sa place.
aux artères, et tout ce que la voix a d'éclat, se XIII. Ainsi laflexibilitéde la voix appartenant
perd dans ce seul effort. Il n'y a pas d'inconvé- tout entière à la rhétorique, demande une atten-
nient à faire, à la fin du discours des tirades tion particulière. Elle comprend le ton ordinaire
d'une seule haleine; le gosier s'échauffe, les ar- de la conversation, celui de la discussion, et celui
tères se remplissent, et la voix, qui a passé par de l'amplification. Le premier estcalme et ressem-
les différents tons, finit par en prendre un égal et ble à celui du langage habituel le second est vif,
soutenu. Souvent, nous devons rendre grâces à la comme il convient à la confirmation ou à la réfu-
nature, comme il arrive dans ce cas. Car les tation. Le troisième a pour objet d'exciter dans
moyens que nous avons fait connaître comme l'àme de l'auditeur la colère ou la pitié. Le ton
propres à conserver la voix, servent encore à ordinaire convient dans quatre circonstances; il
l'agrément de la prononciation. En sorte que ce se prête à la dignité, à la démonstration, à la
qui tourne à l'avantage de l'organe, prépare le narration, à la plaisanterie. La dignité s'exprime
plaisir de l'auditeur. Pour que la voix reste ferme, avec une certaine gravité de sons et à voix un
il est utile, avons-nous dit, de la modérer en dé- peu basse; la démonstration fait voir, dans un

nos attinet commonere nisi ut ab iis qui non inscii sunt qnid insuavius, quam clamor in exordio causse ? Intervalla
ojusaitilicii ratio curanda; vocis petatur. vocem confirmant:eadem sententiasconcinnioresdivisione
Xlf. De ea parte firmitudinis, qiiœ conservalur ratione reddunl et auditori spatium cogitandi rcliuquuut. Conser-
dtsclamalioiiis, et de molliludine vocis, qua; maxime ne- vât vocem continui clamons remissio et auditorem qui-
cessaria est oratori quoniam ea quoque moderatione dccla- dent varietas maxime delectat; quum sennone animum
inationîs comparatur, diceudum videtur. Firniam igitur ejus retinet, ant exsuscitat clamore. Acuta exclamatio
mavime poleriiuus in dicemlo vocem conservare, si quam vocem et fauces vulnerat eadem Mit auditorem; habet
maxime sedata et depressa voce principia dicemus nam la> enim quiddam illiberale, et ad muliebrem potius Tocifera-
dmitur arteriae, si, antequam leni voce permulsiesunt, aeri tionem, quam ad virilem dignitatem in dicendo accommo-
damnrecoinpleanlur.Elian]intervallis longioribus uti cun- datuin.Inexlreinaoralione conliuens vox remedioestvoci:
enii'l recreatur enim vox spirilu et arlenee reticendo ac- quid ? huec eadem nonne animum vciiementissinie calcfacit
îiiiescunt. Et eontinuum daniorein rcmiltcre, et ad ser- auditoris, in totiu s conclusione causa; ? Quoniam igitnr res
nioneiu transire oporlet commiilaliones enim larinut, ut eai'dem vocis lirmitudini et prûnunciationis'suavitatinro-
ntillo génère vocis etîuso, in oiuni voce inlegri simus. IX sunt, de utraque re simui erit iu pnest-ntia dictum, de lii-
acutas vocis exclaniatioues viture debemus ictus enim lit, initudine, quae visa sunt, de suavitate, quae conjuncta
et vnlnei'antur arteria.1 acuta atque attenuaUi niinis accla- fnerunt cetera suo toco pauilo post dicemus.
matione et si quis splcndor est vocis, consumitur uno cla- XIII. Mollitudo igitur vucis, quoniam omnis ad rhetoris
inore univei'sus. Kl uno spiritu continenter limita dicere in pr»3ceptioneni pertinet, diligentius nobis consideranda est.
exlrema convenitoratione faucesenim cale! Unit, et arterias Kani dividimus in seiuionciu contentionem, amplificatio-
touiplenltir, et vos quse varie tractata est, t reducilur in nem. Sermo est oratio remissa, et tinitima quotidianau
qiu'mdam sonnin a*quabilem alque coustantenr. Sœpe re- locutioni contentio est oratio acris, et ad conrnmandiun
rumnatiiraigt'atiaqiia^lamjutedebeliir, velulaceidilinliac et ad conlutanduinaccommodata amplificatio est oratio,
re nam qnœ dixiinns ad vocem setvandam piodesse, qiitf) aut in iraenndiam inducit ant ad misericordiam Ira
eadem attincnl ad suavitatem proiiiuicialionis nt, qnod hit auditoris aninmm. Sermo dividitur in partes quatuor, di-
jiostiic Yoci prosil klem volnptate audilmïs prol^tur. guitatem, demoiustrationcin narralionern, jocatinnem
Utile est ad Umiitndinem vuus,scdala vox in piïnn|iiu dignitas est oratio cum aliqua giavitate, et vocis lemis-
ton calme, qu'une chose a pu, ou n'a pas pu ar- le discours dans tous ses changements, et pas-
river la narration expose les faits comme ils ser tour à tour de l'aigreur à l'a
bienveillance,
sont, ou comme ils auraient pu se passer; la de la tristesse à la joie. Si dans la
narration il se
plaisanterie cherche, dans une circonstance par- trouve des mots cités, des questions, des répon-
ticulière, le sujet d'un rire décent et de bon ses, des exclamations, nous mettrons tonte notre
gout. Le ton de la dispute est continu ou divisé; attention à rendre les sentiments et les disposi-
il est continu quand on précipite son débit avec tions de chaque personnage. Il faut prendre dans
force; il est divisé quand on mêle à de rares et la plaisanterie une voix doucement tremblante
courts intervalles des éclats de voix retentissants avec une légère intention de ridicule, mais sans
à une déclamation ordinaire. Le ton de l'amplifi- qu'on puisse y soupçonner de la bouffonnerie; le
cation est de deux sortes; il veut ou exciter, ou passage du ton sérieux à un badinage honnête
attendrir il excite, en exagérant le délit pour devra se ménager avec adresse. Nous avons dit
provoquer la colère des auditeurs; il attendrit, que le ton de la discussion était continu ou divisé.
en exagérant les infortunes, afin de porter à la Dans le premier cas, il faut que la voix prenne
compassion. La flexibilité de la voix, compre- un peu plus de volume, et n'offre pas plus d'in-
nant trois parties, et ces parties se subdivisant terruption que les paroles elles-mêmes; qu'elle
elles-mêmes en huit autres, je crois devoir in- jette les sons et produise les mots avec autant de
diquer l'espèce de prononciation particulière à rapidité que d'éclat, afin que le débit suive la
chaque cas. course entraînante du discours. Dans le ton di-
XIV. Dans les morceaux de dignité, la voix visé, l'on tire du fond de la poitrine les exclama-
doit rendre des sons pleins, aussi calmes et tions les plus perçantes, en donnant à chaque
aussi modérés que possible, en évitant toutefois repos la même durée qu'à chaque exclamation
de faire tomber la déclamation oratoire dans la elle-même. Dans l'amplification, si l'on exhorte,•
déclamation tragique. Dans la démonstration, il faut une voix très-adoucie modérée dans ses
on baisse un peu la voix, et l'on multiplie les in- éclats, égale de timbre, variée d'intonations, et
tervalles et les repos, afin que ce soit la manière très-rapide. Dans la plainte, la voixs'abaisse; le
même de prononcer qui paraisse faire entrer les son faiblit; les mots sont fréquemmentinterrom.
preuves dans l'esprit des auditeurs et les y classer pus, longuement entrecoupés, et passent subite-
distinctement. La narration demande une variété ment d'un ton à l'autre. Nous en avons dit assez
de tons qui semble reproduire la nature de cha- sur les modifications de la voix; il faut nous oc-
que fait. On exprime rapidement ce qui s'est cuper à présent des mouvements du corps.
fait avec résolution, et lentement ce qui s'est fait XV. On appelle mouvements du corps, le geste
avec nonchalance. La prononciation doit suivre et une certaine composition du visage qui s'ac-

Kionedemonstratio est oratio, qiiifi docet, remissa voce, deinde modo acrlter, tum clementer, inceste, hilarité in
quomodo quid lieri potucrit, aut non potuerit narratio est omnes partes commutabimus, ut verba, ita pronuntiatio-
rerum geslariim aut perinde utgeslarnm, expositio;jo- nem. Si qua inciderint in narrationedicta, rogata, responsa,
ratio est oratio, quœ ex aliqiKi re risum piidenlem et si qnae admirationes, de qnibus nos narrabimus, diligenter
liberalem potest compararc. Contentio dividitur in conti- animum advertemus, ut omnium personarum sensus, at-
iMuitiniicin et distributionem continuatio est orationis ;|ue animos voce exprimamus. Sin erit sermo in jocatione,
enunlianilit; acceleratio clamosa; distributio est in conten- leniter tremebunda voce, cum parva significatione risns,
tione oratio frequens, cum raris et brevibus intervallis, sine ulla suspicione mitrue cacliianationis, leviler oporte-
acri voeiteratione. Amplificatiodividitur in coliortationem bit a sermone serio torquere ad liberalem jocum voc m.
et conquestionem cobortatio est, quœ aliquod peccatmn Qmm) autem contendere oportebit, quoniam id aut per
anipUiicans, anditorem ad iracundiam adducit; conque- continuationem, aut per distributionem faciendum est in
stio est oratio, quae incoimnodorum amplificatione animum continuatione, adaucto mediocriter sono vocis, yerbis
auditoris ad misericordiam perducit. Quoniam igitur mol- continuandis, vocem quoque jungere oporlebit, et torquero
liludo vocis in 1res parles dhiia est, et lire parles ipsae in siinnm, et celeriler cum clamore verba conficere, ut vim
nclo alias distiibutae sunt, qira cujusque idonea prouun- volubikm orationis TOciferatfo ransequi possit; in dîslii- i-
lialio sit, demonslrandum videtur. butione,ab imis faucibus exclamationem i|uam clarissi-
XIV. Serina quum estin dignitate, plenis fancilnis quam mam adhibere oportet et quantum spatii per singulas
sedatissimaet depressissima voce uti cunveniet ita tamen, exclamationes suniserimus, tantum in singula inlervajia
ut ne ab oratoria consnetudine ad tragicatn transeamus. spatii consumere jubemur. In atnpIiGcationibus, cum co-
Quum autemest in demonstratione voce paiillulmn atte- liortalione, utemur voce attenuatissima, clamore leni sono
nuata, crebris intervallis et divUionihus uli oporlebit ut aiquaiiili, coinmuUtionibus crebris, maximaceleritate in
ipsa promuuiatione cas res, quas demonstrabimus inse- conquestione ulemur voce depressa, inclinato sono, cre-
bris intervallis, longiâ spatiis, raagnis coinmutatiouibiis.
rere, atque inteistcare videamur in animis auditorum.
Quum aulem sermo in narratiune est, tum vocum varie- 1)b figura vueis satis dictum est nunc de corporis mot»
tate opns est, ut, quo qnidquepacto gestum sit, ita nar- dicendum videtur.
rari videatur streuue quotl roluiuiis ostenderc factum, XV. Motus est corporis gestus, et vullus inoderatio
Ci'kiiuscule dicemus; al aliuil oliuse, retardabimus quyedain qu;ï* pronuntianli conveuit, et probabiliora îed-
cordentavec ce que l'on dit, et donnent au discours entreprise, en meffoiçant d'exprimer les mou-
plus d'autorité. Il faut donc qu'il y ait dans la vements du corps par des paroles, et de peindre,
physionomie de la décence et de la force, et que en les décrivant, les inflexions de la voix mais,
le geste ne se fasse remarquer ni par trop d'élé- si je n'ai pas eu la présomption de croire cette
gance, ni par trop d'abandon; on ne doit ressem- matière facile à traiter, j'ai pensé du moins que,
bler ni à des comédiens, ni à des gens du peuple. la chose fût-elle impossible, mon travail, quel
Les règles relatives à cette partie doivent cor- qu'il fùt, ne serait point inutile; car j'ai voulu
respondre à celles que nous avons établies pour surtout vous faire savoir ce qu'il y a de nécessaire.*
la voix. Dans les morceaux de dignité, l'orateur Je laisserai le reste à l'exercice. Il faut savoir,
devra se tenir le corps droit et ne faire qu'un lé- quoi qu'il en soit, qu'une bonne déclamation a
ger mouvement de la main droite, en donnant l'avantage de faire croire que l'orateur est con-
à son visage, suivant la nature des pensées, vaincu de ce qu'il dit.
une expression de joie, de tristesse ou de calme. XVI. Passons maintenant à la mémoire, dé-
Dans la démonstration, il retirera le corps un peu positaire des richesses de l'invention et de toutes
en arrière en avançant la tête; carun mouvement les parties de la rhétorique. La mémoire doit-elle
naturel nous porte à nous rapprocher le plus pos- quelque chose à l'art, ou vient-elle toute de la na-
sible de l'auditeur que nous voulons instruire ou ture ? c'est ce que nous auronsailleursune occasion
entraîner. Ce que nous venons de dire pour plus convenable d'examiner. Nous en parlerons
les morceaux de dignité, pourra convenir éga- ici, en admettant comme prouvé que l'art et ses
lement pour la narration. Dans la plaisanterie, règles lui sont d'un grand secours; car je pense
nous pourrons donner à notre visage une cer- qu'il existe un art de la mémoire; plus tard, je le
taine expression de gaieté, sans multiplier les démontrerai je ferai voir, pour le moment, en
gestes. Dans la dispute, si le ton est continu, la quoi il consiste. Il y a donc deux sortes de mé-
gesticulation doit être rapide; la physionomie moires, l'une naturelle, l'autre artificielle. La
mobile, les yeux perçants si le ton est divisé, il première est celle qui est inhérente à notre âme
faudra porter rapidement les bras en avant, et naît en même temps que la pensée; la seconde
changer de place, frapper quelque fois du pied emprunte sa force à une sorte d'induction, et à
droit, avoir le regard vif et fixe. Si l'on se sert une combinaison de règles. Mais de même que
de l'amplification pour exhorter les esprits, le dans toute autre chose, un esprit heureusement
geste deviendra plus lent et plus réfléchi; et il né imitesouvent sans le connaître l'art qui fortifie
en sera du reste comme dans la discussion conti- plus tard et qui augmente les dons de la nature;
nue. Si l'on veut exciter la pitié, on gémira, on se de même il arrive quelquefoisque la mémoire na-
frappera la tête; et quelquefois à un geste calme turelle, chez l'homme qui la possède à un degré
et égal, on joindra une physionomie triste et trou- remarquable, ressemble à la mémoire artificielle;
blée. Je n'ignore pas quelle tâche difficile j'ai mais celle-ci conserve les avantages de la nature

dit ea, quœ pronuntiantur. Convenit igitur in vultu pudo- gore, et capitis ictu, nonnunquam sedato et coiistanti
rem et acrimoniam esse; in gestu nec venustatem conspi. gestu, moesto et conturbalovultu uti oportebit. Non suni
cuam, nec turpitudinem esse, ne ant bistriones, ant nescius, quantum susceperim negotii qui motus corporis
operarii videamur esse. Ad easdem igitur partes, in quas exprimere verbis, imitari scriptura conatus sùn voces.
vox est distribuai, motus quoque corporis ratio videtur Verum nec hoc p ontisus sum posse fieri ut de his rébus
esseaccommodanda. Nam si erit senno cum dignitate stan- satis commode scribi posset; nec, si id fieri non posset,
tes in vestigio, levi dentenc motu loqui oportebit, hilari- hoc, quod fecî, fore inutile putabam, propterea quod hic
tate, tristitia, mediocritate vultus ad sermonis sententias adrnonere vohiimus, qnid oporteret reliqua trademns
accommodata sin erit in demonstrationesermo; paullu- exercitutioni. Hoc scire tamen oportet, pronuntiationem
lum corpus a cervicibus demillcmus (nam hoc est a] na- bonam id perficere, ut res ex animo agi videatur.
tura datum, ut quam proxime tum vultum admoveamus XVI. RuncadthesauruminTentorum.atqueadomniiim
ad auditores, si qnam rem docere eos, et veheinenter partinm rhetoricœ custodem memoriam transeamus. Me-
instigare velimus) sin erit in narraiione sermo, idem moria utrum habeat quidquam artificiosi an omnis a na-
niotuà poterit idoneus esse, qui paullo ante demonslraba- tura proflciscalur, aliud diceudi tempus magis idoneum
tur in dignitate sin in jocatione vultu quamdam debe- dabitur. Nunc perinde atque constet in bac re mùltum
liimus hilaritatem signiticare, sine commutatione gestus. valere artem et prœceplionein ita ea de re loqueiiiur; pla-
Si contendemus per conlinualionem bracliio celeri, mobili cet enim nobis esse artificium memoriœ quare placeat,
vultu, acri adspectu utemur sin contentio liet per distri- alias ostendemus; in prœsentia cujusmodi ea sit, aperie.
hutionem, celeri projectione brachii inambulalionc pedis mns. Sunt igitur duœ mémorise, una naturalis, altera arli-
dextri rara supplosione, acri et defixo adspeclu uti opor- ficiosa. Naturaliseslea, quae nostris animis insita est, et
tebit. Si utemur amplificatione per cohortationem, paullo simul cum cogitatione nata: artificiosa est ea quam con-
tardiore et consideratiore gestu convcniet uti siinilibus lirmat inductio quœdam, et ratio praeceptionis. Sed quia
ceteris rébus, alquc in contentione per continuationem in ceteris rébus ingenii bonilas imitatur sœpe doctrinam
sin iitemui' amplilicatioue per ciKiqiieslioncm, fcinincojil.tn- ars porro naluras commoda conlirmat et auget ita fit in
et les augmente à l'aide des préceptes. La mé- cire ou le papier; les images, comme les lettres;
moire naturelle a donc besoin d'être fortifiée par la disposition et l'arrangement des images, comme
l'étude, pour devenir excellente; et celle que l'écriture; et la récitation, comme la lecture. Il
donne le travail doit s'appuyer sur la nature. Il faut donc, pour avoir une mémoire étendue, se
en est de cet art comme de tous les autres; le préparer un grand nombre de dépôts, afin de
génie et la science, la nature et les règles se prê- pouvoir y placer de nombreuses images. Nous
tent un mutuel secours. Les préceptes seront donc pensons aussi qu'il faut mettre de l'ordre dans la
utiles à ceux qui sont doués de la mémoire na- disposition de ces dépôts, de peur que leur con-
turelle vous en serez bientôt convaincu. Mais fusion ne nous permette pas de retrouver à
si les dons qu'ils ont reçus de la nature leur per- notre gré dans celui où nous puiserons, soit au
mettent de se passer de notre secours, nous n'en commencement, soit la fm ou au milieu les ima-
devons pas moins nous rendre utiles à ceux qui ges que nous lui aurons confiées, de les y recon-
ont été moins bien partagés. Parlons donc de la naître et de les en faire sortir.
mémoire artificielle. XVIII. De même qu'en voyant plusieurs per-
Cette sorte de mémoire Se compose des lieux et sonnes de connaissance, rangées par ordre, nous
des images. Par lieux, on entend les ouvrages n'éprouverons aucune peine à dire leurs noms,
de la nature ou de l'art qu'un caractère de simpli- que nous commencions par la première, par la
cité, de perfection, ou de distinction remarqua- dernière ou par celle du milieu; ainsi, quand les
ble, rend propres à être facilement saisis et lieux de la mémoire sont bien classés quelle que
embrassés par la mémoire; tels qu'un palais, un soit la chose que l'on recherche et quelque place
entre-colonnement, un angle, une voûte et autres qu'elle occupe, l'image nous la rappelle, et nous
choses semblables. Les images sont de certaines permet de la retirer du dépôt qui la renfermait.
formes, des signes, des représentations de la chose Il est donc essentiel et de disposer les lieux avec
que nous voulons retenir, comme les chevaux, ordre, et de les bien méditer quand ils seront
les lions, les aigles, dont nous placerons les ima- établis, afin qu'ils fassent perpétuellement partie
ges quelque part, si nous voulons en garder le de nous-mêmes. Car les images s'effacent comme
souvenir. Voyons maintenant comment on peut les lettres, quand on cesse de s'en servir les cases,
trouver les lieux; et comment on peut découvrir commes les tablettes de cire, doivent rester gar-
las images et les y placer. nies. Pour éviter toute méprise dans le nombre
XYII. De même que ceux qui savent tracer des lieux, il faut les marquer de cinq en cinq;
des lettres peuvent écrire ce qu'on leur dicte et par exemple, en donnant pour signe au cinquième
le lire ensuite; de même ceux qui ont appris la une main d'or, et au dixième, quelque personne
mnémonique peuvent caser les choses qu'ils ont connue, comme Décimus. Il sera facile d'en
entendues, et par ce moyen les réciter de mé- faire ensuite autant pour chacun des autres intcr-
moire. En effet, les cases sont tout à fait comme la valles.

hac re, ut nonnunquam naturalis memoria, si cui data id qnod dictatum est, scribere, et recitare, quod scripse.
est egregie, similis sit huic artificiosa; porro haec arliii- runt ita qui uvripovutà didicerunt, possunt, quae audie-
ciosa naturm commoda retinet, et amplificat ratione do- runl, in locis collocare, et ex his ineiuoriler pronuatiare.
ctrinae. Quapropter et naturalis memoria prirceplione Loci enim cerae aut chartae siniillimi sunt; imagines, lilte-
coulirmanda est ut sit egregia; et liœc, quae doctrina da- ris dispositio et collocatio imaginum, scripturee; pro-
tur, indiget ingeuii. Nec hoc magis, aut minus in hac re nuntiatio, lectioni. Oportet igitur, si volumus mulla memi-
qnam in ceteris artibus fit, ut ineenio, doctrina, prtece- nisse, multos
nobis locos comparare, ut in multis locis
ptione natura nilescat. Quare et illis, qui natura memores multas imagines collocare possimus. Item putamus opor-
sont utilis liaec erit institutio: quod tute paullo post poteris tere ex ordine bos locos habere, ne quando perturbatione
intelligere. Quod si illi freti ingenio suo, nostro non indi- ordinis impediamur, quo serius,quotoquoque]ocolibebU,
gent, tamen justa causa datur, quare iis, qui minus inge- vel a superiore, vel ah inferiore, vel a media parte imagi-
nii habent, adjumento velimus esse. Nunc de artiliciosa nes sequi, ea quae mandata locis erunt, videre et proferre
memoria loquemur. possimus.
Constat îgitur artifleiosa memoria ex locis et imaginibus. XVIII. Nam ut, si in ordine stantes nolos complnres
Locos appellamuseos, qni breviter, perfecte, insignite, aot viderimus, nihil nostra interdit, utrum a summo, an ab
natura, aut manu siint absoluti, ut eos facile naturali me- imo, an a medio nomina eorum dicere incipiamus item
moria comprehendere et amplecti queamus, ut œdes, in- in locis ex ordine collocatiseveniet, ut in quamlibet par-
tercolumniuni, angnlum, fornicem, et alia, quœ his similia tem, quotoquoqne loco libebit, imaginibus commoniti
sunt. Imagines sunt formae quaedam, et noue et simnlacra dicere possimus id, quod locis mandaverimus.Quare pla-
ejus rei, <|uam meminisse volumus: quod genus, cqui,t cet et ex ordine locos comparare; et locos, quos sumseri-
leones, aquihe, quorum memoriam si volemus habere, mus, egregie commedilari oportebit, ut perpetuo nobis
imagines eorum certis in locis collocare nos oportebit. hsereie possint nam imagines, sicut littera delentur, ubi
Nunc, cujusmodi locos invenire, et quo pacto reperire, et nitiil illis utimur; loci, tanquam cera, remanere debent.
in locis imagines constituere oporteat, ostemlemus. Kt, ne fnrte ln numéro locorum falli possimus, quintum
XVII. Quemadmoilumigitur qui litteras sciunt possunt t|iieii]quc locum placct notari quod genus, si in quinto
XIX. Il vaut mieux choisir ces emplacements manière la plus commode. Mais c'est assez par-
dans un endroit désert, que dans un qui soit fré- lerdes lieux. Je passe maintenant à !'arrangement
queuté, parce que le grand nombre de personnes des images.
et leur mouvement continuel, trouble et affaiblit XX. Comme les images doivent ressembler
les images, au lieu que la solitude les conserve aux objets, et qu'il nous faut choisir parmi tous
dans leur entier. Il faut choisir en outre des lieux les mots des ressemblances qui nous soient con-
qui, par la variété de leur nature et de leur forme, nues, il en résulte nécessairement deux sortes de
puissent se distinguer clairement. Car celui qui ressemblances, celle des choses et celle des mots;
s'attacherait à plusieurs entre-colonnements se- la première, quand on se forme une image som-
rait troublé par leur ressemblance, et ne saurait maire des objets eux-mêmes; la seconde, lorsque
plus ce qu'il a placé dans chacun. Il faut que l'on marque par une image le souvenir de cha-
ces lieux n'aient qu'une médiocre étendue; trop que nom et de chaque mot. Un signe unique,
grands, ils donnent du vague aux images; trop une simple représentation, suffira souvent pour
petits, ils paraissent souvent manquer d'espace nous assurer le souvenir d'un événement tout
pour les contenir. Ne les prenez encore ni trop entier. Par exemple, l'accusateur prétend que le
éclairés ni trop obscurs, afin que les images ne prévenu a empoisonné un homme, qu'il l'a empoi-
s'eftacent ni n'éblouissent. Les intervalles qui sonné pour avoir son héritage, et qu'il y a plusieurs
les séparent doivent être médiocres et de trente témoins et plusieurs complices du crime. Si nous
pieds environ; car il en est de l'esprit comme voulons d'abord fixer les faits dans notre mémoire
de l'œil qui distingue moins bien les objets trop pour les réfuter plus aisément, nous nous forme-
éloignés ou trop rapprochés. Celui qui a une plus rons, dans notre premier dépôt, une image de l'en-
longue expérience aura moins de peine à choisir semble de faction. Si nous avons présente la figure
un grand nombre de lieux convenables; mais du mort, nous le supposerons étendu dans son lit;
ceux mêmes qui croiront n'en pas pouvoir trou- si nous ne le connaissions pas, nous nous repré-
ver d'assez appropriés, pourront néanmoins en senterons à sa place un autre malade, qui ne soit
trouver autant qu'ils voudront. Car la pensée pas d'une trop basse condition,pour qu'il revienne
peut embrasser l'étendue quelle qu'elle soit d'un plus promptement à l'esprit. A côté du lit, nous
pays, et y former à son gré tous les sites, y éle- placerons l'accusé, tenant de la main droite une
ver tous les édifices qu'il lui conviendra. Nous coupe, de la gauche, des tablettes, et du troisième
aurons donc la faculté, si nous ne sommes pas doigt, des testiculesde bélier. Nous pourrons nous
satisfaits de cette multitude, de nous créer à souvenir par ce moyeu des témoins, de l'héri-
nous-mêmes par la pensée une région, et d'y éta- tage, et de l'homme empoisonné. Nous rangerons
blir des lieux convenables, en les classant de la successivement, de la même manière, dans les

loco manum auream collocemus; et in decimo aliquem no- contenti non erimus, nosmet ipsos nobis cogitatione nostra
tum, cni praenomen sit Decimo; deinde facile erit similes regionem constituere, et idoneorum locorum commodissi-
notas quinto quoque loco collocare. mam distinctionemcomparare. De locis satis dictum est
XIX. Item commodius est in derelicta, qnam in celebri nunc ad imaginum rationem transeamus.
regione locos comparare propterea quod frequentia, et XX. Quoniam ergo rerum similes imagines esse oportet
obambidatio hominum couturbat et infirmat imaginum et ex omnibus verbis notas nobis similitudines eligere debe-
notas; solitudo conservai intégras simulacrorumfiguras. mus, duplices similitudines esse debent; unae rerum,
Prœterea dissimiles forma atque nalura loci comparandi alterœ verborum. Rerum similitudines exprimuntur,quum
sunt, ut distincte interlucere possint nam si quis mulla summatim ipsorum negotîorum imagines comparamus:
inlercolumnia sumserit, conturbabitur similitudine loco- verborum similitudines constituuntur, quum unîuscujus-
1 nm ut ignoret, quid quoque in loco collucarit. Et magni. que nominis et vocabuli memoria imagine notatnr. Rei
tudine modica [et médiocres] locos habere oportet nain totius memoriam sœpe una nota et imagine simplici com-
et prêter modum ampli vagas imagines reddunt; et nimis prebendemus hoc modo « ut si accusator dixerit, ab reo
augusli soepe non videnlur posse capere imaginum colloca- « hominem veneno necatum et hereditalis causa factum
tionem. Tum née nimis illustres, nec velrementer obscuros « arguent, et ejus rei multos dixerit testes et conscios
locns lialwri oportet, ne aut obcicce.nturtenebris imagines esse » si hoc primum, ut ad defendendum nobis expe-
aut splendore perlulgeant. Inlervalla locorum mediocria ditum sit, meminisse volemus; in primo loco rei totius
esse placet, fere paullo plus, aut minus peilum ti icenmn imaginera conformabimus; cegrotum in lecto cubantem
nam ut adspectus, ita cogitatio minus valet, sive nimis faciemus ipsum illum, de quo agetur, si formam cjns
procul removeiis, sive vehementer prope admoveris id, detinebimus; si eum non agnoverimus, aliquem «gro-
quod oportet videri. Sed quanquam facile est ei, qui paullo tum non de minime loco sumemus, ut cito in mentem ve-
plura exploraverit ,quamvis mullos et idoneos locos com- nire possit; et reum ad lectum ejus adslituemus, dextra
parate tamcn si quis ad ista satis idoneos invenire se non poculum, sinistra tabulas, medio testicules arietiuos
putabit, ipse sibi constituât, quam volet multos, licebit. lenentem. Hoc modo et testium et beredilatis et vencno
cogitatio enim quamvift regionem potest amplecti et in ea necati memoriam habere poterimus. Item deinceps cetera
mIiiih loci ciijusdain ad suiini conimoduin et ailiitriuin fa- crimina ex ordine in locis pouemus et, qunliescumque rem
bricaiiel ardiitccLaiï. Quare licebil,- si hac urumta copia incniinisso volemus, si l'onnarum clispositinue, et ima^i-
cases suivantes les autres chefs d'accusation; ett à quoi tient cette différence, afiu d'apprendre
toutes les fois que nous voudrons nous souvenirr quand nous en connaîtrons ta cause, quelles sont
de l'un d'eux, si nous avons bien disposé les for- celles que nous devons écarter, et celles que nous
mes des objets, et distingué soigneusement less devons retenir.
images, la mémoire nous le reproduira facile->- XXII. La nature nous enseigne elle-même ce
ment. qu'il faut faire; car, si dans le cours ordinaire de
XXI. Quand nous voudronsexprimer par dess la vie nous voyons des choses peu importantes,
images la ressemblance des mots, la tache seraa communeset journalières, nous n'avons pas cou-
plus difficile, et demandera une plus grande con-i- tume d'en garder le souvenir, parce que l'esprit
tention d'esprit. Voici comment il faut s'y pren- n'est ému que par les objets nouveaux ou sin-
dre Pour retenir cette phrase jam domuitionem<i guliers. Mais si nous voyons ou si l'on nous ra-
reges Alridœ parant (déjà les rois fils d'Atréee conte quelque chose qui présente un caractère
se disposent au départ) on place dans une casee marqué d'infamie ou de probité, de bizarrerie ou
l'image de Domitius élevant les mains vers le ciel, de grandeur, qui soit étonnant ou sublime, nous
tandis qu'il est frappé de verges par les Marciuss nous le rappelons longtemps. Le plus souvent
Rex. Cette image rappellera jam domuitionamencore nous oublions ce que nous voyons ou ce
reges; dans la case suivante, on se figurera Eso- que nous entendons chaque jour, tandis que les
pus et Cimber représentant Agamemnon et Mé- souvenirs del'enfance restcntsouventinaltérables.
nélas ce sera pour les mots Atridœ parant. Dee Il n'en est peut-être ainsi qu'à cause de la facilité
cette manière, tous les mots seront exprimés. avec laquelle les choses ordinaires s'échappent de
Mais cette combinaisond'images est surtout utile, notre mémoire, qui retient plus longtemps ce
quand on veut réveiller par ce moyen la mémoiree qui est remarquable ou nouveau. Personne n'ad-
naturelle; par exemple, s'il s'agit d'un vers, on lee mire le lever, la marche, le coucher du soleil,
repasse d'abord en soi-même, deux ou trois fois, parce que c'est un spectacle de tous les jours mais
ensuite, on représente les mots par des images. les éclipses de soleil font une plus grande impres-
C'est ainsi que l'art suppléera à la nature, carr sion, parce qu'elles arrivent plus rarement, et se
chacun séparément aurait moins de force; toute- remarquent davantage que les éclipses de lune,
fois il y a de l'étude de la science plus de secourss qui sont plus fréquentes. La nature nous apprend
à attendre. Je n'aurais pas de peine à le prouver, donc elle-mème que les choses vulgaires et com-
si je ne craignais pas, en m'écartant de mon sujet, mimes ne la touchent pas, et qu'il faut, pour l'é-
de nuire à cette clarté concise qui convient auxmou voir, quelque objet remarquable ou nouveau
préceptes. Que l'art imite donc la nature; qu'ii invente eu
Mais comme il arrive d'ordinaire que, parmii qui doit lui plaire et qu'il suive la route qu'elle
!es images, les unes sont favorables et capables s lui montre car la nature n'est jamais en arrière,
d'avertir l'esprit, les autres, faibles et presque im-i- ni l'art le premieren avant. Les éléments de toute
puissantes à ranimer la mémoire, il faut examinerf chose sontdusau génie; l'étude les met ensuite en

hum diligenti notatione utemur, facile ea, quae volemus,t quœ vit memorinm possint excitare qua de causa utrum-
memoria consequemur. que fiât, considerauduin est; ut, cognita causa, quas
XXI. Qunm verborum similitudines imaginibus expri- vitemus,et quas sequamur imagines, scire possimus.
raeiv volemus, plus negotii suscipiemus,et inagis ingeniuin XXII. Docet igitur nos ipsa natura, quid oporteat fieri.
nostrum exercebimus. Id nos hoc modo facere oportebit. Xamsi si quas res in vita videmus parvas usilatas.quotidia*
> Jam domuitionem reges Atridœ parant. In loco consti- nas eas memiuisse non solenms propterea quod nulla nisi
tuere oportet manus ad coelum tollentem Domitiuni, nova, aut admirabili rc commovctur animus at si quid
quum a Regibus Mardis loris cœdatur. Hoc erit, « Jam do- videmus aut audimus egregie turpe, aut honestum insita-
« muitioncm reges. » In altero loco jEsopum et Cicubrum tum, magnum, incredibHi:, ridiculimi id diu meminisse
subornare Iphigeniam, Agamemnonem et Menelaum. Hoc consuevimus. Itemque quasres ante ora videmus, aut au*
erit, « Atridae parant. Hoc modo omnia verba erunt ex- dimus obliviscimur plerumque; qua? acciderunt in pueri-
pressa. Sed hEecimaginumconfortnatiotumvalet, si natu- tia, meniinimusopli[nessepe;nechoc alia de causa potest
ratem memoriam exsuscitaverimus hac notatione, ut, accidere, nisi quod usitatae res facile e memoria elabuntur,
versu posito, ipsi nobiscum primiim transeannusbis, aut insignes et novae manent diutius. Solis exortus, cursus,
ter eum versum; deinde cum imaginibus verbaexprima- occasus, nemoadmiratur, proptereaquod quotidie fiunt
mus. Hoc modo naturae suppeditabit doctrina nam utra- at eclipses solis mirantur, quia raro accidunt, et solis écli-
que altéra separata minus erit firma; ita tamen ut multo pses magis mirantur, quam lunae, quoniam hx crebriorea
plus in doctrina atque arte prtesidii sit. Quod docere non sunt. Docet ergo se natura vulgari et usitata re non exsu-
gravaremur, ni melueremus ne, quum ab instituto noslro scitari novitate et insigni quodam negotio commoveri.
recessissemus, minus commode servaretur haec dilucida Iinitetur igitur ars naturam et quod ea desiderat, inveniat;
brevitas prœceptionis. quod ostendit, sequatur. Nïliîl est enim, quad aut natura
Nunc, quomam soictaccidere, kitimagines partim firmoe extremum invenerit, aut doctrina priraum sed rerum
et ad mom'iidum idonese sint, partim imbecilleset infirma, principia ab ingenio profecta sunt, et exitus disciplina
oeuvre et les mène au but. Nous devrons donc semblance qui frappe l'un plus que l'autre.
choisir le genre d'images qui puisse rester le plus Souvent, quand nous disons que tel portrait res-
longtemps dans la mémoire nous y réussirons, en semble à telle personne, tout le monde n'est pas
nous attachant à des ressemblances qui nous du même avis, parce que chacun a sa. manière de
soient très-familières, à des représentations qui voir. Il en est de même pour les images; celles
ne soient ni muettes ni vagues; en leur attri- qui nous ont paru mériter le plus d'attention
buant une beauté remarquable, ou une insigne semblent peu remarquables aux autres. Il vaut
laideur; en les parant de quelque ornement, tel donc mieux que chacun se choisisse lui-même à
qu'une couronne, une robe de pourpre, qui nous son gré ses images. Enfin le devoir d'un maître
les fasse reconnaître plus aisément; ou en les de l'art est d'enseigner la manière de faire les
défigurant par du sang, de la fange, du vermil- recherches, et de citer un ou deux exemples dans
Ion, pour qu'elles nous frappent davantage; ou chaque genre, pour rendre le précepte plus clair.
encore en leur donnant quelque chose de ridi- Ainsi, quand nous traitons de l'invention de
cule, car ce caractère aussi facilitera la mémoire. l'exorde, nous donnons les moyens de le trouver,
Les choses que nous aurions aisément retenues, mais nous ne présentons pas mille exordes pour
si elles existaient réellement, imaginées et dis- modèles; je crois qu'il doit en être ainsi des
tinguées avec soin, se retiendront facilement. 11 images.
nous sera nécessaire de repasser de temps en temps XXIV. Maintenant, pourquevousneregardiez
dans notre esprit les cases établies une première pas la mémoire des mots comme trop difficile ou
fois, afin de rappeler les images qu'ellescontien- peu nécessaire; pour que vous ne vous conten-
nent. tiez pas de celle des choses, comme plus utile et
XXIII. Je sais que la plupart des Grecs qui ont plus commode; je vais vous dire pourquoi j'ap-
écrit sur la mémoire, ont rassemblé les images prouve la première. Je pense en effet que ceux
d'un grand nombre de mots, afin que ceux qui qui veulent retenir, sans travail et sans effort, des
voudraient les apprendre les trouvassent toutes choses faciles doivent s'être exercés d'abord à en
prêtes, sans perdre du temps à les chercher. Plu- apprendre de plus difficiles. Je ne vous ai point
sieurs motifs me font désapprouvercette méthode. parlé de la mémoire des mots, comme devant
D'abord il est ridicule, sur une quantité de mots vous servir à retenir des vers, mais comme d'un
innombrables, de n'offrir les images que d'un exercice propre à fortifier la mémoire des choses,
millier d'entre eux. Combien ne seront-elles pas in- qui est d'une grandeutilité. C'est une habitudedif-
suffisantes, lorsque dans cette multitude infinie, ficile qu'il faut prendre, pour arriver ensuite sans
nous aurons besoin de retenir tantôt l'un et tantôt aucune peine à une autre plus facile. Mais si dans
l'autre? Ensuite, pourquoi vouloir empêcher notre toute étude les préceptes ont peu de résultat, sans
intelligence de chercher les choses, en les lui of- une pratiquefortassidue,c'estdanslamnémonique
frant toutes trouvées? D'ailleurs, il y a telle res- surtout que l'art est bien peu de chose sans l'in-

comparantur. Imagines igitur nos in eo genere constituere modo aliud nos verbum meminisse oportebit? Deinde cur
oportebit, qnod genus manere in memoria diutissime po- volumus ab industria quemquam removere, ut ne quid
test id accidet, si quam maxime notas similitudines con- ipse quserat quum nos illi omnia parata quœsitaque trada-
stituemus; si non mutas, nec vagas, sed aliquid agentes mus ? Prœterea similitudine alia alius magis commovetur.
imagines ponemus si egregiam pulchritudinem aut nni- Nam ut sœpe formam si quam similem cuipiam dixerimus
cam turpitudinem eis attribuemus; si aliqua re exornabi- esse, non omnes habemus assensores, quod alii videtur
mus, ut si coronis aut veste purpurea quo nobis notatior aliud ita fit in imaginibus, ut, quœ nobis diligenter no-
sitsimilitndo;autsiquaredeformabimus,utsicruentam, la lie sint, eae parum videantur insignes aliis. Quare sibi
ant cœno oblitam, aut rubrica delibutam inducemus, quo quemque suo commodo convenit imagines comparare.
magis insignita sit forma aut si ridiculas res aliquas ima- Pustremo prœccptoris est docere, quemadmodum quaeri
ginibus attribuemus nam ea res qiioquc faciet, ut facilius quidqne conveniat, et itnum aliquod, aut alterum, non
meminisse possimus. Nain, quas rcs veras facile memini-omnia, qnae cjus generis erunt, exempli causa subjicere,
mus, easdem fictas et diligente)' notatas meminisse non quo res possit esse dilacidior. Ut quum de proœmiis quae-
est difficile. Sed illud facere oportebit, ut identidemprimos ivihIis disputamus, rationem damus quœrcndi non mille
quosque locos imagiuum renovandarum causa celeriter proœmiornm genera conscribinius ita aibitramur de ima*
animo percurramus. ginibus (ieri convenire.
XXIU. Scio, plcrosque Grœcos, qui de memoria scri- XXIV. Nunc, ne forte verborum memoriam, aut nimis
pserunt, fecisse, ut multorum verborum imagines conscri- diflicilem, aut parum utilem arbitrere, et ipsarum memoria
berent, uti, qui eas ediscere vellent, paratas liaberent, rerum contentus sis, quod et utiliores sint, et plus na-
ne quid in quaerendo operae consumèrent. Quorum ratio- heant facilitatis, admonendus es, quare verborum memo-
nem aliquol de causis improbamus:primnm, quod in ver- riam non iraprobemus. Nam putamus oportere eos, qui
borum iimunierabilium multitudine ridiculum sit mille velint res faciliores sine labore et molestia facile memi-
verborum imagines comparare. Quantulum enim poterunt nisse, in rebus difficiliuribus esse ante exercitatos. Nec
haec valere, quum ex infinita verborum copia, modo aliud, nos banc verborum memoriam inducimus, ut versus me-
telligence, l'étude, le travail, les efforts. Vous 1 vous
v. en donner en quelques mots la raison. Une
aurez soin d'avoir le plus grand nombre possible preuve
p que c'est par nécessité que je l'ai fait,
de cases, et de les disposer surtout d'après les el non pas par amour-propre c'est que dans les
et
règles prescrites. Il est bon de s'exercer chaque lilivres précédents vous ne trouvez ni préambules
jour à y placer des images. Si nos occupations n digressions. Ici, j'entrerai dans le peu de dé-
ni
nous détournent quelquefoisde nos autres études, tails
ti qui me sont indispensables, après quoi j'a-
il n'y a rien qui puisse nous arrêter dans celle-ci. chèverai
cl l'exposition des règles de l'art, en re-
11 n'y a pas une circonstance en effet où nous prenant
p le plan que je me suis proposé. Mais vous
ne voulions confier quelque chose à notre mé- comprendrez
© mieux mon opinion, si je vous fais
moire, surtout quand une affaire importante connaître
c d'abord celle des rhéteurs grecs.
nous occupe. Vousn'ignorez pas combien une mé- Ils pensent, pour plusieurs raisons, qu'après
moire facile a d'avantages, et combien il faut ap- avoir
a donné leurs préceptes sur les ornements,
porter de soin à l'acquérir vous l'apprécierez qu'exige
q l'élocution, ils doivent présenter pour
quand vous en aurez fait l'expérience. Je n'ai pas chaque
c genre un exemple tiré d'un orateur ou
l'intention de vous donner à cet égard d'autres d'un poëte estimé. D'abord c'est par modestie,
d
conseils, de peur de paraître m'être défié de disent-ils,
d qu'ils le font, parce qu'il y a, selon eux,
votre zèle, ou n'avoir pas complètement traité une sorte d'ostentation à ne pas se contenter de
u
la matière. Je vais parler à présent de la cin- donner
d les règles de l'art, et à vouloir enfanter
quième partie de la rhétorique; vous, rappelez 6des exemples ingénieusement c'est se montrer
souvent les premières à votre esprit, et, ce qui soi-même,
s ajoutent-ils, ce n'est pas montrer l'art
1 y a donc avant tout une sorte de pudeur qui nous
est surtout nécessaire, fortifiez-vous par l'exer- II
cice dans l'étude de ces règles. interdit
i de paraître n'approuver, n'aimer que
i
nous-mêmes, tandis que nous méprisons les au-
tres,
1 ou les tournons en ridicule. Lorsque nous
LIVRE QUATRIÈME. pouvons
I emprunter des exemples à Ennius ou à
Gracchus, n'y a-t-il pas de la présomption à les
Comme, dans ce livre, j'ai traité de Félocutlon, cdédaignerpourprendrelesnôtres?D'unautrecôté,
C. Hérennius que lorsqu'il m'a fallu des exem- les
1 exemples tiennent lieu de preuves; carl'exem-
ples, j'en ai composé, et qu'en cela je me suis I confirme le précepte, comme le ferait
ple une
écarté de la coutume adoptée par les Grecs qui 1preuve, et fortifle l'impression qu'il n'a que légè-
ont écrit sur ce sujet, je ne puis me dispenser de rement
t produite. Ne serait-il donc pas ridicule,

minissc possimus, sed ut hac exercitatione, illa rerum dum est, ut paucis rationem noslri consilii demus. Atque
memoria, quae pertinet ad utilitalem, confirmetur; ut ab hoc nos necessitudinefacere, non studio, satis erit signi,
hac difticili consuetudine sine labore ad illam facilitatem quod in superioribus libris nihil neque ante rem, neque
transire possimus. Sed quum, in omni disciplina, infirma prater
t rem locuti sumus. Nunc, si pauca, qnœ res po-
est artis praeceptio sine summa assiduitateexercitalionis, stulat,
" dixerimus, tibi id, quod reliquum est artis, ita ut
tam vero in j*vï]exovi%oT; minimum valet doctrina, nisi in- instituimus, persolvemus. Sed facilius nostram rationem
dustria, studio, labore, diligentia, comprobetur. Quam intelliges, si piius, quid mi dicant, cognoveris.
pluiimoslocos ut habeas, et quam maxime ad praecepta Compluribusde causis putant oportere, quum ipsi prœ-
accommodatos, curare debebis. In imaginibus collocandis ceperint, quo pacto oporteat ornare elocutionem, unius-
exerceri quotidie couveniet. Non enim sicut a ceterisstudiis cujusque generis ab or a tore aut poeta pmbato sumtum
abducimur nonnunquam occupatione, ita ab bac re nos ponere exemplum. Et primum se id modestia commotos
potest causa deducere aliqua. Nunquam est enim quin facere dicunt, propterea quod videatur esse ostentatio
aliquid mémorise tradere velimus, et tum maxime, quum quœdam, non satis habere, prœcipere de artificio, sed
aliquo majore negotio detinemur. Quare quum sit utile, ipsos etiam videri Telle artiliciose gignere exempla hoc
facile meminisse, non te iallit, quo<l tantopere utile sit, est, inquiunt, ostentare se, non ostendere artem. Quare
quanto labore sit appetendum quod poteris existimare, pudor in primis est ad eam rem impedimento, ne nos solos
utilitate cognita. Pluribns verbis ad eam te hortari non est probare, nos amare, alios contemnere et deridere videa-
sententia, ne aut tuo studio diffisi, aut minus, quam res mur. Etenim quum possimus ab Ennio sumtum aut a Grac.
postulat, dixisse videamur. De quinta parte rhetoric-R cho ponere exemplum, videtur esse arrogantia, illa relin-
deinceps dicemus tu primas quasque partes in animo quere, et ad sua devenire. Prœterea exempla testimonio-
fréquenta, et, quod maxime necesse est, exercitatione rum locum obtinent. Id enim, quod admonuerit, et levi-
confirma. ter fecerit prœceptio exempta sicut testimonio, compro-
batur. Non igitur ridieulussit, si quis in lite, aut in judicio,
domesticis testimoniis pugnet, et sui ipsius abutatur exem-
LIBEB QUARTTS. plo ? Ut enim teslimonium sic exemplum, rei confirmandœ

Quoniam in hoc libro C. Herenni, dee!oculione


causa sumitur. Non ergo oportet hoc, nisi a probatissimo
con- sumi, ne, quod aliud confirmare debeat, egeat ipsum con-
sciipsitnus,etquibus in rebus opus fuit exemplis uli, nostris firmationis. Etenim necesse est, aut se omnibus antepo-
exemplis usi sumus, et id fecimus praeter Consuetudinem nant, et sua maxime probenl; aut negent optima esse
Cracorum, qui de hae re «ciïpserunt; necessario facien. exempta, quœ probatissimis oratoribus
a ant poelis suinta
dans un procès civil ou criminel, de ne paraître mande ? Le grand nombre, en lisant de bons dis-
armé que de témoignagesdomestiques, et de n'a- cours ou de beaux poëmes, applaudit aux ora-
voir que son propre exemple à citer? L'exemple, teurs ou aux poëtes, mais sans en comprendre la
ainsi que le témoignage, est employé comme raison, parce qu'ils ne savent ni où se trouve
preuve. 11 ne faut donc l'emprunter qu'à un auteur ce qui les a charmés ni ce que c'est, ni com-
du plus grand mérite, dans la crainte que ce qui ment leur impression a été produite. Mais celui
doit prouver le principe établi, n'ait, à son tour, qui se rend compte de tout cela; qui choisit les
besoin de preuve. Il faut, en effet, que ceux qui passages les plus appropriés à son sujet, et fait
se donnent pour modèles, préfèrent leurs ou- rentrer dans chaque précepte ceux qui méri-
vrages à tous les autres, ou bien qu'ils ne recon- tent le plus d'y trouver place, doit nécessairement
naissent pas qne les meilleurs exemples sont être lui-même un grand artiste. C'est donc un
ceux qu'on emprunte aux plus grands orateurs très-grand talent de savoir faire servir à l'art
ou aux plus grands poètes. Se préférer à tous qu'on professe les exemples même des autres.
les autres, c'est le comble de l'arrogance; don- Ce langage nous impose plus par l'au-
ner à d'autres le premier rang, et ne pas croire torité de ceux qui le tiennent que par la so-
que leurs exemples soient meilleurs que ceux que lidité des arguments qu'il présente. Je crains, en
nous donnerions nous-mêmes, c'est là une préfé- effet, qu'il ne suffise à quelques lectcurs, pour
rence dont il est impossible de donner la raison. se ranger au système que je combats, de voir
II. Que devient donc l'autorité des anciens? que ceux qui le soutiennent sont les inventeurs
car c'est elle, à la fois, qui rend les choses plus de l'art, et que leur ancienneté les rend déjà assez
vraisemblables, et donne aux hommes plus d'ar- respectables à tous. Mais si l'on se dérobe à cette
deur pour l'imitation; elle excite leur ambition, influence, et si l'on veut ne comparer que les rai-
aiguillonne leur génie, par l'espérance de pou- sons données de part et d'autre, on reconnaitra
voir égaler le talent de Gracchus ou de Crassus, qu'il ne faut pas toujours céder à l'antiquité.
en les prenant pour modèles. Enfin, cela même III. Et d'abord, examinons si ce reproche
exige un très-grand art que de savoir, au milieu de vanité qu'ils nous opposent, n'est pas par trop
de cette variété de morceaux d'un mérite iné- puéril. Car, si la modestie consiste à se taire
gal, épars et confondus dans un si grand nombre ou à ne rien écrire, pourquoi ont-ils eux-mêmes
de poëtes et d'orateurs, faire un choix tellement écrit ou parlé? Et s'ils tirent de leur propre
habile, que chaque genre d'exemplescorresponde fonds quelque partie d'un ouvrage, pourquoi
à chaque précepte. Quand il ne faudrait que du la modestie les empêche-t-elle de le com-
travail pour y réussir, on mériterait néanmoins poser en entier? c'est ressembler à un homme
des éloges pour n'en pas avoir évité la fatigue qui, après être descendu dans la carrière olym-
mais il est certain que ce choix ne peut être que pique, et y avoir pris son rang pour la course,
le fruit d'une extrême habileté. Quel est en effet accuserait ensuite d'impudence ceux qui se se-
celui qui, sans posséder l'art à fond, pourrait, raientélancésdans l'arène, et, «'arrêtant lui-même
au milieu d'mi amas si vaste et si confus d'é- à la barrière, se mettrait à raconter comment La-
crit, reconnaître et distinguer ce que l'art de- das on Boius. luttèrent à la course contre les Si-
sinl. Si se omnibus anteponant, iutolcrabili arroganlia (lelectet. Atis, quiet hœcomnia intelligit, et idonea maxime
Kimt; si quos sibi prœponant, et eorani excmpla suis cligit, et omnia in arle maxime scribenda redigit in singu-
exemplis non putent praestare non possunt dicere quaie las rationes praeceptionis, necesse est ejus rei summus ar-
sibi illos anteponant. tifex sit. Hoc ifHtur ipsum maximum artificium est, in arte
ta
II. Quid iRilur ipsa auctoritas anUqiionun? nam qmim ni sua posse et alienis exemplis uti.
res probabilieres, tum hominum studia ad imitandmn Hrec illi quum dicunt, magis nos auctoritate sua com-
alacriora rcddit imo erigit omnium cupiditales, et acuil movent, quam veritate disputationis. llludenimveremur,
iiidustriam quum spes injecte est,posse imitando, Grac- ne cui satis sit ad contrariam rationem probaudam qnod
chi, ant Crassi conseriui facultateni. Postremo hoc ipsum ab ea parte steterint ii, qui et inventores bnjus artiucii
est summum artilicium, res varias et dispares in tot poe- fuerunt, et vetustalejamsatisomnibus probati sunt. Qund
malibusctoratiouibiissparsas, et vage disjcstas, itadil gen- si, illorum aucloritate remota, res omnes volent cum re
ter eligere, ut unumquodque genus exemplorum sub sin- comparare, intelligent, non omnia esse concedenda anti-
gulos arlis locos subjicere possis. Hoc si industria solom 'jiùtali.
tieri posset, tamen essemus laudandi quum talem laborem ni. Primum igitnr, quod ab eis de morlestia dicitur,
non fugissemus nnnc sine summo arlilicio non potest videamus, ne nimium pueriliter proferatur. Nam si tacere,
lieri. Quis est enim, qui, nisi summe teneat artem, possit aut nihil scribere modestia est, cur quidquam scribunt,
ea, qure jnbeut ars, de tanta et tam diffusa scriptura no- aut loquuntur? Sin atiquid suum scribunt, cur, quo secius
tare, et separarc? Ceteri, quum k'gunt oiatioiies bonas omnia scribant, impediuntur modestia? Quasi si quis ad
aut poemata probant oralores et poetas nuiiuc inlellifiunt
qna te rommoti prohenl quod scire non possunt, ubi sit, pudentesque illos dicat esse, qui enrrerc ipse
Olympiacuni venerit cursum, et steterit, ut miltatur, im-

uecqtiiilsit, necqwo modo factumsUid.qimdeos maxime intra carceres stet, et narret aliis, quomodo Ladas aul
cyoniens. Ainsi font ces rhéteurs, ils descendent cée. Il faut, en outre que le témoignage s'accorde
dans la carrière de l'art oratoire, et taxent de va-avec la chose, autrement il ne peut lui servir de
nité ceux qui s'efforcentd'en mettre les règles en preuve. Mais ce que font ces rhéteurs ne s'ac-
pratique; quant à eux, ils se bornent à vanter corde pas avec le but qu'ils se proposent; pour-
un orateur, un poëte, un écrivain d'autrefois, quoi? parce qu'ils promettent d'écrire les règles
mais sans oser faire un pas dans la lice de l'élo- d'un art, et qu'ils prennent des exemples dans des
quence. Je n'ose le dire, mais je crains qu'en auteurs qui la plupart ne les ont pas counues.
cherchant à paraître modestes, ils ne fassent Enfin quel est celui qui peut donner de l'autorité
précisément preuve d'orgueil. Car enfin que pré- aux préceptes qu'il a établis, s'il n'est pas capable
tendez-vous ? leur dira-t-on. Vous écrivez les d'en faire lui-même l'application? Ces rhéteurs
règles de votre art, vous nous en donnez de nou- font même le contraire de ce qu'ils semblent
velles, et dans l'impuissance de les confirmer promettre; car en formant le projet de professer
par vous-même, vous empruntez vos exemples un art, ils paraissent tirer de leur propre fonds
aux autres. Prenez garde d'encourir le reproche les leçons qu'ils destinent à l'instruction des
d'impudence, lorsque vous faites ainsi rejaillir autres; et quand ils se mettent à l'œuvre ils nous
sur votre nom la gloire qui s'attache aux travaux présentent le fruit d'un travail qui ne leur ap-
des autres; car si les anciens orateurs et les an- partient pas.
ciens poëtes prenaient vos ouvrages pour en re- IV. Mais, disent-ils, le choix est difficileà faire
tirer ce qui leur appartient, vous ne voudriez rien parmi des matériaux si nombreux. Où trouvez-
revendiquer de ce qui en resterait. Mais, dites- vous la difficulté, dans la fatigue du travail, ou
vous, puisque les exemples sont comme des dans l'habileté? si c'est dans la fatigue du travail,
témoignages, il convient qu'ils soient empruntés elle ne donne pas un titre immédiat à la gloire;i
à des noms de la plus grande autorité. Je réponds car il y a beaucoup de choses pénibles dont l'exé-
avant tout, que les exemples ne sont ici ni des cution n'a rien d'honorable, à moins toutefois
preuves, ni des témoignages, mais bien des dé- que vous ne regardiez comme glorieux, de copier
monstrations. En effet, lorsque je dis qu'il y a, de votre main des poëmes ou des discours entiers.
par exemple, une figure qui consiste à terminer Si c'est dans l'habileté prenez garde de paraître
une phrase par des mots dont la consonnance étrangers aux grandes choses, en attachant le
finale est la même, et que je cite ce passage de même prix aux petites. Sans doute un ignorant
Crassus Quibus possumus etdebemus, ce n'est n'est pas capable de faire ce choix, mais beau-
pas un témoignage que je présente, mais un coup de gens peuvent y réussir sans être fort
exemple. Il y a donc cette différence entre le té- habiles. Tout homme qui aura quelque connais-
moignage et l'exemple, que par le premier, nous sance un peu spéciale des règles de l'art, surtout
démontrons de quelle nature est la chose que nous de l'élocution,pourra distinguer tous les morceauxY
avons définie, et que par le second, nous établis- qui en offrent l'application; mais il faudra, pour
sons que la chose est telle que nous l'avons avan- les imiter, un écrivain de talent. Si, pour avoir
11. iius cum Sicyoniis cursitarint sic isti, quum in artis tur. Praeterea oportet testimonium cum re convenire; ali-
curriculum dcscenderunt, illos, qui in eo, quod est arti- tei enim rem non potesteonfirmare.Al id, quod faciunt, il
ficii élaborent aiunt facere immodeste; ipsi aliquem anti- cum re non convenit. Qnid ita? Quia polliceiiturartem se
quum oratorem, aut poetam laudant, aut scripluram sic scribere, et exempla proierunt ab iisplerumque ,qui artem
ut in stadium artis rhetoiicœ prodire non audeant. Non nescierunl. Tum quis est, qui possit id, quod de arte
ausim dicere, sed tamen vereor, ne, qua in re laudem scripserit, comprobare, nisi aliquid scribat ex arte? Cor.
modestiœ venenlur, in ea ipsa re sint impudentes. Quid traque faciunt, quam polliceri videntur nam quum scri-
enim tibi vis? aliquis inquiet. Artein tuaiu sciïbis; gignis bere artem iusf iluunt, videntur dicere se excogilasse,quod
nobis novas proaceptiones eas ipse conlirmare non potes; alios docerent; quum vero scribunt, ostendunt nobis,

I. «
ab aliis exempla sumis. Vide, ne facias impudenter, qui quid alii excogilarint.
tuo nomini velis ex aliorum laboribuslibare laudcra. Nam IV. At hoc ipsum difficile est, inquinnt, eligere de
si eorum volumina prehenderintantiqui oratores et poète multis. Quid dicitis difficile? utrum laboriosum, ari arti*
et suum quisque de libris sustulerit nihil istis, quod suum ficiosum? Si laboriosum, non statim pnvdaruirt sunt
velint, relinquetur. At exempla, quoniam testimoniorum enim multa laboriosa, quae si faciatis, non contiauo glo-
similia sunt, item convenit, ut testimonia, ab homioibus riemini nisi forte etiam, si vestra manu fabulas, aut ora-
probatissimis sumi. Primum omnium exempla ponuntur tiones totas transcripsissetis, gloriosum putatetis.Sinau-
hic non confirmandi,ueque testilicandi causa, sed démon- tem istud artiûciosum egregium dicitis videte, ne insueti
strandi. Non enim, quum dicimus esse cxomationem,quae rerum majorum videamini, si vos parva res, sicuti magna.
verbi causa, constet ex similiter desinentibusverhis, et delectal Nam isto modo eb'gere rudis quidem nemo po-
ponimus hoc exemplum a Crasso, » quibus possumus, et test, sed sine summo artificiomultî. Quisquis enimaudie.
debemus, » testimonium collocamus, sed exemplum. rit de arte paullo plus, in eloculione prœsertira, omnia
Hoc iRitur interest 'inter exemplum et testimonium videre poterit, quae ex arte dicun tur facere nemo poterit
exemplo demonstratur id, quod dicimus, cujusmodi nisi eruditus. lta ut, si de Iragoediis Ennii velis sententias
sit; tpstiroonio,
it-MUUOIHfl, esse illud
111UU ita,
'[il, ut
ut nos dicimus, confirma- eligere, 4U1 de
UVS UJL'IUlUn, ^uuilttjjd- ÇJIfetTlÇ, aut riCriUUOS, quia
I dl.U>Idni» periodos,
UCPacuvianis l[tllil plane rudis td
|UilIIC luun hU
CICI'JIO^. – TOME i
fait dans Ennius, ou dans Pacuvius, un choix de cher que dans un seul auteur. Les rhéteurs n'au-
pensées ou de périodes, vous vous croyez un lit- raient d'abord rien à m'opposer, puisqu'ils se-
térateur distingué, par la raison qu'un ignorant raient libres de choisir et de préférer tel poëte ou
n'y seraitpas parvenu, il y auraitsottise de votre tel orateur qui leur fournirait des exemples pour
part; car une instruction fort médiocre suffirait tous les cas, et leur prêterait son autorité. En-
aisément pour cela. De même, si, pour avoir choisi suite, il importe beaucoup à celui qui veut
dans des discours ou des poëmes, des exempless'instruire, de savoir si un seul homme peut
marqués des qualités de l'art, vous pensiez avoir réunir, dans ses ouvrages, tous les genres de beau-
fait preuve d'un grand talent, parce qu'un igno- tés à la fois, ou si, personne ne pouvant y attein-
rant ne les eût pas distingués, vous seriez encore dre,
l'un brille dans une partie, et l'autre, dans
dans l'erreur; vous auriez par là donné lai une différente. S'il pense, en effet, qu'un même
preuve que vous n'êtes pas sans instruction maisi auteur puisse réussir en tout, lui-même s'effor-
c'est à d'autres signes que se r econnait une grande cera
d'arriver également à ce mérite universel
habileté. S'il faut du talent pour apprécier ce quii s'il en désespère, il ne s'exercera que dans un
est conforme aux règles, il en faut bien plus petit
nombre de genres, et saura s'en contenter;
encore pour écrire soi-même en les observant. Uni et il ne faudra pas s'en étonner, puisque celui-
habile écrivain pourra juger facilement du mé- là
même qui a tracé les règles de l'art, n'a pu
rite des autres: mais de ce qu'on choisit aisémentt trouver tous les exemples dans un seul auteur.
parmi les morceaux d'un ouvrage, il ne résulte En
voyant tous ces passages tirés de Caton, des
pas que l'on soit un bon écrivain. Et si c'est un Gracques, de Lélius, de Seipion, de Galba, de
>

très-grand mérite, que les rhéteurs le gardentt Porcina, de Crassus, d'Antoine, et autres ora-
pour un autre temps, et non pas pour celui oùi teurs, ou d'antres empruntés à des poëtes et à
ils devraient créer, enfanter, produire eux mê- des historiens, le disciple croira nécessairement
mes. Enfin, qu'ils fassent consister la force de leurr qu'il a fallu s'adresser à tous ensemble, et qu'un
talent à se montrer plutôt dignes de servir de seul
fournissait à peine quelques exemples. Alors
modèles, que capables d'en proposer. En voilài s'il se contente d'égaler un de ces écrivains, il
suffisamment contre l'opinion de ceux qui sou- n'aura pas la confiance de réunir a lui seul le
tiennent qu'on doit se servir d'exemples étran- mérite de tous les autres. Il est donc inutile, pour
gers. Entrons maintenant dans quelques consi- celuiquiveutseformer, de ne pascroirequ'unseul
dérations particulières. homme puisse tout réunir. Personne ne tomberait
V. Je dis donc qu'ils ont tort d'emprunter de3 dans cette opinion décourageante si lesexemples
ces exemples, et bien plus encore de les prendree avaient été pris dans un même auteur. Ce qui
dans un grand nombre d'auteurs. Arrêtons-nous s indique, au contraire, que les rhéteurs eux-mêmes
d'abord sur ce dernier point. Si j'accordais qu'il1 ne pensaient pas qu'un même écrivain pût briller
fallût recourir à des exemples étrangers, je feraiss dans toutes les parties de l'élocution c'est qu'ils
voir victorieusementqu'il ne faudrait les cher- n'ont pris leurs exemples ni dans leurs propres

facere nemo poterit, quum feceris,telilteralissimumputes, staret corum ratio; liceret enim eligerent, et probarent
inepfus sis propterea quod id facile faciat quivis mediocri- quemlibet, quisibi in otrmes res supped iUret exempta vel
ter litteratus item si, qunm ex orationibus et poematis poetam, vel oratorem, cujusauctoritate niterentur. Deinde
elegeris exempta, quas certis signis artificii notata sunt, interest magni eji.s, qui discerevult, utrum unum omnia,
quia rudis id nemo facere possit artiliciosissimete fecisse
putes, erres; propterea quod isto signo videmus te nonni-
liil ejus scire aliis signis, milita f cire intelligemiis. Quod
Si enim putabit posse omnia pênes nnurn ipse
anornnia neminem, sed aliud alium putet consequi posse.

quoque ad omnium nitetur facultatem sin id desperabit


si artificiosumest intelligere, quae sint ex arte scripta, mnlto in paiicis se exercebit; ipsis enim contentus erit nec mi-
«ïst artificiosius, ipsum scribere ex arte. Quienim scribit ar- rum, quum ipse praxeptoi artis omnia penes unum reperire
ti<iciose,abaliiscommode scripta facile intelligere poterit non potuerit. Allatis igitur exemplis a Catone, a Gracchis,
qui digel facile, non continuo ipse commode scribit. Et, a Laelio, a Scipione, Galba, Porcina Crasao, Antonio, ce-
si est maxime artificiogum, alio tempore utantur ea facul- terisqtiâ; item sumtis aliis a poetis, et historiarumscripto-
tate, non tum, qiium parere ipsi, et gignere, et proferre ribus, necesse erit, eum qui discet, ab omnibus putare
debent. Postremo in eo vim artificii consumant, ut ipsi omnia, ab uno pauca vix potuisse sumi. Quare, si unius ali-
ab alus potius eligendi quam alioram boni electores exi- cujus esse se similem satis habebit, omnia, quœ omnes ha-
stimentur Contra ea, quae, ab iis dicunttir, qui dieunt alie- buerint, solum hahere se posse diffidet ergo inutile est
nis exernplis uti oportere, satis est dictum nunc, qua; ei, qui discere vult, non putare, unum posse omnia. Igitur
separatim dici possunt, consideremus. nemo in hanc incideret opintonem si ab uno exempla sum-
V. Dicimus ergo, cos omnes, ideo quod alienis utantur, sissent. Nunc hoc signi est, ipsos artis scriptores non putasse
peccare, tum etiam magis delinquere quod a multis exem- unum potuisse in omnibus elocutionis partibus enitere,
pla siimant. Sed de eo, quod postea diximus, ante videa- quoniam neque sua protulernnt, neque uniusalicnjus, ant
mu*. Si concederem, aliena oportere assumere exempla, denique duorum, sed ab omnibus oratoribus et poetis exem-
vincerem unius oportere primum, quod contra hoc uulla pla sumserunt. Deinde, si quis velit artem demonstrare
ouvrages, ni dans un ou deux auteurs, mais dans tourmenté par une soif ardente, sans avoir une
tous les orateurs et tous les poètes. Il y a plus si goutte d'eau pourrétancher, ne se moquerait-on
quelqu'un voulait démontrer que l'art est impuis- pas de lui? Et ces habiles maîtres, qui prétendent
sant avec ses règles, il pourrait s'appuyer, avec non-seulementposséderlessources, mais être eux-
assez de raison, surce que personne ne saurait en mêmes les sources où doivent s'abreuver tous les
embrasser toutes les parties. N'est-il donc pas esprits, ne pensent pas être un objet de risée,
ridicule que les ennemis déclarés de la rhétorique lorsqu'au milieu de ces riches promesses, ils se
trouvent à appuyer leur opinion sur celle des montrentfrappés eux-mêmesdestérilité? Ce n'est
rhéteurs eux-mêmes? Ainsi dût-on ne se passer point ainsi que Charès apprit de Lysippe l'art du
jamais des exemples étrangers, il faut ne les statuaire. Ce maître ne lui montrait pas tour à
tirer que d'un seul auteur. tour une tête de Myron, des bras de Praxitèle,
VI. Mais on doit rejeter tout à fait cette mé- une poitrine de Polyclète; il travaillait lui-même
thode nous allons le comprendre à présent. En à toutes ces parties sous les yeux de son élève,
premier lieu, le maître de l'art, qui cite un exem- lequel pouvait ensuite étudier à son gré les ou-
ple, doit le tirer de son propre fond; pour ne pas vrages des autres sculpteurs.
ressembler à un marchand d'étoffes de pourpre VII. Les rhéteurs grecs pensent qu'il y a uu
ou d'autre chose qui dirait Donnez-moi la préfé- moyen plus facile de donner l'instruction à ceux
rence mais je vais prendre chez mon voisin un qui la désirent. Ajoutez que les exemples em-
échantillon que je vous montrerai. Ne vous pa- pruntés ne peuvent pas s'adapter aux règles,
raîtrait-il pas ridicule de voir ceux qui vendent comme ceux que l'on fait soi-même; parce que
les marchandises chercher des échantillons chez dans la suite d'un discours on ne fait le plus sou-
leurs confrères d'autres vous dire qu'ils ont des vent qu'effleurer chaque figure, de peur que l'art
monceaux de blé, et ne pas pouvoir vous en ne se laisse voir. Quand il s'agit de donner des
montrer un seul grain? Si Triptolème venant en- préceptes, il faut composer des exemples tout
seigner aux hommes l'art d'ensemencer les terres, exprès, pour qu'ils soient plus conformes à l'art.
leur avait emprunté les semences; ou si Promé- L'habileté de l'orateur dérobe aux regards les ef-
thée, voulant leur faire présent du feu, était allé, forts qu'il a faits; il vaut donc mieux, pour faire
un vase de terre à la main, demander de porte en reconnaître l'art à plus de marques, composer
porte quelques charbons; n'y aurait-il pas là soi-même ces exemples. Enfin un dernier motif
matière à rire? Et ces rhéteurs, nos maîtres à m'a déterminé c'est que les noms grecs qu'il
tous dans l'art de parler, ne se trouvent pas ridi- m'a fallu traduire s'éloignent du génie de notre
cules, lorsqu'ils vont chercher dans les écrits des langue. Comment auraient-ils eu des mots pour
autres, ce qu'ils nous promettent de nous donner. des choses qu'ils ne connaissaient pas? Ces noms,
Si quelqu'un se vantait d'avoir découvert les au premier abord, paraîtront nécessairement un
sources les plus abondantes dans les entrailles de peu durs; ce sera la faute du sujet, et non la
la terre, et qu'en parlant de sa découverte, il fût I mienne. Le reste de cet ouvrage sera consacre

nihil prodesse ad discendum, non male utatur hoc adju- r quum non modo dominos se fontium sed se ipsos foutes
mento, quod unus omnes artis partes consequi nemo po- esse dicant, et omnium rigaredebeantingenia,non putaut
tuerit. Quod igittir juvat eorum rationem, qui omnino im- fore ridiculum si quum id polliceantur aliis arescant ipsi
probent artem, id, non ridiculum est, ipsum scriptorem siccitater Chares a Lysippo statuas facere non isto modo
artis suo judicio comprobare?Ergo ab uno sumendafuisse didicit, ut Lysippus caput ostenderet Myronis, brachw
docuimus exempla, si semper aliunde sumerentur. Praxitelis pectus Polycleti sed omnia coram magistrum
VI. Nunc omnino aliunde sic intelligcmus sumenda non facientem videbat, ceterorum opera vel sua sponte consi-
fuisse. Primum omnium, quod ab artis scriptore affertnr derare poterai.
exemplum, de ejusdem artificio debet esse; non ut, si quis Vil. Isti credunt, eos, qui hœc velint discere, alia ratione
purpuram aut aliud quippiam vendens dicat « Sume a doceri posse commodius. l'raterca ne possuut quidem ea,
me, sed hujus exemplum aliunde rogabo, tibique oslen-
aliunde exemplum
quae sumuntur ab aliis exempla tam esse accommodata
ad artem, quam propria propterea, quod in dicendo leviter
« dam. » Si merces ipsi qui venditant,
quaeritent aliud mercis; aut si acervos se dicant tritici ha- unusquisquelocus plerumquetangitur, ne ars appareat; in
bere, et eorum exemplum pugno non habeant quod osten- prsecipiendo expresse conscripta ponere oportet exeinpla
dant si Triptolemus quum hominibus semen largiretur, ut in artis formam convenire possint. Et post in dicendo, ne
ipse ab aliis id hominibus mutuaretur;autsi promelheus possit ars eminere et ab omnibus videri facultate oratoris
quum morlalibusignem dividere vellet, ipse a vicinis, cum occultatur ergo etiam ut magis arscognoscatur, suisexem-
testa ambulans, carbunculos corrogaret non ridiculnm plis melius est uti. Postremo haec quoque res nos duxit ad
videretur? Isti magistri omniumdicendi prseceplores non hanc rationem, quod nomina rerum graeca qure conver-
videntnr sibi ridicule facere, quum id, quod aliis pollicen- timus, ea remota sunt a consuetudine quœ enim res apud
tur, ab aliis qurcrunt. Si qui se fontes maximos, penitus nostros non erant, earum rerum nomina non poterant esse
absconditos,aperuisse dicat, et hoc, sitiens qnam maxime, usitata. Ergo haec asperiora primo videantur necesse est,
loquatur, neque habeat, qui sitim sedet, non rideatùr? Isti, idquelietrei,nounostia,difficultate. Beliquum lum scriplurœ
scripiurse
4.
aux exemples. Si je les avais pris chez lesautres, grandeur. L'exemple suivant donnera l'idée de
il en serait résulté que la portion la moins dé- ce genre « Qui de vous en effet, juges, pour-
sagréable du livre, ne m'appartiendrait pas, et « rait imaginer un châtiment assez sévère pour
que je n'aurais à revendiquer en propre que « celui qui a formé le projet de livrer sa patrie
celle qui renferme ce qu'il y a de plus aride et « aux ennemis? Quel crime peut se comparer à
d'inusité. C'est encore un désavantage que j'ai « celui-là, et quel supplice trouvera-t-on qui le
voulu éviter. Tels sont les motifs qui m'ont « puisse expier dignement? Pour punir ceux qui
empêché, tout en approuvant les Grecs comme « auraient attenté à une femme libre, déshonoré
inventeurs de l'art, de ne pas suivre leur opinion « une mère de famille, maltraité ou mis à mort
sur le choix des exemples. « un citoyen, nos ancêtres imaginèrent les plus
11 est temps de passer à présent aux règles de « cruels supplices, et ils n'en ont point
trouvé
l'élocution. Nous l'envisagerons sous deux points « pour le plas cruel, pour le plus coupable des
de vue. Nous parlerons d'abord des divers gen- « forfaits? Et cependant les autres crimes ne
res dans lesquels l'élocution doit être renfermée « portent préjudice qu'à une seule personne, ou
tout entière; nous montrerons ensuite quelles « qu'à un petit nombre de citoyens, tandis que
qualités elle doit toujours avoir. «
les auteurs d'un pareil attentat menacent d'un
VIII. Il y a trois genres, ou, comme nous le « seul coup tous les citoyens des plus horribles
disons, trois caractères de style auxquels se ra- « malheurs. 0 cœurs farouches! 6 projets barba-
mène tout discours soumis aux règles; le style it res! ô hommes dénaturés! vous avez osé exé-
sublime, le style tempéré, et le style simple. Le « cuter, concevoir même un dessein qui per-
sublime résulte de l'emploi d'expressions nobles, mettait à nos ennemis de fondre victorieux
>'

grandes et ornées. Le tempéré fait usage de ter- « sur la ville, après avoir dispersé les tombeaux
mes moins relevés, mais qui n'ont rien de trop « de nos pères et renversé nos murailles; de dé-.
lws ni de trop vulgaire. Le simple s'abaisse jus- « pouiller les temples des dieux, d'égorger nos
qu'au langage le plus familier d'une conversation « citoyens les plus illustres, de traîner les au-
correcte. tres en servitude; de livrer les mères de fa-
Le discours appartiendra au genre sublime, « mille les femmes libres à la brutalité des
si l'on y fait entrer les expressions les plus ornées « soldats, et la ville, aux horreurs de l'incen-
qu'il sera possible de trouver sur chaque sujet, « die! Les misérables ils pensent avoir encore
et si on les y approprie, soit dans leur sens natu- « quelque chose à désirer, tant qu'ils n'ont pas vu
rel, soit dans leur sens figuré; si l'on fait choix « tomber en cendres les murs sacrés de la patrie
de pensées nobles, susceptibles de se prêter à « Je ne puis, juges, peindre par des paroles,
l'amplification et au pathétique; et si, parmi les « toute l'atrocité de leur dessein mais je m'en
«
figures de pensées ou de mots dont nous parle- console, parce que vous n'avez pas besoin de
rons plus tard, on emploie celles qui ont de la 1 mes efforts. Vos cœurs dans lesquels l'amour

cnnsnmetur in exemplis. Haec aliena si posuissernus fa. mus, adhibebuntur. In hoc génère figurse erit hoc exemplum:
etum esset, ut, quod commodius esset in hoc libro, id no « Nam quis est vestrum, judices, qui satis idoneam possit
strum non esset; quod asperius, et inusitatum, id proprie « in fini) prenant excogitare, qui prodere hostibus patriam
nobis attribneretur. Ergo banc quoque incommoditalem « cogitarit?
Quod malcfiniini cum hoc scelere comparari
fugimus. His de causis, qnum artis inventionem Greecorum quod huic maléficio dignum supplicium potest mveniri ?1
)>robassemus exemplorum rationem secuti non sumus. k In iis, qui violassent ingenuam, matrem familias consta.
Nun tempus postulat, ut ad elocutionis prœcepta trans- k prassent, puisassent aliquem, autpostremo necassent,
ramus. Bipartita erit igitur nobis elocutionis prœceptio. Il maxima supplicia majores consumsei'unt huic truculen-
Primum dicemus, quibus in generibus semper omnis ora- <>
tissinio ac nefario facinori singularcm peenam non reli-
toiia elocutio deheat esse deinde ostendemus, quas res « querunt ? Atqne in aliis maleficiis ad singuloa, aut ad
semper habere debeat. k paucosex alieno peccato injuria pervenit; hujus sceleris
VIII. Sunt igitur tria genera, quae genera nos figuras ap- qui snnt affines uno consilio universis civibus atrocis-
pellamus, in quibus omuis oralio non vitiosa consumitur •i simas
calamitates macliinantur. O feras anïmos! o cru-
» deles cogitationes o
o derelictos hommes ab iiumanitate
unam gravem, alterpm mediocrem, tertiam extenuatam
vocamus. Gravis est, quœ constat ex verborum gravium « qui id agere ausi sunt, aut cogitare potuerunt, quo pacto

magna etornata constructione. Mediocris est, quae constat » liostes, revulsis majorum sepulcris, dejectis mœnibus,
h ovanles irruerent in civitatem; quo modo
ex humiliore, neque tamen ex infima et pervulgatissima deum templig
verborum dignitate. Attenuata est, quai demissa est usque « spoliatis, optimatibus trucidatis, aliis abreptis in servitu-
ad usiutissimam puri sermonis consueludinem. « tem, matribusfamilias ingenuissub hostilemlibidinem
lu gravi figura consumeturoratio, si quae cujusque rei h subjectis,urbs aceibissimoconcidatincendioconliagrata
poterunt ornatissima verba reperiri, sive propria, sire « qui se non putant, id, quod voluerint, ad exilum per-
translata, unamquamque.in rem accoramodabunlur et, ce
duxisse, nisi sanclissinia: patrite miserandum scelerati
si grave» senlenti», quae in amplificationeet commiseratione « viderint cinerem. Nequeo verbis consequi, judices, indi-
trartantur, eligentur et, si exornationes sententiarum aut « gnilatemrei sed negligentius id fero, quia vos raeinou
\wborum, quœ gravitatem habebtint, de quibus post dioe* « egetis. Vester enim vos animus amantissimus reipublic»
de la république est si ardent, vous disent as- « contraints ou amenés volontairement à recon-
« sez que
celui qui a juré la perte de ses couci- « naitre. Mais, me demandera-t-on, les habitants
toyens doit être honteusement chassé de cette « de Frégelles n'ont-ils pas essayé de secouer le
Rome qu'il a voulu faire tomber sous le joug « joug? Sans doute maisétait d'autant plus fa-
»

méprisables ennemis. » « cile à ceux-ci de ne rien tenter de semblable,


• infâme de ses plus
IX. Le discours sera du style tempéré si, « qu'ils avaient vu le peu de succès des Fré-
comme je viens de le dire, on le fait descendre - gellans. Des peuples sans expérience, qui
un peu du ton sublime, sans le faire tomber ce- « ne peuvent trouver dans le passé des exemples
pendant jusqu'au ton simple. Par exemple « de conduite pour aucune circonstance, sont

«
Vous voyez, juges, à qui nous faisons la guerre «
très-exposés à tomber dans l'erreur; mais ceux
« à des
alliés qui ont coutume de combattre pour « qui savent ce qui est arrivé aux autres peu-
« nous, et
dont le courage et le zèle ont contri- « vent aisément prévoir, par l'exemple d'autrui,
bué au salut de notre empire. S'ils se connais- « ce qui les attend eux-mêmes. Nos alliés n'a-
« sent
eux-mêmes, s'ils connaissent leurs forces vaient-ils donc aucun motif, aucun espoir pour
« et
l'étendue de leurs ressources, ils peuvent n prendre les armes? Qui croirait que l'on pous-
«
néanmoins, à cause de leur voisinage et des « sât la folie jusqu'à entreprendre une attaque
rapports de toute sorte qu'ils ont eus avec nous, « contre le peuple romain, sans aucun moyen d'y
« savoir ou
comprendre de quoi est capable le « réussir? 11 faut donc qu'ils aient eu quelque
«
peuple romain. Quand ils ont pris la résolution « raison d'en agir ainsi; et quelle autre y aurait-
« de nous
déclarer la guerre, quel était, je vous il que celle que je vous ai fait connaître. »
«
le demande, l'espoir qui les poussait, eux qui X. Le morceau suivant fournira un exemple
« voyaient la plus grande partie des alliés rester de ce style simple qui descend jusqu'à la fami-
«
fidèle à Rome, eux qui n'avaient à leur dispo- liarité de la conversation journalière Cet
« sition ni troupes nombreuses, ni généraux ha- « homme vient un jour au bain; on l'arrose
« biles, ni argent dans Icur trésor, ni aucun des «
d'huile, on le frotte. Ensuite il se met à descen-
"moyens nécessaires en pareil cas? S'ils entre- dre les degrés mais voilà que se jetant au-de-
• prenaient la guerre contre
des voisins pour une « vant de celui-ci: Holà jeune homme, s'écrie-
question de limites, s'ils pensaient qu'une seule t-i 1, vos esclaves m'ont offensé, il faut que vous
«
bataille pût décider de la querelle; encore se «m'en rendiez raison. Le jeune homme, ainsi
«
mettraient-ils en campagneavec des préparatifs apostrophépar un inconnu, rougit. L'aggresseur
plus complets et plus sûrs, bien loin de nous « crie encoreplus haut, ajoutant d'autres injures.
disputer avec d'aussi faibles ressources cet em- « Le jeune homme ose à peine lui répondre
pire du monde que toutes les nations, tous les Permettez que j'examinela chose. L'autre, éle-
rois, tous les peuples vaincus par les armes ou « vant la voix de façon à faire rougir leplusassuré,
« par les bienfaits du peuple romain, ont été «
réplique Vous êtes si insolent et si emporté,

« facile edocet ut eum, qui fortunas omnium voluerit » partim volnntate consenserunt, quum aut armis ant 1 ibe-
« prodere, praecipitem proturbetis ex ea civitate, quam iste « ralitate a populoromanosuperaliessent, ad se transferra
« spurcissimornm hostium dominatu nefario voluerit < tanlulis viribus conarentur. Quaeret aliquis Quid? Fre-
« obruere. » « gellani non sua sponte conati sunt? Eoquidem minus isti
]X. Inmediocri figura versabituroratio, si hacc, utante « facile conarentur, quo illi quemadmodum discessissent,
dixi, atiquantulum demiserimus, nequetamen ad infimum « videbant. Nam rerum imperiti, qui uniuscujusque rei de
descendeiimus,sic: « Quibuscura bellum gerimus, judices, « rébus
antegestis exempta petere non possunt, ii per im-
sociis.qui pronobispugnare, et imperium prudentiarn facillime deducunturin fiaudem at ii, qui
« videtis; cum «
nobiscum simul virtute et industria cunsorvare « sciunt,quid aliis acciderit, facileexaliorum eventusuis
« nostrum
« soliti sunt. Hi quum se, et opes suas et copiam necessa- « rationibus possuntprovidere. Nulla igitur re inductî, nulla
« riorum norint tum vero
nihilominus propter prnpinqui- « spe freti arma sustulerunt? Quis hoc credat, tantam
« latem, et
omnium rerum societatem, quid in omnibus « amentiam qiicmquam tenuisse, ut imperium populi ro.
rebus populus romanus posset, scire et existimare po- « mani tentare auderet, nullis copiis fretus? Ergo aliquid
« terant. Hi, quum deliberassentnobiscum bellum gerere, « fuisse necesse est: quid aliud, nisi id, quod dico, po-
« quneso, qui» res erat, qua freti bellum suscipere cona- « test esse? »
- rentur, quum multo maximam sociorum partem irj
offi- X. In attenuato figura? génère, quod ad infimum etquo-
« ciomanereinlelligerenl?quumsibinonmultitudinemmi- tidianum sermonem demissum est, hoc erit exemplum
« litum, non idoneos imperatores, non pecuniam publicam « Nam ut forte hic in balneas venit, «rpil pestquam per-
» prasto esse viderent? non
denique ullain rem, qure per- « fusus est,de^ricari. Deinde,ubi visumest, ut in alveum
tineret ad bellum administrandum? Si cum finitimis de • descenderet, ecce ibi iste, de transverso, Heus inquit,
finibus bellum gererent, si totum cerlamen in uno prœ- « adolescent pueri lui modo me pulsaverunt; satkfacias
« lio positnm pu tarent, tamen omnibus rébus instructiores oportet. Hic, qui id metatis ab ignoto praeter constietu-
»
acparatioresvenirent;nedumillud imperinmorbis terra, dinem appellatus esset, erubuit. Iste clarius eadem et
cui irnpeno orones gentes, reges, nationes, partim vi, « alia dicere cwpit. Hic vix tandem inquit Sine me cou-
que vous ue pouvez prendre place parmi la pu voir qu'ils ne donnaient que de l'enflure à
• bonne compagnie, et que l'on ne peut vous leur discours.
« voir que derrière la scène on à d'autres places XI. Ceux qui se sont proposé d'écrire dans
«
semblables. Le jeune homme se trouble, et quoi le genre temperé, et qui n'ont pu y parvenir, ar-
de plus naturel? les réprimandes de son gou- rivent, en perdant leur route, au genre qui s'en
verneur résonnaient encore à son oreille, novice rapproche, et qu'on appelle lis style lâche et
«
à de semblables propos. Où pouvait-il avoir vu mou, parce qu'il flotte irrésolu, sans nerfs, sans
« un
bouffon assez éhonté, pour croire qu'il n'a liaisons, et ne peut prendre dans sa marche ni
pas de considération à perdre, et qu'il peut tout consistance ni vigueur. En voici un exemple x
» faire sans se compromettre? » «
Si nos alliés voulaient se mettre en guerre avec
Ces exemples peuvent faire juger des genres « nous, ils auraient certainement dû délibérer
de style. On voit dans l'un la simplicité, dans plus d'une fois sur leurs ressources, dans le
l'autre, la noblesse de l'expression, le troisième « cas où ils agissaient d'eux-mêmes, et n'étaient
tient le milieu. « pas secondés ici par une multitude d'hommes
Mais il faut prendre garde en traitant chacun « pervers et audacieux.
Car tous ceux qui veu-
de ces genres, de tomber dans les défauts auxquels Is « lent faire de grandes choses, ont coutume d'y
ils touchent de si près. Car à côté du style su- «
réfléchir longuement. » Un style de cette sorte
blime, qui est digne d'éloge, se rencontre celui ne peut fixer l'attention de l'auditeur; il s'é-
qui mérite le nom de boursouflé, et qu'il faut coule tout entier, il s'arrondit en phrases bien
éviter. Car de même que la bouffissure ressemble faites qui ne disent rien. Ceux qui ne peuvent se
souvent à l'embonpoint, de même les ignorants servir avec avantage du style simple, si rempli
croient trouver le style sublime dans celui qui de grâces, tombent dans un genre aride et pâle,
n'est enflé que de mots nouveaux ou vieillis, de qu'on pourrait appeler décharné, et dont voici
métaphores péniblement étranges, ou trop am-
bitieuses. Par exemple Celui qui vend sa pa-
trie ne serait pas puni comme il le mérite,
•. un exemple « Celui-ci vient au bain, et dit en-
suite à celui-la Votre esclave m'a offensé. A
quoi l'autre répond J'examinerai la chose.
«
quand on le précipiterait dans les abîmes de « Alors le premier
cherche querelle au second,
« Neptune. Faisons donc repentir celui qui ai et crie de plus fort en plus fort en présence
« élevé les montagnes
de la guerre, et fait dispa- d'un grand nombre de personnes. » Voilà
« raître les
plaines de la paix. La
plupart de un style sans force et sans noblesse, et qui n'a ni
ceux qui sont tombés dans cet excès, et qui se cette pureté ni ce choix d'expressions qui carac-
sont écartés de leur point de départ, ont été térisent le style simple. Chaque genre de style,
trompés par une apparence desublimité, et n'ont le sublime, le tempéré, le simple, s'embellit par

« siderare. Tum vero iste coepit clamare voce ista, quae vel profecti sunt, aberraverunt, et gpeciegravitatisfalluntur,
facile cuisis rubores elicere posset Ita petulans es at- nec prospicere possunt orationis tumorem.
« que acer, ut ne ad solarium quidem idoneus, ut mihi vi- Xi. Qui in mediocre genns orationis profecti sont, si
» (letur, sed pone sccnam, et in ejusmodî locis exercitatus pervenire eo non potuerunt, errantes perveniunt ad conline
•i gis. Conturbatus est adolesccns nec mirum., cui etiam genusejus generis, quod appellamusflucluans et dissolu-
« mine paedagogi lites ad auriculas versarentur, imperito tum eo quod sine nervis et articulis fluctuât hue et illuc
ejusmodi conviciorum. Ubi enim iste vidisset scurram
« nec potest confirmare neque viriliter sese expedire. Id est
« exliauslo
rnbore, qui seputaiel niliilhabere, quod de exi- hujusmodi « Socii nostri quum belligerare nobiscum vel-
a stimatione
perderet, ut omniasinefama; detrimento facere « lent, profecto ratiocinati essent etiam atque etiam quid
n posset? » lgitui' genera figuraniin ex ipsis exemplis in- « possentfacere, si quidem sua sponte facerent, et non ha-
tdligi polerunl. Erit enim et atlenuata verborum cou- <c berent hic adjutores multos malos homines et audaces.
slructio quidam, et item alia in gravitate, alia posita in « Soient enim diucogitare omnes, qui magna negotia vo-
medincritate. it huit agere. Non potest hujusmodisermo tenere atten.
Est antem cavendura ne, dum haec genera consecta- tum auditorem diflluit enim totus, neque quidquam com-
mur, in linitima et piopinqua vitia veniamus. Nam gravi prehendena peifectis verbis amplectitur. Qui non possunt
figura qiue laudanda est, propinqua est ea quae fugienda in illa facetissima verborum attenuatione commode ver-
• est, quas recte yidebitur appellari, si sufllatanominabitur. sari, veniunt ad aridum et exsangue genus orationis, quod
Nam ut corpoiïs bonam habitiidinem lumorhnitatursa^pe, non alienum est exile nominari, cujusmndiest hoc « Nam
ita gravis oratio snspe imperitis videtur ea, quae turget et « istic ille ad balneas accessit; ad hune postea dicît Hic
inllata est, qunm aut novis, aut priscis verbis, aut'duriter « tous servus me ptilsavit. Postea dicit liic illi Conside-
aliunde tianslatis, aut gravioribus quam res postulat, « rabo. Postillehuic convicium l'ecit, et magis magisque
atiquid dicitur, hoc modo » Nain qui perduellionibus « pra3sentibus multis clamavit. uFrivolushic quidemjarn

« vendilat
patriam, non satis supplicii dederit, si prxceps et illiberalis est sermo. Non enim adeptus est id, quod ha-
« in
NeptuDiasdcpulsuseritlacunas.Pnpniteatigitur istum, bet attenuata figura, puris verbis et elertiscompositam
» qui montes
belli fabricatus est,'campos sustulit pacis. orationem. Omne genus orationis, et grave et médiocre
In hoc genus pleriquc quum declinassent, et ab co, quo et attrnuatum dignitate, afQciunt exornationes,de quibus.
les figures dont nous parlerons plus tard si elles éviter le concours trop fréquent des voyelles,
sont employées avec discrétion, elles donnent, qui allongent le discours et le remplissent d'inter-
pour ainsi dire, de la couleur au style; trop pro- minables hiatus. Comme: « Baccœ œneœ amœnis-
diguées, elles ne font que l'obscurcir. Il faut en
« simœ impendebant. » Ne pas trop répéter la
outre varier les genres, faire succéder le tempéré même lettre, comme ce vers en fournit l'exemple
au sublime, et le simple au tempéré; et employer (car, pour les défauts, rien n'empêche qu'on ne
souvent cet artifice, afin que la variété ne laisse les emprunte aux autres)
pas naitre l'ennui. O Titc, tute, Tati, tibi tanta tyranne lulisti!
XII. Nous avons parlé des différents genres
de l'élocution; voyons maintenant les qualités et cet autre du même poëte.
qu'elle doit réunir pour être convenable et par- Quidquam quisquam cuiquam,quod conveniat, neget.
faite. Celle qui sied particulièrement à l'orateur Il ne faudra pas non plus se servir trop souvent
doit offrir trois caractères, la correction, l'élé- du même mot, comme dans cette phrase Nam
gance, la noblesse. La correction consiste à dire cujus rationis ratio non exstet, ei rationi ratio
chaque chose d'une manière claire et pure. Elle
comprend la latinité et la clarté du langage. La non estfidem, habere; ni de mots à terminaison
semblable comme dans
latinité maintient la pureté de la langue, et en
écarte les défauts. Les défauts dans le latin peu- Fientes, plorantes, lacrymantes, obtestantes.
vent être de deux espèces, le solécisme et le On évitera les transpositionsde mots, à moins
barbarisme. Il y a solécisme, lorsque les rapports qu'elles ne flattent l'oreille, comme nous le di-
qui doivent unir les mots entre eux sont mal ob- rons plus tard. Lucilius tombe sans cesse dans
servés. Il y a barbarisme, quand on se sert d'un ce défaut; par exemple dans son premier livre
mot vicieux. J'indiquerai clairement dans la
Has resad te scriptas, Luci, misimus, ^Eli.
grammaire les moyens d'éviter ces défauts. La
seconde sorte de correction sert à rendre les idées Enfin on doit s'interdire les périodes intermi-
d'une manière claire et distincte. Elle résulte de nables qui fatiguent et l'oreille de l'auditeur et
l'emploi des mots usités et des termes propres. la respiration de l'orateur. Tels sont les vices
Les mots usités sont ceux dont on se sert dans contraires à l'élégance quand on les aura évités-,
la conversation de chaque jour; les termes pro- il faudra donner ses soins à la noblesse du style.
pres sont ceux qui désignent la chose même dont XIII. La noblesse du style sert à l'ornement
on parle, ou qui peuvent y être appropriés. du discours, par la variété qui résulte des figures
L'élégance est une disposition des mots qui de mots et des figures de pensées. Les figures de
donne un même degré de perfection à toutes les mots consistent dans les modifications que l'on
parties de la phrase. Il faudra, pour l'assurer, fait subir aux mots eux-mêmes pour leur donner

posl loquemur qurc si rarœ disponentur, distinctam, sicuti atque


a hiantem orationem reddunt, ut hoc est « Baccie
coloribusjsicrebraecollocabuntur,oblilam reddenloratio- • œneœ amœnissima!
«
impendebant. » Et si vitabimus
nem. Sed liguram in dicendo commutari oportet, ut gra- ejusdem
f liltera; nimiam assiduitatem cui vitio versus hic
vem mediocris, mediocrem excipiat attenuata: deinde ideu- erit
( exemplo (nam hic nihil probibet in vitiis alienis
tidem commutentur, ut facile satietas vai-ietate videtur. exemplis
c uti )
XII. Quoniam, quibus in generibus eloculio versari de. O Tite, tule Tati tibi tanta tyranne tulisti
beat, dictum est, videamus nunc, quas res debeat habere I hic ejusdem poetae
Et
elocutio commoda et perfecta. Quae maxime [admodum]
oratori accommodata est, tres res in se debet habere, ele- Quidquam quisquam cuiqaam, quod conveniat, neget.
gantiam compositionem, dignitatem.Elegantia est, quœ Et,
] si ejusdem verbi assiduitatem nimiam fugiemus; ea
facit, ut unumquodque pure et aperte dici videalnr. Hsec est { hujusmodi Nam cujus rationis ratio non exstet, ei
dislnbuiturinlatinitatem,et explanationem. Latinitas, est «“ rationi ratio non est tidem habere. » Et, si non utemur
qnaj sermonem purum conservat, ab omni vitio remotum. continenter
ç similiter cadentibus verbis, hoc modo
Vitia in&ermone, quo minus is latinus sit, duo possunt Fientes plorantes lacrymantes, obtestantcs.
esse sokecismus, et barbarismus. Solœcismus est, qijum, Et
I si verborum transjcctionem vitabimus, nisi qune eril
in verbis pluribus, consequens verbum supciiori «on ac- concinna,
commodatur. Barbarismus est, quum verbum aliquod Lucilius assiduus, qua de re postcrius loquemur; quo in vitio est
I ut hoc est in priore libro
vitiose effertur. Hœc qua ratioue vitare possimus, in arte
sranimatica dilucide dicemus. Explanatio est, que reddit Has res ad te scriptas, Luci, misimus, jEli-
apertam et dilucidam orationem. Ea comparatur duabus IItem fugere oportet longam verborum continuationem,quic
e auditoris aures, et oratoris spiritum laedit. His \iliis in
rebus, usitatis verbis, etpropriis. Usitata sunt e<f,quaiver- et
sanlur in sermone et consuetudine quotidiana (iiopriH, compositione
c vitatis reliquum operis consumendum est in
quaeejusrei verbasunt.iiutcssepossunt.qnadeloquennir. idignitate.
Compositio est verboruin constructio, quœ facit onines XIIL Dignitas est, quœ reddit ornatam orationem,
partes orationis aequabiliter perpolitas. Ea conservabitur, varietate distingnens. lt;cc in verborum et sententiarum
si fugicimis crebias vocaliuiu coucursiones, ijusc vaslani exoinationem
e dividitur. Verborum exoinatio est, quai
plus d'éclat et plus de poli; les figuresde pensées, « était un homme actif, il était ingénieux, il était
indépendantes des mots, embellissent les pensées « savant, il
était l'ami des gens honnêtes et stu-
elles-mêmes. «
dieux, il était aussi le premier dans Rome. "En-
La Répétition a lieu quand on se sert d'un seul fin Lorsque tu demandes à être absous par
et même mot pour des choses semblables ou dif- «tes juges, c'est leur parjure que tu demandes;
férentes par exemple « C'est à vous qu'il faut « c'est leur déshonneur que tu
demandes; c'est
» attribuer cette action,
c'est à vous qu'il en faut «
le sacrifice des lois romaines à ta passion que
« rendre grâce; c'est àvousqu'on endoit rapporter « tu demandes. »
« l'honneur. » Ou bien « Scipion a détruit Nu- XIV. La Complexion est une figure qui se
> mance, Scipion a renversé Carthage, Scipion nous forme de la réunion des deux que nous venons de
a donné la paix, Seipion a sauvé Rome. Ou voir, c'est-à-dire, qui consiste à répéter souvent,
bien encore « Toi, venir dans le forum; toi, et le premier et le dernier mot de la phrase. Par
« voir la lumière du jour; toi, paraître aux yeux exemple Quels sont ceux qui ont souvent rompu
de tes concitoyens! Tu oses parler, tu oses «lestraités?Quelssontceuxquiontfaituneguerre
adresser une demande, tu oses te soustraire
« au supplice ? Que peux-tu dire pour ta défense? 1 cruelle en Italie ? Les Carthaginois. Quels sont
ceux qui ont ravagé l'Italie? Les Carthaginois.
« que prétends-tu
solliciter? que penses-tu pou-
» voir obtenir? n'as tu pas violé ton serment?n'as-
tu pas trahi tes amis? n'as-tu pas porté les mains
• Quels sont ceux qui demandentqu'on leur fasse
« grâce? Les Carthaginois. Voyez donc ce qu'ils
« méritent d'obtenir. » Autre exemple « Celui
que le sénat a condamné, celui que le peuple
« sur ton père? enfin, ne t'es-tu pas traîné dans
tous les genres d'opprobres? » Cette figure a « romain a condamné, celui que l'opinion géné-
tout à la fois beaucoup de grâce et beaucoup de rate a condamné, l'absoudrez-vous par votre
chaleur et de passion; il faut donc l'employer « sentence ? »
quand on veut donner de la force au style ett La figure appeléeTraduction reproduit souvent
quand on veut l'embellir. le même mot, non-seulementsans blesser le goût,
La Conversion répète non pas le premier mot, mais encore en ajoutant à l'élégance du style
comme la figureprécédente,mai9le dernier. Le Celui qui dans la vie ne trouve rien de plus
peuple romain a vaincu les Carthaginois par lai « agréable que la vie, ne peut pratiquer la vertu.
» justice; il les a vaincus par les armes; i
les ai Vous donnez le nom d'homme à un être qui, s'il
vaincus, par lagénérosité. » Ou bien «Depuisque seût été réellement homme n'aurait pas attenté
la concorde a disparu de notre patrie, la liberté si cruellement à la vie d'un homme. Mais il
« a disparu la foi a disparu, l'amitié a disparu, lai
« république a disparu. » De même C. Lélius s
était son ennemi. II a donc voulu se venger de
son ennemi, au point de devenir son ennemi à
«

ipsius sermonis insignita continetur perpolitione. Sentcn- n ctus erat, bonis vins et studiosis amicus erat ergo in
tiarum exornatio est, quœ non in Terbis, sed in ipsis re- » civitate primus erat. Item: « Nam quum isios, ut
bus quamdam habet dignitatem. « absolvant te, rogas: ut pejerent, rogas; ut existimatio-
Repe'.itio est, qunm contineuter ab uno atque eodem » nem negligant, rogas; ut leges populi romani tuae libi-
verbo in rebus sïmilibus et diversis principia sumuntur, n dini largiantur, rogas. »
hoc modo « Vobis istud attribuendam est, vobis gratia XIV. Complexioest, qnïe titramque complectitur exor*
« habenda, vobis rcs ista erit honori. » Item: Scipio nationem, et hanc, et quam ante exposuimns, ut et re-
Numantiam sustulit, Scipio Carthaginemdelevit,Scipio petatur idem primum verbum Siepius, et crebro ad idem
« pacem peperit,
Scipio civitatem servavit. » Item « Tu in postremum revertamtir, hoc modo « Qui sunt, qui f'œ-
« forum prodire tn lucem conspicere, tu in horum con- « dora smpe ruperunt? Cartliaginienses. Qui sunt, qui
« spectum venire conaris? audes veibum facere? audes « crudele bellum in Italia gesserunti* Carthaginicnses.
« qimlquam ab istb petere?
audes supplicium deprecari? « Qui sunt, qui Italiam deformaveiunt ? Carthaginienses.
« Quid est, qnod possis defendere? quid est, quod audeas « Qui sunt, qui sibi postulant ignosci? Cartliaginienses.
i, postulare ? quid est, qnod tibi putes concedi oportere? « Videte ergo, quid conveniat eos impetrare. » Item,
Non jusjnrandum reliquisti? non amicos prodidisti? Quem senatus damnarit, quem populus romanus dam-
« lion parenti manus
intulisti? non denique in omni dede- « narit qucm omnium exisiimatio damnarit, eum vos
core volutatus es? » Hœc exornatio, quum multum ve- « srntenliis vestris absolvelis? »
nuslatU habet, tum gravitatis et acrimonie pliirimum. Traduclio est, quœ facit, nt, quum idem verbum cre-
Quare videtur esse a<,lhibejula et ad ornandam, et ad evau- brius ponatur, non modo non oHendat animum sed eliam
gendam orationem. concinniorem orationem reddat, hoc pacto « Qui nihil
Conversio est, per quam non, ut ante, primum repeti- « liabet in vita jucundius vita, is cum virtute vitam non
mus verbum, sed ad postremum eontinenter rerertimur, « pot«st colère. » Item: « F.um tu hominem appellas, qui
Iioe modo « Poenos populus romanus justitia vicit, armis « si fuissetliomo, nunquam tam crudeliler vilain hominis
vieil, liberalitate vieil. »ltem: .Exquo tempore concor- « petiisset. At erat inimicus. Ergo inimicum sic ulcisci
dia de civitate sublata est, libellas sublatfi est, lides h voluit, ut ipse sibi reperiretur inimicus? » Item: « Di-
• sublata est amicitia sublata est, rcsputilirasublataest. » H vitias sine divitum esse tu virtutmn proefer divitii*.
!ttE>: « C. LïPlius Lorao novus erat, ingeniosus erat, do- Il Nam
si voles divitias cnm virtute romparare vix satis
«
lui-même. – Laissez les richesses pour les ri- ployée, peut donner au discours du brillant et
« ches, et
préférez la vertu aux richesses; car si de la force.
« vous
voulez comparer les richesses à la vertu, L'Exclamation est le cri de la douleur ou de
vous trouverez les richesses à peine dignes l'indignation sous la forme d'une apostrophe à
• de servir de cortège à la vertu.
» II y a une un homme, à une ville, à un lieu, à un objet quel-
figure du même genre, qui consiste à donner au conque « C'est à vous maintenant que j'en
même mot, tantôt une signification, tantôt une >
appelle, ô Scipion l'Africain! à vous dont le
autre, comme dans ces exemples Cur eam rem « nom,
même après votre mort, fait la gloire et
tam sludiose curas, quœ mullas tibi dabit «
l'honneur de Rome. Vos illustres petits-fils ont
curas? Aman jucundum est, si curetur, « nourri de leur sang la cruauté de leurs enne-
ne quid insit amari. Veniam ad vos, si mihi »
mis. 0 perfide Fregelles, combien ton cri-
senatus det veniam. Dans les quatre sortes de « me t'a promptement
perdue 1 La splendeur de
figures dont nous avons parlé jusqu'ici, ce n'est « tes murs illustrait
napière l'Italie, et il reste à
pas la disette de mots qui fait revenir souvent à « peine
aujourd'hui quelques débris de tes fonde-
la même expression; c'est qu'il en résulte une «
ments! Vous qui tendez des piéges aux gens
sorte de plaisir, dont l'oreille juge mieux qu'on <• de bien, qui menacez la vie de l'innocent dont
ne la peut définir. vous voulez ravir les biens, espérez-vous que
XV. L'Antithèse résulte des contrastes entre «
les juges seront assez iniques pour accorder
les mots ou entre les pensées, comme dans ces «
l'impunité à vos forfaits! Si nous employons
exemples « La flatterie est douce dans ses com- l'exclamationà propos, et quand la grandeur du
« mencements,
mais les suites en sont amères. sujet paraîtra l'exiger, nous ferons naître dans
«
Vous vous montrez clément envers vos enne. l'âme de nos auditeurs le degré d'indignation que
omis, et inexorable pour vos amis. Vous nous voudrons.
« vous agitez
quand tout est calme, vous êtes L'Interrogation n'a pas toujours de la force ni
« calme
quand tout s'agite. Quand il faut le plus de l'élégance; mais après l'énumération de tout
«de sang-froid, vous êtes tout feu; quand il ce qui peut nuire à la cause des adversaires, elle
« faudrait
le plus d'ardeur, vous êtes de sang- confirme les arguments dont on s'est servi. Par
« froid.
Est-il besoin de silence; vous criez; est- exemple Quand vous faisiez, quand vous
«
il convenable de parler, vous gardez Ic silence. « disiez tout cela, dans l'exercice de votre ma-
«Vous êtes ici, vous voudriez être ailleurs; « gistrature, une telle conduite devait-elle ou
« absent, vous
voudriez être de retour. En « non éloigner et détacher les alliés de la républi-
« temps
de paix, vous cherchez la guerre en temps « que? Et celui qui les empêchait ainsi de nous
« de guerre, vous regrettez la paix. Dans l'assem- « rester fidèles, devait-il recevoir des récompen-
« blée du peuple, vous parlez de courage; dans le «
ses? »
« combat, votre lâcheté vous rend insupportable XVI. Par la figure appelée Ratiocination, on
•>
le son de la trompette. » Cette figure, bien em- recherche soi-même le motif de tout ce que l'on

idoneœ tibi videbuntur divitiae qua? virtutis pedisequae Exclamatio est, quœ conficit significationem doloris,
<
« sint.Ex eodem genere exornationis est, quum idem aut indignationis alicujus, per hominis, auturbis,autloci,
verbum modo ponitur in hac, modo in altéra re, hocaut rei cujuspiam compellationem
mortui
hoc modo « Te nunc
modo « Cur eam rem tam stndiose curas, quœ multas «alloquor, Africane, cujus quoque nomen splendori
« tibi dabit curas? » Item:
Amari jucundum est, si eu- « ac decori est civitati. Tui clarissimi nepotes suo sanguine
« relur, ne quid insit amari. » Item: Veniam ad vos, si
mihi senatus det veniam. In « aluerunt inimicorum crudelitatem. » Item « o perfidiosïB
his quatuor generibus « Fregcltte, quam facile scelere vestro contabuistis! ut,
exornationum, quae adhuc propositae sunt, non inopia « cujus nitor urbis Italiam nuper illustravit, ejus nunc vix
verborum fit,ul ad idem verbum redeatnr sœpins; sed « fundamentorum reliquix: maneant. » Item « Bonorura
inest festivitas quaedam quse facilius auribus dijudicari « insidiatores iatrocinio vitam innocentissimi cujusqne
quam verbis demonstrari potest. « petistis tantamne ex iniquitate judiciorum vestris ralu-
XV. Contentio est, quum ex contrariis verbis aut rebus « mniis assumitis facnîlatem? h Hac exclamalione si loco
oratio conficitur, hoc pacto « Habet asscntatlo jucunda utemur, et raro, et quum rei magnitudopostulare videbi-
« principia, eadem exitus amarissiinos aflert. » Item: tur, ad quam volfmus indignationemanimum auditoris
« Inimicis te placabilem, amicis inexorabilem prœbes. » adducemus.
Item « In otio lumultuaris in tumullu es otiosus. In re Interrogatio non omnis gravis est, neqne concinna, fced
« frigidissima cales, in ferventissima friges. Tacito quum h<rc, qu%, quum enumerata sunt ca, quae obsunt causae
opus est, clamas ubi loqui convenit obmutescis.Ades adversariornm,conlirmat superiorem orationem,hoc pacto
•>
abesse vis. Abes; reverti cupis. In pace Mlnm qurcritas; « Quum igitur hiec omnia lacères, diceres, administrares,
.• in bcllo pacem desideras. In concione de virtute loqueris « utrum animos sociorum ab republica removebas et alie-
in praelio nrae ignavia tubae sonitum perterre non potes. » « nabas, an non? et, utrum aliquem exornari oporluit,
qui ista prohiberai acfieri non sineret, an non? »
Hoc genere sidistinguermisorationeni,'etornati et graves
polcriinus esse. XVI, Ratiocinatio est, per quam ipsi a nobis rationem
dit, et on se demande l'explication de chaque « quoi? parce qu'il est injuste d'user d'un avao-
proposition qu'on avance. En voici un exem- tage qui vient de la fortune pour traîner at
«
ple Lorsque nos ancêtres condamnaient une «
supplice ceux qu'elle avait placés naguère*
« femme pour un crime, ils la regardaient comme « au rang
suprême. Mais n'a-t-il pas levé une
convaincue de plusieurs autres parun seul juge- «armée contre vous? je ne veux plus m'en souve-
« ment. Pourquoi? parce que la femme qu'ils «
nir. Pourquoi cette indulgence?parce qu'il est
« avaient déclarée impudique, ils pensaient l'a- « digne
d'un homme de cœur de regarder comme
« voir reconnue, par cela même, coupable d'em- «
des ennemis ceux qui lui disputent la victoire,
poisonnement. Comment? c'est qu'une femme « et comme des hommes, ceux qu'il a vaincus, afin
« qui s'est abandonnée à la plus honteuse des « de tempérer par sa grandeur d'âme les rigueurs
« passions doit nécessairement craindre un grand « de la guerre, et d'ajouter par son humanité aux
nombre de personnes. Lesquelles? son mari, « douceurs de la paix. Mais si votre ennemi avait
» ses parents, tous ceux sur
lesquels elle voit que « été vainqueur, aurait-il agi de même? non
« peut
retomber la flétrissure de son déshonneur. « sans doute; il eût été moins sage. Comment
« Qu'en résulte-t-il? c'est qu'il faut qu'elle em- « donc lui. pardonnez-vousî c'est que j'ai l'habi-
« poisonne,
de quelque façon que ce soit, ceux • tu de de mépriser cette honteuse faiblesse, etnon
«
qu'elle redoute à ce point. Pourquoi?e'est qu'au- « pas de l'imiter. Cette figure produit un très-
« cun
motif honnête ne peut retenir celle que l'é- grand effet, et soutient l'attention de l'auditeur
«
normité de sa faute intimide, que l'excès de sa autant par le charme qu'elle donne au style, que
« passion rend audacieuse, et la faiblesse de son par l'attente des réponses.
« sexe, inconsidérée. Que pensaient-ils de la XVII. La Sentence est une observation tirée
femme convaincue d'empoisonnement? Ils pen- fles circonstances de la vie, et présentant une
« saient
qu'elle était infailliblement impudique. courte leçon sur la manière d'apprécier chaque
Et la raison? c'est qu'il n'y a rien qui porte plus chose. Exemples » Il est difficile à celui qui
«
aisément à ce crime qu'un honteux amour et « fut toujours heureux, de respecter la vertu.
« une passion
effrénée. Ils ne croyaient pas qu'il « Celui-là doit être regardé comme libre, qui n'est
«
fût possible à une femme dont l'âme était cor- « l'esclave d'aucune passion. Celui qui n'a
« rompue, de rester chaste. Pour les
hommes, « pas assez, et celui à qui rien ne suffit, sont
« leur opinion était-elîe la même? nullement. Pour également pauvres. II faut choisir le genre
«
« quel motif? parce que chez les hommes chaque «de vie le plus honnête; l'habitude le fera
« crimea son mobile dans une passion particulière « trouver agréable. » Ces pensées si simples ne
« chez les femmes, une seule les engendre tous.» sont pas à dédaigner, parce que la brièveté de
Autre exemple « Nos ancêtres ont sagement l'expression, lorsqu'il n'y a pas besoin de preuve,
agi en n'ôtant jamais la vie à un roi que le sort a beaucoup de charme. Mais il faut faire cas
des armes avait fait leur prisonnier. Pour- également de ce genre de sentences que l'on ap-
poscimus, quare qtiidque dicamus, et crebro nosmet a no- « supplicioconsumere, qnos eademfortuna paullo antein
bis petimus uniuscujus propositionisexplanationem. Ea est « amplissinio statu collocarat. Quid quod exercitum con-
lmjusmodi Majores nostri si quam uniuspeccati mulie- « tra duxit? desino meminisse. Quid ita? quia viri fortis
« remdamnabant,simplicijudieio multoum maleficiorum « est, qui de victoriacontondant, eos bostes putare; qui
<c convictam putabant. Quopacto? quouiam, quam impudi- victi sunt, eos hommes judicare, ut possit bellum forti-
camjiidicaradt, eam veneficli quoque damiiatain existi nia- « tudo minuere, pacem humanitas aueere. At ille, si vicis-
«
baut. Quid ita? quia necesse est, eam, quae suum corpus « set, num idem fecisset ? non profecto tam sapiens fuisset.
« nddhterit Uirpissimae cupiditati, timere permultos. Quos « Quid igiturei ei parcis? quia talem stultitiam contemnere,
istos Pvirum, parentes,ceteros,ad quos videt sui dedecorisis n non imitari consuevi. » Hœc exornatio ad sermonem
«
infamiam pertinere. Quid postea? quos tantopere timcal, vehementeraccommodata est, et animumauditoris retinet
« t;osnecesseest,iit,quoquomodopossil,veneficio petat. attentura, tum venustale sermonis, tum rationum exspe-
Cur? quia nulla potest honesta ratio retinere eam, quant ctatione.
«
magnitudopeccatifacittimidam.intemperantiaaudacem, XVII. Sententia est oratio sumta de vita, quae aut quid
natura muliebris inconsideralam. Quid veneficii damna- sit, aut quid esse oporteat in vita, breviter ostendit, hoc
tam? quid? putabanl impudicam quoque necessario. modo « Difticile est primum virlules
revereri qui sem-
» Quare ? quia nulla facilius ad id maleficium causa, quam per secunda fortuna sit usus. » Item « Liber is est exi
turpitudini servitItem « Egens
« turpis amor et
intem[)eran9 libido commovere potuit •i stimandus, qui nnllx
« cujus
mulieris animus esset corruptus, ejus corpus ca- seque estis, qui non satis habet, et is, cui niliil satis
sluin esse non putaverunt. Quid in viris? idemne obser- « potest esse. Item « Optima vivendi ratio est eligenda
« eamjucundam consuetudoreddet.»
« rabant? minime. Quid ita? quia viros ad unumquodque Hiijusmodisententiœ
nxileficiuin singulœ cupidîtates impellunt mulieres ad simplices non sunt improbandœ, propterea quod habet
« omnia malelicia cupidilas una ducit.n Item « Bene brevis expositio, si ratinnis nullius indiget, magnam de-
• majores hoc compara vei uni ut neminem regem quem lectationem. Sed illud quoque probanduin est genus sen-
• armis cepissent, vita privarent. Quid ita? quia, quam tentit£ quod confirmatur subjectione rationis, hoc modo:
• nobls facilitaient fortunadedisset, iniquum erat in eorum •i Omnes bene vivendi rationcs
in virtute sunt eollocamla',
puie de quelques raisons par exempte Il n'y a
ment et facilement de preuve à l'autre exemples
« de manière de vivre honorablement que celle Pouvez-vous espérer que celui qui a toujours
qui est conforme à la vertu, parce que la vertu « été l'ennemi de ses propres intérêts, se montrera
«
seule ne dépend jamais que d'elle-même; tout, l'ami de ceux des autres? Vous l'avez re-
«
excepté elle, est soumis au pouvoir de la for- « connu perfide envers ses amis comment le
« tune.
Ceux qui n'ont recherché l'amitié d'un « supposeriez-vous fidèle à ses ennemis?- Comp-
«
homme que pour ses richesses, disparaissent tez-vous que l'homme qui montrait un orgueil
lu

«
dès que la fortune s'est enfuie. Car la cause de « insupportable dans la condition de simple par-
« leur
attachement ne subsistantplus, il ne reste « ticulier, deviendra affable et modeste dans la
« rien
qui puisse le faire durer. » II y a aussi puissance? Comment croire que celui qui,
des sentences qui prennent les deux formes dans la conversation ordinaire et dans le cercle
c'est-à-dire, qui s'expriment avec ou sans preuve. de ses amis, n'a jamais dit la vérité, se fera scru-
Sans preuve, comme dans cet exemple « C'est « pule de mentir dans les assemblées publiques?
« une erreur
de se croire, dans la prospérité, à « Craindrons-nous de combattre en rase cam-
>.
l'abri de toutes les attaques de la fortune. C'est « pagne ceux que nous avons précipités des bau-
« penser
sagement, que de redouter les revers « teurs? Quand ils étaient plus nombreux que
« au sein même du bonheur. » Avec preuve, « nous, ils ne pouvaient nous égaler; et mainte-
comme dans celui-ci « On a tort de croire qu'il il nant que nous avons t'avantage du nombre,
«
faut pardonner les fautes de la jeunesse, cet âge « nous craindrions d'être vaincus » Ce genre de
«
n'étant point un obstacle à la pratique du bien. figure exige de la rapidité et de la précision; elle
«
On fait sagement, au contraire de châtier les plaît à l'oreille, parce que la forme en est courte
« jeunes gens avec une
grande sévérité, afin qu'ils et claire; ensuite elle prouve énergiquement par
apprenuent à acquérir, dès leurs plus tendres an- les contraires ce que l'orateur a besoin de prou-
«
nées, les vertus qui doivent assurer le bonheur ver et tire, de ce qui est démontré, la preuve de
« de leur
vie entière. II ne faut faire que rare- ce qui est douteux encore, de manière à ce qu'il
>•

ment usage des sentences, afin de rester orateur, soit impossible, ou du moins très-difficile de le
et de ne pas devenir moraliste employées avec réfuter.
réserve elles contribuent à l'ornement du style. XIX. On appelle Membre de phrase la réunion
11 est nécessaire que l'auditeur les approuve ta- de quelques mots qui forment un sens complet,
citement, et reconnaisse que, quoique emprun- indépendammentdureste de la pensée, et qui sont
tées à la vie commune, elles ont un rapport suivis d'un autre membre. Ainsi « Et vous ser-
incontestable avec le sujet. viez votre ennemi n voilà un premier membre,
XVIII. L'Opposition est à peu près la même après lequel il en vient un second Et vous
chose que l'antithèse; elle consiste à présenter j nuisiez à votre ami. Cette figure peut se com-
l,

deux choses différentes dont l'une sert rapide- poser de deux membres; mais elle est plus élé-

« propterea quod sola virtns iu sua polestate est, omnia « inimicus fuerit semper, eum quomodo alienis rebus ami-
« praîler eain
subjecta sunl sub fortunae dominationem. » « cum fore speres? » Et item: « Nam, quem in amicitiaper
Hem •>
Qui forlunis alicujus inducti amicitiam ejus seculi « fidiosum cognoveris eum quare putes inimicitias cum
« sunt, bi, simul ac furtnna dilapsa est, devolant omnes. « fide habere possfi? » Et « Qui privatus intolerabili su-
Quum enim recessit ea res, quœ fuit consuetudinis « perbia fuerit, eum
commodum et sui cognoscentem fore
« causa, nihil
superest, quare possint in amicitia retineri. » « in potestate, qui speres? » Et « Qui in sermonibus et
Sunt item sentenliœ, quee dupliciter efferuntur, sine « cunventu ainicorum verum dixerit nunquam, eum sibi
ratione, et cum ratione. Hoc modo sine ratione Errant, qui « in concionibns credis a mendacio temperaturum? » Item
« in
prosperis rebus omnes impetus fortunœ se putant « Quos excollibus dejecinins, cnmiis in campo metuimus
« fugisse. Sapienter
cogitant, qui temporibussecundis casus «dimicare?Qui quum plures erant, paucis nobis exaequari
« adversos
reformidant » Cum ratione, liocpacto fi Qui « non poterant; hi postquam pauciores sunt, metuimus
«
adolescentiumpeccalisignosci putantoportere,fallunlur, « ne sint superiores ? Hoc exornationis genus brevibus
propterea quod œtas illa non est impedimento bonis stu- et continuatis vei bis perfectum esse débet et quum com-
« diis. At hi sapienter faciunt, qui adolescentes maxime modum est auditu, propter brevem et absolutam conclu-
« castigant, ut,
quihus virtutibus omncm vitam tucri pos- sionem tum vero vebementer id, quod opus est oralori
« sint, eas in îctale maturissima velint comparare. » Sen- comprobat contraria rc et ex eo, quod dubium non est,
teutias interponi rat,ocoitvenit, ut reiactores, non vivendi expeditillud, quod dubium est, ut aut dilui non possit, aut
prœceptores esse videamur. Quum est inlcrponenlur, mul- multo difficillime possit.
tum afférent ornamenti. Necesse est enim eam comprobet XIX. Membrum oralionisappellatur resbreviterabsoluti
tacitus auditor, quum ad causam videat accommndari rem sine totius senteotiae demonstratione, quae denuo alio
membro orationis excipitur, hoc modo « Et inimico pro-
certain ex vita et moribnssumtam.
XVIII. Contrarium idem fere est, quod contentio. Con- « deras « id est unum, quod appellatnr membrum deinde
trariiiin est, quod ex rebus diversis duabus aiteram hreviler hoc excipialur oportet ab altero « Et amicum lucdebas. »
et facile conlirmat hot pacto « Nam, qui sui rationibus fcx duobtis membris hfee exornatio potest con~t3re se'J
gante et plus parfaite quand elle en renferme grand empire. » Dans ces trois circonstances, la
trois; par exemple « Vous serviez votre ennemi, rapidité est si nécessaire pour que la continuation
« vous nuisiez
à votre ami, et vous ne songiez ait
i
tout son effet, que l'orateur parait manquer
« pas à
vous-même. Ou bien « Vous n'avez ni de force, s'il ne précipite, soit la sentence, soit les
« servi la
république, ni soutenu vos amis, nii contraires, soit la conclusion. Cette figure n'est
« résisté à vos ennemis. » pas
J sans utilité dans quelques autres cas encore,
On appèle Article chacun des mots qui sontt quoiqu'elle n'y soit pas tout à fait nécessaire.
séparés par des repos, et qui coupent la période; XX. Lorsque, dans une période, les membres
comme « Véhémence, voix, regards, tout en) dont j'ai parlé tout à l'heure, sont formés du même
effrayé vos adversaires. C'est parr nombre à peu près de syllabes, la figure qui en
« vous a
«
l'intrigue, l'outrage la protection, la perfidie, résulte se nomme Compar. Ce ne sera point, de
» En- la part de l'orateur, un arrangement puéril; par
« que vous vous êtes délivré de vos ennemis.
tre cette figure et la précédente, il existe pour lat t'usage et l'exercice, il arrivera, comme par ins-
force une grande différence. L'effet de l'une estt tinct, à cette égalité des membres. En voici des
plus tardif et moins fréquent; l'effet de l'autreexemples «
Le père recevait la mort dans les
est plus pressé et plus rapide. La première res- « combats; le fils s'occupait de mariage dans sa
semble à des coups d'épée portés avec lenteur ett maison; tout cela était réglé par un impérieux
réflexion; la seconde blesse par des coups ra- « destin. L'un a dû son bonheur à la for-
pides et multipliés. « tune,
l'autre a conquis la vertu par ses ef-
La Continuation consiste à exprimer de suite, « forts. »Ilpeutsouventarriver,dauscettefigure,
li
rapidement et sans interruption, une phrase qui que le nombre des syllabes ne soit pas exactement
forme un sens achevé. On s'en sert avec beaucoupp le même, et que cependant il le paraisse, s'il ne se
d'avantage dans trois cas; dans la sentence, danss trouve entre un membre et l'autre que la diffé-
les contraires,et dans laconclusion. Par exemple, rence
d'une ou de deux syl labes ou si l'un d'eux
dans la sentence « La fortune ne peut beaucoupp en contient un plus grand nombre, et l'autre une
nuire à celui qui a plus compté sur la vertu quee ou plusieurs plus allongées, de manière que la
< sur
i
le hasard. Dans les contraires « Car si longueur des mots dans l'un fasse compensation
•• un homme n'a pas placé beaucoup d'espérances s avec le nombre dans l'autre.
« sur le hasard, comment le hasard pourrait-il lui li Si, dans la même phrase, deux ou plusieurs
« causer un grand préjudice? » Dans la conclu- mots sont employés à des cas ou à des temps sem-
sion « Si la fortune a beaucoup de prise sur ceuxt blables, il en résulte une figure qu'on appelle si-
« qui mettent toutes
leurs ressources au'hasard, militer cadens exemples Hominem laudas
il ne faut pas tout abandonner à la fortune,egentem virtutis, abundantem felicitatis.
fi

« pour
éviter qu'elle exerce sur nous un trop Cujus
omnis in pecunia spes est, ejus a sapien-

commodissimaet absolutissima est, quae ex tribus constat facullas oratoris videatur, nisisentcnliarn, et contrarium,
hoc pacto « Et inimico proderas, et amicum laedebas et
:t I et conclusionem frequentibus efferat verbis. Sed et alias
ft i-
tibi ipsinonconsulebas. » Item « Nec reipublicx consu- quoque nonnunquam non alienum est, tametsi necess»
« luisli, nec amicis profuisti, nec inimicis restitisti. » non est, eloqui res aliquas per hujuscemodi continualio
nes.
Articulus dicitur, quum singula verba intervallis distirf-
guimtur caesa oratione, boc modo « Acrimonia, voce, XX. Compar appellatur, quod habet in se membra ora.
« vultu
tionis,
adversarios perterruisti. » Item « Inimicos invidia, de quibus ante diximus, qusfi constent ex pari fera
injuriis,potentia, perfidiasustulisti.» Inter hujusgeneris, numero syllabarum. Hoc non dinumeratione nostra fiel
et illius superioris vehementiam hoc interest, quod illud (nam id quidem puerile est), sed tantum atferet usus et
tardius et rarius venit, hoc crebrius et celerius pervenit. t. exercitatio facultatis,utanimi quodam sensu parmembrum
Itaque in illo genere, ex remotione bradai et contortionee superiori referre possimus, hoc modo « Inpraîliomortem
ilexterœ gladius ad corpus afferri; in hoc autem crebroo «pater oppetebat, domi filius nuptias comparabat; ha?c
et celeri vulnero corpus consauciari videtur. « omnia graves casus administrabant. » Hem « Alii for-
Conlinuatio est densa et continens frequentatio verbo-h tuna felicitatem dedit, huic industria virtutem compa-
rum cum absolutione sententiarum. Ea utemur commo-
dissime tripartito in sententia, in contrario, in conclu-
>- « ravit. » In hoc genere sêepe (ierl potest, ut non plane par
i- sit numerus syllabarum et tamen esse videatur, si una
sione. In sententia, hoc pacto « Ei non "multum potest >t atit etiam altera syltaba est altcrutrum brevius; aut si,
Il
obesse fortuna, qui sibi firmius in virtute, quam in casu, qunm in altero plures sunt in altero longior ant longiores,
«
praesidium collocavit. » In contrario, boc modo « Namrn plenior aut pleniores svllaban erunt ut longitudo aul ple-
•i
si quis spei non multum collocarit in casu, quid est,nitudo liarum muUitudinem alterius assequatur et ex»
« quod ei magnopere casus obesse possit ? » In condusione, quet.
hoc pacto Quod si in eos plurimum ibrtuna potest, Similiter cadens exorhatio appellatur, quum in eadem
qui suas rationes omnes in casum contulerunt; non suntil nonstructione verborum duo aut plura sunt verba, quae.
omnia committendalortunœ, ne magnam uimis in noss -imiliter iisdem casibus efferantur, hoc modo Il Hominem
I « laudas egentem virtutis, abundantem folicitatls. » Item:
• habeat dominationem. » In his tribus generibus ad con-i-a I
tinnatienis vim adeo fréquentatif) est necessaria, ut infirma » Cujus omnis in pecunia spes est ejus a sapientia est
lia est animus remotus. – Diligentia comparât lemperare, nui amori mollet obtemperare.
divitias, negligentia corrumpit animum; et D'autres fois, on en retranche Si lenones vi-
tamen quum ita vivit, neminem prœ se ducit tasset tanquam leones, vitee se tradidisset. Dans
hominem. Quand les mots, sans être au même certains cas on les transpose Videle judices
cas ou au même temps, ont la même désinence utrum homini navo, an vano credere maliiis.
la figure prend le nom de similiter desinens. Ou Nolo esse laudator ne videar adulafor.
Ainsi Turpiter audes facere, nequiter studes Dans d'autres, enfin, on les change Deligere
dicere. Vivis invidiose, delinquis studiose, oportet, quem velis diligere.Tellessont lesdiver-

loqueris odiose. Audacter territas, humiliter
placas. Ces deux figures consistant dans la res-
ses annominationsqui résultent d'un changement
des lettres ou de leur quantité, ou d'une trans-
semblance des cas ou des désinences des mots, position, ou de quelque autre modification de ce
ont entre elles une extrême analogie; c'est pour- genre.
quoi les orateurs habiles les placent d'ordinaire XXII. Il y en a cependant d'autres où les
ensemble dans les mêmes parties du discours. mots n'offrent pas une ressemblance aussi com-
Voici comment il faut les disposer Perditissima plète, quoique toujours très-sensible. Voici un
ratio est amorem petere, pudorem fugere; di- exemple de cette seconde espèce Quid veniaan,
ligere formam, negligere famam. Dans cet qui sim, quare veniam, quem insimulem, cui
exemple, une partie des mots sont aux mêmes prosim, quem postulem, brevi cognoscetis.
cas et aux mêmes temps, l'autre a des désinences Nous trouvons ici une certaine ressemblance,
semblables. qu'il ne faut pas autant rechercher que celle des
XXI. L'Annomination résulte de l'emploi de exemples précédents, maisdont onpeut faire usage
deux mots qui ne diffèrent que par une ou plu- quelquefois. Comme dans cet exemple « Demus
sieurs lettres; ou de deux mots semblables expri- operam, Quintes, ne omnino Patres Conscripti
mant des choses différentes. Elle a lieu d'un grand circumscripti putentur. Dans cette annomina-
nombre de manières tantôt par la syncrèse ou la tion, les mots ontplus de ressemblance que dans la
contraction d'une seule lettre Hic, qui se magni- dernière, et moins que dans les précédentes, où
fice jaciat atque ostentat, vcniit ante, quam l'on trouvait à la fois des lettres ajoutées et des
Romam venit. Tantôt par le contraire Hic, lettres retranchées. Il y en a une troisième espèce,
quos homines alea vicit, cos ferro statim vin- provenant de l'emploi d'un ou de plusieurs
cit. Ici, c'est une lettre qui devient longue: mots à différents cas. Exemple, en se servant
/lune avium dulcedo ducit ad avium. Là, c'en du même mot « Alexander Macedo summo
est une qui devient brève Hic tametsi videtur « labore animum ad virtutem a pueritia con-
eseehonoris cupidus, tamen non tantum curiam "firmavit. Alexandri virtutes per orbem terrai
diligit, quantum Curiam. Ailleurs, on ajoute cum laude et gloria sunt pervulgatœ. Ale-
des lettres dans le même mot Hic sibi posset « xtmdro si vita longior data esset, Oceanum

« animus remotus. Diligentia comparat divitias, negligen- « esse honoris cupidus, tamen nor tantum nuriam diligit,
« tiacorrumpil animum; et tamen quutnita vivit, neminem quantum Curiam. » Addendis litteris, hoc pacto « Hic
.• prse se ducit hominem. Similiter desinens est, quum, sibi posset ternperare, nisi amori mallet obtemperare. »
tametsi casus non insunt in verbis, tamen similes exitus Demendis litteris, sic: «Si lenones vitassettanquamleones,
sunt, hoc pacto « Turpiter audes facere, nequiter studes « vitae se tradidisset. » Transferendis lilteris sic: « Vi-
« dicere. Vivis invidiose, delinquis studiose, loqueris « dete Judices, utrumhoniininavo, an vano crederemali-

« odiose. » Item • Audacter terrilas, humiliter plaças. » tis. » Item « Nolo esse laudator, ne videar adulator.>
i
Hœc duo genera, quorum alterum in exilus, alterum in Commutandis, hoc modo Deligere oportet, quem velis
casus similitudine versatur, inter se vehementer conve. diligere. » Hae sunt annominationes quae in litterarum
niunt et ea re, qui his bene utuntur, plcrumque simulI brevi commutatione, aut productione, aut translatione
cacollocant in iisdem partibus 01 ationis. Id hoc pacto facere aut aliquo hujusmodi genere versantur.
oportet « Perditissima ratio est amorem petere, pudorem
« fugere; diligere formam, negligere famam. Hic et ea
verba, quae casus habent, ad casus similes, et illa qua*
in XXII. Sunt autem aliac, quae non habenttampropinquam
verbis similitudinem, et tamen dissimiles non sunt.
Qnibus de generibusunum est hujusmodi « Quid veniam,
non habent, ad similes exitus veniunt. « qui sim, quareveniam, quem insimulem, cui prosim,
XXI. Annominatio est, quum ad idem verbum et ad quem postulem, brevi cognoscetis. Nam hic est in qui-
idem nomen acceditur commutatione unius lilterœ aut t busdam verbis quidam similitudo non tam affectanda,
litterarum; aut ad res dissimiles similia verba accommo. quam illae superiores; sed tamen adhibenda nonnunquam.
dantur. Ea multis et variis rationibus conficitur. Attenua- Alterum genus hujusmodi « Demus operam, Quirites ne
tione aut complexione ejusdem litterae, sic « Hic, qui se Il « omnino Patres Couscripti circumscripti putentur. » Haec
• magnifiée jactat atqueostentat,veniitante, quam Komam i annominatio accedit magis ad similitudinem, quam supe-
venit. » Kx contrario Hic, quos homines alea vicit, rior; sed minus, quam illa' superiores proptereaquod non
« eos ferro statim vincit. » Productione ejusdem litterae, solum additae, sed uno tempore deintœ quoque litteree
hec modo Hune avilira dulcedo ducit ad avium. » Bre- sunt. Tertium, genns est, quod versatur in casoum com-
vitate ejusdem littera, hoc modo & Hic tametsi videtur• mutatione, ant unius, aut nlurium nominum. Unius nomi-i
« manus Alacedonum lransvolasset. Alexan- gneux de nos sens. De même qu'en multipliant
« drurn omnes, ut maxime metuerunt, item ces sortes de figures, nous paraîtrons nous plaire
« plurimum dilexerunt.Ici c'est un seul nom à des puérilités de style; de même en les employant
auquel on a fait parcourir ses différents cas; avec réserve et en les répandant avec variété dans
voici une autre annomination dans laquelle on a tout le discours, nous y mettrons la lumière et
faitsubir les mêmes changements à plusieurs mots: l'agrément.
« Tib. Gracchum, rempublicam administran- La Subjection est une figure par laquelle, après
tem, indigna prohibait nex diutius in ea com- avoir interrogé nos adversaires, ou nous être de-
« morari. C. Graccho similiter occisio oblata mandé à nous-mêmes ce qu'ils peuvent alléguer
est, guœ virum reipublicœ amantissimum su- pour eux ou contre nous, nous indiquons aussitôt
« bito de sinu civitatis
enpuit. Saturninum, après ce qu'il faut ou ne faut pas dire; ce qui est
«fide caplum malorum, perfidiœ scelus vila favorable.à notre cause, ou contraire à la leur. Par
« privavit. Tuus, o Druse, sanguis domesticos exemple Je
demandedonc commentcet homme
«
parietes et vultum parentis adspersit. Sulpi- est devenu si riche. Lui a-t-on laissé un ample
i cium, cui paullo ante omnia concedebant, « patrimoine? mais les biens de son père ont été
• eum brevi spatio non
modo vivere, sed etiam « vendus. Lui est-il survenu quelque héritage?
«
sepeliri prohibuerunt. » Ces trois sortes de « non, puisque tous ses parents l'ont déshérité.
figures qui se ressemblent, et que nous venons de « A-t-il gagné ou fait gagner quelque procès?
définir, ne doivent être que très-rarement em- « non-seulement il n'en est rien, mais il a été
ployées, quand on parle sur des sujets réels, obéré pour avoir donné cautiondans une affaire
parce qu'elles semblent ne pouvoir être le fruit « considérable. Si donc, comme vous le voyez,

que du travail et des efforts. « ne s'est enrichi par aucun de ces moyens,
XXIII. Mais de semblables recherches sem- « ou bien il a
chez lui une mine d'or, ou bien il
blent plutôt faites pour l'agrément que pour la « est
arrivé à la fortune par des moyens illi-
vérité; c'est pourquoi l'autorité, la gravité, la « cites. u
noblesse oratoire perdent à l'usage fréquent de XXIV. Autre exemple Souvent, juges,
•<

ces figures. Et non-seulementl'orateur perd son «j'ai vu des accusés chercher leur appui dans
crédit, mais encore il blesse l'auditeur, lequel « quelque motif honnête que leurs ennemis eux-
ne trouve dans ce style qu'un jeu d'esprit et de « mêmes n'auraient pu repousser; mon adversaire
l'affectation, et point de dignité ni de vraie « n'en peut invoquer de semblable. Trouvera-t-il
beauté. Les choses larges et belles peuvent plaire « une sauvegarde dans les vertus de son père?
longtemps; celles qui ne sont que jolies et mi- « mais vous l'avez condamné à mort. Fera-t-il un
gnardes fatiguent bientôt l'oreille, le plus dédai- « retour sur sa vie passée pour montrer qu'elle fut

nis, hocmodo Alexander Macedo summo labore animum propterea quod est in his lepos et festivitas, non dignitas,
ad virtutema pueritia contirmavit. Alexandri virtutes per neque pulchritudo.Quare, quae suut ampla et pulchra diu
« orbcm terra cnm laude et gloria sant pervulgatœ.Alexan- placere possunt quœ lepida et concinna, cito satietate
« dro si vita longior data esset, Oceanum manus Macedo- afficiuntauriiim sensum fastidiosissimum.Quo modo igitur,
« num transvolasset. Alexandrum onmes, ut maxime me- si crebro his generibus utemur, puerili videhimur elocu-
« tuerunt, item plurimum
dilexerunt. » Varie hic unum tione delectat-i ita si raro has interseremus exornationes
nomen in coramutatione casuum volutatum est. Piura no- el in causa tota varie dispergemus commode luminibtis
mina, casibus commutatis, hoc modo facient annomina- distinctis illustrabimusorationem.
tionem « Tib. Graceltum, rempublicam administrantem, Subjectio est quum interrogamus adversarios, ant quiv-
't indigna prohibuit nex diutius in ea commorari. C- Grac-
rimus ipsi, quid ab illis, aut quid contra nos dici possit
« cho similiter occisio oblata est, quae virum
reipublicœ deinde subjicimus id quod dici oportet, aut non oportet
h amantissimum subito de sinu civitatis
eripuit. Saturni- aut nobis adjumento t'utnrum sit, aut obfuturum illis e
num, fide caplum malorum, periîdire scelus vita priva- contrario, hoc modo « Quaero igitur, unde iste tam pecu-
« vit. Tuus, o Druse, sanguis
domesticos parietes, et « niosus sit factus. Amplum patrimoniumrelictiim est? at

n vultum parentis adspersit. Sulpicium cui paullo ante patris bona venierunt. Hereditas aliqua obvenit? non
s omnia concedebant, eum brevi spatio non modo vivere, potest dici, sed etiam a necessariis omnibusexheredatus
sed etiam sepeliri prohibuerunt. » Hœc tria genera proxi- « est. PrKmiumaliquodexliteaut judicioccpit?nonmodo
ma exornatiomun quorum unum in similiter cadentibus, « id non fecit, sed etiam insuper ipse grandi sponsione vi-
alterum in similiter desinentibus verbis, tertium in anno- ctus est. Ergo si bis rationibus locupletatus non est, sic-
ut
i
minationibus positum est, perraro sumenda sunt quum in omnes videtis; aut isti domi nascitur aurun), aut,
veritate dicemus propterea quod non baec viilentur repe- unde licitum non est, pecunias accepit. u
riri posse sine elaboratione et consnmtione operae. XXIV. Item « Saune, judices, animadverti inultos
XXIII. Ejusmodi autem studia ad delcctationem quam aliqua ex honesta re, quam ne inimici quidem criuiinari
adveritalem, videntur acuommodatiora. Quare lides.et possint, sibi praesidium petere quorum nihil potest ad.
gravitas, et severitas oratoria minuitur bis exornationibus i versarius facere. Nam ulrum ad patris violtitein confu-
fréquenter collocatis. Et non modo tollitur auctoritas di- n giet? at eum vos jurati capite damnastis. An ad suam
cendi sed ollenditur quoque in ejusmodi oratione auditor « rerertetur antiquam vitam, alieubi lionesle tractataïur e
honorable?maisvous savez tous, pour en avoir «
m'avaient été confiés qu'à la condition de les
« été témoins, comment il a vécu. Fera-t-il l'énu- « conserver, autant que je
le pourrais, à leur
« mération des parents en faveur desquels vous « patrie et
à leurs parents. Devais-je repousser les
pourriez vous laisser toucher? mais il n'en a « conditions
des ennemis? mais il valait bien
aucun. De ses amis? mais il n'est personne qui mieux sauver les hommes que lesbagages. » On
« ne regardât comme une honte d'être appelé l'ami accumule ainsi les subjections, afin qu'il résulte
« d'un tel homme. – Ou bien Sans doute, vous de leur ensemble qu'il n'y avait pas de meilleur
« avez fait
instruire le procès d'un ennemi qui parti à prendre que celui qu'on a choisi.
« vous paraissait
coupable? non, car vous l'avez XXV. La G radation consiste à disposer l'ordre
« mis à mort sans qu'il fût condamné. Avez-vous des mots selon leur degré de force, par exemple
« redouté les lois qui le protégeaient? non, vous Quel espoir de liberté nous reste-t-il, si ces
n'avez pas même songé qu'il en existât. Lorsqu'il hommes se permettent tout ce qu'ils veulent;
vous rappelait les liens d'une ancienne amitié, s'ils peuvent tout ce qui leur semble permis;
vous êtes-vous laissétoucher? bien loin de là, s'ils osent tout ce qu'ils peuvent; s'ils font tout
« vous n'en avez mis que
plus d'empressement « ce qu'ils osent; et si vous ne
désapprouvezrien
« à le faire périr. Lorsque ses
enfants se traînaient • de ce qu'ils font? Je n'ai point conçu ce
<
à vos pieds, vous ont-ils inspiré quelque com- «
projet sans le conseiller; je ne l'ai pas conseillé
« passion? non vous les avez même empêchés de « sans m'en occuper moi-même tout aussitôt je
« donner la sépulture a leur
père. Cette figure ne m'en suis pas occupé sans l'achever je ne l'ai
a beaucoup de poids et de véhémence, parce pas achevé sans le faire approuver. Scipion
qu'après avoir demandé ce qu'il fallait faire, on « l'Africain
dut son courage à son génie, sa gloire
montre que ce n'est pas là ce qui a été fait; et « à son courage, et ses rivaux à sa gloire.
il est d'autant mieux de l'employer qu'on aug- L'empire de la Grèce appartint aux Athéniens;
mente ainsi l'indignité de l'action. La subjection «
les Spartiates soumirent les Athéniens; les Thé-
a lieu également lorsque l'orateur s'interroge lui- « bains furent vainqueurs de Lacédémone; les
même. Comme dans cet exemple Que me fal- « Macédoniens triomphèrent des Thébains et
«
laft-il faire, lorsque j'étais enveloppé par une «
ajoutèrent bientôt la conquête de l'Asie à l'em-
«
si grande multitude de Gaulois? Engager le «
pire de la Grèce. » La fréquente répétition du
«
combat? mais je n'avais qu'une poignée d'hom- mot qui précède n'est pas sans agrément, et cette
« mes, et
le terrain m'était défavorable. Rester répétition est le propre de cette sorte de figure.
«
dans mon camp? mais nous n'avions ni renforts La Définitioa embrasse d'une façon rapide et
« à
attendre, ni subsistances pour prolonger notre complète, les qualités particulièresd'un objet; par
« vie. Abandonner ma position? mais je m'y exemple « La majesté de la république c'est
«
trouvais cerné. Devais-je compter pour rien la « ce qui
fait la dignité et la grandeur de Rome.
"vie de mes soldats? mais je pensais qu'ils ne J'entends par injures toute voie de fait,
« »
at hic quidem ante oeulos vestros quomodo vixerit, scitis bus conservarem. Hostium conditionem repudiarem ? at
omnes. An cognatos suos cnnmerahit, quibus vos con- « salus antiquior est militum, quam impedimentorum.»
veniat commoveri? at hi quidem nulli sunt. Amicos pro. Hujusmodi consequuntur identidem subjectiones, ut ex
« l'eret? at nemo est, qui sibi non putetturpe, istius ami- omnibus ostendi videatur, nihil potius, quam quod fa-
« cum nominari. »Item « Credo, iniraicum, quem nocentem1 ctum sit, faciendum fuisse.
« putabas in judieium adduxisti ? non; nam indemnatum XXV. Gradatio est, in qua non ante ad consequens
h îiecasti. Leges, quac id facere prohibent, veritus es? att verbum descenditur, quam ad snperius ronscensum est
ne scriptas quidem ju'dicasti. Quum ipse tenihilo
vcteris ami- hoc modo •• Nam quse reliqua spes manet libertatis, si
« rilia» commonefaceret,commotus es? at minus, illis, et quod libet, licet; etquodlicet,possiint;etquod
sed etiam studiosius occidisti. Quid? qunm tibi puerii « possunt, audent; et quod audent, faciunt; et quod fa-
« ad pedes yolutarentur, misericordia motus es? at eorum i « ciitnt,Yobismolestumnon est?»Item «Non seusiboc,
« patrem crudelissime sepultura quoque prohibuisti. »• et non suasi; neque suasi, et non ipse statim facere coepit
Multum inest acrimoniœ et gravitatis in hac exornalione t neque facere cœpi et non perfeci; neque perfeci, et non;
propterea quod, quum queesitum est, quid oporteat, probavi. » Item « Africano industria virtutem, virtus
subjicitur id non esse factum. Quare facillime fit, ut exau- « gloiiam gloria œmulos comparavit. Item
» « Tmperium
geatur indignitas negotii. Ex eodem genere, ut ad nostram) « Graeciœ fuit penes Athenienses, Atheniensinm potiti
quoque personam referamus subjectionem, sic « -Naini « sunt Spartiatae Spartiatas superavere Thebani Theba-
<i
quid me facere convenit, quum a tanta Gallorum nuilli- nos Maeedones virerunt, qui ad imperium Grœciae brevi
tudine circumsederer? An dimicarem? at quum parvaa « tempore adjunxerunt Asiam beUo subactam. Habet in
manu tum prodiremus, locum quoque inimicissinmmn se quemdam leporem superioris cujusque crebra repeti-
«
habebamus. Sederem in castris.'at neque subsidium,quodd tio verbi qua- propria est hujus exornationis.
« exspeclarem, habebamus, neque erat, qui vitam pro- i- Definitio est, quae rei alicujus proprias amplectitur po-
duceremus. Castra relinquerem? at obsidebamur.Vitam n testates breviter et absolute, hoc modo « Majestas reipu-
» militum negligerem? at ea videbar eos accepisse condi- i- « blicœest, in qua continentur dignitas et amplitudo ci-
« tione, ut, quoad possem, incolumes patriae et parenti- i- « vitatis. Item: « Injuriae sunt, quae aut pulsalione corpus,
« l'honneur de quelqu'un.
1 .n~a été plus funeste qu'avantageuse
toute parole outrageante, toute atteinte porté à."1. i « action qui
Ce n'est pas là « à ceux qui ont triomphé? 0 envie, com-
de l'économie c'est de la cupidité; car Pécono-• pagne de la vertu, qui suis presque toujours,
« raie consisteà conserversoigneusement ce qu'on «« que
dis-je? qui persécutes les gens de bien!»
possède mais l'avidité nous porte à désirer in- Ce genre de figure fait impression sur l'esprit de
<

justement le bien d'autrui. Ce n'est pas l'auditeur.


1 En effet, la chose exprimée en termes
du courage, c'est de la témérité; le courage, ordinaires,
c semble indiquée seulement; mais le
« en effet, méprise les fatigues et les dangers retour i de l'orateur sur lui-même la rend plus
pour un motif utile, pour un avantage certain; frappante
i à cause du ton qu'il y met. Ne vau-
la témérité brave les fatigues sans raison et s'ex- drait-il pas mieux, dira-t-on, surtout quand on
pose aux périls à la façon des gladiateurs. » Ce écrit, employer dès l'abord le mot le meilleur et
qui fait l'avantage de cette figure, c'est qu'elle le mieux choisi? Non sans doute, s'il doit être
donne une idée si claire, si rapide et si complète prouvé par ce changement dans les mots que la
de l'objet défini et de ses propriétés, qu'il sem- pensée, rendue par le mot propre, n'aurait aucun
blerait inutile d'en dire davantage et impossible poids, et qu'avec le secours d'une expression plus
de parler plus clairement. choisie, elle devient plus frappante. Arrivez tout
XXVI. On appelle Transition la figure au de suite à cette expression, et rien ne fera ressor-
moyen de laquelle on fait voir en peu de mots tir ni la pensée ni le langage.
ce qu'on a dit, et l'on annonce brièvement ce XXVII. La Prétérition, est une figure par la-
que l'on va dire. Par exemple « Vous savez quelle l'orateur prétend qu'il passe sous silence,
comment il s'est conduit envers sa patrie; con- ou qu'il ignore, ou qu'il ne veut pas dire une
« sidérez maintenant ce qu'il a été envers sa fa- chose qu'il dit en effet. Par exemple «.
Je par-
mille. Vous connaissez les bienfaits dont « lerais de votre jeunesse passée dans tous les
i je l'ai comblé; apprenez maintenant la recon- « genres de désordres, si je le croyais nécessaire
« naissance qu'il m'en a montrée. » Cette figure « en ce moment; mais je me tais à dessein. Je
a donc le double avantage pour l'orateur de rap- ne
veux pas rappeler non plus que les tribuns
peler ce qu'il a dit, et de préparer l'auditoire à « vous ont accusé d'avoir abandonné vos dra-
ce qui va suivre. « peaux je crois aussi sans objet de parler de
La Correction revient sur ce qui a été dit, et la
réparation que vous avez été forcé de faire
le remplace par quelque chose qui va mieux au « à Labéo; je passe tout cela sous silence, et je
but. Exemple « S'il en avait prié ses hôtes ou « reviens à ce qui fait le fond du procès. Je
«
plutôt, s'il leur avait seulement fait un signe, « ne dis pas que vous avez reçu de l'argent des
il eût facilement réussi. Quand ils furent « alliés que vous avez pillé les cités, les royau-
«
vainqueurs, ou, pour mieux dire, vaincus, « mes, les maisons de tous les particuliers; je
« car comment
donner le nom de victoire à une me tais sur vos rapines et vos brigandages. »

••
aut convicio aures, atit aliqua lurpiludine vitam cujuspiam vicerunt, atque adeo victi sunt eam quomodo victoriam
«
viotant. » Item Non est ista diligentia sed avarilia appellera quœ victoribus plus calamitatis, quam boni,
«
ideo quod diligentia est accurata conservatio suorum; – « virtutis comes
« dederit? » invidia, quae bonos
« avaritia,
injuriosa appetitio alienomm. » Item Non est Il
insequeris plerumque, atque adeo insectaris! ï » Commo-
» ista fortitudo, sed temeritas; propterea quod fortitudo vetur Loc genere animus auditoris. Res eniin commuai
« est contemtio laboris et peiiculi cnm ratione utilitatis, verbo elata, tantummodo dicta videtur ast ea post ipsius
« et compensatione commodorum temeritasestcum in- oratoris correctionem magis idonea fit pronuntiatione.
« considerata
laborum perpessione gladiatoria periculorum Non igitur satius esset dicet aliquis, ab initio,preesertim
« susceptio. » Haec ideo commoda putalur exornatio, quod quum scribas, ad optimum et eleclissimuin verbum deve-
omnem rei cujuspiam vim et potestatem ita dilucide nire? Est, quumnon est satius, si commutatio verbi iderit
proponit, et breviter explicat, ut neque pluribus verbis demonstratura, ejusmodi rem esse, ut, quum eam corn-
oportuisse dici videatur, neque lucidius potuisse dici pu. muni verbo appellaris, levius dixisse videaris; quum ad
tetur. electius verbum accedas, insigniorem rem facias. Quod si
XXVI. Transitio vocalur, quoe quum ostendit breviter, continuo venisses ad id verbum, nec rei, nec verbi gratia
quid dictum »it proponit item hrevi, qnid sequalur, hoc animadversa esset.
modo « In patriam cujusmodi fuerit, babetis nunc in XXVII. Occupatio est, quum dicimus,nos prœterire, aut
parentes qualis exstiterit, considerate. » Item « Mea nonscire,autnolledicereid, quod tune maxime diciinus,
in istum bénéficiacognoscitis nunc, quomodo iste mihi hoc modo: Nam de pueritia quidem tua, quam tu omoi in.
« gratiam retulerit aceipite. « Proficit bsec allquantulum « temperantiae addixisti, dicerem, si hoc tempus idoneum
exornatio ad duas res nam et quid dixerit commonet,et « pularem nunc coosullo relinquo. Et illud praterwi
ad reliquum comparat auditorem. quod te tribuni rei militaris infrequentem tradiderunt
Correctio est, quae tollit id, quod dictum est, et pro « deinde quod injuriarum'satisfecistiL. Labeoni, nihil ad
eo id, quod magis idoncum videtur, reponit, hoc pacto » rem pertinere polo. Horum nihil dico revertor ad
Quod «i iste suos hospites rngasset, imo inuuissetmodo; « illud, de quo judicium est. » Item « Non dico te ab so-
» hoc facile perftci posset. » Ilem « Nain postquam isti « ciis pecunias accepisse; non siim in en orcunatus, quod
Cette figure est utile dans cas où l'on veut
is le cns « florescit.
<7o!'M~7. »Cette
Cette figure
fisuM affecte la grâce aussi
indiquer d'une manière détournée une chose, doit-on l'employer rarement, de peur qu'elle ne
qui ne doit.pas être montrée à découvert; ou paraisse monotone. La conjonction donne de la
bien qui est trop longue, trop peu noble, trop rapidité; l'on peut en faire un plus fréquent
difficile à prouver, ou trop facile à réfuter. Il y usage. Ces trois figures appartiennent à une
a pins d'avantage alors à faire naître un soupçon même classe.
par des mots couverts, qu'a s'avancer pour une XXVIII. La Conduplicationest la répétition du
chose qui serait susceptible de contestation. même mot ou de plusieurs mots, soit pour ampli-
Il y a Disjonction, lorsque l'une et l'autre, ou fier, soit pour émouvoir. Par exemple Les
chacune des choses dont on parle, est détermi- « Gracques, oui, les Gracques excitent des glier-
née par un mot à part; ainsi « Le peuple ro- « res domestiques au sein de Rome. – Vous
main a détruit Numance, anéanti Carthage, « n'avez pas été attendri, lorsque votre mère em-
« renversé Corinthe, ruiné Frégelles. Les Nu- t brassait vos genoux; vous n'avez pas été atten-
mantins n'ont point trouvé de secours dans leurs « dri. Osez-vous paraître encore aux yeux de
«
« forces
corporelles; les Carthaginois n'ont tiré « vos concitoyens, vous, traître à
la patrie oui,
« aucune
force de leurs connaissances dans l'art « traître à la patrie! osez-vous soutenir encore
toutes les ruses de la perfidie n'ont leur présence? Cette répétition du même mot
« militaire; «
Corinthe; Frégelles n'a pas été proté- émeut vivement l'auditeur, et porte une blessure
« pu sauver
communautéde mœurs et de langage plus profonde à l'adversaire; c'est comme un
« gée par sa
« avec
les Romains. La beauté se flétrit par glaive que l'on plonge plusieurs fois au même en.
maladie, ou s'éteint par la vieillesse. > Cha- droit. L'Interprétation, au lieu de reproduire le
« la
exemple, même mot, le remplace par un autre qui a la
cun des deux membres de ce dernier
comme tous ceux de l'exemple précédent, sont même signification. Par exemple « Vous avez
caractérisés, on le voit, par un mot particulier. « renversé la république de fond en comble;
La Conjonction réunit par un mot les différen- «
vousavezensevelil'Étatsoussesruines.– Vous
tes parties d'une proposition; par exemple « La avez indignement frappé votre père, vous avez
beauté se flétrit ou par la maladie ou par la « porté sur l'auteur de vos jours une main crimi-
«
vieillesse. «
nelle. » L'âme de l'auditeur est nécessairement
« »
L'Adjonction consiste, au contraire, à placer le émue par cette figure qui renouvelle l'impression
premier, ou le dernier, le mot dans lequel se ré- produite par le premier mot, en l'interprétant
sume la pensée; le premier, comme dans cette au moyen d'un second.
phrase « Deflorescit formœ dignitas aut morbo, La Commutation sert à transposer deux pen-
autvelustate. Le dernier, comme dans celui-ci sées contraires, de telle façon que la seconde
«Aut morbo, aut vetustate formœ dignitas de- paraisse déduite de la première tandis qu'elle la

civitates, regna, domos omnium depeculatus es; fmta, « morbo, ant vetnstate forma? dignitas deflorescit. » Ad
« festivitatemdisjunclio est apposita quafe rarius ulemur
Il
rapinas tuas omnes omilto. » Ilœc utilis est exornatio
û aut rem quam non pertineat aliis ostendere, occulte ea ne satietatom pariât ad brovitatem conjunclio quare
admonuisse prodest, aut si longum est, aut ignobile, aut sœpius adliibmda est. Hœ tres exornationes de simplici
planum non potest lieri, aut facile potest reprehendi; ut genere manant.
utilius sit occulte fecisse suspicionem auam liujusmodi XX VIII. Conduplicatio, est eum ratione amplificatio-
intendisse orationem, quae redarguatur. nis, aut comtïiiserationis,ejnsdem imius, aut plurium ve:1-
Disiunctio est, qniim eorum, de quibus dicimus.aut borum iteratio, hoc modo « Tumultus Gracchi Gracclii
utrumqne,autunumquodque certo concluditur verbo sic « tumultus domesticos et inteslinos Comparant. » Item
« Populus romanus Numantiam delevit, Cartnaginem sus- « Commotusnon es, quum libi mater pedes ample\arelur,
« tulit, Corinthum disjecit, Fregellas evertit. JNiliil Su- « non es commotus? wltem: < JNunc etiam arides in horum
n manlinis vires corporis auxiliatœ sunt; niliil Cartliagi- « conspectuin venue, proditor patria; proditor, iiiquam
niensibus scientia rei militaris adjumento fuit; nihil « palriœ,venireaudesin]iorumconspectum?» Vehemen-
Coi inlhiis erudita calliditas prsesidii tulit; niliil Frcgella- ter auditorem commovet ejusdem redintegralio verbi, et
nis morum et sermonis societas opitulata est. » Item vulnus majus eflicit in contrario causa;
quasi aliquod
» l'ormœ dignitas aut morbo deflorescit, aut vetustate telum sâepius perveniat in eamdem partem corporis. In-
« exstingnitur. » Hic ntiumque et in supei iore exempta terprdalio est, quae non ilerans idem reditttegrat Terbum
unamquamque rem certo verbo concludi videmus. sed id commutât, quod positum est, alio verbo quod idem
Conjnnctio est, quum intcrposilione verbi et superiores valeat, hoc modo « itempublicamradicitus cvertisti, ci-
orationis partes comprehenduntur, etinferiores, bac modo « vitatem funditus dejecisti. item
« Patrem nefarie ver-
•c
Formai digniUs aut morbo deflorescit, aut vetustate. » n beiasti, parenti manus scelerate intulisti. Necesse est
Adjtinctio est, quum verbum, quo rescomprehenditur, ejus, qui
audit, animum commoveri, quum gravitas prio-
ris dicti renovatur interpretationeverborum.
non intcrpunimus,sed aut primum, aut postremum colloca.
mus. Primum, hoc pacto « Deflorescit formai dignitas Commutatio est, quum dua> scnlfiitise inter se discre-
ant morbo, aut vetiistate. » Tostremum sic « Aut pantes ex transjectione ita eHoruntur, ut a priore poste-
acÉnon
."L'o.'onu io«e i.
'TIlUI:' 6
contredit. Ainsi dans ces exemples «
Il faut «
suIs, ou plutôt par l'une et par t'autre à la

manger. »
Je
«manger pour vivre, et non pas vivre pour
ne fais pas de vers, parce
u que je ne peux pas en faire comme je veux; et
«

«
«
fois. « Vous avez osé tenir ce langage,
vous, de tous les hommes le plus. Car je ne
sais quel nom vous donner qui soit digne de,
que je ne veux pas en faire comme je peux.. « vos mœurs. »
L'Énumération, après avoir compté tous les
• Ce qu'on dit de lui ne se peut dire, et ce qu'on
« en pourrait dire ne se dit pas. » –
« Si un motifs qui rendent unechosepossible ou impossi-
ble, et les avoir successivement détruits, n'en con-
poëme est une peinture parlante, la peinture
• doit être un tableau muet. > – « C'est parce serve qu'unseulqu'ellefait valoir, commedans cet
que vous êtes un sot, que vous vous taisez, exemple «
Puisqu'il est constant que ce fond
mais vous n'êtes pas uu sot, de vous taire.• «
m'appartenait, il faut prouver ou que vous ne
On ne saurait dire quel agrément il résulte de « avez pris possession lorsqu'il était abandonné,
cette transposition de pensées contraires, lorsque « ou
qu'il vous est acquis par prescription, ou
les mots eux-mêmes sont transposés ainsi. Cette « que vous
l'avez acheté, ou que vous l'avez reçu
figure étant difficile à rencontrer, j'en ai cité plu- « en
héritage. Or, vous n'avez pu vous en rendre
sieurs exemples, afin de la bien faire concevoir, «
maître comme d'une chose abandonnée, puis-
et de la rendre par là d'un usage plus facile. « que
je n'étais point absent la prescription ne
XXIX. La Permission est une figure par la- «peut pas vous être acquise encore; rien ne
quelle nous déclarons que nous nous en remettons « prouve que vous l'ayez
acheté; un héritage ne
entièrement à la volonté de l'auditoire. Par exem- « vous l'a pas livré de mon vivant. Il en résulte
pie: « Puisque j'ai tout perdu et qu'il ne me reste «
donc que c'est par la violence que vous m'en
de tout ce que je possédais que mon corps « avez chassé. »
Cette figure est d'un grand se-
« et mon âme je vous les abandonne encore, je cours dans la discussion des questions de fait
les remets en votre pouvoir. Vous en userez mais nous ne devons pas en user à notre gré
-' ou en abuserez impunémentà votre
gré pronon- comme nous faisons des autres; il ne faut l'em-
• cez comme vous le voudrez sur mon sort par ployer que quand la nature même du sujet nous
» lez, je me soumets. » Cette figure qui peut y autorise.
s'employer dans plus d'un cas, est propre sur- XXX. La Dissolution supprime les particules
tout à exciter la compassion. conjonctives,et sépare les membres de la phrase;
Au moyen de la Dubitation, l'orateur semble par exemple Suivez la volonté de votre père
chercher entre deux ou plusieurs choses celle «
obéissez à vos parents; cédez à vos amis; sou-
qu'il doit dire de préférence. Ainsi: "La républi-
dois-je dire
« mettez-vous aux
lois. » «–Présentez une dé-
fense complète; ne refusez aucun moyen de
« que eut beaucoup à souffrir alors, «
«justification; faites appliquer vos esclaves à la
par l'incapacité ou par la perversité des con-
rior, contraria priori, proliciscatur, hoc modo « Esse | modo Obfuit eo tempore plurimum reipublicae cousu-
«
oportet, utvivas; non vivere, ut edas. » Item « Ea re lum sive stultitiam sive malitiam dicere oportet, sive
«
poemala non facio quia, cujusmodi volo non possum « ntrumque. » Item « Tu istud ausus es dicere, homo om-
« Quae de illo dicun- it nium inortalium.? nam qua te, digiio moribus tuis,
• cujusmodi possum, nolo. » Item
tur,dici non possunt quae dici possunt; non dicuntnr.» « appellem nomine? »
Item: « Si poema loquens pictura est, pictura tacitura Expeditio est, quum, rationibus compluribus enumera-
poema debet esse. » Item Quia stultus es, ea re ta- lis, quibus aliqua res aut lieri, aut non lieri poluerit, cc-
« ces non tamen, quia laces ea re
stultus es. » Non po- terae tollantur, una relinquitur, quam nos intendimus, hoc
test dici, quam commode fiat, quum contrariœ sententiœ modo: « Necesse est quum constet istum l'une! uni nostrum
translation» verba quoque conveitantur. Plura siiDJeciinus « fuisse, ostaidas, te aut vacuum possedissc, aut usu
exempta ut, quoniam difficile est hoc genus exornationis tiwm fecisse, aut émisse, aut hereditate tibi venisse.
inventa, dilucidum esset, ut, quum bene esset intelle- a Vacuum, quum ego adessem, possitlere nonpotuish;
ctum, faciliusin dicendo inveniretur. 'i tuum usu fecisse ctiamnum non potes; eintio nulla pro-
XXIX. Permissioest.qunmostendiauisindicendn,nos « fertur; hereditate tibi, me vivo, mea pecunia \enire
;i;ic|n.im rem tolam tradere et concedere alicujus voluntali « non potuit. Relinquitur ergo, ut me vi de meo fundo de-
sic « Quoniam omnibus rebus ereptis, solus superesl ani <>
jeceris. » llaec exornatio plurimumjuvabit conjecturales
•> mus et corpus h&cipsa, quœmini demultis sola relîcla argumentationes sed non erit, tanquam in plerisque, ut,
• sutit, vobis etvcstne condono potestati. Vos me, que quum velimus, ea possimus uti nam facere id non pote-
« paclo vobis videbitur, ntamini, atque abutainini li- rimus, nisi nobisipsanegotiinatura dabit facultatem.
• cebit impune in me, quidqnid tibet, statuite dicite, XXX. Disaolulio est, qum, conjunctionibus verbornm e
atque obtempérai». » Hoc genus tametsi alias quoque medio sublatis, partibus separatis eflertur, hoc modo
nonnunquam tractandum est, tamen ad misericordiam « Gère inoiemparenti, pare cognatis, obsequere arnicis
vommovendam vehementissime est accormnodatum. « obtempéra legibus. Item « Descende in integram defen-
Dubitatio est, quum quîerere videtur orator, utrum de « tionem, noli qaidqiiam l'ecusare, da servos in qn.tstio-
titionus potius, attt quiil de pluribus potissimum <lic.it Lior » win, slmlc verum iuveuirp. » Hoc gpnus et arrimoniam
icouvrir la vérité. » nene lui est pas assez propre,
torture; étudiez-vous à découvrir prui est désignée p'ir un
Cette ligure a quelque chose de piquant, de vif mot nouveau imitatif ou expressif. Les mots imi-
et de rapide. tatifs ont été créés p»r nos ancêtres, tels qne
Il y a Uéticence, lorsqu'après avoir dit quel- ceux-ci: rudere, vagire, mutjne ,mv.rmuram
ques mots, on s'arrête sans achever, et en laissant sibil(tre. Voici un exemple de mots énergiques
le reste à l'intelligence des auditeurs. Ainsi Postquam iste in rempublicain fecit itnpetum,
« Notre différend ne vient pas de ce que lepeuple fragor civitalis in primis est auditus. On doit
« romain m'a. Je m'arrête, de peur d'être taxé se servir rarement de cette figure, de peur que
« de vanité; quant à vous, il vous a jugé digne ces continuelles innovations ne déplaisent à l'au-
« de mépris. » « Osez-vous parler ainsi main- diteur mais si l'on en fait un usage convenable
« tenant, vous qui dernièrement dans une mai- et peu fréquent, cette nouveauté, loin d'être fa-
• son étrangère. je n'ose achever, de peur que tigante, devient un ornement.
« ce que vous faites, en passant par ma bou- L'Antonomase désigne par une espèce de .sur-
« che, ne paraisse indigne de moi. » Dans ce cas nom étranger ce qu'on ne peut pas appeler parson
un soupçon tacite fait plus de mal qu'une chose nom propre; ainsi, par exemple,en parlant des
longuement expliquée. G racques, un orateur dira «
Mais, répondra-t-on
La Conclusion argumente, en peu de mots, de les petits-fils de l'Africain ne se conduisirent
ce qui a été dit ou fait précédemment, pour en pas de la sorte. » Ou bien, il dira de son adver-
tirer une conséquence nécessaire; par exemple saire « Videte nunc judiecs quemadmodutn
« Puisque l'oracle avait prédit aux Grecs que « me Piagiosippus iste tractarit.On peut, au
Troie ne pouvait être prise sans les flèches de moyen de cette figure, donner à l'éloge ou ;ui
«
Philoctète et que les flèches n'ont servi qu'à blâme unetournureélégante, en se servant au lieu
« frapper Paris, la prise de Troie, c'était donc la du nom propre, d'un surnom pris de quciq;iu
» mort de
Paris. » qualité du corps ou de l'esprit, ou de quelque ob-
XXXI. Reste encore dix figures de mots, que jet extérieur.
nous n'avons pas dispersées çà est là, mais -au XXXII. La Métonymie a recours pour dési-
contraire séparées des autres, parce qu'elles gner une chose dont elle rejette le nom propre
appartiennent toutes à la même espèce. Toutes à un mot tiré d'un objet qui présente avec elle
ont en effet ce caractère particulier, qu'elles dé- quelque rapport intime. Tantôt elle remplace
tournent les mots de leur signification ordinaire, te nom de t'inventeur par celui de l'inventi.m;
pour leur en donner une différente qui ajoute à par exemple, en parlant de Tarpeius, on l'appel-
l'élégance du style. lera Capilolin. Tantôt elle prend celui de l'inven-
La première est l'Onomatopée; c'est par elle teur pour le donner à la chose inventée ainsi,
qu'une chose qui n'a pas un nom ou dont le nom Bacchus pour le vin, Cérès pour le blé. D'autres

habet in se, et vehementissimum est, et ad brevitatem non sit, eam nosmet idoneo verbo nominemus, aut imile-
accommodalum. tionis, aut significationis causa. Iniitationis, bor. modo,
Prœcisîo est quum, dictis quibusdam, reliquum, quod nt majores « rudere, et vagire, et mugire, et murmurare,
vccptum est dici, rclinquitur in audientium judicio, sic « et sibilare » appellaverunt. Significandœ rei causa, sic
Mihi tecum prœcer tatio non est, idée quod populus ro- « Postquam iste in rempublicam Jècit impetnm, fragor
« manus me. nolo dicere, ne cni forte arrogans videar « civitatis in primis estauditus. xHocgencrcraroutenduni
« te autem sœpe ignominia dignum putavil « Item « Tu est, ne novi verbi assidnitas odinm pariat sed si commode
ista nunc audes dicere, qui nuper aliéna; domui.? non quis eo utatur, et raro, non modo non oflendet novitate
1' ausim dieere, ne, quum te digna dixero, me indignum sed exornabit etiam orationem.
« quidpiam dixisse videar. » Hic atrocior tacitasuspicio, Pronominatio est, quœ sicuti cognomine quodam extra-
quam diserta explanatio facta est. neo demonstrat id,quodsuo nomine appellari non potest;
Conclusio est, quïe brevi argumentatione ex iis, quœ ut, si quis, quum loqtiatur de Gracchis M non Africani
<>

ante dicta sunt aut facta, conficit id quod necessario con- •> nepotes, inquiet, istiustnodi fuerunl. » Item, si quia,
scquatur, hoc modo « Qnod si Danais datum erat oracu- de adversario quum dicat « Videte nunc, inquiet, judices,
lum, non posse capi Trojam sine Philoctète sagittis, « qnemadmodum me Piagiosippus iste tractarit. » Hoc
« hae antem nihil aliud fecerunt, nisi Alexandrum percule- pacte noninomate poterimus et in faudando, el in lædendo,
>•runt hune exstinguere, id nimirum capi fuit Trojam. » aut corpore, aut animo, aut extraneis rébus dicere, sicuti
XXXI. Restant etiam decem exornationes verborum, cognomen, quod pro certo nomine collocemus.
quas idcirco non vage dispersimus, sed a superioribus se- XXXII. Denaminatio est, quœ a pmpinquis et finitimis
para,vimus, quod omnes in uno genere posita sunt. Nam rebus trahit orationem, qua possit iulelligi res, qu.i> non
earum omnium hoc proprium est, ut ab usitata verborum «uo vocabujo sit apuellata. td aut ab irventore conucilur,
polestate recedatur, atque in aliam rationem cum quadam ut si quis de Tarpeio loquens, eum Capitolioum nominet
w nustale oratio conferatur. aut ah intento, ut si quis pro Libero vinum. pro Cerere
De quibus exornationibusnominatio est prima, quœ nos frugem appellet aut at> inslrumenlo dominum, ut si quia
admonet, ut, cui rei nomen aut non sit, aut satis uloueurc Macedonae appellarit hoc modo Non tam ma sikh
m rito Si »
4
fois on prend l'arme pour cclui qui s'en sert En les transposant, par exemple Instabilis in«
comme si, pour désigner les Macédoniens on di- « istum plurimum foiiuna valuit. » Ou bien
sait « La Grèce ne fut pas aussi rapidement con- « encore Omnes invidiose eripuit libi bene
« quise par tes sarisses. >• Ou bien, en parlant des « Vivendi casus facultates. » Si ces transposi-
Gaulois « On ne chassa pas aussi facilement de tions ne rendent pas le sens obscur, elles seront
«
l'Italie les malères gauloises. Elle prend en- très-favorables aux continuation.s, dont nous
core la cause pour l'effet, quand elle dit ce qu'un avons parlé plus haut; mais il faut que la cons-
homme a fait pendant la guerre « Mare vous truction des mots ait quelque chose de l'harmo-
• a contraint à en agir ainsi. » Ou l'effet pour la nie poétique, pour que la période soit aussi par-
cause; par exemple, on appelle un art oisif, celui faite, aussi arrondie que possible.
dont l'oisiveté est la suite ordinaire; on dit que XXXIII. L'Hyperbole est une figure qui va
le froid est paresseux, parce qu'il rend pares- au delà ou reste en deçà de la vérité. Elle a lieu
seux. Elle prend le contenant pour le contenu; absolument ou par comparaison. Absolument,
par exemple, « l'Italie ne peut être vaincue dans comme dans ce cas Si
nous restons unis,
•<
la guerre, ni la Grèce dans les arts. La Grèce • nous mesurerons l'étendue de notre empire par
et l'Italie sont ici pour les Grecs et les Romains « l'espace que parcourt le soleil de son lever à
qui les habitent. Ou le contenu pour le conte- « son coucher. » L'hyperbole fondée sur la com-
nant, comme quand on désigne les richesses par paraison établit ou une égalité ou une supério-
ces mots, l'or, l'argent, l'ivoire. 1I est plus dif- rité une égalité « Son corps était blanc comme
ficile d'établir une division exacte de toutes ces « la neige, son regard ardent comme le feu. » Une
métonymies, que d'en trouver ou d'en inventer supériorité « Il sortait de sa bouche des paroles
des exemples; car l'usage en est continuel non- « plus douces que le miel. Voici une autre hy-
seulement dans les poëtes et les orateurs, mais perbole du même genre « Tel était l'éclat de ses
encore dans le langage de la conversation. « armes, que la splendeur du soleil en semblait
La Périphrase consiste à prendre un détour » obscurcie. «
pour exprimer une pensée toute simple, par exem- La Synecdoche prend le tout pour la partie,
ple « La prudence de Scipion a brisé la puissance ou la partie pour le tout. La partie pour le tout
«
de Cartilage. » Car si l'on n'avait pas eu pour but « Ces flûtes nuptiales ne te rappellent-elles pas ce
d'embellir la phrase, on pouvait dire simplement «
mariage? Ici, toute la cérémonie sacrée des no-
Scipion et Carthage. ces est représentée à l'esprit par le nom d'un seul
La Transgression change l'ordre des mots en instrument. Le tout pour la partie; dans le cas,
les renversant ou en les transposant. En les ren- par exemple où l'orateur reprochant à quelqu'un
versant, par exempte Hoc vobis deos immor- la
somptuosité de ses vêtements, lui dirait
« tales arbilror dedisse pietate pro vestra. » I « Vous m'étalez vos richesses, vous m'éblouissez

« Graciapotitrc sunt » aut idem Gallos signifleans dicat Transjectione,hoc modo «Instabilis in istum plurimum
« Nec tam
facile ex Italia materis Transalpina depulsaest » « fortnna valuit. » Item n Omnes invidiose eripuil tibi
ant id, quod fit, ab co, qui far il; ait, si quis, qiiimi bello « bene vivendi casus facilitâtes. » Ilujusmodi transjectio,
vclil ostendere aliquid quempiara fecisse, dicat «Mars qtiœ rem non reddit obscuram, mullum proderit ad conti-
necessario coegit » aut si, quod facit, ab nuationes, de quibus ante dictum est in quibus oportet
« istud te facere
verba sint ad poeticum quemdam cxstrncta numermo, ut
eo, quod fit ut quum « desidiosam » arteiii dicemus,
quia desidiosos facit; et frigus •• pi^ruiu » quia pigros perfecte et perpolili&àime possint esse absolutœ.
facit. Ab eo, quod continel id, quod continetur, hoc modo XXXIII. Sujiei'latio est oratio superans veritatem ,ili-
denoniinabilur « Armis Italia non potest vinri nec Grfe- cujus augendi minuendive causa. Ha?c sumitur separatim
cia disciplinis. Nam hic pro Gnrcis et Italis, quae con- aut cum comparatione. Separalim sic « Quod si coucor-
tient, notata sunt. Ab co, quod continelur, id, quod con- « diam retiuebimus, imperii magniludiuem solisortu atque
linct; nt, siquisauriim, vel argentum, autebur nominet, « occasu metiemur. » Cumcon>parattone,autsimilittidinc,
quum divitias velit nominare. Ilarum omnium dénombra aut a prastantia superlalio sumitur. A simiiitudine sic
lionum nmgis in pnecipiendo divisio, quam in qunrando « Corlore niveuni candoiem, adspectu igneuin ardorcm
« assequebatur. » A
diflicilis inventio est, ideo quod plena consuetudoest non prrcslaiitia boc modo « Cnjus ore
modo poetarnm et oratorum, sed etiam quotidianisermonis, « sermo melle dulcior profluebat. » Ex eodem génère hoc
luijusmodi denorainalionum. est « Tantus erat in armis splendor, ut solis fulgor obscu-
Circuilioest oi-atio, rem simplicem assumta eircumscri- » rior videretur. »
bens elocutionc hoc pacto « Stipionis providentia Car- Intellectio est,quum res tota parva de parte cognoscitur,
ft
thaginis opes fregit. Nam bic nisi ornandi ratio quic- aut de toto pars. De parte totum sic intelligittir « Nun
«liiin esset habita, Scipio potuit et Cartuago siinplicittr « illae te nuptiales libiœ cjus matrimonii comruonebant ? »
appcllaii. Nam hic omnis sanctimouia nuptiarum uno signo tibiarum
ïrausgrcssioest, quae verborum perturbât ordincin per- iiitelligitur. De toto pars, ut si quis ci, qui veslitum aut
\ersione, aut transjectione. l'erversione, sic « Hoc vobis orimtum sunitiiosum ostentet, dicat « Ostcntas mihi divi-
« <fcos iiiinioitales arbitror dedisse pietate pro vestra. » « tias, et Idcupletes copias
jactas. » Ab nno plura intelli-
de votre opulence. » La même figure emploie » colère de ce barbare, ni assouvir sou horrible
pttssi le singulier pour le pluriel « Le Carthagi- «• cruauté. » Ou, pour diminuer «II se vante d'avoir
< nois a reçu
des secours de l'Espagnol, et du
«•
été d'un grand secours, parce que, dans les cir-
• farouche Gaulois il n'est pas en Italie même«• constances difficiles, a
il aidé d'un faible souffle
« un seul Romain qui n'ait ressenti l'effet de cette « la marche de notre navire. »
« alliance. » Ailleurs, elle prend le pluriel pour le Pour orner le style Les vertus des gens de bien
singulier par exemple Une affreuse calamité « feront reverdir un jour le tronc de l'État, que
<
remplissait tous les cœurs de chagrin; les poi- les crimes des méchants ont desséché. » II faut
« trines
respiraient avec peinesousle poids de l'an- mettre de la réserve dans lamétaphore; le rapport
« goisse. »
Dans l'exemple précédent, on voulaitsur lequel elle se fonde doit être assez marqué,
dire les Espagnols, les Gaulois, les Romains; pour qu'on ne puisse y critiquer ni mauvais goût,
ici, le cœur, la poitrine. Le singulier donne de ni témérité, ni prétention.
l'élégance; le pluriel ajoute de l'énergie. La Permutation consiste à donner à la pen-
La Catachrèse est une figure qui, par une sorte sée un sens différent de celui des mots. Elle
d'abus, substitue au mot propre un autre mot qui prend trois formes; celle d'une ressemblance,
en approche pour le sens. Par exemple Vires celle d'une invective, celle d'une opposition. Elle
«
hominis breves sunt;parva statura; longum seprcsentesous laforme d'une ressemblance, lors-
«
inhomineconsilium;oratiomagna;utipauco qu'on se sert d'une ou de plusieurs métaphores
« sermone. « 11 est facile de voir que c'est par un simples par exemple Si les chiens font l'office
abus de langage que l'on a emprunté des mots « de loups, àquelle garde confierons-nous les trou-
d'une signification différente, mais voisine de « peaux? Celled'une invective, lorsque lacompa-
celle qu'on veut exprimer. raison est prise d'une personne, d'un lieu ou d'un
XXXIV. La Métaphore transporte un mot objet quelconque, pour exagérer ou pour affai-
de son sens propre à un autre sens qui parait lui blir Comme si
vous appeliez Drusus, Gracchus,
convenir par comparaison. On s'en sert pour » un Numitor suranné. » Celle d'une opposition,
mettre en quelque sorte la chose sous les yeux. Parsi vous donnez par ironie le nom d'économeet de
exemple Ce bruit de guerre éveilla tout à coupsage à un homme prodigue et débauché. Dans
«
l'Italie épouvantée. » Pour rendre la pensée ce dernier exemple, pris d'une opposition, et
plus concise « L'arrivée subite de l'armée éteignit dans le premier, pris d'une comparaison, fin-
« aussitôt lc feu qui
s'était allumé dans Rome. » vective naît de la permutation. Dans la compa-
Pour éviter de dire une chose obscène « Celui raison, par exemple « Que dit ce roi, notre
dont la mère fait chaque jour un nouveau ma- « Agamemnon, ou plutôt, tant est grande sa bar-
« riage. » Pour
amplifier « II n'y a pas de gémis- » barie, notre Atrée? » Dans l'opposition « Ap-
« sement, pas
d'infortune qui ait pu apaiser la « pelez un Énée le scélérat qui aura frappé son

gtintui', hoc modo « Pœno fuit Ilispanus aimlio, fuit »


prédicat auxilio fuisse, quia paullulum in rehus difficil-
« immanis iHeTransalpinus in Italia quoque idem non. « limis adspiravit. » Ornandi causa, sic « Alitpiando rci-
« nemo togatus sensit. » A pluribus unum sic intelligitur « publia» rationes, quae malitia nocentuni exuruerunl
« Atrox calamitas pectora mœiore pulsabat. Itaque anhe- « virtute optimatum reviresccnl. » ïïansiationem dîeunt
« lans ex imis pulmonibus prai cura spiritus ducebatur. » pudentem esseoportere, ut cum ratione in consimilem rem
Nam in superioribus plures Ilispani, et Galli, et togati, transeat, ne sine deleclu temere et cupide viileatur in dis.
hic unam pectus et unus pulinu intelligitur et erit illic similem transcurrisse.
deminutus numerus festivitatis, hic adauctus gravitutra l'ennutatio est oratio, alitid verbis, aliud sententia de.
gralia. monslrans. Ea dividitur in tres partes, similitudiuem
Abusio est, qnao verbo simili et propinquo pro certo et argumeutum, contrariuiu. Per similitudinem sumitur,
proprio abutitur, hoc modo « Vires hominis breves sunt, qiium translationes, una, aut plures, fréquenter pnnuntur a
« aut pnrva statura, aut longum in komineconsiliuin; aut simplici ratione ductae, sic « Nam quum canes funguntur
« oratio magna; aut uti panco sermone. » Nam hic facile « ofliciis luporum, cui prsesidio pecua credemus? » Per
est intellectu, finitima verba rerum dissimilium, ratione arguinentum tractattir, quum a persona, aut a loco, aut a
abusiouisesse traducta. re aliiiua, similitudo augendi aut minuendi causa, duel-
tur « Ut si quis Drusum Gracchum, Numitorcm obsole
XXXIV. Tïanslatio est, qmim verbum in quamdam n tum dicat. » Ex contrario ducitur sic « Ut si quis lioini-
rem transfertur ex alia re, quod propter simililiulinem « ntiin prodigum et luxuriosum illudens, parcum, et
reele videbitur posse transferri. Ha utimur rei ante ocukis « diligentem uppellet. » Ll in hoc postremo, qund ex con
ponendœ causa, sic « Hic Italiam tuinuitus expergelecit Irai io sumitur; et in illo primo, quod similitudine dnci-
a
« teirore subito. » lîrevitatis causa, sic Recens adventus tur, per Iranslatiouem argumenlo poterimus uti. Per simi-
» exercitus subito civitatem exstinxit. » Obscccnitatis litudinem, sic « Quid ait hic rex, atque Agamemnon
Tilandœ causa, sic « Cujus matw quotidianis niiptiisdc- « noster, sive, ut ciudclUas est, potius Alreus? » Ex con-
« ledatur. » Augendi causa, sic « Kullius mœror et ca- trario «Si quem ini|iium, qui palrem verberaverit,
« lamitas istius explere iuimicitias, et nefariam satuiare
« /Kiieam vocemus; intempérante!»et adulterum, Ilippo-
« cruddilalcm poluit. « Mûiiicndi causa, aie
h Maguo se « Ivliiiu uouiiufiiuis. » Hax suut 1ère, qua; diceuda tide.
p<e, un Hippoljte( l'homme intempérant et • gerez la cupidité d'un témoin criminel, vous
« •
adultère. Voilà à peu près ce que nous avions a mettrez l'accusé dans la nécessité de se défen-
a dre contre deux accusations. » Cette
a dire sur les figures de mots; nous allons nous figure
occuper à présent des figures de pensées. féconde le discours, car elle comprend beaucoup
XXXV. La Distribution est une figure par la- en peu de mots, et en donnant à chaque chose
quelle on établit dans certains cas une division son emploi, elle divise et distingue toutes les
de personnes ou de choses, comme dans ces parties du tout.
exemples Ceux d'entre vous, juges, qui ont XXXVI. La Licence est une figure où l'ora-
«
de l'affection pour le sénat, doivent détester teur, sans offenser ceux qu'il doit respecter ou
« cet homme, puisqu'il s'est toujours montré craindre, ni ceux qui leur sont chers, use de son
« l'ennemi le plus passionné du sénat. Ceux droit pour leur reprocher des fautes qu'il se croit
« qui désirent que l'ordre équestre brille dans fondé à relever. Par exemple Vous vous
« Rome d'un vif éclat, doivent demander le sé- «
étonnez, Romains, que vos intérêts soient aban-
<
vère châtiment d'un misérable dont la honte • donnés par tout le monde; que personne n'em-
« brasse votre cause, et ne se déclare votre
souillerait d'une tache de mépris cette classe dé-
«
• honorable. Vous tous qui avez des parents, «
fenseur? Ne vous en prenez qu'à vous-mêmes,
« montrez par son supplice que vous êtes sans « et cessez d'en être surpris. Comment, en
effet,
« pitié pour les fils sacrilèges. Vous qui avez des • chacun ne devrait-il pas vous fuir et vous évi-
« enfants, montrez-leur par un exemple quels « ter?
Souvenez-vous de ceux qui nous ont porté
«
châtiments Rome tient en réserve pour des « secours;
rappelez-vous leur dévouement; et
n hommes tels que tui. » -« C'est le devoir du
sénat d'aider la république de ses conseils;
«
considérez ensuite comment ils en ont été ré-
compensés. Alors vous reconnaîtrez,pour vous
c'est le devoir des magistrats d'exécuter avec «
parler sans détour, que votre insouciance, ou
«
zèle et fidélité la volonté des sénateurs c'est «
plutôt votre lâcheté les a laissé massacrer sous
« le devoir du peuple, de donner son approbation « vos yeux;
tandis que leurs ennemis sont arrivés,
et ses suffrages aux meilleures lois, et aux « par vos
suffrages, au faite des honneurs.» –
« citoyens les –
plusdignes. L'accusateur apour Voici un autre exemple « Juges, quel motif
« avez-vous eu pour hésiter à prononcer votre
« office de dénoncer les crimes; le
défenseur, de
«
les combattre et de les réfuter; le témoin de « sentence, et pourquoi renvoyez-vous l'affaire
• dire ce qu'il sait ou ce qu'il a entendu; le prési- à plus ample information? Les preuves du
«
dent de contenir chacun d'eux dans les bornes « crime n'étaient-elles pas assez manifestes? Les
« de son devoir. C'est pourquoi, L. Cassius, si «
dépositions des témoins ne les confirmaient-
« vous souffrez qu'un témoin aille au delà de ce «
elles pas toutes? ses réponses n'ont-elles pas
« qu'il sait, ou de ce qu'il a entendu, et fasse «
été d'une faiblesse puérile? avez-vous craint de
« part de ses conjectures, vous confondrez ses « passer pour des hommes cruels en condamnant
droits avec ceux de l'accusateur, vous encoura- «
le coupable dès la première audience? Mais en

bantur de verborum exernationibus. Nunc res ipsa inonel, « frslimotuicommiscebis,testis improbi cupiditatemcon-
ut deinceps ad seotenliarum exornationcstranseamus. « finnabis, reo dupliccm defensionem parabis. » Est lia'C
XXXV. Distrihutio est, quum in plures res, aut perso- exornatio copiosa comprebendit enim brevi multa, et
nas, negotia quaedaitt (Hspertiuntur, hoc modo « Qui suum cuique tribueus offieium, separatim res dividit
« vestrum, indices, nomen senatus diligit, hune oderit plures.
« necesse est petulanLissûne enim semper iste oppugna* XXXVI. Licentia est, quum apud eos, quos ant verm
« vil senatum. Qui equestrem locum gptendidissimum cu- aut metuere debemus, tamen aliquid pro jure nostru di-
« pit esse in civitate is oportet istum maximas pœnas cimus, quod eos minime otlcndat, aut qnos ii diligunt,
dedisse velit, ne iste sua turpitudine ordiui honestissimo quum in aliquo errato vere reprehendi posse videantur,
« maculœ atque dedecori sit. Qui parentes habetis, osten- hoc modo « Miramini, Quirites, quodab omnibus vesh'%
« dile istius supplicio vofois homines impios non placere, rationes deserantur? quod causam vestram nemo susci-
Quibus iiberi sunt, statuile exemplum, quanta: pœnaj « piat? quod se nemo vestri defensorem profileatur? Id
m
« in civitate sint hominibus iatinsmodi conipa) attE. item: « tribuite vestrœ culpœ; atque desinite mirari. Quid cuir»
« Senatus ofikium est, consilio civitatem juvare; magi- est, quare non omnes istam rem fugere ac vitale debeant ?
•t stratus officium est, opera etdiligentiaconsequi volunta- » necordamini quos habueritisdefensores; studia eorum
« 1cm senatus; popuh offieium est, res optimas, et ho- « vobis anle oculos proponile; deinde exilus
omnium con
« mines idoneos maxime, suis sententiis deligerc el « siderate. Tum vobis véniel in mentem, ut vere
dicam,
n prnhare. Accusaloris officium est, inferre crimina; » negligentia veslra,
sive ignavia potins illos omnes ante
» de/ensoris, dilueie et propulsare; testis est, dicere, oculos vestros trucidatos esse, inimicos eorum veslriii
• 'l'ire sciât, (ml audierit; quassitoris est, unumquemque sufjïagiis in amplissimutn locum pervenisse. » Item
« iiorum in officiel suo coutinere. Quare, L. Cassi, si te- « Nam quid fuit, judices, quare in sententiis ferendis du-
« stem, (irruterquam quod sciât, eut audierit, argumentari, «
liilavi-nli», aut istum hominem nefariuni ampliavcntis?
• et r*iiijectura proseqni natieris j jus accusatorisGum jure Xon apertissim* res erant crimim datae? non omnes hae
« voulant échapper à un reproche- qu'on aurait vons bien qu'ils écouteront avec plaisir; et tou-
« été bien loin
de vous faire, vous avez mérité tefois à déclarer que les intérêts de In vérité nous
« celui de
faiblesse et de lâcheté; vous avez laissé forcent à parler. Exemple du premier cas :« Vous
l'État les plus grandes « êtes, Romains,
d'un caractère trop simple et
« fondre sur vous et sur
calamités; et lorsque des maux plus affreux « trop facile; vous avez trop
de confiance au pre-
«
« vous menacent, toujours nonchalants, vous « mier venu vous croyez que chacun s'efforce
«hésitez, vous balancez encore. Le jour, vous « de tenir fidèlement les promesses qu'il vous
« attendez
la nuit; la nuit, vous attendez le jour. « a
faites. Vous vous trompez, et vous laissez
«
Chaque instant vous apporte quelque nouvelle «
abuser depuis longtemps par de fausses espernn-
funeste; et vous laissez parmi vous, vous nour- « ces.
C'est un excès de bonté qui vous a fait dc-
« rissez
dans votre sein l'artisan de tous vos « mander aux autres ce qu'il était en votre pou-
« maux vous retenez dans Rome, tant que vous «
voir de faire, au lieu de ne vous en rapporter
« qu'à vous-mêmes. »
le pouvez, le fléau de la patrie. » Exemple du second cas
XXX Vil. Si la Licence parait avoir trop d'ai- «Juges, cet homme fut mon ami, mais cette
greur dans cette forme, il y a plusieurs correc- « amitié jedois le dire aurisque devous déplaire,
tions qui en adoucissent l'effet on peut, c'est vous qui en avez brisé les nceuds, comment?
aussitôt après, ajouter ces paroles « Je cherche « c'est que, jaloux de conserver votre approba-

«
ici votre vertu, je redemande en vain votre « tion, j'ai mieux aimé avoir pour ennemi que
» sagesse,
je regrette votri prudence habituelle. « pour ami celui qui se déclarait contre vous. »
Par là les impressions trop vives du reproche Cette figure, appelée Licence peut donc être
sont tempérées par celles de la louange; d'un côté, traitée de deux manières, comme nous venons
l'on prévient le mécontentement et la colere; de de le voir; ou par le reproche, dont la louange
l'autre, on préserve d'une faute. Ces précautions adoucira l'aigreur; ou par cette sorte de détour
n'ont pas moins de succès dans le discours que dont nous venons de donner des exemples, et qui
dans le commerce de l'amitié lorsqu'on les place à dispense d'adoucir les expressions, puisque, sous
propos, elles ont le grand avantage d'empêcher le voile de la Licence, ce n'est qu'un moyen de
l'auditeur de commettre une faute, et de mon- se prêter aux dispositions de l'auditeur.
trer dans l'orateur une affection égale pour ceux XXXVIII. La Diminution s'emploie lorsque
qui l'écoutent et pour la vérité. l'orateur est forcé de parler de l'heureux natu-
Il y a une espèce de Licence, qui exige une rel, des avantages, des talents qui lui sont pro-
plus grande habileté; c'est celle qui consiste à re- pres ou qui distinguent ses clients. Alors, pour
prendre ceux qui nous écoutent, de la manière ne pas en faire une vaine parade, il se sert
dont ils veulent qu'on les reprenne; ou à paraître d'expressions qui atténuent l'éloge; par exem-
craindre qu'ils ne reçoivent mal ce que nous sa- ple « J'ai le droit de le dire, juges, je me suis

« (estibus comprobate? non contra tenuiter et nugatorie id, quod scimus facile omnes audituros, dicimus nos It-
« responsum? Hic vos verili eslis, si primo eœtii eon- mere, quomodo accipiant; sed tamen verilale commoveri
•< demnassetis, ne crudeles existimaremini?Dum eam vi- ut nihilo secius dicamus. Horum araborum generumJ
« tastis vituperationem, quae longe a vobis erat abfutura exempla subjiciemus. Prioris, hujusmodi « Nimium, Qui
eam invenistis ut timidi atque ignavi putaremini. Maxi- « rites, animis estis simplicibus et mansnetis; nimium
mas, et privatas, et publicas calamitates accepistis « credilis unicuique. Existimatis unnmquemque enili, ut
« quum etiam majores impendere videantur, sedetis et « perriciat qu% vobis pollicitussit. Erralis et frustra falsa
« oscitamini. Luce noctem, nocle lucem exspectatis. Ali- « spe jam diu delinemini. Stultitia vestra id, quod erat in
• qnid quotidie acerbi atque incommodi nuntiatur, eteum, vestra potestate, ab aliis petere, quam ipsi sumere ni.
« cujns opera vobis hase accidunt, remoramini diutius et « luistis. •> Posterions licentia; hoc erit exemplum: « Mihi
« alitis ac reipublicae perniciem retinetis, quoad potestis, i- cum isto, judices, fuit amicitia; sed ista amicitia, ta-
t
• in civitate. » « metsi vereor quomodo accepturi sitis, dicam tamen,
XXXVII. Ejusmodi licentia si nimium videbilur acri- « vos me privastis. Quid ita? Quia, ut vobis essem proba-
moniae habere, multis mitigationibuslenielur. Nam conti- i tus eum qui vos oppugnabat, inimicum, quam amicum
niio aliquid hujusmodi licebit inferre « Hic ego virtutem habere malui. » Ergo haec exornatio, cui liceiUi» nomun
« vestram quœro, sapientiara desidero, veterem consue- est, sicuti demonstravimus, duplici ratione tractabitur
» ludinem requiro » ut quod erit commotum licentia, id acrimonia,qure si nimium fneritaspera, riiitigabitur lande
mitigeturlaude; ut allera res ab iracundia et molestia te- et assimulatione, de qua posterius diximus, qutc non in*
moveat, altera ab errato deterreat. Hœc res, sicut in ami- diget mitigationis, piopterea qnod imitatur licentiam, et
citia, ita in dicendo, si loco fit, maxime facit, ut et illi, sua sponte ad animum auditoris se accommodat.
qui audient, a culpa absint, et nos, qui dicimus, amici XXXVIII. Deminulio est, quum aliquid esse in nobis,
ipsonini et veritatis esse videamur. aut in iis, quos defendimus, aut uatura, aut forma, ai:t
Est autem quoddam genus licenlùe in dicendo, quod industria dicemus egregium quod, ne qua significetui.
a«tutiore ratione comparatur qaura aut ita objurgamus arrogans ostentatio deminuitur et attennatur oratione,
eus, qui audiunt, quomodo ipsi se cupiant objurgari 4ut hoc modo Nam hoc pro meo jure, judices, dico, m»,
• eiïoreé par monzèle et par mon travail, de nele « dans toutes nos familles et le ravage dans la
pas être le moins instruit de mes concitoyens is « république entière! Chassez-le donc de Rome,
« dans fart militaire. » Si l'orateur avait dit, lee juges, délivrez-nous de la frayeur qu'il nous
plus instruit de tous, eût-il dit vrai, on l'aurait it « inspire, songez enfin à votre propre salut.
nccuséd'arroganee.De cette manière, au contraire, e, Car, si vous le renvoyez impuni, c'est une bête
il a dit ce qu'il fallait pour éviter le reproche le « farouche et dévorante que vous déchaînez
d'orgueil, et pour se rendre recommandable. s. croyez-moi, contre vous! » Ou bien « Si
Autre exemple « Est-ce donc l'avarice ou le be- e- « vous portez contre cet homme une sentence
« soin qui l'a poussé vers le crime? L'avarice! i! « funeste, juges, vous ôtez la vie par un seul
rt mais il s'est montré prodigue envers ses amis; i «
arrêt à un grand nombre de personnes. Un père
» et cette libéralité ne s'allie point à l'avarice. e. « accablé d'années, qui fondait sur la jeunesse
• La
pauvreté mais son père (je ne veux rien :n « de son fils toute l'espérance de sa vieillesse,
«
exagérer) ne lui a pas laissé un mince héri- i- « n'aura plus de motifs qui le retiennent à la
« tage. » Ici l'orateur évite encore de dire un riche
le « vie. Des enfants en bas âge, privés du se-

ou un très-riche héritage. Telle est la précaution in père, resteront exposés sans dé-
« cours de leur
que nous devrons prendre quand nous aurons ts « fense aux outrages et aux dédains des ennemis
à parler de nos avantages ou de ceux dont nous as « de leur famille. Toute une maison tombera sous
défendrons la cause. Car ces éloges qui blessent it « le poids de cet horrible malheur; et aussitôt
dans le commerce de la vie, ne sont pas moins is « ses adversaires, fiers de cette palme san-
odieux dans le discours, si l'on n'y met pas de le glante, de cette cruelle victoire, insulte-
la discrétion. Dans la société, l'on évite de dé- é- « ront à sa misère, et la poursuivront sans pitié,

plaire par la circonspection dans le discours, i «en action et en paroles. » Autre exemple
on se met à l'abri de l'envie par la mesure. n Aucun de vous,
Romains, n'ignore les malheurs
XXXIX. On appelle Description une figure re « qui fondent d'ordinaire sur une ville prise d'as-
qui présente un tablcau clair, frappant, énergi- ;i- « saut. Ceux qui ont porté les armes, sont aussitôt
que des circonstances et des suites d'un fait. Parir « cruellement égorgés; ceux à qui leur âge et
exemple « Si votre sentence, juges, rend cet et « leurs forces permettent de supporter le travail
« homme
à la liberté, aussitôt, semblable à un m « sont traînés en esclavage; ceux qui en sont in-

« lion
sorti de son antre, ou à une bête farouche le « capables sont mis à mort; en même temps,
« qui a
brisé ses chaînes, il s'élancera dans la les maisons sont incendiées par les vainqueurs;
« place
publique, la parcourra dans tous les sens,s, « ils séparent ceux qu'avaient unis la nature ou
«
aiguisant ses dents cruelles, attaquant toutes es « les liens de l'amitié; les enfants sont arrachés
« les fortunes; se jetant sur ses amis et sur ses es « des bras de leur famille; les uns sont égorgés
«
ennemis, sur ceux qu'il connait comme sur îv sur le sein de leurs mères, les autres déshonorés
« ceux
qu'il ne connait pas; ravissant la répu- i- « sous leurs regards. Personne, juges, ne saurait
»
tation des uns, menaçant la vie des autres, 3, « reproduire fidèlement ce tableau; il n'y a pas
•>
violant l'asile de nos maisons, portant le trouble
le « de paroles qui puissent égaler de si grands mal-

lahore et industria curasse, ut disciplinam militareram fortunas, in omnes amicos atque inimicos notos atque
« non in postremis tenwem. » Hic si quia drxisset, « ut » ignotos incursans; aliorum tamam depectllans, aliorum
« oplime lenerem >>,
tametsi vere dixisset, tamen arrogans ns n caput oppngnans, aliorum domum alque omnem familiam
visus esset. Nunc et ad invidiam vitandam et ad laudem
un » perfringens, rempublicam funditus lahefaclans. Quare,
comparandam satis dictum est. Item « Iltrum igiturava- a- judices, ejicite eum de civitate liherate omnes formi.
« ritiœ causa, an egestatis, accessit ad malclicium? a-
Ava- » dine vobis denique ipsis consulite; nam si istum im-
a riliir? at largissimns fuit in amicos; quod signum li- « puuilum dimiseritis, in vosmet ipsos, mihi credite,
« beralilalis est, quae est contraria ia avariliœ. Egcslatis? s? m ierain et Iruculeittam bestiam immiseritis.
» Item
« at huic quidem pater (nolo nimium dicere) non tenuissi* si. Nam si de hoc, judices, gravem sentenliam tuleritis,
« mum patrîmonium relinluit. » Hic quoque vitatum est, >t, « uno iudicio simul multos
jugnlaveritis. Grandis natu
ne magnum aut maximumdiceretnr. Hoc igitur in nostris, is, « parens, cujus spes senectutis omnîs in hujus adolescen-
nul eorum, quos defendemus egregiis commodis proie, te. « tia posita est, quare velit in vita manere, non habebil;
rendis observabimns. Nam ejiismodi res et inridiam con- « (ilii ]>arvi, privati patris auxilio, ludibiio et despectui
in.
tralmnt in vita, et odium in oratione, si inconsiderate
île « puteruis inimicis crunl opposili; tota domus hujus in-
tractes. Quare, quemadmodum ratioue in vivendo fugitur ur « digna concidet calamitate at inimici statim sanguino-
iuvidia, sic in dicendo,cunsilio vittitur odium. u tenta palma, crudelissiina Victoria potili, insultabunt
XXXIX. Descriplio nominatiir, qnic rerum consequen- ;n- n in liorum
miscrias, et superhi re simul et verbis inve-
thnn continet perspir.uam et diliiddain «un gravilatfl e\- « luiilnr.>' Item « Nain neminein vestrum fugit, Qniri-
positionem^liocmodo « Quod si istum, jinlives vestris Il » tes, capta tube, qui» miserio; consequi soleaiit arini
« sentenliis Jiberaveritis statim sicut c cavea leu niissiisis, « qui contra tul^rint, statim crudelissime trucidantur
aut aliqua tetenïma bellua solula ex calculs, volitabit
ioro,acucus dénies inultos, in cutiisuue
bit <i céleri, qui possunl per a'ialcm et rires laboicm ferre,
1 et va^tbilur in ne raptuntur iu scrvilutem; (|iii nun pob^iiut^ \iia pnvan-
• heurs. » Cette figure est propre à faire naître dans toute la cause, pour donner plus de poids,
l'indignation ou la pitié, lorsque toutes les sui- plus de véhémence à l'accusation, et la rendre plus
tes d'un fait, ainsi rassemblées, forment une accablante. Ainsi « De quel vice est-il exempt?
peinture frappante et rapide. < Pour quel motif,juges, voudriez-vous l'absou-
XL. LaDivision, séparant une pensée d'une « dre? Il a trahi son propre honneur et porté
autre, les complète toutes deux par la réponse atteinte à celui des autres nousl'avons vu avide,
qu'elle y joint; par exemple « Pourquoi vous intempérant, audacieux, superbe; impie envers
«
adresscrais-je maintenant des reproches? si vous « ses parents, ingrat envers ses amis, dédaigneux
r êtes un homme de bien, vous ne les avez pas « pour ses
égaux, cruel avec ses inférieurs, in-
< mérités; si vous êtes un méchant, vous y serez « supportable enfin à tout le monde >»
« insensible. A quoi bon vous faire aujour- XLI. 11 y a une accumulation du même genre,
• d'hui valoir mes services? si vous vous les rap- très-utile dans les questions de fait, au moyen
pelez, ce récit vous fatiguerait; si vous les avez de laquelle on rapproche des soupçons qui, sé-
« oubliés, mes paroles auront-elles plus d'effet que parés, sont légers et faibles; rassemblés; rendent
• mes actions? Deux choses peuvent pousser le fait non plus douteux, mais évident. Par exem-
« les hommes à chercher des gains illégitimes; la ple « Veuillez, juges, veuillez considérer, non
«
misère et l'avarice. Vous vous êtes fait connaître « pas séparément, les indices dont j'ai parlé, mais
pour un avare dans votre partage avec votre les réunir et n'en former qu'un faisceau; vous
«
frère, et nous vous voyons maintenant dans le « y trouverez
la preuve que l'accusé trouvait
«
dénûment et l'indigence. Comment donc nous « un avantage
à la mort de cet homme que sa
> prouver
qu'il n'y avait pour vous aucun motif «
vie est pleine d'infamies, qu'il aime l'argent,
de commettrele crime? »I1 faut distinguer cette «
qu'il a dissipé son patrimoine, et que ce crime
« n'a pu
division de celle qui forme la troisième partie de profiter qu'à lui seul; que personne ne
la composition oratoire, et dont nous avons parlé « pouvait le commettre aussi facilement, et que
dans le premier Livre à la suite de la narration. lui-même ne pouvait s'y prendre d'une façon
L'une fait l'énumération ou l'exposition des « plus propre à le
faire réussir; qu'il n'a rien
choses qui doivent entrer dans le discours; l'autre «
oublié de ce qui pouvait être nécessaire pour
se développe à l'instant, et en détachant du dis- < un
assassinat; qu'il n'a rien fait de ce qui n'y
cours deux ou plusieurs parties dont elle tire la pouvait pas servir; le lieu était le mieux choisi
conclusion, elle remplit le rôle d'une figure d'or- < pour
l'attaque; l'occasion la plus favorable, le
nement. « moment le plus propice, le temps le pins long
L'Accumulationrassemble les argumentsépars « qu'il a
fallu. Il avait l'espoir le plus fondé d'exé-

« tur uno denique atque eodem tempore domus bostili guntur in nnum, quo gravior, aut acrior, aul criminosior
« flagrut inecudio et quos natura, aut voluntas necessi- oratio sit, hoc pacto « A quo tandem abest iste vitio?
« tudioe aut benivoientia conjunxit, distrabuntur liberi « Quid est, judices, cur velitis eum liberare? Sua; pudi-
« parlim e gremiis parentum diripiunlur, partim in sinu eitise proditor est, insidiator aliéna! cupidus, intempe-
« jugulantur, partim ante pedes consluprantur. Nemo, rans, petulans superbus; impius in parentes, ingratus
« judices, est, qui possit satis rem
consequi verbis, nec in

amicos, infestus in cognatos in superiores contumax,


referre oratione magnitudinem calamitatis. Hoc genere « in sequos et pares rastidiosus, in iuferiores crudelis, de-
exornationis, vel indignatio, vel misericordiapotest com- « nique in omnes intolerabilis. »
inovcri quum res conséquentes comprebensaï univers* XLI. Ejusdem generis est illa frequentalio, quœ pluri-
perspicua breviter exprimuntur oratione. mum conjecturalibuscansis opilulalur, quum suspiciones,
XL. Divisio est, quae rem semovens ab re, utramque qu;e separatim dicke minuta; et intirmœ étant, unum in
absolvit, ratione subjecta, hoc modo « Cur ego nnnc locum coacUe rem videntur perspicuam facere non suspi-
t:bi quidquam objiciam? Si probus es, non meruisti ciosam lioc paclo « JNolite igilur, nolite judices ea,
sin improbiis, non commoveris. » Item Quid nunc quae diNi.separatim spectare; sed omnia colligite, et
ego de meis pronneritis prœdicem? nihil Si ineminislis ob- conferte in unum. Si et commuduin ad istum ex illius
« tnndam sin oblili estis, quum re egeiïm quid morte veniebat, et vila homiuis est turpissima animm
est. quod verbis proficere possim? » Item « Duae res « avarissiutus, fortunre faniiliures atlenuatissima; et reg
sunt quae possunt bomines ad tur|ic compendium com- « ista bono nemini prêter istum fuit; neque alius quis-
« movere, inupia atque
avarilia. Te avarum in fraterna « quam aeque commode, neqne iste aliis commodioribus
« divisione cognovimus
inopem atque egentem nunc vi- « rationibus facere potuit; neque prtvteritum quidquam
« demus. Qui potes igitur
ostendere causam malciicii non « est ab isto, quod upusfuerit ad maleucium, ueque fa-
«
fuisse? » Inter banc divisionem, et illam quac de par- » ctum, quod opus non fuerit;et quum locus idoneus
tihus orationis tertia est, de qua in libro primo diximus « maxime qua'situs, tum occasio aggrediendi commoda,
secundum narrationem, boc interest illa dividit per « tempus adeundi opportunissimum, spalium conficiendi
enumerationem, aut per exposilioucm, quibus de rebus « longissimum sumtum est, non sine maxiuia occultandi
in tota oratione disputatio futura sit; liaec se statim expli- « et perficiendi malelicii spe; et prxterea ante, quam oc-
cal, et hrevi duabus aut pluribus partibus subjicicas ra- « cistis liomo is esl, iste visus est iu eo loco in quo est
tioncs exoillat 01 aliimcm. « occisio facta, solus; paullo post m ipso malclicio, vox
l'i equenlalio est, quum res in tota causa dispersa; co- « illius qui uccidvlialiir, audita est; deiude post occisio-
« cuter le crime sans être découvert. Ajoutez 1une ou plusieurs fois dans des termes équivalents i
«qu'avant l'assassinat, il a été vu seul sur le par i exemple « Il n'est pas de si grand péril,
« lieu même qui en a été le théâtre à l'instant « auquel le sage ne consente à s'exposer pour le
« même du meurtre,
la voix de la victime a été « salut de la patrie. Toutes les fois qu'il s'agira
« entendue; le jour de cette scène tragique, il « d'assurer le salut de ses concitoyens, l'homme
« est prouvé qu'il est rentré dans sa maison » doué de nobles sentiments ne pensera pas à
« bien avant dans la nuit; le lendemain il a hé- « refuser le sacrifice de ses jours pour la fortune
« site il s'est contredit en parlant de cette mort; « de l'État; il persistera dans sa résolution de
« toutes ces circonstances résultent en partie des « prouver son attachement à son pays, quelques
«
dépositions des témoins, en partie de la ques- « dangers qui le menacent lui-même. » On chan-
« tion et
des preuves, et de la rumeur publique gera la pensée par la prononciation, si, dans le
<
qui, appuyée de preuves, doit être l'expression ton simple, ou dans le ton véhément, ou dans
« de ia. vérité. C'est à vous, juges, de les réunir toute autre modification de la voix et du geste,
pour arriver à la certitude du crime, et non à mesure que l'on change l'expression de la pen-
pas à des conjectures. Car le hasard peut faire sée, on change aussi d'une façon très-marquée le
« tourner une ou
deux circonstances contre l'ac- débit. Il n'est pas facile de tracer des règles à cet
«
cusé; mais lorsqu'elles s'accordent toutes de- égard; mais la chose se comprend bien, et n'a pas
« puis la première jusqu'à la dernière, il est im- besoin d'exemples. La troisième espèce de chan-
• possible que ce soit là l'ouvrage du hasard. » gement consiste dans le tour de la phrase, à la-
Cette figure a de la véhémence, et l'emploi en quelle on peut donner la forme du dialogisme ou
est presque toujours nécessaire dans les causes celle de l'interrogation.
conjecturales; on peut aussi s'en servir quelque- XLIII. Le Dialogisme, dont nous parlerons
fois dans les autres genres, et dans toutes sortes tout à l'heure avec plus de détail, et qu'il suffit
de discours. maintenant, pour notre objet, de faire connaître
XLII. L'Expolition, est une figure au moyen en peu de mots, est une figure qui introduit le
de laquelle on s'arrête sur la même pensée, tout raisonnementqu'a dû se faire à elle-même la per-
en ayant l'air d'en exprimer de nouvelles. Elle sonne dont on parle. Pour la mieux faire com-
se présente sous deux formes, suivant que l'on prendre, je reviendrai à l'exempleprécédent Le
répète en effet la même chose, où que l'on parle « sage qui croira devoir braver tous les dangers
de lamème manière. On répète la même chose, non pour le bien de la république, se dira souvent
pas de la même manière (car ce serait fatiguer « à lui-même « Ce n'est pas pour moi seul que
l'auditeur, et non pas polir le discours), mais avec « je suis né, c'est bien plus encore pourma patrie.
des changements. Ces changements se font dans « Cette vie dont le destin disposerait, ne vaut-il pas
les expressions, ou dans le débit, ou dans le tour mieux en faire le sacrifice à ma patrie? Ma pa-
de la phrase. On change la pensée par l'expression, « trie m'a nourri, elle m'a fait vivre jusqu'à pré-
lorsqu'après avoir dit une chose, on la reproduit « sent sous son honorable protection; elle a ga-

« nem, istum multa nocte domum rediisse constat; postera <•


sapiens pro salute patri» vitandum arbitreutr. Qunm
« die titubanteret inconstanterde occisioneillius locutum « agetur incolumitas perpetua civitatis, qui bonis eiit ra-
« hosc partim testimoniis,
partim quaestionibus et argu- « tionibus praeditus, profecto nullum vitâe discrimen sibi
mentis omnia comprobantur,et rumore populi, qtiem ex « pro
fortunis reipublicae fugiendum putabit; et erit in ea
argumentis natum necesse est esse verum vestrum « sententia semper, ut pro patria studiose quamvis in
« est, judices,
his in unum locum collatis certam sumere « magnam descendatyitaj dimicationem. » Pronuntiando
scientiam non suspicionem maleficii. Nam unum ali- commutabimus, ai tum in sermone, tum in acrimonia,
« qtiid, aut alterum potest in istum casu cecidisso suspi- tum in alio atque alio genere vocis atque gestus, eadem
dose ut omnia inter se a primo ad postremum con- vei'biscommutando,pronuntiationemquoqueTehementius
veniant maleficia, necesse est casu non posse fieri. » immotabimus. Hoc neque commodissime scribi potest,
Vehemens est liœc exornatio, et in conjectural! constitu- neque parum est apertum quare non egetexempli. Ter-
tione causse ferme semper necessaria, et in ceteris gene- tium genns est commutationis, quod tractando conficilur,
rtbus causarum, et in omni oratione adbibenda nonnun* si senteutiam trajiciemus aut ad sermocinationem,aut ad
qnam. exsuscitationem.
XLII. Expolitio est, quum in eodem loco manemus, et XLIII. Sermocinatio est (de qaa planius paullo post suo
aliud atque aliud dicere videmur. Ea dupliciter lit, si aut loco dicemus, nunc breviter ad hanc rem, quod satis sit,
eamdem plane rem dicemus, aut de eadem re. Eamdem rem attingemus in qua constituetur alicujus personœ oratio
dicemus, non eodem modo (nam id quidem obtnndere accommodata ad dignitatem, hoc modo, ut, quo facilius
auditorem est, non rem expolire), sed commutate. Com- reo cognosci possit, ne ab eadem sententia recedamus
mulabimus tripliciter, verbis, pronuntiando, tractando. « Sapiens, qui omnia reipublicœ causa suscipienda peri.
Verbis commutabimus, quum, re semel dicta, iterura, cula putabit, sape ipse secum sicloquetur Non niilii
aut saepius aliis verbis, quœ idem valeant, eadem res pro- • soli, sed etiam, atque adeo multo potius, nains nam lU
frrelur, hoc modo: « Nullum tanluin est periculum, '|iio:l « patrix vita, qu<£ fato debetur, saluti patriœ potissimum
« ranti mes intérêts par des lois sages, de bonnes leur tour; et enfin la conclusion, sur laquelle
« mœurs, d'excellentes institutions. Puis-je lui nous avons donné, dans lesecond Livre, tous les
« témoigner assez de reconnaissance pour tant de détails nécessaires, en faisant voir comment il
« bienfaits? C'est parce que le sage se fait ce rai- fallait conclure une argumentation. Nous avons
«
sonnement, que souvent, dans les dangers de dit dans ce Livre même de quelle nature est la
« la république, j'ai affronté moi-même tous les figure de mots que l'on nomme la Conclusion.
< périls. » On varie aussi la pensée par le ton de XLIV. L'Expolition peut donc recevoir un
la phrase, en lui donnant la forme de l'interro- grand ornement de la réunion des figures de mots
gation, lorsque nous paraissons assez vivement et de pensées; elle peut d'ail leurs avoir sept parties.
émusuous-mêmespour émouvoir les autres. Par Mais je ne sortirai pas de mon précédent exemple,
exemple « Quel est l'homme assez dépourvu de afin de vous faire voir avec quelle facilité une
«
sentiments, dont l'âme soit assez rétrécie par idée simple se multiplie au moyen des préceptes
«
l'envie, pour ne pas se faire un plaisir de com- de l'art. Le sage ne reculera devant aucun dan-
«
bler d'éloges et de regarder comme le plus sage « ger pour
le service de la république, parce
« des hommes, celui qui, pour le salut de la pa- « qu'il est arrivé souvent que celui qui n'a pas

« trie, pour
la conservation des citoyens, pour les » voulu donner sa vie pour elle, a péri avec elle.
«
destinées publiques, s'expose courageusement Et puisque c'est de ia patrie que nous avons
« aux plus grands dangers et s'y précipite avec « reçu tous les biens que nous possédons, au-
« plaisir? Quant à moi, je ne puis réussir à louer cun sacrifice qui peut lui profiter ne doit nous
« un tel homme autant que je le voudrais, et je .1
paraître pénible. C'est donc une folie de fuir
« suis sûr que vous ressentez tous la même im- «
devant le danger auquel la patrie nous appelle,
« puissance. » car on n'évite pas les maux qu'on a redoutés
On peut donc dire la même chose de trois ma- « et
l'on fait preuve d'ingratitude. Mais ceux qui
nières différentes; l'expression, la prononciation, s'associent aux périls de la patrie, méritent le
le tour de la phrase; ce dernier sous la forme du n nom de sages; ils rendent à la république
dialogisme ou de l'interrogation. Mais quand on « l'hommage qu'ils lui doivent; et aiment mieux
veut parler de la même chose, il y a d'autres « mourir pour tous que
de mourir avec tous. Ne
moyens de varier le discours. Lorsque nous au- « serait-il pas souverainement injuste en effet,
rons exposé simplement notre pensée nous pour- « de rendre à la nature, qui vous l'arrache,
rons l'appuyer d'une preuve; puis, sans donner, « cette vie qu'elle ne vous a donnée que pour la
ou en donnant de nouvelles raisons, prononcer « mettre au service de la patrie, et de la refuser
une sentence, et la faire suivre des contraires « à la patrie, qui vous la demande? Quand vous
(ce dont nous avons parlé dans les figures de « pouvez mourir pour la république, avec cou-
mots). Nous emploierons ensuite la similitude et rage et avec gloire, vous aimeriez mieux de-
l'exemple dont nous développerons les règles à «
voir à votre lâcheté une vie ignominieuse Vous

« solvatur. Aluit haec me tute atque boneste produit rum exornationibus deinde simile et exemplum, de quo,
« usque ad hanc œtatem muniit meas rationes bonis legi- suo loco plura dicemus deinde conclusionem, de qiia
bus, optimis moribus, honestissimis disciplinis. Quid in secundo libro, quae opus fuerunt, diximus, denioii-
« est, quodamesatiseiei persolvi possit, unde lœc accepta strantcs, argumentationem quemadmodum coneltidere
n sunt? Quia hœc loqpitur secum sapiens, sœpe ego in oporteat. In hoc libro docuimus, cujusmodi esset exorua-
reipublicae nullum ipse periculum lugi. » Item tio verbi, cui conclusioni nomen est.
« periculis
mutatur res tractando, si traducilur ad exsuscilationem, XLIV. Ergo hujusmodivehementer ornata poterit esse
auditoris ani- expolitio quœ constabit ex frequentibus verborum exor-
quum et nos commoti dicere videamur, et
mum commovemus, sic: « Quis est tam tenui cogitatione nationibus et sententiarum.. Hoc modo igitur septein parti-
cujus animus tantis angnstiis invidiae conti- bus traclabitur. Sed ab ejusdem aententiae non recedemut
« prseditus
qui non hune hominem studiosissime laudet, et exemplo, ut scire possis, quam facile pracceptione rheto-
n netur,
sapientissimum judicet, qui pro salute patriœ, pro inco- rica res simplex multiplici ratione tractetur. » Sapiens
«
« lumitate civitatis, pro reipublicœ fortunis quamvis ma- .< nullum pro republicapericnlum vitabit; ideo quod saepe
« gnum atque atiox periculum studiose
li
suscipiat, et « fit, ut, quum pro republica perire noluerit, necessario
« benter
subeat? Equidem hune hominem magis cupio » cum republica pereat. Et quoniam sunt omnia eoramoda
« satis
laiidare, quam possum; idemque hoc certo scio « a patria accepta, nullum incommodum pre p;itria grave
usuvenire. » putandum est. Ergo qui ftiginnt id periculum, qnod pro
« vobis omnibus h
Eadem res igitur his tribus in dicendo commutabitur, « republica subeundum est, stulta faciunt. Nam neque
rebus, ferbis, pronuntiando, tractando sed tractando « eflugere incommoda possunt, et ingrati in civitatem re-
dupliciter, sermocinatione, et exsuscitatione.Sed de eadem « periuntur. At.qui patrisepericulasuopericuloexpetunt,
commutationibus. hi sapientes putandi sunt, quum et eum, quem debent,
re quum dicemus, pluribus utemur
«

Nam quum rem simpliciter pronuntiaveriraus, rationem ii


honorem reipublicae reddunt et pro multis perire ma-
polerimus subjicere deinde dupliciter, vel sine rationi- k lunt quam cum multis. Etenim vehementer est lui-
Ims, vel cum rationibus, prouuntiaresententiam deiude « quum
vitam, quam a natura acraptam propter palriim
aflerre contrariom de quibus omnibus diximus in verbo- « conservavçris,Mturac,qHumcogat,reddprcj patria,
• consentiriez à vous exposer .pour vgs amis, convenable d'en employer toutes les ressources
• pour vos parents pour tous ceux qui vous sont dans nos déclamations particulières; et de nous
« chers et vous refusez ce sacrifice à la répu- en servir dans nos discours véritables pour orner
blique, qui renferme tous les objets de vos l'argumentation, dont nous avons donné les rè-
« affections et à laquelle appartient ce nom
sacré gles dans le second Livre.
••
de patrie Si l'on doit mépriser celui qui, dans XLV. La Commoration s'arrête longtemps sur
« une traversée, aimerait mieux sauver sa vie le point essentiel qui fait le fond de la cause, et
« que le vaisseau lui-même, il ue faut pas moins y revient souvent l'emploi en est avantageux,
« blâmer celui qui, dans les périls de l'État, et les bons orateurs y ont surtout recours. Car il
« songe
plus à son satut qu'au salut commun. n'est pas au pouvoir de l'auditeur de distraire
« Quand le vaisseau périt, encore parvient-on son attention d'une pensée qui se présente si for-
• souvent à échapper au naufrage mais quand te. Nous ne pouvons pas donner un exemple bien
« la tempête engloutit la république, personne précis de cette espèce de figure, parce qu'elle ne
«
n'échappe à sa fureur. C'est ce que Décius avait forme pas uue partie distincte dans la composi-
« bien compris, lorsqu'il se dévoua pour les tion ce n'est point un membre séparé, c'est
« légions, et se précipita au milieu des ennemis. plutôt le sang qui circule dans le corps entier
Sa vie fut sacrifiée mais non pas perdue; il du discours.
racheta au prix de ce bien périssable et fragile L'Antithèse met les contraires en regard.
quelque chose de durable et de grand. Il donna Elle consiste ou dans les mots, comme nous l'a-
• ses jours, et reçut sa patrie en échange; s'il vons vu; par exemple « Si vous vous montrez
perdit l'existence, il trouva la gloire; et cette « clément envers vos ennemis, et inexorable en-
gloire, transmise par les siècles, brille cha- « vers vos amis. » Ou dans les pensées, comme
« que jour davantage en vieillissant. Si donc la « Vous déplorez ses infortunes lui se réjouit du
« raison nous démontre, qu'il faut nous exposer « malheur de la république. Vous vous défiez de
aux dangers pour le service de la patrie; si « vos ressources lui n'en a que plus de confiance
les exemples nous le prouvent, nous devons re- « dans ses seuls moyens. » La différence entre ces
«
garder comme sages ceux qui n'en redoutent deux antithèses, c'est que l'une consiste dans
« aucun lorsqu'il y va du salut de leur pays. » une rapide opposition de mots; l'autre, dans la
Telles sont les différentes manières de traiter comparaisonentre des pensées contraires.
de l'Expolition nous nous y sommes arrêtés La Similitude est une figure qui appliqueà une
longtemps et nous avons développé longuement chose un trait appartenant à une chose contraire.
cette matière, d'abord parce qu'elle donne à no- On s'en sert ou pour orner, ou pour prouver, ou
tre cause beaucoup de force et d'éclat, ensuite pour éclafrtrir la pensée, ou pour la mettre sous
parce que c'est l'exercice qui peut nous perfec- les yeux. Et comme on l'emploie dans quatre cir-
tionner le plus dans l'élocution. Il sera donc constances, on en distingue aussi quatre espèces,

quum roget, non dure; et quum possis eu summa vir- elocutionis facultatem. Quare couveniet extra causam in
tute et honore pro patria interire, malle per dedecus et exercendo rationes adbibere expolitionis, in dicendo uti,
« ignaviam vivere; et quam pro amicis et
parentihus et qunm exornabiinusargumentalioncm, de qua diximus in
« ceteris necessariis adire periculum velis, pro republica, libro secundo.
in qua et h«ec, et illud sanctissimum nomen patrie con- XLV. Commoratio est, quum in loco firmissimo, qno
« linentur, nolle in discrimen venire. Itaque uti contem- tota causa continetur, manelur diutius, et eotlem ssepius
« nendus est, qui in navigando se, quam navim, mamll reditur. Hac uti maxime convenit, et id est oratoris boni
« incolumem ita vituperandus, qui in reipublicae discri- maxime proprium. Non enim datur auditori potestas ani-
« mine, suœ plus, quam communi saluti, consulit. Nave mum de re firmissima dimovendi. Huic exemplum satis
enim fracta, multi incolnmes evaserunt ex naulragio idoneum suhjici non potuit, propterea qund hic locns non
patriae salvus nemo potest enatare. Qnod mihi bene vi- est tota causa separatus, siculi membrum aliquod, sed
« detur Decius intellexisse, qui se devovisse dicitur, et tanquam sanguis, perfusus est per totum corpus orationis.
pro légion ibus in hostes immisisse medios unde amisit Contentio est, pet quam contraria referuntur. Ea est in
verbornm exornationibus ut ante docuimus, ejusmodi
« vitam; at non
perdidit: re enim vilissima certain, et
« pai va maximam redemit. Dedit vitam, accepit patriam « Inimicis te placabilem,amicis inexorabilem praebes. » In
amisit animam, potitus est gloria, qua! cum summa seutenliarum liujusmodi « Vos liujus incommodis luge-
« lauilc prodita vetustate quotidie magis enitescit. Quod « tis, iste reipublicae calamitate Isetatur. Vos vestris for.
« si pro republi(a debere accédera ad periculum, et ratione « tunis difliditis, iste soins suis eo magis contidit. » Inter
«
demonstratumest, et exemplo comprobalum, ii sapien- hxcduo contentionum genera hoc interest illud ex verbis
« tes suut existimandi, qui nullum pro salute patriae peri- celeriterrelatis constat; hic seiilentiîe contrarias ex coinpa-
vitant. » in his igitnr generibus expolitio versa- ralione referaiitur oportet.
« eu Iran
tur, de qua producti sumus ut plura diceremns, qnod Similitudo est oratio traducensad rem qtiampiamaliipiid
nun modo, quum causam dicimus, adjuvat et exornat ex re dispari simile. Ea sinnitiir aot ornandi causa, ant
jraliuiKin, scd inullo maxime per eam exciceuiur ad prohandi, aut apertius diceudi, aut ante oculus poncudi.
qui se font par les contraires, par la négation s l'on admet qu'un cheval même ne peut être
si
par un rapprochement ou succinct ou détaillé. utile
u s'il n'est pas dompté. Cette espèce de simi-
Nous allons donner des exemples de chacune Ilitude est donc employée comme preuve; c'est la

de ces espèces de similitude. similitude


s par négation. Elle est facile à recon-
XLVI. La similitude par les contraires ne sert naître
r dès le premier mot de la phrase.
qu'à l'ornement. Ce n'est pas comme dans les XLVII. On se sert de la similitude par un
jeux où l'athlète qui prend le tlambeau ardent, rapprochement
r succinct, quand on veut rendre
est plus agile à la course que celui dont il le s pensée plus claire; par exemple
sa « Dans le
reçoit; le nouveau général qui prend le com- «• commerce de l'amitié, il ne faut pas, commee
«
mandement d'une armée ne vaut pas celui qui «« dans le combat de la course, ne faire que les ef-
« se retire. En effet, le coureur est fatigué
quand •• forts indispensables pour parvenir au but; il
il remet le flambeau à son successeur qui a toutes «•
faut employer son zèle et ses forces pour le
dépasser. Cette similitude a pour objet de
«
«' ses forces; ici, c'est un général expérimentéqui «•
» confie son armée à un général sans expérience. » rendre
1 plus évidente l'erreur de ceux qui pré-
Cette pensée pouvait être rendue d'une manière 1 tendraient, par exemple, que l'on a tort de
assez claire et assez évidente, en supprimant la 1 prendre soin des enfants d'un ami quand ils ont
similitude; on pouvait dire « Les généraux qui perdu leur père car elle montre que si un coureur
« prennent le commandement d'une armée sont n'a besoin que du degré de vitesse nécessaire
« moins
bons d'ordinaireque ceux qu'ils rempla- pour arriver jusqu'au but, un ami doit avoir as-
« cent.
» Mnis on fait usage de la similitude pour sez de tendresse pour en donner encoredes témoi-
orner le style, et lui donner plus d'éclat. C'est gnages à celui qui en est l'objet, même lorsqu'il
ici une similitude par les contraires; car cette si- ne peut plus en jouir. C'est une similitude abré-
militude consiste à trouver une chose, différente gée. Ici en effet, la comparaisonn'est pas, comme
de celle qu'on montre véritable, comme nous dans les autres similitudes, détachée de la pensée
l'avons vu tout à l'heure, dans l'exemple pris des qu'elle complète, mais elle s'y trouve réunie et
coureurs. On emploie la similitude par négation, confondue. Quand on veut mettre une chose sous
comme moyen de preuve. Par exemple « Ni un les yeux, on emploie la similitude développée;
«
cheval indompté, malgré ses bonnes qualités par exemple « Voici un joueur de cithare qui
«
naturelles, ne peut rendre les services que l'on «
s'avance couvert d'habits somptueux; sa robe
« attend d'un cheval; ni un homme ignorant, est tissue d'or sa clamyde, bordée de pourpre,
esprit, ne peut arriver à un « est nuancée de mille couleurs; il porte une
« quel que soit son
n vrai mérite. » La comparaison sert ici de preuve « couronne d'or étincelante de belles et brillantes
à la chose; car il devient plus vraisemblable que « pierreries; il tient à la main un instrument en-
le mérite ne peut s'acquérir sans la science, « richi d'or et d'ivoire; son extérieur, sa beauté,

Et quomodo quatuor de causis sumitur, ita quatuor modis quidem indomitus idoneus possit esse. Ergo sumtum est
dicitur: per contrarhim per negationem per brevitatem,t prohandi causa. Dictum est au tem per negationem id enim
per collationeth. Ad -unamquamque sumenda; causam si- perspicnum est de primo similitudinisverbo.
militiiilinis accommodabimus singtilos modos pronun- XLVII. Sumetur et, apertius dicendi causa, similitude
tiandi. per brevitatem hoc modo In amicitia gerenda, sicul in
XI/VI. Ornandi causa sumilur per conlrariiimr sic « certamiuecinrendi non ita convenit exerceri, ut, quoad
« Non enim, quemadmodum in palœstra qui Uedas ar- « necesse sit, pervenire possis; sed ut productus studio,
« dentés accipit, ederior est in cm su continuo, quam ille, « et viribus ultra facile procurras. » Nam hoc simile est,
« qui tradil ita nielior imperator novus qui accipit exer- ut apertius intelligatur, mala ratione facerc qui rcprehen-
« citnm quam ille, qui
decedit propterea quod defatiga- dant eos, qui, verbi causa, post mortem amici liberos
« tus cursor integro facem, liicperitus imperator imperito ejus custodianl, propterea qnod in cursore tantum velo-
« exercitum tradit. » Hoc sine simili satis plane, et per- citatis esse opnrteat ut cflciatur usque ad finem; in amico
spicue, et probabiliter dici potuit, hoc modo Minus tantnm benivolentiie ut ultra, quam amicus sentire pos-
<> bonos imperatores a melioribus exercitum accipere sit, procurrat amicitiœ studio. Dictum autem simile est
« solere » sed ornandi causa simile snmtum est, ut per brevitatem: non enim ita, ut in ceteris rebus, res ab
orationi dignitas quœdam compararetur. Dictum est autem re separata est, sed utraque res conjuncte et confuse
per conlrariiim. Nam tune similitudo sumitur per contra- comparata. Ante oculos ponendi negotii causa sumetur si-
rium, qunm ci rei, quam nos probamus aliquam rem ne- militudo quum dicetur per collationem, sic Uti cilua-
gamus esse similem, ut paullo ante, quum de cursoribus « rœdus, quum prodierit optime vestitus, palla inaurata
dissercbanuis. Per negationem dicetur, probandi causa, « indutus, cum chlamyde purpurea, coloribus variis in-
hoc modo « Neque equus indomitus, quamvis natura texta, et cum corona aurea, magnis fulgentibus gemmis
bene cornpositus sit, idoneus potest esse: ad eas utilita- « illuminata citharam tenens exornatissimam, auro et
« les, quai desiderantur ab equo; neqne homo indoctus, « ebore distinctam, ipse praUerca forma et specie sit et
« quamvis sit ingcniosus,ad virtutem potest n statura apposita ad dignitatem si, quum magnam populo
pervenire. »
Hocprohabiliusfactum est; quod magis est verisimile,non n comnioverit bis rebus exspectationem, repente sileutio
posse vil tiilem sine doctrina comparai ï quoniam ne equul « facto vocem emittat acerliis&imam cum turpissimo cor-
« sa taille le distinguent encore. Au mil;eu de sente s souvent les êtres animés et inanimés, muets
l'attente excitée par tout cet appareil, dans le et t doués de la parole, féroces et apprivoisés; tout
.•
ce
• piofond silence qui s'est fait tout à coup, s'il < qui peuple la terre, le ciel et les eaux; les
< arrive que cet homme ne fait entendre qu'une ouvrages de l'homme, du hasard, de la nature;
(
ce
« voix criarde, accompagnée du geste le plus < qui est ordinaire ou merveilleux s'il cherche
trivial, il sera chassé avec d'autant plus de dé- dans tout cela des similitudes qui puissent rendre
rision et de mépris, qu'il avait affiché plus d'é-
« clat et causé plus d'impatience. De même, si un
la pensée plus élégante, plus instructive, plus
frappante, la mettre enfin sous les yeux. Il n'est
« homme d'une haute naissance, d'une opulence pas nécessaire en effet que la similitude s'étende
«
extrême, comblé de tous Ics dons de la fortune à à toutes les parties d'un objet; il suffit qu'elle
« et de tous les avantages de la nature, a négligé
soit exacte au point de vut qu'on choisit.
la vertu et les arts qui en tracent la route; plusi XLIX. L'Exemple est l'exposition d'un fait ou
• la possession de tant de brillants avantagess d'une parole dont on peut nommer l'auteur véri-
«
l'aura rendu célèbre, et aura fait naître l'at- table. On l'emploie par les mêmes motifs que la
tente, plus il sera couvert de ridicule et de mé- similitude. Il orne la pensée, lorsqu'on ne veut
pris, et chassé honteusement de la société des pas le faire servir à autre chose <|uïi l'élégance.
« gens de bien. Ce genre de similitude, en nouss II la rend plus claire, en ce qu'il jette plus de
présentant le parallèle ainsi détaillé de l'igno- jour sur ce qui était obscur plus probable, en ce
rance de l'un, et de la sottise de l'autre, mett qu'il ajoute à la vraisemblance; enfin il met la
la chose sous les yeux de tout le monde. On laa chose devant les yeux, parce qu'il en exprime
nomme similitude de détails, parce que la com- les circonstances avec tant de clarté, qu'il la
paraison une fois établie, toutes les parties se cor- fait, pour ainsi dire, toucher au doigt. Nous au-
respondent. rions accompagné cette définition d'un exemple
r
XLVIII. Dans les similitudes, il faut avoir de chaque espèce, si nous n'avions déjà fait
grand soin de n'employer que les termes les pluss voir, à propos de l'exposition, en quoi consiste
propres à bien faire ressortir, par leur ressem- l'exemple, et indiqué, dans la similitude, quels
blance, la conformité de l'objet pris pour termee sont les motifs qui le doivent faire employer.
de comparaison, avec celui qu'on y veut rapporter. Nous n'avons donc voulu cette fois, ni en dire
Par exemple De même que les hirondelles nouss trop peu, dans la crainte de n'être pas compris,
« arrivent avec la belle saison, et s'envolent auxk. ni nous y étendre plus longuement, l'ayant fait
i.
« atteintes du froid; nous suivons la même fi. assez comprendre.
gure et nous disons par métaphore ainsi less L'Image est le rapport d'un objet avec un
«
faux amis nous arrivent quand le ciel est serein, autre, exprimé par une espèce de similitude. On
« et
s'envolent tous au premier souffle rigoureuxk s'en sert pour l'éloge, ou pour le blâme. Pour
« de la fortune. »llserafacile à l'orateur de trou- l'éloge, comme dans cet exemple « II marchait
ver des similitudes, si son imagination se repré- au combat, avec la force du taureau le plus

« poris motu; quo melius ornatus et magis fuerit exspe-!• suelas terrestres et adeptes et raarilimas artilicio casu
ctaLus, eo magis derisus etcontemlus, ejicitur ita si si natura comparatas, usitatas atque inusitatas, fréquenter
« quis in excelso loco, et in
is anle oculos poterit ponere, et ex his aliquam venari simi-
magnis ac locupletibus copiis
>
collocatus, fortunœ muneribus, et natiiiœ commodis is li ludinem quie aut omare aut docere, aut apei-tiorem rem
omnibus abundabit si virtutis,et artium, quae virtutis s facei'e, aut ponere anle oculos possit. Non cniin res tota
»
t magistrae sunt, egebit; quo magis céleris s toli rei necesse est similis sit, sed ad ipsum, ad quod con-
rebus copîostis
ft
erit, et illustns et exspectatus, eo veliementius derisus :s ferelur, similitudinem habeatoporlet.
etcontemtus, ex omni conventu bonorarn ejicietur. Hoc ic XLIX. Exemplum est alicujus facli, aut dicti praetc-
•r
i- riti, cum certi auctoiïs nomine proposito. Id sumitnr iisdei!?
simile exornatione utriusqne rei, et atterius inerliac arïili-
rjs alterius stultitia simili ratione collata, sub adspectum n de cansis, quibus siniilitudo. lîfm ornatiorem facit, quum
omnium rem subjecit. Dictum antem est per collationem, nullius rei, nisi dignitatis, causa sumitur apertiorem,t
propterea quod, proposila similitudine, pana sunt omiiiaa quum id quod sit obscui'ius magis dilucidum reddit pin-
relata. babiliorem, quum magis verisimilem facit ante oculog
XLVII1. tn similibus observare oportebit diligenter, r, ponit quuin exprimitonmia perspicne, ut res prope dicam
nt, quum rem alîeramua similem, cujus rei causa simili- i- manu tentari possit. Uniuscujusquegeneris singula subje-
i-
tudinein au utérines, verba quoque ad similitudinem lia- cissemus exempla, nisi exemplum, quod genus esset,in
beamus accommodata. Id est hujusmodi « Ut hirundincs is expolitione demonstrassemus, et causas sumendi in simi-
astivo tempore prasto sunt, frigore pulsae recedunt. »» litudine aperuissemus. Quare noluûnus neque pauca, quo
Ex eadem similitudine nunc per translationem verba su-i- minus intelligeretur, neque, re intellecta, plura conscri-
rnimus Ita falsiamici sereno vite tempore presto sunt; I; bere.
hiemem fortunée viderint devolant omnes. » Imago est forma- cum forma cum quadam siniilittidine
« simul atque
Sed inventio similium facilis erit, si quis sibi omnes res es collatio. IJa'C sumitur aut taudis, aut vituperationis causa.
Mnnulaaet iiianimatas, niulasct Iwjucules. leraseï man-i- JLandts causa, sic « Ibat iiipr^lium, eprpore tauii valiclis-
fougueux et l'impétuosité du lion le plus ter- «« regarde. Ne semble-t-il pas vous dire Je vous
« rible. » Pour le blâme, et dans l'intention «« donnerais volontiers, si vous nem'importunieï
d'exciter la haine, l'envie ou le mépris; la haine, »« pas. Mais quand il tient son menton de la main
parexemple « Cemonstreseglissetous les jours «« gauche, il croit éblouir tous les yeux par l'é-,
< au milieu de la place publique, comme un dra- «• clat
de sa pierre précieuse et la splendeur de
• gon à la crête sanglante, aux dents aiguës, au «• l'or. Lorsqu'il appelle ce seul esclave, que je
« regard empoisonné, it l'haleine fétide; il pro- «• connais, et que je ne pense pas que vous con-
mène ses yeux çà et là, cherchant une -victime «• naissiez, il lui donne tantôt un nom, tantôt un
« sur laquelle il puisse souffler une partie de son «autre.

Holà! Sannion, lui dit-il, viens ici;
« venin, qu'il puisse déchirer de ses dents, cou- « veille à ce que ces barbares ne dérangent rien.
« vrir de son écume. > Pour exciter l'envie, par « II veut faire croire aux étrangers que c'est un
exemple « Cet homme qui vante ses richesses, « esclave choisi parmi tous les autres. Il lui dit

«
courbé, accablé sous le poids de son or, crie et ensuite à l'oreille de dresser les lits de la table,
jure comme un prêtre phrygien ou comme un d'aller demander à son oncle un Éthiopien
«
devin. » Pour exciter le mépris Ce malheu- pour l'accompagner aux bains, ou de faire pla-
« reux,
qui, semblable au limaçon, se cache dans « cer devant sa porte un cheval de prix, ou de

« sa
coquille et y reste en silence, on l'emporte préparer enfin quelque fragile simulacre de sa
« avec sa maison et on le mange. » « fausse gloire. Ensuite il crie à haute voix, pour
Le Portrait consiste à représenter par les pa- « que tout le monde l'entende Fais en sorte que
roles l'extérieur d'une personne de manière à la « l'argent soit compté soigneusement avant la
faire reconnaître; par exemple Je
parle, ju- «
nuit, si cela est possible. L'esclave, qui connaît
• ges, de cet homme rouge, petit,
courbé, aux « déjà le caractère de notre homme, lui répond

«
cheveux blancs et crépus, aux yeux de hibou, « II faut envoyerplusieursesclaves, si vous voulez
« que toute cette somme soit apportée chez vous
« qui a une
grande cicatrice au menton peut-
être vous le rappellerez- vous. Cette figure est
très-utile, quand on veut faire reconnaître quel-
« dans la journée. Eh bien va, reprend celui-
« ci emmène avectoi Libanius et Sosie Jevais
qu'un et très-gracieuse, quand elle présente
une peinture rapide et fidèle.
L. L'Éthopée décrit un caractère par certains
traits, qui, semblables à des signes particuliers,
sont le propre de sa nature. Voulez-vous peindre
i « le faire. Une autre fois, il voit par hasard ve-
« nir à lui des étrangers qui l'ont accueilli magni-
fiquement pendant ses voyages. Quoique cette
« rencontre le trouble, il ne sort pas pour cela de
« son caractère. Vous faites bien de venir, leur
par exemple l'homme qui, sans être riche, s'en « dit-il, mais vous auriez mieux fait d'aller tout
donne les apparences, vous direz « Cet homme,
juges, qui s'imagine qu'il est beau de passer
pour riche, voyez d'abord de quel œil il nousi
• « droit chez moi. Nous n'y aurions pas manqué,
« répondent les étrangers, si nous avions connu
votre demeure. -Mais il était facile de vous la

« simi, impetuleonisacerrimisiniilis.» Vituperationis, utt « prattlarum, primum nunc videte, quo vultu nos intuea-
in odium, aut in invidiam, aut in contemtionem adducat. « tur. Nonne vobis videtur dicere Darem, si mihi molesti
Ut in odium, hoc modo « Isle quotidieper forum medium) « non essetis? Quum vero sinistra mentum sublevat,
tanquam jubatus draco serpit, dentibus aduncis, ad- u existimat se gemmœ nitore et auri splendore adspectus
spectu venenato, spiritu rabido, circumspectans hue ett «omniumpreestrbigere. Quumpuerumrespicithuncunum,
• illuc, si quem reperiat, cui aliquid mali faucibusafflare, quem ego novi (vos non arbitror novisse), alio nomine
ore attingere, dentibus insecare, lingua adspergere» appellat, deinde alio atque aUo. Heus tu, inquit, veni,
« possit Ut in invidiam adducat, hoc modo « lste Sannio, ne quid isti barbari turbent ut ignoti, qui
« qui divitias suas jactat sicut gallus e Phrygia aut ha- « audiunt, unumputeut eligi de multis. Ei dicit inaurem,
• rioius quispiam, depressus et oneratus auro, clamat, « ut aut domi lectuli sternantur, aut ab avunculo rogetur
« et dejerat. » Ut in contemtionemadducat, sic Iste, <• /Ethiops, qui ad balneas veniat, ant asturconi locus ante
qui tanquam cochlea, abscondens et retentans sese taci- ostium suum detur, aut aliquod fragile falsae choragium
• tus, cum domo sua totus, ut comedatur, aufertur. »
Ellictio est, quum exprimitur et effingilur verbis oor-
'
«
glorke comparetur. Deinde exclamât, utomnesaudiant:
Videto, utdiligenter numeretur, si potest, ante noctem.
poris cujuspiam forma, quod satis sit ad intelligendam, « Puer, quijam bene hominis naturam novit, Tu illo pl ures
hoc modo « Hune dico, judices, rubrnm brevem, in- i- mitlas oportet, inquit, si hodie vis transnumerari. Age,
« curvum canum, subcrispum, caesium, cui sane magnaa inquit, duc tecum Libanum et Sosiam. Sane. Deinde
fi est
in mento cicatrix, si quo modo potest vobis in me- « « easti veniunt hospites homini, qui istum splendide, dum
« moriam redire. » Habet haec exornatioquum ulilitatem, « peregrinaretur receperant. Ex ea re homo hercle sane
si quem velis demonstrare; tum venustatem, si breviterr conturbatur sed tamen a vitio nalunenon recedit. Bene,
et dilucide facta est. « inquit, facitis quum venitis sed rectius fecissetis, si
L. Nolatio est, quum alicujus natura certis describiturr «
ad me domum recta abiissetis. Id fccissemus inqlliuot
signis,qLic,6icutinot£equœdam, naturae suntattributa.Utt t « illi
si domum novissemus.At istud quidem facile fuit
si,velis non divitem, sed ostentatotempecuniaedescribere «
undelibet invenire verum ite mecum. S«niuntur illi.
« Iste,
iuquies judices, qui, se dici divitem, pntal eseee Il
Sermo interea tuijus consumitur uuutis in ustenla-
« faire
indiquer par le premier venu. – Venez, au «
réclame l'argenterie. Celui qui l'avait prêtée
« reste, avec moi. Ceux-ci le suivent. Chemin fai- «
n'était pas tranquille. Comment, s'écrie celui-
« saut toute sa
conversationaccuse sa vanité; il « ci, je lui ai prêté ma maison, mes esclaves, et il
« demande en quel état est la moisson, disant qu'il « veut encore ma vaisselle? Eh bien! quoique je
» ne peut aller dans ses terres, parceque ses mai- reçoive moi-même, qu'il l'cmporte la vaisselle
«
sons de campagne ont été brûlées et qu'il n'ose « de Samos nous suffira. Pourquoi vous raconter
pas encore les faire rebâtir j'ai cependantcom- « ce qu'il fait ensuite? Un homme de ce carac-
« mencé ajoute-t-il, à faire cette folie dans mon « tère fait chaque jour tant de choses par os-
« bien de Tusculum je reconstruis sur lesanciens « tentation et par vanité, qu'une année suffirait à
fondements. » « peine pour les redire. Ces éthopées qui décri-
LI. « Tout en parlant de la sorte, il les amène vent les traits distinctifs de chaque caractère,
« dans une maison où doit avoir lieu ce jour-là répandent un grand charmedans le discours. On
• même un banquet. Il en connaît le maitre et y peut mettre aussi sous les yeux toutes les natures
fait entrer les étrangers. C'est ici ma demeure, particulières celle du glorieux, comme nous
leur dit-il. il voit l'argenterie sur la table, les venons de le faire; celle de l'envieux, du lâche,
lits préparés; il en témoigne sa satisfaction. Un de l'avare, de l'ambitieux, de l'amoureux, du dé-
<
petit esclave s'avance, et lui dit tout bas que
bauché, du fripon, du délateur. Cette figure
qu'il faut qu'il se retire. peut mettre en évidence la passion dominante
« son maitre va paraître
« Allons, mes amis, suivez-moi; mon frèrearrive de chacun.
de Salerne, je vais àsa rencontre; revenez ici LU. Le Dialogisme est une figure par laquelle
« à
dix heures. Les étrangers sortent; lui va se on met dans la bouche d'une personne un dis-
« renfermera à la hâte dans sa maison. Les autres cours convenable à sa situation. Par exem-

• rcviennent à l'heure
qu'on leur a fixée ils le ple « Lorsque la ville regorgeait de soldats,
«
demandent, ils apprennent alors à qui appar- « et que tous les habitants saisis de crainte se te-
« tient la maison, et se retirent pleins de conf'u- « naient cachés dans leurs maisons, cet homme

« sion
dans une hôtellerie, Le lendemain ils aper- « parait en habit de guerre, l'épée au côté, le ja-
« çoivent
leur hôte, lui racontent leur aventure, « velot à la main. Ciuqjeunes gens arméscomme
> se
plaignentet t'accusent. Il répond que c'est la « lui marchent à sa suite. Il se précipite dans la
« ressemblance des lieux qui les a trompés, qu'ils « maison, et s'écrie d'une voix formidable Où est
•< ont pris une rue pour l'autre qu'il s'est rendu « l'heureux
mortel, maitre de ces lieux? Que ne
malade à les attendre une grande partie de la « se présente-t-il à l'instant devant moi ? d'où
nuit. Dans l'intervalle il a chargé Sannion de « vient ce silence? Tout le monde est muet de
« réunir de la vaisselle, des tapis, des esclaves. « frayeur; seule, l'épouse de cet infortuné, bai-
« L'csclavequi ne manque pas d'intelligcncc, s'cst « guée de larmes, se jette aux pieds du vain-
vite et bien acquitté de la commission. Notre «queur Épargnez-nous, lui dit-elle au nom
« faux riche conduit les étrangers chez lui; il leur « de ce que vous avez de plus cher au monde,
« dit qu'il a prêté son palais à un de ses amis pour « prenez pitié de nous; ne frappez pas des gens
y célébrer des noces. Son esclave l'avertit qu'on « à demi morts; soyez compatissant dans la for-
«

tione. Quxi'il
se, quia villa;
in iste
agris cujusmodi frumenta sint nr-gal ¡
iiicensa; siiit, accedeie posso, nec itdili-
hospites domrnn deducit. Ait se œdes maximas cui-
li- « damamico admipliascommodasse.Nuntiat puer. argen-
« raie cliam mine anilere;
lainetsi in Tusculano quidein « faim rcpcli(pertimucialenim, qui commodaral). Apa-
« cu'pi insanire, et in iisdem riiiidanientis aidificute. « gelé, in[|uil,.Tdescoinmodavi,familiam dedi argeutmn
Ll. « Dnm lira loquilur, vciiit in aides quasdain, m « quoqvie viilt? tametsi hospites habco, tamen ulatur
« quibus sudalitium eral codern die fiitunun quo iste pro licet, nos Samiis deleclahimiir. Quid ego, quae deinde
« m.litia domini wliiiin ingreditur cum Im.spititiiis. Hic, « efïîriat, nairein? ejusmodi est
hominis natura, ut,qii;i'
iiiquit, liabilo. Pei-spicil argentum, quod oral cxposilinn, « singulis diebus efficiat gloria atque ostentatione, ea vix
• Incliuiiiili slratiim probut. Accedit sci-vuliis: ilicit ho- •• annuo sermone enarrare possim. » Hujusinodi notationes
mini elam duminumjamvcntiiruin, si vclit «ire. liane? quiu describuut, quid conseil taneu sit uniuscujusque
« inqiiit; camus, hospilcs; dater venit ex Salcrno egoi naturïrs velKunenter babent magnam delectationem. To-
« illi obvia.m pergam vos hue decuma venitote. Hospites tam onim naturam cujuspiam pouunt ante oeulos, aut glo-
» disccilunt. lito seraplim domurnsuain conjicit illi de iic>si ut nos, exempli causa, oœperamus, aut invkli aut

« cuma, quo jusserat, veniunt. Qiumint hune. Repcriiuit,


limidi, ant avari, ainbitiosi amatoris, luxiiriosi, furis
domus cuja sit in deverfiorium derisi courcrunt sese. qiiaili'iiplatoris denique cujusvis stuiliuin piotralU potest

i
« Vident hominem postera die narrant, einostulunt, ac- iu iiiediuin tali notatione.
cusant. Ait irfe, eos, simililiidine loci deceptos, angi- LU. Sermocinatio est, quum alicui pcrsonîË sermo at.
porto luto décriasse se contra \alitiuliuem suam ad tiibuilur, et is exponittir cum ralionc di^nitalis, hoc paelo
« noelei» niultani exspectasse. Sanniuni puero ne^otinni « Quum mililibus urbs rcdundai'et, et omnes liniore op-
« dederat, ut vasa,
vestiraenta, nucros corrogartït. Scrvu- a pressi domi coulinercntur, venit istc cum sago, gladio
• hic non iiuirlianus satis slri'iiue et <oin:iiiiie comparai suecindus, tenens jarulinn <|iiiniiue adolescentes uo-
A HÉREKNIUS, LIV. IV.
ILIkl, L.I l II. 3|1
tune; nous aussi nous avons été heureux; son- «
mille allait prononcer encore quelques mots di-
« gez que vous êtes homme. Mais celui-ci Livre- « gnes de son courage, il lui plonge son épée
« moi ton époux et cesse de me fatiguer les oreilles « dans le sein. » Je crois que, dans cet exemple,
« par tes lamentations.
Il ne m'échappera pas. On on a donné à chacun un langage convenable, ce
« annonce au mari que sa
maison est envahie qu'il faut avoir soin de faire dans cette figure.
par un homme qui la fait retentir de menaces 11 y a encore des dialogismes par induction.

« de mort. A cette nouvelle Gorgias, dit-il, fidèle Ainsi « Que devons-nous penser que l'on dise,
« serviteur
de mes enfants, cachez-les, protégez- « si vous portez ce jugement?
Tout le monde
« les,
faites qu'ils puissent arriver à l'adolescence. « ne dirait-il pas, etc. » Et l'on suppose ensuite
«
avait à peine achevé, que son ennemi lui le discours.
adressant la parole Tu as l'audace de me faire LIII. La Prosopopée est une figure par la-
«
attendre? Ma voix ne t'a pas anéanti? Viens quelle on met en scène une personne absente,
assouvir ma haine; viens, que ma colère se ras- et l'on donne un langage ou une forme aux cho.
« sasie de ton sang.
Le vieillard faisant un noble ses muettes, aux êtres abstraits, en les faisant
effort Je craignais, dit-il, d'être compléte- parler ou agir d'une façon convenable. Par
« ment vaincu;
mais je le vois, tu ne veux pas exemple «
Si notre Rome invincible élevait la
paraître avec moi devant les tribunaux, où la « voix, ne vous dirait-elle pas
Malgré ces nom-
« défaite est honteuse et le
triomphe honorable; « breux trophées qui font ma gloire, malgré les
« tu veux me tuer.
Eh bien je périrai assassiné, « triomphes éclatants qui m'enrichissent,malgré
• mais non pas vaincu. Quoi! réplique le barbare, «
les victoires dont l'éclat m'enorgueillit, 6 ci-
« à ton heure
dernière, tu parles encore par sen- « toyens, vos séditions vont me perdre. Moi que
« tences ?et tu ne veux pas
supplier celui qui l'em- les ruses de la perfide Carthage, les forces
« porte sur toi? Hélas! il vous implore, il vous « éprouvées de Numance, le génie et la science
« supplie s'écrie la femme; laissez-vous émou- « de Corinthe n'ont pu ébranler, souffrirez-vous
« voir et vous, mon
époux, au nom des dieux, •< que je sois détruite aujourd'hui et foulée aux
« embrassez ses genoux.
Il est votre maître, il « piedspar lesplus
méprisables des hommes? •> –
« vous a vaincu,
c'est à vous de vous vaincre vous- Ou bien Si L. Brutus revenait à la Vie, et
même. Pourquoi ne pas mettre fin, chère « qu'il parût devant vous, ne vous adresserait-il
«
«
épouse, à des discours indignes de moi? N'a- « pas ce
langage? Moi j'ai chassé les rois; vous,
« joutez pas un mot, et songez
à votre devoir. « vous introduisez
les tyrans moi, je vous ai
« donné la liberté, que vous ne connaissiez pas;
i Et toi, que tardes-tu à m'arracher la vie, et à te
condamner par ce meurtre à toute une carrière « vous qui la possédez maintenant, vous ne vou-
de crimes? Le vainqueur repousse la femme qui •<lez pas la conserver moi, j'ai délivré ma pa-
«
continuait de gémir; et comme le père de fa- trie au péril de mes jours, et vous, qui pour-
« miiiem simili ornaïu subsequuntur. Irrumpit in aedes « desinis, inqnit, uxor, loqui, qusp. me digna non sunt?
« snbito deinde magna voce Ubi est iste bcatus1, inquit « Tace et quœ curanda sunt cura. Tu cessas mihi vitam
« ecdiutn dominus? quin mihi prrcsto fit? quid tacetis? Hjc tibi omnem bene vivendi spem mea morte eripere? Jsle
« alii omnes stupidi timoré obmutuerunt. Uxor illius infe- « mulierem repulitab se lamentantem illi nescio quid in-
licissimi cum maximo fletu ad islius pedes abjecit sese. « cipienti dicere, quod dignum videlicet illius virtute esset,
Parce, inquit, et per ea, quœ tibi dulcissima sunt in « gladium in latere defixit. « Puto in hoc exemplo dalos
vita, miserere nostri; noli exstinguere exstinclos fer esse unieuique sermoncs ad dignitatem accommodatos
« munsuete tortunam; nos quoque fuimus beati nosce te quod oportet in hoc genere observare. Sunt item sermoci-
« esse hominem. At ille Quin mum mihi datis, ac vos au-
nationes consequentes hoc genus « Nam qnid putamus
« ribusroeis opplorare desiuitis? non abihit. Illi nnntiatur « illos dicturos, si hoc judicaveritis ? Nonne hac omnes
interea venisse istum, et clamore maximo mortcm mi- « utentur oratione ? » Deinde subjicere sermonem.
« nari. Quod simul ut audivit Heus, inquit, Gorgia, pe- LIII. Conl'ormatioest, quumaliqua,qua3nonadest, per-
« diseque puerorum, absconde pueros; défende; fac, ut sona confingitur, quasi adsit, aut quum resmula, aut înfor-
« incolumes ad adolescentiam perducas. Vix haec dixerat, inis,fit eloquenset formata,et eioratioattribuiturad digni ta-
« quiim ecce isleprsesto, Sedes, inquit, audax? non vox tem accommodata, aut actio quaedam, hoc pacto <• Quod
mea tibi vitam ademit? Esple inimicitias meas, et ira- « si nunc hœc nrbs invictissimavocem mittat, non hoc
« cundiain satura tuo sanguine. Ille cum magno spiritu, pacto loquatur Ego illa plurimis tropœis ornata, trium-
« Metuebam inquit, ne plane vietus essem nunc video « pliis ditata certissimis, clarissimis locuplctata victoriis,
•> injudicio mecuin contendere non vis, ubi superari tur- « nunc vestris seditionibus, o cives, vexor? quam dolis
pissimum, et superare pulchenimum est interficere me l "malitiosa Carthago viribus probata Nnmantia discipti-
vis- Occidar equidem, sed victus non peribo. At iste, In niserudita Corinlhus labefaclare non potuit, eam patie-
« extremo vitae temporeetiam sententiose loqueris neque <•
mini nunc ab homunculis deterrimis proleri atque con-
< ti.queni vides dominari, vis supplicare? Tum millier, f culcari ? Item « Quod si nuncL. ille Brutus reviviscat,
« Imo quidem ille regat et supph'cal Sed tu, quieso, com- « et hic an pedes vestros adsit non hac otatur oratione ?
« movere; ettu, perdeos, inquit, hunc examplexare. Do- « Ego regesejeci, vos tjrannos introducitis egolifiertalero,
• minuss est, vicit hic te, vince lu nuncanimum
vinec tu nunc anirnum Cnr non « quae non erat,
erat peperi vos parlam servare non vu! vultis
u!
nici':no,N. –tmxmn
rir(''nnM tome i. 6
riez être libres sans danger, vous n'en prenez soupçonner le reste. Ainsi:. Lui, qui si beau et si
aucun souci. » Cette figure, quoiqu'elle ne «
jeune, a dernièrement, dans une maison étran-
« gère. Je ne veux pas en dire davantage. »
donne la parole qu'aux choses muettes et inani-
mées, n'en est pas moins d'un emploi très-utile Elle se fait par similitude, quand on cite un point
dans les différentes parties de l'amplification, de comparaison,sans y rien ajouter, mais de fa-
et dans les morceaux où l'on veut exciter la çon à ce que la pensée soit indiquée; par exem-
pitié. ple « Gardez-vous, Saturninus, de mettre trop
LIV. La Signification laisse plus à entendre «
de confiance dans l'empressement du peuple.
qu'elle n'exprime réellement. On se sert alors «
LesGracques sont morts sans vengeance. -Cette
d'une exagération, d'une ambiguïté, d'une con- figure a tour à tour beaucoup d'agrément et
séquence, d'une réticence ou d'une similitude. beaucoup de noblesse; elle laisse à l'auditeur lui-
D'une exagération, lorsqu'on va au delà de la même le soin de deviner ce que l'orateur ne dit
vérité, pour donner de la force à un soupçon; pas.
par exemple Cet homme ne s'est pas même, Le Laconisme n'emploie que les mots abso-
en si peu de temps, réservé d'un si grand pa- lument nécessaires pour rendre la pensée. En
« trimoine une tuile pour demander du feu. » voici des exemples « II prit Lemnos en passant;
D'une ambiguïté, lorsqu'une expression peut
être prise en deux ou en plusieurs sens, mais ne
«i
laissa une garnison ensuite dans Thasos, puis
détruisit une ville en Bithynie; arrivé ensuite
l'est réellement que dans celui que l'orateur veut « dans l'Hellespont,il s'empare aussitôt d'Aby-
y donner; par exemple, si l'on dit d'un homme ' dos. Tout à l'heure consul, autrefois tri-
qui a recueilli un grand nombre d'héritages « bun, il devint ensuite le premier citoyen de
Regardez, vous qui savez si bien voir Au- « Rome. 11 part alors pour l'Asie; on le dé-
tant il faut éviter les équivoques qui rendent « clare exilé comme ennemi publie; plus tard, ill
le style obscur, autant il faut rechercher celles « est nommé général, et enfin créé consul. » Cette
qui le rendent piquant. On en trouvera facile- figure renferme beaucoup de choses en peu de
ment, si l'on connait et si l'on se représente les mots. Il faut donc l'employer souvent, lorsque
significationsdouteuses ou multiples d'un même le sujet n'exige pas un long discours, ou que
mot. Cette figure se fait par conséquence, si, de le temps ne permet pas de s'arrêter.
ce que nous disons, on en conclut ce que nous LV. La Démonstration est une figure qui
ne disons pas par exemple en s'adressant au fils exprime les choses d'une manière si sensible,
d'un charcutier < Taisez- vous vous dont le père qu'on croit les avoir sous les yeux. On produit cet
« se mouchait avec
le coude. » Elle se fait par effet en rassemblant tout ce qui a précédé, suivi,
réticence, quand on interrompt une phrase com- accompagné l'action, ou en ne s'écartant jamais
mencée, après en avoir dit assez pour laisser des suites qu'elle a entraînées, des circonstances
Cernere, en terme de droit, se porter héritier. qui l'ont marquée; par exemple « Dès que Grac-

ego capitis mei periculo patriam libcravi, vos liberi sine linquitur suspicionis, sic « Qui ista forma et «taie nuper
«
Il
pericnlo esse non curatis. » Hœc conformatio licet in domui
« alterne nolo plura dicere. » Per sirailitudi-
plures res mutas atque inanimas transferatur proficit nem, quum, aliqua re siruili allata, niliil amplius dicimus,
tamen plurimum in amplificationis partibus et commise- sed ex ea significamus, quid sentiamus, hoc modo: « Noli
ratione. « Saturnine, nimium populi frequentia fretusesse. Inulti
LIV. SigniHcalio est, quae plus in suspicione relinquit « jacent Gracclii. » Itoc exornatio plurimum testivitatis
quam positum est in oratione. Ea fit per exuberationem habet interdum,et dignitatis sinit quiddam, tacito oratore,
ambigiium, conseqiientiam, abscissionem, similitudinem. ipsum auditoremsuspicari.
Per exuberationem, quum plus dictum est, quam patitnr Brevitas est res ipsis tanlummodo verbis necessariis
Veritas augendsc suspicionis causa sic « Hic de tanto expedita, hoc modo « Lemnum preeteriens cep*, inde
« patrimonio tam cito testam qua sibi petat ignem non Thasi praesidium reliquit; post urbem in Bithynia sustu-
« reliqiiit. » Per ambiguum, quum verbum potest in duas « « Jit;inaepiilsiisinHellespontum,statinipoliturAbydo.» »
pluresve sententias accipi, sod accipitur in eam partem, Item Modo consul, quondam tribunus, deinde primus
quam rult is, qui dixit;.ut dé eo si dicas, qui mullas he- • •' eiatfiïiliitis. » – Tum :« Proficiscitur in Asiam, deinde
reditates adierit « Prospice tu, qui plurimum cernis. » exsul et hoslis est dictus, post imperalor, postremo con-
Ambigua quemadmodum vitanda sunt, quae obscuram « su] faclusest. » Habetpauciscomprehensabrevitas mul-
reddunt orationem; ita lucc consequenda, quae conficiunl tarum rerum expeditionem. Quare adbibenda sœpe est,
hujnsmodi significationem. Ea reperientur facile, si nove- quum autres non egenllonga? orationis, aut tempus non
rimus et animadverterimus verborum ancipites aut multi- sinit commorari.
plices poteslates. Per consequelitiam significatio fit, quum LV. Démonstratif est, quum ita res verbis expiimitur
l'es, quae sequuntur aliquam rem, dicuntur, ex quibuss iitgerinegotiuin,et res ante oculos esse videatur. Id fleri
tota res relinquitur in suspicione, ut si salsamenlariii poteril, si,quœanlc,ct post, et in ipsa re factaerunt,
lilio dicas « Quiesce tu, cujus pater cubito se emungereî compieliendcmus, aut si a rebus consequentibus, an a cir-
Per
« soli'liat. abscissionem, si, quum incipimus aliquidl cumstantibus non recedemus, hoc modo: « Quod simul
<liceie,praccidinnis.ete\eo,quod jani dtxiinus salis re- « alqueGrawlius prospexit,fluctuarepopulum,verentem
« chusaremarquérhésitationdupeuple,quierai- de d la noblesse et de la grâce vous parlerez en
«
gnait qu'ébranlé lui-même par le décret du sé- orateur,
o et vous ne revêtirez pas d'un langage
« nat,
il ne renonçât à ses projets, il coavoque vulgaire une invention sans fond et sans art. Il
« une assemblée publique. A ce moment, un ci-
f
faudra maintenant nous surveiller l'un l'autre.
« toyen,
rempli depenséescriminelles,s'élance du Car
( il nous importe à tous deux d'atteindre à la
o
temple de Jupiter, et le visage en sueur, l'œil perfection
j de l'art par une étude soutenue et
« en
feu, les cheveux hérissés, la toge relevée, des
é exercices fréquents. Beaucoup d'autres n'y
» se met
à marcher plus vite avec ses complices. parviennent
I pas, pour trois motifs principale-
Un crieur demandait qu'on écoutât Gracchus ment t c'est qu'ils n'ont personne avec qui il leur
« cet homme pressant du pied un des sièges, le soit s agréable de s'exercer, ou qu'ils se défient
brise, et ordonne aux autres d'en faire autant, d'eux-mêmes,
t ou qu'ils ne savent quelle route
«
Comme Gracchus commençait à implorer les prendre. 1 Aucune de ces difficultés n'existe pour
« dieiut,cesfurieuxseprécipitentsurlui;dctoules nous. 1
Car cette communauté d'étude nous est
« parts on s'élance, et un homme du peuple
s'é- agréable
i à cause de l'amitié que les liens du sang
crie Fuis, Tibérius, fuis. Ne vois-tu pas le sort ont
( fait naître entre nous, et que le goût de la
« qui t'attend; regarde. Alors la multitude in- philosophie
] a fortifiée. Ensuite, nous ne man-
« constante, saisie
d'une terreur subite, prend la quons
( pas de confiance, ayant obtenu déjà quel-
«
fuite. L'assassin, écumant de rage, ne respirant ques succès; outre qu'il est d'autres objets plus
« que le crime et la cruauté, roidit son bras et élevés( auxquels nous nous appliquons avec plus
«
pendant que Gracchus doute encore, mais ne d'ardeur encore; de sorte que, dussions-nous
«
recule pas, il le frappe à la tempe. La victime, ne pas atteindre le point où nous aspirons, il nous
« sans flétrir sa vertu par aucune
plainte, tombe manquerait peu de chose pour avoir une vie bien
» en silence. Le meurtrier, arrosé du sang infor- remplie. Enfin nous savons la route que nous
« tuné de ce grand citoyen, promène ses regards devons suivre, puisque dans les quatre Livres
autour de lui, comme s'il eût fait une belle ac- que nous venons de voir nous n'avons omis au-
«
tion, présente gaiement sa main sacrilége à
cun des préceptesde l'art oratoire. Nous avons
« ceux qui le félicitent, et retourne au temple de fait voir, en effet, quelles sont les sources de l'in-
« Jupiter. » Cette figure est très-utile dans lesi vention dans tous les genres de causes; nous
amplificationset dans les morceaux pathétiques, avons dit comment il faut disposer les matériaux
par ses narrations animées; car elle place toute qu'elle a fournis; montré les règles de la pro-
l'action en scène, et nous en donne, pour ainsii nonciation, les procédés de la mémoire, et ex-
dire, le spectacle. pliqué tout ce qui peut rendre l'élocution par-
LVI. Je viens de recueillir avec soin, mon cher faite. En nous conformant à ces principes,
Hérennius tous les conseils propres à perfection- notre invention sera prompte et féconde, notre
ner l'élocution. Si vous vous y exercez avec zèle, disposition lumineuse et régulière, notre pro-
vous pourrez donner à vos discours de la force,nonciation à la fois forte et agréable, notre mé-
« ne ipse auctorilate senatuscommotusa sentenlia desiste- collegimus in quibus, Herenni, si te diligente! exercucris
« ret t
jubet advorari concionem. Iste interea scelere et et gravitatem, et dignitatem, et suavitatem habere in <H-
« malis cogitationibusredundans evolat ex templo Jovis, cendo poteris, ut oratorie plane loquaris nii'nuda atqije
i
« et sudans, oculis ardenlibus, erecto capillo, contorta iuornata inventio vulgari «einione efferatur. Nunc identi-
« toga, cum pluribus aliis ire celerius cœpit. Illi prœco fa- dem nosmet ipsi nobis instemus. Hes enim communis agi-
« ciebat audientiam hic subsellium qtioddam calce pre- tur, ut fréquenter et assidue consequamnr artis rationem
« mens, dextra pedcia defringit, et alios hoc idem jubet fa- studio et exercitatione quod alii cum molestia tribus de
« cere. Quum Gracchus deos inciperet precari, cursim
i
isti causis maxime faciunt; aut si, cum quibus libeuter exer-
« impelum faciunt; ex aliis aliisque partibus convolant; ceantur, non habent; aut si sibi diffidunt; aut si nesciunt,
« atque populo unus, Fuge, inquit Tibcri fuge. Non vi- quam viam sequi debeant quœ a nobis absunt omnes
des ? respice, inquam. Deinde raga mullitudo subito ti- iliflicultatcs. Nam et simul libenter exercemur propter
« more perterrita fugere ccepit. At iste spumaus ex ore sec- amiciliam, cujus initium cognatio fecit, cetera pbiloso-
t
« lus, anhelansex intimo pectorecrudelitatem, contorquet phiae ratio confirmavit et nobis non diffidimus, propterea
« brachium et dubitanti Graccho, quid esset, neque tamen quod et aliquantuluin processimus; et alia meliora sunt,
locum, in que constiterat, relinquenti, percutit tempns. quac multo intentius petimus in vila ut etiamsi non pcr-
« llle, nulla voce delibans insitam virtutem concidit tac- veneiimus in dicendo, quo volumus, parva pars vitœ per-
« tus. Iste viri fortissimi miserando sanguine adspersus, feclissimic desideretur et viam, quam sequamur, habe-
i quasi facinus praeclarissimum fecisset, circumspectans
i mus propterea quod in bis libris nihil praïi-i iumi est
« et hilaris sceleratam gratulantibus nianiim porrigens, in iheloricœpraeceptionis.Demonstratun)estenim,quomodo
« tempium Jovis contuïit sese. » Haecexornatio plurimum res in omnibus generibus causarum inveniri oporteret
prodest in amplificanda et commiserandare, hujusmodii dictum est, quo pacto eas disponere conveniret tradituin
cuarrationibus statuit enim totam rem, et prope ponit ante3 est, qua ratione esset pronuntiandum praceptum est,
oculos. qua via meminisse possemus demonstratum est, qnibus
LVI. Omnes rationes honestandse elocutionis studiose 5 modis perferta elocutio comparatetur. Qui» si pxsequimui',
moire ferme et toujours présente, notre élocu-acquérir tous ces avantages, en joignant à l'é-
I
tion élégante et harmonieuse. Or, la Rhétori- tude des préceptes la pratique diligente des
que ne peut rien donner de plus. Nous pouvons exercices.

acute et cito reperiemus, distincte et ordinate dispone- amplius in arte rlietoricanihil est. Haec omnia adi piscemur
mus, graviter et venusle pronuntiabimus,firme et perpe- si rationes praeceptionis diligenlia consequemur exercrt»
tuo meminerimus, ornate et suaviter eloquemur ergo tionis.

NOTES SUR LA RHETORIQUE.


LIVRE PREMIER. générale dont les membres avaient un titre commun,
celui d'agnat. Aussi le mot'famille a-t-il deux significations.
Il. Oratoris officlnm est. Voyez pour une définilionplus Plusieurs familles générales pouvaient former une gens,
complète du devoir de l'orateur, de Invent., lib. i, cap. f>; dont les membres étaient appelés gentiles. Ainsi la gens
et de Oral., lib. i, cap. 31. Cornelia se divisait en trois familles générales, celle des
IV Exordimrumrationem.Compareï(iuinl.,deInstit.
t. Sdpions, celle des Lentulus, celle des Sylla. La famille
orat., lib. îv, cap. ljetCicér., de Invent., lib. i, cap. 15. des Scipions se divisait elle-même en quatre familles, ou
maisons particulières (domus), qui avaient pour chefs
VI. Quœ risum movere possit. Cicéron a longuement
développé ce moyen, de Orat., lib. n, cap. 24-72. 11 faut Scipio Africanus, Scipio Nasica, Scipio Hispanus,
donc y recourir pour les détails et les explications qui
Scipio Asiatieus. Les membres de ces familles étaient
manquent ici. agnats entre eux, et ils étaient gentiles à l'égard de la fa-
mille des Lentulus ou de celle des Sylla.
VII. Neque attenlumfoxit auditorem. Comparez de Il est à remarquer, toutefois, que Justinien ne parle que
Invent, lib. i, cap. 18. de la tutelle des agnats. Voy. Inst., lib. i., tit. XXIII, §3.
3.
IX. De injinuationibus nova excogitavimus. Si l'on
XIV. In consilium. Le conseil militaire du général se
remarque l'importance que Cicéron attache à l'innovation composait de ses lieutenants, des tribuns et des chefs su-
dont il se dit le premier auteur, et si l'on observe que cette périeurs.
même division se trouve reproduite à peu près dans les
mêmes mots, au chap. 17 du liv. i de l'Invention, l'on
aura une preuve à peu près concluante que les deux ou- LIVRE II.
vrages sont du même auteur.
XI. Noster doctor Hermès. L'on a beaucoup disputé III. Quibus de reius.. Voyez de Invent., lib. n, cap. 2.
sur ce nom, parce qu'il ne se trouve cité nulle part, ni par V. Cerliorlbusargumentis. La correction de Schiilz qui
Plutarque, ni par Cicéron lui-même, et l'on a voulu le rem- remplace argumentis par indiciis nous semble devoir
placer par plusieurs autres au moyen de conjectures plus être adoptée au moins pour le sens qui résulte, ainsi com-
ou moins plausibles, mais qui ne sont que des conjectures. pris, de tout ce qui précède. Après l'indicesimple s igmtm,
Ne vaut-il pas autant garder celui que nous donnent la vient l'argument qui s'appuie sur des indices plus certains
plupart des manuscrits et parce que le rhéteur qui le portait
IX. Legilimœconstitutionis.Sur cette question, voyez,
nous est inconnu, faut-il absolumentnier son existence ?P pourplusdedéveloppements,d«/nt.'c«^,lib.i,cap. 13,
XII. Tullius. Terentiœ. Les mots Tulliusel Teren-
et lib. n, cap. et 40.
17
Uob sont évidemment interpolés, car Cicéron ne pouvait
parler à cette époque ni de sa femme ni de son fils, puis-
Deinde collationc. Ce point de discussion est longue.
qu'il n'était pas marié. Le même exemple est, d'ailleurs, ment développé, de Invent., lib. n, cap. 42 46.
reproduit sans noms propres, de Invent., lib. n cap. 40. Scriptoris voluntatemnon interpretatur. Voyez, snr
l'interprétation des lois, de Invent., lib. h, cap. 47 et 48.
Prœtoriœ excepliones. Le préteur les indiquait lui-
même après avoir exposé la cause et prescrit les formes Xt. Quœ a dialecticis prqfertur. Par le mot dialectici
de la procédure. Dès ce moment, l'accusé ne pouvait plus Cicéron venldésigner les stoïciens, qu'il nomme quelquefois
ainsi parce qu'ils attachaient une grande importance à la
*n invoquer d'autres. Voyez de Invent., lib. h, cap. 19.
dialectique, surtout depuis Chrysippe, pour les subtilités
XII. Legem fnimentariam. Cette loi, appelée Apu- duquel Denys d'Halicarnassa. témoigne beaucoup de mé-
leiafrumentaria,lu! proposée par le tribun Apuléius Sa- pris. Cicéron ne les aimait pas davantage, et les tourne
turninus. Q. Cépion, questeur de la ville, en empêcha la souvent en ridicule ad ipaas etiam virtules dialecticant
promulgation. Saturninus fut tué avec le préteur Q. Servi- adjungunt. De Bon. et mal., lib. lit, cap. 21; et après
lins Glaucia, l'an de Rome 653 Cicéron avait alors six ans. spinosum dicendi genus. vellunl de spinis atque ossa
Clstellam detulit Ce sens, donné par plusieurs criti- nudanl. Ailleurs, en parlant de Zénon, il l'appelle igno-
ques et préféré par M. Leclerc, n'est pas admis par d'au- bilis verborum op'ifex.
tres, qui pensent qu'il est ici question de l'urne où se re- Verum horum puériles opiniones. re/ellemus. Ce
cueillaient les suffrages. 11 parait probable qu'il y avait une passage peut servir encore à prouver que ce traité ap-
différencede signification entre les mots cistella et cista. partient à Cicéron, car il remplit plus tard l'engagement
qu'il prend ici, en réfutant dans ses ouvrages pliilosoplkl-
XIII. Agnaturum genliliumgue. A la mort du
père de faurille, toutes les personnes qui avaient été sous ques les doctrines des stoïciens. Il dirigea particulièrement
contre eux les livres de la Divination et du Destin.
sa puissance devenaient bien chefs d'autant de famillcs
particulières mais elles continuaient à former une famille XIV. Qttum ex comparatione. Cicéron passe ici à
la question judiciaire accessoire, sans en avertir le lec- celle qui a subi les pins notables changements dans le
teur. C'est pour cela que Schütz croit devoir ajouter au traité de l'Invention.
commencement de ce chapitre les mots in assumptiva. Prudentiam,fortitudinem,modestiam.Voyez,surce
Voyez de Invent., lib. h, cap. 25. sujet, de Invent., lib. n, cap. 53, 54.
XV. Translatiocriminis. De Invent., lib. h, cap. 26. V. Qui a Pœnis circumsessi délibérant. En Sicile pen-
Cicéron donne à ce même moyen le nom de relatio crimi- dant la première guerre Punique, CalpurniusFlamma, tri-
ni j dans le chapitre suivant il emploie, comme ici, trans- bun militaire, délivra l'armée par son dévouement l'an de
latio. Rome 490.
Oportueritne in ea repeccare. Celte considération est IX. Quoniam dispositio. Comparez sur la disposition
longuement développée, de Invent., lib. n, cap. 27. de Invent., lib. i, cap..7; et de Oratore, lib. n cap. 76.
XVII. Ut in primo libro ostendimus. Voyez en effet le X. Hcee dispositio locorum. Nous retrouvons le
chap. t4 livre
du précédent. même conseil et la même comparaison de Orat., lib. n,
XVIII. Absolutissimaetperfectiss ima argumen tatio. cap. 313. Quintilien, qui parle aussi de cette disposition, lui
Dans le traitéde l'Invention, liv. i, chap. 37, Cicéron divise donne le nom d'Homérique, parce que, dans l'Iliade, Nestor
aussi t'argumentationen cinq par ties, dont les noms,quoique rauge l'armée dans un ordre analogue;chant iv T. 297 et
différents de ceux que nous trouvons ici, rentrent néan- suiv.
moins dans le même sens. XI. Qui non inscii sunt ejus artificii. Ce sont ceux que
Quintilien appelle artifices pronuntiandi. Voyez. Inst.
XXII. Utinam ne in nentore. Ces vers, tirés de la
Médée d'Ennius, sontimités du prologue de la Médée d'Eu-
orat., lib. xi cap. 3.
ripide. XIII. Quoniam. mollitudo vocis. Ces règles ont été
simplifiées ensuite par Cicéron. Voyez de Orat, lib. m,
XXIII. Amicum castigare. Ces vers appartiennentau 56; et aussi Quintilien, lib. xi, cap. 3.
Trinummus de Plaute; ils sont cités encore de Invent., cap.
lib. 1 cap. 50. XV. Motus estt corporis ges tus. Comparez, sur le geste
et sur l'action en général de Orat., lib. m, cap. 59.
XXV. Quum teexpetebantomnes.Yersdela tragédie Feminis plangore. Feminis est le génitif de femen,
d'Ennius intitulée Thyeste. Ils se retrouvent aussi de In- dont la signification est la même
que celle de femur, qui
veut., lib. r, cap. 48. l'a remplacé plus tard. On ne peut hésiter sur ce sens, car
XXVI. Quadruplatoris. Les délateurs étaient ainsi Cicéron, aussi bien que Quintilien, recommande expres-
nommés, parce qu'on leur donnait le quart des biens de sément de s'abstenir toujours de gestes efféminés tandis
ceux qu'ils accusaient, ou le quart de l'amende à laquelle qu'ils conseillent l'un et l'autre l'emploi de celui dont il
ils étaient condamnés. est ici question. Tuscul-, lib. ni, feminis et capitis per-
XXVI. Aperlefalur diclio. Ce passage semble tiré cussio sont présentéscomme signes de la douleur. Brutus,
d'un ancien poëte, qui avait pris pour sujet de ses chants, cap. 80 la douleurde l'accusateur Calidius n'est point véri-
table Cicéron en voit la preuve dans le peu d'agitation de
à l'imitation des Grecs, la dispute d'Ajax et d'Ulysse.
Ajax était cousm germain d'Achiiie, son f rata- patruelis; son corps Tu istuc, nisi fingeres, sic ageres ubi
il pouvait donc direfraternis armis. dolor.'ubiardor animif Nonfronspen-ussa, nonfemur.
Quintilien, lib. xi, cap. 3 Femurferire, etusitatumest,
XXIX. Et amplificationibus. Schûlz supprime ce mot., et excitât auditorem.
qui ne se trouve pas dans tous les manuscrits, et qui sem-
XVII. [ta qui sMripmvixà didicerunt. On pent consulter
ble en effet intercallé mal à propos, puisque Cicéron, qui
le même sujet: de Orat., u, 86; Orat. part. 7; dit
revientensuite sur les ornements, De parle pas de celui-là, sur Finib., \i, 32 et surtout Quintilien, xi, 2. Ils attribuent à
et fait plus loin, chap. 30, de l'Amplification, une des Simonide l'invention de cet art.
trois parties de la conclusion.
XXX. In quatuor locis uti possumus conclusionibus.
Schützet Wetzel supprimenttoute cette phrase, qui rompt, LIVRE IV.
à leur avis, l'ordre des idées, et qui prête an mot conclusio
un sens différent de celui qu'il a dans tous les autres pas- VIII. Sunt igitur tria genera, quœ genera nos figuras
sages, où il ne désigne que la péroraison qui termine le appellamus. « Par le mot figuras, l'auteur a voulu dési-
discours entier. Mais pourquoi, suivant l'observation judi-
cieuse de M. Leclerc, Cicéron n'aurait-il pas voulu précisé- gner la forme, le caractère la physionomie du style. Le
k mot lalïnjigura répond aux mots grecs ïfiéa, image, idée,
ment distinguer ici les conclusions qui peuvent se trou-
« genre, forme, etc.; (jx>i|M<, figure, geste, représentation,
ver à la fin de chaque partie du discours, suivant les n discours figuré tijiuoî, figure, image,rcssemblance,forme,
besoins de la cause?
« description; enfin xojay.-r.o caractère genre de style.
Loci communes. Toute la théorie deslieuxcommuns,
« (Note empruntée à M. Leclerc. ) > Sur les trois genres
applicables à l'amplification, à l'attaque et à la défense, de style, consultez Cicér. Orat., cap. 23 et sequent.;
(voyez plus haut chap. 6-8), est bien plus développée dans Qii'intil., lib. xn cap, 10; et les rhéteurs modernes, qui
le traité de l'Invention el surtout dans celui des Topiques. ont poussé beaucoup plus loin iears recherches sur l'élo-
On peut consulter encore de Oratore, lib. ni cap. 27.
quence, et fait de précieuses découvertes. Les développe.
meuts que M. Leclerc a donnés à chacune des parties
principales de ce quatrième livre, dans les notes qu'il y a
LIVRE III. jointes forment un précieux et complet ensemble de tous
les préceptes de l'art sur cette importante et difficile ma-
tïnemutilitalis.C'estte précepte d'Aristote. ripô-
11. tière. Nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer à son
excellent travail.
«mu i<5 m\i£ou\aiom traorcôc m mijupÉpov, que Cicéron
n, cap. 51 In
rappelle et modifie ensuite, de Invent., lib. IX. Quibuscum bellum gerimus judices, videtis.
deliberativo Arisloteli placet vtililalem, nobis et ho- Cet exemple parait tiré d'une histoire de la guerre sociale
nestalrm et utilitatem. Cette partie de la rhétorique est ou italique et on discours d'nn citoyen accusé d'avoir
excité les Latins à la guerre. Voyez, chap. n, un autre XIX. Membrum rationis appellalur. Quintilien n'ad-
ft<gmentdu même discours. met pas les membres de la période au nombre des figures
i'regcllani. Frégelles, ville du Latium, se révolta l'an de mots; mais il n'est pas certain non plus que Cicéron
de Rome 628 elle futlivrée par trahison au préleur Opi- veuille parler ici des membres de la période; il a bien plu-
mius, qui la détruisit. Voyez Tite-Live, lx; Vell. Pater- tôt pour objet le style coupé, si nous en jugeons par les
cnlas, lib. n, cap. 6; et plus bas,dans ce même livre, cap. exemples. Ce qui regarde le style périodique se trouve
15 et 27. compris dans ce que l'auteur nomme plus bas la conti.
X. Ut ne ad solarium quidem. Les Romains appe- nuation.
laient solarium une terrasse placée au-dessus des mai- XX. Compar appellatur. Voyez de Orat., lib. m, cap.
sons, et sur laquelle ils venaient se chauffer au soleil. On 54; Orat, cap. 12; et Quintil., lib, ix cap. 3.
appelait encore solarium un lieu très-fréquenlé dans le Traduction des exemples conlenus dans ce chapitre:
forum, tout près des rostres, où la meilleure société de « Vous louez un homme pauvre en mérite, riche en
'Rome avait coutume de se rassembler. ( Pline, vu CO « bonheur. Celui qui fonde tout son espoir sur son argent
Censorin, 32; Cicér.pro Quint., 18.) Il parait que c'était « est bien éloigné de la sagesse. 11 met tous ses soins à
aussi une place distinguée dans les jeux publics, c'est-à- à. « amasser des richesses, et néglige son âme qui se corrompt;
dire dans les galeries dont ils étaient oriiés. (Note empruntée « et néanmoins tout en se conduisant de la sorte, il croit
à M. Leclerc.) qu'il est le seul homme de laterre.Tuoses agir honteuse-
In finitima et propinqua rifîa veniamits. C'est le « ment, tu t'appliques à parler méchamment tu es odieux
même précepte qu'Horace a tracé dans ces vers « dans la conduite, tn recherches le crime, tu fais du mal
Maxima pars vatum pater, et juvenes pâtre digni. « par tes paroles. Audacieux dans la menace, humble dans
Decipimur specie recti. Brevis esse laboro, la prière. C'est le comble de la honte, que de se livrer
Obscurus fio. « à l'amour, de renoncer à la pudeur, de n'aimer que la
« beauté, de négliger sa réputation. »
XII. Cui vitio versas ltic erit excmplo. Il fallait con-
server dans la traduction le texte des exemples, pour ne XXI. Les jeux de mots qui composent tous les exem-
ples de ce chapitre ne valent pas la peine d'être traduits;
pas nuire à l'applicationdes préceptes. Mais nous croyons
devoir l'expliquer ici. la délicatesse de notre goût les bannit de l'éloquence.
0 Tile, tute, etc. 0 tyran, Titus Tatius, tu t'es attiré XXII. Exemplesde ce chapitre « Vous connaitrez bien-
tous ces maux! (Vers d'Ennius.) « tôt le motif qui m'amène, qui je suis, ce que je nie pro- o-
Quidquam quisquam, etc. Quelqu'un refusera-t-il « pose, qui j'accuse, qui je veux servir, quel est l'homme
quelque chose dont il soit convenu avec quelqu'un? que je cite devant vous. Prenons garde, Iio-
Nam cujus rationis ratio. Il n'est pas raisonnable d'a- « mains, qu'on ne croie les sénateurs entièrement circon-
jouter foi à une raison dont il n'y a pas de raison à donner. venus. Alexandre de Macédoine fit les plus grands
Fientes, plorantes. Pleurant, gémissant larmoyant, « efforts dès son enfance pour exercer son âme à la vertu.
suppliant. Les vertus d'Alexandre ont dans tout l'univers une écla-
Hasres, etc. Je vous envoie, LuciusÉlius,cequej'ai « tante et glorieuse célébrité. Si Alexandre avait reçu en
écrit pour vous. partage une plus longue vie, une poignéede Macédoniens
XIII. Sententiarum exornatio est. Tous les commen- « aurait volé par delà l'Océan. Sitout le monde craignait
« Alexandre, tout le monde aussi le chérissait. Ti-
tateurs s'accordent à soupçonner ici une lacune. Cicéron a
du nécessairement annoncer, dans une phrase omise sans « bérius Gracchus etait à la tête des affaires publiques, une
doute par un copiste, l'énumérationdes figures de mots. « mort indigne ne lui permit pas d'y resterplnslongtemps.
C'eslàpropos de la plupart de ces figures qu'il est nécessaire « Ce fut un trépas semblable qui arracha tout à coup Caius
de recourir aux notes de M. Leclerc, qui, ne trouvant « Gracchus du sein d'une ville qui lui était si chère. Satur-
« ninus, victime de sa confiance dans les méchants périt
« pas que l'auteur en donne toujours une idée bien juste
devoir, dit-il,les définir d'une « sous les coups d'unecriminelle perfidie. Ton sang, a Dru-
« dans ses définitions, a cru
<• sus a rejailli sur les murs de ta maison et sur le visage
« manière plus précise et plus rigoureuse, en y ajoutant « de la mère. Sulpicius,àquitoutréussissaitquelquetemps
« des exemples puisés
dans Cicéron et dans nos écrivains
auparavant fut bientôt privé non-seulement de la vie,
« français. » Voyez aussi le traité des Tropes de Dumarsais.
« mais des honneurs funèbres. »
XIV. Cureamrem. Pourquoi vous occuper avec tant
d'ardeur d'une affaire qui vous causera tant de soucis? XXIII. Subjeclio est. Voyez le bel exemple de cette
Amarijucundumest.Il est doux d'être aimé, si l'on figure que M. Leclerc, dans ses notes, emprunte au dis-
a soin que l'amour n'offre rien d'amer. cours Pro lege Manilia.
Veniam ad vos si.
m'en donne la permission.
J'irai auprès de vous, si le sénat XXV. Definitio est. Ce qui concerne cette figure est
beaucoup plus longuement développé dans les Topiques,
Traductio est. Cette ligure est cellequeles Grecs appel- chap. 5, 6, 7 et 8. Voyez encore l'exemple cité par M. Le-
lent àvTavdtxXa<n; repercussio, parceqne la même expres- clerc.
sion frappe plusieurs fois l'oreille. Quintilien, qui parle de XXX. Conclusio est. Ainsi définie, la Conclusion sem-
cette figure, ix, 3, emprunte desexemples qui se trouvent ble bien plutôt un lieu commun qu'une figure. Remarquons
dans ce chapitre, et il ajoute Cornijklus hanc tradu- toutefois que le mot exornatio s'étend à peu près à toutes
ctionem vocat. C'est ce passage qui a donné naissance à les formes dont on peut orner la pensée, et que dès lors il
l'opinion encore controversée qui attribue à Corniticius ne pcol pas avoir le sens restreint que les rhéteurs moder-
l'ouvrage dont Cicéron avait été jusque-là reconnu l'au- nes donnent au motjîgure.
teur par tout le monde. XXXI. Restant eliam decem exornaliones. Voyei
XVI. Ratiocinalio est. Cette figure n'est point men- Dnmarsais.
tionnée par les rhéte urs modernes elle a, du reste, le plus Nominatio est prima. L'Onomatopée, owjiaToirota
grand rapport avec la subjection. Voyez chap. 23. formation d'un mot, ne peut, non plus, être rangée parmi
XVIII. Contrarium idemfere est. Voyez, sur cette les ligures, qu'autant qu'on se reporte au sens du mot
figure, Quintil., lib. v, cao. 10 et lil). lx cap. 3 j et Cicér., exornalio, suivant la remarque ci-dessus.
Orat. cap. 12 et 50. XXXII .Yum lam cito sarism: Les sarisses étaient de
longues piques d'environ vingt et un pieds, dont se ser- XL. Divisio est. Quintilien ne parle pas de cette figure,
vaient les Macédoniens. Les inalèrcs étaient des espèces et l'on peut remarquer que les exemples que Cicéron en
de lances en usage chez les anciens Gaulois. donne sont de véritables dilemmes.
Hoc vobis deos immorlales. a Je pense que les dieux XLIV. Sapiens nullum pro republica. Le mérite de
immortels vous ont accordé cette faveur, pour prix de cet exemple et de ceux qui le suivent font de cette der-
« votre piété. La fortune inconstante a exercé sur lui nière partie la plus remarquable de l'ouvrage. « On aime
« le plus grand empire. – La fortune jalouse vous a en-
a levé tous les moyens de bien vivre. »
«àlire, dit M. Leclerc, ces petites compositionsriches de
« pensées et d'images,où Cicéron, h son début, s'essaye dans
XXXV. Dislributio est. On trouve des exemples de « ce grand art qui devait un jour le faire régner sur un peu.
cette figure dans un grand nombre de discours de Cicéron « pie libre; et on y cherche avec curiosité le germe de ces
pro Murena, pro Marcello, pro lege Manilia, etc. Ici « qualités brillantes qui formèrent le Démosthène ro-
commence l'énumérationdes figures de pensées. « main.
XXXIX. Descriptio nominatur. Voyez Quintilien,]ib. XLVI. Quemadmodum,in palœslra Voyez, sur cette
rx, cap. 2. Voyez aussi la note de M. Leclerc sur cette course aux tlambeaux, le Voyaged'Anacharsis, chap. 24.
importante figure. L. Comparez le caractère du glorieux dansThéophraste.
RHÉTORIQUE,
ou

DE L'INVENTION ORATOIRE.

PRÉFACE. denombre, plus d'éclat, plus d'harmonie; le disci-


ple d'Aristote s'est formé par la lecture de Platon.
Il a conservé la méthode de son premier maître
mais il y joint quelque chose de la diction brillante
Il est assez singulier que la collection des OKu- du plus éloquent desphilosophes.Enfin, on retrouve
vresde Cicéron commence par deux traités de Rhé- assez souvent l'orateur dont on a déjà admiré quel-
torique dont on lui conteste l'un et dont l'autre ques pages dans le quatrième livre de la Rhétorique
passe pour incomplet et mutilé. Si l'on veut pour- à Hérennius; etlepréambule du premier livre, où
tant se défendre de toute prévention défavorable, l'écrivain recherche quels ont été l'origine et les
progrès de l'éloquence, et les causes de sa corruption,
on reconnaîtra que la lecture de ces deux ouvrages
n'est dépourvue ni d'intérêt ni d'utilité. Je laisse au ne déparerait aucun des ouvrages qui font le plus
traducteur de la Rhétorique à Ilérennius le soin d'honneur à la plume de Cicéron.
d'en faire l'apologie, Pour les deux livres de l'In- Voilà pour l'intérêt quant à l'utilité on doit se
vention, que, d'accord avec lui, on les regarde souvenir que les principes de l'art oratoire sont
comme une édition nouvelle de ce premier ouvrage, encore aujourd'hui ceux que les Romains avaient
ou, suivant une opinion plus répandue, comme un reçus des Grecs, dont le jeune rhéteur suit les tra-
fragment d'une Rhétorique dont le temps nous a ces presque pas à pas.
enlevé le reste, toujours est-il certain qu'ils appar-
tiennent à Cicéron. C'est déjà un motif suffisant
pour exciter la curiosité. Il est intéressant de sui- LIVRE PREMIER.
vre les premiers pas d'un orateur qui a porté si loin
l'art d'écrire, de chercher dans ses premiers essais I. J'ai souvent examiné dans de longues mé-
le germe de ce talent qui s'est développé depuis avec ditations, si le talent de la parole et l'étude ap-
tant d'éclat. Sans doute je ne prétends pas que ce profondie de l'éloquence ont été plus avantageux
traité, qu'il regarde lui-même comme une ébauche que nuisibles à l'homme et à la société. En effet,
imparfaiteet grossière, échappée à sa jeunesse, ap- si je considère les maux qui ont déchiré notre
proche de ces dialogues sur l'éloquence, où, avec patrie, si je me rappelle les catastrophes qui ont
toute l'autorité de l'âge et du talent, il donne des bouleversé autrefois les cités les plusflorissantes,
leçons de l'art qu'il avait cultivé pendant quarante partout je vois la plus grande partie de ces mal-
ans avec tant de succès. Non, rien ici ne déguise heurs causée par des hommes éloquents. Mais
l'ennui d'une longue suite de préceptes et l'aridité lorsque je veux, avec le secours de l'histoire, re-
des formes didactiques. Mais ce n'est pourtant plus monter à des époques plus reculées, je vois la
la sécheresse et la brièveté des deux premiers Livres sagesse, et plus encore l'éloquence, fonder des
de la Rhétorique à Hérennius. Le style a pris plus villes, éteindre les guerres, établir des alliances

LIBER PRIMUS. veteres animo calamitales colligo, non minimam video


per diserlissimos liomincs iiivectam partem inconiinodo-
I. Sœpe et multum hoc mecum cogilavi, bouine, an l'iun. Quum autem res ab nostra memoria propter vetusta-
mali plus attulerit homiuibus et civitalibus copia direuili, tem remotas ex litleranni) inonnmentfe repetere institua,
uc summum éloquente»studium. Nam quum et nostras multas urbes conslitutas plurima bel la restincta fimiis-
reipubticœdetriraeuta considero, et maximarum civilalimi simas societates, sanctissimas amicitias intelligo ijuuiii
durables, et serrer les noeuds <fune sainte amitié. rie, un homme s'est rencontre d'une sagesse et
Ainsi, après un mûr examen, la raison elle-même d'une vertu supérieures, qui reconnut combien
me porte à croire que la sagesse sans l'éloquence l'esprit humain était propre aux plus grandes
est peu utile aux États, mais que l'éloquence sans choses, si l'on pouvait le développer et le perfec-
la sagesse n'est souvent que trop funeste, et ne tionner en l'éclairant. A sa voix, les hommes
peut jamais être utile. Aussil'homme qui, oubliant dispersés dans les champs, ou cachés dans le fond
la sagesse et le devoir, s'écartera des sentiers de des forêts, se rassemblent et se réunissent dans
l'honneur et de la vertu, pour donner tous ses un même lieu. Il inspire tousles goûts honnêtes et
soins à l'étude de l'éloquence, ne peut être qu'un utiles à ces cœurs farouches, qui veulent rejeter
citoyen inutile à lui-même, et dangereux pour d'abord un joug dont la nouveauté les révolte
sa patrie; mais s'armer de l'éloquence pour dé- mais qui pourtant, sensibles à l'éloquence de la
fendre, et non pour attaquer les intérêts de l'É- sagesse, deviennententin humains et civilisés, do
tat, c'est se rendre aussi utile à soi-même qu'à féroces et barbares qu'ils étaient auparavant. Et
son pays, et mériter l'amour de ses.concitoyens. ce n'était point, ce me semble une sagesse muette
Si vous voulez remonter à l'origine de ce qu'on et sans éloquence, qui pouvait opérer une révo-
appelle éloquence, soit que vous la regardiez lution si prompte, arracher les hommes à l'em-
comme un fruit de l'étude, un effet de l'art ou de pire de l'habitude, et les amener à un genre de
l'exercice, ou un talent naturel, vous trouverez vie si différent du premier. Mais, les villes une
qu'elle doit sa naissance à la plus noble cause et fois établies, comment apprendre aux hommes à
aux motifs les plus honorables. respecter la justice, à pratiquer la bonne foi, à
II. En effet, il fut un temps où les hommes, obéir volontairement aux autres, à supporter les
errant dans les campagnes comme les animaux, plus pénibles travaux, à sacrifier leur vie même
n'avaient pour soutenir leur vie qu'une nourriture pour le bien public, si l'éloquence n'était venue
sauvage et grossière. La raison avait peu d'em- leur persuader les vertus découvertes par la rai-
pire; la force décidait de tout. Ces barbares n'a- son ? Oui, sans doute, il fallut tout le charme
vaient nulle idée de leurs devoirs envers la Divi- d'une éloquence à la fois profonde et séduisante,
nité ni envers leurs semblables; point de mariage pour amener sans violence la force à plier sous Ic
légal point d'enfants dont on pût s'assurer d'être joug des lois, à descendre au niveau de ceux sur
le père; on ne sentait point encore les avantages lesquels elle pouvait dominer, à renoncer enfin
de l'équité. Aussi, au milieu des ténèbres de l'cr- aux plus douces habitudes dont le temps avait
reur et de l'ignorance, les passions aveugles et fait une seconde nature. Tels furent l'origine et
brutales asservissaient l'âme, et abusaient, pour les progrès de l'éloquence, qui, par la suite, dé-
se satisfaire, des forces du corps, leurs pernicieux cida des plus grands intérêts, et dans la paix et
satellites. Sans doute, dans ces temps de barba- dans la guerre, et rendit aux hommes les plus

animi ratione, tum facilius eloquentia comparatas. Ac me minatrix animi cupiditas, ad se explendam viribus corpo-
quidem diu cngitantem ratio ipsa in hanc potissimum sen- ris abutebatur, perniciosissimis satellitibus. Quo tempère
tentiam ducit, ut exisliinem, sapienliam sine eloquentia quidam, magnus videlicet vir et sapiens, cognovit, quae
parum prodesse civitatibus, eloquentiam vero sine sapîen- materia esset, et quanta ad maximas res opportunitas in
lîaniuiium obesse pleriinique prodesse ntinquam. Quare animis hominuin si quis eam posset elicerc etpraecipien
si quis omissis rectissimis alque honestissimisstudiis ra- du meliorem roldere qui dispersos homines in agris, et
tionis et officii consumit omnem operam in exercitatione in tectis silvestribus abditos, ratioue quadam compuli-
dicendi, is inutilis sibi, peimiciosus patriae civis alitur; unum in locum, et congregavit, et eos in unamquamque
qui vero ita sese armat eloquentia ut non oppugnare con)- rem inducens utilem atque honestam, primo propter inso-
moda patriœ sed pro his propugnare possit, is mihi vir et tentiam réclamantes deinde propter rationem atque ora-
suis, et publicis rationibus utilissimus, atque amicissimus tionem stndiosius audientes ex feris et immanibus, mites-
civis fore videtur. reddidit et mansuetos. Ac mihi quidem vidclur hoc nec
Ac si volumus hujus rei quae vocatnr eloquentia, sive tacita nec inops dicendi sapientia perficere potuisse, ut
studii sive artis, sive exercitalionis cujusdam sive facul- hoinines a consuetudine subilo converteret et ad diversas
laiisanaturaprofectœconsiderareprincipium reperiemus vitœ rationes traduceret. Age vero, urbibus constitulis ut
id ex honestissimis causis natum, atque ab optimis ratio- fidein colere, et justitiam retinere discercut, et aliis pa-
nibus profectum. rère sua voluniate consuescerent, ac non modo labores
H. Nam fuit quoddam tempus qunm in agris hommes excipiendos communis commodi causa, sed etiam vitam
passim bestiarum modo vagabantur, et sibi victu fero vi- amittendam existimarent qui tandem fîeri potuit, nisi
tam propagabant nec ratione animi quidquam, sed plera- homines ea quae ratione invertissent, cloquentia persuadera
que viribus corporis administrabant. Nondum diviiue re- potuissent ? profecto nemo, nisi gravi ac suavi commotus
ligionis, non humani officii ratio colebatur nemo nuptias oratione, quum viribus plnrimum posset, ad jus voluisset
viderai legitimas; non certos quisquam adsnexerat liberos; sine vi descendere ut inter quos posset exceller» cum iis
non, jus xquabile quid uttiiitatis haberet acceperat. Ita se pateretur œqnari et sua volnntale a jueundissima con-
propter errorem atque inscientiam caeca ac temeraria do- suctudinc recederet, quœ praesertim jam natui œ vim ob-
importants services. Mais quand une facilité dan- que les hommes les plus favorisés de la nature,
gereuse cachée sous le masque du talent, dédai- fuyant le tumulte et les orages du forum, se ré-
gnant les sentiers de la sagesse, se livra tout fugièrent au sein des études paisibles, comme
entière à l'étude de la parole, alors la perversité dans un port assuré contre ces tempêtes. C'est ce
des orateurs abusa des dons de l'esprit pour bou- qui répandit tant d'éclat sur les sciences philo-
leverser les villes, et faire le malheur de leurs sophiques et morales, auxquelles les hommes les
concitoyens. plus distingués consacrèrent leurs loisirs; et l'on
III. Puisque nous avons développé la cause renonça au talent de la parole, dans le temps où
des bienfaits de l'éloquence, tâchons d'expliquer il importait le plus d'en conserver et d'en aug-
les causes de sa dépravation. Il me semble natu- menter lu salutaire influence; car, plus l'audace
rel de croire que d'abord on n'abandonna point et la témérité de l'ignorance et du crime profa-
l'administration des affaires à des hommes sans naient un talent si noble et si juste, en le tournant
sagesse et sans éloquence, et que ceux qui réu- contre la patrie, plus il fallait leur résister avec
nissaient ces deux avantages ne se livraient point énergie, et défendre la république.
à la discussion des intérêts particuliers; mais que, IV. Voilà ce qui n'avait point échappé à notre
tandis que les hommes supérieurs s'occupaient grand Caton, à Lélius, à Scipion l'Africain, qu'il
des affaires de l'État, des hommes qui n'étaient est permis de regarder comme leur disciple, ni
point tout à fait dépourvus de talent, discutaient aux Gracques, petits-fils de Scipion, tous hommes
les intérêts privés et domestiques. Accoutumés, supérieurs, dont le mérite éclatant augmentait
dans ces débats obscurs, à soutenir le mensonge l'autorité, et en qui l'éloquence, qu'ils consa-
contre la vérité, leur audace s'accrut par l'ha- craient à la défense de la patrie, rehaussait les
bitude de la parole; et il fallut que les premiers plus brillantes qualités. Je suis persuadé comme
citoyens s'occupassent de les contenir, et de dé- eux que, bien loin de négliger l'étude de l'élo-
fendre tout ce qui les entourait contre les entre- quence, à cause de l'abus criminel qu'on en fait
prises de ces pervers. Bientôt, comme l'orateur chaque jour dans les affaires publiques et parti-
qui dédaignait l'étude de la sagesse, pour se li- culières, il faut s'y livrer avec plus de zèle, pour
vrer tout entier à l'éloquence, paraissait souvent s'opposer au dangereux ascendant qu'usurpent
marcher le rival des autres, et quelquefois même des orateurs pervers, au grand dommage des
s'élever au-dessus d'eux, la multitude séduite le gens de bien, et pour la ruine commune de tous;
jugeait, comme il le pensait lui-même, digne de et on le doit d'autant plus, que l'éloquence est le
gouverner la république. Dès lors il ne fallut pas principalressort des affaires publiqueset privées j¡
s'étonner que, sous des pilotes sans expérience et puisqu'elle seule nous conduit avec honneur et
sans modération,lapatrieéprouvâtles plus grands sans danger dans les sentiers dela gloire etdu bon-
et les plus funestes naufrages. Ces désordresjetè- heur. N'est-ce pas elle qui, dirigée par la sagesse,
rent tant de défaveur et d'odicux sur l'éloquence, dont la voix doit nous guider en toutes choses,

tineret propter vetustatem. Ac primo quidem sic et nata maxima ac miserrima naufragia fiebant. Quibus rebus
et progressa longius eloquentia videtur; et item postea tantum odii atque invidiœ suscepit eloquentia, ut homines
inaximis in rebus pacis et belli cum smnmis hominuin uti- ingeniosissimi quasi ex aliqua turbida tempestate in par.
litatibus esse versata. Postquam vero commoditas quae- tum, sic ex seditiosa et tumultuosavita se in studium ali-
dam, prava virtntis imilatrix sine ratione oflîcii dicendi quod traderent quietum. Quare mihi videntur postea ce-
copiam consecuta est; tum ingenio freta malitia, perver- tera studia recta atque honesta, per otium concelebrata ab
tere urbes et vitas hominum labefactareassuevit. optimis, enituissc; hoc vero a plerisque eorum desertum
III. Atque hujus quoque exordium mali, quoniam prin- obsolevisse eo tempore, quo multo vehementius erat reli-
cipium boni diximus, explicemus. Verisimillimum mihi nendum, et studiosius adaugendum. Nam quo indignius
vi i detur, quodam tempore neque in publicis rébus
infantes rem honestissimam et rectissimam violabat stultorum et
et iusipientos homines solitos esse versari, nec vero ad imoroborum temerilas et audacia, surnmo cum reipublica
privatas causas magnos ac discrtos homines aceedere sed detrimento; eo studiosius et illis resistendum fuit, et re>
quum a summisviris maximal resadminislrarentiir,arbitror publier consulendum.
alios fuisse non incallidos homines, qui ad parvas contro- IV. Quod nostrum illum non fugit Catonem neque La>
versias privatorum accederent. Quibus in controversiis ]ium neque horum (vere dicam) discipulum Africanum,
@

quum saepe a mendacio contra verum homines stare con- neque Gracchos Africani nepotes quibus in hominibus
suescerent, dicendi assiduitas aluit audaciam ut necessa- erat summa virtus, et summa virtute amplificata aucto-
rio superiores illi proptei injurias civium resistere audaci- iïtas,et,qu;£ his rebus ornamento, et reipublicae praesidio
bus, et opitulari suis quisque necessariis cogercnlur. Ita- esset, eloquentia. Quare, meo quidem animo, nihilo minus
que quum in dicendo saepe par, nonnunquam etiam supe eloquentiae stadendum est, etsi ea quidam et privatim, et
rior visus esset is, qui, omisso studio sapientiae, nihil publiée perverse abutuntur sed eo quidem vehementius,
sibi praeter eloquentiam couiparasset, fiebat, ut et multitu- ne mali magno cum detrimento Lonorum, et o minium
diniset suo judicio, dignus, qui rempublicam gereret, vi- omnium pernicie, plurimum possinl quum prri'serlim
deretur. Hine nimirum non injuria, quum ad gubernacnla hoc unum sit, quod ad omnes res et privatas, et publicas
reipublicœ tenicrarii ali|ue audaces hommes accesserant maxime pertineat; hoc tuta, hoc hosesta, hoc illustri
J
rend les États florissants? N'est-ce pas elle qui f et le devoir, que le devoir indique la marche,
fin
rassemble sur ceux qui la cultivent, la gloire, t la fin le but qu'on se propose. Le devoir du
et
les honneurs, les dignités? N'est-ce pas elle enfin médecin
i est de soigner ses malades comme il con-
qui offre à leurs amis la protection la plus sûre vient
i pour les guérir, et la fin, de les guérir par
et la plus puissante? N'est-ce point la parole qui ses
s soins. Ainsi, pour expliquer ces mots, devoir
donne aux hommes d'ailleurs si faibles et si mi- t fin de l'orateur nous dirons que par devoir
et
sérables, une supérioritési marquée sur la brute? nous
i entendons ce qu'il doit faire, et par fin, le
Aussi, qu'il est beau de s'élever au-dessus de Ibut qu'il veut atteindre.
l'hommeparcequi l'élève lui-même au-dessus des On appelle matière de l'art la réunion des cho-
animaux! Si donc on ne doit pas seulement l'élo- ses qui appartiennent, soit à l'étude, soit à la pra-
quence à la nature et à l'exercice, mais aussi à tique d'un art en général. On dit, par exemple,
l'étude de l'art oratoire, il ne sera peut-être pas que les maladies et les blessuressont la matière de
inutile de mettre sous les yeux les préceptes que la médecine, parce que la médecine est tout oc-
nous ont laissés les rhéteurs. cupée de ce doubleobjet. Nous dirons pareillement
Mais, avant de parier des préceptes oratoires, que tout ce qu'embrassent l'art et le talent de
nous expliquerons d'abord ce que veulent dire ces l'orateur est la matière de la rhétorique. Cepen-
mots de genre de devoir, de fin de matière, de dant les rhéteurs ont assigné des limites plus ou
parties. Cette connaissance abrége et facilite l'é- moins étendues à leur domaine. Gorgias le Léon-
tude de chaque objet en particulier et permet de tin, un des premiers qui enseignèrent les règles
considérer l'art dans son ensemble. de l'éloquence, voulait que l'orateur fût capable
V. La science du gouvernement se compose de très-bien parler sur tous les sujets qu'on lui pro-
d'une foule de connaissances importantes. Une poserait. Il donne ainsi à la rhétorique une ma-
des principales et des plus étendues est cette élo- tière infinie, et presque sans bornes. Mais Aris-
quence artificielle qu'on nomme rhétorique. Car, tote, à qui nous devons tant de si belles et de si
sans être de l'avis de ceux qui croient l'éloquence excellentes leçons, a jugé que le devoir du rhéteur
inutile au gouvernement d'un État, nous pensons embrassaittrois genresde causes; le démonstratif,
encore moins que la science du gouvernement le délibératif et le judiciaire. Le genre démons-
soit renfermée tout entière dans l'art du rhéteur. tratif, qui s'attache aux personnes, a pour but
Mais nous dirons que le talent oratoire fait partie l'éloge ou le blâme. Le délibératif,qui repose sur
de la science du gouvernement; que le devoir une question, sur une discussion politique, ren-
de l'orateur est de parler de manière à persua- ferme une opinion. Le genre judiciaire, qui roule
der que la fin du devoir est la persuasion par le sur un jugement à prononcer, comprend l'attaque
moyen de la parole. 11 y a cette différence entre la et la défense, ou les fonctions de demandeur et

hnc eodem vita jucunda fiat. Nam hinc ail rempubiicam snasionem; finis, persuaderedictione. Iuter oflicium autem
plurima commoda veniunt, si moderatrix omnium rerum et ficem hoc interest, quod in officio, quid fieri; in fine,
praesto est supientia; hinc ad ipsos, qui eam adepti sunt,J quid officio conveniat, consideratur ut medici ofticium
laus honos, dignitas confluit; hinc amicis quoque eorum dicimus esse, curare ad sanandum apposite; finem, sanare
eerlissimum ac tntissimum praesidium comparatar. Ac curatione. Item oratoris quid officium, et quid finem esse
mihi quidem videntur homines quum multis rebus lui- dicamus, intelligemus quum id, quod facere debet, offi-
rmliores et infimiiores suit, hac re maxime bcsliis prœ- cium, esse dicemus; illud, cujus causa faccre debet,
stare, quod loqui possunt. Quare praeclarum mihi quiddam finem appcllabimus.
videtur adeptus is, qui, qua re homines bestiis praestent, Materiam artis eam dicimus, in qua omnis ars, et ea
ea in re iioiiiinibus ipsis antecellat Hoc si forte non nalurafacultas, qua3 conficitur ex arte, versatur. Ut si medicina;
i
modo, neque exereitatione conticitur, verum etiam artificio materiam dicamus morbos, ac vulnera, quod in his omnis
t
quodam comparatur, non alienum est videre, quid dicant medicina versetur item, quibus in rebus versatur ars,
ii, qui quaedam ejus rei praecepta nobir reliquerunt. et facultas oratoria eas res materiam artis rheUiricas no-
Sed antequam de prœceplis oratoriis dicamus, videtur minamus. Has autem res, alii plures, alii pauciores existi-
dicendum de genere ipsius artis, de officio, de fine, de maverunt. ,Nam Gorgias Leontinus, antiquissimus fere
t
materia, de partibus. >'am his rebus cognitis, facilius et rhetor, omnibus de rebus oratorem optime posse dicere
l
expeditius uniuscujusqueanimus ipsam rationem ac viarn existimavit. Hic infinilam et immensam buic ai-lificio
artis considerare poterit. materiam subjicere videtur. Aristoteles autem, qui buic
V. Civilis quœdam ratio est, quœ multis et magnis ex arti plurima adjumenta atque ornamenta subministravit
rebus constat. Ejus quaedam magna et ampla pars est, tribus in generibus rerum versari rhetoris officium puta-
artihciosa eloquentia, quam rhetoricam vocant. Nam ne- vil,demonstrativo,deliberativo, judiciali. Demonstrativum
que cum ils sentirons, qui civilem scientiam eloquentia est, quod tribuitur in alicujus certat personne laudem aut
non putant indigere et ab iis, qui eam putant ornnem rhe- vitnperationem. Deliberalivuin quud positum in disce-
loiïs vi et artilicio contineri, magnopere dissentimus. ptatione et consultations civili habet in se pententiœ di-
Quarc banc oraloriam facnltatem in eo genere ponemus, etionem. Judiciale, quod positum in judicio, habel in se
ut eam civilis scientiae partem esse dicamus. Officiumi accusationem et defensionem, aut petitionem et recusa-
autem ejus fuculutis videtur esse, dicere apposile ad per. Imitern. Et, quemadmodnm nostra quidem fert opinm,
de défendeur. Nous croyons, comme Aristote, avec autant de goût que d'exactitude les meil-
que dans la division de ces trois genres se trouve leurs préceptes des anciens, et il lui arrive même
renfermée toute la matière de la rhétorique. quelquefois d'y mêler des observations qui lui
VI. Hermagoras, en effet, semble ne point appartiennent; mais, parler sur l'art oratoire
songer à ce qu'il dit, et ne pas comprendre tout (et c'est ce qu'il a fait ) n'est rien pour l'orateur
ce qu'il promet, quand il divise la matière de l'é- il doit surtout parler suivant les règles de cet art
loquence en cause et en question. Il définit la et il est facile de le voir, ce talent manquait
causa un sujet de controverse soumis à la parole, à Hermagoras. Ainsi nous adoptons l'opinion
avec intervention de personnes, objet que nous d'Aristote sur la matière de la rhétorique.
avonsaussi renfermé dans le domaine de l'orateur,
VII. Les parties sont, commeonl'asi souvent
par notre précédente division des genres démons- répété, l'invention, la disposition, l'élocution,
tratif, délibératif et judiciaire. Il appelle question
la mémoire et le débit. L'invention trouve les
un sujet de controverse soumis à la parole, sans moyens vrais ou vraisemblablesqui peuvent sou-
intervention de personne, comme Est-il quel-
tenir la cause. La disposition est l'art de les dis-
que autre bien que la vertu? Faut-il s'en rap- tribuer et de les mettre en ordre. L'élocution re-
porter au témoignage des sens? Quelle est la vêt des idées et des expressions convenables les
figure du monde? la grosseur du soleil? ques-
choses créées par l'invention. La mémoire retient
tions qui doivent assurément paraître fort étran-
gères au devoir de l'orateur. N'est-ce pas, en d'une manière sûre et inaltérable les pensées et
effet, une insigne erreur que d'attribuer à l'élo- les mots. Le débit règle le geste et la voix, et
les proportionne aux idées et aux paroles.
quence, comme des sujets à traiter en passant, des
questions que le génie de nos philosophes les plus Ces principes une fois posésen peu de mots, je
profonds, soutenu d'un travail infatigable n'a remets à un autre temps ce quej'aurais à diresur
pu encore éclaircir? Quand même l'étude et des le genre, le devoir et la fin de la rhétorique; car
connaissances immenses auraient aplani pour Her- j'aurais besoin de longs développementsqui n'ap-
magoras toutes ces difficultés, il n'en aurait pas partiennent pas si intimement à l'exposition des
moins, plein de confiance dans une vaste instruc- préceptes de l'art; et, pour faire un traité de
tion, mal défini le devoir de l'orateur, et tracé rhétorique, il faut s'occuper surtout de la matière
les limites de ses connaissances, et non pas celles de l'art et de ses différentes parties. Telle estmon
de l'art. Mais telle est, à dire vrai, l'idée qu'on opinion, et il me semble convenable de traiter
doit avoir de cet-homme, qu'il serait plus facile ces deux objets à la fois. Je vais donc parler de
de lui ôter le titre de rhéteur que de lui accorder lamatière et des parties de l'art. Comme l'inven-
celui de philosophe. Ce n'est pas que le traité tion est la première de toutes, nous commence-
de rhétorique qu'il a publié me semble renfermer rons par la considérer dans tous les genres de
beaucoup d'erreurs; car il recueille et dispose causes.

oratoris ars et facultas in hac materia tripartita versari ejus ars, quam edidit, mihi mendosissimescriptavideatur;
existimanda est. nam satis in ea videtur ex antiquis artibus ingeniose et
YJ. Nam Hermagoras quidem, nec quid dicat, atten- diligenter electas res collocasse, et nonnihil ipse quoque
dere, nec quid polliceatur, intelligere videtur, qui oratoris novi protulisse: verum oratori minimum est de arte loqui.
materiam in causam et in quaestionem dividat. Cansam quod hic fecit; multo maximum ex arte dicere, quud eum
esse dicit rem, quœ habeat in se controversiam in dicendo minime potuisse, omnes videmus. Quare materia quidem
positam cum persnnarum certarum interpositione; quani nobis rhetoricae videtur ea, quam Aristoteli visam esse di-
nos quoque oratnri dicimus esse attributam. Nam tres ci ximus.
partes, quas ante diximus, supponimus, judicialem, deli- VII. Partes autem hae sont, quas plerique dixerunt,
beralivam deraonstrativam. Quaestionem autem eam ap- inventio, dispositio, elocutio, mcmoria, pronuntiatio. In-
poîllat, quae habeat in se conlroversiaiu in dicendo posi- ventio est excogilatio rerum verarum, aut verisimilium,
tam, sine certarum personamm interpositione, ad hune quae causam probabilem reddant. Dispositio est rerum in-
modum « Ecquid sit bonum praeter honeslatem? Verine ventarum in ordinem distributio. Elocutio est idoneorum
sint sensus? Quae sit mundi forma? Quœ solis magni- verborum, et sententiarum ad inventioncm accommoda-
« ludo? » Quas quœstiones procul ab oratoris officio re- tio. Memoria est firma animi rerum ac verborum ad in-
motas, facile omnes intelligere exislimamus. Nam, quibus ventionem perceptio. Pronnntiatio est, ex rerum et ver-
in rebus summa ingenia pliilosopiiorum plurimo cum la- borum dignitate, vocis et corporis moderatio.
bore consnmta intelligimus cas, sicnt aliquas parvas res, Nunc his rebus breviter constituas eas rationes, quihus
oratoriattribuere, magna amen lia videtnr. Quod si magnam ostendere possimus genus et officium, et finem hujus ar-
in bis Hermagoras habuisset facultatem, studio et disci. lis, aliud in tempus differemus. Nam et nmltorum verbo-
plina comparatam videretiir fretus sua scientia, falsum rum indigent, et non tantnpere ad artis descriptionem et
quiddam constituisse de oratoris officio, et non quid ars, prœcepta tradenda pertinent. Eum autem, qui artem rhe-
Red quid ipse posset, exposuisse. Nuncveroea vis est in toricam scribat, de duabus reliquis rebus, de materia ar-
liomine, nt ei imilto rhetoricam citius quis ademerit, tis, ac partibus scribere oportere existimamus. Ac mihihi
quam philosophiam concesserit. Neque id eo dico, quod quidera videtur conjuncte agendum de malcria ac parlibus.
VIII. Tout ce qui contient quelque sujet de nant du fait, on cherche quel nom il faut lui don-
<wntroverse de débat ou de discussion, renferme ner. Si l'on conteste sur le nom ce n'est pas
une question ou de fait, ou de nom, ou de genre, qu'on ne soit d'accord sur la chose, que le fait
ou d'action. La question d'où nait la cause s'ap- ne soit pas constant; mais comme chacun voit ce
pelle état de cause ou de question. L'état de fait sous un point de vue différent, chacun lui
question est le premier conflit des causes; il nait donne un nom différent. Dans les causes de cette es-
de la défense « Vous avez fait cette chose. pèce, il faut recourir à la définition, àune courte
Non, ou j'ai eu droit de la faire. » La discus- description. Par exemple » On a dérobé des
sion roule-t-elle sur les faits comme les conjec- « vases sacrés dans un licu profane; le coupable
tures appuient votre cause, c'est un état de ques- » doit-il
être jugé comme voleur ou comme sacri-
tion conjectural; sur le nom comme il faut dé- • lége? Dans ce cas, il faut, des deux côtés,
finir le sens des mots, c'est un état de définition. définir le vol, le sacrilége, et montrer par sa
Quand il s'agitdequalifierla chose même, comme définition que les adversaires ne donnent pas au
la discussion roule sur son genre et sa nature, délit dont il s'agit le nom qui lui convient.
c'est un état de question de genre. Si le deman- IX. Si le fait est constant, si l'on est d'accord
deur n'a pas droit d'intenter son action, s'il ac- sur le nom qu'on doit lui donner, et que néan-
cuse celui qu'il ne doit pas accuser, s'il n'a pas moins on examine son étendue, sa nature, en
bien choisi son tribunal, le temps, la loi, l'accu- un mot quel il est, s'il est juste ou injuste, utile
sation, comme il faut que la cause soit changée ou nuisible, sans disputer sur le nom qu'il mé-
et portée à un autre tribunal, l'état de question rite, sans chercher autre chose que son véritable
s'appelle état de récusation. Toute cause doit of- caractère, c'est une question de genre.
frir nécessairement quelqu'une de ces questions,1 A cette division Hermagoras rattache quatre
ou bien il n'y a pas de point de discussion, et espèces la question délibérative, la question
par conséquent pas de cause. démonstrative, la question juridiciaire, et la
La discussion du fait peut se rapporter à tous question matérielle. Cette erreur assez grossière
les temps Au passé •< Ulysse a-t-il tué Ajax? » me semble mériter d'être réfutée, mais en peu
Au présent: « Les habitants de Frégelles sont-ils de mots. La passer sous silence serait laisser
« bien disposés pour les Romains? » A l'avenir croire que je me suis écarté sans raison de l'opi-
« Si nous laissons subsister Carthage, en résul- nion de ce rhéteur; une trop longue discussion
«
tera-t-il quelque inconvénient pour la républi- sur cet objet me retarderaitinutilement, et m'em-
«
que? >
pêcherait de tracer en liberté la suite de ces pré-
C'est une question de nom quand, en conve- ceptes.

Qnare inventio, qua: princeps est omnium parlium poLïs-


simum in omni causarum genere, qualis debeat esse, con-
cquerimus
«
incolumem, nuni quid sit
publïcam perventurump »
incommodi adrem-

sideretnr. Nominis controversia est, quum de facto convenit, et


Omiiis res, quïe habet in se, positam in dictione
•V11I. quœritur, id quod factum est, quo nomine appellelur.
aut disceptatione, aliquam conl.roversiam aut facti, aut Quo in genere necesse est [ideo nominis] esse controver-
nominis, aut generis, aut actionis continet quiïslionem. siam [non qtiod de re ipsa non conveniat], non quod de
Eam ifiiLur quœstionem, ex qua causa nascitur, constitu- facto non constet, sed quod id, quod factum sit, aliud
tionem appellamus. Cunslitutio est prima conllictio causa- alii videatur esse, et idcirco alius alio nomine id appellet.
rum ex depulsione intentionis prufecta, hou modo « l'c Quare in hujusmodi generibus definienda res erit verbis
cisti.– Non feci, aut jure feci. Qiium (acti controvcisia
» et breviter describenda ut, si quis sacrum ex privato
est, quoniam conjecturis causa fu-malur, constitutio con- surripuerit, utrum fnr, an sacrilegus sit judicandus. Nam
jeclnralis appellatur. Qunm autem nominis, quia vis vo- id quum quœritur, necesse erit definire utrumque quid
cabuli definienda verbis est, constitutio delinitiva nomina- sit fur, quid sacrilegus, et sua descriptione ostenderealio
tin1. Quum vero qualis sit res, quœritur, quia et de vi nomine illam rem, de qua agitnr, appellari oportere, atque
et de genere negotii controversia est, conslittitio generalis adversariidicant.
vocatur. At qnum causa ex eo pendet, quod aut non is agere IX. Generis est controversia, quum et quid factum sit.
videtur, quem oportet, aut non cum eo, quicum oportet, convenit, et quo id factum nomine appellari oporteat, con.
aut non apud quos, quo tempore, qua lege, quo criniinc stat, et tamen, quantum, et cujusmodi, et omnino quale
qya po?na oportet, translativa dicitur constitutio; quia sit, quœritur, hoc modo Justum, an injustum; utile, an
actio, translationis et commutationis indigere videtur. inutile; et omnia, in quibus, quale sit id, quod factum
Atque harum aliquam in omne causae genus incidere ne-
est, quaeritur, sine ulla nominis controversia.
cesse est. Nam in quam rem non inciderit, in ea nihil
essepoteiïtcontroversiœ.Quare eam ne causam qnidem Huic generi Hermagoras partes quatuor supposuit, deti-
convenit putari. berativam demonstralivam juridicialem, negotialem.
Ac facti quidem controversia in omnia tempora potest ejus, ut nos putamus, non médiocre peccatum,re-
Quod
distribui. Nam quid factum sit, potest quaeri, hoc modo prehendendnm videtur, verum brevi; ne aut, si tadti
« Octideritne Ajacem Ulysses ? » Et
quid fiat, hoc modo prœterierimus, sine causa non secuti eum pntemur; aut,
Fregellani » si diutius in hoc constiterimus, moram atque impedimen.
« Gonone animo sint erga populum romanum
Et quid futnrum sit, hoc modo Si
Carthaginem reli. I liim reliquis praeceptis intulisse Nideamur.
Si le genre délibératif et le genre démonstratif ne repousse pas l'accusation ne peut être ni la
sont des genres de cause, on ne peut sans erreur question, ni une partie de la question. Or si ce
les regardercomme des espèces de quelque genre. qui ne repousse pas l'accusation ne peut être ni
La même chose peut bien être appelée genre par la question, ni une partie de la question, le déli-
les uns, espèce par les autres; mais elle ne sau- bératif et le démonstratif ne sont ni la question,
rait, pour le même juge, être genre et espèce à ni une partie de la question. Si donc repousser
la fois. Or le délibératif et le démonstratif sont l'accusation constitue, ou la question, ou une
des genres car, ou il n'y a pas de genre, ou il partie de la question, le délibératif et le démons-
n'y en a pas d'autre que le judiciaire, ou bien il tratif ne sont ni la question, ni une partie de la
y a le délibératif le démonstratif et le judiciaire.question. Mais Hermagoras prétend que repous-
Avancer qu'il n'y a pas de genre de cause, mais ser une accusation constitue la question. Qu'il
qu'il y a différentes causes, et donner des pré- dise donc aussi que le délibératif et le démons-
ceptes pour les traiter, est une folie. D'un autre tratif ne sont ni la question ni une partie de la
côté, comment le genre judiciaire pourrait- il question. Et soit qu'il appelle question les pre-
exister seul lorsque le délibératif et le démons- miers moyens dont s'appuie l'accusateur ou la
tratif, si différents entre eux, ont encore moins première défense de l'accusé, il setrouve toujours
de rapport avec le judiciaire, lorsque chacun dans le même embarras; car il rencontre toujours
d'eux se propose un but particulier? il en faut les mêmes écueils.
conclure qu'ils sont tous trois des genres; on ne Ensuite, une cause de conjecture ne peut à la
peut donc considérer le démonstratif et le déli- fois, sur le même point, et dans le même genre,
bératif comme les espèces de quelque genre. être cause de conjecture et cause de définition.
C'est donc à tort qu'Hermagoras les a considérés D'un autre côté, une cause de définition ne peut
comme des espèces de la question de genre. à la fois, sur le même point, et dans le même
X. Que si l'onne peutles considérer comme des genre, être cause de définition et cause de récu-
espèces d'un genre de cause, on se trompe plus sation. Nulle question enfin, nulle partie de ques-
lourdement encore en les faisant espèces d'espèces. tion ne peut en contenir une autre, parce que
Car la question entière est une partie de la cause, chacune d'elles est prise en elle-même, et consi-
puisque ce n'est pas la cause qui s'applique à la dérée isolément d'après son essence. Ajoutez-en
question, mais la question à la cause. Mais si le une nouvcllc, le nombre des questions est aug-
délibératif et le démonstratif, parce qu'ils sont menté, mais la question n'a pas plus d'étendue.
des genres, ne peuvent être considérés comme Mais une cause délibérative renferme ordinaire-
les espèces d'un genre de cause, encore moins ment, sur le même point, et dans le même genre,
doit-on les regarder comme des espèces d'espè- une et quelquefois plusieurs questions de conjec-
ces, ainsi que l'a fait Hermagoras. D'ailleurs, si ture, de genre, de définition et de récusation.
repousser une accusation constitue la question Elle n'est donc ni la question elle-même, ni une
elle-même, ou une partie de la question, ce qui partie de la question. Il en est de même pour le

Si deliberatio et demonstratio genera suut causarum tabuntur. Deinde si constitutio, et ipsa, et pars conjtitu-
non posant recte partes alicujus generis causa; putari. tionisejus quœlibet, intentionis depulsio est, quœ inten-
Eadem enim res alii genus esse, alii pars potest; eidem tionis depnlsio non est, ea nec constitutio, nec pars
genus esse et pars nou potest. Delilieratio autem et de- constitutionis est. At si, quœ intentionis depulsio non est,
monstratio, gênera sont causarum. Nam aut nullum ea nec constitutio, nec pars constitutionis est, demonslra-
causse genus est, aut judiciale solum, aut et judiciale, tio et deliberatio neque constitutio nec pars constitutio
et demonstrativum, et deliberativum. Nullum dicerecausae nis est. Si igitur constitutio, et ipsa, et pars ejus, inten-
esse genus, qunm causas esse multas dicat, et in eas prœ- tionis depulsio est, deliberatio et demonslratio, neque
cepta det, amentia est. Unnm autem jadiciale solum esse constitutio, neque pars constitutionis est. Placet aulem
qui potest, quum deliberatio et demonstratio, neque ipsa!i ipsi, constilutionem iutentionisessedepulsionem. Piaccut
similes inter se sint, et ab judiciali genere plurimum 'lis- igitnr oportet, dcmunstrationem et deliberationein non esse
sideant et suum quœqiie finem habeat, qno referri debeat? constitutionem, nec partem constitutionis. Atque hoc
Relinquitur ergo, ut omnia tria genera sint causarum. eodem urgebitur, sive constitutionem, primam causas ac-
beliueratioigitur, et demonslralio, non possunt recte partes cusatoris confirmationem dixerit, sive defensoris primam
alicujus generis causœ putari. Maie igitur eas generaliscon- deprecationem. Nam eum eadem omnia incommoda se.
stitutionis partes esse dixit. quentur.
X. Quod si generis causae partes non possunt recte pu- Deiude conjecturalis causa non potest simul ex eadem
tari, multo minus recte partis causse partes pulabuntur. parte, eodem in genere, et conjecluralis esse, et diflnitiva.
i
Pars autem oausr, constitutio est omuis. Non enim cansa Rursus nec definitiva causa potest simul ex eadem parte
ad constitutionem, sed constitutio ad cansam accommoda-eodem in genere, et deliniliva esse, et translatira. K!
tur. Sed demonstratio et deliberatio, generis causae partes omuino nulla constitutio, nec pars constitutionis polest
non possunt recte putari, quod ipsa sunt genera. Multo simul et suam habere, et alterins in se vim continere
iyitur minus recte partis ejus, quod hic dicit, partes pu- ideu qnod unaquœque ex se, et ex sua natura simplicitcr
démonstratif. Il faut donc les considérer comme nous
n avons obéi a une puissance, à une autorité
des genres de cause, et non comme des espèces éétrangère; le fait, quand on dit qu'un autre a
de quelque état de question. àdû ou a pu commettre la faute. Dans la récrimi-
XI. Ainsi, ce que nous appelons question de nation,
r on soutient qu'on a eu droit d'agir comme
genre renferme deux parties la question juridi- c fa fait, parce qu'on a été injustement provo-
on
ciaire, qui discute le droit et le tort, qui décide qué.
c Si l'on allègue que l'action incriminée avait
si l'on mérite peine ou récompense; la question Ipour but quelque autre action utile ou honorable,
matérielle, où l'on examine tout ce qui appartient on
c emploie l'alternative.
au droit civil. et à l'équité. Cette dernière est du Dans la quatrième question, que nous appe-
domaine des jurisconsultes. 1 lons de récusation il s'agit de connaître si l'ac-
La question juridiciaire se subdivise elle- cusateur
( a droit d'intenter son action, s'il l'a fait
même enabsolue et en accessoire. Elle est absolue devant le tribunal, suivant la loi, dans la forme
quand elle renferme l'examen du droit ou du ( dans le temps convenables; enfin, si quelque
et
tort; accessoire, si la défense, faible par elle- iirrégularité peut faire porter la cause devant un
même, s'appuie sur des moyens étrangers au autre tribunal ou annuler l'accusation. Herma-
fond de la cause. Elle offre alors quatre chefs goras passe pour l'inventeur de cette question;
l'aveu du crime, le recours, la récrimination et non qu'une foule d'orateurs ne s'en soient servis
l'alternative. L'accusé, en avouant le crime, avant lui, mais parce qu'elle avait échappé aux
implore-t-il son pardon, c'est l'aveu du crime. premiers rhéteurs, et qu'ils ne t'avaient point
Alors il emploie ou le défaut d'intention ou la dé- mise au nombre des questions. On a, depuis,
précation. Par le défaut d'intention, il convient contesté souvent à Hermagorasl'honneur de cette
du fait, sans s'avouer coupable, et rejette la faute découverte, moins, je crois, par ignorance (la
sur sou imprudence, sur le hasard, sur la néces- chose est assez évidente par elle-même) que par
sité. Par la déprécation, l'accusé avoue son jalousie, et par envie de nuire à sa réputation.
crime, et convient même de la préméditation Nous avons fait connaître et les questions et
mais il implore la pitié des juges. Il est très-rare leurs différentes parties. Il nous sera plus facile
de pouvoir employer ce moyen. Par le recours, de donner des exemples de chacune d'elles quand
on se disculpe en rejetant l'accusation sur un au- nous traiterons des arguments qui leur convien-
tre, en démontrant que la faute ne saurait re- nent et la méthode des arguments sera aussi
tomber sur nous. On y parvient en imputant à plus claire, quand on pourra l'appliquer sur-le-
autrui ou la cause ou le fait la cause, quand champ au genre et au caractère de la cause.

consideratur; altera assumta, numerus constitutionum dere. Remotio criminis est, quum id crimen, quod infer-
duplicahir, non vis constitutionis augetur. At deliberaliva tur, ab se et ab sua culpa, vi et potestate in alium reus
causa simul ex eadem parte, eodem in genere, et conje- removere conatur. Id dupliciter fieri poterit, si aut causa,
cturalem,etgeneralcm,ctdefinitivam, et translativam so- ant factum in alium transferetur. Causa transfertur, quum
let habere constitutionem, et unam aliquando, et plures aliena dicitur ri et potestate factum. Factum autem, quum
nonnunquam. Ergo ipsa nec constitntio est, née pars alius aut debuisse, aut potuisse facere dicilur. Relatio cri-
constitutionis. Idem in demonstratione solet usu evenire. minisest, quum ideo jure factum dicitur, quod aliquisante
Genera igitur, ut ante diximus, hase causarum putanda injuria lacessierit. Comparatio est, quum aiiud aliquod
sunt, non partes alicujus conslilutionis. alicujus factum rectum aut utile contenditur, quod ut
XI. Hœc ergo constitutio, quam generalem nominamus, fleret, illud, quod arguitur, dicitur esse coumissum.
partes nobis videtur duas habere, juridicialem, et nego- Inquarta constitutione, quam translatiram nomiramus,
tialem. Juridicialis est, in qua aequi et iniqui natura, ejus constitutionis est controversia,
praeraii, autpœnœ ratio quœiitur. Negotialis est, in qua, quicum, aut quomodo, aut apud quum aut quem, aut
quid juris ex civili more, et œquilate sit, consideratur
quos, aut quo jure, aut
quo tempore agere oporteat quœritur,aut omnino aliquid
cui diligentise prœesse apud nos jurisconsulti existiman- de commtitatione
aut infirmatione actionis agitur. Hujus
tur. constitntionis Hermagoras inventor esse existimatur, non
AC juridicialis quidem ipsa in daas distribuitur partes,
quo non usi sint ea veteres oratores saepe multi sed quia
absolulam et assumtivam. Absoluta est, quae ipsa in se
non animadverterint artis scriptores eam superiores, nec
continet juris et injuria? quaœtionero. Assumtiva, quae ipsaretulerint innumerum constitutionum. Postautem ab hoc
ex se niliil firmi dat ad recusalionem; foris autcm aliquid
inventam mulli reprehenderunt, quos non tam impruden-
defensionis assnmit. Ejus partes sunt quatuor, concessio, J tia falli putamus (res enim perspicua est), quam invidia
remotio criminis, relatio criminis, comparatio. Concessio atque obtrectationequadam
impediri.
est, quum reus non id, quod factura est, défendit, sed,
ut ignoscatur, postulat. Hœc in duas partes dividitur, pur- XII. Et constitutiones qnidem et earum partes expo-
gationem et deprecationem. Purgatio est, quum factum suimus exempla autem cujusque generis tuuc commodius
conceditur, culpa removetur. Haec partes habet tres, im- exposituri videmur, quum in unumquodque eorum argu.
prudentiam,casum necessitatem.Deprecatio est, quum ett menlorum copiam dabimus. Nam argumentandi ratio di-
peccasse, et consul peccasse reus se confitetur, et tamen,i, lucidior erit, quum et ad genus et ad exemplum cause
ut ignoscatur, postulat quod genus perraro potest acci-i- statim polerit acfommodari.
L'état de qucstion unc fois établi, il faut exa- ides termes ambigus; la quatrième, de l'analogie;
miner si la cause est simple ou complexe. Quand e la cinquième, de la définition. Dans les causes
et
elle est complexe elle peut se composer de plu- ide raisonnement, la question ne porte pas sur
sieursquestions, ou renfermer une comparaison. l sens littéral, mais sur la manière d'argumen-
le
Elle est simple, quand elle ne contient qu'une t
ter.
seule question absolue; par exemple « Déclare- Dès qu'on a examiné le genre de la cause,
« rons-nous la guerre aux Corinthiens,ou non ?» j posé
[ l'état de la question, distingué si elle est
Dans la cause complexe, composée de plusieurs simple
s ou complexe, si elle porte sur le sens lit-
questions, on a plusieurs points à examiner par téral
t ou sur un raisonnement, il faut trouver le
exemple: « Faut-il détruire Carthage, la rendre point de discussion, le raisonnement, le point à
aux Carthaginois, ou bien y envoyer une co- jjuger,
r
i et la preuve confirmative. Tout cela doit
lonie? Dans la cause complexe parcomparai- r naître de fétat de la Le
question. point de discus-
son, on examine et l'on discute de deux partis sion
s est le débatproduit par le choc des causes
lequel est le plus avantageux, lequel est préfé- Vous n'aviez point le droit lefaire. te
de
rable; par exemple « Doit-on envoyer une ar- l'avais.
l Le choc des causes établit l'état de la
«niée en Macédoine,contre Philippe, pour dé- question.
c C'est donc de l'état de la question que
«
fendre nos alliés ou la faire rester en Italie, naissent
t ces débats que nous appelons points de
«
afin d'avoir le plus de forces possible pour com- discussion
c Avait-il droit de le faire? » Le rai-
«
battre Annibal ? » sonnement
s est ce qui constitue la cause: ôtez-le,
XIII. Il faut ensuite examiner si la discussion i n'y a plus de débat. Ainsi, pour nous en tenir
il
porte sur le raisonnement ou sur le sens littéral, à un exemple facile etconnu Oreste est accusé
c'est-à-dire, sur ce qui est écrit. Ce dernier genre d'avoir tué sa mère. S'il ne répond point « J'en
<

de cause se divise en cinq espèces, qu'il ne faut avaisledroit,parceqn'elleavaittuémonpèrc,


« »
pas confondre avec les questions. Tantôt les ex- il ne peut se défendre; et sans défense il n'y a
pressions de l'auteur de l'écrit ne semblent pasi point de débat. Le raisonnement sur lequel re-
d'accord avec son intention; tantôt deux ou plu- posera sa causesera donc celui-ci: « J'en avais le
sieurs lois sont en contradiction,ou bien le texte droit, parce qu'elle avait tué Agamemnon. » De
a deux ou plusieurs sens différents; ou l'on peutl'attaque et de la défense naît le point à juger. Et
déduire de ce texte ce qu'il n'exprime point; ou pour continuer à nous servir de l'exemple d'O-
enfin, comme dans la question de définition, on reste,
s'il donne pour raison Elle avait tué
peut n'être point d'accord sur la valeur des ter- < mon père. -Mais, réplique l'accusateur, était-
mes. Ainsi la première espèce s'occupe du sens ce
à vous, à son fils, de lui donner la mort ?
littéral et de l'intention de l'auteur de l'écrit; la Fallait-il punir un crime par un crime? »
seconde, des lois contradictoires; la troisième, XIV. Le développement des raisons produit

Conslitutionecausœreperta, statim placet considerare, definitivum nominamus. Ratio autem est, quum omnis
utrum causa sit simplex, an juncta; et si juncta erit, queestio non in scriptione, sed in aliqua argumentatione
titrura sit ex pluribus quœstionibus juncta, an ex aliqiiaconsistit.
comparatione. Simplex est, quai absolutam in se continett At tum considérât» genere causae et cognita constitu-
unam qtiœstioncm, hoc modo « Corintliiis bellur/i indi- tione, qpum, simplexne, an conjuncta sit, intellexeris,
« camus, an
non? » Conjuncta expluiïbusquœslionibus, et scripti, an rationis habeat controversiam videris; dein-
in qua plura quœrnnlur, hoc pacto « TTtrum Carthago ceps erit videndum, qaœ quœstio, quae ratio, quae judi-
Carthaginiensibus reddatur, an co colonia» catio quod firmamcntum causœ sit quae omnia a consti-
« (iicualur, an
«
deducatur. » Ex comparatione, in qua per contentioncm, tulione proficiscantur oportet. Quaestio est ea, quae ex
ï
ii irura potius aut quid potissimum sit, quœrilur, ad liunc conflictione causarum gignilur controversia, hoc modo
modum « IHnim exercitus in Macedoniam coutra Pliilip- « Non jure fecisti. » – « Jure feei. » Causarum autem hœc
n puni mittatur,
qui sociis sit anxilio; an leneatur in lla- est contlictio, in qua constitutio constat. Ex ea igitur na-
« Ua,utquam sciturcontroversia,quam quaestionem dicimus, hoc modo:
maximae contra Hannibalemcopiai sint. »
XII I. Deinde considerandum est, in ratione, an in sciipto » « Jurene fecerit. » Ratio est, quœ continet causam, quae
sit controversia. Nam scripti controyersia est ea, quœ exi si sublata sit, nihil in causa controversiae relinquetur, hoc
t
scriptionis genere nascitur. Ejus antem genera, quae sunt modo ut docendi causa in facili et pervulgato exemplo
separata a constitutionibus quinque sunt. Nam quum[i consistants Orestes si accusetur matricidii, nisi hoc
verba ipsa videnlur cum sententia scriptoris dissidere, dicat Jure feci; illa enim patrem meum occiderat »
tnm inter se duae leges, aut plures discrepare, tum id, non habet defensionem. Qua sublata, omnis quoque con-
quod scriptum est, duas aut plures res aignificare; tum exK troversia sublata sit. Ergo ejus causae ratio est Quod
eo, quod scriplum est, aliud quoque, quod non scriptuma « illa Agamemnonem occident. » Judicatio est, qu<e ex
est, inveniri; tum vis verbi, quasi in definitiva constitu. infirmatione et confirmatione ratinnis nascitur controver-
liona, in quo posita sit.quœiï. Quare primum genus, deq sia. Nam sit ea nobis exposita ratio, quam paullo ante ex-
srripto et sententia; secundum, ex coiilrariis legibus; posuimus. « Illa enim, inqnit, patrem meum occiderat. –
tertium ambiguum quartum ratiocinai! vum ;quintum, « At non, inquit adversarius, abs te filio matrem necan
ro chef important que nous appelons point à ju- et fortifies, ordonnez alors les différentes parties
ger :« Oreste a-t-il eu le droit de tuer sa mère, de votre discours. 11 y en a six en tout, à ce qu'il
« parce qu'elle avait tué le père d'Oreste? nous semble l'Exorde, la Narration, la Divi-
La preuve confirmative est la plus ferme dé- sion, la Confirmation, la Réfutation et la Pé-
fense de l'accusé; elle détermine surtout le point roraison. Nous commencerons par donner les
à juger. Ainsi Oreste peut dire « Les sentiments règles de l'exorde, puisque l'exorde se présente
« de ma mère pour son époux, pour moi-même, le premier.
pour mes soeurs, pour notre empire, pour la XV. L'Exorde est cette partie du discours
«
gloire de notre famille, étaient tels, que ses en- où l'on essaye de préparer favorablement l'audi-
«
fants avaient plus que tout autre le droit de la teur. On y réussit quand on parvient à lui ins-
«
punir. » Telle est la manière de trouver dans pirer de la bienveillance, de l'attention, de l'in-
tout état de question le point à juger. Néanmoins, térêt. Aussi l'orateur, pour faire un bon exorde,
dans la question de conjecture, comme il n'y a doit-il connaître parfaitement la nature de sa
pas de raisonnement puisqu'on n'accorde pas le cause. Les causes sont honnêtes, extraordinaires,
fait, le point à juger ne peut naître du dévelop- honteuses, douteuses ou obscures. La cause est
pement des raisons. Alors le point de discussion honnête, quand l'auditoire est, de lui-même, et
et le point à juger ne forment nécessairement avant que nous prenions la parole, prévenu en
qu'un. Lefaitexiste. – II n'existe pas. –Existe- notre faveur; extraordinaire, quand les esprits
t-il? Autant il y a dans une cause d'états ou de sont indisposés contre nous; honteuse, si l'audi-
subdivisions d'états de question autant il doit teur la dédaigne et n'y attache pas grand inté-
nécessairement y avoir de points de discussion, rêt douteuse, si le point à juger est incertain
de raisonnements,de points à juger et de preuves ou si la cause, tout à la fois honnête et hon-
confirmatives. teuse, prévient également pour et contre elle;
Toutes ces divisions établies, considérez iso- obscure enfin, si elle se refuse à l'intelligence des
lément chacune des parties de la cause entière, auditeurs, on si la multiplicité des incidents y
et n'allez point vous occuper de chaque chose répand de la confusion. Chacun de ces genres
dans l'ordre suivant lequel vous devez en parler. de causes si différents demande donc un exorde
Voulez-vous que vos premiers mots se lient bien, différent. Et d'abord, nous distinguerons en gé-
et soient dans une harmonie parfaite avec le fond néral deux sortes d'exordes l'exorde direct, et
de la cause, faites-les naître de ce qui doit suivre. l'exorde par insinuation. Le premier chercheou-
Quand l'art, l'étude et la méditation vous auront vertement, et dès les premières paroles, à dis-
montré le point àjuger, et tous les raisonnements poser l'auditoire à la bienveillance, à l'attention
qui l'appuient, que vous les aurez approfondis [ et à l'intérêt. L'insinuation se cache avec adresse,

« oportuit. Potuit enim sine tuo scelere illins factum pu- diligenter erunt artificio reperta, cura et cogitatione per
« niri. n tractata; tum denique ordinandte sunt cetera; partes
XIV. Ex hac deduclione rationis illa summa nascitur orationis. Hœ partes sex esse omnino nobis videntur
controversia quam judicationem appellamus. Ea est ho- Exordium, Narratio, Partitio, Confirmatio, Reprehensio,
jusmodi « Rectumne
fuerit ab Oreste matrem occidi, Conclnsio. Nunc quoniam exordium princeps omnium
« quum illa
Orestis patrem occidisset.» esse debet, nos quoqne primum in rationem exordiendi
Firmamentum est tirmissima argumentatiodefensoris, praecepta dabimus.
et appositissima ad judicationem nt si velit Orestes di- XV. Exordinm est oratio animum auditoris idonee com-
cere « ejusmodi animum matris suœ fuisse in patrem parans ad retiquam dictionem quod evenict, si eum be-
« suum, in se
ipsum ac sorores, in regnnm, in famam nivolnm, attentum, docilem fecerit. Quare qui bene exor-
generis et familiae ut ab ea pœnas liberi sui potissimum diri causam volet, eum necesse est genus suae causre
«
« petere debuerint. Et in ceteris quidem constitutionibus diligenter ante cognoscere. Generacausarum snnt quinque.
honestum, admirabile, humile, anceps, obscurum. Ho.
ad hune modum judicaliones reperiuntur in conjecturali
autem constitutione quia ratio non est (factum enim non nestum causse genus est, cui statim sine oratione noslra
conceditur), non potest ex deductione rationis nasci judi- auditoris favet animus; admirabile, a quo alienatus est
catio. Quare necesse est eamdem esse quaestionem et ju- animus eorum, qui audituri sunt humile, quod negligitur
« dicationem ut « Factum est. >. – « Non est factum. » ab auditore, et non magnopere attendendura videtur; an-
-« Factum ne sit? » Quoi autem in causa constitutio-
nes, aut earum partes erunt tolidem necesse erit quae-
ceps, in quo aut judicatio dubia est, aut causa et honesta-
tis, et turpitudinisparticeps, ut et benivolentiam pariat,et
stiones, rationes, judicationes, firmamenta reperiri. ofTensionem; obscurum, in quo aut tardi auditores sunt,
t
His omnibus in causa repertis, tum denique singute aut difficilioribus ad cognoscendum negotiis causa impli-
partes totins causse eonsiderandîe sunt. >'am non nt quid- cita est. Quare quoniam tam diversa sunt genera causa-
que dicendum primum, ita primum animadvertendum rum, exordiri quoquedispari ratione in unoquoque genere
videtur ideo quod illa, quœ prima dicuntur, si vehemen- necesse est. Igitur exordium in duas partes dividitur, in
ter velis congruere et coliœrere cum causa, ex eis ducas principium et insinuationem.Principium est oratio, per
oportet, qnœ post dicenda sunt. Quare quum judicatio spicue et protinus perficiens auditorem benivolum, aut
et ea, quse ad judicationem oportet inveniri argumenta, docilem, aut attentum. Insinuatio est oratio quadam dis-
~f«~e
Clf f.ROK. – TOBE 1. 7
et, par des détours presque inaperçus, se glisse il
il retracera les malheurs qu'il a éprouvés, ceux
>
dans l'esprit de l'auditeur. q le menacent encore; enfin, il aura recours
qui
Dans une cause extraordinaire, si les esprits aaux prières les plus humbles et aux supplications
ne sont pas tout à fait indisposés contre vous, les li plus pressantes. Parle-t-il de ses adversaires,
tâchez de vous les rendre favorables par l'exorde il il répandra sur eux l'envie, la haine et le mé-
direct. Sont-ils violemment animés, vous êtes pris. p Pour les rendre odieux, il cite des preuves
forcé de recourir à l'insinuation; car demander deleurturpitude,
d de leur orgueil, de leur cruauté,
ouvertement à un homme encore irrité son in- dde leur méchanceté. Veut-il en faire un objet
dulgence et son amitié, c'est le plus sûr moyen, d'envie,
d qu'il mette au jour leurs violences, leur
non-seulement d'être refusé, mais de l'irriter puissance,
p leur fortune, leurs alliances, leurs ri-
encore et d'enflammer sa haine. Dans une cause chesses c leur arrogance en abuse insolemment;
honteuse, pour éloigner le mépris, il faut fixer ils i; comptent bien plus sur tous ces moyens que
l'attention de l'auditeur. La cause est-elle dou- sur s la justice de leur cause. Rendez-les mépri-
teuse, si le point ù juger est incertain, com- sables s en dévoilant leur paresse, leur indolence
mencez par le point à juger; si elle est tout à la leur 1 lâcheté, leurs frivoles occupations, leur
fois honnête et honteuse, pour vous concilier la molle r et voluptueuse oisiveté. Pour tirer ses
bienveillance, ne la montrez que sous lejour le rmoyens de bienveillance de la personne des juges,
plus avantageux. Dans une cause honnête, vous 1l'orateur loue, sans montrer pourtant trop de com-
pouvez omettre l'exorde, ou si vous le jugez à plaisance,l leur courage, leur sagesse, leur bonté;
propos, commencer par la narration, par la ci- ili assure qu'ils répondront à la noble estime et à
tation de la loi, ou par quelque raisonnement l'attente 1 du publie. Enfin, la cause elle-même
solide pour appuyer vos paroles; ou, si vous devient i une source de bienveillance, lorsqu'en
voulez un préambule, employez les moyens de montrant i par ses éloges tout ce qu'elle a d'ho-
bienveillance pour achever de gagner votre audi- norable et de juste, on fait ressortir par le con-
toire. Dans une cause obscure, que l'exorde di- traste tout ce qui déshonore celle des adversaires.
rect rende d'abord les esprits dociles et attentifs. Voulez-vous rendre l'auditeur attentif, annon-
XVI. Nous venons de montrer quel est le but cez que vous allez traiter un sujet grand, neuf
de l'exorde; enseignons maintenant les moyens incroyable, qui intéresse tous les citoyens, ou
d'en assurer le succès. votre auditoire en particulier, ou quelques héros,
L'orateur a quatre moyens de captiver la bien- ou les dieux immortels, ou la république tout
veillance il parle de lui-même, de ses adver- entière. Promettez de développer bientôt votre
saires, desesjuges, enfin de la cause même. S'il cause, et d'abord faites connaître le point,ou, si
parle de lui, il sera modeste en rappelant sa con- par hasard il s'en trouve plusieurs, les points à
duite et ses services; il repousserales accusations,juger.
les honteux soupçons répandus sur son compte Soyez clair et concis dans l'exposé de la cause,

simulatione et circuitione obscure subiens auditoris ani- Ab nostra, si de nostris factis et «lirais sine arrogantia
mum. dicemus si crimina illata et aliquas minus honestas suspi-
lu admirabili genere caus», non ciones injectas diluemus; si, quœ incommoda acciderint,
omnino înfesti audi-
tores erunt, principio benivolentiam comparare licebit. aut quœ instent difficultates proferemus; si prece, et
Sin erunt vehementer abalienati, confugere necesse erit ad1 obsecratione humili ac supplici utemur. Ab adversario-
insimiationem. Nam ab iratis si perspicue pax et benivo-
lentia petitur; non modo ea non invenitur, sed augeturr
rum autem, si eos aut in odium, aut in invidiam, aut in
conlemtionem adducemus. In odium adducentur, si quod
atque inllammalur odium. In humili autem genere causa*, eorum spurce, superbe, crudeliter, malitiose factum pro
conlemtionis tollendae causa, necesse erit attentum effi- foretur. In invidiam, si vis eorum, potenlia, divitise,
cere auditorem. Anceps genus causae, si dubiam judicatio- i- cognalio, pecunise proferentur,atque eorum usus arrogans
nem habebit, ab ipsa judicalione exordiendum est. Sina et intolerabilis; ut his rebus magis videantur, quam causa?
autem partem turpitudinis et partem honestatis habebit, suas confidere. ln contemtionem adducentur, si eorum
benivolentiam captare oportebit, ut in genus honestuma inertia, negligentia, ignavia, desidiosum studium, et
causa translata videatur.Quum autem erit honestum causae e luxuriosum otium proferetur. Ab auditorum persona beni-
genus, vel praeteriri principium poterit, vel, si commo->- volentia captabitur, si res ab his fortiter, sapienter, man.
lïum tuerit, aut a narratione incipiemus, aut a lege, autit suete gestse proferentur, ut ne qua assentatio nimia signi-
ab aliqua lirmissima ratione nostrae dictionis sin uti pi in-l- ticetur et si, de his quam honesta existimatio, quantaque
cipio placebit, beuivolentiae partibus utendum est, ut id, eorum judicii et auctoritatis exspectatio sit, ostendetur.
quod est, augeatur. In obscuro causae genere, per princi- i- Ab ipsis rebus, si noslram causam laudando extollemus,
piuin dociles auditores efficere oportebit. adversariorum causam per contemtionem deprimemus.
XVI. Nunc, quoniam, quas res exordio conficere opor- r- Attentos autem faciemus, si demonstrabimus ea, quaa
Ual diclum est; reliqumn est, ut ostendatur, quibus is dicturi erimus, magna, nova, incredibilia esse, aut ad
quoique l'es rationibus confici possit. omnes, aut ad eos, qui audiunt, aut ad aliquos illustres
Uenivolenlia quatuor ex locis comparatiir ab nostra,homines, aut ad deos immortates, aut ad summam rem-
ab adversariorum, ab judicuni persona, ab ipsa causa. n publicam pertinere; et si pollicebimur, nos brevi nostram
e'est-à-dire, du point de discussion et vous pré- blesser ouvertement des hommes environnés de
parerez l'auditoire à vous entendre avec intérêt la faveur publique, tâchez, par des attaques in-
car je ne sépare point l'intérêt de l'attention, directes, de la leur enlever. Vous pouvez aussi
puisque le mieux disposé à vous entendre est rappeler un jugement rendu dans une affaire
celui qui promet le plus d'attention. semblable, ou l'autorité de quelque précédent,
XVII. Comment faut-il traiter l'exorde par et montrer que l'affaire était à peu près ou entiè-
insinuation? voilà ce qui doit ensuite nous occu- rement semblable à la vôtre ou qu'elle était plus
per. Il faut l'employer dans les causes extraordi- grave, ou qu'elle l'était moins.
naires, c'est-à-dire, comme nous l'avons établi Le discours de votre adversaire a-t-il persuadé
plus haut, quand l'auditoire est indisposé contre l'auditoire ( ce qu'il est facile d'apercevoir quand
nous. Cette prévention nalt de trois motifs ou on sait par quels moyens s'opère la conviction ),
la cause a quelque chose de honteux, ou l'audi- il faut promettre de détruire avant tout la preuve
toire parait déjà convaincu par ceux qui ont sur laquelle il a le plus insisté et qui a fait le
parlé, ou nous prenons la parole lorsque son at- plus d'impression sur l'auditoire. On pourra tirer
tention parait fatiguée; circonstance qui parfois encore son exorde des paroles mêmes de l'adver-
ne le dispose guère mieux que les deux autres saire, surtout des dernières, ou paraître incertain
pour l'orateur. sur ce qu'on doit répondre d'abord, ou embar-
Si la bassesse de la cause peut blesser l'audi- rassé sur le choix des réfutations qui s'offrent de
toire, à la personne ou à la chose sur qui tombe toutes parts. L'auditeur qui vous croyait vaincu
le mépris, on peut substituer une personne ou et terrassé ne peut se persuader que tant de con-
une chose qui intéresse; ou bien à la personne, fiance n'ait aucun fondement, et s'accuse plutôt
substituez une chose, ou à la chose une personne1 d'une folle crédulité.
pour amener insensiblement l'auditeur de ce qui Si l'attention est fatiguée, on promettra d'a-
le blesse à ce qui lui plaît. Dissimulez d'abord bréger sa défense, de ne point imiter dans ses
l'intention de défendre ce qu'on vous reproche; longs développements l'orateur qu'on vient d'en-
et quand l'auditoire sera calmé, commencez in- tendre. Quand le sujet le permet, il n'est pas
sensiblement votre justification; dites que vous mal de commencerpar quelque chose de neuf ou
partagez l'indignation de vos adversaires contre de singulierqui naisse de la circonstance, comme
l'action incriminée, et quand vous aurez adouci un cri, une exclamation; ou même qui soit mé-
vos juges, montrez qu'aucun de ces reproches dité, comme un apologue, un conte, un sar-
ne peut tomber sur vous. Protestez de vos égards casme. Si la gravité du sujet vous ôte cette res-
pour vos accusateurs; annoncez que vous ne vou- source, frappez d'abord les esprits de tristesse,
lez dire ni telle chose, ni telle autre enfin, sans d'étonnemtnt ou de terreur. C'est un grand

demonstraturos, atque exponemusjudicationem, aut ju- deinde, quum lenieris eum, qui audiet, demonstrare,
t
dicationes, si plures erunt. uihil eormn ad te pertinere, et negare te quidquam de
Dociles auditores faciemus, si aperte et breviter sum- adversariis esse dicturuni, neque hoc, neque illud ut
mam causae exponemus; hoc est, in quo consistat contro- neque aperte laedas eos, qui diliguntnr, et tamen id obscure
versia. Nam et quum docilem velis facere, simul attentuin faciens, quoad possis, alienes ab eis auditorum volunta-
facias oportet; nam is maxime docilis est, qui attentissime tem; et aliquorumjudicium simili de re, aut auctoritatem
est paratus audire. proferre imitatione dignam deinde eamdem, aut consiim-
XVII. Nunc insinuationes quemadmodumtractari ron- li'in, aut majorem, aut minorem agi rem in prœscnlia
veniat, deinceps dicendum videtur. Insinnatione igitur demonstrare.
utendum est, quum admirabilegenus causée est, hoc est, Sin oratio adversariorum fidem videbitur auditoribus fe-
ut ante diximus, quum animus auditoris infeslus est. Id cisse, id quod ei, qui intelligit quibus rebus fides fiat,
autem tribus ex causis fit maxime; si'aut inest in ipsa facile eritcoguitu oportet aut de eo, quod adversarii sibi
causa quaedamturpitude, aut ab iis, qui ante dixerunt, jam firmissimum putarint, et maxime ii, qui audierint, pro-
quiddam auditori persuasumvidetur, aut eo tempore locus barint, primum te dicturum polliceri; aut ab adversarii
dicendi datur, quum jam illi, quos audire oportet, defessi dicto exordiri, et ab eo potissimum, quod ille nuperrime
sunt audiendo. Nam ex bac quoque re non minus, quain dixerit; aut dubitatione uti, quid primum dicas, aut cui
ex primis duabus, in oratore nonnunquam anùnus audito- potissimum locorespondeas,cum admiratione. Nam auditor
offenditur. quum eum, quem adversariiperturbatum putant oratione,
Si causœ turpiludo contrahet offensionem; aut pro eo videl auimo firmissimo contra dicere paratum, plerumque
homme, in quoofiènditur, alium hominem, qui diligitur, se potius temere assensisse quam illum sine causa cooli-
inlerponioportet; aut pro re, in qua offenditur, aliam rem, dere arbitratur.
quee probatur; aut pro re hominem, aut pro liomine;eni, Sin auditoris studium defatigatio abalienavita causa, te
ut ab eo, quod odit, ad id, quod diligit, auditoris animus brevius, quam paratus fueris, esse dicturuni commodum
traducatur; et dissimulare id te defensurum, quod existi- est polliceri; non imitatururn adversariura. Sin res dabit,
meris defensurus; deinde, quum jam mitior faclus erit non inutile est ab aliqua re nova aut iidieula ineipere, ant
auditor, ingredi pedetentim in defeusionem, et dicere, ea, ex tempore quae nata sit; quod genus, strepitum, accla-
quae indignentur adversarii, tibi quoque indigna videri; mationem aut jam parata, quœ vel apologum vcl fabu-
avantage; car si la douceur ou l'amertume des ssa bienveillance; ou s'il est direct, quand l'iusi-

mets flatte ou pique un palais engourdi par le dé- nuation est nécessaire. Enfin il est opposé aux
goût et la satiété, la surprise ou la gaieté savent préceptes,
] s'il ne produit rien de ce qu'on attend
aussi réveiller l'attention déjà fatiguée. <
de l'exorde, et s'il ne concilie ni l'attention, ni
XVIII. Telles sont les règles particulières de l'intérêt, ni la bienveillance de l'auditoire; ou,
l'exorde direct et de l'insinuation celles qu'il (ce qui est plus fâcheux encore, s'il l'indispose

me reste à tracer sont courtes et leur sont com- <


contre nous. Mais c'en est assez sur l'exorde.
munes à tous deux. XIX. La Narration est l'exposé des faits tels
L'exorde se propose surtout de donner à l'au- qu'ils se sont passés, ou qu'ils ont pu se passer. 11
ditoire une idée favorable de l'orateur il sera y a trois sortes de narrations. La première ren-
donc plein de gravité, de noblesse, semé de sen- ferme la cause même et le point de discussion. La
tences; rien de brillant, rien de fleuri, rien d'af- seconde s'éloigne du sujet afin de l'agrandir, de
fecté; ce serait faire soupçonner qu'il y entre de l'orner, pour y ajouter un moyen d'accusation,
l'art, de l'étude, du travail et c'est ôter au dis- établir un rapprochement, sans toutefois s'écarter
cours la persuasion, et à l'orateur toute con- trop loin. La dernière, qui n'a point de rapport
fiance. au barreau, est, pour apprendre à écrire ou à
Voici maintenant les défauts les plus communs parler, un exercice aussi agréable qu'utile. Elle
de l'exorde on doit les éviter avec soin. L'exorde se partage en deux espèces, dont l'une regarde les
est ou banal, ou commun, ou d'échange, ou choses et l'autre les personnes. Celle qui s'occupe
trop long, ou étranger, ou d'emprunt, ou con- des choses a trois parties, la fable, l'histoire les
traire aux préceptes. Il est banal, s'il s'applique hypothèses. On appelle fable, ce qui n'est vrai ni
indifféremment à plusieurs causes; commun, vraisemblable, comme:
quand il convient également aux deux parties; J'ai vu de grands serpents ailés attelés sous
d'échange, si l'adversaire, avec de légers chan- le joug.
gements, peut l'employer contre nous; il est L'histoire est le récit de faits véritables, mais
trop long, s'il renferme plus de mots de
ou pen- éloignés de
notre siècle. Par exemple Appius
sées qu'il n'est nécessaire; étranger, s'il ne naît
fait
déclara la guerre à Carthage. L'hypothèse est
point de la cause même, et ne pas corps
elle; il est d'emprunt, quand il produit une chose supposée, mais vraisemblable comme
avec 1
dans Térence
un effet différent de celui qu'exige le genre de
la cause; si, par exemple, il dispose seulement Aussitôt que mon fils fut sorti de l'enfance
rauditeuràécouter,quandils'agitdeseconcilier mon cher Sosie.

tam, vel atiquam contineatirrisionem; aut, si rei di~nitas tum est, quod aliud conficit, quam causae genus postulat
adimet jocandi facullatem, aliquid triste, novum, bon i- ut si quis docilem faciat auditorem, quum benivolentiam
bile, statim non incommodum est injicere. Nam ut cibi causa desiderat; aut, si principio utatur, quum insinua-
satielas et fastidium aut subamara aliqua re relevatur, tionem res postulat. Contra praecepta est quod nihil eorum
aut Julci mitigalur; sic animus defessus audiendo, aut efficil, quorum causa de exordiis praecepta traduntur: hoc
admiratione integratur, aut risu novatur. est, quo deum qui audit, neque benivolum neque atten-
XVIII. Ac separatim quidem, quae de principio et insi- tum, neque docilem eflicil aut, quo profecto niliil pejus
nualione dicenda videbanlur, hsec fere sunt. Nunc quid. est, nt contra sit, facit. Ac de exordio quidem satis di-
dam breviter et communiter de utroque prxcipiendum ctum est.
videtur. XIX. Narratio est rerum gestarum, aut ut gestarum,
Exordium sententiarum et gravitatis plurimum debet expositio. Karrationumtria sunt gênera nimni genus esl,
habere, et omnino omnia, quae pertinentad dignilatem in in quo ipsa causa, et omnis ratio controversiaecontinetur
aiterum in digressio aliqua extra causam aut crimi-
le contiuere, propterea quod id optime faciendum est, nationis, autquo simililudinis aut delectationis non aliéna)
quod oratorem auditori maxime commendet splendoris
et festivitatis, et concinniludinis minimum, propterea abeonegotio, quo de agitur, aut amplificatiunis causa,
quod ex his suspicio quaedam apparationis atque artificiosa:
interponitur; tertium genus est remotum a civilibus eau-
diligent iar; nascitur; quae maxinie oralioni lidem, oratori sis, quod delectationis causa, non inutili cum exercita-
adimit auctoritatem. tione,dicitur et scribitur. Ejus partes sunt duae quarum
allera in negotiis altera in personis maxime versatur. Ea,
Vitia vero haec sont certissima exordiorum, quae sum-
qua; in negotiorum expositione posita est, tres habet
mopere vitare oportebit vulgare, commune, commuta- tes, fabulant historiam, argumentum. Fabula est, in par-
bile, longum separatum translatum contra preecepta. qua
verisimiles conlinenlur, cujusmodi
Vulgare est, quod in plures causas potest accommodari, nec verx, nec res
ut convenire videatur. Commune est, quod nilulo minus est
in hanc, quam in contrariam partem causas, potest conve- Angues ingentes alites, juncti jugo.
nire. Commutabile est, quod abadversario potest, leviter Historia est gesta res, ab astatis nostrœ memoria renwta
mutatum, ex contraria parte dici. Longum est, quod plu- quod genus Appius indixit Cartaginiensibus bellum. »
ribus verbis, ant sentenliis ultra quam satis est, produ- Argumentum est licta res, qua! tamen liuii poJnit. Hujus-
dtur. Separatum est, quod non ex ipsa causa ductu est, tnodi apud Terentium
nec, tient aliquod membrum.annexunmratmni. Transh- Nam is postquam excessit ei rpliebis Sotta.
Dans la narration qui regarde les personnes, on cce qu'il ne dit point; s'il omet non-seulement tout
doit reconnaître,avec les faits, le langage et les cce qui lui est défavorable, mais encore toutce qui
passions des personnages; par exemple nne lui est ni avantageux ni nuisible; enfin s'il ne
Mon frère vient souvent me crier Que sse répète jamais, s'il ne revient jamais sur ses pas.
Mais n'allez pas vous laisser tromper par un air
faites-vous, Mition? Pourquoi nous perdre ce
dde concision. Quede gens ne sont jamais plus longs
jeune homme?pourquoi a-t-il une maîtresse?
pourquoi boit-il? pourquoi fournissez-vous à q quand ilsse piquent de brièveté! Ils tâchent
que
'r, dire beaucoup de choses en peu de mots, au
de
ses folles dépenses? Vous l'habillez trop magni-
l'lieu de se borner à un petit nombre de choses es-
fiquement; vous êtes trop faible pour lui. Mon
frère est trop sévère; il l'est plus que la justice
sentielles
s car souvent on regarde comme conci-
sion
s de s'exprimer ainsi i « J'approche de la mai-
et le bien ne l'exigent. j'appelle son esclave; il me répond; je lui
« son,
C'est là qu'on doit trouver réunis la variété, les «« demande son maître; il m'assure qu'il n'y est
grâces du style, la peinture des passions et des «“ pas.
» Il est impossible de dire plus de choses
mouvements du cœur, la sévérité, la douceur, la en
< moins de mots; mais c'est encore être long,
crainte, l'espoir, le soupçon, le désir, la feinte, puisqu'il
j suffisait de dire « qu'il n'y était pas. »
l'erreur, la compassion, des révolutions, des Fuyez
] donc cette prétendue concision, et retran-
changements de fortune, des revers soudains, chez
( les circonstancesinutiles avec autant de soin
des succès inattendus,et un agréabledénoûment. que
( les mots parasites.
Mais c'est en traitant de l'élocution que nous en- La clarté de la narration consiste à exposer
seignerons l'art d'employer tous ces ornements d'abord ce qui s'est fait d'abord, à suivre l'ordre
du style. Occupons-nous maintenant de la nar- des temps et des faits, à se conformer à la vérité
ration qui renferme l'exposition de la cause. ou à la vraisemblance. Il faut prendre garde de
XX. Brièveté, clarté, vraisemblance, voilà les n'être ni confus ni entortillé; ne point divaguer
trois qualités de la narration. Elle a le mérite de ne point remonter trop haut; ne pas aller trop loin,
!a brièveté, si l'orateur commence où il faut com- et ne rien omettre d'essentiel; en un mot, tous
mencer, sans remonter trop haut; s'il ne donne les préceptes donnés pourlabrièveté peuvent s'ap-
point des détails, quand il ne faut que des résul- pliquer à la clarté; car souvent l'on est inintelli-
tats car souvent il suffit d'énoncer un fait sansen gible plutôt à force d'être long qu'à force d'être
développer les circonstances; s'il s'arrête au mo- obscur. Il faut aussi n'employer que des expres-
ment de dire des choses inutiles; s'il ne s'égare sions claires; mais nous parleronsde ce mérite en
pas dans des digressions; s'il s'exprime de ma- traitant de l'élocution.
nière à ce qu'on puisse, de ce qu'il dit, conclure XXI. La narration a de lavraisemblance,quand

Illaautem narratio, quae versatur in personis, ejusmodi si semel unumquodque dicetur; et si non ab eo, in quo
est, ut in ea simul cum rebus ipsis personarum sermones proxime desitum erit, deinceps incipietur. Ac multos imi-
et animi perspici possint, hoc modo tatio brevitatis decipit, nt, qunm se brèves putent esse,
Venit ad me sœpe clamitans, Quid agis, Mitio? longissimi sint quum dent operam, ut res multas brevi-
Car perdis adolescentem nobis? car amat? ter dicant, non ut omnino paucas res dicant, et non plures,
Cur potat? cur lu his rebus sumtum suggeris? quam necesse sit. Nam plerisque breviter dicere videtur,
Vestitu nimlo iudulges; nimium ineptus es. qui ita dicit « Accessi ad a?des, puerum evocavi; respon-
Nimlum ipse durus est prieter jequumque et bonum.
« dit;
quaesivi dominum domi negavit esse. » Hic tametsi
Une in genere narrationis multa inesse debet restivitas, 1 tôt res brevius non potuit dicere, tamen, quia satis fuit
confecta ex rerum varietate, animorum dissimilitudine, dixisse, domi negavit esse, » Hrerum multitudine ton-
gravitate, lenitate, spe, metu, suspicione, desiderio, dis- gus. Quare hoc quoque in génère vitanda est brevitatis
simulatione, errore, misericordia, fortunée corarautatione, iinitatio et non minus rerum non necessariarum, quam
insperato incommodo, subita lœtitia, jucundo exitu re- verborum multitudine supersedendum est.
rum. Yerum hœcex his quae postea de elocutione praeci- Aperta autem narratio poterit esse, si, ut quidque pri-
pientnr, ornamenta sumentur. Nunc de narratione ea, mum gestum erit, ita primum exponetur, et rerum ac
quse causée continet expositionem dicendum videtur.
ttemporum ordo seivabitur, ut ita narrentur, ut gestae res
XX. Oportet igitur eam tres habere res ut brevis nt erunt, aut utpotuissegeri videbuntur. Hic considerandum
aperta, ut probabilis sit. Brevis erit, si unde necesse est, erit, ne quid perturbate,
inde initium sumetur, et non ab ultimo repetetur, et si ne quid contorte dicatur, ne
>?ujus rei satis erit summam dixisse. ejus partes non di-
quam in aliam rem transeatur, ne ab ultimo repctalur, ne
ad extremum prodeatur, quid, quod ad rem pertineat,
(entur (nam stepe satis est, quod factum sit, dicere; non praetereatur; et omnino, ne praeceptade brevilalesunt,
ut enarres, quemadmodumsit factum) et si non longius, hoc quœ
quoque in genere snnt conservanda. Nam satpe rea
qmm quod scitu opus est, in narrando procedetur; et si1 parum est intellecta longitudine magis,
nufôm in rem aliam transibitur; et si ita dicetur, ut non- narrationis. quam obsruritate
Ac verbis quoque dilucidis utendum est quo
nuniguam ex eo, quod dictum sit, id, quod dictum non1 de
sit, ùtelligatur; et si non modo id, qnod obest verum genere dicendum est in praeceptis elocutionis.
etiam id, quod nec obest, nec adjuvat, practeribilur; ett XXI. Probabilis erit narratio, si in ea videbuntur ine*ee
elle offre tous les caractères de la vérité; quand peut notre
adversaire, quand elle est obs-
elle observe fidèlement les convenances des per- cure et négligée dans ce qui nous est avantageux.
sonnes quand elle montre les causes des événe- Pour éviter cet écueil, ramenez tout à Pintérût de
ments quand elle prouve qu'on a pu faire ce dont votre cause; supprimez, autant qu'il est possible,
il s'agit; que le temps était favorable, suffisant, toutes les circonstances défavorables; glissez lé-
le lieu commode; enfin quand elle ne blesse point gèrement sur tout ce qui est dans l'intérêt de votre
les mœurs connues des parties, l'opinion publique adversaire; mais développez avecsoin, avecclarté
et les sentiments de l'auditoire. Voilà ce qui donne tout ce qui peut vous servir. Je crois en avoirassez
aux narrations un air de vérité. dit sur la narration; passons maintenant à la di-
Un autre point non moins important, c'est de vision.
savoir supprimer la narration quand elle est nui- XXII. Une division bien faite rend tout le
sible, ou seulement inutile; c'est de prendre discours clair et lumineux. La Division a deux
garde qu'elle ne soit déplacée, ou qu'elle ne se parties, toutes deux également nécessaires pour
présente pas sous un jour favorable. Elleest nui- développer la cause et fixer le point de discussion.
sible, quand l'exposition du fait élève contre nous La première établit en quoi nous sommes d'accord
une forte prévention qu'il faut, dans le cours du avec l'adversaire, et ce que nous lui contestons
plaidoyer, détruire par des raisonnements. Dis- c'est el le qui indique à l'auditeur ce qui doit fixer
persez alors votre narration partie par partie dans son attention. L'autre renferme l'analyse rapide
le discours, et appuyez chaque circonstance de et la distribution de ce qui va faire la matière
tout ce qui peut la justifier c'est donner le contre- du discours; c'est elle qui annonce à l'auditeur
poison avec le venin, et ramener les esprits au que le discours sera terminé, quand nous aurons
moment qu'ils s'éloignent. Si la narration de votre traité tels et tels points. Nous allons indiquer en
adversaireest telle que vous n'ayez aucun intérêt peu de mots la manière d'employer l'une et l'au-
à la recommencer, même en d'autres termes; si tre de ces divisions.
l'auditoire a si bien envisagé les faits, qu'il vous La première, celle quiétablit en quoi nous som-
importepeu de les lui presentersous un autrepoint mes ou non d'accord avec l'adversaire, doit tour-
de vue, alors la narration est inutile, et il faut la ner en faveur de la cause ce dont on est tombé
supprimer. Elleest déplacée, quandellen'occupe d' accord avec lui. Vous convenez, par exemple
pas dans le discours la place qui lui convient; qu'Oreste a tué sa mère; mais l'accusateur con-
mais ceci appartient à la disposition, et nous en « vient.aussi que Clytemnestre avait assassiné
parlerons en traitant de cette partie. La narration « Agamemnon.
»C'est ainsi que chacun est tombé
n'est pas dans un jour favorable, quand elle d'accord sur un point, sans négliger l'intérêt de
expose avec clarté, quand elle embellit ce qui sa cause. Établissez ensuite le point de discus-

pa, qiue soient apparere in "vcrilate; si personarum digni- ornate exponitur, aut id, quod ipsum adjuvat, obscure
tates servabuntur; si causée factnrum e\stabunt si fuisse dicitur et negligenter.Quare, ut hoc vitium vitetur, omnia
facultates facinndi videbunlur; si tempus idoneum; si torquenda sunt ad commodum sua; causa? contrana, quse
spatii salis; si locus opportunus ad eamdem rem, qua de prseleriri poterunt, preetereundo quœ illius erunt, ievi-
re narrabitur, fuisse ostendetur; si res et ad eorum, qui ter attingendo, sua diligenter et enodate narrando. Ac do
agent, naturam, et ad vulgi morem, et ad eorum, qui narratione quîdem satis dictum videtur; deinceps ad par.
andient, opiiiimiem accommodabitur. Ac veri quidem si- titionem transeamus.
milis ex liis rationibus esse polerit. XXII. Recte habita in causa partitio illustrera et perspi-
lllud autem prirterea considerare oportebit, ne aut,
cuam totam efficit orationem. Ejus partes duœ sunt, qua.
quum obsit narratio, ant quum nihil prosil taraen inter rum utraque magnopere ad aperiendam causam, et ad
ponatur aut non loco, aut non, quemadmodum causa constituendam pertinetcontroversiam.Una pars est, qu<e,
postulat, norretur. Obest tum, quum ipsius rei gestae ex- quid cum adversariis conveniat, et quid in controversia
positio magnam exeipit offensionem quam argumentando, relinquatur,ostendit ex qua certum quiddam designatur
et causam agendo leniri oportebit. Quod quum acciderit aiidUori in quo animum debeathabereoccupatum. Altera
membratim oportebit partes rei gestae dispergere in eau- est, in qua rerum earum, de quibus erimus dicturi, bre-
Bain, et ad unamquamque confestim rationem accommo- viter expositio pomtur distributa ex qua conficitur, ut
dare, ut vulncri praesto medicamentum sit, et odium sta- certas animo res teneat auditor, quibus dictis intelligat,
tim defensio mitiget. Nihil prodest narratio tnnc, quum fore peroratum. Nunc utroque génère partitioms quemad-
aut ab adversarits reexposita, nostra nihil iuterest, iterum modum conveniat uti, breviter dicendum videlur.
aut alio modo narrare aut quum ab iis, qui audiunt, ita
tenetur negotium, ut noslra nihil intersit eos alio pacto Quae partitio, quid conveniat, autquid non conveniat.
docere. Quod quum accident oinninu narratioue superse- ostendit; haec débet illud, quod convenit, inclinare ad sus
dendum est. Non loco dicitur, quum non in ea parle ora- causse commodum,hoc modo Il Interfeclam matrem esse
tionis collocatur, in qua res postulat: quo de génère agemus a filio convenit mihi cum adversariis. » Item conba
tum, quum de dispositione dicemus; nam hoc ad dispo&i- Inierfectum esse a Clvlammestra Agamemnonem, <on-
tionem pertinet. Non quemadmodum causa postulat, nar- « Tenit. Nam hic uterque et id posuit, quod convenubat,
artur, qunm ant id, quod adversario prudest, dilucide et et tamen suœ causa: commodo consuloit. Deinde, quid
sion, en posant l'état de la question nous j
s joindre au genre une de ses parties, comme uu
avons indiqué plus haut la manière de le trouver.genre différent. Quesi lc genre comprend plusieurs
i
Les caractères de cette autre partie de la espèces, contentez-v ous de l'exposer d'abord dans
division qui présente l'analyse et la distributionn la division de la cause, pour le développer à loi-
de la cause sont la brièveté, l'exactitude et laa sir, quand la marche de votre discours vous aura
justesse. La brièveté n'admet aucun mot inutile, conduit à ce point. La justesse nous apprend en-
parce qu'il s'agit d'attacher l'auditeur, non parr core à ne pas promettre de prouver plus qu'il ne
i
des ornements étrangers, mais par le fond faut; à ne pas dire, Je démontrerai que mes
même et les parties de la cause. L'exactitude e « adversaires ont eu le pouvoir et la volonté de
embrasse tous les genres que renferme la cause « commettre ce délit et qu'ils l'ont commis » il
un défaut capital qui détruit tout l'effet du dis- suffit de prouver qu'ils l'ont commis. La cause
cours, c'est d'omettre quelque point essentiel, est-elle assez simple pour ne point admettre de
qu'on serait obligé ensuite de placer hors dedivision, gardez-vous de vouloir diviser; mais
la division. La justesse établit les genres, sanss ce cas est extrêmement rare.
les mêler et les confondre avec les espèces. Il est encore d'autres préceptes sur la division
Car le genre embrasse plusieurs espèces, commee préceptes qui n'appartiennent pas proprement à
animal l'espèce est comprise dans le genre, l'art oratoire, mais qui s'appliquent aussi à la
comme cheval; mais souvent le même objet estphilosophie, à qui nous avons emprunté en ce
à la fois genre et espèce homme, par exemple, genre tout ce qu'elle nous offrait d'utile, et que
est espèce d'animal, et genre par rapport aux x nous n'avons trouvés daus aucune autre rhé-
Thébains ou aux Troyens. torique.
XXIII. J'insiste sur cette règle, parce que laa Quelque sujet que vous traitiez, souvenez-vous
division des genres, une fois clairement établie, Sj
toujours de ces principes de la division, et suivez
aide beaucoup à la justesse. En effet, l'orateur r dansfois la marche du discours l'ordre qu'elle aura
qui dit « Je montrerai que les passions, l'audace, ie, une établi. Quand chacune des parties sera
l'avarice de mes adversaires, sont la source dee développée, songez à terminer votre discours;
« tous les maux it vous n'avez plus à ajouter que la conclusion.
de la république, » ne s'aperçoit
pas que dans sa division il confond le genre et les
;s
Voyez, dans l'Andrienne de Térence, comme
espèces. Passion est genre pour tous les désirs •s
Simon, quand il expose ses desseins à son affrau-
déréglés de l'âme et l'avarice est évidemment tt chi, établit en peu de mots et avec clarté sa divi-
une de ses espèces. sion
Évitez donc, surtout dans une division, de le Ainsi tu connaîtras la conduite de Pmn-

contioversiaesit, ponendumest in judicationisexpositione î ejus secum aliquam sicut diversaraac dissimilem,partem


quae ]uemadmoduniinveniretur, ante dictum est. ponas in eadem partitione. Quod si quod in genus plures
Que autem partitio rerum distributam continet exposi- >i* incident partes, id quum in prima partitione causse erit
tionen, ha» hahere debet brevitatem, absolutionem, i simpliciter expositum, distribuetur eo tempore comroo-
paucitdem. Brevitas est, quum, nisi neccssarium, nulliim m dissime, quum ad ipsum ventum erit explicandum in
assurritur verbum. Hœc in hoc genere idcirco utilis est, t causae dictione post partitionem. Atque iliud quoque per.
quod «bus ipsis, et partibus causae, non verbis, neque re tinet ad paucitatem, ne aut plura, quam satis est, de-
extramis ornamenlis animus auditoris tenendus est. Ab- b- monslraturos nos dicamus, hoc modo « Ostendam, ad-
solutio %t per quam omnia, quae incidunt in causam, G, k versarios quod argiiimus, et potuisse facere, et voluis-
genera,de quibus dicendum est, amplectimur. In qua ua « se; » nam fecisse ostendere satis est aut, quum in
parlitioie videndum est, ne aut aliquod genus utile relin-il- causa partitio nulla sit et quum quiddam simplex agatur,
quatur, lut sero extra partitionem, id quod vitiosissimum m tamen iitamur distributione id quod perraro potest acci-
«
ac turpisimum est, inferatur. Paucitas in partitione ser- dere.
vatur, si gênera ipsa rerum ponuntur, neque permixte cum m
partibus tnplicantur. Nam genus est, quod plures partes es Ac suntaliaquoquepraecepta partitionnm,quaead hune
amplectittr, ut animal. Pars est, qua; subest generi, ut usum oratorium non tantopere peitineant quee veraantur
equus. Sec saepe eadem res alii genus, alii pars est. Nam
m in philosophia ex quibus haec ipsa transtulimus, quae
homo, aninalis pars est; Thebani ant Trojani, genus. convenirevidebantur; quorum nihil in ceteris artibus in.
XXIII. ltec ideo diligentius inducitur prrcscriptio, ut veniebamus.
aperte intelkcta generali partitione, paucilas generum in Atque bis de partitione praeceptis, in omni dictione nte-
partitione sevari possit. Nam qui ita partitur, « Osten- n" minisse oporlebit, ut et prima quaeque pars, ut exposita
« dam, proper cupiditatem, et audaciam, et avaritiam
>ni est in partitione sic ordine transigatur, et omnibus'expli-
« adversarionm, onmia incommoda ad rempublicam per.
er* catis, peroratum sit; hoc modo, ut ne quid posleriui
» venisse » 6 non intellexit, in partitione, exposito ge-!e" praeter conclusionem inferatur. Partitur apud Terentiuni
nere, partem se generis admiscuisse. Nam genus est,t> breviter et commode senex in Andria quae cognoscere li-
omnium nimirlm libidinum, cupiditas; ejus autem gcne- le" bertum velit:
ris sine dubio [ars est avaritia.
Hoc igitur viandura est, ne, cujus genus posueris, is Eo pacto, et gnati vitam, et consilium meum
t
phile, mes desseins, et ce que j'altends aujour- des personnes. Nous regardons comme attachés
il'lmi de ton zèle. aux personnes le nom, la nature, le genre de
Il nes'écarte point dans soit récit de l'ordre établi vie, lafortune, la manière d'être, les affections,
dans sa division il commence par la conduite de les goûts, les desseins, la conduite, les événe-
son fils ments et les discours. Le nom est le mot propre et
distinctif assigné à chaque personnage, le terme
Lorsqu'il sortit de l'adolescence, mon cher habituel dont on se sert
pour l'appeler. Quant à
Sosie, je lui laissai plus de liberté. la nature, il est difficile de la définir il sera plus
Ensuite il expose son dessein court de faire l'énumération de celles de ses diffé-
rentes parties dont nous avons besoin pour ces
Maintenant je voudrais. préceptes.
Il termine par I» dernière partie de sa division, Entre ces parties, les unes embrassent lesdieux,
ce qu'il attend de Sosie lesautres,les mortels. Les hommes et les animaux
Ce quej'atlends aujourd'hui de toi composent les mortels. Dans les hommes, on con-
sidère le sexe, masculin ou féminin la nation
Ainsi nous devons, à son exemple, traiter suc- la patrie, la famille et l'âge la nation, si l'ae->
cessivement,et dansl'ordrequenous nous sommes cusé est Grec ou Barbare la patrie, d'Athènes
tracé, chacun des points établis dans la division ou de Sparte; la famille, quels sont ses parents,
et terminer quand ils sont tous développés. Nous ses aïeux; l'âge, s'il est dans t'enfance, dans la
allons maintenant donner les règles de la con- jeunesse, dans l'âge mûr ou dans la vieillesse,
firmation, puisque notre sujet nous y conduit na- Ajoutez encore tous les avantages ou les défauts
turellement. que l'âme et le corps tiennent de la nature: la
XXIV. La Confirmation persuade l'auditeur force, la faiblesse, la grandeur, la petitesse, la
par le raisonnement, établit la vérité de la cause, beauté, la laideur, la lenteur, la légèreté, la pé-
et trouve les preuves qui la font triompher. Elle nétration, la stupidité, la mémoire, la douceur,
a pour base des principes certains, que nous l'empressement à obliger, la pudeur, la patience,
classerons suivant les différents genres de causes. et lesdéfauts opposés. En un mot, considérezdans
Toutefois il n'y aura pas, ce me semble, d'in- la nature tout ce que, pour l'âme et le corps,
convénient à exposer d'abord pêle-mêle, et sans nous tenons de la nature; car tout ce que donr.e
ordre, tout ce qui arapport à ce sujet, et à mon- j l'application se rapporte à la manière d'être,
trer ensuite comment on doit tirer de cette es- dont nous parlerons bientôt.
pèce d'arsenal des raisonnements pour chaque XXV. Dans le genre de vie, considérez com-
genre de cause. j ment, par qui ,d'aprèsquels principes un homme
Tous les raisonnements naissent des choses ou a été élevé, quels maîtres il a eus pour les art! et
Cognosces, et quid facere in hac re te velim. personis, ant ex eo, quod negotiis est attributum A
Itaque quemadmodum in partitione proposuit, ita narrât,
personis has res attributas putamus, nomen, natimm,
primum gnati vitam victum, fortunam, habitum, affectionein studia, etnsi-
lia, facta, casns, orationes. Nomen est, quod unicrique
Nam is postquam excessit ex ephebis, Sosia,
Liberiua vivendifuit potesta personne attribnilur, qno suo qusequft proprio et cerb vo-
cabulo appelletur. Naturam ipsam definire difficile est
Deinde suum consilium partes autem ejus enumerare eas, quarum indigenus ad
Et nunc id operam do. hancpraeceptionem, facilius est.
Deinde qnid Sosiam velit facere id quod postremum po- Hae autem partim divino, partim mortali in génère ver-
suit in partitione poslremum dicit santur. Mortalium autem pars in hominum, parsinhestia-
rum genere numeratur. Atque hominum genus et.n sexu
Nunc tuum est ofu'cium. consideratur, virile an muliebre sit; et in natione pallia,
Quemadmodum igitur hic et ad primam quamque partem cognatione, aetate. Natione, Graius an Barbarus patria f
primum accessit, et, omnibus absolulis, fmem dicendi Atlieniensis au Lacedœmonius; cognatione, quibs majo-
fecit, sic nobis placet,etad singulas partes accedere, et, ribus, quibus consanguineis;aetate, puer an adrfescens,
omnibus absolutis, perorare. Nuncdeconh'rmationedein- natu grandior au senex. Preeterea commoda et ircommoda
ceps, ita ut ordo ipse postulat, praecipiendum videtur. considerantur ab natura data animo aut corporî, hoc mo-
XXIV. Confirmaiest, per quam argumenkrndo nnslra do valens an imbecillus; longus an brevis; firmosus an
cuusre fidem, et auctoritatem, et iirmanientnm adjungit deformis; velox an tarrius sit; acutus an hebetur memor
oratio. Hujus partis certa sunt prœcepta, quaein singula an obliviosus; comis, officiosiis, plldens, patims, au con-
iMsarum genera dividentur. Verumtamen non incommo- tra. Et omnino, quae a natura data animo et cdpoiï consi.
dum videtur, quamdam silvam, atque materiam univer- derabuiitur, in natura consideranda sunt. Nan qiice indii-
f.am ante permixtaraet confusam exponere omnium argu- stria comparantur, ad habitum pertinent, d' quo poste-
menlationum post autem tradere, quemadmodumunum- rius dicendum est. »
quodque genus causae, omnibus liinc argumenlandi ratio- XXV. In victu considerare oportet, apud quos el quo
nibus tractis, contirmare oporteat. more, et cujus arbitratu sit educatus, quos habueiït ar-
Omnes res argumentando conlirmantur. aut ex eo, quod tium libcralium magistrn^, (|uw vivendi prœceptores
pour la morale, quelles sont ses liaisons, quelle ce qu'il faut considérer dans les choses. La subs-
est sa profession son art son commerce, com- tance du fait constitue le fait en lui-même; elle
ment il gère ses affaires, enfin quel il est dans en est inséparable. On caractérise d'abord le fait
son intérieur. dans*on ensemble, et l'on n'a besoin pour cela
Dans la fortune, on cherche s'il est riche ou que de peu de mots qui exposent le fait même.
pauvre, libre ou esclave, homme privé ou puis- Parexemple il s'agit d'un parricide, d'un crime
sant puissant, s'il doit son élévation àson mérite de haute trahison. On cherche ensuite la cause,
ou à l'intrigue; s'il est environné de gloire, com- les motifs et les moyens; on reprend tout ce
blé des faveurs de la fortune, ou dans la honte qui a précédé le fait jusqu'au moment de l'exécu-
et le malheur quels sont ses enfants; enfin s'il tion on examine toutes les circonstancesqui t'ont
ne s'agit pas d'un homme vivant, on peut consi- accompagné et enfin tout ce qui fa suivi.
dérer quel a été son genre de mort. Le lieu, le temps l'occasion, la manière, les
On appelle manière d'être, quelque perfection moyens; voilà les accessoires c'est le second
physique ou morale, comme une vertu qui ne se des lieux attribués aux choses. Et d'abord, quant
dément point, une connaissance approfondied'un au lieu, théâtre de l'action, on examine quelle
art ou d'une science, ou quelque avantage corpo- facilité il offrait pour l'exécution et, pour juger
rel, que nous devons moins à la nature qu'à l'art de cette facilité, on examine son étendue sa
et à l'étude. distance, son éloignement, sa proximité, s'il
Les affections sont les changements soudains est isolé ou fréquenté, sa nature même et tout
qu'éprouvent l'âme et le corps, comme lajoie, le le pays qui l'avoisine; enfin, s'il est sacré ou pro-
désir, la crainte, le chagrin, la maladie, l'abat- fane, public ou privé; s'il appartient ou s'il a
tement, et tout ce qui dépend du même genre. appartenu ou non à l'accusé.
Le goût est une volonté fortement prononcée, Le temps, comme nous l'envisageons ici (car
une application continuelle et soutenue, à la d'en donner une définition géné-
il serait difficile
philosophie, par exemple, à la poésie, à la rale), est une partie de l'éternité désignée par
géométrie, aux lettres. Le dessein est un plan les mots d'année, de mois, de jour et de nuit. Il
arrêté pour faire ou ne pas faire telle ou telle embrasse le passé et dans le passé les événements
chose. Pour la conduite, les événements et le qui, perdus dans la nuit des siècles, nous semblent
discours, ils peuvent être envisagés sous le triple incroyables, et sont mis au rang des fables, et les
repport du passé, du présent et de l'avenir. événements éloignés de notre siècle, mais qui,
Voilà pour ce qui concerne les personnes. appuyés sur le témoignage irrécusable de l'his-
XXVI. La substance même du fait, les acces- toire, méritent notre croyance, aussi bien que
soires, les circonstanceset les conséquences,voilà les événements récents dont chacun peut avoir

quibus amicis utatur, quo in negotio, quaestu, artificio sit considerantur, parlim adjuncta negotio sunt, partimgestuiR
occupatus, quo modo rem familiarem administre! qua negotiumconsequuntnr. Continentiacuin ipso negotio sunt
consuetudinedomestica sit. ea.qnaesemper affixa esse videntur ad rem, neque ab ea
ln fortuna quaeritur, servus sit, an liber; pecuniosus, possunt separari. Ex liis prima est brevis complexio totins
an tenui* privatus, an cum potestate; si cam potestate, jure negotii, qua; summam continet facti, hoc modo Parentis
an injuria; felix, clarus,ancontra; quales liberoshabeat. occisio, patriœ proditio; deinde causa ejus summïe per
Ac si de non vivo qnœrelur, etiam qnali morte sit affectus, quam, et quamobrem,et cujus rei causa factum sit, quae-
erit considérantum. ritur; deinde ante rem gestam quae facta sunt, continenter
Habitnm autem appellamns, animi aut corporis con- usque ad ipsum negotium; deinde, in ipso gerendo negotio
stantem et absolu tain aliqua in re perfectionem; ut virlu- quid actum sit; deinde, quid postea factum sit.
tis, aut artis perceptioneni alicujus, aut quamvis scien- In gestione autem negotii, qui locus secundus erat de
tiam et item corporis aliquam commoditatem, non natura iis, quae negotiis attributa sunt, quœritur locus, tempus,
datant, sed studio industriaque partam. occasio, modus, facultates. Locus consideratur, in que res
Affectio est, animi aut corporis ex tempore, aliqua de gesta sit, ex opportunitate, quam videatur habnisse ad
causa, commutatio, ut Isetitia, cupiditas, metus, molestia, 1 negolium administrandum. Ea autem opporlunitasquœri-
morbus, débilitas, et alia, qurcgenereineodemreperiunlur. tur ex magnitudine, intervallo, longinquitate, propinqui-
Studium est animi assidua et vehemens ad aliquam rem tale, soliludine, celebritate, natura ipsius loci, et \iciui-
applicata magna cum voluntate occupatio, ut philosophiœ, tate totius regionis; ex bis etiam attiibutionibus sacer an
poeticae, geometriae, litterarum. Consilium est aliquid fa- profanus, puhlicas au privatus, alienus an ipsius, de quo
ciendi, aut non faciendi [vere] excogitata ratio. Facta au- agitur, locus sit an fuerit.
tem, et casus, et oratioues tribus ex temporibus conside- Tempus est, id qno nunc utiniur(nan) ipsum quidem
rabuntur quid fecerit, aut quid ipsi acciderit, aut quid generaliterdefinire difficile est), pars qusedam œlermtatis,
dixerit aut quid faciat quid ipsi accidat, quid dicat; aut cum alicujus annui menstrui diurni, nocturnive spatii
quid facturus sit, quid ipsi casurum sit, qua sit usurus cerla signilicatione. In hoc et quae practerieriut conside-
oratione. Ac personis quidem haec videntur esse attributa. rantur; et eorum ipsorum, quae propter velustatem obso-
XXVI. Negotiis autem quœ sunt attributa partim sunt leverint ut inci edihilia videantur, et jam in fabularum
continenlia cum ipso negotio partim in gestione negolii numerum reponanlur et quae jam diu gesta et a memoria
connaissance, et ce qui a précédé immédiatement, et l'intention de celui qui l'a faite. On peut y faire
1
le présent même, et l'avenir qui peut être plus entrer, comme subdivisions, la prudence et l'im-
ou moinséloigné. On considère encore d'ordinaire prudence. La prudence s'appuie des actions pu-
la durée du temps, car souvent il est nécessaire bliques et privées, des voies de douceur ou de
de le comparer avec le fait, pour juger s'il a pu violence employées pour réussir. L'imprudence,
suffire à une action si longue ou à tant d'actions compagne ordinaire des passions, de la colère,
différentes. Or, dans le temps on examine l'année de la douleur, de l'amour, et de toute affection 9

et le mois, et le jour, et la nuit, et la veille, et semblable, s'emploie dans la justification. Les


l'heure, ou enfin quelqu'une de leurs parties. preuves qu'elle fournit se tirent surtoutde l'igno-
XXVII. L'occasion est une partie du temps rance, du hasard et de la nécessité.
qui renferme la facilité de faire ou de ne pas faire Les moyens, dernière partie des accessoires,
une action; c'est ce qui la distingue du temps; empêchent ou facilitent l'exécution.
car il est facile de voir qu'ils ne font qu'un genre. XXVIII. Par circonstances, on entend ce qui
Le temps est la durée qui embrasse ou plusieurs est plus grand, plus petit que le fait dont il s'a-
années ou une seule année, ou seulement une git, ce qui lui est pareil, égal, contraire, con-
partie de l'année. L'occasion, à l'idée de durée, tradictoire enfin son genre, son espèce et son
joint celle du moment favorable pour agir. Ainsi issue. La grandeur en plus ou en moins, et l'éga-
tous deux appartiennent au même genre, et ne lité, se jugent, pour ainsi dire, par la force,
sont point la même chose. Ils diffèrent sous un l'ordre et la figure de l'affaire. C'est un corps
point de vue, et, comme nous l'avons dit, par dont on mesure la taille.
l'espèce. L'occasion se distingue en publique, Les points de comparaison établissent la res-
en commune, en particulière publique, quand semblance on lestrouve par le rapprochement,
elle rassemble toute une ville, comme des jeux, et dans la conformité de nature. Deux choses
une fete, la guerre; commune, quand il s'agit sont contraires quand, placées dans des genres
d'une chose qui arrive à tout le monde à peu près différents, elles sont très-éloignées L'une de l'au-
dans le même temps, comme la moisson, la ven- tre, comme le froid et la chaleur, la vie et la
dange, l'été, l'hiver; particulière, quand il s'a- mort. Elles sont contradictoires, quand elles
git d'un des événements de la vie privée, comme répugnent entre elles par exemple « Être sage,
un mariage, uu sacrifice, des funérailles, un fes- «
n'être pas sage. Le genre embrasse plusieurs
tin, le sommeil. espèces, comme passion, par exemple. L'espèce
Le mode ou la manière développe les autres est une division du genre, comme l'amour, l'a-
détails de faction, le caractère qu'on lui donne, varice. L'issue est la fin d'une action; on cherche
nostra remota, tamen faciant fidem, vere tradita esse, sit, qu&ritur. Ejuspartes sunt, prndentia et imprudentia.
quod eorum monumenta certa in litteris exstent; et quae Prudentias ratio quteritur ex iis, quœ clam, palam, vi
nupcrgesta sint, quae scire plerique possint; et item quae persuasione fecerit; imprudentia autem in purgationem
instent in prasenlia, et quae maxime fiant, et qn.T cotise- confertur, cujus partes sunt inscientia, casus, necessilas,
qnantur. In quibus potest considerari, quid ocyus, et quid et in atTectionem animi, hoc est, molestiam, iracundiam,
serins futurum sit. Et item communiter in tempore per' amorem, et cetera, quae in simili genere vtrsanlur.
spiciendo longinquitas ejus est consideranda. Nam sxpe Facilltates sunt, aut quibus facilius fit, ant sine quibus
oportetcommetiri eum tempore uegotium et videre po-
aliquid confir.i non potest.
tuerilne aut magnitudo negotii aut.multitudo rerum in eo
transigi tempore. Consideratur antem tempus etanni, et XXVIII. Adjunctumautem negotioid intelligitur, quod
ruensis et dieî et noctis, et vigiliœ et horas et in ali- majus, et quod minus, et quod simile erit ei negotio, qno
de agitur, et quod seque magnum, et quod contrarium, et
qua parte alicnjus horum. quod disparatum, et genus, et pars, et eventus. Majus et
XXVII. Occasio est pars temporis, habens in se alicu-
jus rei idoneam faciendi aut non laciendi opportunitatem. minus, et œque magnum, ex vi et ex numero, et ex figura
Quare cum tempore hoc differt. Nam genere quidem negotii, sicut ex statura corporis, consideratur.
utmmque idem esse intelligitur:verum in tempore spatium Simile autem ex specie comparabili,aut ex conferenda
quodammodo declaratur, quod in annis, aut in anno, aut alque assimulanda natura judicatur. Contrarium est, quod
in aliqua aitûi parte spectatur; in occasione, ad spatium positum in genere diverso, ab eodem cui contrarium esse
temporis, faciendi queedam opporlunitas intelligitur ad- dicitur, plurimum distat, ut frigus calori, vit» mon.
juncta. Quare quum génère idem sit, fit aliud, quod parte Disparatum autem est id, quod ab atiqua re per opposi-
quadam, et specie, ut diximiis, ditferat. Hœc distribuitur tionem negationis separatur, hoc modo « Sapere, et non
in tria genera, publicmn commune, singulare. Publicum « sapere. Genus est, quod partes aliquas amplectitur,
est, quod civitas universa aliqua de causa frequentat, ut cupiditas. Pars est, quae subest generi, ut amor, ava-
ut ludi dies festus bellum. Commune quod accidit omni- ritia. Eventus est alicujus exitus negotii, in quo quart
bus eodem fere tempore, ut messis, vindemia, calor, fri- solet quid ex quaque re evenerit, cvenial eventurumsit.
gus. Singulare autem est, quod aliqua de causa privatim Quare hoc in genere, ul commodius, quid eventurum sit,
soletalicuiaccidere, ut uupliae,sacrificium, funus, con- anto animo colligi possit, quid quaque ex re soleat eve-
vivium, somnus. nire, consideranduin est, hoc modo « Ex arrogantia
Modus est, inquo, quemadmodum, et quo animo fa<;tum odium ex insolentia arrogantio. »
quel en a été, quel en est, qnel en sera le résultat.
« avec un homme. Cette manière de raisonner,
Aussi, pour le trouver plus facilement, faut-il qui prouve la nécessité du fait, s'emploie surtout
considérer quels sont les effets ordinaires de cha- sous la forme de dilemme, d'énumération ou de
que chose, comme « La haine
naît de l'arro- simple conclusion.
« gance; l'arrogance, de l'orgueil. » Le dilemme est un argument qui vous presse
Les conséquences sont le quatrième point qu'il de deux côtés « Si cet homme est un méchant,
faut, comme nous l'avons dit, considérer dans « pourquoi en faire votre ami? S'il est
7
vertueux,
les choses. Elles comprennent tout ce qui dépend « pourquoi l'accuser? »
du fait une fois accompli d'abord quel nom il L'Enumération expose plusieurschoses qu'elle
faut lui donner; quels en sont les auteurs, les nie toutes ensuite, à l'exception d'une seule, dont
chefs, les approbateurs, les imitateurs; quelle elle démontre la nécessité. Par exemple « II faut
est son importance quelle est sur ce point la loi « que
l'accusé ait tué cet homme par haine, par
1
la coutume, la formule d'accusation les juge- « crainte, par espérance, ou pour servir un ami;
ments, ce qu'offrent la science et l'art; ensuite « s'il n'est animé par aucun de ces motifs, il ne
quelle est sa nature ordinaire et habituelle s'il l'a point tué; car on ne commet point gratuite-
est commun, ou rare et extraordinaire; s'il est « ment un crime. Mais il n'était point son ennemi,
soutenu par l'approbation générale; ou si une « il n'avait rien à craindre de lui, rien à espérer
semblable action a coutume d'exciter des senti- de sa mort, indifférente aussi pour les amis de
ments de haine; enfin tout ce qui a un rapport
plus ou moins éloigné avec un fait tel que celui
qu'on examine. Cherchez aussi avec attention
« qu'il ne
r
« l'accusé. Il ne reste donc rien à conclure, sinon

pas tué. »
On appelle simple conclusion la conséquence
tout ce qu'il peut offrir d'honnête ou d'utile, ce nécessaire de ce qu'on avance « A l'époque du
que nous développerons avec plus de détail en «
délit dont vous m'accusez, j'avais passé la mer;
traitant du genre délibératif..Onattribue aux cho- « donc, bien loin de l'avoir commis, je n'ai pas
ses tout ce que nous venons d'indiquer tels en « même eu la possibilité de le commettre. Pre-
sont du moins les principaux caractères. nez garde surtout ( car ce serait donner des armes
XXIX. Tout raisonnement tiré des lieux dont contre vous ) que votre preuve n'ait pas seulement
nous avons parlé sera ou probable ou nécessaire; la forme d'un raisonnement, une apparence de
car, pour le définir en peu de mots, un raisonne- conséquencenécessaire, mais que votre raison-
ment est une preuve qui rend un fait proba- nement naisse de raisons rigoureusement néces-
ble, ou en démontre la nécessité. Il est démontré saires.
nécessaire quand il est impossible de prouver qu'il Un fait, vrai ou faux, est probable quand il
soit arrivé autrement qu'on le dit; par exemple est naturel ou conforme aux idées reçues, ou qu'il
Si elle est mère, c'est qu'elle a eu commerce a du moins avec ces idées quelque similitude.

Quarta autem pars est ex iis, quas negotiis dicebamus cendo, aut per complexionem, aut per enumerationem,
esse attribntas conseculio. In hac eee res quœrunlur, quse aut per simplicem conclusionem.
gestum negotium consequuntur primum, quod factum Complexio est, in qua, utrum coacesseris, reprehendi-
est, qno id nomme appellari conveniat; deinde, ejus facti tur, ad hune modum « Si improbus est, cur uteris? sin
qui sint principes et inventores, qui denique auctorilalis « probus, cur accusas? »
ejus et inventionis comprobatores atque cemuli deinde, Enumeratio est, in qua, pluribus rebus expositis, et
euiua? ea de re, aut ejus rei sit lex, consuetudo actio, ceteris infirmatis, una reliqua necessario confirmatur, hoc
judicium scientia, artificium; deinde, natura ejus evenire pacto: « Necesse est aut inimicïtiaruin causa ab hoc esse
vnlgo soleat, an insolenteret raro; postea, homines id sua « occisum, aut melus, aut spei, aut alicujus amici gratia;
auctoritale comprobare, an offendi in his consueverint; « aut, si horum nihil est, ab hoc non esse occisum. Nam
et cetera, quae factum aliquod similiter confestim, aut ex « sine causa maleficium susceptum esse non potest. Sed
iiiliTïallo soient consequi. Deinde postremo attendendum neqne ïnimicitiae fuerunt, nec metus ullus, nec spes
est, num quîe res ex iis rebus, qurc sunt positae in parti- exmorte illius alicujus commodi, neqne ad amicum hu-
bus honestatis, aut utilitatis, consequantur de quibus in jus aliquem mors illius pertinebat. Relinquiturigitur, ut
deliberativo genere causse distinctius erit dicendum. Ac « ab hoc non sit occisus. »
negotiis quidem ferc res eae, quas commemoravimus sunt Simplex autem conclusio ex necessaria consecutione
attributae. conficitur, hoc modo « Si vos me istud eo tempore fe-
XXIX. Omnis autem argumentatio, quae ex iis locis, « cisse dicitis ego autem eo ipso lempore trans mare fui;
quos commemoravimus,sumetur, aut probabilis, aut ne- « relinquitur, ut id quod dicitis non modo non fecerim
cessaria debebit esse. Etenim, ut hreïiter describamus, « sed ne potuerim quidem facere. » Atque hoc diligenter
argumentatiovidetur esse inventum ex aliquo geoere, rem videre oportebit ne quo pacto genus hoc refelli possit, ut
aliquam aut probabiliterostendens, au t necessarie demon- ne confirmatio modum in seargumentationissolum habeat,
strans. Necessarie demonstrantur ea, quae aliter ac dicun- et quamdam similitudinem necessariae conclusionis ve-
tur, Bec fiori nec probari possunt, hoc modo Si peperit, rum ipsa argumentatio ex necessaria ratione consistai.
Si

«cumviroconcubuit.» Hoc genusargumentandi,quod ne- Probable autem est id, quod fere fieri solet, aut quod
cessaria demonstratione versatur, maxime Iraclatiir iu di- in opinione positum est, aut quod habet in se ad haec
Ainsi, il est probable, parce qu'il est naturel, besoin d'être confirmé par quelque témoignage
que, « Si elle est mère, elle aime son fils; que, plus sûr, comme le sang, la fuite, la pâleur, la
«
S'il est avare, il tient peu à sa parole. » est poussière. L'opinion conforme aux idées de l'au-
probable parce que les idées généralement ré- j ditoire, n'a pas besoin de la déposition des té-
pandues doivent faire admettre cette probabilité, moins. « II n'est personne qui ne souhaite à ses
que L'impiété est punie dans les enfers. » Et,
<• «
enfants la santé et le bonheur. » Le préjugé nait
par la même raison, il est probable encore que de l'assentiment, de l'autorité, de la décision d'un
Les philosophes ne reconnaissentpoint la plu- seul ou de plusieurs. Il peut être considéré comme
« ralité des dieux.
»
religieux, ou vulgaire, ou constaté. Il est reli-
XXX. La Similitude s'établit surtout entre des gieux, quand il s'appuie sur un jugement sanc-
choses contraires, pareilles, ou qui ont le même tionné par l'autorité du serment et des lois vul-
principe. Exemple, des contraires Si l'on doit gaire quand il est conforme à la coutume et au
«
pardonner un tort involontaire, doit-on de la| sentiment général, comme le respect pour la vieil-
reconnaissance à un service forcé? De choses lesse la pitié pour les suppliants. La troisième
pareilles Si une côte sans port n'offre point d'a- espèce est l'autorité qui donne à une chose d'a-
«
sile aux vaisseaux, un cœur sans bonne foili bord douteuse une approbation solennelle par
n'offre point de sûreté à l'amitié. Dans lcs cho- exemple, le peuple romain nomma consul, après
ses qui ont le même principe, on établit ainsi la sa censure, le père des Gracques, parce que, dans
probabilité « S'il n'y a point de honte pour les cette dernière magistrature, il n'avait rien fait
Rhodiens d'affermer leur port, il n'y en a point que de concert avec son collègue. La comparaison
« pour Hermacréon d'en prendre lebail. »Les pro- établit quelques points de rapportentredes choses
babilités sont plus ou moins fondées; elles peuvent différentes. Elle a trois parties l'image, le pa-
être, ou réelles, comme Une cicatrice est la rallèle et l'exemple. L'image démontre la res-
« preuve
d'une blessure; » ou vraisemblables, semblance du corps on de la nature. Le parallèle
comme Une chaussure poudreuse indique qu'on rapproche deux choses par leurs points de ressem-
«
arrive de voyage. » blance. L'exemple soutient ou infirme le fait,
Or, pour ne pas procéder au hasard, toute pro- en s'appuyant de l'autorité d'un homme ou d'un
babilité employée dans le raisonnements'appuie événement. Nous donnerons des exemples et des
sur des indices, sur l'opinion, sur les préjugés, définitions de toutes ces règles, quand nous trai-
ou sur une comparaison. On appelle indice tout terons de l'élocution.
ce qui tombe sous les sens, en indiquant quelque Nous avons, autant que nous le permettaient
circonstance qui sort du fait même, qui l'a pré- nos faibles talents, et avec toute la clarté que
cédé, accompagné ou suivi, et qui néanmoins a comportait la nature du sujet, indiqué les sources

quamdam similitudinem, sive id falsum est, sive verum. fuerit, aut in ipso negotio, aut post sit consecutum, et
ln eo genere, quod fere solet fieri, probabile hujusmodi tamen indiget testimonii et gravioris conflrinationis; u1
est Il Si mater est, diligit filium. Si avarus est, negligitt cruor, fuga, pallor, pulvis, et quae bis sunt similia. Cre-
Il
jusjnrandum. » In en autem, quod in opinione positum dibile est, quod, sine uno teste, auditoris opinione firma-
est, hujusmodi sunt probabilia « Impiis apud inferos tur, hoc modo a Nemo est, qui non liberos suos incolu-
« pœnas esse praparatas. Eos, qui philosopliiae dent ope. « mes et beatos esse cupiat. » Judicatum est, res assensione,
« ram, non arbilrari deos esse.» aut auctoritate, aut judicioalicujus, aut aliquurum compro-
bata. Id tribus in generibus spectatur,religioso, communi,
XXX. Similitndo autem in contrariis et paribus, et in apprbbato. Religiosum est, quod jurati legibus judicarunt,
iis rebns, quae snb eamdem cadunt rationem, maxime
commune est, quod omnes vulgo probarunt, et secuti sunt,
spectatur. In contrariis, hoc modo « Nam si iis, qui im- hujusmodi ut majoribus natu assurgatur,ut supplicum mi.
« prudentes laeserunt, ignosci convenu, iis, qui necessa- sereatur approbatum est, quod homines, quum dubium
« rio profuerunt, haberi gratiam non oportet. » Ex pari,
esset ,qualehaberi oporteret, sua constitueruntauctoritate,
sic « Nam ut locus sine portu, navibus esse non potest
velut Gracchi patris factum, quem populus romanuseo,
tutus; sic animus sine fide, stabilis amieis non potest quod inscieute collega in censura nihil egisset, post censu*
« esse. » In iis rebus, quœ sub eamdem rationem cadunt,
lioc modo probabile consideratur « Nam si Rhodiis turpe ram consulcm fecit. Comparabileautem est, quod in rébus
diversis simitem aliquam rationem contiuet. Ejus partes
non est portorium locare, ne Hermacreonti quidem turpe sunt très, imago, collatio, exemplum. Imago est oratio
« eslconducere. » Ha* tuin vera sunt, hoc paclo « Quoniatn
demonstranscorporum,autnaturarum similitudinem. Coi-
cicatrix est, fuit vulnus tum Terisimilia hoc modo | latio est oratio,
rem cum re ex similitudine conferens.
Si multus erat in calceis pulvis ex itinere eum venire
Exemplum est, quod rem auctoritate, aut casu alicujus
« oportebat. » hominis, aut negotii confirmât, aut infirmât. Horum
Omne autem (ut certas qiiasdam in partes distribuamus) exempta et descriptiones in praeceptis elocutionis cogne.
probabile, quod sumitur ad argumentatiouem, aut si- scentur.
gnum est, aut credibile, aut judicatum, aut comparabile. Ac fonsquidem confirmationis, ut facultastulit, apertus
Signum est, quod sub sensum aliquem cadit, et quiddam est, nec minus dilucide, quam rei natura ferebat, démon-
significat, quod ex ipso profectum videtur, quod aut ante stratus est. Quemadmodum antem qnaxjiie constitutio, et
où doit puiser l'orateur pour la confirmation. «« titre au-dessus du vôtre, lequel préférerez- vous7
Quaut à la manière de traiter chaque question, «« –Le sien. Si elle a des ajustements, une pa-
chaque partie de question, toute discussion por- « rure plus riche que la vôtre, laquelle préfé-
tant sur le raisonnement ou sur le sens littéral, « rerez-vous? – La sienne. – Et si son mari
et quant aux arguments qui leur conviennent le «« vaut mieux que le vôtre, lequel préférerez-
mieux, nous développerons chacun de ces points « vous? » La femme de Xénophon rougit pour
en particulier dans notre second Livre. Nous toute t réponse.
nous contentons maintenant d'indiquer confusé- Aspasie s'adresse ensuite à Xénophon lui-
ment et sans ordre le nombre, les formes et les mêmer « Dites-moi, je vous prie, Xénophon, si
parties de l'argumentation puis nous choisirons « votre voisin a un cheval meilleur que le vôtre,
et nous distinguerons celles qui sont propres à « lequel préférerez-vous? – Le sien. S'il a une
chaque genre de cause. «8
terre d'un meilleur produit que la vôtre, laquelle
Voilà les lieux dans lesquels on pourra puiser » préférerez-vous? La sienne. Et s'il a une
des arguments de toute espèce; mais l'art de les «« femme meilleure que la vôtre, laquelle préfé-
orner et de les distribuer avec ordre, art aussi « rerez-vous? » Xénophon, à son tour, garda le
agréable qu'utile, a été négligé entièrement par silence.
s « Puisque chacun de vous, repritAspasie,
tous les rhéteurs. Nous allons donc en parler ici, «« n'a pas voulu me répondre sur le seul point que
pour joindre dans nos préceptes, à la manière de je désirais savoir, je vais répondre pour vous

trouver l'argument, lamanière de leperfectionner.. deux. Vous, vous désirez le meilleur des époux
L'importancede cettematière, et la difficulté d'en et vous, Xénophon, la meilleure des femmes.
exposer les principes, exigent ici le plus grand
<

Si
vous ne réussissez à devenir, l'un, l'homme
soin et la plus scrupuleuse attention. le
plus parfait, et l'autre la femme la plus ac-
XXXI. Dans l'Argumentation, onemploiel'in- « complie, vous regretterez toujours de n'avoir
duction ou l'épichérème, appelé par les Latins point fait un meilleur choix. » Ainsi, par l'en-
ratiocinatio. L'Induction, en nous faisant con- chaînemeut de ses questions, en les faisant con-
venir de choses évidentes, tire de ces aveux Ic venir.de choses évidentes, elle a réussi à les faire
moyen de nous faire convenir de choses douteuses, tomber d'accord sur des choses qui leur auraient
mais qui ont du rapport avec les premières. C'est semblé douteuses, si elle ne leur avait fait que
ainsi que Socrate, dans un dialogue d'Eschine, des questions isolées.
son disciple, fait raisonner Aspasie qui s'entre- C'était la manière habituelle de Socrate; il
tient avec la femme de Xénophon et avec Xéno- cherchait moins à convaincre par ses propres
phon lui-même. » Dites-moi je vous prie, épouse raisons celui avec lequel il s'entretenait, qu'à le
de Xénophon, si votre voisine a de l'or d'un conduire insensiblement, par une suite d'aveux

pars constihitionis et omnis controversia, sive in ratione,t majoris habeat, quam tu habes, tuumne an illius malisP
sive in scripto versetur, tractari debeat,et quae in quas- u Illius vero, respondit. Age, inquit, si virum illa melio-
que argumentationes conveniant, singillatim in secundo rem habeat, quam tu habes, virumne tuum an illius
libro de unoquoquegenere dicemus. In praesentia tantum- « malis? » Hic mulier erubuit.
modo numeros, et modos et partes argumentandi con- Aspasia autem cum ipso Xenophonte sermonem insti-
fuse et permixte dispersimus; post descripte et electe ini tuit « Quscso, inquit, Xénophon, si vicinus tuus equum
genus quodque causœ, quid cuique conveniat, ex hac co- « meliorem habeat, quam tuus est, tuumne equnm malis,
pia digeremus. « an illius? IIHus inquit. Quid? si fundum meliorem ba-
Atque inveiiiri quidem omnis ex his locis argumentatio « beat quam tu habes, utrum tandem fundum habere ma-
poterit inventum exornari et certas in partes distingui et «lis? lllum, inquit, meliorem scilicet. Quid si uxorem
suavissimum est, et summe necessarium, et ab artis scripto- « meliorem liabeat, quam tu habes, utram malis? Atque
ribus maxime neglectum. Quare et de ea praeceptionenobis hic Xénophon quoque ipse tacuit. Post Aspasia « Quo-
in hoc low dicendum visum est, ut ad inventionem argu- « niam uterque vestrum, inquit, id mihi sohun nonre-
t
menti absolutio quoque argumentandi adjungcretur. Et «spondit, quod ego solum audire voluerain, egoitiet di-
magna cum cura et dilîgentia locus hie omnis eonsideran- « cam quid nterque cogitet. Nam et tu, mulier, optimum
dus est, quod non solum rei magna utilitas est, sed praeci- k virum mavis habere, et tu, Xenophon uxorem habere
piendi quoque summadifficultas. « lcctissiraam maxime vis. Quare, nisi boc perfeceritis,
XXXI. Omnb igitur Argumentatio aut per inchiclionem «ut neque vir melior, neque femina lectior in terris sit,
tractanda est, aut per ratiocinationem. Inductlo est oratio « profecto id semper, quod optimum putabitis esse, mutto

quae rebus non dubiis captat assensionem ejus, quicum i « maxime requiretis, ut et tu maritus sis quam oplinwe,t
institutaest; quibusasscnsionibnsfacit, ut illi dubia qua>• « et lira quam optimo viro nupta sit. » Hic quum rebur
dam res, propter 6imilitudinera earum rerum, quibuss non dubiis esset assensum, factum est propter similitudi-
assensit, probetur velut apud Socraticum ^schinemnem, ut etiam illud, quod dubium videbatur, si quis se-
demonslratSocrates, cum Xenophontis uxore, et cum ipso> paratim queereret, id procerto, propter rationem rogandi
Xenuplionte Aspasiam lointain « Die mihi, quieso, Xc- concederetur.
« nophontis uxur, si vicina tua melius habeat aurum, quamt Hoc modo sermonis plurimum Socrates usu« est, pro-
« tu
habes, utrum illius an tuum malis? Illius, inquit. pterea quod nihil ipseafferre ad persuadeodum volebat,
« Quid? si western, et ceterum ornatum
i
rauliebreni [iretii sed ex Po, quod sihi ille dederat, quicum disputabat, ali-
qu'il ne pouvait lui refuser, à une conclusion qui similitudes; lasccoude, du point que nous vou-
devait en être la conséquence nécessaire. lons qu'on nous accorde, et pour lequel nous em-
XXXII. Le premier principe de cette manière ployons ces similitudes; et la troisième, de la
de raisonner, c'est qu'il doit être impossiblede ne conclusion qui confirme la concession, ou montre
pas nous accorder la premièrepartie de notre in- ce qu'on en peut déduire.
duction car la proposition qu'on établit pour faire XXXIII. Mais peut-être ne trouverait-on pas
convenir d'nne chose douteuse ne doit pas être cette démonstration assez claire, si nous ne don-
douteuse elle-même. Ensuite, l'objet que nous nions un exemple de l'induction appliquée à une
voulons prouver par l'induction doit être sembla- cause civile, H me semble qu'un exemple de ce
ble à ce que nous avons posé d'abord pour cer- genre sera aussi de quelque utilité, non que l'u-
tain. En effet, à quoi peut nous servir ce qu'on sage en diffère dans la conversation et dans le
nous accorde, s'il n'a point de rapport avec la discours, mais pour satisfaire ceux à qui un
conclusion que nous voulons obtenir? Enfin, il exemple d'un seul genre ne saurait suffire. Pre-
faut cacher sa marche, et ne pas laisser voir le nons la cause d'Ëpaminondas, général thébain;
but auquel doivent conduire les premières induc- cause si célèbre dans la Grèce. Ce grand homme
tions. Autrement, celui qui voit, dès la première n'avait point remis le commandement entre les
question, qu'en accordant ce qu'on lui demande, mains du général nommé suivant la loi pour lui
il lui faudra nécessairement accorder ce dont il succéder; mais il l'avait retenu pendant quelques
ne veut pas convenir, vous empêchera, par son jours, malgré la loi, pour achever d'abattre la
silence ou par une mauvaise réponse, de pousser puissance de Lacédémone, et il y avait réussi.
plus loin vos questions. Il faut donc que ces ques- L'accusateur peut employer l'induction pour dé-
tions le conduisent, sans qu'il s'en aperçoive, de fendre le sens littéral de la loi contre l'interpré-
ce qu'il vous accorde à ce qu'il ne veut pas ac- tation qu'on lui donnait « Si l'on voulait, juges,
corder alors vous le réduisez au silence, ou à « ajouter au texte
de la loi cette exception, qu'É-
l'alternative de nier ou d'avouer. S'il nie, mon- «
paminondas soutient avoir été dans l'intention
trez-lui l'identité de ce qu'il accorde et de ce «
du législateur, excepté le cas où l'intérêt de la
qu'il n'accorde pas, ou servez-vous d'une autre « patrie aurait déterminé le général à retenir le
induction. S'il avoue, concluez. Garde-t-il le si- «
commandement, le souffririez-vous? Je ne le
lence, ou arrachez-lui une réponse, ou, puisque « pense pas.
Que si vous-mêmes, et cette pensée
le silence est un aveu, concluez comme s'il avait « est
bienlionde votre sagesse et de votre respect
« pour la loi, vous
avoué. Ainsi cet argument se divise en trois par- vouliez, par honneur pour ce
ties. La première se composed'une ou de plusieurs «
général, ajouter, sans l'ordre du peuple, cette

quid conOcere malebat,quod ille ex eo, quod jam conces- cujus causa similitudinesadhibitaîsunt; tertia ex conclu-
sisset, necessario approbare deberet. sione, quae aut confirmât concessionem, aut, quid ex ea
XXXII. Hoc in genere pracipiendum nobis videtur, conficiatur, ostendit.
primum, ut illud, quod inducemus per similitudinem XXXIII. Sed quia non satis alicui videbitur dilucide
ejusmodi sit, ut sit necesse concedi. Nam ex quo postula-t demonstratum, nisi quod ex civili causarum genere exem-
bimusnobis illud, quod dubium sit, concedi.dubiumesse ptant subjecerimus; videtur hujusmodi quoque utendum
id ipsum nou oportebit. Deinde illud, cujus confirmandi exemplo, non quo prœccptio differat, aut aliter hoc in
causa Cet inductio, videndum est, ut simile iis rebus sit, sermone, atque iu dicendo sit utendum; sed ut eorum vu-
quas res, quasi non dubias, ante induxerimus. Nam ante luntati satisfiat, qui, quod aliquo in loco viderint, alio
aliquid nobis concessum esse, nihil proderit, si ei dissimile in loco, nisi demonstratum est, nequennt cognoscere.
erit id, cujus causa illud concedi primum voluerimus. Ergo in hac causa, quae apud Graecos est pervagata, quod
Deinde non intelligatur,quo spectent illae prima; inductio- Epaminondas, Thehanorum imperator, ei, qui sibi ex
nes, et ad quem sint exitum perventurae. Nam qui videt, legepraetor successerat, exercitum non tradidit, etquum
si ei rei, quam primo rogetur, recte assenserit, illam qiin- paucos ipse dies contra legem exercitum tenuisset, Lace-
que rem quee sibi displiceal esse necessario conceden- daemonios funditus vicit, poterit accusator argumentatione
dam, plerumque aut non respondendo, aut male respon. nti per inductionem, quum scriptum legis contra senten.
dendo longius procedere rogationem non sinit. Quare tiam defendat, ad bunemodum « Si,judices, id, quod
ratione rogationis imprudens ab eo, quod concessit, ad « Epaminondas ait legis scriptorem sensisse, adscribat ad
id, quod non vult concedere, deducendusest. Extremum « legem et addat exceptionem hanc EXTRA quam si
autem aut taceatur oportet, aut concedatur, aut negetur. « QUIS RE1PUBL1CJS CAUSA EXERCITUM NON TRAD1DERIT pa-
Si negabitur, aut ostendenda est similitudo earum rerum, « liemini? Non opinor. Quod si vosmet ipsi, qnod a vestra
quae ante concessœ sunt, aul alia utendum inductione. Si « religione et sapientia remolissimum est, istius honoris
concedetur, concludenda est argumentatio. Si tacebitur, causa hanc eamdem exceptionem, injussu populi, ad
aut elicienda est responsio; aut, quoniam taciturnitas imi- « legem adsciïbi jubeatis populus Thebaaus id patieturne
tatur confessionem, pro eo, ac si concessum sit, conclu- « fleri ? Profecto non palietur. Quod ergo adscribi ad legem

dere oportebit argumentationem. lia lit hoc genus argu- « « nefas est, id sequi, quasi adscriptum sit, rectum vobis
mentandi tripartitum prima pars ex similitudine constat videatur? Novi vesliam intelligentiam,non polest ila
una, plurihiisre; altera ex eo. quod concedi volumus, videri, judïtow. Quod si litteris corrigi ncque ab ill".
• exception à la loi, le peuple thébain le souffri- avec abondance et fécondité « Une maison
« rait-il ? Non sans doute. Eh quoi 1 pensez-vous « administrée avec sagesse est mieux montée,
« qu'il soit permis d'agir comme si la loi renfer- « mieux approvisionnée qu'une maison en dé-
mait une exceptionque vous regarderiez comme « sordre et abandonnée au hasard. Une armée
« nn crime d'y ajouter? Non, Thébains,je connais «
dirigée par un général plein de sagesse et
« trop votre sagesse; vous ne pouvez penserainsi. « d'expérience a un avantage immense sur une
« Et si le peuple, si vous-mêmes ne pouvez < armée livrée à l'ignorance d'un chef présomp-
changer l'expression de la volonté du légis- « tu eux. lien est de mêmepourun vaisseau celui
«
lateur, ne seriez-vous pas mille fois plus cou- « qui a le meilleurpilote fait la plus heureuse tra-
« pables de changer, par le fait et par votre juge- «
versée. La majeure ainsi prouvée, ce qui fait
« ment, une
loi dont vous ne pouvez pas même déjà deux parties du raisonnement, il faut tirer
«
changer les termes? » Mais c'est assez, je en troisième lieu, du sein même de la proposi-
crois, parler de l'induction pour le moment; exa- tion, ce que vous voulez démontrer. Ainsi pour
minons maintenant la force et la nature de l'épi- suivre le même exemple « Or rien n'est mieux
chérème. conduit que l'univers. » C'est la troisième par-
«
XXXIV. L'Épichérème tire du fond même tie. La quatrième renferme les preuves de cette
du sujet une proposition probable qui, une fois assomption « Car le cours des astres est sou-
connue et développée, se soutient par sa propre « mis à un ordre régulier; leurs révolutions an-
force et sa propre raison. Les rhéteurs qui ont « nuelles, asservies à une loi nécessaire et im-
parlé avec le plus de soin de cet argument, d'ac- « muable, sont toujours dirigées vers le bien
cord sur son usage dans l'éloquence, ne le sont « universel; et la succession constante des jours •
pas tout à fait sur les préceptes qu'ils donnent à « et des nuits n'a jamais éprouvé le moindre dé-
ce sujet; car les uns le divisent en cinq parties, « sordre ni exposé ainsi le monde à de funestes
les autres ne lui en donnent que trois. Il ne me « catastrophes. Preuves évidentes qu'une sagesse
semble pas inutile de faire connaître leur opinion « supérieure préside à la marche de l'univers. »
et les raisons dont ils l'appuient. La digression La cinquième partie est la conclusion. Ou elle
sera courte. D'ailleurs, les uns et les autres ne renferme simplement la conséquence des quatre
manquent pas de motifs; et c'est un point assez autres parties qui ont précédé ce qui peut se
importantdans l'art oratoire, pour mériterqu'on faire de cette manière « Ainsi l'univers est gou-
s'y arrête quelques instants. verné avec sagesse; » ou elle résume en peu
Ceux qui lui donnent cinq parties veulent de mots la proposition et l'assomption, aux-
qu'on établisse d'abord la proposition, base de quelles elle ajoute la conséquence. Voici quelle
l'épichérème. Ainsi « Les choses gouvernées serait alors la conclusion du même exemple
« avec
prudence sont bien mieux conduites que « Que si les choses gouvernées avec prudence
celles où la prudence ne se trouve point. C'est, « sont bien mieux conduites que celles où la pru-
suivant eux, la première partie. Elle doit être dence ne se trouve pas, et si rien n'est mieux
soutenue de différentes preuves, et amplifiée « conduit et gouverné que tout l'univers, il s'en-

« neque avobis scriptoris voluntas polesl; videte, ne hoc modo « Domus ea, quae ratione regitur, omnibus
multo indignius sit, id re et judicio veslro mulari quod n instructior est rebus, et apparatior, quam ea quae te-
« ne verbo quidem commutari potest. » Ac de inductione « mere et nullo consilio administratur. Exercitus is, cui
quidem satis in prasentia dictum videtur. Nunc deinceps « prœpositusest sapiens et callidus imperator, omnibus
ratiocinatiouis vim et naturam consideremus. « partibus commodius regitur, quam is, qui stultitia et
XXXIV. Ratiocinatio est oratio ex ipsa re probabile « temeritate alicujus administratur. Eadem navigii ratio
aliquid eliciens, quod expositum et per se cognitum, sua « est. Nam navis optime cursum confi cit ea, quae scien-
se vi et ratione confirmet. Hoc de genere qui diligentius « tissimo gubernatore utitur. » Quum propositio sit hoc
considerandum putaverunt, quum idem usu dicendi se- pacto approbata, et duae partes transierint ratiocinationis,
querentur, paullulum in prœcipiendiratione dissenserunt. tertia in parte aiunt, quod ostendere velis, id ex vi propo-
Nam partim quinque ejus parles esse dixerunt, partim sitionis oportere assumere, hoc pacto « Nihil autem
non plus, quam in tres partes posse distribui putaverunt. « omnium rerum melius, quam omniâ mundus, admini*
Eorum controversiam non incommodum videtur cum « stratur. » Hujus assumtionis quarto in loco aliam porro
utrorumque ratione exponere. Nam et brevis est, et non inducunt approbationem, hoc modo « Nam et signorum
ejusmodi, ut alteri prorsus niWl dicere putentur, et locus « ortus et obitus definitum quemdam ordinem servant, et
hic nobis in dicendo minime negligendusvidetur. « annuae commutationes non modo quadam ex necessitate
Qui putant in quinque distribui partes oportere, aiunl, « semper eodem modo fiunt, verum ad utilitales quoque
primum convenire exponere summamargumentationis, ad « rerum omnium sunt accommodatae; et diurnœ noctur-
hune modum « Melius accurantur, quae consilio gerun- « nseque vicissitudines, nulla in re unquam mulatœ, quid.
« tur, quam quœ sine consilio
administrantur. » liane pri- quam nocuerunt. Quae signo sunt omnia, non mediocri
mam partem numerant eam deinceps rationibus variis, quodam consilio naturam mundi administrari. > Quinto
et quam copiosissimis verbis approbari putant oportere, inducunl loco complexionem eam, qnx aut id infert su-
suit que l'univers est gouverné par une secrète Mais il faut justifier le choix que nous faisons
sagesse. » C'est ainsi que les rhéteurs dont je ici, afin d'éviter le reproche d'une prédilection
viens d'exprimer l'opinion croient devoir donner aveugle, et le justifier en peu de mots, pour ne
cinq parties à l'épichérème. pas nous arrêter sur de pareils détails plus long-
XXXV. Ceux, au contraire, qui n'en comp- temps que ne l'exige l'ordre de nos préceptes.
teDt que trois, ne suivent point une marche diffé- XXXVI. S'il est des arguments où il suffit d'é-
rente dans leur argument, mais seulement dans tablir la proposition, sans qu'il soit nécessaire
leur division. Ils ne veulent point qu'on sépare la d'y joindre la preuve, il en est d'autres où la
proposition et l'assomption de leur preuve. Si on proposition n'a de force qu'autant qu'elle estsou-
les sépare, ces deux parties, selon eux, seront tenue par la preuve. La proposition et la preuve
incomplètes. Ainsi, ce que les autres divisent en sont donc deux choses différentes; car un acces-
proposition et en preuve, ils n'en forment qu'un soire qu'on peut ajouter ou retrancher ne saurait
seul tout; c'est la proposition. Si cette proposi- être la même chose que l'objet auquel on l'ajoute
tion n'est point prouvée, ce ne peut pas être la ou dont on le retranche. Or, dans le raisonne-
proposition d'une argumentation régulière. Il ment, tantôt la proposition n'a pas besoin de
en est de même pour l'assomption et sa preuve, preuve; tantôt, comme nous le montrerons, elle
que les premiers rhéteurs ont soin de distinguer, ne saurait s'en passer; donc la preuve n'est pas
mais que ceux-ci appellent seulement assomp- la même chose que la proposition. Voici comme
tion. C'est ainsi qu'ils divisent le même argument, nous prouvons ce que nous avons avancé.
les uns en trois, les autres en cinq parties aussi Une proposition évidenteet dont tout le monde
• la différence se fait-elle moins sentir dans la ne peut s'empêcher de convenir, n'a pas besoin
pratique que dans la théorie. de preuve. Par exemple « Si j'étais à Athènes le
Pour moi, la division en cinq parties, suivie « jour que ce meurtre a été commis à Rome. je
par tous les disciples d'Aristote et de Théo- « n'ai pu y prendre part. >• Voilà qui est évident
phraste, me semble préférable; car si l'école de qui n'a pas besoin de preuve. Aussi peut-on ajou-
Socrate avait adopté la première manière d'ar- tertoutde suite l'assomption «Or,j'étaisà Athe-
gumenter, qui procède par induction, Aristote, « nés ce jour-là. » Si ce fait n'est pas constant,
les péripatéticiens et Théophraste donnaient la il faut le prouver, et ensuite vient la conclusion
préférence à l'épichérème; et c'est aussi là le « Donc je n'ai pu prendre part à ce meurtre. »
système suivi par les rhéteurs les plus subtils et Ainsi, il est des propositions qui n'ont pas be-
les plus versés dans la connaissance de leur art. soin de preuve. Montrer que d'autres en ont

liim, quod ex omnibus partibus cogitur, hoc modo summe


t est ab Aristotele, atque a peripateticis,et Th:n-
« Consilio igitur mundus admiiiislratur » aut unum in phrasto
] frequenlatuni; deinde a rhetoribusiis, qui elegan-
locum quum conduxerit breviter propositionem et assum- tissimi atque artiiiciosisshni putati sunt. Quare autem
tioucm, id adjungit, quod ex his conficiatur, ad hune mo- nobis
] illa magis partitio probelur, dicendum videtur, ne
dum « Quod si
melius geruntur ea, quœ consilio, quain
n quae sine ronsilio administrantur, nihil autem omnium
adtninistratur, quam omnis mundus; con-
jj
temere secuti putemur; et breviter dicendum ne in hu
jusmodi rebus diutius, quam ratio praecipiendi postulel,
« rerum melius eommoremur.
« silio igitur mundus administratur. » Quinquepartita:n XXXVI. Si quadam in argumentatione satis est uti prn-
igitur hoc pacto putant esse argumentationem. posilione, et non oportet adjungerc approbationem propo-
XXXV. Qui autem tripartitam esse dicunt, il non aliter sition! quadam autem in argumentatume infirma est pn>-
putant tractarioportere argumentationem, sed parlitionem positio, nisi adjuncta sit ariprobalio separatum quidam
horum reprehendunt. Negant enim neque a propositione, est a propositione approbatio. Quod enim et adjungi et
neque ab assumtione approbationes earum separari opor- separari ab aliquo potest, id non potest idem esse, iukkI
tere, neque propositionem absolutam, neque assuintioiietii est id, ad quod adjungitur, et a quo separatur. Est anleui
sibi perfectam videri, quro approbatione confirmata non quBedam argumentatio in qua propositio non indiget a;t-
sit. Quare quas illi duas partes numerent, propositionem probatione; et quaedam, in qua nihil ralet sine approbu
et approbationem, sibi unam partem videri, propositio. tione, ut ostcnileinus separata est igitur a proposition
nem quae si approbata nou sit, propositio non sit argu- approbatio. Ostcndetur autem id,quod polliciti sumus,
mentationis. Kem.quœ ab illis assumtio, et assumtionis hoc modo.
approbatio dicatur, eamdem sibi assumtionem solam \i- i- Quap propositio in se quiddam conlinet perspicuum, i't
deri. Ita fit, ut eadem ratione argumentatio tractata, qnod constare inter omnes necesse est, liane velle apprn-
i aliis tripartita, aliis qumquepartita videatur. Quare eve- baie et firmare nihil attinet. Ea est liujusmodi « Si, quo
nit, ut res non tam ad usum dicendi pertineat, quant ad « die ista caedes Roraœ facta est, ego Athenis eo die fui,
rationem praeceptionis. u intéresse in caede non potui. » Hoc quia perspicue veruui
Subis autem commodior illa partitio videtur esse, quae est, nihil atlinet approbari. Quare assumi statim opoilol
in quinque partes distributa est, quam omnes ab Aristo- hoc modo « Fui autem Athenis eo die. Hoc si non eau.
tele et Theophrusto profecti maxime secuti sunt. Nain stat, indiget approbationis qua inducta, complexio con.
quemadmodum illud superius genus argiimenlandi quod sequetur. Est igitur quœdam proposilio, qnœ non indiget
per inductionem sumitur, maxime Socrates et Soeratici approbatione. Nam esse quamdam, quœ indigeat, quid
uarlavorimt sic hoc quod per ratiocinationem expolilur, attinet ostendere, qt:od cim is facile pcrspinuun f9t?Quo<l
besoin, serait inutile; c'est un fait trop é/rident. ppreuve ne sont donc pasune seule et même chose.
On peut alors en conclure, comme de l'exemple IIl est donc faux que cet argument n'ait que trois
cité, que la proposition et lapreuve sont réelle- pparties.
ment deux choses différentes. Or, s'il en est ainsi, XXXVII. D'après ces principes, il.est cons-
il est faux que cet argument n'ait que trois par- ttant qu'il y a certains arguments dont ni la pro-
ties. Fposition ni l'assomption n'ont besoin de preuve.
Nous verrons de même qu'il faut distinguer 1En voici un exemple aussi court qu'évident
l'assomption de la preuve; car, s'il suffit quel- «S'il
«
faut rechercher avant tout la sagesse, il
quefois, dans un raisonnement, de poser l'as- « faut avant tout éviter l'imprudence. Or, il faut
somption sans y joindre la preuve, si d'autres « rechercher avant tout la sagesse; donc il faut
fois elle n'a de poids qu'autant que la preuve y »«
éviter avant tout l'imprudence. Ici
la propd-
est jointe, la preuve et l'assomption sont des sition
s et l'assomption sont incontestables aussi
choses différentes or, il est des arguments où n'ont-elles
r pas besoin de preuve.
l'assomption n'a pas besoin de preuve; d'autres, Tous ces exemples nous montrent clairement
au contraire, comme nous le montrerons, où que
t la preuve peut tantôt s'ajouter, tantôt se
efle ne peut s'en passer; donc il faut distinguer retrancher.
1 Elle n'est donc renfermée ni dans la
l'assomption de la preuve. Voici comme nous proposition,
1 ni dans t'assomption mais chacune
prouvons ce que nous venons de dire. ( ces parties a une place et un caractère propre
de
Une assomption, qui renferme une vérité t particulier. Ainsi ceux qui divisent l'épiché-
et
évidente pour tous les esprits, n'a pas besoin de rème
i en cinq parties, ont suivi la division la plus
preuve. Par exemple Si la sagesse est néces- exacte.
i
saire, il faut se livrer à l'étude de la plailoso- L'argument appelé épichérème, ou raisonne-
phie. Cette proposition a besoin d'être prouvée; ment,
i a donc cinq parties la proposition ou la
car elle n'est pas évidente, puisquebien des gens majeure,
i qui expose en peu de mots la pensée sur
regardent la philosophie comme inutile, quel- laquelle
1 estfondétoutl'argument la preuve de la
ques-uns même, comme nuisible. Mais l'assomp- proposition,
] qui appuie la pensée énoncée en peu
tion est évidente Or la sagesse est nécessaire. de mots, et lui donne plus de probabilité et d'é-
<

Une vérité si évidente n'a pas besoin de preuve; vidence l'assomption ou la mineure, qui tire de
elle se sent et se voit d'elle-même; ainsi l'on peut la proposition ce qu'on doit démontrer; la preuve
ajouter tout de suite la conclusion Donc il faut de
( l'assomption qui la soutient et l'appuie de rai-
se livrer à l'étude de la philosophie. Il est donc sons
s
enfin la conclusion qui exprime d'une
des assomptions qui n'ont pas besoin de preuve manière précise et rapide laconséquenceque l'on
mais il est clair pour tout le monde qu'il y en a tire
1 de tout l'argument. L'argument le plus com-
qui ne peuvent s'en passer. L'assomption et la pliqué se compose de ces cinq parties. Il en est

si ita est, ex hoc, et ex eo, quod proposneramus, hoc est. Sepatata est igitur ab assumtione approbatio. Falsirm
rnnlic itin separatum esse quiddam a propositione appro- ergo est, non esse pins quam tripartitam argumentatio-
bationem. Si autem ita est, falsuni est non esse plus quam nem.
tripartitam arguinentationem. XXXVII. Atqne ex his illud jam perspicuum est, esse
Simili modo liqnet, alteram quoqne approbationem se- quamdam argumentationem in qua neque propositio, ne-
paratatn esse ab assumtione.Si quadam in argumentalione que assumtio indigeat approbationis,hujusmodi ut cerf uni
satis est uti assumtione, et non oportet adjungere appro- qniddam et brève, exempli causa, I)oiiarniis n Si summo
bationem assumtioni; quadam autem in argumentatione « operesapientiapetendaest, summo opère stultitiavitan<la
infirma est assumtio, nisi adjuncta sit approbalio sepa- « est, summoautem opère sapientia petendaest; suminn
ratum quiddam est extra assumtionem appmbatio. Est au- « igitur opère stultitia vitanda est. » Hic etassumtio, et
tem argumentatio quaedam, in qua assumtio non indiget propositio perspicua est. Quare neutra quoque indiget ap-
approbationis; quaedam autem, in qna nihil valet sine ap- probatione.
probatione ut ostendemus.Separata est igitur ab assum- Ex hisce omnibus illud perspicuum est, approbationem
tione approbatio.Ostendemus autem id, quod polliciti su. tum adjungi, tum non adjungi. Ex quo cognoscitur, neque
mus, hoc modo. in propositione, neque in assumtione contineri approbatio-
Quae perspicuam omnibus veritatem continet assumtio, nem, sed utramque suo loco positam \im suant, tanquam
nihil indigel approbationis. Ka est hujusmodi « Si oportet certam et propriam, obtinere. Quod si ita est, commoda
« sapere, dare operam philosophiae convenit. » Hœc pro-
partiti sunt illi, qui in quinque partes distribueront argu-
pnsitio indiget approbationis.Non enim perspicua est, ne- menta tîoncm.
que constat inter omnes, propterea qnod multi nihil pro- Quinquesunt igitur partes ejus argumentationis, quae
desse philosophiam, plerique etiam obesse arbitrantur. per ratiocinationem tractatur Propositio per quam locus'
Assumtio perspicua est hsec « Oportet autem sapere. » is breviter exponitur, ex quo vis omnis oportet emauet
Hoc autem quia ipsum ex re perspicitur, et verum esse in- ratincinationis; propnsitionis approbatio, per quam id,
telligitur, nihil attinet approbari. Quare stattm concludenda quod breviter expositum est, rationibus aftirmatum pro.
est argumentatio. Est ergo assumtio quaedam, quae appro- babiliuset apertius fit; assumtio, per quam id, quod ex
-0--
CICtROM. TOME I.
1. c;r
bationis non indiget. Nain quamdam indigere perspicuum propositione ad wtendenrium pcrlinet assutnitur assum-
o ·
S
aussi de quatre de trois et de deux, quoiqu'on Cessez donc, juges, cessez, dans cette cause,
n'adopte pas généralement cette dernière divi- « de vous attacher au sens littéral de la loi, et
sion. Quelques-uns même prétendent qu'un ar- que l'intérêt de la patrie soit, comme il est juste,
gument peut n'avoir qu'une seule partie. le seul point de vue sous lequel vous l'envisa-
XXXVIII. Nous donnerons donc quelques « giez. Eh! que pouvait-il y avoir jamais de plus
exemples des divisions reçues, et nous allégue- « utile pour Thèbesque l'abaissement de Sparte?
rons plusieurs raisons en faveur des autres. Épaminondas, général des Thébains, ne devait-
Voici un exemple d'un raisonnement à cinq « il pas, avant toute autre considération songer
parties « Toutes les lois, juges, doivent se rap- ù rendre les Thébains victorieux? Que devait-il
porter à l'intérêt de la patrie; c'est dans lesens préférer à une gloire si brillante pour les Thé-
«
du bien général qu'il faut les interpréter plutôt «
bains? à qui devait-il sacrifier un triomphe si
que dans le sens littéral; car vous connaissez assez beau, si éclatant, un si noble trophée? Ne de-
• la sagesse et la vertu de nos ancêtres pour croire <•
vait-il pas suivre l'intention du législateur, plu-
«
qu'en établissant des lois, ils n'avaientd'autre tôt que le texte de la loi? Nous avons suffisam-
but que le salut et l'intérêt de la patrie. Leur « ment établi qu'aucune loi n'avait d'autre but
« intention n'était pas d'y rien insérer de nuisi- « que
l'intérêt de la patrie. Épaminondasregar-
• ble et ils étaient convaincus que, s'ils l'eussent dait donc comme le comble de la démence de
fait, la découverte de leur erreur devait abro- « ne pas
prendre le salut de son pays pour règle
« ger la loi. Ce n'est pas, en effet, pour la loi « dans l'interprétationd'une loi établie pour le
«
elle-même qu'on veut que la loi soit inviolable, «
salut de son pays. Que s'il faut rapporter toutes
» mais pour la république, dont la sûreté repose «
les lois à l'intérêt de la république, et si Épa-
sur les lois. C'est d'après ce principe, qui rend «
minondas a été utile à la république, certes il
« les lois inviolables, qu'on doit en interpréter le n'a pu en même temps être utile à la fortune
«
i texte. Oui, si nous n'avons d'autre but que l'in- « publique et
désobéir aux lois. »
« térêt de la patrie, si nous sommes en quelque XXXIX. Le raisonnementn'a que quatre par-
» sorte
les esclaves de son bonheur et de sa gloire, ties quand on retranche la preuve, soit de la
ce même intérêt que nous portons à la patrie proposition, soit de l'assomption; et c'est ce qu'il
»
doitnous guider dans l'interprétation des lois. Si faut faire quand la proposition est évidente, ou
« l'on doit croire que la médecine n'a d'autre but l'assomption assez claire pour n'avoir pas besoin
que de rendre la santé puisque tel est le mo- d'être prouvée. Voici un exemple d'an raisonne-
tif qui l'a fait inventer, les lois, on doit le croire ment à quatre parties, où la proposition n'a pas
»
aussi, n'ont d'autre but que l'intérêt de la pa- de preuve « Juges, qui devez laloi ce pouvoir
trie, puisque tel est le motif qui les a fait établir. j judiciaire, sanctionné par votre serment, votre

tionis approbatio, per quam id, quod assumtum est, ra- « quoniam ejus causa sunt comparatœ. Ergo m hoc quoqiik
liombusfirmatur;complexio,per qnam id quod conficilur « judicio desinite litteras legis perscrutari, et legem, ut
t'x omni argumentalione, breviter exponitur. Quœ pluri- requum est, ex utilitate reipublicee considerate. Quid
mas habet argumentatio partes, ea constat ex his qoinque « enim magis utile Thebanis fuit, quam Lacedacmonios
partihus; secunda est qnadriparKta tertia tripartita. Dein « opprimi ? Cui rei magis Epamiuondam Thebanorum îm-
hipartita; quod in controversia est. De una quoque parte peratorem, quam Victoria Thebanorum, consulcre de-
potest alicui videre posse consistere. « cuit? Quid hune tanta Thebanorum gloria, tam claro
XXXVIII. Eorum igitur, quœ constant, exempta pone- •• atque exornato tropaeo
carius aut antiquius hahere con-
miis; hmum, quœ dubia suut, rationes affei-emus. venit? Scripto videlicet legis omisso, scriptoris senten-
Quinque partita argumentatio est hujusmodi « Oranes « tiam considerare debebat. Atque hoc quidem salis con-
« leges, judices, ad commodmn reipuhlicœ referre opor- « sideratum est millam esse legem, nisi reipublicae causa
« tet et eas ex iitilitate communi, non ex scriplione, qnae « scriptani. Summam igitur amendai" esse existimabat,
inlitterisest, interprétai! Ea enim virtute et sapientia quod scriptum esset reipublicœ salulis causa, id non ex
« majores nostri fuerunt, ut in legibus scribendis nihil
« reipnblicae salute interpretari. Quod si leges omnes ad
« sibi aliud, nisi salutem atque utilitatem reipublicae utilitatem reipublicae referri convenit, hic autem saluti
pro-
« poncrent. Neque enim ipsi, quod obesset scribere vole- « reipubliese profuit; profecto non polesl eodem facto et
« bant; et, si scripsissent, quum esset intellectum, repu- « communihus fortunis consuluisse, et legibus non ob-
diatum iri legem intelligebant. Nemo enim leges legum « tempérasse. »
« causa salvas esse vult, sed reipuhlica: quod ex legibus XXXIX. Quatuor aulem partibus constat argumenta-
<• onracs rempublicam oplime putant administrari. Quam tio, quum aut proponimus, aut assumimus sine approba-
ob rem igitur leges servari oporlet,ad eam causam scripta tione. Id facere oportet, quum aut propositio ex se intelli-
h omnîainlerpretarîconvenit: hoc est, quoniam reipublicae gitnr, aut assumtio perspicua est, et nullius approhationis
<• servirons, et reipublica? commodo atqnc utilitate leges indiget. Propositiunis approbatione prïcterita, quatuor ex
• interprelemur. Nam ut ex medicina nihil oportet pu tare partibus argumentatio tractatnr ad hune moduin « Judi-
proficisci, nisi quod ad corporis utilitatem spectet, quo- « ces, qui ex lege
jurati judicatis, legibus obtemperare
• niain ejus causa est instituta; sic a legibus nibil conve- « debetis. Obtemperare autem legibus non potestis, nisi
« hit arbitrari, nisi quod reipublirœ eondueat, proficisci, id, quod scriptum est in lege sequamini. Qnod enim cer-
premier devoir est d'obéir à la loi. Or vous ne nous lit laissons subsister, ou il faut la détruire;
craindre; il ne reste donc
pouvez lui obéir, si vous vous écartez du sens « or, il ne faut pas la
« littéral de la loi. Eh quel témoignage plus au- «
qu'à la détruire. »
« thentique le législateur a-t-il pu nous laisser de XL. Quelques rhéteurs prétendent que l'on
« sa volonté, que ce qu'il a écrit avec soin avec peut,
r que l'on doit même quelquefois supprimer
«
l'attention la plus scrupuleuse? Si ce texte ne la
1 conclusion, quand la conséquence est évidente,
« subsistaitpas, nous ferions tous nos efforts pour cce qui réduit le raisonnement à deux parties.
«
le trouver, afin de connaître la volonté du législa- «
Si elle est mère, elle n'est point vierge. Or, elle
teur; quand nous avons letextedela loi sous les « est
mère. » II suffit, disent-ils, d'établir la pro-
« yeux, bien loin de permettre qu'Épaminondas, position
1 et l'assomption, la conséquence étant si
«
accusé, interprète la volonté du législateur dans claire
( que la conclusion devient inutile. Pour moi,
«
lesensdesacause,p!utÔtquedanslesenslittéral, i me semble que tout raisonnement doit avoir
il
« nous ne le
souffririonspas, même quand il serait une
t conclusion; j'ajoute seulement qu'il faut évi-
•>
hors de l'atteinte de la loi. Que si votre devoir, t ce qui leur déplaît avec raison, et ne jamais
ter
« juges, est
d'obéir à la loi, et si vous ne le pou- donner
( à ce qui est évident la forme d'une
. vez qu'en suivant religieusement le sens littéralconclusion.
«

« de la loi,
qui peut vous empêcher encore de pro- Pour éviter cet écueil, il faut connaître les
« noncer que
l'accusé a enfreint la loi? » différents
< genres de conclusions. Tantôt la con-
Voici un exemple d'un raisonnement à quatre clusion
( se forme de la réunion de la majeure et
parties, où la preuve de l'assomption est suppri- de la mineure. Par exemple Que si toutes les
mée « Nous ne pouvons avoir confiance aux dis- «
lois doivent avoir pour but l'intérêt de la pa-
« cours de ceux qui nous ont souvent
trompés. En
«
trie, et si l'accusé a sauvé la patrie, certes il ne
effet, si leur perfidie nous cause quelque tort, peut pas tout à la fois avoir sauvé la patrie et
« nous ne pourrons en accuser que nous-mêmes. «
désobéi aux lois. Tantôt elle se tire des con-
Se laisser tromper une fois est unmalheur; deux,traires « Le comble de la démence serait donc
« une sottise; il serait humiliant
de compter sur la fidélité de ceux dont la per-
de l'être trois
« fois. Or, les
Carthaginois nous ont déjà souvent«
fidie nous a si souvent trompés. » Ou bien l'on
«
trompés. Le comble de la démence serait donc n'exprime que la conséquence seule « Donc il
•< de compter sur la fidélité de ces perfides, nous«
faut détruire Carthage. » On peut encore se con-
« qui avons été si souvent victimes de leurs par- tenter d'exprimer ce qui suit nécessairement la
jures. » conséquence. Ainsi, dans ce raisonnement « Si
Supprimez les deux preuves, votre raisonne- « elle est mère, elle a eu commerce avec un
ment n'a plus que trois parties. On peut en juger « homme; or, elle est mère; » la conséquence
par cet exemple: « II faut craindre Carthage, si inévitable est celle-ci « Donc elle a eu com-
« tius legis scriptor testimoniumvoluntatis suae relinquere « quidem non oportet. Restât igitur, ut urbem dirua-
potuit, qnam quod ipse magna cum cura atque diligen. « mus.»
« tia scripsit? Quod si litterm non exstarent, magnopere XL. Sunt autem, qui putent, noununquam possecom-
eas requireremns,ut ex his scriptorisvoluntas cognosce- plexione supersederi, quum id perspicuum sit, quod con-
« retur nec tamen Epaminondse permitteremus, ne si uciaturex ratiocinatione. Quod si fiat, bipartitam quoque
« extra judicium quidem esset, ut is nobis senlentiam
legis fieri argumentationem, hoc modo « Si peperit, virgn non
« interpretaretur, neduin nunc islum patiamur, quum « est, oeperit autem. » His satis esse dicunt proponere et
« prresto lex sit, nou ex eo, quod apeitissiroe scriptum assumere quoniam perspicuum sit, quod conficiatur,
« est, sed ex eo, quod suse causa? convenit, scriptoris vo- complexionis rem non indigere. Nobis antein videtur et
« luntâtem interpretari. Quod si vos, indices, legibus omnis ratiocinatio concludenda esse; et itlud vitium, quod
« obtemperarè debelis, et id facere non potestis, nisi, illisdisplicet, magnopere vitandum, ne,quod perspicuum
qnod scriptum est in lege, sequamini,quid causae est, sit, id in complexionem inferamus.
« quin isturn contra legem fecîsse judicelis? » Hoc autem fieri poterit, si complexionum genera intelli- i.
Assumtionis autem approbatione prœterita quadripar- gantur. Nam aut ita complectemur, ut in unum condura-
tita sic fiel argumentatio « Qui saepenumero nos per mus propositionem et assumtionem, hoc modo « Quod
« fidem fefellerunt, eorum orationi fidem habere non de- « si leges omnes ad utilitatem reipublicse referri convenit,
« bemus. Si quid enim perfidia illorum detrimenli accepe* « hic autem saluti reipublic» profuit; profecto non potest
rimus, nemo erit, prœter iiosmet ipsos, quem jure eodem facto, et satuti communi consuluisse, et legibu.
n accusare possimus. Ac primo quidem decipi incommo- « non obtemperasse. » Aut Ita, ut ex contrario sententia
dum est; iterum stultum;tertio, turpe. Carthaginienses conOciatur, hoc modo
« Summa igitur amentia est, in
autem persaepe jam nos fefellerunt. Summa igitur amen- « eorum fide spem habere quorum perfidia loties deceptus
« sis. Aut
« tia est in eorum fide spem habere, quorum perfidia to- ita, ut id solum, quod conficitur, inferatur,
ties deceptus sis. » ad hune modum « Urbem igitur diruamus. » Aut, ut id,
Utraque approbatione prateritatriparlita fit hoc pacto quod eam rem, quae conficitur, sequatur, necesse est. Id
« A»l metuamus Carthaginienses oportet, si incolumes eos est liujusniocli « Si peperit, cum viro concubuit, peperit
»
reliquerimus; aut eorum urbem diruamus. Ac metuere a autem. » Conlicitar hoc « Concuhuit igitur cum nm viro. -»
>•

e.
« morce avec uu homme. » Mais si vous ne vou- exposées mais si l'on ne s'attachait qu'à cet ef-
lez pas exprimer cette conséquence, et que vous fet, sans s'inquiéter de la manière d'exposer les
vousborniez à ce qui la suit Donc elle a été in- raisons une fois trouvées, la différence qu'on éta-
• cestueuse, » vous
concluez votre raisonnement, blit entre le talent et la médiocrité serait chimé-
et vous évitez uue conclusion trop évidente. rique.
Ainsi, un raisonnement est-il long il faut con- 11faudra surtout varier vos tournures; dans
clure par la réunion des prémisses ou par les tous les genres, l'uniformité enfante le dégoût.
contraires; est-il court, exposez seulement la Pour le prévenir, ne suivez point toujours la
conséquence. Quand elle est trop évidente, ne même marche, et répandez d'abord de la variété
vous y arrêtez pas et n'exprimez que ce qui la dans la forme de vos arguments employez tantôt
suit. l'induction tantôt l'épichérème. Que votre rai-
Ceux qui prétendent qu'un argument peut sonnement même ne commence pas toujours par
n'avoir qu'une seule partie, le posent ainsi, et la proposition, ne soit pas toujours divisé en cinq
prétendentque c'est assez pour le raisonnement parties; ne suivez pas constamment le même plan
Puisqu'elle est mère, elle a eu commerce avec dans l'amplification et les ornements de vos divi-
un homme; » car de cette manière il n'est be- sions mais commencez tantôt par l'assomption
soin ni de proposition, ni d'assomption, ni de tantôt par une des deux preuves ou par toutes les
preuve, ni de conclusion. Mais l'ambiguïté du deux. Employez tantôt une conclusion, tantôt
mot argumentation produit leur erreur; car une autre. Rien n'est plus facile; et pour s'en con-
ce mot, qui se prend dans un double sens, si- vaincre, il suffit d'écrire ou de s'exercer sur quel-
gnifie en même temps et les raisons qui rendent ques-uns des exemples que nous avons proposés.
une chose probable ou nécessaire, et l'art de Nous avons, ce me semble, assez développé
les exposer. Ainsi, lorsqu'ils disent simplement les différentes parties du raisonnement. Nous
Puisqu'elle est mère, elle a eu commerce avec n'ignorons pas, et il n'est peut-être pas inutile de
• un homme, » ils donnent la raison, mais sans
le dire en cet endroit, nous n'ignorons pas que la
art; et nous ne nous occupons ici que de l'art méthode philosophique enseigne d'autres moyens
et de ses parties. aussi nombreuxquesubtilsdedévelopperlesargu-
XLI. Cette objection est donc frivole; et la ments mais nous les croyons étrangers à l'art
distinction que nous venons d'établir réfute tout oratoire. Tout ce qui nous a semblé appartenir à
ce qu'on pourrait dire contre notre division, en l'éloquence, nous ne prétendonspasl'avoirmieux
prétendant qu'on peut supprimer la proposition traité que les autres; mais nous y avons apporté
ou l'assomption. Les raisons qui la rendent pro- plus de soin et d'exactitude. Maintenant, conti-
bable ou nécessaire, doivent faire impression sur nuons notre route en suivant l'ordre que nous
l'auditoire, de quelque manière qu'elles soient avons établi.

Hoc si nolb inferre, et inferas id, quod sequitur « Fecit retur, ac nihil, quo pacto tractaretnr id, quod excogitalum
« igitur inccslum; » et concluseris argumentatiouem,et esset, referret nequaquam tantum inter summos oratores
perspicuam fugeris complexionem. et médiocres intéresse existimaretur.
Quare in longis argumentationibus,ex ronductionibus, Variare autem oralionem magnopere oportebit. Nam
aut ex contrario complecti oportet; in brevibus id sotum, omnibus in rebus similitado est satietatis mater. Id licri
quod conficitur, exponere; in iis, in quibns exitus perspi- poterit, si non similiter semper ingrediamur iu argumen-
cuus est, consecutione uti. tationem. Nam primum omnium generibus ipsis distin-
Si qui autem ex una quoque parte putabunt constare guere convenit oralionem, hoc est, tum inductione uti,
argumentationem, polerunt dicere, sœpe satis esse hoc tum ratiocinatione. Deinde in ipsa argumentatione non
modo argumentationem facere « Quoniam peperit, cura seinpera propositione incipere, necsiinperquinque par-
« viro
concubuit. Nam hoc nullius neqne approbationis, tibus abuti, neque eadem ratione partitiones cxpoliie;
neque assnmtionis, vel ejus approbationis, neque coin- sed tum ab assumtione incipere licet, tum ab approbatione
plexionis indigere. Sed nobis ambiguitate noininis videntur alterutra, tum utraque tum boc, (umillo génère enrn-
errare. Nam argumentatio nomine uno res duas signilicat, plexionis uti. Id ut perspicialur, aut scribamus, aut in
ideo quod et inventum aliquam in rem probabile, aut ne- quolibet exemplo de iis, quœ proposita sunt, boc idem
cessarium argumentatio vocatiir, et ejus invenli artifi- exerceamus, ut quam facile factu sit.
ciosa expolilio. Quando igitur profèrent aliquid hujusmodi Ac de partibus quidem argumentationis satis nobis rli.
« Quoniam peperit, cum
viro concubuit; inventum pro- ctum videtur. Illud autemvolumus intelligi nos probe te-
ferent, non expolitlonein. Nos autem de expolitionis par- i
nere, aliis quoque aliombus tractari argumentatimies in
tibus loquimur. philosophia multis et obscuris, de quibus certum est ar-
XLI. Nihil igitur ad liane rem ratio illa pertinebit atque titicHim constituttim. Verum illa nobis abhorrere ah ii^u
hac distinctione, alia quoque, quae videhuntur officere oratorio videntur. Quae pertinere autem ad dicendum
nuic partitioni, propulsabimus, si qui aut assumtionem putamus, ca nos commodius, quam ceteros, attendisse,
aliquando tolli posse putent, aut propositionem. Quai non aflirmamus perqnisitius et diligentius conscripsisse
si quid babet probabile, ant necessarium, quuqno modo pnllicemur. Nunc, ut instituimua proficisci, ordine ad re-
cominovcat audilorcm necesse est. Quod si solum specta- îiqtia pergemus.
XLII. La réfutation détruit, nu du
•Ilit ou mnîilft
fin moins l'avons enseignéci-dessus,
l'iviinc nncoï rrn i» />Ï-/Jpccna les lieux où l'on puise
affaiblit par des arguments les assertions de l'ad- tout ce qui peut rendre un fait probable ou néces-
versaire. Elle puise aux mêmes sources que la saire.
cronfirmation; car les mêmes lieux qui servent à XLIII. On réfute une chose donnée pour pro-
confirmer une chose peuvent servir aussi à l'in- bable, soit quand elle est d'une fausseté évidente,
firmer. Il ne faut donc encore ici considérer que comme « II n'est personne qui ne préfère l'ar-
les choses et les personnes; et l'on peut appliquer gent à la sagesse; » soit quand le contraire
à cette partie de l'éloquence les préceptes que nous est aussi probable Pour qui le devoir n'est-ilil
avons tracés sur la manière de trouver et d'éta- « pas pl us
sacré que l'intérêt? » soit lorsqu'el le est
blir des arguments. Néanmoins, pour donner une tout à fait incroyable; par exemple Qu'un
théorie sur ce sujet, nous développerons les dif- «
homme d'une avarice reconnue a, sans motifs
férentes espèces de réfutations suivez ces prin- «importants, négligé un gain considérable;»
cipes, et vous détruirez, ou vous affaiblirez du ou bien si l'on généralise ce qui n'est vrai que de
moins sans peine toutes les objections de vos ad- certains individus ou de certaines choses;
versaires. comme «
Tous les pauvres préfèrent l'intérêt au
On réfute un raisonnement en n'accordant pas « devoir. –
Ce lieu est désert; c'est là qu'on a dû
une ou plusieurs des choses que renferment les « commettre le meurtre. Comment un homme
prémisses; ou, si l'on accorde les prémisses, en • a-t-il pu être tué dans un lieu fréquenté? » on
niant la conclusion qu'on en tire, ou en montrant si l'on regarde comme impossible ce qui n'ar>
que le genre même du raisonnement est vicieux; rive que rarement, comme Curion, dans son dis-
-ou en opposant à une raison solide une objection cours pour Fulvius « La vue seule d'un objet, un
aussi forte, ou même plus solide encore. Voulez- « coup d'oeil ne suffisent pas pour inspirer de
vous ne pas accorder à votre adversaire ce qu'il « l'amour. »
avance d'abord, niez que ce qu'il établit comme Pour les indices, les mêmes lieux qui ser-
probable ait la moindre vraisemblance; niez que vent à les établir, serviront à les attaquer. Il faut
ses comparaisons offrent le moindre rapport avec d'abord en démontrer la vérité; puis, qu'ils sont
te sujet; donnez un antre sens aux jugements propresà la chose dont il s'agit, comme, le sang
qu'il cite ou condamnez-les absolument; rejetez est Vindice d'un meurtre; ensuite prouver qu'on
ce qu'il regarde comme des indices; attaquez sa a fait ce qu'on ne devait pas faire, ou qu'on n'a
conséquence sous un ou plusieurs rapports; dé- pas fait ce qu'on devait faire; que l'accusé était
montrez que son énumération est fausse, ou s'il sur ce point parfaitement instruit de la loi et de
emploie une simple conclusion, prouvez qu'elle la coutume; car tout cela appartient aux indices.
manque de justesse; car ce sont là, comme nous Nous en parlerons avec plus d'étendue quand nous

XLII. Reprehensioest, per qnam argumenlando ad- ad argumentandum, sive pro prohabili, sive pro necesse-
versariorum confirmatio diluitur, aut inlirmatur [aut al- rio, necesse est sumatur ex his locis, ut ante ostemliinus.
levatur]. Haec fonte inventionis eodem utetur qui) ulitur XLIII. Quod pro credibili suraluni erit, id infii mabitur,
lonlirmatio, propterea quod, quibus ex locis aliqua res si aut [icrspicue falsum erit, hoc modo « IN'emoest, qui
confirmai! potest, iisdem polest ex locis iiiiirruari. Nihil « lion pecuniam, quam sapientiam malit; » aut ex con-
enim considerandum est iu bis omnibus iuventionibus trario quoque credibile aliquid liabebit, hoc modo << Quis
nisi id, quod personis, aut negotiis attributum est. Quare « est, qui non oflicii cupidior sil,quam pecunia? ? » aut
invenlionem, et argiunentatiomim expolitionem ex illis, erit omnino incredibile « Ut si quis, quem conslet esse
quœ ante prœcepta sunt, liane quoque in partem nrationis h avarum
dicat, alicujus mediocris ofticii causa, se iiia-
transferri oportebit. Verutntamen, ut quœdam praeceptio « ximampecimiamneglexisse uaulsi, quod inquibusdam
detur hujus quoqne partis, exponemus modos reprehen- rébus, aut hominibiis accidit, id omnibus dicatur usu
sionis quos qui observabunt, facilius ea, quae contra di- evenire, hoc pacto « Qui pauperes sunt, iis antiquior of-
centur, diluere aut infirmare poterunt. « ficio pecunia est. Qui locus deserlus est, in eu ciedem
Omnis argnmentatio reprelienditur, si aut ex iis, quœ « Tactam esse oportet. In loco celebri homo occidi
suinta sunt, non conceditur aliquod unum plurare aut, « qui poluit? » aut si id, quod raro lit, fieri ontuin»
his concessis, complexio conlici ex his negatur; aut si negetur ut Curio pro Fulvio « Nemo [totest uno aspectu,
prxteriens,in amorem incidere. »
genus ipsum argumentationis vitiosum oslenditur; aut si « neque
contra firmam argumentationem, alia œque firma, aut fir- Quod autem pro signo sumetur, id ex iisdem loris,
mior ponitur. Ex iis, quee sumuntur, aliquid non conce- quibus confirrnatur, infirmabitur. Nam in signo, primum
liturg quum aut id quod credibile clicunt, negatur esse verum esse ostendi oportet deindc ejus esse rei signum
tjnsmodi;aut quod coniparabile putant, dissimile ostendi- proprium qua de ce agitur, ut cruorem tœdis deindo
tir aut judicatum aliam in partem traducilur, aut omnino factum esse, qaod non oportnerit; aut non factum, quod
jidiciuin improbatur; aut, quod signum esse adversarii oportuerit postremo scisse eum, de qua quîeiïtur, ejus
dKerunt, id ejusmodi negatur esse; aut si complexio, rei legem et consuetndinem. Nain ex res sunt signo attri-
ait ex una conclusio aut ex «traque parte reprelienditur j imUe quas diligentius aperiemus, quum separatim de
an si enumeratio falsa ostenditur; ant si siinplex, falsi aii- ipsa conjecturali constitutione dicemus. Ergo horum
quil coutinere demoustratur. Nain omne, quod sumitur unumquodque in reprehenuone, aut non esse signo,
traiterons particulièrementdela question de con- appesantir sur un jugement où les mêmes juges
jecture. Il faut donc, dans la réfutation, démon- aient commis quelque faute; car on'pourrait croire
trer que chacun de ces indices ne prouve rien; que vous voulez juger les jugeseux-mémes.N'allez
qu'il est peu important, qu'il fait plus pour nous pas non plus, quand un grand nombre de juge-
que pour nos adversaires, qu'il est absolument ments prononcent contre vous, en choisir un seul,
faux, ou même qu'il pourrait conduire à d'autres et qui ne tombe que surune espèce rare, pour l'op-
soupçons. poser à vos adversaires; car ce serait leur don-
XLIV. Votre adversaire a-t-il établi une com- ner les armes plus fortes pour infirmer l'autorité
paraison, il cherche entre deux faits ou deux de la chose jugée. Telle est la manière de répondre

causes des rapports que vous devez détruire pour aux arguments qui établissent la probabilité.
le réfuter. Vous y réussirez en montrant des dif- XLV. Il n'est pas difficile de réfuter un argu-
férences frappantes dans le genre et la nature, ment qui n'a que la forme d'un raisonnement ri.
la force et la grandeur, le temps et le lieu, les goureux, sans en avoir la justesse; et voici
personnes et l'opinion en appréciant, en remet- comme il faut s'y prendre. Si le dilemme, qui
tant chacune à sa place des choses qu'on vous vous presse également des deux côtés, est vrai,
présente comme semblables. Faites ensuite res- n'y répondez pas. Est-il faux, on le réfute de
sortir les différences, et concluez que l'on doit deux manières par la rétorsion, ou en infirmant
juger bien différemment ces deux faits ou ces deux l'une des deux propositions. Exemple de la ré-
causes. Vous trouverez surtout l'occasion d'em- torsion
ployer ces mo; ens, lorsque vous aurez à détruire S'il a de la pudeur, pourquoi accuser un
quelque raisonnement fondé sur l'induction. homme de bien? S'il porte un cœur inaccessi-
Si l'on vous oppose quelque jugement antérieur, ble à la honte, pourquoi accuser un homme qui
comme on ne manque pas de le fortifier de l'éloge s'inquiétera peu de vos reproches?a
de ceux qui l'ont rendu, des rapports qui se trou- Ainsi, qu'on le suppose vertueux ou incapable de
vent entre les deux affaires, de ce que, loin d'être pudeur, on conclut qu'il ne faut pas l'accuser.
contredit, il a été généralement approuvé, enfin Vous rétorquez l'argument en disant C'est au
de son importance et des difficultés qu'il présen- «contraire une raison pour l'accuser; car s'il
tait, bien supérieures à celles qui se rencontrent « conserve encore quelque pudeur, accusez-le
dans l'affaire dont il s'agit, on ne peut l'infirmer «
il ne méprisera point votre accusation. A-t-il
que par des lieux contraires, si la vérité ou du « perdu toute pudeur, accusez-le puisqu'il n'est
moins la vraisemblance le permettent. Ayez soin pas vertueux. » Vous pouvez encore infirmer
surtout de prendre garde si par hasard le juge- lime, des deux propositions
«
S'il a conservé quel-
ment citén'offre aucun rapport avec votre affaire « que pudeur, l'accusation pourra le ramener
évitez enfin avec la plus grande attention de vous dans le sentier de la vertu. »

art parum magno esse, aut a se potius, quam ab adver- tur, in qua sit ofiensuin ut de ipso,qui judicarit, judicium
sanis stare aut omnino fulso dici, aut in aliam quoque fieri videatur. Oportet autem animadrertere ne, qnum
Mispicionem duci posse, demonstrabitur. aliter mnlta sint judicata, solitarium aliquod, aut rarum
XLIV- Quum autem pro comparabili aliquid indncettir, judicatum afferatur. Nam bis rebus auctoritas judicati ma.
quoniam ni per similitudinem maxime tractatur, in iepre- xime potest infirmari. Atque ea quidem, quœ quasi'pro-
hendendo conveniet,sitnile id negare esse, quod conferetur babilia sumentur, ad hune modum tentari oportebit.
ci, quienm conferetnr. ldfieri poterit, si denionstrabitur XLV. Quae vero sicutinecessariaindncentnr,ea si forte
diversum esse genere, natura, vi magnitudine,tempore, imitabuntur modo necessariam argumentationem, ncque
loco, persona, opinione; ac si, quo in numéro illud, eruntejusmodi, sic reprehendentur. Primumcomplexio,
quod per similitudinem afleretur, et quo in loco hoc
quae, utrum concesseris, debet tollere, si vera est, nnn-
genus, ciijus causa afferetur, haberi conveniat, osten-
detur. Deinde, quid res cum re differat, demonstrahitur quam reprehendetur; sin falsa, duobus niodis, ant con-
versione, aut alterius parlis iufirmatione. Convenione,
ex quo dncebimus, alind de eo, quod comparabitur, et hoc modo
«le eo,quicum comparabitur, existimari oportere. Hujus
tacultatis maxime iudigemus, quum ea ipsa argumenta- Nam ai veretur, quid eum accuses, qui est probus ?
tio, quit' per inductionem tractatur, erit reprehendenda. Sin inverecundum animi ingenium possidet,
Sin jmliculum aliqnod inferetur, quoniam id ex his locis Quid eum accuses, qui id parvi auditu existimet?
maxime iinnatur laude eonim, qui judicarunt; similitu-
dine-ejus rei, qna de agitur, ad eam rem, qua de judicatum Hic, sive vereri dixeris, sire non vereri, concedendum hoc
est, et coinmemorando, non inodonon essereprebensuin putat, ut neget esse accusandum. Quod conversione sic
jndicium, sed ab omnibus approbatum: etdemonstrando, reprehendetur « Imo vero accusandumest. Nam si vere.
diincilius et niajus fuisse idjudicatum,quod afferatur,qnam a tur, accuses non enim parvi auditu
œstiinabit. Sin in-
id, quod instet ex contrariis locis, «ires aut vera,aut veri- a verecundum animi ingenium possidet, tamen accuses:
ftimilis perntittat, mnrmari oportebit. Ataue erit observan « non enim probus est. »
AUerius autern partis inlirmi-
dum diligenter, ne nihil ad id, qno de agatur, perlineat tione, hoc modo reprchendctur Il Verum si veretff,
« accusatione tua correctus, ab enato
td.quod judicaluin sit: et videndum, ne ea re» profera- recedet. »
Une énumération est vicieuse, quand vous le rapport de l'antécédent et du conséquent est
pouvez répondre qu'on a passé sur quelque chose sensible. Mais si vous dites « Elle est mère, donc
que vous voulez accorder, ou qu'on y a compris n elle aime ses enfants; II a commis quelques
des raisons faibles, que vous pouvez tourner con- « fautes donc il est incorrigible, » suffira, pour,
tre votre adversaire, ou que vous n'avez pas de vous réfuter, de montrer qu'il n'y a pas de liaison
motif raisonnable de ne pas accorder. Par exem- nécessaire entre l'antécédent et le conséquent.
ple, voici une énumération quin'estpas complète La théorie du raisonnement en général et de
>
Puisque vous avez ce cheval, ou vous l'avez la réfutation a bien plus de profondeur et d'éten-
• acheté, ou vous l'avez acquis par héritage, ou due que nous ne lui en donnons ici. Mais telle en
«
il vous a été donné en présent, ou il est né dans est la nature qu'on ne peut la joindre à quelque
«
votre maison; ou, si rien de tout cela n'est vrai,1 partie de l'artoratoire, et qu'elle exige seule une
«
il faut que vous l'ayez dérobé. Or, vous ne étude particulière et une longue et sérieuse mé-
l'avez ni acheté ni acquis par héritage; il n'est ditation. Aussi nous nous réservons de la déve-
« point né chez vous on ne vous l'a point donné lopper ailleurset dans un autre but, sinosfaibles
en présent; donc il fautquevous l'ayez dérobé. » talents nous le permettent. Bornons-nous main-
J est facile de réfuter ce raisonnement si vous tenant aux préceptes que donne la rhétorique sur
pouvez dire que ce cheval a été pris sur l'en- l'éloquence. Nous venons d'exposer la manière
nemi, et que vous l'avez reçu dans le partage du de réfuter notre adversaire en niant une de ses
butin. Vous renversez toute l'énumération en ré- propositions.
tablissant ce qu'elle avait omis. XLVII. Si vous les accordez toutes deux, vous
XLVI. Vous pouvez encore attaquer une des pouvez encore attaquer la conséquence, et la com-
parties de l'énumération, si vous êtes en mesure parer avec les prémisses. Vous dites, par exemple,
de le faire, et prouver, pour nous en tenir à l'exem- que « vous étiez parti pour l'armée. >. On vous
ple déjà cité, que vous avez eu ce cheval par hé- répond par cet argument Si
vous étiez venu
ritage. Vous pouvez enfin convenir d'une chose > à l'armée, vous auriez été vu par les tribuns
qui n'a rien de honteux. Qu'un adversaire vous militaires; or, ilsne vous ont point vu; donc
dise « Ou vous méditiez une trahison ou vous vous n'étiez point parti pour l'armée. Ici vous
«
étiez guidé par la cupidité, ou vous aviez trop de accordez la propositionet l'assomption,mais vous
« complaisancepour un
ami;pourquoi n'avoue- niez la conséquence, qui n'est pas exacte.
riez-vous pas que vous avez agi par complaisance Pournous rendre plus clairs, nous avons choisi
pour un ami? un exemple où ce défaut était saillant; mais sou-
On peut réfuter une conclusion simple quand vent on se laisse vaincre par un raisonnement
la conséquence n'est pas la suite nécessaire des faux, mais subtil, soit parce qu'on oublie ce qu'on a
antécédents. Si vous dites « Cet homme respire, accordé soit parce qu'on accorde une proposition
« donc il vit. Le soleil brille, donc il fait jour, » douteuse. Admettez-vous,dans le sens que vous

Enumeratio vitiosa intelligitur, si aut prateritum quid- posterius cohœrere videatur. Hoc autem « Si mater est,
dam dicemus quod vclirnus coucedere, aut infirmum ali- « diligit Si aliquando peccavit, nunqnam corrigelur »
quid annumeratum, quod aut contradici possit, aut causa sic conveniet reprehendi ut demonstretur non necessario
non sit, quare non honeste possimus concedere. Pra»teri- cnm priore posterins cohaprere.
tur quiddam in ejusmodi enumerationibus » Quoniam Hoc genus, et cetera necessaria, et omni.io omnis ar-
« habes istum equum, aut
emeiïs oportet, aut heredîtate gumentatio, et ejus reprehensio majorem quamdam vim
possideas, aut munere acceperis aut domi tibi natus continet, et latius patet quam hic exponitur sed ejus ar-
nihil est, surripueris necesse est. tificii cognilio hujusmodi est, ut non ad hujus artis
« sit, aut, si horum
« Sed neque emisti, neque
hereditate venit, neque domi partem aliquam adjungi possit, sed ipsa separatim longi
« natus est, neque
donatus est necesse est ergo surri- temporis, et magnas atque ardure cogitationis indigeat.
«
pueris. » Hoc commode reprehendetur, si dici possit ex Quare illa nobis alio tempore atque ad aliudinstitutum,
hostibus equus esse captus, eujus praedœ sectio non ve- si facultas crit, explicabuntur. Nunc bis pra^ceptionibus
nierit quo illato, infirmatur enumeraLio quoniam id sit rhetorum ad usum oratorium contentos nos esse oporte-
inductum, quod prœteritum sit in enumeratione. bit. Quum igitur ex iis, quae sumuntur, aliquid non con-
XLYI. Altero autem modoreprehendetur,si aut con- ceditur, sic inlirmabitur.
tra aliquid dicitur hoc est, si, exempli causa, ut iu XLVII. Quum autem, lus concessis, complexio ex his
eodem versemur, poterit ostendi hereditate venisse. Aut non conlicitur, hœc erunt consideranda num aliud conti-
si extremum illud non erit turpe concedere; ut si quis, ciatur, aliud dicatur, hoc modo Si, quum aliquis dicat
quum dixerint adversarii « Aut insidias facere voluisti, se profectum esse adexercitum.contraqueeum quis velit
fi aut
amioomoremgessisti, aut cupiditateelatus es » amico hac argumentatione uti Si venisses ad exercitum a
se morem gessisse fateatnr. r. tribunîs miiitaribus visus esses; non es antem ab his vi-
Simplexaulem conclusio reprehendelur, si id, quod se- « sus; non es
igitur profectus ad exercitum; u hic quum
quitur, non videatur necessario cum eo, quod antecessit, concesseris proposiLiouein et assumtionem complexioest
eohaerere. Nani hoc quidem, « Si spiritumducit, vivit; Si infirmanda alind enim, quam cogebalur, illatum est.
ft
dies est, lucet; » ejusmodi est, ut cum priorc necessario Ac nunc quidem, quo facilius res cognosceretur, per>
lui donnez une chose douteuse que votre adver- Aussi faut-il donner la plus grande attention et
saire, dans sa conclusion,envisage sous un autre aux a prémisses et à la conséquence.
point de vue, démontrez qu'il ne tire point sa Quant au genre du raisonnement, on prouve
conséquence de ce que vous lui accordez, mais qu'il q est défectueux, lorsqu'il renferme quelque
de ce qu'il établit. L'exemple suivant donnera vice v en lui-même, ou qu'il est mal appliqué. Le
une idée de ce genre de réfutation Si vous avez vice v est en lui-même, s'il est absolument faux,
« besoin d'argent, vous n'en avez pas; si vous ccommun, vulgaire, futile, tiré de trop loin; si
1' définition n'est pas juste; s'il est litigieux, trop
n'avez pas d'argent, vous êtes pauvres: or, vous Ja
avez besoin d'argent, autrement vous n'auriez éévident, contesté; enfin, s'il renferme quelque
point embrassé le commerce donc vous êtes chose c de honteux d'offensant de contraire,d'in-
« pauvres. Il est facile de répondre Quand vous cohérent
c ou de contradictoire. Il est faux, quand
me dites Si vous avez besoin d'argent, vous le 1' mensonge est grossier Celui qui méprise l'ar-
» n'en avez pas; » j'entends « Si vous êtes dans « gent ne saurait être sage; or Socrate méprisait
un dénùment absolu, vous n'avez point d'ar- « l'argent, donc il n'était point sage » commun
« gent,»etvoilà pourquoi je vous l'accorde. Quand quand
q il ne fait pas moins pour notre adversaire
vous ajoutez « Or, vous avez besoin d'argent c que ç pour nous « Peu de mots me suffisent, juges,
je comprends: « Vous voulez en avoir davan- > ° parce que ma cause est bonne » vulgaire, quand

« tage; t qu'on accorde peut s'appliquer également à


et de ces deux propositions que je vous ce
accorde, il ne faut pas conclure: « Donc vous une t chose peu probable, comme Si sa cause
« êtes. pauvres conclusion qui serait juste, si «• n'était pas bonne, juges, il ne s'abandonnerait
j'étais demeuré d'accord avec vous que « celui « pas à votre sagesse » futile, quand l'excuse est
qui veut augmeuter son argent n'a pas d'ar- déplacée;
( par exemple « II ne l'aurait point
•- geut. » « fait, s'il y avait pensé; ou quand on s'efforce
f,

X1.VI1T. Souvent on suppose que vous avez de < jeter un voile transparent sur une action dont
oublié ce que vous avez accordé, et l'on fait en- la honte est évidente
trer dans la conclusion, comme conséquence, ce Pendant que chacun vous recherchait avec
qui ne l'est nullement; par exemple « S'il avait ardeur, je vous ai laissé sur un trône floris-
<

«
des droits à sa succession, il est probable qu'il sant; maintenant on vous abandonne; seule,
« est son assassin. » On prouve longuement la malgré le péril, je dispose toutpourvous y re-
majeure; ensuite on ajoute « Or il y avait des placer.
}

«
droits; donc i1 est son assassin; » ce qui n'est XLLX. L'argument esttiré de trop loin, quand
nullement la conséquence de ce qu'on a établi. on remonte plus haut qu'il n'est nécessaire « Si
<

aul parum memineris, quia aut


«pic.no et grandi vilio pra-ditum posuimusexem|>lurased
sa'pe obscurins posilum vilium pro vero probatur, quum
ambiguum
aliquiil pro certo concessei'is. Ambiguum si concesseris
ex ea parte, quam ipse inteltexeris eam partem si adver-
Quare observare diligenter oportet, et quid sumatur, et
quid ex his conliciatiir.
Ipsum autem genus argumentationis vitiosum his de
causis ostendetur, si aut in ipso vilium ait, aul si non ad
id, quod instituitur, accommodaùitur. Atque in ipso vilium
sarius ad aliam partem per complexionem velit accommo erit si omnino totum falsum erit, si commune, si vulgare,
dare demonstrare oportebit non ex eo, quod ipse conces-
si leve, si remutum, si mala ilrliuilio si contrnversum,
seris, sed ex eo,quod ille sumseiït, confici complexionem,
ad hime modum Si pecuniae indigetis, pecuniam non si perspicuum, si non concessum, si lurpe si offensum
si contrarinm, si inconstans, si adversum. Falsum est, in
« liabetis si pecnniam non habetis, panperes estis indi.
quo perspicuc mendacinm est, hoc modo Non potest
« getis autem pecunirc; niercatarœ enim, nisi ita essel,
« esse sapiens, qui pecuniam negligit; Socrates autem pe-
<; operam non daretis panperes igitur estis. •• Hoc sic re*
prebenditur Qunm dicebas Il Si indigetis pecuniae, pécu- « cuniam negligebat; non igitur sapiens erat. » Commune
le iiiam non liabelis » hoc intelligebam,« Si propter ino.
est, quod nihilo magis ab adversariis, quam a nobis facit,
piaminegestateestis.pecnniamnonhahetis;» etideirco hoc modo « Idcirco, judices, quia veram cansam habe-
concedebam. Quum autem boc sumebas, « indigetisau- « bain, brevi peroravi. m Vulgare est, quod in aliam quoque
<• 1cm pecuniîe; » illud accipiebam, « vullisauteni pecu- rem non probabilem, si nunc concessum sit, transfei-n
« uia; plus habere. » Ex quibus concessionibus non confici-
possit, hoc modo « Si veram causam non haberet, vobta
t m- hoc, « pauperes igitur eslis » eonficeretur antem, si «se, judices, non commisisset. » Leve est, quod aut pnsl
tibi primo quoque lioc concessissem, « qui pecuniam majo- tempus dicitur, hoc modo •< Si in menleni venisset, non
habere enm pecuniam non hahere. » « commisisset; » aul si perspicue rem turpem levi tegere
« rein vellet
XLV1II- Sœpeanlemoblitum putant,quid concesseris,
vult defensione hoc modo
et idcirco id,quod non conlicitur, quasi confù'iiitur, in Quum te expetebant omnes, florenlissimo
coiidusione infertiir, hoc modo « Si ad ilium hereditas Regno reliqui nunc deserlum ab omnibus
»
veniobat ver isimile est ab illo esse neealum. » Deinde Sumino pmelo, sola ut restituant, paro.
hoc approbaut pluriinis verbis; post assumunt, « ad illum
k antciii lieredilas veuiebat;» deinde infct'lur, ille igitur
<t
XLIX. lieniolum est, quod ultra qiiiiin salis est, poli-
» ntridit. <> Id t'\ iis, qiuu suinsoraiit non conlicitur. l'. tur, boc modo » Quod si non I1. Scipiu Coriieliam filiaiïl
« P. Scipion n'eût point donné sa fille à Tibérius temps à dire que c'est une indignité qu'un hé-
«
• Gracchus si de cette union n'étaient point nés « ros
qu'Ajax soit mort de la main du plus lâche
les deux Gracques, jamais on n'aurait vu ces « des hommes. »
Tl est honteux, quand il est

« cruelles
séditions; ainsi c'est sur Scipion qu'en indigne
ii du lieu où l'on parle, de celui qui parle,
doit retomber la faute. Ces vers pèchent par le d la circonstance, des auditeurs, du sujet lui-
de
«
même défaut même, et qu'il semble répandre sur la cause
Plût aux dieux que jamais dans les forets quelque chose de déshonorant. Il est offensant,
du Pélion la hache n'eût couché les sapins sur quand il blesse l'auditoire, comme « si l'on ei-
« tait
devant des chevaliers jaloux de siéger sur
la terre1 tribunal, la loi de Cépion sur les juge-
« un
C'est reprendre les choses de trop haut. La défi-
«“ ments. »
nition est défectueuse, quand elle peut s'appliqu er L. Condamnez-vous la conduite de ceux qui
à différents objets; ainsi « Qu'est-ce qu'un sé- vous , écoutent, le raisonnement est contraire.
«
ditieux? un citoyen dangereux et nuisible; » ce C'est
( ce que ferait un orateur qui, parlant en
qui ne désigne pas plutôt le séditieux que le ca- présence
r d'Alexandre de Macédoine,destructeur
lomniateur, l'ambitieux ou tout autre mauvais de ( Thèbes, dirait « que rien n'est plus affreux
citoyen; ou quand elle est fausse « La sagesse «a que de détruire une ville. » L'argument est peu
« est
le talent de s'enrichir; ou quand elle n'a d'accord
c avec lui-même, quand l'orateur se con-
ni gravité ni étendue, comme « La folie est une tredit,t s'il prétend, par exemple, « que la sa-
« soif insatiable de gloire; » car c'est définir une fait seule le bonheur, » et ensuite, « qu'il
« gesse
espèce de folie, et non pas la folie en elle-même. « n'y a pas de bonheur sans la santé; » ou que
Quand on donne une preuve douteuse, l'argu- « la tendresse l'amène auprès de son ami, démar-
ment est litigieux « che qu'il ne croit pas inutile à ses intérêts. » II
Eh! ne le sais-tu pas? les dieux, dont la est opposé, s'il renferme quelque chose de nui-
puissancefait mouvoir à son gré les cieux et sible à la cause « N'allez point, en exhortant
les enfers, savent assurer entre eux la paix et « votre armée au combat, exagérer la force, le
la concorde. « nombre et le bonheur des ennemis. •
Voici en quoi pèche un raisonnement dont
La preuve est trop évidente, quand elle porte quelque partie est mal appliquée. Ou vous avez
sur un point non contesté. C'est, en accusantavancé plus que vous ne prouvez, ou vous ne
Oreste, démontrer qu'il a tué sa mère. L'argu- parlez que d'une partie, quand il s'agit du tout;
ment, au contraire, est contesté, quand on am- par exemple « Les femmes sont avares; car Eri-
plifie ce qu'il faudrait prouver, comme si, par « phyle a vendu la vie de son époux. » Du vous
exemple, « en accusant Ulysse, on s'arrête long- ne vous justifiez point du crime dont on vous ac-

Tib. Gracclio collocasset, atque ex ea duos Gracchos « accuset, in hoc maxime commoretur Indignum esse,
«
« procréasse!, lantœ seditiones natœ non essent
quare « ab homine ignavissimo virum fortissimum, Ajacem,
« hoc incommodum Scipioni adscribendumvidetur. « Hu- « necatum. » Turpe est, quodaut eo loco, in quo dicitnr;
jusmodi est illa quoque conquestio aul eo homme, qui dicit aut eo lempore quo dicitur; aut
Utinam ne in nemore Pello securibus
| iis, qui audiunt;auteare,qua de agitur, indignum piu-
Gcsa cecidlssetabiegna ad terram trabes! pter inlionestam rem, videtur. OtTensum est quod eorum,
qui audiunt, voluntatem lœdit ut, « si quis apnd équités
Longius enim repetita est, quam res postulahat. Maîa de.
romanos cupidos judicandi Cxpionis legem judiciariam
finitio est, quum aut communia describit, hnc modo: « laudel.
Seditiosus est is, qui malus atque inutilis est civis. w « »
Contrariumest, quod contra ea dicitur, qurc ii, qui
« L.
Nam hoc non magis seditiosi, quam ambitiosi, quam ca- auditint, fecerunt ut, si quis apud Alexandrum Macedo-
Jiunniatoris, quam alicujus improbi hominis vim deseribit.
contra aliquem urbis expugnatorem diccret, « nil.il
Aut falsum quiddam dicit, hoc pacte « Sapientia est nem crtxlelius,
esse quam urbes diruere, » qnnm ipse Aie.
«
peciinife quacrendae intelligentu. » Aut aliquid non grave, j xander Tlicbas diniisset. Inconstans est, quod ab eodem
nec magnum continens, sic « Stuililia est immensae
ha* de eadem re diverse dicitur ut, « si quis quum dixerit
glorùR cupiditas. » lCst quidem siultitia, sed ex
« « qui virtutem habeat, eum nulliits rei ad bene vivendtim
parte quadam, non ex omni generrt» deiînita. Controversum indigne, neget postea sine bona valitudiue posse bene
est, in quo ad dubium deinonstrandumdubia causa afier* « vivere; aut se amico adesse propter benivolentiam;
tur, hoc modo «
« spnrare enim aliquid cornmodi ad se perventnrum. » Ad-
Eho 8u, dii, quibusest potetit.as moins snperom atflne inferulU,
versum est quod ipsi causœ altqua ex parte ollicit ut « si
Pacem inter sese conciliant, confenint coocordiiiin. « « quis bostium tim, et copias, et fdicilatrm angeat, qnum
Perspicnum est, de quo non est controversia ut, « si « ad pugnandum milites adhortetur. »
Si non ad id, quod instituitur, acconwiodabilur aliqua
« qnis, quiim Orcsldm aecusel planum faciat, ah en ma-
« trein esse occisam. Mon concessum
'
est, quiini id quodpars argumentationis, horum aliquo in vitio reperietur si
augelur, in controversia est, nt. « si quis, qiiuiii Ijlyssemi plura pollicililspancivra dcmonslrabit aul si quum lotum
cuse «
On vous reproche des brigues et des in- iposer à un raisonnement solide un raisonnement
trigues, et vous parlez de votre courage. » Ainsi, aussi fort ou même plus solide encore. On l'em-
« Amphion, dans Euripide et dans Pacnvius, ploie
i surtout dans le genre délibératif: nous ac-
défendre la musique, vante la sagesse. » cordons que.l'avis contraire est juste; mais nous
« pour
(

Ou vousrejetezsurla chose lesdéfautsde l'homme, prouvons


I que lenôtre est nécessaire: nous avouons
comme « si l'on s'autorisait des défauts d'un sa- que
< ce qu'on propose est utile; mais nous démon-
«
vant pour accuser la science; » ou, dansun éloge, trons
1 que notre conseil est dicté par l'honneur.
vous parlez de la fortune et non des talents de Voilà ce que nous avions à dire de la réfutation.
votre héros; ou, dans la comparaison de deux Il nous reste à parler maintenant de la péro-
objets vous ne croyez pas pouvoir louer l'un sans raison.
dénigrer l'autre, ou sans le passer sous silence; on Avant la péroraison, Hermagoras place la di-
vous quittez votre sujet pour vous jeter dans des
gression et dans cette digression, étrangère au
lieux communs « On délibère s'il faut ou non fond de la cause et à l'intérêt du jugement, il
faire la guerre; vous vous occupez de l'éloge de veut que l'orateur insère son éloge, blâme son
«
paix, avant de montrer que la guerre est inu- adversaire, ou traite quelque sujet qui lui four-
« la
« tite; » ou vous donnez des raisons fausses; par
nisse, plutôt par J'amplification que par le rai-
exemple « L'argent est un bien, parce qu'il noussonnement, de nouvelles armes pour attaquer ou
rend heureux; » ou des raisons faibles, comme se défendre. Si l'on veut considérer la digression
Plaute, quand il dit: comme une partie du discours, on peut suivre le
sentiment d'Hermagoras; car nous avons donné
C'est une chose odieuse de reprendre un ami
d'une faute qu'il a commise; mais c'est quel- ou nous donnerons à leur place des préceptes pour
amplifier, louer ou blâmer. Quant à nous, nous
quefois une chose utile etprofitabledans la vie;
carmoi-mêmejechâtieraiaujourd'hui mon ami ne jugeons point convenable de compter la digres-
sion au nombre des parties du discours, parce
pour la faute qu'il a commise.
qu'il ne faut jamais s'éloigner de sa cause que
Ou des raisons qui n'ajoutent rien; par exemple dans les lieux communs dont nous aurons bientôt
L'avarice causè de grands maux à l'homme; à parler. Nous ne croyons pas non plus que l'é-
« car l'amour de l'argent le jette en de grands loge et le blâme doivent se traiter à part; et il
«
malheurs; ou peu convenables « L'amitié est nous semble plus convenable de les fondre dans
«
le plus grand des biens; car elle offre une foule les raisonnements. Passons donc à la péroraison.
«
d'amusements. » LII. La péroraison complète et termine tout le
LI. Le quatrième mode de réfutation est d'op- discours. Elle a trois parties Pénumération
debebit ostendere, de parte aliqua loquetur, hoc modo firmam argumentationem,œque firma aut firmior pnneha-
«Mulierum genus avarum est; nam Eriphyle auro viri
id,
tur.
ri Hoc genus in deliberationibus maxime versabitur,
vitam vendidit; » aut si non quod accusabitur, de- quurn aliquid quod contra dicatur, sequum esse concedi-
« se fortem esse deiendet
i
fendet ut « si quis quum ambitus accusabitur, manu mus, sed id, quod nos defendimus, necessarium esse
»ul« Amphion apud Euripidctn, demonstramus aut quum id, quod illi défendant, utile
« item apud Pacuvium, qui, vitnperata musica, sapien- esse fateamur; quod nos dicamus, demonstremus esse
» tiam laudat; » aut si res ex hominis vitio vituperabitur, honestum. Ac de reprehensione hœc quidem existimavimus
ut « si quis doctrinam ex alicujus docti viliis reprehen- esse dicenda. Deinceps mine de conclusione ponemus.
« dat » aut si
qui, quum aliquem volet laudare, de felicitate Hermagoras degressionem deinde, tum postremam con-
ejus non de \irtule dicat; aut si qui rem cum re ita com- clusionem ponit. In hac autem degressione ille putat opor-
parabit, ut alteram se non putet laudare, nisi alteram vi- tere quamdam inferri orationem, a causa, atque a judi-
tuperaiit ont si alteram ita landet, ut alterius non faciat catione ipsa remotam quœ aut sui laudem aut adversarii
mentionem aut si, quum de certa re quaeretur, de commiini1 vituperationem contineat, aut in aliam
causam deducat,
instituetur oratio ut, « si quis, quum aliqui deliberent,> ex qua conficiat aliquid confirmationis, aut reprehensio-
« bellum gerant, an non, pacem laudet omnino, non illud nis, non argumentando, sed augendo per quamdam am-
« bellnm inutile esse demonslret; aut si ratio alicujuss plificationem. Hanc si quis partem putarit orationis, se-
rei reddetur falsa, boc modo « Pccunia bonum est, pro-quatur Hermagoram licebit. Nam et augendi, et laudandi,
Il
pterea quod ea maxime vitam beatam efïicit; v aut si et vituperandi praecepta a nobis partim data sunt, partim
infirma, ut Plautus, suo loco dabuntur. Nobis autem non placet, hanc partem
Amicum castigare ob meritam noxiam in numéro reponi, quod de causa degredi nisi per locum
Immune est facinus; verum in œtate utile communem, displicet; quo de genere posterius est dicen-
Et conducibile; nam ego amicum hodie meum dum. Laudes antem et vituperationes non separatim placet
Concasligabo pro commerita noxia; tractari, sed in ipsis argumentationibus esse implicitai.
aul eadein hoc modo « Maximum malum est avaritia; Nunc de conclusione dicemus.
« mullos
enim magnis incommodis affecit pecuniac cupi- i- LU. Conclusio est exitus et determinatiototius oratio-
fi
dilas;aut parum idonea, hoc modo « Maximum n nis I18OC habet partes tres, enumerationem, indignatio-
« bonum est
amicitia; plurimrcenimdelectationes sunt inn nem, conquestionem. Enumevalio est, per quam res
amicitia.
><
disperse et diffuse dictse unum in locum coguntur, et re-
LI. Quartus modus crat reprehensionis,per quem coutra 'a rainisrwii causa unum sub aspectum siibj» juntur. Ilteo
l'indignation et la plainte. L'énumération réunit quelque
c objet inanimé que vous mettez en scène,
et rassemble les faits et les arguments dispersés Voici
1 un exemple de la première manière « Si le
dans le discours; elle les place sous un même «•
législateur paraissait tout à coup et vousdeman-
point de vue pour en rappeler le souvenir. Si, en « dait Pourquoi
hésitez-vous encore? qu'auriez-
traitant cette partie, vous suiveztoujoursla même «»
Et
vous à répondre, quand on vous démontré
alors,
»
?.
marche, il ne sera pas difficile d'y reconnaître 3 vous pouvez aussi bien si
que vous par-
l'art. Pour en effacer jusqu'aux moindres traces, liez
1 en votre propre nom, tantôt passer en revue
pour prévenir le dégoût, employez la variété. ttous vos raisonnements l'un après l'autre, tantôt
Tantôt, et cette méthode, comme la plus facile, rappeler
t la division, tantôt demander à l'auditoire
est la plus usitée, récapitulez en les effleurant <ce qu'il attend encore, ou comparer vos preuves
tous vos raisonnements tantôt, et l'on rencontre iaux objections de l'adversaire.
ici plus de difficultés vous retracez votre division Faites-vous parler une chose inanimée, alors
et les différents points que vous aviez promis de <
c'est une loi, une ville, un lieu quelconque, un
traiter, et vous rappelez les raisons dont vous imonument, que vous chargez de l'énumération
avez appuyéchacun d'eux. L'orateur quelquefois « Si la loi pouvait parler, ne se plaindrait-elle pas,
s'adresse à l'auditoire, et lui demande ce qu'il « nepourrait-ellepasvousdire Qu'attendez-vous
veut qu'on lui démontre encore, et il ajoute « encore, juges, quand on vous a démontré que?.»

«
Voilà ce que nous vous avons appris, voilà ce Et vous avez ici les mêmes ressources. Sous quel-
«
quenousavonsprouvé.» Ainsi vousrafraîchissez que forme que vous présentiezvotre énumération
la mémoire de l'auditeur, et vous lui persuadez comme vous ne pouvez rapporter vos raisonne-
qu'il ne doit rien attendre de plus. ments en entier, contentez-vous de rappeler en peu
Ici vous pouvez, comme nous l'avons dit plus de mots ce qu'i ont de plus solide; car il s'agit de
haut, rappeler vos raisonnements à part, ou, ce rafraichir la mémoire, et non pas de recommencer
qui exige plus de talent, y joindre les objections le discours.
qu'on vous a faites, en reproduisant votre con- LUI. Le but de l'indignation est d'exciter no-
firmation, et en montrant à chaque preuve com- tre haine contre un homme, ou de nous inspirer
ment vous avez réfuté votre adversaire. Ainsi, de graves préventions contre quelque fait. Sou-
une courte comparaison rappel le à l'auditoire et la
venez-vous d'abord qu'on peut, pour la traiter,
confirmation et la réfutation. Pour tous ces résu- employer tous les lieux que nous avons indiqués
més, on a surtout besoin de varier les formes et par la confirmation; car elle se forme, comme
les tournures du style. Au lieu de faire vous-même l'amplification, de tout ce qui a rapport aux per-
l'énumération, de rappeler ce que vous avez dit sonnes et aux choses. Cependant nous allons con-
eten quel lieu vous l'avez dit, vous pouvez la pla- sidérer les principes et les lieux communs qui ap-
cer dans la bouche de quelque personnage ou de partiennent à l'indignation en particulier.
si semper eodem modo tractabitnr, perspicue ab omnibus « a vobis, quid dubitetis; quid possitis dicere, quum vo-
artificio quodam tractari intelligelur sin varie liet et hanc bis hoc et hoc sit demonstratum? » Atque hic, item ut
suspicionem et salietatem vilare poterit. Quare tum opor- in nostra persona, licebit alias singillatim transire omnes
tebit ita facere, ut plerique faciunt propter facilitatem argumentationes, alias ad partitiones singula genera re.
singinatiin unamqnamque rem atlingere, et ita omnes trans- terre, alias ab auditore, quid desideret, quaerere, alias
ire.breviter argumentatioftes tum autem id, quod diffi- b.iec facere per coniparalionem suarum et contrariarum
cilius est, dicere, quas partes exposueris in partitione, i argumentau'onum.
de quibus te polliritiis sis dicturum et reducere in memo- Res autem inducetor, si alieuirei hujusmoâilegi, Inco,
riam, quibus rationibus unamquamque partem confirma- j urbi monumento altribuetur oratio per enumerationem,
ris; tum ah iis, qui audiuiit, quterete, quid sit, quud hoc modo « Quid? si leges loqui possent, nonne luïîc
sibi velle debeant desnonstrari, hoc modo « lllud docui- Quidnam amplius desideratis,
illud planum fccimus. » Ita simul et in memoriam « apud vos quererenttir?
« mus, judices, quum vobis hoc et hoc planum factum sit? »
redibil auditor, et putabit nihil esse prœlerea quod de- «
In hoc quoque genere omnibus eisdem modis uti licebit.
beat desiderare.
Commune autem praeceptum hoc datur ad enumeratio-
Atque in his (œnerihns (ut ante dictum est) tum tua,
argumentationes transire separatim; tum id, quod artili- nem, ut ex unaquaque argumentatione, quoniam tota
iterum dici non potest, id eligalnr, quod erit gravissimum,
ciosius est, cum tuis contrarias conjungere; etquum luamm
et unnmquodque quam brevissime transeatur; ut memo-
argumentationemdixeris, tum, contra eam quod affere-
ria, non oratio renovata videalur.
batur, quemadmodum dilueris oslendere. Ita per brevem
cnmparationem, auditoris memoria et de confirmalione LUI. Indignatio est oratio, per quam conlicitur, ut in
et de reprebensioneredintegrabitur. Atque luecaliis actio. aliquem hominem magnum odium, aut in rem gravis of-
nis quoque modis variare oportebit. Nam quum ex tuai fensio concitetur. ln hoc génère illud primum intelligi vo-
persona ennmerare possis, ut, quid, et quo quidque locoi lumus posse omnibus ex iocis iis, quos in confîrmandi
dixeris, admoneas; tum veto personam aut rem aliquami praeceptis posuimus, tractari indignatkmem. Nam ex iis
inducere, et enumerationem ei totam attribuere. l'eiso- rébus, i)uœ personis atque negotiis allrihutae sunt, qusc-
nam hoc modo Nam si legis scriptor exsistat, et qnœrat i vis amplificationes et indignationes nasci iiossunt sed
Le premier lieu setire de ['importance et de la traire, ni aucune puissance ne saurait corriger le
dignité d'une chose, prouvée par l'intérêt qu'y mal qu'il aurait fait- Le sixième lieu fait voir que
prennent les dieux immortels, ou les hommes le
délit a été commis à dessein et de propos dé-
Il s'appuiei
dont l'autorité est la plus respectable. on ajoute que si l'erreur a quelquefois des
libéré
sur la divination, les oracles, les hommes inspi- droits à l'indulgence, il ne faut jamais pardonner
rés des dieux, les prodiges, les phénomènes, les i
une méchancetévolontaire. Dansleseptièmelieu,
réponses des aruspices, aussi bien que sur l'his- l'horreur, la cruauté, l'atrocité inouïe d'uu crime
toire de nos ancêtres, des rois des cités, des na- enfanté parla violence toute-puissanted'un crime
tions, sur l'autorité des sages, du sénat, du peu- qui viole toutes les lois et l'équité naturelle, en-
ple et des législateurs. Le second lieu montre, par flamment le courroux de l'orateur.
l'amplification, quels sont ceux que le délit dont LIV. Le huitième lieu démontre que le crime
on parle intéresse le pi us si c'est la société entière, dont il s'agit n'est point un crime vulgaire, ni
i
ou la majeure partie de la société, ce qui annonce même un crime habituel aux plus grands scélé-
un crime atroce; ou des supérieurs, c'est-à-dire, rats, mais un forfait inconnu aux hommes les
ceux qui nous ont fourni le premier lieu commun, plus cruels, aux nations les plus barbares, aux
celui de la gravité et de l'importance, ce qui estbêtes les plus féroces telle est la cruauté envers
une indignité; ou des égaux en courage, en fortune, nos parents, nos enfants, nos époux, nos alliés,
en avantages corporels, ce qui est une injustice; envers des suppliants; au second rang on place
ou des inférieurs, ce qui est le comble du despo- les violences envers des vieillards, un hôte, un
tisme et de l'inhumanité. Dans le troisième lieu, ami un voisin, un homme avec qui nous avons
i
on cherche ce qui pourrait arriver, si d'autres passé notre vie; envers ceux qui nous ont élevés,
imitaient cet exemple; on montre combien l'in- qui nous ont instruits; envers un mort, un mal-
l
dulgence pour ce fait produirait d'imitateurs de heureux digne de pitié, ou un homme illustre,
cette coupable audace; enfin, on en développe revêtu d'honneurs etde dignités; envers des gens
les funestes conséquences. Le quatrième lieu dé- qui ne peuventni attaquernise défendre comme
montre que bien des gens attendent avec impa- des enfants, des vieillards, des femmes. L'indi-
tience la décision de cette affaire, pour juger, gnation qu'excitent toutes ces circonstancespeut
d'après ce qu'on accordera à un coupable, de ce allumer, dans le cœur des auditenrs et des juges,
qu'ils pourront se permettre en pareille occasion. la haine la plus vive contre le coupable.
Le cinquième prouve que, dans d'autres cas, sii Le neuvième lieu, en comparant le délit sur Ic-
l'on se trompe et que la vérité triomphe ensuite, quel on va prononcer avec d'autres délits recon-
le mal n'est pas irréparable; mais qu'ici, le ju- nus comme tels, montre, par la comparaison,
gement une fois prononcé, ni un jugement con- combien il est plus atroce et plus abominable

tamen ea, quae separatim de indignatione praecipi possunt, I est, per quem consulto et de induslriafactum esse demnn-
considcreimis. stratiir, et illud adjungitur, voluntario malefirio ventant
Primus locus sumitur abauctoritate, quum commemo- dari non oportere; imprudenliœ concedi nonnunquam
ramus, quantœ curae res ea fuerit diîs immortalibus, aut convenire. Septiinus locus est, per qnem indignamur,
eis, quorum auctorilas gravissima debeat essc. Qui locus quod tetrum, crudele, nefarium, tyrannicum lactum esse
sumeuir ex sortibus, ex oraculis, vatibus, ostentis, pro- dicamus, per vim, per mauum opulcnlaiu, quœ res ab
digiis, responsis, et similibus rebus, item ex majoribus legibus et ab œquabili jure remotissimasit.
nostris, regibus, civitatibus, gentibus hominibus sapien- LIV. Octavus locus est, per quem demonslrainns, non
tissimis, senatu, populo, legum scriptoribus. Secundus vulgare, neque factilatum esse, ne ab audacissimis qui-
locus est, per quem, illa res ad quos pertineat, cum am- dent hominibus, id maleficium, de quo agitur; atque id
pliucatione pcr indignationem,ostenditur, an ad omnes, a feris quoque hominihus, et a barbaris gentibus, et im-
uut ad majorem partem, quod atrocissimum est; an ad manibus bestiis remotum esse. Hœc erunt, quœ in pareil-
superiores, qualessunt ii, quorum ex auctoritatcindigna. tes, liberos.conjuges, consanguineos, supplices, crudeli-
tio sumitur, quod indignUsimum est; au ad pares aniino, ter facta dicentur; et dcinccps si qua proferantur in
fortuna, corpore, qnod miquissintum est; an ad inferîo- majores natu, in hospites, in vicinos, in amicos, in eos,
res, quod superbissimum est. Tertius locus est, per quem quibuscum vilain egeris, in cos, apud quos educatus sis,
quacrimus, quidnamsit eveuturum si idem ceteri f'aciant in cos, a quibus cruditus, in mortuos in miseras et mise-
et simul ostendimus, huic si concessum sit, multos aîmu- riconlia dignos, in humines claros, nobileset honore usos,
los ejnsdem audaciaefuturos ex quo, qnid mal) sit even- in eos, qui neque Itedere alium, nec se defendere |Mtuc-
turutn, demonstrabimus. Quartus locus est, per quem rint, ut in pucros, senes, mulieres quibus omnibus acii-
demoHstramus,multosalacresexspectare,quidstatuatur; ter excitata indignatio, «iiinimini in eum, qui violai it
ut ex eo, quod uni concessum sit, sibi quoque tali de ro liorum aliquid, odium commovere ]>olerit.
cnùd liceat, intelligere possiut. QuinLus locus est, per Nonus locus est, per quem cum aliis, qua> constat esse
qnem oslendimus, ceteras res perpeiam constitutas, in* peccata, hoc, quo de quant» est, romparatnr; et ita pcr
tt'.llrata veritate, commutatas corrigi posse hanc esse i content ionem quanto atrocius et indignius sit illud quo
rem quïe si sit fiemel judicata, neqne alio commutari i ju- de agitur, ostenditur. Deriimis locus est, per quem onmia
dicio, iioque ulla putestatc corrigi possit. Sextus lucus i[u.i' iu ucgolio gcicndo acta suut, quoque pust n.^jliuiu
encore. Le dixième, en rassemblant toutes les exprimées d'un style grave et sentencieux, font
circonstances de l'action, et tout ce qui l'a sui- sur les esprits une impression profonde, et les
vie, fait ressortir, par l'indignation qu'excitent disposent à la compassion. Le malheur d'autrui
les moindres détails du fait, tout ce qu'ils ont leur rappelle leur propre faiblesse.
de révoltant et de criminel, et par le tableau Le premier lieu qu'on emploie pour exciter la
frappant qu'il met sous les yeux des juges, leur commisération oppose notre prospérité passée à
rend le crime aussi odieux que s'ils l'avaient vu notre malheur présent. Le second, embrassant
commettre eux-mêmes. Dans le onzième, faites plusieurs époques différentes montre de quels
voir que le coupable devait moins qu'un autre maux nous avons été, nous sommes et nous se-
commettre un pareil délit, qu'il était même de rons les victimes. Le troisième appuie sur cha-
son devoir de l'empêcher, si un autre eût voulu cune des circonstances qui aggravent votre mal-
le commettre. L'orateur, dansle douzième, s'in- heur. Vous perdez un fils, et vous rappelez les
digne d'être la première victime d'un crime jus- plaisirs innocents de son âge, son amour, vos
qu'alors inconnu. Le treizième lieu, en montrant espérances, les consolations qu'il vous donnait
que l'outrage se joint à l'injustice, rend odieux le soin de son éducation. Ce sont tous ces détails
l'orgueil et l'arrogance du coupable. Par le qua- qui, dans une disgrâce quelconque, rendent
torzième, l'orateur supplie ses auditeurs de se votre malheur plus touchant. Le quatrième lieu
mettre à sa place, de se supposer eux-mêmes vic- fait connaître les affronts, les humiliations les
times de l'injure dontilsouffre, depenser à leurs traitements déshonorants et indignes de notre
enfants, s'il s'agit d'un enfant; à leurs épouses, âge, de notre naissance, de notre fortune, de
s'il s'agit d'une femme; à leurs pères, à leurs nos honneurs passés, dé nos bienfaits, que nous
parents, si c'est un vieillard qui a été outragé. avons soufferts, ou dont nous sommes menacés.
Enfin il dira, dans le quinzième, que l'ennemi Le cinquième est le tableau de chacun de nos
public ou particulier le plus implacable serait in- malheurs, tableau si vif et si animé, que l'audi-
digné de ce que nous avons souffert. Tels sont à teur semble les voir, et se laisser attendrir moins
peu près les lieux les plus propres à exciter l'in- par le récit que par la vue de nos disgrâces. Le
dignation. sixième montre que nous sommes tombés dans le
LV. Voici maintenant les lieux d'où l'on peut malheur au moment où nous nous y attendions
tirer la plainte dont le but est de chercher à le moins, et que nous avons été précipités dans
exciter la pitié de l'auditeur. Il faut donc l'atten- cet abîme de maux quand nous nous bercions
drir d'abord, et le préparer à des émotions plus d'un vain espoir de bonheur. Par le septième,
douces, si nous voulons le rendre sensihle à nos l'orateur applique à l'auditeur sa propre infor-
plaintes. Pour y réussir, développez des lieux tune il le supplie de se rappeler, en le voyant
communs sur la puissance irrésistible de la for- le souvenir de ses enfants, de ses parents, de
tune, et sur la faiblesse des mortels. Ces pensées, [ ceux qui doivent lui être chers. Dans le huitième,

consecuta sunt, cum uniuscnjusqne indignatione et crimi- iufirmitas oslenditur qua orationehabita graviter et sen-
natione colligimus, et rem verbis quam maxime ante oculus tentiose, maxime demittitur animiis hominum et ad
ejus, t apnd quem dicitur, ponimus; ut id, quod indignum miscricordiam comparatur; quum in alieno malo suam
est, perinde illi videatur indignum, ac si ipse interfuerit, infirmitateni considerabit.
ac prwsens videril. Undecimus locus est, per quem osten- Deinde primus locus est misericordiïc per quem, qui-
d:mus ah eo factum, a quo minime oportuerit, et a quo, bus in bonis fuerint, et nunc quibus in malis siat, ostcu-
si alius facerel, proliiberi conveniret. Dnodecimus locus ditur. Secundus qui in tempora tribuitur, per quem, qui-
est, per quem indignamur, quod nobis hoc primis accide. bus in malis fuerint, et sint, et futuri sint, demonstratur.
rit, nec alicui unquam nsu evenerit. Tertiusdecimuslocus Tertius, per quem unnmquodque deploratur incoinmo-
est, si cum injuria contumeliajiincbi demonstratur, per dum, ut in morte filii, pueritiîe delectalio, amor, spes,
quem locum in superbiam et arrogantiam odinm concita- solatium, educatio, et, si qua, simili in genere, quolibet
tur. Quartusdecimus locus est, per quem petimus ab iis, de incommodo per conquestionem dici poterunt Quartus,
qui audiunt, ut ad suas res nostras injuriasréférant; si ad perquem res turpes, et bumiles,et illiberales proferentur,
ptiM-os pertinebit, de liberis suis cogitent; si ad miilicres,et indignm astate, genere, fortuna pristino honore, hene-
de uxoribus; si ad senes, de patribus aut parentibus. ficiis, quas passi perpessurive sint. Quintus est pei quem
Quintusdecimus locus est, per quem dicimus, iniiiiiris omnia ante ocnlos singillatim incommoda ponentur, ut vi-
quoque et bostibus ea, quae nobis acciderint, indigna deatur is, qui audit, videre, et re quoque ipsa, quasi
videri solere. Et indignatio quidem his fere de locis gra\is- adsit, non verbis solum, ad misericordiam ducatur. Sex-
sime sumetur. tus, per quem prœter spem in miseriis demonstratur esse;
LV. Conquestionis aulem hujusmodi de rebus partes et, quum aliquid exspectaret, non modo id non adeptus
petere oportebit. Conquestio est oratio, auditorum mise- esse, sed in summas miserias incidisse. Septimus, per
ricordiam captans. ln bac primum animum anditoris mi- quem ad ipsos, qui audiunt, similem casum convertimus,
tem et misericordem conficere oportet, quo facilius con. et pettmus ut de suisliberis, aut parentibus aut aliquo
queslionecommoveri possit. Id locis oomniumbiis efficere qui Mis carns debeat esse, nos quum videant, recorden-
oportebit, perquos fortunne vis in uinnes, et hmninuin tur. Orlaviis, per quem aiiqnid dicituresse faclnm, quod
nous disons qu'on a fait ce qu'on ne devait pas gnons moins de notre infortune que de celle des
faire, ou qu'on n'a pas fait ce qu'on devait faire; personnesqui nous sont chères. Dans le seizième
par exemple « Je n'étais pas près de lui, je ne nous nous montrons sensibles pour les autres,
«
l'ai pas vu, je n'ai point entendu ses dernières mais supérieurs à tous les malheurs qui fondent
« paroles, je n'ai point
recueilli ses derniers sou- sur nous; notre coeur est et sera inaccessible à
« pirs.
Ou bien: « II est mort entre les mains l'abattement, à la faiblesse; et cette fermeté ne
"des barbares, il est étendu sans sépulture sur se démentira jamais car souvent le courage et
« une terre
ennemie; longtemps exposé à la vo- la grandeur d'âme, qui s'expriment avec no-
racité des bêtes sauvages, il a été privé des hon- blesse et dignité, savent mieux nous attendrir
« neurs de la sépulture,
honneurs qu'on ne re- que l'humiliation et les prières. Mais les esprits
• fuse à personne. » Le neuvième s'adresse à des une fois émus, gardez-vous d'être prolixe dans
choses muettes ou inanimées, à nn cheval, une vos plaintes; car, comme l'a dit le rhéteur
maison, un vêtement; artifice qui touche profon- Apollonius, rien ne sèche plus vile que les
dément l'auditeur, en lui rappelant des souve- larmes.
nirs attendrissants. Le dixième expose notre Mais comme nous avons, à ce qu'il nous sem-
pauvreté, notre faiblesse, notre isolement. Dans ble, assez développé toutes les parties oratoires,
le onzième, on recommande à la bienveillance et que ce Livre nous paraît assez long, il convient
publique ses parents, ses enfants, le soin de sa de renvoyer au Livre second la suite de nos pré-
sépulture, ou quelque chose de semblable. Dans ceptes.
le douzième, on se plaint d'être privé d'une per-
sonne avec qui on aimait à vivre, d'un père, LIVRE SECOND.
d'un fils, d'un frère, d'un ami. Dans le treizième,
on mêle l'indignation à la plainte en rappelant T. Crotone, célèbre par son opulence, et regar-
que nous éprouvons ces cruels traitements de dée comme une des plus heureuses villes d'Italie,
ceux dont nous devrions le moins les attendre; voulut jadis orner de peintures excellentes le
par exemple, de la part de nos proches, de nos temple de Junon, sa divinité tutélaire. On fit
amis, de ceux que nous avons obligés, ou dont venir à grands frais Zeuxis d'Héraclée, regardé
nous attendions du secours; de ceux enfin pour comme le premier peintre de son siècle. Après
qui c'est le plus noir des crimes, d'un esclave, avoir peint plusieurs tableaux, dont le respect
d'un affranchi, d'un client ou d'un suppliant. des peuples pour ce temple a conservé une partie
Le quatorzième lieu emploie l'obsécration par jusqu'à nos jours, l'artiste, pour donner dans un
des prières, par un langage humble et soumis, tableau le modèle d'une beauté parfaite, résolut
nous implorons la pitié des auditeurs. Dans le de faire le portrait d'Hélène. Ce projet flatta les
quinzième, nous prouvons que nous nous plai- Crotoniates qui avaient entendu vanter le talent

non oportuerit, aut non factum, quod oportuerit, boc. animum nostrum in alios misericordem esse ostendimus;
modo « Non affui non vidi, non postremam ejus vocem et tamen amplum, et excelsum, et patientem incommo>
«audivi, non extremum ejus spiritum excepi. » Item dorum esse, et futurum esse, si quid acciderit, demon-
« Inimicorum
in manibusmortuus est, hostili in terra tur- stramus. Nam ssepe virtus et magnificentia,in quagravi-
» piler jàcuit insepultus; a feris diu vexatus, communi tas et auctoritas est, plus proficit ad misericordiamcom-
quoque honore in morte caruit. » Bonus, per quem oratio movendam, quam humilitas et obsecratio. Commotis
ad mutas et expertes animi res fertur ut, si ad equum, antem animis, diutius in conquestione morari non opor-
domum, vestem, sermonem alicujus accommodes, qnibns tebit. Quemadmodum enim dixitrhetor Apollonius, « la-
animus eorum, qui audiunt et aliquem dilexerunt, vebe- « cryma nihil citius arescit. »
menter commovetur. Decimus, per quem inopia, f infirmi- Sed qaoniam et satis videmur de omnibus partibus
tas, solitude demonstratur. undecimiis, per quem aut oralionis dixisse, et hujus voluminis magnitudo longins
liberorum, aul parentum,aut sui corporissepeliendi, aut processif; quae sequuntur, deinceps in secundo libro di-
alicujus ejusmodi rei commendatio fit. Duodecimus, per cemus.
quem disjunctio deploratur ab aliquo, quutn diducaris ab
eo, quicum libentissime vixeris, ut a parente, filio, fratre,
familial Tertiusdecimus,per quem cum indignatione ton- LIBER SECUNDUS.
querimur, quod ab iis, a quibus minime couvenial, male 1. Crotoniatœ, quondam, quimi florerent omnibus co-
tractemur, propiuquis, amicis, quibus benefecennius, piis, et in Ilab'a cnm primis beati numerarentur templum
quos adjutores fore putaverimus; aut a quibus indignum Junonis, qnod religiosissime colebant, egiegiis picturis
sit, ut servis, libertis, clienlibus supplicibus. locupletare voluerunt. Ita<iue Ileracleotem Zeuxin, qui
Quartusdecimus qui per obsecrationem sumitur in tum longe ceteris excellere pictoiibus existimabatur,
quo orantur modo illi, qui audiunt, hurnili et supplici magno pretio conduclum adbibuemnt. Is et ceteras com-
oratione, ut misereantur.Quintasdecimus, per quem non plures tabulas pinxil quarum nonnulla pars usque ad no-
nostras, sed eorinn, qui cari nobis debent esse, fortunas stram memoriam propter lani religionem remansit; et, ait
conqueri nus demonstiamus. Sextusdecimiis est, per quem eacellentem umlicbris formée pulclnitudinemmuta in sese
singulier de Zeuxis pour peindre les femmes; et ine produit rien de parfait elle semble craindre
ils pensèrent que s'il voulait développer tous ses cd'épuiser ses perfections en les prodiguant à un
moyens et tout son talent, dans un genre où il seul
s individu, et fait toujours acheter ses faveurs
excellait, il ne pouvait manquer d'enrichir leur par
[ quelque disgrâce.
temple d'un chef-d'œuvre. II. Et nous aussi, dans le dessein que nous
Leur attente ne fut point trompée. D'abord i
avons formé d'écrire sur l'éloquence, nous ne
Zeuxis demanda s'ils avaient de jeunes vierges i
nous sommes point proposé un modèle unique,
remarquables par leur beauté. On le conduisit 1pour nous
faire un devoir d'en calquer servilement
aussitôt au gymnase, où il vit, dans un grand ttous les traits, mais nous avons réuni et rassem-
nombre de jeunes gens, la figure la plus noble et blé
1 tous les écrivains, pour puiser dans leurs ou-
les plus belles proportions car il fut un temps où 1vrages ce
qu'ils renferment de plus parfait, pour
les Crotoniates se distinguèrent par lcur vigueur, en prendre en quelque sorte la fleur. Car si,
par l'élégance et la beauté de leurs formes, et parmi les écrivains dont le nom mérite d'être
remportèrent les victoires les plus éclatantes et conservé, il n'en est aucun qui n'offre quelque
les plus glorieuses dans les combats gymniques. chose d'excellent, il n'en est aucun aussi qui nous
Comme il admirait les grâces et la beauté de semble réunir toutes les parties. Il nous a donc
toute cette jeunesse Nous avons leurs sœurs, paru que ce serait une folie de rejeter ce qu'il y
vierges encore, lui dit-on; ce que vous voyez a de bon dans un écrivain, à cause de quelques
peut vous donner une idée de leurs charmes. défauts, ou de le suivre dans ses erreurs, quand
Que l'on me donne les plus belles pour modèles nous avons reçu de lui d'utiles préceptes.
dans le tableau que je vous ai promis, s'écria Que si l'on voulait suivre cette marche dans
l'artiste, et l'on trouvera dans une image muette les autres arts; si, au lieu de s'asservir opiniâ-
toute la vérité de la nature. trément à un seul maître, on voulait prendre de
Alors un décret du peuple rassembla dans un chacun ce qu'il a de meilleur, on verrait parmi
même lieu toutes les jeunes vierges et donna au les hommes moins de présomption, moins d'en-
peintre la liberté de choisir parmi elles. Il en têtementdans leurs erreurs et moins d'ignorance.
choisit cinq les poètes se sont empressés de nous Si j'avais pour l'éloquence le même talent que
transmettre les noms de celles qui obtinrent le Zeuxis pour la peinture, peut-être mon ouvrage
prix de la beauté, au jugement d'un artiste qui serait-il dans son genre supérieur au chef-d'œu-
devait savoir si bien l'apprécier. Zeuxis ne crut vre sorti de son pinceau; car j'ai eu à choisir
donc pas pouvoir trouver réunies dans une seule parmi un plus grand nombre de modèles. Il n'a
femme toutes les perfectionsqu'il voulait donner pu choisir, lui que parmi les vierges d'une seule
à son Hélène. En effet, la nature en aucun genre ville, et parmi celles qui vivaient à cette époque

imago contineret, Helenae se pingere simulacrum velle ideo quod nihil, simplici in genere, omni ex parte perfc-
dixit quod Crotoniatae, qui eum muliebri in corpore pin- ctum natura ex poli vit itaque, tanquam céleris non sit ha-
gendo plurimum aliis prœstare srepe accepissent libenterr bilura quod largiatur, si uni cuncta cuncesserit, aliudalii
i
audierunt; putaverunt enim, si, quo in genere plurimum commodi, aliquo adjuncto incommodo, muneratur.
posset, in eo magnopere élaborasse!, egregium sibi opusi Il. Qnod quoniam nobis quoque voluntatis accidit, ut
illo in fano relicturum. artem dicendi perscriberemus, non unum aliquod propo-
Neque tum eos illa opinio fefellit. Nam Zeuxis illico3 suiimis exemplum, cujus omnes partes, quoeumque es-
i
quaesirit ab eis, quasnam virgines formosas haberent. llli sent in genere, exprimendœ nobis necessario viderentur
autem statim hominem deduxeruntin palœstram atque ci sed, omnibus unum in locum coactis scriptoribus, quod
pueros oslenderunt multos, magna praeditos dignitate. quisque commodissime precipere videbatur, excerpsimus,
Etenim quodam tempore Croloniatœ muitum omnibuss etex rariis ingeniis excellentissima quaeque Hbavimus.
corporum viribus et dignîtatibus antesteterunt atque bo- Ex bis enim, qui nomine et memoria digni sunt, nec ni-
nestissimas ex gymnico certaminevictorias domuin cumn hil optime, nec omnia praeclarissime quisquam dicere
maxima laude relulerunl. Quum puerornm igitur formas nobis videbatur. Quapropter stultitia visa est, aut a bene
t
et corpora magno hic opère miraretur Ilorum inquiunt invenlis alicujus recedere si quo in vitio ejus offendere-
illi, sororessunt apud nos viigincs;quare, qua sint illaee mur, aut ad vitia quoque ejus accedere cujus aliquo hene
dignitate, potes ex his suspicari. Prœbete igitur mihi, praecepto duceremur.
quaeso, inquit, ex istis virginibus fonnosissimas, dum n Quod si in ceteris quoque studiis a multis eligere homi-
piogo id, quod pollicitus sum vobis, ut mutum in simula-i- nés commodissimum quodque, quam sese uni aticui certo
crum ex animali exemplo veritas transferatur. vellent addicere minus in arroganlia offenderent; non
Tnm Crotoniatae, publico de consilio virgines unum inu lantopere in vitiis perseverarent aliqnanto levius ex in-
locum conduxerunt, et piclori,quasve!let,eligendi pote* c. sdentia laborarent. Ac si par in nobis hujus artis, atque
statem dederunt. Ille autem quinque delegit quarum no->- in illo picture, scientia fuisset, fortasse magis hoc suo in
mina multi poetae mémorise tradiderunt, quod ejus essentit genere opus nostrum quam ille in sua pictura nobilis eni
judicio probatse, qui verissimum pulchritudinis habere e teret. Ex majore emm copia nobis, quam iiii, fuit exern-
judicium debuisset. Neque enim putavit, omnia, quse œ plorum eligendi potestas. Ille una ex urbe, et ex eo nu-
qu&reret ad renustatem nno in corpore se i epeiire posse, incro virginum, quœ tnm frant, eligere potuit nobis
@l
et moi, j'avais à ma disposition tous les écri- ments à l'étude de l'art oratoire, et l'autre s'appli-
vains qui, depuis l'origine de l'éloquence jusqu'à quait tout entière à la théorie et à la pratique de
nos jours, ont donné des préceptes sur la rhéto- l'éloquence; elles ont plus tard donné naissance
rique. à une troisième qui a emprunté des deux autres
Aristote rassembla tous les anciens rhéteurs tous les secours qu'elles lui offraient. Pour moi,
depuis Tisias, le premier inventeur de l'art, et j'ai tâché de suivre en même temps, autant que
recueillit avec le plus grand soin toutes leurs je l'ai pu, et les plus anciens et ceux qui sont
leçons. Il les développe avec tant de détail et de venus après eux, en mêlant quelquefois mes
netteté, l'élégance et la précision de son style observations à celles de mes devanciers.
lui donnent une telle supérioritésur les inventeurs Si les préceptes que nous exposons dans cet
eux-mêmes, que personne n'étudie plus les pre- ouvrage méritent tout le soin que nous avons ap-
miers rhéteurs dans leurs propres écrits, et que, porté à les recueillir, nous ne saurions regretter
pour connaître leurs préceptes, ou s'adresse à ce un travail qui ne trouvera point d'improbateurs.
philosophe, comme à un interprète plus clair et Si pou rtant nous avions dans notre empressement
plus facile. Ce grandhomme, en mettant sous nos omis quelque chose, ou adopté quelque opinion
yeux et son opinion et celle de ses prédécesseurs peu fondée, il suffira de nous avertir de notre
nous apprend à les connaître en se faisant con- erreur pour que nous nous hâtions de la corriger;
naître lui-même; et quoique les disciples sortis car ce qui fait la honte, ce n'est pas l'erreur, mais
de son école aient, à l'exemple de leur maître, la sotte opiniâtreté avec laquelle on s'y attache.
consacré presque tous leurs soins à l'étude des L'une tient à la faiblesse humaine, l'autre est un
plus hautes questions de la philosophie, ils nous vice particulierde caractère.Ainsi, sans rien affir-
ont néanmoins laissé, comme lui, beaucoup de pré- mer, nous parlerons de chaque objet avec la cir-
ceptes sur l'éloquence. D'autres rhéteurs, sortis conspection du doute; et si nous ne pouvons ob-
d'une autre école, ont aussi beaucoup contribué tenir le petit avantage dépasser pour avoir tracé
aux progrès de l'éloquence, si l'art y contribue nos préceptes avec assez de facilité et d'élégance,
en quelque chose; car Isocrate, rhéteur habile nous éviterons du moins l'écueil bien plus dange-
et célèbre, était contemporain d'Aristote. Nous reux de donner à quoi que ce soit une approba-
avons perdu ses leçons; mais ses disciples et les tion téméraire et arrogante. C'est un système
imitateurs qui s'empressèrent de marcher sur que nous suivrons toujours, autant que possible,
leurs traces et sur celle de leur maître, nous ont et aujourd'hui et dans tout le cours de notre
transmis une foule de préceptes qui venaient de vie. Maintenant, pour ne pas trop prolonger ces
lui. réflexions préliminaires, nous allons donner la
III. De ces deux écoles différentes t'une, livrée suite des préceptes.
à la philosophie, accordait aussi quelques mo- Avec la définition de la nature de l'éloquence

omnium, quicumque fuerunt ab ultimo principio liujua r tera quum versaretur inphilosophia,nonnullauirhetoricie
praeceptionis usque ad hoc tempus expositis copiis, qund- quoque artis sibi curam assumebat, altera vero omnis in
cumqueplaceret, eligendi potestas fuit. dicendi erat studio et prrcceptione occupata, unum qnod-
Acveleres quidem scriptores artis, usque a principe dam est confiatuin genus a poslerioribus, qui ab utrisque
illo atque inventore Tisia repetitos, unum in locum con- ea quae commode dici videbantur, in suas artes enntulft-
duxit Aristoteles, et nominalim cujusque prœcepta magna runt quos ipsos simili, atque illos superiores, nos nobis
conquisitacura perspicue conscripsit, alque enodata dili- omnes, quoad facultas tulit, proposuimus, et ex nostro
genter exposuit ac tantum inventuribus ipsis suavitate quoque nonnibil in commune contulimus.
et brevitate dicendi prmstitit, ut nemo illorum praecepta Quod si ea, quse in his libris exponuntur, tautopere
ex ipsorum libt-iscognoscat,sedomnes,qui, quod illi pra> cligenda fuerunt, quanto studio electa sunt, profcclo ne-
cipiant, vcliiit intelligere, ad hune, quasi ad quemdam que nos, neque alios industrise noslriu (lœnitcbit. Sin au-
inulto commodiorem explicatorem, reverlantur. Atque tem temere aliquid alicujus prseteriisse aut non salis pie-
hic quidem ipse, et sese ipsum nobis, et eos, qui ante se ganter secuti videbimur, docti ab aliquo, facile et libenter
fuerant in medio posuit, ut et ceteios, et se ipsum per se sentenliain commutahimus. Non enim parum cognosse,
cognuscerenius ab hocautem qui profecti snnt, quanquam sed in parumcognito stulte et diu persévérasse turpe est:
in maximis philosophie partibus opéra? plurimumconsum- propterea quod altcrum communi hominum inlirmilati
serunt, sicut et ipse, cujus instituta sequebantur, feraral alteium singulaii uniuscujusque vitio est attribulum.
tamen permulta nobis praecepta dicendi rcliqueruut. Al- Quarenos quidem sine ulla aflirmatione, simul qua1rentes,
ununiquodqiie dicemus, ne, dum parvulum
que alii quoque alio ex fonte pneceptores dicendi emana- dubitanter
verunt, qui item permultum ad dicendum, si quid ars hoc consequimur utsalis commode li%c perscripsisse vi-
prolicit, opitulati sunt; nain fuit tempore eodem, quo deamur, illud amittamus, quod maximum est, ut ne cui
Aristoteles, magnns et nobilis rhetor lsocrates cujus rei temere atque arroganter assenserimus. Verum hoc
ipsius quam constet esse artem, non invenimus; disci- quidem nos, et in hoc teni|H)re et in oinni vita siudiose,
pulorum autem atque eorum, qui protinus ab liac sunt quoad facuttas feret, consequemur. Nunc autem, ne lon-
disciplina profecti nmlta de arte protccpU rppmmus. giusoraliopiogiessavideatiir,de reliquis.qiiirpra'cipiend»
III. Es lus duabns diversis sicitli ianûliLs, quaimn ul- \iikutur esse, diremua.
de son devoir, de sa fin, de sa matière et de ses cher et d'exposer ce qui est conforme à l'intérêt.
parties, le premier Livre renfermait les différents Des genres qui ontnne fin, un but différents
genres de causes, Fart de trouver les moyens ne peuvent donc avoir la même méthode. Ce n'est
qu'elles renferment, les questions, les points à pas que nous prétendions qu'ils ne peuvent offrir
juger, enfin les parties de la composition oratoire, des questions semblables; mais le fond même et
et des préceptes sur chacune d'elles. Tous ces su- le genre de la cause est quelquefois de faire con-
jets sont traités à part mais les règles de la con- naître la vied'unhommeoud'énonceruneopinion.
firmation et de la réfutation sont éparses parmi Ainsi, nous allons donner maintenant des pré-
les autres. Nous allons donc donner, pour chaque ceptes sur le développementdes points de discus-
genre de cause, des lieux distincts de confirma- sion et sur le genre judiciaire on pourra aisément
tion et de réfutation et comme nous avons dé- en appliquer le plus grand nombre aux différents
veloppé avec assezde soin, dans le premier Livre, genres de causes qui offriront les mêmes difficul-
la manière de traiter les preuves, nous nous con- tés nous traiterons ensuite de chaque genre en
tenterons d'exposer ici, avec simplicité et sans particulier.
ornement les raisons que chaque cause peut of- Commençons par un exemple de la question
de conjecture, ou question de fait: « Un voyageur
frir. Ainsi on trouvera ici le fond des choses, et
plus haut l'art de les développer. Ce que nous rencontre un marchand qui s'était mis en route
allons dire se rattache donc aux différentes par- pour faire quelque acquisition, et qui portait
ties de la confirmation et de la réfutation. « avec lui de l'argent.
Bientôt, comme c'est l'or-
IV. Toute cause,ou démonstrative, ou délibé- dinaire, ils lient conversation, et une espèce
rative, on judiciaire, doit nécessairementse rap- i d'intimité s'établit entre eux pour le reste du
porter à unou à plusieurs des genres de questions « voyage. Ils s'arrêtent à la même hôtellerie, et
établis plus haut. Quoiqu'on puisse donner pour « annoncent l'intention de souper ensemble et de
tous des principes généraux chaque genre a « coucher dans la même chambre. Le repas ter-
néanmoins des règles différentes et particulières «
miné, ils se retirent ensemble. L'hôte (il en fit
car on nesaurait employer la même méthode pour « depuis l'aveu, quand il se vit convaincu d'un
louer, blâmer, accuser, défendre, ou pour énon- « autre crime) avait remarqué celui qui portait de
cer une opinion. Dans le genre judiciaire, on « l'argent. Au milieu de la nuit, quand il juge
cherche ce qu'exige la justice dans le démons- « que la fatigue les a plongés dans un profond
tratif, ce que commande l'honneur; dans le dé- sommeil, 11 entre dans leur chambre, tire l'épée
libératif, l'honneur et l'intérêt, du moins à no- « du voyageur qui l'avait placéeprès de lui, égorge
tre avis car d'autres veulent qu'en persuadant le
marchand, s'empare de son argent, remet
ou dissuadant, on n'ait d'autre but que de cher- « l'épée sanglante dans le fourreau, et va se

Igitnr primus liber, exposito genere hujus artis, et of- Quorum igitur generum fines et exitus diversi sunt
ficio, et line et materia et partibus, genera controversia- eorum praecepta eadem esse non possunt. Neque nunc hoc
rum, et inventiones, et constitutioncs, et judicaliones dicimus, non easdem incidere constitutiones; veruintamen
continebat deinde partes orationis, et in eas omnes omnia oratio qurcdam ex ipso fine et ex genere causa! nascitur,
praecepta. Quare quum in eo ceteris de rebus distinctius quœ pertincat ad vitoo alicujus demonstrationem, aut ad
dictum sit, disperse autem de confirmationc et de repre- seutenïise dictionem. Quare nunc in exponendis contra-
honsione nunc certes contirmandi et reprehendendiin sin- versiis, in judiciali genere causarum et prseceptorumver-
gula causarum genera locos tradendos arbitramur. Et quia, sabimur ex quo picraque in cetera quoque causarum gc-
quo pacte traclari conveniret argamentationes, in libro nera, simili implicata controversia nulla cum ditlicultate
primo ii"i> indiligenter expositum est, hic tantum ipsa transferentur post autem separatim de reliquis dicemus.
inventa unami[uamqne in rem exponentur simpliciter, sine Nunc ab conjecturali constitntione profleiscemur cujus
ulla exomatione, ut ex hoc inventa ipsa, ex superiore exemptant sit hoc expositum « In ilinere quidam proli-
autem expolitio inventorumpetatur.Quare luec, quai nunc « ciscentem ad mercatum qnemdam, et secum aliquantum
prœcipientur, adl confirmationis et repreliensionis partes « niimmorum fereutan, est consecutus. Cum hoc, ut fere
referre oportebit. « fit, in via sermonem contulit ex quo factum est, ut
IV. Omnis et demonstrativa, et deliberativa et judi- v illud iter familiarius faccre vellent. Quare, qnum in
cialis causa necesse est in aliquo eorum quïe ante expo- eamdem tabernam devertissent simul cœnare et in
sita sunt1, constitutionis genere, unopluribusvc,versetur. eodem loco somnum capere voluerjnt. Cocnati discubue-
Iloc quanquam ita est, tamen quum communiter qusedam « runt ibidem. Caupo autem (nam ita dicitur post inven-
de omnibus praecipi possint, separatim quoque alise sunt « tum, quum in alio maleficio deprehensus esset) quum
cujusqoe generis, et divers» praeceptiones. Aliud enim « illum alterum, videlicet qui nummos haberet, animad-
laus aut \ituperatio, aliud sententiae dictio, aliud accusa- ci redisse! noctu, postquam illos arctius jam, ut fit, ex
tio, aut recusatio, conlicere débet. In judiciis, quid œquum •• lassitudine dormirc sensit, accessit, et altcrius eorum,
sit, qurcritur in demonstrationibus quid honestum;iu qui sine nummis erat, gladium propter appositum e va-
deliberationibus,ut husarhilramur,quid honestum sit, et « gina eduxit, et illum alterum occidit nummos a6stufit
quid utile num céleri utilitatis modo finem in suadendo i gladium cruentatum in vaginam recondidit ipse sese in
et indissnadpudoexponi oj)ortei*e arbitrati sunt. « lectum suum recepit. ]I1b autem,
cujus gladio occisio
CICLRO.N. – TUMK ( k
mettre au lit. Cependant le voyageur,dont l'épée ce qui peut ôter à l'âme le sang-froid et l'atten-
« avait servi à commettre le crime, s'éveille long- tion nécessaires pour examiner les choses, tout
temps avant le jour, et appelle à plusieurs re- ce qui peut nous faire agir par emportementplutôt
«
prises son compagnon de voyage. Comme il ne que par réflexion. La préméditation est un mûr
« répondait point il le croit endormi prend son examen des raisons qui peuvent nous engager
« épée son bagage, et se met seul en route. Bien- à agir ou nous en détourner. On est en droit de
« tôt l'aubergiste s'écrie qu'on a assassiné unsoutenir qu'elle nous a guidés, quand notre con-
« homme, et poursuit avec quelques-uns de sesduite semble dirigée par des motifs certains,
« hôtes le voyageur qui venait de partir à l'ins- comme par l'amitié, la vengeance, la crainte, la
tant même.Il l'atteint, l'arrête, tire son épée dui gloire l'intérêt, en un mot, pour embrassertout
«
« fourreau, et la trouve ensanglantée. On ramène lafois, par toutes les choses qui peuvent con-
à la ville celui qu'on croit l'assassin, on le met ent server, augmenter les avantages dont nous jouis-

« jugement. » Vous avez tué, dit l'accusateur. Je sous, nous en procurer de nouveaux, ou au con-
n'ai pas tué, répond le défendeur. De là naît la traire éloigner, affaiblir ou éviter tout ce qui
question. Lepoint de discussion, comme le pointserait capable de nous nuire. En effet, soit que
à juger, a-t-il tué? appartient au genre conjectu- l'on ait souffert 'volontairement quelque dom-

ral, c'est-à-dire à la question de fait. mage pour se garantir d'un plus grand mal, ou
Nous allons maintenant traiter des lieux se procurer un avantage plus grand, soit que le
V. k même motif nous fasse renoncer à quelque avan-
dont toute question conjecturale peut offrir quel- tage,
géné- on retombe toujours dans l'un de ces deux
ques-uns, et nous ferons ici une remarque
rate; c'est que tous ne se rencontrent pas dans
s genres.
Tel est le lieu qui sert comme de fondement à
toutes les causes. Pour écrire un mot, on n'em- de cause car on ne prouve jamais un
ce genre
ploie que quelques lettres, et non pas l'alpha- fait sans montrer les motifs qui l'ont amené.
bet entier. Ainsi dans une cause, on ne se sert L'accusateur prétend-il que c'est la passion qui
pas de toutes les espèces de raisonnements, maiss nous a fait agir, qu'il s'attache à développer par
de ceux-là seuls qui sont nécessaires. Toute con- des pensées et des expressions énergiques toute
jecture doit se tirer du motif, de la personne, ou la violence et l'activité de la passion qui nous a
du fait même. emportés qu'il prouve quelle est la puissance de
Dans le motif, on distingue la passion et lal'amour, quel trouble porte dans l'âme la colère
préméditation. La passion est une affection vio- ou le sentiment qu'il dit avoir poussé l'ac-
lente de l'âme qui nous pousse à une actionsanss cusé; enfin que des exemples et des comparai-
nous laisser le temps de réfléchir, comme l'amour, sons, que le développement de la passion elle-
t
la colère, la douleur, l'ivresse, et en général tout même, prouvent qu'il n'est point étonnant que

erat facta, rnulto ante luccm surrexit, comitem Sun


n
m cura non potuerit; et id quod fecit itnpelu quodam animi
inclamavit semel et sœpius. Illum somno impeditum non n potius, quam cogitatione feccrit. Katiocinatio atitctn est
« respondtfre existimavit ipse radium, et cetera, quœ ie diligens et considerata faciendi aliquid, aut nonfaciendi
secum attulerat, sustulit, soins profectus a ewositatio. Ea dicitur interfuisse tum, quum aliquid fa-
est. Canpo non
« multo post conclaraavit, lioininem esse occisum, et cum n ciendum, aut non faciendum, certa de causa vilasse, ant
« quibusuam deversoribus illum qui ante exierat, conse- seculusesseaniniusviuetiir,ut, si amicUiœ quid causa fac-
K
quitur. In itinere hominem coniprcbendit, gladium ejus is tum dicetur, si inimici utciscendi, si metus, si gloiïœ
a e vagina educii, repmit ernentum homo in urbem ab ib si pecuniae, si denique, ut omnia generalim ainplccta-
« illis deducitur ac reus fit. » In hac cansa iutenlio est st mur, alicujus retinendi, augendi, adipiseendive commo-
criminis, « Occiilisli. » Depulsio, « Non occidi. » Ex ,x di, aut contra rejiciendi, deminuendi devitandive incom-
quibus constitiHioest. Quœstio eadem in conjecturali,quae ae modi causa. Nam horum in genus alterulruni illa quoque
judicatio, «Occideiilne?» incident, iu quibus aut incommodum aliquod majoris vi-
V. Nunc exponemus locos, quorum pars aliqua in om- n- tandi incommodi causa, aut majoris adipiscendi commodi
nem conjecluralem incidit controversiam. Hoc autem et in in suscipitui1, ant coinmodum uliquod majoris adipiscciidi
il
luiriim loconim expositione, et in ceterorum, oportebit commodi, aut majoris vitandi incommodi, prjieteritur.
altendere, non omnes in omnem causam convenire. Ut Jt Hic locus Aient alî(piod lundamentum est hujiis consti-
enim omne nomen ex aliquibus non ex omnibus litteris is tutionis; nam nihil factum esse cuiqtiam piobatur, nisi si
scrîbilur sic omnem in cansam non omnis arguinentorum in aliquid, quaie factum sit, ostcnditnr. Erjço accusator, qunm
copia, sed eorum necessaria pars aliqua conveniet. Omnis aliquid impuisione l'actun) esse dicet, illum iuipetum, et
igitur, ex causa, ex persona, ex facto ipso, conjectura ca- a- quamdam coinmolioncm animi alfectionemque verbis et
iriendaesl. seutentiis amplificare debebit, et ostendere, qnanta vis
Cansadistribuiturin impulsionem, et in ratiocinationem. n. amoiïssit, quanta animi perturbatio ex iracundia tiat, aut
Impulsio est, quae sine cogitatione per quamdam affectio- o- ex aliqua causa earum, qua impulsum aliquem id fecisse
nem animi facere aliquid hortatur,ut amor, iracnndia, a?gri-'i- dicet. Hic et exemplorum cummemoratione, qui simili im-
tudo, vïnolentia, et omnino omnia, in quilms aninnis ita ta pulsu aliquid commiserint, et Rimilitiidînum collatione, et
videtur aiïcctus fuisse, ut rem perspinere cum consilio <'tet ipsius animi affectionis explications, ciirandum est, utnou
l'Ame, emportée par une affections) violente, se les lieux qui appartiennent à la personne, et dont
soit laissée aller au crime. nous traiterons bientôt.
VIL L'erreur tombe sur l'événement, quand
VI. L'accusé a-t-il agi, selon vous, non par
passion, mais avec préméditation, démontrez les on prétend qu'il ne répond pas à l'attente de l'ac-
cusé. Vous soutenez que, trompé par la ressem-
dommages qu'il voulaitéviter, les avantages qu'il
blance, par de faux soupçons, par de fausses ap-
voulait acquérir; amplifiez, autant qu'il sera
possible, pour démontrer, si vous le pouvez, parences, il a tué celui qu'il ne voulait pas tuer
jusqu'à l'évidence, que l'accusé avait une raison ou bien qu'il a tué un homme dont il se croyait
légataire quoiqu'il ne le fût point; car, ajoutez-
suffisante de commettre une faute. Est-ce l'amour
de la gloire qui l'a fait agir montrez combien vous, il ne faut pas juger de l'intention par l'évé-
il se promettait de gloire. Est-ce l'ambition, l'in-
nement, maisbien plutôt quelle intention, quelles
espérances ont conduit au crime, et il s'agit
térêt, l'amitié, la haine; développez ces motifs,
moins ici du fait que du motif.
et faites de même pour les causes, quelles qu'elles L'accusateur doit, dans ce lieu, s'attacher sur-
soient, que vous prêtez à sa conduite. Surtout
attachez-vous moins à ce qui est vrai en soi, qu'à tout à démontrer que personne, excepté l'accusé,
n'avait intérêt à commettre ce délit, ou du moins
ce qui a pu être regardé comme tel dans l'opinion n'en avait un si grand et si pressant; ou si quel-
de l'aceusé. Qu'importe, en effet, que l'avantage
que autre semble avoir eu quelque intérêt à le
ou le dommage soit réel, si vous pouvez prouver commettre, il n'en avait ni le pouvoir, ni les
que l'accusé en a jugé ainsi? Car les hommes se
trompent de deux manières, ou sur la nature de moyens, ni la volonté le pouvoir; son igno-
la chose, ou sur l'événement. L'erreur tombe sur rance, son éloignement un obstacle insurmon-
table l'arrêtait; et il faudra le prouver les
la nature de la chose, quand ils prennent le mal
moyens; il n'avait ni plan, ni complices, ni se-
pour le bien, ou le bien pour le mal; pour bien ou cours, ni rien de ce qui était nécessaire pour
mal, ce qui est indifférent; ou pour indifférent, réussir; et on en donnera la preuve la volonté;
ce qui est bien ou mal.
son austère vertu se refuse à de pareilles actions;
Ce point établi, si l'on dit que l'intérêt ne doit et on fera l'éloge de son intégrité. Enfin, toutes
être ni plus cher, ni plus sacré que la vie d'un frère, les raisons que nous fournirons à l'accusé pour
d'un ami, ou que le devoir n'allez point le nier à sa défense, l'accusateur pourra s'en servir pour
l'accusateur. Vous refuser à des véritéssi saintes, justifier les autres; mais qu'il soit bref, qu'il réu-
ce serait vous rendre aussi coupable qu'odieux. nisse et resserre tous ses moyens et ne paraisse
Mais soutenez que vous n'avez pas jugé ainsi pas accuser l'un pour défendre les autres, mais
et alors vous pourrez puiser votre défense dans bien les justifier pour accuser le coupable.

mirum videatur, si quod ad facinus tali perturbatione com- illi non esse ita visum quod sumi oportct ex iis, quae ad
motus animus accesserit. personam pertinent, de quo post dicendum est.
Vf. Quum autem non impulsione, verum ralirjdnatione VII. Eventus autem lum fallit, quum aliter accidit, at-
aliquemcommisisseqiiiddicel.qnidcommodisitsecutus,
angebit, que ii, qui arguuntur, arbitrati esse diruntur ut, si qui
aut quid incommodi fugerit, demonstrabit, et ici
dicatur alimii occidisse, ac volueril, quod aut simililudine
quam maxime polerit, ut, quoad ejus fieri possit, idonea aut suspicione, aut demonstrationefalsa deceptus sit; aut
maxime causa ad peccandum liorlata videatnr. Si
quam euin necasse, cujus testamento non sit heres, quod ejus
Sloriœ causa; quantam gloriam consecuturarn exislimaiït testamento se lieredran arbitratus sit. Non enim ex eventu
item si dorninationis, si pminisî, si amicitiîe, siinimici- cogitationem spectari opoctere; sed qua cogitatione et spe
tiarum; et omnino quicquid erit, quod causa: fuisse dicet, ad malelicium profectus sit, considerare; et que animo
id summe angere debebit. Kl hoc, eum magnopere conside- quid quisque faciat non quo casu utatur, ad
quid in verilate modo, etiam rem pertinere.
rare oportebit, non vcruni
vehementius, quid in opinione ejns, quem arguet, fuerit. In noc antem loco, caput illud erit accusatori, si de-
Nihil enim refert, non fuisse, aut non esse aliquid mm- monstrare poterit, alii nemiiti causam fuisse faciendi; se.
modi, aut incommodi, si ostendi potest, ei visum esse, cundarium, si tantam, aut tam idoneam nemini. Sin fuisse
qui arguatur. Nam opinio dupliciter fallit homines; quum aliis quoque causa faciendi videbitur aut potestas aliis de-
facultas, aut voluntas. Potes-
aut res aliusmodi est, ac putatur, aut non is eventus est, fuisse demonstrandaest, aut
quem arbilrati sunt. Res alitisrnodi est tnm quum aut id,
tas, si aut nescisse, aut non affuisse, aut conficere aliquid
quod bonum est, malum putant; aut contra, quod malum non potuisse dicetur. Facilitas, si ratio, adjutores, adju-
est, bonum aut quod nec malum est, nec bonnm, malum, menta, et cetera quie ad rem pertinebuut.defuissealicui
aut bonum aut quod malum, aut bonum est, nec malum, demonstrabuntur. Voluntas,.si animus a talibus factis va-
nec bonum. cuus, et integer esse dicetur. Postremo, quas ad defen-
Hoc intellecto, si quis negabil, ullam esse pecuniam sioncm rationes reo dabimus, iis accusator ad alios e\ culpa
fratris aut amici vita, aut denique officio antiquiorem, aut eximendos abutetur. Verum id brevi faciendum est, et in
snaviorem, non erit boc accusatori negandum. Nam in eum unum multa sunt conducenda, ut ne alterius defendendi
culpa, et summum odium transferetur, qui id, quod tam causa huncaccusare, sed liujus accusandi causa defendere
vere et pie dicetur, negabil. Verum illud dicendum erit, alterum videatur.
9.
VIII. Tels sont, à peu près, les moyens
novens (lue dez-vous encore ce point, n'accordez pas au moins
que dez-vouseneoi
doit étudier et développer l'accusateur. Le dé- que l'accusé ait eu le moindre doute sur ce qui
fenseur, de son côté, soutiendra d'abord que l'intéressait affirmez qu'il a, sans balancer, jugé
son client n'a point agi par passion; ou, s'il est faux ce qui était faux, vrai ce qui était vrai car
obligé d'en convenir, il tâchera d'affaiblir cet s'il eût hésité, c'eût été. le comble de la folie que
aveu, en montrant que cette passion était faible de s'exposer à un péril certain pour des espéran-
et légère, ou que d'ordinaire une telle passion ces incertaines. L'accusateur, pour justifier les
ne produit point de semblables effets. C'est ici autres, se sert des lieux du défenseur ainsi l'ac-
qu'il faut définir le caractère et la nature de la cusé se servira de ceux de l'accusateur pour se
passion qu'on prétend avoir dirigé l'accusé citer justifier en accusant les autres.
des exemples, des comparaisons; s'attacher à IX. On tire les conjectures de la personne,
montrer cette passion sous le point de vue le plus quand on considère attentivement tous les lieux
favorable, et dans ses effets les plus doux, pour attribués à la personne, et que nous avons déve-
ramener insensiblement le fait de la barbarie du loppés dans le premier Livre. Le nom même
crime et du trouble inséparable des passions, à quelquefois peut faire naître quelques soupçons
des motifs plus calmes et plus tranquilles, sans et par le nom nous entendons aussi le surnom.
blesser les sentiments et les dispositions secrètes En effet, il s'agit du mot propre et particulier
de l'auditoire. pour désigner quelqu'un, comme si l'on disait,
L'orateur affaiblira le soupçon de prémédita- « Qu'un tel a été nommé Caldus à cause de son
tion en montrant que l'accusé n'avait nul inté- « emportementet de son impétuosité dans toutes
rêt à commettre le délit dont on l'accuse, qu'ilil « ses actions; » ou bien Que tel autre s'est joué
en avait peu que d'autres en avaient un plus « de l'inexpérience des Grecs, parce qu'il s'ap-
grand ou un égal ou qu'il devait en retirer plus < pelait ou Clodius, ou Cécilius, ou Mucius.
de mal que de bien; en sorte qu'il n'y a aucune On peut former aussi quelques conjectures sur la
comparaison à établir entre l'avantagequ'on s'en nature; car le sexe, la nation, les ancêtres, la
promettait, et les dommages qu'on a éprouvés, famille, l'âge, le caractère, la complexion ( tou-
ou le danger auquel on s'exposait lieux com- tes choses qui forment ce qu'on appelle la na-
muns qui seront traités de même, quand on vou- ture ) peuvent donner matière à quelques soup-
dra démontrer qu'on cherchait à éviter quelque çons. On en tire encore beaucoup du genre de vie,
dommage. en examinant comment, chez qui, par qui l'ac-
Si l'accusateur prétend que l'accusé, trompé cusé a été élevé et instruit; quelles sont ses liai-
dans ce qu'il a cru favorable nu contraire à ses sons, son plan de vie sa conduite, même dans
intérêts, n'en a pas moins agi d'après cette fausse son intérieur. La fortune peut aussi fournir des
opinion, le défenseur doit prouver qu'il n'est per- arguments on considère alors si l'accusé est, a
sonne assez stupide pour s'y méprendre. Accor- été, ou sera esclave ou libre, riche ou pauvre,

VIII. Atque accusalori quidcm litec fere sunt in caus strandum erit defenson neminem tanta esse stultitia qui
facienda, et consideranda. Delcnsor autem ex contrario tali in re possit veritatem ignorare. Quod si id concetïatm-,
primum impulsiunem aut nullam fuisse dicet, aut, si illud non concessum iri, ne dubitasse quidem hune, quid
fuisse concedet, extenuabit et parvulam quamdam fuisse ejus juris esset, sed id, quod falsum fuerit, sine ulla du-
demonstrabit, aut non ex ea solere hujusmodi facta nasci bitatione pro falso, quod verum, pro vero prubasse. Quod
docebit. Quo et erit in loco demonstrandum, quae vis et si dubitaverit, summx fuisse amentiae, dubiaspeimpulsum,
natura ejus sit affectionis, qua impulsus aliquid tous com- certum in periculum se committere. Quemadmodum au-
niistsse dicetur in quo et exempta, et similitudines erunt tciu accusator, quum ab aliis culpain demovebit, défendo-
liroferendœ, et ipsa diligenter natura ejus affectionis quam ris locis, utetur sic iis locis qui accusatori dati sunt, ute-
lenissime quietissimam ad partem explicanda, ut et res tur reus, qnum in alios ab se crimen volet transferre.
ipsa a facto crudcli et turbulent» ad qooddam mitius et IX. Ex persona autem conjectura capietur, si eae res,
Iranquillius tradiicatur, et oratio tamen ad aniraum ejus, qu«e personis attributae sunt, diligenter considerabnntur,
qui andiet, et ad animi quemdam intimum sensum accom- quas uinnes in primo libro exposuimus. Nam et le nomiue
iiKXIelur. nonnunquam aliquid suspicionis nascitur. Nomen autem
ltatiocinationis autem suspiciones infirmabit, si aut quum dicimns, cognomen quoque iiitelligatur oportet. De
iwmniodum nullum fuisse, aut parvum, aut aliis magis hominis enim certo et proprio vocabulo agilur ut si di-
fuisse, aut nihilo sihi magis, quam aliis, aut incommodum camus, Il ldcirco aliquem Caldum vocari quod temerario
HÎbi majus, quam coiriinoduin dicet ut nequaquam fuerit « et repentiiio consiliosit; aut si, » Ea re hominibu9
iUius «oinmodi quod expetitum dicatur, magnitudo aut « Grtecis hnpeiïtis verba dedisse, quod Clodius, aut Ca3-
cum eo Inconimodo quod acciderit, aut cum illo periculo, ft «cilius, aut Slucins, vocaretur. » Et de natura licet
quod âubeatur, comparanda qui omnes loci similiter in aliqtiantuluni ducere suscipionig. Omnia enim liaec, vir,
tncomrnodi quoque vitationc tractabuntur. an mulier; bujus an illius ci vilatis sit; quibus sit majori-
Siu accusator dixerit, enm id esse secutum, quod ei vi- bus, quibus coiisanguineis qua setate, quo aniino, quo
tum sit cominodiiin aut id fugisse, qnod putarit esse in- corpore,quse naturae sunt aUributa,ad aliquam conjectu-
luuunodiui) uuanuuam in falsa fuerit opiuionc démon- rani faciendain pertinebiint. VA ex victu limita: traliulit4ir
Illustre ou inconnu heureux ou malheureux; si vraisemblable de sa part. En effet, s'il est inutile
c'est un simple particulier, ou s'il est revêtu de de reprocher à un homme de mauvaises inten-
quelque dignité. Enfin on s'attache à tout ce que tions, quand il n'a point eu occasion de se ren-
l'on comprend sous le mot de fortune. Quant à la dre coupable l'accusation n'a guère plus de fon-
manière d'être, qui consiste dans quelque dispo- dement, si l'occasion du crime s'est présentée à
sition physique ou morale, qui ne se dément un homme dont la vertu ne s'est jamais démen-
point, comme la science, la vertu, et même leurs tie. Aussi l'accusateur doit-il s'attacher surtout
contraires; le fait lui-même, quand l'état de la à répandre de la défaveur sur la vie de celui qu'il
question est posé, montre quels soupçons peut accuse, en rappelant sa conduite passée, et à
faire naître ce lieu commun. Mais il est surtout montrer qu'il a déjà été convaincu d'un sembla-
facile de former des conjectures sur les résultats ble délit. Cela n'est-il pas possible, faites voir
que peuvent produire les affections de l'âme, qu'ilaété déjà exposé à de semblables soupçons,
comme l'amour, la colère, le chagrin. On ne sau- ou plutôt, si vous le pouvez, dites que des mo-
rait s'y tromper, puisqu'on en connaît parfaite- tifs à peu près semblables l'ont rendu coupable
ment la nature et les effets. Le goût, qui n'est d'une faute de même espèce, égale, ou plus grave
qu'une volonté fortement prononcée, une appli- ou plus légère par exemple, si en l'accusant d'a-
cation continuelle et soutenue à quelque objet, voir été entraîné par la soif de l'or, vous prouvez
fournit également, et avec non moins de facilité, qu'il a montré, dans certaine occasion, de l'avi-
des raisons favorables à la cause. Il en est de dité. On peut, dans quelque cause que ce soit,
même du dessein c'est un plan arrêté de faire fortifier le motif qui fait agir l'accusé, par des
ou de ne pas faire telle ou telle chose. Quant à la conjectures tirées de la nature, de la manière de
conduite, aux événements et aux discours, qui, vivre, des goûts, de la fortune, ou de quelqu'un
comme nous l'avons dit en traitant de la confir- des lieux qui appartiennent aux personnes; ou
mation, peuvent s'envisager sous trois points de bien, si vous ne trouvez point, dans sa conduite
vue, il est facile de trouver les conjectures qu'ils passée, des fautes semblables à celles dont vous
offrent pour confirmer les sonoçoiis. l'accusez aujourd'hui, faites naître de délits d'un
X. Voilà tout ce qui a rapport aux personnes. genre différent des préventions contre lui. L'ac-
En réunissant tous ces lieux en un seul faisceau, cusez-vous d'avoir été entraîné par la soif de
l'accusateur doit jeter de la défaveur sur l'ac- l'or; « si vous ne pouvez montrer qu'il est avare,
cusé car les causes du fait sont par elles-mêmes « prouvez qu'il est sujet à d'autres vices, et qu'il
de peu d'importance, si l'on ne jette sur l'ac- « n'est point étonnant qu'un homme vil, em-
cusé des soupçons qui rendent une telle conduite «
porté, avide, se soit rendu encore coupable

suspiciones, quum, quemadmodnm et apnd quos, eta qui- j tudinis babet, nisi animus ejus, qui insimulatur, in eam
bus educatus et eruditus sit quœritur, et quibuscum vi- suspicionemadducatur, ut a tali culpa non videatur ab-
vat, qua ratione vitae, quo more domestico vivat. Et ex horruisse. Ut enim animum alicujus improbare niliil atti-
fortuna sœpe argumentatio nascitur, quum, servus an net, quum causa, quare peccaverit, non intercessit sic
liber, pecuniosus an pauper, nobilis an ignobilis, felix an causam peccati intercedereleve est, si animus nnlli minus
infelix privatus an in potestate sit, aut fuerit, aut futii- bonestœ rationi allinis ostendilnr. Quare vitam ejus, quem
ms sit, consideratur; aut denique aliqnid eorum qiiEeri- arguit, ex ante factis accusator improbare debebit, et
Inr, q»œ foitunœ esse attiibuta inlellignntnr. Habitns ostendere, si qno in pari ante peccato convictus sil. Si id
aulem quoniam in aliqua perfecta et constanli aniini aut non poterit si quam in similem ante snspicionem venerit,
oorporis absolutione cousistit, quo in genere est virtus, ac maxime, si fieri poterit, simili aliquo in genere ejusdem
scientia, et quae contraria sunt; res ipsa, causa posita, moili causa aliqua commotum peccasse, aut in ocque magna
docebit, ecquid liic quoque locus suspicionis ostendat. re, aut in majore, aut in minore ut si, quem pecunia dicat
Nam affectionis quidem ratio perspicuam solet prae se ge- inductum fecisse, possit demonstrare aliqna in re ejus ali-
rere conjecturam, ut amor, iracundia, molestia propter- quod facUim avarum. Item in omni causa naturam, aut
ea quod et ipsorum vis intelligitur, et quae res barum victura, aut studium, aut fortunam, aut aliquid eorum, qum
aliquam rein conscqnantur, faciles cognitu sont. Studium personis atttibuta sunl, ad cam causam, qua commotum
autem quoniam est assidua et vebcinens ad aliquam rem peccasse dicet, adjungere atque ex dispari quoque genere
applicata magna cum voluntate occupalio facile ex eo culparum, si ex pari sumendi facilitas non crit, improbai-6
ducetur argnincntalio, quant res ipsadesiderabit in causa. animum adversarii oportebit « Ut, si avaritia inductum
Hem ex consilio sumetur aliqnid suspicionis. >'am consi- « arguas fecisse, et avai u m eum quem accuses démon-
linm est, aliquid fuciendi non faciendive excogitata ratio. « Btrare non pnssis aliis altinem esse vitiis doceas ft ex
Jam facta, et casus, et oraliones qui» sunt omuia ( ut in « ea renon esse îniranduni qui in illa re turpis aut cii-
confirmationis prsceeplis dictuin est) in tria tempora di- « pidus, aut pelutans fuerit, hac quoqne in re cam <fcli-
stributa, facile erit videre, ecquid afferantad conjecturai» n
qtiisse. » Quantum enim de honestate et auctoriUiie
conftrmandam suspicionis. ejus, qui argnitur, detractum est, tantutndem de facultate
X. Ac personis quidem res ea; sunt attributs, ex qui- totins est defensionis deminulum- Si nulti aflinis pnterit
biis omnibus iimuu in lociini coactis, accusatoris is rit't vitio reus ante admisso demonstrari locus induceliir ille,
inipiubaliouc liomillis uti. Nam causa facti parum lirmi I ci quem borlauili jiubces erunt, ul vclerciu famam bo-
»
du délit dont vous l'accusez. » En effet, ptuss La justification sera plus évidente encore,
vous affaiblissez l'autorité et la réputation de saa si
vous prouvez qu'il a toujours été à l'abri du
vertu, plus vous rendez sa défense diflicile. Sii soupçon sur le genre de délit dont on l'accuse;
vous nc pouvez montrer que l'accusé soit sujet àà que l'on donne l'avarice pour motif à un homme
quelqu'un de ces vices, engagez les juges à n'a- qui
n'a jamais montré la moindre avidité pour
voir aucune considération pour la réputation dont
il a joui ,jusqu'alors; car il dissimulait aupara-
les
richesses. Alors plaignez-vous avec un ton
i- d'indignation et de noblesse; montrez combien
vant, et il vient de se montrer tel qu'il est. Sail est
odieux, combien il est indigne, de suppo-
y ie antérieure ne doit donc pas justifier son action; ser qu'un homme vertueux, dont toute la vie
a
mais son action doit déposer contre sa vie anté- toujours été étrangère aux vices, ait pu se laisser
rieure. Il ne lui a manqué que le pouvoir ou l'oc- aller au crime, par les mêmes motifs qui gui-
casion de faillir. Si ce moyen même est impra-i- dent les hommes pervers et audacieux combien
ticable, dites, pour dernière ressource, qu'il n'estt il est injuste combien il est dangereux pour les
point étonnant que ce soit sa première faute il1 honnêtes gens de n'avoir, dans de telles cir-
faut bien qu'un homme pervers débute dans lee constances, aucun égard pour une vie consacrée
crime. Sa vie antérieure est-elle inconnue, sup- tout entière à la vertu, en jugeant des hommes
primez ce lieu, en exposant vos motifs, et ap- intègres sur une accusation soudaine, qu'il est
puyez tout de suite votre accusation par des rai- si si facile de supposer, plutôt que sur le témoi-
sonnements. gnage irrécusable de leur vie passée, témoignage
i
XI. Quant à ce qui concerne le défenseur, son qu'on ne peut accuser d'imposture.
premier devoir est de montrer, s'il le peut, que.e. Sa vie passée offre-t-elle quelques actions hon-
jamais son client ne s'est écarté du sentier de lai teuses.répondczqu'on s'esttrompédanslaréputa-
i
vertu il y réussira, s'il prouve qu'il a rempli tion qu'on a voulu lui faire, et rejetez-en la faute
tous les devoirs connus et ordinaires envers sess sur l'cnvic la malveillance ou l'errenr; ou bien
parents, ses proches, ses amis, ses alliés; en- attribuez les faiblesses qu'on lui reproche à l'im-
suite, qu'il s'est distingué par des actions rares ett prudence, à la nécessité, à des conseils dange-
éclatantes, en s'exposant, sans y être forcé, à de3 reux pour la jeunesse, ou à quelque passion qui
grandes fatigues, à de grands dangers, ou eni n'ait rien de criminel, ou à un défaut différent de
i
bravant ce double obstacle pour l'intérêt de la celui dont on accuse votre client, afin de le faire
patrie ou de ceux auxquels il est uni par le sang paraître, sinon innocent, du moins incapable
ou par l'amitié; enfin, qu'il n'a jamais failli; que d'un
pareil délit. Si rien ne peut justifier la bas-
jamais les passions n'ont pu l'écarter de son de- sesse ou l'infamie de sa conduite, répondez qu'il
i
voir. Si vous pouvez montrer qu'il n'a jamais eu ne s'agit point de ses mœurs et de sa conduite
la volonté de faillir, quand il le pouvait impuné- passée, mais uniquement du délit dont on l'ac-
ment, vous ajoutez un nouveau poids à cette dé- cuse, et dont il faut s'occuper sans rappeler le
li'iise. passé.

minis nihil ad rem putent peitinere. Ram cum ante celasse, Hoc autem ipsum genus erit eo finnius si eo ipso in
nunc manifesta teneri quare non oportere hanc rem ex genere, quo arguetur, integer autea fuisse demonstrabi-
superiori vita spectari, sed superiorein vitam ex hac re tur ut si, quum avaritiae causa fecisse arguatur, minime
improbari et aut potestaleui an peccandi non fuisse, aut omni in vita pecunùe cupidus fuisse doceatur. Hic illa
t
riiusam; aut, si hsec dici non polerunt, dicenduin erit magna cnm ravitale induectur indignatio, juncta con-
illud extremum, non esse miruin, si nnnc primum deli- questioni per quam miserum facinus esse, et indignuiu
querit. Sam necesse est, eum qui velit peccare, aliquandodemonstrabitur, quum animus omni in vita fucrit a vitiis
piiiiiiim delinquere. Sin vita antracla ignorabilnr, hoc remotissiinus eam causain putare, quœ hommes audaces
loco praeterito, et cur pra'tereatur, dentonstiato argutnen- in fraudem rapere soleat, castissimum quoque hominem
tis accusationem statim conlirmare opoitebil. ad peccandum potuisse iinpcUere; aut iniquum esse, et
XI. Defensor autem prinimn si poterit, debebit vilainoptimo cuique perniciosissimum, non vitam honeste actam
ejus,xiiii iiisimiilabitur,qu~~iiii
ejils,,tltii iiisiiiiiilabittir, tieition,,Ita. tali in tempore quam plurimum prodesse, sed subita ex
Iwuestissimam demonslia-
quant l~oiiestissiiiiatii
te. 1(1 frteiet si ostendet aliqua ejus nota et communiai crintinalione, quœ
conlingi quamvis facile possit, non ex
oflicia quod genus, in parentes, cognalos ainîcos, afli- anleacta vita, quae neque ad tempus lingi, neqne ullo modo
i
lies, necessarios; etiam quai magis tara eteximia sunt, si inimutari possit,
facerejudicium.
ab eo cam magno aliquo labore ant periculo aut utraqueï Sin autem in anleacta vita aliquae turpitudines erunt
ie quum necesse non esset,
ofïicii causa, aut in rempli- aut tulso venisse in eam existimationem dicentur, aut ex
blicant, aut in parentes, aut in aliquos eoi'um,qui modo) aliquornm invidia a»! obtrectatione aut falsa opinione
expositi sunt, factum aliquid esse dicet; deinde si niliil aut imprudentiae, necessitudini aut persuasioni adole-
ddiquisse, nulla cunlditute imnedituni ab olticio recessisse. sccnlii», aut alicui non nialiliosajaniini afla-tioni alliibuen-
Quod eo coulirtnatius erit, si, quum polestas impune ali- tur, aut dissimili in génère vitiorum, utanimusnonoiimimi
quid faciendi minus honeste fuisse dicetur, voluntas ei integer, sed a tali cnlpa remotus esse videatur. Ac si nullo
l&jendi demonstrabitur abluisse. modo vitie turpitudo, aut infnmia leniri poterit oratiuue
XII. Pour tirerdes soupçons de l'action même, blable. On en peut tirer des conjectures, en con-
il faut en examiner la marche dans tous les sidérant avec attention quelle est la tournure
points. De ces soupçons, les uns naissent du fait habituelle des choses plus grandes, moindres,
en particulier, les autres tout à la fois du fait et égales ou semblables. C'est à ce lieu qu'il faut
de la personne. On les tire du fait, en examinant rapporter le résultat, je veux dire ce que produit
attentivement tout ce que nous avons rapporté d'ordinaire chaque chose, comme la crainte, la
aux choses. Il est facile de voir que ce point em- joie, l'incertitude.
brasse tous les genres et presque toutes leurs Les conséquences forment le quatrième lieu que
espèces.
nous avons attribué aux choses. Elles compren-
Examinezd'abord les circonstancesinhérentes nent ce qui dépend du fait, immédiatement ou
au sujet, c'est-à-dire, qui en sont inséparables; non. C'est ici qu'il faut considérer quelle est la
et il suffit pour cela de considérer ce qui a pré- coutume, quelle est la loi, la formule d'accusa-
cédé, ce qui a donné l'espoir de réussir, quels tion, la manière de poursuivre, l'usage ou l'ha-
ont été les moyens d'exécuter, quel est le fait bitude, l'intérêt ou la haine que l'action inspire,
lui-même quelles en sont les suites.
parce que ces moyens peuvent quelquefois con-
Occupez-vous avec une égale attention des duire à des conjectures et à des soupçons.
moindres détails qui ont rapport à l'exécution
XIII. II est d'autres soupçons qui naissent tout
car ce lieu commun est le second de ceux que
à la fois et des lieux attribués aux choses, et des
nous attribuons aux choses. Il faut alors exami-
lieux attribués aux personnes; car tout ce qui
ner le lieu, le temps, l'occasion, le pouvoir
quatre pomts, dont nous avons expliqué avec concerne et la fortune, et la nature, et la manière
soin la nature et la force, en traitant de la con- de vivre, les goûts, les actions, les événements,
firmation. Aussi, pour qu'on ne puisse pas nous les discours, les intentions, enfin le physique et
reprocher de n'en point parler ici, ou de nous le moral, font partie de tout ce qui contribue à
répéter, nous allons montrer en peu de mots ce rendre un fait probable ou incroyable, et se
qui, dans chacun d'eux, doit fixer l'attention. joignent aux conjectures.
Dans le lieu, c'est la commodité; dans le temps, On doit surtout examiner dans cet état de ques-
la durée; dans l'occasion, l'opportunité; dans tion, d'abord si le délit est possible; ensuite, si
le pouvoir, l'abondance et la disposition des tout autre que l'accusé peut en être l'auteur; puis
moyens indispensables pour l'exécution, ou qui on discute la facilité qu'il a eue de le commettre,
la facilitent. point dont nous avons parlé plus haut si cette
Considérez ensuite les circonstances, c'est-à- action était de nature à causer des remords, et en
dire, ce qui est plus grand, moindre, égal ou sem- même temps quel espoir on avait de la cacher;

negare oportebit de vita ejus et moribus quœri sed de eo rerum, propter quas aliquid facilius fit, aut sine quibus
crimine, quo de arguatur; quare, ante factis omissis, omnino confici non potest, considerandaest.
illud, quod instet, agi oportere. Deinde videndum est, quid adjunetumsit negotio, hoc est
XII. Ex factoautemipsosuspicionesducentur,si totius quid majus, quid minus, quid œque magnum sit, quid si-
administratio negotii ex omnibus partibus pertentabitur mile ex quilma conjectura quaedam ducitur, si, quemad-
atque hae suspiciones partim ex negotio separatim par- modum, res majores,minores, œque magnae similesqueagi
tim comrauniter ex personis atque ex negotio proficiscen- soJcanl, diligenter considerabitur. Quo in genere eventus
tur. Ex npgotio duci poterunt, si eas res, qurc negotiis quoque videndus erit, hoc est, quid ex unaquaque re so-
attributœ snnt, diligenter considerabimus. Ex iis igiliu- in leat evenire, magnopere considerandum est; ut metus,
hanc constitutionem convenire videntur genera earum lxtitia, Litubalio.
omnia, partes generum pleraeque. Quarta autem pars era: ex iis, quas negotiis dicebamus
Videre igitur primum oportebit, quœ sint conlinenlia esse attributas, consecutio. ln ea quapruntur ea, quœ ge-
cum ipso negotio, hoc est, quae ab re separari non pos- stum negotium confestim, aut ex intervallo consequuntur.
sunt. Quo in loco satis erit dilîgenter considerare, quid In qua videbiraus ecqurc consnetudo sit, ecquae lex, ecquae
sit ante rem factum ex quo spes perficiendi nata, et fa- aclio, ecquod ejus reiartificinm sit, ant usus, aut exerci-
ciendi facultas quœsita videatur; quid in ipsa re gerenda; tatio, hominum aut approhatio, aut offensio; ex quibus
quid postea consccutum sit. nonnunquam elicilur aliquid suspicionis.
Deindc ipsius est negotii gestio pertractanda. Nam hoc XII I. Sunt autem aliquae snspicioncs, qua; communiter
genus earum rerum qua; negotio attributae sunt secundo et ex nesolioium, et ex personarum attributionibns sumun-
in loco nobis est expositum. Hoc ergo in genere spectabi- tur. Nam et ex ibrtuna et ex nalura, et ex victu studio,
tur locus, tempns, occasio, facultas quorum uniuscu- factis, casu, orationibus, consilio et ex habilu animi aut
jusque vis diligenter in confirmationis praeceptis explicata corporispleraque pertinent ad easdem res, quae reni cre-
est. Quare, ne aut hic non admonuisse, aut ne cadem dibilem, aut incredibilem facere possunt, et cum facti
iternm dixisse videamur, breviter demonstrabimus quid suspicionc junguntur.
quaque in parte considerari oporteat. In loco igitur oppor- Maxime enim qumri oportet in hac constitutione, pri-
tuuitas, lempore longinquitâs in occasione commoditas mum potuei itne aliquid fieri deinde ecquo ah alio potuerit;
ad iàcieudum idonea, in facuJtate copia et poteslas earum deinde Tacultas, de qua aiite diximus deinde utrum id fa-
enfin la nécessité qui montre si le fait ou les suites Difficile en effet, on n'aurait jamais fini de dé-
étaient inévitables. Presque tout ceci peut se velopper le pour et le contre sur chacun de ces
rapporter à l'intention que nous attribuons aux nombreux sujets, qui se modifient suivant les
personnes, comme dans la cause que nous avons circonstances. Il faut donc s'attacher à l'examen
établie. Cet abord familier dans la route, la des points dont nous avons parlé.
conversation engagée, le choix de la même au- XIV. Pour rendre l'invention plus facile, re-
berge, le souper commun, voilà pour Ics anté- venez souvent et avec soin sur la narration de
cédents la nuit et le sommeil, voilà pour le fait. votre adversaire et sur la vôtre, et en formant
Le départ de l'accusé, seul, et sans compagnon toutes les conjecturesdont chaque point est sus-
de voyage; son indifférence envers un homme ceptible, examinez pourquoi, dans quelle inten-
avec qui il voyageait comme avec son ami, son tion, avec quel espoir de réussite l'action a été
épée ensanglantée, voilà pour les suites. commise; pourquoi de telle manière plutôt que
La plupart de ces détails appartiennent à l'in- de telle autre; pourquoi par celui-ci plutôt que
tention. On examine si l'accusé avait étudié avec par celui-là; pourquoi sans complices, ou avec
soin et préparé toutes ses démarches, ou s'il a tel complice; pourquoi avec ou sans confidents
agi avec assez d'imprudence pour qu'on ne puisse ou précisément avec ceux-là; pourquoi a-t-on ou
rien soupçonner de criminel dans sa conduite. n'a-t-on pas fait telle chose avant l'action; pour-
C'est alors que l'on considère s'il ne pouvait point quoi celle-ci pendant l'action même; pourquoi
trouver quelque voie plus commode, si ce n'est celle-là après; ce qu'on a fait à dessein, ou ce qui
point l'ouvrage du hasard. Car là où l'argent, était une suite naturelle de faction; si le discours
les secours et les complices ont manqué, il ne est d'accord avec le fait ou conséquent en soi, si
parait pas qu'il y ait eu faculté d'agir. C'est ici tel signe indique plutôt ceci que cela, ou l'un et
qu'avec un peu d'attention, .on verra se réunir l'autre, ou lequel des deux; ce qu'on a fait d'inu-
les lieux relatifs aux choses et les lieux relatifs tile, ce qu'on n'a pas fait de nécessaire.
aux personnes. Après cet examen rigoureuxde toutes les parties
Il serait aussi difficile que superflu de tracer du fait, on déploiera les lieuxcommunsdont nous
ici, comme nous l'avons fait plus haut, à l'accu- avons parlé, et qu'on tenait en réserve. Tantôt
sateur et au défenseur, la marche que chacun doit séparés, tantôt réunis, ils fourniront des argu-
suivre. Superflu la question une fois posée, on ments solides, dont les uns établiront la proba-
verra facilement tout ce qui lui convient, si, en bilité les autres, la nécessité du fait. Souvent les
ne croyant pas trouver ici tous les cas prévus et tortures, les témoins, les bruits publics fortifient
développés on met un peu d'intelligence et de les conjectures; et chacune des deux parties
soin comparer sa cause avec les exemplesdonnes. doit, par les mêmes moyens, tâcher de les faire

cinus sit, quod pœnitere fuerit necesse; item quod spem liilum esltot de rebus utramque in partem singillatim de
rclandi non haberet; deinde necessitudo; in qua, num unaquaque explicare, et alias aliter hœc in utramque par-
necesse fnerit id ant fieri, aut ita fieri, qtiœritur. Quorum tem causic soient convenire. Quare considerare haec, qnre
purs ad consilium pertinel quod personis attributum est, exposuimus, oportebit.
nt in ca causa quam exposuimus. Aille rem eut, quod in XIV. Facilius autem ad inventionem animus incedet,
i'.incro se tam familiaritcr applicaverit, quud sermonis si gesti negolii et suam, et adversarii narratiouein sïcpc
anisain quœsierit, quod simul deverterit, cœnarit. In re, et diligenter perlractabît, et quod quœque pars suspicio-
um, somnns. Post rem, quod soins exierit, quod illum nis habebit, eliciens, considerabit, quare, quo consilio,
l:un familiarem comitem tam œquo tuiiino reliquerit quod qua spe perficiendi quidque factum sit; cur hoc modo pn-
crtienttim giadium habitent. tius quam nia cur ab hoc potius quam ah illo cur nulle
1 lorum pars ad coiisilhini pertinet. Quaeritur enim, iitrum adjutore, aut cur hoc; enr nemo sit conscius,autcar sil
ideatur diligenler ratio faciendi esse habita et excogitata, aut cur hic sit; cur hoc ante factum sit; cur hoc anlis
ait ita temere, ut non verisiniile sit, quemquam tam te- factnm non sit; cur hoc in ipso negotio; cur hoc post no
mere ad malefieium aceessisse. In quo qnnpritur, num quo gotium aut quid factum de indnstria, aut quid rem ipsam
alio modo œmiuodius potnerit fieri, vel a fbrluna admi- consecntum sit; constetne oratio aut cum re, aut ipsa so-
uislnuï. Nam sœpe, si pecuniaî, si adjiimenta, si adjuto- cum; hoc hujusne rei sit signum, an illius, an et hujus et
res ilesint, facultas fuisse faciendi non videttir. Hoc modo illius, et utrius potins; quid factum sit, tjuod non opor-
ei diligenter attendamus, apta inter se esse intelligiinus tuerit, aut non factum quod oportuerit.
haec, quœ negotiis, et illa, quse pcrsonis suntattributa. Quum animus hac intentioue omnes totius negotii par-
Hic neqne facile est, neqne neccssariuni distinguera tes considerabit, tum illi ipsi in médium conservati loci
nt lit supeiïoribus partibus, quo pacto quidque accusato. procedent, de quibus ante dictum est, et quum ex singu-
rem, et qaomodo defunsomn li ne lare oporteat. Non ne- lis, tum ex conjunctis argumenta certa nascentur. Quorum
ccssarium, propteiea quod, causa posita, quid iu quam- argumentorum pars probabili pars necessario in génère
que conveniat, tes ipsa docebit eos, qui non omnia bic versabitur. Accedunt autem ad coujectiiram sœpe qusestic-
ae inventuros putabunt, sed [ad ea, quœ pracepta sunt, nés, lestimonia, minores qu% contra oiniiiauterquc simili
fomparatioiiis modo] quamdam in commune inediocicm viiipraicrptoruiutorquere ad sure causa? cominoiiiim délie-
iuteiligenliam confèrent non facile nuti'in, quod et iuli- bit. Nam et ex quxstiouc suspicioncs et es tustimonio, et
tourner a son avantage; car on doit tirer des Ceslieux communs répandent dans le discours
soupçonsdela question, des témoins et des bruits beaucoup d'éclat et de variété, mais si on les em-
publics, comme de la cause, de la personne, et ploie avec mesure, et seulement quand on aura
du fait même. gagné l'auditeur par des preuves plùs convain-
Aussi, suivant nous, c'est une erreur égale de cantes car il n'est permis de traiter une ques-
penser que cette espèce de soupçons n'a nullement tion générale que lorsqu'on a développé quelque
besoin d'art, ou bien de donner pour chaque point inhérent à la cause, et pour préparer l'au-
genre une méthodeparticulière. En effet, on peut ditoire à ce qui suit, ou pour le délasser, quand
tirer des mêmes lieux toutes sortes de conjectures; on a épuisé la matière. On ne peut douter, en ef-
on peut suivre la même marche pour vérifier fet, que tout ce qui orne l'élocution tout ce qui
les dépositions arrachées par la torture, celles des donne de l'agrément et du poids à un discours
témoins, les bruits publics, et pour remonter à de la dignité au style et aux pensées, ne se rap-
leur source et dans toute cause, si une partie porte aux lieux communs. Aussi les lieux com-
des arguments tirés de la cause même y sont muns, qui appartiennent comme nous l'avons
inhérents, et ne peuvent facilement s'adapter à dit, à toutes les causes, n'appartiennent pas
toutes les causes de la même espèce, il en est également à tous les orateurs; car celui qui, par
d'autres qui s'appliquent d'une manière plus une longue habitude de la parole, n'aura pas
vague à toutes celles de lamême espèce, ou même amassé un grand fonds de pensées et d'expres-
à la plupart des causes. sions, ne pourra point leur donner les ornements
XV. Ces arguments, qui conviennent à un et la force qu'ils exigent. Ces observations peu-
grand nombre de causes, nous les appelons lieux vent s'appliquer à tous les lieux communs en
communs; car un lieu commun sert de développe- général.
ment à une chose douteuse ou certaine certaine, XVI. Pour revenir à la question de fait en
si vous voulez, par exemple montrer qu'un par- particulier, voici les lieux communs qu'elle offre
ricide est digne des plus grands supplices; il faut, ordinairement les soupçons, les bruits publics,
avant d'appuyer sur ce point, prouver le crime les témoins, les aveux arrachés par la torture,
douteuse, quand le contraire offre des raisons méritent ou ne méritent pas notre confiance,
égalementprobables; par exemple Il faut croire selon la nature et l'intérêt de la cause, et on en
aux soupçons, ou bien il ne faut pas y croire. donne les raisons. On peut avoir ou ne pas avoir
Parmi les lieux communs, les uns s'emploient égard à la conduite passée un hommedéjà cou-
pour exciter l'indignation ou la pitié, comme pable d'un tel délit, peut être ou n'être pas ca-
nous l'avonsdit plus haut; lesautres, pourappuyer pable de tel autre; il faut s'attacher surtout aux
quelque point qui offre des raisons pour et contre. motifs, ou ne point s'y arrêter. Ces lieux com-

ex rumore aliquo pari ratione, ut ex causa, et ex persona, Distinguiturautem oratio atque illustratur maxime, raro
et ex facto duci oportebit. inducendis locis communibus, et aliquo loco juin eertio-
ribus illis [auditoribus et] arguments confirmatis Nam et
Quare nobis et ii videnlur errare, qui hocgeiius suspi-
tu m conceditur commune quiddam dicere, qunm dili^enler
cionum avtilicii non pulant indigere, et ii, qui aliler hoc
aliquis proprius causa: locus traclatus est, et auditoris
de genere, ac de omni conjectura praecipiendnm putant. animus ant renovatnr ad ea, qnae restant, aut omnibus
Oiniiis enim iisdem ex locis conjectura siiinenda est nam jam dictis exsuscitatur. Omnia enim ornunienta docutio-
et ejus, qui in qusestionc aliquid dixeril, et ejus, qui in nis, in qnibus et suavitatis et gravitalis plm imum consislit,
testimonio, et ipsius rumoris causa et verilas ex iisdem et omnia, qnae in inventione verbonnn et sentautiariiin
allributionibus teperietur. Omni antem in causa pars ar- aliquid habent dignitatis, in communes locos confci uutur.
gumentorum est adjuncta ci causse solum, quac dicctur, Quare, non ut causarum, sic oratorum quoque mulloruni
et an ipsa ita ducta, ut au ca séparai.™ in omnes ejusdem conimnneslocisunt.Nani nisi ab iis, qui multa exercitationc
generis causas transferri non salis commode possit; pars
mpgnam sibi verborum et sentent.iarum copiam conipa-
antem est pervagatig)r, et aut in omnes ejusdem generis, raverint, tractari non poternnt ornate et graviter, queinad-
ant in plerasque causas accormnodata. modum natura ipsorum desiderat. Atque hoc sit nobis
XV. H.iec ergo argumenta quac transferri in multas dictum communi ter de onini genere loconiin communion».
causas possunt, locos communes nommamus. Nam locus XVI. Nunc exponcmuSjinconjecturalemconstitntioncni
tonimunisautceitœreiquamdanicontineUinplificationem: qui loci communes incidere soleant suspicïonibuseredi
ut si quis linc velit osteuderc eum qui parentem necarit, oportere, et non oportere; rumorihus credi oportere, et
maxiino supplicio esse tlignnm quo loco, nisi perorata et non oportere; testibus credi oportere, et non oportrre;
prohata causa, non est utendum aut dubiœ, qiue ex quastionibus credi oportere, et non oportere; vitam an-
contrario quoqno babcat probabiles rationes argumcnlan- Icactam speclari oportere et non oportere; ejusdem esse,
di ut, suspicionibuscrcdi oportere, et contra suspicio- qui in illa re peewirit, et hoc quoque adinisisse, et non
nibus credi non oportere. Ac pars lurorom comnniniiim esse ejusdem; maxime speclavi causam oportere, et non
|M_'rindignatîonem,autperconquestioneniiiiiluc,iLiii-,dequi- oportere. Atque bi qnideni et si qui ejusmodi ex proprio
bu* anle ilirtnm est pars per aliquain probabilein utraque argumento connnuiies loci nascentur, in contrarias paru*
en parte le ralioiii'iu. deduiTjltur.
mnns et tous les autres semblables, qui naissent 1 fense « Je ne suis point coupable de lèsc-
du fond du sujet, peuvent s'employer pour et majesté. question La « Est-il coupable de
contre. « lèse-majesté? » La preuve « J'ai usé de
Mais il y a des lieux propres à l'accusateur, « l'autorité que j'avais sur mon fils. La réfuta-
»
comme celui qui exagère l'atrocité du fait, et tion –
« Mais celui qui se sert de l'autorité pa-
celui qui nous défend la pitié pour les méchants. « ternelle, c'est-à-dire, d'une autorité privée,
11 y en a de propres au défenseur, comme celui la puissance tribunitienne, c'est-à-dire,
« contre
qui excite l'indignation en dévoilant la mauvaise contre l'autorité du peuple, est coupable de
foi de l'accusateur,et qui cherche par les plaintes « lèse-majesté. Le point à juger – Est-il
«
à exciter la compassion. On suit, à l'égard de « coupable de lèse-majesté, celui qui emploie
ces lieux communs et de tous les autres, les « contre un tribun l'autorité paternelle ? » C'est à
mêmes règles que pour toutes les autres espèces cela qu'il faut rapporter tous vos raisonnements.
de raisonnements. Mais ceux-ci exigent plus d'art Mais qu'on n'aille pas s'imaginer que nous ne
et de finesse, et en même temps plus de simpli- voyons pas d'autre question dans cette cause.
cité les autres, plus de force, plus d'ornements, ^ous n'envisageonsici que le point qui nous oc-
plus de pompe dans le style et dans les pensées. cupe mais lorsque, dans ce livre, nous aurons
Car les uns n'ont d'autre but que de prouver; développé chaque partie, il sera facile, avec un
les autres, quoiqu'ils servent aussi à prouver, peu d'attention, de trouver, dans quelque cause
ont ponr but l'amplification. Passons maintenant que ce soit, toutes les questions, toutes leurs par-
à un autre état de cause. ties et tous les points de discussion qui s'y ren-
XVII. La discussion porte-t-elle sur les mots contrent car nous ne voulons rien omettre.
comme il faut les définir, c'est une question de Le premier lieu de l'accusateur est donc la dé-
définition. Prenons pour exemple la cause sui- finition courte, claire et conforme à l'opinion
vante « Le consul C. Flaminius qui, pendant générale du mot dont on cherche la valeur; par
« la seconde guerre Punique, mit la république exemple « C'est se rendre coupable de lèse-
« dans un si grand danger, était tribun du peuple, « majesté que d'attenter à la majesté, ou à la
« lorsque, malgré le sénat, malgré l'opposition « grandeur, ou à la puissance du peuple, ou de
« de tous les bons citoyens, il porta les Romains < ceux que le peuple a revêtus de son autorité. »
« à se soulever, en
leur proposant la loi agraire. Fortitiez cette courte exposition de raisons bien
«
Son père vient l'arracher de la tribune où il développées, et montrez-en la justesse. Prouvez
« présidait l'assemblée du peuple. Il est accuse de ensuite qu'elle s'applique parfaitementà l'action
••
lèse-majesté.» Voici l'accusation Vous êtes de l'accusé, et que, suivant la définition que
« coupable de lèse-majesté vous avez arraché vous avez donnée du délit, votre adversaire est
de la tribune un magistrat du peuple. » La dé- coupable de lèse-majesté; appuyez-vous alors

Certus autem locus est accusatoris, per quem auget « tribunitiam [potestatem], hoc est, populi potestatem
facti atrocitatem; et alter, per quem negat malorum mise- « infirmat, minuit is majestatem. » Judicatio est, « Mi-
reri oportere: defensoris, per quem calumnia accusatonim « nnatne is majestatem, qui in tribunitiam potestatem
cum indignatione ostenditur; et per quem cum conquestione « patria potestate utatur. m Ad hanc jndicationem argu-
misericordia captatur. Ili, et ceteri omises loci communes, mentationes omnes aflerri oportebit.
ex iisdem praeceptis sumuntur, quibus ceterœ argumenta- Ae ne quis forte arbitretur, nos non iiitelligere, aliam
liones sed illîfî tcuuius, et acutius, et subtilius tractantur
hi autem gravius, et ornalius et quum verbis, tum etiam qunque incidere constitutionem in banc causam; cam nos
partem solam sumimus, in quam prœcepta nobis danda
sententiis excellenlilras. ln illis enim finis est, ut id, quod
sunt. Omnibus autem partibns hoc in libre explicatis,
dicitnr, verum esse videatur; in his, tametsi hoc qnoqne qnivis omni in causa. si diligenter attendet, omnes vide-
videri oportet, lamen finis est amplitudo. Nunc ad aliam 1bit constituliones, et
constitutionemtranseamus. eamm partes, et comroversias, si
quae
( forte in eas incident. Nam de omnibus perscribemus.
X\'1I. Quum est nominis controversia, quia vis voca-
buli definienda verbis est, constitutio definitiva dicitur. Primus ergo accusatoris locus est, ejus nominis, cujus
Ejus generis exemplo nobis posita sit licec causa « C. de vi quaeritur, brevis, et aperta, et ex bominum opinione
Flamiuius is, qui consul rempublicam male gessit bcllo definilio,
<
hoc modo « Majestatem minuere est de digui-
«
“ Punico secundo, quum tribunus plebisesset, imitose- « tate, aut amplitudiue, aut potestate populi, aut eorum,
« natu, et omnino contra voluntatem omnium optimatum iI IHoc « quibus populus potestatem dedit, aliquid derogare. w
persedilioneniadpopulumlegcinagrariamferebat.IIimcI 1 sic breviter expositum, pluribus verbis est et ratio-
concîliuin plebis babentern de templo dedu- nibus confirmandum,et ila esse, ut descripseris, osten-
« pater suus
i
« xit arcessitur majestatis. » Intentio est, « Majcstatcm ilcndmn.
(
<
Postea ad id, qnod dcfuiieris, factum ejus, qui
« minuisti, quod tribunum plebis de lemplo rieduxisti. » accusabitur, adjungere oportcbit, et ex en, qnod ostenderis
<
Bespulsio est, « Non minui majestatem. » Quœstio est esse, verbi causa, majestalem minuere, docere, adversa-
<

habeham polestalem,eaus\issum.»Rationis infirmalio,


i
Majestatem ne minuerit. » Ratio « In filium enim quaui riuin majestatem minuisse, et hnnc locum totum commun'
loco coufirmare per quem ipsius facti atrocitas, aut in-
At chim, (lui patria potestatc, hoc est, prjvata quadam, dignitas, aut omnino culpa cum indignatione augealur.
d'un lieu commun qui excite l'indignation de « coupable de lèse-majesté que de se mêler de
l'auditoire, en exagérant l'atrocité ou l'indignité n l'administration de
l'État, quand on n'en a pas
de l'action. « reçu
le pouvoir. » Ensuite on appuie cette défi-
Il faut ensuite réfuter la définition de l'adver- nition de raisons et d'exemples, puis ou prouve
saire vous la réfuterez en prouvant qu'elle est combien elle convient peu au fait dont il s'agit.
fausse. Vous citerez comme autorité l'opinion Enfin, un lieu commun développe l'utilité ou
générale, en considérant de quelle manière et l'honnêteté de l'action.
dans quel sens, soit en parlant, soit en écrivant, Vient ensuite la réfutation de la définition
on emploie ordinairement ce mot. Vous la réfu- adoptée par l'adversaire qui se tire de tous les
terez encore en montrant qu'il serait aussi hon- lieux que nous avons indiqués à l'accusateur.
teux que dangereux de l'admettre; en faisant Tout le reste est également semblable, excepté
voir quelles en seraient les funestes conséquences; le dernier lieu commun; car le défenseur doit
et vous avez ici les lieux de l'honneur et de l'in- s'indigner que pour le mettre en danger, l'accu-
térêt, que nous développeronsen nous occupant sateur ne se contente point de dénaturer les faits;
des préceptes qui se rapportent au genre délibé- et s'efforce encore à changer les mots. Les lieux
ratif. Vous pouvez aussi comparer votre défini- communs, qui montrent la perfidie de l'accusa-
tion à celle de votre adversaire; montrer que la teur, qui excitent la pitié, l'indignation, et ceux
vôtre est vraie, honnête, utile, et que la sienne qui nous mettent en garde contre la pitié, se ti-
est tout le contraire. Cherchez ensuite dans des rent de la grandeur du danger et non du genre
causes d'une importance supérieure, ou du moins de la cause. Aussi, s'ils ne s'offrent point dans
égale à celle de la vôtre, des exemples dont le toutes les causes, ils s'offrent dans des causes de
rapport avec elle puisse étayer votre définition. toute espèce. Nous en avons déjà parlé dans l'état
XVllI. Avez-vous plusieurs choses à définir, de cause nommé conjectural, ou question de fait.
comme lorsqu'il s'agit de savoir « Si celui qui Quant à l'induction, nous nous eu servirons si la
«
dérobe chez un particulier des vases sacrés, cause le demande.
est voleur ou sacrilége; » employez plusieurs XIX. Si l'accusateur n'a pas droit d'intenter
définitions, et suivez pour le reste de votre cause son action si elle ne tombe pas sur le coupable,
la marche que nous venons d'indiquer. La per- si le tribunal, le temps, la loi, l'accusation, la
versité du coupable, qui s'arroge un pouvoir égal peine, offrent quelque irrégularité comme il faut
et sur les choses et sur les mots, pour faire ce que lacause soit changée et portée devant un autre
qui lui plaît, et donner à ses actions le nom qui tribunal, ou l'appelle question de récusation,
lui convient, vous offre un autre lieu commun. Il est inutile de donner des exemples de chaque
Le premier lieu du défenseur est aussi la défi- genre de récusation; ils nous entraîneraienttrop
nition du mot, courte, claire et conforme à l'o- loin, d'autant plus que la méthode est toujours la
pinion générale; par exemple « C'est se rendre même. D'ailleurs plus d'un motif empêche que

Post erit infirmanda adversariorum descriptio. Ea au- » testatem non habeas, administrais. Deinde bujus con-
tem iufirmabitur, si falsa demonslrabitur. Hoc ex opinione firmatio similibus et exemplis, et rationibus. Postea sui
hominum sumetur, quum, quemadmodum, et quibus in facti ab illa definitione separatio. Deinde locus communis,
rébus homines in ennsuetudinescribendi, aut sermodnandi per quem facti ntilitas, aut lioncstas adaugelur.
eo verbo uti soleant, considerabitur. Item frilirmabitur, si Deinde sequitur adversariorum delinitionis reprehensio,
iiirpis aut inutilis esse ostendetur ejus descriptionis ap- quœ iisdem ex locis omnibus, quos accusatori praoscri-
probatio, et si, qua; incommoda consecutitra sint, eo con- psimus,conficilur;et cetera post eadem prêter communem
cesso, ostendetur; id autem ex honestatis et utilitatis locum inducentur. Locus autem communis erit defensoris
partibus sumetur, de quibus in deliberationis praeceptis is, per quem indignabitur, accusatorem sui periculi causa
exponemus et si cum defiuitione nostra adversariorum non res solum converlerc verum etiam verba commulare
deiinitionem conferemus et nostram, veram, honestam, conari. Nam illi quidem communes loci, qui aut calumniœ
utilem esse demonstrabimiis illorum, contra. Quœremus accusatnrum demonstrandœ aut misericordia? captandœ,
autem res, aut majori, aut pari in negotio similes, ex aut facti indiguandi, aut a misericordia deterrendi causa
quibus affirmetur nostra descriptio. sumuntur, ex periculi magnitudine, non ex cause genere
XVIII. Jam si res pluies ernnt defiuiendaR ni, si qurcra- dncuntur. Quare non in iimnem causam, sed in omne
ttir, « Fur sit, an sacrik'gus, qui vasa ex privalo sacra sur- causas geuus incidunt. Eorum mcntionem in conjecturait
« ripiierit erit utendum pluribus definitionibus; deinde constitutione fecimus. Inductiouc autem, quum causa po-
simili ratione causa tractanda. Lochs autem commnnis in stulabit, utemur.
ejus malitiam qui non modo rerum, verum etiam verbo. XIX. Quum autem actio translatiouisaut commutationis
rum potestatem sibi arrogare concUir, nt et faciat quod indigere videtur, quod non ant is agit, quem oportet, aut
velil, et id. quod fecerit, quo velit nomine appellet. cum eo, quicum oportet, aut apud qnos, qua lege, qua
Deinde defensnris primus locus est, item nominis brevis, pœna, quo crimine, quo teinpore oportet, constitutio
et aperta, et ex opinione hominum descriptio, hoc modo translaliva appellatur. Hnjus nobis exemptapermulta opus
« Ma^estatem minuere est aliqiiid de republica, qunni \m- stmt, si singula Iranslutionum genera quaTamus sed
m
dans nos coutumes cet état de question se présente I question de fait, en se justifiant sur tous les
la
souvent; car les édits de nos préteurs admettent autres
a chefs dont on l'accuse.
plusieurs fins de non-recevoir; et suivant notre XX. Prenons pour exemple de récusation,
droit civil on perd sa cause quand on ne suit pas dans
c la cause, le fait suivant « Des gens armés,
les formes prescrites. Aussi la plupart des récu- « venus pour
faire une violence illégale, furent
sations se font-ellesdevant le préteur; car c'est «
repoussés par d'autres gens armés, et un che-
à lui que s'adressent Ics demandes de fin de non- « valier romain, en se
défendant, eut la main
recevoir; c'est lui qui donne, en quelque sorte, «
coupée par un des agresseurs. Le blessé intente
le pouvoir d'intenter une action, et qui règle la «« une accusation de voies de fait. L'accusé de-
forme à suivre dans les affaires particulières. «»
mande au préteur qu'on ajoute cctte restriction
Les récusations ont donc rarement lieu devant <
« MOINS QUE CE NE SOIT NUIRE A UN HOMME
A

les tribunaux et même, quand cela se rencontre «• ACCUSÉ nE CRIME CAPITAL. L'accusateur veut
elles sont ordinairement peu fondées, et il faut, « un jugement simple; l'accusé exige qu'on y
pour les appuyer, y joindre quelque autre état de ajoute cette restriction. Faut-il admettre
question. Je citerai cet exemple Dans une ac-
cusation d'empoisonnemeut,la cause présentée
« ou non la restriction? » voilà la question.
« ne faut point, dans une cause portée devant
11

«
« comme
parricide et inscrite hors de son rang, de simples commissaires, prononcer d'abord
les dépositions des témoins et lcs arguments de « sur un
crime qui regarde le tribunal chargé
«
l'accusateur chargent le coupable de différents des assassinats. » Voilà la raison.
« Voici la
parricide: il réponse «Les voies de fait sont telles, qu'il serait
• délits, et ne font que mentionner le
«
faut alors que le défenseur insiste vivement et indigne de ne pas prononcer le plus tôt possible
<•

« longtemps sur ce point. Si l'on n'a pas prouvé « un


jugement. » Le point à juger est donc « La
le meurtre du père, c'est une injustice criante gravité des voies de fait est-elle une raison suf-
que d'infliger le châtiment des parricides; ce « lisante pour qu'on prononce, tandis qu'il ne
•< qui doit nécessairement arriver si nous sommes « s'agit encore que de cette cause, sur un délit
« condamnés puisque la cause est inscrite hors plus grave, dont le jugement appartient à un
de son rang comme parricide. S'il est injuste « autre tribunal ? » Voilà pour cet exemple. Mais
«
d'infliger cette peine à l'accusé, il est également les deux parties doivent, dans toute cause, cher-
« injuste
de le condamner, puisque sa condamna- cher par qui avec qui, de quelle manière et daus
« tion entraîne nécessairement cette
Le
peine. quel temps il faut intenter l'action ou porter le
défenseur, en demandant par la récusation le1jugement.
changement de la peine, détruira toute l'accu- Vous devez ici avoir recours au droit dont nous
sation et de plus, il appuiera sa récusation par parlerons plus bas, et montrer, par vos raison-

quia ratio praceptorum similis est, excmplorum mnltitu- mmibiis defendendis conjecturali constilulione tran^ialio-
dine supersedendum est. Alque in nostra quiilem connue- ncm confirmabit.
tudinc imdtis de causis fil, ut rarius încidaiit translations. XX. Exemplnm autem translationis in causa nobis po-
Nam et pra?toiïis exceplionibns nmllri? exduduntur actio- situin sit Inijusmodi « Quum adviin faciendam quidam
nes, et ita jus civile babemus conslitutuin lit causa cadat « armati venissent, arraali contra presto fuerunt, et cui-
is, qui non qnemadinoduni oportet egerit. Quare in jure
plei unique versantur. lui enim et exceptiones postulantur. « dam equiti romano, quidam ex armatis, resisteuti, gla-
« dio manum prircidit. Agit is, cui manus prœcisa est,
et qiiodammodo agendi potestas datur, et omnis conceptio
piivaloruni judicioruin coitslituitur. ]n ipsis autem judioiis « injuriarum. Postulat is, quicum agitur, a praîlore ex-
rarius incidunt, et tamen si qoando incident, ejusmodi « ccptioncm, EXTRA QUAM in reum CAPITIS pR^juniciuMiïat.
« Hic is, qui agit, judicium purum postulat ille, qnicnin
sunl, ut per se minus luibcant lirmiludinis, confirmentur
aulcm assumta alia aliqua constitutiune ut in quodam « agitnr, exceptionem addi ait oportere. » – Quaestio est,
judicio, « Qunm vonelici cnjiisdain nomen esset delatura, « Excipiendum sit, an non. » – Ratio, Non enim opor-
« Ict, in recuperatorio judicio, ejus inaleficii, de qno
« cl, quia panicidii causa subscripta esset, extra ordinem
« esset aeceptum qiuini in accusatione alia qujedani cri- « inler sicarios quœritur, pra'judicium fieri. » – Infir-
malin rationis, « Ejusmodi sunt injuria?, ut de lus indi-
« mina lestibus et argumonlis conlirmarentur, parricidii
« autem soliini mentio facla esset; delcnsor in boc ipso
« gntini sit non primo quoque tempore judicari. »
Jndicatio,« Atrocitas injuriarum satisne causai sil, quare,

«< muitiim oportet et diu consistât quuni de nece parentis
nibildenioiiâtratuinsit, inilignuinTacinus esse, eapœna « dum deea jutlicetur, dealiquo majore malelicio, de quo
«
« jiidkiiun comparatiim
sit, priTJudicetur. » Atque excin-
ciiin, qua pairicidœalu'ciuntur; id autem, si
afficere
plurn (iiiiilcm lioc est. In omni aulcni causa ah utroque
i< damnetur, licri neeesse esse, quoniain et id causas sub- qiiacri opoilebit, a quo, et per quos, et qnomodo, et quo
« eciipluni, et ex ea rc tionteu extra ordinem sit ac-
tempère aut agi, aut judicari, aut quid statui de ea re
« ceptum. Ea igitur puma
si ai'lici réuni non oporleat,
conveniat.
«
damuari (pioquc non oporlere, quonitmi ea pœna dam-
« nationem nocessario consequatiir. » Hic dofensor, pflenae Id ex partibus juris, de quibus post direndum est,
«.onimiitiilionern ex translalivo f^encre induccnilo tutam suniiopoiti'bil, el latiocinari quid in siniililius reluis licri
ûiHrnuiltit acni^atioii"in. Vcriinitaniea ccti-ris quoque tri- solcat cl vidvrc utiuin malijia uliud agatur, aliud simu-
nements, ce qu'il faut faire en pareille circons- Les biens sur lesquels celui dont nous sommes
tance distinguer si, par malice on n'a pas sous agnats n'a pas fait de testament, nous appar-
une fausse accusation caché la véritable si c'est « tiennent. » On leur
répond Non, c'est à
pur sottise ou par nécessité, dans l'impossibilité « nous, qui, par le testament
du père, sommes
d'agir autrement, ou pour rendre son action plus « les seconds héritiers. » La question est de sa-
facile, qu'on asuivi cette marchedans le jugement voir « à qui ils appartiennent. » Voici la raison
ou l'accusation; enfin, si l'on n'a commis au- des héritiers « Le père a fait son testament et
cune erreur. Un lieu commun contre celui qui « pour lui et pour son fils encore mineur. Ainsi
.écusc, c'est qu'il cherche à éviter le jugement « le testament du père nous donne nécessaire-

et la punition, parce qu'il se défie de sa cause. « ment les biens du fils. » On les réfute en di-
Il peut se défendre en montrant que tout ordre sant « Le père n'a fait d'autre testament que
sera bouleversé, si l'on ne suit point, dans les « le sien. C'est à lui et non pas à son fils qu'il
procès et les jugements, la marche tracée par la « a nommé des seconds héritiers. Ainsi son tes-
'loi; si l'on souffre qu'un homme, sans aucun tament ne peut vous donner que ce qui lui ap-
droit, intente une action suivant un mode ou « partenait à lui-même. » Le point à juger est
dans un temps illégal; que c'est vouloir confondre « Peut-on tester pour un fils mineur, ou les se-
tous les tribunaux et tous les délits. Voilà comme « conds héritiers du père doivent-ils ne pas hériter
on peut traiter ces trois questions, qui n'ont point aussi du fils mineur? » Pour ne point oublier
de parties. Examinons maintenant la question de ou répéter sans cesse une observation générale,
genre et ses différentesdivisions. il me semble à propos de dire ici qu'une question
XXI. Le fait et le nom qu'on lui donne, une simple peut offrir plusieurs raisons différentes
fois convenus, quand la forme de l'accusation ce qui arrive si, comme dans la cause dont nous
n'offre aucun point de discussion, on examine parlons, on a plusieurs moyens pour justifier ou
In valeur, la nature et le caractère du fait c'est rendre probable le fait ou le droit qu'on défend.
ce qu'on appelle question de genre. Nous la di- Supposons que les héritiers allèguent pour raison
visons d'abord, comme nous l'avons dit, en deux que « des causes différentes ne peuvent donner
parties, matérielle et juridiciaire. Elle est maté- <
des droits sur le même héritage, et qu'il h'ar-
rielle, quand la discussion du droit porte sur le « rive jamais que la loi et un testament nom-
fait même. Par exemple Un homme a nommé « ment
deux héritiers différents du même bien »
« pour son
héritier un mineur; le mineur est on peut leur répondre « que l'héritage n'est point
« mort avant d'avoir atteint sa majorité. Les « un,
puisqu'une partie des biens était venue
« héritiers substitués du père et les agnats du « accidentellement au mineur, et que, s'il lui ve-

«
mineur se disputent la succession échue au mi- « naît quelque chose, le testament n'en désigne
Les héritiers substitués sont en posses- « point
les héritiers; que, pour le reste des biens,
« neur.
« sion.
» Les agnats les attaquent, en disant »
la volonté du père mort, qui au décès du mi-

Ictur, an stnltilia, an necessitudine, quod alio modo agi « quais, cujusagnatisumus, (esla lus non est.» Depulsio est:
non possit, an occasione agendi sic sit judicinm aut ac- « Imo nostra, qui heredes secundi testamento patris su-
tio constituai an recte sine ulla reejusmodi res agatur. « mus. » Quœstio est « Utrorum sit. » Ratio est « Pater
Locus autem communis contra eum, qui tianslationem h eniruet sibi,etfilioLe.stainentum scripsit, dum is pupillus
iiiJucet, Insère judicium ac pœnam, quia causai diftïdat. esset. Quare, quae filii fuerunt, testamento patris nostra
A translatione autem omnium fore perturbationem, si « fiant necesse est.» Inlhmalio est rationis: « Imopater sibl

non ita tes agantnr, et in judicium veinant, que pacto « scripsit, et secundum lieredem non <ilio,sed sibi jussit
oporteal hoc est, si aut cum eo agatur, quicum non « esse. Quare, prœterquam quod ipsius fuit testamento
oporteat, aut alia pœna, alio crimine, alio tempore; atque « illius vestrum esse non potest. » Judicatio: « Possitne
hanc rationcinad perturbationemjudiciorum omnium per- quisquam defilii pupilli retestarijanlieredessecundi, ip-
tinere. Tres igitur eœ constitutiones, quœ partes non lia- K sius patrisfamilias, non filii quoqueejns pupilli heredes
ïrent, ad hune modum traclabuntur. JNunc generalem < sint. » Atque hoc non alienum est, quod ad multa
constitutionem, et partes ejus consideremus. pertineat, ne aut nusquam, aut usquequaquedicatui1, hic
XXI. Quum et facto, et facti nomine concesso, nequeadmonere. Sunt causx, qua3 plures habentratiunes in sim-
ulla actionis illata controversia, vis et natura, et geuus• pliei eonslilutione quod lit, quum id quod factum est,
negotii ipsius qiueritur constitutionem generalem appel- aut quod defenditur, pluribus de causis rectum, aut pro-
iamus. llujus primas esse partes duas nobis videri dixi- babile videri potest, ut in bac ipsa causa. Supponatur
nius, negotialem, et juridicialem. Negotialis est, quae enim ab heredibus liax ratio « Uniusenim pecuniœ plu-
in ipso negoliojuris civilis habet implieatamcontroversiam. « res, dissimilibus de causis, heredes esse non possunt;
Ea est hujusmodi a Quidam pupillum heredem fecit I r, nec unquam lactum est, ut ejusdem pétunia: alius te-
,i
pupillus autem ante morluus est, quam in suam tutelam « stamento, alius lege hères esset; » inlirmalio haec erit:
«
venisset. De hereditate ea, quae pupillo venit, inter eos, Non est una pecunia propterea, quod allera jam erat
«
qui patris pupilli heredes secundi sunt, et inter agnatos « pupilli adventitia; cujus hères non, illo tempère, testa-
pupilli controversia est. Possessio heredum seciindorum » mento quisquam seriptus erat, si quid pupillo accidisset
«
«
est. » Intrulio est agnatorum « Sustra peennia est, île et de allera, patris otium nunc inoilni voliintas pliai-
ncur, les donnait à ceux qu'il choisissait pour vénération que nous donnonsà l'âge à la sagesse,
héritiers, avait la plus grande validité. » aux honneurs ou aux dignités. Par la vérité nous
tâchons que rien, dans le passé, le présent et
« L'héritage est-il un? » voilà le point à juger;
l'avenir, ne démente ce que nous avons affirmé.
et si l'on accorde que des causes différentes
Il est rare que, dans une cause de cette espèce,
peuvent donner des droits à un même héritage, »
ait recours aux droits naturels, dont le droit
il faudra encore décider si des branches dif- on
civil s'occupe peu, et qui ne sont point à la por-
férentes peuvent avoir les mêmes droits sur le
« tée du vulgaire. Cependant on peut les employer,
mêmehéritage. »
en plusieurs circonstances, dans la similitude ou
XXII. Ainsi vous voyez que dans une seule dans l'amplification.
question il peut se rencontrer plusieurs raisons, On appelle droit fondé sur la coutume, tout ce
plusieurs manières de les réfuter, et plusieurs que le temps a consacré, du consentementuni-
points à juger. Voyons maintenant les règles de versel, sans l'autorisation de la loi. La loi même
cette question. Les deux parties ou toutes, s'il contient plusieurs droits établis parletemps. Un
s'en rencontre plus de deux, doivent examiner grand nombre et même la plupart se trouvent
ce qui constitue le droit. Il est puisé dans la na- renfermés dans les édits des préteurs. D'autres
ture. L'utilité plus ou moins évidente de certai- espèces de droit, au contraire, sont fondées sur
nes choses les a fait passer en usage une fois la coutume, comme un contrat, l'équité, les ju-
leur utilité démontrée par l'évidence ou par l'ex- gements antérieurs. Un contrat est un traité en-
périence, la loi les a confirmées. Il est un droit tre différents individus, qu'on regarde comme
naturel qui n'est point fondé sur l'opinion, mais si juste, qu'il est de droit de l'exécuter. L'é-
sur un sentiment inné, comme la religion, la quité donne un droit égal à tous. Un jugement
piété, la reconnaissance, la vengeance, le respect antérieur est la décision déjà rendue par une ou
ou la vérité. La crainte des dieux et les céré- plusieurs autorités. La loi nous fait connaître les
monies de leur culte constituent la religion. La droits légaux. 11 faut donc examiner tout ce que
piété est le sentiment qui nous avertit de nos de- ces différentes parties du droit pourront vous
voirsenverslapatrie, nos parents, ceux qui nous fournir, ou dans le fait même ou dans une affaire
appartiennent par le sang. La reconnaissance semblable, ou dans une plus ou moins impor-
consiste dans les égards qu'inspirent le souvenir tante, et fouiller pour ainsi dire chacune d'elles
des bienfaits, des honneurs et de l'amitié et le pour en tirer ce qui peut servir notre cause. Pour
désir d'y répondre. La vengeance punit ou re- les lieux communs, qui forment, comme nous
pousse la violence, ou l'affront fait à nous ou à l'avons dit plus haut, deux espèces, dont l'une
ceux que nous devons chérir et c'est aussi par développe les choses douteuses, et l'autre les cho-
elle que nous punissons les crimes. On entend ses certaines, voyez ce qu'ils fournissent de se-
par le respect, les marques de déférence et de cours à votre cause, ce que vous pouvez, ce que

« mnm valebat, quis jam mortuo pupillo suia hcrcdibus aut ulciscendo, prupulsamus a nobis; et a nostris, qui
«
concedehat. » nobis esse cari debent, et per quam peccata punimus;
Jiulicalio est « Unane pecuuia fuerit » ac, si hac erunt observantiam per quam œtate, aut sapientia, aut honore,
usi infirmalione « Posse plures esse unius pecuniœ he- aut aliqua dignitate antecedentes\cremur et colimus; ve-
« redes
dissimilibus de causis; » de eo ipso judicatio na- ritatem, per quam damus operam, ne quid aliter, quam
scitnr « Possintne cjusdem pecuniae plures dissimilibiis confirmaverimus, fiat aut factum aut futurum sit. Ac
« generibus esse heredes. » naturae quidem jura minus ipsa quaruntur ad banc con-
XXII. Ergo una in constitutione intellectnm est, qno- troversiam, quod neque in hoc civili jure versantur, et
modo et rationes, et rationum infirmationes et prœterea a vulgari intelligentia remotiora sunt ad similitudinem
jurlicationes plures fiant. Nunc twjus generis praecepta vero aliquam, aut ad rem amplificandam saepe sunt in-
videamus. Utrisque, aut etiam omnibus, si pltires ambi- ferenda.
gent,jus ex quibus rebus constet, est considcrandnm. Consuetudinis autem jus esse putatur id, quod volun-
Initium ergo ejus ab natura ductuin videtur; quœdam tate omnium sine lege vetustas comprobarit. ïn ea autem
autem ex utilitatis ratione aut perspicua nobis, aut obs- jura sunt quaedam ipsajam certa propter vetustatein. Quo
cura, in consueludinem venisse; post autem approbala in génère et alia sunt multa, et eorum multo maxima pars,
qurcdam aut a consnetudine ant a vero ulilia visa, legi- quae praHores edicere consuerunt. Qusedam autem genera
bus esse iirmata ac naturœ quidem jus esse, qnod no- juris jam certa consuetudine facta sunt quod genus pa-
his non opinio, sed quredam innata vis afferat, ut reli- ctum, par, judicatum. Pactuin est, quod inter aliquos con-
gionem, pietatem, vindicationem, observantiam, verita- veuit, quod jam ita justum putatur, ut jure praestari dica-
tem. Religioneiu, eam, qua; ininelu etcœrimonia deorum tur. Par, quod in omnes aequabile est. Judicatum, de quo
sil, appellant; pietatem, quae erga patriam, aut parentes, jam ante sententia alieujus, aut aliquorum constitutum
aut alios sanguiue conjunctos officium conservare moneat; est. Jam jura legitima ex legibus cognosci oportebit. His
graliam quae in memoria et reniuneratione ofliciorum ergo ex partibus juris, quidquid aut ex ipsa re, aut ex si-
et honoris, et amicitiarum observantiam teneat; vindira- mili, aut ex majore minoreve nasci vidcbitur, attendere
tionem, per quam, vim, et contumelimn, tlelendendo, atque elicere pertentando îinamquamque partem juris
vousdevez développer en lieucommun. Onnepeut « de la Grèce. » Le point juger est de savoir, si
en établir qui conviennentà tous les sujets; mais «
des Grecsqui, pourimmortaliser leurs exploits,
il est peu de causes dans lesquelles on ne puisse «
élèvent un monument éternel des discordes de
attaquer ou défendre l'autorité des jurisconsul- « la
Grèce, font bien ou mal. » Nous ne donnons
tes. Examinez surtout quels sont, outre ceux que cette raison que pour faire bien connaître le genre
nous avons indiqués, les lieux communs que de cause qui nous occupe; car si nous répondions,
vous offre la cause même. Passons maintenant au comme ils le firent sans doute Votre guerre
genre juridiciaire et à ses différentes parties. «
était impie et criminelle, ce serait une récri-
XXIII. La question juridiciaire discute le mination, et nous n'en sommes point encore à ce
droit ou le tort, décide si l'on mérite peine ou sujet. Il est évident que ces deux questions se
récompense. Elle se divise en question absolue et rencontrent dans cette cause, et que, pour celle-
en question accessoire. Absolue, quand elle ci, on puise des raisonnements dans les mêmes
renferme en elle-même, non pas implicitement lieux que pour une question matérielle. Quant
comme la question matérielle, mais d'une ma- aux lieux communs, la cause elle-même, si elle
nière évidente, l'examen du juste et de l'injuste. est susceptible d'exciter la pitié ou l'indignation,
Prenonsl'exemplesuivant: « Les Thébains, vain- la nature et l'utilité du droit vous en fourniront
« queurs de Sparte, avaient élevé un trophée un grand nombre de solides, que vous pourrez,
«
d'airain, suivant l'usage des Grecs, qui, dans que vous devrez même employer, si la dignité du
« leurs guerres
particulières, érigeaient un tro- sujet vous semble t'exiger.
. pliée sur les frontières, après la victoire, plutôt XXIV. Examinons maintenant la question ju-
pour la constater dans le moment même, que ridiciaire accessoire. La question juridiciaire
« pour perpétuer le souvenir de la guerre. » On les est accessoire, quand les preuves ou la défense,
accuseau tribunal des Àmphictyons,c'est-à-dire,

'
trop faibles par elles-mêmes, s'appuient sur des
devant le conseil général de la Grèce. « Ils ne le motifs étrangers au fond de la cause. Elle offre
«
devaientpoint, disent les accusateurs. – «Nous quatre chefs l'alternative, la récrimination, le
le devions, » répondent les accusés. Le recours et l'aveu du crime.
« devaient-ils? » voilà la question. Voici la raison L'alternative justifie, par les motifs, un fait
des Thébains La victoire que nous avons rem- condamnable en lui-même. Par exemple Un
••
portée est si glorieuse, que nous avons voulu en . général enfermé par l'ennemi, et ne trouvant
«
laisser à nos descendantsun monument éternel. » « aucun moyen possible de s'échapper, obtient par
On les réfute en disant que les Grecs ne doivent une capitulation d'emmener ses soldats, à con-
«
point élever un monument éternel des discordes « dition qu'il laissera ses armes etses bagages. Le

cpurlebit. Locorum autem communium quoniam (ut « num ininiicHiai'inn inomimentiun Graios de Graiis sla-
ante dictnm est) duo snnt gênera, quorum alterum dubiae « tuere non oportet. »
Jtidicatio'est n Quum summre vir.
rei, alterum certœ continet amplificationem quid ipsa « tutis celebrandœ causa Graii de Graiis setenium
causa dct, et qnid augeri per communem locum possit « inimicitiarum monumentnm statiierint, rectene, an
et oporteat, considerabitur. Nam certi, qui in omnes « contra fecerint. » Hanc ideo rationem subjechnus ut
incidant, loci praescribi non possunl in plerisque for- hoc causas genus ipsum, de quo agimus, cognosceretur.
tasse ah auctoritate jurisconsultoi'um, et contra anctori- >"ain si eam siipposuissemus qua fortasse usi sunt « Non
tatem dici oportebit. Attendendam esl autem et in liac, « pnini juste, neque pie bellnm gessistis; » in relationeni
et in omnibus, num quos locos communes, prêter eos, crimiifls delaberemur, de qua post loquemur. Utrumque
quos exposuimus, ipsa res ostcndat. Nunc juridiciale ge- autem rausne genus îu hanc causam incidere perspicunm
nus et partes ejus considérerons. est. In hanc argumentationes ex iisdem locis sumendfc
XXIII. Juridicialis est, in qua cpqui et iniqni natura, etsunl filque in causam negotialem, qua de aille dictum est.
prîiemii aut pœnae ratio quseritur. Hujus partes sunt Ans?, Loros autem communes et ex causa ipsa, si quid inerit
quarum alteram absoluUmi, assumtivam altérant nomina. indignafionis ant conquestiouis et exquis utilitate et
mns. Absoluta est, quae ipsa in se, non ut negotialis im- natura mukos et graves srnnere licebit, et oportebit, si
plicite et abscondite, sed palcntius et expeditius îecli et causa; dignitas videbitur postulare.
non recti quaestionem continet. Ea est hujusmodi «Quum XXIV. Nunc assumtivam pattern juridicialis considere-
« Thebani Lacedaunonios bello superavissent et fere mos mus. Assutntiva igitur tunc dicitur, quum ipsum ex se fa-
esset Graiis, quum inter se bellum gessissent, ut ii, qui ctum probari non potest, aliquo autem foris adjuncto ai'gu-
vicissent, tropsMim aliquod in finibus statuèrent, victo- mento defenditur. Ejus partes sunt qnatuor comparatio,
< riae
modo in prœsentia declarandœ causa, non ut in1 relatio criminis, remotio crirainis, concessio.
« perpetuum belli memoria maneret; aeneum filatuerunt
« tropamm. Accusantur apnd Amphictyonas, id est, apnd Comparatio est, quum aliquod factum, quod per se
commune Grœciœ concilium. » Intentio est: « Non opoe- ipsum non sit probandum,ex eo, cujus id causa factum est,
« tuit. » Depulsio est « Oportuit. »
Qusestio est: « Opor- defenditur. Ea est hujusmodi Quidam imperator, qunm
« tueritne. » Ratio est « Eam enim ex bello gloriam vir- n ab l.nslibiis circumsideretur, neque eiïugere ullo modo
tute peperimus, ut ejus aeterna insignia posteris nostris « possel, depaclus estcum eis, utarma et impedimenta
« relinauere vellemus. » Jnfirniatio est « Attamcu aHer- « relinqueret milites cducerel itaque fecil armis et im-
«
traité s'exécute. Il a perdu ses armes et ses 1ba- le délit, comme dans cet exemple ou le général
« gages, mais il a sauvé son armée contre toute est accusé de lèse-majesté, il faut employer la
« espérance. On l'accuse de lèse-majesté. » Ici définition et suivre les préceptes que nous avons
s'oftre une définition. Mais ne perdons point de donnés à ce sujet.
vue l'objet qui nous occupe en ce moment. XXV. Il arrive souvent que, dans les causes
« Il ne devait pas abandonner ses armes et ses de cette nature, on est obligé d'employer à la
« bagages; voilà l'accusation. Le général re- fois les conjectures et la définition. S'il s'y ren-
pond « qu'il le devait. » La question est « Le
devait-il ?» Il donne pour raison, que tous ses
contre encore quelque autre genre, il faut égale-
« ment suivre les préceptesde ce genre. En effet, le
« soldats auraient été égorgés. On le réfute, ou
but principal de l'accusateur est de réunir le plus
par cette conjecture « Ils n'auraient pas été de moyens qu'il pourra contre le fait que l'accusé
«
égorgés ou par cette autre Ce
n'était pas veut justifier, et il lui sera facile d'y réussir, en
«
là votre motif. » Alors s'offrent ces points à multipliant le nombre des questions.
juger « Auraient-ils été égorgés? était-ce là le
motif de la conduite de l'accusé? » ou cette L'alternative, isolée des autres genres, peut
«
alternative, dont nous nous occupons « Fallait- être considérée en elle-même; et alors vous dé-
il laisser périr son armée, plutôt que de livrer montrerez que lefait dont il s'agit n'était ni utile,
«
« ses armes et ses bagages à
l'ennemi ? De
là ni honnête, ni nécessaire, ou du moins ne l'était
réellement pas à un si haut degré.
nait le point à juger: « Lorsqu'il fallait perdre
« son
armée, ou souscrire à ce traité, valait-ilil Sachez ensuite distinguer le fait que vous im-
« mieux
perdre son armée que de la sauver à ces putezàl'accusé, de celui que le défenseur présente
«
conditions?'u comme alternative, et démontrez que l'usage ne
Telle est la manière de traiter une cause de permet point de se conduire ainsi, et que nulle
cette espèce. On peut suivre ici la méthode et les raison ne peut autoriser à livrer à l'ennemi, pour
préceptes tracés pour les autres questions, et sur- le salut d'une armée, les armes qui font son salut.
tout réfuter, par des conjectures, l'alternative Il faudra comparer ensuite les avantages et les
qu'établit l'accusé. Vousy parviendrez, en assu- inconvénients, opposer nettement ce que vous
rant que ce qu'il regarde comme nécessaire ne attaquez aux choses que le défenseur prétend jus-
serait point arrivé s'il n'eût point agi comme il tifier, ou dont il veut prouver la nécessité; et, en
a fait ou en démontrant que sa conduite a
d'autres motifs que ceux qu'il avoue, et qu'elle
eu affaiblissant l'avantage exagérer le tort. Vous
y réussirez en prouvant qu'il a pris le plus mau-
est fondée réellement sur d'autres causes. La dé- vais parti, au lieu de prendre le plus honorable,
fense et la réfutationse prennent également dans le plus utile et le plus nécessaire. Les règles de
la question de conjecture ou bien, si l'on qualifie la délibération vous apprendront à connaître la

«
pedimentis amissis, prœter spem milites conservavit. causa nam majestatisarcessitur), definitione et deliQi-
« Accusatur majcstatis. »
Incnrrit hue definitio. Sed nos tionis praceplis uti opnrlebiL
hure locum, de quo agimus, consideremns. XXV. Atque hoc quidem plerumqne in genere accidît,
lnlenlio est « Non oportuit arma et impedimenta reliii- ut et conjectura et delinitione utenduin sit. Sin alind quo-
« quere. » Depulsio est « Oportuit. » Quœslio est, « Opor- que aliquod genus incidet, ejus generis pmeepta licehil
<<
tuerilne. » Batio est «f Milites euim omnes periissent » hue pari ratione transferre. Nam accusatori maxime est in
Inlirmalio est, autconjecturalis Il Non periissent; » aut hoc elahorandum ut id ipsiim factum, propter quod sibi
altéra cunjecturalis « Non ideo fecisti. » Ex quibus sunt reus concedi putatoportere, quam plurimis infirmet ratio-
judicationes: « Periissenlne; » et, « Ideoue fecerit; » aul nibus. Quod facile est, si quam plurimis constitulionibus
Iiscc comparaliva,cujus nunc indigemus « At enim salius aggreditur id improbare.
« fuit amiltere milites, quam arma et impedimenta ho- Ipsa autem comparatio, separata a ceteris generibuscon-
« stibus concedere. >' Ex qua judicatio nascitur « Qumn troversianim, sic ex sua vi considerabitur, si illud, quod
« omnes peritnri milites essent, nisi ad hanc pactioiieiii comparabitur,aut non honestum aut non utile, aut Ilun
« venisseut, utrum satius fuerit amittere milites, an ad necessarium fuisse, aut non tantopere utile aut non tan-
« hanc conditionem venire ? » topere honestum aut non tantopere necessarium demon-
Hoc causae genus ex his locis tractare oportebit, et ad. strabitur.
hibere ceteraruin quoque constitutionumrationem atque Deinde oporlet accusatorem illud, quod ipse arguat, ab
prrccepta ac maxime conjecluris faciendis infirmareillud, co, quod defcnsor comparat, separate. Id autem faciet,
<[iiftd cumeo, quod crimiui dabitur, ii, (lui accusabuntur, si deinonslrabit non ita lieri solere neque oportere neque
coniparabunt. Id fiel, si aut id, quod dicent defensores esse rationem, quare hoc propter hoc liât ut, propter sa-
l'ulurum fuisse, nisi id factum esset quo de facto judicium Iulein militum, ea, qux salutis causa comparata sunt,
est, futurum fuisse ncgabilur; aut si alia ratione, et aliam hostibus tradantur. Postea comparare oportebit cum be-
<>l> causam, ac dicet se l'eus fecisse, demonstrabituresse nclicio maleficium et omnino id, quod arguitur, cum eo,
factum. Kjus rei confirmatio et item contraria de parte quod factum ab defonsore laudatur, aut faciendum fuisse
inlirmatid ex eonjertmali eonstitnliono sumetur. Sin aulem demonstrahitur,conlendere et hoc extenuando malefidi
ceito nomme malelirii vocabitur in jmlidum sicut iit liac ma^nitudiiteni shnul adaugerc. Id Geri poterit, si demun-
nature et le pouvoir de l'honneur, de l'intérêt et circonstances,
c à la même époque et avec les mènes
de la nécessité. motifs,
n il n'aurait pas agi autrement que vous.
Exposez ensuite cette cause d'alternative La récrimination a lieu lorsqu'en avouant le
comme une cause délibérative, et suivez les rè- ddélit on se justifie, en montrant qu'on a été en-
gles du genre délibératif; car, pour nous servir traîné
t à le commettre par la faute d'un autre. Par
toujoursdu même exemple: « Toute l'arméedevait exemple
e «Horace, vainqueur destroisCuriaces,
«périr, si l'on n'eût signé ce traité; valait-il « après la mort de ses deux
frères rentre en triom-
« mieux la laisser
périr que de le signer? » Ques- «
phe dans la ville. Il voit que sa sœur, sans être
tion qu'il faut développer suivant les règles du «
affligée de la perte de ses frères, prononce de
genre délibératif, comme une chose sur laquelle « temps en temps, avec
des pleurs et des san-
on vous demande votre avis. glots, le nom d'un des Curiaces, auquelelle était
XXVI. Les lieux dans lesquels l'accusateur a «
fiancée. Dans le transport de son indignation
puisé les questions qu'il ramène à sa cause, four- « il la tue.
On le cite en justice.
niront aussi des armes au défenseur pour réfuter On l'accuse « d'avoir, sans aucun droit, tué sa
ces mêmes questions; seulement il suivra une «« sœur.Il répond qu'il en avait le droit. » C'est
marche opposée à celle de son adversaire dans c qu'il s'agit de décider. Voici son motif
ce « Elle
les lieux qui naîtront de l'alternative elle-même. «
pleurait la mort d'un ennemi,sans songer àcelle
Les lieux communs seront, pour l'accusateur, i de ses frères; elle détestait ma victoire et celle
d'exhaler son indignation contre la bassesse ou «•
du peuple romain. » On le réfute, en disant
les inconvénients d'une action que l'accusé avoue » que son
frère ne devait pas néanmoins la tuer,
honteuse ou funeste, on l'un et l'autre à la fois, sans qu'elle fût condamnée. > Voici le point à
en cherchant toutefois à la justifier. Le défen- j »
juger «Horatia, indifférente à la mort de ses
seur répondra qu'on nepeut juger des avantages, «« frères pleurait celle des ennemis, et ne se ré-
des inconvénients, de la bassesse ou de la gloire «
jouissait point de la victoire de son frère et du
d'une action, sans en connaître la cause, le temps « «
peuple romain son frère avait-il le droit de la
et l'intention. Ce lieu commun, bien développé « tuer, sans
qu'elle fût condamnée? »
est, dans cette cause, un des plus puissants XXVI Dans ce genre de cause, on peut,
moyens de persuasion. Le développementde l'im- ainsi que nous J'avons dit pour l'alternative,
portancedu service, qui se tire ordinairement de emprunter
f aux autres questions ce qui convient à
la nécessité, de t'honneur ou de l'utilité de fac- celle
i que nous discutons. Il faut ensuite trouver,
tion, vous offre un second lieu commun. Un troi- s'il est possible, quelquequestion qui puisse ser-
sième met sous les yeux de l'auditoire une pein- vir
i à la défense de celui sur qui l'accusé rejette
ture animée,qui luipersuade que,dans les mêmes le
1 crime. On montre d'abord qu'il est moins
strabilur, honestius utilius, magis necessarinmfuisse id tur; et tertius per quem res empressa verbis, ante oeulos
quod vitarit reus, quam illud, quod fecerit. Honesti autem eorum, qui audiunt, ponitur, ut ipsi se quoque idem
et ulilis et necessarii vis et nalura in deliberationis prie- facturos fuisse arbitrentur, si sibi illa res, atqne ea faciendi
eeptis cognoscetur. causa per idem tempus accidisset.
Deinde oportebit ipsam illam comparativam judicatio- Relatio criminis est, quum reus id, quod arguitur, con-
nem exponere, tanquam causam dclibcrativam, et de ea fessns, allerius se inductum peccato, jure fecisse de-
ex dcliberalionis prœeeptis deinceps dicere. Sit cnim haee monstrat. Ea est hujusmodi « Horatius, occisis tribus
judicatio, quam ante exposuimus « quum omnes peri- « Curiattis et duobns amissis fralribus domum se victor
« turi milites essent, nisi
ad liane pactionem venissent, « recepit. Is animadvertit sororem suam de fratrum morte
te iitruin satius fueiït pente milites, an ad hanc pactio- •< non laborantem sponsi antem nomen appellantemiden-
« neni venire. » Hoc ex locis deliberationis quasi aliquam « tidem Curiatii cum gemilu et lamentatione. Indigne
in cousultalioneni res veniat, tractari oportebit. « passns virginem occidit. Accusatur. »
XXVI. Defensor autem, quibus in loris ah accusatore Jntentio est, « Injuria sororem occidisti. » Depulsioetit,
ali.e constitutiones erunt iniluctœ, in iis ipse quoque ex « Jure occidi. » Quœslio est, « Jnrene occident. » Batiot
iisdem constitutionibus defensionem comparabit; ceteros est, « Illa enim lioslium mortem lugebat, fratrum uegli.
autem omnes locos, qui ad ipsam comparaliouem pertine- •gebat; me et populum rnmanum vicisse moleste fere-
bunl, ex contrario tractabit. « bat. » Inlirmatio est, « Tamen a fratre indemnatam ne-
Loci communes erunt accusatoris in eum, qui quum • cari non oportuit.» Ex qua judicatio lit « Quum Horalia
de facto turpi aliqno, aut inutili, aut utroque fateatur « fratrum mortem negligeret hostium lugeret, fratris et
qusrat tamen aliquam defensionem, et facti iautilitatem « populi romani victoria nongauderet, oportueritaeeam a
aut turpitudinem cuin indignatione proferre; defensoris, fratre indemnatam necari. »
nullum factum inutile, ncque turpe, neque item utile, ne- XXVII. Hoc in genere causa; primum si qnid ex ceteri»
que bonestum putari oportere, nisi, quo animo que tem- dabitur constitutionibus, sumi oportebit, sicut in coœpa- •
pore, qua de causa factum sit, intelligatnr qui locus ita ratione praeceptum est; postea si qua facilitas erit, per
communis est, ut bene tractatus in hac causa, inagno ad aliquam constitutionem ilium, in quem crimen transfer-
persuadeudum momenlo fulurussit; et alter locus, per tur, defendere; deinde, levius esse, quod in alterum
quem, magna cum amplificalione benelicii magnitude ex peccatum reus transferat, quam quod ipse susceperil;
utitiUte aut bonestate aut facti necessitudine demonslra- postea
i translationis partibus uti, et ostendere, a qno, et
CHORON. – IO1I1-:
rir.rfnoN. – Tfttii-' i.
I. )()
grave que celui dont l'accusé est coupable. En- sonne
so ait jamais appelé sur elle la justice des
suite, par la récrimination,on fait voir par qui, tribunaux!
tr Demandez ensuite qu'il vous montre
devant qui, de quelle manière, dans quel temps la loi qui le justifie.
l'action devait être intentée, le jugement rendu Nous avons dit, en parlant de l'alternative,
ou ladécisioudecetteaffaireprononcée on prouve q' l'accusateur devait mettre tous ses soins à
que
surtout qu'il ne fallait pas que la punition devan- atténuer
at ce qu'on donne pour alternative. Il faut
çât le jugement. Puis on développe les lois et les encore ici comparer la faute de celui sur qui l'on
ei
jugements qui pouvaient punir légalement une rejette
r« l'accusation avec le crime de celui qui
faute dont l'accusé s'est déclaré le vengeur de sa prétend
pi avoir suivi les règles de la justice. Alors
pleine autorité. Dites ensuite qu'on doit rejeter vous aurez soin de démontrer que cette faute
v<
toute accusation fondée sur un délit dont l'ac- n'est
n point de nature à justifier le crime de l'ac-
cusateur lui-même n'a pas voulu attendre le juge- cusé.
ci Enfin, comme dans l'alternative, arrêtez-
ment, et regarder comme non avenu ce qui n'a vous au point à juger, et développez-le, par l'am-
v<

pas été jugé. Insistez sur l'impudence de ceux plification


p suivant les règles du genre délibé-
qui accusent aujourd'hui devant les juges, celui ratif.
ri
qu'ils ont eux-mêmes condamné sans l'entendre, XXVIII. Le défenseur, de son côté réfutera,
qui demandent un jugement contre celui qu'ils p les lieux que nous avons indiqués, les moyens
par
ont déjà puni. Prouvez qu'il n'y aura plus d'or- tirés
ti des autres questions. Il soutiendra la récri-
dre dans les jugements, que les juges excéde- mination,
n d'abord, en exagérant le crime et
ront leur pouvoir, s'ils prononcent à la fois et l'l'audace de celui sur lequel il rejette le délit, en
sur l'accusé, et sur celui dont il vient devant eux excitant,
e suivant son sujet, l'indignation ou la
se faire t'accusateur. Quels désordres ne pro- pitié
p par une peinture vive et animée, puis,
duira point ce principe, une fois établi, de punir comparant
c la faute et le châtiment, il mon-
une faute par une autre faute, une injustice trera
tl que la peine a été plus légère que ne le
par une injustice! Si l'auteur de l'accusation méritait
n le crime. Quant aux autres lieux que
présenteavait voulu suivre l'exemple de l'accusé, l'accusateur aura traités de manière qu'on puisse
1'
il n'aurait pas besoin non plus de jugement; et les
|< rétorquer et les tourner contre lui, (et tels
si chacun agissait de même, il n'y aurait plus de sont
s les trois derniers qu'il a employés ) sui-
tribunaux. vvez, pour les réfuter, une marche contraire à la
Voici un raisonnement que vous pouvez déve- sienne.
s La plus solide raison que l'accusateurait
lopper encore Quand mèmelloratia, sur qui à vous opposer, c'est le désordre général .que
l'accusé rejette son crime, eut été légalement causerait
c le pouvoir de punir un homme qui
condamnée, était-ce à lui de la punir? Et s'il ne n'aurait
r, point été condamné répondez, pour
l'a pas dû, quand elle eût été condamnée, eam- 1 l'affaiblir, que le crime était tel qu'un homme, je
bien est-il coupable de l'avoir fait, sans que per- rne dis pas vertueux, mais seulement un homme
per quos, el quo modo, et quo tempore aut agi, aut judi- do
( ea supplicium sunisisse qtiœ ne addueta quidem sit
cari, aut statui de ea re convenerit; ac simul ostenderc, i judicium. Deinde postulabit
in lit legem, qua lege feee-
non oportuisse ante supplicium quam judir.ium interpo- rit,
r proférât. t.
nere. Tum legcs quoque etjudicia demonstranda sunt, Deinde quemadmodumin comparationeprœcipiebamns
per quœ polucril id peccatum, quod sponte sua reus puni- i illiul, quod comparabitur, extenuaretur ab acensatore
ut
tus sit, moribus et jndicio vindicari. Deinde negare debe- quam
t maxime sic in hoc génère oportebit illius culpam,
bit, audiri oportere id, qnod in eum criminis conferatur, in quem crimen transferetur, eum hujus malelicio, qui se
de quo is ipse, qui conférai, judiciumfieri noluerit; et id, jjure fecisse dical, comparare. Postea demonstrandum
quod judicatum non sit, pro inlecto haberi oportere; esr,non esse illud ejusmodi, ut ob id hoc fieri conveniret.
postea impudenliam demonstrarc eorum qui eum uunc Kxtrenia est, ut in comparalione, assumtio judicationis,
apud judices accusent, qucin sine judicibus ipsi condein- et de ea per anipliOcationetn ex deliberationis preceptis
narint, et de eo judicium faciant, de quo jam ipsi suppli- diclio.
cium snmserint. Postea perturbationem judicii futuram XXVIII. Defensor autem, quae per alias constiluliiiiies
dicemus, et judices tongius, quant potestatem babeanl, j inducenliir,exiislocis, qui tnMili sunt, infirmabil; ipsam
progressuros si siinul (!t de reo, et de eo, quero reus autem relationem comprobabil primum augendo ejus, in
arguât, judicariut; deinde, hoc si constilultn» sit, nt quem
L crimen, etilpam
(illein refert ci-ilneii, culpam et auditelam,
audaciam, et q[ial~)
quam
|)cccata homines peccatis, et iulilrias injuriis ulciscantur, maxime per indignationem sires ferel, juncta conque-
quantum incommodorum consequaUir ac si idem facerestione, anle oculos ponendo; postea levius demonstrando
ipse, qui nunc accuset, voluisset, ne hoc quidem ipso reum punitum, quam sit ille promeritus, et suum suppli-
quidquam opus fuisse judicio; si vproceteri quoque idem rtum cum illius injuria conferendo. Deinde oportebit eos
faciant, omnino juilicium niillmn futurum. locos, qui ita erunt ab accusatore tractati, ut refelli, et
Postea demonstrabitur,nesi judicio quidem illa damnata i niulruiïam in partem converti possint, quo in genere sunt
«sset, in quam id criiiirai ab reo confuratur, pouiisse hune 1res extremi, contrains rationibus inlirniarc. Illa autein
i[i.suiri de illa supplicium sumere quare esse indignum, acerrima accusatoriim criminatio, [ier quam perturbalio-
eum, qui ne de damnata quidem pœtias simjere potuisset nem fore omnium judicionim dcinoiistiarit si de imlcd-
libre, ne devait point le souffrir; si évident, que XXIX. Le recours rejette sur quelque autre
le coupable même n'osait essayer de le nier; tel personne ou sur quelque chose l'accusation in-
d'ailleurs, que c'était pour celui qui l'a puni plus tentée contre nous. Il y en a deux espèces; car
que pour tout autre un devoir de le faire; que la c'est tantôt la cause et tantôt le fait qu'on rejette.
justice et l'honneur exigeaient plutôt qu'il fût L'exemple suivant fera connaître la première
puni comme il l'a été, et par celui qui l'a puni, «
Les Rtiodiens ont nommé des députés pour se
que porté devant les tribunaux enfin qu'il a été si rendre à Athènes; les trésoriers ne leur ont
«
public qu'il n'était pas besoin de jugement. Ici < point remis d'argent comme
ils le devaient, et
vous prouverez, par des raisonnements et des les députés ne sont point partis. » On les cite
comparaisons, qu'il y a plusieurs crimes si atro- en justice. « Ils devaient partir, » voilà l'accusa-
ces et dont l'évidence est si frappante qu'il n'est tion. Ils la repoussent, en disant qu'ils ne le
pas nécessaire, qu'il n'est pas même utile, d'at- « devaient pas. » Laquestion est Le devaient-
tendre que les juges aient prononcé. « ils? » Ils donnent pour raison que le trésorier
L'accusateur aura un lieu commun contre l'ac- « ne leur a point remis l'argent qu'ils devaient
cusé qui, ne pouvant nier le délit qu'on lui im- recevoir du trésor public. » On les réfute, en
pute, ose fonder quelque espérance sur le ren- disant « Vous n'en deviez pas moins remplir
versement de toute justice. Il démontreral'utilité < les fonctions dont
l'État vous avait chargés. » II
des tribunaux; il plaindra le sort d'un malheu- s'agit de décider a si des députés qui ne reçoivent
reux qui subit le supplice sans avoir été eon- < pas du
trésor public, les frais de voyage qui
damné il exhalera son indignation contre l'au- « leur étaient dus, n'en sont pas moins tenus de
dace et la cruauté de celui qui s'est fait l'exécuteur «
remplir leur mission. » Examinez encore ici,
de ce supplice. Le défendeur s'indignera aussi comme dans les autres causes, ce que vous four-
contre l'audacieux qu'il a puni, et tâchera de nit la question de conjecture ou toute autre ques-
nous attendrir sur son propre sort. Il ne faut tion. L'alternative et la récrimination vous offri-
point juger de la chose par le nom qu'on lui ront surtout des secours.
donne, mais considérer l'intention de t'accusé, L'accusateur justifiera, s'il le peut, celui sur
les motifs, le temps de l'exécution. Quels maux qui l'accusé rejette sa faute; sinon il affirmera
n'enfanterait point l'injustice ou le crime, si ce- qu'elle est étrangère à ce dernier, et personnelle
lui qu'on attaque dans son honneur, dans ses pa- à celui qu'il accuse. D'ailleurs, chacun doit rem-
reuts, dans ses enfants, enfin dans tout ce qui plir ses devoirs; et de ce que l'un est coupable,
peut ou doit être cher à tous les hommes, n'avait ce n'est pas une raison pour les autres de le
puni un attentat si énorme et si public devenir. Ensuite, celui sur qui vous rejetez votre

nato snpplicii siimendi potestas data sit, levabitur, pri- XXIX. Remotio criminis est, quum ejus inlentio facti,
mum si ejusmodi demonstrabitur injuria, ut non modo quod ab adversario infertur, in alium, aut in aliud démo-
viro bono, verum omnino homini libero videatur non vetur. Jd fit hipartito. Nam tum causa, tum res ipsa re.
fuisse toleranda; deinde ita perspicua, ut ne ab ipso qui- movetur. Causae remotionis Iioc nobis exemplo sit
dem, qui fecisset, in diihium vocaretur; deinde ejus- Rhodii quosdam legarunt Athenas. Legatis quaestores
modi, nt in eam is maxime debuerit animadvertere, qui « sunitum, quem oportebat dari, non dederunt. Legati
animadveiterit; ut non tam rectum, non tam fuerit hone- « profecti non sunt. Accusantur. » Intentio est, « Profi-
sliim.mjuiliciuni illam rem pervenire, quam eo modo, « cisci oportuit. » Depulsio est, « Non oportuit. » Quae.
atque ab eo vindicari quomodo et a quo sit vindicata; stio est, « Oportueritne. » Ratio est, « Sumtus enim,
postea sic rem fuisse apertam, ut judicium de ea re fieri « qui de publico dari solet, is ab quipstore non est datus. »
nihil attinuerit. Atque hic demonstrandum est rationibus, Inlirmatioest, Vos tamen id, quod publice vobis datum
et mbus similibus, permultas ita atroces, et perspicuas erat negotii conlicere oportebat. » Judicatio est, Quum
res esse, ut de bis non modo non necesse sit, sed ne utile « iis, qui legati erant, sumtus, qui de publico debebatur,
quiilem quam mox judicium fiat, exspectare. « non daretur, oportueritne eos conficere nibilomiiius le-
Locus communis accusatoris in eum, qui qunm id, « gationem. » Hoc in genere primum, sicut in ceteris, si
quod arguitur, negare non possit, tamen aliquid sibi spei quid aut ex conjectural! aut ex alia constitutione sumi
comparet ex judiciorum perturbatione. Atque hic utilitatis possit, videri oportebit. Deinde pleraque et ex compara-
judiciorum demonstratio, et de eo conquestio, qui snp- tione, et ex relatione criminis in liane quoque causam cou-
plicitini dederit indemnatus; in pins autem, qui soraserit venire poterunt,
audaciam et crudelitatem, indigiiatio. Ab defensore, in
ejus, qnem ultus sit, audaciam sui conqnestione rem Aceusator autem illuin, cujus culpa id factum reus
dicet, primum delendcl, si poterit; sin minus poterit,
non ex nomine ipsius negolii sed ex consilio ejus,
qui
fecerit, et causa, et tempore considerari oportere quid negabit, ad hoc judicium, illius, sed liujus, quem ipse >
inali futuram sit, autex injuria, aut ex scelere alicujus, acenset, culpam pertinere. Postea dicet, suo quemque
nisi tanta, et tam perspicua audacia abeo, ad cujus fa- officio consulere oportere; nec, si ille peccasset, bunc
oportuisse peccare; deinde, si ille deliquerit, separatim
mam, aut ad parentes, aut ad liberos perlinnerit, aut ad
aliquam rem, quam caram esse omnibus aut necesse est, illiiiii, sicut hune, accusari oportere, et non cum hujus
aut ouottet esse, fuerit vindicata. defensione coujungi illius accusalionein.
10.
10.
eitusc est -il coupable accusez-le à part comme l'une et l'autre à peu près Ics mêmes que dans les
je vous accuse, et ne confondez pas votre défense précédentes questions accessoires. Quelques-uns
et son accusation. néanmoins sont particuliers à celle-ci comme,
Quand le défenseur aura traité toutes les ques- l'indignation pour l'accusateur; et, pour le dé-
tions incidentes, voici lamarche qu'ilsuivrapour fendeur, l'injustice qu'il y aurait à le punir
le recours. D'abord, il démontrera quel est l'au- d'une faute dont un autre est coupable.
teur de la faute, et, outre que ce n'est point lui Employer le recours pour rejeter le fait lui-
qu'il n'a pas pu, qu'il n'a pas dû agir comme le même, c'est nier que l'action dont on nous accuse
prétend l'accusateur. Il ne l'a pas pu, ce qu'il dépendît de nous en aucune manière, et affirmer
prouvera par les raisons d'intérêt qui embrassent que ce n'est point à nous qu'il faut attribuer ce
aussi la nécessité. Il ne l'a pas dû, l'honneur s'y qu'elle peut avoir de criminel. En voici un exem-
opposait. Nous développerons mieux ces deux ple « Autrefois, lors de la conclusion d'un traité
points, en traitant du genre délibératif. L'accusé » avec les Samnites,unjeunepatricien fut chargé
a fait tout ce qui était en son pouvoir, et s'il n'a par le général de tenir la victime. Le sénat
pas fait ce qu'il devait, la faute tout entière re- refusa de ratifierce traité; on livra aux ennemis
tombe sur un autre. Mais, en chargeant ce der- le général, et un sénateur fut d'avis qu'il fallait
« aussi livrer
nier, n'onbliez point de faire voir tout le zèle et celui qui avait tenu la victime. » –
toute la bonne volonté de l'accusé prouvez-le par «
faut le livrer, dit l'accusateur. Il ne le faut
l'empressementqu'on lui a toujours connu pour pas, «répond le défenseur. «Le faut-il?voilàla
ses devoirs, par ses discours, par ses actions question. « II n'y a point de ma faute, dit le jeune
passées. n'ailleurs, il était aussi utile à ses inté- <
homme pour se justifier; mon âge et ma condi- i-
rêts de faire ce qu'on lui reproche de n'avoir « tion privée ne me
donnaient aucun pouvoir,
pas fait, que dommageable de ne le pas faire; « surtout en
présence du général qui, revêtu
et cette conduite s'accordait bien mieux avec le «
d'une magistrature et d'une autorité suprême,
reste de sa vie, que cette négligence involontaire «
devait jugersi te traité étaithonorable ou non.u
dont H faut accuser tout autre que lui. On le réfute ainsi Puisque vous avez pris
XXX. Si l'on rejette la faute, non sur un « part aux
cérémonies religieuses qui consacrent
homme, mais sur une chose; si, pour nous servirr « un traité honteux, vous
devez être livré. » –
du même exempte, on répond que c'est la mort Voici le point à juger. « Un particulier, sans
• da trésorier qui a empêché de remettre l'argent »
nul caractère public qui, par l'ordre du géné-
aux députés, » en retranchant la récrimina- « rai a pris part au traité, et à toutes les céré-
tion, on peut se servir également des autres lieux «
monies dont fut accompagné cet acte religieux,
communs, et prendre dans la concession ou aveu •<
doit-il ou non être livré aux ennemis? » – Ce
du crime, dont nous traiterons plusbas, ce qu'elle qui distingue ces deux genres de cause, c'est que
offre dé favorable. Les lieux communs sont pour dans le premier, l'accusé accorde qu'il aurait dû

Offenser autem quum cetera, si qua ex aliis incident post nobis dicendum erit. Loci autem communes iidem
ronslitutionibus, pertractarit,de ipsa remotione sic argu- utrisque fere, qui superioribus assuititivis, incident; hi
uienlabitur. Primum, cujus accideril culpa, demonstra- tamen certissirai accusatoris, facti indignalio; defenso-
bit; deinde, quum id aliena culpa accidisset ostendel, se ris, quum in alio culpa sit, in ipso non sit, supplicio se
aut non potuisse, aut non debuisse id facerc, quod accu- aflici non oportere.
sator dicat nportuisse quod non potuerit, ex utilitatis ipsius autem rei fit remotio, quum id, quod datur cri-
par'ibus, in quibusest necessitudinis vis împlicata; quod mini, negat neque ad se, neque ad ofticium siniin reus
non debuerit, ex honestate coHsiderabitur. De utroque perlinuisse; uec, si quod in eo sit delictum, sibi attribui
.iiitinctius in deliberativo genere dicetur. Deinde omnia oportere. Jd genus causa? est hujusmodi « In eofœdere,
facta esse ab i'eo,qit% in ipsius fuerint potestate; quod » quod foctum est quondam cum Sauinitibus quidam
nûiuis, quam conveiterit, factum sit, culpa id alterius « adolescens nobilis poream siistinuit jiissu imperatoris.
aci-iilisse. Deinde in allei ius culpa exponenda ilemniistran- » Fwdere autem ab senatu împrobalo,et imperalore Sam-
Juin est, quantum voluntatis et studii fueril in ipso et « nitibus deditoquidam in senatu eum quoque dicit, qui
id siguis contirmandum liujusmodi ex cetera diligcntia « poreain tenuerit dedi oportere. » Intentio est, « Unti
fi ante factis, autdictis; atque hoc ipsi ulile fuisse facere, « oporlet. » Dcpulsio est, << Non oportet. » Quxstio est
inutile aulvni non facere, et cum cetera vita magis boc « Oporleatiic. » Ratio est, « Non eniminnumfuit oflicium,
fuisse consentaneum, quant quod propter alterius culpam « uec mea polestas quum et id ittatis et pi ivatus essem
non fecerit. · « et esset sumiua cum aucloritate et potestate imperator, t
XXX. Si aulem non in hominem certain sed in rem •< qui videret, ut satis buncstuin fœdus feriretur. » lnlir-
aliquam causa demovebitur, « ut in hac eadem re, si matio est, « At enim, quoniam tu particeps laclus es in
« quwstor mortuus essot, et
idcirco legatis pecunia data « turpissinio fudere siimimc religionis, dedi le convenit. »
» non esset; »
accusations alterius, et cidpx deptilsione Judicalio est, « Quum is, qui polestatis nibil liabueiil,
ùVmla, retiris simililer uti locis uportebit, et ex conces- « jussu imperaloris in fœdeie et in tanta religione iuter-
iiorii» jârtiltus, qux* convenient, assumere de quibus fuerit, dedeuilus sit hostibus, neene. » Hoc gpims causa:
faireceque vcutl accu:>.i!eur;inais,sansemployer l'intention; et alors il peut alléguer pour excuse
la concession, il attribue à quelque chose ou à l'ignorance le hasard ou la nécessité.
quelqu'un la cause qui a enchaîné sa volonté Par l'ignorance, l'accusé assure qu'il ne con-
nousmontreronsbientotque la concession emploie naissait pas telle ou telle chose. Voici un exemple
des moyens plus victorieux. Dans le second, au de cette espèce de justification Un peuple avait
contraire, il ne doit pas accuser un autre, mais défendud'immoler des veaux à Diane. Des ma-
démontrer que le fait n'est pas ou n'était pas en «
telots, pendant une tempête, firent vœu, s'ils
son pouvoir, et ne le regardait nullement. Alors «
pouvaient entrer dans un port qu'ils aperce-
il arrive souvent que l'accusateur intente son ac- «
vaient, d'immoler un veau à la divinité qu'on y
cusation par le recours; comme si, par exemple, « adorait. Sur le port se trouvait par hasard le
« on mettait en justice un citoyen qui, pendant «
temple de cette Diane, à laquelle on ne pouvait
« sa prétare, quoique les consuls fussent à Rome, «
immoler des veaux. Les matelots débarquent,
aurait appelé le peuple aux armes pour quelque « et, ne
connaissant pas la loi, accomplissent leur
expédition. "En effet, de mêmequedansl'exem- « vœu on les accuse. » – Vous avez immolé un
Diane; ce sacrifice était défendu, dit
« •<

ple précédent l'accusé déclarait que le fait n'était « veau à


point en sa puissance, et que son devoir ne lui l'accusateur. « Oui, mais nous l'ignorions, «
prescrivait pas de l'éviter ainsi, dans la cause répondent-ils en se justifiant par la concession ou
présente, l'accusateur appuie son accusation, en l'aveu du crime. On les réfute en disant
démontrant que le fait n'était point du ressort de «
Qu'importe? puisque vous avez fait ce qui était
celui qu'il accuse, et que son devoir ne lui pres- « défendu, la loi veut que vous soyez punis. II
crivait point de s'en charger. Chacune des deux s'agit de décider « si celui qui a enfreint une
parties doit chercher, par tout ce que fournit « loi qu'il ne connaissait pas a mérite le châti-
l'honneur et l'intérêt, par des exemples, des in- « ment. »
dices et des raisonnements, à établir ses devoirs j On allègue le hasard, quand on veut prouver
ses droits, son pouvoir, et examiner si sur tous que des événements imprévus se sont opposés à
ces points chacun a exercé des fonctions qui lui notre volonté. « A Lacédémone la loi condam-
appartiennent.Lanaturedufaitindiqueras'il faut « nait
à mort celui qui s'était chargé de fournir
employer les lieux communs de l'indignation ou « les victimes pour certains sacrifices, s'il man-
du pathétique. « quaitàsesengagements.A l'approche d'un jour
XXXI. Laconcession ou l'aveu du crime a lieu de fête où ces sacrifices devaient être célébrés,
lorsque l'accusé, sans se justifier sur le fait, sup- celui qui avait pris sur lui cette charge se dis-
plie qu'on lui pardonne. Il emploie le défaut d'in- « posait à faire conduire les victimes à la ville,
tention et la déprécation. Parledcfautd'intentiou, • quand tout à coup l'Eurotas, fleuve qui coule
il ne cherche point à se justifier du fait, mais de « près de Sparte, gonflé par des pluies extraordi-

cum superiore hoc differt, quod in illo concedit se reus ejus, qui accusatiir, non factum ipsum, sed voluntas de-
oporluisse facere id, quod fieri dicat accusator opor- fenditur. Ea habet partes très, impi udentiam casinn ni:-
tuisse, sed alicui rei, aut homini causam attribuit, quœ cessitudinem.
voluntati su» fuerit impedimento, sine concessionis par- Jmprudentia est, quum scisse aliqnid is, qui arguitur,
libus; nam earnm major qusedam vis est; qnod paulloi nCRalur « Ut apud quosdam lex erat, ne qiiis Dianae vi.
post intelligelnr in hocautemnonaccusarealterum, nec « tiilum immolaret. Nautœ quidam quum adversa tempe-
culpam in alium liansferre debet, sed demonstrare, eami « st.Hc in alto jactarentur, vovertinl, si eo portu, quem
rem nîliil ad se, neque ad potestatem, neque ad officiumi « n>nspiciebant potiti essenl, ei dt;o qui ibi esset, se vitu
suum pertinuisse aut pertinere. Atque in hoc genere hocï n luit) immolaturos. Casu erat in eo portu fanum Diana
aix.idit novi, qnod accusator qboque sa'pc ex remotionei ejus, cui vitulum immolaii non licebat. Imprudentes
criminationem conticit « ut, si quiseum accuser qui, legis, quum Missent, viluliim immolaverant. Accusan-
« qunm prœlor esset, in expeditionem ad arma populnmi « tur. » Intentio est, « Vitulum immolastis ei deo, cui no»
« vocarit, qunm consules adessent. »Nain ut in superiore
exempta reus ab suo officio et a sua potestate factum de-
movebat sir, in hoc ab ejus ofîlcio ac potestate, qui accu*
satur, ipse
confirmât accusationem. ln hac ab utroque ex omnibus
•«« licebat.
» Depulsio est in concessione posita. Ratio est,
« Nescivi non licere. Jnfirmatio est,
« Tamen, quoniam
« fecisti quod non licebat, ex lege supplicio dignus es. «
aocusator factum removendo bac ipsa ratione Judiratio est, « Quum id fecerit, qnod non oportuerit, et
a îd non oportere nescierit, situe supplicio dignus- »
honestatis et utilitatis partibus, exemplis, signis, ralîit- Casus autem inferetur in concession»» quum ileinon-
rinamlo, quid cnjnsque oflidi,juiïs,potestalissit, quarii strabitur aliqua fortnnîm vis voluutati obstitisse, ut in bac:
oportebit, et fueritne ei, quo de agitur, id juris, oflicii « Quum Lacedscmoniis tex esset, ut, hostias nisi ad sa-
ptitestatis attributuin, necne. Locos autem communes ex« « crilicium quoddam redemtor pracbuisscl, capitale esset,
ipsa re, si quid indignationis ac conquestionis habebit « hustias is, qui redemerat,quum sacriticii
dies mshret
sumi oportebit. « in urbem ex agro cœpit agere. Xum subito magnis coin.
XXXI. Concessio est, per quam non factum ipsum pro- « molis tempestatibus fluvius Eurotas is, qui propter La.
balnr ab reo; sed, ut ignoscatur, id petitur. Cujus partess « ceda^nonem finit, ita nisgnus et vehemens factusest,
sunt dua» purgatio et deprecalio. Purgatio est, per quain i ut eu 11 ad ut i vtcliiiKt; nulju inudo (kissciiI. Kellelutiir,
• uaires, se déborde avec tant de violence, qu'il « dans le port, un vaisseau que les vents y ont
«
fut impossible de faire passer les victimes. Le i poussé, malgré l'équipage, doit être vendu. »
fournisseur, pour prouver sa bonne volonté, Nous avons réuni les exemples de ces trois
« range toutes les victimes sur la rive, de manière genres, parce que la marche du raisonnement est
«
qu'on pouvait les apercevoir de l'autre bord. la même pour chacun d'eux car, dans tous trois,
«
Chacun était convaincu que le débordement du l'accusateur doit, s'il est possible, employer les
« fleuve avait seul arrêt* le zèle de cet homme moyens de la question conjecturale pour faire
néanmoins on intente contre lui une accusation soupçonner l'accusé de n'avoir pas fait sans inten-
«
• capitale. » – On l'accuse de n'avoir pas fourni tion
une action qu'il prétend indépendante de sa
les victimes qu'il devait pour le sacrifice. » se
volonté. Qu'il définisse ensuite la nécessité, le
justifie par la concession et sa raison est « Le hasard ou l'ignorance qu'il appuie sa définition
«
débordement subit de l'Eurotas m'a empêché de d'exemples frappants, fournis par l'un ou par
« les
conduire à la ville. » On lui répond Vouss l'autre de ces trois incidents; qu'il les distingue
«
t
n'en avez pas moins manqué à ce que prescrit bien du fait dont il s'agit qu'il montre la diffé-
• la loi vous méritez donc d'être puni. » Voici lerence qui se trouve entre eux par exemple, l'af-
point à juger « Le fournisseur a manqué à la loi; faire en question est bien moins importante, bien
mais le débordement du fleuve a seul arrêté son plus
facile et n'offre aucun prétexte d'ignorance,
zèle doit-il être puni? » de hasard on de nécessité. D'ailleurs il était facile
«
XXXII. On allègue la nécessité, quand l'accusé de
l'éviter; il ne fallait que faire ou ne pas faire
montre qu'il n'a cédé qu'à l'ascendant d'une forcetelleoutelle chose pour la prévoir et la prévenir;
irrésistible. Une loi des Rhodiensordonnait de
« faire
et
les définitions montreront qu'on ne doit point
i
vendre tout vaisseau armé d'un éperon donneràune telle conduite les noms d'ignorance,
qu'on trouverait dans leur port. Une tempête de
hasard ou de nécessité, mais l'appeler indo-
furieuse s'élève, et la violence du vent obligelence, inattention et sottise.
« lm
vaisseau de relâcher, malgré les efforts dess Cette nécessité, qu'on allègue pour excuse,
« matelots,
dans le port de Rhodes. Le trésorierparait-elle entrainer quelque chose de honteux,
« veut faire
vendre ce vaisseau, comme apparte- prouvezalors,paruncnchaînementdelieuxcom-
i
nant au peuple. Le propriétaire s'oppose à la muns, qu'il valait mieux tout souffrir, môme la
• vente.L'accusateur dit « qu'un vaisseau à épe- mort, que desesoumettre à une nécessité désho-
« ron a
été saisi dans le port. » L'accusé en con- norante. Établissez ensuite, d'après les lieux
vient, mais il répond qu'il y a été poussé malgré dont
nous avons parlé dans la cause matérielle,
lui par une nécessité insurmontable.» On le ré- la nature du droit et de l'équité et, comme dans
«
i
fute en disant « qu'aux termes de la loi, le vaisseau la question juridiciaire absolue, considérez le
n'en appartient pas moins au peuple. » Il s'agitt fait isolément et en lui-même. C'est alors qu'il il
de décider « si, lorsque la loi ordonne de vendre3 faut, si vous le pouvez, rassembler des exemples
« tout vaisseau armé d'un éperon qu'on saisira qui
prouvent que de pareiltesexcuses n'ont point

«
suiievoluntatisostendendaîcausa, hosliasconstitiiitomness invitis nantis, vi tempestatis in portum conjecta sit;
• in littore, ut, qui trans Rumen essent, videre possent. « oporteatue eam puhlicari. »
«• Quum omnes studio ejus snbilam lluminis magnitudinemn Ilorum tiiuni ^enerum idcirco uniim in locnm rontuli-
î-
« scirent fuisse impedimento tamen quidam capitis arces- imis exempt, qnod similis iu ea praeceptio argumentorum
» sierunt.
Intentio est, « Hostia? quas debuisti ad sacri*i* traditur. IN'am in his omnibus primuin, si quid res ipsa
« tic.ium presto non fnenint. » Depulsio est concessio. >. dahit lacullalis conjecturant induci ab accusatore opor-
Ratio « Flttmon enim subito accrevit, et ea re traduci non n teltil, utid, quod voluntate factum negabitur, ennsulto
potuerunt. » Infirmatio est, « Tamen, quoniam, quodd factum, suspicions aliqna demonslrelur deinde inducere

et
••

« lex jubet, factiun non est, supplicio dignus es. » Judi- i- deliuilionem necessitudinis, aut casus, aut iinpnidenliac,
catio est « Quum in ea re redemlor contra legem fecerit, exempta ad eam delinilionein adjungere, in quihus im-
fi qna
i- prudentia fuisse videatur, ant casus, aut necessitudo, et
in re studio ejns snbita fluminitl obslilerit magni-
k tudo, supplicione dignus sit. » ab his id, quod reus inférât separare [id est, ostendere
XXXII. Necessitudo antem infertnr, quum vi quadamn dissimileJ, quod levius, facilius, non irnurabile, non for-
reus id, quod fixent, fecisse defeiiditur, hoc modo « Lex x tuituni non nccessaiïum fuerit; postea deinonstrare po-
« eut apud Rhodios, ut, si qua rostrala in porlu navis de- î- tnisse vitaii;et IiacraLioneprovîderi potuisse,si boc,aut
prehensa sit, publicelur. Quum magna in alto tempestas 15 illud fccisset aut ne sic fecisset pracaveri et delinilin-
i esset, vis ventorum, iiwitis nantis, niioiliarum in por-r- nilius ostendore non hanc imprudentiam aut oasum ant
« tum naviiii coegit. Quœstor »a\im populi vocal. Navis is ncccssiliidinem sed incrliam, ncgligeiitiain, fatuitatem
« dominus negat publicari oportere. » lutenlio est, « Ho-
)- noniinari oportere.
« strat-i navis
in pnrtu deprebensa est. » Drpulsio est, Ac si qua necessiludo turpitudînent videbitnr babere,
eoncessio. Italio, •• Yi et nei«ssario sumiis in portum oportebit per loœruin conintunium implicationem redar-
« coacti. «Tnurmatio est « ]i
Navim ex lege tamen populi guentem demonstrare quidvis perpeti, mori denique sa-
« esse oportet. «Judicalioesl,« Quum roslralamnavim n in tins fuisse, quam ejusmodi necessitudini obtemperare.
« portu deprehensain le\ pnblicarit qumnque liurc navis i .Uquc tiuii ex his locis de quibus iu nf gotiali parte dk'.l.im
été reçues; que cependant les circonstances leur
donnaient un nouveau poids. Prouvez aussi, par
rquestionà
r
vent
part; mais s'il est des causes qui doi-
être considérées isolément eten elles-mèmes,
i
les moyens du genre délibératif, qu'il y aurait i en est d'autres qui offrent une complication
il
de la honte ou du danger à pardonner une telle de
( différentes espèces de questions. Il ne sera
faute, et que la négligence de ceux qui ont le <
donc point difficile, quand on les connaîtra tou-
droit de la punir entraînerait les plus funestes tes,
t d'appliquer à chaque cause les règles des
conséquences. genres qu'elle embrasse. C'est ainsi que, dans
XXXIII. Le défenseur peut rétorquer tous ces tous
I ces exemples de concessions, se trouve mé-
moyens contre son adversaire; mais il s'occupera 1lée la question littérale, qui prend son nom de la
surtout de justifier l'intention, et de développer lettre et de l'esprit mais comme nous traitions
les obstacles qui ont arrêté sa bonne volonté. Il i la concession ou de l'aveu du crime, nous eu
de
n'a pas été en son pouvoir d'en faire davantage aavons donné les règles; nous traiterons ailleurs
c'est l'intention qu'il faut en tout considérer. On de
( l'esprit et de la lettre. Voyons maintenant
ne peut le convaincre, on ne peut lui prouver l'autre partie de la concession.
que son cœur n'est pas innocent si on le con- XXXIV. Par la déprécation, l'orateur ne
damne, n'est-ce pas condamner en lui la.faiblesse cherche point à se justilier, mais il supplie qu'on
commune à tous les hommes? Quelle indignité, lui pardonne. Je ne suis point d'avis d'employer
quand on est exempt de la faute, de n'être pas ce moyen devant les tribunaux; car, le crime8
exempt du suppliceL'accusateurtirerades lieux une fois avoué, il est difficile d'en obtenir le par-
communs, d'abord de l'aveu de l'accusé, et en- don de celui dont le devoir est de le punir. Vou-
suite de la licence qu'on laisse au crime, si l'on lez-vous recourir à ce moyen de défense, ne l'em-
établit une fois qu'il faut juger non le fait, mais ployez que comme accessoire. Ainsi, en parlant
l'intention. Le défenseur se plaindra d'un mal- pour un homme illustre, pour un héros qui a
heur causé non par sa faute, mais par une force rendu à l'État de nombreux services, vous pou-
supérieure, du pouvoir de la fortune, et de la fai- vez avoir recours à la déprécation sans néan-
blesse humaine ce n'est pas l'événement qu'il moins paraître en faire usage, comme dans cet
faut envisager, mais sa conscience. En dévelop- exemple Juges, si, pour prix des services de
pant toutes ces idées, il aura soin d'exciter des « l'accusé, pour prix de son dévouement à vos
mouvements de pitié pour son infortune, et d'in- « intérêts, il venait aujourd'hui, en faveur de
dignation contre la cruauté de ses ennemis. « tant d'actions éclatantes, réclamer votre indul-
Et qu'on ne s'étonne point ici de voir mêler à I « gence pour une seule faute, il serait digne de
cet exemple ou à d'autres la discussion du sens votre clémence et de son couraged'accorder une
littéral de la loi. Nous traiterons plus bas cette « telle grâce à un tel suppliant. » Vous pouvez

est, juris et sequitatis naturam oportehit qnaircre, et, exemplis scripti quoque controversiam adjunctam videhit.
|
quasi in absoluta jaridiciali, per se hoc ipsum ab rcbus Quo de génère post erit nobis separatim dicendum, pro.
omnibus aeparatim considerare. Atque hoc in loco, si fa- pterea quod quasdam genera causarum, simpliciter, et ex
cilitas erit, exemplis uti oportebit, quibus in simili excu- sua vi considerantur quidam autem sibi aliud quoque
satione non sit ignotum et contentione, magis illis igno- aliquod conlroversioe genus assumunt. Quare, omnibus
scendum fuisse; et ex deliberationis partibus, turpe aut cognitis, non erit difficile in unamquamquecausam trans-
inutile esse concedi eam rem, quae ab adversario commise ferre, quod ex eo quoque genere conveniet ni in his
sit; permagnum esse, et magno futurum detrimento, si ea excmplis concessionis inest omnibus scripti controversia
les ab iis, qui potestatem hat>ent ïindicandi, neglecta sit. ea, qure ex scripto et senlenlia nominatur; sed quia de
XX.XU1 Defensor aulem conversis omnibus bis partibus roncessione loquebamur, in eam prœcepta dcdimns. Alto
poterit uti. Maxime autem in voluntale defendenda ccin- aulem loco de scripto et sententia dicemus. Piunc in alte-
niorahitur, et in ea re adaugenda qua: volunUM fuerit ram concessionis partem considerationem intendeinus.
iinpedimento et se'plus, quam fecerit, facere non poluisse
et in omnibus rebus voluntatem spectari oportere; et se XXXIV. Deprecatio est, in qua non delensio facti, sed
convinci non posse, qnod non absit a culpa et ex suo no- ignoscendi postulatio continetur. Hoc genus vix in judicio
mine communem hominum infirmitatem posse damnari. probaiï potest idoo quod, concesso pectalo, difficile est
Deinde nihil indignius esse, quam eum, qui culpa careat ah eo, qui peccatorum vindex esse débet, lit ignoscat,
supplicio non carere. Loci autern communes accusatoris, iutpetrare. Quare parte ejus generis, quum causam non iu
unus in confessione, et alter, quanta potestas peccandi eo constitueris, uti licebit. Ut si pro aliquo claro aut forti
relinquatur, si semel institutum sit, ut non de facto, sed viro, cujus in renipiiblicam milita sint bénéficia, disais;
de facti causa rpiaeratur defensoris, couquestio calamiu- pussis, qunm videaris non utj deprecatione, uti I amen, ad
tis ejus, qu;e non culpa, sed vi majore quadam acciderit, hune modum Quod si judices t hic pro suis beneflciU,
et de fortune potestate, et hominum inlirmitate, et uti pro suo studio, qnod in vos babuil semper, tali suo tem-
nun eventuin considèrent in quibus « pore, inullorum suorum recte factorum causa, uni de-
buiun animum
omnibus conquestionem suarum aerumnarum et crudeli- .
(jeto ut ignosceretis, postularct tam di'ipium vestra
jmljces, a
tatisadversariorum indignationem inesse oportebit. « mansuetudine, quam virtule hujus essel,
Ac neminem mirari conveniet si aut in liis aut in aliis a vobis liane rem, hoc postulante, îinpetrari. » D&ind*
insulte exagérer ses services, et. par des lieux pouvez,
pi que les liens du sang ou l'amitié de vos
urnimuns disposer les juges à la clémence. ancêtres
ai vous unissent étroitement à ceux dont
Quoique ce moyen ne soit que rarement em- vous
vi implorez la générosité. Relevez votre dé-
ployé dans les tribunaux, si ce n'est comme ac- vouement,
vi la haute naissance, la dignité de vos
cessoire, toutefois, comme il peut être nécessaire protecteurs;
p: usez, en un mot, de tous les lieux com
d'y avoir recours et de l'employer dans toute n
muns qui ont rapport à l'honneur et à la dignité
la cause, devant le sénat ou devant une assem- d personnes. Employez les prières, et sans mon-
des
blée, nous en tracerons les règles. Ainsi, « lors- ti jamais ni fierté ni hauteur, prouvez qu'on
trer
« que le sénat et l'assemblée publique déli- vvous doit des récompenses plutôt que des châti-
«
bérèrent sur le sort de Syphax et le préteur ments. Nommez ensuite ceux à qui ona pardonné
n
« I,. Opimius et son conseil sur l'affaire de Q. ddes délits plus graves. Un de vos moyens les plus
• Numitorius Pullus, la décision fut longue, victorieux
v sera de démontrer que, lorsque vous
« et Numitorius réussit moins à se justifier qu'à étiez
é armé de la puissance et de l'autorité, vous
«
obtenir son pardon. Il ne fut pas aussi facile de éétiez bon et porté à la clémence. Atténuez aussi
prouver, par la question de fait, qu'il avait été votre
v faute de manière à la rendre la plus légère
toujours dévoué aux intérêts de Rome, que d'ob- possible,
p et a faire voir ainsi qu'il ne serait pas
• tenir par
la déprécation le pardon de sa faute, moins
r honteux qu'inutile de vous punir pour si
< en
faveur de ses derniers services. » peu
[ de chose. Enfin pour attendrir vos auditeurs,
XXXV. Demandez-vous donc qu'on vous par- employez
e les moyens que nous avons indiqués
donne; rappelez, si vous pouvez, les services que cau premier livre.

vous avez rendus; montrez, s'il est possible, qu'ils XXXVI. L'adversaire, de son côté, exagérera
surpassent de beaucoup votre faute, pour prou- la faute le coupable n'a rien fait par ignorance,
ver que vous avez fait plus de bien que de mal. mais
i il a agi par méchanceté, par cruauté; son
N'oubliez point non plus d'exposer lcs services caractère
( est impitoyable, superbe. Il a toujours
de vos ancêtres. Prouvez que vous n'étiez guidé été,
i dira-t-il, mon ennemi; et rien ne pourra ja-
ni par la haine ni par la cruauté; mais que vous mais changer ses sentiments envers moi. Ces
étiez égaré, séduit; que vous aviez des motifs services qu'il rappelle, est-ce à sa bienveillance
honorables, ou qui, du moins, n'avaient rien de ou à des vues intéressées que je les dois? Ils ont
criminel. Promettez, jurez qu'instruit par votre été suivis d'une haine violente, il les a effacés par
erreur même, affermi dans le chemin de la vertu tout le mal qu'il m'a fait; ou, ses services sont
par un pardon si généreux, on n'aura plus désor- bien au-dessous des fautes qu'il a commises ou
mais rien de pareil à vous reprocher, et montrez bien, ses services ont été récompensés; il faut
l'espoir d'être quelque jour utile à ceux qui vous punir ses fautes le pardon serait aussi honteux
auront pardonné. Rappelez encore, si vous le qu'inutile. Quelle folie de ne point user de votre

ml isnoscendi vuluntateni deducere.


aubère bénéficia licebit, et jmlices per locum communem futimim; postea, si facultas erit, se, aut consanguineum,
aut jam a majoribus inprimis amicnm esse demonstrabil
Quare hoc genus, quanquam injudiciis non versatur, et amplitudinem snœ voluntatis et nobilitatem generis
nisi quadam ex parle tamen quia et pars ipsa induceiida eorum, qui se salvum velint et dignitatem ostendere; et
uounmiquani est, et in senatu, aut in consilio ssepeomnicetera ea, quœ personis ad lionestatem et ainplitudincin
in genere tractanda, in id qnoque pracepta ponemus. sunt altrihuta rmn conquestione, sine arrogantia, in se
« Nam in senatu et in consilio de Sypbace <1iu rieliberatumesse demonstrabit ut honore potius aliqtio, quum ullo
« est; et de Q. NutnitorioPulloapud ïj. Opimium et ejus supplicio dignus esse \ideatur; deindo ceteros proferre,
« consilhim diu dictnm est. Et ma^is iit hoc quidem igiio- quibus majora delicta concessa sint. Ac multum proficiet,
« scendi, qiiam
cognosoendi postuhitio vainit. Nam sem- si se niisericordem in polestate, et propenstun ad igno-
<> per animo hono se in populum romannin fuisse non tain
scendum fuisse ostendcl. Alque ipsum illud peratum erit
u facile probabat, quifrn eonjeclurali constiliilione ntere- extenuandum, ntquatn minimum fuisse rideatui';et ant
ttir, quatn ut, proptcrposlenusbeneficîum,sibiignosce- tnrpe, aut inutile dL'inonstrandum tali de homîne suppli-
lelur, quum deprecationis partes adjungeret. » cium sumere. Deinde locis cotnmmiibus miseiïcordiam
XXXV. Oportebit igiiureutn, qui, sihi ut ignnscatur, caplare oporlebit c\ iis piïeeeptis quai in in imo libro sunt
[wistuTabit conimemoraie si qna sua polerit henelicia, exposila.
et si poterît ostendere, ea majora esse, quam ha;c qtiaj XXXVI. Adversarius autem malefacta aiigeliit; nihil
i
ilnliquerit, ut plus ab eo boni quam midi proTectum esse imprudenter, sed omnia ex trudelilate et miililia fada
Mdealur; deimte majorum stiorum bénéficia si qtiaexsta- dicet; ipsum immisericordem, superbinn fuisse, el, sipo-
bunt proferre deinde ostendere, non orb'o neque ernde- terit, osteudet, semper inimicum fuisse, et amicum iieri
lilate lecisse, quod feterit, sed aut stullitu, aut impulsui nullomodo posse. Si bénéficia pi'oferet aut aliqua {le causa
i
aliaijus, aut aliqua honesta aut probabili causa; postea fada non proulcr bcnivoleutiarn ilfiiiimslrabit aut postea
polliccri, et couiirmare, se et hoc peceato doctum, ett od'iuin esse acre susceptnm, aut illa omnia malcliciis esse
i
îxvielicio eortim, qui sibi ignoverint, conlirnialutn, nAini deleta; aut leviora benelicia, i|iiam nialelicin; aut, quum
trinnure a tali rationeahfuturum; deinde spein ostendere, beiH'lit'iis honos bakitus sit,pro malelicio |)(tuain siimi
iltquo se in loco, magno lis, qui sihi contcsseiïiit usui opoivio. Ucinde turpe esse, aul inutile, iguwiri. Dciude,
pouvoir sur celui que vous avez désiré si souvent (des formes, mais qu'elles n'en sont pas moins
avoir entre vos mains 1 Rappelez-vous quels 1liées mutuellement, dans une foule de détails,

étaient pour lui vos sentiments quelle était votre par


1 les rapports les plus intimes. Occupons.
haine. L'indignation qu'inspire le crime de l'ac- tnous d'abord des récompenses. « Le consul L.
cusé fournit à l'orateur un lieu commun; la pitié Licinius Crassus poursuit et parvient à détruire
que réclame le malheur dû à la fortune, et non n dans la Gaule citérieure des brigands qui, sous
à sa propre faute, lui en fournira un second. «
différents chefs obscurs et inconnus, dévas-
La multitude des divisions de la question de «
taient la province par des courses contiuuelles,
genre nous a forcés de nous y arrêter longtemps. « sans que
leur nombre et leur nom permissent
Comme la différence et la variété des objets qu'elle « de les considérer comme ennemis du peuple
embrasse pourraient nous jeter dans quelque «
romain. Le consul, à son retour à Rome, de-
erreur, il me paraît indispensablede prévenir ici « manda au sénat les honneurs du triomphe. »
de ce qui me reste à dire sur ce genre de ques- Ici, comme dans la déprécation il ne s'agit pas d'é-
tion, etd'expliquer mes motifs. La question juri- tablir le point à juger par des raisonnements et
diciaire traite, avons-nous dit, du droit et du des réfutations; car, s'il ne se présente pas de
tort, des châtiments et des récompenses. Nous question ni de partie de question incidente, le
avons traité des causes où l'on s'occupe du droit point à juger est simple et renfermé dans la
et du tort; il faut donc maintenant parler des demande elle-même. Dans la déprécation, on
peines et des récompenses. s'exprimerait ainsi « Faut-il punir? Ici on
XXXVII. Un grand nombre de causes ont dira Faut-il récompenser? » Voj'ons mainte-
pour but la demande d'une récompense; car sou- nant quels lieux appartiennent à la question des
vent les tribunaux s'occupent des récompenses récompenses.
dues à l'accusateur, et l'on en sollicite devant XXXV1TI. On la divise en quatre parties les
le sénat ou devant le peuple. Qu'on n'aille pas services, l'homme le genre de récompense, et
croire qu'en parlant d'affaires portées devant le les richesses. On considère les services en eux-
sénat, nous sortions du genre judiciaire. En mêmes, relativement aux circonstances, à l'in-
effet, la louange et le blâme, quand il s'agit tention de celui qui les a rendus, et à la fortune.
de recueillir ensuite les suffrages et de porter On examine les services en eux-mêmes; s'ils sont
un jugement, ne sont plus du genre délibératif, importants ou non faciles ou difficiles, rares ou
mais bien du genre judiciaire, puisqu'il faut communs, ennoblis ou non par leur motif les
énoncer un avis et prononcer sur un homme. circonstances; si l'on nous a rendu des services
Avec une connaissance approfondiede la nature quand nous en avions besoin; quand les autres
de toutes ces causes, il est facile de voir qu'elles ne pouvaient ou ne voulaient nous en rendre
diffèrent entre elles par le genre, et par la variété quand nousavions perdu tout espoir l'intention•

de quo ut potrstas esset, sacpe optarint, in eum potestate sarum vim et naturam cognoverit, tum genere, lum etiam
non uti, stimulant esse stultitiam; et cu&ilarc oportere, forma cas inteliiget dissidere; ceteris auteni parlibus aptas
quem animum in eum, vel quale odium habuerint. Locusi inter se omîtes, et aliam in aliam implicatani videbit. Piune
aillent communis erit indignatio maleiicii etalter, eornm de prrcmiis considérerons. « L. Licinius Crassus consul

Htiam in miseriis sint.


Quoniam igilur in gênerait constitutione laimliu propterr
niisereri oportere, qui propter l'ortunam non propter ma- « quosdam in ciletiore Gallia, nullo illusiiï, neqiie certo
« duce, neque eonomine, neque numéro pea-ditos, ut
« digni essent, qui hosles populi romani dicereutur;quod

«jus partium mullitudineinconnnoramur, ne forte varietate tamen excursionibus et latrociniis infestam provinciam
et dissimilitudinererumdiductiis afaujusanimusiuqiiein- « redderent, conseetatus est, et confecit; Romum redit;
dam errorem deferatur quid etiam nobis ex eo genere « triumpltum ab senatu postulat. » Hic, ut et in depreca-
restet, et quare restet, adntoncndumvidetur. Juridicialem liune ntbil ad nos allitict, niliouibus et inlirnntlionibus
causant esse dicebamus, in qua œqui et iniqui natura, raliotium supponendis ad judicationem pervenire pro-
pntïmii aut pœnœ ratio quœreretur. Eas causas, in quibuspterea quod, nist alia quoque incidet constitutio aut pars
,le îcquo et iniquo quœritur, exposuimus. Restât nunc, utt constitutions simplex erit judicatio, et in quœslionc
de prœmui et de pœna evplicemns. ipsa continebilur. ln deprecatione, hujitsmodi « Opor-
XXX Vif. Snnt enim mnibf <aus!B, qnae ex praemii ali- In
• teatne potna affici. hac, hnjusmodi « Oportealne
cujus pelitione constant. Nam et apud judices de rirœmio> « pitemiuin dari. » .Vunc ail prœmii quaeslionem appositos
sa'pe accusaloruru qiiœritnr, et a senatu, aut a consilior locos exponemus.
nliquodprœiniunisaepe pelitur. Ac neminem convenietar- XXXVIII. Ratio igilur pra?imi quatuor est in partes
hitrari, nos, quum aliquod exeniplutn ponamus, quod1 distributa in beneliria in honiineni in prsentii genus, in
in senatuagatur, ab judiciali genere exemplorumrecedere. lacultates. Beneficia, ex sua vi, ex tempore, ex animo
Quidquid enim de homine probando, aut improbando di- ejus, qui fecit, ex casu considerantur. Ex sua vi quaeren.
tïtxir, qilum ad eam dictionem sententianim qnoque ratio5 turltoc modo magna an parva; facilia, an difficilia;
aocommodetur, iil non, etsi per sententiœ dictionem agilur, singularia sint, an vulgarta vera, an falsa quadam ex ra-
deliberativuin est sed quia de homme statiiitur, judiciales tionc lionestentur ex lentp(»rc aillent, si lum, qutim tn-
|
est liiibemlunt. Oinniuu aillent qui diligenter omnium eau-• digetemus; qntnit celeii non possent, aut uoUenl opitu-
s'ils n'ont pas eu pour principe des vues intéres- accorder
a 1 au crime ni les prodiguer à la médio-
sées mais bien le désir sincère d'être utile lat crité;
c ensuite, que les hommes auront moins
fortune, s'ils ne sont point dus au hasard, mais dd'amour pour la vertu si on les familiarise avec
à une volonté bien décidée, ou si la fortune ne 1(les
récompenses, dont l'attrait seul nous fait
s'opposait point aux effets de cette bonne vo- trouver belles et agréables des actions difficiles
ti
lonté. e pénibles en elles-mêmes; enfin, que si, dans
et
Quant à l'homme on s'attache à découvrir sai l'antiquité,
l' on rencontre quelques grands hom-
conduite, à connaître quels frais ou quels soinss mes n dont le mérite supérieur a été honoré d'une
lui a coûtés cette action s'il en a déjà fait une pareille
p distinction, ne croiront-ils pas que l'on
semblable; s'il ne réclame point le prix d'une vveut ternir leur gloire, en accordant la même
action dont un autre est l'auteur ou qui n'est récompenser t à des hommes tels que ceux qui la
due qu'aux dieux; s'il n'a pas lui-même refusé ddemandent aujourd'hui? L'orateur comptera ces
d'accorderune récompenseméritée par les mêmes5 héros h il les opposera aux adversaires. Celui qui
moyens; si l'honneur qu'il s'est acquis par sess demande d la récompense développera son action
services ne l'a point assez récompensé; s'il n'a et i
e la comparera avec celles qu'on a honorées d'une
pas été forcé d'agir comme il a fait; ou si son ac- r récompense. Enfin, il dira que c'est découragei
tion n'est point de nature à mériter une récom- la 1: vertu, que de lui refuser le prix de ses efforts.

pense puisqu'il eût mérité d'être puni pour n'a- On parle des richesses, quand il s'agit d'une
voir pas fait cette action dont il se glorifie; enfin1 récompense
r pécuniaire. Alors on examine si le
s'il ne demande point trop tôt sa récompense, pays p qui l'accorde est riche ou non en propriétés,
et ne vend point à un prix assuré des espérances5 en e revenus, en argent comptant les lieux com-
incertaines; ou s'il ne se hâte point de deman- muns sont, qu'il faut augmenter et non diminuer
n
les
der «ne récompense, pour se dérober à quelque ]i richesses d'un État; qu'il y a de l'impudence
peine par ce jugement anticipé. à ne point se contenter de la reconnaissance, et
XXXIX. Pour le genre de récompense, oni à trafiquer de ses bienfaits. L'adversaire répon-
examine la nature et l'importance de celle qu'onri dra d qu'une basse avarice peut seule calculer quand
exige, l'action pour laquelle on la réclame ett il i s'agit d'être reconnaissant; qu'il ne vend point
le prix que mérite chaque action. On va chercherr ses s services, mais qu'il désire qu'on t'en récom-
ensuite dans l'antiquité, à quels hommes et àk pense { par l'honneur qu'il a mérité. Maisc'est assez
quelles actions on a accordé un honneur qu'on nee parler}: des questions ou états de cause passons
doit pas d'ailleurs prodiguer. Celui qui s'opposee aux a discussions qui portent sur le sens littéral.
à ce qu'on accorde la récompense, a ici pourr XL. La discussion porte sur le sens littéral,
lieux communs, d'abord, que les récompensess quand c le texte offre quelque chose de douteux
de la vertu et du zèle dans l'accomplissement dee ce c qui vient de termes ambigus, de la lettre et de
ses devoirs sont sacrées qu'on ne doit point less l'esprit,
1 de lois contraires, de l'analogie ou de

tari sitmn, quura spes desesuisset ex animo, si nonn cl c altcr, miuus homines virtutis cupidos fore, vii-tutis
sui commodi causa, sed eo consilio fecit oinuia, ut hocc pnemiop pervulgato; quae enim rara et anlua sunt, ea ex
conficere posset ex casu, si non fortuna, sed indnstriaa pramiio
p pulclira et jucunda Lominibus videri et tertius,
factum videbitur, aut si industrie fortuna ohstitisse. s exsistant, qui apud majores nostros ob egregiam viitu-
si
lu homine autem; quibus ralionihus vixerit, quid simii-i- tem
t tali honore diguati sunt, nonne de sua gloria, qunm
tus in eam rem aut laboris insumserit; ecquid aliquaudo r pratnio taies hommes affici videant,deliberari putenl?
o pari
tale fecerit; num alieui laboris, aul deorum bonitatis pire- i-e eleormn enumeratio, et eum cis, quos contra dicat, coin-
miinn sibi postulet; num aliquando ipsetalan ob causam il jiaratio.
r Ejus autem, qui prremium petet, facti sui amplt-
lirœmio aliquem aftïci negaiïtoportere;ant num jam fia- ficatio,
li et eornm, qui pracinio aflfecti sunt, cum suis factis
tis pro eo, quod fecerit, honos habitus sit; ant nom ne- contentio.
c Deinde ceteros a virtutis studio repulsum iri,
cesse fuerit ei facere id, quod fecerit; aut nunt hujusmodili si
s ipse prfcmio non sit affectus.
sit factum, ut, nisi fecisset, supplicia dignus esset, non, Facultates autem considerantur, quiim aliquod pecn-
quia fecerit, praeniio; aut num ante tempus primniuin n niaruiii
r prœmium postulatur in quo utrum copianc sit
pelât, et spem incertain cerlo venditet pretio; aut num, a agri, vectigalium, pecunia?, an penuria, consideratur.
quo supplicium aliquud vitet, eo pramiuin postulel, ut it ILoci communes, Facultates augere, non minuere oportere,
de se prfpjudicium factum esse videatur. t Impudeulem esse, qui pro beneficio non gratiam, ve.
et
f,t quamobrem posluletur, et quo, et quanta quacque res
i
XXXIX. In prœmii autem génère, quid, et quantum, irum mercedcm postulet. Contra autem de pecunia ratio-
:s cinari, sordidum esse, quum de gratia referenda delibe-
<
piiTmio digna sit, considerabitur deinde, apud majores '5 retur;
i et se non pretium pro facto, sed honorein[ita ut
i-
>|iiibus hominibus, et quibus de causis talis honos sit ha- factitatum sit] pro beneficio poslulare. Ac de constitutio.
hitus, qua'relurjdeinde, ne is honos minium pcrvagelur. i nibus quidem satis dictum est "une de iis controversiis.
Atque hicejtis, qui contra aliquem prîfiminm postulantemn quae in scripto versantur, dicendum videtur.
dietît, locus erit communis; prœmia virtnlis et offidi îi XL. In scripto versatur c^ntroversia, qmim ex scri.
s.mctii et casta esse oportere. neque ea aul tum imjirobisis ptiouis ratione aliquid dubii nascitur. Id fit ex ambiguo,
ftuninuiiicari, aut in mediocribus liominibus pervtilgari ex scriptoet senfentia, ex contrains legibus ex ratioci-
mots mal définis. La question nait de l'ambiguïté adversaire
a est beaucoup moins convenable que
des termes, quand le texte offre deux ou plu- li vôtre qu'il est impraticable, et qu'il n'atteint
le
sieurs sens qui empêchent de distinguer l'inten- r le but qu'on s'était proposé, tandis que le
pas
tion véritable de celui qui a écrit. Par exemple vôtre
v présente autant de facilité dans l'exécution
« Un père de
famille qui a institué son fils son hé- que d'avantages dans le résultat. Supposons ( car
q
« ritier,
lègue cent livres de vaisselle d'argent à rien r ne nous empêche d'avoir recours à des sup-
« son épouse, en ces termes
Que mon iiébi- positions,
p pour nous faire mieux comprendre ),
« TIEH DONNE A MA FEMME CENT LITBES DE supposons
S qu'une loi porte UNE COURTISANE NE
« i
VAISSELLE D'ARGENT A SON CHOIX. Le pèrePEUT AVOIR UNE COURONNE Il'OB EN A-T-ELLE
« mort, la mère demande à son fils la vaisselle lat une
i QU'ON LA vende. On pourrait répondre
plus précieuse, les pièces les mieux travaillées. àà celui qui voudrait, aux termes de la loi, faire
« Le fils soutient qu'il ne doit lui donner que cel- vendre la courtisane « Proposer de vendre celle
«
les qu'il voudra. » Démontrez d'abord, s'il estt «« qui se vend tous les jours, est-ce un moyen rai-
possible, qu'il n'y a point d'ambiguïté dans lesi «« sonnable, et la loi serait-elle exécutée ? La vente
termes, puisque, dans la conversation, on em- « de la couronne, au contraire, est aussi aisée
ploie ce mot ou cette expression dans le sens que « « qu'utile, et on ne peut y trouver aucun obs-
vous lui donnez. Prouvez ensuite que ce qui pré- . tacle. »
cède et ce qui suit rend clair l'endroit dont il1 XLI. Examinez de plus si, en approuvant le
s'agit. Si l'on considère chaque mot en
particu- ssens de votre adversaire, on n'accuse pas l'au-
lier, tous, ou du moins le plus grand nombre, teur t de l'écrit d'avoir négligé quelque chose de
auront quelque chose d'ambigu; mais si le sens du plus i
utile, de plus honnête ou de plus nécessaire.
1

texte, dans son ensemble, est clair, il n'y a point Montrez


J t que si le sens que vous proposez est dicté
d'ambiguïté. D'ailleurs, les autres écrits, les ac- par ( l'honneur, il n'est pas moins conforme à l'in-
tions, les paroles, l'esprit, la conduite enfin de3 térêtt et commandé par la nécessité et qu'il n'en
i
celui qui a rédigé pourront vous éclairer sur son est pas de même de celui de la partie adverse.
intention. Étudiez encore avec soin l'écrit dont ilToutes les fois que la question naît ainsi de l'am-
s'agit; examinez-entoutes les parties, pour dé- biguïté des termes d'une loi, attachez-vous a
1

couvrir quelque chose de favorable au sens quee montrer qu'une autre loi a pourvu à l'objet que
vous y donnez, ou qui détruise celui de votree veut entendre votre adversaire. Il est encore im-
adversaire car il n'est pas difficile, d'après lee portant pour vous de faire voir quelles expres-
sens général de l'écrit, le caractère de celui qui l'a sions
eût employéeslerédacteur de l'écrit, s'il eut
fait, et d'après les différents chefs qui appartien- i- voulu parler dans le sens qu'on vous oppose.
nent à la personne, de trouver ce qu'il a dû vrai- Ainsi dans la cause où il est question de vaisselle
semblablemcnt écrire. Montrez ensuite, quand d d'argent, la mère ne peut-elle pas dire que « le
le sujet le permet, que le sens préféré par votree « testateur n'aurait point ajouté A SON choix s'il

uatione, ex definilione. Ex ambiguo autem nascitur con-i- ptura, et expersona scriptoris atque fis rebus, quje per-
troversia, quum, quid senserit scriptor, obscurum est, sonift atlributae surit, consideiabitur. Deinde erit denioii-
quod aciiplum duas pluresve res signilicat ad hune mo- i- strandum, si quid ex ipsare dabitur faeultatis, id, quod
tluin « Paterfamilias, quum (iliiim heredemfaccret, vaso-
> adversarius intelligat miillo minus commode neri posse
« lum argenteorum centutn pondo uxori su.iosic Ingavil quai» id, quod nos accipimus, quod illius rei nequeadmi-
« HEKES lltts tXOM BlRjE VASORliM ARGENTEORUM PONDO 0 nistratio, neqnc exitus ullus exstet; nos quod dicamus,
k centum, QCvE volet, dato. Post mortcin ejus, vasa ;a facile et commode transigi posse. Ut in hac lege (nibil
n niagnilica et pretiose «étala petit a /ilio mater. Ille se, enim prohibet lîctain exempli loco ponere, que Tacilius
t, res inlelligatur) :Mereti\ix coron\m auream iïe iiadeto.
« quae ipse vellet, debere
demonstrandum est, non esse ambiguë scriptum; pro-
pterea quod omnes iu consuetudinesermonis sic uti so-
SI
dicit. » Priinuin, si fieri poterit,

1
habuerit, public* esto; contra eiim, qui meretricem
publicaii dicatex lege oportere posset dici Neque ad-
leant co verbo uno pluiïbnsve in eam sententiam, in quam m « ministralionem esse uilani publicœ meretricis, neque
is, qui dicet, accipiendum esse duinonstrabit. Deinde ex :x « exitum legis in meretrice publicanda. At in auro puhli
superiore et ex inferiore scriptura docendum, id, quod id « cando et administrationein et exitum facilem esse, et
<]ii&'ratiir,fieti perspk.tiuni. Quare si ipsa separatim ex se ie « incomniodinihil inesse. »
verba cousiderciiLnt', omuia, aul pleraque, ambigua visum m XII. Ac diligenter illud quonue attendere oportebit,
iri; quae autem ex omni considerata scriptura perspicua la num, illo probato, quod adversaiius intrlligat, nlilior
fiant, lia» ambigua non oportere existimari. Deinde, qua la res, aut honestior, aut magis necessaria, a scriptore ne-
in sententia scriptor fuerit, ex celerisejns srriplis factis, s, glecta videatur. Id liet, si id, quod nos demonstrabimus,
dictis, animo, atque vitaejus sumi oportebit, et eam ip- c- honestum, ant utile, ant neeessaiium demonstrabimus
sam scripturam, in qua inerit illud aiubiguum de quo 10 et, si id, quod ab adversariis dicetur, minime ejusmodi
quseritur, totam omnibus ex partibus pertentare, si quid, 1 dicemus esse. Deinde si in lege erit ex ambiguo contro-
autad id appositum 6Ît, quod nos interpretemur, autei, i, versia, dare operam oportebit, «tdeeo, qutxï adversarius
qnnd adversarius intelligal adversetur. Nam facile, quid id intelligat, alia in lege cantiini esse doeeatur. Pernmituin
verisi.iJIe sit eum voluisse, qui scripsit, ex, omni scri- i- aiilein jtrofictc't illud demoristrare, quemadinodum sert.
« s'en fût rapporté à la volonté de l'héritier? Son «
Puis il ajoute SI mon FILS MEURT AVA.vr SA
« silence eût indiqué que le choix de la vaisselle «•
MAJORITÉ, VOUS SEREZ MON SECOND HEBITIEH.
« était laissé à l'héritier. C'eût donc été une folie 11n'eut pas de fils; ses parents disputent la
• qued'ajouter, pour la sûreté de l'héritier, un «« succession à celui qu'il a déclaré héritier, dans
mot dont la suppression ne blesseraiten rien ses «• le cas
où le fils mourrait avant sa majorité. »
« intérêts. Dans de
pareilles causes, servez-vous Ou
( ne peut pas conseiller ici d'adapter la volonté
surtout de ce raisonnement Si telle avait été ( testateur au temps ou à quelque événement
du
son Intention, il ne seserait point servi de ce mot, ]particulier;
car on ne peut lui en prêter qu'une
il ne l'aurait pas mis à cette place; car c'est là seule,
s et c'est celle qui fait toute la force de celui
surtout ce qui rend évidente l'intention du testa- qui
( attaque le texte pour défendre ses droits à
teur. Examinez aussi dans quel temps il a écrit l'héritage.
]
les circonstancespourront vous aider à deviner une manière de défendre l'inten-
JI est encore
son intention; puis vous chercherez, par les tion.
t On ne soutient pas que la volonté du testa-
moyens du genre délibératif ce que l'honneur teur
1 ait été toujours la même indépendante des
et l'intérêt prescrivaient à l'un d'écrire, et aux événements et dirigée vers le même but; mais
autres d'entendre; et si l'on emploie l'amplifica- que, d'après certains faits, certains incidents,
tion, les deux parties auront recours aux lieux il faut l'interpréter suivant les circonstances; et
communs. alors on puisera ses plus puissants moyens dans
XLII. Quand l'un s'attache à la lettre, et que la causejuridiciaireaccessoire. Tantôt on emploie
l'autre, au contraire, ramène toutes les expres- l'alternative, comme pour défendre. Celui qui,
sions à l'intention qu'il suppose à l'auteur de l'é- « malgré la loi, a ouvert de nuit les portes, pen-
crit, laquestionnaitalorsdel'espritetdelalettre.. «
dant la guerre, pour recevoir des troupes auxi-
Celui qui s'attache à l'intention, montrera que « liaires qui eussent été infailliblementaccablées
l'auteur de l'écrit n'a jamais eu qu'un seul but, « par
l'ennemi campé sous les murs; » tantôt la
qu'une seule volonté ou il tâchera, soit par le récrimination, comme à l'égard de « Celui qui,
fait, soit par quelqueincident, d'adapter le texte «
malgré la loi générale qui défend l'homicide, a
à la circonstance. Il prouvera que la volonté «
de
tué son tribun militaire, pour se dérober à ses
l'auteur de l'écrit n'a jamais changé, comme dans violences criminelles;«tantôt le recours, comme
cet exemple Un homme marié, mais sans 1 en faveur de
Celui qui, nommé député, n'a
«
enfants, a fait son testament en ces termes « pu
Si«
partir au jour fixé par la loi, faute d'avoir
« J'AI UN OU PLUSIEURS FILS, ILS HÉRITERONT reçu de l'argent du trésorier » enfin l'aveu
« DE MES biens suivent les formules ordinaires. du crime pour s'excuser sur son ignorance,
1111.

psisset, si id quod adversarius accipiat, fieri aut inteliigi n ve, is mini hères ESTO. Deinde qure assoient. Postea, Si
voluisset ut in hac causa, in qua de vasis argenteis quaeri- « FILIUS ANTE UORITIR Q.LAM IN TUTELAMSUAM VENERIT TU
tur, possit mulier dicere, « Niliil attinuisse adscribi que « mieii dicebat, secihdus hères esto. Filius non est natus
« voi.it, si lieredis voluntati permitteret. Ko enim non ad- « Ambigunt agnati cum eo, qui est hères, si
filius ante,
« scripto, nihil inesse dubilationis quin heres, quae ipee « quam in suam lulelam veniat, inortuus sit. » In hoc ge-
« vellet, daret. Amentiam igitur fuisse, quum heredi vel- nere non potest hoc dici ad tempus, ant ad evenlum ali-
<•
let cavere, id adscribere, quo non adsciipto nihilomi- quem sententiam scriptoris oportere accomniodari pro-
« nus
heredi caveretur. Quare hoc génère magnopere pterea quod ea sola demonstratur, qua fretus ille, qui
talibus in causis uti oportebit Si hoc modo scripsisset, contra scriptum dicit, snam esse hereditatem defendit.
isto verbo usus non esset; non isto loco verbum istud col- Alteruin autem genus est eorum, qui scntentiam indu*
lousset. Nain ex his sententia sciiptoris maxime perspici- cunt, in quo non simplex voluntas scriptoris ostenditnr,
lur. Deinde quo tempore scriptum sit, quaerendum est, quœ in omne tempus et in omne factum idem valeat sed
ut, quid eum voluisse in ejusmodi tempore verisimile sit,f ex quodam facto, auteventu ad tempus interpretanda dici.
intelligatur. Post ex deliberationis partibus, quid ntilius, ttir. F,a partibus juridicialis assumtivaemaxime sustinetnr.
et quid honestius et illi ad scribendum et his ad com- Nam tum inducitnr comparatio, ut « In eum, qui quum
probandum sit, demonstrandum; et ex his, si quid am- lex aperiri portas noctu vetaret; aperuit quodam in liclltt
nlilkationis dabitur, communibus utrosque locis uti opor-
n cl auxilia quidam in
oppidum recepit, ne ab hostibut
tebit. « opprimerentur, si foris essent, quod prope muras hostes
XLII. Ex scripto et sententia controversia consistit, « castra haberent tum relalio criminis, ut « In eo milite,
quum aller verbis ipsis, quœ scripta sunt, utitur; alter ad « qui, qiunn communis tex omnium hominem oocidere
id, quod scriptorem sensisse dicet, omnem adjungit di- « vetaret, trihunum milttum suiim, qui vim sibi aflerro
ctionem. Scriptoris antem sententia ab eo, qui sententia « conaretiir, occidit » tum remotio criminis, ut « In eo,J
se defendet tum semper ad idem spcctare, et idem velle qui, quum lex quibus diebus in leigationen) proficisce-
di'inonstrabilurjtuniaut ex facto, aut ex eventu aliquo « relur, piu'stilucrat, quia sumtum quttslor non dedit,
ad lompus id, quod instituit, aciommodabilur. Semper « prolectus non est » tum concessio per purgationem et
ad idem spectare, hoc modo « Paterfamilias,quum libe- per impriidentiam, ut « In vituli iminolalione » et per
roruin nihil haberet, morem autem Imbcrct, in testa- vim ut Il In navi rostrata » et per casum, ut « l« Euro-
• ini'nto ita scripsit Si hiiii huis i;t.\ms irws, i'iii;ts- la; Iliiniinis inagnitudiue. » Quare aut ita sententia in-
comme Dans le sacrifice du veau; » sur une àa coup, comme si vous n'avie z plus rien à dire
force irrésistible, comme Dans le vaisseau à comme
t si l'on n'avait rien à vous répondre; qu'il
«
éperon sur le hasard, commeDans le ivous suffise alors de lire souvent à haute voixx
»
« débordement de l'Eurotas. » Ainsi dévelop-
l'écritqui
1 fait l'objetde la discussion, et de compa-
ad-
pez l'esprit du texte, de manière à prouver irrr souvent avec cet écrit la conduite de votre
que la volonté du testateur ou du législateur était versaire;
i
adressez-vous aussi quelquefois au juge
une et invariable, ou qu'on peut la déterminer avec i vivacité; rappelez-lui son serment, ses de-
par telle ou telle circonstance, tel ou tel événe- voirs,
i en ajoutant que l'obscurité du texte ou les
ment. dénégations
i de l'adversaire pouvaient seules le
j
XLIII. Tous les lieux que nous allons indi- jeter dans l'incertitude. Mais puisque le texte esl
quer, ou du moins le plus grand nombre, pour- formel, que l'adversaire convient de tous les faits
1

ront servir à celui qui défend la lettre. Il com- le devoir du juge est d'obéir à la loi, et non db
mencera par l'élogedu législateur ou du testateur, l'interpréter.
I

et par un lieu commun sur la nécessité indis- XLIV. Ceci bien établi, écartez toutes les ob-
j
pensable pour un juge, de s'en tenir à la lettre, jections qu'on pourrait vous faire. On vous réfu-
surtout quand il s'agit d'un texte légal et authen- tera
t en prouvantque les expressionsdu rédacteur r
tique, comme, par exemple, d'une loi ou d'un ne i sont pas d'accord avec sa volonté, comme il
écrit fondé sur la loi. Ensuite (et c'est surtout ici est arrivé dans l'exemple du testament; ou, par
<

que la preuve devient puissante) l'orateur doit la question accessoire, on montrera pourquoi
comparer la conduite ou l'intention de ses adver- l'on n'a pas pu ou dû s'en tenir rigoureusement
saires avec l'écrit lui-même, les définir l'un et au texte. Si l'on soutient que les expressions et
l'autre, rappeler aux juges leur serment, lieu qui l'intention du rédacteur ne s'accordent pas celui
offre à l'éloquence une variété infinie. Tantôt il qui s'en tient à la lettre dira qu'il ne nous appar-
se demande avec étonnement à lui-même ce tient pas de raisonner sur la volonté d'un homme
qu'on peut lui répondre; tantôt, s'adressant aux qui, pour nous empêcher d'interpréter ses vœnx,
juges une seconde fois, il semble chercher ce qu'ils nous en a transmis l'expression. Que d'incon-
pourraientencore attendre de lui; enfin apostro- vénients ne se présenteront pas, si l'on pose une
phant son adversaire, qu'il paraît accuser à son fois en principe que l'on peut s'écarter de la let-
tour Niez-vous, dira-t-il que ce soit là le texte tre! Ceux qui écriront leurs volontés, croirontt
de la loi ou de l'écrit, ou que vous ayez agi dans qu'on ne les observera pas, et les juges n'auront
un sens contraire, et que vous y portiez atteinte? plus de règle sûre, une fois qu'ils seront habituée
osez nier l'un ou l'autre, et je me tais. Accorde- à s'éloigner du sens littéral. Vous voulez suivre
t-il l'un et l'autre, sans se désister de ce qu'il la volonté du rédacteur; mais ce n'est pas moi
avance, vous ne pouvez plus victorieusement qui m'en écarte, c'est mon adversaire car celui
prouver son impudence, qu'en vous arrêtant tout qui juge l'intention d'un homme d'après ses ex-

ducctur, ut iinum quiddam voluisse scriptor demonstre- arrii conlligendojatqueinterdum acriter a d judicem ipsu
lur aut sic, ul in pjnsmodi re et tempore hoc voluisse severtendo. Quo in loco judici demnnstrandnm est, qnid
doceatur. juratus sit, quid sequi debeat; duabus de causis judicem
XLIH. Ergo is, qui scriptum defendit, his locis plemin- dubilare oportere si aut scriptum sit obscure aut neget
poterit uti aliquid adversarius. Qnum et scriptum aperte sit, etail-
que omnibus, majore antem parte semper
t'rimum scriploris collaudatione et loco communi, nihil versarius omnia confiteatur,tum judicem legi parère, non
interpretari legem oportere.
vos, qui judicent, nisi id, quod scriptum ait, spectare XLIV. Hoc loco conlinnalo, tum diluere ea, quœ con-
oportere; et hoc eo magis, si legitimum scriptum profère-
oportebit. Contra autem dicetur, si aut
tur, id est, ont lex ipsa, aut ex lege aliquid. Postea, qiicid tra dici poterant,
vehementissiiimmest, facti, aut intentionis adversaiiorum prarsus alind sensiàse scriptor, el scripsisse aliud demon-
scriptum sit, qnid fa- strabitur ut in illa de testameuto, quam posuimus, «on-
cum ipso scripto contenlione, quid
troversia aut causa assnmtiva inferetur, quamobrem
ctum quid ,juratus judex quem locum multis modis va-
riai e oportebit; tum ipsum secum aduiirautem quidam aliud scripto non potuerit, aut non oporuicrit obtemperari. Si
cnntra dici possit; tum ad judicis ofiicium t'evertentem, sensisse scriptor, aliud scripsisse dicetur, is, qui
et ab eo quauentem quid prœterea audire, aut exspectare scripto uletur, hue dicet, non oportere de ejus voluntâte
debeat; tum ipsum adversarium quasi intenlantis loco, nos argumentari, qui, ne id facere posscilins indicium
producendo hocest, interrogando, utrum scriptum neget nohis reliquerit sua; roluntatis mulla incommoda conse-
qui, si institualur, ut a scripto recedatur. Nam et eos,
esse eomodo, an ab se contra factum esse, aut contra con- qui aliquid scribant, nonexistimaturos, id quod scripse-
tendi neget; utrum negare ausussit, sediceredesilurumj
si neutrum neget, et contra tamen dicat, nihil esse, qno
rint, ratum futurum; et eos, qui jndicent, certum, quod
hominem impudenliorcm quisquam se visurnm arbilrctur. sequantur,
nihil haUituros, si semel a scripto recedere
consueverint.Quod si uilunlas scriptoiis conservanda sit
In hoc ita cominoraii conveniet quasi nihil prœterea di-
cendnm sit, et quasi contradici nihil possit, sa?pe id,quod se, non adversarios, a vol unlate ejus slare. Nam mulîo
est, recilandu sape emu scripto rarliim iuI ter- propius
arcedere ad sciipluris voluntatein eum.quiex
sa iplum
pressions, est bien plus fidèle à ses volontés, que qui prouvera qu'il ne les aurait point omises
celui qui ne s'en rapporte point aux expressions ici, s'il avait cru qu'elles fussent nécessaires.
que le rédacteur nous a laissées comme le tableau Prouvez ensuite qu'admettre les raisons de l'ad-
fidèle de ses intentions, et qui prétendrait les versc partie, c'est anéantir la loi, puisque, si on
comprendre ou les interpréter mieux que lui- les admet une fois, on ne peut les considérer
même. d'après une loi qui n'en parle pas; que si l'on
Si celui qui s'attache à l'esprit, expose quel- adoptait cette maxime, on offrirait à chacun les
que raison, répondez d'abord qu'il est absurde moyens et l'occasion de devenir criminel, puis-
de convenirqu'ona enfreint la loi, et de chercher qu'on jugerait alors les délits d'après le caprice
à justifier sa conduite. Dites ensuite que tout est du coupable, et non d'après la loi que l'on a juré
bouleversé autrefoisc'était l'accusateur qui prou- d'observer; enfin, que s'écarter de la loi, c'est
vait aux juges que l'accusé était coupable, qui renverser les principes qui guident les magistrats
établissait les motifs de son crime; aujourd'hui dans leurs jugements, et les citoyens dans leur
c'estl'accusélui-mêmequi montre pourquoi il est conduite. En effet, qui pourra diriger les juges,
coupable. Chaque partie de la division suivante s'ils s'écartent de la lettre? comment pourront-ils
vous fournira encore un grand nombre de réfu- condamner les autres, eux qui auront jugé con-
tations. D'abord, aucune loi ne permet d'alléguer tre la loi? Et les citoyens sauront-ils ce qu'ils doi-
des raisons contraires au texte de la loi; ensuite, vent faire, si chacun sans respect pour les lois
quand toutes les autres lois le permettraient, générales de l'État, ne suit dans sa conduite d'au-
celle dont il s'agit ferait seule exception; enfin, tre règle que son caprice et sa volonté? Deman-
quand cette loi même le permettrait, la raison dez aux juges pourquoi ils font le sacrifice de tous
qu'on allègue ne doit être nullement accueillie. leurs instants aux affaires d'autrui; pourquoi ils
XLV. Voici à peu près les moyens dont on peut s'occupent du bien de l'État, tandis qu'ils pour-
appuyer la première partie. Le rédacteur ne man- raient se livrer tout entiers à leurs intérêts et à
quait ni de l'esprit, ni des lumières, ni des se-. leurs plaisirs; pourquoi ils emploient une formule
cours nécessaires pour exprimer clairement sa vo- de serment pourquoi ils s'assemblent et se sé-
lonté. S'il avait cru que le cas où se trouve votre parent à des heures fixes et réglées; pourquoi,
adversaire méritât quelque exception, rien n'é- s'ils sont obligés de se dérober quelquefois aux
tait plus simple et plus facile que de l'exprimer affaires publiques, ils n'allèguent d'autres causes
les législateurs n'ont.ils pas l'usage de faire des que celles qui ont été formellement exceptées par
exceptions? Lisez ensuite les lois qui portent des la loi est-il juste que la loi leur impose un joug
exceptions; examinez surtout si la loi dont il s'a- si pesant dont ils permettront nos adversaires de
git n'en renferme aucune, ou si le même législa- s'affranchir? Si le coupable, direz-vous encore,
teur n'en a point fait ailleurs quelques autres; ce voulait ajouter à la loi l'exception qui peut justi-

ipsius eam litteris interpretetur, quam ïlliitn qui senten- ipsa lege, qua de agiter, sit exceptio aliqtio in capite aut
tiam scriptoris non ex ipsius scripto spectet, quod illfi suffi apud eumdem legis scriptnrem, quo magis eum prohetur
volunlatis quasi imaginem reliqnerit, sed dumesticis su- fuisse excepturum, si quid excipiemlum putarct et osten-
spifionibus perscrotetur. dere, causam accipere, nihil aliud esse, nisi legem toi-
Sin causam afferet is, qui a sententia stabit, primum lere ideoquod, quum semel causa considcrctur, nihil at-
erit contra dicendum quam absurduni non negare con- tineat eam ex lege considerare, quippe quae in lege scripta
tra legem fecisse, sed quare fecerit, causam aliqnam in non sit. Quod si ttitinstitutum, omnibuscausamdariet po<
venire; deinde conversa omnia esse ante solitos esse ae- testatem peccandi quuni intellexerint vos ex ingenio ejus
cusa tores judicibus persuadere, aRinem esse alicujns culpœ qui contra legem fecerit, ron ex lege, in quam jurnti
eum, qui accusaretur causam proferre quœ cum ad pec- sitis, i«m judicare deindeetipsisjudicibusjudicandi, et
candum impulisset; nunc ipsum reum cansam alTcrre, ceteris civibus vivendi rationes perturbamrn iri, si semel a
legibus recessum sit: nam et judkes neque, quid sequantur,
quare dcliquerit. Deinde hanc inducere partiliouem cujus
in singulas partes mute convenient argumenlationes habidiros, si ab eo, quod sciïptum sit, recédant; neque,
primum nulla in lege ullam cansam contra scriplum accipi quo pacto aliis imptobare possiut, qnod contra legem ju-
convenire; deinde si in celeris legibus conveniat, hanc dicarint; et ceteros cives, quid agant, ignoraturas si ex
esse hujusmodi legem, ut in ea non oporleat; postremo si suo quisque consilio, et ex ea ratione quœ in mentem,
in hac quoque lege oportcat, liane quidem cansam accipi aut in libidinem venerit, non ex conmiuni prœscriplo ci-
minime oportere. vitatis unamquiunquc rem administrarit. Postea quœrere
XI.V. l'rima pars his fere locis contirmabitnr sçriptori a judicibus ipsis, quare in alienis detineautm- negotiis;
neque ingenium, neque operam, neque ullam faeultaletn cm- reipublicx minière impediantur, quum sxpius suis ré-
defuisse quo minus posset aperte perscribere id bus et commodis servire possiut; cur in cerla verba jn-
quod cogitaret; non fuisse ei grave, nec difficile, eam rent; cur certo tempore conveniant, certo discedant; nibil
causam excipere, qnam adversarii proferant, si quid- quisquam afferal causa;, quo minus fréquenter operam rei-
quam excipiendum putasset consuesse eos, qui leges scri- publicae dct, nisi qu;c causa in lege excepta sit; an se le-
bant, exceptionibus uti. Deinde oportet recitam leges cum gibus obstrictos in tantis molestiis esse requiun censeanl.
excculjonibus scriptas, et maxime videre, si aua in ea adversarios noslros loges ncgligcre œnrccbnt. Diimle Uitm
fier sa conduite, le souffriiïez-vous ? ÎN'est-il pas susceptibles
s d'exceptions, celle-ci ne saurait en
mille fois plus indigne et plus impudent d'enfrein- admettre.
t Prouvez, pour y parvenir, que cette
dre la loi, que d'y ajouter? Supposons que vous- loi 1 embrasse les objets les plus utiles, les plus
mêmes, juges, vous vouliez le faire le peuple importants,
i les plus nobles et les plus sacrés <

le souffrira-t-il? Et n'est-il pas pins indigne de qu'il


c serait honteux, funeste ou sacrilége de ne
changer une loi par le fait même et par votre ju- pas I observer scrupuleusement la loi dans une
gement, que d'en altérer le texte et les expres- semblable
s affaire, ou que la loi est si exacte, a
sions? Quelle indignité de déroger à la loi, de si s bien prévu tous les cas et toutes les exceptions
l'abroger, ou d'y faire le plus léger changement, possibles,
I qu'il est ridicule de supposer qu'on ait
sansquele peuple puisse en prendre connaissance, omis ( quelque chose dans une loi rédigée avec
l'approuver ou le rejeter! Cette innovation ne tant 1 de soin.
sera-t-elle pas dangereuse pour les juges? Ce n'est Enfin, celui qui défend la lettre, a pour troi-
ni le temps ni le lieu de corriger les lois; c'est de- sième lieu commun, et c'est le plus important,
vant le peuple, c'est par le peuple qu'elles doi- que s'il convient quelquefois d'admettredes rai-
vent être modifiées. Si l'on fait ce changement, sons qui combattent le texte, il ne faut pas du
dites que vous voulez savoir quel législateur s'en moins s'arrêter à celle que son adversaire propose.
chargera, quels citoyens l'approuveront; dites Ce point est d'autant plus essentiel, que toujours
que vous prévoyez les suites de cette innovation, celui qui attaque la lettre doit avoir pour lui les
et que vous vous y opposez. Quand même les dis- apparencesde la justice. Ne serait-ce pas le comble
positions de la loi actuelle seraient aussi honteu- de l'impudence que d'attaquer un texte sans s'ap-
ses que funestes, les juges n'en doivent pas moins puyer sur l'équité? Si donc l'accusateur parvient
observer cette loi quel qu'en soit le caractère. à jeter des doutes sur ce point à l'égard de l'ac-
S'ils y trouvent quelque chose à reprendre, c'est cusé, l'accusation paraîtra bien plus juste et bien
au peuple à la corriger. Enfin, si nous n'avions mieux fondée; car tout ce qui précède ne tendait
point ce texte, cet écrit, nous mettrions tous nos qu'à mettre les juges dans la nécessité de se pro-
soins à le découvrir; et nous n'en croirions pas noncer, même malgré eux, contre l'adversaire
l'adversaire sur sa parole, ne fût-il pas accusé. ici il faut leur en inspirer le désir, même quand
Maintenant que nous l'avons, quelle folie d'en ils n'y seraient pas forcés. Vous y réussirez si,
croire plutôt le coupable que les paroles mêmes puisant aux mêmes lieux que J'adversaire a mis
de la loi C'est par ces raisons, et par d'autres en
oeuvre pour sa justification, l'alternative, le
semblables, qu'on prouve qu'il ne faut point ad- recours, la récrimination ou la concession (lieux
mettre d'exceptionsqui ne se trouvent pas dans que
j'ai développés plus haut avec tout le soin
la loi. dont j'étais capable ) vous employez, à l'aide
i
XL VI. Dans la seconde partie, vous avez à de ces mêmes lieux communs, les moyens que
montrer que, quand même les autres lois seraient vous fournit votre cause pour réfuter l'accusé si

quœrere abjudicibus, si ejus rei causam, propter quami céleris Iegibus oporteal in hac non oportere. Hoc demon-
se reus contra legem fecisse dicat, exceptionem ipse ini strabitur, si lex aut ad res maximas, nlilissimas hone-
lege adscribat, passurine sint; postea hoc, quod faciat in- stissimas, religiosissimas videbitur pertinere; aut inutile,
i
dignius et impudentius esse, qimm si adscribat; âge aut turpe, aut nefas esse tali in re non diligenlissime legi
obtemperare, aut ita lex diligenter perscripla demonstra-
porro, quid? si ipsi velint judices adscribere, passurusne
sn populus? atque hoc esse indignius, quam rem verbo> bitur, ilacaiitum unaquaquede re, ita, quod oporhierit,
et litteris mutare non possint, eam re ipsa, et judicio ma- exceptum, ut minime conveniat quidquam in tam diligenti
xime, commutare; deinde indignum esse de iege aliquidscriptura prreteritum arbitrarî.
derogari aut legem abrogari, aut aliqua ex parle cum-i- Tertius locus est ei, qui pro scripto dicet, maxime ne-
mutari, quum pepuio cognoseendi et probandi, aut im- cessarius, per quem ostendat oportet, si conveniat cansam
sissimum luturiim non hune locnm esse neque hoc lem- ab
prohandi potestas nulla fiât; hoc ipsis judicibus invidio. contra scriptum accipi, eam tamen minime oportere, qufe
adversariis afferatur. Qui locus idcirco est huic neecs-
pus legum corrigendarum apud populum hoc, et perr sarius, quod semper is, qui contra scriptum dicit, asqui-
populum agi convenue; quod si nunc id agant velle se tatis aliquid afferat oportet. Nam summa impudentia sit,
scire qui lator sit, qui sint accepturi se acliones videre eum,
velit,
qui contra, quam quod scriptum sit,aliquid probare
et dissuadere velle; quod si haec quum summe inutilia, non aequitatis praesidio id facere conari. Si quid
tnm multo turpissima sint, legem, cujiiscemodi sit, ifii igitur ex hac ipsa quippiam accusator deroget, omnibus
praesentia conservari ab judicibus, post, si displiceat, aa partibus justius et probabilius accusare videtur. Nam su-
populo corrigi convenire. Deinde, si scriptum non exstaret,perior oratio hoc omnis faciebat, uti judices, etiamsi nol-
magnopere quœreremus neque isti, ne si extra pericu- lent, necesse esset hœc autem, etiamsi necesse non esset,

si
lum quidem esset, crederemus. Nunc quum scriptum n ut vellent contra judicare. Id autem fiet, si, quibus ex locis
sit, amentiam esse, ejus, qui peccaiit potius,quam legiss culpa demonstrabitur non esse in eo. qui comparatione,
ipsius verba cognoscere. His et hujusmodi rationibus osten- aut remotione, aut relatione criminis, aut concessionis
ditur, causam extra scriptum accipi non oporlere. partibus se defendit (de quibus ante, ut potuimus dili-
XLYI. Secuudii pars est in qua est si inj tenter peisnipsimus), de his locis, quse res postuiabit,
vous alléguez les raisons et les motifs pour les- jjuges il n'a point parlé de ce qui lui semblait
quels la loi ou le testament renfermede telles dis- évident, persuadé que vous ne vous contenteriez
positions, de sorte que vous paraissiez avoir pour point de répéter ses paroles, et que vous cherche-
vous la pensée et la volonté du rédacteur, aussi riez plutôt à interpréter sa volonté. Ensuite s'a-
bien que le texte même de l'écrit. Vous pourrez dressant à ses adversaires, qu'il leur demande
encore attaquer le fait par d'autres états de ques- Si j'avais fait telle chose, si tel événementétait
tion. arrivé (et il ne citera ici que des actions hon-
XLVII. Celui qui parle contre la lettre, établit nêtes ou d'une nécessité inévitable), m'auriez-
d'abord l'équité de sa cause; il montre quelle a vous accusé? et cependant la loi ne parle point
été son intention, ses motifs, l'esprit qui l'a di- de cette exception. Elle ne les fait donc pas
rigé et, quelques raisons qu'il apporte, il sui- toutes; il en est donc d'assez évidentes pour
vra, dans sa défense, les principes que nous avons qu'elles soient, en quelque sorte, tacites. Enfin,
donnés sur la question accessoire. Après avoir, dans la conversation, dans les habitudes domes-
en développant ces moyens, exposé ce qui l'a tiques, dans les ordres qu'on donne chez soi
1
fait agir, et démontré, par l'amplification, l'é- aussi bien que dans la loi et dans un contrat, à
quité de sa cause, il soutiendra par les lieux sui-
i- combien d'erreurs ne serait-on pas exposé tous
vants qu'il faut admettre des exceptions. Il prou- les jours, si l'on voulait s'en tenir à la lettre,
vera que la loi n'ordonne jamais rien d'injuste sans se prêter à l'intention de celui qui a parlé
ou de funeste, et que les peines qu'elle prononce XLVIII. Prouvez ensuite, par les lieux com-
sont établies pour punir le crime ou la méchan- muns de l'honneur et de l'intérêt, combien ce
ceté que le rédacteur, s'il existait encore, ap- que vous devez ou vous auriez dû faire, suivant
prouverait une telle action; qu'il en aurait fait vos adversaires, serait honteux ou funeste; com-
autant dans tes mêmes circonstances. Juges, dira- bien, au contraire, ce que vous demandez ou ce
t-il, si le législateur exige que ceux qui siégent que vous avez fait est utile et honorable. L'ora-
dans les tribunaux soient d'un certain ordre de teur fera aussi cette réflexion ce qui nous est
citoyens, qu'ils aient atteint un certain âge, ce cher dans la loi, ce n'est point seulement les ex-
n'est pas pour qu'ils répètent ses paroles, ce que pressions, marques faibles et obscures de la vo-
pourrait faire un enfant, mais pour qu'ils soient lonté, mais l'importance des choses, mais la sa-
en état de deviner son intention, pour qu'ils gesse et la prudence du législateur. Définissez
soient les interprètes de sa volonté. Si le rédac- ensuite la loi montrez qu'elle ne consiste pas dans
teur en eût abandonné l'expression à des juges les mots, mais dans le sens, et que le juge qui
barbares et ignorants, il eût prévu tous les cas s'attache à l'esprit et non à la lettre, n'en est pas
avec le plus grand soin; mais, comme il savait moins fidèle à la loi. Quelle indignité de punir du
quels hommes on chargerait des fonctions de même supplice le scélérat dont l'audace crimi-

ad causam adversariorum improbandam transferemus aut perscripturum fuisse nunc vero, quod intelligcret, quales
causas et rationes afferentur, quare, et qno consilio ita sit viri judicaturi essent, idcirco eum, quœ perspicua videret
in lege, aut in testamento scriptum, ni sententia quoque, esse, non adscripsisse aeque enim vos scripti sui rccila.
et voluntate scriptoris, non ipsa solum scripluree causa tores, sed voluntatis interprètes fore putavit. Postea quœ-
cunfirmatum esse videatur; aut aliis quoque constitntioni- rere ab adversariis, Quid si hoc fecissem? Quid si lioc
bus factum coarguetur. accidisset? eorum aliquid, in qnibns aut causa sit hone-
XL VII- Contra scriptumautem qui dicet, primum eum stissima, aut nece&situdocertissima; tumne accusaretis?
înducel locum, per quem aequitas causa: demonstretur; Atqui hoc lex nusquam excepit. Non ergo omnia scriptis,
aut ostendet, quo animo, quo consilio, qua de causa fe- sed quidam, quœ perspicua suit, tacitis exceptionibus
cerit et, quameumque causam assnmet, assumtionis par caveri. Deinde nullam rem neque legibus, neque scriptura
tibus se defendet, de quibus ante dictum est. Atque lioc ulla, denique ne in sermone quidem quotidiano atque im-
iu loco quum diulius commoratus, sui facti rationem et nwiis domesticis recte posse administrari, si nnusquisque
acquitatem causae exornaverit tura ex his locis fere contra vflil vei ba spectare cl non ad\oluntatemejus, qui vetba
adversarios dicet oportere causas accipi. Demonstrabit. lialiuerit, accedcre.
nullam esse legem, quœ aliqnam rem iuutilein aut ini- XLVIII. Deinde ex utilitatis et honestatis partibus os-
quam tieri velit; omnia supplicia, quœ a legibus profici- lendere qnam inutile aut quam turpe sit id, quod ad-
scantur.culpaeacnialitiiEvindicandœ causa coustituesse; versaidicant fieri oportuisse, aut oporlere; et id, quod
scriptorem ipsum, si exsistat, factum hoc probaturura nos feccrimus, ant postulemus, quain utile, aut quam
et idem ipsum, si ci talis res accidisset, facliirum fuisse; lionestuin sit. Deinde leges nobis caras esse non propter
et ea re legis scriptorem cerlo ex ordine judices, certa lillerus, qtiee tenues et obscurae nolie sint voluntatis, sed
létale prœdilos coiislituissc, ut essent, non qui scriplum propter earum rerum, quibus de si-riptuin est, uliiitatem,
suum recitarent, quod quivis puer facerc posset, sed qui et eorum, qui scupserint, sapicotiani et diligentiam. Pos*
eogitationem assemii passent, et voluntalem interpretari; tea, quid sit kx, descriiicre, ut ea videatur in sentenliis,
deinde ilhim scriptorem, si scripta sua stultis liominibtis non in vwbis consistore; et judex ij videatur legi oktoiif
vt liaiharis juiliribiiç mininilteret, omnia summa diligentia perare, 'in i soiitculiam cju:?, non qui si*rii>fur;un sc<i!iatur.
nelle a enfreint la loi, et celui que des
1 motifs 1hon- sions
sii du
1 législateur contre l'équité dont il avait
nêtes, ou une nécessité insurmontable, ont écarté, l'i
l'intention de prendre la défense.
non pas du sens, mais de la lettre de la loi! C'est XLIX. Quand deux ou plusieurs lois semblent
par ces raisons et d'autres semblables que l'ora- contradictoires,
cc le pointde discussion naît de cette
teur prouvera qu'il faut admettre des exceptions, opposition;
ol par exemple, une loi porte LE MEUR-
les admettre pour la loi dont il s'agit, et admettre ti
TRIER D'UN TYRAN RECEVRA LE MEME FBIX QUR
celle qu'il demande. il VAINQUEURS DES JEUX OLYMPIQUES, ET LE
LES
Si rien n'est plus utile, comme nous l'avons MAGISTRAT
M LUI ACCORDERA CE QU'IL VOUDRA
dit, pour celui qui défend la lettre, que de répan- DEMANDER. Une autre loi ordonne, qu'APEÈs LA
n
dre du doute sur l'équité dont se pare son adver- m
MORT D'UN TYRAN LE MAGISTRAT FASSE MOUliiH
saire, il ne l'est pas moins, pour ce dernier, d'ap- si CINQ PLUS PROCHES PARENTS. « Thébé,
SES
peler à son secours le texte même, ou d'y montrer «
épouse d'Alexandre,tyran de Phères, égorge,
quelque ambiguïté, de justifier celui des deux sens « pendant la nuit, son mari qui reposait à ses
qui est le plus avantageux à sa cause, ou de tour- «
côtés. Elle demande pour récompense le fils
ner en sa faveur, par la définition, l'expression « qu'elle a eu du tyran. Quelques citoyens pré-
la plus défavorable, ou enfin de tirer du texte, « tendent que la loi veut la mort de l'enfant. Tel
par induction, ce qui ne s'y trouve pas expres- est le point sur lequel il faut prononcer. Les
sèment nous parlerons plus bas de ce moyen mêmes
ra lieux communs, les mêmes préceptes con-
de preuve. Lorsqu'on peut ainsi tirer de la lettre viennent
vi ici à chacune des deux parties, puisqu'il
même un moyen de défense, quelque faible qu'il s'agit,
s' pour l'une et pour l'autre, d'établir la loi
soit, pourvu que la cause soit juste, ce moyen ft
favorable à sa cause, et d'infirmer celle qui lui
sera nécessairement très-avantageux, puisqu'en est contraire. Il faut d'abord les comparer, exa-
ei
renversant le point d'appui de l'adversaire, on miner
rr celle qui traite de plus grands intérêts, je
ôte à ses preuves tout leur nerf et toute leur viva- veux
v dire d'objets plus utiles, plus honnêtes et
cité. L'un et l'autre pourront puiser leurs lieux plus
p nécessaires. On conclut alors que si l'on ne
communs dans la question accessoire. Celui qui peut
p conserver deux ou plusieurs lois qui se con-
défend la lettre pourra dire encore qu'il ne faut tredisent,
ti il faut donner la préférence à celle dont
point interpréter la loi suivant l'intérêt du cou- If dispositions embrassent de plus grands in.
les
pable; que rien n'est plus sacré que la loi. Son térêts.
ti Ou recherche ensuite quelle est la loi la
adversaire répondra que la loi ne consiste point plus
p récente c'est ordinairement la plus impor-
dans les mots, mais bien dans l'intention du lé- tante
U et celle qu'il faut préférer. On distinguera
gislateur et dans l'intérêt général qu'il serait sou- la loi qui permet, et celle qui ordonne; car on
\i
verainement injuste de se prévaloir des expres- est
e; obligé de faire ce qui est ordonné expressé»

Deinde, quam indignum sit, eodem affici supplicio eum, litteris urgeri, quae voluntate ejus, qui scripserit, defen-
li
qui propter aliquod scelns et audaciam contra le°em fe- ddatur.
«rit, et eum, qui honesta, ant necessaria de causa, non XLIX. Ex contrariis autem legibus controversia na-
.ab sententia, sed ab litteris legis recesaerit atque his et scitur,
si quum inter se dua? videntur leges, aut plures dis-
hujusmodi rationibus, et accipi causam, et in bac lege crepare, hoc modo Lex est, QUI tïrannum occidebit,
ci
accipi, et eam causam, quam ipse afferat, oportere accipi 0LÏ11H0MCAKIM
o. PR£MIUM CAPITO, ET QVAM VOLET SIB1
demonstrabit. REM
R A MAGISTRATU DEPOSCITO, ET MAGISTRATUS El COM-
Et quemadmodum ei dicebamus, qui a scripto diceret, cCEDiTO. Et altera lex, tyran.no occiso, qwhqve ejus PRO-
hoc fore utilissimum, si quid de aequitate ea, quae cum xX1M0S C0GNAT10NE MAC1STRATUS KEC\TO. n Alexandrum
adversario staret, derogasset sic huic, qui contra scri- ««qui apud l'heraeos in Thessalia tyrannidem occuparal
ptum dicet, plurimum proderit, ex ipsa scriptura aliquid « uxor sua, cui Thebe nomen fuit, noctu, quum simnl
ad suam causam convertere, aut ambigue aliquid scriptum «« cubaret, occidit. Hœc filium suunuquem ex lyramxt
ostendere; deinde ex illo ambiguo eam partem, quae sibi « habebat, sibi in prasmii loco
n deposei Sunt, qui ex lege
prosit, defendere, aut verbi dëu'nitionem inducere, et « puerum occidi dicant oportere. Res in judicio est. » In
illius verbi vitn quo urgeri videatur, ad suse causa? com- hoc génère utramque in partem iidem loci, atque eadem
h
modum traducere, aut ex scripto non scriptum aliquod prœcepla
p convenient, ideo quod uterque suam legem cou-
inducere per ratiocinationem, de qua post dicemus. Qua. fi
firmare, contrariamiufirmare debebit. Primum igitur leges
cumque autem in re, quamvis leviter probabili, scripto 0oporlet conlendere, considerando, utra lex ad majores, hoc
ipso se defenderit, etiatu quum aquitate causa abundabit, est,
e: adutiliores,ad honestiores ac magis necessarias res
necessario multum proficiet ideo quod, si id, quo nititur pertineat
p ex quo conficitur, ut, si leges duaî aut si plures,
adversariorum causa, subduxerit, omnem illam ejus vim a quotquot erunt, conserrari non possint, quia diacre.
aut
et acrimoniam lenierit ac diluerit. Loci autem communes pent
p inter se; ea maxime conservanda putetur, quœ ad
céleri ex assumtionis partibus in utramque partem conve- maximas
n res pertinere videatur. Deinde utra lex posterius
nient. Praeterea ejus, qui a scripto dicet leges ex se, h sit nam postrema quœque gravissima est. Deinde
lata
non ex ejus, qui contra commiserit, utilitate spectari
oportere, et legibus antiquius haberi nihil oportere. Contra

'e' "1"
scriptum leges in consilio scriptoris,et utilitate communi,
non '1"
in verbis consistcre;
'II U' .I,IU' \A.Ou..oo~ quam
ClfXBON. TOMI I.
indignum sit, aequitatem
utra
ri
Dama
d -J
imperaUir,
il

4'
u lex jubeat aliquid, utra permittat nam id, quod
necessarium illud, quod permittitur, volunta-
rium est. Deinde in utra lege, si non obtemperatum sit,
afficiatur, aut in utra major peena statuatur nam
ment; on est plus libre à l'égard de ce qui est montrerez surtout, par f amplification, à laquelle
permis. Puis on examine laquelle des deux punit des deux lois on doit obéir de préférence.
la désobéissance, ou celle qui la punit avec le L. C'est une question d'analogiequand, de ce
plus de sévérité; car il faut conserver de préfé- qui se trouve dans la loi, on déduit ce qui ne s'y
<

rence la loi qu'on a environnée de plus de pré- trouve pas. LA LOI MET UN FURIEUX ET TOUS SES
cautions. Observez ensuite laquelle ordonne, et BIENS SOUS LA TUTELLE DE SES PARENTS DU CÔTÉ
laquelle défend; car la loi prohibitive ne semble, PATERNEL,
i ET DE SES PARENTS DU CÔTÉ MATER-
le plus souvent qu'une exception de la loi impé- NEL. i Une autre loi PERMET AU pèse DE famille
rative. Après quoi l'orateur s'arrête à la loi gêné- DE
i LÉGUER A QUI IL VOUDBA SES ESCLAVES ET
raie et à la loi particulière; à celle qui s'applique SES
s biens. Enfin, une troisième porte que, si
à plusieurs circonstances; à celle qui ne s'ap- UN i PÈRE DE FAMILLE MEURT INTESTAT,
SES,
plique qu'à un seul cas on voit, en effet, que la ESCLAVES
i ET SES BIENS APPABTIENNENT A SES
loi particulière et celle qui ne parle que d'un seul PAKENTS
i DU CÔTÉ PATERNEL, ET A SES PARENTS
cas, tiennent de plus près à la cause et peuvent DU i CÔTÉ maternel. Un homme est condamné
être plus favorables au jugement. On examine « pour parricide; aussitôt, comme il n'avait pu
encore celle qui ordonne sur-le-champ, et celle »« s'enfuir, on lui met des entraves, on lui en-
qui accorde quelques délais et quelques retards; « veloppe la tête dans un sac de cuir, et on le
car il faut obéir avant tout à ce qui ne souffre «« mène en prison, jusqu'à ce qu'on ait préparé
le
point de délais. Tâchez ensuite de paraître fidèle « sac où l'on doit l'enfermer pour l'abandon-
à la lettre de votre loi, tandis que votre adversaire ner
« à la merci des flots. Cependant quelques
est obligé de choisir entre deux sens, ou de re- «« amis lui apportent des tablettes dans la prison
courir à l'analogie à la définition une loi dont « amènent des témoins, et écrivent les noms de
le sens est clair, a bien plus de poids et d'auto- « ceux qu'il institue ses héritiers. On signe le tes-
rité. Montrez aussi l'accord de la lettre et de l'es- « tament, et le coupable est conduit au supplice.
prit dans la loi que vous invoquez essayez de Les agnats disputent lasuccession à ceux que le
«
ramener au sens de votre loi celle dont s'appuie •« testament a nommés héritiers. » On ne peut ici
votre adversaire, et de montrer, si la cause le produire
p aucune loi qui ôte formellement à ceux
permet, qu'elles ne sont point contradictoires; quiq sonten prison le pouvoir de tester. Il faut donc
p analogie chercher, et d'après les lois qui ont
que, dans votre sens, on peut les conserver t'une par
et l'autre, tandis qu'en adoptant celui de votre condamné
ci le parricide, et d'après celles qui pro-
adversaire, il faut nécessairement ne point tenir noncent
n sur la validité des testaments, si le cou-
compte de l'un des deux. Pour les lieux communs, pable
p; avait ou non le pouvoir de tester.
vous n'oublierez point de voir ceux que la cause Voici à peu près les lieux communs qu'offre ce
elle-même peut vous fournir, et, en développant genre
gi de cause et de raisonnement. L'orateur corn-
les lieux féconds de l'honneur et del'intérêt vous mence
ir par louer et établir l'écrit qu'il produit; il

maxime conservanda est ea, qnse diligentissime sancta est. L. Ex ratiocinationenasciturcontroversia,quum ex eo,
Deinde utra tex jubcat, utra velet nam sœpe ea, qua? quod
q» uspiam est, ad id, quod nusquam scriptum est, per-
vetat, quasi exceptione quadam corrigere videtur illam, venitur,
ve hoc pacto Lex est SI furiosus escit agnatobum
quae jubet. Deinde utra lex de genere omni; utra de parte CENTILUMQUE 1N EO PECUNlAOtlE EJOS POTESTAS ESTO. Et
CE
quadam; utra communiter io plures; utra in aliquam cer- le:
lex PATERFAMILIAS îm SUPER fauilia peojmaque SUA.
tam rem scripta videatur nam qua in partem aliquam, LEGASSIT,
LE 1TA JUS ESTO. Et Jex SI PATERFAMILUS 1NTR-
et quae in certam quamdam rem scripta est, promtius ad srATO esto.a Quidamjudicalus
liuboi'e MoniTim «famiua
sï\ pecumaqoe EJUS
Quidam PECUNIAQUE acnatorum
eids parentem genti-
occidisae.
causam accedere videtur, et adjudicium magis pertinere. m
<.m)tet'EESTo. est parentemoccidisse.
Deinde, ex lege utrum statim fieri necesse sit; utrum ha- « Ei 6Utim
quod effugiendi potestas non fuit, lîgneœ sole;»
beat aliquam moram et sustentationem nam id, quod « in pedes inductte sunt; os aulem obvolutum est folliculo
tlalim fariendum sit, perfici prius oportet. Deinde ope- «
« et praeligatum deinde est in carcerem deductus, ut ibi
ram dare, ut sua tex ipso scripto videatur niti; contraria «« esset tantisper, dum culcns, in quem conjectus in pro-
quidam ejus
autem aut per ambiguum, aut per ratiocinationem, aut « Huent™ deferretur, compararetur. Interea
per detinitioneminduci quo sanctius et firmnis id videatur <'
familiares in carcerem tabulas afferunt, et testes addu
esse, quod apertius scriptum sit. Deinde suse legis ad « cunt;
> <
heredes, quos ipse jubet, scribnnt; tabulée obsi-
scriptum ipsam sententiam quoque adjungere, contrariam «
« ggnantur. De illo post supplicium sumitur. Inter eos, qui
« heredes in tabulis scripli sunt, et inter agnalos de Iwire-
legem item ad aliam sententiam Iraducere, lit, si fieri
poterit, ne discrepare quidem videantur inter se po-
slremo facere, si causa dabit raeultatem, ut nostraratione
.
•«

« <ditate controversia est. » Ilic certa lex, quae testarrenti


facieudi
fac iis, qui in eo loco sint, adimat potestatem, mdfa
utraque lex couservari videatur; adversariorum ratione, profertur.
pr( Ex ceteris legibus, et quœ hune ipsum sup)jli-
altéra sit necessario negligeuda. Locos autem communes, cio hujusmodi afficiunt, et quse ad teslamenti faciendi
do
et quos ipsa causa det, videre oportebtt, et ex utilitatis et potestatem pertinent, per ratiocinationem veniendum est
pol
liooestatis amplissimis partibus smnere, denionstrantem 9d ejusmodi rationem, ut quœratur, habueritne lestamenli
ad
per amplificationem,ad utram potius legem accedereopor. faciendi potestatem.
fac
teat Locos autem coumuues hoc in genere argumeutaudi,
compare ensuite ce qui est douteux dans la ques- particulières
1 pour chacun et l'on peut trouver
tion présente avec ce qui est certain, de manière partout
] des rapports et des différences. Quant
à faire regarder le douteux et le certain comme aux
i lieux communs destinés à établir l'analogie,
absolument semblables. Il s'étonne qu'en regar- ils
i consistent à passer, avec le secours de la con-
dant l'un comme juste, on rejette l'autre qui l'est j
jecture, de ce qui est écrit à ce qui ne l'est pas.
bien davantage, ou du moins, qui l'est autant. Il n'est personne qui puisse tout prévoir, tout em-
Si le législateur n'en fait point mention, ajoute- brasser et c'est mettre dans la rédaction toute
t-il c'est qu'il a pensé qu'après ce qu'il avait écrit l'exactitude possible, que de faire conclure une
sur un point, le doute n'était plus permis sur chose d'une autre. Pour réfuter cette proposition,
l'autre. D'ailleurs, les lois ne sont-elles pas rem- on dira qu'il n'appartient qu'aux devins de con-
plies d'omissions auxquelles on ne s'arrête point, jecturer, et qu'un étourdi peut seul ne pas prévoir
parce qu'on peut, d'après ce qui est écrit, sup- tous les cas qu'il avait l'intention d'exprimer.
pléer ce qui manque? Démontrez ensuite la jus- LI. Ladéfinition a lieu quand il se trouve dans
tice de votre cause comme dans la question ju- le texte quelque mot dont on cherche la valeur.
ridiciaire absolue. Par exemple LA LOI dépouille CEUX QUI,
L'adversaire de son côté, pour chercher à af- DANS UNE TEMPÊTE, ABANDONNENT LEUR VAIS-
faiblir les rapports que l'on veut établir, prou- SEAU, ET DONNE LE BATIMENT ET SA CARGAISON
vera que les deux termes comparés diffèrent de A CEUX QUI NE LE QUITTENT PAS. •< Deux hom-
genre, de nature, d'essence, d'étendue qu'ils ne mes, dont l'un était propriétaire du navire, et
sont applicables, ni pour le temps, ni pour le «
l'autre de sa cargaison, rencontrèrent en pleine
lieu ni pour la personne, ni pour l'opinion. L'o- « mer un
malheureux naufragé qui en nageant
rateur marquera le rang et la place qu'on doit «
imploraitleur secours. Touchés de compassion,
assigner à chacun de ces termes; il en fera sentir « ils allèrent à
lui, et le prirent à bord. Bientôt
la différence, et démontrera ainsi qu'on ne doit «
la tempête devint si furieuse que le propriétaire
point avoir la même idée de l'un et de l'autre. «
du navire qui était en même temps pilote, se
Veut-il employer aussi l'analogie, et en a-t-il le « jette dans l'esquif, et fait tous ses efforts pour

moyen, qu'il se serve de celles que nous avons «


diriger le vaisseau à l'aide du câble qui l'atta-
indiquées. S'il ne le peut, il affirmera qu'on doit «
che à sa barque. Le propriétaire des marchan-
s'en tenir à ce qui est écrit; que toutes les lois «
dises, qui n'avait pas quitté le vaisseau, se jette
seront exposées à des altérations, si l'on veut ad- «
de désespoir sur son épée. Celui qu'ils avaient
mettre les rapports proposés. On ne trouvera pres- «
recueilli tous deux s'empare alors du gouver-
que rien qui ne ressemble à quelque autre chose; «
nail, et emploie tous ses efforts à sauver le bâti
parmi tant d'objets, il y a cependant des lois ment. Enfin les flots s'apaisent, le temps change,

hos, et hujusmodi quosdam esse arbitramur primum deatur; multis dissimilibus rebus, ln unamquamquerem
ejus scripti, quod proferas, laudationem et confirmatio- tamen singulas esse leges; omnia posse inter se vel simi-
nem deindeejus rei, qua de qureratur, cum eo, de quo lia vel dissimilia demonstrari,Loci communes a ratiocina-
constat, collationem ejusmodi, lit id, de quo quseritur, tione, oportere conjectura ex eo, quod scriptum sit, ad
rei, de qua constet, simile esse videatiir; postea admira- id, quod non scriptum sit, perveuire; et neminem posse
tionem [per contentionem] qui fieri possit, ut, qui hoc omnes res per scripturam amplecti, sed eum commodis-
œquum esse concedat, illud neget, quod autœquius, act sime scribere, qui caret, nt quœdam ex quibusdam intelli.
eodem sit in genere; deinde idcirco hac de re nihil esse gaotur contra ratiocinationem, hujuscemodi, conjectu-
scriptum,quod, quum de illa esset scriptum de hac re is, ram divinationem esse, et stujti scriptoris esse, non posse
qui scribebat, neminem dubitaturum arbitratus sit; postea omuibus de rebus cavere, quibus velit.
multis in legibus multa esse prasterita, quœ idcirco prate- LI. Definitio est, quum in scripto verbum aliquod cet
rita nemo arbitretur, quod ex ceteris, de quibus scriptum positum, cujus de vi quœritur, hoc modo Lex, QUI is
sit, intelligi possint deinde œquitas rei demonstranda AOVERSi TEMPESTATE SiVIM B EIIQBÏR1NT
0MN1A AMITTCK-
est, ut in juridiciali absoluta. TO; EOKl'M NAVIS ET ONEBA 6DSTO, QCI IN KAVI KEHilf-
Contra autem qui dicet, similitudineminfirmare debe- serint. « Duo quidam, quum jam in alto navigarent, et
bit quod faciet, si demonstrabit, illud, quod conferatur, « quum eorum alterius navis, alteriusonus esset, naufra-
ab eo, cui conferatur, diversum esse genere, natura, vi, « gum quemdam natanlem et manus ad se tendentem
magnitudine, tempore, loco, persona, opinione; si, quo « animadverterunt; misericordia commoti, navim ad eum
in numéro illud, quod per similitudinem affertur, et quo in « applicaverunt; hominem ad se sustulerunt- Postea ali-
loco illud, cujus causa affertur, haberi conveniat, osten. « quanto, ipsos quoque tempestas vehementius jactare
detur deinde, quid res cum re différât demonstrabitur, « cœpit usque aden, ut dominus Davis, quum idem gij-
ut non idem videatur de utraque existimari oportere. Ac, « bernator esset, in scapham confugeret, et inde funi-
si ipse quoque poterit ratiocinationibus uti, iisdem ratio- « culo, qui a puppi religatus scapham annexam trahehat
cinationibus, quibus anle dictum est, utetur si non po- « navim, quoad posset, moderaretur; ille autem, cuju»
terit, ncgabit oportere quidquam, nisi quod scriptum sit, « merces erant, in gladium ibidem inwmberet. Hic illd
considdrare; periclitari omnia jnra, si similitudines acci- naufragus ad gubernaculum accessit, et navi quoad po-
piantur; nihil esse paene quod no» alteri simile esse vi- I tuit, est opitulatus. Sedatis autem fluctibus et tempe-
• et l'on arrive au port. La blessure de celui qui obscurs, peuvent aussi rendre obscures des cho-
s'était percé de son épée n'était pas dangereuse; ses évidentes par elles-mêmes. Occupons-nous
• il fut bientôtguéri. Chacun de ces trois hommes d'abord des préceptes du genre délibératif.
« réel ame le navire et sacargaison;chacun d'eux LII. Tous les objets qui peuvent exciter les
« fonde ses prétentions sur le texte de la loi. » désirs de l'homme se divisent en trois genres; il
La contestation naît du sens qu'on attache aux en est trois aussi des objets qu'il doit éviter. En
mots; il faut définir ce qu'on entend par abandon- effet, les uns, forts de leur secrète puissance,
ner le bâtiment, ce qu'on entend par y rester; et nous attirent à eux, moins par l'attrait des char-
enfin, ce qu'on entend par le bâtiment lui-même. mes qu'ils nous offrent, que par l'ascendant de
On emploiera ici les mêmes lieux que pour la leur dignité telles sont la vertu, la science, la
question de définition. vérité. On désire les autres choses plutôt par
Maintenant que nous avons exposé les règles intérêt et pour leur utilité que pour elles-mêmes
qui peuvent s'appliquer au genre judiciaire nous telles sont les richesses. D'autres enfin, qui parti-
traiterons des genres délibératif et démonstra- cipent des deux premières, nous séduisent par
tif nous en tracerons les préceptes, et nous in- leur dignité naturelle et par une apparence d'u-
diquerons les lieux qu'ils fournissent pour l'ar- tilité qui leur donne un nouveau prix comme
gumentation non pas que toute cause ne se l'amitié, une bonne réputation. Il est facile,
rattache nécessairement à une question mais malgré notre silence, de reconnaître quels ob-
ces causes ont des lieux communs qui leur sont jets leur sont opposés. Pour abréger, nous allons
propres, et qui, sans s'écarter de quelqu'une des donner un nom à chacun de ces genres. Tout ce
questions, s'appliquent spécialement au carac- qu'embrasse le premier, s'appelle honnête; le
tère de ces genres. second renferme l'utile; le troisième se compose
On veut que le genre judiciaire ait pour but également de quelques parties des deux premiers;
l'équité, c'est-à-dire, une partie de l'honnêteté. mais comme il n'est pas étranger à l'honneur,
Aristote donne pour but au délibératif l'utile, principe bien supérieur à l'autre, nous lui don-
et nous, l'honnête et l'utile; au démonstratif, nerons le nom le plus honorable, et nous l'appel-
l'honnête. Aussi, pour ce dernier genre, aux lerons aussi honnête. Nous conclurons de là que
préceptes généraux et communs sur les divers l'honneur et le bien sont le principe des choses
moyens de confirmation, nous joindrons quel- désirables, et la honte et le mal, le principe de
ques règles particulières, appropriées au but vers celles qu'on doit rejeter. A ces deux principes, il
lequel doit tendre tout le discours. Nous n'hési-_1. faut en ajouter deux autres non moins puissants,
terions pas à donner un exemple de chaque quesis la nécessité et les circonstances. Dans l'un, on
tion, si nous n'étions persuadés que les dévelop- considère la force; dans l'autre, les objets et les
pements qui répandent du jour sur les sujets personnes nous les développerons plus bas.

« stale jam commulata, navis in portum pervehitur. Ille riores fieri oratione. Nunc ad deliberationis praecepta per-
autem, qui in gladium incubuerat, leviter saucius, gamus.
« facile est ex vulnere recreatus.
Navim cum onere horum LII. Rerum expetendarum tria genera sunt; par autem
« trium suam quisque esse dicit. t.
Hic omnes scripto ad mimerus vitandarum ex contraria parte. Nam estquiddam,
causam accedunt, et ex nominis vi nascitur controversia. quod sua vi nos allicit ad sese, non emolumenlo captans
Nam et relinquere navem, et remanere in navi, denique aliquo, sed trahens sua dignitate quod genus virtus,
navis ipsa quid sit definitionibus quœritnr. lisdem autem scientia, veritas est. Alind antem non propter suam vim et
ex locis omnibus, quibus delim'U'va constitulio, Iractabi- naturam, sed propler fructum, atque utilitatem, peten-
tur. dum qnod genus pecunia est. Est porro quiddam ex ho-
Nunc. expositis iis argumentationibus, qnœ in judiciale rum partibus junctum, quod et sua vi, et diguitate nos
causarum genus accommodantur, deinceps in deliberati- illectos ducit, et prae se quamdam gerit utilitatem, quo
vum genus et demonstrativum argumentandi locos et pra> magis expetatur, ut amicitia, bona existimatio. Atque ex
oepta dabimus, non quo non in aliqua constitutionecmnis his horum contraria facile, tacentibusnobis, intelligentur.
semper eausa verselur; sed quia proprii tamen harum Sed ut expeditius ratio tradatur, ea, quae posuimus, brevi
causarum quidam loci sunt, non a constitutione separali, uoniinabnntur. Nam in primo genere quae sunt, honesta
sed ad fines horum generum accommodati. appellabuntur. Quœ autem in secundo, utilia. Haec autem
Nam placet, iu judiciali genere finem esse aequitatem, tertia, qnia partem honestatis continent, et quia major
boc est, partem quamdam honestatis. In deliberativo autem est vis honestalis, juncta esse omnino ex duplici genere
Aristoteli placet utilitatem, nobis et honestatem et utili- intelligentur; sed iii meliorem partem vocabuli conférai),
talem. In demonstrativo, boneslatem. Quare in hoc quoque tur, et honesta noininenlur. Ex his illud conficitur, ut
genere causse luiîedam argumentationes commiiniter ac appetendarum rerum partes sint, honestas et utilitas:
similiter Iraclabuntur; quaedam separatius ad finem, qun vitandarum, torpitudo et inutilitas. His igitur duabus ré-
referri oninem* orationem oportet, adjungentur. Atque bus duae res grandes sunt attributs, necessitudo et affe-
uuiuscujusque constitutionis exemplilm supponere non ctio quarum altéra ex vi, altera ex r(, et personis consi-
gravare,mur, nisi illud videremus, quemadmodum res deratur. De utraque post apertius perscribemus. Nunc
obscursc diccudu fierent apertinres, sic res apertas, obscu- houestalis rationesprimumexplicemus.
Maintenant expliquons ce qui constitue l'hon- envers
e nos parents et les bienfaiteurs de notre
neur. patrie.
p La reconnaissance est le souvenir de l'at-
LUI. Nous appellerons honnête, ce qu'en tout titachement et de l'affection d'un autre, et le dé-
ou en partie on recherche pour soi-même. On sir s de lui rendre service pour service. La ven-
divise en deux classes ce qui concerne l'honnê- geance g repousse et punit la violence, l'injustice
teté de nos actions l'une embrasse seulement cet tout ce qui peut nous nuire. Le respect con-
l'honnêteté; et l'autre, l'honnêteté et l'utilité. siste
s dans les marques de déférence qu'on témoi-
Occupons-nous d'abord de la première. La vertu, ggne aux hommes supérieurs en mérite et en di-
sous un seul mot et sous une seule nature, com- gnité. g La vérité est le récit et comme l'image
prend tout ce qui a rapport à l'honnêteté; car la fidèle
fi du présent, du passé ou de l'avenir.
vertu est une disposition naturelle de l'âme, con- LIV. Le droit fondé sur la coutume consiste
forme à la raison. Si donc nous connaissons la ou o dans le développement et la force que l'usage
vertu dans toutes ses parties, nous aurons une ddonne à des notions naturelles, comme à la reli-
définition complète de ce seul mot, honnêteté. La gion,g ou dans les choses que nous inspire la na-
vertu a quatre parties la prudence, la justice, ture, t confirmées par l'habitude, et que le temps
la force, et la tempérance. La prudence est la eet l'approbation du peuple ont changées en cou-
connaissance du bien et du mal et de ce qui ttumes, comme un contrat, l'équité, un jugement
n'est ni l'un ni l'autre. Elle se compose de la antérieur.
a Un contrat est un traité entre deux ou
mémoire, de l'intelligence, et de la prévoyance. plusieurs
f individus. L'équité donne un droit égal
Par la mémoire, l'âme se rappelle le passé l'in- àà tous. Un jugement antérieur est la décision déjà
telligence examine le présent; la prévoyance lit rendue r par une ou plusieurs personnes. Le droit
dans l'avenir. La justice est une disposition de civil c est renfermé dans ces lois écrites, qu'on ex-
l'âme qui, sans blesser l'intérêt général, rend à pose 1 à la vue du peuple, pour qu'il s'y conforme.
chacun ce qui lui est dû. Elle a sa source dans La force brave les dangers et soutient les tra-
la nature; ensuite l'utilité a fait de certaines cho- vaux,
i dont elle connaît l'étendue. Elle comprend
ses autant de coutumes; enfin la crainte des lois la grandeur, la fermeté, la patience, la persévé-
1

et la religion ont sanctionné l'ouvrage de la na- rrance. La grandeur exécute avec éclat les nobles
ture, contirmé par l'habitude. et
e vastes projets qu'elle a formés pour atteindre
Le droit naturel n'est point fondésur l'opinion le but élevé que s'est proposé son ambition. La
1

nous le trouvons gravé dans nos cœurs, comme 1fermeté est une juste confiance de l'âme en elle-
la religion, la piété, la reconnaissance, la ven- même,i dans l'exécution de projets grands et ho-
geance, le respect et la vérité. La religion nousnorables.
i La patience supporte volontairement de
enseigne à consacrer un hommage et un culte à longs et pénibles travaux, pour arriver à un but
une nature suprême, qu'on appelle divine. La utile et honnête. La persévérance persiste dans le
piété est l'exact accomplissementde nos devoirs parti qu'elle a embrasséaprès de mûres réflexions.

LUI. Quod aut totum, aut aliqua ex parte propter se ronjunctis, patriaeque benivolis officium et diligens tri.
petitur, honestum nominabimus. Quare quum ejus duœ i buitur cultus: gratia, in qua amicitiarum et oificiorum
partes sint qiiarum altera simplex, altera juncta sit, sim- alterius memoria, et remunerandi voluntas continetur
plicem prius consideremus. Est igitur in eo genere omnesvindicatio, per quam vis et injuria, et omnino omne,
res una vi atque uno nomine amplexa virtus. Nam virtusquod obfuturum est defendendo, aut ulciscendo propul.
est animi habitua, natura: modo, rationi consentaneus. satur ohservantia, per quam homines aliqua dignitate
Quamobrem omnibus ejus partibus cognitis tota vis erit antécédentescultu quodam et honore dignantur veritas,
simplicis honestatis considerata. Habet igitur partes qua- per quam immutata ea, quae sunt, aut ante fuerunt, aut
tuor prudentiam justitiam fortitudinem temperantiam. futura sunt dieuntur.
Prudentia est rerum bonarum, et malarum, neutrarum- LIV. Consuetudine jus est, quod aut leviter a natura
que scientia. Partes ejus, memoria, intelligentia, provi- tractiim aluit et majus fecit usus, nt religionem; aut si
dentia. Memoriaest, per quam animus repetit illa, quœ quid eorum, quœ ante diximus, ab natura profectum,
fuerunt. Intelligentiaest, per quam ea perspicit quae sunt. majus factum propter cousuetudinem videmus; aut quod
Providentia est, per quam lu tu ru aliquid videtur ante in morem vetustas vulgi approbatione perduxit quod
quam factum sit. Justitia est habitus animi, communii genns, pactum, par, judicatum. Pactum est, quod inter
utilitate conservata, suam cuique tribuens dignitatem. aliquos convenit par, quod in omnes aequabile est jo-
Ejus initium estib natura profectu/n; deinde quaedam ini dicatum, de quo alicujus, aut aliquorum jam sententiii
consuetndinem ex utilitatis ratione vencrunt; postea ress constitutum est. Lege jus est, quod in eo scripto, quod
et ab natura profectas et ab consuetudine probatas, le- populo expositum est, ut observe! continetur.
gum melus et religio sanxil. Fortitudo est considerata periculorum susceptio, et la-
Natura jus est, quod non opinio genuit, sed quœdaml borum perpessio. Ejus partes, magnifleentia, fidentia,
inuata vis inseruit, ut religionem, pietatem, gratiam, patientia, perseverantia. Magnificentia est rerum magna-
vindicationem,observantiam veritatem. Religio est, quase rum et excelsarom cum animi ampla quadam et splendida
euperioris cujusdatn nature, quam divinam vocant, eu- propositione agitatio atque administratio fidentia est,
ram cœrimoniamrçtie afTert pietas, per quam sanguine per quam magnis et bonestis in rebus multum ipse ant-
La tempérance règle et dirige, d'une main nous n< donnons aussi le nom d'honnête. Il est bien
ferme et sûre, toutes les passions et tous les dé- des
di choses qui nous attirent, et par leur éclat,
sirs de l'âme. Elle comprend la continence, la et par les avantages qu'ellesnous offrent, comme
clémence et la modération. La continence assu- la glqire, la dignité, l'élévation, l'amitié. La
jettit les passions au joug de la sagesse. La clé- gloire
gl occupe souvent, et d'une manière hono-
mence calme, par la douceur, l'emportementde rable, rs la voix de la renommée. La dignité donne
la haine. La modération donne à une honnête une m autorité fondée sur l'honneur; elle nous con-
pudeur un ascendant qu'on aime et qui dure long- •cicilié les hommages, le respect. L'élévation est
temps. On doit rechercher toutes ces vertus pour• fondée
fc sur la puissance, la majesté, ou d'immen-
ses
elles-mêmes, et sans aucune vue d'intérêt. Le s< richesses. L'amitié est le désir d'être utile à
démontrer, serait nous écarter de notre plan, et celui
ci qu'on aime, le retour dont il paye l'affec-
de la brièveté qui convient aux préceptes. ti qu'on lui porte et les vœux qu'on fait pour
tion
On doit éviter, toujours pour eux-mêmes, non- son
ci
la lâcheté opposée au courage l'injustice à l'é- d'intérêt
d
'
s( bonheur. Comme nous parlons ici des causes
seulement les vices contraires à ces vertus, comme civiles, nous ne séparons point de l'amitié les vues
qui peuvent nous la faire rechercher;
quité, mais encore ceux qui, tout en paraissant mais ir t qu'on n'aille point nous blâmer et croire
plus proches et plus voisins de la vertu, n'en sont que t
q nous parlons de l'amitié en général. Il n'en

ple, est opposée à la fermeté, et par cela même voient


est
pas moins très-éloignés. La faiblesse, par exem- e: pas moins vrai que les uns, dans l'amitié ne
i
v que les avantages qu'elle peut leur pro-
est un vice. L'audace ne lui est pas opposée elle c curer;d'autres la recherchent uniquement pour
i
e
et
se rapproche de la vertu, et pourtant elle est un elle-même; quelques-uns enfin, pour elle-même
défaut. Ainsi, à côté de chaque vertu, on trouvera e pour ces avantages. Nous déciderons ailleurs
toujours un vice, tantôt désigné par un mot pro- quelle
q est la définition qui lui convient le mieux. 4
pre, comme l'audace voisine de la fermeté, l'o- Accordons
} maintenant à l'orateur qu'on peut la
piniâtreté de la persévérance, la superstition dee rechercher
r pour ces deux motifs. Mais comme elle
la religion tantôt sans dénomination particulière. este tantôt consacrée par la religion, tantôt pro-
Nous les mettons, comme tout ce qui est con- f fane,
tantôt fortifiée par une longue habitude,
traire aux vertus, au nombre des choses à éviter. tantôt
t récente, fondéeou sur des services rendus,
En voilà assez sur le genre d'honnêteté qu'ona ou c sur des services reçus, sur d'importants bien-
recherche absolument pour elle-même. faits, ou sur des obligations légères, elle doit être
f
ij
LV. Occupons-nous maintenant du genre qui jugée d'après toutes ces considérations.
nous offre à la fois l'honnête et l'utile et auquel
et LVI. L'utilité est personnelle ou extérieure

mus in se fiduciae certa cum spe collocavit patientia est, LV. Nunc de eo, in quo utilitas quoque adjungitur,
i-
honestatis aut utilitatis causa, rerum arduarum ac diflici- quod tameu honeslum vocamus, dicendum videtur. Sunt
lium Yoluntaria ac diuturna perpessio: perseverantiaest iigitur <

mulla, quae nos quum dignitate, tum frnctu quo-


que
in ratione bene considerata stabilis et perpetua permansio.
Temperautia est rationis in libidinem, atque in alios
suo ducunt quo in genere est gloria, dignitas, am-
is plitudo amicitia. Gloria est frequens de aliquo fama cum
non rectos impetus animi, firma et moderata dominatio. >. laude: dignitas, alicujushonesta, etcultu, et honore, et
Ejus partes sunt, continentia, clementia, modestia. Con- i- verecundia digna auctoritas amplitudo, potentùe aut
tinentia est, per quam cupiditas consilii gubernatione re- e- majestatis, aut aliquarum copiarum magna abundantia:
gitur clementia, per quam animi, temere in odium ali- amicitia, voluntas erga aliquem rerum bonarum, illius
cujus concitati, invectio comitale retinetur modestia, i, ipsius causa, quem diligit, cum ejus pari voluntate.
per quam pudor lionestus caram et stabilem comparat at Hic quia de civilibus causis loquimur, fructus ad ami-
i-
auctoritatem. Atque hœc omnia propter se solum, ut ni- citiam adjungimus, ut eorum quoque causa petenda vi-
hil adjungatur emolumenti petenda sunt. Quod ut de. e- dcalur ue forte, qui nos de omni amicitia dicere existi-
inonstretur, neque ad hoc nostrum institutum pertinet, et et ment, reprohemlere incipiant. Quanquain sunt, qui propter
a brevitate prsecipiendi remolum est. utilitatem modo pctcndain putent amicitiam; sunt, qui
Propter se autem \itanda sunt, non ea modo, quae his is propter se solum; sunt, qui propter se, et utilitatem.
ii-
contraria sunt, ut forlitudiui jgnavia, et jusUlue injusti- Quorum quid verissime cunslituatur, alius locns erit con-
tia,; verum etiamilla, quae propinqua videntur etfinitima !a siderandi. Nunc hoc sic ad usum oratorium relinquatur,
esse, absunt autem longissime quod genus, i'
fidentiae utramque propter rem amicitiam esse expetendam. Amici-
contraiium est diflùlentta, et ea re vitium est; audacia non
>n ttarum autem ratio quoniam partim sunt religionibus jun-
n
contrarium sed appositum est, ac propinquum, et tamen et» partim non sunt, et quia partim veteres sont, partim
vitium est. Sic uuicuique virtuti unitimum vitium repe- e- novae, partim ab illarum, partim ab nostro beneficio pro-
rietnr, aut certo jani nomine appellatum; ut audacia, quœ iae fectae,partimutiliores,partim minus utiles, ex causarum
tidentiae; perlinacia, quae perseverantia; finitima est; su-
u- dignitatibus, ex temporum opportunitatibus, ex officiis,
perstitio, quae religioni propinqua to ex religionibus, ex vetustatibus habebitur.
est aut sine ullo certo
nomine. Quœ omnia item, uti contraria rerum bonarum, », LVI. Utilitas autem aut in corpore posita est, ant in
in rébus vitandis reponemus. Ac de eo quidem genere ho- 10- extraneis rebus quarum tamen rerum multo maxima
neslatis quod omni ex parte propter se ptliUir, satis di- 11- pars ad corporis commodum revertitur, ut in republica
clum est. qiuedam sont, qiiK, ut sic dicam, ad corpus pertinent
cependant presque tout s'y rapporte au bien-être tion plus claire, et feront mieux connaltre la
personnel, comme dans la république, où certai- nature et l'empire de la nécessité « Le bois doit
nes choses constituent pour ainsi dire le corps de «
nécessairement être combustible. L'homme
l'État telles que le territoire, les ports, l'argent, doit nécessairement mourir un jour; » aussi
les flottes, les matelots, les soldats, les alliés; nécessairement que l'exige la force irrésistible
enfin tout ce qui sert au maintien de son indépen- de cette nécessité qu'aucune puissance ne sau-
dance et de son intégrité. D'autres sont d'une uti- rait ni adoucir ni changer, et telle que nous la
lité plus spécieuse et moins nécessaire, comme définissions tout à l'heure. Quand l'orateur ren-
une ville immense et magnifique, des richesses contre de tels obstacles, il peut les appeler néces-
brillantes,des amis et des alliés nombreux. Comme sités. S'il trouve des difficultés, il considérera,
tous ces avantages ne servent pas seulement à d'après la question précédente, s'il est possible
maintenir l'intégrité et l'indépendance des États, de les surmonter. Il me semble encore qu'il y a
mais à les rendre forts et puissants, on peut en- des nécessités accessoires, et d'autres simples et
visager deux choses dans l'utilité, la sûreté et la absolues. Car nous ne disons pas dans le même
puissance. La sûreté nous protège et nous défend sens « II est nécessaire que les Casiliniens se

contre les dangers. La puissance est la possession «


rendent à Annibal, • et il est nécessaire que
des moyens propres à conserver ses avantages et « Casilinum tombe au pouvoir d'Annibal. » Dans
d'obtenirceux d'aulrui. Il faut encore, dans tout ce le premier cas, la nécessité accessoire est celle-
que nous avons dit, considérer le plus ou le moins ci « A moins qu'ils n'aiment mieux mourir de
de facilité. Ce qui ne demande que peu ou point faim; » car s'ils aiment mieux prendre ce parti,
de peine,de frais, de fatigue et detemps, est facile. il n'y a plus de nécessité. Il n'en est pas de même
On regarde comme difficile ce qu'il est possible dans le second exemple; car, soit que les Casili-
d'achever et de conduire à sa fin, mais à force de niens se rendent, soit qu'ils aiment mieux mourir
peines, de frais, de fatigues et de temps, en bra- de faim, il n'en est pas moins nécessaire que
vant toutes les difficultés plus ou moins nombreu- Casilinum tombe au pouvoir d'Annibal. Cette
ses, plus ou moins considérables, qui s'opposent distinctionde nécessité est-elle utile Sans doute,
à l'exécution. surtout quand le premier cas se présente; car si
Après avoir traité de l'honnête et de l'utile, il la nécessité est simple et absolue, il n'y a presque
nous reste à parler de la nécessité et des circons- rien à dire, puisque rien ne peut en adoucir la
tances, qui nous ont semblé, comme on l'a vu rigueur. Mais n'y a-t-il nécessité que pour éviter
plus haut, devoir être jointes à ces deux premiers ou obtenir quelque chose, considérons ce que
mobiles. cette nécessité accessoire offre d'honnête ou d'u-
LVII. J'appelle nécessité, une force irrésis- tile. En effet, si vous voulez y prendre garde,
tible qu'aucune puissance ne saurait ni changer
ni adoucir. Des exemples rendront notre défini-
en bornant toutefois cet examen aux divers objets
de la vie civile, vous ne trouverez aucune action
civitatis, ut agri, portus, pecunia, classes, nautœ mili- que, ut apertius hoc sit, exemplis licet vim rei, qualis et
tes, socii; qnibus rebus incolumitatem ac libertatem reti- quanta sit, cognoscamus. Uri posse flamma ligneam ma
nent civitates alia vero, quœ jam quiddam magis am- « teriam necesse est. Corpus mortale aliqno tempore inte
l>lum, et minus necessarium conficiunt, ut urbis egregia « rire uecesse est » alque ita necesse, ut vis postulat ea,
exornatioatque amplitudo, ut quœdam excellens pecuniae quam modo describebamus, necessitudinis, cui nulla vi
magnitudo, amicitiarum ac societatum multitudo. Quibus resisti potest, qu;e neque mutari, neque leniri potest. Hu-
rebus non illud solum conlititur, ut salvae et incolumes, jusmodi [necessiludines] quum in dicendi rationes inci-
verum etiam, ut amplae atque potentes sint civitates. dent, recte necessitudines appellabuntur sin aliquse res
Quare utilitatis dum partes videntur esse, incolumitas et incident difficiles, in illa superiori possitne fieri, quae-
potentia. Incolumitas est salutis tuta atque integra conser- stionecousiderabimus. Atque etiam hoc mihi videor videre
vatio. Potentia est ad sua conservanda, et alterius obti- esse quasdam cum adjunctione necessitudines, quasdam
nenda, idonearum rerum facilitas. Atque in iis omnibus,t simplices et absolutas. Nam aliter dicere solemus, « Ne-
quœ ante dicta sunt, quid difficulter fieri, et quid facile cesse est Casilinenses se dedere Hannibali j » aliter autem,
fieri possit, oportet considerare. Facile fieri id dicimus, « INecesse est Casilinum venire in Hannibalis poteslatem. »
quod sine magno, aut sine ullo labore, sumtn, molestia, lltic, in superiore, adjnnctio est haec, nisi si malunt famé
i
quam brevissimo tempore confici potest. Difficile autem perire; si enim id malunt, non necesse hoc mfeiius non
fieri. quod quanquam laboris, sumtus, molestiae longin- item, propterea quod, sive velint CasiUneuses se dedere,
t
quitatis indiget, atque aut omnes, aut plurimas, antt sive famem perpeti atque ita perire, necesse est Casilinum
i
maximas causas babet difficultatis, tamen, his susceptis venire in Hannibalis potestalem. Quid igitur perficere po-
difticultatibus,compleri atque ad exitum perduci potest. test haec necessitudinis distributio? Prope dicam, pluri-
Quoniam ergo de honestate et de utililate diximus, rnum, quum is locus necessitudinis videbitur incurrere.
ïunic restat ut de iis rebus, quas bis attributas esse dice- Nam quum simplex erit necessitudo,nihil erit, quod mulla
liamus necessiludine et affectione, perscribamus. dicamus, quum eam nulla ratione lenire possimus qunm.
LVII. Pute igitur esse liane necessitudinem cui nulla vi autem ita necesse erit, ut aliquid effugel'e, aut adipieci:
resisti potest quse neque mutari, neque leniri potest. At- velimus tum adjuncticr illa quid babeat utilitatis, aut qui l
nécessaire, que par une cause que nous appelons Ainsi, A i même alors, nous pouvons dire que nous
accessoire. Mais, d'une autre part, vous trouve-avons a- suivi la route que nous traçait l'honneur,
rez bien des choses nécessaires sans aucun acces- puisqu'en
p sacrifiant notre sûreté, nous n'aurions
soire semblable. Par exemple « Il est nécessairee pu p le recouvrer. C'est le moment de céder à une
» que
l'homme né mortel meure; » il n'y a point force fc t supérieure, de se soumettre à la condition
d accessoire. » n'est pas nécessaire qu'il mange »» imposée
il par un autre, ou bien de se condamner
à moins qu'on n'ajoute cet accessoire Exceptéé à une inaction passagère, et d'attendre une oc-
s'i ne veut pas mourir de faim. » II faudra donc, casion
e plus favorable. Pour le bien-être, il faut
comme nous l'avons dit, considérer toujours laa considérer
c seulement si eequ'exigent nos intérêts
nature des accessoires; car, dans toutes les cir- mériten que l'on déroge à ce que réclament la vé-
constances, il faut exposer la nécessité fondée, ritabler grandeur et l'honnêteté. Le plus essen-
ou sur l'honnêteté, comme Cela est nécessaire, i, tiel,
t selon moi, c'est d'examiner la nature de
si l
nous voulons être fidèles à l'honnêteté; » ouu t'objet qui, si nous voulons l'obtenir ou l'éviter,
sur la sûreté « Cela est nécessaire, si nous vou- t- rend
r telle chose nécessaire, c'est-à-dire, quel est
Ions être en sûreté; » ou sur le bien-être Celaa l'accessoire, afin de se décider ensuite en consé-
1

.« est nécessaire, si nous voulons vivre sans au- L- quence,


c en regardant comme plus nécessaire ce
• eune contrariété. »
qui
c nous importe le plus.
LVIII. La nécessité la plus impérieuse est cellele Par circonstances, on entend les changements
que prescrit l'honnêteté vient ensuite celle de le amenés
ï par l'issue des événements, par la ma-
la sûreté; la troisième, et la moins importante, i nière
de conduire une entreprise, par les motifs
est celle du bien-être, qu'on ne peut nullement it qui nous dirigent; changements dont il résulte
<

opposer aux deux autres. Mais il est quelquefois is (que les faits ne sont plus tels qu'auparavant, ou
utile de comparer ensemblela sûreté et l'honneur, r, tels qu'ils sont d'ordinaire. Ainsi
1 est hon- Il
pour décider (quoique l'honneur l'emporte réeii teux de passer à l'ennemi, mais non pas quand
lement) à quel parti, dans telle ou telle con- n- « c'est dans le même dessein qu'Ulysse. C'est
joncture, on doit donner la préférence. Il semble le « une sottise de jeter son argent dans la mer, mais
qu'on peut établir sur ce point une règle générale.e. « non pas quand c'est pour le même motif qu'Aris-
Quand, en s'occupant de sa sûreté, on espère re- e- « tippe. > II est donc des choses qu'il faut juger
couvrer quelque jour, par ses talents et par son m non en elles-mêmes, mais d'après le temps et
mérite,cequ'onapour le moment sacrifié de l'hon- n- l'intention. Considérez alors ce qu'exigent les
neur, il est peut-être permis de préférer sasûreté3 conjonctures ou. les personnes ne vous attachez
r. point à l'action mais aux motifs, au temps, à la
sinon la victoire doit toujours rester à l'honneur.

honestatis, erit considerandiim. Nam si velis attendere( [ta


ita nestatis. Ma in ejusmodi quoque re, qinun incolumitati
"videbimur consulere vere poterimus dicere, nos honesta-
tanien, ut id quœras quod conveniat ad usum civitatis), ;)
reperias nullam esse rem, quam facere necesse sit, nisi isi tis rationem habere quoniam sine incolumitale eam nulle
propter aliqnam causatn ,quamadjunctionemnominamns; s; tempore possumiis adipisci. Qua in re vel concedere al-
pariter autem esse mullas res necessitudinis, ad quas si- teri, vel au condilioncm alterius descendere, vel in pra>
milis adjunclio nouaccedit. Quod genus, « Ut homines mor- 9r- sentia quiescere, atque alind tennpus exspectare oportebit.
sine adjiinclione « Ut ln commoditatis vero ratione, modo illud attendatur, di-
« taies inlereant, necesse est, »
cibo utantur, non necesseest, » nisi cum illa exceptione:
le: gnane causa videatur ea, quae ad utilitatem pertinebit,
Extra quam, si nolint fanie perire. Ergo, ut dixi, id, illud, quare aut de magnificentia, aut de honestate quiddam de-
quod adjungitur, semper, cujusmodi sit, erit coiisideraii-m- rogetur. Atque in hoc loco mihi caput illud videtur esse,
dum. Nam omni tempore id pertinebit, ant ad honestatem em ut quaeramus quid sit illud, quod si adipisci, aut effugere
III hoc modo exponenda necessitudo sit Necesse est,
st, velimus, aliqua res nobis sit necessaiia, hoc est, quae sit
« si honeste volumus vivere; aut
ad incolumitatem, hoc adjunclio ut proinde uti quaeque res erit, laboremus el
loc
ad gravissimam quamque causam vehemenlissime necessa-
modo « Necesse est, si incolumes volumus esse; » aut
commoditatem hoc modo « Necesse est, si sine incom-
m. riam judicemus.
modo TOlunius vivere. » Affectio est quiedam ex tempore', aut ex negotioram
eventu aut adminisliatione aut hominum studio, romniu-
LVIII. Ac summa quidem necessitudo videtur esse ho- tatio rerum, ut non tales, quales ante habitée sint, aut
«statis huic proxima, incolumitatis tertia ac levissima« plerumque haberi soleant, habendx ideantur esse ut,
commoditatis quai cum his nunquam poterit duabus con- on- Ad hostes transire turpe videtur esse; atnon illo animo.
Il
tendere. Hasce autem inter se saepe necesse est comparari, tri «qno Ulysses transiit et pecuniam in mare dejicere inu-
ut, quanquam praestet honestas incolumitati, tamen, utiï ilri Il
tile; at non eo consilio, quo Aristippus dejecit. » Sunt
potissimum consulendumsit deliberetur. Cujus reicertnm
nm igitur res quidam ex tempor» et ex consilio, non ex sua
quoddam prascriptum videlur in perpetuum dari posse. ;se. natura considerandiB quibus in omnibus, quid tempora
Nam, qua in re fieri poterit, ut quurn incolumitati con-
on- pétant, ant quid personis dignum sit, considerandura est,
lulwrimus quod sit in praesentia de honestate delibatumm, et non quid, sed quo quidque animo, quicum quo tem-
virtute aliquando et industria recuperetur, incoluniitatisilis pore, quamdin fiat, attendendum est. Ilis ex partibus, ad
alio videbitur habenda; qunm autem id non poterit, ho- sententiam dicendam, locos sumi oportere arbitramur.
NOTES JUH L'INVENTION.
iVUlJ';J SUR L
durée. Tels sont les lieux communs que l'on peut Mais pour avoir le droit de louer ou de blâmer,
employer pour exposer et soutenir une opinion. attachez-vous moins aux choses physiques ou
LIX. La louange et le blâme se tirent des lieux extérieures qu'à la manière dont on en use car
attribués aux personnes, et que nous avons dé- louer un homme de ce qu'il tient du hasard, c'est
veloppés plus haut. Voulez-vous les traiter d'une une sottise; l'en blâmer, c'est un sot orgueil
manière moins générale, vous pouvez les diviser mais tout ce qui dépend de l'âme peut être loué
en lieux propres à l'âme lieux propres au corps, avec honneur, ou blâmé avec véhémence.
lieux propres aux objets extérieurs. La vertu dont Maintenantque nous avons enseigné la manière
nous avons parlé tout à l'heure appartient à de trouver des preuves pour tous les genres de
l'âme; la santé, la dignité, la force la légèreté, causes il ne nous reste plus rien à dire sur l'In-
au corps; l'illustration, les richesses, la nais- vention, la première et la plus importante des
sance, les amis, la patrie, la puissance, et tout parties de la rhétorique. Comme nous avons ter-
ce qui leur ressemble, forment les lieux exté- miné cette partie, qui occupe déjà le Livre pré-
rieurs. Ici, comme dans toutes les autres parties cédent, et que celui-ci est assez étendu, nous
de l'art oratoire, il faudra appliquer la règle gé- traiterons dans les Livres suivants de ce qui nous
nérale des contraires, et le blâme se formera de reste à développer.
toutes les choses opposées.

LIX. Laudes autem et vituperationcs ex his locis su- tam quœ m corpore, aut in extraneis trios babuerit is,
mentur, qui loci personis sunt attribuai de quibus ante de quo agetur, quam quo paclo his rebus usus sit. Nam
dictum est. Sin distributius tractare quis volet, partiatur tbrtunam quidem et laudare, stultitia, et vituperare, su-
in animum, et corpus, et extradas res licebit. Animi est perbia est; animi autem et laus honesta, et vituperatio
virtus, cujus de partibus paullo ante dictum est; corporis, vehemens est.
valitudo, dignitas, vires, velocitas; extrarise, honos, pe- Nunc quoniam omne in causae genus argumentandiratio
cunia, affinitas, genus amici patria, potentia, et cetera, tradita est, de Inventione, prima ac maxima parte rheto
qiue simili esse in gcnere intelligentur. Atque in his, id, ricae, satis dictum videtur. Quare, quoniam et una pars
quod in omnia valet, valere oportebit contraria quoque, ad exitum hune ab superiore lihro perducla est, et hic li-
quœ et qualia sint, intelligentur. ber non parum conlinet litterarum, quœ restant, in reli-
Videre autem in laudando et vituperando oportebit, non quis dicemus.

NOTES SUR L'INVENTION.


LIVRE PREMIER. dence et celui qui leur avait appris le premier à soumet-
tre toutes leurs idées aux formes du raisonnement, n'au-
rait pas avoué pour disciples des hommes qui croyaient
Il. Eloquentia persuadere poluissent. L'Éloquence, répondre à tout par ce seul mot Le maître l'a dit.
considérée comme une faculté commune au poëte et à
Mais quoiqu'onen ait fait un si funeste abus, n'en
l'orateur, a jeté parmi les peuples, les premiers fonde- est ce nom,
pas moins respectable. Aujourd'hui même que les
ments de la civilisation. Telle était l'opinion des Grecs, progrès de la raison ont
de tous les poëtes, de tous les philosophes, de tous les comme anéanti une partie de ses
ouvrages, ce qui reste suffit encore pour en faire un
historiens de l'antiquité. Voyez Cicéron, de Oratore, liv. homme prodigieux. Ce fut certainement
chap. Horace, Art poét. Virgile, Énéid., une des têtes les
1 8 vers 391 plus fortes et les plus pensantes la nature eût orga-
liv. yiii; Diodore de Sicile, liv. i pag. II, édit. de nisées. 11 embrassa tout qui quedu
ce est ressort de l'esprit
Wesseling etc. Y Histoire critique de l'Éloquence humain, si l'on excepte les talents de l'imagination; en-
chez les Grecs, par Belin de Ballu, tom. i; et surtout J.
core s'il ne fut ni orateur ni poète, il dicta du moins d'ex-
.T. Rousseau, chap. 9 et 10 de Y Essai sur l'origine des
cellents préceptes à l'éloquence et à la poésie. Son ouvrage
langues. le plus étonnant est sans contredit sa Logique. Il fut le
V. Gorgias Leontinus. Cicéron parle souvent de Gor- créateur de cette science, qui est le fondement de toutes
gias, né à Léonlini, ville de Sicile. 11 vécut jusqu'à l'âge les autres; et pour peu qu'on y réfléchisso on ne peut
de cent huit ans. Il ne subsiste plus que deux fragments at- voir qu'avec admiration ce qu'il a fallu de sagacité et de
tribués à Gorgias. travail pour réduire tous les raisonnements possibles à un
Aristoteles. « II ne fallait rien moins que tout le pé- petit nombre de formes précises, à l'aide desquelles ils
dantisme et tout le fanatisme des siècles qui ont précédé sont nécessairement conséquents, et hors desquelles ils ne
la renaissance deslettres, pour exposer à une sorte de ri- peuvent jamais l'être. C'est à lui qu'on est redevable de
dicule un nom tel que celui d'Aristote. On l'a presque cet axiome célèbre dans l'ancienne philosophie, et adopté
rendu responsable de l'extravagancede ses enthousiastes. dans la nôtre, que les idées, qui sont la représentationdes
Mais celui qui disait en parlant de son maître Je suis objets, arrivent à notre esprit par l'organe des sens. C'est
ami de Platon, mais plus encore de la vérité, n'avait le principe fondamentalde la métaphysiquede Locke et de
pas enseigné aux hommes à préférer l'autorité à l'évi- Condillac; c'était peut-être la seule vérité essentielle rjti'J
y eût dans celle d'Aristote et c'est la seule qu'on ait reje- espèce de syllogisme se nomme épicherènu. En voici un
tée des écoles. Les bornes de t'esprit d'Aristote ont été exemple
en philosophie,durant vingt siècles, les bornes de l'esprit 1' « Celni-là n'a pas violé les lois dont l'action avait
humain. Ce n'est pas que dans ses meilleurs ouvrages « pour but de sauver la république, et qui l'a effective-
ia manière d'écriren'ait des défauts très-marqués.Il pousse > ment sauvée
jusqu'à l'escè? l'austérité du style philosophique et l'af- 2° « Parce que la fin pour laquelle les lois ont été faites
fectation de la méthode delà naissent la sécheresse et la « est le salut de la république;
diffusion. Il semble qu'il ait voulu en tout être l'opposé de 3° « Or, Milon a voulu sauver la république, et l'a sau-
Platon son mattre, et que, non content d'enseignerune « vée réellement en tuant Clodius;
autre doctrine, il ait voulu aussi se faire un autre style. 4° « En effet, Clodius était l'ennemi déclaré de la ré-
On reprochaità Platon trop d'ornements; Aristote n'en a « publique, dont il aurait causé la perte, s'il n'eut été
point du tout pour se résoudre à le lire, il faut être dé- «tué;
terminé à s'instruire. 11 tombe aussi de temps en temps 5° « Donc Milon n'a point violé les lois en tuant Clo-
dans l'obscurité; de sorte qu'après avoir paru, dans ses « dius. »
longueurset ses répétitions, se défier trop de l'intelligence Supprimez la seconde et la quatrième proposition, et
de ses lecteurs, il semble ensuite y compter beaucoup trop. ce raisonnement oratoire n'est plus qu'un syllogisme or-
On a su de nos jours réduire à un petit espace toute la sub- dinaire.
stance de sa Logique, qui est très-étendue. Sa Poétique, XXXVIII. Exempla ponemus. Les paroles que Cor-
dont nous n'avons qu'une partie, qui fait beaucoup re- nélius Népos, Vie d'Épaminondas, chap. 8 et après lui
gretter le reste, a embarrassé en plus d'un endroit, et divisé Élien, Hist. div., xm 42 mettent dans la bouche du
les plus habiles interprètes. Sa Rhétorique, dont Quin- Thébain sont un peu moins oratoires, mais un peu fins
tilien (on peut ajouter Cicéron) a emprunté toutes ses idées éloquentes que le discours de rhéteur qu'on prête ic. au
principales, ses divisions, ses définitions, est abstraite et défenseur d'Épaminondas.
prolixe dans les premières parties; mais pour le fond des
XLIX. Cœplonis legem. Q. Servilius Cépion, consul
choses, c'est un modèle d'analyse. n (La Harpe, Cours de
l'an de Rome 647, porta une loi qui abrogeait une dispo-
Littérature, première partie, liv. I, cliap. 1.) sition de la loi rendue par C. Gracchus, disposition qui
VI. Mrmagoras. Hermagoras,célèbre rhéteur, né à accordait aux seuls chevaliers romains le droit de juger.
Temnos en Éolie, était surnommé Carion. Il composa six Par sanouvelle loi, Cépion adjoignit les sénateurs aux che-
livres sur la Rhétorique. Il écrivit aussi sur le Beau, sur valiers.
l'Élocution, sur les Figures et sur d'autres sujets. 11 donna
LV. Rhetor Apollonius. Apollonius, surnommé Molon,
des leçons à Rome avec Cécilius, du temps d'Auguste, et selon Plutarque fils de Molon, célèbre rhéteur grec,
mourut dans un âge fort avancé. Cicéron ne le cite nulle ou qui vivait environ quatre-vingts ans avant Jésus-Christ.
part aussi fréquemment que dans ce livre. Voyez Suidas, Il était d'Alabanda, ville de l'Asie Mineure. JI
Quintilien liv. m cliap. 1 Plutarque, Vie de Pom- rhétorique à
enseigna la
Rome et à Bhodes, et compta Cicéron et Cé-
pée. Ernesti croit cependant, non sans quelque raison,
sar parmi ses auditeurs. Comme il entendait peu la langue
qu'il ne faut pas confondre ce rhéteur avec celui dont Ci- latine, il pria Cicéron de composer en grec. Le jeune ora-
céron parle dans ses ouvrages. teur s'empressa d'obéir, dans l'espérance de recevoir d'u-
XXX. Velut Gracchi patris factum. Appius Clau- tiles conseils. Quand il eut achevé, au milieu des trans-
dius Pulcher et Tib. Semp. Gracchus avaient, comme ports d'admiration et des applaudissementsqu'excitaitsa
censeurs, ôté leur cheval à plusieurs chevaliers romains. harangue, il vit avec chagrin Apollonius demeurer long-
Les tribunss'étaient fortement élevés contre cette mesure. temps muet et pensif; il ne put s'empêcher de lui témoi-
Le peuple demandaitjustice surtout de la conduite d'Ap- gner combien il était sensible à cette marque d'improba-
pius. Gracchus alors se leva, et fit serment que si l'on at- tion. Moi, lui répondit Apollonius, je te loue et je t'admire,
taquait son collègue il n'attendrait pas la condamnation Tnllius; mais je plains la Grèce. Il ne lui restait plus que
qui pourrait aussi le frapper, mais qu'il accompagnerait la supériorité des lumières et de l'éloquence, et tu la lui
Appius en exil. L'intégrité reconnue de Gracchus empêcha enlèves pour la transporter aux Romains. (Plutarque, Vie
le peuple d'aller plus loin. Appius fut absous l'an de Rome de Cicéron, chap. 5.)
584. C'est de lui que Cicéron apprit à se borner, à ne point
XXXI. jEschinem. Eschine, fils de Charinus ou de s'abandonner aux saillies d'un esprit quelquefois plus fé-
Lysanias, naquit à Athènes. Passionné pour l'étude, il cond que juste; enfin, à se renfermer en tout dans de justes
s'attacha tellement à Socrate qu'il ne le quittait jamais. limites. Aussi, lorsque, après avoir passé deux ans dans
Aussi ce philosophe disait-il « Le fils d'un charcutier est l'école d'un maitre aussi habile, le jeune orateur revint à
le seul qui sache nous honorer. » On l'accuse de s'être Rome, on fut moins frappé encore de ses progrès dans l'art
approprié plusieurs dialogues de son mattre, que Xan- de la parole, que du changement qui s'était opéré dans
tippe, veuve de Socrate, lui avait donnés. Diogène Laërce son débit. Sa voix s'était adoucie, et son action était de-
lui attribue sept dialogues intitulés: Milttade, Callias, venue plus modérée. 11 paraît qu'Apollonius n'était point
Axiochus, Aspasie, Alcibiade, Télaugèset Rhinon. Il partisan de la philosophie. ( Cic. de 0) «< t, 17. )
nous reste YAxiockus car je ne crois pas que l'un des
deux Alcibiade de Platon soit d'Eschine le socratique.
XXXVI. Falsum est non esse plus quam tripartitam LIVRE SECOND.
argumentationem. Le syllogisme est composé de trois
propositions savoir: la majeure, la mineure, et la conclu- I. Magno pretio conductum. Pline, xxxv, 36, dit
sion, qui doit suivre nécessairement des deux premières, 911e ce furent les habitants d'Agrigente qui demandèrentà
Zeuxis un tableau, qu'ils consacrèrent dans le temple de
pour que le syllogisme soit en forme; mais fauteur donne
quelquefois cinq propositions au syllogisme, parce qu'à Junon Lacinia. 11 s'accorde avec Cicéron dans le reste du
chacune des propositions ordinaires il ajoute quelque récit.
preuve qui la confirme. Il le fait, soit pour l'ornement,
soit par nécessité, quand la proposition est douteuse. Cette
Il. Inventore ï"isia. sicilien, disciple deCoian,
le plus ancien auteur qui ait écrit sur la rhétorique. Arie-
tote rapporte qu'après l'expulsion des tyrans de Sicile ment de commettre un délit, si cet accusé n'était pas fa-
lorsque les affaires des particuliers, longtemps interrom- miliarisé avez le crime. L'homme de bien, chargé de pro-
pues, reprirent leurs cours devant les tribunaux, Corax noncer sur le sort d'un prévenu, oinl'éclairer la conscience
et Tisias rédigèrent quelques préceptes sur l'art de parler des juges, doit, avant d'examiner l'intention, dans l'inté-
en public; car, ajoute-t-il, personne jusque-là n'avait assu- rêt de l'accusé,du corps social et du genre humain, écarter
jetti les discours à aucun art ni à aucune règle, quoiqu'on les préjugés d'habitude, devenir étranger à ses propres
en prononçâtet qu'on en écrivit même d'assez soignés et passions, comme à celles des autres; et si, après le plus
que Protagoraseût mis par écrit, vers ce temps, des dis- mûr examen, il n'est pas absolument content de lui-même,
sertations appelées aujourd'hui lieux communs. Ils s'oo- il ne doit jamais aller au dclà du doute. C'est la voix de sa
cupèrent surtout de l'éloquence du barreau et c'est pres- conscience qui lui dit alors Arrête, et crains de pronon-
que la seule chose qui fût enseignée dans leur rhétorique. cer. Tu veux sauver l'innocence, prends garde de laisser
Aristote; Cicéron, Brutus, chap. 12; de l'Orat., liv. i, échapper le coupable tu désires punir un coupable, prends
etc. Quint., u 17 m, 1, etc. garde de frapper l'innocent. Dans cette pénible alternative,
Rhetor Isocrates. Isocrate, contemporain de Pla- ne confonds jamais l'horreur que le crime inspire, avec
ton, était plus âgé que lui de six ans. Il ne put survivre celui qu'on accuse de l'avoir commis; et si tu dois être
à la défaite de Chéronée. Après avoir reçu les leçons de entraîné par l'erreur, la plus excusable sera toujours celle
t
Gorgias, de Prodicus et des plus habiles rhéteurs de la qui absout, plutôt que celle qui condamne; celle qui con-
Grèce, il fit des plaidoyers pour ceux qui n'étaient pass serve plutôt que celle qui détruit. Le repentir peut entrer
en état de défendre eux-mêmes leur cause; mais la faiblesse
dans l'âme du coupable que tu conserves, et tu ne rappel-
de son organe et une excessive timiditél'écartèrent toujours5 Ieras pas à la vie l'innocent que le glaive des lois aura sa-
de la tribune et du barreau. ouvrit des cours publics d'é- crifié. Je suis persuadé que l'auteur du Traité de l'In-
loquence, et compta parmi ses disciples, des rois, des gé- vention était, ainsi que tons les rhéteurs anciens, pénétré
néraux, des hommes d'État, des écrivains dans tous les de ces principes, et que les moyens multipliés qu'il indique
genres. « Malheureusement pour lui, ses ouvrages, remptisî
l'orateur ne sont point comme bien des gens se l'ima-
d'ailleurs de grandes beautés, fournissent des armes puis- ginent, des moyens subtils et artificieux de trouver le crime
santes à la critique. Son style est pur et coulant, plein de> où il n'est pas.
douceur et d'harmonie, quelquefois pompeux et magnifi- XV. In multas causas. En faisant une aussi longue
que, mais quelquefois aussi traînant, diffus et surchargé énumération des lieux communs Cicéron n'avait certai-
d'ornements qui le déparent. Son éloquence n'était pas ncment pas en vue ces détails insignifiants qui s'adaptent
propre aux discussionsde la tribune et du barreau elle3 indifféremmentà toutes les causes, et qui dès lors n'appar-
s'attache plus à flatter l'oreille qu'à émouvoir le cœur. Ontiennent à aucune.
est souvent fâché de voir un auteur estimable s'abaisser à XTX. Prœtoriis exceptionibus. Le préteur de la ville
n'être qu'un écrivain sonore, réduire son art au seul mé-
ne rendait point de jugement, excepté dans les affaires
rite de l'élégance, asservir péniblement ses pensées auximportantes mais c'était lui qui donnait action aux plai-
mots, éviter le concours des voyelles avec une affectation deurs, et les adressait
puérile, n'avoir d'autre objet que d'arrondir des périodes,[ cause. au tribunal qui convenait à leur
et d'autre ressource pour en symétriser les membres, que
de les remplir d'expressions oiseuses et de figures dépla- XX. Recupcratoris judicio. Le préteur déléguait quel-
cées. Comme il ne diversifie pas assez les formes de son1 quefois un juge qui, en vertu de sa commission, connais-
élocution il finit par refroidir et dégoûter le lecteur. Il1 sait des causes dans lesquelles il s'agissait du recouvrement
i
ne persuade ni n'entraîne, parce qu'il parait plus occupé et
de la restitution des deniers et des effets des particu-
de son art que des vérités qu'il annonce. Malgré ces dé- liers. Ce juge était appelé recuperator, et le jugement
fauts, auxquels ses ennemis en ajoutent beaucoup d'autres,i, qu'il rendait était nomméjudicium recuperatorium. La
ses écrits présentent tant de tours heureux et de sainess cause de Cécina, qu'on trouvera an tome n des Œuvres:
maximes, qu'ils serviront de modèles à ceux qui auront lee de Cicéron fut plaidée devant une commission composée
talent de les étudier. C'est un rhéteur habile, destiné àà de recuperatores. On voit aussi dans ce passage que les-
former d'excellents écrivains, c'est un instituteur éclairé,f récupérateurs prononçaient également sur les dommages
toujours attentif aux progrès de ses disciples et au carac- et intérêts, puisque le chevalier qui a eu la main coupée
tère de leur esprit. Voyage d' Anacharsis chap. 8.I. réclame un dédommagement.
Voyez aussi l'Essai sur les Éloges, chap. 7 etc. XXI. Possessio heredum secundorum est. On pou-
V. Causa distribuitur. C'est ainsi que Cicéron s'atta- vait, dans les cas déterminés par la loi, casser un testa-
che à prouver, dans la Milonienne, chap. 13, que son clientt ment après la mort du testateur car les personnes qu'il
n'a point dressé d'embûches à Clodius, et que ce dernierr y nommait pouvaient mourir avant lui, où n'avoir pas la
eu a dressé à Miton que Milon n'avait aucun motif dee capacité requise. D'après ces considérations, on permit de
haine contre Clodius, tandis que Clodius en avait un très-s- désigner des seconds et même des troisièmes héritiers, qui
grave contre l'accusé. se remplaçaient les uns les autres.
XXVI. Me. vicisse moleste ferebat. t.
VIII. Defensor autem. Cicéron réfute ainsi le reproche e
de mauvaise conduite adressé à Muréna pour lequel ilil Ne me dis point qu'elle est et mon sang et ma sœur.
Mou père ne peut plus l'avouer pour sa fille
plaidait, pro Muren., chap. 6. Qui maudit son pays renonce à sa famille;
XIII. Deinde necessitudo. C'est l'intention qui excuseCe nes noms si pleins d'amnnr ne lui sont plus permis
De ses plus chers parents H tait ses ennemis;
ou qui aggrave l'action. Mais comment sonder les replis duU Le sang même les anne en haine de son crime;
cœur humain, sans s'exposer à un grand nombre de mé-t. La plus prompteTengeao.ee en. est plus légitime, etc.
le
prises, toutes les fois que l'intention n'est pas exprimée ?p CORKE1I.LE Normes act. VI «c. 6.
Les hommessont naturellement portés à penser que celui li La réponse du vieil Horace à l'accusation de Valère,
e acte v, se. 3, est plus éloquente sans doute que ne l'étaient
qui avoulu l'action en a voulu aussi toutes les suites. Cette
propension est souvent un obstacle insurmontable qui û les déclamations qu'on faisait sur ce sujet dans les écoles
s'oppose au triomphe de l'innocence et de la vérité. Il fautit de Rome. Le même discours n'est qu'ébauché par Tite.
être doué de beaucoup de pénétration et de sagacité, pour :r Live, i 26 notre grand Corneille en a fait un chef-ôVue*
juger de ce que pensait intérieurement un accusé, au mo- )- vre de pathétique et de dignité.
ment conservé dans l'Enéide, tiii, 639
Inter se poslto certamine, reges
I:
XXX. Porcam tuslinuit. Cet ancien usage est fidèle-

Armati Javlt ante aram paterasqve tenentet


Stabant. et cœsa jungebantfœdera porca.
Plusieurs auteurs prétendent que l'on immolait un porc,
genre démonstratif. Les anciens eus mêmes, auteurs de
nette division, avaient reconnu les premiers que souvent
les trois genres se confondent. Ils ont dit la même chose
des trois genres de style.
XL. Merelrix coronam auream ne habeto. Si habue-
rit, publica esto. Hermogène, qui cite le même exemple,
et non pas une truie. Voyez tes notes de Servius et de Pié- fait consister l'ambiguïté dans l'accent 'E-raipot xpûsia ti
rius sur les vers précédents. On peut aussi pour avoir une (popoi'ïj ôiiu-oma éctw. Meretris coronam auream si fe-
juste idée de la solennité qui accompagnaitles traités con- rat, publica esto. L'accusateur prononcele nml£r,y.oeiz
sulter encore Virgile, Énéide, liv. xu, depuis le vers 166 avec l'accent sur la pénultième, et par cela même, il pré-
jusqu'au vers 216. tend que la courtisane soit vendue ou qu'elle devienne la
XXXII. Si qua rostrata navis. Toute la difficulté
propriété de la république. Le défenseur met l'accent sur
rouie sur le sens que l'on suppose que le législateur atta-
l'antépénultième, et dit qu'il faut prononcer S^ôam, et
chait au mot deprehensa; mais il est peu probable qu'un par conséquent que c'est l'or, et non pas la courtisane,
homme sensé eut jamais prononcéla confiscationcontre un que la loi ordonne de mettre en vente.
vaisseau jeté par la tempête dans le port de Rhodes. Voyez XLV. Derogare, ou exrogare, c'est abolir une partie
ce que dit Aristote, dans le premier livre de sa Rhétori- de la loi par une loi contraire, abrogare, c'est annuler
que. chap. 13, sur l'intention du législateur. entièrement une loi subrogare, c'est ajouter à une loi
Ex deliberationis partibus. On sait que les trois obrogare, c'est présenter une loi qui en abroge une autre.
genres de cause et les trois genres de style se trouvent fort Voyez sur ces mots les Antiquités grecques et romaines
souvent réunis dans un seul et même discours. Vous pou- de Sam. Pitiscus, et les Commentaires du P. Proust
vez, par exemple, louer la vertu; vous pouvez aussi en sur les livres oratoires deCicéron, adusum Delphini.
prendre la défense contre ceux qui l'attaquent ou qui la Paris, 1C87.
persécutent; vous pouvez enfin la persuader à ceux ani la XLIX. Alexandrum. Alexandre, tyran de Phères en
négligent ou qui hésitent à la pratiquer. Il est aisé de voir Thessalie, déclara la guerre aux Macédoniens et lit Pélo-
ici combien les trois genres oratoires se rapprochent l'un pidas prisonnier. Malgré les précautionsqu'il prenait pour
de l'autre. En défendant un accusé, on a quelquefois occa- sa vie, il fut tué par Thébé sa femme, qui s'était mise à
sion de faire l'éloge de sa conduite présente ou antérieure, la tête de la conjuration contre le tyran. Voyez 1a chap. 35
et cette partie de la défense rentre nécessairement dans le du Voyage d'Anacltarsis.
LES TROIS DIALOGUES
DE L'ORATEUR,
ADRESSÉS PAR CICÉRON A SON FRÈRE.

PRÉFACE. • et attache, tout contribue à augmenter l'autorité des


préceptes. Jamais on n'a parlé de l'éloquence d'une manière
Cicéron nous apprend, au commencement de ses Dialo- plus éloquente, ni donné une plus haute idée du talent
gues de l'Orateur, dans quelles vues et à quelle occasion oratoire.
il composa cet ouvrage. Peu satisfait de quelques traités Cependant, il faut en convenir, toutes les partiesde cet
de rhétorique, dans lesquels il n'avait fait probablement admirable traité ne présentent pas un égal attrait à la cu-
que présenter une analyse des leçons de ses maltres et riosité du lecteur. Quelque soin que l'auteur ait pris d'évi-
comme un résumé de ses études, à un âge où il n'avait ter la sécheresse des discussions subtiles de l'école, bien
pas encore acquis le droit de s'ériger lui-même en mattre, des détails encore paraîtront arides ou minutieux à des cri-
il voulut plus tard, à la sollicitation de son frère Quintus, tiques élevés dans un autre ordre de choses et de pensées.
développer,dans un ouvrage plus digne de lui, ses pro- « Cicéron, dit la Harpe (Cours de Littérature, t. n), J,
pres idées sur l'éloquence. Si, comme c'est l'opinion n parle à des Romains, et il y a longtemps qu'il n'y a plus
générale, ces ébauches imparfaites, échappées, dit-il, « de Romains. Plus ses traités oratoires sont habilement
à sa jeunesse, et dont il parle avec dédain (i, 2), sont « appropriés à l'instruction de ses concitoyens, et plus il
les mêmes ouvrages qui nous sont parvenus sous le titre de « doits'éloignerdenous. Cen'est pas que les principes gé-
Rhétorique à Hèrennius, Livres de l'Invention, il y a « néraux, les premiers éléments, ne soient en tout temps
loin de ces faibles essais sur l'éloquence artificielle, aux et en tous les lieux les mêmes; mais tous les moyens
trois Dialogues de l'Orateur; et il faut reconnattre dans « toutes les finesses, toutes les ressources de l'art, toutt
ceux-ci toute la supériorité d'un talent perfectionné par ce qui appartient aux convenances de style, aux bien-
trente années d'expérienceet de triomphes. Cicéron, lors. « séances locales, tous ces détails si riches sous la plume
qu'il les écrivit, était dans toute la lorce de l'âge, et au d'un maitre tel que Cicéron, sont adaptés à des idées,
point le plus brillant de sa glorieuse carrière. Plusieurs pas- « des formes, à des mœurs qui noqs sont entièrement
sages de ses Lettres ( Ep.fam., 1, 9, etc. ) doivent nous les « étrangères. »
faire rapporter à l'an de Rome 698. L'auteur, âgé de cin- La haute importancequ'on attachait dans les anciennes
quante-deux ans, avait alors prononcé la plupart de ses republiques, et surtout à Rome, au talent de la parole, les
grands Discours, les Verrincs, toutes les harangues con- immenses avantages dont ce talent était la source, en ren-
sulaires, les plaidoyers pour Cluentius, pour Archias, pour daient l'étude beaucoup plus longue et plus pénible que
Sextius, pour Célius, etc. Il est curieux de voir un homme chez les modernes. Les succès en ce genre exigeaient dans
de génie tracer lui-même les règles d'un art où il s'est fait l'orateur une telle réunion de qualités, et se composaient
un nom immortel, d'entendre raisonner sur l'éloquence, de tant d'éléments divers, que l'art de l'éloquence en de-
celui que l'éloquence a placé si haut, que dans l'ancienne venait très-compliqué. Rien n'était indifférent de ce qui
Rome il est resté sans rival, et que l'antiquité tout entière pouvait donner quelque valeur au langage, et le rendre
ne nous présente qu'un seul hommedignedeluiêtreopposé. plus puissant sur les esprits. Tout était observé avec soin,
Quel traité de rhétorique,que celui où l'orateur le plus par- méthodiquementanalysé réduit en principes, et chacune
fait, peut-être qui fut jamais, daigne nous apprendre la de ces théories partielles formait un enseignement nou-
route qu'il a suivie nous initier aux secrets de son talent, veau, et exigeait des travaux particuliers. De là ces lon-
et nous montrer, pour ainsi dire, son génie à découvert gues études auxquelles suffisait à peine la vie de l'homme
Tel est le point de vue sous lequel il faut considérer les Li- le plus laborieux de là aussi cette multitude de règles,
vres de l'Oraleur. d'observations et de préceptes,dont la longueurrend pres-
Les premiers traités de Cicéron, où il ne s'occupe pres- que toujours fastidieuse la lecture des rhéteurs anciens,
queque de la partie matérielle de l'art, se ressentent plus ou et se fait quelquefois sentir dans Cicéron même, à travers
moins de l'aridité des doctrines scolastiques. Dans celui- tout le charme de la diction.
ci, on voit qu'il s'est formé aux études des philosophes. Il Les Dialogues de V Orateur n'en sont pas moins restés
emprunte leur méthode tout est fondé sur les principes de au nombre de ces livres précieux, où l'autorité du génie
la raison, sur la nature de l'homme, sur la connaissance consacre et rappelle à tous les siècles les principes de la
du coeur humain. A la manière d'élever et de généraliser raison et du bon goût. Nul ouvrage didactique n'offre à un
les idées, ou reconnaît le disciple de Platon. Il porte son plus haut degré le rare .mérite de donner de l'intérêt et de
sujet à la hauteur de son talent à la fois précis brillant et l'agrément à des matières scientifiques. Combien d'obser-
profond; il saisit, il embrasse tout, depuis les questions vations vraies et profondes! combien d'aperçus fins et dé-
les plus graves de l'art oratoire jusqu'aux détails de la licats, d'idées fortes et ingénieuses, rendues plus piquan-
composition du style, de l'élocution figurée, du rhythme tes encore par la forme animée de la discussion Le style
et de l'harmonie. La forme même de l'ouvrage, le ton pi- a partout cette perfection qu'on doit attendre de celui de
quant du dialogue, le nom et la dignité des interlocuteurs, tous les hommes qui parait avoir le plus approfondi l'art
cette conversation imposante entre les plus grands orateurs du langage. On reconnalt en outre, au fini de la diction et
et les premiers personnages de leur temps, tout intéresse à l'éclat de quelquesmorceaux comme à la complaisance
avec laquelle Cicéron s'exprime sur cetouvrage (Bp. fam., nécessité et l'importance. Antoine combat ce système II s'at-
1 9 ad AU.iv, 1 3 xm 19 ) qu'il l'avait travaillé avec tache
1 à déterminer les limites qui séparent les sciences hu-
maines il resserre beaucoup la carrière que Crassus avait ou-
un soin particulier. Aussi le mérite de l'expression ne peut verte à l'éloquence. Par des raisonnementsplus spécieux que
être porlé plus loin c'est une élégance qui ne se dénient solides, il cherche à prouver que l'orateur n'a pas besoin de
jamais qui répand du charme sur les moindres détails et si vastes connaissances,et qu'il lui suffit de joindre au talent
triomphe de l'aridité et de la monotonie des préceptes par naturel et à l'expérience quelques études rapides et superfi-
l'inépuisable fécondité de l'élocution la plus riche et la cielles.
plus variée. Il est inutile d'ajouter que ce genre de beauté
étant celui qu'il est le plus difficile de faire passer d'une
langue dans une autre, la tàche du traducteur devient ici'iij DIALOGUE, ou LIVRE PREMIER.
plus pénible et plus épineuse que jamais car dans les
écrivains comme Platon et Cicéron ne point traduire lee
style, c'est presque toujours dénaturer la pensée. I. Lorsque, livré à mes réflexions je me re-
Nous ne dirons rien de ceux qui ont tentéjusqu'ici cettee porte par la pensée dans les temps anciens,
périlleuse entreprise, et qui tous laissent beaucoup à dési- il m'arrive souvent, mon cher Quintus, d'envier
rer. A leur tête se trouve l'abbé Cassagne (1674) le même
dont le nom figure dans Boileau associé à celui de Cotin.
le sort de ces hommesqui, au sein d'une répu-
Sa traduction, qui vraisemblablement vaut bien ses Ser- rIr blique florissante comblés d'honneurs, entourés
mons et ses Poésies, a moins contribuéà sa célébrité que « de l'éclat de leurs actions, ont pu, pendant le
le trait du satirique. Quoique le travail de ceux qui sont 't cours d'une existence prospère, trouver lasécu-
venus après lui ait paru plus estimable sous divers rap- £ rite au milieu des affaires, ou quelque gloire
ports, il nous a semblé que la traduction des Dialogues
de l'Orateur restait encore à faire. Nous souhaitons, s encore dans le repos. Il y eut un temps où je me
plutôt que nous n'osons l'espérer, qu'on n'en dise pas au- flattais aussi de jouir à mon tour de ce calme dé-
tant après avoir lu la nôtre. Si le respect pour un grand ld siré, et de revenir à ces nobles études que nous
modèle, le soin, l'exactitude, le désir d'être utile à ceux 1* chérissons tous deux il me semblait que, par-
qui étudient l'art oratoire, suffisaient pour vaincre tant de
difficultés, nous aurions mérité de réussir. venu au terme de la carrière des dignités, tou-
chant même déjà au déclin de mes jours, j'avais
bien acquis le droit de me reposer enfin des fati-
gues infinies du barreau et de la pénible poursuite
•ArAUUlUEjlM.. des honneurs; cet espoir, où s'arrêtaient mes
Le Livre premier a pour objet de fixer l'Idée qu'on doit se
se pensées et mes projets, les infortunes publiques
la
faire de l'orateur, et de déterminer la nature et l'étendue de non moins que les traverses de ma vie, l'ont fait
ses connaissances. Après d'assez longues réflexions sur la
difficulté de l'éloquence et le petit nombre des hommes élo-o- évanouir. Le temps où je croyais rencontrer le
quents, Cicéron met en scène ses interlocuteurs 0- Mucius us calme et la paix a été pour moi le temps des plus
Scévola,grand pontife et profond jurisconsulte; L. Licinius s
Crassus, son gendre, et M. Antoine, tous deux consulaires cruelles épreuves, des plus terribles orages. Ainsi
et les premiers orateurs de leur temps enfin, P. Sulpicius "8 mon vœu le plus cher a été trompé, et je n'ai ja-
Rufus, et C. Aurélius Cotta, jeunes gens de la plus grande mais
pu goûter cet heureux loisir, nécessaire à la
espérance. L'entretien a lieu dans une maison de campagne
de Crassus, à Tusculum, pendant la célébration des jeux

année aussi ne nar'e-t-il que le de Cotta


La forme du Dialogue, plus sensible dans ce Livre que
le
publics, l'an de Rame 662. Cicéron était alors dans sa seizième
d'après récit
ne
x culture des arts auxquels je me livrai dès l'âge
(1,7). ).
plus tendre, et dont j'aurais voulu reprendre
ue avec vous l'étude. Mes premières années ont vu
*
dans les suivants, en rend aussi t'analyse plus difficile à pré- l'antique constitution de l'État ébranlée par des
senter. Les interruptions fréquentes des interlocuteurs, la vi- révolutions
vacité des répliques les écarts et le désordre presque inévi- vt. mon consulat s'est trouvé jeté au
tablesdans une conversation longueet animée,laissent désirer
quelquefois une liaison plus rigoureuse dans les idées. Nous
milieu des luttes et des périls d'une effroyable
™ crise; et depuis, j'ai eu sans cesse à lutter contre
nous contenterons d'indiquer les points principaux de la dis-
cussion. les flots, qui, repoussés par mes efforts loin de la
Crassus, d'après la haute idée qu'il se fait de l'orateur, JJ" patrie qu'ils allaientengloutir, ont fini par retom-
exige de lui l'instruction la plus étendue il veut qu'il con-
naisse la rhétorique, la philosophie, la politique, l'histoire,re, bersur ma
tête. Toutefoisni la rigueur des temps,
la jurisprudence, etc. Il insiste particulièrementsur la phi- jjjj ni mes nombreuxtravaux, ne m'empêcheront de
losophie, qui nous donne les moyens d'émouvoirles passions
des hommes, et sur l'étude du droit, dont il fait ressortir la satisfaire notre penchant commun et tous les

DIALOGUS, SEU LIBER PRIMUS. œtatis flexu constitisset. Quam spem cogitationum et con-
siliorum meorum, quum graves coramunium temporum,
I. Gogitantimihi sœpenumero et memoria vetera repe- P*; I mm varii nostiicasus fefcllerunt.
Nam, qui locus quietU
tenti, perbeati fuisse, Quinte frater, illi videri soient, qui
!<>'< et tranquillitatis plenissimus fore videbatur, in eo maxima.
in optima republica, quum et honoribus, et rerum gesta-
ita- moles molestiarum et turbulentissimx lempestates exsti-
rum gloria Ilorerent, eum vitœ cursum tenere potueruntnt terunt. Neque vero nobis cupientibus atque exoptantibus
ut vel in negotio sine periculo, vel in otio cum diguitate
ate fructus otii datus est ad eas artes, quibus a pueris dediti
esse possent. Ac fuit quidem, quum milii quoque ini- fuimus, celebrandas, inter nosque recolendas. Nam prima
tium requiescendi, atque animum ad utriusque noslrum uni actate incidimus in ipsam pra-turbationein disciplina; velu-
prseclara studia referfindi fore justum et prope ab omni-
mi. ris; et consulatu devenimus in medium rerum omnium
bus concessum arbitrarer, si infinitus fotensium rerum um certamen atque discrimen et hoc tempus omne post con-
Jabor, et ambitionisoccupatio, decursu lionorum, etiam am sulatum objecimus iis lluctibus, qui, per nos a communi
instants que me laisseront l'acharnement de mes
ennemis, les devoirs de l'amitié et le soin des af-
| même dans les plus relevés et les plus difficiles,
une multitude de modèles. Si l'on mesure la gran-
deur du mérite par l'utilité et l'importance des
faires publiques, je les consacreraide préférence
à écrire. D'ailleurs je dois, mon frère, déférer à résultats, qui ne préférera un général à un ora-
vos prières et à vos conseils; car il n'est personne teur ? Cependant Rome toute seule n'a-t-elle pas
au monde qui ait plus d'empire que vous sur produit un nombre presque infini de grands ca-
mon coeur, ni plus d'ascendant sur ma volonté. pitaines, tandis qu'elle compte à peine quelques
II. Je veux retracer ici un ancien entretien orateurs distingués? De même nous avons vu pa-
dont le souvenir est un peu confus dans ma pen- raître au sénat d'habiles politiques, de grands
sée, mais qui me semble propre à remplir vos hommes d'État; nos pères et nos ancêtres en ont
vues, en vous faisant connaître l'opinion que les vu davantage encore, tandis que plusieurs siè-
orateurs les plus habiles et les plus illustres se sont cles se sont écoulés sans produire un bon orateur,
formée de l'éloquence. Vous n'êtes pas satisfait, et qu'on en trouve à peine un supportable par gé-
vous me l'avez dit souvent, de ces faibles essais, nération. Peut-être dira-t-on que les talents d'un
fruits informes des études de ma première jeu- général, ou les lumières d'un sénateur ont peu
nesse, trop complaisamment produits au grand de rapport avec l'éloquence, et qu'il faudrait
jour. Ces ébauches imparfaites vous semblent peu plutôt la comparer avec ces arts que l'on cultive
dignes de l'âge où je suis et de l'expérience que dans la retraite, et qui forment le domaine des
tant de causes fameuses m'ont acquise; et vous lettres; mais en considérant ces arts eux-mêmes,
voulez que je produise sur le même sujet quelque en comptant tous ceux qui s'y sont distingués,
ouvrage plus complet et plus achevé. Souvent il sera facile de reconnaître combien dans tous les
aussi, en traitant ensemble ces questions, j'ai temps a été limité le nombre des véritables ora-
remarqué que nous différions de sentiment sur teurs.
un point selon moi, l'idée de l'éloquence ren- III. Vous n'ignorez pas que la science appelée
ferme en elle cet ensemble de connaissancesque chez les Grecs philosophie, est regardée par les
doit posséder l'homme le plus éclairé vous, au hommes les plus habiles comme la mère de tou-
contraire, vous la concevez indépendamment de tes les connaissances libérales. Or, combien de
cette instruction, et vous la faites consister dans philosophes se sont illustrés par la profondeur,
une sorte de talent naturel joint à l'exercice de la par la variété et l'étendue de leur savoir encore
parole. n'était-ce pas à une seule partie de la science que
En considérant tant hommes supérieurs, qui se bornaient leurs études; ils embrassaient la na-
ont fait admirer leur génie, je me suis souvent de- ture entière par l'activité de leurs recherches et
mandé pourquoi on en a vu bien moins exceller la puissance de leur raison. Qui ne sait combien
dans l'éloquence que dans les autres arts. En sont ^abstraites et subtiles les spéculations des
effet, parcourez tous les genres, vous trouverez, mathématiciens et quelles en sont les ténèbres

peste depulsi, in nosniet ipsos redundarunt. Sed tamen in in dicendo admirabiles exstihssent. Nam, quocumque te
his vel asperitatibus rerum vel angustiis temporis, obse- animo et cogitatione converteris, permultos excellentes in
quar studiis nostris, et quantum mihi vel fraus inimico. quoque genere videbis, non mediocrium artium, sed prope
rum, vel causas amicorum, vel respublica tribuet otii, ad maximarum. Quis enim est, qui, si clarorum hominum
scribendumpotissimum conferam. Tibi vero, frater, ueque scientiam rerum geslarum vel utilitate vel magnitudine
hortanti deero, neque roganli. Nam neque auctoritate metiri velit, non anteponat oratori imperatorem? Quia
quispiam apud me plus valere te potest, neque voluntate. autem dubitet, quin belli duces preestantissimos ex hac
Il. Ac mihi repetenda est veteris cujusdam memoriœ una civitate paene innnmerabiles, in dicendo autem excel-
non sane satis explicata recordatio, sed, ut arbitror, apta lentes vix paucos proferre possimus? Jam vero, consilio
ad id, quod requins, ut cognoscas, quœ viri omnium ac sapientia qui regere ac gubernare rempublicampossent,
eloquentissiini elarissimique senserint de omni ratione multi nostra, plures paLrum memoria, atque etiam majo-
dicendi. Vis enim, ut mibi saepe dixisti, quoniam quae rum cxstilerunt, quum boni perdiu nulli, vix autem sin-
pueris, aut adolescentalis nobis ex commentariolis nostris gulis aetatibussinguli lolerabilesoratoresinvenirentur. Ac,
inchoata ac rudia exciderunt, vix bac œtate digna et hoc ne quis forte cum aliis studiis, quae reconditis in artibns,1
usu, quem ex causis, quas diximus, tot tantisque con- atque in quadam varietate litterarum versentur, magis
secuti sumus aliquid iisdcm de rebus politins a nobis liancdicendi rationem, quameum imperatoris laude, aut
perfectiusque proferri solesque nonnunquam hac de re cum boni senatoris prudentia comparandam putet con-
a me in disputationibusnostris dissentire, quod ego pru- vertat aninium ad ea ipsa artium gênera circumspiciatque,
dentissimorum hominum artibus eloquentiam contineri qui in iis floruerinl quamque multi sic far illime quanta
statuam; tu autem .illam ab elegantia doctrine segregan. oratorum sit, semperque fuerit paucilas, judieabit.
dam putes, et in quodam ingenii atque exercitationis ge- IJI. Neque enim te fugit, artium omnium laudatarum
nere ponendam. procreatricem quamdam, et quasi parentem eam quam
Ac milii quidem saepenumero in summos homines ac ipiXoioçiav Grœci vocant, ab hominibus doctissimis judi-
summis ingeniis preditos intuenti, quserendum esse vi- cari in qua difficile est enumerare, quot viri, quanta
eum est, quid esset, cur plures in omnibus rebus, quam scientia. quantaque in suis studiis varietate et copia fue-
CICERON.

et les difficultés? cependant tel est le nombre de plus brillantes, de plus magnifiques récompen-
ceux qui s'y sont distingués, qu'il semble que ses car sans parler de la Grèce, qui a toujours
cette science n'ait point de secret impénétrable prétendu à la palme de l'éloquence; ni d'Athè-
pour une application persévérante. Quel homme nes, ce berceau de tous les arts, où l'art de la
s'est jamais adonné entièrement à la musique, parole prit naissance, et fut porte à sa perfection:
ou à ce genre d'érudition qui est le partage des dans notre république même, quelle autre étude
grammairiens, sans être parvenu à posséder fut jamais cultivée avec plus d'empressement?
cette foule de connaissances, cette variété pres- Lorsque Rome eut achevé la conquête du monde
que infinie d'objets dontces études se composent? et qu'une longue paix eut assuré du loisir aux
Je crois pouvoir dire avec vérité que parmi tous esprits, tous les jeunes gens qui se sentaient quel-
ceux qui se sont livrés avec succès à l'étude des que amour pour la gloire tournèrent leurs vues
lettres et à tous ces nobles exercices de l'esprit,
et leurs efforts du côté de l'éloquence. D'abord,
la classe la moins nombreuse est celle des grands ils ne connurent ni règle, ni méthode et n'ima-
poëtes sans contredit et cependant, à examiner ginant pas même que l'art de la parole pût avoir
ce que Rome et la Grèce ont produit dans ce des lois, et fût soumis à des principes, ils allè-
genre même oùilestsi difficile d'exceller,ontrou- rent jusqu'où ils pouvaient atteindre par le génie
vera encore moins de bons orateurs que de bons et la réflexion. Mais plus tard, lorsqu'ils eurent
poètes. Ce qui rend cette différence plus surpre- entendu les orateurs grecs, lorsqu'ils eurent
nante encore, c'est que les autres arts reposent admiré les modèles, et qu'ils se furent for-
més aux leçons des rhéteurs, les Romains se
sur des règles plus cachées, sur des principes plus
secrets l'art de la parole au contraire est, pour portèrent à l'étude de l'éloquence avec une in-
ainsi dire, à découvert; ses procédés sont sim- croyable ardeur. Sans cesse animés par l'impor-
pies et à la portée de chacun; son instrument esttance, la variété, la multitude des causes, ils
le langage usuel des hommes. Dans les autres voulaient joindre aux lumières qu'ils puisaient
genres on excelle d'autant plus qu'on s'élève dans leurs études des leçons plus précieuses que
tous les préceptes, celles que donne une prati-
davantage au-dessus des idées et de l'intelligence
du vulgaire; dans l'éloquence, le plus grand de que journalière. A lors comme aujourd'hui, l'é-
tous les défauts serait de s'écarter de la manièremulation de l'orateur avait en perspective les
de parler et de sentir commune à tous les hom- plus puissants encouragements, le crédit, la for-
mes. tune, les honneurs. Mille preuves aussi nous at-
IV. Et qu'on ne dise pas que les autres arts testent que du côté du génie la nature a partagé
ont été plus généralementcultivés, ou qu'ils pré- plus avantageusementnotre nation que tous les
sentent une étude plus agréable, des espérances autres peuples du monde. Qui ne s'étonnera donc
qui non una aliqua in re separatim elaborarint, sed
rint, teris artibus inservire, aut majore delectatione, aut spe
omnia, quaecumque possenl vel scientiœ pervestigatione,J uberiore, aut prœmiis ad perdiscendum amplioribus coui-
vel disserendi ratione comprehenderint. Quis ignorat, ii, moveri. Alquu ut omiltam Grîeciam quae semper elo-
qui malhematici vocantur, quanta in obscuritate rerum, quentiae princeps esse volnit, atque illas omnium doctri-
et quam recondita in arte et multiplici subtiliqne versen- narum inventrices Athenas, in quibus summa dicendi vis
turp'quo tamen in genere ita multi perfecti homines ex- et inventa est et perfecta in hac ipsa civitate profecto
stiterunt, ut nerao fere studuisse ei scientiœ vehementius nulla unquam vehementius, quam cloquentiae studia vi-
videatur, quin, quod voluerit, conseculus sit. Quis musi- guerunt. Nam postcaquam imperio omnium gentium con
cis, quis huic studio litterarum, quod prolitentur ii, qui stituto, diuturnilas pacis otium confirmavit, neuiu feiv.'
grammatici vocantur, penilus se dedidit, quin omnem il. laudis cupidus adolescens non sihi ad dicendum studio
Iarum artium psene inlinitam vim et materiam scienliœ omni enitendum putavit. Ac primo quidem totius rationis
cogitatione comprelienderit? Vere mihi hoc videor esse ignari qui neque exercitalionis ullam viam neque aliquod
dicturus, ex omnibus iis, qui in harum artium studiis li- nraeceplum artis esse arbitrarentur, tantum, quantum in-
beralissimis sint doctrinisque versati, minimam copiam genio et cogitatione polei ant, consequebantur. Post autem
poetarum egregiorum exstitisse. Atque in hoc ipso numéro, anditis oratoribus Gratis, cognitisque eorum litteris, ad.
in quo perraro exoritur aliquis excellens, si diligenter et, hibitisque doctoribus, ineredibili quodam nostri homines
ex nostrorum, et ex Graecorum copia comparare voles, dicendi studio flagraverunt. Excitahut eos magnitudo el
multo tamen pauciores oratorcs, quam poetoe boni repe- varietas, multitudoque in omni genere causarum, ut ad
rientur. Quod lioc etiam mirabilius dehet videri, quia eam doctrinam, quam suo quisque studio assecutus esset,
ceterarum artium studia fere reconditis atque abditis e adjuilgeretur usus IVequens, qui omnium magistroruni
fontibus hauriuntur; dicendi autem omnis ratio in medio praecepta superaret. £rant autem huic studio maxima,
posita, communi quodam in usu atque hominum more quse nunc quoque sont, exposita pi cemia vel ad gratiam,
et sermone versatur ut in ceteris id maxime excellat, vel ad opes, vel ad dignitatem. Ingenia vero (ut multis
quod longissime sit ab imperitorum intelligentia sensuque rebus possumus judicare) nostrorum hominum multum ce-
disjuuctum in dicendo autem vitium vel maximum sit teris horainibus omnium gentium praestiterunt. Quibus de
a vulgari genere orationis alque a consuetudine communis causis, quis non jure miretur, ex omni memoria œtalum
sensus abhorrere. temporum, civitatum, tam exiguum oratorum nunieium
IV. Ac ne illud quidem vere dici potest, aut plures ce. inteniri? Sed nimirum majus est hoc quiddam, qnam !•>-
de voir que, dans tous les siècles et chez tous les cependant combien il en est peu qui nous parais-
peuples, le nombre des orateurs a toujours été. sent supportables1 Que dirai-je de la mémoire,
si restreint ? C'est que l'éloquence en effet, est ce trésor de toutes nos connaissances ? Si elle ne
quelque chose de plus grand qu'on ne pense, et conserve les conceptions de la pensée, si elle ne
qu'elle demande une immense réunion d'études recueille fidèlement et les idées et les mots, les
et de talents. talents les plus précieux seront perdus pour l'o-
V. Si donc, malgré la multitude de beaux gé- rateur. Cessons donc de nous étonner qu'il y ait
nies qui s'y sont livrés, malgré l'habileté desi si peu d'hommes éloquents, puisque l'éloquence
maîtres, la variété infinie des causes, et la gran- se compose d'une réunion de qualités dont cha-
deur des récompenses, un si petit nombre d'hom- cune exige les plus pénibles efforts. Exhortons
mes s'y sont distingués, n'en cherchons pas lai plutôt nos enfants, et ceux dont la gloire et les
raison ailleurs que dans l'incroyable difficulté i succès nous sont ehers à bien se pénétrer de la
de l'art lui-même. L'éloquence exige une foule degrandeur de ce bel art; engageons-les à ne pas se
connaissances variées, sans quoi il ne reste pluscontenterde méthodes, d'exercices et de maîtres
qu'une vaine et futile abondancede mots. Il faut,vulgaires, et à se persuader qu'il leur faut d'au-
dans la composition du discours, choisir soigneu- très secours pour atteindre le but où ils aspirent.
sement les termes, et en étudier l'arrangement; VI. A mon sens, on ne saurait devenir un ora-
t
il faut connaître à fond toutes les passions que la teur parfait, si l'on ne possède tout ce que l'es-
nature a mises dans le cœur de l'homme, puis- prit humain a conçu de grand et d'élevé. Cet en-
que tout l'effet du discours consiste à émouvoirr semble de connaissances positives peut seul
ou à calmer les àmes il faut joindre à ces qualités s soutenir et alimenter le discours, qui, s'il n'est
les grâces, l'enjouement, L'élégance d'un hommee appuyé sur des notions précises et solides, ne
bien né la rapidité et la précision dans la répli- sera plus qu'un vain et frivole étalage de mots.
i
que ou dans l'attaque, unies à la délicatesse et à Ce n'est pas que je veuille trop exiger des ora-
l'urbanité. L'orateur doit encore avoir une con- teurs,de ceux de Rome surtout, au milieu de tant
naissance approfondie de l'antiquité, afin de s'ap- d'occupations publiques et de devoirs privés, ni
puyer au besoin de l'autorité des exemples; et ilil leur imposer la nécessité de ne rien ignorer, bien
;t
ne doit pas négliger l'étude des lois et du droit que le nom qu'ils portent, et l'art de la parole
civil. Parlerai-je de l'action, qui comprend less dont ils font profession, semblent annoncer l'én-
attitudes, le geste, l'expression des traits les in-i- gagement de parler avec agrément et abondance
flexions si variées de la voix? Cette seule partiee sur tous les sujets qui leur seront proposés. Mais
renferme elle-mëme d'extrêmes difficultés, et outre que le plus grand nombre trouverait, sans
l'art frivole du comédien peut nous en donner unee doute, une pareille obligation trop pesante, nous
idée. Les acteurs passent leur vie à former leur ir voyons que les Grecs eux-mêmes, si riches non-
voix, à composer leurs traits et leurs gestes; etseulement en génie et en savoir, mais encore en

mines opinantur, et pluiïhus ex artihns sludiisque colle- e- a?quo spectare possimus? Quid dicam de thesauro rerum
cturn. omnium, memoria? quîe nisi custos inventis cogitatisqiifi
V. Quis enim aliud, inmaxîmadiscenliuramultitudinc, e, rebus et verbis adhibêatur, iutelligimus omnia, etiamsi
m prœdarissima fuerint in oratore, peritnra. Quamobrem
summa magistrorum copia, praîstantissimis hominum
ingeniis,inlinita causarumvarietate, amplissimis cloquen- n- mirari desinatnus, quae causa sit eloquentiumpaucitatis,
quum
ti«e propositis prsemiis, esse causse pulet, nisi rei quant- ex iis rebus universis eloquentiaconstet quibus in
.st singulis elaborare permagnum est; hortemtirque potin»
dam incredihilem magnitudinem ac diflicultalem? Est
eatm et scientia compreliendenda rerum pliiriiiianun sine ne liberos nostros, ceterosque, quorum gloria nobis et dignitaft
qua verborum volubilitas inanis, atque irridenda est; et et cara est, ut animo rei maguitudinem complectantur,neque
ipsa oratio conformanda, non solum electionc sed etiam "i iis aut prieceptis,aut magistris, autexercitationibus, qui-
constructioiie verborum et omnes animoru m motus, quos ios bus utmitur omnes, sed aliis quibusdam, se id, quod
bominumgeneri i rerum natura tribuit, penitus pernoscendiii j expetunt consequi posse confidant.
quod omnis vis ratioque dicendi in eorum, qui audiunt, it, VI. Ac mea quidem sententia nemo poterit esseomni
st.
meMibus aut sedandis, aut excitandis expromenda est. laude cumulatus orator, nisi erit omnium rerum magna-
Accedat eodem oportet lepos quidam fa< -eliœque et erudi- di- rum atque artium scientiam consecutus. Etenim ex rerum
tio libero digna, celeritasque et brevitas et respondendi et
et cognitione efllorescat et redundet oportet oratio qua;
lacessendi, subtili vcnuslale atque urbanitaie conjuncta.ta. nisî subest res ab oratnre percepta et cognita, jnaiiem
Tenenda prœterea est omnis antiquitas ezemplorumque quamdam habet elocutionem, et pœne puerilem. Neque
:st. vero ego hoc tantum oneris imponam nostris prœsertim
vis; neque legum, aut juris civilis scientia negligenda est.
Nam quid ego de actione ipsa plura dicam? quae motu ,lu oratoribns in hac tanta occupatione urbis ac vitœ nihil
corporis qua? gestu quae vultu, qufe vocis confurmatione >ne ut iis putcm licere nescire quanquam vis oratoris, pro-
ac varietatc moderanda est; quae sola per se ipsa quanta nta fessioque ipsa bene dicendi, boc suscipere ac polliceri vi-
sit, liistrionuin levis ars et scena déclarât in qua quumu m detur, ut omni de re, quaxumque sit proposita, ab eo
omnes in oris et vocis, et motus modérations élaborent nt, urnate, copioseque dicatur. Sed quia non dubito, qniu hoc
quis ignorât, quain pauci sint, l'uei inique quos animo mo plerisque iininoiisiim iiiflnitumque videatur et quod Cric-
studieux loisirs, ont établi les divisions et reconnu cher. Il avait encore amené avec lui deux jeunes
les genres. Un seul homme chez eux ne les em- gens, en qui ces vieux sénateurs espéraient
brassait pas tous et dans le partage qu'ils ont fait trouver de dignes défenseurs de leur dignité c'é-
du domaine de l'éloquence ils ont réservé à l'o- taient C. Cotta et P. Sulpicius, tous deux tendre-
rateur les plaidoiries, les causes judiciaires et les '1
ment attachés à Drusus. Cotta briguait alors la
haranguesdélibératives.Je me renfermerai donc charge de tribun du peuple; Sulpicius devait se
dans ces limites, que des esprits éminents ont po- mettre sur les rangs pour l'année suivante. Le
sées deconcert,aprèsun examensévère et réfléchi i; premier jour, ils ne s'entretinrent que du sujet
mais je n'irai pas chercher, dans l'enseignement qui les avait rassemblés, c'est-à-dire, des circons-
scolastique dont on occupait notre enfance, une tances alarmantes où se trouvait alors la répu-
suite de préceptes méthodiques j'exposerai les blique et leur conversation se prolongea jusqu'à a
principes que discutèrentun jour des orateurs ro- la nuit. J'ai entendudire à Cotta que les trois il-
mains, illustres par leur éloquence, par l'éléva- lustres consulaires s'abandonnèrent longtemps à
tion de leur rang et la dignité de leur caractère. ces tristes réflexions et que dès lors comme par
Je ne dédaigne point, sans doute, ce qu'ont laissé une inspirationprophétique, ils prédirent l'orage
sur ce sujet les rhéteurs grecs; mais leurs ouvra- qui nous menaçait, et tous les maux qui depuis
ges sont dans toutes les mains, et en présentant vinrent fondre sur l'État. L'entretien terminé,
moi-même leurs préceptes, je n'oserais me flat- ils prirent le bain, et se mirent à table. Alors
ter de leur donner plus d'élégance ou de clarté. Crassus, qui avait l'esprit agréable et enjoué, fit
Vous me permettrez donc, mon cher Quintus, de disparaître par son amabilité ce que la conversa-
préférer à l'autorité des Grecs celle d'orateurs à tion avait eu de trop sévère; et si jusque-làleurs
qui les suffrages de nos concitoyens ont assigné discours avaient rappelé la gravité du sénat, le
le premier rang dans l'art de bien dire. repas fut digne de Tusculum.
VII. Dans le temps que le consul Philippe at- Le lendemain, lorsque les plus âgés eurent
taquait le plus vivement les patriciens, et que la pris assez de repos, on se réunit à la promenade.
résistance du tribun Drusus, défenseur des droits Après deux ou trois tours d'allée, Mon cher
du sénat, paraissait déjà s'amortir et perdre de Crassus, dit Scévola, que ne faisons-nous comme
son énergie, L. Crassus, pendant les jours con- Socrate dans le Phèdre de Platon ? ce qui m'y fait
sacrés aux jeux romains, se rendit à sa campa- penser, c'est ce platane dont les branches touf-
gne de Tuscnlnm, pour s'y reposer de ses fati- fues répandent la fraicheur sur ces lieux sans
gues au sein de la retraite. Il était accompagné de doute il n'était pas plus beau, celui dont l'om-
Q. Scévola, son beau-père, et de M. Antoine, brage plaisait tant à Socrate, et qui doit moins
que les liens de l'amitié et la conformité de leurs encore au ruisseau décrit par Platon qu'au
opinions politiques lui rendaient doublement style de cet éloquent philosophe. Si Socrate qui

ces homines non solum ingenio et doctrina, sed etiam otio republita socius, et summa cum Crasso familiaritatecon-
nudioqueabundantes,partitionemquamdam artium fecisse junctus. Exierant autem cum ipso Crasso adolescentes
vidno, neque in universo genere singulos elaborasse, sed duo, Drusi maxime familiares, et in quibus magnam
seposuisse a ceteris dictionibus eam partem dicendi, quœ tum spem majores natu dignitatis suœ collocarant, C.
in forensitius disceptationibus judiciorum, aut deliberatio- Cotta, qui tum tribunalum plebis petebat et P. Sulpicius,
num versaretur, et id unum genns oratori reliquisse non qui deinceps eum magistratum petiturus putabatur. Hi
compleclar in his libris amplius quam quod huic generi, primo die de temporibus illis, deque universa repuhlica,
requaesita, et multum disputata, summorum hominum quam ob causam vénérant, multum inter se usque ad
lirope consensu est tributum; repetamque, non ab incu- extremum tempus diei colloculi sunt. Quo quidem in
dabirlis nnstrœ veteris puerilisque doctrinae quemdam or- sermone multa divinitus a tribus illis consularibus Cotta
dinem prœceptorum sed ea, qii;e quondamaccepi in no- deplorata et commeinoi-ata narrabat, ut nihil incidisset
*lrorum hominum eloquenlissimorum et omni dignitate postea civitati mali, quod non impendere illi tanto ante
principum, disputatione esse versata non quod illa con- vidissent; eo autem omni sermone confecto, tantam in
temnam, qux Greci dicendi artifices et doctores relique- Crasso humanitatemfuisse, ut, quum lauti accubuissent,
runt sed, quum illa pateaut in promtuque sint omnibus, lollereturomnisillasuperioristristitiasermonis.eaqueessel
neque ea interprelationekmea aut ornatius explicari, aut in homine jucunditas, et tantus in jocando lepos, ut dies
(jlanins exprimi possint, dabis hanc veniam, mi frater, ut inter eos curiîe fuisse videretur, convivium Tusculani.
opinor, ut eorum, quibus summa dicendi laus a nostl'is Postero autem die, quum illi majores natu satis quies-
hominibus concessa est, auctorilatem Grœcis anteponam. sent, et in ambulationem ventum esset, dicebat tum Scae-
VII. Quum igitur vehementius inveheretur in causam volam, duobus spatiis tribusve factis, dixisse Cur non
principum consul Philippus, Drnsique tribunatiis, pro imitamur, Crasse, Socralem illnm, qui est in Phœdro
senalus auctoritate susceptus, infringi jam debilitarique Platnnis? nam me luee. tua platanus admonuit, quœ non
videretur dici mihi memîni, luclorum romanorumdiebus, minus ad opacaudum hune locum patulis est diffusa remis,
L. Crassum, quasi colligendisui causa, se in Tusculanum quam illa, cujus umbram secutus est Socrates, quîe milii
wntulisse; venisse eodem, socer ejus qui fuerat, Q. Mu- videtnr non tam ipsa aqutila, qua; describitur, quam
ùus dicebatur, et M. Anlonius homo et consiliorum in i'iatvnis oratiout mJvis»e et quoi] ille durusimis pfdibm
ne craignait pas la fatigue s'est couché sur reux, de plus royal que de secourir, de relever les
l'herbe pour débiter ces admirables discours que malheureux suppliants et abattus, que d'arra-
les dieux semblaient lui dicter, la faiblesse de cher ses concitoyens au péril, à la mort, à l'exi I?
mes jambes mérite bien au moins le même pri- Enfin quel plus précieux avantage que d'avoir
vilége. Sans doute, dit Crassus, et je veux toujours en main des armes redoutables pour se
même que vous soyez plus commodément que défendre soi-même, attaquer les méchants, ou
lui. Alors il fit apporter des coussins, et les fit se venger de leurs outrages? Mais pour ne pas
ranger sous le platane, où tout le monde s'assit. nous occuper sans cesse du barreau, de la tri-
VIII. Ce fut là, Cotta me l'a souvent raconté, bune et du sénat, quel délassement plus doux
que, pour faire oublier la gravité de l'entretien quel plaisir plus délicat, qu'une conversation
précédent Crassusfit tomber la conversation sur aimable et élégante? Le plus grand avantage que
l'éloquence. Il commença par dire que Sulpicius nous ayons sur les animaux, c'est de pouvoir
et Cotta n'avaient plus besoin de conseils; c'é- converser avec nos semblables et leur communi-
taient plutôt des éloges qu'on leur devait, puis- quer nos pensées ne devons-nous donc pas culti-
que déjà ils s'étaient élevés au-dessus des jeunes ver cette admirable faculté, et nous efforcer de
gens de leur âge, et qu'ils se rangeaient même à l'emporter sur les autres hommes, dans ce qui
côté des orateurs les plus consommés. Pour moi, élève l'homme lui-même au-dessus de la brute?
ajouta-t-il, rien ne me semble plus beau que de Enfin et c'est là le plus bel éloge de l'éloquence,
pouvoir, par la parole, captiver l'attention des quelle autre force a pu réunir dans un même lieu
hommes assemblés, charmer les esprits, pousser les hommes dispersés, leur faire quitter leur vie
ou ramener à son gré toutes les volontés. Chez sauvage pour des mœurs plus douces, et, après
tous les peuples libres, dans les États florissants les avoir civilisés, les rendre dociles au joug des
et calmes, cet art surtout a toujours été puissant lois et de la société?
et honoré. Eh! qu'y a-t-il de plus digne d'admi- Je ne veux pas entrer dans des détails qui se-
ration que de voir un petit nombre de mortels raient infinis, et je dirai en peu de mots que du
privilégiéss'élever au-dessus de la foule des hom- talent et des lumières d'un grand orateur dépend
mes, et se faire une puissance particulière d'une non-seulement sa propre gloire, mais le salut de
faculté naturelle à tous? quoi de plus agréable à plusieurs de ses concitoyens, et la sûreté de l'É-
l'esprit et à l'oreille qu'un discours embelli par la tat tout entier. Persévérez donc, jeunes gens,
noblesse de l'expression et la sagesse de la pensée! dans vos efforts; continuez à cultiver ce bel art,
quel magnifiquepouvoir, que celui qui soumet à comme vous le faites. Par lui, vous pourrez par-
la voix d'un seul homme les passions de tout un venir à la gloire, servir vos amis, et vous ren-
peuple, la religion des juges et la majesté du dre utiles à la république.
sénat! Est-il rien de plus grand, de plus géné- IX. Alors Scévola reprit avec sa douceur

fecit, ut se abjiceret in lierbam, atque ita illa, quae phi- jtr quam opem ferre supplicibus, excitare afflictos, dare
losophi divinitus ferunt esse dicta, loqueretur, id meis salutem, liberare periculis, retinere hommes in civitate'

pedibus certe concedi est ecqnins. Tnm Crassum Imo Qnid antem tam necessarium quam teuere semper arma,
quibus vel tectus ipse esse possis, vel provocare impro-
vero commodius etiam; pulvinosque poposcisse, et omnes
bus, vel te ulcisci lacessitus? Age vero, ne semper fo-
in iis sedibus qux erant snb ptatano, consedisse dicebat.
rum, subsellia, rostra, cuiïamque meditere, quid esse
VIII. Ibi, ut ex pristino sermone relaxarentur animi
omnium, solebat Cotta narrare, Crassum sermonem quem-potest in otio aut jucimdius ant magis proprinm huma-
nitatis, quam serrno facetus ac uulla in re radis? Hoc enim
dam de studio dicendi intuHsse. Qui quum ita essetexor-
sus, non sibi cohortandum Sulpicium et Cottam, sed uno prœstaniusvel maxime feris, quod colioquimur inter
magis utrumque collaudandiim videri, quod tantam jam nos, et quod exprimere dicendo sensa possumus. Quamob
essent facultatem adepti, ut non œqualibus suis solumrem quis hoc non jure miretur, summeque in eo elaboran-
mteponerentnr,sed cum majoribus natu compararentur dum esse arbitretur, nt, quo uno homines maxime bestiis
praestent, in hoc hominibus ipsis antecellal? Ut vero jam
Nerpie vero mihi quidquam, inquit, praestabilius videtur,
quam posse dicendo tenere hominnm cœtus mentes alli- ad illa summa reniamùs quie vis alia potuit aut dispersos
hommes unum in loeum congregare, aut a fera agrestique
cere, voluntates impellere, quo velit; uniie autem velit,
vita ad hune bumanom cultum civilemque deducere aut,
deducere. Hœc una res in omni libero populo, maximequs
jam constitulis civitatibus,leges,judicia, jura describere?
in pacatis tranquillisque civitatibus, praecipue semper
floruit, semperque dominata est. Quid enim est aut tam Ac, ne plura, quœ sunt pfeoeinnumerabilia, connecter,
comprohendam brevi sic enim statuo perfecti oratoris
admirabile, quam ex infinita multitudine bominum exsi-
moderatione et sapientia non solum ipsins dignitatem sed
stere unum, qui id, quod omnibus natura sit datum, vel
solus, vel cum paucis facere possit? aut tam jucundnmet privatorum plurimorum, et universae reipublicie salutem
maxime contineri. Quamobrempergite, ut facitis, adole-
cognitn atque auditu, quam sapientibus sentenliis gravi-
scentes, atque in id studium, in quo estis, incumbite, ul
busque verbis ornata oratio et polila? aut tam potens,
tamque magnificum, qnam populi motus, judicum reli- et vobis honori, et amicis ulilitati, et reipublicae emolii-
giones, senatus gravitatem, unius oratione converti? ntento esse possilis.
Quid tam porro regium, tam libérale, tam munifieum, IX. Tum Scaîvola comiter, ut solebat Cetera, i»
accoutumée: Je conviendrai volontiers de tout ce qu'utile à leur patrie. Je me contenterai de citer
que vient d'avancer Crassus je ne veux pas dé- les deux Gracques, les deux hommes les plus
précier la gloire de Lélius, mon beau-père, ni ra- éloquentsavec Antoine et vous, Crassus, que j'aie
baisser le talent de mon gendre. Mais il est deux jamais entendus. Leur père, homme sage et ver-
points que je crains bien de ne pouvoir vous ac- tueux, mais nullement éloquent rendit plus d'une
corder d'abord vous prétendez que l'éloquence fois les plus grands services à l'ttat, et surtout
a fondé et souvent sauvé les États; ensuite vous pendant sa censure. H fit incorporer les affran-
voulez qu'indépendamment de ce qu'exigent le chis dans les tribus; et pour cela il n'employa
barreau, la tribune, le sénat, l'orateur possède pas des discours étudiés; un seul mot, un seul
encore tout ce qui rentre dans le domaine de la geste, lui suffirent. Sans cette mesure, la répu-
parole et du savoir. blique, que nous avons tant de peine à maintenir
Comment croire avec vous que, dans les pre- aujourd'hui, eût cessé depuis longtemps d'exis-
miers siècles, les hommes, en abandonnant leurs ter. Ses fils réunissaient tous les talents que fart,
forêts et leurs montagnes pour venir se renfermer joint à la nature, peut donner a un orateur; et
dans l'enceinte des villes, aient cédé aux char- avec cette éloquence que vous décorez du titre de
mes d'un beau discours, plutôt qu'à la force de régulatrice des empires, ils jetèrent le désordre
la raison; et que ce soit aux paroles d'un orateur et l'anarchie dans cette même république que
disert, etnon au génie des sages et deshéros, qu'il la sagesse de leur père et les exploits de leur aïeul
faille attribuer tout ce qui a servi à établir et à avaient élevée à un si haut degré de splendeur.
conserver les empires? Lorsque Romulus ras- X. Mais quoi 1 nos lois antiques, tes coutumes
sembla des pâtres et des aventuriers, qu'il conclut de nos ancêtres les auspices auxquels vous et
des mariages avec les Sabins, qu'il repoussa les moi, Crassus, nous présidons pour le salut de
attaques des peuplades voisines; croyez-vous que Home, les cérémonies de la religion, le droit civil,
ce soit l'éloquence qui l'ait servi ou une sage et dont notre famille, qui ne s'est jamais piquée
profonde politique? Et Numa, et l'ullius', et les d'éloquence, tire son illustration; tout cela a-t-il
autres rois à qui Rome doit de si précieuses insti- été inventé par les orateurs? en font-ils l'objet de
tutions, trouvons-nous en eux la moindre trace leurs recherches ou de leurs études? Je me sou-
d'éloquence? On sait que ce fut par les ressour- viens d'avoir vu Servius Galba, dont on admi-
ces de son génie, et non par celles de la parole, rait l'éloquence extraordinaire, M. Émilius Por-
que Brutes parvint à chasser les rois. Depuis cette cina, et C. Carbon, que vous eûtes la gloire de
révolution je vois partout présider la sagesse, et vaincre en débutant dans la carrière; tous trois
la parole nulle part. Si je voulais puiser des ignoraient les lois, connaissaient imparfaitement
exemples dans nos annales, et dans celles des tes coutumes de nos ancêtres, et n'avaient aucune
«titres peuples, il me serait facile de prouver que idée du droit civil. De nos jours, excepté vous,
le talent des grands orateurs a été plus funeste Crassus, qui, pour satisfaire votre goût particu-

•luit assentiir Crasse, ne aut de C. Laiii soceri mei, mit mm, plura proferre possim detrimentapublicis rébus, quam
ili- lui jus, genen, aut arte, aut gloria detraham; sed illa adjumenU.perhomiueseloquentissirnosimporlata sed, ut
duo, Crasse, vereor, ut tihi possim concedere unum, quod reliqua pneterniittam, omnium inihi videor, exceptis.
aboratoribusiivitatea etab initia constituas, et sœpe con- Crasse, \obis duobus, eloquentissiinos audisse Ti. et C
servâtes esse dixisti jalterum,quod, renioto foro concione, Sempronios, quorum pater homo prudcns et gravis liaud-
judiciis, senatu, statnisti, oratorem inomni génère sermo- qnaqnameloquens,et saepe alias, et maxime censor, salnli
nis et tiumaiiilatis esse nerfectuin. rcipublicœ fuit. Atque is non accurata quadam orationis co.

in montibus ac silvis dissipalum nnu prudentmmconsiliis tulit;quod nisi fecisset, rempuhlieam quam miunvix lu.
rompolsiun potiu», quam disertorum oratione delinitum ncmus.jamdiunuUamhabmenutS.AtYeraejus~ disel'lÎ,
se opptdis mœnibusque sepsisse? aut vero reliquas utili- et omnibus vel nalura,
i
Qnis enim tibi boc conçussent, aut initio genns hominum pin, sed nutu atque verbo libertinos in urbanas tribus trans-

vel iloctrinœ prœsidiis ad direndum n


tatea aut in constitnendis, ant in conservandis civitalibiis parati, quunicivitatem vel palcrno consilio, vel avilis armis
accepissent, ista prœclara gubernatrice, utl
non a sapienlibus et fortibus viris, sed a disertis et ornate llorcntissiinam
iliceulibus esse constituas? An vero tibi Romulus ille aut ais civilalum elnqiipnlia rempublicam dissipaverunt.
pastores cl convenas consregasse aut Sabinoruin connubia X. Quid? leges veteres, moresque majorum qnid ? au-
innjun\istc, aut (initimorum vim repressisse eloquenlia spicia, quibus et ego, et tu, Crasse, cum magna reipublift»
videtur, non consilio et sapientia shigulaii? Quid euim? in salute pnwstinuis quid rcligiones et cserimonia? qnid?
jam pridem in nostra familia sine nlla
Nnma Pompilio, quid Pin Ser. Tullio, quid? in ceteris re- hase jura civilia, qiiœ
gibus, quorum mulla sunt eximia ad constituendain rempli' eloquentiielaude versantur; num ant inventa sunt ant co-
hlicam num quod éloquente vesliginin apparet? Quid ? gnita, aut umnino
ab oratorum genere tractata? r.'|iiiileni
nactis régions (taraetsi ipsam exaclionem mente, non et Ser. Galbam memoria teneo, divinum hominem in di-
linpna, perlïrtam lliuli esse cernimus) sed deinceps eendo, et M. jfcmilitim Porcinam,etC. ipsum Carbonem
omnia, nonne iilenai'misilinrum,inaniaverborumvidemus? (|iiciu tu adolesceutiilns perculisti, ignarum legum, ha3&i-
ïgo vero si vclim et nostraecivitatiseïemplismi, et ali.i- tattlciu in majorum institut is rudeni injure civili: et h&c
lier, et non pour vous conformer à un devoir gé- rhéteurs de profession. Je laisse à part les mathé-
rh
néral avez appris de moi le droit civil; tous nos maticiens,
m les grammairiens, les musiciens, avec
orateurs sont en cela d'une ignorance qui me fait qt votre art n'a pas le moindre rapport. Ainsi,
qui
quelquefoisrougir pour notre siècle. Crassus, n'imposez pas à l'orateur de si vastes
C1
Enfin vous n'avez pas craint de dire, en termi- engagements. C'est un assez beau privilége que
et
nant, que l'orateur pouvait discourir sur quelque de pouvoir obtenir au barreau que la cause que
d<
sujet que ce fût. Si nous n'étions pas ici sur votre vous défendez paraisse la meilleure et la plus juste,
v<
terrain, je m'élèveraishautement contre une pa- de faire triompher votre opinion au sénat et dans
d(
reille prétention, et je me mettrais à la tête d'une le assemblées; enfin de faire dire aux habiles
les
foule d'opposants qui solliciteraient contre vous qi vous avez parlé avec talent, de faire croire
que
l'interdit du préteur, ou qui vous sommeraient ai ignorants eux-mêmes que vous aviez pour
aux
de venir défendre votre droit, pour avoir envahi vous la raison. Si vous allez au delà, je ne verrai
vi
si inconsidérément le domaine d'autrui. D'abord plus l'orateur, mais seulement Crassus, et je re-
p
tous les disciples de Pythagore et de Démocrite, connaîtrai
cc en lui un talent qui n'est pas celui des
tous ces philosophes qui étudient la nature, et qui orateurs,
o mais le sien.
savent s'énoncer avec élégance et noblesse, ne XI. Je n'ignore pas, Seévola, dit Crassus,
manqueraient pas de vous prendre à partie et q les Grecs soutiennent la même opinion que
que
vous perdriez infailliblement votre procès. Vien- vous.
v J'ai entendu leurs plus habiles philosophes,
draientensuitetoutes lessectes dephilosophesqui k
lorsque je passai par Athènes, en revenant de
reconnaissentSocrate pour leur père et leur chef Macédoine où j'avais été questeur. C'était, disait-
N
IV

elles vous prouveraient que vous n'avez rien ap- on,


o une des plus belles époques de l'Académie.
pris, que vous ne savez rien de ce qui concerne Charmadas
C y dominait avec Eschine et Clito-
les vrais biens et tes vrais maux, les passions, les maque.
n Alors y brillait aussi Métrodorr comme
mœurs, la conduite de la vie; et après vous avoir eeux disciplezélédecet illustre Carnéade, l'homme
attaqué toutes ensemble, elles vous livreraient qu'ils
q admiraient le plus pour l'abondance et
chacune un assaut particulier. Les académiciens l'l'énergie. Mnésarque qui avait eu pour maitre
vous presseraientvivement, et vous forceraient de vvotre Panétius, et Diodore, disciple du péripaté-
nier ce que vous auriez affirmé. Nos stoïciens, t
ticien Critolaüs, y jouissaient d'une grande re-
avec leurs arguments subtils et leurs questions nommée.
s On y voyait encore plusieurs célèbres
captieuses,vous envelopperaientdans leursfllets. philosophes:tousd'uncommun
[ accord excluaient
Les péripatéticiens prétendraient que vous êtes l'orateur
1 du gouvernement des États, lui fer-
obligé de leur emprunter tout ce quifait le charme maient
i l'entrée des sciences et de toutes les con-
et la force de l'éloquence, et vous prouveraient naissances
i élevées, et ne lui laissaient pour tout
qu'Aristote et Théophraste ont beaucoup mieux domaine
c que les assemblées et le barreau, où
et beaucoup plus écrit sur la rhétorique que les iils i le reléguaient et le confinaient comme dans

«las nostra, praeter te Crasse, qui tuo magis studio, quamiphrastumque de his rébus quam omnes dicendi magistral
proprio raunere aliquo disertoium jus a nobis civile didi- scripsisse ostenderen t M issos lacio mathematicos, gramma-
cisti, quod intet'dum pudeat, juris ignara est. ticos, musicosquorum artibus vestra ista dicendi vis ne mi-
Quod vero in extrema oratione, quasi tuo jure sumsisti, nima quidem societate conlingitur. Quamobrem ista tanta,
f
oratorem in omnis sermonis disputatione copiosissimee tainque mulla profilenda Crasse, non censeo. Salis id est
liosse versari id, nisi hic in tuo regno essemus, non tu- magnum, quod potes piwstare, ut injudiciis ea causa,
i-
îissem multisque pneessem qui aut interdicto tecum con- quameunique tu dicis, melior et probabilior esse videatur;
lenderent, aut te ex jure manu consentira vocarent, quod1 u t in concionibuset sententiis dicendis ad peisuadendu m tua
in alienas possessioncs tam temere irniisses. Agerent enimIl plurimum valeat oratio; denique ut prudentihus diserte,
tecum lege primum Pylhagorei omnes atque Deinocritici slultis etiam vere diccre videaris. Hoc amplius si quid po-
celerique in suo génère physici vindicarent ornati ho-i- teris, non id mihi videbitur orator, sed Crassus sua quadam
mines in dicendo et graves, quibuscum tiln justo sacra. i- propria, non communi oratorum facultate, pusse.
nieiito contendere non liceret. Urgerent praeterea XI. -Tum ille, Non sum inquit, nescius, Scœrola,
philoso-
>-
phorum grèges, jam ab illo fronte e( capite Socrate nihil ista inter Gkccos dici et disceptari solere. Andivi enim
il
te de bonis rébus in vita, nihil de malis, nihil de animi per-
summos homines, quum quacstor ex MacedoiiM venissery
r-
înolionibus, ninil de bominum moribus, nihil de ration
Athenas, florenle Academia, ut temporibus illis ferebalur,
ie
vitœdidicisse.iiihilomninoquœsisse, nihil scire convin. quod eam Cliarmadas, et Clitomachus et ^schines ol<li-
1-
cerent; et quum nnirersi in te iinpetum fecissent, tum sin-nebant. Kial etiam Metrodorus, qui cum illis una ipsum il-
1-
tum Carneadem diligentiusaudierat, hominem omnium in
gnUs familiielitein tibi inlenderent. Instarel Academia, quœ,e,
quidquid dixisses, id te ipsum negare eogeret. Stoici vero dicendo, ut ferebant, acerrimum et coinosissimum. Vige-
X)
nostri disputationum suarum atqne interrogationum la- a- bat anditor l'aiwtii illius tui Mnesarclius; et peripatetici
queis te irretitum lenerent. l'eripatelici autem etam haec
?c Critolai Diodorus. Multi erant praelerea clari in philosophia
ipsa, quœ propria oratorum putares esse adjumenta, atque le et nobiles, a quibus omnibus una paene voce repelli ora-
«liai «enta dicendi, ab se jieti vincerent oportere; ac non
m h. ran a gubernaculis livilalum, excludi ab omni «Iwlriiia
soluin meliora, ted etiam nlulto pluia Aristutelem Tliwo-o- reiuiuqua luajoruin teientia, ac tautum in judick et con-
une étroite prison. Mais je ne partageai jamais de physique, comme ou le dit et comme je le re-
lenr sentiment; je ne me rendis pas même à l'au- connais, son sujet appartenait au physicien, les
torité si imposante de Platon, l'inventeur de ce ornements de sa diction, à l'orateur. Si Platon a
genre de discussion; de Platon, le plus sublime parlé avec une noblesse toute divine des matières
et le plus éloquent des philosophes. Pendant mon les plus étrangères aux discussions civiles, et
séjour à Athènes, Charmadas et moi, nous lû- j'en conviens moi-même; si Aristote, si Théo-
mes attentivement son Gorgias; et ce qui me phraste, si Carnéade ont paré de toutes les grâ-
frappait le plus dans ce livre, c'était de voir que, ces du style et des ornements de l'éloquence les
tout en se moquant des orateurs, Platon semontre sujets qu'ils ont traités, leurs ouvrages, par le
très-grand orateur lui-même. Ce n'est pas d'au- fond, appartiennentsans doute à d'autres genres;
jourd'hui que ces querelles de mots occupent l'oi- par la diction, ils rentrent dans celui dont nous
sive curiosité des Grecs, plus amis de la dispute nous occupons en ce moment. D'autres,en effet,
que de la vérité. ont écrit sur les mêmes matières avec un style
En réduisant même les fonctions de l'orateur aride et dénué d'intérêt, comme a fait Chry-
à plaider au barreau, et à discuter les affaires sippe, dont on vante la sagacité; et cependant
publiques devant le peuple ou le sénat, encore il n'en a pas moins rempli l'objet de la philoso-
faudra-t-il lui accorder une partie des connais- phie, pour n'y avoir pas joint un mérite étranger,
•iances que vous lui contestez. En effet, s'il ne celui de l'élocution.
s'est pas longtemps occupédes affaires publiques, XII. Quelle différence y a-t-il donc entre les
s'il ne connaît ni les lois, ni la morale ni le droit uns et les autres, et comment distinguez-vous la
civil; s'il n'a étudié ni les passions ni la nature richesse et l'abondance des premiers de la séche-
de l'homme, comment pourra-t-il parler conve- resse de ceux qui n'ont ni le même charme, ni la
nablement et avec succès de tout ce qui se rap- même variété? La différence qui les sépare, c'est
porte à ces matières? et s'il possède ces connais- cet avantageparticulierà ceux qui sont éloquents,
sances, sans lesquelles il est impossible, même je veux dire, un style orné, élégant, embelli et
dans les affaires ordinaires, d'établir les plus perfectionné par l'art et la méthode. Mais ce style
simples principes, peut-on lui reprocher d'igno- lui-même s'il n'est joint à une connaissance ap-
rer rien d'important? Si vous voulez borner le ta- profondiedela matière, ne produira point d'effet,
lent de l'orateur à parler avec ordre, abondance, ou ne s'attirera que le mépris des auditeurs. Eh!
fécondité, je demande comment il pourra même qu'y a-t-il de plus extravagant qu'un assemblage
y parvenir sans'les lumières que vous lui refusez. de paroles, même les mieux choisies et les plus
L'art de bien dire suppose nécessairement dans élégantes, qui frappent l'oreilled'un vain bruit,
celui qui parle une connaissance approfondie de et qui sont vides de science et de pensées ? Ainsi
la matière qu'il traite. Si donc Démocrite a su quel que soit le genre, quel que soit le sujet dont
répandre les charmes du style sur des questions s'occupe l'orateur, il commencera par s'en ins-

concilias, tanquam in aliquod pistrinum,detrudi et com. physici, de qua dixit; ornatus vero ipse verborum, ora-
pingi videbam. Sed ego neque illis assentiebar, neque lia- toris putandus est. Et si Plato de rébus a civilibus con-
rum disputationuminventori et princîpi longe omnium ini troversiis remotiesimis divinitus est locutus, quod ego
dicendo gravissimo et eloquentissimo,Platoni, cujus tumconcedo; si item Aristnteles, si rheophrastus, si Carnea-
des
Athenis cum Charmada diligentius legi Gorgiam quo in
libre in hoc maxime admirabar Platonem, quod mihi in in in rebus iis, de quibus disputavernnt, eloquentes, et
dicendo suaves, atque ornati fuerunt sint Ira res, de
oraloribus irridendis ipse esse orator snmmus videbatur. quibus disputant. in aliis qnibusdam studiis oratio qui-
Yerbi enim controversiajamdiutorquetGrœculos hommes, dem ipsa propria est hujus unius rationis, de qua ioquiiuur
contentionis cnpidiores, quam veritatis. et quaerimus. Etenim videmus, iisdem de rebus jejune
i
Nam si quis hune statuit esse oratorem, qui tantummodo quosdam et exiliter, ut eum, quem acutissimum ferunt,
i
m jure, aut in judiciis possit, aut apud populum aut in Chrysippum, disputavisse, nuque ob eam rem philoso-
Renatu copiose loqui, tamen huic ipsi mulla tribuat et ptriae non-satisfecisse, quod non babuent hancdicendi in
roncedat necesse est. Neque enim sine multa perh'acta- arte aliena facultatem.
lione omnium rerum publicarum, neque sine Jegum, mo* XII. Quid ergo interest? aut qui discernes eorum, quo*
rum, juiis scientia, neque natura hnminumincoguita.ac nominavi ubertatem in dicendo et copiani ab eorum esi-
te litate, qui hac dicendi varietate et elegantia non utuntur?
moribus, in his ipsis rebus satis callide versari et perite
i
potest. Qui autem hœc cognoveiit, sine quibus ne illa T'num erit profecto, quod ii, qui bene dicunt, afferant
quidera minima in eau sis quisquam recle tueri potest, proprium compositam orationem, et ornatam, et artificio
quid buic abesse poterit de ninximarum rennn suentia?1 quodam et expolitione distinctam. Hœc autem oiatio, si
i>in oratoris nihil ris esse nisi composite, ornate, copiose res non subest ab oratore percepta et cognita, aut nulla
eloqui qu.Tro id ipsum qui possit assequi sine ea srien- sit necesse est, aut omnium irrisione ludatur. Quid est
tia, qnamei non concedilisPDicendienim virtus, nisi ei, enim tam furiosum, quam verborum, vel oplimorum at-
qui dicit, ea, de quibus dicit, pereepta sint, exslare non que ornatissimorum, sonitus inanis, nulla subjecta sen-
|iole&t. Quamobrem. si ornate locutus est, sicut fertur, ett tentia, nec scienliap Quicquid erit igitur quacumque e^'
t
mitu videtur, pliysicti6 ille Democritus materies illa fuit arte, quocumque de genere, id orator, si tanquam clienli*
truire, comme il s'instruit de la cause de son nImunes avec eux, tandis qu'ils reconnaissent que
l
ce
client; et alors il en parlera mieux et plus élo- c qu'ils disent sur l'art de la parole appartient à
quemment que ceux même qui en ont fait l'objett l'l'orateur. Aussi leurs autres livres portent lenom
particulier de leurs études.. des
d sciences auxquelles ils sont consacrés; mais
Si l'on prétend encore qu'il y a un certain or- ceux-ci
c ils les appellent et les intitulent traités
dre d'idées et de matières particulièrement assi- de d rhétorique. Lorsque l'orateur se trouvera
gnées à l'orateur, et que sa science est circons- obligé, ce qui arrive souvent, de parler des dieux,
o
de
crite dans les limites étroites du barreau je d la piété de la concorde, de l'amitié, du droit
conviendrai qu'en effet c'est là que son talent apublic, du droit naturel des hommes et du droit
p
le plus d'occasions de s'exercer cependant, làparticulier
f des nations, de l'équité, de la tem-
même, il est un grand nombre de connaissancess pérance,
p de la magnanimité, enfin, de toutes
que les maîtres de rhétorique ne peuvent ensei- les l autres vertus à l'instant tous les gymnases,
gner et ne possèdent pas. Qui ne sait que le triom-r toutes
t les sectes de philosophes vont s'écrier
phe de l'orateur est de faire naître.dans les âmess qu'on
c envahit leur domaine, et que rien de tout
l'indignation, la haine, la douleur, ou de les ra- cela
( n'appartient à l'orateur. Je veux bien que,
mener de ces passions violentes aux sentiments s pour
] amuser leur loisir, ils s'occupent de ces
plus doux de la pitié et de la compassion? S'ilI grands
§ objets dans la poussière de leurs écoles;
n'a pas étudié la nature de l'homme, s'il ne con- maisr lorsqu'ils les auront sèchement et froide-
nait à fond le cœur humain, et tous ces ressortss mentr discutés, l'orateur saura leur donner du
puissants qui soulèvent ou apaisent les âmes, charme c en les développant avec élégance et no-
jamais il n'obtiendra cette belle victoire. Ces con- blesse.
l Voilà ce que j'osais soutenir dans Athè-
naissances, dit-on, semblent appartenir exclu- nes i même, et devant des philosophes, à la sol-
sivement aux philosophes; oui, et jamais l'ora- licitation de notre ami M. Marcellus, qui dès lors
1

teur ne dira le contraire. Mais en leur accordantt montrait,


i presque au sortir de l'enfance, une
la théorie, qui fait l'unique objet de leurs tra-ardeur
s merveilleuse pour cette noble étude, et
/aux, il revendiquera le mérite de l'élocution, quic assisterait assurément à notre entretien si
qui est nul sans cette science; car, je le répète, ses
s fonctions d'édile ne le retenaient à Rome pour
ce qui est propre à l'orateur, c'est une dictioni célébrer
( les jeux.
noble, élégante, appropriée à la manière de voirr Quantaux institutions et aux lois, à la paix, à
et de sentir commune à tous les hommes. la
I guerre, aux alliances, aux impôts, aux droits
XIII. Aristote et Théophraste ont écrit sur cess des
c citoyens pris collectivement, ou par indivi-
matières, je l'avoue; mais prenez garde, Scévola, dus,
( les Grecs peuvent dire, s'ils le veulent,
que cette observation ne soit toute à mon avan-i- quet Lycurgue et Solon, auxquels d'ailleurs j'ac-
tage. En effet, je ne vais pas emprunter aux phi-i- corde
( volontiers le titre d'hommes éloquents, ont
losophes les connaissances qui nous sont com- été ( plus savants sur ces matières que Démosthène

i-atisam e me.
didicerit, dicet melius et ornatius, quam ille ipse I Nam ego quai sunt oratori cum illis communia, non
ejus rei inventor atque arlifex. mutuor
i ab iltis; isti quae de his rebus disputant, orato-
Nam si quis erit, qui hoc dicat, esse quasdam oratorum n rumi esse concedunt. ltaque ceteros libros artis isti sua?
nomine
proprias sententias atque causas, et certarum rerum foren- i hos rhetoricos et inscribunt,et appellant. Etenim
i-
sibus cancellis circumscriptam scientiam fatebor equi- quum illi in dicendo inciderint loci (quod persaepe evenit),

sed tamen in his ipsis rebus permulta snnt, qua; isti ma-
i;
dem in his magis assidue versari hanc nostram dictionem; ut de diis immortalibus de pietate, de concordia, de
amicitia, de communi civium, de hoininum, de gentium
;;islri,qui rhelorici vocantur, nec tradunt, nec tenent.t. jure j de ajquitale de temperautia, de magnitudine animi,
Quis enim nescit, maximam vim exsistere oratoris in ho- 0- de omni virtutis geuere ait dicendum, clamabunt, credo,
ininum mentibus vel ad iram aut ad odium, aut ad do- omnia gymnasia, atque omnes phUosoplioriun scholœ,
lorem intitandis vel ab hisce iisdcm permotionibus ad d sua hœc esse omnia propria; niliil omnino ad oraloreni1
lenitatem misericordiamquerevocandis? Quare, nisi qui li pertinere. Quibus ego, ut de his rebus omnibus in angulis
natuias hominum, viraque omnem humauitatis, causas- j- consumendi otii causa, disseraiit, quum concessero illud
r,
que eas, quibus mentes aut incitantur, aut reflectuntur, (amen oratori tribuam et dabo, ut eadem, de quibus illi
|ienitus perspexerit dicendo, qnnd volet, pciflcere non m tenui quodam exsanguique sermone disputant, hic cum
i-
poterit. Atqui tolus hic locus philosophoium proprius vi- omni gravitate et jucunditateexplicet. Hœc ego cum ipsis
detur; neque orator, me auctore, unquam repugnabit sed, i, philosophis tum Athenis disserebam. Cogebat euim me
quum illis cognitionem rerutn concesserit, qnod in ca so- > M. Marcellus hic noster, qui mine sedilis curtilis est, et
lutn illi voluerint elaborare; tractalionem orationis, quac m profecto, nisi ludos nunc faceret huic nostro sermoni
sine illa scientia nulla est, sihi assumet hoc enim est st iuteresset; acjam tum erat adolescentulus bis studiis mi-
proprimn oratoris, quod seepe jam dixi, oratio gravis, 3, lifice deditus.
et ornata, et hominum sensibus ac menlibus accommo- »• Jam vero de legibus instituendis, de bello, de pace, de
data. sociis, de vectigalibus, de jure civili generatim in ordines
XIII. Quibus de rebus Aristutelem et Tlicophrastum m irtatesque descripto, dicant vel Graeci, si volunl, Lycur-
scripsisse fateor. Sed vide, ne hoc, Scœvola, totum sit a gum, aut Soloneiu (qvanquam illos quidem censemùs m
et Hypéride, ces orateurs accomplis; qu'on pré- clusivement à ceux qui les cultivent; maison no
<

fère encore pour cette science nos décemvirs peut les embellir des ornements de la diction,
à qui nous devons les Douze Tables, et qui sans recourir à l'art de l'orateur. S'il est vrai que
certes n'avaient pas de médiocres lumières, à l'architecte Plnlon, après avoir construit l'arse-
Serv. Galba, et à votre beau-père Lélius, dont nal d'Athènes, rendit compte de ses travaux au
l'éloquence a été si célèbre je ne nierai pas peuple avec une grande éloquence, il dut cette
que certaines connaissances semblent devenir le éloquence à l'art de l'orateur, et non à celui de
partage exclusif de ceux qui y consacrent le l'architecte. Si Antoine, qui m'écoute, avait eu
travail d'une vie entière; mais je ne recon- à parler pour Hermodore sur la construction des
naîtrai pour véritable et parfait orateur que ports, il aurait commencé par se bien faire ins-
celui qui pourra parler sur tout avec abondance truire de la cause auprès de son client; ensuite
et variété. il eût parlé avec autant de charme que d'abon-
XIV. En effet, dans les causes même qui, de dance d'un art si différent du sien. Asclépiade
l'aveu général lui appartiennent en propre, il se qui a été notre médecin et notre ami, s'exprimait
rencontre souvent des questions étrangères à plus élégamment que tous ses confrères; mais
l'exercice du barreau auquel vous le réduisez, et ce mérite appartenait à l'orateur, et non au mé-
qui dépendent de quelques autres sciences moins decin. Une assertion plus plausible, sans être
familières à l'orateur. Ainsi pourra-t-il parler encore tout à fait juste, c'est celle de Socrate lors-
pour pu contre un général, sans connaître l'art qu'il 'disait, avec plus de vraisemblance que de
militaire, souvent même la géographie terrestre vérité, qu'on parle toujours bien de ce qu'on
ou maritime? Proposera-t-ilau peuple d'approu- sait; il serait plus vrai de dire qu'on parle tou-
ver ou de rejeter une loi dans le sénat oscra-t-il jours mal de ce qu'on ignore et qu'on ne parlera
raisonner sur l'administrationde l'Etat s'il n'est jamais bien même de ce qu'on connaît le mieux
pas profondément versé dans les questions poli- si l'on ne sait bien présenter ses pensées, et les
tiques ? Ses discours sauront-ilspénétrer dans les revêtir des ornements de l'élocution.
cœurs, exciter on calmer les passions, ce qui est XV. Si donc on veut embrasser dans une dé-
le triomphe de son art, s'il n'a fait une étude finition l'idée entière et complète du véritable
approfondie de tout ce que la philosophie ensei- orateur, celui-là seul, à mon avis, est digne d'un
gne sur le caractère et les moeurs des hommes? si beau nom, qui, sur quelque sujet qui se pré-
Peut-être n'approuverez-vous pas ce que je vais sente, peut parler avec justesse, avec méthode,
ajouter j'oserai néanmoins dire ma pensée. La avec élégance, de mémoire, et non sans une cer-
physique, les mathématiques et les autres scien- taine dignité dans l'action. Si l'on trouve que je
ces dont vous faisiez tout à l'heure une classe vais trop loin en disant sur quelque sujet qui ne
particulière, appartiennent, il est vrai, plus ex- présente, chacun est libre de resserrer la limite

numéro eloquentium reponendos) scisse melius qnam sim probalurus equidem non dubitabo qnod sentio,
llyperidem, aut Demoslhcncm perfectos jam hommes in dicere. Physica ista ipsa, et mathematica et quae paullo
ilirendo et perpolitos vel nostros decemvii os qui XII ante ceterarum artium propria posuisti seientiae sunt eo-
tabulas perscripserunt quos uecesse est fuisse prudentes, rum, qui illa proiitentur. lllustrare autem oratione si quis
ariteponant in hoc genere et Ser. Galbœ, et sorero tno C. istas ipsas artes velit, ad oratotis ei conlugicndum est fa-
l.clio, quos constat dicendi gloria prastilisse. Nuuquani cultatem. Neque enini, si Philonem illum archilecluin,
l'iiiin negabo, esse quasdam artes proprias eorum, qui in qui Atheniensibus armantentarium fecit, constat, perdi-
jus cognoscemlis atqne tractandis studium suum omne po- serte populo rationemoperis sui reddidisse, cxistùuaudiim
Kuerunt; sed uralurein plénum atque perfectum esse eum est, architecti potius arlilicio disertum, quam oratoris,
«licani, qui de omnibus rebus possit varie copioseque di- fuisse. Nec, si huic M. Antonio pro Hermoduro fuisse! do
navalium opere dicendum, non, quum ait *Jlc oausam di- m
celle.
XIV. Elenim sa-pe in iis causis, quas omnes proprias dicisset, ipse ornate de alieno artiticio copioseque dixissetP
esse omtoruni conlitentiir, est aliquid, quod non ex usu Neque vero Asdepiades is, quo nos medico amicoque usi
forensi, quem solum oraturibus coiiceditis, sed ex obscu- sumus, lum, quum eloquentia vincebat ceteros medicos,
riore aliqua scientia sit proraenduni atque snmemluni. in eo ipso, quod ornate dicebat. inedicinx facullate uteba-
Quœro enim, nam possit aut contra iuipuratorem aut pro tur, non eloquenliaî. Atque illud est piobabilius, ne<iue
itaperatoredici sine rei militai is usu aut sœpe etiam sine tamen verum, quod Socrates dicere solebat omnes in eo,
regionum terrestrium antmariliiiiarninscientia num apnd quod scirent, satis esse éloquentes; illud vérins, neque
populumde legibusjubendis,aul vclandis; num in senatu queuiquain in eu diserlum esse posse, quod nesciat, ne-
de omui reipublicae genere dici sine summa rerum civi- que, si id optime sciât, iguarusque sil faciunda; ac poliendu;
lium cognitione, et prudentia; num admoveri possit oralto orationis diserte id ipsum pusse, de quo sciat, dicere.
ad sensns aniinonua atque motus vel inflammandos, vel XV. Quamobiein si quis universam cl piopriain ora-
elran exstinguendos (quod unum in oratore dominatnr), toris vim ilelinire com])leclique voit, is oralor erit, mea
sine diligentissima |*ivestigaliorie earum omnium ratio- sententia, hoc tam gravi dignus nomme qui quiccuinqiie
uum, qu;E de natuiis humani generis ac moribus a philo- res incident, qua: sit dictione explicanda, pnidenler, et
supins explicantur. Atque haud scio. an minus hoc vobis toinposite et oruatc, et memoriter dicat, cuin quadam
àsongic;je soutiendrai cependant ft cette partie de la philosophie; quant aux
l'orateur, fond
que
ignorât-il toutes les autres sciences et fût-il uni- deux
di autres, lors même qu'il ne les connaîtrait
quement borné à ce qui se rattache aux discus- pas, p; il pourra encore, s'il eu est besoin, en parier
sions du barreau, s'il se trouve forcé de parler aveca talent et élégance après qu'on lui aura
de ces matières mêmes auxquelles il est étran- fournift les notions nécessaires.
ger, il lui suffira de consultcr ceux qui en ont XVI. En effet, si l'on convient qu'Aratus
fait une étude particulière, pour en parler en- sans si
s~ connaître l'astronomie, a composé un beau
suite beaucoup mieux qu'eux-mêmes. Que Sul- poëme p sur le ciel et les étoiles; que Nicandre de
picius, qui est ici présent, ait à parler sur l'art Colophon,
C quoique étranger à l'agriculture, a
militaire d'abord il aura recours aux lumières chantéc cet art avec succès, et que la poésie toute
de notre allié C. Marius; mais ensuite, en l'en- seulesi a suffi pour l'inspirer, pourquoi l'ora-
tendant parler, Marius sera tenté de croire que teur ti ne pourrait-il pas aussi embellir de son élo-
Sulpicius sait mieux la guerre que lui. Qu'il ait quence
q des matières que la nécessité du moment
à traiter un point de droit, il viendra vous con- lui li aurait fait étudier? Le poète se rapproche
sulter, Scévola et tout profond jurisconsulte que beaucoup
b de l'orateur. S'il est plus enchainé par
vous êtes, il s'énoncera mieux que vous sur les la li mesure, il a aussi plus de liberté pour l'ex-
choses mêmes que vous lui aurez apprises. Si pression p tous deux ont à leur disposition la même
l'occasion se présente de parler de la nature et variété
v d'ornements enfin, ce qui établit entre
des vices des hommes, des passions, de la mode-eux e un rapport plus intime, c'est qu'ils ne se
ration, de la continence, de la douleur, de la renferment
r pas dans d'étroites limites, mais qu'ils
mort, bien que l'orateur doive posséder toutes peuvent 1 il'un et l'autre donner un libre essor à
ces matières, peut-être croirait-il devoir en con- 1leur génie.
férer avec Sextus Pompée, cet homme si profon- Pourquoi avez-vous dit, Scévola, que si vous
dément versé dans la philosophie; et certes, quel1n'aviez
t pas été sur mon terrain, vous \ous sc-
que soit le sujet dont il se fasse instruire, il le riez
r formellementopposé à ma prétention, lors-
traitera ensuite avec plus d'élégance que celui quii que
i j'avançais que l'orateur devait posséder tout
lui en aura donné des leçons. Comme la philoso- ce i qui fait l'objet du discours, et réunir toutes
phie contient trois parties, la physique, la dia- les 1 connaissances? Certes, je n'aurais pas énoncé
lectique et la morale, laissons de côté les deux cette
opinion, si je croyais être le modèle dont
j
<

premières, par ménagement pour notre paresse; j'essaye de donner une idée. Je ne fais que répé-
mais l'orateur, s'il veut m'en croire, s'attacherai ter
i ce que disait souvent C. Lucilius, qui gar-
à la troisième, qui a toujours été de son ressort dait contre vous un peu de ressentiment, et
la lui interdire serait lui ôter le moyen de pro- pour cette raison me voyait plus rarement qu'il
à
duire de grands effets. Il doit donc étudier i n'aurait voulu, mais qui d'ailleurs avait beau-

etiam actionis dijtnitate. Sin cuipiam nimis infinilum vide-


;• oialori, in quo magnus esse possit, relinqiiemus. Quare
lnr, quod ita pusui, quacumque re, de licet hinc, quan-i-
I fiiciocus devitael nioribustoliis estorutoriperdiscendus:
tum cuique videbitur, circumtïdat atqne amputel tamenn cetera si non didicerit, lanien poteiit, si quando opns
illud tenet», si, quae céleris in artibus ant slmliis sitaa etit utnaie dieewlo, si modo criinl aj cum delata, et tra-
sunt, oraloi1 ignoiol, lantuinipie ea teneat, qua! sint inn dita.
disceptalionibus,ati|uein usu forensi; lanien lus de rébus s astrologie,
XVI. Kleniin si conslat inter doctos, lioiiiiiiein ignunini
ipsis si sit ci diceiidum, qmim cugnoveiïl ab iis, qui le-
nent, qutf sint in quaque re, multo oralorem mclîiis, quam
ipsos illos, quorum e<> smil artes, esse dicturum. lia si
de
il (le CMIO
Araluin, orualissimis atque optimis versibus
cwlo siellisq[ie dixisse; si de lebiis
siellisqne dixisse rébus nislicis
listicis liomiiier»
îi a'ffo rcioolissiinuni Nicandrum Coloplioniuin, poelic»
liominem dl)
Hb

i-
de re militari dicenduni liuiceril Sulpicio, qua^reta a C. Ma- quadam faciillal.e, non rustica, scripsisse prœclare quid
rio aflini nostro et, cpiuni acceperit ila pronitntiabil ut it est, fur no» orator de rébus iiseloqtientissime dical, quas
i-
ripsi C. Mario pflene bicmelius, quaniipse, illa scire videa- ad certain causam lenipusqiiei:ognorit?i:stenim linitiinus
tur. Sindejurecivili; teeunH'on]niuiiicafiit,leqiienomiiiem n oratori (M>ela mtmeris adslrictior paullu, verborum autem
prudentissimum et perilissimum in iis ipsis rebus, quas is licentia liberior, multis vero ornandi ^eneiibus soeius, ae
abs te didiceril, dicendi arte superabit. Sin quae res inci*i. paeiie par; iu hoc quidem certe prope idem, nullis ut ter-
deuil, in qua de rialiua de \iliis iioTiiimuii de r.upidila- î- minis cirouinscribataul defmiat jus suum, quo minus ei
gibus, de modo, de contincnlia, de dolore, de morte di- liceat eadem illa l'acultate el copia vagari, qua velit.
cendum sit forsitan, si ei sit vismn (etsi Ii.tc quidem nosse ;e Kanique illud quare, Scivvola, negasti te fuisse laturuni,
débet orator),cum Sex.l'onipeio,enitlito Inimitié in philosi»-
pliia, conimuuicarit boeprofeeloeliieirt,ut, qiiamciimqne
cognoverit, de ea
t-ein a quoque cognovêrit,
rem ca iiiulti)
in
ih nisi in meo regno esses, quod in omni genere serinonis,

i,
dicat 01*1,ati~is,
inulto dicat
omni parle bumanitalis dixerim oratorem perfettum
nmalius, esse debere? Xiinquam uieliert'llle iioe dicereili, si emn,
quant ille ipse, uude cognoril. S«l si me audiei it quoniam ni qiiem fingo me ipsniii esse arhilrarer. Sed, ut solebat C.
pliilosopbia in très parles est trihula in nature oljseutila- a- Lucilius sa-pe dicere, honio libi siihiratus, inihi propter
(ein, in disserendi sublilitatem in vitaniatque mores; duo 10 eam ipsam causam minus, quam volebat, familial is, sed
iHa reliitqiiaiiius,Hlquelar^iHiiuirinertiâe noslrrc telliuln m tatnen eti)o<tus, el pennbamis sic sent io, iieiniiuim esse
teio,quo(i seriijici' oiatmi-s fuit, nisi tencbinius, nibil11 in niatoimn numéro Iiabeiultinij qui nuit sit onmibus iis
coup d'instruction et de goût il ne faut met- Celui qui embrasserait de si vastes eonnaissan-
C

tre au nombre des orateurs que celui qui possède ces,


c en y joignant le charme d'une élocution par-
toutes les connaissances qui conviennent à un faite, serait, j'en conviens, un homme extraor-
fi
homme bien né; et quoique nous n'en fassions ddinaire et digne de toute notre admiration; mais
pas toujours usage dans nos discours, on ne laisse s: cet homme existait, s'il avait pu exister, ce
si
pas cependant de s'apercevoir si nous les avons serait
si vous, Crassus, vous qui, selon moi et de
cultivées ou non. Celui qui joue à la paume n'ap- l'aveu général (nos amis me permettront de le
1'

plique pas à un simple amusement les règles et ddire), n'avez presque plus laissé aux autres ora-
les principes de la gymnastique; mais pourtant tteurs de gloire à recueillir. Mais si vous, qui réu-
ses moindres mouvements ont bientôt fait recon- nissez
d tout ce que peut exiger l'éloquence judi-
naître s'il a suivi les exercices du gymnase. Le ciaire
c et civile, reconnaissez pourtant que vous
sculpteur ne se sert pas dupinceau lorsqu'il façonne n'avez
n pas embrassé toutes les connaissances que
l'argile; mais on distingue facilement s'il sait ou vous v attribuez à l'orateur, n'est-il pas à craindre
non le dessin. Il en est de même de l'orateur que vous ne lui accordiez plus que ne permet la
q
entendez-le parler au barreau, à la tribune, au vérité? v
sénat; lors même qu'il ne fait pas usage des con- Souvenez-vous, dit Crassus, qu'il n'est pat
naissances particulièresqu'il peut avoir acquises, question
c de moi, mais du parfait orateur. Eh I
vous distinguerezbientôt si c'est un déclamateur qu'ai-jec appris, et que pourrais-je savoir, moi qui
qui ne sait rien au delà de sa rhétorique, ou si ai a parlé en public sans avoir eu le temps dt
c'est un esprit éclairé qui s'est formé à l'éloquence m'instruire,
r moi qui, partagé entre les occupa-
par les études les plus élevées. tions
t du barreau, la poursuite des honneurs, les
XVII. – Scévola, en riant Je ne veux plus iintérêts de l'État et ceux de mes amis, me suis
lutter avec vous, Crassus; vous êtes trop habile; vu accablé par les affaires, avant d'avoir soup-
après m'avoir abandonné tout ce que je voulais çonné i même l'existence de tant de belles choses
ôter à l'orateur, vous êtes parvenu, je ne sais (que l'orateur doit savoir ? Si vous avez tant d'es-
comment, à vous en ressaisir, pour lui en faire 1time pour moi qui, même en admettant ce ta-
présent. Lorsque j'étais préteur à Rhodes, je lent naturel qu'il vous plaît de me prêter, n'ai
voulus répéter au célèbre rhéteur Apollonius les eu ni assez de loisir pour étudier, ni ce zèle cons-
<

leçons que j'avais reçues de Panétius il se moqua tant et infatigable qui veut tout savoir que pen-
de la philosophie, selon sa coutume, en parlaseriez-vous donc d'un orateur qui à plus de gé-
dédaigneusement, et la combattit avec plus d'en- nie réunirait encore tous ces avantages dont je
jouement que de gravité. Vous, loin de mépriser suis privé? à quelle hauteur un tel homme ne
aucune science, aucun art, vous avez eu l'adresse s'élèverait-il pas?
de les grouper tons autour de l'orateur, comme XVIII. Alors Antoine, prenant la parole
autant de sujets dociles et empressés à le servir. Vous m'avez convaincu Crassus; je suis de votre

artibus, qum sunt libero dignœ perpolitus; quibus ipsis, idemque si ad eas facultatem islam ornatissimse orationis
si in dicendo non ulimur, tamen apparet atqne exstat, adjunierit;nonpossumdicere,eumnon egregium quem-
iitruni simus earum rudes, an didicerinuis. Ut, qui pila dam hominem atque admirandum fore sed is, si qui es-
lmlunt, non iitunlur in ipsa lusionc artificio proprio pa- set, aut si etiam unquam fuisset, aut vero si esse posset,
tartrœ, sed indicat ipse motns, didicerintnepalaestram,an> tu esses unus profecto; qui et meo jndicio, et omnium,
nesciant; et qui aliquid fingunt, etsi tum pictura nihil vix ullam ceteris oratoribus (pace horum dixerim) lau
utuntur, tamen, utrum sciant pingere, an nesciant, non> dem reliquisti. Verum si tibi ipsi nihil deest, quod in fo-
nbscurum est sic in orationibus hisce ipsis judiciorum, rensibus rebus civilibusque versetur, quin scias, neque
concionum, senatus, etiamsi proprie ceterae non adhibeu- eam tamen scientiam, quam adjungis oratori, complexus
tnr artes, tamen facile declaratur, utiuin is, qui dicat, es; videamus ne plus ei tribaas, quam res et veritas ipsa
tantummodo in hoc déclama torio io sit opere jactatns, an adI concédât.
dicendum omnibus ingenuis artihus instructus accesserit. Hic Crassus, Mémento, inquit,me non de mea, sed
XVII. Tum ridens Scœvola Non luctabor, inquit, de oratoris facultate dixisse. Quid enim nos aut didicimus
î
tecum, Crasse, amplius. Jd enim ipsum,quod contra nie aut scire potuimus, qui ante ad agendnm, quam ad co.
locutuses, artilicio qtiodam es consecutus, ut et mihi, gnoscendum venimus; quos in foro, quos in ambitione,
quac ego vellem, non esse oratoris concederes;et ea ipsaquos in republica, quos in amicorum negutiis res ipsa
ne&cio quomodo vursus detorqneres atque oratori propriai ante contecit quam possemus aliquid de rebus tantis su-
traderes. Hœc, quum ego practor Rbodum Tenissem, ett spicari? Quod si tibi tantum in nobis videtur esse, quibus
cum suinmo illo doctore istius disciplina; Apollonio, ea,etiamsi ingenium, ut tu putas, non maxime defuit, do-
quae a Panœtio acceperam, contulisseni irrisit ille qui- ctrina certe, et otium, et hercule etiam studium illud ili-
dem, ut solebat pliiiosophiam, atque contemsit, multa-scendi acerrimum defuil quid censés, si ad alicujus inge
t
que non tam graviter dixit, quam facete. Tua autem fuit nium vel majus illa, quae ego non attigi, accojserint ? qua-
oratio ejusmodi, non ut ullam artem doctrinamve con- i. em illum oratorem, et quantum futurum ?
lemneres, sed ut omnes comités ac ministras oratoris essee XVIII- –Tum Antonius Probas mihi, inquit, ista
diceres. Quas ego, si quis sit unus complexus omncs, Crasse, quajdicis nec dubito, quin multo locupletior ia di
avis, et je ne doute pas qu'un orateur qui possé- •qui en possède une les possède toutes; qu'ainsi
derait tout cet ensemble de connaissances pré- l'homme éloquent a toutes les vertus et n'est
cieuses ne se formât une élocution plus riche et autre que le sage. Tels étaient leurs raisonne-
plus abondante. Mais d'abord il est difficile d'ac- ments, et ils les présentaientavec une sécheresse
quérir un si vaste savoir, avec la vie que nous et une obscurité peu analogues à notre goût.
menons à Rome, au milieu de toutes les occu- Charmadas s'exprimait sur le même sujet avec
pations qui nous accahlent. Ensuite ne serait-il beaucoup plus d'abondance; mais il ne faisait pas
même pas à craindre que de telles études ne nous connaître son opinion, suivant l'ancien usage
éloignassent trop de nos habitudes de parole et de l'Académie qui se borne à combattre tous les
de la manière qui convient à la tribune et au systèmes. Seulement il résultait de ses discours
barreau? Les philosophes que vous avez nom- que tous les rhéteurs, qui prétendent enseigner
més ont parlé de physique ou de morale avec élé- l'art de bien dire, sont designorants, et qu'un
gance et noblesse; mais leur élocution est bien orateur ne possédera jamais la véritableéloquence,
différente de la nôtre. C'est un style brillant et s'il ne s'instruit à l'école des philosophes.
fleuri, plus fait pour les exercices pacifiques du XIX. Quelques Athéniens, qui ne manquaient
gymnase que pour les tumultueux débats du fo- pas d'éloquence, et qui avaient l'habitude du
rum. Pour moi, je me suis mis fort tard à lire barreau et des affaires publiques, soutenaient
les auteurs grecs, et je n'en ai fait qu'une étude l'opinion contraire, entre autres Ménédème, mon
superficielle mais lorsque je fus envoyé pro- hôte, que vous avez vu dernièrement à Rome. Il
consul en Cilicie, le mauvais temps m'ayant re- soutenait qu'on trouvait chez les rhéteurs des
tenu plusieurs jours à Athènes je passai tous mes notions sur tout ce qui peut servir à fonder ou à
instants avec des philosophes célèbres c'étaient régir les États; mais, à la vivacité de son esprit,
it peu près les mêmes que vous citiez tout à l'heure. Charmadas opposait l'étendue de son savoir et sa
Le bruit s'étant, je ne sais comment, répandu prodigieuse érudition. Il prétendait que toutes
parmi eux qu'à Rome j'étais employé ainsi que ces notions ne pouvaient se puiser que dans les
vous dans les causes les plus importantes, cha- écrits des philosophes; que ce qui concerne le
cun d'eux discourut à sa manière sur l'art et sur culte des dieux, l'éducation de la jeunesse, la
les fonctions de l'orateur. Quelques-uns, et Mné- justice, la force, la tempérance, la modération
sarque était du nombre, soutenaient que ceux en toutes choses enfin tous ces principes néces-
à qui nous donnons le nom d'orateurs, ne sont saires à l'existence ou au bon ordre des États, ne
que des espèces de manœuvres qui ont la lan- se trouvaient pas dans les livres des rhéteurs. Si
gue agile et bien exercée; qu'il n'y a d'orateur leur art, ajoutait-il, embrasse tant de connais-
que le sage; que l'éloquence, qui consiste dans sances sublimes, pourquoi leurs traités sont-ils
l'art de bien dire est une vertu; que toutes lesremplis de règles sur l'exorde, la péroraison, et
vertus sont égales et liées entre elles; que celuii d'autres futilités semblables ( c'est le terme dont

rendo futurus sit, si quis omnium rerum atque artium ratio-quamdam esseïirtutem, et, qui unam vilutem liaberet,
t
nem naturamquecomprehenderit.Sed primum id difficileest omneshabere, easque esse inter se œquales et pares; ita,
factu, praesertim in hac nostra\ita,nostris(iue occnpatio- qui esset eloquens, eum virtutes omnes habere, atque
nibusj deinde illud etiam verendum est, ne abstrahamur esse sapientem. Sed ha'c erat spinosa quxdam et exilis
ab hacexercitatione, et consuetudinedicendi populari, et oratio, longequea nostrissensibusabhorrebat. Charmadas
forensi. Aliud enim milii qiioddam genus orationis esse vero mullo uberius iisdem de rebus loquebatur: non quo
videtur connu hominum, de quibus paullo aute dixisti,t aperiret sententiam suam hic enim mos erat putrius Aca.
t
quamvis illi ornate et graviter, ant de natura rerum, aut démise, adversari semper omnibus in disputando; sed
de humanis rebus loquantur. Kitidum quoddam genus est quum maxime tamen hoc significabat, eos, qui rlielores
verborum etlartum, sed palaestra magis et olei quam noininarentur, et qui dicendi prœcepta traderent, nihil
hujus civilis turbae ac fori. Namque egomet, qui sera, ac plane tenere, neque posse quemquam facultatem assequi
levitergrœcas litteras atligissem tamen qunm proeonsuledicendi, nisi qui pliilosophorum inventa didicisset.
in Ciliciam pi oliciscens Athenas venissem, complurestum XIX. Disputabant contra diserti homines, Atlienienses,
ibi dies stun propter navigandi diflicultatem coinmoratus et in republica causisquc versati, in quis erat etiam is,qui
sed, quum quotidie raecmn haberem homines doctissi- nuper Romae fuit, Menedernus, hospes meus; qui quun?
mos, eos 1ère ipsos, qui abs te modo sunt nominati diceret esse quamdam prudentiam quae versaretur in
quutuque hoc, nescio quomodo, apud eos increbruisset, perspiciendis rationibus constituendarum et regendarum
me in causis majoribus, Siuuti le, solere versari, pro sererum publicarum excitabatur liomo promtus ab homine
quisque ut poterat, de oflicio et ratione oratoris disputa- abundanti doctrina, et quadam incredibili varietate rerum
bat. Horum alii sicut iste ipse Mnesarchus, hos, quosnos» etcopia.Omnesenimpartesiliiusipsiusprudentiaepetendas
oratores vocaremus, nihil esse dicebat, nisi quosdam ope- esse a philosophia dicebat, neque ea <]use statuerentur
ranos, lingua celeri et exercitata; oratorem autem, nisii iu republica dediisimmortalibus.dedisciplinajuveututis,
qui sapiens esset, esse neminem; atque ipsam eloquen- de justitia, de patientia, de temperantia, de modo reruip
i
tiam, quod ex beue dicendi scienlia constaret, unam omniuin. ceteraqtie, sine qiiibus civitates aut esse, aut
il se servait ), tandis qu'ils ne disent pas un mot soit
s qu'il les trouvât dans son génie soit qu'il
sur la constitution des empires, l'établissement en t fût redevable aux leçons de Platon, dont on
des lois, l'équité, la justice, la bonne foi, les sait s qu'il fut le disciple, la question n'est pas de
moyens de régler nos moeurs et de réprimer nos savoir s jusqu'où ce grand homme a pu s'élever,
passions ? 1 1 allait jusqu'à se moquer de l'inutilité mais
r ce que peuvent enseigner les rhéteurs. Sou-
de leurs préceptes, et soutenait que non-seule- vent i même, dans la chaleur de la discussion, il
ment ils n'ont pas ces lumières qu'ils s'attribuent, s'avançait
s jusqu'à soutenir qu'il n'y a pas d'artde
mais que même ils ignorent l'art de bien dire parler. Il démontrait que la nature nous apprend
qu'ils enseignent. En effet, disait-il, le but prin- -eelle-même à demander une grâce d'une voix sup-
cipal de l'orateur est de se montrer aux audi- pliante,J à nous insinuer avec adresse dans l'es-
teurs tel qu'il veut leur paraitre or, c'est par la prit
1 de celui dont notre sort dépend, à effrayer
vertu seule qu'il peut y parvenir, et les maitres nos i ennemis par un ton menaçant, à exposer un
de rhétorique n'en parlent pas. Il doit ensuite fait 1 comme il s'est passé, à soutenir, par des
faire naître dans les eceurs tous les sentiments preuves,
1 l'opinion que nous voulons faire préva-
qu'il lui conviendra d'inspirer; mais il n'y par- loir, à réfuter celle de notre adversaire, à em-
1

viendra pas, s'il ignore comment on peut maftri- ployer] enfin le langage de la plainte ou de la
ser les âmes, par quels ressorts on les dirige, par prière. C'est là, ajoutait-il, que se borne tout le
quels discours on les pénètre des impressions les pouvoir de l'orateur; ensuite l'habitudeet l'exer-
plus opposées; et cette connaissance est cachée cice développent l'intelligence, et donnent la
et comme ensevelie dans les profondeurs de la facilité de l'élocution. Il appuyait aussi son opi-
philosophie, dont ces rhéteurs n'ont pas même nion par des exemples. Il remontait jusqu'à un
effleuré la surface. Ménédème s'efforçait de le ré- certain Corax, un certain Tisias, qui, les pre-
futer plutôt par des exemples que par des raison- miers, ont écrit sur la rhétorique et en ont fait
nements il récitait de mémoire les plus beaux un art depuis eux, on ne trouvait pas un seul
passages des harangues de Démosthène, et il rhéteur qui eût montré la moindre éloquence. 11
prouvait ainsi que ce grand orateur connaissait nommait au contraire une foule de grands ora-
le moyen d'émouvoir l'esprit du peuple ou des teurs qui n'avaient jamais songé à étudier les
juges, et qu'il avait su découvrir le secret qu'on préceptes; et même il me mettait du nombre,
prétendait n'appartenir qu'à la philosophie. soit pour se moquer de moi, soit qu'il parlât
XX. Charmadas ne contestait, ni les lumières, sincèrement, et qu'on lui eut donné de moi cette
ni l'éloquence de DéinosUièue. Mais, ajoutait-il opinion. Il disait que je n'avais jamais appris

iiene morata esse non possent, usquam in eorum inveniri summum prudentiatn summamquevim habuisse diceiidi
lihellis. Quod si tantam vim rerum maximanim arte sua sed sive ille boc ingenio potuisset, sive, id qnod ennsta-
ihetorici illi doctores complecterentur, quœicbal cur (le ret, Platonis studiosus audiendi tuissel non quid ille
proœmiis et de epilogis, et dehujusmodi nugis (sic enitn putuisset, sed quid isti docerent, esse queereudum. Sa'pe
appellabat} referli cssenl eoruni libri, de civitatibusinsti- etiam in eam purtem ferebalur oratione, ut omnino dispu-
luendis, de scribendis legibus, de luquitate, de juslilia, taret, nullam artem esse dicendi idqlle quum arguments
<le fide, de frangendiscupiditalibus, de conibrmandis ho- docueral, quod ila nati essemus, ut et blandiri, et àup-
luinuiu moribus litlera in eorum libris niilla inveniretur. pliciter insinuare iis, a (piibns esset pctemluni, et ad\ei-
1 psa vero prœcepta sic illudere solcl)al lit ostendeiet non sariosmiuacitertenere possemus, et rem geslam expoiicrc,
modo eos illius experles esse nnulcnlirc, «iiiani sibi ad- et id quod inteuderemus confinnare et id qnod cou-
sciscerenl sed ne iiauc quidem ipsam dimidi ralionem tra diceretur, i-cfellcre et ad extremum dqnecari aliquid,
ac viam nosse. Caput eninî esse aibitrabafiir oraloris, ut et couqueri; quibus in rebus omnis oratorum veisaretur
et ipsis, apnd quos agcret, talis, qualeni se ipse oplaret, facilitas; etquodcc.|isuctudo,exercitalio<|ucelin!elligeiidi
videretur id fieri viUc diguitale de qua nibil rhetorici isli prudentiam acueret, et eloquendi celeritatem fncitaret
doctores in prîeceptis suis reliquissent; et uti eonim, qui tum etiam exeinploruin copia nitebatur. IVani p> immu
audirent, sic allicerentur aninii ul eus alïici > ellet urator; quasi dedita opera, ncniinem sciiptoiem artis ne inedio-
qnod item lieri ntillo modo posse, iiisi cognosceret is, ciller quidem diseitnm fuisse dicebat, quum leueleret
qui diceret, quot modis lioiniiiuni mentes, et quibus us<iiie a Corace, nescio quo, et Tisia, quos artis illius in-
rébus, et quo genere ot-alioiiis in quaimpic parlem move- venlores et principes fuisse constaret; cloquentissimos
rentur; hœc antem esse iienilus in média pbilnsopbia re- antem homines qui ista nec didicissent nec oinnino scire
trusa atque abdila, t\\w isti rbelores ne pihnorrlius qui- curassent, innumerabiles quosdam iioiniiwbal in quibus
ilon faillis atligissent. l'.a Meni'donius excmplis inagis, cliain (sive ille irridciis, sive quod ita nutaret, atque ita
quam argument!», ooiutbatur rd'ollere incmoriter enim audissel), me in illu numéro, qui illa non didicissem, et
multaex oraliouiljus Deniosllicuis prœclare scripta pro- tamen (utipse dicebat) possem aliquid in dicendo, pro.
nuntians, docebat, illum in auiniis vel judicum vcl po- ferebat. Quorum illi allerum facile assentiebar, niliil me
puli, in omnem parlem dicendo perirnivendis non fuisse didicisse; iu altero autem me illudi ab eo, aut etiam tpgmii
ignarum quibus ea rebus consequeretur, i\nx negarctille errare aihilrabar. Artem veio negabat esse ullain, nisi
tiiie philosopha riiieniqimin scire posse.
' quiv cognitis penitusque perspectif et iu umiin exHuin
XX. HiiitilleresnuBdclMt.noiiscuejjai:».1, Ueniuslhcncui sjiuctanUbiu cl uuui]iiaiu fulli'utibus rébus coulnierctur.
l'art oratoire, et que je n'en étais pas moins élo- ,0
pareille perfection est difficile à atteindre, pour
pour
quent. Je passais aisément condamnation sur le nous surtout, dont tous les instants sont absorbés
premier point, savoir que je n'avais pas étudié par la poursuite des magistratures et le travail du
la rhétorique mais, pour l'autre, je lui répondais barreau, avant que nous ayons pu nous livrer à
qu'il voulait plaisanter, ou qu'il étaitdans l'erreur. l'étude. Mais elle n'est pas une chimère; elle
Il disait encore que tout art doit avoir des règles n'excède pas les forces de la nature humaine.
précises évidentes qui tendent à un même but, Pour moi, et j'ose faire cette prédiction en voyant
et dont l'application soit constante et invariable; les heureuses dispositions de nos concitoyens, je
que dans l'éloquence au contraire, tout est va- ne désespère pas qu'il ne se rencontre quelque
gue et incertain, les orateurs ne possédant eux- jour un homme qui, avec plus de zèle que nous
mêmes qu'imparfaitement les choses dont ils par- pour L'étude, plus de loisir pour le travail, un
lent, et ne se proposant pas de présenter à leurs génie plus formé, une applicationplus constante,
auditeurs des connaissances positives, mais de après avoir beaucoup lu, beaucoup entendu,
leur donner à la hâte quelques notions fausses, beaucoup écrit, atteigne enfin à cette véritable
on du moins obscures. Enfin, il réussit presque éloquence que nous cherchons, et parvienne à
à me convaincre qu'il n'y a point d'art de la pa- réaliser ce modèle idéal que notre imagination
role, et qu'il est impossible de parler avec abon- conçoit. Mais cet orateur, ou c'est Crassus lui-
dance ou avec habileté, à moins d'avoir étudié les même, ou ce sera quelque Romain qui, doué
plus,habiles philosophes. Dans ces entretiens, d'un génie égal au sien, avec plus de facilités
Charmadas montrait la plus grande admiration pour étudier les modèles et s'exercer par la com-
pour votretalent, Crassus, et me disait qu'il avait position, pourra encore aller un peu plus loin que
trouvé en moi un disciple docile; en vous, un lui.
antagoniste infatigable. Nons souhaitions vivement, Cotta et moi,
XXI. Séduit par l'opinion de ce philosophe, dit alors Sulpicius, de vous voir tous deux abor-
j'écrivis dans un petit traité qui m'échappa, et der ce sujet d'entretien; mais nous ne l'espérions
qui fut publié bien à mon insu et contre mon pas. Nous nous estimions déjà heureux, en ve-
gré, que je connaissais quelques hommes diserts, nant ici, de vous entendre discuter même d'au-
mais que je n'en avais pas encore vu un seul tres matières, et de pouvoir recueillir quelques-
d'éloquent. Je donnais le nom de disert à celui qui unes de vos précieuses pensées. Mais que vous
s'exprime avec assez d'art et de clarté pour satis- en vinssiez à dévoiler les mystères de cette étude,
faire le commun des hommes et mériter les suffra- de cet art, ou de ce don de la nature, comme on
ges de ces esprits vulgaires; j'appelais éloquent voudra l'appeler, c'est ce que nous eussions à
celui qui sait orner et ennoblir toute sorte de sujet peine osé désirer. Pour moi, dès ma plus tendre
par la magnificence et la hauteur des pensées, et jeunesse, je vous ai recherchés avec empresse-
qui trouve dans son génie et dans sa mémoire, ment l'un et l'autre; mon attachement pour Cras-
comme dans une source inépuisable, tout ce qui sus m'a constamment retenu près de sa personne
peut donner de la vie au discours. Sans doute une et cependant je n'ai jamais pu obtenir un seul

Haw autem omnia, quae tractarentur ab oratoribus, dubia nobis; qui ante, quam ad discendum ingressi sumus,
esse et incerta; quum etdicerenlur abiis, qui ea omnia obruimur ambitione et foro; sittamen in re posilum atque
non plane tenerent et audirentur ab iis, qnibus non natura. Ego enim, quantum augurer conjectura, quantaqne
scientia esset tradenda, sed exigui temporis aut falsa, aut ingénia in nostris hominibus esse video, non despero,
certeobscura opinio. Quid milita? sic mihi tum persuadere fore aliquem aliquando qui et studio acriore quam nos
videbatur, neque artilicium iiHum esse dicendi, neque sumus atque fuimus, et otio ac facullate discendi majore
quemquam posse nisi, qui illa, quœ a doctissimis homi. ac matiiriore, et labore atque industria superiore, quum
nibus in philosophia dicerenlur, cognosset, aut callide aut se ad audiendum, legendum, scribendumque dediderit,
copiose dicere. In quibus dicere Cliaruiadas solebat, inge- existât talis orator, qualem qiliïrimus; qui jure non so-
niuin tuum Crasse vcheinentei' admirans, me sibi peiïa- lmn disertus,sed etiam eloquens dici possit qui tamen,
citem in audiendo, le perpugnacem in dispulando esse mea sententia, aut hic est jam Crassus, aut, si quis pari
visiim. fuerit ingenio, pluraque quam hic, et audierit, et lecti-
XXI. Tumque ego, hac eadem opinione adduclus, scri- tarit, et scripserit, paulliun huic aliquid poterit addere.
psi etiam illud quodam in libello, qui me imprudente et HoclocoSulpicius, Insperanti mihi inquit et Cotta*,
invilo excidit, et pervenit in manus hominum, diserlos sed valde optanli utrique nostium cecidit, ut in istuiu
me cognosse nonnullos eloquenlemadhuc neminem quod sermohem, Crasse, delaberemini. Nobis enim bue ve-
eum statuebam disertum, qui posset satis acute, atque nientibus jucnndum satis fore viilebatnr, si, quum vos de
dilucide, apud médiocres homines, ex communi quadam rebus aliis loqueremini, tamen nos aliquid ex sermone
opinione, dicere; eloquentem vero, qui mirabilius et vestro memoria dignum excipcre posscinus; ut vero peni-
magniflcenlius augere posset atque ornare, qnne vellet, tus in eam ipsam totius hnjns vel studii, vel artiflcii,
oinnesque omnium rsmn, ijun- ail dicendiini nertiiirrent,t vel facultatis disputationem prenc intimam veniretis, vix
foutes aiiiino ac ineuioiia contineret. Id si est difficile optaudumnobis videbatur. Ego euim qui ab ineunte a>tate
mot de lui sur la nature et lus règles de l'élo- Puisqueta plus grande difficulté est vaincue,
quence. Mes instances à cet égard et les sollici- 1 éprit Cotta, et que nous vous avons mis enfin
tations de Drusus ont toujours été inutiles. Quant sur ce sujet, nous n'aurions plus maintenant à
à vous, Antoine, et je vous dois cette justice nous en prendre qu'à nous-mêmes si nous vous
vous n'avez jamais refusé de répondre à mes laissions aller avant que vous eussiez résolu tous
questions, de satisfaire à tous mes doutes, et nos doutes. –Ou moins, dit Crassus, en ce que je
souvent vous m'avez fait part des observations saurai et pourrai, comme on dit en matière de
que votre expérience vous suggérait. Maisaujour- successions. Qui de nous, répondit Cotta, au-
d'hui, puisquevous avez tous deux commencé à rait la prétention de savoir ce que vous ignorez,
nous découvrir ce que nous désirons si vivement ou de pouvoir ce qui vous est impossible? Et
savoir, et que Crassus a le premier amené la con- bien! proposez-moi vos questions, j'y consens,
versation sur ce sujet, poursuivez, nous vous pourvu que je puisse convenir franchement de
en supplions, ce piquant entretien, et faites-nous tout ce qui sera au-dessus de mes forces, et qu'il
connaître votre opinion sur les principes de l'é- me soit permis de dire que j'ignore ce qu'en effet
loquence. Si vous nous accordez cette grâce, je ne sais pas.
j'en anrai une éternelle obligation aux jardins Nous commencerons,dit Sulpicius, par vous
de Crassuset au séjour de Tusculum; l'Académie demander votre opinion sur un point qu'Antoine
et le Lycée ne vaudront pas à mes yeux ce gym- traitait tout à l'heure. Pensez-vous qu'il y ait un
nase à la porte de Rome. art de bien dire?
XXII. Crassus répondit Adressons-nous plu- Eh quoi! reprit Crassus, me prenez-vous
tôt à Antoine, mon cher Sulpicius; il est bien pour un de ces Grecs oisifs et babillards, qui di-
en état de vous satisfaire à cet égard, et il en a vertissent quelquefois par leur vain savoir; et
l'habitude, vous le disiez vous-même tout à venez-vous me proposer une frivole question
l'heure. Quant à moi, j'ai toujours eu de l'éloi- pour que je la développe à mon gré ? Croyez-vous
gnement pour ce genre d'entretien, et, comme que j'aie fait mon étude de ces futilités? et ne
vous venez de me le reprocher, je n'ai jamais savez-vous pas que je me suis toujours moqué
cédé là-dessus à vos instances. Ce n'était de ma de ces charlatans qui, du haut de leur chaire,
part ni orgueil, ni mauvaise volonté; j'étais bien élèvent impudemment la voix au milieu d'une
loin aussi de désapprouver en vous un si juste nombreuse assemblée pour demander qu'on leur
et si louable empressement, d'autant plus que j'a- adresse quelque question? On dit que ce fut
vais dès lors l'intime conviction que vous êtes né Gorgias le Léontin qui le premier en donna
pour exceller dans l'éloquence mais je ne suis l'exemple il croyait faire preuve d'un rare et
nullement accoutumé à ces discussions, et j'i- admirable talent, en s'engageant à parler sur
gnore toutes ces règles dont on a fait un art. toutes les matières qui lui seraient proposées.

incensus essem studio utriusque vestrum, Crassi vero -Tum Cotta, Quoniam id, quod diflicilliimim nobis
etiam amore, quum ab eo nusquam discederem, verbum videbatur, ut onmino de his rébus, Crasse, loquerere,
ex eo nunquam elicere potui de vi ac ratione dicendi, assecuti sumus de reliqno jam nostra culpa fuerit. si te,
quum et per memet ipsum egisscm, et per Drusum ssepe nisi omnia, quae percunctali eriiuus, explicaris, dimiseri-
tentassem quo in genere tu, Antoni (vere loquar ) ), mus. – De his credo, rébus, inquit Crassus, ut incretio-
nunqnam mihi percunctanli aut quaerenti aliquid, defni- nibus scribi solet, ûuiiïos sci\m, i-ûteroque. – Tumille,
sti, et persîepe me, qnse soleres in dicendo observare, tlo- Namque quod tu non poteris, aut nescies, quis nostrum
cuisti. Nunc quoniam uterque vestrum patefecit earum tam impudens est, qui se scire ant posse postulet? – Jain
rerum ipsarnm aditum, quas qu<ierimHs,et quoniam prin- vero, ista condit ione dum mihi liceat negare posse, quod
ceps Crassus ejus sermonis ordiendi fuit, datenobis banc non potero, etfatcri nescire, quid nesciam licet, inquit
veniam, nt ea, quœ sentitis de omni genere dicendi, sub- Crassus; vcslro arbitratu percuuctemini.
tiliter persequamini. Quod quîdern si erit a vobis impe- -Atque, inquit Sulpicius, hoc primum ex te, de quo
tratum, magnam habebo, Crasse, huic palseslrae, et Tu- modo Anlonius exposuit, quid sentias, quKrimus ex-
sculano tuo gratiam, et longe Academise illi ac Lyceo tuo stimesne artem aliquam esse dicendi?
hoc suburbanum gymnasium anteponam. -Quid? mihi nunc vos, inquit Crassus, tanquam ali-
XXII. -Tum ille, Imo vero, inquit, Sulpici, rogemus cui Grxculo otioso et loqnaci, et fortasse docto atque
Antonium qui et potesl facere id, qnod requiris, et con- erudito, quaestiunculam de qua meo arbitratu loquar,
suevit, ut te audio dicere. Nam me quidem fateor semper ponitis? Quando enim me ista curasse, aut cogitasse ar-
a génère hoc toto sermonis refugisse tibi cupienti atque bitramini, et non sciupor irrisisse potius eorum hominum
instanti sœpissime negasse, ut tuti: paullo ante dixisli. impudentiam qui quum inschola assedissent, ex magna
Quod egononsuperbia, neque inbumanitate racieham, ne- hominum frequentia dicere juberent, si quis quid quœre-
qtie quo tuo studio rectissimo atque optimo non obsequi rct? Quod primum ferunt Lcontinuinfecisse Gorgiam: qu:
vellem, prcesertim quum te unum ex omnibus ad dicen- pennagnum quiddam suscipere ac proliteri videbatur,
dum maxime natum aptumque cognosscm, sed meher- qunm se ad omnia de quibus quisque audire vellet, esse
cule istius dispulationis insolentia, atque eacum rerum, paratum denuntiaret. Postea vero vulgo hoc facere cœpe-
qure quasi in arte traduntur, inscitia. runt, l.njieque faciunt, ut nulla ait res, neque tanta, uequr
Depuis lui, cette présomption est devenue com- Soit, répondit Crassus, je me rendrai a
t
mune; elle l'est encore de nos jours, et il n'est leurs vœux, et j'examinerai chacune de leurs
pas de question, quelque neuve, quelque im- questions; mais ce sera en peu de mots, selon
s
posante qu'elle soit, que ces intrépides parlcurs ma coutume. Et d'abord, puisqu'il m'est im-
ne se croient en état de traiter à fond. Si j'avaiss possible de me refuser à ce que vous exigez de
pensé, Sulpicius et Cotta, que vous eussiez le dé- moi, Scévola, je répondrai que, selon moi, ou il
sir d'entendre une dissertation de cette espèce, n'y a point d'art de parler, ou que, s'il y en a un,
j'aurais amené ici quelque Grec pour vous procu- cetart est peu de chose en lui-même. Tout
e débat qui partage les savantsn'est au fond qu'une
ce
rer ce plaisir. Maintenant encore il serait facile
d'en trouver. Mon ami, M. Pison, jeune hommee dispute de mots. En effet, si, d'après la défini-
du plus rare talent, et qui a beaucoup de goût tiond'Antoine, tout art doit avoir des principes
pour ces sortes d'exercices, a chez lui le péripaté- fixes, bien connus, indépendants de tout arbi-
t,
ticien Staséas. Je connais beaucoupce rhéteur, et, traire, et réunis en corps de doctrine, il me
au jugement des gens habiles, il tient le premier semble qu'on ne peut pas dire qu'il y ait un art
rang parmi ceux de sa profession. de parler, puisque le langage de l'orateur varie
XXIII. – Que nous parlez-vous, dit Scévola, suivant les circonstances, et doit être approprié
de Staséas et do péripatéticien? C'est à vous, aux sentiments et au goût de l'auditoire. Mais si
Crassus, de contenter ces jeunes Romains ils ne e l'on a observé les moyens employés avec le plus
veulent pas entendre le vain et stérile verbiage dee de succès dans l'éloquence, si ces observations,
quelque sophiste grec, ni les éternelles leçons dee recueillies avec soin par des esprits judicieux
l'école ils veulent s'instruire auprès de l'homme ,e ont pu être consignéesdans des écrits, classées
le plus sage et le plus éloquent de notre siècle,
auprès d'un orateur dont la réputation n'est pas
pargenres, et réduites à des divisions bien dis-
is tinctes ce que l'expérience démontre, je ne vois
fondée sur quelque futile traité, mais qui s'est >t pas pourquoi elles ne constitueraient pas un art,
fait admirerdansles causes les piusimportantes, 5, sinon dans toute la rigueur de la difinition, du
et à qui ses lumières et son talent ont mérité le le moins selon l'acception ordinaire de ce mot. Au
premier rang dans la première ville du monde le surplus, que ce soit un art, ou seulement quel-
pour la puissance et la gloire Comme ils ont que chose qui ressemble à un art il ne faut pas
l'ambition de marcher sur ses traces, ils désirent sansdoute le négliger mais il faut se persuader
•s qu'il est des moyens plus puissants pour attein-
aussi s'éclairerde ses conseils. Je vous ai toujours
regardé comme le roi des orateurs, et j'ai tou- dreà l'éloqucnce.
XXIV. Antoine dit alors Je suis tout à
jours reconnu que votre bonté égalait votre élo- >
quence. Montrez-le donc en cette occasion et ne fait
de votre avis, Crassus. Vous n'admettez pas
vous refusez pas à une discussiondans laquelle le un art de bien dire, dans le même sens que ces
deux jeunes gens aussi distinguésbrillent de vous is rhéteurs qui bornent là tous les secrets de l'élo-
voir entrer. quence vous ne faites pas non plus comme lit

tam improvisa,neque tam nova, de qua se non omnia, quœ œ Ego vem, inquit, istis obsequi studeo, neque grava-
dici possnut, profiteanturesse dictants. Quodsite,Cotta, a, liiu breviter mco more, quid quaque de re sentiam, dicere.
d- Ac priinum illud ( quoniam auctoritatem luam negligere,
iirbitrarer, aut le, Sulpici, de iis rcbus audire velle, ad-
duxissent Une Graxum aliquem qni vos istiusmodi dispu- u- Scasvola, fas mihi esse non puto) respondeo, mihi dicendi
lalionibus delectaret qnodne mine quidem difficile factu tu aut nnllam artem, ant pertenuem videri sed omnem esse
est. Est enim apud M. Pisonem, adolescentem jam liuic te contentionem inter homines doctos in verbi controversia
studio deditum, summo hominem ingenio, nostrique cu- positam. Nam si ars ita definitur, ut paullo ante exposuit
pidissinuun, peripateticus Stascas, homo nobis sane fa-a- Antomus, ex rebus penitus perspectis, planeque cognitis,
miliaris, et, ut inter homines peritos conslare video, in
in atqne ab opinionis arbitrio sejunctis, scientiaque compre-
enere omnium princeps.
illo suo hensis; non milii videtur ars oratoris esse ulla. Sunt enim
t
XXIII.– Quem tu, inquit, milii, Mucius, Slascam, varia et ad vu jgarem popiilaiemquesensum accommodata
quem peripateticum narras? Gerendus est tibi mos ado- o- omnia gênera hujus forensis nostrre dictionis. Sin autem
lescentibus, Crasse: qui non Grœci alicujus quotidinnum m ea, qure observata sunt in nsu ac ratione dicendi, haec ab
loqiiacitalem sine usu, neqne ex scliolis cantilenam re- e- hominibus callidis ac peritis animadversa ac notala ver-
quirunt, sed ex homine omnium sapientissimo ntque le bis designatu generibus illustrata, partibus distributa
leloquentissimo,atqueex eo,qui non in libcllis, sed in ma- a- sunt (kl quod fieri potuisse video) non intelligo, qnain-
ximis causis, et in hoc domicilio iniperii et gloiiae sit con-
n- obi em non, si minus illa subtili definitione, at bac vulgari
t,
silio linguaque princeps, cujus Tcsligia persequi cupiunt, opinioue, ars esse videatur. Sed sive est ars, sive arlis
ejus sententiam sciscilantur. Equidem te qiiumindiceudo lo qusedam similitude, non est quidem ea negligenda; ve-
semper putavi deum, tum vero tibi nunquam eloquenliu: m ruui iutelligendum est, alia quoxlaiu ad consequendam elo-
majorem tribui laudein quam humanitatis qua nunc te te quentiam esse majora.
uti vel maxime decet, neque deftigeie eam disputationem, n, XXIV. Tum Antonius vehementer se assentireCrasso
ad quam te duo excellentis ingenii adolescentes cupiunt it dix.it quod neque ita amplectetetur artem, ut ii sofrvenl
accedere. qui oinuetn vim dicendi in arte louèrent neque rursum
CICÈRON.
– – \ii\ju 1.-4-v

plupart des philosophes qui n'en veulent recon- so son Ame ces mouvements rapides, cette chaleur
naitre aucun. Mais vous nous ferez plaisir à vivifiante vi qui anime la pensée, féconde et enri-
tous, si vous voulez nous donner une idée de ces chit cl l'élocution et imprime dans la mémoire des
moyens qui selon vous, sont plus puissants que traits tr fermes et durables. S'imaginer que l'art
l'art lui-même, peut
p« nous donner ces facultés, c'est une erreur.
Je poursuivrai, reprit Crassus, puisque j'ai Certes,
Ct nous serions trop heureux, si l'art pouvait
commencé; mais je vous prie de ne pas divulguer al allumer le feu du génie. Non, jamais il ne saura
les futilités dont je vais vous entretenir. Au reste, fa faire naître en nous ces nobles élans que la na-
je n'ai pas la prétention de faire ici le rhéteur je tu ture seule peut donner. Mais en supposant qu'on
m'exprimerai comme un citoyen romain, comme puisse pl les acquérir, que dira-t-on de ces avanta-
un homme qui a quelque usage du barreau, ges g< physiques que l'homme apporte certainement

sans en avoir fait une étude approfondie, et qui en er naissant; une langue souple et déliée, une
ne s'est point engagé de propos délibéré à traiter voix v< sonore, des poumons vigoureux, une orga-
un pareil sujet, mais qui se trouve amené fortui- nisation
ni forte, enfin une certaine dignité dans les
tement à prendre part à votre conversation. Lors- lr traits et dans toute la personne? Je ne prétends
que je sollicitais les emplois, je commençais par pas pi que l'art ne puisse ajouter à la nature; je
ine débarrasser deScévola, en arrivantau forum, sais si que le travail peut perfectionner les bonnes
Retirez-vous, lui disais-je, je viens ici faire des qualités,
q corriger et réformer les imperfections;
sottises. Il faut plaire au peuple, et c'en est le seul mais
m il est des hommes dont la langue est si em-
moyen. Vous êtes l'homme du monde devant qui b barrasséeet la voix si ingrate, chez lesquels le jeu
il me coûte le plus de m'abaisser à un tel rôle. de d la physionomie et les mouvements du corps
Aujourd'hui le hasard va le rendre encore témoin sont s< si durs et si repoussants, que, malgré toutes
de mes extravagances; car qu'y a-t-il de plus les It ressources du génie et de fart, ils ne sauraient
extravagant que de discourir sur la manière de prendre p rang parmi les orateurs. Il en est d'au-
parler, quand c'est déjà une chose ridicule que tres, tl au contraire, si richement pourvus de ces
de parler, lorsqu'il n'y a point nécessité de le mêmes n avantages, et tellement favorisés par la
faire? nature,
n qu'ils ne semblent pas nés commeles au-
hommes, et qu'un dieu semble avoir pris

Continuez,Crassus, dit Scévola si c'est une tres
faute, je la prends sur moi.
t
plaisir
{ à les former de ses mains. C'est une tâche
XXV. – Je pense, continua Crassus, que c'est périlleuse
l et difficile à remplir, que de s'engager à
la nature avant tout et le génie qui contribuent parler 1 seul, sur les plus grands intérêts, au mi-
puissamment à nous former à l'éloquence; et lieu d'une assemblée nombreuse, qui se tait pour
1

quant aux rhéteurs dont nous parlait Antoine, ce vous i écouter. Il n'est personne alors qui ne soit
lie suntpas les règles ni la méthode,c'est lanature plus | clairvoyant sur les défauts de l'orateur que
qui leur a manqué. Il faut que l'orateur sente dans sur s son mérite; et les moindres imperfections suf-

tam totam, sicut plerique pbilosopbi facerent, répudiant!, 1 nius scriptoribus artis, rationem dicendi et \iam sed
Sedexistimo, inquit, gratnm le his, Crasse, facturant, naturam defuisse. Nam et animi atque ingeiiii celeres qui-
si ista exposneris, quae pntas ad dicendum plus, quamdam motus esse debent, qui et ad excogitandum acuti,
ipsam artem posse prodesse. elad explicanduni ornaiidumque sint libères, et ad me-
Dicam eqiiidem qnoniain tnstîlni, pelamque a vo« moriam firmi atque diuturni. Et si quis est, qui lia» putet

bis, inquit ne lias meas ineptias efferatis quanquam arte accipi posse, quod falsum est ( prœclarc enim se res
moderabor ipse, ne, ut quidam magister atqne artifex,habeat, si ii;ec accendi aut commovcri arte possint iu-
i
sed quasi unus e togatovum numéro, atqne ex forensi usu seri qnidem, et donari ab arte non possunt omnia; sunt
homo mediocris neque omnino rudis, vidcar, non ipse enim illa dona natura: ) quid de illis dicet, qu.ic certe cum
aliquid a me promsisse, sed fortnito in sermonem ve- ijwo bomine nasciintur? lingiue solutio, voeïs sonus la-
stiiim inoidisse. Equidem.qiinm notèrent niagistralunt lera, vires, conformatio quaîdaiti et figura lotius oris et
solebam in prensando dimitlere a me Scœvolam, quumi corporis? Neque hît'c ita dico, nt ars aliqnid limare non
possit
ei ita dicerem, me velle esse ineptiun id erat petflre blan- (neque enirn ignoro, etqtiœ botta sint, lieri ineliora
dias; quod nisi inepte fiftret, hene non posset fieii. Hunec posse doctrina, etquaî non optima, aliquoniodo acui ta.
antem esse uiiitm hominem ex omnihus, quo présente men et corrigi posse) sed sunt quidam ant ita lingua
ego ineptus esse minime vellcin qiicnt quidem nunc c hésitantes ant ita voce absoni aut ita vultu, moluque
niearuni incptianini testent' et spectaturem fortuna con-i- corporis vasli atque agrestes, ut, etiamsi ingeniis atquo
slitiiit. Nam quid est ineptius, quam de dicendo dicere, arte valetnt, laincn in oratorum numerum venire non
<|uum ipsuin dicere ntuiquain sit non ineptum, nisi quumn possint. Sunt autem quidam ita in iisdem rebus abiles,
est necessarium ? ila nalura; nuineribus ornati, ut non nati, sed ab aliquo
Perge vero Crasse, inquit Mucius. Istam enim cul.1- deo ficli esse videantur. Magnum quoddam estonus atqne
|>ani quant vei ei is eRo pra-stabo. imimis,susciperc, atque profiteri, se esse, omnibus si.
XXV. – Sic igitur, inquit Crassus, sentio, naturam n lentibus, iiiiiiiu maximis de rebus, niaRiio in ennventu
i-
primum, alqno ingenimn ad dimtduni vim afferre maxi- homimmi audiendum. Adest piiim fore nemo, quin acu-
i-
mum; neque voru istis, de quitus paullo aille dixit Allio- lins nique acriiis vitia in ib'cr-nle, ipiaiti re<'ta videat ita.
fisent pour faire oublier tout ce qu'il a de loua- qu'un effronté, s'il ne tremble en montant à la
ble. Si je signale ainsi les écueils, ce n'est pas tribune, et s'il ne. tremble encore pendant tout
que je veuille détourner de la carrière les jeunes son exorde; mais c'est ce qui ne peut manquer
gens à qui la nature aurait refusé quelques-uns d'arriver. En effet, plus un orateur est habile,
de ses dons. N'ai-je pas vu de mon temps C. Cé- plus il connait les difficultés de l'art, plus il re.
lius, homme nouveau, se faire encore un nom doute l'incertitude du succès, plus il craint de ne
avec le peu d'éloquence qu'il s'était acquise à pas remplir l'attente des auditeurs. Celui de qui
force de travail? et Q. Varius, qui est de votre l'on ne peut rien espérer qui soit digne du nom
âge, avec son extérieur ingrat et ses manières re- et de la profession d'orateur, rien qui puisse sa-
poussantes, ne doit-il pas à ses talents, quels tisfaire les hommes éclairés qui l'entendent,
qu'ils soient, le crédit et l'autorité dont il jouit éprouvât-il l'émotion dont je parle, n'en est pas
aujourd'hui dans Rome? moins à mes yeux un impudent; car pour échap-
XXVI. Mais puisqu'il est question ici du véri- per à ce reproche, il ne suffit pas de rougir; il
table orateur, il faut nous le représenter exempt faut encore ne rien faire dont on puisse avoir à
de tout défaut, réunissant tous les talents. Si la rougir. Quant à ceux qui n'éprouvent aucun em-
multiplicité des procès, si la variété infinie des barras, et c'est ce que je vois dans le plus grand
causes, si ce tumulte et cette barbarie qui règnent nombre, non-seulement je blâme leur assurance,
dans le forum, y donnent accès aux plus miséra- mais je voudrais encore qu'on la punit. J'ai sou-
bles parleurs, ce n'est pas une raison pour nous vent remarqué en vous une impression que j'é-,
de nous écarter du but de nos recherches. Danss prouve aussi moi-même en prononçant mon
les arts qui n'ont rien de vraiment utile, et dont exorde je sens que je pâlis mes idées se con-
l'objet estd'amuser et d'occuper les loisirs, voyez fondent, et je tremble de tous mes membres. Un
comme nos jugements sont sévères et dédaigneux. jour même que je m'étais porté pour accusateur,
Les procès et le soin de nos affaires nous forcent dans ma première jeunesse, je fus si interdit en
à tolérer au barreau les mauvais avocats, mais commençant mon discours, que Q. Maximus,
on n'a pas au théâtre les mêmes motifs d'indul- s'apercevant de mon désordre, renvoya la cause
gence pour les méchants acteurs. L'orateur ne à un autre jour, et c'est un service que je n'ou-
doit donc pas se borner à satisfaire son client, blierai jamais.
qui a besoin de lui; il doit se faire admirer de Ici les auditeurs se regardèrent avec des signes
ceux qui le jugent indépendamment de tout in- d'assentiment, et se mirent à parler bas entre
térêt. Vous voulez savoir le fond de ma pensée eux. Crassus avait en effet une extrême modes-
je puis dévoiler à des amis tels que vous ce que tie et cette défiance de lui-même, au lieu de
je n'ai jamais voulu découvrir à personne. L'o- nuire à son éloquence, lui donnait plus d'effet
rateur le plus habile, celui qui s'exprime avec et de'force, en faisant ressortir encore mieux la
le plus d'élégance et de facilité n'est à mes yeux pureté de son âme.
quicquidest, in quo offenditur, id etiam illa, quae lau- adhuc semper tacui, et tacendum putavi. Mini etiam,
danda sunt, obruit. Neque hœc in eam sentcntiam dis- quique optime dicunt, quique id facillime atque ornatis-
pnto, ut homines adolescentes, si quid naturale forte non sime facere possunt, tamen, nisi timide ad dicendum ac-
habcant onmino a dicendi studio delerream. Quis enim cedunt, et in exordienda oratione perturbantur, pa?no
non videt, C. Cœlio, sequali meo, magno honori fuisse, impudentes videntur tametsi id accidere non potest. Ut
homini novo, illam ipsam quameuraqueassequi potuerit, enim quisque optime dicit, ita maxime dicendi difficulta-
in dicendo mediocritatem ? quis vestrum œqualem Q. Va- tem, variosque eventus orationis, exspectationemqueho-
rium, vastum hominem atqoe fœdum, non intelligit, illa minum pertimescit. Qui vero nihil potest dignum re, di-
ipsa facuitate quamcumque habet, magnam esse in civi- gnum nomine oratoris, dignum hominum auribus efficere
tategratrom consecutum? atque edere, is mihi, etiamsi commovetur in dicendo,
XXVI. Sed quia de oratore quaerimus, fingendus est tamen impudens videtnr. Non enim pndendo, sed non fa-
nobis oratione nostra, detractis omnibus vitiis, orator, ciendo id, quod non decet, impudentiae nomen effugere
atque omni laude cumulatus. Neque enim, si multitudo dehemus. Quem vero non pudet (id quod in plerisque vi-
litiutd si varietas causarum, si haec turba et barbaria deo), hune ego non reprehensiouesolum, sed etiam pœna
forensis dat locum vel vitiosissimisoratoribus, idcirco nos dignum puto. Equidem et in vobis animadvertere soleo,
hoc, quod quserimus, omittemus. Itaque in iis artibus, et in me ipso sœpissime experior, ut exalbescam in prin-
in quibus non militas quseritur necessaria sed animi li- cipiis dicendi et tota mente, atque omnibus artubus con-
bera quaedam oblectatio, quam diligenter, et quam prope tremiscam. Adolescentulus vero sic initio accusationisex-
fastidiosejudicamus? Nullae enim lites, neque controver- animatus sum, ut hoc summum beneficium Q. Maximo
siae sunt, quse cogant homines, sicut in foro non bonos debuerim, quod continuo consilium dimiserit, simul ac
oralores item in thcatro actores malos perpeti. Est igitur me fractum ac debilitatum meta viderit.
oratori diligenter providendum, non uti illis satisfaciat, Hic omnes assensi, significare inter sese, et colloqui
quibus necesse est; sed ut iis admirabilis esse videatur, cœperunt. Fuit enim mirificus quidam in Crasso pudor,
quibus libere liceat judicare. Ac, quaeritis, plane, quid qui tamen non modo non obesset ejus oratiooi, scd eliam
-1 ~u- -r~- .u_ A~W"
sentiâm, enuntiabo apud homines famiiiarissinios, quod
J
CICÉRON. – TOME I.
y..vu
probitatis commendatione prodesset.
y~VUU'U' VV~U~LI"UUCLII-U)!U; EIfVüGJeev.
t~
13
XXVII. Ce que vous dites est vrai, Cras- sauraient
s
être d'un grand secours. Je suis en-
sus, dit alors Antoine j'ai souvent observé .que ttièrement de votre avis, et j'ai toujours approuvé
vous étiez troublé pendant l'exorde de vos dis- la conduite du célèbre rhéteur Apollonius d'Ala-
1

cours, et j'ai remarqué le même embarras dans banda, qui, se faisant payer ses leçons, ne souf-
1

les plus grands orateurs, dont aucun ne vous frait cependant pas que ceux de ses élèves qu'il
égale à mon avis. En examinant comment il se jugeait i j incapables de devenir orateurs perdissent
fait que les hommes les plus habiles sont aussi leur temps à son école, et les renvoyait en les
les plus émus, j'en ai trouvé deux raisons. D'a- exhortant à s'adonner à la profession pour la-
bord, ceux qui joignent aux dons de la nature les quelle il croyait leur voir quelque aptitude. Pour
leçons de l'expérience savent que, même pour réussir dans les autres arts, il suffit d'être au
les plus grands orateurs, le succès n'est pas tou- niveau commun des hommes. Tout ce qu'il faut,
jours proportionné aux efforts; il est donc natu- c'est assez d'intelligence pour concevoir, assez
rel que toutes les fois qu'ils parlent en public, ils de mémoire pour retenir quelques principesqu'on
redoutent un échec qui est toujours possible. Le vous démontre, et que l'on fait comme entrer par
second motif est une injustice dont je me suisforce dans l'intelligence la plus rebelle. Onn'exige
souvent plaint si un homme qui s'est fait un de vous ni la flexibilité de l'organe, ni la rapidité
nom dans tout autre art n'a pas réussi comme à de l'expression, ni d'autres qualités que nous ne
son ordinaire, on juge ou qu'il ne l'a pas voulu, pouvons nous donner nous-mêmes, telles que la
ou qu'il etait mal disposé Roscius, dit-on, s'estt physionomie, l'extérieur, la voix. Mais, pour
négligé aujourd'hui, ou bien il avait l'estomacl'orateur, on veut qu'il réunisse la finesse des
chargé. Mais qu'un orateur ait paru faible, on dialecticiens, la raison des philosophes et pres-
suppose aussitôt que c'est faute d'esprit, et il pa- que l'élocution des poëtes, la mémoire des ju-
raît sans excuse; car on ne manque pas d'espritt risconsultes, l'organe des tragédiens et le geste
parce qu'on l'a voulu, ou parce qu'on est malade. des acteurs les plus habiles. Aussi n'y a-t-il rien
On nous juge donc bien plus séverement, et cha- de plus difficile à trouver au monde qu'un ora-
que fois que nous parlons en public, nous avons5 teur parfait. Dans les autres arts, pour obtenir
à subir uu nouvel arrêt. Qu'un acteur ait mal joué les suffrages, il suffit de posséder quelques qua-
un jour, on n'en conclut pas qu'il ignore les rè- lités dans un degré médiocre; l'orateur, pour
gles de son art; au lieu qu'un échec donne une
idée désavantageusedes
se faire estimer, doit les réunir toutes au plus
talents d'un orateur, ett haut degré.
cette impression ne s'efface plus ou du moins5
subsiste longtemps. Voyez cependant, reprit Crassus, combien
XXVIII. Vous avez dit qu'il est certaines qua- on donne plus de soin et d'étude à un art futile
lités que l'orateur ne peut tenir que de la nature, qu'on n'en donne à l'éloquence, le plus sublime
et pour lesquelles toutes les leçons des maîtres nee de tous. J'entends souvent dire -à Roscius qu'il

XXVII. Tum Autonius, Saepe, ut dicis, inquil ani- multa, quae orator nisi a natura haheret, non multum a
madverti, Crasse, et te, et ceteros summos oratores, magistro adjuvaretur valde tibi assentior, inque eo vel
quanquam tibi par, mea sententia, nemo unquam fuit, inn maxime probavi summum illum doctorem, Alabandensem
dicendi exordio permoveri. Cujus quidem rei quum causam n Apollonium qui, quum mercede doceret, tamen non pa-
quœrerem quidnam esset, cur, ut in quoque oratore plu- i- tiebatur, eos, quos judicabat non posse oratores evadere,
rimum esset, ita maxime is pertimesceret, has causas in- operam apud sese perdere, dimittebatque; et ad quam
veniebam duas unam, quod intelligerent ii, quos usus is qnemque artem putabat esse aptum, ad eam impellere
ac natura docuisset, nonnunquam summis oratoribus non n atqne hortari solebat. Satis est enim ceteris artificiis per
satis ex sententia ev.enlum dicendi procédera, ita non in- i- cipiendis, tantummodo similem esse hominis et id, quod
juria, quotiescumquedicerent, id, quod aliquando posset ît tradatur, vel etiam inculcetur, si quis forte sit tardior,
accidere, ne tum accideret, timere. Altera est haec, de le posse percipere animo, et memoria cuslodii Non quseritui
qua queri sfepe soleo ceterarum homines artium spectati ti mobilitas linguae, non celeritas verborum, non denique
et probati, si quando aliquid minus bene fecerunt, qiiam n ea quœ nobis non possumus fingere, faciès vultus, so-
soient, aut noluisse, aut valitudine impediti non potuisse ie nus. In oratore autem acumen dialeclicorum, sententia
consequi, id quod scirent, pulantur Noluit, inquiunt, philosophorum,verbapropepoetarum,memoria juriscon-
hodie agere Roscius aut erudior fuit oratoris peccatum, i siiltorum, vox tragœdorum, gestiis psene sumrmii uni acte-
si quod estanimadversnm, stultiliœpecca tum videtur. Stul- 1- rum est requirendus. Quamobrem nihil in hominum ge-
sr,
titia autem excusationem non habet quia nemo videtur, nere rarius perfecto oratore inveniri potest. Qme enim
aut quia crudus fuerit, aut quod ita maluerit, stultus singularum remm artifices singula si medincriter adepti
fuisse. Quo etiam gravius judicium in dicendo snbimus. a. sunt, probantur, ea, nisi omnia summa sunt in oratore,
Quoties enim dicimus, toties de nobis judicatur et, qui ai probari non possunt.
semel in gestu peccavit, non continuo existimaturnescire e Tum Crassus, Atquivide, inquit, in artificio perquam
t,
gestum; cujus autem in dicendo aliquid reprehensum est, tenui et levi, quanto plus adhibeatur diligentiae, quam in
s.
aut ri'loi ua in eo, aut certe diuturna valetopinio tarditatis. hac re, quam constat esse maximam. Saepe enim solen
XXVIII. lllud vero, quod a te dictum est, esse per- T- audire Roscinm, quum ita dicat, se adhuc reperire disci.
n'a jamais trouvé un seul élève .3_11'&L_L- I~~JL
~I). dont il fût content
non pas qu'il ne s'en soit rencontré, dans le nom-
-1
lent naturel et beaucoup d'ardeur; et quant aux
1
qualités extérieures sur lesquellesj'ai insisté peut-
bre, quelques-uns qui eussent du talent, mais être avec plus de force que les Grecs n'ont cou-
parce qu'il ne peut souffrir en eux le moindre tume de le faire, la nature, Sulpicius, vous les a
défaut. En effet ce qui choque est toujours ce qui prodiguées. Je n'ai jamais connu personne qui
frappe le plus vite, et ce qu'on a le plus de peine eût plus de grâce dans le maintien, plus de no-
à oublier. Appliquons à l'art oratoire l'exemple blesse dans les manières et dans tout l'extérieur,
de ce comédien. Voyez-vous quelle grâce, quelle un organe à la fois plus agréable et plus sonore
perfection il met dans ses moindres mouvements; avantages précieux, même lorsqu'on les possède
comme tout en lui est conforme aux bienséances; à un degré moins éminent, parce qu'on peut
comme tout émeut, enchante le spectateur? Aussi toujours en faire un usage habile et sage, et par-
sa supériorité est si bien reconnue, que, pour venir ainsi à ne blesser aucune convenance. Car
faire entendre qu'un artiste excelle dans un art c'est là le point le plus important, et celui sur
quelconque, on dit de lui C'est le Roscius de lequel il est le plus difficile de prescrire des rè-
son art. Mais, je le sens, exiger de l'orateur une gles, non-seulement pour moi, qui m'entretiens
perfectiondont je suis si éloigné moi-même, c'est ici avec vous comme un père avec ses enfants,
de ma part une prétention bien ridicule. Je de- mais pour Roscius lui-même, à qui j'ai souvent
mande grâce pour moi, et je n'ai d'indulgence entendu dire que la convenance est le point ca-
pour personne. Oui, je l'avoue, je pense comme pital de l'art, et le seul que l'art ne puisse ensei-
Apollonius tout homme qui, dénué de talent et gner. Mais il est temps de changer de discours,
de goût, ne paraîtra pas né pour l'éloquence, et de laisser là le langage des rhéteurs, pour trai-
doit être renvoyé à quelque profession plus ana- ter quelque sujet plus digne de nous.
logue à ses moyens. Non, Crassus, dit Cotta; puisqu'au lieu de
XXIX. -Eh quoi dit Sulpicius, nous conseil- nous renvoyer à quelque autre profession, vous
lez-vous, à Cotta ou à moi, d'abandonner l'élo- nous engagez à persister dans l'étude de l'élo-
quence pour le droit civil ou l'art militaire? Car quence, il faut que vous cédiez à nos sollicita-
qui pourrait se flatter d'atteindre à cette perfec- tions, que vous nous découvriez le secret de vo-
tion en tout genre que vous exigez de l'orateur? tre méthode, quel qu'il soit.'Notre ambition n'est
Au contraire, dit Crassus, c'est parce que pas excessive nous ne désirons pas aller au delà
j'ai reconnu en vous les plus heureuses disposi- de ce que vous appelez votre médiocrité; mais ne
tions pour l'éloquence, que j'ai fait toutes ces nous refusez pas vos conseils pour nous aider à y
observations. Mon dessein était moins encore parvenir; et si, comme vous le dites, nous ne
d'effrayer ceux qui ne sont pas nés pour cet art, sommes pas tout à fait dépourvus des qualités
que de vous encourager, vous qui êtes faits pour que la nature seule peut donner, apprenez-nous,
y exceller. Vous avez tous deux beaucoup de ta- de grâce ce qu'il faut y joindre.

pulum, quem qnidem probaret, potuisse neminem non vestrum summum esse ingenium studiumque perspexi,
qiio non essent quidam probabiles, sed quia., siauquid tamen haec, quae sunt in specie posita, de quibus pltira
modo esset vitii, id ferre ipse non posset. Nihil est enim fortasse dixi, quam soient Graeci dicere, in te, Sulpici,
tam insigne, nec tam ad diuturnitatem mémorise stabile divina sunt. Ego enim neminem, nec motu corporis, ne-
quam id, in quo aliquid offenderis. Itaque ut ad hanc si- que ipsobabitu atque forma aptiorem, necvoce pleniorem,
militudinemhujus histrionisoratoriam laudem dirigamus, aut snaviorem mihi videor audisse quae quibus a natura
videtisne, quam nihil ab eo, nisi perfecte, nihil nisi cum minora datasunt, tamen illud assequi possunt, utiis, qure
aumma venustate liât? nihil nisi ita, ut deceat, et uti habent, modice et scienter utantur, et lit ne dedeceat. Id
omnes moveat atque delectet? Itaque hoc jamdiu est con- enim est maxime vitandum, et de hoc uno minime est fa-
aecutus, ut, in quo quisque artificio excelleret, is in suo cile praecipere, non mihi modo, qui sicut unus paterfamilias
genere Roscius diceretur. Hanc ego absolutionem perfectio. bis de rebus loquor, sed etiam ipsi illi Roscio; quem swpe
nemque in oratore desiderans, a qua ipse longe absum, audio dicere, caput esse artis, decere quod tamen unum
fado impudenter mlhi enim volo ignosci, ceteris ipse id esse, quod tradi arte non possit. Sed, si placel, sermo-
non ignoeco. Nam qui non potest, qui vitiose facit, quem nem alio transferamus, et nostro more aliquando, non
denique non decet, bunc (ut Apollonius jubebat) ad id, rhetorico, loquamur.
quod facere possit, detrudendum puto.
XXIX. – Num tu igitur, inquit Sulpicius, me, aut – Minime vero, inquit Cotta nunc enim te jam e\orc-
hune Cottam jus civile, aut rem militarem jubés discere? mus necesse est, quomam rétines nos in hoc studio, nec
Nam quis aù ista summa, atque in omni genere perfecta, ad aliam dimittis artem ut nobis explices, qiiidquid est
potest pervenire? istud, quod tu in dicendo potes. Neque enim sumus nions
-Tum ille, Ego vero, inquit, quod in vobis egregiam avidi ista tuamediocri eloquentia contenti sumus, idque
quamdam acprzec'aramiudolemaddicendumessecognovi, ex te quœrimus ( ut ne plus nos assequamur, qnam quan-
idcirco haec exposui omnia; nec magis ad eos deterrendos, lulum tu in dicendo assecutus es ), quoniain quae a na-
qui non possent, quam ad vos, qui possetis, exacuendos tura expetenda sunt, ea dicis non nimisdeesse nobis, quid
accommodavi orationem meam; et quanquam in utioque praeleroa esse assumendum putes.
ta.
s.
13.
XXX. Rien mon cher Cotta, dit Crassus en naire,
i rien qui réponde à votre attente, rien enfin
souriant, que ce zèle, ce noble enthousiasme, qui c nesoit connu de vous, commedetout le monde.
sans lequel on ne fait rien de grand sur la terre, Ainsi je conviens que j'ai commencé par ces étu-
et qui surtout est nécessaire pour atteindrele but des
c qui entrentdans l'éducation d'un homme bien
où ,vous tendez. Au surplus, je vois que vous né; t que j'ai rempli ma mémoire de tous les pré-
n'avez pas besoin d'être Jexcités vos instances ceptes
( rebattus de l'école. J'ai appris d'abord que
mêmes, un peu indiscrètes peut-être, me prou-> la fonction de l'orateur est de parlerde manière à
vent assez l'ardeur qui vous anime. Mais le désir persuader;
i que le discours a pour objet, ou une
d'arriver au but ne suffit pas, si l'on ne connaît question
( indéfinie, sans désignation de temps ni
leschemins quiy conduisent.Ainsi, puisquevous de ( personnes, ou une question déterminée par
ne m'imposez pas une tâche au-dessus de mes les considérations des temps et des personnes;
1

forces, que vous ne me demandez pas de vous que dans les deux cas, quel que soit le sujet de
exposer la théorie de l'art oratoire, mais de vous la contestation, on examine si le fait est arrivé;
rendre compte de mes propres idées, je veux puis, ] quelle en est la nature, ou quel nom il faut
bien vous satisfaire. N'attendez pas de moi quel- lui donner; ou encore selon quelques-uns, s'il
que découverte importante ou difficile, ni quel- est juste ou injuste; que la discussion a souvent
<

que système profond et imposant; je vous dirai pour objet l'interprétation d'un acte, lorsqu'il s'y
simplement quelle méthode je suivais dans ma trouve quelque équivoque, quelque contradic-
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jeunesse, lorsque j'avais le loisir de me livrer à tion, quelque opposition entre le sens et la lettre;
cette étude. que chacun de ces différents cas a ses moyens qui
-0 jour heureux pour nous, mon cher Cotta lui sont propres; que dans les causes qui n'ap-
1

s'écria Sulpicius. En vain j'avais employé les partiennent pas à la question générale on distin-
prières et l'artifice auprès de Crassus pour péné- gue deux genres, lc judiciaire et le délibératif;
trer sa méthode de composition et le secret de qu'il en existe encore un troisième, qui a pour
son éloquence en vain j'avais épié toutes les oc- objet l'éloge et le blâme; que chacun de ces trois
casions de m'en instruire auprès de Diphile, son genres a ses lieux (ou sources de développements);
lecteur et son secrétaire. Mais nos souhaits sont que dans le premier, par exemple, on cherche de
enfin accomplis; il va nous découvrir lui-même quel côté est la justice; dans le second, on exa-
ce que nous désirons depuis si longtemps savoir. mine ce qui est utile à ceux que l'on conseille;
XXXI. – Je crains bien, reprit Crassus, qu'a- que dans le troisième, enfin, on met en relief
près m'avoir entendu vous n'éprouviez moins tout ce qui est à l'avantage de ceux dont on fait
d'admiration que de regret d'avoir eu tant d'em- l'éloge; que tout l'art de la rhétorique se divise
pressementpoursipeude chose. Jevous le répète, en cinq parties; que l'orateur doit d'abord trou-
|
je ne vous dirai rien de nouveau ni d'extraordi- ver les matériaux de son discours, puis les ranger,

XXX. – Tum Crassus arridens, Quid censés, inquit, nihil exspeclatione vestra dignum; nihil aut inauditnm
Cotta, nisi studium, et ardorem quemdam amoris? sine vobis, aut cuiquamnovum. Nam principio illud,qnod est
quo quum in vita nibil quidquam egregium, tum certe homine ingenuoliberaliterque educato dignum, non negabo
hoc, quod tu expetis, nemo unquam assequetur. Neque me ista omnium communia et contrita praecepta didicisse
vero vos ad eam rem video esse cohorlandos; quos, quum primum, oratoris officium esse, dicere ad persuadendum
mihi quoque sitis molesti nimis etiam flagrare intelligo acconunodate; deiude, esse omnem orationem aut de iu-
cupiditate. Sed profecto studia nihil prosunt perveniendi Imitée reiquaestione, sine designatione personarum et ten>
aliquo, nisi illud, quod eo, quo intendas, fer»! deducat- porum aut de re certis in personis ac temporibus locata.
que, cognoris. Quare, quoniam mihi levius qnoddam onus In utraquë autem re quidquid in controversiam veniat, in
ùnponitis, neque ex me de oratoris arte, sed de liac mea, eoquaeri solere, aut factumne sit, aut, si est factum,
quantolacumqueest, facultate queeritis, exponam vobis quale sit, aut etiam quo nomine vocetur,aut, quod nonnul-
quamdam,-non aut perreconditam, aut valde difficilem li addunt, rectene factum esse Tidealur. Exsiatere autem
aut magnificam, autgravem rationem consueludinis meae controversias etiam ex scripti interpretatione, in quo aut
qua quondam solitus sum uti, quum mihi in isto studio ambiguë quid sit scriptum, aut contrarie, aut il;i,ut a
veisari adolescenti licebat. sententia scriptum dissideat his autem omnibus partibus
– Tum Sulpicius, ôdiem,Cotta, nobis,inquit,optatum! subjecta quaedam esse argumenta propria. Sed causarum,
quod enim neque precibus unqnam, nec insidiando, nec quae sint a communi quœstione sejunctse partim in judiciis
speculando assequi potui, ut, quid Crassus ageret, medi- versai partim in deliberationibus esse etiam genus ter-
tandi ant diceudi causa, non modo videre mihi, sed ex tium, quod in laudandis aut vituperandis homimbus pone-
ejus scriptore et lectore Dipliilo suspicari liceret; id spero retur certosque esse locos, quibus in judiciis uteremur,
nos esse adeptos, omuiaque jam ex ipso, quae diu cnpi-
in quibus aequitas quœreretur; alios in deliberationibus,
mus, cognituros. qui omnes ad utilitatem dirigerentur eorum, quibus cou-
XXXI. – Tum Crassus, Atqui arhilror, Sulpici quum silium daremus; alios item in laudationibus, in quibus ad
audieris, non tam te haec adinii alunim quae dixero, quam personarum dignitatem omnia referrentur. Quumque esset
e-ùstimaturum tum, quum ea audire eupiebas causam, omnis oratoris vis ac facultas in quinque partes distributa,
cur curetés, non fuisse. Nihil enim dicitin reconditum, ut deberet reperire primum, quid diceret; deinde inventa
DE L'ORATEUR, LIV. I.
non-seulement dans un ordre convenable,
\iranoTil/ïmais dant,
mnio fïont1
( je
tn le pÀruif aje suis loin de vouloir rejeter
ta répète,
lesdistribuer avec sagesse, de manière à leur l'art des rhéteurs. S'il n'est pas, pour l'orateur,
donner plus de force; les embellir des ornements d'une absolue nécessité, c'est du moins une
de style; ensuite les imprimer fortement danssa connaissance digne d'orner son esprit. Il y a cer-
mémoire; enfin, les débiter avec grâce et avec tains exercices oratoires auxquels je vous con-
noblesse. J'appris encore qu'avant d'arriver au seillede vous livrer, quoique déjà avancés comme
fait, il faut commencer par nous concilier les vous l'êtes dans la carrière. Ils seront encore plus
auditeurs, puis exposer le fait, établir le point de utiles à ceux qui se disposent à la parcourir ce
laquestion, faire valoir nos moyens, réfuter ceux sont comme des combats simulés par lesquels
des adversaires; enfin, en terminant le discours, ils se formeront d'avance aux combats plus sé-
amplifier et rehausser ce qui nous est favorable rieux du forum.
atténuer et détruire ce qui nous est contraire. – Nous serions curieux, dit Sulpicius, d'avoir
XXXII. J'étudiais aussi les moyens d'orner là-dessus même votre opinion. Ce n'est pas que
un discours ces moyens sont d'abord la pureté nous ne désirions vous entendre développer les
et la correctiondu langage; ensuite, la netteté et préceptes que vous n'avez fait qu'effleurer tout à
la clarté; puis l'élégance; enfin, la bienséance l'heure; matière qui du reste n'est pas tout à
et la convenance du style avec le sujet. J'appris fait nouvelle pour nous. Mais nous y reviendrons
tout ce qu'on enseigne sur chacune de ces quali- plus tard. Pour le moment, faites-nous connattre
tés. Je vis même que l'art avait donné des règles votre sentiment sur les exercices dont vous venez
pour les choses qui dépendent le plus de la na- de nous parler.
ture. Je saisis quelques préceptes assez courts sur XXXIII. J'approuve sans doute, reprit-il,
l'action et sur la mémoire; mais j'eus soin d'y l'usage où vous êtes de supposer une cause à peu
joindre im exercice assidu. près semblable à celles qui se plaident au bar-
Voilà à peu près tout ce que contient la doc- reau, et de la traiter comme une cause véritable.
trine des rhéteurs. J'aurais tort de prétendre Mais en se livrant à cet exercice, la plupart ne
qu'elle est inutile elle éclaire l'orateur, elle guide songent qu'à développer leur voix sans lui don-
sa marche; elle lui montre le but où il doit ten- ner les inflexions convenables; ils cherchent la
dre, et l'empêche de s'en écarter. Toutefois ne volubilité de la langue et l'abondancedes mots.
nous abusons pas sur la puissance des préceptes Ils ont entendu dire qu'en parlant on apprend à
ils n'ont pas formé les grands orateurs; mais on parler, et c'est ce qui les abuse. On dit aussi, et
a observé la marche qu'avaitsuivie le génie guidé avec autant de vérité, qu'en parlant mal on ap-
par la nature, et on a cherché à suivre ses tra- prend à mal parler. Si donc il est utile, dans les
ces. Ainsi ce n'est pas l'éloquence qui est née de exercices de ce genre, de parler souvent sans
l'art, mais l'art qui est né de l'éloquence. Cepen- préparation, il l'est plus encore de prendre du

non solum ordine sed etiam momento quodam atque ju- nés eloquentes facerent, ea quosdamobservasse, atque id
dicio dispensare atque componere tum ea deniquevestire egisse sic esse non eloquentiam ex artificio, sed arlifitium
atque ornare oratione; post memoria sepire ad extremum ex eloquentia natum: quod tamen, ut ante dixi, non eji-
agere cum dignitate aevenustate etiam illa cognoram, et cio est enim, etiamsi minus necessarium ad bene dicen-
acceperam antequamde re diceremus, initio conciliandos dum tamen ad cognoscendum non illiberale. Et exercita-
eorum esse animos, qui audirent; deinde rem demon- tio quaedam suscipiendavobis est quanquam vos quidem
strandam postea controversiam constitiiendam tum id jampridem estis in cursu sed iis, qui ingrediuntur in sta-
quod nos intenderemus, confirmandum;post, quae contra dium, quique ea, quae agenda sunt in foro, tanquam in
dicerenlur, refeUenda; extreina autem oratione, ea, quœ acie, possunt etiam nunc exercitatione quasi ludicra pra'-
pro nobis essent, amplificanda et augenda; quaeque essent discere ac meditari.
pro adversariis infirmanda atque frangenda. Hanc ipsam, inqnit Sulpicius, nosse volumus atta-
XXXII. Audicram etiam, qua! deorationis ipsius orna- men ista, quœ abs te breviter de arte decursa sunt audire
mentis traderentur in qua prœcipitur primum,ut pure et cnpimus, quanquam sunt nobis quoque non inaudita. Ve.
latinc loquamur deinde ut plane et dilucide; tum ut or- rum illa mox nunc, de ipsa exercitatione quid sentias
ïiate post ad rerum dignitatem apte et quasi décore sin- quœrimus.
Eularumque rerum prœcepla cognoram. Quin etiam, quœ XXXIII. Equidem probo ista, Crassus iuqnit, quae
maxime propria essent naturae, tamen his ipsis artem vos facere soletis ut, causa aliqua posita consimili causa-
adliiueri virleram nam de actione et de memoria quaedam rem earum, qnœ in forum deferuntur, dicatis quam ma-
brevia, sed' magna cum exercitatione praecepta gnstaram. xime ad veritatem accommodate. Sed plerique in hoc vo-
In bis en im fere ebus omnis istorum artificum doctrina rem modo, neque eam scienter, et vires exercent suas et
versatur, ^uam ego si nihil dicam adjuvare, mentiar. Ha- linguse celeritatem incitant, verborumque frequentiadele-
bel enim quœdam quasi ad commonendum oratorem, quo ctantur. ln quo fallit eos, quod audierunt, dicendohomines,
quidque referai, et quo iutuens, ab eo, quodcumque sibi ut dicant, efficere solere. Vere enim etiam illuot dicitur,
proposuerit, minus abcrret. Verum ego hanc vim intelligo perversedicerc, homines, perverse dicendo, facillime con-
esse in prœceplis omnibus, non ut ea secuti oratores, elo- sequi: Quamobrem in istis ipsis exercitationibus,etsintHe
quentisc laudem sint adejiti,sed, quae sua sponte homi- est, etiam subito sœoe dicere tamen illud Mili'JS, sum<»
temps pour réfléchir, méditer son sujet, et le gement dans la diction. Comme un navire tance
traiter avec soin. Mais la méthode, sans contre- sur les flots, si les rameurs viennentà suspendre
dit la plus efficace, et convenons-en, celle que l'effort de leurs bras, s'avance encore et conti-
nous suivons le moins à cause du travail qu'elle nue à voguer quoique la rame ne le pousse plus,
exige, c'est d'écrire beaucoup. La plume nous ainsi la marche du discours n'est pas interrompue
forme à bien dire; c'est là le premier et le plus au moment où l'orateur a cessé d'écrire; mais ce
habile des maîtres vous voyez pourquoi. Autant premier travail devient comme une inspiration
une improvisation soudaine et rapide est infé- puissantequi le soutient et l'anime.
rieure an discours préparé d'avance par la mé- XXXIV. Dans tes études de ma première jeu-
ditation, autant celui-ci même le cédera à une nesse, j'essayai d'un exercice que je savais avoir
composition écrite avec soin, et épurée par un été employé par C. Carbon, qui fut depuis mon
travail assidu. Alors tous les développements, ennemi. Je lisais avec attention, soit une tirade
tous les traits saillants que le sujet peut fournir, de beaux vers, soit un morceau de bonne prose
qu'ils soient du domaine de l'art, du goût ou du et lorsque je m'en étais bien pénétré je les ré-
génie, si par une vive contemplation l'esprit s'ap- pétais, mais en employant d'autres termes, et les
plique à les saisir, se présentent comme d'eux- meilleurs que je pouvais trouver. Je ne tardai
mêmes et se dévoilent à nos regards; alors les pas à m'apercevoir du vice de cette méthode. En-
pensées les plus brillantes, les expressions les plus nius, si je m'étais exercé sur quelqu'une de ses
heureuses, selon la nature de la composition, poésies, ou Gracchus, si j'avais fait choix d'un de
viennent nécessairementse placer sous la plume, ses discours, avaient toujours employé les ex-
les mots se rangent dans un ordre régulier, et les pressions les plus justes et les plus heureuses
périodes s'arrondissent, non pas avec l'harmonie ainsi cet exercice m'était inutile si je me servais
du langage des poëtes, mais avec ce nombre qui des mêmes termes, et il devenait dangereux si j'en
convient à l'éloquence oratoire. Voilà ce qui, cherchais d'autres, parce qu'il m'accoutumait à
dans les grands orateurs, excite les acclamations en employer de moins bons. Plus tard, je m'ar-
et l'enthousiasme. En vain se serait-on exercé rêtai à une autre pratique, c'était de traduire les
mille fois à ces déclamations improvisées; on ne harangues des grands orateurs de la Grèce. Ce
produira jamais ces grandseffets, si l'on ne s'est travail me fut utile en donnant une forme latine
appliqué longtemps à écrire. Celui qui apporte à ce quej'avais lu en grec, non -seulement je pou-
à la tribune cette précieuse habitude obtient en- vais me servir des meilleuresexpressionsen usage
coreun rare avantage, c'est que, lors même qu'il parmi nous, mais l'imitation me conduisait à en
parle sans préparation, il semble encore avoir imaginer d'autres qui, pour être nouvelles dans
écrit tout ce qu'il dit et si après n'avoir confié notre langue n'en étaient pas moins heureuses.
au papier qu'une partie de son discours, il s'a- Pour ce qui concerne la voix, la respiration, le
bandonne pour le reste aux inspirations de sa geste, les mouvements de la langue, on a moins
pensée, l'auditeur ne s'apercevra d'aucun chan- besoin d'art que d'exercice. Le point impor-

spatio ad cogitanmim parctius atque acenratius dicere. reliqua similis oratio corisequetur. Ut concilato navigio,
Caputautem est, quod utvere dicam, minime facimus (est quum rémiges inhibuerunt retinet tamen ipsa navis motum
enim magni laburis, quem plcrique fugimus) quam pluri- etcursum suum, intermisso impetu pulsuque remorum
mum scribere. Stylus optimus et prreslimlissimus dicendi sic m oratione perpetua, quum scripta deficiunt, parem ta-
^fïector ac magisler neque injuria. Nam si subitam et for- men obtinetorafio reliqua cursum, scriplorum similitudine
tiritam orationem commentatio et cogitatio facile vincit; et vi concitata.
liane ipsamprofectoassidua ac diligens scriptuia superabit. XXXIV. ln quotidianis autem cogitationibus equidem
Omnes enim, sive artis sunt Ioci sive ingenii cujusdam at- milii adolescentulus proponere soleham illam exercitatio-
que prudentiœ qni modo insunt in ea re, de qua scribi- nem maxime, qua C. Carbonem, nostrum illum inimicum,
mus, anquirentibus nobis omnique acie ingenii contem- solitum esse uti sciebam ut aut versibus propositis quam
plantibus ostendunt se et occummt omnesque sentenline maxime gravibus aut oratione aliqua tecta ad eum finem
verbaque oiunia quœ sunt cujusque generis maxime illu- quem memoria possem comprehendere, eam rem ipsam,
sfriu sub acumen styli siibeant et succédant necesse est; quam legissem, verbis aliis quam maxime possem lectis
tum ipsa collocalio conformatioque verbornm perficitur in pronuDtiarem. Sed post animadverli, hoc esse in hoc vitii,
cribendo non poetico sed quodam oratorio numero et quod ea verba quai maxime cujusque rei propria, quaeque
mode. Ha» sunt, quœ clamores et admirationes in bonis essent ornatissima atque optima, occupasset aut iinnius,
oratoribus efficiunt neque ea quisquam, nisi diu multum- si ad ejus versus me exercerem aut Gracclius si ejus ora-
Que scriptilarit,
etiamsi vehementiasime 8e in liis subitis tionem mihi forte proposuissem. Ita, si iisdem verbis ute-
diclioninus exercuerit consequetur et qui a scribendi rer, nihil prodesse, si aliis, etiam obesse, quinn minus
çonsuetudine ad dieeudum venit, banc affert facuitatem, idoneis titi consuescerem. Postea mibi placuit, eoque sum
ut, etiam subito si dicat, tamen illa, quœ dicantur, similia ususadolescens, utsummorumoratorumgraecas orationes
ecriplorum esse videantur; atque etiam, si quando in di- explicarem.Quibus]ectishocasse<juebar,ut,quun\ea,qua:
cendo striptum attulerit aliquid quum ab eo diseesserit, legerem grasce, latine redderem,non solum optimis verbis
tant est de bien choisir les modèles sur lesquels père de famille auquel vous vous fussiez adressés
pi
on veut se former. Nous devons étudier hon-seu- dans un cercle, vous en eût dit autant.
di
lement la manière des orateurs, mais même celle XXXV. Lorsque Crassus eut fini de parler,
des bons comédiens, si nous voulons ne contrac- chacun gardait le silence. Sans doute il en avait
et
ter aucune habitude vicieuse. Pour cultiver notre di assez, devant de tels auditeurs, pour répon-
dit
mémoire, nous apprendrons, par cœur, le plus dre aux questionsqui lui avaient été faites; mais
di
qu'il nous sera possible, et nos propres ouvrages chacun d'eux trouvait néanmoins cette réponse
cl
et ceux des autres. Je ne m'oppose pas à ce qu'on plus courte qu'il ne l'eût souhaité. Alors Scé-
pi
s'aide, si l'on en a l'habitude, de ces moyens ar- vola
v< s'adressant à Cotta Eh quoi 1 vous gardez
tiflciels qui se tirent de l'image des lieux et de le silence; n'avez-vous donc plus rien à demander
la configuration des objets. Lorsque l'éloquence à Crassus? C'est à quoi je pensais, répondit
se sera fortifiée ainsi dans le silence de la
retraite, Cotta; car le discours de Crassus a été si rapide,
C
il faut la produire sur l'arène, et au milieu des s< pensées se sont succédé avec tant de vitesse,
ses
cris et du tumulte du forum, l'accoutumer à af- q j'en ai bien senti le mouvement et la force,
que
fronter les dangers comme sur un champ de ba- n que je n'ai pu en bien suivre la marche. Je
mais
taille il est temps de braver les regards du public ressemble
ri à un homme qui serait entré dans une
de faire l'essai de ses forces, de passer des études maison
n magnifique et remplie des objets les plus
solitairesaux réelles et sérieuses épreuves. On doit précieux,
p mais où les étoffes, l'argenterie, les
encore étudier les poëtes, connaître l'histoire, statues
si et les tableaux, au lieu d'être exposés au
lire et relire les bons écrivains et les maîtres en grand
g jour seraient serrés à l'écart et soigneuse-
tout genre puis, pour se former le goût, les louer, ment
n couverts. Ainsi Crassus vient de nous mon-
les commenter, les corriger, les blâmer, les réfu- trer
ti comme à travers un voile les trésors de son
ter; soutenir successivementsur toutes choses le esprit
e j'étais impatient de les contempler, et a
employer toutes ppeine ai-je eu le temps de les apercevoir. Je ne
pour et le contre, savoir prouver et
les ressources qu'un sujet peut fournir. Ajoutez saurais
s donc prétendre qu'ils me soient tout à fait
la science du droit civil, l'étude des lois, la con- inconnus,
il et je ne puis dire non plus que j'en aie
naissance de l'antiquité des usages du sénat, des une
u idée bien distincte. Que ne faites-vous
principes de notre gouvernement, des droits des donc,
d reprit Scévola, ce que vous feriez dans
alliés, des traités, des conventions, des différents cette
c maison magnifique dont vous nous parliez.
intérêts de l'empire. Il faut enfin répandre, sur Si
S les meubles en étaient voilés, et que vous
aimables eussiez le désir de les voir, vous n'hésiteriez pas
toutes les parties du discours, des grâces «

et piquantes, et le charme d'une agréable plaisan- àà prier le maître du logis de vous les faire décou-
terie. Voilà tout ce que je sais le premier bon vrir,
i surtout si vous étiez son ami. Adressez-vous
quaedam sale, perspergatur omnis oratio. Elîudi vobis omnia, qua!
utercr et tamen usitatis, sed etiam exprimerem s
sentiebam,
verba imitando, qua! nova nostris essent, dummodo es- arripuissetis
s quaî fortasse, quemeumque patremfamilias
sent idonea. Jam vocis, et spiritus, et totius
corporis et a ex aliquo circulo, eadem vofiis percuuctanti-
ipsius linguœ motus et exercitationes, non tam artis mdi- bus 1 respondisset
dih- XXXV. Hase quum Crassus dixisset, silentium est con-
gent, quam laboris; quibus in rebus liabenda est ratio
secutum. Sed quanquam satis iis, qui aderant, ad id,
genter, quos imitemur, quorum similes velimus esse. In- squod
tuendi nobis sunt non solum oratores, sed etiam actores c eratpropositum,dictumvidebatur, tamen sentiebant
deformitatem pravita- crferius esse multo, quam ipsi vellent, ab eo peroratum.
ne mala consneludine ad aliqnam (
ediscen- – Tura Scaevola, Quidest, Cotta, inquit, qnid tacetis? nihilne
temque veniamus. Exercenda est etiam memoria, alienis. vohis in
dis ad verbum quam plurimis et nostris scriptis et i mentem venit, quod prœterea a Crasso requiratisr
Atque in ea exercitatione non sane mihi displicet adlùbere -Imo id mehercule, inquit, ipsum attendo. Tantus enim
si consuens, etiam istam locorum simulaciorumque
ratio- cursus verborum fuit, et sic evolavit oratio, ut ejus vim
nem quae in arte traditur.
Educenda deinde dictio est ex
atque
<

i incitationem adspexerim, vestigia ingressumquevix


hacdomestica exercitatione et umbratili medium in agmen, videiïm et tanquam in aliquam locuplelem ac refertam
t'a- domum venirein, non explicata veste, neque proposito
in pulverem, in clamorem, in castra, atque in açiem
rensem. Subeundus usus
omnium, et periclitandae viress argento, neque tabulis et signis propalam coUocatis, sed
ingenii et illa commentatio inclusa in veritatis lucem pro- his omnibus multis magnificisque rcbus constructis ac re-
ferenda est. Legendi etiam poetse cognoscenda historia, conditis sic modo in oratione Crassi divitias atque orna-
i,
omnium bonarum artium scriplores ac doctoreset legendi, mentaejusingeniiperquœdaminvolucraatqueintegumenta
perspexi sed ea quum contemplari cnperem vix adspi-
et pervolutaudi et exercitationiscausa laudandi interpre-e ciendi
tandi, corrigendi, vituperandi, refellendi disputandumque potestas fuit. Ita neque hoc possum dicere, me
de omni re in contrarias partes, et, quicquid ent^n qua-
omnino ignorare quid possideat, neque plane nosse ac
quod probabile videri possit, eliciendum atque di-i- vidisse. – Quin tu igitur facis idem, inquit Scœvola,
que re,
cendum. Peréiscendum jus civile, cognoscendœ leges, quod faceres, si in aliquam domum, pienam ornamento-
percipienda omnis antiquitas, senatoria consuetudo, di-i- rum,villamvevenisses?Siea seposita, ut dicis, essent,
dubitares rogara
sciplina reipublicœ, jura sociorum, fœdera pactiones. tu valde spectandi cupidus esses; non
causa imperii cognoscenda est. Libandns etiam ex omni
u dominum, ut proferri juberet, praeaertim si esses familia.
n ris. Similiter nunc peles a Crasso, ut eain copiam orna-
genere urbanilatis faceUarum quidam leposjquo, tanquam
de même à Crassus il a accumulé dans un espace vous aussi que je puisscavoir lamême indifférence
trop étroit des richesses qu'il ne nous a laissé en- pour ces autres connaissances,que vous regardez
trevoir qu'en passantet comme à travers une gaze comme nécessaires à l'orateur, la philosophie, la
priez-le de nous les montrer au graud jour, en morale, l'art d'exciter ou de calmer les passions,
rangeant chaque objet à la place qui lui convient. l'histoire, l'antiquité, l'administration de l'État,
C'est à vous, Scévola, à nous rendre ce ser- enfin le droit civil dont j'ai fait une étude parti.
vice ni Sulpicius ni moi n'oserions faire cette culière ? Je savais bien que vous possédiez tous ces
demande à Crassus. Nous savons qu'il dédaigne trésors de sciences; mais je n'avais jamais vu
ce genre d'entretien, et nous croirions compro- qu'un tel luxe de connaissances fût exigé de l'ora-
mettre la gravité de son caractère si nous le ra- teur. Pouvez-vous, dit Crassus (car je passe
baissions à ces éléments qui peut-être lui semblent sous silence une multitude d'objets importants
tout au plus dignes d'occuper l'enfance. Mais pour en venir tout de suite à votre droit civil),
vous-même, soyezmotre intercesseur, et obtenez pouvez-vous donner le nom d'orateurs à des igno-
de Crassus qu'il étende et développe davantage rants, tels que ceux dont la sottise fit rire d'indi-
ce qu'il a resserré dans un discours trop succinct. gnation et de pitié votre aïeul Scévola, et le retint
– Si j'ai désiré, lui répondit Scévola, qu'il en-
trât dans ces détails c'était plutôt pour vous que
pendant plusieurs heures, quoiqu'il fût pressé de
se rendre aux comices c'était Hypséus, qui, plai-
pour moi. J'aime mieux l'entendre plaider au dantpourun pupille devant lepréteurM. Crassus,
barreau que discuter sur les bancs de l'école. Ce- prodiguait les cris et les paroles, et se donnait
pendant, Crassus, puisque nous avons plus de tout le mal imaginable pour faire perdre la cause
loisir que nous n'en avons eu depuis longtemps, à son client; tandis que de l'autre côté Cn. Octa-
c'est aussi en mon nom que je vous prie d'élever vius, homme consulaire, dans un discours non
l'édifice dont vous nous avez montré les dessins. moins long, voulait à toute force empêcher sa
Je suis charmé de votre plan et je ne croyais pas partie adverse de perdre la sienne et son client
qu'il fût possible d'en concevoir un si beau et si d'être affranchi, par la maladresse de son adver-
régulier. saire, d'un compte de tutelle qu'il ne pouvait
XXXVI. Je m'étonneScévola, dit Crassus, rendre sans se couvrir de honte? Non; loin de
que vous aussi vous vouliez m'obliger à parler lesmettreaunombre des orateurs, je ne les trouve
sur des matières que je ne possède pas aussi bien pas même dignes de figurer au barreau et je me
que ceux qui les enseignent, et qui, lors même rappelle que Scévola était du même avis. Ce-
que je les posséderais, ne méritent pas d'arrêter pendant, ajouta Crassus, ce n'était ni l'éloquence,
l'attention d'un homme aussi éclairé que vous. ni la méthode, ni la facilité qui leur manquait;
Eh quoi répondit Scévola, si vous pensez que mais ils ignoraient le droit civil l'un, en invo-
ces préceptes vulgaires de la rhétorique offrent quant la loi des Douze Tables, demandait plus
peu d'intérêt à un homme de mon âge, pensez- que cette loi n'accordait et il ne pouvait obtenir

inentorum suorum, quani constructam uno in loco, quasi possumus,quœ tu oratoricognoscenda esse diusti, denatn-
per transennam praetereuntes strictim adspexiiiius, in lu- ris hominum, de moribus, deratiombusiis,quibushorni-
cem proférât et suo quidque in loco collocet. -Ego vero, nnm mentes et incitarentur et reprimerentur, de historia-
inqràt Cotla a te peto, Scarvola ( me enim, et hune Sul- de antiquitate, de administratione reipublicœ, denique
picium itnpedit pudor ab homine omnium gravissimo,qui de nostro ipso jure civili? Hanc.enim ego omnem scien-
genus bujusmodi dispulationis semper contemserit, hœc, tiam, et copiam rerum in tua prudentia sciebam inesse;
qnfe isti forsitan puerorum elementa videautur, exquirere ) in oratoris vero instrumento tam lautam supellectilem
sed tu hoc nobis da, Scœvola, et perfice, ut Crassus haec, nunquam videram. Potes igitnr, icquit Crassus ( ut
quœ coarctavit et peranguste refersit in oratione sua, di- alia omittam innumerabilia et immensa, et ad ipsum
latet nobis atque explicet. -Ego mehercule, inquit Mu. tuum jus civile veniam), oratores pulare eos, quos militas
cius, antea vestra magis hoc causa volebam, quant mea horas exspectavit, quutti in campum properaret et ridens
neque enim tantopere banc a Crasso disputammem deside- et stomachans Scœvola, quum Hypsoeiis maxima voce,
rabani, quantopere ejus in causis oratione dclector nunc plurimis verbis, a M. Crasso. prœtote conlenderet^ itt ei
vero, Crasse, mea quoque etiam causa logo, ut quoniam quem defendebat, causa cadere liceret; Cn. autem Octa-
tantum habemus otii quantum jamdiu nobis non contin- vius, liomo consularis, non minus longa oratione recusa.
git, ne graveris exaedincare id opus, quod inslitiiisti. For- ret, ne adversarius causa caderet, ne ne is, pro quo ipse
mam euim totius negotii opinione majorem melioremque diceret, turpi tuteko judicio, atqne omni molestia, stulti-
video; quam vehementer probo. –
lia adversurii liberarctur? Ego vero istos, inquit ( me-
mini enim mihi narrare Mucium) non modo oratoris no-
XXXVI. – Enimvêro inquit Crassus, mirari satis non
queo etiam te haec, Scœvola desiderare, quœ neque ego
irniie, sed ne foroquideni dignes putarim. Atqui non
leneo, utii.qui docent; neque suntejus generis, nt, si defuit illis patronis, inqnit Crassus, eloquentia, neque
optime tenerem, digna essent ista sapientia ac tuis auribus. dicendi ratio aut copia, sed juris civilis prudentia quod
– Ain tu? inquit ille. Si de istis commnnibus et pervaga- alter pins, lege agendo, petebat, quam quantum le. in
tis y'a liuic wtali audiendum putas etiamne iUa negligere XII Tabulis permiserat quod quum impelrasset, causa
sa demande sans perdre sa cause l'autre trou- où 01 il vivait? ne fut-il pas tout à la fois le plus ha-
h jurisconsultede son temps? Ce n'est pas sans
vait injuste qu'on demandât plus que ne portait bile
la formule, et il ne voyait pas que la partie ad- quelque
q embarras que je parle ainsi devant un
b
verse, s'il l'eût laissé faire, aurait peidu son homme éloquent, que je mets au premier rang
procès. des orateurs, et qui a toujours montré le plus
di
XXXVII. Ces jours derniers, comme je servais grand g dédain pour le droit civil; mais puisque
d'assesseur à mon ami Q. Pompée, préteur de la vous vi voulez connaitre mes opinions et le fond de
ville, n'ai-je pas vu un de ces avocats, à qui l'on ma iï pensée, je ne dois rien vous taire, et autant'
accorde du talent plaidant pour un débiteur, que q je pourrai, je vous ferai part de tous mes
réclamer le privilége en usage pour les dettes sentiments.
s(
payables à terme? Il ne sentait pas que ce pri- XXXVIII. Telle estl'étendueextraordinairedu
vilége avait été établi en faveur des créanciers, talent ta d'Antoine, que sans la science du droit il
au lieu que s'il eût prouvé au juge que la demande peut, p avec les seules armes de sou génie, faire
en payement avait été faite avant l'échéance, ce triompher
ti les causes qu'il défend. Ainsi, je com-
créancier eût perdu son privilège, pour avoir n mence par le mettre à part; mais quiconque,
formé la demande en justice avant les délais, excepté e lui, négligera cette étude, je ne crains
Qu'y a-t-il de pins honteux et deplus ridicule que pas p de l'accuserde paresse, et mêmed'effronterie.
de se donner pour le défenseur de ses amis, le pro- En E effet, venir se pavaner tous les jours au forum,
tecteur des faibles, l'appui des malheureux, le assiéger a le barreau et les tribunaux des préteurs,
vengeurdes opprimés, et de faire dans les choses entreprendre
e les causes les plus importantes, où
les plus simples des bévues qui nous rendent un il s'agit souvent, non d'un fait, mais d'un point
objet de pitié pour les uns, de mépris pour les de d droit; oser aborder les affaires soumises aux
autres? P. Crassus, notre parent, surnommé Di- centumvirs,c où se présentent d'innombrables
vès j et recommandable à tant d'autres titres, mé- questions
q de toute espèce sur les usucapions, les
t
ritait surtout des éloges, selon moi, pour avoir dit tutelles, les droits de race ou de famille les allu-
et répété à P. Scévola, son frère, qu'en vain il vionset v lesatterrissements, les esclaves etles per-
excellait dans le droit civil, s'il n'y joignait le sonness libres à qui l'impuissancede payer fait per-
secours de l'éloquence précepte que son fils qui ddre leurs droits; les servitudes de murs, de jours,
a été consul avec moi, a mis en pratique; et que dde gouttières les testaments cassés ou confirmés
pour lui, il n'avait pas voulu se charger des intérêts et c tant d'autres choses; quand on ne sait pas dis-
de ses amis, ni paraître au barreau, avantd'avoirtinguer t ce qui nous appartientet ce qui appartient
étudié les lois. Faut-il citer M. Caton? ne fut-il pasà àè autrui, ce qui fait le citoyen ou l'étranger,
aussi éloquent qu'on pouvaitrêtreàEomeau siècle l'homme libre ou l'esclave, c'est assurément une
1

caderet alter iniquum putabat plus secum agi, quam in


quod erat in actione, nequeintelligebat, si ila esset actum, omnium
c
hac civitate ferre maximam potuit, et juris civilis
peritissimus? Verecundius hac de re jamdudum
litem ativei-sarium perdituruin. loquor, qsiod adestvir in dicendo summus quem ego
XXXVri. Quid? his paucis diebns, Donne, nobis in tri- unum t oratorem maxime admiror; sed tamen idem hoc
bunali Q. Pompeii, prœtoris nrbani, familiaris nostri, semper g jus civile conlemsit. Verum, quoniam seotentias
sedentibus, homo ex numéro disertorum postulabat, ut atque opinionis meœ voluistis esse participes, nihil occul-
illi, undo peterelur, vêtus alque usitata exceptio darelur, ttabo,a
et quoad potero, vobis exponam, quid de quaque
cl'JUS pecuni^e dies fuisset? quod petitoris causa compara- re t sentiam.
tum esse, non intelligebat ut si illc inlitiator probassett XXXVIII. Antonii incredibilis quaedam, et prope sin-
judici, aute petitam esse pecuniam, quam esset coepta gularisi ( et divina vis ingenii videtur, etiamsi hac scientia
deberi petitor rursus quum peteret exceptioneexcludere- jjuris nndata sit, posse se facile ceteris armis prudentiae
tur, QUOD EA RES IN JUDICIUM AMTEA VENISSET. Quid ergo> tueri atque detendere. Quamobrem hic nobis sit exceptus
hoc fieri turpius, aut dici potest, quam eum, qui lianec ceteros vero non dubitabo primum inertie condemnare
personam susceperit, nt amicorum controversias causasque e sententia mea, post etiam irnpudentiœ. Nam volitare in
tueatur, laborantibus succurrat, eegris medeatur, afllictoss foro, hairere in jure ac prœtorum tribunalibus, judicia
excitet, hune in minimis tenuissimisque rebus ita labi, privata magnarum rerum obire, in quibus sœpe non de
ut aliis miserandus, aliis irridendus esse videatur? Equi- facto, sed de aequitate ac jure certetur, jactare se in causis
dem propinquum nostium,P. Crassum, illura Divilem, centumviralibus in quibus usucapionum, tulelarum,
genlilHatum a^iiationum aliuvioniim circumluvionnm
quum multis aliis rebus elegantein hominem et ornatum
tum prœcipue in hoc effwendum et laudandum pulo, quod} nexorum, maocipiorum, parietum, luminum, stillicidio-
quum P. Scaevolae frater esset, solitus est ei persiepe dicere,i rum.testamentorumruplorumautratoruuj.celeiaruinqae omnino,
neque illum in jure civili satis illi arti facere posse, nisi rerum innumerabiJium jura Tersentur, quum
dicendi copiam assumsisset ( quod quidem hic, qui me- >• quidsuum, quid alienum, quare denique civis aut pere-
iusignis est
cum cos. fuit, filius ejus, est consecutus); neque se antee gi inus servus aut liber quispiam sit, ignoret
causas amieorum tractare atque agere cmpisse, quam juss jmpndentiœ. Illa vero deridenda
arrogantia est, in mino-
civile didicisset. Quid vero ille M. Cato? nonne et elo- ril.us navigiis rudem esse se conliteri quinqi'eremes,ant
«juenlia lanla fuit, quantum illa tempora. atque illa artas s etiam majores, gubeinare didicisse. Tu mihi quum io
effronterie formelle. N'y a-t-il pas une témérité dans cette autre affaire qui fut portée au même
ridicule à prétendre diriger les galères à cinq tribunal ? Un étranger exilé avait obtenu la per-
1

rangs de rames et les plus forts vaisseaux, lors- mission de venir passer à Rome le temps de son
qu'on se reconnaît incapable de conduire la plus exil, et s'était attaché à un citoyen comme à un
petite barque? Quoi! dans votre sphère étroite patron. Il décède sans faire de testament. Le
vous ne sauriez passer le plus petit acte sans vous Romain réclame la succession par droit d'ap-
laisser tromper; vous signez sans hésiter des dis- plication. Ne fallut-il pas que son défenseur
positions qui contiennent laperte de votre client; éclaircît et débrouillât ce droit obscur et inconnu
et je vous confierais une cause importante! Au- jusque-là? Dans la cause de C. Sergius Aurata,
tant vaudrait, au milieu du Pont-Euxin, aban- que j'ai plaidée contre Antoine, toute ma défense
donner la conduite du vaisseau des Argonautes ne reposait-elle pas sur un point de droit? Ma-
au pilote inhabile dont l'ignorance aurait fait rius Gratidianus avait vendu une maison à Au-
périr un esquif dans le port. rata, sans faire mention, dans le contrat, d'une
Mais si toutes les causes, je ne dis pas seule- servitude dont elle était chargée. Je soutins que
ment les plus vulgaires, mais les plus importantes, le vendeur restait garant de tonte incommodité
peuvent offrir des questions de droit civil, de quel résultante d'uneservitudequ'il avait dû connaître
front un avocat ose-t-il s'en charger sans con- et qu'il n'avait pas déclarée. Notre ami Buccu-
naitre les lois? Quelle cause plus grave que celle léius, qui a bien quelque talent, et qui s'en croit
de ce soldat, dont on avait faussement annoncé plus encore, s'est mépris dans un cas à peu près
la mort à l'armée? Le père, abusé par cette nou- semblable, malgré ses connaissances en droit.
velle, fait un nouveau testament, institue un Il avait vendu une maison à L. Fufius en lui ga-
héritier, et meurt. Le soldat, de retour, porte rantissant les vues et les jours tels qu'ils étaient.
l'affaire au tribunal des centumvirs, et réclame Quelqu'un s'imagina de bâtir dans un quartier
l'héritage paternel, quoique déshérité par un tes- qu'on apercevait de cette maison; aussitôt Fu-
tament. N'est-ce pas ici une question de droit fius prit à partie son vendeur, prétendant que ce
civil? ne s'agit-il pas d'examiner si un fils peut nouveau bâtiment, quelque éloigné qu'il fût, en
être déchu de la succession de son père, lorsqu'il dérobant une partie quelconque de l'horizon,
n'a été ni institué nommémenthéritier ni formel- changeait les vues de sa maison. Qui ne se rap-
lement déshérité? pelle l'affaire récente de M. Curius et de M. Co-
XXXIX. Et dans cette cause que les centum- ponius ? qui ne sait quel intérêt elle fit naître?
virs ont jugée entre les Marcellus et les Claudius quel concours elle attira? Q. Scévola, mon con-
patriciens, qui réclamaient la même succession, temporain et mon collègue, l'homme du monde
les uns, par droit de famille en remontant à un qui est le plus profondément versé dans la con-
fils d'affranchi les autres, par droit de race, naissance du droit, qui a le plus de talent et de
les orateurs ne furent-ils pas obligés de discuter savoir, le plus d'élégance dans le style, et de
à fond ces deux droits? N'en fut-il pas de même subtilité dans le raisonnement, enfin que j'ai
circulodecipiareadversarii stipulatiuncula,qnum obsignes quod item in ccntumvirali judicio cerlatum esse accepi-
tabellas clientis lui, quibus in tabellis id sit scriptum quo mus, qui Romam in cxsiliurn venisset, cui Romfe exsu*
ille capiatur; ego tibi ullam causam majorem crommitten- lare jus esset, si se ad aliquem quasi patronum applicnis-
dam putem? Citins hercule is, qui duoruni scalmorum set, intestaloque esset moiluus nonne in ea causa jus
naviculam in purtu everterit, in Eux-ino Ponto Argonan- applicationis obscurum sane et ignotum, pateraclum ie
tarum navem gubernarit. judicio atque illustratum est a patrono? Qnid? nuper,
Q nid ? si ne pair» quidem causae sunt, sed sœpe ma. quum ego C. Sergii AuraUe contra hune nustrum Antonium
xime, in quibus certatur de jure civili; quod tandem os judicio privato causam defenderem; nonne omnis nostra
est illius patroni, qui ad eas causas sineulla scientiajuris in jure versata defensio est? Quum enim Marius Gratidia-
audet accedere? Quae potuit igitur esse causa major, quam nus aedes Auratœ vendidisset, neque, servire qnamdam
illiiismililis, de cujus morte quum domum falsus ab exer- carum aidium partem, in mancipii lege dixisset; défende1
cilu nuntius venisset, et pater ejus, re credita, testamcn. bamus, quidquid fuisset incommodi in mancipio, id si
tum mutasset, et, quem ei visum esset, ferisset lieredem, venditor scisset, neque déclarasse!, piœstare debere. Quo
essetque ipse mortuus res delata est ad centumviros, quidem in genere familiaris noster M. Bucculeius, hoir*
qnum miles domum revenisset, egissetque lege in lieredi- neque meo judicio stultus, et suo valdc sapiens, et ajnris
tatem palernam teslamento exheres filius. Nempe in ea studio non abhorrens, simili in re quodam modo nuper
causa quœsitum est de jure civili, possetne paternoruni erravil. Nain quum aedes L. Fufio venderet, in mancipio
bonorum exheres esse filius,quem pater testamentoneque lumina, titi tum essent, ila recepit. Fufius antem, simul
lieredem, neque exheredem seripsisset nominatim? atque œdi lirai i cceptum est in quadam parte urbis, quae
XXJC.IX. Quid? qua de re inter Marcellos et Claudios modo ex illis œdibus conspici posset, egit statim cum
patricios centumviri judicarunt qnnm Marcelli ab liberti Eucculeio, quod, cuicumque particute cœli ofliceretur,
filio stirpe, Claudii patricii cjusdem liominis liercdiUlem (juamvis cssct proen] înulariliiiniimputabat. Quid vero?
giuite ad se rediisse dicerenl; nonne in ea causa fuit ora- clarissin)» M:. Curii causa M.quc Coponii nuper apnd
toribusde lotoslirpisacgentilitatisjiiicdicciuluiiip Quid? centumviros, quo concursu hominum, qua ejspectationa
coutume d'appeler le plus grand orateur d'entre [1
les jurisconsultes et le plus grand jurisconsulte
d'entre les orateurs; Scévola, dis-je, défendaitIt
Coponius par la lettre même du testament; et il
soutenait qu'un homme institué héritier dans le
cas où un posthume viendrait à naître, et mour-
rait avant d'avoir atteint sa majorité, n'a pas de
droit à la succession, s'il ne naît pas de posthume.
Moi, je me fondais sur l'intention évidente du
testateur, qui avait été d'instituer Curius son
héritier, quand même il ne viendrait pas de pos-
thume dont il fût le tuteur. N'avons-nous pas été
forcés l'un et l'autre de citer à chaque instant des
autorités, des exemples, des formules de testa-
ments en un mot, de nous enfoncer dans le la-
byrinthe du droit civil?
XL. Je ne citerai pas une multitude d'autres
causes de la même importance. Souvent une af-
faire capitale peut dépendre d'un point de droit.
C. Mancinus, personnageconsulaire, recomman-
dable par ses vertus comme par sa naissance,
avait fait avec les Numantins un traité injurieux
à l'État. Le sénat mécontent, ordonna qu'il leur
serait livré par le chef des féciaux. Les Numan-
tins n'ayant pas voulu le recevoir, Mancinus re-
vint à Rome. Il allait reprendre sa place parmi
les sénateurs, lorsque le tribun P. Rutilius, fils
de M. Rutilius, s'y opposa, soutenant qu'il était
déchu du rang de citoyen romain, et que d'après
une ancienne coutume, quiconqueavait été vendu
par son père ou par le peuple', ou avait été livré
à l'ennemi par le chef des féciaux, avait perdu
tous ses droits sans retour. Quelle cause fut ja-
mais plus importante que celle où le rang, l'état,

defensa est? quum Q. Scœvola, œqualis et c o] lésa meus


homo omnium et disciplina juris civilis eruditissimus, et
ingenio prudentiaqiie acutissimus, et oratione maxime
limatus atque subtilis, atque, ut ego soleo dicere, juris
peritorum eloquentissimus, eloqnentium juris peritissi-
mus, ex scripto testamentorumjura defenderet, negaretque,
nisi postumus et natus, et, antequam in suam tutelam
raiisset, mortuus esset, heredem eum esse posse, qui
esset secundum postumum, et natum et mortuum hères
institutus ego volnntatem defenderem; hac eum tum
mente fuisse, qui testamentum fecisset, ut, si filius non
esset, qui in tutelam veniret, M*. Curius esset beres. Num
destitit uterque nostrum in ea causa, in auctoritatibus, in
exemplis, in testamentorum formulis, hoc est, in medio
jure cirili versari?
XL. Omitto jam plura exempla causarum amplissima-
rumquœ suntiunumerabilia: capitis nostri sœpe potest acci-
sic C. Mancinmn,
dere nt causae versentur in jure. Etenim
nobilissimum atque optimum virum, ac consularem,
qunm eum propter invidiam Numantini frederis paler pa-
tratus ex S. C. Numantinis dedidisset, enmque illi non
recepissent, posteaque Mancinus domum revenisset, ne-
que in senatum introire dubitasset; P. Rutilius, M. filius,
tribunus plebis, de senatu jussit educi, quml eum civem
negaret esse quia memoria sic esset proditum quem pater
suus aut populus vendiduset aut pater patratus dedidis-
courir le forum entouré d'un cortège nombreux, métrie, des lignes, des figures, des distances, des
offrant avec complaisance sa protection à ses grandeurs; l'astronomie, les révolutions du ciel,
clients, son appui à ses amis, et à tous ses con- les mouvements, le lever et le coucher des astres;
citoyens le secours de 'son génie et de ses lu- la grammaire, l'explication des poëtes, l'étude
mières, n'est-ce pas, je le demande, le comble de l'histoire, la valeur des mots, et leur pro-
de l'impudence? nonciation enfin la rhétorique, l'invention et
XLI. A ce juste reproche d'impudence il faut la disposition des idées, les ornements du dis-
ajouter celui d'une coupable paresse. Si l'étude cours, la mémoire et l'action. Mais ces différen-
du droit exigeait beaucoup de peines et d'effort, tes parties, ou étaient mal connues, ou étaient
son utilité serait encore un motif suffisant pour disséminées de toutes parts. Il a donc fallu cher-
faire triompher des obstacles. Mais, ce que je cher hors des arts eux-mêmes une méthode qui
n'oserais pas dire devant Scévola, s'il ne le ré- pût réunir tous ces éléments détachés, et les en-
pétait lui-même tous les jours il n'est point d'art chainer entre eux par des liens étroits. Or, cette
dont la connaissance soit plus facile à acquérir. méthode, les philosophes prétendent qu'elle leur
Si cette opinion n'est pas généralement adoptée, appartient tout entière.
on peut en donner plusieurs raisons. D'abord, Commençons donc par définir le droitcivil une
ceux qui dans les siècles précédents ont possédé science qui maintient une exacte et impartiale
cette science, en ont fait un mystère pour aug- équité dans les différents rapports des citoyens
menter leur crédit ensuite, lorsqu'ellefut mieux entre eux. Ensuite nous distinguerons les genres
connue, et que Cn. Flavius eut exposé les diver- en les réduisantà un nombre limité. Le genre est
ses formes d'actions, il ne se trouva personne ce qui renferme deux parties, ou davantage, sem-
qui sût donner à tous ces éléments un ordre mé- blables entre elles par un caractère commun, mais
thodique. En effet, pour,réduireen art des obser- différentes par quelque chose de particulier. Ces
vations éparses, il ne suffit pas de bien connaî- parties ou espèces sont des subdivisions du genre
tre le sujet qu'on traite; il faut encore avoir le qui les comprend toutes. Il faudrait ensuite dé-
talent de réunir ces observations dans un corps terminer par des définitions la valeur des mots
de doctrine. Mais je m'aperçois qu'en voulant par lesquels ces genres et ces espèces sont dési-
être précis, je deviens obscur; je vais tâcher de gnés car une définition n'est autre chose que
me faire mieux entendre. l'explication exacte et précise de tout ce qui est
XLII. Toutes les parties dont se compose au- propre l'objet que nous voulonsfaire connaître.
jourd'hui la théorie des arts étaient autrefois J'aj outerais ici des exempl es, si je ne me rappel ais
éparses et ne formaient point d'ensemble. On sa- quels sont ceux à qui je m'adresse. Voici donc en
vait bien que la musique, par exemple, a pour ob- peu de mots ce que je veux vous dire. Si je puis
jet des mesures, des tons et des modes; la géo- réaliser un projet que j'ai formé depuis long-

foro, prasidiumclientibus, atque opem araicis, et propee tervalla, magnitudines; in astrologia cœli conversio,
i
cunctis civibus lucem ingenii et consilii sui porcigentem orius, obitus,motusquesideium;in grammaticis, poela-

est?
i
at.|iit- tendentem nonne in primis flagitiosum putandum rmn pertractatio, historiarum cognitio, verborum inter-
prelatio, prommtiandi quidam sonus in hac denique ipsa
XLI. Et qiioniamde impudentia dixi, castigemus etiami ratione dicendi exeogitare ornare ,disponere mcniinisse,
segnitiem hominnm atque inertiam. Nam si esset ista co- agere; ignota quondam omnibus, et diffusa late videban-
gnitio jiuis magna acdifficilis, tamen utUitafismagnitudode- tnr. Adhibita est igitur ars qusdam extrinsecus ex alio
berethomincs ad suseipiendiimdiscendilaboremimpeliere. genere quodam, quod sibi totum philosophi assumunt,
Sed, odii immorfaies non diceremhoc,audienteSccevola, quscreni dissolutam divulsamqneconglulinaret, et ratione
nisi ipse dicere soleret, nullius artis faciliorcinsibi cognitio- quadam constringeret.
nem videri. Quod quidem certis de causis a pleiïsque aliterr Sit ergo in jure civili finis liic légitima) atque usitatœ
existimatur primum, quia veteres illi, qui liuic scientiae rebus causisque civium gequabilitatisconservatio. Tum
ItricFuenjiitjObUuendseutque.'uigendaepolentiaesuai causa, sunt notanda genera et ad certum numerum paucitatem-
pervulgari artem suam uoluerunt deinde posleaquam estt que revocanda. Genus autemestid,quod sui similes coni-
i
editum exposilis a Cn. Flavio primum actionibus, nulli munione quadam, specie autem différentes, duas aut
fuenint, qui illa ai tificiose digesta generatim eomponerent. piurescomplectitnr partes. Partes autem sunt, quaa ge-
Nihil est eniin, quod ad artem redigi possit, nisi ille 9 net-ibiis iis, ex quibus émanant, siibjiciiiiilur; omniaque,
prius qui illa tenet, quorum artem instituerevult, t
habeat qnœ suut vel generum vel partium nomina, definitionihus,
!Ham scientiam, ut exiis reb'is, quarum ars nondum sit, quam vim liabeant, est exprîinendiim. Est enim definilio,
artem efiïcere possit. Hoc video, dum breviler voluerim1 earum rerumqux'suntejusreipropt'Ke,quamdefinirevolu-
dicere, dictum a me esse paullo obscurius; sed experiar,> mus brebis et circuniscripla quœdam explicatio. Hisco
et dicam, si potero, planius. ego rebus exempla adjungeiem, n:si, apud quos hœc
XLII. Omnia fere, quae sunt conclusa nunc artibus, <)i- habetur oralio, cernerem nunc complectar, quod propo-
f persa et di&sipataquondamTueront ut in rmisicis,nunicri sui, brevi. Si enim aut mihi facere licuerit, quod jamdiu
et voces, et modijin Ke»melria,lineamenta,forma;, iii- cogitti aut alius quispiam, aut, me impedit», ocinparil
temps, ou si mes occupationsm'en empêchent, ou d, nos pères, et certains genres d'actions usités
de
que la mort' me prévienne, et que quelque autre alors
al nous initient à leurs coutumes et à leur ma-
l'exécute à ma place; s'il peut parvenir à diviser nière
n de vivre. Veut-on s'attacher à la politique,
le droit en un petit nombre de genres, et chacun q Scévola croit étrangère à l'orateur, et dont
que
de ces genres en différentes espèces, en ayant il fait une science à part; on la trouvera tout en-
soin de tout éclaircir par de justes définitions, tière
ti dans les Douze Tables, qui règlent ce qui
vous aurez alors une théorie complète du droit concerne les intérêts et l'ordre de l'État. Enfin si
ci
civil et ce sera un art très-étendu à la vérité, et la
If philosophie, cette majestueuse souveraine des
très-fécond, mais clair et facile. En attendant que sciences,
si a pour vous des attraits, j'ose dire que
les parties de cette belle science aient été réunies c'est
c dans les lois et le droit civil que vous trou-
en un corps, on peut, en rassemblant ces prin- v
verez les plus importants objets de ses médita-
cipes épars se composer un ensemble de connais- tions.
ti Lesloisnenousfont-ellespasaimerlavertu,
sances solides etcomplètes. lorsque
l< nous les voyons décerner à la vérité, à
XLIII. Vous connaissez le chevalier romain la justice, à la probité, la gloire, les honneurs,
U

C. Aculéon, qui est et fut toujours mon ami, les récompenses, tandis qu'elles flétrissent le
li
homme de beaucoup d'esprit, maispeuversédans v vice et la mauvaise foi par des amendes, par
les autres études. N'est-il pas parvenu à connaître i1' l'ignominie, la prison, les verges, l'exil et la
si bien les lois, qu'aucun de nos plus habiles' ju- n mort2Etcen'estpaspardefroides leçons, pardes
risconsultes, si j'en excepte celui qui nous écoute, discussions
d vaines et obscures qu'elles nous ins-
ne lui est préféré? Dans l'étude du droit, les chosestruisent;
t leur imposante autorité nous subjugue,
sont comme exposées sous nos yeux l'expérience nous r apprend à dompter nos passions, à mettre

du barreau, tout concourt à nous instruire. On propriétés,


I
un
journalière, le commerce des hommes, l'usage u frein à nos désirs, et tout en défendant nos
à ne jamais porter sur celles d'autrui
n'a pas besoin de consulter de longs écrits et desi desd mains avides ni des regards de convoitise.
ouvrages volumineux. Les mêmes matières ontt XLlV.Dussé-jerévoltertoutlemonde,jedirai
été d'abord traitées par plusieurs auteurs ellesi hardiment mon opinion le petit livre des Douze
1

ont été ensuite présentées plusieurs fois par lesTables,1 source et principe denos lois, me semble
mêmes écrivains, presque dansles mêmes termes, préférable
1 à tous leslivresdes philosophes, et par
son
En outre, ce qu'on a peine à croire, cette étude s autorité imposante, et par son utilité. Si,
la nature nous en fait un devoir, nous
est accompagnée d'un charme particulier, qui eni comme t
diminue singulièrement la difficulté. Vent-on sa- portons
] dans notre cœur l'amour de la patrie, si
tisfaire la curiositédeson esprit, lesloisciviles, lee telle est la force irrésistible de ce sentiment, que
recueil des Douze Tables, les livres des pontifes, le plus sage des héros préférait à l'immortalité sa
nous retracent à chaque instant les souvenirs dee misérable Ithaque, suspendue comme un nid sur
l'antiquité; nous y retrouvons le vieux langagee la pointe des rochers; de quel amour ne devons-

aut mortuo effecerit ut primum ornne jus civile in generaa scitur,


s et actionum gênera qudedam majorum consuetudinem
digérât quœ perpauca sunt; deinde eorum generum quasili vitamque
i déclarant sive qms civilem scientiam coutem-
quidam membra dispertiat tum propriam cujusque vimn pletur, quam Scaevola non putat oratoris esse propriam
definitione dedaret perfectam artem juris civilis habe-i- sedcujusdam ex alio genre prudentiae; totam hanc, de
bitis magis magnam atque uberem quam diffleilem atque e scriptis omnibus civitatis utilitatibus, ac partibus, XII
obscuram. Atque iutereatamen, dam hrce que dispersaa Tabulis contineri videbit sive quem ista prœpotens et
sunt, coguntur, vel passim licet carpentem et colligelitem n gloriosa pbilosophia delectat, dicam audacius, hosce ba-
undique.replerijusta juris civilis scientia. bebit fontes omnium disputationum suarum, qui jure ci-
XLIII. Nonne videlis, equitem romanum, hominem n viii et legibus continentur. Ex his enim et dignitatem ma-
acutissimo omnium ingenio, sed minime ceteris artibus is xime expetendam videmus, quum verus, justus, atque
eruditum, C. Aculeonem, qui mecum vitit, serapevqne
te honestus labor honoribus, pramiis, splendore decoratur;
vixil, ita tenere jus civile, ut ei, quum ab hoc discesseritis,
s, vitia autem hominum atque fraudes damnis, ignominiis,
nemode iis,quipentissimisunt,anteponatur?0mniaemm m vinculis verberibus,exsiliis,morte multantur et docemur
sunt posita ante oculos, collocata in usu quotidiano, in
in non infinitis, concertatio numque plenis disputationibtis,
congressione hominum atqne in foro; neque ita multisis sed auctoritatenutuque legum, domitas habere libidi-
littei-is aut voluminibus magnis continentur eadem enim m nés coercere omnes cupiditates nostra tueri, ab alienis
sunt elata primum a pluribus; deinde, paucis verbis corn.
n- mentes, oculos, manusabstlnere.
mutatis, etiam ab iisdem scriptoribus scripta sunt sa- e- XLIV. Fremant omnes licet; dicam quod sentio biblio-
pius. Accedit vero, quo facilius percipi cognoscique jus is thecas mehercule omnium pbiiosopboruni unus mihi vi-
civile possit (quod minime plerique arbitrantur), mirara detur XII Tabularum libellus, si quis legum fontes et
quaedamin cognoscendo suavitas et delectalio. Nam, re sive capita viderit et auctorilatispondère et utuitatis ubertate
quem aliena studia délectant plurima est, et in
omni jure superare. Ac, si nos, id quod maxime débet nostra patria
civili, et in pontiBcum libris et in XII Tabulis,
re
antiqui.
ii- ut
delectat; cujus rei tanta est vis, actantanatura, Itla-
nidulum, afii-
tatis effigies, quod et verborum prisca vetustas cogno. o. cam illam, in asperrimis saxulis, lanqnam
nous pas être enflammés pour une patrie, qui, Egregie cordatus homo, talus, ~liû Sextus;
seule dans l'univers, est comme le sanctuaire de i'homme d'une si profonde sagesse, l'habile et
la vertu, de l'empire et de la majesté? Nous de- savant Élius Sextus, et tant d'autres, qui, après
vous étudier, avant tout, son esprit, ses usages et s'être fait un nom par leur talent, se sont acquis
ses lois, et parce qu'elle est notre patrie, notre mère
comme jurisconsultes, une autorité que leur ta-
commune, et parce que nous devons être persua- lent seul ne leur eût jamais donnée. Quelle occu-
dés qu'elle a régie les droits de ses enfants avec la
pation plus noble, quel refuge plus honorable
même sagesse qui a présidé à l'immense accrois- pour la vieillesse que l'interprétation des lois?
sement de son empire. Vous aurez encore, dans Quant à moi, dès ma jeunesse j'ai songé à me
l'étude de cette science, le noble plaisir, le juste
ménager cette précieuse ressource, moins encore
orgueil de reconnaitre la supériorité de nos an- pour l'usage journalier du barreau, que pour ré-
cêtres sur toutes les autres nations, en compa- pandre quelque lustre et quelque gloire sur mes
rant nos lois avec celles de leur Lycurgue, de leurvieux jours. Je voulais, lorsque mes forces com-
Dracon, de leur Solon. En effet, on a de la peine menceraient à m'abandonner, et je sens que ce
à se faire une idée de l'incroyable et ridicule dé-moment n'est pas loin, je voulais préserver par
sordre qui règne dans toutes les autres législa- là ma maison de l'abandon auquel nous expose
tions et c'est ce que je ne cesse de répéter tous un grand âge. Et quoi de plus beau pour un vieil-
les jours dans nos entretiens, lorsque je veux lard, après avoir parcouru avec honneur la car-
prouver que les autres nations, et surtout les rière des dignités, que de pouvoir, comme Apol-
Grecs, n'approchèrentjamais de la sagesse des lon dans Ennius, se glorifier sur la fin de ses
Romains. Voilà les raisons qui m'ont fait dire, jours de guider de ses conseils, sinon les peuples
Scévola, que la connaissance du droit civil était et les rois, du moins tous ses concitoyens et dire
nécessaire à celui qui voulait devenir un parfait comme le dieu
orateur.
XLV. Qui ne sait d'ailleurs combien' cette Les mortels sont-ils irrésolus, je dissipe leur
science procure, à ceux qui la possèdent, d'hon-
incertitude, j'éclaire et j'affermis leurs Ames;
et ils ne vont plus en aveugles s'égarer dans
neurs, de crédit et de considération ? Ce n'est pas les sentiers obscurs de la vie.
ici comme dans la Grèce, où pour un modique
salaire des hommes de la plus basse condition, Eneffet, la maison du jurisconsulte n'est-elle pas
connus sous le non de praticiens, viennent aider comme l'oracle de sa cité tout entière? J'en at-
les orateurs de leurs connaissances dans le droit teste Q. Mucius que nous voyons devant nous
civil. A Rome, les plus grands et les plus illus- malgré la faiblesse de sa santé et les infirmités de
tres personnages s'appliquent à cette étude té- l'âge, il voit chaque jour ses portiques assiégés
moin celui dont un grand poëte a dit, à cause de par tout ce que Rome a de plus distingué et de
son savoir en jurisprudence plus illustre.

xam » sapientissimus \ir


immortalitali anteponeret quo propter hanc juris civilis stientiani sic appellatusa summo
amore tandem inflammati esse debemus in ejusmodi pa- poeta est
triam, quae unainomnibus terris domns est virtutis, impe-
rii, dignitatis? Cujus primum nobis mens mos, disciplina Egregie cordatus homo, catus Xltu' Sextus;
nota esse debet; vel quia est patria, parens omnium no- multique praeterea, qui, quum ingenio sibi [auctore] di-
stnim, vel quia tanta sapientia fuisse in jure constituendo gnitatem reperissent, perfecerunt, utinrespandendo de jure,
putanda est, quanta fuit in bis tantis opibus imperii corn* auctoritate plus etiam, quam ipso ingenio, valerent. Se-
parandis. Percipietis etiam illam ex cognitione juris lœtï- nectuti vero celebrand» et omandae quod honestius potest
tiam et voluptatem, quod, quantum prsesliterintnostri esse perfugium, quam juris interpretatio Equidem mihi
majoresprudentia ceteris gentibus, tum facillime intelli- hoc snhsirlium jam ab adolescentia comparavi, non solum
gelis, si cum illorum Lycurgo, et Dracone, et Solone ad causarum usum forensium, sed etiam ad decusatque
nostras leges conferre volueritis. Iricredibile est enim, ornamentum senectutis; ut quum me vires (quod fera
quam sit omne jus civile, prœter hoc nostrum, incondi- jam temfinsailvftnt.it) deficerecœpissent.istaabsolitudine
tum, ac psene ridiculum de quo multa soleo in sermo- domum meam vindicarem. Quidest enim prteclarius, quam
nibus quotidianis dicere, quum hominum nostrorum pru- honoribus et reipubliese muneribus perfectum senem posse
dentiam ceteris omnibus, et maxime Grœcis antepono. suo juredicere idem, quod apud Ennium dicat ille Pythius
Hisego de causis dixeram, Seœvola.iis, qui perfecti ora- Apollo.sc esse eum,nnde sibi, si nonpopuli et reges, at
tores esse Tellent, juris civilis cognitionem esse neces- omnes sui cives consilium expetant,
sariam.
XLV. Jam vero ipsa per sesa quantum afferat iis, qui Suarum rcrum incerti; quos ego mea ope ex
tncertis certos, compotesque consili
ei prsesuiit, honoris, gratiœ diguitatis, quis ignorat?Ita- dimitlo, ut ne res temere tractent turbidas.
que non, ut apud Grœeos infiini bomines, meiccdula ad-
ducti, ministros se praebent in judiciis oratoribus, ii qui Est enim sme dubio domus junsconstilti totius s oraculuin
apud illos 7TpaY|i«moi vocantur, sic in nostra civitate; civitatis. Testis est hujusce Q. Mucii janua et veslibuloip,
contra amplissimus qiûsquc etclarissimas vir; ut ille, qui quod inejus infirmissima valitiidine, alfectaque jam aetat'
XLVI. Je n'ai pas besoin sans doute d'em- retirer de l'erreur, l'enflammer contre les mé-
ployer de longs discours pour démontrer que l'o- chants, ou l'apaiser et l'intéresser en faveur des
rateur doit aussi connaître le droit public adopté bons; un homme enfin qui, selon que sa cause
par notre empire, ainsi que l'histoire des temps le demande, sache à son gré soulever ou calmer
passés, et tous les exemples que nous ont laissés les passions dans l'âme de ses auditeurs.
nos ancêtres; car si celui qui défend la cause Se figurer que les rhéteurs aient jamais dévoilé
d'un particulier est souvent obligé de puiser ses le secret d'une semblable éloquence, ou que je
raisonnementsdans le droit civil ce qui comme puisse moi-même le faire en si peu de mots, ce
je l'ai déjà dit, lui en rend la connaissance in- serait se tromper étrangement, et mal connaître
dispensable, lorsqu'il faudra discuter des inté- mon insuffisance et la grandeur d'un tel sujet.
rêts généraux, auprès des tribunaux et devant le Pour moi, cédant à vos instances, j'ai essayé de
peuple ou le sénat, c'est dans cette connaissance vous faire connaître les sources où vous pourriez
exacte du passé, dans cette intelligence du droit puiser, et les routes qu'il vous faudrait suivre;
commun et des principes du gouvernement, mais je n'ai pas prétendu vous mener moi-même
que l'orateur qui traite une cause publique devra jusqu'au but ce serait prendre une peine infinie
chercher ses matériaux. Rappelons-nousqu'il ne et superflue. J'ai voulu seulement vous indiquer
s'agit pas ici d'un de ces harangueurs obscurs, la route comme à des voyageurs et du doigt
d'un de ces vils déclamateurs du barreau nous vous montrer de loin les sources.
cherchons nn homme qui excelle dans cet art XLVII. H me semble, Crassus, répondit
sublime dont on s'est fait une si haute idée, que Scévola que vous en avez dit assez pour aiguil-
bien que la nature en eût mis seule le germe lonner le zèle de ces jeunes gens, si toutefois ils
dans nos âmes, nous avons mieux aimé en faire en ont réellement. Socrate disait qu'il croyait
honneur à un dieu, afin que cette brillante fa- avoir assez fait, lorsque ses discours avaient
culté semblât moins le fruit de nos efforts que excité dans l'âme de ses disciples le désir de con-
le résultat d'une inspiration divine; nous cher- naître et d'embrasser la vertu; persuadé que
chons un homme qui, mieux défendu par le seul quand on est résolu à la préférer à tout on n'a
titre d'orateur que par un caducée, puisse s'a- plus besoin de leçons de même, si ces jeunes
vancer sans rien craindre au milieu d'une armée orateurs veulent entrer dans la carrière que vous
ennemie qui sache sans autres armes que celles venez d'ouvrir devant eux, ils pourront arriver
du génie et de l'éloquence, livrer le crime et la au but en suivant la route que vous leur avez
perfidie à l'indignation publique et au glaive des tracée.
lois, ou faire triompher l'innocence injustement Sulpicius dit alors Nous vous avons en-
accusée; un homme qui puisse réveiller une na- tendu, Crassus, avec un plaisir extrême; mais
tion engourdie, relever son courage abattu, la nous avons encore quelques détails à vous de-

maxima quotidie frequeutia civium, ac summorum homi- mare in improbos, aut incitatum in bonos miligare; qui
num splendore celebratur. denique, quemcumque in aaimis hominum motum res et
XLVI. Jam vero illa non longam orationem desiderant, causa postulet, eum dicendo vel excitare possit, vel se-
quimobrem exislimem publica quoque jura, quae sunt pro dare.
pria civitatis atque imperii, tum monumentarerum gesta- Hanc vim si quis existimat, aut ab Hs, qui de dicendi
rum, et vetustatis exempla, oratori nota esse debere. Nam ratione scripserunt, expositam esse, aut a me posse ex-
ut in rerum privatarum causis atque judiciis depromenda poni tam brevi, vehementer errat; neque solum mscien*
sœpc oratio est ex jure civili et idcirco ut ante dixiiniis tiam meam, sed ne rerum quidem magnitudinem perspicit.
oratori juris civilis scientia necessaria est sic iu causis- Equidem vobis, quoniam ita voluistis, fontes, unde hau-
pulilicis judiciorum, concionum, senatus omnis hsec et riretis, atque itinera ipsa, ita putavi esse demonstranda,
antiquilatis memoria, et publici juris auctoritas, et re- non ut ipse dux essem (quod et innnitum est, et non ne-
gendae reipublieseratio ac scientia, tanquam alia materies, cessarium), sed ut commonstrarem tantum viam, et, ut
iis oratoribus, qui versantur in republica, snbjecta esse fier! solet, digitum ad fontes intenderem.
debent. Non enim causidicum nescio quem, neque pro- XLV) I. – Mihi vero inqnit Mucius, satis superque abs
clamatorem, aut rabulam, hoc sermone nostro conquiri- te videtur istorum studiis, si modo sunt studiosi, esse fa.
mus, sed eum virum, qui primum sit ejus artis antistes, ctnm. Nam, ut Socratem illum solitum aiunt dicere, per-
cujus quum ipsa natura magnam homini facultatem daret, fectum sibi opus esse, si quis satis esset concitatus co-
tamen esse deus pntabatur, ut et ipsum, quod erat homi- horlatione sua ad studium cognoscendœ percipiendaeque
nis proprium non partum per nos, sed divinitus ad nos virtutis (quibus enim id persuasumesset, ut nihil mallent
delatum videretur; deinde, qui possit, non tam caduceo, se esse, quam bonos viros, iis reliquam facilem esse doctri-
quam nomine oratoris ornatus, incolumis, vel inter ho- nam) sic ego intelligo, si in haec quae patefecit oratione
stium tela, versari; tum, qui scelus fraudemque nocentis sua Crassus, intrare volueritis; facillime vos ad ea, qufe
possit dicendo subjicere odio civium, suppUcioque con- cupitis, perventuros ab hoc aditu, januaque patefacta.
stringere idemque iugenii prœsidio innocenliamjudiciorum -Nobis vero, inquit Sulpicius, islasuntpergrataperque-
pœna liberare idemquelanguentemlabenle nique populum jucuuda sed pauca etiam requii imus imprimisque ea,
aut ad decus excitare, aut ab errore deducere, aut inflam- qnajvalde breviter a te, Crasse, de ipsa arte percursa
mander, surtout sur les règles de l'art dont vous de satisfaire votre désir, rassuré par cette pensée
n'avez dit que quelques mots en passant, et que que, dans la discussionprésente, comme dans mes
vous ne méprisez cependantpas, puisque, d'après discours ordinaires, on n'attendrapas de moi des
votre propre aveu, vous les avez vous-même ap- paroles élégantes et ornées. Je ne vous parlerai
prises. Si vous voulez vous étendre davantage sur pas de l'art, que je n'ai jamais étudié, mais de ce
cette matière, vous satisferez un désir ardent qui que je pratique moi-même. Mon ouvrage ne con-
nous tourmente depuis longtemps. Nous savons tient pas autre chose ce ne sont pas des principes
déjà ce qu'il nous faut apprendre, et c'est beau- fondés sur la science, mais seulement le résultat
coup, sans doute enseignez-nous maintenant de l'expérience que j'ai acquise au barreau. Si
quelle méthode nous devons suivre pour acquérir cette méthode vous parait peu digne d'hommes
ces connaissances qui nous manquent. Pour aussi éclairés que vous l'êtes, ne vous en prenez
vous retenir plus longtemps chez moi, reprit qu'à vous, qui me forcez à parler de choses que
Crassus, je me suis rendu à vos prières, en trai- j'ignore, et sachez-moi gré de ma complaisance,
tant une matière tout à fait étrangèreà mes goûts puisque pour vous contenter je consens à entre-
et à mes habitudes. Mais maintenant ne ferions- prendre une tâche qui n'est nullement de mon
nous pas mieux de nous adresser à Antoine? ne goût.
serait-ce pas à lui à nous dévoiler les mystères – Entrez en matière, Antoine, dit Crassus, et
de l'art de la parole, et à nous communiquer je suis bien convaincu que la sagesse de vos dis-
quelque chose de ce travail qu'il tient secret, et cours ne fera repentir aucun de nous de vous avoir
dont il se plaignait tout à l'heure d'avoir vu forcé à parler.
depuis longtemps une partie parvenir à la con- Je vais vous obéir, et je commencerai par
naissance du public? Très-volontiers répliqua où l'on devrait, ce me semble, commencer toutes
Sulpicius

d'autant plus qu'en écoutant Antoine les discussions, par bien déterminer l'objet de la
nous sommes sûrs de connaitre vos propres sen- question. Par là on évite de s'égarer dans ces va-
timents. gues et stériles disputes après lesquelles on finit
– Ehbien Antoine, dit Crassus, puisque sans par s'apercevoirqu'on n'était pas parti du même
égard pour notre âge l'empressement indiscret de point. Si l'on demande, par exemple, ce que c'est
ces jeunes gens nous impose une pareille tâche, je que la science du général il me semble qu'il fau-
vous prie aussi de nous exposer votre opinion sur dra d'abord arrêter ce qu'on doit entendre par
ce qui fait l'objet de leur curiosité. général. Lorsqu'il aura été reconnu que c'est un
XLVIII. _Me voilà engagé, répondit Antoine, homme chargé de diriger les opérations d'une
dans un pas bien difficile; non-seulement on me guerre, nous traiterons successivement de l'ar-
demande des choses que j'ignore et dont je n'ai mée, des campements, des manœuvres des com-
aucune habitude, maison me force en ce moment bats, de l'attaque des places, des convois, de l'art
à faire une chose que j'ai grand soin d'éviter quand de dresser et d'éviter des embuscades; enfin, de
nous plaidons l'un contre l'autre, je veux dire à tout ce qui concerne la guerre celui dont le gé-
parler après vous. Quoiqu'il ensoit, je vais tâcher nie pourrait embrasser tous ces objets, nous lui

sunt, quum illa te et non contemnere, et didicisse confi- ea, quae vultis, audacius, quod idem mihi spero usn esse
tere. Ea si paullo latins dixeris, expleris omnem exspe- venturum in hac disputatione, quod in dicendo solet, rit
ctationem diuturni desiderii nostri. Nam nunc, quibusstu- nulla exspectetur ornata oratio. Neque enimsumde arte
denduin rebus essel, accepimus quod ipsum est tamen dicturus, quam nunquam didici, sed de mea consuetudine;
magnum sed vias earum rerumrationemqueeupimus co- ipsaque illa, quae in commentarium meum reuili, sunt
gnoscere. Quid si, inquit Crassus, quoniam ego, quo ejusmodi, non aliqua mihi doctrina tradita, sed in rerum
facilius vos apud aie tenerem, vestrae potius obsecutus usu causisque tractata: quae sivobis, hominibuseruditis-
sum voluntali, quam autconsnetlldini, aut nature mese, simis, non probabuntur,vestram iniquitatem accusatote,
petimns ab Antonio, ut ea, qnîe continet, neque adhuc qui ex me ea quaïsieritis, quae ego nescirem; meam facili-
protulil, ex quibus unum libellnm sibi excidisse jamdu- tatem laudatote, quum vobis, nonmeo judicio sed vestro
dum questus est, explicet nubis, et illa dicendi niystei'ia studio induclus, nongravate rcspondero.
cnuntiet? – Ut videtur, inquit Sulpicius. Nam Antonio -Tum Crassus, l'erge modo, inquit, Antoni. Nullum
dicente, etiam quid tu iiitelligas, sentiemus. est enim periculum, ue quid tu eloquare, nisi ila pruden-
Peto igitur, inquit Crassus, ate, quoniam id nobis, ter, ut neminem nostrum pœniteat ad liunc te sermonem
Anloni hominibus id îctatis, oncris ab Itorum adolescen- impulissc.
liinn studiis imponitur,utexponas, quidita de rebus, quas -Ego vero, inquit, pergam; et id faciam, quod in
a te quœri vides, sentias. principio fieri in omnibus disputationibus oportere censeo
XLVIII. – Depvehensum equidera me, inquit Antonius, ut quid illud sit, de quo disputetur, explanetur, ne va-
plane video atque sentio, non solum quod ea requiruntur gari et errare cogatur oratio, si ii, qui inter se dissense-
a me, quorum sum ignarus atqueinsolens,sed quia, quod rint, non idem esse illud, quo de agitur, iutelligant. Nam,
in causis valdefugere soleo, ne tibi, Crasse, succedam, si forte qneererelur, quai esset ars imperatoris,conslituen-
id me nunc isti vitarc non sinunt. Verum hoc ingrediar ad dnmputarem principio, quis esset imperator qui quinn
1.
donnerions le nom de général, et nous citerions _°, r<t.
la vertu. Quant à l'orateur dont il s'agit ici, je nu
pour exemples les Scipion, les Fabius, les Epa- m'en
r fais pas la même idée que Crassus. Selon
minondas, les Annibal, et d'autres guerriersillus- 1lui, pour porter dignement ce nom, il faut réu-
tres. S'ilfallaitcaractériserle citoyen qui consacre nir
1 des connaissances presque universelles; selon
à la chose publique ses soins, ses lumières, son moi,
i l'orateur est celui qui, à la tribune ou au
expérience, je dirais Celui qui sait distinguer barreau,
1 peut satisfaire le goût par les charmes
et employer avec succès les moyens d'assurer et du style; la raison, par la solidité des pensées
d'accroître la prospérité de sa patrie, voilà le vé- jt
j'exige encore de lui un organe agréable et des
ritable guide de l'Etat, l'homme capable de le di- grâces
j dans le débit. Crassus, à ce qu'il me sem-•
rigeretdel'éclairer;etjenommeraisP.Lentulus, ble,
1
a moins défini l'orateur d'après les limites
cet illustre prince du sénat; Tibérius Gracchus le de
( l'art que d'après l'étendue de son talent, qui
père, Q. Métellus,Scipion l'Africain,Lélius, et une est prodigieux. Il met au nombre de ses attribu-
<

multitude d'autres, tant parmi nous que chez les tions


| le gouvernement des États; et je suis sur-
nations voisines. Si l'on me demande à qui l'on pris, Scévola, que vous lui passiez cette pré-
doit donner le titre de jurisconsulte,je répondrai tention,
1 vous qui, dans les délibérations les plus
A celui qui, instruit des lois et des coutumes importantes, par quelques mots simples et pré-
adoptées par son pays, peut donner des conseils <
cis, avez tant de fois entraîné tout le sénat dans
à ses concitoyens, les guider dans leurs affaires votre opinion. Le plus grand de nos hommes
et défendre leurs intérêts je citerais Sex. Élius d'État, M. Scaurus, se trouve en ce momentassez
M'. Manilius et P. Scévola. près d'ici, à sa campagne s'il apprenait, Crassus,
XLIX. Je suivrai la même marche pour les que vous voulez lui ravir l'autorité imposante
arts moins importants faut-il donner une idée de sa sagesse et de ses conseils pour en faire la
du musicien, du grammairien, du poëte, je propriété de l'orateur, je suis sûr qu'il viendrait
commencerai par déterminer la nature et lesbor- au milieu de nous, et que d'un seul de ses re-
nés de leur profession et ce qu'on est en droit gards il foudroierait tout notre frivole verbiage.
d'exiger de chacun d'eux. Enfin, le philosophe Et cependant, quoiqu'il ne manque pas d'élo-
lui-même, qui semble tout embrasser dans son quence, c'est bien moins par le talent de la pa-
vaste domaine, j'essayerai encore de le définir. role que par ses profondes lumières en politique
J'appellerai de ce nom l'homme qui s'applique à qu'il fait ainsi respecter son nom. Je suppose
la connaissance des choses divines et humaines, qu'on réunisse ces deux mérites; qu'un homme
qui raisonne et approfondit les secrets de la na- d'État soit l'âme des conseils publics, l'oracle du
ture, qui étudie les principes de la morale et de sénat, ce n'est pas pour la même raison qu'il est

esset constitutus administrator quidam belli gereudi, tum studeat omnium rerum divinarum atque humanarum vim,
adjungeremus de exercitu de caslris, de agminibus, de naturam causasque nosse, et omnem bene viveudi ratio-
signorum coliationibus, de oppidorum oppugnationibus, nem tenere et persequi^nomineliocappellelur. Oratorem
de commeatu,de insidiis faciendis atque vitandis, dere- autem, quoniam de eo quserimus, equidem non fado
liquis rébus quae essent propriœ beUi udministrandi qua- eumdem, quem Ciasstis; qui mihi visus est omnem om-
vum qui essent animo et scientia compotes, eos esse im- nium rerum atque artium scientiam comprehendere uno
peratores dicerem; utererque exempfis Africanorum et oratoris officio ac nomine atqne eum puto esse, qui ver-
Maximorum Epaminondarn atque Hannibalem, atque ejus bis ad andiendum jucundis, et sententiis ad probandutn
generis hominesnominarem. Sin autem quaereremus qui i accommodatisuti possit in causis forensibus atque com-
esset is, qui ad rempublicam moderandam usum, et scien- miinihus. Hune ego appeiln oratorem, eumque esse pioî
tiam, et sludiuni suum contulisset, deflnirem hoc modo terca instructum voce, et actione, et tepore quodam \olo.
qui quibus rébus utilitas reipublieee pararelur augeretur- Crassus vern mihi noster visus est oratoris facultatem non
que,teneret, Hsque uteretur; hune reipubHcre reetorem, et illius artis terminis, sed ingenii sui finibus, immensis
consilii publici auctorem esse habendum; piœdicaremquci peene describerc. Nam et civitatum .regendarum oratori
P. Lenttilum, principemilhim etTib. Gracchum palrem, gubcrnaculasententia sua tradidil in quo per mihi mirum
et Q. Metellum, et P. Africanum et C. Lfclinni, et innu- visum est, Scœvola te hoc illi concedere; quum srcpis-
merabiles alios quum ex nostra civitate, tum ex ceteris. sime tihi senatus, breviter impoliteque dicenti, maximis
Sin autem qimreretur, quisnam jurisconsultusvere nomi- sit de rebus assensus. M. vero Scaurus, quem non longe,
naretur eum dicerem, qui legum, cansuetndinis ejus, quai ruri apud se esse audio, vir régente reipublicœ scien-
privati in civitate uterentur, et ad respondendum, et ad tissimus, si audieril, hanc auctoritatem gravitatis et con-
cavenduni, peritus esset; et ex eo genere Sex..Elium, silii sui vindicari a te, Crasse, quod eam oratoris propriam
M1. Manilium P. Mucium nominarem. esse dicas; jam, credo, hue veniat, et banc loquacitalmi
XLIX. Atque, ut jam ad leviora arti'im stndia veniam, nostram vultu ipso adspectuqueconterreat qui quanquam
si milsieus, si grammaticus si poeta quacratur, possim est in dicendo minime contemnendus prudentia tamcn
«(militer explicare, quid eonini quisque profitealur, et rerum magnarum magis, quam dicendi arte, nititur. Ne-
i
*\nn non amplius ab quoque sil postulandnm. Philosophi que vero, si quis utrumque potesl aut ille consilii pir-
«Miique ipsius, qui de sua -u ac sapientia 1111113 omniai blici auctor ac senator bonus, ob eam ipsam causam orator
te prolitelnr,
4».Tflp qu<Tdam dt'scriplio,
prolueinr, est tamen qiLTdam quiest;
iH'scnpuo, ut is, qui esl;aut lue disertus
aul hic uisertus alque si est idem
eloquens, si
atque eloquens iaem in
in pro-
pro
<:ii:i':ho\. – ir.Mr l. 14
orateur; qu'un homme éloquent puisse en même siqne, quoique Platon, de l'aveu de tous, ait
temps se distinguer dans t'administration des excellé dans l'une et dans l'autre. Si l'on veut
affaires publiques, ce n'est pas au talent de la pa- absolument donner toutes les connaissances à
role qu'il devra cet autre avantage. Ces deux l'orateur, il sera plus raisonnable de dire que
talents sont distincts et différents ils ne peu- puisque le talent de la parole ne doit pas être
vent pas être confondus. Ce n'est pas par les mê- nu et aride, mais nourri de tout ce qui peut l'or-
mes moyens que M. Caton, Scipion l'Africain,1 ner et le soutenir, le devoir d'un bon orateur est
Q. Métellus, C. Lélius, tous hommes éloquents, d'avoir beaucoup vu beaucoup entendu, beau-
faisaient de beaux discours, et entouraient la ré- coup lu, beaucoupmédité; maisqu'il ne prétende
publique de puissance et de gloire. pas tout approfondir parmi tant d'objets étran-
L. Ni la nature, ni les lois, ni t'usage n'ont ja- gers à son art; qu'il lui suffise de les effleurer. Il
mais défendu que le même homme s'appliquât à doit seulement,j'en conviens, sur quelque sujet
lafoisà plusieursortsdifférents.L'AthénienPé- qu'il parle, éviter de paraître ignorant ou novice
riclès fut l'homme le plus éloquent de son siècle, il doit faire croire que tout lui est familier.
et pendantplusieurs annéesdomina dans les con- LI. Ne croyez pas, Crassus, que j'aie été ébranlé
seilsde sa patrie; nous n'en conclurons pas que par ce développement pompeux dans lequel, à
ces deux talents doivent être rapportés au même l'exemple des philosophes, vous avez soutenu
art, et appartenir nécessairementà la même per- que l'orateur ne saurait parvenir à mettre en
sonne. Que P. Crassus ait été grand orateur et œuvre la plus belle et la plus puissante partie de
profond jurisconsulte, il ne s'ensuit pas que l'é- son talent, celle par laquelle il excite ou calme
loquence soit renfermée dans la connaissance du à son gré les passions, s'il n'a pas approfondi les
droit civil. En effet, si de ce qu'un homme, qui secrets de la nature, le cœur de l'homme, et les
excelle dans un art, vient par la suite à en ap- ressorts qui le font agir; et si par conséquent il
prendre un autre, on voulaitconclure que ce der- ne s'adonne pas à l'étude de la philosophie, étude
nier fait partie de celui qu'il savait déjà, autant particulière de quelques hommes ingénieux, et
vaudrait dire que la paume et le jeu de dames seule occupation de leur loisir. Je suis loin de
funt partie du droit civil, parce que le juris- vouloirdéprécier l'étendue et la multitude de leurs
consulte Scévola était très-habile dans ces deux connaissances, que j'admire beaucoup mais pour
jeux; et que ceux auxquels les Grecs donnent le nous qui parlons au peuple, et qui devons notre
nom de physiciens, sont en même temps poëtes, temps aux affaires du barreau, il nous suffit de
parce que le physicien Empédocle est auteur savoir et de dire sur les mœurs ce qui est conforme
d'un beau poëme. Mais les philosophes eux-mê- à la nature et à l'expérience. Quel est le grand
mes, malgrél'universalitéde connaissances qu'ils orateur, qui, voulant irriter son juge contre un
s'arrogent, n'ont jamais osé faire entrer dans le adversaire, s'est jamais trouvé embarrassé, parce
domaine de la philosophie la géométrie ni la mu- qu'il ne savait pas si la colère est une efferves-
oiiratione civitatisegregius, Hlam scientiam dicendi copia Platonem omnes in illis artibus praestantissimum fuisse
est consecutus. Multum inter se distant istae facultates, fateantur. Ac, si jam placet omnes artes oratori subjun-
longeque sunt diversœ atque sejunctœ neqne eadem ra- gere, tolerabilius est, sic potius dicere, ut, quoniam
tione ac via M. Cato, P. Africanus, Q. Métellus, C. Lae- dicendi facultas non debeat esse jejuna atque nnda, sed
tius, qui omnes éloquentes fuerunt, orationem suam et adspersa atque distincta multarum rerum jucunda quadam
rcipublic» dignitatem exornabant varietate, sit boni oratoris multaauribusaccepisse, multa
L. Neque enim est interdictum aut a rerum natura, aut vidisse, mulla anime et cogitatîone, multa etiam legendo
a lege aliqua atque more, ut singulis hominibus ne am- percurrisse; neqne ea, ut sna, possedisse sed, ut aliéna
plius, quam singulas artes, nosse liceat. Quare non, etsi libasse. Fateor enim, callidum quemdam hune, et nulla
elnquenlissimus Athenis Pericles, idemque in ea civitate in re tironem ac rudem, nec peregrinum atque hospitem
plurirnos annos princeps consilii publici fait, idcirco ejus-in agendo esse debere.
dem hominis atque artis utraque facultas existimanda est; LI. Neque vero istis tragœdiis tuis, quibus uti philo-
née, si P. Crassus idem fuit eloquens, et juris peritus, ob sophi maxime soient, Crame, perturbor, quod ita dixi-
«un causam inest in facultale dicendi juris civilis ecientia. sti, neminem posse eorum mentes, qui audirent, aut in-
Nam si quisque, ut, in aliqua arte et facilitait- excMlens Bammare dicendo, aut inflammatas restinguere, qnum
aliam <|uoque artem sibi assumsei'it, ita perficiet, ut, eo maxime vis oratorjs magnitudoque cernalur, nisi qui
quod prseterea sciet id ejus, in quo excellet, pars quaedam rerum omnium naturam mores hominum atque rationes
esse videatur licet ista ratione dicamus, pila bene, et penitus perspexerit iu quo philosophia sit oratori neefs-
diiodecina scriptisludere, proprium esse juris civilis, quo- sario percipienda; quo in studio hominum quoque ingenio-
niam utrumque eorum P. Mucius optime feceiit eademque sissimorum otiosissimorumque totas œtates videmus esse
ratione dicantur, et quos cpvtiixo-j; Graeci nominaut, iidem contritas. Quorum ego copiam magniludinemque cogni-
poeUe, quouiam Empedocles pliysicus egregium poema tionis atque artis non modo non contemno, sed etiam ve-
tecerit. At hoc ne pliilosopliiquidem ipsi, qui ouinra sicut hemenler. admiror nobia tamen, qui in hoc populo foro-
pmptia sua esse, atque a se possideri volunt dicere au- que versamur, satis est, ea de moribus hominum el scire,
«iunl, geoinelriain aut rnusicamt plûlosophi esse, uuia it diwre qii;e non abhorrent ab hominum morihns. Quis
ceiice de l'âme, ou un désir de vengeance? Quelrio _1 cherchons,
_1 1
et Crassus, est bien différent j il nous
est celui qui, voulant exciter toute autre passion fa un homme qui ait reçu de la nature et de
faut
dans l'âme d'un juge, ou parmi le peuple, leur l'expérience
Pt assez de sagacité et de discernement
ait tenu le langage des philosophes? Parmi ces pour s'insinuer dans l'âme de ses concitoyens et
p(
derniers, les uns proscrivent absolument toutes di ceux qu'il veut persuader, saisir leurs pensées,
de
les passions, et regardent comme un crime de surprendre
si leurs sentiments, pénétrer leurs inten-
vouloir les faire naitre dans le cœur des juges; tions
ti et leurs désirs.
les plus indulgents, ceux qui s'écartent le moins LU. Un tel homme doit étudier les inclinations
de la réalité de la nature humaine, ne permet- d
diverses que déterminent l'âge, le rangou la nais-
tent que quelques émotions légères et peu pro- sî
sance il doit connaître à fond toutes les disposi-
fondes. Au contraire, tous les mouvements que tions
ti secrètes de ceux à qui il adresse ou doit
la philosophie réprouve dans la conduite de la adresser
a< ses discours. Quant aux livres des philo-
vie, et qu'elle interdit comme des troubles dan- sophes,
s< il fera bien de les réserver pour charmer
gercux, l'orateur, par ses paroles, les aigrit et te loisirs de Tusculum; et s'il a jamais à parier
les
en augmente la violence; tout ce qui attire les d la justice et de la bonne foi je lui conseille
de
voeux et l'empressementdu commun des hommes, d ne pas adopter le système de Platon, qui.
de
il l'embellit et le rend plus séduisant encore. 11 voulant
v traiter le même sujet, rêva je ne sais quelle
ne veut pas, en paraissant seul sage au milieu chimère
cl de république; tant ses idées sur la jus-
d'une foule d'insensés, se faire traiter par ses tice étaient éloignées des mœurs ordinaires et des
ti
auditeurs de vain et ridicule pédant; ni, en leur hhabitudes communes de la vie. Si de telles opi-
faisant applaudir son talent et admirer sa sagesse, nions
n pouvaient prévaloir dans les États et chez
les accabler par le sentiment de leur imperfec- 1( peuples, comment eussiez-vous été accueilli,
les
tion mais il pénètre tellement dans les cœurs, il vvous, Crassus, l'homme le plus honoré et le plus
sait si bien manier tous les sentiments, toutes les illustre de Rome, lorsque vous vous écriâtes au
il
pensées, qu'il n'a pas besoin de recourir aux dé- milieu
n de tous vos concitoyens assemblés « Sau-
finitions des philosophes, ni de chercher dans vez-nous
v de ces malheurs; arrachez-nous à la
ses discours si le souverain bien est dans l'âme férocité de ces monstres altérés de notre sang;-
f(

ou dans le corps, s'il se trouve dans la vertu ou nne souffrez pas que nous soyons esclaves d'aucun
dans la volupté si ces deux choses peuvent s'al- autre
a que de vous tous, du peuple, de qui seul
lier ensemble; s'il est vrai, comme le prétendent nnous pouvons et devons l'être? » Passons sur les
quelques-uns, qu'il n'y ait rien de certain, rien malheurs,
n quoique, suivant les philosophes, il
de positif, rien dont nous puissions acquérir une n'y
n eu ait pas pour l'
homme vertueux; passons
connaissance nette et précise; toutes questions encore
e sur cetteférocité à laquelle vous demandez
qui, je l'avoue, peuvent donner matière à de qu'on
q vous arrache pour ne pas vous vpir dévorer
profonds et nombreux raisonnements, et dont ppar un jugement inique, ce qui, d'après leur
l'étude est aussi longue que pénible. Ce que nous opinion,
o ne saurait non plus arriver "au sage;

enim unquam orator magnus, et gravis, quiim iratnm ad- tique


v possint; an vero, ut quibnsdam visum nïliîl certum
versario judicem facere vellet, hœsitayit ob eam causam, sciri,
s nihil plane cognosci et percipi possit qaarum rerum
quod nesciret, quid esset iracandia, fervoroe mentis an fateor
ti magnam multiplicemqueesse disciplinam, et mul-
cupiditas puniendi doloris? Quis, quum ceteros animorum t copiosas, variasque rationes, sed aliud quiddam,
tas
motus aut judicibus, aut populo dicendo miscerpatqueagi- longe
li alind, Crasse, qnaerimus. Acutû homine nobis opus
tare vellet, eadixit, quœ a philosophis dici soient? qui est,
e etnatura usuque callido, qui sagaciter pervestiget,
partim omnino motus negant in animis ullos esse debere, quid
q sui cives, iique homines quibus aliquiddicendo per-
quique eos in judicum mentibus concitent, scelus eos suadere
s velit, cogitent, senllant, opinentur, «xspectenl.
nefarium facere; partim, qui tolerabiliores volunt esse, MI. Teneat oportet venas cujusque generis, œtaii;,
et ad veritatem vilae propius accedere, permediocres ac ordinis,
o et eorum, apud quos aliquid aget, aut erit actu
potius levés motus debere esse dicunt. Orator autem rrus, mentes sensusque degustet; philosophorum aiitem
omnia haec, quae putaotur in communi vitœconsuetudine, libros
li reservet sibi ad hujuscemodi Tosculani requiem;
mala.ac molesta, et fugienda.multo majora et acerhiora atque
a otium ne, si quando ei dicendum erit de justitia et
verbis facit; ilemque ea, quae vulgo expetenda atque op- fide, miituetur a Platone; qui, quum haec exprimenda
fi
tabilia videntur, dicendo amplificat atque ornat; neque verbis arbitraretur, novam quamdam finxit in libris dvi-
viilt ita sapiens inter stultos videri uti, qui audiant, aut ttatem usque eo illa, quae dicenda de justitia putabat, a
illum ineptum et Graculum putent, aut, eliamsi valde vite consuetudine, et a civitatum moribus abhorrehant.
probent ingenium oratoris, sapientiam admirentur, se esse Quod
( si ea proharenter in populis atque in civitatihus;
stultos moleste ferant sed ita peragrat per animos homi- quis
q tibi, Crasse, concessisset, clarissimo viro, et am-
num, ita sensns mentesqne pertractat, ut non desideret plissimo
] principi civitatis, ut illa diceres in maxima con-
philosopuorum descriptiones, neque exquirat oratione, cione
c tuorum civium, quae dixjsti ? « Eripite nos ex mise,
summum illud bonuin ia animo ne sit, an in corpore; vir- riis,
r eripite nos ex faucibus eomm, quorum crudelitag
ute an voluptate definiatur an hœc inter se iungi copula- 1 [nostro sanguine non potest expleri nolite sincre nos cui-
mois être esclaves*, non-seulement vous, mais dire, d porté sur ses épaules le fils de C. Sulpldus
(
le sénat tout entier, dont vous défendiez alors Gallus, afin que la vue de ce jeune orphelin, en
les intérêts, comment avez-vous pu, Crassus, nppelant i le souvenir de son illustre père, atten-
tenir un pareil langage ? La vertu peut-elle donc dritd les assistants en sa faveur. Il lui reprochait
i
jamais être esclave, selon ceux dont vous voulez d'avoir mis lui-même ses deux jeunes fils sous la
que les préceptes fassent partie de l'art oratoire? protection
{ du peuple, et, comme un militaire
La vertu 1 qui seule est toujours libre; qui, lors qui,
c,
la veilled'une bataille, fait son testament sans
même que le corps est entouré de poignards et balancel et sans tablettes, d'avoir dit publique-
chargé de chaines, toujours maitresse d'elle- ment r qu'il instituait le peuple romain tuteur des
même, sait conserver son indépendance et braver enfants
t qu'il allait laisser orphelins c'est à de pa-
la tyrannie 1 Vous ajoutez que le sénat, non-seu- reilles
r scènes, disait-il, qu'il dut son salut, mal-
lement pouvait, mais devait même être esclave gré f lc cri de la haine publique. C'est aussi ce que
du peuple quel est le philosophe, quelque faible, nousi apprend Caton dans son ouvrage, lorsqu'il
quelqne lâche, quelque disposé qu'il soit à tout dit ( que sans les larmes et les enfants, Galba
rapporter bassement à la douleur, ou au plaisir n'eût a
pas échappe à la peine qu'il méritait. \oilà
du corps, qui ne fût révolté d'une telle maxime? ce t qui excitait l'indignation de Rutilius, et il
Le sénat esclave du peuple 1 lui à qui le peupleajoutait que l'exil et la mort étaient préférables à
a remis, pour ainsi dire, les rênes en main pour une i telle abjection. Il ne s'est pas contenté de
la conduire et le gouverner en maître tenir ce langage; sa conduite fut conforme à ces
LUI. Aussi, lorsque je témoignais mon admi- sévères principes. Ce généreux citoyen, la pro-
ration pour ce passage de votre discours, P. bité même, le modèle de l'intégrité et de la vertu
Rutilius Rufus, homme éclairé, et partisan zélé loin de paraître en suppliant devant ses juges,
de la philosophie, non-seulement le trouvait in- ne permit pas même qu'on employât pour sa dé-
convenant, mais prétendait même qu'on ne pou- fense d'autre preuve que la justice, d'autre élo-
vait sans hopte et sans bassesse s'être exprimé de quence que la vérité. Il se relâcha un peu de ce
d'avoir• stoïcisme
la sorte. Ce même Rutilius, se souvenant en faveur du talent précoce de notre
entendu Servius Galba répondreà une accusation cher
Cotta, le fils de sa sœur. Pour Q. Mucius,1
intentée contre lui par L. Scribonius, lui repro- qui
plaida aussi1 dans cette cause, il s'exprima,
ehait comme une lâcheté d'avoir cherché à exciter selon sa eoutume, avec la plus grande simplicité,
la compassion du peuple, après le discours vi- et
se contenta d'être clair et correct. Si vous
goureux et véhément que venait de prononcerr eussiez été chargé de cette cause, vous, Crassus,
son redoutable ennemi, M. Caton; discours que qui
tout à l'heure prétendiez que l'art oratoire
celui-ci a conservé tout entier dans ses Origines. doit appeler à son aide les principes des philoso-
i
Rutilius reprochait à Galba d'avoir, pour ainsi phes; si vous eussiez pu défendre Rutilius, non

quam servire, nisi vobis nniversis, quibus et possitmuss apud popnliim romanum et vehementer esset locutus;
et debemus. » Ouiillo « miseras, » in qnibus, ut illi aiunt, quant orationem in Originibus suis exposnit ipse. Repre-
vir fnrtis esse non potest; omilto « fauces, » ex quibuss ItendebatigiturGalbamRutilius,quod is C. Sulpicii Galli
te eripi vis, nejudicio iniquo exsorbeatur sanguis luus; propinqui sui, Q. pupillum ftb'um ipse pKiie in humeros
quod sapienti negant accidere posse « servire » vero non n suos extulisset, qui patris darissimi recordationo et nie.
modu le, sed universum senatum, cujus tum causam age- moriaMetum populo moveret, et duos fdios suos parvos
bas.ansus es dicere? Polestne Crasse, servire, tulelae poouli contmendasset, aese, tanquam in procinclu
istis auctoribus, quorum tu praecepia oratoris facultate e testainentum faceret, sine Hhia atque tabulU, populum
toinplecleri-s ? qure et scmpcr, et sola libera est, quacque, romanum lutoiem instituere dixisset illorum orbitati. lia-
etian ti eot pora capta sml annis aul cottstrida vinculis que quuin et invidia et odio populi lum Galba premeretur,
tamen suum jus, atque omnium renun inipnnitam liber-r- bis quoque eum tragœdiis liberatnm fcrebat; quod item
tatem tendre debeat. Qua: vero addidisti, non modo sena-i- apnd Caloiii'in scriptum esse video, nisi pueris et lac.ry-
s
tnm servire h posse » populo sed etiam '< debere, u quis mis usib esset, |wnas eum daturum fuisse. » ll.ee Ru-
hac ptiilosopbus tam mollis, tam languidiis tam enerva- t- tilius valde, vitit|ierabat, et buic liuinililali, dicebat, vel
tus, tam oiunlu ad voluplatemcorporis doloremque refe- cxsiliiiin fuisse, vel modem anlcponcndam. Neque vero
rens, probari: posset ? Senatum servire populo, cui popu-i- lioc solum di\it, sed ipse elseusit, et feeit. ?iam quum
lus ipse moderandi et regeiuli sui potestatcin quasi quas- s- esset ille vir exentplura, ut scitis, innocentiœ; quumque
dam liabenas tradidisset ? illo ncnio neque iutegi ior esset in civitate neque sanctior,
>
1JII. Itaque haec quum a te divinités ego dicta arbitra- non modo supplcxjudicibus esse noluit, sed ne ornatius
quidem, aut lilterius causam diei suam, quam simplex
rer, P. Rutilius Rufus, homo doctus, et pbilosopltirc de*
il
ditus, non modo parum commode, sed etiam turpiter el raliu veritatis liirebat. l'aulluin liuic Coltae Iribuit partium,
flagitiose dicta esse dicebat. ldentquc Servium Galbant, i, diserlissinio adolescenli, sororis aux lilio. Uixit itemean-
i-
quem hominem probe conuneminisse se aiebat, pergravi- sam illam quadain ex parte Q. Mucius, more suo, nullo
ter reprehendere solehat, quod is, L. ScrilKinio quiirstio- t- apparats, pureet dilucide. Quod si tu tunc, Crasse, di-
etim ferente,
nom in eum I)opiiii mieericordiainconeilasset
fe~rente, populi misericordiain xisses, qui sulisiiliiiin oratori ex illis disputationibus qui-
nem
quuni M Calo, Galba- gravi9 atque accr inmiicus, aspeie bust
|iliilusophi iitunlur, ad <lî. nxli copiam peteiidum csae
pas à leur manière, mais à la vôtre, votre élo- de prononcer. En effet, la législation athénienne
quence eùt triomphé de toutes les ruses de la scé- permettait au condamné, lorsque le crime n'était
lératesse, et vous eussiez arraché les âmes à pas capital, d'estimerlui-même la peine qu'il avait
l'oppression cruelle sous laquelle les retenaient méritée, etles juges, avant de prononcer la se-
des pervers, dignes du dernier supplice. Mais conde sentence, demandaient à l'accusé de pro-
nous perdîmes le plus vertueux des Romains, noncer lui-même. Lorsqu'on fit cette question à
parce que sa cause fut plaidée comme elle eût pu Socrate il répondit qu'il avait mérité d'étre com-
t'être dans la république imaginaire de Platon. blé d'honneurs et de récompenses et nourri dans
Point de gémissements, point d'exclamations ni le Prytanée aux dépens du public c'était la plus
de plaintes lamentables; personne qui invoquât glorieuse distinction qu'on pût recevoir chez les
la compassion d'un ton suppliant, personne qui Grecs. Cette réponse irrita tellement les juges,
implorât la république, personne enfin qui dans qu'ils condamnèrent à mort le plus innocent
ce jugement mémorable osât frapper du pied la des hommes. S'il eût été absous (et quoique cela
terre; de peur sans doute que le bruit n'en vint semble nous intéresser peu, je le voudrais, ne
aux oreilles des stoïciens. fût-ce que par admiration pour un si beau génie)
LIV. Ainsi un Romain, un consulaire, imita quelle serait la présomption de ces philosophes
ce sage de l'antiquité, Socrate, qui, après la vie qui, même après avoir vu Socrate payer de sa
la plus pure et la plus irréprochable, amené en tête son dédain pour l'éloquence, osent encore
jugement sous le poids d'une accusation capitale, nous dire que c'est chez eux qu'il faut puiser les
se défendit lui-même, non comme un accusé qui préceptes de l'art oratoire? Je n'examine pas si
implore sa grâce, mais comme un maître qui leurs principes sont plus conformes à la morale ou
vient donner des leçons à ses juges. Lysias, ora- à la vérité; je dis seulement qu'ils n'ont rien de
teur éloquent, lui avait présenté un plaidoyer commun avec l'éloquence, et que sans eux l'ora-
qu'il avait composé, afin qu'il l'apprît par cœur, teur peut atteindre à la perfection.
s'il le jugeait à propos, et s'en servît pour sa dé- LV. Je vois, Crassus, pourquoi vous avez pris
fense. Il ne refusa pas de le lire, et en loua la si chaudement la défense du droit civil; je le
diction mais de même, dit-il que si vous m'ap- voyais même pendant que vous parliez. D'abord
portiez des souliers de Sicyone, je ne.les prendrais vous avez voulu plaire à Scévola, que son extrême
pas, quoiqu'ils al lassent à mon pied, parce qu'unc douceur nous rend justement cher à tous; et
telle chaussure ne convient pas à un homme de comme son art est simple et dénué d'ornements,
même votre discours me semble beau et élégant, vous avez voulu l'enrichir et le parer des charmes
mais je n'y trouve pas la fermeté et l'énergie qui du style. Ensuite, vous vous êtes vous-même ap-
conviennent au sage. Il fut donc condamné,non- pliqué à cette étude, vous en avez trouvé des le-
seulement par la première sentence dans laquelle cons dans votre propre famille et vous faites valoir
les juges déclaraient l'accusé coupable ou absous, les avantages d'un art auquel vous vous livrez
mais par le second arrêt que la loi leur ordonnait dans la crainte d'être accusé d'avoir perdu votre
paullo ante dicebas, et, si tibi pro P. nutilio non philoso- quibns tanlum statuebant judices, damnarent, an absol-
phorum more, sed tun licuisset dicere qnamvis sceleratl verent, sed etiam illis, quas iteruin legibus terre debe-
illi fuissent, siculi tuerunt, pestiteri cives, supplicioque bant. Erat enim Alhenis, reo damnalo, si fraus capitalis non
digni; tamen omnem eorum importuuitatem ex intimis esset, quasi pœnas aestimatio; et sententia quum judicibns
ineiitibeis cvellissct vis oratiouis luœ. JNimu tatis viramissus darelnr, interrogabalur reus quam quasi a?stiinatîODem
est, dtim causa ita dicitiir, ut si in illa commentitia Plato- commeruisse se maxime confiteretur quod quum interro.
nis civitate res ageretur. Kemo ingemuit, nemo inclama- gains Socralesesset, respondit, sese mentisse, ait amplis-
vit pationoium, niliil cuiquam duluit, nemo est «juestus, simis honorihus et praîmiis decorarelur, et ei victus quo-
nemo rempublicam implorant, nemo supplicavit. Quid tidianus in Prytanco publiée prasberetur qui houos apud d
mulla? pedcin neinu in illu judicio supplosit, credo, ne Grœcos maximus liabetur. Cujus responso sic judicesev
stoicis renunliaretur. arserunt, ut capitis hominem innocentissimnmcondemna.
L1V. Imitalus est homo romanus et cousularis velerem rent. Qui quidem si absolutus esset; quod mehemile
illum Socratein, qui, quum omnium sapientissimus esset, etiamsi nihil ad nos pertinet, tamen propter ejus ingenii
sandissimeque vixisset ita in judicio capitis pro se ipse magnitudinem vellem quonam modo istos philosoplios
dixit, ut non supplex, aut reus, sed magister, aut domi- ferre possemus, qui nuuc, quum ille le damnatus est, nul-
nus viderctur esse judicum. Quin etiam, qnum ei scriptam lam aliam oh culjiam nisi propter dicendi inscienliam,
niationem diserlîssiinus orator LysiasaUidisset, quaiu si tamennw oportere dicunt ]>eti prœcepta dicendi? Qui-
ei viderctur, edisceret, ut ea pro se in judicio uterelur, buscum ego non pugno, utrum sit melius, antveriiM:
lion invitus legit et commode scrii>tani esse diMt « Sed, tantuni dico, et aliud illud esse, atque hoc, et hoc sin«
>•
inquit. ut, si mihi calceos Sieyonios attulisses non ute- illo summumesse posse.
rer, quamvis essent habiles et apti ad pedem quia non LV. nam quod jus civile, Crasse, tam vehemcnter am-
« essent
v irites sic illam oratioueru discrlam sihi et ora- plexus es; video, quid egeris. Tum,quum dicebas, vi-
« lotïam videri fortem et virilem non vidt'ri. » 1Ci*j*o itlo dehani. Priinum Scaîvote te dedisti q'iem omnes amure
tjiKKiue damnants est; neqne soïum primis sentt'iitiis. meritissimo piocjuj eximia snavilate dubemus nijus ar-
_L civil,
temps. Certes, je ne suis pas ennemi du droit _I1-u _ho qu'il
s'ensuit-il
s pourra défendre la cause d'une
ne
et je ne lui conteste pas toute l'importance que femme
i qui s'est mariée suivant ce contrat? et de
vous lui donnez. Son influence est grande et étea- ( qu'il faut plus d'art pour diriger un vaisseau
ce
due, je l'avoue; il intéresse beaucoup de monde; que pour contluire une barque, s'ensuit-il qu'on
<

il fut toujours honoré dans Rome, et même au- i puisse plaider dans une affaire où il est ques-
ne
jourd'hui nos citoyens les plus illustres le culti- tion
t de partage, parce qu'on ne connaît pas les
vent. Mais prenez garde, Crassus, qu'en voulant termes
t dans lesquels un partage doit être rédigé?
luiprêteruneparureétrangère,vousnelui fassiezVous 1 avez objecté que les causes les plus impor-
perdre les ornements qui lui appartiennent, et tantes,
1 portées au tribunal des centumvirs, sont
que personne ne lui dispute. En effet, si vous fondées
f sur le droit civil. Je le veux bien mais en
eussiez dit que le jurisconsulte doit être orateur, est-il
i( une seule qu'un homme éloquent ne puisse
et l'orateur jurisconsulte, vous mettiez les deux ttraiter avec succès sans la connaissance du droit?
arts au même rang, et vousleurdonniezles mêmes Dans ] toutesles causes, en effet, dans celle même
priviléges et la même gloire; mais vous convenez de i M. Curius, que vous avez plaidée dernière-
que, sans l'éloquence dont nous nous occupons, ment; i dans celles de C. Hostilius Mancinus, ou de
on peut être jurisconsulte; vous en citez même l'enfant né d'une seconde femme, sans que la pre-
1

des exemples; et vous soutenez qu'on ne saurait mière i


eût été répudiée, les plus habiles juriscon-
être orateur sans la connaissance du droit. Ainsi,sultes
s étaient partagés. Or, je vous le demande, à
selon vous, le jurisconsulte, réduit à lui-même, quoi ( la connaissancedu droit eût-elle servi à l'ora-
n'est plus qu'un praticien subtil et rusé, dont tout 1teur dans de semblables causes, puisque le juris-
le talent se borne à proclamer des actions, répéter consulte
c
lui-même ne pouvait pas être redevable
des formules, peser des syllabes; mais, comme de la victoire à ses armes ordinaires, mais à un
<

l'orrteur pour défendre ses causes a souvent be- art i tout à fait étranger au droit civil; je veux dire
soin de recourir à la science du droit, vous faites à l'éloquence? Lorsque P. Crassus sollicitait la
de celle-ci comme un esclave qui marche hum- charge ( d'édile, et que Serv. Galba l'accompa-
blement à la suite de l'éloquence. gnait au forum (quoique plus âgé que lui, et
LVI. Vous vous êtes récrié sur l'impudence de consulaire, il lui rendait cet honneur, parce que
ces orateurs qui traitent de grands objets sans la fille de Crassus avait été promise à sou fils),
j
connaître les petits, qui osent toucher, dans leurs j'ai oui dire qu'un homme de la campagne abor-
discours, aux questions les plus importantes du dant Crassus pour le consulter, le prit à l'écart,
droit civil, sans l'avoir jamais appris. Il est aisé lui exposa son affaire, et en reçut une réponse
de vous répondre. De ce qu'un avocat ignore la plusconforme à lavérité qu'àses intérêts. Galba,
formule du contrat de mariage appelé coemtio, qui s'aperçoit de sa tristesse, l'appelle et lui en

tem qnum indotatam esse et in4:omtan) videres, verborum auilercnt in causis, quum ea nescirent, nunquamque di-
eam dote locupletasti et ornasti. Deinde qiiod in ea tu plus dicissent, 1 Iltl'iusque rei facilis est et promta defensio.
operœ laborisque consumseras, quum ejus sludii tibi et Nam neque illud est mirandum, qui, quib'js verbis coemtio
hortator et magister esset domi veritus es nisi istam ar- fiat, nesciat, eumdem ejus mnlieris, qui» coenitioiiem
tem oratione exaggerasses, ne operam perdidisses. Sed ego fecerit, causam posse defendere; nec si parvi navigii et
ne cnm ista quidem arte pugno. Sit sane lanla quantam magni eadem est in gubernando scientia, idcirco qui, qui-
tu illam esse vis. Ktenim sine controversia et magna est, bus verbis erctum eieri oporteat, nesciat, idem herciscundec
et late palet et ad multos pertinet, et summo in honora familiœ causam agere non possit. Nam, quod maximas
semper fuit, et clarîssimi cives ei studio etiam hodie prav cetitumvirales causas in jure positas protulisti ((iilc tan-
Mint. Sed vide, Crasse, ne, dum novo et alieno ornatu dem earun) causa fuit, qnse ah homine eloqnenti, juris
velis ornare juris civilis Rcîentfain suo quoque eam con- imperito, non ornatissime potuerit dici? quibus qitirlem
cesso et tradito s|iolies atque dénudes. Nain, si ita diceres, iu causis omnibus, sicut in ipsa M'. Ciuïi, quai abs le,
qui jurisconsnltus esset, esse eum oratorem, itenique qui nuper est dicta, et in C. Hostilii Mancini conir-oversia,
esset orator, jmïs eumdem esse consuitum prfcelaras atque in eo pueru, qui ex allera natus cral u.xore non re-
duas artes constitiieres, atque inter se pares, et ejusdem misso nunlio superiori, fuit inter peritissimos boulines
socias diguitatis Nunc vero, jurisconsullmu sine hac. elo- snmma de jure dissensio. Quiero igitur, quid adjuveril ora-
qtientia, de qua quœrimus, fateris esse posse, fuisseqnc torem in his rausis juris scieiiUa,qiuiiu hicjurisconsultus
plurimos; oratorem negas, nisi illam scientiam assnmse- supeiïor fuerit discessurus, qui esset non suo artilicio,
rit, esse posse. Ita est tihi jiirisconsiiltus ipseper senihîl, sed alieno, hoc est, non juris scientia, sed eloquentia,
nisi leguleiiis quidam canins et acutus, piœco actiomim, susteulatiis. Kquidem hocsippe iindivi, qnuin acdililalem
cantor fonmilaruin auceps syllabanmi; sed quia ssnpe P. Crassus peteret enmque major natu etiam consularis,
ïititur orator subsiiiio juiis in rau.sis, ideirco istam juris Ser. Calha assectaretnr, quod Crassi filiam C. filio suo
scientiam eloquentiœ tanquam ancillulam pedisequamquedespondisset, accessisse ad Crassiini consulendi causa
adjunxisli. quemdam ruslicanum qui quum Crassiini seduxisset,
LVI. Quod vei-o impudentiani admiratus es eorum pa- atque ad eum ivtulisset, res]>oiisuiïi(|ue ab eo veriun ma-
Irononmi qui aut, quum pana nesuireiit magna profite- gis, quam ad suam rem accommodatum abstulisset ut
eum
rentur, aut ea, quac maxima essent in iure civiij tractare Iriâtei» Galba vidit.iminiueappellavit, qutesivitqud
demande la cause; celui-ci le met au fait, et lui ides
d traits qu'il lancera avec toute la vigueur de
rapporte la décision de Crassus. Je vois, lui dit sons éloquence. J'en demande pardon à Scévola;
Galba, que Crassus était distrait et préoccupé mais r quand vous plaidiez pour M'. Curius, est-
c dans les ouvrages et les décisions de votre
lorsqu'il a décidé de cette manière. Alors, prenant ce
l
Crassus par la main A quoi pensiez-vous, lui beau-père que vous avez cherché vos moyens?
dit-il, quand vous avez faitunepareille réponse? N'avez-vous
r pas fait valoir les motifsde l'équité,
Crassus, avec l'assurance que lui donnait son le 1 respect dû aux testaments, à la dernière
vo-
savoir, soutient son dire, et assure qu'il ne peut lonté
1 des citoyens? Je vous ai suivi pendant toute
pas y avoir l'ombre d'un doute. Galba réplique, cette( affaire, j'ai entendu tous vos plaidoyers,
présente des arguments, cite des exemples, éta- et, t selon moi, ce qui vous gagna le plus de suf-
blit des rapprochements,et prend avec chaleur le frages,
i ce fut le sel piquant de vos discours et
parti de l'équité contre la rigueur du droit. Cras- vos
i ingénieuses plaisanteries, lorsque, tournant
sus, qui parlait bien, mais qui était loin du talent en
c ridicule les finesses de vos adversaires, vous
de Galba, se sentant accablé par la vigueur de vous récriâtes d'admiration sur cette belle dé-
<

son adversaire,a recours aux autorités il al lègue (couverte de Scévola


qu'il faut naître avant de
de citations tirées
en faveur de son sentiment les ouvrages de P. mourir, et qu'après une foule
Mucius son frère, et les Commentairesde Sextus des lois, des sénatus-consultes, du langage com-
<

Élius et il n'en finit pas moins par convenir que imun et des habitudes de la vie, vous fltes re-
l'opinion de Galba lui paraît plus vraisemblable, marquer, avec autant de malice que d'enjoue-
et qu'il n'est pas éloigné d'y souscrire. ment,
i à quelles conséquences absurdes on serait
LV11. Que dis-je? les affaires où il ne peut y amené si l'on voulait suivre le sens littéral, et
avoir de doute sur le droit ne deviennent guère non pas l'intention. Vos plaisanteries répandi-
la matière d'un procès. S'avise-t-on de réclamer rent sur la discussion beaucoup de charme et de
une succession en vertu d'un testament fait par gaieté. Or, je ne vois pas àquoi vous servit la con-
un homme qui n'avait point de fils, mais qui en naissance du droit civil; mais je vois que ce
a en un depuis? Non, sans doute; car tout le qui vous donna l'avantage, ce fut le talent,de la
monde sait que le testament devient nul par la parole joint à la grâce et à l'enjouement. Mucius
naissance de ce fils. On ne saurait donc discuter lui-même, ce zélé défenseur de la jurisprudeuce,
une cause semblable. Ainsi l'orateur peut, sans et qui en cela semble combattre pour son propre
inconvénient, ignorer cette partie du droit sur patrimoine, lorsqu'il défendit cette même cause
laquelle on ne dispute pas, et l'on conviendra contre vous, tira-t-il ses moyens du droit civil?
que c'est la plus étendue. Quant à celle sur la- quelle loi cita-t-il? dit-il un seul mot qui fut
quelle les doctes ne sont pas d'accord, il n'est hors de la portée des moins habiles ? Tout son
pas difficile à l'orateur, quel que soit le parti discours roula sur la nécessité de s'en tenir aux
qu'il défende, de trouver des autorités parmi les écrits. Mais ce sont là les sujets d'exercice ordi-
jurisconsultes eux-mêmes, et de leur emprunter naires dont les maîtres occupent lesélèves de leurs

qua de re ad Crassum retulisset. Ex quo ut audivit, corn- quod ambigilur inter penUssimos, non est difficile ora<
niutnmque nt vidit hominem, Suspenso, inquit, animo et tori, ejus partis, qnamcumque defendat, auctorem ali-
occupato Crassum tibi rebondisse video deinde ipsum quem invenire a quo quum amentatas hastas accepcrit,
Crassum manu prehendit, et, Heus tu, inquit, quid tibi ipse eas oraluris lacertis viribusque torquebit. Nisi vero
in inentem venit ita respondere? Tum ille lidenter, homo (bona venia liujus optimi viri dixerim, Scevola;) tu li-
peritissimus, confirmare, itase rcm habere, ut respondis- bellis, aut praeceplis soceri tui, causam M'. Curii defen-
set nec dublum esse posse. Galba autem alludens varie, disti. Nonne arripuisti patrocinium aequitatis, et defen-
et copiose, mullas similitudines afferre, multaque pro sionem testamentorum, ac voluntatismortuorum ? Ac mea
œquitate contra jus dicerejatqueill uni, quum disserendo quidem sententia ( frequens enim te audivi, atque affût )
par esse non posset (quanquam fuit Crassus in numéro multo majorem partem sententiarum sale tuo, et lepore,
disertorum, sed par Galbae nullo modo), adauctores con- et politissimis facetiis pellexisti, quum et illud minium
Itigisse et id quod ipse diceret, et in P. Mucii, fratris acumen illudeves, et admirarere ingenium Scaevolaî, qui
sui libris, et in Sex. /Elii commentaiïis scriptum protu- excogilasset nasci prius oportere, quam emori; qnnmquc
lisse, ac tamen concessisse,Galbae dispulalionenisibi pro- multa colliget-es, et ex legibus et ex senatusconsullU et
l>abilem et prope veram videri. ex vita ac sermone communi, non modo acute, sed etiam
LVII. Attamen, quae causse snnt ejusmodi, nt de earum ridicule ac facete, ubi si verba, non rem seqiiereniur,con-
jure diibium esse non possit, omnino in judicium vocari lici nil posset. Ilaque liilavitatis plenum judicium ac la!tili.-i;
non soient. Nnm quis eu lestamento,
quod paterfamilias fuit in quo quid tibi juris civilis exercitatio profnerit, non
ante fecit, quam ei filius natus esset, lieredilatem petit? intellifio; dicendi vis egregia, summa festivitate et venu-
Neino; quia constat.agriascendorumpitestainenlutn.Ergo state conjuneta, proluil. Ipse ille Mucius paterni juris de-
in hoc genere jnris judicia nulla sunt. Licet igitur impnne feusor, et quasi patrimonii |>ropugnator sui, quid in illa
(vralori omnem hanc partem jnris Inconlrovcrsi ignorare, causa, quum contra te diceret, attulit, quod de jure ci-
rçutt pars sine dnbio multo maxima est in eo antem jure, vili li-fii onitum videreliir? quam legem recilavit, quid
écoles, lorsque, dans des causes de ce genre, l'étude l' en est pleine de charme; c'est un plaisir
les uns sont chargés de défendre le sens littéral qu'on
q vous abandonne, et qu'on n'est pas tenté
les autres, l'équité naturelle. Dans l'affaire du de d vous envier; et si l'on nous laisse le choix de
soldat, si vous aviez plaidé pour le légataire, ou nosr études, il n'est personne qui n'aime mieux
pour l'héritier légitime, auriez-vous en recours lire le Teucer de Pacuvius que le Traité de Ma-
aux formules d'Hostilius plutôt qu'à la puissance nilius
f sur les contrats de vente. L'amour de la
de votre éloquence? Défenseur du testament, j patrie, 1 dites-vous encore, doit nous donner le
tous auriez, en généralisant la question, montré désir( de connaître tout ce qu'ont établi nos ancê-
qu'elle intéressait tous les testaments; chargé de tres
t mais ne voyez-vous pas que les vieilles lois
faire valoir les droits du soldat, vous auriez cou sont tombées en désuétude par leur antiquité
par une figure qui vous est ordinaire, ranimé la même,r ou ont été abrogées par des lois plus nou-
cendre du père; vous l'auriez fait paraître aux velles. Quant à l'influence morale que vous ac-
yeux de l'assemblée; on l'eût vu embrasser son cordez c à l'étude des lois, par les récompenses
fils le baigner de ses larmes, le recommander qu'ellesr, décernent à la vertu, les peines qu'elles
aux centumvirs; il eût attendri les pierres et ar- iinfligent au vice, je pensais que la vertu (si tou-
raehé des larmes aux objets insensibles. Enfin, tefoist on peut l'inspirer aux hommes ) s'inspire par
vous auriez fait oublier que cette sentence Ré- la 1 persuasion et par une bonne éducation et non
glez-vous sur les termes de l'acte, se trouve par J les menaces, la force et la crainte. As-
dans la loi des Douze Tables,'que vous préférez surément
s il n'est pas besoin du droit civil pour
à tous les livres du monde; elle eût paru tirée des savoir
s qu'il est bien de s'abstenir du mal.
npliorismes de quelque maître inconnu. Vous voulez bien m accorder, et c'est une ex-
LVIU. Vous faites le procès àlaparesse de nos ception
c que vous faites en ma faveur, que sans
jeunes gens qui n'apprennent pas cet art si fa- ssavoir le droit, je puis me tirer de toute espècede
cile d'abord, selon vous. Mais, sur cette prétendue <causes. Je conviens que je ne l'ai point appris
facilité, je m'en rapporte à nos juriconsultes, si jj'ajouterai que, dans toutes les causes qui m'ont
fiers de leur science, et qui s'en prévalent comme étéi confiées, dans celles même qui roulaient sui
d'une conquête qui leur a coûté beaucoup de pei- des ( points de droit, je n'ai jamais eu lieu de re-
nés; jc m'en rapporte à vous-même, qui tout en gretterJ cette science; car il y a bien de la diffé-
assurant que la jurisprudence est un art facile, irence entre posséder un art à fond et en connai-
convenez pourtant qu'elle n'est pas encore un art, tre ce qui nous est indispensable pour l'usage
j
1

mais qu'elle peut le devenir un jour, si quel- journalier et le commerce de la vie. Qui de nous
qu'un, avec le secours d'un autre art, prendquela II n'est
i pas à même d'aller visiter ses domaines et
ses
peine d'en réunir les éléments. Vous ajoutez s champs, soit pour faire ses récoltes, soit pour

palcfeeitdicendo,qundftiissetiniperitisoccultius?Nempesit ediscendum sibi aliquid non Teucrum Pacuvii malit


«jus omnis nratio versata est in 00 ut scriptum pluriniura quam Manilianas vcnalium vendendorum leges ediscere.
valere oportere defenderet. At in hoc génère pucri apud Tum autem quod amore patria; censes nos nostrorum ma-
inagistros exercentur omnes, quum in ejusmodi causis iorum inventa nosse debere; non vides, veteres leges aut
iiliiis scriptum, alias aequitatem defendere docentur. lit, ipsa sua vetustate consenuisse aut novis legibus esse sub-
credo, in illa militis causa, si tu aut heredem aut mili- latas? Quod vero vires bonos jure civili fieri putas, quia
tem défendisses, ad Hostilianas te actiones, non ad tuam legibus et prœinia proposita sint virtutibus, et supplicia
Tim et nratoriam facultatem contulisses. Tu vero, vel si viliis
1 equidem putabam, virtutem hotninibiis (si modo
teslamentum del'enderes sic agercs, ut omne omnium tradi ratione pnssit) instituendo et persuadendo, non mi-
testameutorum jus in eo judicio positiim videretur; \elsisi nis, et vi ac metu tradi. Xam ipsum quidetn illud etiam
nuisant ageres militis, patrem ejus, ut soles, dicendo .1 sine rognitione juris, quam sit bellum, cavere rnalum.
mnrtuis excitasses; statuisses ante oculos comple\usessel scire possumus.
filium lleusqni! eum centumviris eommendasscl lapides De me autcm ipso, cui uni tu concedis, ut,sineulla
inrhercule omnes fiere ac lamentari cnegissel ut intnm juris scientia, taincn causis satisfacere possim, tibi hoc,
illud vti lincua NUNcijPissiT,non in Xlf Tabulis quas Crasse, respondeo, neque me nnquam jus civile didicisse,
fu omnibus bibliothecis anteponis sed in magistiï cannim neqne tamen in iis causis, quas in jure possem defen-
scriptum vidcretur. dere, unqiiara istam scientiam desiderasse. Alind estenim,
LVIII. JNam qiiod inertiam accusas adolescenliinn qui esse artiticem cujnsdiim generis atqne artis, alind in com-
istam ai lem primum facillimam non ediseant qua: quaiii muni vita et vulgari liominum consuetudinenec hebetem
Kit laeilis illi viderint, qui pjtis arlis arrogantia, quasi nec rudem. Cui iioslrum non licet fundos nostros obire
.lillicilliiiia sit, ita subnixi ambulant, deindc etiaintu ipse aut res rusticas vel Ihictus causa, vel delectationis, \m\-
jideris, qui eam artein facilem esse dicis, quam conwdis sere ? tamen nemo tam sine ocuHs, tam sine meute vivit
atlliuc ai loin omnmo non esse, sed aliquando si quis aliam ut, quid sit sementis M, messis, quid arborant pulatia ac
artem didicerit, ut hanc artem ellicere possit, tllin esse viliiim quo tempore anni aut quo modo ea fiant, omnino
illam artem fntnram deinde, quod sit plena deleclatio- nesriat. sum igiliir, si cui fundus inspiciendus, ant si
nis; in qno tihi rcmittunl omnes istam voluptalem, et ea mandandum aliquid procuratori de agricultura, aut imi«'-
«e carere natinntur nec quisquain est eoruin qui si jam îaudiim villico sit, Magonis Caithagiiucnsis sunt libri P'i-
s'y divertir? est-il quelqu'un qui soit assez dé- mais
n celles qui lui sont indispensables sont si
pourvu de la faculté de voir et de réfléchir, pour étendues,
éi si difticiles etsi multipliées,que je ne vou-
ignorer ce que c'est qu'ensemencer, faire la mois- drais
d pas le voir partager son temps entre un trop
son, émonder les arbres et les vignes comment grand
g nombre d'études. Niera-t-on que l'orateur,
et dans quelle saison on procède à ces diffé- à la tribune, ne tirât un grand avantage du talent
rents travaux? Si je veux inspecter mes terres, de
d Roscius pour régler son geste et son maintien?
l'aire à mon intendant quelque observation sur la Personne
F cependant ne conseillera aux jeunes
culture, ou donner des ordres à mon fermier, gens
g qui se destinent à parler en public, d'étu-
serai-je obligé d'étudier l'ouvrage de Magon le ddier la pantomime avec autant de soin que les
Carthaginois? ne me suffira-t-il pas à cet égard comédiens.
c Qu'y a-t-il de plus nécessaire à l'ora-
de l'intelligence commune à tous les hommes? teur
ti que la voix? Je ne lui dirai pas cependant
Pourquoi ne ferions-nous pas de même pour le dde la soigner comme font les Grecs et certains
droit civil? L'habitude des affaires, les occupa- acteurs,
a qui passent plusieurs années à déclamer
tions du barreau, les plaidoyers que nous avons assis,
a et qui les jours qu'ils doivent monter sur
occasion de prononcer, tout cela ne peut-il pas la
I: scène exercent leur voix pendant qu'ils sont
nous donner assez de lumières pour ne pas pa- a lit, l'animent, relèvent peu à peu, et après la
au
raître étrangers aux lois et aux usages de notre représentation
r la font redescendre du ton le plus
patrie? S'il nous tombe entre les mains quelque aigu a jusqu'au ton le plus grave, comme pour la
cause obscure, épineuse, est-il donc bien difficile recueillir
r et la faire rentrer en eux-mêmes. Si
de venir consulter Scévola? Et même, sans cela rnous youlions en user ainsi, nos clients seraient
les parties ne manquent pas de nous remettre leur condamnés,
c avant que nous eussions pu saisir
affaire accompagnée de toutes les consultations, Iile rhythme et la cadence. Si nous n'avons pas le
de tous les éclaircissements possibles. Lorsqu'il t temps
de donner beaucoup de soin au geste, qui
s'agit d'une question de fait, lorsqu'il faut régler est
e d'un si grand secours à l'orateur, ni à la voix
des limites, sans que nous nous soyons transpor- qui <] soutient et relève si bien l'éloquence si nous
tés sur les lieux, ou bien examiner la teneur d'un ne r pouvons y consacrer que le peu d'instants que
contrat, juger de simples écritures, nous som- nous r laissent nos occupationsjournalières: à plus
mes forcés de débrouiller des matières obscures f forte
raison ne devons-nous pas perdre notre
et difficiles craindrons-nous, si nous avons be- temps
t à l'étude du droit; car on peut, même
soin de connaître les lois, ou les décisions des ju- sans
s maître, en prendre une connaissance géné-
risconsultes, de noustrouver embarrassés, parce i rale.
Il y a d'ailleurs cette différence, qu'on ne
que nous n'aurons pas étudié le droit dès notre 1 peut
pas au besoin emprunter la voix et le geste
jeunesse? d'un autre; au lieu que, dans quelque cause que

d'aucune utilité pour l'orateur? Comme son élo- recourant,


i
ce <

L1X. Mais la science du droit n'est-elle donc ( soit, on peut s'éclairer à l'instant même, en
soit aux livres, soit aux jurisconsul-
quenee a besoin d'être nourrie d'une grande va- tes. I Aussi les orateurs grecs, quelque habiles,
riété de connaissances, je ne saurais prétendrequelque
t savants qu'ils soient, ont toujours auprès
qu'aucune science lui soit absolument inutile; d'eux ( des jurisconsultes qui leur prêtent le se-

discendi ? an hac communi intelligentia contenti esse pos- motu


1 statuqne, Itoscii gestum et venuslalem? tamcn neino
suimuPCurergononiideminjure civili, prîeserlim quumi suaserit { studiosis dicendi adolescentibus, in gestii ili-
in causis, et in negotiis et in fore conteramur, satis in- scendo histriomim more eUhnrare. Quid est oratori tam ne-
structi esse possumus ad hoc duntaxat, ne in nostra patriaa cessarium, quam vox ? tamcn, me aucture, nemo dieendi
peregrini atque advenm esse videamur? Ac si jam sit causa a studiosns, Grœcorum more, et Iragœdorum voci serviet
i
aliqua ad nos delataobscnrior,difficile, credo, sit,cum qui et annos complurc»sedentcs declamitaiit, et quotidie
hoc Scœvola communicare; quanquam ipsi omnia, quo-antequam pronuntient, vocein cubantes sensim excitant;
tum negotium est, consulla ad nos et exquisita deferunt. eamdemque quum egerunt, sedenles ab aculissimo sono
An vero si de re ipsa, si de finihus quum in rem praesen- usque ad gravissimum sonum recipiunt, et quasi quodam
tem non veniimis si de tabulis et persciïplionibus con- modo wlligunt. Hoc nos si facere velimus, aute condem-
troversia est, contortas res et srppc difficiles necessarioo nentur ii, quorum causas receperimus, quam toties, quo-
perdisdmus si leges nobis, ant si honiiruiin peritorum i) ties perscribitur, preanem aut munionem cilarimus. Quod
responsa cognoscenda sunt, reremur, ne ea, si abadole- si in gestu qui multum oralorem adjuvat, et in voce qua1
scentia juri civili minus studuerimns, non queamus cogno- >• una maxime eloquentiam vcl commenriat, vel sustinct
score? elaborare nobis non liect ac tantum in invoque assequi
L1X. Kihilnc igitur prodest oratori jurisdvilis scicatia?? possumus, quantum in liac acie quotidiani muneris, spa-
Non possuni nejrare prodesse ullam scientiam, ei prxser- r. lii nobisdatur quanto minus est ad juris civilis perdi-
tim, enjus eloquentia copia rerum debeat esse ornata; i; scendi occupationem descendendum? quod et snmmatim
sed multa et magna, et difticilia simU ea quœ sunt ora- i- percipi sinfi doetnna polcst et liant liabel ab illis rcbns
tori necessaria, ut ejus industriam in (ilma studia dislra-t- dissimilitudinem, quod vox et gestus subito sumi, et
heie nolim. Qnis nr gel optis esse oratori, in hoc oratorio
o .iljimdi! arripi non potot luris utilitas ad quamqne rau
euHrsde leurs lumières et qu'on désigne comme -l'u!-et soutenu, sans avoir recours aux
ton modéré
vous venez de le dire, sous le nom de prati- éclats de voix, et sans forcer leurs poumons,
ciens. L'usage des Romains est plus sage, sans comme Servius Galba. Mais si vous ne pouvez ou
doute, puisque chez eux l'autorité des hommes ne voulez pas prendre ce parti, craignez vous que
les plus illustres semble donner aux lois un ca- la maison d'un homme illustre, d'un citoyen re-
ractère plus imposant encore; mais si les Grecs commandable comme vous, ne devienne déserte
eussent pensé que le droit civil était nécessaire parce que les plaideurs ne l'assiégerontplus? Pour
à l'orateur, ils auraient bien imaginé de le lui moi, je suis bien loin de penser ainsi, et au lieu
faire apprendre, au lieu de lui adjoindre un pra- de fonder la consolation de ma vieillesse sur cette
ticien. foule de clients qui viennent nous consulter, cette
LX. Selon vous, la connaissance du droit pré- solitude qui vouseff raye me semblecommeunport
serve nos dernières années d'un fâcheux aban- tranquille où j'aspire; car je trouveque, pour les
don c'est ce qu'on peut dire des richesses. Mais derniers moments de la vie, il n'est pas d'asile plus
d'abord il ne s'agit pas ici de ce qui nousest utile, doux que le repos.
mais bien de ce qui est nécessaire à l'orateur. Quant à l'histoire, à lapolitique, à la connais-
Ensuite, pour rappeler encore et appliquer à sance de l'antiquité, aux exemples dont l'orateur
l'orateur l'exemple que j'ai déjà cité plusieurs doit faire usage, tout cela est utile sans doute;
fois, Roscius a coutumede dire qu'à mesure qu'il mais si j'en ai besoin, qui m'empêche de recou-
avancera en âge, il aura soin dé ralentir le jeu rir aux lumières de mon ami Longinus, dont la
de la flûte, et d'adoucir sa déclamation.Si, mal- complaisance égale l'érudition? Que les jeunes
gré la contrainte du rhythme et de la mesure, gens lisent et écoutent beaucoup; qu'ils embras-
il a imaginé cet expédient pour reposer sa vieil- sent tous les genres d'études; qu'ils se forment
lesse, combien ne nous est-il pas plus facile d'a- à toutes les belles connaissances, j'y consens mais
doucir aussi notre déclamation, et même de nous il me semble qu'ils auront alors bien peu de temps
en faire une nouvelle Vous n'ignorez pas, Cras- pour faire tout ce que vous exigez d'eux car vous
1

sus, de combien de manières différentes on peut leur imposez des lois trop rigoureuses peut-être
modifier son débit; je ne sais même si ce n'est pas pour cet âge, mais à peu près nécessaires cepen-
vous qui le premier nous avez appris ce secret. dant, selon vous, pour atteindre le but qu'ils se
Depuis quelque temps, votre déclamationest plus proposent. En effet, parler sans préparation sur
tranquille et plus douce, et ce ton grave et calme toutes sortes de sujets, chercher dans le silence
que vous prenez aujourd'hui ne vous attire pas de la méditation des penséesjustes'et profondes,
moins d'éloges que la force et la véhémence de vo- écrire sans cesse, comme vous l'avez recom-
tre ancienne manière. On a vu plusieursorateurs, mandé, en disant que la plume était le meilleur
comme Scipion et Lélius, employer toujours un de tous les maîtres; tout cela exige un travail

sam quamvis repente vel a peritis, vel de libris depromi conficerent paullo intentiore, nunqnam, ut,Ser. Galba,
potesl. ttaque illi disertissimi hommes ministres habent lateribus, aut clamore contenderent. Quod si jam hoc fa-
in causis juris peritos, qmim ipsi sint peritissimi et qui, cere non poteris aut noies vereris, ne tua domus, talis
ut abs te paullo ante dictum est, pragmatici vocantur. In et viri, et civis, si a litigiosis hominibus non colatur, a
que nostri omnino melius multo, quod clarissimorum ho- ceteris deseratur'? Equidem tantum absum ab ista senten-
minum auctoritate leges et jura tecta esse voluerunt. Sed tia, ut non modo non arbitrer subsidium senectutis in
tamen non fugisset hoc Grœcos homines, si ita necesse eorum, qui consultum veniant, multitudine esse ponen-
esse arbitrati essent, oratorem ipsum erudire in jure ci- dum sed tanquam portum aliquem exspef.tcm istam
vili, non ci praginatioum adjutorem dare. quam tu times, solUudinem. Subsidium enim bellissimum
LX. Kani quod dicis sencetutem a solitudine vindicari existimo esse senectuti, otium.
juris civilis scientia fortasse etiam pecunùieinagmtudine. Reliqua vero etiamsi adjuvant, historiam dico, et pru
Sed nos, non quid nobis utile, veiumquid oratori necessa- dentiam juris publici, et;autiquitatis iter, et exemploruni
li uni sit, quaerimus. Qiiuriqiiam quouiam multa ad orato- copiam^ si quando opiifi erit, a viro optima, et istis rébus
ris similitndinem ab uno artifice suiiiimus, solet idem instructissimo, familiari meo, Longino mutuabor. Neque
Jïoscius diecre, se, quo pins sibi aplatis accedcret, eo tar- repugnabo, quo minus (id quod modo borlatus es) onmia
•liores tibicinis modos, et cantus remissiores esse facturum. Iegant,o!iiniaaudiaut, in onmi recto studio atquc humani-
Quod si ille, adstrictuscertaquadam numerornm modera- tate rerseutiir sed mehercule non ita multiim spatii mihi
lion,; et pedum tamen aliquid ad requieni senectutisexco- habere videntur, si modo ea facere et persequi volent,
Ititat, quanto facilius nos non laxare modos, sed totos quae ate, Crasse, praecepta sunt, qui mihi prope etiam
mutare possunnis? Neque enim hoc te, Crasse, fallit, nimis duras leges imponere visus es huic a'Iati, sed tamen
c[nam mulla sint, et quam varia genera dicendi, et quod ad id, quod cupiunt, adipiscendum prope necessarias.Nam
Imiid sciam, an tu primus ostenderis, qui jamdiu multo et subitœ ad propositascausas exercitationes et accuratœ
lii-is rcmissius et lenius, quam solebas; neque minns luec et meditalœ coramentaliones, ac stylos ille tuus, quem
tamen tua gravissimi sermonis lenitas, quam illa snmma tu vere dixisti peifectorem dicendi esse ac magislnitn
ris et contentio probatur multique oratores fuerunl ut mufti sudoris est, et illa orationis suie cum scriptis alienis
illum Scipioncin audimus, et Lii'lium qui omnia sennone coiniuu'atio, et de alieno scripto subita, vel laudandi vel
opiniâtre; et pour comparer ses discours avec s borne à son
se art, et s'y consacre jour et nuit;
les écrits des autres, pour savoir tout à coup si- qu'il
q imite le zèle infatigable de l'Athénien Dé-
gnaler les beautés ou les défauts d'un ouvrage, mosthène,
ri à qui sans doute personne ne contes-
soutenir ou réfuter une opinion, il faut tout à la t la puissance de la parole. On sait que ce grand
tera
fois beaucoup d'effort de mémoire et une grande homme, à force de travail et d'efforts, parvint à
1:

souplesse d'imagination. ttriompher des obstacles de la nature. Né bègue


LX1. Mais, ce qui me paraîteffrayant, et plus aau point de ne pouvoir prononcer la première
propre à décourager qu'à faire naître l'émula- lettre de son art, il s'appliquasi bien à corriger ce
tion, vous voulez que chaque orateur soit dans défaut, que personne ne parlait plus distincte-
<3

son genre un Roscius vous ajoutez que l'auditeur ment


i que lui. Il avait la respiration courte à
est moins disposé à approuver ce qu'il y a deforce f d'exercice, il apprit à la ménager au point
de
bon, qu'il n'est rebuté des défauts. Cependant c pouvoir élever et abaisser deux fois la voix dans
on ne nous juge pas, je crois, avec la même sé- la 1 même période, comme ses écrits nous l'appren-

vérité que les comédiens. Qu'un orateur ait la lient.


i i On dit encore qu'il mettait des cailloux
voix enrouée, on l'écoutcra encore avec atten- ( dans sa bouche, et prononçait d'une haleine et à
tion, parce que le sujet qu'il traite suffit pour haute
1 voix une longue tirade de vers, et cela non
exciter l'intérêt. Mais que le même accident ar- pas1 en se tenant en place, mais en marchant, et
ri vc à Ésopus, aussitôt le mécontentement publicgravissant
{ avec effort dans des lieux escarpés.
éclatera. Lorsque ce que nous entendons ne nousi Voilà,
1 Crassus, de quelle manière je pense qu'il
procure pas d'autre plaisir que de charnier notre faut
i exhorter les jeunes gens au travail quant
oreille, tout ce qui peut diminuer ce plaisir nousi ài ces connaissancessi étendues, et que vous em-
choque et nous irrite. Mais il y a dans l'élo- pruntiez tout à l'heure à tant d'arts différents, je
quence bien des parties qui nous attachent; sii sais s que vous les posssédez toutes, mais je ne les
toutes ne sont pas également élevées, la plupartt crois pas nécessaires à l'orateur, et je ne saurais
les <

du moins sont importantes, et ce qu'il y a de 1 renfermer dans le domaine de l'éloquence.


vraiment beau ne peut manquer d'être apprécié. LXII. Lorsque Antoine eut cessé de parler,
Pour en revenir à ce que nous avons dit en
iSulpicius et Cotta ne savaient à laquelle des deux
>

commençant cet entretien, donnons, suivant lai opinions ils devaientdonnerla préférence. Crassus
c

définition de Crassus, le nom d'orateur à celuii reprit


] Vous faites de l'orateurune espèce de ma-
qui sait parler de manière à persuader; mais n'é- i uœuvre, et je ne sais trop, Antoine, si ce que
tendons pas ses études au delà du cercle du bar- vous venez de dire est votre véritable opinion,
reau et des intérêts de ses concitoyens. Qu'il re- ou
si vous n'avez pas voulu faire usage du mer-
<

nonce à toutes les autres connaissances, quelqueî veilleux talent que vous avez pour la réfutation,
nobles quelque belles qu'ellespuissent être qu'ilI et que personne ne porta jamais plus loin que

vituperandi, vel comprobandi, vel rcfellendi causa, di- labor dicitur, ut primum impedimenta naturo) diligentia
sputatio,non mediocris contentionis est, vel ad memoriam, industriaque superaret; quumque ita balbns esset ut ejus
vel ad imitandum. ipsius artis, cui studeret, primam litteram non posset di-
LXI. lllud vero fuit horribile quod mehercule vereor, cere, perfecit meditando, ut nemo planius eo locutus pu-
ne majorem vim ad deterrendum habuerit, quam ad co-
taret ur; deinde quum spiritusejus esset angustior, lantum
bortaudum. Voluisti enim in suo genere unumqueiiiquee continenda anima in dicendo est assecutus, ut nna conti-
nostrum quasi quemdam esse Boscium dixistique, nonII nuatione verborum (id quod ejus scripla déclarant) bma?
tam ea quœ recta essent, probari, quam quoe prava suntt ei contentiones vocis et remissiones continerentnr; qui
fastidiis adliœrescere quod ego non tam faslidiose in no- etiam (ut mémorise proditum est) conjectis in os calculis,
bis, quam in bislrioiiibus spectari puto. Itaque nos raucoss snmma voce versus multos nno spiritu pronuntiare con-
sœpe attentissime audiri vidéo tenet enim res ipsa atque e suescebat; neque is ronsislensin loco, sed inambulans,
causa at ^sopinn, si paulluni irrauseiït, explodi. A qui-i- atque adscensu
ingrediens arduo. Hi&e ego cohortationi-
bus enim nihil prœter voluptatem aurium quaeritur, in iiss bus, Crasse, ad studium et ad laborcm incilandos juvencs
nflenditur, simul atque imminuitur aliquid de voluptate. vehementer assentior cetera, qune collegisli ex variis et
In eloquentia autem multa sunt, qua- teneant, quoo sià diversis studiis et artibus, tametsi ipse es omnia consccii-
omnia snmma non sunt (et pleraque tamen magna sunt), tus, tamen ab oratoris proprio oflicio atque niunere sejuncta
necesse est, ea ipsa quae sunt, mirabilia videri. esse arbitror.
Jirgo, ut ad primum illud rerertar, sit orator nobis is, LXII. Hœc quum Antoniusdixisset.sanedubitarevisus
qui, ut Crassus descripsit accommodaad persuadendum n est Sulpicius, et Cotta. ulrius oratio propius ad teritatem
possit dicere. Is autem conctudatur in ea, quae sunt in nsuu yideretur accedere. Tum Crassus Operarium nobis quem-
civitatura vulgari ac forensi; remolisque ceteris studiis, «km, Antoni, oratorem facis, atque baud scio, an aliter
quamvis ea sint ampla atque prœclara, in hoc uno opere sentias et ntare tua illa la niirilica ad let'ellendum consnetu-
dine.qiiatibineinounquamprœslitit; cujus quidem ipsius
ut ita dicam, noctes et dies urgeatur imitelurque illum I facullatis
cui sinedubio summa vis diûKiidi conceditur, Atbeniensom n exercitatio oratorum propria est, sed jam in
Demostheaem in quo tantum studium fuisse, tanlusqucc I philosonhoruin fonsueliulinf.vcrsalur, maxiiiicquc eonim
vous. Cet art appartient sans aoute en propre à >_1 laJulius
1,,i;c César, distingués, l'un par la
¡ rAt.ir rtlcH
diction, l'autre,
et
douceur
le talent la plaisanterie.
par de
l'élégance de

l'orateur, mais il est aussi employé maintenant Ce Livre est consacré tout entier à l'inventionet à la Jf~f-
ta dispo-
par les philosophes, surtout par ceux qui dis- sition. Comme Antoine excellait surtout dans cette partie de
l'art aratoire, c'est lui qui est chargé d'en développer les
courent fort au long sur toutes sortes de sujets, principes.Après un brillant éloge de l'éloquence il examine,
et soutiennent également le pour et le contre. depuis le chapitre X jusqu'au chapitre XVIII, les différents
partieest terminée
lesquels elle peut s'exercer. Cette
Pour moi, j'ai cru qu'en parlant devant de tels genressur
par une digression sur l'histoire. Il réfute ensuite les doc-
auditeurs, je ne devais pas me contenter de tra- trines des rhéteurs grecs, comme insuffisantes, et s'étend
cer le portrait d'un avocat destiné à passer sa vie (considérer,
XIX-XLI ) sur la nature des causes, sur la manière de les
sur le choix des arguments et des preuves; il in-
sur les bancs des tribunaux, et bornant son ta- dique les sources où il faut les puiser. Entin il enseigne
lent à ce qu'exigent les causes les plus ordinaires. (XLII-LIII) les moyens de se concilier la bienveillance des
et d'émouvoir leurs passions. César à son tour (LIV-
Je me suis fait de l'orateur une idée plus grande, juges,
LXXI ) donne des préceptesdétaillés sur la plaisanterie. An-
persuadé que, dans notre république surtout, il toine continue alors (LXXII-LXXXI1I ) à exposer sa méthode
devait réunir en lui tout ce qui pouvait donner sur l'invention et la disposition. 11 passe en revue les diffé-
rentes parties du discours, et les règles qui conviennent à cha-
de l'éclat à son éloquence. Comme vous le renfer- cune. Dans les derniers chapitres, il traite rapidement du genre
mez dans un cercle fort étroit, il vous sera plus délibératif, du panégyrique, et la
de mémoire artificielle.
facile de nous développer ce que vous exigez
de lui, et les règles que vous lui prescrivez. Mais I. Dans notre jeunesse, mon cher Quintus,
nous ferons bien, je pense, de renvoyer à demain c'était, si vous vous en souvenez, une opinion
la suite de cet entretien il s'est assez prolongé généralement répandue que L. Crassus n'avait
aujourd'hui. Scévola doit se rendre à sa campa- d'autre instruction que celle que peut donner l'é-
gne il faut le laisser reposer, en attendant que
la ducation du premier âge, et que M. Antoine n'en
chaleur se passe, et voici l'heure d'aller prendre avait aucune. Beaucoup de personnes même, qui
nous-mêmes un repos dont nous avons besoin. ne partageaient pas cette idée, se plaisaient à
Tout le monde approuva cet avis. Je regrette, nous tenir le même langage, espérant par là
dit Scévola, d'avoir promis à Lélius d'être au- modérer l'ardeur de notre zèlc pour l'étude
jourd'huià ma maison de Tusculum; j'entendrais on voulait nous faire entendre que si ces deux
Antoine avec un grand plaisir. Puis il se leva, et grands orateurs étaient parvenus, presque sans
ajouta en souriant Je ne lui en veux pas tant avoir rien appris, au plus haut degré d'habileté
d'avoir maltraité notre droit civil, que je ne lui et d'éloquence nous nous donnions une peine
sais gré d'êtreconvenu qu'il ne le connaissait pas. inutile, et que notre père, cet homme si sage
et si bon, prenait, pour nous faire instruire, des
soins bien superflus. Nous réfutions cette asser-
LIVRE SECOND. tion, comme pouvaient le faire des enfants, par
des témoignages domestiques nous citions notre
père, C. Aculéon, notre allié, etL. Cicéron, notre
ARGUMENT. oncle. En effet, Aculéon qui avait épousé notre
tante maternelle, et pour qui Crassus eut toujours
qni a pris part au premier Dialogue,
A la place Je Scévola
paraissent deux nouveaux interlocuteurs, Q. Calulus et C. une affection particulière, et L. Cicéron, qui

qui de omni re proposita in utramque pai lem soient copio- LIBER SECUNDO.
sissime dicere- Verum ego non soliim arbitral»-, liis prae-
sertim audientibus a me inlbrmari oporlerc qualis esse I. Magna nubispuuria, Quinte frater, si mcnioria te i
posset is, qui hahitarct in subseliis, neqne quidquam am- opinio fuit L. Ciassura non plus atiiysse dncli imi: qiiurti
plinsafferret, quam qnod causarum nécessitas postularet; quantum prima illa p uerili institutione potuisset; M. antem
sed majus qniddam videham, quum ccnsebam, oratorem, Antoiiiuiu omnino oinnis erndilionts expertem atqne igna-
picesertimin nostra republica, nullius ornamenti expertem rum fuisse erautque multi, qui quanquam non )ta ses**
esse oportere. Tu antem, quoniam exiguis quibusdami rem liaberc arbllrnreiitiir, lamen quo facilius nos incensos
h'nihus tottim oratoris munus eircntndedisli, boc facilius studio dicendi a doctiïna déterrèrent, libenter id, qiiod
nnbis expones ea qu.ie abs te de ofliciis praxeptisque ora- dixi de illis oratoribus pimliearûnt ut, si homines non
loris qiuosila sunt sed opinor, secundum hune dicm. Satiss eruditi siimniam esscnt prudentiam atqne incrctlitiilnn
enhn milita a nnhis hodie dicta sunt. Nunc et Screvola, eloquentiam cunsecuti inanis omnis noster esse labor, et
qunriiain in Tuseiilaiuiin ire constiluil [>aullunl requiescet sUilluiu iu nobis erudiendis patris nostri optimi ac pru-
dum se calor fran^nt; et nos ipsi, quoniam id temporiss dentissimi viri, studium videretur. Quos tum, ut pueiï,
est, valitudini deinus operam. refutare domesticis lestibus, paire, et C. Aculeone,
prn-
Plar.uîtsic omnibus. Tnm Scevola Sane, inquit, vel- pinquo noslro, et L. Cicerone, patruo, solebamus quod
lem non constitaissem in Tusciilanuni liodie venturuin de Crasso paler, et Aculeo ( quocuin erat nostra raatcrtcia
),
esse, Lailio; libenter audirem Antouinm. Et, (puiin exsnr- qiK'in Crassus (lilexit ex omnibus plurimum, et palnius,
Keret, siiillll arrulens, Neque cnim, itiqnit, tain mihi mo- (|iiienrn Antonio in Ciliciam profectus una deccsseral,
lestus fuit, quod jus nostruin civile pervellit quam jiu'iin-i- limita nobis de ejus studio doctrinarpie Sîcpe narrant
flus quinl se itl iH'scire ronfessus est. qumii<|iie nos cum cousobrinis nostris Aculeonis filiis, et
mourut en Cilicic où 11 était allé avec Antoine, penser de cette idée; mais ce qui nous importe en
nous parlaient souvent, ainsi que notre père, des ce moment, ce qui fait le but de cet ouvrage,
études et des connaissancesde Crassus; et comme c'est de montrer que jamais personne n'excella
on nous enseignait, au fils d'Aculéon nos cou- dans l'éloquence, sans en avoir étudié les règles,
sins, et à nous, des choses qui étaient du goût de et même sans avoir orné son esprit de connais-
Crassus, et qu'il était lié avec nos maîtres, nous sances presque universelles.
avons pu reconnaître (car notre grande jeunesse Il. Les autresarts se suffisent, pour ainsi dire,
ne nous empêchait pas de l'apprécier) qu'il par- et se soutiennent par eux-mêmes; l'art de bien
lait le grec comme s'il n'eût pas connu d'autre dire, qui comprend à la fois et la science, et l'ha-
langue; nous avons pu voir aussi, par les ques- bileté, et l'élégance n'a pas de bornes fixes dans
tions qu'il leur proposait, ou qu'il discutaitlui- lesquelles on puisse le circonscrire. Celui qui am-
même dans ses entretiens, qu'aucun sujet ne lui bitionne le titre d'orateur doit pouvoir discourir
était étranger. Pour ce qui est d'Antoine, nous avec succès sur tout ce qui peut faire la matière
tenions de notre oncle, homme fort éclairé, qu'à d'une discussion, ou renoncer à la gloire de l'élo-
Athènes et à Rhodns il allait fréquemment en- quence. J'avoue qu'à Rome et dans la Grèce, où
tendre les savants les plus distingués; et moi- ce talent fut toujours en honneur, plusieurs ora-
même, dans mes premières années, autant que teurs se sont fait un grand nom, sans avoir des
la timidité, de mon âge me le permettait, j'ai sou- lumières si étendues mais qu'on ait jamais pu
vent fait appel à ses lumières. Ce que j'avanceici atteindre à l'éloquence de Crassus et d'Antoine,
ne sera pas nouveau pourvous, mon frère; car dès à moins de posséder toutes les connaissances né-
ce temps-là je vous disais que, d'après tout ce cessaires à la perfection d'un talent aussi complet
que j'avais recueilli de la bouche d'Antoine, il et aussi riche que le leur, c'est ce que je nie for-
n'était pas de matière, de celle du moins dont je mellement. En me déterminant à écrire l'entretien
pouvais juger moi-mème, où il ne me parût versé. qu'ils eurent autrefois sur cette matière, j'ai voulu
Mais l'unet l'autre s'étaient fait un système. Cras- détruire l'opinion généralement répandue que le
sus cherchait à faire dire de lui non pas que l'ins- premier avait peu de connaissances, et que lese-
truction lui manquait,maisqu'illa dédaignait;en cond était tout à fait ignorant reproduire et
même temps il voulait élever en tout les Romains conserver les belles choses que je pense que ces
au-dessus des Grecs. Antoine pensait que ses dis- grands orateurs ont dites sur l'éloquence, si toute-
cours produiraientplus d'impression sur le peuple, fois je suis capable de les exprimer dignement;
s'il faisait croire que l'art était entièrement étran- enfin sauver, autant qu'il était en moi, d'un in-
ger à son éloquence. Ils espéraient tous deux jurieux oubli le souvenir de leur gloire, qui sem-
avoir plus d'autorité, en paraissant, l'un mépri- ble s'effacer de la mémoire des hommes. Si l'on
ser les Grecs, l'autre ne pas même les connaître. pouvait les connaître d'après leurs propres ou-
Ce n'est pas ici le lieu d'examiner ce qu'il faut 1 vrages, je me serais peut-être dispensé d'entre-

ea disceremus, qui» Crasso placèrent et al> his doctori- Illud autem est hujus inslitntœ seriptionis ac lemporis
bus, quibusille uteretnr, erudiremur,etiam illud sœpe in- neminem eloquentia, non modo sine dicendi doctrina, sed
telleximus(quumessemus ejusmodi ,quod vel pueri sentir»e ne sine omni quidem sapientia, tiorere unquam et prm-
poteramns), illum et grœce sic loqui, nullam ut nosse stare potuisse.
aliam linguam videretui, et dottoribus nostris ea ponere IL Etenim cetera; fere artes se ipsœ per se tuenlur sin-
in percunctando, eaque ipsum omni in sermone tractare gute bene dicere autem, quod est scienter, et perite, et
ut iiihil esse ei novum nihil inauditum videretur. De An- ornate dicere, non habet definitam aliquam regionem,
tonio vero, quanqnam sa*pe ex hurnanissimo homme pa- cujus terminis septa teneatur. Omnia, quœcumqne in ho-
truo nostro acceperamus quemadmodumille vcl Athenis minum disceptationem cadere possunt, bene sunt ei di-
ve1 Rhodi se doctissimorum hominum sermonibasdedisset: cenda, qui hoc se posse profitetur, aut eloquentise nomen
taracu ipse adolescentultis quantum illms ineuntissetatis relinquendum est. Quare equidem et in noslra civitate, et
roem patiebatur pudor, multa ex eo sœpe quœsivi. Non erit
in ipsa Gracia, quae semper hoec summa duxit, inullos et
profecto tibi, quod scribo, hoc novum (nam jam tum ex ingeniis, et magna laude dicendisine summa rerum omnium
meaudiebas) mihi illum exmultis,Yariisqueseimonibus scientia fuisse fateor talem vero exsislere eloquentiam,
nullius rei, quae quidem esset in his artibas de quibus qualis fuerit in Crasso et Antonio, non cognitis rebus
'1

aliquid existimare possem, rudem aut ignaruu. esse visum. omnibus, quae ad tantam prudentiam pei tinerent, tantamque
Sed fuit hoc in utroque eorum ut Crassus non tam exi dicendi copiam, quanta in illis fuit non potuisse con-
stimari vellet non didicisse,quara illa despicere, et nostro- firmo. Quo etiam feci libentius, ut euin sermonem quem
rtim hominum in omni genere prudentiamGrœcisanleferre; illi qnondam inler se de his rebus babnissent, mandarem
Antonius autem probabilioremhoc populo orationem fore litteris vel ut illa opinio, quae sempcr fuisset tolleretur,
censebat suam, si oninino didicîsse nunquam putaretur; alterum non doctissimum, alterum plane indoetnm fmsse;
atque ita se uterque graviorem fore, si alter contemnere, vel ut ea, quae existimarem a summis oratoribus de elo-
alter ne nosse quidem Graecos videretur. quenlia divinilus esse dicta, custodirem litteris, si ullc
Qiinnimconsiliiimqualefuerit.nihilsaiieadhocliHiipiis. modo assequi complectiime potuissrm; vel mehercule
prendre ce travail; mais il ne nous reste de l'un ble que dans cet entretien de Crassus et d'An-
que quelques pages écrites dans sa jeunesse, et toine, rien n'a été omis de tout ce qu'on peut
nous n'avons absolumentrien de l'autre. J'ai cru acquérir par un profond génie, un travail opiniâ-
devoir à de si beaux génies, tandis que leur mé- tre,unesolideinstruction et un longusage. Vous
moire est encore vivante au milieu de nous, de en jugerez facilement, mon frère, vous qui avez
la rendre, si je puis, immortelle. J'espère que voulu apprendre par vous-même la théorie et les
mon récit obtiendra toute confiance; car je ne principes de l'éloquence et qui vous en rappor-
parle pas de l'éloquenced'un Serv. Galba ou d'un tez à mon expérience pour ce qui regarde la pra-
Caïus Carbon, dont je pourrais dire tout ce que tique. Jene prolongerai pas davantage cet avant-
je voudrais sans craindre que les souvenirs de propos et, afin d'achever plustôtlatâehedifficile
leurs contemporains démentissentmes discours que je me suis imposée, je vais laisser parler mes
un grand nombre de ceux qui liront cet écrit ont interlocuteurs.
souvent entendu les deux illustres orateurs et leur Le lendemain de leur première conversation,
témoignage sera pour moi comme une autorité vers la seconde heure du jour, lorsque Crassus
vivante et animée, qui m'aidera à convaincre était encore au lit, Sulpicius assis à son chevet,
ceux qui n'ont pu les connaître. et qu'Antoine se promenait avec Cotta sous le
III. Ne croyez pas, mon cher Quintus que je portique, on vit arriver le vieux Q. Catulus et C.
vienne vous poursuivre avec un de ces traités de Julius, son frère. Dès que Crassus en fut instruit
rhétorique qui vous semblent barbares, et dont il se hâta de se lever; et tous, étonnés de cette
vous n'avez pas besoin. Rien, en effet, n'est plus visite inattendue, l'attribuaient à quelque motif
délicat ni plus élégant que votre diction. Mais important. Aprèsqu'ilseurentéchangé, selonleur
soit raison, comme votre modestieaime à le dire usage, des compliments affectueux Qui peut,
soit cette pudeur réservée et timide, qui retenait dit Crassus, vous amener si matin? Y a-t-il quel-
le père de l'éloquence, Isocrate, ainsi qu'il le rap- que chose de nouveau?-Rien, répondit Catulus,
porte lui-même;; soit enfin que vous ayez pensé, vous savez qu'on célèbre les jeux publics mais
comme vous le dites quelquefois en badinant, (appelez-nous indiscrets, importuns,, ou comme
que c'était assez d'un beau parleur dans une il vous plaira) César, étant venu me voir hier soir
famille, et peut-être même dans une cité tout à ma maison de Tuscolum, de la campagne qu'il
entière; vous avez toujours reculé devant le rôle y possède aussi, me dit qu'il avait rencontré Scé-
d'orateur. Je me flatte toutefois que vous ne ran- vola sortant de chez vous, et que celui-ci
gerez pas l'écrit que je vous adresse dans la classe lui avait raconté des merveilles d'un entretien,
de ces ouvrages de rhétorique, justement décriés, où, comme dans une école, et presque à la mode
à cause de l'absence de toute instruction grave et des Grecs, vous aviez longuement disserté sur
solide dans ceux qui les composent. Il me sem- l'éloquence avec Antoine, vous que j'ai essayé

etiam ut laudem eorum jam prope senescentem quantum genere, quod merito, propter eorum, qui de dicendi ra-
ego possem, ab oblivione hominum atque a silentio vin- tione disputarunt, jejunitatem bonarum artium, possit il.
dicarcm. Nam si ex scriptis cognosci ipsi suis potuissent, lndi. Nihil enim mihi quidem videtur in Crassi et Antonii
minus hoc fortasse mihi esse putassem laborandum sed sermone esse prarteritum, quod quisquam summis inge-
quum alter non multum (qnod quidem exstaret), et id tiiis acerrimis studiis, optima doctrina, maximo ustico-
ipsumadolescens, alter nihil admodum scripti reliquisset; guosci ac percipi potuisse arbitraretur quod tu facillime
deberi hoc a me tantis liominum ingeniis putavi ul, quum poleris judicare qui prudentiam rationemque dicendi per
etiam nunc vivam illorum memoriam teneremus hanc teipsum usuni auteni per nos percipere voluisti. Sed, quo
immortalem redderem, si possem, Quod hoc etiam spe citius hoc, quod suscepimus,non mediocre munus, confî-
aggredior majore ad probandum, quia non de Ser. Galtae cere possimus, omissa nostra adhortatione, ad eornm,
aut C. Carbonis eloquentia scribo aliquid, in quo liceat quos proposnimus, aermonem disputationemque veoia.
mihi fingere,siquidvelim nulliusmemoriajamrefellente: mus.
sededo Ii.tc iis cognoscenda,qui ens ipsos, de quibus Postero îgîttirdic, quam illa erant acta, hora fere se-
loquor, ssepe audierunt; ut duos summos viros, iis, qui cunda, quum etiam tum in lecto Crassus esset, et apud
neutrum iilorum viderint eorum, qnibus ambo illi orato- eum Sulpicius sederet, Antonius autem inambularet cum
res cogniti sint, vivorum et preesentium, memoria teste, Cotta in porticu, repente eo Q. Catulus senex cum C. Ju-
commendemus. lio fratre venit. Quod ubi audivit, commotus Crassm
III. Necvero te, rarissime fiater atque optime, rheto- surrexit, omnesque admirati, majorem aliquam esse can
ricis nunc quibusdam libris, quos tn agrestes putas inse- sam eorum adventus suspicati sunt. Qui quum Inter se,
quor ut erudiam quid enim tua potest oratione aut sub- ut ipsorum usus ferebat, amicissime consalutassent < –
tilius, aut ornatius esse? Sed quoniam, sive judicio, ut Quid vos tandem? Crassus, num quidnam, inquit, novi?
soles dicere, sive, ut ille pater eloquentiae de se Isocrates
scripsit ipse, pudore a dicendo
– Nihil sane, inquit Catulus; etenim vides esse Judos
et timiditate ingenna qua- sed ( vel tu nos ineptos licet, inquit vel molestos putes )
dam refugisti; sive, ut ipse jxari soles, unum putasli sa- (|iiinii ad me in Tusculanuin [ inquit ] heri vesperi renis-
tis esse non modo in nna familia rhetorem, sed pœne in set C.iesar de Tusculano suo, dixit mihi, a se Scacvolarr»
tota civitale lion tamen arbitror libi hos libros in eo fore hinc euntem esse conventum, ex quo mira quaeclam se
vainement par tous les moyens possibles d'ame- si j'aurai moins de pouvoir sur votre esprit que
ner à une pareille discussion. J'avais bonne envie Cotta et mon amiSulpicius; et peut-être mes ins-
de vous entendre; mais je craignais que notre tances obtiendront-elles la même complaisance
visite ne vous gênât. Mon frère m'a conjuré de de votre part pour Catulus et moi; mais si notre
l'accompagner chez vous.Il tenait de Scévola proposition vous déplaît, je n'insisterai pas da-
m'a-t-il dit, qu'une bonne partie de votre entre- vantage, de peur d'encourir aussi ce reproche
tien avaitété remise àaujourd'hui. Si vous trouvez d'ineptie que vous redoutez si fort. J'ai tou-
dans notre démarche unempressement indiscret, jours regardé ce mot d'ineptus, reprit Crassus,
prenez-vous-en à César; si vous n'y voyez qu'une comme un des plus énergiques de notre langue
preuve d'amitié, tenez-nous-en compte à tous on l'emploie pour caractériser toute espèce d'in-
deux. Quant à nous, pourvu que notre présence convenance, et le sens en est extrêmement étendu.
ne vous déplaise pas trop, nous sommes fort aises Il s'applique à l'homme qui ne sait pas choisir
d'être venus. Yà-pivpos, qui parle plus qu'il ne faut, qui affi-
IV. Quel que soit, dit Crassus, le motif qui che la haute opinion qu'il a de lui-même, qui n'a
vous amène, c'est toujours un bonheur pour moi aucun égard aux intérêts et à la dignité des per-
de recevoir des amis aussi chers; mais, à dire sonnes avec lesquelles il se trouve; enfin, qui ne
vrai, j'aimerais mieux qu'en venant ici voiis eus- connaît aucune bienséance, ne garde aucune me-
siez eu tout autre motif. Jamais, je vous le dis sure. Ce défaut est très-commun chez les Grecs,
sincèrement, je ne fus plus mécontent de moi nation d'ailleurs si éclairée. Aussi, comme ils ne
qu'hier je me suis laissé aller à un excès de fai- sentent pas tout ce qu'il a de désagréable, ils n'ont
blesse et voilà le tort que je me reproche. En pas même de mot pour l'exprimer vous aurez
cédant aux vœux de ces jeunes gens, j'ai oublié beau chercher, vous ne trouverez pas chez eux
que j'étais vieux, et j'ai fait ce qui ne m'était ja- d'expression qui réponde à celle d'ineptus. Or
mais arrivé, même dans ma jeunesse, je me suis de toutes les inepties, et le nombre en est infini,
mis à discourir sur les principes et la théorie la plus grande, je crois, est d'aller, sans aucune
d'un art; mais, heureusement pour moi, mon nécessité, disputer et subtiliser comme ils font,
rôle est fini, et c'est Antoine que vous allez en- en tous lieux et devant toutes sortes de personnes,
tendre. Assurément, dit César, j'ai un extrême sur les matières les plus difficiles. C'est à quoi
désir de vous entendre poursuivre une disserta- pourtant ces jeunes gens nous ont forcés hier,
tion longue et soutenue, comme celle dont on malgré notre répugnance et nos refus.
m'a parlé; mais si je ne puis avoir ce bonheur, V. Mais les Grecs, répondit Catulus, qui
je me contenterai encore du charme de votre ont acquis dans leur patrie l'illustration et la
conversationhabituelle. Pourtant je veux essayer gloire dont vous jouissez dans la vôtre, Crassus,

audisse dicebat; te, quem ego, toties omni ratione ten- tenu». Itaque experiar equidem illud, ut ne Sulpicius
tans, ad disputandum elicere non potuissem, permuta de familiaris meus, aut Cotta, plus quam ego apnd te valere
eloquentia cum Antonio disseruisse, et tanquam in schola, videatur; et te exorabo profecto, ut mihi quoque, et
prope ad Gi -Décorum consueludinem, disputasse. Ita me Catllio tum suavitatis aliquid impertias. Sin tibi id minus
frater exoravit, ne ipsum quidem a studio audiendi nimis lihebit, non te urgebo ncque committam, ut, dum ve-
abhorrentem sed mehercule verenlem tamen ne molesti reare, tu ne sis ineptus, me esse judices. – Tum ille, Ego
vohis interveniremus,ut hue secum venirem. Scaevolam mehercule, inquit, Caesar, ex omnibus latinis verbis hujus
enim ita dicere aiebat, bonam partem sermonis in hune verbi vim vel maximam semper putavi quem enim nos
diem esse dilatam. Hoc si tn cupidius factum existimas, « ineptum » vocamus, is mihi videtur ab hoc nomen
Caesari attribues; ai familiarius, ulrijue nostrum nos habere ductum, quod non sit aptus; idque in sermonis
quidem, nisi forte molesti intervenimus venisse dele- nostri consuetudine perlate patet. Nam qui aut, tempus
ctat. quid postulet, non videt, aut plura loquitur, aut se osten-
IV. Tum Crassus, Equidem, quserumquecausavos tat, auleoruui, quibuscum est, vel dignitatis, vel com-
hue attulisset, lœtarer, quum apud me viderem homines modi rationem non habet, aut denique in aliquo genere
mihi carissimoset amicissimos sed tamen, vere dicam, aut inconcinnus, aut multiis est, is ineptus dicitur. Hoc
quœvis mallem fnisset, quam ista, quam dicis. Ego enim vitio cumulata est eruditissima illa Grseconim natio
( ut, quemadmodum sentio, loquar ) nunquam mihi mi- itaque quod vim liujus mali Graeci non vident, ne nomen
nus, quam hesterno die, placui ( magis adeo id facilitate, quidem ei vitio imposuerunl; ut enim qua?ras omnia,
quam alia ulla culpa mea contigit ) qui dum obsequor ado- quomodo Grseci ineptumappellent, non reperies. Omnium
lescentibus, me senem esse sam oblitus, fecique id, quod autem ineptiarum, quae sunt innumerabiles, haud scio,
ne adolescens quidem feceram, ut iis de rébus, quae do- an nulla sit major, quam illorum, qui soient, quoeumque
clrina aliqua continerentur, disputarem. Sed hoc tamen in loco, quoscumque inter homines visuin est, de rébus
cecidit mrhi peropportune, quod, transactisjam meis par- aut difficillimis, aul non necesaariis, argutissime dispu-
tibus, ad Antonium audiendum venistis. Tum Ctesar, lare. Hoc nos ab istis adolescentibusfacere inviti et recu-
Equidem, inquit, Crasse, ita snm cupidus te in illa lon- santes heri coacti sumus.
giureac perpetua dispntationc audiendi, ut, si id milii V. –Tum Catulus, Ne Greeci quidem inquit, Crasse,
minus contingat, vel hoc sim quotidiano tuo sermone con> qui in civitatibus suis clari et magni fucrunt, sicuti tu es,
et où nous désirons tous parvenir, ne ressem- VI. J'ai souvent entendu dire a mon beau-père
blaient pas à ces Grecs dont le babil fatigue con- que Lélius, dont il était gendre, accompagnait
q
tinuellement nos oreilles. Cependant, lorsqu'ils ppresque toujours Scipion à la campagne, et que
étaient de loisir, ils ne se refusaient pas à ces là ils redevenaient tous deux enfants à un point
1,

sortes d'entretiens. Vous avez raison d'appeler iincroyable, lorsqu'ils avaient pu s'échapper de
ineptes ceux qui n'ont égard ni aux temps, ni IRome, comme des captifs qui rompraient leurs
aux lieux, ni auxpersonnes; mais le lieu où nous f
fers. J'ose à peine le dire de si grands personna-
sommes vous semble-t-il mal choisi? ce portique ges mais Scévola m'a raconté plus d'une fois
où nous nous promenons, cette salle d'exercices, qu'ils
c ramassaient des coquillages et des cailloux
ces siéges nombreux qui nous entourent, ne rap- ssur les rivages de Caiète et de Laurente, et qu'ils
pellent-ils pas les gymnases des Grecs, et leurs s'amusaient
s aux jeux les plus puérils. Il en est
conversations savantes? Direz-vous que le mo- de
c nous comme des oiseanx nous les voyons
ment n'est pas favorable, au milieu du loisir t
travailler à se construire des nids, et se donner
si doux et si rare dont nous jouissons aujour- des
c soins pour eux et leur famille;puis, lorsque
d'hui? ou craignez-vous enfin qu'un semblable l'ouvrage
1 est terminé, ils voltigent çà et là, et
entretien ne convienne pas à des auditeurs comme s'égayent
s en liberté, pour se délasser de leurs fa-
nous, pour qui ces études font le plus grand tigues.
t Ainsi, épuisés par les travaux du forum
charme de la vie? Pour moi, reprit Crassus, ( les occupations de la ville, nous aimons à
et
je me fais une autre idée de tous ces objets ces égarer
< librement nos pensées, sans aucun soin
palestres, ces siéges, ces portiques, les Grecs, qui
( nousoccupe. Je ne faisais donc qu'exprimer
mon cher Catulus, les ont établis pour s'y pro- i
mes vrais sentiments, lorsqu'en défendant la
mener et s'y divertir, et non pour y discuter. Il icause de Curius, je disais à Scévola « Si aucun
y avait des gymnases bien des siècles avant que <« testament ne peut
être bien fait qu'autant que
les philosophes y fissent entendre leur babil; et « vous
l'aurez dicté, nous irons tous vous prier
aujourd'hui même, que tous les gymnases sont <


de dicter les nôtres; vous seul, vous rédigerez
envahis par eux, leurs auditeurs préfèrent le bruit <« tous
les testaments; et alors quel temps vous
d'un disque à la plus belle leçon de philosophie. «•
restera-t-il pour vous occuper des affaires de la
Si ce bruit vient à frapper leurs oreilles, en vain « république, pour vaquer à celles de vos amis
le philosophe les entretiendrait-il des sujets les et aux vôtres, enfin, pour ne rien faire? » Et
plus sublimes, ils l'abandonnent au milieu de son
discours, pour courir où les appellent les exer-
j
«<
j'ajoutai '< Ce n'est point être libre, que de n'a-
quelquefois la faculté de ne rien faire. »
« voir pas
<

eices de la palestre. Ainsi, de leur propre aveu Je persiste, Catulus, dans cette opinion, et dès
ils préfèrent le plus frivole plaisir à l'instruction (que je suis à la campagne, mon bonheur est de
iaplus précieuse. Nousavonsdu loisir, dites-vous n'avoir rien à faire, et de m'abandonner à une
j'en conviens mais t'avantage du loisir, c'est de entière
( inaction. Ce que vous avez ajouté en troi-
reposer son esprit, et non de le fatiguer. sième lieu, que, sans ces études, la vie n'aurait

uosque omnes in nostra republica volumus esse, hurum ianteponunt. Otium autem quod dicis esse, assenlior;
Grœeorum, qui se inculcantauribus nostris, simil fin;- verum otii fructus est, non contentio animi, sed rela\
rnnt; nec tamen in utio sermones hujusmodi dispulatio- tiu.
nesque fugiebant. Ac si tibi videntur, qui temporis, qui VI. Saepe e, socero meo audivi, quum is disceret, so-
loci, qui bominum vaticinera non habent, inepti, sicul cerum suum Laeliurii semper fere cum Scipione solitum
debent videri; num tandem aut locus hic non idoneus rusticari, eosque iucrcdibililer repuerascere esse solilos
videtur, in quo porticus hœc ipsa, ubi ambularnus et pa- quum
< rus ex urbe, tanquam e vinciilis evolavissent.Non
liKStra, et tot locis sessiones, gymnasiorum et grsecarum audeo dicere de talibus viris, sed tamen ita solet narrare
disputationum memoriam quodammodo commovent? aut Scœvola conclus eos et uinbilicos ad Caietam et ad Lau-
importunum tempus in tanto otio, quod et raro datur, et rentum legere consuesse, et ad omnem animi remissionem,
nunc peroptato nobis datum est? aut homines ab hoc ge- ludumque descendere. Sic enim se res habet ut, quem-
uere disputationis alieni qui omnes hi sumus, ut sine bis admodum volucres videmus, procreationis atqne ulilita.
studiis ntam nullam esse ducamus ? – Omnia ista, inquit tis sux causa, fingere et constmere nidos, easdem autem,
Crassus, ego alio modo interpretor .qui primum palœ- quum aliquid effccerint, levandl laboris suis causa, pas.
stram, et sedes, et rnirticus etiam ipsos, Catule Grœcos sim ac libere solutas opere volitarc sic nostri animi fo-
exercilationis- et delectationis causa, non disputationis rensibus negotiis, atque urbano opere defessi, gestiunt
invenisse arbitrer. Nam et sœculis mullis alite gymnasia i ac volitare cupiunt, vacui cura ac labore. Itaqne illud,
quod ego in causa Curiana Scœvolœ dixi, mil) dixi secus
inventa sunt, quam in his philosophi garrire cœperunt, et
hoc ipso tempore, qunm omnia gymuasia philosophi te- ac sentieham. « Nam si, inquam, Seacvola, nullum erit1

neant, tamen eoruin anditores discumaudire, quam plii- • testamentum recte factnm nisi quod tu soripseris,
losophum, malunt qui simili ut inerepuit, in média « oinnes ad te cives cum tabulis veniemus, omnium te-
oratioue de maximis rébus et gravissimis dispiitanlem « stamenta tu scribes unus :qnod igituri1 inquam quando
pliilosopluim omnes unctionis causa relinquunt ila levis- âges negotium publicum, quando amicorum? qii&ntlo
simam deloclalioiicm gravissini,T, ut ipsi f. nui!, ulililati « [iium:'<|iiandii dorique tiiliil âges? » Tuin illitd addvli
plus de charme pour vous, est moins propre à condamneriez
<
à né vous point entendre, je reste-
me faire entrer dans la discussion qu'à m'en éloi- rais
i encore. – Catulus ajouta en souriant II n'y v
gner. Lucilius, si connu par ses talents et par les ia plus moyen de balancer, puisque je n'ai pas dit
grâces de son esprit, disait souvent qu'il désirait moi qu'on m'attende., et que César, chez qui
que ses ouvrages ne fussent lus ni par des hom- j
<
chez
(
i devais aller, s'est engagé si facilement, sans mc
je
demander mon avis. Alors, comme tous les yeux
mes trop éclairés, ni par des ignorants, parce <

que ceux-ci n'y verraient rien, et que les autres se


s portaient sur Antoine, il commença ainsi
y verraient peut-être plus que lui-même. C'est Écoutez
] donc, écoutez avez attention; vous allez
ce qui lui fait dire Je ne me soucie pas d'avoir entendre un homme qui a fréquenté les maîtres
Persius pour lecteur; j'aime mieux Dècimus.
Le premier passait pour le plus docte et le plus
<
t
et les écoles et
qui est Yersé dans les principes
des Grecs; je parlerai avec d'autant plus de con-
<

éclairé des Romains; nous avons connu dans 1fiance, que j'ai Catulus parmi mes auditeurs,
l'autre un homme de bien, et qui ne manquait 1Catulus, qui, de l'aveu des Grecs, comme de ce-
pas de connaissances; mais il n'approchait pas 1lui des Romains, parle les deux langues avec la
de Persius. Je pense de même. Si j'avais à dis- même élégance et la même pureté. Mais puisque
courir sur cet art qui fait l'objet de nos études le talent de la parole, qu'il soit l'ouvrage de l'art,
je ne voudrais pas que ce fût en présence d'igno- ou un don de la nature, ne saurait exister saris
rants, mais encore moins devant vous; car j'aime un peu d'effronterie,je vous déclare, mes chers
mieux n'être pas entendu que d'être critiqué. disciples, que je vais vous enseigner ce que je n'ai
VII. Il me semble mon cher Catulus dit j
jamais appris, en vous exposant mes idées sur •
alors César, que nous avons déjà assez bien em- l'éloquence. Ce début fit sourire l'auditoire.
ployé notre temps, en venant ici; car tout 'en Antoine poursuivit Il me semble que dans l'élo-
s'excusant de discourir, Crassus a discouru d'une quence le génie est tout, et l'art bien peu de chose.
manière infiniment agréable. Mais puisque le L'art, en effet, porte sur des choses que l'on con-
tour d'Antoine est venu pourquoi l'empêchons- naît avec certitude, au lieu que l'orateur s'a-
nous de nous développer ses idées suri 'éloquence ?2 dresse à des opinions, et non à des connaissances
Cotta et Sulpicius attendent avec impatience qu'il positives. Nos auditeurs n'entendent rien aux
prenne la parole. – Un moment, s'écria Crassus; matières dont nous les entretenons, et nous-
je ne souffrirai pas qu'Antoine dise un mot, et mêmes n'en avons qu'une connaissance impar-
moi-même je n'ouvrirai pas la bouche, si aupara- faite. Aussi ils portent souvent des jugements
vant je n'obtiens de vous. Quoi donc? dit opposés sur les mêmes faits; et nous-mêmes il
Catulus. Que vous passiez la journée avec nous. nous arrive de soutenir alternativement des cau-
CommeCatulus hésitait, parce qu'il avait pro- ses toutes contraires. Ainsi, non-seulementGras-
mis à son frère Je réponds pour tous deux, dit sus parlera contre moi, ou moi contre Crassus,
César; nous obéirons, et lors même que vous me quoique l'un de nous deux doive nécessairement

« Mihi enim liber esse non videtur, qui non aliquando inquit Catulus. Ut hic sitis hodie. – Tum, quum îlle'
» nihil agit. » In qua permaneo Catule sententia, lucque, «lubitaret quod ad fratrempromiserat,Ego, inquit Julius,
qnum lmc vent, hoc ipsuin niliil agere, et plane cessare, pro utroque responden: sic faciemus; atque ista qurdeni
delectat. Nam, quod addidisti tertium, vos eosesse, qui vi- conditione, vel nt verbum nullum faceres, me teneres.
tam insuavem sine his stndiis pntarctis, id me non modo Hic Catulus arrisit; et simul Praecisa, inquit, mihi
non liortatur ad disputandum, sed etiam deterret. Nam nt quidem dubitatio est, quoniam neque domi imperaram, et
C. Lueilius homo doctns et perut-banus, dicere solebat, ea, hic, apud quem eram futurus, sine mea sententia tam facile
quae scriberet, neque ab indoctissimis se, neque ab docti- promisit. Tum omnes oculos in Antonium conjecerunl;
simis legi velle; quod ajteri niliil intelligcrent, alleri plus et ille Audite vero, andite, inquit hominemenim audietis
fortasse, quam ipse; quo etiam scripsit, « l'ersium non deschola,atqueaa magistro, et greecis litleris et'udïtum et
euro legere (hicenim fuit, ut noramus, omnium fereno- eo qnidem loquar conlidentius quod Catulus auditor ac-
strornm hominum doctissimus); Laclinm Decimum voir» cessit cui non solum nos [latini sermonis, sed etiam
(quem cognovimus virum honum, et non illilteratum, sed Graeci ipsi soient suae lingum snbtilitatem elegantiamque
nihil ad Persium) sic ego, si jam mihi disputandum sit concedere. Sed tamen, quoniam hoc totnm quidquid est,
de his nostris studiis, nolim equidem apud rustiens, sed sive artificium, sive studium dicendi, nisi accessit os,
multo minus apud vos; malo enim non intcUigi orationem nullum potest esse; docebo vos, discipuli, quod ipse non
meam, quam rcpreliendi. didici quid de omni genere dicendi sentiam. Hic postea-
VII. – Tum Cacsar, Equidem, inquit, Catule, jam quam airiserunt Res mihi videtur esse, inquit, facullatn
mihi videor navasse operam, quod hue venerim; nam hrec praeclara arte mediocris. Ars enim earum reriim est, quae
ipsa recusatio disputationis disputatio quaedam fuit mihi scinntur; oratoris antem omnis actio opinionibus, non
quidam perjucunda. Sed cur impedimusAntonium, cuju.<; scientia, continetur. Nam et apnd eos dirimus, qui nft-
andio esse partes, ut de tota eloquentia disserat, quemqiie scinnt, et ea dicimus, quae nescimus ipsi itaque et Mi
jamdudum Cotta et Sulpicius esspeclant? Ego vero, inquit alias aliud iisdem de rebus et sentinnt, et judicant, et

obmnlescam Il.-
Crassus, neque Antonium verbum facere patiar,et ipse
nisi prius avobis impelraro.
LI'~¡}l--alll, 1110'
«10ÉIWS.– TOME I
"0('
1I1I)'<lIV, – Quidnaro?
nos contrarias saepe causas dicimns non modo ut Crassus
'0""0" ~t"U,
contra me dicat aliquando, aut ego conlra Crassum, qnum
UU. 010" 1-
Ifr
'1"
avoir tort; mais quelquefois même l'un de nous Si cette tache est au-dessus de mes forces, je
deux, après avoir soutenu un parti dans une puis toujours dire ce dont je suis bien convaincu
cause, soutiendra le parti contraire dans une que, quoique l'éloquence ne soit pas un art, il n'est
cause pareille; et cependant la vérité est toujours rien de comparable à un orateur parfait car sans
une. J'ai donc à vous entretenir d'une chose qui parler ici de l'influence que le talent de la parole
est appuyée sur le mensonge, qui conduit rare- a toujours exercée dans les États libres et bien
ment à la vérité; qui s'adresse aux passions, et réglés, ce talent par lui-même a tant de charmes,
souvent même aux erreurs des hommes; je le qu'il n'est rien dont l'oreille ou l'âme des hommes
ferai néanmoins, si vous croyez que mon senti- puisse être plus agréablementflattée. Quelle mu-
ment vaille la peine d'être écouté. sique plus douce qu'un discours harmonieux et
VIII. Nous le croyons, dit Catulus, et nous débité avec grâce! quelle poésie plus mélodieuse
désirons d'autant plus de t'entendre, que vous ne qu'une période habilement cadencée 1 L'acteur le
cherchez pas à nous séduire. Votre début sans plus parfait charme-t-il autant par l'imitation,
prétentionnous charme surtout par cette franchise que l'orateur par la vérité elle-même? Quoi de
que vous aimez, et qui ne cherche pas à se faire plus délicat que des pensées vives et pressées,
valoir. de plus admirable que des idées embellies de toute
J'ai établi en général, repritAntoine, que l'art la pompe de l'expression, de plus achevé qu'une
était pour peu de chose dans l'éloquence; mais je harangue où brillent tous les genres de beauté?
conviens aussi qu'on peut donner quelques pré- Car il n'est aucune matière, susceptible d'être
ceptes ingénieux sur les moyens de manier les es- traitée avec grandeur ou avec élégance, qui ne
prits des hommes, et de se rendre maître de leurs soit du domaine de l'orateur.
volontés. Si l'on veut donner le nom d'art à cette IX. C'est à lui d'exprimer noblement son avis
science, j'y consens. Puisque parmi ceux qui dans le sénat sur les intérêts les plus graves;
plaident des causes au barreau, le plus grand c'est à lui de réveiller le peuple de sa langueur,
nombre ne suit ni principes,ni méthode, tandis ou de calmer la fougue de ses emportements;
que d'autres, mieux guidés par le travail ou l'ha- c'est l'éloquence qui confond le crime, c'est elle
bitude, savent mettre plus d'habileté dans leurs qui fait triompher l'innocence. Qui peut exhorter
discours: il est évident qu'en cherchant pourquoi plus vivement au bien, détourner plus fortement
les uns réussissent mieux que les autres et si l'on du mal, flétrir le vice avec plus d'énergie, louer la
veut généraliser ces observations, on trouvera un vertu avec plus de magnificence, terrasser les
art, ou quelquechose d'assez semblable à un art. passions par des coups plus violents, soulager la
Que n'ai-je le pouvoir de dévoiler en ce moment douleur par des consolations plus douces Enfin
devant vous le secret de cette théorie, aussi bien l'histoire elle-même, le témoin des siècles, le flam-
que j'en aperçois tous les jours les éléments lors- beau de la vérité, l'âme du souvenir, l'oracle de
que j'entends plaider au forum! la vie, l'interprète des temps passés, quelle autre

alterutri necesse sit falsum dicere; sed etiam ut uterque Sed de me videra nunc hoc propono, quod mibi per-
nostruni eadem de re alias aliud defendat, quum plus suasi, quamvis ars non sit tamen nihil esse perfecto ora-
uno verum esse non possit. Ut igitur in ejusmodi re, qiue tore prœclarius. Nam, ut usum dicendi omittam, qui in
mendacio nixa sit, qusead scientiam non ssepe perveniat, omni pacata et libera civitate dominatur, tanla obleclatio
quœ opiniones hominum, et sœpe errores aucupetur, ita est in ipsa facultate direndi, ut nihil hominum aut auribus,
dicam, si causam putatisesse, cur audiatis. aut mentibus jucundiua percipi possit. Qui enim cantus
VIII. – Nos vero, et valde quidem Catulus inquit, modérai» orationis pronuntiatione dulciorinreniri potest?
pntamus, atque eo magis, qnod nulla mihi ostenlalionc quod carmen artificiosa verborumconclusioneaptius qui
videris esse usurus. Exorsuses enim non gloriose, magis, actor in [imitanda, quam orator in suscipienda veritato
nt tu putas, a veritate, qnam a nescio qua dignitate. jucundior ? Quid autem subtilins quam acuUe crehraeque
Ut igitur de ipso genere sum confessus, inquit Auto- sententiae? quid admirabilius, quam res splendore illu-
nius, artem esse non maximam sic illud affirme pru:- strata verborum? qnid plenius, quam omni rerum genere
repta posse quaedam dari peracata ad pertractandos ani- cumulataoratio? Neque enim ulla non propria oratoris est
inos hominum, et ad excipiendas eorum voluntates. IIiijiis res, quae quidem ornate dici gravitterque debeat.
rei scientiam, si quis volet magnam quamdamartem esse, IX. Hujns est in dando consilio de maximis rebns cum
dicere, non repugnabo. Etenim quum plerique temere ac dignitateexplicata sententia; ejusdem et languentispopuli
nulla ratione causas in foro dicant, nonnulli autem pro- incitatio, et effrenati moderatio eadem facultate et fraus
pter exercitationem ant propter consufittidinemaliquam hominum ad perniciem, et integritas ad satatem vocalur.
callidius id faciant non est (liibium, qnîii, siqnis animad- Quis cohortari ad virtutem ardentius, quis a vitiis acrius
verterit, quid sit, quarealii melius, quam alii dicant, id revocare, quiavituperare improbos asperius, quis laudare
possit notare. Ergo id qui toto in genere feceiit is si non bonos ornatius, quis cupiditatem vehemenlius frangere
plane artem, at quasi artem quamdam invenerit. Atque accusandopotest?quismoeroreinle?aremitiusconsolando? P
ulinam ut mihi illa videre tideor in (oro atque in canais, Historia vero testis temporum, lux veritatia, vita memo-
Ita nunc, quemadmodum ea reperirentur, possem vobis rise magistra vite nuntla vetustatis qua voce alia nisi
exponere oratoris immortalitaticommendalur? Nam si qua est ars i
voix que celle de l'orateur peut la rendre immor- étranger( l'orateur, au contraire, s'il n'a soin de
telle? car s'il est quelque autre art qui donne dess s'assurer
s les moyens qui lui sont propres, ne peut
règles sur l'invention et le choix des mots; si l'on r
dit d'un autre que de l'orateur qu'il sait donnerr
pasaller chercher ailleurs le talent de la parole.
X. Je ne devrais pas, Antoine, dit Catulus, ar-
un corps, une forme au discours et l'embellir parr rêter r la marche de votre discours mais vous me
l'éclat des pensées et les grâces de l'expression pardonnerez
i de vous interrompre, car je ne puis
si, hors l'éloquence, il est un art qui apprennee m'empécher
> de m'écrier, comme dit ce person-
à trouver les raisonnements et les idées, la dis- nage i-
r du trinummus; tant vous m'avez paru ca-
position et la méthode, il faut avouer ou qu'onn ractériser
r avec justesse et louer avec magnifi-
étend cet art au delà de ses limites, ou que cee cencela c puissance de la parole. C'est à l'homme
qu'on lui attribue lui est commun avec un au-i- éloquent i à célébrer l'éloquence, puisque, pour
tre art. Si à l'éloquence seule appartiennent ces en s
e faire l'éloge, c'est à elle-même qu'il doit avoir
secrets, quand même des hommes qui cultiventrecours. i Mais continuez; je conviens avec vous
d'autres arts se seraient exprimés avec talent, ce :e que l'éloquenée est votre domaine, et que ceux
qui
<

n'en serait pas moins à elle qu'il faudrait en rap- ( se montrent éloquentsdans un autre art usent
d'une faculté d'emprunt, et qui leur est tout à
porter la gloire. L'orateur, nous disait hier Cras- <
sus, peut parler très-bien des autres arts, pour peu u fait
1 étrangère.
qu'il les ait étudiés de même ceux qui les pro-i- Il faut avouer, Antoine,dit à son tour Cras-
fessent pourront en parler avec élégance, s'ils se ie sus,
s que la nuit vous a bien radouci vous voilà
sont formés à celui de bien dire. Qu'un agricul- I- devenu
( d'humeur traitable. Hier vous faisiez de
teur, qu'un médecin, comme on l'a vu souvent, l'orateur
I une espèce de forçat ou de manoeuvre,
qu'un peintre, aient été éloquents, en parlant ou u borné
1 à son métier, comme dit Cécilius, et dé-
en écrivant sur l'agriculture, la médecine ou la la pourvu
] d'instruction et de culture.
peinture, il ne s'ensuit pas que l'éloquence ap- i- -Hier, reprit Antoine, je m'attachais unique-
is
partienne à aucune de ces trois professions;mais ment à vous réfuter, pour vous enlever vos dis-
it
telle est l'étendue de l'esprit humain, que souvent ciples; mais aujourd'hui que je parle devant
les hommes se forment d'eux-mêmes des notions Catulus et César, je dois moins songer à lutter
sur tous les arts, sans les avoir étudiés. En gé- i- contre vous, qu'à exposer ma véritable opinion.
néral, on peut juger de ce qui est propre à chaque le Puisque nous destinons l'orateur à paraître au
genre parles règles qui en dérivent; mais ce qui ai barreau et en présencede ses concitoyens, voyons
ts d'abord quels sont ses devoirs et ses fonctions.
est encore plus certain, c'est que tous les autres arts
peuvent, sans le secours de l'éloquence, atteindre re Dans l'entretien d'hier, que Catulus et César n'ont
le but qu'ils se proposent, au lieu que sans elle on m point entendu, Crassus nous a expliqué en peu de
ne saurait mériterlenomd'orateur. Ainsi les au- t- mots les règles adoptées par la plupart des rhé-
tres, s'ils sont éloquents, le doivent à un art rt teurs grecs, et il nous a plutôt fait connaître leurr

alia, quae verborum, aut faciendorum, aut deligendoiumm


tinere non potest ut ceteri si diserti sint, aliquid ab hoc
scientiam profiteatur; aut ir, habeant; hic nisi domesticis se instruxerit copiig, aliunde
si quisquam dicitur, nisi orator,
formareoiationem, eainque variare et distinguera quasi isi dicendi copiam petere non possit.
quibusdamverborum sententiarumque insignibus; aut si X. -Tum Catulus Etsi, inquit, Antoni, minime im-
via ulla, nisi ab hac una arte, traditur, aut argumento- o- pediendus est interpellalione iste cursus orationis tuap,
rum, aut sententiarum aut denique descriptionis atque ae patiere tamen, mihique ignosces. Non enim possum,
ordinis fateamur aut hoc quod hœc ars profiteatur,alie- e- quin exclamem ut ait ille in Trinummo ita mihi vim
num esse, aut cum alia aliqua arte esse commune. Sed si oratoris quum exprimere subtiliter visas es, tum laudare
in hac una est ea ratio atque doctrina, non, si qui alia. ia. copiosissime quod quidem eloquentetn vel optime facere
rum artium bene locuti sunt', eo minus id est hujus unius us oportet, ut eloquentiam laudet; débet enim ad eam lau-
proprium; sed ut orator de iis rebus, qum ceterarum ar- tr- dandam, ipsam illam adhibere, quam laudat. Sed perge
tium sont, si modo eas cognorit (ut heri Crassus dicebat), ), porro; tibi enim assentior, vestrum esse hoc toturn, di-
t),
optime potest dicere sic ceterarum artium homines orna- la- serte dicere, idque si quis in alia arte facial eum assumto
tius illa sua dicunt, si quid ab hac artedidicerunt.Neque ue ajiunde uti bono, non proprio, nec suo.
enim si de rusticis rebus agricola quispiam aut etiam idd,t – Et Crassus Nox te inquit, nobis, Antoni, espolivit
quod multi, medicus de morbis, aut de pingendo pictor !or hominemqne reddidit. Nam hesterno sermone, unius cu>
aliquis diserte dixerit, aut scripserit, idcirco illius ar- îr- jusdam operis, ut ait Cïecilius, remigem aliquem, ant
tis pulanda sit eloquentia in qua quia vis magna est in bajulum, nobis oratorem descripseras, inopem quemdam
hominum ingeniis, eo muiti etiam sine doctrina aliquid tid humanitatis atque inurbanum.
omnium generum atque artiura consequuntur. Sed, quid lid -Tum Antonins, Heri enim, inquit, hoc mihi prom>-
cujusque sit proprium, et si ex co judicari potest, quum im sueram, ut, si te refellissem hos a te discipulos abdu-
videris, quid quaeque doceant tamen hoc certius nihil esse sse cerem nunc, Catulo audiente et Caesare, videor debere
potest, quam quod omnes artes alite sine eloquentia suum îm non tam pugnare tecum, quam*, quid ipse sentiam, dicen1.
Sequitur igitur, quoniam nobis est hic, de quo loqnimiir
munus pnestare possunt, orator sine ea nomen suum ob- ib-
.15.
IK.
_n" .u.
1"1, chez les hommes? Il n'y a qu'a pren-
doctrine que son propre sentiment. Il an reconnu ment louable
d'abord que les questions sur lesquelles l'élo- dre pour base ce que dit Crassus au commence-
quence peut s'exercer sont de deux espèces les ment de la harangue qu'il prononça pendant sa
unes indéfinies, les autres déterminées. Il m'a censure contre son collègue Je puis voir sans
paru qu'il entendait par indéfinies celles qui sont peinequ'on me surpasse dans tout ce qui dépend
proposées d'une manière générale, comme quand île la nature ou de la fortune;je ne puis souf-
on demande si l'éloquence, si les honneurs sont frir qu'on l'emporte sur moi dans ce que les
une chose désirable; par déterminées, celles où hommes peuvent acquérir par eux-mêmes.
l'on spécifie les personnes, et qui roulent sur des Ainsi, lorsqu'on aura quelqu'un à louer, on sen-
faits positifs et précis. Telles sout les causes civi- tiraqu'ilfaut parler desdons de la fortune, comme
les et les contestations débattues au forum. Cette la naissance, les richesses, les parents, les amis,
classe comprend surtout les procès plaides devant la puissance, la santé, la beauté, la force, le gé-
les tribunaux, et les délibérations publiques. nie, et les autres avantages, qui sont ou corpo-
Quant au troisième genre de questions indiqué rels ou étrangers à notre personne. Si celui dont
par Crassus, et reconnu, à ce que j'entends dire, nous faisons l'éloge les a possédés, nous le loue-
par Aristote lui-même qui a traité ces matières rons d'en avoir fait un bon usage; s'il en a été
d'une manièresi lumineuse, il peut être utilesans privé, nous dirons qu'il a su s'en passer; s'il les
doute; mais je ne le crois pas d'une nécessité a perdus, qu'il cn a souffert la perte avec cons-
aussi indispensable. -De quoi voulez-vous par- tance. \ous rapporterons ensuite les actes de gé-
ler ? dit Catulus: n'est-ce pas du panégyrique? nérosité, de courage, de justice, de grandeur,
c'est là le troisième genre qu'on reconnaît ordi- de piété, de reconnaissance, d'humanité, enfin
nairement. tout ce qu'il a fait ou supporté avec vertu. Celui
XI.' – Oui, poursuivit Antoine, et je me rap- qui veut louer saura bien apercevoir tous les traits
pelle le plaisir extrême que me causa un tel dis- semblables, ou en choisir d'opposés, si son but
cours, ainsi qu'à tous ceux qui l'entendirent ce est de blâmer.
fut lorsque vous prononçâtes l'éloge de votre Pourquoi donc, dit Catulus, refusez-vous
mère Popillia, la première femme, je crois, à d'admettre ce troisième genre, puisqu'il est dans
qui l'on ait décerné dans Rome un pareil honneur. la nature des choses? De ce que les règles en sont
Mais il ne me semble pas nécessaire d'assigner plus faciles, ce n'est pas une raison pour le sup-
des règles et des préceptes pour tout ce qui peut primer. Parce que je ne veux pas, répondit
faire le sujet d'un discours; car les principes qui Antoine, m'arrêter à tous les genres de discours,
s'appliquentà tous les genres d'éloquence peu- même les moins importants, que l'orateur peut
vent aussi convenir au panégyrique sans qu'on avoir à traiter, et faire supposer qu'il ne peut ou-
ait besoin d'en imaginer d'autres; et à défaut de vrir la bouche, sans tout cet attirail de préceptes.
préceptes, personne ignore-t-il ce qui est réelle- Par exemple, on est souvent obligé de rendre té-

in foro atque m ocnlis civium conslituendus ut vides- tur ad artem et ad praecepta esse revocanda. Ex his enim
mus, quid ei negotii demus, cnique eum muneri velimus fontihus, unde omnia ornate dicendi praecepta surnuntur,
esse prsepositum. Kam Crassus heri, qnum vos, Catnle licebit etiam laudationem ornare, neqne illa elementa oV-
et Cœsar, non adessetis, pnsuit breviter in artis distri- siderare quse ut nemo tradat, quis est, qui uesciat, qiim
hutione idem, quod Grœci plerique posuerunt, neque sane sint in homine laudanda? Positis enim iis rébus, quas
quid ipse sentirai, sed quid ab illis diceretur, ostendit Crassus in illius orationis suœ qnam contra collegam cen.
duo prima genera quœstionumesse, inquibus cloquentia sor habnit, principio dixit, « Quœ natnra, aut fortuna
versaretur, unum mfinitum, altenim cerlum. Infinitum darentur hominibns, in iis rébus se vinci posse animo
mihi videbatur id dicere, in quo aliquid generatim quae- œquo pati; quo? ipsi sibi homines parare possent, in iis
reretur, hoc modo > Expetendane esset eloquenlia? rebus se vinci pâli non posse » qui laudabit quempiam,
« expetendine honores? certum autem, in quo
quid in intelliget, exponenda sibi esse fortunac bona. Ea sunt,
personis, et in constitula re et delinita queereretur cu- generis, pecunias propinqnornm, amicorum, opum, va-
jusraodisunt, quœ inforo,atque in civium causis disce- litudinis, formœ, virium, ingenii, ceterarumque rerum,
ptationibusque versantur. Ea mihi videntur aut in lite quse sunt aut corporis, aut extrane% si habuerit, bene
urdinanda, aut in consilio dando esse posita nam illud his usum; si non habuerit, sapienter carnisse si amiserit,
tertium, quod et a Crasso tactum est, et Ht audio, ille moderato tulisse. Deinde, quid sapienter is, quem landet,
ipse Aristoteles,qui haec maxime illustravit, adjumit, quid liberaliter, qnid fortiter, qnid juste, quid magnifiée,
etiamsi opus est, tamen minus est necessarium. Quid- quid pie, quid grate, quid humaniter, quid denique cum
nam? inquit Catulus; an laudationes? id enim video poiû aliqua virtute aut fecerit, aut tulerit. Haec, et quœ sint
genus tertium. ejus generis, facile videbit, qui volet laudare quempiam;
XI. – lta inquit Antonius, et in eo quidem genere scio et qui vihiperare, contraria.
et me, et omnes, qui affuerunt, delectatos esse vehemen- Cur igitur dubitas, inquit CaUilus facere hoc terlium
ter, quum abs te est Popillia, mater vestra, laudala; cri genus, quoniam inest in rationc verum? non enim, si est
Vritnom mulieri hune honorem in nostra civitate trihutnm facilius, eo de numéro quoque est excerpendum. Quit
Puto sed non omnia, qii.iecMioque loqnimur, milii viden- nolo, inquit, omnia, qnne cadunt aliquando in oratorem,
t
moignagc, et quelquefois avec étendue, comme besoin des préceptes de l'ait. – Je suis tout à fait
je le fis quand je déposai contre Sex. Titius, ci- de votre avis.
toyen turbulent et séditieux. Je rappeiai la con- Ne croyez- vous pas aussi, reprit Antoine,
duite que j'avais tenue pendant mon consulat, la que pour écrire l'histoire il faut être orateur, et
lutte que j'avais soutenue pour l'intérêt de la ré- posséder un grand talent? Oui, sans doute
publique contre ce tribun factieux, tout ce qu'il pour l'écrire comme l'ont fait les Grecs; mais pour
avait fait lui-même de contraire au bien de l'État. l'écrire comme nos Romains, il n'est pas besoin
Cette affaire dura longtemps; j'eus beaucoup à d'être éloquent il suffit de ne pas mentir.- Ne
entendre, beaucoup à répondre. Croyez-vous méprisez pasnos compatriotes les historiens grecs
pour cela qu'en traitant de l'éloquence, il faille ont commencé eux-mêmes par ressembler à no-
donner des règles et une méthode sur la manière tre Caton, à Fabius Pictor, à Pison. Écrire l'his-
de déposer en justice? Non, sans doute. toire, ce n'était d'abord que faire des annales.
XII. -Si, comme il arrive souvent aux per-
I
C'est pour cet objet, c'est pour conserver tes sou-
sonnages du premier rang, on est chargé par un venirs publics, que, dès les premiers temps de
général de quelque message auprès du sénat si Rome, jusqu'au grand pontife P. Mucius, le
le sénat vous envoie transmettre ses ordres à un grand pontife recueillait tous les événements de
général à un roi, à une nation, il faudra, dans chaque année, et les écrivait sur une table blan-
une circonstance semblable, employer une élo- chie qu'il exposait dans sa maison, afin que le
cution plus soignée mais irons-nous pour cela éta- peuple pût ta consulter. Voilàce qu'on nomme en-
blir un genre et donner des préceptespartiouliers?2 core aujourd'hui les grandes Annales. Plusieurs
En pareil cas, l'habitude de la pa- historiens ont suivi cette manière ils se conten-
–roleNullement.
et la connaissance générale de l'art oratoire taient de consigner les époques, les noms des
seront des ressources suffisantes. Il en est de personnages et des lieux, la mémoire des faits,
même de tous les sujets qui exigent le talent de sans y joindre aucun ornement. Tels avaient été
la parole, etqui, comme je le disais tout à l'heure, parmi les Grecs Phérécyde, Hellanicns, Acusilas
en faisant l'éloge de l'éloquence, rentrent dans et beaucoup d'autres; tels furent à Rome Caton,
le domaine de l'orateur ils n'ont pas de place, Pison et Fabius Pictor. Ils ignorent le secret
dans la division des genres, ils ne sont pas sou- d'embellirle discours, etce secret, en effet, n'a été
mis à des préceptes déterminés; cependant ils de- importé que depuis peu de temps parmi nous;
mandent autant de soin que les plaidoyers. Tels uniquement jaloux de se faire comprendre, ils
sont les reproches, les exhortations, les conso- ne counai^Éiutre mérite que celui de la
lations ces différentes matières exigent tous les précision. i^^Her, cet estimable ami de Cras-
ornements de l'élocution; mais elles n'ont pas sus, a pris îu^Bi plus élevé, et donné plus de.

quamvis exigua sint, ea sic traclare, quasi niliil piwsit sideret; sed e\ artificio tes ista? pnecqtla non qurerunt –
dici sine prœceptis suis. Nam et lestimonium saepe dicen- Plane, inquit Catulus assentior.
dum est, ac nonnumquam etiam accuralius, ut mihi neces-
– Age vero, inquit Antoniii», qualis oratoris, et quanti
se fuit in Sex. Titium, seditiosum civem et turbulentum
explicavi in eu teslimunio dicendo omnia consilia consulatus hominis indicendo, putas esse, bistonamscribere? – Si,
mei, quibus illi tribano plebis pro republica reslitissem ut Grœci smpseruntjSunimi, inquit Catulus; si utuostri,
t|iiaet]ijeabeo contra rempiihlicanifacta arbitrarei',exposui; nitiil opus est oratore satis est, non esse mendacem.
diu retentus sum, nuilta audivi, multa respondi. Num igi- Alqui, ne nostros coutemnas, inquit Autonius, Grœei
tur ptacet, qiitun de eloquentia prmipias, aliquid etiam de quoque sic initio scriptitaïunt, ut noster Cato, ut Pictor,
leslimoniis diceudis quasi in arte tradere? Kiliil sane, ut Piso. Erat enim liistoria niiiil aliud, nisi annalium con-

inquit Catulus, necesse est. IVclio cujus rei, inemoriacque publicœ retinendae causa,
ab initio rerum ronianarum usque ad P. Mucium, pontifi.
XII. Quid? si (quoi saepe summis viris accidit) man-
data sint exponenda, aut in senatu ab imperatore; aut ad cem
maximum res oinnes singulorum ammrani mandabat
littei-is pontifex maximus, elTerebalque in album et
imperatorem, aut ad regem, aut ad populum aliquem a ponebat tâbulam domi, potestas ut esset populo pro-
cogno-
senatu duiq, quia génère orationis in înijnsmodi causis scendi; ii, qui etiam
nunc annales maximi noininanlur.
accuratioreest ulendum idcirco pars etiam hœc causîirum Hanc. similitudinem sciibendi multi seenti sont, qui sine
numeranda videtur, aut propriis praeceplis inslrueinia? ullis ornamentis monumentasolum temporum, hominum
– Minime vero, inquit Catulus non enim deerit homini loconini, gcstarumqne rerum reliqueiaint. ltaque quai»}
diserto in cjusmodi rébus facuttas, ex ceteris rébus et apud Grîccos Pherecydes, Hellanicns Acusilas fuit, alii-
causis comparata. Ergo item, inquit, illa, quae srcpe que permulti; talis noster Cato, et Pictor, et Piso, qui
diserte agenda sunt, et quac ego paullo ante (quuin élo- nequo lenent, qnibus rébus ornatur oratio (modo enim
quent iam laudarem) dixi oratoris esse, neque habent suum hue ista sunt im[)orlata) et, dum intelllgatur, quid dicant,
locum illum in divisione partium, neque certum prijece- unam dicendi laudem pulant esse Urevitatein. Fanllulum
plorumgenus, et agenda sunt non minus diserte, quam se erexil, et addidit liistoii.K majorem souum vocis vir
qu» in tite dicuntur, objurgatio, cohortatio, consolatio optimus, Crassi familiaris, Anlipatci- céleri non enorn»-
quorum nihil est, quod non summa dicendi oi n.impnla de. tores rerum, sed tantumroodo narratores fueninl.
dignité à l'histoire: les autres ne songent pas à cuse qui fut intimement lié avec Denys le tyran.
orner les faits, ils se contentent de les rapporter. 1 Il consacra tous ses loisirs à écrire l'histoire, et
XIII. Vous avez raison, dit Catulus; toute- parait avoir surtout pris Thucydide pour modèle.
fois ce même Antipater n'a pas su donner de l'in- Ensuite deux hommes d'un talent supérieur,
térêt à l'histoire par la variété des couleurs, ni Éphore et Théopompe, sortis de l'école féconde
par l'arrangement des mots, ni par le charme d'Isocrate, s'adonnèrent à ce genre, encouragés
d'un style doux et coulant; peu versé dans la par les leçons de leur maître; mais ils ne plaidè-
littérature, peu éloquent, il ne prêta à l'histoire rent ni l'un ni l'autre.
que quelques ornements grossiers il n'en est pas XIV. La philosophie produisit encore deux
moins, comme vous le dites, supérieur à ceux historiens, Xénophon, cet illustre élève de So-
qui l'ont précédé. Ne nous étonnons pas si,
1
crate, et Callisthène, disciple d'Aristote, et
dans notre langue, ce genre ne s'est pas encore compagnon d'Alexandre. La manière de Callis-
élevé à un plus haut degré de perfection. A Rome, thène est presque oratoire; le ton de Xénophon
on n'étudie l'éloquence que pour briller à la tri- est plus simple; il n'a pas l'entraînement de l'o-
bune et au barreau; chez les Grecs, au contraire, rateur mais s'il est moins véhément, il me sem-
les hommes les plus éloquents, libres de cette ble aussi que son style a plus de charme et de
ambition, cherchèrent à s'illustrer par d'autres douceur. Timée, qui parut après eux tous, eut,
travaux, et s'adonnèrent surtout à écrire l'his- autant que j'en puis juger, une érudition beau-
toire. Hérodote, qui le premier y porta les orne- coup plus étendue; son fonds est plus riche, ses
ments de la diction, ne fut jamais orateur; ce- pensées plus abondantes; son style même ne man-
pendant son éloquence me frappe, et autant que que pas d'art; mais écrivain très-éloquent, il ne
je puis sentir le mérite d'un ouvrage grec, j'é- parut jamais au barreau.
prouve à le lire un plaisir extrême. Thucydide, Lorsque Antoine eut ainsi parlé – Eh bien 1
qui vint après lui, surpassa tous les autres, à dit César, que vous en semble, Catulus, où sont
mon avis, par l'art de sa composition. Chez lui ceux qui prétendent qu'Antoine ne sait pas le
la pensée est tellement abondante, qu'il présente grec? que d'historiensil vient de nous citer! avec
presque autant d'idées que de mots; il y a tant quelle vérité, avec quelle justesse il a caractérisé
de justesse et de précision dans son style, qu'on chacun d'eux! J'en suis surpris comme vous,
ne sait si l'expression ajoute à la pensée, ou si dit Catulus; mais je l'étais bien plus, qu'un homme
c'est de la pensée qu'elle tire son éclat. Mais quoi- dépourvu de ces connaissances eût pu être aussi
qu'il ait pris part aux affajw MMUsues on ne éloquent et, à cet égard mon étonnement vient
voit pas qu'il ait jamais 'w^>De composa de cesser. II est vrai, mon cher Catulus, re-
son ouvrage qu'après sàv M^p, et lorsque, prit Antoine, que je lis quelquefois ces auteurs
subissant le sort commun ne tous les grands et d'autres de la même nation mais ce n'est pas
d'Athènes il eut été comme tant d'autres con- pour me perfectionner dans l'art de la parole;
damné à l'exil. Après lui parut Philistus de Syra- c'est uniquement pour charmer mes loisirs. Me

XIII. Est, inquit Catiilus, ut dicis: sed iste ipse Cœ- solitum est, in exsllium pulsus esset. Hune consecutus est
lins neque dislinxit historiam varietate locorum; neque Syracusius Philistus, qui, quum Dionysii tyranni familia-
verbornm collocatione, et tractu orationis leni et a?quabili rissimus esset, otium suum consumsit in liistoria scri-
perpolivil illud opus; sed ut liomo neque doctus, neque benda, maximeque Tliucydidem est, sicut mihi videtur,
maxime aptus ad dicendum, sicut potnit, dolàvit vicit imitatus.Postea vero, quasi ex clarissima rlietoris ollicina
tamen, ut dicis, superiores. Minime miruui, inquit Anto- duo pisestantes ingenio, Xheopouipus et Eplinrus, ab Iso-
njus si isïa res adhuc nostra lingua illustrata non est. Nemo crate magistro impulsi, se ad historiam contulerunt cau-
enim studet eloqueutiae nostrorum hominum, nisi ut in sas omnino nunquam attigernnt.
causis atque in foro eluceat; apud Grœcos autem eloquen- XIV. Denique etiam a philosophia profectus princeps
tissimi homines, remoti a cansis forensibus, qunm ad ce- Xenophon,Socraticus ille post ab Aristotele Callisthenes,
teras ira illustres, tum ad scribendum historiam maxime cornes Alexandri scripsit historiam et hic quidem rhe-
se applicaverunt. Namque et Heiodotum illum, qui prin- torico pœne more ille antem superior leniore quodam sono
ceps genus hoc ornavit, in causis nihil omnino versatum est usus, et qui ilium impetum oratoris non habeat; vehe.
esse accepimus atquitanta est eloquentia,ut me quidem, mens fortasse minus, sed aliquanlo tamen est, ut mihi
quantum ego graece scripta intelligere possum, magnopere quidem videtur, dulcior. Minimus natu horum omnium
deleclet. Et post illmn Thucydides omnes dicendi artificiel Timaeus, quantum autem judicare possum, longe eruditis-
mea sententia, facile vicit qui ita creber est rerum fre- simas, et rermn copia et suntentiariiin varietate abtindan-
quentia, ut verborum prope numerum sententiarum nu- tissimus, et ipsa cnmpositione verborum non impolitus
méro consequatur; ita porro verbis aptus, et pressus, ut magnam eloqtientiam ad scribendum attulit, sed nuilunx
uescias, utrum res oratione, an verba sententiis illustren- usum forensem.
tiir. Atqui ne hune quidem, quanquam est in republica Haec quum ille dixisset – Quid est, inquit, Calule
veïfiatus ex numéro accepimus eorum qui causas dictita- Caesar? ubi sunt, qni Antonium graece negant sciie? quo*
nint; et lia- libros tum scripsisse dicitur, quum a republica historicos nominavit? quam sfienter? quam proprie Au.
r«inotus, atque, id quod oplimo cuique Athenis aceidere unoquoque dixit? – Id mehercule, inquit C^lulus, admi-
sont-ils donc inutiles? Non; de même qu'en me de ne rien taire de vrai, d'éviter jusqu'au soup-
promenant au soleil, je vois bientôt mon teint se çon de la faveur ou de la haine ? Tels sont les pre-
<

haler, quoiqu'en sortant de chez moi telle ne fût micrs fondements de l'édifice et il n'est personne
pas mon.intention ainsi quand je lis attentive- qui ne les connaisse les matériaux sont les faits
ment ces ouvrages, à Misèoe ( car à Rome je n'en et les mots. L'exposition des faits exige l'ordre
ai pas le temps), je m'aperçois que leur style exact des temps, la description des lieux; et
donne delà couleur au mien. Mais pour que vous comme dans les événements importants qui mé-
n'ayez pas une trop grande idée de mon savoir,je ritent d'être transmis à la postérité, on veut
vous dirai que mon intelligence des auteurs grecs connaître la pensée qui les a préparés, puis l'exé-
se borne à ce qu'ils ont bien voulu mettre à la cution, et enfin le résultat, l'écrivain doit d'abord
portée du vulgaire. Lorsque je veux entrepren- énoncer son opinion sur l'entreprise elle-même;
dre de lire vos philosophes séduit par les titres ensuite faire connaître non-seulement tout ce qui
de leurs livres, qui annoncent ordinairement des s'est dit et fait, mais encore de quelle manière; et
sujets clairs et bien connus, tels que la vertu, la quant au résultat, en indiquer fidèlement les cau-
justice, l'honnêteté, le plaisir, je n'y comprends ses, en faisant la part du hasard, de la prudeuce ou
absolument rien tant ils sont hérissés de discus- de la témérité. Il ne se contentera pas non plus
sions sèches et subtiles. Quant aux poètes ils ont de rapporter les actions des personnages célè-
pour ainsi dire un langage à part, et je ne cher- bres il s'attachera aussi à peindre leurs mœurs et
che pas à m'élever jusqu'à eux. Je m'amuse, leur caractère. Le ton du discours doit être doux
comme je vous l'ai dit, avec ceux qui nous ont et facile, le style coulant et soutenu, sans cette
transmis l'histoire des temps passés, ou qui ont âpreté qui convient au barreau, sans ces traits
laissé par écrit les discours qu'ils avaient pronon- énergiques dont l'orateur anime son discours à la
cés, enfin avec les auteurs qui, en s'exprimant tribune. Sur tous ces points si importants,trouve-
clairement, semblent avoir voulu s'accommoder t-on un seul précepte dans les livres des rhé-
à l'intelligence d'hommes aussi peu savants que teurs ?
moi. Mais je reviens à mon sujet. Ils ont gardé le même silence sur plusieurs
XV. Ne voyez-vous pas que l'histoire exige tous autres parties de l'art oratoire, comme les exhor-
les talents de l'orateur? Je ne sais si aucun autre tations, les consolations,les instructions, les aver-
ouvragea besoin d'un style plus rapide et plus va- tissements. Tous ces genres demandent beaucoup
rié. Cependant je ne trouve point dans les rhé- d'éloquence; mais les rhéteurs ne les font pas
teurs de préceptes particuliers sur ce genre; c'est figurer dans leurs traités. Toutefois ils nous ou-
qu'en effet les règles en sont évidentes. Qui ne vrent une carrière immense, en divisant, comme
voit que les principales lois de l'histoire sont de le disait Crassus, l'art oratoire en deux genres,1
ne jamais rien dire de faux, d'avoir le couragele l'un qui renferme les questions particulières et

rans, illud jam mirari desino, quod multo magis ante mi- quis nescit, primam esse historiée lèsent, ne quid falsi
rahar, lninc quura hœc nesciret in dicendo posse tantum. dicere audeat? deinde ne quid veii non audeat? ne qua
-Atqui, Catule, inquit Antonius, non ego utilitatem ali suspicio gratia; sit in scribendo? ne qua simiillatis? ll.rc.
qiiam ad dicendum aucupans horum libros et !nonnullos sciiicet fundamenta nota sunt omnibus. Ipsa autem ew-
alios, sed delcctationis causa, quum est otium, légère so- difieatio posita est in rébus et verbis. Rerum ratio ordinem
leo. Quid ergo est? fatchor; aliqnid tamen t ut, quum in temporum desiderat, regionum descriptionem; vulteliam,
sole ambulem, etiamsi aliam ob causam anibulcm licri quoniam in rebus magnis memoriaquedignis consilia pri-
natura tamen, ut colorer; sic, quum istos libros ad Mise- mum, deinde acta, postea eventus exspectantur, et de
num (nam Romae vix licet) studiosiuslegerim, senlio ora- consiiiis signiflcaiï quid scriptor probet, et in rebus gestù
tionem meam illorum tactu quasi colorari. Sed ne latius hoc dedarari non solum quid actum aut dictum sit, se
vobis patere videalur, ha;c duntaxat in Gratis intelligo, etiam quomodo et qunm de eventu dicntur, ut causse ex
quœ ipsi qui scripserunt, voluerunt a vulgo inlelligi in plicentur omnes, vel casus, vel sapientiae,vel temeritatie;
philosophos vestros si quando incidi, deceptus indicihus liominumqueipsorum non solum res gesUe, sed etiam,
hhrorum quod sunt fere inscripti de rebus notis et illu- qui fama ac nomine excellant, de cujusque vita, atque
slribns,de virtute, de justifia, de honestate, de voluptate, natura. Verborum autem ratio, et genus orationis, fusum
verbum prorsus nullum intelligo ita suut angustis et con- atque tractum, et oiimlenilatequadam [equabili protluens,
cisis disputationibus iilligati! Poetas omnino, quasi alia sine bac judiciali aspctitatc,etsinesentenliaruinIbrensiuni
quadam lingua locutos, non conor attingere cum his me aculeispersequendumest. Harum toi lantarumque rerum
(ut dixi) oblecto, qui res gestas, aut qui orationes scripse- videtisne ulla esse prmeepta, quœ in arlihis rheloruni
rant suas, aut qui ita luquuntur, ut videantur voluisse reperiantur ?
nobis, qui non sumus eruditissimi, esse familiares. Sed In eodem silentio mulla alia oratomm officia jacueratt,
klluc redeo. cohortationes, consolaliones, praecepta, admonita quae
XV. Videtisne, qnantnm munus sit oratoris liistoria? traclanda sunt omnia diseilissime; sed locnm suum in illis
haud scio, an llumine orationis, el varietate maximum. artibus, quaetiaditœ sunt, habent nullum. Atque in hon
Neque tamen eam reperio usquam scpuatim iustructam genere illa quoque est infinita silva, quod oratori pierique
ihetorunt prœceplis sita sunl enim ante oculos. Nam (ut etiam Crassus ostendit) duo genere ad dicendum dc-
déterminées, comme les discussions judiciaires i
la vie, les intérêts de la république, la société
pu les délibérations publiques, auxquelles on
civile,
c le sentiment commun des hommes, les
peut ajouter, si t'en veut, les panégyriques l'au- mœurs, la nature, n'est, selon moi, étranger à
n
tre, reconnu par tous les rhéteurs, saus qu'au- l'orateur:
l' non pas qu'il doive développer chacun
cuii l'explique, a pour objet Ics questions où l'on dde ces sujets à la manière des philosophes; mais
il faut qu'il sache les faire entrer habilement dans
il
ne détermine ni le temps, ni les personnes; et
les auteurs qui l'admettent ne paraissent pas en une
n cause, et qu'il soit en état d'en parlercomme
.connaître la nature et l'étendue. Si toutes les ceux
c qui ont fondé le droit, les lois, les cités,
questions indéfinies sont dudomaine de l'orateur, c'est-à-dire,
c d'une manière simple etclaire, sans
il faudra donc pour prétendreàee titre, discouriry 3 mêler laseclleresse de l'analyse, et l'ennui des
Mais, pour qu'on ne s'étonne pas si je
sur la grandeur du soleil et la figure de la terre; discussions.
i
onuepourrasedispenserdetraitercequiconcerne n'établis i aucun précepte pour tant d'objets im-
les mathématiques et la musique; enfin, celui portants,.je
} dirai qu'il en est ici comme dans les
qui se croit obligé d'embrasser, uou-seulement iautres arts, où, lorsqu'on a donné des règles sur
tous les objets de discussion ou les temps et les les parties les plus difficiles, il est inutile d'en
1

personnes sont spécifiés, comme les causes judi- donner sur celles qui sont plus aisées ou qui ren-
<

ciaires, mais encore les questions dont la naturetrentdans les premières. Ainsi, dans la peinture,
est indéterminée celui-là trouvera qu'il n'est au- l'élève qui aura bien appris à représenter la figure

cun sujet qui ne rentre dans ses attributions. de l'homme, pourra lui donner l'âge et les traits
XVI. Si nous assignons à l'orateur un do- qu'on voudra, sans avoir besoin d'autres leçons
marne si vaste, des fonctions si vagues et si éten- et il n'est pas à craindre que celui qui saura bien
dues; si nous lui imposons l'obligation de parlerr rendre un lion ou un taureau, ne puisse réussir à
sur le bien et le mal sur ce qu'il faut désirer ou1 peindre tout autre quadrupède. Il n'y a point
fuir, sur ce qui est honnête ou déshonuête, utile d'art
où les préceptes puissent s'étendre à tous
ou inutile, sur ta vertu, la justice, la continence, les détails; mais quand une fois on possède les
la prudence, la grandeur d'âme, la générosité, principes généraux, on n'a point de peine à des-
Je piété, l'amitié, la bonne foi, les devoirs, en- cendre aux applications particulières. Il en est
lin, sur toutes les vertus et tous les vices; si nouss de même dans l'éloquence lorsque par l'étude ou
voulons qu'il y joigne encore tout ce qui a rapportt l'expérience on s'est mis en état de discuter les
ji la politique, au gouvernement, à la guerre, à affaires de la république de défendre ses propres
l'administration, aux mœurs des hommes, j'yy intérêts ou ceux de ses clients, et de combattre
consens, pourvu qu'il se renferme dans de justess ses adversaires avec un talcntcapable d'émouvoir,
bornes. A la vérité, rien de ce qui regarde les ac- d'entraîner à son gré ceux de qui la décision
tions et la conduite des citoyens, les habitudes dee pourra dépendre, on n'est pas plus embarrassé

lieront unum de certa definitaque causa, quales sunt, t, quaejiertinent ad usum civiura morem ltominum quae
qua; in litibus, quae in deliberalionibus versantur;addat, versaiittirin
versantur consuetudine vite,
in ronsuetudine vitas, in ration(,-
ratione i-cipubiim,
reipublicae, iet
in
si <inis yolet, etiam laudationes; alternm, quod appellant ;it hac socictale civili, in sensu hominum communi, in na-
limites lire scriptnres, explicat nemo, inrinitam generis is tura, in inoribus, compreltendenda esse oratori puto si
aîilo tempore, et sine persona quEestionem. Hoc quid et minus, ut separatim de bis rebus philosopliorum more
quantum sit, quum dicunt, iutelligere mihi non videntur. r. resnondeat at certe, ut in causa prudenter possitintexere
si enim est oratoris, quœcumque res inimité posita t, sit, bisce autem ipsis de rébus ut ita loquatur, ut ii, qui jura,
de eu possu dicere, dû;endum erit ei, quanta sit solis lis quileges, qui civitates coiistituerunt, locuti suut, sim-
magniludo quae forma terras de matbeniaticis de mu- u- pliciter et splendide, sine ulla serie dispiitatioiium ct sine
«cis rébus non poterit, quin dicat lioc oncre u
susceptu, jejuna concertalione verborum. Hoc loco, ne qua sit ad.
miratio, si tot tantarumquc rermn nulla a me praecepta
recusare. Denique ei, qui prolitetur esse suum, non soluni ni
de fis controyeràiis quai temporibus et personis uotatu? lac ponentur, sic statua Ut iu ceteris artibus, quam tradita
suut, hoc est, de omnibus forensibus, sedeliam de gene- le- suit cujusque artis difticillima, reliqua, quia ant faciliora,
rinn infmilis quacstionibus dicere, nullum potest esse ge-
:e- sut similia sint, tradi non necesse esse; ut in pictnra,
iius orationis, quod sit exceptum. qui hominis speciein pingere pctdidicerit posse eum
X.VL Sed si illam quoque partem quaestionum oratori )ri cnjusvis vel formae, vel œtalis, etiam si non didicerit,
volumus adjungere vagam, et liberam,et late patentent, ut pingere; neque esse pericutum, qui leoneui, aut luurum
de rebus bonis aut malis expetendis, aut fugiendis ho- io- pingat egregie, ne idem in multis aliis quadrupedibus
nestis aut turpibus, utilibus aut inutilibus, de virtule, de facere non possit (ncque est oinm'no ars ulla, iu
qua
justitia, de conlinentia, de prudentia, de magiiitudine ne ouinia,quasillaarteefficipossunt, adoctore tradautur;.sed
animi, de liberalitate, de pieUittî, de amicitia, de fide,
le, qui piiniamrn et certarum rerum genera ipsa didicermit,
de officio, de ceteris virtutibus, contrariisque \itii.s, di- retiqua non incommode persequuntur ) similiter arbiti'or,
cendum oratori puletnus; itemque de republica de impe- le- in hac sive ratione, sive exercitatione dieendi, qui illam
tio, de re militari, de disciplina milutis, do bomiiimnnn vim adeptus sit, ut eorunt mentes, qui aut de repuhlka,
mniibus assumamus eant qnoq ne partent, sed ita, ut aut de ipsius rébus, aut de iis, contra quos, aut pro quibus
<ut circumscripla modicis regioiùbus. Equidem omnia, a, dicat, cum aliqua ttatuendi polestate audiant, adsuuni
pour exprimer tout ce qu'on veut dire, que ne le i ennemi ou l'ami de votre partie adverse il faut
fut Polyclète, en travaillant à son Hercule, pour l'instruire ou le détromper, l'exciter ou le re-
rendre l'hydre ou la peau de lion, quoiqu'il n'cût tenir, le gouverner par la parole, en variant vos
jamais fait une étude particulière de ces détails. moyens selon la circonstance et la nature de la
XVII.– Il me semble, Antoine, dit alors Ca- cause; le ramener de la bienveillance à la haine,
tulus, que vous avez parfaitement établi quelles et
de la haineà la bienveil lance; enfin, le remuer
sont les choses dont l'orateur doit s'instruire; comme par des ressorts, et le faire passer tour à
quelles sont celles que les connaissancesantérieu- tour de la joie à la tristesse, de la sévérité à l'in-
rement acquises le dispenseront d'étudier spécia- dulgence. Il faut employer ce que les pensées ont
lement vous réduisez sa carrière à deux genres de
plus élevé, les expressions de plus fort, et
seuls et pour les autres, qui sont innombrables, joindre à tout cela une action variée, véhémente
vous le renvoyez à l'expérience et à l'analogie. pleine de chaleur, de pathétique et de naturel.
Mais prenez garde que ces deux genres ne soientL'orateur assez habile pour atteindre à de pa-
l'hydre et la peau de lion, et que l'Hercule et reils effets, et qui, comme Phidias, aura pu faire
la partie la plus difficile du travail ne se trouvent une
Minerve, n'aura pas besoin de leçon pour
justement dans ce-que vous dédaignez d'ensei- les parties moins relevées de son art, pas plus
gner. Il n'est pas plus aisé, je crois, de traiter que n'en eut besoin ce grand artiste pour ciseler
des questions générales que des causes particu- le bouclier de la déesse.
lières et il me semble même qu'il est beaucoup XV111. -Plus vous exaltez l'éloquence et ses
>

plus difficile de discourir sur la nature des dieuxmerveilles, dit Catulus, plus je suis curieux de
que sur les querelles des hommes.-Je suis per- connaître par quels moyens on peut parvenir à
suadé du contraire, répondit Antoine, et ce que3 cette hauteur. Ce n'est pas que je veuille faire
je vais dire n'est pas seulement le résultat de mesusage de vos préceptes mon âge ne me permet
études, mais ce qui est plus décisif, celui de mont plus d'y songer; et d'ailleurs j'ai toujours suivi
expérience. Toutes les autres sortes de discours, une méthode différente. Je n'ai jamais arraché
croyez-moi sont un jeu pour l'homme qui a quel- aux juges, par la véhémence de mes paroles, une
que talent naturel, l'habitude de la parole, uni sentence favorable; mais sans faire violence à
degré d'instruction ordinaire, et une certaine tein- leurs âmes, je me suis contenté de les laisser pro-
ture des lettres. liais venir disputer le prix danss noncer dans la calme de leur conscience. Si je
la lutte périlleuse du barreau c'est une grande vous interroge en ce moment, ce n'est donc pas
entreprise et peut-être le plus noble effort de l'es- pour mettre à profit vos leçons, mais unique-
prit humain. Là, une multitude ignorante juge le3 ment pour satisfaire ma curiosité. Je me garderai
plus souvent du talent de l'orateur par le succèss bien de m'adresser à quelque docteur grec, qui
qu'il obtient là, se présente un adversaire armé, viendrait m'étourdir de préceptes rebattus, sans
qu'il faut frapper et repousser; là, votre sort est.t. avoir jamais vu le barreau, ni assisté à une plai-
dans les mains d'un juge irrité ou prévenu, votreî doirie, semblable au péripatéticien Phormion.

ai bilrium movere possit, hune de toto illo generereliqua- "1 impcritis exitu et victoria judicatur; uhi adest armatus
fiim orationum non plus quœsiturum esse, quid dicat, adversaiïus qui sit et feriendus, et repelfendus; ubi
quam Polycletumillum, quum TIerculem fingebat, quem- sa'pe is, qui rei dominus futurus est, alienus atque iratus,
admodum pellem, aut hydram fingeret, etiamsi hasec aut etiam amicus adversario et inimicus libi est; quum
niimiuam separatim facere didicisset. aut docendus is est, autdedocendus, aut reprimendus
(
XVII. -Tum Calulus Pneclare milii videris Antonj, aut incitandus aut omni ratione ad tempus, ad causam,
posuisse ante ocnlos, quid discere oporteiet eum, quii orationemoderandus quo saepe benivolentia ad odium,
oratoressetfuturus;quidetiam,sinon didicisset, exco, odium autem ad benivolentiam deducendum est); qui
quod didicisset, assumere deduxisli enim totum liomi- tanquam machinationc aliqua tum ad severitatem tum
nem in duo solum genera causarum, cetera innumerabilia a ad remissionem animi, (um ad tristitiam, tum ad laetitiam
exercitationi et siiuilitudini reliquîsti. Sed videto, ne inil est contorquendus. Omnium sententiarum gravitate,
istis duobus generibus hydra tibi sit, et pellis; Hercules s omnium verborum ponderibus est utendum. Accédât
1

autem, et alia opera majora, ne in illis rébus, quas prœ-oportet actio varia, vehemerts plena animi, plena spiri- i-
termittis, relinquantur. Non enim mihi minus operis vide- tus, plena doloris, plena veritatis. In bis opeiibus si quis
tur de universis generibus rerum quam de singulorum a illam artem comprehenderit, ut, tanquam Phidias, Mi-
causis, ac nnillo etiam majus de natura deorum, quamn nervœ signum efficere possit; non sane, quemadmodma
de hominumlitibus dicere. – Non est ita, inquit Antonius: in clypco idem ille aftifex minora illa opera facere discat,
dicam enim tibi,Catule, non tam doctus, quam, id quodd laboral)it.
est majus, expertus. Omnium ceterarum rerum oratio, XVIII. Tum Catulus Quo ista majora ac miralii-
mihi crede, ludus est homini non hebeti neque inexercé i- lioia fecisti, eo me major exspectatio tenet, quibusnam
tato, neqae comrnunium littéral um et politioris humanita- rationibus, quibusve praceptis ea tanta vis cumparetur
tis experti in causarum conteutionibus magnum est quod- non quo mea quidem jam intersit (neque euim aetas id
dam opus, atque baud sciani, an de humanis operibus s meadesiderat, etaliud quoddam genusdicendi nos secuti
loii^e maximum in quibus vis oratoris plerumqne abb sumus, qui nunquam sententias de manibus judicum vi
AnnibaI,cxilédeCarthage,s'étantretiréàÉphèse, ,c.'1 l'é
l'éloquence? Cependant
r'I j'al pour eux de l'indul-
auprès d'Antiochus, on le pressa d'aller enten- gence ge je les souffre sans me fâcher, et les écoute
dre ce philosophe, dont on lui vanta beaucoup le patiemment.
pa Si ce qu'ils disent est utile, je suis
talent il y consentit. L'infatigable orateur dis- bien bii aise de les entendre, et dans le cas contraire,
serta pendant plusieurs heures sur les devoirs je regrette moins mon ignorance. Je ne les traite
du général, et sur toutes les parties de l'art mi- pas pa avec autant de dureté qu'Annibal traita le
litaiie. Les auditeurs, enchantés, demandèrent péripatéticien
pé aussi ai-je plus de peine à m'en
mais j'avoue qu'autant que j'en puis
au Carthaginois ce qu'il en pensait Annibal ré-
débarrasser

pondit, sinon avec l'urbanité grecque, du moins juger, ju leurs théories me paraissent fort ridicules.
avec franchise, qu'il avait vu bien des vieillards Ils divisent les matières traitées par l'orateur
radoteurs, mais qu'il n'en avait jamais rencon- en er deux genres, auxquels ils donnent les noms
tré d'aussi extravagant que Phormion. Assuré- de dt cause et question. Ils entendent par cause
ment il avait raison; car, je le demande, n'était-ce m une discussion particulière, et qui tombe sur des
pas le comble de l'impudence et du ridicule,
à fafaits; et par question, une discussion générale et
ce Grec bavard, qui de sa vie
n'avait vu ni camp, indéfinie.
in Ils établissent des préceptes sur le pre-
ni ennemi, qui n'avait jamais exercé le moindre mier m de ces genres, et ne disent pas un mot du
emploi public, d'oser donner des leçons sur l'art second.
se Ils assignentensuite cinq parties à l'élo-
militaire à un général qui avait disputé si long- quence
qi trouver les idées, les mettre en ordre,
temps l'empire dumonde au peuple vainqueur de les le revêtir de l'expression, les graver dans lamé-
toutes les nations ? Il me semble que c'est là l'his- moire,
ir enfin les faire valoir par un débit conve-
toire de tous ceux qui se mêlent d'enseigner l'é- nable.
n Voilà certes un grand mystère. Est-il
loquence, et d'apprendre aux autres ce qu'ils donc d quelqu'un qui ne voie par lui-même qu'on
n'ont pas eux-mêmes pratiqué. S'ils sont moins ne n peut parler avec succès, si l'on ne sait d'a-
ridicules, c'est qu'ils entreprennent seulement vance v ce qu'on veut dire, en quels termes et dans
d'instruire la jeunesse, et qu'ils ne s'avisent pas quel
q ordre il faut le dire, et si les idées ne sont
de faire des leçons à un Antoine, comme Phor- bbien rangées dans la mémoire? Je ne blâme pas
mion à un Annibal. c divisions; mais je prétends qu'elles sautent
ces
XIX. Vous êtes dans l'erreur, Catulus j'ai aaux yeux, ainsi que les quatre, cinq, six ou
déjà rencontré plus d'un Phormion. Est-il un seul même n sept parties qu'ils admettent dans le dis-
de ces docteurs grecs, qui s'imagine que nous cours c car les rhéteurs ne sont pas d'accord sur
li nombre. Il faut, disent-ils, vous concilier en
autres Romains nous entendions quelque chose à le

quadam orationis extorsimus, ac potius placatis eorum Grœcorum,


C qui quemquam nostrum quidquam intelligere
animis, tantum, quantum ipsi patiebantur, accepimus) arbitretur?
a Ac mihi quidem non ita molesti sunt; facile
sed tamen ista tua, nullum ad usum meum, tantnm co- omnes o perpetior et perfero. Nam aut aliquid afferunt, quod
gnoscendi Studio adduclusrequiro.INecimïiiopusestgrace mihi n non displiceat; aut efficiunt ut me non didicisse
aliquo doctore, qui mihi pervulgala praecepta decantet, minus n pœniteat dimitto autem eos non tam contumeliose,
ullum judicium quam philosophinn illum Hanuibal, et eo fortasse plus
quum ipse nunquam forum, nunquam q
adspexcrit ut peripateticus ille dicitur Phormio; quum habeo Il etiam negotii sed tamen est eorum doctrina, quan-
Haunibal Carthagine expulsus Epliesum ad Antiochum tum t ego judicare possuni, pcrridicula.
venissetexsul, proqne eo quod ejus nomen erat magna Dividunt enim totam rem in duas partes, in causa? con«
apud omnes gloria invilatus esset ab hospitibus suis, ut troversiam
t et in qutestionis. Causant appellant, rem po-
nolle sitam in disceptatione rerum et controversia; quœstionem
eum quem disi si vellct audiret; quumque se non s
dixisset; locutus esse dicitur homo copiosns aliquot horas autem,
a rem positam in infinita dubitatione. De causa prœ-
i
de imperatoris officio, et de omni re militari. Tum quum ceptat dant de altera parte dicendi mirum silentium est.
ceteri, qui illum audierant, vehementer essent deleclati, Denique
1 quinque faciunt quasi membra eloquentise, inve-
quaerebantah Hannibale, quidnam ipse de illo philosopho nire i quid dicas, inventa disponere, deinde ornare verbis,
judicaret. Pœnus non optime Rraace, sed tamen libere re- post | memoriac mandare, tum ad extremum agere ac pro-
spondisse fertur, multos se deliros senes sœpe vidisse; sedI nunliare
i rem sane non reconditam. Quis enim hoc non
qui magis, quam Phormio, deliruret, vidisse neminem. sua s sponte viderit, neminem posse dicere, nisi et quid
t
Neque mehercule injuria. Quid enim aut arrogantius aut diceret,< et quibus verbis, et quo ordine diceret, haberel,
loquacius fieri potuit, quam Hannibali, qui tot annos de im- et ea meminisset?Atquenœcegonon reprehendo; sed ante
perio cum populo romano omnium gentium victore certas- oculos posita esse dico, ut cas item quatuor, quinque,
i
set grBecum hominem qui nunquam hostem, nunquam sexve partes, vel etiam septem (quoniam aliter ab alii di-
castra vidisset, nunquam denique minimam partem ullius gerantur), in quas est ab bis omnis oratio disliihuta. Ju-
publici muneris attigisset, prœceptade re militari dare?1 bent enim exordiri ita, nt eum qui audiat, benivolum no
bis faciamus,et docilein,etattentum
Hoc mihi facere omnes isti, qui dearte dicendi pmcipiunt deinde rem narrare,
videntur quod enim ipsi experti non sunt, id docent ce- ita ut verisimilis narralio sit, ut aperta, ut brevis; post
teros. Sed hoc minus fortasse errant quod non te, ut Han- autem dividere causam, aut propoucre; nostraconfirmare
îûbalem, sed pueros, aut adolescentulos docere conantur. argumentis ac rationibus; deinde contrariarefutare tum
t
Xix. – Erras, Catule inquit Antonins nam egomet aulem alii conclusionem orationis et quasi perorationem
iu multos jam l'Iiormiones incidi. Quis enim est istorumi collocant alîi jubent, antequam peroretur, omandi aut
commençant la bienveillance de l'auditeur, le finitions
fir si exactes, qu'on ne peut ajouter ni re-
rendre docile et attentif; ensuite exposer les trancher
tri un seul mot.
faits dans une narration vraisemblable, claire et Mais si dans le droit civil et dans d'autres
précise; diviser la question et la présenter sous sciences
se d'une moindre importance, les plus ha-
son véritable jour; appuyer la cause par des bi
biles peuvent atteindre à cette précision rigou-
preuves, renverser les raisonnements de l'ad- reuse,
re il n'en est pas de même, suivant moi, de
versaire. Quelques rhéteurs placent ensuite la l'art
l't oratoire, dont le champ est si vaste. Ceux
conclusion ou péroraison selon d'autres, avant ql ne partagent pas cette opinion peuvent s'a-
qui
de conclure, il est à propos d'insérer une digres- dresser
dl aux rhéteurs de profession; ils trouve-
sion, destinée à donner plus de force et d'or- ro tous ces objets expliqués et traités dans leurs
ront
nement à la cause, et de ne passer qu'après à détails;
di car nous avons sur ces matières une
la péroraison. Je ne désapprouve pas non plus multitude
m de livres qui n'ont rien d'obscur et
cette distribution elle parait bien ordonnée; sont
sc ù la portée de tout le monde. Mais qu'ils y
mais au fond elle manque d'exactitude, comme prenent
pi bien garde est-ce pour la parade ou
on doit s'y attendre de la part de ces hommes sans pour p le combat qu'ils demandent des armes? Au-
expérience.Lesrègles qu'ils approprientà l'exorde tre ti chose est une bataille réelle, autre chose les
et à la narration s'appliquent également à toutesi exercices
e: de la palestre et du champ de Mars.
les parties du discours. En effet dans le cours duCependant
C l'art de l'escrime sert au soldat, ainsi
plaidoyer, je trouve plus naturellement le moyen qu'au q t gladiateur; mais ce qui rend l'homme iu-
de me concilier la bienveillance du juge, queevincible,v c'est la vivacité, la présence d'esprit, la
lorsqu'il ne connaît encore rien à la cause; si jeî pénétration
p la souplesse, et l'art s'y joint aisé-
puis espérer de le rendre docile, ce n'est pas en1 ment.
n
lui promettant de l'instruire des faits, mais en1 XX. Pour moi, si j'avais à former un orateur,
j'
les exposant, en les mettant sous ses yeux; ett j'examinerais d'abord de quoi il est capable. Je
quant à l'attention, les premières phrases se- vveux qu'il ait quelque teinture des lettres, qu'il
ait
raient insuffisantes pour la captiver il faut la a suffisamment écouté, suffisamment lu, qu'il
ait
tenir sans cesse en haleine. Ils disent que la nar- a même appris toutes les règles dont je viens de
ration doit être vraisemblable, claire et précise, parler.
p Je le mettrai à l'épreuve pour juger de
et ils n'ont pas tort; mais ils se trompent quand1 l'effet
l' de ses traits et de son extérieur, de sa voix,
ils veulent que ces trois qualités conviennent pluss dafea
d prononciation, de la force de ses poumons.
à cette partie du discours qu'à toutes les autres. je
Si 5 crois qu'il puisse s'élever aux premiers rangs,
Leur erreur vient de ce qu'ils confondent la rhé- s- j
je l'engagerai à entrer dans la carrière; je l'en
torique avec les autres sciences, telles que lee conjurerai
c même si de plus il me paraît homme
droit civil, par exemple. Là, comme Crassuss de t bien, tant je suis persuadé qu'un orateur
l'observait hier, on divise d'abord par genres, éloquent
t et vertueux peut contribuer à la gloire
de
ensuite par espèces, et on ne saurait sans un grand c tout un État. Si je reconnais qu'avec beau-
inconvénient rien oublier, ou rien mettre de su- coup (
:j d'efforts il n'atteindra qu'à la médiocrité,
perflu dans la division, enfin, on donne des dé- je lui laisserai suivre son inclination sans cher-

augendi causa, digredi deinde concludere aeperorare. rum


i
omnium deXinitiones in quibus neque abesse quid-
Nehaecquidemrepreliendo:suntcnimconcinnedistribula; quam decet, neque redundare.
sed lanien id qtiod necesse fuit hoininihus expertibus ve-
e- Sed hoc si in jure civili, si etiam in parvis aut mediocri-
ritatis, non perite. Qui» enim praecepta principiorum etet bus rebus doctiores assequi possunt; non idem sentio tan*&
narrationum esse voluerunl, ea in totis orationibus sunt
«raservanda. Nam ego milii benivolum judicein facilius
hac in re, tamque immensa, posse lieri. Sin autem qui arbi-
is trantur, deducendi sunt ad eos, qui hsec doeent omniajam
facere possum in cursu orationis, quam quum omnia sunt nt explicata et perpolita assequentur sunt euim innumera-
inaudita docilem autem,non quum polliceor me 'démon*n* biles de his rebus libri, neque abdili, neque obscuri. Sed
straturum, sed tum, quùm doceo et explano; altentum m videant, quid veliut ad ludendmnne, an ad puguandum>
vero, crebro Iota actione excitandis mentibus judicum, i arma sint sumturi. Aliud enim pugua et acies, aliud Iudus.
non prima denuntiatione efficere possumus. Jam vero nar-r- campusque noster desiderat. Attamen ars ipsa ludicra ar-
rationem quodjubentverisimilemesse,elapertara,etbre- e- morum et gladiatori et militi prodest aliquid; sed animu»
vem, recte nos admonent; quod tac narrationis magis ;is acer, etprasens, etacutus idem atque versutus, invictos-
pulaut esse propria quam totius orationis, valde mibi hi viros efficit non diflicilius arte conjuncta.
videnlur errare omninoque in hoc omnis est error, quod Dd XX. Quare ego tibi oratorem sic jam instituam, si po-
x- tero, ut, quid eflicere possit, ante perspiciam. Sit enim
existimant, artilicimn esse hoc quoddam non dissimile ce-
is- mihilinclus litteris; audierit aliqnid, legerit, ista ipsa
lerorum, cujusmodi de ipso jure civili hesterno die Cras-
sns componi posse dicebat ut genera rerum primum ex. x* praecepta acceperit lentabo, quid deceat, quid voce,
poncrentur, in quo vitium est si genus ullum pnetennit*it- quid viribus quid spiritu, quid lingua efficere possit. Si
tatur; deinde singulorum generum parles, in quo eldeesse
.se intelligam posse ad summos pervenire, non soluin horla-
aliquam partem, et superare, mendosumest; tum verbo. >o- bor. ut elaboret, sed etiam, si vit quoque mihi bonus vi.
cher à le contrarier. Enfin, si la nature lui a re- mais il n'est pas de culture qui puisse ranimer
fusé toutes les dispositions pour l'éloquence, je une vigne ingrate et stérile. De même je veux
lui conseillerai de renoncer à ses projets, et de trouver dans un jeune talent quelque chose à re-
s'attacher à quelque autre profession. Nous de- trancher. Les fruits qui parviennent trop vite à
vons, en effet, exciter, animer par tous les moyens leur maturité ne conservent pas longtemps leur
les hommes dont nous espérons d'éclatants suc- saveur. Je devinai aussitôt ce beau talent; je
cès, et ne point décourager ceux qui n'en pro- l'exhortai à prendre le barreau pour son école, à
mettent que de médiocres les premiers, par choisir le modèle qu'il voudrait, en ajoutant que,
leur génie, semblent s'approcher de la divinité; s'il m'en croyait, ce serait Crassus. Il saisit cette
les seconds peuvent, ou renoncer à ce qu'ils ne idée, m'assura qu'il suivrait mon avis, et ajouta,
font pas absolument bien, ou faire ce qu'ils ne par politesse sans doute, que je serais aussi un de
font pas absolument mal et cette médiocrité est ses maîtres. Un an s'était à peine écoulé depuis
dans la nature humaine; mais se livrer à un vain cet entretien il accusa C. Norbanus dont je fus le
babil, en dépit de sa faiblesse et de son impuis- défenseur, et vous n'imagineriez pas combien il
sance, c'est faire ce que vous disiez, Catulus, s'était perfectionné dans ce court espace de tem ps.
d'un impertinent déclamateur, c'est assembler La nature toute seule le portait déjà à la manière
la multitude à son de trompe, pour avoir le plus noble et grande de Crassus; mais ses heureuses
de témoins possible de sa sottise. Je vais donc dispositions eussent été insuffisantes, si unique-
m'adresser à celui qui mérite d'être encouragé ment occupé d'étudier, de contempler, de repro-
je vais lui apprendre, puisque je n'en sais pas duire son modèle, il ne l'eût pas eu sans cesse
davantage, ce que m'a enseigné l'expérience, présent à l'esprit et à la pensée.
afin de le guider, si je puis jusqu'au terme où XXII. Voici donc le premier point de ma mé-
je suis moi-même arrivé sans guide. thode j'indique à mon élève le modèle qu'il doit
XXI. Et pour commencer par notre ami Sul- choisir; je veux qu'il étudie avec soin ses bonnes
picius, que vous voyez ici, la première fois, Ca- qualités; qu'il s'exerce ensuite à les imiter, à les
tulus, que je l'entendis il était très-jeune encore, reproduire, mais non à la manière de ces mal-
et plaidait dans une cause peu importante sa heureux copistes, comme j'en ai vu beaucoup,
voix, ses traits, son maintien tout en lui an- qui ne s'attachent qu'à ce qu'il y a de plus facile
nonçait un homme né pour l'éloquence son dis- à saisir, souvent même aux bizarreries et aux dé-
cours était impétueux et animé, ce qui venaitde fauts. Rien n'est plus aisé que de copier quelqu'un
son naturel; son style avait trop d'abondance et dans son maintien, dans ses gestes, dans l'arran-
de luxe, ce qui tenait à son âge je conçus de lui gement des plis de sa toge; ce n'est pas un grand
un heureux augure. J'aime à voir dans la jeunesse
mérite que de s'approprier ce qu'il a de vicieux
cet excès de fécondité on peut émonder facile- et d'imiter ses imperfections. Ce Furius, par
ment les ceps qui poussent avec trop de vigueur; exemple, qui même après qu'il a perdu la voix,

debitnr, obsecrabo tantum ego in excellente oratore et œtatis non sum aspernatus. volo enim se efferat in adu-
eodem viro bono, pono'esse ornamenti universae civitati. lescente fœcunditas nam facilius sicut in vitibus revocano
Sin videbitur, quum omnia summa fecerit, tamen ad mé- tur ea, quae sese nimium profuderunt, quam, si nihil
diocres oratores esse venturus permittam ipsi, quid ve- valet raateries, nova sarmenta culture excitantur ila
lit molestus magnopere non ero. Sin plane abhorrebit, et volo esse in adolescente, unde aliquid amputem. Non enim
frit absurdns ut se contineat, aut ad alind studium trans- potest in eo succus esse diuturuus, quod niinis celerilcr
férât, admonebo. Nam neqne is, qui optime polesl, de- est maluiïlalcin assccutum. Vidi statim îiulolem neque
serendus ullo modo est a cohortatione nostra, neque is, dimisi tempus, et eum sum cohorlatus ut forum sibi lu-
tlui aliquid potest, detcrrcndus quod alterum, divini. dum putaret esse ad dicenrlum; magistrum antem, quem
tatis mihi cujusdam videtur; alterum, vel non facere, vellet, eligeret; me quidem si audiret, L. Crassum
quod non optime possis, vel facere, quod non pessime fa- quod iste artipuit, et itasese facturum confinnavit, at
cias, humanitatis lertium vero illud clamarc contra quara que etiam addidit, gratiae scilicet causa, me quoque sibi
deceal, et quam possit, hominis est, ut tu, Catule, de înagistrum futurum. Vix annus intercesserat ab bac ser-
quodam declamatore dixisti, slultitia; suae quarn pluiùnos inone coliortationis meae, quum iste accusavit C. Korba-
tesles domestico prœconio colligentis. De lioc igitur, qui mim, del'endenteme non est credibile, quid interesse mihi
« talis, ut cohortandusadjuvandusque sit, ita loquamur, sit visum inter eum, qui tum erat, et qui annu ante fuerat.
ut ci tradamus ei duntaxat, quse nos usus docuit; ut Omnino in
illud genus eum Crassi magnificum atque prae
nobis ducihus veniat eo, quo sine duce ipsi pervenhnus, clarum natura ipsa ducebat; sed ea non salis proficere
quoniam meliora docere non possumus. potuisset, uisi eodem studio atque imitatione intendisset,
XXI.Alque, ut a familiari nostro exordiar; hune ego, >: atque ita dicere consuesset, ut tota mente Crassum,
Catiile,'Suipicium, primum ni causa parvula adolescentu- atque omui animo intueretur.
tum audivi, voce, et forma, et moto corporis, et reliquis XXII. Ergo hoc sit primum in prœceptis meis, ut de-
rebus aptum ad uoemunus,de quo qu;erimus; oratione monstremus, quem imitetur, atque ita, ut, quae maxime
autem celeri et concitata, quod erat Ingenii, et verbis effer- excellant in eo, quem imitabitur, ea diligcntissime perse-
vescentibus et paullo nimiumredimdantihus, qnod erat quatur tum accédât exercitatio, quaillum, queui aute de-
trouble encore la république par ses fureurs, ne fanté que des héros; mais parmi ses disciples, les
pouvant atteindre à la vigueur de Fimbria ne uns se distinguèrent dans l'éloquence d'apparat,
lui ressemblequepar les contorsions de son visage, les autres surent combattre.
et 1 pesanteur de sa prononciation. Il a choisi un XXIII. Les premiers, comme Théopompe
mauvais modèle; encore n'en a-t-il pris que les Éphore, Philistus, Nnucrate, et beaucoup d'au
défauts. Je le repète donc si l'on veut réussir, tres, différents par le génie se ressemblent tous
il faut d'abord être très-sévère dans le choix de par une manière commune, qui est celle de leur
son modèle; et quand une fois on en a pris un, maître; les autres, qui se sont livrés à la plai-
s'étudier à imiter ce qu'il y a de plus parfait en doirie, comme Démosthène, Hypéride, Lycur-
1; gue, Eschine, Dinarque, et une foule d'autres,
Pourquoi, en effet, remarquons-nousà chaque n'ont pas, il est vrai, un égal mérite mais ils se
génération d'hommes, pour ainsi dire, un genre rapprochent tous par un point commun, le na-
particulier d'éloquence? Il est moins aisé de vé- turel et la vérité; et cette manière s'est conservée
rifier cette observation chez nos orateurs, qui tant qu'ils ont eu des imitateurs. Après leur mort,
nous ont laissé trop peu d'écrits pour qu'on puisse le souvenir de leur talent s'effaça et disparut in-
en faire la comparaison; mais les ouvrages des sensiblement l'éloquence devint plus molle et
Grecs indiquent le goût et l'esprit dominant de plus faible. C'est l'époque où parurent Démo-
chaque siècle. Les plus anciens dont nous ayons charès, qui fut, dit-on, fils d'une sœur de Démos-
les écrits, Périclès, Alcibiade, et Thucydide leur thène Démétrius de Phalère, à mon avis le plus
tontemporain, ont de la précision, de la finesse, brillant des orateurs de son temps, et beaucoup
de la rapidité, et plus d'abondance dans les idées d'autres qui leur ressemblèrent. Si l'on veut des-
que dans l'expression. Il n'y aurait pas entre eux cendre jusqu'à nos jours, on remarquera que
cette conformité,s 'ils n'avaient pas suivi le même Ménéclès d'Alabanda, et son frère Hiéroclès,
modèle. Après eux vinrent Critias, Théramène que j'ai entendus tous deux, servent de type à
Lysias nous avons beaucoup d'ouvrages de ce toute l'Asie, et que dans tous les temps il y a tou
dernier; Critias en a laissé quelques-uns; Théra- jours eu quelque modèle sur lequel presque tous
mène ne nous est connu que par ce qu'en disent les autres ont voulu se former.
les auteurs. Ils avaient tous conservé la vigueur Pour parvenir à cette ressemblance, résultat
de Périclès, mais avec une manière un peu plus de l'imitation, il faut un long et laborieux exer-
large. Ensuite vous voyez paraître Isocrate, le cice il faut surtout perfectionner son style en
maître de tous les orateurs grecs, et dont l'école, écrivant beaucoup. Si notre ami Sulpicius suivait
semblable au cheval de Troie, semble n'avoir en- cette méthode, ses discours en seraient plus ner-

legerit, imitando effingat, atqne ita exprimat, non ut mu Uns andivimus. Omnes etiam tum retinebant illum Pericli
imitalores saepe cognovi, qui aut ea, quai facilia sunt, succum sed erant paullo uberiore filo. Ecce tibi exortus
aut etiam illa, quae insignia ac pamc vitiosa consectantur est Isocrates, magister istorum nmnium, cujus e ludo,
imitando. Nihil est facilius, quam amictum imitari alicu- tanquam ex equo Trojano, meriprincipesexierunt;sed
jus, aut statum, aut motum. Si vero etiam vitiosi aliquid eorum partim in pompa, partim in acie illustres esse
est, id sumere et in co vitiosum esse, non magnum est, voluerunt.
ut ille, qui nunc etiam, amissa voce, furit in republica, XXIII. Itaque et illi Tbebpompi, Ephori, Philisti
Furius, nervos in dicendo C. Fimbriae,quos tamen habuit Naucratas, muItiquealiinaturisdilTerunt; voluntate autem
ille, non asseqnitur, oris pravitatem et verborum latitudi- simiks sunt, et inter sese et magistri et ii, qui se ad
nem imitatur sed tamen ille nec deligere
scivit, cujus causas contulerunt,ut Demostbenes Hyperides, Lycur-
potissimum similis esset, et in co ipso, quem delegerat, gus, ^Eschines, Dinarcbus, aliique complures, etsi inter
imilari etiam vitia voluit. Qui autem ita faciet, ut opor- se pares non fuerunt, tamen sunt omnes in eodem veritatis
let, primum vigilet necesse est in deligendo; deinde, imitandce'gencrc versati, quorum quamdiu mansit imita-
quem probavit, in eo, quae maxime excellent, ea
diligen- tio, tamdiu genus illud dicendi studiumque vixit; postea-
tissime persequatur. qnam, exs.tinctis bis, omniseorum memoria sensim obs-
Quid enim causa! censetis esse, cur œtates extnlerint curata est et evanuit, alia quaedam dicendi molliora ac
singulœ singula prope genera dicendi? quod non tam fa. remissiara gênera viguerunt. Inde Demochares quem aiimt
cile innoslrisoratoribus possurnus judicare, quia scripta, sororis filium fuisse Demostheni; tum Phalereus ille Dc-
ex quibus judicium fieri posset, non multa sane relique- metrius, omnium istorum, mea sententia, politissimus,
runt, quam in Graecis; ex quorum scriptis, cujusque aliiqne eorum similes exstiterunt. Quso si volemus usque
s*atis quae dicendi ratio voluntasquefuerit, intelligi potest. ad hoc tempns persequi intelligemus, ut hodie Alaban-
Antiquissimi fere sunt, quorum quidem scripta constent, densem illum Meneclern et ejus fratrem Hieroclem, quos
Pericles, atque Alcibiades, et eadem setate Thucydi- ego audivi tota imitetur Asia, sic semper fuisse aliquem,
des, subtiles, acnti, brèves, sententiis magis, quant cujus se similes plerique esse vellent.
verbis abundantes. Non putuisset accidere, ut unum esset Hanc igitur simililudincmqui imitatione assequi volet,
jmnium genus, nisi aliquem sibi proponerent ad iraitan- tum il exerritationibiK crebris atque magnis, tum scribendo
dum.. Consecuti sunt hos Critias, Theramenes, Lysias maxime persequatur quod si hic noster Sulpicius taceret,
multa Ljreise scripta sunt; nonnulla Critiœ de Thcramenr- mutlo fjus oratio es«*t pressior in qua nnne interdum ut
veux. Maintenant on y remarque, comme dans tés, comme les procès et les débats judiciaires.
1

les terrains trop fertiles, une certaineexubérance On


< rira peut-être du conseil que je vais donner;
que la plume doit réprimer. en
( effet, il n'a guère d'autre mérite que celui de
Vous me donnez, dit Sulpicius, un excellent Inutilité, et il prouve plutôt le bon sens que legénie
conseil, et je le reçois avec plaisir; mais vous- du
<
maitre ce que je recommande d'abord à mon
même, Antoine, je ne pense pas que vous ayez élève, c'est, quelque cause qu'il ait à traiter, de
jamais pris la peine de beaucoup écrire. l'étudier avec soin et de la connaitre à fond. On
– Croyez-vous donc, reprit celui-ci, que je
ne puisse recommander aux autres ce que je ne
ne donne pas ce précepte dans les écoles, parce
qu'on n'y propose aux jeunes gens que des cau-
fais pas moi-même? On m'accuse aussi de ne ses faciles. » La loi défend aux étrangers de
point tenir de registre pour mes affaires domes- monter sur les murs de la ville: un étranger y
tiques. L'état de ma maison répond à ce repro- « monte, repousse les ennemis; on l'accuse. Le
che, et quant à l'autre, mon style, quelque mé- point de la question est bientôt saisi; et les
diocre qu'il soit, peut faire voir si je le mérite. maîtres peuvent se dispenser de faire un précepte
On voit à la vérité des hommes qui n'imitent particulier de l'étude des causes, puisque celles
personne, et qui, sans modèle, sans autre guide qu'ils imaginent sont toutes à peu près de ce
qu'unheureuxnaturel, s'ouvrent eux-mêmesune genre. Mais au barreau, les actes, les témoigna-
route glorieuse. Je puis, César et Cotta, vous ci- ges, les conventions, les contrats, les stipula-
ter tous deux pour exemple l'un de vous a un tions, les degrés de parenté, d'affinité, les ar-
enjouement piquant et plein de grâce, qu'on ne rêts des tribunaux, les réponses des juriscon-
trouve chez aucun de nos orateurs; l'autre s'est sultes, enfin les mœurs et la vie tout entière de
formé une manière délicate et ingénieuse. Cu- ceux qui sont intéressés dans l'affaire; que de
rion, qui est de votre âge, ne parait pas non plus choses à approfondir C'est pour avoir négligé ce
s'assujettir à suivre un modèle, quoique son père soin que nous voyons perdre une multitude de
ait été, à mon avis, le plus éloquent de ses con- causes, surtout les causes privées, qui sont or-
temporains. Par le choix, l'abondance et la no- dinairement les plus obscures. Plusieurs avocats,
blesse de ses expressions, il s'est fait un genre d'é- dans le désir de se faire valoir, et afin de persua-
loquence qui n'appartient qu'à lui. J'ai pu en der qu'ils sont accablés d'affaires, et qu'ils vo-
juger lorsqu'il plaida contre moi devant les cen- lent,pour ainsi dire, de tribunaux en tribunaux,
tumvirs la cause des frères Cossus il déploya plaident leurs causes sans les étudier. Ils méri-
toutes les ressourcesd'un talent brillant, et toutes tent par là d'être accusés ou de négligence, pour
les qualités d'un orateur profond. donner si peu de soin aux affaires dont ils se
XXIV. Mais produisons enfin notre jeune ora- chargent, ou d'infidélité, pour répondre si mal
teur dans des causes sérieuses, dans celles même à la confiance de leurs clients. Cette pratique
qui présentent des complications et des difficul- leur est, sous un autre rapport, plus funeste qu'ils

in herbis rustici soient dicere, in summa ubertate inest illum, quem instituimus, et eas quidem, in quibus plu"'
luxuries quaedam, quae stylo depascenda est. culum negotii est, judiciorum atque litium: riseritaliquis
Hic Sulpicius Me quidem, inquit, recte mones, fortasse hoc praeeeptum est enim non tam acutum, quam
idque mihi gratnm est; sed ne te quidem Antoni, multum necessarinm, magisque monitoris non fatui, quam eru-
scriptitasse arbitror. diti magistri hoc ei primum pracipiemus, quascumque
– Tum ille: Quasi vero, inquit, non ea prœcipiam causas erit acturus, ut eas diligenter, penitusque cogno-
aliis, quae mihi ipsi desint sed tamen ne tabulas quidem scat. Hoc in ludo nou praecipitur faciles enim causas ad
conticere existimor. Verum et in hoc, ex re familiari mea, pueros deferuntur. « Lex peregrinum velat in muni m
et in illo, ex en, quod dico, quantulum id cumque est, « adscendere; adscendit; hostes repulit; accusatur. »
quid faciam, judicari potest. Atque esse tamen multos vi- Nihil est negotii hujusmodi causam cognoscere. Recte igi-
demus, qui neminem imitentur, et suapte natura, quod tur nihil de causa discenda prascipiunt haec est enim in
velint, sine cujusquam similitudine consequantur quod ludo causarum fere formula. At vero in foro, tabulae, te-
et in vobis animadverli recte potest, Cassar, et Cotta; quo- stimonia, pacta, convenu stipulationes cognationes af-
lamalter inusitatum quidem nostris oratoribus leporem finitates, decreta, responsa, vila denique eorum, qui in
quemdam et salem alter acutissimum et subtilissimum causa versantar, tota cognoscendaest quarum rerum ne-
dicendi genus est consecutus. Neque vero vester œqualis gligentia plerasque causas, et maxime privatas (suntenim
Curio, pâtre, mea sententia, veleloqnentissimo temporibus mtillosaepeobscuriores),videmusamitti.ltanonnulli,dum
i!lis quemquam mihi magnopere videtur imitari; qui ta- operam suam mullam existimari volunt, ut toto foro voli-
men verborum gravitate, et elegantia, et copia, suam tare, et a causa ad causam ire videantiir, causas dicunt
incognitas. In quoest illa quidem magna offensio, vel negli-
quamdam expressit quasi formam liguramque dicendi
quod ego maxime 'potui judicare in ea causa, r]uam ille
gentiab, susceptisrebus;vel perfidiae,receptis;sed etiam illa
major opinione, quod nemo potest de ea re, quam non nov it,
contra me apud centumviros pro fratribus Cossis dixit in
qua nihil illi defuit, quod non modo copiosus, sed etiam
non tnrpissime dicere. Ita dum meitiœ vitu[ieratiunem
sapiens orator habere deberet. quae major est, contemnnnt, assequunlur etiam illam,
XXIV. Verura ut aliquando ad causas deducanms quam magis ipsi fugiunt, tardilatis.
ne pensent;car on ne peut que fort mal parler dee XXV. Les causes criminelles se défendenfor-
Is dinairement en niant les faits. Dans les accusa-
choses qu'on ne connaît pas. Ainsi, tandis qu'ils
is tiens de concussion qui sont très-graves, il faut
s'inquiètent peu du reproche de paresse, le plus
grave pourtant selon moi, ils s'en attirent un n nier presque toujours; dans celles de brigue on
autre, qu'ilsredoutent davantage,celui de man-t- cherche à distinguer (ce qui est rarement possi-
quer de talent. ble) les largesses faites par générosité et par
Pour moi, j'ai soin que mon client m'instruise ,e bienveillance, de celles qui n'ont pour but que
lui-même de sa cause je lui parle sans témoins, d'obtenir les suffrages; s'il s'agit d'assassinat,'
pour qu'il puisse s'expliquer plus librement; jee d'empoisonnement, de péculat, il est nécessaire
plaide la cause de sa partie adverse afin de le le de nier. Ces causes roulent sur l'existence de faits
forcer à plaider la sienne, et à me communiquer :r antérieurs, et forment le premier genre. Les dé-
toutes ses idées. Lorsqu'il s'est retiré, je me ie libérations ont ordinairement rapport à l'avenir;
charge de trois rôles différents, et, avec la plusIS rarement elles s'appliquent à une chose présente

ment àla place dudéfenseur,delapartie adverse,


du juge. S'il se présente quelque moyen favora-
la
rigoureuse impartialité, je me mets successive- ou passée. Souvent il s'agit de connaître, non pas
vérité d'un fait, mais sa nature. Je citerai pour
exemple le consul C. Carbon, que j'entendis
ble aux intérêts de mon client, je m'y arrêteet ;t plaider devant le peuple la cause de L. Opimius.
m'en empare; j'écarte au contraire, et je rejette :e Il ne désavouait pas le meurtre de C. Gracchus,
tous ceux qui seraient plus nuisibles qu'utiles.s. mais il soutenait que sa mort avait été juste et
Ainsi je ne plaide jamais une affaire qu'après •s salutaire. Telle fut aussi la réponse de Scipion
l'avoir préalablement méditée. Beaucoup d'ora- i- l'Africain à ce même Carbon, alors tribun du
teurs, se reposant sur leur génie, font ces deuxx peuple, et qui jouant un rôle bien différent,
choses à la fois; mais assurément ils parleraient it l'interrogeait sur la mort de Tibérius Gracchus:
un peu mieux s'ils prenaient un temps pour réflé- Scipion déclara qu'elle lui paraissait légitime. On
chir sur leur cause, un autre temps pour la plai- i- se justifie sur les faits de ce genre, en disant qu'ils
der. étaient permis, utiles ou nécessaires, ou qu'ils
Lorsque je suis bien pénétré de l'affaire, je je sont arrivés par hasard ou par imprudence. On
m'applique aussitôt à saisir le point à juger. Enn traite la question de dénomination, lorsqu'il s'a-
te git de donner à un fait le nom qui lui convient.
effet, dans tout ce qui peut faire la matière d'une
contestation parmi les hommes, qu'il s'agisse se Ce fut sur ce point qu'il y eut une contestation si
d'une accusation et d'un délit, d'un procès sur ir vive entre Sulpicius et moi, dans l'affaire de Nor-
un héritage, d'une délibération sur l'utilité ou iu banus. J'avouais la plupart des faits; mais je
les désavantages d'une guerre, qu'il soit ques- s- soutenais qu'il n'y avait point de crime lèse-ma-
tion d'un élogeou d'une discussion sur un point dele jesté, et de ce nom seul dépendait toute la cause,
morale, il faut examiner ce qui s'est fait, se se d'après la loi Apuléia. Quelques rhéteurs veulent
se que dans ce genre de causes on commence par
fait, ou se fera; quelle est la nature de la chose
débattue, et comment on doit la qualifier. une définition claire et précise du mot qui forme

Equidem soleo dare operam, ut de sua quisque re me ne XXV. Ac nostrae fere causae, quae quidem sunt crimi-
ipsedoceat, et, ut ne quis alius adsit, quo liberius loqua-ta- num, plerumque infitiatione defenduntur. Nam et de pe*
tur, et agere adversarii causam, ut ille agat suam, et, t cuniis repetundis, quae maximae sunt, neganda fere sunt
quidquid de sua re cogitarit in medium proférât. Itaque ne omnia et de ambitu raro illud datur, ut possis liberalita-
quum ille discessit, tres personas unus sustineo summa na tem ac benignitatem ab ambitu atque largitionesejungere;
animi aequitate, meam, adversarii, judicia. Qui locns est st de sieariis, de veneficiis, de peculatu, infitiari necesse
talis, ut plus habeat adjumenti quam incommodi, hune ne est. Id est igitur genus primum causarum in judiciis, ex
judico esse dicendum; ubi plus mali, quam boni reperio, o, controversia facti. In deUberationibus plerumque ex futuri,
id totum abjudico atque ejicio. lia assemior, ut alio tem-m- raro etiam ex instantis, aut facti. Saepe autem res non,
pore cogitem, quid dicam, et alio dieam qiue duo pleri- ri- sit, neene, sed qualis sit, quseritur ut quum L. Opîmiî
ils causam defendebatapud populum, andiente me, C. Carbo
que, ingenio freti simul faciunt sed certe iidetn illi meliiis
aliquanto dicerent, si aliud sumendam sibi tempusad co- ». consul niliil de C. Gracchi nece negabat, sed id jure, pro
gitandnm, aliud ad dicendum putarent. sainte patrice, factum esse riicebat; ut eidem Carboui tri-
buno plebis alia tum mente reniptibiicam capessenti P.
Quum rem penitus causamque cognovi statim occurrit rit Africanus de Tib. Graccho interroganti, responderat, jure
animo, quse sitcausa ambigui. Nihil est enim, quod inter 1er caesum videri. Jure autem omnia defenduntur, quse sunt
homines ambigatur, sive ex crimine causa constet, ut fa- ejus generis, ut aut oportuerit, aut licuerit, aut necesse
:li- fuerit, aut imprudentia, aut casu facta esse videantur.
cinoris, sive ex controversia, ut hereditatis sive ex deli-
beratione, ut belli, sive ex persona, ut laudis, sive ex Jam quid vocetur, quaeritur, quum, quo verbo quid ap-
disputatione, ut de ratione vivendi, in quo non aut quid lid pellandum sit, contenditur ut mihi ipsi cum hoc Sulpicio
factum sit, aut fiat, futurumve sit, quseratur, aut quale Je fuit in Norbani causa summa contentio. Pleraque enim de
sit, aut quid vocetur. ils, quae ab îsto onjiciebantur, auum coufiterer, lameu ab
la difficulté. Cette règle me semble nn¿r11a IlTI
h1A puérile. 1 nn .Ol1t lA r!:1lil'o
n'est pas besoin ici de définitions aussi rigoureu-
ses que celles qu'emploient les savants dans leurs
discussions, lorsqu'ils recherchent, par exemple,
ce que c'est qu'un art, ce que c'est qu'une loi,
ce qui constitue une république. La méthode
scientifique exige alors qu'on définisse d'une
manière exacte et précise, sans rien omettre, et
sans rien dire de trop. C'est ce que ni Sulpicius
ni moi, nous n'essayâmes de faire dans cette
cause. Nous etlmes soin, au contraire, de déve-
lopper tous deux, avec toutes les ressources de
l'amplification ce qui constituait à nos yeux le
crime de lèse-majesté. Nous savions, en effet,
qu'il suffit de la plus légère erreur, d'un seul
mot retranché ou ajouté dans une définition,
pour la faire tourner contre nous; de plus, cette
manière sent l'affectation et le pédantisme de
l'école et elle ne pénètre pas dans l'esprit du
juge, qui oublie votre définition, avant même de
l'avoir saisie.
XXVI. Dans les causes où il s'agit de quali-
fier un fait, il faut souvent interpréter un écrit,
et la contestation alors ne roule que sur l'équi-
voque qui s'y peut présenter. Il y a équivoque,
lorsque le sens littéral est en contradiction avec
la pensée de celui qui a rédigé l'écrit on l'é-
claircit en suppléant à la lettre, et on établit
ensuite que le sens n'est plus douteux. Si l'am-
biguïté naît de la contradiction de deux écrits,
ce n'est pas un nouveau genre de cause, mais
comme une répétition du précédent; car, ou j
l'on ne pourra pas résoudre la difficulté, ou, si

illo majestatem minutam negabam ex quo vert», lege


Apuleia, tota illa causa pendebat. Atque in hoc génère
ranaarum nonnulli prœcipiunt, ut verbum illud, quod
causant facit, lucide breviterque definiat. Quod mihi qui-
dem perquam puerile videri solet. Alia est enim, quum
inter doctos homines de iis ipsis rebus, qu& versantur in
artibus, displltatur, verborum definitio ut quum qu%-
ritur, quid sit ars, quid sit lex, quid sit civitas. In quibus
hoc prœcipit ratio atque doctrina, ut vis ejus rei, quam
dehnias sic exprimatur, ut neque absit quidquam, neque
supersit. Quod quidem in illa causa neque Sulpicius fecit,
neque ego facere conalus sum. Nam, quantum nterque
nostrum potuit, omni copia dicendi dilatavit, quid esset
majestatem minnere. Etenim definitio primum reprehenso
verbo uno, aut addito, aut demto, sœpe extorquetiii, e
manibus; deinde génère ipso doctrinam redolet exercita-
tionemque pa;ne puerilem; tum et in sensum et in men-
tem judicis intrare non potest: ante enim praeterlabitur,
(juam percepta est.
XXVI. Sed in eo genere, in quoi quale sit quid, ambi-
Rilur, exsistil etiam ex scripti interpretatione sœpc con-
tenlio, in quo nuIla potest esse nisi ex ambiguo, contro-
vet'sia. Nam illud ipsum, quum scriptum a sententia
discrepat, genus quoddam habet ambigui quod tum ex-
pliratur, quum ea verba, quae desunt, suggesta sunt;
quihus additis defenditur, sententiam scripti perspicuam
fuisan. Et ex contrariis scriptis si quid amhigitur, non no-
je veux leur inspirer. Ainsi les règles de l'art ora- e nos études, n-'us être mis d'avance et pour
et
toire peuvent se réduire à trois points prouver ttoujours en état de nous en servir dans tous les
la vérité de l'opinion qu'on veut faire prévaloir, cas
c analogues; car on a tous les jours à parler
se concilier la bienveillance des auditeurs, faire rpour ou contre des actes écrits, pour ou contre
naître en eux les impressions qui conviennent à des
c dépositions de témoins, pour ou contre des
l'intérêt de la cause. Quant aux preuves, elles interrogatoires,
i etc., soit d'une manière générale,
sont de deux sortes les unes ne sont pas imagi- soit
s lorsque le temps, les personnes et les causes
nées par l'orateur; il les trouve dans le sujet, et sont
s déterminés. Vous devez (je dis cela pour
les fait valoir par le raisonnement tels sont les vous
i Sulpicius et Cotta ), vous devez faire de ces
actes écrits, les dépositionsdes témoins, les con- llieux une étude profonde, afin de les avoir à
ventions, les contrats les interrogatoires, les votre
i disposition et d'y recourir au besoin. Il se-
lois, les sénatus-consultes, les arrêts des tribu- rait
i trop long de développer ici les moyens d'af-
naux, les ordonnances, les décisions des juris- ifaiblir ou de fortifier les preuves tirées d'un té-
consultes, et autres choses semblables, que l'o- moignage, d'un acte, d'un interrogatoire. Tout
rateur n'invente pas, et qui lui sont fournies par cela demande peu de talent, mais beaucoup d'ha-
la cause même, ou par son client. Les autres bitude du barreau. Les préceptesde l'art ne sont
preuves consistentdans la discussion des moyens, applicables à cette partie que lorsqu'on veut y in-
et dans l'argumentation de i'orateur. Ainsi, dans troduire les ornements de l'élocution. Les preu-
le premier cas, il s'agit de mettre en oeuvre des ves qu'invente l'orateur ne sont pas difficiles à
matériaux tout prêts; dans le second, il faut faire trouver, mais elles ont besoin d'être présentées
plus; il faut les créer. Les rhéteurs qui divisent avec élégance et clarté. Dans toutes les causes,
les causes en un plus grand nombre de genres, il faut d'abord chercher ce qu'on doit dire, et
assignent à chacun des preuves particulières. ensuite comment on le dira. De ces deux parties,
Cette méthode peut être utile aux jeunes gens; la première, qui consiste à trouver le fonds des
elle met aussitôt des moyens à leur disposition idées, et où il semble que l'art doive être pour
pour toutes les causes qui pourront leur être pré- beaucoup, a bien un peu besoin en effet du se-
sentées elle leur fournit d'avance comme une cours de l'art; mais elle n'exige cependant qu'une
provision d'arguments; mais c'est avoir l'esprit médiocre habileté: quant à la seconde où il s'agit
borné que de s'attacher aux ruisseaux sans re- d'orner les pensées d'une diction riche et variée,
monter aux sources. A notre âge, et avec notre c'est là que triomphe ce talent sublime que nous
expérience, nous devons nous élever plus haut, appelons éloquence.
et considérer les principes. XXVIII. Puisque vous l'exigez, je consens à
Et d'abord, quant aux preuves qui sont four- vous parler de la première partie je la dévelop-
nies à l'orateur, nous devons, par nos méditations perai le mieux qu'il me sera possible; avec quel

alterum commendationem habet nostram, aut eorum, deferuntur, meditatum nobis in perpetuum, ad omnem
quos defendimus; alterum est accommodatum ad eorum usum siiniliuin rerum, esse debebit nam pro tabnlis et
animos, apud quos dicimus, ad id, qnod volumus, com- contra tabulas; pro testihus et contra testes; pro qurcslio-
movendos. Ita ratio omnis dicendi tribus ad persuadendum nibus et contra quaestiones et item de ceteris rébus ejus-
rebus est nisa ut probemus vera esse ea, quœ defendi- dem generis vel separatim dicere solemjis de genere nni-
mus; ut conciliemus nobis eos, qui audiunt; ut animos verso, vel delinite de singulis teraporibus, hominibiis,
eorum ad quemeumque causa postulabit motum voce- causis quos quidem locos (vobis hoc, Cotta, et Sulpini,
mus. Ad probandum autem duplex est oratori subjecla dico) mulla commentatione atquc meditatione paratos at-
materies una rerum earum, quœ non excogitantur ab que expedilos habere debetis. Longum est enim nunc me
oratore, sed in re posikc, ratione tractantur; ut tabulée, explicare, qua ratione aut conliimare,aut infirmare testes,
testimonia, pacta, conventa, quoestiones, leges, senatus- tabulas, quiestiones oporteat. Hase sunt omnia ingenii vel
consulta, res judicatœ, decreta, responsa, et reliqua, si mediocris, exercitationis autem maximae artem quidem,
quae snnt, quae non pariuntur ab oratore, sed ad oratorem et praeceptaduntaxat bactenus requinint,ut certis dicendi
a causa, atque a reis referuntur altéra, quae tota in di- lunùnibus ornentur. Itemque illa, quae sunt alterius ge-
spulatione et argumentationeoratoris collocata est. lia in neris, quae tota ab oratore pariuntur, excogitationem non
superiore genere de tractandis argumentis, in hoc autem habent diflicilem; explicationem magis illustrera perpoli-
etiam de inveniendis cogitandum est. Atque isti quidem, tamque desiderant. Itaque quum hœc duo nobis quasrenda
qui docent, quum causas in plura genera secuerunt, sin- sint in causis, primum quid, deinde quomodo dicamus
gulis generibus argnmentorum copiam suggeruut. Quod alterum, qtiod totum arte tinctum videtur, tametsi artem
etiamsi ad instituendos adolescentulos magis aptum est, requirit, tamen prudentiœ est paene mediocris, qnid di-
ut simul ac pnsita sit causa, habeant, quo se référant, cendum sit, videre; alterum est, in quo oratoris vis illa
unde statim expedita possint argumenta depromere ta- divina, virtssque cernitur, ea, quœ dicenda snnt, ornate,
men et tardi ingenii est, rivillos coosectari, fontes rerum copiose, varieque dicere.
non viderc, etjam setatis est ususque nostri, a capite, qnod XXVIII. Quare illam partem snpcriorem, quoniam se-
vclinius, arcessero et, unde omnia manent, videre. mel ita vobis placuit, non recusabo, quominus perpoliam
Et primum
1" genus illud ~IIIIII 1(-'
t!:I""UO IJi1iU earum m uni
y,
"'J', quœ ad oratorem atque 'UII'
uU v.aI.UIO¡;1 1 al.'Su~
conficiam (quantum consequar, vos judicabitis)
'11Itl.1J'~11J1 \jIJII~t:'111"1, 'OU., Ju.al1u.lo
CfCt'no~.–Tntn!). 1. 16
succès, vous en jugerez. Je vous indiquerai les sson opulence. Quel genre de beauté, de force de
sources d'où l'orateur tire les idées propres à pro- pathétique,
p de dignité, peut-il manquer à l'ora-
duire les trois effets dont la réunion seule per- t qui, à la fin d'un plaidoyer, osa faire lever
teur
suade, plaît, instruit, touche. Quant à l'art d'em- d banc des accusés un vieillard consulaire, dé-
du
bellir le discours par l'expression, nous voyons chirer
c sa robe, et montrer aux juges les cicatrices
devant nous un homme qui peut l'enseigner à glorieuses
g des blessures qu'il avait reçues en
tous c'est lui qui le premier l'a introduit dans commandant
c les armées? qui, défendant un for-
l'éloquence romaine, qui l'a perfectionné, qui cené,
c un séditieux contre les accusations de Sul-
seul en a donné des modèles. Oui, Catulus, je picius,
{ osa faire l'apologie des séditions, et sou-
puis parler ainsi, sans craindre d'être soupçonné t
tenir dans les termes les plus énergiques,que bien
de flatterie jene pense pas qu'il y ait de nos jours souvent
s les soulèvements du peuple ne sont pas
un seul orateur grec ou romain, un peu célèbre, injustes;
i qu'il en est dont personne ne peut ré-
qije je n'aie entendu souvent et avec beaucoup pondre que beaucoup de séditions même ont eu
d'attention et si j'ai quelque talent (j'oserais le lieu
1 dans l'intérêt de la république, comme celles
croire, puisque des hommes tels que vous met- qui
( amenèrent l'expulsion des rois, et l'établis-
tent tant de complaisance à m'écouter) je le dois sement
s de la puissance tribunitienne; que cette
à ce que jamais un orateur n'a parlé devant moi, sédition
i de Norbanus, produite par la douleur
sans que son discours soit resté gravé dans ma des
( citoyens, et la haine publique contre Cépion,
mémoire eh bien! tel que je suis, et avec quel- qui avait perdu l'armée, était juste dans son
que droit peut-être de prononcer en pareille ma- principe, et qu'il n'avait pas été possible de la
tière, après avoir entendu tous les orateurs, je réprimer. Pour traiter une matière si délicate,
déclare et j'affirme, sans hésiter, qu'aucun d'eux si hardie, si difficile, si neuve, ne fallait-il pas
n'a possédé à un aussi haut degré que Crassus une puissance de talent extraordinaire? n'avez-
les richesses de l'élocution. Si donc vous pensez vous pas su exciter aussi la compassion en faveur
comme moi, vous trouverez bon que je fasse un de Cn. Manlius et de Q. Rex? Enfin dans mille
partage égal, et qu'après avoir créé, pour ainsi autres circonstances, n'avez-vous pas fait briller,
dire, nourri, élevé l'orateur, tel que je m'en fais non-seulement la merveilleuse étendue d'esprit
l'idée, je le remette aux mains de Crassus, pour que tout le monde vous accorde, mais ce talent
qu'il prenne soin de le vêtir et de le parer. même dont vous voulez me faire honneur, et que
– Continuez, dit Crassus, comme vous avez
commencé est-il donc d'un père tendre et gé-
vous avez toujours possédé à un degré si émi-
nent ?
néreux de ne pas vêtir, de ne pas parer lui-même XXIX. Pour moi, dit Catulus, ce que je
l'enfant qu'il a mis au monde, et qu'il a élevé, ne me lasse pas d'admirer en vous, c'est qu'ayant
surtout lorsque, comme vous, il ne peut pas nier tous deux un genre d'éloquence si différent,

quibus ex locis ad cas tres res, quae ad 1idem faciendam nare, prasertim quum te locupletem esse negare non pos-
sola». valent, dticatur oratio, ut et concilientur animi, et sis. Quod enim ornamentum, qna> vis, qui animus, qnae
doceantur, et moveantur[hœc sont enim tria numéro]. Ea dignitas illi oratori defuit, qui in causa peroranda non du-
vero queinadmodum illustrentur, prasto est, qui omnes bitavit excitare reum consularem, et ejus diloricare tunî-
docere possit, qui hoc primus in nostros mores induxit, cam, et judicibus cicatrices adversas senis imperatoris
(|ui maxime auxit, qui solus effecit.Namque ego, Catule ostendore? qui idem, hoc accusanteSulpicio, quum homi-
( dicam enim non reverens assentandi suspicionem ), ne- nem seditiosum furiosumque defenderet, non dubitavit
înînem esse oratorem paullo iliustrioremarbitror, neque seditiones ipsas omare, ac demonstraregravissimis verbis,
grar nm neqne latiuum, quem aetas nostra tnlerit quem multossacpe impetus populi non injustos esse; quos prâe-
non et saepe, et diligenter audieriiii. Itaque si quid est in stare nemo possit? multas etiam e repnblir.i seditiones
exacti, ut quum
me ( qnod jam sperare videor, quoniam qnidem vos, his sœpe esse tactas, ut quum reges essent Norbam
1 ingeniishomines, tantum operœ miliiadaudiendumdatis), tribunitia potestas esset constitiita? illam sedi-
tionem, ex luctu civium, et ex Cœpionis odio, qui exer-
ex eo est, qnod nihil quisquam unquam me audiente egit
orator, quod non in memoria mea penilus insederït. Atqne citum amiserat, neque reprimi potuisse, et jure esse con-
flatam? Potuil hic locns tam anceps, tam inaudittis, tam
ego is, qui sum, quantuscumque sum ad judicandum,
omnibus auditis oratoribus, sine ulla dubitatione sic sta- lubricus tam novus, sine quadam incredibili vi ac facul-
tno et jndico, neminem omnium tot et tanta, quanta sont tate dicendi tractari? Quid ego de Cn. Manlii, quid de Q.
in Crasso habuisse ornatncnladicendi. Quamobiem si vos Regis commiseratione dicam quid de aliis innuinerabili-
bns? in quibus non hoc maxime enituit, quod tibi omnes
quoque hoc idem existimatis, non erit, ut opinor, iniqua
parlitio, si, quum ego hune oratorem, quem nunc finpo dant, acumen quoddam singulare; sed haec ipsa quœ
ut institui, crearo, aluero, confirmaro; tradam eum Crasso, nunc ad medelegare vis, ea semper in te eximia et prœ-
et vestiendum, et ornandum. stantia fuerunt.
Tum Crassus Tu vero, inquit, Antoni, perge, ut XXIX. Tum Catulus Ego vero, inquit, in vobis hoc
instiruisti. Neque enim est boni, neque liberalis parentis maxime admirari soleo, quod, qunm inter vns in dicendo
quem procrearit et eduxerit, cum non et vestire, et or- dissimillimi sitis, ita tamen uterque veslrum dicat, ut ei
votre talentsoit néanmoins si parfait, que vous je j'en parlerai d'abord en peu de mots; car les
jet,
semblez réunirtous les dons de la nature à toutes observations que mon expérience et ma mémoire
ol
les ressources de l'art. Ne nous privez donc pas, n fournissent sur ce sujet ne sont pas en grand
me
Crassus, du charme de votre élocution en re- nombre.
n
fusant d'expliquer ce qu'Antoine aura oublié, ou XXX. Je suivrai votre sage conseil, Crassus;
omis à dessein; et vous, Antoine, si vous laissez j< ne m'arrêterai pas à cette série d'applications
je
quelque chose à dire, nous ne supposerons pas particulières
p que les rhéteurs enseignent à leurs
que ce soit insuffisance de votre part; nous croi- éélèves; je remonterai aux préceptes généraux
rons que vous avez mieux aimé nous le faire en- dd'où se tirent les raisonnementspour tous les gen-
tendre de la bouche de Crassus. r de causes et de discours. Si nous avons à tra-
res
– Crassus reprit Que ne laissez- vous de côté, ccer un mot, il n'est pas nécessaire que nous por-
Antoine, ce que vous nous annonciez tout àl'heure, tions
t successivement notre pensée sur toutes les
je veux dire les lieux d'où se tirent les arguments Ilettres qui le composent. De même, quand nous
des causes? Personne ici n'en a besoin. Vous trai- plaidons
j une cause, nous n'avons pas besoin de
teriez sans doute ce sujet d'une manière neuve et jpasser en revue tous les arguments qui peuvent
intéressante mais c'est une chose facile, et les pré- s'y
s rapporter il suffit d'avoir en réserve certains
ceptes en sont communs. Découvrez-nous plutôt 1lieux communs, qui viennent nous aider à dé-

les sources où vous puisez ces ressources puissantes velopper


i la cause, comme les lettres de l'alphabet
dont vous faites un si fréquent et si merveilleux s présentent à nous, lorsque nous vou lons écrire.
se
usage. J'y consens, dit Antoine, et je ne veux Mais
I l'orateur ne peut tirer parti de ces lieux
rien vous refuser, afin d'être plus en droit d'exi- < communs, s'il n'a acquis la connaissance des af-
ger à mon tour. Tout le secret de ma composi- faires,
i soit par l'expérience, que l'âge seul peut
tion, et de ce talent de parole que tout à l'heure donner, soit par les leçons et la méditation, qui,
Crassus élevait si haut, consiste, comme je l'ai à l'aide du travail et de l'étude, suppléent à
déjà dit, dans ces trois points plaire, instruire, l'expérience. Supposez l'homme le plus instruit,
émouvoir. Decestrois points, le premier demande qui, à un esprit vif et pénétrant joigne la plus
un ton doux et insinuant; le second, un esprit heureuse facilité s'il est étranger à nos coutumes,
pénétrant; le troisième, des mouvements pathé- à l'histoire, aux institutions, aux moeurs et aux
tiques. Pour que le juge soit amené à prononcer goûts de ses concitoyens, ces lieux communs, où
en notre faveur, il faut, ou que sa propre incli- l'on puise les arguments, ne lui seront que d'une
nation l'y porte, ou que la force de nos arguments faible utilité. Mais donnez-moi un génie formé
l'y détermine, ou que de profondes émotions par la culture; semblableà un champ où la char-
l'y contraignent. Mais comme la partie du dis- rue a passé plusieurs fois, il produira les fruits
cours qui contient l'exposé et la défense du fait les plus beaux et les plus abondants. L'usage
parattcomprendre tout ce qu'on peut dire à ce su- du barreau, l'habitude des modèles, la lecture,

niliil neque a natura denegatiira neque a doctrina non de- doctrinam conlinere de ea primum loquranur, et pauca
latum esse videatur. Quare, Crasse, neque tu tua suavitate dicemus. Pauca enim sunt, qua: usu jam tractata, et
nos privabis, ut, si quid ab Antonio aut praetermissum, animo quasi habere notata videamur.
aut relictum sit, non explices, neque te, Antani, si quid XXX. Ac tibi sapienter monenti, L. Crasse, libenlcr
non dixeris, cxistimabimus non potuisse potius, quant a asscntiemur, ut singularum causarum defensiones, quas
Crasso dici maluisse. soient magistri pueris tradere, relinquamus; apeiïamus
– Hic Crassus: Quin lu, inquit, Antoni, omittis ista, autem ea capita, unde omnis ad omnem et causam et oia-
quœ proposuisti quae nemo horum desiderat quibus ex tionem disputatio ducitur. Neque enim, quoties verbum
locis ea, quae dicenda sint in causis, reperiantnr. Quae aliquod est scribendum nobis, toties ejus verbi litterab
quanquam abs te novo quodam modo, praeclareque dieun. sunt cogitatione conquirendae; nec quoties causa dicenda
tur, sunt tamen et re faciliora, et praceplis pervagata. est loties ad ejus causse seposita argumenta revolvi nos
llla deprome nobis, unde afferas, quae saepissime tractas, oportet; sed habere certes locos, qui, ul littera? ad verbum
semperque divinitus. Depromam equidem, inquit An- scribendum, sic illi ad causam explicandam,statim occur-
tonius, el quo facilius id a teexigam,quod peto, nibil tibi rant. Sed hi loci ei demum oratori prodesse possuitt qui
a me postulanti recusabo. Meae totins orationis, et istius est versatus in rebus, vel usu quem œt as denique .ffert,
ipsius in dicendo facultatis quam modo Crassus in cœlum vel auditione et cogitalione quae studio et diligentia pra-
verbis exlulit, tres sunt rationes, ut ante dixi una con- currit setatem. Nam si tu mihi quamvis erudituiu hominem
ciliaudorum hominum, altera docendorum, lertia conci- adduxeris, quamvisacrem et acutum in cogitando, quam-
tandoruil). Harumtrium partium prima lenitatemorationis, vis ad pronuntiandum expeditum, si erit idem in con-
secunda acumen, tertia vim desiderat. Nam hoc necesse suetudine civitatis, in exemplis, in inslitutis, in moribus
est, ut is, qui nobis causam adjudicaturus sit, aut incli- ac voluntatibus civium suorum hospes,nnn multum ri
natione voluntatis propendeat in nos, aut defensionis ar- loci prodernnt illi, ex quihus argumenta promuntur. Sub.
gumentis adducatur, aut animi permotione cogalur. Sed ado mihi ingenio opus est, nt agro non semel aralo, sed
quoniam illa pars, in qua rcrum ipsarura cxplieatio ac inovato etiterato, quo meliores fœtus possit et.grandiorfi*
defensio posita est, videtur omneni hujns generis quas edere. Snbartio autem est usus, auditio lectio littcrae.
lu.
iii.
C>.
C>.
la composition, voilà en quoi consiste la culture nés et ils ne voient pas que toute discussion peut
du génie. se ramener à une question générale. Ainsi, dans
En premier lieu, l'orateur doit rechercher la la cause dont je viens de parler, les arguments
nature de la cause elle est facile à connaître 1 de l'orateur sont indépendants de la personne
soit qu'il s'agisse d'examiner si un fait a eu lieu, d'Opimius et de celle de Décius. La proposition
d'en déterminer la qualité, ou la dénomination. est générale, indéfinie Doit-on être puni pour
Ensuite lé simple bon sens indiquera, sans tou- « avoir tué un citoyen en vertu d'un sénatus-
tes les subtilités des rhéteurs, quel est le point « consulte, et en vue de sauver la république
principal de la cause, celui sans lequel il n'y au- « bien que le meurtre soit défendu par les lois? »
rait plus lieu à discussion; enfin sur quoi les ju- On peut dire qu'il n'est aucune cause où le point
ges ont à prononcer. Voici comment les rhéteurs à juger dépende tellement de la personne de l'ac-
vous enseignent à le chercher. Opimius a tué cusé, qu'elle ne puisse être envisagée sous un
Gracchus. Où est le point de la cause; c'est qu'il il point de vue général. C'est ce qu'on voit même
a agi dans l'intérêt de la république, et après dans les questions de fait, comme dans celle-ci
avoir appelé le peuple aux armes, en vertu d'un P Décius a-t-il reçu de l'argent contre les lois?
sénatus-consulte. Otez cette circonstance, il n'y Les moyens de l'accusation et de la défense se
a plus de procès. Mais Décius prétend que le rapporteront nécessairement à des considérations
meurtre n'était pas autorisé par les lois. Voici générales on traite de la profusion, si l'accusé
donc le point à décider le sénatus-consulte l'in- est prodigue; de la cupidité, s'il est avide du bien
térêt de la république, rendent-ils ce meurtre lé- d'autrui; des mauvais citoyens, des hommes tur-
gitime ? Cette question est facile et à la portée de bulents, s'il est factieux; de la validité des té-
tout le monde; mais il nous reste à chercher quels moignages, si les accusateurs sont nombreux.
sont les arguments dont l'accusateur et le défen- Dans la défense, il faudra pareillement ramener
seur doivent faire usage pour débattre le point tous les raisonnements, de la considération des
contesté. temps et des personnes, à des propositions d'un
XXXI. C'est ici le lieu de relever l'erreur gros- ordre commun et universel. L'homme qui n'a
sière de ces maîtres de rhétorique chez qui nous pas la vue assez étendue pour saisir d'un coup
non
envoyons nos enfants que leur méprise d'oeil la nature des choses, pourra croire que,
ait au fond une grande influence sur l'éloquence dans l'examen d'un fait, les points litigieux sont
mais elle vous fera voir le peu de jugement nombreux et compliqués. Cependant si le nom-
et de lumières de ces hommes qui se croient bre des sujets d'accusation est infini, il n'en est
si habiles. Ils reconnaissent deux genres de cau- pas de même des lieux et des moyens de défense.
ses l'un renferme les questions générales, et on XXXIT. Lorsqu'il s'agit de qualifier un fait
n'y spécifie ni les temps, ni les personnes dans dont l'existence est admise, si le nombre des gen-
l'autre, les temps et les personnes sont détermi- res se calcule sur les différentes sortes d'accusés

Ac primum naturam causm videat, quac nunquam latet, omnes controversias ad universi generis vim et naturam
factumne sit, quœratur, an, quale sit, an, quod nomen referri. Nam in ca ipsa causa, de qua ante dixi, nihil per-
habeat quo perspecto, statim occurrit naturali qnadam tinel ad oratoris locos Opimii persona, nihil Decii. De Ipso
prudentia, non his subductionibus, quas isti docent, quid enim universo génère inlinila quaestio est, •> Num pœna
faciat causam, id est, quo sublato controversia stare non videatur esse aUiciendus, qui civem ex senat.usconsulto
possit; deinde, quid veniat in judicium, quod islisic jubent « patriœ conseiTandae causa inlerenrerit quum id per leges

quxrere: lnterfecit Opimius Gracchmn quid facit cau- ad


« non liceret. » Nulla denique est causa, in qua id quod
sam? quod rcipublicœ causa quum ex senatusconsnlto in judicium venit, ex reorum personis, iioii gcnerum ipso-
arma vocasset hoc toile causa non erit. At id ipsum ne- rum universa disputatione quœratur. Quiu etiam in iis
gat contra leges lieuisseDccius. Veniet igitur in judicinm, ipsis, ubi de facto ambigitur, ceperitne contra loges peeu.
licueritne ex senatusconsulto servandse reipublirae causa. nias P. Decius, argumenta et criininuin et defensîonis re-
Perspicua sunt liaec quidem, et in vulgari prudentia sita; vocentoroportet ad genus, et ad naturam universam quod
sed illa quœrenda quse ab accusatore et defensore argu- sumtuosus, de Iuxuria; quod alieni appetens, deavaritia;
menta, ad id, quod in judicium venit, spectantia,debeant quod sediliosus, de turbulentis et maliscivibus; quod ai
alTerri. mullis arguilur, de genere testium: contraque, quae pro
XXXI. Atque hic illud vldendum est, in quo summus reo dicentur, omnia necessario a tempore atque homine ad
est error istorum magistrorum, ad quos libéras nostros communes rerum et generum summas revoiventur. Atqne
mittimns, non quo hoc quidem addicendum magnopere haec forsitan honiini, non omnia, quae sunt in natura rerum,
pertineat, sed tamen ut videatis, quam sit geuus hoc celeriter animo comprehendenti,permulta videantur, qua)
impolitum. veniant in judicium tum, quum de facto quseratur,: sed
eorum, qui sibi eruditi videntur, hebes'atque
Conslitunnl enim in parliendis orationutn modis duo gê- tamen criruinum est multitudo, non defensionum aut loco-
nera causarum unutn oppellant, in quo, sine
personis rum, infinita.
atque temporibus, de universo genere qurcratur; alterum, XXXII. Quœvero, quum do facto non ambigiteir, qum1-
quud personis certis et temnoribus definiatur ignari, runtur, qualia sint; ea si ex reis minières, et innumcralii
ils sont compliqués et infinis; si on les compte car le nombre en est infini. Si on les fait consis-
d'après les choses en elles-mêmes, ils sont peu ter dans les personnes, il y aura autant de genres
nombreux et faciles. Si nous réduisons la cause que d'individus. Si au contraire on les rapporte à
de Mancinus à la personne même de Mancinus, il une proposition générale, elles se réduisent à un
si petit nombre, qu'un orateur attentif, laborieux
y aura une cause nouvelle toutes les fois qu'un ci-
toyen, livré pur le chef des féciaux n'aura pas et doué d'une bonne mémoire, doit les avoir tou-
été reçu par l'ennemi; mais si l'affaire est ra- tes présentes à l'esprit, et les savoir par cœur
menée à cette question Un citoyen, livré parle car vous ne vous figurez pas sans doute que dans
chef des féciaux, et qui n'aura pas été reçu, ren-l'affaire de M'. Curius, Crassus n'ait employéque
tre-t-il à son retour dans ses droits? le nom de des arguments personnelsà son client, pour prou-
Mancinus ne fait plus rien, ni à la forme du dis- ver que Curius n'en était pas moins l'héritier de
cours, ni au choix des arguments. En outre les Coponius, quoiqu'il ne fût pas né de fils pos-
moyens qui peuvent se tirer des bonnes ou des thume au testateur. Les noms de Curius et de
mauvaises qualités de la personne, sont étrangers Coponius n'influaient en rien sur la nature de la
à la question mais cette partie même de la plai- cause et la force des preuves. La question était
doirie se rapporte encore nécessairement à une générale, indépendante du temps et des person-
propositiongénérale. En parlant ainsi, mon des- nes et comme le testament portait S'il me naît
sein n'est pas d'attaquer le savoir des maîtres; un fils, et qu'il meure avant, etc., un tel sera
mais je ne puis les approuver, lorsque dans leurs mon héritier; la question était de savoir si l'hé-
ritier, institué au cas que le fils mourût, restait
définitions ils réduisent ces sortes de causes à la
considération des personnes et des temps. Sans encore l'héritier, quoiqu'il ne fût pas né de fils.
doute il faut tenir compte des circonstances et Une question semblable, qui repose sur un droit
des personnes; mais ce n'est pas là ce qui cons- invariable et sur une proposition générale, n'a
titue la cause elle est tout entière dans la ques-pas besoin, pour être traitée, du nom des person-
tion générale. Au surplus, peu m'importe je ne nes, mais du talent de la parole et de la connais-
dois rien avoir à débattre avec les rhéteurs. Il sance des preuves.
me suffit de faire voir que, malgré tout leur loi- XXXIII. Mais ici les jurisconsultes viennent
sir, ils n'ont pas même réussi dans la seule choseà leur tour nous jeter dans l'embarras, et nous
où l'expérience du barreau n'était pas nécessaire,dégoûter de l'étude de leur art. Brutus et Caton
je veux dire à distinguer les genres, et à les ex-ne manquent presque jamais de citer nominati-
poser avec méthode; mais, encore une fois, peu vement dans leurs livres tous ceux hommes ou
m'importe. Ce qui m'intéresse davantage, et femmes, qui les ont consultés sur quelque point
vous encore plus, Sulpicius etCotta, c'est que si de droit. Ils voulaient, sans doute, nous faire
l'on admet la doctrine de ces rhéteurs, il nous croire que la difficulté consistait dans la per-
faudra reculer devant la multitude des causes sonne et non dans la question, pour nous effrayer

lia sunt, et obscura; si ex rébus, valde et modica, et generum universas quaestiones referuntur; ita modicœ et
illustria. Nam si Mancini causam in uno Mancino ponimus, pauca su ot ut eas omnes, diligentes, et memores, et so-
quoliescumqueis, quem pater patratus dediderit, receptus brii oratores percursas animo, et prope dicam, decantatag
non erit, toties causa nova nascetur. Sin illa controversia habere debeant: nisi forte exislimatis, aM'. Curiocausam
didicisse L. Crassum, et ca re multa attulisse,quamobrem,
causam facit, videaturne ei, quempater patratus dedide. t
rit, si is non sit receptus, postliminium esse nihil ad postumo non nato, Curium tamen lieredem Coponii esse
copiam argumentorum, neque ad causée
artem dicendi, nec ad argumenta defensionis, Mancini oporteret. Nihil ad
hominis aut vim ac naturam nomen Coponii, aut Curii, pertinuit. In
nomen pertinet. Ac, si quid aflerl praeterea
dignitas aut indignitas, extra quaistionemest, et ea tamen genere erat universo rei negotiique, non in tempore ac
ipsa oratio ad universi generis disputationem referatur ne- nominibus, omnis quaestio: Quum scriptum ita sit, SI hiui
homines FIL1US CENITUR, 1SQHE PRll» MORITUR, et cetera, TUM 1IT
cesse est. Haec ego non eo consilio dispute, ut
eruditos redarguam quanquam reprehendendi sunt', qui MIHI ILLE sit hères si natus filius non sit; videaturne is,
in genere definiendo istas causas descrihunt in personis et qui filio mortuo institutus heres sit, heres esse. Perpetui
in temporibus positas esse. Nam etsi incurrunt tempora, juris et universi generis qurestio non hominum nomina,
et personœ, tamen iutelligendum est, non ex iis, sed ex sed rationem dicendi, et argumentorum fontes desiderat.
genere quaestionis pendere causas. Sed hoc nihil ad me XXXIII. In quo etiam isti nos jurisconsulti impediunl,
e
nullum enim nobis certamen cum istis esse debet. Tantum a discendoque déterrent. Video enim in Catonis et Bruti
satis est intelligi, ne hoc quidem eos conseoutos quod in libris nominatim fere referri, quid alicui de jure viro aut
tanto otio, etiam sine hac forensi exercitatione, erficere mnlieri responderint credo, ut putaremus,in hominibus,
potuerunt, ut genera rerum discernèrent, eaque paullo non in re, consultationisaut dubitationis causam aliquam
subtilius explicarent. Yerum hoc (ut dixi) nihil ad me. fuisse; ut, quod homines essent innumerabiles debilitati
Illud ad me, ac mnlto etiam magis ad vos, Cotta noster a jure cognoscendo, voluntatem discendi simul cum spe
et Sulpici quomodo nunc se istorum artes habent, per- perdiscendi abjiceremus. Sed haec Crassus aliquando nobi»
timescenda est multitudo causarum est enim infinita, expediet, et exponet deseripta generatim est enim, ne
si in personis ponitur; quet homines, tôt causae sin ad forte n«£cias, heri nobit ille hoc, Catule, poîlicitus, ss
par cette multitude intlnie de cas, et nous faire
XXXIV. Antoine continua J'ai achevé ce que
perdre le désir en même temps que l'espérance je me proposais, puisqu'il est convenu que tous
d'apprendre le droit. Mais Crassus nous débrouil- le points de discussion dépendent, non des per-
les
lera un jour ce chaos, en généralisant les précep- sonnes
S( qui sont innombrables, ni des circonstan-
tes; car vous saurez, Catulus, qu'il nous a pro- ci qui peuvent varier à l'infini, mais du genre
ces
mis hier de réduire en un corps de doctrine, et et de la nature des causes, dont le nombre est non-
ei
de reufermer dans des divisions plus précises les seulement
si limité, mais même peu étendu, et
règles du droit qui, maintenant, sont éparses qque ceux qui s'adonnent à l'art oratoire peuvent
et confuses. embrasser
ei tout d'un coup leur sujet, de quelque
Ce ne sera pas, dit Catulus, une tâche dif- genre
g qu'il soit, avec toutes ses divisions, ses
ficile pour Crassus, qui a appris du droit tout nmoyens, ses ornements, du moins quant au fond
d choses et aux pensées. Les pensées amèneront
des
ce qu'on peut en apprendre, et qui pourra sup-
pléer à ce qui manquait à ses maîtres il saura naturellement
n les expressions, qui, à mon avis,
tout à la fois tracer l'exposé complet de la science seront
si toujours assez ornées, si elles semblent naî-
et l'embellir des ornements au style. Ainsi, tre du fond même du sujet. A vous dire vrai, je
ti
reprit Antoine, nous irons apprendre le droit pense
p (car je ne puis rien affirmer, si ce n'est que
auprès de lui, lorsqu'il aura quitté, comme il telle
t est mon opinion), je pense que nous devons
en a l'intention, le tumulte des affaires pour
les ttoujours nous présenter au barreau armés de cette
douceurs de la retraite, et les bancs du barreau provision
p de causes et de questions générales
pour le siège du jurisconsulte. II est vrai, dit e ne pas attendre qu'on nous charge d'une affaire
et
Catulus, que j'ai souvent entendu dire à Crassus pour
1 aller fouiller les lieux communs afin d'en
qu'il était décidé à renoncer au barreau; mais je t
tirer des arguments avec du travail et de l'ha-
lui ai toujours répondu qu'il n'en aurait pas la bitude,
1 il suffira d'un peu de réflexion pour trou-
liberté. Il ne pourra voir tant de bons citoyens ver
i toujours ces arguments sous sa main; toute-
implorer vainement son secours; Rome ne le fois
1 il faut d'abord reporter notre pensée à ces
souffrira pas elle croirait perdre son plus bel points
] généraux, à ces lieux, comme je les ai
déjà
ornement, si elle n'entendait plus cette voix êlo-
( souvent appelés, qui peuvent nous fournir
quente. Sur ma parole, répliqua Antoine, si des ressources infinies pour toute espèce de dis-
<

Catulus dit vrai, vous et moi, mon cher Crassus, cours. Ainsi tout le secret, qu'on l'appelle art,
il nous faudra ramer éternellement sur la même observation ou pratique, consiste à bien connaî-
galère, etlaisserle reposetlesommeilàlascience tre le pays où l'on veut chasser et aller à la dé-
nonchalante des Scévola et des autres heureux couverte lorsque par la pensée vous vous en
qui leur ressemblent. -Crassus dit en souriant serez rendu maître, pour peu que vous ayez de
Achevez, Antoine, la tâche que vous avez com- pratique et d'expérience, rien ne vous échappera,
mencée; quant à moi, je saurai bien dans cette et tout ce qui tient au fond du sujet se présentera
science nonchalante dont vous parlez, trouver I de
soi-même, et viendra frapper vos yeux.
quelque jour un asile et ma liberté. XXXV. L'inventionoratoireexigetrois choses

jus civile, quod nunc diffusum et dissipatumest', in certa sus, hic est finis, inquit Antonius quoniam intelligitur
gênera coacturum, et ad artem facile redacturum. non inhominum innumerabilibus personis, neque in in-
– Elquidem, inquîtCaUiluSjbaudquaquamid est dif- finita tcmporum varietate, sed in generum causis alque
ficile Crasso, qui et, quod disci potuit de jure, didicit; naturis omnia sita esse quœ in dubium vocarentur genera
et, quod lis. qui eum docuerunt, defuit, ipse afferet ut, aiUriii esse delinita, non solum numéro, sed etiam pau-
citate ut eam materiem oratidnis, quae cujusque esset
qu* sint in jure, vel apte describere vel ornate illustiare generis, studiosi qui essent dicendi omnibus locis descri-
possit. Ergo ista inquit Antonius tum a Crasso disce-

rnas qnum se de turba et a subselliis in otium ut
cogitat, ptain, instructam, ornatamque comprehenderent, rebus
solianique contuletit. Jam id quidem saspe, inquit Ca- dico et sententiis. Eae vi sua verba parient, quae semper
tulus, ex eo audivi, qnum diceret, sibi certum esse, a satis ornata mihi quidem videri soient, si ejusmodi sunt,
judiciis causisque discedere sed ut ipsi soleo dicere, non ut ea res ipsa pepcrisse videatur. Ac si verum qufpiitis,
licebit: nequeenim ipse auxilium suum srepe a viris bonis quod mihi quidem videatur (nihil enim afirmare aliud pos-
frustra implorari patietur, neque id aequo animo feret ci- sum, nisi sententiametopinionemmeam): hocinstrumen-
vitas, quae si voce L. Crassi carebit, ornamento quodam tuin causarum et generum universorum in forum deferru
Antonius, si debemus, neque, ut quœque res delata ad nos erit, tum
sese spoliatam putabit. Nam hercle, inquit
bam vere a Catulo dicta sunt, tibi mecnm in eodem est denique scrntari locos, ex quibus argumenta eruamus
pUlrino, Crasse, vivendum et istam osoilantem et dor- quœ quidem omnibus, qui ea mediocrjter modo conside-
rhitantem sapientiam Scacvolarum eteeterorum heatorum rarint, studio adhibito et usu, pertractata esse possunt
otio concedamus. – Arrisit hic Crassus leniter, et Pertexe sed tamen animns referendus est ad ea capila et ad illos,
modo, inquit, Antoni, quod l'xorsus es me lamen ista quos saepe jam appellavi locos, ex quibus omnia ad om-
oscitans sapientia, simid atque ad eam confugero, in liber- nem orationeminventa ducuntur. Atque hoc totum est sive
tatem vindicabit. artis, sive animadversionis,sive consuetudinis, nosse re-
XXXIV. – Hnjus quidem ldci, quem modo sum exor- giones, intra quas venere et pervestiges, qnod quœras. Ubi
le génie, la méthode, que nous appellerons art, toutes les autres. Nous voyons, en effet, que la
sinousvoulons, etl'application. Sans doute, c'est facilité de l'élocution ne manque pas aux philo-
au génie qu'appartient le premier rang mais lui- sophes, lesquels, je crois, et vous le savez mieux
même il doit beaucoup à l'application, qui le. que moi, Catulus, ne donnent aucun précepte sur
soutient et l'anime. L'influence de l'application l'art oratoire, et pourtant s'engagent à parler
est toujours puissante; mais c'est au barreau avec fécondité et abondance sur tous les sujets
qu'elle produit ses plus grands effets. Nous devons qu'on peut leur proposer.
donc lui être surtout fidèles; c'est à elle qu'il faut XXXVI. Vous avez raison, dit Catulus; la
sans cesse recourir; il n'est rien où elle ne puisse plupart des philosophes ne donnent aucun pré-
atteindre. Si nous parvenons, comme je l'ai dit cepte sur l'éloquence, et ils sont toujours prêts
plus haut, à approfondir notre cause, c'est à elle à discourir sur quelque sujet que ce soit. Mais
que nous le devons; si nous écoutons attentive- Aristote, celui que j'admire le plus, a établi cer-
ment notre adversaire, si nous recueillons toutes tains lieux communs, où l'on peut puiser des
ses pensées, et jusqu'à ses moindres paroles; si, arguments, non-seulement pour les discussions
à travers l'expression de son visage, nous péné- philosophiques, mais même pour celles qui nous
trons les sentiments cachés de son âme, c'est occupent au barreau. Il me semble que depuis
encore l'ouvrage de l'application; et ici la pru- quelque temps, Antoine, votre doctrine se rap-
dence nous avertit de dissimulernous-mêmes nos proche de celle de ce grand homme, soit que la
observations, de .peur de donner des armes con- conformité de votre génie avec ce génie divin vous
tre nous. Enfin, c'est avec son secours que l'ora- ait poussé dans la même route, ou bien, ce qui est
teur parcourt ces lieux communs dont je parlerai plus probable, que vous ayez lu et étudié ses ou-
bientôt, descend jusqu'au fond de sa cause, y vrages car je vois que vous vous êtes plus ap-
concentre tous ses soins, toutes ses méditations; pliqué à la littérature grecque que nousne l'avions
elle lui donne la mémoire pour le guider, comme cru jusqu'ici. Je vous dirai la vérité, Catulus
un flambeau elle anime sa voix, elle soutient ses j'ai toujours pensé qu'un orateur produirait plus
forces; et ce sont là d'importantsservices. Entre d'effet sur le peuple, et s'en ferait entendre avec
le génie et l'application,il reste peu de place pour plus de plaisir, s'il montrait peu de connaissance
fart. L'art nous montre seulement le point où de l'art en général, et surtout des lettres grecques.

nous devons diriger nos recherches; il nous mène Mais en même temps il m'a semblé que de ne pas
à l'objet que nous voulons trouver le reste dé- prêter l'oreille à ces Grecs, lorsqu'ils proclament
pend du soin, de l'attention, de la réflexion, de de si belles théories et donnent de si éloquents
la vigilance, de l'assiduité, du travail, etpourtout préceptes; lorsqu'ils promettent d'enseigner aux
renfermer dans le seul mot dont je me suis servi, hommes à pénétrer les matières les plus obscures,
de l'application cette précieuse qualité comprend et leurdonnentdes règles pour bien vivre et pour

eum locum omnem cogitatione sepseris, si modo usum ( sœpejam usi sumus, diligentia; qua una virtute omnes
rerum percallueris, nihil te effugiet, atque omne, quod virtutes reliquae continentur. Nam orationis quidem copia
erit in re, occurret atque incidet. videmus ut abondent pbilosophi, qui, ut opinor ( sed tu
XXXV. Et sic, quum ad inveniendum in dicendo tria liœc, Calute, melius) nulla dant prœcepta dicendi, née
sint; acumen, deinde ratio, quam licet ( si volumus ) ap- ideirco minus, quaecumque res proposita est, suscipiunt,
pellemus artem tertium diligentia non possum equideni de qua copiose et abundanter loquantur.
non ingenio primas concedere; sed tamen ipsum ingenium XXXVI. –Tum Catulus, Est.inquit, ut dicis, Antoni,
diligentia eliam ex tardi taie incitat diligentia, inquam, ut plerique pliilosophi nulla tradant praecepta dicendi et
quœ qunm omnibus in rebus, tum in causis dcfendendis liabeant paratum tamen quid de quaque re dicant. Sed
plurimum valet. Haec pnecipue colenda est nobis hœc sem- Aristoteles,is, quem maxime ego admirer, proposuit
per ailhibenda haec nihil est quod non assequatur. Causa quosdam locos, ex quibus oninis argumenti via, non modo
ut penitus quod iuitio dixi nota sit, diligentia est; ut ad- ad philosophorum disputationem, sed etiam ad banc, qua
versarium attente audiamus, atque ut ejus non solum sen- in causis utimur, inveniretur: a quo quidem homine jam-
tentias sed etiam verba nmnia excipiamus, vultus denique dudum, Antoni, non aberrat oratio tua, sive tu similiiu-
perspiciamus omnes, qui sensus animi plerumque indi- dine illins divini ingenii in eadem incurris vestigia, sive
cant, diligentia est ( id tamen dissimulanterfacere, ne sibi eliam illa ipsa legisti atque didicisti quod quidem magis
ille aliquid profieere videatur, prudentia est ) deinde ut verisintile videtur. Plus enim te operœ grïecis dedisse re-
in lis locis, quos proponam paullo post pervolvatur ani- bus video quam putaramus. Tum ille, Verum inquit,
mus ut se penilus insinuet in causam, ut sit cura et co- ex meaudies, Catule semper ego exislimavi, jucundio-
gitatione intenlus, diligentia est; ut his rebus adbibeat, rem et probabiliorem huic populo oratorem fore qui pri-
tanquam lumen aliquod, memoriam, ut vocem, ut vires mum quam minimam artilicii alicujus, deinde nullam
li£ec magna sunt. inter ingenium quidem et diligentiam grœcarum rerum significatiouem daret. Atque ego idem
perpaullulum loci reliquum est arti. Ars demonstrat tan. existimavi, pecudis esse, non bominis, quum tantas res
tum, ubi quaeras, atque ubi sit illud, quod stuiieas inve- Grœci susciperent, protiterentur, agerenl, seseque et vi-
nire; reliqua sunt in cura, attentione animi, cogitatione, dendi res obscurissimas, et bene vivendi et copiose dt-
vigilautia, assiduitate, labore; coruplectar uno verbo, quo
0 cendi rationem hominibus daturos poHicerenlur non wi-
bien dire, ce serait tenir de la brute plus que de trois plus célèbres philosophes de ce temps-là,
l'homme et que si l'on n'ose plus les écouter pu- Carnéade, Critolaüs et Diogène. Ils ajoutaient
bliquement afin de ne pas perdre son crédit au- qu'eux-mêmeset beaucoup d'autres encore allaient
près de ses concitoyens, il faut du moins suivre fréquemment les entendre, tant que dura leur sé-
leurs leçons à la dérobée, et recueillir de loin jour à Rome et je m'étonne, Antoine, qu'avec
leurs paroles. C'est ce que j'ai fait, Catulus, et, de pareilles autorités vous ayez presque, comme
par ce moyen j'ai pris une connaissance som- le Zéthus de Pacuvius, déclaré la guerre à la
maire de leur doctrine, et des divisions de genre philosophie.-Point du tout je ressemble plutôt
qu'ils ont établies. au Néoptolème d'Ennius, qui veut bien philoso-
XXXVII. – Assurément, dit Catulus, vous pher un peu, mais à qui trop de philosophie dé-
avez été bien timide, Antoine, avec la philoso- plaît. Au surplus,voici monopinion, que je croyais
phie. Vous l'avez abordée en tremblant, comme avoir suffisamment fait connaître je ne désap-
on s'approche d'un écueil dangereux pour la prouve pas qu'on se livre à cette étude, pourvu
vertu. Cependant Rome ne l'a jamais méprisée. que ce soit avec modération. Mais si l'orateur
L'Italie était pleine de pythagoriciens, dans le donne à penser qu'elle lui est familière et qu'il a
temps où une partie de cette coutrée s'appelait la recours à l'art, cette opinion lui nuit dans l'esprit
grande Grèce; et quelques personnes ont cru des juges, elle diminue son autorité, elle rend ses
même que notre ancien roi, Numa Pompilius, paroles moins persuasives.
avait appartenu à la secte de ce philosophe, quoi- XXXVIII. Mais pour en revenir au sujet qui
qu'il lui soit de beaucoup antérieur. Nous devons nous occupait, vous savez que l'un de ces trois
l'en admirer davantage, puisqu'il posséda la fameux philosophes dont vous rappeliez l'ambas-
science qui fonde les Etats près de deux siècles sade à Rome, Diogène, prétendait enseigner l'art
avant que les Grecs en connussent l'existence. de bien raisonner, et de distinguer le vrai du faux
Certes, jamais Rome n'a produit de citoyens plus art qu'en grec il appelait dialectique ? Cet art, si
illustres, plus recommandablea par l'autorité de c'en est un, ne donne pas de préceptes pour trou-
leur vertu, et par l'élégance de leurs manières, ver la vérité, mais seulement des règles pour
que Scipion l'Africain, C. Lélius, et L. Furius, bien juger. Toute proposition est affirmative ou
qui eurent toujours auprès d'eux, sans en faire négative. Lorsqu'elle est simple, les dialecticiens
mystère, les hommes les plus éclairés d'entre les entreprennent de juger si elle est vraie ou fausse,
Grecs. Je leur ai souvent entendu dire qu'ils et quand elle est composée, de reconnaltre si les
avaient vu avec une extrême plaisir, ainsi qu'un propositions partielles sont justes et conséquen-
grand nombre des principaux personnages de la tes, et si l'ensemble de chaque raisonnement est
république, que les Athéniens envoyant une dé vrai. Puis, ils finissent par s'envelopper dans leurs
putation pour défendre devant le sénat les plus propres subtilités; à force de chercher, ils ren-
graves intérêts de leur cité, eussent fait choix des contrent des difficultés que non-seulement ils ne

movere aurem, et, si palam audire eos non auderes, ne dites quos ht quum haberes auclores, Antoni, miror,
minueres apud tuos cives auctoritatem tuam, subauscul- cur philosophise sicut Zethus ille Paeuvianus, prope bel-
tando tamen excipere voces eorum, et procul, quid nar- lum indixeris. -Minime, inquit Antonius; ac sic decrevi
rarent, atlendere. Itaque feci, Catule, et istorum omnium philosophait potius, ut Neoptolemusapud Ennium Pau.
snmmatim causas et genera ipsa gustavi. fi
cis nam omninobaud placet. » Sed tamen bœc est mea
XXXVII. – Valde hercule, inquit Catulus, timide, sciitonli.i quam videbar exposuissc ego ista studia non
tanqnam ad aliquem libidinis scopultitn, sic tuam mcntem improbo, moderata modo sint; opinionem istorum studio-
ad philosophhm appulisti, quam haec civitas aspernata rum, et suspicionem artificii apud ces, qui res judicent,
nunquam est. Nam et referta quondam Italia l'jïhagoreo- oiatori adversariani esse arbitror imminuit enim et ora-
rum fuit, tum, quum erat in hac gente magua illa Gracia toris auctoritatetn, et oralionis fidem.
ex quo etiamquidam Numam Pompilium,regcm nostrum, XXXVIII. Sed, ut eo revocetur, unde hue declinavit
fuisse Pythagoreum ferunt; qui annis permultis ante fuit, oratio, ex tribus istis clarissimis pbilosophis quos Ro-
quam ipse Pylhagoras quu etiam major vir habendus est, mam venisse dixisti videsne Diogenem fuisse, qui dice-
quum illam sapientiam conslilucndx civitatis duobus ret, artem se tradere bene disserendi et vera ac falsa di-
prope sseculis aule cognovit quam eam Oœci natam esse judicandi, quam verbo graeco SiaXsxim^v appellaret? In
senserunt. Et certe nou tulit nllos hax civitas aut gloria hacartc,si modo est haec ars, nulliim est prœceptum,
clariores, aut auetoiilate graviores, aut humanitate poli- quo modo verum inveniatur, sed tantum est, quo modo
tiores, P. Africano, C. Lseiio, L. Furio, qui secum eru- judicetur. Nam et omne, quod eloquimur sic, ut id aut
ditissimos homines ex Gracia palam semper habuerunt. esse dicamus, uut non esse; et, si simpliciter dictum sit,
Atque ego ex istis ssepe audivi quum dicerent, porgratum susvipiuut dialcclici, ut judicent, verumne sit, an falsum
Athenienses et stbi fecisse etmullis piinmpibuscivilatis, et, si conjuncte sit elalum et adjnncta sint alia,judicent,
quod, quum ad senatum legalos de suis maximis rebus rcctene adjuncta sint; et verane summa sit uniuscujusque
Militèrent, tres illius tetatis iiobilissiinos ptiilosopbos mi- rationis; et ad ex tremum ipsi se compungunt suis acuini-
sisBenl Carneadem, et Ci*itolauni,cl Diogenem. Itaque nibus, et milita qnœrendo repeiïunt non modo ea, quœ
e>6 dum Konue estent et a se, et ab aliis frequenter au- jam non [wssint ipsi dissolvere, sed etiam quibus ante
i
peuvent lésoudre, mais qui renversent tout ce à Carnéade, tous les orateurs devraient désirer
qu'ils avaient établi jusque-là. Votre stoïcien ne sa s merveilleuse puissance de parole, et son iné-
nous est donc d'aucun secours, puisqu'il ne nous puisable
p variété. Dans les discussionsauxquelles
apprend pas à trouver ce qu'il faut dire; il nous il se livrait, jamais il ne soutint une opinion
embarrasse même, en imaginant des difficultés, sans s; l'établir victorieusement; jamais il n'en
qui, de son propre aveu, sont insolubles. Son combattit c une sans la renverser de fond en com-
b Mais c'est là un talent fort au-dessus de ce
style, d'ailleurs, au lieu d'être clair, large etabon- ble.
dant, est sec, aride, maigre et coupé on peut le qu'on q est en droit d'exiger d'un simple rhéteur.
goûter, mais on avouera du moins qu'il ne con- XXXIX. Pour moi, si j'avais à former à l'élo-
vient point à l'orateur. En effet, notre élocution, quence
q un élève absolument neuf je le mettrais
ànous, doit s'accommoderaux oreilles de la mul- de d préférence entre les mains de ces ouvriers la-
titudc; il faut qu'elle charme, il faut qu'elle eu- borieux
b qui battent nuit et jour le fer sur la même
traîne et nos paroles ne sont pas faites pour être enclume;
c je voudrais un maître qui lui coupât
pesées au trébuchet du joaillier, mais dans la pour p ainsi dire, la nourriture en petits morceaux,
grande balance de l'opinion populaire. Laissons et e la lui mît toute mâchée dans la bouche, comme
donc de côté cet art qui ne nous dit rien sur les font f< les nourrices aux petits enfants. Mais si mon
moyens d'inventer, et qui ne tarit pas lorsqu'il élève é a déjà reçu de bons principes, s'il y joint
s'agit de juger. Je crois que nous trouverons un quelque
q expérience, s'il annonce un esprit vif et
meilleur guide dans Critolaüs, qui avait accompa- pénétrant,
p je ne l'arrêterai pas à quelque obscur
gné Diogène. Il appartenait à l'école d'Aristote, et e faible ruisseau; je le conduirai à la source
dont les idées vous semblent assez conformes aux même n d'où s'élance le grand fleuve; je veux qu'on
miennes. J'ai lu l'ouvrage où ce grand homme exa- lui Ii montre le siège et comme le réservoir de tous
mine tous les préceptes donnés avant lui; j'ai lu les hI. arguments; qu'on lui en donne une explication
également ceux où il expose ses propres idées sur clairec et précise. Peut-on être embarrassé sur le
l'éloquence, et j'ai trouvé cette différence entre lui choix
c des moyens, lorsqu'on sait que, soit pour
et les rhéteurs de profession Aristote, avec ce confirmer,
c suit pour réfuter, ils sont tous tirés,
génie pénétrant, qui lui avait fait découvrir lesou co du fond et de la nature même du fait, ou des
|
secrets de la nature, a approfondi les principes de ccirconstances extérieures ? Dufait, lorsqu'on l'exa-
l'art oratoire qu'il dédaignait; tandis que les rhé- mine r dans son ensemble ou dans ses parties, dans
teurs, qui regardaient ce même art comme seul 1 sa s qualification ou dans ses rapports; des circons-
tances extérieures, lorsque les
digne d'être cultivé, en y concentrant toute leur t preuves qu'on ras-
application, n'y ont pas apporté la même supério- semble s E sont prises hors du sujet, et en sont in-
rité de vues, mais seulement des soins plus exclu- cdépendantes.
t
sifs, une étude plus longue et plus assidue. Quant Si l'on examine le sujet dans son ensemble, on

exorsa, et potius detexta prope, retexantur. Hic nos igi- studioque


s majore. Carneadis vero vis iucredibilis illa di-
lur stoicus iste nihil adjuvat, quoniam, quemadmoilum cendi, et varietas, perquam esset optanda nobis qui
inveniam quid dicam, non docct; alqne idem etiam im- nullam unquam in mis suis disputationibus rem defendit,
pedit, quod et multa reperit, quae neget ullo modu possequam non probarit; nullam oppugnavit, quam non ever-
dissolvi, et genus sermonis alïert non liquidum, non fu- terit. Sed hoc majus est quiddam, quam ab iis, qui haec
minu- tradunt et docent, postulandum sit.
sum ac prolluens sed exile, aridum, coucisum ac
tum quod si quis probabit, ita probabit, ut oratori lamen XXXIX. Ego autem si quem nunc plane rudem institui
aptum non esse fateatnr. Haec enim nostra oratio niultitu- ad dicendum velim lus potius tradam assiduis uno opere
dinis est anribus accommodanda, ad oblectandos animos, eamdem incudem diem noctemqnetundentibus, qui omnes
ad impcllendos, ad ea probanda quae non aurificis statera, tenuissimas parliculas, atque omnia minima maosa, ut
sed quadam populari trutina examinantur. Quare istam nutrices intantibus pueris, in os insérant. Sin sit is, qui
artem totam dimittamus quae in excogitandis argumentis et doctrina mini liberaliter institutus, et aliquo jam imbu-
muta nimium est, in judicandis nimium loquax. Crito- tus usu, et satis acri ingenio esse videatur; illue eum ra-
laum istum quem simul cum Diogene venisse commemo- piam, ubi non sec! usa aliqua aquula teneatur, sed unde
ras, puto plus huic studio nostro prodesse potuisse. Erat universum flumen erumpat qui illi sedes, et tanqtiain
enim ab isto Aristotele, a cujus inventis tibi ego videor domicilia omniumargumentorum commonstret, et ea bre-
noii longe aberrare atque inter hune Aristotelem ( cujus viter illustret, verbisque definiat. Quid enim est, in quo
it illum legi librum in quo exposuit dicendi artes omnium hîereat qui viderit, omne, quod sumatur in oratione aut
superiorum, et illos, in quibus ipse sua quidam de ea- ad probandum, aut ad relëllendum aut ex sua sumi vi
dem arte dixit), et hos germanos bujus artis magistros,atque natura, aut assumi foris?Ex suavi, quum, autres
hoc milii visiim est interesse, quod ille eadem acie men- quœ sit tota, queeratur, aut pars ejus, aut vocabuluni
tis, qua reriim omnium vim uaturamque viderat, hsec quod habeat, aut quippiam, rem illam quod attingat; ex-

in
quoque adspexit, quœ ad dicendi artem quam ille despi- trinsecusautem, quum ea, quae sunt foris, neque inbaereDt
cicbat, pertiuebant; illi autem, qui hoc solum coleiidum
ii
rei natura, colliguntur.
ducebant, habitarunt inhacuna ratione tractanda, non¡ Si res tota quaeritur, defmitione universa vis esplicanda
caJein prudenlia, qua ille sed usu,iu hoc uno genere, est, sic « Si majestas est amplitudo ac dignitas civitatis,
en donne une définition générale; par exemple «« talents, à leur valeur, à leurs dangers que nous
«
Si la majesté de l'État consiste dans la gran- «
«
devons notre propre conservation et la gloire
«
deur et la dignité, c'est se rendre coupable de » de l'empire? • L'analogie « Si les bêtes féroces
«
lèse-majesté que de livrer une armée de la ré- «• aiment leurs petits, quelle ne doit pas être notre
« publique aux ennemis, et non pas de remettre «• tendresse pour nos enfants? » La différence Si
« entre les mains du peuple romain un traitre «« c'est le propre des barbares de vivre sans son-
• convaincu de ce crime. » Si l'on s'arrête aux • ger au lendemain, notre prévoyance doit em-
ce

parties du sujet, on en fait l'énumération; par « brasser l'avenir tout entier. ( Dans l'analogie,
»

exemple « II fallait, dans une affaire qui inté- comme i dans la différence, les exemples se tirent
« ressait le salut de la république, ou obéir au des ( actions des autres, de leurs paroles, des évé-
« sénat ou former un autre conseil, ou agir de nements
i de leur vie; souvent même on a recours
son propre mouvement former un autre con- ài des fictions. ) Les contraires « Si Gracchus
«
seil, c'eût été séditieuse prétention; n'écouter « était coupable, Opimius a fait une belle action. »
-> que
soi, présomption arrogante il fallait donc Les conséquents « Si cet homme a été tué d'un
« obéir au sénat. » Si l'on expliquele sujet par l'é- « coup
de poignard; si vous, son ennemi, vous
tymologie, on dira comme Carbon « Si celui-là avez été trouvé sur le lieu, un poignard san-
« est consul, qui consulte les intérêts de la pa- glant à la main; si nul autre que vous n'a été
«
« trie, Opimius a-t-il fait autre chose? » Lors- vu dans le même endroit; si personne n'avait
qu'on examine les rapports du sujet, on tire les « intérêt à commettre ce crime; si vous avez tou-
arguments de plusieurs sources: car on cherche « jours donné des preuves d'audace, peut-on dou-
alors les rapprochements de même famille, les ter que vous ne soyez l'assassin? Les con-
ce

genres, les espèces, les analogies, les différen- cordances, les antécédents, les discordances,
ces, les contraires, les antécédents, les concor- comme lorsque Crassus dit dans sa jeunesse
dances, les discordances, les causes, les effets, « Vous avez beau, Carbon, avoir defendu Opi-
les rapports de supériorité, d'égalité, d'infério- « mius, on ne vous en croira pas pour celameil-
rité. o leur citoyen. Vous feigniez alors; vous étiez
XL. On emploie les mots de même famille, « guidé par quelque intérêt nous n'en,saurions
comme « Si la piété mérite les plus grands élo- « douter, puisque dans vos harangues vous avez
« ges, peut-on n'être pas touché de la pieuse « souvent déploré la mort de Tib. Gracchus;
« douleur de Q. Métellus » Le genre « Si les ma- « puisque vous avez été complice de celle de Sci-
« gistrats doivent être soumis au peuple romain, pion l'Africain; puisque pendant votre tribu-
« pourquoi accusez- vous Norbanus, qui, pendant « nat, vous avez porté la loi la plus séditieuse,
tout son tribunat, s'estconforméaux volontésde et
que vous avez toujoursété en opposition avec
Rome? » L'espèce Si tous ceux qui rendent n les bons citoyens. » Les causes Si vous voulez
« des services à la république doivent nous être «
détruire la cupidité, détruisez le luxe qui l'en-
«
chers, qui a plus de droits à notre amour que « gendre. » Les effets « Si le trésor public est le
«
les généraux de nos armées, puisque c'est à leurs nerf de la guerre et l'ornement de la paix, oc-

« is eam minuit, qui exercitnm hostibus populi romani | « bent certe in primis imperatores quorum consiliis, vir-
h tradidit, non qui eum, qui id fecisset, populi romani tute, periciilis, retinenius et nostram salutem, et iinpe-
« potestati tradidit. » Sin pars; partitione, hoc modo « rii dignitatem. » Ex similitudine autem Si fera partus
Aut senatui parendum de salute reipublicsî fuit, aut suos diligent, qua nos in liberosnostros indulgentia esse
aliud consilium instituendum,aut sua sponte faciendum: debemus? » At ex dissimilitudine « Si barbarorum est
aliud consilium, superbum; suum, arrogans ulendum « in diem vivere, nostra coDsilia sempiternum tempus
« igitur fuit consilio senatus. » Sin ex vocabulo, ut Carbo « spectare debent. » Atque utroque in genere et similitu-
i Si consul est, qui consulit patrie, quid aliud fecit Opi- dinis et dissimilitudinis exempla sunt ex aliorum factis,
« miiis? Sin ab eo, qnod rem attingat, plures sunt ar-I- aut dictis, aut eventis, et fletac narrationes sœpe ponendœ.
gumentorum sedes ac loci nam et conjuncta quaeremus Jam ex contrario Si Gracchus nefarie, praeclare Opi-
et gênera et partes generibus snbjectas, et similitudines « mius. » Ex conseqnentibus « Si et ferro interfectusille,
et dissimilitudines,et contraria, et consequenlia,1 et con- « et tu inimii us ejus cum gladio cruento compreliensus es
senlanea et quasi praecurreutia et repugnantia et causas Il
in illoipso loco,etnemo prêter ibmsijsest,etcausa
rerum vestigabimus, et ea, quae ex causis orta sunt; et « nemini', et tu semper audax; quid esl, quod de facinore
majora, paria, minora qucei einus. « dubitare possimus? » Ex consenlaneis et pracurrenti-
XL. Ex conjunctis sic argumenta ducuntur « Si pietati bus,etrepugiiantibus,uto!imCrassus adolescens Non, ce

summa tribnenda laus est, debetis moveri, quum Q. Me- « si Opimium defendisti, Carbo, idcirco te isti bonum
u tellum tam pie Ingère videatis. » Ex génère auteni « Si « civem putabunt simulasse te, et aliud quid quaesisse
« magistratus in populi romani potestate esse debent ce perspicuum est, quod Tib. Gracchi mortem sœpe in con-
quid Noitonumaccusas.cujustiibunatusvoluntati
« qtiid ti-ibunatusvoiniitati paruit ec cionibus deplorasti quod P. Africain necis socius firisti,
« civitatis ? » Ex parte autem ea, quae est subjecta generi « quod eam legem in tribunatu tulisti quod semper a bo-
Siomnes, (lui reipubliesc consulunt, cari nobit esse de-le • sis (lissensisti. » Ex causis autem rerum sic « Avari-
cupons-nous d'assurer les revenus de l,État. » 1 preuves qui lui convient, et l'esprit le plus mé-
Les rapports de supériorité, d'égalité, d'infério- diocre saura faire ce discernement. D'ailleurs je
rité. Exemple de supériorité « Si la bonne re- ne prétends pas m'ériger ici en maltre de rhétori-
nommée est préférable aux richesses, et si l'on que j'ai voulu seulement développer devant des
«
recherche les richesses avec tant d'empresse- hommes instruits lesobservations que mon expé-
« ment,
de quelle ardeur ne doit-on pas être rience m'a suggérées. Si donc t'orateur a imprimé
«
animé pour la gloire » Infériorité ces lieux communs dans sa mémoire, s'il les a
bien présents à l'esprit, de manière à pouvoir les
Il est si affligé de la mort de cette femme
s'il mettre en œuvre au premier besoin, il y trou-
à
qu'il connaissait peine que serait-ce fonds inépuisable, soit pour les discus-
vera un
l'eût aimée'/ que sera-ce quand il me perdra, sions du barreau, soit
pour toute autre espèce
moi, son père? de discours. Si de plus il parvient à ce résultat
Égalité
«
Qu'on pille les trésors de l'Etat, qu'on de paraître ce qu'il veut qu'on le croie, de remuer
fasse contre l'État de coupables largesses, le puissamment l'âme des auditeurs, de les con-
«
crime est le même. duire, de les entraîner à son gré, il ne lui man-
Les arguments tirés des choses extérieures que rien de ce qui fait l'orateur.
sont empruntés, non au fond de la cause, mais Nous savons qu'il ne suffit pas de trouver ce
à des objets étrangers. Par exemple Cela est qu'on doit dire; il faut encore le traiter conve-
« vrai, Q. Lutatius
l'atteste. » – Cela est faux nablement. La variété est ici nécessaire, pour
« le
résultat de l'enquête fa prouvé. » « Cette cacher l'art aux auditeurs, et ne pas les rebuter
«
conséquenceest nécessaire; je le démontre par par la monotonie. On énonce la proposition; en-
«
la lecture des pièces. J'ai traité plus haut de suite on en donne la preuve; quelquefois on en
ce genre de preuves. tire les conséquences; d'autres fois on s'en dis-
XLI. Cette analyse rapide doit suffire. Si je pense, pour passer à un autre objet; souvent,
voulais indiquer à quelqu'un de l'or enfoui en sans énoncer explicitement la proposition, on
plusieurs endroits différents, il me suffirait de la fait sortir du développement même des preu-
lui décrire les lieux avec les signes et les mar- ves. Si vous voulez vous appuyer d'une compa-
ques qui pourraient les lui faire reconnaître; en- raison, commencez par prouver laressemblance-
suite, il n'aurait qu'à creuser le terrain pour y faites ensuite l'application à la question. En
trouver sans peine et sans se tromper les trésors général, cachez le plus possible la division de
qu'il recèle. Ainsi, dès que je connais les signes vos preuves, afin qu'on ne puisse pas les comp-
distinctifs qui m'indiquent où sont les preuves ter qu'elles soient distinctes au fond, mais
dont j'ai besoin, l'étude et la réflexion font le qu'elles aient l'air d'être confondues dans le dis-
reste. 1 ne faut pas un grand effort de génie pour cours.
assigner à chaque genre de cause l'espèce de XLII. J'ai traité cette matière en courant, et

« tiam si lollerevultis, mater ejus est tollenda, luxuries.»


Il et cogitationeerauntur. Quod autem argumentorumgenus
Ex iis autem, qua? sunt orta de causis « Si aerarii copiis cuique causarum generi maxime conveniat, non est artis
« el ad belli adjumenta, et ad ornamenta pacis utimur, exquisitœpraîscribere, sed est mcdiocrisingenii judicare.
recligalibus serviamus. » Majora autem, et minora, et Neque enim nunc id agimus, ut artem aliquam dicendi
paria comparabimussic. Ex majore » Si bona existimatio explicemus, sed ut doctissimis hominibus usus nostri
.c divitiis prasstat et peeunia tantopere expetitur, quanto quasi quadam monila tradamus. His igitur locis in mente
« gloria magis est expetenda? » Ex minore sic et cogitatione detixis, et in omni re ad dicendum posita
excitatis, nihil erit, quod oratorem effugere possit, non
Hic parvœ consuetudinis modo in forensibus disceptationibus, sed omnino in ullo
Causa hujus martem tam fert familiariter
Quid si ipse amasset? quid mihi hic laciet patri?7 genere dicendi. Si vero assequelur, ut talis videatur, qua-
lem se videri velit, et animos eomm ita aiïiciat apnd quos
Ex pari sic «Est ejusdem et eripere, et contra rempu- aget, ut eos, quocumque velit, vel trahere, vel rapore
« blicam largiri pecunias. » possit; nihil profecto prseterea ad dicendum requiret.
Foris autem assumuntur ea, quee non sua vi, sed ex- Jam illud videmus nequaquam satis esse, reperire quid
tranea sublevantur, ut hœc Hoc verum est; dixit enim dicas, nisi id iiivcutum tractare possis. Tractatio autem
« Q. Lutatius. »- « Hoc falsum est habita enim quaestio varia esse debet, ne aut cognoscat artem, qui audiat, aut
« est. » – « Hoc sequi necesse est; recilo enim tabulas. » defatigetur similitudinis satietate. Proponi oportet, quid
De quo genere toto paullo ante dixi. afferas, et ill qnare ita sit, ostendere; et iisdem il lis locis
XLI. Haec, ut brevissime dici potuerunt, ita a me dicta interdum eoncludere, relinquere alias, alioque transire;
sunt. Ut enim si aurum cui quod esset multifai iam de- saepe non proponere, ac ratioue ipsa all'ereuda, quid pro-
fossuin commonstrarevellem, satis esse deberet si signa ponendiimrueiit,declaraie;siciri quid simile dicas, prius
et notas ostenderemlocorum quibus cognitis ille sibi ipse ut simile confirmes; deinde, quod agitur, adjunjas puncta
Coderai et id, quod vellct, parvulo labore, nuilo errore, argumentoruni plerumque ut occulas, ne quis ea
nume-
inveniret sic bas ego argumentorum novi notas, quai rare possit, ut re distinguante, verbis confusa esse vi-
illa mihi quœrcnti demonstrant, ubi sint reliqua, cnra deantur.
comme un homme médiocrement instruit, qui sister toute la force de l'éloqueuce dans les argu-
parle devant des auditeurs plus éclairés que lui ments et les preuves, il faudrait maintenant nous
j'avais hâte d'en venir à une partie plus esseu- occuper de l'ordre dans lequel on doit les ranger;
tielle. Le point le plus important pour t'orateur, mais puisque j'ai dit que l'éloquence a trois ob-
c'est de s'attirer la faveur de ceux qui l'écou- jets, et que je n'ai encore traité que de l'un des
tent, c'est d'exciter en eux de fortes émotions, trois, quand j'aurai parlé des deux autres, j'en
plutôt en jetant la passion et le trouble dans leurs viendrai à l'ordre qui doit présider à la composi-
âmes, qu'en s'adressant à leur raison; car les tion du discours.
hommes, dans leurs décisions, cèdent bien plus XLIII. C'est donc un puissant moyen de succès
souvent à l'influence de la haine ou de l'amour, que de donner une idée avantageuse des moeurs,
dudésiroudelacolère,deladouleuroudelajoie, des principes, des actions, de la conduite de l'ora-
de l'espérance ou de la crainte de l'erreur ou de teur et de son client; de faire prendre, sous les
la passion, qu'à la vérité, à la raison, aux règles mêmes rapports, une opinion défavorable de l'ad-
du droit, à l'autorité des arrêts, à la voix des lois. versaire d'inspirer autant que possible à ses juges
Je vais donc vous entretenir de ce sujet, à moins des sentiments de bienveillance et envers soi-
que vous n'en préfériez quelque autre. même et envers celui dont on défend les intérêts.
Il me semble, dit Catulus, qu'il manque Or, ce qui inspire la bienveillance, c'est la di-
quelque chose à ce que vous venez d'exposer, et gnité du caractère, ce sont les belles actions,
qu'il faudrait épuiser cette matière avant de pas- c'est l'estime qu'inspire une vie irréprochable;
ser à celle que vous avez en vue. Et qu'est-ce toutes choses qu'il est plus facile d'embellir, lors-
donc?- C'est de nous apprendre quel est l'ordre qu'elles existent, que de feindre si elles n'existent
que vous préférez dans la disposition des argu- pas. L'orateur ajoute encore à leur effet par son
ments car j'ai toujours trouvé que dans cette ton, son air, sa réserve, la douceur de ses expres-
partie vous aviez un talent divin. Voyez, Ca- sions s'il se livre à une attaque un peu vive,
tulus, comme mon talent est divin je n'aurais il faut qu'il paraisse agir à regret et par devoir.
jamais songé à ce point, si vous ne me l'eussiez Il faut que tout en lui annonce une humeur fa-
rappelé. Ainsi vous pouvez croire que si j'y ai cile, la générosité, la douceur, la piété, la recon-
quelque succès, je le dois à l'habitude, à la prati- naissance, jamais la passion ni la cupidité. Tout
que, ou plutôt au hasard. Ce n'est pas que cette ce qui prouve une àme droite, un caractère mo-
partie, dont je n'ai point d'idée, et que j'oubliais, deste, sans aigreur, sans acharnement, ennemi
comme on passe devant un inconnu, ne soit d'une des querelles et de la chicane, inspire de la bien-
grande importance. Rien peut-être ne contribue veillance à l'auditeur, et l'indispose contre ceux
davantage au succès de l'orateur. Mais il me sem- qui ne possèdent pas ces qualités. Aussi ne faut-
ble que vous anticipez, et que ce n'est pas en- il pas manquer de faire ressortir dans l'adversaire
core le moment d'en parler. Si j'avais fait con- les défauts opposés. Le ton que je recommandeici

XLII. Hœc ut et properans, et apud doctos, et semi- tempus a me rationem ordinis et disponendarum rerum
doctus ipsc percurro, nt aliquando ad illa majora venia- requisisse. Nam si ego omnem vim oratoris in argumentas
mus. Nitiil est'enim in dicendo, Catule, majus, quam ut et in re ipsa per se comprobanda posuissem tempus esset
faveat oratori is, qui audiet, utque ipse sic moveatur, ut jam de ordine argumentorum, et de collocatione aliquid
impetu quodam animi et perturbatione magis, quam ju- dicere sed quum tria sintameproposita, de uno dictum;
dicio, aut consilio, regatiir. Plura enim multo homines quum de duobus reliquis dixero, tum erit denique de dis.
judicant odio, aut amore, aut cupiditate, aut iracundia, ponenda tota oratione qnaerendum.
aut dolore, aut lartitia, aut spe, [aut timore, aut errore, XLIII. Valet igitur multum ad vincendum, probari mo-
aut aliqua permotione mentis, quam veritatc, aut prœscri- res, instituta, et facta, et vitam eorum qui agent causas,
pto, aut juris norma aliqua, aut judicii forriiula, aut legi- et eorum, pro quibus; et item improbari adversariorum
bus. Quare, nisi quid vobis aliud placet, ad illa pergaraus. animosque eorum, apud quos agetur, conciliari quam ma-
– Paullufïi, inquit Catulus, etiam nunc deesse videtur xime ad bcnivolcntîam quum erga oratorem, tum erga
iis rebus, Autoni, quas exposuisti, quod sit tihi ante illtim, pro quo dicet orator. Conciliantur autem animi di-
eiplicandum quam illuc, proficiscare, quo te dicis inten- gnitale hominis, rebus gestis, existimatione vite qu* fa-

dere. – Quidnam? inquit. Qui ordo tibi plaœat, inquit
Catulus, etquffl dispositio argumentorum in quatu milii
cilius ornari possunt, si modo sunt, quam fingi, si nulla
sunt. Sed haec adjuvant in oratore, lenitas vocis, vultus,
semper dens videri soles. – Vide quam sim in isto ge- pudoris significatio, verborum comitas si quid persequare
nere, inquit, Catule, deus non mehercule mihi, nisi acrius, ut invitus et coactus facere videare. Facilitatis,
admouito venisset in mentem ut possis existimare, me lliberalilatis, mansueludinis, pielatis, giati animi, non
in ea, in quihus nonnunquam aliquid efficere videor, usu appetenlis, non avidi, signa prot'erri perutile est; eaque
solere in dicendo, vel casu potius iucurrere. Ac res quidem oniniii quœ probonim, demissorum, non acrium, non
ista, quam ego, quia non noram, sic, tanquam ignotum pertinacium, non litigiosorum non acerborum sunt, valde
hominem, preeteribam, tantum potest in dicendo, ut ad benivolentiain conciliant, abalienantque ab iis, in quibus
vincendum nulla plus possit sed tamen mihi videris antc hs?c non sunt. ltaque eadem sunt in adversarios ex cou-
réussit surtout dans les causes où il n'y a pas lieu qui est au repos. Mais si cette disposition n'est
d'enflammerl'esprit desjugespardesmouvements pas favorable, ou que je ne la connaisse pas en-
impétueux et passionnés. En effet la véhémence core, j'imite le médecin habile, qui, avant de
ne convient pas toujours, et souvent un langage prescrire aucun remède à son malade, s'informe
calme, doux et modéré, est ce qui sert le mieux avec soin, non-seulement de la nature de sa ma-
les intérêts de notre client (reus) j'appelle de ladie, mais encore de son tempérament et du ré-
ce nom, selon l'ancien usage, non-seulement les gime qu'il suit en bonne santé. Ainsi, quand je
accusés, mais tous ceux dont on a les droits à suis chargé d'une cause douteuse, et dans laquelle
défendre. Si donc on représente son client comme je prévois que j'aurai de la peine à m'emparer de
un homme juste, intègre, religieux, paisible, l'esprit des juges, j'emploie tous mes efforts,
souffrant patiemment les injures, on produit un toutes mes pensées, toute ma pénétration à de-
effet merveilleux; et ce moyen, employé dans viner leur opinion, leurs secrets sentiments, ce
l'exorde, la narration ou la péroraison, et traité qu'ils désirent, ce qu'ils attendent de moi, et de
avec délicatesse, avec expression, est souvent quel côté l'orateur peut plus facilement les entraî-
plus puissant que la cause même tel est l'effet ner. S'ils s'abandonnent d'eux-mêmes, comme je
d'un certain accent de sensibilité, d'un certain le disais tout à l'heure, si leur inclination et leur
ton de langage, que le caractère de l'orateur se penchant secondentl'impulsionque je leur donne,
retrace dans ses paroles. Il est un choix de pen- je profite de l'avantage qui m'est offert, et je
sées et d'expressionsqui, jointà uneactiondouce, m'empresse de présenter ma voile vers le côté où
simple, naturelle, semble offrir l'image de la pro- s'annonce un vent favorable. Si le juge est calme
bité, des bonnes mœurs et de la vertu. et sans passion, alors la tâche est plus difficile,
XLIV. A côté de cette éloquence, il y en a et l'orateurne pouvant plus compter sur le secours
une tout opposée, qui, en agissant sur l'esprit des de la nature, est réduit à ses propres forces. Mais
juges par des ressorts différents, fait naître dans l'éloquence, qu'un poëte distingué appelle avec
leur âme la haine ou l'amour, l'indignation ou raison la souveraine des cœurs et la reine de
l'intérêt, la crainte ou l'espérance, la sympathie l'univers, a tant de force, qu'elle entraine celui
ou l'éloignement, la joie ou la tristesse, la com- qui chancelle, ébranle celui qui se tient ferme,
passion ou la sévérité, en un mot tous les mou- et, semblable à un capitaine habile et vaillant,
vements, toutes les impressions en rapport avec se rend maîtresse de l'adversaire qui lutte et qui
les diverses passions du cœur humain. Il est bien résiste.
à souhaiter pour l'orateur, que les juges appor- XLV. Tels sont les moyens que Crassus me
tent spontanémentà sa cause une disposition d'es- pressait tout à l'heure d'exposer, lorsqu'il disait,
prit conforme à ses intérêts; car, comme on dit, en plaisantant sans doute, que je les maniais
il est plus facile d'aiguillonner le coursier qui a toujours avec un art divin, et quand il vantait si
pris son essor, que de mettre en mouvement celui fort l'usage, admirable selon lui, que j'en ai fait

trario conferenda. Sed genus hoc totum orationis in iis permotionemanimorumsua sponte ipsi afferant ad causam
causis excellet, in quibus minus potest inflammari animus judices, ad id, quod utiiitas oratoris feret, accommodatam.
judicis acri et vehementi quadam incitatione. Xon enim Facilius est enim currentem ( nt aiunt) incitare, quam
semper fortis oratio qiinritiir, sed sœpe placida, summissa, commovere languentem. Sin id, aut non erit, aut erit obs-
lenis, quœ maxime commendat reos. Reos autem appello curius, sicut medico diligenti, priusquam conetur œgro
non eos modo, qui arguuntur, sed omnes, quorum de re adhibere medicinam, non solum morbus ejus, cui mederi
dis éplatur sic enim olim loquebantur. Horum igitur ex- volet, sed etiam cônsuetudo valentis, et natura corpuriss
primere moresoratione, justes, intégras, religiosos,ti- cognoscenda est sic equidem quum aggredior ancipitem
miili», perferentes injuriarum, mirum quiddam valet; et causam et gravem ad animos judicum perlractandos, omni
hoc vel in principiis vel in re narranda, vel in peroranda mente in ea cogitatione curaque versor, ut odorer, quam
tantam habet vim, si est suaviter et cum sensu tractatum, sagacissime possim, quid sentiant, quid existiment, qnid
ni I stepe plus quam causa, valeat. Tantum autem eflicitur exspectent', quid velint, quo deduci oratione facillime
sensu quodam, ac ratione dicendi ut quasi mores oratoris pnsse videantur. Si se dant, et, ut ante dixi, sua sponte,
eflingat oratio. Genere enim quodam sententiarum, et ge- quo impellitijus,inclinant atque propendent; accipio quod
nere verborum, adhibita etiam actione leni, facilitatem. datur, et ad id, unde aliquis flatus ostenditnr, vêla do.
que significanti em'cilur, ut probi, ut bene morati, ut Sin est integer quietusque judex, plus est operis sunt
boui viri esse videantur. enim omnia dicendo excitanda, nihil adjuvante nalura.
XLIV. Huic autem est illa dispar adjuncta ratio oratio. Sedtantam vim habel illa, qua; recte a bono poeta dicta
nis, quae alio quodam genere mentes judicum permovet, est • llexanima, atque omnium regina rerum, oratio », ut
impellitque, ut aut oderint, aut diligant, aut invideant, non modo inclinantem impellere, aut stantem inclinare,
aut salviim velint, aut metuant, aut sperent, aut cupiant, sed etiam adversantem et repugnantem ut imperator bo-
ant abhorreaot aut laetentur, aut mœreant aut miserean- nus ac fortis, capere possit.
tur, aut punire velint, aut ad eos motus adducantur, si XLV. Ifcec sunt illa, quœ me ludens Crassus modo fla-
qui finitimi snnt, et propinquibis ac talibns animi pertur- gitabat, quum a me divinitus tractaiisolere diceret, in
bationilms. Atque illud oplandum est oratnri, ut aliquam causa M'. Aqnillii, C. que Sorbani, nonnullisque aliis,
dans la cause de M'. Aquillius, dans celle de C. vos traits, vos larmes enfin, ne font pas éclater
Norbanus, et dans plusieurs autres. Que dirai-je votre douleur. Il n'est pas de matière si combusti-
donc de vous, Crassus? quand vous faites agir ble qui s'enflamme si vous n'en approchez le feu 1
ces mêmes ressorts dans vos plaidoyers, je ne ainsi, les 'âmes, même les plus disposéesà recevoir
puis vous entendre sans frémir l'énergie, la les impressions de l'orateur, ne s'animeront ce-
véhémence, la douleur, éclatent si bien dans pendant du feu des passions, qu'autant que lui-
vos regards, dans vos traits, dans vos gestes, et même s'en montrera embrasé.
jusque dans le mouvement de votre doigt; les XLVI. Et qu'on n'aille pas regarder comme
expressions les plus nobles et les plus heureuses un phénomène surprenant, que le même homme
coulent de votre bouche à flots si abondants; vos se livre si souvent aux transports de la haine ou
pensées sont si justes, si vraies, si neuves, si de la douleur, et à tout autre mouvement de
naturelles, si exemptes de tout fard, de tout or- l'âme, surtout pour des intérêts qui lui sont
nement puéril, que vous me semblez embrasé du étrangers. Telle est la force des pensées et des dé-
même feu dont vous enflammez vos juges. veloppements dont l'orateur fait usage, qu'il n'a
Il est impossible que l'auditeur se livre la pas besoin de feinte et d'artifice. La nature seule
douleur, à la haine, à l'indignation,à la crainte, du discours destiné à remuer l'âme des autres
à la compassion, aux larmes, si tous les senti- agit plus fortement encore sur lui-même que sur
ments que l'orateur veut communiquer aux ju- aucun de ceux qui l'écoutent. Et qu'y a-t-il d'é-
ges, il n'en paraît d'abord lui-même rempli et tonnant qu'on soit vivement ému lorsqu'on parle
profondémentpénétré. S'il devait feindre la dou- dans une cause solennelle, devant des juges as-
leur, et si son discours n'exprimait rien que de semblés, au milieu de ses amis en péril, d'un
faux et d'emprunté, il lui faudrait peut-être un imposant auditoire de ses concitoyens réunis, au
art plus grand encore. Je ne sais point, Crassus, grand jour du forum; lorsqu'il ne s'agit pas seu-
ce qui se passe en vous et dans les autres ora- lement de l'opinionqu'on prendra de notre talent
teurs pour moi, que nul motif ne porte à dégui- (questionsecondaire sans doute, et qui cependant
ser la vérité à des hommes si éclairés et qui me ne saurait être indifférente pour qui prétend à ce
sont si chers, je le proteste, je n'ai jamais essayé qui n'est qu'à la portée d'un petit nombre), mais
d'inspirer aux juges la douleur, la pitié, l'indi- quand d'autres intérêts bien plus puissants sont
gnation ou la haine, que je n'aie vivement res- en jeu, l'honneur, le devoir, la conscience. Non,
senti les émotions que je voulais faire passer dans l'homme qui nous est le plus étranger, du moment
leur âme. Eh! comment le juge pourrait-il s'irri- que nous nous sommes chargés de sa cause, si
ter contre votre adversaire, si vous êtes vous- nous voulons être tenus pour gens d'honneur, ne
même froid et indifférent; le haïr, s'il ne voit pas peut plus être un étranger pour nous. Mais pour
la haine dans vos regards; sentir de la compas- revenir à ces émotions qui ne doivent pas nous
sion, si vos paroles, vos pensées, votre voix, surprendre dans l'orateur, y a-t-il rien qui ait

quasi prseclare acta, laudaret. Quae mebercule ego, Crasse,


¡
viderit; neque ad misericordiam adducetur, nisi ei tu
quum a te tractantur in causis, borrere soleo tanta vis signa doloris tui verbis, sententiis, voce, vultu collacry.
auimi, tantus impetus, tantus dolor, oeulis, vultti gestu, matione denique ostenderis. Ut enim nulla materies tam
digito denique isto tuo signilkari solet; tantum est flumen facilis ad exardesceDdumest,qu:e,nisi admoto igni, ignem
gravissimorum optimorumque verborum, tam intégra coucipere possit sic nulla mens est tam ad comprehen-
sentenliee tam verae tam novae, tam sine pigmentis, dendam vim oratoris parata quai possit incendi, nisi in-
fucoque puerili ut mihi non solum tu incendere judicem, flainmatus ipse ad eam, et ardens accesseris.
sed ipse ardere videaris. XLVI. Ac, ne forte hoc magnum ac mirabile esse videa.
Neque fierî potest, ut doleat is, qui audit, ut oderit, ut tur, hominem toties irasci, toties dolere toties omni animi
invideat, ut pertimescat aliquid, ut ad iletum rnisericor- motu concitari, praesertim inrehus alienis, magna vis est
diamque deducatur; nisi omnes ii motus, quos orator ad- earum sententiarum, atque eorum locorum, quos agas
hibere volet judici, in ipso oratore impressi esse atque tractesque dicendo, nihil ut opus sit simulatione et falla-
inusti videbuntur. Quod si Uctus aliquis doler suscipien- ciis. Ipsa enim natura orationis ejus, quae suscipitur ad
dus esset, et si in ejusmodi genere orationis nihil esset, atiorum animos permovendos, oratorem ipsum ntagis
nisi falsum, atqne imilalione siiiiiilatum major ars aliqua etiam, quam quemquam eorum, qui audinnt, permovet.
forsitan esset reqiiirenda. Nuncego, quid tibi, Crasse, Et ne hoc in causis, in judiciis, in amicorum pericmis, in
quid ceteris accidat, nescio; de me autem causa nulla concursu hominum, in civitate in foro accidere miremur,
est, cur apud homines prudentissimos atque amicissimos quum agitur non solum ingenii nostri existimatio (nam id
mentiar non mehercule unquam apud judices, aut dolo- esset levius; quanquam, quum professus sis, te id posse
rem, aut iriisericordiam aut invidiam, aut odium excitare facere, quod pauci, ne id quidem negligendum est), sed
dicendo volui, quiu ipso in commovendis judicibus, iis alia sunt majora multo, fides, officium, diligentia; quibus
ipsis sensibus, ad quos illos adducere vellem, permoverer. rebus adducti, etiam quum altenissimos defendimus, ta-
Neqne enim facile estperficere, ut irascatur, cui tu velis, men eos alîenos', si ipsi viri boni volumus habcri, existi-
judex, si tu ipse id lente ferre videare; neque ut oderit mare non possumus sed, ut dixi, ne hoc in nobis mirum
eum, quem tu velis, nisi te ipsum flagrantem odio ante esse yidcatiir, qui potest esse tam fictum, quam versus,
moins de réalité que les vers, le théâtre, les fie- [ de l'exil, croyez-le bien, j'étais sous l'impression
tions dramatiques? Et cependant, sur la scène, d'une profonde douleur lorsque, dans la péro-
j'ai souvent vu les yeux de l'acteur étinceler à raison de mon discours, je fis ce qu'on me vit
travers son masque, lorsqu'il prononçait ces pa- faire. En me rappelant que cet homme que je
roles voyais abattu, plongé dans l'infortune et le déses-
poir, exposé au plus affreux péril avait été con-
As-tu bien osé l'abandonner, et revenir sans sul, imperator, comblé d'honneurs
par le sénat,
lui à Salamine? Quoi! tu n'as pas redouté les et conduit en triomphe au Capitole, je ressentis
regards d'un pèreP le premier cette pitié dont je voulais pénétrer les
Il ne prononçait jamais ce mot de regards, autres. Je m'aperçus de l'impression profonde
qu'il ne me semblât voir Télamon furieux de la que je produisaissur les juges, lorsque, faisant le-
mort de son fils, et égaré tout à la fois par la verde son siégece vieillard triste etdéfait, la vive
douleur et la colère. Et lorsqu'il reprenait d'un émotion de mon âme, bien plutôt que je ne sais
ton attendri quel art qui m'est inconnu, m'inspira ce mouve-
ment que vous avez loué, Crassus, et que j'osai
Tu as déchiré, désespéré, assassiné un père déchirer la robe de l'accusé. et montrer ses ci-
privé du soutien de sa vieillesse; tu as été in- catrices. Quand Marius, qui siégeait parmi les ju-
sensible à la mort de ton frère, de son malheu- ges, ajoutait encore par ses larmes au pathétique
reux enfant, confié à tes soins; de mon discours; quand je ne cessais de t'inter-
peller pour lui recommander son collègue; quand
les larmes et les sanglots lui étouffaient la voix. j'implorais son appui pour soutenir une cause
Si un acteur qui représentait ce rôle tous les commune à tous les généraux; ce ne fut pas
jours ne pouvait cependant le répéter sans être sans verser moi-mêmedeslarmes, sans éprouver
ému, pensez-vous que Pacuvius ait été calme et une violente émotion, que j'exhalai mes plaintes,
de sang-froid en l'écrivant? Non, sans doute. que j'invoquai les dieux et les hommes, les ci-
l'ai souvent entendu assurer ( et cette opinion toyens et les alliés; et si toutes mes paroles n'eus-
est énoncée, dit-on, dans les écrits de Démocrite sent été accompagnées d'une véritable douleur,
et de Platon) qu'il n'y eut jamais de véritable loin de toucher des juges, mon discours n'eût
poète sans enthousiasme et sans une inspiration excité que leurs risées. Ainsi donc, Sulpicius,
qui tient du délire. voici le précepte que vous donne à vous autres
XLVII. Pour moi, qui n'avais point à retracer jeunes gens, Antoine, ce profond, ce savant
les aventures fabuleuses et les malheurs imagi- maître c'est de pouvoir mêler à vos discours la
naires des héros de l'antiquité; moi qui n'em- colère, la douleur et les larmes.
pruntais pointde masque, mais qui m'imposais un Mais avtz-vous besoin même de ce précepte,
rôle bienréel moi quiavais àsauver M'. Aquillius vous qui, en accusant mon ami, mon questeur,

quam scena quam fabula? tamen in hoc genere saepe ipse fuisse, imperatorem, ornatum a senatu, ovantem in Ca-
vidi qnum ex persona mihi ardcre oculi hominis histrio- pitolium adscendisse merninissem hune quum afflictum,
nisviderentur spondaliailla dicentis, debilitatum,mœrentem,insummum discrimenadductuin
viderem non prius sum conatus misericordiam aliis com-
Segregare abs te ausus, aut sine illo Salamina ingredi?2
Neque paternum adspectum es veritus? movere, quam misericordia sum ipse captus. Sensi equi.
dem tum magnopere moveri judices, quum exciLavi mœ-
Nunquam illum a adspectum » dicebat, quin mihi Tels- stum ac sordidatum senem, et quum ista feci, quae tu,
iratus furere luctu Hlii videretur. Ut idem indexa ad
mon Crasse, laudas, non arte, de qua quid loquar nescio sed
miserabilem sonum voce, motu magno animi ac dolore, ut dUcinderem tunicam, ut
Quem œtate enacta indigem cicatrices ostenderem. Quum C. Marius mœrorem oratio-
Liberum lacerasti, orbasti, exstinxlsti npque fratris necis, nis nieœ prœsens ac sedens multum lacrymis suis adjuva.
Nequegnali ejus parvl, qui tibi in tulelam est traditus? ret; quumque ego illum crebro appellans, collegam ei
liens ne lugens dicere videbatur. Quae si ille histrio, quo- suum commendarem, atque ipsum advocatum ad commu<
tidie quam ageret, tamen recte agere sine dolore non po- nem imperatorum fortunamdefendendam invocarem non
terat; quid? Pacuvium putatis in scribendo leni animo ac fuit hœc sine meis lacrymis, non sine dolore magno mise-
remisso fuisse? Fieri nullo modo potuit. Sœpe enim audivi, ratio, omniumque deorum, et'hominum, et civium, et
poetam bonum ntminem (id quod a Democrito et Plalone sociornm imploratio; quibus omnibus verbis, quae a me
in scriptis relictum esse dicrnit) sine inflammalione animo- I1 tum sunt habita, si dolor ahfuisset meus nou modo non
rum exsistereposse, et sine quodam amatu quasi furoris. miserabilis sed etiam irridenda fuisset oratio mea. Quam-
XLVII. Quare noiite existimaie me ipsum, qui non obrem hoc vosdoceo, Sulpiei, bonus ego videlicet atque
heroum veteres casus, fictosque luctus vellem irailari erùditus magister, ut in dicendo irasci, ut doh*re, ut flere
atque adumhrare dicendo, neque actor essem alienae per- possitis.
souœ sed auctor mca;, quum mihi M'- Aquillius in civi- Quanquam te quidem quid hoc doceam, qui in accusando
tate relinendus esset, quœ in illa causa peroranda fece- sodali quœstore meo, tantum incendium non oiatione
rim, sine magno dolore fecisse. Quem enim ego consulcm solum, sed iiiiilto etiam magis Ti, et dolore, et ardore
avez su, non-seulement par vos paroles, mais saires. J'avançai ce que Crassus rappelait tont à
bien plus encore par votre véhémence, votre l'heure, qu'on n'avait pu ni chasser les rois, ni
feu, votre pathétique, allumer dans l'auditoire instituer le tribunat, ni restreindre par tant de
un incendie tel, que j'osais à peine m'avancer plébiscites la puissance consulaire, ni établir l'ap-
pour l'éteindre? Aussi tous les avantages étaient pel au peuple, cette sauvegarde de la républi-
de votre côté dans cette cause la violence faite à que, ce palladium de la liberté, sans provoquer
votre client, sa fuite, les pierres lancées contre une vive résistance de la part des nobles; que si
lui, la cruauté dont le pouvoir tribunitien acca- ces séditions avaient fait le salut de Rome, il ne
blait son infortune, tout semblait appeler la ven- fallait pas, de ce qu'il avait pu s'élever un mou-
geance publique. Il était constant que M. Émi- vement populaire, en faire uncrime à Norbanus,
lius, le prince du sénat, le premier personnage et un crime capital. J'ajoutai que si quelquefois
de la république, avait été atteint d'une pierre, on avait reconnu au peuple le droit de se sou-
et personne ne pouvait nier que L. Cotta et T. lever, ce que je démontrai par des faits, jamais
Didius n'eussent été entraînés par force hors du il n'en avaiteu une cause plus légitime. Je don nai
temple, en voulant s'opposer à la loi. ensuite un autre tour à ma défense; je reprochai
XLVIII. Vous aviez encore un autre avan- vivement à Cépion sa fuite honteuse; je déplorai
tage c'était pour un jeune homme un rôle noble le désastre de l'armée par ce moyen, je ravi-
et glorieux de venir invoquer la justice au nom vais la douleur de ceux qui avaient à pleurer la
de la république, tandis que moi, après avoir perte de quelques parents, et je réveillais dans
été censeur, je pouvais à peine, sans manquer le cœnr des chevaliers romains, juges de cette
à toutes les bienséances, prendre la défense d'un cause, la haine dont ils étaient animés contre
séditieux coupable de cruauté envers un consu- Cépion, qui avait voulu leur enlever le droit de
laire accablé par le malheur. Les citoyens les' juger.
plus vertueux étaient nos juges; les gens de bien XLIX. Quand je sentis que je m'étais rendu
remplissaient le forum; il ne me restait qu'un maître de la cause et que le succès de mes moyens
léger motif d'excuse l'homme que je défendais était assuré, que je m'étais concilié la bienveil-
avait été mon questeur. Dirai-je que j'ai eu re- lance du peuple, en défendant ses droits, même
cours à l'art? Non; je raconterai comment je m'y jusqu'à celui de sédition; que j'avais tourné en
suis pris, et vous serez libre de décider ensuite ma faveur l'esprit des juges, en retraçant les
si l'on doit voir de l'art dans mon plaidoyer. malheurs de l'État, le deuil et les regrets de leurs
Je rassemblai toutes les espèces de séditions, pertes, et en rallumant leur haine personnelle
les excès, les dangers qu'elles entraînent; je contre Cépion, alors je fis succéder à la véhé-
traçai le tableau de toutes les révolutions de no- mence et au pathétique le ton doux et tranquille
tre république, et je conclus que si toutes les dont je vous ai parlé plus haut. Je représentai
séditions avaient été fâcheuses, quelques-unes qu'il y allait pour moi du sort d'un ami, qui
cependant furent légitimes et presque néces- selon les idées de nos ancêtres, devait m'être

animi concitaras, ut ego ad id restinguendum vix conarer Crassus commemorabat,egi; neque reges ex hac civitate
accedere? Habueras enim lum omnia in causa superiora exigi, neque tribunes plebis creari, neque plebiscitis toties
vim, fugam, lapidationem, crudelitatem tribunitiam, in cousularem polestatem minui, neque provocationem,
Caepioiiis gravi miserabilique casu^ in jndicium vocabas; patronam illam civitatis, ac vindicem libertatis, populo
deinde priucipem et senatus, et civitatis, M. jBnilium, romano dari sine nobilium dissensione potuisse; ac, si ill.1»
lapide peraissum esse constabat; vi pulsum ex templo L. seditiones saluti huic civitati fuissent, non continuo, si
Cottam, et T. Didium, quum intercederevellenl rogationi quis motus populi factns esset, id C. Norbano in nefario
nemo poterat negare. crimine, atque in fraude capital! esse ponendum Quod si
XLVIII. Accedebat, nt haec tu adolescens pro republica unquam populo romano concessum esset, ut jure concita-
queri summa cum dignitate existimarere; ego, homo cen- tus videretur, id quod docebam sœpe esse concessum,
sorins, vix salis boneste viderer seditiosumcivem, et in nullam illa causam justiorem fuisse. Tum omnem oratio.
hominis consularis calamitate crudelem, posse defendere. nem traduxi et converti in increpandam Caepionis fugam
Erant optimi cives judiecs, honorum virorum plénum in deplorandum inlei ilura exercitus sic et eorum dolorem,
forum, vix ut mihi tenuis quaedam venia daretur excusa- qui lugebant suos, oratione refricabam et animos equitum
tionis, quod tamen eum defenderem, qui mihi quaestor romanorum apud quos tum judices causa agebatur, ad
fuisset. Hic ego quid dicam me artem aliquam adhibuisse? Q. Cxpionis odium, a quo erant ipsi propter judicia alie-
Quid fecerim, narrabo si placuerit, vos meam defensionem nati, renovabam [atque revocabam].J.
in aliquo artis loco reponetis. XLIX. Quod ubi sensi me in possessione judicii ac de.
Omnium seditionum genera, vitia, pericula collegi, fensionis met! constitisse, quod et populi benivolenliam
eamque orationem ex omni reipublicœ nostrae temporum mihi conciliiram, cujus jus etiam cum seditionis conjim-
varietale repetivi, conclusique ita, ut dicerem etsi omnes ctione defenderam et judicum animos totos vel calamitate
molette semper seditiones fuissent, justas tamen fuisse civitatis, vcl luctu ac desiderio propinquorum, vel odio
iiiuinuUas, et prope necessarias. Tum illa, qu<e modo proprio in Ca?pionem ad causai» nostram couverteiam
aussi cher que mes propres enfants qu'il y allait doyer à combattre; mais, grands dieux quel futt
de mon honneur et de ma fortune; que rien ne votre début! quelle timidité! quel embarras!
saurait être plus pénible à mon cœur, pins fu- quelle hésitation! comme vos paroles se succé-
neste à ma réputation, que si, après avoir dé- daient lentement et quand vous eûtes bien établi,
fendu avec succès des accusés, mes concitoyens, dès votre exorde, le seul point qui vous servait
il est vrai, mais qui souvent m'étaient entière- d'excuse, en disant que vous défendiez un ami,
ment étrangers, je.ne pouvais être d'aucun se- votre ancien questeur, comme vous sûtes vous
cours à un ami; je priai les juges d e me pardonner préparer les voies pour commander t'attentiont
la juste et trop légitime douleur dont ils me Puis, quand je m'imaginais que tout ce que vous
voyaient pénétré, en considération de mon âge, aviez gagné, c'était de vous faire pardonner d'a-
de mes dignités, de mes services ils avaient dû voir pris la défense d'un citoyen pervers, en fa-
remarquer, ajoutais-je, que dans les autres cau- veur des liens qui vous unissaient à lui vous vous
ses, je les avais toujours implorés pour mes amis insinuâtes peu à peu dans les esprits on ne soup-
en péril, et jamais pour moi-même. Ainsi, dans çonnait encore rien de vos desseins; moi je com-
tout le cours de ma défense, je traitai à peine, mençais à trembler. Enfin, vous en vîntes à
et ne fis qu'effleurer tout ce qui était du ressort prouver que cette sédition de Norbanus, ou plutôt
de l'art, comme la loi Apuléia, la définition du cette colère du peuple romain, loin d'être injuste,
crime de lèse-majesté; mais je m'attachai prin- était légitime et nécessaire. Comme alors vous
cipalement à ces deux parties du discours, sur vous fitesdesarmes de tout contre Cépion! comme
lesquelles l'art ne donne pas de préceptes, et vous sûtes mêler, faire agir tour à tour la haine,
dont l'une a pour objet d'entraîner l'esprit des la colère, la compassion, et cela non-seulement
juges, l'autre, de faire aimer et estimer l'orateur; pour défendre votre client, mais pour attaquer
autant je déployai d'énergie pour réveiller la Scaurus et mes autres témoins, dont vous dé-
haine contre Cépion, autant je montrai de dou- truisites les dépositions, non enles réfutant, mais
ceur, de sensibilité, et de tendre affection pour en vous appuyant encore sur l'effervescence po-
mes amis. Ce fut ainsi, Sulpicius, que je triom- pulaire Lorsque j'entendais ce que vous venez
phai de votre accusation, plutôt en excitant les de nous développer, je ne songeais plus aux pré-
passions des juges, qu'en portant la conviction ceptes cette exposition de votre méthode est, à
dans les esprits. mes yeux la plus instructive de toutes les leçons.
L. Votre récit, Antoine, est la vérité même, Cependant, si vous le trouvez bon reprit An-
dit Sulpicius. Jamais je n'ai rien vu s'échapper toine, je vous ferai connaître aussi les règles que
des mains comme cette cause s'échappa des mien- je suis et les points principaux auxquels je m'at-
nes. Je vous avais donné, disiez-vous tout à tache dans mes plaidoiries. Une longue expé-
l'heure, un incendieà éteindre, plutôt qu'un plai- rience et l'habitude des grandes affaires m'ont

tunc admiscere huic generi orationis vehementi atque commémoras nam ego nihil unquam vidi, quod tan: r.
atroci genus illud alterum, de que ante disputavi,lenitatis manibus elaberetur, quam mihi tum est elapsa illa causa.
et mansuetudiniscœpi me pro meo sodali qui mihi *n libe- Quumenim (quemadmodum dixisti) tibi ego non judicium
rnm loco more majorum esse deberet, et pro mea omni fama
sed incendium tradidissem; quod tuum principinm, dii
prope fortunisque decernere; nihil mihi ad existimationem
immortales, fuit? qui timor? qtiFe dubitatio? quanta hae-
turpins, nihil ad dolorem aeerbius accidere posse, quam sitatio, tractusque verborum? Ut illud initio, quod tibi
si is, qui «epe alienissimis a me, sed meis tamen civibns, uiium ad ignoscendum homines dabant, tenuisti; te pro
saluti existimarer fuisse, sodali meo auxilium ferre non homine pernecessario, queestore tuo, dicere quam tibi
potnissem. Petebam a judicibns, ut illud œtati meœ ut primum munisti ad te audiendum viam? Ecce autem, qtium
honorihus, ut rebus gestis, si juste, si pio dolore me esse te nihil aliud profecisse arbitrarer, nisi ut homines tibi,
affectum viderent, concederent prœsertim si in aliis cau- civem improbum detendenti, ignoscendum propter neces-
sis intellexissent, ômnia me semper pro amicorum peri- situdinem arbitrarcnlur, serpere occulte cmpisti, nihildum
culis, nihil unquam pro me ipso deprecatum. Sic in illa aliis suspicantibus, me vero jam pertimescente, ut illam,
omni defensione atque causa', quod esse in arte positum non Norbani seditionem, sed populi romani iracundiam,
videbatur, ut de lege Apuleia dicerem, ut, quid esset mi- neque eam injustam sed meritam ac debitam fuisse de-
nuere majestatem, explicarem, perquam breviter per- fenderes. Deinde qui locus abs te praetermissus est in Cae-
strinxi atque attigi. His duabus partibus orationis, quarum pionem ? ut tu illa omnia odio, iavidia, misericordia
alteraconcitationem habet, altéra commendalionem, quœ miscuisti? Neque hœc solum in defensione, sed etiam in
minime prateptis artium sunt perpolitae.oinnis est a me Scauro, ceterisque meis testibus, quorum testimonia non
illa causa tractata, ut et acerrimus in Carpionis invidia refellendo, sed ad eumdem impetum populi confugiendo
renovanda et in meis moribus erga meos necessarios refutasti. Quae quum abs te modo commemorarentur,equi-
declarandis mansuetissimus viderer. lia magis affectis dem nnlla prœcepta desidefabam istam enim ipsam demon-
animis judienm, quam dotlis tua Sulpici, est a nobis strationem detensionum tuarum abs te ipso comment»-
tum aecusatio victa. ratam, doctrinam esse non mediocrem puto. – Atqui,siita
placet,inquit Antonius, trademus etiam, quse nos sequi in
I..– HicSulpidus,
111^ .^ui^jcius Vere IlLICUte hiquit,
vere hercule, lliqilll Antoiii,
.'UHUiii
ista
lain dicendo, <iu8eque maxime
gn^uuuj (iiinajuc maxime spectare auraiiut ilocuit
sgjctuiie solemus niiui
um.1111 m
CICÉROr*. – TOME 1. '7
appris par qnels ressorts on parvient ;i émouvoir là on excite trop souvent fenvie. On se sert de
les hommes. moyens analogues pour attirer la haine sur son
LI. J'examine d'abord si la cause comporteadversaire, pour l'écarter de soi ou de son client;
ces grands mouvements; car il ne faut pas em- comme aussi pour enflammer ou apaiser la co-
ployer les foudres de l'éloquence dans des sujets lère. En effet, on excite la haine des auditeurs,
peu importants, ou devant des auditeurs telle- en faisant ressortir un fait qui leur est inutile ou
rroent prévenus, qu'on ne saurait espérer de les pernicieux; et si l'on s'élève contre une action quii
fléchir. Ce serait se rendre ou ridicule ou odieux, a blessé les gens de bien, ou les personnes qui
que d'épuiser le pathétique sur des bagatelles, méritaient le plus d'être respectées, ou enfin la
ou d'essayer d'emporter de vive force ce que république, on fait naître, sinon une haine vio-
nous ne pouvons pas même ébranler. Les senti- lente, du moins une disposition qui en approche
menls* qu'il cous importe ie plus d'exciter dans et un éloignementbien prononcé. Nous exciterons
l'âme des juges ou de nos auditeurs, quels qu'ils la crainte dans l'âme de ceux qui nous écoutent
soient, sont l'amour, la haine, la colère, l'indi- par le tableau de leurs dangers personnels ou des
gnation, la pitié, l'espoir. la joie, la crainte, le dangers publics. La crainte qui a nous-mêmes
déplaisir. Nous voyous que le moyen de nous pour objet nous touche davantage; aussi faut-il
concilier l'amour, c'est de paraître soutenir les s'appliquer à faire voir dans les périls communs
intérêts de ceux devant qui nous parlons, et des périls personnels.
défendre des hommes honnêtes, ou du moins LII. Les mêmes moyens servent à faire naître
des hommes utiles et dévoués à nos juges. Dans l'espérance, la joie, le déplaisir; mais je ne sais
ce dernier cas, nous nous faisons surtout ai- si les impressions de l'envie ne sont pas les plus
mer; dans le second, en prenant le parti de la profondes de toutes; et il ne faut peut-être pas
vertu, nous inspirons l'estime et l'intérêt. On des ressorts moins puissants pour la détruire que
produit aussi plus d'effet, en faisant espérer un pour l'exciter. C'est surtout à nos égaux et à nos
avantage à venir, qu'en rappelant un bienfait inférieurs que nous portons envie, lorsque nous
passé. Cherchez à faire voir dans votre cause de les voyons avec dépit s'élever tout d'un coup, et
la grandeur ou de l'utilité; montrez que votre nous laisser loin d'eux. Mais souvent aussi ceux
client n'a point eu en vue ses propres avantages qui nous sont supérieurs font naître en nous le
et n'a rien fait pour lui-même. L'attachement à même sentiment, lorsqu'ils montrent de l'orgueil,
notre intérêt personnel choque et déplaît; on et qu'ils se prévalent de leur rang et de leur
aime au contraire à trouver en nous cette dispo- fortune pour refuser de se soumettre au niveau
sition bienveillaute qui s'empresse d'obliger. commun de la loi. Voulez-vous exciter l'envie
Toutefois, il y a ici un écueil à éviter; gardons- contre quelqu'un, dites que son élévation n'est
nous d'exalter outre mesure les services et la pas la récompense de sa vertu qu'il la doit même
gloire de ceux que nous voulons faire aimer; par à ses vices et à ses bassesses: ou si des qualités

jam nos kmga vita ususque rerummaximarum, ut, quibus diligi \Qlemus,eonin> laudero atque gloriam, cui niaxinm
ebus aninû liominum moverentnr, tenerrmus. invideri solet, nimis en'erre \ideamur. Atque iisdem his
LI. Equidem priinum cunsiderare soleo, posluletne ex locis et odium in alios struere diseemus, et a nobis ac
oiiisu nam neque parvis in rebus adhibendœ sunt hae nostris demovere; eademque haec genera tractanda sunt in
iikendi faces, neque ita animalis bonÛQibus, ut nihil ad iracundia vel excitanda, vel sedanda. Nam si, quod ipsis,
forum mentes oratione Uectendas piotkere possimus, ne qui audiunt, perniciosumaut inutile sit, id factum augeas,
aut irrisione, aut odio digui putemur, si aut tragœdias odium creatur sin, quod aut in bonos viros, aut in eos,
.igamus in nugis, aut convellere adoriamur ea, quœ non in quos quisque minime debuerit, aut in rempublicam;
possint commoveri. Nam quoniam haec fere maxime sunt tum excitatur, si non tam acerbum odium, tamen aut in-
in judicum animis, aut, (luicumque.illi erunt, apud quos vidia> aut odii non dissimilis offensio. Item timor incuti-
ugcnms, oratione molieuda, atnor, odinm, iracundia, in- tur aut ex ipsorum periculis, aut ex communibus interior
vidia, misericordia, spes, kclitia, timor, inolestia senti- est ille proprius; sed hic quoque communis ad eamdem
mns amorem conciliari, si id videarc, qimd sit utile ipsis, similitudinem est perducendus.
jipud quos agas, defendere; si aut pro bonis viris, autcerte LU. Par,alque una ratio est spei, laetitise, inoiratkc;
pro iis, qui illis boni atqne utiles sint, laborare. Namque sed haud sciam, an acerrimus longe sit omnium motus
liaec res amorem inagis conciliat, illa virtutis defensio ca- invidiae nec minus virhnn opus sit in ea comprimenda,
litatein; plusque prolicit, si propouitur spes utilitatis lu- quam in ea excilanda. lnvident autem homiaes maxime
lune, quam prrcteriti bcucficii commemoratio. Enitenduni paribus aut inferioribus quum se relictos sentiuut illos
est, ut ostendas, in ea re, quam defeudas, aut dignitatem autem dolent evolasse; sed etiam superioribus invidetur
iuesse, aut utilitatem; eumque^ cui concilies hune amo- saepe vehementer, eteo magis, si intoleranlius sejactant,
rem, significes niliil ad utilitatem suam rètulisse, ac nihil et xquabilitatem juiis praestantia dignilatis ant foi tunœ
omnino fecisse causa sua. Invidetur enim commodis homi- sn.ï! tianseunt qui» si innammanda sunt, maxime dicen-
num ipsorum; studiis atitem eorum ceteris commodandi dmii est, non esse virtute parta; deinde etiam viliis atque
tavetu'. Videndutnque hoc loco est, ne, quos ob benefacta peccatis; tum, si erunt honestiora atque graviora, tamen
réelles lui donnent des droits à l'estime, dites que l'un soit doux et l'autre véhément, il existe
que son orgueilleuse insolence est encore bien des rapports intimes, qui tendent à se confondre.
au-dessus de son mérite. S'agit-il au contraire de La douceur, qui gagne la bienveillance desjuges,
désarmer l'envie, dites que, si votre client a ob- doit se faire encore sentir dans l'impétuosité qui
tenu des richesses, des honneurs, c'est au prix remue leur âme; et réciproquementl'impétuosité
de grands travaux, de grands périls qu'il se sert doit quelquefois animer la douceur. L'éloquence,
de ces avantages pour le bien des autres et non en général, n'a pas de plus heureuse combinaison
pour son propre intérêt que s'il jouit de quelque que celle où la violence de la discussion est tem-
gloire, bien qu'elle soit la juste récompense de pérée par l'aménité de l'orateur, et où la douceur,
son dévouement, elle n'a point de charmes pour chez lui, se fortifie d'un certain mélange de fer-
lui; qu'il s'en dépouille, qu'il en fait le sacrifice. meté et de vigueur.
En général, les hommes sont enclins à l'envie Soit qu'on emploie l'un ou l'autre de ces
il n'est point de vice plus commun, plus univer- deux genres, celui qui demande de la chaleur et
sellement répandu. Elle s'attache surtout aux de l'énergie, ou celui qui a pour objet d'inté-
fortunes élevées et brillantes. Il faut donc s'atta- resser par la peinture des moeurs, il convient de
cher à rabattre de l'idée qu'on s'en forme, à l'aborder tard et avec lenteur, puis ensuite d'en
montrer que ces fortunes dont on se fait une multiplier, d'en prolonger les développements.
image si flatteuse, sont toujours accompagnéesde On doit avoir soin de ne pas se jeter dès l'abord
peines et d'amertumes. Quant à la pitié, nous dans ces sortes de mouvements, parce qu'ils
serons sûrs de l'inspirer, si l'auditeur retrouve sont réellement étrangers à la cause et que l'au-
dans l'infortune que nous lui retraçons la pein- ditoire est avant tout pressé de connaître la ques-
ture des maux qu'il a soufferts ou de ceux qu'il tion soumise à son jugement. Mais une fois que
redoute; s'il fait un retour sur lui-même en vous y êtes entré, ne vous pressez point d'en
voyant les maux d'autrui. Les exemples particu- sortir. Aussitôt que vous avez mis une preuve en
liers des infortunes humaines 'excitent un vif avant, l'auditeur la saisit, et il en attend une
intérêt, présentésd'une manière pathétique. Mais seconde, puis une troisième. Il n'en est pas de
rien ne produit une plus profonde impression que même des émotions de la pitié, de l'envie, de
le tableau de la vertu malheureuse et opprimée la colère; un instant ne suffit pas pour les faire
par le sort. Et si la partie du discours qui a pour naitre. Le raisonnementvient appuyer la preuve.
objet de faire estimer dans l'orateur l'homme de Aussitôt produit, il s'y attache, il s'y incorpore.
bien, l'homme vertueux, demande, comme je Mais ici il ne s'agit plus d'éclairer le juge; il faut
l'ai dit déjà plusieurs fois, un ton doux et mo- porter le troubledans son âme; et l'onne saurait
deste celle-ci, au contraire, où il s'agit de chan- y parvenir, à moins de déployer une éloquence
ger les dispositions des esprits et d'entraîner les riche, variée, abondante, soutenue d'un débit
cœurs, doit être énergique, véhémente, pas- animé et en rapport avec le ton du discours.
sionnée. L'orateur qui parle avec concision, et dont le
LUI. Mais entre ces deux genres dont je veux ton ne s'élève jamais, peut donc instruire, les

non essetanta ulla merita, quanta insolentia hominis, rum alterum lene, allerum vehemens esse volumus, difii-
quautumque faslidium. Ad sedandum autem magno illa cilis ad distinguendum similitudo. Nam ex illa lenitate,
tabore, magnis perieulis esse parta, nec ad suum comnio- quaconciliamuriis, quiaudiunt, ad hanc vim acerrimam,
ium, sed ad aliorum esse collata; seseque, si quam glo- qua eosdeni excitamus, influât oporlet aliquid, »t ex hac vi
riam peperisse videatur, etsi ea non sit iniqua merces pe. nonnunquam animi aliquid inflammandum est ilh lenitati
riculi, tamen ca non delectari tolamque abjicere atque neque est ulla temperatior oratio, quam illa, in qua aspe-
deponere omninoque perficiendum est (quoniam plerique ritas contentionis oratoris ipsius humanilate conditur;
sunl invidi, maximeque est hoc commune vitium, et per- remissio autem lenitatis quadam gravitate et contentione
vagatum invidetur autem praestanti florentique fortunae), firmatur.
ut lia» opinio minuatur, et illa excellens opinione fortuna In utroque antem genere dicendi, et illo, in quo vis at-
cum laboribus et miseriis permixta esse videatur. Jam que conlentio quœritur, et hoc, quod ad vitam et mores
miscricordia movetur, si is, qui audit, adduci potest, ut accommodalur, et principia tarda sunt, et exitus tamen
illa, quae de altero deplorenlur, ad suas res revocet, quas spissi et producti esse debent. Nam neque assiliendum sta-
aut tulerit acerbas, aut timeat, aut intueus alium, crebro tim est ad illud genus orationis; abest enim totum a
ad se psum revertatur. lta quum singuli casus humanarum causa, et homines prius ipsum illud, quod proprium fui
miseriarum graviter accipiuntur, si dicuutur dolenter, judicii est, audire desiderant nec, quum in eam rationem
tum afllicta et prostrata virtus maxime luctuosa est; et, ut ingressus sis, celeriter discedendum est. Non enim, sicut
illa allera pars orationis, quœ probitalis commendatione argumentum, simul alque positum est, arripitur, alterum-
boni viri debet speciem tueri lenis ( ut saepe jam dixi ) at- que et tertium poscitur, ita misericordiam aut invidiam,
que summissa; sic haec, quœ suscipitur ab oratore ad aut iracundiam, simul atque intuleris, possis commovere.
mut,andosanimos atque omni ratione flectendos, intenta ac Argumentum enim ratio ipsa confirmat, quïB simul atque
vehemens esse debet. emissa est, adhacrescit; illud autem genus orationis non
LUI. Sed est qnuxlam in his duobus generibus, quo- cugniliouem judicis, sed magis perturbationemm requirit,
requiri:
t
11.
juges; mais il ne peut émouvoir leur âme, et de ces traits ingénieux et piquants, si communs
tout est dans l'émotion. chez les Grecs car les Siciliens, les Rliodicns,
On voit donc clairement que les mêmes lieux les Byzantins, et par-dessus tous, les Athéniens,
communs offrent d'égales ressources pour et con- excellent dans ce genre; mais tous ceux qui ont
tre les preuves, on les réfute, soit en démon- voulu donner la théorie de la plaisanterie, sont
trant qu'elles reposent sur de faux principes, ou eux-mêmes si fades, et si insipides que, s'ils
que les conséquences en sont mal déduites et ne font rire, c'est de leur sottise. Je crois donc qu'on
découlent pas des prémisses, soit en opposant né peut établir de règles en pareille matière.
aux preuves de l'adversaire des preuves contrai- Il y a deux sortes de plaisanteries l'une est ré-
res qui aient plusou du moins autant de solidité. pandue sur tout le discours, l'autre consiste en »
Quant aux moyens qu'il emploie pour se con- traits vifs et rapides. Nos pères ont donné à la
cilier la bienveillance par la douceur, ou pour première le nom de raillerie; à la seconde, celui
«mouvoir par la véhémence, on en détruit l'effet de bons mots. Ces dénominations ont peu de
par des impressions contraires, en faisant succé- gravité; c'est qu'en effet ce n'est pas quelque
der la haine à la bienveillance, la pitié à l'indi- chose de bien sérieux que le secret d'exciter le
gnation. rire. Toutefois vous avez raison, Antoine j'ai
LIV. La raillerie et les bons mots sont d'un vu que souvent la plaisanterie et les bons mots
effet agréable, et quelquefois d'un grand secours étaient d'un grand secours. Mais l'art n'est pour
dans les plaidoiries. Maislors même qu'on pourrait rien dans cet enjouement continu qui égaye le
réduire en théorie toutes les autres parties du ta- cours de la plaidoirie la nature seule donne aux
lent oratoire, celle-ci échapperait toujours aux hommes le talent de contrefaire, de conter plai-
règles. C'est un don de la nature; l'art n'y peut samment, de faire rire par le jeu de la physiono-
rien. Vous y avez, selon moi, César, une supério- mie, les inflexions de la voix, l'originalité même
rité incontestable. C'est donc à votre témoignage de la diction; et pour ce qui est des bons mots,
que j'en appelle ou il n'y a point de règles pour comment assigner une place à l'art dans un trait
la plaisanterie, ou, s'il y en a, à vous seul il ap- piquant, qui est lancé et qui frappe avant même
partient de nous en donner le secret. qu'on y ait songé? Quel art aurait pu dicter la
– Je pense, quant à moi, répondit César, qu'il
n'est rien dont un homme de goût ne puisse par-
repartie heureuse de mon frère au consul Phi-
lippe, qui lui demandait ce qui le faisait ainsi
ler d'une manière plus agréable et plus plaisante, aboyer?- C est que je vois un voleur, répliqua-
que de la plaisanterie elle-même. J'ai eu entre t-il. J'en puis dire autant des deux plaidoyers de
les mains plusieurs ouvrages grecs ayant pour Crassus, l'un contre Scévola devant les centum-
titre de l'Art de faire rire;j'espéraisyy apprendre virs l'autre en faveur de Cn. Plancus, accusé
quelque chose j'y ai trouvé un grand nombre par Brutus car le talent dont vous me faites

quam consequi, nisi multa, et varia, et copiosa oratione, posse me aliquid ex istis disrere inveni autem ridicula et
et simili contentione actionis, nemo potest. Quare qui aut salsa multa Graccorum; nam et Siculi in en genere, et
breviter, aut summisse dicunt docere judicem possunt, Rhodii, et Byzantii, et prêter ceteros, Attici exceliunt;
rommovere non possunt; in quo sunt omnia. sed qui ejus rei rationem quamdam conati sunt artemqne
Jam illud perspicuum est, omnium rerum in contrarias tradere, sic insulsi exstiterunt, ut nihil aliud eorum, nisi
partes facullatem ex iisdem suppeditari locis. Sed argu- ipsa insulsitas, rideainr. Quare mihi nullo videtur modo
mento resistendum est, aut iis, quœ comprobandi ejus doctrina ista res posse tradi. Etenim quum duo genera
«-ausa siiuuintui', reprehendendis, aut demonstrando id, sint facetiarum, alterum a?quahiliter in omni sermone fu-
quod concludere illi velint non effici ex propositis, nec sum, alterum peracutum et brève illa a veteribus supe-
esse consequens; aut, si ita non refellas, afferendum est rior cavillatio, hœc altéra dicacitas nominata est. Leve no-
in contrariai]! partem, quod sit autgravins, aut œque grave. men habet utraque res quippe; levé enim est totum hoc,
Ma autem, quae aut conciliationis causa leniter, aut per- risum movere. Verumtamen(ut dicis, Antoni) multum in
luotionis vehementer aguntur, contranis commotionihus causis persœpe lepore et facetiis profici vidi. Sed quum in
iuterenda sunt, ut odio benivolentia misericordia, invidia illo genere perpetuœ festivitalis ars nou desideretnr (natura
tsllatur. enim tingit homines et créât imitatores et narratorea face-
LIV. Suavis autem est, et vehementer sappe utilis jocus, tos,et vuttu adjuvante, et voce, et ipso genere sermonis);
H facetta? quaG, etiamsi alia onmia tradi arte possunt, tum vero in hoc altero dicacitatis, quid habet ars loci,
iiatura: sunt propria certe, neque ullam artem desiderant. qnum ante illud facetum dictum emissum htererc delieal,
Jo quibus tu longe aliis, mea s™ te u lia, Csesar, excellis; quam cogitari potuisse videatur? Quid enim hic meus
quo magis mihi etiam testis esse potes, aut nullam esse frater abarteadjuvaripotuit,quumaPhi!ippointerrogatus,
artem salis, aut, si qua est, eam nos tu potissimum do- quid latrarel? « Furein se videre » respondit? Qnid in
««bis. omni 01 alloue Crassus vel apud cenliiuiviros contra Scii'-
Ego vero, inquit Cicsai, omni de re fàçetius juilo volam,vel contra accusalorem Bruttun, quum pro Cn.
|K»se ab homine non inurbano quam de ipsis facetiis, Planco diceret? Nam id, quod tu mihi tribuis, Antoni, Ci'.ismi
disputari. Itaque quum quosdam grœcos inscriptos libros est, omnium sententia, concedendum. Non enim fere
*»*e ridiaseni DE aitticuus, nonnullam in spem fenerani quilquani rrprietur, pra-ter liunc in utroque geneie le-
honneur, Antoine, appartient bien plus juste- santeric
s soutenue perdit rien de son agrément.
ment à Crassus, de l'aveu de tout le monde. IBrutus s'était avisé de prendre deux lecteurs, et
Après lui, on ne trouverait peut-être pas un seul d faire lire au premier la harangue de Crassus
de
orateur qui excelle à la fois dans les deux genres ppour la colonie de INarbonne; au second, le dis-
de plaisanterie, celle qui se soutient dans tout ccours en faveur de la loi Servilia, et avait essayé
l'ensemble du discours, et celle qui procède par dd'y faire voir des contradictions politiques La
saillies vives et imprévues. Son plaidoyer contre réponse
r de Crassus fut heureuse il prit de son
Scévola, en faveur de Curius, fut enjoué d'un côté
c trois lecteurs, et les chargea de lire les trois
bout à l'autre mais on n'y trouve pas de mots I
Livres composés par le père de Brutus sur le
piquants. Il ménageait en effet la dignité de ton droit
d civil. Dans le premier, on lut Comme Nous
adversaire, et par là conservait la sienne. Il est NOUS
t> TROUVIONS DANS DIA MAISON DE Pn.lVF.B-
cependant bien difficile aux hommes doués de pnum. Vous l'entendes dit Crassus, votre père
ce genre d'esprit d'avoir égard aux circonstances dépose
o qu'il vous a laissé un domaine à Priver-
et aux personnes, et de retenir un trait malin num.
r, Dans le second Nous étions A MA mai-
lorsqu'il se présente à leur pensée. Aussi quelques s
SON D'ALBE, MON FILS ET mot. Cet homme
plaisants de profession donnent-ils une interpré- s distingué parmi ses concitoyens par sa sa-
si
tation assez spirituelle à un passage d'Ennius, ygesse, connaissait bien ce gouffre. Il craignait
en se l'appliquant. Ils font dire à ce poète Le que,
q lorsque le dissipateur aurait tout dévoré,
sage éteindrait plutôt un charbon allumé dans o ne l'accusât lui-même de ne lui avoir rien
on
sa bouche, que de retenirun bon mot; enten- llaissé en héritage. Dans le troisième, le dernier
dant par bon mot un mot plaisant; car c'est le qu'il
q ait écrit ( car j'ai entendu dire à Scévola
sens qu'on lui donne aujourd'hui. qu'il
q n'y a que ces trois Livres qui soient réelle-
LV. Mais si Crassus voulut bien se contenir ment
r de Brutus) DANS MA maison DE Tibue,
('n parlant contre Scévola et s'il n'égaya son su- NOUS
r NOUS ASSÎMES UN JOUR, MON FILS MAB-
jet que de ce genre de plaisanterie qui n'emploie CUS
c ET moi. Où sont ces domaines que votre
pas les traits mordants du ridicule, il attaqua de père
} vous a laissés, comme il l'a consigné lui-
l'une et de l'autre manière Brutus, qu'il n'aimait même
r dans des écrits publics? Si vous n'aviez
pas, et qu'il livrait sans scrupule à la risée pu- déjà
c été en âge de puberté, il aurait composé y»
blique. Que de railleries amères, à l'occasion de quatrième
q Livre pour apprendre au monde
ces bains que Brutus venait de vendre, et du qu'il s'était baigné avec vous dans ses bains.
<;

patrimoine qu'il avait dissipé! et cette repartie, Qui


( ne sent que Brutus dut être aussi confondu
quand Brutus s'avisa de dire qu'il suait sans sa- ipar ces traits pi,quants et par ces plaisanteries,
voirpourquoi Cela n'estpas surprenant, reprit (que par le mouvement pathétique auquel se li-
Crassus, car vous sortez des bains. Il eut une vra Crassus en voyant le convoi de Junia passer
>
foule de traits de ce genre, mais sans que la plai- Ipar hasard, au moment même qu'il plaidait?

poris excellens, et illo, quod in perpetuitate sermonis, et legendam dedisset, alterl de lege Servilia, et quum contra-
hoc, qnod in celeritate atque dicto est. Nam haec perpetua ria
1 inter sese de republica capila contulisset; noster hic
contra Scaevolam Curiana defensio, tota redundavitItilari- facetissime tres patris Bruti de jure civîli libellos tribus
late qnadam et joco, dicta illabrevia non habuit. l'arcebat legendos
I dédit. Ex libro primo, Forte evemt, UT m
enim adversariidignitati in quo ipse servabat snam; qnod PRIVERNATIessemus. « Brute, lestificatur pater, se tibi Pn-
est hominibus facetis et dicacibus difficillimum habere vernatem fundum reliquisse. » Deinde el libro secundo,
bominum rationem et temporum, et ea, quœ occur- IN ALBANO ekamus EGO, ET Mabcds filjus. « Sapiens vide-
rant quum salsissime dici possint, tenere. Itaque non- licet homo cum primis nostrae civitatis, norat hune gnr-
nnlli ridiculi homines hoc ipsiim non insulse inlerpretan- gitem metuebat, ne, quum is nihil haberet, uihil esse ei
tur. Dicere enim aiunt Enoium, « flammam a sapiente relictum putaretur. Tnm ex libro tertio, in qno finem
fiicilius ore in ardente opprimi, quam bona dicta teneat: » scribendi fecit ( lot enim ut audivi Scsevolam dicere, sunt
Ii.tt scilicet bona dicta, quae salsa sint; nam ea dicta ap- veri Bruti iibri ) In Tibubti fobte assedimcs EGO, etMar-
pellantur proprio jam nomine. cus FILIUS. « Ubi sunt ii hindi, Brute, quos tibi patet
LV. Sed ut in Scœvolam continuit ea Crassus atque publicis commentariis consignâtes reliquit? Quod nisi pu-
illo altero génère in quo nulti aculei conturneliarum ine- lieremte, inquit, jam haberet, quartum lihrum compo-
rant, causam illam disputationernqueltisit sic in Brnto, suisset, et se etiam in balneis lolum cum tilio, scriptum
reliquisset. Quis est igitnr, qui non fateatur, hoc lepore,
quem oderat, etquem dignum contumelia judicabat utro- his facetiis minus refutatum esse Brutum,
que genere pugnavit. Quam multa de balneis, quas nuper atque illis tragœdiisnon JI

ille vendiderat, quam multa de amisso patrimonio dixit? quam quas egit idem, quum casu in ea-
dem causa funere efferretur anus J Llnia? Pro, dii immor
atque illa brevia, nuum ille diceret, se sine causa sndare
« Minime mirum, imjuit
modo enim existi de balneis. » tales! îquse fuit illa, quanta vis? quam inexspectata? quam
Innumerabilia hujuscemodi fuerunt, sed non minus ju- repentîna?quum,conjectis ociilis, gestu omni imminenti
cunda illa perpelua. Qnum enim Brutus duos lectorcs 1I sumina gravitate et eeleritate verborum « Blute, quia
«jdtasset et altcri de colouia Narboncnsi Crassi «rationem « sedes? quid illam ailuni patri nunUarc vis tuo? quid
Dieux Immortels 1 quelle force! quelle énergie! sure. Jamais on ne vit d'assemblée plus nom-
quels élans soudains, inattendus, lorsque fou- breuse jamais il ne fut prononcé devant re
droyant Brutus de son geste et de son regard, peuple de discours à la fois plus fort et mieux
d'un ton aussi noble qu'impétueux il s'écria « Eh assaisonné de finesse et d'enjouement.
« bien, Brutus, que veux-tu que cette femme Je suis donc de votre avis, Antoine, sur vos
« révérée aille annoncer à ton père, à tous ces deux propositions: la plaisanterieestsouvent utile,
hommes illustres dout tu vois porter les ima- et on ne peut la soumettre à des règles; mais ce
ges? à tes ancêtres à ce J. Brutus, qui affran- qui me surprend, c'est que vous ayez tant exalté
« chit le peuple romain de la domination des mes talents en ce genre, au lieu de décerner la
rois? Que rapportera-t-ellede ta vie? A quelle palme à Crassus, comme dans les autres parties
occupation, à quelle gloire, à quelle vertu de l'éloquence.
« dira-t-elle que tu te
consacres? Dira-t-elle que – C'est ce que j'aurais fait, répondit Antoine,
• tu songes à augmenter ton patrimoine? ce soin si à cet égard je n'étais un peu jaloux de Crassus
est peut-être au-dessous de ta naissance; mais le talent de la plaisanterien'est pas sans doute le
qu'importe? cela même ne t'est plus possible plus digne d'envie; mais que, par un privilège
« il ne te reste rien tes débauches ont tout dé- qui n'appartient qu'à lui, l'orateur qui a le plus
« Tore Dira-t-elleque tu t'occupes du droit civil ? de grâce et d'urbanité soit en même temps le
« ce serait marcher sur les traces de ton père mais plus grave et le plus imposant, j'ai de la peine,
• loin de là, elle sera forcée d'avouer qu'en ven- ,je l'avoue, à lui pardonner cette double gloire.
« dant sa maison tu ne t'es pas même réservé du Crassus neput s'empêcher de sourire. Antoine
mobilier paternel le siège du jurisconsulte. De continua Tout eu établissant qu'il n'y a pas d'art
la science militaire ? tu n'as jamais vu un camp. de plaisanter, vous avez pourtant, César, indi-
De l'éloquence? tu n'en as pas la moindre idée; qué un précepte à suivre en cette matière. Vous
« et ce que tu avais de poumons et de babil, tu avez dit, en effet, qu'il fant avoir égard aux per-
« l'as honteusement prostitué à l'infâme métier de sonnes, aux circonstances et au temps, de peur
«
calomniateur.Et tu oses voir le jour! tu oses re- que le ton plaisant ne fasse perdre de l'autorité au
« garder tes juges en face tu oses te montrerdansi discours; c'est une convenance dont Crassus a
« le forum, au milieu de cette ville, aux yeux bien soin de ne pas s'écarter. Mais laissons là
de tes concitoyens tu ne frémis pas de honte et ce précepte il lie s'applique qu'aux occasions
« d'effroi à la vue de ce corps iuanimé, de ces• peu favorables à la plaisanterie, et nous parlons
» images sacrées de tes ancêtres! Hélas loin que de celles où elle peut être utile. Par exemple,
« tu puisses encore imiter leurs vertus, il ne te s'il s'agit de s'égayer aux dépens d'un adversaire
reste pas même un réduit pour placer leurs por- ridicule, ou de représenter un témoin comme
« traits! » un homme inconsidéré, avide, étourdi on doit
LVI. Ce mouvementest pathétique etsublime. croire que les auditeurs seront disposés à nous
Quant aux traits ingénieux et plaisants, vous> écouter. Les reparties sont toujours mieux reçues
vous rappelez combien ils abondaient dans une que l'attaque, parce qu'elles annoncent plus de
seule harangue, celle que prononça. Crassus de- vivacité, et que la défense est de droit naturel
vant le peuple contre son collègue dans la cen- semble que nous nous serions tenus tran-

«illis omnibus, qnornm imagines unci vides? qnid ma- oratio, quam hujns contra collegam in censura nuper
« joiïbus tuis?
quid L. aruto, qui hune populum dominatui neque lepore et festivitate conditior.
« regio liberavit? quid te facere? cui rei, cui gloriœ, cui Quare libi, Antoni, utrumque assentior, et multum fa-
« virtuti studere? Patrimonione augeQdo? at id non estt cetias in diceiido prodesse ssepe et eas arte nullo modo
« nobititatis sed fat esse mliil superest; libidines totumn posse tradi. lltnd quidem admiror, te nobîs in eo génère
« dissipaverunt. An juri
civili? est palernum sed dicet, trihuisse tantum, et non hujus rei qnoque patmam, ut
te quura œdes veuderes ne in rutis quidem et ejesis s
.< solium tibi paternum recepisse. An rei militari? qui nuu-i-
ceteraruin, Crasso delulisse.
– Tum Antoiiius, Ego vero ita fecissem, inquit, nisi
quam castra videris. An eloquentire? quœ nulla est inn interdum in hoc Crasso paullum inviderem nam esse
m te;
et, quidquid est vocis ac lingua;, omne in istumn quamvis facetum atqne salsum non nimis est per se ipsum
« turpissimum ralumniae qurestum contulisli. Tu Jucema invidendiiiii; sed, qiHim omnium sis venustissimus et ur-
auspicere audes? tu hos intueri? tu in fore, tu in urbe, banissimus omnium gravissimum et severissimum et
tu incivium esseconspectu? tu illam morUmm; tu ima-t.
« gines ipsas non perhorrescis? quibus non modo imitan- i-
esfte
dum
et, vides quod isti contigit uni, id milii vix feren-
videbatur.
dis, sed ne collocandis quidem tibi nllnm locum re-i- Hic quurn arrisisset ipse Crassus, Atlameu, inquil
« liqmsii » Antonins, quum artem esse faceliarum, Juli, negates,
LVI. Sed hsec tragica atque divina fai-cla autem et :t apemisli qniddam, quod prœcipiendmnviderelur. Habeii
urhana innnmcrabilia ex una contentione meministis. Nec
c enim dixisti ralionem oporLere honiir.;ini rei, temporis,
enim concio major unquam fuit, nec apud populum gravior
ir ne quid jocus de gravitatc dcccrpeiet; quod quidem in pri-
quiMes, si l'on ne nous avait provoqués. C'est rapporter, nous rendent capables de distinguer
uinsi que dans la harangue dont nous venons de ceux qu'on emploiera avec avantage, de ceux qu'il
parler, l'orateur ne se permit aucune raillerie, qui faudra écarter. Ainsi, César, jejoins mes prièresà
ne fût uue réplique aux provocations de son ad- celles de nos amis, et je vous demande en grâce de
versaire. D'ailleurs, le caractère de Domitius nous exposer votre opinion sur la plaisanterie. Il
donnait tant de poids, tant d'autorité à ses pa- ne faut pas que dans une réunion comme la nôtre,
roles, qu'on devait mieux réussir à affaiblir ses et dans un entretien où vous avez désiré que la
objections par la raillerie, qu'à les renverser par matière fût traitée complètement,il y ait une par-
la force des arguments. tie de l'art qui parût avoir été oubl iée. -Eh bien,
LVII. Quoi donc! dit Sulpicius, parce que répondit César, puisque vous voulez que chaque
César veut céder la palme à Crassus dans l'art de convive paye son écot, je me garderai bien de me
la plaisanterie,qui lui est pour tant beaucoup plus soustraire à l'obligation commune, de peur d'au-
familier, sera-t-il dispensé de nous en expliquer toriser vos refus par les miens. Toutefois je m'é-
la nature et l'origine, surtout quand il reconnaît tonne souvent de la hardiesse de ceux qui osent
que la raillerie et les bons mots peuvent être d'une paraître sur la scène devant Roscius peuvent-ils
si grande ressource î – Mais si je pense avec An- faire un geste sans que ce grand acteur aperçoive
toine, répondit César, qu'il n'y a pas d'art de leurs défauts? Aussi téméraire qu'eux, je vais par-
plaisanter? Sulpicius ne répliquait rien. Est-ce ler de la plaisanterie devant Crassus, c'est-à-dire
qu'il y a, dit Crassus, un art qui enseigne toutes que Vécelierva donner des leçons à son maître;
ces choses mêmes dont Antoine nous entretient àcetorateur dont l'éloquence fit diredernièrement
depuis quelque temps? On a seulement, comme il à Catulus que tous les autres devraient manger du
nous l'a dit, recueilli des observations sur ce qui foin. Assurément, dit Crassus, Catulus voulait
produit le plus d'effet dans un discours; et si ces rire, lui surtout dont l'éloquence est telle que
observations suffisaient pour rendre éloquent, c'est d'ambroisie qu'il faudrait le nourrir. Mais
quel homme ne serait éloquent? qui ne parvien- nous vous écoutons César; Antoine achèvera en-
drait à se les rendre familières sinon sans efforts, suite ce qui lui reste à nous dire. -Ce qui me
du moins après quelque travail? Voici, selon reste, dit celui-ci, est bien peu de chose cepen-
moi, en quoi consistent l'efficacité et l'avantage dant, un peu fatigué du chemin que ta discus-
des préceptes: ils ne donnent pas le secret de trou- sion m'a fait parcourir, je vais me délasser au dis-
ver par des moyens artificiels ce qu'il faut dire; cours de César comme un voyageur qui, après
mais lorsque le génie, l'étude, ou l'exercice nous une longue route, est heureux de trouver une
ont fourni des matériaux à mettre en couvre, les bonne hôtellerie.
préceptes, en nous enseignant à quel but il faut les LVIII. Vous n'aurez pas trop, reprit César,

mis a Crasso observari solet. Sed hoc praceplum prîeter- aliquo modo posset ediscere? Sed ego in lus prseceptis
mittendum est facetiarum, quum his nihil opus sit; nos banc vira et banc utilitatem esse arbitror, non ut ad repe-
autem quomodo ntamur, quum opus sit, quaerimus ut riendum quid dicamus, arte ducamur, sed ut ea, quœ
i:i adversarium, et maxime, si cjus stultitiapolerit agitai
i natura, quœ studio, quae exercitatione consequimur, aut
in testem stuHum cupidum, levem, si facile homines recta esse conlidamus,aut prava intelligamus, quuin quo
audituri videbuntur. Omnino probabiliora sunt, quas la. referenda sint, didicerimus. Quare, Cacsar, e#o quoque a
cessiti dicimus quam quœ pt tares nam et ingenii celeritas te hoc peto, ut, si tibi videtur, disputes de hoc toto joeandi
major est, qui» apparet in respondendo, et humanitatis genere, quid sentias ne qua forte dicendi pars> quooiam
est responsio. Videmur enim quietuii fuisse, nisi essemus ita voluistis, in hoc tali cœtn atque in tam accurato aer
lacessiti ut in ista ipsa concione nihil fere dictum est ab mone prwterita esse videatur. Ego vero" inquit ille,
hoc, quod quidem facetius dictiim videretur, quod non quoniam collectaim a conviva, Crasse, exigis', non commit-
prov'ocatus responderit. Erat autem tanta gravitas in Do- tam, ut, si defugerim, tibi causam aliquam dem reçu*
mitio, tanta auctoritas, ut, quod esset ab eo ohjectum, sandi quanquam soleo sœpe mirari eorum impudentism
lepure magis eievaiidun), quam contentione frangendum qui agunt in scena gestum, speclante Roscio quis enim
videretur. sese eommovere potest, cujus ille vitia non videat? Sic
LVi{, Tum Sulpicius, Quidigitur? inquit, patiemur, ego nunc, Crasso andiente, primum loqnarde facetiis, et
Cresarem, qui quanquam Crasso facetias concedit, tamen docebo sus (ut aiuut) oratorem eum, quem quum Catulus
multo in eo studio magis ipse elaborat, non explicare nobis nuper audisset, « fœnum alios aiebat esse oportere. » –
totum genus hoc jocandi, quale sit, et unde ducatur; pra- Tum ille, Jocabalur, inquit, Catulus, praesertim quum
sertim quum lantam vim et ulilitalem salis et urbanitatis ita dicat ipse, nt ambrosia alendus esse videatnr. Verum
Quid si, inquit Julins, assentior Antonio te, Csesar, audiamus, ut ad Antonii reliqua redeamus.-
esse fatratur ?–
dicenti nullam esse artem salis? Hic quum Sulpicius reti- Et Antonins, Perpauca quidem mihi restant, inquit; sfd
cuisset: -Quasi vero, inquit Crassus, boriirn ipsorum, tamen defessus jam labore atque itincre disputalionismeœ
de quibuâ Antonius jamdiu loquitur, ars ulla sit obser- requiescam in Cic saris sermone quasi in aliquo peroppor.
vilio quidam est, ut ipse disi, earum rcrum, quœ in tuno deversorio.
dicendo valent; quœ si eloquentes facere posset quis esset LVIII. – Attrui, inquit Jnlius, non nimisliberalebosui-
non doquens? Quis enim Iiax non vel facile, vel certe tium meuni dices nam te in viam, simul ac perpaulluiu
a vous louer ne mon hospitalité; car à peine au- aussi dans t'attaque, ne manquejamais d'exciter
rez vous eu le temps de vous rafraîchir que je une surprise agréable. La plaisanterie déconcerte
vous renverrai sans façon. Et pour ne pas vous un adversaire, l'embarrasse, l'affaiblit, l'inti-
arrêter trop longtemps, je vais vous exposer en mide, le réfute elle fait regarder l'orateur comme
peu de mots mon opinion sur le sujet qui nous un homme bien élevé, de bon goût et de bon ton
occupe. Il offre cinq questions Quelle est la na- enfin, ce qui est plus important, elle dissipe la
ture du rire? qu'est-ce qui le produit? convient- tristesse, fléchit la sévérité, et efface, avec une
il à l'orateur de l'exciter? jusqu'à quel
point saillie, des impressions fâcheuses qu'il serait sou-
peut-il le faire? enfin, quels sont les différents vent difficile de détruire par le raisonnement.
genres de ridicule? Mais quelle mesure l'orateur doit-il garder
Et d'abord, qu'est-ce que le rire; de quelle dans la plaisanterie c'est la quatrième question,
manière il se forme; où en est le siège com- et elle mérite le plus sérieux examen. On n'est
ment il se produit et éclate tout d'un coup, disposé à rire, ni de l'extrême perversité, qui va
sans qu'on puisse le retenir; comment l'ébran- jusqu'au crime, ni de l'extrême misère les scé-
lement qu'il produit se communique aux flancs, lérats doivent être poursuivis avec d'autres ar-
à la bouche, aux veines, aux yeux et à tous les mes que celles du ridicule; et on n'aime pas
traits c'est ce que je laisse à expliquer à Démo- à voir insulter les malheureux, à moins qu'ils ne
crite. Ces questions sont étrangères à notre en- conservent trop d'arrogance dans leur infortune.
tretien et quand même elles ne le seraient pas, Il faut surtout respecter les affections des audi-
je ne rougirais point d'avouer mon incompétence teurs, et ne pas aller attaquer maladroitement
à les résoudre, puisque ceux qui en promet- des personnes qui leur sont chères.
traient la solution n'en sauraient pas plus que LIX. Cette circonspection est le premier de-
moi. voir de celui qui a recours à l'arme du ridicule.
Le sujet, et pour ainsi dire le domaine du Les sujets qui se prêtent le plus à la plaisanterie,
rire, second objet de nos recherches, est tou- sont ceux qui n'excitent ni une grande horreur,
jours quelque laideur, quelque difformité; car ni une extrême pitié. L'orateur pourra donc s'é-
l'unique moyen, ou du moins le moyen le plus gayer sur les vices des hommes, pourvu qu'il ne
puissant de l'exciter, c'est de signaler et de pein- s'attaque ni à ceux qui ont pour eux la faveur
dre quelque ridicule choquant, sans prêter soi- publique ou l'intérêt du malheur, ni aux crimi-
même au ridicule. nels que réclame la vengeance des lois ces
Pour venir au troisième point, nul doute que vices agréablement raillés ne manquerontpas de
de provoquer le rire ne soit une des ressources faire rire. Les difformitéset les défauts corporels
de l'orateur la gaieté dispose à la bienveillance offrent aussi une matière assez riche à la raille-
en faveur de celui qui la fait naître; un trait rie mais n'oublions pas qu'ici, comme en toutes
spirituel, qui consiste souvent en un seul mot, choses, il faut surtout ne point passer les bornes.
principalement dans la réplique, quelquefois Évitons de paraître fades et insipides, comme

gustatis, extrudara et ejiciam. Ac, ne diutius vos demorer, ret, quod refutat; vel qnod ipsum oratorem politum esse
de onmi isto genere, quid sentiam perbreviter exponam. hominem siginiicat, quod eruditum, quod uHiamim, ma.
Ue risu quinque sunt, quse queerantur unum, quid sit; ximeqne quod tristitiam ac severitalem initigat et relaxât
alterum unde sit; tertium, sitne oratoris, velle risum mo- odiosasque res sœpe, quas argumentis dilui non facile est,
vere quartum quatenus quintum, quae
sint genera ridi- joco risuque dissolvir.
cun- Qnatenus autem sint ridicula tractandaoialori perquam
Atquc îllud primum, quid sit ipsc risus, quo paclo conci- diligenter \idendum est, id quud in quaito loco quœrendi
tetur, ubi sit, quoinodoexsistat, atque ita repente erunipat, posucramus. Nam nec insignis improbitas, et scelere jun.
ut eum cupientes tenere, nequeamus; et quomodo simul cla, uec rursus miseria insignis agitata riclclur facinoro-
tatera, os, venas, vulliim, oculos occupet viderit Deino- sus enim majore quadam vi, quam ridiculi, vulnerarî
critus neque enim ad hune sermonem hoc perliiiet; et, volunt; miseros illudi nolunt, nisi si se forte jactant. Par-
si pertineret, nescire me tamen id non puderet, quod ne cendum est autem maxime carilati hominum, ne temere
ipsi quidem illi scirent, qui pollicerentur. in eos diras, qui diliguntur.
Locus autem, et regio quasi ridieuli (nam id proxime LIX. Hrec ipitur adliibenda esl pri'numinjocando tno-
quîfiiïtur) tu rpitudine et del'onnitate qtiadam conlin<>tur deratio. Itaquc t)ii uuillinie ludutitur, quaj neque odio
haie enim rideuliii1 vel sola, vel maxime, quae notant et magno, naquit niisericordia maxima digna sont. Quant-
designant fcurpitudinein aliquam non turpiter. obrem matcries omnis ridiculoniin est in istis viliis, rjujj
Est autem, ut ad illud lertium veniam est plane orato- sunt iu vita hominum neque carorum, neque calamiluso-
ris movere risum vel qnod ipsa hilaritas benivoletitiain rmn neque eoruiti qui ob t'acinus ad suppliciuni rapiendi
concilial ei, per qiiem excitata est; rel quod adniirantur videntur; eaque belle agitata ridentur. Est etiam deformi-
omnes acumen, uno saepe in \erbo posiluin maxime re- tatis et corporis vitiorum satis bella matenesad jocalldulIJ
spondentis, nonnunqiiani eliam lacessentis vel quod fran- sed qus^riintis idem, quod in ceteris rehus maxime <[lliiî-
ftit adverKarmm, quod irnpedit, quod elevat, quod deter- rciiduui est, quateuus. la quo non modo illud pra'cipitur,
aussi d'aller trop loin, lors même que le sujet même, quand Rosciusdit, dans un rôle de vieil-
prête. L'orateur doit se tenir également éloigné lard C'est pour vous, Antiphon que je plante
de la plate plaisanterie du bouffon, et de la ces arbres, c'est la vieillesse personnifiée que je
charge exagérée du mime. Nous nous ferons une vois. Ce genre de plaisanterie demande beau-
idée plus juste de ces défauts, quand nous au- coup de précautions. Laissons aux mimes Étho-
rons examiné les divers genres de ridicules. logues l'imitation outrée, aussi bien que l'obs-
Il y en a deux principaux l'un consiste dans cénité. L'orateur doit ne présenter qu'une copie
les choses, et l'autre dans les mots. Les contes éloignée, et laisser l'imagination de l'auditeur
faits à plaisir sont du premier genre. Ainsi, Cras- suppléer ce que ses yeux ne voient pas. Faisons
sus, dans votre plaidoyer contre Memmius, vous preuve aussi de décence et de délicatesse, en évi-
racontâtes que s'étant pris de querelleà Terracine tant soigneusementles images et les expressions
avec Largius au sujet d'une maîtresse, il mor- déshnnnêtes.
dit et dévora le bras de son rival. Cet épisode LX. Le ridicule qui porte sur les choses est
amusa beaucoup; mais il était tout entier de donc dedeux espèces, et ces deux espèces appar-
votre invention. Vous ajoutâtes une circonstance; tiennent à la plaisanterie soutenue, soit que, dans
ce fut que, le lendemain toutes les murailles de une anecdote, on représente aunaturel le carac-
Terracine étaient couvertes d'inscriptions, où tère de certains personnages, soit que, par une
l'on voyait trois LLL et deux MM, et qu'ayant imitation rapide, on livre quelqu'un de leurs dé-
demandé ce que cela pouvait signifier, un vieil. fauts à la risée publique.
lard vous répondit Lacerat lacertum Largii La plaisanterie d'expression est un trait pi-
mordax Memmius.Vous sentez combience genre quant, caché sous un mot ou dans une pensée
estoriginal, piquant, avantageuxà l'orateur, que mais comme dans le genre dont nous venons de
le fond en soit vrai, ou qu'il soit imaginé à plai- parler, celui du récit ou de l'imitation, l'orateur
sir et dans le premier cas, il ne faut pas se faire doit éviter de ressembler aux mimes Étholognes,
scrupule d'enchérir un peu sur la vérité. Le mé- de même, dans celui-ci, il doit s'interdire sévère-
rite de cette espèce de plaisanterie est de paro- ment les pointes triviales des bouffons. Quelle dif-
dier si bien les habitudes, le caractère, le ton et férence étahlirons-nons doncentre Crassus, Catu-
la physionomiede son adversaire, que les audi- lus et autres, et Granius votre ami, ou Vargula
teurs croient le voir et l'entendre lui-même. Elle qui est le mien? En vérité, jen'ensais trop rien. Ils
admet aussi l'imitation comique qu'on fait des sont tous deux grands diseurs de bons mots, et
personnes. Ainsi lorsque Crassus s'écria, par ta personne he l'est plus que Granius. La différence
noblesse, par voire famille, n'est-ce pas en con- consiste peut-être d'abord à ne se pas croire
trefaisant la voix et le geste de son adversaire, obligé à dire un bon mot toutes les fois que l'oc-
qu'il égaya toute l'assemblée? et lorsqu'à ces casion s'en présente. On produisit dans une cause
mots, par vos statues, il étendit les bras en un témoin de fort petite taille (pusillus). Peut-
gesticulantcomme lui, les rires redoublèrent. De on lui adresser quelques questions? dit Philippe.

ne quid insulse, sed etiam, si quid perridicule possis: cliio paullulum etiam de geste addidit, veliementius risi-
vilandum est oratori ulrumque ne aut scurrilis jocus sit t mes. Ex hoc genere est illa Rosciana imitatio senis
aut mimicus. Qoœ cujusmodi sint, facilius jam inlellige- « Tibi ego, Antipho, hassero, «inquit. Senium est, quum
nuis, qunm ad ipsa ridiculorum genera venerimus. audio. Atque ita est totinn hoc ipso genere lidicntum ut
Duo enim sant genera facetiarum, quorum alterum re cautissime tractandum sit. Mimorutn est enim etboiogo-
ti actatur, alterum dicto. Re, si quando quid, tanquam mm,sinimiaestimitatio,sicutobscœnitas. Oratorsurripiat
aliquafabella,narratur,utolimtu,Crasse,in Memmium, oportet imitationem, ut is, qui audiat, cogitet plura,
«
comedisse eum lacertum Largii, » qunni esset cum eo quam videat, prasslet idem ingenaitatem et ruborem suum,
Tarracinfe de amicula rixatus salsa, attamen a te ipso verborum turpitudine et rerum obscoenitate vitanda.
delà totanarratio.Addidisticlansulam, tota Tarracina tum LX. Ergo liœc duo genera sunt ejns ridiculi, quod in re
omnibus in parietihus inscriptas fuisse litteras, tria LLL, positum est qiiœ snnt propria perpeluarum facetiarum,
duo MM qnum quoereres, id quid esset, senem tibi quem- in quibus dfseribunturhominum mores et ita eflinguntur,
daiu oppidanum dixisse, « Lacérât lacertumLargiimordax ut aut, re narrala aliqua, quales sint, intelligantur; aut,
Memmius. » Perspicitis, hoc genus quam sit facetum, quam imitatione brevi injecta, in aliquo insigni ad irridendum
elegans,quamoratorium,sivehabeas vere, quod narra™ TÎtioreperiantiir.
nnssis,quod lamen est mendaciunculis adspergendum, ln dicto autem ridiculum est id, quod verbi, ant sen-
sive fingas. Est autem haec hujus generis virlus, ut ita facta tentiie quodam acumiue movetur. Sed ut in illo superiore
dpmonstres, ut mores ejus, de quo narres, ut sermo, lit genere vel narrationis, vel imitationis vitanda est mimo-
vuKhs omnes exprimante, ut iis, qui audiunt, tum geii rum ethologorum similitude; sic in hoc, scurritis oratori
illa fierique videantur. In re est item ridiculum, quod ex dicacitas magnopere fugienda est. Qui igitur distinguemus
quadam depravalaimitatione sumi solct, 'ut idem Crassus, a Crasso, a Catulo a ceteris familiarcm vestrum Gra-
pertuam nobilitatem per veslram familiaro. Quid aliud ninm, aut Vargulam, amicum niruin? non mehercule in
fuit, in quo concio rideret, nisi illa vultus et vocis imita- nientem mihi quidem venit sent enim dicaces Granio
tio? fer tuas staluas » vero quum dixit, et extento bra- quidem nemo dicacior. Hoc, opiner, primum, ne,quo*
Oui, répond le rapporteur qui éta.t presse, pourvu miséruble usage. C'est au bon sens, c'est à notre
que ceia ne soit pas long. – A'e craignez rien, propre dignité de nous faire juger de l'à-propos.
répondit Philippe, je serai court comme le té- Plût au ciel qu'il pût y avoir à cet égard un art
moin. Le mot fit rire; mais malheureusement. et des règles Mais le seul maître, c'est la nature.
L. Aurifex,undes juges, était encore plus court LXL Exposons maintenant en peu de mots
que le témoin, et les rires retombèrent sur les moyens les plus propres à produire le rire.
lui. Ce n'était plus qu'une bouffonnerie indé- Toute plaisanterieconsiste dans la pensée ou dans
cente. Rejetez donc comme déplacées les saillies l'expression. Celle qui réunit ces deux mérites est
même les plus piquantes lorsqu'elles peuvent sûre d'un plus grand succès. Mais ce qu'il ne faut
tomber sur des personnes que vous ne voulez pas jamais perdre de vue, c'est que de ces mêmes
blesser. C'est le défaut d'Appius il a la préten- sources du ridicule que je vais indiquer, peuvent
tion d'être plaisant, et il l'est en effet; mais il presque toujours aussi se tirer des pensées graves.
tombe souvent dans la bouffonnerie. Il dit un La seule différence, c'est que la pensée grave
jour à C. Sextius, mon ami ( vous savez qu'il est s'applique sérieusementà une qualité estimable,
borgne) Je souperai ce soir chez vous, car je la plaisanterie, à une chose basse et laide. Ainsi
vois qu'il y a place pour un. Cette grossièreté les mêmes termes peuvent renfermer l'éloge d'un
bouffonne était d'autant plus déplacée que Sex- serviteur fidèle, ou une épigramme contre un es-
tius ne l'avait pas provoquée, et qu'elle pouvait clave fripon. C'est un mot ancien et connu que
s'appliquer à tous les borgnes. Ces mots ne font celui de Néron sur un esclave qui le volait Ces/.
pas rire, parce qu'ils paraissent préparés d'a- le seul dans la maison, pour lequel il n'y ail
vance. La repartie de Sextius vaut beaucoup rien de. scellé ni de fermé; ce mot est satirique;i
mieux Lavez vos mains, et vous viendrez on l'applique tout aussi bien à un serviteur fidèle,
souperavec moi. sans y changer une seule syllabe. Je le répète,
Saisir l'à-propos, modérer ses saillies, être le sérieux et le plaisant ont la même origine. Sp.
maltre de sa langue et sobre de bons mots, voilà Carvilius boitait beaucoup des suites d'une bles-
donc les qualités qui doivent distinguer l'orateur sure qu'il avait reçue en combattant pour Rome;i
du bouffon. N'oublions pas non plus que lors- il avait quelque honte de se montrer ainsi en pu-
que nous plaisantons, c'est moins pour faire rire, blic Pourquoi crains-tu de le montrer? lui dit
que dans l'intérêt de notre cause; au lieu que les sa mère; tu ne saurais faire un pas sans te rap-
bouffons raillent à tout propos et sans motif. Que peler ta valeur. C'est une pensée sérieuse et no-
revint-il à Vargula de sa bouffonnerie, lorsque ble. Glaucia disait en voyant Calvinus qui boitait
Sempronius, qui sollicitait une magistrature, aussi Où est le vieux proverbe qui dit Est-
étant venu avec son frère se jeter à son cou, il ce qu'il ne marche pas droit? » Non, il cloche.
dit à un esclave Esclave, chasse les mouches. C'est une plaisanterie les deux traits cependant
Vargula ne cherchait qu'à faire rire, et l'on ne j portent sur la même infirmité. Quid hoc Névi»
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saurait, selon moi, faire de son esprit un plus iynavius? ce mot de Scipion est sérieux. Cet

tiescumque potueritdictum dici, necesse habeamtis dicere. mea sententia, vel tenuissimtis ingenii fruotus. Tempus
J'nsillus testis processit. « Licet, inquit, rogare? » Philip- igitur dicendi prudentia et gravitate modéra bîmur quarum
pus. Tnm quaesitor properans, Modo breviter. » Hic utinam artem aliquam haberemus! sed domina natura est.
ille « Non accusabis; perpnsillum rogabo. » Ridicule. Sed LXI. Niinc exponamus genera ipsa summatim, quae ri-
sedebat judex L. Aurifex brevior etiam, quant testis ipse: sum maxime moveant. Haec igitur sit primapartilio,quod
omnis est risus in judicem conversus; visum est totum facete dicatur, id alias in re haberi,alias io verbo; facetiis
scurrile judicium. Ergo haec, quse cadere possunt in quos autem maxime homines delectari, si quando risus con-
nniis quamvis sint bella, sont tamen ipso genere scurrilia. juncte, re \erboque, moveatur. Sed hoc nieinentote,
îït iste, qui se vult dicacem, et meherculc est, Appius, quosciimque locos attingam, unde ridicula ducantur, ex
fied nonnunqiiatn id hoc vitium scurrile delabitur. « Cœ- iisdem locis fere etiam graves sententias posse duci. Tan-
nubo inquit, ajmd te, n huic lusco fttmiliari meo, C. tum intcrest, quod gravitas bnuestis in rébus severe jocus
S(;x! iouni enim locum esse video. Est hoc scurrile in tmpiculis et quasi delormibns ponitur velut in iisdem
el quod sine causa lacessivit; et tamen id dixit, quod in verbis etlaudare frngi servum possumus, et,si si estnequum
omnes liiscos conveniret. Ea, quia medilataputantur esse, jocari. Ridicuhim est illnd Neronianum vetus in furace
minus ridentur. Illud egregium Sextii, et ex tempore, servo, « Solum esse, cui domi nihil sit nec obsignatum,
« Manu» lava. inquit, et cœnu. » nec occlusum » quod idem in bono servo dici solet sed
Temporis igitur ratio, et ipsius dicacitatis moderatio et hoc iisdem etiam verbis. h\ iisdem autem locis oinni»
teinperantia et raritas dictorum, distinguet oratorem a nascuntnr. Nam qund Sp. Carvilio graviter claudicanti ex
scurra; et, quod nos cum causa dicimus non ut ridiculi vulnere ob rempublicam accepta, et ob eam causam vere-
videamur, sed ut pruficiamus aliquid, illi totum diem, et cundanti inpubticumprodire,mater dixit, » Quinprodis,
sine causa. Quidenini est Vargula assecutus, quum eum mi Spuri ? quoliescumque gradum faciès, tolies tibi tuarum
caudidatus A. Sempronius cum M. suo fratre, complexus virtnlum veniat in mentem » preclarum et grave est
esset « puer, abige muscas? » Risum quœsivit, qui est Quod Calvino Glaucia claudicanli Ubi est velus illnd?t
autre de Philippe à quelqu'un qui avait l'haleine mais l'orateur ne doit le hasarder qu'en passant
forte Video me a te circumveniri [hircum ve- et comme à la dérobée; autrement il est ignoble.
nin}, n'est qu'une raillerie; et pourtant ces deux Les grimaces, qui forment le troisième genre,
traits consistent également dans une légère al- sont indignes de nous. Enfin, le quatrième, ce-
tération des mots. lui des plaisanteries obscènes, non-seulement
Les mots à double entente ont aussi beaucoup doit être banni du barreau, mais serait toujours
de sel mais ils ne sont pas toujours plaisants déplacé entre honnêtes gens, même dans la li-
quelquefois ils comportent un sens sérieux. Le berté des festins. Après avoir retranché tant de
premier Africain voulait, dans un festin, ajuster sortes de plaisanteries du domaine de l'éloquence,
à sa tête une couronne de fleurs qui se défaisait il reste celles qui, suivant notre division, consis-
souvent. Il n'est pas étonnant qu'elle n'aille pas tent, ou dans la chose même, ou dans l'expres-
bien, lui dit Licinius Varus; la tête est trop sion. Les premières sont celles dont on peut
grande. Le mot est beau et renferme un éloge changer les termes sans détruire la plaisanterie;
délicat. Un trait bien différent, quoique appar- au lieu que le sel des autres tient aux mots et
tenant au même genre, estcelui-ci Calvus parle disparaît avec eux.
Les mots à double sens sont une plaisanterie
peu, et il en dit toujours assez. En un mot, il
n'est aucune sorte de plaisanterie qui ne se prête d'expression et non de chose. Ils sont ingénieux,
il un sens grave et sérieux. mais il est rare qu'ils fassent beaucoup rire. Ils
C'est encore une remarque à faire que ce qui plaisent plutôt comme une marque d'esprit et de
fait rire n'est pas toujours d'un bon genre de plai- finesse. Tel est le mot de Térentius Vespa sur
santerie. Qu'y a-t-il de plus risible que notre Titius, qui aimait beaucoup la paume, et qu'on
Sannion? Mais c'est sa bouche, son visage; ce accusait de mutiler pendant la nuit les statues
sont ses imitations grotesques, sa voix, toute sa sacrées dont il emportait les débris. Ses camara-
personne enfin, qui provoquent le rire. On peut des se plaignant de ce qu'il n'arrivait pas au
dire de lui qu'il est divertissant, mais à la ma- Champ de Mars Ce n'estpassafaute, ditVespa,
nière d'un mime, et non comme il convient à l'o- ilun bras cassé. Tel est encore celui de Scipion
rateur. l'Africain dans Lucilius
LXII. Ainsi ce premier genre de ridicule, ce-
Quoi! veux-tu, Décins, pourfendre Nucula?
lui qui fait le plus rire, n'est pas de notre ressort:
comme l'humeur difficile et bizarre, la supersti- Tel est enfin, Crassus, celui de votre ami Gra-
tion, la défiance, la vanité, l'extravagance. Ici nius Non esse sextantis. C'est là, surtout, le
ce sont les caractères mêmes qui sont tournés en genre des diseurs de bons mots; mais les autres
ridicule. ÎN'ous les livrons à la raillerie, mais nous plaisanteries excitent plus le rire. Un mot à dou-
ne les jouons pas nous-mêmes. Le second genre, ble entente plaît, comme je l'ai dit, parce qu'il
celui de la parodie, fait aussi beaucoup rire; faut de l'esprit pour donner à un mot un sens

mun clandicas? at hic clodicat » ridiculum est. Et genus est imitatione admodum ridiculum, sed nobis tan-
utrumque ex eo, quod in claudicatione animadverti po- tum licet furtim, si quando, et cursim; aliter enim mini-
tuit, est dnctum. « Qnid hoc Nevio ignavius? » severe me et liberale. Tertium, oris depravatio,non cligna nobis.
Scipio. At in male olenlem Video me a te circumvenùï w Quartum, obscœnitas, non solum non foro digna, sed vix
subridicnle Philippus. At ntrumque genus continet verbi convivio liberorum. Dctractis igitur tôt rebus ex hoc ora-
ad litteram immutati similitudo. torio loco, facetiœ reliquae sunt, quaeautin re, ut ante
Ex ambiguo dicta, vel argutissima pulantur, sed non divisi, positse videntur esse, aut in verbo. Nam quod,
semperin joco, sœpe etiam iu gravitateversantur. Africano quibuscumque verbis dixeris, facetum tamen est, rc con-
illi majori, coronam sibi in ronvivio ad caput accommo- tinetur quod mntatis verbis salem amittit, in verbis ha-
danti, quum ca saspius rumperetur, P. Licinius Varus bet leporem omnem.
« Noli mirari,
inquit, si non convenit capn t enim magnum Ambigua sunt in primis acuta, atque in verbo posita.
est » laudabile, et honestum. At ex eodem genere est, non in re sed non sœpe magnum risum movent magis ut
« Calvus satis est,
quod dicit parum. Ne mnlla nullum belle et litterate dicta laudantur ut in illum Titinm queni
genus est joci.qno non ex eodem severa etgravia sumantur. quum studiosepilaluderet,et idem signa sacra noctu fran-
Atque hoc etiam animadvertendnm, non esse omnia gere putaretur, gregalesque qnum in campum non venis-
ridicula faceta. Quid enim pntest esse tam ridieulum,quam set, requirerent, excusavit Vespa Terentius, quod eum
Sannio est? Sedore, vultu, imitandis moribus, voce, de- « brachium (régisse » diceret; ut illud Africani, quod est
nique ipso corpore ridetur. Salsum hune possum dicere, apud Lucilium
atque ita, non ut ejusmodi oratorem esse velim, sed utQuid? Decius, Nuculam an confixum vis facere.? inquit.
nrimum.
LXII. Quare primum genos hoc, quod risumvel maxime Ul tuus amicus, Crasse, Granius, « non esse sextantis. »
movet, non est nostruiu morosum, superstitiosnm, Et, si quseritis is, qui appellatur dicax, hoc genere ma-
MBpiciosum gloriosimi, stultum naturae ridentur ipsae xime excellet; sed risus movent alia majores. Ambiguum
qaas personas agitare solemus, non sustinere.
Alterum [>er se ipsum probatur id quidem,ut ante dixi, vel maxime
différent de celui dans lequel il est pris ordinai- mobilior, au lieu de Nobilior. Une antre fois,
rement mais il étonne plus qu'il ne fait rire, à comme il avait dit, Eamus deambulalum; Quid
moins qu'il ne rentre dans quelque autre genre opus fuit de? lui répondit-on Quid opus fuit
de plaisanterie plus risible. TE? répliqua-t-il. C'est lui qui dit encore Vous
LXIII. Je vais parcourir ces divers genres. êtes également impur, adversus et aversus. L'é-
Vous savez qu'un des plus ordinaires est de faire tymologie qu'on donne d'un nom propre pour le
attendre une chose et d'en dire une autre. Alors tourner en ridicule, a aussi quelque chose de
nous rions nous-mêmes de notre méprise. S'il s'y piquant. Ainsi, je dis un jour que Nummius, le
joint un mot à double sens, la plaisanterie y ga- distributeur d'argent, avait pris son nom au
gne beaucoup. Par exemple, dans Névius, un Champ de Mars, comme jadis Néoptolème avait
homme voyant passer un débiteur qu'on livrait pris le sien sous les murs de Troie. Toutes ces
à son créancier, demande avec un air de com- équivoquesroulent sur le mot.
passion pour quelle somme on l'adjuge. Pour LXIV. Un vers cité textuellement ou avec
mille sesterces, lui dit-on. S'il se fût contenté de quelque altération, ou même un simple hémis-
dire Vous pouvez l'emmener, il aurait surpris, tiche, sont quelquefois d'un effet agréable. Sta-
parce qu'on s'attendait à autre chose; mais il tius fit rire toute l'assemblée en appliquant à
répond Je ne dis rien de plus. Vous pouvez Scaurus, qui s'emportait, ces vers d'un poëte
<
l'emmener. » Ce mot à double sens rend, selon comique (et ce fut, dit-on, Crassus, l'occasion
moi, le trait fort comique. C'est encore une plai- de votre loi sur le droit de cité)
santerie heureuse que de s'emparer dans la dis- Paix donc! quel vacarme! pourquoi tant
pute des propres paroles de l'adversaire; et, d'arrogance quand on n'a ni père ni mère?
comme fit Catulus à l'égard de l'orateur Philippe, Soyez plus modestes.
de lui renvoyer le trait même qu'il vous a lancé.
Mais comme il y a plusieurs sortes d'équivoques, Vous tirâtes avantage, Antoine, d'une plaisan-
dont on a fait des analyses un peu subtiles, di- terie semblable dans votre plaidoyer pour ce ci-
sons qu'il faudra se tenir soigneusement à l'affût toyen accusé par Célius, qui avait un fils fort
des mots. En évitant tous ceux qui seraient froidi débauché, d'avoir reçu de l'argent contre la loi;
(car malheur à celui dont les bons mots parais- vous dites quand le témoin se retirait
sent cherchés!) avec un peu de goût, on saura
Le bonhomme à coup sûr en est pour trente mines ?
encore en trouver un assez grand nombre d'a-
gréables. Dans ce genre, on emploie aussi les proverbes
L'autre genre est celui qui consiste à faire tel est ce mot de Scipiou contre Asellus, qui se
éprouver à un mot une légère altération, quel- vantait d'avoir parcouru, dans ses campagnes,
quefois d'une seule lettre. Les Grecs l'appellent toutes les provinces de la république, Agas Asel-
paronomase. Ainsi, Caton appelait M. Fuvilus, lum, etc. Comme le sel de ces sortes de plaisan-

iiijpniosl enim videtur, vim verbi in aliud, atque ceteri quum cuidam dixisset, « Eamus deambulatum, » et ille,
accipiant, poste ducere; sed admirationem magis, quam « Quid opus luit de ? » Imo vero, inquit, quid opus fuit
risum movet, nisi si quando incidilin aliud genus iiMicnli. te? » aut ejusdem responsio illa, Il Si tu et adversus, et
LXIII. Quae genera percurrara equidem. Sed scitis esse aversus impudicus es. » Etiam interpretatio nominis habet
notissimuni ridiculi genus, quum aliud exspectamus, acumen, quum ad ridiculura convertat, quamobrem ita
aliud dicitur. Hic nobismet ipsis noster error risu m movet. quis vocetur; utego nuper, Nuinmium divisorem ut Neo-
Quod si admixtnm est etiam ambiguum, fit salsins ut ptolemum ad Trojam, sic illum incampo Martio nomen in-
«pnd Nœvium videtnr esse misericors ille, qui judicahim venisse. Atque baec omnia verbo continentur.
duci videns, percunctatur ita, Quanti addictus?"Mille LXIV. Saepe etiam versus facete interponitur, vel ut est,
minimum. » si addidisset tantummodo, « Ducas licet; » vel paullulum immutatus aut aliqua pars versus ut Sla-
esset illud genus ridiculi prêter exspectationem sed quia tius Scauro stomachanti; ex quo sunt nonnulli qui tuam
aililidit, « iMliil addo, ducas licet; » addito ambiguo, al- legem decivilate natam, Crasse, dicant:
tero genere ridiculi fuit, ut înihi quidem videtur, salsissi-
SI1 tacete, quid hoc clamoris? quibu' nec mater, nec pater,
ninm. Hoctnm est venustissimum, quum in altercations Tanta couliilenUa estis? auferte istam enim superhiaiii.
ampitur ab adversario verbum, et ex eo, ut a Catulo in
rhilippuni, in eum ipsum aliquid, qui laceisivit, infligi- Nam in Ctclio sane etiam ad causam utile fuit tuum illud,
tur. Sed quum plura sint anibigui pi liera, de quibus est Antoni, quum ille a se pecuniam profectam diceret testis,
loclrina quaedam subtilior; attendere et aucupari verba et haberet filium delicatiorem, abeunte jam illo,
oportebit in quo, lit ea, quse sint frigidiora, vilemus Sentin1 senem esse tactum Irlgiota minis?
(etenim cavendum est, ne arcessitum dictum putetur)
permulla tamen acute dicemus. In hoc genus conjiciuntur proverbia ut illud Scipio.
Allerum genus est, quod babel parvam verbi immuta- nis, quum Asellus omnes provincias stipendia merentem
tinnem quod in liltera positum, Giœci vocant napovoiia- se peragrasse gloriaretur, « Agas asellum, et cetera. Quare
7tïv, ul Nubfliorem, « inobiliorcm » Cato; aut ul idem, eaqunque quoniam mutatis verbis lion possunt retinere
teries disparatt lorsqu'on en change l'expression, mettez-vous, si j'attaque votre loi, de ne pas me
il faut les ranger parmi celles de mots et non de dire d'injures, comme vous avez fait aux autres?
choses. Vous recueillerez, lui répliqua Pinarius, se-
Une autre du même genre, qui est encore as- lon ce que vous aurez semé. De la métaphore
sez agréable, c'est de s'attacher à la lettre et non Les Corinthiens promettaient à Scipion de lui
à l'esprit d'un mot. C'est tout le mérite du Tu- ériger une statue à côté de celles de leurs géné-
leur, ancien mime fort plaisant. Mais sans m'ar- raux Je n'aime pas les escadrons, répondit-il.
rêter aux mimes, je veux seulement faire com- De l'antiphrase Crassus plaidait un jour devant
prendre par quelques traits remarquables et M. Perperna, pour Aculéon, contre Gratidia-
connuscedernier genrede plaisanterie. Quelqu'un nus celui-ci avait pour défenseur Élius Lamia,
vous dit dernièrement, Crassus, qu'il espérait qui était fort laid, comme
vous savez, et qui
ne pas être importun en allant vous voir au point interrompait Crassus à chaque phrase Écou-
du jour. Vous ne m'importunerez point, lui ré- tons, s'écria-t-il, ce jeune et bel orateur. Tout
pondîtes-vous. Vous donnerez donc ordre qu'on le monde de rire. Je n'ai pu, dit Lamia, me
vous éveille? – Mais je disais tout à l'heure que formerles traits du msage;j'ai pu me former
vous ne m'importuneriez point. Telle est encore l'esprit. Écoutons done cet éloquent orateur,
la repartie de M. Scipion Maluginensis, lorsque reprit Crassus, et les ris redoublèrent.
le héraut, proclamant le nom d'Acidinus, pro- Ces diverses figures s'emploient avec un égal
posé par sa centurie pour le consulat, vint a lui succès dans le genre grave et dans le genre plai-
dire Quelle est votre opinion sur L. Manlius? sant car, je l'ai déjà dit, le sujet des plaisante-
Je crois, répondit Scipion, que c'est un ries et des pensées nobles est différent, mais les
honnête homme et un excellent citoyen. La ré- mêmes formes servent à l'un et à l'autre. Un des
ponse que L. Nasiea fit à Caton le censeur, n'est plus grands ornements du discours est l'anti-
pas moins plaisante. Avez-vous une femme à thèse, et elle rend aussi la plaisanterie plus pi-
votre jrrePluidemandaitcelui-ci-.–Oui, répondit- quante. Servius Galba, accusé par le tribun L.
il, mais nonpas à mon gré. Ces sortes de repar- ScriboniusLibon, choisissait tous ses juges parmi
ties sont froides, si elles n'ont pas quelque chose ses amis et ses compagnons de table. Quand sor-
d'inattendu. Nous rions alors de notre méprise, tiras-tu de ta salle à manger? lui dit Libon.
et ce mécompte de notre esprit se change en Quand tu sortiras toi-méme de la chambre à
plaisir. coucher d'autrui, répliqua-t-il. Ce que dit Glau-
LXV. Ce sont encore des plaisanteries de cia à Métellus est à peu près du même genre
mots, que celles qui se tirent de l'allusion, de la Tu as ta campagne à Tibur, etta basse-coursur
métaphore, de l'antiphrase. Exemple de l'allu- le mont Palatin.
sion Pinasius Rusca proposait sa loi sur l'âge LXVI. Je crois avoir assez parlé des plaisan-
nécessaire pour l'exercice des magistratures. M.'1 teries qui consistent dans les mots celles qu'on
Servilius, qui s'opposait à la loi, lui dit Me pro- tire des choses mêmes sont en plus grand nombre,
eamdem venustatem, non in re, sed in verbis posita du- qnum legem ferret annalem, dissuasor M. Servilius, « Die
cantur.
Est etiam in verbo positum non insulsum genns, ex en, male Jiclurus es, ut ceteris feristi?
quum ad verbum non ad sententiamrem accipere videare

mihi, inquit, M. Pinari, nom, si contra te dixero, mihi
Ut sementem
feceris, ita metes, » inquit. Ex translatione autem, ut,
oppido quum Scipio ille major Corinthiisstatuampolliccntibusco
ex quo uno genere totus est Tutob mimus vetus,
ridicnlus. Sed abeo a mimis tantum genus hujus ridiculi loco, ubi aliorum essent imperatorum, « turmales dixit
insigni aliqua et nota re notari volo. Est autem ex hoc displicere. v Jnverluntur autem verba,ut, Crassus apuil
M. l'erpernam judicem pro Aeuleone quum diceret, aderat
genere illud, qnod tu, Crasse, nuper ei qui te rogasset
Gratidiano L. ^Ëliiis Lamia, deformis,
num tibi molestus esset futurus, si ad te bene ante lucem contra Acnleonem
venisset « Tu vero, inquisti, molestus non eris. » – ut nostis; qui quum interpellaret odiose « Audiamus,
Il
Jubebis igitur te, inqnit, suscitari?» Ettu,« Certe ne- inqnit, pulchelluni puerum, Crassus. Quum esset arri-
garam te molestum futurum. » Ex eodem hoc velus illud sum, a Non potui mihi, inquit Lamia, formam ipse fmgere
est, quod aiunt Maluginensem illuni M. Scipionem, quum ingenium potui. » Tum hic, « Audiamus,inquit, disertum. »
ex centnria sua renuntiarct Acidinum consulem prœcoque Multo etiam arrisum est vehementius.
dixisset, « Die de L. Manlio; » – « Virum bonum, in. Snnt etiam illa venusta, ut in gravibus sententiis, sic
quit, egregiumque civem esse arbitror. » Ridicule etiam in facetiis. lM\i enim dudum, materiam aliam esse joci,t
illud. L. Porcius Nasica censori Catoni, qimm ille, lix tni aliam severitatis; gravium autem, et jocorum unam esse
animi sententia tu uxorem habes? » – « Son hercule, in- rationem. Ornant igitur in primis oiationem verba relata
quit, ex mei animi sententia. » Itoc aut frigida sunt, aut contrarie quod idem genus saepe est etiam facetum ut,
tum salsa, qunm aliud est exspectatum. Satura enim nos Servius ille Galba qunm judices L. Scribonio tribuno ple-
(ut ante dixi) noster delectat error ex quo, quum quasi bis ferret familiares suos et dixisset Libo « Quando tan-
decepti sumus exspeclalione, ridemus. dem, Galba, de triclinio tuo exibis?.» – « Quum tu, inquit,
LXV. In verbis etiam illa sunt quae aut ex immutatn de cubiculo alieno. » A quo genisie ne illud quidem pluri-
oratione ducuntur, aut ex unius verbi Iranslatione aut ex mum distat, quod Glaucia Metello, «Yillam iu Tiburte
inversionc verbomm. Ks inïntiitaiione; ut olim Rusca hahes, corlem in l'alatio. »
vt, comme je t'ai dit, elles font rire davan- Je vais montrer votre portrait à rassemblée.
tage. Un conte placé à propos est sûr de plaire – Montrez-le, répondit-il, je vous enprie.Alors
mais le pas est glissant car il faut que rien dans je montrai du doigt, dans le bouclier cimbre de
les récits, rien dans les peintures, ne choque la Marius, près des boutiques neuves, un Gaulois
vraisemblance, et qu'en même temps tout y soit tout contrefait, qui tirait une langue énorme, et
assaisonné de cette pointe de ridicule qui carac- avait les joues pendantes. Tout le monde éclata
térise la plaisanterie. Je ne puis en citer un de rire, et on trouva la ressemblance parfaite.
exemple plus court et plus frappant que celui de Une autre fois je dis à Titus Pinarius, qui tordait
Crassus plaidant contre Memmius je vous en le menton en plaidant Avant deparler, com-
j
ai parle plus haut. Les apologues sont du même j menées par casser la noix que vous avez dans
genre. L'histoirefournitaussidestraitsplaisants la bouche.
Sextus Titius se comparait à Cassandre. Les hyperboles soit qu'on exagère soit
Oui, lui répondit Antoine, et je puis nommer qu'on atténue, peuvent être poussées jusqu'à un
vos Ajax. degré d'exagération extraordinaire. Ainsi, Cras-
On en tire encore des similitudes, qui com- sus, vous disiez de Memmius Il se croit si
prennent les comparaisonset les rapprochements grand, qu'en venant au forum, ilsebaisse pour
par image. Voici un exemple de comparaisons passer sous l'arc de Fabius. De même Scipion,
Gallus, déposant contre Pison, accusait Magius sous les murs de Numance, s'emportant contre
le préfet d'avoir reçu de très-grandes sommes Métellus, s'écria: Si votre mère accouche une
d'argent. Scaurus, pour repousser l'inculpation, cinquième fois, à coup sûr ce sera d'un âne.
objectait la pauvreté de Magius. Vous ne me Une plaisanterie qui a de la finesse, c'est
comprenez pas, reprit Gallus; je ne dis pas que lorsque, par une circonstance peu importante,
Magius ait gardé cet argent il a fait comme souvent par un seul mot, on laisse percer une
un homme nu qui cueille des noix, et qui ne pensée cachée. P. Cornélius, à qui l'on reprochait
peutles emporter que dans son ventre. Le mot son avarice et ses déprédations, passait en même
du vieux Marcus Cicéron, père de l'estimable temps pour un général brave et habile. Comme
Cicéron, notre ami, est du même genre Nos il remerciait C. Fabricius de lui avoir, malgré
Romains ressemblent aux esclaves de Syrie; son inimitié, donné sa voix pour le consulat,
celui qui sait le mieux le grec est le plus mé- dans un temps où Rome soutenait une guerre
chant. dangereuse Vous ne me devespas de reconnais-
Les rapprochements par image apprêtent tou- sance, lui dit celui, j'ai mieux aimé être pillé
jours beaucoup à rire, parce qu'ils portent le plus que vendu. Asellus reprochant à Scipion les
souvent sur quelque difformité, sur quelque dé- malheurs du dernier lustre Ne vous en étonnez
faut naturel, que l'on compare à un objet en- point, lui répondit Scipion; le censeur qui vous
core plus laid. Jedisun jour à Helvius Mancia a réhabilité a fait la cérémonie lustrale et im-

LXVI. Ac verborum quidem genera quae essent faceta, ciam, n Jam ostendam, cujusmodi sis » quum ille,
dixisse me puto; reruni plura sunt, caque magis (ut dixi « Ostende qnaeso » demonstravidigito pictum Callum in
ante) ridentur in quibus est narratio; res sane diffieilis. Mariano scuto Cimbrico, sub Novis, distortum, ejecta
Exprimenda enim sunt, et ponenda ante oculos ea, qnae lingua buccis fluentibus risus est commotus; uibil tam
videanturesse verisimilia,quod est proprium narrationis, Manciae simile visum est. Ut quum Tito Pinario mentum
et quae sint, quod ridiculi proprium est, subturpfa cu- in dicendo intorquenti, « tum ut diceret, si quid vellet,
jus exemplum, ut brevissimum, sit sane illud, quod ante si nucem fregisset. »
posui, Crassi de Memmio. Et ad hoc genus adscribamus Etiam illa, quae minuendi, aut augendi causa ad incre-
etiam narrationes apologorum. Trahitur etiam aliquid ex dibilem admirationem eneruntur velut tu, Crasse, in
historia, ut, quum Sex. Titius se Cassandram esse dice- concione, « ita sibi ipsum magnum videri Memmium, ut
ret, « Multos inquit Antonius, possum tuos Ajaces Oileos in forum descendons caput ad fornicem Fabii demitteret. »
nominare. » Ex quo genere etiam illud est, quod Scipio apud Numan-
Est ctiam ex similitudine; quae aut collationem habet, tiam, quum stomacharetur cum C. Metello, dixisse dici-
aut tanqunm imagincm. Collationem ut ille Gallus olim tur, « Si quintum pareret mater ejus, asioum fuisse pari-
testis in Pisonem quum innumerabilem Magio praefecto luram. »
tiecuniam dixisset datam, idque Scaurus tenuitate Magii Arguta etiam significatio est, qunm parva re, et sxpe
redargueret « Erras, inquit, Seaure; ego enim Maginm verbo res obscura et latens illustratur ut, quum C. Fa*
non conservasse dico, sed, tanquam nudus nu ces legeret, bricio P. Cornelius, homo, ut existiroabatur, avarus et
in ventre abslulisse. » Ut ille M. Ciccro senex hujus viri furax, sed egregie fortis, et bonus imperator, gratias age-
optimi, nostri familiaris pater, « nostros homines sinu'les ret, quod se homo inimiciK consulem fecisset, bello prœ-
esse Syrorum venalium nt quisque optime graece sciret, sertim magno et gravi « Nihil est, quo mihi gratias agas,
ita esse nequissimum. »
Valde autem ridentur etiam imagines, i\«k fere in de-
inquit, si malui compilari, quam venire ut Asello
Africanus, objîcienti lustruin illud infelix, t Noli, inquit,
formitatem, aut in aliquod vitium corroris dncuntur cum mirari is enim, qui te ex aerariis exemit, lustrum coudi*
-.iitûlitudine turpioris ut meum illnd in Heïvium Man- dit, et buinitn Immolavit. » 'laciUi «uspicio est, utreR-
mole le taureau; donnant à entendre que Mem- de la vie où l'esprit et l'enjouement ne soient de
mius, en relevant Asellus de sa dégradation,mise. Mais je poursuis.
avait exposé Rome à In colère des dieux. Il est une espèce de plaisanterie qui se rappro-
LXVII. Quelquefois, par une dissimulation che de l'ironie; elle consiste à donner un nom
i
ingénieuse, on dit, non pas le contraire de ce honnête à des actions blâmables. Scipion, pen-
qu'on pense, comme dans le mot de Crassus àdant qu'il était censeur, lit descendre dans une
Lamia, mais autre chose que ce qu'on pense, entribu inférieure un centurion, qui ne s'était pas
employant une piquante ironie, déguisée sous un trouvé àla bataille livrée par Paul Émile le cen-
ton sérieux. Je citerai pour exemple la réponse de turion lui demanda la cause de cette sévérité
notre ami Scévola à Septumuléius d'Anagni cei alléguant pour excuse qu'il était demeuré dans
dernier venait de recevoir la récompense promise le camp pour le garder. Je n'aime pas, dit Sci-
à celui qui apporterait la tête de C. Gracchus, pion,fcs(?eîu<ro;>0a;<2cte.Ilyaaussidelafincsse
et il priait Scévola, nommé proconsul en Asie, tirer des paroles de son adversaire un sens qu'il
de l'emmener comme préfet. Que demandez- ne leur donne pas. Livius Saliaator, n'ayant pu
vous là, insensé que vous êtes? lui dit Scévola,i empêcher l'ennemi de prendre Tarente, défendit
il y a tant de mauvais citoyens à Rome, qu'en y la citadelle, et fit plusieurs sorties vigoureuses.
restant, vous y ferez, sur ma parole, une bril-• Quelques années après, Fabius Maximus ayant
lantefortune enpeu d'années. Fannius rapporterepris Tarente, Salinator lui dit Souvenez-vous
dans ses Annales, que Scipion l'Africain avait quevous me devez l'honneur d'avoir repris Ta-
beaucoup de goût pour ce genre de plaisanterie, rente. – Com ment ne m'en souviendrais-] e pas?
qu'il appelle du nom grec d'Ironie (eîptovcc). Ceux répondit Fabius. Si vous ne l'eussiez pas laissé
qui connaissent l'antiquité mieux que moi, assu- prendre, je ne l'aurais jamais repris.
rent, je crois, que Socrate excellait dans l'ironie, D'autres plaisanteries un peu naïves, et par
et qu'il y mettait plus de finesse et de grâce que là même assez risibles, paraissent appartenir aux
personne. Ce genre est de bon goût; il admet lat mimes mais l'orateur peut aussi en faire usage;
gravité sans rien perdre de son sel; il trouve
aussi bien sa
en
place dans les discours oratoires
voici des exemples

familière. En général,
¡
L'imbécile! à peine il a fait sa fortune qu'il
que dans la conversation I s'avise de mourir.
tout ce que j'ai dit sur la plaisanterie ne convient
pas moins aux entretiens particuliers qu'aux plai- Quelle est cette femme?- – C'est mon épousa.
i
doiries du barreau. Caton, qui rapporte une foule – En effet, elle te ressemble.
de traits de ce genre d'où j'ai tiré mes exemples,
Tant qu'il a été aux eaux, il n'est pas mort.
cite ce mot de C. Publicius, qui me paraît très-
juste Mummius estun homme de tous les mo- LXVIll. Ce genre est assez frivole, et appar-
ments. En effet, il n'y a aucune circonstancei tient, comme je l'ai dit, aux mimes; mais nous
gione civitatem obstrinxisse videatur Mummius, quod quo non deceat leporem humanitatemque versari. Sed
Asellum ignominia levarit. redeo ad cetera.
LXVII. Urbana etiam dissimulatio est, quum alia <li- Est huic finitimum dissimulationi, qunm honesto verbo
ouutur, ac sentias, non illo genere, de qno ante dixi, quum
Nitiosa res appellatur ut quum Africanus censor tribu
contraria dicas, ut Lamiœ Crassus, sed quum toto génère rat movebat eum centurionem, qui in Paulli pugna non aflue-
orationis severe ludas, quum aliter sentias, ac luquace quum ille se custodi% causa diceret in castris- reman-
sisse, quœreretque cur ah eo notaretur » Non amo,
ut nosteriSeœvola Septumuleio illi Anagnino, cui pro C.t inquit, nimium diligentes.» Acutum etiam illud est, quuin
Cracchi capite erat aurum repensum, roganti, ut se in
Asiam prafectum duceret, « Quid tibi vis,inquit,insane? ex alterius oratione aliud exiipias, atque ille vult ut
SalinatoriMaximus, quum, Tarcnto amisso, arcem tamen
tanta malornm est muUitudo civium, ut tibi ego hoc con- Livius
j retinuisset, niultaque ex ea prœlia prstclara fecis-
nrmem, si Romse manseris, te paucis annis ad maximas
pecunias esse venturura. In hoc genere Fannius in an- set, quum aliquot lost annos Maximus id oppidum ri>-
t cepisset, rogaretque eum Salinator, ut meminisset, opera
nalibus suis Africanum hune .ïmiliamim dicit fuisse, et
sua se Tarentum recepisse « Quidni, inquit, meminerim ?
ettm graeco verbo appcllat Eipiavoc sed, nti ferunt, qui me-
lius haec norunt, Socratem opinor in hac ironia dissimu- nunquam enim recepissem nisi tu perdidisses. »
Sunt etiam illa subabsurda sed eo ipso nomine s£pe ri-

oratoris dictionibus, tum urbanis sermonibus accommo.


datum. Et hercule omnia haec, quœ a me de facetiis di-
sputanlur,'non majora forensiu m actionum, quara omniumt
eermonum condimenta sunt. Nam quod apud Catonem
Homo
lantia que longe lepore et humanitate omnibusprœstitisse. «licula
Genus est perelegans, et cum gravilate salsum, quumque modo nobis
non solum mimis perapposita, sed etiam qnodam-

-Qnidcst
Posiquaui rem habere
tatous
cœpit, est mortuus.
UM
Quid est tihi
l»ta millier? – Uxor. – similis medius iidiuB.
est, qui multa retulit, ex quibus a me exempli causa multa «
ponuntur, per mini scituin videtur, C. Publicium solitum
dicere, « P. Mummium cuivis tempori hominem esse. » Quandiu ad aquas fuit, nunquam est mortous.
Sic profecto res se habet, nulluru nt sit vita? tempus, ini LXVHT. Genushoclevius, et, ut dixi mimicum aed
en faisons quelquefois usage, lorsqu'un homme nous. Q. Opimius, consulaire, dont la jeunesse
d'esprit, par exemple, semble dire une niaiserie n'avait pas été irréprochable, disait à Égilius,
qui devient piquante dans sa bouche. Tel est, An- homme enjoué, et qui paraissait un peu efféminé,
toine, le mot de Mancia, en apprenant que M. quoiqu'il ne le fût pas Ma petite Égilic quand
Duronius vous accusait de brigue, dans le cours viendras-lu chez moi, avec ta quenouille et ton
de votre censure. Enfin, dit-il, vous allez pou- fuseau? Je n'oserais, lui répondit Égilius;
voir vous occuper de vos propres affaires. Ces ma mère m'a défendu d'aller chez les femmes
mots, que les personnes spirituelles ont l'air de de mauvaise réputation.
laisser échapper sans intentionet avec naïveté, ne LXIX. Les reparties qui cachent une intention
manquent jamais d'exciter le rire. J'en dis au- maligne ont aussi beaucoup de sel. Telle est celle
tant des réponses où l'on ne paraît pas mettre de ce Sicilien, à qui un ami disait en pleurant
toutelaflnessequ'ony met réellement. Quedites- que sa femme s'était pendue à un figuicr De
vous, demandait-on à Pontidius, de celui qui est grâce, lui répondit-il, donnez-moi des boutures
surpris en adultère? Quec'estun maladroit, de cet arbre, pour que je les plante chez moi.
répondit-il. Métellusm'avaitcomprisdans une le- Un mauvais orateur, qui croyait avoir vivement
véedesoldats; comme,pourm'enexempter,j'al- ému l'auditoire dans sa péroraison, disait à Catu-
léguais la faiblesse de ma vue, et qu'il goûtait fort
peu mon excuseVous ne voyez donc pas du tout ?
me dit-il. – Pardonnez-moi, lui répondis-je; de
lus en s'asseyant après son discours Ne pen-
sez-vous pas que j'ai su exciter la pitié?
Assurément, lui répondit-il, je ne crois pas qu'il

la porte Esquiline je vois votre maison de cam- y ait une âme si dure dont votre discours n'ait
pagne. Scipion Nasica était venu pour voir le excité la pitié. Rien ne me paraît plus risible
poëte Ennius, et le demandait à sa porte. La ser- qu'un mot de dépit ou d'humeur, quand toute-
vante répondit que son maître n'était pas au lo- fois ce n'est pas un homme naturellement cha-
gis. Nasica comprit qu'elle parlait ainsi parce grin qui le prononce; car alors ce ne serait plus
qu'elle en avait reçu l'ordre, mais qu'Ennius était la repartie, mais le caractère qui me ferait rire
bien chez lui. Quelques jours après, le poëte vint dans ce genre, les vers suivants de Névius me
à son tour chez Nasica; et comme il le deman- semblent fort comiques.
dait aussi à la porte II est sorti, cria Nasica lui-
Mon père, vous pleurez? La chose est surprenante!
même. Vous vous moquez, dit Ennius; croyez- Quand je suis condamné faut-il donc que je chante?
vous que je ne reconnais pas votre voix!'
Vous êtes bien plaisant, réplique Nasica; lors- Dans un sens inverse, la patience et le sang-
que je suis allé vous demander, fai cru votre froid peuvent aussi faire rire. Un crocheteur, qui
servante, qui me disait que vous n'y étiez pas, portait une armoire, après avoir heurté Caton,
et vous ne voulezpas me croire moi-même? cria Gare. Est-ce que tu portes encore autre
Il y a aussi beaucoup d'adresse à faire retom- chose? lui dit celui-ci. Il y a une manière détour-
ber sur un autre la raillerie qu'il lançait contre née et plaisante de se moquer de la sottise. Scipion,

hahet nonnunquamaliquid etiam apud nos loci, ut vel non sularis, qui adolescentulusmale audisset, festivo homini
stultus quasi stultc cum sale dicat aliquid ut tibi, Antoni, Egilio, qui videretur mollior, nec esset, dixisset,Quid
Mancia, quum audisset te censorem a M. Dnronio de am- tu Egilia mea? quando ad me venis cum tua colu et lana?
hitn pnstiilatuin,"Aliquando, inquit, tibi tuum negotiutn –mater accedere. »
Non pol, inquit, audeo nam me ad famosas vetuit
agere licehit. » Yalde haec ridentur, et hercule omnia qune
a prudentibus, quasi per dissimulationem non intelligent!) LXIX. Salsa sunt etiam quœ habent suspicionem ridi-
suhabsurde salseque dicuntur. Ex quo genere etiam, non culi absconditam; quo in genere est iHvnl Siculi, cui, quum
videri intelligere quod intelligas, ut Pontidius, Qiiiilem familiaris quidam quereretur, quod diceret, uxorem snam

existimas.quiinadulteriodeprehenditur?» « 'farduui.
Ut ego, qui in delectu, Metello, qnum excusationem oen-
suspendisse se de fieu, « Amabo te, inquit, da mihi ex ista
arbore quos seram, snrculos. » In eodem genere est, qnod
lonim a me non acciperet, et dixisset, « Tu igitur nihil Catulus dixit cuidam oratori malo; qui quum in epiiogo

vides? •< Ego vero, inquam, a porta Esquilina video
villam tuam. » Ut illud Nasicœ, qui qnum ad poetam
misericordiam se movisse pularet, postquam assedit, ro-
gavit hune, videreturne misericordiam movisse « Ac ma.
Ennium venisset, eique ab ostio quaerenti Ennium, ancilla gnam quidem, inquit; neminem enim puto esse tam du-
dixisset, domi non esse; Nasica sensit, illam dominijussu rum, cui non oratio tua miseramla visa sit. Me quidem
dixisae, et illutn intus esse. Paucis post diebus quura ad hercule valde illa moventstomachosa, et quasi submorosa
Nasicam venisset Ennius, et eum a janua qusereret, ex- ridicula, quum non a moroso dieuntur tum eniin non
clamat Nasica, « se domi non esse tum Ennius, Quid sal, sed natura ridelur. Inquo,utmiliividetur, persalsum
ego non cognosco vocem, inquit, tuam? » Hic Nasica, illud est apud Nacvium,
e

« Homo es impudent ego quum te quœrerem ancilhf Quid ploras. pater?


tiue credidi te domi non esse; tu mihi non credis ipsi ? » – Mirum ni canton condemnatus sum.
Est belliim illud quoque, ex quo is, qui dixit, irridetnr
m eo ipso genere, quo dixit ut, quum Q. Opimius con- Unie generi quasi contrarium est ridiculi geuus palicuti
préteur de Sicile, était logé chez
_1
un homme no- 1 ma '1-
voix, dit t'autre. Il vaut mieux, reprit
blc, mais des plus ignorants; il le donnait pour Granius, perdre votre voix que votre client. Une
avocat à un Sicilien qui avait un procès. De plaisanterie, appropriée au caractère de celui à
grâce, préteur, lui dit celui-ci, nommez-le avo- qui on l'adresse, a encore beaucoup d'agrément-
cat de mon adversaire, et ne m'en donnes pas Scaurus, à qui l'on reprochait d'avoir pris pos-
à moi-même. On fait rire encore en donnant sur session des biens de Pompéius Phrygion sans
un point contesté une explication imaginaire, avoir de testameut à produire, soutenait Bestia
mais spirituelle et gaie Émilius Scaurus et dans un procès un convoi vint à passer devant
Rutilius avaient demandé le consulat en même le tribunal; l'accusateur Memmins dit Voilà
temps; le premier eut la préférence, et non con- un mort qu'on porte en terre; voyez, Scaurus,
tent de son triomphe, il accusa Rutilius de bri- s'il n'y aurait pas là un héritage pour vous.
gue. Il alléguait pour preuve ces quatre lettres, Mais, de toutes les plaisanteries, il n'y en a pas
A. F. P. R., trouvées sur les registres de son ad- qui fassent plus rire que celles qui sont impré-
versaire, et qu'il expliquait ainsi Actum fidb vues j'en pourrais citer beaucoup d'exemples.
P. RUTILI. Rutilius soutenait qu'elles signi- On discutait dans le sénat sur les terres publiques
fiaient Ante factusi, POST belatum. C. Ca- et sur la loi Thoria, et l'on accusait Lucilius de
nius, chevalier romain, défenseur de Rutilius, faire paître ses troupeaux sur un terrain public
prétendit qu'aucune de ces explications n'était Ceatune erreur, ditAppius, en feignant de le dé-
exacte. Donnez-en donc une autre, dit Scau- fendre, ce troupeau n' appartient pas à Lucilius;
rus. La voici JEmilius fecit, plectitiir je pense, moi, que c'est un troupeau libre, etqui
RUTILIUS. va paissant oit bon lui semble. J'aime aussi beau-
LXX.Onritaussides contradictions: Que man- coup ce mot de Scipion JN'asica, celui qui donna la
que-t-il à cet homme, hors la fortune etlaverlu? mort à Tibérius Gracchus. Flaccus, après l'avoir
Un reproche fait avec un air de bonue foi, et chargé de beaucoup d'imputationsoutrageantes,
comme pour tirer d'erreur celui à qui il s'adresse, lui proposaMucius Scévola pour juge Je le récuse,
n'est pas moins agréable. Tel est celui qu'Albius dit Scipion; ce n'est point un homme juste. Là-
adressa à Granius, dont Albucius avait.fait ap- dessus quelques murmures s'étant fait entendre:
porter les registres en témoignage contre Scévola, Oui, pères conscrits, reprit-il, je le récuse comme
et qui se réjouissait fort de le voir acquitté, sans un homme qui n'est point, juste; je ne disposa d
réfléchir qu'on avait jugé contre ses registres. mon égard, mais à l'égard de tous. Rien de plus
Certains conseils donnés d'un air amical rentrent agréable que le trait suivant de Crassus. Silus
dans ce genre de plaisanterie. Ainsi un mau- déposait, sur la foi d'autrui, de faits très-désa-
vais avocat s'étant enroué, Granius t'engageait vantageux à Pison Ne se pourrait-il pas, dit
à boire de l'eau miellée froide Mais je perdrais Crassus, que Fauteur de ces propos les eût tenus

ac lenti ut, quum Cato perrossils esset ab eo qui arcam redisset: « Perdam inquit, Vocent, si id fecero. » – « Mé-
ferebat, qnum ille diceret, « Cave! « rogavit, « niimquld Iîus est, ioquit, quam rctim. » lîcllum etiam est, quum,
aliud ferret prœter arcam? » Ktiam stultitiae salsa repre- quid cuiquesit consentaneum, dicitur ut, quum Scaurus
hensio, wt ille Siculus, nui praelor Scipio patronum causas nonnullam haberet invidiam e\ eo, quod Phrygionis Pom-
dabat hospitem suum, hominem nobilem, sed admodum peii, locaipletis hominis, bonu sineteatamento possederat,
stultum < Quœso, inquit, prator, adversario mco da sederetque advocatns reo Bestijc quum funus quoddam
isturo patronnm, deinde mihi neminem dederis. » Movent duceretnr, accusator C. Memmius, « Vide, inquit, Scaure,
illa etiam, qua; conjectnra e\planantur longe aliter, atque mortuus rapitur, si polf s esse possessor. »
sunt, sed acute, atque concinne: ut, quum Scauras ami- Sed ex his omnibus nihil magis ridetur, quam quod est
saret Rutilium ambitus, qnum ipse consul esset factus, praeter exspectationem enjus innumarabilia sunt exemnla,
Hie repulsam tulisset, et in ejus tabulis ostenderet litteras, vel Appii majoris illius qui in senatu, quum ageretur de
A. F. P. R., idque diceret esse, Actuh fide. P. Rctilu agris ptiblicis, et de lege Thoria, et premeretur Luciliusab
Riitilius autem, ante f\ctom post reutum C. Canius iis, qui a pecore ejus depasci agros publicos dicerent
Rufo adesset, exclamat, neutnim
eques roraianus, quum « Non est, inquit, Lucilii pecus illud; erratis (defendere
illis litteris dedarari. Quid ergo? » inquit Scaurus.- Lucilium videbatur) ego liberum putn esse; qua lubet,
« iEra'cUus fecit, plectitur Rutilius. » pascilur. » Placel etiam mihi illud Scipionis illius, qm
LXX. Ridentur etiam discrepantia. « Quid huic abcst, Tib. Gracchtim percnlit quum ei M. Flaccus multis pro-
nisi res etvirtus?» Bella etiam est familiaris reprèhensio, bris objectis P. Muciurajiidicemtulisset,« Ejera, inquit;
quasi errantis ut quum objnrgavit Albius Granium, iniquus est :» quum esset admnrmiiratiim, «Ah, inquit,
qnod, quum ejus tabulis quiddam Albucio probatum vide- P. C., non ego mihi illum iniquum ejero, verum omni-
retur, etvaldeabsolnto Scaevola gauderet; neque intellige- bus. » Ab hoc vero Crasso nihil facetius quum la^^issct
ret, contra suas tabulas esse judicatum. Huic similis est testis Silus Pisonem, qnod se in eum audisse dixisset
etiam admonitio in consilio dando familiaris ut, qunm pa- i Potest fiert, Sile, ut is, unde te audisse dicis, iratus di-

1111111'1,ut
Granius, IJL 11I1U:Unl frigidum
ClCÉflON. TOME 1.
DlnCrt~t., simiil
mulsum Ing¡UlIm biberet, ilomum
»<"IIUIIIUIIi
~[IIH.II"1. 'l'I' "r.
trono malo, qnum vocem in dicendo obtudissel suadcbat •< xerit » nnniiil Silus. « Potest etiam ni tu non recta int«l-
,<1:'lexcris:1\1 "id qiioqnetotocapiteiinnnit.ntse
I<1L\I I.fll'IL" d.IJIIU'
Crasso flaiet.
<W
ilans un moment de colère? Silus fit signe que ssi tempérant? Il
dira, répliqua Lépidus, que
cela pouvait être Ne pourriez-vous pas
avoir j je j jj
ne crois à rien de tout cela.
mal entendu? continua Crassus. Silus, par un Les Grecs ajoutent quelques autres genres,
second signe plus marqué, convint que cela se les imprécations, les exclamations, les menaces.
pourrait encore Enfin, ajouta Crassus, n'est-il Mais ] je crains d'en avoir déjà cité un trop grand
pas possibleque tout ceque vous prétendez avoir nombre; car ceux dont le mérite est dans l'ex-
1

entendu, vous n'en ayez rien entendu du tout? pression, sont bornés et circonscrits; et, comme
j
Cette dernière question, qu'on n'attendait pas, je l'ai déjà dit, on les estime plus qu'on n'en
égaya toute l'assemblée aux dépens du témoin. rit. Au contraire, les plaisanteries qui roulent
Névius est plein de traits du même genre; en voici sur
de
le fond de la pensée, offrent un petit nombre
un entre mille Vous avez beau être un sage; si genres, et une variété infinie d'espèces. Trom-
vous avez froid, vous tremblerez. per l'attente des auditeurs, railler les défauts
LXXI. Souvent aussi, on accorde plaisamment d'autrui, relever avec esprit les nôtres même, je-
à son adversaire ce que lui-même nous refuse. terduridicule par une comparaison plaisante, dé-
Vous démentez vos ancêtres, disait à Lélius uni guiscr nos pensées par l'ironie, laisser échapper
homme d'une famille peu honorable. Et vous, à dessein des naïvetés, reprendre les sottises de
vous ne démentez pas les vôtres, lui répondit Lé- nos adversaires; autant de moyens de faire rire.
lius. On donne quelquefois à une plaisanterie le Pourplaisanter avec grâce, il faut donc se faire,
ton d'une sentence. Le jour que Cincius propo- pour ainsi dire, une nature qui se prête avec
sait sa loi qui défend aux avocats de recevoir nii souplesse à tous ces modes différents qui puisse
présents ni salaire Que proposez-vous là, monsaisir, rendre même, par l'expression des traits,
petit Cincius, lui dit C. Cento d'un ton dédai- tous les genresderidicule;etplusonaura, comme
gneux. Le voici, mon cher Caïus achetez, vous, Crassus, une physionomiegrave et sévère,
si vous voulezjouir. Il peut être plaisant d'ex- plus les plaisanteries paraîtront piquantes.
primer un souhait qui implique contradiction; Mais il est temps, Antoine, que vous quittiez
par exemple, Lépidus, pendant que les autress cette hôtellerie où mes propos vous retiennent,
t
s'exerçaient dans le Champ de Mars, s'étendait et dans laquelle vous vous étiez flatté de trou-
mollement sur l'herbe, en disant Que n'est-ce là ver un agréable repos. Prenez garde d'avoir fait
travailler! On déconcerteun questionneur indis- comme ces voyageurs, qui respirent trop long-
cret en lui répondant d'un ton calme et tranquillee temps l'air insalubre des marais Pontins croyez- ·
le contraire de ce qu'il désire. Le censeur Lépi- moi vous avez fait une halte assez longue; con-
dus avait dégradé du rang de chevalier M. An-tinuez maintenant votre route.
tistius de Pyrges, et ses amis se plaignaient it Loin de là, dit Antoine, je me félicite de
hautement de cette rigueur Que répondra An-l'aimable et gracieuse hospitalité que j'ai reçue
tistius, s'écriaient-ils, lorsque son père lui de- grâce à vos leçons, je connais mieux la nature de
mandera commenton a pu infliger un pareil trai-i- la plaisanterie, et j'en ferai plus hardiment usage.
tement à un homme si honnête, si rangé, si sage, Je
ne craindrai plus le reproche de frivolité, puis-
Potest etiam fieri, inquit, ut omnino, quod te audisse se Colligant ur a Graecis alia nonnulla, exsecrationes, ad.
dicis, nunquam audieris » hoc ita prêter exspectationem m mirationes, minationes. Sed haec ipsa nimis mihi videor

accidit ut testem omnium risus ourucret. Hujus generis multa in genera descripsisse nam illa quae verbi ratinne
est plenus Naevins, et jocus est l'amiliaris « Sapiens si si et vi continentur, certa fere aedefinita sunt; <[iiœ plerura-
algebis, tremes; » et alia permulta. quo, ut ante dixi, laudari magis, quam rideri soient. Haec
LXXI. Smpe etiam facete concédas adversario id ipsrnn autem qua sunt in re, et in ipsa sententia, partibussunt
<[iiod tibi ille detrahit ut C. Lœlius, quum ci quidam .m innumerabilia generibus pauca. Exspectationibus emm
malo genere natus diceret, indignum esse suis majoribuss,t decipiendis, et naturis aliorum irridendis, ipsorum ridi-
cule indicanrlis, et similitudine turpioris, et dissimula-
At hercule inquit, tu tiiis dignus. » Sœpe etiam senten.
tiose ridicula dicuntur ut M. Cincius, quo die legem tione,
de et subabsurda dicendo, et stulta reprebendendo
donis et muneribus tulit, quum C. Cento prodiisset, et et risus moventur. Itaque imbuendusest is, qui jocose vult
catis contumeliose Quid fers, Cimiole ? » qii;p.sissel dicere, quasi natura quadam apta ad haec gênera, et mo.
»
Ut emas, inquit, Cai, si uti velis. » Sœpe etiam salsee, ribus, ut ad cujusque modi gémis ridiculi vultusetiam
quae fieri non possunt, optantur ut M. Lepidus, quum im accommodeiur qui quidem quo severior est, et trigtior,
ceteris in campo exercentibus, in herba ipse reeubuisset,•X, ut in te, Crasse, hoc illa, quœ dicuntur, salsiora videri
soient.
Vellem hoc esset, inquit, lahorare. » Salsum est etiamJ
.quaerentibus et quasi percunctantibus lente respondeiee Sed jam tu, Antoni, qui hoc deversorio sermonis mel
quod nollent ut censor Lepidus quum NI. Antislio Pyr- >T- libenter arquietumin te esse dixisti, tanquam in Pomti-
gensi equum ademisset amicirjtie quum vociferarentur, et et num deverteris, neque amœnum neque salubrem locum,
qnarerent quid ille patri sun responderct cur ademtumm censeo, ut satis diu te putes requiesse, et iter reliquum
sibi equum diceret, quum optimus colonus,parcissinius, s conficere pergas.
modestissimus,frugatissimusesset « Meiscoi-tnn, inquit, it, Ego vero, atque hilare quidem a te acceptus inquit,
» uihil t'redeie. et i[uamdoc!iorper te tiim ctiam audariorfaetus suniad
que je puis m'autoriser de l'exemple des Fabri- m'est
r plus facile de faire triomp.ior mes raisons
cius, des Scipion, des Fabius, des Caton, des t de détruire celles qu'il avance, je travaille à
que
Lépidus. Mais je vous ai donné sur l'éloquence détourner
t l'attention des juges de sa défense, et
tous les éclaircissementsque vous avez exigés de àè la fixer sur la mienne. Enfin, je me suis fait
moi, tous ceux au moins qui demandaient quel- cdeux règles qui paraissent d'une application fort

que réflexion et quelque soin ce que je vais ajou- simple;


s car celles qui présentent des difficultés
ter est plus facile, et n'est qu'une suite de mes seraientau-dessus
s demes forces. D'abord, si l'ad-
premières observations. versaire
i emploie un argument, un moyen tropem-
LXXII. Quand j'ai médité une cause avec toute t
barrassant, trop difficile à réfuter, je prends quel-
l'attention dont je suis capable, que j'ai cherché quefois
t le parti de n'y rien répondre du tout. On
à l'embrasser dans toutes ses parties, que j'ai s moquera peut-être de cette ressource; car qui
se
choisi mes preuves et les lieux les plus propres, est-ce
t qui ne peut en faire autant? mais en ce mo-
soit à me concilier la faveur des juges, soit à les tment je ne parle pas des autres; je ne parle que
émouvoir, j'examine quel en est le côté avanta- t moi et du peu que je puis; et j'avoue que si
de
geux et le côté faible; car il n'y a presque au- ( me presse trop vivement, je fais retraite, sans
cun sujet susceptible de discussion, qui ne pré-
on
j
jeter pour cela mon bouclier, sans cesser même
sente l'un et l'autre; mais c'est le plus ou le ( m'en couvrir par devant; plein de fierté et
de
moins qu'il importe ici de bien saisir. Voici donc d'assurance, ma retraite est encore un combat;
ma méthode ordinaire je m'empare du côté ( en m'affermissant dans mes retranchements,
et
j
avantageux, je l'embellis, je l'exagère c'est là j'ai moins l'air d'avoir voulu éviter l'ennemi, que
que je m'établis, que je m'attache, que je me fixe prendre
j une meilleure position. Voici ma seconde
quant au côté faible, je le décline, sans avoir règle; i je la crois d'une haute importance pour
l'air de le fuir, mais en le dissimulant, en le fai- l'orateur, et quant à moi, je m'attache à l'obser-
1

sant disparaître sous les ornements que je pro- ver i scrupuleusement c'est de songer moins à as-
digue à l'autre. Est-ce une cause à défendre par ssurer le succès de sa cause, qu'à ne rien dire qui
des arguments,j'insiste sur les plus solides, soit puisse
] le compromettre. L'orateur doit, il est
qu'il y en ait plusieurs, soit que le sujet n'en of- vrai,
i se proposer l'un et l'autre mais il est bien
fre qu'un. S'agit-il de gagner la bienveillancedes plus humiliant de porter préjudice à son client
juges et de toucher leur sensibilité je m'occupe que de ne l'avoir pas fait triompher.
surtout de ce que la cause a de pathétique. Enfin, LXXIII. Mais que dites-vous tout bas à votre
mon principe général est celui-ci Si je me sensvoisin, Catulus? Vous moquez-vous de mon ob-
plus fort pour réfuter les preuves de mon adver-servation ? peut-être n'auriez-vous pas tort. –
saire que pour établir les miennes, c'est contre lui Nous en sommes bien éloignés, répondit Catulus;
que je dirige tous mes traits; si au contraire il mais César paraît avoir envie de vous dire quelque
jocandum. Non enim vereor, ne qnis me in isto genere le- nostris rcbus, potest, omnia in ilium confer-arn
mandis
viorem jam putet, quoniam quidem tu Fabricios mihii tela; sin nostra facilius probari, quam illa redargui pos-
auctores, et Africanos, Maximos, Catones, Lepidos protu- sunt, abducere animos a contraria defensione, et ad no-
listi. Sed habetis ca, quœ volnistis ex me audire, de qui- strain conor traducere. Duo denique illa, qiiœ facillîma
i
bus quidem accuratius dicendum et cogitandum fuit: nam videntur, quoniam qnae difliciliora sunt, non possum, mihi
cetera Paciliora sunt, atque ex iis, quac jam dicta sunt, pro meo jure snmo unum, ut molesto aut difficili argu-
reliqua nascuntur omnia. mento aut loco nonnunquam omnino nihil respondeam
LXXII. Ego enim qnum ad causam sum agressus, atquee quod forsitan aliquis jure irriserit; quis enim est, qui id
omnia cogitando, quoad facere potui, persecutus; quumi facere non possit? sed tamen ego de mea nunc, non de
et argumente causte, et eos locos, quibus animi judicumi aliorum facultate disputo; confiteorque me, si quae premat
coneiliantur, et illos, quibus permoventur, vidi atque co- res vehementius, ita cedere solere, ut non malo non
gnovi tum constituo, quid habeat quœqne causa boni, abjecto, sed ne rejecto quidem scuto fugere videar; sed
i|uid mali. Nulla enim fere res potest in dicendi discepta- adhibere quamdam in dicendo speciem atque pompam, et
tionem aut controversiam vocari, quaenon hahe t utrum- pugnae similem fugam; consistere veru in meo praesidin
que sed, quantum habeat id refert. Mea autem ratio inn sic, ut non fugiendi hostis, sed capiendi loci causa ces-
dicendo haec esse solet, ut, boni quod habeat, id ample-s- sisse videar. Alterum est illud, quod ego oratori maxime
ctar, exornem, exaggerem ibi commorer, ibi habitem, ibili cavendum et providendum puto, quodque me sollicitare
hœream a malo autem vitioque causa; ita recedam, nonn somme solet non tam ut prosim causis, elaborare solco
ut id me defugere appareat, sed ut totum, bono illo or- quam ut ne quid obsi m non quin enitendum sit in utro
nando et augendo dissimirfatum obruatur. Et, si causa a que; sed tamen multo est turpius oratori, nocuisse videri
est in argumentis, firmissima quaeque maxime tueor, sivee causa; quam non profuisse.
plura sunt, sive aliquod unum sin autem in conciliatione LXXIII. Sed quid hoc loco vos inter vos, Catule? lia
aut in permotione causa est, ad eam me potissimumpar- hscc.ul sunt contemnenda, contemnitis?– Minime, inquit
tem, qnae maxime commovere animos hominum potest,n II tur.– ille; sed Caîsar de isto ipso quiddam velle dicere videba-
.Meverolubente,inquitAntonius,dixerit, sive relel-
rnnfuro. Snmma denique hujus generis Ii.tc est, ut, si in
- lendi causa, sive qiarendi.
refcllcndo adversano tirmior esse oratio, quam in cor.-fir-
18.
tsltose sur ce point. 11 dit An- ses
me fera piaisir, s intérêts, lui parait une espèce de monstre im-
toine, soit qu'il veuille me réfuter, ou me fa ircunc possihleà
] trouver. Il en juge d'après lui-même; l'é-
question. lévation
I de son génie lui fait croire qu'on ne peut
En vérité, dit alors César, je vous ai tou- parler
] contresa propre cause, à moinsde le faire à
jours rendu cette justice, que nul orateur ne laisse dessein.
( Mais ce que je dis ici s'applique aux es-
moins de prise que vous à son adversaire; et un prits ] ordinaires, et non aux talents hors de ligne
mérite qu'on ne saurait vous contester, c'est de Chez les Grecs, Thémistocle,cet illustre Athénien,
1

n'avoir jamais rien dit qui pût nuire votre cause. a laissé une grande réputation de prudence et de
Je me rappelle qu'un jour je m'entretenais de génie. Un homme d'un grand savoir se présente
vous avec Crassns dans un cercle nombreux; il un jour chez lui, et veut lui apprendre le secret
donnait de grands éloges à votre éloquence je encore nouveau de la mémoire artificielle. Quelle
<

lui dis qu'entre tous vos talents, il y en avait un est


( l'utilité de cet art? demande Thémistocle. –
qui me semblait devoir passer encore avant les De ] se ressouvenir de tout, répond le maître.
autres, c'est que vous dites toujours tout ce qu'il Vous m'obligeriez bien davantage, si vous pou-
faut, et ne dites jamais que ce qu'il faut. Je me viez m'apprendre le moyen d'oublier quand je
rappelle aussi la réponse de Crassus. Comme moi, voudrais. Voyez quelle haute intelligence! quelle
il loua toutes vos éminentes qualités; mais il puissance, quelle étendne d'esprit! Sa réponse
ajouta qu'il n'y avait qu'un homme malhonnête nous montre une âme forte, d'où rien ne peut
et déloyal qui pût eu disant des choses déplacées plus s'échapper de ce qui y est entré une fois; et
dans la cause, nuire à celui qu'il s'était chargé il eût attaché plus de prix au don d'oublier à son
de défendre; qu'ainsi, selon lui, il n'y avait pas gré, qu'à la faculté de fixer à jamais dans sa mé-
de talent à éviter cette faute, mais qu'il y avait moire ce qui avait une fois frappé ses yeux ou ses
perfidie à y tomber. Maintenant, veuillez nous oreilles. Mais, malgré la réponse de Thémistocle,
apprendre, Antoine, comment cette attention à il n'en faut pas moins cultiver sa mémoire; et ta
ne pas nuire soi-même à sa cause peut avoir tant
supérioritédu talent de Crassus ne doit pas faire
d'importance à vos yeux que vous en fassiez la dédaigner ma sage timidité et les précautions que
première qualité de l'orateur? je recommande l'un et l'autre, en s'exprimant
LXXIV. Je vais expliquer ma pensée; mais comme ils l'out fait, ont donné la mesure de leur
je vousprie de vous rappeler, César, ainsi que tous capacité, mais ils n'ont rien ajouté à la mienne.
mu qui m'écoutent, qne je ne parle point de la 11 y a en effet pour chaque cause, dans toutes
perfection absolue et idéale de l'orateur, mais du les parties de la plaidoirie, des points délicats,
fàible talent que je dois à l'exercice et à l'habi- qui demandent infinimentde prudence et de pré-
tude. L'observation de Crassus est celle d'un cautions, sans quoi on ira se heurter, se briser
homme supérieur, d'un esprit éminent l'orateur contre des écueils. Souvent un témoin ne nouss
capable de nuire à son client, et de parler contre attaque pas, ou du moins nous ménage, s'il n'est

– T uni Juinis, mehercule inquit, Antoni, semper


Kgo ram cujus tanta vis ingenii est ut neminem, nisi consulta,
in fui qui de tu, omtorc sic prrediearem unum te in di- pulet quod contra se ipsum sit, dicere ( sed ego non dit
venào mihi videri terlissimum, propriumque hoc esse lan-I- prrcstanti quadam et eximia, sed prope de vulgarict eoin-
dis tnœ, nihil a te îinquain esse dictum, quod obesset ei, pro miini prudentia disputa) ut apud Græcos fertur înctfdi'
qn» diceres. Irtqnc memoiiateneo, quum railiiseimocum bili quadam magnitudincconsilii atque ingenii Atheuimsis
Soc ipso Crasso, multis aiidicntibus esset de te institutus, ille fuisse ïhemislocles ad quem quidam dodus homo
Crassiisque pliirimis \erbis cloqiieiitkun laudaret tuam, atque in primis erudittis accessisse dirilur, eique arlem
dixisse me, cum ceteris tnis laudibus hanc esse vel ma- mémorial quae tum primum proferebattir,pollicitus esse,
siniara, quod non solum, qnod opus esset, diceres, sed se traditurum; quum ille quasisset, quidnam illa ars c[fi.
etiam quod non opus esset, non diceres tam illum mihi ccre posset, dixisse illum doctorem ut omnia niemùiissel
rwpoudûre rnemini, cetera te summe esse laudanrtajillud et ei Tbemistoclem respondisse n gratius sibi illum essu
rem ùnprobl esse liominis et perlidiosi, diccre quod alie* « facturum, si se ohlivisci, qu:n vellet, quam si meminisse,
tiun» osset, et nocerct ei, pro quo quis diceret: quare non «
docuisset. » Videsne, qua1. vis in homine acerrimi ingp-
tibi eum diseitum qui id non faceret, videri, sed inipro* nii, quam potens et quanta mens fuerit? qui ita respon-
dei'it,
titim, qui faceret. lunc, si tibi videtur, Antoni, dciunnstres ut intelligere possemus, nihil ex illius animo, qnod
velim, quare tu hoc ita magnum putes, nihil in causa semel esset infusum, unquam effluere potuisse; qunm
niali lacere, ut nihil tibi in oratore majus esse videatur. quidem ei fuerit optabilins, oblivisci posse potius quod
LNXIV. – Dicain equidem, Cxsar, inquit, quid intel- meminisse nollet, qnam qnod semel audisset lidissetve
ligam sed et tu, et vos omnes hoc, inquit, tnementote,meminisse. Sed neque, propterhocThemistoclirespousuni,
non me de perfecti oratoris divinitate qnadam loqui, sed memoritenobis opera danda non est, neque illa mea cautio
•le etercilaliom's et consuetudinis mese mediocritatc. Crassi et timiditas in causis, propter praatantem prudentiam
quidem Ksponsuiu cxccllcntis cujusdain est ingenii ac sin- Crassi, negligenda est. lïterque enim istorum non mihi
Ktilum cui qui'ldain portenti simile esse visum est, posse altulit aliquam sed suam siguifiravit facultatem.
aHqncm invftiirl oratorem, qui aliquid mali fareret dicendo, Etenim permulta sunt in causis in omni parte oratio-
uUasediue ei quem defctideret facit enim de seconjertn- nis circumspicienda, nequid nffendas, lie quo irruas, Sœp»
pas provoque. Le client me conjure, son conseil l'envie, en atténuant ce qui peut l'exciter, on la.
me sollicite d'attaquer ce témoin, de le maltrai- rend plus violente par des éloges outrés ou ma-
ter, dele presserde questions. Jetiens ferme, je ladroits, ne fait-on pas soi-même le plus grand
i>e me laisse pas ébranler, je ne cède point à leurs tort à sa cause? Si, sans aucune précaution ora-
instances. Cette réserve ne me vaut aucun éloge toire, on s'emporte avec aigreur contre une per-
car il est plus aisé pour les ignorants de critiquer sonne qui a l'estime et l'affection des juges, ne
un mauvais discours, que d'apprécier un silence s'ziliène-t-on pas leur esprit? Est-ce encore une
prudent. En pareil cas, si vous allez blesser un faute médiocre de ne pas sentir qu'en repro-
témoin mal disposé, qui ne soit pas un sot, et chant à son adversaire des défauts ou des imper-
qui jouisse de quelque considération quel mal fections qui se trouvent dans un ou plusieurs des
n'en résultera-t-il pas? Sa mauvaise humeur lui juges, ce sont les juyes eux-mêmes qu'on atta-
inspirera le désir de nuire; son esprithri en four- que ? Si, en plaidant pour un autre, vous parais-
nira les moyens, et sa position rendra ses coups sez plaider pour vous; si, pour venger votre
plus dangereux. Si Crassus ne commet jamais amour-propre blessé, vous n'écoutez que votre
de pareilles fautes, beaucoup d'autres y tombent, colère, et oubliez ta cause de votreclient, n'êtes-
et cela tous les jours. Or, qu'y a-t-il de plus hu- vous pas coupable envers lui? Je n'aime pas plus
miliant pour un orateur, que d'entendredire après qu'un autre à entendre dire du mal de moi; mais
un mot, une repartie, une question Ji a porté je n'aime pas non plus à perdre de vue l'intérêt
un coup mortel. A son adversaire ? Non, à de la cause, et l'on m'accuse d'être trop patient
lui-même, à son client. et trop flegmatique, C'est ainsi que je vous re-
LXXV. Crassus pense qu'on n'en vient là que prochais, Sulpicius, d'attaquer, non pas l'accusé,
par perfidie pour moi, je vois tous les jours des mais son défenseur. Je tire encore cet avantage de
orateurs, avec les intentions les plus droites, ma modération, qu'on taxe de violence et de fo-
faire beaucoup demain leur cause.Jedisaistoutà lie quiconque se livre à des invectives contre moi.
l'heure qu'il m'arrive souvent de céder, de battre Si dans votre argumentation, vous avancez quel-
en retraite, et, pour trancher le mot, de fuir de- que chose qui soit ou évidemment faux, ou en
vant un ennemi qui me presse trop vivement contradiction avec ce que vous avez dit ou direz,
eh bien, ceux qui, au lieu de faire comme moi, ou contraire aux usages du barreau, n'est-ce
abandonnent leurs retranchements pour se jeter pas là nuire encore à votre cause? En un mot,
dans le camp ennemi, ne portent-ils pas souvent voici, j'aime à le répéter, sur quoi portent tous
des coups bien funestes à leur cause, en donnant mes soins: quand je défends un client, je tâche
de nouvelles forces à l'adversaire, ou en enveni- de lui faire le plus de bien possible, ou du
mant des plaies qu'ils ne peuvent guérir. Quoi! moins, faute de mieux, de ne lui pas faire de
si l'on ne tient pas compte de ce qui est person- mal.
nel à ceux qu'on défend, si, au lieu de calmer LXX VI. Je reviens maintenant à ce qui tout

aliquis lestis aut non Mit, aut minus lœdit nisi lacessa- miti^tnt extenuando, sed laudando et oflerendo invîditv
tur orat reus, urgent advocati ut invcliainui',(ut male. siora t'admit; quantum in eu tandem mali? Qui(l, si in
dicami», denique ut inteiTOçcmus. Non moveor, non ou- liominescaros, jtidirjbusque jucundns, sine ulla pramm-
Kmipero, non satisracio neijue tamen ullam assequor nitioneotatiotUsace[bi)iSctc<mt)]tin'itnsmsiMveitat<nonne
liiudem. Homines enim imperiti facilins, quod stulte dixe- abs te judices abalienes? Quid? si, qu.x vitia, aut incoin-
ris repreliendere qnamquod sapicntei'tâcueris laudaie I moda sont in altquo jndice imo aut pluvibus, ea tu in
possunt. Hic quantum lit uiali si iralum si non stultum ] adversariis exprobrando non intcili^as te in judices in-
si non levem testem lacseï is Habet enim et voluutatcm velii; médiocre peccatimi est? Quid? si, qunm pin allnio
nocendiiniiacundia,ctvim in ingenio, et pondus invita: dicas, litem tuam facias, aut Uesus ciïcrai'e iracundia.
uec, si hoc Crassus non coimnittit, ideo non innlti et causant relinquas; nihilne noceas?In quo ego, non quo
sa~pe commiltunt. Quo quidcni mihi videri turpius niliil libenler male audiam, sed quia ego causam non libenter
solet, quam quum ex oratoris dictoaliquo aut responso relinquo nîmium patiens et lentus existimor ut, quum
aut rogatu, sernioille sequitur, « Occidit ille. » – « Ad- te ipsum, Sulpici objurgabam quod ministratorempetc*
Misariumi*e? » – « Imo vera atunt se, et cum queni i res, non advel saiïum. Ex quo etiam illud assequor, ut, sisi
défendit, u quis iniliimaledicat,petiilans,aut plane insanus esse »>
LXXV. Hoc Ciassiis non putat nisi perfidia accidcre deatur. In ipsis autem argumenta si quid posucris aul
nosse e(-o autan s.ppissim<! video in causis aliquid niali apeilc lalsuni, aut ei, qnod diicris, dictimisve sis.con-
faccre liomincs minime ninlos. Quid? IIIimI, qnod supra trariiiiu, aut genere ipso remotum ab usu judiciorum ai1,
di\i, solcrc me cedi're, et, ut planins dicam, fugere ca, i tbro;
in
niliilne noceas? Quill mtdta? omiiis cura mca solct
i|uar, valde causaiii meani |ireiiicrent ? quiim id non i'aciiiiit1 versari
hoc semper (dicam i>nim siiiins), si possiin, ut
al'u, vcrsantiirquein liostium castris, ac sua prasiilia di- boni aliquid elliciam dicendo; siu id minus, ut certe ira
niitlunl mediocrilcrnccausis nocent, quuiii aut adversa- quid mali.
iioriimadj(imcntaconliimaut,antca,qiia!sanaienw|ueiiii[, LXXVI. Ilaque nunc il lue redeo Catule, in qllo tn m*
rxulcerant? Quid? qtinui peisonarum, quas delendunt, pullu anle liiudabas ad ordiimn cnllocationemque roriini
rationem non lialient ? si, qua1 suut in liis invidiosa, mm ac lucoiuni. Ciijusni est duplex altéra <]ium *lktl
à l'heure, Catulus, m'attirait vos éloges je veux dans tout l'ensemble d'un plaidoyer, comme le
dire, l'ordre dans lequel il faudra disposer le dis- sang l'est dans le corps; car l'exorde et les autres
cours et les lieux dont il se compose. Il y a sur parties du discours dont nous dirons tout à l'heure
ce point deux méthodes à signaler l'une est in- quelques mots, doivent agir par une influence
diquée par la nature des causes, et l'autre est douce et continue sur l'âme des auditeurs. Quant
soumise au jugement et à la sagacité de l'ora- aux deuxautres moyens, qui n'ont pas pour objet
teur. Faire précéder la question d'un préambule d'instruire par le raisonnement, mais qui peuvent
puis exposer le fait; développer ensuite nos être d'un puissant secours en touchant et en per-
preuves et réfuter celles de ('adversaire; conclure suadant, quoique leur place véritable soit dans
enfin par une péroraison telle est la marche que l'exorde et dans la péroraison, il est souvent
la nature elle-même nous prescrit; mais quelle utile, pour remuer les cœurs, de s'écarter de la
sera la manière la plus heureuse de disposer ce marche qu'on s'est tracée. Ainsi, après l'expo-
que nous avons à dire pour convaincre, instruire, sition des faits, on peut placer une digression
persuader, voilà ce qui est surtout abandonné touchante. On le peut encore, soit après avoir éta-
au bon sens de l'orateur. Il se présente en effet à bli ses preuves, soit après avoir réfuté celles de
notre esprit une foule d'arguments qui paraissent l'adversaire, ou même dans ces deux endroits,
propres à servir notre cause; mais les uns sont et dans toutes les parties du discours, lorsque la
si peu importants, qu'ils ne méritent pas d'at- cause a de la grandeur et de l'intérêt. Les causes
tention d'autres seraient de quelque utilité; les plus susceptibles des ornements et de la pompe
mais ils offrent aussi des inconvénients,et l'avan- de l'éloquence sont celles qui se prêtent le mieux
tage qu'on en peut tirer ne rachèterait pas le à ces sortes de digressions, et où il est le plus
mal qu'ils peuvent produire. Si les arguments vé- permis de recourir à ces lieux au moyen des-
ritablement utiles et solides sont en grand nom- quels l'orateur excite ou calme à son gré les pas-
bre, comme il arrive souvent, je pense qu'il faut sions.
faire un choix, et négliger ceux qui ont le mons Je n'approuve pas la méthode de commencer
de poids, ou qui rentreraient dans d'autres plusj pas les preuves les plus faibles; et de même si
importants. Pour moi, quand je rassemble les I l'on emploie plusieurs défenseurs ( usage qui
preuves d'une cause, j'ai pour habitude de les m'a toujours déplu ) je crois qu'on a tort de faire
peser au lieu de les compter. parler les premiers ceux dont le talent inspire le
LXXVII. Pour amener à notre sentiment ceux moins de confiance. Il me semble, au contraire,
qui nous écoutent, il y a, comme je l'ai déjà dit qu'il importe beaucoup de répondre le plus tôt
plusieurs fois trois moyens différents, instruire, possible à l'attente des auditeurs. Si vous ne les
plaire, émouvoir. Mais de ces trois moyens, il satisfaites pas d'abord, vous rendez la suite de
n'y en a qu'un seul qu'on puisse avouer haute- votre tâche beaucoup plus difficile; et la cause
ment il faut paraître n'avoir d'autre but que est en danger, lorsque les juges n'en ont pas une
d'instruire; lesdeux autres devront être répandus bonne opinion dès le début. Produisez donc en

naturacausarum;altéra, quœ oratornm judicitiet piudon- velle ideamnr reliquœ duœ sicnti sangm's in cnrpnribns
tiaconiparatur.Namutalii]uidanteren]dicamus, deinde, sic illœ in perpetuis orationibus fusse esse dehebunt. Nam
nt rem exponamus post ut eam probemus nostris prœsi- et principia et ceterae partes orationis, de ([uibus paullo post
diis confirmandis, contrariis refutantlis, deinde ut conclu. pauca diefimus, habere hanc vim magnopere délient, ut ad
Jamus, atque ita peroremus, hoc dicendi genus Datura eorum mentes, apnd quos agetur, movendas peimanaie
ipsa prsescrtbit. Ut vero statuamus,ea, qnae probandi, do- possint. Sed his partibus orationis, quae, etsi nihil docent
cendi, persuadendi causa dicendii sunt, quemadmodum argumentando, persuadendo tamen et commovoudo profi-
componamus id est vel maxime proprium oratoris pru- ciuut plurimum qiianquammaxime proprius est locus et in
deulire. Milita enim occurrunt argumenta multa, quse in exordiendo, et in perorando degredi tamen ab eo, quod
dirwido profutura videantnr sed eorum partim ita levia proposueris atque agas, permovendorum animorum causa,
sunt, ut contemnendasint; partim, etiam si quid habent sœpe utile est. Itaque vel narratione exposita, saepe datur
adjnmenti, sunt nonnunquam ejusmodt ut insit in lis ad commovendos animos degredicndi locus vcl argiimeu-
aiitluid vitii, neque tanti sit illud, qnod prodesse videa- tis nostris confinnatis vel eontrariis refutatîs vel utro-
h.r, ut cuin aliquo malo conjungalur. Quae autem 8unt que loco, vel omnibus, si habet eam causa dignitatem
utilia atque firma, si ea tamen (utsœpe lit) valde multa atque copiam, recte id lieri polest eœque causœ sunt ad
sunt ea, qnœ ex lis aut levissima sunt, aut aliis gravio- augendum et ad ornandum gravissimœ atque plenissima1,
ribusconsimilia, secerni arbitror oportere, atqne ex ora- quœ plurimos exitus dant ad ejusmodi degressionem in
tiene removeri. Equûlcm quum colligo argumenta causa* his locis uti liccat, quibus animorum impetus coruin,
rum, non tam ea numerare soleo, quam expendere. qui amliunt, aut impellantur,aut rcllectantur.
LXXVII. Et quoniam (quod saepe jara dixi) tribus rebus Atque etiam in illo i-eprehciido cos, qui qui» minime
onmes ad nostram sententiam perducimus aut docendo fuma sunt, ea prima collocant. lu qun illos quaque er-
aut ronciliando, atit permovendo, una ex omnibus bis rare arbitror, qui quando (id quod mllii nunquam pla-
rrtms res nrœ nobis est ferenda, ut nibil aliud, nisi docere cuit) plures adhibent pationos. ut in quoque eorum miui-
premier lieu, et les orateurs les plus habiles, et fer va décider de leur vie, préludent à l'attaque,
les arguments les plus solides, pourvu toutefois plutôt en déployantta grâce de leurs mouvements,
qu'eu fait d'arguments, comme en faitd'orateurs, qu en cherchant à se porter des coups mortels,
vous reserviez pour la fince que vous avez de plus à combien plus forte raison doit-on attendre des
fort. Quant au médiocre ( car le mauvais ne doit ménagements semblables de l'art de la parole, où
trouver place nulle part), il sera jeté dans la foule l'agrément est encore plus nécessaire que la force?
et se perdra dans le nombre. Quand j'ai bien pris Enfin, il n'est rien dans la nature qui se répande
ainsi toutes mes mesures, je me mets à chercher à la fois d'un seul jet, ou qui prenne en un ins-
en dernier lieu ce qui doit pourtant commencer tant tout son essor; et les choses dont l'action
mon discours, c'est-à-dire mon exorde car toutes doit être la plus impétueuse, sont préparées par
les fois que j'ai voulu commencer par m'en occu- des commencementslents et modérés.
per, je n'ai rien trouvé que de faible, d'insigni- Il ne faut point chercher l'exorde dans des
fiant, de commun et de vulgaire. circonstances étrangères ou éloignées; mais le
LXXVIII. L'exorde doit toujours être soigné, tirer des entrailles mêmes de la cause. Que l'on
piquant, nourri dépensées, orné d'expressions commence donc par sonder la cause, par l'exa-
justes et heureuses, surtout bien approprié à la miner dans toute son étendue, par trouver et
cause. Il est, en effet, comme chargé de donner préparer tous les lieux qu'on veut mettre en
une idée du reste du discours; il lui sert pour œuvre on songera alors au choix d'un exorde
ainsi dire de recommandation; il doit donc char- et il viendra s'offrir de lui-même. On le puisera
mer d'abord et attirer l'auditeur. Aussi vois-je dans les circonstances les plus fécondes que pré-
avec étonnement, non pas ces hommes qui ne se sentent les arguments ou les digressions dont j'ai
sont jamais livrés à l'étude de l'éloquence, mais plus haut recommandél'usage. Ainsi tiré du fond
Philippe, cet orateur habile et éclairé, se lever même de la défense, il aura plus de valeur et d'ef-
pour parler sans savoir même le premier mot fet on verraque non-seulementil n'est pas banal,
qu'il prononcera. Il n'en vient au combat, vous et égalementapplicable à toute autre cause, mais
dit-il qu'après s'être échauffé le bras; mais il que celle qu'on traite est la source unique dont il
ne fait pas attention que ceux même dont il em- découle.
prunte cette comparaison, balancent légèrement LXXIX. Tout exorde doit donner une idée
leurs traits, pour déployer d'abord toute la générale de la cause tout entière, la préparer,
grâce de leurs attitudes, et mieux ménager leurs en faciliter l'accès, ou bien encore la relever et
forces. Il est des occasions, sans doute, où l'ennoblir; mais il faut le proportionner au sujet,
l'exorde demande de la véhémence et de l'âpreté; comme un vestibule et un portique aux palais et
mais si des gladiateurs, dans un combat où le aux temples auxquels ils servent d'entrée. Dans

mum putant esse, ita cura primum volunt dicere. Res rat illas primas hastas ita jaclare Icuiler ut et venustati
euim hoc postulat, ut eorum exspectationi, qui audiunt, vel maxime serviant et reliquis viribus suis consulant.
quam celerrime occurratur; cui si initio satisfactutu non Ncque est dubium, quin exordium dicendi vehemens et
sit ,iuultoplus sit iu reliqua causa laborandum. Maie enim pugnax non sœpe esse debeat sed si in ipso illo gladiato-
se res liabet, qua non statim, ut dici coepta est, melior iïo vitsecertamine, quo ferrodecernilur, tamen ante con-
lieri videtur. Ergo ut in oralore optimus quisque, sic et gressum multa flunt quae non ad vulnus, sed ad speciem
in oratione, fimiissimumquodque sit primum dum illud valere videautur quanto hoc magis in oratione exspectan
tamen in ulroque teiieatur, nt ea, quœ excellant, serven- dum, in qua non vis potius, sed delectatio postulaturp
tur etiam ad perorandum si quae erunt mediocria ( nain Niliil est denique in nalura rerum omnium, quod se uni.
vitiosis nusquam esse uportet locum), in mediam tur- versum profundat, et quod totum repente evolet sic
bam, atque in gregem conjiciantur. Hisce omnibus rébus omnia, quee flunt, qtueqne aguntur.acemme, lenioribus
consideratis,tum denique id, quod primum est dicciidum principiis natura ipsa prœtexuit.
postrcmum soleo cogitare, quo utar exordio nain si Haec autem in dicendo non extnnsccHS alicunde quae-
q'iaudo id primum invenire volui, nullum mihi occurrit, renda, sed ex ipsis viscerilms causa) sumenda sunt. Idcirco
nisi aut exile, aut nugatorium aut vulgare, atqne com- tota causa pertentata atque perspecta, locis omnibus lo-
mune. ventis atque instructis, considerandumest, quo principio
LXXVIII. Principia autem dicendi semper quum accu- sit utendum sic et facile reperietur. Sumenlur enim ex
rata, et acula, et inslructa sententiis, apta verbis, tum iis rébus, quae erunt iiberrimye vel in argumentis, vel in
vero causarum propria esse debent. Prima est enim quasi iis partibus, ad quas dixi degredi sœpe oportere. lta et
cognitin et commendatio orationis in principio, quoe con- momenti aliquid afférent quum erunt paîne ex intima de-
tinuuenm, (lui audit peimulcere atque allicere débet. In fensione depromta et apparebit ea non modo non esse
quoadmirari soleo, non equidem istos, qui nullam huic communia, nec in alias causas posse transferri, sed peni'
rei operam dederunt, sed hominem in primis discrtum tus ex ea causa, quœ tum agatur, eflloruisse.
atque ernditum, Philippum, qui ita soletaddicendum sur- LXXIX. Omne autem principinm aut rei totius, qua;
iîere ut, quod primum verbum liabituros sit, nesciat; et agetur, significationem habere debebit.aut aditum ad cau-
ait idem, quuni brachiuin concalefccerit liim se solerc sani et miinitionem aut qnoftdam orn.imenlum et digni-
pugnare neque attendit, eos ipsos, unde hoc simile du- tatem. Sed oportet, ut aedibus ac teinplis vealilmla et ad-
tes causes de peu d'importance, et qui n'attirent lieu du plaidoyer, dans la confirmation ou la ré-
pas un nombreux auditoire, il vaut quelquefois futation.
Les exordes où l'on veut captiver et
mieux entrer sur-le-champ en matière. Mais si émouvoir les juges se tirent presque toujours
l'exorde est nécessaire, ce qui arrive le plus sou- des lieux de la cause les plus propres à soulever
vent, l'orateur pourra tirer ses idées, soit de la les passions; mais ces lieux ne doivent pas être
personne de l'intéressé, soit de celle de l'adver- trop développés dès le début. On se contentera
saire, soit de l'affaire elle-même, soit enfin de de donner au juge une impulsion légère. Une fois
l'assemblée devant laquelle il porte la parole. Si ébranlé, le reste du discours achèvera de l'en-
c'est de l'intéressé (j'appelle ainsi celui dont il dé- trainer.
pend les intérêts), il met en avant tout ce qui peut il faut que l'exorde soit bien lié au discours
faire voir en lui l'homme de bien, l'homme géné- qui va suivre, comme un membre l'est au reste
reux que le malheur accable, et qui a droit à la du corps, et qu'il ne ressemble pas aux prélu-
compassion; enfin tout ce qui peut combattre des détachés que fait entendre le musicien. Quel-
avec avantage une accusation injuste. Si c'est de ques orateurs, après avoir débité un exorde
l'adversaire, il développe les mêmes idées en préparé d'avance, passent aux autres parties de
manière à faire croire qu'ils ne veulent plus être
sens inverse. Dans l'exorde tiré de la nature de
l'affaire, on examine ce qu'elle offre de cruel, écoutés. L'orateur nedoitpasfaire comme les Sam-
d'inouï, d'imprévu, d'injuste, de malheureux, nites, qui, avant d'en venir aux mains, lancent
d'ingrat, d'indigne, de nouveau, d'irréparable, des traits différents de ceux dont ils se servent
d'irrémédiable. Enfin le tire-t-on de la personne duns l'action il faut qu'il puisse se présenter au
des auditeurs, on cherche à se concilier leur combat avec les mêmes armes qui lui auront
bienveillance et leur estime ce qu'on obtient servi à le préparer.
plutôt par un bon discours qu'en employant la LXXX. Quant à la narration, les rhéteurs y
prière. Sans doute cette attention à plaire doit recommandentla brièveté. Si l'on appelle ainsi
s'étendre au discours tout entier, et sied surtout cette précision qui ne dit rien de trop, elle se
dans la péroraison, mais souvent aussi elle four- trouve dans les discours de Crassus; si au con-
nit les idées de t'exorde. Les rhéteurs grecs recom- traire la brièveté consiste à n employer que le
mandent de rendre dans l'exorde l'auditeur at- nombre de mots strictement nécessaire, elle est
tentif et docile c'est là un soin utile, mais qui quelquefois utile; elle nuit aussi quelquefois,
n'appartient pas à cette partie du discours plus surtout dans la narration non-seulement elle
qu'aux autres. Seulement on eu tire plus facile- y répand de l'obscurité, mais elle fait disparaî-
ment parti dans t'exorde, parce qu'alors l'audi- tre le principal avantage de cette partie du dis-
teur, dont la curiosité est encore en suspens, ap- cours, qui est de plaire et de persuader par les
porte une plus grandeattention à ce qu'on va dire, formes adroites sous lesquelles on la présente.
etestsusceptihled'iine plus grande docilité. En Voyez le récit
effet, ce qu'on place au commencement, frappe Quand Pataphile mou fils, fut sorti de l'enfance.
bien plus vivement que tout ce qui se dit au mi- Il est fort long; le caractère du jeune homme,
itus, sic causis principia propurtioue rerum prœponere. Maxima autem copia princinioriim ail judieem aut allicien-
ÏUit|ue in pan is utijuu intïequentibus causis ab i.psa re est dum, aut indtauduiu ex iis locis traliitur qui ad motus
t*\ordH'i sa;pe cummorlius. Sed cpmin erit iitcudum prin- aiiiinurum conficieudosiuerunt in causa: quos tamen totos
«ipio (quod pternmque eiil ) aul ex reo, ont ex adversa- in principio explicari non oportebit, sed tantum inipelK
rio, aut ex re, aut ex eis, apud quos agitur, sententias pi-imo judiceœ leviter, utjam inclinato reliqua incumbat
ttuci licebit. Ex mi ( ims appello quorum res est ) qnae oratio.
sîguificent vinun bonum, quœ liberalem, qua? ealamito- Connexuui autem ila sit principium consequenti orationi,
sum, quœ miserkordia digmim, qufe valeant contra fat- ut non tanquam citharœdi proœiuium atlictum aliquod, sed
sain criminatioiiein; ex adversario, ii.sdem ex locis l'eie coliarens cum onmi corpore membrum esse videatur. Nam
contraria ex re si trudelis si infanda si prater opinio- nmiiiulli, quum illud meditati ediderunt, sic ad reliqua
Fiein, si immerito, si misera, si ingrala, si indigna, si nova, transeunt, ut audientiam sibi fieri nolle videantur. Atque
r-iquEe restitui sanarique non possit; ex iis aulem} apud ejusmodi illa prolusio débet esse, non ut Samnitum, aui
ipios agetur, ut benivolos bcnequeexisliinanteseth'ciaimis vibrant hastas ante pugnam, quibus in pugnaudo nihil
ijuod agendo cflicitur melius, quam rogaudo. Est id < jui- utuntur; sed ut ipsis sentenliis, quibus proluserunt, vel
flem in lotam oralionem confundenriuin nev minime il pugnare possint.
e\tremam sed lamen inulla piim ipia ex eo genere gi- LXXX. Narrare vero rem quod breviterjubent;si bre-
gstinlur. Nam et allentum moiifut Graeci ut priuripio fa- vitas appellanda est, quuin verbum nuNum redundat,
iiamus judicem, et docilei»; quas sunt utilia sed non bievisest L. Crassi oratio; sin tum est brevitas, quum
principii inagis propiia, qnam icliquurum partium; faci- tautnm verborum.est, quantum necesse est, aliquando in
liora etiam in pi iucipils quod et attend tum maxime sunt, opus est; sed seepe obest vel maxime in narrando
non se
quum omnia exspectant, et dociles magis initiis esse |>os- lmn quod obscuritatem atTert, sed etiam quod cam -\irtu-
•tint. Jllnslriora euim Mint, qure in piïncipiis, quant quai trai quai narrationis est maxima, utjucunda, et ad p«r-
in meriiis caufii^ dicunlur, airt argiiendo^ut relVIlendo. suadendum accimmodata sit, tullil. L l illa « Kaiu is
les questions adressées par le père aux esclaves ivous pouvez y revenir et l'expliquer dans un au-
la mort de Chrysis, la beauté la douleur, les tre mais la narration n'a qu'une place dans le
larmes de sa sœur, et toutes les autres circons- discours. Elle sera claire, si l'on n'emploie que
lances sont retracées avec autant d'agrément que des termes reçus, si l'on y observe l'ordre des
de variété. Si le poëte avait toujours cherché la temps, et qu'on n'interrompe pas le fil des idées.
même brièveté que dans ces mots, LXXXI. Quand faudra -t-il ou non, faire une
On emporte le corps nous marchons on arrive, narration? c'est au bon sens de l'orateur à en dé-
On le met au bûcher. cider. Si le fait est connu, si l'ou ne peut révo-
dix vers auraient suffi pour tout dire, Encore la quer en doute la manière dont il s'est passé il
concision de ces détails, est inutile de le raconter. Il en sera de même si
On emporte le corps, nous marchons votre adversaire l'a déjà établi, à moins qu'il
a-t-elle moins la brièveté que l'agrément pour ne faille le réfuter. Lorsque la narration sera né-
objet. Quand il n'aurait rien ajouté à ces mots, cessaire, n'allous pas insister imprudemment sur
on le met au bûcher, la chose était suffisamment les circonstancesqui nous rendraient suspects ou
expliquée. Mais une narration où l'on met en coupables et seraient contre nous atténuons-les
scène les personnages, où on les fait parler, pré- autant qu'il sera possible, et craignons de tom-
sente plus d'intérêt. Vous donnerez aussi une ber dans ce tort que Crassus attribue moins à
plus grande vraisemblance au fait, en exposant la maladresse qu'à la mauvaise foi, celui de
comment il s'est passé; vous le ferez mieux com- nuire nous-mêmes à notre cause. Il importe
prendre, en vous arrêtant sur certains points, au beaucoup au succès que les faits soient présentés
lieu de tout dire en courant. La narration, en habilement ou non, puisque la narration est
effet, ne doit pas être moins claire que le reste comme la base de tout le discours.
du discours; mais l'orateur doit apporter d'au- On pose ensuite la question, en mettant tous
tant plus de soin à la rendre telle, qu'en expo- ses soins à bien saisir le point en litige; puis on
sant les faits, il est plus difficile d'éviter l'obs- passe à la discussion, dans laquelle il faut tout
curité que dans l'exorde, la confirmation, la à la fois établir ses preuves et renverser celles
réfutation, la péroraison, et que l'obscurité a de l'adversaire car il n'y a qu'un seul et même
de plus graves conséquences dans la narration fond à toute cette partie consacrée à l'argumen-
que partout ailleurs. Si dans une autre partie tation elle comprend la confirmation et la ré-
vous ne vous faites pas bien comprendre, il futation tout ensemble. Mais comme il est impos-
n'y a de perdu que le passage qui manque de sible de combattre les preuves de l'adversaire
clarté; mais une narration obscure répand son sans y opposer les nôtres, et de soutenir nos
obscurité sur tout le reste. En outre, ce que vous propres arguments sans repousser ceux qu'ou
n'avez pas bien fait comprendre dans un endroit, nous oppose, il s'ensuit que ces deux parties

giostqiiam excessitex ephebis, » quam longa est narratio, alia possis, semel si obscuriusdixeris, dicere alio loco pla.
mores adolescentis ipsius, et servilis percunctatii» mors uius; narrationis unus est in causa locus. Erit autem
Cbrysidis vultus et forma, et lanicutalio serons, reliqua perspicua narratio, si verbis usilalis, si ordine temporum
pervarie jucundeque narrautur. Quod si hanc breviUienj conservato, si non intenuple narrabitur.
quaîsisset LXXXI. Sed quando utendum sit, aut non sil narra-
tione, id est consilii. Neque enim si nota res est, nec si non
Kffertur, imus; ad sepulcrum venimus;
In ignem posita est, dubium, quid gcstum sit, iiarrari oportet, nec si adversa-
rius lia) ravit nisi si retellemus. Ac, si quando erit narran.
fere decem versiculis totum conficere potuisset qnan- dnm, nec illa, quee suspicionem et crimeu efficient,
quam hoc ipsum, « Eflertur, imns, » concisum est, ita, tuntraque nos erunt, acriter persequamur, et quidquid
ut non brevitati servitum sit, sed magis venustati. Quod poterit, detrahamus ne illud, quod Crassus, si quando
sinihil fnisset,nisi, alnigncn) posita est; » tamen res tota liât perfidia, non stultitia fieri putat, ut cahot noceamus
t
cognosti facile potuisset. Sedctfestivitatemhabelnarratio uccidat. Natn ad summam totius causa? pertinet, caute, an
distiticta personis et interpuucta sermouibus, et est pro- i~ contra, demonstrata res sit quod omnis orationis reliquat
babilius, quod gestuui esse dicas, quum, quemadmodiim funs est narratio.
actum sit, exponas, et multo apertius ad intclligcDdiim Sequitur, ut causa ponatur in quo videndum est, quid
est, si sic consistitur aliquando, ac non ista brevitatc per- iu controversiamveniat. um suy»erenda sunt lirinamenta
curritur. Apertam euim narrationein tam esse oportet, eausae conjuncte, et infinnaudis contrariis, et tuis coutir-
quam cetera sed hoc magis in bac elaboraudum est, quoi] mandis. Namque una in causis ratio quidam est ejus ora-
et diflicitius est, non esse obscurum in re narranda, quam lionis, quittai! probandam argumentationoui valet. Eaau.
aut in principio aut in argumento, aut in purgando, anl tel» et eonlirmationem et reprelieiisioriem quociit sed quia
in perorando; et majore penculo haec pars orationis ou- neque repiehendi <iuœ contra dicuntur possnnt, nisi Cua
scura est, quam celerœ; vel quia si quo alio in loco est confirme;, neque l«ec conlirnuiii, nisi illa repreueurias,
dictum quid obseurins, tantum id perit, quod ita dictum hkirro Iwrr cl naluia, et utililatc, el traclalione coi>j«art»p
est; uarratio obscura tnlam obeawat orationem; tel quod sunt
sont essentiellement unies par leur nature, par r"r l'honneur
à 1tout l'I~u, de la république; cependant
leur utilité, et par la manière de les présenter. l'utilité l'emporte bien souvent, lorsqu'on peut
On termine ordinairement en relevant ses craindre qu'en la négligeant, l'honneur même
moyens par l'amplification, et en cherchant à ne puisse plus être sauvé.
enflammer les juges, ou à les apaiser. Ici, plus Tout ce qui peut partager les opinions des
que dans les autres parties du discours, l'orateur hommes se réduit à ces questions La chose est-
a besoin de déployer toutes les ressources de son elle utile? ou bien, quand on est d'accord sur ce
art, pour exciter les plus fortes émotions et pour point Lequel faut-il préférer de l'honneur ou de
les faire tourner au profit de sa cause. l'intérêt? Comme ils semblent souvent incompa-
LXXXII. Il ne me semble pas nécessaire de tibles, l'orateur qui se range du côté de l'inté-
donner séparément des règles sur les genres dé- rêt, mettra en avant les avantages qui peuvent
monstratif et délibératif presque toutes s'appli- résulter de lapaix, des richesses, de la puissance,
quent également à tous les genres. Mais si jamais des impôts, des armées, de toutes les choses en-
l'orateur doit imposer par la dignité de son ca- fin dont la valeur s'apprécie par l'utilité; il expo-
ractère, c'est lorsqu'il conseille une chose ou en sera de même les inconvénients qui résulteraient
dissuade. C'est à l'homme sage à exposer son du contraire. S'il soutient le parti de l'honneur,
opinion sur les intérêts les plus graves; c'est à il rassemblera toutes les circonstances où nos an-
l'homme de bien, doué du talent de la parole, à cêtres ont préféré le péril avec la gloire; il exal-
prévoir par sa raison, à convaincre par son au- tera l'imposant et immortel souvenir de la posté-
torité, à persuader par ses discours. rité il soutiendra que l'utilité natt souvent de la
On doit s'énoncer avec moins d'appareil dans gloire même, et est toujours inséparablede l'hon-
les délibérations du sénat; car on parle devant neur. Mais dans l'un et l'autre cas, il faut sur-
une assemblée de sages, et il faut laisser à beau- tout examiner ce qui est possible ou impossible,
coup d'autres le temps d'opiner à leur tour. Il faut ce qui est nécessaire ou non car toute délibéra-
aussi éviter de paraître vouloir faire parade de tion cesse et tombe à l'instant devant l'impossi-
son talent. Les discours prononcés devant le peu- bilité ou la nécessité; et l'orateur qui démontre
ple comportent toute la force, exigent toute la ce point essentiel que les autres n'aperçoivent pas
noblesse, toute la variété de l'éloquence. Dans fait preuve d'une sagacité supérieure. Pour don-
une délibération publique, l'orateur doit faire ner un avis sur les affaires de la république, il faut
passer avant tout le principe de l'honneur; et avant tout bien connaître sa situation et sa poli-
ceux qui veulent que ce soit celui de l'utilité, tique pour parler de manière à persuader, il faut
songent moins au but qu'il a essentiellement en connaître les dispositions actuelles des citoyens;
vue, qu'à celui qu'il lui arrive souvent de pour- et comme elles changent souvent on sera souvent
suivre. Il n'est personne, en effet, surtout dans obligé de changer le ton et le caractère de ses dis-
une cité aussi illustre que Rome, qui ne préfère cours. Au fond, l'éloquence dans sa force est

Orania auteur concludenda pterumque rébus augendis,


Tel inflammando jmlice, vel miligando omni.iqne quum
i etiam, qunm id convenif, certatur, utmm horaeslaîi po-
tins an utilitati consuleudum sit. Quœ quia pugnare sœpec,
superioribus orationis locis, tum maxime estremo, ad i inter se videntur, qui utilitatem defendit, enumerabit
mentes judicum qiiam maxime permovendas et ad utili- commoda pacis, opum, potentiae, [pecunisn], vectiga-
tatem nostram vocandas confercnda simt. lium, prœsidii mililuin utilitates, et ceterarum rerum,
LXXXII. Nequc sane jam causa videtur esse, cur secsr- quarum fructum utilitate metimur, itomque incommoda
namus ea praecepla, qnie de suasionibus tradenda sunt, aut
contrariorum. Qui ad dignitatem impcllil,înajonnn exem-
laudationibus sunt enîni pleraqne communia. Sed taineu pla, quaj erunt vel cum perieulo gloriosa, colliget; po-
suadere aliquid, aut dissnadere, gravissimœ mihi videtur stei ilatis immnrtalem memoriam augebil utilitatem ex
esse personrc. Nam et sapientis est, consilium explicare laude nasci defendet, semperque eam cum dignitate esse
suum de maxunis rebns; et bonesti, et discrti, ut mente conjunctam. Sed qnid fleri possit, aut non possit, quidque
providers, auctoritale probarc oratione persuadera pos- etiam sit necesse, aut non sil in utraque re maxime est
sit. qiœrendimi. Inciditur enim omnis jam deliberatio, si in-
Atque lineo. in senatu minore npparalu agenda simt sa- j telligitur non posse lieri, aut si nécessitas affertur; et qui
pienseniuicst cousilium multisqiie aliis dicendi relin- id docuil, non videntibus aliis, is pluriinum \idit. Ad
qucnduslocus. Vitanda etmmîngeniiostentationis suspii-ict. consilium autem de republica dandum, capllt est, nosse
Concio capit omnem vim orationis, et gravitateui varie- i rempublicam ad dicendum veroprobabiliter, nosse mores
talenirpiedesiderat. Krgo insuadendo niliit est oplabilius, civitatis qui quia crebro mutantur, gémis qiKK^ue ora-
(|iiam dignitas. Nain qui utililatem |iulat non qtiid maxime tionis est saipe niutandum. Ft qimnqiiam una fere vis est
velit suasor, sed quid interdnni mapis aequatur, videt. eloquentûe tamen quia summa dignitas est populi, gra.
Nemo est enim, piîpserlim in tam clara civilate, (juin vissima causa reipublicsc, maximt motus multitudinis;
putet expetendam maxime dignitatem seil vincit utilitas genus quaque dinendi giavius qnoddam et illastrius esse
plerumque, quum subest ille limor, ea neglrcta, ne digni- adtubendiiin vi<letur maxitmique pars orationis admo-
latem quidem pnsse retineri. Conlroversin autem inter venda est ad animorum motus nonnunqiiiuri fut coborta-
hominum senlentias. aut ili i lit» est ulrnm sit utilhis; aut tiotie, aut commemoratione aliqua, ftul in spcm, aut iu
toujours une; mais la majesté souveraine du imoyens, mais qni est souvent utile. C'est surtout
peuple, la grandeur des intérêts de l'État, la vio- dans
t de pareilles circonstances qu'on peut tirer
lence des mouvements de la multitude, tout sem- parti
i d'une repartie fine et plaisante, d'un mot
ble exiger de l'orateur quelque chose de plus vif,
i ingénieux, et piquant avec dignité; car rien
haut et de plus éclatant. Une grande partie du ne
i se laisse plus facilement que la multitude
discours doit être employée à mettre en jeu les ramener
t du mécontentement, et même de la
passions; il faut, par des exhortations par des colère,
( par un à-propos heureux et fin, par un trait
souvenirs, éveillerquelquefois dans les âmes l'es- rapide
t et enjoué.
poir ou la crainte, l'ambition ou l'amour de la LXXXIV. Pour les deux premiers genres de
gloire souvent aussi les détourner de la témé- (causes, je vous ai fait connaître, autant que je
rité, de la colère, de la présomption, de l'in- l'ai pu, les qualités que je recherche, les défauts
J

justice, de l'envie, de la cruauté. que j'évite, les considérations qui me guident,


LXXXIII. L'assemblée du peuple est le plus enfin tout l'art et le secret de ma méthode. Le
beau théâtre où puisse briller l'éloquence aussi troisième genre, celui des éloges que j'ai écarté
l'orateur est-il naturellement excité à y déployer dès le principe, sans en donner les règles, pré-
toutes les richesses de son art. Tel est même le sente peu de difficultés. Comme il y a plusieurs
|
pouvoir d'une multitude assemblée, que l'orateur, I sortes de discours d'une plus grande importance
sans un nombreux auditoire, est comme un mu- et d'un emploi plus général, sur lesquels per-
sicien privé de son instrument; il a perdu toute sonne n'a donné de préceptes, et comme nous
son éloquence. Comme le peuple se laisse em- faisons peu d'usage du panégyrique, j'avais cru
porter à mille passions, à mille écarts, il ne faut devoir mettre à part tout ce qui se rattache à ce
pas s'exposer à soulever ces explosions de dé- genre. Les Grecs eux-mêmes ne l'emploient pas
sapprobation, qui sont provoquées tantôt par à la tribune; ils ne l'ont traité que comme un
quelque faute échappée à l'orateur, si dans ses pa- objet de lecture et d'agrément, ou pour célébrer
roles il laisse voir de la dureté, de l'arrogance,d'illustres personnages. Tels sont les panégyri-
un sentiment vil et bas, ou tout autre vice deques de Thémistocle, d'Aristide, d'Agésilas,
|
l'ame; tantôt par la haine ou l'envie dont son d'Épaminondas, de Philippe, d'Alexandre et de
client est l'objet, soit qu'elles aient un motif lé- plusieurs autres. Les éloges que nous prononçons
gitime, ou qu'elles ne soient fondées que sur des dans le forum, dépouillés de tout ornement, ont
bruits injurieux; tantôt par la défaveur de la la simplicitédu témoignage, ou bien on les écrit
cause; tantôt enfin par quelque mouvement su- pour une cérémonie funèbre qui s'accommode
bit de passion ou de crainte chez la multitude. peu de la pompe de l'éloquence. Cependant,
A ces quatre dangers, l'orateur oppose un égal comme il faut quelquefois faire nsage de ces
nombre de remèdes la réprimande, si l'autorité sortes de discours, et quelquefois même en com-
de son caractère la lui permet; les remontrances, poser pour les autres, tels que l'éloge de Scipion
qui sont une réprimande adoucie; la promesse l'Africain prononcé par son neveu P. Tubéron,
de faireapprouverce qu'il avance si l'on consent mais écrit par C. Lélius et comme nous pouvons
à l'écouter, et la prière, le moins noble de ces désirer nous-mêmes de faire, à l'exemple des

metum, aut ad cupiditalera aut ad gloriam concitaudos i enim tam facile, quam multitudo, a tristitia, et sœpe ab
sa'pe etiam a temeiitale, iracundia, spe, injuria, invidia, acerbitate, commode, ac brevîter, et acute, et hilare diclo
crudelilate revocandos. deducitur.
LXXXIII. Fit autem, ut, quia maxima quasi oratori LXXXIV. Exposui fere, ut potui, vobis in utroque go-
scena videatur coucionis natura ipsa ad ornatius dicendii nere eausarum quae sequi solerem quïe fugeie qua* spe.
genus excitetur. Habet enim multiludo vim quamdam ta- clare, quaque omnino in eausis rationc versari. Nec illud
lem,.ut quemadmodum tibicen sine libiis eanere, sic tertium lauitationum genus est diflicile, quod ego initio
orator, sine mnltitudineaudiente,eloquens esse non possit. quasi a prœceptis nostris secreveram sed et quia multa
Et qnum sint popularcs multi variiqiie lapsus, vitanda estt sunt orationiim genera, et graviora, et majoris copine, de
acclamatio adversa populi quaî aut orationis peccato ali-i. quibus nemo fere prïecipcret et quod nos laudalionibus
non
quoexcitatur, si aspere, si atroganler,si Inrpiter, si sordide, ita multum uti solereimis, totum linnc segregahani
si cnioquo auimi vitio dictum esse aliquid videatur; aut ho.1. locum. Jpsi enim Grœci mais legendi et delectalionis
minum offensione vel invidia, quœ aut justa est, ant exi aut hominis alictijus ornandi, qnam utilitatis lnijiis foren-
criininalione atque famtt; aut res displicet; aut si esl in1 sis causa, luudationes scripfilaverunt quorum sunt lihri
allquo motu suœ cupiditatis aut metus multitiido. Hisqne a quibus Themistocles Aristides Agesilaus Epaminondas,
quatuorcausis totidem medicinœ opponuiitiir tum objur- rh'dippus, Alexander aliique laudantur nostra? laudatio-

gatio, si est auctoritas; tum admonitio, quasi lenior objur- nés quibus in foro utiniiir, aut testinionii brevitatem hn-
gation; tum promissiu, siaudiciint probaturos tum depre- bout nudam alque inornatam, aut scribuntur ad funebreui
catio; quod est infimum, sed iionnuuquam utile. iSullo0 concionem quaead orationis laudom minime accommodata
aulem loco plus faccliœ prosuu(.,et celeritas, et brevee est. Sed tamen, quoniam est utendum aliquando, nonnun-
aiiqnod dictum, nec sine dignitale, et cuni leuore. Nihil il1 q^iam t'iiatn sciibendum, velul. Il. Tubooni Africanum
Grecs, l'éloge de quelques grands hommes, je 'imaginationet du génie, l'éloquence elle-même
dirai aussi quelque chose de cette branche de l'é- xcitent également l'admiration, mais inspirent
loquence. noms de sympathie l'honneur et les avantages
11 est évident que parmi les avantages dont [u'elles procurent sont pour le héros; il n'en
jouissent les hommes, il y en a qui ne sont que evient rien à l'auditeur. Cependant il ne faut
désirables et d'autres qui sont dignes d'éloges. lar négliger d'en parler; car les hommes, tout
La naissance, la beauté, la force, la puissance, ti préférant l'éloge des vertus qui les charment,
la richesse, et les autres biens que dispense la le s'offensent pas d'entendre louer celles qui les
fortune, les qualités extérieures et physiques, itonneut.
ne méritent pas cette vraie gloire qui n'est due LXXXV. Comme chaque vertu a des devoirs
qu'à la vertu. Mais comme la vertu se montre :t des obligations qui lui sont propres, et que
surtout dans l'usage modéré qu'un fait de ces ihacune mérite un éloge particulier, si vous vou-
mêmes biens, il faut parler dans les panégyriques ez louer la justice de votre héros, rappelez tou-
des dons de la nature et de ceux de la fortune; es les preuves qu'il a données de sa bonne foi,
cl sous ce rapport, le plus grand éloge est de le son impartiale équité, enfin tout ce que lui
n'avoir montré ni hauteur dans le pouvoir, ni mra Inspiré le sentiment du devoir. De même,
Kerté dans l'opulence; de ne s'être point prévalu ,i vous célébrez en lui d'autres vertus, vous rap-
<!e ses richesses de n'avoir point fait servir les >orterez toutes ses actions à la nature, au pou-
faveurs de la fortune à ses passions ni à son or- oir, au nom même de chacune de ces vertus. On
gueil mais de n'en avoir usé que pour mieux intend louer surtout avec plaisir les actions qui
faire éclater sa bonté et sa modération. La vertu, te semblaient promettre aucun avantage, aucune
qui est louable par elle-même, et sans laquelle écompense à leurs généreux auteurs. Celles qui
rien n'est digne d'éloges se partage en plusieurs >iit été accompagnées de fatigues et de dangers
espèces, dont les unes prêtent plus que les autres iréseiitent le sujet d'éloges le plus fécond, parce
:i l'éloge. Il en est qui consistent dans un heu- lue c'est dans ce cas que la louange admet les
reux caractère dans ta douceur, la bienfaisance; >lus abondants développements, et se fait enten-
d'autres, dans les facultés de l'esprit, la grandeur Ire avec le plus de plaisir. En effet, la vertu
et la force de l'âme. On aime entendre louer lu'on regarde comme vraiment héroïque est celle
dans les panégyriques la clémence, la justice, la lui se dévoue pour les autres, sans redouter les
bonté, la bonne foi, et le courage au milieu des atigues et les périls, et sans être guidée par l'in-
dangers publics toutes ces vertus sont plus érêt. On admire encore la constance d'âme qui
utiles à la société qu'à ceux qui les possèdent. supporte l'adversité avec résignation, qui ne se
î.a sagesse, l'élévation de l'âme qui regarde en aisse pas abattre par les coups du sort, et con-
î itié toutes les choses de ce monde les dons de serve sa dignité au milieu des revers. Les hon-

iivunculutnlaudanti scripsit C. Lxlius vel ut nosmet ipsi psa eloquentia admirationis habet non minus, jucumli-
ornandicausa, Grajcoruin more, si quos velimus, laudare :atis minus ipsos enim magis videtur, quos laudaimis,
possimus; sit a nobis quoque tractatus is louis. luain illos, apud quos laudamus omare ac (ueri. Sed ta-
Perspicnum est igitur, alia esse in homme optanda, nen in laudando jungenda sunt etiam bnec genera virhi-
alia laudanda. Genus, forma, Aires, opes «livitiae, cetera- :tmi: f'eninlenim aines honiinum, qmim illa.quœjucunda,
(lue quai foituna det aut c\triiisecus aut corpori non H grata tnm etiam illa, qure mirabilia sont in virlute
t
liufoent in se veram laudeni quëe deberi virluli uni pulu- audari.
tur sed liunen. quod ipsa virtus in earnm reruin usu ac LXXXV. Et quoniam singularum virtiiUun sunt certa
inoderalione maxime cerniliir, tractanda eliam in lauda- juœdain officia ac mimera et sua cuiqiif: virtuti laus pro.
tiûnibns hjec sunt naturne et fortune hona; in quibus est pria delretur, erit explicandum in laude jusf îtîae quid cum
summa laus non extnlisse se in potestale nou fuisse in- iide, quid cum œquabilitale, quid cum cjusmodi aliquo
solentein in pecuniu non se prailulissc aliis propter abun- ullicio is, qui laudabitur, fecerit. Itcmque in celeris res
dantiam foi-tuna; ut opes et copia; non superbitu videantur çeslïe ad cujusqne virtutis, genus, et vim et nomen ac-
ac libidini, sed bonilati ac modération! facuhatem et ma- ['ominodabuutur. Gralissima autem laus eorum facloruin
teriani dedisse. Virlus autem qua' est per se ipsa lauda- liabelur, quœ suscepta videntur a vit fortibussine emolu-
bilis, et sine quanibit laudari potest, tamen habet plures mento ar, prsemio quee vero eliam cnm labore et perictilo
partes quai um alia est ad laudationcin aptior. Sunt enim ipsorum bicc huilent uberrimam œpiam ad laudandum
alite virtutes, qiunTidentur iu nioiibus liominum et qua- quod et dici ontatissime possunt, et audiri facillime. Ea
dam comitate ac beneh'centia posilre alias quœ iu ingenii ruiim denique virtus essevidetur pr.iestantis viri, quœ est
aliqua facullate, aut an'uni inagniludine ac robore. Nam Irncliinsa aliis ipsi autem laboriosa, aut periculosa aut
dcinentia justitia, beirignilas iides fortitudu in pericu- certe graluita. Magna etiam illa laus et admirabilis videri
lis communibus jur.uiida est andilu in laudationibiis solet, tulisse casus sapienter adversos, non fractum esse
omneseninihaîc virilités nun tam ipsis, c|ni r.tsinsi' liaient, furtiina, retinuisse in rébus asperis dignitatem. Neque ta*
quam generi hominum, Iriu'tuossK putantur. Sa|iien(ia et NM'n illa non ornant, habiti honores, décréta virtutis pras-
ma^uitudo animi, qua mimes tes huitiana: tenues et pro mia res geste judiciis hominum comprnbahe in quihin
utiiilu [tutantur,et in eu'(>atliliiflo vis qn.'fdam ingoitii t't vlïuttï félicitaient ipsam deoium imniort;diiim judicio tri
ncurs décernés avec éclat les prix accordés au
l'art j'aimeà vous voir déchirer enfin le voile de
mérite, les suffrages des hommes venant s'atta- dissimulation derrière lequel se cachait votre
cher aux bellesactions, donnent aussi beaucoupscience. Si vous ne me laissez rien, on du moins
de lustre aux éloges on peut encore y faire en- peu de chose à dire, vous faites bien, et je vous
trer le bonheur, juste récompense accordée par en sais gré. Il dépendra de vous, reprit An
la bonté des dieux. Mais il ne faudra choisir que toine, d'étendre ou de resserrer lapait que je vous
des circonstancesextraordinaires,merveil leuses; laisse. Elle embrasse tout, si vous voulez agir
car ce qui est petit, commun, vulgaire, ne donne en conscience; mais si vous prétendez esquiver,
lieu ni à l'admiration ni à la louange. Enfin le pa- voyez à vous tirer d'affaire avec vos jeunes audi-
rallèle de celui qu'on veut louer avec quelque teurs..
homme illustre: produira le plus brillant effet. Pour en revenir à notre objet, je n'ai pas le
Je me suis étendu sur ce genre plus longuement vaste génie de Thémistocle; je n'en suis pas
que je.ne l'avais annoncé. Ce n'est pas qu'il soit comme lui à préférer l'art d'oublier à celui de se
du domaine de l'éloquence du barreau qui a fait souvenir, et je rends grâce à Simonide de Céos
la matière de tout cet entretien mais j'ai voulu qui fut, dit-on, l'inventeur de la mémoire artifi-
vous prouver que si l'éloge est du ressort de l'o- cielle. On raconte que soupant un jourà Cranon,
rateur, ce que personne ne conteste, l'orateur est en Thessalie, chez Scopas homme riche et no-
obligé de connaître toutes k-s vertus, sans quoi ble, il récita une ode composée en l'honneur de
il n'y aura pas d'éloge possible. son hôte, et dans laquelle, pour embellir son su-
S'agit-il de blâmer, la méthode est évidemment jet, à la manière des poé;es, il s'était longuement
la même: il fandras'attacher àtous les vices con- étendu sur Castor et Pollux. Scopas, n'écoutant
traires; et comme on ne peut louer les hommes que sa basse avarice, dit à Simonide qu'il ne lui
de bien avec justesse et avec abondance, sans donnerait que la moitié du prix convenupour ses
la connaissance des vertus, de même sans celle vers, ajoutant qu'il pouvait, si bon lui semblait,
des vices, on ne trouvera pas, pour flétrir les aller demander le reste aux deux fils de Tyndare,
méchants, de traits assez saillants, assez énergi- qui avaient eu une égale part à l'éloge. Quelques
ques, assez amers. D'ailleurs nous avons souvent instants après, on vint prier Simonide de sortir
à appliquer à tous les genres de cause ces lieux deux jeunes gens l'attendaient à la porte, et de-
relatifs à l'éloge ou au blâme. mandaient avec instance à lui parler. Il se leva,
Voilà quelles sont mes idées sur l'invention et sortit, et ne trouva personne; mais pendant ce
la disposition du discours. J'ajouterai quelques moment la salle où Scopas était à table s'écroula,
mots sur la mémoire, afin d'alléger la tâche de et l'écrasa sous les ruines avec tous les convives.
Crassus, et de ne lui laisser à traiter que ce qui Les parents de ces infortunés voulurent les ense-
regarde l'élocution et les ornements du style. velir mais ils ne pouvaient reconnaître leurs
LXXXVI. Continuez, dit Crassus; depuis cadavres au milieu des décombres,tant ils étaient
longtemps vous étiez connu pour un maître de défigurés. Simonide, en se rappelant la place que

hui lauilationisest. SumeinHc autem res eruntant magui- te rognitum jam artificem, aliquandoque evohnum illi.
tudine praestabiles, aut novilate primai aut genere ipso inlegiimentisdissimulation!tuœ niidatumque perspicio
singulares: neque enim parvœ, neque usitatm, neque \'jl- et quofl mihi nihil, aut quod non multum rclinquis per-
gares, admiratione, aut omnino laude dignae videi soient. eouitnoda facis, estque mihi gratum.-Jam istuc quan-
Kst etiain cum céleris prsestanlibus viris comparai in in lau* tum tibi ego reliquerim, inquit Antonius, erit in tua po-
datione ptaeclara. De quo genere linilutn est milii paullo testate. Si enim vere agere volueris, omnia tibi relinquo;
plura, quam ostcnderam, dicere, non tam propter usum sin dissimulare, tuqueinarlmodum hissatisfacias,videris.
Ibrensem, qui est a me in omni hoc sermone traclatus, Sed, ut ad rem redeam, non sum tanto ego, inquit,
quam ut hoc videretis, si laudationes essent in oratoris of- ingenio, quanto ïliemistocles fuit, ut oblivionis artem,
fitio qnod nemo negat, oratori viitutum omnium cogni- quam inemoria'. malim, gratiamque habeo Simon idiilliCeo,
tionem, sine qua laudatio effici non possit, esse necessa- quem primum ferunt artem mémorise protulisse. Dicunt
riam. enim quum cœnaret Cranone in Thessalia Simouides apud
Jam viluperandi pweepta contrariis ex viliis siimenrfa. Scopam, fortunatum hominem et nobilem, cecinissetque
esse, perspicmim est simul est illnd ante ocnlos, nec id cannen quoil in eum scripsisset, in quo multa ornandi
bonum virum proprie et copiose laudari, sine virtntum causa, poetarum more in Castorem scripta et Pollucem
nec improbum notari ac vituperari, sine vitiorum cogni- fuissent, nimis illum sordide Simonidi dixisse, se dimi-
tiooe, salis insignite atqne aspere posse. AU]ue his locis et dium ejus ei, quod pactus esset, pro illo carmine, datn-
laudandi et vituperandi saepe nobis est utendum in omni rum reliquum a suis Tyndaridis, quos œque laudasset,
genere causaruni. peteret, si ei videietur. Paullo post esse ferunt nuntiatum
Habctis, de mvenienilis rebus, disponendisque quid Simonidi, Ht prodiret juvenes stare ad januam duos quos-
seutiam. Adjungam etiam de memoria, ut labore Crasstim dam, qui eum magnopere evocarent; surrexisse illum,
levem neque ci quidquaut aliud, de quo disserat, relin- lirodisse, vislisse ncmbiem hoc interim spatio conclave
i|iiam, nisi en, qiiibus li.ee f\om«'r,liir. illud, ubi epuiarelnr Scopa», coucidisse; ea ruina ipsum
LXXXYI. – l'orge vero, inquit Crassu;! libenter enim oppressum cnm «ii< iptniissr; quiisqimm hiiniarcTellenl
chacun avait occupée, parvint à faire retrouver d'abordque nous en sommes redevables. Sans doute
à chaque famille les restes qu'elle cherchait. Ce cet art de l'éloquence, ou si l'on veut cette image,
fut, dit-on, cette circonstance qui lui fit juger ce simulacre d'art, n'a pas le pouvoir de créer
que l'ordre est ce qui peut le plus sûrement gui- dans nos âmes des facultés que la nature n'y a
der la mémoire. Pour exercer cette faculté, il pas mises; mais il peut du moins développer, et
faut donc, selon Simonide imaginer dans sa tête fortifier celles dont nous avons reçu le germe et
des emplacements distincts, et y attacher l'image le principe. Au surplus, s'il n'est pas de mémoire
des objets dont on veut garder le souvenir. L'or- assez heureuse pour embrasser une longue suite
d re des emplacements conserve l'ordre des idées; d'expressions et de pensées à moins de s'aider
les images rappellent les idées elles-mêmes les d'un certain arrangement, de certains signes, il
emplacements sont la tablette de cire, et les ima- n'en est pas non plusd'assez ingrate pour ne tirer
ges, les lettres qu'on y trace. aucun avantage de cette habitude et de cet exer-
LXXXVII. Qu'ai-je besoin de rappeler les cice.
avantages que la mémoire procure à l'orateur, Simonide, ou l'inventeur, quel qu'il soit, de cet
son utilité et son pouvoir? N'est-ce point avec art, vit bien que les impressions qui nous sont
son secours que nous retenons tout ce que nous communiquées par les sens, sont celles qui se
avons recueilli sur la cause en nous en chargeant, gravent le plus profondément dans notre esprit,
tout ce que nos propres réflexions nous ont sug- et que la vue est le plus pénétrant de tous les
géré? N'est-ce pas elle qui grave toutes les pen- sens. Il en conclut qu'il nous serait facile de
sées dans notre esprit, qui reproduit dans un or- conserver le souvenir des idées que l'ouïe nous
dre régulier tous les termes qui les expriment? transmet, ou que l'imagination conçoit, si le se-
Grâce à elle, les renseignements utiles qui nous cours de la vue venait rendre l'impression plus
éclaiïeut les raisonnements auxquels il faut ré- vive: qu'alors desobjets invisibles, insaisissables
pondre, ne frappent pas seulement notre oreille, à nos regards, sembleraient prendre un corps,
mais laissent dans notre esprit des traces profon- une forme, une figure, et que ce que la pensée
des. Aussi n'y a-t-il que ceux dont la mémoire est ne pourrait embrasser, la vue nous le ferait sai-
vive et forte qui sachent ce qu'ils diront, dans sir. Ces formes, cescorps, ainsi que tous les ob-
quelle mesure et dans quels termes; qui se rap- jets qui tombent sous nos regards, avertissent la
pellent, et ce qu'ils ont réfuté, et ce qui leur mémoire, et la tiennent en éveil. Mais il leur faut
reste à réfuter encore; qui se souviennentde tous des places; car on ne peut se former l'idée d'un
les arguments dont ils se sont servis eux-mêmes corps, sans y joindre celle de l'espace qu'il oc-
dans d'autres causes, et de tous ceux qu'ils ont en- cupe. Pour ne pas m'étendre outre mesure sur
tendu développeràd'autres. J'avoue qu'il en est de une matière simple et connue de tout le monde,
la mémoire comme de toutes les autres facultés, je me bornerai à dire qu'on doit se servir d'em-
dont j'ai parlé précédemment c'est à la nature placements nombreux, remarquables, vastes, sé-

sui,neque posscut obtritos internoscere ullo modo, Si. «iis nostris pars nulla sit, pariat et procreet, verum ut ea,
monides dicitur ex co, quod meminîsset quo eorum loco quœ sant ortajam in nobis et procreata, educet atque con-
quisque cubuisset, dcmonstratoriiniuscujusqucsepeliendi lirmet. Verumtamen neque tam acri memoria fere quis-
fuisse. Hac tum re admonitusinvenisse fertur ordincm esse quam est, ut, non dispositis notatisque rebus, ordinem
maxime, qui memorke lumen afferret. Itaque iis, qui liane verborum aut sententiarum complectatur neque vero tam
partem ingenii exercerent, locos esse capiendos, et ea, beheti ut nihil hac cousuetudine et exercitatione adju-
quae memuria tenere vellent, effingenda animo, atque in vetur.
his locis collocanda sic fore, ut ordinem rerum locorum Vidit enim hoc prudenter sive Simonides, sive alius quis
nrdo couservaret; res autem ipsas rerum effigies notaret, invenit, ea maxime animis eflingi nostris, quae essent a
atque ut locis pro cera, simulacris pro litteris uleremnr. sensu tradita atque impressa; acerrimum autem ex omni-
LXXXYII. Qui sit autem oratori mémorise fructns, bus nostris sensibus esse sensum videndi quare facillime
quanta utilitas, quanta vis, quid me attinet dicere? tenere animo teneri posse ea, quœ perciperentur atiribns aut cngi-
quae didiceris iit accipienda causa, qua? ipse cogitaris? tatione, si etiam oculortim commendatione animis trade-
omnes fixas esse in animo sententias? omnem descriptum rentnr; ut res cœcas, et ab adspectus judicio remotas,
verborum apparatum? itaaudire vel eum, unde discas, conformatio quœdam et imago, et figura ita notaret, ut
vel eum, cui respondendum sit, ut illi non infundere in ea, quïe cogitando complecti non possemus, intuendo
aures tuas orationem, sed in animo videantnr inscribere? quasi teneremus. His autem formis atque corporibus
Itaque soli, qui memoria vigent, sciunt, quid, et quate- sicut omnibus, quœ sub adspectnm veniunt, admonetur
nus, et quomodo dicturi siut, quid responderint, quidmemoria nostra atque excitatur sert locis opus est etc
supersit; iidemqne multa ex aliis cousis aliqualido a.se mm corpus intelligi sine loco non potest. Quare ne in re

acta, multa ab aliis audita memincrunt. Quare confiteor • nota et pervulgata mnltus et insolens sim, locis est uten-
equidem, hujus boni naturam esse principcm, sicut earum dum multis, illustrrhus, explicatis, modicis intervallis;
rerum, de quibus ante Iocutus sum, omnium sed haec imaginihus autem agentibus, acribus, insignilis, quœ
ars tota dicendi sive artis imago qittedam est et siliiilila- occarrere, celeriteritue percutere animum possint. Quam
tlo, habet liane vim, non ut totum aliquiit, cujus in inge- facultatein et exercitatio dabitjex qua coiisupturlo gigni-
pares par (tes intervalles peu consiaerames; em- en nous la mémoire, si la nature nous l'a refusée,
ployer des images frappantes, fortes, bien carac- i
mais si nous en avonsle germe, le dégagera de
térisées, qui se présentent d'elles-mêmes et fas- l'enveloppe qui le couvrait.
sent uneimpression vive et prompte. C'estceque Voilà un bien long discours, et si vous ne
vous apprendrez par l'exercice, qui amènera m'accusez pas d'arrogance et de présomption,
bientôt l'habitude. Attachez au motque vousvou- vous me trouverez du moins bien peu modeste,
lez retenir, l'image d'une chose dont le nom soit d'avoir osé parler d'éloquence si longtemps de-
à peu près semblable, ou n'en diffère que par la vant vous, Catulus, et en présence même do
terminaison; rappelez-vous le genre par l'espèce, Crassus. Car pour Sulpicius et Cotta, leur âge
une idée tout entière par l'image d'un seul mot, devait m'imposer moins. Cependant vous me
comme un peintre habile fait ressortir les objets pardonnerez, j'en suis sûr, quand vous saurez
par la variété des formes. quel motif m'a entraîné à cette loquacité qui ne
LXXXVIII- La mémoire des mots, moins né- m'est pas ordinaire.
cessaire à l'orateur, exige une plus grande va- LXXXIX. Quant à nous, dit Catulus (je
riété d'images; car il y a une foule de mots, parle pour mon frère et pour moi), non-seule-
qui, semblables aux articulations, lient entre ment nous vous pardonnons, mais nous vous
eux les membres du discours, et qu'on ne peut en aimons davantage, et nous vous remercions
figurer par aucune forme sensible il faut ima- de tout notre cœur. Nous reconnaissons là votre
giner pour ces mots des figures particulières, aimable complaisance, et en même temps nous
pour s'en servir habituellement. L'orateur a sur- admirons l'étendue de votre savoir et votre éton
tout besoin de la mémoire des choses nous pou- nante facilité. Vous m'avez même rendu le ser
vons la fixer par des tableaux bien faits, de ma- vice de me guérir d'une grande erreur, que je
nière que les pensées nous sont rappelées par les partageais avec beaucoup d'autres. Je ne conce-
images, et leur ordre par l'emplacement que ces vais pas comment vous pouviez déployer au bar-
images occupent. Il n'est pas vrai, comme le reau un talent si extraordinaire, dans la persua-
prétendent des paresseux, que cette abondance sion où j'étais que vous n'aviez jamais étudié les
d'images étouffe la mémoire, ni qu'elle répande règles. Maintenant je vois que vous les possédez
de l'obscurité sur des choses dont nous aurions à fond. Instruit par l'expérience, vous avez re-
naturellement! gardé le souvenir. J'ai vu des cuellli tous les préceptes, en confirmant ce qui
hommes d'un grand mérite, et d'une mémoire était bon, et en corrigeant tout ce qui ne l'était
prodigieuse, Charmadas à Athènes, en Asie pas. Sans admirer moins votre éloquence, je
Métrodore de Scepsis, qu'on dit encore vivant; rends plus de justice à votre force d'âme et à
et tous deux m'ont assuré qu'ils gravaient par votre zèle studieux, et en même temps, je me
des images, dans des emplacements distincts, trouve avec plaisir affermi dans l'opinion où j'ai
les objets dont ils voulaient conserver le souve- toujours été, qu'on ne peut acquérir la gloire de
nir, comme on trace des caractères sur des ta- la sagesse et de l'éloquence qu'à force d'étude,
blettes. Sans doute cet exercice ne produira pas de travail et de savoir. Mais quelle était votre

tur et similium verboi'um conversa et immulala casibus, Hahetissermonem benelongum hominis, ntinam non
aut'traducta ex parte ail genus notatio, et unius \erbi impudentis: illud quidem certe non nimis verectuidi; qui
imagine, totius senlenliee informatio, pictoris cujusdam quidem qunm te, Catule, tnm etiam L. Crassoaudiente,
summi ratione et modo, formarum varietale locos distin- de dicendi ratione tam mulla dixciini. Nam istorum ;i'is
gnentis. minus me fortasse moverc dcbuit. Sed mibi ignoscetis pro-
LXXXVIII. Sed verborum memoria, quac minus est fecto, si modo, quœ causa me ad hanc insolitam milti ]o-
nobisnecessaria, majore imaginum varietale distinguilur quadtatem impulerit, arcepeiitis.
multa enim sunt verba, quae, quasi articuli, connectunt LXXXIX. Nos vero, inquit Catulus (etenim pro me
membraorationis,quœ formari similitudine Dulla possunt; hoc, et pro meo fratre respondeo), non modo tibi ignosci-
eorum fingendœ nobis sunt imagines quibus semper uta- mus, sed te dilighmis magtiamque tibi habemns gratiam,
singulis et qunm humanitatein et faulitatem agnoscimus tuam.,
niur. Rerum memoria propria est oratoris eam
personis bene positis notare possumus, ut sententias ima- tum admiramur istam scientiametcopiam. Kquidem eliam
ginihus,ordinem lotis cornpreliendamus. fteque verumest, hoc me asser.ntuni puto, qnod magno suin fcvatus errore,
qnod ab inertibus dicitur, opprimi memoriam imaginnm et illa admirai ione liberatus, qnod multiscumaiiis semper
pondère, et obscurari etiam id quod per se natura tenere admirari i soleham unde esset illa tanta tua in causisdivi-
potuisset. Vidi enim ego summos homines, et divina prope nitas nec enim te ista atligisse arbitrabar, quœ diligen-
memoria Athenis Charmadam, in Asia, quem vivere hodic lissime cognossc, et undique collegisse, usuque doctum
aiunt, Scepsiam Metrodorum, quorum uterque tanquam partim correxisse video partim comprobâsse.Neque co mi-
litteris in cera, sic se aiebat imaginibus in ils locis, quos nus eloquentiam tuam, et multo magis virtutem et dili-
haberet, qua' meminisse vellet, perscribere. Quarehac geutiam admirer; et simtil gaudeo, judicinm animi mei
exercitatione non eruenda memoria est, si est nulla natu- comprobari, quod semper slalui neminem sapicntiae Jau.
ralis sed eurtr si laie! «vocaada est. 1 dem et ctoqueuliœ sine summo studio, et laborc, et do-
pensée, quand vous nous disiez tout à l'heure dd'habiles rhéteurs; car comment aurais-je pu en
que nous vous pardonnerions, si nous connais- entendre
ei bien souvent, moi qui, jeté dans le fo-
sions le motif qui vous avait déterminé? Quel n
rum dès ma première jeunesse, ne m'en suis
autre motif aviez-vous que de satisfaire à notre éloigné
él que durant le temps de ma questure! ce-
empressement, et au désir de ces jeunes gens, pendant
p j'ai entendu, comme je vous le disais
qui vous ont écouté avec taut d'attention? hier,
h pendant mon séjour à Athènes, de très-
J'ai voulu, répliqua Antoine, ôter Crassus savants
si hommes, et en Asie, Métrodore de Sce-
tout moyen de manquer à sa promesse. Je savais psis,
p disputer sur la rhétorique; mais personne
que la modestie, une certaine répugnance, je n'a- n m'a paru traiter ce sujet avec plus d'abondance
ne
jouterai pas le défaut de complaisance, en par- e' de sagacité que vient de le faire Antoine. S'il en
et
lant d'un homme aussi aimable, l'écartaient de était autrement, si je croyais qu'il eût oublié
é!

ce genre d'entretien. Mais que pourrait-il prétex- quelque


q chose, je ne serais par assez incivil, as-
ter maintenant qu'il a été consul et censeur? J'au- si peu complaisant, pour ne pas me rendre de
sez
rais pu en dire autant. Alléguera-t-il son âge? TI b
bonne grâce à vos désirs.
est plus jeune que moi de quatre ans. Son igno- Avez-vous donc oublié, Crassus, dit alors
rance ? Ce que je n'ai appris que fort tard, comme Sulpicius,
S qu'Antoine en partageant avec vous,
à la dérobée, et dans mes moments perdus, il a pris le fond et comme le mécanisme de l'élo-
s'y est appliqué dès son enfance, il l'a étudié avec qquence, et vous a laissé tout ce qui est relatif aux
soin et sous les maîtres les plus habiles. Je ne ornements
o et à la décoration? – D'abord, répondit
parle pas de son génie, qui est incomparable. Crassus, de quel droitAntoine a-t-il fait les parts,
C
Lorsque je prononce un discours, il n'est per- e; choisi le premier? ensuite, si le plaisir que j'é-
et
sonnequi aitassezmauvaiseopiniondesoi, pour prouvais
p à l'entendre ne m'a pas causé de dis-
ne pas croire qu'il ferait mieux ou au moins aussi traction,
ti il me semble qu'il a traité en même
bien; mais dès que Crassus prend la parole, temps les deux sujets.
t< II n'a point parlé, dit
l'homme le plus présomptueux n'imagine pas Cotta,
C des ornements et de cette intéressante
pouvoir l'égaler. Ainsi, Crassus, il est temps que partie
p dont l'éloquence tire son nom. C'est-à-
vous entriez en matière, si vous ne voulez pas ddire qu'il s'est réservé les choses, et ne m'a laissé
que des amis d'un tel mérite se soient inutile- qque les mots. Si la tache qu'il vous a laissée,
ment réunis. répondit
ri César, est la plus diffleile, c'est pour
XC. Quand je demeurerais d'accord, dit n
nous un motif de plus pour désirer de vous en-
Crassus, que tous ces éloges sont mérités, et ils tendre
t< si c'est la plus facile, vous n'avez pas de
sont bien loin de l'être, que me reste-t-il, ou que prétexte
p pour nous refuser. Vous avez dit,
resterait-il à tout autre, à dire après vous? Mes ajouta
a Catulus, que si nous restions aujourd'hui
chers amis, je vous parle ici à cœur ouvert j'ai chez
c vous, vous consentiriez à nous satisfaire.
entendu souvent, ou du moins plusieurs fois, Croyez-vous
C donc que votre parole, que votre

ctrina, consequi posse. Sed tamen quidnam est iil, qnod enim,
ei qui potui, qui puer in forum venerim, neque inde
di\isti, fore, uttibi ignosceremus, si cognossemus,quae unqnam
u diutiiis quam quaestor abfuerim ? sed tamen
te causa in sermunem impulbset ? Quœ est enim alia causa, audivi,
ai ut heri dicebam et Athenis qiinm essem, doctis-
nisi quod nobis, et horum adolescentium studio, qui te simos viros, et in Asia isttim ipsum Scepsinm Metrodorum
si
attcnlissimc audierunt,moremgerei'eYOIuisti? 1 quum
q de his ipsis rébus dispularel: neque vero mihi quis-
Tum ille, Adimere, inquit, omnem recusationem cniatn
q copiosius unquam ïisus est neque subtilius in hoc
Crasso volui, quem ego paullo scicbam, vel pndenlius gencre dicendi
g< quam iste hodic esse versatus. Quod si
vel invilius (nolo enim dicere de tam suavi homine fasti- esset
ci aliter, et aliquid intelligerem ab Antonio prmtermis-
diosius) ad hoc genus sermonis accedere. Quid enim po- si
sum non essem tam imirbanus ac peene inhumanus, uti
terit dicere? consularem se esse hominem et censorium? e> gravarer, quod vos eu père sentirem.
eo
Eadcm nostra causa est. An relatera afferet? Quadriennin -Tum Sulpicins, An crgo, inqnit, oblituses, Crasse,
minor est. An se nescire? Quœ ego sero, quao cursim arri. Antonium ita parlîtum essetecum, ut ipse instrumentnm
A
pni quœ subsicivis operis (ut aiiinl) istea puero, summo oratoris
o exponerel, libi ejus distinctionem atque ornatum
studio, summis doctoribus. Nihil dicam de ingenio, cui rellnqueret?
n Ilic ille, Primum quis Antonio permisit,
par nemo fuit etenim me dicentem qui audierit, nemo inqnit,
il ut et partes faceret, et, utram vellet, prier ipse
unquam tam sui despiciens fuit, quin speraret aut meiius, snmeret?
si deinde, si ego recte intellexi, quum valdeliben.
aut eodem modo se posse dicere; Crasso dicente,ïiemo ti audirem, mihi conjuncte est visus de utraque re di-
ter
tam arrogann qui similiter se unqnam diclnrnm esse con. cere.–
cc, Ille vero, inquit Cotta, ornamenta orationis non at-
lideret. Quamobrem, ne frustra hi tales viri venerint, le ali- tigit,
ti neque eam lattdem ex qua cloqtientia nomen ipsum
q uando Crasse, andiamt». invenit. – Verbaigitur,inquilCrassus.mihireliquitAnto-
il
XC. Tnm ille, Ut lia ista esse concedam, inqnit, nius,
n rem ipse sumsit. Tnm Caesar, Si, quod diffici-
Antoni, quœ sunt longe secus, quid mihi tn tandem hodie, lins est, id tibi reliqaiit; est nobis, inquit, causa, cur te
li
aut cuiqiiam liomini, quod dici possit, rcliquisti? Dioam audire
a cupiamus sin, qnod (acilius tibi causa non est,
euim vere, amirissimi homines, qnod Kpntin stepe ego fur
o récuses. Et CatuIuB, Quid, qnod dixisti, inquil,
doctos hommes quid dira snope? imo nonnunrpiain Kir-pe Crasse,
( si hic hodie apud le manerrmiis te momn nntiis
honneur, ne soient pas engagés? – Cotta ajouta I. Comme je me disposais, mon cherQuintus,
en riant Je pourrais, Crassus, admettre vos à rapporter dans ce troisième Livre le discours
excuses: mais prenez garde que Catulus ne fasse que tint Crassus, lorsque Antoine eut fini le sien,
de ceci un cas de conscience. C'est une affaire un pénible souvenir est venu réveiller dans mon
qui est du ressort des censeurs, et voyez combien cœur des regrets douloureux et un chagrin que
il serait honteux, pour un homme qui a été le temps n'a point effacés. Ce beau génie qui mé-
censeur lui-même, de donner un pareil exemple. ritait l'immortalité, cette douceur de mœurs,
Eh bien répondit Crassus, faites de moi cette vertu si pure, tout fut éteint par une mort
ce que vous voudrez; mais, à l'heure qu'il est, il soudaine, dix jours à peine après les entretiens
vaut mieux nous retirer nous avons besoin de que j'ai cherché à retracer dans ce livre et dans
repos. Nous reprendrons l'entretien après midi, à le précédent. Crassus, de retour à Rome, le der-
moins que vous n'aimiez mieux différer jusqu'àà nier jour des jeux scéniques, apprit avec indi-
demain. gnation que le consul Philippe s'était permis de
Tout le monde s'écria qu'on désirait l'entendre dire, dans une harangue au peuple, qu'il avait
à l'instant même, ou l'après-midi, s'il le préfé- besoin d'un conseil plus sage, et qu'avec un pa-
rait, mais du moins le plus tôt possible. reil sénat il ne pouvait conduire les affaires pu-
bliques. Le matin des ides de septembre, il se
rendit au sénat. L'assemblée fut très-nombreuse.
LIVRE TROISIÈME. Drusus, qui l'avait convoquée,après s'être plaint
vivement du consul, demanda qu'on délibérât
ARGUMENT. sur l'outrage que le premier magistrat de la ré-
S
publique avait fait à cet ordre respectable, en le
Crassus reprend la parole, et traite de Vclocution et de calomniant auprès du peuple. Toutes les fois que
l'action. Le Livre commence par un morceau pathétiquesur Crassusprononçait un discourspréparé avec quel-
C
ta mort de cet orateur, et sur la destinée malheureuse des
autres interlocuteurs du Dialogue. qque soin, les hommes les plus éclairés s'accor-
11 établit (VI1-XIII) que, malgré la diversité des talents,
et la différence des ^enres que l'éloquenceembrasse, on peut
uJ
daient à dire qu'il semblait n'avoir jamais mieux
l'assujettir cependant à des règles fixes et générales. Il indi- parlé;
p mais ce jour-là on convint que si jusqu'a-
que, comme premières qualités de l'élucution la correction lors
1( il avait surpassé les autres, cette fois il s'é-
etla clarté, sur lesquelles il ne croit pas devoir insister.Avant
de passer aux qualités plus importantes, il considère (XVI- t, élevé au-dessus de lui-même. Il déplora le
tait
XXIII) l'art de l'orateur sous son point de vue le plus élevé; malheur
D et le triste délaissement dusénat; il éclata
et dans une digression éloquente, remonte jusqu'au temps où
l'on ne séparait pas l'art de bien penser de celui de bien dire, contre l'audace du consul, qui, au lieu de remplir
Ci
la sagesse, de l'éloquence. JI se plaint de cette injuste sépara- à l'égard de cet ordre le devoir d'un bon père, ou
tiun, et conseille aux orateurs d'étudier la philosophie. lire- d'un fidèle tuteur, venait, comme un infâme
commande ensuite ( XX IV-XXX VI ) àceux qui veu lent donner a
au discours les ornements convenables de se faire, avant brigand,
b le dépouiller de sa dignité héréditaire
tout, par des études sérieuses, le fonds d'idées le plus riche il ne fallait pas s'étonner si celui dont la politique
qu'ils pourront. Il examine(XXXVII-LIV)lesmotsprisisolé.
ment et réunis; il s'étend sur la composition de la phrase,
sur le rhytbme et le nombre; il donne un aperçu rapide des
In ft
funeste
maintenant
Ti
avait bouleversé la république, voulait
lui enlever l'appui et les lumières du
figures de mots et de pensées. Les six derniers chapitres sont
consacrés à la convenance du style et à l'action oratoire. sénat.
S( Philippe était violent, accoutumé à manier

esse gesturum, nihilne ad fidem tuam putas pertinere?


Tum Cotta ridens, Possem tibi, inquit, Crasse, concedere
– enim
el Romani rediit extrême scenicorum ludorum die,
vehemeuter
vi commotus ea oratioue, quae ferebatur habita
sed vide, ne quid Catulus attulerit religionis. Opus hoc esse in concione a Philippo; quem dixisse constabat,
ei
raisorium est id autem committere, vide quam sit homini videndum
v sibi aliud esse consilium, illo senatu se rempu.
turpe ceusorio. b
blicam gerere non posse; mane idibus septembres et ille,
Agite vero, ille inquit, ut vnltis seil nunc quidem, el et senalus frequensvocatu Drasi in curiam venit. lbi quum
guoniam id temporis est, surgendum censeo, et requie D Drusus multa de Philippo questus esset, rctulit ad sena-
scendum post meridiem, si ita vobis est cotnmodum, ta tnm de illo ipso, quod consul in eum ordinem tam gravi-
loquemur aliquid; nisi forte in crastiniim differre mavultib. ter U in concione esset invectus. Hic, ut sœpe inter homines
Omnes se vel statim, vel, si ipse num meridiem mallet, sapientissimosconstare
si vidi quanquam hoc Crasso quum
quam pruiiuiu tamen audire velle dixerunt. al
aliquid accnratius dixisset, semper fere contigisset, ut
al
nunquam dixisse melius putaretur, tamen omnium con-
sensu sic esse tum judicatum audivimus,ce!erosaCrasso
LIBER TERTIUS.
semper omnes, illo autem die etiam ipsum a sese supera-
I. Instituenti inihi, Quinte frater, eum sermonem re- tum. Deploravit enim casum atque orbitatem senatus;
ferre, et mandare huic tertio libro, quem post Antonii cujus ordinis a consule, qui quasi parens bonus, aut tu-
disputationem Crassus habuisset, acerba sane recordatio tor (idelis esse deberet tanquam ab aliqiio nefario prœdonc
veterem aaimi curam molestiamque renovavit. Nam illud diriperetur patrimonium dignitalis neque vero esse mi*
immortalitate dignum ingenium, illa humanitas, illa vir- randum, si quum suis consiliis rempnblicamprofligassetf
tus L. Crassi, morte extincta subita est, vix diebus decem consilium senatus a republica repndiaret. Hic quum homini
post diem qui hoc Kilt superiore
tUMI U1Ç1II 4 IIUI liUC et
13 Leum
libro continelnr. et vehementi, et diserto, et in
oLIInTriVU 11UIV IAJUL111\>L1J1 UtUb \j\ 1 ^11\J1J4^IJVI \s+ HIOt'lLl/j ^,1
primis foi ad résistai-
111 J.FJI11I1I? IVJIbl «w v^litvil
CICf.nON. TOME I. |yD
l'arme de la parole, et à faire tête à ceux qui fièvre, et au bout de sept jours il n'était plus. 0
l'attaquaient les reproches de Crassus enflam- trompeuses espérances de l'homme ô fragilité de
mèrent sa fureur, et pour contenir ce redoutable la condition humaine ô vanité de nos ambitions,
adversaire, il alla, dans le transport de sa colère, si souvent confondues et brisées au milieu même
jusqu'à ordonner de prendre un gage sur ses bi ens. de leur course, et que la tempête vient engloutir
Ce fut alors que Crassus déploya un talent plus à l'instant où l'on découvrait le port Tant que
qu'humain il déclara qu'il ne voyait plus un la v.ie de Crassus fut occupée à la poursuite péni-
consul dans celui qui refusait de voir en lui un ble des dignités, il eut bien cette gloire que don-
sénateur. « Quand tu as regardé l'autorité du sé- nent le dévoûment aux intérêts des particuliers
• nat tout entier comme un bien
confiscable, que et l'éclat du talent, mais non pas encore le crédit
« tu
l'as dégradée, foulée aux pieds devant le et le rang attachés aux grands emplois; et l'an-
«
peuple, penses-tu m'effrayer par tes indignes née d'après sa censure, lorsque les suffrages una-
outrages! Si tu veux imposer silence à Crassus, nimes de ses concitoyens lui décernaient déjà la
ce ne sont pas ses biens, c'est la langue qu'il première place dans la considérationpublique, la
faut lui arracher; et quand il ne me restera plus mort vint renverser tous ses projets et toutes ses
que le souffle, mon âme libre saura encore trou- espérances 1 Ce fut sans doute une perte cruelle
ver des sons pour combattre ta tyrannie. » pour sa famine, douloureuse à la patrie, sensible
II. Il parla longtemps avec cette chaleur et à tous les gens de bien; mais tel a été après lui
cette véhémence, déployant toute son âme tout le sort de la république, qu'on peut dire que les
son génie, toutes ses forces; et son avis, adopté dieux ne lui ont pas enlevé la vie, mais plutôt
par l'assemblée presque entière, forma le décret qu'ils lui ont fait don de la mort. Il n'a point vu
du sénat conçu dans les termes les plus forts et l'Italie déchirée par la guerre, le sénat en butte
les plus magnifiques. Il portait que « toutes les aux fureurs de la haine les premiers citoyens de
fois qu'il s'était agi des intérêts du peuple romain, Rome accusés d'un complot sacrilège; il n'a point
ni la sagesse, ni la fidélité du sénat, n'avaient vu le deuil de sa fille, l'exil de son gendre, la
manqué à la république. » Crassus revêtit même fuite désastreuse de Marius, le carnage et les
de son nom la rédaction du décret, comme l'at- horreurs qui suivirent son retour; enfin, il n'a
testent encore les registres. Mais ce fut pour cet pas vu flétrir et dégrader cette république si glo-
homme divin le chant du cygne; ce furent les rieuse autrefois, lorsque lui-même était monté au
derniers accents de sa voix; et nous, comme si comble de la gloire.
nous eussions dû l'entendre toujours, nous ve- III. Mais puisque mes réflexions m'ont con-
nions au sénat, après sa mort, contempler encore duit à parler du pouvoir et de l'inconstance de
la place où il avait parlé pour la dernière fois. Il la fortune, je n'ai pas besoin d'aller chercher plus
fut saisi pendant son discours même d'une dou- loin d'autres exemples il me suffit de rappeler
leur de côté, suivie d'une sueur abondante, et la destinée des interlocuteurs de ce dialogue.
d'un frisson violent; il rentra chez lui avec la Quoique la mort de L. Crassusait fait couler tant

dnm, Philippo, quasi quasdam verborum faces adinovis- dieque septimo lateris dolore consumtus est. 0 fallarem
sel, non tulit ille, et graviter exarsit, pignorihnsque bominum spem, fragilemque fortunam, et inanes nostras
ablalis Crassum instituit coercere. Quo quidem ipso in contentioues quee in medio spatio ssepe franguntur et
loco multa a Crasso divinitus dicta efferebantur, quum corruunt, et ante, in ipso cursu, obruuntur,quam portum
sibi illum consulcm esse negaret, cui senator ipse non conspicerf! potuerunt. Nam, quamdin Crassi fuit ambitio-
tsset « An tu, quum omnem auctoritatem universi crdi- nis latiore vita districta, tamdiu privatis magis oftîeiis et
nis pro pignore putaris, eamque in conspectu populi ingenii laude tloruit, quam fructil amplittidinis, aut rei-
« roui, concideris; me his pignoribus existimas posse ter.
publicœdignitate. Qui autem ei annus primus ab bonorum
« reri? Non libi illa sunt concidenda, si Crassum vis coer- perfunetione aditum, omnium concessu, ad summam
cere haec tibi est excidenda lingua; qua vel evulsa, anctoritatemdabat, is cjus omnem spem atque onmia vite
« spirilu ipso lihidinem tuain libertas mea refutabit. » consilia morte pervertit. Fuit hoc luctuosum suis, acer-
Il. Permulta tum vehementissima contenlione animi, bum patrise, grave bonis omnibus; sed ii tamen rempu-
Ingenii virium ab eo dicta esse constabat; sententiamque blicam casus secuti sunt, ut mihi non ereptaL. Crasso a
eam, quam senatus frequens secntus est ornatissimis et diis inimortalibus vita, sed donata mors esse videatur.
gravissimisverbis, « Ut populo romano satisfieret, nun- Non vidit nagrantem bello Ilaliam non ardentem invidia
quaro senatus neque consilium reipublicie, nequc fidem senatum, non sceleris nefarii principes civitatis reos, non
defuisse, » ab eo dictam; et eumdem (id quod in anctori. luctum liliœ non exsilium generi, non acerbissimam C.
tatibiispraescripti8exstat)sciibendoadfuisse. Illa tanquam Mai ii fugam non illam post reditum ejus caedem omnium
cycnea fuit divini hominis vox et oratio, quam quasi crudelissimam non denique in omni genere detormatam
inspectantes, post ejiis interitum veniebamus in r.uriam, eam civitatem in qua ipse uorentissima multum omnibus
ut vestigium illud ipsum, in qno illa postremum institis- gloria praestitisset.
set, contueremur. Namque tum latus ei dicenti rondo- III. Sed quoniam attigi cogitatione vim varielalemque
luisse, sudoremqne multum consecutum esse audiebamus rortunœ, non vagabitur oratio mea longius, atque eis lere
«x quu quum cohorruisset, cum febri domum rediit, ipsis definietur viris, qni hoc sermone, quem referre cœ-
de larmes, qui ne la trouve heureuse, en se rap- tribun, entreprit d'humilier ceux même dont fi
pelant le sort de ceux qui eurent alors avec lui avait été, dans la condition privée, l'ami le plu»
leur dernier entretien? Pouvons-nous oublier que fidèle; et jet homme, qui croissait pour la gloire
Q. Catiilus revêtu de tous les titres de gloire, et de l'éloquence romaine, périt d'une mort san-
qui implorait pour unique faveur, non la conser- glante, juste châtiment de sa politique insensée,
vation de ses droits, mais l'exil et la liberté de mais qui n'en causa pas moins à la république
fuir, fut réduit à se donner lui-même la mort? Et une perte irréparable. Pour moi Crassus quand
j
M. Antoine, quelle a été sa fin? la tête sanglante je considère l'éclat de ta vie, et l'heureux à pro-
de cet homme, à qui tant de citoyens devaient pos de ta mort, il me semble que la bonté divine
leur salut, fut attachée à cette même tribune, s'est plu à marquer elle-même ta naissance et ta
où, pendant son consulat, il avait défendu la ré- fin. Ta fermeté et ta vertu t'auraient fait tomber
publique avec tant de fermeté, et qu'il avait sous le glaive des guerres civiles; ou si la fortune
ornée, pendant sa censure, des dépouilles de l'en- avait dérobé tes jours à la fureur des assassins,
nemi. Bientôt, sur cette même tribune, furent c'eut été pour te rendre témoin des funérailles
exposées aux outrages la tête de C. César, lâche- de ta patr ie; et tu aurais eu, non-seulementà gé-
ment trahi par un Toscan son hôte, et celle de mir sur la tyrannie des méchants, mais encore à
son frère Lucius. Ah! celui à qui le spectacle de pleurer sur la victoire du meilleur parti, souillée
ces horreurs a été épargné ne semble-t-il pas avoir par le meurtre de tant de citoyens.
vécu et être mort avec la république? Crassus IV. Je ne puis songer, mon cher Quintus, à
n'a pas vu son proche parent Publius, cet homme la destinée de ces grands hommes, et aux maux
d'un si grand courage, forcé de se tuer de sa que j'ai soufferts moi-même pour avoir aimé trop
propre main; ni le grand pontife Scévola, son tendrement ma patrie, sans reconnaître la vérité
collègue, rougir de son sang la statue de Vesta et la sagesse de vos conseils, lorsque vous me
ce cœur généreux, qui ne respirait que l'amour rappeliez les malheurs, la chute terrible de tant
de la patrie, aurait donné des pleurs à la mort d'hommesillustres, de tant de vertueux citoyens,
même de C. Carbon, son plus grand ennemi, pour m'engager à ne pas m'exposer aux orales
massacré aussi dans cette affreuse journée. Il n'a des dissensionspubliques. Mais puisqu'il n'est pluss
pas vu la destinée déplorablede ces deux jeunes temps de revenir sur mes pas, et que la gloire,
gens qui s'étaient attachés à lui Cotta qu'il il en couronnant mes travaux, en a fait disparaître
avait laissé, en mourant, dans une position si l'amertume, livrons-nous à ces douces consola-
heureuse, peu de jours après, exclu, dépossédé tions qui font oublier les douleurs passées, qui
du tribunat par la cabale de ses ennemis, fut charment les douleurs présentes. Achevons de
bientôt obligé de se bannir de Rome. D'abord transmettre à la postérité cet entretien de Crassus,
victime de la même faction, Sulpicius, devenu et comme les dernières paroles qu'il prononça;

pimus, continentur. Quis enim non jure beatam L. Crassi conjunctissime vixerat, hos in Iribunatn spoliare inslifui:
,mortem illam quœ est a multis saepe defleta, dixerit, omni dignitate; cui quidem ad summam gloriam eloquen
quum liornm ipsorum sit, qui tum cum illo postremum tiae florescenli ferro erepta vita est, et pœna temeiitafid
fere cellociiti snnt, eventum recordatus. Tenemns enim non sine magno icipnhlirae malo constituta. Ego vero te,
memoria, Q. Catnlum virum omni laude prestantem Crasse, quum viUe flore, tum mortis opportunitate diviuù
quum sibi non incolnmem fortunam, sed exsilium et fu- consilio et ortnm et exstinctum esse arbitror nam lib.
gam deprecaretur esse coactum, ut vita se ipse privaret. aut, pro virtute animi constantiaque tua, civilis ferri su-
Jam M. Antonii in lus ipsis rostris in quibus ille rempu- bennda.fuitcrudelitas,aut, si qua te fortuna ab atrocilalv
blicam constantissimeconsul defenderat, quacque censor mortis vindicasset, eadem esse te funerum patriae specta-
iinperatoriis manubiis ornarat, positum caput illud fuit, a torem coegisset neque solum tibi improborum doumia-
«pin erant muitornm civium
capita servata. Neque vero tus, sed etiam, propter admixtam civium cxdem, bono-
longe ab eo C. Juin caput, hospitis Etrusri scelere prodi- mm victoria mœrori fuisset.
tum, cnm L. Julïi fratris capite jacuit ut ille, qui bœc
non vidit, et vixisse cnm republica pariter, etcum illa IV. Mihi quidem, Quinte frater, et eorum casus, de qui-
simul exstinctus esse videatur. Neque enim propinquum bus ante dixi, et ea quae nosmet ipsi ob aniorem in rem-
suum, maxiini animi virum, P. Crassum, suapte inter- publicam incredibilem et singularem pertulimus ac sensi-
iectuin manu, neque collègue sui, pontifias maximi, san- mus, eogilanti sententia saepe tua vera ac sapiens videri so-
guiue simulacrumVestœ respersumesse vidit; cui mœrori let,qui propter tot.tantos,tamque prsecipites casus clarissi-
(qua meute ille in patriam fuit) etiam C. Carbonis, inimi- morum hominum atque optimorum virorum, me semper
cissimi hominis, eodem illo die mors nefaria fuisset. Non ab omni contentioneac dimicatione revocasti. Sed qtioniank
vidit eorum ipsorum, qui tum adolescentes Crasso se di- haec jam neque in integro nobis esse possunt, et summi
carant, liorribiles miserosque casus. Ex quibus C. Cotta, labores nostn, magna cnmpensatigloria, mitigantur per-
quem ille norentem reliquerat, paucis diebus post mortem gamus ad ea solatia, quœ non modo sedatis molestiis, ju-
Crassi depulsus per invidiam tribnnalu, non muUis ab eo cuada, sed etiam haerentibus, salntaria uobis esse possunt
tempore mensibus ejeclns est e civitate. Sulpicius autem, sermonemque L. Crassi reliquum ac pane poslremiim me.
qui in eadem inridùe namma fuisset quibuscum privâtes inoria- prodamus; atque ei, etsi nequaquam parem iilius
et si eet homma ge n'est pas proportionnéà la gran- cause.
e Cotta, qui connaissait son habitude, était
deur de son génie, il attestera du moins l'ardeur venu,
v pendant que les autres dormaient, épier
de notre zèle et de notre juste reconnaissance. Crassusdans
C la salle où reposait ce grand orateur.
Lorsqu'on lit ces admirables ouvrages de Pla- Il
1 le trouva couché sur un lit qu'il s'était fait

ton, où revient presque toujours la figure de dresser,etle


d voyant absorbé dans ses méditations,
Socrate, malgré l'éloquence sublime du disciple, il se retira aussitôt. Deux heuress'écoulèrent dans
l'imagination se forme du maître une idée plus c recueillement. Enfin lorsque la moitié de la
ce
imposante encore. Telle est la disposition que je ji
journée était déjà écoulée, tout le monde se ras-
demande, non pas à vous, mon frère, dont l'in- sembla
s auprès de Crassus, et César lui dit: N'est-
dulgence se plaît à exagérer mes talents, mais à il pas temps d'aller prendre séance? nous ne
il
tous ceux qui liront ces dialogues je les prie, venons pas toutefois vous presser de tenir votre
pour apprécierCrassus, d'aller au delà de l'image j parole, mais seulement vous la rappeler. Me
imparfaite que je pourrai leuroffrir. Je n'assistai ccroyez-vous, dit Crassus, d'assez mauvaise foi,
point à l'entretien que je vais rapporter mais 1pour différer plus longtemps d'acquitter vis-à-vis
Cotta m'en a redit la substance et le fond et com- c vous une dette telle que celle que j'ai con-
de
me je connaissais parfaitement le genre de talent tractée
t ? Quel lieu, reprit César, choisirons-
des deux interlocuteurs, je me suis attaché à le nous
i ? que pensez-vous du milieu de ce bois?nousy
reproduire en les faisant parler. Si quelques criti- j
jouirons de l'ombre et du frais. Soit, répondit
ques, trompés par l'opinion commune, me repro- (Crassus; le lieu me parait convenable à notre en-
chent de donner à Crassus moins d'abondance, ttretien. Tout le monde approuvant cet avis, on
à Antoinemoinsdesécheresse,qu'ilsn'enavaient, s rend au milieu du bois,
se où chacun prend place,
c'est qu'ils ne les ont pas entendus, ou qu'ils ne iimpatient d'entendre Crassus.
sont pas en état de les juger. Chacun d'eux, com- L'empire, dit-il, que vous avez sur moi,
me je l'ai dit, doué d'unegrandeapplication,d'un ivotre amitié, surtout la complaisance d'Antoine,
heureux génie, et d'une vaste instruction, était ine me laissent aucun moyen de vous refuser; et
parfait dans son genre le style d'Antoine ne cependant j'en aurais peut-être de justes raisons.
manquait pas d'ornements, et celui de Crassus Dans le partage qu'il a fait de cette discussion,
n'en était pas surchargé.^ en se réservant tout ce qui concerne les pensées,
V. On s'était séparé avant midi pour prendre et en me laissant à traiter les ornements dont el-
un peu de repos. Cotta m'a raconté que Crassus les sont susceptibles, il a séparé deux choses in-
passa tout ce temps absorbé dans une sérieuse et séparables. Lediscours, en effet, se composant de
profonde méditation, avec cet air pensif, ce re- pensées et de mots, il n'y a plus de place pour
gard fixe, qui lui étaient ordinaires (il l'avait vu les mots, si l'on retranche les pensées, et celles-
souvent) lorsqu'il se préparait à plaider une grande ci ne peuvent être mises en lumière, si vous

ingenio, at pro nostro tamen studio, meritam gratiam de. vultum ejus, quum ei dicendum esset, obtutumque oculo.
hilamque referamus. rum in cogitando probe nosset, atque inmaximis causis
Neque enim quisquam nostrum, qiiura libros Platonis sœpe vidisset, tum dedita opera, quiescentibus aliis, in
mirabiliter scriptos legit, in quibus omnibus fere Socrales eam exhedram venisse, in qua Crassus lectulo posito re-
exprimitur, non, quanquam illa scripta sunt divinitus, cuboisset, quumque cum in cogilalionedelixumesse sen-
tamen majus quiddam de illo, de quo scripta sunt, suspi- sisset, statim recessisse, atque in eo silentio duas horas
catur. Quod item nos postulamus non a te quidem, qui fere esse consumtas. Deinde qnum omnes, inclinato jam
nobis omnia summa tribuis sed a ceteris, qui haec in ma- in pommidianuni tempus die, veuissent ad Crassum, Quid
nns snment,utmajus quiddam de L. Crasso, quam quan. est, Crasse, inquit Julius, imusne sessum? etsi admoni-
tum a nobis exprimetur, suspicentur. Nos enim, qui ipsi tum venimns te, non ilagilatum. Tum Crassus, An me
•mnoni non interfuissemus, et quibus C. Cotta lantum tam impudcnlcni esse existimatis, ut vobis hoc pr2esertini
modo locos ac sententias bujus disputationis tradidisset mnnns putcm diutins posse debere? Quinam igitur,
(quoingenereorationis utrumqueoratoremcognoveramus), inquit ille, locus? an in media silva plaoet? Est enim is
id ipsum sumus in eorum sermone adumbrare conati. Quod maxime et opacns, et frigidus. Sane, inqnit Crassus
si quis erit, qui ductus opinione vulgi, aut Antonium je- etenim est eo loco sedes buic nostro non inopportuna ser-!
juniorem, aut Crassum pleniorem fuisse pulet, quam quo. moni. Qu'uni placuisset idem ceteris, in silvam venilur
modo a nobis nterque inductus est; is erit ex iis, qui aut et ibi magna cum audiendi exspectatione considitur.
illos non audierint, aut judicare non possint. Nam fuit Tum Crassns, Quum auctoritas atque amicitia vn-
uterque (ut exposui antea) quum studio atque ingenio et stra, Unn Antonii facilitas eripuit, inquit, milii in oplima
doctrina priestans omnibus, tum in suo génère perfectus, mea causa libertatem recusandi quanquam in partienda
ut neque in Antonio deesset hic ornatus oralionis, neque disputatione nostra quum sibi de iis, quae dici ab oratore
in Crasso redundaret. oporteret, sumeret, mibi autem reliuqueret, ut explica-
Y. Ut igitur ante meridiemdiscesserunt,paullulumque rem, qtieinadmodum illa ornari oportcrel ea divisit quo-'
reqnierunt, in primis hoc a se Cotta aniraadversum esse sejuncta esse non possunt. Nam quum omnis ex re atqne
dicebat, omne illud lempus meridianum Crassom in acer- verbis constet oratio; neque verba sedem habere possuul
rima atque attontissima cogitatione posnis.se, seseque qui si rem subtraxeris neque res lumen. si verba semoveris.
JUb L'ORATEUR,
DE. LUM1LU L1V. lit.
faites disparaître les mots. Les anciens avaient,
ce me semble des vues plus élevées, et des idées
plus étendues que les nôtres, lorsqu'ils représen-
taient cet univers qui nous environne, comme
un tout immense, dont les parties sont enchaî-
nées par une seule force, et réunies sous une
même loi de la nature chacune de ces parties
a besoin, pour que son existence soit durable,
de rester fidèlement attachée à toutes les autres
et chacune aussi est nécessaire à la conservation
et à la perpétuité de tout l'ensemble.
VI. Mais si un vaste système est au-dessus de
notre faible intelligence, c'est au moins un mot
bien vrai de Platon, et ce mot, Catulus, n'est
assurément pas nouveau pour vous, qu'un lien
commun unit tous les arts et toutes les sciences
dont l'étnde charme ou élève l'esprit de l'homme
ces rapports secrets, cette merveilleuse alliance,
frappent tous ceux qui se sont appliqués à ap-
profondir l'enchaînement des causes et des ef-
fets. Enfin, si cette idée échappe encore par sa
sublimité à nos regards trop attachés à la terre,
nous devons au moins connaître toute l'étendue
de l'art auquel nous nous sommes consacrés, que
nous professons, et qui fait l'occupation de notre
vie. VII. Il me semble qu'il n'existe dans la nature
Je vous le disais hier, et Antoine l'a répété ce aucun ordre de choses qui ne puisse présenter en
matin plus d'une fois, l'éloquence est une, quel- lui-même une multitude de combinaisonstrès-di-
que sujet qu'elle embrasse dans quelque sphère verses, mais toutes égalementsusceptibles de plaire
d'idées qu'on la transporte. Soit qu'elle s'occupe au même titre. Une multitude de sons frappent
du ciel ou de la terre, des choses divines ou hu- nos oreilles d'une manière agréable cependant
maines soit qu'elle s'adresse à des supérieurs, ils sont souvent très-différents entre eux, et le
à des égaux ou à des inférieurs soit qu'elle se dernier est celui qui nous fait le plus de plaisir.
propose d'instruire les hommes, soit qu'elle les 11
en est de même des spectacles dont la nature
excite ou qu'elle les arrête, qu'elle les pousse ou enchante nos yeux ils ne se ressemblent point,
qu'elle les ramène, qu'elle enflamme ou qu'elle et ils procurent à un seul sens une multitude de

Ac mihi quidem veteres, illi majus quiddam animo corn- sive de divina vi, sive de humana, sive ex iuferiore loco,
plexi, multo plus etiam vidisse videntur, quam quantum i sive ex aequo sive ex superiore, sive ut impellat homines,
nostrornmingeniorumaciesintueripotest qui omniabrce, sive utdoceat, sive tit exterreat, sive ut concitet, sive ut re.
quœ supra et subter, anumesse, et unavi atque una consen- flectal, sive ut inceudat, siveutleniat, sive ad paucos, sive
sione naturae constricta esse dixerunt. Nullum est enim ge- ad multos,siveinteralienos,sivecumsuis,sivesecum,rivis
nusrerumquodauUvulsuinaceterisperseipsumconstare est
aut, quo cetera si careaut, vim suam atque setemitatemeodem
didnetaoratio, non fnnlibns; et, quocumqiie ingreditur,
est instructu ornatuque comitata. Sed quoniam op-
conservare possint. pressi jam sumus opinionibus,non modo vulgi, verum etiam
VI. Sed si haec major esse ratio videtur, quam ut ho- hominum leviter eruditnrnm qui, quae complecti tota ne-
minum possit sensu aut cogitatione comprehendi,est etiam queunt, liœc facilius divulsa et quasi discerptacontrectant,
illa Plalonis vera, et tibi, Catule, certe non inaudita vox et qui, tanqnam ab animo corpus, sic a sententiis verba
omnemdoctrinamharum ingenuarum et humanarum artiumi sejungunt quorum sine interilu fieri neutrum potest non
uno qnodam socielatis vinculo contineri ubi enim per- suscipiamoratione mea plus, quant mihi imponitnr; tan-
specta vis est rationis ejus, qua causœ reruin atque exituss tum significabobrevi, neque verborum ornatum invenivi
cognoscuntur, mims quidam omnium quasi consensus
doctrinarum concentusque reperitur. Sed si hoc quoque
posse
lam non partitis expressisque sententiis, neque esse ul-
sententiam illustrem sine luce verborum. sed prius-
quam
videtur esse altius, quam ut id nos, humi strati, suspicere illa conor attingere, qnibus orationem ornari atqne
illimiinari pntem, proponam breviter, quid sentiam de
possimus, illudcertetameu, quodamplexi sumiis, quod1
profitemur, quod suscepimns, nosseet tenere debemus. universo genere dicendi.
Una est enim, quod et ego hesterna die dixi, et aliquott VII. Natura nulla est, ut mihi videtur, quœ non habeat
locis autemeridiano sermone signifieavit Antorius, elo- in suo genere res compluresdissimiles inter se, quee tamen
quentia, quaseumque in oras disputationis regionesve de. consimili laude digneutur. Nam et auribus multa percipi-
tata est. Nam sive de oœli natura loquitur, sive de terne mus, qii», etsi nos vocibus delectant, tamen ista sunt
loulssances différentes. Un en peut dire autant d'entre
c eux n'est pas admirable? lequel ressemble
des autres sens, qui sont affectés d'impressions àà d'autres qu'à lui-même? Scipion l'Africain eut en
agréables mais diverses, sans qu'il soit facile ipartage la noblesse; Lélius, la grâce; Galba, la
de juger quelle est celle qui l'emporte sur les véhémence;
v Carbon, l'abondance et l'harmonie.
autres. Ce que je viens de dire des objets de la Chacun
( de ces orateurs fut un des premiers de
nature s'applique aux beaux-arts. Il n'y a qu'un s siècle chacunmérita la palme dans un genre
son
art de la sculpture Myron, Polyclète, Lysippe, différent.
c *•

y ont excellé; maisils ne se ressemblent pas l'un VIII. Mais pourquoi recourir à des exemples
à l'autre, et l'on ne voudrait pas qu'aucun d'eux anciens,
a lorsque nous en avons de vivants sous
fût différent de lui-même. Il n'y a qu'un art de les
1 yeux ? Quoi de plus agréable à l'oreille que le
peindre cependant Zeuxis, Aglaophon, Apelle, style
s de Catulus? Son élocution est si pure, qu'on
sont tous les trois fort différents entre eux, et il idirait que lui seul sait parier la langue des Ro-
semble que rien ne manque à la perfection de lr
mains la noblesse et la dignité n'excluent pas
chacun d'eux. Si cette variété singulière et en e lui l'urbanitéetlagrâce; enfin, toutes les fois
en
même temps si réelle, nous étonne dans des arts que
q je l'entends,je me dis qu'on ne pourrait rien
en quelque sorte muets, combien n'est-elle pas ajouter,
a rien retrancher, rien changer à ses pa-
plussurprenanteencoredanslesartsdelaparole? roles
r sans y gâter quelque chose. Et César, n'a-
Lesécrivains en employant, les mêmes pensées et t pas introduit dans l'éloquence une manière
t-il
les mêmes expressions, présentent pourtant des nouvelle
r[ et qui lui est propre? Quel orateur,
diversités infinies. Ce n'est pas que les qualités après
a lui, sut jamais prêter à des sujets tra-
de l'un fassent tort à la gloire des autres tous giques
g le piquant de la comédie, aux sujets
sont dignes des mêmes éloges, mais à des titres tristes,
t de la gaieté, de l'enjouement aux plus
différents. C'est ce qu'on peut remarquer d'abord sérieux,
s et transporter au barreau le charme et
parmi les poètes, qui ont tant d'affinité avec les l'intérêt
1 du théâtre, sans que l'élévation des
orateurs. Quelle différence entre Ennius, Pacu- pensées
1 exclue jamais la plaisanterie, sans que
1la plaisanterie ôte de la noblesse
vius et Attius, et, chez les Grecs, entre Eschyle, aux pensées?
Sophocle et Euripide! tous cependant ne sont-ils Voici
1 deux jeunes gens à peu près du même âge,
pas àpeu prèségalement admirés, malgréla diffé- Sulpicius
J et Cotta. Peut-on se ressembler moins,
rence de leur manière? Si nous considérons main- mais
r peut-on être plus distingué dans des gen-
tenant les orateurs, qui font le sujet de cet en- r différents! Cotta s'attache au poli et à la
res
tretien, nous trouverons la même différence dans perfectiondu
p style, à la justesse et à la propriété
le caractère de leur talent. Isocrate se distingue des
d expressions; il ne s'écarte jamais de la ques-
par la suavité; Lysias, par la délicatesse; Hypc- t
tion et lorsque sa sagacité lui a fait distinguer
ride, par une manière pénétrante; Eschine, par c qu' il est essentiel de prouver aux juges, il
ce
l'éclat dessons Démosthène, parl'énergie. Lequel laisse
1 de côté tout le reste, et porte sur ce seul

varia sœpc, ut id, quod proximum audias, jucundissi- forum studia atque naturas. Suavitatem Isocrates,sub-
1*

mum esse videatur; et oculis colliguntur psene innumera- tilitatem Lysias, acumenHyperides, sonitum jEschines
ti
biles voluptates, quae nos ita capinnt, ut unum sensum vim
v Demosthenes habuit quis eorum non egregius ?
dissimili génère delectent; et reliquos sensus voluptales tamen
U quis cujusquam nisi sui similis? Gravitatem
oblectaut dispares, ut sit difficile judicium excellents ma. Africanus, lenitatem Laelius, asperitatem Galba, pro-
A
xime suavitalis. At hoc idem, quod est in nalnris rerum, fluens
fi qniddam habuit Carbo et canorum quis horum
transferri potest etiam ad artes. Una fingendi est ars, in non
n princeps temporibus illis fuit? et suo tamen quisque
qua pracslantes luerunt Myro Polycletus, Lysippus, qui il genere princeps.
in
omnes inter se u'issimiles f'uetunl sed ita tamen ut ne- VIII. Sed quid ego veleraconquiram quum mini liceat
minem sui velis esse dissimilem. Una est ars ratioque uti
n praesenlibus exemplis alque vivis? Quid jucundius
picturaî, dissimillimique tamen inter se Zeuxis, A(lao- auribus
a nostris unquam accidit hujus oratione Catuli?
plion, Apelles; neque eorum quisquam est cui quidquam quae
q est pura sic, ut latine loqui pane soins videatur; sic
in arte sua deesse videatur. Et, si hoc in lus quasi autem
a gravis, ut in singulari dignitate omnis tamen adsit
mutis artibus est mirandum, et tamen verum, quanto ihumanitasac lepos. Quid mulla? istu audiens equidem
admirabilius in oratione atque in lingua, quao quum in s judicare soleo, quidquid aut addideris, aut mutaveris,
sic
iisdem sententiis verbisque versetur, summas habet dis- aut
a detraxeris, ^itiosius et deterius futurum. Quid noster
simililudines; non sic, ut alii vituperandi sint, sed ut t Ciesar? nonne novarn quamdam rationem attulit nra-
hic
ii, quos constet esse laailandos in dispari tamen génère tionis,
t et dicendi genus induxit prope singulare? Quis un-
laudentur. Atque id primum in poetis cerni licet, <|(iihus quamres,
c prœler hune, tiagicas piene comice, trisles remis-
remis.
est prosima cognatio cum oratoribus, quam sint inter se,
s severas hilare, forenses scenica prope venuslate tracta-
sese Knnius, Pacuvius, Attiusque dissimiles;
quamapud i atque ita, ut nequejocusmagnitudinererum excludere-
vit,
Gra«»s .Eschylus, Sophocles, Euripides, qnanquam | nec gravitas
tur, f;elii, min,,e,,etu,~
gravila, facetiis minueretur? Ecce
Eeoe présentes du,,
duo
omnibus par pœne laus in dissimili scribendi génère tri prope
[ œquales Sulpicius et Cotta quid tam inier se dissi-
bnatur. Adspicite nunc eos hommes atque intuemini, rmile? quid tam in suo genere prmUDS? Limatus alter et
Quorum de facultate quaerimus, quid intersit inter ora- subtilis,
et rem explicans propriis aptisinic vtrhis hteret in
point tous ses efforts, toute son attention. Sulpi- des expressions et des pensées, de peur qu'un
cius a de la chaleur, de la véhémence, une voix style trop négligé ne réponde pas à l'attente ou
pleine et forte, une action énergique, animée, ne fixe pas l'attention de l'auditeur. Puisqu'il
un geste noble, un style majestueux et riche, et existe, même entre nous seulement qui sommes
l'on dirait que la nature s'est plu à réunir sur ici réunis, des différences si marquées, et que
lui toutes les qualités qui font l'orateur. chacun de nous a des qualités qui lui sont par-
IX. Je reviens à nous-mêmes, puisque le public ticulières puisque, dans cette diversité, c'est
s'est toujours plu à nous comparer ensemble, et le degré et non le genre de talent qui détermine
a fait de nous deux rivaux sur lesquels il pro- la supériorité, et que la perfection dans quel-
nonce. Peut-on se ressembler moins que nous que genre que ce soit, obtient toujours les suf-
ne ressemblons l'un à l'autre? Antoine est à mes frages, que serait-ce si nous voulions passer en
yeux un orateur accompli, et j'ai une très-faible revue tout ce qu'il y a eu d'hommes éloquents
idée de mon mérite mais enfin on s'obstine à dans tous les pays et dans tous les siècles? ne
me comparer à lui. Ne voyez-vous pas quel est trouverions-nous pas presque autant de genres
le genre de son talent! Il a pour lui la force, la d'éloquence que d'orateurs?
véhémence, la chaleur, le mouvement. Toujours Peut-être conclura-t-on de ce que je viens de
en garde contre son adversaire il ne laisse au- dire, que s'il existe une multitude infinie de
cune prise à l'attaque; vif, pénétrant, net et formes d'éloquence, toutes différentes les unes
lumineux, s'arrêtant habilement sur les points des autres, et toutes estimables en elles-mêmes,
essentiels, faisant sa retraite en bon ordre, pour- tant de manières diverses ne peuvent être assu-
suivant l'ennemi avec vigueur, il menace, il sup- jetties aux mêmes règles, ni soumises à une seule
plie il est d'une variété inépuisable; on ne se théorie. Mais on serait dans l'erreur, et ceux qui
lasse jamais de l'entendre. Pour moi (puisque se chargent de former des jeunes gens à l'élo-
vous voulez bien me donner un rang parmi les quence doivent seulement examiner avec soin
orateurs) quelle que soit la place queje mérite, vers quel genre la nature porte plus spécialement ·
mon genre est assurément fort éloigné de celui chacun d'eux. Nous voyons, en effet, sortir des
d'Antoine ce n'est pas à moi à vous dire quel écoles de maîtres fameux et distingués chacun
il est, parce qu'on ne se connaît pas soi-même, dans un genre particulier, des élèves qui, formés
et qu'il est difficile de se bien juger; mais on auxmêmesleçons, sans se ressembler aucunement
peut reconnaitre entre nous plusieurs points de entre eux, ont cependant beaucoup de mérite,
différence. Mes gestes sont simples et modérés; parce que le maître a su accommoder ses leçons
d'un bout à l'autre de mon dicsours, je ne m'é- à la nature des talents. Pour nous borner à un
carte guère de la ligne que je me suis tracée. Je seul art, Isocrate nous fournit ici un exemple re-
mets plus de soin et d'étude que lui daus le choix marquable. •< J'emploie, disait cet illustre maître,

causa semper; et, qnid judici probandum sit, qunm acn. stigiis prinmm institi, in iis fere soleo perorare, et quod
tissime vidit, onnsbis ceteris arguments, iu eo mentem aliquanto me major in verbis et in sententiis eligendis,
orationemque defigit. Sulpicius autem fortissimo quodam quam eum, labor et cura torquet, verentem, ne, si paullo
animi impetu plenissima et maxima voce, summa conteii- obsoletior fuciït oratio non digna exspectationeet silentio
tione corporis et dignilate motus, verborum quoque ea fuisse videatur. Quod si in nobis, qui adsumus, tantae dis.
gravitate et copia est, ut unns ad dicendum instructissi- similitudines, tam certne rescujusque propriae, et in ea
mus a natura esse videatur. varietate fere melius adeteriore, facultate magis quam ge.
IX. Ad nosmet ipsos jam revertor quoniam sic fuimus nere, distinguitur, atque omne laudalur, quod in sun go-
semper comparât!, ut hominum sermonibusquasi in ali- nere perfectum est quid censetis, si omnes, qui ubique
quod contentionis judicium vocaremnr quid tam dissi- sunt, aut fuerunt oratores, amplecti voluer*itnusi nonne
mile, quam ego in dicendo et Antonius? quum ille is sit fore, ut, quot oratores, totidein psene reperiantur gênera
orator, ut nihil eu possit esse prœstantius ego autem,t dicendi?P
quanquam memet mei pœnitet cum hoc maxime tamen Ex qua mea disputatione forsitan occurrat illud, si paena
iu comparatione conjungar. Videtisne, genns hoc quod innumerabiles sint quasi formée figurseque dicendi, specie
sit Antonii? forte, vehemens, commotum in agendo, prae- dispares, genere laudabiles; non posse ea, quae inter sa
munitum et ex omni parte caus.ie septum acre, acutum t discrepant, iisdem praxeptis, alque in una institution.
enucleatum, in unaquaque re commorans, honestecedens, formari. Quod non est ita, diligentissimeque lioc est ei»,
acriter ioseqnens, terrens, supplicans, summa orationis qui institunntaliquos atque erudiunt, videndum quo sua
'varietate, nulla nostrarum aurium satietate. Nos auteur, quemque natura maxime ferre vide-alur. Etenim videmus,
quicumque in dicendo sumus, quoniam esse aliquo in nu- ex eodem quasi ludo summorum in suo cujusque genere
niero vobis \idcmar, certe tamen ab liujus multum genere artifleum et magistrornm exisse discipulos, dissiiniles in.
distamus; quod quale sit non est meuui dicere, propterea ter se, attamen laudandos; quum ad cujusque naturam
quod minime sibi quisque notus est, et difficillime de se institutio doctorisaccommodaretur. Cujus est vcl maxime
quisqne sentit: sed tamen dissimilitudo intelligi potest, insigne illud exemplum (ut ceteras arte. oinittainus) quod
«t ex motns mei mediociitale, et ex eo, qnod, quibus ve- dicebat Isocratcs,doctorsin{;Mlaris,secalç<iribusiii Ephoro,
l'aiguillon avec Éphore, et le frein avec Théo- grammaire contribue à la correction du lan-
pompe. » Daas celui-ci en effet, il réprimait laï gage on la perfectionne par la lecture des ora-
surabondance trop hardie des mots; dans l'au- teurs
et des poëtes. Nos anciens auteurs, qui ne
tre, il aiguillonnait une réserve trop timide. Il1 pouvaient pas encore orner leur élocution s'ex-
ne les rendit pas semblables l'un à l'autre; maiss primaient du moins presque tous avec une pu-
en donnant à l'un ce qui lui manquait, en éla- reté parfaite; et si l'on se nourrit de leur style,
guant ce que l'autre avait de trop, il parvint ilà il sera impossible de parler d'une manière in-
amener chacun d'eux au genre de talent que saî correcte. Il faudra cependant se garder des ex-
nature comportait. pressions déjà vieillies à moins qu'on n'en puis-
X. J'ai dû commencer par ces réflexions, se tirer quelque beauté; encore ne doit-on s'en
pour vous avertir que si les règles que je vaiss servir qu'avec beaucoup de réserve, comme je
t
tracer ne se rapportent pas toutes et à votre goût le dirai bientôt. Parmi les termes que l'usage n'a
particulier, et au genre d'éloquence que chacun pas
bannis, on pourra en trouver d'heureux, et
de vous a choisi, elles me semblent du moinss les employer avec succès, si l'on a fait une étude
convenirà celui que j'ai cru devoir adopter. approfondie de ces anciens écrivains.
Après l'invention, dont Antoine nous a entre- XI. Pour parler purement, il ne suffit pas de
tenus, viennent pour l'orateur l'action et l'élo- se servir d'expressionsd'une latinité incontesta-
cution. Pour l'élocution (car je parlerai de fac- ble, d'observer les cas, les temps, le genre et le
tion plus tard), les conditions principales nenombre, de manière à ne blesser ni la régula-
sont-elles pas la pureté, la clarté, l'élégance, rité,
ni la concordance, ni les rapports il faut
l'accord du style avec le sujet? Sans doute vousencore régler sa langue, sa respiration et le son
t
n'attendez pas de moi des préceptes sur les deux de sa voix. Je ne veux pas qu'on prononce les
qualités que j'ai nommées les premières, la pu- mots d'une manière affectée, ni qu'on les laisse
reté et la clarté. Je n'entreprendrais pas de faire3 tomber négligemment; qu'ils s'échappent avec
un orateur d'un homme qui ne saurait pas même un
ton grêle et mourant, ni qu'on les précipite
i
s'exprimer; je ne pourrais espérer que celui qui en sons renflés et haletants. Je ne parle pas en-
ne connait pas les principes de la langue, sût ja- core de la voix, comme faisant partie de l'ac-
mais la manier, avec élégance, ni qu'il pût se tion je me borne en ce moment à ce qui re-
faire admirer, lorsqu'il ne sait pas même se faire garde
le discours même le plus familier. Il y a
entendre. Laissons donc là ces deux points, qu'il sur
ce point des défauts si sensibles que tout le
est facile d'acquérir, indispensable de posséder. monde s'attache à les éviter; par exemple, un
L'un fait l'objet des études de l'enfance, et s'en- son de voix mou, comme celui d'une femme, ou
i
seigne dans les écoles; l'autre qui a pour but de bien faux et discordant. Mais il en est une au-
faire comprendre ce qu'on dit, est d'une néces- tre dans lequel certains orateurs donnent à des-
sité tellement absolue, qu'on ne saurait exigerr sein ils prennent un ton rustique et grossier,
moins. Je dirai seulement que si l'étude de lapersuadés qu'ils imitent ainsi la gravité des an-

contra autem in Theopompo frenis nti solere alterumenim, ( ut intelligatur, quid quisque dicat quod videmns ita esse
çxsultantem verborum audacia, reprimebat; alterum, cun- necessarium ut tamen eo minus niliil esse possit. Sed
ctantem et quasi verecundantem, incitabat. Neque eos si-li omnîs loquendi elegantia quanquam expolitur scientia lit-
miles effecit inter se; sed tantum alteri affinxit, de alteio) lerarum, tamen augetur legendis oratoribus et poetis. Sunt
limavit ut id conformsret in utroque, quod utriusque ua- enim illi veteres, qui ornare nondum poterant ea quœ di-
tura pateretur. cebant, omnes prope prœclaie locuti quorum sermone
X. Hkw eo mihi praedicenda fuerunt, ut si non omnia, assuefacti qui erunt, ne cupientes quidem poterunt loqui,
quae proponerentur a me, ad omnium vestrum studium, nisi latine. Neque tamen erit utendum verbis iis, quibus
et ad genus id, quod quisque vestrum in dicendo probaret, jam consuetudo nostra non utitur, nisi quando ornandi
adhaerescerent id a me genus exprimi sentirctis, quodcausa, parce, quod ostendam; sed usitatis ita poterit uti,
maxime mibi ipsi probaretur. lectissimis ut iitalur, is, qui in veteribus erit scriplis stnt
Ergo lia» et agenda sunt ab oratore, qiiœ explicavit An- diose et multum volulatus.
tonius, et dicenda quodam modo. Quinam igitur dicendi XI. Atque, ut latine loqiiamur, non solum videndum
est modus melior (nam de actione post videro), quam utt est, utet verbaefferamusea,quœnemo jurereprehendat;
latine, ut plane, utornate, ut ad id, quodcumque agetur, eteasicelcasibus,ettemporibus,etgenere,et numéro con-
apte congruenterquedicamus? Atque eorum quidem, quae servemus, ut ne quid perturbatum, ac discrepans, aut
duo prima dix rationem non arbitror exspeclari a me, praeposterum sit sed etiam lingua, et spiritus, et vocis
puri dilucidique sermonis ueque enim conamur docere1 sonus est ipse moderandus. Nolo exprimi litteras putidius,
tum dicere, qui loqui nesciat j neo sperare qui latine non nolo obscurari negligentius nolo verba exiliter exanimata
posait, hune ornate esse dicturum; neque vero, qui noni exire nolo inflata, et quasi anhelata grarius nam devoce
dicat, quod intelligamus, hunc posse, quod admiremur, nondum ea dico. quae sunt actionis; sed boc, quod mihi
dicere. Linquamiis igitur haec, qua) cognitionem habentt cum sermone quasi coujunctum videtur. Sunt enim certa
lacilem usum necessarium nam alterum traditur litleris,
| vitia quœ nemo est quin effugere cupiat; mollis vox, ut
doctriuaque puerili; alterum adhibetur ob eam causam, | muliebris, ant quasi extra modum absona atque absurda.
ciens. Tel est L. Cotta, votre ami, Catulus il servent mieux que nous la pureté de l'ancien ac-
affecte un son de voix rude, une prononciation cent comme elles entendent moins parler, il leur
pesante; il croit que ce ton lourd et agreste donne est plus facile de garder leurs premières habi-
à ses discours un caractère antique. Au contraire, tudes de langage. Aussi lorsque Lélia, ma belle-
votre prononciation et votre douceur m'enchan- mère, ouvre la bouche, je crois entendre Névius
tent je ne parle pas de celle du style, quelque ou Plaute; sa prononciationest simple, naturelle,
importante qu'ellesoit; c'est unequalitéquedonne sansaffectation;l'imitation ne s'y fait pas sentir
le goût, que dirige l'étude que perfectionnent je juge que son père et ses aïeux devaient s'ex-
l'exercice et la lecture des modèles: je parle de primer ainsi; ce ton n'est ni dur, ni grossier, ni
la douceur de l'accent, qui nesetrouvequ'àAthè- agreste, ni rude, comme celui quejeblâmais tout
ucs chez les Grecs, qu'à Rome pour la langue à l'heure; mais net, égal, plein de douceur. Ainsi,
latine. A Athènes dès longtemps toute vie litté- Sulpicius, lorsque notre ami L. Cotta, dont vous
raire a cessé pour les Athéniens; ce n'est plus prenez quelquefois la rudesse, fait disparaître les
qu'un séjour de savantes études, devenues in- l et appuie si fort sur les E, il n'imite cas l'ac-
différentes pour ses habitants eux-mêmes, mais cen t des orateurs anciens, mais celui des paysans.
à l'usage des étrangers, qu'attire la célébrité et Sulpicius s'étant mis à rire, Vous m'avez con-
le nom imposant decette ville. Cependant l'Athé- traint de parler, dit Crassus, et je me venge en
nien le moins instruit l'emportera toujours sur relevant vos défauts. C'est ce que je désire,
le plus habile des orateurs asiatiques, non par dit Sulpicius et si vous me donnez cette marque
l'élégance et la beauté du style, mais par la dou- d'intérêt, il en est plus d'un dont j'espère me
ceur et le charme de la prononciation. Il en est corriger aujourd'hui même. – Je ne saurais le
de même parmi nous. On étudie moins à Rome faire qu'à mes dépens, reprit Crassus; car An-
que chez les Latins; et pourtant le moins lettré toine assure que vous me ressemblez beaucoup.
d'entre nous, par la douceur de la voix, par le Il nous a conseillé, dit Sulpicius, d'imiter
simple mouvement des lèvres et les sons qu'elles dans chaque orateur ce qu'il a de plus parfait;
forment, sera bien supérieur à Q. Valérius de et je crains de n'avoir pris de vous que quelques
Sora, l'homme le plus savant de l'Italie. expressions, quelques gestes, et les coups de
XII. Puisque les habitants de Rome ont un pied dont vous frappez la terre. Je me garde-
accent particulier qui les distingue, que cet ac- rai donc bien, poursuivit Crassus, de reprendre
cent n'a rien qui puisse choquer, surprendre ni ce que vous tenez de moi; ce serait me tourner
déplaire, rien enfin qui sente l'étranger, cher- moi-même en ridicule. Mes défauts sont plus
chons à l'adopter, et fuyons avec un égal soin la graves et en plus grand nombre que vous ne di-
dureté de l'accent de la campagne, et la pronon- tes mais si ous en avez que vous ne teniez
ciation étrangère de la province. Les femmes con- que de vous-même, ou qu'un mauvais modèle

F.stautem vitium, quod nonnnlli de industriaconsectàntur. etiam peregrinam insolentiam fugere discamus. Equidem
Kustica vox et agrestis quosdam delectat, quo magis anti- quum audio socrum rneam Lueliam (facilius enim mulieres
quitatem, si ita sonet, eorum sermo relinere videatur ut incorruptam antiqiiitatem conservant, quod inultorum
tuus, Catule, sodalis, L. Cotta, gaudere milii videtur gra- sermonis expertes, ea tenent semper, quae prima didice-
vitate linguœ, sonoque vocis agresti, et illud, quod loqui- nint);«ed eam sic audio ut Plautum mihi, ant Nœvium
tur, priscum visum iri putat, si plane fuerit rusticanum. videar audire sono ipso vocis ita recto et simplici est, ut
Me autem luus sonus et suavitas ista delectat; omi ttn ver- nihil ostentalionisant imitationis afferre videatur ex qui)
borum, quanquam est caput verum id affert ratio do- sic locutum esse ejus patrem judico, sic majores; non
cent IMerie, confirmat consuetudo et legendi et loquendi j aspere, utille, quem dixi, non vaste, non rustice, non
sed hanc dico suavitatem quae exit ex ore quae quidem, hiulce, sed presse, et equabiliter, et leniter. Quare Cotta
«t apud Grœcos Atticornm, sic, in lalino sermone, hujus noster, cujus tu illa lata, Sulpici, iioniiunquain imilaris,
est urliis maxime propria. Athenis jam diu doctrina ipso- ut iotallitteram tollas, etK plenissimmn dicas, non mihi
vnm Atlienîensium interiît domicilium tantum in illa urbe oratores antiquos, sed messorea videtur imitari. Hic quum
remanet studiorum quibus vacant cives, peregrini fruun- arrisissct ipse Sulpicius Sic agam vobiscum, inquit Cras-
tur, capti qnodammodo nomine urbis et auctoritate tamen sus, ut, quoniam me loqui volnistis, aliquid de vestris
eruditissimos homines Asiaticos quivis Alheniensis indo- viliis audiatis. Utinam quidem! inquit ille id enim
Uus, non verbis, sed sono vocis, nec tam bene, qnam sna- ipsum volumus, idque si fereris, multa (ut arhitror) hic
viter loquendo, facile superabit. Nostri minus student lit- luxlie vitia pnnemus. At enim non sine meo peiiculo,
teris, quam Latini tamen ex islis quos nostis urbanis, Crassus inquit, possum, Sulpici, te roprebendere, quo-
in quibus minimum estlitlerarum, nemo est, quin litte- niam Antonius mihi te simillimum dixit sibi videri.
vatissimum tngatorum omnium, Q- Valerium Sorannm, Tum ille, Tum quod monuitidem, ut ea, quœ in qnoque
lenitate vocis atque ipso oris pressu et sono facile vincat. maxima cssent, iinilareinur ex quo vereor, ne nihil sim
XII. Quare quum sit quardam certa vox romani generis lui nisi siipplosionem pedis, imitatns, et pauca quidam
urbisque propria, in qua nihil offendi, niliil displicere, ni verba, et aliquem, si forte, motum. Ergo ista, inquit
liil animadverti possit, niliil sonare aut olere peregrinum, Crassus, quae babesa a me, non reprehendo, ne me ipsum
tianc sequamur neque solum ruaticam asperitatem, sed irrideam sunt autem mea ruuilo et plura et majora,
vous ait fait contracter, je m'engage à vous en temps de mettre fin à des réflexious qui, j'en suis
avertir, dès que j'en trouverai l'occasion. sûr, paraissent bien fastidieuses, surtout à ceux
XIII. Passons donc sous silence la correction d'entre vous qui ont plus d'âge et d'expérience.
du langage elle s'apprend par les premières étu- Nous allons passer à d'autres, qui le seront peut-
des de l'enfance, on s'y fortifie par une connais- être davantage encore.
sance approfondie et raisonnée de la grammaire, XIV.– Vous voyez, en effet, dit Antoine,
et même par l'exercice journalier de la conversa- comme nous sommes distraits et inattentifs,
tion,enfin la lecturedespoëtes et des orateurs an- comme nous vous écoutons à contre-cœur, nous
ciens nous y perfectionne. Ne nous arrêtons pas qui abandonnerionsvolontierstoutes choses (j'en
davantage sur les moyens d'acquérir cette clarté juge par moi) pour venir vous entendre, pour
de style sans laquelle nous ne nous ferions pas nous faire vos disciples tant vous répandez de
comprendre. Ils consistent à n'employer que des charme sur les matières les plus ingrates, de fé-
termes corrects, usités, qui expriment bien ce condité sur les plus stériles, de nouveauté sur les
qu'on veut énoncer à éviter les mots on les phra- plus communes!
ses amphibologiques,les périodes à perte de vue,
La pureté et la clarté dont je viens de par-
les métaphores trop prolongées, les idées jetées ler, reprit Crassus, ou plutôt sur lesquelles je n'ai
sans liaison, la confusion de temps ou de per- fait que passer légèrement, ne présentent rien
sonnes, et le défaut d'ordre et de symétrie. Est-il que de facile mais les autres parties sont éten-
besoin d'en dire davantage? tout cela me semble dues, compliquées, variées, importantes; ce sont
la chose la plus facile, et je m'étonne souvent elles qui font admirer le génie, qui constituent
de voir des avocats s'exprimer d'une manière la force de l'éloquence. On n'admire point un ora-
moins intelligible que ne le ferait le client, s'il teur, parce qu'il s'exprime correctement s'il
plaidait lui-même. Voyez ceux qui viennent nous manquait à "ce devoir indispensable, on se mo-
charger de leur cause ils exposent presque tou- querait de lui, on ne le regarderait pas comme
jours les faits avec une netteté qui ne laisse rien un orateur, pas même comme un homme. On n'a
à désirer. Que Furius, ou votre ami Pomponius, jamais non plus donné des éloges à un orateur,
viennent ensuite nous débiter les mêmes faits parce qu'il savait se faire entendre le mépris se-
j'ai besoin de toute mon attention pour compren- rait le partage de celui qui n'aurait pas même ce
dre ce qu'ils veulent dire leur discours n'est que faible mérite. Quel est donc l'homme qui frappe
confusion et désordre; rien n'y est à sa place; de surprise et de terreur ceux qui l'écoutent, qui
les expressions sont tellement extraordinaires, leur arrache des cris d'admiration, qui présente
si irrégulièrement entassées, que le style, destiné à leurs esprits étonnés l'image d'un dieu parmi
à porter la lumière sur les faits, y répand l'obs- les mortels? C'est celui dont les pensées et les
curité et les ténèbres; il semble qu'ils se plaisent expressions se suivent avec ordre et netteté, ce-
à s'étourdir eux-mêmes en parlant. Mais il est lui dont le style élégant, riche, abondant, rap-

quam dicis; quœ autemsunt aut tua plane, aut imitatione insotentia acturba verborum, ut oratio, quae lumen adhi hi
bere rebus debet, ea obscuritatem et tenebras afferat,
ex aliquo expressa, de iis te, si qui me forte locus admo-
nuerit, commonebo. atqueutquodammodo ipsi sibi in dicendo obstrepere vi-
XIII. Prœtereamus igitur praecepta latine loquendi, qnse deaiitur. Verum, si placet, quoniam lisec satis spero vobis
puerilis ductrina tradit et subtilior cognitio ac ratio litle- quidem certe majoribus, molesta et putida videri, ad re-
liqua aliquanto odiosiora pergamus.
rarum alit, aut consuetudo sermonis quotidiani ac dome-
stici, libri confirmant, et lectio veterum oratorum, et XIV. – Atqui vides inquit Antonius, quam alias res
poetarum. Neque vero in illo altero diutius commoremur, agamus, quam te inviti audiatiius, qui adduci possumus
ut disputemus, qiiibus rébus assequi possimus, ut ea, (de me enim conjicio), relictis ut rebns omnibufc te secte-
quae dicamus, intelligantur. Latine scilicet
dicendo, ver- mur, te audiamus ita de horridis rebus nitida, dejejunis
bis usitatis, ac proprie demonstrantibusea, qux significari plena, de pervulgatis nova qua-dam est oratio tua!
ac declarari volemus sine ambiguo verbo aut sermone, Faciles enim, inquit, Antoni, partes eae fuerunt duœ,
non nimis longa continuatione verborum, non valde pro- quas modo percucurri, vel polius pane prœterii latine
ductis iis, quae similitudinis causa ex aliis rebus transfe- loquendi, planeque dicendi reliquat sont magnœ impli-
runtur, non discerptissententiis, non prieposteris tempo- catœ, vaiiae, graves, quibus omnisadmiratioingenii,omnis
ribus, non confusis personis non perturbato ordine. Quid laus eloquentise continetur. Nemo enim unquam est ora-
milita? tam facilis est tota res, ut mihi permirum saepe torem, quod latine loqueretur, admiratus. Si est aliter,
videatur, quum difficilitis intelligatur, quid patronus velit irrident; neque eum oratorem tantummodo, sed honiinem
dicere, quam si ipse ille, qui patronum adhihet, de re sua non pillant. Nemoextulit eum verbis, qui ita dixisset, ut,
diceret. Isti enim, qui ad nos causas deferunt, ita nos qui adossent, intelligerent quid diceret, sed contemsit
plerumqueipsi docent \it non desideres planiusdici. Eas- cum, qui minus id facere potuissel. Inqno igitur homines
dem res autem simul ac Furius, aut vester aequalis l'oin- exhorrescunt? quem slupefacli diceiitcminlucnUir?inquo
ponius, agere cœpil, non seque, quid dicant, nisi admo- exclamant? quem denm, ut ita dicam, inter hommes pu-
dum attendi, intelligo ita confus. est oratio, ita pertur- tant ? Qui distincte, qui explicate, qui abundaiiler, qui
bata, nihil ut sit primum, nihil ut secuudum tanlaque illuminate et rébus et verbis dicuiil, et in ipsa oratione
pelle à l'oreille la cadence et l'harmonie des poë- inom de sagesse. Elle fut le partage des Lycurguc,
tes celui, en un mot, qui a ce que j'entends par des Pittacus, des Solon, et parmi nous, des Co-
<

une élocution ornée. Un tel homme, s'il sait d'ail- runcanius, des Fabius, des Caton, des Scipion,
leurs mesurer son langage d'après le rang des moins éclairés peut-être que les premiers, mais
personnes et la dignité du sujet, aura de plus ce n'ayant pas moins de génie et se proposant le
genre de talent que j'appelle mérite des conve- même but. D'autres hommes célèbres, doués des
nauces. Antoine prétend qu'il n'a pas encore ren- mêmes talents, mais dominés par d'autres goûts
contré de semblables orateurs, et que ceux-là et préférant la douceur d'un tranquille repos, re-
pourtant mériteraient seuls le titre d'éloquents. noncèrent au gouvernement des Etats, pour se
Moquez-vous donc, croyez-moi, de ceux qui livrer tout entiers à la recherche de la vérité tels
pour avoir suivi les leçons de ces hommes à qui furent Pythagore, Démocrite, Anaxagore. L'at-
l'on donne aujourd'hui le nom de rhéteurs s'i- trait de cette vie paisible, et le plaisir de savoir,
maginent posséder ce qui fait l'orateur véritable, ce doux charme de l'existence, ont, trop souvent
et en sont encore à comprendre les devoirs pour le bonheur des peuples, entraîné les sages
qu'impose un titre si beau, la grandeur et la di- dans la retraite. Aussi, lorsque des génies supé-
gnité de leur profession. Puisque la vie humaine rieurs eurent consacré à la philosophie les longs
est la sphère où se meut l'orateur', la matière sur
loisirs d'une vie indépendante, exempts de tout
laquelle il a sans cesse à s'exercer, il n'est rien autre soin, poussés par l'activité de leur imagina-
de tout ce qui s'y rattache qu'il ne doive avoir tion, ils multiplièrent leurs recherches, et dans
lu, entendu, médité, traité, discuté, approfon- leur ardeur curieuse, embrassèrent beaucoup
di. L'éloquence en effet est une vertu du premier plus d'objets qu'il n'était nécessaire. Dans les pre-
ordre, et bien que toutes les vertus soient égales miers
I temps, on ne séparait pas la science de bien
entre eliss, il en est cependant qui ont plus dire de la science de bien faire, et le même maî-
d'éclat et de beauté que les autres. Telle est celle tre enseignait l'une et l'autre. C'est ainsi que Phé-
dont nous parlons, qui embrassant la vaste nix dit dans Homère, que Pelée père d'Achille,
étendue des connaissances, exprime, interprète l'avait placé auprès de ce jeune héros, pour l'ac-
toutes les pensées, tous les sentiments de l'âme, compagner àla guerre, et le former à la fois à l'é-
entraine l'auditeur, et le fait mouvoir à son gré. loquence et aux belles actions. Mais comme les
Plus son pouvoir est grand, plus il faut aussi hommes accoutumés à un travail assidu et jour-
qu'elle soit unie à la probité, à la prudence nalier, lorsque lemauvais temps les force à l'in-
instruire dans l'art de la parole des hommes dé- terrompre, s'amusent à jouer à la paume, aux
i
pourvus de ces vertus, ce n'est pas former des dés, aux osselets, ou imaginent quelque autre
distraction pour occuper leur loisir; de même les
orateurs, c'est armer des furieux.
XV. Cet art de penser et de s'exprimer, cetalentt philosophes, débarrassés des travaux péniblesde
de la parole, les anciens Grecs l'appelaient du l'administration, soit que les circonstances les

quasi quemdam numerum versumque conficiunt; id est,vimque dicendi, veteres Grœci sapientiam nominabant-
qnod dico, ornate. Qui idem ita moderantur, ut rerum, utt Hinc illiLycurgi, hiuc Pittaci, hinc Solonea, atque al) bac
personarum dignitates ferunt,ii sunt in eo genere laudandi shniliEiidineComncaiiii nostri, Fabricii, Catones, Scipiones
[lundis], quodego aptum et congiuens nomino. Qui Hadi- fiierimt non tam fortasse docti sed bnpetu mentis simili
cerent, eos negavit adhuc se vidisse Antonius, et iis hocc et voluntale. Uadem autem alii prudentia, sed consilio ad
nomen dixit eloquenlire solis esse tribuendum. Quare.e vitaestudia dispari quietem alque oliuniseeuli, ut Pjtlia-
omnes istos, me auclore deridete atqiie conleninite quili goras, Democritus, Anaxagoras, a regendis civitatibus
se horum, qui nunc ita appellantur, rhetonim praeceptiss totos se ad rognitionem rerum transtulerunt quae vita
omnem oratorum vim complcxosessearbitrantur, nequead. 1. propter tranquiilitatcm et propter ipsius scienliœ suavita-
i-
hue, quam personam terteanl aut quid profiteantur, in- tem, qua nihil est hominibus jucundius, plures, quam
telligere potuerunt. Verum enim oratori, quae sunt inn utile fuit rebus publicis, delectavit. Itaque, ut ei studio
hominum vita, quandoquitlem in ea versatur orator, atquee se excellentissimis ingeniis bomiues dediderunt, ex ea
ea estei suhjecta materies, omnia qnaesita audita, lecta, summa facultate vacui ac liberi temporis, multo plura,
disputata, traclata, agilaia esse debecil. Est enimeloquen-i- quam crat necesse, doctissimi homines, otio nimio et in-
tia una quœdani de summis viilntibus (c|uanquam suntit geuiis uberrimis afltuentes, curanda sibi esse, ac qu.frenda
omnes virtutes sequales et pares, sed tamen est speciess et investiganda duxerunt. Nam vetus quidem illa doctrine
alia magis alia formosa et illuslris sicut broc vis, quaee eadem videtur et recte faciendi et bene dicend i magistra
scientiarn complexa rerum, sensa mentis et consilia sic ver-neque disjuncti doctores, sed iidem erant vivendi pifBce-
t,
his explicat, ut eos, qui andiant, quoeuinque incubucrit, ptores atque dicendi ut ille apud Homerum Phœnix qui
possitimpellere; quœ quo major est vis, hoc est magis is se a Peleo patre Acbilli juveni comitem esse dalum dicit
probitate jungenda, summaque prudentia); quarum virtu-i- ad bellum, ut illum ediceiet « oratorem veibomm,
lumexpeitihuB si dieendi copiam tradiderimus, non eoss actoremque rerum. u Sed ut homines, labore assiduo et
quidem oratorcs efiecerirnus sed furentibus qutedam armaa quotidiano assueti, quum tempestatis causa opere pmhi-
dederimus. bentnr, ad fiilam se, aut ad talos aut ad tesscras conferunt,
XV. Hauc, inquam, cogitandi pronuntiandiquerationem aut «liam uovum sibi ip»i aliquem excogiuut in otio lu-
en écartassent, ou que leur inclination leur fit It ce titre qu'ils avaient possédé jusque-là; et par
préférer la retraite, s'adonnèrent, les uns à laa son ingénieuse dialectique, parvint à séparer
poésie, les autres à la géométrie ou à la musique deux choses essentiellement unies, la sagesse de
d'autres, comme les dialecticiens, secréèrent unee la pensée et l'élégance du langage. Socrate n'a
sorte de jeu nouveau dans une science de leur in- laissé aucun écrit; mais Platon, dans ses immor-
vention et tous ils consumèrent leur vie entière e tels ouvrages, a consacré à jamais le génie et les
dans la culture de ces arts, inventés seulementLt idées de son maître. C'est alors qu'éclata cette
pour orner l'esprit des jeunes gens et les former à espècede divorce entre la langue et le cœur, cette
la vertu. distinction fausse, dangereuse, condamnable,
XVI. On vit pourtant des hommes, et mêmee qui veut qu'il y ait un maitre pour apprendre à
en assez grand nombre, se faire un nom danss bien penser, un autre pour apprendre à bien dire.
l'administrationde l'État en réunissant le talentt Comme l'école de Socrate avait enfanté de nom-
d'agir et le talent de parler, qui doivent être insé- breux disciples, et que parmi les diversesdoctri-
parables tels furent Thémistocle, Périclès Thé- nes
comprises dans son vaste enseignement cha-
ramène.D'autres, comm&Thrasymaque,Gorgias, cun d'eux s'était attaché à un objet différent, on
Isocrate, sans se livrer aux soins du gouverne- vit
naître comme autant de familles distinctes,
ment, enseignèrent cette double science. D'autress divisées d'opinions, et opposées les unes aux au-
enfin, plein's de talent et de savoir, mais qu'unee tres, quoique chacune se prétendit héritière du
aversion prononcée écartait des affaires, se décla-L- nom et des principes de son fondateur.
rèrent contre l'éloquence, et en firent l'objet dee XVII. Platon forma Aristote et Xénocrate
leur dérision et de leur mépris. Cette nouvellee l'un fut le chef des péripatéticiens, l'autre donna
secte eut Socrate pour chef, Socrate qui, par sess à son école le nom d'académie. Antisthène, qui,
lumières et sa pénétration, par la grâce et laa dans les entretiensde son maître, s'était passionné
finesse de son esprit, par la variété et la féconditéé surtout pour les leçons de patience et de fermeté,
de son éloquence, quelque sujet qu'embrassât sona donna naissance à la secte des cyniques, et en-
génie, fut proclamé sans égal au jugement dec suite à celle des stoïciens. Aristippe, séduit par
tous les hommes éclairés et de la Grèce entière. ses discours sur la volupté, enseigna la philoso-
Ce fut lui qui, dansun temps où la connaissancee phie cyrénaïque que lui et ses successeurs dé-
et la pratique de tout ce qu'il y a de beau n'avaientt fendirent avec franchise, tandis que les philoso-
qu'un seul nom, où les hommes qui traitaientt phes de nos jours qui rapportent tout à la volupté,
des questions telles que celle qui nous occupe eni en affectant plus de pudeur, ne font pas encore
ce moment, qui en faisaient l'objet de leurs dis- assez pour la dignité humaine, qu'ils prétendent
cussions, de leur enseignement, étaient tous dé- respecter, et soutiennent mal la cause de la vo-
î
signés sous le nom de philosophes, leur enleva lupté, dont ils se proclament les défenseurs. Il y

dum sic illi a negotiis publicis tanquam ab opere autt tationibus suis separavit cujus ingenium variosque
temporibus exclusi, aut voluntate sua feriati totos se aliii sermones immortalitatiscriptis suis Plato tradidit, quum
ad poetas, alii ad geometras, alii ad musicos contulerunt, ipse litteram Socrates nullam reliquisset. Hinc discidium
alii etiam, ut dialectici, novum sibi ipsi studium ludum- illud exstilit quasi linguœ atque cordis, absurdum sane,
que pepererunt, atque in iis artibus, quae reperte sunt, et inutile et reprebendendum, ut alii nossapere, alii dicere
ut puetorum mentes ad humanitatem fingerentur atquee docerent. Nam, quum essent plures orti fere a Socrate,
virtutem, omne tempus atque aetates suas consumserunt. quod ex illius variis, et diversis, et in oinnem partem
XVI. Sed quod erant quidem, iique mulli, qui aut ina diflusis disputationibus alius aliud apprehenderat; prose.
republica propter ancipitem, quifinon polesl esse sejuncta, iniuatœ suut quasi lamiliae dissentiei)tcs inter se, et mul-
t
faciendi dicendiqne sapientiam, florerent, ut Themistocles, tum disjunctœ et dispares, quum tamen omnes se pbiloso-
ut Pericles, ut Theramenes, aut, qui minus ipsi in repu- pbi Socraticos et dici vellent, et esse arbitrarentur.
blica versarentur, sed hujus tamen ejusdem sapientia?b XVII. Ac primo ab ipso Platonc Ai istoteles et Xenocra-
doctores essent, ut Gorgias, Thrasymachus Isocrates tes; quorum alter peripateticorum alter academiae nomen
in
inventi sunt, qui, quum ipsi doctrina et ingeniis abunda- obliuuit; deinde ab Antistliene,quipatientiam et dnritiam
rent, a re autem ci vili et a negotiis, animi qnodam judicio, Socratieo sermone maxime adamaret, cynici primum,
adhorrerent, hanc dicendi exercitationem exagitarentatquee deinde stoici; tum 'ah Aristippo, quem illœ magis volu-
contemnerent; quorum princeps Socrates fuit, is, quii ptaiïaï disputationes delectarant, Cyrenaica philosophia
omnium eruditnrum testimonio toliusque judicio Grcecisc,manavit, qnam ille et ejus posteri simpliciter defenderunt
quum prudentia, et acumine, et venustate, et
stibtilitate, iî, qui mine voîuptale omnia meliuntur, dum verecnndius
tum vero cloquentia varietate, copia, quam se cumqiie ini id agunt nec rïignitati satisfaciunt, quam non aspernan-
partem deiiisset, omnium fuit facile princeps. Is iis, qni luvc, tnr, nec voluptatem tuentur, quam amplexari volunt.

quae nos nunc quaeriinus tractarent agerent docerent


Fuerunt etiam alia genera pliilosophorum, qui se omnes
quum nomine appellarentur uno, quod omuis rerum opti- fere Socraticos esse
dicerent; Eretricomm Herillioriim,
marumeognitio, atque in iis exercitatio, pliilosophia no- » Megaricorum, Pyrrhoneorura sed ea horum vi et dispu-
miuaretur,hoc commune nomen eripuit, sapienterque sen- tationibus sunt jamdiu fracta et exstincta. Ex illis autem,
Frnuli, et ornate dicendi scicutiam, re cohérentes, dispu- qnœ remanenti ea pliilosophia quœ suscepit patrocinium
eut encore d'autres écoles qui presque toutes se aussi, et je ne crains pas qu'ils s'en fâchent, car
disaient sorties de Socrate telles furent celles des ils ignorent ce que c'est que la colère. Je leur sais
Érétriens, des Héril liens, des Mégariens, des gré d'être les seuls qui ne séparent pas l'élo-
Pyrrhoniens mais il y a longtemps que les at- quence de la sagesse et de la vertu. Mais il est
taques et les raisonnements des premières les ont deux choses en eux qui ne sauraient convenir à
fait disparaître. Parmi les sectes qui subsistent notre orateur ils donnent à tous ceux qui ne pra-
encore, celle qui s'est faite l'apologiste de la vo- tiquent pas la sagesse les noms d'esclaves, de bri-
lupté, en supposant que ses principes soient vrais, gands, d'ennemis publics, d'insensés et ils ajou-
estbien loin de l'orateurquenous cherchons,et que tent que personne n'est véritablement sage. Or,
nous voulons voir présider aux conseils publics, ce serait une étrange inconséquence, de confier
diriger les affaires, dominer par son ascendant le soin de haranguer le peuple, le sénat, ou toute
et son éloquence, au sénat, au barreau, dans les autre assemblée, à celui qui serait persuadé que,
assemblées du peuple. Et pourtant nous ne ferons dans sonauditoire, il n'y a pas un homme raison-
aucun tort à cette philosophie; car nous ne la re- nable, pas un homme libre, pas un citoyen. De
pousserons pas du but où elle aspire elle pourra plus, leur élocution, souvent juste et précise,
reposer à l'ombre de ses jardins délicieux, si chers toujours ingénieuse, paraîtrait mesquine et bi-
à son indolence, où, de la couche voluptueuse qui zarre dans la bouche de l'orateur; peu faite pour
la retient, elle cherche à nous détourner du bar- les oreilles du vulgaire, elle serait obscure, vide
reau, de la tribune et dusénat sage conseil peut- et maigre; en un mot, il n'y a pas moyen d'en
être, surtout dans le triste état où la république faire usage auprès du peuple. Ils jugent des biens
se trouve aujourd'hui réduite. Mais je ne cherche et des maux autrement que les autres citoyens
pas en ce moment quel est le système le plus ou, pour mieux dire, autrement que tous les
vrai; je cherche celui qui convient le mieux à peuples du monde; ils voient d'un autre œil la
l'orateur. Écartons donc les disciples d'Épicure, gloire, l'ignominie, les récompenses, les sup-
mais doucement et sans les insulter ce sont de plices. Ont-ils tort ou raison, peu importe quant
bonnes gens, après tout, et ils sont heureux, à présent; mais, en suivant de telles maximes,
puisqu'ils croient t'être. Engageons-lesseulement on ne peut se flatter d'aucun succès dans l'élo-
à tenir bien cachée, comme les sacrés mystères, quence.
cette doctrine, quelque vraie qu'elle puisse être, Restent les péripatéticiens et les académiciens.
que le sage ne doit pas s'occuper des affaires pu- Ces derniers forment deux sectes sous le même
bliques car s'ils parvenaient à nous la faire nom l'une reconnaît pour chefs Speusippe, iils
adopter, à nous et à tous les gens de bien, ils ne d'une sœur de Platon; Xénocrate, disciple de
jouiraient pas longtemps de cette tranquillité qui ce grand homme; Polémon et Crantor, disciples
a pour eux tant de charmes. de Xénocrate. Leurs principes ne diffèrent pas
XVIII. Quant aux stoïciens, je suis loin de dé- beaucoup de ceux d'Aristote, qui lui-même avait
sapprouver leurs maximes; pourtantje les écarte eu Platon pour maître; mais ils ont moins d'a-

voluplatis, etsi cui vera videatur, procul abest tamen afa non sint, servos, lati-oiies, hostes, insanos esse dicunt;
eo viro quem quaerimus, et quem auctorem publici consi- neque tamen quemquam esse sapientem. Valde autem est
lii, et gereudœ civitatis ducem, et sententiae atque eloquen* absurdum, ei concionem, aut senatum, aut ullurn cœtum
tire principem, in senatu, in populo, in causis publicis esse hominum committere, cui non illorum, qui adaint, sanus
volumus. Nec ulla tamen ei philosophiœ fiet injuria a nobis. nemo civis, nemo liber esse videatur. Accedit quod ora-
Non enim repelletur inde, quo aggredi cupiet; sed iu hor- tionis etiam genus habent fortasse subtile, et certe acu-
tulis quiescet suis, ubi vult ubi etiam recubans molliter tum; sed, ut in oratore, exile, inusitatum, abhnri ens ab
et delicate, nos avocat a rostris, ajuditiis, a cnria, for- auribus vulgi obseurum, inane jéjunum attamen ejus-
tasse sapienter, hac praesertim republica. Verum ego non modi, quo uti ad vulgus nullo modo possit. Aliacnimct
quaeronunc,quaesitphilosophiaverissima,sed quae oralori bona et mala videntur stoicis, et ceteris civibus, vel polius
conjnncta maxime. Quare istos sine ulla contumelia di- gentibus; alia vis honoris, ignominiae, praemii, supplicii
mittamus; sunt enim et boni viri, et quoniam sibi ita vi vere, an secus, nihil ad hoc tempus; sedea si sequamur,
dentur, beati tantumque eosadmoucamus, ut illud, etiam
si est verissimum, tacitum tamen, tanquam mysterium,
i nullam unquam rem dicendo expedire possimus.
Reliqui sunt peripatetici et academici quanqnam aca-
teneant, quod negaut versari in republica esse sapicntis. demicorum nomen est unum, sentenlia? duae. Nam Speu-
Nam, si hoc nobis, atque optimo cuique persuaserint,non i sippus Platonis sororis filius, et Xenocrates, qui Platonem
poterunt ipsiesse, id quod maxime cnpiunt, otiosi. audierat, et qui Xenocratcm, Polemo.et Ciantor, nihil
XVIII. Stoicos autem, quos minime improbo, dimitto i ab Aristotele, qui una audierat Platonem, magnoperedis.
tamen, nec eos iratos vereor, qnoniam onmino irasci ne- sensit copia fortasse, et varietate dicendi pares non lue*
sciunt atque hauc iis habeo gratiam, quod soli ex omni- • runt. Arçesilas primum qui Polemonem audierat, ex va-
bus eloqucntiam, virtutem ac sapienliam esse dixerunt. Platonis libris, sermonibusque Socratiris hoc maxime
Iriis
Sed ntriimqiie est in his, quodablioc, quem iiistruimiis, arripuit, nihil esse certi, quod aut sensibus, aut aninio
oratore valde abboireat vel, quod onines aui sanifintes percipi possit; quem femnt exiinio quodam usum lepore
bondance et de variété que lui. Arcésilas, disci- elle n'y est pas contraire; qu'elle cst le résultat de
ple de Polémon, puisa dans les livres de Platon l'erreur ou de la nécessité, et qu'elle ne mérite
et dans les discours de Socrate, cette opinion, pas la dénomination qu'on lui donne; enfin que
que l'esprit ni les sens ne nous donnent aucune l'accusation n'est pas intentée selon les règles et
perception certaine; on dit qu'il avait une élo- les formes prescrites; borner ses obligations à
cution pleine de charme, qu'il rejetait tout juge- connaîtretes principes qu'enseignent les rhéteurs,
ment de l'esprit et des sens, et que le premier il et qu'Antoine a développés avec plus d'élégance
établit cette méthode, qui déjà pourtantavait été et de fécondité que ces prétendus maîtres de fart;
familière à Socrate, de s'attacher moins à dé- s'en tenir à cette doctrine, en y ajoutant même ce
montrer son opinion, qu'à réfuter celle des au- que vous avez désiré entendre de ma bouche
tres. Il fonda la nouvelle académie, dans laquelle c'est renfermer l'éloquence dans un cercle bien
Carnéade se distingua par une vivacité de génie étroit, c'est réduire une carrière immense à un
et une richesse d'expression admirables. J'ai bien petit espace. Mais si vous voulez suivre les
connu à Athènes plusieurs personnes qui l'a- traces de l'antique Périclès ou de ce Démosthène
vaient entendu mais je me bornerai à vous citer que le nombre de ses écrits nous a rendu plus
deux témoins dignes de foi Scévola, mon beau- familier, si votre coeur s'enflamme à la vue de
père, lorsqu'il était jeune, suivit ses leçons à ce brillant modèle, de cette image sublime de
Rome; et mon illustre ami, Q. Métellus, fils de l'orateur parfait, il faut embrasser dans toute
Lucius, m'a dit l'avoir aussi, dans sa jeunesse, son étendue la doctrine de Carnéade ou celle
entendu plusieurs jours à Athènes il était alors d'Aristote. Avant Socrate les anciens, comme
très- âgé. je l'ai dit, unissaient à l'éloquence toutes les con-
XIX. De même que les fleuves se partagent en naissances qui ont rapport aux mœurs à la vie
tombant des sommets de l'Apennin, ainsi, nés des hommes, à la vertu, à l'administration pu-
aux communes hauteurs de la sagesse, les genres blique. Bientôt Socrate, et après lui tous ceux de
se séparèrent pour suivre des routes différentes son école, ayant, ainsi que je l'ai fait voir, sé-
les philosophes descendirent mollement, comme paré la sagesse de l'art du langage, les philoso-
au sein de la mer Ionienne, de cette mer heu- phes dédaignèrent l'éloquence et les orateurs, la
reuse et sûre, qui baigne le beau rivage de la philosophie; et il n'y eut plus de communication
Grèce; les orateurs, au contraire, furent jetés entre eux, si ce n'est lorsqu'ils eurent besoin
sur les flots de la mer de Toscane, à travers les d'emprunter les uns des autres ce qu'ils auraient
écueils et les périls où s'était égarée la prudence puisé dans une source commune, s'ils avaient
même d'Ulysse. Croire qu'il suffit à l'orateur de voulu maintenir leur association primitive. Mais
savoir nier ce qu'on objecte, ou, si cela est im- de même que les anciens pontifes, accablés par
possible, défendre la conduite de l'accusé; rejeter la multitude des sacrifices, chargèrent trois prê-
sa faute sur les torts d'un autre montrer que son tres de la direction des banquets sacrés, bien
action est conforme aux lois, ou que du moins que dans l'institution de Nnma ce soin dût faire

dicendi, aspematumesseomneaniraisensusque judicium, aut non eo nomine nsurpandom quo argua-


necessario,
primumque instituisso (quanquam id fuit Socraticum ma- tur, sol non ita agi, ut debuerit, ac licuerit; et, si satis
xime), non, quid ipse sentiret, ostendere; sed contra id, esse putatis ea quae isti scriptoresartis docent, discere,
quod quisque se sentire dixisset, disputare. Hinc haec re> quae multo tamen ornatius, quam ab illis dicuntur, et ube-
cenlior academia emanavit, inquaexstititdivinaquadam rius explicavit Antonius; sed, si his contenti estis, atque
celeritate ingenii dicendique copia Carneades cujus ego iis etiam, quae dici voluistis a nie ex ingenti quodam
etsi multos anditorea cognovi Athenis, tamen auctores oratorem imniensoqne campo in exiguum sane gyrum
ccrtissimos laudarepossum, etsocerum meum Scœvolam, compellitis. Sin veterem illum Periclem, ant huncetiam,
qni eum Romœ audivit adolescens, et Q. Metellum L. qui farailiarior nobis propter scriptorummuHiludiuem est,
F., familiarem meum, clerissimumvirum, qui illum a Demosthenem, sequi vultis, et, si illam praeclaram et
se adolescente Athenis, jam affeclum senectute, multos eximiam speciem oratoris perfecti et pulchritudinemada-
dies auditum esse dicebat. mastis aut vobis bcec Carneadia, aut illa Aristotelia vis
XIX. Haec autem, ut ex Apennino fluminurn, sic ex comprehendenda est. Namque (ut ante dî\i) veteres illi
commun) sapientium jugo sunt doctrinarum facta divor- usque ad Socralem, omnem omnium rerum«qiifead mores
tia, lit philosophi, tanqnam in superum mare Ionium de- hominum, quœ ad vitam, qnx ad virtutem, quae ad rem-
(lucrent Grœcum quoddam etportuosum oratores autem publicam pei'tinebant,cognitionemet scientiam cum dicendi
in inferura hocTuscumet barl>arum,scopulosum atqne ratione jungebant; postea dissociati (ut exposui) a Socrate
infestum laberentur, in quo etiam ipse Ulysses errassct. diserti adoctis, etdeincepsaSocraticis item omnibus, pbilo-
Quare, si hac eloquentia atque hoc oratore contenti su- so|ihieloquentiamdespexerunt,oratoressapientiam;neque
mus, qui sciat, aut negare oportere, qnod arguare, aut, quidqunm ex alterius parte tetigerunt, nisi quod illi ah
si idnonpossit, tum oslendcre, quod is fecerit, qui insi- his, aut ab illis hi inutuarentur; ex quo promisrue hau-

aut ex tege, aut, non contraaut


muletur, aut recte factum, ant altérais culpa ant injuria, rirent, si manere in pristina communione voluissenl. Sed,
imprutlentia aut ut pontilices veteres, propter sacrifleiorum inuUitudinem
partie de leur emploi; ainsi, quoique les anciens lumières, cette multitude de connaissances, je
eussent réuni par une alliance admirable l'élo- suis bien loin de plaider ma cause; car il ne s'a-
quence et la sagesse, les disciples de Socrate ont git pas de ce que je possède moi-même, mais de
éloigné d'eux les orateurs, et les ont dépouillés ce que doit posséder l'orateur; je me fais au con-
du nom de philosophes, qui leur appartenait aussi traire mon procès, comme à tbus ces petits rhé-
bien qu'à eux-mêmes. teurs, si ridicules avec leur étalage de préceptes
XX. Maintenant je vous prierai de m'oublier sur les différents genres de causes, sur les exor-
un peu, et de ne pas croire que je veuille parler des, sur les narrations. Le domaine de l'éloquence
de moi, mais de l'orateur. En effet, si dès mes est bien autrement étendu elle embrasse dans
premières années, mon père m'a fait instruire son cercle immense, les vertus, les devoirs, tout
avec le' plus grand soin; si j'ai apporté au bar- ce qui se rattache aux mœurs, à l'âme, à la vie
reau le peu de dispositions naturelles que je me des hommes; elle saisit et développe tous ces dif-
connais, et non celles que vous me supposez peut- férents rapports dans leur origine, leur nature,
être, je ne puis pas me flatter d'avoir appris ces leurs modifications; elle détermine les droits, la
choses dont je vais vous entretenir avec autant morale, les lois; elle préside au gouvernement
de soin que je recommanderai de le faire. J'ai des États et quels que soient les objets auxquels
commencé plus jeune que qui que ce soit à plai- elle s'applique, elle y répand le charme d'une
der des causes publiques j'avais à peine vingt diction riche et brillante. Pour moi je n'ai pé-
et un ans, que j'accusai un homme fameux par nétré dans cette science que jusqu'où m'a permis
son éloquence et par l'éclat de son nom. Je n'ai d'aller la médiocrité de mes talents et de mes lu-
eu d'autre école que le barreau, d'autres guides mières, jointe à l'expérience que j'ai pu acqué-
que l'expérience, nos lois, les institutions du rir et cependant je ne craindrais pas de paraître
peuple romain, les coutumes de nos ancêtres. Em- trop inférieur dans la discussion à ceux qui ont
pressé de connaître la théorie de l'art qui nous fixé leur vie et comme posé leurs tentes dans la
occupe, j'ai à peine eu le temps de l'effleurer philosophie même.
ce fut pendant ma questure en Asie, où je trou- XXI. Quel argument pourrait employer mon
vai le rhéteur académicien Métrodore, qui était ami C. Velléius, pour prouver que la volupté est
à peu près de mon âge, et dont Antoine nous a le souverain bien, que je ne pusse, si je le vou-
cité la surprenante mémoire. J'étudiai ensuite à lais, soutenir ou réfuter avec plus d'abondance
Athènes, à mon retour d'Asie, et j'y aurais fait et d'éclat, à l'aide de ces lieux communs indiqués
un plus long séjour, si je ne m'étais pas brouillé par Antoine, et de cette habitude de parler que
avec les habitants de cette ville, parce qu'ils n'a- n'a pas Velléius, et que chacun de nous possède?
vaient voulu recommencer pour moi la célébra- Et s'il s'agit de parler de la vertu, tout stoïciens
tion de leurs mystères, que j'avais manqué de qu'ils sont, Sext. Pompée, les deux Balbus, ou
deux jours. Ainsi, en exigeant cette étendue de mon ami Vigellius, qui a vécu avec Panétius,

très viros epulones esse voluerunt, quum essent ipsi a ad quœ biduo serius vencrain succensuissem.Quare hoc,
Numa ut etiam illud ludornm epulare sacrificium face- quod complector tantam scientiam vimque doctrinse non
rent, instituti sic Socratici a se causarum actores et a modo non pro me, sed contra me est potius (non enim,
communi ptailosophiœ nomine separaverunt, quum veteres qu ego, sed quid orator possit, disputo), atque hos om-
dicendi et intelligendi mirificam societatent esse voluis- nes, qui artes rhetoricas exponunt,perridiculos. Scribunt
sent. enim de litium genere, et de principiis, et de narrationi-
XX. Quee qunm ita sint, paullulum equidem de me de- bus. 111a vis autem eloquentia? tanta est, ut omnium re.
precabor, et petam a vohis, al ea, quœ dicam, non de me. rum, virtutum, officiorum omnisquenaturae, quœ mores
met ipso, sed de oratore dicere putetis. Ego enim sum hominum, quse animos, quse vitam continet, originem,
iS qui, quum summo studio patris in pueritia
doctus vim, mutationesqne teneat, eadem mores, leges, jura
essem, et in forum ingenii tantum, quantum ipse senlio describat, rempublicam regat, omniaque, ad quameum-
non tantum, quantum ipse forsitan vobis
videar, detulis- que rem pertineant, ornate copioseque dicat. In quo ge-
sem, non possim dicere, me hœc quse nunc complector, nere nos qtiidem versamur tantum, quantum possumus,
perinde, nt dicam disccnda esse, didicisse quippe qui quantum ingenio quantum mediocri doctrina, quantum
omnium maturrime ad publieas causas accesserim annos- usu valemus neque tamen istis, qui iu una phi!osophia
quasi tabernaculum vitœ suas collocarunt, multum sane
que natus unum et viginti, nobilissimumhominem et elo-
qnentissimum in judicium vocarim; cui disciplina fuerit in disputatione concedimns.
forum, magister usus, et leges, etinstituta populi roma. XXI. Quid enim meus famiiiaris C. Velléius a{ferre
ni, mosque majorum. Paullum sitiens IslaruAi artium, de potest, quamobrem voluptas sit summum bonum, quod
quibus loquot, gnstavi, qnKstor in Asia qunm essem, ego non copiosins possim vel tutari si velim, vel refel-
sequalcm 1ère ineurn ex Academia rhetorem nactns, Me- lere ex illis locis, quos exposnit Antonius, bac dicendi
trodorum iltum, de cujus memoria commenioravit Anto- exercitatione, in qua Vclleius est ruflis unusquisque no-
rris et inde decedens, Alhenis ubi ego diutius essem strum versatus? Quid est, quod aut Sex. Pompeius, aut
Dioratus nisi Atheniensibus quod mysteria non referrent, duo Ballii, aut meus amicus, qui cum Panaetio mit, M.
montreront-ils une supériorité telle, que l'un de un jouet d'enfants. Quant à nous, que les limites
vous ou moi-mêmedevions désespérer de les éga- étroites de la discussion qui nous a occupés hier
ler ? Il n'en est pas de la philosophie comme des et aujourd'hui nous suffisent pour exposer tout
autres sciences. Que dire sur la géométrie ou la ce qui se rattache à la profession de l'orateur, en
musique,si on ne les a pas apprises? Il faut se taire, faisant voir toutefois que nous y comprenons les
ou s'exposer à passer pour un insensé. Mais quant connaissances contenues dans tous les livres des
aux matières philosophiques, tout esprit vif et philosophes,et qu'aucun de ces déclamateursn'a
pénétrant peut y fouiller pour en tirer ce qu'elles amais abordées.
ont de vraisemblable, et l'exprimer ensuite avec XXII. -En vérité, dit Catulus, je ne m'étonne
élégance, pour peu qu'il soit lui-même exercé plus de remarquer à la fois dans vos discours tant
à l'art de la parole. Sur de semblables sujets, un de force, de douceur et d'abondance. J'attribuais
orateur ordinaire et médiocrementinstruit, mais aux seules inspirations de la nature ce talent qui
habitué à parler en public, confondra tous nos vous faisait paraître à mes yeux non-seulement
philosophes, et leur prouvera qu'il ne mérite pas un orateur accompli, mais un homme plein de
leurs injurieux dédains. Mais s'il se rencontre un sagesse. Je comprends maintenant que c'est encore
homme qui puisse, suivant la méthode d'Aris- aux études philosophiques que vous avez attaché le
tote, soutenir le pour et le contre sur toutes sortes plus d'importance, et que c'est à elles que vous de-
de sujets, et, à l'aide de ses préceptes, pronon- vez cette richesse d'élocution. Cependant, quand
cer dans la même cause deux plaidoyers contra- je me rappelle toutes les époques de votre vie, et
dictoires s'il peut, à la manière d'Arcésilas et les occupations qui les ont remplies, je ne con-
de Carnéade, combattre toute espèce de propo- çois pas comment vous avez eu le temps d'appren-
sitions, et qu'à ces avantages il joigne la connais- dre tant de choses; je n'imagine même pas que
sance de l'art oratoire, l'habitude et l'exercice de vous vous soyez beaucoup adonné à l'étude des
laparole, voilà le véritable, le parfait, le seul ora- livres ni aux leçons des maîtres aussi je ne sau-
teur car sans la nerveuse éloquence du barreau, rais dire ce qui m'étonne le plus, ou qu'au milieu
l'orateur n'aurait ni assez d'énergie, ni assez de de tant d'occupations vous ayez pu acquérir les
véhémence; et sans cette variété de connaissances connaissances dont vous m'avez démontré l'im-
que donne la philosophie, il pourrait lui manquer portance et l'utilité, ou que vous puissiez être si
quelque chose du côté de la culture et du savoir. éloquent sans les avoir acquises.
Laissons donc votre Corax couver ses petits cor- –
Je vous prie d'abord d'être persuadé, ré-
beaux dans son nid, jusqu'à ce qu'ils prennent pondit Crassus, que je parle de l'orateur, à peu
leur volée pour nous fatiguer par leurs cris im- près comme je pourrais le faire du comédien
portuns laissonsjene sais quel Pamphilus mener car pour soutenir qu'un acteur ne peut exceller
ses disciples à la lisière, et faire de l'éloquence dans la déclamation, s'il ne s'est exercé à la gym-

Vigellius, de virtute hominum stoici possint dicere, qua tione hesterni et hodierni diei totum oratoris munus ex-
in disputatione ego his deheam, aut vestrum quisquam plicemus, dummodo illa res tanta sit, ut omnibus philo-
concedere? Non est enim philosophie similis artinm reli- sophorum libris, quos nemo oratorum istorum nnquam
quarum. Nam quid faciet in geometria, qui non didïoerit ?i' attigit, comprehensa esse videatur.
quid in musiois ? Aut taceat oportebit aul ne santis quidam XXII. – Tum Catulns, Handquaqnamhercle, inquit.
judicetur. Hrec vero, quae sunt in philosophia, ingeniis Crasse, mirandum est, esse in te tantam dicendi vel vim,
eruuntur, ad id, qnod in quoque verisimile est, elicien. vel suavitatem, vel copiam; quem quidem antea natura
dum acutis atqne acrihus, eaque éxercitata oratione po- rebar ita dicere, ut mihi non solum orator summus sed
linntur. Hic noster vulgaris orator, si minus erit doctus, etiam sapientissimus homo viderere mine intelligo illa
attamen in dicendo exercitatus, hac ipsa exercitatione te semper etiam potiora duxisse, quse ad sapieutiam spe-
communi, istos quidem (nostros verberabit, neque se ctarent, atque ex his hanc aicendi copiam Huxisse. Sed
ab ils contemni ac despici sinet. Sm aliquis exstlterit ali- tamen, quum omnes gradus aetatis recordor tuae, quum-
quando., qui Aristotelio more de omnibus rebus in utram- que vitam tuam ac studia considero neque, quo tempore
que sententiam possit dicere, et in omni causa duas con- ista didiceris, video, nec magnopere te istis studiis, ho-
trarias orationes praeceptis illius cognitis, explicare aut minibus, libris, inlellïgo deditum. Neque tamen possum
hoc Arcesilae modo, et Carneadi, contra omne, quod statnere, utrum magis mirer, te illa, qua) mihi persuades
propositum sit, disserat; quique ad eam rationem adjungat maxima esse adjumenla, potuisse in tuis tantis uccupatio
hune î'hetoricum usum, moremque exercitationemque nibus perdiscere; an, si non potueris, posse isto modo
dicendi, is sit verus, perfectus, is soins orator. Nam dicere.
neque sine forensibusnervis satis velieineiis et gravis, nec -Hic Crassus, Hoc tibi, inquit, Catule, primum per-
sine varietate doctrin» satis politus et sapiens esse orator suadeas velim, me non multo secus facere, quum de ora-
;K>lesl. Quare Coracem istum vestrum patiamur nos qui- tore disputem, ac facerem, si esset mihi de histrione di
dem pullos suos excltidere in nido, qui evolent, clama- cendum. Negarem enim, posse eum satisfacere in gestu,
tores odiosi ac molesti; Pamphitumqne nescio quem sina- nisi palœstram nisi saltare didicisset neque, ea quum
mus in infulis tantam rem, tanqnam puériles delicias dicerem, me esse liislrioneiu necesse esset, sed fortasse
aliqnas, depingerc nosqne ipsi hac tam exigua dispnta- non stultmn alieni artifirii existimatorem. Similiter ounc
nastique et à la danse, je n'ai pas besoin d'être mort a surpris au milieu de leurs études. Autre
acteur moi-même; il me suffit de savoir juger chose est, en effet, d'apprendre un art pour la
avec quelque discernement d'un art qui m'est pratique usuelle; autre chose d'en faire une étude
étranger. C'est ainsi que, pour vous satisfaire, de prédilection, une occupation exclusive. Ce
je vous donne mon opinion sur l'orateur je veux maitre des gladiateurs samnites a blanchi sous les
dire, sur l'orateur parfait; car lorsqu'on veut rai- armes, et sans cesse il médite sur son art; il n'a
sonner sur un art ou talent quel qu'il soit, on le point d'autre occupation. Q. Vélociuss'était livré
considère toujours dans son plus haut dégré, dans à la même étude dans sa jeunesse; mais, doué
sa perfection. Si donc vous jugez que je sois un d'une rare aptitude, il en eut bientôt saisi tous
orateur, un orateur passable, et même un bon les secrets, et fut, comme dit lueilius,
orateur, j'y consens aussi bien il y aurait de
Un maître en l'ait sainnite, un rude champion
l'affectation de ma part à ne pas reconnaître que
j'ai cette réputation; mais je suis bien éloignéé mais il donnait plus de temps encore au forum,
d'être un orateur accompli. Eh! qu'y a-t-il sur la à ses amis, à ses affaires particulières. Yalérius
terre de plus difficile, de plus élevé ? quel art de- passait sa vie à chanter qu'aurait-il pu faire? il
mande le secours d'un plus grand nombre de était acteur. Mais notre ami Kumérius Furius ne
connaissances? Cependant, puisque vous voulez chante que dans l'occasion c'est un père de fa-
que je traite de l'orateur, il faut bien que ce soit mille, un chevalier romain;il a, dans sajeunesse,
de l'orateur accompli; car comment se faire une apprisde la musiquece qu'il convieutd'en appren-
idée de la nature et de l'étendue d'un art, si on dre. Il en estde même des études philosophiques,
ne l'envisage dans toute sa perfection ? Pour moi, tout élevées qu'elles sont. Nous avons vu Q. Tubé-
je l'avoue, Catulus, je n'ai actuellement aucun ron, un de nos Romains les plus distingués par
commerce avec ces philosophes, ni avec leurs ses lumières et sa vertu, passer les jours et lesnuits
écrits; et, comme vous l'avez fort bien observé, à entendre les leçons d'un philosophe; mais son
il n'y a eu dans ma vie aucune époque exclu- oncle, Scipion l'Africain avait aussi commerce
sivement réservée à l'étude; je n'ai pu y consa- avec la philosophie, et ce commerce était presque
crerque les loisirs de ma première jeunesse, et les inapperçu. Ces études sont faciles quand on se
vacances du barreau. borne aux notions nécessaires, quand on a un
XXIII. Mais si vous me demandez, Catulus, bon maître pour vous les enseigner, et qu'on sait
mon sentiment sur la nécessité de toutes ces con- soi-même apprendre. Mais veut-on en faire l'uni-
naissances,voi ci quel sera ma réponse. L'homme que occupation de sa vie, l'attention qu'on ap-
de quelque capacité, qui a en vue le forum, le porte à ces recherches fait nattre chaque jour
sénat, la plaidoirie, les affaires publiques, n'a pas quelques questions nouvelles, et le plaisir de les
besoin pour les acquérir d'y consacrer autant de résoudre charme la curiosité paresseuse de l'es-
temps que l'ont pu faire ces philosophes que la prit. C'est ainsi qu'à mesure qu'on remue les ques-

de oratore, vestro impulsu, loquor, summo scilicet. acturi. Magister hic Samnitium summa jam senectute est
Semper enim, quacumque de arte aut facultate quaeritur, et quotidie commentatur; nihil enim curat aliud. At Q.
de absolnta et perfecta quœri solet. Quare si jam me vultis Velocius puer addidioerat. Sed quod erat aptus ad illud
esse oratoreni si etiam sat bonum, si bonum denique, totumque cognorat, fuit, ut est apud Lucilium
lion repugnabo quid enim nunc sim ineplus? ita rnejcxi- quamvisbonus ipse
slimari seio. Quod si ita est, summus.tamencerte non sum. Samnis in ludo, ac rudibus cuivis satis asper;
Neque enim apud hommes res est ulla difficilior, neque
major, neque quae plura adjumenta doctrina desideret. sed plus opéra foro tribuebat, amicis, rei familiari. Vale-
AUamcn quoniam de oratore nobis disputandum est;, de rius quotidie cantabat erat enim scenicns; quid faceret
suninio oratore dicam necesse est. Vis enim, et natura rei aliud At Numerius Furius, noster familiaris, quum est
misi perfecta aute oculos ponitur, qualis, et quanta sit, in- commodum cantat est enim paterfamilias est equt'K
telligi non potest. Me autem, Catule, fateor, neque liodie romanus; puer didicit, quod disceudum fuit. Eadem ratio
in ÎBlis libris, et cum istis hominihus vivere; nec vero, id est barumartiummaximarum.Diesetnoclesvirum summa
quod tu recte commeministi ullum unquam habuisse se- virtute et prudeutia videbamus, philosophe quum operaui
positnm tempus ad disceiidum, ac tantum tribuisse do- daret, Q. Tuberonem. At ejus avunculum vix intelligeres
ctrinœ wmporis, quantum mihi puerilis œtas,' forenses id agere, quum ageret tamen, Africanum. Ista discuntiir
feriœ concesserint. facile, si et tantum sumas, quantum opus sit, et habeas.
XXIII. Ac, se quœris, Catule, de doctrina ista quid ego qui docere fideliter possit, et scias etiam ipse disceie. Sed
sentiam, nontantum ingenioso homini, et ei, qui forum, si tota vita nihil velis aliud agere ipsa tractatio et quœstiu
qui curiam qui causas, qui rempublicam spectet, opus quotidie ex se gignit aliquid quod cum desidiosa délecta-
çâse arbitror temporis, quantum sibi ii sumserunt, quos tione vestiges. Ita fit, ut agitalione rerum sit infinita co-
discentes vita defecit. Omnes enim artes aliter ab iis tra- goitio. Facilis usua doctrinam confîrmet mediocris upera
i:tantur, qui eas ad usum ttansferunt; aliter ab iis, qui tribuatur, uiemoria studiumque permaneat. Libet autem
ipsarum artium tractatu
rum artium tractatu delcctati nihilm vita
delcctati nihil vita suntaliud
sunt aliud semper disceie:
scinper utsi
discerc:ut si vclimegi>taliso|>'imp
vcliin ego talisop'ime Itidete,
Itideie, aut
autpilae
pilae
tlCÉÏUIN – TOME 1. -0
tions on voit s'étendre à l'infini le domaine de la son âme, et de donner du poids et de la substance
so
science. Que la pratique vienne à l'appui de la au discours.
au
théorie, joignons-y un peu d'étude et occu- La langue qu'on parle au barreau, dur et âpre
instrument de chicane, empruntée aux idées de
pons sans relâche notre esprit et notre mémoire, in
Mais fa soif d'apprendre est insatiable par exem- la multitude, est bien mesquine et bien pauvre.
pie je puis désirer de savoir bien jouer aux os- G qu'enseignent ces prétendus mattres de l'art
Ce
selets ou à la paume, même sans avoir l'adresse oratoire
or n'a guère plus d'élévation ni de gran-
d'y réussir; d'autres, parce qu'ils y excellent, se deur
d< que ce langage vulgaire de nos avocats.
livreront à ces puérilités avec une ardeur dérai- Nous,
N nous avons besoin d'apparat; il nous faut
sonnable ainsi, Titius se passionne pour la paume; ai chercher, recueillir, amasser de toutes parts
aller
Brulla, pour les osselets. N'allons donc pas nous dl précieuses richesses. C'est ce que vous aurez à
de
faire une idée trop effrayante de la difficulté des faire dans un an, César; c'est ce que j'ai fait
fa
arts, en voyant des vieillards étudier encore ou moi-même
m lorsque j'étais édile, dans la pensée
ils ont commencé tard à s'y livrer, ou leur goût qque je ne pourrais pas satisfaire la curiosité du
pour l'étude les y a retenus jusqu'à la vieillesse, peuple,
pi si je n'offrais à ses regards que des pro-
ou ils y ont apporté une intelligence faible et bor- dductions du pays, que des objets qu'il peut voir
née. A mon avis, ce qu'on n'apprend pas prom- tous le jours. Pour le choix et l'arrangement des
te
ptement, on ne l'apprend jamais bien. mots,
n pour la structuredes phraseset despériodes,
XXIV. – J'entends votre pensée, dit Catulus, k méthode est facile, et, à défaut de méthode,
la
et je suis de votre avis je vois qu'avec votre con- l'exercicesuffit.
l' Mais le fond des choses est i nfini
ception vive et prompte, vous avez dû avoir assez o fonds manquait déjà aux rhéteurs grecs de nos
ce
de temps pour acquérir les connaissances dont jours;
j< aussi notre jeunesse désapprenait, pour
vous parlez. Ne cesserez-vous donc point, re- ainsi
a dire, à leur école. Mais ce n'était pas assez;
prit Crassus de m'appliquer à moi-même ce que voilà
v que depuis deuxans nous voyons paraître des
je dis de l'orateur en général ? Mais si vous le rhéteurs
r latins. J'avais fait fermer leurs écoles
trouvez bon, je reviens à mon sujet. Je ne de- pendant
p ma censure, non pas, comme la mal-
mande pas mieux répondit Catulus. Quel veillance
v s'est plu à le répandre, pour empêcher
peut avoir été mon but, continua Crassus, en nnos jeunes gens de cultiver leur esprit, mais au
m'etendant ainsi, et en reprenant les choses de contraire
c pour prévenir les effetsd'une instruction
si haut? Le voici les deux parties dont il me vicieuse, qui eùt étouffé leur génie naturel en ac-
reste à parier sont celles qui donnent de l'écl at au croissant
c leur présomption. En effet, quelque in-
discours et mettent le comble à l'éloquence l'un suffisantes
s que fussent les doctrines des Grecs, je
comprend les ornements; l'autre la convenance voyais
a en eux, outre la facilité de la parole, de
de la diction. Ellesoffrentles moyens les plus sûrs 1l'instruction et une certaine culture, qui pouvait

de plaire à l'auditeur, depénétrer jusqu'aufond de être


c présentée comme modèle. Mais que pouvait-

studio tenear, etiam tVirtasso si assequi non possim; at dunt isti, qui profilentur se dicendi magistral, non mnl-
nlii.quia prarlare (admit, vehementius, quam musa tum est majus, quam illud vulgare ac fovense. Apparatu
postulat, delectantur, ut Titius pila, Jirulla talis. Quare nobis
i opiis est, et rebus exquisitis undique et collectis,
uihil est, quod quisquam maguitndinem artiuin ex eo, arcessitis
i comportâtes ut tibi, Cœsar, faciendum est ad
<|uoil senes disounl pcrliniescat. Kamque aut senes ad annum;
i ut ego in xdilitate laboravi qnod qiiotidianis et
studiis deti- vernaculis rebus satisfacere me posse huic populo non pu-
cas accesserunl aut usque ad senectutem in
nentur; aut sunt tardissimi. Res quidam se mea sententia tabam.
1 Verborum eligendorum, etcol[ocamlorum,etconc-
sic habet, ut nisi quod qiiisquc cito potuerit, nnnquam ludendorum faciîis est vel ratio, vel sine ratione, ipsa exer*
omnino possit perdiscere. citatio. Rerum est silva magna, quam quum Graci jam
XXIV. – Jain jam inquit Catulus intelligo Crasse non tenerent, ob «inique cuusam juventue nostra dedisce-
quid dicas, et hercule assentior. Satis video tibi homini rel psene discendo etiam Latini si diis placet hoc biennio
ail perdiscenduniacerrimo, ad ea cognoscenda,quai dicis, magistri dicendi exstilerunt quos ego censor edicto meo
tuisse temporis. Pergisne, inquit Crassus, me, qnœ sustukram non quo ( nt nescio qnos dicere aiebant) acui
dicaiu,de me, non de re putare dicere? Sed jani, si pla- jngeiiia adolesceutium nollem, sed contra ingénia obtundi
cet, ad institula redeamus. – Miliivero,Calnlus inquit, noiui corroborari impudentiam. Nam apud Graecos, qui
placel – Tnm Crassus, Quorsum igUur hsec spoctat, inquit ejusmodi essent, ,idebam tamen esse prêter hanc exer*
tam longa,et tam alterepetitaoralio?lise duœ partes, quœ citalionem linguae, doctiïnam aliquam et humanitatem
niihi supersunt, illustrandae orationis, ac totius elo(pien- dignainscientia; hos vero novos magislros uihil intelligebam
tJœ cuiuulandae, qiiarum altéra dici postulat ornate, altéraposse docere, nisi ut auderent quod etiam cum bonis rebis
i
apte hancliabentvim ut sit q iiam maxime jucunda quam conjunclum, per se ipsuin est magnopere fugiendum. Hoc

pliuïinissitrebusiiistrucla.Inshurnentumautan liocforen-
iset;
maxime in sensus eornm, qui nuiliunt, inlluat, et quam quum iinuiu traderetur, et quum inipudentiae ludus es.
putavi esse censoris ne longius id serperet, providerc
se, JitigUtsum, acre, traetumex vulgi opinionibus,exiguumi Quanquarn non ha» ita statu. i alque decerno ut desnerem,
une ati|ue mendicum est; illud rursus ipsutn, quod Ira- latine ta, de quibusdispulavimus,trtuliacperpolirkpa-
in gagner aux leçons de ces nouveaux docteurs, Il est difficile d'expliquer pourquoi les objets
qu'une excessive confiance en soi-même, défaut qui
nous frappent le plus agréablement au pre-
insupportable, même lorsqu'il se trouve joint à mier abord, et qui font naître en nous les sen-
des qualités réelles ? Comme c'était làtout ce qu'ils sations les plus vives, sont aussi ceux qui amè-
enseignaient, et qu'ils tenaient seulement école nent le plus promptement le dégoût et la satiété.
d'impudence, je crus qu'il était du devoir d'un Combien, dans les peintures nouvelles, le coloris
censeur d'arrêter les progrès du mal. Ce n'est pas n'est-il pas plus éclatant, plus fleuri, plus varié
que je prétende qu'il faille désespérer de voir que dans les anciennes? Cependant, après quel-
traiter avec succès en latin les matières dont il est ques moments de séduction, lecharme a disparu,
en ce moment question. Ni la nature des choses, et notre œil revient se fixer avec complaisance
ni le génie de notre langue, nes'opposent à ce que sur
sur ces vieux tableaux dont il aime les tein-
l'antique et exquise doctrine des Grecs ne soit ap- tes rembrunies et l'antiquité sévère. Les modula-
propriée à notre usage, à notre caractère mais il tions cadencées, les brillants et capricieux ar-
faut pour cela des hommes de talent et de goût, tifices de la voix sont d'une mélodie beaucoup
et jusqu'à ce jour nous n'en avons point eu dans plus
flatteuse qu'un chant exact et régulier. Et
ce genre; s'il s'en présente, ils l'emporteronttoutefois, non -seulement les juges austère?, mais
même sur les Grecs. la multitude elle-même se récrie contre ces agré-
XXV. Le premier ornement du style est dansments, s'ils sont prodigués avec excès. La même
son ensemble, dans sa couleur générale, et pourremarque peut s'appliquer aux autres sens l'o-
ainsi dire dans le fond de sa substance. S'il a de dorat se lasse bientôt de parfums trop exquis et
la noblesse, de la douceur, de la grâce s'il est trop pénétrants, et savoure plus volontiers ceux
élégant et de bon goût; si au charme qui saisit, qui
ont moins de force; l'odeur de la cirenous pa-
il joint, dans une juste mesure la sensibilité et rait meilleure que celle du safran. Le toucher
i
le pathétique: ces précieuses qualités ne sont pas même se fatiguerait de glisser toujours sur des
le résultat des détails, mais de tout l'ensemble. surfaces polies et délicates. Enfin le goût, celui de
i
Quant aux ornements qui résultent d'un certain nos sens qui perçoit le plus de jouissances, et qui
éclat dans les expressions et les pensées, il. nese laisse le plus facilement sédnire par l'attrait de
faut pas les prodiguer partout également, mais la
douceur, n'est-il pas prompt à la rejetter avec
tes semer à propos, comme, dans la parure, dédain quand elle est excessive? Pourrait-on
i
l'art sait employer avec goût les fleurs et les supporter longtemps un aliment ou un breuvage
i
diamants. Choisissons donc un genre de style qui trop doux? au contraire, ce qui ne flatte que mo-
i
«aptive l'auditeur, et qui non -seulement lui dérément notre palais, est aussi ce qui échappe
plaise, mais lui plaise sans le fatiguer. Vous n'at- le plus facilement au dégoût. Si donc la satiété
tendez pas de moi, sans doute, que je vous recom- est toujours voisine du plaisir le plus vif, ne nous
mande d'éviter la sécheresse, la négligence les étonnons point que, soit chez lesorateuis, soit
expressions communes et surannées je dois à chez les poëles, en prose comme en vers, un
des hommes de votre âge et de votre talent des i style toujours brillant, toujours poli, toujours
observations d'un ordre plus élevé. I paré, où tout est fleur et ornement d'une per-

lUnr eaim et lingna nostra et natura rerum, veterem il- Difficile enim dicta est, qua?nam causa sit, cur ea quœ
lam exeelientemque prudentiam Greecorum ad iiostnnr. maxime sensus nostros iinpelluiit voluptate, et opecie
usum moremquetransferri sert hominibus opus est mi- prima acerrime commoveiit ab iis r.elerrime fastidio quo-
ditis qui adhuc, iu hoc quidem genere, nostri nnlli fne- dam et satietate abalieneinur. Onanto colorum pulchritu-
runt; sm quando exstiterint etiam Graecis erunt antepo- • dine et varielate floridiora sunt in picturis novis pleraque,
quam in veteribus? quae lamen, etiamsi prime adspectu
nendi.
i
XXV. Ornatur igitur oratio genere primum, et quasi nos ceperunt, diutiiis non delectant; quurn iidem nos in
colore quodam et sneco suo: nam ut gravis, ut suavis,antiquis fahulis il!o ipso horrido obsoletoque toncamur.
t
nt eruditasit, lit liberalis, ut adiiiirabilis, lit polita, lit Quanto molliores sunt et delicatioresin cantu flexioues et
t
sensus, lit dolores babeat, quanlnm opiis sit, non est (àlsje voculœ, quam certae et severœ? quibus tamen non
singulorum articulorum; in toto spectantur hase corpore. modo austeri, sed, si ssepius fiimt, mtiltiturîo ipsa recla-
TJt porro conspersa sit quasi verborum genlentiarnmque mat. Licet hoc videre in reliquis sensihus; unguentis mi-
P.oribiis;id non debet esse fnsum sequabililer per omnem1 nus diu nosdelectari surarna et acerrima sna\itate condilis.
i
nrationem, sed ita distinctnm, nt sint, quasi in ornatu, quam his moderatis et magis laudari quod ceram quam
rîisposita quidam insigiiia et luraiita. Genus igïlur dicendi quod emenm olere videatur; in ipso tactu esse modom et
est eligendum quod maxime teneat tos, qui andiant rnollitudiiiis et fsevitatis. Quin etiam gustatue, qui est
et quod non solum delectet sed etiam sine satietate dele- sensus ex omnibus maxime voluptarius, qniqneduleittidine
t
tlet non enim a me jam exspectari puto ut monoam ut prœter ceteros sensus commovetur, quam cito id, quod
«aveatis ne exilis, ne inculta sit vestra nratio ne vulgi- valde dîilce est, aspernatur ac respuit? Quis potione uti,
ris, neobsoleta; aliud quiddai» majos, et ingénia me !ior- aut cibo duici diutiiis potest?quum utroque in genere ea.
tntur vastra et jetâtes. «?nae ïcvitpr sensura vohi|ttaté*noveant,facill!meefftifiianl
limeef fugiant
20.
fectioa eoutinue, sans méiange et sans variété, 1 n'atteindrait pas, dans ce vers, à un si haut
quel que soit d'ailleurs l'éclat du coloris, ne pathétique, s'il avait usé et épuisé ses forces, en
puisse pas nous charmer longtemps. disant ceux qui précèdent. Et c'est ce que les
XXVI. Ici même l'excès et la recherche nous poètes et les musiciens ont senti avant les acteurs
choquent plus promptement encore dans les les uns et les autre; préludentd'un ton modeste;
impressions physiques, le dégoût des sens pro- puis tour à tour relèvent, le rabaissent, lui don-
vient de la nature, la raison n'y est pour rien nent l'éclat, la variété, la modulation. Que l'o-
«u lieu que dans les écrits et les discours, ce n'est rateur ait donc la grâce et la douceur, puisqu'il
pas l'oreille seule qui juge c'est l'âme, c'est ne peut renoncer à plaire; mais que cette dou-
l'intelligence qui distingue l'affectationetlesfaux ceur soit mâle, sévère, et ne dégénère pas en mol-
brillants. Qu'on s'écrie, en nous entendant, Bien, lesseeten fadeur. Ces préceptes ordinaires qu'on
très-bien; mais je ne voudrais pas qu'on répétât donne sur la manière d'orner le discours sont
sans cesse, charmant, délicieux! J'aime, je tels, que le plus mauvais orateur peut en pré-
l'avoue, à entendre souvent cette autre excla- senter l'application. Nous je le répète, commen-
mation On ne peut mieux! Cependant il faut çons par amasser un ample fonds de choses et
laisser quelque relâche à l'admiration, et mettre d'idées c'est ce qu'Antoine nous a développé.
adroitement des ombres au tableau, pour que L'art façonnera ce fonds, en le répandant sur
les objets éclairés aient plus de relief et d'éclat. l'ensemble du discours; les expressions lui don-
Roscius ne déploie pas toute son énergie en pro- neront l'éclat, et les pensées la variété.
nonçant ce vers XXVII. Le comble et la perfection de l'élo-
Le prix de la vertu n'est point l'or, mais l'honneur. quence, c'est d'employer à propos les richesses
de l'amplification oratoire; ce qui consiste à
Il le laisse tomber en quel sorte; mais à celui-ci: agrandir et à relever les objets,
comme a les at-
Quoi! le fer a la main il envahit nos temples! ténuer et à les rabaisser. L'amplification est né-
Il éclate, il tressaille; il joue l'étonnement et cessaire toutes les fois que, pour convaincre, nous
l'horréur. Et quand Ésopus dit nous servons de ces lieux, dont Antoine nous a
Où chercher un refuge?
parlé, ou lorsque nous voulons éclaircir les faits
ou nous concilier les esprits ou soulever les pas-
quelle douceur! quel abandon! quelle tranquil- sions. Mais c'est dans ce dernier
cas qu'elle a le
lité il amène ainsi, par le contraste, plus de pouvoir, c'est là aussi le grand, le véri-
O mon père! Priam! ô murs de ma patrip table triomphe de l'orateur. Un genre qui com-

satietatein. Sic omnibus in rébus, vnluptatibus maximis In quo tanta commoveii aclio non posset, si esset con-
bstidium finitimum est quo hoc minus in oratione mire. sunita superiore motu et exhausla. Neque id actores prius
inur in qua vel ex poetis, vel oratoribus possumus judi- videront, quam ipsi poelœ, quam denique illi etiam, qui
care, concinuam, distinctam, ornatam, festivam, sine fecerunt raodos, a quibus utrisque summittitur aliquid,
intermissione, sine reprehensionc, sinevarietate, quam- deinde augetur, extenuatnr, intlatur, variatur, distingui-t
vis claris sit coloribus picla vel poesis, vol oratio, non tur. lta sit uohis igitur ornatuset suavis orator ( nec lainen
posse in delectatione esse diuturna. potest aliter esse), ut suavitatein habeat austeram et soli-
XXVI. Atque eo citius in oraloris aut in poète concinnis dam, non dulcem atque decoctam. Nam ipsa ad ornandum
ac fuco offenditur, quod sensus, in nimia voluptate, natu- prsecepta, quœ dantur, ejusmodi sunt, ut ea quamvis
ra, non mente satiantur, in scriptis et in dictis non aurium vitiosissimus orator explicare possit. Quare, ut ante dixi,
solum, sed animi judicio etiam magis, infucata ritia no- primum silva rerum ac sententiarum comparanda est,
t
scuutur. Quare, « bene, » et a praeclare, » quamvis nobis qna de parle dixit Antonius ha?c formanda (ilo ipso et
»œpe dicatur; « belle et « festive, » nimium sœpe nolo genere orationis, illuminanda verbis varianda sententiis.
quanquam Ma ipsa exdamatio « Non potest melius, » sit
velim crebra sed habeat tamen illa in dicendo admiratio XXVII. Summa autem laus cloquentix est, anipliticare
acsummalausumbramaliquam ctiecessum, quo magis rem ornando; quod valet non solum ad augendum aliquid
id, quod erit illuniinatum, exstare atque eminere videa. et tollendum altius dicendo, sed etiam ad exlcnnandnm
lur. Nunquam agit hune versum Rosvius eo gcslu, quo atque abjicieiidum. Id desideralur omnibus iis in locis,
potest,
quos ad fidem cratioiiis faciendam adhiberidixit Antonius,
N»m sapiens virlutl honorera premium, liaud prxdarn petit vel quuinexplanainus aliquid, vel quum coneiliamus uni-
sed abjicit prorsus ut in proximos, mos, vel quum concitamus. Sed in hoc, quod postremum
dixi, amplificatio potest plurimum, eaque una laus orato-
Ecquid video? ferro septus possidet sedes sacras, ris est propria maxime. Etiam major est illa exercitatio,
incidat, adspiciat, admirelur, sliipescat. Quid ille alter quam extremo sermone instruxit Antonius (primo rejicie-
Quid petam presidi?
bat), laudandi et vituperandi. Nihil estenim ad exaggeran-
dam et amplitlcandam orationem accommodatius quam
quam lenitertquam remisse? quam non actuose? instat utrumque horum cumulatissime facere pusse. Consequea-
enim tur etiam illi loci, qui quanquam proprii causarum, et in-
O pater! o patrta! u Priaiul domui! barrentes in earum nervis esse debout tamen quia de uni-
porte encore plus l'éclat et la puissance de l'am- 1 encore;puisque, défenseurs du bien d'autrui,
/l llf11 1*111

plification, c'est celuiqu'Antoine rejetait d'abord, nous n'avons pu conserver le nOtre; c'est pour
et dont j'ai fini par donner les règles, je veux nous une triste nécessité d'emprunterce qui nous
dire, le genre de l'éloge et du blâme. L'un et l'au- manque aux indignes usurpateurs qui ont envahi
tre en effet, traités d'une manière large et com- notre patrimoine.
plète, se prêtent merveilleusement à tous les dé- XXVI11. Voici donc ce que disent les Péripa-
veloppements, à toute la pompe de l'élocution. téticiens et les Académiciens, ainsi nommés d'un
Viennent ensuite ces lieux, qui, bien que par- petit quartier de la villed'Athèues, mais dans des
ticuliers à chaque cause, et tenant au fond même temps moins voisins du nôtre leurs profondes
de la discussion, se rattachent pourtant à des connaissances dans les matières les plus impor-
idées générales, et, pour cette raison, ont été tantes les avaient fait appeler par les Grecs Phi-
uppelés communs par les anciens. Quelquefois losophes politiques; dénomination tirée de la
ce sont des plaintes ou de violentes invectives dé- science même desaffaires publiques. Suivant leur
veloppées à grands traits, contre des vices ou des système, tout discourspolitique roule, ou sur un
crimes qu'il n'est ni convenable ni possible de fait particulier déterminé par les circonstances
justifier, tels que le péculat, la trahison, le par- et les personnes; comme Devons-nous rendre
ricide. On ne doit les employer qu'après avoir à Carthage ses prisonniers, pour racheter les nrt-
bien établi les faits; autrement ce ne seraient «
tres? ou sur une question générale de principe
que de vaines et futiles déclamations. D'autres par exemple « Que doit-on statuer à l'égard des
ont pour objet d'implorerla bienveillance, d'é- >
prisonniers de guerre? » Ces philosophes don-
mouvoir la pitié; d'autres enfin, de soutenir le nent le nomdecauses ou controverses aux ques-
pour et le contre dans des propositions généra- tions de la première classe; ils en forment trois
les, dont la solution douteuse laisse beaucoup à genres, le judiciaire, le délibératif, et le démons-
dire de part et d'autre. Ce dernier genre d'exer- tratif. Les propositions générales de la seconde
cice paraît maintenant appartenir surtout aux classe sont désignées par eux sous le nom de con-
deux sectes de philosophie dont je vous ai parlé sultations. Telle est la division qu'ils emploient
chez les anciens, il était du ressort de ceux qui encore aujourd'hui dans leurs leçons; mais cet
faisaient profession d'enseigner l'éloquencejudi- enseignement n'est point pour eux un droit, une
ciaire. En effet, dans toutes les questions qui propriété, une ancienne possession qu'ils aient
concernent la vertu, le devoir, le juste et lebien, recouvrée apresl'avoir perdue; on voit que c'est,
la dignité, l'utilité, l'honneur, l'ignominie, les comme disent les jurisconsultes, une branche
récompenses, les châtiments, et d'autres points qu'ils ont rompue pour légitimer une usurpation.
semblables, l'orateur doit être en état de parler Ces questions de la première espèce, avec dé-
dans un sens ou dans le sens opposé avec chaleur, termination de temps, de lieux et de personnes,
avec force, avec art. Mais puisque nous avons malgré leurs prétentions, ne peuvent être réel-
été dépossédés de notre légitime héritage et re- lement leur propriété, quoique Philon, aujour-
légués dans le petit domaine qu'on nous conteste d'hui le plus renommé des Académiciens, à oe

versa re tractari soient, communes a veteribus nominati parva urbis ac loci nomen habent, et peripateticiphiloso-
sunl quorumpartim habent vitiorum et peccatorum acrem phi, aut academici noininantur, olitn autem, propter exi.
iniaindam cum amplificatione incusationem, aut quereiani,miam remm maximarum scientiam, a Graecis politici phi-
contra quam dici nihil solet, nec potest, ut in depecula-losopbi appellati, universarum rerumpublicarum nomine
torem, in proditorem, in parricidam; quibus uti, conlir- vocabantur,omnem civilem orationem in horum alterutm o
inalis criminibus, oportet; aliter enim jejuni sunt, atque
genere versari, aut definitoe controversise certis tempori-
inanes alii autem liabcnt deprecationem aut miseratio- bus ac reis, hoc modo « Placealne a Carlbaginiensibus
nem; alii vero ancipites disputaliones, in quibus de uni-captivos nostros, redditis suis, recuperari? » aut infinité
de universo genere quferentis Quid omnino de captivo
verso genere in utrainque partem disseri copiose licet. Qmae
pxercitatio nunc propria duarum pliilosophiarutn de qui- « statuendum ac sentiendum sit? » Alque horum superius
bus ante dixi, (inlatnr apud antiquos erat eorum a qui- illiul genus, causam aut controversiam appellant, eamque
hns omnis de rebus forensibns dicendi ratio et copia pe- tribus, lite, ant deliheratione, aut laudatione definimit;
tebatur. ne virtute enim, de oITirio, de œquo et buno, de
haec autem altera qua'slio infinita et quasi proposita, con-
di^niitate, utililate, honore, ignoininia, prremio, pœna,
suttationoniinatur atque hactenus loquiinlur. Etiam hac
similibusquede rebns, in utramque partent dicendiauimos,in instiluendo divisione utuntur, sed ita,non ut jure, aut
rt vim, ctarteai haheredebemus. Sed, quoniam denostra judicin, ut deni(|ue recuperare amissam possessionem
possessione depulsi, in parvo, et eo litigioso, pr&'diolo
sed ut ex jure civili surculo defringendo, nsurpare videan-
rclicti sumus, et aliorum patroni, nostra tenere tuerique
tur. Nain illud altcrnm genus, quod est temporibns, locis,
non potitimus ab iis, quoil indignissiinum est, qui in reis delinituni, obtinent, atque id ipsum ladnia. Nunc*
mistrum patriinouium irruperunt, quod opus est nobis, enim apud Philonem quem in academia maxime vigere
iimtueniur. audio, cliani liaruin jam causaruin cognilio exercitittioqiie
WVIU. Dicuiitigtturnuncquidcmilli,qui ex j'ai titilla tcli'biatiir. Altcrum vero lantutnmodo in prima aile tr».
que j entends dire, traite, dans son eeoie, (te la tion
t, conjecturale, qu'ils subdivisent en quatre
connaissance et de la pratique de ces sortes de espèces
e car 0:1 peut considérer ce qu'est unechose
discussions. Quant à celles de la seconde espèce, een elle-même Les lois de la société sont-elles
ils se contentent d'en faire mention dans les pre- «
fondées sur la nature ou sur l'opinion? » ou re-
miers éléments de l'art, et de les compter parmi chercher
c son origine « Qui a donné naissance
les attributions de l'orateur mais ils n'en expo- «« aux lois et aux gouvernements? » ou la cause qui
sent ni i'essence, ni la nature, ni les parties, ni la
1, produit « Pourquoi les hommes éclairés ne
les genres. Ils auraient mieux fait de n'en pas « sont-ils pas
d'accord sur les points les plus im-
parler, que de les nommer pour n'en rien dire «
portants» ou enfin les changements qu'el le peut
leur silence eût paru l'effet d'un jugement relié- subir
s « La vertu peut-elle s'éteindre dans le
chi, au lieu qu'on ne peut l'attribuer qu'à leur «« cœur de l'homme, ou se tourner en vice? »
ignorance et à leur incapacité. On procède par la définition dans les questions
XXIX. Tout sujet qui donne lieu à la discus- i ce genre, lorsqu'on examine quels sont les
de
sion, conserve toujours sa nature douteuse, soit principes
j que la nature a comme gravés dans tou-
qu'il s'agissede consultations indéterminées, soit ttes les âmes. Ainsi i Ce qui est utile au plus grand
qu'on s'occupe de causes en matière politique ou «
nombre est-il juste? » ou lorsqu'on cherche ce
judiciaire; et il n'en est aucun qui n'ait rapport qufappartient
( en propre à une chose ou à une
ou à la connaissance théorique des choses, ou personne
] «
L'élégance du discours est-elle une
à l'application et à la pratique. C'est la connais- « propriété exclusive de l'orateur, et quelque au-
sance théorique qu'on a en vue quand on de- tre ne peut-il y prétendre? ou lorsqu'on divise
mande « s'il faut aimer la vertu pour elle-même iun sujet en ses diverses parties « Combien y a-
« ou pour
les avantages qu'elle procure » c'est « t-il de choses désirables et ne sont-elles pas de
l'application pratique dans cette autre question « trois espèces, les biens du corps, ceux de l'âme,
Le sage doit-il prendre part à l'administration « et ceux de la fortune ?» enfin, lorsqu'on trace

«
des affaires publiques? » II y a trois manières de des caractères, des portraitsparticuliers;par exem-
traiter les questions de théorie, la conjecture, la ple ceux « de l'avare, du séditieux, du glorieux. »
définition et ce que j'appellerai la conséquence. Quant aux rapports de conséquence,deux sor-
Veut-on vérifier l'existence d'un fait, on procède tes de questions se présentent. Ou la discussion
par la question conjecturale La sagesse existe- est simple, comme dans cette question « La
t-elle parmi les hommes? » Veut-on rechercher la i gloire est-elle désirable? » ou elle a lieu par com-
nature d'une chose, comme « Qu'est-ce que la paraison Que doit-on désirer le plus, de la
«
sagesse? on répond par une définition. Enfint gloire ou des richesses? » La discussion simple
on raisonne par conséquence, lorsqu'on examine se subdivise en trois espèces; on peut examiner
ce qui résulte ce qui découle de telle ou telle les biens à désirer ou les maux à éviter « Faut-
chose L'honnête homme peut-il quelquefois il rechercher les honneurs? faut-il fuir la pau-
• mentir? » «
vreté? > lcjuste ou l'injuste « Est-il juste de ven-
Nos philosophes reviennent ensuite à la ques- « ger
les injures de ses proches? » l'honnête ou le

denda nominanl el oratoris esse dieu nt; sed neqne vim, I « Tsaturane sit jus inter homines, an opiniouibus? » aut,
neqne naluram cjus.nec parles, nec gênera proponnnt,t quœsitorigo cujusque rei; lit, « sit initiura legum
quod
ut praeteririomnino fuerit satius, quam altentatuin désert « ant rerum pnhlicarum? » aut causa, et ratio ut, si quoe-
nunc enim inopia reticere intelliguntur; tumjudicto vide- ratnr, « cur doctissimi homines de maximis rchus dissen-
lenlnr. I a liant? » aut de iinmulalione ut, si disputetur, « nuni
XXIX. Omnis igilur res eamdem liabet naturam anibi- • | « interii'e virtus in uomine, aut num in vitium possit cou<
gendi, de qua quœri et disceplari potest, sive in itilinilisi « verti ?»
oonsultalionibus disccptatnr, sive in iis causis, quae in ci. Definitionis autem sunt disceptationes aut, quum qua;-
vitate, et in forensi disceplalione versantur neque est ulla, ritur, quid in coimmini mente quasi impressinn sit; ut si
<|\iie nouant ad cugnoscendi, autad agendi vim ralionem- disseratur, « idne sit jus, quod maximœ parti sit utile; »
que referatur. Nam aut ipsa coguiliorei scientiaque perqui- aut, qiuim quid cujtisqiie sit prnprium, exquiritur; ut,
lïtur, ut, Yirlus suaiune prupter dignilalem ,au prop-« « ornale dicere, propriuuine sit oratoris, an id etiam ali-
ter lïuctus aliquos expelalin ? » aut agendi consilium ex- « quis piïcterca possit? » aut, qmnn res distrlbuitur in
c[uiritur ut, « Situe sapienti capessendj respublica ? partes; ut, si quaeratur c. quot sint genera rerum expe
Coguitioiiis autem tres modi, conjectura, (lefinitin, et, utt <t tendarutn, aut, sintne tria, corporis, animi e^ternarmn-
ita dicam, cnnseitilio. Nam, quid in re sit, conjecturaa « que renmi » ant, <[iinm quat forma, et qu^si naturaiU
quaritnr, ut illud, « Sitne in huinano genere sapîentia?» nota cujusque sit, describilur; ut, si quœratur « avari
Quam autem viinqiiwque res liabeat, définitif) explicat; « specicâ, seditiosi gloridsi. »
lit, si quœratur, « qnûl sit sapientia? » Consecutio autemn Conseriitionis autem duo prima qiiœslionum gênera po
Iractatur, quum, quid qnamque rem sequatur, inquirilur niintur namautsimplex est disceptalio ut, si disseratur,
utillud, » Silne aliquanilo mentiri boni \iri? » « expetendane sit gloria; » aut ex comparatione, « laus
Itedeunt rursus ad conjecluram eamque in quatuorr « an diviticB magU expeteiulae suit.» Sinipliduin auleni
genera dispertiunt. Nain aut quid sit, quœritur, hoc modo sunt très modi rdeexpetendisfugiendisvcrclius; ut, espe-
honteux Est-il bien d'affronter la mort par
« genre qu'à un autre; c'est ce qu'il est inutilo
« amour pour
la gloire ?» 11 y a deux sortes de d'expliquer, non parce que cette question nous
comparaisons: dans l'une, on recherche en quoi mènerait trop loin, mais parce que la solution en
deux choses se ressemblent ou diffèrent, comme est évidente.
une crainte servile et une crainte respectueuse, un Lesdiscours les plussusceptibles des ornements
roi et un ty ran, un flatteur et un ami; dans la se- de l'éloquence sont donc ceux où l'orateur, em-
conde, on examine laquelle des deux est préfé- brassant un champ plus vaste, et ramenant les
rable à l'autre. Par exemple Le sage doit-il questions particulières et personnelles au déve-
«
régler sa conduite sur les opinions des hommes loppement d'une proposition générale, donne à
>
éclairés, ou sur les applaudissements du vul- l'auditeur une connaissance approfondie de la na-
gaire? » Telles sont à peu près les divisions ture, du genre et de l'étendue du sujet, et le met
établies par les savants dans les questions de ainsi en état de prononcer sur les circonstances
théorie. particulières à l'accusé, à l'accusation, ou à la
XXX. Dans celles qui se rapportent à la pra- cause. Jeunes gens qui m'écoutez, c'est cet exer-
tique, la discussion roule sur le devoir, sur ce qui cice qu'Antoine vous a recommandé, en vous
est-bien, sur ce qu'on doit faire; et elles embras- exhortant à franchir l'étroite enceinte des con-
sent ainsi tout l'ensembledes vertus et des vices; testationsordinaires pour vous lancer, libres d'en-
ou bien il s'agit de quelque passion à soulever, traves, dans l'immense carrière des propositions
à calmer, à éteindre. Ce genre renferme les ex- générales. Mais pour cela il ne suffit pas de la lec-
hortations, les consolations, les plaintes qui sur- ture d'un petit nombre de traités, comme se l'i-
prennent la pitié; enfin tout ce qui peut exciter maginent les rhéteurs; il ne suffit pas d'une con-
ou apaiser, selon la circonstance, quelque émo- versation à Tusculum, ou d'une promenade
tion de l'âme. comme celle de ce matin, ou d'un entretien tel
Voilà l'exposition détaillée des genres et des que celui qui nous a réunis cette après-midi. Non,
modes de discussions. Vous trouvez peut-être ce n'est pas assez d'aiguiser, de façonner sa langue
quelque différence entre mes divisions et celles à la parole; il faut encore, il faut remplir et or-
d'Antoine; mais cette différence importe peu ner son cœur d'un fonds inépuisable de connais-
nos deux systèmes sont formés des mêmes élé- sances agréables, riches et variées.
ments distribués dans un autre ordre. Il est temps XXXI. En effet, reconnaissons nos droits
de voir la suite, et d'achever la tâche que vous si nous sommes orateurs et défenseurs des inté-
m'avez imposée. Ces lieux communs, dont An- rêts des citoyens; si, dans les délibérations et
toine a développé la théorie, sont une mine fé- les dangers publics, nos lumières sont consultées,
conde d'arguments pour toutes sortes de sujets; et nos avis font loi; c'est à nous qu'appartient
il en est cependant qui conviennent mieux à un tout ce vaste domaine de savoir et de doctrine

« tendine honores sint? num fugienda paupertas? » de ad quseque genera qnaestionum argumenta sumenda
scquoaul iniquo; ut, « œquumne sit ulcisci injurias etiam sed aliis generibus alii loci magis erunt apti; de quo non
« propinquorum? de bonesto aut turp;, ut hoc, « sitne tam quia longum est, quam quia perspicuum, dici nihil
«
honesf um glorfce causa morlem obire? » Comparalionis est necesse.
autem duo sunt modi, unus, quum, idemne sit, an ali- Ornatissima; sunt igitur orationes cœ quœ latissime
quiûintersit, quaeritur; ut « metuere et vereri ut rex et \agantnr, et a privata ac singulari controversia se ad uni-
tyrannus, ut assentalor et amicus » alter, quum, quid versi generis vim explicandamconfemnt et convertunt, ut
prœstet atiud alii, quseritur; ut illud « optimale cujus- ii, qui audiant, natura, et genere, et universa re co-
« que
sapientes, an populari laude ducantur? » Atrçue eœ gnila, desinnulisreis,etcriminibus, et litibus statuer*
quidem disceplationes, quie ad cognitionem referuntur, possint. Hancad consuetudinem exercitationis vos, ado-
sic fere a doclissimis hominibus describuntur. lescentes, est cohortatus Antonius, atque a minutis angu-
I
XXX. Quae vero referuntur ad agcndum, ant iu officii stisque concertationibus ad omnem vim varietatemque
disceptatione versantur, qno in genere, quid rectum fa- vos disserendi tradacendos putavit. Quare non est pauco-
ciendumque sit, quieritur; cui loco omnis virtutum et rum libellorum hoc munus, ut ii, qui scripserunt de di-
vitiorum est silva subjecta; aut in animorum aliqua per- cendi ratione, arbilrati sunt, neque Tusculani atqne lai-
j
molioce aut gignenda, aut sedanda tollendave traclantnr. us ambulationis antameridiancie aut nostrae pomerklianre
Huic generi subjectœ sunt cohortationes, objurgaLictnes, sessiouis.Nonenim solum acuenda nobis,neque procuden-
consolationes, miserationes, omnisque ad ômnern animi dalinguaest, sed onerandumcomplendnmque pectus ma\i-
motum et impulôio el si ita res feret, mitigatio. marum rerum et plurimarum, suavitate, copia, varietale.
Explicalis igitur his generibus, ac modis disceptationum XXXI. Nostra est enim ( si modo nos oratores sumns,
omnium, nihil sane ad rem pertioct si qua in re discrepa- si in civium disceptationibus, si in periculis si in delibe-
vit ab Antonii divisione nostra partitio eadem enim sonti rationibuspiirjliriR,a(ihibendiauctores et principes sunius),
membra in utriusque disputationibus, sed paullo secus a nostra est inquam, omnis ista prudenli» doctrinœquepos-
me, atque ab illo, partita ac, distributa. Nunc ad reliqua sessio, iu quam hommes, quasi caducam atque vacuain 9
progrediar, meque ad meum munus pensumque revocabo. abundantes otio, nobis occupatis, involaverunt atque
Nain ex illis locis, qtios exposuit Antonius, oimiia sunt etiam aut irridentes oratorem, ut ille in Gorgia Socralta,
tr
que des discoureurs oisifs, profitant de 1a mul- truction suffisante, une éducation libérale; qu'il
titude de nos occupations, ont envahies comme joigne jo à la passion de l'étude les ressources d'un
une propriété abondonnée et sans maître. Ils heureux lu naturel; qu'il se soit exercé dans le
tournent même l'orateur en ridicule, comme So- vaste vsî domaine des questions générales, et qu'il
crate dans le Gorgias; ou bien ils écrivent sur ait ai formé son esprit par la lecture et l'imitation
notre art quelques traités, qu'ils intitulent de des d< grands modèles il n'aura pas besoin d'aller
l'Art oratoire comme si tout ce qu'ils enseignent apprendre
aj chez les rhéteurs la construction des
sur la justice, le devoir, sur la fondation on lei périodes,
pi ou l'emploi des figures; et, dans la ri-
gouvernement des États, sur la morale, et même clche abondance de ses idées, il trouvera sous sa
sur les principes de la nature, n'appartenait pas main m sans effort, et sans autre guide qu'une na-
également à l'orateur. Mais puisque nous ne ituture exercée, tous les trésors de l'éloquence.
pourrions le trouver ailleurs, allons reprendre XXXIt. -Dieux immortels! s'écria Catulus,
notre bien chez ceux mêmes qui nous en ont dé- quelle qi immense et brillante carrière vous venez,
possédés; reprenons-le pour en appliquer l'usage Crassus,
Ci d'ouvrir à l'orateur, et comme vous l'a-
à la science politique, à la science des affaires, vez v< hardiment tiré de son étroite prison, pour le
à laquelle toutes ces belles théories se rapportenti rétablir
ré dans le noble empire de ses ancêtres!
et se rattachent, et n'allons pas, je le répète,Nous N savons, en effet, que ceux qui furent les
consumer notre vie à feuilleter les livres; mais, premiers maîtres et comme les inventeurs de l'art
pi
de
après avoir découvert ces sources que nous ne di la parole, regardaient comme leur patrimoine
connaîtrons jamais bien, s'il nous faut beaucoup> tout te ce qui pouvait être discuté, et faisaient pro-
de temps pour les connaître, puisons-y autantt fession fe de traiter toutes sortes de sujets. Un de
ces
que nous en aurons besoin. Si ('intelligence hu- ci maîtresd'éloquence, Hippiasd'Elis,assistant
mainenepeutarriveràdetellesdécouvertes sansi à la solennité de ces jeux qui se célèbrent tous
les
qu'on lui montre la voie, il n'y a pas là non plus le cinq ans avec tant de pompe à Olympie, se
de mystère si obscur qu'un esprit pénétrant ne vantait,v; î en présence de presque toute la Grèce,
puisse percer une fois que ses regards s'y seront de t
d' n'ignorer aucun art, aucune science, de quel-
que
portés. L'orateur peut donc courir en liberté dans q nature qu'elle fût non-seulement il possé-
cette immense carrière; et comme partout où il d dait,
disait-il, les connaissances les plus nobles
s'arrêtera, il sera surson propreterrain,il ne serai etel les plus élevées, la géométrie, la musique,
pas embarrassé d'y trouver toutes les richessess la le littérature, la poésie, les sciences naturelles,
oratoires et tout l'appareildu discours car l'a- la U morale, la politique; mais il avait fait de sa
bondance des choses et des idées produit l'abon- propre p main la chaussure qui recouvrait sesjam-
(lance des mots; et s'il y a de l'élévation et dee bes,b l'habit dont il était vêtu, l'anneau qu'il por-
la noblesse dans les choses, leur éclat rejaillirax tait
ti au doigt. Sans doute, il allait trop loin; mais
mu- l'expression. Que celui qui veut
parler ou on
écrire ait reçu des ses premières années une ins- étaient
é
i
o peut juger par làcombien ces anciens orateurs
passionnés pour les arts qui ornent et élè-

il
civillanlur, aut aliquid de nratoris arte panas prœcipiunl doclrinaque
d puerili et flagret studio, et a natura adjuve-
lihellis, cosque rhetoricos inscribuDt quasi non illa sint it tur,
t et iu universoruin gcneruin inlinitis disceptationibiK
pmpria rhetorum qnœ ah iisdetu de justitia, de oflicioi exeruitalus
e ornatissinms sciiptores oratoresquead cognu-
i,
de civitatibus inslitucndis et revendis, de omni vivendi, scendutns imîlandumque delegerit: nje ille haud sane.
dcrkiquc eliam de naturae ratione clîr.untur. Quae quoniam n queinadraoduiri
q verba strnatet illnininct, a magistris istis
j;un aliunde non possumus, fmmendasuntnobisabiisipsis, î, requiret
r ita facile in rei'um abundanlia ad orationis orna-
a quibus expilali sunms; dummodo illa îi
ad banc civilem mroita
11 sine duce, natura ipsa, si modo est exercitata, lit-
scientiam,quo pertinent, et quam iutuentnr,transferamus, i betur.
l
iwquc (ut ante dixi) nmnem teiamus in lus discendis re- p,. XXMI. – HicCaluIus,Diiiminortales!inquit, quaiilani
bus fetatem; sed quiira foules videriinus, qnns nisi qui ai reruni
r varktatem, quautàm vim, quantam copiam, Crasse
releriter cognorit nunt|uam cognoscet omnino tnm, qno- D- complexus
c es quantisqueex angustiis oraturem educere
fiescumque opus erit,ex iis tantum, quantum res petet, ausus t,
illos
bi1 es, et in majorum suorum regnocolloeare! Aamque
hauriamus. Nam neque tam est acris acies in naturis liomi- veteres doctores auctoresque dicendi niilluni gémis
num et ingeniis, ut res tantasquisquam, nisi inonstratas, i, dispiilationis
( a se alienum putasseaccepimus, sciriprniu.;
possit videre*, nequetanla tanien in rebus «bscurilas ni ni esse
< in omni orationis ratione versatos. Ex quihus lîleus
eas non peniliis acri vir iugenio cernat, si modo adspexe- e- Hippias,
1 quum Olympiam venisset maxima illa quinquen-
rit. In hoc igilurtanto, tam immensoque campo, quum m nalii cclebi'ilate ludorltm, gloriatus est, cunota pa^ne au-
liceatoratori vagari libère, atque.ubicumque constilerit, t, dieiiteGra.>da,niliil
<
esse nullainarlerennu omnium, quod
ministère in suo, facile suppeditat omnis apparatus orna- a- ipse
i iit'sdiet nec solum lias ailes, quibus libérales dn-
liisque dicendi. Rerum enim copia verbomni copiam gi- »i- clrina!atqiieii]grnuœcontinerentur,geometriam,niusicam,
<
fini et, si est honestas in rebus ipsis, de quibus dicitur,
r, liLleiarum
1 cngnifionein et poelaiiun atque illa, qua* M
pxsistit ex rei nalura quidam splendor in verbis. Sitmodo 1o nalurisreniin, qu.v (le liomintnn inoi'iNiis,r[uiie dcrrlux
is, qui.lu aut seribel institutus liberalitcr cducatione
le publi('is(licci'ciitiir;scd anuuluill, qm'lli lialicirt, |>:t1ttiiti
:.t.v.
vent l'esprit, puisqu'ils ne dédaignaient
.a
les connaissances vulgaires de l'artisan.
i.vu~mum L1V. 111.
LG L'ORATEUR
DE
d(
une
,l.nf'fn.
pas même desaffaires,
|
partagé
n~tD(T¿.oentre
n les soins qu'imposent
ui innombrable clientelle, l'administration d'un
Que dirai-je de Prodicus de Céos, de Thrasy-grand gl empire et le gouvernement du monde en-
tier,
maque de Chalcédoine de Protagoras d'Abdère, tii vous avez pu cependant embrasser de si
qui, dans ces siècles reculés, ont tant disserte, vastes
vi connaissances, et les allier aux talents de
tant écrit, même sur les sciences naturelles?l'homme l'i d'État et de l'orateur; tandis que ces
Voyez encore ce Gorgias le Léontin, que Platon, Grecs,G élevés au sein des lettres, passionnés
dans un de ses dialogues, se fait un plaisir d'op- pour
p< ces études, et jouissant d'un profond loisir,
i
poser à un philosophe, pour donner la victoire à non-seulement
m n'ont pas accru, mais n'ont pas
.ce dernier. Mais non, il ne fut pas vaincu parmême ir su conserver intact l'héritage qu'on leur
Socrate, et le dialogue de Platon n'est qu'uneavait a' transmis.
fiction; ou, s'il le fut, il faudrait dire que So- XXXIII. – L'éloquence, reprit Crassus,n'est
crate avait une éloquence encore plus facile, et, pasp; le seul art qui ait perdu de sa grandeur par
comme vous le dites, était plus fécond et pluss la \i division et la séparation de ses parties il en
est
habite orateur. Cependant Gorgias, dans ce dia- e: de même de beaucoup d'autres. Pensez-vous
il
logue même, offre de développer toutes les ma- que, q r du temps d'Hippoerate de Cos, eût des
tières, toutes les questionsqu'on pourra proposer médecins
n pour les maladies intérieures, d'autres
et il est le premier qui ait osé, dans une assem- pourp les plaies du corps, d'autres pour les ophthal-
blée, demander sur quel sujet on voulait l'enten- mies?
n Quand Euclide et Archimède cultivaient
dre. Aussi la Grèce lui rendit-elle tant d'honneur, laI; géométrie ;Damon et Aristoxène, la musique;
que, seul de tous, il eut à Delphes une statue nonm Aristophane
A etCallimaque, lalittératurerces con-
pas dorée, mais d'or massif. naissances
n étaient-elles tellementmorceléesqu'unn
Ceux que je viens de nommer, et beaucoupp seul s homme n'embrassât dans son entier chacune
d'autres maîtres illustres dans l'art de la parole,d'elles,
d et qu'on se bornât à en choisir une partie
appartiennent tous à la même époque; d'où l'onn pour r s'y livrer exclusivement? Pour moi, j'ai
peut conclure, Crassus, que vous avez raison, souvents entendu dire à mon père et à mon beau-
et que dans l'ancienne Grèce la profession de l"o-> père,
j que ceux de nos Romains qui aspiraient au
rateur embrassait une plus grande étendue dee titre t glorieux de sages, réunissaient dans leurs
connaissances, et était entourée de plus gloire. é études
toutes les connaissances alors répandues
Aussi me demandai-je si vous ne méritez pas en- dans c i-
Rome. Tous deux se souvenaientd'avoir vu
core plus d'éloges que les Grecs de nos jours ne e Sext.
`. Elius; et nous-mêmes nous avons vu M'.
méritent de blâme. Né dans un pays différent it ïManilius se promener de long en large dans le
du leur par les moeurs et le langage, jeté au mi- i- orum
( ce qui était une manière d'indiquer à ses
lieu du mouvement de Rome, et du tourbillonn concitoyensqu'on
<
était prêt à leur donner toutes

quo amictus, soccos, quibus indutus esset, se sua manu tu quutn


( tn, in alia lingua ac moribns natus, occupatissima
confecisse. scilicet nimis hic qnidem est progressus sed îd ini «vitale vel nrivatorntn negotiis pœne omnibus vel ur-
a- bis
ex eo ipso est conjectura facilis, quantum sibi illi ipsi oia- I terra; procuratione, ac summi inipeiii gubernatione
tores de piu'darissimisartibus appetierint, qui ne sordi- Ii- districtus
t tantam vim rerinn mgnilionemqiiecomprelien-
diores quidem repudiarint. deris, panique omnem cum ejus, qui consilio et oralione
Quid de Prodico Ceo? quid de Trasymacho Chalcedonio, o, in civitate valeat, scientia alque exerritatione sociaris-
de Prntagora Abderita loquar? quorum unusquisque plu- u- illinali in Il tteris, ardentesque hisstudiis, otio vero di!
rimum temporibus illis etiam de naLura reruin et disserait lit fluentes, non modo nihil acquisierint sed ne relicluin qui-
et scripsit. Ipse ille Leonlinus Gorgias, quo patrono (ut nt dem et tiaditum et suum conservaverint.
Platovoluil} philosophosuccnbuitorator, qui aut non est :st XXXIII. – ïum Crassus, Non in bac, inquit, una,
rictus unquam a Socrate, neque sermo ille Platonis verus us Catule, re, sed in aliis etiam compluribus, distribution»
est; aut, si est victus, eloquentior videlicet fuit, et diser-
:r- pailium ac separatione magnitudines sunt artium (limi-
tior Socrales, et, ut tu appellas, copiosior etmelior oralorr nuise. An tu existimas, quum esset IIi[ipocrates ille Cous,
s,
sed liic in illo ipso Platonis libro de omni re, qusecumqueue fuisse tum alios medicos, qui morbts, alios, qui vulneri-
in disceptationem quœslîonemquevocaretur, se copiosis- is- biiSj'alios, qui oculis mederentur? Numgeoinetriamlilu-
sime dicturum esse profitetur isque princeps ex omnibus us clide aut Arcbimede num ir.usicain Danione aut Aristo-
ausus est in conventu poscere, qua de re quisque vellet [et xeno, num ipsas litteras Aristopbane aut Callimacho tra-
audire cui tantus honos habitus est a Graecia soli ut ex étante, tam rliscerptas fuisse, lit nemo genus universum
omuibus Delphis non inaurata «tatua sed aurea statue lie complecteretur,atquo lit alius aliam sibi parlem, in qua
retur. elaborarct, seponeret?Eqiiideii)sa?poboc audivi de pâtre
Atque ii, quos nominavi, multique praeterea summi di. di- et de soceromeo, nostros quoque bomincs,qui excellcro
ceudi auctores uno tempore fuerunt ex quibus intelbgi igi sapientiœ gloria vellent, onmia, quœ qniiloin tum lia*
potest, ita se rem habere, ut tu, Crasse, dicis; oratorisque
lie civitasnosset, solilosesse complef.ti.JMcinijierantilliScxï.
nomen apud antiquos in Gracia majore quadam vel copia ?iajla ^liuni, M1, veto Manilium nos etiam vidimus tiansvcrtm
vel gloria, floruisse. Quo quidem magis d ubito tiliin»; plus
ns ambiilantemforo; quod er-l msigne enin qui id i'aceret,
.
latiilis, anGrïerisvitiipcratioiiisessetribuendumr.latuam n I farerc dvibus omnibus consilii sui Cfijiiain ad quos oJim
sortes de conseils; et soit qu'ils se montrassent qui
q se distingue dans le nombre, tout nu plus
ainsi en publie, soit qu'ils se tinssent chez eux sur
pourra-t-il
p se prévaloir d'un seul genre de mé-
leursiégedejurisconsultes, on allait les trouver rite
r ce sera tantôt la bravoure du soldat, ou
pour les consulter non-seulement sur quelque quelque
q pratique de l'art militaire; encore ces
point du droit civil, mais sur l'établissement d'unequalités
q ont-elles beaucoup perdu de notre temps
fille, sur l'acquisition d'un domaine, sur la cul- o bien ce sera la science du droit, science res-
ou
ture d'une terre, enfin sur toute espèce d'affaire treinte et incomplète, puisque personne n'ap-
ti
ou de devoir. Tels furent encore P. Crassus le prendp plus le droit pontifical, qui devrait eu
vieux, Tib.Coruncanius, et le sage Scipion, lebi- ffaire nécessairement partie; ou enfin ce sera l'é-
saïeul de mon gendre, qui tous ontété souverains loquence,
li et ils la font consister dans de grands
pontifes, et dont la savante expérience était con- éclats
é de voix etdes paroles jetées avec volubilité.
sultée sur toutes les choses divines et humaines Mais
R on n'a plus aucune idée de cette alliance1
lumières de la patrie au sénat et à la tribune, de d cette parenté, qui unit toutes les belles con-
soutiensde leursamisaubarreau, en paix comme naissances,
r tous les talents, ainsi que toutes les
en guerre, ils étaient là pour donner à tous le se- vertus même.
cours fidèle de leurs conseils. Caton n'avait pas, XXXIV. Mais je reviens aux Grecs, dont nous
r pouvons nous passer dans cet entretien; car
Il est vrai, cette fleur de politesse et de savoir, ne
production d'outre-mer, née sur un sol étranger; c'est
c parmi eux qu'il faut chercher les modèles
mais d'ailleurs que lui manquait-il? la science de d la science, comme ceux de la vertu chez nos
du droit civil excluait-elle en lui l'éloquence du Romains.La
1 Grèce reconnut et compta dans le
barreau? ou son éloquence lui faisait-elle négli- même
r temps sept sages, qui tous gouvernèrent
ger la connaissance des lois? II cultiva l'une et leur
1 patrie, si l'on en excepte Thaïes de Milet.
l'autre avec une égale ardeur et un égal succès. ]Peut-on citeràcette époque un homme plus éclairé
La popularité qu'il acquit en défendant les in- quePisistrate,
( et dont l'éloquence fût plusnourrie
térfits des particuliers diminua-t-elle en rien son d'instruction?
i Ce fut lui, dit-on, qui rassembla
zèle pour les affaires publiques? Personne ne le premier les poèmes d'Homère épars et sans
jouit auprès du peuple d'un crédit plus assuré, suite,
s et les disposa dans l'ordre où nous les
personne ne fut meilleur sénateur, sans comp- voyonsi aujourd'hui citoyen, il n'a pas bien mé-
ter que c'était aussi un excellent général enfin, rité
i de son pays; orateur, il eut la supérioritédu
tout ce qu'à cette époque on pouvait appren- génie { et des lumières. Et Périclès, ne connaît-on
dre et savoir, il l'apprit, il le sut, et même le pas
] les merveilles de son éloquence ? Lorsqu'on
consigna dans des écrits. Aujourd'hui la plupart s'opposant aux volontés des Athéniens, sa voix,
de ceux qui aspirent aux honneurs et aux em- animée par l'intérêt de la patrie, prenait le ton
piois publics, se présentent pour ainsi dire nus sévère de la réprimande, elle savait rend re agréa-
et sans armes; les connaissances, l'instruction, bles et populaires lestraits qu'elle lançait contre
les études leur manquent. S'il s'en rencontre un des hommes environnés de la faveur du peuple.

et ila ambulantes, et in solin sedentes domi, sic adibatur, 1 lit unus e mullis, eflert se, si unumaliquidaffert, iilbet-
non sohini ut de jure civili ad eos, verum etiam de filia licam virtulem, aut usum aliquemmilitaretu, quaesanc
collocauda, de fundo emendo, de agro colendo, de omni nunc quidem obsoleverunt; aut juris scientiam, ne ejus
deuique aut officie, aut negotio referretur. Hsec fuit P. quidem universi nam pontificium, quod est conjunctuin,
Crassi illius veleris, lira Tib. Coruncanii, bœc proavi nemo discit; aut eloquentiam, qnam iu clamore et in ver-
generi mei, Scipionis prudenlissimi bominis, sapientia, borum cursu positam putant; omnium vero bonarum ar-
.qui omnes pontifices maximi fucrunt, ut ad eos de omni- tium denique virtutum ipsarum societateiii cognalionem-
bus divinis atque buraanîs rebus referretur iidemque et que non norunl.
in senatu, et apud populum, et in causis amicorum, et XXXIV. Sed, ut ad Groscos referam oralionem ( quibus
iloinî et militiae consilium suum fidemque prapstabant. carere in hoc quidem sermonis genere non possumus
Quid enim M. Catoni prœler hanc politissimara doctri- nam ut vii'tulis a nostris, sic docliïme sunt abillis exem.
nain transmariaain alque adventiliam, defuit? num, quia pla rcpetemla), septnm fuisse dicuntur uno tempore, qui
jus civile didicerat, causasnon dicebat? aut quia polerat sapientes et habercntur, et vocarentnr. Hiomues, prêter
dicere juris srienliam negligebat? At ulroquc in gcnere Milcsium Tbalen civitatibus suis prirfuerunl. Quis doctior
et laboraut, et praestitit. Kum propter liane ex privalo- iisdein illis teniporibus, ant cujus eloquentia litteris in.
rum negotiis iwllectam graliam tardhr in republica capes- structior fuisse tiadilur, quam l'isislrali? qui primus Ho-
6enda fuit? J'ciib apnd populuin fortior, nemo melior se- meri libros, confnsos antea, sic disposuisse dicilur, ait
nalor;ideni facile optimus iniperator; denique nibil in mine liabeuius. Non fuit ille quidem civibussuisulilis;sed
hac civitate temporibus illis sciri discive potuit, quod ille
lo ila eloqnentia fluruit ait litteris doctrinaque pi'testaret.
non quum iuvesligarit et scicril, tum ctiam couscripserit. Quid Pericles? de cujus dicendi copia sic accepimus,
Ntmc contra plcrique ad honores adipiscendos et ad rem- ut, quum contra voluntatem Alheniensium loqucretur pru
imblieam gerendam midi veniunt alque infimes, nulla salute patriaesevenus, tamen id ipsum quod ille contra
cognitione reruin nulla scientia ornati. Sin ali'ims cxccl- l'opulareslioiiiincsdiceret, pn[nihrcoiiinibusetjuciindurr.
L'ancienne comédie, tout en profitant de la U- éégalement à l'homme qui ne désirait qu'orner son
cence du théâtre pour l'immoler à sa malignité, esprit,
e et à l'homme qui voulait s'élever dans les
avouait que les Grâces habitaient sur ses lèvres, emplois
e publics. Ceux qui à cette instruction joi-
et que l'énergie de ses discours laissait l'aiguillon sgnaient le talent nécessaire pour la faire valoir,
enfoncé dans l'âme des auditeurs. Aussi n'avait- c qui appliquaient à l'art oratoire d'heureuses
et
il pas eu pour maître un de ces déclamateurs qui dispositions
c naturelles, ceux-là excellaient dans
enseignentà criailler à la clepsydre, mais Anaxa- I 1 l'éloquence. Aristote lui-même, témoin du succès
gore de Clazomène, mais un sage qui excellait d'Isocrate,
c qui avait fait fleurir son école, et
dans les plus sublimes connaissances par son s'était
s entouré des disciples les plus distingués, en
savoir, par sa sagesse et son éloquence, il gou- abandonnant
i dans ses leçons les discussions ju-
verna pendant quarante ans les Athéniens dans <
diciaireset politiques pour d'oisives et d'élégantes
la guerre et dans la paix. Et Critias, et Alcibiade! dissertations,
( changea tout à coup presque entiè-
Leur patrie ne reçut peut-être pas d'eux de bons irement la méthode d'enseignement qu'il avait
services; mais ils réunissaient l'instruction à l'é- suivie jusque-là; et il s'appliqua un vers de Phi-
loquehee et où avaient-ils puisé l'une et l'autre, 1loctète, en
y faisant un léger changement. Phi-
si ce n'est dans les entretiens de Socrate? Quel 1 loctète dit qu'il a honte de se taire, et de laisser
maître instruisit Dion de Syracuse dans tous les parler
2 les barbares; Aristote disait, et de laisser
genres de connaissances? n'esl-ce pas Platon ? parler
î Isocrate. Il para, il embellit toute cette
n'est-ce pas ce philosophe qui forma sa bouche à doctrine,et
( oignit aux étudesoratoires la connais-
l'éloquence, et son âme à la vertu; qui l'inspira, sance des choses. Son mérite n'échappa point aux
le dirigea, l'arma pour délivrer sa patrie? L'ins- yeux éclairés du sage roi Philippe, qui le donna
tructionque Dion reçut de lui était-elle différente pour instituteur à son fils Alexandre, afin que ce
de celle qui fut donnée par Isocrateà Timothée, j jeune prince apprît à la fois d'un si bon maître la
iils du célèbre général Conon, grand capitaine science de bien faire et celle de bien dire.
lui-même, et en même temps homme très -éclairé; Qu'on donne maintenant, si l'on veut, le nom
par Lysis, pythagoricien, au Thébain Épami- d'orateur au philosophe qui sait exprimer élo
nondas, le plus grand homme peut-être de toute quemment de belles pensées, j'y consens; ou si
la Grèce: par Xénophon, à Agésilas; par Philo- on l'aime mieux, qu'on appelle philosophe l'ora-
;laùs à Archytas de Tarente; enfin, parPythagore teur qui réunit à l'éloquence la sagesse et le sa-
lui-même, à toute cette partie de l'Italie qui fut voir, j'y consens encore; pourvu qu'il soit bien
autrefois appelée la Grande-Grèce? Certes, je reconnu que la science impuissante à exprimer
ne le pense pas. ses idées, n'est pas plus à louer que la facilité de
S XXV. Je vois, en effet, qu'il y avait un ensem- parler, dépourvue de toutes connaissances en-
ble d'instruction et de connaissance convenant core aimerais -je mieux, s'il fallait choisir, les

videretur cujus in labris veteres Comici, etiam quum illi rum, quae essenthomine erudito dignae, atque eo, qui in
male dicerent (quod tuin Athenis fieri licebat), Icporem republica veliet excellere, fuisse doctrinam quam qui
habitasse dixerunt, buiLunque in eo vim fuisse, ut in eo- accepissent, si iidem Ingenio ad prouuntiandum valuis-
rum mentihus, qui audisseut, quasi aculeos quosdam re- sent, et se ad dicendum quoque, non répugnante nalura
linqueret. At hune non rtamatar aliquis ad clepsydram dedissent, eloquentia prœslitisse. Itaque ipse Aristoteles
latrare docuerat, sed, ut accepimus, Clazomenius illc quum florere Isocratetn nohilitate discipulorum videret
Anaxagoras, vir summnsin maximarum rerum scientia. quod ipse suas disputationes a catisis forensibus et civili-
Jtaque hic doctrina, consilio, eloqneutia excellens, qua- bus ad inancin sermonis eleganliam transtulisset, mutavit
dragintaannospraîfuit Atheniset urbanis, eodem teinpore, repente totam formam prope disciplina; sua; versumque
et bellicis rebue. Quid Critias? quid Alcibiades? civitati- qucmdam Philoctetœ paullo secus dixit. Jlle enim « turpe
Ions suis quidem non boni, sed certe docti atque éloquen- «sibi ait esse tacere, quum barbares; »hicauLem,quun> tH
tes, nonne Socraticis erant dispulationibus eruditi? Quis « Isocralempalereturdicere.» Itaque orna vit et illustravit
Uionem Syracusium doctrinis omnibus expolivit? non doctrinam illam omnem, rerumque cognitionem cnm ora- ~t-
Plalo? atque eum idem ille non li"gua? solum, verum etiam tionis exercitationeconjnnxit. Nequevero hoc fugit sapien-
animi ac virlutis magister, ad liberandam patriam impnlit lissimum regem, Philippum, qui hune Alexandro filio do-
iustruxit, armavit- Aliisne igitur artibus hune Dionem ctorem accierit, a quo eodem ille et agendi acciperet prae-
instituit Plato, aliis Isocrates clarissimum virum Ximo- cepta, et loquendi.
theum Cononis pnestantissimi imperatoris, jilium, sum- Nunc, si qui volet, eum plulosoplium qui copiam no-
mum ipsum imperatorem,liominemquedoclissimum? aut bis rerum orationisqne tradat per me appellet oratorem
aliis Pythagoreus ille Lysis Thebanum Epaminondani licet; sive hune oratorem, quemegu dico siipicntiamjnn-
haud scio an summum virum unum omnis Gracias? aut ctam habere eloquentire, philosophum appellare malit,
Xenophon Agesilaum, aut l'hilolans Archytam Tarenti- non impediam dummodo hoccouslet, neque infantiani
num? aut ipse Pythagoras totam m illam veterem Italiaî ejus, qui rem norit, sed eam explicare dicendo non queat
Grcpciam qurc quondam magna vocitata est? Equidem neque inscientiam illius, cui res non suppetat verba non
non arbilior. desint,esse laudandam: quorum si alterum sit optaniluin
XXXV. Sic enim video, unam quamdam omnium e- malim equidem indisetfam ptudenfiam, quam btultiUatn
lumières sans l'élocution que l'élocution nn nvpi»
avec dans
rianc lin
<
pntrpHH.l si court, en développer à fond
un entretien
l'ignorance et la sottise. Mais cherchons-nous la théorie mais pour moi du moins, sans con-
quel est celui qui doit emporter la palme ? c'est naître encore l'effet de votre discours sur vos au-
1

sans contredit l'orateur qui est en même temps diteurs, je vous dirai qu'il a tourné toutes mes
homme instruit: qu'on lui permette encore d'ê- idées vers les leçons de l'Académie; je veux les
tre philosophe, il n'y a plus lieu à discuter. Si suivre, en souhaitant, comme vous l'avez dit sou-
l'on veut, au contraire, séparer le philosophe et vent, qu'il ne soit pas nécessaire d'y consumer
l'orateur, celui-ci aura l'avantage, parce que l'é- toute sa vie, etqu'il suffise d'un coup d'œil rapide
loquence dans sa perfection suppose nécessaire- pour en pénétrer tous les secrets. Mais quand
Jnent les connaissances du philosophe, tandis même ilsauraient encore plus d'obscurité, quand
que la philosophie n'a point pour compagne in- j
je me sentirais mal secondé par mon intelligence,
dispensable l'éloquence. Elle a beau la mépri- j
je ne me découragerai pas, et je suis décidé à ne
ser; il est un complément qu'elle ne peut recevoir prendre ni repos, ni relâche, que je ne me sois
que de l'éloquence seule. formé par cette méthode à soutenir le pour et le
Ici, Crassus se tut un instant, et tout le monde contre dans toutes les questions.
garda le silence. Une chose, dit César, m'a principalement
XXXVI. Cotta le rompit le premier. En vé- frappé, Crassus,dansvotrediscours. Vousassurez
rité, Crassus, je n'ai pas à me plaindre de cette que l'homme qui n'apprend pas promptement,
digression qui vous a fait perdre de vue la ques- n'apprendra jamais. Il doit donc m'en coûter peu
tion première; car vous avez donné plusque vous de faire l'essai; car, ou je posséderai bientôt ces
n'aviez promis, et outrepassé votre tâche mais connaissances dont vous faites un si magnifique
rappelez-vous votre obligation d'indiquer les éloge; ou, si je ne puis y réussir, je ne m'obsti-
moyens d'embellir le discours. Déjà même vous nerai pas à perdre mon temps, puisque nos sim-
étiez entré dans le sujet, et vous aviez fixé à ples connaissances peuvent au fond nous suffire.
quatre les qualités du style. Ne parlons plus Quant à moi, dit Sulpicius, je n'ai besoin,
des deux premières, que vous avez, dites-vous, ni d'Aristote, ni de Carnéade, ni d'aucun autre
1
régèrement effleurées, mais, à notre avis, suffi- philosophe attribuez, si vous voulez, cette in-
samment approfondies il vous reste à traiter des différence au peu d'espoir que j'ai de profiter de
deux autres; l'ornement du discours, et sa conve- leurs leçons, ou, ce qui est plus vrai au peu de
nance au sujet. Vous alliez y venir, lorsque l'élan casque j'en fais. La science ordinaire du barreau
de votre imagination, commeun flot impétueux, et la pratique des affaires me suffisent pour arri-
vous a lancé dans la haute mer, et vous a dérobé ver au degré d'éloquence que j'ambitionne, et
il nosfaibles regards dansunhorizon sans bornes. encore me reste-t-il, dans ce genre même, beau-
Vous avez parcouru tout le cercle des connais- coup de choses à savoir; mais j'attends, pour les
sances humaines, et vous n'avez pu sans doute, étudier, que les causes dont je puis être chargé

loquacem. Sin quaciïmus quid unum excellat ex omni- tradidisti: neqne enim fuit tam exigui temporis; sed, apud
luis docto oratori palma danda est qnem si pattuntur hos quid profeceris, nescio; me quidem in academiam to-
eumdem esse philosophum, sublata controversia est. Sin lum compulisti. In qua velim sit illud, quod sa?pe posuisti,
eos disjungent hoc ernnt inferiores quod in oratore per- ut non necesse sit consumere eetatem, atque ut possit is illa
(ecto inest illorum omnis scientia, in plûtosophorum ait. omnia cernere, qui tantummodo adspexerit sed etiamsi
l<'tn cognitione non continuo inest eloqnentia qn% quam- est aliquanto spissius, aut si ego sum tardior, profecto
ris couteninalur ab eis, necesse est tamen aliquem cu- nunquani conquiescam, neque defatigabor ante, quam
mnlmn illorum artibus afferre videatur. illorum ancipites vias rationesque et pro omnibus,et con-
Hrcc quum Crassus dixisset, parumper et ipse conti- tra omnia disputandi, percepero.
cuit, et ceteris silenliuni luit. Tum Cœsar, Unum iuquil me ex tuo sermone ma-
XXXVI. Tum Cotta, Kqnùlcm inquit, Crasse, non xime, Crasse commovit, quod euni negasti, qui non cita
possum queri, qnnd mihi videare aliud quiddam, et non quid didicisset, unqnam omnino posse perdiscere ut milli
id, quod susceperis, disputasse; plus enim aliquando at- non sit et aut statim percipere ista,
difficile périclitai'!
fulisti, quam tibi esset trilmtum a nobis ac deinintiatum quse tu \erbis ad cœlum extulisti aut si non potuerim,
sed certe et liœ partes riicrunt tua; de illustrandaoratione tempus non perdere, quum lamen his nostûs passim esse
ut diceres, et eras ipse jain ingressus atque in quatuor contentus.
parles omnem oratinnis laudem descripseras; qmimque – Hic Sulpicius, Ego vero, inquit, Crasse, neque Ari-
le duabus primis nobis quideni sans, sed, ut ipse dicehas stotelem islum, neque Carneadem, nec pliilosophorum
t-leritei, exigueque
l'Hériter di,.ises, (luias
eiigueque dixisses, duas til)i reliquas fecel*as,
tibi reliqilas feceras, qnemquam desidero vel me licet existimes desperare,
ipiemadmodum primum ornate, deinde etiam apte dice- ista posse perdiscere, vel, id quod fario, conteranere.
ipiiius. Quo quum ingiïssus esses. ivpcnte le quasi qui- Mihi rerum fbrensium et communium vulgaris hsec cogni-
ikim testas ingenii tui nrucul n terra abripuit, atque in tio satis magna est ad eam, quam specto, eloquentiam
altuni a conspeclu (wuc omnium ahslra\il. omnem euini os qua ipsa tamen permulta nescio; qum tum denique,
rerum scienliam coinplcxus, iwn tu quidcin cani itol>is i(iiuiii rausa aliqua, qui» a me dicenda est, desiderat.
m'y contraignent. Ainsi donc, Crassus, si vous cours. Les ignorantsdisentsouvent des orateurs:
n'êtes point fatigué, ou si nous ne sommes point Celui-ci s'exprime en bons termes; celui-là ne
trop importuns, revenez à votre sujet, et dévelop- s'exprime pas en bons termes. Ils n'en jugentpas
pez-nous les moyens de donner au style de l'éclat d'après les règles, mais d'après un certain senti-
et de la beauté. Quand j'ai désire vous entendre timent naturel. 11 n'y a pas une grande gloire à
c'était pouracquérirquelque instruction nouvelle, éviter l'impropriété des termes (quoique ce soit
et non pour désespérer d'être jamais éloquent. cependant un point important),mais l'usage ha-
XXXVII. – Vous me demandez, reprit Cras- bitueletfaciledes expressions justes faiten quel-
sus, des choses que tout le monde sait, et que que sorte la base et le fondement de tout l'édifice.
vous ne pouvez ignorer vous-même. Quel rhéteur Quel est cet édifice bâti par l'orateur, quels sont
ne les a pas développéesdans ces leçons ou dans les embellissements que son art y ajoute? c'est
ses ouvrages? J'obéirai pourtant, et je vous ex- là ce que je dois chercher et expliquer.
poserai en peu de mots mes idées à ce sujet, tout XXXVIII. Les mots simples ou isolés que l'o-
en vous conseillant de recourir aux auteurs et rateur emploie pour orner le discours, sont donc
aux inventeurs des règles, quelque minutieuses de trois espèces ceux qui sortent du langage
qu'elles puissent être. commun, ceux qu'il crée lui-même, ceux qui
Tout discours est composé de mots que nous sont figurés, Les premiers sont les mots anciens,
devons considérer d'abord en eux-mêmes, puis vieillis, et bannis depuis longtemps de l'usage
dans leur rapport avec la phrase. Il y a en effet habituel on les permet plutôt aux poètes, qui
une sorte d'ornement qui consiste dans les mots peuvent prendre plus de licence que nous. Ce-
pris isolément, et une autre qui résulte de leur pendant une expression poétiquerelève quelque-
ensemble et de leur liaison. Nous emploierons fois la dignité du discours, et je ne me ferais pas
donc les mots propres qui désignent simple- scrupule de dire avec Célius Qua tempestate
ment les choses, et qui sont pour ainsi dire, nés Pœnus in Italiam venit; d'employer les mots de
en même temps qu'elles; tes mots figurés qui sont proies, soboles, effari, nuncupari; ou de dire
comme transportés à une autre signification en- comme vous, Catulus Non rebar, non opinabar.
fin les mots nouveaux que nous créons et inven- Les expressions semblables, hasardées à propos,
tons nous-mêmes. S'agit-il des mots propres? impriment au style un caractère de grandeur et
le mérite de l'orateur est d'éviter les expressions d'antiquité. Les mots nouveaux sont de deux
triviales et hors d'usage, pour n'employer que sortes. Ou l'orateur les forme par la réunion de
des termes nobles et choisis dont l'harmonie soit plusieurs mots
pleine et sonore. faut encore faire un choix
11
Tum pavor supientiam mihi omnem exanimalo ex-
parmi ceux-ci; l'oreille sert de guide à cet égard i pectorai.
l'habitude de bien parler est aussi d'un grand se- Ktim non vis hujus me versutiloquas malitias?

quœro. Quamobrem, nisi forte es jam defessus, et si tilri etiam bene loqucndi valet plurimum. Etiam hoc, quod
non graves sumus, refer ad illa te, quœ ad ipsius orationis vulgo de oratoribus ab imperitis dici solet, « Bonis is ver-
laudem splendoremque pertinent qu ego ex te audite « bis aut, « aliquis non bonis utitur, non arte aliqua
volui non ut desperarem me cloqnenlia m consequipos^e I>erpenditur, sed quodam quasi iiatu-rali sensu judicatur
sed ut aliquid addiscerem. in quo non magna laus est, vitare viUuiii ( quanquam id
XXXXVII. Tum Crassus, Pervulgalas res requins est magnum); verum hoc quasi sclum quoddam atque
inquit, et libi non incognitas, Sulpici. Quis enim de istu fundamenliin] est, verborum usus et copia bonorum. Sed
quid ipse sedificet orator, et in quo adjungat artcm id
genere non docuit, non instituit; non etiam scriptum re-
liquit ? Sed geram morem, et ea dunlaxat, quai mihi nota esse a nobis quaerendum atque explicandumvidetur.
XXXV11I. Tria sont igitur in verbo simplici, quae orator
sunt, breviter exponam tibi; censebo tamen ad eos, qui
auctores et inventoies sunt harum sane minutarum rerum, afferat ad illuslrandam alque exornandam orationem aut
revertendum. inusitatum verbum, aut novatum, aut translatum. Inn-
Omnis igitur oratio conficitur ex verbis quorum pri- sitata sunt, prisca fere ac vetusta, et ab usn quotidiaiii
sermonis jamdiu intermissa qu;e sunt poclarum licentiar.
mum nobis ratio simplicitervidenda est, deinde conjuncte. liberiora, quam noslra? sed tamen raro babet etiam in
Nam est quidam ornatus orationis, qui ex singulis verbis
est; alius, qui ex continuatis eonj unctisque constat. Ergo oratione poeticum aliquod verbum dignitatem neque enim
utemur verhis aut iis, quae propria sunt, et certa quasi illud fugerint dicere, ut Cœlius h Qua tempestate Pœnus
vocabula rerum, pîene una nata cum rebus ipsis aut iis, in Italiam venit; » nec « prolem, » aut sobolem » aut
effari, » aut « nuucupari » aut, ut tu soles, Catule
quœ transferuntur, et quasi alieno in loco collocantur; aut «
rebar, aut upinabar; » ctalia nmlta, quibus loco
iis, quae novamus, et facimus ipsi. In propriis est igitur « non
verbis illa laus oratoris, ut abjecta atque obsoleta fugiat, positis, grandior, atque antiquior oratio saepe videri solel.
Jectis atque illuslrihiis utatur, in quibus plénum quiddam Kovantur autem verba, quae ab eo, qui dicit ipso gigmut-
et sonans inesse videatur. Sed in boc verborum genere tur ac fiunt, vel conjungendis verbis, ut liaec
propriorum deleclus est quidam babendus, atque is au- Tum pavor sapientiam omnem mihi pxanimalo exiwctorat.
lilliu quodam judicio poiiderandus in quo coiisueliido Nuin non ais luljus nie verâulilotjuas malitias?
Vous voyez que versutiloquas et expectorâtsont ~rc,
Une effroyable
T7.. nuit sur les eaux répandue
des mots composés de deux autres, et non créés Déroba tout à coup ces objets à ma vue;
La mort seule y parut. Le vaste sein des mers
par le poète; ou bien l'orateur les invente lui- Nous enlr'ouvrit cent fois la route des enfers.
mcme, comme Ille senius; du génitales bue- D'un déluge de feux l'onde comme ailumée
carum ubertate incurvescere. Semblait rouler sur nous une mer enflammée, etc.
Quant aux expressionsfigurées, le domaine en jLe poëte a employé presque partout des expres-
est très-étendu. D'abord le besoin, la pauvreté sions figurées, qui rendent plus sensibles, au
et l'insuffisance du langage, leurdonnèrent nais-moyen de la comparaison, les objets qu'il décrit.
sauce bientôt le plaisir et l'agrément les consacrè- La métaphore exprime aussi avec plus de force
rent. Il en futcomme des vêtements,que l'homme un fait ou une intention. C'est ainsi que par deux
imagina d'abord pour se défendre contre la ri- expressions figurées, un ancien poëte nous peint
gueur des saisons, et qu'ensuite l'opulence fit heureusement un homme qui mettait de l'obscu-
servir à sa parure ainsi la nécessité produisit les rité dans ses discours, pour ne point laisser pé--
figures, et le goût en répandit l'usage. Aujour- nétrer ses desseins
d'hui on entend dire, même dans les champs
Ses discours sont le voile où se cache sa vie.
['œil de la vigne, le luxe des herbes, de riantes
moissons. Quand nous ne trouvons point de mot Souvent même la métaphore est un moyen d'at-
propre qui soit la fidèle expression de notre idée, teindre la concision, comme, si le trait fuit de
nous employons un tour métaphorique, et la sa main. Plusieurs mots propres ne pourraient
comparaison avec l'objet dont la métaphore est pas rendre d'une manière plus vive que ne le fait
tirée fait mieux ressortir la pensée. Ainsi, parmi une seule expression figurée, l'inattentionde celui
les métaphores, les unes sont comme des espèces qui laisse échapper un trait sans le vouloir.
d'emprunts par lesquels nous allons chercher XL. Et à ce sujet, je me suis souvent demandé
ailleurs ce qui nous manque. D'autres, plus har- avec étonnement, pourquoi les expressions figu-
dies, ne sont pas des signes d'indigence, mais rées plaisent toujours plus que les mots propres
répandent de l'éclat sur le style. Ai-je besoin d'en et simples. Si l'objet n'a pas de dénomination qui
exposer ici les divers genres, et d'indiquer les Ini soitspécialementassignée,comme \epieddmis
moyens de les trouver? un navire le lien d'une obligation, le divorce
XXXIX. La métaphore est une comparaison avec une femme, l'emprunt devient indispensa-
abrégée, et renfermée dans un mot mis à la place ble il faut chercher ailleurs ce qui nous manque;
d'un autre si la ressemblance est exacte, elle fait mais lors même que la langue fournit une foule
plaisir; si elle ne l'est pas, l'esprit la repoussera; de termes propres, on préfère de beaucoup les
mais il faut que toute expression métaphorique expressions figurées, pourvu qu'elles soient choi-
fasse mieux ressortir la pensée comme dans cet sies avec goût. En voici, je crois, la raison. 11
exemple semble d'abord que ce soit faire preuve d'ima-

videtis enim et « versuliloquas » et « expectorât » ex Inhorrescit mare, [gror;


conjunctione facta esse verba, non nata; vel sœpe sine > Teneurs conduplicanlur, noctisque et nimbum ocrarcat ni-
conjunctione verba novanlur, ut, « ille senius ut, j « rtii
Flammainter
Grando mixta
nubt'scoruscat, cœlum tonitru contremit,
imbri largifluo subita pra>cipi(anscadit;
génitales » ut « baccarum ubertate incurvescere. » Undique omnes venti erumpunt, sœvi exsistunt turbines;
Tertius ille modus transferendi verbi late patet, quem1 Fervit œstu pelagus
nécessitas genuit, inopia coacta et angustiis; post autem
«lelectatio jucnnditasque ceiebravit. Nam ut vestis frigoris omnia fere, quo essent dariora translatis per simililurfi-
t
flspellendi causa reperta primo, post adliiberi oœpta est nem verbis dicta sunt aut quo significelur magis res totu,
ad ornatum etiam corporis et dignitatem sic verbi trans- sive facti alinijus sive consilii, nt ille, qui occultantem
lalio institut est inopiœ causa, fréquentât* delectationls. consulto, ne id, quod agerelur, intelligi posset, duobus
Sara « gemmare vites, luxuriem esse in herbis, hftastranslatis verbis similitudine ipsa indicat,
« esse segetes, w etiam
rusticî dicunt. Quodenim declarari.i
Quandoquidemiste cireumvestltdiclis, sepit sedulo.
vix verbo propiio potest, id translato quum est dictum
illustrât id, quod intelligi voluinus, ejus rei, quam alienn> Nonnunquameliambrevitastranslationeconficitur.utillud,
verbo posuimus, similitudo. Ergo ha? translationes quasi « Si telum manu fugit. » Jmprudentia teli emissi brevius
mutuationes sunt, quum, quod non habeas, aliunde sa- propriis verbis exponi non potuil, quam est uno signiti-
nas. !lire paullo audaciores, qua- non inopiam indicaut, cata translato.
sed orationi splcndoris aliquid arcessunt quarum ego, XL. Atque hoc in genere persœpe mihi admirandum vi-
quid vobis aut inveniendi rationern aut genera ponam? detur, quid sit, quod omnes translatis et alienis magis de-
XXXIX. Similitudinis est ad verbum unum contracta 1 lectentur verbis, quam propriis et suis. Nam si res stium
hrevitas, quod verbam in alieno loco, tanquam in suo nomen et proprium vocabulum non habet ut pes in navi,
poeitum, si agnoscitur, delectat; si simile nihil habet, re- ut nexum, quod per libram agitur, ut in uxore divortium;
l'uiiiutur. Sed ea transferri oportet qii» aut clariorcm fa- nécessitas cog'.t,quod non habeas, aliunde sumere sed in
ti'inl rem. lit nia omnia suorum vcrborum maxima copia, tamen homines aliéna
gination que de dédaigner ce qu'un Il devant soi ]] saisis, ce qui s'accorde mieux avec cette expres-
et à ses pieds, pour aller chercher au loin quel- sion, hâte-toi.
quechosede moins commun. On fait voyager ainsi
la pensée de l'auditeur, sans l'égarer, et c'est un
plaisir qui le charme. En outre, nous aimons à
trouver réunis dans un seul mot l'objet et son
image. Enfin,toute métaphore, pourvu du moins
qu'elle soit juste, s'adresse à nos sens, et prin-
cipalement à celui de la vue, le plus actif de tous.
Ces expressions, ce parfum de l'urbanité, le poli
des manières le murmure des eaux, la douceur
du style, s'adresse à nos autres sens; mais les
métaphores qui parlent aux yeux ont une magie
bien plus puisssante, parce qu'elles rendent
comme sensible à l'intelligence ce que la vue ne
peut apercevoir. Il n'est pas un seul objet dans la
nature dont le nom ne puisse être transporté à
des idées d'un ordre différent. En effet, tout objet
dont on peut tirer une comparaison(et tous, sans
exception, en offrent les moyens) fournit uneex-
pression figurée qui, à l'aide de cette comparai-
son, dont elle renferme l'idée, répand sur le dis-
cours de la lumière et de l'éclat.
Il faut éviter dans les métaphores toute com-
paraison inexacte; comme celle-ci d'Ennius

L'arche immense des cieux. » Le poète eut beau
dit-on, apporter une sphère sur le théâtre; une
sphère ne ressemblepas à une arche.
Vis, hâte-toi,saisisce rayon delumière;
C'est le dernier, Ulysse!
Le poëte ne dit pas, reçois, prends; ces mots
sembleraient annoncer qu'Ulysse peut différer,
qu'il a l'espoir de vivre plus longtemps; il dit,

multo magis, si sunt ratione translata, delectant. Id ac-


tidcre credo, vel quod ingenii spécimen est quoddam,1
transilire ante pedes posita etalia longe repetitasutnere;
vdqnodis,qui audit, alio ducitur cogitatione, nequeta-
men aberrat, qua; maxima est delectatio vel quod singulis
verbis res ac totum simile conficitur; vel quodomnistrans-
latio, quœ quidem snmta ratione est,ad sensus ipsos ad-
inovetnr, maxime oculorum, qui est sensus acerrimus.
Nam et odor urba^ilatis, et mollitudohumanitatis, et mur-
mur maris, et dulcedo orationis, sunt ducta coterie, sen-
sibus; illa vero oculorum multo acriora, quae pouunl prene
in conspectu anitni, quae cernere et viderenon possumus.
Nihil est enim in rernin natura, cujus nos non in aliis re-
bus pussimus uti vocabulo et nomine unde enim simile
iluci potest ( potest autem ex omnibus) indidem verbum
unum, quod similitudinem continet, translatum, lumen
affert orationi.
Quoin génère prùrmmfugiendaestdissimilitudo:« Cœli
« ingentes fornices. » Quamvis sphaeram in scenam (ni
dicilur) attulerit Ennius; tamen in sphœra foi-nids simili.

Vive,
ludo non potest inesse.
Ulysses, dum licet;
Oculis postremum lumen radiatum rape.
Non dixit, • cape; non, « petehaberct enim mo-
iam sperantis dîutiusesse sese viclurum; sed rape » »<
ainsi dire. La métaphore doit être modeste et la la mer s'adoucit c'est un mot propre mis à la'
réservée; il faut que la place empruntée qu'elle place
pl d'un autre mot propre, pour produire plus
occupe ne paraisse pas une usurpation, une con- d'effet.
d' De même
quête arrachée par la violence, mais un don vo- Cesse, orgueilleuse Rome, etc.
lontaire, une concession libre et sans contrainte. Et
Parmi les figures qui tiennent à un seul mot,
aucune ne donne plus d'éclat au style; car pour
Témoin ces vastes champs, etc.
l'allégorie, qui natt de la métaphore,elle ne con- Ce l'éclat, et on peut l'em-
CI genre de figure a de

siste pas dans un mot figuré, mais dans iinesuite ployer


P' souvent. Ainsi, le Mars de la guerre est
de mots de ce genre, qui semblent présenter une commun Cérès, pour la moisson Bacchus, pour
c<
idée, et en font comprendre une autre. Ainsi le vin; Neptune, pour la mer; la curie, pour le
sénat;
Sf le Champ de Mars, pour les comices; la
Je neveux point deux fois contre le même écueil
De la flotte des Grecs faire échouer l'oigueil.
toge, pour la paix les armes ou le glaive, pour
la guerre. C'est encore la même figure, lorsqu'on
Ou bien encore
désigne
di par leurs vertus ou leurs vices les hom-
En vain ton ctuur frémit et se laisse emporter;
Le frein puissant des lois suffit pour te dompter.
n vertueux ou méchants; ainsi l'on dit que le
mes
luxe envahit une maison, que l'avarice y pé-
l2
On emprunte alors, comme je l'ai dit, le nom nètre, que la bonne foi triomphé,
Dl a que la jus-
propre d'une chose, pour
tre chose qui lui ressemble.
l'appliquer /
à une au- tice l'emporte. Vous
voyez par là en quoi consiste
cette
c( figure, qui par le changement d'un mot
XL1I. L'allégorie est un grand ornement pour donne d, plus d'agrément à la pensée. Il y a d'au-
le discours; mais il faut y éviter l'obscurité car t[ tres formes, qui approchent de celles-là, et qui
c'est avec ce genre de figure qu'on fait ce qu'on moins brillantes, méritent cependant d'être
1T con-
appelle les énigmes. Celle-ci ne consiste pas dans Par exemple, nous employons la partie
dans phrase, dans n
nues.
un seul mot, mais une l'en- le tout, quand nous disons les murailles,
Laûgurenommàetransposilion pour
Pl
semble des mots. le toit, pour désigner l'édifice entier; ou le tout
ou métonymie ne résulte pas non plus du chan- pour “ la partie, quand, en parlant d'un seul es-
gement d'un mot; elle tient au fond même du cadron,
ci nous disons la cavalerie romaine. On
style
n aussi le singulier au lieu du pluriel comme
met
L'Afrique s'épouvante au signal des batailles. ddans ces vers
L1 Afrique est prise ici pour les Africains. Ce Le Komain cependant, môme après la victoire,
n'est pas un mot inventé, comme saxifragis un Tremble au fond de son coeur.
|
dis; ce n'est pas non plus une métaphore, comme COu le pluriel au lieu du singulier
rcliclumiliceret, paullo durius; sin, « ut ita dicam, pu- est,
e ut, « Marc saxifragis undis; » neque ttanslaluni, ut,
pillum, )1 aliquallto mitius. Etenim verecunda débet esse « Mollitur mare; sed ornandi causa piopiiura proprio
translatio, ut deductaiu alienum locum, non irruisse, at- a
conunufatum.
que utprecario, non vi, venisse vidcaliir.
Modus autem nullus est lloientioi- in singulis verbis, Desine, Roma, tuos hostes
uec qui plus luminis afferat orationi. Nain illud, quod ex et,
el
boegencre profluit, non est in iino verho translata, sed
ex plnribus continuatisconnectitur,nt aliud dicatur, aliud Testes sunt campi magni.
intelligendum sit

Gravis est modus in ornatn ornationis et sxpe sumrtt-
Nequc mepatîar iteruin dus
d ex quo genere h%c sunt, « Martem belli esse comrnu.
Ad unum scopulum et telum classem Achivum offenden:. nem, n » Ccrerem pro frugibus; Liberum appellure pro
vino;
v Neptunum pro mari; cariant pro senatu; campcim
Atque illud,
pro comitiis togam pro pace; arma actela pro belln. Quo
Erras, erras nam exsultantcm te, el prxlidentemtibi item in genere et virtules, et vilia pro ipsie, in qnilius illa
il
Répriment vulid;eleguinhabenHe,aUiueimperii inststentjugo. sunt,
si appellantur Luxuries quam in domum irriipit, et,
Quo avaritia penetravit; aut Fides valuit, Justifia conferit.
Sumia re simili, verba ejus rei propria deinceps in rem Videtis
» profecto genus hoc totum qmim intlexo commu-
aUam, ut dixi, Iransferuntur. tatoque verbo res eadem ettuatiatur ornatius cui sunt
j.
XL11. Est hoc magnum ornamentum orationis; in quo tinilimati illa minus ornata, sed tamen non ignoranda,
obscuritas fugienda est. Etenim ex hoc génère liunt ea, intelligi volumus aliqnid aut ex parte totum, ut,
cenigmata. quum
q
quœ dicuntur Non est autem in verbo modus
pro œdificiis quum parietes, aut tecta dicimus; aut ex toto
hic, sed in oratione, id est, in continuatione verborum. partem, utquumunamtiirmam equitatum populi romani
f
Ne illa quidem traductio atque imm\itatio in verbo quam- dicimus; aut ex uno plures,
dam fabricationem habet, sed in oratione
At Romanus homo, tamen et si res bene gesta est,
Africa terribili tremit horrida terra lilnmltu. Corde suo trépidât
[*io « AtVis » est suinta « Afriui « lUMpie luctmn verbum ï qniitn ex pluiibiis uUrlligitut' unum,
aut
Ut L'ORATEUR,
DE LUtlAltl ..IV. III.
Rudiens autrefois, et maintenant Humains. 0 les mots bien rangés! û la rare industrie
C'est une mosaïque une marqueterie
Dans tous ces exemples, les mots ont une autre
acception que leur acception propre. Apres s'être ainsi moqué d'Albucius, il ne m'épar-
L'abus d'un mot est une autre figure, moins gne pas davantage
élégante que la métaphore; mais cette licence n'a J'ai pour gendre Crassus, plus grand rhéteur que toi.
cependant rien qui nous puisse blesser. Ainsi nous Hé bien! qu'a donc fait ce Crassus, dont le nom
disons un grand discours pour un long discours n'a pu échapper à votre censure? Il a fait ce que
uu mince esprit pour un petit esprit. Vous voyez voulait faire Albucius, et, j'espère, avec plus
toujours que ces figures, quisecomposent,comme de succès; mais Lucilius n'a pas voulu manquer
je l'ai dit, d'une suite de métaphores, ne consis- cette occasion de lancer un trait matin. Quoiqu'il
tent pas dans un seul mot, mais dans l'ensemble en soit, ne négligeonspas de donner à notre style
d'une phrase; et que celles qui résultent d'un cet arrangement dout je parle et qui le rendra
changement, et qui font entendre un autre sens plus uni, plus égal plus poli, plus coulant. Nous
que celui qu'elles semblent exprimer, ne sont en y parviendrons en ne liant entre eux que des mots
quelque sorte que des métaphores. qui puissent se joindre naturellement, et qui ne
Toute la force et la beauté des mots considé- se heurtent pas avec dureté.
rés isolément résulte donc d'une de ces trois cir- XLIV. Nous avons à nous occuper ensuite de
constances ou ils ont un peu vieilli sans être en- la forme et de l'harmonie de la phrase. Un soin
core rejetés par l'usage; ou ils ont été rajeunis pareil semblera peut-être puéril à Catulus. Toute-
par une alliance heureuse, et quelquefois même fois les anciens ont pensé qu'il devait régner,
créés, mais de manière à ne blesser ni l'oreille même dans la prose, une sorte de rhythme et de
ni les règles établies; ou enfin, ils contiennent nombre; ils voulaient qu'ily eût dans le discours
une métaphore, et alors ce sont comme autant certains repos, pour que l'orateur pût ménager
d'étoiles qui répandent sur le style un éclat mer- sa respiration, et prévenir la fatigue, et que ces
veilleux. repos fussent marqués, moins par les signes ma-
XLIII. Vient ensuite l'ordonnance du style, tériels des copistes, que par la disposition même
qui comprend l'arrangement des mots, etla forme des expressions et des pensées. Isocratc fut, dit-
particulière qu'il convient de donner à la phrase. on, le premier qui assujettit la prose, jusque-là ir-
Pour que l'arrangement des mots soit convena- régulière, des anciens, à une espèce de rhythme,
ble, il faut les disposer de telle sorte que leur pour flatter agréablement l'oreille c'est ce que
concours n'ait rien de rude, rien de heurté, mais nous apprend Naucrate, son disciple. Les musi-
qu'ils forment un assemblage uni et régulier. ciens, qui, dans l'origine, étaient en même temps
Lucilius, qui savait manier si finement la plai- poëtes, inventèrent, pour le charme de l'oreille,
santerie, en a fait une assez piquante à ce sujet et levers et le chant; afin que le rythme de l'un
I et la mélodie de l'autre prévinssent
lorsqu'il fait dire à Scévola mon beau-pè.e la satiété par

Nos sumu' Romani, qui fuvimus ante Rudini; Quam lepide lexeis composte! ut tessprulre omnes
Arte pavimento, atque emblemate vermiculato.
j aut quocnmque modo, non ut dictum est, in eo genere in-
telligitur, sed ut sensum est. Quœquum drxisset in Albucium illudens, ne a me quide.m
Abutimur etiam verbo non tam eleganter, quam abstinuit,
saepe
in transferendo; sed, etiamsi licentius tamen interdum Crassum habeo generum, ne rbetoricotero' tu sis.
non impudenter ut quum « grandem oratfonein pro
magna, « minutum animum » pro parvo dicimus. Verum Quid ergo? iste Crassns, quoniam ejus abnteris nomme,
illa videtisne esse non verbi, sed orationis quae ex plm i- quid eflicit? Idem illud scilicet, ut ille voluit, et ego vel-
bus, ut exposa, transhtiombuseonnexa sunt? hœcau- lem, melius aliquanto, quam Albucius verum in me qui-
tem, quae aut immutata esse dixi, ant aliter intelligenda, dem lusit ille, ut solet. Sed est tamen lieec col locatio con-
ac dicerentur, sunt, translata quodam modo. serv auda verborum, de qua loquor, quaej nnctam orationem
lia fit ut omnis singulorum verborum virtus atque laus efficit, quae cohacrentem, quae lenem, qua; œquabiliter
tribus exsistat ex rébus si aut vetnstum verbum sit; quod fluentem. Id assequemini, si verba extrema com conse-
tamen consuetudo ferre possit aut factum vel conjun- quentibus primis ita jungetis, ut ne aspere concuriant,
ctione, vel novilate in quo item est auribus consuetudini- nevevastius diducantur.
que parcendum aut translalum quod maxime tanquam XLIV. Hauc diligentiam snbsequifur modus etiam tt
stellis quibusdam notat et illuminat orationem. fonna verborum, quodjam vereor ne huic Catulo videatur
XLIII. Sequitnr continuatio verborum, quse duas res esse puerile, Versus enim vetei es illi in hac soluta orationp
maxime, coliocationeni primum, deinde modum quem. propemodum, hoc est, numeros quosdam, nobis esse
dam formamque desiderat. Collocationis est componere et adhibendosputaverunt. Interspirationis enim, non defati-
striiere verba sic, ut neve asper eorum concursiis, neve gationis nostrae, neque librariorum notis, sed verbomm
hiulcus sit, sed quodam modo coagrnentîtus et lievis. In et sententiarum modo interpunetas clausulas in oratioiu'-
quo lepide in soccri mei persona lusit is qui elegantissiiw bus esse voluerunt: Idque princeps Isocrates instituisar
îdd lacère
facere poluir,
potmt Lucilius
Lucilius fertur;
fertur ut inconditam
inconditam antiqnornni diwndi
diceodi consuctndinrm
consuctndinrm
ar.tjtm. – toue i. ai
le plaisir. Ensuite on pensa, qu'autant que la étaient
étî là abandonnés à la disposition de tous,
gravité du discours le permettait, les inflexions i nous
no les prenons, nous les ramassons pour ainsi
pieds; ils deviennent
mesurées de la voix et le rythme des mots pou- dii à
dire nos entre nos mains
vaient passer de la poésie dans l'éloquence. Seu- comme
coi une cire mol le que nous façonnonsà notre
lement on doit éviter avec soin de réunir les mots grl C'est ainsi que notre style est tantôt noble,
gré.
de manière à faire des vers dans la prose; car tantôt simple, tantôt tient le milieu entre ces deux
•tai
c'est un défaut choquant; mais il n'en faut pas tons; toi qu'il suit tous les mouvements delà pensée;
moins que la prose ait le nombre, la cadence, la qu se plie à tous ses besoins; qu'il change sans
qu'il
marche régulière et arrêtée des vers. Ce qui, ce de forme et d'allure pour charmer l'oreille
cesse
peut-être, distingue le plus l'orateur habile du ou pour pénétrer jusqu'au fond des âmes. Mais
parleur ignorant, c'est que celui-ci jette pêle-mêle pour po le discours, comme pour la plupart des
et au hasard le plus de paroles qu'il peut, et ne choses
ch la nature, par une œuvre merveilleuse
de
les mesure pas sur les règles de l'art, mais sur de son industrie, a voulu que ce qui est le plus
l'étendue de sa respiration;au lieu que l'orateur, utile,
ut fût aussi ce qui offre le plus de grandeur et
ajustant habilement les mots à la pensée, peut souvent sot même de beauté. C'est pour la conserva-
à son gré, ou la soumettre au nombre, ou l'en1 tion, tic et dans l'intérêt de tous les êtres, qu'elle a
affranchir; après s'être astreint au rythme et à la1 donné
de à l'univers la disposition que nous y ad-
mesure, il s'en débarrasse quand il lui plaît, en mirons;
m t que le ciel présente une forme ronde,
que
changeantl'ordredesmots;desorteque son style qi la terre est au centre, soutenue et balancée
n'offre ni la précision rigoureuse de la versiti- pa par son propre poids; que le soleil tourne autour,
cation, ni les écarts irréguliers d'une prose né- et s'approche ou s'éloigne peu à peu de chacun
gligée. dt tropiques; que la lune, parcourant ses phases
des
XLV. Mais par quels moyens parvenir à cette diverses,
di reçoit la lumière de cet astre; qu'enfin
importante qualité, à cette précieuse harmoniee les lei cinq planètes achèvent une révolution sem-
du style? La chose n'est pas aussi difficile qu'ellee blableavecun
bl mouvementplus ou moins rapide:
est nécessaire. Il n'est rien en effet de plus souple, cet
ce ensemble est si bien ordonné, que la moindre

en forme des vers, on en compose des mesuress de


si
de plus flexible que le langage, rien qui se pliee altération
al détruirait l'harmonie générale; il est
avec plus de docilité à tout ce qu'on en exige on si beau, que l'imagination ne peut rien se figurer
d( plus magnifique. Reportez maintenant votre
de toutes sortes, et, dans la prose même, on ena attention
at sur la forme et sur la figure des hommes
tire une multitude de combinaisons diverses. Less et et des animaux eux-mêmes vous verrez qu'il
mêmes mots servent pour la conversationet pourr n'y n' a dans leur corps aucune partie qui n'ait sa
les débats du forum; les mêmes sont employés s nécessité
ni et letout est si parfait, qu'on y recon-
nait
dans l'usage habituel et familier, et aux pom- ni le chef-d'oeuvre d'un intelligence supérieure,
peuses représentationsdu théâtre. Ces mots, quiil et non l'ouvrage aveugle du hasard.

delectationis atque aurium causa (quemadmodumscribit hac il h; versus, ex eadem dispares numeri conficiuntur; ex
discipnlus ejus Naucrates) numeris adstringeret. Namque te bac
hj h&c etiam soluta variis modis multorumquegenerum
hœc duo musici, qui erant quondam iidem poêla.' machi- ù- oralio.
oi Non enim sunt alia sermonis, alia contentionis
nati ad voluptatem sunt, versum atque cantum, ut et et verba; neque ex alio genere ad usum quotidianum, alio
verborum numero, etvocum modo, delectatione vincerent ad it v<
ai scenam pompamque sumuntur sed ea nos quum ja.
0- centia
aurium satietatem. Hsec igitur duo, vocis dico moderatio- ci sustuïitnus e medio, sicut mollissimam ceram ad
nem, et verborum conclusionem, quoad orationis severitasas noslrum
n arbitrium formamus et fingimus. Itaque tum gra-
it.
sic
pali possit, a poetica ad eloquentiam traducendaduxerunt. vesv sumus, tum subtiles, tum médium quiddam tenemus
In quo illud est vel maximum, quod versus in oratione si histitutam nostram sententiam sequitur orationis ge-
nus,
si eflicitur conjunctione verborum, vitium est; et tamen n idque ad omnem rationem, et aurium voluptatem,
eam coujunctionem, sicuti versum, numerose cadere et et ete animorum motum mutatur et vertitur. Sed ut in pleris-
a,
quadrare et perfici volumus neque est ex multis res una, que <| rebns incredibiliter hoc natura est ipsa fabricata, sic
is- inil oratione; utea, quœ maximam utilitatem in secontine-
(|use magis oratorem ab imperito dicendi, ignaroque dis-
tinguat, quam quod ille rudis incondite fondit quantum m rent,
n eadem haberent plurimum vel dignitatis, vel saepe
eliam
potest, et id, quod dicit, spiritu, non arte, determinat, e venustatis. Incolnmitatis ac salutis omnium causa
ro videmus
orator autem sic illigat sententiamverbis, ut eam numero v hune statum esse hujus totius mundi atque na-
in lurae, rotundum «t cœlum, terraque ut média sit, eaque
quodam complectatur, et adstricto et soluto. Nam 41111111
sua
viuxit modis et forma relaxat et liberat immutatione ordi- s vi nutuque teneatur; sol ut circumferatur, ut accédai
ge ad
nis, ut verba neque alligata sint quasi certa aliqua lege a brumalesignum, et inde sensim ascendat in diversam
versus, neque ita soluta, ut vagentur. partem;
fr ut luna accessu et recessu suo solis lumen acci-
XLV. Quonam igitur modo tantum munus insislerous, a, piat;f ut eadem spatia quinque stellae dispari motu, cursu-
ut arbitremur nos hanc vim numerose dicendi consequi [ui que c conficiant. Hase tantam habent vim, ut paullum im-
Idl mutata cohœrere non possint; tantam pulchritudinem, ut
posse? Non est res tam difticilis, quam necessaria. Niliil
est enini tam tenerum, neque tam Ilexibile, neque quod od nullar species ne excogitari quidem possit ornatior. Referte
tam facile sequatur, quocumque ducas, quam oratio. Ex I nunc animum ad hominum, vel etiam ceterarum animan-
uu L'ORATEUR,
DISr.vnm.r. LIV. III.
XLV Parlerai-je des arbres ? le tronc, les ra- reille,
estenmême temps possible, facile même,
meaux et les feuilles ne semblent destinés qu'àh pour la poitrine de l'orateur.
leur conservation et cependant tout y a son élé- XLVII. La plus longue phrase est donc celle
gance et sa beauté. Laissons les ouvrages de laa qui peut se prononcer d'une haleine; mais ici la
nature, et passons à ceux de l'art. Dans un na- nature a ses règles, et l'art a les siennes. Parmi
vire, qu'y a-t-il de plus indispensable que less les différentes mesures, votre Aristote, Catulus,
flancs avec leurs courbures, la proue, la poupe,5 défendàl'orateurd'employertropsouventriambe
les antennes, les voiles, les mâts? mais en mêmee et le trochée. Cependant ils se présentent d'eux-
temps il y a une telle grâce dans tout cela, qu'il[| mêmes en parlant mais ces pieds sont trop courts,
i
semble qu'on ait eu en vue le plaisir des yeux non et leurs battements réitérés ont un effet trop mar-
moins que la sûreté du bâtiment. Les colonness que. Il recommande de préférence les mètres hé-
sont faites pour soutenir les temples et les porti- roïques tels que le dactyle, l'anapeste et le spon-
ques cependant elles ne sont pas moins élégan- dée et il avertit qu'on ne doit guère employer de
tes qu'utiles. Ce faîte majestueux qui surmonte lee suite plus de deux de ces pieds, de peur que la
Capitole et les autres édifices sacrés ce n'est pass prose ne tombe dans le rhythme du vers, ou qu'elle
le goût du beau, c'est la nécessité elle-même quili n'en ait la ressemblance. Deux temps, formés de
en a donné l'idée. Il fallait trouver un moyen dee ces mètres, et placés à l'entrée de la période, ont
faire écouler les eaux des deux côtés de l'édifice surtout de l'agrément. Mais le pied qu'Aristoter
l'art en a découvert un qui ajoute encore à laapprouve le plus, c'est le péon. Il y en a de deux
beauté du monument en sorte que si l'on plaçaitt espèces l'une, où une longue est suivie de trois
le Capitole dans les cieux, où il ne peut pleuvoir,• brèves, comme desinite, incipite, comprimite;
ce temple, dépouillé de son magnifique couron- et l'autre, où trois brèves sont suivies d'une lon-
nement, paraîtrait avoir perdu toute sa majesté. i. gue, comme domuerant, sonipedes. Lephiloso-
Il en est de même de tout ce qui constitue lee phe conseillede commencer la phrase par le pre-
style la grâce et la beauté y sont inséparables s mier péon, et de la finir par le second. Ce der-
de ce qui est utile ou nécessaire. C'est la nécessitéé nier, si l'on s'en rapporte moins au nombre de
de reprendre haleine qui a établi les repos et less syllabes, qu'au sentiment de l'oreille, le meilleur'
intervalles que nous plaçons entre les mots et less de tous lesjuges, est à peu près égal au crétique,
divers membres de la phrase; il en résulte tou- qui se compose d'une brève entre deux longues
tefois un si grand charme, que nous ne pourrionss par exemple
souffrir un orateur a qui la force de ses poumonss Quid petam prœsidi, aut exsequar ? quove aune.>
permettrait de parler tout d'une haleine et sans C'est
ainsi que Fannius commence un de ses dis-
s'arrêter; et il s'est trouvé que ce qui plaît à l'o- cours Si, quirites, minas illius.
Aristote
tium formam et figuram nullam partem corporis sine ali. nostris gratum est inventum quod hominum tateribus non
qua nécessita te affictam, totamque formam quasi perfectamu tolcrabile solum sed etiam facile esse posset.
reperietis arte, non casu. XLVIT. Longissima est igitur complexio verborum, quae
volvi uno spiritu potest. Sed bic natura modus est, artis
XLVT. Quid in arboribus, in quibus non truncus, non alius. Nam qumii smt numeri plures, iambum et trochaeum
rami, non folia sunt denique, nisi ad suam retinendamn frequentem segregat ab oratore Aristoteles, Catule, vester,
conservandamquenaturam? nusquam tamen est ulla pars, qui natura tamen incurnint ipsi in orationem sermonem.
nisi vennsta. Linquamus naturam artesque videamus. que nostrui»; sed sunt insignes percussiones eorum nu-
Quid tam in navigio necessarium quam latera, quam ca-L* merorum et minuti pedes. Quare primum ad heroum nos
vemse, quam prora, quam puppis, quam antennae, quamdactyli, et anapaesti et spoudei pedem invitat in quo
vela, quam mali? quee tamen hanc habent in specie *enu- impune progredilicetduoduntaxatpedes, autpaullo plus,
etatem, ut non solum salutis, sed etiamvoluptatis causa, ne plane in versum, aut similitudinem versuum incida-
inventa esse videantur. Columnae et templa et porticuss nms. Alise sunt géminée quibus hi tres heroi pedes in
sustinent tamen habent non plus utilitatis, quam digni-i- principia continuandoruin verborum satis décore cadiiol.
tatis. Capitolii fastigium illud, et ceterarum œdium nonn Probatur autem ab eodem illo maxime paeon; qui est du
venustas, sed nécessitas ipsa fabricata est. Nam quum es- plex. >'am aut a longa oritur, quam tres brèves consequui*
set habita ratio, quemadmodum ex utraque tecti parte e ttir, ut haec verba, « desinite incipite, comprimite » aut
aqna delaberetur; utilitatem fastigiitempH dignitas conse- > brevibus deinceps tribus, extremaproductaatque longa,
cuta est ut, etiamsi in cœlo Capilolium statueretur, ubi Il sicut illa sunt, domuerant; sonipedes, » Atque illi phi-
imber esse non potest, nullam sine fastigio dignitatem ha.r* losopho ordiri placet a superiore paeone, posterrore ftnîrt.
biturum fuisse videatur.
Hoc in omnibus item partibus orationis êvenit
tatem ac prope qecessitatem suavitas gusedam et lepos
consequatur. Clausulasenim atque interpuncta verbonuu
ut '
utili-
Est autem pœon hic posterior non syllabsrum numero, sed
aurium mensura, quod est acrius judicium et cartHis par
ferecretico, qui est ex longa, et brevi, et longa ut
Quid petam praesidi aut exsequar? quove nunc?
animée interclusio atque angusliae spiritus attulerunt. Id d A quo numero exorsus est Fannius « Si quirites, tui-
inventumita est suave, ut si cui sit infinitus spiritus datus,e nas illius. » Hune ille elausulisaptioi em putat quas vuU
amen eum perpetuare verba nûliirms id enim auribus longa plerumque syllaba terminari.
21.
toutmtautre
pense que ce pied convient mieux quei ÏAtil 4-nst ui nombre.
ii-rk
un Or le nombre n'existe pas dans ce
nArY\ni*A Ml"
à la fin des périodes; car il veut qu'on lestermiue qi est continu et sans interruption. Ce qui le
qui
presque toujours par une syllabe longue. constitue,
ci c'est une succession de battements à
intervalleségaux,
ir et souvent mêmeinégaux. Ainsi
XLVIII. Mais nous ne sommes pas astreints à il y a du nombre dans des gouttes d'eau qui tom-
un rhythme aussi rigoureux et aussi exact que le bent b à des repos marqués; il n'y en a pas dans
sont les poètes. Esclaves du rhythme,ilssont con- le 1e cours non interrompu d'une rivière. Si donc le

traints de renfermer leur pensée dans un espace s1 style a plus de grâce et d'agrément, lorsqu'il est
déterminé; ils ne peuvent se permettre une me- coupé ci par repos bien placés que si l'on entas-
sure plus longue ou plas courte que les règles ne sait s; des phrases continues et prolongées sans fin,
l'exigent. La prose est plus libre elle est, comme il faudra déterminer avec soin les intervalles de
l'indique le nom que nous lui donnons (oratio ces c repos. Si la chute est trop brève, la période,
soluta), dégagée de toute entrave, non qu'elle ccomme disent les Grecs, est brisée et manque de
puisse marcher tout à fait au hasard; mais elle rondeur. p Ainsi chaque membre doit être égal
n'a de lois que celles qu'elle s'impose elle-même, à celui qui le précède le dernier ne doit pas être
Je crois, en effet, avec Théophraste, que l'har- plus p court que le premier; il peut même être plus
monie d'une prose élégante et soignée doit avoir long, |i ce qui vaut mieux encore.
de la liberté de et l'abandon. Selon lui, ce fut des XLIX. Tels sont les préceptes de ces philoso-
mesures qui composent le vers héroïque que se phes p grecs que vous aimez, Catulus; je les cite
forma l'anapeste, qui a plus d'étendue, et qui ssouvent pour me couvrir de leur autorité et évi-
donna naissance au dithyrambe, ce genre silibre ter t le reproche de vous entretenir de puérili-
et si riche, dont les débrisse retrouvent, comme ttés. De puérilités! dit Catulus; qu'y a-t-il de
le dit encore Théophraste, dans toute composition plus I relevé, de plus ingénieux que ce que nous
oratoire abondante et harmonieuse. Si, dans la ïvenons d'entendre? – Maisjecrains, reprit Cras-
musique et dans la poésie, l'harmonie résulte de sus, s que ces jeunes gens ne trouvent toutes ces
certains effets que produisent sur l'oreille des règles r obscures; et comme elles n'entrent pas
repos placés à intervalles égaux, cette harmonie dans ( l'enseignement ordinaire des écoles, j'ai
peut être introduite avec succès dans le discours peur
i qu'ils ne m'accusent d'en exagérer l'impor-
pourvu qu'elle ne soit pas trop continue. Une lon- tance 1 et la difficulté. Vous vous trompez dit
guesuite de parolesqui se succèdent sans pauses et Catulus, si vous croyez que personne ici attende
sansintervalles,nousfatigueetnousrebute.Quelle de c
levous des observations communes et rebattues
en peut être la cause, si ce n'est que l'oreille, ce que vous dites est ce que nous souhaitions
<

avertie par un instinct naturel, règle et déter- d'entendre, et surtout exprimé avec le charme
mine les modulations de la voix ce qui ne peut que vous y avez mis. Voilà ce que je puis vous
être qu'autant que la voix reconnaît elle-même assurer, non- seulement en mon nom, mais au

XLVIII. Neque vem haec tam acrem curam diligentiam. rum percussio, numeruni conficit; quem in cadentibus
que desiderant quain est illa poetarum quos
nécessitas guttis, quodintervallisdistinguuntur,notare possiimus; in
ogit, et ipsi numeri ac modi sic verba versu includere anmi précipitante non possumus. Quod si continuatio ver.
nt nihil sit, ne spiritu quidem minimo, brevius, aut ton- borum lia» solula multo est aptior atque jucundior, si est
gius quam necesse est. Liberior est oratio, et plane, ut articulis membrisque distincta, quam si contiuaata ac pro.
dicitur, sic et est vere soluta, non ut fugiat tamen, aut ducta, membra illa moditicata esse debebnnt quae si in
erret, sed ut sine vinculis sibi ipsa moderetur. Kamque estremo breviora surit, infringiturille quasi verborum am-
ego illudassentiorTheophrasto, qui putat orationem quae bitus sic enim bas orationis conversiones Graeci nomi-
quidem sit polita atque facta quodam modo, non adstricte, nant. Quare aut paria esse debentposteriora superioribus,
sed remissius numerosam esse oportere. Etenim, sicnt extrema primis, aut, quod etiam est melius et jucundius,
ille euspicatur, ex illis modis, quibus hic usitatus versus longiora.
elficitur, post anapœstus procerior quidam numerus, ef- XLIX. Atque hœc quidern ab iis philosophis, qnos tu
floruit; inde ille licentior et divilior fluxit dithyramhus; maxime diligis, Catule, dicta sunt quod eo sxpius testi-
cujus membra et pedes, ut ait idem, sunt in omni locupleti ficer, ut auctoribuslaudandisineptiarumcrimeneffugiam.
oratione diffusa. Et, si numerosum est id in omnibus so- j
– Qnarurn tandem?inquit Catuills aul quid disputatioue
ui» atque vocibus, quod habet quasdam impressiones, et isla affeni potest elegantius, aut omnino dici subtilius?
quod incliri possumus intervailis acqualibus; recte genus Atenim vereor, inquit Crassus, ne haecaut difliciliora
Ikk! numéro, dummodo ne continuum sit, in orationis laude istis ad persequendum esse videantur, aut, quia non tra-
pouctur. Nam si rudis et impolita putanda est illa sine in- dnntur in vulgari ista disciplina, nos ea majora aediffici-
ter,vallis loquacitas perennis et proflnens, quid est aliud liora videri relie videamnr.– Tum Catulus, Erras, inquit,
causée, cur repudietur, nisi quod hominum aures vocem Crasse, si aut me, aut horum quemquamputas a te Iutc
natura moilulanturipsœ? quod lieri, nisi inest numerusin opera quotidiana et pervagata exspeelare ista, quos dicis,
voce, non potest. Numerus autem in continuatione nullus dici volumus neque tam dici, quam isto dici modo. Ne-
•tt distinctio,et aequalium, et sœpe variorum intervallo- que tibi hoc pro me solum, sed pro his omnibus sine ulU
nom de tous ceux qui vous écoutent. Pour niformité blesse l'oreille. Lorsqu'on aura disposé
moi, dit Antoine, je rétracte ce que j'ai dit dans d'après ces règles les mesures qui commencent
mon ouvrage, et j'ai enfin trouvé l'homme élo- et terminent la phrase, celles du milieu échap-
quent que je croyais ne jamais rencontrer; mais peront à l'attention, pourvu que la période ne
je me suis bien gardé de vous interrompre, même trompe pas l'oreille par une chute trop prompte,
pour vous donner les éloges que vous méritez, ou qu'elle ne se prolonge pas au point de gêner
de peur de nous faire perdre un seul instant du la respiration.
temps trop court que vous consacrez à cet entre- L. La fin des périodes exige beaucoup plus de
tien. soin que les membres qui la précèdent car c'est
Nous parviendrons, poursuivit Crassus, à par là surtout qu'on jugede leur perfection. Dans
donner à notre style cette marche nombreuse^et un vers, où toutest également remarqué, le com-
périodique que je recommande, par l'exercice mencement, le milieu et la fin, un défaut choque
de la parole, et par l'habitude d'écrire, si utile d'abord, quelque part qu'il se trouve mais dans
pour acquérir toutes les autres parties de l'art, la prose, le dernier membre de la période frappe
mais surtout celle-ci. La difficulté même n'est surtout les auditeurs, et il en est peu qui fassent
pas aussi grande qu'on l'imagine nous ne som- attention aux premiers. Il faut donc varier habi-
mes pas soumis aux règles sévères des musiciens lement la chute de vos phrases, afin de ne rebu-
et des poëtes; il suffit que notre style ne coure ter ni l'esprit ni l'oreille. Pourvu que les pre-
pas au hasard, qu'il ne s'arrête pas dans sa mar- miers membres ne soient pas jetés d'une manière
che, qu'il ne s'étende pas hors de propos; que trop sèche, il suffira de s'attacher à marquer les
les intervalles soient bien ménages les périodes, deux ou trois dernières mesures qui devront être,
complètes. Il ne faut pas non plus employer tou- ou le chorée, ou l'héroïque ou tous les deux l'un
jours la phrase soutenue et la forme périodique; après l'autre, ou le péon de la seconde espèce,
souvent il convient de procéder par petits mem- qu'Aristote recommande, ou le crétique, dont le
bres détachés, mais qui devront eux-mêmes être rhythme est le même. Cette variété épargne à
assujettis au nombre et à la mesure. Que le péon l'auditeur l'ennui de la monotonie, et en même
et le mètre héroïque ne vous effrayent pas ils temps notre style n'a point cet air d'affectation
se présenteront d'eux-mêmes, sans que vous pre- et de soin minutieux qui déplaît. Si Antipater de
niez la peine de les chercher si en écrivant ou Sidon, que vous devez vous rappeler, Catulus
en parlant, vous contractezl'habitude de donner était parvenu à composersur-le-champdes hexa-
un tour harmonieux à vos périodes, et si après mètres, ou des vers de toute autre mesure si sa
les avoir commencées par des mesures libres et mémoire et son esprit naturel aidés de l'exercice,
majestueuses, telles que l'héroïque, le péon de la le servaient si bien, que dès qu'il se mettait à
première espèce, et le crétique, vous avez soin parler en vers, les mots se présentaient d'eux-
de varier les effets et l'harmonie de vos finales; mêmes, l'habitude et l'exercice ne pourront-ils
car c'est surtout aux endroits des repos que l'u- pas donner à l'orateur une semblable facilité?

dubitatione respondeo. – Ego vero.inquit Antonius, in- slremi illi'pedes sunt hac ratione servati, medîi possunt la-
veni tandem, quem negaram in eo, quem scripsi, libello, tere, modo ne cireuitus ipse verborum sit aut brevior,
me invcnisse eloquentera sed eo te ne laudandi quidem quam aures exspeclent, aut longior, quam vires atquo
f.ausa interpellavi, ne quid de, hoctam exiguosermonistui anima patiatur.
tempore verbo uno meo diminueretur. L. Clausulas autem diligentius etiam servandas esse
Hanc igitur, Ciassns inquit ad legem quura exerci- arbitror, qiiarn supeiïora, quod in his maxime perfectio
tatione, tum stylo, qui et alia, et hoc maxime ornat ac atque ahsolulio judicatur. Namversusœque prima, et mé-
limât, formanda uobis oratio est. Neque tamen hoc tanti dia, et extrema pars attenditur; qui debilitatur, in qua.
laboris est, quanti videtur; nec sunt hase rhyllunicorum cumque sit parte tilubatum in oratione autem prima pauci
ac musicorum acerrima norma dirigeuda; et efficiendum cernunt, postrema plerique. Quse, quoniam apparent et
est illudmodo nobis, ne flaatoratio, nevagelur, neinsis- intelliguntur, varianda sunt, ne aut animorum judiciis re-
tatiuterius, ne excurrationgins; ut membrisdistingnatur, pudientur, aut aurinm satietate. Duo enim aut Ires sunt
uteonversiones habeat absolutas. Neque semper ntendum fere extremi servandi et notandi pedes, si modo non bre-
est perpetuitate,et quasi conversione verborum sed ssepe viora et preecisa erunt superiora; quos aut choreos, aut
carpenda membris minutioribus oratio est, quae tamen heroos, aut alternos esse oportebit, aut in paeone iUo po-
ipsa membra 8imt numeris vincienda. Neque vos pason, steriore, qnem Aristoteles probat, aut ei pari cretico. Ho-
aut hérons ille conturbet ipsi occlurent orationi; ipsi, rum vicKSitudines efficient, ut neque ii satientur, qui au-
inquam, se offerent, et respondebuntnon vocati. Consne- dient, fastidio simililudis, nec nos id, quod faciemus,v
tudu modo illa sit scribeudi atque dicendi, ut sententise opera dedita facere.videamur. Quod si Antipater ille Sido-
verbis finiantur eornmque verborum junctio nascatur a nius, quem tu probe, Catulc» meministi, solitusest versus
proceris numerisacliberis, maxime heroo, et paanepriore, hexametros aliosque variis modis atque numeris fundere
tut cretico, sed varie distincteque considat.Notatur enim ex tempore, tantumque hominis ingeniosi ac memoris va
-maxime similitndn in concniiescendo et, si primi et po- luit exercitatio, ut quuni se mente ac voluntate conjecife
Ne nous étonnons point que le vulgaire aper- lui plaire. Or, rien n'a plus de rapport avec nos
coive les beautés ou les défauts de ce genre âmes que le nombre et la mélodie, qui nous ani-
t'instinct naturel, si puissant en toute chose, ment, nous échauffent, nous calment, nous ins-
l'est principalement en ceci. Tous les hommes, pirent de la langueur, de la joie, ou de la tris-
par un sentiment secret, et sans connaître les tesse. Leur pouvoir est surtout sensible dans les
règles de l'art, discernent ce qu'il y a de bon ou vers et dans le chant. Cette ressource n'a pas
de défectueux dans le travail de l'artiste et dans été négligée par nos ancêtres et par Numa, le
ses procédés; et s'ils jugent sainement du mérite plus éclairé de nos rois, comme l'indiquent les
d'un tableau, d'une statue, et des autres ou- vers des Saliens, les flûtes et les harpes des ban-
vrages de cette espèce, qui sont bien moins à quets solennels; mais la Grèce ancienne en con-
leur portée, ils sont meilleurs juges encore en ce naissait surtout l'influence; et je voudrais que
qui regarde les mots, le nombre, les tons de la vous eussiez pris cette intéressante matière pour
voix. Ce sont là des choses qui dépendent de no- sujet de cet entretien, plutôt que tous ces dé-
tre organisation même et d'un certain sentiment tails puérils sur les figures de mots.
dont la nature a voulu que personne ne fût entiè- Le peuple, qui aperçoit une faute de mesure
rement dépourvu. Ainsi nous sommes tous sen- dans un vers, n'est pas moins sensible à un dé-
sibles, non-seulement l'arrangement plus ou faut d'harmoniedans laprose; maisilapour nous
moins habile des mots, mais encore au rhythme une indulgence qu'il refuse au poëte. Toutefois
et à l'harmonie des sons. Il est, sans doute peu l'auditoire entier s'aperçoit, sans le témoigner,
de personnes qui connaissent les secrets de la de ce qu'il y ad'imparfait ou de négligé dans notre
poésie et de la musique. Cependant, qu'un ac- diction. Les anciens orateurs même, inhabiles
teur manque aux règles en faisant une syllabe, dans l'art récemment découvertetpratiquéparmi
ou trop longue, ou trop brève, tout le théâtre se nous de former et d'arrondir, en quelque sorte,
récrie. N'en est-il pas de même dans la musique? la période, s'étudiaient du moins, comme quel-
Qu'un chœur manque d'accord, ou même qu'un ques-uns lefontencoreaujourd'hui,àjeter les mots
seul chanteur fasse une fausse pote aussitôt la trois à trois, deux à deux ou même un à un
multitude tout entière fait éclater son mécon- dans cette ignorance primitive de la parole, ils se
tentement. conformaient déjà aux exigences de l'oreille en
LI. C'est une chose étonnante qu'il y ait tant faisant correspondre entre eux des membres de
de différence entre l'ignorant et l'homme ha- phrase égaux, et en se ménageant ainsi des pau-
bile, lorsqu'il faut produire, et qu'il y en ait si ses régulières.
peu lorsqu'il ne faut que juger. L'art, qui a son LU. Je vous ai exposé, aussi bien que je l'aipu,
principe dans la nature humaine, manque son ce qui m'a paru appartenir aux ornements du
but s'il ne parvient à émouvoir cette nature et à discours je vous ai parlé de la beauté des mots

set in versum, verba sequerentur; quanto id facilius in est autem tam cognatum mentibus nostris, quam numeri
oratione, exercitatione et consuetudiue adhibita, conseque- atque voces; quibus et excitamur, et incendimur, et leni-
mur ? mur, et lar/guescimus et ad hilaritalem et ad tristitiam
Illud autem ne quis admiretnr, quonam modo hœc vul- sœpe deducimur quorum illa summa vis carminibus est
gus imperitorumin audiendo notet; quum in omni genere, aptior et cantibus, non neglecta, ut mihi videtur, a Kunia,
tum in hoc ipso magna quaedam est vis ineredibilisque na- rege doctissimo, majoribusque nostris, ut epularum so-
turœ. Omnes enim tacito quodam sensu, sine ulla arte, lemnium fides ac tibiie, Saliorumque versus indicant;
aut ratioue, qnie sint in artibus ac rationibus recta ac prava, maxime autem a Gracia vetere celebrata. Quibus utinam
dijudicant idque quum faciunt in picturis, et in signis, similibusque de rebus disputari, quam de puerilibus bis
et in aliis operibus, ad quorum intelligentiam a natura verborum translationibusmaluissetis
minus habent instrumenti; tum multo ostendunt magis
Verum, nt in versu vulgus, si est peccatum, videt
in verborum, numeiwnm vocumquo judicio; quod ea sic, si quid in nostra oratione claudicat, sentit: sed poetaî
sunt in communibus infixa sensibus, neque earum rerum
quemquam funditus natura voluil esse expertem. Uaque non ignoscit, nobis concedit. Tacite tamen omnes non esse
illud, quod diximus, aptum perfectumque rarnunt. ttaque
non solum verbis arte positis movenlur omnes, venim illi veteres, sicut hodie etiam nonnullos videmus, quum
etiam numeris ac vocibus. Quotus enim quisque est, qui
circuitum et quasi orbem verborum conficere non possent
teneatartem numerorum ac rnodorum? At in his si paul-
(nam id quidem nuper vel posse, vel audere coppimus )
lum modo offensum est, ut aut contractione brevius lie-
terna, aut bina aut nonnullisingula etiam verba dicebant;
ret, aut prodnetione longius, theatra tota reclamant. Quid ?P qui in illa infantia naturali, illud, quod aures hominum
Ikic non idem fit in vocibus, ut a multitudine et populo,
flagitabant, tenebant tamen, ut et illa essent paria, quee
non modo catervre atqne concentus, sed etiam ipsi sibi dicerent, et œqualibus interspirationibusuterentur.
singuli discrepantes ejiciantur?
IJ. Mifabile est, quum plurimum in faciendo intersit LII. Exposili fere ut potui quae maxime ad ornatum
inter doctnm et rudem, quam non multum differat in ju- orationis pertinere arbitrabar. Dixi enim de singulorum
dicando. Ars enim qnum a natura profecte sit, nisi nalu- laude verbornm, dixi de conjunctione eomm dixi de nu-
rain moveat ac delçctet, nihil sane egisse videalur. INihil mero atqne forma. Sed si habitnm oratiouie etiam, el quasi
considérés en eux-mêmes, et dans leurs rapports la composition des phrases, d'abord à donner à
et leur liaison; je vous ai parlé du nombre et de l'élocution la douceur et l'harmonie, ensuite à
la structure de la période. Si vous m'interrogezl'embellir en y répandant çà et là les ornements
maintenant sur le caractère général, sur la cou- des figures, soit de mots, soit de pensées.
leur du style, je répondrai qu'il est ou large et L1IJ. La commoration, par laquelle on insiste
abondant, mais en même temps régulièrement sur quelques détails; Yhypotypose, qui les dé-
arrondi, ou simple, sans être dépourvu de nerf crit, les développe, et les met, pour ainsi dire,
et de vigueur, ou enfin tempéré, et tenant le mi- sous les yeux de l'auditeur, sont d'un grand se-
lieu entre les deux autres genres. Chacun de ces cours pour exposer les faits elles les présentent
genres doit avoir une sorte de beauté où le fard avec plus de clarté; elles les agrandissent; elles
n'entre pour rien, et qui soit comme la fraîcheur en donnent la plus haute idée possible à ceux qui
du teint vivifié par la circulation du sang. Il faut nous écoutent. A ces développementssont oppo-
enfin que l'orateur acquière, pour les pensées i sées la précision (sorte de réticence); la signifi-
comme pour les paroles, cette perfection, à la- cation, qui dit moins qu'elle ne donne à enten-
quelle tendent les gladiateurs et les maîtres d'es- dre ¥ abréviation concise avec netteté; l'atté-
crime, qui ne pensent pas seulement à porter des nuation, qui amoindrit les objets; la raillerie,
coups, ou à parer ceux qu'on leur porte, mais qui en est voisine, et qui rentre dans les matières
qui cherchent encore à mettre de la grâce dans dont César nous a entretenus. Vient ensuite la di-
leurs mouvements. Ainsi l'orateur doit donner gresston, qui, après avoir distrait quelque temps
au discours, au moyen des mots, la grâce et la l'esprit du sujet, demande qu'on l'y ramène
régularité; au moyen des pensées, la force et la adroitement; laproposition,qui annonce ce qu'on
puissance. va dire; la séjonction, qui abandonne un point
Les figures de mots et les figures de pensées pour passer à un autre; le retour au sujet, et la
sont presque innombrables, et c'est ce que vous répétition; la conclusion, qui résume le raison-
savez comme moi. Vous savez aussi qu'il y a en- nement l'hyperbole, qui exagère ou diminue
tre elles cette différence, que les premières dis- la vérité, selon qu'on veut agrandir ou rapetisser
paraissent, si l'on change les expressions, et que les objets; l'interrogation, et la question qui s'en
les secondes subsistent toujours, quelques mots rapproche; l'exposition de son sentiment; l'i-
qu'on emploie. Vous savez tout cela, vous le ronie, qui exprime une chose pour en faire en-
pratiquez; pourtant je crois devoir vous le dire, tendre une autre cette figure, qui pénètre si sû-
et n'allez pas vous y m'éprendre tout le fait de rement dans les esprits, et qui produit un effet si
l'orateur, eu ce qui donne à son oeuvre du re- agréable lorsqu'on y joint, non la véhémence,
lief et l'éclat, se réduit, pour le choix des mots, mais un ton de familiarité; la dubitation, la dis-
à se servir fréquemment de termes métaphori- tribution, la correction, soit pour modifier ce
ques, quelquefois de termes nouveaux et créés qu'on a dit, ou ce qu'on va dire, soit pour re-
exprès, plus rarement de termes vieillis; pour pousser un reproche; la prémunition, soit que

olorem alîquern requiritis, est et plena quœdam sed mus, tum est quasi luminibus distinguenda et frequen-
tamen teres; et tennis, non sine nervis ac viribus; et ea, tanda omnis oratio sententiarum atqut verborum.
quœ particeps utriusquegeneris quadam mediocritate lau- LUI. Piam et commoratio una in re permultum movet,
datur. His tribus figuris insidere quidam venustatis, non et illuslris explanatio, rerumque quasi gerantur, sub ad-
fu«, illilus, sed sanguine diffusus debet color. Tum deni- speclum paene suhjectio, quae et in exponenda re pluri-
que nohis hic orator ita conformandusest et verbis et sen- mum valet et ad illustrandum id, quod exponitur, et ad
tentiis, ut, quemadmodum qui utuntur armis aut palae- amplificandum,ut iis, qui audient, illud, quod augebi.
slra, non solum sibi vitandi aut feriendi rationem esse mus, quantum efficere oratio poterit, tantum esse videa-
habendam putant, sed etiam, utcum venustate movean- tur et huic contraria sape praecisio est, et plus ad intel-
tur sic verbis quidem ad aptam compositionem et decen- ligendum, quam dixeris, significatio, et distincte concisa
tiam, sententiis vero ad [gravilatem orationis utatur [ut brevitas, et extenuatio, et huic adjuncta illusio, a praece-
ii, qui in armorum tractatione versantur]. ptis Caesaris non abhorrens; et ab re longa degressio; in
Formantur autem et verba, et sententiae paene innurae- qua quum fuerit delectatio, tum reditus ad rem aptus et
rabiles, quod satis scio notum esse vobis sed inter con- concinnus esse debebit; propositioque, quid sis dicturus,
formationem verborum et sententiarum hoc interest, quod et ab eo quod est dictum sejnnctio, et reditus ad pro-
verborum tollitur, si verba mutaris; sententiarumperma- positum et iteratio, et rationis apla conclusio; tum au-
net, quibuscumqueverbis uti velis. Quod quidem vos etsi gendiminuendivecausa,veritatissuperlatio atque trajectio;
facitis, tamen admonendos puto, ne quid esse aiyid ora- et rogatio, atque huic finitima quasi percunctatio expo-
tons putetis, quod quidem sit egregium atque mirabile, sitioqne sententiœsuae tum illa, quas maxime quasi irrepit
nisi in singnlis verbis illa tria tenere, ut translatis utamur in hominum mentes, alia dicentis, ac significantis dissi.
frequenter, interdumque factis, rare autem etiam perve- mulatio, qua; est perjucanda,quum in oratione non con-
tustis in perpétua autem oratione, quum et conjunctionis tentione, sed sermone tractatur; deinde dubitatio, tum
t.'iiitntcm et numerorum quam dixi, rationem tenneri-i- distrihutio, tum con ectio vel ante, vel postquam dixerie^
nous préparions les esprits à recevoir nos nr-
1 ]<de la phrase, de la complexion,de l'adjonction,
guments, soit que nous rejetions sur un adver- de ( la progression, de l'intention particulière at-
saire l'imputation dirigée contre nous; la com- tachée t à un mot qu'on ramène souvent, de ces
munication qui est une espèce de délibération chutes ( et de ces terminaisons semblables, de ces
avec ceux à qui on s'adresse; ïéthopée, ou imi- membres i qui se correspondent, ou se répètent
tation des mœurs, soit que l'on mette en scène symétriquement. Il y a encore la gradation, la
les personnages, soit qu'on ne les fasse point pa- conversion, Yhyperbate employée avec goût, les
raitre cette figure est un des plus riches orne- contraires, la dissclution, la déclinaison, la
ments du discours; elle est surtout propre à dis- répréhension, t 'exclamation, Vimminution (ou
poser favorablement les esprits, souvent même syncope), l'usage d'un mot à différents cas l'é-
à les émouvoir; la prosopopée, qui répand le numération de parties, qui reprend tout en dé-
plus d'éclat sur l'amplification oratoire; la des- tail la preuve confirmative, jointe à la propo-
cription; V induction, qui prouve l'erreur des sition générale ou à chacune de ses parties; la
autres; la facétie (yaçirmayâi); Yantèoccupa- permission, une autre dubitation, la surprise,
tion; ensuite ces deux figures, dont l'effet est si la dinumération (usptcjjuic), une autre correc-
grand, la similitude et l'exemple; la division, tion, ladistinction, la continuation, l 'interrup-
l'apostrophe, l'antithèse, la réticence, la recom- tion, l'image (ou comparaison), la suhjeclion,
mandation; la liberté du langage (ica^m'a), Uparoiiomase la disjonction, l'ordre, la rela-
qui quelquefois s'emporte au delà des bornes, et tion, la digression, la circonscription. Telles
sert à l'amplification; la colère, l'invective, la sont à peu près les figures de pensées et de mots
promesse, la déprécation, l'obsécration; une qui contribuent à l'ornement du discours on en
légère déviation du sujet, différente de la di- pourrait citer bien davantage.
gression dont j'ai déjà parlé; la justification la LV. Vous croyez, sans doute, dit Cotta,
conciliation, la dépréciation ïoptation, l'im- que ces figures nous sont connues; car vous les
précation. Telles sont les figures de pensées dont avez accumulées sans en donner ni définition,
on peut orner le discours. ni exemples. Je ne pensais pas, répondit Cras-
LIV. Quant aux figures de mots, on peut les sus, que rien de ce que je viens de dire fût nou-
compareràl'escrime, qui sertnon-seulementpour veau pour vous, et je n'ai fait que céder à votre
se mettre en garde et pour attaquer, mais encore désir commun; mais le jour qui se précipite vers
pour manier son arme avec grâce. Ainsi, la ré- son déclin, me force d'être court, et de précipi-
pétition donne, tantôt de la force, tantôt de ter aussi la fin de cette discussion. Au surplus, la
l'agrément au style; il en est de même des alté- théorie et les règles relatives à ce sujet sont à la
rations qu'on fait subir aux mots, de leur redou- portée de tout le monde; quant à l'application,
blement, soit au commencement, soit à la fin rien n'est plus important, et c'est peut-être ce

vel quum aliquid a te ipse rejicias; prœmunitio est etiam liter, ant quaeparîbusparia referuntur, aut quae suatinter
ad id, quod aggrediare, et trajectio in alium; communi- se similia. Est etiam gradatio quidam, et conversio, et
catio qu.ie est quasi cum Us ipsis, apud quos dicas, de- verborum concinna transgressio et contrarium, et disso-
liberatio; morum ac vitx imitatio vel in personis, vel sine lulum, et declinatio, et reprehensio, et exclamalio, et
tllis, magnum quoddam ornamentum oralionis, et aptumimminutio, et quod in multis casibus ponitur, et quod de
ad animos conciliandos vel maxime, sœpe autem etiamsingulis rebus propositis ductum, refcrtur ad singnla, et
ad commoveudos personarum ficta inductio, vel gravissi- ad proposittim subjecta ratiu et item in dislributis suppo-
wum lumen augendi descri[itio errons niductio ad hi- sita ratio, et permissio, et rursum alia dubitatio, et im-
laritatem impnlsio; anteoccupatio tum duo illa, qtiœ i provisum quiddam, et dinumeratio et alia correctio et
maxime movent, similitudo et exemplum digestio; lu- dissipatio, et quod continuatum, et interruptum, et imago,
terpellatlo, contenlio rcticentia commendatio,vox qua> et sibi ipsi responsio, et immutatio,et disjunctio,et ordo,
dam libera, atque etiam effreualior, augendi causa; ira- et relatio et degressio, et circumscriptio. Hœc enim sunt
çuudia, objurgatio, promissio, deprecalio, obsecratio, Tore, atque horum similia (vel plura etiain esse possunt 1,
declinatio brevis a pioposito non ut superior illa degres- quae sententiis orationem, verbommquecunformatiouibus
sio purgatio,conciliatio lsesio optatio atqueexsecratio. illuminent.
Uis fcre luminibus illustrant orationem sententia;. LV. Quœ quidem te, Crasse, video, inquit Cotta,
t
LIV. Orationis autem ipsius, tanquam armorum, est quod nota esse nobis pâtes, sine defliiitionibus, et sine
vel ad iisum comminatio et quasi petitio, vel ad venusta- exemplis effudisse. Ego vero inquit Crassus, ne illa
tem ipsa tractatio. Nam et geminatio verborum habet inter- imidcin, quae supra dùi, nova vobis esse arbitrabar, sed
i
ilum vim, leporem alias, et panllum immutatum verbum voluntati vestrum omnium parui. His autem de rebus sol
atqne detlcxum, et ejnsdem verbi crebra tum a primo re- me ille admonuit, ut brevior esscm qui ipse jam pnrci'
petitio, tum in extiemnm conversio, et in eadem verba pitans, mequoqne ha'C prœcipitem paene enchère coegil.
impctus et concursio et adjnnctio, et progressio et ejus- Sed tamen huju» gcneris demonstratio est, et doctriua
Jem verbi crebrius positi queedam distifictio, et revocatio ipsa, vulgaris nsus autem gravissiinus et in boc loto d#r
^erlii, et illa, qu*v siiiiiiiter desitiunt, aut quor cadunt simi- cendi studio difficillimus.
qu'il y a de plus difficile dans l'art de la parole. l'emporte souvent sur les plus habiles. On deman-
1f
Après avoir ouvert, ou du moins indiqué les ddait à Démosthène quelle était la première qualité
sources de tous les ornements du discours je i
l'orateur; il répondit L'action. Quelle était
de
dois dire un mot des convenances, ou bienséan- la seconde, puis la troisième? et il répondit tou-
j
1

ces oratoires. Mais n'est-il pas Aident que toute jours L'action. C'est ce qui fait mieux sentir la
espèce de discours ne convient pas à toute espèce j
justesse de ce mot d'Eschine. Après la condam-
déshonorantequi le fit sortir d'Athènes, il
de sujet, et qu'il faut avoir égard aux temps, nation
r
aux lieux, aux personnes? Une affaire qui inté- s'était
s retiré à Rhodes. Les Rhodiens le prièrent
resse la vie d'un homme ne veut pas être traitée t leur lire la belle harangue qu'il avait prononcée
de
comme une cause civile de peu d'importance; et contre
( Ctésiphon, avec Démosthène pour adver-
les délibérations publiques, les panégyriques, saire
s il y consentit. Le lendemain, on le pria de
les plaidoyers, les entretiens, les consolations, 1lire aussi la réponse de Démosthèneen faveur de

les invectives, les discussions, l'histoire, n'ad- Ctésiphon.


( Il la lut avec un ton de voix plein de
mettent pas le même ton. Il faut encore consi- force
1 et de grâce; et comme tout le monde se ré.
dérer devant qui l'on parle, si c'est le sénat qui criait d'admiration Que serait-ce, dit Eschine,
<

nous écoute, ou le peuple, ou des juges; si l'on s'a- si vous l'eussiez entendu lui-même? Il montrait
dresse à un auditoire nombreux, à peu de per- assez par là quelle puissance il attribuait à l'ac-
sonnes, ou à un seul homme; si l'on est en paix tion, lui qui croyait que le mêmediscourspouvait
ou en guerre; si l'affaire est pressante, ou si elle sembler tout autre selon la personne qui le pro-
peut souffrir des délais; enfin, l'orateur doitavoir nonçait. Quel effet devait produire C. Gracchus,
égard à son âge, à son rang et à la considération que vous vous rappelez mieux que moi, Catulus,
dont il jouit. On ne peut, je crois, donner sur ce lorsque, s'abandonnant à ce mouvement si vanté
point d'autre règle que de choisir dans les trois au temps de mon enfance, il s'écriait Miséra-
genres de style, l'un relevé, l'autre simple, le ble! où irai-je ? quel asile me reste-t-il? Le Ca-
troisième tempéré, celui qui convient le mieux pitole ? il est inondé du sang de mon frère. Ma
ausujet, et d'employer les ornements du discours, maison? j'y verrais une malheureuse mère
tantôt avec réserve, tantôt avec plus de hardiesse. fondre en larmes et mourir de douleur; son
En toute chose, pouvoir faire tout ce qui con- regard, sa voix, son geste, au dire de chacun,
vient, c'est le triomphe de fart, joint à la na- étaient si touchants, que ses ennemis eux-mêmes
ture le savoir, c'est l'effet du discernement et
du goût.
enversèrent des pleurs. J'insiste là-dessus, parce
que les orateurs, qui sont les organes de la vérité
LV1. Mais tous ces avantages,c'est l'action qui1même, semblent avoir abandonné toute cette par-
les fait valoir. L'action domine dans l'art de lai tie aux comédiens, qui n'en sont que lesimitateurs.
parole sans elle, le meilleur orateur n'obtiendrat LVII. Sans doute la vérité l'emporte en toute
aucun succès; avec elle, un orateur médiocrechose sur l'imitation, et si la nature suffisait pour

Quamobrero qnoniam de ornatu omni orationis slintt Demosthenes dicitur, quum rogaretur, quid in dicendo
omnes, si non patefacti, at certe commonstrati loci nunc, esset primum huic secundas, buic tertias. Quo inihi me-
quid aptum sit, hoc est, quid maxime deceat in oratione, iiiis etiam illud ab jEscbinedictum videri solet qui quuni
videamus. Qnanquam id quidem perspicuum est, nonn propter ignominiam judicii cessisset Athenis, et se Rbo-
omni causse nec auditori, ueque pcisonse neque tempori ri dum contulisset, rogatus a Rhodiis, tegisse fertiir ora-
congruere oralionis unum genus. nam et causée capitis is tionem illam egregiam, quam in Ctcsiphontem contra
alium quemdam verborum sonum requirunt, alium rerom n Demosthenem dixerat; qua perlecta, petitum est ab eo
privalarum atque parvarnm et aliud dicendi genus deli- i- postridie, ut legeret illam etiam, quae erat qpntra a De-
berationes, aliud landationes, aliud judicia, aliud sermo- n- mosthene pro Ctesiphonte edita; quam quum suavissima
ues, aliud cnnsolatio, aliud objurgatio, aliud disputatio,>, et maxiraavocelegisset,admiranlibusomnibus, Quanto,
alind historia desiderat. Relert ctiam, qui audiaut, sena- i- inquit, magis admiraremini,si audissetis ipsum? Ex quo
tus, an populus an jujices fréquentes, an pauci, an sin- a- satis siguificavit,quantum esset in actione qui oralionetn
guli et quales ipsi qiioque oratores, qua sint œtate, ho- o- eamdem aliam esse pularet, actore mutato. Quid fuit in
nore, aucloritate [debet videri]; tempus pacis an belli, i, Graccho, quem tu, Catule melius meminisli quod me
fesUuationis an otii. ltaque hoc loco nihil sane est, quodid puero tantopere ferretur? « Quo me miser ennferam? quo
prœcipi posse videatur, nisi ut tiguram orationis plenioris,
>, vertam? In Capitoliumne?at fratris sanguine redundat.
et tenuioris, et item illius mcdiociïs ad id, quod a«imusi, An domum? matremne ut miseram lamentantemque vi-
ateommodatain deligamus ornamentis iisdem uti fere re deam et abjectam ?» Qua? sic ab illo acta esse constatât
licebit, alias contentius, alias snmmissius; omnique in in oculis, voce, gestu, inimici ut lacryinas tenere non pos-
re posse quod deceat, facere, artis et naturae est, scire,> sent. Hœc eo dico plnribus, quod genus boc tolum orato-
quid quandoque deceat, prudente. tes, qui sunt veritatis ipsius actores, re]iquerunt imi-
LVI. Sed haec ipsa omnia perinde smit lit agunlur. r. tatores aulem veritalis lûstriones occnpaverunt.
Actio, inquam in dicendo iin;i dominatur sine liac suni- il- LVII. Ac sine dubio in omni re vincit imitationem >e-
mus orator esse in numéro niillo potest; mediocris hac ac ritas sed ea si satis in actione etliceret ipsa per sese
instruclus, suminos scepe superare. Huic primas dcdisse se arte profcclo non egereinus. Veruui quia auimi permotio,
nous former à faction, l'art deviendrait inutile. e presque toute la tragédie d'Atrée. La douleur
et
Mais comme les mouvementsde l'âme que l'ac- e la pitié ont un autre ton; il est plein, ton-
et
tion surtout doit exprimer et produire au dehors, chant,
c entrecoupé, mêlé de gémissements
sont souvent confus et obscurs, il faut savoir les Malheureuse! où chercher encore une patrie?
dégager des ténèbres qui les environnent et s'at- Irai-je supplier les filles de Pélie,
tacher aux traits saillants qui les produisent au Ou d'un père eu fureur embrasser les genoux?P
dehors. La nature a donné, pour ainsi dire, à o bien encore
ou
chaque passion sa physionomie particulière, son O Troie! ô ma patrie! o palais de mon père
accent et son geste. Notre corps tout entier, notre
ce ce qui suit
et
regard, notre voix résonnent comme les cordes
d'une lyre au gré de la passion qui nous ébranle J'ai vu dans Ilion en flammes
Priam par le fer égorgé
et comme les tons de l'iustrument varient sous la
main qui le touche, ainsi l'organe de la voix pro- I crainte s'exprime d'un ton bas, tremblant
La
duit des sons aigus ou graves, pressés ou lents, soumis
s
forts ou faibles, avec toutes les nuances intermé- Pauvre, exilé, souffrant, tout m'accable à la fuis;
diaires. De là naissent les différents tons, doux La peur trouble mes sens et ma raison s'égare.
Quelle mort, quels tourments, hélas! on me prépare!
ou rudes, rapides ou prolongés, entrecoupés ou Est-il quelque mortel qui, sans pâlir d'effroi,
continus, mous ou heurtés, affaiblis ou enflés Put contempler les maux prêts à fondre sur moi?
toutes ces inflexions diverses de la voix, ont I ton de la violence est énergique, impétueux
Le
Desoin d'être employées tour à tour avec mena- précipité menaçant
I
gement, et l'art peut les régler; elles sont pour
Eh quoi! Thyeste encore ose approcher d'Atrée!
l'orateur comme les couleurs qui servent au Il ose réveiller mon courroux endormi!
peintre à varier ses tableaux. Je saurai te dompter, implacable ennerni.
LVIII. La colère a son accent, qui est prompt, Osons plus que jamais inventons des tortures
vif et coupé comme Qui déchirent son cœur et vengent mes injures.

Ce frère sacrilège, outrageant la nature,


L'accent
J de la volupté est doux tendre, et plein
Veut que le corps d'un fils me serve de pâture d'abandon;
i il respire la joie et le calme.
Voyez encore ce passage, rapporté déjà par An- Pour l'hymen qui s'apprête apportant la couronne,
toine Elle me la présente, et pourtant vous la donne;
Et lorsqu'elle paraît choisir un autre époux,
Avez-vous bien osé vous séparer de lui? C'est un détour adroit pour se donner à vous.
et cet autre La
] douleur qui ne cherche point à inspirer la pi-
Ne l'enteudez-vonspas? Qu'on l'enchaîne tié,
t s'énonce d'un ton grave et uniforme

quse maxime aut declaranda ant imitanda est actione, Quo nunc me vertam ? quod iter incipiam ingredl?
pertnrbata snepe ita est, ut ohscuretur, ac paene obruatur, Domum paternaume? anne ad Peliœ flllas?
discutienda sunt ca quœ obscurant, et ea, quse sunt emi. etilla,
e ·
nentia et promta, sumenda. Omnis enim motus animi O pater o patria! o Priami domus
suum quemdam a natura habet vultum, et sonum, et
e qnae sequuntur,
et
gestum; lotumque corpus hominis, et ejus omnis tultus,
omnesque voces, ut nervi in fidihus, ita sonant, ut a H;ec omniavidi inflaromari
motu animi quoque sunt pulsœ. Nam voces, ut chorde Priamo vi vitam evitari. t
sunt intenta, quae ad quemque tactum respondeant acuta, Aliud metus demissum, et lrcsitans et abjectum,
gravis; cita, tarda; magua parva; qnas tamen inter omnes Multi'
f modis sum circumventus, morbo, exsilio, atque inoplai
est suo quaeque in genere mediocris. Atque etiam illa. sunt Tum
1 pavor sapientiam mihi omnem exanimato expectorât
ab his delapsa plnra genera, lene, asperum; contractum, Aller terribilem mlnitatur vit£e cruciatum et necem,
dilTusum continenti spiritu, intermisso; fraclum, seis. Quœ
< nemo est tam lirino ingenio, et tanta confidentia,
sum; flexo sono altenuatura inllatum. Nnllum est enim Quin
( refuglat timido sanguen, atque exalbescat metu.
horum simili uni generum, quod non arte ac moderatione Aliud vis contentum, vehemens, imminens quadam in-
tractetur ni sunt actori, ut pictori, exposili ad variandum cilationegravitalis,
colores. Iterum Thypstfls Atreum attractum advenit,
LVIII. Aliud enim vocis genus iracundia sibi sumat tterum jam aggreditur me, et quietum exsuseitot.
acuturn, incitatum, crebro incidf ns, Major mihi mules, majus miscendum 'st malinn
Impius hortalur me frater, ut meos malis miser Qui illius acerbum cor contundam et comprimant.
Manderem natos. Aliud voluptas: effusum, lene, tenerum, hilaralum ac
etea.quœlududum, Antoni, protulisli, remissum,
Segregare abs te ausus Sed ndhl quum detulit coronam ob collocandas nuptias,
et Tibi ferebat, quum simulabat sese alterl dare;
Requis hoc onimadvertit? Vtncite Tum ad te ludiljunda docte et delicaledelulit.
cl Mreus fere totus. Aliud miseratio ac mœror flexibilc Alind molcstia sine commiseralione pi.ivc quidilaiu Il
|!«nuin, interruptum, llebili voce, uno pi'cssu ac sono obducttun
Dans le temps que Paris, par de coupables
nœuds outre
ou mesure; on se rendrait ridicule ou difforme.
Attirait sur nos murs la colère des dieux, C'est'le regard qui tour à tour tendu ou adouci,
Ç,
J'étais il m'en souvient, au moment d'être mère; lancé
lai puissamment ou égayé, peut traduire tous
Polydore en ce temps vit aussi la lumière.
lei mouvements de l'âme dans un juste rapport
les
LIX. Toutes ces inflexions de la voix doivent avec M le caractère des paroles. L'action est comme
être accompagnéesd'ungeste analogue non qu'il l'éloquence
i>^ du corps; elle doit donc être toujours
faille exprimer chaque mot à la manière des co- en er harmonie avec la pensée. Or, la nature nous a
médiens l'orateur n"a pas besoin de tout rendre d( donné les yeux pour exprimer ce que nous sen-
par la pantomime il lui suffira de marquer l'effet tons,
to comme elle a destiné à la même fin les oreil-
général de la pensée. Ses poses doivent être no- [e les du cheval, la queue et la crinière du lion. Ainsi
bles et mâles; elles doivent rappeler l'attitude du dl dans l'action, après la voix, la physionomie est
guerrier sous les armes ou même de l'athlète ce ce qu'il y a de plus puissant et ce sont les yeux
plutôt que celle du comédien sur la scène. Que la qui ql la gouvernent. La nature a donné à tout ce
main n'en veuille pas trop dire que les doigts qui q, tient à factionune force qui agit puissamment
suivent les paroles, sans chercher à en exprimer St sur les ignorants, sur la multitude, sur les barba-
le sens; que le bras s'étende en avant, comme n res eux-mêmes. Pour que les mots fassent impres-
pour lancer le trait de l'éloquence; que le pied si sion, il faut que l'auditeur connaisse la langue de
frappe quelquefois la terre, au commencementet celui c< qui parle; et souvent toute la finesse des
à la fin d'une discussion animée. Mais tout dé- pensées p, vient échouer contre des esprits qui man-
pend de la physionomie, dont le pouvoir réside qquent de finesse. Mais faction, qui peint les mou-
surtout dans les yeux. Nos pères en cela voyaient vements
yi de l'âme, parle un langage intelligible à
mieux que nous; car ils goûtaient peu les acteurs tous t( les hommes; car nous éprouvons tous les
sous le masque, fût-ce même Roscius. En effet, mêmes n passions; et nous les reconnaissons dans
c'est l'âme qui donne de la force et de la vérité à lesle autres aux mêmes signes qui nous servent à
l'action; l'âme dont le visage est le miroir, et dont les
le exprimer.
les yeux sont les interprètes c'est la seule partie LX. Cependant, de tout ce qui concourt au
du corps qui puisse rendre nos passions avec tou- succès
si de l'action oratoire, ce qu'il y a de plus
tes leurs nuances et toute leur mobilité; et l'on n'y important,
ii c'est la voix. Une belle voix est à dé-
réussira jamais, si l'on tient constammentles yeux sirersi mais quelle que soit celle que la nature
fixés sur le même objet. Théophrastedisait en par- nous n a donnée, sachons l'entretenir et en tirer
lant d'un acteur appelé Tauriscus, qu'il parlait le parti.
p Quels sont à cet égard les soins à prendre?
dos tourné au public, parce qu'en débitant sonCette C question est en dehors des préceptes ora-
rôle son regard était toujours fixe et immobile, toires ti qui nous occupent; seulement je pense qu'il
C'est donc le mouvement des yeux qu'il faut ré- een faut prendre beaucoup. Mais une observation
qui
gler avec le plus grand soin; quant à l'expression q entre davantage dans le sujet de notre entre-
des traits, on ne doit pas chercher à la varier t tien et que j'ai déjà faite, c'est que dans beau-

Qua tempestateParis Helenam innuptisjunxit nuptiis, tum


\< remissione, tum conjectu, tum bilaritate, motus ani-
Ego tum gravida, expletis jam 1ère ad pariendum mensibus;morumn significemus apte cum genere ipso orationis. Est
Ver idem tempus Polydorum Hecuba partu postremo parit. enim
e actio quasi sermo corporis quo magis menti con-
LIX. Oinnes autem hos motus subsequi debet gestus, gruens esse debet. Oculos autem natura nobis, ut eqno
non hic verba exprimens, scenicus, sed ùniversam rem e i el H
leonijubas,caudam, aures, ad motus animorum decla.
dedit. Quare in hac nostra actione secundumvocem
et sentenliam non demonstratione, sed significatione de- randosr
i
clarans, lalerum intlexione hac forti ac virili non ab soena vultus valet is autem oculis gubernatur. Atque in iis om.
et histriouibus, sed ab armis, aut etiam a palaestra. Ma- nibus,
r quœ sunt actionis, inest qua?dam vis a natura data
nus autem minus arguta, digilis subsequens verba, nonn quare < etiam bac imperiti, bac vulgus, bac denique barbari
i
exprimens brachium procerius projectum quasi quoddam maxime t commoventur. Verba enim ncmincm movent, nisi
lelum orationis; supplosio pedis in contentionibusaut in-i- eum,
t qui ejusdem liuguae societateconjunctus est senten-
cipiendis, aut finiendis. Sed in ore sunt omnia. ln eo au- tliœque saepe acutse non aculorum hominum sensus pi'^e-
tem ipso dominâtes est omnis oculorum quo melius no-tervolant t actio, quae prœ se motum animi fcrt, omnes
stri illi senes, qui personatum, ne Roscium quidem,movet; i iisdem enim omnium animi motibus concitantur,
et
magnoperelaudabant.Animi estenimomnisaclio.etimagoo ( eos iisdem notis et in aliis agnoscunt, et in se ipsi in-
-
animi vultus est, indices oculi nam haec est una pars cor- < dicanl.
t
poris, quae, quoi animi motus sunt, tot sigmificationes et LX. Ad actionis autem usum atque laudem, maximam
commulationcs possit efficere neque vero est qnisqnam, sine dubio partem vox obtinet quae primum est optanila
qni, eadem contuens, efficiat. Theophrastusquidem, Tau-i- nobis deinde, quîecumque erit, ea tucnda. De quo illud
riscnm quemdam, dixit, actorem aversum solitum essee jam nihil ad hoc prsecipiendi genus, quemadmodumvoci
dicere, qui in agendo contuens aliquidpronuntiaret. Quare e serviatur equidem magnopere censco sei'viendum sed
oculorum est magna moderatio. Nam oris non est ninliuuiu illud videtur ab hujus nostri sermonis officio non abhor-
ïï
irmtandaspecies, ne aut ad ineptias, aut ad pravitatem rcre, quod, ut dixi paullo ante, phuïmis in rebus quod
maxime Mt utile, id nescio quo pacto etiam'dccet maxime.
nliquam deferamur. Ocnli sunt, quornm tum intentinne,
coup de choses ce qui est le plus utile est en >Ue méthode est tout à la fois utile et agréable,
(
même temps, je ne sais par quelle raison, ce qui Selater en cris dans le commencement d'un dis-
<

a le plus de grâce. Rien ne soutient mieux, en (eurs a quelque chose d'étrange et de choquant;
effet, la voix, que d'en varier les inflexions; rien :t en même temps cette ascension graduelle de
<

ne l'épuisé plus vite, qu'une déclamation tendue la voix est propre à la fortifier. Ensuite, dans les
et monotone. Qu'y a-t-il de plus propre à flatter notes élevées de la voix, il est un dernier point,
l'oreille, et à rendre le débit agréable, que la voisin des sons aigus, auquel laflûte ne vous lais-
succession variée des tons? Licinius, homme ins- sera jamais arriver; et même, si vous en appro-
truit, et votre client, Catulus, a pu vous dire chez, elle vous forcera de descendre. La voix,
que C. Gracchus, dont il a été autrefois l'esclave en s'abaissant, trouve aussi des sons graves,
et le secrétaire, faisait cacher derrière lui, lors- auxquels il ne faut arriver que par degrés. Cette
qu'il parlait en publie, un musicien habile qui lui variété et ce passage successif de la voix par tous
donnait rapidement le ton sur une flûte d'ivoire les tons, la conservent, la soutiennent, et don-
pour relever sa voix si elle venait à baisser, ou nent de la grâce au débit. Mais vous laisserez au
pour le ramener à la suite d'éclats un peu vifs. logis te joueur de flûte, et vous vous contenterez
J'ai entendu citer le fait répondit Catulus, d'apporter avec vous au forum l'esprit de la mé-
et j'ai souvent admiré l'ingénieuse précaution de thode.
cet homme célèbre, ainsi que ses talents et son J'ai rempli ma tàche, non comme je l'aurais
savoir. -Quant à moi, reprit Crassus, j'ai la même voulu, mais comme je l'ai pu, dans le temps qui
admiration pour lui, et je regrette vivement que m'était accordé; car il y a une certaine adresse
des hommes tels que les Gracques se soient laissé à s'en prendre au temps de ce qu'on n'en dit pas
entraîner à une coupable et funeste politique. davantage, quand on ne trouve plus rien à
Mais dans un temps où l'on voit s'ourdir des tra- dire.
mes si criminelles, où les désordres qui pénètrent Mais il me semble, dit Catulus, que vous
dans l'État préparent la postérité de si pernicieux n'avez rien oublié; et, autant que j'en puis juger,
exemples, nous sommes réduits à désirer des vous avez exposé vos préceptesavectantdetalent,
citoyens semblables à ceux que nos ancêtres ne qu'au lieu de paraître avoir pris des leçons des
purent souffrir. Écartez, je vous prie, dit Grecs, vous semblez capable de leur en donner.
César, ces tristes réflexions et revenez à la flûte Pour moi, je m'estime heureux d'avoir assisté à
de Gracchus, dont je ne conçois pas encore bien cet entretien, et je regrette beaucoup que mon
l'usage. gendre Hortensius,qui est votre ami, n'ait point
LXI. – Toutes tes voix, reprit Crassus, ont un partagé ce bonheur. Un jour, je l'espère, il par.
médium qui est différent pour chacune d'elles viendra réunir tous les genres demériteque vous
c'est de ce point qu'il faut partir, pour monter venez de parcourir et d'exposer.
graduellement jusqu'aux tons les plus élevés. -11 y parviendra, dites-vous, reprit Crassus.

Nam ad vocem obtinendam nihil est utilius, quam crebra quiddam est; et idem illud ad firmandam est vocem salu-
mutatio; nihil pcrniciosius, quam eftusa sine intermissione tare. Deinde est quoddam contentionis cxlremuui (qnod
contentio. Quid ad aures nostras, et actionis suavitatem, tamen interius est, quam acutissimus clamor), quo te
quid est vicissitudine, et varietate, et coiutuutatiooc ap- lislula progredi non sinet et tamen ab ipsa contentione
tius ? Itaque idem Gracchus (quod potes audire, Catule, revocabit. Est item contra quoddam in remissione gravis-
ex Licinio, cliente tuo, litterato homme, quem servum simum, quoquetanquamsonorumgradibus descenditur.
sibi ille habuit ad manum) cum eburneola solitus est ha- Ha-c varietas, et hic per omnes sonos vocis cursus, et se
bere fistula, qui staret occulte post ipsum, quum concio- tuebitur, et actioni atïeret suavitatem. Scd tistulatorem
naietur, peritum hominem, qui inflaret celeiiler eum so- doini relinquetis, sensum hujus consuetudinis vobiscum
iium quo iltum aut remissura excitaret, aut a contentione ad forum deferetis.
revocaret. Ediili qnœ potui, non ut volui, sed ut me temporis
Audivi, mehercule, inquit Catulus, efsaepe sum angustiœ coegeiunt. Scitum est enim, causam conferre in
admiratus liominis quum diligentiam, tum etiam doctri- tempus, quum afferre plm-a, si cupias, non queas.
nam et scientiam. --Ego vero, inquit Crassus, ac doleo
quidem, ilios viros in eam fraudem in republica esse Tu vero, inquit Catulus, collegisti omnia, quantum
delapsos qnanquani ea tela texitur, el ea incitatur in civi- ego possum judicare, ita divinitus, ut non a Grœcis didi-
tate ratio Vivendi, ac posterilati ostendilur, ut eornm ci- cisse, sed eos ipsos haec docere posse videare. Me quidem
vium, quos noslri patres non Iule* uni jam similes ha- istius sennonis participein factum esse gaudeo; ac vellcm
t
here cupiamus. – Mitte obsecro, inquit, Crasse Julius ut meus gener, sodalis Unis. Hortensius, af'fuisset quem
quidem ego coufido omnibus istis laudibus, quas tu ora-
sermonem istiun et te ad Gracchi listulam refer; cujus tione complexus es, exccllentem fore.
ego noudum plane ralioncm mlelligo.
LXI. lu omni voce, inquit Crassus, est quoddam Et Crassus, Fore dicis? inquit ego vero esse jam
médium, sed suum enique voci liinc gradatim ascendere judico, et tum judicavi, quum, me consnte, in senatu
vocem utile et suave est. Nam a principio clamare agreste causam défendit Afrfcs, nuperque etiam magis, quiun
Je pense, moi, qu'il y est déjà parvenu. Je l'ai fond, une heureuse mémoire, une application
jugé ainsi lorsque, pendant mon consulat, il dé- infatigable. Quoique je m'intéresse à ses succès,
fendit la cause de l'Afrique, et surtout lorsqu'il je désire que sa gloire se borne à surpasser ceux
plaida dernièrement en faveur du roi de Bithynie. de son âge plus âgés que lui, comme vous l'êtes,
Non, vous ne vous trompez pas, Catulus; il ne il serait peu honorable pour vous de lui céder la
manque rien à ce jeune homme de ce que donne victoire.
la nature ni de ce que l'étude peut faire acquérir.
C'est une raison de plus pour vous, Sulpicius, et Mais levons-nous, et terminons cet entretien;
pour vous, Cotta, de travailler avec ardeur un il est temps de nous mettre à table, et d'aller
rival redoutable s'élance après vous dans la car- nous délasser enfin d'une si longue et si grave
rière il unit à un génie brillant un savoir pro- discussion.

pro Bilhyniap rege dixit. Quamobrcm recte vides Catule gnlari cui quanquam faveo, tamen illum setoti sum
nihil enim isti adolescentineque a natura neque a doctrina prastare cnpio vobis vero illum tanto minorem prœcur-
deesse sentio. Que magis est tibi, Cotta, et tibi Sulpici, rere vix nonestum est.
vigilandum ac laborandum non enim ille mediociis ora- Sed jam surgamus, inquit, nosqne curemus, et ait-
tor vestrœ quasi succrescil œtati; sed et ingenio peracri, qnando ab hac conlentione disputationis animos nostros
et studio flagranti et doctrina eximia et memoria sin- curamque laxemus.

NOTES DES DIALOGUES DE L'ORATEUR.

LIVRE PREMIER. ` lire, outre le beau morceau de Quintilien,livre n, chap. 16,


Icschap. 5 6 et 7 du brillant dialogue sur les Orateurs,
VII. Qtmm inveherelur in causant principum attribuéà Tacite.
consul Philippus. On peut voir, sur ces querelles entre
IX. Plura. detrimenta publicis rebus quant adju-
le consul Philippe et le sénat, ce que dit le continuateur
de Rollin, dans l'exposé des causes de la guerre Sociale, menta per homincs cloquentissimos imporlata. Voyez
dans le même dialogue de Oratoribus, chap.40, un mor-
livre xxxi. Outre plusieurs autres lois proposées par le tri. à peu près semblable, où l'un des intenocuteurs re-
bun Drusus, il voulait rendre au sénat le département des ceau à l'éloquence d'être née de la licence et du désor-
tribunaux,dontjouissaitdcpuislrente etunans Tordre des proche dre « Alnmna licenliœ, quam slulti libertatem vocabant,
chevaliers, en vertu de la loi Sempronia, et faire revivre seditiosinn, effrenati populi incitamentum, sine
la loi portée par Servilius Cépiun l'an 647, qui ordonnait cornes
nbsequio, sine servitute, contumax, lemeraria, arrogans,
que le droit de juger serait partagé entre les chevaliers et in bene constitutis civitatibus non oritur, etc. »
le sénat. Voyez aussi le Brutas chap. 47 50 etc., et les qua;
notes du traducteur. In urbanas tribus. On peut voir, sur le nombre et la
Ludorumromanorum diebtts. Les jeux publicsfaisaieut division des tribus, Denys d'Halicarnasse, Tile-Live,
une partie du culte chez les Romains. On les distinguait par Varron, Pline l'ancien, et les dissertations de Bnindin sur
le lieu où ils étaient célébrés ou par la qualité ou le nom
les tribns romaines, dans les Mémoires de l'Académie des
du dieu à qui on les avait dédiés. Ainsi il y avait les jeux Inscriptions.
rircensesefseenici, lehjeuxapollinaires,céréaux, floraux, XI. Charmadas. La plupart des éditions ont ici Car-
etc. Les principaux étaient ceux qu'on appelait ludi ro- neades. Voyez, sur cette erreur, les notes de Pearce, et
nwni, ou magni (Tite Live, 1 35). Ils furentinstitués par celles qui accompagnent l'édition in-4° de l'abbé d'Olivet,
Tarquin l'ancien, l'an de Rome 150. Ils se célébraient du tom. ], pag. 139 et suivantes; seulement nous croyons
4 au 12 2 septembre tous les travaux et les affaires publi- qu'Ernesti et Wetzel (Encyclonâdie der lateinischen clas-
ques étaient interrompus pendant leur célébration. siker, de Oraloi'e, Brunswick, 17%) ont eu tort de réta-
L. Crassus. M. Antonhis. C. Cotta. P. Sulpicius. blir aussi Charmadam dans cette phrase, ipsiim illum
Nous ne parleronspas des interlocuteurs qui figurent dans Carneademdiligentius audierat. Pearce et d'Olivet ne
ce dialogue et les suivants. Comme il est souvent question s'y étaient pas trompés.
d'eux ailleurs, et surtout dans \e£rutus, nous renvoyons XII. Hoc est proprium oratoris. oratio gravis et
le lecteur aux notes qui accompagnentces différents on-
ornata. Fénelon (Dialogue sur l'éloquence) se fait une
vrages, et qu'il serait inutile de répéter ici. Crassus et An. idée plus haute encore de l'éloquence
toine sont jugés par Cicéron, Brut., chap. 43 et suivants; que les anciens. Il
la considère que comme l'art de persuader la vérité.
Cotta et Sulpicius, chap. 88 etc. U en est de même des ne Il ne s'occupe que de la pensée, et proscrit tous les vains
orateurs et des personnages plus ou moins célèbres, cités
ornements; il ne veut que des beautés simples, faciles
par Cicéron dans le cours de ce traité. Nous ne nous ar- et naturelles; il est surtout ennemi de celte éloquence
rêterons qu'à ceux qui ne seraient pas nommés ailleurs.
qui ne va qu'à plaire. « D'ordinaire, dit-il, un déclama-
VIII. Neque mihi quidquam prœstabilius videtur teur fleuri ne veut que des phrases brillantes et des tours
quamposse dicendo. Sur la dignité du talent de l'ora- ingénieux ce qui lui manque le plus, est le fond des cho-
teur, sur les avantages et l'utilité de l'éloquence, on peut ses il sait parler avec grâce, sans savoir ce qu'il faot dire;
il énerve les plus grandes vérités par un tour vain et trop AVI. Nicanarum Colophontum. Nicandre, grammai.
orné. Au contraire, le véritable orateur n'orne son discours rien, poète et médecin, vivait vers la cent soixantième ol ym-
que de vérités lumineuses, que de sentiments nobles, piade, l'an 140 avant J. C., du temps d'Attale, surnommé
que d'expressions fortes et proportionnées à ce qu'il tâche Galatonicès, roi de Pergame. 11 était de Claros, petite
d'inspirer; il pense, il sent, et la parole suit. » – « II ne ville d'Ionie dans le voisinage de Colophon et son pèra
faut pas, dit-il encore, faire à l'éloquence le tort de penser se nommait Damnée. Il nous reste de lui deux poèmes in-
qu'elle n'est qu'un art frivole, dont un déclamateur se sert titulés l'un eripiaxi, l'autre 'Ak&çipiMtwx. 11 en avait
pour imposer à la faihle imagination de la multitude, et composéplusieurs autres, parmi lesquels on distinguaitdes
pour trafiquer de la parole c'est un art très-sérieux, qui Géorgiques, dont parle Athéuee eu plusieurs endroits, et
est destiné à instruire, à réprimer les passions, à corri- auxquelles se rapporte ce passage de Cicéron. 11 avait écrit
ger les muMiis, à soutenir ies lois, à diriger les délibéra- aussi l'histoire de l'Étolie où il avait habité longtemps, ce
tions publiques, à rendre les hommes bons et heureux. qui a fait croire à quelques critiques qu'il était Étolien;
Plus un déclamateur ferait d'efforts pour m'éblouir par les l'histoire de Colophon cette de la Béotie et quelques au-
prestiges de son discours, plus je me révolterais contre tres. Athénée, Macrobe Etienne de Byzance, le scholiaste
sa vanité; son empressement pour faire admirer son es- des Thériaques, et Suidas, parlent de ces divers ouvrages.
prit me paraîtrait le rendre indigne de toute admiration. Une phrase de Quintilien (quidp Nicandrum frustra se.
L'homme digue d'être écouté est celui qui ne se sert de la cuti Macer atque Virgilius x, i) nous apprend que
parole que pour la pensée, et de la pensée que pour la Virgile n'avait pas dédaigné de l'imiter, et ne l'avait pas
vérité et la vertu. Rien n'est plus méprisable qu'un par- fait sans/mit.
leur de métier, qui fait de ses paroles ce qu'un charlatan
faitde ses remèdes.» – Montaigne exprime avec la piquante XX. Corace nescio quo, et Tisia. Sur ces deux rhé-
naïveté de son vieux langage des idées conformes à celles teurs, ainsi que sur les rhéteurs et sophistes grecs qui les
de Fénelon « C'est aux paroles à servir et à suyvre, et suivirent, sur l'abus et les subtilités de la rhétonque, sur
les règles du langage et les progrès de l'éloquence chez
que le Gascon y arrive, si le François n'y peult aller. Je
veulx que les choses surmontent, et qu'elles remplissent les Grecs, etc., on lira avec beaucoup d'intérêt et de fruit
de façon l'imagination de celuy qui escoute. qu'il n'aye le chapitre cinquante-huitièmedu Voyage d'Anacharsis.
aulcune souvenance des mots. Le parler que j'aime, c'est On peut voir aussi, sur Corax et Tisias, les notes du Traité
de l'Invention, ii,2. 2.
un parler simple et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche;
un parler succulent et nerveux, court et serré; non tant XXI. Quantum auguror conjectura. « Ne pourrait-on
délicat et peigné, comme véhément et brusque. l'élo-
pas croire que Cicéron prophétise ici par la bouche d'An-
quence faict injure aux choses, qui nous détourne à soi. » toine, et prophétise sur lui-même ? Ce qui est certain, c'est
XIII. M. Marcellus hic noster. On croit que ce Mar- que tous les traits qu'il a rassemblés jusqu'ici paraissent
cellus est le père de celui pour qui Cicéron composa quel- lui convenir, et ne convenir qu'à lui seul. 11 était non-seu-
ques années après la fameuse harangue où il remercie lement le plus éloquent, mais le plus savant des Romains,
César d'avoir permis à ce sénateur de revenir de l'exil. et il a fait dire à Antoine, il n'y a qu'un moment, que rien
n'est plus propre à nourrir et à fortifier le talent de l'ora-
XVI. Aratum. Cicéron, dit Racine le fils, ne
parle ainsi, que pour relever un auteur qu'il avait traduit. » teur, que la multitude des connaissances. Quoique alors
celles que l'on pouvait acquérir fussent plus bornées
Cet éloge a cependant été répété depuis par Quintilien qu'aujourd'hui, cependant il n'a pas voulu dire, et lui.
(x, t), qui y met, il est vrai, quelques restrictions. Les
même en convient, que l'orateur devait tout savoir; mais
poèmes d'Aratus étaient en grande faveur à Rome. Ovide
t,
( Amor., xv) leur promet une grande durée, égale à il a soutenu qu'il était de l'essence du talent oratoire de
pouvoir orner tousles sujets, autant qu'ils en sont suscep-
celle des grands objets qu'ils célèbrent
tibles, et c'est précisémentce qu'il avait fait; car il avait
Cum sole ci Ittita semjter Aratua erit. écrit, et toujours avec agrément et abondance, sur toutes
Virgile et Manilius en ont emprunté d'heureux détails; les matières générales de philosophie, de politique et de
ils ont été traduits successivementpar Cicéron Germani- littérature. Il n'était nullement étranger à l'histoire, puis-
cas, Aviénus,peut-être aussi par Stace. Aratus naauit vers qu'il avait fait celle de son consulat; ni à la poésie, puis-
la cent vingt-cinquième olympiade; il était le Soles en Ci- qu'il avait composé un poème à l'honneur de Mari us. Ainsi,
licie contemporain de Théocrile,qui le cite honorablement grâce à l'amour du travail, qui était en lui au même degré
dans sa sixième idylle, il mérita la protection de Ptolémée que le talent, il était précisémentl'homme qu'il demande,
Plùladelphe et vécut dans la constante amitié d'Antigone celui qui ne se contente pas d'être exercé aux luttes du
Gonatas, fils de Démétrius Poliorcètes. Enfin les Pères de barreau, et aux délibérations publiques, mais qui peut
l'Église ont parlé de lui avec une profonde estime, sans écrire éloquemment sur tous les objets qu'il voudra trai-
doute parce qu'un de ses vers a été cité par l'apôtre saint ter. » La Harpe, Cours de littérature, tom. n.
Paul, natif comme lui de Cilicie dans son célèbre discourss
à l'Aréopage. (Act. Apost. xvn 28.) XXII. Cretio. Ce mot, selon le jurisconsulte Ulpien (lit.
Il avait composé un grand nombre d'ouvrages sur divers 22, qui hered. instit. possint) signifie l'espace de temps
accordé à un héritier pour se déterminer à accepter ou à
sujets; mais il n'est connu aujourd'hui que par son poëme refuser un héritage dont on le mettait provisoirement en
des Phénomènes titre sous lequel on a coutume de réunir
possession en ces termes Titius heres esta, cernito-
deux productions tout à fait distinctes. Il se recommande
que in diebus cenlwn proximis, quibus scieris poleris.
par la pureté et l'élégance de son style, plus que par le
mérite de l'invention et de la disposition; car il s'est con- que; nisi ila creveris, exhere&eslo. Voyez aussi Cujas,
Observât. vu 18; ix 29 etc.
tenté de mettre en vers les connaissances astronomiques
<le son temps, probablement comme il les avait trouvée» Staseas. Staséas était de Naples. Cicéron en parle ave»
dans les écrits d'Eudoxe, et de quelques autres. Aussi son plus de détail, de Finibus v, 3, 2û.
ouvrage est-il moinsprécieuxpour les littérateurs que,pour
les savants, auxquels il offre des renseignements utiles sur XXV. Raturant primnm atque ingenium. Horace
l'état de l'astronomie à cette époque. On peut consulter la a dit à ce sujet, Art poétique, vers 407
uoliee de Biilile sur Aratus, dans son édition de ce poète, et Natura fieret laudahite carmeu an arte,
l'article de M. Delamhre, uauB la Biographie universelle, (Jiiccsiturn est- Ego nec stiuïntm sine ilivite vrtia
NOTES LltS DIALOGUES
L.' DES
L>UJta 1)1*, L'ORATEUR, L1V.
DJAJAAjUI-.à DE 1.

Nec rude qmd possit video ingenium alterius sic saient


SI un tuteur qui avait mai administré les biens de son
Altera poscit opem res, et conjurat amice. pupille;
p mais si le défenseur du pupille demandait une ré-
Quintilien traite la même question dans ses Institutions paration
P et une amende plus forte que ne le voulait la loi,
liv. u, chap. 19. Nous remarquerons ici qu'il n'est pas ° le déboutait de sa demande, et le tuteur était déchargé
on
d l'accusation.
de
un seul point important, dans les dialogues de l'Orateur,
qui ne se trouve reproduit et développé dans Quintilien. XXXVII. Oujus pecuniœ dies fuisset. Suivant les lois
Son ouvrage, sous un certain rapport, peut être considéré romaines,
r' un créancier qui demandait au mois de juillet
comme un commentaire et une éloquente paraphrase de ce qui n'était dû qu'au mois d'août était condamné à une
celui de Cicéron. Les rapprochementsqui se présentent à amende
a considérable aux frais de la procédure, et il ne
chaque instant entre les deux auteurs seraient toujours pouvait plus se servir des privilèges accordés aux créan-
curieux et instructifs; mais par la raison qu'ils sont con- ciers
c cette loi se trouve encore dans les Pandectes,liv.
tinuels, il nous semble superflu de les indiquer. 11 suffit 5xliv, de Exceptionibtis.
de prévenir une fois pour toutes le lecteur, qui pourra les
faire lui-même. XL. C. Mancinum. Ce traité de Mancinus, et les évé-
La Harpe a donné du même ouvrage dans le tome il nements
r qui en furent la suite, se rapportent à l'an de
de son Cours de littérature, une analyse qu'on pourra IRome 615 et 616. On trouvera les détails de cette affaire
consulter. cdans le tome vm de
l'histoire de Ko] lin.
Marmontel montre aussi pour ce Traité la plus grande
admiration; il l'appelle son oracle il le cite à chaque ins- XLVI. Non tam caduceo. Les ambassadeurs romains
tant, et regrette de ne pas pouvoir le répandre tout en- f les féciaux portaient une baguette dorée, entrelacée de
et
tier dans ses articles sur l'éloquence. Il en tire toutes deux serpents elle rendailleur personne sacrée, et elle in-
il
ses théories sur l'art de la parole; en reproduit tellement
<
spirait
i la vénération et la crainte.
toutes les idées, qu'il semble le savoir par cœur. Voyez,
dans ses Éléments de littérature, tous les articles qui Si grammatieus.Les anciens n'attachaient pas
XLIX.
la même signification que nous an mot grammairien. ils
ont rapport à l'art oratoire. seulement sous ce nom celui qui s'oc-
ne désignaient pas
XXV. C. Cœlio,œqualimeo. Q. Varium. C.Célius cupe des principes élémentaires des langues le titre de
Caldus et Q. Yarius Hybrida sont jugés.par Cicéron dans grammairienavait chez eux un sens beaucoup plusétendu.
le Bruhts, l'un au chap. 45, et l'autre aux chap. 62, 89- C'était l'homme qui s'adonne à l'étude de la littérature et
des sciences, soit pour les enseigner, soit pour orner son
XXXIII. Vf, concitato navigio. Rien de plus juste esprit. C'était ce que nous entendons par homme de let.
ni de plus ingénieux que cette comparaison; rien de plus
harmonieux ni de plus élégant que ce style. Cicéron dans
tres, critique, érudit, philologue, etc.
une lettre à Atticus (xur, 21), fait une remarque intéres- LII. In maxima concione tuorum civium. La loi Sem-
sante sur le mot inhibuerunt « Inhibere illud tuum, quod pronia, portée par Caïus Grac#hus en 630, avait enlevé
valde milii arriserat, vehementer displicet. Est enim ver- les jugements aux sénateurs pour les donner aux cheva-
lium totum nauticum. Quanquam id quidem sciebam sed liers. Servilius Cépion (dont il sera parlé dans le second
arbitrabar sustineiï remos, quum inhibere essent remiges livre) fit passer, pendant son consulat, en 647, une loi
jussi.Id non esse ejusmodi, didici heri, quum ad villam qui ordonnait que le droit de juger serait partagé entre
nostram navis appelleretur. Non enim sustinent, sed alio l'ordre équestre et celui des patriciens. Les plus célèbres
modo remigant. Idab îjrayîj remotissimum est.Iniiibi- orateurs montèrent à la tribune et le passage qu'on vient
tio autem remigum motum habet, et vehementiorem qui- de citer est tiré du discours que prononça Crassus en fa.
dem, remigationisnavem convertentisad puppim. Pearce, veur du sénat. Cette loi n'eut pas d'exécution, ou
ne fut
d'après ce texte, voulait lire ici quum rémiges sustinue- pas longtemps en vigueur, puisque, l'an 662, la même
runt. Mais ce texte même prouve que Cicéron à l'époque proposition fut faite par le tribun Drusus. Yoyez le Bru-
où il écrivit les dialogues de l'Orateur, n'avait pas encore lus, chap. 34, note 71.
fait cette observation; ils sont de l'an 698, et la lettre à
Atticus est de l'an 708. Le savant Anglais supposait peut- LUI. In procinctu. sine libra alque labulis. Pour
ëtre que Cicéron changea depuis quelque chose à cet en- expliquer l'allusion comprise dans les mots latins sine li-
I
droit nous trouvons ailleurs d'autres exemples de ces bra atque tabulis, nous ne pouvons mieux faire que
corrections faites par l'auteur lui-même. d'emprunter le passage suivant du savant ouvrage de M.
Ducaurroy, les Inslitules expliquées.
XXXIV. C. Carbonem. Sur C. Carbon, qui avait été « La transmission de l'hérédité ne s'opérait chez les
tribun du peuple en 622 et consul en 633 voyez Brutus,
chap. 27, et la note 54 du traducteur. » anciens Romains que par nn acte législatif. Les premiers,
« testaments ne
furent que des lois privées par lesquelles*
Non mihi displicet adhibere. islam locorum ratio- « le peuple, sur la proposition de chaque citoyen, sanc-
nem, quœinarte traditur. Cicéron parle plus au long de lai « tionnait l'institution des héritiers choisis par ce dernier.
mémoire artificielle à la fin du second livre; mais les dé-• « Aussi les testaments se faisaient-ils calatis comitiis •
tails les plus singuliers qu'il nous ait transmis sur cette mé- « c'est-à-dire dans une assemblée de comices, qui, deux
thode, se trouvent dans neuf chapitres du troisième livree fois par an, se tenait pour cet objet spécial. Pendant la
de la Rhétorique à Hérennius, chap. 16 et suiv. Il pa- « guerre, les citoyens prêts à entrer en campagne, n'at-
rait que les Grecs, inventeurs de cet art, ne conservèrentt « tendaient pas, comme en temps de paix, l'assemblée des
point les nombreux ouvrages où leurs ancêtres en avaientt comices; ils testaient in procinctu c'est-à-dire, devant
dêve.oppé ..es règles (adHercnn., m, 23), car M. Mai a l'armée ;CîTprocinctus, dit Caïus (2 Inst. loi), estexpe-
publié dernièrement une assez mauvaisetraduction grec.: « dilus et armatus exercitus.
que de ces neuf chapitres entiers, d'après un manuscritt «
Il arrivait souvent que les citoyens ne pouvaient pas
de la bibliothèque Amhrosienne. C'est là sans doute l'ori. « attendre l'occasion de tester, soit dans l'assembléedes co-
gine d'un prétendu traité de Cicéron de Memoria artili.n « mices, soit in,prociMC?M;etpour]eurdonnerunmoyen
ciali, dont quelques savants ont parlé.
XXXVf. Turpi tutelœ judicio. Les Romains punis. i Du mot grec xa>£Tv, les Latine ont tiré calare appeler, conv«-
quLT.
SOTES DES DIALOGUES DE L'ORATEUR, UV. II.
– - –

prudents introduisirent
« plus facile de tester, les une écrivit sur les maladies des chevaux. Ce second Magon,
« vente de l'hérédité ou du patrimoine que l'on transféra ou peut-être un troisième a écrit vingt-huit livres sur l'a
« par mancipation. Telle fut l'origined'une troisième espèce griculture. Varron Pline et Columelle le citent souvent et
« de testament per ces et libram, que la désuétude des s'appuient de son autorité. Son ouvrage fut, dit-on. pré-
« deux autres laissa seule en usage mais qui tomba plus servé des flammes, et envoyéà Rome par Sci pion Émilien,
« tard elle-même dans une désuétude partielle. après la prise de Carthage. Le sénat le fit traduire de la
ici sa forme primitive et ses langue punique en latin, par DécimusSilanus. JI parait que
« Tl importe de retracer
« différentes modifications. les Romains en faisaient grand cas, et qu'il était souvent con-
« Pour la
confection d'un testament, comme dans tout sulté, quoique Caton eût déjà écrit sur les mêmes matiè-
« antre but, la
mancipation se faisait entre deux parties res. Il fut aussi traduit en grec par Dionysius Cassius,
« contractantes,
le vendeur et l'acheteur, en présence de surnommé d'Utique, et non pas par Caton d'Utique. Ser-
a six assistants pubères et citoyens romains, dont cinq té- vius dit que Virgile, dans ses Géorgiques, a souvent puisé
« moins et un
porte-balance appelé libripens. Le testateur dans l'ouvrage de Magon.
déclarait vendre et transférer/amiiiam suam à une per-
• sonne qui se portait acheteur en termes solennels, et LX. Tardiores tibicinis modos. esse facturum. De
pour prix de la vente remettait au vendeur un lingotdud'ai- quelle manière la flûte accompagnait-elle la voix des ac-
li- teurs sur les théâtres anciens, et jusqu'à quel point le
« rain, dont elle touchait préalablement la balance
bripens. (Caius, î Inst. 104). On voit d'après cela pour- chant et la musique se joignaient-ils à la déclamation théâ-
quoi l'on désignait comme fait per tes et libram le tes- trale c'est une question qui n'a jamais été bien éclaircie,
tament qui résultait d'une mancipation,et pourquoi l'on et qu'il est peut-être impossible de résoudre, comme toutes
appelait empter familiœ la personne à qui le testateur celles qui ont rapport à la musique des anciens. Le passage
« mannipait .AunUJam suam, c'est-à-dire, son hérédité de l'Art poétique d'Horace, Tibia non ut nunc, etc. ( v.
ouEffectivement,
l'ensembleet la totalité de ses droits » 202) n'explique pas la difficulté. On peut voir ce que dit
dans l'origine, on mancipait directe- à ce sujet Marmontel (Éléments de littérature article DÉ-
«
« ment à la personne que
î'on voulait avoir pour succes- CLiMiTios théatr»i.e). 11 cite l'opinion de l'abbé Dubos et
seur, et l'héritier n'était autre que Yempior familiœ. celle de l'abbé Vatry. On consultera avec plus de fruit le
i. Mais ensuite on reconnut qu'il était dangereux pour le chapitre soixante et dixième du foyaged'Anacharsis tt
a testateur d'instiluer, avec tant de publicité, un acheteur, les notes qui y sont jointes.
dont le titre trop certain pouvait même être considéré LXII. TumScœvola. Cicéron, dans
irrévocable et bientôt celui-ci ne fut plus qu'un ses Lettres à Attlcus
« comme
intermédiaire entre le testateur et le véritable héritier. (iv,16), nous apprend pour quels motifs il n'a pas fait
«
« Y y eut
toujours nn emptor familiœ; on continua de lui assister Scévola à l'entretien suivant.
«
manciperla/atuifeon l'hérédité, mais seulement pour
« la remanciper,
après la mort du testateur, à une ou plu
« sieurs personnes
dont celui-ci inscrivait le nom sur des
« tablettes qu'on
appelle tabula testamenti. Le testateur, LIVRE SECOND.
« tenant ces
tablettes à la main, en confirmait le contenu
« par une
déclaration solennelle, en invoquant le lémoi- III. Q. Calulus senex, cum C. Julio fratre. Us étaient
« gnage des assistants. Dès lors le testament ne consista fils de la même mère, Popillia (chap. 11). On peut voir sur
« plus uniquement dans une mancipation; on distingue la
ces deux orateurs le Brutus, chap. 35 48.
« mancipation proprement dite, et la mancipation par la-
« quelle le vendeur fait la désignation verbale, on con. V. Discum audire malunt.. qui simul ttt increpuit.
l'hérédité Je regrette de n'avoir
i firme la désignation écrite d'un héritier, à qui pas eu plus tôt connaissance de la note
« doitêtre remise par Y emptor familiœ en sorte que la suivante, qui m'eût fait rectifier une erreur dans laquelle
« mancipation n'était plus, à l'égard de ce demier.-qu'une je suis tombé après tous les interprètes et tous les criti-
« vente fictive. » ques, sans exception, qui se sont exercés sur le de Ora-
tore. Cette note trouve à la suite d'un petit poème, en
Kutilius. ipse et sensit ctfecit. Voyez sur l'affaire de vers latins purs etse élégants, sur la vie de Collège (vita
Rutilius Brut. ch. 30, et la note qui y est relative. Scholaslica) publié par M. Rossignol, agrégé de l'univer-
LVII. Si verba non rem sequeremur. Cicéron expose
sité, et philologue très-érudil.
ici ce qu'il fit lui-même en plaidant pour Cécina. Voyez « Pour appeler les baigneurs répandus dans les vastes
qui entouraient les bains, les anciens se ser-
ce plaidoyer, chap. 1 et suiv. Il y rappelle le discours de gymnases
Crassus prononcé, dit-il, paullo ante, quam nos in fo-
vaient d'une espèce de disque ou de tam-tam, peut-être
aussi de métal composé, pour que les vibrations en fus-
rum venimus. seut plus sonores c'est dans une lettre de Marc-Aurèleà
In illa militis causa. Il était question d'un père qui, Fronton que j'en trouve la preuve. Marc-Aurèle parle d'un
ayant reçu une fausse nouvelle de la mort de son fils, qui entretien familier qu'il a eu avec sa mère vere la fin de la
était à l'armée institua héritier nn de ses collatéraux. journée, et qui a été interrompu par le bruit d'un disquee
Voyez plus haut, chap. 38. annonçant que l'empereur venait de passer dans le bain.
Dum ea fabulamur, atque altercamur uter alterum ves-
LVIII. Magonis Carthaginiensis. On croit qu'il y a eu «trum magis amaret, disais crepuit, id est, pater
moins deux écrivains carthaginois du de Magon meus in
au nom halneum transisse nunliatusesl1. >» Le mot Discus est
l'un grand voyageur, qui, selon Athénée, fit trois fois le évidemmentl'équivalentdu mot œs dans ce vers de Mar-
tour du globe. 11 appartenait à l'illustre famille Barcée, tial
et commanda les troupes carthaginoises. L'autre auteur du
même nom dit l'oinsinet de Sivry traducteur de Pline Redde pilam, sonal <es thermarum luden pergû*.
Le passage de Fronton nous dftmte l'explicationnaturelle
C'est dan» ce sens que la loi n>s Douze Tables employait le mot
te
lamilia, lorsque appelant sgnats » VMrMIté «Ile disait Vroii- Front, au M. Cm 1 s.
«MJ açftatm famtltilm Ituficto. a Mari 14, les.
d'une phrase de Cicéron mil comprise jusqu'à présent et mains,
n aient en le sentiment de l'harmonie poétique. Virgile
1. porta au plus haut degré de perfection mais Virgile n'é-
en emprunte luimèine une éclatante eonllriiwtiun. Cras- la
sus, dans le de Oratore, se plaint de ce qu'on a détourne crivit
c qu'après Cicéron et c'est peut-être an grand orateur
les gymnases de leur destination première, et ïl ajoute qu'on
q doit le grand poète.
« Nam et sfeculis
multis ante gymnasia inventa sunt,
X. Ut ait ille in Trinu?n)no. Dans la pièce de Plaute,
quam in Iris philosophi garrire cœperunt et hoc ipso tem- rappelle ici Catulus, un valet, enchante de ce qun
pore, cum omnia gymnasia philosophi teneant, tamen que q
vient de oire un des personnages appelé Lysitelè* s'écrie
eorum auditores discum audire quam puilosophum ma- ('(ael. v~

lunt; qui simul ut incrcpuit, in media uratione de maxi- ni se. n)


mis rebus et gravissimis disputantem philosophum omnes Aon enimpossum, qutn exclament Eurje euge L'jtitfU*,
unctionis onusa reliquerunt. » Oi tous les commentateurs ïtoXtv.
Facilepalmam habes, hic victus: vicit tua conteedia.
et tous les traducteurs que je connais ont vu dans le mot
discum l'instrument du discobole, et dansuncftnnis l'w TumAntonhis. «Lorsqu'onse rappelle la prédilection
sage où étaient les lutteurs de se frotto d'huile avant qu'avait Cicéron pour la secte des académiciens, qui avait
d'engager la lutte. Mais d'abord il est évident qu'il s'agit pour principe de discuter beaucoup et d'affirmer peu, et d«
ici d'une seule et même circonstance; en second lieu, reconnaître bien plus de choses probables que de choses
l'instrument du discobole faisait-il du bruit, et ce bruit démontrées, on n'est pas surpris de voir Antoine revenir
scrait-it «primé avec propriété par increpuit P Knliu le presque entièrement à l'avis de Crassus, et avouer. en
mot unclio se dit moins souvent de la lutte que du bain. badinant, qu'il n'a vuulu qu'essayer, dans sa réfutation.
ïl jie faut donc voir dans discum que le tam-Uinj qui ap- s'il lui enlèverait ses deux jeunes disciples, Sulpicius et
pelait les baigneurs, et dans unctionis que le bain lui- Cotta; mais qu'actuellement,devant les nouveaux audi-
même, an faction de se parfumer au sortir du bain. » teurs qui leur sont arrivés, il ne songe qu'à dire sineèiY-
VI. Persium. Voyei iJni{.,chap. îO,ct «fc Finilms, 1,3. ment
ce qu'il pense. La
Harpe, Cours de Littérature
u.
Vit. Qum mendacio nixa sit,
s'appliquesurtout
qtucopiniones.Ce
qu'on était
à l'usage
tome

XI. Quum ul/s le est Popillia laudata. Selon plular-


que dit ici Antoine
obligé de faire de l'éloquence dans les anciennes républi- que, dans la Vie de Camille, longtemps avant Popillia,
avait prononcé les éloges funèbres de quelques oanifs
ques, au milieu de la corruption des mœurs et du déchaî- on
nemcnt de toutes les passions. Aussi, dit Marmontel, romaines, qui avaient donné leurs bijoux pour accomplir
Cicéron a beau dire que l'éloquence, la sagesse, la probité un vœu fait en l'honneur d'Apollon. On peut concilier cei
doivent aller ensemble; il n'est pas moins vrai que les li- deux auteurs en disant que l'usage de louer sur la tribune
toutes les femmes de qualité, même celles qni n'avaient
vres de (' Orateur sont comme un arsenal on la bonne et lajamais rien fait d'éclatant hors de
mauvaise foi, la vérité et le mensonge, la justice et la leur ménage commença
fraude trouvent également des armes. On y voit (ajoute-t-il, à Popifiia. (Desmeuniers.) – Dans la suite, Auguste pro-
dans le temple de César, l'éloge de sa swur Oçla-
en parlant des orateurs romains), que le juste et l'injuste, nnnça

à leur éloquence des moyens de troubler des


le vrai le faux, le crime, l'innocence, tout leur était indif- vie et Xéron sur la tribune celui do Poppée dout il fut
férent qu'une bonne cause était pour eux celle qui prctailsuccessivement l'amant, l'époux et l'assassin. Voyez Es-

juges, de leur faire oublier les lois,et de les remuer au1


point que la passion, dominant leur raison et leur vo- tius
sai sur tes Étoges, ebap. 10 et 11

Quam contra cùllegnm censor habiiit. C'était Domi-


Ahénobarbus, qnadrisaïeul (atavus) de l'empereur.
lonté même, dictât seule leur jugement. Antoine, dans leNéron. H fut censeur l'an de Rome 002. Voyez Pline sm
même dialogue (n, 4", 48), avoue àSulpicius, qu'il a1 Valèrc Maxime, ix, 1.
gagné contre lui la plus mauvaise cause, et il dit comment
XII. Ulnoster Cato,ul Victor, ut Piso. L'histoire a
il s'y est pris, comment il a fait succéder la douceur à lala
véhémence, comment il a triomphé de l'accusation plus eu
Partout
son enfanoe comme tous les antres genres de littérature.
par l'émotion des âmes, que par la conviction des esprits.
C'est une étude intéressantepour l'oialenr, et plus sérieuse
encore pour les juges, que de voir, dans ces livres de rhélo-
sa
les
elle a commencé par de simples annales; partout
marche a dû snivre le développementde l'esprit humain,
progrès de la civilisation et des lumières. On me per-
rique, de combien de manières on peut s'y prendre pour inellra de citer, sur les diverses révolutions que subit la
les séduire les étourdir, les égarer dans leurs jugements manière d'écrire l'histoire quelques réflexionsjudicieuses
de M. Patin professeur de poésielatine à la faculté des let-
et soulever en eux toutes les passions contre l'équité natu-
relle. » Éléments de littérature. tres: Quand les hommes imaginèrent de, suppléer par de*
monuments à l'incertitude des traditions, l'histoire pri
VIII. Quod carmen artificiosa verbormn conclusione naissance; mais le devoir d'os liistiitiens se bornait d'ahuri
nplius ? On peut s'étonner d'abord de voir Cicéron préfé- bien peu de chose. De simples annales, destinées a cou
rer à l'harmonie des vers le noinln-e d'une période bien ca- server la mémoire du fait, du temps, du lieu, des person
le nages, c'était là toute leur tâche. Tels furent chez les Grecs,
dencée maisjl est vraisemblable qu'il ne parle ici que de
la poésie romaine, telle qu'elle était de son temps. Les
Grecs, doués d'une extrême délicatesse d'organes
sensibilité exquise pour la mélodie ne concevaient pas la
et
d'une
es au rapport de Cicéron Phérécydc Hcllanicus AniMlas
beaucoup d'autres; tels furent, chez les Romains, Caton,
la Fabius Pictor et Pison; tels furent, dans les temps moder-
poésie indépendamment de l'harmonie et du chant. 11 n'en nes tous tes faiseurs de chroniques. Ils étaient bien l'iin
fut pas de même chez les Romains. Ce qui nous reste d'En- n- de vouloir plaire en instruisant, et peut-être bien lcill df
nius et de leurs anciens tragiques, peut nous dire juger °r vouloir instruire; ils ne se proposaient que d'aider la mé-
que leur première poésie se recommandait beaucoup moire tt de guider la tradition, plutôt que de la rempla-
plus
par l'énergie et l'élévation, par la force des pensées, la la cer. Mais après la longue enfance des sociétés, arriva, par
justesse de l'expression, et même la grandeur uVs images
poétiques, que par le nombre et l'harmonie. Les discours
de Cicéron sont les premiers modèles de la langue
la
une
de
latine
re
marche toute naturelle, l'âge de la civilisation et de
politesse. On crut voir dans l'histoire un moyen «ertain
plaire, en présentantà la rois une instruction solide De*
ou ces qualités se manifestent. Catulle et Lucrèce, ses es orateurs, que des raisons particulières éloignaient de la
contemporains paraissent les premiers qui, chez les Ko. tribune et du barreau, racontèrent le« actinnu dignes il»
mémoire proche
ils le firent en orateurs. L'histoire ne fut plus, de manquer d'ordre et d'étendue dans
son histoire
comme dans ses premiers commencements, une suite de d'Athènes. Il mourut dans la vin gt et unième année de la
dates et de noms propres, une simple nomenclature; guerre
elle du Péloponèse, c'est-à-dire, vers l'an 410
avant
devint une scène vivante, où chacun parut avec son ca- J. C. On peut consulter sur ces trois historiens, et
ractère, ses vices et ses vertus; les événements ne furent qui sont nommés ensuite le Voyage d'Anacharsis sur
t ceux
chap.
plus seulementindiqués, ils furent racontés, développés, 65, et le traité de Vossius sur les historiens
grecs.
<?x|>osésaux yeux du lecteur; on les suivit avec intérêtt XXiV. Sœceptaretas.rcctpfo.Onauraitputraduire
dans des récils vifs, animés, dramatiques; on devint, se-
lon l'expression du poëte, cette phrased'une manière aussi exacteet plus «incise
disant Ils méritent le reproche d'avoir en
ou négligé leur
Contemporain de tous les âges, œuvre me trahi leur mission; ou bien encore ils méritent
Et citoyen de tous les (ieux. d'être acaesés soit de négligence à l'égard de l'affaire,
On eut des Hérodote, des Thucydide, des Xénophon des soit de déloyauté à l'égard du client.
Sallusle des Tite-Live et des Tacite. Mais déjà avait paru
XXVHT. Excitare retira amndwem.n'. Aquillius
parmi eux un historien qui devait faire révolution dans lax
manière d'écrire l'histoire. polybc, en racontant les guerres
j général d'un mérite et d'une.bravoure signales. 11 avait
terminé (fan
Puniques, ne s'attacha pas seulement à retracer les faits cile. Mais, de Rome 651) la guerre des esclaves en Si-
dit Rollin comme il ne se piquait pas de
avec exactitude, il voulut en développer les causes. Guidé bité aussi bien courage,
pro-
par cette idée philosophique que la plupart ries événements que de i! fut, trois ans après,
accusé de concussion, et n'échappa à l'exil
de ce monde ne sont pas le fruit du hasard, mais le résul- que par l'élo-
tat presque inévitable de la ïorce des choses qu'ils arrivent quence entrainante d'Antoine. Il avait été collègue de
le plus souvent, parce qu'ils doivent arriver; il chercha il
( Marins dans son cinquième consulat. Antoine (chap. 47)
parle
faire voir que la chute de Carthage et l'agrandissement de même affaire,
avec détail de sa défensed'Aquillius. Voyez, surcette
Cicéron, Verrines, v,
Rome étaient des conséquences nécessaires de la constitu- 1

tion (les deux républiques il le prouva par le tableau com- Hominem seditiosumfuriosumque. Voyez plus bas la
paré de leur gouvernement de leur puissance de leurss note du chap. xlvii.
ressources. Cette manière d'envisager l'histoire ne
i'iit pas
XXXVII. Carneadem et Crilalaum. Caméade était de
perdue pour les modernes. Les anciens n'avaient «ufcie faitt secte académique Diogène, de la secte stoïque; et Cri-i-
que l'histoire des hommes; ils entreprirent de faire aussi tolaüs, péripatéticien. Les auteurs ne sont pas d'accord
l'histoire des choses. L'histoire d'un peuple ne lui donc sur l'époque précise de leur
voyage à Rome. On le place
plus seulement celle de ses maîtres, de ses ministres, de vers les dernières années de la seconde guerre Punique.
ses généraux de ses grands hommes elle devint encore Voyez, surlesmotifsde leur ambassade, Rollin, Histoire
celle de ses institutions,de ses minus, de ses idées. liien- ancienne, tomes et
îx xi.
totle te domaine de l'histoire s'agrr.uditencore.Dtc)~ se
borna plus aux annales d'une seule nation elle embrassa Sieut Zellnis ille Paewiianus. Euripide avait
corn-
il'ini coup d'ifil hardi toutes les nations connues; elle les posé sur Antiope, reconnue par ses deux fils Zéthus et
rapprocha, les compara dans des tableaux généraux, et, Amphion, et vengée par eux de ses persécuteurs I.ycns
a travers la multitudedes événements la multiplicité Uns et Dircé, une tragédie fort célèbre dans l'antiquité, et qu'i-
intérêts, elle suivit la marche lente de l'esprilhumain les mitèrent on traduisirent successivement, pour la scène
progrès successif des lumières et de la civilisation quel- latine, Livius Andronicns, Ennius, enfin Pacuvins. La
quefois même le développement d'une idée particulière. pièce de Pacuvius conserva longtemps nne grande réputa-
Des lors elle présenta une instruction plus vaste et pins tion Cicéron, qui la cite souvent, prononce une sorte
solide; elle devint plus austère, pins grande mais pent- d'anathème contre ceux qui ne l'admireraient pas autant
être aussi devint-elle moins attachante peut-être en s'oc. que lui « quis tam inimicus paene nomini romano est,
nipant des grandes masses, perdit-elle quelque chose de qui Antiopam Pacuvii spernat ant rejiciat? (de Fin. i, 2.)
cet intérêt qui s'attache aux individus. » Cela n'a pas empêche Perse d'en parler avec un mépris
que justifient assez les quelques mots qu'il parait lui em-
XII. Eral historia nihil aliud, nisi annalium con- prunter
fi'Ctio. ]N'ous empruntons la traduction de ce passage à
lY.uvrage publié en 1838, par un savant académicien M. Suntquos Paciwimctverrucosa maretur
An tiopa œrumn is cor tuctijkabilefulta
.(. V. Leclerc sons ce titre Des Journaux chez les
Romains, ouvrageingénieux et piquant, oil en traitant une Pacuvius, en reproduisant la pièce d'Euripide, n'avait pas
question neuve, l'auteur a réuni à la profondeur de l'éru- omis une scène où ce poète, un peu sophiste, avait intro-
dition la sagacité des vues et l'élégance de la forme; c'est duit une de ces thèses par lesquelles il llattait l'esprit
un
un des livres dont s'honore le critique français dans ces peu sophistique aussi de ses auditeurs. Zéthus, rude pas-
dernières années. Nous y renvoyons le lecteur pour tout teur, y blâmait de ses goiïts lihéraux, qu'il appelait mol-
i* qui concerne les Annales. lesse efféminée, fainéantise son frère Ainphion graliiié
l'Iwrectjdes, Hellankus, Aatsilas. De ces trois par Mercure de la lyre qui lui servit h élever les murs de
historiens grecs, Acusilas et Phérécyde sont les plus an- Thèbes. Amphion se défendait, et la dispute, qui avait
ciens. Acusilas d'Argos parait avoir composé le premier un commencé par une censure et une apologie de la musique,
corps d'histoire régulier. Peu de temps après, Phérécyde finissait par le procès de ce que les- anciens appelaient
de Léios, qu'il ne faut pas confondre avec le philosophe, sagesse, et qui comprenait tout ce qui cultiverâine et po-
recueilli! les traditions relatives à l'histoire d' Athènes, et lice les mœurs, c'est-à-dire les arts, les lettres, les scien-
par occasion,'celle des peuples voisins. Son ouvrage, au ces, la philosophie. Cicéron après Platon dans le Cor-
rapport de Denys (nialicarcmsse(Anliq. Rom., liv. i, gias, a fait (ad Herenn., ir, 27; dc lavent. âO; (le Kcp.,
pag. 10), contenait des détails intéressants tels que la fou- t 18, etc.) de nombreuses allusions à cette scène, qu'on
dation de plusieurs villes, et les émigrations des premiers n'eût guère dû attendre dans une tragédie de sujet mytho-
habitants de la Grèce. HcllanicusdeLesbos est peu près logique, et qui montre que les anciens ne se piquaient pas
nmteinporain d'Hérodote. 11 avait écrit sur l'Iiistoire des toujours beaucoup de couleur locale. Depuis, Horace l'aa
différentes nations de la Grèce. Thucydide, i, S7, lui re- rappelée (£'/>. i.xvm, 41) dansle temps où llygin (<'(* b. vin)
et Properce (Eleg. m xv) donnaient de la pièce ellc-mê me de leur collègue. Norbanus, voyant que la furie pourrait
des espèces d'analyses qui ne s'accordent pas en tout. Des seule triompher de celte résistance excita une énicule po-
débris qui en restent, épars dans les ouvrages de l'anti- pnlaire. A son tour, il lut appelé en jugement par Sulpidus
quité, Valckenaer, après Heinsius, atiré une sorte de res- mais l'éloquence d'Autoine le sauva de la peine qu'if avait
titution du morceau qu'on lira avec intérêt dans le vin* méritée. Il est vraisemblable que la haine que le peuple
chapitre de sa Diatriba in Euripidh fragmenta. portait à Cépion contribua puissamment à faire absoudre
Voir, sur le Zéthus de Pacuvius, la Rhétorique à Me- son accusateur, quoique sa condamnationparut inévitable.
rennius, il, 27. Ce Cépion, fameux en outre par le pillage du trésor de
XXXVII. Ut fteoptolemus apud Ennium. Cette cita- Toulouse s'était rendu méprisable à plus d'un titre. Tous
tion, qui se retrouve au commencement du 11e livre des les historiens l'ont représenté sous les couleurs les plus
Tusculanes,etdans Aulu Gelle liv. v, chap. I5, 16, est tout odieuses. C'est sans doute, dit Rollin, par attachement
ce qui reste de la tragédied'Ennius, à laquelle il appartenait. aux principes aristocratiques du sénat, que Cicéron parle
plusieurs fois avec éloge d'un homme qui avait mérité si
XXXVIII. Citfus et illum legi librum. Cet ouvrage justement la sévérité de l'histoire. Voyez le Brutus, cli.
d'Aristote est perdu. Les commentateurs croient qu'il est X> et note.
ici question des douze livres auxquels il donna le nom On peut-voir plus haut, dans la note du ch. 7, l'opi-
d'Atacton. nion de Marmontel sur la conduite d'Antoine dans ce
XXXIX. Domicilia omnium argumentorum.Cicéron procès.
parle plus au long de tous ces lieux communs dans la Rhé- LTI. Acerrimus. omnium molusinvidiœ.Les effets
torique à Hérennius l'invention, les Topiques, les de l'envie et les moyens de l'exciter, sont admirablement
Partitions oratoires; il ne fait ici qu'en diminuer le développés dans le chap. lOdu second livre de la Rhéloii-
nombre. S'il répète des détails aussi secs, il a soin de n'en que d'Aristote. Toute la première partie de ce livre, qui
dire qu'un mot. Cependant ces analyses paraissent plus traite des Mœurs et des Passions, est un chef-d'œuvre de
conformes au goût de Cicéron qu'à celui d'Antoine. profondeur et de vérité. Nul philosophe n'a peut-êlre
porté plus loin la science de l'observation.
XL. IIicparvœconsuetudinis,etc. Vers tirés de l'An-
rfrienncdeTérence,i,i, 84. LIV. Grœcos inscriptos libros. de ridiculis. Diogène
XLV. Nisi signa doloris tui. ostenderis. Boileau a Laërce nous apprend que Tlréophraste, parexemple, avait
écrit un ouvrage sur le moyen d'exciter le rire (mpi YEXoto'j)
dit dans son Art Poétique
Rona dicta. Ce mot offre la même équivoque en latin
11 faut, dans la douleur, que vous vous abaissiez;
qu'eu français. Ennius entendait par bona dicta, des pro-
Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez.
pos vertueux, des paroles utiles.
et Horace:
Si vis mejlere dolendum est LVIIF. De omni ista genere per'breviter exponam.
Primum ipsi lihi. Un illustre savant du seizième siècle, Adrien Turnèbe
professeur de langue grecque air collège royal a consacré
XLVI. Scgregare abs te ausus. Lascène,siéloquem-
ment citée et comme décrite dans ce passage, appartenait un livre entier de ses Adversaria à l'explication de toutes
les plaisanteriesrapportéespar César. Ce livre est intitulé
à une tragédie imitée par Pacuvius du Teucer de Sophocle. ln Jocos Ciceronianos libri secundi de Oratore expli-
Télamon y reprochait à Teucer de n'avoir point empêché catio.
ou du moins vengé la mort de son frère Ajax, et le con-
damnait à cet exil pour lequel le fait partir, sans doute en LIX. Duo enim sunl gênera facetiarum. Il faut con-
souvenir sinon de la tragédie de Pacuvius, du moins de venir que la plupart des plaisanteries citées par Cicéron
celle de Sophocle, Horace dans sa belle ode à Plaucus nous paraissent bien froides bien communes, bien peu
Teucer Salamina patremqtte agréables. La gravité du caractère romain se prêtait peu à
mmfuqeret, etc. (Lib. t, od. vu 21.) ce genre d'esprit, qui demande avant tout de la finesse et
de la gaîté. D'ailleurs, la différence des mreurs, des ha-
Dans un mot emprunté par Cicéron (Tusc, v, 37), à la bitudes et des institutions doit aussi, sur cette matière,
même pièce, et, peut-être à la même scène, pallia est faire beaucoup varier le goût suivant les temps ou les pays-
ubicumque bene est « on peut voir une expression de la
Nous ne prétendons pas juslilier toutes les plaisanteries
résignation de Teucer assez conforme à celle que lui prèle
qui sont présentées ici comme modèles; mais on doit au
Horace. moins faire observer qu'il eu est beaucoup qui, renfermant
XLVII. M'. Aqitillius. Voyez sur M'. Aquillius la note uue allusion à des mœurs ou à des usages qui nous sont
du chap. 23. étrangers, avaient plus de sel pour les Romains que pour
ln accusando sodali et quœstore meo. Il faut se rap- nous. Plusieurs aussi tiennent an mot, et roulent sur une
peler les faits sur lesquels est fondé le célèbre procès dont équivoque de langage il n'est pas possible de les faire
Antoine va rendre compte. Servilius Cépion, consul l'an passer d'une langue dans une autre; nous serons même
de Rome 647, attira aux Romains, par son orgueil et son quelquefois obligés de ne pas essayer de les traduire.
incapacité, une des plus honteuses et des plus sanglantes LX. Mmms lava. Appius avait la réputation de souil-
défaites dont leur histoire fasse mention. Il fut vaincu en ler ses mains par des rapines.
648 sur les bords du Rhône par les Cimhres, el perdit Puer, abige muscas. Ce Semproniusavaitsansidoutele
quatre-vingt mille hommes. Le peuple indigné le dépouilla
à son retour de sa charge de proconsul. Dix ans après cette surnom de Musca. On trouve un Scmpronius Musca dans
première condamnation traduitde nouveau devant le peu-
Tile-Uve,XLV, 13.
ple par le tribun Norbanus, il trouva des défenseurs parmi LX I Num claudicas ? at hic claudicat. Il est difficile
les patriciens, dont il s'était concilié la faveur par sa loi
sur les tribunaux. (Voyez la note 1 du livre i, chap. 7.)
Scaurus, prince du sénat, et tout l'ordre des sénateurs,
double de
de lalre entendre ce prétendu bon mot. Il roule sur le
claudicat qui signifie boiter, chanceler,
être faible, incertain, sans constance sans fermeté. A"««i
s'intéressèrent pour lai. L. Crassus, celui qui joue le prin- claudicat.' était une forme proverbiale par laquelle ou
cipal rôle dans ces dialogues, se charga de le défendre; affirmait de quelqu'un qu'il n'avait pas de faiblrçse. La
deux liibuns, Didus et Cotta, niiient op|K)sitiou à la loi réponse, ut hic claudicat, est une allusion faite à ce pro-
v«ba pour le di'iiicnlir. Quelques critiques écrivent eloâi- est sexta pars assis. Res aliqua magni pretii fisse dkfba-
t»t, ce qui signifierait fait le Clodius. tur Granius dixit, illam non esse sextantis. Ambiguum

LXI. Q"id hoc Kœvio ignavlus < circumveniri. Ce


changement de lettres qui se trouve dans le latin, et qui fait
est
<

simum
t
si enim, ut vox unica, prouuntietnr, significat vilis-
et minimum pretium si separate legatur sex tan-
tis, sensus erit, id de quo agitur, non esse coinparandum
la plaisanterie n'a pu être transporté dans la traduction et (Tquiparandum sex aliistantis, seu pluris valere, quam
(fuid hoc Nœuio ignavlusf Nevius ressemble à gnavus, alia sex, tant» seu œqualis magnitudinis et pretii,adeoque
qui veut dire brave, et à ignavus, qui veut dire làclie il esse rem valde pretiosam. »
n'y a presque qu'une lettre à changer.
Quant à la plaisanterie de Philippe, elle consiste dans le LXIII. Nihit addo. Les lois étaient fort dures à Rome
rhangement dn molcircumveniriJ étre circonvenu, (-,11'8 contre les débiteurs insolvables elles autorisaient le»
trompé, en celui de hircumveniri, mot forgé qui semble créanciers à les charger de chaînes à les emmener de
signifier, Un approché par un bouc. Hircum est l'accu- l'autre côté du Tibre pour être vendus et devenir esclaves.
ulif de /lirais, qui signifie bouc. (Note de M. Andrieux.) Dans l'exemple que César cite, et qui paraît tiré d'une co-
11 est probable que la prononciation aspirée de la pre-
médie de Névius, cet homme qui voit passer le malheu-
niiere syllabe du mot hiratm ajoutait encore à la confor- reux débileur qu'on vient de vendre, arrête celui qui le
mité de son. conduit, et demande pour quelle somme ce pauvre débi-
teur vient d'être adjugé. Il semble vouloir faire quelque
LXI Calvus salis est. Les commentateurs proposent, chose en sa faveur, payer ou répondre pour lui, afin qu'il
sur ce mot Calvus salis est quod dicit parum plusieurs obtienne sa liberté. Point du tout. Apres qu'on lui a dit le
explications, et même différentes versions fort peu satis- prix, il a l'air de n'avoir eu que l'intention de satisfaire
taisantes les uns veulent que Calvns soit un nomune vaine curiosité, et il dit Je n'ajoute rien emmenez-
d'homme les autres veulent qu'on l'entende dans son sens le. Le côté comique de cette parole, c'est qu'elle trompe,
ordinaire de chauve. Turaèbe est de ce dernier avis, et il et qu'on attendait toute autre chose de cet homme qui
ntiserve que, chez les Romains, on avait une prévention paraissait s'être intéressé à l'infortuné débiteur. Il y a de
défavorable contre les chauves qu'on les regardait comme plus une équivoque dans cette expression nihil addo, JE
de malhonnêtes gens, et cherchantà tromper; tellement que n'aioutk ries qui peut signifier, je n'ai plus rien à vous
le verbe calvor signifiait tromper, dérober; que les mi- dire; ou bien, je n'ajoute pas d'argent, je n'enchéris
mes, qui représentaient des personnages ridiculeset même pas sur
la pour laquelle il a été rendit. (Note
odieux, comme les marchands de belles esclaves, par- de M. Andrieux. )
taient des masques rasés n'ayant ni cheveux ni sourcils,
LXIII. M. NobiliorcmM. FulviusXohilior.qui triompha
t« qui leur donnait une physionomie difforme, propre àa des Étoliens, l'an de Rome 567 Il fut accusé de concussion. ta
faire tire. Il ajoute que le mot direre parum est équivo-
On lui reprochait en outre d'avoir mené avec lui, à l'ar-
que qu'il signifie à la fois, parler peu et ne pas être élo-
quent, ne pas savoir parler; et qu'ainsi le mot cilé dans mée,!e le poëte Ennius, ce qui était une chose nouvelle.
cet endroit doit s'entendre par, il est chauve; tantCaton, qui parla contre lui, lni donna, à cette occasion
niirvxs'il parle peu, et s'il n'est pas éloquent, car il le surnom de ",obi Ii or, pour désigner la légèreté de son
pourrait bien nous tromper. (Note de M. Andrieux. ) caractère.
tfumm'ntm dwisorem. A Rome, depuis la corrup-
Quid potest esse tam ridiculum quam Sanuio est?P tion s'était introduite dans les élections, que les candidats
Le Sannion était un de ces personnages convenus qui achetaient publiquement les suffrages. Quand ils descen-
égayaient les farces latines. C'est à lni que parait se ratta- daient Champ de
Mars, ils avaient avec eux des per-
cher, par son surnom de Zanni, l'Arlequin moderne,sonnesau chargées de distrihuer en leur nom de l'argent aux
d'aussi noble origine que le Polichinelle napolitain, issu tribus, pour obtenir leurs voix. Ces distributeurs s'appe-
comme l'on sait, du Maccuz des Atellanes. « Arlequin et laient divisores, et leurs fonctions étaient peu estimées.
« Polichinelle,
dit Schlegel [Cours de litt. drainai.) se- trafic, quoique expressément défendu par les lois, se
raient sans doute bien étonnés d'apprendre qu'ils des- Ce
« faisait ouvertement.11 se fit une foix pour empêcher l'élec-
cendent eu droite ligne des anciens Romains et même des
« tion de César, et même avec l'approbation de Caton. (Sirf-
Osques cette souche glorieuse leur inspirerait une bur- ton., Julius, 19. )
Des individus nommés interprètes,
« lesque fierté. »
marchandaient les votés du peuple, et ceux entre les
mains de qui on déposait le prix convenu, étaient nom-
LXM. Brachium /régisse. L'équivoque est plus com.
plète dans l'original. Krachium /régisse signifie égale- més séquestres. C'est à cet abus que Ju vénal fait allusion
j
ment qu'il s'est cassé un bras, ou qu'il a cassé le bras d'une
dans ce vers, x, 77
statue.
Ven&nam.
Ex quo sitjfraytu nittti
Kuculamun con/ixum fit/acere;* Les commentateurst
ge sont elliurés inutilement d'expliquerce passage. L'équi- César disait que Nummius avait pris son nom de nummi
voque tombe sur le double sens du mot con/txum, ett des écus qu'il distribuait au Champ de Mars. s.
ppul-ctre de Nttcula. Pour comprendre ce vers de Lucilius,
il faudrait avoir le passage d'où il est tii-é. Voici la note du
j LXIV. Tuam legem de, civila/e. L'an de Rome 658, les
jésuite Proust sur cette équivoque, edit. ad usum Del.
consuls L. Licinius Crassus et Q. Mucius Scévola portèrent
phini « Si etiamnum exstarent Lucilii satine, huic sen. une \o\,deCivitale, pour empêcher l'usurpation fraudu-
Wutia: quant non nisi divinando possumusassequi luccm
n leuse du titre de citoyen. (Cic, de O/ ut, 11; pro
l
atTerrent. flotte qualemcumque sensum, explosisalîonun BttlOo, 21 24 i pro C. Cornelio. Cette loi s'appela de
lurpiculis interpretatiollibus, elkimus Quid? o Deci in- leur nom lex Licinia-Mucia. Elle devint une des causes
quit aliua quispiam, an Nucubm liuinineiu vis configi'ie? principales des guerres Italiques ou Marsiques. (Ascon., ad
Cnnugi autem aliquis et mucrone et sermone asperiori i di- Oral. pro Cornel.)
cilur, in quo âmbigiium postiit Africantis. » Quibus nec maler, nec paler. L'application n'était ni
Haitimlis. Le mSine jéiuile fait ici cettenote « Sext.mst décente ni juste. Scaurus n'était point bâtard il était pa-
tricien, el de l'illustre maison des Emile, mais d'une dépense (voyez ci-dessus, cliap. 23), et que ceux qui y
branche tombée dans une si grande pauvreté, que son manquaient étaient regardés comme négligents et d'une
;»ère était réduil, pour se soutenir, à faire le commerce mauvaise conduite. Ces registres faisaient foi en justice,

de
du charbon. Son fils devint consul, censeur et prince du et les juges en exigeaient quelquefois la présentation pour
léual. y trouver des éclaircissements sur le point en litige. On
LXIV. Trigïnla minis. La mine attique valait cent dit même qu'un certain nombre d'accusés ayant été con-
drachmes (ensiron 90 fr., selon Barthé- damnés d'après leurs propres registres ou tablettes, la
lémy). fallait soixante mines pour faire un talent attique. coutume de les écrire régulièrement se perdit. Quoiqu'il
11 faut se souvenir que la plupart des comédies latines en soit, dans l'affaire dont il est question, Scaurus inter-
étaient traduites du grec; voilà pourquoi les monnaies prétait ces quatre lettres, qu'on avait trouvées sur les
y sont grecques, aussi bien que les personnages. Antoine tablettes de P. Rululius A. 1\ P. B de cette manière
taisait entendre par sa citation que l'argent avait été dérobé AclumfideP. Jttffj/if;ceqiii voulait dire, selon lui, que
par le fils libertin à son père, comme cela se pratiquaitdans Rutilius avait fait distribuer de l'argent pour corromprt
les comédies et que ce bon homme, qui ne savait com- les suffrages, et que cela s'était fait sous sa foi, c'est-à-
ment ses fonds avaient disparu, prétendait qu'ils avaient dire, sous l'engagementqu'il avait pris de rendre les som-
été employés à gagner des suffrages. (Note de M. Andrieux.) mes données par son ordre. Rutilius disait qu'il avait en-
tendu écrire en simples initiales, ante factura post rela-
Agas asellum. Ce proverbe signifiait sans doute tion que c'était un article de dépense qu'il avait oublié
tous avez beau chasser tin due, il ne courra jamais. de porter à sa date, et que, s'en étant souvenu il l'avait
Quelques commentateurs supposentqu'il élait ainsi conçu inscrit de cette manière; fait auparavant, etrelatéde-
Agas aselhtm, cursum non dticebitwr d'autres, Agas puis. L'explication de Caniusétait des trois la plus claire,
asellum, si ttovem agere non queas. Scipion, en ne pro.
et elle était assez plaisante .-Emilius fecit, plectitur
nonçant que les deux premiers mots d'un proverbe très- Rutilius; Émilius (Scaurus) a fait ce dont il accuse son
connu, laissait achever à chacun le sens dans sa pensée. adversaire (il a brigué, acheté des suffrages) Rutilius est
On voit qu'il jousur l'équivoque du nom propre Asellits. puni quand son accusateur devrait l'être; on lui a refusé
Tutor, mimus velus. On donnait aussi le nom de mimes le consulat pour le donner à Scaurus. (Note de M. Ant-
à des pièces d'un genre bouffon, jouées par des mimes. Il drieux.)
est ici question d'un ancien mime ou anciennepièce bouf-
fbnue qui avait pour titre le Tuteur. Nous avons sous ce LXXI. SI. Cincim guo dielegem. La loi Cincia,
même titre une petite pièce de Dancourt, laquelle, par la portée en 549, et ainsi appelée du nom de son auteur M<.
liouftonnerie qui y règne, pourrait passer pour un ancien Ciucius Alimentus tribun du peuple, s'appelait aussi Irx
mime. (Note de M. Audrieux.) muneralis parce qu'elle avait été faite de donis et mit*
ni'ribus. Elle défendait de recevoir de l'argent et des pré-
Maliu/'tnensem Scipionem. La plaisanterie de Scipion
Maluginensis consiste à répondre sur L..Maulius, quand sents pour plaider une cause. La plaisanterie de Cincius
on l'interroge sur L. Manlius Acidinus. C'était au crieur
consiste en ce qu'il répondait à ce mot à double sens.
à s'expliquer mieux.
Quid fers, d'une manière sentencieuse et pareille aux

Ter
formules dans lesquelles les lois étaient conçues. Ce Renni
Ex lui animi sentenlia. Il parait que ces mots étaient de plaisanterie se retrouve dans une satire d'Horace, », I
la formule ordinaire du censeur quand il demandait aux où il suppose qu'il s'entretient avec le jurisconsulteTré-
citoyens s'ils étaient mariés. Nasica repond qu'il l'est, mais batius, qui lui reproche de faire des satires, et qui, sans
non ex animi siù sententia. Si, d'après Aulu Gelle, îv, y penser, retombe toujours dans te style des sentences et
20, on lit dans la réponse, non liereaîe ex lui animi sen- des formules qui lui est familier
tentia, le sens est bien différent, et il y a quelqne chose uncti
de plus piquant dans la pensée. Nasica fut dégradé par Transnanto Tlberïm, tomtux quibus est opus tttto,
le censeur, relatus in terarios, pour s'être permis cette Irriguumque mero sub noçieni corpus habento.
plaisanterie.
LXXlf. Turpius.. nocuisse causœ quant no» prrr-
LXV. Turmales dixi displicere. Ce jeu de mots par fuisse, On peut voir à ce sujet l'histoire des frères Cépa-
lequel Scipion faisait entendre aux Corinthiens qu'il était sius plaisamment racontée par Cicéron dans sou plaidoyer
peu jaloux d'un honneur trop prodigué, a moins de sens pour Clucntius, 20 et 21. 1.
eu français que dans la langue latine, on le mot lurma
bc prend métaphoriquementpour désigner une réunion de
LXXXVI. sinumldHlli Ceo. Quintilien (liv. », rh. l)
statues équestres. Ainsi, dans Velléius, t, 11 « Hanc raconte à peu près de la même manière, et dans le même
turmam siatuaruin eqncstrium. ex Macedonia detulit. » but, l'aventure de Simonide, et y joint une petite disserta-
Kt dans Cicéron même, ad Altic, vi I « In turma tion sur les personnages et lieu de la scène. Il donne aussi
le
inauratarum equestrium. » quelques détails sur la mémoire artificielle. Nous n'avons
pas besoin de rappeler la fable si connue de la Fontaine,
Cortem in Palatin. Basse-cour, c'est-à-dire apparem- Simonide préservé par les dieux.
ment, théâtre de débauches.
LXXXVII. Qui sit. aralori memoriœ fruchts. Ce
LX.VH. Ad aquas- Nous donnons à ces mots le sens que dit Cicéron des avantages de la mémoire, ne doit pas
qu'Us ont très-souvent dans les bons auteurs, comme dans nous faire penser que les orateurs anciens apprissent par
cette phrase des Leltresfamilières,xvi, 24 Puto utrum- cicur des discours composés d'avance, et les récitassent
que ad aquas. 11 s'agit ordinairement des eaux de Baies. dans les mêmes termes où ils les avaient écrits, félon la
suivie généralementparmi nous par les prédira,
LXVII Metetlo. Il reprochait par là à Mctcllus le luxe méthode
teurs, et quelquefois par les avocats. Si dans le premief
et le faste de ses maisons de campagne, dont les immun- dialogue (cliap. 33) il parait faire entendre le contraire,,
bâtiments se voyaient portes de Rome.
ses des
lorsqu'il conseille aux orateurs d'écrire leurs discourt, it
LXIX. Et in ejus tabulis ostenderet. Il fout se rappe- faut remarquer qu'il recommandece travail, moins comme
ler qne les pères de famille, à Rome, étaiml obligés de une pratique habituelle et constante, (pie comme un exer-
tenir un registrejournalier de leur famille et de leur propre dce utile pour se former à la correction, à l'élégauots et.
à l'harmonie.On sait que le plus souvent les anciens n'é- vons conclure qu'il parlera avec force, avec ordre, avec
crivaient leurs discours qu'après les avoir prononcés, et abondance. Ses périodes n'amuseront pas tant l'oreille
qu'ils se contentaient Je rédiger auparavant des notes pour tant mieux il en sera meilleur orateur. Ses transitions ne
guider leur marche et un canevas plus on moinsétendu. seront pas si fines n'importe outre qu'il peut les avoir
Si quelquefois ils les «rivaient tout entiers, ils ne s'astrei- préparées sans les apprendre par cœur, de plus ces né-
j;naientpasàsuivre servilementcetterédaction. Lesgrands gligences lui seront communes avec les plus éloquents
effets connus de l'éloquence ancienne, et les préceptes orateurs de l'antiquité, qui ont cru qu'il fallait par là imi-
mêmes développés par Antoine sur l'invention oratoire, ter la nature, et ne montrer pas une trop grande prépara-
viennent à t'appui de cette opinion. Nous citerons à ce tion. Que lui manquera-t-il donc? Il fera quelque petite
sujet l'autorité de Fénelon, qui, dans son second dialogue re répétition mais elle ne sera pas inutile non-seulement
sur l'Éloquence, commente ce passage de Cicéron sur la l'auditeur de bon goût prendra plaisir à y reconnaitre la
mémoire. nature, qui reprend souvent ce qui la frappe davantage
«
Croyez-vousqueDémosthèneetCicéron ne savaient dans un sujet; mais cette répétition imprimera plus forte-
pas par cœur ces harangues si achevées que nous avons ment les vérités
c'est la véritable manière d'instruire.
d'eux ? Sons voyons bien qu'ils les écrivaient mais nous Tont an plus trouverat-on dans son discours quelque

avons plusieurs raisons de croire qu'ils ne les apprenaient construction peu exacte, quelque terme impropre, ou
point par cœur mot à mot. Les discours mêmes de Dé- censure par l'Académie quelque chose d'irrégulier, ou',
mos thène, tels qu'ils sont sur le papier, marquent bien si vous voulez, de faible et de mal placé, qui lui aura
plus la sublimité et la véhémence d'un grand génie, ac- échappé dans la chaleur de l'action. Il faudrait avoir l'es.
coutumé à parler fortement des affaires publiques, que prit bien petit pour croire que ces fautes-là fussent grandes
l'exactitude et la politesse d'un homme qui compose. Pour on en trouvera de cette nature dans les plus excellents
Cicéron, on voit, en divers endroits de ses harangues, originaux les plus habiles d'entre les anciens les ont mé-
des choses nécessairement imprévues. Mais rapportons- prisées. Si nous avions d'aussi grandes vues qu'eux, nous
nous à lui-même sur cette matière. Il veut que
l'orateur ne serions guère occupés de ces minuties. Il n'y a que les
ait beaucoup de mémoire il parle même de la mémoire gens qui ne sont pas propres à discerner les grandes cho-
artificielle comme d'une invention utile; mais tout ce qu'il ses, qui s'amusent à celles-là, etc. »
en dit ne marque point que l'on doive apprendre mot
à
LXXXYIII. Verborum, memoria. Voyez sur la mémoire
mot par cœur au contraire, il parait se borner à vouloir artificielle la fin du troisième livre de la Rhétorique à
qu'on range exactement dans sa tête toutes les parties de Hérennius et les notes du premier livre de l'Orateur,
et les prin-
son discours, et que l'on prémédite les figures chap. 34, etc.
cipales expressions qu'on doit employer, se réservant d'y
ajouter sur-le-champ ce que le besoin et la vue des objets
pourrait inspirer c'est pour cela même qu'il demande LIVRE TROISIÈME.
tant de diligence et de présence d'esprit dans l'orateur. »
Dans le même dialogue, l'éloquent archevêque de Cam-
I. Exlremo srenicorum ludornm die. Voyez, sur les
brai compare deux orateurs dont l'un apprendpar cœur, jeux scéniques, les Lettres familières vu, i.
et dont l'autre parle sans réciter mol à mot ce qu'il
dit. Ce passage peut nous donner une assez juste idée de Habita in conciom a Philippo. Sur la querelle entre
le consul Philippe, voyez les notes des Li-
la méthode de composition des anciens et quoiqu'il soit Crassus et
précédentset celles du Brutus.
un peu long et qu'il s'applique particulièrement à l'élo- vres
plaisir
quence de la chaire, nous ne pouvons résister au Pignoribits ablalis Crassum instihiil cocrcerc. Le
de le transcrire. On nous permettra sans doute de citer le pouvoir du consul ou du magistrat qui présidait le sénat
seul ouvrage, peut-être, qui dans notre langue puisse être n'a pas toujours été le même aux différentes époques de la
opposé à celui de Cicéron. république romaine. Il paratt qu'il pouvait faire saisir
« Je mets
d'un coté un homme qui compose exactement un sénateur qui violait la discipline établie dans les déli-
tout son discours, et qui l'apprend par cœur jusqu'à la bérations. Caton, pour empêcher l'adoption d'un décret,
moindre syllabe: de l'autre, je suppose unjhomme savant employa à discourir un jour entier; César, alors consul,
qui se remplit de son sujet, qui a beaucoup de facilité à ordonna de le conduire en prison mais le sénat s'étant levé
parler; un homme qui médite fortement tous lesprincipes pour y suivre l'orateur, César révoqua son ordre. (Aulu
du sujet qu'il doit traiter, et dans toute leur étendue qui Celle, iv 1 0.) On pouvait aussi lui imposer une amende,
s'en fait en ordre dans l'esprit,qui prépare les plus fortes et en attendant qu'il l'eût payée, on prenait un gage ou
expressions par lesquelles il veut rendre son sujet sensi- une hypothèque sur ses biens, ce qui s'appelaitpignora
Me, qui rafige toutes ses preuves, qui prépare un certain au/erre. Voyez le chap. 5 de la première Philippique
nombre de figures touchantes. Cet homme sait sans doute et Aiiln Celle, xiv, 7.
tout ce qu'il doit dire, et la place où il doit mettre chaque II. 0 fallacem homimim spnn frag'ilemque, fortu-
chose il ne lui reste, pour l'exécution, qu'à trouver les naml 0 vanité! o néant' o mortels ignorants de leurs
«pressions communes qui doivent faire le corps du dis- destinées «
à » Bossuet, Oraison funèbre de Henriette
cours. Croyez-vous qu'un tel homme ait de la peine les d'Angleterre.
trouver? Une les trouvera pas si justes et si ornées
qu'il les aurait trouvées à loisir dans son cabinet. Je le Ardentem invidia scnalian. Tontesles traductions se
crois; mais, selon vous-même, il ne perdra qu'un peu sont trompées sur le sens de ce passage, comme sur celui
d'ornement et vous savez ce que nous devons penser de de beaucoup d'autres. Ardentem invidia senalum ne
celte perte, selon les principes que nous avons déjà posés. veut pas dire que le sénat était déchiré par les discordes,
D'un autre côlé, que ne gagnera-t-il pas pour la liberté ni sceleris nefarii reos, que les premiers citoyens as-
f t poiu- la force de faction, qui est le principal? supposant piraient à la tyrannie. Le tribun Driisus, pour s'appuyer
qu'il se soit beaucoup exercé à écrire, comme Cicéron le de l'influente des alliés, s'était engagé à leur faire obte-
domande qu'il ait lu tous les bons modèles, qu'il ait beau-] nir le droit de cité romaine, en leur donnant le sénat pour
coup »le facilite naturelle et acquise, qu'il ait un fonds garant de sa promesse. Lorsqu'il eut succombé dans ses
abonnant (le principes et d'érudition qu'il ait bien inéditélé entreprises ambitieuses, les alliés, voyant leur espoir
loin son sujet, qu'il l'ait bien rangé dan* sa tête. Nous de- trompé, se soulevèrent de tous côles, et telles furent la
NOTES DUS DIALOGUES DE L'ORATEUR, LIV. 111.

cause cl l'origine de la guerre Sociale. Tout ïonl ce qu'avait tenait en propre, talcn de bien dire,
ait talent
propre. en se tenant air
lait Drusus fut annulé, et un tribun nommé Varius, à comme s'il était possible de bien dire sans bien penser, et
l'instigation des chevaliers, profita du mécontentement souffrantque lespuilosophcss'attribuassent exclusivement
général pour faire passer une loi, en vertu de laquelle nn tout ce qui est du ressort de la morale, usurpation évi-
devait informer contre ceux dont les mauvaises pratiques dente sur l'éloquence. 11 va jusqu'à réclamer, en faveur de
avaient forcé les peuples de l'Italie à prendre les armes. ses prétentions, cette chalne immense qui lie ensemble
Cette accusation regardait les premiers sénateurs qui toutes les connaissances de l'esprit humain; il les voit
avaient eu tant de liaisons avec Drusus, et par lui avec comme nécessairementcombinéeset dépendantesles nues
les alliés. C'est à ces faits que font allusion les expressions des autres; et cette idée, aussi grande que vraie, qui a
que nous avons citées plus haut. été de nos jours la base de V Encyclopédie, et qui est
Il. Non luctum filiœ. La fille de Crassus était cé- mieux exposée dans la préface qu'elle n'est exécutée dans
lèbre par ses lumières et les grâces de son esprit. Cicéron le livre, Cicéron, de tous les anciens, paralt être le seul
qui l'ait connue.
en parle dans le Brutus, chap. 58. Elle avait épousé un »>

Scipion Nasica, petit-fils de P. Cornélius Scipion, fils de XII. Equidem quum audio socrum mearn Lœl'mm.
Scipion Corcuhtm et surnommé Sérapion. Cicéron parle ainsi d'après ses propres souvenirs. il dit,
dans le Brutus chap. 68 « J'ai plus d'une fois assisté
III. Virk qui hoc sermone continentur. Tous les in-
terlocuteurs du dialogue, excepté Cotta, périrent de mort aux entretiens de Lélia, fille de C. Lélius. On voyait bril-
ler en elle toute l'élégance de son père. J'en dis autant de,
violente dans les guerres civiles qui suivirent la guerre deux Mucia ses filles, dont j'ai connu la manière de par-
Sociale. Il serait trop long de raconter le détail de ces évé- ler, et des deux Licinia ses petites-filles (filles de Cr.is-
nements, et sort des autres personnages célèbres, nom- sus), que j'ai entenduesl'une et l'autre. »
mes ici par Cicéron. Nous renvoyons le lecteur aux histo-
riens qui ont parlé des guerres civiles. On pourra consulter XIV. Horum, qui mine ita appellanlur, rhetorum.
aussi les notes du Brutus, et celles des Lettres. C'est du temps de Crassus que des Grecs établis à Rome
commencèrent à donner des leçons sur l'art oratoire; ils
Non vidit. mortis oppnrtacnitatn, etc. Ce morceau si prirent le nom de rhelores, et ils introduisirent ce mot grec*
pathétique et si éloquent, inspiré à Cicéron par le souve-
dans la langue latine.
nir de la mort de Crassus et des suites épouvantables des
guerres civiles, a été imité par Tacite dans les deux der- XV. Apud Jlomerum Pliœnix, etc. Voyez Iliade, liv.
niers chapitres de la Vie d'Agricola. L'imitation est même ix, v. 428.
tellement marquée, Qu'on s'étonne de voir un génie aussi
original s'approprier les idées d'un autre, surtout dans XIX. Hœcautem, utex Apenninoflumintim. Cette
phrase de Cicéron, si belle, si hardie et si intraduisible,
un moment où il semblait ne devoir chercher d'autres offre un rapport remarquable avec une phrase célèbre de
inspirations que celles de son cœur. Nous n'accuserons
Hossuet, qui présente une confusion semblable dans les
pas l'historien de larcin il est plus convenable de penser termes de la comparaison « Nous mourons tous, disait
qu'en empruntant les tours, les mouvements, et même
les expressions d'nn passage très-connu il a voulu rendre cette femme, dont l'Écriture a loué la prudence au second
hommage au plus grand orateur de sa nation, et consacrer livre des Rois, et nous allons sans cesse au tombeau,
ainsi que des eaux qui se perdent sansretour. En effet,
son admiration pour un des plus beaux génies qui aient nous ressemblonstous à des eaux courantes. De quelque
honoré l'humanité. superbe distinction que se flattentles hommes ils ont tous
IV. Mihiquidem, Quinte, frater. Cicéron fait ici un une même origine et cette origine est petite. Leurs années
retour douloureux sur lui-même La destinée déplorable se poussent successivement comme des flots ils ne ces-
des hommes fameux qu'il vient de citer lui rappelle sou sent de s'écouler tant qu'enfin, après avoir fait un peu
exil et ses malheurs. 11 semble qu'il prévoie déjà les orages plus de bruit, traversé un peu plus de pays les uns que
politiques qui vont bientôt éclater, et qu'un sinistre pres- les autres, ils vont tons ensemble se confondre dans un
sentiment lui montre dans l'avenir le triste sort réservé à abîme, oïi l'on ne reconnaît plus ni princes ni rois, ni tou-
son éloquence et à sa vertu. 11 se rappelle les conseils que tes ces autres qualités superbes qui distinguent les hom-
lui donnait la tendresse inquiète de son frère; mais il ne mes de même que ces fleuves tant vantés demeurent sans
regrette pas de s'être exposé dans cette carrière périlleuse nom et sans gloire, mêlés dans l'Océan avec les rivières les
et il se console, par la pensée de la gloire de ses infor- plus inconnues. » Oraison funèbre de Madame, du.
tunes passées et peut-èlrc de ses infortunes à venir. « Les c/œsse d'Orléans.
premiers chapitres de ce troisième dialogue forment dit XIX. Vétéran illum Perictem. Nous croyons que Ci-
la Harpe, un épisode du plus haut intérêt; et quand l'au- céron se sert du mot veterem pour marquer son antiquité,
teur nous montre cette tête sanglante de l'orateur Antoine, et non pour distinguer le célèbre Périclès, fils de Xan-
attachée à la tribune, ne se rappelle- ton pas aussitôt celle thippe, et disciple d'Anaxagore, de Périclès d'Éplièsc.
de Cicéron lui-même placée quelques années après à cette homme inconnu, dont il fait mention dans la première
même tribune par cet autre Antoine, qui, bien différent Verrine, chap. 33.
de son illustre aïeul, se signala par le crime et la tyran-
nie, comme l'orateur s'était signalé par ses talents et ses XXI. Coracem. On voit que Crassus joue sur le mot
vertus? » corax nom d'un rhéteur syracusain, qui, en grec, signi-
fie corbeau. Cette plaisanterieest une de celles qui ne peu-
VI. Una est elaquentia. « C'est surtout dans le troi-
sième livre, dit la Harpe, qu'on aperçoit sous quel point vent pas se traduire.
de vue aussi vaste que hardi et lumineux, Cicéron avait Pamphilmn. Ce Pamphilus est cité par Arislole, Rhé-
embrassé tout l'art oratoire. Il ne peut se résoudre à sépa- torique, ri, 23, et par Quintilien, m, 6. Au rapport du
ra' l'orateur du philosophe et de l'homme d'État. Il se Suidas, il avait imaginé des figures pour représenter If,s
plaint du préjugé des esprits étroits et pusillanimes, qui, élémentsdes différents arts. Il avait pu appliquercette mé-
rapetissant tout à leur mesure, ont séparé ce qui de sa thode à la rhétorique, et en représenter les règles sur de
nature est inséparable. Il reproche ans rhéteurs d'avoir petites bandes d'étoffé, in infulis pour en faire des jouets
renoncé par négligence et par paiesse à ce qui leur appar- I d'eiilauls. V'avons-uous-pas aussi des jeux lùbloiii|iu$t
foi
R'XtKrifiiiiiquiw eu*. ? Cette conjecture est tout aussi vrai-
wnililiiblc que celles de Turnclie et d'Krncsli.
XXIII. Magislcr hic Samnitium. Les Samnilcs étaient
nue toile de gladiateurs ainsi nommés à cause de leur ar-
mure que les Romains employaient d'ordinaire a la lin
île leurs festins pour amuser leurs convives quad spec-
luailvminterejndaserat, dit Tile-Lire(iK,4u),qui nous nemquc.

( tomme ils n'avaient pour arme offensive que des fleurets, seau, sur
leles
le sciences se divisent et se compliquent, à mesure quit-
loi se perfectionnent. II n'est plus possible désormais à la
les
faiblesse
ti
seule
s0
humaine de les embrasser toutes, lorsqu'une
quelquefois peut occuper l'activité d'une vie entière
de travaux et d'études.
,],

m
XXXIII. Jlonaium arlium. socielatem cognatio-
On peut voir le développement de pensées
apprend ea cel endroit l'origine du nom de ces gladiateurs. aanalogues dans le célèbre discours du chancelier d'Agues-
l'union de l'éloquence et dela philosophie.
ils se disputaient longtemps la victoire et Horace (llpist., XXXIV. Cujus in labris leporem habitasse. Allusion
ii 2 98) appelle cet exercice /en tara diiclhim. Il compare àà des vers d'Eupolis, très-souvent cités par les anciens.
tes fausses louanges que les poêles se donnent mutuelle- Clepsydràm. La clepsydre, ou horloge d'eau. On s'en
ment aux coups sans effet que se portaient les gladiateurs servait chez les anciens pour limiter, dans certaines cir
M
«amniles. Yoyea Juste-Lipso, Suluntul., n, 11. constances,
c( la durée des discours.
XXIII. Phdosopho qttum operam daret. Ce philoso- Socraticis. dispulalionibus. Socrate fut même ac-
phe était l'anétiiis.Vojezladisserlation de Van Ljnden sur cusé d'avoir formé de tels disciples. Voyez son Apologie
ci
l'anétius.p.il. I" Platon, et les Mémoiresde Xéuophon sursoit maître.
par
XXIV. Quosegoccmor. susluleram. Crassus ferma Philolaus Archytam Tarentinum. Les éditions anté-
Us écolesdes rhéteurs latins mais elles se rouviii eut après ri
rieures à cel les d'Orelli (Zurich 1 826) donnent, ainsi que
m censure. Aulu Uelle xv, 1 1 dit que le décret des était cen- la plupart des manuscrits, autPhilolaum Arehylas Ta-
leurs Domitius Ahénobarbus et Licinius Crassus rentimm.
ri Plusieurs manuscrits, et une ancienne édition
conçu en ces termes « Nous avons appris que des liom- Si sans date, collationnés par M. Mueller, appuient la nou-
de velle leçon que l'on a cru devoir suivre ici, parce qu'elle
» mes, prenant le nom de rhéteurs latins, ont ouvert vi
• nouvelles écoles où la jeunesse se porte en foule et passe s'accorde s' mieux et avec l'ensemble du sens et celui de
tes jours dans l'oisiveté. Nos ancêtres voulaient que leurs la la période, et avec les divers témoignages de l'antiquité

enfants fussent élevés d'une autre manière. Celle insti- sisur l'«ge de Philolaus. Dès 1829, M. A. BoecMi, dans nue
i tution nous déplaît et ne nous parait pas utile. Nous excellente e monographie sur ce philosophe, avait fait ob-
(pag. 7) combien ii était peu probable que PI lilolaus,
.avons cru devoir témoigner aux rhéteurs Intins et à leurs server si
• disciples, que nous la désapprouvons. •
II ya beaucoup sisignalé par les anciens comme le premier élève de Pvtha
de modération dars les tenues du décret nobis non pla- j!ore g qui eut rédigé et publié quelques parties de la doc-
cere. C'était la formule. On trouve aussi ce monument trine ti de son maître fût venu après Archy tas auteur d'un
dans Suétone, au commencement de son ouvrage de cla- grand g nombre d'ouvrages analogues dont il nous reste de
rit ltheloribus. nombreux fragments. Barthélemy, dans les tables cEu'ono-
logiquesifcsonvoyage d'Anacharsis et Tennemann, (Ma-
li
XXVJ. Aam sapiniK virtuti, etc. • nmiel de l'hist. de la Philosophie, §9à) placent également
On ne sait de qui est ce vers, ni d'où il est emprunté. Il 11 le philosophe de Tarenteaprès Philolaus. La variante aut
laut en dire autant du suivant Ecquid video, etc. Philolaus
J Archijlam Tarentinum confirme ces induc-
tions de la critique, et en reçoit à son tour une nouvelle
t.
Quid pettim PrtrsUlt ? autorité.
a
O paterl u p<ilria, o Prinvii dtinii/s.'
XXXV. Vcraum qucndtim PhilocleUe.
On voit, dans le chap. 19. tiv. ni des Turailrnm, que ces
Al<7/pôv <7'.toiï«v, (5ap6ipov; ô' èàv Xsy«v.
icrs appartenaient à YAiidromaque d'Emiiiis. Aristote disait, 'luoxpitr.v 3' iïv 'ktfivi.
XXVIII. Suratlo defriiigcndo. Par le mol siircvlus I vers que parodiait Arislote appartenait, pense-l-o»,
Le
l'orateur romain fait allusion une andruur coutume qui à une tragédie où Euripide avait traité, après Kschyle et
t:utisi&lail, en cas de contestation sur la propriété d'un Sopliorlc, £ le sujet de Philoctèle. Une comparaison des
Terrain, à briser une moite de terre, on rompre une trois t pièces, et uue paraphrase du prologue qui ouvrait
branche sur ce terrain, afin de constater ses droits à la celle c d'Kuripide, l'une et l'autre de Dion Chrysosloine
propriété. (Ornt.,
( i.u, i.ix), donnent sur le dernier des trois l'/iiloc-
tète
( de curieux renseignements et peuvent conduire à une
XXXII. AVmi inaurala statua, sedatma statuerelur. explication du cité par Cicéron, et dont Quinlilieu
Sll'on en croit tMiiie l'Ancien, HisL nui., xxxiu,24,Gorgias (Iwtil.orat., vers I) s'est aussi souvenu, ainsi que de
serait élevé lui-mêmecette statue, sibiposuil; mais il j m,
bH l'application qu'en fait Aristote. Il y est dit, que dans la
Tant mienx s'en rappoi 1er à l'assertionexprimée ici par Ci- tragédie d'Euripide les Troyens informés de l'importance
ceron et à celle de Valére Maxime vin 1 5 et lie Pansa- attachée
i)Uus,x. Selon ce dernier auteur, la statuon'étail que dorée, j par les oracles à la possession du héros et de ses
flèches, essayaient de se l'attacher. C'était probablement,
XXXIII. Magnitudines sunt arlium dimimtlœ. Ce comme le remarque Valckenaer (Diatr. in Jimïpid.
tlont se plaint ici Crassus est une suite inévitable de la fragm., j chap.xi), à celle tentative que s'appliquait la
nature des choses. Dans l'enfance des sociétés, les con- vers dont il s'agit. Qui le prononçait? La phrase de Cicéion
naissances humaines sont nécessairement bornées; les donnerait à penser que c'était Philoctète. Des savants ee-
K'ienccs ne se composent que d'un petit nombre d'ubseï penilant entre autres Musgrave préfèrent le rapporter au

l'intelligence d'un seul homme peut suffire à en saisir tout


l'ensemble. Mais bientôt l'expérience et le besoin coiului-
«nt h de nouveaux faits les observations se multiplient
t
valions; on ne sent pas encore le besoin de les diviser, et rôle d'Ulysse.
Matthiœ (liuiipidc,«r/»i., loin. 9, p. 28i), au sujet du
d'Aristote sur Isociatc rapporté par Cicéron i-l par
Quinfilien fait la remarque suivante « Qimd vero Cicero
i't le cercle des idées s'étend. Les rapports des choses, et Quiutilianus narrant contra Isocralem hoc v ersti usum
tnieux connus et déterminés avec plus d'exactitude, doi- esse Aristolelein id lcuii>orum rationiUus répugnai, lit
v»>nt niVH'ner do nouvelles classifications, et l'on sépare re jam nmnuit Aldobrand. ad Diog. Laert. locum si quidem
<ï\ir jut^ui' là uni* analyse moins échliréo avait réuni. Ainsi Isucralcs vita excessil olympiad. 110, 3, Arislotelcs ol.
NOTES DES DIALOGUES DE L'ORATEUR, LIV 111.
"* »' U1IJHIJUJ1 j Ul 111, **(:•
111,2 clemum Athenis scholam apei uit. Sed fortasse illuJ
de Aristotele non Stagirila sed Siculo valet, quem Dioge-
Ils ont beaucoup derapport avec ceux de Pacuvius, et en
sont peut-être imité».
lies, Y, 3Î>, Scrihit irpè; tôv *I(TO>tpa[TO*j;IlavTiYvpixàv
1.
àvtiyETpaipivat vel de lis qnic Aristotclem Stagirilam ip- XXXIX. Quandoquidcm Ule, etc.
sum contra Isocratem jam moituum scripsisse, proaivtiv On ignore de qui est ce vers, et d'où il est lire.
tôv àvSpa (3o-jX6[i£vov, narrât Diunys. Halic. Juilic. de Isocr.
18, t. v,p.577. Ed.Keisk ubi eliam apologiam Isocratis XL. Ulpes in navï. Par le mot pes, les anciens dési-
à Cephisodoro scriptam, sv rai; itpi; 'ApurroTéXri ômiYpa- raient soit l'extrémité inférieure de la voile, soit le cor-
çaïç commémorai, » dageau moyen duquel cette voile étaitattacliée par sa partie
basse au flanc du navire, comme elle l'était aux antennes
XXXVI. Nie Sulpicius Fénelon, en recommandant par Mpartie supérieure. La manœuvre qui consistait à
d'unir les études philosophiquesaux études oratoires, pa- tendre et à attacher ainsi la voile, pour la présenter à l'ac-
rait blâmer la méthode à laquelle s'arrête Sulpicius. 11 dé- tion du vent, s'appelait.facere pedem.
sapprouve ces gens qui vivent au jour la journée, sans Una omnes fecere pedem etc.
nulle provision Malgré tous leurs efforts, ajoute-t-il,
Virgile, &neid. V.
leurs discours paraissent toujours maigres et affamés. 11
n'est pas temps de se préparer trois mois avant de faire un Kexum quodper libram a?ifar. Chez les Romains
discours public ces préparations particulières, quelque la balance, libra, intervenaitdansplusieursactesayantnour
pénibles qu'elles soient, sont nécessairementIrès-impar- but soit de transférer la propriété, soit de constituer une
faites, et un habile homme en remarque bientôt le faible; obligation. Dans le premier cas, l'acte s'appelait mancipa-
il faut avoir passé plusieurs années à se faire un fonds tio; dans le second, il prenait le nom de nexum. Nous
abondant. Après cette préparation générale, les prépara- avons déjà vu (liv. t, eh. 53, et note) une espèce de lesta-
tions particulières coûtent peu au lieu que quand on ne ment dite per œs et libram, qui se faisait par la manci-
s'appliquequ'à des actions détachées, on est réduit à payer pation, c'est-à-dire, sous la fiction d'une transaction
de phrases et d'antithèses, on ne traite que des lieux entre deux parties contractantes, dont l'une était censée
communs, on ne dit rien que de vague on coud des lam- vendre, et l'autre acheter. Le prix de l'objet vendu était
beaux qui lie sont pas faits les uns pour les autres; on ne représenté par du métal, de l'airain œs et comme primi-
montre point les vrais principes des choses on se borne à tivement ce métal non encore monnoyé, était livré sous
des raisons superficielles, et souvent fausses; on n'est pas la forme de lingot, il fallait le peser De là la présenced'un
capable de montrer l'étendue des vérités, parce que toutes officier public appelé Libripens, qni, armé d'une balance
les vérités générales ont un enchaînement nécessaire, et présidait à la transaction. On voit combien il s'en faut que
qu'il les faut connaître presque toutes pour en traiter soli- le mot ncxum désigne ici un contrat de mariage, comme
dement une en particulier. Je voudrais qu'un orateur se toutes les traductions l'ont tort supposé.
préparât longtemps en général pour acquérir un fonds de
connaissances, et pour se rendre capable de faire de bons Cœli ingénies forniers. Il parait que par fornix il ne
ouvrages. Je voudrais que cette préparation générale le faut pas entendre une voûte dans le sens équivalent à l'ex-
mit en état de se préparer moins pour chaque discours pression poétiquecœli convexa. Car dans ce cas on ne voit
particulier. Je voudrais qu'il fut naturellement très-sensé pas pourquoi cette ligure serait blâmée par Cicéron. Le
et qu'il ramenât tout an bon sens qu'il fil de solides étu- mol/ornicc signifie apparemment une voûte oblongue et
des qu'il s'exerçât à raisonner avec justesse et exacti- non circulaire, comme l'arche d'un pont, le dessous d'un
tude, se défiant de toute subtilité. Je voudrais qu'il se portique, d'un arc de triomphe. 11 se prend même très-
déliât de son imagination pour ne se laisser jamais domi- souvent dans ce dernier sens. Ainsi on trouve plus haut
ner par elle, et qu'il fondât chaque discours sur un prin-
livre n, eh, 60, lia sibi ipsum magnum videri Mem-J
cipe iuduhilable dont il tirerait les conséquences natu- mnim, ut in forum descendens capul adforn icera Faùii
relles. demilleret.
Scribendi recte snpere est et principittm et fans. Vive, Ulysses, diim licel
Rem tibi Socralicœ poterunl ostendere charlœ, Ocutis postremum lumen radûitttm rtipe.
ferbaque provisam rem non invita seqiuntur.
Qui didicit patriœquid debeat, et quid amicù etc. »
On ne sait d'où sont tirés ces deux vers, ni quel en est
l'auteur.
XXXVIII. Ut Ccelius. Ce passage de l'historien Célius Cicéron (Academie. 1, lib. n, c. 28, ed. I. V. Leclerc),
Antipater était imité, en effet, de quelques vers de tragé- en parlant d'un homme dont la raison serait égarée, fait
die, qu'on trouvera plus bas, chap. 59. Voyez aussi V Ora- évidemmentallusion dans la phrase suivante, à nne scène
teur, chap. 49. de quelque tragédie Quid loquarde insanls?. quid ille
« qui, »
Tum pavarsapientiamomnem mihi exauimato expectoral. Video, yide.0 te vivum, Ulysses, dum licel:
Num non vis hujw me versuliloquas malilitis?
« Nonne etiam bis exclamavit se videre, cum omnino non
Le premier de ces deux vers est de VAlcméon d'Ennius.
Il est cité encore dans les Tusculancs, iv, 8. On ne sait si
« vider-et p
Si l'on pense, avec de savants critiques (Go-
ren7.,Schtitz,Bothe)que c'est le même vers qui se trouve
le second appartient à Pacuvius, à Attins ou à Ennius. Il cité dans les Académiqueset dans le de Oratore, avec la
est d'Attius, si l'on admet la conjecturede Gôrenz de Fi. différence de vivum à vive, il faudra admettre que ce mot
nibus, iv, 25. Les mots versutiloquas viati/ias sont ci- a été altéré dans l'un ou l'autre des deux ouvrages, ou, ce
tés dans VOrator, 49. qui n'a rien d'invraisemblable, que Cicéron lui-même, soit
XXXIX
Tenebrœ
Inhormcil
canduplkuntur, etc.
mnre,
trompé par sa mémoire, soit pour donner plus de sens au
vers qu'il isolait en le citant, lui aura fait subir, ici on là,
ce léger changement. Quoiqu'il en soit, il est fort probable
Ces vers appartenaient à une tragédie de Pacuvius in- que ce vers, ou ces deux vers, appartenaient à une tra.
titulée Dulorate (on Oreste, esclave.) Les deux premiers
sont cités dans le traité, de DivinaUone, i 14. parait qu'on continua mftine à peser l'airain Innnnoyé, à
11
t. cause de l'iiiiccrfuction et du l'eu de précision dc la monuale pri-
Les vers français sunt tirésde Yldoménée de Crébillon. mitive.
nage.

Ce
I. nw
NOTES DES DIALOGUES DE L'ORATEUR, LIV. III.
Rédie d'Ajax, et étaient mis dans la bouche de ce person-

XLI. Qutdnam est, obsecro.


versetlesuivantne contagiomea,elc, appartenaieutau
Thyeste d'Ennius. Le second est cité dans les Tuscula-
nés, m, 12.
Neque patiar ilerum etc.
On ne sait d'où sont empruntés ces deux vers, ainsi que
les deux suivants Erras, erras, etc. Bothe les place parmi
lesfragmentsezinceWis incertorum tragœdiis.
XLII. Jfrica terribili, etc.
Cicéron, dans l'Orator, cli. 27, cite ce même vers comme
d'Ennius; mais, en le citant, il en rompt la mesure, qu'ilil
rétablit ici.

A'os sumn' Ronwiti, qvifiwiiiiitit tinte Rildilii.


Lin. Nam et commoratio. Il ne faut pas oublier,
avant de parcourir cette énumération un peu confuse,
quelle est l'opinion constante de Cicéron sur les figures. il
entend par là tous les mouvementset les tours qu on peut
donner à la phrase, toutes les attitudes du style, cjr\v-i.ii,
comme it s'exprime lui-même, Oral., c. 25. Telle est aussi
la doctrine de la Khélorique à Hérennius, dans tout le
quatrième livre, où l'on voit au rang des figures de pen-
sées l'amplification, l'exemple, etc.; nouveau point de
conformité entre cet ouvrage et ceux que l'on ne conteste
pas à Cicéron. C'est à quoi n'a point songé Quintilien,
ix, 2, lorsqu'il lui reproche d'avoir compris dans sa clas-
sification plusieurs formes du discours, qui, suivant lui,
ne sont point des figures. Mais Quintilien, ix 1 comme
plusieurs rhéteurs modernes, entendait par figures des
façons de parler, éloignées de la forme commune et or-
dinaire, fausse définition si bien réfutée par Dumarsais.
Il était difficile qu'il fût de l'avis de Cicéron. Voyez l'Ora-
teur et les notes-
Juste-Lipse(Lect., liv. v.chap. 2) pense que ce vers appar-
tenait à quelque passage dans lequel Ennius, né à Rudic LIV. Depuis l'énumération de parties, l'auteur cite
(Rudiœ), ville de Calabre se lélicitait d'avoir reçu le titre quelques figures de pensées, qui lie paraissent pas être
de citoyen romain. Cicéron rappelleaussicette circonstance à leur place.
dans le discours proArchla, c. 9 « Ergo illam qui baec LV. Quid maxime deceat.
Voyez la traduction et.les
fecerat Rudium hominem, majores nostri in civitatem re- réflexions de Marmontel, Éléments de littérature, au
ceperunt. » 11 est probable que le vers précédent at Ro- mot CONYENANCE.
ittanus homo, est également d'Ennius.
LVI. Voyez, pour ce chapitre et les suivants, l'analyse
XLHI. Quamlepidûlexeis,clc. de Marmontel au mot Déclamation oratoire.
l'
Ces deux vers de Lucilius sont encore cités dans Oralor, Quanto. magis admiremini. Le mot d'Eschine
ch. 44.– Sur Albucius, voyez le Brutus, eh. 3o, avec la note, tel qu'il est cité par Pline le jeune, n, 3, a plus d'énergie
et le de Finib., i, 3, où Cicéron citesept vers «leLucilius. Tt ôè eî gcvtoû toO Ovjpt'ou t* 0(0x0 ^jiaTa [iowvroç àxrjXooiTï
La Harpe, en rappelant ce fait, ajoute la réllexion suivante
XLIV. Hane diligentiam subsequiturmodus etc. « Je he conçois pas, je l'avoue, comment il eut le courage
Dans une note du ch. vit de son Essai sur les Langues, de lire à ses disciples la harangue de Démosthène. On peut
J. J. Rousseau cite, sans le traduire tout ce passage, sur sanscrimeêlremoinséloquentqu'un autre; mais comment
lequel se fondent, dit-il, quelques savants, pour pré- avouer sans rougir qu'on a été si évidemment convaincu
tendre que les anciens ont connu et pratiqué dans Té- d'être un calomniateur et un mauvais citoyen? »
crltare les signes appelés accents.
LVIII. Impiui horlalur me f rater, etc.
Interspiralionis, etc- Le texte a paru à de bons criti- Suivant Botlie (Poelœ sceniici latin, fragm.), dont les
ques altéré dans cet endroit. On a proposé, non sans ap- opinions sur ces fragments sont quelquefois conjecturales,
parence déraison, de lire, interspirationis enim non ce vers appartenait à ÏAtrée d'Attius. 11 est encore cité
defaligatione nosira, etc. On trouvera, dans le ch. G8 dans les Tasculanes, îv, 36.
de l'Oratar, des idées semblables à celles que Cicétron ex-
prime ici. Segregare abs te misas.
Ce vers, déjà cité, liv. n, ehap. 46, est tiré du Teucer de
XLVI. Fastig'mm illud. Voyez la note du chap. 43, Pacuvius..
Philippique. Les antiquaires ne sont point tout
à l'ait d'accord sur le vrai sens du moi fasligium. Perrault, Ecqui$ hoc aiiimadvertit? Vincite.
dans ses notes sur Vilruve, l'explique par un fronton sur- Cicéron cite
encore ce vers dans le liv. iv, ch. 25, des
monté d'acrotères. On retrouve ce terme d'architecture, Tasculanes et le cite
comme d'Attius. « Croirons-nous
(le Divinat., I, 10; Titc-Live, xxvi, 23; XL, 2; Pline, dit-il, qu'Ésopns fut en colère
en prononçant ces mots,
xxxv, 12 xxxvi, 2,5, etc. ou Attius en les écrivant? » Namautegissennquamira-
XLVII. Quid petam prœsidi etc.
lum sEsopum, mit scripsise existimamus iratnm M-

titim ? p
Vers tiré de V Andromuquc d'Ennius. Voyez plus bas les
notes du ch. 58. Qiw mine me vertam, vie.
On consultera surtout l'Orateur, rliap. 52-71 si l'on Tiré de la tlidée d'Ennius, suivant Bothe.
veut avoir une idée plus approfondie de l'harmonie oratoire
dans la langue latine. Un temps de Crassus les Romains O paier! o palrïal o PrUtmi domus.'
ne connaissaient pas encore assez bien cette partie de l'artt Ce verset les deux suivants sonteites par Cicéron l Tuscul.,
du style, et Cicéron ne veut pas il faire honneur à Cras- m 19) comme appartenants à YAndromaque d'Ennius.
sus d'une science dont il donna lui-même le premier les Multï'modis sum cirvumventus etc.
préceptes et les modèles.
Cité parCicéron(<i'eJ'Jn!6K.!bon. et mal., !v,23),eonun<
L. Antipate.r Me Sidonlus. Sur Antipater do Sidon appartenant à YAlcméon d'Ennius.
qui avait le talent S'improviser, voyez Pline, vu, SI
Valère Maxime i 8 Cicéron de Fa/o, (liap. 2 cl fin- (tertrm Thycstes Alrciim etc.
Uoductiou an plaidoyer pour Arcliias. Tin' delMfr'ffed'Atlius. suivant Bothe.
4
NOTES
1\V1GJ DES DIALOGUES DE L'ORATEUR, LIV.
1J.c.~ L7:1W V·IU17J 11
III.
L VIII. &d detuiit etc.
mihi cum ces mauvais orateurs qui veulent toujours drelamer, et ne
jamais parler à leurs auditeurs; il laut au contraire que
Plusieurs manuscrits portent tetulit. On ne sait d'oh sont
chacun de vos auditeurs s'imagine que vous parlez à lui
tirés ces trois vers. Bothe suppose, avec apparence de rai-
son, qu'ils sont empruntésdequelque comédie latine. 11 faut en particulier. Voilà à quoi servent les-tons naturels, fami-
liers et insinuants. H faut, à la vérité, qu'ils soient toujours
remarquer que trois manuscrits ont, au second vers, Ajaci
iau lieu de alteri, ce qui pourrait faire croire qu'ils se graves et modestes; il faut même qu'ils deviennent puis-
cuvaient dans une tragédie. sants et pathétiques dans les endroits où le discours s élève
et s' échauffe. N'espérezpas exprimerles passionsparle seul
Qua tempçstate Paris, etc. effort de la voix; beaucoupde gens, en criant et en s'agitant,
On ne sait de qui sont ces trois vers, dont les premiers ne font qu'étourdir. Pour réussir à peindre les passions, il
l'
motssont encore cités dans Orateur, cil. 49. Bothc les range faut étudier les mouvements qu'elles inspirent. Par exem-
parmi lesfragmenta ex incertis incertorum tragœdiis. ple, remarquez ce que font les yeux, ce que font les mains,
LIX. Qiiipersonalum, ne Eoscium quidem. Ce pas- ce que fait le corps, et quelle est sa posture; ce que fait la
voix d'un homme, quand il est pénétré de douleur, ou
sage de Cicéron ne doit pas nous faire penser que Roseius surpris à la vue d'un objet étonnant. Voilà la nature qui
jouât ordinairementsans masque; nous savons au contraire
que, du temps de Cicéron, cet usage était établi chez les se montre à vous; vous n'avez qu'à la suivre. Si vous
Romains, à cause de l'immense étendue de leurs théâtres employez l'art, cacbez-le si bien par l'imitation. qu'on le
Pour expliquer cette espèce de contradiction, M. Schlege. prenne pour la nature même. Mais, à dire le vrai, il en est
(Cours de Poésie dramaUqueffemeque ce célèbre acteur des orateurs comme des poëtes qui font des élégies ou des
cédait quelquefois au désir de ses concitoyens, en se dis- vers passionnés. Il faut sentir la passion pour la bien pein-
pensant de suivre une coutume généralement pratiquée; dre l'art, quelque grand qu'il soit, ne parle point comme
mais celte conjecture est inutile. Festus nous apprend que la passion véritable. Ainsi, vous serez toujours un orateur
l'usage des masques dans les comédies et les tragédies est très-imparfait si vous n'êtes pénétré des sentiments que
postérieur de plusieurs aimées au poëte Névius, quum vous voulez peindre et inspirer aux autres; et ce n'est pas
multis post annis comœdi et tragadi personis uti cœ- par spiritualité que je dis l'Éloquence.
ceci, je ne parle qu'en orateur. »
perinl; on ne s'en servait jusque-là que dans les Atel- Fénclon Dialogues sur
lanes. Or, Névius mourut vers l'an de Rome 550; ainsi
les vieillards dont parle Crassus (en 6G2) avaient pu voir LIX. Subscqui debet gestus. On trouvera dans Quin-
les commencementsde cet usage et les premiers succès tilien (de Inslit orator. lib. xi, c. 3 ) sur faction, et prin-
de Roscius. Athénée dit même (liv. xiv) que Rosrius fut cipalement sur le geste, des détails infinis, qui tout mi-
le premier ou un des premiers, à Rome, qui introduisit nutieux et même puérils qu'ils peuvent paraltre, sont
le masque dans la comédie et la tragédie. curieux cependant, et intéressent par l'idée qu'ils nous
Sur l'usage des masques, outre un passage assez curieux donnent du soin avec lequel étaient étudiées toutes les
de Quintilien (xr, 3), on pourra consulter, Barthélemy, parties de l'art oratoire.
Fayote d'Anacharsis; l'abbé Dubos; un Mémoire de
BoiudiD Académie des inscrijttions tom. îv, pag. 132, LX. Cum ebumeola fistula. Anlu Gelle i 1
1, trans-
crit ce passage célèbre sur la flûte qui donnait le ton à
un Mémoire de Mongez, troisième classe de l'Institut, C. Gracchus.
tom. i, pag. 25G; le Traité italien de Ficoroni, traduit en
latin; Winkclruann tom. 1. pag. 411. 1. L' Onomaslicon du
grammairienJulius Pollux fournitaussi quelques renseigne- LXI. Quolefislula. et lamen. Le texte de cette phrase
ments sur cette question. a paru altéré à Ernesti. Le mot tnmen lui parait sur-
abondant ou plutôt contraire au sens. Il propose de lire
Inest quœdamvis a natura data. Tout l'art des quo tcjlsiula progredi sinel, en retranchant la négation.
bons orateurs ne consiste qu'à observer ce que la nature Cette correction, que nous n'avons pas osé adopter, nous
fait, quand elle n'est pas retenue. Se faites point comme semble heureuse.
BRUTUS,
ou

DIALOGUE SUR LES ORATEURS ILLUSTRES.

INTRODUCTION. tout ce qu'il touche et dans la bouche duquel la parole


ac-
quiert une grâce inconnue.
11 est curieux il est beau de voir un tel orateur
Déjà plus d'un an s'était écoulé depuis la bataille de passer
et juger avec la supériorité de sou génie tons les
l'harsale et Cicéron avait passé une partie de ce temps Mà personnages qui avaient
en revue
llnndes dans les plus cruelles inquiétudes. Il gémissait p~o-
paru avec plus ou moins d'éclat
les de la république, et il tremblait au barreau et à la Irilume politique. On croit voir Apelles
sur maux sur son pro-
'lu milieu d'une galerie de tableaux, expliquant et appré-
avenir. Enfin le vainqueur, après avoir soumis l'Egypte
rote
pre on- ciant les cllef6<l'œuvre qui l'environnent. Cicéron se
et pacifié l'Asie, revint à Rome, et rassura l'illustre con- on- d"nnc à '•m*"1<; dans ce muséum de l'éloquence
sulaire. Ce fut alors que Cicéron put aussi revoir cette^j" pa- auti-
que, la place que lui assignent la modestie et les bienséan-
trie, sauvée autrefois par son éloquence et son dévouement. 6g
Mais il la revoyait esclave, et l'autorité de la se
parole ces, accompagnées de la noble confiance d'un talent qui
se la f*connaI1- APles avoir jugé les
taisait devant la force des armes. Dans ce silence de la la à Atticus, autres, il laisse à Brutus,
ou plutôt à la postérité, le soin de le juger lui-
tion

tribune et du barreau, il se consola par la composition )"ue


"me- Mais nons fait l'histoire de ses études et il nous
d'ouvrages sur l'art oratoire etla philosophie. Le Dialogue teur montre par quels travaux et par quels degrés il est par-
intitulé Brutiis est un fruit de ces tristes loisirs. L'auteur leur
venu à cette hauteur, où l'admiration des hommes n'a
est à sa campagne deTusculum. 11 suppose qu'il y reçoit placé à côté de lui que Démoslhène et Bossuet.
une visite d'Atticns, qui lui avait adressé, quelque temps ( encore
;oit

Une courte analyse dunnera l'idée des principaux objcts


auparavant,un livre sur l'Histoire uni verseile (chap. 3 et 4), développés dans cet
ouvrage. Cicéron commence par dé.
et de Bruina, qui lui avait écrit d'Asie une lettre de con- plorer la perte d'Ilortensius, son rival et son ami, qu'il
solation sur les malheurs publics ( cliap. 3 et 96) car rce félicite cependant d'avoir échappé
célèbre républicain s'était soumis à la destinée et après
° près mités qui bientôt après
avoir combattu contre César à Pliarsale, il s'était récon- et 2). 11
cilié avec celui que l'empire reconnaissaitdésormais pour Il regrette
par la mort aux cala-
ont désolé la république (ehap. t
expose ensuitel'occasion et l'objet de ce Dialogue.
que, par le malheur des temps, la carrière de
son chef, etill'avaitsuivi en Orient. l'éloquence soit fermée à Brutus, encore jeune, et qui s'é-
César et Brutus revinrent de ce pays en octobre '06
70G tait déjà distingué dans les plus grandes causes (chap. 3-
comme on le voit par les dernières lettres du livre x'v xiv 6). Peut-être une critique sévère pourrait-elle reprocher à
des Familières adressées à ïérenlia. Ce Dialogue 5 ne ces quatre chapitres un peu de longueur. Nous aimons
peut donc avoir été composé avant la fin de l'an 706. Il
11 lie
ne qu'on nous mèue au but par moins de circuits. Toutefois
|ieut non plus l'avoir été plus tard qu'au commencement uent ces épanchements de l'amitié et ces plaisanteries familières
«le 707, puisque cette année-là même Brutus partit pour pour devaient avoir du charme
pour Brutus et Atticus, qui fu-
le gouvernement de la Gaule, départ auquel fait allusion
sion reut sans doute les premiers lecteurs d'un Dialogue dont
une phrase du ch. VS. D'ailleurs Caton d'Utique, Scipion pi°u. ils sont les personnages. Cicéron, en écrivant ces détails
.Métellus, et M. Marccllus. sont nommés, dans les chapitres
itres {[ui nous semblent surabondants, avait moins en vue la
Jl 58 et 71, comme vivant encore, et tous troU u™' postérité que ses amis et c'esl peut-élre un trait de un-
mouru-
rent en 707. Ainsi l'époque de cet entretien est horss de luicl qui ajoute à l'illusion.
toute contestation. On n'est pas fondé à penser, avec quel- piel- JI entre enfin en matière par quelques réllexions sur la
ques critiques, que Cicéron ne le publia qu'un an après
près difficulté de l'éloquence. Elle n'a brillé dans la Grèce que
l'avoir composé. Comment l'eùt.il mis ait jonr sans ns y longtemps après les autres arts. Histoire abrégée de
ajouter, ne fut-ce que dans la préface quelques regrets
;rcts l'éloquence athénienne. – Les sophistes. Socrate, leur
sur la mort de ces grands citoyens ? antagoniste. Isocrate, inventeur de l'harmonie dans la
Ce Dialogue est l'histoire la plus complote que l'anli- ;m!i- prose. Réflexions snrcetle harmonieet et jugement de
qnité nous ait laissée de la littérature romaine. L'auteur ur y l'oreille Caractèrede Lysias et de Démnsthène. – L'é-
raconte les commencements et les progrès de l'art oratoire, oire, loquence dégénère sous Déinélrius de Phalère. • – Cicéron
les noms et.les époques des orateurs qui se sont distingués. ,uës. résume ce qu'il a dit des orateurs grecs, et il en tire la
Il inarque leurs défauts et leurs perfections il fait pluss il conclusion qu' Athènes a exislé bien des siècles avant de
définit Ions les genres d'éloquence, et il révèle comme le en produire un homme vraiment éloquent. Il ajoute que cette
passant, les mystères de ce grand art; en sorte que le si gloire de bien dire n'a jamais été commune an reste de la
tous ses ouvrages didactiques étaient jierdus, cet entretien jlien Grèce; nuis que cependant elle a jeté un grand éclata â
pourrait presque en tenir lieu. A l'histoire et aux ré- Rliorles cl dans l'Asie (chap. r.-i.'i).
flexions de goût, Cicéron srmble avoir voulu joindre des Cicéron passe aux orateurs romains. Coup d'œil ra-

de
exemples et des modèles sans toutefois sortir des conve- nve- pide sur l'éloquence dans les premiers temps de la répu-
>uve blique. iïloyes funèbres. Caton le censeur comparé
nances du dialogue. Ainsi dans cet ouvrage on trouve
tous les tons, toutes les manières, depuis la simplicité, S, la àl.ysias- Le nicine Caton, orateur et historien. Pre-
familiarité même, jusqu'au style le plu, élevé, r.t lout tout miries pièces de théâtre données à Rome (chap. 14-19).
cela traité connue savait le faire un homme qui embellit icllit Divers orateurs Caton. – Scipion e'.
Lélius. Galba, orateur pathétique.

bien qu'ils ne parlent (chap. 20-24).


n.cn"
Réflexions sur
l'improvisation, Pourquoi quelques-uns écrivent moins
nnUTUS.
UUUI
n.v.
Calvus, orateur unique. – Discussion sur l'atlicisme
(chap. 82-S4).
Observations d'Atticus, qui prétend que Cicéron a pro-
Noms de plusieurs Romains qui exercèrent l'autorité de digué la qualité d'oraleur à une foule d'homme qui n'en
la parole on se distinguèrent dans la jurisprudence ou étaient pas dignes. Réponse de Cicéron (chap. 85-87).
l'histoire. Scévola l'augure, grand jurisconsulte (chap. Portrait d'Hortensius (chap. 88). – Commencements e!
25 et 36). progrès de Cicéron ses exercices oratoires en grec et en
Tiberius Gracchus et Carbon. Établissement des latin, ses premiers plaidoyers (chap. 89 et 90). Son
Questions perpétuelles ou Tribunaux permanents .(cha- voyage en Grec* et en Asie (chap. 91).-Les succès d'flor-
pitre 27). teusius enflammentson émulation (chap. 92). – Le talent
Énuméralion de plusieurs orateurs, parmi lesquels on d'Horlensius dégénère par l'inaction (chap. 93). – Hor-
distingue Scaurus, prince du sénat, et le stoïcien Ruti-
tensius se remet au travail et retrouve son éloquence.
Succès de Cicéron et d'Hortensius à la fois rivaux etamis
lius. Les stoïciens sont habiles dans la dialectique,
(chap. 94).
mais leurméthodeneconvientpoint au barreau. L'étude
Définition de l'éloquenceasiatique (chap. 95).
des philosophes nécessaire, mais insuffisante, pour for-
Carrière oratoire d Ilodensius et de Cicéron. Nou-
mer un orateur parfait (chap. 28-31). ).
Curioti le premier des trois oratcurs de ce nom ( cha- veaux regrets sur les maux de la patrie. Vœux pour
pitre 32). que des circonstances plus heureuses permettent à Brutus
de développer son talent pour la parole. Récapitulation.
C. Gracchus. Personne ne l'eût peut-être égalé s'il A peine chaque génération a-t-elle produit deux ora.
eût vécu plus longtemps. Loi Manilienne contre les teurs estimables (chap. 96 et 97).
et 34).

complices de Jugurtha. L'accusateur Brutus (chap. 33 Nous n'avons voulu indiquer dans cette analyse que les
noms les plus célèbres et les objets les plus importants
Catulus (celui qui vainquit les Cimbres avec Marins). dont il estquestion dans le Dialogue. Voilà pourquoi nous
– Métellus Numidieus. Cépion ( celui qui pilla l'or de avons laissé sans désignation le contenu de quelques cha-
Toulouse). Plusieurs autres noms plus ou moins célè- pitres, où l'on trouvera cependant des détails intéressants
bres (chap. 35 et 36). pour l'histoire et agréables pour le style.
Crassus et Antoine, les deux plus grands orateurs que Cicéron, à l'exemple de Platon a préféré la forme du
Rome eût produits jusqu'alors. – Seévola le pontife, le dialogue à celle de l'enseignement, dans presque tout ce
premier des jurisconsultes(chap. 37-40). qu'il a écrit sur l'éloquence et la philosophie. Mais il y a
Serv. Sulpicins, aussi grand jurisconsulteqneScévola plusieurs manières d'écrire un dialogue.
porte de plus danscettescience le llanibcau de la dialec- Ainsi, dans le Livre de la Vieillesse Cicéron, s'adres-
tique (chap. 41 et 42). Nouveaux détails sur Crassus sant à Atticus, lui rend compte d'un entretien qu'il sup-
(chapitre 43 et 44). pose avoir eu lieu entre Caton, Scipion et Lélius. Ces trois
Noms de quelques orateurs qui n'étaient pas de Rome, interlocuteurs parlentchacun àleur tour, et ce qu'ils di-
et réflexions sur l'urbanité particulière à la capitale (cha- sent est précédé de leur nom comme dans les dialogues
pitre 40). de Lucien comme dans les tragédies et les comédies.
Le jugement du peuple et celui des connaisseurs est le Cette méthode est assurément la plus commode elle dis-
môme en fait d'éloquence. Cette vérité prouvée par pense de répéter la formule, dit-il, reprit-il, répondit-
l'analyse de deux plaidoyers, l'un de Crassus, et l'autre il, chaque fois que l'interlocuteur change.
de Scévola (chap. 49-53). En quoi donc le savant l'em- Dans les Livres de l'Orateur, Cicéron raconte à Quin-
porte-t-il sur l'ignorant (chap. 54)? tns son frère, sur la foi de Cotta, un entretien qui eut lieu
Caractère des orateurs C. Cotta et P. Sulpicius (cha- dans sa jeunesse entre les plus célèbres orateurs de cette
pitre 55 et 56). époque. Ces orateurs parlent encore ici en slyle direct et
Réflexions sur l'usage de faire plaider la même cause chacun pour soi. Mais Cicéron (toujours comme interprète
par plusieurs avocats (chap. 57). de Cotta) garde jusqu'au bout le rôle de narrateur; et
influence de l'éducation domestique sur l'élégance et la chaque fois qu'un des personnages prend la parole, il
pureté du langage (chap.58). l'annonce par, inquit Crassus, inquit Sceoola, inquit
Curion, orateur d'une élocution brillante, mais dé- Antonius, etc.
pourvu de tout autre mérite ce qui prouve l'importance Dans le Brulus, Cicérnn a un rôle de plus. Il a lui.
d'une diction facile et d'un bon choix d'expressions (cha- même pris part à la conversation dont il se fait l'historien.
pitre 59-61). On conçoit qu'avec les formules, inquit Brutus itiqui r,
Loi de Pompée qui bornait le temps accordé à l'accusa- Atlicus, il doit employer aussi la première personne, in.
tion et à la défense (chap. 69). quant car il est narrateur de ce qu'il dit alors comme
Caractère de Marcellus (celui pour leqnfil Cicéron a pro- de ce que dirent les autres.
noncéson célèbre remerclment à César) chap. 71. 1 En un mot, dans le Livre de la Vieillesse Cicéron

Jugement d'Atticus sur César. Jugement de César met ses acteurs en scène, il les laisse agir et parler, et il
s'efface lui-même entièrement. Dansles Livres de l'Ora-
sur Cicéron (chap. 72).
Comparaison de la gloire de l'éloquence avec celle des teur, et dans le ISrulus, la scène se passe hors de la vue
armes (chap. 73). CoiTuption du goût produite par du lecteur; Cicéron est seul en sa présence et lui en fait
l'affluence des étrangers a Rome (chap. 74). Continuation l'histoire. Le premier de ces ouvrages est nu dialogue en

sur les Mémoires {commentant) de ce



de l'éloge de César comme orateur. Jugement de Cicéron action; les deux autres, des dialoguesen récit.
grand capitaine Nous avons cru devoir, dans la
t.
traduction, conserver
(ckip. 75). cette forme, en apportanttoutefois la plus grande attention
Éloge de Pison, gendre de Cicéron (chap. 78). Ca- à ce qu'il n'en résultat rien d'embarrassé pour le style, ni
ractère de Célius.– M. Calidius, orateur froid à force de d'obscur pour le sens. Présenter cet entretien sous une
perfection. – Anecdote à ce sujet (chap. 79 et 80). autre forme que celle qu'il a plu à l'auteur d'adopter, ca-
Curion (le troisième des orateurs de ce nom),et Crassus ne serait pas traduire. Le changementd'interlocuteur sera
le fils. Distinction entre les honneur* et les grandeurs toujours annoncé par un trait (-), et ce signe ne sera ja-
(chap. 81).
). mais (dans ce dialogue) employé aucun autre usage
quelquefois il a paru suffire pour remplacer le dit-il, plus
p glorieux d'avoir pour rival, que d'être tout
sans que la clarté y perdit rien. La même exactitude a à fait sans rivaux; surtout lorsque, loin d'avoir
présidé à toutes les parties de ce travail; puisse-lelle cherché à mettre obstacle au succès l'un
jamais
J'
n'avoir été pénible que pour letraducteur!
d l'autre, nous nous sommes au contraire se-
de
condésmutuellementpar un échange désintéressé
I. Lorsqu'à mon retour de Cilicie, j'appris de lumières, d'avis et d'encouragements?
à Rhodes, où je m'étais arrêté, la mort d'Hor- Au reste, la fin d'une vie, heureuse jusqu'au
tensius, j'en ressentis dans mon âme une dou- dernier instant, est arrivée plus à propos pour
leur plus vive qu'on ne saurait t'imaginer. Je lui que pour ses concitoyens. Il est mort à une
voyais rompre les nœuds de la plus douce liaison époque où il lui eût été plus facile de pleurer la
par la perte d'un ami qui avait tant de titres à république que de la servir, et il a vécu aussi
longtemps qu'on a pu vivre dans Rome avec
ma reconnaissance, et je m'affligeais encore en
pensant que la mort d'un tel augure dépouillait honneur et sécurité. Pleurons donc, puisqu'il le
notre collége de son plus bel ornement. A ces ré- faut, pleurons la perte que nous avons faite;
flexions venaient se joindre les souvenirs du mais au lieu de plaindre ce grand homme, féli-
passé c'était lui qui m'avait ouvert l'entrée de citons-le d'avoir terminé à temps son heureuse
ce collége, en me déclarant avec serment, digne et brillante carrière; et dans les regrets que nous
d'y être admis; c'était lui qui m'avait consacré; donnons à sa mémoire, gardons-nous de paraître
et d'après les institutions des augures, je devais l'aimer moins pour lui que pour nous-mêmes. Car
le chérir et le respecter comme un père. Pour si notre chagrin est de ne pouvoir jouir de sa
surcroît de douleur, un homme d'un si rare mé- présence, ce malheur nous est tout personnel,
rite, dont les vues et les principes s'accordaient et nous devons modérer notre affliction pour
si bien avec les miens, un tel homme, enlevé qu'elle ne paraisse pas inspirée par l'intérêt plu-
dans les conjonctures les plus fatales à la répu- tôt que par l'amitié. Si au contraire nous le pleu-
blique, augmentait encore la disette déjà trop rons dans la pensée que c'est un mal pour lui de
grande de citoyens sages et vertueux, et nous n'être plus, nous ne jugeons pas avec une âme
laissait le triste regret d'être privés de l'autorité assez reconnaissante le bonheur de sa destinée.
de ses conseils, et des lumières de sa prudence. II. Si Q. Hortensius vivait encore, sans doute
Enfin, celui que je venais de perdre n'était point, il déplorerait toutes nos pertes avec ce qui reste
comme beaucoup le pensaient, un adversaire et de citoyens honnêtes et courageux; mais une
un rival jaloux de ma célébrité c'était mon ami douleur qu'il endurerait de plus que les autres,
et mon compagnon dans une honorable carrière. ou que bien peu ressentiraient comme lui, ce
En effet, si l'histoire des arts moins importants serait de voir le forum du peuple romain, ce
nous apprend que de grands poëtes ont pleuré théâtre où avait éclaté son génie, déshérité, pour
la mort de poëtes leurs contemporains, combien ainsi dire et privé des accents de cette voix sa-
ne dois-je pas regretter un homme qu'il était vante, digne de charmer la délicatesse des Grecs

I. Quum e Ciliciadecedens Rhodum venissem, et eo mihi per alter ab altero adjutus et commuincLndo et monemlo
de Q. Hortensii morte esset allatum, opinione omnium et favcndo.
majurem animo cepi dolorem. Nam et amico amisso, Sed quoniam perpetua quadam felicitate usus ille
quum consuetudine jucunda, tum inultorum officiorum cessit e vita, suo magis, quam snorum civium tempore,
conjunctione me privatum videbam, et interitu talis au- et tumoccidit quum higere facilius rempublicam posset,
guris dignitatem nostri collegii deminutam dolebam qua si viveret, quam juvare; vixitque tamdiu quam lieuit in
in cogitatione, et cooptalum me ah eo in collegium recoi- civitate bene beateqne vivere nostro incommodo detri-
dabar, lu quo juratusjudiciumdiguitatis jneœ fecerat, et mentoque, si est ita necesse, doleamus illius vero morlis
inanguratum ab codem; ex quo, augurum instituas, in opportunitatem benivolenlia potius, quam misericordia
parentis cum loco colere debebam. Augebat etiam mole- prosequamur ut quoUescumque de clarissimo et beatis-
sliam, quod magnasapientinmcivium bonorumquepeim- simoviro cogitcmus, illum potius, quant nosmet ipsos,
J
ria, vir egregius, conjunctissimusque mcciiin consiliorum diligere videamur. Piam, si id ilolennis, quod eo jum frui
omnium societate alienissimo reipublicaetenipore exstin- nubis non licet; nostrmn est id malum qiiod modice
ctes, et aucloiitatis, et prudentiic suœ triste nobis desi- fi'rainus ne id non ad amiciliaiu sed ad domesticani
deiiuin reliqueral; dolcbamque, quod non, utpleriquepu" utilitiitern referre videamur sin tanquam illi ipsi acerui-
tabaitt, adversarium aut obtrectatorem laudum meaium Uitisaliquidaccident, angimur; summain ejus l'elicitaltm
sod socium pntius, et consortem gloriosi laboris ainiseram. non satis grato animo ititerpietamur.
l'tenim si in leviorum artium studio mcmoriae proditum il. Ktenim si viveret Q. Hortensius, cetera fortasse
est, poetas nobilcs poetarum a?qualium morte doluisse; dcsiileraret una cum rclkruis bonis et fortibus civibus;
quo tandem animo ejus iuteritum ferre dehui cum quo hune aulcni prseter celeros aut cum paucis sustineret do-
ci-Mare erat gloriosius, quam omnino adversarium non lorem, quutn forum populi romani, quod fuisset quasi
!i iImtiv1 quum piicseruïn non modo nunquam sit autillius Ilii-atruni illius ingenii, voce ermlita, et romanis graeds-
a me cursus impeditus, aut ab illu meus, sel contra scm- que aiii'Hjus digna, spoliatum alque orbatum videret.
aussi bien que l'oreille des Romains. Pour moi, HT. Un jour que, libre de toute affaire, je me
j'ai le coeur déchiré quand je pense que la répu- promenais dans mon jardin, M. Brutus vint me
blique n'attend plus rien des armes que fournis- voir, suivant sa coutume, avec Pomponius At-
sent la raison, le talent, la considération person- ticus. Une étroite amitié les unit ensemble, et ils
nelle, ces armes que j'avais appris à manier, me sont si chers, leur société m'est si agréable,
auxquellesje m'étais accoutume, et qui convien- qu'à leur vue toutes mes tristes réflexions sur les
nent seules à un homme distingné dans l'État affaires publiques s'évanouirent aussitôt. Après
à un État gouverné par la justice et les lois. Eh les avoir salués Quoi! vous maintenant, leur 1

s'il fut un temps où l'influence et les discours dis-je, Brutus et Atticus? Qu'y a-t-il donc de 1
d'un bon citoyen auraient pu désarmer le bras nouveau? Rien, dit Brutus, que vous soyez
de citoyens divisés par la colère, ce fut sans doute curieux d'entendre, ou dont je puisse vous ga-
lorsque, soit erreur, soit crainte, on refusa d'en- rantir la vérité. Alors Atticus En venant
tendre les défenseursde la paix. Ainsi moi-même, auprès de vous, dit-il, nous nous sommes pro-
parmi tant d'autres maux bien plus dignes de mis un silence absolu sur la politique nous vou-
larmes, il m'est arrive de gémir encore de ce lons jouir de votre entretien, et non renouveler
qu'à un âge où, après l'exercice des plus gran- vos chagrins. Eh mon cher Atticus, leur
des charges, je croyais toucher au port, non dis-je, votre présence à tous deux soulage mes
pour y trouver l'oisiveté et l'inaction, mais pour ennuis; et, même absents, vous m'avez donné de
y goûter avec sobriété les douceurs d'un noble grandes consolations. Ce sont vos lettres qui ont
repos; à un âge où mon éloquence, pour ainsi commencé à me ranimer, et m'ont rendu à mes
dire blanchissante, était elle-même parvenue au anciennes études. J'ai lu avec beaucoup de
temps de sa maturité et de sa vieillesse, j'ai vu plaisir, repartit Atticus, la lettre que Brutus
tirer de leur fourreau des épées, dont ceux même vous a envoyée d'Asie. Il m'a paru vous y don-
qui avaient appris à en faire un usage glorieux ner de sages avis, et des consolations pleines
ne pouvaient, hélas faire un usage salutaire. d'amitié. Vous en avez bien jugé, répondis-je.
Aussi je regarde comme souverainementheureux Vous saurez, en effet, que cette lettre a calmé
les citoyens qui, dans les autres républiques, toutes mes douleurs, et m'a fait, comme après
et surtout dans la nôtre, ont pu jusqu'à la fin, une longue maladie, rouvrir les yeux à la lu-
jouir de la considération attachée à leur nom, mière. Après la désastreuse journée de Cannes,
de la gloire acquise par leurs services, et de ce fut Marcellus qui releva, pour la première
l'estime que procure la sagesse. Le souvenir de fois, le courage du peuple romain, par la ba-
ces grands hommes, rappelé à mon esprit par un taille de Nola; et cette victoire fut suivie d'un
entretien que j'eus dernièrement, est venu ap- enchaînement d'heureux succès. De même, de-
porter une bien douce consolation à l'amertume puis la fatale époque de mes infortunes particu-
des chagrins que je ressens. lières et des malheurs publics la lettre de B ru-

t
Equidem angor animo, non consilii, non ingenii, non III. Namquum inambularem in xysto, et essem ntiosus
anoloritatis armis egere rempublicam, quafi didiceram tra- domi, M. ad me Bmtus, ut consueverat, cum T. Pompo-
clare, quibusquemeassuefeceram, quseque erant propria nio venerat, homines quum inter se conjuncti, tum mihi
quum praestantis in republica viri, tum bene moratœ et ita cari, itaque jucundi, ut eorum adspectu omnis, qure
bene constitutas civitatis. Quod si fuit in republica tempus me angebat de republica, cura consederit. Quos postquam
uUum, quum extorquere arma posset e manibus iratorum salutavi Quid vos, inquam, Brute et Attice, mine? qnid
dvium boni civis auctorftas et oratio; tum profecto fuit, tandem uovi? Nihil sane, inquit Brutus, quod quidciu
quum patrocinium pacis exclusumest aut errore hominum, aut tu audire velis, aut ego pro certo dicere audeam.
aut timoré. Ha nobismet ipsis accidit, ut, quanquam es- Tum Atticus, Eo, inquit, ad te animo veninius, ut de
sent multo magis alia lngenda tamcn hoc dolcremus republica esset silentium, et aliquid audiremus potius ex
qnod qno tempore aetas nostra pei functa rebus amplisii. te, quani tcaflïceremus uHamoIcsu'a. – Yosvero, inquain,
mis, tanquam in purtum confugerc deberet non inerliae Attice, et prœsentem me cura ievatis, et absenti magna
neqiie desidiae sed otii moderati atquc honesti quum' solatia dedistis nam vestris primum litteris recreatus, me
que ipsa oratio jam nostra canesceret, habcrctque suam ad pristina studia revocavi.-Tumille, Legi, inquit per-
qnamdam matiuitatem, et quasi senectutem tum arma lubenter epistolam, quam ad te Brutus misit ex Asia, qua
suut ea sumta, quibus illi ipsi qui diilicerant eis uti inihî visus est et monere te prudeuter, et conaolari ami.
gloriosc, qucmadmodiim salutarilér uterentnr, non repe- cissime. – Itecte, inquam, est visus; nammeistis scito lit-
riebant Itaque ii mihi videntur fortunate beateque misse, teris, ex diutunia perturbationc totiusvalitudinis lanquam
quum in ceteris civitatibus, tum maxime in nortra, qui-i- ad adspiciendam lucem esse revocatum. Alqne ut, Post
bus quiim auctoritate, rcmmqiie gestarum gloria, tnra Caimensem illam calamitatem, primum Marrelli ad Noiam
etiam sapientiœ laude perfrui licuit quorum memoria et prœliit popiilus se romanus erexit, poslcaque prospéras res
recorilntioinmaximisnostrisgravissimisqiiecurïsjucunda deinceps multœ oonsecutœ snnl sic post rerum uostrarum
saue fait, quum in eam nuper ex scrmflne quodam, iuci- et communium gravissimoe casua, nitiil ante epislolain
(lihsemus. ISruti mibi accidit, quod vellem, aut quod aliqua ex parte
tus est le premier événement qui m'ait causé imesure, et même plus, si on le peut. Pour la
quelque joie, ou qui ait apporté du moins quel- bonne
1 volonté, je vous promets la mesure tout
que adoucissement à mes peines. J'ai voulu, <
entière; mais pour la dette elle-même, je ne crois
en effet, vous consoler, dit Brutus, et j'éprouve 1 pas qu'il me soit possiblede l'acquitter encore et
une vive satisfaction d'avoir réussi dans un si jje vous prie de me le pardonner. Je ne puis,
grand dessein. Mais je voudrais savoir quelle comme les laboureurs, vous rendre ce que j'ai
lettre d'Atticus vous a aussi causé tant de plaisir reçu de vous, ni en fruits nouveaux je suisfrappé
Oui, repris-je, elle m'a causé du plaisir; elle d'une stérilité absolue, et une malheureuse sé-
m'a même, je l'espère, rendu la vie. La vie 1 cheresse a tari les
sources de ma fécondité ni en
dit Brutus de quelle nature est donc ce précieux anciennes productions celles-ci cachées à la lu-
message? Ce message, répondis-je, est un mière, ne sont plus accessibles même pour moi
livre qui m'a tiré de l'anéantissement où j'étais et jamais elles ne l'ont guère été que pour moi
plongé. Était-il possible de m'adresser un té- seul. Je sèmerai donc comme sur une terre in-
moignage d'amitié qui me fût plus doux, et qui culte et abandonnée, et je tâcherai de la cultiver
vint plus à propos? Vous parlez sans doute, avec assez de soin pour vous payer jusqu'aux in-
dit-il, de cet ouvrage où Atticus a renfermé en térêts de votre don généreux, si toutefois il peut
abrégé, et, comme il m'a paru, avec beaucoup en être de mon esprit comme d'un champ, qui,
d'exactitude, l'histoire de tous les siècles. Oui, après un repos de plusieurs années, donne une
Brutus, c'est précisément ce livre qui m'a rendu moisson plus abondante.
la vie. J'attendrai ce que vous me promettez,
IV. Alors Atticus Vous ne pouvez rien me repritAtticus; mais je n'exigerai qu'à votre corn
dire de plus agréable mais qu'y a-t-il enfin dans modité le payement de cette dette, et je serai
cet ouvrage qui soit nouveau pour vous, ou qui charmé si vous vous acquittez. Et moi aussi,
puisse vous être si utile?- Du nouveau, répon- dit Brutus, il faudra bien que j'attende ce que
dis-je, il y en a beaucoup; quant à l'utilité, j'y vous laites espérer àAtticus. Peut-être cependant
ai trouvé celle que je désirais, de voir l'ordre des me verrez-vous mandataire officieux, réclamer
temps développé à mes regards, et de pouvoir pour votre créancier ce qu'il déclare ne vouloir
d'un coup d'œil embrasser tout ce tableau. Pen- exiger de vous qu'à votre loisir.
dant que je le parcourais avec curiosité, la vue V. C'est fort bien, Brutus, dis-je à mon
même de l'ouvrage m'a étésalutairc elle m'a fait j tour; mais je ne payerai entre vos mains qu'après
songer, Atticus, à tirer de notre liaison un nou- que vous m'aurez garanti qu'aucun demandeur
veau moyen de ranimer mon courage en vous compétent ne viendra plus rien me demander au
adressant à mon tour un présent, qui, sans valoir même titre. Je n'oserais en vérité, repartit
le votre attestât au moins ma reconnaissance. Brutus, vous donner une pareille garantie; carje
Les savants citent avec éloge la maxime d'Hé- vois déjà ce créancier si facile, prêt à devenir,
siode, qui recommande de rendre mesure pour sinon importun, du moins vif et pressant. Je
snlliciludines allcvaret nicas. – Tum Brutus Volui id qui- a doctis, quod eadem mensura reddme jubet qua accepe-
ilein eflicere cei te et capio magnum fructinii si quidem ris, aut etiam cumulatiore, si possis. Ego autem volunla-
quod volui, tanta in re consecutus sum. Sed scire cupio tem tibi profecto emetiar sed rem ipsam noiidum posse
|ii<e te Attici litterm delectaverint.– Istae vero, inquam ïideor idque ut ignoscas, a te peto. Nec enim ex novis
Hmtc, non modo deleclationem mihi, sed etiam, ut spero, (ut agricole soient) fructibus est, nnde tibi reddam quod
salnlem altulerunt – Salatem? inquit ille quodnam lan- accepi; sic omnis fœtus repressus, exustusque nos siti
dem genus istud tain praedarum lilterarum fuit? – An veleris ubertatis exaruit ncc ex couditis, qui jacent in
mihi (totuit inquam esse ant gratior ulla salutatio, aut tenebris, et ad quos omnis nobis aditus, qui paene soli.
ad hoc tempus aptior, quam illius libiquo me hic affatus patuit,obstrucluscst. Seremus igitur aliquid tanquam in
quasi jacenteiii exdtavit? – Tum ille, Nempe eum dicis, inculto etderelictosolo; quud ita diligenter colemus.ut
inqtiil quo iste onincm rerum memoriam breviter, et, ut impendiis etiam augere possimus largitateiii tui mnneris;
mihi quidem visum est, perdiligcnler complexus est?- modo idem noster animus efficere possit, quod ager, qui,
islum ipsnm, ini |iiain Unité dico li bruni mihi saluti fuisse. •nium multos annos quievit, uberiores eflene fruges solet.
IV. – Tum Alticus Oplalissimum mihi quidem est quod – Tum ille, Ego vere et exspectabo ea, qui» polliceris
dicis sed quid tandem habuit liber iste, quod tibi aut no- ncque exigam, nisi tuo eommodo, et erunt mihi pergrata,
vum, aut tanto usui posset esse ? – Ille vero et nova, in- si solvcris. – Mihi quoque, inquit Brutus et exspectauda
quam mihi quidem multa, et eam utilitatem quam re- sunt ea, quie Attico polliceris; etsi fortasse ego a te hu-
(|tiirebam, ut, explicatis ordinibus temporuin, une in jus voluatarius procuralor petam, quod ipse, cui dehes,t
conspectu omnia viderem. Quae quum studiose tractaie se incommodo exacturum negat.
cœpissein ipsa mihi tractatio litterarum salutaris Fuit V. – At vero, inquam, tibi ego, Brute, non solvam,
ailinonuitque Pmnpnnt lit a te ipso sumemn aliquid ad nisi prius a te cavero, amplius eo nomine neminem rujus
nie ralicieiiiluiu, teqnft reiiiniieiaiidiini, si non pari, at pelitio sit, petiturum. – ^on inehercule, inquit, lihi ro-
gralo tamr il itiuntTtf qiianquam illud Hi'sioilium laudalitr liroinillere isluc quidnii ausiis siin; nam hune, qui iifë'1'»
j
crois, dit Atticus, que Brutus n'a pas tort; car je i.jotarus, le meilleur et le plus fidèle de nos alliés
me sens déjà la hardiesse de requérir l'accom- et e à ce propos, la conversation tomba sur les
plissement de votre parole, aujourd'hui que je orateurs.
o
vous trouve un peu plus de gaieté que vous n'en VI. Je sais, dit-il, que ce fut là l'occasion
avez eu depuis bien longtemps. Ainsi, puisqu'il de d notre entretien, et qu'en plaignant le sort de
s'est chargé d'exiger ce qui m'est dû je réclame, Brutus,
E vous gémissiez de voir les tribunaux
moi, ce que vous lui devez. Qu'est-ce donc ddéserts, et le forum abandonné. C'est ce que
que je lui dois? répondis-je. Quelque ouvrage .je
de votre main, dit-il car il y a trop longtemps fet,fi
j
i fais encore bien souvent, répondis-je. En ef-
Brutus, en jetant les yeux sur vous, je me de-
que vous gardez le silence. Depuis que vous avez mande
n avec inquiétude quelle carrière trouvera
publié vos livres sur la République, nous n'avons jijamais ouverte ce talent admirable, ce profond
absolument rien reçu de vous; et cependant ces savoir,
s. cette activité singulière? C'est lorsque
livres m'ont donné à moi-même l'idée de rédiger vousv vous étiez déjà distingué dans les plus gran-
d causes, c'est lorsque mon âge vous cédait la
l'histoire des temps anciens, et ont enflammé mon des
ardeur pour le travail. Mais vous penserez à cela place,
p et baissait les faisceaux devant vous, c'est
quand vous le pourrez, et je vous prie de le pou- alors
a que parmi tant d'autres malheurs publics,
voir bientôt. Maintenant, si vous avez l'esprit nousn avons vu cette éloquence, dont nous nous
assez libre, expliquez-nous ce que nous vous entretenons,
c condamnée au silence. J'en gé-
demandons. -Que me demandez-vous? lui dis- mis n comme vous, dit Brutus et je pense qu'on
je. – Cette histoire des orateurs que vous avez doitd en gémir à cause de la république; mais ce
commencé de me faire dernièrement à Tusculum q j'aime dans l'éloquence c'est moins la gloire
que
quels furent leurs noms, leur mérite, et l'époque ete les fruits qu'elle procure, que l'étudeelle-même,
où il a commencé d'en paraître. J'ai parlé de et e un noble exercice de l'esprit. Or, avec un ami
cet entretien à votre ami, ou plutôt à notre ami telfi que vous, rien ne peut m'enlever cet avan-
Brutus, et il a témoigné un grand désir de vous tage.
t. En effet, on ne peut bien parler, si on ue
entendre. Nousavonschoisicettejournéeoùnous pense p avec sagesse. Étudier la véritableéloquence,
savons que vous êtes de loisir. Reprenezdonc, s'il c'est
c donc étudier la sagesse, à laquelle les plus
vous plaît, pour Brutus et pour moi, le détail que grands
g troubles de la guerre ne peuvent forcer
vous aviez commencé.- Je vous satisferai, si je personne
p de renoncer. Vous avez raison, Bru-
le puis, répondis-je. Vous le pouvez, dit At- tus, ti et j'attache d'autant plus de prix à ce talent
ticus, rendez seulement à votre esprit un peu de de d bien dire, que dans tout le reste il n'y a pas un
liberté, ou plutôt affranchissez-le entièrement, homme
h de si peu de mérite qui ne croie pouvoir
si cela est possible. -Eh bien! Atticus, je vous parvenir,
p ou être déjà parvenu aux distinctions
parlais d'un discours où Brutus a déployé toutes queq l'on regardait autrefois comme les plus belles
les richesses de l'éloquence en faveur du roi Dé- ete les pins honorables; mais des orateurs, la vic-

video flagitatorem, non illnm quidem tibi molestum, sed mention facta, causam Dejotari, fidelissimi atquc optimi
assidnnm tamen, et acrem fore. -Tum Pomponius, Ego régis, n ornatissime et copiosissime a Bnito me audisse de-
vero, inquit, Brutum nihil mentiri pnto. Videor enim jam fe fensam.
te ausurns esse appellare; quoniam longo intervallu modo VI. Scio, inquit, ab isto initîo tractum esse sermo-
primum animadverti panllo te hilariorem. Itaque, quo- nem, n teque Bruti doleulem vieem quasi deflevisse judi-
niam hic, quod mihi deberetur, se exacturum professus ciorum ci vastitatem et fori – Feci inquam istuc quidem
est, quod liuic debes, ego a te peto. Quidnam id ? in- et ei saepe facio. Nam mihi, Brute, in te intuenti crebro in
quam. -Ut scribas, inquit, aliqnid; jampridem enim mentem
n venit vereri ecquodnam curriculum aliquando
si habitura tua et natura admirabilis, et exquisita do-
conticnerunt tuœ litterae. Nam ut illos de republica libros sit
edidisti, nihil a te sane postea accepimus; eisque nosmet ctrina,
ci etsingularis industria. Quum enim in maximisenu-
ipsi ad veternm annallum memoriam comprehendendam sis si versatus esses, et quum tihi astas nostra jam cederet,
impulM,atque incensi sumus.Sed illa, quum poteris atque fascesque
fi summitteret subito in eivitate quum alia ceci-
ut possis, rogo. Nunc vero, inquit, si es animo vacuo, ex- derunt,
d tum etiam ea ipsa, de qua disputareordimur, elo-

pone nobis, quod quœrimus. Quidnam est id ? inquam. quentia
-Quod mihi nnper in Tusculano inchoasti de oratoribus, inqilit
q
h
obmutuit. Tum ille Ceterarum rerum causa.
istuc et iloleo et dolendnm puto dicendi autem
quando esse cœpissent, qui etiam, et quales fuissent; me n non tam fructus et gloria, qnam studium ipsum exerci-
quem ego sermonem quum ad Brutnm tuum, vel nostrum tatioqne U delectat, quod mihi nulla res eripiet, te praser-
potins, detulissem, magnopere hic audire se velle dixit. tim ti fam stndioso. Ktenim n'itère bene nemo potest, uisi
Itaque hune elegimus diem, quum te sciremus esse va- qui q prudenter intelligit. Qnare qui eloquentia) verse dat
cuum. Quare, si tibi est commodum ede illa, qux cœ- operam,
o dat prudentiœ qua ne maximis quidem in bellis
peras et Bruto, et mihi.
faciam vobis salis.
– Ego vero, inquam si poturao, aequo
a
Poteris inquit relaxa modo paul- Brute,
E

animo carere quisquam potest. Prœclare,inquam,
dicis eoque magis ista dicendi lande delector, quod
tum animum, aut sane, si potes, libera.
tL101,Pomponi,
7C tum,
hinc YOn1~10111,ductus
QUCtU6est
p6t sermo,
– Kempe igilur cetera,
QuOU erat
6CfI170,quod
c
me nemo
erw ua~ne
quai sunt quondamhabita n civitate pulcuerrima
nnClllu e:t tam ilIJmlll~,
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humîlis IJlII poss? adipisci,
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(.KfKCK.–TCMrt. 1.
toire n'en a pas fait un seul. Au reste, asseyons- nements de l'éloquence. On croit néanmoins que,
jxnis, si vous le voulez bien, pour suivre plus longtemps auparavant, Pisistrate, Solon, un
commodément notre conversation. peu plus ancien que Pisistrate, et Clisthène,
Ils y consentirent, et nous nous assîmes sur avaient pour leur siècle un grand talent oratoire.
un tapis de verdure auprès de la statue de Platon. Quelques années plus tard, comme on peut le
Alors je leur dis Il n'entre point dans mon voir par l'histoire d'Athènes, parut Thémistocle,
plan, et il n'est point nécessaire de faire ici l'é- aussi grand orateur qu'habile politique. Après
loge de l'éloquence, ni de retracer les grands lui Périclès renommé par tant d'autres qualités,
effets qu'elle produit, et l'éclat qu'elle répand le fut surtout par son éloquence. On convient
sur ceux qui la possèdent. Ce que je puis affir- aussi que dans le même temps, Cléon, citoyen
mer sans crainte d'être contredit, c'est qu'à la factieux, n'en fut pasmoins un orateur distingué.
considérer, ou comme un art, ou comme un fruit Presque à la même époque se présentent Alci-
de l'exercice, ou comme un don de la nature, biade, Critias, Théramène. C'est surtout par les
il n'est rien au monde qui soit plus difficile. Desi écrits de Thucydide, leur contemporain, qu'on
cinq parties dont elle est composée, chacune est peut juger quel goût régnait alors. Leur style
déjà par elle-même un grand art or, on doit était noble, sententieux, plein dans sa précision,
juger de la grandeur et de la difficulté d'une et par sa précision même un peu obscur.
œuvre où toutes les cinq doivent concourir à la VIII. Dès que l'on eut compris tout l'effet d'un
fois. discours composé avec soin, et qui fût en quel-
VII..l'en ai pour preuve la Grèce. Elle est que sorte un ouvrage régulier, alors s'élevèrent
passionnée pour l'éloquence, et elle la cultive tout à coup une foule de professeurs dans l'art
depuis longtemps avec un succès qu'on n'égale de parler. Gorgias le Léontin Thrasymaque de
point ailleurs; cependant les autres arts y sont Chalcédoinc, Protagoras d'Abdère, Prodicus de
encore plus anciens. Les Grecs les ont inventés, Céos, Hippias d'Élis, acquirent une grande ré-
perfectionnés même, bien longtemps avant d'a- putation. Beaucoup d'autres, à la même époque,
voir tourné leurs efforts vers ce bel art de la pa- se vantaient, avec une présomptueuse arrogance,
role. Quand je porte mes regards sur ce pays, d'enseigner comment lacausc la plus faible (c'est
Atticus, votre chère Athènes se présente d'abord ainsi qu'ils s'exprimaient) pouvait, à l'aide de la
et brille à mes yeux. C'est là que s'est élevé le parole devenir la plus forte. Socrate se prononça
premier orateur; c'est là que le premier discours, contre eux, et réfuta leurs systèmes avec une
conservé par l'écriture, a été transmis à la pos- dialectique fiue et ingénieuse ses doctes entre-
térité. Avant Périclès dont on cite quelques écrits, tiens formèrent une foule de savants hommes;
et Thucydide qui, comme lui, vivait dans un i et c'est alors que fut trouvée la philosophie, non
temps où Athènes était déjà bien loin de son ber- celle qui explique les secrets de la nature (elle est
ceau, on ne trouve rien qui soit embelli des or- plus ancienne), mais celle qui traite du bien et

adeptum putet eloquentem neminem video factum esse5 runlur, et Thucydidem qui non nascentibus Athenis,
victoria. Sed quo facilius sermo explicetur, sedentes, si sed jam adultis fuerunt, littera nulla est, quae quidem
videtur, agamus. ornatum aliquem habeat et oratoris esse videatur. Quan-
Quum idem placuisset illis, tum in pratulo propter quam opinio est, eteum, qui multis'annis ante hos fuerit,
Platonis statuam consedimus. Pisistratum et paullo seniorem etiam Solonem, posleaque
Ilic ego Laudare igitur eloquentiam et quanta vis sit Clisthenem multum, nt temporibus illis, valuisse di-
ejus expromere, quantamqueiis qui sint eam consecuti, cendo. Post hanc aetatem aliquot annis, ut ex Atticis mo-
dignitatem afferat, neque propositum nobis est hoc loco,numentis potest perspici, Themistoclcs fuit; quem con-
neque necessarium. Hoc vero sine ulla dubitatione confir- • stat quum pruderitia, tam etiam eloquentia prwstitisse
maverim, sive illa arte parialur aliqua, sive exercitatione post Periclcs, qui quum floreret omni genere virtutis,
quadam, sive natura, rem unam esse omnium difticilli- hac tamen fuit laude clarissimus. Cleonem etiam tempo-
mam. Quibus enim ex quinque rebus constare dicitur ribus illis, turbulentumillum quidem civem, sed tamen
earum unaquœque est ars ipsa magna per sese. Quare eloqnentem constat fuisse. Huic aUati suppares Alcibiades,
quinque arlinm concursns maximarum, quanlam vim( Critias, Theramenes; quibus temporibus quod dicendi
quantamque diflicultatem habeant, existimari potest. genus viguerit, ex Thucydidi scriptis, qui ipsetum fuit,
VII. Teslis est Gracia quee, quum eloquentiae studiu• inlclligi maxime potest grandes erant verbis, crebri sen-
sit incensa, jamdiuque excellat in ea praestelque ceteris,J tenliis, compressione rerum brèves, et ob cant ipsam
tamen omnes artes vetustiores habet, et multo ante non catisaminterdum subobscuri.
inventas solum, sed etiam perfectas, quam baec est a » VIII. Sed ut intcllectum est, quantam vim haberet ao-
Grnecis elaborata dicendi vis atque copia. In quam quum curata et facta quodam modo oratio; tum etiam magistri
intueor, maxime mihi occurrunt, Alliee, et quasi lucent dicendi multi subito exstiterunt; tum Leontinus Gorgias,
Atheme tuœ q'»a in uibe primum se orator extulit, pri-• Tbrasymacbus Chalcedonius, Protagoras Abderites Pro-
mumque etiac monamentis et litteris oratio est cœpta dicus Ceus, Hippias Eleus in honore magna fuit aliique
mandari. Tamen ante Periclem, cujus scripta quidam fe- multi temporibus eisdem docero se profitebantur, arro-
du mal, et qui donne des principes de morale et quelque vide en rompt la mesure; et la fin des
de conduite. Comme cette science n'entre point périodes est nécessairement indiquée par les in-
dans le plan que nous nous sommes tracé, ren- tervalles de la respiration, qui ne peut ni man-
voyons les philosophes à un autre temps, et re- quer ni même être gênée sans produire l'effet le
venons aux orateurs dont nous nous sommes plus choquant.
écartés. IX. Dans le même temps vécut Lysias, qui ne
Tous ceux dont je viens de parler étaient déjà parut pas non plus au barreau, mais qui écrivait
dans la vieillesse, lorsque parut Isocrate, dont la avec une délicatesse et une élégance parfaites
maison fut en quelque sorte une école publique dans le genre simple; on oserait presque l'appeler
d'éloquence, et un gymnase ouvert à toute la un orateur accompli car un orateur accompli
Grèce; Isocrate, grand orateur, maitre accompli, de tout point, et auquel il ne manque absolument
et qui, sans produire son talent au grand jour du rien, c'est sans contredit Démosthène. Dans les
barreau, acquit, dans la retraite du cabinet, une causes qu'il a plaidées, il n'est pas une subtilité,
gloire où nul autre, selon moi n'est parvenu de- une finesse, une ruse oratoire que son génie ne
puis. Il composa lui-mêmebeaucoup de brillants lui ait révélée; rien de plus délicat, de plus serré,
écrits, et il enseigna aux autres l'art d'écrire. de plus lumineux, de plus châtié que son style;
Supérieur en tout le reste à ses prédécesseurs, il rien en même temps de plus grand, de plus vé-
comprit encore le premier qu'il est un nombre et hément, de plus orné, de plus sublime, soit par
une mesure qu'on doit observer même dans la la noblesse de l'expression, soit par la majesté
prose, sans toutefois y faire entrer des vers. des pensées. Ceux qui approchent le plus de Dé-
Avant lui on ne connaissait point l'art d'arranger mosthène, sont Hypéride, Eschine,Dinarque,
les mots et de terminer harmonieusement les pé- Démade (dont il ne reste rien), et plusieurs au-
riodes. Quand on rencontrait cette harmonie, on tres car telle fut la fécondité de ce grand siècle;
ne paraissait point l'avoir cherchée à dessein et et c'est à mon avis jusqu'à cette génération d'o-
c'est peut-être un mérite. Quoi qu'il en soit, c'é- rateurs que se conserva tout entière cette sève et
tait la nature et le hasard, plutôt que la méthode cette pureté de sang, qui donnait à l'éloquence
et l'observation, qui alors y conduisaient quel- un coloris naturel et une beauté sans fard. En
quefois car la nature elle-même enferme la pen- effet, tons ces orateurs étaient vieux, quand Dé-
sée en un contour de paroles qui la comprend tout métrius de Fhalère, encore jeune, leur succéda;
entière; et quand ce cercle est rempli d'expres- Démétrius, le plus savant de tous, mais qui,
sions heureusement enchaînées, on arrive pres- moins exercé au maniement des armes qu'aux
que toujours à une cadence nombreuse. L'oreille jeux de la palestre, charmait les Athéniens plutôt
juge d'elle-même si la phrase est pleine, ou si qu'il ne les enflammait. Aussi était-ce de l'écolp

gantibus sane verbis, quemadmodum causa inferior (ita sententiam; quas quum aptis constricta verbis est, cadit
enim loquebantur) dicendo fieri superior posset. lis op- etiam plerumque numerose. Nam et anres ipsae, qui.i
posuit sese Socrates, qui sublilitale quadam disputandi plenum, quid itiane sit, judicant, et spiritu, quasi neces-
refellere-eorum instituta solebat. Hujus ex uberrimis ser- sitate aliqua, verborum comprehensio terminatur, in quo
monibus exsliterunt doctissimi viri; primumqne tum phi. non modo defici, sed etiam laborare turpe est.
losophia, nou illa de natura, quae fuerat anliquior, sed hrec, IX. Tum fuit Lysias, ipse quidein in causis foretuubiis
in qua de bonis rebus et malis, deque hominum vita et non versatus, sed egregie subtilis scriptor, atque elegans,
moribus disputatur, inventa dicitur quod quoniam genus quem jam prope audeas oratorem perfeetum dicere; nam
ab hoc, quod proposuimus, abhorret, philosophosaliiid plane quidem perfectum et cui nihil admodum desit, De.
in tempus rejiciamus; ad oratores a quibus degressi sn- niosthenem facile dixeris. IVihil acute inveniri potuit in eis
mus, revertamur. causis, quas scripsit, nihil (ut ita dicam) subdole, nihil
Exstitit igitur jam senibus illis, quos paullo ante dixi-
i- versute, quod ille non viderit; nihil subtiliter dici, nihil
mus, Isocrales, cujus domus cunctœ Gracia) quasi ludus presse, nihil enucleate, quo fieri possit alrquiri limatius;
quidam patuit atque oflicina dicendi, magnus oralor, et nihil contra grande, nihil incitatum, nihil ornatum vel
perfectus magister, quanquam forensi luce caruit, intra- verbortim gravitatp., vel sententiarum, quo quidquam
que parietes aluit eam gloriam qnam nemo, meo quidem esset elatius. Hnic Hyperidesproximus,et.€6Chinesfuit,
judicio, est postea consecutus. ts et ipsescripsit multa pne- et Lycurgus, et Dinarchus, et is, cujus nulla exstant
clare, et docuit alios et quum cetera melius, quam supe- scripta, Demades, aliique plures. Itec enim .-etas effudit
riores, tum primus iutellexit etiam in sofula orationet hanc copiam et, ut opinio mea feft, succus illc et san-
dum Tersrnn effugeres, roodum taroen et numerura quem- gnisincorruptususque ad hanc aetatem oratorurofoit, in
dam oportere servari. Ante hune enim verborum quasi qua naturalis inesset, non fucatus nitor. Phalereus enim
structura, et quadam ad Dumerum conclcisio nulla erat; successif eisRenibiisadolescen8,eruditissimuBi]]equideni
aut si qiwndoerat, non apparebat eam dedita opera esse horum omnium sed non tam armis institutus, quara pu
quasi tam quas forsitan laus sit; verumtamen natura laestra; itaque delectabat magis Athenienses,quam inO.m;-
magis tum. casuque nonnunquam, quam ant ratione ali. mabat processerat enim in solem, et pulverem, non ut
qua, aut observatione fiebat. Ipsa enim natura circunt- e militari tabernaculo, sed nt e Tlieophrasli, doctissimi
scriptione quadam verborum comprehendit eoneltidilqiie hominis, umbraculis. Hic primus inilexit orationem, et
paisible du savant Théophraste, et non de la tions de Lacédémone. Mais on convient que Pi-
tente du guerrier, qu'il était sorti pour braver les sistrate cultiva plus particulièrement l'éloquence
ardeurs du soleil et la poussière des combats. Il elle-même, et en obtint de plus grands effets. Dans
altéra le premier le véritable caractère de l'élo- le siècle suivant parut Thémistocle, très-ancien
quence, et lui ôta son nerf et sa vigueur; il aima pour nous, assez moderne pour les Athéniens.
mieux paraître doux que fort, et il le fut en ef- Quand il vécut, la Grèce régnait déjà dans toute
fet, mais d'une douceur qui pénétrait les âmes sa gloire, et Rome était à peine affranchie de la
sans les émouvoir. On gardait le souvenir de sa domination des rois; car cette mémorable guerre
diction har monieuse; maisil ne savait pas, comme des Volsques, à laquelle prit part Coriolan exilé,
Eupolis le rapporte de Périclès, laisser l'aiguillon coïncide presque avec celle des Perses; et ces deux
avec le sentiment du plaisir dans l'âme de ses hommes célèbres eurent à peu près la même des-
auditeurs. tinée. Tous deux, après avoir été l'ornement de
X. Vous le voyez la ville même qui fut le leur patrie, en furent chassés par un peuple in-
berceau de l'éloquence ne la vit naître que fort grat, et passèrent chez l'ennemi et tous deux ré-
tard, puisque avant le siècle de Solon et de Pi- primèrent, en se donnant la mort, ce premier
sistrate, l'histoire ne cite personne qui fût doué de mouvement d'une âme irritée. Je sais que vous
ce talent. Or,Solon et Pisistrate,déjàvieux, sil'on rapportez autrement la fin de Coriolan; mais per-
compare leur âge à celui du peuple romain, doi- mettez-moi de préférer la tradition qui le fait mou-
vent nous paraître jeunes, eu égard aux siècles rir ainsi.
nombreux que comptent les Athéniens. Ils fleu- XI. Vous en êtes le maitre, dit Atticus eu
rirent, il est vrai, au temps du roi ServiusTullius; riant, puisqu'il est permis aux rhéteurs d'altérer
mais dès lors Athènes étaient beaucoup plus an- les faits pour embellir leurs récits. Votre fable
cienne queRomene l'est aujourd'hui. Toutefois je de Coriolan, Clitarque et Stratoclès l'ont aussi
ne doute pas que la parole n'ait toujours exercé un débitée sur Thémistocle. Thucydide, Athénien,
puissant empire. En effet, si, dès le temps de la né dans une classe élevée, et d'un mérite aussi
guerre de Troie, l'éloquence n'avait pas été en haut que sa naissance, Thucydide, presque con-
honneur, Homère n'élèverait pas si haut les dis- temporain de Thémistocle, écrit seulement qu'il
cours d'Ulysse et de Nestor, auxquels il donne mourut, et qu'il fut enterré secrètement dans
pour attribut, à l'un la force, à l'autre la douceur l'Attique. 11 ajoute qu'on le soupçonna de s'être
et lui-même n'aurait pas enrichi ses écrits de ces empoisonné; et les deux écrivains que j'ai nom-
belles harangues, qui font de ce poète un vérita- més affirment qu'ayant immolé un taureau, il en
ble orateur. Il est vrai que l'époque d'Homère est reçut le sang dans une coupe, le but, et tomba
incertaine; cependant il vécut bien des années sans vie mort vraiment tragique et qui prêtait
.avant Romulus, puisqu'il n'est pas postérieur au aux plus brillantes déclamations. Un trépas vu!•
premier Lycurgue auteur des sévères institu- t gaire n'eût offert aucune matière aux ornements

eam mollem teneramque reddidit; et sua»is,sicut fuit, Themistocles insecutus est, ut apud nos, perantiquus; ut
videri maluit, quam gravis; sed suavitate ea, qua perfun- apud Athenienses,non ita sane vetus. Fuit enim régnante
deret animos, nonquaperfringeret tantum utmemoriam jam Gracia, nostra autem civilatenonita pridem domina-
conciuuitalis suœ non (quemadmodum de Pericle scripsit tu regio liberata; nam belltim Volscorum illud gravissi-
Eupolis) cum delectatione aculeos etiam relinqueret in mum,cuiCoriolanusexsul interfuit, eodem fere tempore,
anûnis eorum a quibus esset auditus. quo Persarumbellum,fuit, similisque fortuna clarorum
X. Videsne igitur, in ea ipsa urbe, in qua-et nata, et alta virorum siquidem uterque, qinim civis egregius fuisset,
sit eloqueutia quam ea sero prodierit in lucem ? siquidem populi ingrati pulsus injuria, se ad hostes coutulit, cona.
;inte Solouis œtatem et Pisistrati de ruillo, ut diserto, tumque iracundiœ su;e morte sedavit. Nam etsi aliter est
memoriœ proditum est. At hi quidem, ut populi romani apud te, Attice, de Coriolano, concede tamen, ut huic
œtas est, sénés ut Atheniensium secula numerantur, ado- generi mortis potius assentiar.
lescentes debeut videri. Nam etsi Senio Tullio reguante XI. At ille ridens, Tuo vero, inquit, arbitratu; quo.
viguerunt, tamen multo diutius Athence jain erant, quam niai» quidem concessum est rhetoribus ementtri in hislo-
est Roma ad hodicrnum diem. Nec tamen dubiLo quin ha- riis, ut aliquid dicere possint argutius. Ut enim tu nunc
buerit vim magnam semper oratio. Neque enim jam Troi- de Coriolano, sic Clitarcbus sic Stratoclès de ïbemistocle
cis temporibus tantum laudis in dicendo Ulyssi tribuisset finxil. Nam, quem Thucydides, qui et Alheniensis erat,
Homerus, el Nestori (quorum altei-nm vim habere voluit, et summo loco natus, summusque vir, et paullo œlate
alteruinsuavitateni),nisijam tum esset honoseloqucntiiï; posterior, tantum mortuum scripsit, et in Attica clam
ueque ipse poeta hie tam idem ornatns in dicendo, ac plane liumatum; addidit, fuisse suspicionem veneno sibi con-
orator fuisset cujus etsi incerta sunt tempera, tamen an- scivisse mortem hune isti aiunt, quum taurum immola.
nis inultis fuit anteKomulum siquidem non infra supe- visset, excepisse sanguinem paiera, et eu poto, morluura
riorem Lycurgum fuit a quo est disciplina Lacedaemonio- concidisse. Hanc enim mortem rbetorice et tragice ornare
tum adstricta legibus. Sed studium ejus generis majorque potuerunt; illa mors vulgaris nullam praebebat materiem
>is agnuscitur in Pisistrato. Denique huneproximo seculo ad oraatiim. Qnare, quoniam libi ita quailrat omnia fuiîse
BRUTUS.
de la rhétorique. Ainsi, puisqu'il vous convient ne connaissait ni art ni méthode et cependant on
que tout soit pareil dans Thémistoelc et dans Co- parlait avec soin, et la plupart écrivaient leurs
riolan, recevez aussi la coupe de mes mains; je discours. Aristote ajoute que Protagoras composa
fournirai même la victime, afin que Coriolan soit sur les questions générales les plus remarquables,
de tout point un autre ïliémistocle. Eh bien! des traités qu'on appelle aujourd'hui lieux com-
répondis-je, qu'il en soit de Coriolan comme vous muns. A son exemple, Gorgias écrivit sur dif-
l'entendrez. Je serai désormais plus circonspect férents sujets des morceaux consacrés à l'éloge
en parlant d'histoire devant vous; c'est un hom- ou au blâme car selon lui le plus beau privilège
mage que je dois au plus exact des historiens de de l'orateur était de pouvoir, en louant ou en blâ-
notre république mais revenons aux Grecs. ment, élever, et abaisser tour à tour une même
Périclès fut le premier qui appela la science à chose. Antiphon de Rhamnonte avait aussi com-
sonaide. Ce n'est pas qu'il y eût alors une science posé des écrits de ce genre. Nul ne plaida jamais
de bien dire; mais, disciple du physicien Anaxa- une cause capitale mieux que ne lit cet orateur
gore, il porta dans les discussions de la tribune dans une affaire où il se défendait lui-même
et du barreau toutes les ressources d'un esprit c'est un témoignage que lui rend Thucydide, au-
exercé par les études les plus abstraites et les plus teur digne de foi et qui l'avait entendu. Quant à
profondes. Athènes aima la douceur de son lan- Lysias, il lit d'abord profession de dire qu'il y
gage elle admira sa richesse et son abondance; avait.un art de parler. Ensuite, voyant que Théo-
elle redouta sa force, et trembla devant lui. dore de Byzance donnait des préceptes très-iu-
XII. Le siècle de Périclès fut donc le premier génieux, et faisait des discours très-secs, il se
âge de l'éloquence athénienne, et il produisit un mit à écrire des discours pour les autres, et nia
orateur presque accompli. Ce n'est point, en effet, l'existence de l'art. Isocrate la niait aussi d'abord,
quandon fonde lesÉtats, niquandon fait laguerre, et composait des plaidoyers pour ceux qui en
ni quand le génie est entravé et enchainé par la avaient besoin mais appelé lui-même plusieurs
domination d'un roi, que peut naître le goût de fois en justice pour avoir enfreint la loi qui dé-
l'éloquence. Compagne de la paix, amie du repos, fendait d'employer aucun artifice devant les tri-
elle est le fruit d'une société déjà régulièrement bunaux, il cessa d'écrire pour le barreau, et ne
constituée. Aussi ce ne fut, suivant Aristote, pensa plus qu'à donner des préceptes et des rè-
qu'après l'abolition de la tyrannie en Sicile, et gles.
lorsque les tribunaux, fermés depuis longtemps, XIII. Vous voyez les sources de l'éloquence
se rouvrirentpour juger les différends entre par- dans la Grèce, et vous assistez, pour ainsi dire,
ticuliers, que Corax et Tisias commencèrent à à la naissance des orateurs naissance déjà an-
donner des leçons de rhétorique chez ce peuple cienne par rapport à notre chronologie vraiment
naturellementsubtil et disputeur. Avant eux on récente, si l'on en juge parcelle des Grecs, car

in Themistocle paria et Coriolann pateram quoque a me appellantur loci. Quod idem fecisse Gorgiam, quum sin-
sumas licet; praebebo etiam hostiam, ut Coriolanus sit gularum rerum laudes viluperalionesque conscripsisset,
plane alter Themistocles. Sit sane, inquam, ut lubet, quod judicaret hoc oratoris esse maxime proprium, rem
de isto; et ego cautius poslhac hisloriam attingam, te au- angere posse laudando, vituperandoque mrsus aftligere.
diente quem rerum romanarum auctorem laudare pos- Huic Antiphontcm Rhamnusiumsimilia quxdam habuisse
sum leliginsissimum. conscripta; quo neminem unquam melius ullam oravisse
Sed tum fere Pericles Xantlrippï filius, dequoanledixi, capitis causam, quum se ipse defenderet, se audiente,
piïmns adhibuit doctrinam quae quanquam tum nulla crat locuples auctor scripsit Thucydides. Nam Lysiam primo
dicendi, tamen, ab Anaxagora physico eruditus, exerci. proiiteri solitum artem esse dicendi; deinde, quod Théo
tationem mentis a reconditis abslrusisque rebus ad causas donis esset in arte stibtilior, in orationibus autem jejunior,
ibrenses pnpularesque facile traduxerat. Hujus snavitate orationes eum scribere aliis cœpisse, artem removisse
maxime hilarata? sunt Athcnae; liujus ubertatem et copiam Similiter Isocratem primo artem dicendi esse negavisse,
admiratœ, ejusdem vim dicendi terroremque timuemnt. scribere autem aliis solitum orationes, quibus in judiciis
XII. Hat'C igitur œtas prima Athenis oratorem prope per- ulerentur sed, quum ex eo (quia quasi committeret
fectum tulit. Nec enim in constiluentibus rempublicam, contra legem, quo quis judiciocircumveniretur) saepe ipsa
iiec in bella geicntibus, nec in impedilis ac regum domi- in judicium vocaretur, orationes aliis destilisse scribere,t
natione devinctis, nasci cupiditas dicendi solet. Pacis est totumque se ad artes componendas transtulisse.
cornes otiique socia et jam bene constilu la; civitatis quasi XIII. Et Grœciœ quidem oratorum partus atque fontes
alumna qua-dam, eloquentia.Itaque ait Aristoteles,quum, vides, ad nostrorum annalium rationem, vcleres ad ipso-
sublatis in Sicilia tyrannis, res privata longo intervallo rum, sane recenles. Nain antequamdelectataest Athénien-
judiciis repeterentur, tum primum quod esset acuta illa sinm civitas bac laude dicendi, mnlta jam memorabilia et
gens, et controversanatura, artem et prœcepta Siculos, Co- in domesticiset in bellicis rebus effeceral. Hoc autem stu.
raccm et Tisiain conscripsisse. Nam antea neminem soli- dium non erat commune Graeciae, sed proprium Alhena.
tum via, nec arte, sed accurate tameu et de scripto ple- rum. Qnis enim ant Argivum oratorem, aut Corinthium,
rosque dicere; scriptasque fuisse et paratas a Protagora aut Thebanum scit fuisse temporibus illis? nisi quid de
rerum illuslrium disputationes, quœ nunc communes Epaminonda.doctohomine, snspicarilibet.Lacetleemoniura
i-vaut qu'Athènes lit ses délices de ce bel art de nos
premiers orateurs, sur lesquels nous som-
la parole, elle s'était déjà illustrée mille fois parr mes réduits aux conjectures qu'on peut tirer des
ses vertus guerrières et civiles. Or, le goût demonuments historiques.
l'éloquence n'était point commun à la Grèce en- XIV. Peut-on croire que l'imagination man-
tière c'était un heureux attribut du peuple athé- quât à ce L. Brutus, le premier héros de votre
i
nien. Qui peut dire, en effet, qu'il ait existé dans race, lui qui pénétra si finement le sens de l'ù-
ce temps-là un orateur d'Argos de Corinthe ou racle, sur le baiser à donner à sa mère, et qui,
de Thèbeg? si ce n'est peut-être Épaminondas, sous le masque de la stupidité, cacha la plus pro-
homme assez éclairé pourqu'on luisuppose quel- fonde sagesse? ou qu'il n'eût pas d'éloquence,
que talent en ce genre. Quant à Lacédémone, luiqui sut détrôner un prince, roi puissant, et
je n'ai pas entendu dire que jusqu'à nos jours fils d'un grand roi, affranchir la ville de la do-
elle en ait produit un seul. Ménélas, au rapport mination perpétuelle d'un mattre, lui donner des
d'Homère, s'exprimait agréablement, mais en magistrats annuels, des lois, des tribunaux, ôter
peu de mots. Or, la brièveté dans un discoursenfin le pouvoir à son collègue, pourne rien lais-
est un mérite de détail appliqué à l'éloquence ser dans la république qui rappelât même le nom
en général, ce n'est point un mérite. des rois, révolution qu'il n'eût point opérée, s'il
Mais hors de la Grèce l'éloqueuce a eu de zélés n'y eût entraîné les Romains par la force de la
partisans, et les honneurs prodigués à cet art ont persuasion?Peu d'années après l'expulsion des
répandu sur le nom des orateurs le plus brillant Tarquins, lorsque le peuple se retira sur l'Anio
éclat. Car aussitôt que, sortie du Pirée, l'élo- à trois milles de Rome, et s'empara de la hau-
quence eut vogué vers d'autres pays, elle par- teur qui a reçu le nom de Mont- Sacré nous
courut toutes les lies, et voyagea dans l'Asie en- voyons le dictateur M. Valérius ramener lacon-
tière. Mais le poison des mœurs étrangères altéra corde par ses discours, et mériter ainsi les hon-
bientôt cette diction pure et saine qu'elle avait neurs les plus éclatants. Le surmon de Très-
apportée de l'Attique, et elle oublia presque la Grand qu'il porta le premier fut un témoignage
langue maternelle. De là naquirent les orateurs de la reconnaissance publique. Je pense qu'on ne
asiatiques, dont l'imagination et l'abondance ne peut pas non plus refuser quelque talent oratoire
sont point à mépriser, mais dont le style est un à L. Valérius Potitus qui, après l'odieuse tyran-
peu tache et un peu rédondant. Les Rhodiens sont nie des décemvirs, calma, par ses lois et ses ha-
plus purs, et ressemblent davantageaux Attiques. rangues, la multitude soulevée contre le sénat.
Mais en voilà assez sur les orateurs grecs; peut- Nous pouvons croire qu'Appius Claudius sa-
être même ces détails n'étaient-ils pas nécessai- vait manier la parole, lui qui raffermit le sé-
res. Je ne puis dire, répliqua Brutus, jusqu'à nat chancelant, et l'empêcha de faire la paix
quel point ils étaient nécessaires ce que je sais avec Pyrrhus. J'en dirai autant de C. Fabricius,
bien, c'est qu'ils m'ont été agréables; et loin de quifut envoyé vers ce prince pour négocier le re-
les avoir trouvés longs, je regrette qu'ils soient tour des prisonniers; de Tib. Coruncanius, dont
déjà finis. -Fort bien, repris-je; mais revenons les livresdespontifesattestentle génie; de M'. Cu-

vero, nsque ad hoc tempus, audivi fuisse neminem. Mene- illi, nobilitatis vestrae principi, defuisse? qui de maire
laura ipsum, dulcem illum quidem Iradil Horaeius, sedl suaviaiida ex crarulo Apollinis tam acute arguteque cun-
pauca dicentem. Brevitas autem laus est interdum in ali- jecerit qui summam prudentiam simulalione stultitiue te»
qua parte dicendi, in universa eloquentia laudem non xerit; qui potentissimum regem, clarissimi regis filiuiu,
habet. expulerit, civitatemque, perpetuo dominatu liberatam,
At vero extra Grieciam magna dicendi studia fuerunt, magislralihus annuis, legibus judiciisque devinxerit; qui
maximique huic laudi habiti honores illustre oratoriim i collegœ suo imperium abrogaverit, ut e civitate regalis
nomen reddiderunt. Nam ut semel e Piraeeo eloquentia nominis memoriam tolleret quod certe effici non po-
evecta est, omnes peragravitinsulas, atque ita peregrinatai luisset,nisiessetoralionepersuasum.Viaemusitempaucis
tota Asia est, ut se exlerais oblineret inoribus omnemquei annis post reges exactos, quum plèbes prope ripam An ieiu's
illam salubritatem Atticae dictioiiis, quasi sanitatem per- ad tertium milliarium consedisset, eumque montem, qui
deret, ac loqui psene dedisceret. llinc Asiatici oratores i Sacer appellatus est, occupavisset, M. Valerium dictato-
non contemnendi quidem nec celeritate, nec copia, sed [ rem dicendo sedavisse discoidias eique ob eam rem ho-
pamm pressi et nimis redondantes. Rhodii saniores, et nores amplissimos habitos, et eum primum ob eam ipsam
Atticorum similiores. Sed de Grsecishactenus; etenira hsec causai» Maximum esse appellulum. Ne L. Valerium qui-
ipsa forsitan fuerint nou necessaria. Tum Brutus, ista dem Potitum arbitrer non aliquid potuisse dicendo, qui
v«rq, inquit, quam necessaria fuerint, non facile dixerim; post decernviralem invidiam, plebeni in patres incitatam
juciinda cette mihi fuerunt, neque solum non longa, sedlegibus et concionibus suis mitigaverit.
etiam breviora, quam vellem. Optime, inquam; sed Possumns Appimn Claudium suspicari disertum, quia
veniamusadnostros, dequibusdifficileestplusintelligere, senatum, jamjam inelînatum a Pyrrhi pace revocaverit;
quam quantum ex monunoenlis suspicari licet. possumus C. Fabricium quia sit ad Pyrrhum de captivi»
XIV. Quis enim putet aut celeritalem ingmii L. Bruto recuperandis inissus urator Tib. Coruncanium qtmd ci
BRUTUS.
a a:r
rins, qui, étant tribun du peuple, triompha de
iIYinKï» fia nnmma C nth/imn était mort quand il écrivait,
comme Céthégus
l'inter-roi Appius, malgré son éloquence. Celui-ci on ne peut le soupçonner d'avoir sacrifié la vérité
tenant les comices, et rejetant, au mépris des à l'amitié. Voici comme il en parle; c'est, je
lois, un consul plébéien Curius força les séna- pense, au neuvième Livre de ses Annales
teurs de ratifier d'avance l'élection qui serait On donna pour collègue à Tuditanus un ora-
faite succès bien remarquable, à une époque
où la loi Ménia n'existaitpas encore. On peut aussi teur célèbre par la douceur de son langage,
M. Cornélius Céthégus, fils de Marcus.
supposer du talent à M. Popillius qui, étant con-
sul et en même temps prêtre de Carmenta, re- Il l'appelle orateur, et lui attribue la douceur
çut, au moment où il faisait un sacrifice public, du langage; qualité bien rare aujourd'hui; car
la nouvelle d'un soulèvement du peuple contre quelques-unsde nos orateurs aboientplutôt qu'ils Is
le sénat, et tout à coup, sans quitter la robe sa- ne parlent. Mais voici le plus bel hommage qu'on
cerdotale, se présenta devant la multitude, et puisse rendre à l'éloquence:
calma la sédition par l'ascendant de ses paroles Les contemporains de ce grand homme,
et de son caractère. Toutefois je ne crois pas ajoute le poëte, disaient qu'il était la fleur des
avoir lu nulle part que ces anciens personnages Romains et l'ornement de son siècle.
aient passé pour des orateurs, ni qu'en général
l'éloquencefût alors encouragée par aucune dis- Et c'est avec raison; car si le génie est la
tinction je ne fais que le conjecturer. Ajoutons gloire de l'homme, l'éloquence est la lumière qui
C. Flaminius qui, pendant son tribunat, fit or- fait briller le génie; et l'on a justement appelé
donner par une loi le partage des terres conquises la fleur des Romains, celui qui était doué de cet
dans la Gaule et dans le Picénum, et qui, étant admirable talent.
consul, fut tué à la bataille de Trasimène il C'était, dit-il encore, l'âme de la Persuasion
exerça, dit-oa, par la parole, beaucoup d'in- (Suadœmedulla). ).
fluence sur le peuple. Enfin le grand Fabius eut
de son temps la réputation d'orateur. Il en est Ennius a nommé Suada ce que les Grecs ap-
de même de Q. Métellus qui, pendant la seconde pellent IleiOw, c'est-à-dire, la Persuasion, fille de
l'Éloquence. Cette déesse reposait, suivant Eu-
guerre Punique, fut consul avec L. Véturius
Philon. polis, sur les lèvres de Périclès Ennius dit que
XV Mais le premier Romain qui, d'après des notre orateur en était l'âme. Au reste, Céthégus
témoignages authentiques, ait possédé le talent fut consul avec P. Tuditanuspendant la seconde
et la renommée d'un homme éloquent, est M. guerre Punique, et M. Caton fat questeur pendant
Cornélius Céthégus. Enniusnous atteste son élo- leur consulat, exactement cent quarante ans
quence et c'est, à mon avis, un témoin digne avant le mien; et sans le témoignage unique
de foi. Ill'avait d'ailleurs entendu lui-même; et d'Ennius, le talent oratoire de Céthégus serait,

pontificum commentariis longe plurimum îngenio valuisse quum et ipse eum audiverit, et scribat de morluo; ex quo
videatur; M'. Curium, quod is tribunus plebis, interrege nulla suspicio est, amicitiae causa esse mentitum. Est i;;i-
Appio Caeco, diserto homine, comitia contra leges ha- tur sic apud illum in nono (ut opinor) Annali
bente, quum de plebe consulem non accipiebat, patres
Additur orator Corneliu1 suaviloquenti
ante auctores fieri coegeriL; quod fuit permagmim,nondum Ore Cethegus M arcu'Tuditano collega,
lege Mœuia lata. Licet aliquid etiam de M. Popillii ingenio
suspicari qui, quum consul esset, eodemquc tcmpore sa-
Marci (illus
crificium publicum cum laena faceret, quod erat flamen Et oratorem appcllat, et suaviloquentiam tribuit; quœ
Carmentalis plebei contra patres concitatione et sedi- nunc quidem non tam est in plerisquc; latrant enim jam
quidam oratores, non loquuntur. Sed est ea laus éloquen-
tione nuntiata, ut erat laena amictus, ita venit in concio-
nem, seditionemque quum auctoritate, tum oratione se-
te certe maxima
davit. Sed eos oratores hahitos esse, aut omnino tum Is dictus [ollis] popularibusolim,
ullum eloquentiae praemium fuisse nihil sane mihi legisse Qui tum vivebanl homines, atqueœvum agitabant,
videor; tantummodo conjectura ducor ad suspicandum. l'ios delibatus populi.
Dicitnr etiam C. Flaminius, is, qui tribunus plebis legem, Probe vero. Ut enim hominis decus, ingenium sic ingenii
de agro Gallico et Piceno viritim dividendo, tulerit, qui ipsius lumen est eloquentia, qua virum excellentem pne-
consul apud Trasimenum sit interfectus, ad populum va- clare tum illi homines florem populi esse dixerunt.
luisse dicendo. Q. etiam Maximus Verrucosus orator ha-
bitus est temporibus illis et Q. Metellus is, qui bello Pu- Suadœque œedulla.
nico secundo cum L. Veturio Philone consul fuit. IUt6ù> quam vocant Gracci, cujus effector est orator,
XV. Quem vero exstet, et de quo sit mémorise prodi- banc Suadam appellavit Ennius; ejus autem Cetliegum
tum, eloquentem fuisse, et ita esse habitum primus est medullam fuisse vult, ut, quam deam in Periclis labris
M. Cornelius Cethegus, cujus eloquentiœ est auctor, et scripsit Eupolis sessitavisse, hujus hic medullam nostrunt
doneus quidem, mea seiitentia, Q ttnnius; prassertim oratorem fuisse dijerit. At hic Cethegus consul mm IV
comme il est arrivé peut-être de beaucoup d'au- obscure dans uucfainilleillustre qui porte le même
tres, enseveli dans un éternel oubli. Les écrits nom; comme si je me disais issu de M'. Tullius
de iVévius peuvent donner une idée du langage qui était patricien, et qui fut consul avec Serv.
de ce temps-là; car nous lisons dans les anciens Sulpicius dix ans après l'expulsion des rois. Ca-
mémoires que Névius est mort sous les consuls ton a laissé presque autant de discours que l'A-
que je viens de nommer. Il est vrai que notre thénien Lysias, qui, je pense, en a laisséun grand
ami Varron, si exact dans ses recherches sur nombre car Lysias est Athénien, puisqu'il est
l'antiquité, pense qu'il y a erreur de date, et né et qu'il est mort à Athènes, et qu'il y a fait
fuit vivre Névius plus longtcmps. Quanta Plante tous les actes de citoyen; quoique Timée, comme
il est mort vingt ans plus tard sous le consulat de s'il y avait eu pour lui une loi Licinia et Mucia,
Publius Claudius et de L- Porcius, lorsque Ca- veuille le rendre à Syracuse. Ces deux orateurs
ton était censeur. ont même entre eux quelque ressemblance ils
Ainsi, après Céthégus, et dans, l'ordre des ont tous deux de la finesse, de l'élégance, de
temps, vient Caton qui fut consul neuf ans plus l'enjouement, de la précision. Mais le Grec, plus
tard que lui. Nous le regardons comme très-an- heureux, a obtenu tous les genres de succès. Il
cien, et cependant il mourut sous le consulat de a en effet de zélés partisans, qui préfèrent à
L. Marciusetde M'. Manilius, précisément qua- l'embonpoint des formes sveltes et déliées, et à
tre-vingt-six ans avant le mien. qui plattune constitution délicate, pourvu qu'elle
XVI. Je ne crois pas, au reste que nous n'exclue pas la santé. Ce n'est pas que Lysias
ayons de discours plus anciens que ceux de Ca- n'ait souvent du nerf, au point qu'on ne peut
ton, qui méritent d'être cités, à moins que la rien imaginer de plus fort; mais en général sa
harangue d'Appius Cécus au sujet de Pyrrhus, manière est trop sèche. Il a cependant ses admi-
et certains éloges funèbres n'aient du charme rateurs qui aiment surtout en lui cette extrême
pour quelques lecteurs; car pour ces éloges, ils simplicité.
existent ce sont des titres et des monuments XVII. Mais Caton, est-il aujourd'hui un seul
que les familles ont toujours conservés, tantpour de nos orateurs qui le lise? en est-il même un qui
en faire usage lorsqu'un de leurs membres venait le connaisse? et cependant, quel homme, grands
à mourir, que pour perpétuer le souvenir de la dieux! Ne voyons point en Ini le citoyen, le sé-
gloire domestique, et rehausser l'éclat de leur nateur, le général, il ne s'agitici quede l'orateur.
noblesse. Au reste, ces panégyriques ont rempli Qui jamais sut louer avec plus de noblesse?
notre histoire de mensonges. On y raconte des blâmer avec une plus mordante énergie? quelle
faits qui n'ont jamais eu lieu, des triomphes ima- finesse dans les pensées, quelle ingénieuse sim-
ginaires,desconsulatsdontongrossit le nombre, plicité dans l'exposition des faits et des argu-
de fausses généalogies. On y anoblit des plé- ments Les cent cinquante discours et plus, que
béiens, en faisant naîtredes hommes d'uneorigine j'ai trouvés de lui jusqu'à ce jour, et que j'ailus,

Tuditano fuit bello Punico secundo; quœstorque hiscon- rerum nostrarum est facta mendosior. Mulla enim scripta
sulibus M. Calo modo plane annis cxl ante me consulem sunt in eis, quae facta non sunt, ralsi triumphi, plures con-
et id ipsum oisi unius esset Ennii testimonio cognitumt sulatus, genera etiam falsa, et a plebe transiliones, quum
hnnc vetustas, ut alios fortasse multos, oblivione obiuis- homines humiliores in alieuuni ejusdem nominis infunde-
set. Ulius autem œtatis qui sermo fuerit, ex Naevianis rentur genus ut, si ego me a M'. Tnllio esse dicerem, qui
scriptis intelligi potest. His enim consulibus, ut in veteri- patricius cum Servio Sulpicio consul anno x post exactes
bus commentariis scriptum est, Nuevius est mortuus, reges fuit. Catonis autem orationes non minus mullae fere
quanquam Varro noster, diligeutissimus investigator anti-
sunt, quam Attici Lysiœ cujus arbitror plurimas esse. Est
quitatis, putat in hoc erratum, vitamque Kœvii pralucit enim Atticus, quouiam certe Alheuis est et natus, et mon
longius. Nam Plautus, P. Claudio, L. Porcio, viginti an- tuus, et functusomni civium munere quanquam Timœus
nis post illos, quos ante dm consulesmortuus est, Catone eum, quasi Licinia et Mucia Icge, repetit Syracusas. Et
quodam modo est iionnulla in lis etiam inter ipsos simili-
censore.
Hune igitur Celhegum consecutus est aetate C ilo qui tudo aculi sunt, élégantes, faceli, breves; sed ille Gra-cus
annis ix post eum fuit consul. Eum nos ut pervelerem ha- ab omni lande felicior. Habet enim certos sui studiosos,
btmus, qui L. Marcio, M'. Manilio consnlibus mortuus est, qui non tam habitus corporis opimos, quam gracilitates
ann!s lxxxiii ipsis ante me consulem. eonseclenlur; quos, valitudomodobona sit, tenuitasipsa
XVI. Nec vero habeo quemquam antiquiorem, cujus delectet quanquam in Lysia saepe sunt etiam lacerti, sic
quidem sci ipla profamida putem, nisi quem Appii Caci ut fieri nihil possit valentius verum est certe genere toto
oralio haec ipsa de Pyrrho, et nonniillif mortuorum lauda- strigosior, sed habet tamen suos laudatores, qui bac ipsa
liones forte delectant. Et hercules hae quidem exstanl; ipsœ ejus subtililate admodum gaudeant.
wiim farniliiB sua quasi ornamenla ac monumeuta serva- XVII. Catonem vero quis nostrorum oratorum, qui
bant, et ad usum, si quis ejusdem generis occidisset, et quidem nunesunt, legit? aut quis novit ornnino? At quem
ad memoriam laudnm domesticarum, et ad illustrandam vinirn, ilii boni! mitta civem, aut senatorem, aut impe-
nobilitatem «uam quanquam his laudationibus historia ratorem; oratorem euim hoc loco qnaerimus quis illo
sont remplis d'idées et d'expressions brillantes. ne savaient pas faire plus que nous) alors vous
On peut en extraire ce qui est digne de remarque ne mettrez personne au-dessus de Caton. Les
et d'éloges, on y trouvera toutes les beautés Grecs croient embellir leurs discours en faisant
oratoires. Et ses Origines, ne renferment-elles usage de ces changements de mots qu'on appelle
pas toutes les fleurs et tous les ornements de tropes, et de ces formes de style et de pensées
l'élocution? Il manque de partisans, comme qu'on appelle figures. Il est à peine croyable
en manquait, il y a déjà plusieurs siècles, Phi- combien Caton étincelle souvent de ces deux
liste de Syracuse, et Thucydide lui-même. Le sortes de beautés.
style élevé et majestueux de Théopompea éclipsé XVIII. Je n'ignore pas que son style n'est
les pensées concises de ces deux historiens, que point encore assez châtié, et qu'il faut chercher
trop de brièveté et de finesse rend quelquefois quelque chose de plus parfait il est aussi bien
un peu obscurs; Démosthène de son côté a fait ancien relativement à nous; et si ancien qu'il
tort à Lysias. De même l'éloquence ambitieuse n'existe aucun discours d'une époque antérieure
de nos modernes dérobe la vue des beautés de qui mérite d'être lu; mais fart de la parole est
Caton. Mais il y a de plus, chez les nôtres, une de tous les arts celui où l'antiquité obtient le
véritable ignorance car ces hommes qui dans moins de respects. Jetons les yeux sur des ou-
les Grecs, aiment ce goût antique et cette sim- vrages d'un ordre inférieur. Est-il un connais-
plicité qu'ils appellent de l'atticisme, ne savent seur qui ne sente que les statues de Canaque ont
pas même les voir dans Caton, Ils veulent être une raideur qui nuit au naturel? Celles de Cala-
des Hypérides et des Lysias, à la bonne heure mis, avec de la dureté, ont cependant quelque
mais pourquoi ne veulent-ils pas être des Catons? chose de plus moelleux; celles de Myron ne ren-
Ils aiment le style attique; ils ont raison mais dent pas encore exactement lanature cependant
plût à Dieu qu'ils en imitassent, non pas seule- on n'hésite pas à les appeler belles; celles de
ment le squelette, mais l'embonpoint et le co- Polyclète sont plus belles encore ce sont, à mon
loris Sachons-leur gré toutefois de leur inten- avis, de véritables chefs-d'œuvre. Il en est de
tion mais d'où vient cette passion pour Lysias même de la peinture. On loue dans Zeuxis, Poly-
et Hypéride, tandis qu'on ne connait aucunement gnote, Timantheet les artistes qui n'ont employé
Caton? Son style est trop vieux; on trouve chez que quatre couleurs, le dessin et la pureté des
lui des mots surannés c'est qu'alors on parlait formes. Mais dans Aétion Nicomaque, Proto-
ainsi. Changez ce qu'il ne pouvait changer dans gène et A pelles, tout est parfait. Telle est sans doute
ce temps- là; ajoutez du nombre à ses périodes; la destinée de tous les arts rien n'a été perfec-
mettez entre leurs parties plus de liaison et de tionné en même temps qu'inventé. On ne peut pas
symétrie; joignez et assemblez avec plus d'art douter qu'il n'y ait eu des poëtes avant Homère.
les mots eux-mêmes (ce que les anciens Grecs Lui-même fait chanter des vers dans les festins

gravior in laudando? acerbior in vituperando? in sententiis et quasi coagmenta, quod ne Grœci quidem veteres facti
argutior? in docendo edisserendoque subtilior? Relertœ lavtTunt jam neminem antepones Catoni. Oruari oratio-
Êimt orationes amplius centum quinquaginta ( quas quidem neni Crœci putant, si verborum immutationibus utantur,
adhueinvenerim, et legerim) et verbis, et rébus illustribus. quos appellant tpôitovi; et seritenliarumorationisque for-
Licet ex his élisant ea, quae nolalinne et laude digna sint mis, quae vocant ayr^ia. non verisimile est quam sit in
omnes oratoriae virtutes in eis reperientur. Jam vero Ori- ulroque genere et creber et distiuctus Cato.
gines ejus quem florem, aut quod lumen eloquentisc non XVI 11. Nec vero ignoro, noiidum esse satis politum hune
habent? Amalores huic desunt, secuti multis jam ante oratorem, et quaei-endum esse aliquid perfectius; quippe
«cculis et Pliilisto Syractisio, et ipsi Thucydidi. Nam ut quum ita siL ad nostrorum temporum rationem vêtus ut
horum concisis seutenliis interdum etiam non satis aper- nullius scriptum exstet dignum quidem lectione, quod sit
• tis quum brevitate, tum nimio acumine, officit Theopom- antiquius: sed majore honore in omnibus artibus, qnam
pus elatione atque altittidine orationis sua;; quod idem in liac una dicendi versatur antiquitas. Quis enim eoruin,
Ly&ia! Demnsthenes sic Catonis ltiminibns obstruxit hsec qui hiec minora animadverlunt, non intelligit, Canachi
posteriorum quasi exaggerata altius oratio. Sed et in no signa rigidiora esse, quam ut imitentiir veritatem? Cala-
stris insdtia est quod ii ipsi, qui in Graecis antiquitate, de- midis dura illa quidem, sed tamen molliora, quam Cana-
lectantur, eaque sublilitale quam Atlicani appellant, hanc cl)i;nondum Myronis satis ad veritatem adducta, jam
in Catone mm noverunt quidem II yperid* volunt esse et tamen, quae non dubitespulchradicere; pulchrioraetiinm
Ljsiaa laudo; sed cur nolunt Catonis? Attico genere di- Polycleti, et jam plane perfecta, ut mihi quidem videri
cendi se gaudere dicunt. Sapienter id quidem. Atque uti- soient. Similis in pictura ralio est in qua Zeuxim, et Po-
nam iniitarentiir, nec ossa solum sed etiam sanguinem! lygnotum, et Timanlhem,et eorum qui non sunt usi plus
Gratnm est tamen, quod volunt. Cur igitnr Lysias et Hy- qnam quatuor coloribns, formas et lineamenta laudamus;
perides amatur, quum penitus ignoretur Cato? Antiquior atin Aetione, Nicomacho,Prologene, Apelle, jam perfecta
est hujus sermo, et quaedam horridiora verba ila enim sunt omnia. Et nescio an reliquis in rébus omnibus idem
tu loquebantur. Id muta, quod tum ille non potuit, et eveniat nihil est enim simul et invenlum et pei fcrluni
adde numéros, ut aptior sit Gratioj ipsa verba compone, nec dubitari debet, quin fuerint ante Ilomerum poète
des Phéaciens et dans ceux des amants de Péné- XIX. Si cette discussion, mon cher Brutus,
lope. Et chez nous, où sont ces anciens vers vous paraît étrangère à l'objet de cet entretien
rejetez-en la faute sur Atticus, qui m'a enflammé
Que chantaient les Faunes et les devins, dans
d'émulation pour les recherches qui tendent à
ces temps oit personne n'avait atteint les som- fixer l'époque des hommes illustres, et les âges
mets habités par les Muses, où l'on ne recher-
du génie. Certes, répondit Brutus, cette espèce
chait point encore les grâces de la diction
de chronologie m'intéresse, et une telle exacti-
avant ce poëte. tude me parait concourir au but que vous vous
dit Ennius en parlant de lui-même; et la vanité ne proposez, de distinguer, suivant l'ordre des temps,

lui fait rien dire de trop, car il en est vraiment les divers genres d'orateurs. Vous avez raison,
ainsi. Nous avons une Odyssée latine de Livius Brutus, lui dis-je à mon tour; et que n'avons-
Andronicus qui ressemble à un ouvrage de Dé- nous encore ces vers qui, suivant les Origines
dale, et les pièces dramatiques du même auteur de Caton étaient, bien des siècles avant lui,
ne peuvent guère être lues qu'une fois. Or, Li- chantés dans les festinspar chacun des convives,
vius est le premier qui ait donné à Rome des piè- en l'honneur des grands hommes! Cependant la
ces de théâtre. Ce fut sous le consulat de C. Clau- Guerre Punique d'un auteur qu'Ennius range
dius, fils de Claudius Cécus, l'année d'avant la parmi les devins et les Faunes, plait comme un
naissance d'Ennius, cinqcent quatorze ans après ouvrage de Myron. Qu'Ennius soit plus parfait,
la fondation de Rome, suivant le calculd'Atticus on ne peut en douter. Toutefois, s'il avait pour
auquel je m'en rapporte; car les écrivains diffè- ce poëte le mépris qu'il affecte, pourquoi, puis-
rent sur cette date. Attius raconte que Livius fut qu'il parle de toutes les guerres, omet-il cettepre-
pris à Tarente par Fabius Maximus, consul mière guerre Punique, si vive et si opiniâtre?
pour la cinquième fois, trente ans après l'époque Lui-même nous l'apprend n D'autres, dit-il,
où Atticus, d'accord avec les anciens mémoires, ont traité ce sujet en vers. Oui sans doute, En-
dit qu'il a fait représenterune pièce. Attius ajoute nius, et d'une manière brillante, quoique avec
que ce poëte donna sa première pièce onze ans une diction moins polie que la vôtre. Vous-même
après, sous le consulat de C. Cornélius et de Q. devez être de cet avis, puisque vous avez tant
Minucius, aux jeux que Salinator avait voués, emprunté, si vous en convenez; dérobé à Né-
pendant la bataille de Sienne, à la déesse de la vius; emprunté, si vous n'en convenez pas.
Jeunesse erreur manifeste, puisque alors En- Du temps de Caton, et plus âgés que lui, vé-
nius avait quarante ans, et que si l'on supposait curent C. Flaminius, C. Varron, Q. Maximus,
le même âge à Livius, l'auteur de la première Q. Métellus, P. Lentulus, enfin P. Crassus, qui
pièce de théâtre serait plus jeune que Plaute et fut
consul avec le premier Africain. Ce grand
i
Kévius, qui en avaient donné plusieurs avant ces homme lui-même sut manier la parole. Son fils,
consuls. père adoptif de Scipion Émilien, eût été un ora-

quod ex eis carminibus intclligi potest, qnse apud illum, XIX. Hïec si minus apta videntnr huic sermoni Brute,
et in Phœacum et in procorum epulis canuntur. Quid? Attico assigna qui me inltammavit studio iilustriunj ho-
nostri veteres versus ubi sunt? minum aetates et tempora persequendi. – Ego vero, inquit
Quos olim Fauoi, vatesquecanebaat, Brutus, et delector ista quasi nototione temporum, et ad
Quum neque Musarum scopulosquisquam superarat, id, qnod instituisti, oratorum genera distingueresetatibus,
Nec dicti sludiosus erat istam diligentiam esse accommodatam puto. Recte, in-
Ante hune. quam, Brute intelligis atque utinam exstarent illa car-
ait ipse de se nec mentitur in gloriando; sic enim sese rest mina, qure multis seculis ante suam œtatem io epulis esse
habet nam et Odyssea latina est, sic, tanquam opus ali- cantitalaa singulis convivis de clarorum virorum laudibus,
quod Decdali, et Livianœ fabute non satis dignre quee inOriginibus scriptum reliquit Cato! Tamen illius, quem
iterum legantnr. Atque hic Livius, qui primus fabulam, in vatihus et Faunis enumerat Ennius, bellum Punicum,
C. Claudio, Caeci filio, et M. Tuditano consulibus, docuit quasi Myronis opus, delectat. Sit Ennius sane, ut est certe,
anno ipso, antequam natus est Ennius, post Romain con- perfectior; qui si illum, ut simulat, contemnerel, non
ditam autem quartodecimo et quingentesimo, ut hic ait, omnia bella persequens,primumillud Punicum, acerrimuui
quem nos sequimur. Est enim inter scriptores de numéro> bellum, reliquisset. Sed ipse dicit, cur id faciat « Scri-

annorum controversia. Attius autem, Q. Maximo quintum1 pserc, inquit, alii rem Vereibus; » etluculente qui-
consule, captum Tarento scripsitLivium, anuis xxx post, dem scripserunt, etiamsi minus, quam tu, poli le. Nec
i
quam enm fabulam docuisse et Atticus scribit, et nos in vero tibi aliter videri
débet qui a Nœvio vel sumsisti mul la,
antiquis couiraentariis invenimus docuisse autem fabulamî si fateria vel si negas surripuisli.
annis post xi, C. Cornelio, Q. Miuucio cousulibus, ludis Cum hoc Catone grandiores natu fuerunt C. Flaminius,
Juveutatis quos Salinator Senensi praelio voverat. In quo> C. Varro, Q. Maximus, Q. Métellus, P. Lentulus, P.
i
tantus error Attii fuit ut his consulibus xl annos natus Crassus qui cum superiore Africano consul fuit. Ipsum
t
Ennius fuerit; cui quum sequalis fuerit Livius, minor fuit Scipionem accepimus non infanlem fuisse filius quideni
aliqnanto is, qui primus fabulam dedit, quam ii, qui mul- ejus, is, qui hune minorem Scipionem a Paullo adoptavit,
tas ilocuerant ante hos consules, et Plautus et Naevius. si corpore vatuisset, in primis babitus esset disertus. In-
teur distingué, s'il avait joui d'une santé plus qquence n'était point au-dessous du haut rang qu'il
robuste. De petits discours, et une histoire écrite tenaitt dans la république. Caton vivait encore
en grec d'un style fort agréable, donnent lieu de alors. a Il mourut à quatre-vingt-cinq ans, et la
le penser. dernière
c aunée de sa vie, il prononça devant le
XX. Aux orateurs que je viens de nommer, il peuple t contre Serv. Galba un discours plein de
faut ajouter Sext. Élius, le plus savant de tous chaleur c et de véhémence, qu'il a même laissé par
dans le droit civil, et qui joignait à cette science écrit.
t
le talent de bien dire. Parmi ceux qui étaient XXI. Mais du vivant de Caton, fleurirent en
plus jeunes, paraît C. Sulpicius Gallus, le plus même i temps une foule d'orateurs plus jeunes que
versé de tous les nobles dans les lettres grecques. les derniers. Albinus, auteur d'une histoire écrite
1

II fut mis de son temps au nombre des orateurs, ten grec, et qui fut consul avec Lucullus, eut du
et posséda en outre une foule de belles connais- savoir et de l'éloquence. On peut placer à côté de
s

sances. L'élocution commençait dès lors à se po- lui Serv. Fulvius, et Fabius Pictor, qui connut
1

Iii et à devenir plus brillante. 11 était préteur, et également bien le droit, la littérature et l'anti-
<

célébrait des jeux en l'honneur d'Apollon, lors- quité. Q. Fabius Labéon mérita à peu près les
<

que Ennius mourut, après avoir fait représenter mêmes i éloges. Pour Q. Métellus, qui eut quatre
fils consuls, on le regardait comme un homme
sa tragédie de Thyeste, sous le consulat de Q. i
Marius et de Cn. Servilius. Dans le même temps des plus éloquents. Il défendit L. Cotta, accusé
vivait Tibérius Gracchus, fils de Publius, qui par Scipion l'Africain. Il existe de lui plusieurs
fut censeur et deux fois consul, et dont il reste discours, un entre autres qu'il prononça contre
un discours grec, prononcé devant les Rhodiens. Tib. Gracchus, et que Fannius a rapporté dans
C'était un citoyen vertueux et un homme élo- ses Annales. Cotta lui-même passait pour con-
quent. On attribue aussi de l'éloquence à Scipion sommé dans les ruses du barreau. Mais Lélius et
Nasica, surnommé Corculum, décoré, comme Scipion l'Africain furent doués d'une véritable
Gracchus, de deux consulats et de la censure, et éloquence. Nous avons d'eux des discours par
fils du Scipion qui reçut la mère des dieux. On lesquels nous pouvons juger de leur talent. Ser-
cite encore Lentnlus, qui fut consul avec Figulus; vius Galba, un peu plus âgé que les précédents,
Q. Nobilior, fils de Marcus, déjà formé par les fut sans contredit le plus grand orateur de cette
leçons paternelles à l'étude des lettres, et quiépoque. Le premier, parmi les Romains, usant
étanttriumvir pour l'établissementd'unecolonie, de tous les privilégesde l'art oratoire, il embel-
donna le droitde cité romaine à Ennius, qui avait lit son sujet par d'heureuses digressions, donna
combattu sous son père en Étolie. Enfin T. An- l'exemple des amplifications, des mouvements
niusLuscus, collègue de Nobilior dans le consulat, pathétiques, des lieux communs, enfin de tous
ne fut pas, dit-on, sans talent pour la parole. Quantt les moyens propres à charmer les auditeurs, et à
à Paul Émile, père du second Africain, son élo- les émouvoir. Maisje ne sais commentlesdiscours

dicant quum oratiuncute, tum historia quaedam Graecae batur; et vero etiam tum Catone vivo, qui annos quinque
scripta dulcissime. et ocloginta natus excessit e vila quum quidem eo ipso
XX. Numeroque eodem fuit Sext. jElius juris quidem anno contra Ser. Galbam, ad populum summa contentione
civilis omnium peritissimus, sed etiam ad dicendnm para-i- dixisset quam etiam orationem scriptam reliquit.
tus. De minoribusautem, C. SulpiciusGallus, qui maximee XXI. Sed vivo Catone minores natu raulti une temporê
omnium nobiUumgrœcislitterisstuduit.isqueet oratorumn oratores floruerunt.) Nam et A. Albinus, is, qui giœce
in numéro est habitus, et fuit reliquis rebus ornatus, at-t- scripsit historiam, qui consul cum L. Lucullo fuit, et lit.
que elegans. Jam enim erat unctior quœdam teratus
splendidior- et disertus fuit; et tenuit cum hoc locum quem-
que cousuetudo loquendi. Nam, hoc praetorc
I-
ludos Apol- dam etiam Ser. Fulvius, et una Ser. Fabius Pictor, et ju-
i,
linifaciente, quum Thyestem fabulam docuisset, Q. Marcio, ris, et litterarum, et antiquitatis bene peritus. Quintusque
Cn. Servilio consulibus, mortemobiit Ennius. Eratiisdera n Fabius Labeo fuit ornatus iisdem fere laudibus. Nam Q.
temporibus Tib. Gracchus, P. F., qui bis consul et censor r Metellus, is, cujus quatuor (ilii consulares fuerunt, in
fuit, cujus est oratio graeca apud Rhodios; quem civemn primis est habitus eloquens qui pro L. Cotta dixit, accu.
fuisse. P. santé Africano cujus et aliae sunl orationes, et contra Tib.
quum gravem tum etiam eloquentem constatappellatus, Gracchum exposita
i,
etiam Scipionem Nasicam, qui est Corculum est in C. Fannii Annalibus. Tum ipse
qui item bis consul et censor fuit, habitum eloquentem; L. Cotta veterator habitus. Sed C. Laelius et P. Africanus
*
Publii illius, qui sacra acceperit, filium; eliam L. Len- in primis eloquentes;quorum exstant orationes, ex quibus
i
tulum, qui cum C. Figulo consul fuit; Q. Nobiliorem, existimari de ingeniis oratorum potest. Sed inter hos,
li aetate paullum lus antecedens, sine oontroversia Ser.
M. F., jam patrio instituto deditum studio litterarum, qui
etiam Q. Einiium, qui cum patre ejus in .Etolia milita- »- Galba eloquentia praestitit; et nimirum is princeps ex
verat, civitate donavit, quum triumvir coloniam deduxis-s- Latinis illa oratorum propria et quasi legitima opera tra-
set;etT. Annium Luscum, hujus Q. Fulvii collegam, i, ctavit, ut egrederetur a proposito ornandi causa ut dele-
non indisertum dicunl fuisse. Atque etiam L.
Paullus,
i ctaret animos, ut permoveret, ut augeret rem, ut mise-
e- rationibus, ut communihus locis uteretur. Sed nescio
Africaui pater; personam principis civis facile dicendo tue-
de cet orateur, qui eut de son temps une sisrande
si grande chargés
chargés par ut
un sénatus-consulte d'informer sur
supériorité, sont plus secs et sentent plus l'anti- une affaire criminelle du plus haut intérêt. Il y
quité que ceux de Lélius et de Scipion, ou même avait eu dans la forêt de Sila un massacre où
de Caton aussi sont-ils tellement oubliés, qu'on avaient péri des hommes de distinction on en
les connait à peine. accusait les esclaves et même les fils des asso-
Pour Lélius et Scipion quoique l'opinion soit ciés qui avaient affermé, des censeurs P. Cor-
unanime sur leur génie, Lélius a, comme ora- nélius et L. Mummius, l'entreprise de la poix.
teur, une réputation plus brillante. Convenons- Le sénat renvoya aux consuls la connaissance et
le jugement de cette affaire. Lélius plaida pour
en toutefois, son discours sur les collèges des
pontifes n'est pas supérieur au premier qu'on les fermiers avec son talent et son élégance ac-
voudra choisir parmi ceux de Scipion. Sansdoute coutumée. L'affaire entendue, les consuls, de
on ne peut rien voir de plus doux ni entendre l'avis de leur conseil, la renvoyèrent à plus am-
ple informé. Quelques jours après, Lélius plaida
sur la religion un langage plus auguste; cepen-
dant le style est beaucoup plus vieux et plus su- une seconde fois,
avec encore plus de soin et
ranné que celui de Scipion. Vous savez que cha- d'habileté, et la sentence fut ajournée de nou-
que orateur a son goût particulier; or, Lélius veau. Alors Lélius dit aux associés qui venaient
me paraît préférer ta. manière ancienne, et se de le reconduire chez lui, en le remerciant et le
servir même volontiers de termes un peu vieil- priant de ne point se lasser, qu'il avait plaidé
lis. Mais on n'aime pas à voir le même homme leur cause avec tout le zèle et tout le soin dont
excellerdans plusieurs genres à la fois. La gloire son estime pour eux le rendait capable; mais
des armes, à laquelle Lélius s'est aussi acquis qu'à son avis elle serait défendue avec bien plus
des titres dans la guerre contre Viriate Scipion de force et de véhémence par Serv. Galba, dont
la possède sans rival d'un autre côté, pour le l'éloquence était plus pathétique et plus entraf-
génie, l'érudition l'éloquence la philosophie, nante. Sur l'invitation de Lélius, les fermiers
si l'on regarde ces deux hommes comme les pre- portèrent donc leur cause à Galba. Celui-ci ne
miers des Romains, on regarde Lélius comme se décida qu'avec une crainte modeste à rem-
le premier des deux. Et eux-mêmes, d'accord placer un tel homme. Il n'avait en tout que l'in-
avec l'opinion publique, paraissent avoir fait tervalle d'un jour pour étudier sa cause et dis-
entre eux ce partage de gloire. En général, l'es- poser ses moyens; il l'y employa tout entier. Le
prit de ce temps-là, meilleur en tout le reste, jour de l'audience, Rutilius, à la prière des asso-
avait encore ceci de plus généreux, qu'on aimait ciés, se rendit le matin chez Galba pour l'aver-
à se rendre mutuellement justice. tir et l'accompagner au tribunal quand l'heure
XXII. J'ai entendu autrefois P. Rutilius Rufus serait venue. Galba, renfermé dans un cabinet
raconter à Smyrne que dans sa première jeu- avec ses secrétaires, auxquels il avait coutume
nesse, les consuls P. Scipion et D. Brutus furent de dicter à la fois plusieurs choses différentes

quomodo hujus, qnem constat eloquentia prœstitisse senalusconsulto P. Scipio et D. Brutus (ut opinor) consu-
exiliores orationes sunt et redolentes magis antiquitatemles de atroci magnaque quœrerent. Nam quum in silva
re
qnam aut Lœlii aut Sdpionis, aut etiam ipsius Catonis;Sila facta casdes esset, notique bomines interfecti, insi-
taque evanuerunt, vix jam ut apparcant. mulareturque familia, partim etiam liberi societatis ejus,
De ipsius Lœlii et Seipionis ingenio, quanquam jami quœ picarias de P. Cornelio, L.
ea censoribus
Mummio rede-
estopinio, iitpluiimura tribiialur amhobus dicendi tamenmissel, deorevisse senatum ut de ea ie cognosecrent et
i slahierent consules. Causam pro publicanisaccurate, ut
bus est in Lœlio illustrior. At oratio Laslii de collegiis, non
melior, quam de mnltis quam voles, Scipionis non quo semper salitus esset, eleganlerque dixisse Laelium. Quum
illa lœlii quidqnam sit dulcius, aut quod de rcligione diciconsules, re audita, amplius de ronsilii sententia pronun-
possitaugustius; sed multo larnen vetustior, et horridiorr tiavissent paucis inlerpositis diebus iterum Lseliuiu mnlto
ille, quam Scipio? et, quura sint in dicendo variie volun- diiigentius meliusque dixisse, iU'nimque eodem modo a
tates, deleclari mihi magis antiquitate videtur, et Iiibenterr consulibus rem esse prolatam. Tum Laelium quum eme
î
verbis eliam uti paullo magis priscis I.;r-!ius. Sed est mos socii domum reduxissent, egissentque gratias, et, lie de-
hominum, ut nolint eunulem plurilMisrebusexcellera. Nami fatigaretur, Gravissent, loculumesse i(a se, quac fecisset
ut ex bellica laude adspiraie ad Africanum nemo potest, f honoris eorum causa, studiose accurateque fecissse; sed
in qua ipsa egregiuin Virialico bello repeiïtmis fuisse Lae- se arbitrari, causam illam a Ser. Galba, quod is in di-
liuin sic ingenii lilterarum, eloqueiitiae sapienliae deni- cendo giavior acriorque esset, gravius et vehementius
t
que, etsi utrique primas, priores tamen libenter deferuntt posse detentli. Itique
passe defendi. ïtaque auctoritate C. Laelii puhlicanos cau<
Lwlii putilican~)s eau,
Ljelio. Necmihi celerorumjudicio solum vidfilur, sed ctiam
I
i sam detulisse
cedendum esset,
ad Galbam. lllum autem, quod
verecundoetdubitauterrécépissé
ci vini suo
iiinum,
ipsorum inter ipsos concessu ita tributum fuisse. Eral
oimiîno tum rnos, ut in reliquis rébus melior, sic in hocc quasi comperendinalus, médium diem fuisse, quemtoluni
i.
ipso hnmanior, ut faciles essent in snnm cuique tiibuendo. Galbant in consideranda causa componendaque posuisse;
XXII. Memoria teneo. Smyrnae me ex P. Rulilio Rufoo et, quum cognitionis dies esset, et ipse Rutilius rogatu so-
amlisse, qimmdiceret, aclolescentulo se acndisse, m exx ciorum domnm ad Galbam mane venisset, ut eum admo-
Galba un long discours qu'il a inséré dans
y travailla sans aucune distraction, jusqu'à ce. contre
coi
qu'on lui annonçât que. les consuls étaient arri- ses Origines. Galba, dans sa défense, se soumit à
vés. Quand on l'eut averti qu'il était temps, il tout tôt pour lui-même; et implorant la protection du
en sortit le visage en feu, les yeux étincelants, peuple
pei romain, il lui recommanda, les larmes aux
comme un homme qui viendrait de plaider et yeux, ye et ses jeunes enfants, et le fils de C. Sulpi-
non de méditer. Rutilius ajoutait, comme une cius cil Gallus. Les pleurs de cet orphelin et le sou-
circonstance essentielle, que les secrétaires sor- venir
ve encore récent du grand homme qui était
tirent avec lui un peu maltraités. Il concluait de sonsoi père, attendrirent tous les coeurs; et Galba,
là que Galba portait la véhémence et la chaleur comme co le rapporte le même Caton, en excitant
de son action jusque dans le travail du cabiuet. la pitié pour des enfants, se sauva de l'incendie
"Enfin, l'orateur plaida cette cause intéressante prêtàledévorer.
pr Libon lui-même, son accusateur,
devant un auditoire nombreux, en présence de ne manquait pas de talent pour la parole, comme
Lélius même, avec une force et une noblesse on oc peut en juger par ses discours. Après avoir
qui presque à chaque phrase, excitèrent des ac- achevéac ces mots, je me reposai un instant.
clamations. 11 fit entendre des plaintes si tuu- Pourquoi
Pi donc, reprit Brutus, ne trouve-t-on
chantes et des accents si pathétiques, que ce dans dî les discours qui nous restent de Galba aucune
tr d'un talent si puissant? Encore s'il n'avait
jour-là les fermiers furent absous aux applaudis- trace
sements unanimes de tout l'auditoire. ri' écrit!
rien
XXIII. Une discussion fine et élégante qui XXIV. – C'est par deux raisons différentes,
éclaire les esprits, une action forte et impétueuse mon
m cher Brutus, qu'on n'écrit pas, ou qu'on écrit
qui les entraîne, voilà les deux grandes qualités moins
m bien qu'on ne parle. Tantôt c'est la paresse
qi empêche de prendre la plume, et nous voyons
de l'orateur. Mais celui qui enflamme le juge pro- qui
duit bien plus d'effet que celui qui se borne à des d< orateurs qui n'ont pas voulu ajouter le travail

l'instruire et nous pouvons conclure du récit de du d cabinet à celui du forum; car la plupart des
Rutilius, que Lélius avait en partage l'élégance discours
d s'écrivent après avoir été prononcés, et
et Galba la force. Cette force eut un beau triom- non n pour être prononcés d'autres n'éprouvent
phe dans une affaire importante. Galba, étant point p le désir de se perfectionner, et rien n'ap-
préteur en Espagne, avait, au mépris, disait-on, prend
p mieux à bien parler que d'écrire. Peu jaloux
de la foi donnée, mis à mort des Lusitaniens. Le de d laisser après eux des monumentsde leur génie,
tribun T. Libou demandait vengeance au peuple, ils il croient s'être acquis par la parole une gloire
et proposait une loi évidemment dirigée contre assez a igrande, et qui paraîtra plus grande encore,
Galba. Caton, alorsdans une extrême vieillesse, si s leurs écrits ne viennent point s'offrir aux dis-
comme je l'ai déjà dit, appuyait la loi; et peu de eussions
c de la critique. D'autres enfin se croient
jours ou peu de mois avant sa mort, il prononça plus t
[ capables de bien parler que de bien écrire.

neret et ad dicendi tempns adduceret usque illura quoad1 gationem


g in Galbam, privilegii similem, ferente, summa
ei nuntiatum esset, consules descendisse, omnibus exclu- senectute
s ut ante dixi, M. Cato legem suadens in Galbam
sis, commentatum in quadam testudine cum servis litte- mulla r dixit quam orationem in Origines suas retulit,
ratis fuisse, quorum aliis alind dictare eodem temporee paucis [ antequam mortuusest, andiebus, an mensibus?
solitus esset, intérim quum esset ei nimlialum tenipnss Tum'igitur
'j niliil recusans Galba pro sese, et populi romani
esse, exisse in .TRdes eo colore, et iis oculis ut egissee lidemimplorans, quum suos pueros, tum C. Galli etiam
causam non cominenlalurapulares. Adilebat etiain idque e filium Gens commendabat; cujus orbitas et fletus mire
ad rem pertinere putabat, scriptores illos male rouleau» s miserabilis fuit propter recentem memoriam claiissimî
exisse cum Galba; ex quo signilicabat, illum non inn paliis isque se tum eripuit flamma, propter pueros mise-
agendo solum sed etiam in meditando velicinenlem atquee ricordia populi commota, simt idem scriptum reliquit
incensum fuisse. Quid multa? magna exspectatione, plu- i- Cato. Atqne etiam ipsum Libonem non infanlem video
i,
rimis audientibus, coram ipso Lato sic illam causam, fuisse, ut ex orationibus ejus intelligi potest. Quum heec
tanta vi, lautaque gravitate dixisse Galbam, ut nulla fere •e dixissem, et paullum intcrquievissem Quid igilur
pars orationis silentio praîteriretur. Itaque multis querelis,
s, inquit, estcaiisae,Bruliis, si tanta virtus in oratore Galba
miillaque miserationeadhibita socios, omnibus approban- a- fuit,cur ea nullain orationibus ejusappareat? quod mirarj
tibus, illa die, qusestione liberatos esse. non possum in eis, qui niliil omnino scripti reliquerent.
XXIII. Ex bac Rutiliana narratione suspicari licet, t, XXIV. Nec enim est eadem, inquam, Brute, causa
quiun duœ sunimie sint in oratore laudes, una subtiliter tv non scribendi, et non tam bene scribendi, quam dixerint.
disputandi, ad docendum, altéra graviter agendi, ad ani- j- Nam videmus alios oratores inertia nihil scripsisse, ne do-
mos audientium permovendos, multoque plus proficiat at mesticus etiam labor accederel ad forensem; plerseque
is, qui inflammet judicem, quam ille, qui doceat, elegan* Q* enim scribuntur orationes liabitœ jam non ut habeantur
tiam in Loelio vim in Galba fuisse. Quœ quidem vis tum m alias non laborare ut meliores fiant nulla enim res tan-
maxime coguita est, quum, Luitanis a Ser. Galba pree* »• tum ad dicendum proficit, quantum scriptio memoriam
tore contra iutci positam ut eitisliiuabatur, lïdoiu, inter-
t- aulem in postenuu ingenii sui non dcsiderant, quum se
feclis, T. Libone trihnno plehis popuhim incitante, et ro-
o- putantsatia magnam adeptos esse dicendi gloriiun, eamqtie
C'est ce qui arrive souvent à des hommes qui ont M. 1 Octavius, qui, outragé par le premier des
plus de talent naturel que de connaissancesac- Gracques,
( triompha de ce tribun à force de
quises, et tel était Galba. Il parlait sous l'inspira- patience.
] Mais n'oublions pas Émilius Lépidus,
tiondeson âme autant que de son génie. Une sen- surnommé
s Porcina, contemporain de Galba,
sibilité brûlante, qu'il tenait de la nature, donnait quoique
< un peu plus jeune. Il passa pour un
à ses discours du mouvement, de la force, de la grand g orateur, et ses discours prouvent qu'il
véhémence; mais quand il prenait tranquillement ffut au moins un bon écrivain. Il introduisit le
la plume, et que la passion comme un vent qui premier, i dans l'éloquence latine, la douceur et
tombe, cessait d'animer son éloquence, le dis- l'harmonie
1 des périodes grecques, et toutes les
cours languissait; ce qui n'arrive pas à ceux dont savantes
s combinaisons du style. Il eut pour au-
la manière est plus châtiée car l'orateur retrouve diteurs
i assidus deux jeunes gens du plus grand
partout cette justesse de pensées au moyen de talent, t et presque du même âge, C. Carbon et
laquelle peut écrire et parler avec lamême per- 1Tib. Gracchus. Nous parlerons d'eux quand j'au-
fection; mais l'euthousiasme ne dure pas tou- rai r dit quelques mots de ceux qui étaient plus
jours, et lorsqu'il s'est refroidi, toute la vertu et èâgés. Q. Pompéius ne laissa pas d'être estimé
tout le feu de l'orateur s'éteignent avec lui. Voilà idans ce temps-là comme orateur. Il fat l'artisan
pourquoi l'esprit de Lélius parait encore respirer de i sa fortune; et sans aïeux dont la gloire re-
dans ses écrits, tandis qu'il ne reste rien de l'é- commandât
c son nom, il s'éleva cependant aux
nergie de Galba. plushautes
I dignités. A la même époque, L. Cas-
XXV. Les frères Lucius et Spurius Mummius sius, s sans être éloquent, exerça néanmoins l'au-
eurent encore quelque talent oratoire. Nous torité t de la parole. Ce ne fut point, comme les
avons leurs discours à tous deux. Lucius est sim- autres,
s à des manières agréables et généreuses,
ple et antique; Spurius, sans être plus fleuri, a mais i à une sévérité austère, qu'il dut sa popula-
cependant un style plus serré c'est qu'il sortait rité.i M. Antius Brison, tribun du peuple, secondé
de l'école des stoïciens. Il existe beaucoup de par ] le consul Lépidus, s'opposalongtemps à sa loi
discours de Sp. Albinus. Il en existe aussi des des < scrutins. On fait même un reproche à Sci-
deux Aurélius Orestès, Lucius et Caïus, qui pion ] l'Africain d'avoir usé de son ascendant sur
jouirent de quelque estime comme orateurs. P. Brison, ] pour le faire renoncer à son opposition.
Popillius, excellent citoyen, n'était pas non plus A la même époque aussi, les deux Cépions ren-
sans talent pour la parole son fils Caïus en avait daient
( à leurs clients de grands services par le
un véritable. C. Tuditanus, célèbre par la poli- conseil
( et la plaidoirie, mais plus encore par
tesse de ses mœurs et la recherche qu'il portait leur crédit et leur influence. Quant à Pompéius,
dans sa manière de vivre, ne fut pas moins re- ïses écrits existent ils annoncent un jugement
nommé pour l'élégance de son langage. On peut solide; et, malgré leur vernis d'antiquité, ils
lui comparer, en ce genre, un citoyen dont l'at- n'ont pas trop de sécheresse.
tachement aubien public ne se démentitjamais, XXVI. A peu près dans le même temps, P.

etiam majorem visum iri, si in exislimantium arbitrium lius ejus, disertus. Caiusque Tuditanus quum omni vita
sua scripta non venerint alios, quod melius putent dicere atque victu excullus atque expolitus, tum ejus elegansest
se posse, quam scribere; quod peringeniosis hominibus, habitum etiam orationis genus. Eodemque in genere est
neque satis doctis plerumque contingit, ut ipsi Galbae. habitus is, qui injuria accepta fregit T ib. Gracchum pa-
Quem fortasse vis non ingenii solum, sed etiam animi, et tientia, civis in rebus optimis constanlissimus M. Octa-
naturalis quidam dolurdiceiitemincendebat, efficiebatque vius. At vero M. /F.inilius Lepidns, qui est Porcina dictus,
nt et incitata, et gravis, et vehemens esset oralio; dein iisdem temporibus fere, quibus Galba, sed paullo minor
quum otiosus stylum prehenderat, motusque omnis animi, natu, et summus oratoresthabitus, et fuit, ut apparet et
tanquam ventus, hominem defecerat, flarcescebal oratio orationibus, scriptor sane bonus. Hoc in oralore Latino
quod iis qui limalius dicendi consectantur gémis accidere primum mihi videlur etlenitas apparuisse illa Grsecorum
non solet, propterea quod prudentia nunquam deficit ora- et verbornm comprehensio, etiam arlifex (ut ita dicam)
torem, qua ille utens eodem modo possit et dicere et seri- stylus. Hune studioseduo adolescentes ingeniosissimi et
bere ardor animi non semper adest, isque quum conse- prope œquales C. Carbo, et Tib. Gracchus audire soliti
dit, omnis illa vis et quasi flamma oratoris exstingnitur. sunt; de qnibusjamdicendi locus erit, quum desenioribus
Ilanc igitnr ob causam videtur Lselii mens spirare etiam in pauca dixero. Q. enim Porapeius non contemtus orator,
scriptis, Galbae autem vis occidisse. temporibus illis, fuit, qui summos honores, homo per st
XXV. Fuerunt etiam in oratorum numéro mediocrium cognitus, sine ulla commendatione majorum, est adepms.
L.etSp. Mummii, iratres, quorum exstant amborumora- Tum L. Crassus inullum potuit, non eloquentia, sed di.
liones. Simplex quidem L. et antiquus; Sp. autem nihilo cendo tamen;homo,non liberalitate, ut alii, sed ipsa tri-
ille quidem ornatior, sed tamen adstrictior fuit enim do- stitiaet severitate popularis cujus quidem legi tahellaria;
cluses disciplina stoicornm. Multe sunt Sp. Albini oratio- M. Antius Briso, tribunus plebis diu restitit M. Lepido
ne». Suntetiam L. et C. Aureliorum Orestarum quos ali- consule adjuvante; eaqne res P. Africano vituperationi
quo video in nnmero oratornm fnisse. P. etiam Popillius fuit, quod ejusauctoritate de seutentiadeductus Btisn pu-
quum civis egregius, tnm non indisertus fuit. C. \ero, fi. tahatur. 'l'uin duo Cacpiones multuni rlionb» continu et
1.
~I-~n-
Crassus eut la réputation d'un très-bon orateur, ,1~autres
_J. des
et ~nl- rhéteurs. Enfin, l'on n'a jamais re-
A beaucoup de talent naturel, il joignait beau- fusé à Fannius le don de la parole. 11 défendit
coup d'étude, et il trouva dans sa propre mai- souvent des causes; et son tribunat, dirigé par
son des leçons et des modèles. Allié du fameux les conseils de Scipion l'Africain, ne fut pas sans
orateur Serv. Galba, dont le fils avait épousé sa gloire.
fille, et de plus, fils de P. Mucius et frère de P. L'autre Fannius, fils de Marcus, gendre de
Scévola, il acquit, sans sortir de chez lui, la con- Lélius, était plus austère dans son langage, aussi
naissance du droit civil. Ses succès répondirent bien que dans ses moeurs. A l'imitation de son
à son activité infatigable, et il était sans cesse beau-père, il avait entendu les leçons de Pané-
occupé à plaider, ou à donner des consultations. tius. Ce n'est pas qu'il aimât beaucoup celui dout
Aux noms qui brillaient alors, il faut ajouter les il suivait l'exemple Lélius ne l'avait point ad-
deux C. Fannius, fils de Caïus et de Marcus. Le mis au collége des augures; il lui avait même
premier, qui fut consul avec Domitius, a laissé un préféré son autre gendre Scévola quoique plus
discours contre Gracchus, au sujet des alliés et jeune choix dont Lélius s'excusait en disant
du nom Latin. Cet ouvrage est célèbre, et de qu'il n'avait pas donné cette préférence au plus
plus, il est bon. Quoi donc! dit Atticus, ce jeune de ses gendres, mais à l'aînée de ses filles.
discours est-il bien de Fannius ? Dans notre en- On peut juger du talent oratoire de Fannius par
fance, les opinions étaient très-partagées. Les l'histoire assez élégamment écrite qui nous reste
uns l'attribuaient à Persius, homme lettré, et à de lui. Sous le rapport de l'éloquence, elle n'est
la science duquel Lucilius rend un belhommage; ni tout à fait médiocre, ni parfaitement belle.
les autres, à plusieurs nobles, dont chacun, di- Quant à l'augure Scévola, s'il avait à plaider
sait-on, avait mis en commun le tribut de son pour lui-même, il n'empruntait pas une voix
génie. -C'est, en effet, répondis-je, ce que j'ai étrangère. C'est ainsi qu'il se défendit contre Al-
entendu direà nos vieillards, mais je n'ai jamais bucius qui l'accusait de concussion. 11 n'a point
pu le croire; et si l'on a élevé ce doute, c'est, je
de rang parmi les orateurs sa profonde connais-
pense, parce que Fannius était regardé comme sance du droit civil, et ses lumières en tout genre
harangue lui assurent le premier parmi les savants. Célius
un orateur médiocre, tandis que cette
était la meilleure qui existât alors. Elle n'a d'ail- Antipater est, comme vous savez, un bon écri-
leurs rien qui annonce le travail de plusieurs vain pour ce temps-là. Ce fut un habile juris-
mains; c'est partout la même couleur, le même consulte, et il eut beaucoup de disciples, entre
style; et d'un autre côté, si elle était de Persius, autres L. Crassus.
Gracchus n'aurait pas manqué de le reprocher à XXVII. Plût aux dieux que Tib. Gracchus et
lui-même Carbon eussent eu en politique la volonté de bien
son adversaire, qui lui reprochait à
d'employer les talents de Ménélas de Marathum, faire autant qu'ils avaient le talent de bien dire

lingua, plusauctoritale tamen et gratia sublevabant. Sed enim sonus est totius orationis, et idem stylus); nec de
Pompeii sunt scripta nec nimis extenuata (quanquam ve- Persio reticuisset Gracchus, quum ei Fannius de Menelao
Maratheno, et de ceteris objecisset prœsertim quum
terum est similis), et plena prudentias.
XXVI. P. Crassum valde probatum oratorem iisdem Fannius nnnquam sit habitus elinguis; nam et causas de-
fere temporibus accepimus, qui et ingenio valuit, et stu- fensitavit, et tribunatus ejus, arbitrio et auctoritate P.
Afrioaiii gestus, non ohscnrus fuit.
dio, et habuit quasdametiam domesticasdisciplinas. Nam
Alter autem C. Fannins, M. filius C. Lselii gener, et
et cuvn summo illo oratore, Ser. Galba, cujns C. filio
filiam snam collocaverat, affinitate sese devinxerat; et, moribus, et ipso genere dicendi durior. Is soceri instituto
(quem, quia cooptatus in augurum collegium non erat,
quum esset P. Murai filius, fratremque haberet P. Scaevo-
lam domi jus civile cognoverat. ln eo industriam constat non admodum diligebat, prœsertim quum ille Q. ScEevo-
et consule- lam sibi minorem natu generum prsetulisset; cui tamen
summam fuisse, maxiroamquegratiam, qunm adjuncti duo Laslius se excusans, non genero minori dixit se illud, sed
retin- plurimum, et dicerel. Horum œtatibus
Caii filius, qui majori liliœ detulisse), is tamen, instituto Laslii, Panee-
C. Fannii, C. et M. fini fuerunt quorum
consul cum Domitio fuit, unam orationem de sociis et tium audiverat. Ejus omnis in dicendo facultas. ex historia
nomine Latino contra Gracchum reliquit, sane et bonam, ipsius non ineleganter scripta perspici potest; qn.B neque
nimis est infans, neque perfecte diserta. Mucius autem
et nohilem.-Tum Atticus, Quid ergo? estne ista Fannii?
nam varia opinio pueris nobis erat alii a C.
Persio, litte- augur, quod pro se opus erat, ipse dicebat, ut depecuniis
rato bomine, scriptam esse aiebant, iUo, quem signifirat
repetundis contra T. Albucium is oratorum in nnmero
valde doctum esse Lucilius; alii multos nobiles, quod non fuit; juris civilis intelligentia, atque omni prudentira
quisque potuisset, in illam orationem contulisse. Tum genere prsestitit. L. Coelius Antipater, scriptor (quemad-
modum videtis) fuit. ut temporibus illis, luculentus, juris
ego, Audivi equidem ista, inquam, de majoribns natu; valde peritus, multorum etiam, ut L. Crassi, magister.
sed nunquam sum adductns ut crederem eamque su-
spicionem propter hanc causam credo fuisse, quod Fannius XXVII. Utinam in Tib. Gracchn, Caioque Carbone ta-
in mediocribus oratoribus habitus esset; oratio autem vel lis mens ad rempublicambene gerendam fuisset, quale
optima esset illo quidem tempore orationum omnium. Sed ingenium ad bene dicendum fuit! profecto nemo his viris
nec ejusmodi est, ut a pluribus conflua videatur (unus gloria pra'Blitisset. Sed eorum alter propter turbulcnlissi-
Assurément personne n'eût acquis plus de gloire; sion,
si et ce fut sous le consulat de Censorinus et
mais l'un, que le scandale du traité de Numance d Manilius. Le Pison dont je parle plaida lui-
de
avait brouillé avec les gens de bien, et qui avait même
n beaucoup de causes, appuya ou combattit
porté dans son tribunat toute la turbulence de sa b
beaucoup de lois; il a laissé des discours qui sont
colère, fut tué par la main de la république elle- oubliés,
o et des. annales fort sèchement écrites.
même; l'autre, décrédité jusque dans le parti po- Pour
P revenir à Carbon, j'ajouterai que, depuis
pulaire à cause de sa perpétuelle inconstance, se l'usage
l' des scrutins secrets, établi par Cassius
déroba, par une mort volontaire, à la sévérité des sous
s< les consuls Mancinus et Lepidus, les causes
juges. Tous deux furent de grands orateurs; et soumises
s< au jugement du peuple avaient plus que
ce n'est point par tradition que nous en parlons j!
jamais besoin du secours de l'éloquence.
ainsi. Nous avons des discours de Carbon et de XXVIII. Votre famille, Brutus, a produit
Gracchus. Ils ne brillent pas encore de tout l'é- aussi
ai un homme dont j'ai souvent entendu faire
clat des expressions; mais ils sont pleins d'esprit l'éloge
1' par le poëte Attius, son ami. C'est Déci-
et de solidité. Gracchus fut dès son enfance, ins- a
mus, fils de Marcus il s'exprimait avec assez
truit dans les lettres grecques par les soins de sa d
d'élégance et possédait fort bien pour son temps
mère Cornélie; il eut toujours les meilleurs mai- le lettres grecques et latines. Attius rendait le
les
tres de la Grèce; et, encore très-jeune, il reçut même
rr témoignage de Q. Mnximus, petit-fils de
les leçons du plus éloquent de tous, Diophane Paul
P Emile. Avant Maximus, il citait encore celui
de Mitylène; mais il eut bien peu de temps, et d Scipions qui, sans être revêtu d'aucune auto-
des
pour perfectionner, et pour déployer son génie. rité
ri publique, donna la mort à Tibérius Grac-
Carbon, tant qu'il vécut, se distingua dans un chus.
c' Ce Romain, selon lui, portait dans ses
grand nombre de causes, et devant des tribunaux discours
d toute l'énergie de son caractère pas-
différents. Parmileshommeséclairésquiravaient sionné. si Ajoutons P. Lentulus, prince du sénat
entendu, notre ami L. Gellius, qui avait vécu il eut, dit-on, toute l'éloquence qui est nécessaire
près de lui pendant son consulat, parlait de son à l'homme d'État. Ajoutons encore L. Philus, re-
débit harmonieux rapideet animé. II réunissait, nommé n par la pureté de son style, et plus lettré
selon Gellius, la véhémence àbeaucoupdedouceur que q les précédents; P. Scévola, qui se distin-
et d'enjouement. Il était actif, laborieux et s'ap- guait
g par la finesse et le jugement, et même par
pliquait souvent à la composition et aux exercices quelque
q abondance; M'. Manilius, dont les lu-
du cabinet. Il passa pour le meilleur avocat de mièresn égalaient presque celles de Scévola; en-
son temps; et pendant qu'il régnait au barreau, fin, fi Appius Claudius, qui avait de la facilité,
les procès commencèrent à se multiplier. En ef- mais n un peu trop de véhémence. On tient encore
fet, c'est dans sa jeunesse que furent établis les quelque
q compte de Fulv. Flaccus et de C. Caton,
tribunaux permanents, institution inconnue jus- neveu n du second Africain, tous deux orateurs
qu'alors; car le tribun L. Pison est le premierqui médiocres.
n Il existe cependant des écrits de Flac-
ait fait régler par une loi les jugements de conçus- ccus; mais ils n'attestent que son amour pour les

mum tribunatum, ad quem ex invidia fœderis Numantiui constitutœ


o sunt, qnae antea nullae fuerunt (L. enim Piso,
bonis iratus accesserat, ab ipsa republica est interrectus; tribunus
ti plebis, legcm primus de pecuniis repetundis,
(
alter, propter perpetuam in populari ratione levitatem, Censorino et Manilio consulibns, tulit ipse etiam Piso et
morte voluntaria se a severitate judicum vindicavit. Sed causas
c egit, et inultarum legum aut auctor, aut dissuasor
fuit uterque summus orator; atque hoc memoria patrum fuit; fi isque et oratinnes reliquit, quae jam evanuerunt, et
teste dicimus. Nam et Carbonis, et Gracchi habemus ora- annales,
a saneexiliter scriptos); et judicia populi, quibus
tiones, nondum salis splendidas verbis, sed acutas, pru- aderat
a Carbo, jam magis patronum desiderabant, labella
dentiœque plenissimas. Fuit Gracchus diligentia Corneliœ data;
d quam legem L. Cassius, Lepido et Mancino consu<
malris a puero doctus, et Graecis litteris erudilus nam libus,
b tulit.
semper habuit exquisitos e Graecia magistros, in eis jam1 XXVIII. Vester etiam D. Brutus, M. filius, ut ex fami-
«dolcscens Diophenem Mitylenaeum, Grœeiae, temporibus liari li ejus L. Attio poêla sum audire solitus, et dicere non
illis, disertissimum: sed ei breve tempus ingenii augendi iii inculte solebat, et erat quum litteris Latinis, tum etiam
et declarandi fuit. Carbo, quoad vita suppeditavil est in Graecis
C ut temporibus illis, eruditus. Quae tribuebat idem
multis judicîis causisque cognitus. Hune qui audicrant Attius
A etiam Q. Maximo, L. Paulli nepoti et vero ante
prudenteshomioes, in quibus familiaris noster L. Geilius, Maximum,
A illum Scipionem,quo duce privalo Tib. Grac-
qui se illi contubernalem m consulatu fuisse narrabat, chus c occisus esset, quum omnibus in rebus vehementem,
canorum oratorem, et volubilem, et satis acrem, atque tum iille
t acrem aiebat in dicendo fuisse. Tum eliam P. Lentulus
eumdem et vehementem,et valde dulcem, et peifacetum il priuceps, ad rempublicam duntaxat quod opus esset,
fuisse dicebat; addebat industrium etiam, et diligentem satis habuisse eloquentiœ dicitur. Iisdemque temporibus
L.
solilum esse ponere. Hic optimus, illis temporibus, estque,
s
et inexercitationibuscommentationibusquernultum opéra! I Furius Philus perbene latine Joqoi putahalur litleratius-
q quam ceteri. P. Scaevola valde prudenter et acute,
patronus habitus, eoque forum tenente plura fieri judiciapaullo
p etiam copiosius; nec multo minus prudenter M',
i
ra'porunt nam et queestionesperpetutc hec adolescente Manilius.
5 Appii Claudii volubilis sed paullo fervidior erat
lettres. Son émule, P. Décius, n'était pas sans elles, tout ce que le talent naturel fait dire de liion
ce que
talent oratoire; mais son esprit turbulent se re- est 1« fruit d'une inspiration du moment, sur la-
marque jusque dans le désordre de son langage. quelle on ne peut pas toujours compter. Le lan-
M. Drusus, fils de Caïus, qui, dans son tribunat, gage de Scaurus annonce un homme sage et d roi t
sut arrêter les entreprises de son collègue C. il y règne une dignité parfaite, un ton qui com-
Gracchus, tribun pour la seconde fois, fut éga- mande la confiance ce n'est point un avocat
lement distingué par la force de son éloquence, qui plaide, c'est un témoin qui dépose.
et par son grand caractère. A côté de lui se place Ce style ne paraissait convenir que médiocre-
son frère C. Drusus. N'oublions pas, mon cher ment au barreau, mais il convenait parfaitement
Brutus, votre parent M. Pennus, qui fut aussi aux délibérations du sénat, où Scaurus occupait
dans son tribunat un redoutable adversaire pour la première place. Il prouvait à la fois les lumiè-
lu second des Gracques. Il était un peu plus flgé res, et, ce qui était plus essentiel, la bonne foi
que ce dernier; car Gracchus fut questeur sous de l'orateur. Scaurus tenait de la nature ce pré-
les consuls Lépidus et Orestès; et Pennus, dont cieux avantage que l'art ne donne point. Ce n'est
le père, Marcus, avait été consul avec P. Élius, pas que l'art, comme vous saves n'élève jusque-
était alorstribun. Pennus, qui pouvait prétendreàà là ses prétentions. Il existe de Scaurus des dis-
tout dans la carrière des honneurs mourut après cours, et sa Vie, écrite par lui-même, en trois
son édilité. Quant à T. Flamininus, que j'ai en- livres; elle est dédiée à t.. Fufidius, qui eut aussi
core vu moi-même, tout ce que je sais de lui, quelque réputation au barreau. Personne ne la
c'est qu'il s'exprimait avec une grande correction. lit, malgré le profit qu'on en pourrait tirer, et ce-
XXIX. A tous ces noms on joint C. Curion pendant on lit la Vie et l'Éducation de Cyrus,
M. Scaurus, P. Rutilius et C. Gracchus. Nous di- ouvrage très-beau sans doute, mais moins appro-
rons peu de mots de Scaurus et de Rutilius, qui prie à nos mœurs et qui, en vérité, n'est pas pré-
ne furent ni l'un ni l'autre de grands orateurs, férable à celui de Scaurus.
et qui tous deux plaidèrent beaucoup de causes. XXX. Quanta Rutilius, sa manière avait quel-
Ou a vu souvent des hommes estimablesqui, sans que chose de sérieux et d'austère. Scaurus et lui
être doués d'un génie supérieur, se recomman- étaient l'un et l'autre d'un caractère violent et
daient cependant par d'utiles travaux. Au reste, ce irascible. Aussi tous deux ayant demandé en
n'est pas le talent, c'est le talent oratoire qui man- même temps le consulat, celui qui fut repoussé ne
quait à ceux dont nous parlons. En effet, ce n'est manqua pas d'accuser de brigue son heureux com
pas assez de voir ce qu'il faut dire, si on ne sait pétiteur et bientôt Scaurus, absous, traduisit à
point le dire avec agrément et facilité et ceci ne son tour Rutilius en justice. Rutilius était fort oc-
suffit point encore, si ce qu'on dit n'est animé par cupé au barreau, et cette grande activité lui fai-
la voix, le geste, le regard. Ai-je besoin d'ajouter sait d'autautplusd'honneur, qu'il était encore l'o-
qu'il faut, avec cela, connaître les règles? sans racle du droit, sur lequel il donnait de fréquentes

oratio. ln aliquo numéro etiam M. Fiilvius Flaccus et C. sine qua etiamsi quiil bene dicitur, adjuvante natura, ta-
Cato Afi'icani sororis filius, médiocres oratores; etsi Flac- men id, quia fortuito fit, semper paratum esse non potest.
ci scripta sunt sed ut studiosi litterarum. Flacci autem Tn Scauri oratione, sapientis hominis et recti, gravitas
œmulus P. Decius fuit, non infans ille quidem, sed utvita, summa, et naturalis quaxlam inerat nuctoritas, non ut
sic oratione etiam turbulentus. M. Drusas, C. F., qui in cansara, sed ut lestimoninm dicere pntares, qtiutn pro
tribunatu C. Gracchum, collegam iterum tribunum, fre- reo diccret.
git, vir et oratione gravis, et auctoritate; eique proxime Ilocdicendi genus ad patrocinia mediocriter aptum \i- i.
adjunctus C. Drusus frater fuit. Tuus etiam genlilis, Brute, ilebalur; ad senatoriam vero scntpntmm cujus eral illu
M. penuitsfacileagitavitiiitribuiiatti C. Gracchum, paullum ]>rinceps, vel maxime significabat cniin non prudenliam
iïfate antecedens. Fuit enim, M. Lepido et L. Oresle cou- solum sed quod maxime rem coutinchat fidem. Ilaheuat
sulibus quaestor Gracchus, tribunus Pennus, illins M. hoc anatura ipsa, quod a doctrinanon facile posset quau-
lilius, qui cum Q. jEIio consul fuit sed omnia is tarama quam hujus quoque ipsius rei, quemadmnduinscis, prae-
sperans, œdilitius est mortuus. Nain de T. Flaraiuino, cepta sunt. Hujus et orationes sunt, et tres ad L. Fiiiidiuui
quem ipse vidi, nibil accepi, nisi latinediligenterloculum. libri, scripti de vita ipsius acta, sane utiles quos nemn
XXIX. lis adjuncti sunt C. Curio, M. Scaurus, P. Ruti- legitat Cyri vitam et disciplinam legurit, prœclaram il-
lins, C. Gracchus. De Scauro et Rutilio breviter licet dicere,
e, lam quidem sed neque tam rcbus nostiis aptam, née ta-
quorum neuter sumnii oratoris habuit laudemjetuterque men Scauri laudibus anteponendara. Ipse etiam Fuhdius
in multis causis versatus erat. In quibusdam laudandis in aliquo patronorum numéro fuit.
viris, etiamsi maximi ingenii non essent, probabilis tamen XXX. RuUlius autem in quodam tristi et severo genere
industria quamquam iis quidem non omnino ingenium, dicendi versatus est; et uterque natura vehemens et acer.
sed oraterium ingenium defuit. Neque enim refert videre, Itaque quum una consulatum petivissent, non ille solum,
»juid dicendumsit, nisi id queas soluté et sua rter dicere qnirepulsam tulerat, accusavit ambitus designatum roin-
m- iil quidem salis est, nisi id, quod dicitur, sitvoce, petitorem, sed Sciunjs etiam alsolutus Rutilium in judi-
vultu, tiiiilu[iie conditius.Quid dicam, opiis esse dottriua ? einm voiavil. \TiiIlaq;ir uppr» inuit.i'iiie industria Ruti.
consultations. Ses discours ont de la sécheresse; n'était point orateur, mais il pratiquait dans toute
n'e
E

rien de plus beau que ses ouvrages de jurispru- leur sévérité les principes de sa secte; il les pous-
let
dence. Il était savantet très-versé dans les lettres sait même à l'excès, puisque, étant triumvir, il
sai
grecques. Disciple de Panétius, il avait presque prononça, contre l'autorité de Scipion l'Africain
pri
atteint la perfection dans:le genre des stoïciens soi oncle, que les augures ne sont pas dispensés
son
qui est, comme vous savez, plein d'art et de fi- par leur charge des fonctions de juges. Son lan-
pa
ne.,se, mais sec et peu propre à faire de l'effet ga ressemblait à ses mœurs il était dur, aus-
gage
sur une grande assemblée. Il a réalisé l'idée que tère, négligé; aussi ne put-il atteindre à l'illus-
tèl
les philosophes de cette école ont du sage, et a tration
tri de ses ancêtres. Ce fut, du reste, un citoyeu
prouvé, par son exemple, qu'elle n'est point une ferme
fei et courageux, et l'un des plus constants
chimère. Mis en jugement malgré sa parfaite iu- adversaires de C. Gracchus; on peut en juger par
ad
nocenee (proces qui bouleversa presque la repu- ui discours de ce tribun contre lui. Il nous en
un
blique), il pouvait charger de sa défense deux resteaussi de Tubéron contre Gracchus. S'il n'eut
1 re

consulaires très-éloquénts, L. Crassus ou M. An- pour la parole qu'un talent médiocre, il excellait
pc
tonius. Il ne voulut s'adresser ni à l'un ni à l'au- dans
ds la discussion.
tre; il se défendit lui-même. C. Cotta, son neveu Ainsi, dit Brutus, il en est de nos stoïciens
ajouta quelques mots, et, quoique fort jeune, comme
cc de ceux de la Grèce. Ce sont d'habiles
il fut vraiment orateur. L'augure Mucius parla dialecticiens, des architectes de paroles, qui élè-
di
aussi avec sa netteté et son élégance accoutumées, vent avec beaucoup d'art l'édifice de leur argu-
vi
mais non avec cette force et cette abondance mentation.
m Transportez-lesau forum, on ne leur
qu'exigeaient la nature du procès et la grandeur trouve plus que de la stérilité; j'en excepte le
tn
de ta cause. Rutilius sera donc un orateur stoïcien, se Caton, à la fois stoïcien accompli et grand
seul
et Scaurus un orateur antique. Nous leur donne- orateur. Mais je vois que Fannius eut peu d'élo-
01
rons cependant des éloges à l'un et àl'autre, pour quence, que Rutilius n'en eut pas beaucoup, et
qt
avoir élevé parmi nous ces deux genres jusqu'à ql Tubéron en manqua tout à fait.
que
la hauteur de l'éloquence. Car je veux qu'au fo- Cela vient, répondis-je, de ce qu'ils s'oc-
rum ainsi qu'au théâtre, on n'applaudissepas uni- eupent uniquement de la dialectique, et qu'ils
et
quement ceux qui se livrent à des mouvements négligent
m ces développements qui donnent au
impétueux et fatigants: une action calme,simple, discours
di de l'étendue, de la richesse, de la va-
naturelle, et qui n'a rien de pénible, mérite ainsi riété.
ri Votre oncle, au contraire, comme vous le
notre estime. savez, a pris des stoïciens ce qu'il en fallait pren-
sa
XXXI. Puisque nous avons parlé des stoï- di
dre mais il a étudié l'art de parler à l'école des
eiens, citons encore Q. Élius Tubéron petit-fils maîtres
m d'éloquence, et il s'est exercé d'après leur
de Paul Émile, qui vivait à la même époque. Il méthode.
m S'il fallait se borner aux leçons des

>îus fuit qurc état propterea gratior, quod idem magnum rum numero, sed vita severus, et congruens cum ea di-
ri
munus de jure respondendi sustinebat. Sunt ejus oratio- sc.iplina,
se quam colebat paullo etiam durior; qui quidem
lies jejunœ; mnlta praeclara de jure dodus \ir, et Grœ- in triumviratn judicaverit contra P. Africani,avunculisui,
in
cis litteris eruditns, PanÉetii auditor, prope perfectus in testimonium vacation™ augures qno minus judiciis ope-
te
iloitis quorum peracutum et artis plenum orationis ge- ram
ra darent, non habere. Sed ut vita, sic oratione durus,
nus, scis tamen esse exile, nec satis populari assensioni incultus,
in horridus; itaque honoribns majorum respondere
accommodatum. Itaque illa, quae propria est hujus disci- non
m potuit. Fuit autem constans eivis, et fortis, et in pri-
i-
plinae philosophorum de se ipsorum opinio, firma in hoc mis
m Graccho moleslus quod indicat Gracchi in eum ora-
vire et stabilis inventa est. Qui quum innocentissimus in ti sunt etiam in Gracclium Tuberonis. Is fuitmediocris
tio
jndicium vocatus esset (quo judicio convulsam penitus ir dicendo, doctissimusin disputando.
in
scimus esse rempublicam quum essent eo tempore elo- -Tum Rrntus Qnam hoc idem in nostris contingire
qui-iitissimiviri L. Crassus et M. Antonius consulares, eo- il
inlelligo, quod in Graecis! utomnes fure sloici prudentis-
rum adhibere neutrum voluit dixitipse prosese; etpauca simi
si in disserendosint, et idarle faciant, sintque architecti
C. Colta quod sororis erat tilius et is quidem tamen ut ora- ppâme verbonun iidem traducLî adisputando ad dicendum
tor; quanquam erat admodum adolescens. Sed Q. Mucius i,
inopes reperiantur. Unum excipio Catonem, in quo, per-
enucleate ille quidem et petite, ut solehal nequaquam au- fectissimo
fe stdico, snmmam eloquentiam non desiderem ô
tem ea vi atque copia, quam genus illud judiciiet magnitudo q
qnam exiguam in Fannio, ne in Rutilio qnidem magnam,
J
ratisse postulabat. Habemus igitur in stoicis oratoribusRu- in Tuberone nullam video fuisse.
il
liliuin, Scaurum in autiquis utnunque tamen laudemus, -Et ego, Non, inquam, Brute, sine causa; propterea
quoniam per illos ne haec quidem in civitate gênera hac quod
q istorum in dialecticis omnis cura consumitur; vagum
oratoria laude caruerunt. Volo enim, nt in scena, sic illud
il orationis, et fusum et multiplex non adbibelnr ge-
etiam in foro, non eoa modo laudari, qui céleri rnolu et nus.
n Tuus autem avunculus, quemadmodumscis babeta
a
ilirticili utanlui', sed eos etiam, quos statarios appellant, stoicis id, quod ab illis petendum fuit sed dicere didicit
si
quorum sit illa simple* in agendo veritas, non molesta. a dicendi magistris, eommque more se excicuit. Quod si
XXXI. Et quonium stoicornm est facta mentio, Q.^iius omnia
o a pbilosopliis e«sent |>ctenda peripateticorum in-
Tubreo fuit illo tempore, L. Paulli nepos, nullo in orato- stilutis
si commodius liugerctur otatio Quo magis tuum,
philosophes, les péripatéticiens seraient les plus .n.. Dans notre enfance, ce plaldoyeJ^iassQit
,.1. cestu.
propres de tous à former l'orateur. Aussi, mon pour le chef-d'oeuvre de l'éloquence; aujourd'hui
cher Brutus, je vous félicite d'avoir embrassé une on le remarque à peine dans la foule des ouvra-
secte, celle de l'ancienne académie, dont les pré- ges qui ont paru depuis. `
ceptes et la doctrine réunissent à la méthode – Je sais fort bien, dit Brutus, de qui nous
philosophique la douceur et l'abondance de l'élo- vient cette foule de nouvelles productions. -Et
cution. Disons-le toutefois le système que sui- moi, répliquai-je, j'entends fort bien qui vous
vent les peripatéticiens et les académiciens, dans voulez désigner. Il est vrai que j'ai fait quelque
l'exposition de leurs idées, n'est pas capable de bien à la jeunesse, en donnant l'exemple d'une
former seul un orateur parfait, quoiqu'on ne élocution plus pompeuse et plus ornée mais je
puisse sans son secours arriver à la perfection. lui ai peut-être fait tort en ce que, depuis qu'on
Car si le langage des stoïciens est trop serré et a mes discours, le plus grand nombre ne lit plus
trop concis pour faire impression sur une assem- ceux des anciens; non pas moi cependant, car
blée, la manière de ces philosophes est un peu je
les mets bien au-dessus des miens. – Comptez-
moi,reprit Brutus, dans le grand nombre. Au
trop lâche et trop diffuse pour la tribune et le
barreau. Qui jamais a déployé dans son style reste, je vois à présent que je dois lire, sur votre
plus de richesse que Platon? Si Jupiter parlait parole, bien des ouvrages dont j'ai fait peu de
grec, disent les philosophes, il parlerait comme cas jusqu'ici.
ce grand homme. Quel écrivain fut plus uerveux Quoi qu'il en soit, dis-je à mon tour, ce
qu'Aristote, plus doux que Théophraste? On ditdiscours si vante de Curion est puéril en beaucoup
que Ûémosthène lisait souvent Platon il l'avait d'endroits ce que l'orateur dit de l'amour, de
i
même entendu. On le reconnaît aux choix et à la la torture, des bruits publics, n'est qu'une suite
noblesse de ses expressions, et il le dit lui-mêmei de frivoles lieux communs, supportables toutefois
formellementdans une lettre.Mais is son éloquence, dans un temps où le goût, moins délicat, n'avait
i
transportée dans la philosophie, paraîtrait, si pas encore épuré l'oreille des Romains. Curion a
j'ose ainsi parler, trop belliqueuse, et celle de laissé quelques autres écrits. Il parla souvent, et
Platon serait trop pacifique devant un tribunal. fut un des plus célèbres avocats de son temps.
XXXII. Continuons, si vous le désirez, deAussi je m'étonne qu'ayant fourni une carrière
passer en revue les autres orateurs, suivant l'or- assez longue et assez brillante, il n'ait jamais été
dre des temps et leurs degrés de mérite. Cer- consul.
tes, dit Atticus, nous le désirons vivement, carr XXXIII. Mais voici enfin un homme doué du
je réponds ici pour Brutus et ponr moi. Eh plus
beau génie, passionné pour l'étude, et formé
i
bien! repris-je, presque à la même époque, brilla dès l'enfance par de savantes leçons; c'est C.
Curion, dont on peut [apprécier le talent par lesGracchus. Gardez-vous de croire, Brutus, que
discours qu'il a laissés. Le plus célèbre de tous estt personne ait eu jamais une éloquence plus riche
|
celui qu'il prononça pour Serv. Fulvius, de ila- et plusabondante. – C'est aussi l'opinion que j'ai

Brala, judicium probo, quieonim [id est, ex vetere aca- oralio. Nobis quidem pueris, nmniilm optima putabalur,
demia] philosophorum sectam gecutiis es, quorum in do. >. qui* vix jam comparet in hac lurba novorum voluminnm.
ctrina atque preeceptis dissereudi ratio conjungitur cum] Praeclare, inquit Bru lu s, teneo, qui islam tnrluim
suavitate dicendi et copia quanquam ea ipsa peripatetico- –
volnminnm effêcerit. Et ego, inquam intelligo, Bnile,
rum academicorumqueconsuetndo in ratione dicendi taliss quenidicas;certeenimet buniallquiditltiilirnusjuventuli
est ut nec perficere oratorem possit ipsa per sese necc magnificentius, quam fuerat, genus dicendi, et ornalins;
r
sine ea orator esse perfeclns. Nam ut stoicorum arlstrictior et nocnirmis fortasse quod veteres orationes post nnstras,
est oratio, aliquantoque contraclîor, quam aures populi non a me quidem (meis enim illas anle pono) sed a pleris-
requirunt, sic illorum liberinr et latior, qnam patilitr con- que legi sunt desitae. -Enumera, inquit, me in [ilerisque
Mietudo judiciorum et lori. Quis enim uberior in direndo 0 quanquam video mihi mulla.legenda jam te auctore, quae
Platone? Jovem, aiunt philosophi, si gnera loquatur, sico antea contemnebam.
loqui. Qui. Aristotele nervosior, Theophrasto dulcior?? Atqui hœc, inquam, de iiiceslu laudata oralio,
Lectitatissc Platoneni stuaiose, audivjsse etiam Demo-puerilis est locis multis de amore, de tormentis, rîn
sthenes dicilur; idque apparet ex genere et grandilate ver. rumore, loci sane inanes; vemmtamen nondum triti»
bornm dicileliam in quadam epistola hoc ipse de sese. nostrorum hominum auribus, nec erudita civitate, loleis- a"
Sed et hiijiis oratio in pbilosophiam translata, piifoiaciorr biles. Scripsit etiam ulianonnulk, et raulta dixit, el ilin-
(ut ita dicarn ) videtur, et illorum in judicia, pacalior. slria, et in nnmero patronorum fuit ut eum mirer, quiioi
t
XXXIt. Niinc reliquorum oratoruni aetales si placet, et et vita suppeditavisset, et spiendor ei non defuisset, con-
gradus perseqiiamur. Nobis vero, inquit Atticus, et1 sulem non fuisse.
vehementer quidem, ut pro Bruto etiam respondeam. XXXIII. Sed ecce in manibus vir, et pr.fstantissirno
Curie luit igitur ejusdem atatis fere, sane illustris orator, ingenio, et llagranti studio, et dodus a puero, C. Grac-
ciijus de ingenio ex orationibus ejus existimari potest. chus. Noli enim putare quemquam, Brûle pleniorem et
Sunt emm et «liai, et pro Ser. Fulvio au inceslu, uobilisi uberlorem ad riicenthim fuisse. Et ille, Sic prorsus,
o.
24.
de IuL répondit Bïutus, et it e»l prfcsque le seul li cédait à personne pour la pureté du langage
le
îles ifficieus que je lise. Lisez-le, repris-je, e il n'avait pas de rival pour la finesse et la
et
mon cher Brutus, lisez-le sans cesse. Sa mort plaisanterie.
f Son collègue, L. Bestia, était un
prématurée fut une perte pour la république ro- rhomme ardent et qui n'ignorait pas l'art de ma-
maine et pour tes lettres latines. Pourquoi fallait-il nier
i la parole. Dans son tribunat il rendit à la pa-
qu'il aimât son frère plus que sa patrie? qu'il lui trie
t Popillius, que la violence de C. Gracchus
fût été facile avec un tel génie, s'il eût vécu plus t avait arraché heureux début, cruellement
en
longtemps, d'égaler la gloire de son père ou celle démenti
t par l'issue malheureuse de son consulat.
de son aïeul! Peut-être qu'en éloquence il n'eût En
1 effet, des arrêts dictés par la haine frappè-
jamais trouvé personne qui l'égalât lui-même. rent, au nom de la loi Mamilia, un homme re-
Ses expressions sont nobles; ses pensées, solides; mHu du sacerdoce, C. Galba, quatre consulai-
l'ensembledesa composition, imposant. Il n'a pu res, I.. Bestia, C. Caton, Sp. Albinus, et enfin
1

mettre la dernière main à ses ouvrages. Plusieurs L. Opimius, ce grand citoyen qui donna la mort
sont d'admiriihles ébauches, qui seraient deve- à Gracchus, et qui, absous par le peuple dont il
nues des chefs-d'œuvre. Oui, Brutus, si un ora- avait été l'adversaire, fut condamné par les juges
teur mérite d'être lu par la jeunesse, c'est C. que Gracchus avait faits. Un homme bien diffé-
Gracchus. La lecture de ses discours peut tout à reut de Bestia dans son tribunat et dans tout le
la fois aiguiser l'esprit et féconder l'imagination, reste de sa vie, C. Licinius Nerva fut mauvais
Après lui vient, dans l'ordre des temps, C. citoyen et assez bon orateur. C. Fimbria, qui vé-
Galba, fils de l'éloquent Servius, et gendre 'le cut à cette époque mais beaucoup plus longtemps,
P. Crassus, orateur et jurisconsulte. Nos pères passa, il faut le dire, pour un avocat brusque et
estimaient son talent; ils s'intéressaient même à de mauvaise humeur. Il était mordant, satiri-
ses succès en mémoire de celui dont il tenait le que, et en général trop passionné et trop véhé-
jour; mais il fit naufrage loin du port. Accusé ment toutefois son zèle, ses mœ'irs, et l'énergie
d'après la loi du tribun Mamilius contre les com- de son caractère, lui donnaient de l'autorité dans
plices de Jugnrtha, il se défendit lui-même, et le sénat. Du reste, il plaidait avec quelque suc-
fut immolé à la haine du peuple. Nous avons sa cès, connaissait le droit civil, et portait dans ses
péroraison connue sous le nom à'êpilogue. Elle discours toute l'indépendance de sa vertu. Nous
était si estimée dans notre enfance, qu'on nous les lisions dans notre enfance on aurait peine à
la faisait apprendre par cœur. C'est le premier les trouver aujourd'hui
membre d'un collège de prêtres qui, depuis la Avec de la grâce dans l'esprit et dans le lan-
fondation de Rome, ait été condamné dans une gage, Sext. Calvinus eut une santédesplus mau-
cause publique. vaises. Quand la goutte lui laissait quelque relâ-
XXXIV. P. Scipion. qui mourut consul, était che, il ne refusait point une cause; mais cela
peu disert, et ne parlait pas souvent; mais il ne n'arrivait pas souvent. Aussi prêtait-il le secours

iiurait etistimo atque istum de superioribuspîene solum Inultum ille quidem, nec &cpc dicebat, sed et latine lo-
tego. Inio plane, inquam, Brule, legas censeo. Dam. quendo cuivis erat par, et omnes sale facetiisque supera-
mini enim illius immaturo interitu res inmanœ latinœque bat. Ejus collega L. Bestia bonis iniliis orsus tribunatus
KtferïR l'i^eerunt. Utinam non tam fratri pietalem, quam (nam P. Popillium vi C. Gracchi expulsum sua rogatione
patn;» prasslare voluisset quam ille facile tali ingenio, restituit) vir et acer, et non indisertus, tristes exitus ha-
«lruttus si vixisset, vel paternaoi esset, vel avitam glo- buit consulatus. Nam invidiosa lege Mamilia [quœstio] C.
riam consecutus! Eloquentia quidem nescio an liabuîsset Galbam sacerdotem et quatuor consu lares, L. Bestiam
parem neminem. Grandis est vei-bis,.sapiens sententiis, C. Catonem, Sp. Alhinum, civemque praestantissimumL.
génère toto gravis manus extrema mon accessit operi- Opimium, Graculii interfectorem, a populo absolutum,
bus ejus praeclare inchoata multa, perfecta non plaue. quum is contra populi studium stetisset, Gracchani judices
I^geadus inquam est hic orator, Brute, si qnisquam suslulerunt. Hujus dissimilis in tribunatu, reliqnaque omni
.nlius juvenluti non cniiusolum acuerfi-, sed eliam alere vita civis improbus C. Licinius Nerva non indbtei'tus fuit.
iugeniimi potest. C. Fimbria temporibus iisdem fere sed lougius retate pro-
Unie surcessit aplati C. Galba, Servit iffiiiï elaqnenlissimi>ectus, habitus est sane (ut ita dicam) truculentus patro-
viri ulius, I*. Crasat etoqiienlis el jurisperiti gener. Lauda- nus, asper, maledicus, genere toto paullo lervjdior, atqne
hant uunc palrrs nostri, favebant eliam propter patrie i commolior; diligentia tamen, et virtute animi, at(|ue vita
mémorial»; ged cmdttin misa. Naiu rogations Mamilia bonus auctor in senatn. Idem toterabîlis patronus, nec m-
Jiicim Ihina: conjorationisinvidia, quum pro sese ipse ili- dis in jure civiH, et quiim virtute, tum etîamipso oratkmis
hiâset, oppressus est. K\»tut fjus peroitûio, qui e|nUt^iis i génère liber c.ujus orationts pueri legebamus, quas jam
«M«ittir qui tanto in honore, |u«;iis nohk, erat, lit fam t reperire vix possumus.
« iuin eilisceremus. Ilir, qui in collegio «aefi Jotuia esset, Atque etiam iugenio, et sermone «leganti, valitndine
)uinms post Komam condilamjudicîopuhlico est cunden, incommoda, C. Sexlius Calviaus fuit; qui etsi, quuni
uatu«. rrniiserant ikdores pedum, non deerat in causis, lameu
XXXIV. l>. Sripio, qiu est in consnlalu utoi tuus non
i | id non swpefciebat. Uaque consilio cjus quum volebaut
de ses lumières toutes les fois qu'on le voulait; et de ses actions, écrite avec une grâce digne de
celui de sa voix, toutes les fois qu'il le pouvait. Xénophou, et dédiée au poète Furius, sou ami.
A la même époque vivait M. Brutus dont la con- Cet ouvrage n'est pas plus connu que les trois Li-
duite fut un affront pour votre famille. Sans vres de Scaurus dont j'ai déjà parlé.
respect pour le nom qu'il portait, ni pour les J'avoue, dit Brutus, que je ne connais pas
vertus d'un père excellent citoyen et grand ju- plus ces ouvrages l'un que l'autre mais c'est ma
risconsulte, il se fit, comme l'Athénien Lycur- faute il est vrai qu'ils ne me sont jamais tombés
gue, un métier de l'accusation. Il ne demanda entre les mains. A présent je vous prierai de me
point les magistratures, mais ce fut un accusa- les prêter, et de mon côté je rechercherai plus
teur violent et redouté. Il était facile de voir curieusement ces anciennes productions.
qu'une perversité réfléchie avait étouffé en lui Catulus, repris-je, parlait donc avec une
le germe des vertus héréditaires. Le plébéien Cé- admirable pureté, mérite plus grand qu'on ne
sulénus fut un autre accusateur du même temps. pense, et que la plupart des orateurs négligent
le l'ai entendu dans sa vieillesse, lorsqu'il pour- beaucoup trop. Je ne dirai rien du son de sa voix
suivait Sabellius en réparation de dommages aux et du charme de sa prononciation, puisque vous
termes de la loi Aquillia. Si j'ai fait mention avez connu son fils. Ce fils ne fut pas compté au
d'un homme aussi obscur, c'est qu'à mon avis je nombre des orateurs; mais il ne manquait ni delu-
n'ai jamais entendu personne qui sût avec plus mières pour opiner dans le sénat, ni d'élégance
d'adresse noircir les intentions et supposer des et de goût pour développer son opinion. Le père
crimes. lui-même ne tenait pas le premier rang parmi les
XXXV. T. Albucius était instruit dans les let- avocats célèbres. Quand on entendait ceux qui
tres grecques, ou plutôt il était presque Grec régnaient alors au barreau, il paraissait leur être
lui-même: telle est du moins mon opinion; on inférieur; mais quand on l'entendait lui-même
peut au reste en juger par ses discours. Athènes et sans le comparer à d'autres, on était satisfait;
fut le séjour de sa jeunesse; il en sortit épicurien je dis plus, on ne voyait rien de mieux à désirer.
achevé or, l'école d'Épicure ne forme pas d'o- Q. Métellus Numidicus, et son collègue M. Sila-
rateurs. Q. Catulus était savant, non à la ma- nus, réussirent assez dans l'éloquence politique
nière des anciens, mais à la nôtre, ou s'il en est pour soutenir un grand nom et la dignité consu-
une meilleure, à la sienne. Il avait beaucoup de laire. M. Aurélius Scaurus parlait rarement, mais
littérature, une grande douceur de langage aussi avec goût; il se distingua surtout par l'élégamw
bien que de moeurs et de caractère, enfin une et la pureté de sa diction. A. Albinus eut, comme
diction pure et que ne déparait aucune tache. lui, le mérite d'une correction parfaite. Quant
Cette précieuse qualité se reconnaît dans ses dis- au flamine Albinus, il tenait son rang parmi les
cours, et surtout dans l'histoire de son consulat orateurs, aussi bien qne Q. Cépion, homme

hommes utebactur; patronicio, quum licebat. lisdem nibilo notior est, qnam illi très, de quibus ante dixi
t
temporibns M. Brutus, in quo magnum fuit, Brute, dede- Scauri lihri.
cus generi vestro, qui, quum tanto nomine esset, pa-

Tum Bnilus, Milii quidem nec iste notus est iicc
tremque optimum virum habuisset et juris peritissimum, mi; sed ha*c
uioa culpaesl; nunquam enim in manus
accusationem factitaverit ut Athenis Lycurgus is magi-
iiiciclerunt. Kunc autem et a te sumam, et conquit am isto
stratus non pelivit, sed fuit acrusator vehemens, et mo- poslhar. curiosins.
Icstus ut facile ctsrneres naturale quoddam stirpis bonum
degeneravisse vitio depravatœ volutitatis. Atque eodem Fuit igitur in Catulo sermo Latinns; qiiie taus dicend
tempore accusalor de plebe L. Cœsulenus fuit, qiiein ego non mediocris ab oratoribus plerisque negiecta est nam
audivi jam senem. quum ab L. Sabellio multam lege de sono vocis, et snavitate appellandaruni litterarum,
Aquillia de injuria petivisset. Non fecissem bominis psene quoniam filium cognovisli, noli exspeolare quid dicam.
infimi înenlionem nisi judicarem, qui sufpiciosius aut Quanquam lilius quidem nou fuit in oratorum numero,
crindnosius diceret, audicisse me neminem. sed non deerat ei tamen in sententia dicenda qunm pru-
XXXV. Doctus etiam Gratis T. Albucius vel potius, dentia, tum clegans quoddam et eruditum orationis genus.
paene Grœcns loquor, ut opinor; sed licet e\ orationibus Nec habilus est tamen pater ipse Catulus princeps in nu-
jndicare. Fuit autem Athenis adolescens; perfectus Epi- méro patronorum; sed erat talis, ut, quum quosdam
rureus evaserat, minime aplum ad dicendum genus. Jam andires qui tum erant prêtantes, videretur esse infe-
Q. Catulus, non antiquo illo more, sed hoc nostro (nisi rior quum autem ipsum audires sine comparatione, non
quid fieri potest perfectius) erudilus mullœ liltera, modo contentus esses, sed melius non quaereres. Q. Mo-
summa non vite solum atque naturae sed orationis etiam tellus Nuinidicus, et ejus collega M. Silanus, dicebant de
comitas; incorrupta quœdam Lalini sermonis integrilas republica quod esset illis viris et consulari dignitati salis.
•liiae perspici quum ex orationibus ejus potest, tnm facil- M. Aurélius Scaurus non saepe dicebat, sed polite; latine
lime ex eo libro. quem de consulatu et de rébus gestis vero in primis est elegantur locutus. Quae tant eadem m
snis conscriptum molli et Xenophonteo genere sennonis in A. Albino bene loquendi fuit Nam flamen Albinus etiam
misit ad A. Furiiiro poetam, familiarem suum qui tibrr in numéro est habitua disertornm. Q. ctiam Opio, vir
plein de vigueur et de fermeté, qui fut accusé fqui aient élevé l'éloquence à cette hauteur où
des torts de la fortune, et victime de la haine du l'avait portée le génie de la Grèce.
peuple. XXXVII. Rien n'échappaitau génie d'Antoine
XXXVI. Alors vivaient aussi C. et L. Mem- et il plaçait toujours ses moyens dans l'endroit le
mius, orateurs médiocres, accusateurs ardents plus propre à les faire valoir. Semblable à un gé-
et passionnés. Ils appelèrent en jugement beau- néral qui dispose habilement sa cavalerie, son
coup de citoyens ils en défendirent très-peu. infanterie, ses troupes légères, il donnait à cha-
Sp. Thorius fut un orateur populaire assez en cun de ses arguments la place où il pouvait pro-
crédit. C'est lui qui, par une loi aussi mauvaise duire le plus d'effet. Il avait une vaste mémoire.
qu'inutile, déchnrgea d'impôts les terres du do- Chez lui pas la moindre trace de travail et on eût
maine public, M. Marcellus père d'Éserninus, dit qu'il parlait toujours sans préparation mais
ne compta point parmi les avocats. Il avait ce- il était si bien préparé que les juges, en l'écou-
pendant, ainsi que P. Lentulus son fils, cette tant, semblaient quelquefois n'être pas eux-mê-
facilité que donne l'habitude de la parole. L. mes assez préparés à se mettre en garde contre
Cotta, qui fut préteur, était encore un orateur son éloquence. Quant à son langage, il n'était
médiocre. S'il ne fut pas remarquable par son ta- pas d'une élégance parfaite; et sans parler d'une
lent, il le fut par les expressions surannées et manière incorrecte, il manqua pourtant du mé-
l'accent un peu rustique qu'il affectait pour se rite de l'élocution, je veux dire de cette qualité
donner une physionomie antique. de l'élocution qui est un mérite pour l'orateur.
Je dois, à l'occasion de Cotta et de plusieurs Car si la correction du langage, comme je l'ai
autres, vous faire un aveu c'est que j'ai mis et dit tout à l'heure, est un titre d'éloge, c'esf
que je mettrai encore au nombre des orateurs, moins par elle-mème que parce que la plupart la
des hommes qui avaient assez peu d'éloquence. négligent. En effet, il n'est pas si beau de savoir
Mais je me suis proposé de réunir tous ceux qui le latin que honteux de l'ignorer c'est moins la
ont exercé dans Rome le noble ministère de seienced'unorateurquecelled'uucitoyen romain.
la parole. Une simple réflexion fera sentir par Au reste. dans te choix des mots, où il cherchait
quels degrés a passé ce grand art, et combien l'effet plutôt que la grâce, dans la manière de les
en tout genre il est d fficile d'atteindre à la per- placer, dans la structure des périodes, il n'était
fection. Que d'orateurs j'ai déjà cités! que de rien chez Antoine qui ne fût calculé, rien où ne
temps passé à cette rapide énumérution et ce- présidât un art secret. Mais il excellait surtout
pen j'int c'est en nous sauvant à pe'ne à travers à embellir ses pensées de l'éclat des figures. C'est
la foule que nous sommes arrivés chez les Grecs aussi le triomphe de Démosthène qui doit à sa
à Démosthène et Hypéride et chez nous àCras- supériorité en ce genre le titre de prince des ora-
sus et à Antoine; car ce sont, à mon avis, nos deux teurs carce sont les ligures (tel est le sens da nom
plus grands orateurs, et les premiers Romains employé par les Grecs), qui fournissent à l'ora-

acer, et fortis, cui fortuna belli, crhnini; invidia populi, exîstimo bos oratores fuisse maximes, et in his primum
cahunitali fuit. cum Grœcorum gluria latine diceiuli copiam aequatam.
XXX VI l'un etiam C. et L. Memmii fuerunt oratores XXXVII. Omiiia venieliant Antonio in mentem; eaque
médiocres accusatores acres atque aeerbi itaque in jn- suu quœqueloco, ubi pliiriinuin prolicere et valere pos*
diciuin capitis inultos vocaverunt, pro reis non saepe dixe- sent, ut ab imperatore équités, pedites, levis armatura,
iiini. Sp. ïlioriuà salis valuit in populari génère dicendi, sic ab illo in maxime opportunisorationis partibus colloca-
is, qui agrum piiblicurn “ viliosa et inulilï lege, veeligali baiitur. bratme>noria.summu,nullameditaliuiiis suspicio,
levawt. M. Marcellus, ."Esernini pater, non ille quidem in imparatus semper aggredi ad dicenduni ridebalur sed ita
patronis, sed et in promlis lumen et non inexercitatis ad erat paratus, ut judices, illu diceute, uonuunquam virie-
diuunliiin, fuit; lit liliusejus, l1. Lentulus. L.etiam Cotta, rentnr njn salis parati ad ravendum fuisse. Verba ipsa,
prii'torius, in medioiTium oraluruin numéro, dicendi non non itla quidem elegantissimo sermone; itaque diiijtenter
ita nuiltiim laude processerat sed de inilustria, quum l'Kjiirnili laude caiuit neque tamen est admodum inqui-
veibis, tum etiain ipso sono quasi subrustico prùseque- nate loculus sed illa, qure proprie laus oratoris est in
batur atque imitub.itur antii|uitatein. verbis. Nam ipsum latine loqui est illud quidem, ut paullo
Atque ego et in hoc ipso Colla, et in aliis pluribus in' alite di\i, in magna lande |)onemluit!, st-d non tam sua
telligo, me nou ita disertis domines et retulisse iu oiato- spuule qnam quoil rst a plerisque negleclum non enim tam
rum numeruin et rela uruin. Est enim proposituin colli- prfet laruin estscire latine, quam turpenesciie; neque tam
geie eos qui hoc mimere in civitate functi sint ut tenerent ]d inilii oraloris boni, quam civis romani propiimn vide-
oialonim locum quorum qnidem quae fueiit asfensio, et tur. Sed tamen Autouiua in verbis et eligcitdis (neque id
«puni in oniuibiis reUns dinicilis oplimi perfedio atque i ipsum tam leporis causa, quam ponderis), et rolltM amlis,
Hhailuli». ex eo, quoil diram exislimuiipotest. Quam el compreltensione devincit'udis, nibil non ad ralionem,
niulli eniin jam orulores rominunuruti sunt, et quam diu et tanquani ad arteni dirigeb.it; verum inulto uiagis hoc
in eoruin enumeiatione versarmir, quum tumen spisse,idem in sonlenliaiuniornainenlis et couformalionibus. Quo
atipn: vix, ut iliidiim ad Deinostheneni Pt Hypecidi'in sicgenere quia pro?stat omnibus Deinoslbenes, ideirco a do-
unit* lui Aiittuuum CrasstinMjue perveninius?Nam ego sic dis oratorum est princeps judicatos. ïx^l151™ enim qu;c
teiu- ses plus magnifiques ornements. Or, c'est sied à l'orateur et ne dégénère jamais en bouffon-
moins eu donnant du coloris à l'expression que nerie. Il parlait avec une pureté et une correc-
de l'éclat à la pensée, qu'elles produisent leurs 1 tionéloignée de toute recherche. Ses idées se
plus beaux effets. développaient avec une netteté admirable; et
XXXVIII. Antoine joignait à ces grandes qua- lorsqu'il discutait sur le droit civil ou sur l'équité
lités un mérite particulier d'action. Si l'action a naturelle, les preuves et les exemples lui venaient
deux parties, la voix et le geste, son geste expri- en abondance.
mait moins les paroles que les pansées. Le mouve- XXXIX. Si Antoine avait un talent incroyable
ment de ses mains, deses épaules, deson corps, de pourfaire naître des conjectures, ou pour exciter
sespieds, sa position, sa. démarche, tout enfin étaitt et dissiper des soupçons, Crassus excellait dans
dans une harmonie parfaite avec les idées et le3 l'art d'interpréter et de définir, et il développait,
fond des choses. Sa voix était soutenue quoique3 avec une fécondité sans égale, les principes de
un peu sourde. Mais il possédait le talent unique3 l'équité. C'est ce qu'il prouva mille fois, surtout
de faire tourner ce défaut même à son avan-devant le tribunal des centumvirs, dans l'affaire
tage car il avait dans les morceaux pathétiquess de M. Curius. Il fit si bien valoir la justice natu-
pièce écrite, qu'il accablasous le
un accent de tristesse bien propre à inspirer lai relie contre une
confiance, et à porter l'émotion dans l'âme dess poids de ses arguments et deses exemples l'hom-
auditeurs. On voyait se justifier en lui ce mot dee me le plus habile et le plus profondément versé-
Démosthène, qui, interrogé quelle était la pre- dans le droit civil, Q. Scévola, quoique ce procès.
mière qualité de l'orateur, répondit l'action; roulât tout entier sur le droit. Ces deux grands
la seconde, faction; la troisième, l'action. L'ac- hommes, tous deux consulaires, tous deux peu
tion en effet est ce qu'il y a de plus capable dee près de même âge, plaidèrent cette cause l'un
pénétrer dans les cœurs; elle les remue, elle less contre l'autre, et défendirent chacun de son côté
façonne en quelque sorte et les plieàson gré; ellee les principes du droit civil, de manière à faire pen-
montre en un mot l'orateur, tel que lui-mêmee ser que Crassus était le plus habile jurisconsulte
veut paraître. d'entre les orateurs, et Scévola le plus grand ora-
Quelques-uns lui comparaient, d'autres lui préé teur d'entre les jurisconsultes. Scévola démêlait
féraient Crassus. Tous convenaientque quand onn avec une rare sagacité le vrai et le faux dans une
avait l'un ou l'autre pour défenseurs, il n'en fal-1- question de droit positif ou naturel; et il expo-
lait pas désirer un plus habile. Pour moi, malgré é sait sa pensée avec une propriété d'expression et
le grand éloge que je viens de faire d'Antoine, une brièveté merveilleuses. Disons donc qu'il a
et dans lequel je persiste, je pense qu'il ne peut it porté ce talent d'expliquer, d'éclaircir, de discu-
avoir existé rien de plus parfait que Crassus. Il ter,
à une perfection à laquelle je n'ai rien vu de
avilit une gravité noble, mêlée de cet enjouement tt comparable; mais, pour ce qui regarde l'ampli-
et de cette plaisanterie fine et ingénieuse, qui ji fication, les ornements du style, les réfutations,

vocant Gricci ea maxime ornant oratorem; eaque non m rilis, lepos; latine loquendi accurata, et sine inolestia
tam in verbis pingendis liabent pondus, qnam in illuniinan-
n- diligens elegantia; in disserendo mira explicatio quum de
dis sententiis. jurecivili, quum de apqno et bono disputarelur, ajgu-
XXXVIII. Sed quum hœc magna in Antonio, tam actio :io menlorum et simililudinum copia.
singularis quœ si parlienda est in geslum atque vocem, ge- \ff XXXIX. Nam, ut Antonius conjectura movenda, aut
stus erat non verba exprimens, sed cum sententiis con- n- sedauda suspicione aut excitanda, incredibilem vim ha-
gniens; manus, limieri, latera, supplosio pedis, status,s, bebat sic in interpretando, in defmiendo, in explicanda
incessus, omnisque motus cum vernis sententiisque con- in- tequitate, nihil erat Crasso copiosius; idque quum sxpe
senliens; vox permanens, verum subrauca natura. Sed ed alias, lum apud centumviros in M'. Curii causa cognitimi
hoc vitiumhuic uni inbonum convertebat. Habebat enim im est. Ita enim mnlta tum contra scriptum pro axjuo et bono
débile quiddam in quaestionibusv, aptumque quum ad fidem :m dixit,uthominem aculissiiT)um,Q.Screvolam, et injure,
faciendaro lurn ad mUei icordiam commovendain i&- in quo illa causa vertebatur, paratissimum, obrneret ar-
ut ve-
rum videretur in hoc
illud, quod Demoslhenem ferunt nt gumentorum exemplorumquecopia. Atque ita tum ah his
ei, qui quaesivisset, quid prlmiiin esset in diceudo, aclio-
io- patronts sequalibus etiam consularibus, causa illa dicta
nem quid seciindtim, le. est, quum uterqueex contrariaparte jus civile defenderet,
idem, et idem tertium, respondisse.
Nulla res magis pénétrât in animos, eosque fingil, format, jt, ut eloquentiumjurisperitissinius Crassus, juiisperitoruin
eri etoquentissimus Scaivola putaretur qui quidem quum
flectit, talesque oratores videri facit, quales ipsi se vlderi
vohint. petacutus esset ad excogitandum, quid in jure, aut in
HuicaJuparemessedicebant.aliianteponebantL. Cras- I
ts. œquo verum aul esset, aut non esset, tum verbis erat ad
«uni. IIlud quiilem certe omnes ita judicabant,
neminem•m rem cum summa brevitate mirabiliter aptus. Qnare sit
esse, qui, horum alterulro palrono tujusquam im nobis oralor in hoc interpretandi, explanandiquc, et dis-
ingenium
requireret. Equidem, quanquani Antonio tantiun Iribuo, o, serendi genere mirabilis, sic lit siinile nibil viderim, in
.(iKiiituiri snpra dixi, tamen Crasso nihil slaluo liei po-io- augendo, in ornando, in refellendo magis existimator me.
tuisse perfectius Erat summa gravitas; erat cum gravi. vi- tuendus. quam admirandns orator. Verum ad Cras.«om:
tite junclus facctiarum et nrhanitalis oratorms, non srur-nr- «vertamar.
~r.
ou devait plutôt le redouter comme critique que jejetrouve que ,~I'vous avez dans vos r;t;ip;>r:s m-i-
l'admirer comme orateur. tuels,
tui quelque ressemblance avec eux. Coni-
XL. Je croyais, interrompit Brutus con- ment mi cela? répondis-je. C'est qu'il me semble
jiaître assez bien Scévola par tout ce quej'en avaiss que
qi vous, vous n'avez demandé à la science du
entendu dire à C. Rutilius, sou ami, dans la su- droit dr que ce qu'elle peut offrir d'utile à l'orateur,
ciété du Scévola qui vit maintenant toutefois jes et et que Sulpicius n'a emprunté de l'éloquence que
ne lui savais pas un si grand talent pour iaparole. lessecoursnécessaires
les à t'interprète du droit. De
Aussi j'apprends avec joie que notre républiquee plus, ph votre âge et le sien se rapprochent autant
ait possédé un homme d'un tel mérite et d'un sii que qu ceux de Crassus et de Scévola.
beau génie. Ne croyez pas, Brutus, repris-jee XLI. 11 est inutile, repris-je, de parler de

à mon tour, que Rome ait rien produit de pluss moi. mi Quant à Sulpicius, vous le jugez très-bien,
iccompli que ces deux illustres citoyens. Je l'ai ii et
et je vais vous dire à mon tour ce que je pense
dit tout à l'heure, l'un était le plus éloquent dess de
de lui non, jamais nul autre n'étudia peut-être
jurisconsultes, l'autre le meilleur jurisconsulte av
e .avec plus d'ardeur et l'art oratoire et toutes les
parmi les hommes éloquents. Également dissem-i- sciences
se qui méritent l'estime des hommes. Nos
b.ables dans leurs autres rapports, on ne sauraitit premières
pr années furent consacrées aux mêmes
rii re cependant auquel des deux on aimeraitmieuxx exercices.
es Plus tard, il partit avec moi pour Rho-
ressembler. Crassus était le plus précis de ceux x des,
d( afin d'y perfectionner son talent et son ins-
qui parlaient avec élégance Scévola le plus élé- traction.
tr Revenu de ce voyage, il a mieux aimé,
santdeceux qui se distinguaient par la précision,i. je pense, être le premier dans le second des arts,
Crassus joignait à une grande politesse de lan-i- queqi d'embrasser le premier des arts et d'y tenir
liage ce qu'il faut de sévérité et
avec beaucoupp le second rang. Peut-être eût-il pn marcher de
de séu'rité, Scévola ne manquait pas de poli- p; avec les princes de l'éloquence mais par
1- pair
tesse. On pourrait continuer le parallèle; mais une ambition que le succès a couronnée, il a pré-
is ui
peut-être le prendriez- vous pour un jeu d'esprit,
t, férésans
fé doute être le prince des jurisconsultes,
une vainecombinaison de paroles. Rien cependant it et il a laissé bien loin derrière lui ses contem-
n'est plus réel. Toute vertu, mon cher Brutus, i, porains
pi et ses devanciers. Quoi dit Brutus,
consiste, selon votre ancienne académie, dans is vous
vi mettez notre ami Sulpicius au-dessus même
un juste milieu. Or, l'un et l'autre voulant sui-
i- de
di Scévola? Scévola, repris-je, était, comme
it beaucoup
vre cette ligne tracée par la sagesse, il arrivait bi d'autres, consommé dans la pratique
que l'un avait une partie du caractère de l'autre, de la jurisprudence; Sulpicius seul en a connu
e, d<
sans qne chacun cessât d'avoir tout entier son n la théorie. Cet avantage qu'il eût en vain cherché
propre caractère. A présent, dit Brutus, je d dans la science même du droit ci vil il le doit à
crois parfaitement connaître Gnissus et Scévola t; cette
ci autre science qui enseigne à distribuer un
tt quand je pense à Serv. Sulpicius et à vous,s, htout en ses diverses parties, à découvrir par la
XI,. – Tin» linitus, 1 Isi satis, inquit, mihi videbar
»r dinrm
d judico. – Quonam, inquam, istuc niodo? – Quia
liabere cognituni Scavolam ex ils rebns, quas audiebam lm mihi
n et tu videris inquit, tantum juris civilis scire vo-
nvpc ex Kiililio, quo utebatur, propter familiaritatera ira liluisse, quantum satis csset oratori et Servius eloquenlûc
Scœvolœ nostri, tamen ista mihi ejus dicendi tanta,laus us titantum assutiisisse ut jus civile facile piissil tueri ;pla-
nota non erat. llaque ce|»i vuluptatera tam omatum vi- tï- tesquo
tf veslrac, ut illorum, niliil, aut non fere multum
nun, tamqueexeellensingenium fuisse innostra repnblica. sa. dinVrunt.
d
Hic ego, Noli, inquam, Brûle existimare, bis duobus us X U. – Et ego De me, inquam dicere niliil est necesse
quidquam fuisse in nostracivitatepraestantiiis; nam, ut de d Servid autem et tu probe dicis, et ego dicam, quod
paullo ante dixi, consullorutn alterum disertissimum, di« Ii- senlio.
si Non enim facile quem dixerim plus studii, quain
*f.rtorum alterum consiiltiss^imni fuisse sic in reliiiuis tis illnni
il et ad iHc^iulmn et ad omnes bonarum rerum di-
robus ita dissimiles eranl inter sese stattierc ut tamen mm nn scililitias
si adhibui^se. Nam et in iisdem exercitationibus,
posses.uttiuste malles similioiem. Crassus erat elegantinm im ineunte
ir ii'lale, fuimus et postea una Kbodum ille etiam
preissimus, Scaevola paiïwrum elugantissimus. Crassus 113 profectus
p est, quo melior esset et doctior; et, inde ut n>-
habebat etiarn
summa comitate liabebat
in stimma
iii a> diit,
severilatis, satis Stic-
etiam sevet«iiatis, sca,, d
il videtur mihi in secunda arte primus esse nialuisse,
Mjlx multa in severitate non deerat tamen comitas. Licpt i't (|iKim
q in prima secundus. Atque haud scio an par piincipi-
uiinia hoc modo; sed vereor, ne fingi videantur ha>e, ut I)Ixisesse potuisset; sed fortasse maluit, id quod est ade-
«lienutur a me quodam inodo res se lamen sic liahol. l>I. plus,
p longe onuiium, nonejusdem modoœtalis, sedeorum
Qikiid omnis virlus sit, ut vestro, Brute vetus acariemia lia eliam,
e qui fuissent, in jure civili esse princeps.-Hie
dixil, nwîdiocritas, uterque honim médium quiddam vo* E
i o- Brutu j Ain tu ? inquit etiamne Q. Scxvolie Serviuni no-
Irli.il «equi sed ita cadebat, ut alter ex allerius lande de sstriim anteponis ? – Sic enim, inquam Brute, existiino
rarlem, ulerqua autem suam totimi Imberet. – 'l'uni ji
îni juris civilis magnum iisnm et apud Scœvolaiu et apud mnl-
flrnlus, Quum ex tua malbiic niibi vidivr, inquit, hene ne titos fuisie; artein, in lioc uno quod nunquam enVriswil.
Crassimi et Si;:rîv'"latii cognovisse Imn de te et de S«r. ctr. i|wji)!4
i| juiis Kcienlia, uisi eam pmjicrpa didici^ft artein
Si:tpicio cr>£i!,i!is fif.f« qnamdam vobis cnm illis similitu-
lu- qurr
«[ dori'ret rem universam tribuere in (Mtitos, latontt-m
définition ce qui est caché, à èclaircir par l'in- sidérntion il a su dans l'un s'élever au-dessus de
terprétation ce qui est obscur, à voir les équivo- tous ses rivaux et il a cultivé l'autre autant qu'il
ques, et à les résoudre par d'habiles distinc- fallait pour en faire un auxiliaire de la juris-
tions, à posséder enfin une règle certaine, pour prudence, et soutenir avec honneur la dignité
juger le vrai et le faux, et pour savoir si une d'homme consulaire.
conséquence est bien ou mal déduite de son prin- C'est aussi ce que je pensais déjà, dit Bru-
cipe. il a porté le flambeau de cet art qui éclaire tus car étant dernièrement à Samos, je l'ai en-
tous les autres, sur des matières où ses devan- tendu souvent, et avec le plus curieux intérêt,
ciers, soit en plaidant, soit en répondant sur le développer les principes de notre droit pontifical
droit, marchaient environnés de ténèbres. dans ses rapports avec le droit civil. Maintenant,
XLII. Vous parlez sans doute de la dialec- confirmée par votre témoignage et votre juge-
tique, dit Brutus. Assurément, répondis-je. ment, mon opinion n'en est que mieux affermie.
Mais Sulpicius y a joint la connaissance de la Et en même temps je remarque avec joie que, n i
littérature, et une élégance de style dont on peut l'égalité que mettent entre vous et l'âge et les
juger par ses écrits, auxquels je ne vois rien qui honneurs, ni la culture de deux arts dont les do-
soit comparable.Il a eu pour maîtres deux hom- maines se touchent de si près, ne donnent lieu à
mes très-habiles, L. Lucilius Balbus et C. Aquil- ces jalousies qui arment l'un contre l'autre tant
lius Gallus, et plus habile que tous deux, il a sur- de rivaux, et que loin d'altérer votre mutuelle
passé, par la justesse et la sagacité de son esprit, bienveillance, elles semblent au contraire en res-
cette facilité vive et rapide que portait dans les serrer les nœuds. Car l'estime et l'affection dont
consultations et la plaidoirie le génie exercé et je vous vois animé pour lui, il les ressent pour
pénétrant de Gallus; et par sa promptitude à ré- vous, j'en fus plus d'une fois témoin aussi je
soudre les difficultés et à terminer les affaires, il m'afflige que le peuple romain soit privé depuis
a laissé loin de lui la lenteur circonspecte que le si longtemps et de ses lumières et de votre élo-
savant et profond Balbus faisait paraître au forum quence, et ma juste douleur s'accroît encore en
etdans le cabinet. Ainsi, aux qualités qui lui sont songeant en quelles mains, je ne dis pas ont été re-
communesavec ses deux modèles, il a joint, com- mises, mais sont tombées, par une malheureuse
me un heureux supplément, celles qui leur man- fatalité, vos nobles fonctions. -J'avais dit en
quaient. Crassus me paraît avoir agi plus sage- commençant, interrompit Atticus, qu'il ne de-
ment que Scévola :car celui-ci aimait à plaider, vait pas être question des affaires publiques. Gar-
quoiqu'il fit dans ce genre, inférieur à Crassus dons le silence que nous nous sommes promis;
et Crassus ne voulait pas donner deconsultations, aussi bien si nous nous mettons ainsi à déplorer
afin de n'être en rien inférieur à Scévola. Mais tous nos maux l'un après l'autre, nos regrets ou
Sulpicius est certainement le plus sage des trois plutôt nos gémissements n'auront jamais de fin.
car des deux arts qui, dans la carrière civile, XLIII. Continuons donc, repris-je alors, et
mènent le plus sûrement à la gloire et à la con- suivons l'entretien que nous avons commencé.

explicarc definiendo, obscuram cxplanare interprelando omnibus, et altéra lantum assumeret, quantum esset, et
ambiguaprimum videre, deiude dislingnere postremo ha- ad luendum jus civile, et ad obtinendani consiijarem di-
bere t'Cgulam qua veni et falsa jndicaicntur, et quae, qui- gnilatem, satis.
bus positis, cssent, quœquenoii estent cnnsequentia. Uic – Tutu Iîriitus lU promus inquit, et antea putabam;
cnim attulit hanc artem, omnium ailium maximum quasi audivi enim nupereum stndiose et fréquenter Saini, quum
lucem, ad ea, quœ confuse ab aliis aut respondebantur, ex eu jus nostium pontilicium, qna ex parte cum jure
aut agebantur. civili conjnnctum esset, vellem cognoscere et nunc meum
XLII. Dialecticam mihi videris, inquit, dicere. judiciiiin mnlto magis confinnu teslimonio et judicio tuo.
Hecte, inquum, imelligis; sedadjtHratetiametlilteiarum Simul illud gaudeo quod et auquaiiLas vestra, et pares ho*
scientiam, et loquendi elegantiam, quai ex scriptis ejus, norum gradus, et arlium studiorumque quasi mùtima vi-
quorum similia nulla sunt, facillime perspicipotest. Quum- cinilas tantum abest ab ohtrectatione invidiaque qu% so-
que discendi causa duohus peritissimis operam dedisset, t, let lacerare plerosque uti ea non modo non exulcerar*
I'. Lucilio Balbo, C. Aquillio Gallo; Galli, bominis acuti et vestram gratium, sed etiam conciliais videatur. Qua1i enim
Merci tuti promtamet paratam in agendo et in respondendo le erga illumperspicio, tali illum in le voluntatejudicioque
celet-itatem subtilitatediligentiaque superavit; Balbi, docti coguovi. Itaque doleo et illius consilio, et tua voce popu*
et eruditi hominis, in utraque re consideralam tardit-atem lum ronmnum carere tam diu quod quum per se doien-
vieil, expediendis conficiendisque rébus sic et habel, dam est tum multo magis considérant! ad quos ista non
quod uteique eorum habuit, et explevit, quod utrique de- translata sinl, sini nescio quo panto devenorint. Hic
fuit. Itaque, ut Crassus mihi videtur sapientius fecisse, Atticus, Dixeram, inquit, a principio, de republica ut si-
quam Scœvola ( hic enim causas studiose recipiebat,in qui- leremui; itaque faciamus nain si isto modo volumus sin-
tnis a Crasso superabatur ille se consuli nolebat, ne qua in gulas res desiilerare, non modo qncrcndi sed ne lugemli
;e inferior esset, quam Scœvola); sic Servius sapientis- quidein linem reperiemus.
itme. Quum euim duae civiles artes ac foreuses plurimum XLIII. i'ergamus ergo, itiquani, ad reliqua, cl inslt-
ut laudis haberent et gratiae; perfecit, ut altcra prœstare tutiini ordinem presmnamiir. l'aialus iffitui veniebat Crie-
Crassus arrivait préparé; ou t'attendait, ou lé-
idait, ou lé- 1 Crassus.
Crassus. II le fut, repris-je, dans les autres
coutait avidement. Dès son exorde, qui était tou- magistratures; mais il fut tribun l'année d'après
jours travaillé avec soin, il justifiait cette hono- lui, et il siégeait en cette qualité sur la tribune
rable curiosité. Son geste était calme, sa voix, aux harangues, lorsque Crassus soutint la loi
soutenue; il ne marchait point, frappait rarement Servilia. Il ne fut pas non plus son collègue dans
du pied. Mais la chaleur de son âme et quelque- la censure, et je ne crois pas qu'aucun des Scé-
fois la colère ou une douleur profondément sentie, vola ait jamais demandé la dignité de censeur. Au
passionnaient ses paroles; il employait souvent, reste, quand Crassus publia le discours dont je
et sans sortir de sa gravité, l'arme de la plaisan- parle, et que vous avez sûrement lu plus d'une
terie. Enfin, par un talent bien rare, il réunissait fois, il avait trente-quatre ans, et son âge devan-
une grande brièveté de style à tout l'éclat des çait le mien du même nombre d'années; car il
ornements. Jamais il ne trouva son pareil dans parla pour cette loi l'année de ma naissance, et
lesrépliques subites et alternatives. Tous les gen- il était né lui-même sous le consulat de Q. Cépion
res de cause lui fur ent également familiers. Il se et de C. Lélius, justement trois ans après Antoine.
plaça de bon ne heureau premier rang des orateurs. J'ai rapproché ces dates, afin que l'on vît à quelle
Encore très-jeune, il accusa C. Carbon,cet homme époque l'éloquence latine est parvenue, pour ainsi
si éloquent, avec un succès qui lui attira, je lie dire, à son point de maturité, et que l'on sût que
dis pas les éloges, mais l'admiration de Rome dès lors elle a été portée à une perfection à laquelle
entière. Il défendit ensuite, à l'âge de vingt-sept il est impossible de rien ajouter, à moins qu'un
ans, la vestale Licinia; il a laissé par écrit quel- homme ne se présente, riche d'un grand fonds de
ques parties de ce discours, où il déploya aussi connaissancesen philosophie en droit civil et en
la plus brillante éloquence. Il voulut dans sa jeu- histoire.
nesse essayer de la faveur populaire il parla XLIV. – paraîtra, ditBrutus,cethommeque
pour la colonie de Pïarbonne, et obtint la commis- vous attendez, ou plutôt, il a déjà paru. Je ne
sion de la conduire. Sa harangue existe encore, sais, repoudis-je; mais revenons à Crassus. Il existe
elle a, pour ainsi dire, une maturité qui ne semble un discours de son consulat, en faveur de Q. Ce-
pas appartenir à cet âge. Il plaida ensuite beau- pion, morceau assez étendu pour un éloge accom-
coup de causes; mais son tribunat fit si peu de pagné d'apologie, mais qui leseraittrop peu pour
bruit, que s'il n'eût, pendant cette magistrature, un plaidoyer. Enfin le dernier que nous ayons
soupe chez le crieur Granius, et si Lucilius ne est celui qu'il prononça dans sa censure à l'age
nous l'avait raconté deux fois, nous ignorerions de quarante-huitans. Il règne dans tous ces ou-
qu'il eût été tribun du peuple. vrages un naturel dont aucun fard n'altère le co-
– Il est vrai, dit Brutus; mais je ne crois pas loris même il était avare de ces tours nombreux
avoir entendu parler davantage du tribunat de où la pensée se développe et s'arrondit en un cer-
Scévola; et Scévola fut, je pense, collègue de cle de mots qu'on nomme période. Il préférait ce

a principio statim (quod in magistratibns, sed trihnnus anno post fuit, enque in
sus, exspectabatnr, audiebatur;
erat aprnl emn semper accuratum) exspettatione dig .» rostris sedenle suasit Serviliam legem Crassus. Nam cen-
videbatiir;nonmiillajactatiocorporis,non im inalio to- suram sine Scœvola gessit; eum enim magistratum nemo
cis, nulla inambulatio non crehra supplosin pedis; vehe- unquam Scœvolanim petivit. Sed liaec Crassi qiinm edita
mens, et interdum irata, et plena jusli doloris oralio; oratio est, quam te sœpe legisse certo scio, quatuor et
milite et cum gravitale faceliœ; quodque difficile esi triginta tum habebat annos, totidemque annis mibi idate
dem et perornatus, et perbi-evis. Jam in altercando inve- prsestabat. Hisenim consulibtis eam legcm suasit, quibus
nil parein ncminem versatus est in omni fere genere eau- nati sumtis, qiium ipse esset Q. Cœpioneconsule nains,
urnm; mature in locum principum oratorum venit. Accu- et C. Lœlio, triennio ipso minor, quam Antonius: quod
savit C. Carbonem,eloquentissimuni hominem, admodum idcirco posui, ut, dicendi latine prima maturité in qnj
adolescens summam ingenii non laodetn modo, sed etiam oUate exstitisset, posselnolari ;etiiitelligereturjam in sur»
admirationem est conse: utus. Defendit postea Liciniam mum parne esse pmductam ut en nihil ferme qnisquam
virgincm qunm annos wn natns esset in ea ipsa causa addere posset, nisi qui a plrilosophia a jure civili, ab hi-
fuit eloqiientissimus. orationisqne ejiis scriplas quasdam sloria fuisset instrnctior.
partes reliquit. Voluit adulescens, in colonia Narboncnsi, XL1 V. – Erit inquit M. Brutus, aut jam est isle, quem
causae popularis aliquid attingere.eamque coloniam,ut exspectas. Nescio, inquam. Sed est eliam L. Crassi in
fecit, ipse deducete. l'.xstat in eam legem senior, nt ita consulatu, pro Q. Cwpione, defensione juncta, non bre-
dicam, qnam illa»etasferebat,orat!n.Mult«'edeiudecausœj vis, ut laudafio, ut oratio autem, brevis. Poslrema cen-
sed ita tacitus tribunatus «1 nisi in co magistralu crena- soris oratio, qua anno duodeqninquageshno nsus est. In
visset apud prseconem Granium, idque nobis bis narra- his omnibus inest quidam sine iilln fnco veritatis color;
visset Luciliu», tribnnum plebis nesciremus fuisse. quin eliam comprebensio etambitus ille verboi-nm (si sic
–Ita promis inquit Brutus sed ne de Scaevolœ qnidem periodum appellari placet) eral apud illum contractus et
tribunatu quidquam audivisse videor, et eum collegam brevis et in rnembra qutedam quae «S)™ Graeci vocant
Crassi credo fuisse. Omnibus qnidem iliis inwtam, dispertiebat orîitioncra lubenlint.
style coupé qui distribue le discours en membres,i, la parole avec assez de talent pour ne pas rester
comme disent les Grecs, et en parties indépen- t- inférieur aux fonctions du magistrat ni à la di-
dantes. gnité de l'homme consulaire. J'en dirai autant de
Alors Brutus Malheureusement dit-il, les ;s C. Célius. il eut une activité infatigable et de
louanges que vous prodiguez à ces deux orateurs 's grandes qualités. Quant à l'éloquence il en trou-
me donnent quelques regrets: pourquoi n'avons- i- vait assez dans les affaires particulières pour dé-
nous d'Antoine quece petit traité de l'art oratoire, fendre ses amis; dans les discussions publiques,
et que n'a-t-il plu a Crassus d'écrire davantage? i? pour soutenir son rang. A la même époque, M.
Us auraient au moins laissé au public un monu- Hérennius était compté au nombre des orateurs
ment de leur génie, et à nous des modèles d'élo- )- médiocres qui parlent avec pureté et correction.
quence. Quant à Scévola, nous connaissons as- Toutefois, rival de Philippe dans la demande du
sez, par les discours qui restent de lui, l'élégance:e consulat,ni la noblessede ce compétiteur, ni ses
de son style. Vous demandez des modèles, liaisons de famille, d'amitié, de sacerdoce, ni
repris-je; pour moi, le discours où Crassus is même sa haute éloquence, n'empêchèrent Héren-
soutient la toi de Cépion, m'en a servi dès mona nius d'emporter les suffrages. Un autre citoyen,
enfance. Avec quel art il sait relever l'autorité duu que sa grande naissance et son immense crédit
sénat, à la défense duquel cette harangue est con-i- plaçaient au premier rang dans l'État, C. Clodius,
sacrée, et rendre odieuse la faction des juges et!t n'eut cependant pour la parole qu'un talent mé-
des accusateurs, dont il lui fallait combattre lee diocre.
pouvoir sans nuire à sa popularité! Tour à tourr A ceux du même temps, ajoutons le chevalier
grave et mordant, doux et enjoué, il mêle heu- romain C. Titius. Il me paraît s'être élevé aussi
reusement les tons les plus divers. Le discours's haut que pouvait le faire un orateur latin, sans
écrit ne contient pas tout ce qu'il dit à la tribune: la connaissancedes lettres grecques et le secours
on peut en juger par certains points qu'il exposee d'un long exercice. Ses discours, tout pleins des
seulement sans les traiter à fond. Celui qui nouss traits les plus piquants, des rapprochements les
reste de sa censure contre son collègue Domitiuss plus heureux, de l'urbanité la plus exquise, sem-
est moins un discours qu'un texte à développer, blent, je le dirai presque, couler d'une plume
et un sommaire assez étendu car jamais les com-i- attique. Il a porté jusque dans ses tragédies cet
bats de la parole ne furent plus animés que dansis esprit fin et brillant, mais peu tragique, dont ses
cette grande querelle. Crassus, il faut le dire, discours étinc Ment. II eut pour émule le poëte
excellait aussi dans l'éloquence populaire cellee Afranius, écrivain spitituel, éloquent même,
d'Antoine convenait beaucoup mieux au barreaua comme vous le savez, au moins dans le genre
qu'à la tribune. dramatique. Ajoutons encore Rubrius Varron,
XLV. J'ai parlé de Domitins; je ne le quitte- accusateur ardent et passionné, qui fut déclaré
rai pas sans observer encore que s'il ne fut pointt par le sénat ennemi public avec C. Marius. Men-
compté parmi les orateurs, il maniait cependant it tionnons avec une véritable estime un autre ora.

Hoc loco Brutns Qnamloquiileni tu istos oratores, fuisse oralionisatqueingeiiii, qui) et magUtratus personam
inquit, tantopere lamtas; vcllrm ali<|ui<l Antonio, piu'lerr et eonsularem riignitatem luetet.u*. Qnod idem -le C. Uu>
illum de ratione dicemli sane exilmn librlluin plura Crasso3 lio dixerim, iiulustriainiii eo summam fuisse, summasque
libuisset scribere qunm eriim omnibus nienioriarn sui, viilutes, elnquenti» taiilum, quod esset in rébus piiva-
tum etiam disc-.iplinam dicendi nobis tvliquissent Nain Scse*>. tis,amicisejus, in re|>iiblica,ipsiuâdi£iritatisatis. Eodem
volae dicendi elegaiiliam salisex iisoratiunihus, quas reli- teinpoce .M. Hcreiinius lit inediocribus oratotibus, latine et
quit, hsbraniiscojçnitam. – lit ego, Mibi quidem a pucri-i- diii^tniler loqueiitibus, nuuieratus est qui tamen summa
tia qua«i migiâlra fuit, inqiain, illa in Infini Cseuionis uobililate II 'iiiiiiein coguatioae, sodalitate, collegio,
oratiu in qna et auctnritas oinatur senatus, quo pro or- sunmia etiam eloquentia, L. l'Iiilippum, inconsulatus pc
dine illadicuntiir, et iuvidia concilatur in jinliram et ina tilione siiperavit. Lodci» tmnpoie C. CloJius, etsi pio.
accnsatonim factiouem contra quorum nolentlain popu- pter summam noliilil.Ueni, et singulaicm pulcutiani ma-
lariter tam dicenilum fuit. Multa in illa oralione graviter, gims ci.it, laiiien cliam cluquentiai quaindam meilioTila-
multa leniter, multa asperc, multa faeete dicta snul: plurai tem elÏPrebat.
etiam dicta, qnam sciiptil, quod ex qiùbusdani, capilihuss l'jusdcm li;re lemporis fuit eques romanus c. Tilins,
expositis, nec explicalis intelligi potest. tpsa illa ensona ili qui mi^o judirio,eo pervenissc videtur, qnu potuil fere
contM Cn. Oomiliuin collegam non est oralio, sed quasi Latinii^ oratoi' sine Gr;£cis liltetis et sine nuillo u.mi per^
capita rerum, et oratioiiis
capita rerlim, i)tpliiiis; vnnirK. llujiis oiationes lauluin argutiariim taiituin excin-
oratiollis commentariml1 paulin pldiius;
nulla est enim alleinatio clamonlius unipiaui habita ma- plorum lantuin ui-banitatis lialxinl ut p.wie ALtico stylo
joribus. Et vero fuit in hoc et popularis ilictio excellent scripUc esse videantur. ICasdem ariitias in Iragcrdias,
Anloinigenus diceudi raultoaptiusjudiciis, quam concio- salis quidein illeacute sed parum tragice trauslulit. Quem
niliiis. sludcbat imitari L. Afranius poeta, bumo perargutus, in
XLV. Hoc loco ipsum Domitium non relinquo nam elsi fabulis quidem etiam, ut ficilis, disertus. Fuit etiam Q.
cnn fait in oratorum numern, taroMi ponn, salis in eo Rnhrins Varro, qni a senatu bostis rnm C. Mario jndicatui
tcur du même ordre, mais instruit dans les lettres i Brutus,
1 quaud vous irez dans la Gaule. Vous y
grecques et né pour la parole, M. Gratidius, moni entendrez
e quelques mots qui ne sont point d'u-
parent, ami intime d'Antoine, et son lieutenant t sage
s à Rome mais ceux-là on peut les chan-
en Cilicie, où il fut tué; enfin accusateur de C. gger ou les oublier. Une différence plus sensible
Fimbria, et père de Marius Gratidianus. c'est
c cet accent de la ville qui se remarque jusque
XLVI. Les villes alliées et le Latium mirent t dansd le son de voix de nos orateurs; et cette dé-
aussi au nombre des orateurs Q. Vcttins Vettia- licatesse
li n'est pas le privilège des orateurs seuls;
nus, du pays des Marses, que j'ai connu moi- e s'aperçoit même dans les autres citoyens Je
elle
même, hommeéclairé et précis dans ses discours; n souviens d'avoir vu Tincas de Plaisance,
me
les deux Valérius Soranus, mes voisins et mes i homme
h d'un esprit très-enjoué disputer de sail
amis, moins recommaudables par le talent de la li avec le crieur Granius, notre ami.
lies Ce
parole que par leur profonde connaissance des Granius dont parle souvent Lucilius?
G Lui-
lettres grecques etlatines; Rusticellus, de Bolo- même.
n Les bous mots de Tincas ne se faisaient
gne, quitenaitde l'exercice et de la nature une ex- p. entendre; mais ceux de Granius avaient un
pas
trême facilité. Mais le plus éloquent de tous ceux sel,
si et je ne sais quel goût d'un excellent terroir,
dont Rome n'était pas le séjour, fut Bétucius qqui désespérait son rival. Aussi je ne m'étonne
Barrus d'Asculum. Il existe de lui plusieurs dis- p de ce qu'on rapportede Théophraste. Comm e
plus
cours prononcés dans sa patrie. Pour la haran- il demandait à une femme du peuple le prix d'un
gue qu'il fit à Rome contre Cépion, elle est cé- objet
o] exposé en vente Étranger, lui dit-elle,
lèbre. Cépion y répondit par un discours d'Élius, après avoir répondu à sa question, il est impossi-
a]
qui en composa un grand nombre, et ne parla ibble de le donner à moins. Le philosophe fut d'au-
jamais. Nos ancêtres estimèrent beaucoup le ta- tant plus fâché de se voir reconnu pour étran-
ta
lent oratoire de L. Papirius deFrégelles dans lei gt qu'il habitait depuis longtemps Athènes et
ger,
Latium, qui était à peu près du même âge que qu'il
qi parlait très-bien. C'est ainsi, je pense, que
Tib. Gracchus, fils de Publius. IL nous reste de le langage de Rome se reconnaît, comme celui
lui un discours prononcé dans le sénat en faveur d'Athènes, à une certaine délicatesse d'accent.
d'
de ses compatriotes et des colonies latines. Mais
M revenons dans nos foyers, c'est-à-dire, à nos
Quel genre de jaaérite attribuez-vous, dit orateurs.
01
Brutus, à ces orateurs en quelque sorte étran- XLVII. Si Crassus et Antoine occupent le pre-
gers ? – Le même, je pense, qu'à ceux de Rome,
si ce n'est qu'il manque à leur langage ce ton et
mier
m rang, Philippe est celui qui en approche le
plus; mais il n'en approche pourtant que de très-
pi
ce coloris qu'on nomme urbanité. Mais en loin.
ïo Ainsi, quoique personne ne vienne se placer
quoi donc, reprit-il, consiste cette urbanité ini- entre lui et ces deux grands maîtres, je ne lui
er
niitable? Je ne saurais le dire; je sais seule- donnerai cependant pas la seconde, ni même la
d,
ment qu'elle existe. Vous te sentirez vous-même tr
troisième place; car je n'appellerai le second ou

est, acer et vehemens accusator. In eo genere saiie proba- inquit, iste tandem urbaiiitatiscolor? – Nescio, inquam,
in
kilts, doctus autem Graecis litteris, propinquus noster, ta
tantum esse queindam scio. Id tu Brute, jam intelliges,
foetus ad dicendum, M. Gratidius, M. Antonii perfamilia- qi
quum min Galliam veneris. Audies tu quidem etiam verba

ris cujus prœfectus quum esset in Cicilia est interfectus; quaedam


qt son trita Itoaiœ sed haec mutari dediscique
qui accusavitC. Fimbriarn M. Marii Gratidiani pater. possunt;
pc illud est majus, quod in vocibus noslrorum ora-
XLVI. Atque etiam apud socios et Latinos oratores ha- toruni
to recinit quiddam et resonat urbanius. Ncc hoc in
biti sunt Q. Vettius Vettianus e Marsis, quem ipse co- oratoribus
or modo apparet, sed etiam in ceteris. Ego me-
gnovi, prudens vir, et in dicendo brevis,; Q. et D. Valerii inini
m T. Tincum Hlacenlinum hominem l3cetissimum
Sorani, vicini et familiares mei, non tam in dicendo ad- eu familiari nostro Q.Granioprcuconedicacitateccrtare.
cum
mirabilcs quam docti et Graecis litteris et Latinis; C. Eon', inquit Brutus, de quo multa Lucilius? Isto
ltusticcllus Bononiensis, is quidem et exercitatus, et na- ipso
ip sed Tincam non minus multa ridicule dicentem
tura volubilis. Omnium autein eloquentissimus extra liane Granius
Gi obruebat nescio quo sapnre vernaculo ut ego
urbem T. Betucius Barrus Asculanus, cujus sunt aliqnot jam jai non mirer, illud Tbeopbrasto accidisse quod dicitur,
t
oraliones Asculi hahitae illa Romae contra Cœpionem, quum qi percunctaretiirex anicula quadam, quanti aliquid
nobilis sane, cui orationi Cœpionis ore respondit jElius; venderel
ve et respondisset illa. atque addidisset, « Ho-
qui scriptitavit orationes mullas, oralor ipse nunquam » spes.non pote minons; » tulisse enm moleste, se non
fuit. Apud majores autem nostros video disertissimnm ell effugere hospitis speciem quum actalcm ageret Athenis,
habitum ex Latio L. Papirium Fregellannm Tib. Gracchi, optimeque
or loqueretur. Omnino, sieut opinor. in nostris
p. F., fere ailale ejus eliam oralio est pro Fregellanis, est es quidam tirbanorum, sicut illic Atticorum sonus. Sed
coloniisque Latinis, habita in senatu. domum rcdeamiis, id est, ad nostros revertanmr.
de
– Tum Brutus, Quid tu igitur, inquit, tribuis istis e\ ter- XLVII. Duobus igitur summis, Crasso et Antonio, L.
nis quasi oratoribus? Quid renses, inqnam nisi idem Pbilippus proximus accedebat, sed longo intervallo lamen
PI
quod urbanis prseter unum qnnd non est eorum urbani- proximus.pr Itaque eum etsi nemo inlercedebat, qui se illi
tate quadam quasi colorata oralio lit Brutus Qui est antel't.'rret,
an neque secundum tamen, neque tertium dite-
le troisième, ni dans une course de churs celui par le même genre de mérite un nom déjà illus-
qui est encore tout près de la barrière quand le tre. Il eût été consul, s'il n'eût rencontré un obs-
vainqueur a déjà reçu la palme; ni parmi les ora- tacle dans les nombreux consulats deMarius, qui
teurs, ceux qui sont si éloignés du premier, qu'à laissaient si peu de place à d'autres ambitions.
peine ils semblent courir dans la même lice. Ce- L'éloquence de Cn. Octavius, ignorée avant son
pendant Philippe avait des qualités, qui, jugées consulat, se fit applaudir, pendant qu'il fut con-
seules et sans comparaison, pouvaient paraître sul, dans beaucoup de harangues. Mais quittons
grandes une extrême franchise, beaucoup de ceux qui parlèrent en puhlic sans pour cela être
traits piquants, des idées abondantes et dévelop- orateurs, et revenons à ceux qui méritent vrai-
pées avec facilité. Il était surtout initié fort avant, ment ce nom. – C'est mon avis, dit Afticus car
pour ce temps-là, aux sciences de la Grèce. Dans il me semble que dans cette histoire de l'éloquence
la dispute, ses railleries avaient quelque chose ce sont les talents, et non le zèle que vous re-
de mordant et d'acéré. cherchiez.
On peut rapprocher de leur époque L. Gellius, Xl.VUi. – Eh bien! repris-je, C. Julius. fils
orateur dont le mérite réel n'allait pas jusqu'àà de L., l'emportait sur ses devanciers et sur ses
faire illusion sur celui qu'il n'avait point. Il necontemporains par son enjouement et la finesse
manquait ni de connaissances, ni d'imagination; de ses plaisanteries. Ce ne fut pas sans doute un
l'histoire romaine lui était familière, et il s'expri-
orateur véhément, mais rien n'est au-dessus de
mait avec facilité; mais son âge le mettait eu l'urbanité, de l'élégance, de la grâce, qui fai-
concurrence avec des génies du premier ordre. saient le charme de son style. Il existe de lui
II rendit cependant à ses amis de nombreux et quelques discours qui peuvent, aussi bien que
d'utiles services. Sa longue carrière le lit contem-
ses tragédies donner une idée de son langage,
porain de plusieurs générations d'orateurs, et il dont le caractère est la douceur sans la force.
plaida une multitude de causes. Dans le même P. Céthégus, qui était de son âge, parlait assez
temps à peu p»ès, on rencontre un homme sa- facilement sur les affaires publiques. Il avait
vant dans les lettres grecques et latines, D. Bru- étudié tous les détails du gouvernement, et les
tus, qui fut consul avec Mamercus. L. Scipion connaissait à fond. Aussi dans le sénat son i in-
n'était point non plus sans talent, et Cn. Pom- fluence égalait celle des hommes consulaires.
péius, fils de Sextus, jouissait de quelque répu- Peu propreaux grandes causes, il défendait avec
tation. Quant à Sextus son frère, doué du génie assez d'adresse et de talent les intérêts privés.
le plus heureux, il le tourna vers la jurispru- Q. Lucrétius Vispillo portait, dans le même
dence, la géométrie, la philosophie stoïcienne, genre de plaidoirie, beaucoup de finesse et de
et il y acquit de vastes connaissances. Avant eux, connaissance des lois. Apbilia réussissait mieux
M.Brutuss'étaitdistinguédanslascienccdudroit, it la tribune qu'au barreau. T. Annius, de la
et un peu après celui-ci, C. Biliénus rehaussa tribu Vclina était un homme éclairé, et un ora-

rim. Nec enim in quiidrigiscum secuiulum numeraverim M. Brutus, et paullo post eum C. Biliénus, homo per se
aut tertium, qui vix e carceribus exierit, qutim palraam magnus, prope simili ratione summus evaserat: qui consul
jam primus'acceperit; nec in oratoribus, qui tantum ab- factua esset, nisi in Marianos consutatus, et in eas petitio-
sit a primo, vix ut in eodem curriculo esse videatur. Scd nis angustias incidisset. Cn. autem Octavii eloquentia,
tamen erant ea in Philippo, quae, qui sine comparatione quae fuerat ante toiisulatiini ignorata, in consulalu multis
illorum spectaret, satis magna diceret snmma libertas concionibus est vehementer probata. Sed ab eis, qui tan-
in oralione, moitié facetiœ; satis creber in reperiendis, tum in dicentitiin numéro, non in oratorum fuerunt, jam
solutus in explicandis sentent îîs; eral etiam in primis, ad oratores revertanmr. Censeo, inquit Atticus élo-
ni temporibus illis, C.rœrjs doctrinis instituais, in alter- quentes enim vidubare, non sedulos velle conquirere.
umdo cum aliquo aculeo et raaledicto Tacelns. XLVIII. l'eslivilate igitur et facetiig, inquam, C.Ju-
!forum aetati prope conjnnctusL. Gellius non tam ven- lius, L. F., et saperioribus et aequalibus suis omnibus
«libilis orator, qnam ut nescires, quid ei deesset. Nec enim prrestilit oratorque fuit minime ille quidem veheoiens,
crat indoetns nec tardus ad excogitandum née romana- sed nemo iinquam urbanitate, nemo lepore, nemo suavi-
rum rerum immemor, et verbis solutus satis sed in nia. tate conditior. Sunt ejus aliquot orationes, ex quibus,
gnos oratores inciderat ejus œias multam tamen operam sicut ex ejusdem tragœdiis, lenitas ejus siit nervis per-
.imicis, et utilem piiicbuit; atqne ita diu vixit, ut multa. spici potest. Kjns asqualis P. Cethegns, cui de republica
ruin setatum oratoiibns implicaretur, multum etiam in satis suppeditabat oratio totam enim tenebat eam, peni-
causis versaretur. lidem lere temporibus D. Brutus, is tnsqne cognorat itaque in senatu consularium auctorita-
qiri consul cum Mamerco fuit. homo et Graecis doctus lit- tem asseqiiehatur; sed in causis publicis nihil, in privatis
teris et Latinis. Dicebat etiam L. Scipio non imperite, satis vcteralor videbatur.
ttticusque Pompeius.-Scx. F., aliqucm numernm obtine. Erat in privatis causis Q. Lucretius Vispillo, et acutus,
bat. Nam Sex. l'rater ejus prastantissimumingenium con. etjurisperitus. Nam Aphilia concionibus aptior, quam ju-
tulerat ad summam juris civilis, et ad perfectantgeomfilriffl diciis. Prudens etiam T. Annius Velina, et in ejus generis
et reruni stolcanim scientiam. Ilem in jure. et anle Us causis orator sane tolerabilis. Jn codem génère causarnm
teur estimable dans les causes particulières. T. sont s inconnus, Quels souvenirs en effet l'âge pré-
Juveutius était aussi fort employé dans les pro- cédent peut-il nous fournir sur des hommes qui
ces de cette espèce son déh:t avait quelque chose n'ont rien laissé, et dont ne parle aucun mmu-
de pesant et de froid mais il était rusé, habile II ment? Quanta nos contemporains,je ne crois
||
à surprendre un adversaire; en outre, il ne man- pas oublier un seul de ceux que j'ai entendus
qmit pas de connaissances, et il entendait par- car je veux qu'on sache que dans une si grande
faitement le droit civil. Un de ses disciples, P. IIh et si ancienne république, où les plus brillantes
Orbius, à peu près du même âge que moi, n'é- récompenses sont proposées à l'éloquence, tous
tait pas très-oxercé à parler en public; mais, dans ont désiré d'exercer le talent de la parole, assez
la science du droit, il ne le cédait nullement à peu l'ont osé, et moins encore en ont été capa-
son muttre. Pour T. Aufidius, qui a vécu jus- bles. Toutefois ce que je dirai de chacun fera
qu'à une extrême vieillesse, il aspirait à leur assez connaître quel est celui que je regarde
ressembler. C'était un homme honnête et irrépro- comme orateur, et quel autre n'eut pour mérite
chable mais il était peu disert son frère, M. qu'une voix retentissante. Vers les mêmes temps
Virgilius, qui, étant tribun du peuple, cita en parurent C. Cotta, P. Sulpicius, Q. Varius, Cn.
justice L. Sylla alors général, ne l'était pas da- Pomponius, C. Curion, L.Fufius,M. Drusus et
vantage. P. Magius, collègue de ce dernier, avait P. Antistius, tous un peu plus jeunes que Julius,
un peu plus de fécondité. Mais de tous les ora- mais d'âges presque égaux entre eux car jamais
teurs, ou plutôt de tous les parleurs sans instruc- aucune époque ne fut plus féconde en orateurs.
tion, sans politesse et sans goût, que j'ai connus, Parmi ceux que je viens de nommer, Cotta et
je n'en vois pas qui eussent autant de facilité etSulpicius ont certainement, àmon avis et àcelui
de pénétration que Sertorius, de l'ordre des sé- de tout le monde, occupé le premier rang.
nateurs, et Gorgonius, de celui des chevaliers. – Comn.ent, dit Atticus, votre avis et celui
T. Junius, fils de Lucius, qui fut tribun, et sur de tout le monde? Est-ce que, pour approuver
l'accusation duquel P. Sextius, préteur désigné, et désapprouver un orateur, le jugement du
fut condamné pour crime de brigue, avait aussi vulgaire est toujours d'accord avec celui des
une élocution facile et coulante, qui, jointe àt gens de goût? Ou bien celui-ci n'est-il pas estimé
l'éclat de sa vie et à un esprit assez distingué, par
la multitude, et celui-là par les hommes
l'aurait porté plus loin dans la carrière des hon-éclairés? Votre question est judicieuse, Atti-
neurs, si son état de faiblesse ou plutôt de ma- cus. Mais vous allez peut-être entendre une ré-
ladie n'eût arrêté son essor. ponse qui trouvera des contradicteurs. -Que
XLIS. Je sens très-bien que j'insiste long- vous importe, reprit-il, pourvu qu'elle soit ap-
temps sur des hommes qui n'ont eu ni la réputa- prouvée de Brutus? 11 est vrai, Atticus, que
tion ni le talent d'orateurs, et que je passe sousi dans cette discussion snr le bon ou le mauvais
silence des noms anciens qui mériteraient uneî succès de l'orateur, c'est de votre suffrage et de
mention et même des éloges; mais ces noms mecelui de Brutus que je suis le plus jaloux. Mais

multum erat T. Juventius, nimis ille quidem lentus in di- moratione aut lande dignos sed hoc quidem ignoratione;
cendo, et psene frigidus; sed et calltfus, et in capiendoo quid enim est superioris œtatis, quod scrihi possit de iis,
adversario versutus et prœlerea nec indoctus, et magnaa de quibus nulla monumenta loquuntur, nec aliorum, nec
cum juris civilis intelligentia. Cujuk auditor P. Orbius, ipsorum? De iis autem quos ipsi vidimus, neminem fere
meus fere a'qualis in dicendo non nimis exercitatus inn praetermittimuseorum quos atiquando dicentes vidimus.
jure autem civili non inferior, quam magister, fuit. Namn Yolo enim sciti in tanta et tam vetere reptiblira, niaxûnis
i
T. Autidius, qui vixit ad summam senectutem, volebat prœmiis cloquentia? propositis, omnes cupisse (licere, non
esse similis hortim eralque et bonus vir, et innocens, t sedri pliuinios au sos esse, potuisse paucos. Ego tamen ita de
li
dicebat parum. Nec sane plus frater ejus M. Virgilius, qui unoquoque dicam ut intelligi possit, quem existimem cla-
tribunus plebis L. Sullae imperatori diem dixit. Ejus col-I- matorem, quem oratorem fuisse. lisdem fere temporibus,
lega P. Magius, in dicendo paullo tamen copiosior. Sed d eetate inferiores paullo, quam Julius, sed eequales prope-
omnium oratorum sive lahularum qui et plane indocti, modum fuerunt C. Cotta, P. Sulpicius, Q. Varius, Cn.
ant inurbani, aut rustici etiam fuerunt, quos quidem egoo Pouiponius,C. Curio, L. Fufius, M. Drusus, P. Antistius;
cugnoverim, solutissimum in dicendo et acutissimurn ju-i- nec ulla .Tlate uberior oratorum fœtus fuit. Ex bis Cotta
dicx>, noslriordinis Q. Sertorium, equestris C. Gorgonium. i. et Sulpicius quum meo judicio, tam omnium, facile primas
Fuit etiam facilis, et expeditus ad dicendum, et vite splen-
i* tulerunt.
dore itnilto, et ingenio sane probabili, T. Junius, L. F. Hic Atticus, Quomodo istuc dicis, inquit, quum tuo
iribunilius quo accusante P. Sextius, praetor designalus i,} judicio, tum omnium ? Semperne in oralore probando aut
damnatus est arnhitus is prucessisset honoribus longius,
i, improbando, vulgi judicium cum intelligcnlium judicio
oisi semper infirma atque etiam irgra vabtudine fuisset. congruil? An alii pi-obautur a multitudine alii autem ab iis,>
XLIX. Atque ego prailare intelligo, me in eorum com- 1- qui inlelligunt? – Itecte requiris, inquam, Attice; sed
ruoinsrattune vmari, qui nec habili sinl oratores, neque ic –
audies ex me fortasse quod non omnes probent. An tu t
Cietinl, []i\vleririi[iu.' a me aliquot ex veti'iibus, comme-
e- inquil, id laboras, si huic modo Bruto probalurus fs? –
quand je parle en public, je désire les suffrages aa donc pu diT à un de ses disciples qui n'était
du peuple; car celui qui sait les obtenir est sûr pa goûté par la foule « Jouez pour moi et pour
pas
de plaire également aux gens instruits. En effet, le: Muses. » Mais moi je dirai à Brutus, quand
les il
avec du jugement et du goût, je pourrai voir ce parle
pî devant la multitude « Parlez pour moi et
qu'il y a de bon ou de mauvais dans un discours; pour le peuple; le commun des auditeurs sentira
p(
mais on ne peut juger un orateur que par les ef- le effets de votre éloquence, et moi je saurai par
les
fets qu'il produit. Ces effets doivent, à ce qu'il quels
qt moyens vous les produisez. »
me semble, être au nombre de trois instruire
Celui qui entend un orateur ajoute foi à ses
ses auditeurs, leur plaire, les toucher. Les mat- paroles, il les croit véritables, il entre dans sa
tres de l'art remarquent par quels secrets du ta-
PE

pensée, il l'approuve; le discours produit la con-
lent il remplit chacune de ces conditions,ou par viction. Maître de l'art, que demandez-vous de
quels défauts il manque le but, ou même s'y brise jj( plus?
La multitude est enchantée, émue, ravie
et y fait naufrage. Mais produit-il ou non, sur de plaisir. A quoi bon vos discussions? L'audi-
son auditoire l'impression qu'il désire, c'est cet toire
fa se réjouit s'attriste, rit, pleure, témoigne
que proclament seuls les suffrages populaires et de l'intérêt de l'aversion du mépris, de l'envie ¡
les applaudissements de la multitude. Aussi la il éprouve le sentiment de la piiié, de la honte,
question de savoir si un orateur est bon ou mau- d repentir; il s'irrite, il menace, il espère, il
du
vais, n'a jamais trouvé le peuple et les savants craint tous ces mouvements sont communiqués
c|
divisés d'opinion. à l'âme des aulliteurs par l'élocution, les pensées,
z.1

L. Reportez-vous au temps où florissaient les l'action de l'orateur. Est-il besoin qu'un savant
1~
orateurs dont je viens de parler. Pensez-vous que vienne dire
son avis? Ici les suffrages du peuple
le vulgaire n'ait pas assigné entre eux les mêmes ddoivent entraîner
connaisseurs? Si eussiez de- ceux des savants.
rangs que les vous
mandé à un homme du peuple quel était le pluss Enfin voici une preuve éclatante de l'accord
éloquent des Romains, il eût balancé entre Antoine
e constant
c des jugements populaires avec ceux de
et Crassus, ou bien l'un eût répondu Crassus, ett la I: science et du goût. Parmi cette foule d'orateurs
l'autre eût nommé Antoine. Personne, direz- dde genre et de talents divers, en est-il un seul
vous, ne leur eût-il donc préféré Philippe, d'unee qque l'opinion publique ait jugé excellent, sans
éloquence si douce, si grave, si enjouée,Philippee qque les gens instruits aient confirmé cet arrêt?
quenous-mèmes, quiaimonsànonsrendrecompte e Du I temps de nos pères, quel est le citoyen qui,
de nos jugements, avons placé immédiatementt lilibre de choisir un défenseur, n'eût pas, sans hé-
après eux? Non, sans doute; car c'est le privilége
e siter
s un instant, porté sa cause à Antoine ou à
du grand orateur, de paraître grand, même auxx (Crassus? Il en existait beaucoup d'autres; et ce-
yeux du peuple. Le joueur de flûte Antigénidass pendantp si l'on pouvait balancer entre eux deux,

Plane, inquam, Attice, disputationem liane de oratore


e I enim ipsum est summi oratoris, summum oratorem
Id
probando, aut improbando, multo malim tibi et Brutoa populo
p videri. Quare tibicen Antigénidas dixerit discipulo
placer'' eloquentiam autem meam populo probari velim. i. sane
s frigenti ad populum « Mibi caneetmusis :» egohuic
Etenim necesse est, qui ita dicat, ut a multitudine probe- I dicenti ut solet, apud multitudinem, « Milji cane
> Bruto
tur, eumdem doctis probari. Nam, quid in dicendo rectum et
m e populo, mi Brute, dixerim; ut, qui audient, quid efli-
sit,aut pravum, ego judicabo, si modo sum, qui id id ciatur
c ego, etiarn cur id efiifjatur, intelligam. »
possim aut sciam judicare; qualis vero sit orator, ex eo, i, Crédit iis, qure dicuntur,qui audit oratorem vera putat,
quod is dicendo efficiet, poterit intelligi. Tria sunt enim m assentitur,
a probal; fidem facit oratio. Tu artifex, quid
(ut quidem ego sentio) quae sint efficienda dicendo ut it quieris
t amplius? Deleclatur audiens multitudo, et ducitur
doceatur is, apud quem dicetur, utdelectetur, ut morea- a- oratione,
t et quasi voluplate quadam perfunditur. Quid
tur vehementius. Quibus virtutibns oratoris horum quid- d- tbabes, quod disputes? Gaudet, dolet, ridet, plorat, favet,
ir odit coutemnit invidet; ad misericordiam inducitur, ad
que cfficialur, aut quibus vitiis orator aut non assequatur (
li-
liœo, aut etiam in bis labatur et cadat, artifex aliquisjudi- pudendum, ad pigendum; irascitur, miratur, sperat,
cabit. Efficiatur antem ab oratore, neene, ut H, qui au- a- limet
I hiec perinde accidunt, i:t eorum, qui adsunt
diant, ita afiieiantur, ut orator velit vulgi assensu et et mentes verbis, et sententiis, el actione traclanlur. Quid
populari approbatione judicari solet. ltaque nunquam de le est quod exspectelur docti alicujus sententia? Quod enim
bono oratore, aut non bono, doctis bominibns cum populo lo probat multitudo hoc idem doctis probandumest.
dissensio luit. Uenique hoc specimen est populads judicii, in quo nun-
L. An censes, dum illi viguerunt, quos ante dixi, non >n quam fuit populo cum doctis intelligentibusquedissensio.
eosdem gradns oratorum vulgi judicio et doctorum fuisse? e? Quum multi essent oratores in ïario genere dicendi, quii
De populo si quem ita rogavisses quis est in hue rivitale te unquam ex liis exrellerajudiratus est vulgi judicio, qui non
eloquentissimus? in Antonio et Crasso aut dubitarct, aut ut idem a doctis probareliir? Qtiando autem dubium fuisset
huncalius, illum alius diceret. Nemone Pbilippuni, lam
m apud patres nostros eligendi cui patroni daretur oplio quiià
sitavem oratorem, tam gruvem tam facelum liis antefer-
;r- ant Antonium optaret, aut Crassum? Aderaut imilti alii
ret, quem nosmet ipsi, qui h.iec arte aliqua volumus ex-
x- tamen, utrum de liis potius, dnbitasset aliquis; quin atlf-
pendere, proximum illis fuisse diximusp Nemo profecto. o. runi, nemo. Quid? adolescf-ntibusnobis, qmim e^et Cottu
ou ne balançait jamais à choisir l'un des deux. Je vnus le confesserai sans détour, répon-
Et dans notre jeunesse, quel homme libre de son dit-il
c -.dans les affaires même oit le discours s'a-
choix et pouvants'adresser à Cotta ou à Horien- cdresse uniquement aux juges et non au public,
sius, eût donné la préférence à quelque nuire? s je voyais disparaître le cercle d'auditeurs qui
si
LI. Pourquoi, interrompit Brutus, ces exem- eutoure
e le tribunal, je ne pourrais plus parler.
ples étrangers, quand le vôtre suffirait? N'a- Cela est naturel, repris-je le musicien jette
vons-nous pas vu de quel côté tournait ses vœux loin
I de lui une flûte qui ne rend aucun son. Les
quiconque avait besoin d'un défenseur, et ce que flûtes
f de l'orateur, si je puis m'exprimer ainsi,
pensait Hortensi us lui-même? Toutes lesfoisqu'il c sont les oreilles de celui qui l'écoute. Si elles
ce
partageait une cause avec vous, j'en fus souvent ne r rendent pas de son si l'auditeur est comme
témoin, il vous laissait la péroraison, c'est-à- tun coursier rebelle à la main qui le dirige, il
dire, la partie dudiscours où l'éloquence opère ses ffaut cesser de prendre une peine inutile.
plus grandes merveilles. -Cela est vrai, repris- LU. Cependant remarquons une différence.
je et sans doute je dois à son amitié la déférence Le 1 vulgaire applaudit quelquefois un orateur jieu
qu'il me montrait en tout. J'ignore au surplus ce dignec de son approbation; mais il l'applaudit
que le peuple pense de moi. Quant aux autres, ssans le comparer à un autre. Lorsqu'il prend du
je ne crains pas de l'affirmer, ceux que l'opinion plaisir
1 à un discours médiocre, ou même mau-
publique a pi ces au premier rang, ont vu tuu- vais, 1
il s'en contente; il n'a pas l'idée du mieux,
jours leur prééminenceconfirmée par le suffrage il i approuve ce qu'il entend, et tel qu'il l'entend
éclairé des gens de goût. En effet, le mot qu'on car ( on écoute l'orateur qui a le moins de talent,
rapporte du poëte Antimaque de Claros n'aurait pourvu qu'il n'en soit pas tout à fait dépourvu
jamais pu se trouver dans la bouche de Démos- et rien n'exerce plus d'empire sur l'esprit des
thène. Antimaque, avait, dit-on, réuni un au- hommes que la méthode oratoire et la parole
ditoire, devant lequel il lisait ce poëme volumi- ornée. Ainsi lorsque Scévola plaidait pour M.
neux que vous connaissez. Abandonné, au milieuCoponius dans l'affaire dont j'ai déjà parlé, le
de sa lecture, de tout le monde excepté de Pla- peuple pouvait-il attendre ou imaginer quelque
ton Je n'en poursuivrai pas moins, dit-il; Pla- chose de plus achevé, de plus élégant, de plus
ton vaut seul pour moi des milliers d'auditeurs. » parfait en un mot? Scévola cherchait à prouver
II avait raison; les beautés moins vulgaires de la que M'. Curius, institué héritier dans le cas où
poésie n'ont besoin que d'un petit nombre d'ap- un fils naîtrait à Coponius, et mourrait avant
préciateurs uu discours public doit recevoir d'être majeur, n'avait rien à réclamer, parce qu'ilt
l'influence d'une grande assemblée. Oui, s'il était n'était point né de fils. Que ne dit-il pas sur le
jamais arrivé àDémosthènede ne conserver pour respect dû aux testaments, sur les anciennes for-
auditeur que le seul Platon, sa bouche fût restée mules, sur les expressions dont Coponius aurait
muette. Que deviendrait votre talent, Brutus si dû se servir, s'il avait voulu que Curius fût hé-
vous alliez vous voir comme fut un jour Cm-ion, ritier même dans le cas où il ne naîtrait point
abandonné de tout le peuple? de
fils, sur les piéges tendus à la bonne foi du

et Hortensius, num quis, cui quidem etigendi potestas es- posset. Quid? tu, Brute, posses si te, ut Curionem quon-
set, quemquamhis anteponebat? dam, concio reliquisset?
LI. – T uni Brutus, Quid tu, inquit, quieris alios? île te – Ego vero, inquit ille, ut me tibi indicem in eis etiam
ipso nonne, quid optarent rei, quid ipse Hortensius jurfl- causis, in quibus omnis res nobis cum jndicibus est, non
nu*et, videbamus? qui, qumn partiretnr lecum causas cum populo, tamen, si a corona relictus sini non queani
(Siepeeniminterfui),perorandilocum,ubi plurimuni pol- dicere.– Ita se, inquam, res habet ut, si tibiae iullat»;
let oratio, semper tibi relinquebat. – Facicbat ille qiiidom non referant sonum, abjiciendas eas sibi tibicen putet; sic
iiiquam et mini benivolentia credo, ductus, triltuehat oratori populi aures tanquam tibiae sunt; eae si inflatum
i
omnia. Sed ego, quae de me populi sit opinio, nescio; de non recipiunt, aut si auditor omnino tanquam equus non
reliquis hoc atfirmo, qui vulgi opinione diserlissimi h.iliili
Ii facit, agitandi finis faciendus est.
tint, eoedem intelligentium quoque judicio fuisse proba- LU. Hoc tamen interest, quod vulgus inlerdum non
li»siinO6. Nec enim posset idem Demostlienes dicere, qund1 probandurn oratoreni I)roW; sed probat sine romparalinne:
dixisse Antimachum,Clarium poetam, ferunt, qui quuniquum a inediocri aut etiam a malo delectatur, eo est
oonvocalis audi toribus legeret eis magnum illud quod no- contentus esse melius non sentit; illod, quod est, quale-
•vislis volumen suum, et eu omnes, prœtercumqueest, probat. Tenet enim aures vel mediocrisorator,
m legentcm

Vlatoncm, reliquissent, «Legam, inquit, nihilo minus; sit modo aliquid in eo; nec res ulla plus apud aniraos linmi-
I'Jato enim mihi unus instar est omnium millium. w litt num, quam ordo et ornatus orationis valet. Qnare quis ex
recte poema enim reconditum jiaucorum approbations populo, quum Q. Scœvolam pro M. Coponio dicentem au-
i
«ratio popularis, ad sensum vnlgi debet moveri. At, si direl in ea causa, dequaunte dix i, quidquampolitiiis.aut
eumdem hune Platonem unum auditorrm habeiet Démo- elegnnliu», aut omnino inclina aut exspecUnet, ant poste
i
stliftu's.qiium esset rpliclus a wleiis, verlmin fïioere non lien putiirrt? Qnnm is hoc pioliare Vfllet M'. Ciiriiun,
peuple, si l'on négligeait les écrits pom inter- posé, surtout en matière de testaments, si l'on
préter arbitrairementles intentions, et dénatu- négligeait
r l'esprit pour la lettre; quelle puissance
rer, au gré des habiles, les actes des hommes aurait
a bientôt Scévola, si désormais on ne pou-
simples? Combien ne fit-il pas valoir l'autorité vait
ï faire un testament sans prendre conseil de
de son père qui avait toujours soutenu son opi- lui.
1 La noblesse avec laquelle il exposa toutes ses
nion? combien il insista sur le danger de porter rraisons, lescxemplesnombreuxdontil les appuya,
atteinte au droit civil? Après qu'il eut développé la
1 variété, le sel les plaisanteriesdont son discours
tous ces moyens avec autant d'habileté et de sa- iétait rempli, enlevèrent tous les suffrages, et ex-
voir que de brièveté et de précision, dans un dis- ccitèrent une telle admiration, qu'on oublia tout

cours assez orné, et d'une élégance parfaite, y ià fait le plaidoyer de son adversaire. C'était le
avait-il un homme, parmi tous les assistants, troisième
t devoir de l'orateur, et le plus impor-
qui attendît, qui se figurât même quelque chose ttant. L'auditeurvulgaire, qui aurait séparément
de mieux ?î <"
admiré Scévola, eût bien changé d'avis en enten-
LUI. Mais écoutons Crassus. Il commence par idant Crassus. De son côté, l'habile connaisseur,
raconter qu'un jeune homme désœuvré se pro- t écoutant le premier, eût sûrement pensé qu'il
en il
menant sur le rivage, trouva une cheville d'a- existait
t encore une éloquence plus riche et plus
viron, et se mit en tête de construire un vais- abondante.
i Mais après que les deux orateurs
seau Scévola en fait autant avec ses prétendus ceurent achevé leurs discours, si l'on eût demandé
pièges tendus à la bonne foi; c'est une cheville quel
c était le plus éloquent, il est certain que la
avec laquelle il bâtit l'édifice d'un grand procès, décision
t des critiques éclairés eût été d'accord
Ce début, et beaucoup de pensées du même genre, t
avec celle du peuple.
égayèrent les auditeurs, et les firent passer du LIV. En quoi donc le savant l'emporte-t-il sur
sérieux à l'enjouement. C'est un des trois effets l'ignorant?
1 Dans un point bien grand etbien dit-
que doit produire l'orateur. Ensuite il prouva tficile car c'est une grande chose, sans doute,
que la pensée et l'intention du testateur avaient t savoir par quels moyens un orateur gagne ou
de
été de faire Curius son héritier, s'il n'avait pas perd
I ce qu'il lui importe ou de gagner ou de ne
de fils qui devînt majeur, soit qu'il ne lui en na- pas perdre. Le savant l'emporte sur l'ignorant,
quit point, soit que celui qui naîtraitvînt à mou- parce qu'entre deux ou plusieurs orateurs égale-
rir; que la plupart des testaments étaient ainsi ment
r goûtés du peuple, il juge quel est le meil-
rédigés, et que jamais la validité n'en avait été 1leur je ne parle pas de ceux qui ne plairaient
méconnue. Par tous ces arguments, il opérait la point
1 au peuple; ils ne peuvent jamais plaire à
conviction, second devoir de l'orateur. Ensuite l'auditeur
1 éclairé. On juge de l'habileté d'un mu-
il fit valoir l'équité naturelle, la nécessité de se sicien
i par les sons que rendent les cordes de sa
conformer à la pensée et aux vues du testateur. lyre;
I de même on apprécie le talent de l'orateur
TI fit voir à combien de surprises on serait ex- d'après l'impression qu'il sait communiquer aux

quum ita hercs institutus esset, si pupillus ante mortuns iam veniret, sive non natus, sive ante mortuus, Carius
esset, quam in suam tutelam venisset, pupillo non nato hères ut esset ita scribere plerosque, et id vaiere et va-
heredem esse non posse quid ille non dixit de testamento- luisse semper. Hœc et multa ejusmodi dicens, fidem facie-
rum jure? de autiquis forroulis? quid? quemadmodura bat quod est ex tribus oratoris officiis alterum. Deinde
scribi oportuisset, si etiam filio non nato heres instituere- œquum bonum, testamentorum sententias voluntatesquo
tur; quam captiosum esset populo, quod scriplum esset, tutatus est; quanta esset in verbis captio, quum in céleris
negligi, et opinione quîeri voluntates et interpretatione rebus, tum in testamentis, si ncgligerentur voluntates
disertorumscripta simplicium hominum pervertere? Quam quantam sibi potentiam Scsevola assumeret, si nemo au-
ille multa de atictoritate patris sui, qui semper jus illud deret testamentum facere postea, nisi de illius sententia.
graviter, tum ab exemplîs copiose, tum varie,
esse defenderat? quam omnino multa de eouservando jure Haec quum f
civili? quae quidem omnia quum perite, et scienter, tum tum etiam ridicule et facete explicans, eam admirationem
ita breviter, et presse, et satis ornate, et pereleganter di- assentionemquecommovit, dixisse ut contra nemo videre-
ceret qnis esset in populo, qui aut exspectaret, aut fieri tur. Hoc erat oratoris officium partitione lertium gêner*
posse quidquam meliusputaret? maximum. Hic ille de populo jndex qui separatirn alterum
LUI. At vero, ut contra Crassus ab adolescente delicato, admiratus esset, idem, audito altero, judicium suum
qui in littore ambulans scalmum reperisset, ob eamque contemneret; atvero intelligensetdoctus,audiens Scsevo-
rem nedificare navem concupivifset, exorsus est simili- lam, sentiret esse quoddam uberius dicendi genus et orna-
ter Scaevolam ex uno scalmo captionis centumvirale judi- tins. Ab utroque autem, causa perorata, si quicrerelur,
cium hereditatis effecisse hoc in illo initio consecutus, uter prestaret orator, nunquam profecto sapientis jbdi-
multis ejusdem generis sententiis delectavit, animosque cium a judicio vulgi discreparet.
omnium, qui aderant in hilaritatem a severitate traduxit LIV. Qui prœstat igitur intelligens imperito? Magna m
quod est unum ex tribus, quae dixi ab oratore effici debere. et diOîcili; si quidem magnum est scire, qnibus rebnn
Deinde hoc voluisse eum, qui testamentum lecisset, hoc efficiatur amittaturve dicendo illud, quidquid est, quod
son?isse,quoquo modo filins non esset, qui in suam tut»- auteffici dicpndooportet» aut amitti nbnoportet. Prastai
esprits. Un homme qui se connaît en éloquence pions les uns parlent avec précision et simplicité
n'a souvent besoin, pour établir son opinion, que les autres ont un style plus élevé et plus abondant.
de passer et de donner un coup d'oeil sans s'ar- De ces deux manières, la meilleure est sans doute
rêter, sans prêterson attention. Voit-il le juge bâil- celle qui a le plus d'éclat et de magnificence ce-
ler, parler avec son voisin, se lever de sa place, pendant tout ce qui excelle dans son genre mé-
s'informer de l'heure qu'il est, demander au pré- rite des éloges, dès que ce genre est bon. Mais à
sident qu'il termine l'audience; c'en est assez; côté de la précision est le danger de la maigreur
il comprend aussitôt qu'il n'y a pas là un orateur et de la sécheresse; et à côté de la grandeur est
dont le discours fasse sur l'esprit des juges ce que celui de l'enflure et de l'exagération. Ce principe
la main du musicien fait sur les cordes d'une lyre. posé, Cotta brillait par la finesse de l'invention
Mais s'il voit les juges attentifs, et les yeux fixés son élocution était pure et facile, et il avait réglé
sur celui qui parle, témoigner par des signes fort sagement son style ainsi que son action sur
d'approbation que le discours porte la lumière la faiblesse de sa poitrine qui lui interdisait tout
dans leur esprit; s'il les voit ravis en extase de- effort violent. Il n'y avait rien dans ses discours
meurer, pour ainsi dire, suspendusaux lèvres de qui ne fût correct, sain et de bon goût; et, ce
l'orateur, comme on voit rester immobile un oi- qui est un grand mérite, ne pouvant subjuguerles
seau enchanté par des sons mélodieux s'il voit esprits par cette force victorieuse qui n'était point
enfin, ce qui est le plus important, la pitié, la le caractère de son éloquence, il les maniait avec
haine ou quelque autre passion les remplir d'un assez d'adresse pour les amener insensiblement
trouble involontaire; s'il aperçoit, dis-je, en pas- au même but où les entraînait violemment Sul-
sant, de pareils effets, même sans rien entendre, picius.
il prononcera hardiment qu'il y a devant ce tri- En effet, parmi les orateurs que je me souviens
bunal un véritable orateur, que l'œuvre de l'élo- d'avoir entendus, Sulpicius fut sans contredit le
quence s'accomplit ou est déjà consommé. plus pathétique, et, pour ainsi dire, le plus tra-
LV. Après ces réflexions, dontBrntus etAtticus gique de tous. Il avait une voix étendue, et en
reconnurent la justesse, je revins à mon sujet. même temps agréable et sonore; son geste et tous
J'avaisdit, repris-je, que Cotta et Sulpicius étaient ses mouvements étaient pleins de grâce, mais de
préférés à tous leurs rivaux par le public de leur cette grâce qui convient au barreau et non au
temps, et ce sont eux qui ont donné lieu à cette théâtre. Son élocution était impétueuse et rapide,
digression. C'est donc par eux que je rentrerai sans avoir rien de superflu ni de rédondant il
en matière; ensuite je parcourrai les autres dans voulait imiter Crassus; Cotta prenait Antoine
le même ordre que j'ai suivi jusqu'à présent. pour modèle; mais on ne trouvaitpoint dans Cotta
On peut diviser en deux classes les bons ora- la force d'Antoine, et Sulpicius laissait à désirer
teurs car ce sont les seuls dont nous nous occu- l'élégance de Crassus.

etiam illo doctus audilor indocto, quod saepe quum ora- probatos, revertar ad eos ipsos; tum reliquos, ut inslitui
tores duo, ant plures populi jndicio probantur, quod di- deinceps persequar.
cendi genus optimumsit intell igit nam illiid quod populo Quoniam ergo oratorum bonorum ( hos enim quserimus)
non probatur, ne intelligent! quidem auditori probari po. duo genera snnt, nnum attenuale presseque, alterum su-
test. Ut enim ex nervorum sono in fidibus, quam scienter blate ampleque dicentium etsi id melins est, quod splen-
ei pulsi sist ùHellisi solet; sic ex animorum motu celmi- didius et magnificentins, tamen in bonis omnia, quae
tur, quid tractanats his perficiat oratur. Itaque intelligcns
dicendi existimator, non assidens, et attente audiens, sed summa sunt, jure laudantur. Sed cavenda est presso illi
oratori inopia et jejunitas? amplo autem indatum et cor-
uno adspectu et prselcriens de oratore saepe judicat. ruptum orationis genus. Inreniebat igitur acute Cotta,
Videt oscitantem judicem, loquentem cum aitero, nonnun*
dicebat pure ac solute; et ut ad infirmitatem lalerum per-
quam etiam circulantem iniUeiitcin ad horas, quaesito- scienter contentionem omnem remiserat, sic ad virium
rem, «t dimittat, rogantem; inlelligit, oratorem in ea imbecillitatem dicendi accommodabat genus. Niliil erat in
causa non adesse qui possit animis judicumadmovere ora- ejus orationenisi sincerum, nihil nisi siccum atque sanum
tionem, tanquam fidibus manum. Idem si prœteriens ad.
spexerit erectos intuentes judices, ni ant doceri de re, id- illudque maximum, quod, quum contentione orationis
flectere animos judicnm vix posset, nec omnino eo genere
que etiam vultu probare videantur; aut, ut avem cantu diceret, tractando tamen impellebat ut idem facerent a
aliqtio, sic illos viderit oratione quasi suspensos teneri,
aut, id quod maxime opus est, misericordia, odio motn se commoli, quod a Sulpicio concitati.
animi aliquo perturbâtes esse velicmentius ea si prœter- Fuit enim Sulpicius vel maxime omnium, quosquidem
iens ( ut dixi ) adspexerit, si nihil audierit tamen oratorem ego audiverim grandis, et, ut ita dicam, tragicus orator
veruari in illo judicio, et opus oratorium fieri, aut perfe- vox quum magna, tum suavis, et splendida; gestus et
ctum jam esse, profecto intelliget. motus corporis ita venustus, ut tamen ad forum, non ad
LY. Quum hœc disseruissem uterque assensus est, et scenam institutus videretur; incitata et volubilis, nec ea
ego tanquam de integro ordiens, Quando igilur, inquam, redundans tamen, nec clrcumlliiens oratio. Crassum hic
a Cotta et Sulpicio luec omnis fluxit oratio, quum hos volebat imitari; Colta malebat Antonium; sed ab hoc vit
maxime judicio illorum hominum et illius setatis dixissem aberat Antonii,Crassiab illo lepus.
LVI. Que l'éloquence est un grand art Élius voulut être stoïcien; pour orateur, il ne
dit -I..
Brutus, puisque deux orateurs si excellents man- pensa jamais à le devenir, et il ne le fut pas.
quèrent chacun d'une des deux qualités les plus Toutefois il écrivait des discours que d'autres
importantes. Il faut encore remarquer, à leur prononçaient témoin ceux qu'il composa pour
occasion, que des orateurs peuvent être les pre- Q. Mételluslefîls, pour Q. Cépion, pourPompéius
miers de leur temps, sans pour celase ressembler Rufus. Ce n'est pas que ce dernier ne fit lui-même
entre eux. Rien ne diffère autant que Cotta et ceux dont il se servit pour sa propre défense;
Sulpicius, et cependant ils l'emportèrent l'uu et mais cenefutpassans emprunter le secours d'E-
l'autre sur tous ceux du même âge. Un maître lius. J'ai souvent assisté à la composition de ces
habile étudiera donc les dispositions particulières ouvrages, étant chez Élius, que j'avais coutume,
de chacun de ses disciples; et ses leçons, toujours dans ma jeunesse, d'écouter avec beaucoup d'as-
d'accord avec la nature, seront pareilles à celles siduité. Au surplus, je m'étonne que Cotta, doué
d'Isocrate qui, parlant du génie ardent de Théo- comme il était d'un grand talent oratoire et d'ail-

pompe et du caractère tranquille d'Éphorus, em- leurs homme de sens, ait voulu s'attribuer ces
ployait, disait-il, avec l'un le frein, et l'éperon discours d'Élius, dont le mérite est si léger.
avec l'autre. LVII. Aucun orateur de l'âge de Cotta et Sul-
Les discours attribués à Sulpicius ont été, à picius ne prenait place à côté d'eux. Toutefois
ce qu'on pense, écrits depuis sa mort, par un Pomponius est celui qui me plaisait le plus, ou
homme à peu près de mon âge, et le plus élo- me déplaisait le moins. Nul autre que ceux dont
quent, selon moi, qu'il y eût hors du sénat, P. j'ai parlé n'était appelé à défendre les grandes
Canutius. Pour Sulpicius, il ne reste rien qui soit causes. Antoine, le plus recherché de tous, pro-
vraiment de lui; et je l'ai entendu répéter plus mettait volontiers ses services; Crassus, un peu
d'une fois qu'il n'était pas dans l'usage d'écrire moins facile, ne les refusait pourtant pas. Celui
que même il ne le pourrait pas. Quant à Cotta, qui n'avait ni l'un ni l'autre pour défenseur re-
son plaidoyer pour lui-même, lorsqu'il fut ac- courait à Philippe ou à César; et après ceux-ci
cusé d'après la loi Varia, fut composé à sa prière on tournait ses yeux du côté de Sulpicius et de
par L. Élius. Élius était un homme d'un rare mé- Cotta. Ces six orateurs se partageaient toutes les
rite, un chevalier romain des plus distingués, affaires importantes. Il n'y avait pas alors autant
également versé dans les lettres grecques et lati- de procès que de notre temps; et l'on ne confiait
nes, et dans les antiquités de la patrie. Rien, dans pas, comme aujourd'hui, la même cause à plu-
les faits et les institutions de nos aïeux, ni dans sieurs avocats, usage on ne peut plus vicieux.
les écrits des premiers âges, n'échappait à son éru- Nous répondons en effet à des orateurs que nous
dition. C'est de lui que notre ami Varron reçut n'avons pas entendus; et souvent on nous rend de
les éléments de cette science qu'il a si fort agran- ce qu'ils ont dit un compte inexact. En second
die, et à laquelle son vaste génie et son savoirr lieu, il m'importe beaucoup de voir de mes pro-
universel ont élevé de si beaux monuments. Mais9 pres yeux de quel air mon adversaire affirmecha-

LVI. 0 magnam, inquit, artem! Brutus; siquidem £Hus stoicus esse voluit;oratorautem nec studnit un-
istis, quum summi essent oratores, duaeresmaxiroae, al. quam, nec fiiit; scribebat tamen orationes, quas alii dice-
tera alteri defuit. Atque in his oratoribus illud animad- rent ut Q. Metello F., ut Q. Ceepioni, ut Q. PompeioRufo
vertendum est, posse esse summos qui inter se sint dis- quanquam is etiam ipse scripsit eas, quibus pro se est
similes. Nihil enim tam dissimile, qnam Cotta Sulpicio, usus sed non sine jElio. His enim scriptis etiam ipse in.
et uterque aequalihus suis plurimum praestitit. Quare hoc terfui quum essem apud .-Eli uni adolescens, eumque au-
doctoris httelligeutisest, videre quo ferat natura sua quem- dire perstudiosesolerem. Cottam autem miror, summum
que et ea duce utentem sic instituere, ut Isocratem in ipsum oratorem minimeque ineptum £lianas leves om-
accrrimo ingenio Theopompi et lenissimo Ephori dixisse tiunculas voluisseexistiroari suas.
traditum est, alteri se calcaria adhibere alteri frcnos. LVII. His duobus ejusdem aetatis annumerabatur nemo
Sulpicii orationes quaa feruntur, eas post mortem ejus tel tins sed raihi placebat Pomponius maxime vel àicam
scripsisse P. Cauutius putatur, jnqualis meus, homo extra minime displicebat. Locus erat omnino in maximis causis,
nostrum ordinem, meo judicio, diserlisstmus. [psius prseler eos, de quibus supra dixi nemini propterea quod
Sulpicii nulla oratio est; saepeque ex eo audivi, quam se Antonius, qui maxime expetebatur, facilis in causis reci-
scribere neque consuesse, neque posse diceret. Cotte pro piendis erat; fastidiosior Crassus, sed tamen recipiebat;
se, lege Varia, quae inscribitur, eam L. jElius scripsit horum qui neutrura habebat, oonfugiebat ad PbUippum
CottiErogatu. Fuit is omninovir egregius, eteques roma- fere, autad Cœsarem Cotta[se,cundum Pliilippum et Cœ-
nuscum primis honestus, idenique eruditissimus et Grœ- sarem] et Sulpicius expetebantur. ita ab üs sex patronis
cis litteriset Latinis, antiquitatisque nostrae et in inventis causse illustres agebantur:ueque tam multa,quam nostra
rebus, et in actis, scriptorumque veterum littérale pentus aetate judicia fiebant neque hoc, quod nunc fit, ut t causée
quam scientiam Varro noster acceptam ab illo, auctam. singulm defenderentur a pluribus, quo nihil est vitiosius.
que per sese, vir ingenio prabstans, omnique doctrina, Respondemus iis, quos non audivimus; in quo primum
pluriuus, et illustrioribus litteris explicavit. Sed idem sacpe aliter est dictum aliter ad nos relatum deiude ins-
propositions, et surtout comment elles
eu ne de ses Ilégance de son père. J'en dis autant des deux

sont reçues par les juges. En outre, la défense JMucia, ses filles, dont j'ai connu la mauière de
doit former un seul tout, et rien n'est plus mal parler; et des deux Licinia, ses petites-filles, que
entendu que de recommencer un plaidoyer déjà jf
j'ai entendues l'une et l'autre. Je crois que vous-
terminé par un autre. 11 y a toujours un exorde même,
r Brutus, avez entendu quelquefois celle
et une péroraison naturels à chaque cause il en qui
c fut mariée à Scipion. Oui, répondit Bru-
est de même de tout le discours c'est un corps t et avec d'autant plus de plaisir qu'elle était
tus,
dont les membres ne peuvent déployer que cha- ffille de Crassus l'orateur. Et Crassus, fils de
cun à sa place leur grâce et leur vigueur. Or, cette
c même Licinia, et que l'orateur adopta par
s'il est difficile, quand on parle longtemps, de sson testament, que pensez-vousde lui ? – Ce fut,
ne pas laisser échapper quelque chose qui soit dit-on,
( un homme d'un grand talent quant à
peu d'accord avec ce qu'on a déjà dit, combien Scipion,
ï son frère et mon collègue, sa conversa-
n'est-il pas plus difficile encore de ne point con- tion
i et ses discours publics me plaisent égale-
tredirc quelquefois celui qui a parlé avant nous ? iment. Vous le jugez bien, mon cher Brutus;
Mais il faut beaucoup plus de travail pour plaider aussi
t descend-il d'une race qui a pris naissance
une cause entière que pour en plaider une partie; au sein de la sagesse elle-même. Nous avons déjà
d'ailleurs on se fait plus d'amis en défendant parlé
] de ses deux aïeuls, Scipion et Crassus de
plusieurs clients à la fois. Voilà pourquoi cette sses trois bisaïeuls,Q. Métellus, qui eut quatre fils;

coutume s'est facilement établie. P. Scipion, qui, simplecitoyen, sauva larépu-


LVIII. Toutefois, après Sulpicius et Cotta, blique de la tyrannie de Tib. Gracchus; enfin,
quelques-uns donnaient la troisième place à Cu- Q. Scévola l'augure, qui fut aussi renommé par
rion, peut-être parce qu'il se servaitd'expressions sa politesse que par son profond savoir en juris-
brillantes, et parlait assez correctementla langue prudence. Mais de quel éclat brillent l'un et l'au-
latine. Il avait, je pense, puisé dans la maison tre de" ses trisaïeuls, P. Scipion,deux foisconsul,
paternelle cette pureté de diction; car il n'avait dont le surnom atteste les lumières et C. Lélius,
aucune teinture des lettres; mais le langage de le plus sage des mortels!- Race fécondeet gé-
ceux qu'on entend chaque jour, avec qui l'on néreuse, dit Brutus, et que de nobles maisons,
s'entretient dès l'enfance, celui des pères, des comme des rameaux différents greffés sur la
précepteurs, des mères, laisse après lui des tra- même tige, ont confondu en elle leur sagesse
ces durables. Nous avons lu les lettres de Cor- héréditaire,et empruntéde cette union un lustre
nélie, mère des Gracques. Tl est évident que les nouveau!
accents de sa voix contribuèrent autant que ses LIX. – JereviensàCurion,et, s'il est permis
soins maternels à les faire ce qu'ils furent. J'ai de le citer à côté de ces grands noms, j'imagine
plus d'une fois assisté aux entretiens de Lélia, que, quoique resté orphelin de bonne heure, il
fille de Caïus. On voyait briller en elle toute l'é- trouva sa maison accoutumée, par l'exemple de

gniinterest coram videreme, quemadmodum adversarius vidimus et filias ejus Mucias ambas, quarum sermo mihi
dequaqne re asseveret, maxime autem quemadmodum fuit notus; et neptes Licinias, quas nos quidem ambas,
t
quteque res audiatur. Sed nihil vitiosius, qnam, quum banc veto Scipioiu's etiam tu, Brute, credo, aliquando
uuum corpus debeat esse defensionis, nasci de integro audisti loquentem. Ego vero, ac lubenter quidem, in-
causam, quum sit ah altero perorata Omnium enim cau- quit Brutus; et eo lubenlius quod L. Crassi eral filia.
sarum unum est naturale principium una peroratio; reli- Quid Crassum, inquam, illum censes, istius Licinia? filium,
Crassi testamento qui fuit adoptatus? Summo iste qui-
qua; partes, quasi membra, suo quajque loco locata, suam –
et vim et dignitatem tenent. Quum autem difficile sit, in dem dicitur ingenio fuisse, înquit. Et vero hic Scipio, col-
longa oratione non aliqiiando aliquid ita dicere, ul sibi ipse lega meus, mihi sane bene et loqui videtur, et dicere.
non conveniat; quanto difiieilius cavere, ne quid dicas, Recte, inquam,judicas, Brute. Etenim istius genus est ex
quod non conveufat ejus orationi, qui ante te dixerit? Sed ipsius sapieutiœ stirpe generatum. Nam et de duobus avis
quia et labor multo major est, totam causam, quam par- jam dixûmis, Scipione et Crasso; et de tribus proavis, j
tem dicere et quia plures ineunlur gratise, si uno tempore Q. Metello, cujus quatuor filii, P. Scipione, qui ex domî-,
dicas pro pluribus, idcirco hanc consuetudinein lubenter natu Tib. Gracchi privatus ln libei-tatem rempublkam
adscivimits. \mdicavil, Q. Scœvola augure, qui perilissimns juris,' ,1

LVIII. Erant tamen, qnibns videretur lllius a&tis ter- idemque percomis est habitus. Jam dura uni abavoium
1ius Curio, qnia splcndidioribus forlasse verbis ntebatnr, quam est illustre nomen,P. Scipionis qui bis consul fuit,
et quia latine non pessime loqoebatur, umi credo aliquo qui est Corculum dictus, alterius omnium sapienlissimi,
domestico; nam litterarum admodum nihit sciebat. Sed C. Lœlii » – 0 generosam, iuquit, slirpem et tanquam
magni interost, quos quisque audiat quotidie domi, qui. in unam arborem plura genera, sic Ut islam domum mul-
buscum luquatur a pueio, quemadmodum patres, pœda- torum iusitam atque Uluminatam sapientiam
gogi matres etiam loquantur.Legimus epistolas Cornelia! LIX.– Simililer igilur suepicor (ut ronferamus parva
matiU Graocltorum apporet, fllios non tam in gremio magniâ), Curionis, etsi pupillus relictus est, patrio fuisse
educatoâ quant in sermone tnalrig. Anditus est nobis La> instituto puro sermone assuefactam domum et eo roagit»
liai, C. F., «epe sermo ergo illam patris elegantia tinctam hoc judico, quod neminem ex iis quidem, qui aliquo in
son père à la pureté du langage. J'en suis d'au- rire.
i C. Julius a caractérisé son geste par un bon
tant plus persuadé, que, de tous ceux qui ont mot
i qu'on n'oubliera jamais. En le voyant balan-
eu quelque réputation oratoire, je n'en ai pas cer son corps à droite et à gauche « Quel est, dit-
<

connu un seul qui fût, dans toutes les parties des il,
i cet orateur qui parle dans une barque? » II es-
connaissances humaines, d'une si profonde igno- ssuya une autre plaisanterie de Sicinius, homme
rance. 11 n'avait jamais lu ni poëtes ni orateurs; ssans honneur ni principes, mais habile à égayer
aucun fait historique n'ornait sa mémoire; il ne tun auditoire, seule qualité qu'il eût de l'orateur.
savait, ni les lois de l'État, ni le droit civil et iSieinius, alors tribun, avait produit devant le
particulier. Ce n'est pas que d'autres orateurs, peuple
] les deux consuls Curion et Cn. Oetavius.
et même de fort habiles, n'aient été comme lui Curion( parla longtemps, tandis que l'autre con-
un peu étrangers à ces connaissances par exem- sul, s malade de la goutte, ettoutenveloppéde ban-
ple, Sulpicius et Antoine; mais au moins ils sa- dages et d'onguents, était assis près de lui. Vous
<

vaient accomplirtout entier l'œuvre de la parole, ine pouvez assez remercier votre collègue, dit le
Des cinq parties dont il se compose, et que tout tribun
i àOctavius; cars'il ne sefûtagité à son ordi-
le monde connaît, pas un d'eux n'échouait com- naire,i les mouches vous auraient dévoré aujour-
plétement dans aucune; car celui-là ne serait d'hui. Pour la mémoire, Curion en était si dé-
plus orateur, qui manquerait tout à fait à l'un pourvu, qu'après avoir annoncé trois divisions,
des devoirs essentiels de son art. Toutefois cha- il lui arrivait d'en ajouter une quatrième, ou de
cun avait sa partie où il excellait plus que dans ne plus retrouver la troisième. Un jour que nous
le reste. Antoine savait trouver ses moyens, les plaidions l'un contre l'autre dans une cause pri-
préparer avec adresse, les mettre à leur place. vée fort importante, moi pour Titinia, femme de
Sa mémoire en conservait fidèlementle dépôt, et Cotta; lui pour Névius, il oublia subitement sa
son action les faisait admirablement valoir. Égal cause tout entière, et rejeta ce contre-temps sur
à Crassus dans quelques-unes de ces qualités, il les enchantements et les sortilégesde Titinia. Ce
lui était même supérieur dans d'autres; mais l'é- sont là de grandes preuves d'une mémoire infi-
locution de Crassus était plusbrillante. Onnepeut dèle; mais ce qu'il y a de plus honteux, c'estque,
pas direnonplusde Cotta,ni de Sulpicius, ni d'au- même en écrivant, il perdait le souvenir de ce que
cun bon orateur, qu'aucune des cinq parties de sa main venait de tracer un instant plus tôt. On
l'éloquenceleuraitétéabsolumentinconnue.Aus- en voit un exemple dans son dialogue entre notre
si Curion fournit-il une preuve que l'éclat et lai ami Pansa, Curion son fils, et l'auteur lui-même
richesse de l'élocution contribuent seuls, plus que dialogue où il se représente sortant du sénat,
tout autre mérite, au succès de l'orateur; car il que
César venait de présider en qualité de con-
t
était sans talent pour l'invention, et ne mettait sul, et répondant à son fils qui lui demande ce
dans la disposition ni ordre ni ensemble. qui s'est passé dans cette assemblée. Après beau-
t
LX. Quant'aux deux autres parties, l'action et coup d'invectives contre César, et au milieu dt
la mémoire, il excitait vraiment des éclats de la
discussionqui s'élève entre les trois interlocu-

numéro tueront, cognovi in omni genere honestarum ai-


tium tam indoctum, tam rudem. Nullum ille poetam no- el cachinnos irridentium commovebat. Motus erat is, queni
C. Julius in perpetuum notaj'il quum ex eo, in ulram-
verat, nullum legerat oralorem nullam memoriam anti- que partem toto corpore vacillante, quœsivit, « quis lo-
t
quitatis collegeral; non publicum jus, non privatum et queretur c lintre » et Cn. Sicinius, homo impurus, sed
civile cognoverat quanquam id quidem fuit etiam in aliis,admodumridîcutus neque aliud in eo oratoris simile quid-
ï
el magnïs quidem oratorihus, quos parum bis instructos quam. Is quum tribunus plebis Curionem et Octaviuro.
artiLus vidimns, ut Sulpicium ut Antonium. Sed ii ta- consules prodnxisset, Curioqne multa dixisset, sedente
men unum illud habebant dicendi opus elaboratum;
idque Cn. Octavio collega, qui devinctus erat fasciis, et mulli»
quum constaret ex quinque
notissimis parlibus, nemo ini medicamentis, propter dolorem artuum delibutus, n Nun-
aliqua parte carum omnino nihil poterat in quacumque quam, inquit, Oclavi, collegrc tno gratiam réfères; qui
enim una plane claudicaret, orator esse non posset. Sed1 nisi se suo more jactavisset hodie te islic muscae come-
tamen alius in alia excellebat magis. Reperiebat, quid dicii dissent. » Memoriaautem ita fuit nulla, ut aliquoties, tria
opus esset, et quomodo pnvparaii, et quo loco locari me-quum proposuisset, aut quartum adderet, aut tertium
moriaque ea comprehendehat Anlonius; excellebat autemi quaereret qui in judicio privato vel maximo, quum ego
actione, erantque ei quaedam ex bis paria cum Crasso, pro Titinia Cota peroravissem, ille contra me pro Ser.
quidam etiam superiora at Crassi magis enitebat oratio. Nrcvio diceret, subito totam causam oblitus est, idque ve»
Nec vero Sulpicio, neque Coltœ dicere possumus, ne<|ue i neficiis et cantionibus Titiniae factum esse dicebat. Magna
cuiquam bonooratori, rem ullam ex illis quinque partibuss haec immemoris ingenii signa; sed nihil turpius, quam
plane atque omnino defuisse. Itaque in Curione hoc ve- quod etiam in scriptis oblivisceretur, quid paullo ante
rissime judicari potest, nulla re una magis oratorem com- posuisset; ut in eo libro, ubi se, exeunlem e senatu, et
mendari, quam verborum splendore et eopia nam quum cum Pansa nostro, cum Curione filio, colloqnentem fadt
[qunm senatum Cmsar consul habuisset], oronisque ill«
tardns in togilando, tum in instruendo dissipatusfuit.
LX. Reliqua duo sunt, agere et memiiùsse in utroquee sermo ductus e percunctatione filii, quid u> senatu esset
qi seul et sans être soutenu d'aucun autre mé-
teurs, Curion oublie tout à coup qu'il parle au sor- que
tir d'une séance où César présidait, et reproche rite, ri il a suffi pour faire de Curion une espèce
au consul ce qu'il fit l'année d'après, et lesannées telle
te quelle d'orateur. Mais revenons à notre
suivantes, comme gouverneur de la Gaule. sujet.
st
LXI. Étrange méprise, dit Brutus avec LXII. Aux noms qui appartiennent à cette
étonnement, surtout dans un ouvrage écrit 1 gi génération, il faut joindre C. Carbon, fils de celui
comment ne s'est-il jamais aperçu, en relisant dont dl l'éloquence était si renommée. On le comp-
son dialogue, dans quelle honteuse erreur il était taitta comme un orateur de peu d'invention; on
tombé? – Demandez, Brutus, comment, résolu le comptait néanmoins. Ses expressions étaient
qu'il était de s'ériger en censeur, il a eu assez nobles
ni son élocution, facile sa manière, naturel-
peu de sens pour ne pas placer l'époque de son lement le imposante. Q. Varius avait plus d'idées,
entretien après les faits qu'il voulait censurer? et non moins de facilité à s'exprimer. Ajoutez
Mais cet homme était, il faut le dire, tout incon- uneui action forte et animée, un style qui ne man-
séquence. Il déclara dans le même ouvrage qu'il quait qi ni de richesse ni d'élévation et vous lui
ne va jamais au sénat sous un consul tel que donnerez,di sans trop de scrupule, le titre d'ora-
César, et c'est sous le consulat de César et en teur. te Cn. Pomponius apportait aux combats du
sortant du sénat qu'il fait cette déclaration. Si forumr*c la force de ses poumons, l'entraînement
la faculté à la garde de laquelle estremis le pro- de d sa véhémence, l'amertume de ses invectives.
duit de toutes les autres était assez faible chez lui Bien
B loin après eux venait L. Fufius, qui toute-
pour qu'il ne se souvînt pas, après quelques mo- fois, ft en accusant M'. Aquillius, fit applaudir les
ments, de ce qu'il venait d'écrire, faut-il s'éton- efforts
el de son zèle. Nous n'oublierons pas, mon
uer qu'en parlant d'abondance, le fil de ses idées cherci Brutus, M. Drusus, votre grand-oncle, dont
lui échappât souvent! Aussi, quoiqu'il ne fût pas 1' l'éloquence faisait impression, mais seulement
avare de ses services, et qu'il eût la passion de quandq il parlait sur les affaires publiques; ni L.
parler en public, peu de causes lui étaient con- Lucullus,
L qui joignait l'esprit à la gravité; ni
fiées. Si on le plaçait immédiatement après les votre v père qui avait, de plus, une profonde con-
meilleurs orateurs de son âge, c'était, comme je naissance
n du droit public et particulier; ni M.
l'ai dit, à cause du bon choix de ses expressions, Lucullus
1 ni M. Octavius, fils de Cnéus, dont
et de la facilité rapide avec laquelle les paroles> le l< caractère et les discours eurent assez d'in-

coulaient de sa bouche. C'est pourquoi je pensefluence fl pour faire abroger par le peuple assemblé
queses discours méritcntau moinsun coup d'œil. la Il loi Sempronia, qui assurait la subsistance du
Sans douteils sontlanguissants;maisils peuventt peuple; p ni Cn. Octavius, fils de Marcus; ni M.
nourrir et fortifier dans les autres ce talent d'é-• Caton
C le père; ni même Q. Catulus le fils mais
locution dont nous reconnaissons qu'il n'était pass nousil les éloignerons du champ de bataille, c'est-à-
dépourvu talent dont la vertu est si grande, ddire, du barrea u et nous les placerons à la garde

actuni. In quo muUis verbis quum inveheretur iu Cœsa- men r censeo; sunt ilke quidem languidiores, verumtamen
rem Ciirio, dispatatioque esset inter eos, ut est consue- possunt augere et quasi alere id bonum, quod in ilto me-
tudo dialogorum, qauin sermo esset institutus senatu u diocriter
t fuisse concedimus; quod habet tantam vim, et
inisso, quem senatum Cs&ar consul habujsset repre- solum, s sine aliis, in Curione speciem oratoris alicujus ef-
hendil eas res, quas idem Csesar anno post, et deinceps s fecerit.
f Sed ad institnta redeamus.
reliquis annis administravisset in Gallia. LXII.- ID eodem igitur nnmero ejusdem jetatis C. Carbo
LXI.– Tum Brutus admirans, Tantamne fuisse obli- fuit, f illius eloquentissimi viri filius, non satis acutus cra-
Yionem, inqnit, in scripto praesertim ut ne legens qui-i- tor t sed tamen otator numeratus est. Erat in verbis gra-
dem unquam senserit, quantum flagitii rommisisset?– vitas, et facile dicebat, et aucloritatem naturalem quam-
Quid autem, inquam, Brute, stultius, quam, si ea vi- dam i-i habebat oratio. Acutior Q. Yaiius rebus inveniendis,
tuperare volebat, qnse vituperavit, non eo tempore insli- i- neci minus verbis expeditus'; fortis yero actor, et veiiemens,
tueie sermonem, quum illarum rerum jam tempora prae-3* et <
verbis nec inops, nec abjectus, et quem plane orato-
teriissent? Sed ita tolus crrat, ut in eodem sermone dicat, rem dicerc auderes. Cn. Pomponius lateribus pugnans,
in senatu se, Caesare consuhr, non accedere, sed id dicatil incilans
i aniinos acer, acerbus crimiiiosus. Multiim ah
•pso consule, exiens e senatu. Jam qui hac parte animi, iis i aberat L. Fulius tamen ex accusatione M'. Aquillii di-
quae ciislos est ceterarum ingenii parlium, tam debiliss ligentiae fructum ceperat. Nam M. Drusum, tuum magnum
esset, ut ne in scripto quidem meminisset, quid paulloo avunculnm,
i gravem oratorem, ita duntaxat quum de re-
bnte posuisset, huic, minime mirum est, ex tempore di-i- publica
] diceret; L. autem Lucullum etiam acutum pa-
n tremquetuum, Brute, juris quoque, et publici, et privati
centi solitam efïïuere mentem. ltaque quum ei nec officium
deesset, et flagraret studio dicendi, perpaucae ad eum n sane peiïtum; M. Lucullunt, M. Octavium, Cn. F. (qui
causée deferebantur. Orator autem, vivis ejus aequalibus lantum auctoritate,dicendoque valnit, ut legem Sempio-
proximus optimis numerabatur, propter verborum boni- mi- niam frumentariam populi frequentis suffiagiis abrogave-
tatem, ut ante dixi, et expeditam ac profluentemquodamn rit), Cn. Octavium, M. F., M. Catonem natrem Q. etiam
modo celeritalem. Itaque ejus orationes adspiciendas la. i- Catulum filium, abducamus ex acie, id est, a judiciis,
des intérêts publics, dont ils se montreront les Sext. Titius, qui savait parler, et ne manquait pas
dignes soutiens. de ressources dans l'esprit, mais dont la conte-
Je mettrais au même rang Q. Cépion, si par nance était si molle et si abandonnée, qu'on in-
excès d'attachement à l'ordre équestre, il n'eût venta une espèce de danse à laquelle on donna
rompu avec le sénat. Cn. Carbon, M. Marius, et son nom tant il faut éviter avec soin, dans le
plusieurs autres, aussi peu dignes de se faire style et dans l'action, tout ce qui pourrait prêter
entendre des oreilles délicates, me paraissaient à une imitation ridicule.
faits pour régner dans des assemblées tumul- LXIII. Mais nous voilà remontés à une époque
tueuses. Je pourrais, en anticipant sur l'ordre un pou plus reculée; revenons à celle dont nous
des temps, ranger dans cette classe L. Quintius, avons déjà dit quelque chose. A l'âge de Sulpicius
dont le souvenir est tout récent, et Paticanus, se rattache un homme doué véritablement de
plus habile encore que Quintius à échauffer une quelque talent de parler, P. Antistius qui, après
multitude ignorante. Et puisque nous parlons de un silence de plusieurs années, causé par les dé-
ces orateurs de trouble et d'anarchie, aucun des dains du public dont il était même devenu la
séditieux qui occupèrent la tribune depuis les risée, fut applaudi pour la première fois, et dans
Gracques ne parut aussi éloquent que L. Apu- une cause juste, pendant son tribunat. II com-
léius Saturninus. Toutefois c'était plutôt son battait la brigue de C. Julius, qui voulait se
extérieur, ses gestes, la manière même dont il faire nommer consul au mépris des lois; et il se
portait sa robe, que la richesse de son élocution fit d'autant plus d'honneur, que ses arguments,
et une certaine justesse de pensées, qui capti- comparés à ceux de son collègue l'orateur Sulpi-
vaient son auditoire. C. Servilius Glaucia fut, cius, qui soutenait la même cause, étaient plus
sans contredit, le plus méchant des hommes qui nombreux et plus habilement choisis. Depuis son
aient jamais existé; mais ses discours étaient tribunat il fut chargé de beaucoup d'affaires, et
pleins d'idées de ruses oratoires, et surtout de l'on finit par lui confier toutes cellcs qui avaient
traits plaisants. Malgré la bassesse de sa fortune de l'importance. Il trouvait ses moyens avec sa-
et l'opprobre de sa vie, il eût été fait consul gacité il les disposait avec art, et sa mémoire les
avant la fin de sa préture, si on eût jugé qu'il retenait fidèlement. Ses expressions, sans être
pût être admis au nombre des candidats. Il dispo- brillantes, n'avaient rien d'abject; sa diction
sait du peuple, et par une loi agréable aux che- coulait avec aisanceet rapidité. Quant à son main-
valiers, il s'était assuré l'appui de cet ordre. II tien, il ne manquait pas d'une certaine grâce;
était préteur lorsqu'il fut immolé à la justice pu- mais un vice de prononciation et des habitudes
blique, le même jour que le tribun Saturninus, ridicules gâtaient un peu son débit. Il se distingua
sous le consulat de Marius et de Flaccus. Cet surtout entre le départ et le retour de Sylla, épo-
homme ressemblait beaucoup à l'Athénien Hy- que où les lois étaient sans force, et le gouver-
perbolus, dont les vieilles comédies grecques nement, sans dignité. Il avait d'autant plus de
ont flétri l'affreux caractère. Après eux vient succès, que le forum était alors à peu près désert.

et in praesidiis reipublic-e, cui facile satisfacere possint, loquax sane, et satis acutus, sedtam solutuset mollis in*
collocemus. gfstu, ut saltatio qusedam nasceretur, cui saltationi Titius
Eodem Q. Cacpionem referrem nisi nimis equestri or- nomen esset ita cavendum est, ne quid in agendo dicen-
dini deditus, a senatu dissedisset. Cn. Carbonem, M. Ma. dove facias, cujus imitatio rideatur.
rium, et ex eodem genere complures minime dignos LXH Sed ad paullo superiorem aetatem revecti sumus;
elegantis conventus auribus, aptissimos cognovi turbu- nunc ad eam, de qua aliquantum locuti sumus, reverta.
lenlis concionibus quo in genere (ut in iis perturbem mur. Conjunctus igitur Sulpicii setati P. Antistius fuit, ra.
aetatum ordinem) nuper L. Quintius fuit; aptior au- bula sane probabilis, qui multos quum tacuisset annos,
tem etiam Palicanus auribus imperitorum. Et, quoniam neque contemni solum, sed irrideri etiam solitus esset, in
hujus generis facta mentio est, seditiosorum omnium post tribunatu primum contra C. Julii illam consulatus petitio-
Gracchos, L. Apuleius Saturninus eloquentissimusvisus nem extraordinariam, veram causam a«,eus, est probatus
est; magis specie tamen, et motu, alque ipso amictu ca- et eo magis, quod eamdem causam quum ageret ejus col-
piebat homines, quam aut dicendi copia, aut mediocritate lega ille ipse Sulpicius, hic plura et acutiora dicebat. Itaque
prudentiae. Longe autem post natos homines improbissi- post tribunatum primo muKit ad eum causas, deinde
mus C. Servilius Glaucia, sed peraculus etcallidus, cum omnes, niaximœ quœcumqne erant, deferebantur. Rem
primisque ridiculus. I» ex summis et foitunae et vitae videbat acute, componebat diligenter, memoria valebat;
sordiaus, in praetura consul factus esset, si l'ationem cjus verbis non illc quidem ornatis utebatur, sed tamen non
baberi licere jndicatum esset; nam et plebem tenebat, et abjectis. Expedita antem erat et perfacile currens oratio.
equestrem ordinem benelicio legis devinxerat. Is prœtor, Et erat ejus quidem tanquam habitus non inurbanus; actio
eodem die, quo Saturninus tribunusplebis, Mario etFlacco paullum quum vitio vocis, tum etiam ineptiis claudicabat.
consulibus, publiceest interfectus; liomo simillimus Athe- llictempoiibus lloiuit iis, quihus, inter profeclionem re-
niensis Hyperboli cujus improbitalemveteres Atticorum ditumque L. Suite, sine jure fuit et sine ulla dignitate re«-
comœdi» nolavei uni. Quos Sex. Titius consecutus homo publica. Hoc etiam autem magis probabalur, quod erat ab
CICËRON.
IUUV11•
Sulpicius avait péri; Cotta et Curion étaient ab- lement le rapprocher Ici des générations di-
sents de tous les avocats de cet âge, il ne restaitt verses avec lesquelles il a vécu. Au reste, tous
que Carbon et Pomponius,et il n'était pasdifficile ceux dont la carrière a été un peu longue, ont
à Antistius de les surpasser l'un et l'autre. dû nécessairement se trouver, dans le cours de
LXIV. Plus jeuneque les précédents, mais im- leur vie, en concurrence avec des hommes beau-
médiatement après eux, vientL. Sisenna, hommecoup
au-dessus et beaucoup au-dessous de leur
instruit et adonné aux plus nobles études, parlant
't
âge. C'est ainsi qu'au rapport d'Attius, Pacu-
vius et lui firent représenter des pièces de théâtre
purement la langue latine, versé dans la politi-
que, et d'un esprit assez enjoué. Du reste il sous
était
les mêmes édiles Pacuvius à l'âge de qua-
( tre-vingts ans, et Attius à celui de trente. 11 en
peu laborieux et paraissait trop rarement au estde même d'Hortensius il n'appartient pas
barreau. Placé par son âge entre les triomphes
uniquement à la génération dont il faisait par-
oratoires de Sulpicius et ceux d'Hortensius, il ne
tie; il est encore mon contemporain, Brutus; il
pouvait atteindre à la hauteur du premier, et
c'était une nécessité qu'il cédât au second. On
estle vôtre, il est celui de l'âge qui précéda le
sien. En effet, il parlait en public du vivant de
peut juger de son talent par l'histoire qu'il nous
laissée. Supérieure, contredit, à toutes
Crassus, et son talent se fortifiait de jour en jour,
a sans lorsque, secondé par Antoine, et par Philippe
celles qui avaient parujusques alors, elle est déjà
cependant bien éloignée de la perfection, et l'on vieux, il plaida pour les biens de Pompéius.
Tout jeune qu'il était, Hortensius fut le princi-
sent combien cette branche des lettres latines a
pal défenseur de cette cause. Il était parvenu
encore besoin d'acquérir d'éclat et de dévelop-
pement. sans peine à marcher de pair avec ceux que j'ai
rattachés à l'époque de Sulpicius et quant à ses
Pour Q. Hortensius, sa première jeunesse fut égaux en âge, M. Pison, M. Crassus, Cn. Len-
marquée par des succès et son génie, comme les tulus et Lentulus Sura, il les devançait de bien
chefs-d'œuvre de Phidias, se fit applaudir aussi- loin. Il m'a rencontré à mon tour âgé de huit
tôt qu'il se montra. Ce fut sous le consulat de ans moins que lui, et a donné à mon émulation
Crassus et de Scévola, et devant ces consuls eux- bien des années d'un pénible exercice. Enfin,
mêmes, qu'il parla pour la première fois au fo- peu de temps avant sa mort, il a plaidé avec
rum, et il emporta les suffrages, non-seulement vous pour Appius Claudius, comme je l'ai fait
de tous les auditeurs, mais des deux meilleurs moi-même pour beaucoup d'autres.
juges qu'il y eût alors du talent oratoire. Il avait LXV. Vous voyez, Brutus, comment dans cette
à cette époque dix-neuf ans et il est mort sous revue des orateurs nous sommes arrivés jusqu'à
le consulat de L. Paullus et de C. Marcellus; ainsi vous. Toutefois beaucoup de noms se placent en-
sa voix s'est fait entendre au barreau pendant tre mes débuts et les vôtres. Comme j'ai résolu de
quarante-quatre années. Bientôt nous parlerons ne nommer dans cet entretien aucun homme vi-
plus amplement de cet orateur; j'ai voulu seu- vant,de peur que votre curiosité neme force dire

oratoribus quœdam in foro solitudo. Sulpicius occiderat tore paullo post plura dicemus; hoc autem loco voluimns
Cotta aberat, et Curio; vivebat e reliquis patronis ejns aetatem ejus in disparem oratorum aetatem includere
.Tlatis nemo, prœter Carbonem et Pomponium quorum qnanquam id quidem omnibus usuvenire necesse fuit
utrumque facile snperahat. qnihus paullo longior vita contigit, ut et cum multo majo-
LXIV. loferions autem tftatis erat proximus L- Sisenna, ribus ij.iLn quam essent ipsi, et cum aliquanto minoribus
doctus vir, et studiis optimis dedilus bene latine loquens,f compararentur. Ut Attius, iisdem aedilibus ait, se et Pacu-
gnarus l'eipublicsc non sine facetiis sed neque laboris vium docuisse fabulam, quum ille ocroginta, ipse tiiginta
multi nec salis versalus in causis interjeclusque inter annos natus esset; sic Hortensius non cum suis cequalibus
dnas aetates, Hortensii et Sulpicii, nec majorem consequi solum, sed etmeacum sctale,et cum tua, Brute, et cum
poterat, et mïnori necesse erat cedere. Hujus omnis facul- aliquanto superiore conjungitur; siquidem et Crasso vivo
tas ex liistoria ipsius perspici potest quee quam facile dicere solebat et rnagis jam etiam vigebat cum Antonio,
omnes vincat superiores tum iudicat tamen, quantum ab- et rum Philippo jamsene, pro Cn. Pompeii bonis diceute
sit a summo quamque genus hoc scriptionis nondum sit in illa causa adolescens quum esset, prïuceps fuit, et in
satis Latinis litteris illustralum. eoruin quos in Sulpicii ffitale posui, numerum facile per-
Nam Q. Ilortensii admodum adolescents ingenium, ut venerat; et suos inter œquales M. Pisunem, M. Crassum,
Phiiliœ signmn simul adspectum et probatum est. Is, L. Cn. Lenlulum, P. Lentulum Suram longe praslitit; et me
Crasso, Q. Scavola consulibus, primum in foro dixit, et adolescentem nactus octo aunis minorem, quam erat ipse,
apud hns ipsos quklein consules, et quum eorum, qui multos annos in studio ejusdem taudis exercuit; et tecum
affuerunt, tum ipsorum tousulum, qui omnes intelligentia simul, sicut ego pro multis, sic ille pro Appio Claudio di-
mteibant, judicio discessit probatus. Undeviginti annos xil paullo ante mortem.
natus erat eo tempore. Est autem L. paullo, C. Marcello LXV. Vides igilur, ut ad te oratorem, Brute, perveneri-
ronsulibus mortuus ex quo videmus eum in patronorum mus, tam multis inter nostrum tuumque initium dicendi
numéro annos quatuor et quadraginta fuisse. Hoc de ora. iuterpositis oraloribus? Ex quihus, quoniam inbocscr-
ce que Je pense de chacun je parleraide ceux qui son esprit, la nature encore moins. Cependant
ne sont plus. – Vous ne nous dites pas, interrom- l'activité et le travail, soutenus d'un nom en cré-
pit Brutus, la véritable cause de votre silence surr dit et d'un grand empressementà rechercher des
les vivants. Quelle est donc cette véritable causes, le placèrent quelques années dans les pre-

cause? Vous craignez sans doute que nous ne miers
rangs du barreau. Sa diction était correcte;
mettions le public dans la confidence de vos dis- ses expressions, sans bassesse; sa composition,
cours, et que ceux que vous aurez omis n'en con-
çoivent du ressentiment.
pourrez pas vous taire?
Eh quoi! vous ne
Pour nous, rien de
le
• méthodique. Du reste, nulles fleurs, nul éclat dans
style; beaucoup de mouvement dans la pensée,
et si peu dans le débit, qu'il disait tout sur le
plus facile; mais je pense que vous aimez mieux même ton, et d'une voix uniforme. Quant à Fim-
vous taire vous-même, que de mettre notre dis- bria, son ennemi et du même âge que lui, il ne
crétion à l'épreuve. Je l'avouerai, mon cher put
pas longtemps donner carrière à ses empor-
t
Brutus, je n'avais pas cru que cet entretien dût tements. Cet homme, qui nedisait rien sans crier,
nous conduire jusqu'à nos jours; mais la suite desi débitait avec une volubilité intarissable des paroles
i
temps m'a entraîné et déjà me voilà descendu assez bien choisies, mais accompagnées d'un
jusqu'aux plus jeunes de l'époque actuelle. geste si furibond, qu'on ne savait point à quoi
Revenez donc à ceux que vous croyez devoir ajou- pensait le peuple de prendre ce forcené pour un
ter ensuite parlons de nouveau et de vous ett orateur. Cn. Lentulus devait à son débit, plutôt
d'Hortensius. – D'Hortensius à la bonne heure;I qu'àuntalentréel,sessuccèsoratoires; il n'avait
mais de moi, d'autres en parleront, s'ils le jugentt nilafinessed'espritquiparaissaitdanssesregards
à propos. i
Non, non, dit Brutus; je vous ai et sur son visage, ni la richesse d'élocution que
écouté sans doute avec beaucoup d'intérêt; mais lui
i
attribuait aussi l'opinion trompée; mais des
l'impatience d'arriver à ce qui vous regarde m'a pauses et des excl amations habilement ménagées,
fait paraître le temps un peu long. Ce n'est pas, une voix douce et harmonieuse, des étonnements
au reste, ledétail des perfectionsdont votre talentt calculés et ironiques, enfin une action pleine de
se compose que je désire de vous; tout le monde chaleur, faisaient, sur ce qu'il n'avait pas, une
les connaît, et moi plus que personne je veux sa- complète illusion. Nous avons vu Curion, sans
voir par quels degrés ce talent s'est formé, et autre mérite qu'une diction assez abondante, tenir
suivre chacun de vos pas dans la carrière de l'é- son rang parmi les orateurs de même Cn. Len-
loquence. Vous serez satisfait, puisque c'est tulus,
médiocre dans les autres parties de l'élo-
i
l'histoire de mes travaux et non l'éloge de mon quence, rachetait ses défauts par l'action, dans
esprit que vous demandez. Toutefois je citerai laquelle il excellait. Nous en dirons à peu près
auparavant quelques autres noms, si vous y con- autant de P. Lentulus. La dignité de sa personne,
sentez, et je commencerai par M. Crassus, qui ses
mouvements pleins d'art aussi bien que de
était de l'âge d'Hortensius. grâces naturelles, la douceur et l'étendue de sa
LXVI. L'éducationavait peu fait pour enrichir voix, faisaient oublier la stérilité de son imagi-

mone nostro statui neminem eorum, qui viverent, nomi- Verum interponam, ut placet, alios, et a M. Crasso, qui
i
nare, ne vos curiosius eliceielis ex me, quid de quoque fuiltequalisHortensii.exordiar.
judic-aiem eos, qui jam sunt mortui, nomiiiabo. – Tum LXYI. Js igitur mediocriler a doctrina instructus, an-
Brutus, Non est, inquit, ista causa, quam dicis, quam- gustius etiam a natura, labore et industria, et quod adhi-
obrein de iis, qui vhunt, nihil velis dicere.– i
Quœnam bebat ad obtinendas causas curam etiam et gratiam, in
igitur, inquam, est?- Vereri te, inquit, arbitrai', ne perr principibus patronis aliquot annos fuit. In hujus oratione
nos hic sermo luus enianet et ii Libi succenseant quoss sermo latinus erat, verba non abjecta res composite dili
piœterieris. Quid? vos, inquam, tacere non poteritis?f genlcr; nullus nos tamen, neque lumen ulluni ammi ma-
Nos quidem, inquit, facillime; sed tamen te arbitror, gna, vocis parva contenlio, omnia 1ère ut similiter atque uno
malle ipsum tacere, quam tacitnrnitatetn noslram e\pe- modo dicerenlur. Sam hujus aîqualis et immiens C. Pim-
Tum
riri. i
ego, Yere inquam, tibi Brute, dicam non bria non ita diu jaclare se potuit qui omnia magna voce
me existimavi in uoc sermone usque ad hanc retatem esse dicens, verborum sane bonorum cursu quodam incitato,
t
venlurum; sed ila traxit ordo aetatum orationem, ut jam ita furebat tamen, ut mirarere tam alias res agere populum,
ad minores ctiam pervenerim. Interpune igitur, inquit, ut esset insano inter disertos locus. Cn. autem Lentulus

lmo vero, inquam, ad Hortensium; de me


si qui volent.
a
si quos videtur deinde redeamus ad te, et ad Elorlrnsiiitn. multo majorem opinionem dicendi actione faciebat, quam
dicent, quanta in eo facilitas erat: qni quum esset nec peracutus,
Minime vero, inquit nam etsi me facile quanquam et ex facie et ex vultu videbatur, nec abundans
omiii tuo sermone tenuisti, tamen is mihi longior videtur, verhis, etsi Tallebat in eo ipso, sic intervailis, exclama-
quod propero audire de te; nec vero tam de virtutibus di- tionibus, voce snavi et canora, admirando irridebat, cale-
î
Mndi tuis, quœ quum omnibus, tum certe mihi notissimœ bat in agendo, ut ea, quœdeerant, non desiderarentur.
i
sunt, qnam quod gradustuos, et quasi processus dicendi Ita, tanquam Curio copia nonnulla verborum, nullo alio
«tudeo cognoscere. Geretur, inquam tibi mos; quoniam> bono, tenuit oratorum locum, sic Cn. Lentulus ceteranim
me non ingenii prxdicatorem esse vis, sed laboris mei. virlutum dicendi mediocritatem aclione occultavit in qua
nation et la lenteur de son débit; il n'eut, en un beaucoup
1] de travail, parlait de son mieux, et
mot, aucun autre talent que celuide l'action dans parlait
] souvent aussi ne lui manqua-t-il, pour
tout le reste, il était encore inférieur à Cnéus. être consul, qu'un petit nombre de centuries. C.
LXVII. M. Pison dut tout à l'étude; et de Macer
] n'eut jamais un nom considéré; mais peu
ceux qui le précédèrent, pas un ne fut aussi pro- <
d'avocats déployèrent un zèle aussi actif. Si sa
fond que lui dans les sciences de la Grèce. Il 7
vie, ses mœurs sa physionomie enfin, n'eussent
tenait de la nature un genre de finesse que l'art décrédité son talent, il eût joui d'une plus grande
perfectionna beaucoup, et qui consistait à rele- renommée;
] son imagination, sans être abon-
ver, par une adroite et ingénieuse critique, les dante, n'était pas stérile; son style n'était ni très-
<

paroles de son adversaire; mais ses remarques brillant ni entièrement négligé; sa voix, son
étaient souvent passionnées, quelquefois un peu geste, toute son action, manquaient de grâces ¡
froides, d'autres fois aussi d'un bon ton de plai- mais
i il apportait à l'invention des preuves, et à
santerie. Promptementfatigué du barreau, il n'y leur distribution, un soin si admirable, que je
1

fournit pas une longue course sa santé était citerais difficilement un orateur qui sût mieux
<

mauvaise, et il ne supportait pas les sottises et approfondir et ordonner un sujet. Toutefois,


les impertinences qu'il nous faut dévorer; il les cette exactitudesemblait appartenir aux artifices
<

repoussait avec une indignation qu'on attribuait de la plaidoirie plutôt qu'à la véritableéloquence.
à une humeur chagrine, et qui n'était peut-être Sa voix se faisait écouter dans les grandes cau-
que l'expression franche et naïve d'un juste dé- ses cependant il paraissaitavec plus d'éclat dans
goût. Après avoir jeté assez d'éclat dans sa jeu- les affaires d'intérêt privé.
nesse sa réputation déchut peu à peu. Plus tard,1 LXVIII. Vient ensuite C. Pison, orateur d'une
le procès des Vestales lui fit beaucoup d'honneur; action calme et d'une abondancefamilière; il ne
et, rappelé dans la carrière par ce succès, il s'y manquait pas d'invention, et pourtant son air et
distingua aussi longtemps qu'il put soutenir le le jeu étudié de sa physionomie annonçaient en-
travail. Autant dans la suite il retrancha de ses core plus de finesse qu'il n'en avait réellement.
études, autant il perdit de sa gloire. P. Muréna M'. Glabrion, du même âge que lui, avait été
doué d'un talent médiocre, mais riche de con- formé par les excellentes leçons de Scévola, son
naissances historiques, aimant les lettres et les aïeul; mais sa paresse et son indolence arrê-
cultivant avec quelque succès, eut une activité tèrent son essor. Une diction élégante, un ju-
infatigable, et fut très-occupé. C. Censorinus, gement solide, une urbanité parfaite, tel était le
assez instruit dans la littérature grecque, expo- caractère de L. Torquatus. Parmi ceux de mon
sait sa pensée avec facilité, et son action n'était âge, un homme né pour tous les genres d'illus.
pas sans grâces; mais il était paresseux et haïs- tration, Pompée, se serait] fait un nom plus
sait le barreau. L. Turius, avec peu de génie et grand dans l'éloquence, si une autre ambition

excellens fuit. Neqiie multo secus P. Lentulus, ciijns et sœpe dicebat. Itaque ei paucae centuriœ ad consulatum de-
excogitandi et loquendi tarditatem tegebat formœ dignitas fuerunt. C. Macerauctoritatesempereguit, sed fuit patro-
corporis motus plenus et artis et venustatis, vocis et sua- nus propemodum diligentissimus. Hujus si vita, si mores,
vitas et magnitudo. Sic in boc nihil prêter actionem fuit; si vultus denique non omnem commendationem ingenii
cetera etiam minora, quam in superiore. everteret, majus noraen in patronis fuisset: non erat abun
LXVII. M. Piso quidquid habuit, habuit ex disciplina, dans, non inops tamen; non valde nitens, non plane hor
maximequeex omnibus, qui ante fuerunt, Graecis doctriuis rida oratio; vox, gestus, et omnis actio sine lepore; at in
eruditus fuit. Habuit a natura genus quoddam acuminis inveniendis componendisque rébus mira accuratio, ut non
(quod etiam arte limaverat), quod erat in reprehendendis facile in ullo diligenliorem majoremquecognoverim, sed
verbis versutum et solers, sed sape stomachosum non- cam, ut citius veteratoriam, quam oratoriam diceres. Hic
nunquam frigidum, interdtim etiam facetum. Is laborem, etsi etiam in publicis causis probabatur, tamen in privatis
quasi cursum forensem, diutius non lulit, quod et corpore illustriorem obtinebat locum.
erat infirmo, et hominum ineptias ac slultitias, quee de- LXVIII. C. deinde Piso, statarius, et sermonis plenus
vorandae nobis Eunt, non ferehat, iraeundiusque respue- orator, minime ille quidern tardus in excogilando, verum
bat, sive morose, ut putabatur, sive iusenuo liberoque tamen vuitu et simulatione multo etiam acutior, quam erat,
fastidio. Is quum satis lloruisset adolescens minor haberi videbatur. Nam ejus œqualem M'. Glabrionem, bene in-
est cœptus postea; deinde ex virginum judicio magnam stitutuin avi Sratvulœ diligentia, socors ipsius natura negli-
laudem est adeptus et ex eo tempore quasi revocatus in gensque tardaverat. Etiam L. Torquatus, elegans in di-
cursum, tenuit locum tam diu, quam ferre potuit laborem; cendo, in existimando admodum prudens, toto genere
postea, quantum detraxit ex studio, tantum amisit ex glo- perurbanus. Meus autem sequalis Cn. Pompeius, vir ad
ria. P. Murena mediocri ingenio, sed magno studio rerum omnia summa natus, majorem dicendi gloriam habuisset
velerum, litterarum et studiosus et non imperitns, multae nisi enm majoris gloriae cupiditas ad bellicas laudes abs-
industries et magni laboris fuit. C. Censorinus Grcecis lit- traxisset. Erat oratione satis amplus, rem prndenter vide-
teris satis doctus, quod proposuerat, explicans expedite, bat actio vero ejus habebat et in voce magnum splendo-
noninvenustiisactor, se>l inirs et inimicus fort. L.Turius rem, et in motn summam dignitatem. Noster item œqualis
parvo ingenio, sed multo labore, quoquo modo poterat, D. Silanus, vitricus tous, studii ille quidem habuit bob
te étalait devant le peuple ce qu'i avait de faconde,
ne l'eût entraîné vers la gloire plus éclatante
des guerriers il avait assez de richesse dans te
le et recueillait les bruyantsapplaudissementsd'un
style, un coup d'oeil sûr et pénétrant; quant à auditoire immense. On en peut dire autant de
e, Q. Arrius, qui fut comme l'auxiliaire et le second
l'action, sa voix était pleine d'éclat, et son geste,
d'une noblesse admirable. Un autre de mes égaux ix de M. Crassus. Cethommeestun exempleremar-
en âge, D. Silanus, votre beau-père, avait peu !U quable de ce qu'on peut faire dans Rome, en pro-
d'étude, mais assez de pénétration et de facilité. é. diguant à beaucoup ses soins officieux, et en
Q. Pompéius fils d'Aulus et surnommé le Bi- servant un grand nombre de citoyens dans leurs
thynique, âgé d'environ deux ans plus que moi,i, périls ou leur ambition: c'est par là que, né dans
était passionné pour l'éloquence, savant, labo- i- un rang obscur, Arrius parvint aux honneurs, à
rieux et doué d'une activité incroyable. Je puis is la fortune, à la considération, et se fit même, sans
le savoir; car nous l'eûmes, M. Pison et moi, i talent ni savoir, un certain nom parmi les avocats.
non-seulement pour ami, mais pour compagnon n Mais comme ces athlètes sans expérience qui sou-
de nos études et de nos exercices. Son action ne 1e tiennent avec succès les assauts d'un rival mais
faisait pas assez valoir ses paroles; celles-ci cou-î- qui, exposés au soleil d'Olympie, objet de tous
laient en effet avec quelque abondance; mais is leurs vœux ne peuvent en soutenir les ardeurs,
son débit avait trop peu de grâce. P. Autronius, s, ainsi Arrius, après avoir parcouru sans aucun re-
du même âge que lui, avait une voix forte et per- r- vers une carrière brillante, et porté même le
çante c'était là tout son mérite. Ajoutons L. poids de quelques grands travaux, succomba
Octavius de Réate qui, déjà fort occupé au bar- r- sous le soleil trop vif de l'année de réforme qui a
reau mourut à la fleur de l'âge il apportait à donné aux plaidoyers des limites sévères.
ses plaidoyers plus d'assurance que de prépara- 1- En vérité, dit alors Atticus, vous puisez
tion. Ajoutons encore C. Stalénus, qui s'était it jusque dans la lie, et déjà même depuis long-
adopté lui-même, et de Stalénus s'était fait it temps. J'ai gardé le silence; mais je ne pré-
Élius; il avait une éloquencefougueuse, empor- •- voyais pas que vous dussiez descendre jusqu'aux
tée, furibonde; et comme ce genre trouvait dee Stalénus et aux Autronius. Sans doute, lui
nombreux approbateurs, il serait parvenu auxx dis-je, vous ne me supposez pas des vues intéres-
dignités, s'il n'eût été surpris dans un crime ma- i- sées, puisque ceux dont je parle sont morts.
nifeste, et puni par la justice et les lois. L'ordre chronologique me fait nécessairement
trouver sur ma route les noms connus et les sou-
LXIX. Dans le même temps parurent les deux x venirs contemporains. Je veux d'ailleurs, en ti-
frères C. et L. Cépasius, avocats infatigables, rant de la foule tous ceux qui, sur le nombre,
dont une rustique et grossière éloquence porta ra-i- ont seuls osé faire entendre leur voix, établir
pidement à la questure la nouveauté sans gloire que
et bien peu sont vraiment dignes de mémoire,
et la fortune soudaine. Joignons ici, pour n'ou- que ceux même qui eurent un nom quelconque,
blier aucune voix parlante, C. Coseonius Cali- i- ne sont pas très-nombreux; mais revenons à notre
dius, qui, sans le moindre talent d'invention, sujet.
rauHum populo
sed acuminis et orationis salis. Q. Pompeius, A. cum multa concursationemagnoque clamore. Quod
se idem faciebat Q. Arrius, qui fuit M. Crassi quasi secunda-
F., qui Bithynicua dictas est, biennio, quam nos, fortasse
i-
major, snmino studio dicendi, multaque doctrina, incredi- rum. Is omnibus exemplo débet esse, quantum in hacurbe
hili labore atque industria; quod scire possum fuit enim m polleat multorum obedire tempori, multorumque vel ho.

mecum et cum M. Pisone, quum amicitia, tum studiis Hori, vel pericnlo servire. His enim rebus, inflmolocona-
exercitationibusqueconjunctus. Hnjus actio non satis com-n- tus et honores, et pecuniam, et gratiam cousecutas,
mendabat orationem in liacenim satis eral copia;, inillaetiam in patronorum, sine doctrina sine ingenio aliquem
autem leporis parum. Erat ejus œqualis 1'. Autronius, s nntnerum pervenerat. Sed ut pugiles inexercitati, etiamsi
et pugnos et plagas, Olympiorumcupidi, ferre possunt, so-
voce peracuta atque magna, nec alia re ulla probabilis; et
L. Octavius Reatinus, qui quum militas jam causas dice- lem
jam tamen saepe ferre non possunt; sic ille, quum omni
fortuna prospere functus labores etiam magnos exce-
ret adolescens est mortuus is tainen ad dicendum venie-
bat magis audacter, quam parate. Et C. Stalenus, qui se se pisset, illius judicialis anni severitatem, quasi solem non
ipse adoptaverat, et de Stalenu MYmm fecerat, fervido quo-
o- tulit.
dam, et petulanti et furioso genere dicendi quod quia ia – Tum Atticus, tu quidem de fœce, inquit, hauris,
s,
multis gratumerat et probabatur, adscendissetad honores, idque janidudum sed tacebam; hoc vero non putabam,
nisi in laciimre manifesto deprehensus, poenas legibus etet te usque ad Stalenos et Autronios esse venlurum. Non
judicio dedisset. puto, inquam existimare U; ambitione me labi, quippe
t,
LXIX. Eodem tempore C. et L. Cœpasii fratres fuerunt, de mortuis, sed ordinem sequens, in memoriam notam et
;s aequalem necessario incurro. Volo autem hoc perspici, om«
qui multa opera, ignoti hommes et repentiui, quaestores
celeriter facti sunt oppidano quodam et incondilo genere re nUÎus conquisitis, qui in multitudine dicere ausi sinl,
dicendi. Addamustrac etiam, ne quem vocalem praeteriisse se meinoria quidem dignos perpaucos; verum, qui omnino
videamur, C. Cosconium Calidianum, qui nullo acumine, nomen hahuerint non itamultos fuisse. Sed ad sermonem
«ara tamen verborum copiam, si quain habebat prabebat at institutum rcverlamur.
LXX. T. Torquatus,flls de Titus, formé à des Grecs la notre était l'objet de ses dédains,
Rhodes par les leçons de Molon, et doué par lai Orateur ingénieux etd'uneélocution douce, mais
nature d'une élocution facile, qui, s'il eût vécu,1 fuyant le travail de parler, je dirai même celui
i
l'aurait porté au consulat depuis l'extinction de la de penser, il appauvrit son talent de tout de qu'il
brigue, eut plus de talent pour l'éloquence que retrancha de son application.
d'incliaationàparlerenpublie. Toutefois, infidèle LXXI. Ici, Brutus m'interrompant Que je
à fart,mais fidèle au devoir, s'il eut peu de goûtvoudrais, dit-il, qu'il vous plût de nous entrete-
pour la parole, il n'en parla pas avec moins de nir aussi des orateurs qui vivent encore! Il en est
zèle dans les procès de ses amis et les délibéra- deux dontvousavez coutume de louer les talents,
tions du sénat. M. Pontidius, mon compatriote, César et Marcellus; j'aurais autant de plaisir à
plaida une multitude de causes privées les pa- vous entendre parler, sinon des autres, au moins
roles coulaient de sa bouche avec une sorte de de ces deux-là, que j'en ai pris à l'histoire de
volubilité, et ses plaidoyers ne manquaient pas ceux
qui ne sont plus. Et quel besoin, répon-
de mérite; je le dirai même, ils faisaient plusi dis je, avez-vous de mon avis sur des hommes
que de n'en pas manquer; mais il s'échauffait par que
vous connaissez aussi bien que moi?- Il
t
degrés jusqu'à la colère et l'emportement, au est vrai, dit-il, que je connais assez bien Marcel-
point de quereller, et son adversaire, et, ce quii lus mais César m'est peu connu j'ai souvent
est plus étonnant, le juge lui-même, dont l'ora- entendu le premier; quant au second, il s'est
teur doit se concilier la bienveillance. éloigné lorsque j'aurais pu avoir une opinion.
M. Messalla, plus jeune que moi, n'était dé- Que pensez-vous donc de celui que vous avez sou-

pourvu d'aucune des qualités de l'orateur; maisi vent entendu ? – Que voulez- vous que j'en pense,
il mettait peu de brillant dans ses expressions; sinon qu'il aura existé un homme qui vous res-
du reste, éclairé, pénétrant, en garde contre lessemble?- Vraiment, s'il en est ainsi, je ne sau-
pièges, approfondissant une cause avec soin ett rais trop désirer qu'il vous plaise. Il en est
ordonnant habilement sa défense, infatigable aut ainsi n'en doutez pas; et certes, il me plaît on ne
travail, rendant beaucoup de services, et em- peut davantage. Ce n'est pas sans raison il a étu-
ployé dans un grand nombre d'affaires. Les deux dié l'éloquence; que dis-je? il a renoncé pour elle
Métellus, Celer et Népos, étrangers à la plai- à touteautre étude; il en a fait l'unique objet de
doirie, mais non sans talent et sans instruction, ses travaux, et chaque jour il a perfectionné son
réussirent dans l'éloquence populaire. Cn. Len- talent par de continuels exercices aussi son style
tulus Marcellinus, qui sut toujours manier la pa- est riche et plein d'expressions choisies; l'éclat
role, parut dans son consulat plus éloquent que de
sa voix, la dignité de son geste donnent de la
grâce
jamais il avait une imagination vive, de la et du lustre à ses paroles, et tout concourt
i
facilité à s'exprimer, une voix sonore, et assez si heureusement en lui, que je ne crois pas qu'il
d'enjouement. C. Memmius, fils de Lucius, était lui
manque une seule des qualités de l'orateur.
consommé dans la littérature, je veux dire celle Ce
qu'on ne peut trop admirer, c'est que dans le

LXX. T. Torquatus, T. F., et doctus vir ex Rhodia di- fectus litteris, sed Grœcis; fastidiosus sane Latinarum;
sciplina Molonis.et a natura ad dicendum satis solutusat- argutus orator, verbisque dulois, sed fugiens non modo
que expeditns (cui si vita snppeditavisset, sublato ambilu, dicendi, verum etiam cogitandi laborem, lantum sibi de
consul faclus esset), plus facultatis habuit ad dicendum, facultate detraxit quantum imminuit industriae.
quam voluntatis. Itaque studio buic non satisfecit, oflitïo) LXXL – Hoc loco Brutus, Quam vellem, inquit, de
i
vero nec in suoruni necessarioiuni causis, nec in sententia his eliam oratoribus, qui hodie sont, tibi dicere luberet!
tenatoria defuit. Etiam M. Pontidius, municeps noster, Et, si de aliis minus, de duobus tamen, quos a te scie
multas privatas causas actitavit, celeriter sane verba vol. laudari solere, Caesare et Marcello, audirem non minus
vens, nec hebes in causis, vel dicam, plus etiam quam i lubenter, quam audivi de iis, qui fuerunt. Cur tandem?
non hebes, sedeffervescensin dicendo stoinacho sœpe ira. a- inquam, an exspectas, quid ego judicem de istis, qui tibi
cundiaque vehenïenlius; ut non cum adversario solum, sunt œque noti ac mihi ? – Milii mehercule, inquit, Mar-
sed etiam (quod mirabile esset) cum judice ipso, cujus j cellus satis est notus; Caisar autem parum ilium enim
delinilor esse debet orator, jurgio ssepe contcnderet. sœpe audivi; hic, quum rgo judicare jam aliquid possem,
M. Messala miuor natu, quam nos, nullo modo inops, abl'uit. – Quid igitur de illo judicas qnem supe audiaii'
sed non nimis ornatus génère verbontin; prudens, aculus, -Quid censes, inquit, nisi id, quod habiturusessimileni
minime incautus, patronus in causis co^noscendis corn tiiii* – Nœego, inquam, si ita est, velim tibi eum placera
poncndisowe diligens, magiii laboris, mult;e opérai, mul- quam maxime. Atqui et ita est, inquit, et vehementer
tarumque causarum. Duo etiam Hetelli Celer et Nepos place! nec vero sine causa; nam et didicit, et, omissis
nihi) in causis versati, née sine ingenio née indocli hoc ceteris studiis, unum id egit, seseque quotidianis com-
erant populace diceridigenusasseculi. Cn. autem Lentulus3 meiitalionibus acerrime exercuit. Itaque et lectis utitur
Marcellinus, nec unquam indisertus, et in consulalu per- verbis et frequenlibus, et spleudore vocis, et dignitate
eloquens visus est, non tardus sententiis, non inops ver. motus fit speciosum et illustre, quod dicitur; omniaque
bts voce canora, facetus satis. C. Memmius L. F-, per. sic suppetunt, lit ei nullam déesse virtutem oratoris pu-
loisir où nous condamne tous une fatalité mal- que je pense de César et ce que j'en ai souvent
heureuse, il sait se consoler par le témoignage entendu dire à Cicéron lui-même, si habile jtige
d'une conscience sans reproche, et goûter, en en cette matière. César est peut-être de tous nos
revenant sur ses études passées, de nobles jouis- orateurs celui qui parle la langue latine avec le plus
sauces. J'ai vn dernièrement cet homme à Mi- d'élégance et il ne doit pas seulement cet avan-
tylène oui, cet homme il est vraiment digne tage, comme on nous le disait tout à l'heure des
de ce nom. Je le dirai donc si avant cette épo- Léliuset des Mucius, aux impressionsreçues dans
que il me paraissait vous ressembler déjà par son la maison paternelle. Sans doute elles ont com-
éloquence, riche alors des trésors de science nou- mencé l'ouvrage; mais il n'est arrivé à cette ad-
vellement puisés dans les leçons d'un grand phi- mirable perfection que par des études variées et
losophe qui est aussi, je le sais, votre grand ami profondes, suivies avec une grande ardeur et un
le savant Gratippe, combien sa ressemblanceavec travail infatigable. Eh! ne l'avez-vous pas vu,
vous n'était-elle pas encore plus parfaite à mes ajouta-t-il en me regardant, vous adresser, au
yeux! Sans doute, dis-je à mon tour, les temps de ses plus grandes occupations, un savant
louanges d'un homme si vertueux, et qui nous traité sur la langue latine, dans le premier Livre
est si cher, sont agréables à mon oreille; cepen- duquel il dit que le choix des mots est la base de
dant elles me rappellent au sentiment des mal- l'éloquence? Oui, Brutus, après un tel ouvrage,
heurs publics; et c'était pour les oublier que je et l'éloge flatteur qu'y donne à Cicéron cet homme
prolongeais si longtemps cet entretien. Mais ve- dont Cicéron aime mieux m'entendre parler que
nons à César; je désire savoir quel est sur lui le d'en parler lui-même <> Quelques-uns, lui dit-
jugement d'Atticus. il en l'appelant par son nom, quelques-uns ont
LXXII. Vous persistez admirablement, dit essayé, à force d'usage et d'application, de pro-
Brutus, dans la résolution de ne rien dire vous- duire leurs pensées sous des formes brillantes;
même des orateurs vivants. il est vrai que si vous mais vous avez le premier découvert toutes les
en parliez comme de ceux qui ne sont plus, c'est- richesses de l'élocution et à ce titre, vous avez
à-dire, sans en omettre aucun, vous trouveriez bien mérité du nom romain et honoré la patrie •
sur votre chemin bien des Stalénus et des Au- je le répète, après un tel ouvrage, observer que
tronius. Soit donc que vousn'ayez pas voulu vous César excelle dans le langage simple et familier
jeter au milieu de cette foule, ou que vous ayez de laconversation, est une chose désormais inu-
craint les reproches de ceux que vous auriez pu tile.
omettre ou ne pas louer à souhait, vous pouviez LXXIII. – Certes, dit Brutus, l'amitié ne peut
cependant nous parler de César, d'autant plus trouver un plus bel éloge. Vous avez découvert
que votre opinion sur son talent est très-connue, « le premier toutes les richesses de l'élocution; »
et que son jugement sur le vôtre n'est pas équi- et c'est peu de cette louange magnifique « Vous
voque. Alors Atticus prenant la parole Quoi « avez bien mérité du nom romain et honoré la
qu'il en soit, dit-il, mon cher Brutus, voici ce patrie » En effet, le seul avantage que la Grèce

tem maximeque laudandus est, qui boc tempère ipsn, jus generis acerrimo seslimatore sœpissimc audio, illum
quum liceat, in hoc communi noslro et quasi falali malo omnium fere oratorum latine loqui elegautissime nec id
consolelur se quum conscientia optimse mentis, tum etiam solum domestica cimsuetudine ut dudum de l,aelloruin
usurpatione et renovatione doctrine. Yidi enim Mitylenis et Muciorum fauriliis auuiebamus sed, quaoquain id
nuper virum, atque, ut dixi, vidi plane viruin. I laque quoijue credo fuisse, lamen ut esset perfecta illa bene lo-
quum eum antea fui similcm in dicendo viderim, tu vero quendi laus, multis litteris, et iis quidem reconduis et
nunc a doctissimo viro, tibique, utinlellexi, amicissimo,
exquisitis, summoque studio et diligentiaest consecutus.
Cratippo, instrncluni omni copia, multo videbam simi- Quin etiam, in niaximisoccupationibus,quum ad te ipsum
liorem. Hic ego, Etsi, inquam, de optimi viri nobisque (inquil, in me intuens) de ratione latine loquendi accura-
amioissimilaudibus lubenteraudio, tamen incurro in me- tissime scripserit, primoqne in libro dixerit, verborum
moriam comimmium miseriarum,quarum oblivionem quœ- delectumoriginemesse eloquentiee, tribueritque, mi Brute,
rens, hune ipsam seriuoitem produxi longius. Sed de Cœ- luiic nostro, qui me de illo maluit, quam se dicere, lau-
sare cupio audire, quid tandem Atticus judiect. liem singalarem (nain scripsit bis verbis, quum bunc no-
LXX11. – Et ille, Pra-clare, inquit, tibi constas, lit mine esset alV.ttiis « ac, si cogitata praeclare eloqui pas-
de iis, qui nunc sint, nihil velis ipse dicere et hercle si sic sent, nonnulli studio et usu elaboraverunt,cujus teprcne
ageres, ut de iis egisti, qui jam mortui sunt, neminem ut principem copia: atque iuventorem bene de nomine ac
prœtermitleres,nae tu in multos Autronios et Stalenos in. dignitate populi romani meritum esse existimare debe-
curreres. Quare sive banc turbam efiugere voluisti sive mus m ) hune facilem et quotidianum novisse sermonem,
verilus es, ne quis se aut prrcteritum aut non satis lau- nunc pro relicto est habenduiu.
datimi queri posset; de Cfesare tamen potuisli dicere, LXXIII. – Tum Brutus, Amice, hercule, inquit, et
prœsertim quum et tuum de illius iugenio notisshnum ju- magnifice te laudatum puto, quem non solum principem
dicûini esset, nec illius de tuo obscurum. Sed tamen, Brute, atque inventorem copia? dixerit, quae erat magna laus,
inquit Atticus, de Ca?sare et ipse ita judico, et de hoc hu- sed etiam bene meritum de populi romani noaiioe et di-
vaincue conservât sur nous, lui est enlevé, ou du ce qu'ils valent, d'autant plus qu'il y aura tou-
mdins nous le partageons maintenant avec elle. jours bien peu d'excellents peintres et de bons
Oui, continua-t-il, je trouve ce glorieux témoi- statuaires, tandis qu'on ne manquerajamais d'ar-
gnage de César préférable, je ne dis pas aux tisans et de manoeuvres.
actions de grâces ordonnées en votre nom, mais LXXIV. Mais continuez, Atticus, et achevez (
aux triomphes de beaucoup de nos généraux. de payer votre dette. Vous voyez, reprit-il,
Vous avez raison, Brutus, repris-je à mon tour, que la base et le fondementde l'éloquence est une
si cet éloge que me donne César est l'expression diction correcte et vraiment latine; mérite qui
de son opinion et non de sa bienveillance. Car, n'était point, chez ceux qui l'ont possédé jus-
sans doute, s'il est un homme qui non-seulement qu'ici, le fruit de l'étude ni de l'art, mais l'effet
ait enrichi l'éloquence romaine, mais qui le pre- spontané d'une bonne habitude. Je ne parle pas
mier ait ouvert dans Rome les sources de l'élo- des Lélius et des Scipions; dans cet heureux siè-
quence, cet homme, quel qu'il soit, a fait plus cle, la langue était pure comme les moeurs. Ce
d'honneur à sa patrie que les vainqueurs des pla- n'est pas qu'il n'y eût des exceptions Cécilius
ces de la Ligurie, dont la conquête a donné lieu, et Pacuvius, contemporains de ces grands hom-
comme vous savez, à beaucoup de triomphes. Et mes, parlaient mal; mais en général tous ceux
à dire vrai, si l'on excepte ces grandes inspira- qui n'avaient point vécu hors de Rome, ou puisé
tions du génie, par lesquelles des généraux ont dans les exemples domestiques des leçons de
plus d'une fois sauvé l'État menacé, soit au de- mauvais goût, s'exprimaient purement. Toute-
dans, soit au dehors, un bon orateur l'emporte fois le temps a chez nous, comme dans la Grèce,
beaucoup sur un capitaine ordinaire. Mais les altéré cette précieuse qualité. Rome, ainsi qu'A-
services d'un général sont plus utiles Qui le nie? thènes, a vu affluer de toutes parts une multitude
et cependant (je ne crains pas que vous m'accu- d'étrangers qui apportaient un langage barbare
siez d'abuser du droit que chacun de nous a de nouveau motif pour épurer de plus en plus son
dire son opinion ) j'aimerais mieux avoir fait le style, et pour l'éprouver au creuset de fimmua-
seul plaidoyer de Crassus pour M. Curius, que ble raison, sans s'en rapporter à l'usage, le plus
d'avoir triomphé deux fois pour la prise de quel- mauvais de tous les guides. J'ai vu dans mon
ques châteaux. Mais il importait plus à la répu- enfance T. Flamininus, qui fut consul avec Mé-
blique de voir un château des Liguriens conquis tellus. On estimait sa pureté; mais il était sans
que la cause de Curius bien défendue Sans doute; lettres. Catulus, comme vous le disiez tout à
mais il importait plus aussi aux Athéniens d'avoir l'heure, ne manquait nullement d'instruction;
des maisons solidement couvertes, que d'avoir cependant c'est au charme de sa voix et à la
une belle statue de Minerve en ivoire; et cepen- douceur de sa prononciation qu'il dut la réputa-
dant j'aimeraismieux être Phidias, que l'ouvrier tion de bien parler. Cotta, pour ne pas ressem-
le plus habile à couvrir un toit. Ne jugeons donc bler aux Grecs, donnait aux voyelles un son
pas les talents sur ce qu'ils rapportent, mais sur large et plein, et son accent tout opposé, à celui
gnitate. Qu o enrm uno vincebamur a victa Graecia, id au
ereptum illis est, aut ccrte nobis cum illis communicatum.
Hanc autem, inquit, gloriam, testimoniumque Csesaris,
p
operarii autem aut bajuli deesse non possint..
rsesertim quum pauci pingere egregie possint, aut fingere;

LXXIV. Sed perge, Pomponi, de Cœsare, et redde,


tuœ qnidem supplicationi non .sed triumphis multorum quae restant. Solum quidem inquit ille, et quasi fun-
anlepono. – Et recte quidem, inquam, Brute; modo sit damentumoratoris vides, locutionem emendatam et tati-
hoc Cœsaris judicii, non benivolentite testimonium.Plus nam cujus penes quos laus adhuc fuit, non fuit rationis
enim certe altulit huic populo dignitatis, quisquis est ille, aut scientiae sed quasi lion» consuetudinis. Mitto C. Lse-
si modo est aliquis, qui non illustravit modo, sed etiam lium, P. Scipionem; aetatis illius ista fuit laus, ianquara
genuit in hac urbe dicendi copiam, quam illi, qui Ligurum innocentiae, sic latine loquendi nec omnium tamen nam
castella expugnaverunt; ex quibus multi sunt, ut scitis, illorum aequales, Cxcilium et Pacuvium, male loculos
triumphi. Verum quidem fi audire volumus omissis illis videmus sed omnes tnm fere, qui nee extra urbein hane
divinis consiliis, quibus sœpe constituta est, irapcralorum vixerant, née eos aliqua barbaries domestica infuseaverat,
sapientia, sains civitatis aut belli aut domi; multo magis recte loquebantur. Sed hanc certe rem deteriorem vetustas
orator preestal minutis imperatoribus. At prodest plus fecit et Romae, et in Grawia; conlluxerunt enim et Athe-
imperator. Quis negat? sed tamen (non metuo, ne mihi nas, et in hanc urhem multi inquinate loquentes ex divertis
acclometis est autem, quod sentias, dicendi liber locus) locis quo magis expurgandus est sermo, et adliibenda,
malim mihi L. Crassi unam pro M'. Ctirio dictionem, quam tanquam obrussa, ratio, quae mutari non potest, nec
castellanos triumphos duos. At plus interfuit reipublice, utendumpravissima consuetudinis regula. T. Flamininum,
castellnm capi Ligurum, quam bene defendi causam M'. qui cum Q. Metello consul fuit, pueri vidimus; existima-
Curii. Credo. Sed Atheniensium quoqueplus interfiiit firma batur bene latine, sed litteras nesciebat. Catulus erat ille
tecta in doraiciliis habere, quam Mînervœ signum ex ebore quidem minime indoctus, ut a te paullo est ante dictum
pulcherrimum lamen ego me Phidiam esse mallem, quam sed tamen suavitas vocis, et lenis appellatio liiterarmn
vel optimum fabrum tignarium. Quare non, quantum bene loquendi famam confecerat. Cotta quia se valde di-
quisque prosit sed quanti quisque sit, pondcramlum est; latandis litteris a similitudine Graecae locutionù abstraxe-
de Catulus, avait, il faut le dire, une légère ai lu beaucoup. Il a écrit aussi des mémoires de
teinte de rusticité. C'était comme une route dif- ses campagnes. Oui, répondis-je, et d'excel-
férente, qui, à travers des champs incultes et lents. Le style en est simple, pur, gracieux, et
sauvages, le conduisait à la même gloire. Sisenna dépouillé de toute pompe de langage c'est une
aimait tellement à s'ériger en réformateur de la beauté sans parure. En voulant fournir des maté-
langue, que l'accusateur C. Rusius ne réussit pas riaux aux historiens futurs, il a peut-être fait
même à le dégoûter des mots inusités. Que plaisir à de petits esprits, qui seront tentés de
voulez-vousdire, interrompit Brutus, et quel est charger d'ornements frivoles ces grâces naturel-
ce C. Rusius? – C'était un vieil accusateur qui les; mais pour les gens sensés, il leuraôtéà jamais
poursuivait en justice Chritilius et auquel Si- l'envie d'écrire; car rien n'est plus agréable dans
senna, défenseur de l'accusé, dit que quelques- l'histoire qu'une brièveté correcte et lumineuse.
uns de ses griefs étaient sputatilica. « Juges, Mais revenons, si vous le voulez, aux orateurs
s'écrie Rusius, on veut me surprendre, si vous qui ne sont plus.
ne venez à mon aide. Sisenna, je ne sais ce que LXXVI. C. Sicinius, né d'une fille de Q. Pom-
vous voulez dfre; je crains un piège. Qu'est-ce péius le censeur, et mort après sa questure, mérite
que cela, spulalilica? pour spula, je sais bien quelque estime, et en obtint de son temps. Il sor-
ce que c'est, mais tilica, je l'ignore. On éclata tait d'une école qui donne peu à la magnificence
de rire, et mon ami Sisenna n'en continua pas du style, mais qui offre des ressources à l'inven-
moins de croire qu'on parle bien, quand on ne tion, celle d'Hermagoras.Elle prescrit à l'orateur
parle pas comme tout le monde. des lois et des règles certaines. Si ses préceptes
LXXV. César, au contraire, prenant la raison n'ont pas un grand éclat (car ils sont un peu secs),
pour guide, corrige les vices et la corruption de ils ont au moins de la méthode, et ouvrent des
l'usage, par un usage plus pur et un goût plus routes qui ne permettent pas de s'égarer. C'est en
sévère. Aussi, lorsqu'à cette élégante latinité, suivant ces routes, et en venant au barreau bien
nécessaire à tout Romain bien né, ne fût-il pas préparé, que Sicinius, à l'aide d'une élocution
orateur, il ajoute les ornements de l'éloquence, assez facile, et dirigé par les principes et les rè-
ses pensées sont comme autant de tableaux par- gles de l'école se fit compter, encore jeune, au
faits qu'il place dans un jour favorable. Doué d'un nombre des avocats. Alors vivait aussi un homme
si beau privilége, qu'il unit d'ailleurs aux autres très-savant, C. Visellius Varron, mon cousin, qui
parties de l'art, je ne vois pas à quel rival il pour- était de l'âge de Sicinius. Il mourut étant juge de
rait le céder. Sa déclamationest brillante et pleine la question, après avoir exercé l'édilité curule.
de franchise; sa voix, son geste, tout son exté- J'avoue que le jugement du peuple à son égard
rieur a quelque chose de noble et de majestueux. différait du mien car il était peu goûté du publ ic.
-J'aime infiniment ses discours, dit Brutus; j'en Son style impétueux était obscurà force de finesse,

rat, sonabatque contrarium Catulo, subagreste quiddam legi. Atque etiam commentariosquosdam scripsit rerum
planeque subnisticum quasi inculta et sil-
alia quidem
vestri via, ad eamdemlaudem pervenerat. Sisenna autem,

suarum. Valde quidem, inquam probandos nudi enim
sunt recti et venusti omni ornatu orationis tauquam
quasi emendator sermonis usitati quura esse vellet, ne a veste detracta. Sed dum voluit alios liabere parata unde
C. Rusio quidem accusatore detc/reri potuit, quominus sumerent, qui vellent scrihere lnstoriam, ineptis gratum
inusitatis verbis uteretur. Quidnam isluc est ? inquit fortasse fecit.quî volent illa calamistris inurere; sanos

Brutus; aut quis est iste C. Rusius ? Et ille Fuit accu-
sator, inquit, vetus, quo accusante Chritilium Sisenna
quidem homines a scribendo deterruit. Nihil enim est in
historia pura et illustri brevitate dulcius. Sed ad «os, si
defendens, dixit, quaêdam ejus sputatilica esse critnina. placet, qui vita excesserunt, revertamur.
Tum C. Rusius, < Circumvenior, inquit, judices, nisi sub- LXXVI. C. Sicinius igitur, Q. Pompeii illius qui censor
venitis. Sisenna, quid dicas, nescio f raetuo insidias; spu- fuit, ex filia nepos, quaïstorius mortuus est; probabilis
tatilica, quid est hoc? sputa quid sit scio, tilica nescio. » orator, jam vero etiam probatus, ex hac inopi ad ornan-
Maximi risus; sed ille tamen familiaris meus recte loqui dum, sed ad inveniendum expedila, Hermagorae disci-
putabat esse, inusitate loqui. plina ea dat rationes certas et praecepta direndi; quae si
LXXV. Cœsar autem rationem adhibens consuetudi- minorem habent apparatum (sunt enim exilia) tamen ha-
nem vitiosam et corruptam pura et inconupta consuetu- bent ordinem, et quasdam enare in dicëndo non patientes
dine emendat. Itaque quum ad hanc elegantiamverborum vias. Has ille lenens, et paratus ad causas veniens, ver-
latinorum (quae etiamsi orator non sis, et sis ingénu us bornm non egens, ipsa illa comparatione disciplinaque
civis romanus, tamen necessaria est) adjungit illa oratoria dicendi, jam in patronorum numerum pervenerat. Erat
ornamenta dicendi; tum videtur tanquam tabulas bene etiam vir doctus in primis C. Visellius Varro, consobrinus
pictas collocare in bono lumine. Hanc quum habeat prae- meus qui fuit cum Sicinio œtate conjunctus. Is quum post
cipuam laudem in communibus, non video cui deheat cumlem œdilitatemjudex qusestionis esset, est mortuus
cedere. Splendidam quamdam, minimeque veteratoriam in quo faleor vulgi judicium a jndicio meo dissensisse;
rationem dicendi tenet, voce, niotu, forma etiam magni- nam populo non erat satis vendibilis praceps quaïdani
ficii et generosa quodam modo. Tum Brulus Oratiooes et quum idcirco obscura, quia peracuta, tum rapida, et
quidem ejus mihi vehementerprobantnr, complures autem celeritate caecata oratio; sed neque verbis aptiorem cite
tente de l'avenir l'est-elle plus encore! Cessons
et ses pensées échappaient dans la rapidité de son ¡
débit; mais je citerais difficilement un orateurdonc de gémir, et contentons-nous d'apprécier
les succès de chaque orateur, puisque c'est là l'ob-
qui le surpassât pour la justesse des expressions,
jet de nos recherches.
et l'abondance des idées. Il était d'ailleurs con-
sommé dans la littérature, et instruit dans le droitLXXVII. Parmi ceux qui ont péri dans cette
civil, dont son père Aculéon lui avait enseigné guerre, n'oublions pas M. Bibulus. JI écrivit
les principes. beaucoup et avec soin, surtout pour un homme
Reste encore, parmi ceux qui sont morts, L. qui n'était pas orateur; et de plus, il fit beaucoup
Torquatus, à qui le titre d'orateur, quoique la d'actions pleines de fermeté. Je citerai encore
parole ne lui manquât nullement, parait moins Appius Claudius, votre beau-père, mon collègue
convenirque celui d'hommed'État.Ilétaitsavant, et mon ami. Celui-ci réunissait à l'amour du tra-
et d'une science qui n'avait rien de vulgaire ni vail un savoir étendu, et un grand exercice de la
de superficiel son érudition était profonde et parole; il possédait en outre, avec la science de
choisie. Sa mémoire tenait du prodige; son style nos antiquités, celle du droit augurai, et de tout
réunissait au plus haut degré la force et l'élégance le droit public. Je citerai L. Domitius, qui, sans
et tous ces talents étaient relevés par l'intégrité aucune étude de l'art, parlait purement et avec
de ses mœurs et la dignité de sa vie. Je prenais une grande indépendance et les deux Lentulus,
aussi un extrême plaisir à entendre Triarius, dont personnages consulaires, dont l'un, Publius, le
les discours, malgré sa jeunesse, étaient pleins vengeur de mes injures et l'auteur de mon rap-
d'une savante maturité. Quelle sévérité dans sa pel dut aux préceptes des maîtres tout ce qu'il
physionomie! 1 quelle autorité dans ses paroles eut de talent oratoire. La nature ne l'avait pas
quelle mesure dans tout ce qui sortait de sa bou- favorisé de ses dons; mais il avait dans l'âme
che tant de noblesse et de grandeur, qu'il ne craignit
-Alors Brutus, vivement ému par ce souve- pas d'aspirer à tous les avantages de l'illustra-
nir de Torquatus et de Triarius, qu'il avait ten- tion, et qu'il soutint avec honneur le rôle le plus
drement chéris Oui, dit-il, sans parler des au- brillant. Quant à L. Lentulus, ce fut un orateur
tres sujets de douleur, qui sont innombrables,ces assez vigoureux, si toutefois il fut orateur; mais
deux noms réveillent en moi une pensée bien il ne pouvait soutenir la fatiguede penser. Sa voix
amère! Ah 1 pourquoi votre voix, qui ne se las- était sonore, ses expressions, plutôt choisies que
sait point de conseiller la paix, n'a-t-elle jamais négligées;enfin, son éloquence était pleined'àtne,
été écoutée? La république n'eût perdu, ni ces et avait des accents qui imprimaient la terreur.
deux hommes vertueux, ni tant d'autres grands On désirerait peut-être mieux au barreau; mais
citoyens. Faisons trêve, Brutus, à ces tristes à la tribune politique son talent peut paraitre
réflexions, pour ne pas aigrir nos blessures; car suffisant. T. Postumius n'était pas non plus à
si le souvenir du passé est amer, combien l'at- méprisercommeorateur.Comme citoyen, il parla

alium dixerim, neque sentenliis crebriorem. Prœtereaper- LXXVII. Sunt etiam ex iis, qui eodem bello occiderunt,
fectus in litteris, jurisque civilis jani a paire Acnleone tra- M. Bibulus, qui et seriptitavit accurate, quum pmsertim
ditam tenuit disciplinam. non esset orator, et egit multa constanter; Appius Clau-
Reliqui sunt, qui mortui sint, L. Torquatus, qnem tu dius, socer tuus, collega et familiarismeus; hic jam et sa.
non tam cito rhetorem dhisses ( etsi non deerat oratio), lis studiosus, et valde quum doclus, tum etiam exercitatus,
quam, ut Graeci dicunt, noXiTixâv. Erant in eo plurimœ orator, et quum auguralis, tum omnis publici juris anti-
litteree nec eae vulgares, sed interiores quaedam et recon- qnitatisque nostrœ bene peritus fuit. L. Uomitius nulla illa
rfitœ; divina memoria, summa verborum et gravitas et quidem arte, sed latine tamen, et multa cum libertate di-
elegantia; atque hœc omuia vitae decorabat dignitas et cebat. Duo prœterea Lentuli consulares, quorum Publius
integiitas. Me quidem admodum delectabat etiam Triarii, ille, nostraruin injuriarum nltor, auctor salulis quidquid
in illa aetate, plena litleratœ senectutis oratio quanta se- habuit, quantumcumque fitit, illud totum ex disciplina
veritas in vultu quantum pondus in verbis! quam niliil non instrumentanaturae deerant; sed tantus animi splendor, et
consideratum exibat ex ore! tanta magnitudo, ut sibi omnia, quae clarorum virorum
Tum Brutus, Torquati etTriarii menlione commotus essent, nondubitaretarfsciscere, eaqueomni dignitate ob-
(utnimqueenimeorumadmodumdilexerat),Nie ego, in- tineret. L. autem Lentulus salis erat fortis orator, si modo
quit ( ut omittam cetera, quae sont innumerabilia ),de istis orator, sed cogitandi non ferebat laborem. Vox canora,
duobus quum cogito, doleo, nîliil tuam perpetuam aucto- verba non ltonida sane,ut plena esset animi et terroris
ritatem de pace valuisse nam nec istos excellentes viros, oratio quffreres injudiciis fortasse melius; in republica,
nec multos alios praestantes cives respublica perdidisset. quod erat, esse judicares salis. Ne T. quidem Postumius,
Sileamns, inquam, Brute, de istis, ne augeamus dolo- contemnendus in dicendo; de republica vero non minus
rem nam et prœteritorum recordatio est acerba, et acer- vebercens orator, quam bellator fuit; effrenatus, et ac.er
bior exspectatio reliquorum. Itaqne omittaraus lugere, et nimis, sed bene juris publici leges alque iustituU cogno-
UDtum quid qui&que dicendo notuaritfqunniam id quae- verat.
timufl), piwdûttmnR. Hoc lofo Atticut. Pularem te, inquit, anatntlosum
imuTUS.
1.1 u" ~Ut
«tvec la même énergie qu'il combattit, emporté, soit a s'exercer dans le cabinet, soit il écrire, soit
ardent à l'excès, mais connaissant bien les lois à méditer; aussi faisait-il tant de progrès qu'il
et les principes du droit public. paraissait voler plutôt que courir. Chez lui un
Ici Atticus m'interrompant Je vous suppo- heureux choix de mots élégants s'arrondissait en
serais, dit-il, l'intention de flatter, si tous ceux périodes harmonieuses, et des arguments solides
dont vous recueillez les noms depuis quelque et nombreuxétaient relevés par unefoule de pen-
temps, n'étaient pas morts. Quiconque osa jamais sées fines et piquantes. Son geste était naturel-
se lever et parler devant des hommes, obtient de lement si gracieux, que l'art, qui cependant n'y
vous une mention. En vérité, je suis tenté de entrait pour rien, paraissait en avoir réglé les
croire que c'est par oubli que vous ne dites rien mouvements. Je crains qu'on ne soupçonne ma
de M. Servilius. tendresse d'exagérer son mérite; mais non et Je
LXXVIII. – Je n'ignore pas, Atticus, que pourrais encore louer en Pison de plus grandes
parmi ceux qui n'ont jamais ouvert la bouche en qualités. Car pour l'empire sur ses passions, ta
public, il en est beaucoup qui auraient m ieux parlé bonté du cœur, toutes les vertus enfin, je ne pense
que les orateurs dont je recueille ici les noms; pas qu'aucun Romain de son âge puisse lui être
mais cette énumération a au moins un avantage; comparé.
c'est de nous montrer combien il en est peu, sur LXXIX. Je ne crois pas devoir passer sous si-
la totalité des hommes, qui aient osé faire enten- lence M. Célius, quels qu'aient été à la fin de sa
dre leur voix; et combien peu, parmi ceux quii vie ou sa mauvaisefortune ou son mauvais esprit.
î'ont osé, ont mérité des éloges. Ainsi, je n'omet- Tant qu'il suivit mes conseils, aucun citoyen ne
trai pas même deux chevaliersromains, nos amis, défendit avec plus de fermeté, qu'il ne le fit dans
morts depuis peu, P. Cominius de Spolette, dont son tribunat, la cause du sénat et des gens de bien
l'éloquence était sage et facile, et contre lequel contre les fureurs populaires et l'audace insensée
j'ai défenduC. Cornélius, ni T. AttiusdePisaure, des pervers et ses courageux efforts étaient se-
a l'accusation duquel je répondais dans la cause condés par une éloquence brillante noble, et su r-
de Cluentius. Il parlait purement et avec assez tout pleine d'agrément et d'urbanité. Il prononça
d'abondance; il était en outre formé à l'école d'Her- plusieurs harangues d'une grande force, et trois
magoras, peu riche, il est vrai, d'ornements ora- accusations très- vives, toutes dans l'intérêt de la
toires, mais qui, en fournissant des arguments république. Ses plaidoyers, quoique inférieur.'
tout prêts pour chaque genre de cause, arme l'o- aux discours que je viens de citer, ne sont pour-
rateur, comme le vélite de traits qu'il n'a plus tant pas méprisables ni dénués de mérite. Porté ii
qu'à lancer. Mais je n'ai connu personne qui eut l'édilité curule par les vœux unanimes des gens do
plus d'ardeur et d'activité que mon gendre Pison; bien, je ne sais comment, une fois que je fus éloi-
je ne vois pas même qui l'on pourrait lui préférer gné de lui, lui-même s'éloigna de ses voies; il
du coté du talent il n'y avait pas un de ses mo- est tombé, dès qu'il s'est fait l'imitateur de ceux
ments qui ne fùt employé soit àplaider au barreau, qu'il avait renversés.

esse, si (nt dixisti) ii, quosjamdiu colligis, viverent. Oinnes do. Jtaque tantes processus efliciebat, ut evolare, mm
cnim commémoras, qui ausi aliquando sont stantes Jo- excurrere vtderetur eratque verborum et delectus elegans,
<]ui, «tmibiimpiudensM. Servilium praeteriisse videaie. P. et apta et quasi rotunda construclio qumnque ai-gumcutd
LXXVlIi. – Non, înquam, ego isluc ignoro Pomponi, excogitabanturab eo multa, et firma ad probandum tum
muttos fuisse, qui verbum nunqaam in publico fecissent, concuinœ acntœqne senlenliac gestusque naturaita venu-
quam melius aliquando possenl, quam isti oratores, quos stus, ut ars etiam, quac non erat, et e disciplina motus
colligo, dicere; sed his commemorandisetiam illud asse- quidam vidcretur accedere. Vereor, ne amore videarpluia,
quor, ut intelligatis primum, ex omni numéro quam non quam fuerint in illo, dicere; quod non ita est alia enim
multi ausi sint dicere; deinde, ex iis ipsis, quam pauci fuerint de illo majora dici possunt; nam nec continentia, nec pie-
laude digni. ltaque ne hos quidem equites romanos,amicos tate, nec ullo genere virtulis queinquam ejusdem actatis
nostros, qui nuper mortui sunt, P. Comînium Spoletinum, cum illo conferendum puto.
quo accusantedefendi C. Cornelium in quo et compositum LXXIX. Nec vero M. Cœliura 1)rmetereundum aibitror,
dicendi geiius, et acre, et expeditum fuit T. Attium Pi- qusecumqueejns in exitu vel fni-tuna, vel mens fuit qui
saurenseni, cujus accusationi respondi pro A. Cluenlio; quamdiu auctoritati meœ parait, talis tribunus plebis fuit,
qui et accurate direbat, et satis copiose, eiatque praHerea ut nemo contra civium perditorum popularem turbulen-
doctus Hermagoraepimeplis; quibus etsi ornamenta non tamque dementiam, a senatu, et a bonorum causa stelerit
satis opima dicendi, tamen, ut hastae veJitibus amentat* constantius quam ejus actionem, multum tamen et spleu-
sic apta quaedam, et parata singulis causarumgeneribus ar- dida, et grandis, et eadem in primis fac«ta et iwrurbana
gumenta traduntur. Studio autem neminem, nec industria commendabatoratio. Graves ejus conciones aliquot fue-
majore cognovi quanquam ne ingenio quidem qui prœ- runt, acres act jsationes très efpque omnes ex reipublicaj
stilerit, facile riixerim, C. Pisoni, genero meo nullum contentione suscept.'c; defensiones etsi illa, erant in eo
tpmpus illi unquam vacabat ant a forensi dictione, aut a meliora, qua3 dixi, non contemnendre tamen, saneque to.
comnientationc
incuiaiiuiiu domestica,
uijiiksikhrautaiu a sa nuo, aut
ibendo
saint cogitan-
ujgiiaii-
uuid a RiaDiies. llic
lerabiles. lut. quinn
qutimsnmma \oiui]iii[t; bonormn
Mimma voluntate «rum
uuuuruiu iKdiiiscu-
OtCfRON. –TOME . 28
|
Mais disons quelques mots de M. Calidius. Ce i grâce, il ne faut chercher rien de plus accompli;
n'était pas un orateur de la classe ordinaire que mais nous avons dit tout à l'heure que l'orateur
dis-je? il faisait presque à lui seul une classe pur- a trois devoirs à remplir, instruire plaire et tou-
ticulière. Ses pensées profondes et originales cher. Or, de ces trois parties de l'art, Calidius
étaient revêtues de formes légères et transparen- excellait dans les deux premières. II savait ré-
tes; rien de si aisé, rien de si flexible que le tour pandre sur une question la lumière la plus vive,
de ses périodes- Il faisait des mots tout ce qu'il et attacher par le plaisir l'esprit de ses auditeurs;
voulait; et nul orateur ne savait aussi bien que mais il manquait de cette troisième qualité, qui
lui se rendre maître de sa phrase. Sa diction était consiste à remuer les cœurs et allumer les pas-
claire comme le ruisseau le plus limpide. Elle sions, véritable triomphe de l'éloquence. Il n'a-
¡.
coulait avec une aisance dont jamais rien n'inter- vait aucune force, aucune véhémence; soit qu'il
rompait le cours. Pas un mot qui ne fût mis à sa ne voulût pas en avoir, regardant peut-être comme
place, et enchâssé dans le discours, comme les des forcenés et des gens en délire, ceux dont le
différentes pièces dans un ouvrage de marquete- ton est plus élevé, et l'action plus impétueuse;
rie. Pas un terme dur, inusité, bas ou recherché, soit que la nature ou l'habitude ne l'eussent pas
Au lieu du mot propre, il employait l'expression ainsi formé; soit enfin qu'il ne pût mieux faire.
figurée; mais avec tant de bonheur, que jamais Toutefois, si ce talent est inutile, il ne l'eut point;
elle ne paraissait usurper une place étrangère s'il est nécessaire, il lui manqua. Je me souviens
elle venait tout naturellement somettreàlasienne. même que dans ma réponse à son accusation
Au reste, rien chez lui de lâche ni de décousu contre Q. Gallius, auquel il reprochait d'avoir
tout était assujetti à une mesure, et cette mesure voulu l'empoisonner (complot qu'il avait surpris,
n'était ni apparente, ni toujours la même; elle disait-il, et dont il apportait des preuves mani-
savait se varier et se cacher sous mille formes di- festes, écrits, témoignages, révélations, aveux
verses. Son style étineeluitde ces ornements d'ex- faits à la torture), après qu'il eut savamment et
pressions et de pensées, que les Grecs appellent habilement disserté sur ce crime, je commençai
figures distribués dans tout le discours, c'étaient par faire valoir les arguments que fournissait la
comme autant de brillants qui en relevaient la cause; ensuite j'en tirai un nouveau, de ce qu'à
parure. II saisissait avec une grande sagacité le peine échappé à la mort, et tenant dans ses mains
point de la question, qu'il faut chercher dans les preuves irrécusables de l'attentat médité con-
les nombreuses formules des jurisconsultes. En- tre ses jours, il en parlait avec cette mollesse, ce
fin, ses plans étaient disposés avec art; son action, calme, cet abandon. Si
tout cela, M. Calidius,
noble, toute sa manière, pleine de calme et de sa- « était autre chose qu'une chimère, est-ce de ce
gesse. « ton que vous en parleriez? Je connais votre élo-
LXXX. Si la perfection consiste à parler avec
>•
quence, et vous plaidez avec chaleur quand il

rulis factus esset, nescio quoinndo dicessu meo discessit a LXXX. Quod si est optimum, suaviter diccre niliil est,
sese,ceciditque,posleaquain eus imitari cœpit, quosipse I quod nielius hoc quœrendum putes. Sed
quum a nobis,
J

perverterat. paullo aute diclum sit, tria videri esse, qui» orator etlicere
Sed de M. Calidio dicamus aliquid, qui non fuit orator deberet, ut doceret, ut deleclaret, ut moveret, duo sum-
unus e multis; potius inter multas prope singidaris fuit nie lennit, ut et rem illuslruret ilissercudo, et animos
ita reconditas exquisitasque sententias mollis et pellucens eorum, qui audireut, devinciret voluptate. Aberat tertia
vestiebat oratio; nihil tant tenerum quam illius comlxe- illa laus, qua pernioveret atque incitaret animos, quam
hensio verborum; uikil tam Ilexibile, nihil, quod magis plurimum pollere dhiinu's nec erat ulla vis atque cou-
ipsius arbitrio fingeretur, ut nullius oratoris œque in po- tenlio;sivecon$ilio,quodeos,quorum altior oratio, actio-
testate fuerit quae primum ita pura erat, ut niliil liqui- qiie esset ardentior, iurere et bacebari ai'biti'aretur,sive
dius ita libere fluebat, nt nusqiiam adhœresceret nulluin, quod natura non esset ita factus, sive, quod non cou-
nisi loco positum, et lanquam in « vermiculato emble- snesset, sive, quod non posset boc iiiium illi, si niliil uti-
male,»ut ait Liiciliiu structum verbum videres. Née litatis bahebal, abluit; si opus erat, drluit. Quiu eliani
veroullumaut durum, aut insolens, aut liumilc, aullon- inemini, qnum in accusatione sua Q. Gallio crimirà dedis-
gins ductum; ac non propria verba rernm, sed pleraque set, sibi euni raienum paravisse, idquc a se esse dcpre- e-
translata sic tamen, ut ea non irruisse in alienum locum liensum, seseqim chirographa testilicationes, indicia,
sed Immigrasse in suiun diceres nec vero liaec soluta, quaestionea, manifestam rem, deferre dicerel, deque eo
nec diftluentîa, sed adstricta numeris, non aperte, nec crimine accurate et exquisite disputavisset me in respon-
eodem modo semper, sed varie dissiniiilantcrque conclusis. dendo, quum essem argumentatus, quantum res ferebat,
Erant autem et verborum et sententiarum illa lumina, boc ipsum etiam posuisse pro argumento,quod ille, quum
quîe vocant Graxâ tryr\y.a.ïa, quibus tanquam însignihus pestem capitis sui, qtium indicia mortis, se comperisse
in ornatn distinguebaluromnis oratio. Qua de re agitur nianifesto, et manu lenerc diceret, tam solute egisset,
autem, ilhul quod multis locis in jurisconsultorumincln- tam leniter, tam oscitanter. « Tu istuc, M. Calidi nisi lin*
ditur fornlulis, id ubi esset, lidebat. Accedcbatordo rerum gères, sic ageres?praesertimquumistaeioquentiaalienoruiii
plenus arlis, actio liberalis, iQtnmque dicendi plaiiduni hominum périclita defendere acerrime soleas, tunm nc-
*i *;uui:n genus. gligeres? Ubi dolor? ubiardor animi, quietiamex infautiiuii
»
s'agit des dangers d'autrui; seriez-vous indiffé- admirable pour la parole. Son activité ne m'est
« rent sur
les vôtres? Où est le ressentiment de point connue par expérience; je sais que son
» l'injure? où est l'indignation qui arrache des goût le portait vers cet art. S'il avait continué
«
paroles touchantes et des plaintes amères de la d'écouter mes avis, il eut recherché les honneurs
« bouche
la moins éloquente? ni votreâme, ni vo- plutôtque les grandeurs. – Qu'entendez- vous par
« tre corps, ne
sontagités; vous ne vousfrappez ni là, dit Brutus et quelle est cette distinction?
«
le frontni la cuisse; jusqu'à votre pied, oui, vo- La voici, répondis-je. Tout honneur étant un prix
« tre
pied même demeure immobile. Aussi bien, décerné à la vertu par ('estime et l'attachement
« loin que vous ayez
échauffé nos esprits, nous des citoyens, celui qui le tient de leur volonté et
avions peine à nous empêcher de dormir sur nos de leurs suffrages me paraît vraiment honoré et
« sièges. » C'est ainsi que la sagesse ou le défaut mérite de l'être mais celui qui, profitant des
d'un grand orateur me fournit un argument pour conjonctures, a su, même en dépit de ses con-
réfuter son accusation. citoyens, s'élever au pouvoir, comme Curion
Pouvons-nous, dit Brutus, mettre en ques- désirait de le faire, celui-là n'a point acquis
tion si ce fut de la sagesse ou un défaut? Puisque l'honneur; il n'en tient que le nom. S'il eût voulu
de tous les mérites de l'orateur, le plus grandL entendre cette vérité, on l'aurait vu, glorieux
est, sans contredit, d'enflammer son auditoire et etchéri du peuple, parvenir au plus haut rang,
de lui faire prendre les impressions les plus favo- en montant de dignités en dignités, comme avait
rables à la cause, peut-on nier que celui qui man- fait son père, comme avaient fait tant d'illustres
que de ce talent, manque du plus esssentiel de Romains.
tous les talents? C'est aussi le langage que j'ai tenu bien des
LXXXI. A la bonne heure, Brutus; maiss fois à P. Crassus, fils de Marcus, qui dans sa
revenonsàHortensius,Ie seul dont il nousreste àt jeunesse avait recherché mon amitié. Je l'ex-
parler. Ensuite, je dirai quelques mots de moi- hortais vivement à regarder comme la route la
î
même, puisque vous l'exigez. Cependantil faut, je plus sûre pour arriver à la gloire, celle que ses
î
pense, faire mention dedeuxjeunes gens, auxquels ancêtres lui avaient laissée toute frayée. Il avait
il n'a manqué que de vivre plus longtemps pour reçula meilleure éducation, et possédait les con-
acquérir une hante réputation d'éloquence. naissances les plus étendues.Son imaginationétait
Sans doute vous voulez parler de C. Cnrion, [ett assez vive, et son style ne manquait ni de richesse
de Licinius Calvus. D'eux-mêmes; l'un débi- ni d'élégance; ajoutez un air grave sans hauteur,
tait une multitude infinie de pensées, souventmodeste sans timidité. Mais Fivresse d'une gloire
très-fines avec tant d'aisance et de facilité, qu'il qui
semblaitdevancer les années, l'entraîna aussi
n'y avait rien de plus orné tout à la fois et de pluss dans un précipice parce que soldat il avait bien
rapide que son style. Il dut peu aux leçons dess servi son général il voulut devenir tout à coïkp
t
maîtres; mais la nature l'avait doué d'un talent général son tour, oubliant que, d'après les lois

} cerle fuit qui si me audire voluisset, ut emperat, bo-


in gémis elicere voces et querelas solet? nulla perturbatio
animi, nulla corporis, non frons percussa non femur; nores quam opes, cousequi maluisset. Qnidnam est,
m1 inquit, istudPetqueniadniodumdistingiris?– Hocraodo,
liedis ( quod minimum est) nulla supplosio. Itaque tantum
ai)fuit, ut inflammares nostros animos; somnum isto Ioco inquam. Quum honos sit |;i;i-hmi]i>i virtutis, judicio slu-
vix tenebamus. » Sic nos summi oratoris vel sanitate, vel1 "dioque civium delatum ad aliquem, qui eum scnlentiis,
vitio, pro argumento ad diluendura crimen usi sumus. qui suffragiis adeptus est, is mihi et honestcis et honora-
Tum Brutus, Atque dubiUmus, inqnit, utrum istai tus videtur. Quiautemoccasionealiqua,etiam invitis suis
î
sanitas fuerit, an vitium ? qnis enim non fateatur, quum civibus, nactus est impcrium ut ille cupiebat banc no-
ex omnibus oratoris laudibus longe ista sit maxima iii. men
honoris adeptum non honoiern puto: Qu.*e si ille
flammare animos audientium, et, quoeumquo res postulatt audire voluisset, maxima rum gratia et g!oria ad «uni-
modo, flectere, qui liac virtute caruerit id ei, quod maxi- mam amplitudinempervenisset, adscendeati^radibusou-

mum fuerit, defuisse? gistratuum, ut pater ejus tecerat, ut reliqui chirores


LXXX [. – Sit sane ita, inquam sed redeamus ad eum viri.
qui jam unus restât, Hortensium tum de nobismel ipsis, Quœ quidem etiam eum P. Crasso, M. F., quuni inilio
quoniam id etiam Brute, postulas, pauca dicemus. Qnan- aetatis ad amicitiam se meam contulisset, sape egisee me
quam f.irienda mentio est, ut quidem mihi videtur, duo- arbitror, quum eum vehementer hortarer, ut eam UudiK
rum adolescentium qui si diutius vixissent, magnam es- • viam rectissimam esse duceret, quam majores ejus ei
sent eloquentiae laiidem consecuti. C. Curionem te, tritam reliquissent. Frat enim quum instilutus optime,
inquit Brutus, et C. Licinium Calvuin arbitror dicere. tum etiam perfecte planeque eruditus; ineratque et in-
– Ilecte inquam, arbitraris: quorum quidem alter [<jaaai geaium satis acre, et orationis non inelegaas copia; prie-
t
verisiraile dixisset] ita facile soluteque verbis volvebat tereaque sine arrogantiagravis esse videbatur, et aine se-
satis interduin acutas, (reliras qtiulem certe sententias, gnitia verecundis. Sed bnnc quoque absorbnit aestus qui- ¡-
lit niliil fïTissct omaiiui esse, nihil e.vpeditius. Atijue hic z dam insoliUEadolescenlibijsfîlorïœ: qui qtiianavarat mil*
aniagistris parum institutus, naturam habnitadmirabileiiii operam imperatori iiiiperi-ilui'em se statim e.t-M nipieUit
ad dicendum indusU-Kiin non sum expertus studiumi cui muneri uios majorum ojtatcm cortam,n,soriemi
soi'tom incertam
M.
.C.
de nos ancêtres, l'agi' <le briguer cet honneur est
e~.
lixé, et la chance de l'obtenir, incertaine. Aussi
ressembler
1
tiques ont quelque chose de mieux, et il ne faut
pas ignorer leurs degrés de mérite, les caractères
qui les distinguent, la nature et la variété de
sa chute fut déplorable, et en voulant
aux Cyrus et aux. Alexandre, qui, au lieu de leurs talents. Je veux, dites-vous, imiter les At-
fournir leur carrière, la franchirent d'un saut, tiques. Lesquels? car il y en a de plus d'une es-
il resta bien loin de L. Crassus et de beaucoup pèce. Quelle différence entre Démosthène et Ly-
d'autres grands hommes de la même famille. siasl entre Démosthène et Hypéride! entre tous
LXXXU. Mais revenons à Calvus; car c'est les trois et Eschine! Lequel donc imiterez-vous?
de lui qu'il devait être question. Cet orateur, L'un d'entre eux? les autres n'étaient donc pas
plus versé que Curion dans la connaissance des Attiques? Tous ensemble? comment ferez-vous,
lettres, avait aussi un style plus fini et plus étu- puisqu'ils se ressemblent si peu? Et ici, je de-
dié il lemauiait, sans doute, avec beaucoup de manderai encore si Démétrius de Phalère fut un
talent et de goût; cependant à force de s'observer orateur attique? Pour moi, Athènes elle-même
rt d'exercer sur lui-même une critique miuu- me semble respirer dans ses discours. Mais il est
tieuse, en évitant l'enflure, il perdait jusqu'au plus fleuri qu'Hypéride et LysiasC'est que son
véritable embonpoint. Aussi ce style, amaigri talent ou son choix l'ont porté vers ce genre.
par une correction trop scrupuleuse, pouvait LXXXIIT. On vit paraître à la même époque
éclairer des savants et des auditeurs attentifs; deux écrivains très-différents entre eux, et ce-
mais le peuple et le barreau, pour qui l'éloquence pendant Attiques Charisius, qui composa beau-
est faite, n'en gardaient point l'impression fugi- coup de discours pour les autres, et qui parais-
tive. -Notre ami Calvus voulait passer pour un sait vouloir imiter Lysias; et Démocharès, fils
orateur attique, dit alors Brutus. De là cette d'une sœur de Démosthène, qui, outre plusieurs
extrême simplicité qu'il recherchait à dessein. discours, écrivit d'un style plus oratoire qu'his-
Il le disait, répondis-je; mais il se trompait et il torique le récit de ce qui était arrivé de son temps
trompait les autres. Si l'on appelle attique, ce à Athènes. Mais Hégésias veut ressembler à Cha-
(lui n'offre aucune inconvenance, aucune préten- risius, et il se croit si Attique, qu'auprès de lu:
tion, aucune recherche, on a raison de n'estimer ceux qui Je sont véritablement lui paraissent bar-
que ce qui est attique c'est condamner l'imper- bares. Or, qu'y a-t-il de plus haché, de plus dé-
tinence et la bizarrerie, comme les écarts d'une cousu, de plus puéril que cette élégance symétri-
éloquence en délire; c'est approuver le bon sens que, dont, après tout, il n'est pas dépourvu? « Nous
et le naturel, comme un devoir de conscience voulons ressembler aux Attiques. » Fort bien.
pour l'orateur qui se respecte il ne doit y avoir « Ces orateurs ne sont-ils donc pas Attiques? »
à cet égard qu'une seule opinion. Si, au con- Qui pourrait le nier? « Ce sont eux que nous imi-
traire, on décore du nom d'attique une diction tons.. Comment 1 quand ils diffèrent entre eux
sèche, pauvre et aride, pourvu qu'elle soit châ- autant qu'ils diffèrent des autres? « Notre mo-
tiée, polie, élégante, j'y consens; mais les At- dèle, c'est Thucydide. » A la bonne heure, si vous
reiiquU..lia gravissimo suocasu, dura Cyri et Alexandri modo sit polita, dum urbana, dum elegans, in attico gé-
similis esse vulnit, qui suum cursum transcurrerant, et nere ponit, hoc recte dnntaxat; sed quia sunt in Alticis
L. Crassi, et mulLoruui Crassururu inventus est dissimil- alia meliora, videat, ne ignore! et gradus, et dissiniilitu-
limus. dines, et vim, et varietatem Atticornm. Atticos, inquit,
LXXXII. Sed ad Calvum (3s enim nobi« erafcprspositus) volo imitari. Quos? nec enim est unumgenns. Nam quid
revertaraur qui orator fuisset qnum litteris eruditior, est tam dissimile quam Demosthenes et Lysias? quam
qnam Curio, tum etiam accuratius quoddam dicendi et
idem, et Hyperides? quam omnium liorum yEschines?
exquisilius ullcrcbat genus quod quanquara scienter ele- Quem igitur imitaris? Si aliqueiii, ceteri erpo attice non
ganterquetraclabat, nimium tamen inqtih er.s in se, alqne dicebant si omnes, qui potes, quum sint ipsi dissimillimi
ipse iese observans, nietuensque ne vitiesum oolligeret inter set In quo etiam illud quaero, Phalereus ille Deme-
etiam Teruin sanguinem deperdebat. Itaque ejus oratio ni- tiius attieene dixerit mihi quidem ex illius orationibus
mia religione attenuata, doclis et attente audienlibus «rat redolere ipsœ Allunœ videutur. At est floridior, ut ila di-
illustris; a imiltitudine autem, et a foro, cui nata eloqnentia cam, quam Hyperides, quam Lysias. Natura quaedam
est, devornhatui. Tum Btulus, Atlicuin «e, jiiquit, aut volnntas ita dicendi fuit.
Calvin iwHiii ilici oratorem volebat; inde erat îsta exili- LXXXIII. Et quidem duo fuerunt ]ier idem Ipmpus riis-
las quam iUe Je industria consequebatur. Dicchat umilea inter se, sed Attid tamen quorum Charisius mul-
".iqiiam, ista; sed et ipse crraliat, et alios etkun en aie tarum orationum, qua« st^ribebat aliis, quum cupere vi-
cogebat. Nam ai qwis eos, qui nec inepte dicunt, nfic odiuse, derelur imitari Lysiam; Dtmwluircs autem, qui fuit
ueeputide, attioeputatdicere; is recte, nisi Atticuin,pro- Demostlieni sororis tilius, et orationes scripsit aliquot,
bat nemiueui. lusultfitatem enim et insulenliam, tanquam et earnm rerum bistoriaiu quae eranl Athenig ipsius aetate
in~8ninm .quamftaA1 .Qrat1+\IKti, otlil; 83uitatclu autem et gestte non tam kisloricu quam oratorio genere perscri ri
quasi reU^ooein
innaDiaUKptîiniKani*ratwiH«,
hpegoiteten,, et sanilatem
«dit; :autem et
verecundiam oraloris, psii. At Cbarisii vult flegesias osv; amilis, isque se ita pu-
inubiil. Hase umuiuni deliet onttotum eadein esse senten- tat Alticutn^ul veros iUos pneâc psenc agrestes putvt. Af
lia, SinauJeuiiJqjuuiUUeui,*l ikàtilem H iniipiaui.duiii' quid est tam Tractuiu tam mUiii uui tam in ipsa (quam
voulez écrire une histoire et non plaider des cau- ties de la Grèce; mais eux, lorsqu'ils plaident,
ses. Thucydide proclame avec franchise etdignité ils sont bientôt abandonnés, non-seulement des
les événements politiques; mais il ne s'est point spectateurs,chose déjàfort humiliante, mais des
occupé de cette éloquence populaire et animée amis qui ont accompagné leur client au tribunal.
qui convient au barreau. Quant aux discours Si une diction sèche etaride constitue l'atticisme,
qu'il a semés en grand nombre dans son histoire, qu'ils soient donc Attiques, j'y consens; mais
j'ai coutume d'en faire l'éloge; mais je nepourrais qu'ils parlent au comice, dans les procès où un
debout. Il faut, pour remplir
pas les imiter quand je le voudrais, et je ne le seul juge prononce
voudrais peut-être pas, quand je le pourrais. Un l'enceinte d'un tribunal, un ton plus élevé, une
amateur de vin de Falerne ne le veut ni tellement voix plus sonore. Je veux qu'à la nouvellequ'mi
nouveau qu'il soit recueilli sous les derniers con- orateur doit parler, on se hâte d'occuper les sié-
suls, ni si vieux qu'il remonte jusqu'au consulat ges, que le lieu de l'audience se remplisse, que
d'Opimius ou d'Anicius. Ce sont pourtant là les les greffiers s'empressent d'offrir ou de céder
meilleures années. » Sans doute; mais le temps a leurs places, que le concours soit nombreux et
fait perdre à ce vin ce parfum que nous recher- lesjuges, attentifs. Quand il se lève pour parler,
chons, et il n'est vraiment plus supportable. Di- je veux que l'assemblée se commande à elle-
rons-nous pour cela qu'il faut boire le vin au même le silence; je veux des signes d'approba-
sortir de la cuve? non certes, il le faut vieux; tion réitérés, des transportsd'admiration;je veux
enfin que le rire éclate, ou que les larmes cou-
mais raisonnablement. Je conseillerai de même
à nos orateurs d'éviter à la fois ce style trop lent au de l'orateur; en sorte qu'en voyant
de loin ce spectacle, même sans rien entendre,
moderne, que je comparerais au vin sortant du
pressoir, et qui fermente encore, et cette ma- on comprenne cependant que celui qui parle in-
nière de Thucydide, d'une date excellente, mais téresse, et qu'il y a stfr la scène un Roscius. Ce-
trop vieille comme le vin d'Anicius. Thucydide lu i qui obtiendra un tel succès sera véritablement
lui-mème, s'il était venu plus tard, aurait eu un orateurattique, comme le fut Périclès, comme
quelque chose de plus mûr et de plus moelleux. le fut Hypéride, comme le fut Eschine, comme
LXXXIV. « Imitons donc Démosthène. » Bons le fut surtout ce Démosthène dont nous parlons.
dieux, n'est-ce pas là le but de tous nos efforts, Mais si aux riches ornements de l'éloquence ou
de tous nos désirs? Ils diront que nous y réus- préfère une diction fine, spirituelle, et qui soit
sissons mal. Eh! nos prétendus Attiques ont-ils tout à la fois d'un goût pur, et saine dans sa sé-
donc l'heureux privilége de réussir en tout? Ils cheresse, et qu'on en fasse un attribut de l'atti-
ne comprennent pas même un fait attesté par cisme, je souscris a cet éloge car dans un art si
l'histoire, et qui ne pouvait manquer d'avoir varié et si grand cet esprit mince et délié trouve
lieu c'est que quand Démosthènedevait parler, aussi sa place. 11 s'ensuivra qu'on peut parler
on accourait, pour t'entendre, de toutes les par- avec atticisme sans bien parler, tandis qu'on ne

tamen consequitur) concinuitate puérile? Atticorum simî- volunt, assequuntur ne illud quidem intclligiinl, non modo
les esse voliiintis. Optime. Sunlne igitur ii Atlici oratoies? ita mémorise proditum esse, sed ita necesse fuisse, qiintn
Quis uegare potest? Hos imitamur. Quo modo, qui suutet Demosthenes dicturus essel, uteoncursus, audiendi causa,
inter se Assimiles, et aliorum'i'uucjdMcin, ioquit, irai- ex tota Gracia fièrent. At qiiiiin isti attici dicunt, non
tamur. Optime, sihistoriam scribere, non si causas dicere modo a corona, quod est ipsum miserabile, sed etiam ab
cogitatis. Thucydides enim rerum gestarum pronuntiator• advocatis relinquuntur. Quare si anguste et exiliter dicere,
sincerus, et grandis etiam fuit; lioc forense, concertato- est Atticorum, sint sane Attici sed in comitium veniunt
i
riura, j udiciale non tractavit gémis. O ra tiones autem quas ad stantem judicem dicant. Subselliagraudiorem et plenio-
interposuit (multae enim sunl), eas ego laudaie soleo imi- rem vocem desiderant. Volo hoc oratori contingat, ut,
tari nequc possim, si velim, nec velim fortasse, si possini i quum auditum sit eum esse dicturum, liais in subselliit
ut, si quis Falerno vino delecletur, sed eonec ita novo, occupetur, comnleatur tribunal, gratiosi scriba; sint îu
iit'proximis consulta natum velit, nec rursus ila vetere dando et cedendo loco, corona multiplex, judex erectus
ut Opimium aut Anicium consulemquœrat. Atqui eœ nota-quum surgit is, qui dicturus sit, siguiliCHlur a corona si-
sunl oplimEe. Credo; sed nimia vetustas nec habet eam lentium dcindc crebrœ assensiones inultre admicationes
quamquaeriinus, suavitalem,necest jam sanetolerabilis. risus,quum velit, quum velittletus ut, qui lirec procul\i-
Num igitur, qui hoc sentiat, si is polare velit, de dolio deat, etiamsi, quid agatur, nesciat at placere tamen, et 111
sibi hauriendum putet? minime; sed quamdani sequatur scena esse Rosciumiutellig.it.Haeccul continuant, eum scito
tetatem. Sic ego istis censuerimet novam istam, quasi dej attice dicere, ut de Pericle audivimus, ul de Hypéride,
musto ac lacu, fervidam orationem fugiendam, nec illam1 de dischine, de ipso quidem Demostliene maxime. Sin
praeclaram Thucydidis nimis veterem, tanqnam Anicianam1 autem acutum, prudens et idem sincemm, et soliduni t
i
notam pcrsequendam.Ipse enim Thucydides si posterius et exsiccatum genus orationis probant nec illo graviore
fuisset, inulto maturior fuisset et milior. ornatu oratorio utuntur, et boc pionrium esse Atticorum
LXXXIV. Demosthenem igitur imitemur. 0 dii boni! volunt recte huilant. Est enim in arte tanta tamque ia-
ipiid ipi.ïso, nos aliud agimns, ant quid aliud optamus?? ria, etiam liuic minutie «ubMlitali locus. Ita fiel, ni rnn
At non assequimur. Isti enim videlicet attici nostri quod1 omnes, qui attice, iidem bene; sed ut omncs,
q'ù bouc.
peut bien parler sans parler avec atticisme. Mais dira le contraire mais un orateur! et un orateur
revenons encore une fois à Hortensius. comparable à Lysias, dont le style est ce qu'on
LXXXV. – Volontiers, dit Brutus, quoique peut voir de plus achevé! L'ironie serait de bon
j'aie pris beaucoup de plaisir à entendre votre goût si nous plaisantions; mais si nous parlons
digression. -Et moi, interrompit Atticus, tenté sérieusement,prenez-y garde peut-être devrions-
plusieurs fois de vous interrompre, je n'ai pas nous mettre dans nos discours autant de cons-
voulu le faire; maintenant que votre discours me cience que si nous déposions er. justice. Oui j'es-
partit approcher de sa conclusion, je vons dirai time votre Caton comme citoyen, comme séna-
franchement ce que je pense. Parlez, At- teur, comme général, comme un homme enfin
ticus. J'admire, dit-il, l'ironie qu'on attribue qui excellait en prudence, en activité, en toute
à Socrate, et dont il fait usage dans les livres de espèce de vertu. Quant il ses discours, je les
Platon de Xénophon et d'Eschine elle me pa- trouve fort louables pour son temps; ils annon-
rait pleine de goût et de finesse. C'est, en effet, cent du génie toutefois c'est le génie sous une
une manière adroite et agréable à la fois, lors- forme brute, et que l'art n'a pas encore polie. Mais
qu'on discute sur la sagesse, de se la refuser à quand vous disiez que ses Origines sont rem-
soi-même et de l'attribuer ironiquement à ceux plies de toutes les beautés oratoires, quand vous
qui s'imaginent la posséder ainsi, dans Platon, mettiez Caton à côté de Philite et de Thucydide,
Socrate élève jusqu'au ciel Protagoras, Hippias, est-ce Brutus ou moi que vous croyiez persuader?
Prodicus, Gorgias et les autres, et se présente Eh quoi! des modèles, inimitables même aux
lui-même comme un homme étranger à toutes Grecs, vous leur comparez un habitant de Tuscu-
les connaissances. Cette plaisanterie a je ne sais lum, qui n'avuit pas encore la moindre idée de
quelle grâce dans sa bouche, et je ne suis pas ce qu'on appelle richesse et ornements du style!
de l'avis d'Épicure qui la blâme. Mais dans un LXXXVI. Vous louez Galba si c'est comme
entretien dont le but, tout historique, est d'ex- le premier de son temps, d'accord la tradition
poser le caractère de chaque orateur, prenez le représente ainsi. Si c'est comme orateur,
garde que l'ironie ne soit aussi répréhensible que voyons, je vous prie, ses discours (car ils exis-
dans les paroles d'un témoin qui dépose. Où tent), et osez dire que vous souhaitez à Brutus
tendent ces réflexions, lui dis-je? je ne le com- que vous aimez plus que vous-même, d'en faire
prends pas. -C'est, reprit-il, que vousavez loué de pareils. Vous estimez les discours de Lépidus
certains orateurs de manière à tromper un audi- je pense à peu près comme vous, si c'est comme
teur pcu éclairé. En vérité, j'avais peine à m'em- anciens que vous les estimez. J'en dis autant du
pêcher de rire, quand vous compariez notre Ca- second Africain j'en dis autant de Lélius, dont
ton à l'Athénien Lysias. Sans doute Caton est le langage t'lit, à votre avis, ce qu'il y a de plus
un grand homme, ou plutôt c'est un homme doux; vous ajoutez même quelque chose de plus
hors de pair, un homme unique; personne ne imposant, afin de surprendre notre admiration

iisdVm eliam attice dicant. Sed redeamus rursus ad Hor- hercule hominem, vel potius summum et singularem vi-
lensium. rum; nemo dicet secus; sed oratorem? sed etiam Lysi;«
LXXXV.-Sane quidem, inquit Brutus quanquam similem, quo nihil potest esse piclliis? bella irouia, si jo-
ista mihi tua ttiit pcrjncnnda a proposila oratione degres- careraiir sin asseveramus vide, ne religio nobis tam ad-
sio. – Tum Alticus Aliquolics sum, inquit, conatns, sed hibendï sit, quam si lestimonium diceremus. Kgo enim
inlerpellaienolni. Nunc, quoniam ad perorandum spectare Catonem tuum, ul civein lit senatorem lit imperatorem
videtur sermo Uius, dicam, opinor, quod seutto. – Tu ut viruni denique quuinprudtMilia et dili^ntia, tnm omni
vero, ini|iirim, Tilt\ – Tum i!le Ego, inquit, imniiim virtute e\ce!l«!iiteni,pro])o orationes autem ejus, ut illis
illam quam in Socrate rlicunl fuisse, qua ille lit Plalonis, temporibus, valde laudo;âignilicant eiutn quamdam for-
et Xennphontis, cl /Esthinis lilnis iilitur, facelam etele- rnam ingenii.sed admodum impolîtam, et plane rudem.
gantem puto. Est euim et minime inepli hominis et ejus- Origines vero qnum omnibus oratoris laudibus rotertas di-
dem etiam faceti, quiiin de sapienlia rtisnptctur, hanc ceres, et Calonem cum Philisto et Thucydide comparares,
sibi ipsum delralierc, ris tiiimere illudenlem, qui eam Rmtnne
Erlitoi)e te id cen*ebas, proltatunimP qnos
tiiiiii proliatiinin~P
censplt;ks, an milii qiios enim
eniiii
sibi airogent ul apud Platouetn Socrates in coeluru etlert née Grnrns quidem quisquam imitari potest, iis tu com-
laudibns Protagorun» ilipjùiun, Prodicum, (iorgiam, ce- paras honiînem Ttwiiiiauiim nondum sus])icanlera quale
teros; se autem om-uniu renim inseium fingit et ru- esset c-npiuse el oniale dicere.
dem decet hoc, nescio quomodo, illum; nec Kpk'ino, LXXXVI. Gulliain lauclas; si ut illius aetatis pnncipem,
qui idreprebendt, aesentior. Sed in historia, qua tu es assnttior; sic enim accepinuis sin lit oratorem, cedo,
usus in omni sermonc, quiun ipialis quisqne orator fuis- qg;rso orationes (sunt enim et die hune, quem tu plus
set, exponeres, vide, quirao, iiu|iiit, ne tam reprehendenda qnam le amas Uiuluin velle te illo modo dicere. Probas
sit iionia,qimm in testimmiio. Quorsiis, ir.quaui, istuc?
– ï ,< [ > i 1 1 i oiationes paullum hic titti assentior, modo ita lau.
lion enim intelligo. Qui» prinnun inquil, ila latidavistii diis, lit antiquas quod item de Africano, de La'lio, cujus
qnosdamointores, ut impcritos possps in wroreni indu- tu oratiouc negas licri quidquam posse duldus; add's
cere. Equidi'm in quibuwl un lïsrim vit U'neham qunin etiam nescio quît] augustius nomine nos ca])is summi
Aiilrt) Lysiï*; Cafonem nublnun < oinpaïahis magnum m\>- viri, vilîpque eleganljssima1- verissimis laudibiis. Remove
par le nom d'un grand homme, et l'éloge mé- remettrons à un autre temps. Il finit lire, en ef-
rité d'une vie pleine d'élégance et de politesse. fet, les ouvrages des anciens, et surtout de Ca-
Otez ces prestiges le discours dont vous vantez ton vous verrez qu'il ne manque rien à son des-
la douceur pourrait bien tomber si bas qu'on ne sin, si ce n'est une teinte plus brillante, et cette
daignerait plus y jeter les yeux. fleur de coloris dont on n'avait pas encore le se-
Carbon, je le sais, fut mis au nombre des cret. Quant au discours de Crassus, je pense que
grands orateurs; mais il en est de l'éloquence lui-mêmepouvaitpeut-êtrel'écrireencore mieux,
comme du reste ou loue ce qu'on a de mieux mais que lui seul en était capable; et quand je
quand ce mieux ne serait pas bien. Je pense la dis que cette harangue m'a servi de modèle, ne
même chose des Gracques, quoiquc à certains croyez pas que ce soit une ironie. Si vous avez
égards je souscrive à ce que vous en avez dit. Je une meilleure idée du talent que je puis avoir au-
laisse les autres, et j'arrive à deux hommes en jourd'hui, il n'en est pas moins vrai que dans ma
qui vous voyez déjà la perfection, que j'ai enten-jeunesse l'éloquence latine ne m'offrait rien de
dus moi-même, et qui, sans contredit, furent mieux à imiter. Si j'ai nommé un si grand nom-
de grands orateurs Crassus et Antoine. J'ap- bre de personnages, je l'ai dit tout à l'heure
prouve tout ce que vous avez dit à leur louange, c'est que je voulais montrer combien, dans une
sans croire toutefois que le discours en faveur de carrière où tous ont ambitionné la gloire, il en
la loi Servilia ait été votre modèle, dans le sens est peu qui l'aient obtenue. Cessez donc de croire
que Lysippe attache à ce mot, quand il dit que que je dis des contre-vérités, dût Scipion l'avoir
le Doryphore de Polyclète fut le sien. C'est une fait, comme le prétend l'historien Fannius.
pure ironie jene vous dirai pas pourquoi je pense Comme vous voudrez, répondit-il quant à moi,
ainsi; vous croiriez peut-être que je veux vous je ne vous croyais pas d'éloignement pour une
flatter. J'omets donc ce que vous avez dit de figure qu'ont employée Scipion et Socrate.
Crassus même et d'Antoine, de Cotta, de'Sulpi- Plus tard, dit Brutus, nous discuterons ce point;
cius, et enfin de Célius. Oui, ce furent, en effet, pour vous (ajouta-t-il en me regardant), vous
des orateurs; mais combien grands et de quelle nous expliquerez les discours qui restent des an-
espèce, c'est là-dessus que j'en appelle à vous. ciens ? Volontiers, Brutus; mais à Cumes ou
Pour cette autre foule que vous avez rassemblée àTusculum, un jour que nous en aurons le loisir,
sans omettre personne, je m'en inquiète peu il puisque nous sommes voisins dans ces deux cam-
est tel de ces artisans de paroles qui a dû être pagnes.
bien aise de mourir, pour être mis par vous au LXXXVIII. Revenons maintenantà notre su-
rang des orateurs. jet. Hortensius commença de très-bonne heure à
LXXXVII. Lorsque Atticus eut fini de par- parler au barreau, et fut bientôt chargé des plus
ler Vous venez, lui dis-je, d'entamer le sujet grandes causes. Kn entrant dans la carrière, il
d'un long entretien, et d'élever une question qui y trouva Cotta et Sulpicius, plus âgés que lui de
mériterait une discussion toute nouvelle. Nous la dix ans Crassus et Antoine, qui brillaient de toute

lisre ia ista dulcis oratio ita sit abjeela ut eam mis Catonis intelliges nihil illius lincamentrs nisi eo-
adspicere
netno velit. nmi pigmenlorum, qua? inventa noniliim erant, florem et
Carbonem in summis oraloribus liahitum scio;sed qnnin colorem defuisse. Nain de Crassi oratione sic exi&limo,t
in cete ris retms tnm in dicendo, semper, quo nihil est ipsum fortasse melius potuisse scril>ere; alium, nt arbi.
mclitis id laudari, qualecumque est, solet. Dioo idem de tror, neminem. Kec in hoc ironiam dixeris esse, quod eam
Gracchis etsi de iis ea sunt a te dicta, qnibits ego as- orationem mihi magistram fuisse dixerim nam et si tu me.
sentior. Omittn ceteros; venio ad eos in qnibus jam per- lius existimare videris de ea, si quam nnne hahemus, ta-
feetam putas esse eloquentiam, qnos ego audivi sine con. cultate;tamen, adolescentesquid in Latinis potius imita-
troversia magnos oratores, Crassum et Antonium. De lio- remur,nonhabebamus.Qnodaulttmpliiresanobisnoniinati
rum laudibns tibi prorsus assentior; sed tamen non isto sont, eo
pertinuit (ut paullo ante dixi), quod intelligi vn-
modo, nt l'olycleti Doryphorum sibi Lysippus aiebat, sic lui, ia eo, cujus omnes cupidissimi essent, quam pane)
tu suasionem legis Serviliœ tibi magistram fuisse liner, digni nomine evaderent. Quare EÎpwva me, ne si Africanug
germana ironia est; enr ita sentiam, non dicam, ne me quidem fuit (nt ait in historia sua C. Fannius), existiniari
tibi assentari putes. Omitto igitur, qiiiE de iis ipsis, quœ velim. – Ut voles, inqnit Atticus. Ego enim non alienum
de Cotta, quœ de Sulpicio, quae modo de Cœlio dixeris a te pntabam quod et in Africano fuisset et in Socrate.
ii enim fuerunt certe oratores; quanti aotem, et quales, Tum Brutus, De isto postea; sedtu (inquit, mr. intuena)
tu videris. Nam illud minus euro quod congessisti ope- orationes nobis veteresexplicabis?– Vero, inrruam Brute
rarios omnes; ut mihi videantur mori voluisse nonnulli, sed in Cumano, ant in Tusculano, aliquando, si modo
ut a te in oratorum numerum referrentur. licebit, quoniam utroque in loco vicini sumus.
LXXXVII. – HEccquum ille dixisset, Longi sermonis LXXXVIH. Sed jain adid, uude degressi sumiis, rew-
initium pepulisti, inquam, Attice, remque commovisti tainur. Horlensiusigiturqiuun admodum adolescent or«m
nova disputatione dignam, quam in aliud tempus dittera. esset iu foro dicere, celeriter ad majores causas ndhiheri
mus. Volvendi enim sunt libri quum aliorum, tum in pri- cmptus est. Quanquam inciderat in Cotte et Sulpicii a-La-
leur gloire; puis Philippe, enfin Julius; et son ta- f Hortensius était soldat; la seconde, tribun mi.
lent soutint dignement leparallèleavec ces grands litaire. Sulpicius et Antoine étaient absents com-
orateurs. Il avait une mémoire à laquelle je ne me lieutenants; onne rendaitde jugements qu'en
crois pas que nulle autre ait été comparable. Sans vertu de la loi Varia, toutes les autres procédu-
rien écrire, il retrouvait ses idées dans les mêmes res étant suspendues à cause de la guerre. Les
termes qu'il les avait conçues. Cette puissante fa- avocats les plus employés (indépendammentdes
culté lui rendait fidèlement tout ce qu'il avait soit accusés qui se défendaienteux-mêmes), L. Mem-
pensé, soit écrit, et lui rappelait, sans aucun se- mius et Q. Pompéius, n'étaient pas des orateurs
cours étranger, toutes les paroles de ses adver- du premier rang; toutefois c'étaient des orateurs.
saires. Son ardeur était si grande, que je n'ai ja- Dans ces causes témoignait Philippe, homme
mais vu personne de si passionné que lui pour le éloquent, dont les dépositions passionnées avaient
travail. Il ne passait pas un seul jour sans plaider toute la chaleur et tout le développement d'une
au barreau, ou s'exercer dans le cabinet, et sou- accusation.
veut le même jour il faisait l'un et l'autre. Sa Ceux qui passaient alors pour les maîtres de
manière était neuve et originale. Au moins avait- l'art étaient magistrats, et chaquejour j'assistais
il deux choses qui n'étaientqu'à lui: les divisions à leurs harangaes. C. Curion était tribun du peu-
par lesquelles il marquait les différents objets de ple au reste, il gardait le silence depuis qu'il il
son discours, les résumés par lesquels il rappe- s'était vu abandonné de toute l'assemblée. Q.
lait les arguments de son adversaire et les siens. Métellus Céler, sans être orateur, n'était cepen-
Heureux choix d'expressions brillantes, périodes dant pas sans quelque talent pour la parole. Q.
harmonieuses, fécondité inépuisable, telles sont Varius, C. Carbon, Cn. Pomponius, la maniaient
les qualités qu'il devait à un génie supérieur, for- avec facilité. Aussi ne quittaient-ils pas la tribune.
tifié par de continuels exercices. Sa mémoire em- C. Julius, édile curule, prononçait presque tous
brassait tout l'ensemble d'un sujet; sa pénétration les jours des discours soigneusement travaillés.
en saisissait tous les détails, et il ne laissait guère J'écoutais avec le plus curieux empressement
échapper aucun des moyens que fournissait la tous ceux que je viens de nommer, lorsque l'exil
cause, soit pour la preuve, soit pour la réfutation. de Cotta pénétra mon cœur d'un premier chagrin.
Sa voix était douce et sonore; son geste, plein d'art, Auditeur assidu de ceux qui restaient, je me li-
paraissait un peu étudié pour un orateur. Au mo- vrais avec ardeur à l'étude, et chaque jour écri-
ment des plus grands succès d'Hortensius, Cras- vant, lisant, traitant des sujets, je ne me bornais
sus mourut, Cotta fut exilé, le cours de la jus- pas encore à ces exercices oratoires. Varius ve-
tice fut interrompu par la guerre, et je commençai nait, l'année suivante, d'être exilé en vertu de
à venir au forum. sa propre loi. De mon côté, jaloux de m'instruire
LXXXIX. La première année de la guerre, dans le droit civil je passais beaucoup de temps

tcm, qui annis dcccm majores, excellente tum Crasso et alfero tribunus mililuin; Sulpicius legatus aberat etiam
Antonio, deinde Pliiliopo, post Julio, cuia iis ipsis dicendi M. Antonius; exercebaturuna lege judicium Vaiia, ceteris
gloria comparabatur.l'rimuin memoria tanta, quantam in propter bellum inter-missiq; qui frequentes aderant (quan-
ullo cognovisse me arbitror, ut, quœ secum commentatus quam pro se ipsidicebant) oratores, non illi qnidem prin-
esset, ea sine scripto verbis cisdem redderet, quibus co- cipes, L. Memmius et Q. I'oinpeius sed oratores tamen,
gitatisset. Hoc adjumento ille tanto sic utebatur, ul, sua, teste diserto uterque Philippo; cnjus in testimonio conten-
cliominentata,et scripta, et, nulle referenle omnia, adver- lioet vim accusatoris habebat, et copiam.
sariorum dicta meminisset. Ardebat autem cupiditate sic, Reliqui, qui tum principes numerabantur, in magistra-
ut in null» iinquam llagrantuu studium viderim. Niil)iin« tihtis erant, quolidiequeferea nobis in concionibus audie-
eiihii paticbatur esse diem quin ant in foro diceret, ant liantur. Erat enim tribunus plebis tum C. Curio quan-
incdilarctur extra forum; sœpissime eodem die utrumque quam is quidem silebat, ut erat semel a concione universa
fariebat. Attiileratqneminime vulgare geuus diccmli duas relictus. Q. Metellus Celer, non ille quidem orator, sed ta-
qnîdein res.quas nemoalius; partitiones, quibus de rehus men non infans; diserti autem Q. Varius,C. Carbo, Cn. Pom-
dicturus esset, et collcctiunes nirmor et quae essent dicta ponins et ii qnidem habitahant in rostris. C. etiam Jtilius
contra, quœqtie ipse dixisset. Erat in verborum splendore aedilis curulis, qtiotidie fere arxnralas conciones liabebal.
elegans, com[Wsitione aptus, farultale eopiosus; eaqne Sed me cupidissimum audiemli primus dolor percussit,
erat quum summo ingenio, tum excrcitalionibus maxiniis Cotta quum est expulsus reliquos fréquenter auiliens
consecutus. Rem romplectcbatur ineinoriter, dividehat acerrimo studio tenebar, quotidieque et scribens, et legens,
acute, nec prœtermiltebat fere quidquam (|uod esset in et commentans, oratoriis tantum exercilalionilms conten.
causa, aut ad confirmandum aut ad refellendum. Vnx tus non eram. Jam consequente anno Q. Varius sua lege
damnatus excesserat. Ego autem, juris cîvilis studio,
canora et suavis motus et gestns «iLiin plus artis habebat,
quam crat oratori satis. Hoc igitnr floresiwnte, Crassus est multum opera: dabam Q. Scœvolae, P. F., qui quanquam
innrltius, Colla piilsus, judicia inlermissa Imllo, nos. in nemini se ad docendum tlabat tamen, consiilcnlibus re-
forum venimus. snondrndo sludiosos audiendi docebal. Alqne hu'u anno
LXXVIX Krat IKntcnsius in belle, primo anno miles, nroxitnus Sulla cuimiiIb et l'mnneio fuit tum P. Niilpicii
auprès de Q. Scévola, (ils de Publius, qui, sans ment la parole Pomponius moins souvent Car-
faire profession d'enseigner, répondait seulement bon rarement; Philippe la prit une ou deux fois.
quand il était consulté, et donnait à ceux qui Pour moi pendant tout ce temps, je consacrais
désiraient l'entendre de savantes lecons. L'année les jours et les nuits à l'étude de toutes les scien-
qui suivit fut celle des consuls Syllaet Pompéius. ces. J'avais près de moi le stoïcien Diodote qui
Sulpicius, alors tribun, prononçait chaque jour habitait ma maison et qui est mort chez moi il
des harangues, où j'appris à connaître à fond son n'y a pas longtemps, après y avoir passé une
genre d'éloquence. A la même époque le chef de partie de sa vie. Entre autres études, il m'exer-
l'Académie, Philou ayant quitté sa patrie avec çait principalement à la dialectique, qui est, en
les principaux habitants d'Athènes à cause de la quelque sorte, l'éloquence abrégée et resserrée,
guerre de Mithridate, et s'étant réfugié à Rome, et sans laquelle vous avez jugé vous-même, mon
je me livrai à lui tout entier. J'étais épris d'un cher Brutus, ne pouvoir jamais parvenir à l'élo-
amour incroyable pour la philosophie; et cette quence véritable, qu'on appelle à son tour la
étude captivait d'autant plus mon attention, dialectiquedéveloppée.Toutefoisenme dévouant
qu'outre l'attrait qu'offraient à ma curiosité des aux leçons de ce maître et aux sciences diverses
matières aussi intéressantes et aussi variées, la et multipliées qu'il m'enseignait, je ne passais
carrière du barreau me paraissait fermée pour pas un seul jour sans m'exercer à l'art oratoire.
toujours. Sulpicius avait péri cette même année, Je composais tous les jours des déclamations
et la suivante vit immoler cruellement trois ora- ( c'est ainsi qu'on appelle maintenant ce genre
teurs de trois âges différents, Catulus, Antoine d'exercice), souvent avec M. Pison, d'autres fois
et C. Julius. Cette année-là, je pris des leçons avec Q. Pompéius, ou quelque autre. Je les écri-
de Molon de Rhodes, maître aussi habile qu'o- vais assez fréquemment en latin, mais plus or-
rateur distingué. dinairement en grec; ;soit parce que la langue
XC. Ces détails paraissent étrangers à mon grecque, plus féconde que la nôtre, m'accoutu-
sujet; cependant j'ai cru devoir y entrer pour mait à enrichir le latin des mêmes ornements,
vous, mon cher Brutus; car Atticns les connais- soit parce que les grands maîtres de la Grèce
sait déjà. Ils vous apprendront, puisque vous n'auraient pu, si je n'avais parlé leur langue, ni
l'avez voulu, la route que j'ai parcourue, et vous redresser mes fautes, ni me donner des lecons.
saurez comment, venu dans la carrière après Sur ces entrefaites arrivèrent de nouvelles secous-
Hortensius, je l'ai suivi en m'attachant à ses pas. ses politiques, la mort tragique de trois orateurs,
Rome fut trois ans à peu près sans guerre civile; Scévola, Carbon, Antistius, enfin le retour de
mais la mort, l'exil ou la fuite des orateurs (car Cotta, de Curion, de Crassus, des Lentulus, de
des jeunes gens même, Crassus et les deux Len- Pompée. Les lois et les tribunauxfurent rétablis,
tu tus étaient loin deRome), laissaientà Hortensius et la république fut arrachée au parti qui l'oppri-
le premier rang au barreau. Antistius était de mait mais l'éloquence perdit encore Pomponius,
jour en jour plus goûté; Pison portait fréquem- Censorinus, Muréna. Je commençai alors à me

m tribunatu quotidie concionantis totum genus dicendi rum Philippus. At vero ego hoc tempore omni, noctes et
penilus cognovimus; eodemque tempore, qunm princeps dies, in omnium doctrinarum meditationeversabar. Eram
AcadémiesPhilo cum Atheniensium optimatibus Mithrida- cum stoico Diodoto, qui quum habitavisset apud me,
tico bello domo profugisset, Romamque vcnisset, totum mecumque vixisset, nuper est domi meae mortuus a quo
ci me tradidi, admirabili quodam ad pliilosophiam studio quum in aliis rebus, tum studiosissime in dialectica exer-
concitatus, in quo hoc etiam raimmorabar attentius quod, cebar quae quasi contracta et adstricta eloquentiaputanda
etsi rernm ipsarum varielas et magnitndo summa me de- est; sine qua etiam tu, Brute, judicavisti, te illam justani
lectatione rctinebat, tamen siiblata jam esse in perpctuum eloquentiam, qnam dialecticam dilatatam esse putanl,
ratio judiciorum videbatnr. Occiderat Sulpicius illo anno, consequi non posse. Huic ego doctori et ejus artibus Tariis
tresque proximo triura aetatum oratoreserantcrudelissime atque mnltis ita eram tamen deditus, ut ab exercilatio-
iiileifecti, Q. Catulus, M. Antonius, C. Julius. Koilein nibus oratoriis nullus dies vacuus esset. Commentahar
auno etiam Moloni Rhodio Romae dedimus operam, et declamilans (sic enim uunc lnquuntur) sippe cum M. Pi-
actori summo causarum, et magislro. sone, et cum Q, Pompeio, aut cum aliquo quotidie idque
XC. Haec etsi videntur esse a proposita ratione divers» faciebam multumetiam latine, sed graece sœpius vel quod
tamen idcirco a me proreruntur, ut nostrum ciirsiiin per- graeca oratio, plura ornamenla suppeditans, consuetudi-
spioere quoniam voluisti, Brute, possis (nam Attico lurc nem similiter latine dicendi afferebat; vel quod a graeois
is
nota sunt), et videre, quemadmodum simns in spatio Q. summis doctoribus, nisi graece dicerem, neque corrtgi
Hortensium ipsius vesligiis persecnti. Triennium fere fuit possem, neque doceri. Tumnltus interim pro rectrperanda
nrbs sine armis sed oratorum autinteritu mit discossu, repiibliea, et crndelis inleritus oratorum trium, Scœvote
aut fuga nam aberant etiam adolescentes M. Crassus et Carbonis, Antistii reditus Cottae Curionis Crassi, I.cn-
Lcntuii duo; primas in causis agebat Hortensius; magis tuloi um Pompeii leges et judicia constituta recuperata
magisrjue quotidie probahalur Antistius; Piso sa'pc dioe- respublica; ex numéro autem oratorum Pomponitis, Cen-
bal minus sa'pe Pomponius, raro Carbo; semé! au! ite- sorimis, Murena sublati. Tum primum nos ad causas, et
ci
charger des causes publiques et privées. J'arri- danger,
( et me faire une manière plus réglée et
rais au barreau, non pour m'y former comme plus { sage, je résolus d'étudier une autre méthode,

presque tous l'ont fait; mais j'y apportais un ta- et e dans ce dessein je partis pour
l'Asie. Ainsi
lent aussi perfectionné qu'il avait été en mon après t avoir défendu des causes pendant deux x
pouvoir. Dans le même temps, je pris des leçons ans, et acquis déjà quelque célébrité au barreau,
i
de Molon qui, sous la dictature de Sylla, vint je quittai Rome.j
à Home pour y traiter des récompensesdues aux Arrivé à Athènes, je passai six mois avec An-
Rhodiens. Mon premier plaidoyer dans une af- tiochns, 1 le plus savant et le plus illustre philo-
faire criminelle, celle de Sext. Roscius, eut tant sophe
i de la vieille académie. La je recommençai
de succès, que désormais ma voix parut digne sous un mattre si riche de science, et si habile
de soutenir les causes les plus importantes. Beau- à la transmettre, l'étude de la philosophie que
coup me furent successivement confiées, et je jej
n'avais jamais abandonnée, et dans laquelle
consacrai toujours à les préparer la plus sérieuse ie n'avais cessé, depuis ma première jeunesse, de
attention et les veilles les plus assidues. cherchertous les jours quelque nouvelle connais-
XCl. Maintenant, puisque vous paraissez vou- sance. Dans le même temps, je ne laissais pas de
loir me connaître, non par quelques signes natu- m'exercer à l'art oratoire, auprès de Démétrius
rels, ou quelques marques particulières, mais par de Syrie, maître ancien et assez renommé. En-
tout l'ensemble de ma personne, j'ajouterai plu-
suite
je parcourus toute l'Asie, accompagné des
t
sieurs détails, qui sembleront peut-être assez peu plus grands orateurs, qui dirigeaient mes exer-
nécessaires. J'étais alors très-maigre et d'une cices avec beaucoup de complaisance. Le pre-
t
complexion très-délicate; j'avais le cou long et mier d'entre eux était Ménippe de Stratonice
mince; enfin une santé et une conformation qui, l'homme selon moi, le plus éloquent qu'il y eût
i
dit-on, n'est pas rassurante pour la vie, quand on alors dans toute l'Asie. Certes, si c'est le carac-
y joint le travail et de grands efforts de poitrine. tère
de l'atticisme de ne rien dire d'affecté ni
Aussi les personnes auxquelles j'étais cher s'end'inconvenant,cet orateur mérite d'être compté
i
alarmaient d'autant plus, que je prononçais un parmi les Attiques. Denys de Magnésie ne me
discours entier sans baisser le ton ni varier monquittait pas j'avais aussi auprès de moi Eschyle
débit, de toute la force de ma voix, et avec unee de Cnide, Xénoclès d'Adramytte c'étaient les
véhémence d'action à laquelle tout mon corps plus
célèbres rhéteurs de l'Orient. Je ne m'en tins
prenait part. Mes amis et les médecins me con- pas
encore là. Je vins à Rhodes, où je m'atta-
seillaient d'abandonner la plaidoirie.Mais je cruss chai de nouveau à ce même Molon, que j'avais
devoir m'exposer à tout plutôt que de renoncerr entendu à Rome. Habile avocat, excellent écri-
à la gloire que me promettait l'éloquence. Au vain,
il savait en outre critiquer avec finesse,
t
ma voix et mes efforts, et en changeant ma dé- II
reste, comme j'étais persuadé qu'en modérant et donnait avec un rare talent de savantes leçons.
réprima, ou du moins il fit tous ses efforts pour
clamation, je pourrais tout à la fois échapper auu réprimer les écarts où m'entraînait la fougue d'un
privatas et publicas, adirn cœpimus non ut in foro disce- dicere; ut consuetudinemdicendi mutarem, ea causa mihi
in Asiam proficiscendi fuit. Itaque quum essem biennium
hmiius, ijnod plerique feccrunt, sed ut, quantum nos
effi-
i-
rcrepotuissemus docti in forum veniremus. Eodem tem- i- versatns in causis, et jam in foro cdebralum meum no-
père Molnnidedimusoperam; dictatore enim Snlla, Iegatus îs men esset, Itoma sum profcclus.
ad senatum de Bbodioium praemiis venerai. Itaque prima la Quum venissem Athenas, sex menses cum Antiocbo,
causa publica, pro Sext. Roscio dicta, lanlum commen- i- veteris academise nobilissimo et prudentissimo pbiloso-
dationis habuil ut non ulla esset, quœ non digna noslro o pho, fui, studiumqnepbilosopliiac nunquam intermissum,
lialrocinio videretur. Deinceps inde multœ, quasnon minus is a primaque adolescentia cultnm et semper auclum hoc
diligenter elaboratas,et tanquam elucubratasafferebamus. s. rursus summo auctore et doctore renovavi. Eodem laineu
XCI. Kune, quoniam totum me, non nœvo aliquo aut lit tempore Athenis apud DemetriumSyrum vetereni et non
î
crepundiis, sed corpnre omni, videris telle cognoscere, ignobilem diceudi magislrum studiose exerceri solebam.
complectar nonnulla etiam quœ fortasse videantur minus is l'ost a me Asia tota peragrata est, cum summis quidcin
neccssiiiia. Erat eo tempore in nobis summa gracilitas et oraU>ribus, quibuscum exercebar ipsis lubentibus, quo-
iiifirmitas corporis, procerum et tenue collum; qui babi-rum erat princeps Mcnippus Stratonicensis, meo judicio,
tus et quœ figura non procul abesse putatur a vitae perr- f- tota Asia illis temporibus disertissimus et, si nihil habere
culo, si accedit labor et laterum magna contentio. Eoque je molesliarum nec ineptiarum Atticorum est, hic orator in
magis hoc eos, quibus eram carus, commovebat, quod )d illis numerari recte potest. Assiduissime autem mecum
oimiia sine remissiolle, sine varielate vi summa vocis, s, fuit Dionysius Magnes; crat etiam j-Escliylus Cnidius,
et totius corporis conteiitione dicebam. Itaque quum me ne Adramyttenus Xenoclcs. Hi tum in Asia rhetoium princi-
rtamici <!t raedicihoitarentur, ut causas agere désistèrentn pes numerabantur. Quibus non contentus, Rboduni veiti
ta
qnodvis pntius periculum mibi adeundum, quam a sperata meque ad eumdem, quem Romee audiveram, Molnnem,
(licendi gloria discedeudnm putavi. Sed quum censeremi applicavi quurn auctorem in veris causis scriptoremqne
remissinne et moderatione vocis, et commutato genere re pisestantem, tum in notandis animadvertendiMpmvitjis, et
dicendi, me et periculum \ilare posse, et temperatius us institiicndo doccudoque piudciilisaimiini. Is dedit operam
âyc impunément audacieux, et pour resserrer 1
clnns de justes limites le torrent débordé d'une
élocution redondante. Aussi, lorsque après deux
uns je revins à Rome, j'étais beaucoup mieux
~r". .r
a~, consulat; Hortensius, resté à Rome,
sortir du
était le premier, et au barreau, et dans l'opinion
publique. A mon retour de la Sicile après un an
d'absence, mon talent, quel qu'il soit, parut ar-
exercé, ou pour mieux dire, je n'étais plus le rivé à la perfection dont il était susceptible, et,
même. Ma déclamation était moins véhémente, pour ainsi dire, à son point de maturité. Ces dé-
mon style, moins impétueux, D'un autre côté, ma tails sur moi-même sont peut-être un peu longs,
poitrine s'était fortifiée, et mon corps avait acquis surtout dans ma bouche mais ce n'est pas mon
un embonpoint raisonnable. talent et mon éloquence dont je prétends ici vous
XCII. Deux orateurs excellaient alors, Cotta faire l'histoire; loin de moi cette vanité ce sont
et Hortensius, et leurs succès allumaient en moi mes travaux, c'est l'emploi de mon temps que
la plus vive émulation. Le premier, doux et cou- je vous fais connaitre. Après avoir, pendant cinq
lant, exprimait avec aisance et facilité des pen- ans à peu près, plaidé beaucoup de causes et tenu
sées revêtues de l'expression la plus naturelle; niivplace parmi les principaux avocats, je fus
l'autre, orné et plein de feu, n'était pas tel que chargé des intérêts de la Sicile, et je soutins,
vous l'avez connu, Brutus, déjà sur le déclin de édile désigné, contre Hortensius désigné consul
son talent il avait un tout autre mouvement et la lutte la plus vive que j'aie eue avec lui.
de style et d'action. Il me sembla donc que c'é- XCIII. Mais comme ce n'est pas seulement une
tait surtout coutre Hortensius que j'avaisàlutter, énumération des orateurs, mais quelques utiles
parce que c'était de lui que mon âge, et la cha- leçons que nous cherchons dans tout cet entre-
leur qui m'animait en parlant, me rapprochaient tien, je puis dire en peu de mots ce qu'une cen-
davantage. Je remarquais aussi que dans les cau- sure impartiale peut, selon moi, reprocher à
ses où je les avais vus plaider ensemble, comme Hortensius. Après son consulat, voyant qu'aucun
celle de M. Canuléius et celle du consulaire Dola- de ceux qui avaient joui de la même dignité ne
bella, Hortensius avait toujours rempli le premier pouvait rivaliser avec lui, et s'inquiétant peu sans
rôle, quoique Cotta eût été choisi comme princi- doute de ceux qui n'avaient pas été consuls, il
pal défenseur. C'est qu'unegrande réunion d'hom- laissa refroidir ce zèle ardent qui l'avait enflammé
mes et le fracas du barreau demandent un ora- dès sa jeunesse, et voulut profiter de sa grande
teur ardent et passionné, une action forte et une fortune pour mener une vie, selon lui plus heu-
voix sonore. Pendant l'année qui suivit mon re- reuse, à coup sûr plus oisive. La première, la
tour d'Asie, je fus chargé de plusieurs causes im- seconde, la troisième année, firent sur son élo-
portantes. Je sollicitais alors la questure; Cotta, quence l'effet du temps sur une ancienne pein-
le consulat; Hortensius, l'édilité. Après ma ques- ture l'affaiblissementdu coloris, sans être sen-
ture vient l'année où j'allai en Sicile remplir les sible pour le spectateur vulgaire, ne l'était que
mêmes fonctions. Cotta partit pour la Gaule au trop pour les juges éclairés. Bientôt, par un mal-

(si modo id cousequi potuit), ut nimis redundantes nos, bebatur Hortensius. Quum autem anno post e Sicilia me
et siipcrftuentes juvenili quadam dicendi impunilate et li- recepissem,jam videbatur illud in me, quidquid esset, esse
centia, reprimeret, et quasi extra ripas diftluentescocrcc- perrectum, et habere maturitatem quamdam suam. Nimis
ret. Ha recepi me biennio post, non modo exercitatior, multa videor de me, ipse prœsertim sed omni buic sermo.
sed prnpe mutatcis; nam et contenlio nimia vocis recide- ni propositumest, non ut ingenium et eloquentiam meam
rat, et quasi referverat oratio, laterib(isque tires, et cor- perspicias,undelongeabsum, sedutlaboremetindustriam.
pori mediocris habitus accesserat. Quum igitur essem in plurimis causis, et in principibus
XCII. Duo tum excellebant oratores, qui me imitandi patronis, quinquennium fere versatus, tum in patrocinio
cnpiditate iiicitarent, Cntta et Hortensius quorum alter Sicilîensi maxime in certamen veni designatus sedilis cum
remissus, et lenis, et propriis verhis comnieliendens so- designato consule Hortensio.
lute et facile sententiam; alter ornatus, acer, et non XCIII. Sed quoniam omnis hic sermo noster non solum
talis qualem tu eum, Brute, jam deflorescentem cognovisli, enumerationemoratoriam, verum etiam praecepta quaedam
sed verborum et actionis geoere commolior. Itaque ctun dcsiderat; quid tanquam notandum et animadverlendum
Ilortensio mihi magis arbitrabar rem esse, quod et dieendi sit in Ilortensio, breviter licet dicere. Nam is post consu-
ardore eram propior, et aîtale eonjiiiielîor. Etenim videram latum (cedo quod videret, ex consulariblis neminem esse
in iisdem causis, ut pro M. Canuleio, pro Cn. Dolahclla secum comparandum, negligeret autem eos, qui consules
consulari quum Cotta princeps adliibitus esset, priores non missent.), summum illud suum studium remisit, quo
taine» agere partes Hortcnsium. Aciem enim oratorem, a puern fuerat incensus, alque in omnium rernm m abun-
incensum et agentem, et canornm concursus bominum dantia voluit beatius, ut ipse putabat, remissius certe vi-
forique strepitus desiderat. Unum igitur aiiiium qnum re- vere. Primus, et secundus annus, et tertius tintiim quasi
(lussemiis ex Asia, causas nobilcs egimus, qninn quîestu- de piclunc vêtais colore detraxerat, quantum non quivis
ram nos, consulatum Cotla, .Tdilitatero peteret Hortensius. unns ex populo, sed «xislimator doctus et intelligens pos-
Interim me qua-stort'in Sieiliensis excepit annus; Cotta r.x set cognoscere. Longius autem procerlens, et in retPiï?
consulatu est profectus in Gailiam pi inceps et erat et lia- eloqiieutiae partibus, tum maxime in celei itate et continua
heureux progrès, tout dégénéra chez lui, mais | | important de l'éloquence celui de communiquer
principalementcette élocution facile et rapide qui à l'esprit du juge toutes les impressions favora-
semblait couler de source. Une péuiblc hésitation bles à sa cause.
l'avait remplacée, et Hortensius paraissait cha- XCIV. Il ne restait presque plus rien d'Hor-
que jour plus différent de lui-même. Pour moi, tensius, lorsque, arrivé à l'âge fixé par les lois,
je ne cessais de perfectionner par toutes sortes six ans après son consulat, je fus fait consul à
d'exercices, et surtout en écrivant beaucoup, ce mon tour. C'est alors que, me voyant son égal en
que je pouvais avoir de talent. Je passe rapide- dignité, il craignit ma rivalité pour le reste, et
ment sur cetteépoqueet sur les années qui suivirent se remit au travail. Ainsi, pendant les douze an-
mon édilité. Je fus fait préteur; je fus nommé le nées qui suivirent mon consulat, nous fûmes char-
premier, et nommé avec une étonnante unanimité gés l'un et l'autre des plus grandes causes. Tou-
de suffrages; mon assiduité au barreau, mon jours parfaitement nnis, je le mettais au-dessus
zèle, une méthode oratoire qui s'éloignait des de moi; il me mettait au-dessus de lui; et si mon
routes communes et plaisait par sa nouveauté, élévation avait d'abord légèrement blessé son
avaient fixé sur moi l'attention des citoyens. Ici amour-propre, l'estime qu'il conçut pour mes
ce n'est plus de moi-même que je parleje parte des services établit entre nous une étroite liaison. No-
autres orateurs. Il n'y en avait pas un seul qui pa- tre grande habitude du forum se manifesta sur-
rût avoir une connaissance plus approfondie que tout quelque temps avant cette époque de terreur,
le peuple, de la grammaire, cette source première où l'éloquence, effrayée par le bruit des armes,
de la parfaite éloquence; pas un qui eût étudié s'est vue tout à coup réduite au silence. Alors la
la philosophie, cette école où l'on apprend à bien loi de Pompée n'accordait que trois heures à l'a-
faire et à bien dire; pas nn qui eût appris le droit vocat, et nous plaidions chaque jour, paraissant
civil, si nécessaire dans les causes privées, et si toujours nouveaux dans des causes tout à firit
propre à augmenter les lumières de l'orateur; pas semblables,ou plutôt absolument les mêmes. Vous
un qui possédât l'histoire romaine, pour évoquer aussi, Brutus, vous y faisiez entendre votre voix,
au besoin, du séjour des morts, des témoins irré- et vous en avez défendu plusieurs soit seul, soit
cusables pas un qui sût à la fois, par des traits avec nous. Car, bien qu'Hortensius ait trop peu
rapides et ingénieux, presse:' son adversaire, et vécu, telle est pourtant la carrière qu'il a four-
délasser l'esprit des juges, enégayant un moment nie entré au barreau dix ans avant votre nais-
leur gravité; pas un qui fût capable d'agrandir sance, il a, dans sa soixante-quatrième année,
un sujet, et de s'élever d'une cause particulière peu de jours avant sa mort, défendu avec vous
et déterminée a la question générale qui embrasse votre beau-père Appius. Pour en venir au genre
toutes les causes semblables; pas un qui, pour d'éloquence particulier à chacun de nous deux
plaire, se permît quelquefois d'utiles digressions; nos discours existent, et la postérité même en
qui tour à tour enflammât la colère ou fit couler pourra juger.
les larmes; qui possédât enfin le secret le plus XCV. Mais si nous cherchons pourquoi le talent

I ionc vcrborum adhscrescens, sui dissîmilior videbatur fieiï tia dcgredi parumper a causa; nemo, qui ad iraciindidin
quotidie. Nos autem non desistebamus,quum omnigene- niagnopere judicem nemo, qui ad fletum possel adducere
re exercilationis, tnm maxime stylo, nostrum illud, quod nemo, qui animum ejus (quod unum est oratoris maxime
erat, augere, quantumcumque erat. Atque ut multa omit- propriuni), quoeumqueres postularet, impelleret.
tam in hoc spatio, et in iis post sedilitatem annis, et prcc- XCIV. Itaque, quum jam pœne evanuisset Ilortensius,
tor primus, et incredibili populari volutitale sum faclus. et ego anno meo, sexto aulem post illumconsulem, consul
Nam qnum propter assiduilatem in causis et industriam, factus essem, revocare se ad industriam cœpit; ne, quum
tum propter exquisitius et minime vuigareoralionisgenus, pares honore essemus, aliqua re supericires videremùr. Sic
animes hominum ad me dicendi novitate converteram. duodeciin post meum consulatum annos in maximis causis,
Nihil de me dicam dicam de ceteris, quorum nemo erat, quum ego mihi illum, sibi me ille anteferret, conjunclis-
qui videi elin exquisitius,quam vulgus liominuin, sliiduissc sime versati sumus consulatusque meus, qui illum primo
litteris, quibus fons perfectae eloquenliae continetur; nemo, leviter perstrinxerat, idem nos rerum mearum gestarum,
qui pliilosophiam complexus esset, inatiom omnium bene quas ille admirabatur, laude conjunxerat. Maxime vero
factorum beneque dic.torum; nemo, qui jua civile didicisset, perspecta est utriusque nostrum exercitatio pauilo anle,
rem ad privatas causas, et ad oratoris prudentiain, maxime quam perterrilum ai mis hoc studium, Brute, nostrum
necessariam; nemo, qui memoriam rerum romanarum te- (onticuitsnbito et obmuluil; quum lege Pompeia ternis
neret, tx qua, si quaudo opus esset, ab inferis locupletis- horis ad dicendum datis, ad causas simillimas inter se, vel
Mmos testes excitaret; nemo, qui breviter arguleque, potius easdem, novi venicbainus quotidie quihus quidem
iictuso adversario, laxaret judicum animos, atque a seve. causis tu etiam, Brute, praslo fuisti, compluresque et
ritate pauliisper ad liilaritatem risumque traduceret nemo, nobiscum, et solus egisli ut, qui non satis diu vixenl
qui dilatare posset, atque a propria ar delinita dispiitatione Hortensius tamen hum1 cursum confecerit. Annis anle de-
hoinmis ac temporis, ad communem quœstioncin mifversi cet-n causas agere errpit, qunm tu es natus; idem quarto
(i'.iicris, orationem uaduccrel: nemo, uni delcrtamli gra. et sexagesimo anno, pi'ipauds ante mortem diebus. una
d'Hortensius a jeté plus d'éclat dans sa jeunesse n'était pas satisfait; souvent je voyais Philippe
que dans son âge mûr, nous en trouverons deux rire depitié, ou même s'indigner et maudire l'o-
raisons principales. D'abordil avait uneéioquence rateur cependant les jeunes gens admiraient; la
asiatique, qui convient mieux au jeune âge qu'à multitude était émue. Hortensius, dans sa jeu-
la vieillesse. Or, ce genre se subdivise en deux nesse, excellaitdonc au jugement du peuple, et
espèces l'une sentencieuse et subtile, mais nour- le premier rang ne lui était pas contesté. Si ce genre
rie de pensées moins graves et sérieuses, que pi- d'éloquence n'avait rien de très-imposant, il pa-
quantes et délicates. Tel étaitdans l'histoirele style raissait du moins approprié à son âge; on y voyait
de Timée, et dans le discours, celui d'Hiéroclès briller d'ailleurs une certaine beauté de génie per-
d'Alabanda, etsurtoutdeMénéclès,son frère, qui fectionnée par l'exercice, et qui, jointe au tour
florissaient dans ma jeunesse, et dont les compo- heureux de ces périodes, excitait des transports
sitions sont des chefs-d'œuvre du genre asiatique. d'admiration. Mais quandles honneurs, quand la
La seconde espèce est moins remarquable par la dignité de l'âge mûr, demandèrent quelque chose
multitude des pensées que par la légèreté et le de plus grave, ce fut toujours le même orateur,
muuvementdu style. C'est celle qui domine actuel- ce n'étaient plus les mêmes convenances. Comme
lement dans toute l'Asie. Non-seulementlesphra- il s'exerçait beaucoup moins, et que sa passion
ses coulent avec une facile abondance; mais jadis si vive pour le travail s'était refroidie, tout
J'expression est ornée et brillante. C'est ainsi que en conservant cette abondance de pensées ingé-
parlaient Eschyle de Cnide, et mon égal en âge nieuses qui se pressaient dans ses discours, il ne
Eschine de Milet: leur discours se développait savait plus, comme autrefois, les revêtir de la
avec une aisance admirable, mais il n'avait point parure d'un style éblouissant. C'est sans doute
de ces ingénieuses combinaisonsd'idées qui dis- pour cela, mon cher Brutus, qu'il vous a moins
tinguent l'autre manière. L'une et l'autre, je le plu qu'il ne i'aurait fait, si vous eussiez pu l'enten-
répète, conviennentmieux dans un jeune homme dre lorsqu'il était animé de toute son ardeur, et
elles n'ont point assez de gravité pour la vieil- si vous l'eussiez connu dans tout l'éclat de son ta-
lesse. Hortensius, qui excellait dans toutes les lent.
deux, enleva les suffrages tant qu'il fut jeune. Il XCVI. Je vous entends, dit Brutus, et je
abondait, ainsi que Ménéclès, en pensées vives rends tout à la fois justice à vos réflexions et au
et délicates, parmi lesquelles, chez lui comme talent d'Hortensius. Il m'a toujours semblé un
chez l'orateur grec, quelques-unes étaient plusgrand orateur, et je l'ai admiré surtout lorsqu'il
agréables et plus fleuries que nécessaires ou a parlé pour Messalla pendant votre absence.
t
même utiles. Animé, impétueux, son style était en On dit, répondis-je, qu'il parla bien, et son dis-
même temps travailléet poli. Le goûtdes vieillardscours, écrit mot pour mot comme il l'a prononcé

tecum soccrum tuum défendit Appiiim. Dicendi autem i


polita. Konprobabanturhœcsenibus. Sœpevidebamquum
genus quod fuerit in utroque, orationes utriusque etiam 'rridentem tum etiam irascentem et stomachantem Phi-
posleris noslris indicabunt. l'ippum; sed mirabantur adolescentes, multitudo moveba-
XCV. Sed, si qmerimns, cur adolescens magis floruerit lur. Erat excellens judicio vulgi, et facile primas tenebat
riiwndo, (|uam senior Hortensius; causas reperiemus ve- adolescens. litsi enim genus illud dicendi auctoritatis lia-
rissimas duas. Primum, quod genus erat orationis Asiati- bebat parum, tamen aptnm esse îptati videbatur; et
cum, adolescente magis concessum, quam senecluti. certe, quod et ingenii quaedam forma lucebat, et exerci-
Cenera autem Asiaticïe didionis duo suut unum senten- tatione perfecta erat, verborumque adstricta comprehensio,
tiosmnelargutum sentenliis non tara gravibus et severis,summamhominum admirationemexcitabat. Sed, quum jam
bonures et illa senior auctorilas gravius quiddam require.
quani concinnis et venustis; qualis in bîstoria Timœus,
in diceodo autem pueris nobis, Hierodes Alabandeus, i et remanebat idem, nec decebat idem quodque exerci.
tationem studiumque dimiserat, quod in eo fuerat acerri-
niagis etiam Menecles, frater ejns, fuit; quorum uti iiisqn.:
nratioiies sunt in primis, ut Asialico in genere, laudabiles. mum concinuitas illa crebritasque sententiarum pristina
Aliud autem genus est non tam sentenliis frequentatum manebat, sed ea veslilu illo orationis, quo consueverat,
ijuaui verbis volucre atque incitatum; quali est nunc Asia
ornata non erat. Hoc tibi ille, Brute, minus fortasse pla-
t
tokijiiec fluinine solum orationis, sed etiam exornato et cuit, quam placuisset, si illum flagrantem studio, et flo-
facelo génère verborum in quo fuit Jiscliylus Cnidius et:t renteni facultate, audire poluîsses.
mens .Tqualis Milesius ,1<sclriues. l'a iis erat admirabiliss XCVI. Tum Brutus, Ego vero, inquit, et ista, quaa
orationiscursus ornata sententiarumconcinnitasnon erat. dicis, video qualia sint, et Hortensium magnum oratorem
i- semper putav) maximeque probavi proMessalla dicenteni
H.tc autem (ut dixi) genera dicendi aptiora sunt adolescen-
i.
tibus in seuibus gravitaient non liabent. Itaque Horten- quum tu abtuisti. Sic ferunt, inquam idque déclarât
sius, utroquegeneiellorens,damoresfaciebat adolescens.s. totjdem, quot dixit, ut aiunt, scripta verbis oratio. Ergo
Habebat enim et MenerJinin illud studium crebrarnm n ille a Crasse consule et Scaevola usque ad Paullum et Mar.
venustarumq«e sententiarum in quibus,utinillo Graeco, cellum consuleslloruit; nos in eodem cursu fuimus a Sulla
sir in hoc, étant qu.-ftlam magis venustx dulcesque sen-i- dictatore ad eosdem fere consules. Sic Q. Hortensii vox
temi<£, quam autnecessariK! aut interdum utiles. Et erat it exstincta falo suo est, nostra publico. – Jlelius, qua'So,
oralio quum iueitata et vibrons, tum etiam accurata et it oittinarc, iuquit nrutus. – Sit sane ul vis, inquam; et id
en est la preuve. Hortensius a fleuri depuis le rontde moi malgré mon silence,qui vivrout après
consulat de Crassus et de Scévola, jusqu'à celui ma mort, et qui par le salut de l'État, si l'Etat
Je Paullus et de Marcellus et moi j'ai couru la est sauvé; par sa perte, s'il ne l'est pas, dépo-
même carrière depuis la dictatu re de Sylla jusqu'à seront à jamais en faveur de ma conduite poli-
ces mêmes consuls à peu près. Ainsi, nos voix se tique.
sont éteintes à la fois, la sienne par la mort, la
mienne par le malheur des temps. Il viendra XCVII. Mais je sens ma douleur se réveiller
des temps plus heureux, dit Brutus. -Je
le dé- en jetant les yeux sur vous, Brutus, et en pen-
sire, dis-je à mon tour, et cela moins pour moi sant que dans cette carrière où votre jeunesse
que pour vous. Mais la mort fut un bienfait pour courait de succès en succès, votre char victorieux
Hortensius, puisqu'il n'a pas vu se réaliser les a été arrêté tout à coup par la malheureuse des-
tristes pressentiments qu'il avait formés; car tinée de la république. Voilà le sujet de ma dou-
souvent nous avons déploré ensemble les mal- leur, voilà la cause de mes soucis, et de ceux
heurs prêts à fondre sur la patrie, en voyant les d'Atticus qui partage mon estime et mon affec-
passions renfermer dans leur sein tous les germes tion pour vous. Vous êtes l'objet de tout notre
de la guerre civile, et la politique bannir de ses intérêt nous désirons que vous recueilliez les
conseilsl'espoirmêmede la paix. Oui, ce bonheur fruits de votre vertu; nous faisons des vœux
quine l'a jamais abandonnépendantsa vie, semble pour que l'état de la république vous permette
t'avoir soustrait par la mort aux calamités de l'a- un jour de faire revivre et d'augmenter encore la
venir. gloire de deux illustres maisons. Vous deviez ré-
Mais nous, Brutus, puisque la mort de cet il- gner au forum; cette carrière était la vôtre; en
lustreorateur nous a laissés, pour ainsi dire, les y entrant, vous n'y avez pas seulement apporté,
tuteurs de l'éloquence orpheline, veillons sur comme tant d'autres, cette facilité de parler, qui
elle, et qu'elle trouve chez nous un asile digue est le fruit de l'exercice; chez vous l'éloquence
de sa noblesse. Repoussons loin d'elle ces pour- elle-même était enrichie par la réunion des con-
suivants inconnus et téméraires; protégeons son naissances les plus sublimes, et ces connaissances
honneur comme celui d'une jeune vierge, et dé- étaient à leur tour embellies de tout l'éclat de la
fendons-la, autant que nous le pourrons, des vertu, joint à la gloire de l'éloquence. Nous soin
attaques d'amants indiscrets. Pour moi, quoique mes doublement affligés de ce que la république
je m'aftlige d'être entré dans le chemin de la vie est perdue pour vous, et vous pour la république.
un peu trop tard pour avoir achevé le voyage, Toutefois, malgré cette catastrophe déplorable
avant d'être surpris par cette nuit profonde où qui arrête l'élan de votre génie, persistez dans
la république est plongée, cependant une conso- les études qui vous occupent sans cesse; achevez
lation me soutient, mou cher Brutus; c'est celle ce que vous aviez si heureusement commencé,
que vous m'avez adressée dans cette lettre pleine ou plutôt entièrement accompli achevez de vous
d'amitié, où vous m'exhortez à prendre courage, tirer de la foule des avocats dont j'ai accumulé
dans la pensée que j'ai fait des actions qui parle- les noms dans cet entretien. Riche des précieux

non tam mea causa, quam tua; sed fortunatus illius exi- XCVII. Sed in te intuens, Brute, doleo; cujus in ado-
tus, quiea non vidit quum fierent, quae providit futura. lescentiam per medias laudes quasi quadrigisvebentem
Seepe enim inter nos impendentescasus deïlevimus quum transversa incurrit misera fortuna reipublicee hic me do-
helli civilis causas in privatorum cupidilatibus inclusas, lor angit, haec me cura sollicitat, et hune mecum sociu in
pacte speni a publico consilio esse exclusam videremus. ejusdem et amoriset judioii. Tibi favemus; tetua frui vir-
Sed illuin videtur félicitas ipsius, qua semper est usus, ab tute cupimns; tibi optamus eam rempublicam, iu qua
eis miseriis, quae conseculiê sunt, morte vindicasse. duorum generum amplissimorum rénovai memoriam at-
Nos autem, Brute, quoniam post Hortensii, clarissimi que augere possis. Tuum enim forum, tuum erat illud cur-
oratoris, mortem orbae eloquentiae quasi tutores relicti riculum tu illue veneras unus, qui non linguara modo
sumus demi teneamus eam, septam liberali custodia et acuisses exercitalione dicendi, sed et ipsam eloquentiam
hos ignotoa atque impudentes procos repudiemus, tuea- locupletavisses graviorum artium instrumento, et iisdem
miirque ut adultam virginem caste, et ab amatorum arlibusdecus omne virtutis cum summa eloquentiae laude
impetu quantum possumus, prohiheainus. Equidem, «t junxisses. Ex te duplex nos afficit sollicitudo, quod et
si doleo, me in vitam paullo serius, tanquam inviam, in- ipse republica careas, et illa te. Tu tamen, et si cursum
gressum priusquam confectum iter sit in banc reipublic» ingenii tui, Brute, premit haec importuna clades civitalis,
noctem incidisse tamen ea consolalione snsteutor, quam contins te iit tuis perenuibus studiis, et effice id, quod
tu mihi, Brute, adhibuUti tuis suavissimis litteris,quibus jam propemodum, vel plane potius elfeceras ut te eripias
me foi ti animo esse oportere censebas,qnod es gessissem, ex ea quam ego congessi in hune sermonem, turba pa-
qute de me etiam me tacente ipsa loquerentur, mortuo- tronorum. Nec enim decet te, ornatum uberrimis artibus,
que, viverenl; qme, si recte esset, sainte reipublicœ sin quas quum domo haurire non posses, arcessivisti ex nrbe
secus, interitu ipso, testîmonium meorum de repnblica ea, quœ domus est semper habita doctrine, numerari in
cousiliorum darent. 1 vulgo patrunorum. Nain quid te exercuit Pauiinenes vir
trésors que vous avez puisés dans la patrie même ne fut égalé ni par Caton, qui était plus vieux
des sciences, puisque Rome ne vous les offrait que lui, ni par deux autres contemporains, qui
pas, il serait indigne de vous de rester confondu étaient plus jeunes, Lépidus et ensuite Carbon.
parmi les orateurs vulgaires. A quoi bon auriez- Quant aux Gracques, leurs harangues se distin-
vous été exercé par Pammène, l'homme le plus guent par un style plus facile et une marche plus
éloquent de la Grèce? et qu'auraient servi les le- libre. Toutefois l'éloquence n'était pas encore, de
çons de l'ancienne académie, et celles d'Aristus, leur temps, portée à sa perfection. Enfin parurent
mon hôte et mon ami, héritier de cette savante Antoine, Crassus, puis Cotta, Sulpicius, Hor-
école, si nous devions ressembler à la plus grande tensius. Je n'en dis pas davantage, je dis seule-
partie de ceux qui parlent en public ? Ne voyons- ment que s'il m'était arrivé d'être confondu dans
nous pas qu'à peine chaque génération a produit la foule, quoique une plus grande concurrence de
deux orateurs estimables? Galba excella seul talents rende le triomphe plus difficile que ja-
parmi tous ceux de son âge, et nous savons qu'il mais.
longe eloquentissimusGrœciœ ? quid illa vêtus academia, Lepidus postea, deinde Carbo nam Gracclii in concionl-
alquc ejus heres Aristus, hospes et familiaris meus, si bus multo faciliore et liberiore génère dicendi; quorum ta-
quidein similes majorls partis oratorum futuri sumus? men ipsorum ad aetatem laus eloqueniia? perfecta nouilum
Nonne cernimus, vix singulis œtatibus binos oratores lan- fuit Au tonius, Crassus, post Cotta, Sulpicius, Hortensias
dabiles constitisse? Galba fuit inter tot aequales unus ex- nihil dico amplius; tantum dico, si mibi accidisset, ut
cellens, cui, quemadmodum accepimus, et Cato cedebat numerarer in multis si operosa est ooncursatio magis op-
senior, et qui teixiporibtis illis œtale inferiores fuerunt portunorum.

NOTES SUR LE BRUTUS.


1. Alienissimo reipublicœ tempore exstinctus. Cicé- Cicéron cite la même maxime, de O/ficiis, livre i,
ron avait été nommé augure en 700, proconsul de Cilicie cliap. 15.
en 702; il revint en 703, et arriva aux portes de Iionie IV. Nec enim ex novis, etc. Le malheur des temps l'a em-
le 4 janvier 704. Hortensius mourut donc eu 703, au pêché de rien composer de nouveau. Neque exeondi-
moment où la guerre civile était près d'éclater entre César tis. Ces mots paraissent désigner quelques anciens dis-
et Pompée. cours qui n'étaient pas achevés car on sait que Cicéron
Morte doluisse. Sophocle, dit-on, porta le deuil d'Eu- travaillait de nouveau ses discours après les avoir pronon-
ripide, son rival, qui mourut quelque temps avant lui. cés. Aditus. obsiructus est. Ce n'est pas sans doute
II. Armis egere rempublicam qnœ didiceram tra- qu'il fût dans l'impossibilitéde revoir et de perfectionner
clare. La république tombée aux mains de César, ne re- les ouvrages dont il parle; mais les maux de l'État ne lui
connaissait pfcis d'autre empire que celui de la force. Les laissaient point l'esprit assez libre. Cette explication est
armes faisaient taire les lois, et tout, au sénat et devant confirmée par une phrase du Livre n, chap. i, de Officiis
les tribunaux se décidait par la volonté d'un seul. Il n'y (atque utinam respublica stetisset! etc.). Voyez ce
avait plus de place, dans un tel gouvernement, pour l'é- passage.
loquence et pour le conseil. On refiisa d'entendre V. Utpossis, rogo. Eruesli trouve plaisant qu'on prie
les défenseurs de la paix. Cicéron exprime le même un homme de pouvoir. Mais comment ne voit-il pas que,
regret dans son Discours sur le rappel de Marcellus, dans l'idée de celui qui parle, le pouvoir est tout à fait
chap. 5 « Pour moi dit-il, dans le cours de nos dissen- j dépendant du vouloir, et que ceci n'est qu'une simple
sions, j'ai toujours pensé qu'il fallait s'occuper de la paix,'[ formule de politesse?
et j'aivuavec douleur qu'on la rejetât, qu'on refusât même Causam Dejotari. Brutus étant auprès de César,
d'écouter ceux qui la réclamaient avec instance. » à Nicée en Bithynie (d'autres disent à Nice en Lignrie )
III. Rermn nostrarumeteommunium. casus.Le l'an 706, défendit le roi de la Gallo-Grèce, Déjotarus,
désordre de sa fortune, les troubles excités dans Rome qui avait pris parti pour Pompée, et obtint son pardon.
par Dolabella, son gendre, le divorce de sa fille Tullia, Deux ans plus tard, Cicéron défendit à Rume le même
l'ingratitude de son frère Quintus et de son neveu, qui Déjotarus, accusé d'avoir voulu attenterà la vie de César,
essayèrent de le noircir auprès de César, afin de se con- lorsque celui-ci était dans son palais. Sur le Discours de
cilier les bonnes grâces du vainqueur; enfin les dangers Brutus, voyez les Lettres à Attirais, xn, i; et Tacite,e
qu'il courut à Brindes de la part d'Antoine, et les inquié- Dialogue sur les Orateurs, chap. 21.
tudes où il vécut pendant près d'un an, c'est-à-dire, jus- VII. Tamen anle Periclem. Périclès mourut la troi-
qu'au retour de César; voilà pour nostrarum. La ba- sième année de la guerre du Péloponèse, l'an 429 avant
taille de Pharsale et l'anéantissement de la république, J. C. Lorsque Thucydide écrivait rhistoire de cette même
voilà pour communium.
guerre, on comptait plus de 1130 ans depuis Cécrops, et
IV. Qtianguam illud Hesiodeum Itmdatur adoctis. seulement 342 depuis la fondation de Home.
Hésiode poème des Travaux et des Jours, vers 349 EtpœullosenioremetiamSolonem.On rapporte l'éla-
Eu S' ccTtoSoyvai blissement des lois de Selon à l'an 594, et l'usurpation
AûTi~ Tw ILÉT(7w, xai ),~ïov, aixe BGvnat. de Pisistrate à l'an 560 avant J. C. Thémistocle gagna la
bataille de Salamine quatre-vingts ans plus tard (an de le huit ou quatre-vingt-dix-neuf ans, pour ne pas surrirre
Rome 274). Clisthène est un des Alcméonidcs qui ni à l'indépendance de sou pays, anéantie par la balaillc de
cliassèrent Hippias d'Athènes, l'année même où les tyraus is Chéronée.
furent chassés de Rome, suivant la remarque de l'line. e. VIII. Modum. et rmmerum. Il nous a paru iiiipoi-laait
Clisthène établit l'ostracisme et fut le premier citoyen in de fixer le sens précis deces deux mots, qui reviennent si
il,
exilé par l'ostracisme. (Élien, Histoires diverses, xm, souvent dans Cicéron. Jlodus est, en musique, le ton,
24.) Cléon, Alcibiade, Critias, Théramène, vécurent tous js l'air; c'est, en fait de style, une mesure qui détermine la
pendant la guerre du Péloponèse qui finit l'an de Rome le longueur et les proportions des membres d'une période.
349 avant J. C. 405. Le Modus règle la phrase oratoire, comme Vair règle la
Quibus lemporibusquod dicendi genusvigueri I. phrase musicale. Le numerus (auquel nombre ne répond
V 11
Ilug. Blair, leçon 25, appliquant aux discours publics ce
que Cicéron dit dans un sens beaucoup plus général,
pas
reux
toujours exactement) consiste dans le mélange heu- 1
dessyllabeslonguesou brèves, et des différents pieds
ajoute « C'est une manière bien différente de celle que ie poétiques, comme on peut le voir dans l'Oralor et dans
dans les temps modernes on attribue à l'éloquence ]- le troisième livre du de Oratore, où Cicéron donne sur ce
popu-
laire et elle donne une haute idée du discernement du u sujetdes règles très-détaillées. C'eslde ce mélange de pieds
peuple auquel ces orateurs s'adressaient. » Mais Thucy- y- que résulte l'harmonie de chaque membre de phrase en
dide ne prête-til pas sa manière aux orateurs qu'il fait it particulier, tandis que la mesure (modus) fait sentir son
r- effet sur la période entière. Enfin le nombre est dans la
parler, encore plus qu'il n'emprunte la leur? Il serait per-
mis de le penser. Salluste est un écrivain admirable, et et mesure, et la mesure est dans toute la période. Mais ces
qui respire tout le bon goût de son siècle. Or, on n'a ja- deux idées, si voisines l'une de l'autre, se confondent
mais dit que ses discours (principalement ceux de sa ;a quelquefois, et le numerus se trouve aussi dans le sens
:)
grande Histoire, où il imite trait pour trait Thucydide) de nombre oratoire, harmonie de style en général. C'est
fussent le modèle de l'éloquence populaire de son temps. s. alors l'effet pour la cause.
(Comparez ce que Cicéron dit de ces mêmes orateurs, IX. Tum fuit Lysias. Lysias, contemporaind'isocrate,
de Oratore, h, 13 et 22. ) mais un peu pins vieux, mourut l'an de Rome 375, àqua-
VIII. Faela quodam modo. Un discours qui soit en n tre-vingts ans. Il fut, à l'âge de quinze ans, un des fonda-
quelque sorte le produit de l'art, et non l'œuvre informe e leursdelacoloniedeThuriura.eteut part au gouvernement
is
d'un talent sans règle et sans méthode à peu près dans de cette ville jusqu'à celui de soixante-trois ans 11 contri-
le même sens qu'on àitfactum argentwm, par opposi- i- bua ensuite avec Thrasybule à la délivrance d'Athènes où
tion kargentum rude. il termina ses jours. Photius parle de deux cent trente-
Tum Leonllnus Gorgias i- trois harangues de Lysias qu'il reconnatt comme authenti-
Tous ces rhéteurs floris-
saient vers l'an 424 avant J. C., 330 après la fondation dee ques. Il n'en reste que trente-quatre qui sont toutes du
Rome, c'est-à-dire, pendant la guerre du Péloponèse. genre judiciaire.(Extrait de Schœll, Littérature grecque.)
le – Egregie subtilis orator. Subtilis, signification vul-
Gorgias venu à Athènes quelque temps après la mort de
Périclès, y excita un enthousiasme qui est décrit de laa gaire subtil, c'est-à-dire fin, ingénieux, rusé. Signili-
manière la fins intéressante dans le Voyage du jeune e cation propre fin, délié, eu parlant des corps, filum
Attachants, oliap. !iS. H se vantait de parler avec abon-i- subtile. Et remarquons que fin et délié, en français, re-
dance sur quelque sujet qu'on lui présentât. Il vécut, sui-i- çoivent également le sens propre et le sens figuré. De la
vant Quintilien, jusqu'à cent neuf ans. Interrogé parr signification propre de subtilis fin, délié, mince, on
quel moyen il avait conservé si longtemps la vie et laa passe facilement à l'idée d'une chose nue, privée d'orne-
santé « C'est, répondit-il en ne faisant jamais rien pourr ments, dégagée d'accessoires,simple. De là, scbtilis
In plaisir. » Cette maxime de morale vaut mieux que less oRi-rio style simple. Cicéron en donne la définilion dans
deux discours qui nous restent sous son nom et qui nee un assez long chapitre de YOrator. Mais ce qui estfin,
sont qa'un tissu d'antithèses et de subtilités. Ces deuxx mince, délié, est en même temps délicat, et subtilis
discours sont un Éloge d'Hélène et une Aiiologie de l'ala-'• oratio, subtile dicendi genus, réunissent souvent l'une
inède. Ce dernier est contesté. Belin de Balu (Histoire dee et l'autre idée.
l'Éloquence chez les Grecs) pense que l'autre n'est pass Demosthenem, Démosthène fut disciple d'Isocrate, de
«le lui non plus. Prodicus, mattre de Théramène et dee Platon et d'Isée. Il naquit environ 384 ans avant J. C,
Socrate, est le premier qui ait raconté la belle allégoriee peu de temps avant la mort de Lysias il mourut l'an 322
d'Hercule entre la Vertu et la Volupté, qui a été répétéee (de Rome 432), la même année qu'Aristote. Antipater disait
par Xénophon, Cicéron, saint Basile et autres. Surr de Démosthène « Lui seul fait la garde sur les remparts,
Ilippias, voyez Cicéron de Orat., m 33. Protagoras tandis que ses concitoyens dorment. Comme un rocher
disciple de Démocrite, rassembla le premier les proposi- immobile, il se rit de nos menaces et repousse tous nos
lions générales qu'on appelle lieux communs, et qu'em- n efforts. Il est aux Athéniens d'aujourd'hui ce qu'étaient
ploie un orateur, soit pour multiplier ses preuves, soit aux anciens Thémistocle et Périclès, » Philippe disait d'i-
pour discourir avec facilité sur toutes sortes de matières. sociale qu'il ne s'escrimait qu'avec le fleuret, et Longin
Socrate mourut l'an de Rome 364, avant J. C. 400, remarque qu'en lisant ses écrits on se sent aussi peu ému
ù l'âge de soixante et dix ans. que si l'on assistait à un simple concert. Voilà les deux
Isocrates. Isocrate, dans sa jeunesse, avait entendu less orateurs jugés.
Aliique plures. Nous donnons ici (d'après M. Schœll
leçons de Gorgias déjà vieux. Plutarque parle de soixantee
discours do lui, en ajoutant qu'il y en avait beaucoup de Littérat. grecque ) la liste des dix orateurs attiques
I
supposés. Oenys d'Halicarnasse en reconnalt vingt-cinq que les grammairiens d'Alexandrie ont compris dans ce
d'authentiques nous en avons vingt et un. La nature nee qu'ils appellent le Canon des auteurs classiques.
lui ayant donné ni assez de hardiesse, ni l'organe néces- Antiphoh, d&Rhamnonte en
Attique, fut le premier qui
|laient
saire pour paraltre devant les assemblées populaires, il composa des discours à prix d'argent, pour ceux qui par-
devant le peuple et devant les tribunaux. Il fut le
fonda une école de rhétorique et enseigna son art avec un
brillant succès. Isée Xénophon, Démosthène se formè- maître de Thucydide. Il nous reste quinze discours de
rent son école. Isocrate se laissa mourir de faim, l'an de lui. – AmiociDE paraît n'avoir employé son talent oratojre
Ileme 416, avant J. C. 338, à l'âge de quatre-vingt dix- que dans ses propres
affaires; il reste de lui quatre dis-
eours. Lvsus, Isociute, l'un et l'autre d'Athènes. Il D reste, la plupart des rhéteurs qu'il a nommés n'étaient
Da
en est question plus haut. Isée de Chalcis ou d'Alhè- pf d'Athènes, et plusieurs étaient déjà célèbres avant d'y
pas
nes.discipledeLysiaseld'lsocraleiCtl'uudesmai Ires de venir.
v< L'esprit humain avait donc pris un grand essor chez
Démosthène. Les onze discours d'isée qui nous restent sont différents
di peuples grecs, séparés d'ailleurs l'un de l'autre
tous relatifs à des successions. EscmxE, d' Athènes, pi leur situation et lenrs gouvernements. Ce ne fut qu'à
par à
rival de Démostliène. JI nous reste de lui trois discours, partir
p; du siècle de Périclès qu'Athènes devint la métropole
dont le plus célèbre est celui qu'il prononça contre Ctési- et le domicile des lettres et de l'éloquence avantage que
phon. – L\c«ugur, d'Athènes, disciple de Platon et d'I- sans
sa doute elle dut principalement à son influence politi-
sncrate. Il mourut 325 ans avant J. C. (de Rome 429). que.
qi
Nous n'avons de lui que le seul discours contre Léocrale- – XIV. L. Bruto illi. Voyez Tite-Live, liv., i, chap. 56.
DÉnoSTiiÈNE, de Péanium en Attique, le prince des ora- À Pyrrhi pace. Voyez Plutarque, Vie de Pyrrhus, et
teurs. Hïrép.iBE d'Athènes ami de Démostliène. Sto- le Suppléments de Tite-Live, xin, 31 et 32. Le discours
les
bée (Serin. t 23) nous a conservé un fragment de l'oraison qi Plutarque met dans la bouche d'Appius Claudius est de
que
funèbre qu'il prononça en l'honneur des guerriers morts ja plus grande éloquence.
la
dans la guerre contre Antipater. Onen trouve la traduction Consillem non accipiebat. Le magistrat qui tenait les
dans l'Histoire de l'Éloquence grecque de Belin de Balu. comices
C( avait le droit de ne pas recevoir au nombre des
Hypéride fut tué par ordre d' Antipater mais auparavant a
candidats ceux contre lesquels il y avait quclque motif
il se coupa la langue, pour se mettre dans l'impossibilité j
d'exclusion. Mais Appius violait les lois en rejetant un can.
de répondre à aucune des questions du tyran. – Dinarquf., jdidat par la raison seule qu'il était plébéien.
de Corinthe, vécut à Athènes et y jouit, comme orateur, Lege Menia. La loi Ménia, rendue l'an de Rome 407,
d'une grande considérationtoutefois lorsque Démosthène obligeait le sénat à ratifier d'avance les choix que ferait
0
et Hypéride n'existaient plus. Nous avons de lui trois dis- le peuple. Avant cette lui, une élection faite par les comi-
](
cours. o n'étaitvalablequ'après avoir été confirmée ensuite par
ces
IX. Phalereus enim. DémétiiusdePbalère,nommépar ]f sénat, qui, au gré de sa volonté, donnait
le ou refusait
Cassandre gouverneur d'Athènes y mérita pendant dix sson approbation. (Tite-Live, t, 17 et Cicéron', pro Plan-
ans l'amour des Athéniens qui, dit-on, lui érigèrent trois cio,
c 3.) Dès l'an 416, la loi Publilia avait ordonné la
cent soixante slatues. Chassé d'Athènes par Antigone et nmême chose pour les lois. (Tit.-Liv., vm, 12. )
Démétrius Poliorcète, il se retira en Egypte et l'on croit XV. M. Corn. Cethegut. Céthégiis fut consul l'an 549,
que ce fut lui qui donna an premier des
Ptolémces le con-
l'année même où Caton l'ancien amena à Rome le poëte
t,
seil de former la bibliothèque et le musée d'Alexandrie. Ennius.
F La littérature romaine avaitteommencétrente-neuff
Il ne nous reste aucune de ses productions. On conçoit
Jaans plus tôt, par une tragédie de Livius Andronicus, la
qne Démétrius de Phalère ne pouvait être éloquent a la première
p pièce de théâtre régulière qui ait été représentée
manière de Péridès ou de Démoslhène. Le lieutenant d'un j à Rome. Voyez Cicéron, Tusculanes, i, 1.
roi, exerçant dans une ville soumise, un pouvoir presque Huadce medulla littéralement la moelle de la per-
absolu, n'avait point à soutenir ces luttes terribles où Sénèque, Ép. 22, en parlant de ces vers d'En-
Démosthène empruntait de nouvelles forces de la résistance suasion.
s
nius cités par Cicéron, dit qu'il ne s'étonne pas qu'il se
même, et déployait toutes les ressources de son génie. soit trouvé un homme capable de faire de pareils vers,
L'éloquence vit de combats, et Démétrius ne trouvait que s
s'en trouve un capable de les louer. Aulu-Gelle,
del'obéissance. Il mourut l'an de Rome 470, avant J. C. 284. puisqu'il
I
Théophrastc, disciple de Platon et d'Aristote, étail mort xu,
> 2, reprend vivement Sénèque à cette occasion; et
l'appelle un sot et un mauvais plaisant (ineptus et insu-
quatre ans plus tôt, bidus). Mais Aulu-Gelle ne dit rien qui justifie le suader.
XU. SxMatls in Sicilia tyrannis. La liberté fut réta- mtdulla, ni en général les vers dont il est question. On
blie à Syracuse l'an de Rome 288, avant J. C. 466, par voit seulement qu'il les trouve bons, tandis que Sénèque
l'expulsion de Thrasybule, frère et successeur de Gélon et
de lliéron, qui avaient régné l'un après t'autre. C'est donc
les trouve ridicules. Nous nous contenterons, nous, de
trouver la métaphore de medulla tout à fait étrangère au
par erreur que M. Schœll fait remonter l'enseignement
de génie de notre langue.
Corax à l'an 500 avant notre ère. Il fut disciple d'Empé- Ex Nevianis scr;plis. Névius était de la Campanie, et
dode d'Agrigente, et maître de Tisias. On joint ordinaire- parconséquentavait reçu une éducation grecque. Il donna
ment aux Œuvres d'Aristote un Traité intitulé mal à pro- ses premières comédies à Rome, vers l'an 519. Il imita
pos Rhétorique à Alesandre, que quelques-uns, entre la licence de l'ancienne comédie grecque, en traduisant
autres Garnier (Mémoires de l'Académie des inscrip- sur la scène les chcfsdu gouvernement.Mais il s'en trouva
tions), attribuent à Corax. Si cette opinion est fondée, mal, et mis en prison, ensuite banni, il apprit à ses dépens
c'est le plus ancien ouvrage didactique qui existe sur l'é- que ce qui était permis à Athènes du temps d'Aristophane.
loquence. ne l'était pas à Rome au siècle de Scipion. Les Athénien*
Artem esse dicendi. – Qu'il y avait un art de parler. étaient les premiers à rire de magistrats, ouvrage de leurs
«
C'est-à-dire, que l'éloquence pouvait mains.
être assujettie à des
Mais de graves patriciens, gouvernant aristocrati
règles et enseignée comme un art; tandis que d'autres quement, et jaloux de leurs privilèges, ne se laissaient
pensent que bien parler est uniquement le fruit de l'exer-
impunémentlivrer à la risée du peuple. JI ne reste
que
cire et du talent. » Quelquescommentateurs, faisant rap- pas peu de fragments de Névius. La chronique d'Eusèbe
porter esse à solitum, entendent que Lysias professa a dit qu'il mourut en 549, exilé à Utique.
d'abord la rhétorique. Mais il nous semble que les mots, XVI. Morluomm laudationes. Les éloges funèbres
similiterlsocratemprimoarlemdicendisssenegavisse,
confirment le sens que nous adoptons; car ici artem esse
negaeisse dit évidemment la même chose que artem
lui
re-
sont très-anciens à Rome, puisque Valérius Publicolafitce-
de son collègue, le premier Brutus. Cependant cette par-
tie de l'art oratoire n'y atteignit jamais à un certain degré
movisse, et cette dernière expression est opposée à pro- de perfection. On considérait à peine ces discours comme
fita-i arien, esse dicendi. appartenant à l'éloquence. (Thomas, Essai sur les ÊU>-
XIII. Hoc autemstudium non erat commune Grœciœ. ges, 10, imite et traduit en partiece morceau de Cicéron.)
Cicéron parle ici do la grande et véritable éloquence, qui Ii Licinia et Mucia lege. Allusion à une loi que firent ren-
pn effet produisit à Athènes ses premiers chers-d'eeuvre. dre en 058 les consuls Lirinius Crassus et Mucius Sedvohu
Cette loi ordonnait la perquisitionde ceux qui passaient Myron florissait vers l'an de Rome 3 1 0 avant J. C. 444.
pour citoyens romains sans l'être en effet, et les dépouillait XX Sulp. Gallus. C'est ce même Sulpicius Gallus qui,
de ce titre. Elle fut une des principales causes de la guerre suivant TiteLive, xliv, 37, fut tribun militaire dans l'ar-

0/
Sociale ou Italique, qui éclata cinq ans après. (Cicer., de
m,ii; pro Balbo, 21; fragm. Orat.pro Corne-
lio.) Lysias était fils de Céphalus, Syracusain établi à
mée de Paul Emile l'année d'après sa préture et annonça
d'avance un« éclipse de lune pour la nuit qui précéda la
bataille on Persée fut vaincu (an de Rome 585. )
Athènes. Tib. Gracchus. Tibérius Sempronius Gracchus est le
XVII. Jam vero Origines, Caton le censeur publia un père des deux Gracques, si célèbres par leur zèle pour la
ouvrage sur l'Histoire romaine, qu'il intitula Origines, cause populaire et par leur mort tragique.
et qui était composé de sept livres. Jl me nous en reste Scipionem Nasicam. « Scipion Nasica (celui qui fut
que de très-courtsfragments.V oyez dans Tite-Live, xxxix, chargé de recevoir la mère des dieux arrivant de Phrygie)
40, le beau portrait qne ce grand historien fait de Caton. est seul au monde que le sénat ait déclaré, sons serment
ConcUis. Il y a une différence entre précision et conci- le plus honnête homme de son siècle et ce même Scipion,
sion. Une phrase précise est celle qui exprime la pensée par se présentant au nombre des candidats essuya deux fois
les mots convenables, et en rejetant tout cequi est superflu. la honte d'un refus. Que dis-je? il ne lui fut point permis
Une phrase concise enferme plus de sens que de mots elle de mourir dans sa patrie. C'est ainsi que Socrate,
pro-
laisse quelque chose à deviner; non contente de rejeter te clamé par Apollon le plus sage des mortels, termina sa
superflu elle se prive même quelquefois d'une partie du vie dans les fers. » Pline, vn, 34, Irait, de Gueroult. Sui-
nécessaire. Aussi la précision est-elle une des premières vaut le même Pline, en. 31 Corculum, surnom du fils de
qualités du style la concision est quelquefois un défaut. ce Scipion, signifie le Sage Prœstitere enteras mortaki
XVIII. Nostri veteres versus. Les plus anciennes poé- sapicntia, ob id Cati, Corculi apud Romanos cogno-
sies des Romains sont les vers fescennins, chantés par minali. Cor est pris souvent pour le siège du jugement.
Cic., Tuse., t 9 -.Aliiscor ipsumanimusvidetur, exquo
les habitants de la campagne aux fêtes de la moisson. On
peut voir ce qu'en dit Horace, Épllre h, t, vers 139 et
excordes, vecordes concordesque dicuntur; et Nasica
suivants. Ennius parait supposer que ces vers, ou de plus illeprudens bis consul, Corculum, et
anciens encore, avaient été composés par les devins, et Egregie cordatus homo catus jEliu' Sextus.
par les Faunes, divinités champêtres dont voix,
la disait-
Scipion Nasica, l'Homme de bien, était fils de Cnéus
on, se faisait quelquefois entendre dans l'épaisseur des fo- Sei pion, l'un des deux frères tués en Espagne, et par con-
rets. Ennius veut dire ici qu'il est le premier chez les Ro- séquent il était cousin germain du premier Africahi.
mains qui ait fait parler à la poésie un langagedigne d'elle.
Opus aliquod Dœdali. Dédale était un statuairede Si- Quum triumvir coloniam dedux'met. L'an 569,
Caton étant censeur, deux colonies (dit Tite-Live, xxxix
cyone. Le premier il détacha les pieds et les mains des
44 ) furent établies Pollentia dans le Picénum, Pisaure
statues qui, avant lui, ressemblaient toutes à certaines fi-
gures égyptiennes. C'est donc lui qui fit faire le premier sur le territoire des Gaulois. Chacun des colons eut six
pas à son art, et l'on conçoit que ses ouvrages durent arpents. Les triumvirs, chargés de leur conduite et de la
être fort imparfaits. Platon dit que les artistes de son temps répartition des terres, furent Q. Fabius Labéon, M. Ful.
vins Flaccus, et Q. Fulvius Nobilior. » Le père de celui-ci
se seraient moqués d'un sculpteur qui en aurait fait pa-
de
reils. Il ne faut pas le confondre avec le Dédale d'Athènes, avait été consul en 564 et chargé de faire la guerre en
attribue la construction Étolie. Voyez Tite-Live, xxxvn, 50.
ou plutôt de la Fable, auquel on
du labyrinthe de Crète, l'invention des voiles, de la scie, XXI. P. Africanus. Cicéron parle ici de Scipion Émi.
de la cognée du vilebrequin, enfin les plus importantes lien, le second Africain destructeur de Carthage et de
découvertes des arts et métiers. Voyez à ce sujet le Voyage Numance, ami de Lélius le Sage, du philosophe Panétius
d'Anacharsis, chap. 37, note 25, et chap. 73, note 10. et de l'historien Polybe. Voyez son portrait dans Velléius,
Senensi prœlio. La bataille de -Sienne est celle où le 13.
consul Claudius Kéro, réuni à son collègue Livius Sali-
XXII. In sylva Sila. La foret Sila, dans le pays des
nator, défit Asdrubal et empêcha la jonction de son ar- Bruttiens, aujourd'hui la Calabre, était célèbre, suivant
mée avec celle d'Annibal. On peut voir, dans Tite-Live, Pline, par l'excellentepoix qu'on y recueillait. Peut être
xxvii 43 et suivants, le récit
de ce fait d'armes, un des[ liberi signifie-t-il non les enfants des associés, mais les
plus beaux et des plus décisifs de la seconde guerre Puni- hommes libres faisant partie de la société.
que (an de Rome 546).
XXIII. In Galbam. Galba était un des ancêtres de l'em-
XIX.Bellum punicum.Jiévius avait compose un poërae
historique sur la première guerre Punique. Les fragments pereur de ce nom. Val. Maxime, vin, dit qu'ayant
convoqué les habitants de trois villes de Lusitanie, sous
qui en restent sont insignifiants. Ennius avait renfermé
dans un antre poème toute l'Histoire romaine jusqu'à son
prétexte de conférer sur leurs intérêts, il les désarma, en
saisit neuf mille, la fleur de la jeunesse qu'il tua ou ven-
temps, en omettant toutefois la partie déjà traitée par dit comme esclaves. Suétone dit qu'il en massacra trente
Névius. Quasi Myronis opus. Cicéron a dit plus haut
mille, et que ce fut la cause de la guerre de Viriate.
que les ouvrages de Myron ne représentaient pas encore le ad privalos
parfaitement la nature, mais que cependant ils étaient déjà Privilegii. Le privilége peut se définir
beaux. Pliue xxxrv, 8, dit qu'il réussissait bien à exprimer on plutôt ad slngulos pertinensf nonaduniversos. Ces
les formes du corps, mais que ses figures manquaient d'ex- sortes de lois individuelles étaient proscrites par les Douze
pression. Son ouvrage le plus célèbre est une génisse en Tables. Cicéron appelle privilegii similem celle dont il
airain, qui exposée dans un champ, fit, dit-on, aux est question ici parce que sans doute elle avait pour objet
véritables génisses une telle illusion qu'elles accoururent apparent l'injustice faite aux Lusitaniens sans que Galba
y fût désigné par son nom, quoiqu'on vit bien qu'il y était
autour de ce métal qui paraissait vivant. Une épigramme
de l'Anthologie assez faiblement traduite par Ausone, réellement attaqué.
hpigr. 62, conseille même au bouvier de ne pas s'y XXI V. Dolor. C'est bien à tort que Wetzel remplace M
tromper. mot par calor « Si j'excellais dans les morceaux patlié
Paie* greget procul hilte; ne qvœso, bubulce, flfyronis, tiques, dit Cicéron, Oral., 37, c'était un effet de ma
j£l velutt tpiram cum bubltt, cvngHet. sensibilité, et non de mon talent non ingenio sed dolort
assequcbar. » Doter signifie cette disposition à la douleur, raius.
mi Dès ce moment, Tibérius se déclara l'ennemi des
cette facilité à s'affecter, qui fait que l'orateur paraît ému grands. gra On sait qu'il fut tué sur les marches du Capitale,
et t'est réellement; ce qui est le meilleur moyen d'éruon- dans da une émeute où Scipion Nasica Sérapion petit fils de
voir les autres. Nasica
N» l'Homme de bien, s'était mis à la tête du parti des
XXV. L. et Sp. Mummii. Luc. Mummiiis fut consul n0
nobles, au refus du consul Scévola. C'est la première sé-
l'an 607 C'est lui qui, faisant marché pour le transport en dition dit oii le sang romain ait coulé (an de Rome 620). Yoyei
1 Plutarque, Vie des Gracques,et les réflexions de Salluste,
Italie des chefs d'oeuvre de Corinthe, eut la siitjplicité de
stipuler avec les entrepreneurs, que si les statues et au- Jug., fa chap. 42. Ces deux auteurs jugent cet événement
t0> autrement que Cioéron.
tres ouvrages d'art périssaientdans le trajet, ils seraient tout
tenus d'en fournir de pareils. XXVII. NametCarbonis. C. Papirius Carbon, auteur
M. Octaoius. Octavius s'opposa longtemps aux pro- de la loi sur les scrutins dont il est question plus haut,
jets de Tibérius Gracchus, son collègue dans le tribunat. fut fui d'abord un ardent partisan de la cause populaire.
Celui-ci quoique son ami, le menaça plusieurs fois de le On Or le soupçonna d'avoir contribué à la mort du second
faire destituer, sans que la résistance aussi courageuseque Africain, Af arrivée en 624. (Cicéron, Ep.fam., ix 2t ). Il
modérée d'Octavius en fût ébranlée. Enfin Gracchus, après se tourna ensuite du coté des grands, fut consul en 633,
l'avoir fait déposer dans une assemblée du peuple, le fit et défendit Opimius, meurtrier de Caius Gracchus (Cic,
arracher dela tribune par un de sesaffranchis.Voyez; Flor., de de Orat., u 40). An sortir de son consulat il fut accusé
ni 14 Vell., n 2, et surtout Plutarque, Vie des Grac- de sédition par l'orateur Crassus, alors âgé de vingt et un
ques (an de Rome 620). ). an et prévint le jugement, en s'empoisonnant, dit-on,
ans,
Q. enim Pompeius. Q. PompéiusRufus, lilsd'unjoueur av des cantharides. Son changement de parti l'avait rendu
avec
de flûte fut consul en 612. Sa petite-fille Pompéiâ fut l'é- odieux od au peuple, sans le faire estimer des grands (Cic.,
pouse de Jules César. Le grand Pompée descendait d'une deLeg., d( ni, 16[).
autre branche dont l'illustratitm était encore moi ns ancienne, Fuit Gracchus. Tib. Gracchus mourut l'an de Rome
et dont les membres étaient surnommés Strabon. 65
6S0 âgé de trente ans. Il ne nous reste absolument rien de
L. Cassius. L. Cassius est le même qui, en 642, fut lui t>- ainsi on ne peut juger de son style. Mais on peut juger
envoyé en Afrique pour amener Jugurtha à Borne, et à
d, son éloquence par l'extrait que Plutarque a fait d'un
de
la foi duquel le roi barbare se fia plus qu'à la foi publique. grand gr discours que Tibérius prononça devant le peuple,
se justifier d'avoir fait déposer son collègue Octavius.
(Sali., Jug., 32.) Cicéron, pro .«ose. ,1m., 30, l'appelle pour 1*
le plus sage et le plus intègre des juges. ValèreMax., m. 7, Plutarque pl déclare expressément qu'il rapporte des traits
dit que son tribunal était l'écueil des accusés, sco/îttius el et des argumentsde ce discours, pour faire voir quelle était
la force de l'éloquence de Tib. Gracchus.
reorum. – Legl tabellariœ. Les suffrages se donnèrent Quœsliones perpétuée. Tribunaux permanents ou
de vive voix jusqu'en 614, que Gabinius introduisit l'usage
du scrutin secret pour l'élection des magistrats. En 616 Questions Q perpétuelles. A Rome, les affaires judiciaires
Cassius étendit celte loi aux jugements rendus par le peuple, étaient divisées en deux classes, judicia privata et ju-
et
excepté dans les procès de haute trahison (perduellionis). dicia d publica; ce qui répond assez bien à ce que nous
En 622, Papirius Carbon l'étendit encore à l'acceptation appelons a| justice civile et justice criminelle. Les rois
d'abord, ensuite les consuls, jugèrent les affaires privées
et au rejet des lois; enfin, l'an 646, Célius fit ajouter les n civiles. En la préture fut instituée pour exercer
jugements de perduetlionc. (Voyez Cicéron, de Leg., ou
387

m 1 et 16, et les noies du traducteur.) A ce que Cicéron, o


cette partie de l'autoritépnblique.Le préteur jugeait quel-
lui-même; plus souvent il renvoyait le jugement à
dans cet endroit, et Montesquieu, Esprit des Lois, liv. quefois <l
des décemvirs ou à des centumvirs; ou pour certaines
il, chap. 2, disent sur les avantages et les inconvénients °couses il déléguait parmi les citoyens ayant le droit de
du scrutin secret, nous n'ajouterons qu'une chose quand a dans les tribunaux un juge qui se faisait assister
Tibère voulut enchaîner les suffrages du sénat, il déclara siéger Sl
des jurisconsultes de son choix. (Voyez Cic., pro
qu'il voterait à haule voix, afin que tous les sénateurs Ppar
Quinlio, 2.) Quant aux jugements publics on affaires cri-
fussent obligés d'en faire autant. (Tac., Ann. I, 74.) *•

minelles,
n dans l'origine les rois jugèrent eux-mêmes ou
XXVI. P. Mucii filins. Ce fils de Mucius ne s'appelait
nommèrent
n des juges La condamnation d'Horatius fut
Crassus que parce qu'il avait été adopté par le Crassus prononcée
par des duumvirs qu'avait désignés le roi Tullus
dont il est parlé au chap. 19. Comme l'adopté prenait tous Hostilins. f Ce même procès prouve que dès lors on en ap-
les noms de son père adoptif et faisait un adjectif du nom pelait peuple. Les consuls succédèrent aux droits de6
de sa famille, celui-ci s'appelait P. Licinius Crassus Mu. J.rois, au
comme on le voit par Brutus, juge de ses fils. La loi
cianus Dives. Aulu-Gelle, I, 13, dit qu'il réunissait les Valéria, rendue en 246 (Tite-Live, n, 8), et plusieurs
cinq avantages les plus précieux qu'on puisse désirer il autres lois qui la confirmaient( Tite-Live
fl ni 55 et x 9)
était très-riche, très-noble, très-éloquent, très-habile ju- en p permettant d'appeler au peuple detoutes les ordonnances
risconsulle et grand pontife. des consuls qui mettaient en péril la vie d'un citoyen, firent
c
Menelao, Masatheno. Ménélas était un rhéteur gree, passer entre les mains du. peuple l'exercice du pouvoir
de Marathum, ville de Phénicie. ( Welzel. ) 1
judiciaire. La loi des Douze Tables régla qu'on ne pourrait
L: Calius Antipater. Célius Antipaterécrivitl'histoire Jprononcer | de peines capitales que dans les comices par
de la seconde guerre Puniqne. Il fut questeur en 617. h- centuries. Ces comicesjugeaient par eux-mêmes les crimes
r
Crassus l'orateur, qui fut son disciple, naquit en 613. de de péculat et de concussion. Le peuple
( lèse-majesté
XXVII. Fœderis Numanlini. Le consul Mancinus, nommait i des commissaires pour juger les autres crimes,
enveloppé avec vingt mille hommes par les Numantins, et ces commissaires étaient le plus souvent les magistrats
avait fait avec eux un traité honteux dont il s'était rendu en
t
<

exercice. Comme le nombre des causes augmentaitavec


garant, lui et tous ses officiers. On le rappela à Rome et la grandeur de la république, depuis 604, on créa succès'
le sénat voulut qu'il fût livré à l'ennemi avec tous ceuxsivement quatre préteurs avec commission d'informer,
qui avaient engagé leur foi. Tih. Gracchus, questeur dee pendant toute l'année de leur charge, des accusations dis
Mancinus, et négociateur du traité, s'y opposa; toutefoislèse-majesté, de péculat, de concussion et de brigue. C'est
il ne put empocher qu'on ne livrât au moins Mancinus, que e ce que l'on appela questions perpétuelles c'est-à-dire, li i,
les Numantins ne voulurent pas plus recevoir que les Sara- bunaux permanents.Ces tribunaux étaient présidés par I»
nitos longtemps auparavant, n'avaient reçu Sp. Postu préteur (ou un juge dr, la question qui remplissait tes
.lmosan wa
ir,.
fonctions du préteur), et composés de juges ou plutôt de Date poteslatem mihi
jurés (juratijudices) choisis parmi les ci toyensquiavaient Statatiam agere ut liceat per silentium
droitd'y siéger. Sylla, dictateur, ajouta deux nouveaux tri- Ne semper servus currens iratus senex,
bunaux pour juger les assassins, les empoisonneurs, les Edux parasitus, sycophanta autem impudent,
corrupteurs de juges et les juges corrompus. L'établisse- Avants leno, assidue agendi sint mihi
ment des questions perpétuelles n'empêcha pas qu'il n'y Clamors sumtno cum labore maximo.
eût encore des jugements rendus par le peuple, ou par des ( voit par là que statarius exprime un personnage tran-

r
On
commissions extraordinaires,comme on le voit par les pro- quille et qui a peu de mouvement. En même temps le
cès de Rabirius et de Milon. Voyez Beaufort, Rép. Rom., dernier vers explique très-bien les mots de Cicéron, qui
liv. v, chap. 4, et Montesquieu, Esprit des Lois, xi,18. celeri motu etdifjicili uluntur, mots qui ont embarrassé
XXVIII. L. Âttio. Attius (qu'on nomme quelquefois plusieurs
t commentateurs. Ils désignent ces avocats qui,
Accius) était un poëte tragique auquel Horace ( Ép. n I suivant les expressions de Cicéron lui-même de Orat.,
55) attribue de la grandeur et de l'élévation. Il naquit en t 53, ingemunt, inclamant, dolent, querenlun sup-
1,
583 et mourut en 666. Cicéron, né en 647 a donc pu le plicant,
1 pedem supplodunt, et auxquels convient l'épi-
connaître. thète
t motorius, que, dans l'art dramatique, on oppose
L. Paulli nepoti. Des quatre fils de Paul Émile, deux ¡à statarius. Douat, sur le prologue des Adelphes de Té-

moururent, comme on sait, à l'époque même de son triom- rence Duo agendi sunt principalesmodi, molorius et
phe sur Persée. Un autre était entré par adoption dans la statarius, ex piibus ille terl'ms nascitur, qui dicitur
maison Cornélia; ce fut le second Africain l'autre dans la mixtus. On distinguait aussi les comédies en moloriœ,
maison Fabia; ce fut Q. Fabius Maximus Émilianus père statariœ, mixtœ. On pourrait comparer les premières aux
du Maximus dont il est question ici. comédies d'intrigue les secondes aux comédies de carac-
M. Drusus. M. Livius Drusus, un des ancêtres de l'em- tère les troisièmes participent de l'un et de l'autre genre.
Au reste la qualité de statarii, que Cicéron attribue ici
pereur Tibère, fut appelé le patron du sénat, dont il avait
ardemment défendu la cause contre C. Gracchus. (Suét., à Scaurus et à Rutilius, s'applique également au fond de
Tib., 3.) Son fils M. Drusus, dont il sera question, chap. leurs discours et à la manière dont ils les prononçaient.
62, périt de mort violente pour avoir voulu, dans son XXXI. Qui quidem in triumviratu. lly avaitdesiritim-
tribunat, satisfaire à la fois le parti du peuple et celui des virs pour la fabrication des monnaies, des triumvirs
nobles. pour la police des prisons, appelés triumviri capitales;
il y en eut pour les distributions de terres en exécution des
XXIX. In Seauri oratione. Scanrns était prince du lois agraires. On ne sait de quel triumvirat était Tubéron.
sénat. Cicéron en vingt endroits le comble d'éloges. Sal- Schutz propose in tribunatu. Vacationem, etc. Les
luste, Jug., 15 en fait un ambitieux avare et hypocrite. fonctions de juges, comme chez nous celles de jurés,
Pline, xxxvi, 15, le juge comme Salluste. 11 parait, au étaient à la fois honorableset onéreuses de sorte que l'on
reste par un trait que rapporte Val. Max., m 7 que de contraignait même ceux qui cherchaient à s'en dispenser.
son temps l'opinion publique lui était favorable. Peut-être On peut voir dans Beaufort, Rép. rom., liv. v, chap. 2,
Cicéron et Salluste exagèrent-ils l'un l'éloge et l'autre le quelles étaient les dispenses légales; il y en avait plu-
blâme, pour nne senle et même raison Scaurus était un sieurs, telles que l'âge, certaines fonctions publiques, les
des principaux appuis de la noblesse. Uujus quoque sacerdoces le nombre d'enfants.
rei. prœcepta sunt. Ceci doit s'entendre des préceptes Vnum excipio Catonem. Caton d'Utique, frère de
de la rhétorique sur les mœurs oraloires; préceptes que Servilia, mère de Brutus. – Architecte verborum. Brulus
Boileau a si Lien résumés en deux vers appelle les stoïciens des architectes de paroles, et parce
Que votre âme et vos moeurs peintes dans vos ouvrages
qu'ils admettent de nouveaux mots pour exprimer de
N'offrentjamais de vous que de nobles images. nouvelles combinaisons d'idées et à cause de l'art avec
lequel ils bâtissent l'édifice de leurs raisonnements. Ils
Tout ce qu'on pourrait dire de plus ne ferait qu'enseignerà emploient la parole comme un architecte emploie ses ma-
l'orateur à feindre des vertus qu'il n'aurait pas. tériaux. ldque artefaciant. Ilsartialisent le langage,
XXX. In judicium vocatus esset. Ce procès eut lieu pour me servir d'une expression de Montaigne.
en 661. Butilius s'était attiré la haine des chevaliers en Jovem aiuntphilosophi, si grœce loquatur, sic loqui.
aidant Scévola l'augure proconsul d'Asie, à réprimer les Cicéron revient sans cesse sur l'éloge de Platon; il t'imite
brigandages des publicains. Or, ces publicains étaientt continuellement et pour les idées et pour les formes de
chevaliers, et cet ordre était en possession exclusive des style. Quintilien (x, i) ne lui donne pas moins d'éloges; il
jugements publics, d'après une loi de C. Gracchus, res- lui attribue une éloention divine et homérique(eloquendi
tée en vigueur malgré la chute de ce tribun. On conçoitt facultate quadam divina et Homerica) il dit qu'il s'é-
qu'un pareil procès offrit un grand intérêt politique et sou- lève bien au-dessus du ton de la prose, et qu'il parait
levât beaucoup de passions. Les chevaliers, accusant de2 transporté de l'enthousiasme des oracles (ut mihi non
concussion celui qui avait réprimé leurs concussions, et,hominis ingenio, sed quodam DelpMco videatur ora-
ce qui est plus inique, les accusateurs juges en leur propree culo instinctus ). Enfin nous voyons ici que Démosthène
cause, devaient trouver dans l'ordre des patriciens une résis- faisait, des écrits de ce philosophe, sa lecture habituelle.
tance énergique. Rutilius, condamné, se retira en Asie où ilil Platon a donc eu la gloire de contribuer à former les deux
fut accueilli comme un bienfaiteur. Rappelé par Sylla il nee plus grands orateurs de l'antiquité et l'on peut dire que
voulut pas revenir pour être témoin des maux de sa patrie.'• l'éloquence ne lui doit pas moins que la philosophie. Mais
Il était à Smyrne quand Mithridate lit massacrer quatre- outre Platon, Démosthène lisait aussi Thucydide, qu'il
vingt mille Romains. Il échappa à la faveur d'un déguise- avait, dit-on, copié sept fois de sa main; Platon, le mo-
ment on Peut-être dut-il son salut au respect qu'inspi-• dèle du style développé, riche, abondant, et toujours clair
raient ses vertus. Cicéron, de Orat., 1 53 et 54, fait surr et facile; Thucydide, plein de nerf, de précision de briè-
ce procès les réflexionsles plus intéressantes. veté, mais quelquefois un peu difficile à entendre; l'un et
Statarios. Mot emprunté à l'art du comédien. Térencee l'autre admirables par l'art du raisonnementet la hanteur
en fixe parfaitement la signification dans le prologue de des pensées. Démosthène a retenu les perfections commu-
ÏHeautontimorumenos. Le vieillard (lit au public nes à ses deux modèles; il a pris un juste milieu entre
leurs qualités opposées. C'est Thucydide assez étendu Cicéron parlejensuite, furent condamnés pour t'être laissé
Platon assez resserré pour une action publique. Et ici nous corrompre par Jugurtba. « Le consul Opimius (dit Plut.
pouvons remarquer une des causes dela différence qui existe Vie des Gracques, trad. d'Amyot) n'ayant pu se garder
entre le style de Déinosthèneet celui de cicéron. Si l'ora- d'être concussionnaire et larron, et s'étant laissé corrompre
teur romain aimait Platon, il professait aussi une haute par l'argent du roi Jugurtha, fut condamné et finit sa viedans
'estime ponr Isocrate dont il reproduit si heureuse- l'opprobre et l'ignominie. » Opimius avait déjà été accusé
ment les formes harmonieuses. Mais on conçoit que la ler.- en sortant du consulat parle tribun Décius, défendu par
ture d'Isocrate devait entraîner dans une tout autre route Carbon, qui, en devenant consul, avait abandonné le
que celle de Thucydide. Nous devons dire cependant que parti populaire, et absous par le peuple, qui peut-être n'é-
Cicéron n'a imité d'Isocrate que ce qn'il a de bon, et que tait pas encore revenu de la terreur que lui avaient inspirée
malgré son admiration pour ce modèle il s'est générale- les redoutables vengeances du sénat. Peut-être aussi les
ment garanti de ses nombreux défauts. grands profitèrent-ils en cette occasion de l'influence que
leur donnait dans les comices par centuries la division du
XXXII. De incestu. Rac. non caslus. Ce mot ne signi. roi Servius Tullius.
fie pas toujours ce que nous entendons par le mot français
XXXIV. Gracchani judices. Les juges ou jurés, dont
qui en est formé; il se dit quelquefois,d'une manière plus
générale, de tout crime contre la chasteté Le commenta- nous avons parlé dans la dernière note du chap. 27, fu-
rent pris d'abord parmi les sénateurs. C. Gracchus en
teur Célius pense que le jugement dont il est ici question 630, attribua les jugements
est celui des trois vestales, Imilia Marcia et Licinia, ac- n'étaient aux seuls chevaliers, qui
cusées de s'être laissé séduire. Émilia senle fut condam. alors que les premiers d'entre le peuple. Cette
loi,
née par le collége des pontifes Licinia fut sauvée, sans le restée en vigueur après sa mort, balança longtemps
pouvoir exorbitant que la chute de ce tribun populaire
doute par l'éloquence de son parent l'orateur Crassus. avait donné à la noblesse.
Mais le peuple nomma une commission extraordinaire
En 647, le consul Servilius Cé-
pion proposa une loi qui partageait les fonctions de juges
présidée par le Cassius dont nous avons parlé note 49,
entre les sénateurs et les chevaliers. Mais si cette loi passa,
qui cassa le jugement, et condamna Licinia et Marcia. elle fut bientôt abrogée, car en 662 elle fut proposée dot
XXXIII. Utinam non lamfratri pietalem guampa- nouveau par Livius Drusus, acceptée par le peuple, et
triœ prœstare voluisset. Le père des Gracques était Tibé- abolie la même année avec tous les actes de ce tribun.
rius Sempronius Gracchus, dont il est question ci-dessus, Elle fut rétablie en 664 par le tribun Plautius Silvanus.
chap. 20. Leur aïeul était Scipion le premier Africain. Cicé- Asconius dit qu'elle admit même les plébéiens au droit
Gracchus. On voit que de juger. En 673, le dictateur Sylla rendit exclusive-
ron parle avec enthousiasme de C.
réserve quoi. ment ce droit aux sénateurs. En 683, le préteur L. Au-
son admiration pour lui était sincère et sans
politique; encore at- rélius Cotta, secondé par Pompée, alors consul, le
que d'ailleurs il condamnâtsa conduite
tribue-t-il ses égarements à un noble motif. Il est facile de partagea entre les sénateurs, les chevaliers et les tribuns
t
s'apercevoir que malgré ses fautes il le regrettait autant du trésor, qui en cela représentaient l'ordre des plébéiens.
éloquence. Telles sont les principales révolutions du pouvoir judi-
pour son caractère moral que pour son
Regrettons nous-mêmes de ne plus avoir aucun de cesciaire pendant le septième siècle de la république. Les
discours que Cicéron trouvait si beaux. Ils nous offri- partis ne cessèrent de se disputer ce pouvoir, le plus im-
raient sans doute les véritables modèles de cette élo- portant de tous, puisque de lui dépendentl'honneur, la for-
souverainement surf tune et la vie des citoyens, jusqu'au moment où il tomba,
quence de la tribune, qui régnait conservéss avec tous les autres, aux mains d'un seul homme. «Claude,t
le peuple romain. Les fragments que nous en a
Aulu-Gelle, quoique malheureusement trop courts, sontt ditMontesquicu.Gr. el Dec, chap. 15,achevadeperdrele»
cependant très-dignes d'être lus. Ce même Gracchus n'é- anciens ordres en donnant à ses officiers le droit de ren-
tait pas seulement un orateur éloquent, un ardent delen- dre la justice. Les guerres de Marius et de Sylla ne se
seur des droits du peuple; c'était encore un très grand ad- faisaient que pour savoir qui aurait ce droit des sénateur»
ministrateur. 11 fit conduire des colonies dans des villes
ruinées, bâtir des greniers d'abondanceà Rome, construire
ou
uns
des chevaliers; une fantaisie d'un imbécile l'ôla aux
et aux autres; étrange succès d'une dispute qui avait
et paver de grands chemins dont Plutarque parle avec mis en combustiontout l'univers. Voyez en outre Tacite,
i
admiration il y lit poser des bornes milliaires; il porta ,lnn., xn, 00.
même l'attention jusqu'à mettre des deux côtés, à des dis-'r XXXV. T.Allntcius.T. Albuciusétaitpassionnépourle le
pierres plus petites,
tances assez rapprochées des
aider les voyageurs à monter à cheval. Amyot, se récriant
t pour
grec, au point de renoncer à sa langue maternelle, et d'ai-
sur la beauté et l'utilité de ces travaux, qui mer
devraient mieux passer pour Grec que pour Romain. Le poëte
Lucilius raconte comment sa manie fut un jour tournée
être imités par tout bon administrateur, ajoute avec une
en ridicule. Scévola l'augure, allant à son gouvernement
finesse naïve, bien digne d'un traducteur de Plutarque d'Asie, passait par Athènes, où était T. Albucius. Celui-ci
et les chemins sont tellement rompus,
« Mais les mœurs étant venu lui rendre ses devoirs, Scévola le salua en grec;
qu'il faudrait beaucoup de Caius, de temps et d'argent pour
le parti des tous ses officiers, tout son cortége, et jusqu'à ses licteurs
y mettre ordre. » Caïus Gracchus fut tué par
consul Opimius, l'an de en firent autant, eu sorte qu'il n'entendait retentir autour
nobles, à la tête duquel était le de lui que ce mot x«ïps il fut piqué jusqu'au vif et comme
Rome 632, douze ans après son frère Tibérius.
toute la philosophie des Grecs ne le rendait pas plus mo-
i
Rogatione Mamilia. Sur cette loi, voyez Salluste,Jug., déré, il en conçut un tel ressentiment, que quand Scévola
chap. 40. fut de retour à Rome, il l'accusa de concussion, aceusa-
n tion qui tourna à la honte de son auteur. Voyez Cicéron,
XXXIV. P. Scipio. Ce Scipion était fils de Scipion de Finib.
Nasica, meurtrier de Tib. Gracchus. U fut consul en 642, i 4.
pluss Q. Catulus. Q. Lutatius Catulus fut consul avec Marius
avec Calpurnius Bestia, dont il est question tm peu
bas.Voy. Sali., Jug., il. en 651. Il fut tué par la faction de Marius en 666. (Vell.
P. Popillium. Popillins étant consul avait cruellement it Pat., n, 22.)
pou.suivi les amis et les clients de Tibérius Gracchus. i. Q. Metellns fftanidlcus. Q. Métellus, consul en 644,
Caïus, pendantson tribunat, le fit exiler. (Voy. Plutarq., et!t dut son surnom de Numidicus à ses victoires sur Jugur-
VeIl. Paterc., H, 7.) C. Galba, et les (piatre consulaires, dont it tha. n fut exilé par la faction de Satuminus pour avoir..
seul de tous les sénateurs, refusé le serment à une loi sédi- I je jouaient dans l'action un bien plus grand rôle que chei
ja
tieuse de ce tribun. Aulu-Gelle cite de lui plusieurs phra- nous. ni Par latera (les flancs), il faut entendre le mouve-
qu'on donne à son corps, la manière de le pencher
ses ou fragments de discours qui donnent de son esprit et ment m
de son caractère la plus haute idée. el de le plier. Quintilien recommande beauooup de ne pas
et
XXXV. M. Aurelius Scaurus. Il ne faut pas confondre dépasser d, en ce genre les règles de la bienséance. Par exem-
ple, il ne veut pas qu'en prononçantcette phrase de Cicé-
ce Scaurus avec celui dont il est question, note du cil. 29. l'
et qui était de la famille Émilia, tandis que celui dont ron, r( Stetit soleatus prœtor popuii romani mulicrcula
Cicéron parle ici était de la maison Aurélia. nixus
n in Ullore, l'orateur représente par le gesle la po-
Q. Cepio. Q. Servilius Cépion s'était attiré la haine du sition si peu décente de Verrès Non incli natio i ncuinbentis
peuple parsa loi sur lesjuscments (dernière noleduch. 34,) in ii midierculam Verris c/figenda est. 11 ne vent pas qu'en
qui lui avait valu le titre de protecteur du sénat, pa- prononçant p cette antre phrase, Cœdebatur in foro Mes-
tronus senatus. L'an 647, envoyé en Gaule contre les sanœ s civis romanus, l'orateur imite les contorsions dé-
Cimbres, il prit Toulouse, pilla la ville, enleva une immense chirantes,
c ni les cris douloureux de l'infortuné qu'on
quantité d'or et d'argent consacré aux dieux par les Gau- fifrappe de verges Non motus laierum, qualis esse ad
lois. Après avoir fait partir ces trésors pour Marseille, d'où verbera v solet, iorquendus; aul vox, qualis dolore
ils devaient être transportés à Rome il envoya secrètement eaprimitur, e eruenda. Il donne aussi des préceptes sur
des assassins qui égorgèrent les conducteurs, et s'appro- la h manière de se tenir debout (status), de marcher (in.
pria cette riche proie. L'année suivante, sa folle témérité cessus); c car l'orateur ne restait pas toujours immobile à la
perdit l'armée, et causa un des plus épouvantablesdésas- ttribune ou devant tes Juges. Il marchait en parlant souvent
très qu'aient jamais essuyés les Romains. Il fut destitué à grands pas, quelquefois à pas précipités, il y avait toute..
de son commandement, dépouillé de ses biens, exclu du f malgré cette véhémence d'action, un décorum, une
sénat, et dix ans après accusé par Norbanus, et condamné mesure, r qu'on ne pouvait dépasser sans s'exposer au ri-
à l'exil. (Voyez Hist. rom. de lfollin et dévier, h' v. xxx. ) dicule. Un certain Virginius demandait un jour, au sujet
Voilà l'homme qui, suivant Cicéron, fut accusé des torts d'un orateur, combien il avait déclamé de mille pas (com-
de la fortune, et victime de la haine du peuple. J) faut eu tbien il avait fait de milles en déclamant) qiwt millia
convenir çicéron, préoccupé des malheurs de la patrie, passmim declamasset. Nous en avons assez dit pour faire
jugeait, avec les idées de son temps, les hommes et les voir combien, même dans ce que les anciens trouvaient
événements antérieurs au bouleversement de Marius et décent < et mesuré, il y aurait chez nous d'inconvenance et
de Sylla. Assurément l'ami de son pays ne pouvait balan-
d'exagération.
cer entre une démocratie qui venait d'élever César au XXXIX. M. Carii. Ce procès roulait sur un testament.
pouvoir absolu, et l'aristocratie du sénat qui avait soutenu Coponius avait institué M'. Curius son héritier, dans le cas
jusqu'à la fin les anciens principes. Dans de telles circons. où il aurait un fils posthume, et que ce fils mourrait avant
tances, le parti des grands, des oplimates était le vérita- d'être majeur. Or il ne naquit point de fils posthume à
ble parti républicain. Mais en était-il de même au temps Coponius. Cependant M*. Curius réclama l'héritage en vertu
des Gracques? Et pour revenir à Cépion, le mérite d'avoir du testament. Scévola, plaidant contre lui, prétendit que
servi le sénat dans l'affaire des jugements est-il assez Curius n'aurait droit à l'héritage que dans le cas où il se-
grand pour l'absoudre des fautes et des crimes que l'his- rait né à Coponius un fils posthume. Crassus soutint au
toire lui reproche? contraire qu'on devait s'en tenir à l'esprit du testament,
XXXVI. C. Memmius. C'est celui dans la bouche du- plutôt qu'à la lettre, et il gagna. Voyez plus bas, chap. 62.
quel Salluste, Jug. 3! met un fort beau discours contre Scœvola. Scévola le pontife était cousin de Q. Mucius
la noblesse. En 653 sous le sixième consulat de Marins, Scévola l'augure, premier maltre de Cicéron et gendre de
il fut tué par Saturninus au milieu même des comices con- Lélius,dontil est question au second paragraphe du en. 26,
sulaires. Voyez Appien, Gnerr. Civ., 1 Cic., quatrième ainsi que dans les notes, chap., 30 et chap. 35 sur Rutiins
Catilinaire. Albucius Scévola le pontife futaussi maître de Cicéronaprès
Si nunc ad Antonium pervenlmus. Marc Antoine, la mort de l'augure. Il publia divers ouvrages de jurispru-
l'orateur, naquit J'an 610 de Rome. Il fut consul l'audence, dont l'un, intitulé Spot, définitions, est le plus
(Î54 Cicéron étant dans sa huitième année. Il fut tué enancien livre
dont on trouve des extraits dans le Digeste.
<S66 par ordre de Marius et de Cinna, et sa tête fut atta- JI fut tué en 671, par le préteur Damasippe, exécuteur
chée à la tribune aux harangues. Ce grand orateureut pour des ordres du jeune Marius, pendant que celui-ci combat-
fils M. Autonius Créticus, père du triumvir Marc Antoine, tait contre Sylla, auprès de Sacriportum. ( Vell. Palerc,
et C. Antonius, collegue de Cicéron dans le consulat. n,36.)
Luc. Licinius Crassus, l'orateur, naquit l'an 613, trente- XL. Serv. Sulpicio. Serv. Sulpicius Rufus fut consul
quatre ans avant Cicéron. 11 fut consul en 658 avec Scé- en 702. suivit, dans la guerre civile, le parti de César,
vola le pontife,et mourut en 662.(Voyez le récit pathé- et gouverna l'Achaïe après la bataille de Pharsale. Il mou.
tique que Cicéron fait de sa mort, de Orat., m, t et 2.) rut l'an 710, la même année où Cicéron fut tué. On lit
11 cite, tant dans cet endroit que liv. 1, 52, et liv. h, 55, dans le quatrième livre des Lettres familières, 5 et 2, deux
plusieurs phrases de Crassus, qui font vivement regretter lettres de lui à Cicéron. Dans la première il essaye de le
qu'il ne nous en reste pas davantage. Dans ce chapitreconsoler de la perte de sa fille Tullia, et dans l'autre, il lui
et le suivant, Cicéron examine le talent d'Antoine souss annonce la mort de son ancien collègue Marcellus, leur
les cinq rapports de l'invention, de la disposition, de la ami commun.
mémoire de l'élocution et de l'action.
XLIII. ln colonia Narbonensl. La colonie de Nar-
XXXVIII. Omnisque motus mm verbts sentendiss bonne. C'était toujours se montrer populaire que de pro.
consentiez. Pour se faire une idée de ce qu'élait l'action poser ou de favoriser l'établissement d'une colonie, parce
oratoire chez les anciens, il faut lire en entier le chap. 3 que c'était un moyen de donner des propriétés à des ci.
du liv. xi, de Quintilien. Ce qu'il dit des mains qu'il ap- toyens pauvres.
pelle un langage universel, est surtout remarquable. Quantt Serviliam legem. La loi Servilia est celle par laquelle
au mouvement des épaules il conseille beaucoup de ré. le consul Cépion appelait les sénateurs aux fonctions de
oerve Humerorwn raro decens allevatio atque con- juges, attribuées par la loi Sempronia aux seuls chevaliers.
racitto est. Ces mots prouvent toutefois que les épaules Crassus en appuyant cette loi soutenait une cause toute
différente de celle qu'il avait embrassée dans l'affaire de XLVII. Cn. aulem Oclavii. Cn. Octavius futconsul avec
la colonie de Narbonne. Brutus, celui dont il est question Cinna,
< l'année même où Marins exilé revint d'Afrique. Il
chap. 34, ne manqua pas d'opposer l'un à l'autre ses deux fut1 tué par Marius, vainqueur et mattre de Rome, avec
discours, et de le mettre en contradiction avec lui-même. l'orateur Antoine, C. Julius César et plusieurs autres des
Cicéron pro Cluent. 51, et de Oral. u 5 raconte com- sénateurs les plus distingués.
ment Crassus le réfuta en mettant les rieurs de son côté. XLVIII. C. Jaliui. C. Julius César Strabo le même qu.
XLIV. Laudatio. On sait qu'outre leurs avocats, les est nommé dans la note précédente. Sa tête fut attachée
accusés pouvaient produire des amis qui fissent leur éloge aux rostres avec celle d'Antoine par ordre de Cinna. Cicé-
(laudatores). Ces éloges étaient en quelque sorte des té- ron a fait de C. Julius un des interlocuteurs de ses Dialo.
moignages apologétiques. Or Cicéron, de Orat., n, 11, gues de Oralore.
Q. Serlorium. Le fameux Sertorius qui, proscrit par
nous apprend qu'on donnait quelquefois des développe-
menlsàdc simples témoignages, et qu'on y mettait du soin Sylla, soutint la guerre en Espagne, depuis l'an 676,
et de l'élégance. Toi était sans doute le discours de Cras- jusqu'à l'an 682 et fut assassiné par Perpenna.
sus dont il parle ici. LI. Antimachum. Antimaque, de Claros, petite ville
Ipsa illa censoria contra Cn. Doînitiunt. Cicéron, ou petit canton près de Colophon en Ionie, avait composé
de Orat., n, 56, dit que ce discours était rempli d'un une Thébaïde en vingt-quatre chants, et une élégie inti-
nombre infini de bons mots et de plaisanteries ingénieuses. tulée Lydé, dont tes anciens faisaient beaucoup de cas.
Suétone Ner. 2, en cite le trait suivant. Crassus faisant Plutarque, Vie de Lysandre, parle d'un poème à la
allusion au surnom d' Mnobarbus que portait son adver- louange de ce roi, ouvrage du même auteur, et dont Pla-
saire, dit « qu'il n'était pas étonnant qu'il eût une barbe ton, encore jeune, entendit la lecture à Samos. Le même
d'airain, puisqu'il avait un visage de fer et un cœur de Plutarque cite ailleurs les écrits d'Antimaque comme le
plomb Non esse mirandum giwd œneam. barbamha- modèle de cette intempérancede paroles que nous flétris-
beret, cui esset os ferreum, cor plumbeum. » Nota. On sons du nom de bavardage.
appelait os ferreum, un visage qui ne rougit point. Ca- Ita se, inguam, res habet. Il a fallu traduire exactement
tulle, Carm., xu, 16 cette métaphore, quelque bizarre qu'elle paraisse en fran-
çais. On pourrait même douter qu'elle fût beaucoup plus
Rlthorp.m
Ferreo canis exprimamus ore. agréable en latin; au moins on ne saurait nier qu'eue necon-
traste singulièrement avec celle que l'auteur place immé-
On voit pourquoi nous ne traduisons pas ces muts par diatement à côté. Toutefois il faut se souvenir qu'on lit un
bouche de fer, expression très-française, mais qui a un dialogue, et que Cicéron connaissait mieux
que nous les
autre sens. convenancesde sa langue.
XLV. L. Afranius. L. Afranius est comparé par Ho- LII. Salis ornate et pereleganter. L'ornement et l'é-
race à Ménandre. Qnintilicn dit qu'il sedistinguaparmi les légance sont deux choses différentes quoiqu'elles se con-
auteurs de comédies romaines (fabulœ togatoe); mais il fondent quelquefois. L'ornement consiste surtout dans les
blâme ses productions sous le rapport des bonnes mœurs. figures, et l'élégance dans le bon choix, la propriété, la
délicatesse des expressions.Un discours peut, à la rigueur,
XLVI. Quod non est eorum urbani tate. Quinlilien, être élégant sans être oiné, c'est-à-dire, sans être embelli
vi, 4, définit ainsi l'urbanité « J'appelle urbanité une ma- par les figures et les images.
nière de parler où l'on ne peut découvrir rien d'inconvenant,
rien de grossier, rien de négligé, rieu d'étranger, ni pour LIII. Delicati. Ernesti cite ce passage et interprète ce
le sens, ni pour les mots, ni pour la prononciation, ni pour mot, libidini luxuive dedïtus; c'est-à-dire, un homme
le geste. Aussi se fait-elle remarquer moins dans des traits de plaisir. Mais delicalus signifie aussi concinnus, ele.
Isolés que dans le ton général du discours, comme cet atti. gans, intelligens deliciarunt. Ces sortes de gens sont
cisme des Grecs, qui était l'expression du goût exquis et amis du repos. Cic, de Nat. Deor., t, 37 Epicurus,
délicat des Athéniens. Cette définition n'a rapport qu'au quasipueri delicati, nihil cessationemelius existimat.
langage, et en ce sens, urbanltas dit moins que le mot Voilà pourquoi nous avons traduit, un jeune homme
français urbanité, qui signifie cette politesse que donne désœuvré. De plus, ils sont sujets aux caprices et aux
l'usage du monde. Mais urbanilas reçoit aussi cette ac-
fantaisies, et c'est pour cela que Crassus prend un de ces
ception, et se prend pour ce bon ton que Marmontel défi. élégants pour sujet de son apologue.
nit « Le naturel dans la politesse, la délicatesse dans la At vero ut contra Crassus. On trouve, de Orat., n, 6,
louange, la finesse dans la raillerie la légèreté dans le ba- quelques lignes de ce discours de Crassus.
dinage, la noblesse et la grâce dans la galanterie, une li- LIV. Circulantem. Ernesti dit sur ce passage Judex
berté mesurée et décente dans le langage et les manières, circulons est, qui in ipsojudiciosurgit, et cum homi.
nibus consistit, et circulas facit, colloquitur. Ainsi
et par-dessus tout, une attention imperceptible à distribuer
à cliacun ce qui lui est dû de distinction et d'égards. »quand les juges étaient fatigués par l'ennuyeuse éloquence
Sicut illic Atticorum. Quintilien > m i, raconte aussi d'un froid et prolixe avocat, il leur arrivait quelquefois de
l'anecdote de Théophraste et ajoute que la femme inter- se lever, de former entre eux des groupes ( circulas ) et
rogée à quel signe elle l'avait reconnu pour étranger, d'établir des conversations. Peut être aussi le mot cir-
répondit, quod nintittm attice loqueretur. Théopliraste culantem, employé au singulier, ne signifietil ici que
était de l'ile de Lesbos. celui qui circule, qui va et vient, dans l'enceinte où les
juges étaient assis.
XLVII. L. philippus. L. Philippus fut consul en 662.
C'est après avoir prononcé contre lui dans le sénat, une LV. A. Colta. C. AuréliusCotta, né en 629, élait ne-
harangue que Cicéron appelle divine, que Crassus tomba veu du vertueux Itutilius, et plaida pour lui dans le pro-
malade et mourut. (Cie., de Orat. m i et 2.) cès dont il est question, chap. 30. Le tribun Q. Varius,
Espagnol de naissance, ayant fait de vive force passer une
Cnœusque Pompeius. Cn. Pompéius Strabo, consul loi qui ordonnait des poursuites contre ceux qui, par des
en 664, et père du grand Pompée. Il mourut frappé de la pratiques criminelles, avaient été les auteurs de la guerre
foudre, pendant les guerres de Sylla et de Marius, aussi Sociale, les principaux sénateurs furent condamnés pour. y,
liai do peuple que son fils en fut aimé depuis. ce crime vrai ou supposé. Ils avaient pour jugea I«nr? «nu.
mis les chevaliers, »lon seuls en possession des fondions l'accusé que trois avocats dan* les causes les plus impor-
de jurés. C'est à ces poursuites que Cicéron fait allusion, tantes. Ce qui rend cet usage vraiment bizarre, c'est que,
de Oral., va, 2, par ces mois, ardentem invidia sena- comme on le voit ici, tous les avocats n'assistaient pas
tum, nefarii criminis principes civitatis reos. Accusé ensemble à la plaidoirie, et ne paraissaient que chacun à
eu vertu de la loi Varia, Cotta pritle parti de s'exiler. 11 leur tour, de sorte qu'il ne pouvait y avoir d'unité ni de
fut ensuite rappelé par Sylla, et fut consul en 678. C'est concert dans la défense. Beaufort Rép. Rom., liv. v,
dans sa bouche que Salluste met le dernier des discours chap. 5 Ascon., in Orat. pro Scauro; Tacit., Ann., m
qui se lisent dans les fragments de cet historien. Cotta est 1 et i3.
un des interlocuteurs des Dialogues de Oralore
Sulpicius Rufus, aussi né en GM, et interlocuteur des
P. LV1II. Curio. C. Scribonius Curion, fils de celui dont
il est question ch. 32, et père de celui du ch. 8i fut con.
mêmes Dialogues, embrassa d'abord le parti du sénat et sul en 677 et mourut en 700. C'est ce Curion qui fut un
contribua en 664 à faire nommer Sylla consul. Bientôt il jour abandonné de tout son auditoire. (Voyez chap. 51.)
se déclara pour Marius et devint le plus furieux tribun du Usu domestico. On peut voir dans Quintilien, livre v,
peuple qui eût jamais élé. Plutarque fait de lui un portrait chap. i un morceau classique sur la nécessité d'entourer
affreux « 11 ne s'agissait pas, dit-il, d'examiner s'il sur- les enfants de personnes qui parlent bien.
passait les autres en toutes sortes de vices, mais en quel C. Lœlii. Comme il faut quelque attention pour suivre
genre de vices il se surpassait lui-même. » 11 avait à ses le fil de ces lignes masculines et féminines qui se croisent
ordres trois mille hommes armés, et il ne paraissait en et se confondent, nous donnons ici deux tableaux généalo-
public qu'accompagné de sixcentsjeunes chevaliers, déter- giques qui les présentent parallèlement, et qui serviront
minés à tout oser à son premier signal il les appelait son de commentaire à tout le chapitre.
contre-sénat. On est fâché de voir un si grand scélérat dans 1. C. LFj-ius le Sage.
un si grand orateur. Jusqu'à cette époque, sa conduite
et son génie lui avaient attiré l'estime universelle, et 2. LÉLU, femme de Mtcius Scévola l'Augure.
tout à coup, dit Velléius n, 1 8 comme s'il se fut lassé
d'être vertueux et que toutes ses bonnes résolutions eus- 3. Mucia femme de Licinius Crassus l'Orateur.
sent échoué en un moment, il se précipita dans le mal.» Mucia 2.
Sylla, dépouillé par lui du commandement contre Milhri-
date, marche aussitôt vers Rome, la prend, chasse Ma- 4. Licima femme de Scirios troisième descendant
rius, et le fait déclarer ennemi public, ainsi que Marius de Coreiilum. Licinia 2.
le fils, Sulpicius et neufautres sénateurs. Sulpicius, livré
par un des ses esclaves, fut mis à mort. Sa tête fut ap- 5. Crassus Sciimon et Scipio.n Métellus, beau-père
portée à Rome, et attachée à la tribune aux harangues (an de Pompée et pontife avec Brutus.
de Rome 065 ). 1. P. Scii'rosNASir.ACorculum(c'est-à-dire,leSage),
LV. Altenuate. Ernesti Altemiale dicere estboniora- fils de Nasica l'Homme de bien.
loris in genere tenui versanlis. Cestyle simpleest carac- P. Scii'ioN Nasica Serapio, meurtrier de Tib.
térisé dans Cicéron par une foule d'autres épitliètes 2.
Sublilïs, tenuis,summissus humilis brevh, aculus, Gracchus.
eallidus emiclealits limahts, rem explicans propriis
3. P. Scipion Nasica épousa Cécilia fille de Métel-
aptisque verbis. Chacune de ces épitliètes indique une
des qualités do ce style, que les rhéteurs appellent sim- lus Macédonicus.
ple, par opposition aux styles sublime et lempéré. Ce 4. P. Scii'ion Nisica épousa Licisia fille de Cbas-
genre simple était, aux yeux de quelques-uns, le seul sos l'Orateur.
genre attique. Cette opinion sera réfutée chap. 82 et sui-
vants. Mais pourquoi ici le mot altenuate.' Allenuatus 5. Scii'ion Métellus, frère de Crassus Scipion..
signifie proprement diminué, aminci. La qualité qu'il 'il Nous voyons dans ce chapitre même pourquoi un de ces
indique est, pour le langage ce que sont en peinture les deux Scipion portait le nom de Crassus. L'autre avait été
traits tins, légers, délicats, mais réduits, d'une minia tnre. adopté par un Mélellus, et avait pris les noms de Q. Céci-
Le style simple, comme l'entend Cicéron, ressemble à un lius Métellus Pius Seipio. C'est celui qui se trouva en Afri-
tableau où se trouvent réunis l'esprit de la composition, que avec Caton, et y lit la guerre à César.
la pureté et la correction du dessin, la délicatesse du C'est peut-être ici le lieu de donner les noms latins qui
coloris, le fini des détails la grâce et la perfection de l'en. désignent les .degrés d'ascendance. On les trouve réunis
semble. par
I ordre dans Plaute, Pers., 1, 2, 5.
LVTÏ. Pomponhis. Cn. Pomponins a déjà été nommé
Pater, avus, proavus, abavus, atavus, tritavus.
chap. 49, et le sera encore, chap. 62 et 90. Il fut tué dans A ces noms correspondent dans le môme ordre les degrés
les guerres de Marius et de Sylla. Voyez encore de Orat., de l descendance.
m, 13. Filius, nepos pronepos abnepos, adnepoi,trinepos.
Idcirca hanc consuetudinem. Cicéron donne peu de dé- LXII. C. Carbo. C. Carbon surnommé Arvinaetfils de
tails sur cette singulière coutume. Il a déjà dit ailleurs que celui
r dont il est question ch. 27, fut tué avec Scévola le
c'était à lui qu'on abandonnaitgénéralement la péroraison. tpontife, par ordre de Marius le fils, l'an de Rome 67t.
Jl parait que le nombre le plus ordinaire était de quatre Voyez la deuxième note du chap. 39. 11 ne faut pas le con-
avocats pour l'accusation et quatre pour la défense. Seau- fondre f avec Cn. Carbon, consul en même temps que le
rus fut le premier qui eut jusqu'à six défenseurs Cicéron jjeune Marius, et qui cette année-là même, fut tué en
Hortensins, P. Clodius l'ulcher, M. Marcellus, M. Cali- Sicile S par Pompée. Cicéron, Lettr. famil., ix, 21, dit
dius et M. Messalla. Après les guerres civiles, on vit que c C. Carbon fut le seul bon citoyen de tous ceux qui
monter jusqu'à douze le nombre des avocats d'une seule portèrent [ le surnom de Carbon.
personne. Une loi Julia, rendue probablement par Auguste, Q. Varius. Q. Varins, Cicéron, deNat. deor., m 33,
en diminua le nombre; et il paratt, par le procès de Pi- l'accuse du meurtre de Drusus et de l'empoisonnement
ma, accusé d'avoir empoisonné Germanicus, qu'on n'ad- d'un > Métellus. Il ajoute qu'il périt lui-même dans les plus
Itattall que quatre accusateurs, et qu'on n'accordait à cruels c supplice*, Il avait été condamné et chassé en exil,
d'après la loi Varia, qui était sonouvrage. Voyez ci-dessous, 83,
8 et, par le secours de Pompée alors consul, il fit rendra
chap. 89. aaux tribuns du peuple les priviléges dont Sylla les avait
LXII. St. Dntsum. M. Livius Drusus, lils de celui dont d dépouillés. Voyez in Verr. n 41- Val. Max. m 3, 8,
il est parlé chap. 28 fut poignardéétant tribun du peuple, raconte r. que le peuple paraissant décidé à le faire consul,
l'an 662. Voyez Vell. Paterc, n, 13; Florus, m, t7; Ap- C. C Pison, qui exerçait celte magistrature en 686, déclara
pien, Guerr. civ., r, 35; Sali. Lettr. polit. à César, i énergiquement
é et officiellement du haut de la tribune, qne
(vulgo il), 6; le présid. de Brosses, Mém. de l'Acud. s'il s était élu il ne le proclamerait pas; et empêcha ainsi
des inscr., t. 27. qu'il
') ne fût nommé.
La table généalogique suivante fera voir comment Dru- LXII. Apuleins Saturninus. Voyez sur Satuminus et
sus était grand onde maternel de Brutus Glauria,
C Cicéron, in Catil., i, 2, et de plus, Florus, ni,
M. Livius Druscs (du chap. 28). 16; Cicéron de Leg. n 6.
Si ralione.m ejus haberi liccrcjudicalum esset. On ne
M. Livius Drusus. Liïïa femme de pouvait admettre comme candidat ni un absent, ni un ac-
p
M. Caton et ensuite de Q. Sbrvilius. v ccusé, ni uu homme au-dessous de l'âge fixé par les lois ni un
Servilia femme de magistrat en exercice. Or Glaucia était alors préteur, et
M. CATON d'Utique. – M. BRUTUS.
r
il fallait deux ans d'intervalle entre la préture et le con-
.-–––- –––~
M. BnuTus ( de quo hic).
sulat.
6
Equcstrem ordinem beneficio legis dev'mxerat. On
L. Autem Luculhim. L. Lucnllus, consul en 679, cite c de Servilius Glaucia deux lois, une de repetundis,
fitla guerre & Mithridate jusqu'en G87, qu'il fut remplacé qui c aggravait les peines établies contre concussion, et ac-
par Pompée. –M. Lqiculiiis, cousin geimain du pi-éddent, cordait c à l'accusé une seconde audience pour se défendre
fut consul en 680. Legem Semproniamfrumenlarlam. (ut ( reuscomperendinarelur).Voyez Cicéron ,ïn Verr.,
Loi rendue en 628 sur la proposition de C. Gracchus, iï 9, et pro Rab. Post., 4. L'autre loi Servilia, de l'an
d'après laquelle l'État devait Ibiirnir du hléaux indigents à 653 f réglait que ceux des Latins fédérés qui accuseraient
f; d'as le modius. On voit, de Offie., n, 21 que M. Oc. et feraient condamner un sénateur, recevraient en récom-
tavius ne supprima pas entièrement ces largesses publi- pense 1 le droit de cité romaine. Cicéron, proBalbo, 23 et
ques. – Cn. Octavius, déjà nommé ci-dessus, chap. 60, 24. Cette loi portée en haine du sénat assurait, par cela
fut consul avec Cunon en 67". -Cicéron de Offic., ni, même, à son auteur la reconnaissance des chevalierset du
16, cite de Caton le père un jugement qui fait honneur à peuple.
ses lumières et à son équité. Sex. Titius. Ce Titius est représenté comme un citoyen
Q. Etiam Catulum filium. Lutatius Catulus, fils du séditieux et turbulent, de Oral.. il, t Voyez encore de
Catulus dont il est parlé cliap. 35, fut consul en 675. Leg., n 6 et la note du traducteur.
C'est à Catulus le fils que le peuple rendit ce bel hom- LXIII. P. Antisthts. P. Antistius beau-père de Pom-
mage dont parle Vell. Paterc., h, 31. Catulus s'opposait pée, fut tué en 671 par ordre dujeuneMarius, avec Car-
à la loi Gabinia qui en chargeant Pompée de la guerre bon Arvina, et Scévola le pontife. Rabula. Ce mot, si
contre les pirates, lui conférait sur une grande partie de souvent pris en mauvaise part, n'est certainement pas em-

disait-il, est dangereux dans un État libre et d'ailleurs il et


l'empire, uneaulorité dictatoriale. Un si-grand pouvoir, ployé ici comme un éloge. Cependant l'épithèteproSaftifis,
les réflexions qui suivent, prouvent que l'auteur n'y
ne faut pas exposer sur une seule tète les destinées de laattache pas non plus une idée de mépris. On donne de ra-
république si Pompée venait à périr, qui mettriez-vous bula d'absurdes étymologies, rabies, rage; ravus, en-
à sa place? -Toi, Catulus, lui répondit-on d'une voix roué. Celle que propose Vossius palJÇ, aboyer, est plus
unanime. plausible. Peut-être vient-il simplement de çit» parler,
vient de ç>i|iî (/ari), tabula (surface, éten-
Q. cœpioncm. Il faut bien se garder de confondre ce conune/od)«(o
Cépion, comme l'a fait Erncsti avec Q. Servilius Cépion, due) de ravin (tâûi) étendre, stabuhim de îa-njui (.store),
lequel avait été consul en 647. Il ne peut s'agir ici que du pablilum de n&to (pasco), et autres semblables.
Q. Cépion dont parle Cic., adHerenn.it,12. Welzel pense Contra C. Juin. C. Julius César, le même dont il a été
que c'est le même Cépion qui est nommé ci-dessus, chap. parlé, fut édile curule en 663; il demandait le consulat
46 et 56. 11 fut questeur de la ville l'an 653, et résista pour l'an 665 sans avoir passé par la préture. Cette de-
énergiquementaux entreprises sédilieuses de Saturnimis.mande irrégulière fut repoussée. Voyez Cicéron, de Ar.
En 662 il s'opposa égalementaux lois par lesquelles Dru- resp., 20. – Quelques traducteurs paraissent avoir pris
sus voulait rendre les jugements au sénat. ce C. Julius pour le fameux Jules César étrange erreur!t
Cn. Carbonem. Cn. Carbon fut trois fois consul, savoir Jules César était né en 653, et les deux orateurs dont il
en 668 G69, 67 Dans son dernier consulat, il avait pour
r s'agit ici moururent, Sulpicius en 665, Anlistius en 671.
collègue Marius le fils. Il fut vaincu avec lui par Sylla, ett Keditumquel.Sullœ. Sylla partit pour la guerre contre
tué à Lilybée en Sicile, où Pompée poursuivait les restess Mithiidate en 066 et revint en 670 après avoir contraint
de son parti. – M. Marius Gratidianus, proche parent dee le roibarbareàsignerunepaixhonteuse.Pendantcetemps,
Cicéron (voyez de Brosses, Catil., 8, et Cie., deLeg., Rome était sous le joug de la faction de Marius. C'est à
m 16) était devenu l'idole du peuple romain par une ac- !• cette époque que fait alIusionMontesquieu Dial. de Sylla
tion peu honorable à son caractère, que Cicéron raconte, • d'Eucrate « Lorsque par le caprice du sort (dit Sylla)
et

de Offic, m, 20. Il fut inhumainement massacré sur lee ie fus obligé de sortir de Rome je me conduisis de même
tombeau de Catulus, par Catilina, ministre des proscrip- j'allai faire la guerre à Mithridate, et je crus détruire Ma-
tions de Sylla. (Voyez Q. Cic, de Pet. consul. 3; Valer.r. rius à force de vaincre l'ennemi de Marius. Pendant que
Max., ix, i,et Lucain.xi, 173 et suiv.)
L. Quintius. Voyez Cie. pro Cluentio, 27 et 40. Il
fut tribun en 679.
je je laissai ce Romain jouir de son pouvoir sur la populace
multipliais ses mortifications, et je le forçais tous les
s_ jours d'aller au Capitole rendre grâceaux dieuxdes succès
Palicanus. M. Attilius ou Lollius. ,j
(De Brosses, Hist., iv, 76.) Palicanus, qui est dit dans dont je le désespérais. »
les fragments de Salluste, humili loeo Picens, loquax x LXIV. Facullas ex Instar ta ipsius perspici potesl. L.
magis qxmm facundus ( Quintil., i, 2)', fut tribun ei il Sisenna avait fait une Histoire de la république, depuis
la prise deRomepar les Gaulois jusqu'à Sylla. Voyez Vell. k plaidoyer de Cicéron pour Cluentius. (Voyez ce Discours,
Palerc, u, 9; Sali. Jug., 95; Cic., de Leg., 1, 2, avec la chap. 7, et suiv.)
24
note du traducteur; enfin les Fragm. de Sisenna dans le LXIX. C. el L. Cepasius. C. et L. Cépasius sont tour.
Salluste de Cortius. nés en ridicule dans le même Discours, chap. 20 et 21.
LXIV. Est autem Paullo el Marcello mortuus. Ilor- Judicialis anni severitatem. Pompée, consul pour la
tensius naquit l'an de Rome 639 huit ans avant Cicéron. troisième fois l'an de Rome 701 régla par une lui que
Il plaida sa première cause en 658 fut consul en 084 et les parties auraient trois jours pour faire entendre les té-
mourut en 703. moins, mais qu'il ne serait donné pour la plaidoirie que
deux heures àl'accusaleuret trois heures à l'accusé, et
LXV. M. Crasso.M. Licinius Crassus était le second
qu ils plaideraient le même jour. Cette nécessité de se
fils de celui qui, ayant vu son lus aîné tué sous ses yeux renfermer dans des boi nés étroites, et de répliquer sur-le-
par ordre de Marins, l'an de Rome 666 se perça lui-même champ, dut réduire au silence une foule de parleurs inca-
de son épée. Il fut consul en 683 et en 698. Il forma eu 694 pables de se résumer, ou trop faibles pour repousser à
le premier triumvirat avec César et Pompée, et fut tué en l'instant uneattaque un peu vive. Voyez Cicéron deFln.,
700, dans sa malheureuse expéditioncontre les Parthes. iv,l; ci-dessous, chap. 94; et Tac., Dial. sur les Oral., 38.
LXVI. C. Fimbria. C. Flavins Fimbria suivit, comme LXX\ Sublato ambitu. Pompée, dans son troisième
lieutenant, Valérius Flaccus, envoyé en Asie par la fac- consulat, avait fait rendre une loi très-sévère contre la
tion de Marius, pour remplacer Sylla dans le commande- brigue et la séduction dans les élections. (Dion, xxxix,
ment des armées contre Mithridate. Fimbria fit révolter 37, xl; 52. )
les troupes, tua son général, et pilla Cyzique et d'autres M. Mcssalla, minor notât. M. Valérius Messalla fut
villes alliées du peuple romain. A l'approche de Sylla consul deux ans après Cicéron, avec M. Pupius Pison Cal-
qui accourut pour punir tant de crimes et revendiquer ses purnianus. Il ne faut pas le confondre avec un autre Mes-
droits, il fut à son tour abandonné des soldats et forcé de salla qui fut consul l'an 700, et dont il est fait mention
se donner la mort, l'an de Rome 669. C'est à cette mort ci-dessons, chap. 96. – Métellos Celer fut consul en 693,
prématurée que Cicéron fait allusion par les mots non ila et Métellus Népos en 696, l'année où Cicéron fut rappelé
diujaclare se potuit. Voyezpro Mosc. Am., 12 un mot de l'exil.
atroce de ce factieux. LXXÏ. Marcelhts satis est notus. M. Marcellus, con-
Cn. Lentulus. Cn. Cornélius Lentulus Clodianus fut sul cn 702, vivait en exil à Mitylène, depuis la bataille
consul en 681 et censeur en 684, avec L. Gellius Publi- de Pharsale et l'usurpation de César. Son rappel eut lieu
cola.
en 707, et par conséquent suivit d'assez près l'époque
P. Lentulus. P. Cornélius Lentulus Sura, consul en où ce Dialogue fut composé. Quant à César, il était parti
682 fut chassé du sénat en 684 par les censeurs nommés en 692 pour sa préture d'Espagne et en 695 pour son
dans la note précédente. -Afin de pouvoir y rentrer, il se gouvernement de la Gaule, où il resta dix ans. Brutus, né
fit de nouveau créer préteur, et il exerçait celte charge en 668, n'avait donc pas eu beaucoup de temps pour
lorsqu'il fut condamné et mis à mort comme complice de l'entendre, et jugerde son talent oratoire.
Catilina.
LXXIV. T. Flaminium. T. Flaminins fut consul en
LXVII. M. Pison. M. Pupius Pison Calpurnianus, con- 630. Atticus naquit en 644. Si Flaminius obtint le consulat
sul en 692 ne doit pas être confondu avec L. Pison, sous à quarante-quatre ans, âge légal il en avait soixante-dix
le consulat duquel Cicéron futexilé; ni avec C. Pisoncon- quand Atticus en avait douze. Il est donc inutile de vou-
sul en 68B dont il sera fait mention, chap. 68. Voyez sur loir, avec quelques commentateurs, substituer un autre
M. Pison, Cicéron, de Orat., i, 22, et ci dessous, chap. 90. nom à celui de Flaminius. C'est le même dont il est parlé
Deinde ex virginum judicio. Sur le procès des Ves. à la fin du chap. 28. Cicéron dit qu'il l'a encore vu lui-
tales, voyez Cicéron, in Catil., ni 4. même, expression qui suppose Flaminius très-vieux et Ci-
C. Macer. C. Licinius Macer essaya, en 680, de faire céron, très-jeune. Or, Cicéron avait trois ans de moins
rendre aux tribuns ceux de leurs droits qu'ils n'avaient qu'Atticus.
pas encore reconqnis depuis la mort de Sylla. Salluste lui Spulatilica. Sisenna voulait dire que les accusations
met dans la bouche un discours très-véhément, qui se étaient ridicules et méprisables. Mais il se servait d'un
trouve dans les Fragments de cet auteur. Accusé de con- mot doublement mauvais, et parce qu'il était bizarrement
cussion ait tribunal de Cicéron préteur en 687, il s'é- nouveau, et parce qu'il offrait une idée qui révolte legoût.
trangla avec son mouchoir au moment où l'on allait re- LXXV. Tanquam veste, etc. Cette métaphore a été
cueillir les voix. (Voyez Val. Max., îx 12 7.) Macer fut fort heureusement imitée
par Fénelon, Lettre sur l'Élo-
le père de l'orateur Calvus, dont il sera parlé ci-dessous,
quence « Démosthène se sert de la parole, comme nu
chap. 82. homme modeste de son habit pour se couvrir. » Au reste,
LXVIII. L. Twquatus. L. Manlius Torquatus fut con- Cicéron ne veut pas dire ici que César, dans ses Mémoires
sul avec L. Cotta en 688. Ils devaient périr tous deux se peint en déshabillé, comme le lui fait dire un traduc-
dans la première conjuration de Catilina, si une circons- teur. Il s'agit de son style et non de sa personne. Il ne
tance fortuite ne l'eùt fait échouer. (Sali., Catil.. 18.) dit pas non plus que ses Mémoires sont dépouillés de toute
Pompée naquit la même année que Cicéron,de Rome 647, affectation dans le style; l'éloge serait trop mince. Tous
sous les consuls C. Attilius Serranus et Q. Servilius Cé- les traits de la métaphore se rapportent à une figure dont
pion. Il mourut à cinquante-lmitans sous le consulat de le dessin est pur, gracieux, et qui n'est ornée d'aucune
César et de I'. Servilius l'an de Rome 705. (Vcll. Paterc., draperie. Voyez Rollin, Traité des Études, t. î.
H, 53.) D. Jnnius Silanus fut consul avec Muréna, LXXVI. C. Sicinius. C. Sicinius, dont il s'agit ici,
l'année d'après Cicéron. Il épousa Servilia, mère de Brutus. n'est pas le même qui a été déjà nommé, chap. 60.
P. Autranius. P. Autronius est nommé dans les chap. 17 C. VUelllus Farro. ViselliusVarronétaitfdsd'Aculéon,
et 18 de Salluste, commecomplicedesdeux conjurations dont il est question quelques lignes plus bas. Or Aculéon
de Calilina. avait pour femme la tante maternelle de Cicéron. Voyez
Nisi infacinore manifesto deprehensus.Il est beau- Cicéron, de Orat., u î. Juge de la question. Voyez
coup parlé de Stalénus et de son infâme corruption dans Cicéron, pro Rose. Am., it.
il
.6. A.1. .7.· e.e
fils de celui dont
LXXVI. L. Torquatus. L. Torquatus,4:1.. nous It.a
est parlé chap. C8, Voyez Cieéron, de Finib., n, 19, et
Il
lait connaître l'opinion de Rollin sur l'éloquence de
1~

Flécbier, et cet orateur, ainsi rapproché de Calidius, se


l'Argument du plaidoyer pour Sylla. Dans la guerre civile, trouve jugé par Cicéron lui-même.
Torquatus, commandant pour Pompée la ville d'Apollonie, LXXX. Aberat tertia illa laus, qua permoveret et

se rendit à César (Bell. civ., m 1 1); ensuite il prit de nou- incitarel animos. Comme, dans cette apostrophede Cicé-
veau parti contre le vainqueur qui l'avait épargné, et fut
ron à Calidius, il faut faire la part de l'ironie, pourrait
tué en voulant passer d'Afrique en Espagne. (Bell. Afric., croire que le reproche de ne s'être frappé ni leonfront ni la
96.) Triarius commandait dans la guerre civile une cuisse est
un pur jeu d'esprit. Mais non; ces brusques
partie de la flotte de Pompée. (César, Bell. civ., m, 5.) mouvements, qui chez
nous annonceraient presque le dé-
LXXVff. M. Bibulus. M. Calpurnius Bibulus fut con- lire, étaient en usage chez les anciens. Se frapper la
sul avec César en 694. Il mourut de maladie pendant qu'il
il cuisse, ditQuintil., xr, 3, est une chose ordinaire. Ce
commandaiten chef les forces maritimes de Pompée con- geste, inventé par l'Athénien Cléon, convient à l'indigna-
tre César. (Bell. civ., m, 18.) tion, et échauffe l'auditoire (etusitalwnesl, et Indigna,
Appius claudius. AppiusClaudiusPulcher(déjà nommé tos decet, et excitât auditarem).Quintilien n'approuve
à la fin du chap. 64) fut consul eu 699. Val. Max. raconte pas de même qu'on se frappe le front ni la poitrine. An
sa mort, liv. 1 cbap. S, § 10. était collègue de Cicéron reste, pour juger l'action oratoire des anciens, il ne faut
dans le corps des augures. Une de ses filles avait épousé pas perdre de vue l'état de leur civilisation, la forme de.
Brutus. leurs gouvernements, la composition de leurs tribunaux
L. Domitnis.lt. Domitius Ahénobarbus, collègue d'Ap-
et de leurs assemblées, ni même la mobilité de leurs orga-
pius au consulat, était fils de celui qui est nommé an chap. nes et l'influence de leur climat.
45 et qui fut consul en 657, censeur en 660. Domitius le LXXXI. C. Curionem. C. Scribonius Curion était fils
fils fut tué dans la déroulede Pharsale. (César, Bell. civ., de celui dont il est parlé au chapitre 58, et petit-fils de
m 99.) celui du chap. 32 succession de latents qui fait dire à
Publlus ille. P. Cornélius Lentulus Spinther, consul en Pline, Tir 41 « La famille des Curions a seule produit
696, usa de toute son autorité pour hâter le rappel de Cicé- trois orateurs de père en fils. » C'est lui qui dans les jeux
ron exilé par la faction de Clodius. L. Corn. Lentulus funèbres qu'il donna pour honorer la mémoire de son père,
fut consul en 704, l'année même où éclata la guerre civile. fit construire deux théâtres en bois, adossés l'un à l'autre
César (Bell. civ., i 1 et 2), et Vell. Paterc., n 49 l'ac- et qui, en tournant snr des pivots, se réunissaient en un
cusent d'être un de ceux qui contribuèrent le plus à empê- seul. (Voyez Pline, liv, xxxvi.) « Curion, dit le même
cher toute conciliation. Il fut arrèlé au moment où il abor- Pline, n'avait d'autre revenu que les dissensions des
dait en Egypte avec Pompée, et tué, comme lui, par ordre grands. » César paya ses dettes et l'attira dans son parti;
du roi. (César, Bell. civ., in, 104.) .) c'est pour cela que Servius lui applique ce vers de Virgile
Ne te quidam Poshtmius. T. Postumius fut préteur en (qui, écrivant sons Auguste, ne pensait peut-être guère à
696, sous le consulat de Lentulus Spinther. cette allusion)
LXXVIII. Amentatœ haslœ. On appelle amen lam, du
Pendidit hic aura patriam, dominurnque patentent
grec £|i|j.a (rac. Sm» att.acher), une courroie qui s'atta- lmposuit.
chait au milieu de la javeline, et à l'aide de laquelle le sol-
dat lançait cette arme avec plus de force. Cicéron emploie Curion, commandant en Afrique pour César, fut défait
la même métaphore, de Oral. 1 57. Quelquefois amen- Juba, roi de Mauritanie, et
par
se fit tuer sur la place. Voyez
tum se prend pour la javeline même. Virg., Énéid., tx, le portrait affreux que fait de lui Vell. Paterc. n, 48.
CM:
C. Licinium Calvum. C. Licinius Calvus était fils
Jntendunt acres arcus, anuntaque iorquent. de C. Licinius Macer. Voyez chap. 67. A ce qui en est
C. Pisonl gencro meo. C. Calpurnius Piso Frugi fut le dit ici, on peut comparer, Cic. Lettres famil. xv, 21
premier mari de Tullia. Voyez Cicéron, ad Quir. post x,i,
Quintil., l, vers la fin; Tac., de Oral., 18,21 et 25.
red., chap. 3. Quintil., vi 1et ix 2 et 3, cite quelques traits d'un dis-
LXXIX. M. CŒlium. M. Célius est le même qui fut cours de Calvus contre Vatinins.
accusé en 697 et défendu par Cicéron. Voyez l'argument Qui si me audire voluisset. Voyez dans les six pre-
du plaidoyer pro Cœlio. Dans son tribunat. Étant mières lettres du livre u des Familières, les conseils que
Iribun du peuple en 701 il réunit ses efforts avec Cicéron donne à Curion, questeur en Asie, l'an de Rome
ceux de Cicéron pour sauver Milon. L'année suivante, ,00.
Cicéron partit pour son gouvernement de Cilicie c'est p. Crasso. P. Crassus, fils du triumvir, après avoir,
alors que Célius, privé d'un si sage conseiller, se sépara
comme lieutenant de César, conquis le pays entre la Seine
du parti des gens de bien. D'abord uni à César dans la et la Loire, et toute l'Aquitaine, se rendit à Rome avec un
guerre civile, ensuite son ennemi, il fut massacré près de grand nombre de soldaIs, pour appuyer Pompée et Crassus
Thurium, par des cavaliers espagnols et gaulois, dont il
voulait ébranler la fidélité. Milon quicourait avec lui les son père dans la demande d'un second consulat. Blessé à
la bataille où les Parthes détruisirent l'armée romaine, il
campagnes d'ltalie, à la tête d'une troupe de gladiateurset se fit tuer par son écuyer. (Voyez VHisl. rom. de Rollin
de gens sans aveu fut tué m assiégeant Cosa ou Compsa etdeCrévier, et Plutarq., Vie de Crassus.)
dans le pays des Hirpins. Telle fut la fin de deux des prin-
cipaux clients de Cicéron. Cyri et Alexandri. Alexandre et Cyrus le jeune étaient
M. Calidius. Catidius, étant préteur désigné en 696, les modèles de Crassus le fils, non qu'il ambitionnât leur
contribua au rappel de Cicéron, et plaida ensuite avec sort, mais parce qu'il voulait, comme enx, aller trop vite
lui devant les pontifes pour que l'emplacementde sa mai- i dans la carrière de l'ambition, ne pas la parcourir, mais
lafranchir, s'élancertout d'un sautde la barrière jusqu'au
son lui fût rendu. Il suivit, dans la guerre civile, lesl'Élo-
dra-
peaux de César. Rollin Traité des Éludes (de but. Voilà le sens de suum cursum transcurrerant; et
quence du barreau), dit qu'il ne lit jamais le portrait que
l'idée est très-juste. Alexandre franchit d'un saut sa car-
Cicéron fait de Calidius, sans y reconnaîtrepresque en tout rière, puisque, après des conquêtes qui semblaient deman-
'il principaux caractères de Fléchier. » Cotte réflexion der un longue vie, il mourut à trente-trois avs. On en peu
dire autant de Cyrus le jeune, puisque, voulant tout à' coup l'éclat qu'en perdantde la solidité. Aussi plus on mettra de
parvenirà la royauté qui ne lui appartenait pas, et s'étant cet esprit milice et brillant dans un écrit, moins il aura de
engagé dans une expédition au-dessus de ses forces, il nerf, de lumière, de chaleur et de style à moins que cet
trouva, encore très-jeune, dans les plaines de Cunaxa, le esprit ne soit lui-même le fond du sujet, et que l'écrivain
terme de son ambition et de sa vie. Quoi qu'en dise Wetzel, n'ait pas eu d'antre objet que la plaisanterie alcrs l'art
commentateur d'ailleurs si judicieux, Cicéron ne peut dé- de dire de petites choses devient peut-être plus difficile
signer ici le grand Cyrus, puisque ce prince monta sur le que l'art d'en dire de grandes. »
trône à quarante ans, gagna la bataille de Thymbiée à LXXXV. EtEschinis. Eschine, qu'on appelle le Socra-
soixante et un, et mourut à soixante et dix certes, ce n'est tique pour le distinguer de l'orateur, avait composé sept
pas là suum cursum transcurrere. Au reste, ce qui rap- dialogues, qui sont perdus. il existe à vérité sous son nom
pelle ici à l'auteur l'idée de Cyrus et d'Alexandre, et ce trois dialogues intitulés, de la Vertu, Éryxias ou des
qui rend la comparaison en quelque sorte locale c'est que Richesses, Axiochus ou de la Mort; mais les deux pre-
Crassus périt comme eux non loin de l'Euphrate, et dans miers ne sont pas de lui, et il n'est peut-être pas l'auteur
une guerre qui avait pour but la conquête de l'Orient. du troisième. (Schœll Littér. grecq.)
LXXXII. Metuensque ne vitiosum colligeret, eliam LXXXVI. Ut eam adspicere nemo velit. Voyez ce que
verum sanguinem deperdebat. Pline, xxxiv, 8, rapporte l'auteur a dit, cbap. 21, 1, d'un discours de Lélius sur les col-
la même chose du sculpteur Callimaque > Toujours mé- lèges des pontifes.
content de lui, il ne cessait pas de retoucherses ouvrages. Fecit et Doryphorum viriliter piierum, dit Pline,
On le nomma caeizotechnos (le sculpteur pessimiste); xxxiv, 8, en parlant de Polyclète, statuaire de Sicyone.
exemple mémorahle qu'il faut mettre un terme à son Le Doryphore, comme t'indique son nom, est un jeune
travail. » ( Vrai, de M. Gueroult.) homme qui porte une lance.
Devorabatur.Ce mot fait en latin les mêmes idiotismes LXXXVII. C. Fannius. C'est à Scipion Émilien, le se-
qu'en français devorare lioros; molesliam; stul- cond Africain,
que Fannius attribue le talent de l'ironie.
tïtias etineptias hominum; – spe et opinione prœdam. (Voyez de Orat., H, 67.)
Tous ces exemples sont de Cicéron, et peuvent par analo-
gie servir à expliquer celui ci. Qu'est-ce en effet que dévo- LXXXVIII. Oinnia admrsariorum dictameminisset.
rer les livres? c'est les lire avec beaucoup d'avidité, et Cicéron, Acad. u, i attribue à Lncnllus la mémoire des
par conséquent les lire très-vite, et sans prendre le temps
choses, à Hortensius, celle des mots. Sénèque le rhéteur,
de graver dans son esprit les impressions qu'on en reçoit. dans la préface des Controverses, rapporte qu'Hortensius
Qu'est-ce que dévorer les sottises des hommes? c'est les assista nn jour entier à une enchère et que le soir il fit te
voir et les entendre sans s'y arrêter ni en être affecté. De détail des objets qui avaient été vendus,des prix dechaque
même le puhlic devorabat orationem Calvi, en ce sens objet, du nom des acheteurs, le tout dans l'ordre où la
que le discours coulait sans faire impression,passait, pour vente avait été faite et sans se tromper. Le même Sénèque
ainsi dire, sans être goûté, ut cibi, qui gustari non parle de Porcins Latro son ami qui écrivait avec la plus
possunt, devorantur. Toutefois il est facile de voir que grande rapidité et qui pourtant se souvenait de tout ce
cette expression ne pouvait ici être rendue que par un qu'il avait écrit et le débilait sans y changer un seul mot,
équivalent. de manière que son discours composé d'avance, ressem-
blait à la plus belle improvisation. Observez qu'après avoir
LXXXIII. Ilegesias. Le premierqui écrivit sur la foi écrit, il ne prenait pas même la peine de relire. L'usage
des compagnons d'armes d'Alexandre, fut Hégésiasde Ma- des cahiers Ini était devenu tout à fait inutile; il écrivait,
gnésie, historien orateur, dont le style était surchargé d'or- disait-il, dans son esprit. Sénèque cite encore le trait d'un
nements puérils, et qui montrait un défaut absolu rie goût. homme qui, venant d'entendre lire un poëme nouveau, af-
Cicéron Orat., 67 ne le juge pas moins sévèrement. Il firma qu'il élait de lui, et, pour preuve, le récita sur-le-
ne faut pas le confondre avec un autre Hégésias, philoso- champ, de mémoire et sans tante, ce que ne pouvait faire
phe de l'école d'Aristippe. le véritable auteur; et celui de Cinéas, ambassadeur de
Opimium aut Anichim. On marquait les années du vin Pyrrhus qui, le lendemain de son arrivée à Rome, salua
par le nom des consuls sous lesquels il avait été recueillit parleur nom tous les sénateurs ,et même tous les citoyens
Anîcius avait été consul en 593; le vin de cette date avait romaine qu'il rencontra aux environs du sénat Quoique
en 707, à l'époque de ce dialogue, cent quatorze ans. Celui cette admirable faculté soit un don de la nature, l'art a
d'Opiraius, consul en 632, en avait soixante et dix. Il en trouvé des moyens pour l'aider et l'augmenter. Simonide
existait encore au temps de Pline l'ancien, c'est-à-dire fut, dit-on, l'inventeur de la Mnémonique et Cicéron en
au bout de près de deux siècles. (Voyez un morceau célè- trace les principales règles, Rhet. ad Her', m 16 et sniv.;
bre de Pline sur le vin Opimien, liv. xrv chap. 6,) de Oral., u 86.
LXXXIV. Advocat;s. Ce mot, d'où vient le français Memor et quœ essent dicta con ira etc. Cicéron, pro
avocat, n'avait point cette signification du temps de Ci- de Quintio, chap. 10, fait allusionà l'usageoù était Hortensius
diviserses plaidoyers en plusieurs points.
céron. Il se disait des amis qui venaient au tribunal, afin
Crassus est morlmis. Crassus l'orateur mourut en 662.
d'appuyer l'accusé de leur présence et de leur crédit, mais Colla fut exilé la même année, en vertu de la loi Varia
sans plaider, ni même dépuser comme témoins. (voyez note loi). La guerre Sociale ou Italique éclata l'an-
In comltium. On appelait ainsi une portion du forum, née suivante. (Voyez Florns,
où se tenaient les comices par curies, et où se rendait la m, 18.)
justice. LXXXIX. L, Memmnis. L. Memmins, dont il a été ques-

fldematlice dicant. On peut rapprocher, detoutecette tion ci-dessus, chap. 3ft. Q. Pompéius Rufus,déjà nommé,
discussion sur t'atticisme, un morceau de Cicéron où la chap. Mi, fut préteur en 662 (de Orat., 1 37 ), et consul
même question est traitée, Orator, 7 et suiv. On trouvera en 665 avec Sylla. Il fut tué la même année dans une sé-
encore quelques idées du même genre dans le discours de dition militaire excitée par Cn.
Pompéitis Strabo, père du
Buffon sur le style Rien, dit-il n'est plus opposé à la grand Pompée, qu'il allait remplacer dans le commande-
véritable éloquence, que l'emploi de ces pensées fines, et ment des troupes du Picénum. C'est le premier exemple
la recherche de ces idées légères, déliées, sans consistance, d'une armée romaine souillant ses mains du sang de son
et qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de consul. (Vell. Patent., n, 20.)
LXXXIX. Et vint accusatoris, etc. On a fait beaucoup Voyez Plut., Vie de Crassus. – Les deux Lentulus.
de conjectures sur ce passage difficile. Au lieu de les répé- Lentulus Sura était questeur de Sylla en Asie. (Plut., Vit
ter ici je dirai seulement que sans rien changer au teste de Cicéron.)
on peut, je pense, en tirer unsens très-naturel. D'abord par XC. Piso sœpe dicebat. Cicéron a déjà remarqué ci-
fréquentes aderant j'entends que Memmius et Pompéius dessus, chap. 66, qu'Antistiusse distingua au barreau entre
paraissaient fréquemment au barreau pour défendre les ci- le départ et le retour de Sylla. Pison est le même dont
toyens accusés en vertu de la loi Varia. Par la parenthèse il a été question chap. 67.
quanquam pro se ipsi dicebant, j'entends que toutefois Stoico Diodolo. Voyez surDiodote, Cicéron, Lettres
les accusés parlaient aussi pour leur propre défense. En Fam., ix, 4, et les notes 16 et 17. On lit dans le cin-
effet, ces accusés étaient les premiers du sénat et par con- quième livre des Tusculanes chap. 39 que Diodote,
séquent habitués à manier la parole. Ils semblent d'ailleurs devenu aveugle, enseignait encore la géométrie et fai-
suftisamment désignés par les mots ipsi dicebant, mis sait très-bien tracer les figures par ses disciples.
en opposition avec aderanl oratores; opposition renforcée Carbonis. Le Carbon dont Fauteur parle ici est évidem-
encore par la formule de correction quanquam. Et ici les ment le même C. Carbon dont il a déjà parlé chap. 62, 63
faits viennent à l'appui du raisonnement avant d'avoir un 89, (et qui fut tué en 671 par le préleur Damasippe, mi-
commandement dans la guerre Sociale, Antoine avait aussi nistre des vengeances de Marins le jeune. Le consul Cn.
été accusé, et s'était défendu lui-même. (Cic. Tusc, h, Carbon fut tué la même année, par le parti de Sylla; mais
24.) Par teste diserto uterque Philippo, je n'entends pas Cicéron (ci-dessus, chap. 62) ne le compte pas parmi les
que Philippe, éloquent lui-même, atteste l'éloquence de orateurs.
Memmius et de Pompéius Cicéron qui les avait enten- Censorinus. C. Censorinusa déjà été mentionné, chap.
dus, n'a pas besoin du témoignage de Philippe. Mais j'en- 67. Il en est de même de P. Muréna. Il ne faut pas, comme
tends que Philippedéposait comme témoin dans les causes Ernesti, confondre ce dernier avec L. Muréna, père de
où l'un et l'autre plaidaient comme avocats. Il n'est pas celui pour lequel Cicéron plaida étant consul. (Wetzel.)
étonnant.que Philippe fût témoin obligé dans la.plupart de Moloni. A la fin du chap. 89, Cicéron dit qu'en 666,
ces procès. Il avait combattu de tout sou pouvoir, et fait il prenait à Rome des leçons de Molon de Rhodes. Ici
révoquer enfin les actes de Drusus, auxquels on attribuait il le fait venir
l'origine de la guerre Sociale, et c'était contre ceux qui 671 ou plus tard, sous la dictature de Sylla, c'est-à-dire, en
de Rhodes à Rome. Au lien de suppo-
avaient participé à ces actes, qu'était dirigée la loi Varia. ser le texte altéré, il en faut conclure
que, de 666 à 671,
Ceci explique de plus pourquoi les dépositionsde Philippe Molon était retourné dans patrie. Deprcemiis Rho-
étaient passionnées comme des accusations. Cicéron insiste diorum. Dans la sa
chaleur développement témoi- guerre commencée en 665 avec Mithri-
au reste sur la et le de ces date, Rhodes demeura fidèle aux Romains et soutint un
gnages, afin de faire comprendre qu'il y trouvait, aussi siège contre les troupes du roi. (Vell. Pat. n 18. )
bien que dans les plaidoyers des défenseurs, des exemples
utiles pour se former lui-même à l'éloquence. XCI. Roma sum profectus. Cicéron plaida pendant les
Q. Métellus Celer. Q. Métellus Céler, tribun du peuple années 672 et 673. Son voyage dura de 674 à 676.
l'an 663, était père des deux Métellus, Celer ctNépos dont
il est question ci-dessus, chap. 70, et qui furent consuls, XCV. Timœus. Timée, historien né en Sicile, déjà men-
Celer en 693, Népos en 696. (Wetzel.) tionné chap. 16, vivait vers l'an de Rome 480. Voyez co
C. Carbon. C. Carbon est le môme dont nous avons qu'en dit Cicéron, de Orat. n 14. 11 avait composé une
parlé note 108, sur le cliap. 62. "Wetzel dont nous avons histoire universelle et une histoire particulière des guerres
suivi le sentiment, relève à son sujet plusieurs erreurs de Pyrrhus. (Denys d'Halic., Antiq., i, 6. )
d'Ernesti et démontre avec assez d'évidence, que c'est
XCVI. Messalla. Messalla, qui avait été consul en 700,
bien ce Carbon, surnommé Arvina (Val. Max., ix, 2, 3), (
accusé de brigue et défendu par Hortensius pendant
et tué par ordre de Marius le fils l'an 67 1 que Cicéron (ci- fut Cicéron était
dessus 62) dit être fils de celui qui était si renommé parIr quî gouverneur de Cilicie. (Voyez Letlr.
son éloquence. Sur Pomponius, voyez chap. 57. Fam., vin, 2 et 4.)
Crasso conmile et Scœvola. Crassus et Scévola furent
XC. Nam Attïco htec nata sunt. Atticus était de trois consuls en 058 Paullus et Marcellus en 703.
ans plus âgé que Cicéron Brutus au contraire, né en 668, Sed illum videlnr félicitas ipsius. Cette même idée se
était de vingt et un ans plus jeune. trouve déjà ci.dessus, chap. i, et de Orat., m, 2 et 3.
Triennhim fere fuit urbs sine armis. Rome fut sans Ce dernier morceau a été imité par Tacite, péroraison de
guerre civile pendant les années 667 668 et 669. Sylla était l'Éloge historique d'Agricola.
absent pour la guerre de Mithridate, et la faction de Marins
dominait sans partage. XCV1I. Duorum generum amplissimorum. Brutus,
Nam aberant. Crassus, après la mort tragique de étant par son père de la maison Junia, et par sa mère, f
son père et de son frère s'enfuit en Espagne et resta ca- de la maison Servilia, comptait parmi ses ancêtres pre-
le
ché dans une caverne, d'où il ne sortit que quand il apprit mier Brutus qui chassa les Tarquins, et Servilius Ahala,
la mort de Cinua en 669. Il vint ensuite se joindre à Sylla. qui tua Spuiius Mélius. (Cic. Philipp., il, 1 .1)
L'ORATEUR,
ADRESSÉ PAR CIGÉRON A BRUTUS.

ARGUMENT. indéchiffrable, que viennent, d'après l'opinion d'Ernesti,


combattue parSchneider, tous ceux qui ont servi à impri.
Cicéron range lui-même dans l'ordre suivant ses princi- mer les premières éditions dont quelques-unes intitulent ce
traité De optimo genere dicendi; titre qne Cicéron lui
paux ouvrages de rhétorique « Ita tres erunt de Oralore donne aussi quelquefois. (Ep.fam., xn, 17; ad Attic,
quartus, Brutus quintus, Orator. Il composa ce traité
à la prière de Brutus, pour lequel il venait d'écrire l'Éloge xtv, 20.)
de Caton.
César venait de vaincre à Pharsale. Cicéron, après avoir
attendu à Brindes le pardon du vainqueur, était rentré dons I. J'ai longtemps balancé, mon cher Brutus,
sénat, découragement crainte
Rome et dans le où le et la
entre
lui firent garder le silence. C'est alors qu'il reprit ses étu-
l'embarras d'un refus, si pénible après vos

pour me faire un crime de chercher des consolations au


'
des philosophiqueset littéraires. « Quand il ne me reste plus instances, et le danger d'un engagement trop
de rôle à jouer ni au barreau ni dans les affaires publiques, grave. Dire non à l'ami le plus cher, et, je n'en
dit-il tristement (Orat., c. 43), dois -je craindre de trou- puis douter, le plus tendre; non, quand il
ver un censeur assez chagrin ou plutôt assez impitoyable réclame
que son droit, et dans
ne
la plus honora-
sein des lettres, plutôt que de m'abandonner à l'oisiveté, ble des vues quel effort pouvait me coûter da-
qui m'est odieuse, ou à la tristesse que je veux repous- vantage? Mais s'aventurer dans une entreprise
ser?. n De l'oppression
de la république par César sontsi rebelle à l'exécution, et dont la pensée même
a
nés, avec t Orateur, la plupart des ouvrages de rhétori- peine à l'étendue, tant d'audace est-elle
que et de philosophie de Cicéron. mesurer
Il avait pour le traité de l'Orateur une grande prédilec-> permise à qui respecte l'opinion, et redoute le
tion et il en parle souvent dans sa correspondance. (Ep. blâme des hommes graves et des bons esprits?
fam., vi, 18;xn, 17;xv, 20, etc.) Qu'il est difficile, quand les grands
La première partie où l'auteur a tracé le portrait idéalj orateurs
d'un orateur parfait est en effet une des plus telles produc- se ressemblent si peu, de préciser la forme par
tions de la langue la'ine. L'autre partie offre moins d'élé- excellence, et de fixer, en quelque sorte, le type
vation dans les idées, étant toute didactique; quoiqu'elle
lie l'ait pas para assez à un érudit du seizième
de
signe,
siècle, Pierre
l'art oratoire I Mais vous le voulez;je me ré-
sans me flatter du succès, à tenter de vous
Ramus, lequel en fit une longue et amère censure, lour-
dement réfutée par an érudit du même temps. satisfaire. Et s'il faut donner prise sur moi, ou
Ce Traité, dont il ne restait pas en Fiance au neuvième e par ma facilité, ou par ma résistance, manquons
siècle, un seul exemplaire complet, fut retrouvé, en 1419, à la prudence plutôt qu'à l'amitié.
par Gérard Landriano, évéque de Lodi. Il en confia le ma-
nuscrit à Gasparini de Bergame, qui en parle en ces ter. Je dois donc m'expliquer sur le genre d'élo-
mes, ainsi que de la copie que, suivant. Biondi, il en fitit quence que je préfère, exprimer comment je me
faire par Cosme de Crémone « Feci autem, ut pro illo vc-'' représente le dernier période de l'art, la perfec-
tusUssimo, acpïcnead nullum usum apto, novum, manu
hominisdoctissimi scriptum, ad illud exemplar correctnm, tion souveraine. Un scrupule m'arrête encore. Si
alium codkem uaberet. » C'est de ce manuscrit, presquee je réponds à votre question tant de fois proposée,

I. Utrum difficiliusautmajusessetnegaretibi ss'piuss Quferisigitnr, idquejamsœpius, quod eloquentiœ genus


idem roganti an efficere id, quod rogares diu multum- prohem maxime, et quale mihi videatur illud, cui nihil
que, Brute, dubitavi. Nam et negare ei, qnem unice dili-i- addi possil, quod ego summum et perfectissimum judicera.
gerem, cuique me carissimnm esse sentirem, prasertim n In quo vereor, ne, si id, quod vis, effecero, eumque ora-
et justa petenti, et prœclara cupienti, durum admodumrt torem, quem quœris, expressero, tardem studia multo-
mihi videbalur; et suscipere tantam rem, quantam nonn rum, qui, desperatione debilitati, experiri id noient quod
i-
modo facullate consequi difficile esset, sed etiam cogila- se assequi posse diffidant. Sed par est omnes omnia expe-
tione complecti, vix arbitrabar esse ejns, qui verereturr riri,
qui res magnas et magno opere expetendas concupi-
reprehensionemdoctorum atque prudentium. Quid enim n verunt. Quod si quem aut natura sua, aut illa prsestanlis
eslmajus, quam, quumtantasit inter oratores lionosdis-> ingenii vis forte deficiet, aut minus instructus erit ma.
similitudo, judicare, quaesitoptimaspecies, et quasi figura
a gnarum artium disciplinis teneat tamen eum cursum,
dicendi? Quod, quoniam me ssepius rogas, aggrediar, non quem poterit. Prima enim sequentem, honestum est in
tam perficiundi spe, quam experiandi voluntate. Mali)o seeundis tertiisqne consistere. Nam in poetis, non Homero
enim, quuin studio tuo sim obsecutus, desiderari a te« soli locus est (ut de Grœcis loquar), aut Arcliilocho aut
prudeuliam meam, quam, si id non fererim, benivolen- i- Sophocli, aut Pindaro;sed horum vel seeundis, vel etiam
tiam. iufra secundos. Nce vero Arisiotelcm in pliilosophia detct-
ne vais-je pas créer le découragement par une a vu encore prétendre parvenir à la célébrité Il
peinture trop fidèle, et détourner plus d'un as- avait eu ses devanciers, il n'a pas manquéde suc-
pirant d'un but qu'il va désespérer d'atteindre? cesseurs. Ainsi, plus d'ambition qui se décourage,
Mais dans les grandes choses, qui veulent de d'ardeur qui se ralentisse. Dans la route de l'é-
grands efforts, c'est un droit pour tous de tenter loquence, le point culminant lui-même n'est pas
toutes les voies. Et quand il nous manquerait, à inaccessible; et, quand le but est si noble, il est
certain degré, ou quelque don de la nature, ou déjà beau d'en approcher.
le feu divin du génie, ou le secours des bonnes Je vais peindre l'orateur accompli; et, peut-
études, ne laissons pas de pousser jusqu'où il nous être, le portrait n'aura jamais eu de modèle. Car
est donné d'atteindre. Qui aspire au premier rang ce dont je suis en quêten'est pas une prééminence
peut, sans déshonneur, s'arrêter au second, et individuelle, mais bien la perfection absolue
même au troisième. La liste des poëtes, pour ne perfection qu'on a vue rarement, si même on la
parler que des Grecs, n'est pas fermée après Ho- vit jamais, se soutenir du commencement à la
mère, Archiloque, Sophocle et Pindare. D'autres fin d'un discours; et qui, cependant, s'y montre
noms prennent rang à leur suite; et, après ceux- par éclairs, plus rapprochés dans tel orateur,
là, d'autres encore. Si nous passons aux philoso- moins fréquents chez tel autre.
phes, l'ambition d'Aristote n'a pas reculé devant J'affirme que la beauté en tous genres, à quel
la grande image de Platon. Et Aristote lui-même, que degré qu'elle nous frappe, n'est que la repro-
puissance d'entendement universelle, n'a décou- duction,etcommela copie imparfaited'une beauté
ragé personne après lui. d'ordre supérieur, qui échappe à la vue, à l'ouïe,
Il. Cette persévérance n'est pas exclusivement à tous les sens, et ne peut être saisie que par l'in-
propre à ces génies privilégiés. Même, dans les telligence et la pensée. Devant les statues de Phi-
beaux-arts, il est sans exemple qu'on ait aban- dias, qui effacent tout ce que nous connaissens
donné sa profession, en désespoir d'atteindre à en sculpture; devant les chefs-d'œuvre du pin-
la perfection de l'Ialyse que nous avons vu à ceau que j'ai cités, l'imagination s'élance encore
Rhodes, ou de la Vénus de Cos. Jamais le Jupi- au delà. Sans doute ce grand artiste, quand il
ter Olympien, jamais le Doryphore, n'ont fait travaillait à son Jupiter ou à sa Minerve, n'avait
tomber le ciseau des mains d'un statuaire aucun pas la nature vivante sous les yeux pour en tirer
n'a renoncé à essayer ses forces et sa portée. Les leur image. Mais il portait empreint dans sa pen-
sculpteurs se sont multipliés à l'infini; mais sée le caractère d'une beauté surnaturelle; et,
le talent a si bien percé dans tous les genres, tout entier à cet objet d'une contemplation in-
qu'après l'admiration qui s'épuise devant les chefs- time, c'est à en reproduire les traits qu'il appli-
d'œuvre, il reste encore une haute estime pour quait son art et son ciseau.
des efforts moins heureux. 111. Le peintre et le statuaire tendent donc
Parmi les orateurs, au moins ceux de la Grèce, également à s'approcher d'un beau rationnel;
on est frappé de voir à quelle hauteur plane un modèle invisible des produits que l'art offre en-
seul au-dessus de tous les autres. Il s'est trouvé suite à nos yeux. L'éloquence a de même sa per-
un Démosthène; et cependant, que d'orateurs on fection abstraite, dont le type est dans la pensée

ruit a scribendoampliludo Flalonis; nec ipse Aristoteles Atqueego in summo oratore fîngendo talcm inforrnabo,
admirabili quadam scientia et copia, ceterorum studia re- qualisfortasge nemo fuit. Non enim quaern, quis fuerit,
tirait. sed quid sit illud, quo nihil possit esse praestantius; quod
in perpetuitate dicendi non saepe, atquehaud scio an un-
II. Nec solum ab optimis studiis excellentes viri deter- in aliqua autem parte eluceat aliquando, idem apud
quam,
riti non sunt, sed ne opifices quidem se artibus suis remo- alios densius, apud alios fortasse rarius. Sed ego sic sta-
verunt, qui aut lalysi, quem Rlmdividimus.non potuerunt,
tuo, nihil esse in ullo gpuere tam pulrhrum quo non put-
aut Coae Veneris piilchritiidinem imitari. Nec simulacre clirius id sit, unde illud, ut ex ore aliquo, quasi image,
Jovis Olympii, nul Doryphori statua delerrili, reliqui mi-
exprimalur, quod neque oculis, neque auribus, neque ullo
nus experti sunt, quideflicere, aulquo progredi possent: percipi potest, cogitatione tantum, et mente com-
quorum tanta multitudo fuit, tanta in suo cujusque ge. sensupleclimur. liaqueet Phidiae simulacris, quibus nihil in illo
nere lans, ut, quum summa miraremur, inferiora tamen
probaremus. genere perfectius vidernus, et his picturis, quas nomina-
s. vi, cogilare tamen possumus pulchriora. Nec vero ille ar-
In oratoribus vero, Graecis quidpm, admirabile est, tifex, quum faceret Jovis formam, ant Minervœ contem-
quantum inter omnes unus excellât. Attamen quum esset plabatur aliquem, e quo similitudinem dureret; sed ipsius
Demosthenes, multi oratores magni et clari fuerunt, et in mente insidebat species pulchritudinisexiraiaqua'dara,
antea fuerant, nec postea defecerunt. Quare non est, cur quam intuens, in eaque defïxus, ad illius similitudinem
eorum, qui se studio eloquentiœ dediderunt, spes infrin- artcm et manum dirigebat.
gatur, aut languescat industria. Nam neque illud ipsum,
quod est optimum, desperandum est; et in praestantibus
rébus magna sunt ca quœ sunt optimis proxima-
et III. Ut igitur in formis et figuris est aliquid perfecttitu
excellens, cujus ad cogilatam speciem imitando refe-
runiur ea, qua; snb oculos ipsa cadunt sicperfectif eln-
et dont l'oreille cherche l'imitation sensible. mes. Les ouvrages du maître et ceux des autres
Ces formes immatérielles, Platon les appelle philosophes, où l'orateur est si peu ménagé lui
tdée.1 sublime penseur chez qui l'élévation du offrent en compensation les plus précieuses res-
style atteint la hauteur des conceptions, grand sources de son art. C'est, pour lui, le magasin,
maître et admirable modèle, Platon soutient que l'arsenal universel, bien qu'assez mal fourni des
les idées sont de tous temps et à toujours. Elles matériaux à l'usage de l'éloquence publique; et
ont pour siége l'entendement et la raison; et, cela parce que les philosophesaffectaient de trai-
seules, sont exemptes de la loi générale, qui veut ter cet exercice de vulgaire, et de l'abandonner
que tout commence et finisse, ait un cours et un aux muses de second ordre.
déclin; et que rien ne reste immuable ou station- Rabaissée de la sorte, et comme répudiée par
naire dans la nature. Quelque sujet qu'on traite, les philosophes, l'éloquence du barreau dut man-
la première opération d'un esprit qui procède quer de ses vrais éléments, de force et de puis-
avec méthode sera donc de rechercher une idée sance cependant, grâce au prestige de certains
primitive, un type générateur. effets de style et de pensées, elle put encore ob-
Je sens bien que cette métaphysique me jette, tenir la vogue, et s'en prévaloir contre uu arrêt
dès le début, hors des habitudes de l'école. Et de proscription qui n'émanait que du petit nom-
j'appréhende que des notions de ce genre, em- bre. De là quelque chose d'incomplet des deux
pruntées à une doctrine antique, peut-être un parts. Aux uns le savoir, sans les formes d'élo-
peu obscure, ne deviennent un sujet de blâme cution aimées de la multitude; aux autres le ta-
lent de parler, sans l'inspiration des belles doc-
ou de surprise. Ou l'on se demandera quel rap-
port une telle introduction peut avoir avec l'ob- trines.
jet de nos recherches, à quoi je ne puis répondre IV. Posons donc un premier principe, que la
que par la déduction elle-même, qui fera juger suite fera mieux comprendre. C'est que, sans la
si je l'ai prise de trop haut; ou l'on va se récrier philosophie, on ne devient pas orateur, comme
sur cette prétention de m'ouvrir une route nou- je l'entends. Ce n'est pas que seule elle suffise à
velle, en dehors de tout sentier frayé ce ne tout; mais elle est à l'art oratoire ce que la gym-
sera pas la première fois que j'aurai passé pour nastique est à l'art de la scène. Les plus humbles
novateur, tout en ne désirant que des choses fort comparaisons sont quelquefois les plus justes.
anciennes, mais ignorées du plus grand nombre. La philosophie peut seule agrandir et féconder
Ici je dois faire un aveu. Quoique je sois ora- toutes les hautes questions. Ne voyons-nous pas
teur, ou tout ce qu'on voudra, je n'ai pas surgi Socrate lui-même, dans le Phèdre de Platon,
de nos ateliers de rhétorique je suis enfant de attribuer la prééminence oratoire de Périclès
l'Académie; c'est dans cette école ambulante, ou- aux sciences naturelles qu'il avait étudiées sous
verte par Platon, que l'éloquence peut librement Anaxagore? Là son esprit s'était enrichi des no-
s'essayer en tous genres et sous toutes les for- tions élevées de la plus magnifique des sciences,

quentiœ speciem animo vldemus, effigiem auribus qurc- [ enim ubertas, et quasi silva dicendi, ducta ab illis est,
rimus. I nec satis tamen inslmcla ad forenses causas quas, ut
Has rerum formas appellat ideas ille non intelligendi illi ipsi dicere solebant, agrestioribus musis reliquernnt.
solum, sed etiam dicendi gravissimns auctor et magister, Sic eloquentia base forensis, spreta a philosophis et re-
Plato; Pasque gigui negat, et ait semper esse, ac ratione pudiata, multisquidem illa adjumentis maguisque caruit;
et intelligentia contineri; cetera nasci, occidere, fluere, sed tamen ornata verbis atqne senteuliis, jactationem
labi, nec diulius esse uno et eodem slatu. Quidquid est habuit in populo, nec paucorum judicium reprehensionem.
igitur, de quo ratione et via disputetur, id est ad ultimam qne pertimuit. Itaet et doctis eloquentia popularis, et di-
sui generis formam speciemque recligendum. sertis elegans doctrinadefuit.
Ac video, hanc primam ingressionem meam non ex IV. Positum sit igitur in primis (quod post magis in-
oratoris disputationibus ductam sed e media pliilosophia telligetur), sine piiilosnphia non posse effici quem quœ-
repetitam, et eam quidem quum antiquam, tum snbobs- rimns, eloquentem non ut in ea tamen omnia sint, spi
curam aut reprehensionisaliquid, aut cet te admirationis ut sic adjuvet, ut paleestra histrionein; parvaenim ma-
habilurani. Nam aut mirabuntur, quid hœc pertineant gnis saope rectissime conferuntur. Nam nec latius, nec
ad ea, quœ quœrinius;quibus satisfaciet res ipsa cognita copiosiusde magnis variisque rébus sine philosophiapotcst
nt non sine causa aile repetita videatur aut reprehen- qnisquam dicere. Siquidem etiam in Phœdra Platonis hoc
dent, quod inusitatas vias indagemus,tritas relinquamus. Periclem pracstitisse ceteris dicit oratoribus Socrates,
Ego autem et me sœpe nova videri dicere intelligo, quum quod is Anaxagoree physici fuerit auditor a quo censet,
pervetera dicam, sed iuaudita plerisque et fateor, me enm, quum alia praeclara quidam et magnifica didicisset,
oralorem, si modo sim, aut eliam quicnmque sîm non ubereni et teenndum fuisse, gnaromque (quod est elo-
ex rhetorum officinis, sed ex Académie» sp.iiiis exstitisse. quentiœ maximum), qnibns orationis modis quœque ani-
Hia eniin sunt curricula multiplicium variorumque ser- morum partes pellerentur. Quod idem de Demosthene
monum, in quibus Platonis primum impressa sunt vesti. exislimari potest cujus ex epistolis intelligi licet, quatn
pa sed et hujus et aliorum piùtosopborum disputationi- frequens ruerit Plalonis auditor. Nec vero sine pbiloso-
bus et exagitatus maxime orator est, el adjulus. Oranis phornm disciplina, geuus et spcclnn nijusqiie rei ceruere,
source inépuisable de richesses pour la parole. certaine forme d'éloquence, qui ne s'offrait à lui
Bien plus, il y avait surpris tout le secret de l'é- qu'en abstraction, jamais en réalité; et saisis-
loquence, fart de reconnaître par où les âmes sont sant avec ce tact qu'il possédaitau plus haut de-
accessibles et de quels coups il faut les frapper. gré, ce qui lui manquait à lui-même, et ce qui
Démosthène peut servir de second exemple, lui manquait aux autres, il ne voyait personne qu'on
qui, d'après sa correspondance, ne manquait pas pût appeler éloquent. Il est donc évident que s'il
une lecon de Platon. n'a trouvé l'éloquence ni dans ses propres discours
Comment parvenir, sans les méthodes philo- ni dans ceux de Crassus, c'est qu'i I s'en était créé
sophiques, à classer les objets par genres et par une image toute parfaite n'existant que dans sa
espèces, à les préciser par la définition, à les pensée, et qu'en destalents plus ou moins incom-
coordonner par les divisions, à démêler le vrai plets il ne retrouvait plus ce type de perfection
du faux, à déduire les conséquences, à signaler absolue.
une contradiction, à relever une équivoque? Et Cherchons donc, mon cher Brutus, à décou-
cette philosophie qui interroge la nature, quelle vrir cet orateur, ou, plutôt, cet être de raison
mine à exploiter pour l'orateur 1 Et toutes les no*- qu'Antoine n'a jamais vu, et qu'un dieu même,
tions sur l'homme, les devoirs, la nature, la mo- selon lui, pourrait à peine réaliser. A plus forte
rale Si l'on n'y a pas consacré une longue étude, raison,
nous sera-t-il impossible de le montrer
de quoi peut-on parler, et que peut-on com- personnifié
en nous-même. Mais il ne nous est
prendre ? peut-être pas interdit de le définir, et de le qua-
V. Toutes ces grandes pensées ne peuvent se lifier.
montrer que revêtues des grâces de l'expres-
VI. Il n'y a que trois genres de style, et dans
sion. Mais autrefois les ornements du style se
chacun des trois il s'est fait d'assez belles répu-
trouvaient chez les seuls maîtres en l'art de bien
dire. Et si, même aujourd'hui nul n'est arrivé tations. Mais nous voulons, nous, une égale su-
périorité dans les trois genres, et cet ensemble
en éloquence à la perfection absolue, c'est que, est des plus rares.
dans l'enseignement on sépare encore l'expres-
sion de la pensée, et qu'il existe une école pour Dans le sublime, on voit des orateurs soutenir,
les choses, et une école pour les mots. par la majesté de l'expression, l'élévation de la
Un homme que nos pères ont mis au premier pensée. Véhémence, variété, abondance, force,
rang des orateurs, Marc-Antoine, esprit naturel- pouvoir de remuer les âmes, et de les pousser en
lement plein de sagacité et de finesse, déclare, tous sens, tels sont les caractères essentiels de ce
dans le seul livre qu'il ait laissé, qu'il a souvent genre, sous deux formes d'élocution bien diffé-
rencontré le parleur habile, mais jamais l'homme rentes. L'une, âpre, austère, négligée, étrangère
éloquent. Sans doute, il avait l'esprit frappé d'une aux délicatesses du goût et deToreillé; l'autre,

neque eam definiendo explicare, nec tribuere in parles nunquam vidit Antonius, aut qui omnino nullus unquam
possumus; nec judicare, quœ vera, quae falsa sint, neque fuit quem si imitari atque exprimere non possumus, quod
cernere conseqncntia, repugnantia videre, ambigua di- idem ille vix deu concessum esse dicebat; at, qualis eue
stinguere. Quid dicam de natura rerum, cujns cognitio debeat, poterimus fortasse dicere.
magnam orationis suppeditat copiam ? de vita, de officiis, VI. Tria snnt omnino genera dicendi, quibus in singulis
de virtute, de moribus, sine mnlta earura ipsarum rernm quidam tlorllerunl;
a' quidam Iloruerunt;peraeque autem(id
peræqueautem (idquod volumus)per.
quodvolumns) per-
disciplina, aut dici, aut intelligi potest? patici in omnibus. Nam et grandiloqui, ut ita dicam, fiie-
V. Ad lias tôt tantasque res adhibenda sunt ornamenta runt cum ampla et sententiarnm gravitate, ct majestate
innuinerabilia quae sola tnm quidem tiadebanturab iis, verborum, véhémentes varii copiosi, graves, ad permo.
qui dicendi numerabantur magistri. Quo fit, ut veram il- vendos et convertendos animos instructi et parati quod
lam et absolutam eloquentiam nemo consequatur, quod ipsum alii aspera, tristi horrida oratione, neque perfecta,
alia intelligendi, alia dicendi disciplina est; et ab aliis te- neque conclusa; alii laevi, et instructa et terminât».
rum, ab aliis, verborum doctrina quaeritur. Itaqne M. Et contra tenues, acùti omniadocentes, et dilucidiora
Anlonius, cui vel primas eloquentias patrum nostrorum
ampliora, facientes, subtili quadam etpressaoratione
tribuebat œtas vir natura peracatus et prudens, in eo li- non in eodemque genere alii callidi, sed impoliti, et
bro, quem unum reliquit, disertos ait se vidisse muttos, limati consulta radium similes et imperitorum; alii in eadem
eloquentem omnino neminem. Insidebat videlicet in ejus jejunitate concinniores, id est, faceti, florentes etiam, et
mente species eloquentke quam cernebat animo, re ipsa leviter ornati.
non videbat. Vir autem acerrimo ingenio (sic enim fuit),
multa et in se et in aliis desiderans, neminem plane, qui Est autem quidam interjectus, inter hos médius, et
recte appellari eloquens posset, videbat. Quod si ille nec quasi temperatus, nec acumine posteriorum,nec fulmine
superiorum ut cinnus amborum, et neutro excel-
se, nec L. Crassum eloquentem putavit, habuit profècto utens
comprehensam animo quamdam formam eloquentioe, cui lens, utriusque particeps vel utriusque (si verum quoeri-
quoniam nihil deerat, eos, quibus aliquid aut plura dee- mus) potiusexpers. Isque uno teuore, ut aiunt, in dicendo
rant, in eam formam non poterat includere. Huit, nihil afTerens prêter facilitatem et sequabilitatem
stigemushuncigitur,
Investigemus hune îgitur, Brute, si possumus,
Brnte, si possumus, quem aul autailrtit
addit aliqnos corona, toros,
aliqnos,ututium corona omneraque ororatio-
1010s, onmeroque
CICÉÏION. – TOME I. 38
posée, travaillée, d'une élégance et d'une har- pourtant de n'avoir pas hésité à mettre Démos-
monie soutenue. thène infiniment au-dessus de tous les orateurs,
Le genre simple, au contraire, n'est que fin, parce que dans cette puissance qu'il a donnée à
et ne veut qu'instruire; il ne grossit pas les objets, la parole je trouve l'éloquence telle que je la con-
mais il en éclaire toutes les faces. Subtil, précis, çois, et non l'éloquence telle que je l'ai connue.
et sévèrementélaboré, il admet aussi deux formes Il est encore sans rival dans le sublime, dans le
de langage: l'une où l'art se cache sous une écorce simple et dans le tempéré. Avis à ces discoureurs
brute, et s'enveloppe à dessein de rudesse et d'i- qui, voyant l'atticisme à la mode, s'évertuent à
gnorance l'autre, également sobre d'ornements, se montrer Attiquesdans tout ce qu'ils disent. Ils
mais qui décèle quelque soin de plaire, et se feront bien de réserver toute leur admiration pour
permet même un léger vernis d'enjouement, de Démosthène, et de se bien persuader qu'Athènes
grâce et d'élégance. même n'est pas plus Attique que lui. 11 se char-
Entre ces deux genres, un troisième tient le gera de leur apprendre ce que c'est qu'atticisme;
milieu. Tempéré, par excellence, il amortit les et ces nains se déshabitueront d'abaisser l'élo-
foudres du premier et les traits du second. En quence à leur taille, quand ilsl'auronfmesurée
lui, l'un et l'autre sont combinés; nul ne domine; aux proportions du géant. On ne loue plus cequ'on
il participe de chacun au même degré, ou, pour croit pouvoir imiter. Mais je veux que l'intention
mieux dire, il se tient à égale distance de tous chez eux soit excellente, et que le goût seul soit
deux. Toujours doux et coulant, ce style n'a, dit. en défaut. C'est bien le cas de faire voir ce que
on, d'autre caractère qu'une égalité soutenue. S'il c'est que le véritable atticisme.
admet les ornements, soit dans l'expression, soit VIII. De tous temps, le goût public a donné
dans la pensée, il leur ôte le relief en les distri- le ton à l'éloquence. L'orateur qui veut plaire
buant sur l'ensemble; ou ne leur laisse de saillie étudie les dispositions de ceux qui écoutent. Il
qu'autant qu'en donne la ciselure aux fleurons s'assujettit absolument à leurs volontés, à leurs
d'une couronne. fantaisies. Dans la Carie, par exemple, et chez
VII. H a toujours suffi d'exceller dans un seul quelques autres peuples non moins étrangers aux
de ces genres, pourtenir un rang distingué parmi raffinements de l'élégance, tels que les Phrygiens
les orateurs; mais nos exigences ne vont-elles pas et les Mysiens, s'est naturalisée une diction
au delà? Il est quelques hommes, sans doute, boursouflée, bien faite pour leurs oreilles, et qui
qui ont su réunir la pompe à l'énergie, et la fi- donne à leur éloquence une sorte d'embonpoint
nesse à la grâce. Et plût aux dieux que l'Italie grotesque. Cette monstruosité n'avait à franchir
nous offrit de tels modèles 1 Il serait beau de ne qu'un bras de mer pourenvahir les Rhodiens, qui
pas les chercher à l'étranger, et de trouver chez n'en ont pas voulu. Les Grecs ont accueilli plus
nous ce genre de gloire. Ce n'est pas que j'oubl ie la mal encore ce style, que les Athéniens enfin
part brillante que j'ai faite à l'éloquence latine, ont absolument repoussé. Et comment avec un
dans mon Dialogue intitulé Brutus; mais je m'a- goût si pur et si éclairé auraient-ils permis à un
bandonnaisalors, soit au désir de stimuler l'ému- orateur de blesser, ou même d'étonner leurs
lation de nos Romains, soit à un sentiment de oreilles sévères?Uneexquise pureté pouvait seule
prédilection nationale; et je me souviens bien trouver grâce devant eux, et il n'eût fallu qu'un

nem ornamentis modicis verborum sententiarumque di- discant, eloquentiamqueipsius viribus, non imbecillitate
stinguit. sua, metiantur. Nunc enim tantum quisque laudat, quan-
VIL Horum singulorum genernm quicnmque vim sin- tum se posse sperat imitari. Sed tamen eos studio optimo,
Rnli consecuti sunt magnum in oratoribus nomen habue- judicio minus firmo preeditos, docere, quae sit propria
runt; sed quscrendum est, satisne id, quoll volumus, ef- laus Atticorum,non alienum puto.
fecerint. \idemus enim fuisse quosdam, qui iidem ornale VIII. Semper oratorum eloquenliaemoderatrix fuit au-
ac graviter,iidera versute et subtiliter dicerent. Atque «ti- ditorum prudentia. Omnes enim qui prôbari volunt, vo-
nam in Latiais taiis oratoris simulacrum uperire posse- lunlatem eorum, qui audiunt, intuentur, àdeamqueetad
mus! eeset egregium non quoerere externa, doinesticis esse eorum arbitriumet nutum totos se fingunt et accommodant.
eontentos. Sed ego idem,qui in illo sermone nostro, qui ItaqueCaria, et Phrygia, ctMvsia, quod minime polilae,
est expositus in liruto multiim tribuerim Latinis, vel ut minimeque élégantes sunt adsciverunt aptum suisauribus
hortarer alios, vel quod amarem meos, recordor longe opimum quoddam, et tanqnam adipale dictionis genus,
omnibus unum antefcrre Demosthenem,qui vim accom- quod eorum vicini, non ita lato interjecto mari, Riwdii
inodaritad eam, quam sentiam eloquentiam,non ad eam, nunquam probaverunt, Grseti mullo minus Atlicnicnses
quam in aliquo ipse cognoverim. Hoc nec gravior exstitit vero funditus repudiaverunt quorum semper fuit prn-
quUquam nec callidior, nec temperatior. Itaque nobis dens sincerumquejudicium nibilut possent, m'siincor-
uianciidi sunt ii, quorum sermo imperitm increbruit, qui ruptum audire, et elegans. Eorum religioni quum servi-
Ant dici se desiderant Atticos, aut ipsi attice voliint dice- ret orator, nullum verbum insolens, nullum odiosum poneree
re, ut mirentur hune maxime, quo ne Atlienas quidem audebat. Itaque hic, quem prirstitisse diximus ceteris,
jpgas magis credo fuisse Attieas. Quid enim sit atlicum in illa [mi Ctesipbonte oratione longe optima, suinuiistu»
L'ORATEUR.
LUI1A1
mot pour effaroucher leur délicatesse ombra- et nue, mais où l'expression est pure et claire,
geuse. est, à leur avis, tout ce qui constitue l'atticisme.
Voyez l'orateur que je mets au-dessus de tous Qu'il soit là, d'accord; qu'il ne soit que là,
les autres, dans le Discours pour la Couronne, voilà l'erreur. Le restreindre à ce po;nt, c'est le
son chef-d'œuvre, sans contredit. Quelles précau- refuser à Périclès lui-même, à qui la palme en
tions dans son exorde! Arrivé aux lois, alors est décernéed'un commun accord. S'il n'eût élevé
son allure devient plus vive; mais il ne gagne la voix au-dessus du ton simple, où donc aurait
que peu à peu ce terrain, et ce n'est que quand pris Aristophane ces éclairs et ces foudres dont
il voit ses juges échauffés, que s'animant lui- la commotion bouleversait la Grèce?
même, il plane enfin dans toute sa liberté. Pas Que Lysias soit Attique, cet écrivain si poli,
un mot chez lui qui ne soit pesé et cependant il si gracieux; qui pourrait le nier? mais qu'il
y a encore prise aux critiques et aux sarcasmes soit bien entendu que ce qu'il y a d'attique en
d'Eschine, qui relève quelques termes, et les lui, ce n'est pas le manque d'élévation et d'or-
déclare durs, révoltants, intolérables. Eschine nements c'est son attention scrupuleuse à ne
va plus loin. Il traite Démosthène de bête sau- rien dire, ni en termes hasardés, ni hors de pro-
vage, lui demande si ce sont là des paroles ou pos. Reconnaissons encore que l'éclat, la force,
des monstres. Ainsi Démosthène lui-même, au l'abondance ne dérogent pas à l'atticisme au-
jugement d'Eschine n'a pas d'atticisme. trement Eschine et Démosthène ne seraient pas
C'est une tactique facile que de reprendre à Attiques.
froid un mot de feu, si j'ose le dire, et de le tour- Mais voilàqueThucydideaaussidessectateurs.
ner en dérision quand la sympathie des auditeurs Écart inouï de l'ignorance Qu'on prenne Lysias
a eu le temps de s'éteindre. Aussi Démosthène pour guide on a du moins un homme de bar-
ne se défend-il que parun badinage. Est-ce, dit-il, reau. Rien de large, il est vrai, ni d'élevé dans
d'un mot ou d'un geste que dépendrait la fortune sa manière; mais il a de la finesse etde l'élégance
de la Grèce? et peut se produire avec avantage dans la plai-
De quel air serait donc reçu un orateur phry- doirie. Thucydide, lui, rapporte les faits, décrit
gien ou mysien dans une ville où le reproche de avec force, avec noblesse, les guerres et les ba-
mauvais goût va chercher jusqu'à Démosthène? tailles, mais n'offre rien qui soit à l'usage de l'é-
Aux premiers roucoulement de cette voix asia- loquence judiciaire. Dans ses harangues même,
tique, à ces lamentations modulées, il n'y au- la pensée se cache et s'enveloppe si souvent, qu'à
rait qu'un cri pour être délivré du discours de peine on peut la saisir. Or, pour le discours pu-
l'orateur, et même de sa présence. blic, c'est là le plus grand des défauts.
IX. On est donc Attique lorsqu'on a satisfait Mais quelle bizarrerie, quand on le
blé, d'aller
aux rudes exigences de l'oreille athénienne. Or,'1 se repattrede gland Les Athéniens, à qui nous
il y a plusieurs sortes d'atticisme. Et nos gens devons une meilleure nourriture, n'ont-ils pu
n'en soupçonnentqu'une seule une diction sèche nous donner aussi un meilleur langage? Jamais

a primo; deinde,dum de legibus disputât, pressus; post Istorum enim judicio si solum illud est atticum, ne Perides
sensim incedens, judices ut vidit ardentes, in reliquis quidem dixit attice, cui primae sine controversia défère-
exsullayit audacius. Ac tamen in hoc ipso, diligenter exa- bantur. Qui si tenui genere uteretnr, nunquam ab Aristo-
minante verborum omnium pondera, reprehendit <£schi- phane poeta fulgere, tonare, permisecre Graxiam dictus
nes quœdam, et exagitat; illudensque, dura, odiosa ,in- esset. Dicat igitur attice venustissimus ille scriptor ac po-
tolerabilia esse dicit. Quin etiam quaerit ab ipso, quum lilissimus, Lysias. Quis enim id possit negare, dum in-
quidem eum belluam appellet, utrum illa verba, an por- telligamus, hoc esse atticum in Lysia, non quod tenui*
tenta sint ut ^Eschini ne Demosthenes quidem videatur sit atque inornatus, sed quod nihil habeat insolens aut
attioe dicere. Facile est enim verbum aliquod ardens (ut ineptum. Ornate vero, et graviter, et copiose.dicere, aut
ita dicam)'notare, idque reslinctis jam aniinorum meendiis Atticornm sit, aut ne sit Eschine, neve Demosthenes
irridere. Itaque se purgans jocatur Demosthenes negat, Atticus.
in eo positas esse fortunas Grœciae, « boc an illo verbo Ecce&uLem aliqiii se Thucydidins esse pi-ofitentur, novuna
usus sit, bue an illuc manum porrexerit. » Quonam igi- quoddam imperitorum et inauditum genus. Nam qui Ly-
tur modo audiretur Mysus aut Phryx Athenis, qnum siam sequuntur, causidicum quemdam sequuntur non
etiam Demosthenes exagitetur ut putidus? Quum vero illum quidem amplum atque grandem; snbtilem et ele-u.
inclinata ululantique voce, more Asiatico, eanere cœpis- gantem tamen, et qui in forensibus causis possit procJare
set, quis eum ferret? aut quis potius non juberet anferri? consistera. Thucydides autem res gestas et bella narrat et
IX. Ad Atticorum igitur aures teretes et religiosas qui prablia, graviter sane et probe sed nihil ab eo transferri
se accommodant, ii sunt existimandi attice dicere. Quo- potest ad forensem usum et publicum. Ipsae illae conciones
rum genera plurasnnt; hi unum modo quale ait, suspi- ita muttas habent obscuras abditasqae sententias, vix ut
rantur. l'utaiit enim, qui horride inculteque dicat, modo intelligantur quod est in oratione civiiî vitium vel maxi-
id eleganler enucleateqne faciat, eum solum attice di- mum. Quae est autem in hominibus tanta perversitas, ut,.
cere. Errant, quod solum; quod attice, non failuntur. inventis frugibns glande vescantur? An victus hominum,
rhéteur grec flt-il un seul emprunt àThucydide? reux secret de renvoyer calmes et désarmés ceux
ri
On s'accorde à le louer, sans doute mais comme mêmes
n qui out perdu leur cause à son tribunal.
sage, et sévère appréciateur des faits, comme po- ï
Enfin, il ne donne rien à la faveur; et, à tout en
litique profond; qualités de l'historien qui doit qu'il
q fait, s'attache une faveur universelle. Sous
écrire une guerre, et non de l'avocat qui doit vvotre gouvernement, la Gaule cisalpine échappe
plaider une cause. Aussi n'a-t-il j'amais compté seule
s à l'incendie qui ravage les autres parties de
parmi les orateurs; et s'il n'eût écrit l'histoire, h terre. Heureuse contrée
la brillantfanal de l'Ita-
ni son rang ni ses honneurs n'auraient pu le sau- lie
li Là, du moins, entouré de la fleur et de l'élite
ver de l'oubli. Ajoutons que cette profondeur d citoyens, Brutus jouit de lui-même et de la
des
d'expression et de pensée n'est pas ce que ses douceur
d de se voir apprécié.
imitateurs vont prendre chez lui. Mais qu'ils aient Qu'il est admirable encore cet amour des let-
réussi à jeter quelques phrases tronquéeset décou- ttres qui ne vous abandonne pas un moment au
sues, qu'ils auraient bien créées sans modèle, milieu
r des plus graves occupations! toujours il
voilàqu'ilsse croientde vrais Thucydides. N'ai-je faut,
f ou que vous écriviez, on que vous m'exci-
pas rencontré aussi au barreau un imitateur de tiez
t àécrire. L'Éloge de Caton est à peine achevé,
Xénophon? comme si la douceur de l'Abeille at- (et voilà qu'à votre voix j'entreprends un autre
tique pouvait se trouver à l'aise dans le tapage ouvrage.
<
Cet Éloge même, je ne l'aurais point
des tribunaux. abordé,
i dans ce siècle ennemi des vertus, si un
X. Revenons à notre orateur. Inventons pour désir
( de Brutus, réveillant eu moi une mémoire
lui cette éloquence dont Antoine n'a jamais trouvési s chère,
m'eût laissé une excuse légitime. Je me
le modèle. Grande et rude entreprise, mon cher serais s fait un crime de ne pas vous obéir. Nouvel
Brutus; mais l'amitié ne connait pas d'obstacles: effort aujourd'hui; mais je proteste et de vos ins-
<

oui, j'ai toujours aimé votre caractère, vosgoûts, 1tances, et de mes refus. Je veux que la respon-
votre manière de vivre. Ce sentiment s'avive sabilité s nous soit commune. que si je succombe1
ehaque jour par le souvenir, hélas trop amer, de nous encourions le reproche, vous de m'avoir sou-
nos fréquentes réunions, de notre communauté mis à une trop forte épreuve; moi,. de l'avoir té-
d'habitudes, de vos savants entretiens. Il s'exalte mérairement acceptée. Le mérite de mon dévoue-
encore par l'admiration générale que vous ont ment pourra du moins racheter l'erreur de mon
conquise tant de vertus en apparence incompa- esprit.
tibles, et que votre haute raison a su concilier. XI. Rien de plus difficile à donner en toutes
Quel accord plus rare que celui de la douceur et choses que la définition précise, ou, comme di-
de la sévérité? Et où est l'homme plus aimable à sent les Grecs, le caractère de la perfection. Ce
la fois et plus austère ? N'est-ce pas un prodige de qui est perfection pour les uns, ne l'est pas pour
gagner tous les cœurs quand il faut trancher au les autres. Ennius fait mesdélices,dira l'un, parce
vif daM tous les intérêts? Eh bien Brutusa l'heu- qu'il ne s'écarte jamais des habitudes familières

Allieniensiiinibeneficioexcolipotnit,oration<mpotnil?Quis a sevetitate comitas? quis tamen unqnam te aut sanctior


porroanquamGraccorum rhetorum a Thucydide quidquam esthabitus, aut dulcior? Quid tam difficile, qnam in plu-
diixit? At laudatus est ab omnibus. Fateor sed ita, ut rimorum controversiis dijudicandis ab omnibus diligi?
i-eruni explicator prudens, severus, gravis; non ut in consequeris tamen ut eos ipsos, quos contra statuas,
judiciis versaret causas, sed ut in historiis bella narraret. îpquos placatasque dimittas. Itaque eflicis, ut, qnnm gra-
Itaquc nunquam est immeratus orator. Nec vero, si lii- tiae causa nihil facias, omnia tamcu sint grata, qua- faris.
storiam non scripsisset nomen ejus exstaret, quum prac- Ergo omnibus terris una Gallia communi non ardet incen-
sertim fuisset honoratus et nobilis. Hujus tamen nemo dio in qua frueris ipse te, quum in Italie luce cognosce-
neque verborum, ncquescntentiarumgravitatein imitalui ris, versarisque in oplimorum civinm vd flore, vel robore.
s«d quum mutila quœdam et hiantia locuti sunt, quas vel Jam quantum illud est, quod in maximîs occupationibns
potuerunt, germanos se pulant esse
sine magistro facere nunquam intermittis studia doclrinx! semper aut ipse
Thucydidas. Nactus sum etiam, qui Xeiiopl>»ntia simi- sciibis aliquid, aut me vocas ad scribendum Itaque hoc
lem esse se cuperet cujus semid est ille quidem melle i sum aggressus statim Catone absoluto quem ipsum nan-
dulcior, sed a forensi strepitu remotissimus. quam attigissem, tempora timensinimica virtuti, nisi tibi
X. Heferamusigitnr nos ad eum, quem voliimus, incho- hortanti, et illius memoriam milii caram excilanti, non
audum, et eadem eloqtientiainforniandnm, quam in nullo> parère nefas esse duxissem sed teslificor, me a te roga-
rojçnovit Antonins. Magnum opus nmnino et ardunm, tum, et reciisanlem ha* scribere esse ausum. Volo enim
Hiule, conamur; sed nHtil difficile amanti puto. Anio au- milii tecum commune esse crimen, ut, si sustinere tanta
km, d semper amavitagenium, studia, mores tuos. lu– <pia*slionftm non potuero, injuftli oneris im|tositi tuaculpa
cendor porra quotidie magis, non desideriu solum quo sit, mea recepti. In quo tamen judicii nostri errorem laus
quidem conlùior, congressus nostros, consuetudinem vi- tibi dati muneris compensabit.
rtu», (loclissiinos sermones requirens tuos, sed etiam ad- M. Sed in omni re dillk illiuuim est, formam ( qiiir
mirahlli fama virtutum incredibilinm', qiiîe, specie dispa- yapax-rfif gr^cedicitur) euponere optimi quod aliud aliis
ie£, piudentiaconjunguntur.Quid enim tam distans, quain Mdi'lin optimum l'.nnio dcleclor, ait quispiam, quod non
dulangage. Pacuvius est mon auteur, reprend un i tude t du nombre et de l'harmonie. Ces qualité!
autre, pour la pompe et le fini de ses vers. En- se s montrent sans opposition dans ce genre, ou
nius est trop négligé. Accius sera le poëte favorii tous
1 les agréments de l'esprit sont de mise. On
d'un troisième. Diversité dans les jugements chez y y permet une sorte d'artifice et de calcul dans les
nous comme chez les Grecs. Il n'est pas aisé debalaucements de la phrase. Là ce n'est pas un
1

faire comprendrequelle forme est la meilleure. Entravail


l qui se déguise; c'est une tendance runni-
peinture, il faut aux uns un faire brut, des tou- testeet
1 avouée à obtenir certaines combinaisons,
ches heurtées, des teintes rembrunies et chargées. certains rapports de mots, dont il résulte auti-
<

Aux autres, des effets lumineux, des tons gais, thèse 1 ou symétrie correspondance de nombre
un coloris éclatant. Où trouver une formule uni- ou
similitude de désinence; figures employées
verselleet absolue? chaque genre a sa perfection; beaucoup plus sobrement, et presque toujours
et il y a tant de genres Toutefois, ces obstacless masquées dans les combats sérieux du barreau.
n'ont pu m'arrêter car j'ai toujours pensé qu'unee Isocrate avoue, dans son Panathénaïque, com-
chose quelconque a sa perfection propre; diffi- bien il a mis de soins à se ménager ces moyens
cile, peut-être, à découvrir, mais toujours saisis- de
succès. Mais s'il eût eu des intérêts sérieux
sable pour l'œil exercé de l'homme qui a fait dee à défendre, il eût moins sacrifié au plaisir de
cette chose une étude approfondie. l'oreille.
L'art oratoire a diverses applications qui nce Thrasymaque de Chalcedoine, et Gorgias de
peuvent être ramenées à une forme unique. Je nee Léontium, furent les premiers, dit-on, à consi-
chercherai donc pas à rassemblerdans un mêmee dérer l'art sous ce point de vue. Viennent ensuite
cadre, et les traits qui appartiennent spéciale- Théodore de Byzance, et une foule d'autres, que
t
ment a l'éloge, à la narration, à l'histoire; et Soeratc, dans le Phèdre, appelle enfileurs de
ceux qui caractérisent l'espèce de composition n paroles. Leur style n'est pas sans finesse; mais
dont Isocrate, dans le Panégyrique et, aprèss ce sont des traits à peine accusés, comme dans
lui, le corps nombreux des sophistes, nous ontit l'enfant qui vient de naître. On dirait de petits
tracé les modèles. J'écarterai également tout cee vers où l'enluminure est prodiguée.
qui rentre dans ce genre étranger aux luttes duu En vérité, l'admiration redouble pour Héro-
barreau, et que les Grecs ont nommé Démonstra-t- dote et pour Thucydide, quand on songe que
tif, parce que c'est un jeu de l'esprit qui donnee tous deux, nés dans le même siècle que ces so-
tout à l'effet extérieur. phistes, n'offrent pas l'ombre de ces gentillesses
Ce n'est pas que l'étude en soit à dédaigner; ou plutôt de ces niaiseries. Le style du premier
au contraire, c'est le premier lait que devra su-i- coule uniformément comme un fleuve paisible.
cer notre orateur à qui nous nous proposons d'as-Uncourant plus rapide entraîne l'autre, et ses
signer bientôt un rôle plus important. accents résonnent comme le clairon quand il nous
XII. Il y aura toujours puisé l'abondance des:s 1I parle de combats.
termes et l'art des constructions, aven l'habi- C'est, dit Théophraste, au mouvement im-
discedit a communi more verbornm. Pacuvio inquit it struclio et nnmerus liberiore quadam fruiturlicentia. Da-
alius; omnes apud hune ornati, elaboratique sunt versus > tur etiam venia concinnitati sententiaruro et arguti cer-
enim apud alterum negligentius. Facalium Atlio. Varia ia tique, et circumsctïpti verborum ambitus conceduntur
enim sunt judicia, rit in Graecis; nec facilis expHcalio, ) 1 de industriaque non ex insidiis sed aperte ac palam ela-
i|U£c forma maxime excellat. ln picturis alios horrida, in- n- boratur,
ii- boratur, ut verte demensaet
verha verbis quasi demensa et paria
paria. respon-
reapon-
imita, addita et opaca; contra alius nitida, laeta, collu-
u. deant ut crebro couferantur puguanlia cotnparenturque
strata delectant. Quid est, quo praescriptum aliquod, aut
ut contraria; et ut pariter extrema terminentur, eumdemque
formulam exprimas? quum in suo quodque genere prœ- e- referant in cadendo sonum quae in veritate causarum et
stet, et gênera plura sint? Hac ego religione non sum ab Ib rarius multo facimus, et certe occultius. In Panathenaico
hoc conatu repulsus; existimavique, in omnibus rébus us autem Isocrates ea studiose consectatum faletur. Non
rsse aliquid optimum, etiamsi lateret; idque ab eo posse, e, enim ad judiciorum certamen sed ad voluptatem aurium
qui ejus rei gnarns esset, judicari. scripserat.
Sed quoniam plura suut orationum genera, eaque di- li- Haec tractasse Thrasymachum Cbalcedonium primum
versa, neque in unam formam cadunt omnia; laudatio- io- etLeontinum ferunt Gorgiam Theodorum inde Byzantium,(
num, scriptionum, et historiarum et talium suasionumi multosque alios, quos io-jaSaiSd&ovs appellat in Phaedro
qualem Isocrates fecit Panegyricum, multique alii, qui [ui j Socrates quorum satis arguta multa, sed ut modo pri-
sunt nominati sopliistœ, reliquarumqiie rerum formamn
genc-
i mutnque nascentia, minuta, et versiculorum similia
quae ahsnnt ab forensi contentione, ejusque totius ic- quidam, nimiumque depicta. Quo magis sunt Herodotus
ris, quod graece imSetKTixov nominatur, quod quasi ad ad Thucydidesque mirabiles quorum .ttas quum in eorum
inspiciendam, delectationis causa comparatum est, non on tempora, quos nominavi, incidisset longissime tamen
complectar hoc tempore. Non quo negligenda sit est :st ipsi a talibus deliciis, vel potius ineptiis, abfucrunt. Alter
enim illa quasi nulrix.ejus oratoris quern informare vo- o- enim sine uUis salebris quasi sedatus amnis fluit alter
lumus et de quo molimur aliquid exquisitius dicere. incitalior fertur, et de bellicis rébus canit etiam qnodatu
XII. Ab hac et verborum copia alitur, et eorum eon- m- modo bellicum primisque ab his (ut ait Ih«cplii;i«tuFy
primé par ces deux écrivains, que l'histoire est vous étonnez pas de le voir un jour effacer, daus
redevable de cette forme large et brillante, que «
la genre qu'il s'est fait, les orateurs de tons les
leursdevanciers n'avaient pas même soupçonnée. « temps. Ou, s'il ambitionne une palme plus belle
XIII. Le siècle suivant a vu naître Isocrate, un mouvement divin l'élèvera assez haut pour
que je persiste à louer comme le premier des « lui permettre de l'atteindre. Car la philosophie
rhéteurs de son genre. Je sais, mon cher Brutus, « l'a marqué de son sceau. »

que je ne puis le défendre, sans trouver en vous Voilà ce que le premier des sages augurait de
un contradicteur redoutable et par sa science, et la jeunesse d'Isocrate voilà ce que Platon, un
par les traits de son esprit. Mais les armes vous contemporain, écrivait d'Isocrate devenu vieux.
tomberont des mains, je l'espère, quand vous Platon, le fléau de tout rhéteur, n'a pour celui-
saurez les motifs de ma prédilection. ci que de l'admiration. Que ceux donc qui ne veu-
Thrasymaque et Gorgias passent pour avoir les lent pas reconnaître un tel mérite, me permet-
premiers compris le mécanismede l'arrangement tent de me tromper avec Socrate et Platon.
des mots. Mais Isocrate trouvait leur phrase En résumé, style doux, abondant et facile,
hachée et dépourvue denombre. Il blâmait chez pensées brillantes, et combinaisons de mots har-
Thucydide l'absence de toute liaison et de toute monieux voilà le genre démonstratif. C'est,
période. En garde contre ces défauts, il sut le comme je l'ai dit, celui qu'ont adopté les sophis-
premier assouplir et arrondir la phrase; et le tes genre de parada, plutôt que de combat, con-
nombre vint mollement caresser l'oreille. Cet sacré aux gymnases et aux écoles, mais que dé-
art, dont il a donné des leçons à tout ce que la daigne et repousse le barreau. C'est toutefois la
Grèce a compté depuis d'orateurs et d'écrivains première nourriture de l'éloquence qui trouve
célèbres, a fait nommer sa maison l'officine de ensuite en elle.même la force et la couleur. JI
l'éloquence. n'était donc pas sans intérêt de prendre en quel-
Je me souviens que, fort de l'approbation de que sorte l'orateur au berceau. Mais c'est assez
Caton, je devenais insensible à toute critique. Le nous arrêter aux jeux de son enfance; quittons
témoignage de Platon me semble placer de même avec lui l'exercice pour le combat, le simulacre
Isocrate au-dessus de toute censure. Voici, vous de la guerre pour la réalité.
le savez, comment il fait parler Socrate vers la XIV. L'Invention, la disposition, l'élocution,
dernière page de son Phèdre Isocrate est bien voilà les trois objets de l'orateur. Dire en quoi
« jeune encore; n'importe, je dirai ce que j'au- 1 consiste la perfection pour chacune de ces parties,

« gure
de lui. Voyons, dit Phèdre. Ce serait, voilà ma tâche. Je ne procéderai point méthodi-
« continue Socrate, méconnaître la supériorité quement, en établissant d'abord des préceptes
«
de son génie que de le comparer à Lysias. Il car mon seul but est de crayonner l'image de
i a, d'ailleurs, plus d'éloquence et de goût pour la parfaite éloquence, et je dirai, non par quelles
« la vertu. Vous le voyez, aujourd'hui, triom- voies on peut l'acquérir, mais à quels signes on
« pher sans peine de ses jeunes concurrents. Ne la reconnaît.

historia commota est, ut auderet uberius, quam superio- «tum pucris, reliquis prœstct omnibus, qui unquarn
res et ornatius dicere. « orationes attigerunt; aut, si contentas bis non fuerit,
XIII. Iloriim œtati snccessit Isocrales, qui prêter cete- « divino aliquoanimi motu majora concupiscat. lnest enim
ros ejusdem geneiis laudatur semper a nobis, nonminquam, « natura philosophia in hujus vii mente quidam. Hœc
Brute leviter et erudite repngnante te. Sed cedas mihi de adolescente Socrates auguratnr. Al ea de seniore
ferlasse, si, quid in eo laudem conoveris. Nam quum scribit Plato, et scribit œqualis, et quidem exagitator
concisus ei Thtasymacbus minutis numeris videretur, et onmium rhetorum hune miratur unum. Me autem qui
Gorgias, qui tamen primi traduntiir arte quadam verba Isocratem non diliunt, una cum Socrate et cum Platone
vinxisse: Thucydides autem prœfractior, nec satis, ut ita errare patiantur.
dicam, rotundus primas instituit dilatare verbis, et Dulce igitur orationis genus, el solutum, et eflluens,
mollioribus numeris explere sententias. In quo quuni do- sentenliis argtitum, verbis sonans, est in illa epidictico
ceret eos, qui partim in dicendo, partim in scribendo prin- genere, quod diximns; proprinm sopliistarum pompar
cipes exstiterunt, domus ejus oflicina habita eloqtientiie
quam pugnœ, aptius; gymnasiis et palipstrœ dicatum;
est. Ilaqne utego, qimm a nostro Calorie Iaudabar vel spretum et pulsnm foro. Sed quod educata bujus nulri-
reprcliendi me a ceteris facile patiebar sic lsocrates vide- mentis cloquentia, ipsa se poslea colorai et roborat non
tur testîmonîo Platonis aliorum judicia debere conte mnere.
alienum fuit deoratoris quasi incunabulis dicere. Verum
Est enim, ut scis, quasi in extrema pagina Plwcdri his hrec, ludortiiii, utque pompae nos autem jam in aciem
ipsis verbis loquens Socrates '< Adolescens etiam mine, dimicationemque veniamus.
« o Pbœdie,
Tsocratesest; sed quid de illo augurer, lubel
dicere. Quid tandem? inquit ille. Majore mihi ingenio XIV. Quoniam tria videuda sont oratori, qniddicat, et
« videtur esse, quam ut cum orationibus Lysiee compare- quo quidque loco, et quo modo dicendnm omnino est,
• tur. Prfeterea ad virtutem major indoles ut minime quid sit optimum in singulis, sed aliquanto secus, atque
mirum futurum sit, si, quum retate processerit, ant in in tradenda arte dici solet. Nulla pracepta ponemus (neque
« hac oiatic-num ponerc,
cm nnnc sîudet, tanlum qtian j i enîm id suseepimus ) sed excellents eloquentiaE speciem
L'ORATEUR.
LORA
J'ai peu à dire sur les deux premiers points. d'attaque ou de défense pour toute proposition
Préliminaires indispensables même pour d'autres donnée.
études, ils n'intéressent pas essentiellement la XV. Les lieux ainsi trouvés d'avance, on peut
gloire de l'orateur. L'Invention qui trouve les sans peine les passer en revue, s'emparer de
moyens, la disposition quien règle l'emploi, sont, ceux qui ont trait à la cause, et même trouver
il est vrai, au discours ce que l'âme est au corps. la source des lieux communs. Or, ce n'est pas un
Cependant, malgré leur importance, elles tien- fonds où l'on puise à l'aventure il y faut un tact,
nent de plus près au jugement qu'au talent de la un discernement qu'on ne saurait attendre d'un
parole. Mais est-il une cause où le jugement n'ait criailleur de barreau, ou d'un déclamateur d'é-
rien à faire? cole. Mais nous voulons, dans notre orateur, la
L'orateur, que nous supposons parfait, con- réunion de toutes les connaissances et de toutes
naîtra donc les sourcesdesargumentset des preu- les perfections. Il saura donc peser et choisir les
ves. Toute question, toute controverse roule né- preuves, de manière à ne pas toujours produire
cessairement sur trois points; l'existence de la les mêmes dans toute espèce de cause.
chose, son genre, ses qualités. L'existence se Que le jugement surtout le dirige; qu'au tra-
constate par les indices; le genre, par les dé- vail d'invention succède le travail d'examen.
finitions les qualités, par les notions antérieures Rien de plus fécond que l'intelligence, surtout
du bien et du mal. L'orateur (je ne dis pas l'ora quand elle a été cultivée par l'étude. Mais plus
teur vulgaire, mais l'orateur par excellence) la moisson est riche, et plus on y trouve mêlées
trouvera toujours moyen de ne pas se restreindre d'herbes ennemies du bon grain de même les
aux circonstances, ni de temps, ni de personnes lieux oratoires abondent fréquemment en déve-
Remonter ainsi du particulier au général c'est loppements inutiles, ou frivoles, ou déplacés. Que
se donner plus de latitude; et la preuve géné- l'orateur y apporte donc un choix sévère. Autre-
rale entraîne nécessairement la preuve particu- ment, pourra-t-il démêler et s'approprier ce qui
lière. est vraimentàsa convenance, adoucir les circons-
Ainsi généralisée, sans égard aux personnes tances fâcheuses, déguiser, supprimer ce qu'il ne
ni aux temps, la question devient ce qu'on appel le peut adoucir; quelquefois donner le change à
Thèse. C'est la forme d'argumentation recom- l'attention, et glisser une objection plus forte en
mandée par Aristote, comme plus féconde et plus apparence que celle qu'on lui oppose à lui-même?
propice au développement des ressources ora- L'invention a fourni les moyens. Il s'agit de les
toires c'est celle qu'il propose à la jeunesse, disposer. C'est là le second point. Qu'un exorde
quand il l'exerce à parler pour et contre, non plein de dignité ouvre honorablement les voies,
pas avec la précision des philosophes, mais avec et jette sur la cause une sorte d'éclat et de fa-
l'abondance des rhéteurs. II a même composé veur. Attentif à l'impression produite par cette
un livre de Topiques, c'est-à-dire, de lieux com- première attaque, l'orateur en profitera pour sa-
tnuns, espèce derépertoireuniverseldes moyens per ou miner les moyens de son adversaire. Dans.

et formam adumbrabimus nec, quibns rébus ea paretur, {cos


(sicenim quasi argumentorumnotas tradidit,
appellat)

exponcmus sed qualis nobis esse videatur. unde omnis in ntramque partem Iraheretur oratio.
Ac duo breviter prima sunt enim non tam insignia ad XV. Facile igitur hic noster (non enim <le< lam.ïtorem
maxiinam laudem quam necessaria, et tamen cum multis alkiuem de ludo, aut rabulam de foro, sed doctissimum
ptene communia. Nam et invenire, et judicare qnid dicas et peiTeclissimnm quserimus ) quoniam loci certi tradun-
magna illa quidem snnt, et tanquam animi instar in cor- j tnr, percurtet omues; utetur aptis generalim discet, ex
pore; sed propria magis prudentine, quam eloquenliœ qua quo émanent etiam, qui communes appcllantur loci. >ec
tamen in causa est vacua prudentia? Noverit igitur hic vero ntetur imprudenter hac copia, sed omnia expendet et
quidem orator, quein summum esse volnmus, argnmen- seliget. Non enim semper, nec in omnibus causis, ex iisdem
torum et rationum locos. Nam quoniam, quidquid est, eadem argumentorum momcnta sunt. Judicium igitur ad-
quod in controversia aut in couteutione versetur, in eo, hibebit nec inveniet solum qnid dicat, sed etiam expendet.
aut sitne, aut quid sit, aut quale sit, quseritur situe, Nihil enim est feracius ingeniis, iis praesertim, qua; di-
signis; quid sit, defmitionibus; quale sit, recti praviqne sciplinis exculta sunt. Sed ut segetes fœcundre et uberes
partibus quibus ut uti possit orator, non ille vulgaris, sed non solum fruges, verum bernas etiam eftundpnt inimicis-
hic excellens a propriis persoms et temporibus semper, simas frugibus: sic interdnm ex illis locis, aut leviaquaj-
si porest, avocat controversiam. Latius enim de genere, dam, ant causis aliena, ant non utilia gignuntur; quorum
quam de parte disceptare licet nt, quod in universo sit ah oratoris judicio deleclus magnns adhibebitur. Alioqui
probatum, id in parte sit probari necesse. Ha» igitur quse- quonam modo ille iu bonis hserebit et babitabît suis? aut
stio, a propriis personis et temporibus ad univeisi generis molliet dura, aut occultabit, quœ dilui non poterunt, at-
orationem traducta, appellatur thesis. ln hac Aristoteles qne omnino opprimet si licebit ? aut abducet animos ant
adolescentes non ad philosophoriim morem tenuiter dis- aliud afleret, quod oppositum probabilius sit, quam illinl
serendi, sed ad copiant rhetorum in utranulue partem qnod obstabit?
ut ornatius et uberius dici posset exercuit; iJemque lo- Jam vero ea, quae inveilerit, qua diligenlia colloc:aliu\
la distribution des preuves, il placera les plus comme un courant continu, dont la rapidité est
<

fartes au commencement et à la fin. Les plus pour


] eux l'éloquence; les autres préfèrent un
faibles seront comme intercallées. Nous venons discours
c découpé en petites phrases, parce que
d'indiquer rapidement les deux premières con- ce
< sont autant de repos qui permettent de respi-
ditions de l'éloquence. Je répète quejeles consi- rer
i à l'aise. Quel contraste entre ces deux ma-
dère comme essentielles. Mais, encore une fois, nières,
i dont chacun a pourtant sa perfection! Ce-
lui-ci s'applique à donner au style un caractère
ce n'est pas là ce qui exige le plus d'art et de
1

travail. de douceur et d'égalité un ton pur et naïf. Ce-


XVI. L'orateur sait enfin ce qu'il doit dire, et lui-là au contraire affecte des formes dures et sé-
1

vères, assombries d'une teinte mélancolique. En-


sa disposition est nettement arrêtée. Reste main-
tenant la manière de le dire; et c'est le point fin,
1 chacune de ces variétés d'élocution, d'après
capital. la division des trois genres, a son sublime, son
Notre ami Carnéade observait assez plaisam- simple,
s son tempéré. Qu'on juge combien d'es-
ment que Clitomaque disait toujours les mêmes pèces d'éloquences, et, par conséquent, de classes
choses, et Charmadas aussi; mais que Charma- d'orateurs.
das les disait toujours de la même manière. Or, XVII. Vous me demandiez seulement quei est
si dans la philosophie même, où l'on n'a égard le meilleur style; j'ai déjà été au delà de vos
qu'aux choses sans s'occuper des mots, la ma- désirs en ajoutant quelques mots sur l'invention
nière de s'exprimera cependant encore tant d'im- et la disposition. Afin de rendre l'énumération
portance, que ne sera-t-elle pas dans les causes complète, je ne m'en tiendrai pas là, et je trai-
où tout est subordonné à l'élocution? terai aussi de l'action. Quant à la mémoire qui
Si j'ai bien compris le sens de vos lettres, mons'applique en général à toute opération de l'intel-
cher Brutus, vous ne m'avez pas demandé ce ligence,je n'ai point à m'en occuper.
Il y a deux moyens d'expression oratoire l'ac-
que c'est que l'orateur parfait sous les rapports
de l'invention et de la disposition, mais vous tion et l'élocution. On peut dire que l'action est
voulez savoir quel genre d'élocution je juge le l'éloquence du corps, puisqu'elle se compose de
meilleur. Question difficile, grands dieux oui, la la voix et du geste. La voix est modifiée par cha-
plus difficile des questions car iln'est rien de plus cune de nos passions, et c'est elle surtout qui les
souple, de plus flexible, de plus variable que le communique. Aussi l'orateur parfait dont je cher-
langage, puisqu'il se prête aux formes les plus che à donner l'idée saura toujours faire prendre
capricieuses. Puis, la diversité des esprits et des à la sienne l'inflexion propre au sentiment qu'il
goûts a donné naissance à une foule de styles dif- voudra manifester, à l'émotion qu'il voudra pro-
férents. Les uns veulent voir rouler les périodes duire. J'en dirais bien davantage, si je m'annon-

quoniam id secundum erat de tribus. VestibuJa nimirum et luterpunctaintervalla, mora, respirationesquedélectant.


honesta, aditusque ad causam faciet illustres quumque Qnid potest esse tam diversum ? tamen est in utroque ali-
animos prima aggressione occupaverit, infirmabit, exclu- quid excellens. Elaborant alii in lenitate et ccquabilitate,
.detque contraria; de flrmissimis alia prima ponet alia et puro qnasi quodumet candido genere dicendi. Ecce ali-
postrema, inculcabitque leviora. qui durilatem et severitatem quamdam verbis, et orationis
Atque in primis duabus dicendi partibus qualis esset, quasi mœstitiam sequuntur; quodque paullo ante divisi-
suiiimatim breviteique descripsimus.'Sed,nt ante dictum mns, ut alii graves, alii tenues, alii temperati vellent vi-
est, in his parfibus (etsi graves atque magnac sunt) minus deri, quot orationum genera esse diximus, totideiu orato-
et artis est, et laboris. rum reperiuntur.
XVI. Quum autem, quid etquo loco dicat, invenerit, XVII. £1, quoniam or jam cumulatifs hoc munus
iUud est longe maximum, videre, quonam modo. Scitum augere, quam a te postulatum est (tibi enim tantum de
e»l enim, quod Carueadcs noster dicere solebat Clitoma- orationis genere quœrenti respondi etiam breviler de inve-
chnm eademdicere, Cliannadam autem eodem etiam modo niendo et collocando} ne nunc quidem solum de orationis
dicere. Quod si in philosophatantum interest, qnemad- modo dicam, sed etiam de actionis ita praetermissa pars
inodum dicas, ubi res spectatur, non verba pondunlur nulla erit; quandoquidem de memoria niliil est lioc loco
quid tandem in causis existimandum est, quibus totis mo- dicendum, quœ coinmunis est muUarum artium.
deratur oratio? Quod quidem ego, Brute, ex tuis litteris Quo modo autem dicatur, id est in duobus, in agendo,
«uitirbam non te id seilari qualem ego in inveniendo et et in eloquendo. Est enim actio quasi corporis quidam
in collocando summum esse oratoreni vellem; sedid mihi eloquenlia, quum constet e voce atque motu. Vocis mu-
quœrere videbare, quod genus ipsius orationis optimum tutiones totidem sunt, quot
animnrum, qui maxime voce
judi(aran.Rerndiflicilem(diiiinmortales!),atqueoninium commoventur. Itaque ille perfectus, quem jamdudun:
difficilUmam. Namquum est oratio mollis, et tenera, et nostra indicat oratio utcumque se atîectum videri et ani.
ita Rexibilis, ut sequatur, quoeumque torqueas tum et mum audientis moveri volet, itacerlum vocis admovebi-
nattirœ variae, et voluntates, multum inter se distantia sonum dequopluradicerem, si Ikw prœcipiendi tempus
elTecerunt genera dicendi. esset, aut si tu hoc quœreres; dicerem etiam de kcsIii,t
Klumen aliis veiborum, volubililasque cordi est, qui cinn quo junctiis est vultus. Quibus omnibus, dici vix
poount in oralionis ederitate eloqueutiam. Distincta nlios potest, qtianfum intersit, <{ue:nadmoduni utalur urator.
çais en professeur, ou même si tel était votre dé- ture comme si elle eût voulu régler elle-même
sir. J'aurais aussi à parler du geste, dont on ne la mélodiedu langage, nous fait articuler cha-
peut séparer le jeu de la physionomie. Toutes que mot avec un accent aigu, avec un seul, dont.
chosesd'une indicible importance,suivant l'usage la place est toujours dans l'une des trois der-
qu'en fera l'orateur. On a vu, chez des gens qui nières syllabes. Elle a consulté en cela le plaisir
n'avaient pas le don de la parole, la seule puis- de l'oreille, et l'art n'a plus qu'à suivre la na-
sancede l'actionproduire les effets de l'éloquence, ture.
et, chez d'autres, au contraire, la gaucherie de Une belle voix est désirable, sans doute. Mais
l'action paralyser l'élocution la plus brillante. Ce cet avantage ne dépend pas de nous. Ce qui dé-
n'est donc pas sans raison que Démosthène assi- pend de nous, c'est de la former, de la fortifier
gnait à l'action le premier rang, et le second, et par l'exercice. Notre orateur par excellence s'é-
le troisième. En effet, si l'éloquencesans l'action tudiera donc à varier, à modifier la sienne. Il
est nulle; si l'action sans l'éloquence a encore doit fréquemment en parcourir tous les tons, en
tant de pouvoir, que l'on juge de son importance grossir tour à tour, ou en diminuer le volume.
dans l'art de la parole. It saura aussi régler ses mouvements, et s'in-
XVIII. L'orateur qui aspire à la perfection terdire tout geste inutile. L'attitude sera droite
aura des accents énergiques dans les passions et déployée. Peu d'allées et venues; qu'ellessoient
fortes, des tons calmes dans les sentiments doux. circonscrites et rarement précipitées. Point de
Son organe trouvera des inflexions graves pour laisser-aller dans les mouvements du cou. Point
imposer, et des modulations touchantes pour at- de mouvement dans les doigts qu'on ne les voie
tendrir. point battre la mesure. Le buste doit conserver
Quel admirable instrument que la voix hu- son aplomb, ou s'incliner sans mollesse. Et, sui-
maine avec trois tons seulement, l'aigu, le grave vant que le débit est véhément ou calme, il faut
et le moyen, elle produit dans le chant une va- que le bras se projette en avant ou s'arrête replié
riété de combinaisons ravissantes. Le discours sur lui-même.
a aussi sa musique; mais, habilementdissimulée, A la voix doit répondre l'expression du visage.
elle est loin de ressembler à cette déclamation Quelle convenance et quel charme puissant ré-
chantante dont les rhéteurs dePhrygie et de Carie sulte de cet accord? De la vérité, point de gri-
croient embellir leurs péroraisons. Je veux parler maces. Les yeux ont aussi un grand rôle à jouer
de certaines intonations dont Eschine et Démos- ils sont les interprètes de l'âme, si le visage eu
thène faisaient usage, et qu'ils se sont plus d'une est le miroir la joie et la tristesse doivent s'y
fois reprochéesl'un à l'autre. Démosthène est ce- peindre avec des nuances réglées sur la nature
lui qui revient le plus souvent sur cet article, tout du sujet.
en accordant à son rival une voix douce et un XIX. Mais arrêtons enfin les traits de cet ora-
beau timbre. teur accompli, de cette éloquence souveraine.
Ce besoin de donner du charme à la déclama- L'éloquence est tout entière, le mot l'indique
tion me suggère une remarque. C'est que la na- assez, dans l'élocution où le reste se trouve im-

Nam et infantes, actionis dignilate, eloquentiae saepe fru- industria. Ac vocis quidem bonitas optamla est non est
ctum tuEerunt; et diserti, deformitate agendi, multi in- enim in nobis; sed tractatio atque usus in nobis. Ergo ille
fantes putati sunt ut jam non sine causa Demosthenes princeps variabit et mutabit; omnes souorum tum inten-
tribuerit et primas, et secundas, et tertias aclioni. Si enim dens, tum remittens, persequetur gradus.
eloquentia nulla sine bac; hœc autem, sine eloqueutia, Idemque motu sic utetur, niliU nt Biipersit in gestu.
tanta est certe plurimum in dicendo potest. Status erectus et celsus; rarus incessus, necita longus;
XVIII. Volet igitur ille, qui eloquentiae principatum excursio moderala, eaque rara nulla mollitia cervicum;
petet, et contenta voce, aliociter dicere; et summissa, nullae argutiœ digitorum; non ad numerum articulus ca-
leuiter; et inelinata, videri gravis; et indexa, miserabilis. dens trunco magis toto se ipse moderans, et virili laterum
Mira est enim quaedam natura vocis cujus quidem e tri- flexione, brachii projectione in contentionibus, contra-
bus omnino sonis inflexo, acuto, gravi, tau sit, et tam ctionc in remissis. Vultus vero, qui secundum vocem flu-
suavis varietas perfecta in cantibus. Est autem in dicendo rimum potest, quantam affert tum dignitatem, tum venu-
etiam quidam cantus obscurior, non hic e Phrygia et statem ? in quo quum effeceris, ne quid ineptum aut
Caria riietorum epilogus, paene canticum; sed ille, quem vultuosum sit, tum oculomm est quaedam magna mode-
riguifteat Demosthenes, et jEschines, quum alter alteri ratio. Nani ut imago est animi, vultus sic indices oculi;
objicit vocis flexiones. Dicit plura etiam Demoslhenes, quorum et hilarilatis, et vicissim tristitise modum res ipsrc,
illumque saepe dicit voce dulci et clara fuisse. In quo illud de quibus agetur, temperabunt.
etiam nntandum inihi videtur ad studium persequendae X IX. Sed jam illius perfecti oratoris et summae eloquen-

suavitatis in vocibus. Jpsa euim natura, quasi modularetur tiae species exprimenda est quem hoc uno excellere, id
hominum orationem, iu omni verbo posuit aculam vocem est oratkiiic cetera iu eo latere indicat nomen ipsmn. Non
nnt una plus, nec a postrema syllaba citra tertiam quo enim inventor, aut compositor, aut. actor, haec complexus
magis naturam ducem ad aurium voiuptatcm sequatur est omnin, sed et grtce ah eloquendo ^two, et latine
plicitement. Invention, disposition, action, aucun discours: mais cette désignation n'estproprement
de ces termes ne répond à cet ensemble que sup- applicable qu'au langage d'un orateur.
pose, chez les Grecs, le mot Rhéteur, et, chez Unenuance moins sensible sépare l'orateur des
nous, le mot éloquent, habile à parler. Les an- sophistes, qui prétendent s'approprier tous les
tres qualités de l'orateur ne sont pas sa propriété ornements de son éloquence. Voici ce qui marque
exclusive: mais la souveraineté delaparole n'ap- la distinction. Les sophistes s'attachent plutôt à
partient qu'à lui. maintenir le calme dans l'âme qu'à y porter le
Le style philosophique s'élève quelquefois à trouble. Ils visent moins à persuader qu'à plaire
de grandes beautés. Théophraste a dû son nom et cette coquetterie, que nous dissimulons, ils l'af-
au charme divin de ses discours; Aristote a défié fichent. Dans les pensées, ils cherchent l'agré-
Isocrate lui-même. On a dit de Xénophon que ment de préférence à la justesse. Ils abondent
les Mnses parlaient par sa bouche. Quant à Pla- en digressions, sèment les épisodes, etprodiguent
ton, il n'est personne qui, soit en parlant, soit les métaphores; ils disposent les mots comme
en écrivant, ait jamais approché de lui pour la les peintres disposent leurs couleurs, s'étudiant
grâce ou pour la majesté. Il n'en est pas moins tantôt à les mettre en rapport, tantôt à les faire
incontestable que l'élocution,chezaucund'eux, ne valoir par le contraste. Enfin ils terminent le plus
déploie cette vigueur, n'est armée de ces traits souvent leurs périodes par le retour des mêmes
qui décident de tout à la tribune et au barreau. désinences.
Les philosophes s'adressent à des hommes éclai- XX. A côté de ce genre vient se ranger celui
rés dont ils veulent calmer plutôt qu'exciter les de l'histoire, qui aime les narrations à effet et
passions. Traitant toujours des sujets paisibles, les belles descriptions de pays et de batailles. Des
jamais de questions irritantes, ils cherchent à harangues, des exhortations, s'y montrent par
instruire leurs auditeurs, non à les captiver. intervalles. Mais la diction historique est tou-
Aussi les accuse-t-onde sortir doleurrôle, s'il leur jours coulante et développée tandis que la nôtre
arrive de faire le moindre effort pour plaire. On est incisive, et comprime tous ses ressorts pour
voit que la distinction est facile entre leur élo- lancer le trait avec plus de vigueur. L'éloquence
quence et celle qui nous occupe. que nous cherchons ne s'éloignera donc guère
La faconde philosophiqueest douce et amie de moins dn style de l'histoire que du style de la
la solitude; elle n'admet ni ces pensées, ni ces poésie. On a élevé la question de savoir en quoi
expressionsquiagissent sur les masses. Le besoin le poëte diffère de l'orateur. Autrefois, le nom-
du rhythme n'impose aucune contrainte à son al- bre et la coupe des vers marquaient suffisam-
lure, toujours libre et franche. Chez elle, jamais ment la distinction; mais voilà que le nombre
d'indignation, de fiel, de rage point d'exalta- a complétement envahi le discours oratoire. Le
tion, point de détours. Elle est chaste et modeste nombre existe en effet partout où l'oreille re-
comme la vierge timide; aussi l'a-t-on mieux ca- connaît dans les sons une certaine mesure; et
ractérisée par le mot d'entretien que par celui de cela indépendamment de la construction métri-
discours. Tout exercice de la parole est bien un que, que les Grecs nomment rhythme, etqui se-

eloquens dictus est. Ceterarum enim rerum, qua; sunt in quam enim omnis locutio oratio est, tamen uni" oratoris
mature, partem aliquam sibi quisque vindicat; dicendi locutio hoc proprio signala nomine est.
autem, id est eloquendi, maxima vis soli huic conceditur. Sophistarum, de quibus supra dixi, magis distinguenda
Quanquam enim et philosophi quidam ornate te locuti sunt similitudo videtur, qui omnes eosdem volunt flores, quos
(siquidem et Theophrastus diviuilate loquendi nomen in- adhibet orator in cansis, persequi. Sed hoc différant,
venit, rt Aristoteles Isocratcmipsumlacessivit,et Xeno- quod, quum sit his propositum non perturbarc animos,
phoulis voce Musas quasi locutas ferunt; et longe omnium, sed placare potins, nec tam persuadere quam delectare,
quicumque scripseruut aut locuti sunt, exstitit et suavi- et apertius id faciunl, quam nos, et crebrius; concinnas
tate et gravitate princeps Plato) tamen horum orali» magis sententias eiquirmit, quam probables; a re saepe
neque nervos, neque aruleos oratorios ac foreuses habet. discedunt, intexunt fabulas, verba apertius transferunt,t
Loquuntur cum doctis, quorum sedare animos malunt, eaque ita disponunt ut pictores varielatem colorum pa-
quam incitare. Sic de rebus placatis, ac minime turbulen- ria paribus referunt, adversa contrariis, seepissimeque
lis, docendi causa, non capiendi, loqiiuntur; ut in eo similiter extrema definiunt.
ipso, quod delectationem aliquam dicendo aucupentur, XX. Huic generi historia linitima est, in qua et narra-
plus nonnullis, quam necesse sit, facere videanlur. Ergo tur omate, et regio saepe, aut pugna describitur; inter-
ab hoc genere non difficile est banc eloqucntiam de qua ponuntur etiam concioueset hortationes sed in his tracta
nunc agitur, secernere. Mollis est enim oratio philosopho- quoxlam et fluens expetitur, non hœc contorta et acris
rum, et umbratiliR, nec sententiis, nec verbis instructa oratio. Ab his non multo secus, quam a poetis, haec elo-
popularibus, nec vincta numeris, sed soluta liberius. Nihil qnentia, quam quœrimus, sevocanda est.
iratum habet, nihil invidum, nihil atrox, nihil mirabile, Nam etiam poet& quseslionem athrlerunt, quidnam es
uihil astutnm casta, verecnniia virgo incorrupta quodain sel illud, quo ipsi differrentab oratoribut, numéro maxime
modo. Itaqnc sermo potius, quam oratio, dicitur Qiian- videbantur antea, et versu nunc apud oratores jam ipse
fait un défaut dans la prose. Ce n'est pas que la tempéré,
t pourplaire; le pathétique, pour entraî-
prose animée de Platon et de Démocrite si bril- • ner
i et, entraîner c'est toute l'éloquence.
laute d'images et de figures, n'ait souvent paru Outre un jugement exquis, il faut encore une
plus près de la phrase poétique que la poésie rrare puissance de talent pour calculer les effets et
même des comiques, dont le langage n'est autre fgouverner l'action de ce triple ressort; enfin;
que la conversation ordinaire, bien que formulée pour
{ faire à chaque genre sa part, suivant les
en vers de petite mesure. La versification n'est besoins
1 de la cause. Le bon sens est donc le fon-
pas le point essentiel chez le poëte; mais elle dement
c de l'éloquence comme de toute chose,
ajoute àson mérite, puis que avec les mêmes con- mais
r ce qui convient n'est pas moins difficile à
ditions à remplir que l'orateur il rencontre, dans observer
c dans le discours que dans le monde.
le mécanisme du vers, une difficulté de plus. C'est
( ce que les Grecs appellent tô irpÉmiv, les
Malgré la pompe et la majesté de certains Latins,
] decorum; matière féconde de préceptes
poëtes je crois qu'ils diffèrent surtout des ora- admirables;
t matière digne de l'étude la plus scru-
teurs, d'abord, par une faculté moins limitée de puleuse,
[ puisqu'il n'est rien dont l'ignorance en-
créer des mots et de les allier; puis, par l'habi- traîne
t à plus d'écarts, et l'homme, et le poëte, et
tude de donner plus de soin à l'expression qu'à la 1l'orateur.

pensée; habitude née du besoin de plaire à toutes Il faut donc chercher la convenance dans l'ex-
sortes de juges. Il est vrai qu'ils se rapprochent pression
l comme dans la pensée. Différence de
par le goût et par l'art de choisir les termes. Mais conditions,
c de rang, d'importance personnelle et
cet unique point de ressemblancefera mieux res- id'âge; différence même de lieux, de temps,
sortir encore la différence du reste. La question d'auditeurs
< autant de modifications, soit dans le
est donc jugée et s'il y subsiste encore quelque f
fonds, soit dans la forme du langage, et qui com-
doute, la solution ne nous intéresse pas. mandent
r. une attention spéciale dans le discours
Voilà donc l'éloquence oratoire séparée de comme
c dans le commerce de la vie. Le style
celle des sophistes, des historiens et des poëtes, changera
c suivant le sujet qu'on traite, puis selon
Heste à la faire connaître par des attributs positifs. la
1 position sociale et de cclui qui parle et de
XXI. L'homme éloquent cherché par Autoine ceux
c qui écoutent.
sera pour nous celui qui, dans la défense d'un Ce lieu commun des bienséances est suscepti-
intérêt politique ou privé, saura prouver, plaire, ble
1 d'immenses développements.Les philosophes
entraîner. Prouver, c'est la stricte obligation de 1lui accordent beaucoup de place dans leurs traités
l'orateur; plaire, c'est son moyen de séduction des
c devoirs, où ils se gardentbiende confondre le
entraîner, c'est son triomphe. Dès qu'il entraîne, convenable
c avec l'honnête, qui est invariable de
sa cause est gagnée. De ces trois conditions de s nature. Les grammairiens s'étendent sur la
sa
succès sont nés les trois genres de diction. Il même
r matière, en commentant les poëtes, et les
faut employer le style simple pour prouver; le rhéteurs
r ne s'en occupent pasmoins sérieusement

numerus increbruit. Quidquid est enim, quod sub aurium quœrimus) is, qui in foro, causisque civib'hus ita dicet,
mensuram aliquam cadit, etiamsi abest a versu (nam id ut probet, ut delectet, uL flectat. Probare, necessitatis
quidem orationls est vitium) numerus vocatur, qui griece est; dclectare, suavitatis; flectere, victorise; nam id
puOpiôt dicitur. Itaque video visum esse nonnnllis Plato- unum ex omnibus ad obtinendas causas potest pluri-
nis et Democriti locutiouem, etsi absit a versu, tamen, mum. Sed quot oflicia oratoris, lot sunt genera dicendi.
quod incitatius feratur, et clarissimis verborum hrminibus Subtile in probando, modienm in delectando, vebemens
utatur, potius poema putandum, quam comicornm poela- ili flectendo; in quo uno vis omnis oratoris est. M»,
rum apud quos, nisi quod versiculi sunt, nihil est aliud gni igitur judicii, summa? etiam facultatis esse debebit
quotidiaui dissimile sermonis. Nec tamen id est poète uioderator ille, et quasi temperator hujus tripartitae va-
maximum etsi est co laudabilior, quod virtules oratoris rietatis nam et judicabil, quid cuique opus sit et pote-
persequitur, quum versu sit adstrictior. Ego autem, rit, quocumque modo postuiabit causa, dicere. Sed est
etiamsi quorumdam grandis et omata vox est poelarum, eloquentiap sicot relîquarnm rerum, fundamentum, sa-
tamen in ea quum licentiam statuo majorem esse, quam pientia. Ut enim in vita sic in oratione, nihil est diffici-
in nobis, faciendorum jnngeodorumque verhoruin; tum lius, quam, quid deceat, videre. ripàiov appellant hoc
etiam noimullorum voluptati vocibus magis, quam rebus Graeci nos dicamus sane décorum; de que et prieclare
inserviunt. Nec vero, si quid est unum inter eos simile multa praecipiuntnr,et res est coRnilionedignissima. Hujus
(id autem est judicium, electioque verborum), propterea ignoratioue lion modo in vita, sed sapissime et in poe-
ceterarum rerum dissimilitudo intelligi non potest sed matis, et in oratione peccatur.
id nec dubium est; et, si quid habet quwstinnis,hoc tamen Est autem, quid deceat, oratori videndiun non in sen-
ipsum ad id, qnod propositum est, non est necessarium. tentiis solum, sed etiam in verbis. Non cniin .miiiis fortuna,
Sejnnctus igitur orator pliilosophonim eloquentia, a non omnis honos, non omnis anctoritas, non omnis œ!as,
sopbistarum ab historicorum, a poetarum, explicandtis nec veto locus, aut tempus, aut auditor omnis, eodem
est nobis, qualis futurus sit. aut verbornni gencre Iractandus est, ant sententiarum,
XXI. Erit igitur elo'piens (hune enim aiiclore Antonio, semperque inomni parte orationis ut vitae qiiid deceat,
à propos de tous les discours et de chacune de
leurs parties. Qu'y aurait-il, en effet, de plus in-
convenant qu'un étalage de mots pompeux et de
.a~ est le plus grand écueil du poëte, a qui l'on ne
pardonnerait pas de faire parler le méchant en
homme de bien, ou de mettre dans la bouche
lieux communs au sujet d'une gouttière, et de- d'un insensé le discours d'un sage. Voyez le pein-
vant un seul juge; ou qu'un style nu et familier tre du sacrifice d'Iphigénie. Après avoir montré
quand il s'agit du peuple romainî par une admirable gradation la tristesse chez
XXII. Ce serait confondre lcs genres. D'ail- Calchas, la douleur chez Ulysse, et chez Méné-
leurs l'inconvenance est relative aux personnes, las, le dernier abattement, il comprit qu'il fallait
soit à celui qui parle, soit aux juges, soit même jeter un voile sur la tête d'Agamemnon; conve-
à la partie adverse. Elle se montre, non pas seu- nance indiquée par l'impossibilité d'exprimer à
lement dans les choses, mais souvent dans les l'aide du pinceau les angoisses du cœur paternel.
mots. Sans doute les mots ne sont rien sans les Voyez, le comédien lui-même étudier les conve-
choses, mais on a vu le sort d'une pensée dé- nances pour s'y asservir. Que ne doit donc pas
pendredu succès ou de la défaveurdes termes qui fairel'orateur, qui en apprécie toute l'importance?
l'ont exprimée. il examinera ce qui convient à son sujet, et pour
11 faut, en tout, se renfermer dans une juste l'ensemble et pour les détails, afin de donner à
mesure. Chaque chose a la sienne sans doute, chaque partie d'un discours le genre de diction
mais le trop choque toujours plus que le trop peu. qu'elle comporte, si toutefois le discours entier ne
Ne pas savoir se dire assez; est un défaut qu'A- demande pas un seul et même style.
pelles reprochait aux peintres. Vous concevez, XXIII. Voici le moment de déterminer enfin le
mon cher Brutus, quels développements deman- caractère de chaque genre. Plus d'une fois je me
derait cette matière. Il lui faudrait un livre àpart. suis récrié contre les difficultés d'une si haute
Mais c'est assez pour notre plan d'établir que entreprise; mais toute réflexion devient inutile
les considérations de convenance et d'inconve- quand onaquitté leport. Nous n'avons plus main-
nance se reproduisent dans toutes les occasions tenant qu'à faire voile, selon le vent qui nous
de parler et d'agir, dans les plus grandes comme pousse. Et, d'abord, esquissons l'orateur rigou-
dans les moindres. Mais plus ces considérations reusement attique.
ont d'importance plus il est essentiel de tracer Son langage familier comme celui de la con-
une démarcation profonde entre la convenance versation, est simple et uni; mais de ce terre-
et la nécessité. Par nécessité, on entend une loi à-terre, à l'absence de fart, il y a bien plus
absolue, invariable, universelle par conve- loin qu'on ne pense. Ceux qui n'out pas le talent
nance, une obligation relative et subordonnée aux de la parole se figurent, en l'écoutant, qu'ils
pcrsonnesetaux temps. Actions, paroles, physio- n'ont qu'à vouloir pour parler aussi bien que lui.
nomie, geste, démarche, la convenance s'étend Mais cette simplicité qu'ils jugent si aisée à re-
à tout; et'l'inconvenance aussi l'inconvenance produire les trahit à l'essai, et se montre insai-

est considerandum quod et in re, de qua agitur, positum tere enim, perfectionem declarat officii, quo et semper
est, et in personis et eortm, qui dicunt, et eorum, qui ulendum est, et omnibus decere, quasi aptum esse,
audiunt. Itaqne hune locum, longe et late patentem phi. consentaneuinque tempori et personœ quod quum in fa-
losophi soient in ofticiis tractare non quum de recto ipso clis stepissime, tum in dictis valet in vultu denique, et
disputant (nam id quidem unum est), grammaliciin poetis, gestu, et incessu ) contraqueitem dedecere (quod si poeta
etoquentes in omni et génère et parte causariim. Quam fugit ut maximum vitium, qui peccat etiam, quum probant
enim indecorum est, de slillicidiis quum apud unum ju- orationemafilngitimprobo,stullove sapientis; si deniquo
dicem dicas, amplissimis verbis et locis nti communibus pictor illc vidit, quum immolanda Ipliigenia tristis Calchas
de majestate populi romani summisse et subtiliter! esset, inœslior Ulysses, mœreret Menelaus, obvolvendum
XXII. Hic genere toto at persona alii peccant aut sua, caput Agamemnonis esse, quoniam summum illum lu-
aut judicum aut etiam adversariorum nec re solum, sed ctnrn penicillo non posset imitari;sidenique liistrio, quid
saepe verbe. Ktsi sine re nulla vis verbi est, tamen eadem deceat, quserit quid faciendum oratori putemus?) sed
res Siepe aut probatur aut rejicitur, alio atque alio elata quum hoc tantum sit, quid in causis earumquc quasi mem*
verbo. In omnibnsque rebus videndum est, quatrains bris faciat, oralor viderit illud quidem perfpicuum est
t
etsi enim suus cuique modus est, tamen magis offendit ni- non modo partes orationis, sed etiam causas totas alias
mium quam parum. In quo Apelles pictores quoque eos alia forma dicendi esse tractandas.
peccare e dicebat, qui non sentirent, quid esset satis. XXIII. Sequitur, ut cujusque generis nota qnœratur, et
Magnus est locus hic. Brute, quod te non fugit, et ma- formula. Magnumopus, et arduum, ut saepe jam diximus
Rnum volumen aliud desiderat. Sed ad id, quod agitur, sed ingredientilms considerandum fuit, quid ageremus,
illud satis quum hoc decere (quod semper usurpamus nunc quidem jam, quocumque feremur danda nimirum
in omnibus dictis et fadtis, minimis et maximis), quum vela sunt. Ac prinuiin iniormanilus est ille îiobis, quem
tioc, iiiquam, decere dicamus, illud non decere, et id us- solum quidam vocant Atticum.
qucqtmque, quantum sit, appareat; in alioque ponaltir, Summissus est, etlmmilis, consuetu<linemimitans, ah
aliiiilqneloluni sit, utruin decere an oporlcre dicas (opor- indisertis re plus quain opinione, dilïeren». llaque ou m
L'ORATEUR.
sissable. C'est qu'il y a de la vie dans ce corps qui XXIV. Nous admettrons pourtant avec Théo-
semble receler si peu de sang. C'est qu'à défaut phraste une nouvelle qualité, qu'il place ait qua-
d'une grande force musculaire, on y trouve du trième
1 rang dans rémunération de celles de l'o-
moins cette consistance que donne la plénitude rateur, et qu'il définit, un éclat doux et continu.
de la santé. On multipliera donc ces traits vifs et inattendus,
Commençons par affranchir de la tyrannie des qui sont un des signes distinctifs du genre. Mais
nombres l'orateurattique. Ces nombres dontnous on n'usera qu'avec timidité des ressources tirées
traiterons plus tard, sont de mise ailleurs; mais du répertoire de la rhétorique, je veux dire, des
lui, il les repousse absolument. Sans contrainte, figures de mots et de pensées.
comme sans écart, son allure est libre, mais non L'effet des mots comme ornement est de
capricieuse et déréglée. Chaque mot se montre deux sortes, et résulte, ou de leur valeur intrin-
indépendant du mot voisin. Notre orateur glisse sèque, ou de la place qu'ils occupent. La pre-
au milieu de ces hiatus avec une gracieuse mol- mière catégorie renferme d'abord les mots pro-
lesse, qui leur donneje ne sais quel charme, et il pres généralement usités; c'est-à-dire, ou celui
s'avance, toujours insouciant de l'expression, à qui sonne le mieux à l'oreille, ou celui qui peint
la poursuite de l'idée. le mieux la chose. Ensuite, les mots étrangers
Mais d'autres soins réclament son attention, que au langage ordinaire, tel que le mot métapho-
n'embarrassent pas l'arrangement des périodes rique, c'est-à-dire, pris ou emprunté d'ailleurs,
et la succession des mots. N'allez pas croire et détourné de son acception commune; le mot
que cette diction simple et rapide soit en effet dérivé, le mot nouveau ou créé, le mot vieilli ou
négligée; rien de plus étudié qu'une telle négli- tombé en désuétude, quoique, à vrai dire, ce
gence. Il est des femmes, dit-on, qui négligent dernier appartienne à la classe des mots propres,
toute parure, et n'en savent que mieux plaire. mais rarement usités. La seconde catégorie est
L'éloquence attique tire le même avantage de celle des termes dont la valeur dépend de leur
sa simplicité. Là, comme ici, le charme opère, position; l'agrément qui en résulte manifeste si
et les moyens restent cachés. Imaginez une toi- bien le pouvoir d'un mot mis à sa place, qu'il
lette dont toute prétentionsemble bannie. Point suffit d'une simple transposition pour détruire
de diamants. Le fer n'a point tourmenté la che- l'effet produit, lors même que la pensée n'a pas
velure aucun fard n'a enluminé le visage d'une subi la moindre altération. Il y a ainsi des mil-
blancheur ou d'un incarnat factice; la propreté liers de pensées dont le fond demeure invariable,
vient seule au secours des grâces naturelles. Telle quand les termes ont changé; mais, après une
sera la séduction d'un style pur, toujours simple, telle épreuve, ce n'est plus guère par leur éclat
toujours clair, fidèle à toutes les convenances, et qu'elles se recommandent.
d'une exquise latinité. Ainsi l'orateur attique s'en tient à son élé-

qui audiunt, quamvis ipsi infantes sint, tamen illo modo purus erit, et latinus; dilucide planeque dicetur; quid
confidunt se posge dicere. Nam orationissubtilitas, imitabi- deceat, circumspicielnr.
lis illa quidam videtur esse existimanti; sed nihil estexpe- XXIV. Unum aderit, quod quartnm numerat Théo-
rienti minus. Et si enim non pliirimi sanguinis est, habeat pbrastus in orationis laudibus, ornatum illud, suave et
tamen succum aliquem oportet, ut, etiamsi illis maximis aflluens; acuUe crebraeque sententiae ponentur, et nescio
viribus careat, sit, ut ita dicam intégra valitudine. Pri- unde ex abdito erutoe, atque in hoc oratore dominabun-
mum igitur eum tanquam e vinculis numerorum exima- tur. Verecundus erit usus oratorio quasi supellectilis.
mus. Sunt enim quidam, ut scis, oratori numeri (de qui- Supellex est enim quodam modo nostra, quae est in or-
bus mox agemus) observandi ratione quadam, sed alio in namentis, alia rerum, alia verborum. Ornatus autem
genere orationis, in hoc omnino relinquendi. Solutum verborum, duplex unus simplicium, alter collocatorum.
quiddam sit, nec vagum tamen, ut ingredi libere, non ut Simplex probatur, in propriis nsitatisque verbis, quod
licenter videatur errare. Verba etiam verbis quasi coa- aut optime sonat, aut rem maxime explanal; in alienis,
gmentarenegligat.Habctenim ille tanquam hiatus concursu ant trdnslatnm ant sumtnm aliunde, ut mutuo, aut fa-
vocalium molle quiddam,etquod indicet non ingratam ctum ab ipso, aut novnm ant priscum, et inusitatum sed
negligentiam, de re, hominis, magis qnam de verbis, etiam inusitata, ac prisca, sunt in propriis, nisi quod
laboraiitis. Sed erit videndum de reliquis, quum baeeduo raro utimur. Collocata autem verba habent ornatum, si
ei liberiora fuerint, circuitus, conglutinatioqneverborum. aliquid concinnitatis efficiunt, quod verbis mntatis non
illaenim ipsa contracta et minuta non negligenlertraclanda maneat, manentesententia.Nam sententiarum ornamenta,
sunt sed quaedam etiam negligenlia est diligens. Nam ut qua: permanent, etiamsiverha mutaveris, sunt illa quidem
mulieres esse dicuntur nonnullae inornatae quas id ipsum permulta, sed, quae éminçant pauciora.
deceat sic hœc snbtilis oratio etiam incomta delectat. Ergo ille lenuis orator, modo sit elegans nec in facien-
Fit enim quiddam in utroque quo sit venustius sed non dis verbis erit audax, et in transferendis verecundus, et
utappareat. Tumremovebituromnis insignisornatus, quasi parcus in priscis, reliquisque ornamentis et verborum et
margaritarum; ne calamistri quidem adhibebuntur. Fu- sententiarum demissior; translatione fortasse crebrior,
cati vero medicamenta candoris et ruboris omnia repel- qua frequentissimesermo oinnis utitur non modo urbano-
lentur elegantia modo, et munditia remanebit. Sermo rum, sed etiam rustieorum siquidem est eorum, « gem-
magnificence, admettra mais sans profu-
gauce; il craindrait de se fourvoyer à créer des dde la
des agréments avoués et choisis par le bon
mots nouveaux, à en rajeunir d'autres, à se lan- sion, s
goût.
cer dans les tropes, à prodiguer les figures de §
style et de pensée. Sobre, et même avare de tous Notre orateur s'interdiralesrecherches étudiées
ces ornements, il n'hésitera pas toutefois à user, c
dont j'ai parlé plus haut, les combinaisons symé-
même largement, de certaines métaphores tom- ttriques, les allitérations, le retour des mêmes chu-
bées dans le domaine de la conversation à la tes, t le cliquetis de deux mots qu'un simple chan-
ville et aux champs. Il parlera, comme tout le gement de lettre a mis en rapport. Ce sout là des
monde, des yeux de la vigne, du luxe des beautés 1 ou le travail se fait trop sentir. II lui
moissons, de prairies altérées ou de riantes ifaut des moyens de succès ou la séduction opère
campagnes toutes façons de parler dont la har- moins à découvert, et soit moins aisément prise
diesse est justifiée par la vérité des images, ou sur le fait. 11 ne s'accommodera pas mieux des
par l'absence du mot propre. Il s'en sert donc figures de répétition, car elles exigent que le
pour se faire comprendre, non pour courir après débit s'anime par degrés jusqu'aux explosions de
un peu d'esprit. Aussi le style simple usera plus voix; et la sienne ne sort jamais de son diapason.
librement de cette sorte de métaphore que des Il peut faire usage de toutes les autres figures
autres; mais il en sera toujours plus sobre que de mots mais il évitera les périodes de longue
le style sublime. haleine. Ses phrases seront coupées, et n'offri-
ront que des mots reçus dans la conversation. II
XXV. La définition que nous avons donnée ne laissera voir ni trop de hardiesse dans les mé-
plus haut de la convenance, nous dispense d'ex- taphores, ni trop d'éclat dans les figures de pensée.
pliquer ce que nous entendons ici par inconve- Point de ces prosopopées où la république pé-
nance. Or, elle serait flagrante si le style simple rore, où les morts retrouvent la parole. Point de
se permettait de ces métaphoresambitieuses qui ces énumérations qui étreignentune infinité d'ob-
ne sont admissibles que dans un autre genre. jets dans les longs bras d'une période. Laissonss
Quant à l'effet que tel mot ne peut produire ces grands efforts à des personnes plus robustes;
qu'à telle place, où brille d'un éclat qu'il n'aurait il ne faut exiger ni attendre de notre orateur qu'il
plus ailleurs, effet qu'on peut considérer comme se donne une poitrine d'athlète. Son débit ne fera
|
le port du style (et que les Grecs ont nommé pas plus de fracas que son style. Et pourtant la
<r/ïi[M«, nom qu'ils étendentaussi aux figures de simplicité à laquelle il s'est voué n'exclut pas ab-
pensée), c'est un genre d'ornement que peut em- solument la plupart des figures de pensées mais
ployer, avec réserve toutefois, l'orateur attique; c'est une parure qu'il a soin de froisser un peu
bien entendu qu'on reconnaisse avec moi plus avant de s'en revêtir. Car la sévérité d'ajuste-
d'une sorte d'atticisme. On peut bannir d'un re- ment est, à nos yeux, ce qui le caractérise.
pas la somptuosité prodigue, sans en exclure une
'11 L'action
ne sera, chez lui, ni tragique ni théâ-
certaine élégance compatible avec l'économie; trale. Il s'aidera peu du geste, mais beaucoup
c'est ainsi que le style simple, quoique ennemi de la physionomie; une mobilité expressive, sans

mare vites, sitirc agros, lœtas esse segetes, luxurioàaloquor, parcimonie. Nam illa, de quibus ante dixi, Jwk
frumenta. » Nihil horum parum audacter, sed aut simile acuto fugienda sunt, paria paribus relata, et sirariiter
l
est illi unde transferas; aut, si res suum nullnm habet conclusa, eodemque pacto cadentia, et immutatione lit.

et
nomen, docendi causa sumlum, non ludendi, videtur. Hoc ter% quasi quaesitâe venustates ne elaborata concinnitas
ornamentoliberius paullo quam ceteris, utetur hic sum.
i quoddam aucupium delectationis manifesta deprehen-
missus nec tam liœnler tamen, quam si gcnere dicendi sum appareat. Italique si
quae verborum iterationes con.
uteretur amplissimo. tenlionem aliquam, et damorem requirent, erunt ab bac
sunimissioue orationis aliéna? ceteris promiscue poterit
XXV. itaque illud indecorum (quod quale sit, ex de- uli; continuationem verborum modo relaxet, et dividat,
cor» debet intelligi) hic quoque apparet, quum verhum nutaturque verbis quam usiUtibtirais translationibusquant
aliquod altius tiansfci tur, idque in oratione humili poni. mollissimis-etiam illa senlenliarum lumina assumât quai
tur, quod idem in alia deceret. Iliam autem concinnita- non erant vehementer illustria. Non faciet rempublicam
lem, quae verborum collocaliottem illuminât his luiuini-i- loquentem, nec ab inferis mortuos excitabit, nec aceiva-
bus, qua; Graeci, quasi aliquos nestus orationis, «)rft«mi-< Uni mulUt fréquentons una complexione devinciet. Valen-
appellant (quod idem verbum ab bis etiam in sententiarum tiorum hsec lateriun sunt, nec ab hoc, quem informamus,
«rameuta transfertur) adhibet quidem hic snbtilis (quera aut exspectanda, aut postulanda erit euim at voce, sic
nisi quod solum, ceteroquin recte quidam vorant atti. etiam oratione suppressior. Sed pleraqne ex illis convenient
cum), sed paullo parcius. Nam, sicut in epularum appa- etiam huic tenuitati; quanquam iisdem oniamentis ute-
ratu, a magnificentia recedens, non se paicum solum, tur horridius Udcm enim inducimus.
s«d etiam elngantem videri volet etiget, quibus utatur. Accedet actio non tragica,
r.
Suntpniir plerœque aplœ hujus ipsius oraloris, de quoo ctalione corporis vultu tama» nec scenœ, sed modica ja-
multa conticiens non hoc
dégénérer en grimace, fera lire dans ses traits le quante ou solide, est un fruit du terroir athénien.
fidèle commentaire du discours. Ce n'est pas que la fine plaisanterie soit l'assai-
XXVI. La plaisanterie assaisonne bien le genre sonnement obligé de l'éloquence; si Lysias et
simple; et l'on en tire un merveilleux parti. Il Hypéride l'ont maniée avec succès, si Démade en
y en a deux espèces, l'enjouement et la raillerie; a obtenu la palme, Démosthènen'y a pas réussi.
toutes deux bonnes à mettre en oeuvre. L'enjoue- Je le regarde, moi, comme un modèle accompli
ment donnera de la grâce aux détails de la nar- d'urbanité; mais sa raillerie est moins de verve
ration la raillerie aiguisera et décochera les que d'enjouement. La verve annonce plus de vi-
traits du ridicule mais restons dans notre sujet, vacité dans t'esprit, et l'enjouement, plus desa-
et bornons-nous à quelques avis généraux. voir faire.
La plaisanterie maniée à tout propos est la res- XXYII. Je passe au genre tempéré. Plus abon-
sourcedu bouffon: trop libre, elle doit être aban- dant, plus nourri que le genre dont il vient d'être
donnée aux tréteaux; outrée, elle trahit un mau- question, il a moins d'élévation que le sublime
vais cœur dirigée contre le malheur, elle devient dont je m'occuperai bientôt. C'est ce que le lan-
inhumaine; contre le crime, elle risque de faire gage a de moins nerveux, mais de plus suave. Il
éclater le rire, où devrait éclater l'indignation. a une plénitude qui manque au premier genre
Avant de lancer la raillerie, l'orateur pèsera bien mais il est écrasé par la magnificence de l'autre.
ce qu'il doit à sa propre dignité, à celle de ses Ici tout ornement est de mise, car le seul but est
juges, et ce que comportent les circonstances du de charmer.
moment toutes conditions qui rentrent dans le La Grèce a vu fleurir de nombreux talents en
chapitre des convenances. Qu'il évite soigneu- ce genre; mais, selon moi, Démétrius de Pha-
sement ces bons mots amenés de loin, ou fa- lère les a tous éclipsés. Sa diction est une cau-
briqués à loisir, et qu'on apporte tout faits. Il serie douce et facile, mais parfois étincelante de
n'est rien de plus glacial. Qu'il respecte l'amitié, l'éclat des métaphores et des métonymies dont
comme le rang; qu'il n'aille jamais jusqu'à l'ou- elle est semée.
trage qui fait des blessures mortelles qu'enfin, La métaphore, ainsi que j'ai eu souvent oc-
il ne frappe que sur ses ennemis, mais non sur casion de le dire, transporte une expression de
tous; non sans relâche non de toutes manières. son acception ordinaire à un autre sens analo-
Avec ces ménagements,il ne lui resteraplus qu'une gue, soit pour obtenir une heureuse alliance de
condition à remplir, c'est d'assaisonner les plai- mots, soit pour suppléer un terme que la langue
santeries de ce sel fin et piquant dont je ne trouve ne fournit pas. La métonymie ne change rien
pas un grain dans nos Attiques du jour, quoique au sens, mais elle remplace un mot par un autre
ce soit là ce qu'il y ait de plus Attique au monde. mot, ayant avec le premier une relation de dé-
J'ai terminé le portrait de mon orateur du pendance. C'est bien aussi un transport, mais
genre simple; grand orateur pourtant et vérita- avec une différence que des exemples feront
blement Attique. Car toute manière de parler, pi- sentir. On lit dans Ennius Arcem et urbem

quo dicuntur os ducere, sed illo quo significant ingénue, aut salubre in oratione, id proprium Alticorum est; e qui*
quo sensu quidque pronuntient. bus tamen non omnes faceti Lysias satis, et Hyperides
XXVI. Huic generi orationis adspergentur etiam sales, Demades prseter ceteros fertur. Demosthenes minus ha-
qui in dicendo nimium quantum valent quorum duo betur; quo quidem mihi nihi! videtur urbanius sed non
genera sunt, unum facetiarum, alterum dicacitatis. Ute- tam dicax fuit,-quam frottis. Est autem illud.acriorisin.
tur utroque sed allero in narrando aliquid venuste, al- genii, hoc majoris artis.
tero in jaciendo, mittendoqueridieulo cujus genera plura XXVII. Uberius est aliud, aliquantoquerobustius quam
sunt; sed mue aliud agimus. Illud admonemus tamen, hoc humile, de quo dictam est; summissius autem,
ridicule sic usurom oratorem ut nec nimis fréquent! ne quam illud, de quo jam dicetur, auiplissimum. Hoc in
«currile sit; nec snbobscoeno, ne mimicum nec petulanli genere, nervorum vel minimum, suavitatis autem est vel
ne improbum; nec in calamitatem, ne inhumanum; nec plurimum. Est enim plenius, quam hoc enuclealum quam
in facinus ne odii locum risus occupet; neque aut sua autem illud ornatum, copiosumque, summissius. Huic
persona, aut judicum, aut tempore alienum hœc enim omnia dicendi ornamenta conveniunt, plurimumque est,
ad illud indecorum referuntur. Vitabit etiam quœsila nec in hac orationis forma, suavitatis. In qua mulli floruerunt
ex tempore ficla, sed domo allala quaé plerumque sunt apud Graecos sed PhalereusDemctrius meo judicio prœ-
frigida. Parcet et amicitiis et dignitatihus vitabit insa- stitit ceteris; cujus oratio quum sedate placideque loqui-
nabiles contumelias; tantummodo adversarios figet, nec tur, tnm illustrant eam, quasi Stella? quEDdam, translata
eos tamen semper, nec omnes, uec omni modo. Quibus verba, atque immutata.
eiceptis, sic utetur sale et facetiis, ut ego ex istis novis Translata ea dico, ut SEepe jam quœ per similitudinem
Atticis lalcm cognoverim neminem, quum id certe sit vel ad aliam rem, aut suavitatis, aut inopiœ causa, transferun-
maxime Atticum. tur. Mutata, in quibus pro verbo proprio subjicitur aliud,
Hanc ego jndico formam summissi oratoris, sed magni quod idem significet, sumtum ex re aliqua consequenti.
tamen, et germani Attici quoniam quidquid est salsum Qnod quanquam transferendo fit, tamen alio modo trans-
orbas; c'est une métaphore; mais arcem, em- jour de quitter les bancs des sophistes, où il avait
ployé pour patriam, est aussi une métonymie, pris naissance, et parvint à se glisser au barreau.
comme Africa tremit, pour Afri tremunt, chez Mais dédaigné par le genre simple, et repoussé
le même auteur. Les rhéteurs nomment cette fi- par le sublime, il s'est arrêté à égale distance de
gure hypallage, c'est-à-dire,échange, parce que tous deux.
c'est une sorte d'échange de mots. Les gram- XXVIII. Grandeur, richesse, force, magni-
mairiens l'appellent métonymie; ce qui signifie ficeuet; els sont les attributs du genre sublime,
transport de nom. Aristote, qui donne le nom le plus puissant des trois. C'est par des formes
de métaphore à toutes ces figures, range sous larges et majestueuses que l'éloquence a conquis,
la même dénomination la catachrèse ou abus de sur l'admiration des peuples, tant de prépondé-
mots. On dira par catachrèse minulum animum rance dans leur gouvernement. J'entends cette
pour parvum animum; cet abus des mots a, éloquence à grands mouvements, à grands
tantôt l'agrément pour excuse, et tantôt la né- éclats, qu'on suit avec stupeur dans son essor
cessité. Quand les métaphores se succèdent sans prodigieux, et qu'on désespère d'atteindre; cette
interruption, leur ensemble prend le nom d'allé- éloquence qui se saisit des âmes, et les remue en
gorie. Ce mot grec fait bien comprendre que le tous sens; qui brise ou pénètre, et qui, souve-
discours exprime alors toute autre chose que ce raine de l'opinion, impose des idées nouvelles,
qu'il semble dire. Mais il vaudrait mieux dési- et détrône celles qui régnaient.
gner tous ces tropes par le terme général de Quelle différence entre ce genre et les deux
métaphore. Le style de Démétriusde Phalère est autres quiconque, à force de s'exercer dans
plein de métaphores qui lui donnent le plus grand le genre simple, est arrivé à parler avec esprit
charme. Il abonde également en métonymies. et avec goût, sans porter plus haut ses préten-
Aucun orateur ne s'est montré plus prodigue de tions, se trouve d'emblée grand orateur, quoi-
cette espèce de figure. qu'on en reconnaisse de plus grands. Comme il
Le genre tempéré (celui dont je parle) s'ac- s'est placé sur un terrain quin'arien deglissant,
commode de toutes les figures de mots et de la une fois sur ses pieds il n'a plus de chute à crain-
plupart des figures de pensées. Il fournit de lar- dre. Quant au style intermédiaire, que j'appelle
ges développements aux discussions savantes et tempéré, l'orateur qui en connaît à fond et s'en
aux lieux communs qui n'exigent pas d'expres- est approprié les ressources, n'a plus de chances
sion passionnée. En un mot, c'est l'éloquence sérieuses contre lui. Souvent exposé à des mé-
tellequ'on la rapporte de l'école des philosophes. comptes, Il ne l'est jamais à une catastrophe.
Elle a un mérite qui lui est propre, mais qui pâ- Après tout, il ne tomberait pas de bien haut. Ces
litbien vite quand elle ose se montrer auprès du garanties sont loin d'exister pour l'orateur su-
sublime. Ce style paré, fleuri, brillant de coloris blime à qui j'assigne le premier rang. Si, malheu-
et d'élégance, assemblage coquet de toutes les sé- reusement, sanature,ses études, ses prédilections,
duetions de la parole et de la pensée, s'avisa un lui ont imprimé une direction exclusive vers les

tulit, qniim dixit Ennius, « arcem et urbem orbas; » rens orationis, pictum et expoliluin genus, in <|iio omnes
alio modn, si pro patria arcem dixisset et « horridam verborum, omnes sententiarum illigantur lepores. Hoc ta-
Africam terribili tremere tumultu quum dicit, pro Afris tum e sophistarum fontibus defluxit in forum sed spretum
immulat Africam. Hanc hypallagen rhetores, quia quasi a subtilibus, repulsum a gravibus, in ea, de qua loquor,
summutantur verba pro verbis; metonymiam grammalici mediocritate consedit.
vocant, quod nomina transferuntur. Aristoteles autem XXV1TI. Tertius esl ille amplus, copiosus, gravis, oma-
translation! haec i|>sa subjungit, et abusionem, quam xx- tus, in quo profecto vis maxima est. Hic est enim, enjus
•rccxpi'w vocant ut, quum minutum dicimus animum pro ornatum dicendi et copiam admiratae gentes, eloquentiam
parvo, et abutimur verbis propinquis, si opus est, vel in civitatibus plurimum valere passa; sunt; sed hanc elo-
quod delectat, vel quod decet. Jam quum fluxerunt plures quenliam, quae cursu magno, sonituque ferretm, quam
continuai; translationes, alia plane lit oratio. Itaque genus suspicerent omnes, quam admirarentur, quam se assequi
hoc Graeci appeilant 4Murfopiav, nomine recte; genere posse difïidcrent. Hujus eloqucntite est tractare animos,
melius ille, qui ista omnia translaliones vocat. Haec fre- hujus omni modo permovere. Haec modo perfringit, modo
quentat Phalereus maxime, suntque dulcissima et quan- irrepit in sensus; inserit novas opiniones, evellit insitas.
quam translatio- est apud eum mulla, tamen immulationes Sed multum interestinter hoc dicendi genus et superiora.
nusquam crebriores. Qui in illo subtili et acuto elaboravit, ut callide arguteque
In idem genus orationis (loquor enim de illa modica ac diceret, nec quidquam altius cogitaret, hoc uno perfecto,
temperata) verbonun cadunt lnnnna omnia, multa etiam magnus orator est, si non maximus; minimeque in lubrico
&ententiarum latée cruditaeque disputationes ab eodem versabitur, et, si semel constiterit, nunquam cadet. Médius
HX[8icanlur, et loci communes sine contentione dicuntur. ille autem, quem modicum et temperatum voco, si modo
Quid multa? e philosophonim scholis tales fere evadunt suum illud satis instruxent non extimescet ancipites di-
n. nisi corani erit comparatus ille fortior, per se hic, quem cendi incertosquecasus; etiam, si quando minus succedet,
diro, prohabitur. Est euiin ouoddam etiam insigne et Ilo- ut Sirpe fil, magnum lariicn pericultnu nonadibit altf enini
rcgioiis svipéiicures; si, toujours majestueux, tou- pour l'esprit, insaisissable pour les sens. Ce n'est
pi
jours tendu, toujours enflammé il ne sait quel- p. l'homme éloquent que je cherche car il ne
pas
quefois tempérer cette fougue par l'alliance des faut rien de mortel ou de périssable. Je ne pour-
ft
deux autres genres, il ne recueillera qu'humilia- si qu'une abstraction, une qualité dont le pos-
suis
tion. En effet, l'orateur simple a pour lui sa sesseur serait éloquent; et cette qualité n'est
si
finesse et cette connaissance du monde qui an- autre
ai que l'éloquence même. Être de raison,
nonce un sage. L'orateur tempéré nous séduit q ne se révèle qu'aux yeux de l'esprit, et dont
qui
par ses agréments; mais l'orateur sublime, qui le caractère, je n'hésite pas à répéter ma défini-
le
ne sait être que sublime, paraît à peine dans son tion,
ti est de revêtir les petites choses d'un style
bon sens. simple; les moyennes, d'un style modéré; les
si
Quoi! ne jamais trouver un moment de calme grandes,
g d'un style majestueux.
pour parler posément, pérorer sans analyse, sans Tout mon plaidoyer pour Cécina roulait sur
définition, sans tons variés, sans enjouement, l'ordonnance
I" du préteur. On avait embrouillé le
même dans des causes qui, en tout ou en partie, point
p de droit. J'ai eu soin de l'éclaircir par des
exigent ces accessoires; prendre feu au premier ddéfinitions, après lesquelles j'ai glissé l'apologie
mot, avant d'avoir échauffé ses auditeurs, n'est- d droit civil. A des chicanesde mots, j'ai opposé
du
ce pas là le transport d'un frénétique qui vient d distinctions précises. Ma défense de la loi
des
se ruer parmi des personnes de sang-froid, ou Manilia amenait l'éloge de Pompée. Aussi le dis-
IV

l'extravagance d'un hommequipousse, au milieu cours est-il d'un bout à l'autre du genre tempéré
c<

de gens à jeun, les hurlements de l'ivresse? qui se prête aux formes du panégyrique. L'af-
q
XXIX. Nous le tenons, mon cher Brutus, cet faire de Babirius intéressait la majesté du peuple
fi
orateur, objet de nos recherches; mais ce n'est nromain. Mon style s'agrandit avec le sujet et
malheureusement qu'en idée. Car si ma main j' fis passer tout le feu dont je me sentais con-
j'y
pouvait le saisir, non, lui-même, avec toute la sumé.
si Voilà l'emploi successif des trois genres.
puissance de sa parole, ne saurait me faire là- Mais
IV il faut, dans certaines causes, le mélanger,
cher prise. Le voilà trouvé celui qu'Antoine n'a- eet passer plus d'une fois de l'un à l'autre. Quelle
vait jamais vu. Hâtons-nous d'énoncer ici en et la forme d'élocution qu'on ne trouve pas dans
est
peu de mots ce que nous ne tarderons pas à dé- n Verrines, dans mes plaidoyers pour Avitus,
mes
velopper. L'orateur parfait est celui qui, maniant ppour Cornélius, enfin dans un grand nombre de
à propos les trois genres sait toujours être simple n harangues? J'en citerais les exemples, si je
mes
dans les petites choses, sublime dans les grandes nne les croyais trop connus, ou trop faciles à trou-
tempéré dans celles qui tiennent le milieu. ver. Car il n'y a pas de beauté oratoire, dont on
v
Jamais, me direz-vous, un tel orateur n'a ne puisse rencontrer dans mes discours, je ne
n
existé. Eh I sans doute. Je dis ce que je voudrais ddis pas le parfait modèle, mais au moins l'inten-
voir, non ce que j'ai vu. Et me voilà revenu à tion,
ti le reflet. Le but n'est pas atteint, mais il
ce type, à cette forme idéale de Platon, visible e montré.
est

cadere non potest. At vero hic noster, quem principem po. etsi
e noncernimus, tamen animo tenere possuinus. Kon
nimus, gravis, acer, ardens, si ad hoc unum est natus, aut enim
e eloquentem quaero, neque quidem morlalf et ca-
in hoc solo se exercuit, aut huic generi studet uni, nec dducum, sed illud ipsum, cujus qui sit compos,sit eloquens
suam copiam cum illis duobus generibus temperavit, ma. quod
q nihil est aliud, nisi eloquentia ipsa, quam nullis,
xime est contemnendus. Ille enim summissus, qund acute nisi
n mentis oeulis videre possumus. là erit igitur eloqueus
et veteratorie dicit, sapiens jam; médius, sua vis; hic au- ((ut idem illud itercmus), qui poterit parva summisse, mo-
temcopiosissimu8,sinihiiestaliud, vix satis sanus videri ddica temperate, magna graviter dicere. Tota inilu causa
solet. Qui enim nihil potest tranquille, nihil leniter, nihil ipro Calcina de verbis interdicti fuit tes involulas defi-
partite, definite, distincte facete dicere, praesertim quum niendoexplicavimus
n jus civile laudavimus verba ambigu»
causBE partim totae sint eo modo, partim aliqua ex parte cdistinximus. Fuit ornandus in Manilia lege Pompeius
tractandse, si is non praeparatis auribus inllammare rem t
temperata oratione ornandi copiam persecuti sumus. Jus
cœpit, turere apud sanos, et qnasi inter sobrios baccitari comneretinendcemajesUtlisRabihicausacontinebatur: ergo
vinolentus videtur. in
i omni genere amplificationis exarsimus. At biec interdum
XXIX. Tenemus igitur, Brute, quem quaerimus; sed temperanda
t et varianda sunt. Quod igitur in accusationis
animo nam manu si prehendissem, ne ipse quidem sua quinque
c libris non reperitur genus? quod in Avili? quod in
tanta eloquentiamihi persuasisset, ut se dimitterem. Sed Cornelii?
« quod in plurimis nostris defensionibus? qvx
inventus profecto est ille eloquens, quem nunquam vidit exempta
( selegissem nisi vel nota esse arbitrarer, vel posse
Antonius. Quis est igitur is? Compleclar brevi disseram eeligere, qui quaererent. Nulla est enim ul!o in genere lans
pluribus. Is enim est eloquens, qui et humilia subtiliter, et oratoris,
c cujus in nostris orationibusnon sit aliqua, si U' il
magna graviter, et mediocria temperate potest dicere. perfectio,
1 at conatus tamen, atque adumlnatio. Si m».
Nemo is, inquies, unquam fuit Ne fuerit ego enim, quid assequimur;
s at, quid deceat, videmus.
desiderem, non quid viderim, disputo; redeoque ad illam Nec enim nunc de nobis, sed de re dicimus m quo
1.
riatnnis, de qua
CIOÎROS.
nou..a.r-
dixeram, rei formam et speciem quam
'iU" '.UA'I;;J'UII, ncv
TOME
y ..u. "1' "U'
1tantum àbesl, utnostra miremur, ut usque eo difficile*
"UV
'i'J9
Au reste il ne s'agit pas de moi mais de l'art pression
p d'une éloquence variée, qui sait prendre
lui-même. Loin de m'extasierdevant mesœuvres, ttous les tons et les croiser sans dissonance. Et,
je sens que Démosthène lui-même ne satisfait malgré n la médiocrité de mes essais, malgré la fai-
pas pleinement la chagrine délicatesse de mon ble b autorité de mon exemple, j'ai donné le pre-
goût. Non, eette supériorité qu'il faut lui recon- rmier à cette importante innovation une vogue pro-
naître dans tous les genres ne répond pas tou- digieuse.
d
jours à l'exigence insatiable de mon oreille, à son Que d'acclamations à ce passage que je pro-
inextinguiblebesoin de quelque chose d'immense nonçai,i bien jeune encore,sur le supplice des par-
et d'infini. ricides,
r et dont le style n'a pas tardé à me para!
t bien jeune aussi l S'il est des choses dont
tre
XXX. Brutus, pendant votre séjour à Athènes, « l'usage soit naturellement commun à tous, c'est
vous avez fait de cet orateur une étude appro- assurément l'air pour les vivants, la terre pour
.<

fondie et complète avec Pammène, le plus ardent « les morts,.la mer pour les naufragés, le rivage
de ses admirateurs; ses ouvrages ne sortent pas « pour ceux qu'ont rejetés les flots. Eh bien! le
de vos maius, et cependant vous lisez les miens « parricide, pendant toute la durée de son sup-
de temps à autre. Vous savez donc mieux que per- « plice, vit sans respirer l'air du ciel; il meurt,
sonne que s'il atteint souvent à la perfection, «« sans que la terre reçoive ses ossements; il flotte,
je fais mille efforts pour en approcher; et qu'il « sans que l'eau baigne sa dépouille; il est enfin
met toujours le doigt sur le genre d'éloquence i< rejeté par la mer au milieu des rochers sans
que demande chaque sujet, et fait acte de puis- «» qu'il soit accordé à ses restes un instant pour
sance, tandis que je suis réduit à faire acte de « y reposer. » L'effervescence du jeune âge se fait
bonne volonté. Grand homme, succédant à d'au- sentir s dans ce morceau; et les applaudissements
tres grands hommes, il a trouvé dans ses contem- tdont il fut accueilli s'adressaient moins au talent
porains des rivaux encore plus redoutables. Et actuel e de l'auteur, qu'à ce qu'il offrait d'espé-
moi, s'il m'eût été donné de parvenir à la hau- rrances et d'avenir. On reconnaît la même main,
teur qui tentait mon ambition, j'aurais fait aussi maisi déjà plus ferme, dans ce portrait de femme:
quelque chose de grand, dans cette Rome, qui •
<
Épouse de son gendre, belle-mère de son fils,
au jugement d'Antoine, n'avait pas encore retenti «• corruptricedesafille. «Mais je n'étais pas exclu-
des accents de la véritable éloquence. Certes, sivements passionné pour cette manière; et au mi-
Antoine, qui la refusait à Crassus et à lui-même, lieu 1 mêmedecetteemphasedejeunessefiguraient,
ne t'eût reconnue ni chez Cotta, ni chez Sulpicius, dans
( ma défense de Roscius, de nombreux mor-
ni chez Hortensius. Cotta n'a rien d'élevé Suï- <ceaux, lesunsdugenresimple, lesautres dugenre
picius, rien de séduisant; et la force manque trop 1fleuri. On trouvera la même variété de tons dans
souvent à Hortensius. Leurs devanciers je veux tous mes plaidoyerspourAvitus, pour Cornélius
1

dire Crassus et Antoine, étaient plus propres et tant d'autres car il n'est pas un seul orateur,
<

qu'eux à manier tous les genres. J'ai donc trouvé même i dans la Grèce, si désœuvrée, qui en ait
l'oreille des Romains toute neuve encore à l'im- écrit autant que moi. Et pourtant j'ai varié cha-

morosi simns, ut nobis non satistacial ipse Demosthenes orationis aures chitatis acceptons easque nos primi, qui-
qui quanqnam unus eminet inter omnes in omni génère cumque eramus, et quanlulumcumque dicebamus, ad
dicendi tamen non semper implet aures meas ita sunt hujus generis [dicendi]audiendi incredibilia sludia conver-
avidœ et capaces, et semper aliquid immensum inlinitiim- timus.
que desiderant. Quanlis illa clamoiïbiis adolcscentuli diximus de snp-
XXX. Sed tamen, quoniam et hune tu oratorem cnm plicio parricidarum? quœ nequaquam satis deferbuisse
ejus studiosissimo Pammene quum esses Athenis, lotum post aliquanto sentire cœpimus. « Quid enim tam com-
diligentissime cognovisti, nequeeum dimittis e manibus, « mime, quam spirilns vivis, terra mortuis, mare fluctu-
et tamen nostra etiam 1,-rtitas vides profecto illuin mulla a antibus, littus ejectis? ita vivunt, dam possunt, nt
perficere nos mnlta conaii; illum posse, nos velle, quo- n duccre animam de cœto non queant; ita moriunlur, ut
cumque modo causa postnlel, dicere. Sed ille inagmis; « eorum ossa terram nontangaitt; itajactanturlluctilms,
nam et successit ipse magnis, et maximum oratores habuit « ut nunquam alluaritur; ita postremo ejiciunlur, utne ad
arquâtes nos magnum fecissemus, si quidem potnisse- •< saxa quidem moi tui couquiescant, » et quae sequiintur.
mus, quo conlendimus, pervenire, in ea urbe, in qua (ut sont enim omnia, sicut adolescente, non tam re et matu-
ait Antonius) anditus eloquens nemo erat. Atqui, si An- ritate, quam spe et exspectatione, laudati. Ab hac indole
tonio Crassus eioqueiis visus non est, aut sibi ipse, nnn- jam illa matura « Uxorgeneri, uoverca filii filiœ pellex.»
quam Cotta visus esset, nunquam Sulpicius, nunquam nec vero hic unus erat ardor iu
nobis, ut hoc modo omnia
I lortensius. Nihil enim ample Cotta, niliil lejiiter Sulpicius, diceremus. lpsa enim illa pro Roscio juvenilis redulidintia
non multa graviter Hortensius. Superiores magis ad onme multa habet attenuata, qiUTdain eliam paullo bilariora, ut
genus apli, Crassum dico, et Antonium. Jejunas ipitur pro Avito, pro Cornelio, compluresque aliae nemo enim
hujus multiplias, et aequabiliter in omnia genera l'usa; orator tam multa, ne in Gneco quidem olio, scripsit,
cun de mes discours par le mélangedes genres que chine, l'un dans l'affaire de l'Ambassade, l'antre
je viens de recommander. pour la Couronne. Il ne réussit pas moins dans le
XXXI. Si je loue Homère, Ennius, les poëtes tempéré, qu'il saisitdès qu'il le veut, et où il fait
en général, et surtout les tragiques, de détendre ordinairement sa première pause en descendant
quelquefois leur style, d'en varier les formes, de des hauteurs de l'éloquence. -Mais quand il vous
descendre même jusqu'au ton de la conversation arrache des cris d'admiration; quand vous vous
ordinaire, ce n'est pas pour me condamner, moi sentez maîtrisé par son irrésistible puissance,
orateur, à rester cloué au sublime. Mais sans aller soyez sûr qu'il plane alors dans la région du su-
chercher les poëtes, ces génies inspirés, n'avons- blime.
nous pas vu des acteurs, inimitables dans leur Quittons un moment Démosthene pour ne *e
genre, jouer, sans en sortir, les rôles les plus pas faire d'une question générale une question
étrangers à leur emploi, ou même en sortir tout individuelle. La nature et la force de l'éloquence,
à fait sans perdre leur supériorité? N'a-t-on pas voilà ce qu'il s'agit de développer. Mais, encore
souvent accueilli avec faveur l'acteur comique une fois, qu'on se souvienne que je ne prétends
dans la tragédie, l'acteur tragique dans la co- pas donner de préceptes. Je veux analyser l'art
médie* Et moi, je craindrais de faire les mêmes non l'enseigner. S'il ffl'arrive souvent d'aller plus
efforts Quand je dis moi, Brutus, c'est vous que loin c'est que je dois être lu par d'autres que
je veux dire, car mes efforts sont à bout depuis par vous. Si, en effet, ce Traité était pour vous
longtemps; et je ne serai jamais que ce que je seul, pour vous, qui en savez bien plus que moi
suis. Mais vous, vous asservirez-vousà une ma- sur ces matières, je ne me donnerais pas le ridi-
nière uniforme dans toutes les causes? ou n'ac- cule d'y semer quelques leçons. Mais j'ai l'espoir
cepterez-vous de causes que celles qui s'ajuste- d'être utile à de nombreux lecteurs. Car si mon
ront à votre genre exclusif? ou plaiderez-vous nom est pour ce livre une recommandation assez
une cause d'un bout à l'autre avec une monoto- faible, le nom de Brutus, à qui je l'adresse lui
nie systématique? ce serait vous déclarer contre assure la célébrité.
Démosthene, votre orateur favori. Il l'est, sans XXXII. A mon avis, l'orateur ne peut pas se
doute, puisque j'ai vu dernièrement à Tusculum contenter de la faculté qui le caractérise, celle de
son image en bronze, au milieu des vôtres et de donner à son sujet de riches développements; il
celles de vos ancêtres. Or, Démosthene ne le cède doit y joindre la dialectique, art qui est en con.
pas à Lysias pour la simplicité; à Hypéride, pour tact intime avec l'art de parler. Je sais bien que
la finesse et le trait; à Eschine, pour la douceur discourir et disserter sont deux qu'autre chose
et l'éclat des paroles. Il a des discours entiers, est de parler, et de parler en orateur. Mais l'un
ou dans le genre simple, comme sa harangue et l'autre se trouvent compris dans le talent de
contre Leptine ou dans le genre sublime comme l'élocution. L'argumentation, le débat, appar-
quelques Philippiques; ou dans ces deux genres tiennent plus essentiellementà la dialectique; les
à la fois, comme ses deux plaidoyers contre Es- belles formes de langage et le charme de l'expues-

quam multa sunt nostra; eaque banc ipsam habent, quam tra jEschincm falsae legationis, ut contra eumdem pro
probo varietatem. causa Ctesiphonfis. Jam illud médium quoties vult, arri-
XXXI. An ego Homero, Ennio, reliquis poetis, et ma- pit et a gravissimodiscedens, eo potissimum delabitim
xime tragicis concederem, ut neomnibus locis eadem con- Clamores lamen tum movet, et tum in dicendo plurimum
tentione tilerentur, crebroque mutarent, nonnunquam efficit, quum gravitatis loris utitiir.
etiam ad quotidianum genus sermonis accédèrent; ipse Sed ab hoc parumpet abeamus quandoquidem de ge-
nunqiiam ab illa acerrima contentione discedercm? Sed nere, non de homine quœriimis rei potius, id est, elo-
quid poetas divino ingehio profère- ? Iristrione6 eos vidifnus quentias vim et naturam explicemus. Illud tamen, quo'd
quibus nihil posset in suo genere esse praestantius, qui jam antediiimus meminerimus,nil nos prœcipîendi causa
non solumin dissimillimis persoriis satisfaciebant, quum esse dicturos, atque ita potius actnros, ut e\istimatores
tamen in suis versarentur, sed et commdum in tragœdiis videamur loqui, non magistri. In quo tamen longius saepn
et tragnedum in comœdiis admodum placere vidimus. Ego progredimur, quod videmus, non te liaec solum esse le.
non elaborem? Quum dico me, te, Brute, dico nam in cturum, qni ea multo, quam nos, qui quasi docere videa-
me quidem jampridem effectnm est, quod futurum fuit. mur, habeasnotiora; sed hunclibrum, etiamsi minus no
Tu autem eodem modo omnes causas ages? aut aliquod stra cmmendatione, tua lamen nomine ditifigari necesse
cansarum genus repudiabis? aut in iisdem causis perpe. est.
tuum et cuindem spiritum sine una commutalioneoklfne- XXXII. Esse igitur perfecte eloqoentis puto, non eam
bis ? Demosthenes quidem, cujus nuper inter imagines solum (acultatem habere, quac sit ejus propria fuse lateqno
tuas ac tuorum (quod eum, credo, amares), quum ad te dicendi, sed etiam vicinam ejus atque finitimam, diale-
in Tusculanum venissem, imaginem ex aefe vidi, nihil cticorumscientiam àssumere.Quanquam aliud videtur ora-
Lysïœ subtilitate cedit, nib.it arguliis et acumine Hyperidi, tio esse, aliud disputatio; née idem loqui e«se, quod di-
nihil lenitate /Eschini et splendoreverborum. Multae sunt cere attamen utrumque in disserendo est. Disputandr
ejus totae orationes subtiles, ut contra Leptinem; multae ratio, et loquendi, dialecticorom sit; oratorum autem,
totae graves, ut qusedam Philippicœ; muHïe varix, ut coq- dicendi et ornandi. Zeno quidem ille, a quo 10 disciplina
29.
sion, à l'éloquence. Zénon, le père de la philoso- la lumière par les distinctions tous ces procé dés
phie stoïcienne, exprimait avec la main la dif- doivent être familiers à l'orateur, car il aura fré-
férence de ces deux arts. Il serrait les doigts ett quemment besoin d'y recourir. Mais il aura so in
fermait le poingt, pour figurer la dialectique puiss d'en déguiserla sécheresse, qui doit disparaitr e
ouvrant la même main et la déployant tout en- sous le vernis de l'élocution.
tière Voilà, disait-il, l'emblème de l'éloquence. XXXIII. Une nécessité première en matière
Avant Zénon, Aristote avait dit au commen- de raisonnement méthodique, c'est de détermi-
cement de sa Rhétorique, que cet art est commee ner l'état de la question. Sans ce préliminaire
le pendant de la dialectique, et que toute la dif- nettement admis de part et d'autre, le débat ne
férence consiste en ce que l'une étend son ca- saurait avoir ni directionfixe ni résultat. Il faut
dre, et que l'autre le resserre. Je veux que moni donc, sur chaque point, expliquer plus d'une fois
orateur possède tout ce qui de près ou de loin 1 sa pensée il faut quetoute obscurité s'évanouisse
peut se ramener aux besoins de l'élocution. Ces devant le flambeau de la définition. Définir, c'est
n'est pas à vous, versé comme vous l'êtes danss énoncer clairement ce dont il s'agit, mais avec
toutes ces théories que j'apprendrai qu'il y ai toute la brièvetépossible. Le genre de chaquechose
deux méthodes d'enseignement.La première estt une fois déterminé, vous savez qu'il faut le sub-
d'Aristote,qui a donné sur cette matière un traitédiviser en espèces, et régler, d'après cette divi-
fort étendu; la seconde a été introduite par sess sion, toute la distribution du discours.
successeurs, qui ont pris le nom de dialecticiens, II faut donc que notre orateur sache, au be-
et dont l'imagination a compliqué la science parr soin, faire intervenir la définition, non pas avec
une foule de questions épineuses. la précision technique, si propre aux discussions
L'ignoranceabsolue de ces doctrines n'est pass de la philosophie, mais sous une forme plus
permise à qui veut recueillir la palme de l'élo- développée, plus attrayante, et mieux appropriée
quence. Il faut même qu'il possède et l'ancienne c au goût et à l'intelligence du public. Il saura
et la nouvelle méthode, qui porte le nom dee aussi descendre du genre aux espèces, sans trop
Chrysippe. Il apprendra aussi à connaître la va- resserrer la division, etsaus l'étendre inutilement.
leur des mots, leur nature, leurs espèces diver-Quant à l'à-propos et au mode d'application de
ses, soit qu'on les considère isolément, soit qu'oni tout ceci, je n'ai pas à m'en occuper. Je l'ai déjà
étudie le jeu de leurs combinaisons; les diversess dit, je me pose comme critique, et non comme
manières d'exprimer une idée; les règles pourr professeur.
démêler le vrai d'avec le faux, les déductions à L'arsenal de la dialectique ne fournira cepen-
tirer de chaque fait; les conséquences qui décou- dant à notre orateur qu'une partie des armes qui
lent naturellement d'un principe, et celles qui nee lui sont nécessaires. Ily en a d'autres à emprunter
sont point légitimes l'art enfin de séparer les élé-i- à la philosophie, dont il doit s'être rendu tous
ments d'une proposition équivoque, et d'y porterr les lieux familiers, et par l'étude et par la pra-

stoicorum est, manu demonstrare solebat, quid inter has lS XXXIII. Et quoniam in omnibus, quae ratione docen-
attes interesset. Nam quum compresseraidigitos, pugnum- i- tur et via, primum constituendum est, quid quidque sic
que fecerat, ilialccticam aiebat ejusmodi esse; quum au- i- (nisi enim inter eos, qui disceptant, convenit, quid sit
.tan diduxerat, et manum dilataverat,palmœillius simi-i- 1illud, de quo ambigitur; nec recte disseri, nec unquam
lem eloquentiam esse dicebat. Atque etiam ante hunec ad exitum perveuiri potest ) explicanda est sœpe verbis
Aristoteles principio artis rhetoricîe dicit, illam ailcm n mens nostra de quaque re, atque involutoe rei notitia de-
quasi ex altera parte respondere dialecticae ut hoc videli- i- finiendo aperienda est siquidem definitio est oratio quae,
cet differant inter se, quod ha» ratio dicendi latior sit, illaa quid sit id, de quo agitur, ostendit quam brevissime. Tum,
loquendicontractior.Volo igitur huic suinmo omnera qusee ut scis, explicato génère cnjusquerei, videndum est, qua;
ad dicendum trahi possit, loquendi rationem essenotam sint ejus generis sive formas sive partes ut in eas tribuatur
quae quidem res (quod te his artibus eruditum minime e omnis oratio. Erit igilurhaec facultas in eo, quem volumus
failli) dluplicein habet docendi viam. Nam et ipse Aristotelesis esse eloquentem, ut definire rem possit, neque id faciat
tradidit prœcepbi plurima disserendi et postea, qni dia-i- tam presse et angusle, quam in illis eruditissimisdisputa-
lectici dicuntur, spinosiora multa pepererunt. Ergo eum n tionibus fieri solet; sed quum explanatius, tum etiam ube.
censeo, qui éloquente laude ducalur, non esse earum n rius, et ad commune judiciumpopulaiemqueintelligentiam
l'erum omnino rudem scd vel illa antiqua, vel hac Chrysip- i- accommodatius. Idemque etiam, quum res postulabit
pi disciplina institututn noverit priaium vim, naturamt genus universnm in species certas, ut nulla neque prœ-
gênera verborum et simplicium et copulatorumjdeinde e termittatur, neque redundet, partietur acdividet. Quando
quot modis quidque dicatur qua ratione, verum lalsumne e autem, aut qnomodo id faciat, nihil ad hoc tempus quo-
sit, judicetur; quid efficiatur e quoque; quod cui conse-! niam, ut supra dixi, judicem me esse, non doctorcm
quens sit, quodque contrarium; quumque ambiguë multaa volo.
dk-antur, quomodo quidque eorum dividi, cxplanarique e Nef: vero dialccticis modo sit instructus, sed habeat
oporteat. Ilicc tenenda sunt oralori sœpe enim occurrunt. omnes philosophiœ notos et tractatos locos. Nihil enim de
Sed quia sua sponte squalidinra sunl adhibeivtus erit ini religionc, niUil de morte, nihil de pielate nihil decarilate
bis expHcandis quidam orationis nitor. patrie, uihil de bonis rébus, aut malis, nihil de virtuti-
tique. S'il n'est pas rompu à les manier, il se quels roisse sont fait un nom célèbre. L'ouvrage
trouvera au dépourvu quand il faudra parler sur de notre cher Atticus a rendu ce travail facile.
la religion, sur la mort, sur les affections de fa- Rigoureusement fidèle à l'ordre chronologique,
mille, sur l'amour de la patrie, sur les biens et il a su renfermer dans un seul volume, sans rien
les maux, sur les vertus et les vices, sur les de- omettre d'essentiel, l'histoire de sept cents ans.
voirs, sur la douleur, sur les plaisirs, sur les per- Ignorer ce qui s'est passé avant nous, c'est se con-
turbations de l'âme, sur les égarements de l'esprit: damner à une éternelle enfance. Qu'est-ce que la
licux qui reviennent si souvent dans les causes, vie de l'homme, si l'on ne rattache au présent
mais qu'on traite généralement avec trop de ré- la mémoire des temps qui ne sont plus? Les sou-
serve parce que si on n'est préparé par l'espèce venirs de l'antiquité, l'autorité de ses exemples,
de gymnastique dont je viens de parler, il est sont, pour le discours, une source inépuisable
impossible de trouver la touche large, l'abon- d'intérêt et rien ne dispose mieux les esprits à
dance, la noblesse, que réclament ces graves la, confiance et au respect.
sujets. XXXV. Ainsi armé de toutes pièces, l'orateur
XXXIV. 'Je parle ici des matériaux du dis- se présente enfin au barreau. Familier de longue
cours, et non de la mise en œuvre car je veux main avec les divers genres de causes, il sait que
que l'orateur se soit assuré d'un fond intéressant toute contestation roule sur les choses ou sur les
pour des auditeurs éclairés, avant de s'occuper de mots. Quant aux choses, il y a question de fait ou
la forme. La chose avant les mots. Je voudrais question de droit. Quant aux mots, il s'agit d'un
même, que, pour éclairer son esprit, et agrandir équivoque ou d'une contradiction. Il y a équivo-
le cercle de ses idées, il eût, comme Périclès que que quand les mots paraissent ne pas répondre à
j'ai déjà cité, une teinture des sciences naturelles. l'intention de celui qui s'en est servi. Cette sorte
Comment descendrait-il des choses du ciel aux d'ambiguïté provient assez ordinairement de l'o-
choses d'ici-bas, sans en rapporter une habi- mission d'un mot essentiel. Il en résulte un dou-
tudede grandeur et d'élévation qui se reproduirait ble sens, caractère de toute équivoque.
dans sa pensée et son langage? Mais que ces su- Les genres decause ne sont pas nombreux. Il
blimes considérations ne lui fassent pas négliger n'y a pas non plus beaucoup de préceptes sur les
des notions plus applicables aux transactions arguments. Ils sont tirés de deux sortes de lieux,
sublunaires. Qu'il connaisse à fond le droit ci- dontles uns sontinhérents,et les autres, étrangers
vil, dont l'usage au barreau est de tous les jours. au sujet. C'est dans la mise en œuvre que réside
Quandtoutesles contestationss'y décident parles le succès; car les preuves se trouvent fort aisé-
lois, ou parla jurisprudence, quoi de plus hon- ment. A quoi donc se réduisent les conseils Is de l'art ?
teux que d'entreprendre la défense d'un client Le voici: Assurez-vous par l'exorde la bienveil-
sans rien connaître à la jurisprudence ni aux lance, l'attention, l'intérêt desauditeurs. Exposez
lois? Notre orateur sera versé dans les annales le fait en peu de mots, et d'une manière assez
de l'antiquité, et surtout dans cellesde son pays. plausible, assez clairc, pour que l'intelligence
Il saura quels peuples ont dominé sur la terre, et en soit à l'instant saisie. Établissez solidement

bus, aut nihil de officio, nihil de dolore, nihil de


vitiis prœtermitteret, annorum septingentorum memoriam uno
voluptate niliil de perttirbationibus animi, et erroribus, libre colligavit. Nescire autem, quid antea, quam natus
qu£e saepe cadimt in causas, sed jejuuius aguntur; nihil, sis, accident, id est semper esse puerum- Quid enim est
inquam, sine ea scientia, quam dixi, graviter, ample, a?tas hominis, nisi memoria rerum veterum cum superio.
copiosc dici et explicari potest. rum in rctale conlexitur? Coinmemoralioautem antiquitatis,
XXXIV. De maleria loquor orationis etiam nunc, non exemplorumque prolatio summa cum delectatione et au.
ipso de gencre dicendi. volo enim piîus habeat orator ctoritatem orationi affert, etfidem.
rem, de qua dicat, dignam auribus eruditis, quam co. XXXV. Sic igitur instructus veniet ad causas quarum
gitet, qnibus verbis quidque dicat, aut quo modo. Quem habebit genera primum ipsa cognita. Erit euim ei perspe-
etiam, quo grandior sit, et quodam modo excelsior (ut de ctum, nihil ambigi posse, in quo non autres controversiam
Peride dixi supra) ne physicoium quidem esse ignaruiu faciat, aut verba. Res, aut de vero, aut de recto aut de
volo. Omnia profecto, quum se a coaleslibus rebus reforet nomine. Verba, aut de ambiguo aut de contrario. Nam si
ad liumanas.excelsiusmagnilicentiusque et dicet et sentiet. quand© aliud in sententia videtur esse, alind in verbis,
Qnumqnc illa divina cognoverit, nolo ignoret ne hœc qui- genus est quoddam ambigiii, quod ex praterito vetbo
dem liumana. Jus civile teneat, quo cgent causœ forenses ficri solet in quo, quod est arnbiguorum proprium res
quotidie. Quid est enim turpius, quam legitimarum et duas significari videmus.
civilimn controversiarum patrocinia suscipere, quum sis Quum taaKpauca sint genera causarum etiam argumen-
legum et civilis juris ignarus Cognoscat etiam rerum ge- torum praecepta pauiusunl. Traditi sunt, e quibus ea d*
slaniui et mémorise veteris ordinem, maxime scilicet no. cantur, duplices loci uni e relms ipsis, alteri assurai.
strœ civitatis; sed et imperiosorum populoruin, et reguin Tractatio igitur rerum efficit admirabiliorem orationem
illustrium quem laborem nobis Attici nostri levavit labor; nam ipsœ quidem res in perfacili cognitione versantur.
qui conservatisnolatisqiie temporibus, nihil quum illustre Quid enim jam sequitur, quod quidem artis sil, uisj,
vos preuves; détruisez celles de votre adversaire réfutation. Elle ne s'élèvera jamais qu'en raison
le tout, sans confusion, et à l'aide d'une argu- de la grandeur du sujet. Est-elle, au contraire,
mentation de détail qui fasse sortir de chaque de nature à mettre en jeu les grands ressorts de
principe toutes ses conséquences. Vous finirez par• l'éloquence, l'orateur alors se donne carrière.
une péroraison qui, suivant les besoins de laHabile à saisir une circonstance favorable, il
l
cause, puisse enflammer ou calmer les esprits. Il s'empare des esprits, et leur imprime la direction
serait difficile de formuler des règles précises à la
plus convenable aux intérêtsdont il a entrepris
l'appui de chacun des conseils de l'art, puisqu'ilI la défense.
faudrait une règle pour chaque éventualité. Et à Il est deux moyens irrésistibles, qui, sans ja-
quoi bon des règles? l'orateur que je cherche n'est mais lasser l'admiration des hommes, ont porté
plus à son apprentissage, car je lui prête une l'éloquence au comble de la gloire. Je ne parle
éloquence à laquelle il n'y ait rien à redire. Pour ici
ni de l'éloquence ni de la force qu'on doit por-
tout approuver en lui, je veux d'abord qu'il sai- ter dans toutes les parties d'un discours. Je veux
sisse les convenances avec ce goût exquis et cette faire ressortir deux ornements principaux qui
sagacité flexible qui sait tenir compte des cir- répandent sur le tout l'éclat et la vie. L'nn est la
constances et des personnes. Je n'accorderai ja- thèse, l'autre, Yamplifwation. Les Grecs ont
mais en effet, qu'un même langage soit admis- assigné comme je l'ai dit plus haut, le nom de
sible en toute occasion, pour ou contre tous, dans GÉciç (thèse) à toute question généralisée, et le

toutes les bouches, et par toutes les oreilles. nom d'atS;r,si( (amplification) à ces riches dévelop-
XXXVI. Il faut donc, pour être éloquent, sa- pements qu'on peut, il est vrai, donner indiffé-
voir porter avec grâce le joug de toutes les bien- remment à toutes les parties du discours, mais
séances. Dès lors, plus de difficulté pour rencon- qui brillent surtout dans l'emploi des lieux com-
trer toujours l'expression juste et convenable, muns. Ces lieux, encore une fois, sont ainsi nom-
pour éviter d'être sec où il faut être abondant, més, parce qu'ils se représentent dans une foule
de baisser le ton quand il doit être grandiose, et de causes, quoiqu'il faille à chaque fois des modi-
réciproquement. Le style marchera toujours de fications pour les adapter à celles qu'on traite. Il
pair avec le sujet. Exorde modeste, sans paroles arrive souvent que la thèse embrasse la cause
ambitieuses ou irritantes, mais semé de ces traits entière. Car, quel que soit le point à décider (en
fins qui préviennent pour l'orateur, ou portent grec xpivdjiêvov) il est bon de l'amener à l'état
coup à l'adversaire. Dans les narrations, vraisem- de question générale, à moins qu'il ne s'agisse
blance, clarté. Les faits s'y dérouleront en style que d'un fait douteux, et qu'on ne puisse procé-
familier plutôt que sur le ton de l'histoire. La der que par conjecture. Aristotea donné d'élégan-
cause a-t-elle peu d'importance, l'argumentation tes formules pour les questions générales; mais
sera simple, et dans la confirmation, et dans la il faut, dans un plaidoyer, quelque chose de plus

ordiri orationem. in quo aut concilietuv auditor, aut eriga- argumentant tenue filum et in docendo, et in refellendo
tur, aut paret se ad discendum? rem breviter exponere, idque ita tenebitur, ut, quanta ad rem, tanta ad oratio-
et probabiliter, et aperte, ut, quid agatur, intelligi possit?1 nem flat accessio. Qnum vero causa ea incident, in qua
sua conlirmarc? aqVersaria evertere? eaqne effieere non vis eloquentiœ possit expromi tum se latins ftindet ora-
perturbate, sed singulis argumentationibusita concluden- tor, tnm reget et Ilectet animos, et sic afficiet, ut volet,
dis, ut efficiatur quod sit consequens iis, quœ sumentur id est, ut causse natura, et ratio temporis posltilabit.
ad quamque rem confirmandam? post opinia peroiationeni Sed erit duplex omnis ejusoniatusille admirabilis,pro-
inflanunantem restingnentemve concludere? pter quem ascendit in tantum honorem eloquentia. Nam
Has partes quemadmodum tractet singulas, difficile quum omnis pars oralionis esse debet laudabilis', sic ut
iliclu est hoc loco nec enim sempcr tractaiitur uno modo. verbum nullum, nisi aut grave, aut elegans excidat; tum
Quoniam autem non, quem doceam quœro sed quem sunt maxime luininosrc et quasi actuos» partes duii: qua-
lirobem probabo primum eum, qui, quid deceat, vide- rumalteramin universi generis quœstione pono, quam (ut
lliit. Hœe enim sapientia maxime adhibenda eloquenti est, supra dixi) Graeci appellant Mn'.v aiteram in augendis am-
ut sit temporum personarumque moderalor. Nam nec plilicandisque rebus, quae ab eisdem «SEyioic est nomi-
semper, nec apud omnes, nec contra omnes, nec pro nata. Qiœ etsi tCquabilitertoto corpore orationis fusa esse
omnibus, nec omnibus eodem modo dicendum arbi- debet, tamen in commiinihus locis maxime excellet qui
lior. communes appellati, quoil videntur mnltarum iidem esse
XXXVI. Is erit ergo eloquens, qui ad id, quodeumque cansarum sed proprii singuliimm esse debelmnt.
decebit, poterit accommodare oralionem. Quod quum sla- At vero illa pars 01 ationis quœ est de genere universo,
tuerit, tum, ut quidqueerit dicendum, ita dicet; nec sa- totas causas saepe continet quidquid est enim illiid, in
tura jejune, nec grandia minute, nec item contra; sed erit quo quasi certamen est controversiae, quod gneoc xpivo^t-
rebus ipsis paretaequalis oratio. Principia verecunda, non vov dicitur, id ita dici placet, ut traducatur ad periietuam
• quaestioncm,atque ut de universo genere dicatur nisi
elatif incensa verbis, sed acuta sententiis, vel ad offen-
sionem adversarii vel ad commendationem sin. Narraup- quom de vero ambigetur; quod qiiseri conjectura solet. Di-
nes credibiles, nec historico, sed prope quotidiano ser- çetur autem non peripateticornm more (est enim illornm
moue explicatœ dilucide. Deinsi tenues causap, tnm etiam i exerdtatio elegans jam inde ab Arislolele constituta sed
nerveux que la méthode péripatéticienne. On sa réplique, il demeura muet, et prit le parti de
aura soin, dans l'emploi des lieux communs, de se rasseoir un instant, disant qu'un sortilége avait
ne pas se laisser entraîner à des développements égaré sa mémoire.
qui fassent perdre de vue, et le client qu'il s'agit Parlerai-je de l'art d'exciter la compassion?
de défendre, et l'adversaire qu'il importe de me- J'ai souvent eu l'occasion de le mettre en œuvre
ner rudement. car, chaquefois que je me suis vu associer à d'au-
L'amplification est un levier dont la puissance tres avocats dans la même cause, on s'accordait
triomphe de tout. Comme elle agrandit ou ra- à me charger de la péroraison. Ce n'est pas à
petisse à son gré tous les objets, elle peut, dans mon talent, c'est à ma sensibilité naturelle, que
le cours de l'argumentation, intervenir partout je dois mes succès en ce genre. Je me sens doué
où s'offre l'occasiond'atténuer ou de faire valoir. de cette facultételle quelle, et je n'ai pas en à me
Dans la péroraison, j'ose le dire, son emploi est repentir de la posséder à un si haut degré. On en
sans limite. jugera par la lecture de mes plaidoyers, quoi-
XXXVII. Il est deux autres ressorts, dont le qu'il soit impossible de faire passer dans un li-
jeu, habilement conduit, assure à l'éloquenceles vre ce feu du débit qui, après avôfr passionné
plus éclatants triomphes. Les Grecs nomment le l'auditoire s'éteint dans la solitude du cabinet.
premier viOixôv (éthique) il consiste dans l'obser- XXXVIII. Mais ce n'est pas assez d'attendrir
vation fidèle des mœurs, des caractères, et de les juges, comme je l'ai faitdans une péroraison
tout ce qui tient aux habitudes sociales. L'autre, en leur présentant un jeune enfant soulevé dans
qu'ils appellent 7ta6ï]Tixt>v(pathétique), est le se- mes bras; et une autre fois en faisant lever tout
cret d'émouvoir et d'entraîner secret qui fait de à coup un illustre accusé, dont je montrais aussi
l'éloquence une véritable souveraine. L'éthique le fils en bas âge langage d'action qui arracha
a quelque chose d'engageantetd'agréablequi dis- de tous les coins du forum des sanglots et des
pose les esprits à la bienveillance; le pathétique, larmes.
1
violent, bouillant, impétueux, arrache la victoire, Il ne suffit pas, dis-je, que le juge s'atten-
et l'emporte au milieu des débris qui signalent drisse il faut, qu'à votre gré, il s'irrite et s'a-
paise qu'il s'indispose ou s'intéresse qu'il passe
son passage. <
Grâce au pathétique, tout médiocre que je tour à tour de l'admiration au mépris, de la haine
suis, si toutefois je ne suis pas au-dessous du à l'amour, du désir à la satiété, de l'espérance a
médiocre, l'impétuosité de mon attaque a sou- la crainte, de la joie à la douleur. Pour toutes
vent terrassé mes adversaires. Elle a déconcerté ces passions, j'ai fourni des exemples les émo-
le grand orateur Hortensius, qui ne trouva plus tions pénibles abondent dans mon accusation
une seule parole pour la défense d'un ami. Elle contre Verrès, et les sentiments doux, dans mes
a paralysé la langue de Catilina, le plus auda- défenses. Car, de tous les moyens d'émouvoir ou
cieux des hommes, quand je l'accusais en plein de calmer les auditeurs, il n'en est pas un que
sénat. Enfin, dans une cause particulière, mais je n'aie tenté; je dirais que j'ai atteint la perfec-
de la plus grande importance, elle a tellement tion en ce genre, si je le croyais moi-même, et
étourdi Curion le père, qu'après s'être levé pour si la crainte d'être taxé de présomption n'arrê-

aliquanto nervosius; et ita de re communia dlcentur, ut bito assedit, quum sibi venenis ereptam memoriam dice-
et pro reis mulla leniter dicantur, et in adversarios aspere. ret. Quid ego de miserationibus loquar? qnihns co soin
Augendis vero rebus, et contra abjiciendis, nihil est usus phiribus, quod, etiam si plures dicebamus, perora-
quod non perficere possit oratio; quod et inter media argu tionem mini tamenomnes relinquebant m quo utviderer
menta faciendum est, quotiescumquedabitur vel amplilî- excellere, non ingenio sed dolore assequebar. Quœ qua-
candi, vel minuendi locus, et paene infinite in perorando. liacnmque in me sunt; me enim ipsum non poenitet,
XXXVII. Duo sunt, quse, bene tractata ab oratore, quanta sint; sed apparent in orationibus etsi carent libri
admirabilem eloquentiam faciant quorum alterum est, spiritu illo, propter quem majora eadem illa qanm aguntur,
quod GrEeci $]8ix4v vacant, ad naturas, et ad mores, et qnam qnum leguntnr, videri solent.
ad omnem vitœ consuetudinem accommodatum alterum t XXXVIII. Nec vero miserationc solum mens judicum
quod iiilem ra67iiixov nominant qtio perturbantur animi permovenda est (qua nos ita dolenteruti solemus ut pue-
et concitantur, in quo uno regnat oratio. Illud superius, rum infantem in manibusperoranLestenuerimus ut alia in
rame, jucnndum, ad benivolentiam conciliandam para- causa, excitato reo nobili, sublato etiam filio parvo, plango-
tuai hoc, vehemens, incensum,incitatum,qiio causae eri- reetlamentalionecomplerimusforum) sedetiam est farien-
piuntur; quod qnum rapide fertur, suslineri nullo pacto po- duni,utirascalurjudex,niiligetur,invideat,faveat,coiïtem-
test. Quo genere nos, mediocres, aut mullo etiam minus, nat, admiretur, oderit, diligal, cupiat, satietate afficiatur,
sed magno semper usi impetu saepe adversarios de statu speret, metuat, lœletur, doleat qua in varietate, durio-
omni dejecimus. Nobis pro familiari reo summus oratornon rum, accusatio suppeditabit exempta mitiorum defen-
responditHortensius. A nobis homo audacissimusCatilina sionesraeae. Nulloenim modo animu6audientisaut incitari
in senatu accusatus obmutnit. Nobis privata in causa ma- aut leniri potest, qui modus a me non tentatussit dice-
gna et gravi quum cœpisset Curio pater respondere su- rem ]ieifectum, si ita judicareui, nec in veritate erimon^
i
tait la vérité sur mes lèvres. Mais, comme je l'ai sent de t'arrangement des mots donnent aussi
t
déjà dit, ce n'est pas le talent chez moi, c'est beaucoup de charme au discours. Elles, font l'ef-
l'âme qui s'exalte; et c'est au point que je nee fet de ces décorations extraordinaires qu'on dé-
suis pins maître de moi. Pour enflammer less ploie dans les grandes solennités, soit au théâ-
auditeurs, il faut que la parole brûle. tre, soit sur la place publique. Ces ornements
Je citerais mes ouvrages, si vous ne les aviezz ne sont pas les seuls de la fête, mais ce sont ceux
t
lus; ou nos auteurs latins, s'ils me fournissaient qui tranchent le plus. Les figures de mots ont le
des exemples. Quant aux Grecs, il n'est pas con- même privilége d'attirer plus vivement l'atten-
venable de leur en emprunter. Il y en abien quel- tion ce sont, tantôt des mots répétés, soit sans
(lues-uns de Crassus, mais non dans le genre ju- changement, soit avec une légère altération, et
diciaire. Je n'en trouve ni chez Antoine, ni chezz qui se montrentordinairement entête de la phrase,
Cotta, ni chez Sulpicius. Hortensius savait mieuxc souvent à la fin, quelquefois aux deux places,
parler qu'écrire. A défaut d'exemple, cherchonss d'autres fois au milieu; tantôt des termes, qui,
t
notre éloquence dans le monde idéal; ou, s'il faut après avoir paru dans une acception, reparais-
personnifier un modèle, prenons Démosthène, sent avec une acception différente. Ici, l'orateur
dans son discours pour la Couronne, à partir dee affecte les mêmes chutes et les mêmes désinen-
l'endroit où il commence à parler de ses actes, ces là, il varie le choc des contraires. Plus loin,
de ses conseils et de ses droits à la reconnaissancee il procède par gradation ascendante ou descen-
de la république. De là jusqu'à la fin du discours, dante ailleurs, il supprime les liaisons, et les
tout répond si bien à l'idée que je me suis faite dee phrases se succèdent sans s'enchaîner. Quelque-
l'éloquence, que nous ne pouvons rien désirer dee fois il passe sous silence, après en avoir averti,
mieux. certains détails que fait ressortir cette discré-
XXXIX. Il nous reste à déterminer la formee tion insidieuse. Vous l'entendrez encore, tantôt
et ce qu'on appelle le caractère du style oratoire; se reprendre à dessein, comme d'une erreur,
ou plutôt, cette investigation est déjà faite pourtantôt pousser une exclamationd'étonnement,ou
quiconque se rappelle les observations qui précè- soupirerune plainte. Il n'est pas jusqu'à la décli-
dent. Nous avons indiqué les brillants effets quee naison qui ne lui fournisse une figure tirée d'un
produisent les mots, soit isolés, soit enchaînéss même nom répété plusieurs fois, à des cas dif-
dans la phrase. L'orateur puisera largement à férents.
cette source de beautés, et n'admettra pas unee Mais la prééminence appartient aux figures de

et
seule expression qui ne se recommande par laa pensées. Démosthène en fait un fréquent usage;
force ou par la grâce. Il multipliera les métapho-
tc'est, aux yeux de quelques critiques, le mérite
res, qui, par de piquantes analogies, promènent de son éloquence. On trouve à peine un passage
l'esprit d'un objet à l'autre, et lui impriment dee de lui où le fonds des idées ne se produise sous
rapides secousses auxquelles se prête voluptueu- t- une forme saillante. Et il faut en convenir, on
sement sa mobilité naturelle. Les figures qui nais- s- n'est point orateur, quand on ne sait pas donner
arrognntiœ extimescerem. Sed, ut supra dixi, nulla me ie nis celeriter agitatus, per se ipse deleclat. Etreliqua, ex
ingemi, sed magna vis animi inllammat, ut meipsenou n collocalione verborum quœ sumuntur quasi tumina ma-
teiieam. Nec unquam is, qui audiret, incenderetur, nisi si giuiin afferunt ornamentum oralioni. Sunt euim similia
ardens ad eum perveniret oratio. illis, qu<» in amplo ornatu scen», aut fori, appellantur
Uterer exernplis damesticis, nisi ea legisses; ulcrer ir insignia; non quodso(a ornent, sed quod excellant. Eadem
t.
alienis vel lalinis, si ulla reperirem; vel grœcis si deceret. ratio est horum, quae sunt orationis lumina, et quodam
Sed Crassi perpauca sunt, nec ea judiciorum nihil Anto- n- modo insignis quum aut diiplicantur iteranturque verba
i-
uii, nihil Cotise, nihil Sulpicii; dicebat melius, quam scri- aut breviter commutata ponuntur, aut ab eudem verbo
psit, Hpi'tensiiis. Verum hœc vis, qnam quiierimus quanta ta dueiîur sœpius oratio, aut in idem conjicitur, aut in utrum-
Mt, snspicetnur, quoniam exemptant non habemus; aul, l que aut adjungitur idem iteratum, autidem ad extremum
si exempla sequimur, a Demostbene suinamus, et qui- li- refertur, aut continenter unum verbum non in eadem sen-
ilem perpétuéedictionis, ex eo loco, uiide, in Ctesiphon- i- tentia ponitur; aut quum similiter vel cadunt verba, vel
tisjndicio, de suis factis, coliiliis, meritis in rempubli- li- desinunt; aut multismodisconlrariis relata contraria; aut t
r-
cain aggressus est dicere. Ea profecto oratio in eam for- quum gradatim sui'sum versus
redilur ant quum demtis
ic cunjunctionibus, dissolute plura dicuntur; aut quum ali-
uitiin, quœ est insita in menlilms nostris, includi sic
potest, ut major eloquentia nuu requiratnr. quid praetereuntes, cur id laciamus, ostendimus; ant
le
XXXXIX. Sedjarn forma ipsa restat, et ebaracter ille quum corrigimus nosmet ipsi, quasi repreliendentes aut
ipii dicitur qui qualis esse debeat, ex ipsis, quae supra ra si est aliqua exclamatio vel admirationis, vel conquestio-
dicta sunt, intelligi potest. Nam et singiiloriim verborum, n, nis; aut quum ejusdem nominis casus sœpius commuta-
etcollucalorum lumiua attigimwi quibus sic abundabit t tur.
ut verbum ex oie nullum, nisi mit cleguns aut grave ie Sed scntcnliai uni ornamenta majora sunt quibus quia
«'VMt; ex omniquc genere fiequentissimn; tianslationes es fiequentissimu Deinosthenes utitur, sunt qui puteitt» id*
enint quod ex propter similitudineni transl'eruntanimos, s, circo ejus eloquentiam maxime esse laudabilem. Et vero
o- iitillus 1ère ai) eu locussineimadiituconfurinatioue scnlen*
ft rrftruiLt, ae inovi'iit bue et illuc; qui motus cogilaliu-
ces vives et brillantes tournures à ses pensées. Ce1
't'IonC!ÓDC! vive .1. de son but; faire des voeux,
"0. se détourner
CO'"

secret vous est connu, mon cher Brutus; il est des imprécations; causer familièrement avec
donc superflu de passer ici en revue les figures ceux qui l'écoutent. Tout cela ne dispensera pas
de pensées, et d'en donner des exemples je me l'orateur de déployer les autres qualités du dis-
borne à les indiquer. cours il saura être bref, s'il le faut; frapper l'i-
XL. Notre orateur saura présenter une même magination par des peintures si vives, qu'on
chose sous ses divers aspects, afin d'y concen- croie avoir les objets sous les yeux; exagérer ou
trer l'attention et de l'y tenir arrêtée. Voyez-le at- donner à entendre plus qu'il n'a dit; jeter cà et
ténuer certains objets, railler à propos, s'écar- là des mots plaisants, et semer souvent des traits
ter à dessein de son sujet, annoncer ce qu'il se de mœurs et de caractères.
propose de dire; puis, après avoir conclu sur XLI. Voilà le fonds, je dirai presque le champ
eliaque point entamé, revenir sur ses pas pour sans limite, d'où l'éloquence tire souvent ce qui
reprendre ce qu'il a dit, fortifier ses preuves dans fait sa force et sa splendeur; mais il faut que le
un résumé, presser de questions son adversaire, style mette en oeuvre ces éléments, les lie et les
s'interroger lui-même, et se répondre; exprimer ordonne. Nul, sans cette condition, ne peut pré-
une chose, et en laisser entendre une autre, pa- tendre au glorieux titre d'orateur.
raître hésiter sur ce qu'il dira, ou sur la manière Au moment de poursuivre cette dissertation,
de le dire; établir des divisions; omettre, ou je m'arrête, inquiet déjà de ce que j'ai dit, et,
négliger un point; prévenir en sa faveur; se dé- plus encore, de ce qu'il me reste à dire. Car, sans
charger sur son adversaire des reproches qu'on parler des envieux espèce qui se rencontre par.
lui adresse à lui-même; entrer en délibération, tout, les amis même de ma gloire ne peuvent-
tantôt avec les juges, tantôt avec celui qu'il ils pas trouver inconvenant qu'un homme dont
combat; tracer des portraits de mœurs; sup- le sénat, aux applaudissements du peuple ro-
poser des dialogues; donner une voix aux êtres main tout entier, a payé les services par des hon-
inanimés, détourner adroitement les esprits de la neurs jusqu'alors inconnus, descende à ce dé-
question; souvent exciter la gaieté, provoquer le tail minutieux des artifices du langage? Leur
rire; courir au-devant d'uneobjection,établir des répondre que je n'ai pas voulu me refuser à la
parallèles; s'appuyer sur des exemples, distri- demande de Brutus, n'est-ce pas désarmer toute
buer les rôles, imposer silence à qui veut l'inter- critique? et le besoin de satisfaire un tel homme,
rompre déclarer qu'il en sait plus qu'il n'en dit; un tel ami, en m'associant à son honorable dé-
prémunir les juges contre une surprise; s'éman- sir, n'est-il pas pour moi l'excuse laplus légitime?
ciper parfois jusqu'à la hardiesse,jusqu'à la co- Mais si j'allais plus loin, si j'osais déclarer (et
lère parfois aussi éclater en reproches; prier, que n'ai-je assez de talent pour justifier cette
supplier, verser du baume sur une plaie trop audace ) que j'ai voulu former un corps de pré-

tiae dicitur nec aliud quidquam est, dicere, nisi omnes, supplicet, ut medeatur, ut a proposito declinct aliquantu-
aut certe plerasqne aliqua specie illuminare sententias tum, ut optet, ut exsecretur; ut liat iis, apud quos dicet,
quas qiium tu optime, Brute, teneas, quid atllnet nomi- familiaris. Atque alias etiam dicendi quasi virtutes sequa-
nibus uti, aut exemplis? tantum notelur locus. tur brevitatem, si res petet sœpe etiam rem dicendo
XL. Sic igitur dicet ille quem expetimus, ut verset subjiciet oeulis; saepe supra feret, qnam fieri possit; si-
so?|ie mullis modis eamdem et unam rem, et haereat in gnificatio saepe erit major, qnam oratio; srcpe hilaritas,
eadem commoreturque sententia; sa-pe etiam utextenuet't saepe vitaf'natiirarumque imitatio.
aliquid; sœpe ut irrideat; ut declinel a proposito deflectat. XLI. Hoc in genere (nam quasi silvam vides) omnia elu-
que senlenliam utproponat, quid dicturussit; ut, quum
ceat oporteteloquentiaemagnitndo. Sedhaec, nisi collocata,
transegeritjam aliqnid, deliniat: ut se ipse revocet; ut, et quasi structa, et nexa verbis, ad eam laudem, quam
quod dixit, iteret; nt argumeutum ratione concludat, ut volumus, adspirare non possunt.
inlerrogando urgeat; ut rursus quasi ad intevrogala sibi
ipse respondeat; ut contra, ac dicat, accipi et sentiri ve- De quo quum mihi deinceps viderem esse dicendum,
lit; utaddubitet, quid potins, aut quo modo dicat; ut etsi movebant jam me illa, quœ supra dixeram, tamen iis,
clividat in partes; nt aliquid relinquat ac negligat ut ante quae sequuntur, perturbabar magis. Occurrebat enim,
prrcmuniat ut in eo ipso, in quo reprehendatur, cnlpam posse reperiri non invidos solum, quibus reterta sunt
iu adversarium conférât; ut ssepe cum ils, qui audiunt, omnia, sed fautores eliam mearum laudnm, qui non censé-
nonnunquam eliam cnm adversario quasi deliberet; ut rent ejus viri esse,decujus meritis tanta senatus judicia
hominum sermones moresque describat; ut muta qnrcdam fecisset, comprobante populo romano, quanta de millo,
loquentia inducat; ut ab eo, qnod agitur, avertat animos de artificio dicendi litteris tam mulla mandare. Quibus si
utnepe in bilaritatem risumve convertat; ut ante occu- nihil aliud responderem, nisi, me M. Bruto negare roganti
pet, quod indeat opponi; ut compare! simiiitudines ut noluisse,
i justa esset excusatio, quum elamicissimo et prae-
iitatur exemplis; ut aliud alii tribuens dispertiat; ut inter- stantissimo
s viro, et recta et honesta petenti, satisfacere
pellalorem coerocat; nt aliquid reticere se dicat; ut de- voluissem.
i Sed si profilear (quod utinam possem!), me
tiunliel, quid caveant; ut liherius qnid audeat; ut ira- studiosis
s
dicendi praecepta, et quasi vias quse ad eloquen-
watur eliara; ut objurget aliquando, ut deprecetur, ut tiam
t ferrent, Iradilurum quis tandem id justus rerum
ceptes qui pût guider sûrement notre studieuse la composition des plaidoyers; celui qu'ils pas-
jeunesse dans la route de l'éloquence, quel bon sient au forum se consume en plaidoiries. Le peu
esprit s'aviserait de me blâmer? En temps de de moments qui leur restent, il faut le consacrer
paix, l'éloquence n'a-t-elle pas toujours tenu à ii quelque délassement indispensable. Comment
Rome le premier rang, et la jurisprudence, le se- donc se réserver une heure pour instruire et pour
coud? La première ne donne-t-elle pas le crédit, diriger les autres? D'ailleurs, avant de donner
la gloire, la sécurité; tandis que la seconde, bor- des leçons, il faut s'être fait un corps dedoctrine
née aux formules d'attaqueet de défense, est pres- et nos anciens orateurs avaient, je crois, moins
que toujours réduite à mettre sous le patronat de théorie que de talent naturel. Aussi étaient
de l'éloquence son propre domaine, qu'elle au- ils plus en état de parler que d'instruire; tandis
rait bien de la peine à sauver, si celle-ci lui refu- que je me trouve, peut-être, dans une position
sait son concours? absolument différente.
Quoi 1 de tous temps les hommes les plus illus- Autre objection. L'enseignementest une fonc-
tres ont tenu à honneur d'enseigner la jurispru- tion sans dignité. Oui, si l'on s'asservit à la rou-
dence, et d'attirer chez eux une affluence de dis- tine des écoles. Mais si par une suite de conseils,
ciples; et ce serait un titre de réprobation de d'exhortations, d'interrogations;parun échange
former, d'encourager la jeunesse au talent de d'observations et d'idées; par une communauté
bien dire Si c'est un mal de bien parler, hâtez- de lectures; si même par un enseignementdirect
vous de proscrire l'éloquence. Mais s'il est vrai on peut rendre les hommes meilleurs, je ne sais
qu'en couvrant de gloire celui qui la possède, pourquoi l'on s'en ferait scrupule. 11 est honora-
elle contribue encore à l'illustration nationale, ble, par exemple, d'enseigner quelle formule de
comment serait-il honteux d'enseigner ce qu'il procédure peut rendre valable l'aliénation des
est si honorable de connaître? Ce qu'il est si biens sacrés. Comment serait-il déshonorant
beau de savoir, il n'est pas moins beau d'en don- d'enseignerl'art de faire respecter la consécration
ner deslecons. une fois consommée?
XLH. Mais l'enseignement de la jurisprudence Mais, dira-t-on, on s'honore du titre de juris-
a pour lui l'autorité de l'usage l'autre est une consulte, même quand on est peu versé dans les
innovation, j'en conviens, et cette différence s'ex- matières de droit, tandis que les orateurs s'ac-
plique. Pour s'instruire dans la science du droit, cordent à dissimuler leur talent. N'est-ce pas une
il suffit d'assister aux audiences d'un juriscon- preuve que si la jurisprudence est généralement
sulte. Celui-ci n'est tenu à aucun sacrifice de estimée, l'éloquence est généralement suspecte?
temps pour ses disciples, lesquels arrivent chez D'abord, l'éloquence peut-elle se cacher; et, si
lui à l'heure de ses consultations; de sorte qu'il elle se dissimulait, qui serait dupe de ce dégui-
parle à la fois pour eux et pour ses clients. Les sement ? A qui persuadera-t-on qu'un orateur,
orateurs, au contraire, ne trouvant point le temps élevé par la noblesse de son art à la plus haute
de donner des leçons, celui qu'ils passent chez considération, aurait à rougir, s'il enseignait à
eux est dévoré par l'instruction des causes et par son tour ce qu'il lui a été si glorieux d'apprendre ?7

œstimator reprelienderet? Nam quis unquam dubitavit, rent, quem liabehant iristituendi aut docendi locum? At-
quin in republica nostra primas eloquenlia tenucrit semper, que haud scia, an plerique nostrorum nratoruni ingenio
urbanis, pacatisque rebus; secundas, juris scientia? quum plus valuerint, quam doctrina itaque illi dicere melius,
in altera, gratie, gloriab, piœsidii plurimum esset; in al- quam praecipere; nos contra fortasse possumus.
tera, persecutionum,cautiomimqueprœccptio; quae qui- At dignitatemdocere non habet. Certe, si quasi in ludo
dem ipsa auxilium ab eloquentia saspe peteret, ea vero
sed si monendo, si cohortando, si percunclando, si cum-
répugnante vix suas reginnes finesque defenderet. Cur igi- municando, si iuterdum etiam una legendo audiendo; ne-
tur jus civile docere semper pulchrum fuit, hominumque scio, docendo etiam aliquid aliquando si possis metiores
darissimoruni discipulis lloruerunt domus; ad dicer.dum facerc, cur nolis? An, quibus verbis sacrorum alienatio
si quis acuat, aut adjuvet in eo juventutem, vituperetur? fiat, docere boacslum est [ut est] quibus ipsa sacra reli-
ISainsivitiosumestdicereornate, pellatur omnino e civitate neri defendiquc possint,
eloquentia sin ea non modo eos ornat, peues quos est, uon bonestum est?
sed etiam universam rempublicam; cur aut discere turpe Atjus proutentnreliam, qui nesciunt; eloquentia autem,
est, quod scire honestnm est; aut, quod nosse pulcherri- illi ipsi, qui consecuti sunt, tamen se valere dissimulant,
iiium est, id non gloriosum docere? propterea quod prudentia bominihus grata est, lingua su-
XLH. At alterum faclitatum est, alterum novum. Fateor: specta. Nom igitur aut latere eloquentia potest; aut id
sed utriusque rei causa est. Alteros enim respondentes quod dissimulât effugit aut est periculum, ne quis putet
audirc sat erat, ut ii, qui doccrent, niillum sibi ad eam rem in magna arte et gloriosa turpe esse dncere alios id, quod
teinpus ipsi seponerent sed eodem tempore et discentibus ipsi fuerit bonestissimum discere? Ac fortasse ceteri te-
Kalirfacereiit, et consulentibus; alteri, quumriomcsticum ctiores ego semper me didicisse prai me tuli. Quid enim
tempus in cognoscendis compoiiendisquccausis, forense possem, quum et abfuissem domo adolescens, et honini
141 agen<li$, reiiqiiuni in se ipsis leliciendis omnc
consume- sludiorum causa mare transissem, et iloctissimis liomiiu-
L'ORATEUR.
mV1·. 9dU
D'antres peuvent y mettre plus de mystère; plutôt
[ assez impitoyable, pour me faire un crime
moi, j'ai toujours avoué mes études; et comment t chercher des consolations au sein de la litté-
de
les désavouer, quand on sait que, dans ma jeu- rature,
i plutôt que de me jeter dans les bras de
nesse, je n'ai quitté Rome que pour aller au l'oisiveté,
1 qui m'est odieuse; ou de céder a la
delà des mers chercher l'instruction quand ma ttristesse, dont je veux repousser les assauts?
maison est comme le rendez-vous des esprits 1Les lettres, qui m'accompagnaient autrefois
avec
les plus cultivés; quand mes entretiens laissent quelque
t honneur, tantôt devant les tribunaux,
percer, peut-être, quelques rayons des lumières ttantôt au milieu du sénat, charmeut aujour-
que j'ai puisées partout; quand enfin mes écrits id'hui ma retraite. Je ne consacre pas exclusi-
ont révélé à tant de lecteurs les soins que je me vement
i mes méditations à l'objet que je traite
suis donnés pour apprendre ? ici
i elles se portent sur des sujets plus graves,
XLIII. Je conviendrai toutefois que, dans ce f d'un ordre beaucoup plus élevé. Oui, si je puis
et
qui me reste à dire, il y a réellement moins de di- rmettre la dernière main à ces travaux de cabinet,
gnité que dans les considérations qui précèdent, j répondre qu'ils ne pâliront pas auprès de mes
j'ose
Car je vais parler de l'art d'ajuster les mots, de compositions
c publiques. Mais revenons à notre
mesurer, et, en quelque sorte, de supputer les sujet.
s
syllabes. C'est un talent que je juge indispensable, XLIV. Dans l'arrangement des mots, il faut, ou
mais qui, magnifique dans ses résultats, l'est t la fin de l'un se lie avec grâce au commence-
que
fort peu dans ses détails élémentaires. On peut en ment
i de l'autre, pour caresser l'oreillepar lessons
dire autant de beaucoup de choses; jamais avec les
I plus doux; ou qu'un rhythme élégant en ar-
rondisse
plus de vérité qu'ici. Car il en est des arts libéraux
r tous les contours, ou que leur ensem-
comme de ces grands chênes, dont on admire t forme une période nombreuse dont la chute
ble
la masse imposante, sans donner la moindre at- soit
s bien amenée. Examinons d'abord ce qu'on
tention à la souche ni aux racines, qui, pourtant, tdoit faire pour deux mots qui se suivent. Je mc
sont la première condition de l'existence de Par- garderai
f bien de prescrire ici la vétilleuse atten-
bre. Fidèle au précepte d'un vers devenu prover- ttion qu'exige une mosaïque, ou un ouvrage de
be, et qui défend de rougir de l'art qu'on pro- marqueterie.
r Donner des soins à un travail si
fesse, je ne songe pas même à dissimuler le plai- puéril,
1 ce serait imiter la manie dont Lucilius a
sir que je prends aux travaux qui m'occupent ici; marqué
i si finement le ridicule, dans ces deux
plaisir, rendu plus vif encore par votre empres- vers ironiques où Scévola plaisante Albucius
sement à me les imposer. Les objections, que je Quam lepide lexeis composta? ut tesserulae omnes
prévois trop bien, m'ont commandé cette sorte Arte pavimento, atque emblemate vermiculato.
d'apologie. Mais, admettant que mes raisons ne Je n'approuve pas ces laborieuses minuties;
seraient pas aussi bonnes que j'aime à les croire, iun tel arrangement ne doit être qu'un jeu pour
dois-je craindre, quand il ne me reste plus de iune plume exercée. Si l'œil du lecteur prend
t
rôle à jouer, ni au barreau, ni dans les affaires pu- toujours les devants, l'esprit de l'écrivain ira plus
bliques, de trouver un censeur assez chagrin, ou vite que ses doigts. Attentifs l'un et l'autre à ce

bus referla domus esset, et aliquae fortasse inessent in ser- ut,


i quum meaeforensesartes, etactiones publiera conci-
mone nostro doctrinarum notae ? quumque vulgo scripla dissent, t non me ant desidice quod facere non possum aut
nostra legereiitur, dissimularem me didicisse? Quid erat, mrestitiœ cui resisto, potius,quam litteris, dederem ?
cur probarem nisi quod parum fortasse profeceram? quœ
<
quidem me antea in judicia atque in curiam deduce<
XLIII. Quod quum ita sit, tamen ea, quae supra dicta touit, i nunc oblectant domi. Nec vero talibus modo rébus,
sant, plus in dispulando. quam ea.de quibus dicendum qiialeshicc liber continet, sed miilto etiam gravioribus et
est, digiûtatis hahuenint. De verbis enim componendis, majoribusr qua: si erunt perfecte, profecto forensibus
et de syllabis propemodum dinumerandis et dimetiendis nostris rebus etiam doinesticae littene respondebunt. Sed
loquemur qua? etiamsi sunt, sicuti mihi videntur, neces- ad a institutam disputationem revertamur.
saria, tamen fiunt magnificentius, quam docentur. Est id XLIV. Collocabuoturigitur verba aut ut inter se quam
omnino verum, sed proprie in hoc dicitur nam omnium aptissime a cohooreant extrema cum primis, eaque sint quam
magnarum artium, sicut arltorum altitude nus delectat snavissîmis
s vocibus aut ut forma ipsa concinnitasque ver
radices stirpesque nnn item sed esse illa sine his non po- lborum conliciat orbem suum; aut ut comprehensio nu
test. Me autem sive pervagatissimus ille versus, qui merose r et apte cadat. Atque illud primum videamus,
vetat, quale
r sit; quod vel maxime desiderat diligentiam ut
lial structura quaedam nec tamen Hat operose nam esset
Artem pude.re proloquî, quam factites,
quum infinitus, tum pnerilis labor; quod apud Lucilium
dissimulare non sinit, quin delecter; sive tuum studium scite s exagitat in Albucio Scœvola,
hoc a me volumen expressit tamen eis, quos aliquid Quam lepide lexeis cumpostse ut tesserulx omnes
reprehensuros suspicahar, respondendum fuit. Quod si Arte pavimento, atque enihlemate vermiculato.
ea, qnœ dixi, non ita essent quis tamen se tam durum Nolo P tam minuta haoc constructio appareat sed tamen sty-
a^resiemquepraebet-et, qui hanc inilli non daret veulam 1lus exertitatiis efficiet facile liane viam componendi. Naai
-L-
qui va suivre, ils sauront éviter les cahotements,
les hiatus, lescacophonies. La grâce, la noblesse
même ne sauvent pas la pensée, quand l'expres-
't:
Ennius en offre un seul exemple
victe; et j'at dit moi-même Hoc motu ra-
diantis Etesiœ in vada ponti mais c'est une
Scipio in-

sion blesse l'oreille, ce juge si dédaigneux et si licence que nous ne faisons excuser qu'en nous
sévère. Le génie de la langue latine est si exigeant en montrant fort sobres, tandis que les Grecs
à cet égard, qu'un rustre même élidc une voyelle, s'en font un mérite.
plutôt que de la heurter contre une autre voyelle. Mais pourquoi ne parler que des voyelles? on
On blâme toutefois Théopompe d'avoir poussé ce a vu aussi retrancher des consonnes pour obtenir
soin jusqu'à l'excès. Il imitait en cela son maître unebrève, commedans»îw#i' modis; vasi' argen-
Isocrate. C'est un reproche qu'on ne fera pas à teis passi' crinibus; tecti'fractis. La licence a
Thucydide, ni même à un écrivain plus grand été plus loin, et l'on a contracté jusqu'à des noms
qu'eux tous, à Platon. Je ne parle pas de ses dia- propres pour les rendre plus maniables. Comme
logues, où cette négligence est un effet de l'art; on avait fait bellum de cluellum, et bis de duis,
mais on la retrouve dans l'oraison funèbre qu'il onfitparanalogieBelliusde Duellius, vainqueur
prononça,suivant l'usaged'Athènes, en l'honneur de la flotte carthaginoise, bien que Duellius fût
des guerriers morts pour la patrie, et dont le suc- le nom de tous ses ancêtres.D'autres contractions
cès fut si prodigieux, vous le savez, que la loi n'ont eu pour but que de flatter l'oreille. Pour-
prescrit d'en faire tous les ans une lecture solen- quoi le nom d'Axilla, l'un de vos ancêtres,
nelle; on y rencontre à chaque instant ce choc a-t-il été changé en Ala (Ahala), si ce n'est pour
de voyelles que Démosthène évite presque par- éviter une lettre d'une prononciation un peu dif-
tout comme un défaut. ficile ? Les progrès du beau langage ont fait plus
XLV. Mais les Grecs ont leur goût à eux. Le tard disparaître la même lettre des mots ma-
notre nous défend, quand nous le voudrions, xilla, taxillus, vexillum paxilltis. On aimait
de faire ainsi violence aux voyelles; témoins ces aussi à fondre deux mots en un, comme sodes
harangues de Caton d'ailleurs si négligées; té- pour si audes, et sis pour sivis; ou même trois,
moins tous nos poëtes, à l'exception de ceux que comme dans capsis (cape si vis). On dit»»', pour
lit mesure du vers forcait souvent de recourir à ais ne; nequire pour non quire; malle, pour
l'hiatus. C'est ainsi que Mévius a dit magis velle; et encore dein, exin, pour deindc,
exinde. Qui ne sent pourquoi l'on dit cum illis,J
Vos qui accolitis Istrum lluviwm atque Algidam; tandis que cum ne se montre jamais suivi deJ
et au même endroit nobis? On dit nobiscum pour éviter un concours
Quam nunquam vobis Graii atque Barbari. de syllabes qui présenterait une image obscène;

ut in legcndo oculus, sic animus in dicendo prospiciet, Et quidem nos,


qnid scquatur, ne extremorumverborum cum insequenti-
bus primis concursus, aut hiulcas voces efficiat, aut aspe- Hoc molu radiantis Etesix in vada ponti.
ras. Quamvis enim suaves gravesque sententiœ, tamen si
inconditis verbis efferuntur, offendentanres, quarum est Hoc idem nostri saepius non tulissent, quod Grsecî lau-
judicium superbissimum. Quod quidem latina Hngna sic dare etiam soient. Sed quid ego vocales?sine vocalibus saepe
observât, nemo ut lani ruslicus sit, qui vocales nolit conjun- brevitalis causa contrahebant, ut ita dicerent, « multi'
gere. Jn quod quidam etiam Theopompum reprehendunt, modis, vasi' argenteis, palmi' et crinibus, tecti' fractis.»
quod kis litteras tanto opere fugerit etsi id magister ejus Quid vero licentius, quam quod hominum etiam nomina
lsocrates at non Thucydides ne ille quidem, haud paullo contrahebant quo essent aptiora? nam ut duellum, bel-
major seriptor, Plato; nec solum in bis sermonibus, qui lum, et dois, bis, sic Duellium eum, qui Pœnos classe
dialogi dicuntur, ubi etiam de industria id faciendum fuit, devicit, Belliiim nominaverunt,quum superioresappellalî
sed in populari oralione, qua mos est Athenis laudari in essent semper Duellii. Quin eliam verba saepe contrahun-
coucionc eos qui sint in pneliis interfecti; quae sic probata tur, non usus causa, sed aurium. Quomodo enim vester
est, uteum quolaruiis, ut suis, illo die rccilari necessesit: Axilla, Ala factus est, nisi fuga UUerœ vantions? quam
in eaest crebra ista vocum concursio, quam magna ex lilteram etiam e maxillis, et taxillis, et vexillo et paxillo,
parte, ut vitiosam, fugit Deniostbenes. consuctudo elegans latini sermonis evellit. Libenter etiam
XLV. Sed Graci viderint; nobis, ne si cupiamns qui. copulando verba jungebant ut « sodés, » pro, « si audes; »
dem, distrahere voees conceditur. Indicant orationes illa;
ips» liorri.liil.-B Calonis; indicant omnes poetae, prêter « sis, » pro, si vis. » Jam in uno, capsis, tria verba
sunt « ain', » pro, « aisne;>»
« nequire, » pro, k non
eos, qui, ut versum facerent, saepe hiabant ut Ffavius quire; » « malle, » pro, « magis velle; » « nolle, » pro,
Vos, qui acoolilis Hislruin fluvium, atque Algidam. « non velle » « Dein » etiam saepe, et
«exin, » pro, « deinde »
Elibidcot, et « exinde » dicimus. Quid illud? non olet unde sit, quod
dicitur, « cum iUis, » cum autem nobis non dicitur, sed
Quam nunquam vobis Graii, atilue Barbari. ita dicerelur, obscœnius concurre-
» nohiscum? » quia si
At Ennius semel, rent litterae, ut etiam modo, nisi « autem » interposuis-
Seipio invicle sem, concurrissent. Ex eo <wt « mecum, » et « tccuiu »
l'heure, si je n'avais
ce qui serait arrivé tout à Nihilne ad te de jûdicio armum accidit ?
eu soin de séparer cum de'nobis par le mot au- Mais je n'hésite nullement, avec l'autorité des
tent. De nobiscum on est arrivé bien vite à vo- tables des censeurs, à dire fa brum et procum pour
biscum et l'analogie n'a pas tardé à faire subir fabrorutn et procorum; je ne dirai cependant pas
la même opération à cum me, cum te, qui sont duorum virorum judicium; Trium virorum
devenus mecum et tecum. capitalium; decemvirorum litibus judicandis.
XLVI. Nous avons aujourd'hui des réforma- Je trouve, il est vrai, dans Accius
teurs qui s'avisent un peu tard de corriger certai- Video sepulcra, dua duorum corporum.
nes formes traditionnelles. Au lieu de deum at- Mais il a dit ailleurs Mulier una duum vi-
que hominumfidem, par exemple, ils s'obstinent rum. Je n'ignore pas qu'elles sont les locutions
à lire deorum. Était-ce ignorance chez nos pères ?2 régulières; mais j'use, sans scrupule, de la li-
ne profitaient-ils pas plutôt d'une licence auto- berté de dire indifféremment,Proh deum et Proh
risée par l'usage? Aussi le même poëte qui avait deorum; parce que l'alternative est autorisée.
dit Patris mei factum meum pudet pour meo- Mais je dis triumvirum, et non virorum; sestes-
rumfactorum, et exitium pour exitiorum n'em tertium nummum, et non nummorum, parce
ploie jamais liberum pour liberorum, syncope qu'ici l'usage a irrévocablement frappé de dé-
dont nous usons journellementdans ces phrases suétude le génitif grammatical.
Cupidos liberum, in liberum loco; mais il dit, XLVII. Nos aristarques ont aussi la préten-
comme le veulent nos puristes tion de proscrire nosse et judicasse; comme si
Neque tuum unquam in gremium extollas liberorum ex te nous ne savions pas que le mot s'emploie fort
[genus bien dans son entier, mais que la syncope est
et ailleurs aussi consacrée par l'usage; Térence emploie in-
Namque jËsculapi liberorum. différemment les deux formes
et cependant Pacuvius a dit dans son Chrysès Eho, tu cognatum tuum non norasP
Cives, antiqui amici majorum meum. et ailleurs:
C'était, du moins, une locution usitée alors. Mais Stilphonem, inquam, noveras?
il a en créé une un peu plus dure dans ce vers Sit est la bréviative du primitif complet siet.
Consilium, augurium, alque extum erpretes; Tous deux se trouvent chez un de nos poëtes dans
et dans cet autre la même phrase
Postquam prodigiumhorriferum, portentum pavos; Quam «ira sintque, post carendo intelligunt,
quoiqu'une telle contraction ne soit pas en usage Qamque attinendi magni dominatus scient.
dans tous les neutres. Je répugnerais donc à dire Je suis loin de blâmer Scripsere alii rem, quoi-
armum pour armorum, comme dans ce vers du que scripserunt soit plus régulier. Mais quand
même poëte l'usage est né d'une exigence de l'oreille, j'y sous

non « cum me » et « cum te, » ut esset simile illis « vo- Nihilne ad te de Judlcio armum accidit?
biscum » atque « nobiscum. » quam armorum. » Jam (ut censoriœ tabulce loquuntnr)
XLVI. Atque etiam a quibusdam sero jam emendatur « fabrum » et « procum » audeo dicere, non « fabro-
antiquitas, qui haec reprehendunt nam pro, « deum at- rum, » et « procorum. » Planeque, « duorum virorum ju-
que hominum lidem « deorum » aiunt. lta credo hoc diciuin, » aut, » triumvirorum capitalium » aut, » decem
illi nesciebant; an dabat hanc licentiam consuetudo? lta- virorum litibus judicandis dico nunquam. Atqui dixit
que idem poeta, qui inusitatius contraxerat, « Patris mei Attius,
meum factum pudet, » pro « meorum factorum » el « Texi- Video sepulera, dua duorum corporum.
tur; exitium examen rapit. » pro « exitiorum » non Idemque
1
dicit, « liberum » ut plerique loquiraur, quum, « cupi- Mulier una duum virum.
dos liberum, » aut in liberum loco, » dicimus, sed, ut Quid verum sit, intelligo sed alias ita loquor, ut ronces-
isti volunt, sum est, ut hoc, vel, « Proh deum dico, » vel, « Proh
Neque tuum unquam in gremium exlollas liberorum
deorum; » alias, ut necesse est, quum « trium virum, »
[ex te genus, non « virorum; u quum a sestertium nummum, » non
et idem « nummorum » quod in his consuetudo varia non est.
XLVII. Quid quod sic loqui, « nosse, judicasse, » ve-
Namque J^sculapi liberorum. tant « novisse, » jubent, et « judicavisse? » quasi vero
At illealter in Chryse, non soluni, nesciamus, in hoc genere et plenum verbum recte dici, et
Cives, antiqui amici majorummeum, imminntum usitate. Itaque utrumqueTerentius,
quod erat usitatum sed durius etiam, Eho, tu cognatum tuum non ooras?
Consillum, augurium, atque extum interprètes. Post idem,
Idemqucpergit, Stilphonem inquam, noveras?
Postquam prodigium horriferum portentumpavos « Siet, » plénum est « sit, » imminutum licet utare
quse non sane sunt in omnibus neutris usitata. Nec enim utroque: ergo ibidem
dixerim tam libonter, « armum judicium, etsi est apud Quam cara sintque, post carendo lutelligilni,
eumderti <^uainque .itliiiendi magni dominatus sient.
cris volontiers. Enniusadit: Idem campus habet; y à l'agrément des mots composés. Comment ne pas
t
et ailleurs In templis isdem. La règle voulait préférer insipientem à insapientem? iniquum à
eisdem, qui n'est pas si coulant; l'harmonie re- inœquum ? Iricipitem à tricapitem ? concisum à
poussaitiisdem. L'oreille a ses prédilections,quee concœsam/'Onavouluintroduire,ainsi^er&tara
l'usage ne tarde pas à consacrer. J'aime mieuxx mais sans succès. Quel raffmementplusdélicatque
pomeridianas quadrigas, quepostmeridianas, cette convention contraire aux lois de la quantité
it
et me hercule que mehercules. Non scire est de faire la préposition in brève dans inclytus,
li
devenu barbare; nescire est plus doux. Pourquoi inhumanus et longue dans insanus, infelix;
r
meridiem, et non medidiem? sans doute pour de sorte que in est long quand on le joint aux mots
éviter un redoublement désagréable. La préposi- i- qui commencent par les mêmes lettres que sa-
tion abs ne se trouve plus que dans les livres de le piens ou felix, et qu'il se prononce bref partout
recette, et non pas même dans tous. Partout it ailleurs 1 Même observation pour consuevit, con-
ailleurs, elle est modifiée; nous disons Amovit, crepuit, confecit. Consultez la règle, elle vous con-
abegit et abstulit. De sorte qu'on se demandee damne; l'oreille, elle vous absout. Pourquoi?
quel est le plus régulier de abs ou de ab. On a pros-
s- parce qu'on la flatte en prononçant ainsi, et que
crit abfugit; on ne veut plus à'abfer aufugit, le besoin de lui plaire est une loi suprême. Moi-
aufer ont prévalu. Ce sont les deux seuls ver- même, sachant que les anciens n'aspiraient que
bes où la forme de la préposition se trouve mo- i- les voyellesj'avaiscru devoir prononcer^jwfcros,
difiée de cette manière. Nous avions les simples !S Cetegos, triumpos, Carlaginem. Je m'aperçus
noti, navi et nari. Quand on a voulu y accoler laa enfin, un peu tard peut-être, que l'oreille ne s'ac-
i-
forme négative in, on l'a dénaturée pour en adou- commodait pas de ma prononciation je me con-
cir la prononciation; et nous disonsî^noK,ignavi,i, vertisalors à celle du peuple, qui est la vraie, et, je
ignari. Pourquoi ex usu, e republicaPParce que, gardaimon érudition pour moi. Par une nouvelle
dans le premier cas, le son de l'a; perd de sa ru-i- bizarrerie, cependant, l'oreille et l'usage permet-
desse devant une voyelle, et qu'il ne se ferait it tent de dire Oreivios, Matones, Otones, Cœpio-
sentir dans le second qu'aux dépens de l'eupho- i- nés, sepulcra, coronas, lacrymas. Ennins dit tou-
i-
nie. De là exegit, edixit, extulit, edidit. Ail- jours Burrus, et jamais Pyrrhus. On trouve
leurs, la dernièrelettre de la préposition s'est mo- aussi chez lui, dans les copies faites des on temps,
e
Bruges pour Phryges; car l'alphabet latin n'avait
difiée par assonance, d'après l'initiative du verbe
composé, comme dans effecit, suffigit, summu-(- pas encore admis de lettre grecque il en a, de-
tavit, sustulil. puis, reçu deux. Puisque nous disons au nomi-
XLVIII. D'autres altérationsont encore ajoutéé natif Phryges, mot entièrement grec, il parait

Necvero reprehenderim tem, » non « insapientem? ?» « iniquum, non « inaequum ? »


scripsere alii rem. « tricipitem, » non « tricapitem? » « concisum, » non
Et « sciipserunt, » esse verius sentio sed consuelu- i- « concaesum? Ex quo quidam « pertisum » etiam volunt
dini auribus indulgeuti libenter obsequor. Idem campus îs quodeademconsuetudouonproDavit.QuidTerohocelegan-
habet inquit Ennius; et, « In templis isdem, » protia- a- tius, quod non fitnatura,sed quodam instituto ? inclytus »
vit. At, « eisdem, » erat venus: nec tamen, « eisdem, dicimus
<•

» brevi prima littera, « insanus » producta « inhu-


opimius male sonabat, « iisdem. » Impetratum est a a manus » brevi, « infelix longa et, ne multis, quibua
consuetudine, ut peccare suavitatis causa liceret. Et it in verbis eae primae litterae sunt, quae in « sapiente,» at-
« pomeridianas
li-
quadrigas, quam « postmeridianas, li- que « felice, » producle dicitur; in ceteris omnibus bre-
»

bentius dixerim; et « mehercule, » quam « mehercules. viter » itemque « composuit, consuevit, concrepuit, con-
« Non scire
quidem barbarumjam videtur; « nescire »» fecit. » Consule veritatem, reprehendet; refer ad aures,
diilcius. Ipsum « meridiem, cur non « medidiem? »» probabunt. Quatre, cur? ita se dicent juvari voluptati
a- autem aurium morigerari debet oratio. Quin ego ipse,
credo, quod erat insuavius. Una praepositio est, abs ea-
que nunc tantum in acceptis tabulis manet; ne his quidem m quum scirem ita majores locutos esse, ut nusquam, nisi
mnium in reliquo sermone mutata est. Nam « amo- o- in vocali, aspiratione uterentur, loquebar sic, ut « pul-
vit » dicimus, et « ahegit » et « abstulit, » ut jam ce- e- cros, Cetegos, triumpos, Cartaginem » dicerem ali-
scias abne verum sit, an abs. Quid si etiam « abfugit h » quando, idque sero, convicio aurium quum extorta mihi
turpe visum est; et abfer » noluerunt, « aufer » malueruntt? ? Veritas esset, usum loquendi populo concessi scientiam
<juae praepositio prœter haec duo verba nullo alio
in verbo mihi reservavi. « Oreivios » tamen, et Matones, Oto-
reperitur. « Noti » erant, et « navi, » et « nari; » qui-nes,
x>
Caepiones, sepulcra, coronas, lacrymas » dicimus
y
bus quum in prœponi oporteret, dulcius visum est, « igno. 0- quia per aurium judicium semper licet. « liurrum » sem-
per
ti, ignavi, ignari » dicere, quam ut Veritas poatutabat. « Ex Ennius, nunquam « Pyrrhum. » « Vi patefecerunt
lis Bruges, non « Phryges ipsius antiqui déclarant libri;
votalis
usu » dicunt, et a e republica, » quod in altero
is- nec enim gruecam litteram adhibehant nunc autem etiam
excipiebat in aitero esset asperitas, nisi litteram sustulis-
ses ut, « exegit, edixit, effecit, extulit, edidit »
duas
adjuncti et quum « Pbrygum, » et quum « Phrygibus » di-
if- cendum esset, absurdum erat aut tantum barbaris casip
verbi priinam litteram prœpositio commutavit; ut « suf-
fugit, summutavit,sustulit.» bus grœcam litteram adhibere, aut recto casu solum
).L\'U) Quid iu verbis junctis? quam scite insipien- 1- graece loqui tamen et Il Phryges et « Phrygum » au
L'ORATEUR.
,IJU
peu logique de le dénaturer dans les autres cas, choisis parmi ceux de la langue ordinaire. Ne
et de dire avec des désinences bâtardes, Phry- vous lancez pas dans des hardiesses telles que
gum, Phrygibus. Mais nos oreilles ont exigé ces Quaponto ab Helles. Le vers Auratos ailes Col-
terminaisons latines, et l'usage a sanctionné ce chorum est plein de mots brillants. Mais en voici
caprice. C'était pour nos ancêtres un trait d'élé- un que gâte la répétition d'une lettre fort dure
gance, et ce serait pour nous un trait de rusticité, Frugifera et ferta arva Asice tenet. Tenons-
de supprimer la consonne linale des mots en us, nous-eu aux solides beautés de nos mots latins
le mot suivant ne commençant pas par une et laissons aux Grecs l'éclat de leurs termes so-
voyelle. On disait donc omnibu' princeps, pour nores. Contentons-nous,par exemple, de dire
omnibus, et Vila illa dig~u', locoque, pour di- Qua lempestate Paris Helenam etc. Voici un
gnus. Les poëtes ne se fesaient pas faute de cette modèle à suivre; mais évitons ces phrases rocail-
réserve, que dédaigne la poésie moderne. Si l'u- leuses Habeoistamegoperlerricrepam. Ver-
sage, sans autre guide que- sa fantaisie, a su sutiloquas malitias.
trouver tant de moyens de flatter l'oreille, quel Ce n'est pas assez d'avoir arrangé les mots dans
résultat n'obtiendra-t-on pas d'une méthode rai- un ordre favorable à l'harmonie, il faut encore
sonnée et des combinaisons de l'art? songer à les mesurer; opération soumise, comme
J'ai traité ce point sommairement,comme un je l'ai dit, à un second jugement de l'oreille. Si
simple accessoire. On ferait un long volume sur l'arrangement est naturellement symétrique, la
la nature et l'emploi des mots mais cette matièree mesure est toute trouvée ;il en est de même dans
occupe déjà trop de place dans mon cadre. les chutes semblables, dans les antithèses, dans
XLIX. Si, dans un discours, le choix des pen- les contrastes. Tout cela s'encadre et se balance
sées et celui des expressions sont uniquement du de soi-même. C'est un travail tout fait. Gorgias
ressort de l'esprit, le choix des sons et celui des est, dit-on, le premier qui ait cherche ces balan-
nombres n'ont d'arbitre que l'oreille. D'un côté cements symétriques. On en trouve un exemple
donc, œuvre d'intelligence; de l'autre, affaire dans ma Milonienne Est enim,judices, hœc
de plaisir. Ici l'art est né des calculs de la raison; non scripta, sed nata lex; quam non didici-
là, des exigences du sentiment. Il faut donc, ou 1 mus, accepimus, legimus, verum ex natura
sevrer d'un plaisir ceux dont on veut conquérir ipsa arripuimus, hausimus, express.mus;
le suffrage, ou trouver le moyen d'attaquer à la ad quam non docti sed facti; non instituti,
fois chez eux l'esprit et la raison. sed imbuti sumus. Ici, tous les mots sont tel-
Ce plaisir dont l'oreille est si avide, naît pour lement en rapport, que le nombre parait non pas
elle du son et du nombre. Le nombre aura son cherché, mais rencontré.
tour occupons-nousd'abord du son. Employons, On obtient le même résultat par les contrastes,
je le répète, des mots harmonieux, non ronflants comme dans cet exemple, où l'on trouve non-
comme ceux des poëtes, mais heureusement seulement les conditions du nombre, mais encore

rium causa dicimus. Quin etiam, quod jam subrusticum ratos ailes Colchorum,» spleudidis nominibus illumina-
videtur, olim autem politius, eorum verborum, quorum tus est versus sed proximus inquinatus insuavissima lit-
ml™ erant postremae du ru lilterœ qui» sont in « optu- tera finitus, « Frugifera et ferta arva Asiae tenet. » Quare
mus. postremam litteram detrahebant, nisi vocalis in- bonitate potius noslrorum verborum utamur, quam splen.
sequebatur. Ita non erat olfensio in versibus, quam nunc dore Graecorum, nisi forte sic loqui peenitet, « Qua teni-
fugiunt poetae novi. lia enim loquebamur « Qui est pestate Paris Helenam, « quae sequimlur. Imo vero ista se-
omnibu' princeps, » non « omnibus princeps » et « Vila quaruur, asperitatemque fugiamus, « flabeo istam ego
illa dignu', locoque, » non « ilignns. » Quod si indocla perterricrepam. « Itemque, « Versutiloquas malitias. »
consuetudo tam est artifex suavitalis quid ab ipsa tandem Nec solumcomponentur\erba ratione, sed etiam finien-
aile et doctrina postulari putamus? tnr, quoniam id judicium esse alterum aurium diximus.
Haec dixi brevius, quam si hac de re una dispntarem Sed finientur aut compositioneipsa, et quasi sua sponte,
(eslenimhiclocuslatepatens,denaturausuqueverborum); aut quodam genere verborum in quibus ipsis concinuilas
longius antem, quam iustituta ratio postulabat. inest quae sive casus babent in exitu similes, sive pari-
XLIX. Sed qnia rerum, verborumque judicium, pru- bus paria redduntur, sive opponuntur contraria, suapte
dentiae est; vocum autem, et numerorum, aures sunt ju- natura numerosa sunt, etiamsi niliil est factum de indu-
ilices et quod illa ad intelligentiam referuntur, haec ad stria. In hujus concinnilatis cousectatione Gorgiam fuisse
voluptatem in illis ratio invenit, in his sensus artem. Aut principcm accepimus, quo de génère illa nostra sunt in
enim negligeaida nobis fuit voluptas eorum qnibus probari Miloniana « Est enim, judices, lira non scripta sed
volebamus ant ars ejus conriliandae reperienda. h nata lex quam non didicimus, aecepimus
legimus,
Duœ sunt igitur res, quae permulceant aures, sonus et h verum ex natura ipsa arripuimus hausimus, expressi-
numerus. De numéro mox, nunc de sono quaerimus. Verba « mus ad quam non docti, sed facti; non instituti
sed
(ut supra diximus) legenda potissimum bene sonantia, « imbuti sumus.Haec enim talia aunt, ut, quia referun-
sed ea non nt poetae exquisita ad sonum, sed sumta de tur adea, ad quae debent referri, intelligamus, non quae-
roedio. « Qna ponto ab Helles, « superal modum at, « Au- situm esse numerum, sed secutum. Quod fit item in con-
la mesure poétique :Eam, quam nihil accusas, m'iration à une chose qui ne laissait rien à dési-
damnas. En substituant condemnas, on eût rer ? C'est que l'oreille éprouve un véritable be-
évité le vers. soin de sentir la pensée bien renfermée dans le
Bene quam meritam esse autumas, dicis male mereri. cercle de la phrase. Les anciens, se passaient
Id, quod scis, prodestniltil; id, quodnescis, obest. fort bien de tant de symétrie. Aussi est-ce un
Le vers se forme ici de l'opposition des con- mérite, et le seul, qui leur manque. Ils excel-
traires. En prose le nombre aurait voulu Quod laient dans l'art de choisir les mots, et leurs pen-
scis, nihilprodest; quod nescis, multum obest. sées brillaient toujours par l'énergie on par la
Ces formes de langage, que les Grecs nomment grâce; mais ils ne s'entendaient guère ni à les
antithèses, c'est-à-dire, opposition de contraires, lier, ni à les arrondir. Et c'est là précisément
produisent spontanément, et, sans l'intervention ce qui me charme en eux. Mettez-vous donc
de l'art, le nombre oratoire. la peinture antique, bornée à un si petit nombre
Les anciens, même avant Isocrate, prenaient de couleurs, au-dessus de la peinture moderne,
plaisir à ces jeux de style; Gorgias surtout, qui enrichie de tant de perfectionnements? Faut-il
ne connaît presque pas d'autre nombre. J'en ai rétrograder jusqu'à l'enfance de l'art, et le dés-
fait aussi un fréquent usage dans ma quatrième hériter de ses précieuses acquisitions?
Verrine, par exemple Conferte hanc pacem On m'oppose avecorgueild'anciensnoms; c'est
cum illo bello; hujus prœtoris adventum, cum l'autorité de la vieillesse que l'antiquité donne à
illius imperatoris Victoria; hujus cohortem im- ses exemples; et nul, plus que moi ne la res-
puram, cum illius exercitu invicto; hujus libi- pecte. Loin de blâmer les anciens de ce qui leur
dines, cum illius continen tia ab illo, qui cepit, manque, j'admire ce qu'ils possèdent, et je me
conditas, ab hoc, qui constitutas accepit, cap- plais à reconnaître que ce qu'ils ont surpasse de
tas dicetis Syracusas. Il faut donc connaître ces beaucoup ce qu'ils n'ont pas. Le mérite de la
sortes de nombres. pensée et de l'expression, si éclatants chez eux,
L. Arrivons à la troisième espèce, le nombre est bien supérieur à l'ordonnance de la période,
de la phrase. S'il est des gens insensibles à cette qu'ils n'ont pas connue cet art n'est venu qu'a-
mélodie, je ne vois pas ce qu'ils ont de l'homme, près eux. Mais je crois que s'il eût existé de leur
et ne puis concevoir comment leurs oreilles sont temps, ils n'auraient pas plus négligé d'en tirer
faites. Ce que je sais, c'est que les miennes trou- parti que tous les grands orateurs qui leur ont
vent un charme infini à la perfection d'une pé- succédé.
riode complète, et s'effarouchent du manque d'é- LI. Au nom seul de nombre, dans un discours
quilibre d'une phrase qui pèche par excès ou par politique, ou dans un plaidoyer; nombre, si
défaut. Mais que dis-je, les miennes! n'ai-je pas c'est un Romain qui parle; rythme, si c'est un
vu cent fois toute une assemblée se récrier d'ad- Grec; une prévention s'élève. C'est, dit-ou, ten-

trariis referendis; ut illa sunt, quibus non modo numerosa dent, et cuvta sentiunt, twc amant redundautia. Quid
oratio, sed etiam versus efficitur dieo meas? conciones saepe exclamare vidi, quum apte
verba cecidissent. ld enim exspectant aures, ut verbis
Eam, quam Dihil accusas, damnas. colligentur sententiae. Non erat hoc apud antiquos. Et qui-
« Condemnas, » diceret, qui versum effugere vellet. dem nihil aliud fere non erat nam et verba eligebant, et
Bene quam merilam esse autumas, dicis male mereri. sententias graves et suaves reperiebant, sed eas aut vin-
Id, quod scis, prodest nihil; Id quod nescis, obest. ciebant, aut explebant parum. Hoc me ipsum delectat,
Versum elficit ipsa relatio contrariorum id esset in ora- inquinnt. Quid si aDtiquissimailla pictura paucorum colo-
tione numerosum Quod scis, nihil prodest; quod nescis, rum, magis, quam hax jam perfecta, delectet? illa nobis
« multum obest. » Semper hrec, quœ Graeci àvTtôSTa no-
sit, credo, repelenda hsec scilicet repudianda.
minarit, quum contrariisopponunlurcontraria, numcrum Nominibus veterum gloriantur. Habet autem ut in œta-
orainriiim necessitate ipsa efliciunt et eum sine industria. tibus auctoritatem senectus, sic in exemplis antiquitas:
Hoc genere antiqui jam anle Isocratem delectabantur, quae quidem apud me ipsum valet plurimum; nec ego id,
et maxime Gorgias; cujus in oratione plernmque efficit qnod deest antiquitati, Ha^itopotius, quam laudo, quod
numerum ipsa concinnilas. Nos etiam in hoc genere fre- est prœsertim quum ea majora judicem quas sunt, quam
quentes, ul illa sont in quarto accusationis « Conferte te illa, qiiœ desunt. Plus est enim in verbis et in senteutiis
« hanc pacem cum illo bello; hujus prietoris adventum, boni, quibus illi excellunt, quam in conclusione sententia-
« cum illius imperatoris
victoria; hujus cohortem impu- rum, quam non habent. Post inventa conclusio est, qua
« ram, cum
illius exercitu invicto; hujus libidines, cum credo usuros veteres illos fuisse, si jam nota atque usur-
« illius contiuentia
ab illo, qui cepit, conditas, ab hoc, pata res esset qua inventa, omnes usos magnos oratores
qui constitutas accepil, captas dicetis Syracusas. » Ergo videmus.
et hi mimeii sint cogniti. LI. Sed habet nomén invidiam, quum in oratione judi-
L. Genns illud tertium explieetur, qualesit, numerosœ ciali et forensi numerus latine graee fuO|ièc inesse dici-
et aptse orationis quod qui non sentiunt, quas aures tur. Nimis enim insidiarum ad capiendas aures ailliiberi
habeaitt aut quid in his hominis simile sit, nesrin. Meœ videtur, si etiam in dicendo numeri ab oratore quieruntiir.
quidem et |xjifi>rto completoque vitrbornm amhiln gau- Ilur freti isli, et ipsi infracta et amputata loqunntur, et
dre à la fois trop de piéges pour surpendre l'o- si sauvages, récuseront-ils aussi l'autorité du
reille. Le but d'une telle chicane est évident. Ou savoir
sa et de l'expérience? Je laisse de côté Iso-
veut justifier une phraséologie décousue et tron- crate,
cr ainsi qu'Éphore et Naucrate, ses disci.
quée, en jetant le blâme sur quiconqueentend la pi
ples tous trois, pourtant, grands orateurs et
construction et la période. Si l'expression est fai- passés
pa maîtres dans l'art d'ourdir et d'orner la
ble et le fond vide, fort bien. Mais si le discours trame du style. Mais où trouver plus de science,
tr.
offre substanceet couleur, vaut-il mieux qu'il aille plus de finesse, une imagination plus féconde,
pl
boitant à chaque pas, ou même s'arrête en che- un jugement plus sûr que chez Aristote? qui,
ut
min, que de fournir sa course en se déployant d'
d'ailleurs, s'est autant déchaîné contre Isocrate?
de front avec le sens? Ce nombre, si décrié, est-il Eh bien Aristote, qui bannit le vers de la prose,
E
autre chose qu'un cadre ou s'ajuste exactement la vi qu'elle soit assujettieau nombre. Théodecte,
veut
pensée? les anciens eux-mêmes, ont rencontré se élève qu'Aristote cite souvent, comme écri-
son
le nombre, quelquefois par hasard, plus souvent vain élégant et versé dans tous les artifices du
vi
par instinct. Leurs passages les plus vantés sont style;
st Théodecte pense et s'exprime à ce sujet
presque tous d'un rythme harmonieux qui leur a comme
ci son maître. Théophraste insiste encore
valu ces éloges. Voilà près de quatre cents ans que plus
pi sur la nécessité du rythme. Nos aristarques
le nombre a pris faveur chez les Grecs; et nous s'inscriront-ils en faux contre de tels témoi-
s'
ne fesons que de l'accueillir chez nous; Ennius gnages
gi ? Peut-être ignorent-ils que ces préceptes
aura pu, sans respect pour leur antiquité, mépri- s'appuient sur de si imposantes autorités. C'est là
s',
séries vers que chantaient les F aunes et les devins, l'explication la plus probable de leur entêtement;
l'i
Versibu'.quosolimïaunivatesque canebant; et c'est, pour mon compte, celle à laquelle je
el
et moi je ne pourrai pas, avec la même li- m'arrête.
n: Mais quoi! la sensation est-elle morte
berté, parler sur le compte des anciens! Certes, je chez
cl eux? Une phrase vide ou surchargée, écour-
ne dirai pas comme lui « C'est moi qui ai le tée ou raboteuse boiteuse ou redondante, glisse-
tf
premier ouvert la route. » Car j'ai lu et entendu t-elle
t- sur leurs oreilles sans les agacer? Qu'une
beaucoup d'orateurs dont le style était presque bbrève ou une longue placée à faux échappe à
parfaitement périodique. C'est à quoi certaines un auteur, entend une explosion de murmure»
u
gens ne peuvent parvenir. Et ce n'est pas assez soudaine
si et générale. Tout ce peuple cependant
qu'on leur pardonne cette impuissance, ils veu- ignore la prosodie, ne se doute pas du nombre,
if
lent qu'on leur en fasse un mérite. Moi, je loue n se rend aucun compte dece qui le choque mais
ne
volontiers et à juste titre ceux qu'ils se piquent il se sent blessé, sans savoir ni comment, ni pour-
d'imiter, tout en reconnaissant ce qui manque à quoi.
q C'est que tous, indistinctement, nous por-
ces grands modèles. Mais je n'ai point d'éloges tons dans nos oreilles le sentiment inné des lon-
t<

pour le copiste maladroit, qui ne reproduisant gues


g et des brèves, comme celui des tons graves
que leurs défauts, se tient si loin de leursbeautés. et
e des tons aigus.
Ces hommes, dont les oreillessont si barbares, LII. Voulez-vous, mon cher Brutus, que

eos vitupérant, qui apta et fini ta pronunliant. Si inanibns Quod si aures tam tnhumanas, tamque agrestes babeot,
verbis, levibusque sententiis, jure; sin probac res, lecta r doclissimoruui qnûlem vii*of mn eos movebit auctoritas?
ne
verba, quid est cur claiiilere ant insistere orationem malint, Omitto
( Isocralern, discipulosque ejus, Ephorum et Nau.
quam cum sententia pariter excunerc ? Hic enim invidio- cralem
c quanquam orationis faciendœ et ornandœ auctoreu
eus numerus nihil affert aliud, nisi ut sit apte verbis 1locuplelissimi sinnmi ipsi oratores, esse debeant. Sed
eomprehensa sententia; quod fit etiam ab antiquis, sed quis
c omnium doclior, quis acutior, quis in rébus vel inve-
plerumque casu saepe natura et quae valde landantgir niendis
r vel judirandis acrior Aristotele fuit? quis porro
apud illos, ea fere, quia sunt conclusa, laudantur. Et 1Isocrati est adversatus impensius? Is igitur versum in
apud Grœcos quidem jam anni prope quadringinti sunt, orationevetat
< esse, numerum jubet. Ejus auditor Théo*
quum hoc probatiir nos nuper agnovimus. Ergo Ennio dectes,
( in primis (ut Aristoteles saepe aignificat) politus
licuit, veteracontemnenti,dicere scriptor, atque artifex, hoc idem et sentit et pracipit.
TbeophrasUis vero, iisdem de rebul etiam accuraliu».
Version' quos otim Fauni vatesque canebant; Quis ergo istos fer.it, qui hos auctores non probent? nisi
TDibi de antiquis eodem modo non licebit? prasertlra omnino baec esse ab his prœcepta nescianl. Quod si Ita
quum dicturus non sim, « Ante hune, u ut illej nec quae est (nec vero aliter existimo), quid? ipsi suis sensibus nou
aequunlur, Nos ausi reserare. » legi enim audivique moventur? nihilne eis inane videtur? nihil incoudiluni
nonnullos, quorum propemodum absolule concluderetur nibil curtum, nihil claudicans, nihil redundans? ln rersn
oratio. Quod qui non possunt, non est eis satis non con- quidem theatra tota exclamant, si fuit utia syllaba. aut
temni; laudari etiam volunt. Ego autem illos ipsos lalido, brevior, aut longior. Nec vero mnltitudo pedfs novit, «ce
idque merito qnorum se isti imitalores esse dicuiit etsl ulios numéros tenet; nec illud, quod offeodit, aut cur,

i vocum,
in eis aliquid desidero; hos vero minime, qui nihil illo- aut in quo offendat, intellipit et tamen omnium longitu-

snne. ^>n««l'os–
ruir. nui vitiura sequuntur, quum a bonis ahsint longis
Tour diDura etbrevitatumin sonis, sktutacutariimgriiYiuinqiit*
judlciuin Ipiia naturain ailribu; nourris cullucavlt
vocum, judlciuin Ipiia naturain ailribu; nosrrl» cullucavlt.
30
j'entre plus avant dans cette matière, et que je p ces enjolivements, comme il les appelle,
pour
lui donne plus d'étendue que les maitres qui l'ontle multiplie à l'excès. Il était déjà vieux, quand
les
traitée avant moi ? ou faut-il s'enteniràce qu'ilsIsocrate fréquenta son école en Thessalie. Mais
Is
en ont dit? Mais pourquoi cette question? Vos celui-ci
ci tout jeune qu'il était, comprit qu'il de-
vait
lettres, ces chefs-d'œuvre de style, ne témoignent-
vi se prescrire plus de modération. En vieillis-
elles pas assez que c'est là surtout ce que vous sant
se à son tour, Isocrate, qui mourut presque cen-
désirez? je vais donc exposer successivement l'o- tenaire,
te sentit se refroidir peu à peu cette passion
d rythme qui l'avait trop dominé. Et c'est lui
rigine, la cause et l'emploi du nombre oratoire. du
q nous a fait cette confidence dans son discours
Les admirateurs d'Isocrate l'exaltent surtout qui
comme l'introducteur du rythme dans la prose. à Philippe de Macédoine production de sa der-
I prétendent que, frappé de cette froideur avec nière
n
iaqoelle les orateurs étaient écoutés, et du vif nombre
n
vieillesse. Il y déclare qu'il s'asservit au
beaucoup moins qu'autrefois, et il obtient
plaisir qu'on éprouvait à entendre les poëtes, ainsi
a le double honneur d'avoir corrigé les autres
il s'avisa de chercher des nombres que le dis- et ei de s'être corrigé lui-même.

cours pût admettre, et de bannir ainsi par une LIII. Maintenant que nous connaissonsl'ori-
agréable variété cette impression d'ennui. Cette gine
g et les auteurs du nombre, cherchons-en la
assertion n'est vraie qu'en partie, et doit être cause.
c Elle est si évidente, qu'il est étonnant que
restreinte. Nul, sans contredit, n'a poussé plus les
li anciens n'eu aient pas été frappés, surtout
loin qu'Isocrate la science des nombres. Mais quandq il leur arrivait si souvent de rencontrer,
l'invention n'en peut être contestée à Thrasima- Sisans les chercher, le nombre et la cadence. L'o-
que, dont tous les ouvrages nous fout voir qu'il reille
r devait conspirer, avec l'intelligence, pour
a prodigué le rythme jusqu'à l'abus. Quant aux lileur révéler l'agréable effet d'une telle rencontre.
nombres que j'ai désignés comme de la seconde Constater
C ce simple résultat, c'était créer l'art;
espèce, et qui, sans travail de la part de l'ora- et
e l'art ne leur imposait qu'une seule condition,
teur, résultent spontanément de certaines formescelle
c de s'imiter eux-mêmes. L'oreille, en effet,
telles que les antithèses, les désinences sem- ou c plutôt l'intelligence, dont l'oreille n'est que
blables,Ies contraires, et les autres symétriesl'organe,
l' porte naturellement en elle-même la
naturelles, on les doit à Gorgias, qui en usaéga- rmesure exacte de tous les sons; elle juge de ce
qui
lement sans mesure. Tous deux sont précurseurs q est trop court comme de ce qui est trop long;
d'Isocrate. C'est donc comme régulateur, et non elle
e attend toujours la précision et la justesse.
comme inventeur du rythme, qu'il a l'avantage BMutilez, tronquez le nombre, elle s'offense d'un
sur eux. Plus sobre de métaphores, moins hardi a 1larcin qui lui fait perdre ce qui lui est dû. Al-
créer des mots nouveaux, il est aussi plus sagelongez
I délayez le rythme; cette surcharge la
dans l'emploi du nombre. Gorgias, parciminé révoltet encore davantage. Car en ceci, comme

igitur, Bnrte, lotam liunc locum noliislier, sic in


aceuruliiis
LU. Visne ipsis numeris sedatior. Gorgias autem avidior
et alia
ii.
i ,111 explicemas, qiiani illi ipsi, qui et lueç, i est
c generis ejus, et his feativitatibus (sic enim ipse censet)
Inididerunt? an his contenti esse, quse ab illis dicta sont, însolentius abutitur quas Isocrates (quum tamen audivis-
pissumus?Sed quid quaîro, velisne; qiium litteris luis, set s
ri uditissime scriptis te id vel maxime velle perspeJerini ?? tius
e
t
1
in Thessalia adolescens senem jam Gorgiam) modera-
temperavit. Quin etiam se ipse tantum, quantum
l'i imum ergo origo, deimle causa, post natura, tum ad 1 œUte procedebat (prope enim centum confecit annos) rela-
extremumusus ipse explicetur orationis aptœ atque nuine-r xarat a nimia nenessitatennmerorum quod declarat in ea
1Hbro, quem ad Phitippiun Macedonem scripsit,
rosa\ quum jam
Nam qui Isocratem maxime mirantur, lioc in ejus snm- admodum esset senex in quo dicit, sese minusjam servir?
mis laudibus ferunt, quod verbis solutis numeros primuss numeris, quam solitus esset. lia non modo superioi es t
adjunxerit. Quum enim videret oratores cum severilatee sed etiam se ipse correxerat.
audiri, poetas autem cum vuluptate; tum dicitur numéros s IAU. Quoniam igitur habemus aptae orationis eos |>rin-
nccutiis, qnibu6 etiam in oratione uteremur, quum jucun- i- ripes, auctoresque, quos diximus, et origo inventa est
ditatis causa, tum ut varietas occurreret satietati. Quod d causa quzeratur. Qn% sic aperta est, ut mirer, veteres non
ali his vere quadam ex parte, non totum, dicitur. Nam n esse commotos praesertim quum, ut fit, fortuite saepe ati-
i-
iteinineni in eo genere scientius versfttum Isocrate, conii- quid concluse apteque dicerent: quod quum animos homi-
l.-iuliini est: sed princeps inveniendi fuit Tlirasymaclius num, auresque pepulisset ut intelligi poseet, id quod ca-
injns omnia nimis etiam exstant scripta nunierose. Nam, sus
atque
effudisset, cecidisse jucunde; notandum certe genus,
ipsi sibi imitandi fuerunt. Aures enim, tel animus
nt paullo ante dixi, paria paribus adjunch, et similiter
iMinita, itemque contrariis relata contraria, quae sua aurium nuntio naturalem quaindam inse conlinel vocum
sponte, etiamsi id non Agas,caduntplerumquc numerose, omnium mensionem. Itaque et longiora et breviora judi-
i.r,rgias primus invenit; sed lus est usus inlemperantius cat et peifecta ac moderata semper exspectat. Mutila seu-
id autem est genns, utantediitnmeBt, ex tribus partibus is
s tit qusedam, et quasi decurtata, quibus, tanquam debito
(-nllocaUonisalterum. Horum ulerque Isocratem rctate prae- s- fraudetur, offenditur; productiora alia, et quasi immode-
t.
vmrit ut eos ille moderatiooe non invenljane vicerit. ratius excurrentia, qu* magis etiam aspernantur aui«i
I- (j'iod qimm in plciisque, lum iu boc ({eni'ie niiuiiini quod
Lst enim, nt in trausteiciults fiu'iendisqrie vorbis Irauquil-
presque en tout, le trop est plus choquant que le connaissent plusieurs, ou même les reçoivent
trop peu. La mesure du vers est restée dans les tous. D'ailleurs, simple ou complexe, le nombre
1

limites que lui assignaitl'organisationde l'oreille, est-il commun à toute forme de discours? Car,
<

et que le goût a tracées d'après les données de pour narrer, pour persuader, pour instruire, au-
l'observation. Le tour de la prose est venu beau- tant de variétés de style. Chacune a-t-elle son
coup plus tard. Mais l'observation a fini par nombre spécial ? Si les nombres sont communs,
reconnaître le vœu de la nature; et l'art, assujet- quels sont-ils? s'ils différent, en quoi? D'où vient
tissant les mots à se mouvoir dans des espaces ré- qu'on ne les sent pas dans la prose, quand ils se
glés, a créé la période. font si bien sentir dans la poésie? Ce qu'on ap-
Je viens d'indiquer la cause du nombre; je pelle discours nombreux ne l'est-il que par la
1

vais, si vous le permettez, en expliquer la nature. vertu du nombre? Ne l'est-il pas par l'arrange-
Ce troisième point n'est pas lié nécessairementau ment des mots, par la qualité des expressions,
plan que je me suis tracé, mais il nous fera en- ou même par la réunion de toutes ces choses;
trer dans les profondeurs de la théorie. Ici, les de sorte que le nombre concoure à l'effet général
questions naissent en foule. Qu'est-ceque le nom- par la délimitation des espaces; l'arrangement,
bre oratoire? en quoi consiste-t-il? d'où résulte- par la mélodie des sons; les expressions enfin,
t-il ? est-il simple? double ou multiple? de quelle par l'éclat des formes? Ou plutôt, n'est-ce pas à
manière le composer ? à quoi, quand et comment l'arrangement seul qu'il faut tout rapporter, nom-
l'applique pour éveiller un sentimentde plaisir? bre et figu res ? Eh 1 non, ce n'est pas à l'arrange-
1

Cette matière peut, comme tant d'autres, se trai- ment qu'il faut tout attribuer; car il n'a pour ob-
ter par deux voies, l'une plus longue, l'autre plus j
jet que l'énergie ou la douceur des sons; ce qui
courte et plus unie. n'a
î rien de commun, ni avec le nombre, qui est
L1V. En suivantla première voie, nous trou- la justesse de la mesure, ni avec les agréments du
verons une nouvelle série de questions. D'abord style
i figuré. J'admettrais, à la rigueur, quelque
existe-t-il, en effet, un nombre oratoire? Bien des relation entre le nombre et les figures, parce que
gens n'en conviennent pas, parce que la prose n'a celles-ci portent souvent avec elles une symé-
pas de mesure fixe comme le vers, et parce que trie satisfaisante.
ceux même qui affirment l'existence du nombre, Telles sont à peu près les questions dont la so-
nepeuventladémontrer.Supposezqu'ilexiste un lution doit mettre en évidence la nature du nom-
nombredans la prose, ou qu'il y en ait plusieurs; bre.
de quelle nature sont-ils? sont-ils les mêmes LV. La première, existe-t-il un nombre ora-
qu'en poésie? sont-ils différents? S'ils sont les toire ? n'est pas difficile à résoudre. L'oreille a
mêmes, auxquels des mètres de la versification prononcé. On n'a pas le droit de nier un fait, par
ressemblent-ils? Car les uns n'admettentqu'un la raison qu'on en ignore la cause. Connaît-on
nombre pour la prose, tandis que d'autres en re- mieux la cause du plaisir que procure le nombre

est, offendit vehementius, quam id, quod videtur parum.[ res communesne sint omni generi orationis (qnoniam aliud
Ut igiturpoeticaet versus inventus est terminalione au-genus est uarrandi aliud persuadendi aliud docendi)? an
rium, observatione prudentium sic in oratione animêd- dispares numeii cuiqne orationis generi accommodentur?
versnm est, multo illud quidem serius, sed eadem natnra Si communes, qui sint? si dispares, quid intersit, et cur
admonente, esse quosdam certos cursus conclusionesque non aeque in oratione, atque in versu numerus appareat?
verborum. Deinde, quod dicitur in oralione numerosum, id utium
Quoniam igitur causam quoqne oslendimus, naturam numero solum eflicialur, an etiam vel compositione qua-
nunc (id enim erat tertiura), si placet, explicemus quai dam, vel Renere verborum an sit suum cujusque ut nu.
disputatio non hnjus instituai scrmoms est, sed artis inli- inerus intervallis, rompositit) vocibus, genus ipsum ver-
n. Qnœri enim potest, qui sit orationis niimerus et ubi
fit posilus et natus ex quo; et is unusne ait, an duo, an
borum quasi qu.-edam forma et lumen orationis appareat;
sitque omnium fons compositio, ex eaque et numerus efli-
plures, quaque ratione componatur, et ad qnam rem, et ciatur,etea, quse dicunlur orationis quasi formas etiU-
quando, et quo loco, et quemadmodum adhibilus aliquid raina, qua?. (ut dixi) Graeci vocant a/r^troc? At nnn est
volnptatis afferat. Sed lit in plerisque rebus, sic in liac unum, nec idem, quod voce jiieundum est, et quod mo-
duplex est considerandi via quarum altera est loogior, deratione absolutum.et quod illuminatuni genere verbo.
brevior altéra, eadem etiam planior. rum qnanquam id qnidem finiUmum est numero, quia
LIV. Est autem longioris prima illa quaestio, sitne per se plerumque perfectum est; compositio autem ab
omnino ulla niinierosa oratio (quibusdam enim non vide- utroque diflert, quas tota servit gravitati vocum, aut sua
tur quia mhil insit in ea cerli "t in versibus, et quod ipsi, vitati.
qui affirment, eos esse numéros, ratiouem, cur sint, non Hœc igitur, fere sunt, in quibus rei natura quœrenda
queant reddere) P Deinde si ait mimeras in orutinne qua- sit.
lis sit, aut quales et e poelidsne numeris, an ex alin ge- LV. Esse ergo in oratione numerum qnemdam non est
nerequodam; et, si e poetU'is quis coram sit, aut qui difficile cognoscere. Judicateium sensus in quo iniquum
(namque aliis unus modo, aliis plures, aliis omîtes fidem est, quod accldit, non agnoscere, si, cur id accidat, re-
vMciitur)? Doiride, qiiicirmqiie sint, sive unus, sive plu. perire ueirueumi». Nequc enim ipse versus
i!:1'CfDU~ ratioiie
lüU~ est
3n.
poétique ? iNon. C'est la nature et le sentiment qui toujours commencé par trouver ce qu'il y a de
ont fait le vers. La raison est venue en constater plusfacileet deplusnécessaire. Ainsi l'on a connu
l'existence, et le mesurer. L'art n'a pas tardé à de bonne heure les métaphores, Ics dérivés et les
nattre de l'observation intelligente de la nature. composés, dont l'emploi est journalier dans la
Xe nombre se fait mieux sentir en poésie, bien conversation. Lenombre, qui jamais n'a approché
que plusieurs espèces de vers ressemblent beau- du foyer domestique, et qui n'a ni parenté ni
coup à de la prose, quand on ne les chante point. liaison avec le langage familier, n'a été signalé et
Tels sont surtout les vers lyriques. Supprimez le connuque fort longtemps après. Maisbientôt ap-
chant, la prose se montre à nu. On peut en dire pliqué à l'art de la parole, il est venu donner
autant de quelques passages de nos poëtes, de ce comme le fini de l'œuvre, et la dernière touche du
vers de Thyeste, par exemple pinceau.
Quemnam te esse dicam? qui tarda in senectute Si la diction paraît tantôt concise et serrée,
Rien ne ressemblerait davantage à la prose, si l'on tantôt étendue et large, n'en cherchez pas la
retranchait l'accompagnement de la flûte. Les
cause dans la nature des mots employés. Elle tient
vers iambiques des comédies se rapprochent tel- à desintervallesplus ou moins longs, semés à des-
lement du langage ordinaire, qu'on y saisit à sein dans la période, et qui déterminent, dans
peine quelque vestige de nombre et de versifica-
lesnombres,une variationcorrespondante. La pé-
tion. On concoit dès lors que le nombre est moins riode sera donc, suivant la marche des nombres,
facile à reconnaître dans la prose que dans les accélérée ou ralentie dans tout son cours.
vers.
L'agrément du style dépend surtout du charme JI est donc évident que la prose, quoique sou-
de l'expression et de l'harmonie du nombre. mise au nombre, ne doit pas avoir la mesure
Les mots sont des matériaux que le^nombre uniforme des vers.
doit polir. Mais en cela, comme en tout, le né- Mais ces nombres sont-ils ceux des poëtes, ou
cessaire a précédé l'agréable. Et les hommes ont sont-ils d'une autre espèce? C'est la seconde ques-
trouvé un langage âpre et simple pour les pre- tion. Tout nombre aune mesure; donc, tout nom-
miers besoins de la pensée, bien des siècles avant bre est poétique. Les nombres on pieds (car le
d'imaginer l'art du nombre pour le plaisir de l'o- nombre représente le pied qu'il mesure) se divi-
reille. sent en trois classes. L'une antérieure ou tête
LVI. Hérodote, ses contemporains et ses de- l'autre postérieure. Dans le pied de la première
vanciers, n'ont connu le nombre, ou ne l'ontren- classe, ces deux parties sont égales. Dans le pied
contré que par hasard. Les pins anciens rhéteurs de la seconde classe, la partie postérieure est le
n'ont rien dit sur cette matière, eux qui ont double de la tête. Enfin, dans la troisième classe,
tant écrit sur la théorie de l'art oratoire. On a la partie postérieure du pied vaut une tète et de-

cognitus, sed natura atque sensu, quem dimensa ratio do- numero caruit, nisi quando temere ac fortuito; et scri-
cuit, quid acciderit. Ita notatio nature et animadversiu ptores pevveteres de numéro nihil omnino, de oratione pr;p-
peperit artem. Sed in versibus res est apertior quancjiiam cepta multa nobis reliquerunt. Nam quod et facifius est,
etiam, a modis quibusdam cantu remoto, soluta esse et magis necessarium, id semper ante cognoscitur. Itaqiw
ildeatur bratio maximeque id in oplimo quoque eorum translata, aut facta, aut juncta verba, facile sunt cognita,
poetarum, qui >.vp;xcl a Graecis nominantur; quos quum quia sumebantnr e consuetudine, quotidianoqueseimone;
cantu spoliaveris nuda pâme remanet nratio. Quorum si. numerus autem non domo depromebatur, neqne habebat
milia sunt qusnlam etiam apnd ntHlius velut illa in aliquam necessitudinem aut cognationem cum oratione
Thyeste, itaque serins altquando notatus et cognitus, quasi quam-
dam patostrametextrema lineamentaorationi attulit. Quod
Quemnam te esse dicain? qui tarda in senectute si et angusta quidam atqne concisa et alia est collata
et qnx sequuntur quœ nisi quum tibicen accessit, et diffusa oratio necwaeestid non litterarum accidere
omioni suot solutae simillima. At comicorum senarii pro- natura, sed intervallomin longorum et brevium varietate;
pter wnilitudinera sermonis sic saepe sont abjecti ut non- quibus implicala atque permixta oratio quoniam tum sta-
nunquam vix in eis numerus et versus intelligi possit hilis est, tum volubius, necesse est ejusmodi naturam
quo est ad inveniendum diflicilior in oratione numerus, numeris continen. Nam circnitns ille, quem sœpe jam
quam in versibus. diximus, incitatior anmern ipso 1>i tur et labitur, quoad
Omnino duo sont, quœ condiant orationem; verborum perveniat ad fineoi et insistât. Pei-spieuurn est igitur nu-
numercrumque jncunditas. ID verbis inest quasi malcria meris adstrictam oriv'.ionemesse debere, carere versibus.
Hutedam in numéro autem expolitki. Sed ut ceterisin Sed hi numeri, poeticine sint, annalio génère quodaro,
rebus necessitatisinventa antiquiora sunt, quam volupla- deinceps est videndum. Nullus est igitur numerus extra
tis Ha et in hac re accidit, ut multis seculis ante oratio poeticos proptena nod definita sunt gênera numerorum.
nuda ac rudis ad solos animorum sensus exprimendos Nam omnis talis T" H imiis si: e tribus. l'es enim, qui
tuerit repetta, quam ratio numerorum causa dnlectationis adtiibetur ad nvn&T*, partitur in tria, ut necesso sit,
miiium cxcogitata. partem pedis am rsi-ak'in alteri pm-ti aut altera tantn,
LVI. Itaque et IleroiloUis, et eadem supt'riorque ïeliis aut sesqui esse ESff 'm. Ita fit .tijhMis ilnctylus, iluplev
mie. Ainsi le dactyle (une longue suivie de deux mot lu première ^vllabe de la phrase suirautc. w nitt.i

brèves) est un nombre ou pied de première classe, Etc'est ainsi qu'il par vient à former cette sorte de
puisque la longue équivaut à deux brèves. L'ïam- vers anapeste, qu'on nomme versaristophanéen.
be (une brève suivie d'une longue) est de la se- Contre de tels accidents, la précaution n'est ni
conde classe; enfin le péon (une longue suivie de possible, ni nécessaire.
trois brèves) appartient à la troisième et dernière L'acharnement d'Hiéronyme m'adonne la fan,·
classe. Or, de toute nécessité, ces trois sortes de
taisie de l'éplucher à mon tour. Et ne voilà-t-il
pieds entreront dans la prose; il ne reste donc
produire le nombre, qu'à les bien pas que notre censeur a laissé échapper, dans
plus, pour l'expression même de son blâme, un vers iambi-
placer. que ? Concluons de tout ceci, qu'il y a des nom-
Fort bien; mais duquel ou desquels de ces bres dans la prose, et que ce sont les mêmes que
trois systèmes de pieds se servira- t-on de préfé- ceux de la poésie.
rence ? La parole les admet nécessairement tous.
LVII Déterminonsmaintenant quelle espèced«
II est d'autant plus aisé de le comprendre, que
nombre convient le mieux au discoursoratoire. Les
souvent onfaitun vers parmégarde;etc'estmême
faute Mais notre attention n'est pas uns se déclarent pour l'ïambe, parce qu'il est le
une grave.
toujours éveillée, et nous ne pouvons nous écou- plus rapproché de la prose; ce qui l'a fait cboisir
les auteurs dramatiques, comme propre à
ter nous-mêmes. A peine parvenons-nous à éviter par
le vers ïambique et le vers hypponactéen cela donner à leur dialogue un air de vérité tandis
que le dactyle s'accorde mieux avec la pompe de
tient à la nature de la prose latine, qui est pres- l'hexamètre.
Notre oreille, Éphore, orateur médiocre, maissorti
que toute composée d'ïambes. que
l'habitude a rompue an rythme du vers ïambique, d'une excellente école, met autant de soin à em-
le reconnaît facilement au passage mais flI ployer le péon et le dactyle qu'à éviter le spon-
échappe à l'orateur d'autres vers, qui, pour être dée et le tribraque. Il prétend que les trois brèves
d'une nature moins familière, n'en sont pas moins qui suivent la longue dans le péon et les deux
des vers. Tendance vicieuse, contre laquelle il[ brèves qui la suivent dans le dactyle, font couler
faut se prémunir de longue main. le discours dans une pente douce et suffisamment
rapide; tandis que le spondée, avec ses deux lon-
Hiéronyme, célèbre péripatéticien, s'est appli- rend la phrase traînante, le tribra-
et que
gues,
qué à extraire de plusieurs ouvrages d'Isocrate
une trentaine de vers, la plupart Iambiques. Il
que, dont les trois syllabes sont toutes brèves,
lui imprime un mouvement trop précipité doit-
s'y trouve aussi quelques vers anapestes, faute
vraiment choquante. 11 y a bien un peu de mau-
ble écueil qu'il évite en gardant un juste milieu.
Quant à moi, je ne me rangerai ni du côté des
vaise foi dans la critique d'Hiérony me car il com-
partisans exclusifs de l'ïambe, ni du côté d'É-
mence par retrancher la première syllabe du pre- phore. S'interdire le péon, avec les premiers,
mier mot de la phrase; puis il y ajoute au dernier c'est se priver du nombre qui a le plus de dou-
I.e vers hypponacicen diffère du vers iambique, en ce
ceur et le plus de noblesse. Aristote en juge bien
qu'au lii'u de finir par un Iambe il se termine parun spondée. autrement, lui qui trouve le nombre Uéroïqua

iambus, sesqui pseon qui pedes in orationem non cadere potest, nec necesse est. se tamon hic coweetor, in *»
qui possunt ? quibus ordine locatis, quod eflicitur, uume- ipso loco, quo repreliendit (ut a me animauversum est
rosum sit necesse est. studiose inquireute in eum), munittil imprudens ipse se-
Sed quxritur, quo numero, aut quibus potissimum sitt narlum. Sit igitur hoc cegnitum, in solutis etiam verbis
iitemium. Incidere vero omnes in orationem, etiam exL inesse numeros, eosdemqtie esse oratorios., qui sint po&
linc intelligi potest, quod versus saepe in oratione per ira- tici.
prudentiam dicimus (quod vehementer est vitiosum sedt LVII. Sequitur ergo, ut, qui maxime cadant in oratio
non attendimus, nequeexaudimusnosmet ipsos); senarioss liera aptam numeri, videudum sit. Sunt enim qui lambi
vero et Hipponacteus effugere vix possumus. Magnantt cum put.ent, quod sit orationi simillimus qua de causA
enim partem ex iambis nostra constat oratio. Sed tament iieri, utispotissimumproptersimiUtudinemveritatisailhi-
eos versus facile agnoscit auditor sunt enim usitatissimi. beatur in FabtiHs; quod ille dactyiicus uumems hexant^
Inculcamus aulem per imprudeutiam saepe etiam minuss trorum roagnîtoquentiœ sit accommodatior. Ephorus au-
usitatos, sed tamen versus vitiosum genus, et longat tem levis ipse orator, sed profectus ex optima disciplina.
animi provisione fugieudum. Elegit ex multis Isocrati li- pawna sequitur, aut dactylum; fugitautem spondeum et
bris triginta fortasse versus Hieronymus, peripatetieus ifl1 Iroctaaeuiu. Quod enim p.-con habeat très brèves, daclylus
primis nobilis, plerosque senarios, sed etiam anapassU autem dnas brevitatc et celeritate syllabarum labi putat
quo quid potest esse turpius? et si in eligendo fecit ma. verba proclivius; coutraque accidere in spondeo et trti-
litiose prima enim syllaba deinta in primo verho sen- cha» quod alter longis coustaret, alter e brevibus fieret,
tentise, postremum ad verbum primum rursus syllabam1 altérant nimis incitatam aller am nimis tardant oralionem
adjunxit insequentis-lta factusest anapaestus is qui Ans.- neutram lem|>erataui. Sed et illi priores errant, et Kplin-
tophanxus nominatur quotl ne accidat, observai! sec rus in curpa est. Nam et qui preona pra?tereuut ofln
CICÉRON.
.r.v_
top élevé pour la prose, et l'ïarabe trop cou- le péon doctrine adoptée par Théophraste et par
forme au langage familier. Il condamne dans le 1 Théodecte.
discours, et la familiarité abjecte, et l'emphase Pour moi, je n'hésite pas à déclarer que tous
guindée. Il veut un ton de noblesse soutenue qui les pieds, mélangés habilement, doivent entrer
commande l'admiration. Il proscrit le chorée qui et se fondre en quelque sorte dans le discours.
présente une longue suivie d'une brève, mesure Comment se soustraire au reproche de monoto-
éjinle aux trois brèves du tribraque. Il lui donne nie, en reproduisant toujours certains pieds, à
même le nom de cordaciilue, à cause de son al- l'exclusion de tous les autres? Sans doute il ne
lure sautillante incompatible avec la dignité. Le faut pas que la prose soit cadencée comme la
pied favori d'Aristote est le péon. Il soutient que poésie. M;iis il ne faut pas non plus la dépouiller
tout le monde l'emploie sans s'en apercevoir, du nombre, qui ladistinguedu langage populaire.
parce que c'est un nombre intermédiaireentre le La langue des poëtes n'est pas assez libre, et
dactyle héroïque, et l'ïambe familier. Dans ces fart s'y fait trop sentir. La langue du peuple est
trois pieds, en effet, la partie postérieure, com- lâche et triviale. On écouterait la première sans
pa.ée à la partie antérieure, donne l'égalité, ou plaisir, et l'autre avec dégoût. Encore une fois,
un pour le dactyle, deux pour l'ïambe, et un et la prose ne doit être ni rigoureusement mesu-
demi ou le terme moyen, pour le péon. Ainsi, rée, ni tout à fait privée de mesure. Le péon y
Éphore et les autres partisans de l'ïamlie, en dominera, puisque ainsi le veut une imposante
s'arrêtant au nombre le plus facile, ont sacrifié autorité; mais on aura soin d'y entremêler avec
la dignité du discours à sa commodité. art tous les autres nombres dont le maitre n'a
Les vers sont remplis d'ïambi's et de dactyles. rien dit.
Il faut donc avoir soin de n'en pas mettre plu-
LVIII. Mais comment s'y prendre pour former
sieurs de suite dans la prose, qui repousse comme
absolument contraires à son génie toutes les ha- cet heureux mélange des nombres, opération
aussi délicate que celle d'assortir la pourpre à
bitudes de la versification. Or le péon est le pied
dont le vers s'accommode le moins. Raison de
d'autres couleurs?Et puis, comment assigner à
chacundes différents genres de discours les nom-
plus pour que la prose s'en empare. Èphore n'a
bres qui lui conviennent le mieux?
pas su voir que le spondée qu'il rejette, est de
même valeur que le dactyle qu'il adopte. C'est L'ïambe dominera dans le style simple; le
qu'il mesure les pieds par les syllabes et non péon, dans lestyle sublime; ces deux pieds seront
par les temps. Il se trompe de même sur le tri- l'un et l'autre soutenus du dactyle, qui s'y marie
braque, dont la mesure est de trois temps com- facilement; et il résultera de cette union, dans le
me celle de l'ïambe mais qui a l'inconvénient corpsdu discours,une agréable variété. Cet adroit
de mal terminer la phrase, parce que la voix, à mélange, en dérobant à l'attention le piège tendu
la fin dune période, aime à se reposer sur une uxoreilles, dissimulera lescombinaisons de sy-
syllabe longue. Telle est la doctrine d'Aristote sur métrie, et le succès de cette diversion serad'au-

vident mollissimum a sese numernm, enmdernqne am- est par iambo; sed eo vitiosus in oratione si pnnatnr ex-
tremus, quod verba melius in syllabas longiores cadunt.
plissimuin preteriri. Qiiod longe Aristoteli videtur secus
qui jndi(-at hernuin nnmerum grandiorem qnam desi- Atqne ba?c, quœ sunt apud Aristotelem eadem a Tlieo-
deret soluta oratio; iambum autem nimis e vulgari esse phrasto Tlieodecteque de pœone dicunlur. Ego autem son-
cermnue. Ita ueque humilem, nec abjectam orationem, tio, omnes in oiatione esse quasi permixtos et confusos
pedes ner enim effugere possemusaniinadvereioneni, si
nec niim's altain et exa^eratam probat; plenam tanien
eam vultessegravilalis, ut cos, qui audient, ad majorem semper iisdem uteremur; quia neque numerosa esse, nt
ailmiralionem possit tradncere. Trocliœum autem, qui poema, neque extra numerum, ut sermo vulgi, esse de-
est eodem spatio, quo clioreus, cordaccm appoint quia bet oratio. Alterum nimis est vinclum, ut de industria
conlraclio et brevitas dignitatem non habeat. Ita niuiuu factum appareat; alterum nimis dissoluturn, ut pervuga-
proba', eoque ait nti onines, sed ipsos non sentir?, quum tum ac vulgare videatur ut ab altero non deleclere, alte-
ulautur; esse autem tcrtium ac médium inter illos; sed rum oderis. Sit igitur, ut supra dixi, permixta et tempe-
ita factos eos pedes esse, ut in eis singulis modus iîisît aut rata numeris, nec dissoluta, nec tota numerosa, pûeone
sesquiplex, aut duplex, aut par. Itaque illi, de quibus maxime (quoniam opiimus auctor ita censet), sed reliquis
ante dixi tantummodocommoditatis liabueruul rationem, etiam numeris, qnos ille pt xterit temperata.
nujlam dignitatis. lambus enim et dactylus in versum ca- LVIII. Quos autem numéros, cuin quibus, tanquam
dont maxime itaqtie ut ver.siun fugîmus in oratione, sic purpuram misceri npmleat nunc dicemluni est, atque
lit sunt evitandi continuât! pedes. Aliul enim quiddam est eliam quibus orationis generibus sint quique accommoda-
oratio, nec quidquam inimicius,qnam illa versibus. Pason tissimi. lambus enim frequentissimus est in iis, qux de-
autem im'uimiî est aptus ad versum quo lifoenlius eum misso atque humili sermonedicuntur; pieon autem in am-
erepit oratio. Epborus vem ne spondeum quidem quem plioribus; in utroqoe dactylus. Ita in varia et perpetua
fugii, iulelliKit esse œqualem dactylo, qucm probat. Sylla- oralione hi sunt inter se miseendi et temperandi. Sic mi.
lus enim metienrtus peiles, non intervallis existimat nime animadvcrteturdelectationisaucupiuni,et quadrando:
H-vx\ idem rafit in troehajo, qui temporibus et intervalle orationis ùidustrin quœ latebit eu magis,s! si et vtrboruin
tant plus sûr, que la pensée et ('expression seront que culbute. L'oreille attend toujours la tin qui
plus remarquables. Les auditeurs, eu effet, tout est aussi pour elle un temps de repos. La fia doit
entiers à la pensée et aux paroles qui la déve- donc lui offrir le nombre qui la délasse. Mais il
loppent, demeurent sous le charme; et tandis faut que le dernier effet soit préparé dès l'origine
qu'ils cherchent à se rendre compte de leur ad- de la phrase, et que son mouvement initial soit
miration, le nombre leur échappe, et passe ina- combiné de manière a la faire glisser mollement
perçu. Il est vrai que, même sans le nombre, une jusqu'au point d'arrêt. Une bonne école un exer-
belle pensée bien exprimée ne saurait manquer cice fréquent, l'habitude d'écrire, rendent si facilee
de plaire. la pratique de cette, règle que, dans l'improvi-
Le nombre n'estpas une condition d'existence sation même, le nombre vient spontanément har-
pour la prose comme pour la poésie. Un discours moniser les périodes. La pensée n'a pas plutôt
où tout serait soumis au nombre, serait un poëme. conçu la place de la phrase, que les termes sontt
Il lui suffit, pour être nombreux, d'avoir une accourus en foule. L'esprit, avec cette inimagi-
allure égale et décidée, où rien de boiteux ne nable rapidité qui lui est propre, envoie chaque
trahisse un défaut d'équilibre. Il ne sera pas en- mot à la place ou il produit mieux son effet. Et,
tièrement composé de nombres, mais il se rap- tantôt dès le début, tantôt dans le cours de la
prochera de cette constitution. période, il en a préparé la chute, qu'il sait tou-
Et voilà pourquoi la difficulté d'écrire est pluss jours varier. Que la marche du discours soit
grande en prose qu'en vers. Ici, des lois positi- I- vive ou modérée, il faut aviser dès le commence-
ves invariables, nécessaires; là, des conditions ment aux moyensd'arriver au terme. Mais si, dans
de rythme vagues, arbitraires et négatives. Car le nombre, comme dans les autres ornements du
il ne doit être ni trop étendu, ni trop resserré, ni langage oratoire, nous suivons le procédé des
trop négligé. La musique a des temps frappés, poètes, c'esttoujoursen le modifiant, de manière
qui donnent à la mesure une précision parfaite. à ne pas donner à la prose l'air de la poésie.
La prose n'a que des règles générales, des pré- LX. Dans l'une comme dans l'autre, établissons
ceptes d'ensemble, quila laissent sans guide pour deux divisions, les matériaux et la mise en
les détails, et sans autre régulateur que le caprice œuvre, c'est-à-dire, les mots et l'arrangement
de l'oreille qu'elle veut séduire. qui les fait valoir. Pour chaque division, nous
LIX. On demande si le nombre doit s'étendre à formerons trois classes. Ainsi les mots seront
toute la période, ou ne se faire sentir qu'au com- ou anciens ou nouveaux, ou métaphoriques
mencement et à la fin. Ilsuffit, suivant l'opinion la car il n'est pas ici question des mots du langage
plus générale, qu'en s'arrêtant, la période forme ordinaire. L'arrangement, àson tour, nous don-
une chute nombreuse. C'est beaucoup, mais ce nera composition, symétrie, nombre. Sous tous
n'est pas assez. Il faut que cette chute soit un ces rapports, les poëtes, plus indépendants que
repos au bas d'une pente douce et non une brus- nous,montrent beaucoup moinsde réserve. Leurs

et sententiarum ponderibus utemur. Nam qui audiunt, bitus, non abjiciendus. Quare quum aures extiemum sem-
bœcduo auimadvertunt, et jucnnda sibi censent, verba per exspectent, iu eoque acquiesçant, id vacare numero
dico et sententias eaque dum animis attentis admirantes non oportet; sed ad bunc exitum tamen a priucipio terri
excipiunt, fugit eos et prsetervolat numerus; qui tamen debet verborum illa compreltensio, et tota cnpile ita
si abesset illa ipsa delectarent. Nec vero nimins ts cursus fluere, ut ad extremum veniens ipsa consistât. ]d aulern
est numeiorum orationis dico (nam est longealiterin ver. bona disciplina exercitatis, qui et multa scripseriut, et
sibus) niliil ut fiât extra nioduro nam id quidem esset quœcuraque etiam sine scriplo dicerent, similia scripto-
poema sed omnis nec claudicans, nec quasi fluctuans et rum euecerint non erit difficillimum. Ante enim circuin-
aequaliter constanterque ingrediens, nuraero6a habetur sciibiliir mente sententia,confestimqtie\erba concurrunt
oratio. Atnue id in dicendo numerosum putatur, non quod qnae mens eadem, quanihil est celerius, slatiin dimittit,
totuin coustat e numeris, sed quod ad numéros proxime ut suo quodqueloco respondeat; quorum descriplus ordo
accedit. Quo etiam difficilius est oratione uti, quam ver- alias alia terininatione concinditur atque omnia illa et
sibus quod illis certa quœdam et definita lex est, quam prima et media verba spectare debent ad ultimum. Jnter-
sequi sit necesse in dicendo autem nihil est prupositum, dum enim cursus est in oratione iucitatior, inlerdum ma-
nisiut ne iro modéra ta, autangusta,aut dissoluta, antfluens derataingressio utjamaprincipe videndum sit, qnemad-
sit oratio. Itaque non sunt in ea tanquam libicim percus. modum velis venire ad extremum. Nec in numeris niagis,
sionum modi, sed uuiversa comprehensio et species ora- quam in reliquis ornamentis orationis, eadem quum fiui,i-
tionis claueaet terminata est; quod voluptate aurium judi- mus, quae poetae, efTugimus tamen in oiatione posmalis
catur. similitudinem.
LIX. Solet autem qurcri, totone in ambitu verbomm LX. Est enim in utroque et materia et traclatio ma-
numeri tenendi sint, an in primis parlibus, atque>in ex- teria in verbis, tractatio in collocatione verhorum. Teruan
tiemiK. Plerique enim ceosent cadere tantum numerose autem sunt ntriusque partes Verboruin translatum,
ciportere, terminarique senlenliam. Est autem, ut id jna- hovum priscura nam de propriis nihil hoc looo dicûniie.
xinie deceat, non id solum poncndus est enim Hîe am- Ccllocationis autem, ex quasdi>imus compositio, coii'
métaphores sont plus mult!pliées et plus hardies. aux £
deux bouts de la phrase? Ensuite, puisqu'on
Ils aiment à s'emparer des mots vieillis et à distingue c ce qui est nombre de ce qui est nom.
créer des termes nouveaux. Ilsont aussi plus de breux, 1 en quoi consiste la différence? On de-
nombre, mais en cela ils obéissent à la loi de la mande i encore si tous les nombres de la période
ûécessité. On voit qu'entre eux et nous, il n'y a doiventc être de même longueur ou de longueur
ni trop de disparité, ni trop de ressemblance, inégale; i quand, pourquoi, où cette uniformité
et que leur nombre n'est pas le nôtre, puisque ou t disparité de dimension? quand faut-il une
nous pouvons faire un discours nombreux sans période ] entière? quand ne faut-il qu'un membre
le perpétuel emploi du nombre, auquel nous pou- ou ( une incise? quels sont les membres, quelles
vons suppléer quelquefois par la symétrie des sont s les incises qui ont ensemble le plus d'affi-
mots ou par leur arrangement. nité
i ?ou toutes ces distinctions sont-elles inutiles?2

Je me résume. Quel est le nombre qui con- parquets ] moyens, et c'est là notre objet principal
vient à la prose? tous les nombres mais chacun rendra-t-on
i le discours nombreu x ? 11 faut en outre
d'eux prédomine suivant les circonstances. Où examiner ( ce qui détermine la forme de la pé-
est la place du nombre? partout. D'où est-il né? riode, i et par quel circuitelleparvientàsonterme.
du plaisir de l'oreille. Son emploi exige-t-il des JI 1 faut parler de sa coupe, c'est-n-dire de ses
combinaisons? c'est ce que nous allons dire en membres. ] Voir s'il y en a de plusieurs espèces et
traitant de l'usage des nombres, quatrième et de diverses longueurs, et, s'il y en a plusieurs en
dernière partie de notre division. Dans quel but effet, dire comment, où et quand il convient de
se sert-on du nombre? pour plaire. Quand? tou-s'en servir. Enfin il faut ipprofondir la question
jours. Dans quelle partie de la phrase? d'un bout de l'utilitédes nombres, utilité qui n'est pas bien
à l'autre. Quelle est la cause du plaisir qu'il pro-appréciée car on la borne à un seul objet tan-
cure? la cause inconnue qui fait le charme des dis qu'elle en embrasse plusieurs.
vers; cause dont l'art analyse les effets mais que Sans répondre en détail à tant de questions
l'oreille, sans le secoursde l'art, semble deviner particulières, faisons ici une réponse générale.
par un secret instinct.
J'écarte toute autre forme d'éloquence, pour ne
LXI. Nous en avons assez dit sur la nature des considérer que le genre judiciaire. Avant d'en
nombres. Arrivons à leur usage, qui demande parier, je dois avertir que l'histoire et le genre dé-
un examen plus sérieux. monstratif s'accommodent parfaitement de pé-
Ici revient laquestion. Faut-il du nombre dans riodes semblables à celles d'Isocrate et de Thco-
tout cet ensemble que les gens ont nommé pé- pompe. La pensée s'y trouve en effet renfermée
riode, et les latins, contour, circuit, compréhen- comme dans un cercle assez étendu pour lui per-
sion, continuité ou circon.ccription? La place mettre de se développer avec toutes ses modifica-
du nombre est-elle marquée, soit au commen- tions et d'arriver complète aupointoù doit s'ar-
fois, II rêter
cement, soit à la fin de la phrase, ou, à la son mouvement. Depuis l'invention de la

cinnitas, numerus. Sed in utroqne frequentiores sunt et piis solum, an in extremis, an in utraque parte numerus
liberiores poeuB. nam et liansferunlver ba quum cmbrius tenendus sit? deinde, quum aliud videatur esse numerus,
\inn etiam audacins; et priscis libentius utunliir, et libe- aliud numerosum;quid intersit? tum autem, in omnibus-
rius novis. Quod idem fit in numeris in qnibus quasi ne numeris aqualiter particulas deceat incidere, an fa-
necessitati parère coguntur. Sed tamen liœc nec nimis esse cere alias hreviores, alias longiores, idque quando, aut cur,
diversa, neque ullo modo conjuucta intelligi licet. ita fit, quibusque partibus; pluribusne, an singulis; imparibus,
ut non item in oratione ut in versu, numerus exstet; id- an u-qualilms; et quando aut istis, aut illis sit utendum
que, quod numerosum in oratione dicitur, non semper nu- quœque inter se aptissime collocentur, et, qtiomodo? an
omnino nulla sil in eo genere distinctio; quodque ad rem
mero fiat, sed nonnunquam aut concinnitate ,aulcons[ni-
ctionc verborum. tnaxime pertinet, qua ratione numerosa fiat oratio? Expli-
ita, si numeras orationis qnsoritur qui sit omnis est, candum eliam est, unde orta sit forma verborum; dicen-
sert alius alio melior atque aplior: si locus in oiimi parle dumque, quantos circuitus faccre deceat; deque corum
verborum si unde urtus sit ex auriiim voliiplaie si corn- particulis et tanquam incisionibus disserendum est, quae-
lioncndoruin ralio jdicelur alio loco, quia peitinetadusum, i rendumque,utmmunaspecieset longitudosit earum, anne
quaa pars quarta et extrema nobis in dividendo fuil si, |jIiii»s; et, si plnres, quo loco; aut quando, quoqne gene-
nd quant rem adliibealur ad delectationem si, quaiulu re uti oporteat postrwno totius generis utililas explicanda
semper si, quo loou in tota continuatione verhorum si est, quie quidem patet latius, non ad unam enini rem ali-
quae res efficiat Noltiptatem; eadun, quae in versibus, quam, sed ad plurcs acrominodalur.
quorum modumnotai ars sed aures ipste tacito eum sensu
Ac licet singnlas resrespondentemdeunivcrsoge-
non ad
bine arle defùnunt. nere sicdicere, uteliam singulis satis responsum esse vi-
LXI. Satis multa de natura sequitur usus, de quo est deatur. Reinotisigiturreliquisgenei'ibusunumselegimus,
«ccuratius diaputanduin. In qno qusesitum est, in totone hoc, quod iiicausis Ibioque versatur, de qno diceremus.
rircuitu illa oratimtis, quem Giwci rapioSov, nos tum anv Kr;;u i" aliis, illest, in Installa, et in eo, quod appelainiit
bitum,lumi!ii'cuituin,tum«miprelienNioiieni.aut oonti- »nt£tixTtxôv, placet omnia dici Isocrateo The )pompeoi|iie
vuati>niem,aut lircumscriptionpiu diciinus an in princi* more, illa circumscriptione ambituque, ut tan'iuam inorbe
période, tous les auteurs un peu en réputation carrière. Mais ai-je atteint la perfection que pout-
qui se sont exercés loin de la lice du barreau suivait mon infatigable ardeur? Mes péroraisons
dans des compositions de pur agrément ont jeté trahissent partout les efforts obstinés de mon
presque toutes leurs phrases dans cet heureux ambition. La période est un corps de réserve qui
moule, d'où elles sortent riches de nombre et ne doit donner qu'au moment où les auditeurs,
d'harmonie. L'auditeur, délivré, par la nature du déjà enveloppés par les attaques de l'éloquence,
sujet, de cette inquiétude ombrageuse qui voit ne peuvent plus lui échapper. Serrés de trop près
un piége dans un discours étudié, savoure le pourtrouver le loisir d'épier quelques fautes dans
plaisir qui charme son oreille, et sait gré à l'ora- les manœuvres de l'orateur, ils reconnaissent
teur de la peine qu'il prend pour le faire naître. leur défaite, et vont jusqu'à désirer qu'elle s'a-
LXII. Au barreau, la période ne doit être, ni chève tant ils trouvent de charme dans l'admi-
toujours admise, ni constamment rejetée. Cet ration que leur inspire l'irrésistible pouvoir qui
artifice de la phrase, s'il était continu, amènerait les a subjugués.
bientôt la lassitude, et ne manquerait pas d'être Mais un tel effet ne peut se prolonger que
reconnu pour ce qu'il est, même par les moins dans la péroraison parce que c'est le morceau
habiles. Que deviendrait l'art oratoire, avec un final. Il faut être plus sobre de périodes dans
débit si composé? Le pathétique y perdrait son les autres divisions du discours. Quand on les ïi
accent, le langage des passions humaines serait employées dans les passages où elles peuvent être
entièrement dénaturé, toute ombre de vraisem- admises, il faut recourir aux nombres et aux
blance disparaîtrait; et, sans vraisemblance, plus incises. Car pourquoi ne risquerais-je pas ces ter-
de persuasion. Cependant, comme l'emploi du mes que l'usage n'a point encore introduits dans
nombre est quelquefois utile, voyons en quelle notre langue, mais qui sont la traduction litté-
occasion, pour combien de temps, et sous com- rale des xweot et des xoV;jio;t« des grecs? Notre
bien de formes il convient de l'admettre. Le vocabulaire ne pouvait pas posséder ces mots, si-
nombre est à sa place dans l'éloge pompeux. gnes d'idées inconnues chez nous. Mais comme
Aussi l'ai-je introduit, et dans ma seconde Ver- ils sont métaphoriques, et que l'usage consacre
rine, pour louer la Sicile, et dans le discours où journellement des métaphores hasardées pour le
le sénat m'entendit faire l'apologie de mon con- besoin et pour l'agrément, dans les arts, où la
sulat. Le nombre va bien aussi à la narration, qui langue n'a pas de mots pour des objets jusqu'a-
demande en général plus de dignité que de pa- lors ignorés, j'ai dû céder à la nécessité de créer
thétique aussi relève-t-il dans la quatrième Ver- de nouveaux termes, ou de donner, par méta-
rine, les descriptions de la Cérès d'Enna, de la phore, à des noms existants, une nouvelle accelt-
Diane de Sagesse, et du site heureux de Syracuse. tion.
Quant à l'amplification,un accord unanime l'au- LXIII. Nous dirons bientôt comment l'on pro-
torise à se déployer librement dans la rondeur cède par nombre et par incises. Commençons par
des périodes. Je m'y suis bien souvent donné énumérer les moyens de varier les périodes et

inclusa currat oratio, quoad insistât in singulis perfï'clis çeslana Diana, de Syracusarum situ diximns. Sœpe etiam
absolutisque sententiis. Itaque posteaquam est nata bœc in amplilicanda re, concessu omnium t'unditui1 numeroseet
\el circumscriptio, vel comprehensio, velcontinuatîo,vel volubiliter oratio. Id nos fortasse non periecimus, conati
ambitus, si ita licet dicere: nemo, qui atiquo esset in nu* quidem stepissime sumus quod plurimis locis peroraliones
mero scripsit orationem generis ejus, qtiod esset ad dele- noslrre, voluisse nos, atque animo eontendissedéclarant.
ctationem comparatura, remottnnque a jmliciis furensique Id autem tum valet, quuin is, qui audit, ab oiutore jam
certamine, quin redigeret omnes fere in quadrum nume- obsessus est, ac tenetur. Non enim id agit, ut iusidielur
rumque sententias. Nam qinjm is est aiuliior, qui non verea- et observet; sed jam favet, piocessumque vult, dicendi-
tur, ne composite orationis iusidiis sua fides attentetur, que vim admirans non iuquirit, quod reprehendat.
gratiam quoque habet oratori voluptati aurium servienli. Ilsoo autem forma retinenda iiun diu est, nec dico in
LXII. Genus autem hoc orationis neque totum assumen- peroratione.quamipseincludil,sed in orationis reliquis
dum est ad causas forenses neque oiiininorepudiandum. partitius. Nam quum sis his locis usus, quibns osteudi li-
Si euim semper utare, quum satietatem affert, tum, cere Iransfcrenda tola dictio est ad illa, quœ nescio cur,
quale sit, etiam ab imperitis agnoscitur. Detrabit prœterea quum Gr(Tce xô^y-ara et xw<ra Dominent, nos non recte
actionis dolorem aufert lnmianuin sensum actoris, tollit incisa et menrtbra dicamus. Neque enim essn possunt, ré-
funditus Tentaient et fidem. Sed, quoniain adhibenda non- bus ignotis nota nomina; sed quum verba, aut suavitatis,
uiinquam est, primum videndum est, quo loco, deinde aut iintphe causa Iransferre soleainus, in omnibus hoc fit
quandiu relinenda sit, tum quot modis commutanda. Ad- iutibus, ut, quum id appellaudum sit, quod, propter re
Jiibemla est igitur numerosa oratio, si aut laudandum est rum ignoi'ationem ipsarmn nullum habuerit aute nomen,
aliquid ornatius, ut nos in accusations secundo de Siciliae nécessitas cogat aut novum facere verbum, aut a simili
laude diximus, ut in senatu de consulatu mee: aut expo- nnitnaii.
nendanarratio, qurc plus dignitatis desiderat quam dolo- IA1II. Quo antem pacto decait incise nienibratimve
ris.utin quarto accusation^ de i:nn?nsi Cereie, de Se- dici, jam \itlobinms nunc, quot modis mutentur corn*
leurs chutes. Tantôt, ùès le début de la phrase, tant, dans temerilas, les trois brèves suivies
les brèves se multiplient pour donner des ailes d'une longue constituent le pied, auquel Aris-
au nombre; tantôt, des pieds plus chargés de lon- tote, par un goût que je ne partage pas, donne la
gues lui donnent une marche solennelle. La vi- préférence. Que voyons-nous ici? lamême pensée,
vacité des débats veut un rythme accéléré. La les mêmesmots. C'est assez pour l'esprit, ce n'est
netteté des expositions exige un mouvement plus pas assez pour l'oreille. Il ne faut pas user trop
calme. Quant à la chute des périodes, elle est loin souvent de cet artifice; il est trop remarquable
d'être uniforme. Les Asiatiques affectionnent le pour ne pas être immédiatement reconnu. La sa-
dichorée, on double chorcc. Leurs quatre derniè- tiété viendrait bien vite, et l'auditeur, en garde
res syllabes offrent donc deux fois de suite une contre un moyen si facile, ne l'accueilleraitqu'a-
longue suivie d'une brève. J'entre dans ce détail vec dédain.
LXI V. D'autres pieds forment encore une chute
parce qu'un mêmepied ne porte pas le même nom
chez tous les auteurs, dont les uns nomment cho- nombreuse et agréable le crétique avec sa brèvee
rée ce qui est le trochée des autres. entre deux longues, et le péon, qui a la même
Le dichorée n'est pas en lui-même une finale mesure, malgrè une syllabe de plus, passent pour
vicieuse; ce qui est vicieux, surtout en fait de s'adapter admirablement aux habitudes de la
nombre oratoire, c'est l'uniformité. Le dichorée prose. Le péon qui résulte d'une longue suivie
forme une chute harmonieuse et brillante. C'est de trois brèves, donne de l'énergie an commen-
pour cela qu'il ne faut pas le reproduire jusqu'à cement de la phrase; mais il en rendrait la fin lan-
la satiété. J'étais présent au forum, lorsque C. guissante. Le péon, renversé, qui, après ses trois
Carbon, fils de Caïus et tribun du peuple, pro- brèves, présente la longue, termine parfaite-
nonça ces paroles 0
Marée Druse patrem ment la période, au dire des anciens rhéteurs.
appelle. Voilà deux incises, chacune de deux Quant à moi, sans répugner à cette finale, j'en
pieds. Viennent ensuite deux membres de trois préfère quelques autres. Le spondée lui-même,
pieds chacun Tudicere solebas, sacram esse tout alourdi, tout embarrassé qu'il paraît de ses
rempublicam; puis ce fragment de période Qui. deux longues, a quelque chose de grave, et même
cutnque. eam violavissent, ab omnibus esse ei de nobledans son allure. Saplace est surtout dans
pâmas persolulas. Ce dernier mot est un di- les incises et dans les membres, où il compense
chorée car toute dernière syllabe est indifférem- le petit nombre des pieds par la lenteur de la me-
ment longue oubrève. Voici la chute l'alris die- sure.
tum sapiens, lemeritas jitii campnbavU. Ce Quand je parle des pieds qui terminent la pé-
fut merveille d'entendre quelles acclamations riode, je ne désigne pas le dernier pied exclusive-
excita ce dernier dichorée. Eh bien Cet effet ne ment j'y joins au moins l'avant-dernier, et quel-
tient-il pas au prestige du nombre? Changez l'or- quefois l'antépénultième. Pour l'avant-dernier
dre des mots, et dites, par exemple Compmba- pied, on peut choisir, ou l'ïambe, composé d'une
rilfUii lemeritas. L'effet a disparu. Et pour- longue et d'une brève; ou le tribraque, dont les

prchensiones conrlusionesque, dicendum est. Huit omuino jam niliil erit, etsi temeritas » ex tribus brevibus, et
numerus a primo tnm incitatius brevilate pedum, tum longa cst;quem Aristoteles ut optimum piobat; a quo dis-
proceritatetardius cnrsum contentionesmagis requirunl, sentiu. AL eadcm verba, eadem sententia. Animo istuc
expositiones rerum, tarditatem. lnsislit aulem ambilus satis est, auribns non satis. Sed id crebrius fieri non opor-
rnodis pluribns e qnibus nnum est secuta Asin maxime, tet. Priiinim enim mimwus agnoscitur; deinde saliat po-
qui dicbureiis vocatur, quumduo extremi cliorei sunt, id slea cognita racilitatecontt'Uiuitur.
est, e singulis longis etbievibus explananduniesleuiin, LXIV. Sed siiut dausulu" plures, quae numerose et ju-
quod ab aliis iidera pedes aliis nominantur vocabulis. l)i- j,
cusde cadant. Nam et creticus, qui est e longa, et brevi,
choreus non est ille quidem sua sponte vitiosus in clausu* et louga et ejus requalis pseon qui spatio par est, syllaba
lis; sedin orationis numero nibil est tam vitiosum, quain longior, quam commodissime putatur in solutam oratio-
si semper est idem. Cadit autem per se ille ipse praclare nem illigari, quum sit duplex nain aut e longa, et tri-
quo etiam saiietas formidanda est magis. Me stante, C. bus brevibus, qui numerus in primo vigel, jacet in
Carbo, C. F., tiibunus pleliis, in concione Jixit his ver- extremo: aut e tutidem brevibus, et longa, in quem op-
bis, « O Maroc Druse, patrem appello. » llœcqnidem duo timecuderecenseiiLveteres; ego non ptanc rejicio, sed alîo-4
hinis pedilms incisim. Deiu niernbratim Tu dicere sole- anteponu. Me spondeus quidem l'unditus est repudiandus
bas, sacram esse rempublicam. » Hœc item meinbra ter- etsi quod est longis duabus, hebetiorvidetur et tardior;
nis. Postambitus, « Quicumque eam violavissent, ab habet tainen stabilem quemdam et non expertem digni-
omnibus esse ci pœnas persolulas. » Dicboi eus. Nihil euim latis gradum in incisionibus vero mulla magis, et in
ad rem, extrema illa, longa sit, an brevis. Dcinde, « Pa- nicnibris; paucitateni enim pedum gravilalis suoe larditate
tris (lirhini sapiens, temerilas (ilii comprohavit. » Hoc compensai. Sed bus quum in clausulis pedes nomino, non
diclioreo tantus clamor couuionis exdtatus est, ut admira- loquor de uno pede extremo adjungo (quod minimum
hile esset. Quœro, norme id mimeras eft'ecerit? Vcrboriun
I Bit) proxinium superiorem, stepeetiam tertitim. ne iani-
uKlmem immola ;fac sic, Comprohavit filii lema itas » J bus quidem f]ui est e brcvi et ldngaj aul par ch'xeo, O'«
trois brèves offrent la même mesure ([«e l'iambe, tement la présence d'un nombre qui rend la
quoique avec une syllabe de plus; ou enfin le dac- prose nombreuse; cet effet résulte également de
tyle, qui est d'une longue et de deux brèves. Mais la disposition d'ensemble ou de certain rapport
il faut alors que le dernier pied soit un spondée de symétrie entre tels ou tels mots. Il est, par
ou un trochée: car l'un ferme la marche aussi exemple, des constructions si heureuses, qu'il
bien que l'autre; mais elle serait mal fermée par semble qu'on n'y aitpas cherché lenombre, mais
liambe ou par le tribraque, ou par le dactyle, qu'il soit venu de lui-même; tel est ce passage
à moins que le dactyle ne fût employé comme de Crassus Nam ubi lubirlo dominatur, inno-
crétique. Car, puisque en prose et même en vers, ccnliœ levé praesidium est. Ici l'ordonnance
on est maître de faire brève ou longue la dernière a tout fait pour le nombre sans que l'orateur
syllabe, crétique ou dactyle à cette place, c'est semble y avoir songé. Même remarque chez les
tout un. Cette valeur arbitraire de la dernière syl- anciens. S'il se rencontre du nombre dans Héro-
labe ne s'est probablement pas présentée à l'es- dote, dans Thucydide, et dans leurs contempo-
prit du premier qui a prétendu que le péon ren- rains, ce n'est pas qu'ils l'aient cherché il n'est
versé était, à cause de la longue qui le termine, que la conséquence fortuite de l'ordre où les mots
le meilleur pied final pour une période. Il y a sont venus se placer.
d'ailleurs des critiques aux yeux de qui le péon La symétrie des tours est aussi une cause
est un nombre, et non pas un pied parce qu'il nécessaire du nombre. Ainsi, quand il y a, soit
a plus de trois syllabes. Quoi qu'il en soit, tous corrélation entre les membres de la phrase, soit
les anciens rhéteurs, Aristote, Tliéophraste opposition de contraires, soit retour de la même
Théodecte, Éphore, s'accordent à regarder le consonnance ou de la même chute, la période se
péon comme éminemment convenable à la prose, termine presque toujours par une cadence har-
soit au commencement, soit au milieu d'une monieuse. J'ai déjà parlé de ces effets; j'en ai
phrase, soit même à la fin. Je pense, moi, que même cité des exemples. Mais on ne saurait trop
pour dernier pied de la période, le crétique est multiplier ses ressources pour varier les finales.
préférable. Toutes les places conviennent au Au reste, les règles que j'ai posées ne sont pas
dochmius, qui se forme de cinq syllabes, une tellement étroites, tellement obligatoires, qu'on
brève, deux longues, puis una brève et une lon- n^e puisse se donner, si l'on veut, un peu de la-
due, comme amicos tenes; mais ce nombre ne titude. Une prose nombreuse, je veux dire bornée
doit pas se répéter. Employé deux ou plusieurs à une imitation libre et non continue des nom-
fois de suite, il attire trop vite l'attention, et bres, est bien loin d'une prose qui y serait stric-
trahirait le secret de l'orateur. Changeons, va- tement asservie. Adoptez cette dernière, on n'y
rions sans cesse. Il n'est pas d'autre moyen de verra qu'une affectation intolérable. Renoncez
masquer l'artifice, et de prévenir la satiété. à l'autre, votre style va courir au hasard, sans
LXV. Nous l'avons déjà dit; ce n'est pas seu- ordre, sans mesureet sans lien.

hahet tres brèves sed spatio par, non syllabis; aut etiam LXV. Et quia non numéro solum numerosa oratio, sed
dactyliis, qui est e longa, et duabns brevibus, si est proxî- et compofiitione fit, et génère (quod ante dictum est) con-
mus a postremo, parum volubiliter pcrvenit ad extre cinnitatis compositione potest intelligî quiim ita structa
iniiin, si est extremus choieus, aut spondetis nunquam verba sunt, ut numerus non qurcsitns, sed ipse secutus
euim interest, uter sit eonmi in pede extremo. Sed !idem esse videatur; lit apud Crassura, Nsm, ubi luMdo do-
lii tres pedes male conclndunt, si quis eorum in extremo minatur, mnocentiœ leve praesidiumest. » Ordo enim ver-
locatus est, nisi qmim pro r.relico postremus est dactylus borum efn'cit uumerum sine ulla aperta oratoris industria.
nihil enim interest, dactylos sit extremus, an creticus; Itaque si quae veteres illi (Herodotum dico, et Thucydi-
qnia postrema syllaba, brevis, an longa sit, ne in versu dem, totamqne eam aetatem) apte nunierosequedixerunt
quidem refert. Qtiave eliam pœonnqui dixit aptiorem, in ea non numéro quœsito sed verborum collocatione ceci.
quo esset longa postrema, vidit parum quoniam nihil ad derunt. Forma* vero quaedam sunt orationis, in qnibus
rem est, postrema an longa sit. Jam paeon quod plures ea eoncinnilasinest, nt sequatur numerus necessario. Nam
habeat syllabas, quam tres, numerus a quihusilani non quum aut par pari referlur, aut contrarium contraiïo op-
pes tiahelur. Kst quidem, ut inter omnes constat anti. ponitur, aut.qn.t similiter cadunt verha, verbis compa-
qnos, Aristntelem, Theo|)lirastum Tlicodectem Epho- rantur quidquid ita concluditur, pleruinque lil ut mime-
rmn unus aptissiinus orationi vcl orienti vel médira rose cadat.. Quo de génère cum excmplis supra diximus,
putant illi etiam cadenti; quo loco mihi videtiir aptinr cre- nt haie quoque copia laculUklem atTerat non semper eorlem
ticus. Duchmius autem e quinque syllabis, brevi, duabus modo desinendi. Nec tamen h.iec ita sunt arcta et adstri-
longis, brevi, longa, ut est lioc, « Amicos tenes, » quosis cta, nt ea, qunm velimus, laxare nequenmus. Alultum
loeo aptus est, dum semel ponatur ileratus, aut conti- interest, titnim numerosa sit, id est, similis numeroi-iim,
ituatus numerum apertum et nimis insijjnem facit. His an plane e numeris conslet oratio. Alternni si lit, inlole-
igilur tot commutationihus, tarnqne variis si utemur, nec rabile vilium est; altcrum nisi lit, dissipata, et inculta,
deprcheudetur manifesta, qnid a n«bis de indnstria fiât, et fiiiens est oratio.
et oecurretiir sutictati. LXVI. Sed quoniam non modo non fréquenter, vernm
LXYI. Les formes périodique!, loin d'élre ha-
bituelles, au barreau et dans les causes sérieu-
i
nmieux
cupons
c
valu. Mais passons, car nous ne nous oc-
ici que de la structure de la phrase. Cur
ses, n'ont même que rarement l'occasion de s'y clandestinis
c consiliis nos oppugnant? cur de
montrer. Il devient essentiel d'y suppléer par les perfugis
p nostris copias comparant conlra nos?
membres et les incises dont j'ai déjà dit un mot. Ici
1, les deux premières parties sont des incises; la
Voyons en quoi consistent ces nouveaux moyens troisième est un membre, la quatrième est une
ti
de soutenir l'éloeution dans les débats où des ccourte période composée de deux membres, et
intérêts sérieux se trouvent en jeu. q se termine par des spondées. Cette ordon-
qui
Une période, pour être pleine et parfaite, doit nnance était commune chez Crassus, et je l'ap-
se composer de quatre parties distinctes, qu'on prouve
p hautement.
appelle membres. C'est cette période carrée qui LXVII. Quand on procède par membres et par
remplit le mieux l'oreille. Autrement la phrase incises, il faut donner un soin particulier à l'har.
il
paraît trop courte ou trop longue. Cependant mouie
n des chutes, comme j'ai tâché de le faire
il faut quelquefois, ou franchir ces limites, ou ddans ces quatre incises Domus tibi deeral? at
rester en deçà, suivant les besoins de l'oreille, hhabebas. Pecunia svperabal ? al egebas, ainsi
que trop de brièveté laisserait à jeun, ou que que
q dans ces deux membres qui viennent immé-
trop de longueur rassasierait jusqu'à la fatigue, diatement
d après: Incurristiamensincolumnas
Prenons pour terme moyen un à peu près, puis- in
i aliénas insanus insanisti. Ces courtes inci-
qu'il ne s'agit pasde vers, et que laprose n'exige sses, ces petits membres sans liaison, avaient
pas de mesure précise. t
besoin d'être soutenus par une sorte de digue;
Assignons en général à la période une éten- aussi
a ai-je terminé par une période plus étendue.
due qui représente la valeur de quatre vers hexa- Depressam,
J cœcam jacentem domum pluris,
mètres. Les quatre membres, dont chacun se quam te, et quam fortunas tuas œslimasti. Ce
q
rapprochera ainsi de la longueur d'un vers, se- ddernier mot est un dichorée. C'est un double

ront liés l'un à l'autre par des articulations sen- spondée


s qui avait marqué la chute du membre
sibles (conjonctions). Cependant, comme le re- précédent,
[ car dans ces phrases qu'on lance ra-
tour fréquent de cesjoints inspirerait bientôt de pidement
[ comme autant de coups d'aiguillon,
la défiance on aime souvent mieux, pour mar- 1 la brièveté même laisse plus de liberté dans le
quer la période, en détacher les membres, et les choix
c de la mesure. L'inciseestsouventd'unpied,
produire séparément. Le nombre se cache ainsi; plussouvent
[ de deux. Elle peut êlred'un et demi,
mais il n'en doit être que plus harmonieux, et ou
o de deux et demi. Il est bien rare qu'elle
l'effet en devient plus puissant. C'est ainsi que excède
e trois pieds.
Crassus a dit Missos faciant patronos; ipsi Les incises et les membres ont beaucoup de
prodeant. S'il ne se fût arrêté avant ipsi pro- i
force au barreau, surtout quand on presse, ou
deant, il se serait aperçu qu'il fesait un vers qu'on
q réfute un adversaire. Ainsi, dans mon
ïambique et peut-être prodeant ipsi aurait-il plaidoyer
j pour Cornélius 0 callidos hommes!

«liant rare in veris causis, aut forensibus circumscripte nis


r consiliis nos oppugnant? cur de perfugis nostris copias
nuinerusequc dicendum est sequi videtur, ut videamus, comparant
c contra nos? Prima sunt illa duo, quae xo;i.-
<[iui' sint illa, quae supra dixi incisa, quae membra. lliec |uxTg
(j Gncri vocant, nos incisa dicimus; deinde tertium
enim in veris causis maximam partem oralionis obtinent. xûLov
x illi, nos membrum. Sequitur non longa; ex duobus
Constat enim ille ambitus et plena coinprcheiisio e quatuor enim
e versibus, id est, merabris, perfecta comprehensio]
fere partibus, quae membra dicimus, ut et aures impleat, est,
e et in spondeos cadit. Et Crassus qnidem sic pterum-
et ne brevior sit, quam salis ait neque longior. Quanquam que
q dicnliat; idque ipse genus dicendi maxime probo.
utruinque nonnunquam, vel potius sœpe accidit, ut aut LXYIT. Sed quae iucisim aut membratim eiïeruntiir,
citius insistendum sit, aut longius procedendum, ne bre- e vel aptissime cadere debent ut est apud me
ea « D<>-
vitas defraudasse aures videatur, neve longiludo obtudisse. nmus tibi deerat? at habebas. Pecunia superabat? at
Sed habeo mediocritatis rationem née enim loquur de egebas.
e « llœc incise dicta sunt quatuor. At niembratim
versu, et est liberior aliquanto oratio. E quatuor igitur, quae
c, sequuntur, duo, « Incurrisli amens in columnas;
quasi itexanietrorum instar versuum quod sit, constat fere i: alienos insanus insanisti. » Deindo omnia, tanquam
in
plena comprehensio. Hia igitur singalis versihus quasi crepidine
c quadam, comprehensione longiore sustinuntur,
nodi apparent continuationis,quos in ambilu conjunginius. » Depressam, cœcam, jacentem doniiiru pluris quam te,
<
Sin membratim voluraus dicere, insistimus; idque quum et
e quam fortunas tuas œstimasli. » Dicbureo finitur. At
upus est, ab isto cursu invidioso facile 009 et sœpe disjun- dispondîro
c proxiraum illud nam in iis, quibus, ut pu-
garnis. Sed nihil tam debet esse numerosum, quam hoc, ginncutis,
£ uti oportet, brevitas facit ipsa liberiores pedes.
quod minime apparel, et valet plurimum. Ex hoc genere f
Srr-pe enim singulis uteudum est, plerumque Nuis (et
iilud est Crassi, « Missos facianl patronos; ipsi prodeant. v utrisque addi pedis pars potest non fere ternis amplius.
Nisi intervatlo dteissel, « ipsi prodeant, » sensisset pro- I
Incisim autem et membratim h'actala nratio in veris
ffcto pffusisse senarium omnino melius codent, « ]>ro- causis
c plurimum valet, maximeque bis locis, quimi aut
<k»t>i ipsi. » Sed de genere nunc disjinto. Cur cliuvlcsti- arguas,
î aut rcfcllas; utnostra in Corîiejiana secunila
» n / *» n _I elle
o rem excogitatam! o iiigcnia metuenda! luit Incompatible
(.11a est t * avec la prose, qui en repousse
fc"fc

j
Voilà trois membres. Diximus, voilà une incise, jusqu'à l'apparence. Ce n'est pas que les nombres
Testes dare voluimus, voilà encore un membre. ne i soient les mêmes pour les orateurs et pour les
Enfin une période à deux membres seulement, 1poëtes, et pour tous ceux qui parlent, et même
c'est le moins qu'elle comporte. Quem, guœso, pour tous les sons que l'oreille peut mesurer.
1

Hostrumfefellit, ita vos esse facturas ? Mais si les pieds sont identiques, la manière de
Rien ne porte coup avec plus de force et plus les combiner pour la poésie ne ressemble en rien
de sûreté, que ces incises de deux ou trois mots à la disposition qui leur est assignée pour la prose.
quelquefois d'un seul, flanquées de loin en loin Et il n'y a pas à s'y méprendre. Donnez à cette
par des périodes nombreuses, dont on a varié les ordonnance le nom de nombre, d'arrangement,
chutes. C'est ce que ne veut pas admettre le de fini, ou tel autre nom qu'il vous plaira, il n'y
mauvais goût d'Hcgésias, dans les malheureux aura pas sans son entremise d'élocution bril-
efforts qu'il fait pour attraper la manière de Ly- lante. Aristoteet Théophraste ont eu raison de dire
sias, qui est presque un autre Démosthène. Il qu'un discours privé de nombre roulerait indé-
va sautillant d'incise en incise, aussi pauvre de finiment comme un fleuve, et n'aurait pour le
pensée que de style. Qui le connaît, n'a plus à repos que des règles arbitraires, telles que la du-
chercher le typedu mauvais écrivain. Lesexem- rée de la respiration ou les marques faites par un
pies que j'ai empruntés a Crassus, ou tirés de copiste. Mais le nombre a un autre genre d'utilité
mes ouvrages, suffiront pour permettre à l'oreille d'une haute importance, puisque les pensées,
de juger que les moindres fragments du discours enchaînées avec art dans les liens de la période, y
ont leur harmonie. Mais en voilà plus qu'on n'en acquièrent une force qui se serait dissipée dans
avait encore dit sur l'emploi du nombre oratoire. le vague d'un style décousu. Voyez l'athlète ou
Essayons maintenant d'en faire connaître l'uti- même le gladiateur, jusque dans l'impétuosité
lité. de l'attaque ou les précautions de la défensive,
LXVIII. Bien parler, parler en orateur, vous dessiner tous ses mouvements suivant certaines
le savez mieux que personne, Brutus, c'est ren- règles de gymnastique. Toutes ses poses, si ad-
dre les plus belles pensées dans les termes les mirablement calculées pour les chances du com-
mieux choisis. Mais les belles pensées seront sté- bat, ne coûtent pourtant rien à la grâce. Qua
riles pour la gloire de celui qui ne les aura pas l'orateur porte aussi ses coups avec art, s'il veut
expriméesavec une justesse parfaite ;"et les termes faire une blessure profonde. Vivement pressé par
les plus brillants perdront leur éclat, s'ils ne sont son adversaire, qu'il pare avec adresse, et garde,
pas bien placés. Enfin les pensées et les paroles même en reculant, de la dignité dans son atti-
sans le nombre n'auront pas le vernis qui leur tude. Je compare les orateurs qui négligent les
donne tant de lustre. Ne nous lassons pas de ré- nombres à ces athlètes que les Grecs appelaient
péter qu'il ne s'agit pas ici de la mesure poétique à7ia>.5t!<jTpou; (étrangers à l'art de la palestre); et

•<
0 caîiidos iiomines! o rem excogilalam! n ingenia me- illustrât. Numerus autcm ( saepe enim hoc testandum est)
tuenda » Membratim adhuc deinde cœsim Diximus.» non modo non poelice junctus, vernm etiam fugiens
Ttursus membratim, « Testes dare volumus. » Extrema illum eiqtie omnium clissimillimus non quin iidein sint
sequitur comprehensio, sed ex duobus membris, qua numeri non modo oratorum et poetarum verum onmino
non potest esse brevior Il Quem, qnœso, noshum loquentium, denique etiam sonantium omnium, quae me.
fefellit, ita vos esse facturas? » Nec ullum genus est di- tiri auribus possumus; sed ordo pedum facit, ut id,
cendi aut melius, ant fortius, binis aut ternis ferire ver- quod pronuntiatur, aut orationis, aut poematis simile vi-
bis, nonnunquam singulis, paullo alias pltiribus inter deatur. Hanc igitur sive composilioncm, sive perfeclionem,
quae variis clausulis interponit se raro numerosa compre- sive nninerum voemi place! et adliibere necesse est, si
heiisio quam perverse fugiens Hegesias, dum ille quoque nrnate velis dicere, non soluni (quod ait Aiïstoteles et
imitari Lysiam vult, alterom pœne Demosthenem, saltat, Theophraslus) ne infinité ferator, ut flumen oratio, qna;
incidens particulas. Et is quidem non minus sententiis non ant spiritu pronuntiantis, ant interducla librarii sed
peccat, qaam verbis ut non qiuerat quem appellet ine- numéro coacta debet insistere; verum etiam, quod multo
ptum, qui illum cognovei-it-Sed ego illa Crassi et nostra majorem habent apta vim, quam soluta. Ut enim athletas,
posui, ut, qui vcllet, auribus ipsis, quid numerosum nec multo secus gladiatores videmus nihil nec vitando
etiam in minimis particulis orationis esset, judicaret. Et, facere caute, nec petendo vehementer, in quo non motus
quonlam plura de numerosa oratione diximus, quam hic habeat pala'Stram quamdam ut quidquid in his rébus
quisquam ante nos; nunc de ejus generis utilitate dicemua. fiat utiliter ad pugnam idem ad adspectum etiam sit venu-
LXVI1I. Nihil enim est'alind, Brute (quod quidem tu stum sir. oratio nec plagam gravem facit, nisi petitio fuit
minime omnium ignoras), pulchre et oratorie dicere nisi, apta; nec satis recte declinat impetum, nisi etiam in
optimis sententiis verhisqne lectissiiiiis dicere. Et nec sen. cedendo, quid deceat, iiitelligit. Itaqne, qualis eorum
Jentia ulla est quœ fructum oralori ferai nisi apte expo- motus quos &K%ka.ltrcço\iç Graeci vocant, talis horum mihi
sita, atqne absolnte; nec verborum Inmen apparet, nisi \idetur oratio, qui non clandunt nnmeris sententias; tan-
niligeuter collucatoinin: et tiortim îitrmnqne numerus tuiuque abest, ut, quod ii, qui hoc aut magistratum
loin de convenir que le ry tlime énerve lc discours, trouve, il est vrai chez eux, ni la vérité sévère,
comme le prétendent des hommes qui faute de m le mouvement régulier de l'éloquence; mais
maître, de talent, ou de travail, n'en ont jamais ils offrent, en compensation, une verve brillante
connu les secrets, je soutiens, au contraire, que, et une heureuse fécondité. Ce qui leur manque,
sans le nombre, l'éloquence au lieu de dominer, surtout, c'est l'art de varier leurs finales, qui sont
verrait son pouvoir s'évanouir. toutes taillées sur le même modèle. En récapitu-
LXIX. Mais rien ne demande plus d'habitude. lant les défauts que nous venons de relever, nous
Craignons les efforts maladroits. N'imitonspoint, 1
verrons qu'il ne faut ni hasarder ces inversions
par exemple tel qui, sans plus de mystère, ris- inusitées qui trahissent un calcul, ni intercaller
que des inversions forcées, pour rendre la phrase des mots inutiles qui accusent des vides mal rem-
plus coulante ou plus nombreuse. L. Célius An- plis, ni affecter des nombres trop courts qui mu-
tipaterdit, dans la préface de sa guerre Punique, tileut et disloquent la pensée, ni ramener sans
que s'il a jamais recours au nombre, ce ne sera cesse les mêmes cadences qui fatiguent comme
que par nécessité. Nous mettre ainsi dans sa con- un tintement. Fuyez ces quatre écueils, et vous
fidence, que de candeur! obéir à la nécessité, aurez évité presque tous les abus du rythme ora-
que de philosophie! mais c'est être par trop sim- toire. Nous nous sommes assez étendu plus haut
ple. Quand on écrit, ou quand on parle, on ne sur les perfections du nombre, pour qu'il devienne
saurait alléguer pour excuse une nécessité qui inutile de signaler ici les défauts qui leur servent
n'existe pas. Et, fallût-il l'admettre, on n'est de contrastes.
pas, du moins, obligé de la proclamer. Mais LXX Deux épreuves bien faciles vont nous met-
que fait Antipater, après cette belle apologie, tre à même d'apprécier sans hésitation toute l'uti-
qu'il adresse à Lélius, en lui dédiant son livre? lité de l'harmonie. La première consiste à changer
Il court après le nombre, à force d'inversions pé- l'ordre des mots dans une phrase bien construite.
nibles, qui ne rendent ses phrases, ni moins mai- Je vais tirer quelques exemples de mon plaidoyer
gres, ni mieux terminées. D'autres orateurs, et pour Cornélius. Neque me divitiœ movent, qui-
notamment les asiatiques, véritables esclaves du bus omnes Africanos et Lœlios, multi venatitii
rythme, vont jusqu'à intercal 1er des mots vides de mercatoresquesvperaruni.Faites un léger chan-
sens, qui ne servent qu'à compléter le nombre. gement, et dites Superarunt mercatoresvena-
D'autres, au contraire, donnent dans le défaut litiique, tout est détruit. Et, plus bas Neque
dont la contagion remonte à Hégésias; et, à force vestis, aut eœlatum aurai», et argentum, quo
de briser, de mutilerle nombre, ils appauvrissent nostros veleres Marcellos Maximosque multi
le style jusqu'à l'indigence des orateurs siciliens. eunuchi e Syria Mgyptoque vicerunt. Chan-
Deux frèris chefs de l'école asiatique, Hié- gez ainsi l'ordre des mots Viceruni eunuchi e
roclès et Ménéclès, orateurs que je suis loin de Syria JEgyptoqw. Troisième exemple Neque
mépriser, ont levé un troisième étendard. On ne ornamentaistavillarum, quibus L. PauUumet

inopia, ant ingenii tarditate, aut laboris fuga non sunt absunt, tamen hoc vitium compensant vel facultate vel
a&secuti, soient dicere, enervetur oratio compositiooe copia. Sed apud eos varietas non crat, quod omnia fere
verborum ut aliter in ea nec impetus iillus nec vis esse concludebantur uno modo.
possit. Qii.t» vitia qui fugerit, ut neque verbutn ila trajiciat,
LXIX. Sed magnam exereitationem res tlagitat, ne quid ut id de industria factum intelliganlur, neque inferciens
verba, quasi rimas expleat,necminutosnumerossequens,
eorum, qui genus hoc secuti non tenuerunt, simile facia-
mus; ne aut verba trajiciamus aperte, quo melius aut concidat delumbetque sententias, nec sine ulla coramu-
cadat aut volvatur oratio quod se L. Cœlius Antipater, tatione in eodem semper versetur genere numerorum is
in proœmio belli Punici nisi necessario facturum negat. omnia fere vilia vitaverit. Nam de laudibusmulla diximus,
O virum simplicem, qui nos niliil celet; sapientem, qui quibus sunt alia perspicue vilia coutraria.
servieiidtim uecessitati putet! Sed hic omnino rudis. Nobis LXX. Quantum autem sit apte dicere experiri licet, si
autem in scribendo, atque in dicendo necessitatis excusa- aut compositi oratoris bene structam collocationem dissol.
tio non probatur niliil estenim necesse; et, si quid esset, vas permutatione verborum. • {Corrumpatur enim tota res,
id necesse tamen non erat confiteri. Et hic quidem, qui ut h&'c nostra in Corncliana, et deinceps omnia Neque
banc a Lœlio, ad quem scripait, cui se purgat, veuiam me divitiae movent quibus omnes Africanos et Lselios
petit, et utitur ca trajectione verborum, et nihilo tamen multi venalilii mercatoresque superarunt. » lmmuta paul-
aptius explet concluditque sententias. Apud alios autem, lum ut sit, n Multi superarunt mercatoresvenaliu'ique »
et Asiaticos maxime, numéroservientes, inculcatareperias perierit tota res. Et quac sequetitur, Neque vestis aut
inania quaedam verba, quasi complementa numerorum. cselatum aurum et argentum, quo nostios veteres Mar*
Sunt etiam, qui illo vitio, quod ab Hcgesia maxime fluxit, cellos Maximosque multi eunuchi e Syria j£gyptoque vi*
infringendis concidendisque numeris in quoddam genus cerunt. » Verba permuta sic, ul sit, « Vicerunt eunuchi

abjectum incidant, Siculorum simillimum. Tertium est, in e Syria /Egyploque. Adde tertium, « Neque ornameota
quo fuerunt fratres illi, Asiaticorum rlietorum principes, isla villarum, quibns L. Paulluin et L. Mummium, qui
HiiTMles et Menecles minime mea sententia contem. rebus his urbem Italiainquc omnem referserunt, ab aliquo
neiuli. Etsi enim a forma veritatis et ab Atlicoriim recula ridra prrfacilc Drilaco nul Syro pot-uisse siiperari. Fac
L. Mummium, qui rebus lais urbem Italiamque mais il réunit toutes les autres beautés du style.
omnem referserunt, ab aliquo vides perfacilc Il n'en est pas ainsi de nos attiques. Dans leurs
Dcliaco aut Syro poluissr, superari. Mettez à la phrases déchiquetées, où la forme est aussi ché-
place Poluisse supemri ab aliquo Sy ro aut De- tive que le fonds, ils semblent, non pas mettre
liaco. On voit que, sans altérer en rien ni les mots en pièces le bouclier de Minerve, mais (si j'ose
ni les pensées, on porte un coup mortel à la phrase risquer une image dont la justesse excusera
la plus expressive, par le simple déplacement de la trivialité) séparer les brins d'un balai. S'ils
quelques termes. C'est qu'on a remplacé l'harmo- tiennent à me convaincre que c'est par dédain
nie par la confusion. l'assonsà laseconde épreuve, qu'ils rejettent le nombre dont je préconise l'uti-
qui présentera l'inverse de la première. Choisis- lité, qu'ils écrivent un morceau dans le goût
sons, dans un auteur peu soigneux du nombre, une d'Isocrate, ou à la manière d'Eschine et de Dé-
phrase sans harmonie. Puis, à l'aide d'un simple mosthène, et je me hâterai de proclamer qu'il
déplacement, donnons-lui le rythme et la liaison y a chez eux esprit de système, et non pas im-
dont elle est dépourvue, et voyons ce qu'elle aura puissance. Pour contre-épreuve, je me charge
gagnéàceltemétamorphose.Jetire mon exemple I detrouver quelqu'un qui acceptera le défi d'écrire
de l'allocution de Gracchus aux censeurs Abessc ou de parler, soit en latin, soit en grec, dans le
non potest, quin ejusdem hominis sit, probes style qu'ils se sont faits. C'est qu'il y a beaucoup
improbare, qui improbos probet. Quelle diffé- moins de difficulté à rompre la trame d'une pé-
rence pour l'harmonie, s'il eût dit Quin ejusdem riode, qu'à former de lambeaux épars un tissu ré-
hominis sit, qui improbos probet, probos impro- I gulier.
bare! Il n'est personne qui voulût désavouer la pour terminer, mon opinion réduite au
Voici,

phrase ainsi rectifiée, et qui se sentant capable de plus bref énoncé. Parier en périodes nombreuses,
la faire, aimât mieux la jeter dans l'autre monte. mais sans idées, c'est un trait de folie. Avoir des
Quand on parle sans harmonie, c'est par impuis- idées, mais les exprimer sans ordre et sans har-
sance et c'est alors qu'on se donne pour attique. monie, c'est se montrer étranger à l'art de la pa-
Ces attiques improvisés prennent-ils donc Démos- role. Imperfection, qui, pourtant, nefaitpasdes-
thène pour un Trallius, lui dont les foudres ac- cendre un hommeau rang des sots; qui, même
célérées par l'impulsion du nombre manifestent assez souvent, ne porte pas la moindre atteinte
la puissance de l'harmonie par leurs terribles ef- à sa réputation d'habileté. Borne, qui voudra,
fets ? son ambition à ce rôle. Celle de mon orateur
LXXI. Est-ce par goût que vous préférez un vise beaucoup plus haut. L'approbation ne le
style dont aucun nombre ne gêne la liberté? contente pas. Il bu faut conquérir une admira-
Contentez-vous.Mais, à défaut de liaison et d'en- tion qui éclate en applaudissements, en cris d'en-
semble, offrez-nous des beautés de détail. Si l'on thousiasme et il rougirait, lui, qui doit exceller
s'avisait de découper par fragments la grande en tout, si ce publie, idolâtre de quelque autre
composition du bouclier de Phidias, l'effet général talent, pouvait rien voir et entendre avec de plus
serait détruit; mais chaque fraction serait encore vifs transports.
un chef-d'œuvre. Thucydide n'a pas de nombre, Voilà, Brutus, l'orateur tel que je le conçois.

ita, « Potuisse superari ab aliquo Syro aut Deliaco. » Vi- tionis desidero ornamenta comparent. Isti autem quum
desne, ut, ordine verborum paullum commutalo, iisdcin dissolvunt orationem, in qua nec res, nec verbuni ullum
verbis, stante sententia,ad nihilum omnia recidant, quuin est, nisi abjectum non clypeum, sed, ut in proyerbio
sint ex aptis dissolula?) Aut si alicujus inconditi arripias est (etsi humilius dictum est, tamen consimile est), sco-
dissipatam aliquam senténtiam eamque, crdine verbo- pas, ut ita dicam, mihi videntur dissolvere. Atqtie, ut
efliciatur plane genushoc, quod ego laudo, contemsisse videantur,
rum paullum commutato, in quadrum redigas,
aptnro illud, quod fuerat antea diflluen sac solutum. Age, aut scribant aliquid vel lsocrateo more, vel quo .-Eschines
sume de Gracchi apud censores illnd » Abesse non po- aut Demosthenes
utitur; tum illos existimabo non despe-
test, quin ejusdem hominis sit, probos improbare, qui ratione reformidavisse genus hoc, sed judicio refugisse
improbos probet. » Quanto aptius, si ita dixisset, Quin autreperiam ipse, eadem conditione qui nti velit,utaut
ejusdem hominis sit, qui improbos probet, probos im- dicat, aut scribat, utra voles lingua, eo genere, quo illi
probare » Hoc modo dicere nerno uuquam noluit; nemo volunt. Facilius est enim aptadissolvere, quam dissipata
que potuit, quin dixerit. Qui autem aliter dixerunt, hoc connectere. Res autem se sic habet ( ut brevissirne dicam
assequi non potuerunt. Ita facti sunt repente Attici. Quasi quod sentio) composite, et apte, sine senteutiia dicere,
ordine et
vero Trallianus fuerit Demosthenes, cnjus non tam vibra- insania est; sentenliose autem, sine verborum et
rent fulmina Hla, nisi numeris contorla ferreatur. modo, infantia sed ejusmodi tamen infantia, ut ea qui
LXXI. Sed si quos magis délectant soluta, sequanlur utantur, non stulti hommes haberi possint, eliam plerum-
Eloquens
ea sane, modo sic-, ut si quis Phidim clypeum dissolveril, que prudentes quo qui est contentus,ntatur.
collocationis universae speciem sustulerit non siugulorum vero, qui non approbationessolimi soi admirationes, cla-
plausus si liceat inovere debet, omnibus oportet
operrnn veniistatem nt in Thacydide, orbem modn ora- mores,
Si vus idées répondent aux miennes, adoptez te frages capricieux de la multitude et de l'oreille?
modèle que je viens de tracer; si nos opinions mais malheureusement, dans les matières mêmes
diffèrent, persistez dans la vôtre. Je ne cherche- les plus importantes, la certitude m'a toujours
rai pas à la combattre. Je ne m'aviserai pas d'af- échappé. Je suis donc réduit à chercher dans le
firmer qu'après cette conscientiense disserta- vraisemblable ma règle de conduite et de goût,
tion, je sois plus près que vous de la vérité. Je puisque le vrai ne sort jamais de sa mystérieuse
puis voir autrement que vous, voir même au- obscurité. De votre côté, si mon travail ne vous
trement aujourd'hui que je ne voyais dans un satisfait pas, ne vous en prenez qu'à la dispro-
autre temps. Cette instabilité de jugement serait portion de mes forces avec les difficultés de l'en-
un léger mal si elle se bornait au sujet qui nous treprise. Avant tout, j'ai voulu vous complaire
occupe. Car comment asseoir sur une base inva- et si je me suis compromis par ma témérité, c'est
riable l'éloquence dont le but est de capter les suf- pour n'avoir pas eu le courage du refus.

ila rebns excellât ut ei turpe sit, quidquam aiit spectari, voluptatern qum duo sunt ad judicandum levissima; sed
.lut audiri libentins. ne in maximis quidem rebus quidquam adhuc iiiveni fit'-
Habes meum de oratore Brute judicium quod aut ruius, quod tenerem aut quo judtcium meum dirigerem
seqnere, si probaveris; aut tuo stabis, si aliud quoddam quam id, quodcumque mihi quam simillimum veri vide-
**sttuum in quo neque pugnabo tecum, neque hoc meum, retur, quum ipsum illud verum in occulto lateret. Tu autem
de quo tantopere hoc libro asseveravi, unquam affirmabo velim si tibi ea, quae disputata sunt, minus probabunlur,
esse verius, quam tuum. Poteslenim non solum aliud ut aut majus opus institutum putes,quam effici notuerit
mihi, ac tibi, sed mihi ipsi aliud alias videri nec in hac aut, dum tibi rogantivohierimobseqni,verecundiai)egandi,
modo res, quae ad vulgi assensum spectat, et ad aurium scribendi me impurienliam suscepisse.

NOTES SUR L'ORATEUR.

I. Brute, dubilavl Quintilien blâmait cette chute de riel, specierum, speciebus; et il préfère le mot forma,
phrase, (ix 4.) dont il se sert quelquefois dans l'Orateur, où il emploie
aussi le mot species, comme dans le passage qui est le su-
(I. Jalysi, qtiem Rhodividimus. Prologène, célèbre
peintre rhodien, travaillait à son fameux tableau du chas-
jet de cette note. Au reste, on lit dans Festus » Speciem
seur lalysus quand Démétrius, roi de Macédoine, assié- quam nos dicimus e«îo; Graeci dixerunt, Plato quidem
ideam. »
gea Rhodes. Le roi ayant su que ce peintre continuait son
travail dans un faubourg déjà occupe, le lit venir, et lui III. lias rerum formas appellat ideas. Platon traite
demanda comment il osait se croire en sûreté au milieu des idées dans le Parménide, dans le Timée, et dans le
des ennemis. « C'est que je sais, répondit-il, que vous ne dixième livre de la République. Il y établit que la véri-
faites la guerre qu'aux Rhodiens, et non aux beaux-arts » table science n'a point pour objet les choses singulières,
réponse qui plnl tellement à Démétrius qu'il plaça une visibles, changeantes et périssables, telles que sont yne
garde autour de sou atelier, pour préserver l'artiste de maison, un homme, un triangle, etc., mais l'original im-
toute atteinte et de toute distraction. Ce lableau d'lalv matériel, immuable et éternel, sur lequel chaque chose a
sue, transporté depuis à Rome dans le temple de la Paix, été créée qu'ainsi, pour devenir habile en quelque science
lent dans un incendie. et en quelque art que ce soit, il ne faut pas s'arrêter à II
Cote Veneris pulcfiritudiiw.in. Jouis Olympii, ant connaissance des individus, mais qu'il faut considérer les
Doryphori statua. les plus célèbres tableaux d'Apelle fu. genres et les espèces universelles. Pour connaître, par
rent deux Vénus, la Vénus Anadyomène et h Vénus de exemple, la nature et les propriétés des triangles, il ne
Cos. La statue de Jupiter Olympien passait pour le faut pas examiner un tel triangle en particulier, niais on
chef-d'œuvre de Phidias, le plus illustre statuaire de l'an- doit examiner le triangle en général. De même, pour con-
tiquité. Quintilien dit (xir 10) que Phidias représentait nallre en quoi consiste la vertu, il ne faut pas considérer
mieux les dieux que les hommes, et que son Jupiter ajou- la vertu de Socrate, de Phocion, ou de quelque autre
tait quelque chose à la religion des peuples. le Dory- homme vertueux; mais on doit s'attacher à examiner l'ea-
phore, œuvre de Polyclète, était une petite statuo qui re- sence de la vertu en elle-mème. Cicéron suit exactement
présentait, comme l'indiqueson nom un guerrier portant cette méthode dans son Traité. Quoiqu'il rende justice ait
une lance. Les artistes l'appelaient la règle, 6 xavùv. mérite et à réloqnence de Démosthène, d'Eschine, de
Sic pcrfcctcs eloquentics speciem animovideinus. Ci- Crassus, d'Antoine et des autres orateurs tant grecs que
céron traduit le mot grec làix tantôt par species, et tantôt romains, il ne s'attache à aucun d'eux pour établir son
niir/orma. Ainsi, il ditdans ses Académiques(1,8): « Hanc système; il le fonde entièrement sur l'idée de la parfaite
iili iUotvappellabant, jam a Platone ila norainatam; nos éloquence. Or, comme tout le fond de son livre est appuyé
recte speciem possumus dicere; mais, dans ses Topi- sur la doctrine des idées platoniques, i1 ne sera pas hors
philosophique par la raison qn'il n'oserait i
l'ifa (c. 8), il rejette ce même mot species de la langue
dire au pin.
de propos d'en donner ici une explication plus détaillée.
Nous nous servirons pour cela de doux ou trois passives
de saint Augustin où l'on trouvera cette doctrine bien ex- ssoient les uns des autres, Us sont tous unis par des notions
posée. communes
c et par des règle» sûres, qu'on nomme les pre.
primus appellasse perhibetur.Sunt ideœ miers principes. D'un bout de l'univers à l'autre, toua
« Ideas Plato n
« principales forma- quasdam vel rationes rerum slahiles sont
s d'accord sur les vérités des nombres, sur les vérités
« atque immutabiles, quae ipsae formate non sunt ac per dde la géométrie, et sur les règles immuablesde la morale.
a hoc seterna1 ac semper eodem modo sese hahentes, quas Le père Malebranche s'est servi des principesde saint Au.
« iu divina intelligentia conlinentur. Et quum ipsae nec gustin,
g pour établir son sentiment sur les idées. On peut
« oriantur, nec intereant,
secundum eas tamen formaridi- voir
v sur cela sa Recherche de la vérité, ses Réponses à
quod oriri et interire potest. Quod si recte M. Arnauld, et ses Entretiens sur la métaphysiqueet sur
« citur omne,
B

« dici vel credi non potest, Deum irrationabiliter omnia la religion. Mais le père Malebranche ne s'en tient pas là;
omnia ratione sint condita, née. i prétend encore que nous voyons les corps en Dieu. C'est
il
« condidisse, restat, ut
eadem ratione homo, qua equus. Hoc enim absurdum tune question dans laquelleje n'entrerai point; elle est étran-
« existimare. Singula igiturpropriissuntcreataralionibus. gère
{ à notre sujet. (Note empruntée à M. V. Leclerc.)
« lias autem rationes ubi arbitrandum est esse,
nisi in III. Non ex rltetorum,ofjicinis sed ex Academiœ spa-
• mente creatoris? » ( D. Augustin., Liber oc/og. trium
tiis. C'est donc, selon Cicéron, de la philosophie platonique
quœst., Q.iB.) qu'on
c doit tirer ce fonds de connaissances, si nécessaire
ratio- ài l'orateur; c'est d'elle qu'on apprend à bien penser et à
• Insinuavit nobis animam humanam et mentem
beatilicari, non illuminari, nisi bien parler, comme dit Horace
« nalem non vegetari,non
1

« abipsa substantia Dei. » (Id., Tract. 23, in Joann.) Scribendi recte sapere est et principlum et font.
Dans le livre de Magistra, chap. n, il dit « De uni- Rem tibi Socraticœ poterunt ostendere charte.
« Tersis, quœ intelligimns, non loquentem, qui personat {De Art. poet., V, 308.)

« foris sed intus ipsi menti praesidentem consulimus ve- Ce passage de Cicéron a été cité par Quintilien (m, 2) et
« ritatem. Ille autem,
qui consulitur, docet, qui in inte- par Tacite. (Dial. de orat., c. 32.)
« riore homine habitare dictus est Christus, id est
immu-
II résulte IV. Anaxagorœ physici. Anaxagore de Clazomène le
« tabilis Dei virtus, atque sempiternasapientia. » te
premier philosophequi ait enseigné à Athènes, était Ii
de ces passages 1° que les idées sont éternelles et im- estimé pour l'élévationet la sublimité de sa doctrine, qu'on
muables 2° qu'elles sont les archétypes et les modèles de
chaque chose; 3° qu'elles sont dans l'entendement divin;
l'
le nomme Esprit Nous. Il eut parmi ses disciples So.
4° que Dieu a créé toutes choses sur ces modèles 5° que
crate, Euripide et Périclès. (Quintil., xn, 2.)
les idées sont bien différentes des perceptions que nous en
Cujus ex epistolis intelligi licet. Nous n'avons plus
ces lettres de Démosthène; elles sont toutes perdues, à
avons, puisqu'elles ne se peuvent trouver qu'en Dieu qui l'exception de six.
en est la source, qui éeliiire tous les esprits, et qui en est
la souveraine et immuable vérité 6° que toutes nos idées V. M. Antonius. Voyez sur t'orateur Antoine, Brutus,
particulières ne sont que des perceptions et des participa- ehap. 36 et suiv.
tions causées par l'action des idées divines sur notre en- VI. Tria suntomnino genera dicendi. Cicéron donne
tendement. ici une idée générale des trois styles, du sublime, du
En effet, comme mon œil n'est point la lumière qui me simple, et du tempéré, on plutôt des trois caractères de
rend visibles les objets dont je suis environné, et que je ne perfection qu'il exige de son orateur. 11 est important de
pourrais les voir s'ils n'étaient éclairés par les rayons du remarquer exactement les propriétés et les convenances
soleil matériel de même mon esprit n'est point la lumière qu'il attribue ici à chaque genre d'éloquence,pour se mettre
de mon intelligence, il n'est que la faculté qui reçoit les en état de mieux juger de l'application ample et détaillée
rayons de cette lumière primitive et originale, de ce soleil qu'il en fera dans suite, depuis le chapitre 23 jusqu'au
divin qui habite en chacun de nous, et qui illumine tout chapitre 29.
homme venanten ce monde. (Joann., i 9. ) Cette lumière
universelle se communique à tous les esprits avec mesure, VII. In illo sermone nostro, qui est expositus in
à proportion de leurs besoins, et selon le degré de leur Brute.
Cicéron renvoie ici au chap. 9 du Brutus, ou
attention. l'on peut voir comment il parle de Démosthène.
On ne peut pas dire que je me donne à moi-même mes
Dici se desiderant allicos. Voyez ce que Cicéron dit
idées, ou que je les reçoive des autres, puisque ma rai- du faux atticisme, Brutus, chap. 82 et suiv. Il parle en.
de ces prétendus attiques au chapitre premier de ta
son, de même que celle des autres hommes, est chan- core seconde Tusculane.
geante, incertaine, sujette à l'erreur, et que les idées sont
Ne A thenas quidem ipsas magis credo fuisse atticas.
certaines, éternelles et immuables. Les hommes peuvent
parler pour m'instruire mais je ne dois acquiescer à leurs Cicéron en proposant Démosthène pour un modèle d'atti-
instructions qu'autant que je trouve leurs discours con- cisme, et en déclarant qu'Athènes même n'était pas plus
que lui dans le goût attique, nous fait entendre qu'aucune
formes à ce que me dit le maître intérieur c'est lui qui
des perfections de l'atticisme ce lui manquait; qu'il savait
me redresse,quand je m'égare, et qui me rappelle à la vé employer, selon les occasions, tantôt l'air naturel et déli-
rité, lorsque les autres m'en éloignent. Il est comme une du style simple, tantôt la douceur et les ornementsdu
i-ègle infaillible, qui redresse les lignes tortues, et qui cat
la grandeur et la majesté du sublime.
confirme la justesse de celles qui sont droites. Je n'ai donc tempéré, tantôt
qu'à rentrer au dedans de moi-même j'y trouverai un VIII. Semper oratorum eloquenliœ moderatrixfuit
maître qui m'enseignerales vérités dont j'ai besoin, et qui auditorum pmdentia. On voit que ceci n'est pas un
me fera connaître si ce que les autres me proposent exté- précepte mais un fait. Cicéron ne dit pas expressément
rieurement, est vrai ou faux, juste ou injuste. Cette rai- que les orateurs doivent se régler sur le goût de ceux qui
son, supérieure à la mienne, et supérieure à toutes les les écoutent il dit seulement qu'ils s'y règlent toujours
autres raisons bornées et imparfaites, se communique en dans la vue de plaire, et que ce mauvais usage a produit
tout temps, en tout lieu, à tous les esprits qui la consul- ces discours fastidieux et emphatiquesqui étaient du gdùt
tent avec attention et avec docilité. Elle assujettit tous les des peuples de l'Asie. 11 est vrai que l'orateur doit étudier
hommes, de quelque pays qu'ils soient, et quelque éduca- les mœurs les inclinations et les dispositionsdes auditeur»
tion qu'ils aient reene, à penser et à parler de même sur pour en profiter; mais il est faux qu'il doive toujours «
un certain nombre de vérités. Quelque éloignés qn'ils conformer à lent pont; il fant même s'en éloigner, quand
4i
31
:\1
cicd`no~. –
CKrfROS. mre. I.
TO*r.,
II est dépravé et corrompu. Que prétend donc ici l'auteur ?1 que l'on exalte si fort parmi les Romains, et dont tout le
Il veut que l'on se règle sur le goût des Athéniens, goût mérite ne consiste souvent que dans une timide et circons-
•ilrel exquis, et que Démosthène, qui est celui de tous pecte délicatesse? Concluons donc qu'écrire et parler
les orateurs qui a le mieux réussi dans l'éloquence, soit re- attiquement, c'est parler de la manière la plus parfaite;
gardé comme le plus parfait modèle en ce genre. mais que chaque orateur attique est différent des autres
VIII Caria et Phrygia et ilysia quod minime po- par le caractère d'esprit.
Utœ minimeque elegante.1 sunl. eorum vieilli. Rho- IX. Ab Aristophane poeta. Les deux vers d'Aristophane
du nunquam probaverunt. auxquels Cicéron fait allusion dans ce passage sont dans
Les Cariens, les Phrygiens, les Mysiens, habitaient les Acharniens, vers 529. JI avait d'abord écrit ab Eu-
cette région de l'Asie Mineure qu'on appelle aujourd'hui poli poeta, trompé par des vers d'Eupolis sur Périclès,
la Natolie. Les Grecs de Carie, de Mysie, et de Phrygie qu'il a rappelés lui-même dans le Brutus, c. 9; mais plus
sont grossiers encore, et ne semblent connaître d'autre mé- tard, dans une lettre à Atticus (xu 6), il le pria de cor-
rite que le luxe des satrapes auxquels ils sont asservis; riger cette erreur sur son exemplaire, en y substituant
leurs orateurs déclament avec des intonations forcées des Aristophane à Eupolis.
harangues surchargées d'une abondance fastidieuse. » Aliqui se Thucydidios esse profilenlur. Thucydide a
(Voyage d'Anacharsis, chap. 58.) Rhodes n'est éloignée des toutes les qualités nécessaires pour bien écrire l'histoire
rivages de la Carie que d'environ dix lieues communes. mais Cicéron ne trouve pas la lecture de son livre utile à
In illa pro Ctesiphonte oratione. Cicéron avait l'orateur, pa rce que, dit-il, son style n'est ni assez harmo.
traduit en latin la harangue de Démosthène pour Ctési- nieux, ni assez lié, ni assez arrondi. Thucydidesprœfrac-
phon, avec celle qu'Escliine, son rival, avait faite contre tior, necsatis, ut ita dicant, rotundus. (Orat., c. 13.)
lui. Mais il ne nous reste de ce travail que l'avant-propos In Thucydide orbem orationis desidero. (Ibid., c. 71.)
^fue Cicéron avait mis en tête des deux plaidoyers.
Subtilem et elegantem tamen. Quintilien dit aussi
Facile est enim verbum aliguod ardens. notare, (xn, 10) Lysiaca gracilitas.
idque restinctis joui animorum incendiïs irridere.
«
Quum mutila quœdam et hiantia loculi
»

gerrnanos se putant esse Thucydidos. C'est ainsi


sunt.
Eschine, pour tourner en ridicule les expressions de Dé-
mosthene, les tirait hors de leur place, et les lisait lan- comme nous t'apprend Quintilien (x, 7), que des imita:
guissamment, dénuées du feu avec lequel l'orateur les avait teurs maladroits se croyaient des Cicérons parce qu'ils
prononcées. linissaien leurs périodes par esse videatur.
IX. Ad Atlicorum igitur aures teretes et religiosas X. Una Gallia eommuni non ardet incendie. César,
qui se accommodant, ii sunt existimandi atlice di- avant de passer en Afrique, pour combattreCaton, Scipion
cere. Quintilien (xii, 10) a fort bien édairci cette ma- et le restedes légionsqui s'y étaient retirées après bataille
tière mais sa dissertationétant trop étendue pour trouver de Pharsale, donna le gouvernement de la Gaule cisalpine
place ici en entier, en voici l'abrégé. Il ya une grande diffé- à Brutus, qui administra cette province avec tant de mo-
dération et de sagesse, qu'elle ne se sentit point des désor-
rence, selon lui, entre le style attique et le style asiatique. dres et des maux de la guerre civile.
Le premier est serré sain et pur le second, au contraire,
est diffus, enflé, et souvent vide de choses. L'un n'a rien Catone absoluto. Après la mort de Caton, Cicéron
de superflu; l'autre ne garde ni bornes ni mesure. De composa son éloge, à la prière de Brutus. César, dont ce
grand citoyen avait été l'ennemi le plus constant, répon-
ces deux genres de style est né le rhodien, style qui par- dit à cet éloge par une satire, intitulée Anli-Cato.– Re.
ticipe des deux autres car il n'est ni aussi serré que l'at-
tique, ni aussi diffus que l'asiatique; en sorte qu'il semble marquons que Cicéron en disant qu'il n'eût point, sans
tenir quelque chose du génie de son auteur. En effet, les instances de Brutus, entrepris cet éloge dans un siè-
cle ennemi de la vertu, tempora timens inimicavirtuti,
Kschine, qui avait choisi Rhodes pour le lieu de son exil,
laisse échapper une plainte peu honorable pour le gouver.
y pot ta le goût et les sciences d'Athènes, y établit une nementde César, et parait vouloir chercher un abri contre
école d'éloquence, et y forma des disciples mais comme
la vengeance du dictateur derrièrele nom de Brutus. Aussi
les plantes dégénèrent en changeant de climat et de ter- Cécina, qui redoutait César, écrivait-il à Cicéron, peu
roir, de même le goût attique perdit beaucoup de sa pre- après la publication de l'Orateur Vous-même, vous aug-
mière pureté parmi les Rhodiens, après Ja mort d'Eschine.
mentez nos alarmes, quand je vous vois dans votre Ora-
On ne peut douter que le genre attique, ce genre si pur, teur, vous mettre à couvert sous le nom de Brutus, et
si naturel, si éloigné de toute affectation, ne soit le plus
chercher un complice qui vous fasse excuser. (Ad Fam.
parfait. Les auteurs qui ont écrit dans ce style ont quel-
Epist. vi, 7. )
que chose de commun entre eux savoir, un jugement
excellentet un goût sur mais ils différent par le caractère XII. Ut verba verbis quasi demensa etparia respon-
d'esprit. C'est pourquoi je pense, dit Quintilien, que ceux- deant. Voici un exemple de cette figure, tirée de la harangue
là se trompent, qui n'admettent le goût attique que dans pour la loi Manilia, où Cicéron fait un éloge magnifique
les orateurs qui ont un style simple, clair, expressif, et qui des vertus et des exploits de Pompée « Ita tantum bellum,
contents, pour ainsi dire, d'une certaine II ugalité d'élo- tam diuturnum, tam longe lateque dispersum quo bello
quence, s'interdisent les grands mouvements. Que veu- omnes gentes ac nationes premebantur, Cn. Pompeins
lentils ajoute Quintilien, que nous prenions pour exem- extrema hieme apparavit, ineunte vere suscepit, media
ple? Lysias? Je le veux. En effet, c'esl l'auteur favori des aelate confecit. (i, 12.) On voit dans cet arrangement un
partisans du goût attique. Mais je leur demande si Iso- rapport de paroles qui se répondent mutuellementles unei
crate n'a pas écrit dans ce style; ils diront peut-être que aux aubes ;en sorte que lesdilférents membres de la phrase
non. Cependant c'est de son école que sont sortis les plus présentent à peu pros-le même nombre de syllabes, et for-
grands orateurs d'Athènes. Hypéride n'est-il pas dans le ment une espèce de concert mesuréqui natte agréablement
geut altique? toutefois il a beaucoup plus donné à la dou- l'oreille.
ceur et à l'agrément du style que Lysias. Que diront-ils Ut pariter extrema terminentur, eumdemque réfé-
d'Eschine?N'est-il pas plus étendu plus hardi, plus élevé, rant in cadendo somtm. Cicéron réunit ici deux figures
que tous ceux dont viens de parier? Que diront-ils de bien connues des rhéteurs, dont la première s'appelle en
Démosthène? N'a-t-il pas plus de foree, plus de grandeur, latin similiter desinens, et la seconde similiter codais.
plus d'impétuosité plus d'harmonie que tous ces orateurs Selon les lois de la première la; membres de la phrase
doivent se terminer parles mêmes consonnances; comme quentia, quum comte! e voce alque molu. Cicéron a d I
Vuxfuil tam egregius, ut ejus semper voluntatibus encore dans son traité de Oratore (ni, 56) Est
enim
non modo cives assenserint, socii obtemperarlnt ho- actio quasi sermo corporis. » La voix et le geste sont
stes obedierint, sed etiam venti tempestatesque obse- les deux parties qui composent l'action l'une frappe l'o-
enndarint. (Pro leg. Manil., c. 16.) Selon les règles reille el l'antre les yeux; deux sens dit Quintilien(xi 3),
de la seconde, on doit terminer les membres de la période par lesquels nous faisons passer nos sentiments et nos pas-
par des cas semblables, comme, Est idem Verres, qui sions dans l'âme des auditeurs. Quorum aller oculos
fuit semper; ut ad audendum projectus, sic ad au- altera aures movet, per quos duos sensus omnis ad
diendtlm paratus. » (In Verrem, i, I.) Cicéron n'apoint animum penetrai a/fectus.
négligé ces tours de phrase et ces délicatesses de langage XVII. Nam et infantes. Diserti est, dans cette
dans ses discours; mais il ne s'y est point livré avec phrase, opposé à infantes (in priv. fari, parler, qui
excès. nee
savent pas parler); d'où il suit que le mot infantes a la
XII. Isocrates ea studiose consectatum fatetur. Iso- signification de indiserti, infacundi.
crate (Panathénaïque, c. 1 ) se reproche à lui-même le XVIII. Est in dicendo etiam quidam canlus obscw
trop de soin qu'il mettait, dans sa jeunesse, vEWTepoç |ùv rior. On peut avoir recours à cette espèce de prononcia-
wv, à rechercherles fleurs de la rhétorique il se corrigea tion, qui approche du chant, pour inspirer auxauditeursdes
de cet excès à mesure qu'il avançait en âge. Voyez l'éloge sentiments de compassion. Alors la voix, après s'être
un
que Cicéronfait de cet auteur, Brutus, c. 8. peu soutenue, baisse insensiblement; et ces sortes de
Herodotus Thucydidesque. Voyez dans Quintilien (x, i) tons sourds et gémissantsont
une certaine douceur, triste
et dans Denys d'Halicarnasse(édit. de 1586, p. 69) un pa- et touchante, capable d'attendrir les cœurs. « Ce sont, dit
rallèle entre Hérodote et Thucydide, qui complète celui Quintilien (xi, 3), ces mêmes inflexions de voix que Démos-
qu'en fait ici Cicéron. thène et Eschine se reprochaient l'un à l'autre, et qu'il ne
XIV. Quid dicat, etquo quidque loco, etquomodo. faut pas condamner pour cela; car, puisqu'ils se les repro-
Cicéron indiqueici le devoir de l'orateur. Quid dicat ora- chent, il est évident qu'ils en ont tous deux fait usage. »
ter, ce qu'il doit dire l'inventionlui en montre les moyens. Cicéron ne blâme donc point ces imitationsde modulations
Quo quidque loco, comment il doit arranger les diffé- adoucies il ne les blâme que lorsqu'elles sont trop mar-
rentes parties de son discours; la disposition en fixe les quées, et qu'elles approchent d'un cantique, comme était
règles. Quo modo, de quelle manière il doit s'énoncer ce la prononciation des orateurs asiatiques dans leurs pérorai-
qui renferme l'élocution et l'action. sons.
Autsitne, aut quid sit, aut quale sil, qumritur. Ipsa natura. in omni verbo posuiactttam nocena.
Toutes les matières qui regardent les contestations sonl 1° Tous les mots reçoivent naturellement un accent aigu t
comprises, selon Cicéron dans ces trois articles 1° si la parce qu'on ne peut en prononcer aucun sans y donner
chose est; 2° de quelle nature elle est; 3° quelle en est la quelque sorte d'élévation. 2° Chaque mot ne reçoit qu'un
qualité c'est-à-dire, qu'il fautexaminer, r si l'action dont aigu; autrement la prononciation, n'étant point variée,
il s'agit a été laite ou non 2° si elle est bonne ou mau- serait dénuée d'harmonie. 3° Comme l'oreille nepeut juger
vaise 3° si l'on a eu ou non ledroit de la faire. Le premier que des trois dernièressyllabes, le lieu le plus éloigné pour
étatest l'état de conjeclure; on nepéut découvrir la vé- l'accent doit être l'antépénultième.
rité que par les signes et les indices qui ont accompagné Status erectus et celsus; rarus incessus, nec ita Ion-
l'action. Le second est l'état de la définition; on ne peut gus. L'orateur doit avoir la tête droite, comme Cicé-
connaître si l'action est bonne ou mauvaisequ'en la défi- ronle recommande;la tête trop élevée donne un air d'arro-
nissant.Le troisièmeest l'état dela qualité; il faut, pour gance si elle est baissée, ou négligemment penchée, c'est
décider si l'on a eu le droit de faire l'action ou non recou- une marque de timidité ou d'insolence. Cléon, général
rir aux idées que nous avons du bien et du mal, du juste athénien, doué d'une éloquence véhémente et emportée,
et de l'injuste. fut le premier, chez les Grecs, qui donna l'exemple d'aller
Hœc igitur quœslio. appellatur thesis. Il y a deux et de venir dans la tribune en haranguant. A Rome, il y
sortes de questions la première s'appelle thèse, ou pro- avait des orateurs qui couraient étourdiment tan lût d'un
position générale la seconde se nomme hypothèse, ou pro' côté ettantotdel'autre. (Brutus, c. 38.) Cicéron n'approuvo
position particulière. La première n'est déterminée par point ces sortes de promenades, à moins qu'elles ne soient
aucune circonstance de temps, de lieux, de personnes; la extrêmement rares et faites avec modération.
seconde est limitée par toutes ces circonstances. Cicéron Trunco magis toto se ipsemoderans. et virili laterum
veut que l'orateur s'éloigne,autant qu'il pourra, de la ques- flex'wne. Quintilien fait cette réflexion sur ce passage de
tion particulière, et qu'il remonte à la question générale, l'Orateur (xi 3 ) Les lianes et les reins doivent s'accorder
et cela pour deux raisons la première, parce qu'il est plus avec le geste. En effet, il y a un certain mouvement de
aisé de s'étendre sur le genre que sur l'espèce la seconde, tout le corps qui contribue beaucoup à l'action; de sorte
de Cicéron, ce mouvement y a plus de
parce que ce qui a été une fois établi dans la thèse, de. qu'au jugement
part que les mains mêmes. Latera cum gestu consen-
meure nécessairementprouvé pour l'hypothèse. Par exem-
ple, s'il s'agit de taire voir combien Catilina était criminel liant facit enim aliquid et totius corporis motus; adeo ut
d'avoir conjuré contre sa patrie, il faut commencer par Cicero plus illo agi, quam manibus ipsis, putet. »
montrer quel est le crime des conjurations en général, et Vultus vero, gui secundum vocem phinmum potest.
les maux qui s'ensuivent alors tout ce qui aura été prouvé Le visage est ce qui domine le plus dans l'action. Il n'y »
dans cette première partie, servira à faire connaître l'énor- point, dit Quintilien (xi, 3), de mouvement ni de pastioj»
mité du crime de Catilina. quil n'exprime. Il menace, il caresse, il supplie; H est
triste il est gai il est fier, il est humble. Il fait «tendre
XV. hiculçabilqmUviora. Voyez de Oratore (u, 77) une infinité choses, et souvent il
en dit plue que n'en
et Rhet. ad Uere.it n. (jh 10. ) pourrait dire le discours le plus éloquent.
XylCarneades noster. Carnéade était un ami de Ci- XIX. Si quidemet Threphrastus itoinitul» laftKndi
céron et de Brutus, différent du fameux Carnéade qui fond* nomenMoenil. Théophraste, instruit d'abord à l'école
la nouvelle Académie. de Platon, passa ensuite à celle d'Aristote, qui, charmé
XVI Est enim actio quasi «irporis quœdamelo- de la beauté de son génie, et de l'agrément de son élo-
eulion changea son nom, qui était Tyrtame, en celui de sez nombreux exemples de la figure dont il parle ici, de
Théophraste, homme dont le langage est divin (6so;,
Dieu, ippaïu je parle).
la répétition. « Occidi, occidi, non Sp. Melium.
» pro
Mil. c. 27.) « Nihil ne te nocturnum praesidium palatii,
XIX. Aristoteles Isocratem ipsum lacessivil. Voyez nihil urbis vigiliae, nihil timor populi, nihil horum
ora
Tascul., i, 4. Aristote, dit-on (Quintilien, m, I), fit contre vultusque muverunt? » ( In Cat, i. ) Qui sunl, qui
Isocrate la parodie d'un vers de Sophocle fœderasœperuperunt? Carthaginienses. Qui sont qui
Italiam deformaverunt? Carthaginienses. Qui sunt qui
Alsxpôx (ïuoïïSv, laoxpàcflv ô' èàv X£-yÊlv- (Philoct.)
sibi poslulantignosci?Carlliaginienses. (Rhet. adHerenn.,
Sophistarum, de quibus supra dixi. Cicéron a déjà 14.)
parlé des sophistes dans le chapitre xn de ce Traité. Ce iv,
XXVI. Wjperides. Demades prœter ceteros fertur.
nom, qui fut d'abord un titre honorable, et signifiait un Quintilien
homme savant et éloquent, commença, dès le temps de reconnaît à Hypéride une grande douceur de
Philippe, à s'avilir dans la Grèce. Socrate et Platon lirent style et beaucoup de délicatesse, dukis et acutus. Un
connaître la vaine doctrine des sophistes et leur fausse sa- de ses plaidoyers les plus célèbres fut celui qu'il prononça
gesse; de façon qu'on ne regarda plus qu'avec mépris ces en faveur de la courtisane Phryné, accusée d'impiété,!
mais que sa beauté défendit mieux que son avocat. Et
sortes de charlatans qui couraient de ville en ville pour «
débiter leur science avec ostentation, et pour en faire un Phrynem non Hyperidis actione, quanquam admirabili,
trafic sordide. « Nu m sophistes? sic enim appellabantur, sed conspectu corporis pulant periculo liberatam. »
( Quint. h, 15. ) Démade, de marinier, deviut un
qui ostentationis aut quscslus causa philosophabantur. »
(Academ., 11, 23.) On donne encore le nom de sophistes orateur illustre, dont le proverbe, « de la rame à la tri-
bune. » II avait peu de savoir, mais beaucoup d'esprit. Son
à ceux qui cherchent à faire illusion par de vaines sub-
tilités et par des discours captieux. Mais ici ce mot a une éloquence lui acquit un grand crédit sur l'esprit de Phi.
lippe, roi de Macédoine.On croit qu'Antipaterle fit mourir.
toute autre idée, et signifie des gens qui parlent unique-
ment pour plaire, comme on peut s'en convaincre par ce
D'autres disent que ce fut Cassander. Il ne restait rien de
Démade au temps de Cicéron. Brut., c. 9.
que Cicéron en dit dans ce passage.
XX. Numerus vocalur, qui grœce {hj8(i4î dicitur. XXVII. Phalereus Demetrius. Démétrius de Phalère
Le nombre avait deux noms chez les Grecs le nombre est le dernier des orateurs attiques.
pour la prose s'appelait p\i5u,à; et uitpov quand on l'ap- XXVIII. Tertiusest ille amplus, copiosus, gravis, etc.
pliquait aux vers. Les rhythmes et les mètres ont entre Cicéron traite comme ou voit, le sublime d'une manière
eux cela de commun, qu'ils sont composés de pieds, c'est- sublime. S'il en faut donner une définition, voici celle de
à-dire, de longues et de brèves mais ils diffèrent en ce Boileau dans ses Réflexions critiques sur sa traduction
que les rhythmes consistent seulement dans un certain de Longin: « Le sublime est, dit-il, unecertaine force de
espace de temps, et que les mètres, outre cet espace de discours propre à élever et à ravir l'âme et qui provient
temps, sont assujettis à une certaine mesure fixe et dé- ou de la grandeur de la pensée et de la noblesse du senti-
terminée, selon la qualité des vers. Il est indiffèrent au ment, ou de la magnificence des paroles, ou du tour har-
rhythme qu'un mot soit un dactyle ou un anapeste, parce monieux, vif et animé de l'expression; c'est-à-dire, d'une
qu'il n'a égard qu'au temps, et que le dactyle eE l'anapeste de ces choses regardées séparément,ou, ce qui fait le par-
ont les mêmes intervalles et la même mesure de temps. fait sublime de ces trois choses jointes ensemble. »
On sait qu'une syllabe longue a deux temps, et qu'une XXIX.Is erit igitur eloquens. qui poterit pana
brève n'en a qu'un qu'un dactyle est composé d'une longue summisse. etc. « C'est, dit la Harpe, la conclusion
et de deux brèves, et que l'anapeste, au contraire, est de ce traité c'est celle de Quintilien c'est dans tous les
composé de deux brèves et d'une longue, ce qui revient à temps celle des bons esprits. »
la même mesure de temps. Mais dans la composition des Tota mihi causa pro Cœcina. ln Manilia lege.
vers, un poëte n'emploie pas indifféremment un anapeste, Sabirii causa. Le plaidoyer pour Cécina est probable-
parce que le vers est astreint à une certaine marche et à ment de l'an de Kome 684. – Le discours pour la loi Mani-
une certaine mesure de pieds. lia fut prononcé en 687. Le plaidoyer pour Rahirius,
Platonis et Deiïtocriti locutionem. Cicéron dans le de en 690.
Oratore (i, nomme ensemble comme dans celui-ci, Dé.
11)

mocritete et Platon. Les anciens regardaientleurprose comme XXX. Vxor generi novercajUii filin pellex. C'est
régale de la plus belle poésie. A plus forte raison n'est-il un trait tiré du plaidoyer pour Cluentius Avitus c. 70.
pas un seul poëte comique qu'on puisse mettre en paral- XXXII. Chrysippi disciplina instiiulum. Chrysippe,
lèle avec Platon pour l'harmonie, la hardiesse et la poésie disciple du philosophe Cléanthe, avait un esprit subtil et
<lu style. porté à la dispute; il fit un traité de logique, si estimé des
XXI. Nos dicamus sorte decorum. Cicéron (de Officiis, anciens, qu'on disait que si les dieux font usage du rai-
i, 40) définit la bienséance, l'art de placer à propos tout sonnement, ils n'emploient pas d'autre méthode que la
sienne.
ce qu'on dit et tout ce qu'on fait. « Scientia earum rerum,
qua: agentur, aut dicentur, suo loco collocandarum. » XXXIV. Quem laborem nobis Attici nostri levavit
XXII. PictorilleviditobvolvendumcaputAgamem- latior. T. Pomponius Atticus, l'ami de Cicéron, composa
amis esse. Allusion au tableau fameux du peintre Timan- des annales qui comprenaient sept siècles, et qui étaient
the, loué par tous les connaisseurs de l'aotiquité. (Pline, lurtout remarquables par l'exactitude de la chronologie.
MXV, 10.) Voyez la vie d'Atticus, par Cornélius Nepos.
Si denique liistrio, quid deceat, quœrit. Cicéron XXXVI. Alleram in augendis amplificandisque re-
rapporte ailleurs (de Oratore, i, 29) le mot de Ruscius bus. Il y a entre la preuve et l'amplification cette différence
CaputarUs, decere. que la preuve doit établir une vérité, ou constater un fait,
XXV. Immulatione litterœ quasi qaœsitas venusta- et l'amplification exagérer ou confirmerl'importance de la
vérité
ta. On pourrait citer de nombreux exemples de ces espè- I on du fait en question. L'amplification se divise en
mais il faut savoir qu'aucune de ces
ces de jeux de mots, qui tiennent à un changement de plusieurs espèces
kttres. Htgc res potins onerifuit quam Iwnori, etc. espèces n'est parfaite, s'il n'y a du grand et du sublime,
MrlmrutU ilerationes. Cicéron fournit lui-même d'as- à moins qu'il lie s'agisse de ravaler le prix des choset.
n L'amplification, dit Longin (chap. 9 et 10), est un ac- Cotin à ses sermons traînant toute la terre,
croissementde paroles que l'on peut tirer de toutes les Fend des flots d'auditeurs pour aller à sa chaire.
circonstances particulières de chaque chose pour fortifier XL. Ut muta quœdam loquentia inducal. La prosu-
le discours, en appuyant sur ce qui a été dit. » popée
p est une figure qui fait parler des personnes absentes
XXXVII. Noùis pro fanziliari reo mmmus orator 0 mortes, et prête même un langage à des choses inani-
ou
mées.
n (JRhél. à Hérenn., iv, 53.)
non respondil Hortensius. L'orateur veut parler ici de
l'alTaire de Verres défendu par Hortensius, son ami, et Sœpe etiam rem dicendo subjiciet oculis. C'est la
fonction de l'hypotypose, qui peint les choses avec des
*(
que Cicéron fit condamner. couleurs si vives qu'on croit les voir. Cicéron emploie cette
Catilina in senatu accusalus obmutuit. Salluste dit °
néanmoins que Catilina ne demeura pas tout à fait sans figure
fi pour peindre la colère, ou plutôt la fureur de Verrèi,
réplique qu'il commença par conjurer le sénat de ne pas in Verrem, v, 62.
ajouter foi aux invectives de Cicéron, qui était, disait-il, Sœpe supra feret. L'hyperbole est une ligure qui, soit'
son ennemi, et qui avait inventé un plan de conjuration pour amplifier, soit pour diminuer, va au delà du vrai. On
P
1l'emploie quand les termes ordinaires
pour s'acquérir le titre de défenseur de la patrie; mais que ne paraissent pas
Catilina fut interrompu par un murmure général, qui a
assez forts pour exprimer tout ce qu'on veut dire. Mais
l'empêcha de se faire entendre; qu'on lui donna les noms c
ceux qui nous écoutent rabattent de nos exagérations ce
d'incendiaire, de parricide, d'ennemi de la patrie; qu'outré qu'il
q en faut rabattre. Ainsi cette figure ramène l'esprit à
de ces reproches, il s'écria avec fureur que, puisqu'on le la vérité par la voie du mensonge. 11 est inutile d'en
ddire plus long sur les figures. On peut lire Quintilien, liv.
poussait à bout, il ne périrait pas senl, et qu'il éteindrait
vin,
v chap. 6; liv. ix chap. 1, 2 et 3 et Rollin, Traité
sous des ruines le feu qu'on allumait contre lui. des Études où, en expliquant les principales figures, U
Curio. Subito assedit quum sibi venenis ercplam a
memoriam diceret. Cette victoire fut la troisième que accompagne
a ses explications de plusieurs exemples tirés
Cicéron remporta par la force et la vivacité de son élo- des
d meilleurs auteurs, tant anciens que modernes.
quence. 11 raconte le fait dans son Brutus, chap. 60. XLI. De cujusmeritls tanta Senatusjudiciafccïsset.
Perorationcm mihi tamen omnes rclinquebant. t
Cicéron rapporte lui-même (in Pison, chap. 3) les élogea
Voyez aussi le Brutiis, cliap. 51. et
e le témoignage singulier que le sénat et le peuple romains
avaient donnés services importants qu'il avait rendus
XXXVIII. Ut puerum infantem in manibus pero- °àb la république.aux
rantibits teneterimus; ut, alia in causa, excitato reo Ilominumque clarissimorum discipulis Jloruerunt
nobiUjSUblatoeliamJilioparvo.Cicéron fil. le premier domus. Mucius Scévola, Sext. Élius, M'. Manilius, et
de ces plaidoyers en 69 pour justifier Sylla accusé d'avoir
d'autres.
trempé dans la conspiration de Catilina; et il lit le second c
en 694, pour Flaccus, accusé de concussion dans l'Asie, où XLII..4», quibus verbis sacrorum alienatio fiât, do-
il avait commandé durant trois ans, après sa préture. cere
< honesluni est. Pour entendre ce passage il faut se
rappeler que chez les Romains il y avait non-seulement
XXXIX. Frequcntissimœ translaliones erunt. Voyez des places et des champs publics consacrés à la religion,
sur la métaphore ta Rhétorique à Hêrcnnlus, m, 34. et que la loi des Douze Tablesavait déclarés inaliénables
Eadem ratio est horum, qute sunt oralionis himi- Jmais que certains fonds de terre appartenants à des familles
na. Cicéron a renferméici en peu de mots presque tout ce particulières, et consacrés parla religion, étaient aussi in-
f
qui peut avoir rapport aux figures de diction et aux figures Jaliénables
a et perpétuels. Voilà pourquoi Cicéron dit, dans
de pensées, sans les nommer et sans les accompagner le } second livre des Lois, chap. 9: Sacra privata perpétua
d'exemples. Si l'on voulait les expliquer toutes,on ferait un manento.
volume entier. Quum et abfuisscm domo adolescens, ethorum stu-
Quum gradatim sursum versus reditur. La gradation
diornm
( causa mare transissent. Voyez Brutus chapi-
est, selon Quintilien, une figure qui tient de la répétition. tret 91. 1.
On y répète en effet plusieurs choses; mais on ne passe à
ce qui suit qu'en reprenant une partie de ce qui a précédé, XLIII. Quummeœ foreuses artes, et actionespubtlcœ
comme dans cet exemple « Afrieano industriavirtutem, concidissent.
< Non devons à l'oppression de la république
virtus gloriam, gloria aemulos comparavit. » Rhétorique romaine t par César les ouvragesde philosophie que Cicéron
à Hèrennius iv, 25. a composés. Voyant, après la bataille de Pharsale, son rôle
Demtis conjunctionibus. Si vous allez embarrasser, politique fini il se retira dans sa maison de campagne, où
dit Longin, une passion de ces liaisons et de ces particules il se li vra à ses compositions philosophiques,dont la beauté
inutiles, vous lui ôtez toute son impétuosité, et vous ar- ne cède point à ses ouvrages d'éloquence. Il avait eu dès
retez la liberté de sa course. sa jeunesse, beaucoup de goût pour ces éludes, qui lui
Aliqua exclamalio. Voyez, sur l'exclamation, la Rhé- offrirent alors une consolation.
torique à Hèrennius iv 15. Profecto forensibus nostris rebus etiam domesticœ
Ejusdem nominis casus sœpius commutatur. Voici litterœ respondebunt. On est étonné que Cicéron, qui na
dédaignait pas de travailler avec tant de scrupule le style
un exemple du changement de cas d'un nom. n SenaLusest de
summi imperii consilium senatui reipublicœ cura man- ses discours, paraisse si confus d'en écrire la théorie.
datur; ad senatum in diibiis periculosisque rebus omnis Les rhéteurs avaient déshonorél'art, et on laissait ces t>e-
civitas respicit. » tits détails aux hommes oisifs qui ne pouvaient prendre
aucunepart au gouvernementde la république.Mais depuis
XL. Ut inlerrogandourgeat. Cicéron, dans son plai-
que la domination de César réduisait au silence et à l'inac-
dtiyer pour Ligarius (chap. 3), fournit un très-bel exemple tion les sénateurs et les consulaires il devait dire
de ce moyen oratoire. coura.
geusement que ce travail, malgré sa simplicité valait bien
Ut rursus quasi ad interrogataslbi ipse respondeat. celui des tyrans qui opprimaientl'Etat.
Voyez le même plaidoyer (chap. 3), apud quem igitur
hoc dico, etc. » XLIV. Quod apud Lucilium scite exagllat in Al-
Ut contra ac dicat accipi et sentiri velit. t. Figure qui bitcio Scœvola. Voyez Brutus, cbap. 35; de Finibus,
est une espèce d'ironie par laquelle on feint de louer ceux i 3, etc.
qu'on vent blâmer ou critiquer. XLV. Et quidem nos. Cicéron avait traduit dam si.
jeunesse, en vers latins, le poëme grec d'Aratus. Voyez les oratoire
t est nue sorte de modulation,qui résulte non-seu-
Fragments. lement de la valeur syllabique, mais encore de la qualit6
XLV. Qztomodoenimvester Axilla, Alafaclusest.Tous et de l'arrangementdes mots. »
les historiens disent Ahala et non Ala. C. Servilius Ahala, 1 ° donne pour première cause de cette modulation la

maître de la cavalerie, tua Sp. Mélius, par l'ordre du dic- valeur syllabique des mots dont une phrase est composée,
tateur Cincinnatzis, l'an de Rome 317. (Tile-Liye, îv, c'est-à-direleurs longues et leurs brèves, non assemblées
14;inCatilin.,i, chap. i pro M don., chap. 27. ) Brutus fortuitement, mais assorties de manière qu'elles précipi-
descendait de ce Romain par sa mère Servilia, et avait été tent ou ralentissent la prononciation au gré de l'oreille.
adopté par le frère de sa mère, Q. Servilius Cépion. (Phi- 2D 11 ajoute qu'il faut avoir égard à la qualité des mots
lipp., chap. x, fl, il, etc.) considérés comme des sons ou éclatants, ou sourds, ou
Quam litteram etiam e maxillis, et taxillis, et ve- lents, ou rapides, ou rudes, ou doux. Il avertit qu'un des
xillo, et paxillo, consuetudo elegans latini sermonis plus importants secrets de la prosodie, c'est de tempérer
evellit. La contraction de ces mots est mate, tali, vé- les sons l'un par l'autre et qu'il n'y en a point de si rudes
lum, palus. qui ne puissent être adoucis, ni de si faibles qui ne puis.
capsis. Cicéron semble croire ici que capsis sent être fortifiés.
Jam in uno
est la contraction de cape, si vis. Quintilien ( i, 5, 6Ç )
est d'un autre avis; capsis parait être un ancien subjonc-
3° 11 apporte pour dernière cause de l'harmoniel'arran-
gement des mots. Il remarque que souvent on est obligé
tif pour ceperis. Festus capsit, prchendt3rit.) On peut de transposer des mots, ou même des membres de phrase,
toutefois conjecturer que l'e bref de cape se prononçait non-seulementpour être plus clair, ou plus énergique,
à peine, et qu'on disait capsis pour capesis. mais encore pour attraper un ton harmonieux. Il conclut
qu'une phrase bien cadencée est un tissu de syllabes bien
XLVII. Scripserunl, » esse verius sentio; sed con-
« choisies, et mises dans un tel ordre qu'il n'en résulte rien
suctudiniauribus indulgenti libenter obsequor. Ve- –
rum et veritas, outre leur signification ordinaire ont en-
de dur, rien de lâche, rien de trop long, rien de trop court,
rien de pesant, ni de sautillant.
coreune signification peu commune, et qui mérite ici d'être LI. Ephorum et Naucratem. Naucrate est encore cité
remarquée,d'autant plus que Cicéron s'en sert en plusieurs
endroits de ce traité en y attachant l'idée de règle ces par Cicéron, de Oratore, n, 23; m, 44.
deux mots sont alors opposés à usus et consuctudo,
In versu quidem theatra iota exclamant, si fuit
usage et coutume.
una syllaba, aut brevior aut longior. Denys d'Halicar-
nasse, de l'Arrangement des mots, chap. 2 « Dans nos
Impetratum est a consuetudine ut peccaresuavita- vastes théâtres, où se rassemble de toutes parts une foule
lis causa liceret. Nous avons, dans notre langue, imité ignorante j'ai cru reconnaître que nous avons le senti-
l'exempledesLatins: nous aimons mieux faire un solécisme méat inné de la mélodie et de la cadence; j'ai entendu
pour adoucir notre prononciation, que de choquer l'oreille buer par la multitude de fameux joueurs de cithares qui
par un mauvais son. Ainsi nous disons mon épée, mon avaient manqué une note ou troublé la mesure; j'ai en-
dmt, et non ma épée, ma dme, comme le demanderait tendu siffler tel joueur de flûte, non moins habile dans
la règle de la construction grammaticale.
son art, pour avoir mal ménagé son baleine et fait enten-
XLV1II. Exegit, edixit, e/fecit. Le mot effecit ne pa- dre des sons durs et discordants. Cependant, qu'on ap-
rait pas ici à sa place et appartientplutôt aux exemples sui- pelle un de ces censeurs, qu'on lui donne l'instrument,
vants. qu'on lui dise de jouer ce que l'artiste a manqué, le pour-
Incltjlus dieimtis brevi prima litlera, insanuspro- rat-il? non. C'est que, pour exercer l'art, il faut la science
ductai in.human,u4 brevi, infelix longa. Cette obser- que nous n'avons pas tous, et que, pour juger, il ne faut
vation regarde, non la quantité, mais la manière dont les que le sentiment, don commun de la nature. Il en est de
Romains prononçaientin et cum dans les mots composés. même des rhythmes; j'ai vu tout un auditoire s'indigner,
C'est pourquoi Cicéron ajoute Consule veritatem, repre- se soulever à cause d'un battement, d'un accord, d'une
hendet; refer ad aures, probabunt. intonation qui ne tombait pas au point juste, et rompait
LoqwMar sic, ut pulcros. On revint plus tard à l'harmonie. »
cette prononciation, puisqu'on trou ve dans un grand nom- LU. Sed princeps inveniendi fuit Thrasymachus.
bre de manuscrits et d'inscriptions puicer, pulcra, etc. Thrasymaque fut le premier chez les Grecs qui inventa le
Malones, Otones. On reprit aussi pour ces deux mots nombre et la cadence. Mais Isocrate en perfectionna l'art
l'ancien usage ;et aujourd'hui on écrit Jlathones, Othones. par ses préceptes et par ses exemples.
Nunc autem etiant duas. Ces deux letlres sont y et LUI Aures uni m, vei animus aurium nuntio. Cicé-
pk répondant à v et à ç. ron, après s'être servi du mot aures, se corrige aussi-
Ita non erat of/ensio in versibus, quam mmcfugiunt tôt, et ajoute, vel animus aurium nuntio, pour montrer
poète novi. On ne trouve que deux on trois fins dans les qu'à proprement parler, ce n'est point l'oreille qui entend,
vers qui nous restent de Cicéronla licence dont il parle ici.
et qui juge de la mesure, des longues et des brèves.
XLIX. rersutiloqtias malitias. Cicéron, dans le de LIV. llœe igitur fere sunt, in quibus rei nalura
Oratore (ni 38) a cité en entier ce vers qui parait, être quœrenda sit. Cicéron satisfait à toutes ces petites ques-
d'Attius. tious en détail; ensuite, chap. 60, il fait la récapitulation
Nostra sunt in Milonhina. Voyez le chapitre 4 de la de toutes les décisions qu'il en a données.
Milonienne de Cicéron.
LVI. Itaque et Herodotus, el eadem saperiorque-
Eam, quam nihil accusas, damnas. Ces phrases œtas
sont, en effet, citées comme de la prose. Topiques, cha- sentiment. numéro caruit. Quintilien (ix, 4) n'est pas de ce
Cicéron, dit-il, tout bon juge qu'il est, ne me
pitre 13. persuadera pas queLysias, Hérodote et Thucydide aient
L. Genus illud terlium explieetur, quale sit, nume- été peu curieux du nombre. Peut-être ont-ils une autre
rosta et aplee orationis. Voyez la division établie par Ci- manière que celle de Démosthène et de Platon, qui eux-
çeron, ch. 44. r- Voici la définition du nombre oratoire mêmes sont différents l'un de l'autre; mais cela ne prouve
que donne l'abbé d'Olivet dans sa Prosodie française, rien.
avec un abrège1 des explications qu'il y joint Le nombre Sed hi mimer poeticine sint. Comme Cicéron,
de narlpr
dans le reste de ce Traité, est obligé /lp parler de
dp la me-
n\e.. T,VÎ1. Fug'dautem
LVI1. Fitn'tl tinter. spondeum ct Irouliœum. 11 ne faut
sure des pieds qui entrent dans la prosodie latine, il est f oublier, que dans Cicéron le trochée est le même que
pas
bon d'en faire ici une liste, et d'en marquer en peu de Il tribnique. Le Irodiée ordinaire est appelé chorée par
le
mots la nature, afin que le lecteur puisse y avoir recours Cicéron.
(
dans le besoin. LXH. Ut nos in accusationis secundo de Sicilias
Les piecls sont de deux sortes les uns, simples, et les j
laude diximus. De Enneni Cerere, de Segestana
autres, composés. Diana,
j de Hyracusarum situ.-L'Éloge de la Sicile,
Les simples sont de deux ou trois syllabes. Voici ceux Verrines, seconde action, h I sq. -La
Cérès d'Enna
de deux syllabes iîv, 48. La Diane-- de Ségeste, ibid., c. 33.- La ville
Le spondée, qui a deux longues, comme musas. t Syracuse, ibid., c. 52.
de
Le chorée, qu'on nomme ordinairement trochée, est Kô|i[iaxa et xw^oc, incisa et membra. Lemembre est une
d'une longue et d'une brève, comme Musa. des parties de la période. ri est renfermédans une certaine
L'iambe, qui est le contrairedu chorée, est d'u e brève quantité
( de paroles, dont le nombre est complet. L'incise
et d'une longue, comme Dco. ne diffère du membre, qu'en ce qu'elle n'a pas tant d'é-
Le pyrrhique qui sert à la composition du péon, est tendue,
t et que le nombre n'en est pas si complet. Le
de deux brèves Deus. membredétaché est semblableà une période simple, comme
Les pieds de trois syllabes dont Cicéron parle sont dans
( cet exemple de Cicéron (2= Philipp., ch. 22) :« Nulla
Le dactyle, qui est d'une longue et de deux brèves causa
( justa cuiquam esse potest contra patriam arma ce-
carmina. piendi. » L'incisen'est composée que de deux ou trois mots,
L'anapeste, qui est le contraire du dactyle, est de deux comme
( Furor arma ministrat quelquefois elle est ren-
brèves et d'une longue Domini. fermée
I dans un seul mot, comme Diximus.
Le crétique est d'une brève au milieu de deux longues LXIII. Verborum ordinem immuta. Dans la pérorai-
castitas. son
(t de l'éloge deTurenne par Fléchier, au lieu de la religion
Le tribraque, nommé trochée par Cicéron pied de et de la patrie éplorée, que l'on dise, de la religion et
trois brèves, est égal au chorée, non en nombre de sylla- de la patrie en pleurs, il n'y a plus aucune harmonie;
bes, mais en intervalle Domina. et cette différence ai sensible pour l'oreille dépend d'un
Outre ces pieds simples il y en a de composés, qui sout dichorée sur lequel tombe la période, effet sIngulier de
plutôt des assemblages de pieds que des pieds. Ou eu compte (ce nombre, qui, dans notre langue, conserve sur l'oreille
plusieurs; mais Cicéron n'en cite que trois dans son traité le mémeempirequ'il exerçait dans la langue latinedu temps
de l'Orateur; savoir le dichorée, \tpéon et le doch- de Cicéron. » (Marmontel Harmonie du style.)
mius. Aut etiam dactylus, qui est e longa, etc. Cicéron
Le dichorée est composé de deux cliorées comprobare. dit ici que le dactyle, suivi d'un spondée ou d'un chorée,
Le péon ou le péan est de deux sortes le premier termine heureusement la période mais cela ne peut s'ac.
est d'une longue et de Irois brèves, comm6 conficere «irder avec le préceptequ'il donne plus haut (chap. 20 et
ainsi il est composé d'un trochée et d'un pyrrbique. Le 56), et dans les Partitions oratoires (chap. 21) « Oratio»

d'un iambe.
et
second est au contraire de trois brèves et d'une longue, j rnem circumscribendamesse ntimerose, non ad similitudi-
comme celeritas alors il est composé d'un pyrrhique nem versuum. w Quintillen (îx, 4 ) condamne expressément
les fins de périodes qui ressemblent aux fins des vers
Le dochmius est de cinq syllabes savoir d'une brève hexamètres « Ne dactylus quidem spondeo bene prîiopo-
et de deux longues, et ensuite d'une brève et d'une Ion- nitur, quia finem versus damnamus in fine orationis. >
gue, comme dmicos tenes ainsi il est composé d'un ïambe Toutefois si le dactyle et le spondée n'avaient point la
et d'un crétique. forme poétique, l'oreille loin d'en être choquée, en serait
LVI. Pes enim, qui adhibetur ad numeros, parti- satisfaite, comme dans cet exemple Qui mihi primus
tur in tria, Les pieds, dont le nombre est composé, aftlicto et jacenti consularem fidem dexteramque porrexit
ont qui me a morte ad vitam, a desperatione ad spem, ab exitio
sont de trois espèces les uns sont égaux, c'est-à-dire
ad salutem revocavit, » (Post redit. in Sen., chap. 9. )
une partie égale à l'autre, comme le spondée, qui est de
deux longues, ou comme le dactyle, qui est d'une longue LXVI. Ris igitursingulis versilms quasi nodi appa-
et de deux brèves; car la longue est équivalente à deux rent continuationis. Ces nœuds ces jointures, sont les
brèves. Les autres sont d'une mesure et demie; en sorte particules qui servent à lier et à unir les différentes parties
qu'une partie est une fois plus grande que l'autre tel est de la période, sed, quanquam, tamen, non solum,
l'ïambe, qui estd'une brève et d'une longue; on sait qu'une sed etiam, quum, tum, etc., les pronoms relatifs, qui,
longue a deux temps, et que la brève n'en a qu'un. Enfin, quai, etc.
les autres pieds sont en proportion sesquialtère, c'est-à- Deinde tertium, m\S>v illi. Cette troisième phrase
dire, qu'ils sont comme deux nombres, dont le dernier manque dans le texte de Cicéron.
contient le premier une fois, avec l'addition de sa moitié. LXVII. « Domus tibi deerat, etc. Ce passage est tiré
Neuf, par exemple, contient une fois six, et encore la moi d'un plaidoyeraujourd'hui perdu, etqueSigouiusetStrébée
lié de six, qui est trois; tel est le premier péon, dont la
pensent avoir été celui qui fut fait pour Scaurus. Asconins
dernière partie, qui est de trois brèves, égale la première, nous apprend que Triarius, accusateur de Scaurus, lui
qui est d'une longue, et la surpasse encore d'une moitié.
Hipponacteos. Les vers hipponactéens sont semblables
I eprocitait d'avoir une maison magnitique où l'oit voyait
quatre colonnes d'un grand prix; et l'on suppose que Cicé-
aux scaznos ou cboliambes. Il n'y a aucun de ces pieds ron rejetait la même inculpation sur t'accusateur.
qui n'entre dans la prose. Mais plus ils ont de temps, c'est- In noslra Corneliana .ecunda, Ces plaidoyers, que
a-dire, de syllabes longues, plus ils lui communiquent de l'on comptait parmi les plus beaux de Cicéron, ne nous
poids et de stabilité; et plus ils ont de brèves plus ils lui sont connus aujourd'hui que par les fragments que nous en
donnent de vitesse et de mouvement. ont conservés quelques écrivains anciens, et par les setto-.
LVI. Arislophanamsnominatur. Les vers arJsfty>/ia- lies d'Asconius.
néens aont ainsi appelés du nom d'Aristophane, qui fei* LXVII. Hegesias. Hégésias de Magnésie était un foi»
sait un fréquent usage des vers anapestes. vtiin d'un style affecté et plein de pensées froid» et in«i«
pides témoin co qu'il dit sur l'incendiedutempled'Éphèse-. fondements solides, Brutus ne l'approuva pas. Clceron'
Qu'il ne fallait pas s'étonner que ce temple consacré à s'en plaint dans une lettre à Atticus ( hv, 20 ) « Lorsque
Diane eût été hrûlé la nuit même qu'Alexandre vint
monde, que la déesse était alors occupée aux couches
au j'adressai à Brutus mon livre de la parfaite éloquence,
que je n'avais composé qu'à sa sollicitation, il m'écri-
d'Olympias. Voyez le Traité de la Nature des dieux, n, vit, et à vous aussi, que son système était différent du
27. mien. » Comme Brutus avait pris Lysias pour modèle,
il ne faisait consister l'éloquence que dans la justesse des
LXIX. G. Cœlïus Antipater. Cicéron dit ailleurs pensées, dans la précision et la politesse du style; les
(Brulus, c. 26) que cet annaliste était, pour son temps, nn grands mouvements et la magnificence de l'élocution ne lui
assez bon écrivain « L. Cœlius Antipater scriptor fuit, plaisaient pas. C'est dans ce goût qu'il composa la haran-
ut temporibus illis, luculentus. » Il l'estimait aussi comme gue qu'il fit au Capitole après le meurlre de César; ha-
jurisconsulte, et en parle encore avec éloge dans le Traité rangue que Cicéron loue comme un modèle de cette élo-
de Legibus (t, 2). Ici il lui refuse seulement la connais- quence un peu nue que préférait Brutus. Pour lui, écrit-il it
sance du nombre oratoire et le secret de l'harmonie du )
à Atticus (xv, il y aurait mis plus de chaleur. « si
style. illara causam habuissem, dixissem ardentius. 'ttriOemc
vides quae sit, quae persona dicentis. » En effet, Brutus n'y
LXXJ. Non clypeum. Le bonclier de Minerve fut placé avait pas assez vu ce qu'il se devait à lui-même, ce qu'il
par Phidias aux pieds de la déesse, dans la statue du devait aux auditeurs, ce qu'il devait à son sujet. C'est
Parthénon. Brutus qui parle Brutus, le chef de la conjuration coutre
Quum ipsum illud verum in occulta lateret. Ci. César en tuant le tyran, il avait délivré sa patrie de la
eéron faisait profession de la philosophie académique; et servitude il s'agissait de faire sentir aux Romains l'im-
la maxime capitale de cette secte était, que le vrai ne portance du service qu'il leur avait rendu, et d'exciter
pouvait se trouver avec certitude, qu'il fallait en consé- leur indignation contre tous les oppresseurs de la liberté.
quence se contenter de chercher le vraisemblable sur Un sujet de cette nature aurait dû animer l'orateur et
chaquechose, et que ce n'est qu'à force d'agiter le pour produire les plus grands mouvements. Mais Brutus, qui
«t le contre qu'on peut découvrir la vraisemblance. était partisan outré de l'atticisme, et qui n'en connaissait
Si tibiea, qtue disputata sunt, minusprobabuntur. point toutes les perfections, suivit son idée dans la com-
Malgré l'excellence de cet ouvrage, malgré le soin que position de cette harangue, et se contenta d'y mettre de
Cicéron avait pris de l'établir sur des preuves et des la douceur, de la précision et de l'élégance.
LES TOPIQUES
DE M. T. CICÉRON,
ADRESSES A C. TRÉBATIUS.

INTRODUCTION. temps; je l'interromps, pour vous obéir. Je n'ai


Cicéron avait soixante-trois ans, quand il composa cet pas oublié que, pendant notre séjour Tusculum,
ouvrage. Marc-Antoine venait d'usurper l'héritage de commenousparcourions,chacun selon notre goût,
César, et menaçait Rome de nouvelles violences. Cicéron les livres de ma bibliothèque, vous tombâtes sur
s'embarqua pour la Grèce et ce fut sur le vaisseau même, les huit Livres des Topiques d'Arstote,
et pendant la traversée, qu'il rédigea ces principes élémen- frappé de et qu«
taires de l'art oratoire, principes auxquels il donna plus cetitre vous m'en demandâtes aussitôt
tard des développementsplus étendus dans ses Partitions. la signification. C'est, vous répondis-je, l'exposé
Il envoya cet opuscule, de Rhégium, sept jours après s'ê- d'une méthode pour trouver des arguments; et
tre embarqné au port de Vélie (20 juillet, an de R. 709), l'on arrive sûrement à but,
à son ami Trébatius Testa, un des plus célèbres juriscon- indiquée ce en suivant la route
sultes de son temps. Ainsi, il mit sept jours à écrire les par Aristote. Vous, alors, réservé comme
Topiques,et fit de plus, pendant cette même traversée, une vous l'êtes en toutes choses, ne le fûtes pourtant
nouvelle préface pour son Traité de la Gloire. (Ad Att. pas assez pour que je ne comprisse votre ardent
xYl, 6.) désir d'apprendre les règles de cette doctrine.
et les anciens rhéteurs entendaient par la To-
pique Tomxri l'art de trouver des arguments ou des lieux Je vous engageai donc, moins pour m'épargner
Aristote

sur toutes les questions. Ces lieux, Tono'i, occupaient un peu de peine que pour votre propre intérêt,
beaucouples écrivainsdidactiques.Aristote en a rempli huit à lire vous-même ce traité, ou à vous le faire
livres dont Cicéron donne ici en quelque sorte un abrégé', expliquer
écrit à la hâte et sans autre secours que sa prodigieuse par quelque habile rhéteur. Vous m'ap-
mémoire. prenez que vous avez tenté.l'un et l'autre mais
Cicéron, après une courte préface, établit d'abord la l'obscurité des livres d'Aristote vous a rebuté,
grande division des lieux intrinsèques ou pris dans le et votre savant rhéteur vous a répondu, je crois,
sujet même, et des lieux extrinsèques ou pris en dehors qu'il ignorait la méthode d'Aristote.
du sujet, ou accessoires. Il développe ensuite les;premiers
Je n'en suis
lieux du chapitre V au chapitre XIX, et les seconds, dans pas étonné; car ce philosophe, bien loin d'être
les ceux chapitres suivants. A la suite de ces règles, il connu de tous les rhéteurs, ne l'est même que
distingue les différentes espèces d'arguments, selon les
questions à traiter; divise celles-ci en thèses
d'un
générales et
très-petit nombre de philosophes. L'igno-
des premiers est d'autant plus impardon-
particulières, subdivisées elles-mêmes en questions de rance
théorie et questions de pratique, et assigne enfin à ces nable qu'ils auraient dû être non-seulement atti-
dernières trois genres le judiciaire, le délibératif, le dé- rés par toutes les observations et les découvertes
monstratif. Telle est la matière des six derniers chapitres; d'Aristote, mais encore par l'abondance et la
l'auteur y enseigne les lieux convenables à chaque sujet. grâce merveilleuse de
son langage. Je ne puis
donc, après vos instances réitérées, et malgré vos
I. J'avais commencé, C. Trébatius, un ouvragecraintes d'être importun (comme déjà il m'a été
plus important et plus digne de ceux que j'ai facile de le voir), différer d'acquitter ce que je
publiés en assez grand nombre et en très-peu devous dois, wnir éviter jusqu'à l'apparence d'un

I. Majores nos res scribere ingressos, C. Trebah, et iisegisti. Quum autem ego te, non tam vitandi laboris mei
libris, quos brevi tempore satis multos edidimus, di- causa, quam quod id tua interesse arbitrarer, vel ut eos
gniores e cursu ipso revocavit voluntas tua. Quum enim per te ipse légères, vel ut totam rationem a doctissimo

evolveret, incidisli in Aristotelis Topica quœdam, quas3


ut
mecum in Tusculano esses, et in bibliotheca separatimquodam rhetore acciperes, hortatus essem utrumque 9
uterque nostrum ad suum studium libellas quos vellet, ex te audiebam, es expertus. Sed a libris te obscairitas
rejecit. Rhetor autem ille magnus, Iibpc, ut bpinor, Aris-
sunt ab illo pluribus libris explirata. Qua inscriptionecom- lolelica se ignorare respondit. Quod quidem minime sum
motus, continue a me eorum librorum sententiam requi- admiratus, eum philosophum rhetori non esse cognitum,
sisti. Quam tibi quum exposuissem,disciplinam invenien- qui ab ipsis philosophis, prêter admodum paucos, igno-
dorum argumentorum ut sine ullo errore ad eam rationem1 relur. Quibus eo minus ignoscendumest, quod non modo
via perveniremus ab Aristotele inventa, libris illis conti. rébus iis, quae ab illo dicte et invente sunt, allici de-
i
neri verecunde tu quidem, ut onmia sed tamen ut facile buerunt sed diceudi quoque incredibili quadam quum
eernerem te ardere studio, mecum, ut tibi illam traderem, copia, tum etiam suavitate. Non potui igitur tibi sapins
tort envers un jurisconsulte de votre .r~m
mérite. ~T_
Vous ilLn.
ité,
i je me propose de les traiter l'une et l'autre,
m'avez d'ailleurs rendu, ainsi qu'àtouslesmiens, s j'en ai le temps. Je commence par la première.
si
tant de services de ce genre, que j'aurais craint, Comme il est facile de trouver une chose,
en hésitant davantage, d'être accusé d'ingrati- quand
q on sait exactement où cette chose est ca-
tude ou d'orgueil. Mais tant que nous avons été chée,
c il faut aussi, pour trouver un argument,
ensemble,vous avez pu voir mieux que personne connaître
c d'abord les lieux communs. C'est le
combien j'étais occupé et en vous quittant je nnom qu'Aristote a donné à ces espèces de réser-
suis parti pour la Grèce, à une époque où je ne voirs
ï où l'on va puiser les preuves. On peut donc
pouvais plus être utile ni à I a républ ique ni à mes i
définir le lieu, le siége de l'argument, et l'ar-
amis, et où l'honneur ne me permettait plus de gument,
$ le moyen qui sert à prouver une chose
rester au milieu des armes, alors même que j'y douteuse. Or, de ces lieux, d'où l'on tire les ar-
<

eusse été en sûreté. Arrivé à Vélie, les biens que guments,


f. les uns sont inhérents au sujet en ques-
vous y possédez et la vue de votrefamille, m'ont tion
t les autres sont pris en dehors du sujet. Les
rappelé mon ancienne dette, et j'ai résolu de 1lieux tirés du sujet même, ou intrinsèques, dé-

m'acquitter, sans attendre que vous me sollicitas- rivent


i ou de l'ensemble, ou des parties, ou de
siez de nouveau. J'ai donc, pendant la traversée, l'étymologie du mot, enfin, de toutes les choses
rédigé de mémoire ce petit traité; car je n'avais quiont rapport au sujet. Les lieux pris en dehors,
pas de livres; et je vous l'envoie avant même ou extrinsèques, reçoivent cette appellation de
d'être arrivé, afin que mon empressement à vous leur séparation complète et absolue du sujet.
obéir vous avertisse, quoique vous n'en ayez Lorsqu'on tire un argument de l'ensemble du
pas besoin, de vous souvenir aussi de ce qui sujet, on emploie la définition, laquelle en con-
m'intéresse. Mais il est temps d'en venir à mon tient l'essence et en est le développement. Voici
sujet. la formule de cette espèce d'argument Le droit
II Toute discussion régulière se divise en deux civil est l'équité réduite en lois pour diriger
parties, l'invention et le raisonnement pour «
les membres d'une même cité dans l'exercice
l'une comme pour l'autre, Aristote est, selon « de leurs
droits; or la connaissance de cette
moi, un excellent maître. Les stoïciens ne se sont «
équité est utile; doncledroitcivilestunescience
occupés que de la dernière ils ont enseigné avec utile'. » Vient ensuite l'énumérationdes parties
«
soin tous les procédés du raisonnement, au moyen qui se traite ainsi « Cet homme n'a pas été dé-
de cette science qn'ils nomment la Dialectique; «
claré libre par le cens, ou par le coup de ba-
mais ils ont entièrement négligé l'invention ou « guette, ou par testament; or il
n'a été affranchi
la Topique, laquelle a, dans l'usage, bien plus «
d'aucune de ces manières; donc il n'est pas li-
d'importance, et doit, dans l'ordre naturel, pas- «
bre. Puis enfin l'étymologie et la signification
ber avant la science du raisonnement. Pour moi, t
du mot; comme, par exemple « Puisque la loi
qui estime ces deux parties de la plus haute uti- • ordonne au contribuable de répondre pour le

hoc roganti, tamen verenti, ne mihi gravis esses ( facile utilitas est, ctulramque, si erit otium, persequi cogita-
enim id cernebam), debere diutius, ne ipsi juris inter- mus, ab ea, quae pi ior est, ordiemur.
preti fieri aideretnr injuria. Etenim quum tu mihi meis- Ut igitur earum rerum, quae absconditae sunt, démon-
que multa sœpe scripsisses veritus sum, ne, si ego gra- strato et notato loco, facilis inventio est sic, quum per-
varer, aut ingratum id, aut superbum videretur. Sed, vestigare argumentura aliquod volumus locos nosse de-
dum fuimus una, tu optimus es testis, quam fuerim oc- bemus sic enim appellatœ ab Aristotele sunt lue quasi
cupalus ut autem a te discessi in Graeciamproficiscens, sedes, e quibus argumenta promuntur. Itaque licet défi.
quum opeva mea nec respublica nec amici uterentur, nec nii'e locum esse argumenti sedein argumentum autem,
honeste inter arma vemri possem, ne si tuto id quidemi ratioiiera quai rei dubire faciat fidem. Sed ex bis locis,
milii liceret; ut veni Veliam, luaque et tuos vidi, admo- in quibus argumenta inclusa sunt, alii in eo ipso, de quo
nitns hujus a'ris alieni, nolui deesse ne tacitœ quidem fia- agitur, burent; alii assumuntur e\tiiiisecus. ln ipso, liim
gitationi tu«e. Itaque haec, quum mecum libros non habe- ex toto, tum ex partibus ejus, tum ex nota, tum ex Mis
rem, memoria repetita, in ipsa navigatione conscripsi, rebus, quœ qnodammodo affecta; sunL ad id, de quo qun>.
tibique ex. itinere misi ut mea diligentia mandatorum tuo- ritur. Extrinsecus autem ea dicuntiir, quœ ahsunt longe-
i
rum, te quoque, etsi admonitore non eges, ad memoiiam que disjuncta sunt.
nostrarum rerum excitarem. Sed jam tempus est ad id, Sed ad id totum, de quo disseï ïtnr, tum delinilio adlii-
quod instituimus, accedere. betur, qua quasi involulum evolvit id, de quo qiiœtïtm*.
t
II. Quum omnis ratio diligens disserendi duas habeat Ejus argument! talis est formula « Jus civile est, aequi-
parles, unam inveniendi, altcram judicandi, utriusquei « tas oonslituta iis, qui ejusdem civitatis sunt, ad res
princeps, ut mihi quidem videtur, Aristoteles fuit. Stoicii t suas obtinendas; ejus autem aequitatis utilis est cogni-
autem in altera elaboraverunt; judicandi enim vias dili. « lio; utilis est ergo juris civilis scientia. » Tuin partium
genter persecuti sunt, ea scientia, quam Dialecticen ap- enunieratio, quae tractatur hoc modo « Si neqne censu,»
prilant invenieudi vero aitem quœ Topice dicitur, quae. : « neque vindicta nec lestamento u'ber factus est, non est
que ad usnin potior erat, et ordine natura certe prior,« liber; neque est ulla earum rerum non est igitur liber. »
i
uUm reliqii«runt.Nos autem, quoniam in utraque snmma Tuiu nolalio, quum ex \i verbi argumentiim aliquod eli-
contribuable, elle ordonne au riche de répondre de famille unies par la coemption; l'autre, celle
« pour le riche; car le riche est contribuable, des simples épouses. Fabia appartient à cette
«
assiduus, ab asse dando, comme dit Élius. » dernière; elle n'a donc rien à réclamer.
111. On tire aussi des arguments de toutes les De la similitude « Si une maison dont l'usu-
choses qui ont quelque affinité avec le sujet. Ces « fruit a été légué s'écroule ou se détériore, l'hé-
arguments sont de plusieurs espèces; on les tire « ritier n'est pas plus obligé de la reconstruire ou

ou des mots de même famille, ou du genre, de de la réparer, qu'il ne serait obligé de rempla-
l'espèce, de la similitude, de la différence, des « cer l'esclave dont l'usufruit aurait été légué, et
contraires, desdépendances, des antécédents, des « qui viendrait à mourir. »
conséquents, des choses qui répugnent entre De la différence « De ce qu'un mari a légué à
elles des causes ou des effets, et enfin de la com- « sa
femme tout l'argent qu'il avait, il ne s'en-
paraison entre desobjets plus grands, plus petits « suit pas qu'il lui ait légué
l'argent qu'on lui de-
ou pareils. « vait car il y a une grande différence entre
Les mots de même famille ont une racine « l'argent en caisse et
l'argent dû. »
commune ils se modifient suivant l'application Des contraires Une femme à qui son mari a
qu'on en fait; comme dans sage, sagement, sa- « légué l'usufruit de ses biens, et laissé des cel-
gesse. Cette alliancedes mots est appelée en grec « liers et des magasins remplis de vin et d'huile,
<juÇuYi'a.Yoici.-unargument tiré de ce lieu « Si ce « ne doit pas se croire libre d'en disposer à son
« champ est une
propriété commune, on a le droit « gré; car on lui a légué l'usage et non l'abus;
« d'y faire paître les troupeaux en commun. » « et l'un est le contraire de l'autre. »
Argument tiré du genre « Puisque tout l'ar- IV. Argument tiré des dépendances « Si une
« gent a
été légué à la femme, on lui a légué né- « femme qui n'a jamais
éprouvé de changement
«
cessairementl'argent comptant laissé à la mui- « d'état a fait un testament, le préteur ne peut
« son; car
l'espèce est inséparable du genre, tant « pas, en vertu de ce testament, prononcer la
«
qu'elle garde le même nom. Or, l'argent comp- « mise en possession; autrement, il devraitaussi,
« tant conserve
le nom d' argent il doit donc « par analogie, approuver les donations faites

« avoir
été légué. » « par des esclaves, des exilés, des enfants. »
Argument tiré de l'espèce, ou, comme on peut Des antécédents Sile divorce a eu lieu par
le dire quelquefois pour être plus clair, de la par- « la faute du mari, quoique la femme ait demandé
tie « Une somme a été léguée à Fabia par son « le
divorce, elle n'est pas obligée de laisser une
« mari, si elle
était mère de famille; si donc elle « partie de sa dot pour l'entretien des enfants. »
« ne
lui était pas unie par la coemption, il ne lui Des conséquents « Si une femme mariée à un
« est rien
dû. » Ici le genre, c'est l'épouse on en « homme qu'elle n'avait pas le
droit d'épouser a
distingue deux espèces; l'une est celle des mères « demandé le divorce, le mari ne doit rien retenir

citur, hoc modo « Quum lex \lf,i Sentia] assiduo vin- « pecuida legata est a viro, si ea uxor roaterfaroilias esset;
u dicem assiduum essejubeat,locupletemîubetlocnpleli; « si ea in mauum non convenerat nihil debelur. » Genus
« locuples enim est assiduus, ut ait selius, appellatus ab enim est, uxor ejus duae formae una matrumfamilias
« asse dando. » earum, quae in manum convenerunt; altera, earum, quae
III. Ducuntur etiam argumenta ex iis rebus, quae quo- tantummodo uxores habenlur ima in parte quum fuerit
dammodo affectae sunt ad id, de quo quaeritur. Sed hue Fabia, legatum ei non videtur. A simUitudine hoc modo
genus in plures partes distributum est. Nam alia conjugata k Si aèdes eae corruerunt vitiumve fecerunt, quarumusus-
appellamus, alia ex génère alia ex formula, alia ex simi- fructus legatus est, heres restituere non debet, nec re-
litudine alia ex difterentia, alia ex contrario, alia ex ad. « ficere, non magis, quam servum restituere, si is, cujus
junetis, alia ex antecedentibus, alia ex consequentibus, « ususfructus legatus est, deperisset. » A difterentia
alia ex repuguantibus, alia ex causis, alia ex effectis, alia Non, si uxori vir legavit omne argentum, quod suum
ex comparationeînajoram, aut parium, aut minorum. esset, idcirco, qurfi in nominibus fuerunt, legata sunt
Conjugata dieuntur, quae sunt ex verbis generis ejus- « multum enim differt, in arcane positum sit argentum,
dem. Ejusdem autem generis verba sunt quae orta ab uno « an in tabulis debeatur. » Ex contrarioautem sic « Non
varie commutantur, ut « sapiens, sapienles, sapientia. » « debet ea mulier, cui vir bonorum suorum usumfnictum
Haec verborum conjugatio sutura dicitur, ex qua hujus « legavit, cellis viuariis et oleariis plenis relictis, putare
modi est argumentum « Si compascous ager est, jus id ad se pertinere; usas enim, non abusas legatus est
est compascere. » eaIV.lunt inter se contraria. »
Ab adjunctis Si mulier testamentum fecit,
A genere sic ducitur « Quoniam argentum omne mu- ea
« lieri legatum est, non potest ea pecunia, quae numerata qum se capite nunquam deminuit, non videtur ex edicto
domi relicta est, non esse legata; forma enim a génère 1 n praetoris secundum eas tabulas possessio dari; adjungi-
« quoad suum nomen retinet, nunquam sejungitur; nu- tur euim, utsecundumservornm, secundum exsulum,
« merata autem pecunia nomen argenti retinet; legata igi- « secundum puerulorum tabulas possessio videatur ex
tur videtur. » « edicto dari. » Ab antecedentibus autem, et consequenti-
«
A forma generis, quam interdum, quo planius accipia- bus, et repugnantibus, hoc modo ab antecedentibus:
tur, partent licet nominare, hoc modo « Si ita Fabia; « Si viri culiia factum est divortium, et
si luulier nua-
« de la dot pour l'entretien des enfants, puisqu'ils « être aussi de deux ans. Les maisons ne sontt
ne suivent pas sa condition. » pas nommément désignées dans la loi, mais elles
Des choses qui répugnent entre elles « Si un semblent confondues avec les biens-fonds dont
« père
de famille a légué à sa femme l'usufruit l'usage est annuel. Ici est applicable le principe
« des
femmes esclaves, après son fils, et non d'équité qui veut des droits égaux sur des choses
« après le second héritier, la femme, après la égales.
« mort du fils, ne peut perdre cet usufruit; car Les lieux communs pris en dehors du sujet se
« on ne peut enlever de force à un légataire ce tirent principalementdel'autorité. Aussi les Grecs
« qui lui a été donné par testament, et il répu- appellent-ils ces sortes d'arguments aTÉ^vouç,c'est-
» gne à la raison de forcer à restituer quiconque à-dire, sans art. Par exemple Scévola ayant P.
« a eu le droit
de recevoir. » « déclaré qu'on doit appeler le pourtour d'une
Des causes efficientes « Il est permis d'ap- « maison, la partie jusqu'où s'étend le toit que
« puyer à un mur commun, dans sa longueur, un « l'on prolonge en dehors, pour mettre à couvert
mur plein ou voûté; mais si quelqu'un, en dé- « un mur commun, de manière que l'eau tombe
« molissant le mur commun a promis de payer « sur le terrain de celui qui prolonge le toit, je
« les
dommages qui arriveraient par sa faute, il « regarde cet avis comme un principe de droit. »
« ne doit pas répondre des accidents causés par V. Les lieux communs que je viens d'exposer
«
l'écroulementde la voûte car la faute n'en est fournissent les éléments de toutes les preuves pos-
« pas
à celui qui démolit mais à l'architecte qui,1 sibles, et semblent les indiquer à l'esprit. Dois-je
« en
suspendant la voûte, ne l'a pas assez bien sou- m'arrêter maintenant? C'en est assez, je crois,
« tenue. » pour un homme aussi intelligent que vous et aussi
Des effets « Lorsqu'une femme a contracté un occupé. Mais puisque j'ai invité à ce repas de
mariage de coemption, tout ce qui lui appar- science un homme qui en est si avide, je veux
tenait devient la propriété de son mari, sous le le bien traiter, et j'aime mieux lui donner même
nom de dot. » du superflu, que de le voir partir mécontent.
Des rapprochementsou objets de comparaison Comme chacun des lieux que je viens d'exposer
«
Qui prouve le plus prouve le moins; excmple a ses subdivisions, parcourons-les avec la plus
« Si les limites n'ont pas
été déterminées dans la scrupuleuse exactitude, en commençant par la
» ville, on ne peut
m'y forcer de détourner l'eau. » définition.
Et dans le sens contraire, en prouvant le moins La définition est un discours qui explique ce
on prouve le plus il suffit de retourner l'exem- que c'est que l'objet défini. On en distingue deux
ple précédent. Enfin « Ce qui est prouvé pour espèces principales l'une regarde les choses qui
« une chose, l'est aussi pour toute
chose pareille: sont réellement; l'autre, celles qui sont dans la
« exemple Puisque l'usucapion des biens-fonds pensée. Les choses sont réellement, lorsqu'elles
» est de deux ans,
1'usucapion des maisons doit peuvent être vues ou touchées, comme un champ,

« tium remisit, tamen pro liberis mauere nihil oportet » licet idem exemplum convertere. Item Quod in re
«

a consequentibus « Si mulier, quum fuisset nupla cum « pari valet, valeat in bac, quœ par est » ut, « Quoniam
« eo, quicum connubium non esset, nuntium remisit; « usus auctoritas fundi biennium est, sit etiam teàiam. »
quoniam qui nati sunt, palrem non sequuntur, pro li- At inlege aedes non appellanlur, etsunt ceterarum rernm
« beris manere nihil oportet » a repugnantibus « Si omnium, quarum annuus est usus. Yaleatsequilas, quee
paterfamilias uxori ancillarum usumfrnctum legavit a paribus in causis paria jura desidcrat.
« lilio, neque a secundo herede legavit, mortuo filio nm- Quœ autern extrinsecusassumuntur, ea maxime ex au-
ctoritate ducuntur itaque Graeci tales argomentatinnes
« lier usumfruclura non amittet quod enim semel testa-
> mento alicui datum est, id ab eo invito cui datum est,
« auferri non potest repugnat enim recte accipere et
i clte/vov; vocant, id est, artis expertes ut, si ita respon-
deas « Quoniam P. Scaevola id solum esse ambitus
« invituin reddere. » Ab efficientibus causis, hoc modo « œdiumdixerit, quod, parietis communis tegendi cassa,
« Omnibus est jus parietem directum ad parientem corn- « tcctum projiceretur, ex quo in tectum ejus œdes qui
« raunera adjungere, vel solidum vel fornicatum at si « protexisset, aqua deflueret, id tibi jus videri. »
« quis, in pariete communi demoliendo, damni infecti V. His igitur locis, qui sunt expositi, ad omne argumen-
« promiserit, non
debebit prastare quod fornix vitii fe- tum reperiemlum tampiam elemenu's quibusdam,signi-
« cerit non enim ejuRVÎtio qui dernolitus est, darnnum 1 ficatio et demonstratio datur. Ulrum igitur hacteuus satis
factum est, sed ejus operis vitio, quod ita aedificatum est? tibi quidem, tam acuto, et tam occupato, puto. Sed
« est, ut suspendi non possct. » Ab effectis rébus, hoc quoniam avidum hominem ad has discendi eptilas recepi,
modo « Quum
mulier viro in manum convenit omnia, sic accipiam, ut reliquianun sit potius aliqnid, quam te
« quœ mulieris fuerunt, viri fiunt dolis nomine. » Ex hinc patiar non satiatum discedere. Quando ergo unus-
comparatioDeautem omnia valent, qiue sunt ejusmodi quisque eoruni locoruni, quos exposui, suaquaedam mern-
Quod in re majore valet, valeat in minore ut, si in bra habet, ea quam subtilissimeperaequamur et primum
urbe fines non reguntur, nec aqua in urbe arceatur. » de ipsa definitione dicatur.
Item contra Quod m minore valet), valeat in majore Dciinitio est oratio, quae id, quod definitur, explicat,
une maison, un mur, une gouttière, un esclave, quer à aucune autre. Par exemple L'héritage
du bétail, des meubles, des provisions, et autres est un bien voilà un caractère commun car il
objets qu'il nous faut quelquefois définir. Les cho-y a plusieurs espèces de biens. Ajoutez ensuite
ses qui ne sont pas réellement sont celles qu'on qui nous arrive à la mort de quelqu'un. La dé-
ne peut ni toucher, ni montrer et qu'on ne voit finition n'est pas encore complète car le bien de
que par l'esprit, par l'intelligence; par exemple quelqu'un peut nous arriver à sa mort, sans qu'il
L'usucapion, la tutelle, la race, la parenté; tou- y ait héritage. Ajoutez encore en vertu de la
tes choses qui n'ont point de corps, mais dont nous loi. Alors la chose sort des généralités, et vous
avons dans l'intelligence une sorte d'image des- avez cette définition L'héritage est un bien qui,
sinée et empreinte, que j'appelle notion. 11 est à la mort de quelqu'un, nous arrive en vertu de
souvent nécessaire, dans l'argumentation,de les la lui. Mais ce n'est pas encore assez; ajoutez en-
délinir. fin sans nous être légué parun testament, ou
La définition s'opère encore par l'énumération sans nous revenir comme une propriété dont un
des parties ou par la division. Il y a énumération autre avait l'usufruit et la définition est com-
des parties lorsque la chose en question est dé- plète. Voici un second exemple On appelle gen-
composée en ses éléments. Par exemple: On peut tiles ceux qui portent le même nom; ce n'est
dire que le droit civil est celui qui repose sur pas assez qui sont issus de parents libres; ce
les lois, les sénatus-consultes, les sentences des n'est pas tout encore dont aucun des ancêtres
tribunaux, les décisions des jurisconsultes, les n'a jamais vécu dans l'esclavage; dites enfin
édits des magistrats, la coutume et l'équité. La qui n'ont jamais subi de changement d'état.
définition par la division embrasse toutes les es- Cela suffit; car je ne vois pas que Scévola le pon-
pèces comprises dans le genre; ainsi « L'alié- tife ait rien ajouté à cette définition. Cette mé-
« nation est
la tradition avec garantie ou la ces- thode s'applique aux deux espèces de définitions,
« sion
légale d'une chose qui nous appartient en à celle des choses qui sont réellement et à celle
« propre,
à une personne à qui, d'après le droit des choses qui n'ont d'existence que dans la
«
civil, nous pouvons la transmettre ou la céder. » pensée.
VI. Il y a d'autres sortes de définitions mais VIL Nous avons fait voir en quoi consistent
elles n'ont point de rapport à l'objet de cet ou- l'énumération des parties et la division; disons
vrage je ne dirai ici que la manière de définir. maintenant avec plus de clarté en quoi elles dif-
Voici donc ce que prescrivent les anciens d'é- fèrent. L'énumération des parties est comme le
noncer d'abord, dans la chose qu'on veut définir, partage des membres d'un tout ainsi, dans le
les caractères qui lui sont communs avec d'autres, corps humain, sont la tête, les épaules, les mains,
et de poursuivre jusqu'à ce qu'on arrive à ceux les côtes, les jambes, les pieds, etc. Dans la di-
qui lui sont propres, et qui ne sauraient s'appli- vision se trouvent les espèces, que les Grecs ap-

quid sit. t. Definitionum autem duo sunt gênera prima unum, communia, usque eo persequi, dum proprium efficiatur
earum reruin, quae sunt; alterum eamm, quœ intelliguntur quodnullaminaliain rem transfcrri possit. Ut hoc, « Hère.
Esseeadicoqiiœceinilanpivepossunlulfundum, œdes, pa- « ditas est pecunia. » Commune adhuc multa enim ge-
rielem, stillicidium, mancipium, pecudem,supellectilem, nera sunt pecuniae. Adde quod sequitur « quse morte ali-
penus cetera; quo ex genere quœdam interdnm nobis de- cujusadquempiamperrenit.Nondum definitio est: mul-
tinienda sunt. Non esse ruisus ea dico, quœ tangi demons- tis vnini modis sine hereditate teneri înortuoruin pecunise
trarive non possunt, cerni lamen animo, atque intelligi possnnt. Unum adde verbum, « jure. » Jam a communi-
possunt ut, si usucapionem, si lutelam si gentem, si tate tes disjuncta videbitur, ut sit explicatadefinitio sic
agnationem definias; quarum rerum nullum subest quasi « Hereditas est pecunia quae morte alicujus ad quempiam
corniis,esttamen quaedam conformatioinsignitaet impressa « pervenerit jure. » Nondumest satis adde nec ea aut
iotelligentia, quam notionem voco. Ea sœpe in arguinen- « legata testamento, ont possessione retenta » confectum
tando definitione explicanda sunt. Atque etiam detiiiitiones est. Itemque, ut illud, « Gentiles sunt, qui inter se eo-
aliœ sunt partitionum, aliae divisionum parlitionmn dem nomine sunt. » Non est satis. Il Quid ab ingenuis
quum res ea, quae proposita est, quasi in
memhra discer- « oriundi sunt. » Ne id quidem satis est. « Quorum majo-
pitur; ut, si quis jus civile dicat id esse, quod in legibus, rum nemo servitutem servivit. » Abestetiamnunc: «Qui
senatusionsullis, rebus judicatis, jurisperitorum auclu- capite non sunt deminuti. Hoc fortasse satis est. Nihil
ritate,edidis magistratuum, more, œqnilale consistit enim videor Scœvolam pontificem, ad hanc definitionem
divisionnm autem definitio formas omnes complectitur, addidisse. Atque haec ratio valet in utroque genere defini-
« Aba- tionum, sive id quod est, sive id quod intelligitur,definien-
quœ sub eo genere sunt, quod «lefinitnr, hoc
modo
mancipi est, ant traditio alteri dum est.
« lienatio est ejos rei quae
nexu.autinjurecessio, inter quos ea jure civili fieri VII. Partitionnm autem et divisionum genus quale es-
« possunt. »
set, ostendimus; sed quid inter se différant, planius di<
VI. Suntet alia genera definitionnni sed ad hujns lihri cendum est. In partitioneqnasi membrasunt ut corporiso
institutumillanihil perUneut:tantumestdicendum,(luisit caput, humeri, manns, latera, crura, pedes, et cetera.
defmitionis modus. Sic igitur veteres praecipiunt quum In divisione formfe snnt quas Grira ISia; vocanl nostri,
sumseris ea, qnje sint ei rei, quam ilclinire velifi, eum aliis si qui hipe forte tractant, species appellant; non pessimt
pellent îôéoii. écrivains, s'il en est qui trai- l'on
Nos 1 définissait l'adolescence, la flvurde l'âge, et
teut de ces matières, se servent du mot species, la 1 vieillesse, le couchant de la vie. En employant

locution juste, mais inutile, faute de cas pour la cette


< métaphore Aquilius parlait ici comme un
décliner. Pour moi, du moins, quand même le poëte, 1 et oubliait la langue de son art. Mais c'en
latin lepermettrait, je ne voudrais pas dire spe- est ( assez sur les définitions; voyons les autres
cierum, speciebus, cas dont nous avons souvent lieux. 1

besoin; j'aimerais mieux employer les mots for- VIII. Remarquons seulementque,dansl'énu-
mis, formarum. Les deux expressions ayant le mération 1 des parties, on ne doit en négliger au-
même sens, on doit, à mon avis, préférer celle cune. Ainsi, dans l'énumération des tutelles,
<

qui, dans l'usage, est le plus commode. l'omission d'une seule serait une faute. Mais, si
On définit ainsi le genre et l'espèce Le genre vous
· voulez définir les stipulations et les juge-
est une notion commune à plusieurs objets qui ments, comme le nombre en est immense il n'est
diffèrent les uns des autres; l'espèce est une no- pas] mal d'en omettre quelques-uns; ce qui serait
tion dont le caractère distinctif peut être rapporté un défaut dans la division car le nombre des
au genre comme à son principe. J'appelle notion espèces qui dépendent de chaque genre est déter-
ce que les Grecs nomment tantôt Uwoia tantôt miné, tandis que souvent le nombre des parties
wpoXvn)/({. C'est la connaissance de chacune des i est comme le nombre des ruisseaux qui dérivent
espèces gravée en nous et perçue d'avance, maisi d'une même source incalculable. Aussi, dans l'art
ayant besoin d'être développée. Les espèces sont oratoire, dès qu'on a établi le genre de la ques-
donc les parties dans lesquelles le genre sedivise,tion, on peut dire en combien d'espèces le genre
sans en omettre aucune; comme si l'on divisait se divise mais il n'en est pas de même dès qu'il
le droit en loi coutume 5t équité. Croire que les est question des figures de mots et de pensées, que
espèces sont la même chose que les parties, c'est l'on nomme tr/ypnTa et dont le nombre est in-
jeter de la confusion dans fart; c'est, comme on fini nouvel exemple de la différence que nous
le fait quelquefois par inadvertance, ne pas dis- établissons entre l'énumération des parties et la
tinguer assez nettement les choses qui doiventt division. Quoique ces deux mots paraissent avoir
et
être distinguées. Souvent aussi les orateurs t à peu près la même signification,comme les idées
les poëtes, afin de donner plus de grâce à leurqu'ils expriment sont différentes, on a voulu
langage, définissent par un trope tiré d'une si- qu'ils ne fussent point synonymes.
militude. Mais je neveuxpas, sansnécessitc, m'é- On tire aussi un grand nombre d'arguments de
carter des exemples que me fournissent vosjuris- la signification des mots, que les G recs nomment
consultes. Aquilius, mon collègue et mon ami, «u[ioXoY'«t, et que nous rendrions littéralement
avait coutume, lorsqu'il était question des riva- en latin par veriloquium. Pour nous, évitant les
ges, que vous regardez comme une propriété pu-termes nouveaux qui manquent peut-être de
blique, de répondre à ceux qui lui demandaientt propriété, nous employons celui de signes, parce
ce qu'il entendait par rivage, que c'est l'endroitt que les mots sont les signes des idées. Aristote
«
où les flots viennent se jouer. » C'est comme sii emploie dans le même sens le mot aûjAêoXov, en

id quidem, sed inutiliter ad mutandos casus in dicendo. quid esset litlus, ita detinire, « qua fludus eluderet »
Noliin enim ne si latine quidem dici possit, « specieruiu » » hoc est, quasi qui « adolescentiam,Dorera œlalis; sene-
et « speciebus » dicere et saepe his casibus utendum est etutem, occasum vite, » velit delinire translatione
ai « formis » et « forinarum » velim. Quum autem u tru- utens discedebat a verbis propriis rerum ac suis. Quod ad
que verbo idem significetur, commoditatem in dicendo nona deOuitiones attinet, hactenus reliqua videamus.
arbitror negligendam. VIII. Partitione autem sic utendum est, nullam ut par-
Genus et formam definiunt hoc modo Genus est notioo tem relinquas ut si partiri relis tutelas inscienter fadas
ad plures differentias pertinens. Forma est notio, cujus dif-f- si ullam prsetermittas. At si stipulationum aut judiciorum
ferentia ad caput generis et quasi fontem referri potest. formulas partiare, non est viliosum in re infinita preter-
Notiouem appello, quam Graeci tum iwoiav, tum nC'°'Aïr I- mittere aliquid. Quod idem in divisione vitiosum est. For-
e marum enira certus est numerus, quœ cuique generi sub-
ij.iv ilicant. Ea est insita et ante percepta cujusque forma)
cogoitto, enodationis indigens. Formas igitur sunt h», inn jiciantur partium distribtitio saepe est infinitior, tanquam
quas genus sine ullius prœtermissione divîditiu* ut sisi rivorum afontededuclio. Itaquein oratoriis artibus quae*
quis jus in legem, moreiu aequitatem dividat. Formass stionis genere propositp, quot ejus forma? sint, snbjun-
qui putal idom esse, quod partes, confundit artem, et:t gitur absolut* at quum de ornamentis verborum seiiteu-
similitudine quadam eonturbatus, non satis acute, quae » tiarumquepraecipiltir,quaovocantur«x^(wta,nonfltidem.
snnt secernenda, distingnit. Saepe etiam definiunt et ora-i- Rps enira est intlnitior; ut ex hoc quoque iptelligatur, quid
tores et poetae per translationem verbi ex similltndine, veliraus inter partitionem et divisionem Interesse. Quan-
cum quadam suavitate. Sed ego a vestris excmplis, nisi si quam enim Tocabula prope idem valere videantur: tamen,
necessario, nQn recedam. Solebat igitur Aquillius, collega a quia res differebant nomina rerum distare voluerunt.
et farailiarismeus, quum de littoribus ageretur, quae omniaa Multaetiam ex notatione sumnntur. Ea est autem quum
publira esse vultis, qua-renlibus iis, ad quos id pertinebat, ex vi nominis argumentum elicitur quam Gnrci ètu^o-
latin nota. Mais la pensée une fois comprise, il ne lieu
1 de cette espèce est celui des mots de même
faut pas trop s'inquiéter de l'expression. On peut f
famille, en grec "u~u'Y('" lequel ressemble beau-
donc, dans la discussion, tirer beaucoup d'ar- ccoup à l'étymologie, dont je parlais tout à l'heure.
guments des étymologies. Ainsi, quand on de- Si,
5 par exemple, on ne considérait comme eau
mande en quoi consiste le postliminium, et je ne cde pluie que celle qui tombe du ciel, viendrait
parle pas ici de toutes les idées que renferme ce IMucius qui, prétendant que pluie et pleuvoir
mot; car ce serait retomber dans la division, qui sont
s des mots de même famille, dirait « qu'on a
dirait « Le droit de postliminium (droit de re- «
le droit de faire détourner toute espèce d'eau
tour) s'applique à l'homme, aux navires, aux qui s'accroît quand il pleut. » Pour tirer un ar-
«
mulets de bât, aux chevaux, aux juments, qui gument
f du genre de la chose, il n'est pas néces-
portent le frein; » quand, dis-je, on demande saire
s de remonter jusqu'à la source il suffit sou-
ce qu'on entend par postliminium, c'est la valeur vent
i de s'arrêter en deçà; il suffit que l'idée qui
même du mot que l'on cherche. Or, Servius, sert
s de preuve soit plus générale que ce qu'on
notre ami, veut, si je ne me trompe, que post veut
i prouver. Ainsi « L'eau de pluie, dans le
( après) détermine seul la signification de ce mot, 1« sens le plus général, est celle qui vient du ciel
et que liminium soit une terminaison prolongée; « et s'accroît par les orages; mais dans le sens
comme dansfinitimus, legitimus, œditimvs, la «• plus restreint qui implique, pour ainsi dire, le
terminaison timus ne signifie pas plus que tul- « droit de détourner, nous trouvons un autre
lium dans meditullium. Au contraire, Scévola,«• genre, l'eau de pluie qui cause des dégâts
fils de Publius, prétend que c'est un mot compo- « les espèces de ce genre sont les dégâts qui ré-
sé dans lequel se trouvent post (après), et limen «• sultent du vice des lieux, et des travaux même
(seuil) de sorte que si des propriétés que nous « de l'homme. Dans ce dernier cas, les arbitres
«

avons perdues, et qui ont passé aux mains de l'é- « peuvent ordonner le détournement des eaux;
'tranger, reviennent à notre seuil, après l'avoir «• dans l'autre, ils ne le peuvent pas. » On peut
en quelque sorte abandonné, elles paraissent re- aussi
i tirer avec utilité des arguments du genre,
venir par le droit de postliminium. C'est ainsi par l'énumération des espèces qui le composent.
1

qu'on peut défendre la cause de Mancinus, en Par ] exemple « Le dol a lieu quand on fait une
disant qu'il est revenu par droit de postliminium; «
chose et qu'on parait en faire une autre;
« on
qu'il n'a point été livré, puisqu'il n'a point été peut'alors
] énumérer les différentes manières dont
reçu car on ne peut concevoir une chose livrée on c se rend coupable de dol, et ranger dans une
ou donnée sans acceptation. de
( ces manières l'action que l'on argue de ce dé-
IX. Vient ensuite le lieu qui traite de toutes lit. Cette sorte d'argument ne manque pas de
1

les choses ayant de l'affinité avec l'objet en dis- fores. 1

cussion, et qui se subdivise lui-même, comme X. La similitude offre aussi de grandes res-
nous l'avons dit, en plusieurs parties. Le premier sources,
s mais plutôt aux orateurs et aux philo-

jioyîstv vocant, id est, verbum ex verbo, veriloquium nos quodam modo affecte sunt ad id, de quo ambigitur qnem
autem novitatem verbi non satis apti fugientes, genus hoc modo dixi iu plures partes distributum. Cujus primus est
îiotalionem appellamus, quia sunt verba rerum notai. Ita- locus ex conjugatione, quam Graeci mHuySav vocant, fini-
que hoc idem Aristoteles otjiiSoXov appellat, quod latine timus notationi, de qua modo dictum est ut, si aquam
est nota. Sed quum intelligitur, quid significetur, minus pluviam eam modo intelligereuius, quam imbri collectam
laborandum est de nomine. Multa igitur in disputando no- videremus;veniret Mucius, qui, quia conjugata verba essent
tatione eliciuntur ex verbo ut, quum quaeritur, « Postli- pluvia et pludndo diceret, « omnem aquam oportere
minium quid sit (non dico, quae sint postliminii; nam « arceri, quae pluendo crevisset. » quum autem a genere
id caderet in divisionem,quœ talis est postli minio redeunt ducetur argumentum, non erit necesse id usque a capite
hœe, homo, navis, mulus clitellarius, equus, equa, quœ arcessere: sœpe etiam citra licet, dummodo supra sit, quod
frena recipere solet) sed quum ipsius postliminii visqua?- sumitur, quam id, ad quod sumitur ut « aqua pluvia
ritur, et verbum ipsum notatur. In quo Servius noster, ut » ullimo genere ea est, quae de cœlo veniens crescit
opinor, nibil putat esse notandum, nisi « post » et « limi- « imbri; sed propiore loco, in quo quasi jus arcendi conti-
•• nium »
illud productionem esse verbi vult, ut in « fini- n netur, genus est, aqua pluvia nocens; ejus generis for-
« timo, legitimo, aeditimo Il non plus esse « timum, » « mœ, loci vitio, et manu nocens quarum altera jubé-
quam in « meditullio, tullium. » Scœvola enim, P. F., •i tur ab
arbitro coerceri altera non jubetur. » Commode
junctum putat esse verbum, ut sit in eo et « post et etiam Iractatur hsec argumentatio, quae ex genere sumi-
« limen » ut, qu;K a nobis alienata sunt, quum ad hos- tur, quum ex toto persequare partes, hoc modo » Si
tem pervenerint, et ex suo tanquam limine exierint, dein dolus malus est, quum aliud agitur, aliud simulatur; »
quum redierint post ad idem limen, postliminiovideantur enumerare licet, quibus id modis fiat; deinde in eorum
redisse. Quo in genere etiam Mancini causa defendi potest, aliquem id, quod arguas dolo mato factnm, includere
postliminio rediisse deditum non esse, quoniam non sit quod genus argumenti in primis firmum videri solet.
receptus. Nam neque deditionem, neque donationem sine X. Similitudo sequitur; quae late patet, sed oratoribns
acceptione intelligi posse. et pbilosopliis magis, quam vobis. Etsi enim omnes loci
IX. Sequitur is locus, qui constat ex iis rebus, quse suntomnium disputationum, ad argumenta supuediUinda,
sophes qu'aux jurisconsultes. En effet, bien que vous autres jurisconsultes, employez souvent
Uns les lieux soient destinés à fournir des argu- dans vos réponses. Les exemples supposés pro-
ments à toutes les discussions, cependant il est duisent le même effet que les similitudes; mais
des questions où ilsse présentent en foule, d'antres ils sont du domaine des orateurs plutôt que du
en très-petit nombre. IL importe donc d'en bien vôtre. Cependant vous vous en servez aussi plus
connaître les différentes espèces; le sujet vous d'une fois, et voici comment « Supposez qu'un
apprendra ensuite comment il faut les employer. « homme aliène des biens inaliénables; appar-
Il y a des similitudes qui par plusieurs compa- «
tiendront-ils pour cela à celui qui les aura reçus?
raisons conduisent au but « Si un tuteur, un « on celui qui les a aliénés s'est-il par là engagé
associé, un dépositaire, un fidéicommissaire, « en
quelque chose? » Dans ce genre, les orateurs
« doivent être fidèles, un fondé de pouvoirs doit et les philosophes peuvent faire parier les choses
«
l'être également.» Cette manièred'argumenter, inanimées, évoquer les morts, avancer un fait
qui partant successivement de plusieurs points, impossible, pour fortifier ou affaiblir une idée;
aboutit où elle veut aller, se nomme induction, ce qu'on appelle hyperbole étaler enfin beaucoup
en grec lira-pï^- C'était l'argument favori de d'autres merveilles. Mais les jurisconsultes ont
Socrate. Une autre sorte de similitude résulte un champ moins vaste à parcourir. Ces lieux,
d'un seul rapprochement, lorsqu'on compare comme je l'ai dit, peuvent toutefois fournir des
une chose unique à une chose unique, un objet arguments pour tous les sujets, les plus grands
égal à un objet égal; par exemple « Si, dans comme les plus petits.
« une ville, il s'élève une contestation sur des
XI. Après la similitude, vient la différence,
limites, vous ne pouvez appeler devant un qui en est tout l'opposé, quoique par la même
• arbitre pour les régler, parce que les limites opération d'esprit on saisisse la différence et le
concernent plutôt les champs que la ville; de rapport. Exemple « De ce qu'on peut acquitter
« même, si l'eau de pluie cause du
dégât dans « entre les mains d'une femme, et sans recourir
« une ville, comme cet
objet est du ressort de la « au tuteur, une dette
contractée envers elle il
« police rurale, vous ne pouvez
traduire devant ne s'ensuit pas qu'on puisse acquitter de même
« un arbitre pour faire détourner l'eau de pluie. « légalement une dette contractée envers un pu-
La similitude devient elle-même exemple quelque- « pille ou une pupille. »
fois ainsi « Crassus, dans la cause de Curius, Vient ensuite l'argument tiré des contraires. Il
« fit un fréquent usage
de ce moyen, en parlant y a des contraires de plusieurs sortes. Les uns
«
d'unhommequiavaitmstituéun autre son héri- offrent des idées les plus opposées dans le même
« tier, si, dans l'espace
de dix mois, il naissait genre, comme la sagesse et la folie. On dit que
« un
fils au testateur, et que ce fils mourût avant les idées sont du même genre, lorsque, l'une
« d'être majeur. Les exemples cités par Crassus étant posée, surgit soudain en regard, une idée
« eurent du succès. » C'est un argument que. contraire; comme la vitesse et la lenteur, et non

tamen aliis disputationibus abundantius ocenrrunt, allis « Finge mandpio aliquem dedisse id quod mancipio dari
angustius.Itaque genera tibi nota sint: ubi autem his utare, « non potest num idcirco id ejus factum est, qui acce-
quaestiones ipsœ te admonebunt. Sunt enim siinilitodines, « pit ? aut num
is qui mancipio dédit oh eam rem se ulla
quee ex pluribus coHatioiûbus perveniunt quo volunt, hoc « re obligavit? » ln hoc genere oratoribus et philosophis
modo': Si tutor fidem praœtare débet si socius; si, cui concessuin est, nt muta etiam loquantur, ut mortui ah
« maudaris si, qui fiduciam acceperit debet etiam pro- inferis excitenlur, aut aliquid, quod fieri nullo modo pos-
«curator. >>H£ec ex pluribus perveniensquovu]t,appellatur »il, augendae rei gratia, dicatur, aut minuendae, qna> hy-
inductio quae graece tnafwyïi nominatur; qua plurimum perbole dicitur, et multa mirabilia alia. Sed latior est cam-
est usus in sermonibus Socrates. Alterum similitudinis pus illorum. Eisdem tamen ex locis, ut ante dixi, et in
genus collatione sumitur, quum una res uni, par pari corn- maximis, et in mimmis quaestionibus argumenta ducun-
paratur, hoc modo « Quemadmodum si in urbe de fini- tur.
bus controversia est quia fines magis agrorum videntur Sequitursimintudinemdifïerentia rei, maximecon-
XL
« esee quam urbis, finibus regundis adigere arbitrum non traria superiori sed est ejusdem, dissimile et simile in-
possis sic, si aqua pluvia in urbe nocet, quoniam res venire. Ejus generis haec sunt •< Non, quemadmodum
tota rnagis agrorum est, aqure plimœ arcendea adigere » quod
mulieri debeas, recte ipsi mulieri, sine tutore au-
non possis arbitrum. » Ex eodem simililndinis loco etiam u dore sol vas ita quod aut pupillœ, autpupillo debeas,
exempla sumuntur, ut Crassus in Curiana causa exera. .<
recte possis eodem modo solvere. »
plis plurimis usus est, agens de eo, qui testamentosic Deinceps locus est, qui a contrario dicitur. Contrario-
« heredem Instituisset, ut, si jilius natus esset in decem rum autem genera sunt plura unum eorum que in eo-
« mensibus, isque mortuus prius, quam in suam tutelam dem genere plurimum differunt, ut sapientia et stultitia.
« venisset; secnndus heres hereditatern obtineret. Quac Eodem autem genere dicuntur, quibus propositis occur
« commemoralio exemplorum
valuit; » eaque vos in res- runt, tanquam e regione, quidam contraria, ut celeritati
pondendo uti multum soleils. Ficta etiam exempla simi- tarditas, non debilitas. Ex quibns [contrarnsjargunientata
litudinis liabent vini; sed ea oratoria magis sunt, quam lia exsistunt Si stultitiam fugimus, sapientiam sequa-
v«slra quanquam uti «liam vos soletis, sed hoc modo «
mur;ptbonitatem, si maliliam. » Ilirc, quac ex eodem ge-
ta faiblesse. Voici des exemples d'arguments ti- regarde point les jurisconsultes; adressez-vous i«
1

rés des contraires « Si l'on doit éviter la folie, (Cii'éron, disait notre ami Gallus, quand on le.
« on doit suivre lasagesse; si l'on doit fuirlemal, consultait sur ce qui avait rapport au fait. Vous
<

« on doit chercher le bien. On appelle opposés, cependant,


{ <
Trébatius, souffrez que je ne néglige
les contraires d'un même genre. 11 y a d'autres iaucun détail propre à ce traité, de peur que, si
contraires que nous appelons en latin privanlia vous i veniez à ne croire digne d'être écrit que ce
(privatifs), et que les Grecs appellent sTsp7)Tixâ. qui( vous intéresse, vous ne soyez accusé d'un
Ainsi la préposition in prive un mot de la force excès d'amour-propre. Ce lieu est donc presque
<

qu'il aurait s'il n'en était pas précédé comme tout 1 oratoire; il n'appartient pas aux juriscon-
dignité, indignité humanité, inhumanité. Les
sultes, ni même aux philosophes. Relativement
arguments dérivés de ces contraires se traitent de aux i circonstances qui ont précédé le fait, on exa-
la même manière que les précédents. On dislin- mine les préparatifs, les entretiens, le lieu, le
gue encore les contraires suivants résultant de rendez-vous, le repas. Quant à celles qui l'ont
ladifférence de leur étendue, de leur dimension. accompagné, il faut s'assurer si l'on entend quel-
Par exemple Double, simple; plusieurs, seul; que bruit, des pas, des cris; si l'on a vu l'ombre
long, court; grand, petit. Enfin les contraires d'un corps; et autres choses semblables. Pour
négatifs présentent une opposition encore plus celles qui l'ont suivi, vous remarquerez la rou-
tranchée; les Grecs les appellent imn-àxi. Par geur, la pâleur, une démarche chancelante, et
exemple « Si telle chose est, telle autre n'est tous les autres indices d'une conscience troublée;
« pas.
» Mais pourquoi tant d'exemples? Il suffit sans oublier les lumières éteintes, un glaive en-
de savoir, quand on cherche des arguments quels sanglanté, ni rien de ce qui peut faire nattre nn
sont les contraires qu'on peut convenablementsoupçon.
opposer l'un à l'autre. XIII. Nous avons ensuite le lieu des antécé-
XTI. J'ai cité plus haut haut, à l'occasion de dents, des conséquents, et des choses qui répu-
)'argument tiré des rapports, un exemple <>ù jI gnent entre elles; il est propre aux dialecticiens,
l'on voit qu'il y aurait bien des cas à admettre, si et diffère beaucoup de celui des rapports. Car
l'on admettait une fois que l'édit du préteur peut les rapports, dont il a été parlé un peu plus haut,
adjuger la possession d'après un testament fait 1 n'existent pas toujours, tandis que les conséquents
par une personne n'ayant pas le droit de tester. sont inévitables. On appelle en effet conséquents,
Mais ce lieu convient surtout aux causes conjec- les suites nécessaires d'une action. 11 en est dfe
turales qui se traitent au barreau, lorsqu'on exa- même des antécédents et des choses qui répu-
mine ce qui est, ce qui a été, ce qui sera; ou en- gnent entre elles car tout antécédent est es-
fin tout ce qui peut advenir. Telle est, en effet, la sentiellement
s
lié avec le fait qu'il précède et ce
forme de ce lieu. Il nous avertit de rechercher les qui répugne au fait, repousse toute association
circonstances qui ont précédé le fait, celles qui avec lui. Quoique ce lieu se divise en trois par-
l'ont accompagné, celles qui l'ont suivi. Cela ne ties,I l'antécédent, le conséquent, et les choses qui

nerecontrariasunt.appcllanturadversa. Snntenim alia con* quid post rem cvenerit. Nihil hoc ad jus; ad Ciceronem,
traria, qure privantia licet appellemus latine, Grœci ap- inquiebat Gallus noster, si quis ad eum taie quid retule-
pellant «mpïinxi. Prapositio enim in privât verbum ea rat, ut de facto qusrtrerelur. Tu lanu-n paliere, nullum a
vi, quam haberet, si in prœpositum non fuisset, nt « dignitas, nie artis inslituta locum praeteriri ne, si nihil, nisi quod
indignitas; Immaiiiliis inhumanilas, et cetera generis ad te pertineat, scribendum putaris, nimitim te aniaro
videare. Est igitur magna ex parte locus hic oratorius,
ejusdem quorum tractatio est eadem, quœ superiorum
quœ adversa dixi. Nain alia quoque sunt contrariorum non modo non jurisconsultorum, sed ne philosophorum
gênera, velutea, quEecumaliquoconfenintur: utduplum, quidem. Ante rem enim qtueruntur, quœ talia sunt, appa*
simplum } limita pauca; longum, brève majus, minus. ralus, colloquia, locus, constitulum, convivium. Cimi re
Sunt etiam ipa valde contraria, qure appellantur negantia; autem, pedum crepitus, strepitus hominum, corporum
ca àno^aTtxdc Graxi contraria aientibus ut, « Si hoc est, umbrx, et si quid ejusmodi. At post rem, rubor, pallor,
« illud non est. » Quid enim opus exemplo est? tantum titnbatio, et si qua alia signa conturbationiset conscientise
utelligatur, argumento quaerendo, contrariis omnibus cod- praterea restinctus ignis, gladius cru-ntus, ceteraque.
traria non convenire. qu% suspicionem tacti possunt movere-
XII. Ab adjunctis au tem posui equidemexemplumpaullo Xlll. Deinceps est locus dialeclicorumpropriiu ex con-
ante, multa scilicet adjungi, quae suscipienda essent, si sequentibus, etanlecedentibus,et repugaantibus, qui etinm
ststuUsemns, ex ediclo secundum eas tabulas possessio- ab adjunctis longe diversus est nam adjuncta de quibus
nem dari, quas is instituisset cui testament! factio nulla paullo ante dictum est, non semper eveuiunt conrequantia
esset. Sed locus hic magi» ad conjecturales causas, qum autem semper. Ea enim dico consequentia quae rem ne-
venautur in judiciis valet quum quamitur, quid aut sit, cessario consequuntur. ltemque et anteoedentiaet repu-
aut evenerit aut fuluriim sit, aut quid omnino fieri pos- gnantia quidquid enim anteredit quaimiue rem, id couœ-
ait. Ac loci quidem ipsius forma talis est. Admonet au- ret cum re necessario et quidquid répugnât id ejusmodi
tem hic locus, ut quaeratur, quid ante remi, quid cum re, est, ut colurrerc nunqUiun possit. Quum tripartiio igitur
répugnent eulie elles, il ne fournit cependant u fait du nom commun son nom particulier. En
qu'une seule espèce d'argument, mais il y a trois voici des exemples « Pourquoi craindre l'un si
manières de le traiter. Qu'importe, par exemple, « vous ne craignez pas
l'autre? Vous condamnez
si vous admettez qu'unefemme adroit à l'argent « celle à qui vous ne reprochez rien, vous pensez
monnayé, quand le mari lui a légué son argent, « qu'elle a bien mérité, et vous dites qu'il faut la
que vous adoptiez cette forme de raisonnement
Si l'argent monnayé est de l'argent, il a été lé-

punir. Ce que vous savez ne peut être d'aucun
« « avantage; ce que vous ne savez pas ne peut
« gué à la femme; or l'argent
monnayé est bien i être ignore sans danger. »
XIV. Cette manière d'argumenter vous sert
i de l'argent; donc il a été légué à la femme. »
Ou celle-ci Si l'argent comptant n'est pas com- très-bien, à vous autres, jurisconsultes, dans
« pris
dans le legs, l'argent comptant n'est pas vos réponses; mais elle est plus usitée chez les
philosophes, qui emploient, aussi bien que les
t de l'argent; or l'argent comptant est de l'argent;
donc il a été compris dans le legs. Ou cel'e-ci orateurs, la conclusion tirée de deux propositinr,s
>
enfin « est impossible que tout l'argent dit été contraires, celle dont les dialecticiens ont fait leur
«
légué, et que l'argent comptant ne fait pas été troisième mode, et que les rhéteurs appellent en-
ortout l'argent a été légué; doncl'argent comp- thymême. Les dialecticiens ont encore plusieurs
« tant l'a été aussi. >
modes d'argumentation; les uns reposent sur la
Les dialecticiens appellent premier mode de disjonction. C'est l'un ou l'autre; or c'est l'un
conclusion celui dans leqnel, après avoir admis « donc ce n'est pas l'autre. » Et de même: « C'est
une première proposition conjonctive, on admet «
l'un ou l'autre; or ce n'est pas l'un donc c'est
comme conséquence la seconde proposition qui » l'autre.
Conclusions péremptoires;carde deuxr
s'y rattache. Ils appellent second mode de conclu- propositions disjonctives, une seule peut être
sion, celui qui consiste à nier la seconde propo- vraie. Ces deux sortes de raisonnements que je
sition, afin d'en déduire aussi la négation de la viens de citer, sont nommés pas les dialecticiens,
première. Et enfin, troisième mode, celui par l'un, quatrième mode, et l'autre, cinquième. Ils Is
lequel on nie une seconde proposition conjonc- ont de plus la conclusion, qui nie le rapport des
tive, et on ajoute, après avoir admis la première, propositions; exemple « Ce ne peut être à la fois
une nouvelle négation pour détruire tout le reste. «
ceci et cela; or c'est ceci donc ce n'est pascela. »
De là ces arguments fondés sur tes contraires, que Ce mode est le sixième. Voici le septième « Ce
les rhéteurs nommententhymémes non pas que « ne peut être et ceci et cela or ce n'est pas ceci
tout raisonnement ne puisse fort bien s'appeler «
donc c'est cela. De ces différents modes naît
enthymème; mais ainsi qu'Homère est appelé une multitude de conclusions;et c'est là presque
par excellence le pacte, de même la preuve qui se toute la dialectique; mais celles que j'ai données
tire des contraires, plus vive et pins irrésistible n'étaient pas même nécessaires à mon objet.

djstribualur locus hic, in conseeutionem antecessionem 1 tentia enllrymema dicatur, quia videtur ea, qu% ex contra-
repugoantiam reperiendi argumenti locus simplex est, riis oonfleiatur, acnttssima, sola proprie nomen commune
tractandi triplex nam quid interest, quum hoc sumseris, possidet. Ejus generis hsec sunt « Hune metuere, alterum
pecuniam numeratam mnlieri deberi cni sit umne argen- « in Mietu non ponere? – Eam, quam nihil accusas, da-
tum legalum.ulrum hoc modo conduites argument™ « nmas; bene quam meritam esse autninas, dicis luale-
Si pecunia sinala, argentum est, legata est mulieri est « mereri? – Id, quod siïs, prodest, nihil; id, quod ne-
autem pecunia signata argentum legata igitur an illo scis obest. »
modo 'i Si nnmerata pecunia, non est legata; non est
loi numerata pecunia argentum est autem numerata pecu- XIV. Hoc disserendi geuus altingit omninn vestras quo-
nia argentum legata igitur est; » an illo modo « Non que in respondendo disputationes sed philosophorum
et legatum argentum est, et non est legata numerata pecu- magis; quibus est cum oratoiibus illa ex repugnantibus
sententiis communis concltij;io qu1' a dialecticis tertius
nia legatum autem argentum est legata igitur nnme-
rata peennia est. » modus, a rhetoribus enthjmenianuncupatur. Reliqui dia-
Ippellant autem dialectici eam eonclnsioncm argumenti, lecticorum modi plures sunt, qui el disjunctionibus con-
in qua, quum primum assumseris, consequitur id, quod stant Aut hoc, aut illud; hoc autem; non igitur illud.
annexum est, primum conclusions mndum; qmtm id, Jtcmque,Authoc,aut illud non autem hoc; illud igitur.
quod annexum est, negaris, ut id quoque, oui fuerit an- Qiœ conclusioncs idcirco ralae sunt, quod in disjnnctione
nexum, negandum sit, secundns appellalur concliidendii plus uno Yerum esse non noter.1. Atque ex iis conclusion!-
modus; quum autem aliqua conjuncta negaris [et his alia i bus quas supra snipsi prior, qnaitns posterior, quintus
uegatio mrsns arijungltiir] et ex his primum sumseris,a dialecticis modus appellatur. Deinde addunt conjnnctio-
ut, quod rriinqnitiir, follcndum sit, is tertius appellalur nuinnegantiam, sic: Non et hoc est, et illud hocautem;
conclusiolis modus. Ex hoc ilIa rhetorum sunt ex contre- non igitur illud. Hic modus est sextus. Septimus autem,
riU conclnsa iMteipsientliymcmala appcllant non quod Non
et hoc, et illud; non autem hoc illud igitur. Ex hie
Mon omnia sententia proprio nomine enthymema dicatur; niodis conclusiones
mnmm-rahiles nascuntor, in quo est
fcptl ut Homerus propter excellentiam commune poetarum ftkn> to(a dialectica. Sed ne eœ 4|tiidem quai exposui ad
uvinou ettii'lt aund r.nvras suum; sic, qnuin omnis sen- laur inatilu!ionf>m sunt nn'cisaria.
4~
XV. Après ce lieu vient immédiatement celuii XVI. Mais si la cause est telle qu'elle ne con-
des forces efficientes nommées causes; et ensuite tiennet ï pas nécessairement la force efficiente, on
celui des choses produites par les causes, ou dess ne1 peut en tirer une conséquence nécessaire. Le
effets. J'ai donné des exemples de l'un et dee genre £ de causes qui produit un effet nécessaire
l'autre, que j'ai même tirés du droit civil; maiss nedonnepresquejamaislieuàl'erreur; mais les
ee sujet exige de plus amples développements.Ilcauses ( accidentelles nous égarent souvent. De ce
y adeux sortes de causes, l'une qui, par sa propree ([lie les enfants ne peuvent naître s'ils n'ont reçu
force, produit inévitablement un certain effet, la vie de leurs parents, il ne s'ensuit pas qu'il y
1

comme le feu produit la flamme; l'autre, qui n'a a ait t dans les parents une cause nécessaire d'en-
point la force efticiente, mais sans laquelle unn gendrer. Il faut donc séparer soigneusement la
certain effet r.e saurait être produit c'est en cee cause sans laqueile une chose ne peut être, de
sensqu'onpourraitdire:«L'airain est la cause dee celle qui la produit infaillib!ement.Par exemple
« la statue, parce que sans
airain il n'y eût pass Plûtaux dieux que jamais dans laforéltlu
« eu
de statue. » Parmi ces causes, sans lesquelless Pélion, les pins n'eussent été abattus parla
il n'y a point d'effet, les unes sont dépourvues !S hache!
de mouvement, d'activité, d'intelligence, commee
le lieu, le temps, le bois, le fer, et toutes les :s En effet, si les pins n'eussent été abattus, le
choses semblables; les autres préparent l'effet, vaisseau d'Argos n'eût pas été construit cepen-
it
et lui prêtent une sorte de concours, qui pourtant dant il n'y avait pas dans ces arbres une cause
n'est pas d'une absolue nécessité c'est ainsi que efficiente nécessaire. Mais lorsque la foudre
les entrevues sont la cause de l'amour, et que ie tomba en serpentant sur le vaisseau d'Ajax, ce
îi
l'amour est la cause du crime. De ces causes, qui vaisseau dût nécessairement s'embraser. Autre
préexistent de toute éternité, les stoïciens font ît différence entre les causes. Les unes, sans désir,
naître l'idée du destin. Et de même que j'ai di- i- sans volonté, sans intention de notre part, ac-
visé en deux genres les causes sans lesquelles il il complissent fatalement leur effet; ainsi, tout ce
ne peut y avoir d'effet, je puis également diviser qui
est né doit périr. Les autres, au contraire,
ss naissent, ou de la volonté, ou du trouble de l'es»
les causes efficientes. Car de ces causes les unes
produisent leur effet par elles-mêmes et sans au- t- prit, ou de l'habitude, ou du naturel ou de Part
cun secours étranger, les autres ont besoin d'un m ou du hasard de la volonté, commequand vous
aide. Ainsi la sagesse produit des sages par elle-e- lisez ce livre; du trouble de l'esprit, si l'on craint
même mais peut-elle aussi par elle-même faire re les révolutions dont les circonstances actuelles
des heureux? Ceci est une question. C'est pour- r- nous menacent; de l'habitude, si l'on est facile
je et prompt à la colère; du naturel, quand un
quoi, lorsqu'il se présente dans la discussion une
cause qui produit nécessairement son effet, on )n vice augmente de jour en jour de l'art, quand on
e. peinthabilement; du hasard, quand ta naviga-
peut en conclure sans hésiter que cet effet existe.

XV. Pioximusesl locus renim efficientium,qiife cause ire XVI. Quum autem erit talis causa, ut in ea non sit ef-
appellantur; deinde rermn etfectarnm ab efiieientibus eau-
u- ficiendi nécessitas; necessaria conclusio non scquitnr. At-
sis. Harum exempla, ut reliquorum locorum, paullo te
ante que mlld quidem genus causarllm, quod babet vimel1iciendi
posui, et quidem ex jure civili sed hœc patenl latius. is. necessariam errorem afferre non tére snlet hoc autem.
Causarum igitur genera duo sunt: unimi, quod vi sua id, d, sine quo non eflicitur, sœpe conturbat. Non enim, si sine
quod sub ea subjectum est, certo efficit, ut ignis accenditit; parentihus filii esse non possunl propterea causa fuit in
alterum, qood naliiram eniciendi non habet, sed sine quo uo parentlbus gignendi necessaria. Hoc igitur, sine quo non
efliei non possit ut, « si quis ses causant stature velit di- lit, ab eo, a quo certo fil diligenter est separandum.Illud
cere, quod sine eo non possit enici. » Hujus generis ris enim est tanquam,
caiisarum sine quo non efficitur, alia sunt quieta nihil Iril
Ulinam ne in nemorp Peflo securibus
agentia, stolida quodam modo; ut locus, tempus, materi», Caesa cecidisset abiegna ad terram trabes!
ferramenta, et cetera generis ejnsdem alia autem prae- ae-
cursionem quamdam adhibeiitad elliciendum et qusedam am Nisi enim cecidisset abiegna ad terram trabes, Argo illa
afferunt per se adjuvantia etsi non necessaria, ut amori ori facta non esset nec tamen fuit in his trabibns efliciendi
congressiocausam attnlerit, amor flagitio. Ex hoc gpnere ?tr vis necessaria. At quum in Ajacis navim n crispisulcana
causarnni ex îeternitatc pendentinm fatum a stoicis ne. ne- igneum fultnen » injectum est, ioflammaturravis neces-
ttitur. Atque ut earum causarum, sine quibus elïici non ion sario. Atque etiam est causarutii dissimilitudo, quod alias
nt. sunt, ut sine ulla appetitione animi, sine voluntate, sine
potest, genera ditisi sic etiam efficientium dividi possunt.
Sunt enim aliœ causm, quai plane efliciant, nulla re ad. opinione, suum quasi opus efficiant, velut,utomne in-
juvante aliac quœ adjuvari velint ut sapientia efficit icit tereat, «jnod ortum est; aliae autem aut voluntate efS-
sapientes sola per se beatos efficiat neene, sola per ce «e ciuntur, aut perturbatione animi, ant babitu aut natura,
quœstio est. Quare quum in disputationem incident caus* nSii aut arte, ant casu voluntate, ut tu, quum hune libellum
efliciens aliquid necessario, sinedubitatione licebit, quod
efficitur ab ea eausa, ranci ndere.
lod ÎBgis; perturbatione ut si quis eventum horum
;
lonjm temporum
temporui
natura utulvvi-
thiteat; habitu, ut facile et cito irawatur,' natura
M.
:i2.
tion est heureuse. Aucun de ces effets n'arrive sophiques.
s Vous en tirez peut-être moins de ret-
sans cause; et rien au monde n'est sans cause sources,
s mais vous en usez plus adroitement.
mais les causes de cette espèce ne sont point né- tEn effet, les affaires particulières du plus haut
cessaires. intérêt
i me paraissent dépendre de l'habileté des
YV1I. Enfin, parmi les causes, les unes sont j
i
jurisconsultes. Leurs avis leurs conseils sout
permanentes, lesautres, variables.Dans la nature du
è plus grand poids; et lorsqu'un avocat zélé
et dans l'art, il y a permanence; il n'y en a pas ffait appel à leur expérience, ils lui fournissent
dans les autres. On remarquera cependant que cdes armes irrésistibles.
parmi les causes permanentes les unes sont ma- Dans toutes les causes où le préteur ajoute j
nifestes, les autres, cachées. Leseauses manifestes cette
c formule ON JUGERA D'APRÈS LA bonne
tiennent aux besoinsde l'àme et au jugement les iFOI; puis Comme ENTRE bens DE BIEN et sur-
causes cachées dépendent de la fortune. Rien ttout dans les arbitrages sur les droits de la femme
n'arrivant sans cause, on explique par la fortune EN
1 TOUT BIEN toute justice, les jurisconsultes
toutes les causes obscures pour nous, et qui agis-cdoivent être toujours prêts. Ce sont eux en effet
sent à notre insu. Les effets sont involontaires out ont défini le dol, la bonne foi l'équité, le
qui
volontaires involontaires, quand i sontproduits bien;
1 eux qui ont précisé les obligations mutuel-
par la nécessité; volontaires, quand ils sont le les
) des associés; eux qui nous ont appris quels
résultat d'un dessein. Les effets même qu'on at- sont
s les devoirs de l'intendant et de celui qui l'a
tribue à la fortune sont tantôt involontaires, chargé
( de ses affaires, les devoirs réciproques
tantôt volontaires car lancer un trait dépend du
c
mandataire et du mandant, du mari et de la
de la volonté; frapper celui qu'on ne visait pas ifemme. Ainsi, dès qu'il connaitra parfaitement
est l'acte de la fortune. De là cette arme puis- les lieux, le jurisconsulte pourra, aussi bien que
sante qui vous est familière dans vos défenses l'orateur et le philosophe, traiter avec facilité
« Le trait n'a pas été lancé il s'est échappé de latoutes les matières qui lui seront soumises.
• main. » II y a aussi de l'involontaire et de l'im- XVIII. A ce lieu des causes se joint celui des
prévu dans,l'ignorance et dans les désordres de effets; car l'effet indique la cause, comme la
l'esprit, lesquels cependant dépendent de la vo- cause annonce l'effet. Ce lieu fournit d'ordinaire
lonté, puis qu'un reproche ou un avis peuvent aux orateurs, aux poètes, et souvent même aux
lesapaiser-; mais ils excitent en nous de sigrands philosophes, mais seulement à ceux qui savent
mouvements, qu'ils donnent aux actes de la orner et enrichir un sujet, une abondante mois-
volonté une apparence de nécessité ou du moins son d'arguments, surtout lorsqu'ils exposent
d'entraînement aveugle. Dès qu'on possède à quelles doivent être les conséquences de telle ou
fond tout ce lieu des causes, on peut, dans leurs telle chose. La connaissance des causes entraine
différentes espèces, puiser une foule d'arguments celle des effets.
dans les grandes discussions oratoires ou philo- Le dernier lieu commun est celui des compa-

tium in dies crescat; arte, ut bene pingat; casu, ut pro- maximarom quidem rerum in jurisconsultorum mihi vi-
spere naviget. Nihil horum siue causa, nec quidquam dentur esse prudentia. Nam et adsunt multum, et adhi-
omnino; sed hujusmndi causse uon necessaiise. bentur in consilio; et patronis diligenlibus, ad eonmi pru-
XVII. Omniumautemcausaruminaliisiiïestconstantia, dentiam confugientibus, hastas ministrant.
in aliis non inest. lu uatura »t in arte cons"tantia est, in In omnibus igitnr iis judiciis, in quibus, Ex fide BONA,
ceteris nulla. Sed tamen earum causarum, quœ non sunt est additum ubi vero etiam, utinter bonus bene agieb;
constantes, aliae sunt perspicuae alise latent. Perspiciue in primisque in arbîtrio rei uxoriic in quo est, [quidj
sunt, quœ appetitionem animi judiriumque tangunt; la. £quius, melius, parati esse debent. Jtli enimdolum malum,
tent, quae subjectœ sunt fortunes. quum enirn îiiliil sine illi fidem bonam, illi œquum bonnm illi, quid socium
causa fiat; hoc ipsum est fortunée eventiis,obsc»rra causa, socio; quid eum, qui negotia aliena curasset, ei, cujus ea
quee latenter enicitur. Etiam ea, quœ fiunt, partim sunt negotia fuissent; quid eum, qui mandasset, eumve, cui
ignorata, partim voluntaria ignorata, quae uecessitate mandatum esset, alterum alteri praestare oporteret, quid
ptlecta sunt voluntaria, qitseconsilio. Quie autem fortuna, vimm uxori, quid uxorein viro, tradiderunt. Liccbit igi-
vel ignoiala, vel volmitaria. Nam jacere telum voluntatis tur, diligenter, cognitis argumentorum locis, non modo
est; ferire quem nolueris, fortunœ. Ex quo aries ille subji- oratoribus et pbilosophis,sedjuris etiam peritiscopiosede
citur in vestris actinnibns si telum manu fugit magis, consultationibus suis disputare.
quam jecit. Cadunt etiam in ignorationem atque in impru- XYIU. Conjunetushuic causarum loco locus ille est,
dentiam peiturbaliones animi quae, quanquam sunt vo- qui efficitur ex causis. Ut enim causa eflèctum indicat, sic
liintariae (objurgationeeninY, et admonitione dejiciantur), quod effectum est, quae fuerit causa, demonstrat. Hic lo-
habent tantos motus ut ea, quae voluntaria sunt aut ne- cus auppeditare solet oratoribus et poetis, saepe etiam
censaria iuterdum aut certe ignorais videarttur. Toto igi- pliilosopîiis sed îis qui orna'te et copiose loqui possunt
tnr loco causarum explicato, ex earum diflerentia in ma- mirabilem copiam dicendi, quum denuntiant, quid »
giiis quidem causis vel oratorum, vel philosophonun qnaqucresiifuluruoi.Causarum enim cognitiocogoitionem
luagna argumentorum suppetit copia; in vestris antem, «ventumm facit.
n non uberior, at fartasse subliliur. l'rivala enim judirij llcliqiius est comparationis locus, cujus geaus et
raisons. J'en ai donné, aiusique des autres, une Dans la comparaison des rapports, on démontre
définition et un exemple; il me reste à en expli- t les intérêts des premiers citoyens d'un État
que
quer l'usage. On compare entre elles des choses prévalent
] sur ceux de tous les autres, et qu'on
qui sont plus grandes, moindres ou égales on doit
( toujours préférer ce qui plaît le plusà ce qui
les considère relativement à leur nombre, à est
f
approuvé par le plus de gens ou loué par les
leur espèce, à leur force, ou dans leur rapport plus
1 vertueux. Au moyen de la comparaison, on
avec d'autres objets. met en regard du meilleur le pire, qui est son con-
Dans les comparaisons relatives au nombre, traire.

à
1

on préfère plus de biens à moins de biens moins La.comparaison des choses égales n'admet ni
de maux à plus de maux des biens durables supériorité ni infériorité. Or, il en est beaucoup
des biens passagers; des avantages étendus à des qui peuvent être comparéessous le rapport même
avantages bornés; enfin ceux d'où découlent de l'égalité; et telle est laforme de cet argument
plus de profits, et qu'un plus grand nombre d'hom- «
S'il est également digne d'éloge de prêter à ses
mes envient et exploitent. « concitoyens le secours de ses conseils et celui
Dans les comparaisons relatives à l'espèce on « de son bras, nous devons une récompense égale
« à ceux qui nous
préfère les choses désirables par elles-mêmes à conseillent et à ceux qui nous
celles qui le sont par des motifs étrangers l'es- «
défendent; or le principe étant incontestable, la
sentiel, à l'accessoire; le pur, à l'impur; l'agréa- «
conséquence l'est aussi. »
ble, au déplaisant; l'honnête, à l'utile; le facile, Ici se terminent les préceptes qui regardent
au difficile; le nécessaire au superflu; notre bien, l'invention des arguments; car, dès que vous avez
1
à celui d'autrui; le rare, au commun; les choses passé en revue la définition, l'énumération des
dont on a besoin, à celles dont on peut se passer parties, fétymologie, les mots de même famille,
parfait, à l'imparfait le tout, à ses parties; les le genre, l'espèce, la similitude, la différence,
actions raisonnables, aux déraisonnables; la vo- les contraires, les rapports, les conséquents,
lonté, au hasard; les objets animés, aux objets les antécédents, les choses qui répugnent entre
inanimés le naturel, à ce qui ne l'est pas; les ef- elles, les causes,leseffets,etla comparaison avec
fets de l'art, à ce qui en est dépourvu. supériorité, infériorité ou égalité, il n'y a plus à
Dans les comparaisons relatives à la puis- chercher d'autre source d'arguments.
sance, la cause efficiente l'emporte sur celle qui XIX. Mais comme, dans notre première divi-
ne l'est pas; les choses qui se suffisent à elles- sion, nous avons distingué deux espèces de lieu»
mêmes, sur celles qui ont besoin du secours des communs, les uns, dont nous avonsassez parlé,
autres celles qui sont en notre pouvoir, sur celles tirés du fond même de la question, et les autres,
qui n'y sont pas; le stable, sur l'incertain; ce tirés de l'extérieur, disons quelques mots de ces
qu'on ne peut nous ravir, sur ce qui peut nous derniers. Ils sont, il est vrai, sans rapport avec
être ravi. nos discussions mais il faut bien achever ce Traité,
exemplum supra positum est, ut ceterorum; nunc expli- Affectio autem ad res aliquas, est hujusmodi princi-
canda tractatio est. Comparantur igitur ea, quae aut pum commoda majora, quam reliquorum; itemque, que*
majora, ant minora, aut paria dicuntur in quibus spe. jucundiora, qnœ pluribus probata, quœ ab optimo quo.
ctantur lia», numerus, species, vis, quaedam etiam ad que laudata. Atque, ut lia» in comparatione meliora, sic
res aliquas affectio. deteriora, quœ iis sunt contraria.
Numero sic comparabuntur, plura bona ut paucioribus Parium autem comparatio nec elationeni habet, nec
bonis anteponantur, pauciora mata malis pluribus diu- submissionem est enim isqualis. Milita autem sunt, quae
tnrniora hona brevioribus longe et late pervagata angus- œqualitate ipsa comparentur; quae ita fere coneluduntur
tis; ex quibus plura bona propagentur, quœque plures « Si consilio juvare cives et auxilio, aequa in laude ponen-
imitentur et faciant. « dum est; pari gloria debent esse ii, qui consulunt, et
Specie autem comparantur, ut anteponantur, quœ pro. « ii, qui defeudunt at, quod primum, est quod sequi-
pter se expelenda sunt, iis, quae propter aliud; etut innata « tnr igitur. » •
atque insita, assumtis et adventitiis, integra contaminatis, Perfecta est omuis argumentorum inveniendnrum prœ-
jiii'unda minus jucundis, honesta ipsis etiam utilibus, ceptio, ut, quum profectus sis a definitiooe a partitione,
proclivia Iaboriosis, necessaria non necessariis, sua alie- a notatione, a conjugatis.a a genere, a forma, a similitu-
nis, rara vulgaribus, desidcrabilia iis, quibus facile ca- dine, a differentia, a contrariis, ab adjunctis, a conse-
rcre possis, perfecta inchoatis, tota partibus, ratione quentibus, ab antecedentibus a repngnantibiis a causis,
utentia rationis expertibus, voluntaria necessariis, animata ab effectis, a comparationemajorum rninorum parium
inanimatis, naturalia non naturalibus, artih'ciosa non arti. nulla praeterea sedes argumenti quserenda sit.
liciosis. XIX. Sed quoniam ita a principio divisinius, ut alios
Vis autem in comparatione sic cemitur elTiciens causa locos diceremus in eo ipso, de quo ambigitur, haerere. i*
gravior, quam non «niciens quœ se ipsis contenta sunt quibus satis est dictum, alios assumi extrinseeus; de iis
meliora,i|uam (|uœ egentaliis; quœ in nostra, quam quœ patica dicamus etsi ea nihil omnino ad vestras disputa.
in aliorum potestate sunt; stabilia incertis; quœ eripi non tiones pertinent; sed tamen totam rem per6ciamus quan-
|x>ssunl iis, quae possunt. doqnidem cœpimus. N'equc enim tu is es, qnrm uilùl.
puisque nous t'avons commencé. D'ailleurs vous persuasion,
f et 1 on croit volontiers ceux qui ont
n'êtes pas de ceux qui ne trouvent de charmes d l'expérience.
de
que dans le droit civil; et comme cet ouvrage, XX. Les témoignages se tirent encore de la
composé pour vous, peutaussitomber en d'autres nécessité
[ qui agit sur le corps ou sur l'âme ainsi
mains, je ne veux rien négliger, pour le rendre liles témoignages arrachés par les verges, par les
le plus utile possible à ceux qui aiment les bonnes t
tortures ou par le feu, semblent l'expression de
études. la
1 vérité même; et les aveux échappés à une âme
La seconde espèce d'arguments, qu'on appelle ttroublée par les passions, telle que la douleur, le
sans art, est fondée sur le témoignage. Le témoi- désir,
c la colère, la crainte, ont autorité et crédit,
pliage est toute preuve puisée hors du sujet rour comme
c étant Ic produit d'une force irrésistible.
établi.- une vérité. Or, toute personne n'a pas l'au- J sontausside la même nature, ces autres moyens
Il
torité nécessaire pour servir de témoin et il faut qui
( ont servi plus d'une fois à découvrir la vé-
unecertairieautoritépourêtredignede foi. L'au- rité
i les paroles d'un enfant, le sommeil, une
torité c'est lanature ou le temps qui la donne. Celle imprudence,
i l'ivresse, la folie. Souvent, en effet,
1les enfants, sans le savoir, ont livré le secret de
que donne la nature repose principalement sur
la vertu; celle qui vient du temps, dépend de bien
1 des choses; etle vin, le sommeil, la folie, en
plusieurs circonstances, de t'instruction, de la ri- ont
( aussi fait découvrir bien d'autres. Plusieurs
chesse, de l'âge de la fortune, de l'art, de l'ex- même,
1 par leur*imprudence, ont fourni des ar-
périence, de la nécessité, quelquefois même d'un mes contre eux; témoin Stalénus condamné
concours d'accidents fortuits. Et d'abord, on ac- <
dernièrement à une peine capitale, pour avoir été
corde plus de créance aux gens éclairés, riches, dénoncé par des gens dignes de foi, lesquels l'a-
et qui ont pour eux la garantie d'une longuepro- vaient
· entendu, à travers une muraille, parler
bité. On a tort peut-être; mais on aurait beaucoup du crime qu'il avait commis. L'histoire raconte
de peine en cela à changer l'opinion du vulgaire un fait presque semblable sur Pausanias de La-
et c'est à cette opinion commune que se confor- cédémone.
ment toujours et le juge qui prononce une sen- On tire aussi des preuves d'un concours de
tence, et le particulier qui donne son avis. Cela circonstancesfortuites; comme de la découverte
tient à ce que ceux qui sont le mieux partagés inopinée de quelque action, de quelque parole
sous ces différents rapports, semblent être aussisuspecte. Telle est cette multitudede circonstan-
les plus vertueux. Lesautres circonstances que je ces rassemblées contré Palamède pour le con-
viens d'énumérer, et qui constituent l'autorité, vaincre de trahison. Souvent la vérité peut à peine
n'ont, il est vrai, rien par elles-mêmes qui soit réfuter de telles apparences. Le bruit publie est
une garantie de vertu, mais cependant elles peu- aussi un témoignage du même genre.
vent quelquefois obtenir un grand crédit, sur- Quant aux témoignages fondés sur la vertu,
tout si elles se fortifient par l'art et par l'expé- ils sont de deux sortes; les uns tirent leur force
rience l'instruction est un grand moyen de des qualités naturelles, les autres, des qualités
nisi jus civile, delectet: et quouiam ad te hœc ita scribnn-
XX. Facit etiam neeessitas fidem qna; quum a corpo.
tnr, ut etiam in iiliormn manus sîiu venlnra deftlr opéra ribu.s, tum ab animis nascitur. ÎNani et ^erberibus, tor.
ut quam pliiriumm iis, quus recta studia délectant, pro- manlis, igni fatigati quœ dicunt, ea videtur veritas ipsa
dusse pos^iinus. direre; et qu* a peiturbationilins aniini surit, dolore, cu-
Iliei; ergo argumantatio (Uiœ dicitur artis expera, in liiditak, iracundia, metu, quia necessitaiis \im habent,
testimouio posita est. Testiinuiiimii iwtein nunc diciiiius affermit anctoiitafcm et tideui. Cujus generis etiam illa
onm« qiiud ali alipia re extnna siimitur ad tacienchiinsiinl, ex quibus nonnuiiquam rerum iiivciiitiir, pueritia.
iili-in. l'msona nuirai non quuliâc inique testiinnnii pondus commis, iinprmîentia, vinolentia, insania. !Vam et pueri
naliet «d laiiendam eium fidem auctoritas quaerilur. Sed
s:v.pe ûidicavei'utit aliqnid ad quod peitint'iel ignari et
Riirtni'ikiirm m aut natura, aut tempus affert. Naturœ aurto- per somiium, viniim, iiisaniain mnlla etepe patefucta
i-i^as in virtute inosl maxime; in tpjiipwe autem muJta suut. Mufti etiam in res odio^as imprudentes imtidenmt
suut, tpiœ afieianL aurtoiilalein ingenium, opes, aotas, ut Slaleno nuper accidit qui ea locuhis est, b»nis > iris
fortuna ai's, usns, nécessitas, cone.ursio etiam nomma- subiuiscnltantibus, pariete interpusito, quibus patefaotis,
quam rerum fortuitarum. Nam et ingeniosos et opulen- in juiliciunupie prolalis, rei capilalis jure damnatus est.
tas et œtatis spatio probalos digiK.s quihus credatur, lluic simile quiddam de Lacedeemonio Pausania accepi-
putaut non recte foitasse; sed vulgi opinio mutari vix mus.
potest, ad eami]ue omnia diiïguut et qui juiiîcant et qui Concinsioautem fortuitornm talis est, ut, si interven.
existimant. Qui enim his rebns, qnas dixi, excellunt, tum est oasu, quum ant agerctur aliquid quod proferen-
ipsa v irtute videntur excellere. Sed reliquis quoquo rébus dum non esset, aut diceretur. In lioc gimere etiam illa est
ouas modo emimeravi quauquam in iis nnlla species vir- inPiiLimedem conjeeUi suspicnuiumproditioniAmultibido
tutis est, tamen interdum conOrmatur lides, si aut are qiiod genus îefutare interdum veritas vix poteel. Hujus
quailam adlribettir magna enim est vis ad l'ersuadendum, etiam gencris est Eania vulgi, quoddani mnllitudinis teati-
scienti.c aut usus; plerumque cniin r.reililiir iis, qui ex- iimniiiin.
perti «,mit. Quae autem \irtute fideni fac innt en bipertila sunt ex
acquises. La vertu des dieux excelle par sa pro- que tous ne peuvent être mis rn usage dans
pre nature; les qualités acquises font la vertu de toutes les questions, et qu'il y en .1 de plus ou
l'homme. moins convenables suivant la nature du sujet.
Voici à peu près les témoignages divins les On distingue deux sortes de questions l'une, in-
oracles, ainsi appelés du mot oratio, parce qu'ils définie, l'autre déterminée. Les Grecs appellent
sont le langage des dieux; les choses où se laisse hypothèse et nous cause, la question déterminée,
apercevoir l'action de la divinité, telles que le et donnent à la question indéfinie le nom de
monde, l'ordre de ses parties, ses merveilles; le thèse, que nous pouvons appeler proposition.
vol et le chaut des oiseaux; les météores; les La cause est déterminée par les personnes, les
bruits quise font entendre dans les airs; les nom- lieux, les temps, les faits lesaffaires; par toutes
breux phénomènes terrestres; les présages qu'on ces circonstances réunies, ou par la plupart d'en-
découvre aux entrailles des victimes; les révéla- treelles. Or la proposition renferme quelque cir-
tions qui nous arrivent pendant le sommeil. C'est constance ou même plusieurs, mais non pas les
à ces lieux divers qu'on emprunte quelquefois plus importantes. Elle n'est donc qu'une partie
le; témoignages des dieux pour opérer la persua- de la cause. Mais toute question embrasse une
sioi. ou plusieurs des circonstances qui constituent les
tans l'homme, la réputation de vertu est d'un causes, et quelquefois elles s'y rencontrent tou-
grail poids. Or cette réputation ue s'attache pas tes. Les questions, quel qu'en soit l'objet, sont
seulement aux hommes réellement vertueux, de deux sortes les unes, de théorie les autres,
mais ncore àceuxqui le paraissent. Ainsi, lors- de pratique. Les questions de théorie sont celles
qu'on-oit un citoyen s'élever au-dessus des au- qui ont pour but la science par exemple, quand
tres paçes talents, son zèle ses lumières et, di-i- on demande, « Si le droit dérive de la nature ou
gne émte de Caton, de Lé!ius, de Scipion et de <
d'une convention, d'un pacte établi entre les
tant d'atres, traverser, sans se démentir, toutes » hommes. » Il y a question de pratique quand
les épreues de la vie, on voudrait lui ressem- on demande:« Si un sage doit prendre part à
bler. Mai cette faveur de l'opinion n'est pas la l'administration des affaires. Toute question
récompere exclusive de ceux qui courent lacar- de théorie est triple on examine si la chose est,
rière des onnenrs et de l'administration publi- quelle est sa nature, quelles sont ses qualités.
que elle tend aux orateurs, aux philosophes, Le premier point se traite par la conjecture; le
aux poëtesaux historiens; et l'on s'appuie sou- second, par la définition; le troisième, par la dis-
vent sur letg paroleset sur leurs écrits pourdon- tinction du juste et de l'injuste.
ner pins deoids à ses preuves. La conjecture se divise en quatre parties. D<tut
XXI. Aps avoir exposé tous les lieux com- la première, on recherche si une chose existc,
muns,]! il faud'abord reconnaitre qu'il n'est au- dans la deuxième, quelle en est l'origine; dam
cune discussij qui n'en comporte quelques-uns la troisième, quelle en est la cause; dans la qua-

qtiibus alterum ^ura valet, allerum inilustna. Deorum quam nou aliquis locus incurrat, ucc'fere omnes locos iu-
enim virtus nattr eicellit bominum autem industrie- cidere in omnein quœstionem, sed quiunsdaui qu&stiom-
Divina luiei'- ft sunl teslimouia primum orationis bus alios esse aptiores locos. Quzestionutu duo suiit gênera
(oracula enim ex ipso appellala sunt, quod inest in his alterum indmtum, alteium delinitutn. Uetiuitnm est, quod
dcorum oralio), ijnde rerum, in quibus insunt quasi Onô6cr;tv Graeci, nos causât!); intmitum, quud 6éam illi
opera divina queum; primum ipse mnndus, ejusque appellant, nos propositum possumus nominarc.
omnis ordo et ornai deinceps aerei volatus avium atque Causa certis personis, locis, temporihus actionibus,
cantus; deinde ejiiem aeris sonitus et ardores, mulla. negotiis cernitur, aut in omnibus, aut in plensque corum;
rnmque rerum in tca portenla atque etiam per exta in- propositum autem, in aliquo eorum, auL in pluribus, nec
venta prœsensio aumientibus quoque multa signilicala tamen in maximis. Itaque propositum pars causse est. Sed
vivis quibus ex loisumi interdum soient ad fidem fa- omiiis quœstio earum aliqua de re est, quibus causse con-
riendam testiinoiiiacrum. tinentur, aut una, aut pliuibus, aut nonminquam orniiihus.
In liominevirlutispiriio valet pluritnum. Opinio autem Quaestionum autem, quacumque de te sint, duo sunt ge-
est, non modo eos vhtem habere qui liabeant, sed eos nera unum cognitionis,atterum aelionis. Co^nitionis sunt
etiam, qui habere vfentnr. Itaqne, quus ingenio, quos bœ, qnarum finis est scientia ut, Si quaM'atur, a naU)-
studio, quos doctrinaveditosvident, quorumque vitam « rane
jus profectum sit, an ab aliqua quasi couditkne
constantem et prohan, ut Calonis Lselii Scipionis « hominnm et pactioue. >• Arl.inriisaiitsra
hujuunodi exeui-
aliornmque pluriumintur eos esse, quales se ipsi ve- pla sunt « Situe sapientis ad rempublicam aicedere. «
lint. Nec solum eos cBeul tales esse, qui in honoiibus Cognitionis quaestionestripai titre suut, quuin an sit, aut
populi, reque pulilicaWsautur, sed et oratores, et phi- quid sit, aut quale sit, qua-iilnr. Iloriini priniuin conje-
losophos, et poetas, elistoricos ex quorum r.t dictis et ctura, secundum definitione. tertium juris et injurise dis-
teriptis saepe anr.toritoietilur ad faciendam lidem. tiiictione explicatur.
XXI- E*po&itisormAsargumentandi loris, illti'l |>ri- Conjectura) ratio in quatuor partes dibtribula est qua-
mum inteiligendumesftec ullam esse disputiitionrtn in rum una, €St,nuum inseritur, sitnc aliquid: alkra, unde
trième,quels changements elle peut subir. Exem- l'autre parsupëriofité et infériorité. S'agit il dcct
ple « Une chose existe-t-elle? Y a-t il quelque qu'ondoit désirer ou fuir, on dit: Doit-on désirer
»
chose d'honnête, quelque chose de juste ensoi? « les richesses? Doit-on fuir la pauvreté? De ce
•» ou cette chose n'est-elle que dans
l'opinion? qui est juste ou injuste? Est-il juste de se ven-
<i
Quelle en est l'origine? Est-ce la nature ou Tins- « gerde celui dont on a reçu une injure? » De ce
« truction
qui donne la vertu? Quelle en est la qui est honorable ou honteux « Est-il honorable
cause efficiente? Par quels moyens acquiert- « de mourir pour sa patrie ? » Pour les comparai-
on l'éloquence? Enfin, quels changements elle sons, elles se font, avons nous dit, les unes par
« peut subir? Est-il possible que l'éloquence, par ressemblance ou par différence; ainsi « Quelle
suite de quelque changement, dégénère en une « différence y a-t-il entre un ami et un flatteur,
« complète inaptitude pour la parole? » « entre un roi et un tyran? • Les autres, par su-
XXII. Lorsqu'on cherche quelle est la nature périorité ou infériorité; ainsi: « Doit- on faire
d'une chose, il faut d'abord en donner une notion, « plus de cas de l'éloquence que de la science dt
puis en développer la propriété, ensuite la diviser droit civil? Voilà ce qui regarde les questiois
et en énumérer les parties tout cela se rattache à de théorie.
la définition. On y joint la description, que les Les autres questions, celles de pratique ant
Grecs appellent caractère. On donne ainsi une de deux espèces les unes sont relatives auxde-
notion de la chose « Lejuste est-il ce qui est utile voirs de la vie les autres aux passions quelles
« au plus puissant? » Pour la propriété, on dit tendentou à exciter, ou à calmer, ou à extirer de
La tristesse agit-elle sur l'homme seul, ou bien nos cœurs. A l'égard des devoirs, on derande,
«
«
aussi sur les animaux? » La division ït l'énu-par exemple « Faut-il avoir des enfamV Et
mération des parties se font de même « Doit-on pour exciter les passions, on exhorte à laléfense
«
distinguer trois sortes de biens? Dans la des- de la république, à la gloire, à la vert. Dans
crlption, on demande « Qu'est-ce qu'un avare? cette classe, rentrent les plaintes, les pr/res les
« un
flatteur? » et tous les sujets de même genre mouvements pathétiques, les larmes d la com-
tirés du caractère et des mœurs des hommes. passion, et enfin les discours propres éteindre
Lorsqu'on recherche les qualités d'une chose, la colère, à dissiper la crainte, à «liner les
on la considèreen elle-mêmeon par comparaison. chagrins, à réprimer les transports d joie. Ces
En elle-même La gloire est-elle désirable? » divers développements peuvent se ansporter
Par comparaison «Faut-il préférer la gloire à la des questions générales aux questias particu-
«
fortune? » II y a trois manières d'envisager une lières.
chose en elle-même on considère s'il faut la dé- XXIII. Voyons maintenant quels mt les lieux
sirer ou la fuir; si elle est juste ou injuste, hono- propres à chaque genre de questin; car tous
rable ou honteuse. Il y a deux sortes de com- ceux que nous venons d'énumérejeonviennent
paraisons l'une par ressemblance et différence; bien à la plupart des questions; ms, comme je

<rtum qna
sit; tertia, quœ ia causa effecerit; qoarta, in tionum autem duo, unum de eodem elh'o; alterum de
sit: « Equidnam majore minore. expetendo fugido, bujusmodi
ie miitatione rei quaeritur. Sit, neene et De et
honestum sit; cc/juid sequnm re vera; an hœctantum « Si expetendœ diviliae, si fugienda paitrlas? » De ieq\m
in opinione sint. » Unde autem sit ortum, ut, quum et inique) « /Equunine sitnlcisci, a qtcumque injuriant
<|u;eritur, « Natura, an doctrina possit effici virtus. » « acceperis? » De honesto et turpi Honestumue sit,
Causa autem efficiens sic, nt, quum quœritur, « Qnibns « pro patria mori? » Ex altero autenfenere quod erat
eilicialur. » Ue commutatione, sir, bipartitum unum est de codem et ali' ut, si qu.eratur,
« rébus eloquentia
•>
Possituft eloquentia commutatione alitjua converti in « Quid intersit inter ainicum et assflatorem regem et
infantiam. » « tyrannum. » Alterum de majore et jnore ut, si quœ-
XXII. Qumn antem, quid sit, qwerilur; nolio expli- ratur, Eloquentiane pluiis sit, an je chilis scientia. »
«mua est, et proprietas et divisio, et partilio baec enira De cognitionis quiestionibus hacten

t
«mit detinitioni allributa. Additur etiam descriptio quam Actionis reliquœ sunt; quarum di^unt gênera unum
(îrifici ^apccxT^pa vocant. Notio sic quaorîtur « Situe id ivel Jad omeium alterum ad motum afùvel gignendum,
yquuin quod ei, qui plus potest utile est. »
Proprietas
sic « In hominemne solum cadal, an etiam in belluas
h aegritudo. Divisio, et eudem pacto partitio, sic:
i
«I
i dos
sedandmn, planeve

un,
quum quœritLir,
dos animos,
anlmos, quum
tollendum.J
« Stiscipiendine
flunt coliortuUes
offîciiun
siiiutri- » sic nt,
Ad moven-
cohorla es ad detcndendam
delcndendam
Tiiane genera bonorum sint. » Descriptio « Qualis sit rempublicam, ad gloriam, et ad |jein qno ex genere
•>

« avarus,
qualis assentator,ceteraque ejusdem generis, susque sunt oratio qtiiim'ii-acundiarn
qumrelœ, inritationes il
miseiattesque Ilebiles, rur.
r^iguens rur-
m quibus natura et vita describitur. susque oratio quum itacundiam tum metum
Quum autem quaaitiir, quale quid sit, aut simplicîtor eiipiens, tum exsultantem laitilA comprimens, tum
qi..eritur, aut eomparate simpliciter, « Expelendane sit argritudinein abstergens. Hœc quuln propositis quaestio-
gloria? » comparate « Praponendane sit divitiis glo- nibus gencia sint eadem in causf raiisferunlur.
lia? » Simplicium tria genera sunt: de expetendo fugien- XXIII. Loci autem qui ad quaqua?stiones accom-
dnque; dea'qno et iniquo; de honesto et turpi. Compara- modati ^unt drinceps est videntf- Ornncs ijuid^m illi.
l'ni dit aussi, il en est de plus ou moinsconvena- ocommuns de l'équité, qui se divisent en deux
bles, suivant le caractère de chacune. Les argu- parties;
p savoir, le doit naturel, et les conven-
ments tirés des causes, des effets, des rapports, tions
ti humaines. De la nature dérive un double
sont très-propres aux questions conjecturales; et, droit,
d celui de se conserver et celui de se venger.
dans les questions où il s'agit de la nature d'un LesL conventions humaines sont de trois espè-
fait, il faut employer la méthode et l'art des défi- ces
c, l'une repose sur leslois; l'autre, sur les con-
nitious. Le lieu qui s'en rapproche le plus est ce- venances
v la troisième, sur d'anciens usages. On
lui par lequel on démontre en quoi une chose dif- distingue
d aussi trois autres espèces de justice
fère d'une autre; ce qui est encore une espèce de l'une,
y relative aux dieux; l'autre, aux mânes; la
définition. Demande-t-on, par exemple Si l'o- ti
troisième, aux hommes. La première se nomme
« piniâtreté et la persévérance sont une même piété; p la seconde, sainteté; la troisième, justice
« chose? » Ce n'est que par les définitionsqu'on 0 ou équité.
en jugera. Les lieux qui conviennent ici sont les XXIV. Mais c'est assez parler de la thèse; nous
conséquents, les antécédents, les choses qui répu- traiterons
tl de la cause en peu de mots; car pres-
prient entre elles, les causes et les effets car, si tel
q toutes les règles de l'une sont applicables à
que
effet résulte de telle cause, et non de telle autre l'autre.
1.
si telle chose précède celle-ci, et non pas celle-
là ou bien, si tel effet répugne à telle cause, et Il y a trois genres de causes, le genre judi-
ciaire, le délibératif, le démonstratif. L'objet
non pas à telle autre si une action a telle cause cl
de chaque genre indique assez les lieux qui leur
une autre action telle autre cause; si une cause a conviennent. L'objet du genre judiciaire est le
produit un effet, et une autre cause un effet diffé- Cl
rent par quelqu'unde cesmoyensonpeuttrouver
droit, jus, d'où il tire son nom. Or, nous avons
si les objets comparés sont ou non de la même es- e
expliqué les parties du droit avec celle de l'équité.
pèce. A l'égard du troisième genre de question, L'objet 1 du genre délibératif est l'utilité: nous en
où l'on examine quelle est la qualité d'une chose, avons a donné les parties en parlant des choses
qu'il faut désirer. L'objet du genre démonstratif
on y emploie les arguments dont nous avons parlé 1 l'honnêteté, dont
tout à l'heure en traitant le lieu de lacumparaison. est e: nous avons assez parlé.
S'il s'agit de déterminer ce qu'on doit rechercher Mais les questions déterminées ont chacune des
ou fuir, on prend les arguments dans les avan- lilieux propres, soit pour t'attaque, soit pour la
tages ou dans les incommodités propres à l'âme défense.
d Dans ces deux cas, on argumente ainsi
au corps, aux objets extérieurs. S'il s'agit de ce L'accusateur
1 reproche à l'accusé un fait; le dé-
qui est honorable ou honteux, on tire tousses ar- fenseur f, oppose un de ces trois moyens ou que le
guments du bien et du mal moral. Si l'on dis- i fifait n'a pas eu lieu; ou que, s'il a eu lieu, il ne
cutesur lejusteetl'injuste, on emploie les lieux mérite n pas le nom qu'on lui donne on enfin, qu'il

ijtios supra ili\i»ms,adplerasquesunt;sed alii ad alias, duas,


d luitionein sui, et ulciscendi jus. Institutio autem
ut dixi, aptiores. Ad conjecturam igitur maxime apta, îequitatis
a tripartita est una pars legitima est, altéra con-
qiue ex causis qui» ex elïectis, quœ ex conjunctis sumi veniens,
v tertia moris vetustate conlirmata. Atque ctiam
possunl. Ad definitionem autem pertinet ralio et scientia rursus
n œquitas lripartita dicitur esse una ad superos
definiendi. Atque huic generi linitimum est illud, quod deus,
d altera ad manes, tertia ad hommes pertinere. Prima
;'ppellari de eodem et altero diximus quod genus forma pietas,
p secunda sanctitas tertia justitia aut rcquitas nomi-
quidam définitions est. Si enim quœralur, « Ideinnc sit natur.
n
«
pertinacia et perseveranlia » deiïnitionibus jndicandum XXIV. De proposito satis milita deinceps de causa
est. Loci autem convenient in ejus generis quaestionem pauciora
p dicenda sunt. Pleraquc enim sunt ci cum prv]io-
.•onsequentes antécédentes répugnantes udjunclis etiam
s communia.
sito
duobus iis, qui sumimtur ex causis et effectis. Nam si Tria sunt igitur genera causarum judicii, deliberatio-
hanc rein illa sequitur, liane autein non sequitut; aut si nis, laudationis. Quarum fines ipsi déclarant, quibus
Imic rei illa antecedit, huic non antecedit; ant si huic rei utendum locis sil. Nam judicii finis est jus: ex quo etiam
u
répugnât, illi non répugnât; ant si hujus rei haec illius nnoim'n.
Il Juris autem parles tum expositœ quum aequita-
alia causa est; aut si ex alio hoc, ex alio illud efTectum t Deliberandi finis, utilitas cujus h% partes, quae
tis.
est ex qnovis horum id, de quo quœritur, idemne, an
aliud sit, inveniri potect. Ad lertium genus quiestionis,
in quo, quale sit, quœritur, in comparationem eacadunt,
qiiœ paullo ante lu comparalionisloco enumerata sunt. In
tmodo exposilse, reriim Rxpetendaium. Lauddtionis finis,
honestas de qua item est ante dictum.
Sed definitie quaestiones a suis quaeque locis quasi pro-
illud autem genns, in quo de expetendo fugicndoque pnis,
r instituuntur, in accusationem défensioneinquepar.
quœritur, adhilientur ea, qniB sunt aut animi, aut corpo- t
titœ. ln n quibus exsistunt haec gênera ut accusator per-
ris, ant extcrna vel commoda, vel incommoda. Itemque ssonam arguat facti; defensor aliquid opponat de tribus •.

qimm de honesto turpique qurcritur, ad animi bona, vel aut


a non esse factum, aut, si sit factum, aliud ejus facti
mala, omnis dirigenda oratio est. Qnum autem de aequo inomen esse, aut jure esse factum. ltaque aut infitialis,
<:t iniquo disseritnr, œquitalis loci coiliguntur. Hi cernun- aut
a conjecturalisprima appelletur; definitiva, altera; ter-
tur biparti!», et natnra, et inslitulo. Nolura pnrtcs liabel tia qiiamvis molpstum nomen lxic sit, juridicialis > ocdur.
111:
était permis. Ainsi la première question s'appel- discours qui le contient est en effet le fondement
tera négative ou conjecturale; la seconde, ques- de la question; elle en est le point d'appui; et
tion de définition la troisième,qu'on me permette si vous la retirez, la défense n'est plus possible.
Mais comme, dans les débatsjudiciaires, rien ne
ce mot fâcheux, judiciaire.
XXV. Tous les traités de rhétorique enseignent doit être plus puissant que la loi, il faut tâcher
les arguments applicables à chacune de ces ques- que la loi nous prête son secours, et témoigne en
tions, et les lieux d'où il les faut tirer. La réfu- notre faveur. Alors se présentent commede nou-
tation de l'accusation, par laquelle l'inculpation veaux états, appelés questions légales. Tantôt le
est repoussée, se nomme en grec cttcisk; et tes défenseur soutient que la loi ne dit pas ce que
Latins pouvaient l'appeler slatus (état) c'est en l'adversaire lui fait dire., mais qu'elle dit autre
quelque sorte le terrain sur lequel se pose la dé- chose; et cela arrive lorsque les termes en sont
fense, quand elle s'apprête à repousser l'attaque. équivoques ou offrent un double sens. Tantôt il
Dans le genre délibératif et dans le genre démons- oppose l'intention du législateur aux termes de la
tratif, on se sert aussi des réfutations. Souvent, loi, et cherche s'il faut en suivre le sens littéral
en effet, lorsqu'un orateur a avancé qu'une chose plutôt que l'esprit. Tantôt enfin il oppose à la loi
arrivera, on soutient qu'elle n'arrivera pas, soit une loi contraire. Il y a donc trois choses quii
parce qu'elle est absolumentimpossible, soit parce dans toute espèce d'écrit, peuvent donner lieu
que les plus grands obstacles s'y opposent. Dans à la controverse l'ambiguité des termes, l'opposi-
ce mode d'argumentation est renfermé l'état ou tion
de l'écrit avec l'intention, et les écrits con-
la question conjecturale. Mais lorsqu'on discute traires. Il est évident, en effet, que ces sujets de
l'utilité, l'honnêteté, l'équité, ou les points con- controverse employés quand il s'agit d'une loi
traires, on trouve alors les questions de droit ou s'appliquent également aux testaments, aux sti-
de définition. La même chose arrive dans le genre pulations, à toutes les questions fondées sur un
démonstratif: car on peut nier le fait même quiécrit. Les règles de ces discussions ont été expo-
est l'objet de l'éloge, ou soutenir qu'il ne mérite sées dans d'autres ouvrages.
pas la qualification que lui donne le panégyriste; XXVI. Ce ne sont pas seulement les discours
ou entin qu'il n'est digne d'aucun éloge, parce entiers, mais aussi leurs différentes parties, qui
t
qu'il est contraire au droit, à la justice. César a empruntent le secours de ces lieux, dont quel-
employé tous ces genres d'arguments avec un peuques-uns sont propres à chacune d'elles, et d'au-
trop d'impudence, dans sa réfutation de mon tres leur sont communs à toutes. Ainsi l'exorde
éloge de Caton. Le débat qui s'engage après la a des lieux qui lui sont propres, et qui servent
position de la question est appelé par les Grecs à rendre les auditeurs bienveillants, dociles et
xpivo'aEvov, le point à juger; mais comme c'estt attentifs. Il en est de même des narrations, quand
pour vous que j'écris, j'aime mieux l'appeler elles
répondent à leur but, c'est-à-dire, qu'elles
qua de re agilur, ce dont il s'agit. Or la partie dui sont claires, rapides. frappantes, vraisemblables.

i
XXV. Harum causarum propria argumenta, ex iis sumta adliibeamus. In qua re alii quasi status evsislimt novi,
i
tocis, qiios e\posuimus, in prœceptis oratoriis explicata qui appcllantur légitima; disceptationes. Tum enim del'rr.-
suut. RefuLatio autem accusationis, in qua est depuhio ditur non id legeiu dicere, quod adversarius relit, sed
criminis, quœ greece c-.âaK dicitur, latine appelletur sta- aliud id autem rnnlingit, quum scrïptiiai ambiguum est
t
tus in quo primum iitsislit quasi ad repugnandum cun- ut duie différentes senteutia? accipi possint. Tum opponi-
gressa defensio. Atquc etiam itt deliberationibuset iauda- tur scriplo voluutas scriploris ut quœratur, verbaue plus,
i
tionibus iidem exsistunt statns. Nam et negantur sai'pe ea an sententia vaieredebeat. Tum legi lex contraria affertur.
futura qua: ab aliquo in senlentia dicta sunt fore si aut Ita sunt tria genera, quœ controversiam in omni sciiplu
omnino fieri non possunt, aut sine summa ditficultate non> facere possunt, ambigumn discrepantia scripti et volun-
possuut. In qua argiimentatione status conjecturalis exsi- tatis, et scripla contraria. Jam hoc peispicuum est, non
atit. At, quum aliquid de utilitate, honestate, tequilale magis in legibus, tjuam iu testamentis, iu stipulationibus,
disseritur, deque lis rébus quae iis sunt contraria? incur- in reîiquis rebus, qu»e ex scripto aguntur, posse conlro-
runl status, aut juris, aut nominis. Quod idem eonlingitversias easdem exsistere. Horuin tiar.talionesin aliis libris
in laudationihus. Nam aut negari potest, id factum esse, explieanlur.
quod laudetur; aut non eo nomine aflîciendum, quo lau- XXVI. Nec solum perpétua? actiones, sed etiam partes
•lator affecerit aut omnino non esse laudabile, quod non orationis iisdeni locis adjuvantur, parti propriis, partim
recte non jure t'actum sit. Quilius omnibus generibus usus comuiunibus ut in principes, quibus ut benivoli,ut
est nimis impudenler Cœsur enntra Catonem meum. Scd dociles, ut attenti sint, quiaudiant, efficiendum estpro-
<mac ex statu contentio effleitur, eam Gra'ci xptvôjxEvov priis locis. Itemque narraliones ut
ad suos fines spectent,
vocant mihi plaçât id, quoniam quidem ad te scribo quaà id est, ut plan» sint, ut breves, ut évidentes ut credi-
de re ngitur, vocari. Qnibns autem hoc, qna de re agituï, biles, ut moraUe, ut cum dignitate quae quanquam in
t
cnntinetnr, ea continentia vocentur, quasi tirmamenta tota oratione esse debent, magis tamen sunt propria nar-
defensionis, quibus stiblittis defensio nulla sit. Sed. quo- randi. Qute autem conseqnitur narratiunem lides, ea per
niam lege firmius in controversiis disceptandis esse nihil snadondn quoniam efficitur, qui ad persuadendura lor
debet, danda est opéra, ut logera adjntripern et testem maxime valfant, ilictiim est in iis, in quit<us de omni :a-
et qu'elles réunisscnt le naturel à la noblesse la pitié, la colère, in haine, l'envie, et les autres
qualités nécessaires dans tout le discours, mais passions. Mais si j'ai bien compris ce que vous
particulièrement dans la narration. Quant à la attendiez de moi, je crois avoir abondamment
confirmation, qui vient après la narration, satisfait à vos désirs. Dans la crainte de rien
comme elle se propose de persuader, on y em- omettre de ce qui regarde l'invention des argu-
ploiera les lieux propres à la persuasion, ceux ments en tous genres, j'ai embrassé même plus
déjà indiqués par nous dans les ouvrages où nous de détails que vous ne m'en demandiez. J'ai fait
avons traité de l'art oratoire en général. La pé- comme ces vendeurs généreux qui, après s'être
roraison, entre autres lieux, emploie surtout l'am- réservé le mobilier de la maison ou de la ferme
plification, dont l'effet doit être d'exciter ou de qu'ils mettent aux enchères, abandonnent ce-
calmer les esprits, et, s'ils sont déjà émus, d'aug- pendant à l'acheteur quelques meubles qui pa-
menter cette émotion ou de l'affaiblir. raissent nécessaires à l'ornement de la propriété;
D'autres ouvrages, que nous pourrons lire en- j'ai voulu, à cet ouvrage, que vous pouviez ré-
semble quand vous le voudrez, nous fourniront clamer comme votre bien, ajouter quelques or-
toutes les règles bonnes à connaître pour exciter nements que je n'étais pas tenu de fournir.

tione dicendi. Peroratio autein et alia quaedam habet, et Nam, ne preeterirem aliquid, quod ad argumentum in
maxime amplificationem cujus elTectus is debet esse, ut omni ratione reperiendum pertineret, plura, quam a ti;
aut perturbeulur animi, aut tranquillentur; et, si ita jam desiderata erant, sum complexus, fecique quod sa?pc li-
affecti ante sunt, ut augeat eorum motus, aut sedet oratio. berales venditores soient, ut, quum rcdes fundumve ven*
Huic generi, in quo et misericordia, et iracnndia, et diderint, rutis cœsis receplis, concedant tamen aliquid
odinm, el invidia, et cetera; animi affectiones perturban- emtori, quod ornandi causa apte et loco positum esse m-
i.
tur, preecepla suppeditajitur aliis in libris, quos poteris deatur: sic tibi nos ad id, quod quasi mancipio dare de-
.inecum legere, quum voles. Ad id autem, quod te velle buimus, ornamenta quœdam voluimus non debita acce-
voluntati tuœ. dere.
sensei am cumulate satisfactum esse debet

NOTES SUR LES TOPIQUES.

I. Kajnrtx ma. On ne sait pas aujuste quïl est l'o;i- à l'exempta des plus récents traducteurs n jus supprimons
les mots. 7: /m .Sen/irt, quoiqu'ils se trouvent dans plusieurs
vruge important dont Cicéron veut parler. On croit cepen-
dant généralement que c'est d'uri3 histoire de son temps, manuscrits. L'exemple cité par Cieéron est emprunté a
a laquelle il travaillait depuis plusieurs années, mais qui la lui des Douze Tables, et la loi Mlia Senlia ne fut portée
ne nous est point parvenue. M parle de cette histoire [Epis'.)' que vers l'an 755, longtemps aprè? la mort de Cicéron.
ad Att., n, 6; xiy 17; xv, ;}, eto. etc.) H. Assiduus. Auln Celle nous apprend que le mot Assi-
Trebatl. C. T rebattue Testa était un jurisconsulte d'une duus a deux accepîions différentes il si^ttilie tantôt un
grande habileté. Cieéron joue ici sur les mois jwis et h'j:nme riche de qui l'on tire aisëmer-t de l'argent quand
injuria, dont le rapport est assez difficile à rendre en fran- les besoins de l'État l'exigent; tantôt un homme assidu à
çais. porter toutes les charges publiques. Vindex est celui qui se
II. Non est liber. Il y avait, dans la législation romaine, rend caution pour l'ajourné saisi et arrêté, et qui, par va
trois manières d'affranchir les esclaves 10 par le cens, bon otiiee, empêche qu'il ne soit lelenu plus longtemps.
quand un esclave, par l'ordre de sou maître, était inscrit 11 l. I'j£jyE«. On doit lire (rwuoi^îa mot pour lequel
sur le rôle du censeur; 2° par la baguette, v'tndicta, lors- Aristote, dans ses Topiques, exprime la même iaée que celle
que le maître conduisait i'esclave devant le consul ou le de Conj'ugaito. Cicéron, qui citait de mémoire, a employé
préteur, et que celui-ci touchait avec une pelite baguette une expression équivalente.
la tête de l'esclave, en disant « Je déclare que cet homme Matrumfamdias. Il ne faut pas attacher à l'expres-
est libre, jure quirltium; » 3° enfin, par testament. L'af- sion latine materfamilias le sens que nons donnons en
franchi se rasait la tête, et prenait un bonnet. On trouve français aux mots qui en sont la traduction littérale. Cette
dans les [nstitutes, i, 3, t, trois autres manières d'af- expression, malerfumiïias était un titre de distinction.
franchir les esclaves. La première, lorsqn'en présence de Il était donné à l'épouse après le mariage par coemption
cinq (le ses amis, le maitre rendait la liberté à son esclave; postt/nam in manum convoierai, barce qu'elle était ap-
la seconde, lorsqu'il l'admettait sa table pour l'affran- pelée à partager avec son mari les soins domestiques et la
chir; la troisième se faisait par lettre, lorsque le maître écri- conduite des esclaves. Pour celle qui n'était que simple
vait à son esclave absent, qu'il lui permettait de vivre en épouse, matrona on disait in malrimoniumconvenire.
liberté. Dans ce passage, Cicéron ne fait mention que de Le mariage se contractait de Irois manières savoir,
l'aflranchisscment solennel, qui donnait à l'esclave les par la confarréation par l'usage, par la coemption. La
droits de citoyen. cor.farréalion était du ressort des pontifes qui présentaient
jElia Sentia. D'après t'opinion motivée d'F.rnesti et aux deux époux un glUean de pur froment, dont ils mari-
geaient ca signe d'union, et dont on saupoudrait aussi lpt2
cïturwhiiflraif auccî les fpi ^n^SmAnfitt* ab
rei recipiendae ah extraneo, u in statu m prUlinuin resti.
avtrattAA et
victimes. (Denys d'Halicarnasse, n, 25; Pline, xviii 2.) tuendre inter nos ac liberos populos regesque, moribus,
Le mariage se contractait, par l'usage, lorsque le mari et legibus constitutum. Les observations que Cicéron em-
l'épouse avaient habité constamment ensemble pendant prunte ici à Servius et à Scévola se retrouventà peu près
un an au bout duquel la femme était acquise par droit de dans les Institutes, liv. t, tit. 12, § 5. « Dictum est post
prescription, uxov usucapta, à celui avec lequel elle lirajnium a limine et post Unde eum qui ab hostibus cap-
avait habité. Elle ne dépendait de l'époux que pendantla tus in fines nostros postea pervenit, poslliminio reversum
durée du mariage (AnluGelle m 2) et n'avait pas droit recte dicimus. Nam limina sicut in domibus fineni quem-
à la succession. Le mariage par coemption exigeait cer- dam faciunt, sic imperii fînem limen esse veteres volue-
taines solennités. C'était une espèce de marché réciproque, runt. Hinc et limes dictus est quasi finis quidam et ter-
et l'homme et la femme se donnaient l'un à l'autre une pe- minus. Ab eo postliminium dictum, quia eodem limine
tite pièce de monnaie. On y employait aussi des formules reverlebatur qno amissum ftierat. »
consacrées par les lois romaines. Le mari demandait à IX. Altération jubetur nHsecactiolocuin habet,quoties
celle qu'il épousait « Voulez-vousêtre ma femme et mère facto opere agro aqua nocitura est, id est, quum quis
de famille? elle répondait « J'y consens. » Elle de- manu fecerit,
»
mandait à son tour: Voulez-vous être mon époux et père forte manu quo aliter flueret, quam natnra soleret; si
immittendo eam aut majorem fecerit, aut citatiorem
«
de famille.' » le mari répoudait « Je le veux. On aut vehcmcnliorem,aut si comprimendo redundare effecit.
mettait ensuite lamain de la femme dans la main de celui Quod si natura
noceret, ea actione non continetur. u
qui l'épousait. De là, peut-être, l'expression, convenire Ulpien, Digest.,aqua
in manum. (Boèce, Commentaire sur les Topiques; xxxix, tit. 3,leg. i,§ 2.
Nonius, xn, 50.) La femme, en vertu de' cette alliance, XIII. EnthyvMmata. Nous appelons maintenant En-
passait sons la puissance du mari, faisait partie de sa mai thymême le syllogismedans lequel on supprime quelqu'une
son, et se trouvait, à sa mort, comprise dans sa succes- des propositions, comme trop claire et trop facile à sup-
sion. pléer. Par exemple II faut aimer toutes les vertus; donc
il faut aimer la tempérance. Mais Cicéron donne le nom
IV. Quœ se capite nunquam deminuU. Ce passage A'enlhymême à des
s'explique par la coemption fiduciaire, qu'une femme arguments fondés sur des propositions
disjonctives.
contractait avec un étranger pour se soustraire à la tutelle conjonctives ou
et avoir le droit de tester. XX. ln Palamedem conjecta suspicionummultïhido.
Pro liberis manere nihil oportel. Il s'agit ici des en- C'est Ulysse qui,, jaloux de ce que Palamède avait envoyé
fants nés d'un mariage illégitime, ou non reconnu par la une grande quantitéde blé en Thrace, fabriqua, au nom de
loi; d'un mariage, par exemple, entre un citoyen et une Priam une lettre dans laquelle il remerciait Palamède de
étrangère ou une esclave. Ces enfants, par snite du di- sa trahison, et lui promettait une grosse somme d'or. Il
vorce, restaient avec leur mère, et ne suivaient pas la tua ensuite l'esclave porteur de la lettre, en corrompit
condition du père. A repugnantibus. Par exemple d'autres qui déposèrent l'argent dans la tente de Pala-
»
Aimer et hair sont deux choses contraires; aimer et in- mède, le dénonça lui-même comme traître, lut la lettre au
jurier ou offenser, sont deux choses qui répugnent entre roi, montra l'argent trouvé dans la tente, et Palamède fut
elles. »
lapidé.
VIII. Poslliminhim. Ce mot signifiait, chez les Romains XXV. Cœsar contra Catonem metim. Cicéron avait
le droit qu'on recouvrait sur une chose perdue, qui rede- fait un éloge de Caton, qu'il célébrait comme un grand ci-
venait la propriété de son ancien maître, après avoir passe toyen et un modèle de vertu. César crut devoir réfuter
an pouvoir d'un étranger ou, suivant la définition du ju- cet ouvrage qui compromettait sa gloire, et composa l'Anti-
risconsulte Paul (Digest., xlix 15 19) « Jus amissœ Caton. Cicéron l'avait écrit à la prière de Brutus.
DIALOGUE
SUR LES PARTITIONS ORATOIRES.

INTRODUCTION. vous adresse, en latin et par ordre, les questions


Ce traité, écrit sous laforme d'un dialogue entre Cicéron que vous aviez l'habitude de me faire en grec?-
et son fils, est une rhétorique élémentaire complète. L'au- C. P. Très-certainement. Je verrai, parce moyen,
teur en a traduit le tilre d'un mot des rhéteurs grecs, si
qui entendaient par Siacpéasiç toutes les divisions et sub- vous avez retenu mes leçons, et je répondiai
divisions de leur art, et qui appelaient les traités de ce successivement à chacune de vos demandes.
genre SiatpEiixai té^vai. On voit, au ch, 40, qu'il avait ap- C. F. En combien de parties divise-t-on l'artora-
pris des Académiciens à soumettre ainsi aux formes philo- toire? – C. P. En trois parties.-C. F. Quelles
sophiques la théorie de l'art de la parole. sont-elles, je vous prie?-C. P. La première
La monotonieet l'aridité de cet ouvrage, l'obscurité de
quelques passages, mais surtout la forme de la composition traite du talent de l'orateur; la seconde, de la
et le caractère du style, ont fait douter que Cicéron en lut composition du discours; la troisième, de la
l'auteur. C'était un beau champ à des disputes philologi. question. -C. F. Eu quoi consiste le talent de
ques mais le témoignage formel de Quintilien a arrêté l'orateur? C. P. Dans les pensées et dans les
ceux des philologues modernesqui ont montré le plus de
penchant à susciter ces sortes d'énigmes. Quant au style, mots, dans l'art
de trouver et de disposer les
nous pensons, avec M. Leclerc, qu'il n'est pas indigne de unes et les autres. Aux pensées s'applique pro-
Cicéron. prement l'invention, et aux mots, l'élocutlon.
Le plan général de ce dialogue est fort simple. La Rhé- Quant à la disposition, quoiqu'elle leur soit coni
torique est divisée en trois parties principales le talent
de l'orateur, le discours et la question. Le talent de l'ora- mune à toutes deux, on la rapporte cependant h
tenr consiste à savoir inventer, disposer, exprimer ses l'invention. La voix, le geste, le jeu de la phy-
idées, les retenir et les débiter (1-VII1). Le discours com- sionomie, toute l'action enfin sert d'accompagne-
prend l'exorde, la narration, la confirmation, la péro- ment an discours, et la mémoire est le dépôt de
raison (Vll-XVII). Les diverses sortes de questions ou de
toutes ces choses. -C. F. Combien y a-t-il de
causes (XVIII-XXXIX) complètent cet abrégé.
parties oratoires? C. P. Il y en a quatre deux
savoir, la narration et la confirmation, ont pour
ï. CioÉaoN fils. Mon père, je désire, si tou- but l'établissement du fait; les deux autres,
'tefois vous en avez le temps et la volonté, que l'exorde et la péroraison, servent à exciter les
vous me redisiez en latin les préceptes que vous passions. C. F. En combien de parties se divise
m'avezdonnés en greesur l'éloquence.– Cicébon la question?- C. P. En deux parties la question
PÈRE. Est-il rien, mon fils, que je puisse vouloir générale qu'on appelle thèse, et la question par-
avant votre parfaite instruction? J'ai, d'ailleurs, ticulière qu'on apelle cause.
tout le loisir possible, puisqu'en enfin j'ai trouvé 11. C. F. Puisque l'invention est le premier
l'occasion de quitter Rome; et de plusje préfère objet de l'orateur, que doit-il chercher d'abord? –
volontiers vos études à mes plus sérieuses occu- C. P. Les moyens de convaincre ceux qu'il veut

pations. C. F. Ainsi, vous voulez bien que je persuader, et l'art de faire naître des émotions

I. Cictuo nuus. Studeo, mi pater, latine ex te audire C. P. ln rebus, et verbis. Sed et res, et verba, inve-
e-
ca,qu3cmihi tu de ratione dicendi graece tradidisti; si nienda sunt, et collocanda. Proprie autem in rébus inve-
modo tibi est otium et si vis. Cicero PATER. An est, nire, in verbis eloqui dicitur. Collocare autem, etsi est
"ni Cicero, quod ego malim, quam te quam doctissimum commune, tamen ad inveniendum referlur. Vox, motus,
esse? Otium autem primum summum est, quoniam ali- vultus, atque omnis actio, eloquendi comes est, earum-
quando Roma exeundi potestas data est; deinde ista tua qne rerum omnium custos est memoria. C. F. Quid?
studia vel maximis occupationibusmeis anteferrem liben-
ter. C. F. Visne igitur, ut tu me graece soles ordine in.

orationis quot sunt partes? C. P. Quatuor earnm dua;
valent ad rem docendam, narratio et confirmatio; ad im-
terrogare, sic ego te vicissim eisdem de rebus latine in- pellendos animos duae, principium et peroratio. C. V-
terrogem ? C. P. Sane, si placet; sic enim et ego te Quid? qurcstio quasnam habet partes? C. P. Infinilam,
meminisse intelligam, quae accepisti; et tu ordine audies quam consultationemappello et detinitain, quam causam
quae requires. C. F. Quot in partes distribuenda est uonniio.
omnis doctrina dieendi? C. P. In tres. C. F. Cedo
quas? C. P. Primum in ipsam vim oratoris, deinde in II. C. F. Quoniam igitur invenire primum est oratoris,
orationem, lum in qu.i>stioneni – C. F. In quo est ipsa vis? quid quir-rct? C. P. ut inveniat, quemadmodum fidem
dans leur esprit. C. F. Comments'opère la grand, d'égal ou de plus petit, soit dans 11: nature
conviction?- C. P. Par les arguments tirés des des choses, soit dans leurs qualités.
lieux compris dans le sujet ou hors du sujet. III. C. F. Faut-il tirer des arguments de tous
C. F. Qu'appelez-vouslieux?– C. P. Les sources ces lieux ? C. P. Mieux que cela il faut les
d'où l'on extrait les arguments. C. F. Qu'est- examiner tous, les peser avec le plus grand soin;
ce qu'un argument? C. P. Une idée vraisem- user de tout sou discernement, pour rejeter les
blable emplovée à convaincre.– C. F. Comment preuves qui sont faibles, et négliger complète-
distinguez-vous les deux espèces de lieux dont ment celles qui sont communes et inutiles. C.
vous venez de parler? – C. P. J'appelle lieux F. Voilà pour la conviction; quels sont mainte-
extrinsèques ceux qui s'offrent d'eux-mêmes et nant les moyens d'émouvoir?– C. P. La question
sans l'intervention de l'art tels sont les témoi- n'est point déplacée; mais j'y répondrai mieux
gnages. – CF. Et les lieux intrinsèques ? – C. P. quand jetraiterai du discours et des états decau-
Ceux qui sont inhérents au sujet. C. F. Com- ses. C. F. Que vient-il après cela? C. P. La
bien y a-t-il de sortes de témoignages?– C. P. disposition. Dans la question générale, elle se
Deux sortes:ceux des dieux et ceux des hommes: réduit à peu près à l'ordre qus je viens d'assigner
les témoignages des dieux, c'est-à-dire les ora- aux lieux des arguments; dans la cause particu-
cles, les augures, les prédictions, les réponses lière, il faut encore employer les moyens qui pro-
des prêtres, desaruspices, desdevins; les témoi- duisent l'émotion. C. F. Comment expliquez-
gnages des hommes, qu'on déduit dusentiment, vous cela? C. P. L'art de convaincre et celui
de l'intention, de l'aveu libre ou forcé, sans d'émouvoir ont des règles communes. La convic-
omettre les titres, les contrats, les obligations, tion naît de la croyance dans un fait. L'émotion
les serments, les enquêtes. C. F. Quels sont naît d'une âme excitée par le plaisir ou par la
les lieux que vous appelez intrinsèques? – C. P. douleur, par la crainte ou par le désir (ces pas-
Ceux qui tiennent au fond même de la cause, sions forment les genres qui sont la source de
comme la définition, les contraires, les rapports toutes les autres) je dispose donc le plan d'un
de conformité ou de différence, de convenance discours suivant le but de la question. Dans la
ou de disconvenance; compatibilité des choses question générale le but est de convaincre; dans
entre elles ou leur incompatibilité; les causes la question particulière ou dans la cause, de con-
ou Icurs effets; les divisions, lesgenres des parties vaincre et de toucher. Ainsi quand j'aurai traité
ou les parties des genres; les antécédents et en de la cause où la question générale est expliquée,
quelque sorte les avant-coureurs d'un fait, les- j'aurai traité de l'une et de l'autre. -C. F. Qu'a-
quels peuvent prêter matière à quelque argu-
ment enfin les comparaisons, ce qu'il y a de plus
vez-vous donc à dire sur la cause? –
C. P. On
traitera la cause différemment, suivant la nature
faciat eis, quibus volet persuadera et qucmadmodum Ht. C. F. Omnibusne igitur ex bis locis argumenta su.
motum eorum animis afferat. memus? – C. P. lmo vero scrutabimur et quëereinus ex
-C. F. Quibus rebus fides fit?- C. P. Arguments, omnibus sed adhibebimus judicium, ut levia semper re*
qui» ducuntur ex locis, aut in re ipsa insitis aut assumtis. jiciamus, nonnunquam etiam communia pKetenmttamus
C. F. Quos vocas locos? C. P. Eos, in quihus latent et non necessaria.
argumenta. – C. F. Quid est argunientum ? – C. P. Prn-
babile inventum ad faciendam (idem. C J". Quomodo
C. F. Quoniam de fide respondisti, volo audire de
motu. C. P. Loco quidem quueris; sed planius quod
igitur duo genera ista dividis? C. P. Qune sine arte pu- vis explicabitur, quum ad orationis ipsius quaestionumque
tantur, caremota appello, ut teslimonia. C. F. Quid rationem venero.

insita? C. P. Quae inhaerent iu ipsa re. – C. F. Tesli-
C. F. Quid sequitur igitur ? – C P. Quum inveneris,

moniorum quae sunt gênera? C. P. Divinum, et liiima-
collocare fcnjns] in infinita quœstione, ordo est idem
num divinum, utoracula, utauspicia, utvalioinationes,
ut responsa sacerdolum, aruspicuiin conjectorum; bu- fere, quem exposui, locorum in deiicu'fa autem adhibenda
manum, quod spectatur ex auctoritate, et ex voluntate, sunl illa etiam, quœ ad motum animornm pertinent.
et ex oratione, aut libera, aut expressa in quo insunt C. F. Quomodo igitur ista explicas? – C. P. Habeo com-
scripta, pacta, promissa, jnrala, qnsîsita. F. Quac
– C. munia pracoepta fidem faciendi et commovendi. Quouiam
sunt quae dicis insita? C. P. Quœ infixa sunt rebus fides est nrma opinio; motus autem, animi incitatio aut
ipsis, ut definitio, nt contrarinm, ut ea, qui© sunt ipsi ad voluptatem, aut ad molpstiam, aut ad metum, aut ad
contrariove ejus aut similia, aut dissimilia, aut consen- cupiditatem (tnt enim sunt motus genera, partes plures
tanea, ant disscntanea; ut ea, quae sunt quasi conjuncta, generum singulorum) omnem collocationemad finem ac-
aut ea, quœ sunt quasi pugnantia inter se aut earum re- commodo quaestionis. Nam est in proposito finis, fides;
mm, de qnihus agitur, causœ;aut causarum eventus, id in causa et fides, et motus. Quare quum de causa dixero,
est, quœ sunt effecta de causis; ut distributiones, ut ge- in qua est propositum de utroque dixero. C. F. Quid
habes igitur de causa dicere? C. P. Auditorum tam
liera partium, generumve partes; ut primordia rerum et
ijiiasi prœcurrenUa in qoibus inest aliquid argumenti; ut genere distingui. Nam aut auscultalor est modo qui audit,
rerum conlenliones, quid majus, quid par, quid minus aut disceptator, id est, rei sententiseque'moderator lia,
sit, in cpiibuK aut natnrae rerum, aut fainlfales rornpa- ut aut delectelur,
dclectetur, aut statuat aJiqnid. Statuit autem am
aliquid. Sl<Ituit atn
laiitur. de fir.-rtMitis, ut jadex, ,111 de futur is, ut ïfnatus. Sic
de s'/s auditeurs. En effet, ou on s'aJresse à des sées ou présentes et la délibération a lieu sur l'a-
auditeurs venus simplement pour entendre, ou il t venir. Tout le discours alors doit avoir pour but
des gens compétents appelés à connaître etit à déci- de convaincre et d'émouvoir. – C. F. Et dans le
der de l'affaire; les auditeurs écoutent pour leur judiciaire, quel est l'ordre? C. P. Il n'est pas
plaisir, les gens compétents, pour statuer. Or, on le même pour l'accusateur et pour l'accusé. L'ac-
statue sur le passé, comme fait un juge; ou sur cusateur doit suivre l'ordre de sa matière. Chacun
l'avenir, comme fait le sénat. De là trois genres de de ses arguments est une arme dont il frappe sou
causes le judiciaire, le délibératif, le démonstra- adversaire; il l'attaque avec véhémence, il le
tif. Ce dernier s'appelle aussi le genre apologéti- pousse, il le presse, il invoque contre lui les ti-
que, parce qu'il est surtout consacré à l'éloge. tres, les jugements, les témoignages il insiste à
|
IV.-C. F. Que doitse proposer l'orateur dans propos sur chacune de ces preuves; et, dans le
ces trois genres? C. P. Dans le démonstratif, courant du discours, il emploie, dans de rapides
de plaire; dans le judiciaire, d'exciter le juge it la digressions, les moyens enseignés pour émouvoir,
sévérité on à l'indulgence dans le délibératif, dee en se réservant toutefois les plus puissants pour
faire naître parmi les intéressés l'espérance ou la la péroraison car son but est d'irriter le juge.
crainte. C. F. Pourquoi donc placez-vous ici V.-C.F. Quedoitfaire l'accusé?– C. P. Sui-
les trois genres de causes? – C. P. Pour régler vre une route tout opposée dans son exorde, se
l'ordre des nreuves sur le but que chacun se pro- concilier la bienveillance, omettre dans la nar-
pose. C. F. Comment? – C. P. Dans le genre ration ce qui pourrait lui nuire; la supprimer, si
démonstratif, par exemple, où le but est de elle n'a rien de favorable pour lui; réfuter les
plaire, il y a bien des moyens d'y parvenir. En preuves de l'accusateur, ou les rendre obscures,
«ffet ou l'on suit l'ordre des temps, ou l'on s'at- ou tes éluder par des digressions; enfin, dans la
tache aux divisions de la matière, ou l'on remonte péroraison, attendrirlesjuges. – C.F. Est-on tou-
du plus petit au plus grand, nu l'on descend (lu jours libre de suivre l'ordre qu'on veut? – C. P.
plus grand au plus petit, ou Ion cherche la va- Non; car l'orateur habile et expérimenté con-
riété des contrastes, en opposant le petit au grand,i suite avant tout les dispositions de ceux qui l'é-
le simple au composé, le doute à l'évidence, la content, et change ce qui pourrait leur déplaire.
joie à la tristesse, le merveilleux au vraisembla- C. F. Voulez-vous passer à ce qui regarde
ble contrastes tous propres surtout à ce genre. l'èlocutionet les mots?- C. P. Il y a deux sortes
C. F. Quel est l'ordre à suivre dans le délibé- d'élocution l'une, naturelle, et qui semble cou-
ratif ? C. P. L'exorde doit être court, souvent lerde source l'autre, polie, et variée selon les ré-
même on n'en fait pas; car ceux qui viennent glesde l'art. Pris séparément, les mots ont une
pour délibérer sont assez portés par leur propre valeur absolue; réunis, ils en ont une relative,
intérêt à être attentifs. On abrège souvent aussi II faut d'abord trouver les mots, et ensuite les
la narration car on ne raconte que les choses pas- placer.

tria sunt gênera, judidi, «Mibcrationis, e\ornationis cusator rerum ordinem prosequilur, et singula argumenta,
quœ, quia in laudationes maxime coiifertur, proprium quasi hasta in manu collocata, tehementer uroponil
habet jam ex eo nomen. concludit acriter, confirmat tabules, (lerretis, testimonii<
IV. C. F. Quas res sibi proponet in istis tribus generi-i- accuratiusque in singnlis commoratiir perorationisqu^
bus orator? C. P. Delectationem in exornatione; in prœceptis quae ad kicitandos animos valent, et in reliqua
judicio, aut saevitiam aut cleuientiam judicis in suasione oratione paullulum degrediens île cnrsu dicendi, ulilur,
autem, aut spem, aut reformidationem deliberantis. et vehementius in perorando. Est enim propositum, ut
C. F. Cur igilur exponis hoc loco gênera controversiaruin ? iiatum eflidat judicem.
C. P. Ut rationem collocandi ad finein cujusque ac- V. C. F. Quid facieiulum est contra reo? C. P
commodem. C. F. Qnonam tandem modo? C. P. Omnia longe secus sumenda principia ad btniienlentiam
Quia, quibus in orationibus delectatio finis est, varii sunt conciliandam; narrationes aut amputandsg, qurie laedunt;
ordines collocandi. Nam aut temporum servantur gradua, aut relinquendae si tota? Bunt inolestae; lirmamenta ad
aut gencrum distribuliones; aut a minoiihus ad majora fidem posita, aut per se diluenda, aut obscuranda, aut
adscendimus, aut a majoribus ad minora delabimur; aut degressiouibu* obruenda, perorationes aulem ad miseri-
liœc inœquali varielate distinguimus, quum parva magr.is, cordiam conferendœ. C. F. Semperne igitur ordinem
Aimplicia conjunctis, obscura dilucidis, lœta tristibus, in-
a- collocandi, queni \olumus, tenere possumus? C. P.
rrfdibilia lirobabilibus inteximus, quœ in exornalioni'in Non sane. Nam audilotum aures moderantur oratori pni-
radunt omnia. C. F. Quid? in deliherationc qui.l spe- denti et provido, et quod respuunt, immotandum est.
itas? C.P. Principia, vel non longa, vel sa:pe nulia. C. F. Expone deinceps, quœ ipsiusorationis verborum.
Sunt enim ad andiendum, qui délibérant, sua causa pa- que praecepta sint. C. P. Unum igitur genus est elo-
rati. Nec multum sane sœpe narrandum est. Est enim nar- quendi sua sponte fusum atternm versum, atque muta-
rdio aut praferilarum icnim aut praesenlium suasio tum. Prima vis est in simplicibus verhis; in conjunctis
ajtem, roturarum. Quare ad fidem et ad motum adhibenda secunda. Simplicia inveniendasunt; conjuncta collôcanda
«t on mis oratio. C. F. Quid? in judiciis qti» est ml sunt.
iocatio ?– C. P. Son «idem accusatoris cl rci quud ao'- i:t simplicia verba partim nativa sunt, pnrtim repert».
i
Les mots, considérés à part, sont primitifs ou gueur ou à [a concision du style, aux équivo-
dérivés. Les mots primitifs ont une significationques, à l'abus des figures. La brièveté consiste
absolue. Les dérivés sont composés de primitifs, dans la simplicité, dans la manière d'énoncer
et formés par analogie, par imitation, par in- chaque idée une fois et seulement pour la rendre
flexion, ou par l'adjonction de quelques lettres. On claire. Il y a vraisemblance dans le discours, s'il
peut faire une autre distinction daus les mots n'a pas trop de recherche et d'ornements; si les
on peut les considérer selon leur nature ou selon termes ont de l'autorité et de la force si les pen-
l'art. Ainsi, les uns sont naturellement plus so- sées sont graves, ou conformes aux opinions et
nores, plus nobles, plus doux, plus purs; les au- aux mœurs des hommes. Le style tire son éclat
tres sont tout le contraire. L'art distingue le nom de la noblesse et du choix des termes, des méta-
l'épithète, les termes anciens et nouveaux, les phores, des hyperboles, des épithètes, des ré-
expressions figurées, ou détournées de leur si- pétitions, de la synonymie, des images. Les ima-
gnification par lestropes telles que la métaphore, ges mettent pour ainsi dire l'objet sous les yeux,
la métonymie, la catachrèse, l'allégorie, l'hy- et, par ce sens qui est le premier séduit, nos au-
perbole, et tous ces moyens de donner au lan- tres sens, notre espritmême peuvent recevoir la
gage des grâces que son usage habituel n'admet même impression. Ce que j'ai dit de la clarté
pas. s'appliqueaussi à l'éclat du style seulement cette
YI. – C. F. Voilà pour les mots prisséparément qualité est un peu plus que la première l'une
parlez-moi maintenant de la réunion. C. P. Il nous fait comprendre une chose; l'autre nous la
faut, dans la construction de la phrase, du nom- rend visible. Il y aura de l'agrément dans le dis-
bre et de la correction. L'oreille est juge du nom- cours, si le discours offre un heureux choix de ter-
bre elle condamne également la sécheresse et la mes élégants, harmonieux, sonores;si leurassem-
redondance; on observe la correction en respec- blage ne présente point d'aspérités ou d'hiatus;
tant rigoureusement les règles relatives aux gen- si la période est bornée à l'étenduede la voix hu-
res, aux nombres, aux temps, aux cas et aux maine, et si ses parties ont de justes proportions
personnes. Car si le barbarisme dans les mots s'il y a dans les mots de la symétrie et des dési-
nous blesse, il en est de même du solécisme dans nences semblables; si ceux qui précèdent se ba-
la phrase. lancent avec ceux qui suivent; si l'on emploie
Il y a d'ailleurs cinq qualités communes aux avec sobriété l'antithèse, l'isocolon, l'adjonction,
mots séparés ou réunis la clarté, la brièveté, la répétition, la conduplication, la conjonction,
la vraisemblance, l'éclat, l'agrément. La clarté la disjonction. On ajoute encore à l'agrément du
exige qu'on n'emploie que les termes propres, style par le récit de faits jusqu'alors inconnus,
usités, et qu'on les place d'une manière conve- inouïs, enfin entièrement nouveaux car ce qui
nable soit dansla période, soit dans les membres, frappe d'étonuement plaît toujours.
soit dans les incises l'obscurité tient à la lon- Le charme du discours consiste surtout dans

Nativa ea, quae significata sunt sensu; reperta, quae ex his illustre, suave. Dilucidum fit usilatis verbis, propriis,
facta snnt, et novata aut similitudine, aut imitatione, aut dispositis, aut circumscriptione conclusa, aut intermis-
inflexione aut adjunctioneverborum. Atque etiam est haec sione, aut concisione verborum; obscurum autem, aul
distinctio in verbis altéra, natura; traclatione, altera. longitudine, aut contractioneorationis, aut ambiguitate,
Natura, ut sint alia sonantiora, graviora, leviora et quo- aut inilcxione atque immutatione verborum. Brevitas au-
dam modo nitidiora alia contra tractationeautem quum tem conficitur simplicibus verbis, semel unaquaque re
aut propria sumuntur rerum vocabula, aut addita ad no- dicenda, nulli rei, nisi, ut dilucide dicas, serviendo. Pro-
men, aut nova, aut prisca, aut ab oraLore modificata et babile autem genus est orationis, si non nimis est comtum
indexa quodam modo; qualia sunt ea, quae transferuntur, atque expolitum, si est auctoritas et pondus in verbis, si
autimmutantur, aut ea, quibus tanquam abutimur, aut sententise vel graves, vel aptae opinionibus bominum et uio-
ea, quae obscuramus quae incredibilîtertollitnus, quae- ribus. illustris autem oratio est, si et verba gravitate de-
que mirabilius, quam sermonis consuetudo patitur, or- lecta ponuntur, et translata, et superlata, et ad nomen
namus. adjuncta, et duplicata, et idem significaulia atqueab ipsa
VI. C. V. Habeo de simplicibusverbis nunc de cou- actione atque imitatione rerum non abhorrentia. Est enimJ
junctione quaero. -C. P. Nu iiieri quidam sunt in con- ha» pars orationis, quae rem constituat pœne ante oculos
junctione servandi, consecutioque verborum. Numéros is enim maxime sensus attingitur sed ceteri tamen, et
auras ipsae metiunlur, ne aut non compleas verbis, quod maxime mens ipsa moveri poteet. Sed quae dicta sunt de
proposueris, aut redundes. Consecntio autem, ne generi- oratione ditucida, caduntin hanc illustrem omnia. Est
tus, numeris, temporibus, personis, casibus perturbetur enim plus aliquanto illustre, quam illud dilucidum altero
aralio. Nam, ut in simplicibus verbis, quod non est lati- fit, ut intelligamus;altero vero, ut videre videamur. Suave
num; sic in conjunctis, quod non est conséquent, vitu- autem genus eritdicendi, primumelegantiaet jucunditate
perandum est. verborum sonantiumet lcnium deinde conjuiictlone quai
Communia autem sitnplicium conjurtclorumque sunt neque asperos habeat concursus, neque disjunctos atque
lia»' punique quasi lumina dilucidiim brève, probaMIr, niantes; et sit circuinscripta non lon^o anfrurtu, sed ad
LES PARTITIONS ORATOIRES.
o i
les mouvements de l'âme; ils font qu'on aime -C. F. C'est maintenant, je pense, le tour de
l'orateur, lorsqu'il manifeste les sentiments d'un l'action. C. F. Oui; et même il est très-im-
cœur noble et généreux, ou lorsque par quelque portant de la varier selon les choses et les ex.
artifice de langage, élevant autrui pour s'abais- pressions. Celles-ci, en effet, ne suffisent pas
ser soi-même, il laisse penser de lui autre chose pour donner au discours de la clarté, de l'éclat
que ce qu'il diten effet; et cela plutôt par politesse du naturel, de l'agrément; il faut y joindre les
que par un sentiment de vanité. Mais, parmi ces différentes inflexions de la voix, le geste, le jeu
moyens de rendre le discours agréable, il en est de la physionomie moyens infaillibles quand
qui pourraient nuire a la clarté on à la vraisem- ils sont en harmonie avec la parole, et qu'ils
en
blance. C'est donc à nous de voir, dans cette par- rendent les divers mouvements et la force.
tie comme dans toutes Ics autres quelles sont les C. F. Avez-vous encore quelque chose à dire des
convenancesdu sujet. qualités de l'orateur? C. P. Rien, excepté de
V II. -C. F. Pour achever ce qui regarde l'élo- la mémoire, qui est comme la sœur derécriture,
cution, il vous reste à parler de celle qui consiste et qui a tant de ressemblance avec elle bien que
dans certains tours, certaine variété de style.- d'un genre différent. Car, de même que l'écri-
C. P. Ce genre n'est en effet que l'art de changer ture trace sur la cire les caractères dont elle est
les mots et les phrases. Avec les mots, on peut formée, de même la mémoire a ses lieux pro-
étendre ou resserrer le style on l'étend, lorsqu'à pres, et, pour ainsi dire, ses tablettes, où sont
la place du mot propre, d'un synonyme ou d'un gravées, comme des caractères, les images de
composé, on met une périphrase; on le resserre, ses souvenirs.
lorsqu'on rappelle une définition à un seul mot, VIII. – CF. Maintenant que vous avez dév e-
lorsqu'on supprime les termes accessoires, lors- loppé tout ce qui constitue le talent de la parole,
qu'on réunit plusieurs propositions en une seule qu'avez-vous à me dire sur la composition du7
période ou que de deux mots on n'en fait qu'un. discours? – C. P. Lediscoursaquatre parties. La
Quant aux phrases, il y a, sans toucher aux première et la dernière sont destinées à émou-
mots, trois manières d'en varier l'ordre et la voir ce sont l'exorde et la péroraison. La se-
disposition. On peut ou donner à la phrase l'or- conde et la troisième, je veux dire la narration
dre direct et naturel, ou intervertir l'ordre des et la confirmation, servent à convaincre. Quoi-
membres et les placer à rebours, ou enfin mêler que l'amplification ait sa place dans l'exorde et
et entrelacer les incises. C'est surtout à cette va- le plus souvent dans la péroraison on l'emploie
riété de style qu'on reconnaît l'orateur con- avec succès dans le reste du discours, surtout à
sommé. l'appui de la confirmation ou de la réfutation

spiritum vocis apto, habeatque similitudinem aftqualita- ut, quum semel dictum sit directe, sicut natnra ipsa tu-
tcnique verborum; tum ex contrariis sumta verbis, crebra leril, invertatur ordo, et idem quasi sursum versus retro-
crebris, paria paribus respondeant relataque ad idem ver- que dicatur; deinde idem intercise atque permixte. Elo-
bum et geminata, atque duplicata, vel etiam saepius ite- quendi autem exercitatio maxime in hoc toto convertendi
rata ponantnr? constructioque verborum tum conjunetio- genere ver»atur.
nibus copuletnr, tum dissolutionlbusrelaxetur. Fit etiam C. F. Actio igitur sequitur, ut opinor. – C. P. Estita
suavis oratio, quum aliquid aut invisum, aut inauditum, quae quidem oratori et cum rerum et cum verhorum mo-
aut novum dicas. Delectat enim quidquid est admirabile. mentis commutanda maxime est. Facit enim et diiucidam
Maximeqne movet ca, qurc motum aliquem animi miscet, orationem, et illustrera et p1'obabilem, et suavem, non
oratio; quaeque sigiiificatoratoris ipsius amabiles mores verbis, sed varietale vocum, motu corporis, vultu, quae
qui exprimimtur, aut signifleando judicioipsius ex anitno plurimum valebunt, si cum orationis genere consentient,
humauo ac liberali, aut inllexione sermonis, quurn aut ejusque vim ac varietatem subsequentur. – C. F. Num
augcndi alterius, aut minuendi sui causa, alia dici ab ora. quidnam deoratore ipso restat?-C. P. Nihil sane, prœ-
tore, alia existimari videntur, idque comitate fieri magis, ter memoriam, quœ est gemina litteraturaequodam modo,
quam vanitate. Sed multa sunt suavitatis prœcepta quae et in dissimili génère persimilis. Nam ut ilta constat ex
orationem aut magis obscuram ant minus probabilem fa- notis litterarum et ex eo, in quo imprimuntur illee notas
ciant. Itaque etiam hoc loco nohis est ipsis, quid causa sic confectio memoriae, tanquam cera, locis ntitur, et in
postulet, judicandum. his imagines, ut litteras, collocat.
VII. C. F. Reliquum est igitur, ut dicas de conversa VIII. C. F. Quoniam igitur vis oratoris omnis exposita
oratione atqne mulata. – C. P. Est itaque id genus totuni est, quid habes de orationis pr&ceplis diceré? – C. P.
situm in commutatione verborum; quia simplicibus in Quatuor esse ejus partes; quarum prima et postrema ad
verbis ita tractatur, ut aut ex verbo dilatetur, aut in ver- motum animi valet (is euim initiis est et perorationibus
bum contrahatur oratio ex verbo, quum aut proprium, concitandus); secunda, narratio; et tertia, confirmaiio,
aut idem signiBcans aut factum verbum in plura verba fidem facit orationi. Sed amplificatio quanquam habet pro-
diducitur; ex oratione, quum aut definitio ad unum ver- prinm locum, s«pe etiam primum, postremum quidem
bum revocatur, aut assumta verba removentur, aut in ciro fere semper, tamen reliquo in cursu orationis adhibend.t
cuitus diriguntur, aut in conjunctione tit unum verbum est, maximeque quum aliquid ant conflranatum est, aut
vel plurimum valet.
ex duobus. In conjmctis autem verbis triplex adhiberi reprehensum.Itaque ad fidemquoque
'0' -u"7 -u "JO"
pn test commulatio, non verlioruin sed oidinistantuœmodo, Est enim amplificatio vrfiemens quasdam argumentât»)
CtClÏRON. – TOMt. I.
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M
elle est un puissant moyen de convaincre, car particulièrementîesjuges. Observez aussi, comme
elle n'est à vrai dire qu'une argumentation plus un précepte, que si, par hasard, le temps, le
véhémente; mais l'argumentation se borne à lieu, la chose, l'arrivée de quelqu'un, une inter-
instruire, et l'amplification doit toucher le cœur. pellation, une mot échappé à l'adversaire, sur-
C. F. Veuillez m'expliquer par ordre ces tout dans sa péroraison vous donnent l'occasion
quatre parties du discours. C. P. Volontiers. de commencer par un trait heureux, il faut sa-
Commençons par l'exorde, qui se tire ou des voir en profiter. Enfin ce que nous allons dire
personnes ou des choses. L'orateur s'y propose plus bas de l'amplification pourra s'appliquer
trois objets; savoir, obtenir de l'auditoire bien- en grande partie à l'exorde.
veillance, intérêt et attention. L'orateur se con- IX. C. F. Quelles sont les règles de la narra-
ciliera la bienveillance par la manière dont il tion? – C. P. Comme la narration est l'exposé des
parlera de lui-même, de ses juges, de ses ad- faits, et en quelque sorte le fondement et la base
versaires. Pour cela, il rappellera ses services, de l'argumentation, il fautsurtouty observer les
sa considération, ses qualités, surtout sa géné- règles qui s'appliquent aussi aux autres parties du
rosité, son obligeance, sa justice, sa bonne foi; discours. De ces règles, les unes sont essentielles,
il reprocheraà son adversaire les défauts contrai- les autres, accessoires et de simple ornement. Il
res il montrera aux juges que sa cause les in- est nécessaire, par exemple, que lanarration soit
téresse pour le présent ou pour l'avenir et si l'on claire et vraisemblable; mais elle n'en vaudra
a excité contre lui la défiance ou la haine, il que mieux si à ces qualités elle joint l'agrément.
s'appliquera àeffacer, à affaiblir ces impressions Pour être clair dans la narration, on ne doit pas
fâcheuses, en prouvant qu'elles sont injustes ou oublier les préceptes que nous avons donnés sur
exagérées, en leur opposant ce qui parle en sa la distribution et la clarté du discours. Au nom-
faveur, ou en implorant l'indulgence. Pour être bre de ces préceptes est la brièveté qui est sou-
écouté avec intérêt, avec attention, il faut de vent, comme je l'ai dit plus haut, une des quali-
suite entrer en matière. Mais l'auditeur trouvera tés delanarration. La narrationest vraisemblable,
surtout la cause simple et claire si vous avez quand les choses qu'on y raconte s'accordent
soin d'en expliquer tout d'abord la nature et avec les lieux, les temps, les personnes; quand
chaque fait, chaque événement y est expliqué;
le genre; de la définir, de la diviser, sans embar-
rasser son esprit du nombre et de la confusion quand rien n'y choque les opinions et les senti-
des parties, ni en surcharger sa mémoire ce ments des hommes, les lois, les mœurs et la re-
que nous allons dire tout à l'heure de la clarté
ligion quand dans tous les détails du récit écla-
tent la probité du narrateur, sa bonne foi, Une
de la narration pourra aussi convenir à l'exorde.
sorte de vertu antique; quand enfin tout cela,•
Un autre moyen de se concilier l'attention c'est
d'annoncer une affaire importante, une délibé- joint à de nobles souvenirs et aux témoignages
ration nécessaire, ou une cause qui intéresse d'une vie sans reproche, dépose de la vérité de

ut illa docendi causa sit.hseccommovendi. – CF. Perge pus ipsum, aut res, ant locus, aut interventus alicujus,
igitur ordine quatuor mihi istas partes explicare. -C. P. aut interpellatio, aut ab adversario dictum aliquod, et
Faciam, et a principiis primum ordiar quai quidem du- maxime in perorando, dederit occasionem nobis aliquam
cuntur aut ex personis, aut ex rébus ipsis. Sumuntur au- ut dicamus aliquid ad tempus apte ne derelinquamus
tem trium rerum gratia ut amice ut intelligentes ut et, quas suo loco de amplificatione dicemus, multa ex bis
attente audiamur. Quorum primus locus est in personis poterunt ad principiorum prsecepta transferri.
nosti is disceptatorum, adversariorum e quibus initia IX. C. F. Quid? in narratione quae tandem conservanda
benivolentiœ conciliandae comparantur, aut meritis no- sunt?-C. P. Quoniam narratio est rernm explicatio, et
stris, autdignitate, aut aliquo genere virtutis, et maxime quxdam quasi sedes ac fundamentumconstituenda) fidei,
tiberalitatis, officii, juslitûe fidei, contrariisque rébus in ea sunt in ea servanda maxime, quae etiam in reliquis
adversariosconferendis; et cum iis, qui disceptant, aliqua fere dicendi partibus quae partim sunt necessaria, par-
conjoiictionis aut causa, aut spe significanda; et, si in tim assumta ad ornandum. Nam ut dilucide probabiliter-
nos aliquod odium offensiove collocata sit, tollenda ea que narremus, necessarium est; sed assuniiinus etiam
minnendave, aut diluendo, aut extenuando, aut compen- suavitatem. Ergo ad dilucide narrandum eadem illa supe-
sando, aut deprecando. lnLelligenterautem ut audiamur, riora explicandi et illustrandi prcecepta repetemus, in
et attente, a rebus ipsis ordiendum est. Sed facillime au- quibus est brevitas eaque sœpissime in narratione lau-
ditor discit, et, quid agatur, intelligit, si complectare a datur, de qua supra dictum est. Probabilis autem erit, si
principio genus naturamque causae, si defiuias, si dividas, personis, fi temporibus, si locisea, quae narrabuntur,
si neqne prudentiam ejus impedias contusionc partium, consenlient; si cujiisque facti et eventi causa ponetur; si
nec meoioriam miiltitudine quoique mox de narratione testata dici virlebuntur, si cum hominum opinione, au-
dUucida diceu tur, eadem etiam Ime poterunt recte re. ctoritale, si cum lege, cum more, cumreliaione conjuncta?
feri'i. Ut attente autem aiidiamur, trium rerum aliqua cou- si probitasnarranlis significabitur, si antiquitas, si mcmo-
seqiieinigr nam
sequemur. niirn aut
sol magna quaedam
qtioedam proponemus, a,
proponen, aut ria, si orationis veritas, et vitse lides. Suavis autem nar-
necessuiia, aut conjuncta cum ipsis, apud qiins res âge- ratio est, quae habet admiraliones exspectationes,exitus
tur. Sit autem hocetiaminprseceptis,ut,siquandotem- inopinatos, interpositos motus animorum, colluquia pur-
ses paroies. La narration aura de l'agrément, si leur. Voilà ce qui tient à la nature. Pour ce qui
elle présente des choses inattendues, extraordi- vient de la fortune, on considère la naissance,
naires, inopinées; des morceaux pathétiques, des les amitiés, les enfants, les liens de famille, les
dialogues; ladouleur,lacolère; la crainte, lajoie, alliances, les biens, les honneurs, la puissance,
toutes les passions. Mais voyons la suite. les richesses, l'indépendance, et toutes les choses
C. F. La suite est relative aux moyens de contraires. Pour les lieux, on en examine aussi
convaincre. -C. P. Oui; c'est-à-dire, la confir- la nature, c'est-à-dire, s'ils sont près ou loin de la
mation et la réfutation. Dans la confirmation, on a mer, plats ou escarpés, unis ou raboteux, salu-
pour but de faire triompher ses preuves; et, dans bres ou malsains, ombragés ou découverts et
la réfutation, dedétruirecelle de l'adversaire. Or, ensuite ce qui est accidentel, par exemple, s'ils
dans toute question, il s'agit de savoir si la chose sont cultivés ou non, habités ou déserts, bâtis on
existe ou non, ce qu'elle est, comment elle est. sans maisons, peu connus ou célèbres par quel-
Le premier point se résout par la conjecture, le ques faits mémorables,, profanes ou sacrés.
second par la définition, le troisième par les rai- XI. Dans les temps, on distingue d'abord le
sons. passé, le présent, l'avenir, et, parmi ceux-ci, ce
X. C. F. Je comprends cette division mais qui est ancien ou récent, ce qui se passe à l'ins-
quels sont les lieux de la conjecture? C. P. Le tant même, les faits prochains ou éloignés. On
vraisemblable et'les indices. Pour mieux nous comprend aussi dans les temps ce qui en mar-
faire entendre, appelons vraisemblable la chose que pour ainsi dire la nature, comme l'hiver,
qui arrive le plus fréquemment ainsi, il est vrai- le printemps, l'été, l'automne; ou les parties,
semblable qu'un jeune homme aime les plaisirs. comme les mois, les jours, les nuits, les heures,
Appelons indices d'une chose les signes que l'état du ciel toutes distinctions naturelles; enfin
l'événement ne peut démentir et qui l'annoncent les circonstances accidentelles, les jours de sa-
d'une manière infaillible, comme la fuméeannonce crifices, de fêtes ou de mariages. A propos des
le feu. Le vraisemblable se déduit des parties et faits et des événements on examine s'ils sont
en quelque sorte des éléments de la narration; prémédités ou s'ils sont arrivés sans dessein; et
c'est-à-dire, des personnes, des lieux, des temps, dans ce dernier cas, on les attribue au hasard on
des faits, des événements, et de la nature même à quelque trouble de l'âme au hasard, quand
des choses. l'événement a trompé notre attente au trouble
Dans les personnes, on considère d'abord les de l'ame, quand ils sont le résultat de l'oubl i de
qualitésphysiques, c'est-à-dire,la santé, la figure, l'erreur, de la crainte ou de quelque autre passion.
la force, l'âge, le sexe; ensuite les qualités de Aux causes étrangères à notre volonté ajoutez la
l'âme, les vertus ou les vices, l'intelligence ou nécessité. Enfin les choses bonnes ou mauvaises,
l'incapacité et les impressions qui résultent de qui sont de trois sortes, dépandent, ou de l'âme, ou
l'espérance, de la crainte, de la joie ou de la dou- du corps, ou des objets extérieurs. Il faut donc,

sonarurn, dolores, iracundias, metus, lœtitias cupidita- modum commoti, njpiditate, metu, YoluptatP, molestia.
tes. Sed jam ad reliqua pergamus. Atque
i haec quidem in naturaspectantur. In fortuna, genus,
C. F. Nempe ea sequuntur, quae ad faciendam lidem am-icitia?, liberi, propinqui, affines, opes, honores, pote;
pertineut.– C. P. Ita est quœ quidem in confirmationem states,
f divitia? libertas, et ea, quae sunt iis contraria. In
et reprehensionemdVfiduntur. Nam in confirmando, no- locis 1 autem et illa naturalia, maritimi an remoti a mari;
stra probaré volumus in reprehendendo redarguerecon- plani ] an montuosi; lœves an asperi; salubres an pestilen-
traria. Quoniam içitur omne, quod in controversiam ve- tes 1 opaci an aprici et illa fortuita culti an inculti; célè-
nit, id aut sit, neene sit, aut quid sit, aut quale sit, ]bres an deserti cosedificati an vasti; obscuri an rerum ge-
(«luierilur ia primo conjectura valet, in altero definitio, starum
f restigiis nobilitati; consecrati an profani.
in tertio ratio. XI. In temporibus autem, prassentia et prœterita et fu-
X. C. F. Tecee istam distributionem. Nunc conjectura 1tnracernuntur in bis ipsis, vetnsta, recentia,instantia,
locos quajro. – C. P. ln verisimilibus, et in propres re- paullo
1 post aut aliquando futura. Insunt etiam in tempo-
rum notis posita est tota. Sed appellemus docendi gratia iribus illae quae temporis quasi naturam notant, ut bieme
verisimile, quod plerumque ita fiat ut, adolescentiam ver, aestas, autumnus aut anni tempora, ut mensis, ut
procliviorem esse ail libidinem. Propriae autem nofee ar- dies, ut nox hora, tempestag; quae sunt naturalia for-
gumentum quod nnnquam aliter fit, certumque déclarât tuita autem, sacrificia, festi dies, nuptiae. Jam facta et
ut fumus ignem. Yerisimilia reperinntur ex partibus et eventus aut consilli sunt, aut imprudentis quae est aut
quasi merabris narrationis ea sunt in personis, in locis, in casu, aut in quadam animi permotione casu, quum
in temporihus, in faclis, in eventis, in rerum ipsarum ne- aliter cecidit, ac putatum sit; permotione, quumautobli-
gotiorumque naluris. vio', aut error, aut metus, aut aliqua cupiditatis causa
In personis natune primum spectantur, valitudinis, fi- permovit. Est etiam in imprudentia nécessitas ponenda.
gnra, virium, œtatiB, marium, feminarum; atque hœc Rerum autem bonarum et maiarum tria sunt genera nam
quidem in coipore animi autem, aut quemadmodumaf- aut in animis, aut in corporibus, aut extra esse ssse possunt.
fecti sint Tirtutibus vitiis artibos inertiis aut quemad- Hujus igitur matériau, ad argnmentum siibjectœ ectœ, perlu-
t.
3'1.
3><
dans toute question, réfléchir sur les différentes mot ou du nom n'est pas non plus sans intérêt.
sources d'arguments que renferme chacune de ses C. F.Vous venez d'exposer ce qui a rapport
parties, afin d'en tirer les conjectures propres à la à l'existence et à la dénomination du fait. Ainsi,
cause. quand le fait est constant, et que l'on est d'accord
Il est une autre espèce de conjecture qu'on tire sur le nom qu'il faut lui donner, il ne reste plus
des indices qui accompagnent un fait, comme qu'à examiner la qualité. C. P. Cela est vrai.
C.. F. Quelles sont donc les parties dans le
une arme, du sang, un cri, une démarche mal i
assurée, le changement de visage, la contradic- genre en question? C. P. C'est un acte con-
tion dans les paroles, letremblement, et tout ce sommé justement, ou pour se défendre, ou pour
qui peut frapper nos yeux; ou bien encore les se venger, ou par piété, par pudeur, par religion,
préparatifs et les communications antérieures au par amour de la patrie, ou enfin par nécessité, par
fait, ce que l'on a vu, entendu, ou découvert de- ignorance, par hasard. Quant à l'objection d'un
puis. emportement irréfléchi, on ne saurait présenter ce
moyen devant lestribunauxcommel'excuse d'une
Parmi les vraisemblances, les unes, isolées, actioncoupable, quoiqu'il puisse être admis dans
sont d'un grand poids; d'autres, bien que faibles une simple controverse. En général, tout débat
en elles-même, acquièrent de la force par leur judiciaire sur la qualification d'un fait a pour
réunion. Quelquefoisaussi, à ces vraisemhlances but d'établir si ce fait a été ou non accompli danss
se mêlent des indices certains. On peut d'ailleurs, les litimes du droit les lieux seront d'un grand
pour leur donner plus d'autorité, les appuyer usage pour cette discussion.
d'un exemple, d'une comparaison, par fois même C. F. Vous avez divisé la preuve en confir-
d'une fable, qui, toute feinte qu'elle est, ne laisse mation et en réfutation; vous venez de parler de
pas de produire une vive impression. la première; voulez-vous passer à l'autre? C.
XII. C. F. Quelle méthode doit-on suivre P. Dans la réfutation, niez, s'il se peut, comme
dans la définition? C. P. La définition, celaa fausses et imaginaires les allégations de l'adver-
n'est pas douteux, doit se tirer du genre et de la saire repoussez du moins ce qu'il présente comme
propriété, ou de la réunion de plusieurs qualités vraisemblable soutenez qu'il donne pour certain
communes qui font ressortir cette propriété. Mais ce qui est douteux; qu'on pourrait en dire autant
comme d'ordinaire la distinction de ces proprié- que lui sur des choses évidemmentcontrouvées;
tés est une cause de grandes discussions, il faut et que des preuves même qu'il apporte ne résulte
souvent avoir recours aux contraires, aux dissem- pas la conséquence qu'il en tire. Attaquer ses rai-
blables, ou aux semblables. C'est le cas alors sons une à une, c'est le moyen de les renverser
d'employer avec avantage les descriptions, ré- toutes. Citez des exemples d'accusations fondées
numération des conséquences; l'explication du sur les mêmes moyens, auxquelles on n'a point

utramlœanimu partes erunt omnes, et ad id quod agetur, C. F. Sunt exporta jam fere ea, quœ defacto, quteque
ex singulis conjectura capienda. de facti appellatione quEeruntur. Nempe igittir ea restant,
Est etiam genus argumentorumaliud, quod ex facti ve- quae, quum factum constet, et nomen, qualia sint, voca-
stigiis sumitur, ut telum, cruor, clamor editus, titubatio, lurmdubium. – C. P. Est ita, ut dicis. C. F. Quœ
permutatio coloris, oratio inconstans, tremor, et eorum sunt igitur in eo genere partes? C. P. Aut jure factum
aliquid, quod sensu percipi possit etiam si prseparatum depellendi ant ulciscendi doloris gratia, aut pietatis, aut
aliquid, si commucicalum cum aliquo, si postea visum, pudicitiae, aut religionis, aut patriae nomine, aut denique
auditum, indicatum. necessitate, inscitia, casu. Nam qua; motu animi et pertur.
Verisimilia auteni partim singula movent suo pondere; batione facta sine ratione sunt, ea defensionem contra cri-
partim, etiamsi videntur esse exigua per se, multum ta. men, inlegitirmsjudiciis,uon habent, in liberis discepta-
men, quum suntcoacervata,proficiunt atque in bis ve- tionibus habere possunt. Hoc in genere, in quo, quale sit
risimilibtis insunt nonnunquam etiam certae rerum et pro- quaeritur, ex controversia jure, et rectene actum sit,
prie nota?. Maximam autem facit fidem ad similitudinem quaeri solet quorum disputatio ex locorum descriptione
veri primum exemplum deinde introducta rei similitude) sumenda est.
fabula etiam nouuunquam etsi est incredibilis tameu ho-
mines commovet. C. F. Agesis ergo, quoniam in oonfirmationem et repre-
XII. C. F. Quid? definitionis qiiaa ratio est; et quae via? hensionem diviseras orationis liJcm et dictum de altero
– C. P. Non dubium est id quidem, quin definitio genere est expone nunc de reprehendendo. C. P. Aut tolum
declaretur, et proprietate quadam, aut etiam communium est negandum, quod in arguraentationeadversarius sum-
frequentia, ex quibus, proprium qnid sit, cluceat. Sed serit, si fictum aut falsum esse possis docere; aut redar-
quoniam de propriis oritur plerumque magna dissensio, guenda ea, quae pro verisimilibus sumta sint primum du'
definiendum est seepe ex contrariis, sœpe etiam ex dissimi- biasnmtaesse pro certis; deinde etiam in perspicue falsis
libus, ssepeex paribus. Qaaruubrem descriptiuncs quoqne eadem posse dici; tum ex iis, qu«e sumserit non effici.,
sunt in hoc genere Siepe apte, et enumeratio cbnsequen- quod velit. Accedereautem oportet ad singula sic universa
tium, in primisque commovet explicatio vocabuli ac no- frangentnr. Commemoranda sunt etiam exempta, quiliiu
ruiuis. simili in disputatione creditumnort sit; conquerenda con-
ajouté foi; et déplorez le danger qui nous menace plus, quand la conclusion est évidente, il est
tous, si la vie des innocents dépend ainsi du plus superflu de l'exprimer.
ou moins d'habileté des accusateurs. XIV.– CF. Et ces moyens qu'on appelle sans
XIII. – C. F. Je sais maintenant oùilfaut pui- art, que vous avez nommés accessoires, est-ilil
ser les arguments nécessaires pour convaincre; vrai qu'ils n'aient jamais besoin d'art? C. P.
apprenez-moi donc commenton les met en œuvre. A vrai dire, ils en ont besoin comme les autres;
– C. P. Vous voulez, sans doute, que je vous et si on les nomme sans art, ce n'est pas qu'ils
explique la manière de développer les arguments soient tels en effet; c'est seulcment parce qu'ils
car, après les avoir trouvés dans les lieux que ne sont pas une création de l'orateur il les trouve
nous avons indiqués, il faut les exposer avec or- hors de lui, mais il met tout son art à les déve-
dre, avec clarté. C. F. C'est, en effet, ce que lopper, principalement les témoignages. On dira,
j'attends de vous. – C. P. Eh bien 1 l'argumenta- on répétera qu'on ne peut jamais compter sur les
tion n'est, comme je vous l'ai dit, autre chose que preuves tirées des témoignages, que les vérita-
l'art de développer les arguments; elle consiste bles preuves naissent des choses mêmes, et que
à déduire de propositions certaines ou probables les témoignagessont arbitraires. Vousinvoquerez
ce qui est douteux ou moins probable en soi. Il alors les occasions où l'on n'a point ajouté foi
y a deux sortes d'argumentation l'une tend di- aux témoins; et prenant un à un les divers té-
rectement à convaincre; l'autre, à émouvoir. L'ar- moins, vous examinerez leur caractère, leur pro-
gumentation qui tend à convaincre directement bité s'ils ne sont point mus par l'espérance, par
énonce la proposition et rassemble les motifs qui la crainte, la pitié, la colère l'intérêt ou la fa-
doivent lui servir de fondement; et après les avoir veur et les compàrerez à ces témoins irréprocha-
établis, les rapporte à la proposition, et conclut. bles, auxquelspourtant on n'a point voulu croire.
L'autre argumentation suit une marche inverse Dites, contre la question, que souvent, pour
elle commence par choisir ses raisons, donne ses échapper par la mort à la douleur, des hommes
preuves; et, quand elle a vivement ému les es- ont menti dans les tortures, aimant mieux avan-
prits, elle arrive enfin à la proposition. 1 1 y a mille cer un mensonge, suivi d'une prompte mort, que
moyens de varier et d'embellir l'argumentation, de souffrir en refusant de parler; que plusieurs
soit que l'orateur s'interroge lui-même, soit qu'il ont ainsi fait le sacrifice de leur vie pour sauver
emploie la forme dubitative, le commandement, ceux qui leur étaient plus chers qu'eux-mêmes;
l'optation, ettoutefigure,enfin quelle qu'elle soit, que d'autres, naturellement moins sensibles, et
dont il orne sa pensée. Pour éviter la monotonie, endurcis, ou par l'habitude, ou par la crainte
il ne faut pas toujours commencer par la propo- d'une mort ignominieuse, ont supporté, sans rien
sition ne pas vouloir tout prouver, mais se con- avouer, la violence des tourments; que d'autres
tenter d'énoncer ce qui tombe sous les sens. De ont dénoncé calomnieusement leurs ennemis-

ditio communis perir.uli, si ingeniis hominum criminoso- quodque ex his efficietur, si id apertum sit, non habebi-
rum sit expositavita innocentium. mus necesse semper concludere.
XIII. C. F. Quoniam unde invenianlur, quœ ad fidem XIV. C. F. Quid? illa, quae sine arte appellantur, quœ
pertinent, habeo, quemadmodumin dicendo singula tra- jamdudum assumta ôixisti, ecquonam modo, ecquonam
ctentur, exspecto. C. l'. [Argumentationem] quaerefe loco artis indigent? C. P. Illa vero indigent nec eo
videris, quœ sit argument! explicatio [quae sumta ex iis dicuntnr sine arte, quod ita sunt, sed quod ca non parit
locis, qui sunt expositi conficienda et distinguenda dilu- oratoris ars, sed foris ad se delata tamen arte tractai, et
cide est.] C. F. Plane istuc ipsum desidero. C. P. Est maxime in testibus. Nam et de toto genere testium quam
ergo, ut supra dictum est, explicatio argumenti, argu- id sit infirmum saepe dicendum est; et argumenta, rerum
mentatio sed ea conficitur, quum sumseris aut non du- esse propria; testimonia, voluntatum; utendumque est
bia, aut probabilia, ex quibus id eflicias, quod aut dubium, exemplis,quibus testihus creditum non sit; et de singulis
aut minus probabile per se videtur. Argumentandi autem teslibus, si natura vani si leves, si cum ignominia, ai
duo sunt gênera, quorum alterum ad iidem directo spe- spe, si metu, si iracuudia, si misericordia impulsi, si
ctat; alterum se inflectit ad motum. Dirigitur, quum pro- prœniio si gratia adducti; comparandique superiore cum
posuit aliquid,quod probaret sumsitque ea, quibus nite- auctoritate testium quibus tamen creditum non sit. Sœpe
retnr; atque Lis confirmatis, ad propositum rctulit, atque etiam quaestionibus resistendum est, quod et dolorem fu-
conclusit. Illa autem altera argumentatio, quasi retro et gientes multi intormentisementiliperseeDesunt,morique
contra, prius sumit, quœ vult, eaque confirmat, deinde malucrunt falsum fatendo, quam infitiando dolore. Multi
id, qued proponendumfuit, permotis animis jacit ad extre- etiam suam vitam neglexerunt, ut eos, qui his cariores,
mum. Est autem illa varietas in argumentando, et non in- quam ipsi sibi essent, liberarent; alii autem aut natura
jucunda distinctio ut, quum interrogamus nosmet ipsi, corporis, autconsuetudine doleudi aut metu supplicii ac
aut percunctamur, aut imperamus, aut optamus, quae sunt mortis, vim tormentorum pertulernnt; alii emenlili sunt
cum aliis compluribus senlentiarum ornamenta. Yitare in eos, quos oderant. Atque hsec exemplis firmanda sunt.
autem similitudinem poterimus, non semper a proposito Neque est obscurum, quin (quoniam in utramque partem
ordientes et si non omnia disputando confirmabimus,bre. sunt exempta, et item ad eOllje<:turam faciendam loci) in
viterque interdum, quae erunt satis aperla, pone mus; contrariis contrariasint sumenda. Atque etiam incurrit alia
Appuyez toutes ces allégations par desexemples, Mais pourtant, dans le langage comme dans l'ac-
Et comme il y a des exemples pour et contre, et tion, il ne faut jamais sortirdu genre de la cause,
des probabilités égales, il faudra prendre, dans il faut au contraire y ramener tout; car il estab-
les cas contraires, des exemples contraires. Il est surde de prendre un ton plus haut que le sujet
encore un autre moyen d'invalider la preuve tes- ne le comporte, et l'on doit bien examiner ce que
timoniale et la question c'est de relever adroite- la convenance exige.
ment chaque témoignage, en montrant qu'il est XVI. L'amplification des pensées se tire des
équivoque, sans uniformité, invraisemblable; lieux que nous avons indiqués en parlant de la
ou en faisant voir qu'il est en contradiction avec preuve. Elle emploiede préférence les définitions
un autre. accumulées, l'énumération des conséquences con-
XV.-C. F. Il vous reste àparler de la dernière traires, les dissemblances, le conflit des idées qui
partie du discours, qui est la péroraison je vous répugnent entre elles, les causes, les effets, sur-
prie de m'en expliquer les règles. C. P. Cette tout les similitudes, les exemples; elle met en
explication est toute simple. La péroraison se scène les personnes, fait parler les choses inani-
divise en deux parties, l'amplification et la ré- mées, et, autant que la cause le permet, s'élève
capitulation. C'est ici particulièrementque l'am- jusqu'aux grands traits. Ces grands traits sont de
plification est bien placée, quoiqu'on l'emploie deu x sortes ils consistent dans les choses qui sont
aussi dans le courant du discours à la suite de la naturelles, et dans celles qui sont usuelles. Parmi
confirmation ou de la réfutation. L'amplification les premières, ce sont les choses célestes et di-
est en quelque sorte une affirmation plus véhé- vines, celles qui confondent l'intelligence et ra-
mente qui doit convaincre les cœurs en les tou- vissent d'admiration; le spectacle de la terre et
chant. Elle a son langage et ses pensées. Dans du monde, et toutes ces merveilles qui favorisent
son langage, elle recherche volontiers les locu- si bien l'inspiration. Parmi les secondes, c'est tout
tions qui, sans s'écarter trop de l'usage reçu,1 ce qui peut être pour nous une source de grands
joignent la noblesse, la plénitude et l'harmonie biens ou de grands maux de là trois genres d'am-
à un certain éclat; les dérivés, les composés, les plification. On peut, en effet, émouvoir tes hommes
hyperboles, surtout les métaphores, les incises ou par leur respect envers les dieux, le dévoue-
courtes, détachées, et qui semblent se multiplier. ment à la patrie, la piété filiale; ou par l'amour
Elle affecte aussi les redoublements, les reprises, fraternel et conjugal par l'attachement pour un
les répétitions, et les progressions bien ména- père, pour un ami; ou par l'honneur et la probité,
gées elle se distingue enfin par une diction na- et surtout par cette vertu qui tend au bien public
turelle et rapide, mais toujours imposante. Voilà et à la concordesociale. Tantôt l'orateur exhorte
ce qui regarde le langage. On aura soin d'y join- à la pratique de ces vertus, tantôt il voue à la
dre l'accent, le geste, les mouvements de physio. haine ceux qui les ont violées; et de là le pathé-
nomie lesplus propresàimpressionner l'auditoire. tique.

qmedam in testibns et in quaestionibus oratio saepe enim tenenda, et pro re agenda nam heec quia videntur perab.
ea, qiiae dicta sunt, si aut ambigue, aut inconstanter, aut surda, quum graviora sont, quam causa fert; diligenter,
incredibiliter dicta sunt, aut etiam aliter ab aliodicta, sub- quid quemque deceat, judicandum est.
tiliter repreheoduntur.
XV. C. F. Extrema tibi pars restat oralionis,qu<]fiposita XVI. Rerum amplificatio sumitur eisdem ex locis omni-
in perorando est, de qua sane velim audire. C. P. Faci- bus, quibus illa, quîe dicta sunt ad fidem maximequo
lior est explicatio perorationis nam est divisa in duas defiiiitioncs valent conglobatre et consequentium frequen-
partes, amplificatiouem, et euumerationem. Augendi au- tatio, et contrariarnm et dissiinilinm et inter se pugnan-
tem et hic est proprius locus in perorando; et in cursu ipso lium rerum conflictio; et causas, et ea, quae sunt decausis
orationis declinationes ad amplificandum dantur, confir- orta, maximeque similitndines et exempla; fiefee etiam
mata re aliqua, ant reprehensa. Est igitur amplificatio, personœ; muta denique loquantur, omninoque ea sunt
'sravior quaedam affinnatio, adhibenda, si causa patitur, quae magna habentur:quorum
quae motu animorumconciliet
in dicendo fidem. Ea et verborum genere conficitur, et est duplex genus. Alia enim magna natura videntur, alia
icrum. Verba ponenda sunt, quae vim habeant illustrandi, usu natura, ut cœlestia, utdivina,ut ea, quorum ob-
nec ab nsu sint abliorrcutia gravia, plena, sonantia, jun- scurae causae, ut, in terris mundoque admirabilia quae sunt;
«ta facta, cognominata non vulgata supcrlata in primis- ex quibus similihusnue, si attendas, ad augeodum per-
que translata, necin singulis reibis sed;in continentibus multa stippetunt usn quae videntur borüiiiibus aut pro-
soluta, quae dicuntur sine conjnnctione, nt plura videan- desse aut obesse reliemenlius quorum sunt gênera ad am-
tur. Augentetiàm relata verba, ilcrata, duplicata, et ea, pliticandum tria. Nam aut caritate moventur homines, ut
quae adscendunt gradatim ab bumilioribus verbi. ad supe- deorinn ut patriae, ut parentum autamore, ut fratrum,
riora omninoque semper quasi natnralis et non explanata ut eonjugum, ut llberorum ut familiarium; aut hone-
oratto, sed gravibus referta verbis, ad augendum accommo- state, ut virtutum, maximeque earum, quœ ad commu-
Oatior. Hœc igitur in verbis; quibus aclîo vocis, vnltus, nionem hominum et liberalitatem valent. Ex iis et colior-
et ge&tus congruens et apta ad animos permovendos,ac- tationessumunturad ea retinenda; et in eos, a quibus ea
commodanda est. Sed et in verbis.ctin actione causa erit TÎoi.ita sunt, odia incitantur, et miscrationascilur.
LGJ PARTITIONS
LES 111111111V11J ORATOIRES.
XVII. L'amplificationn'estjamaismieuxplacée ou c veut leur donner plus de force. L'accusé doit
que lorsqu'il s'agit de la perte de ses biens, ou s'ens servir avec discrétion; car son but étant de
de la crainte de les perdre. Rien n'est en effet si réfuter
r l'accusateur, plus il sera vif et rapide,
pitoyable que le passage du bonheur au malheur. plus r ses traits seront pénétrants. Évitez, dans la
Rien n'est plus capable d'émouvoir que l'aspect récapitulation,
r de paraître faire un étalage puéril
d'un homme tombé tout à coup des hauteurs de de ( mémoire on ne tombera pas dans cet écueil,
<

sa fortune, arraché aux objets de ses plus chèressi s l'on néglige les
détails, si l'on ne rappelle que
affections, ayant tout perdu ou sur le point de les points essentiels, si enfin on ne présente que
tout perdre, abîmé, en un mot, ou sur le point de la substance des choses.
l'être. Mais il faut traiter cela rapidement les XV11I. –
C. F. Après ce que vous venez de
larmes sèchent vite, surtout pour les peines d'au- m'exposer touchant les qualités de l'orateur et la
trui. L'amplification, en général, ne veut point composition du discours, développez-moi,je vous
trop de détails; les détails sont toujours mi- prie, la dernière partie de votre division géné-
nutieux, et il faut ici de grands traits. Le goût raie,la question. C. P. Il y a, comme je l'ai dit
dicte d'ailleurs l'espèce d'amplification dont en commençant, deux espèces de questions
chaque genre est susceptible. Quand l'orateur l'une déterminée par les temps et les personnes,
ne veut que charmer son auditoire, il ne doit et que j'appelle cause; l'autre, indéterminée et
rien négliger de ce qui peut exciter la curiosité, sans rapport avec les temps ni les personnes, et
l'admiration, le ravissement; mais quand il veut que je nomme proposition. Mais cette dernière se
convaincre, l'énumérationdes biens et des maux, retrouve dans toute cause et dans toute contro-
les exemples lui sont d'un immense secours. De- verse car au-dessusd'une question particulière
vant les tribunaux, c'est l'accusateur qui doit se trouve toujours la question générale, et tout se
vouloir irriter les juges, et l'accusé, les fléchir. rapporte à celle-ci.Nous allonsdonc parler d'abord
Il est cependant des causes où c'est à l'accu- de la proposition ou thèse. On en distingue deux
sateur d'attendrir, et à l'accusé de soulever la sortes l'une spéculative, dont le but est de con-
colère. naître, lorsqu'on examine, par exemple, si le
Reste la récapitulation, qu'on emploie quel- témoignagedes sens est fidèle; l'autre pratique,
quefois dans le genre démonstratif, rarement qui constitue la manière de se conduire, comme
dans le délibératif, et plus souvent dans l'accu- quandon demande quels sont les devoirs de l'ami-
sation que dans la défense. Elle convient dans tié. La première se subdiviseen trois espèces si la
deux circonstances lorsqu'on se défie de la chose est ou n'est pas, ce qu'elle est, et comment
mémoire de ceux en présence de qui l'on parle, elle est. Si la chose est ou n'est pas; ainsi Le
soit à cause du laps de temps qui s'est écoulé, droit est-il dans la nature ou dans la coutume?
soit à cause de la longueur présumée du discours, Ce qu'elle est Le droit n'est-il que ce qui est
ou lorsqu'en résumant les principales preuves; avantageux au plus grand nombre? Et quelle

XVII. Propriuslocus est augendi, in his rebus aut amis- I 1 solutio in brevitate lucebit, aculei puugent. Sed erit in
sis, aut amitlendi periculo. Nihil est enim tam miserabile enumeratione vilandum ne ostentalio mémorise suscept h
i
quam ex beato miser. Et hoc totum quidem moveat, si videatur esse pueiilis id efTngict qui non omnia minima
bons ex fortuna quis cadat et a quorum caritate divella- repetet, sed breviasingula attingens, pondera rerum ipsa
tur quae amittat, aut amiseril; in quibus malis sit, fu- comprehendet.
tumsve sit, exprimatur breviter. Cito enim arescit la- XVIII. C. F. Quoniam et de ipso oratore, et de oratio-
cryma, prœsertimin alienis malis..Nec quidquam in ampli- ne dixisti, expone eum mihi nunc, quem ex tribus extre-
licatione nimis enocteandum est minuta est enim omniss muni proposuisti quœstionis locum. C. P. Duo sunt,
diligentia; hic autem locus grandia requirit. Illud jam estt ut initio dîxi quEestionum genera; quorum alterum, fini-
judicii, qno quaque in causa genere utamur augendi. ln1 tum temporibus et personis, causam appello; alterum
illis enim causis quae ad delectationem exornantur, ii locii infinitum, nullis neque personis, neqne temporibus nota-
tractandi sunt, qui movere possunt exspectationem, admi- tum, propositum voco. Sed est consultatio quasi pars cau-
rationem, volnptalem. In cohortationibusautem, bonorum1 sœ quaedam et contioversise inest enim infinitum in de.
ac malorum enumerationes et exempla valent plutimum. finito, et ad illud tamen referuntur omnia. Ouamobrern
In jndiciis accusatori fere, quae ad iracundiam; reo ple- prius de propositodicamus cujus genera sunt duo, cogni-
i
rumquc, quae ad misericordiam perlinent nonnunquam tionisallerum; ejus scientia est linis, ut, vprine sint sen-
tamen accusator misericordiammovere debet, et defensor sus allerum actionis; quod refertur adefficiendum qnid,
iracnndiam. ut, si quferalur, quibus officiis amicitia colenda sit. Rur-
Eoumeratio reliquaest, nonnunquam laudatori, suasorii sus superiorU gênera sunt tria sit neene quid sit quale
non saepe, accusatori saepius quam reo, necessaria. Hujuss sit. Sit necne, ut, jus in natura sit, an in more. Quid
tempora duo sunt, si aut mémorise diffidas eoruni apud1 autem sit situe jus id, quod majori parti sit utile. Quale
quos agas Tel intervallo temporis, vel longitudine oratio autem sit juste \ivere, sit, necne, utile. Actionis autem
r
nis: aut frequentatis firmamentis orationis, et breviter duo sunt genera unmn, ad persequenrtum aliquid, aut
expositis, vim est habitura causa majorem. Et reo rarinss declinandum;ut, quibus rébus adipisci gloriam pnssîs aut
utendum est, quod ponenda sunt contraria, quorum dis- qiiomodo invidia vitetur alterum quod ad alu-uod cum-
elle est Est-il utile ou non de vivre selon la voir non pas simplementce qui est honnête, utile
justice? Dans la seconde, on distingue deux es- et juste en soi, mais ce qui est plus honnête,
pèces l'une relative aux moyens d'obtenir un plus utile, plus juste, et même ce qui est le plus
bien ou d'éviter un mal; par exemple, d'acquérir honnête, le plus juste, le plus utile; comme quand
de la gloire ou d'échapper à l'envie; l'autre, qui on demandequelle est la manière de vivre la plus
se rapporte à notre conduite et à nos intérêts, digne d'éloges. Mais tout ce que je viens de dire
pomme quand on cherche de quelle manière il est de pure spéculation.
faut administrer la chose publique, ou comment Passons aux questions de pratique. Elles sont
on doit vivre dans la pauvreté. de deux espèces l'une apour objet l'enseignement
La question de savoir si une chose est ou n'est de nos devoirs; par exemple, la manière d'hono-
pas, si elle a été ousi elle sera, se divise elle-même rer les parents; l'autre nous apprend à modérer
en deux espèces l'une de possibilité, comme et à calmer les esprits par la parole, soit que nous
quand on examine si la parfaite sagesse est faite voulions consoler les affligés réprimer la colère,
pour l'homme; l'autre, de causalité, comme bannir la crainte ou tempérer les désirs. 'A cette
quand on cherche d'où vient la vertu est-ce de espèce est opposée celle où l'on se propose de faire
la nature? est-ce de la raison? est-ce de l'ha- naitre ou d'exalter les passions; ce qui doit être
bitude ? De ce genre sont toutes les questions de souvent le but de l'amplification. Tels sont en
métaphysiqueet de physique, où l'on développe substance les différentsgenres de questionsrenfer-
les causes et les principes. mées dans la thèse.
XIX. Les questions du second genre ou de XX. T. F. Je comprends mais je voudrais
définition sont de deux espèces: les unes ont pour savoir quel est ici l'art de trouver et de disposer
objet de constater la différence ou l'identité de les arguments? C. P. Eh quoi! 1 pensez-vous
deux choses, par exemple, de la persévéranceet qu'il y ait ici une méthode différente de celle
de l'opiniâtreté; les autres ont pour objet de dé- dont j'ai parlé, et qui convient à l'inventioncomme
crire et en quelque sorte de peindre les choses, à l'argumentation? La disposition est aussi la
par exemple, l'avarice ou l'orgueil. même.
Les questions du troisième genre, ou de quali- Maintenant, la division des questions généra-
fication, roulent sur l'honnêteté, l'utilité ou l'é- les étant connue, il nous reste à traiter des ques-
quité.Sur l'honnêteté.Ainsi: Est-ilbeau de braver tions particulières. Il y en a de deux sortes dans
pour un ami le péril et la haine? Sur l'utilité les unes, l'orateur ne s'étudie qu'à charmer l'o-
Est-il utile de se connaître en administration pu- reille dans les autres, il cherche à obtenir quel-
blique ? Sur l'équité Peut-on avec justice préfé- que chose, à convaincre les esprits, à les gagner
rersesamis à ses proches? Enfin ce même genre, à son opinion. Les premières appartiennent au
où l'on cherche à déterminer la qualité, renferme genre démonstratif; et comme il est très-ét6ndu
une autre espèce de question; car il s'agit de sa- et très-varié: nous nous en tiendrons à la seule

moduru u^umque retertur; ut, quemadmodum sit respu- tur, exoritur aliud quoddam disputandi genus. Non enim
blica administranda, aut, quemadmoâiim in paupertate simplicitersolum quœritur,quid honestum sit, quid utile,
vivendum. quid acquiim, sed etiam ex comparatione, quid honestius,
Rursus autem ex cognitionis consultatione, ubi, sit, quid utilius, quid requins; atque etiam, quid honestissi-
neene sit, aut fuerit, futurumve sit, quieritur, unum mum, quid utilissimum, quid sequissimum cujus generis
genus est qnœstionis possitne aliquid efôci ut, quum illa sunt, quœ prsestanlissimasit dignitas vil». Atque ea
quaeritur, ecquisnam perfecte sapiens esse possit quidem, qua' dixi, cognitionis sunt omnia.
alterum quemadmodum quidque fiat; ut, quonam pacto Restant aotionis cujus alterum est pnecipiendi genus,
virtus pariatur, naturane, an ratione, an usu. Cujus gene- qnod ad rationem oflîf.ii pertinet; ut quemadmodum co-
ris sunt omnes, in quibus, ut in obscuris naturalibusque lendi sint parentes alterum autem ad sedandos animos,
i|iia?stionihus, causse rationesque rerum explicantur. et oratione sanandos, ut in consolandis mœroribus, ut in
XIX. Illius autem geaieris in quo, quid sit, id, de iracundia cotnprimenda aut in timore tollcndo aut in en-
quo agitur, quaeritur, duo sunt genera quorum in altero piditate minuenda. Cui quidem generi contrarium est dis-
disputandum est, aliud an idem sit, ut pertinacia et per- putondi genus ad eosdem illos animi motus, quod in am-
severantia in altero autem, descriptio generis alicujus, plificanda oratione saepe faciendam est, vel gignendos
et quasi imago exprimenda est, ut, qnalis sit avarus, aut vel concitandos. Atque haec fere est partitio consultatio-
quid sit superbia. num.
Tertio autem in genere, in quo, quale sit, quœritur, XX. C. F. Cognovi sed quœ ratio sit in his inveniendi
ant de honestate, aut de ulilitate, aut de aequilate dicen- et disponendi, requiro. C. P. Quid ? tu aliamne censeo,
dum est. De honestate sic nt, Honeslimine sit pro amico et non eamdem, quae est exposita, ut ex eisdem locis ad
periculum aut invidiam suhire. De ntUitate autem sic ut, fidem et ad inveniendum ducantur omnia? Collocandi au.
i:
Sitne utile, in republioa administranda versari. Detequi- tem quœ est exposita in aliis ratio, eadem hue transfer-
tate vito sic ut, Sitne rcqiuim amicoa cognatis antefer- tur.
r.
te. Alque in hoc eodem genere, in quo, quale sit, quœri- Cognifaigitur onini di^tiibiitione propositannn consul
espèce, qui regarde l'éloge des hommes illustres Comme, dans ces sortes de discours, le but
et le blâme des méchants. Il n'y a pas de genre principal est de plaire et de charmer, l'orateur
plus fécond pour l'éloquence, plus utile dans les aura soin de choisir et d'employer les mots qui
républiques, et où l'orateur ait plus d'occasions ont le plus de grâce, les termes nouveaux, an-
d'appliquer la connaissance des vertus et des vi- ciens, métaphoriques; de relever sa phrase par
ces. Dans les secondes, il s'agit de prévoir l'avenir des mots présentant entre eux des formes symé-
ou de statuer sur lc passé; de là les délibérations triques, ou qui ont les mêmes désinences et les
et les jugements. On peut donc réduire toutes les mêmes chutes; d'y employer les contrastes, les
causes à trois genres le premier, envisagé du répétitions, les périodes nombreuses et caden-
côté le plus favorable, a été nommé genre apolo- cées, non comme la période poétique, mais avec
gétique le second, délibératif; le troisième, les mesures les plus propres à satisfaire l'oreille.
judiciaire. Nous allons parler d'abord du premier, Quant aux pensées, l'orateur multipliera les figu-
si vous le trouvez bon. C. F. Très-volontiers. res il dira des choses étonnantes, imprévues,
XX I.– G. P. Les règles suivantlesquel les il faut merveilleuses; citera des prodiges et des oracles,
louer ou blâmer s'appliquent, et à l'éloquence, et et révélera dans la vie de son héros des événe-
à la conduite de la vie. Je vais les exposer en peu ments où se montrent la main des dieux et lavo-
de mots, en remontantà la source même de l'élo- lonté du destin. Car l'attente, la surprise, un dé-
ge ou du blâme. Tout ce qui a du rapport avec la nouement inattendu, intéressent et captivent
vertu, doit être loué; tout ce qui a du rapport avec l'auditoire.
le vice, blâmé. C'est une vérité incontestable. XXII. Les biens et les maux sont de trois sor-
Ainsi la fin de l'éloge, c'est l'honneur; la fin du tes ceux de la fortune, ceux du corps, et ceux
blâme c'est la honte. Dans ce genre, l'éloquence de t'âme. Parmi les premières, on distingue d'a-
n'est qu'un exposé des faits, simple et sans ar- bord la naissance si elle est honorable, on en
gumentation aucune; on s'y propose plutôt de fera l'éloge en peu de mots; si elle est honteuse,
toucher les cœurs que de les persuader et de les on la passera sous silence; si elle est humble et
convaincre. Il ne s'agit pas ici de prouver ce qui obscure, on pourra n'en rien dire ou la faire tour-
est douteux, mais de rehausser des faits certains ner à la gloire de celui qu'on célèbre. Ensuite on
ou regardés comme tels. C'est pourquoi les règles vantera, s'il y a lieu les biens et les richesses,
que j'ai données pour la narration et pour l'am- puis les avantages du corps, entre autres la
plification sont applicables à ce genre; et c'est à beauté, qui est un gage de vertu, et qui prête le
elles que je vous renvoie. plus à la louange. Enfin on passera aux actions,

tationum, causarum genera restant admodum. Et earum posita sunt, augentur. Quamobrem ex iis, qiiso ante dicta
quidem forma duplex est quarum altera delectationem sunt, et narrandi, et augendi prœcepta repetentur.
sertatur anrium; alterius, ut obtineat, probet et ef- Et, quoniam in bis causis omnis ratio fere ad volupta-
ficiat, quod agit, omnis est suscepta contentio. Itaque il- tem auditoris et ad delectalionem refertur, utendum erit
lud superias, exornatio dicitur quod quum latum ge- iis in oratione, singulorum verborum insignibus, qua;
nus esse potest, saneque ïarium unum ex eo dclegimus, habent pluiimum suavitatis id est, ut factis verbis, aut
quod ad landandos claros viros suscipimus, et ad impro- vetustis, aut translatis frequenter utamur. et in ipsa con-
bos vituperandos. Genus enim niillum est orationis, quod structione verborum, ut paria paribus, et simitia similibus
aut uberius ad dicendum, ant utilius civitatibus esse sa;pe referentur; ut contraria, ut geminata, nt circumscri-
possit, aut in quo magis orator in cognitione virbulum vi- ptanumerose, non ad siiuilitudiiictn vcrsuum, sed ad ex-
tiorumque versetur. Reliquum autem genus causarum, plendum aurinm sensum, apto quodam quasi verborum
aut in provisione posteri temporis, aut in praeteciti dis. modo. Adhibendaque frequentius etiam illa ornamenta
ceptatione versatnr quorum alterum deliberationis est, rerum sunt, sive quae admirabilia et nec opinata, sive si-
alterum judicii. Ex qua partitione tria genera causa- gnificata mnnstris, prodigiis et oraculis; sive quae vide-
rnm exstitenmt unum, quod a roeliori parte, laudationis buntur ei de quo agimus accidisse divina atque fatalia.
est appellatum; deliberationisalterum terlium judiciorum. Omnis enim exspectatio ejus, qui audit, et admiratio, et
Quamobrem de primo primum, si placet, disputemus. – improvisi exitns hahent aliquam in audiendo voluptatem.
C. F. Milii vero placet. XXIJ. Sed quoniam in tiibus generibus hona malavo
XXI. C. P. Ac laudandi vituperandique rationes quœ versantur, externis, corporis, et animi; prima sunt ex-
non- ad bene dicendum snlum, sed etiam ad honeste vi* terna, quae ducuiitm a genere quo breviter modiceque
vendum valent, expouam breviter, atque a principiis exor- laudato, ant, si erit infâme, praetermisso; si humile, vel
diar et laudandi et vituperandi. Omnia enim sunt piofeclo praterito, vel ad augendam ejus, queni laudes gloriam,
landanda quœ conjuncta cum virtute sunt; et qurc cum tracto; deinceps, si res patictur, de fortunis erit et facnl-
vitiis, vituperanda. Qnamobrem finis alterius est lione- tatibus dicendum, postea de corporis bonis; in quibus
•stas.altcriusturpitudo.Conficiturautem genus hoc diclio- quidem, qure virtutem maxime significat, facillime forma
nis, narrandis exponendis que factis, sine unis argumenta- laudatnr. Deinde est ad facta veniendum, quorum collu-
tionibus, ad animi motus leniter tractandos niagis, quam calio triplex est: ant enim temporum servandusest ordn-
ad (idem faciendam aut confirmandam accommodate. Non aut in prirnis recentissimumquodque dicendum aut multa
niiim dubia firmantur, sed ea, quœ cerla, aut pro certis et varia facta in propria virtutum genera sunt dirigenda,
que l'on peut disposer de trois manières diffé- modération à punir; l'amitié, dans les relations
rentes car on est libre ou d'observer l'ordre des de bienveillance.
temps, ou de commencer par ce qu'il y a de plus XXIII. Toutes ces vertus sont pratiques. Mais
riant, ou de ranger sous chaque principale vertu il en est deux qui servent pour ainsi dire de mi-
les actions qui s'y rapportent. Nous allons résu- nistres et de compagnes à la sagesse. L'une dis-
mer en peu de mots ce lieu commun des vertus cerne dans les controverses la vérité de l'erreur,
et des vices sur lequel on a tant et si souvent dis- et juge des conséquences d'après Ics principes;
puté. La vertu peut s'envisager sous deux as- elle consiste surtout dans l'art et l'habitude du
pects ou elle est spéculative, ou elle est prati- raisonnement l'autre est l'éloquence car l'élo-
que. Ce qu'on appelle prudence, prévoyance, quence n'est autre chose que la sagesse qui parle
ou de ce beau nom de sagesse, est une vertu pu- avec force et avec grâce; elle est sœur de la dialec-
rement spéculative, au lieu que la tempérance, tique mais plus abondante, plus étendue, plus
qui modère les passions, qui dirige les mouve- capable d'émouvoir les passions et de se mettre à
ments de l'âme, est une vertu pratique. La pru- la portée du vulgaire. Enfin les vertus ont pour
dence, dans les affaires privées, s'appelle éco- gardienne celle qui fuit tout ce qui est déshon-
nomie et dans celles de l'État, politique. La nête, qui est jalouse de l'approbation publi-
tempérance est aussi tantôt une vertu privée, que, et qu'on nomme le respect de soi. Ces incli-
tantôt une vertu sociale. Comme vertu privée, nations de l'âme se distinguent par un caractère
elle s'exerce de deux manières ou elle ne désire particulier de vertu; tout ce qu'elles produisent
point les biens'qu'elle n'a pas, ou elle s'abstient est nécessairement honnête et digne des plus
de ceux qu'elle possède. Elle double encore par grands éloges. Mais il y a aussi d'autres qualités
rapport aux choses nuisibles or. l'appelle force, précieuses, qu'une bonne éducation prépare et
quand elle résiste à ceux qui la menacent; et développe tels sont, dans ce qui nous est propre,
patience, quand elle souffre et endure les maux le goût des belles-lettres, des mathématiques, de
présents. La grandeur d'âme réunit ces deux qua- la musique, de la géométrie, de l'équitation de
lités, auxquelles elle ajoute la libéralité dans la chasse et des armes; et, dans ce qui a rapport
l'usage des richesses l'élévation des sentiments, à la société, le penchant à la pratique de quelque
supérieure aux événements et aux injures; et la vertu, comme au culte des dieux, à la piété
sérénité d'une âme noble, calme, inaccessible, filiale à l'amitié, à l'hospitalité.Voilà les vertus.
aux passions. Comme vertu sociale, la tempérance Les affections contraires sont les vices.
s'appellejustice la justice envers les dieux, c'est la Ne vous laissez point abuser par des vices qui
religion; envers les parents, la piété; la bonté, ont le faux semblant des vertus l'astuce imite
dans le commerce ordinaire de la vie; la bonne la prudence; sous les dehors de la tempérance se
foi, dans les engagements; la douceur, dans la cache une grossièreté sauvage qui affecte de dé-

Sedliiclocusvirtutum atquevitiorum latissime patens, ex qnarum altera, quae sint in disputando vera atque falsa,
multis et variis disputationibus nnnc in quamdam angu- quibusque positis quid sequatur, distingua et judicat;
stam et brevem concludetur.Estigitur visvhtutisduplcx. quae virtus omnis in ratione scientiaque disputandi sita la
ant enim scientia cernitur virtus, aut actione. Nam, quae est altera autem oratoria. Nihil enim est alind eloquentia,
prudentia, quae calliditas, quseque gravissimo nomine nisi copiose eloquens sapimtia quœ ex eodem hausta ge-
sapientia appellatur, haec scientia pollet una. Qurc vero nere, qno illa, quse in disputando est, ubeiior est atque
moderandis cupitalibus, regendisque animi molibns lau- latior, et ad motus animorum vulgique sensus accommo-
datur, ejus est munus in agendo cui temperanliae nomen datior. Custos vero virtntum omnium, decus fugiens,
est. Atque illa prudentia in suis rébus doraestica in pu- laudemque maxime consequens, vcremindia est. Atqne
blicis, civilis appellari solet. Temperantia autem in suas hi sunt fere quasi quidam habitua animi sic affecti et con-
itidem res et in communes distributa est, duobusque mo- stitntî ut sint singuti inter se proprio virtutis genere di-
dis in rebus commodis discernitur; et ea, quae absunt, stincti a quibus ut quaeque res gesta est, ita sit honesta
non expetendo, et ab iis, qua; in polestate sunt, abstinendo. necesse est, summeque laudabilis. Sunt autem alii quidam
In rébus autem incommodis est itidem duplex nam que perfecti animi habitus, ad vir-lutem quasi praeculti etprae-
venientibus malis obstat, fortitudo; qune quod jam adest, parati rectis studiis et arlibus lit, in suis rebus, studia
toleiat et perfert patientia numinatur. Qum autem haec lilterarum, ut numeiorum ac sonorum, ut inensllroe, ut
uno genere complectitur, magnitudo animi dicitnr cujus stderum Ht equorum ut venandi, ut armornm in com-
est liberalitas, in usu pecuniœ;simulquealtitude animi,t munibus, propensiora studia in aliquo genere vittutis
in capiendis incommodis et maxime injuriis et omne ,quod prœripne colendo, aut divinis rebus deserviendo, aul
est ejus generis, grave, sedatum, lion turbulentum. In parentibus, amicis, bospilibus, prœcipue atque insi-
cuinmunione autem quse posita pars est, justitia dicilur; gniter diligendis. Atqne hase quidem virtutum. Vitiorum
eaque erga deos, religio, erga parentes, pietas, vulgo aulem sunt genera contraria.
autem bonitas creditis in rebus fides, in moderationeanimad- Cernenda autem sunt diligenter, ne Tallant ca nos vitia,
vertendi lenitas amicitia in benivolentia notninatur. quae virtutem videptur imitari nam et prudentiam mali-
XXIII. Atque lue quidcm virtutes cernunlur in agendo. tia, et temperantiam immanitas in voluptatibus asper-
Sunt autem aliae quasi iiiinislrae coniitesque sapicutiae naudis, et magnittidincm animi supcibia in animis otol-
daigner les plaisirs; l'orgueil, qui enfle le coeur,, est l'utilité; c'est à cette fin qu'il faut se rappor-
et produit le mépris des dignités, ressemble à la ter quand on est appelé à donner un conseil, une
grandeur d'âme; la prodigalité, à la libéralité; opinion. Soit donc qu'on veuille persuader d'une
l'audace, au courage; l'insensibilité,à la patience; chose, ou en dissuader, on doit d'abord exami-
la rigueur, àla justice; la superstition, à la religion; ner ce qui est possible ou ce qui ne l'est pas; ce
la faiblesse, à la douceur; la mauvaise honte, à une qui est ou n'est pas nécessaire car si une chose
sage retenue; la manie de disputer et d'argnmen- est impossible, quelque utile qu'elle soit, la dé-
ter sur des mots, àl'artde raisonner;etunevaine libération n'a plus d'objet; et si une chose est né-
facilité de parole, à la solide éloquence. En un cessaire (et j'appelle choses nécessaires toutes
mot, rien n'est plus semblable aux vertus que celles d'où dépendent notre vie ou notre liberté), ),
l'exagération des vertus mêmes. il faut la préférer même à ce qui passe pour le
Ainsi, lorsqu'il s'agira de louer ou de hlâmer, plus honorable ou le plus avantageux parmi les
c'est aux diverses espèces de vertus et de vices hommes. Dans l'examen de ce qui est possible,
qu'on empruntera des arguments. Quant au fond il faut considérer les difficultés d'exécution car
du discours, il faudra louer principalement la une extrême difficulté équivaut à l'impossibilité.
naissance, l'éducation, les mœurs, les inclinations Dans la discussion de ce qui est nécessaire si
du personnage dont il s'agira, appuyer sur ce la chose dont il s'agit n'est pas d'une nécessité
qu'il a fait de grand et d'extraordinaire,surtout si absolue, il faut voir jusqu'à quel point elle est
l'influencedesdieux s'y faitsentir. On rapportera utile; car ce qui est d'une grande utilité peut
ses sentiments, ses paroles, ses actions aux diffé- souvent passer pour nécessaire. C'est pourquoi le
rentes espèces de vertus dont nous avons parlé; genre délibératif étant destiné à persuader ou à
et on trouvera aux sources que nous avons in- dissuader, la question pour l'orateur se réduit,
diquées pour l'invention des arguments, les cau- dans le premier cas, aux termes suivants Si la
ses et l'enchaînement des faits et des conséquen- chose est utile et possible, il faut la faire; dans
ces. Il ne faut pas non plus passer sous silence la le second cas, la question présente cette double
mort de ceux dont on célèbre la vie, surtout lors- hypothèse Si la chose est inutile il ne faut pas
que cette mort est remarquable par elle-même la faire; si elle est impossible, il ne faut pas même
ou par les événements qui l'ont suivie. y songer. Ainsi celui qui persuade a deux points
XXIV. – CF. Vous venez de m'apprendre en à prouver, tandis qu'un seul suffit à celui qui dis-
peu de mots non-seulement comment je dois suade.
louer les autres, mais comment je dois mériter Comme toute délibération roule sur ces deux
moi-même de justes éloges. Voyons maintenant points, parlons d'abord de l'utilité, qui a pour
les règles et la manière de procéder dans le genre base la juste appréciation des biens et des maux.
délibératif. C. P. La fin du genre délibératif Parmi les'biens, il y en a de nécessaires; comme

leudis, et despicientia in contemnendis honoribus, et praecepta teneamus.- C. P. Est igitur in deliberando finis
liberalitatem effusio, et fortitudinem audacia imitatur, et utilitas, ad quem omnia ita referuntur in consilio dando,
patientiam duritia immanis, et justitiam acerbitas, et re- sententiaque dicenda, ut illa prima sint suasori, aut dis-
ligionem superstitio, et lenitatem mollitia animi et vere- suasori videnda, quid aut possit fieri, aut non possit, et
cundiam timiditas, et illam dispntandi prudentiamcon- quid aut necesse sit, aut non necesse. Nam et, si quid
certatio captatioque verborum, et banc oratoriam vim effici non potest, deliberatio tollitur, quamvis utile sit;
inauis quœdam protluentialoqnendi. Studiis autem bonis et, si quid necesse est (necesse autem id est, sine quo
similia videntur ea quse sunt in eodem genere nimia. salvi liberive esse non possumus), id est reliquis, et ho.
Quamobrem omnis vis laudandi vituperandique ex his nestatibus in civili ratione, et commodis anteponendum.
sumetur virtutum vitiorumque partibus sed in toto quasi Quum autemquseritur, quid lieri possit, videndum etiam
contextu orationis haec erunt illustranda maxime, quem- est, quam facile possit nam quœ perdifficilia sunt, pe-
admodum quisqne generatus, quemadmodum educatus, rinde habenda sœpe sunt, ac effici non possint. Et quum
qnemadmodum institutus moratusque fuerit; et, si quid de necessitate attendemus, etsi aliquid non necessarium
cul magnum aut incredibile acciderit, maximeque si id Tidebitur, videndnm tamen erit, quam sit magnum. Quod
divinilus accidisse potuerit videri; tum quod quisque sen- enim permagni interest, pro necessario saepe habetur. lta-
serit, dixerit, gesserit, ad ea, quae proposita sunt, virtu- que quum constet hoc genus causaruin ex suasione et
tum genera accommodabuntur, ex illisque iisdem inve- dissuasione suasori proponitur simple* ratio si et utile
niendi locis causse rerum, et evenlus, et consequcntia est, et fleri putest, fiat. Dissuasori duplex una, si non
requirentur. Neque vero mors eorum, quorum vita lauda- utile est, ne fiai; altera, si fieri non potest, ne suscipiatur.
bitur, silentio prœteriri debebit, si modo quid crit ani- Sic snasori utmmque docendum est, dissuasori altemm
madvertendum, aut in ipso genere mortis, aut in iis rebus, infirmare sat est.
quae post mortem erunt consecutœ. Quare quoniam in his versatur omne consilium duobus,
XXIV. C. F. Accepi ista, didicique breviter, non solum de utilitate ante dicamus, qiiee in discerneudis bonis ma-
quemadmodum laudarem alteruin sed etiam quemadmo- lisqueversatur. Bouorum autem partimnecessaria sunt, ut
dum eniterer, ut possem ipse jure laudari. Videamus igi- vita, pudicitia, libertas, ut liberi, cunjuges, germani,
tur deiureps, in sententia dicenda quam viam et quœ parentes partim non uecessaiia; quorum alia sunt per
la vie, l'honneur, la liberté, nos enfants, nos sacrifier
si
Si l'utile à l'honnête ou l'honnête à l'utile.
femmes, nos frères, nos parents. Il en est d'autres Voici donc quelques règles pour la solution de
qui, sans être d'une nécessité absolue, sont cette
c difficulté. Puisquela tâche de l'orateur n'est
désirables on pour eux-mêmes, comme ceux qui |
ppas seulement de dire la vérité mais encore de
consistent dans la pratique des vertus et des de- Ii faire goûter à son auditoire, il doit considé-
la
li
voirs; ou pour les avantages qu'ils procurent, rer r d'abord qu'il y a deux espèces d'hommes
comme les richesses et l'abondance. Des biens l'une, l' ignoranteet grossière., qui préfère toujours
qu'on désire pour eux-mêmes, il en est qu'on dé- futile
1 à l'honnête; l'autre éclairée et polie, qui
sire à cause de l'honnêteté; d'autres, à cause de préfère
1 avant tout son honneur. On parlera donc
l'utilité. De la première espèce sonHes biens nés àà ceux-ci déconsidération, d'honneur, de gloire,
des vertus dont nous avons parlé, lesquels sont éde bonne foi de justice et de vertu à ceux-là
louables par eux-mêmes; de la seconde espèce d'intérêt,
t de profits, de bénéfice, et même de
sont les avantages du corps ou les dons de la volupté,a laquelle est la plus grande ennemie de
fortune, qui se divisent en biens utilcs et hono- la 1 vertu, et n'est qu'une fausse et misérable imi-
rables, comme la considération et la gloire; et tationt du bonheur, mais que les hommes gros-
en biens seulement utiles, comme la force, la siers s recherchent avec ardeur, qu'ils préfèrent
beauté la santé, la naissance, les richesses, le non-seulement
i à l'honnête, mais encore au né-
patronage. Il y a encore un bien qui dépend beau- cessaire
<
dont on doit enfin faire l'éloge, quand
coup de l'honnêteté, c'est l'amitié, qui se divise (on veut conseiller, persuader cette espèce d'hom-
en tendresse et en vénération. Les dieux, les pa- mes.i
rents, la patrie, les hommes éminents en sagesse XXVI. Il faut considérer aussi combien la
ou en dignité ont droit à notre vénération. Nos haine du mal est plus forte chez les hommes que
femmes, nos enfants, nos frères, etles autres per- l'amour du bien et cela, parce qu'ils désirent
sonnes qui nous sont étroitementunies, sont sur- moins la considération qu'ils ne craignent la
tout les objets de notre tendresse, quoiqu'une honte. Où est l'homme en effet, qui recherche
certaine vénération puisse bien se mêler à ce sen- l'honneur, la gloire, les applaudissements, les
timent. Les biens donc étant tels que je viens de i distinctions, avec autant d'ardeur qu'il fuit
les décrire ,vous comprenez facilement qucls sont l'ignominie, les humiliations, l'infamie, l'oppro-
leurs contraires. bre ? La douleur qu'on a de ces maux n'est-elle
XXV. Sans doute si nous pouvions toujours pasinsupportable? Il est des âmes nées pour la
nous attacher au bien, si perceptible d'ailleursi vertu que la mauvaise éducation et les maximes
à nos sens, nous n'aurions pas besoin de longuesdangereuses ont corrompues montrez-leur,
i
délibérations. Mais les circonstances, qui sont si quand vous les exhorterez ou que vous leur don-
puissantes, empêchent bien souvent l'accord de nerez desconseils, comment nouspouvons acqué-
l'utile et de l'honnête; et l'embarras de conci- rir les biens et éviter les maux. Si nous parlons à
lier l'un et l'autre force à délibérer, de peur de deshommes bien élevés, nous ne saurons trop

se expetenda, ut ea, quœ sita sunt in officiis atque virtu- efficit, ne aut opportuna propter
drgnitatem, aut liouesla
tibus alia, quod aliquid commodi efîiciunt, ut opes ett propter utilitatem reliaquantur ad banc dillicultatem expli-
copias. Eorum autem, quffî propter se expetuntnr, parlima candam prœcepla referamns. Et quoniam non ad veritatem
honestate ipsa, partim commoditate aliqua expehmtur :solum, sed etiam ad opiniones eorum, qui audiunt, ac-
honestate, ea, quœ proficiscuntur ab iis vtrtutibus dee commodanda est oratio hoc primum intelligamus liomi-
r
quibus paullo ante est dictnm quae sunt laudabib'a ipea per num duo esse genera; alterum indoclum et agreste, quorf
se: rommoditate autem aliqua, quae sunt in corporis autit anteferat semper utilitatem bonestati alterum humanum
in fortunœ bonis expetenda, quorum alia sunt quodam modoo et politiun quod rébus omnibus dignitalem anteponat.
cum honestate conjuncta ut honofi ut gloria; alia diversa,i, itaque huic generi laus, bonor, gloria, fides, justitia,
|
ut vires, forma, valitildo, nobilifas, divitiae clientelae. omnisqui! virtns, illi autem alteri, quaestus, emolumen-
Est etiamquaedam quasi materies subjecta honeelati quœ ê tum, fructusque proponitur. Atqne etiam voluptas, quae
maxime spectatur in amicitiis. Amicitiae autem caritate et:t maxime est inimica virtuti bonique naturam fallaciter
amore cernunlur nam quum drorum, tum parentum, imitando adulterat,quam immanissimns qu isque acerrùne
patriasque cultus, eorumque hominum, qui aut sapientia, sequitur, neque solum honeslis rébus, sed etiam necessa.
aut opibus exrellunt ad caritatem referri sulet, conjuges :s riisanteponit, in suadendo quum eigcncrihouiinumcon-
autem, et liheri et fratres et alii, quos usus ramiliaritas.
3- siliurudes, saepesanelaudandaest.
que conjunxrt, qtiannuam etinm raiïtate ipsa, tamen :n XXVI. Et illud videndum quanto magis homines mata
amore maxime continentur. In bis igiltir rehusquumbona la fugiant, quam sequantur bona nam neque lionesta tam
sint, facile eet intcllectu, qu» sint contraria. expetunt, quajn devitant tnipia. Quis enim honorera', quis
XXV. Quod si semper optima Icnere possemus haud I
d gloiiam, quis laudera quis ulhini decus tam unquam
expetat, quam ignominiam, iufamiam, contiuneliam, de.
sane, quoniiun quidem ea perspiciia sunt, cousilio mul- 1-
tum egereinug. Sed quia tempoiihus quae vit habent 1t decus fugial? quariun rerum dolor gravis est. Kst gemts
ina\ imam, persane evenif, ut utilitascum honestate cer- r- hominum ad honestatcin natum, inalo cultu pravisque
,tel > earumque rerum contcntio plerumque deliberaliones;» opiniouibus corruptum quare in cohortando atque sua-
insister 'sur ce qui est louable et honnête nous tout les esprits. Nous avons parlé de futilité; pas-
traiterons surtout des vertus qui protègent ett sons aux moyens d'exécution.
développentla félicité publique. Si, au contraire, XXVII. Dans ce genre de délibération, il faut
nous nous adressons à des hommes simples ett examiner avec qui, et contre qui l'on doit agir;
ignorants, nous mettrons en avant le gain, lesi en quel temps, en quel lieu; quelles sont les res-
i
profits, les plaisirs; nous leur donnerons des sources en armes, en argent, en alliés; enfin,
conseils pour éviter les maux; nous pourrons mêmequelles sont pour l'entreprise, les garanties dé
les menacer de la honte et de l'ignominie; car succès. On ne se contentera pas de faire valoir
s'il est des hommes assez grossiers pour être les
chances favorables, on tiendra compte aussi
i
peu sensibles à l'honneur, il n'en est pas que la des chances contraires; et, si les premières l'em-
honte et l'infamie ne touchent aussi profondé- portent dans la balance, au lieu de se borner à
ment. affirmer la possibilité de l'entreprise, on la mon-
On traitera donc ainsi tout ce qui concernes trera naturelle, facile et attrayante. S'agit-il de
l'utile. Quant à ce qui est possible ou non et parr dissuader, on jettera des doutes sur l'utilité de
suite, à ce qui est facile ou difficile nous en ju- l'entreprise, onen exagérera les difficultés, et l'on
gerons surtout, si nous remontons à la source detournera contre elle la même espèce d'arguments
tousleseffets, aux causes. On distingue plusieurs donton s'était servi pour persuader. Dans l'un et
genres de causes. Les unes produisent l'effet par l'autre cas, on auratoujourscnréserve, pour l'am-
elles-mêmes les autres contribuent à le produire. plification, une foule d'exemples récents, parce
Les premièresse nomment efficientes; les secon- qu'ils sont plus connus, anciens, parce qu'ils ont
des, que j'appellerai occasionnelles, sont de cess plus d'autorité. Mais c'est surtout lorsqu'il s'agit
causes sans lesquelles rien ne se peut faire. Parmii de décider l'auditoire à préférer l'utile à l'hon-
les causes efficientes, les unes sont absolues ett nête ou l'honnête à l'utile qu'il faut avoir bien
parfaites en elles-mêmes; les autres ne sontt médité son sujet. Quant aux moyens d'émouvoir
qu'auxiliaires en partie, et ne prêtent que plus les
esprits, on est sûr d'y parvenir en les flattant
ou moins leur concours aux choses. L'efficacité 1 de l'espoir de contenter leurs désirs, d'exercer
de celles-civarie; elle est tantôt plus grande, tan- leurs haines, d'assouvir leur vengeance. Si l'on
tôt plus petite; souvent même celle qui a le pluss veut les appaiser on leur rappellera les vicissi-
de force est désignée seule par le nom de cause. tudes des choses humaines, l'incertitude de l'a-
Il est d'autres causes qu'on appelle aussi effi- venir, le danger d'exposer sa fortune, si elle est
cientes, soit parrapportau principe, soit par rap- • prospère ou de la ruiner sans retour, si elle est
port à la fin des choses. Quand on délibère surr compromise. Voilà les sources où l'on peut pui-
ce qu'il y a de mieux à faire, c'est par l'utilité ser
pour la péroraison dans le genre délibératif.
ou par l'espoir du succès, qu'on détermine sur- L'exorde y doit être court; et celapareequel'ora-

dendo propositum quidem nobis erit illud, ot doceamus, Et,quoniaindeutilitate jamdixunus, de efficiendirationa
qua vi bona consequi, malaque vitare possimus. Sed apud dicamus.
hommes bene institutos plurimum de lande et de bonestatee XXVII. Quo toto genere, quibuscum, et contra quos,
rîiccmus; maximeque ea virtutum genera tractahimus, quo tempore aut quo loco, aut quibus facultatibus armo-
quae in communi hominum utilitate tuenda augendaquee rum pecunise sociorum earumye rerum, quae ad quam-
versantur. Sin apud indoctos impcritosque dicemus, liu- que rem efficiendam pertinent, possimus uli, requirendum
ctus, emolumenta, voluptates, vitationesque dolorumn est. Neque solum ea sunt, quae nobis suppetant, sedetiam
proferantur addantur etiam contumeïiœ atque ignominias illa, qus adversentur, videnda. Et, si ex contentionepro-
nemo eiiitn est tan) agrestis, quem non, si ipsa minuss clivnra erunt nostra; non solum effici posse, quae suade-
1 wnestas contumelia tamen et dcdecns magnopere moveat. t. mus, erit persuadendum sed curandnm etiam, ut illa
Quare. quod ad utilitatem spectet, ex iis, quae dictaa facilia, proclivia, jucunda videantur. Dissuadentibus au-
sunt rcperietur quid auteld possit effici, necne, in quoo tem, aut atilitas lahcfactanda est, aut efficiendi difficul.
etiam, quam facile possit, quamque expediat, quœri soiet,E, tates efferendae, neque aliis ex praeceptis, sed iisdem ex
maxime ex causis iis, quae quamque rem efticiaut, est it sqasionis locis. Uterque vero ad augenduin habeat exem.
videndum. Causarum autem genera sunt plura. Nam suntit plorum aut recentium, quo notiura sint, aut veterum,
alice, quac ipsse conficiunt; aliac.quuîvimaliquam adeon- i- quo plus auctoritatis habeant, copiam. Maximeque sit in
ticiendum affermit. Itaque ïllae superiores, conficientes a hoc genere meditatns, nt possit vcl utilia ac necessaria
voceutur haî reliquae ponanlur in eo genere, ut sine his is saepe honestis, vel haec illis anteferre. Ad commoveudos
confici non possit. Conticiens autem causa alia est absoluta a autem animos maxime proficient, si incitandi erunt, hu-
ta
ia jusmodi sententiae quae aut ad explendas coliiditates, aut
et perfecta per se; alia aliquid adjuvans, et efficiendi socia
quœdara cujus generis vis varia est, et saepe aut major, r, ad odium satiandum, aut ad ulciscendas injurias pertine.
aut minor, ut et illa, qua3 maximam vim habet, sola saepe e bunt. Sin autem reprimendi; de incerto statu fortunae,
causa dicatur. Sunt autem alise causa?, quae aut propter :r dubiisque eventis rerum futurarum et retinendis suis for-
principium, aut propter exitum, conficientes vocantur. r. tunis, si erunt secundœ sin autem adversae de periculoJ
Quum autem quœritur, quid sit optimum facui: aut utili- i- conimonendi. Atque hi quidem sunt perorationis loci. Prin-
tas, aul spes efiieiendi ad assentiendum impellit animos,î. cipia autem in senlentiis dicendis brevia esse debent non
teur ne vient pas pour supplier, comme devant de cette loi, ni dans cette forme, ni par devant
un juge, mais bien pour exhorter et conseiller. ce tribunal. Toutes les causes de ce genre ren-
II lui suffit donc d'exposer dans quel but, dans trent dans le droit civil, lequel repose lui-même
quelle intention et sur quel objet il va parler sur les lois les coutumes qui régissent les inté-
et de solliciter l'attention, en promettant d'être rêts privés ou publics; et cette science du droit,
bref. Du reste, l'ensemble du discours doit être négligée par la plupart des orateurs, nous semble
simple, grave, plus remarquable par les pensées pourtant indispensable à leur profession. C'est
que par les expressions. pourquoi, bien que ces questions incidentes sur
XXVIII. -C. F. Vous m'avez appris les lieux la bonne foi du demandeur, sur la qualité du dé-
communs du genre démonstratif et du genre dé- fendeur, sur la compétence du tribunal, sur la
libératif j j'attends que vous m'enseigniez ceux du justice absolue ou relative de l'action, se réunis-
genre judiciaire, le seul, je crois, dont il nous sent souvent au fond de la cause, elles n'en doit
reste à parler. -C. P. Vousavezraison. Le genre vent pas moins être traitées avant le fond, et je
judiciaire a pour but l'équité; non pas toujours les en sépare plutôt comme dépendantes de l'op.
l'équité absolue, mais encore, et le plus souvent, portunité, qu'à cause de la différence. En effet
l'équité relative comme dans les causes qui rou- toute discussion sur le droit civil ou sur l'équité,
lent sur la bonne foi de l'accusateur; et dans cel- appartient à la question de qualité dont nous al-
les où l'on demande, sans alléguer ni loi ni tes- lons parler, et cette question regarde surtout l'é-
tament, l'envoi en possession d'un héritage. On quité et le droit.
considère alors ce qui est plus juste ou très- XXIX. Il y a, dans toutes les causes, trois
juste, l'on puise ses moyens de conviction aux moyens générauxde défense; et il faut en avoir au
sources de l'équité dont nous allons parler tout à moins un, si l'on ne peut en avoir davantage. Car
l'heure. Souvent aussi, avant le jugement d'une il faut, dans la défense, ou nier le fait qu'on nous
affaire, le débat s'engage sur une question pré- reproche,ou, si vous l'avouez, nier qu'il ait la gra-
judicielle, comme lorsqu'onexamine si le deman- vité qu'on lui prête, ou qu'il soit ce que l'adver-
deur a qualité pour agir, si la demande n'est pas saire prétend; ou enfin, si vous ne pouvez nier
prématurée ou tardive, si elle est régulière et ni le fait, ni le caractère qu'on lui prête, il faut
légitime. Lors même que ces moyens n'ont pas nier qu'il se soit passé comme on le dit, et sou-
été proposés, discutés et jugés avant le fond de tenir que la conduite de l'accusé est légitime ou
la cause, c'est toujours un grand avantage de du moins excusable. Ainsi lepremierétat de cause,
pouvoir dire dans le débat même Vous deman- le premier conflit avec l'adversaire, doit se traiter
dez trop; vous demandez trop tard; vous ne de- en quelque sorte, par conjecture; le second, par
viez pas; ce n'était pas à vous de le faire; vous une définition descriptive, ou étymologique; le
ne deviez pas le faire contre moi, ni en vertu troisième, par l'examen de ce qui est juste, droit,

ciiiin snpplex, ut ad judiceni, Teiùt orator, sed hortator aut more positum; cujus scientia neglecta ab oratoribus
atque auctor. Quare proponere, qua mente dicat, quid Te- plerisque, nobis ad dicendum necessaria videtur. Quare
lit, qiiibus de rebus dicturus sit, debet, hortarique ad se de constituendis actionibus, accipiendis subeundisque ju-
breviter dicentem audiendum. Tota antem oratio, sim- diciis, de excipienda iniquitate actionis, de comparanda
plex, et gravis, et sententiis debet ornatior esse, quam sequitate quod ea fere generis ejus sunt, ut, quanquam in
verbis. ipsum judicium sœpedelabantur, tamen ante judicium tra-
XXVIII. C. F. Cognovi jam laudationis et suasionis lo- ctanda videantnr, paullulum ea separo a judiciis, temporo
cos nunc, quœ judiciis accommodata sint, exspecto; id-
magis agendi, quam dissimilitudine generis. Nam omnia,
que nobis genus restare unum puto. C. P. Recte intel- qua> de jure civili, aut de aequo et bono disceptanttir, ca.
ligis. Atque ejus quidem generis finis est œquitas qu;s non dunt in eam formam, in qua, quale quid sit, ambigitur,
simpliciter spectatur sed ex comparatione nonnunquam de qua dicturi sumus: quae in aequitate et jure maxime
ut, quum de vcrissimo accusatore disputatur, aut quum consistit.
liereditatis sine lege, aut sine testamento, petitur posses- XXIX. ln omnibus igitur causis tres sunt gradus, ex
sio in quibus causis quid fequius, aequissimnniYesit, quee- quihus unus aliquis capiendus est, si plures non queas,
ritur quas ad causas facilitas petitur argumentationumex ad resistendum.Nam aut ita consistendumest, ut id quod
iis, de quibus mox dicetur, œquitatis locis. Atque etiam objicitur, factum neges; aut illud, quod factum fateare,
ante judicium, de constiluendo ipso jndiciosolet esse con. neges eam vim habere, atque id esse, quod adversai-ins
tentiu, quum aut, sitne actio illi, quiagit,autjamnesit, criminet.ur; aut, si neque de facto, neque de facti appel.
aut num jam esse desierit', aat illane lege, liisne verbis sit latione ambigi potest, id, quod arguere, neges tale esse,
actio, quairitur. Quœ etiam si ante, quam res in judicium quale ille dicat, et rectum esse, quod feceris, conceden-
venit,aut concertata, aut dijudicata, aut confecta non dumve, defendas. Ita primus ille status, et quasi conflictio
sunt; tamen in ipsis judiciis permagnumsaepe habent pon- cum adversario, conjectura quadam; secundu» aulem de-
dus, quum ita dicUiir Plus petisti; sero petisti; non fuit finilione atque descriptione, aut informatione verbi; ter-
tua petitio; non a me, noc bac lege, non lus verbis, non tius sequi, et ver., etrecti, ethumani ad ignoscendum
hoc judicio. Quarum causarura genus est positum in jure disputalioue tractandus est. Et quoniam semper is, qui
«ivlli quod est in privatarum ac publicarum rerum lege, défendit non solum resistat oportet, aliquo statu, aut in
véritable, et de cequinepcut être condamné dans mentales. Ce conflit n'a pas lieu dans la question
un homme. Non-seulementl'accusédoit se pour- de fait; car dès que l'accusé nie le fait, il n'a
voir d'un de ces trois moyens de défense, c'est- ni le pouvoir, ni le droit, ni la coutume de jus-
à-dire, de la faculté de nier, de définir ou d'invo- tifier sa dénégation; c'est pourquoi la question
quer l'équité, mais encore il doit développer la générale ne diffère pas alors du point à j uger. Mais
raison de sa défense. Le premier moyen de l'ac- dans le second état de cause, on peut dire « Nor-
cusé est donc la dénégation le deuxième est la «
banus n'est pas coupable de lèse-majesté pour
définition par laquelle on prouve que l'adversaire « avoir
parlé contre Cépion avec trop de véhé-
met dans le mot ce qui n'existe pas dans le fait; « mence; car c'est lejuste ressentiment du peuple
le troisième est la justification par laquelle, sans « romain, et non le discours du tribun, qui a pro-
contester ni le fait ni la nature du fait, on sou- « voqué ce soulèvement; or la majesté, qui n'est
tient qu'il est légitime. L'accusateur doit, à cha- « autre chose que la grandeur du peuple romain,
que raison de l'accusé, opposer les moyens que "et qui consiste dans la conservationde ses droits
l'accusation possède nécessairement;car sans cela « et de sa puissance, a reçu, en cette occasion, un
il n'y aurait pas de cause. Ces moyens de l'accu- « accroissement plutôt qu'une atteinte. » L'ad-
sation sont ce qu'on appelle preuvesfondamen- versaire réplique « La majesté consiste dans la
tales. Cependant la cause n'est pas plus dans « dignité de l'empire et du nom romain; elle est
l'accusation que dans la défense mais pour dis- « violée par quiconque soulève la multitude et ex-
tinguer, nous appelons raisons les moyens allé- cite une sédition. » Voici donc le point à discu-
gués par l'accusé, sans lesquels il n'y aurait pas ter « Est-on coupable de lèse-majesté, pour avoir
de défense; eipreuvesfondamentales,les moyens « fait par la violence et avec l'assentiment géné-
de réfutationde l'accusateur, sans lesquels il n'y « rai une chose juste en elle-même et agréable au
aurait pas d'accusation. « peuple romain? Mais dans ces causes, où l'ac-
XXX. De l'opposition et du conflit des raisons cusé soutient que sa conduite est légitime ou du
et des preuvesfondamentales naît une question moins excusable, et où il veut le prouver; par
que j'appelle point à juger, et qui est le nœud de exemple, quand Opimius dit « J'ai eu le droit
la discussion et du jugement. En effet, le premier d'agir ainsi pour le salut commun et pour la
débat implique toujours ou une question de force; « conservation de la république et
que Décius
comme « Décius a-t-il reçu de l'argent? » Ou de répond « Alors même que ce citoyen eût été le
définition « Norbanus est-il coupable de lèse- « dernier des hommes, vous n'avez aucun droit

»
majesté? » Ou de droit. Opimius a-t-il eu le droit 1 de le faire mourir sans jugement » la question

<
de tuer Gracchus? » Ces questions qui, dans le est celle-ci « A-t-il pu légalement, pour le salut
débat primitif, sont fort générales et très-som- « commun ôter la vie sansjugementà un citoyen
maires, sont ramenées à un point plus précis « qui bouleversait la patrie?
Ainsi les questions
par le conflit des raisons et des preuves fonda- qui surgissent de ce genre de controverses, et qui

fitiando, aut defiuieaâo, ant tequitate opponenda, sed Gracchnm. Haec, ini.v primam contentionem habent ex
etiam rationem subjiciat recusationis suée primus ille sta- arguendo et resistendo, lata, ut dixi, et confusa sunt. Ra-
tus rationem habet iniqui criminis, ipsam negationem infi- tionum et firmamentorumcontentio adducît in augushim
tiationemque facti; secundus, quod non sit in re, quod ab disceptatioaem.Ea in conjecturanulla est. Nemo enim ejus,
adTersarioponiturinverbo;tertius quod id recte factum quod negat factum, rationem aut potest, aut debet, aut
esse defendat, quod sine ulla nominis eontroversia factum solet, reddere. Itaque in his causis eadem et prima qure-
fatetur. Deinde unicuique rationi opponendum est ab ac- tio, et disceptatio est extrema. In illis autem, ubi ita di-
cusatore id, quod si non esset in accusatione, causa om- citur, Non minuit majestatem, quod egit de Csepione tur-
niuo esse non posset. Itaque ea, quee sic referuntur, con- bulentius populi enim romani dolor justus vim illam ex-
tinentia causarum vocentur quanquam non ea magis', citavit, non tribuni actio; majestas autem, qnoniam est
quœ contra rationem defensionisafferuntur, quam ipsae magnitudo quaedam populi romani, in ejus potestate ac
defensionis rationes, continent causas; sed distingueudi jure relinendo, aucta est potins, quam deminuta et ubi
'gratia rationem appellanius eam, quae affertur ab reo ad ita refertur, Majestas est in imperii atque in nominit po-
recusandum, depellendi criminis causa; quae nisi esset, puli romani dignitate, quam minuit is, qui per vim mul-
quid defenderet, non haberet firmamentnmautem, quod titudinis rem ad seditionem Tocavit exsistit illa discepta-
contra ad labefaetandam rationem refertur, sine quo accu- tio, Minueritne majestatem, qui voluntate populi romani
salio stare non potest. rem gratam et aequam per vim egerit. In his autem eau-
XXX. Ex rationis airtera, et ex firmamenti conllictione, sis, ubi aliquid recte factum, aut concedendnm esse fa-
et quasi coucursu quaestio exoritur quœdam quam di- ctum defenditur, qnum est facti subjecta ratio sieut ab
sceptationem voco in qua quid veniat in judicium, et de Opimio, Jure feci, salutis omnium, et coaservandse tei-
publicse causa; relatumque est ab Decio, Ne sceleratissi-
quo disceptelur, quaeii solet. Nam prima adversariorum
contentio diffusam habet quœstionem ut in conjectura, mum quidem civ em, sine judicio jure ullo necare potuisti
Ceperitnepecunias Decius; in definitione, Minueritne ma- oritur illa disceptatio, Potucrilne recte, salutis reipubliese
jestatem Norbanus; in tequitate, Jurene occident Opimius causa, civem, erersorem civitatis, indemnatum necare?
sont limitées par Ics temps et par les personnes, y emploiera toutes les ressources de l'invention,
redeviennentgénéraleslorsqu'on fait abstraction et de l'argumentation. Quoiqu'il soit inutiled'en
des personnes et des temps, et rentrent dans la dire davantage pour quiconque sait ce que ren-
forme peu étendue des simples propositions. ferme chaque lieu, et les connaît tous comme au-
XXXI. Parmi les preuves fondamentales les tant de trésors d'arguments; cependant nous fe-
plus solides qu'on puisse opposer à la défense, il rons quelques remarques propres à chaque genre
faut ranger celles qu'on tire du texte de la loi, des de question.
clauses d'un testament,de la forme d'unjugement, XXXII. Dans la question de fait, comme l'ac
d'une stipulation ou d'un contrat. Ces moyens cusé nie, l'accusateur (et j'appelle de ce nom
sont sans application dans l'état de conjecture; quiconque intente une action; car bien des causes
car le fait n'étant pas reconnu, des textes ne peu- admettent un débat, sans qu'il ait accusation), ),
vent t'incriminer, lis sont également inapplica- l'accusateur doit d'abord considérer deux choses,
bles dans la question de définition car s'il s'agit lacause et l'effet. Je nomme cause, la raison qu'on
de déterminer, d'après un acte, le sens et la valeur a eue d'agir; effet, ce que la cause a produit.
d'un mot; par exemple, d'après un testament, Nous avons parlé plus haut, en traitant du genre
ce qu'on entend par aliments, ou, d'après un con- délibératif, de diverses espèces de causes; or, les
trat de vente immobilière, ce qu'on entend par mêmes moyens qui, dans ce genre où il s'agitd'un
meubles; le débat n'a plus lieu sur l'acte même, parti à prendre pour l'avenir, servent à établir
mais sur le sens du mot. Mais lorsque dans un l'utilité et la possibilité d'une proposition, servi-
texte de loi, se trouvent un ou plusieurs mots ront à prouver, dans le genre judiciaire où il est
d'un sens équivoque; lorsque celui qui réplique question du passé, que le fait imputé à l'accusé
peut l'interpréter dans le sens qui lui convient lui a été utile, ensuite, qu'il lui était possible. On
davantage; ou s'il n'y a pas d'ambiguïté, mais prouve l'utilité du fait, en alléguant les motifs
qu'on puisse soutenir que les termes s'éloignent d'espérance ou de crainte qui ont fait agir l'accusé
de l'intention du législateur, ou citer un texte et plus ces motifs parattront puissants, plus la
contradictoire: alors on entame la discussion sur preuve sera convaincante. A ces motifs, on ajou-
l'écrit même, afin de déterminer, en cas d'inter- tera l'influence de telle ou telle passion, comme
prétation douteuse, la véritable; quel parti doit l'emportement de la colère, une haine invétérée,
prendre le juge, entre l'intention et les paroles; la soif de la vengeance, le ressentiment d'une in-
quel est, entre deux textes qui se contredisent, jure., le désir de l'honneur ou de la gloire, l'am-
celui qu'il faut préférer. bition, l'intérêt, lacrainte du péril, l'énormité des
Le point précis de la difficulté une fois établi, dettes, la gêne domestique, l'audace, la légèreté,
l'orateur ne le perdra pas de vue un instant; il la cruauté, l'irascibilité, l'imprudence, la folie,

Ita disceptationes eae, quae in his controversiis oriuntur, inveniendi locis, conjiciantur. Quod quanquam satis est
quae sunt certis personis et temporibus notate fiunt rur- ei, qui videt, quid in quoque loco lateat, quique illos
sus infînitœ, detractisque temporibuset personis, rursum locos, tanquam thesaurosaliquos argumentorum notatos
ad consultationisformam ralionemquerevocantur. habet; tamen ea, quae sunt certarum causarum propria,
XXXI. Sed in gravissimis firmamentis ctiam illa ponenda tangemus.
sunt, si qua ex scripto legis, auttestamenti, aut verbo- XXXII. In conjectura igitur, quum est in infitiando
rum ipsius judicii, aut alicujus stipulationis, aut caulio- reus accusatori haec duo prima sunt (sed accusatorem pro
nis opponuntur defensioni contraria. Ac ne hoc quidem omni actore et petitore appello possunt enim etiam sine
genus in eas causas iucurrit, quae conjectura continentur accusatore in causis haec eadem controversiarum geuera
quod enim factum negatur, id argui non potest scripto. versari); sed lœc duo sunt ei prima, causa et eventus.
Ne in definitionem quidem venit, genere scripti ipsius. Causam appello rationem efHciendi eventum, id, quod
Nam etiamsi verbum aliquod de scripto definiendum est, est efiectum. Atque ipsa quidem partitio causarum paullo
quam vim habeat; nt, quum ex testamentis, quid sit pe- ante in suasioois locis distributa est. Quse enim in coosi-
nus, aut quum ex lege prsedii quaeritur, quae sint ruta lio capiendo futuri temporis praecipiebantur,quamobrem
caesa non scripti genus, sed verbi interpretatio contro. aut utilitatem viderentur habitura, aut efficiendi faculta-
versiam parit. Quum autem plura significantur scripto, tem, eadem, qui de facto arguinentabilur, colligere de-
propter verbi aut verborum ambiguitatem, ut liceat ei, bebit, quamobrcm et utilia illi, quem arguet, fuisse, et
qui contra dicat, eo trahere significationem scripti, quo ab eo eflici potuisse demonstret. Utilitatis conjectura mo-
expédiât aut velit; aut, si ambigue scriptum non sit vcl vetur, si illud quod arguitur, aut spe bonorum aut ma-
a verbis volrmtatem et sententiam seriptoris abducere, lorummetu fecisse dicitur quod fit acrius, quo illa in
vol alio se, eadem de re, contrario scripto defendere utroque genere majora ponuntur. Spectantur etiam ad
tum disceptatio ex scripti contentione exsistit, ut in am- causam facti, motus animorum, si ira recens, si odium
biguis disceptetur, quid maxime significetur; in scripti vetus, si meiscendi studium si injuriae dolor; si honoris,
aententixque eontentione utrum potius sequatur judex; si gloriœ si imperii si pecuniae cupiditas; si periculi ti-
in contrariis scriptis utrum magis sit comprobandum. mor, si .-es alienum, si angustiœ rei familiaris si audax,
Disceptatioautem quum est constituta,propositum esse si levis, si crudelis si impoteus si incautus si insipiens,
debet oratori, quo cormes argninentationes, repetitae ex si amans, si commuta mente, si vinolentus si cum spB
l'amour, l'habitude de l'ivrognerie, l'espoir de u dépôt. Toutes ces choses et d'autres semblables,
un
réussir sans être découvert, ou celui de se justifier hlorsqu'elles accompagnent, précèdent ou suivent
si l'on était surpris; les chances qu'on a eues de uun crime, sont autant d'indices contre l'accusé.
se dérober au supplice ou de gagner du temps; le Que
Ç si elles manquent absolument, il faut alors
peu de proportion qu'il y avait entre la condam- insister
il sur les raisons et sur les moyens que l'ac-
nation et les avantages qu'il y avait à commettre cusé
c avait de commettre le crime, en ajoutant se-
le délit; enfin l'appât du crime plus puissant que I l'usage, qu'il n'était pas assez insensé pour ne
lon
lahonte de la flétrissure. Par tous ces moyens, on I en appréhender ou en faire disparaître les tra-
pas
confirme les soupçons contre l'accusé, surtout cces, pour se trahir lui-même, pour donner des
lorsqu'en lui se trouvaient réunis la volonté et le tarmes contre lui.
pouvoir d'agir. Pour prouver que l'accusé avait L'accusé peut répondre par cet autre lieu com-
la volonté, on montre l'utilité qu'il pouvait tirer tmun, que l'audace s'allie d'ordinaire àla témérité
de son action, soit qu'il voulût s'assurer des avan- et non à la prudence. On lui réplique par cet au-
tages, soit qu'il voulût éviter des inconvénients; tre 1 lieu commun, qu'on ne doit pas s'attendre aux
qu'il a cédé à l'espérance, à la crainte, ou à tel t aveux
i du coupable, mais qu'il ne peut échapper
autre mouvement subit de l'âme plus capable aux i preuves qui le condamnent; et ici encore on
encore de porter au crime que les vues même d'u- Ifournit des exemples. Telles sont les preuves ti-
tilité. Mais c'en est assez sur les causes du fait. rées du sujet.
– C. F. Je les possède bien maintenant, et je XXXIV. Si, en outre, on a des témoins à pro-
voudrais avoir l'explication des effets qui naissent t
duire, on fera d'abord valoir ce genre de preuve,
des causes. et l'on dira, que si l'adresse de l'accusé l'a mis à
XXXIII. – C. P. Ces effets sont les indices, less l'abri des preuves tirées de la cause, elle n'a pas
conséquences du passé, pour ainsi dire les tracess pu le soustraire aux yeux des témoins. On louera
que le fait laisse après lui; ils sont les puissantss ensuite chacun d'eux, d'après les règles que nous
instigateurs du soupçon; ils sont comme des té- avons données en parlant du genre démonstratif;
moignages muets du crime, d'autant plus gravess onajouteraquelesmeilleursarguments,quitrom-
que, à la différence des indices tirés des causes, pent quelquefois, peuvent laisser des scrupules;
t
lesquels semblent inculper tous ceux qui avaient mais qu'il n'est pas permis à un juge de récuser
quelque intérêt à l'action, ils n'inculpent que lesS le témoignaged'uu homme de bien. Si d'ailleurs
seuls accusés: tels sont une arme, du sang, l'em- lestémoinssontobscurs ou pauvres, on dira que la
preinte des fers, la possession d'un objet qui parait
it confiance ne doit pas se mesurer à la fortune des
avoir été arraché par la violence, des réponses :s individus, et que le témoin le plus riche est celui
contradictoires ou faites en hésitant ou d'un ton n quipossèdeleplusderenseignements utiles. Sion
mal assuré, la rencontre de l'accusé avec un n a appliqué la question ou si on l'a demandée, il
homme suspect, sa présence sur le lieu du crime, faut
la faire tourner au profit de la cause; il faut
la pâleur, le tremblement, un écrit, un cachet, commencer par défendre l'usage de la torture;
efficienrli, si cum opinione celandi, aut, si patefactum m obsignatum, aut depositum quippiam. Haec enim et talia
esset, depellendi criminis, vel perrumpendi periculi, vel el sunt, quae aut in re ipsa aut etiam ante quam factum est,
in longimniiim tempus differendi; aut si judicii pœna le- e- autpostea, suspiciosumcrimen etflciant. Quae si non erunt,
vior, quam facti prœinium; aut si facinoris voluptas ma- a- tamen causis ipsis, et efficiendi facultatibus niti oportebit,
jor, quam damnalionis dolor. His fere rebus facti suspicio io adjuncta illa disputatione communi, non fuisse illnm tam
confirmatur, quum et voluntatis reo causée rcperiuntur,
in r, amentem, ut indicia facti aut effugere aut occttltare
et racultas. In voluntate autem utilitas ex adeptione alicu- u- non posset; ut ita apertus esset, ut locum crimini
jus commodi vitationeque alicujus incommodi quseritur, r, relinqueret. Communis ille contra locus, audaciam te-
ut aut spes, aut metus impulissevideatur, aut alins repen- »- meritati, non prudentiee esse conjunetam. Sequitur autem
liniis animi motus, qui etiam citius in fraudem, quam ra- a- ille locus ad augendum, non esse exspectandum, dum fa-
tio utilitatis, impellit. Quamobrem sint ha-c dicta de eau- u- teatur; argumentis peccata convinci et hic etiam exem-
sis. C. F. Teneo, et quaero, qui sint illi eventus, quos
os pla ponentur. Atque h«ec quidem de argumentis.
ex causis effici dixisti. XXXIV. Sin autem erit testium facilitas primum genus
XXXIII. C. P. Consequentiaquaedam signa praeteriti et erit ipsum laudandumdicendumque, ne argumentis tene-
quasi impressa facti vestigia quœ quidem vel maxime ne retur reus, ipsum sua cantioue effecisse, testes effngere
suspicionem movent, et quasi tacita sunt criminum testi- ti- non potuisse; deinde singuli laudentur (qum autem essent
monia, atque hocquidem graviora, quod causœ commu- u- laudabilia, dictum est); deinde etiam argumento firmo.
mter videntur insimulare et arguere omnes posse quorum ni quia tamen saepe falsum est, posse recte non credi; viro
modo interfuerit aliquid; haec proprie attingunt eos ipsos, >s, bono et firmo, sine vitiojudicis, non posse non credi. At-
qui arguimtur, ut lelum ut vestigium ut cruor, ut depre- re- que etiam, si obscuri testes erunt, aut tenues, dicendum
hensum aliquid, quod ablatum ereptumve videatur, utre- re- erit, non esse ex fortuna fidem ponderandam aut eos esse
sponsum inconstanter, hîesitatum ut titubatum, ut cum im cujusque locupletissimos testes, qui i<i,dequoagatur,facil-
aliquo visus ex quo suspicio oriatur, ut eo ipso in loco co lime scire possint. Sin quaestioneshabita? aut postulatio ut
visus,
;us inquo facinns,
mqiio la. |illrir,
itjiis,ulntnallor, ut trpmor, scriplum
ut ut
ul Irpmor, aul habeantur, causam
scriptum aut
iut adjuvabunt confirmandum
causam adjiivabnnt conlirmandi genus
Clf.l'RO*. – TOHK. [. 3*
relever l'importance des aveux arrachés L- à la .). .1. une chose qu'il n'aurait pu cacher, ni
treprendre
douleur; invoquer l'opinion de nos ancêtres, assez stupide pour ne faire aucun cas des sup-
qui, s'ils n'eussentpasapprouvécette institution, plices. Quant aux conséquences, il leur opposera
t'eussent infailliblement abolie; la coutume des l'incertitude des indices, lesquels peuvent bien
Athéniens, celle des Rhodiens,peuplesirès-éclai- se rencontrer là où il n'y a point eu de crime. 11
rés, et qui cependant poussent la rigueur jusqu'à les discutera ensuite en détail et fera voir qu'ils
mettre à la question des hommes libres, des ci- sont moins des motifs de suspicion que des effets
toyens enfin l'autorité de nos plus habiles juris- naturels d'un fait tel qu'il le rapporte; ou, s'il
consultes, qui, après s'être opposés à la question convient avec l'accusateur du caractère de ces
infligée aux esclaves pour les amener à déposer indices, il s'efforcera de prouver qu'ils sont plu-
eontre leurs maîtres, ont changé d'avis dans l'af- tôt à sa justification qu'à sa charge. Enfin il
faire de l'inceste de Clodius, et, sous mon consulat, combattra la preuve par témoins, la question en
dans celle de la conjuration. On se moque aussi de général, et, s'il est possible, chaque témoin en
ces déclamations contre la torture, auxquels on particulier, au moyen des arguments de la réfu-
exerce notre jeunesse; et on dira de l'adversaire tation dont nous avons parlé plus haut.
qu'il avaitappris la sienne depuis longtemps dans Dans les causes de ce genre, l'accusateur for-
les écoles. On prouvera d'ailleurs qu'il a été mulera son exorde de manière à exciter la haine
procédé à l'information soigneusement et sans contre l'accusé; il peindra le péril dont ses embû-
partialité, et l'on en comparera les résultats avec ches menacent lasociété; il agitera les esprits, il
les preuves et les indices du fait. Yoilà ce qui re- éveillera leurattention. L'accusé, dans son exor-
garde l'accusateur. de, se plaindra des soupçons qu'on accumulecon-
XXXV. Le premier devoir de l'accusé est tre lui et de l'injuste accusation dont on le charge
d'infirmer les motifs du fait. Il en niera la réa- il montrera l'accusateurcomme un homme redou-
lité, ou l'importance il dira qu'ils n'étaient pas table pour tout le monde par ses artifices, et s'ef-
particuliers à lui seul; qu'il y avait une voie plus forcera d'émouvoir la compassion et de gagner
sûre pour arriver au même but; que celle-là la bienveillance des juges. Dans la narration,
répugnait à son caractère et à sa vie; qu'il n'a l'accusateur présentera chaque détail du fait sous
point les passions qu'on lui prête, ou qu'il est le jour le plus défavorable à l'accusé en rassem-
plus maître de lui-même. Quant aux moyens blant toutes les preuves du crime, en jetant de
d'exécution, il prouvera qu'il n'avait ni les for- l'obscurité sur les moyens de défense. L'accusé,
ces, ni la résolution, ni les ressources, ni les ri- au contraire, racontera le fait, ses circonstances
chesses nécessaires; que l'occasion n'était point et ses incidents, en supprimant ou en s'efforçant
favorable, le lieu, propice; qu'il s'y trouvait plu- d'obscurcir ceux qui seraient contre lui. Dans la
sieurs témoins; dont il aurait redouté l'indiscré- confirmationet dans la réfutation, l'accusateur
tion, qu'il n'était pas assez imprudent pour en- tâchera de soulever les passions, et l'accusé, de

primnm quœstiomim erit; dicendum de vi doloris, de jadicia contemneret. Consequentia autem diluet, expo-
opinione majorum, qui eam rem totam nisi probassent nendo, non esse illa certa indicia facti, quse etiam nullo-
certe repudiassent; de instituas Atheniensium, Rhodio- admisso consequi possent; consistetqiif in singulis; et ea,
rum, doctissimorum hominum, apud quos etiam (id quod aut eorum, quœ ipse facta esse (Mcit, propria esse defendet
acerbissimum est) liberi civesque torquentur; de nostro- potins, quam criminis, aut si sibi cum accusatore com-
rum etiam prodentissimorum hominum institutis, qui munia essent, pro periculo potius, quam contra salutem
quum de servis in dominos quaeri noluissent, dencestu valere debere testiumque et quiestionum genus univer.
tamen elconjuratione, quœ factameconsuleest,qnœren- sum, et quod poterit, in singulis, ex reprehcnsionislocis,
dum putaverunt. ln-idenda etiam disputatio est, qua soient de quibus ante dictum est, refellet.
uti ad infirinandas quaestiones, et meditata puerilisque Harum causarum principia, suspiciosa ad acerbitatem
dicenda. Tain facienda fides, diligenter esse et sine cupidi- ab accusatore ponentur; denuntiabiturqueinsidiarumcom-
tate quœsitura dictaque quaestionis argumentis et couje- mune perieulum; excitabuntnrqueanimi, ut attendant.
ctnra pondemnda. Atque haee accusationis fere membra Ab reo autem, querela connati criminis colleclarumque
sunt. suspicionum, et accusatoris insidiœ, et item comwune
XXXV. Defensionis autem primum iofirmatio causa- periculum proferetur, aniniiquc ad misericurdiam alicien-
rum; aut non fuisse ant nontaotas, aut non sibi solitaut tur, et modice benivolentia jndicnm colligelur. Narratio
commodius pomisse idem eonsequi aut non iis se esse autem accusatoris erit quasi mcmbralim gesti negotii su-
mniibus, nonca vita; aut nullos animi motus, aut non spiciosaexp!icatio,sparsisoumibusargumenta, obscuratis
tam impotentes fuisse. Facullatum autem infirmatione defensionibus. Defensori, ant prseteritis, aut obscuratis
utetur, si aut Tires, ant animum, aut copias, aut opes suspicionum argumentis, rerum ipsarum eventus erunt
abfuisse demonslrabit; ant alienum tempus, aut locum casusque narrandi. In confirmandis autem nostris argu-
uou idoneum, aut multos arbitros quorum crederet ne- mentationibus, iiilîrmaiidisqiiecontrariis,s<epeerunt ac
niiûi; aut nou se tam ineptum, ut id susciperet, quod cusatoiï motus animorum incitandi, reo mitigandi. Atque
uccaltare non possft, neque tam ainenteiii, ut pirnas ac liaec quidem utrique maxime in peroratiouefacienda al-
les calmer mais c'est surtout dans la péroraison à faire on n'emploierait point d'autres termes,
qu'ils doivent tendre l'un et l'autre à ce but; ttout étant compris dans le seul mot, prévarica-
l'accusateur, en rappelant et en accumulant tou- ttion. Le défenseur, de son côté, attestera l'usage,
tes ses preuves; l'accusé, s'il n'a rien omis dans eet cherchera dans les contraires le vrai sens du
sa justification, en résumant ses moyens de dé- mot.
r Et d'abord un accusateur intègre est le con-
fense, et, en dernier lieu, en excitant la compas- t
traire d'un prévaricateur;ensuite,dans les consé-
sion. quents
c La formule donnée au juge est relative à
1l'accusateur; enfin, dans l'étymologie On entend

XXXVI.-C. F. Je crois savoir comment il j prévaricateur un homme qui varie, pour


par
faut traiter la question de fait parlons mainte- ainsi
a dire, entre les deux parties adverses. Lui
nant de la question de définition. C. P. Ici les aussi invoquera l'équité, l'autorité de la chose
règles sont les mêmes pour l'accusateur et pour
l'accusé. Celui dont la définition, dont,l'expli-
j a
jugée, et le péril dont une autre solution menace
1 les citoyens. Il est encore un précepte commun
cation se rapprochera le plus du sentiment et de ài l'accusateur et à l'accusé lorsqu'ils auront
l'opinion du juge, ou de la signification commu- 1l'un et l'autre donné leur définition, la meilleure

ne et habituelle du mot encore imparfaitement possible


1 suivant l'usage et le sens du mot, ils la
compris des auditeurs, celui-là est sûr de triom- ffortifieront par des exemples, par des autorités.
pher. Il ne s'agit pas, en effet de raisonner sur un Dans
1 cette espèce de question, l'accusateur a
fait bien défini, mais de développer et d'expli- 1pour lui cet autre lieu commun Celui qui avoue
quer le sens du mot mis en question. Ainsi, un 1la corruption n'est pas admis à alléguer, pour ex-

accusé, d'abord absous pour corruption, est de cuse,


( l'interprétationdu mot. L'accusé opposera
nouveau cité en justice. l'accusateur appelle pré- 1 les considérations d'équité dont j'ai parlé il se
varication toute corruption exercée par l'accusé 1
plaindra qu'ayant pour lui cette équité, on l'at-
à l'occasion du procès; le défenseur, aucontraire, taque,
1 non sur le fait, mais sur une fausse inter-
soutient qu'il n'y a de prévarication que dans le prétation de mot. Alors aussi il emploiera pres-
cas où l'accusateur a été corrompu par l'accusé. que
( tous les lieux de l'invention, les semblables,
Voilà donc une dispute de mots et quoique la les contraires, les conséquents moyens, ilest vrai,
définition présentée par le défenseur approche aussi
i à la disposition de l'accusateur, mais pro-
davantage de l'acception commune et ordinaire, pres surtout à l'accusé, pour peu que la cause
l'accusateur invoque l'esprit de la loi, et nie que soit
i soutenable. Quant à l'amplification, soit dans
le législateur ait jamais entendu approuver un ju- les digressions, soit dans la péroraison, elle a
gement produit par la corruption, pour l'annu- pour but d'exciter, dans le cœur des juges, la
ter quand l'accusateur seul aura été corrompu. Il haine, la pitié ou quelque autre passion, parles
s'appuie sur l'équité et soutient que si la loi était moyens que nous avons indiqués, si toutefois le

teri frequentationeargumeotorum,etcoacervationeuniver- Defensor autem testabitur eonsuetudinem sermonis, ver-


sa; a!teri, si plane causam redarguendo explicarit, enu- bique vim ex contrario reperiet, quasi ex vero accusatore,
meratione, ut quidque diluerit, et miserationead extre- cui contrarium est nomen praevaricatoris;ex consequen-f
mum. tibus, quod ea littera de accusatore soleat dari jndici; ex
XXXVI. C. F. Scire mihi jam videor, quemadmodum nomine ipso, quod significat eum, qui in contrariis causis
mojectura tractanda sit. Nunc de definitione audiamus. quasi varie esse positus videatur. Sed huic tamen ipsi
C. P. Communia dantur in isto genere accusatori de- coDfugiendura est ad œquitalis locos, ad rerum judicala-
feusorique praecepta. Uter enim detiniendo describen- rum auctoritatem ad ûnem aliquem pericuti comimine-
doque verbo magis ad sensum judicis opinionemque pe- que sit hoc praeceptum, ut, quum uterque défraient,
netrarit, et uter ad comraunein verbi vim, et ad eam quam maxime potuerit, ad communem sensum vimque
praeoeptionein, quam incboatam babebunt in animis ü, verbi, tum similibus, exemplisque eorum, qui ita loculi
qui audient magis et propius aceesseril is vincat necesse sunt, suam definitionem sententiamque confirmet. Atque
«st. Non enim argumentandohoc genus tractatur, sed tan- accusatori in hoc genere causarum locus ille communis,
minime esse concedendum ut is, qui de re conliteatur,
quam esplicando excutiendoqueverbo ut, si in reo, pe-
eunia absoluto, rursusque revocato, praevaricatiouem verbi se interpretatione defendat defensor autem et ea
accusator esse definiat,omnem judicii corruptelam ab reo; quam proposui œquitate nitatur, et ea quum securu fa-
défensor autem non omnem, sed tantummodo accusatoris ciat, non re, sed depravatioDe verbi se nrgeri queratur.
corruptêlarn ab reo sit érgo ha>c contentioprima verbo. Quo in genere percensere poterit plerosque inveniendi
rum;in qua, etiamsi propius accédât ad eonsuêtudinera locos nam et similibus ntetur, et contrariis, et conse-
menleniquesefitionisdefensoris definitio, tamen accusator quentibus; quanquam uterque, tamen reus, nui plane
sententia légis nititur negat enim probari oportere, eos, erit absurda causa, frequenlias. AmpIiScandi autem cau-
qui leges scripserint, ratum haberejudicium, si totum sa, quae, au t quam digredientur a causa, dici soient, aut
cofrumplum sit si unus accdsator corruptus sit, rescin- quum perorabunt, Iiaec vel ad odium, vel ad misericor-
dere nititur œqnitafe; ut illa quasi scribenda lez sic diam, vel omnino ad animas judicum morendos ex iis,
esset; quasque tamen complecteretur in judiciis corru- quse sunt ante posita, snmeutur, si modo rerum magiii-
utis, ea verbo uno prœvaricationistompreiKndisscdldtur. tudo, hominumve aut invidia, aut dignitas postulabit
permettent ou l'importance de la cause, ou le ca- I nature, les lois, les coutumes, la faculté de re-
ractère et la qualité des parties. pousser ou de venger une injure, et toute autre
XXXVII. – C. F. Maintenant que je sais tout partie du droit. Si par inattention, ou par néces-
cela, je voudrais savoir quels sont les moyens sité, ou par hasard, nous avons commis un acte
usités de part et d'autre dans les questions de qu'on ne passerait pas à un homme ayant agi
qualification. C. P. Ici, l'accusé convient du dans toute la plénitude de sa volonté et de sa
fait qu'on lui impute; mais il soutient qu'il a agi liberté, nous implorerons l'indulgence des juges
dans son droit. C'est donc le droit qu'il faut par les moyens tirés des lieux communs de l'é-
expliquer. Le droit se divise en deux parties la quité. J'ai parcouru le plus brièvement que j'ai
nature et la loi et chacune des deux est divisée pu, tous les genres de questions avez-vous en-
on droit divin et en droit humain; celui-ci a son core quelque chose à me demander?
principe dans l'équité; l'autre dans la religion. XXXVIII. C. F. Il ne vous reste plus, je
Il y a deux sortes d'équité la première est ce crois, qu'une difficulté à éclaircir, relative au cas
qui est droit, ce qui est vrai, ce qui est la justice où le débat s'engage sur le sens d'un texte. C.
même; ce qui est, comme on dit, équitable et bon P. Vous avez raison après cela, j'aurai pleine-
en soi; la seconde consiste à faire aux autres ce ment satisfait à ma promesse. Quand une loi ou
que nous voudrions qu'on nous fit quand c'est un écrit présentent un sens douteux, l'accusa-
un service, on la nomme reconnaissance, et ven- teur et l'accusé ont tous deux des règles qui leur
geance, quand c'est une injure. Tout cela est sont communes. En effet, chacun d'eux soutien-
commun à la nature et à la loi; mais à la loi ap- dra que l'interprétation qu'il donne est la plus
partiennent en propre le droit écrit et le droit digne de la sagesse du rédacteur; chacun d'eux
non écrit, lequel résultedu droit des gens et des rejettera l'interprétation de l'adversaire comme
coutumes. Le droit écrit comprend le droit public absurde, ridicule, injuste, honteuse;dira qu'elle
et le droit privé; le droit public consiste dans les est en contradiction avec d'autres textes, et, s'il
lois, les sénatus-consultes, les traités; le droit est possible, avec d'autres textes du même au-
privé, dans les titres, les contrats, les stipula- teur défendra le sens qu'il présente comme étant
tions. Quant au droit non écrit, il repose sur la jelui que tout homme éclairé et droit, appelé à
coutume, les conventions, le consentementtacite régler la même matière, ne manquerait pas d'a-
des hommes. Et certes on ne doit pas s'étonner dopter, sauf à être plus clair, et montrera enfin
que nous ayons pour nos lois et nos coutumes que le texte ainsi entendu ne cache ni dol, ni
un attachement qui nous semble prescrit par la surprise, tandis que le sens de l'adversaire, s'il
nature même. Nous avons indiqué sommaire- était admis, entraînerait une foule d'inconvé-
ment les sources de l'équité et de la justice; il nients, d'absurdités, d'injustices et de contra-
nous suffira désormais, lorsqu'il se présentera dictions. Lorsqu'au contraire le rédacteur sem-
une question de ce genre, de réfléchir sur ce que ble avoir pensé d'une façon et écrit d'une autre,
nous aurons à dire dans le discours, touchant la celui qui s'en tient à la lettre, donne, après

XXXVIt.C. F. Habeo ista nuncea, qnœ quum, quale erunt in orationibus de natura, de legibus de more ma-
fit quippiam disceptatnr, qujeri ex utraque parte deceat, jorum, de propulsanda injuria, de ulciscenda, de onini
Trlim audire. C. P. Confitentur in isto genere, qui ar- partejuris. Si imprudenter, aut necessitate,aut casu quip-
gunntur, se id fecisse ipsum,in quo reprehendantur sed, piam fecerit, quod non concederetur,lis, qui sua sponte
quoniam jure se fecisse dicuiit juris est omnis ratio nobis et voluntate fecissent ad ejus facti deprecationeiu, igno-
explicanda. Quod dividitur in duas partes primas, naturam scendi petenda venia est; quae sumetur ex plerisque locis
atque legem et utriusqne generis vis in divinum et hu- xquitatis. Expositum est, ut potui tirevissime, deomni
manum jus est distributa; quorum sequitatis est unum, controversiarumgenere nisi prxterea tu quid requiris.
alterum religionis. j£quitatis autem vis est duplex cujus XXXVIII. C. F. Illud equidem, quodjam unum restare
altera direcli et veri, et jnsti, et, ut dicitur, œqui et boni video quale sit quum disceptatio versatur in scriptis. –
ratione defenditur altéra ad vicissitudinem referendae gra- C. P. Recte intelligis eo enim exposito, munus pre-
tige perlinet quod in benencio,gratia; in injuria, ultio missi omne confecero. Sunt igitur ambigu! duobas adver-
uomlnalur. Atque haec communia sunt naturae atque le- sariis praecepta communia. Uterque enim hanc sïgnifica-
DM sed propria legis et ea, quœ scripta mint et ea, quœ tionem, qua utetur ipse, dignam seriptoris prudenfia
iiue litteris, aut gentium jure, aut majorum more, reti- esse defendet; uterque id, quod adversarius ex ambigue
uotur. Scriptorum autem privatum aliud est, puhlicum seripto intelligendum esse dicet, aut absurdum, aut inu-
•uud publicum le», senatusconsultum, feedus; priva- tile, aut iuiquum, aut turpe esse defendet, aut etiam
tam, tabulât pactum conventom stipulatio. Quse autem discrepare oum ceteris scriptis, vel alinrum vel maxime
icriptu non sunt, eu aut consuetudine,aut conventis ho- si poterit, ejnsdem; quaniipie defendet ipse, eam rem
mintim et quasi consensu obtincatnr. Atque etiam hoc et sententiam quemvis prudenlem et justom hominem,
iQprimis,ut nostros mores legesque taeamur quodam si integrum daretur, scripturum fuisse, sed planius, eam-
modo naturali jure prapseriptum est. Et quoniam brevîter que sententiam, quain significari posse dicet, nihil lia-
aperti fontes sunt quasi quidam sequitatis medilata nobis bere, ant caiitionis, aut vïtil contrariant autem si pro.
ad liée causai nm genus esse debebunt ea quai dicenda barit, fore, ut milita vitia, slulla, iniqtia, contraria cou-
Pexposé du fait, lecture de l'écrit; ensuite il raltradans la péroraison avec plus de force et de
presse son adversaire, le fatigue de questions véhémence.
réitérées, le somme enfin de dire, s'il nie le XXXIX. Celui, au contraire, qui invoquera
texte ou s'il nie le fait; puis il rappelle les juges pour sa défense l'intention et la volonté du légis-
à l'évidence du sens littéral. Après avoir ainsi lateur, dira que c'est dans cette intention, dans
démontré le solide fondement de son opinion, cette volonté, et non dans les mots, dans la let-
il fera un pompeux éloge de la loi en se plai- tre qu'est la force de la loi; il louera la sagesse
gnant de celui qui l'a violée, qui a l'audace de du législateur, qui n'a point énoncé d'exception
l'avouer, et de venir ensuite en présence de la pour ne pas fournir un subterfuge au crime, et
justice soutenir la légalité de son action. Puis, pour laisser au juge la faculté d'interprèter la
infirmant la défense, qui prétend que le législa- loi selon les circonstances du fait. Il prouvera
teur a exprimé autre chose que son opinion et sa ensuite par des exemples, que toute équité serait
volonté, il ajoute qu'on ne doit pas souffrir que anéantie, si#on négligeait l'esprit de la loi pour
la pensée du législateur soit expliquée autrement s'en tenir à la lettre. Puis, par une plainte vive et
que par la loi. Et pourquoi le législateur aurait-il animée, il tâchera de rendre odieux aux juges
écrit de telle manière, s'il eût pensé d'une autre? tous ces artifices de la chicane et de la calomniei
Pourquoi aurait-il clairement énoncé ce qu'il il et s'il s'agit d'un de ces actes, dont il a été parlé
voulait taire, et tu ce qu'il voulait énoncer? plus haut, dans lesquels le hasard ou la nécessité
Comment accuserait-on de démencedes hommes ont eu plus de part que l'intention, il suppliera le
d'une sagesse si notoirement connue? Qui em- juge, au nom même de l'équité, de ne pas s'en
pêcherait le législateur de faire l'exception que tenir rigoureusementà la lettre de la loi.
l'adversaire lui prête? 11 citera les exceptions Enfin,silestextessecontredisent, les préceptes
énoncées par le même législateur; et, s'il n'en de l'art sont si bien liés et coordonnés entre eux,
existe pas, celles que d'autres législateurs ont que les règles données tout à l'heure sur le sens
établies. Il expliquera aussi, autant que possi- équivoque, sur l'esprit et la lettre du texte, s'ap-
ble, pourquoi la loi n'a point admis d'exception pliquent également à cette troisième espèce de
qu'alorselle eût été injuste ou inutile; qu'elle eût causes. En effet, les moyens que nous employons
dû être en partie exécutée, en partie abrogée; pourjfaire triompher notre interprétation quand
que l'opinion de l'adversaire est en
désaccord les termes sont équivoques, doivent aussi nous
avec la loi même. Enfin il trouvera dans la né- servir, quand les lois ne sont pas d'accord, à
cessité de maintenir les lois, et dans le danger défendre celle qui nous est favorable. Nous nous
de ces' interprétations pour l'État et pour les efforcerons ensuite de défendre t'esprit de l'une
particuliers, un sujet d'amplification qui, déjà et la lettre de l'autre de sorte que nous pouvons
traité dans plusieurs parties du discours, repa- transporter ici tout ce que nous venons de dira

«equantur. Quum autem aliud sciiptor sensisse videtur, locis, tum in perorando maxime graviter erit, Teuemen-
A aliud scripsisse qui scripto nitetur, eum, re exposita, terque dicendum.
recitatione uti oportebit; deinde instare adversario, ite- XXXIX. Ille autem qui se sententia legis voluntateque
rare reoovare, interrogare, num aut scriptum neget, defendet, in consilio atque in mente scriptoris, non in
aut contra factum infitietur. Post, judicem ad vim scripti verbis ac litteris vim legis positam esse defendet quod
vocet. Hac confirmatioue usus, amplificet rem lege lau- que nihil exceperit; in lege, laudabit, ne divertieula pee-
daitda, audaciamque confutet ejus, qui quum palam con- catis darentur, atque ut ex facto cujusque judex legis
tra fecerit, idque faleatur, adsit tamen, factumque de- mentem interpretaretur. Deinde erit utendum exemplis,
fendat. Deinde infirmet defensionem, quum adversarius in quibus omnis requitas perturhetur, si verbis legum,
aliud voluisse, aliud sensisse scriptorem, aliud scripsisse ac non sententiispareatur. Deinde genus ejusmodi callidi-
dicat; non esse ferendum, a quoquam polius latoris sen- tatis et calumniœ retrahatur in odium judicis, cum qua-
1 sum.quamalege.explicari.Curitascripserit,siitanon dam invidiosa querela. Et si iucidet imprudentise cause,
senserit? Cur, quum ea, quœ plane scripta sint, negle- quae non ad delictum, sed ad casum necessilatemve per-
xerit, quae nnsquam scripta sint, proferat? Cur pruden- tineat, quod genus paullo ante attigimus: erit iisdem aequi-
tissimos in scribendu viros, snmniffl stiiltiti» putet esse tatis senten tiis contra acerbitatemverborumdeprecandum.
damnandos? Quid impedierlt scriptorein, quo minus exci- Sin scripta inter se dissentienl tanla séries artis est,
peret illud qnod adversarius, tanquam si exceptum esset, et sic inter se sunt pleraque connexa et apta, ut, quœ
ita dicit se secutum?Utetur exemplis iis, quibus idem scrip- paullo ante praecepta dedimus ambigui, quaeque proxime
tor, aut, ai id non poterit, quibus alii, quod excipiendum sententisc et scripti, eadem ad hoc genus causa? tertiuir
pntarint, exceperint. Quaerenda etiam ratio est, si qua transferantur. Nam quibus locis in ambiguo defendimui
polerit inveniri, quare non sit exceptum aut iniqua les eam significatiouem quœ nos adjuvat, eisdem in contra-
ant inutilis futura dicetur, aut alia causa obtemperandi, riis legibus nostra lex defendendn est. Deinde est efficien-
alia abrogandi dissentire adversarii vocem atque legis. dum, utalteiius scripti sententiam, alterius verba defen-
Deinde amplificandi causa, de conservandis legibus, de damus. Ita quae modo de scripto sententiaqu* prsreftpta
periculo rerum publicarum atque privatarum, quum aliis sunt, eadem hue oninia Irausfereinus.
sur le texte de la loi et sur l'intention du législa- ou le développer, comme les orateurs: tout cela
teur. est l'objet de la logique et de l'éloquence. Com-
XL. Je viens de vous exposer toutes les divisions ment l'orateur aurait-il le pouvoir de distinguer
de l'art oratoire, telles qu'elles sont enseignées ce qui est bien ou mal, juste ou injuste, utile ou
dans notre glorieuse Académie sans elle, on ne nuisible, honnête ou honteux, sans les ressources
peut ni les trouver, ni les comprendre, ni les que lui fournissent les richesses de son noble
traiter. Car diviser, définir, distinguer les diver- métier ? Aussi, mon cher Cicéron, ne considérez
ses parties d'une question douteuse; découvrir mes leçons que comme l'enseignement de ces
les lieux des arguments; suivre l'argumentation sources fécondes allez-y puiser vous-même, soit
même; voir quelles doivent être les prémices d'un avec moi, soit avec tout autre guide; et vous
raisonnement, et qu'elle en est la conclusion; vous les rendrez plus familières, et vous vous
démêler, discerner le vrai du faux, le vraisembla- élèverez à de plus hautes études. C. F. Tel
ble de ce qui ne l'est pas réfuter l'offreur soit des est aussi, mon père, le plus ardent de mes vœux
propositions mêmes, soit des conséquences; ré- et
de tous les bienfaits dont vous m'avez comblé,
trécir un raisonnement, comme les dialecticiens nul ne me sera plus précieux.

XL. Expositae sunt tibi omnes oratorio; parti tiones, quae mere illiua excercitationis et subtiliter disputandi, et
quidem e media illa nostra academia llorueruut neque copiose dicendi [artis] est. De bonis veto rebus et malis,
sine ea aut inveniri, aut intclligi, aut Irantari possunt. aequis, iniquis, utilibus, inutilibus, honeslis, turpibus,
Nam et partir» ipsum, et delinire et ambigui partitiones quam potest habere orator, sine illis maximarum rerum
dividere, et argumentorumlocos nosse, et argumentalio- artibus, facultatem, aut copiam? Quare haec tibi sint,
nem ipsam concludete, et videre, quœ suntenda in ar- mi Cicero, quœ exposui, quasi indicia fontium illorum
gumentandosint, quidque ex iis, quee sumta sunt,efti- aa qnos si nobis eisdem ducibus aliisve perveucris tum
riatur, et vera a falsis verisimilia ab incredibilibasdiju- et haec ipsa melius et multo majora alia cognosces. C.–
dicare, et distinguere aut maie sumta, aut male conclusa F. Ego vero, ac magno quidam studio, mi pater; multis-
repreliendere, et eadem vel anguste disserere, ut diale. queextuis prfcedarissimis miineribus nulhim majus ex-
ctici qui appellautur, vel, fit oratorem decet, late cxpri- jJ speclo.

NOTES
SUR LES PARTITIONS ORATOIRES.

II. Ea remata appello. Voyez, pour les lieux pris en balare, mugire; 3° par inflexion, comme curalura,
dehors du sujet, et pour les lieux compris dans le sujet, pour cura, dans Térence, Eun., n, 3. 24:, Reddunt cu-
les Topiques, chap. Il et suiv.; de l'Invention, tir. i, ratura junceas; » 4°, par adjonction, comme semperleni-
chap. 49. tas,mol composé de semper et de Imitas, Andr., i 2, 4,
IV. Nam aut temporum servantur gradus. C'est ce et plusieurs autres semblables.
que fait Cicéron dans les Verrines, où il examine la con- VI. Tum ex contrariis sumpta verbis. L'antithèse;
duite de Verrès d'abord dans sa questure, puis dans sa ainsi, pro Milone, cap. 4 Est igitur lœc non scripta,
lieutenance d'Asie, ensuite danssa préturede Rome, enfin « sed nata lex quam non didicimus, acceptons legimus,
dans sa préture de Sicile. « verum ex natura ipsa arripuimus, hausimus expressi-
Aut generum distributiones. Ainsi, dans la harangue « mus; ad quam non docti, sed facti, non institut! sed
pour la loi Manilia, Cicéron divise en quatre chefs » imbuti sumus. »
l'éloge de Pompée: l"son génie militaire; 2° son courage; L'isocolon ainsi, dans l'exemple que nous venons de
3" sa renommée 4° son honheur. citer aux mots didicimus uccepimus, legimus, répon
Aut a minoribus ad majora. Ainsi, dans son remercie- denteeuxti, arripuimus hausimus expressimus; et
ment pour le rappel de Marcellus, Cicérou, après avoir en nombre égal.
passé en revue toutes les belles qualilés de César, élève L'adjonction ( Rhel. ad Ber., iv, 27); ainsi, dans cet
au dessus de toutes sa cléin nce « II n'y a rien de plus exemple n Vieil pudorem libido, timorem amicitia, ra-
grand dans ta nature, rien de plus heureux dans ta for- » tionem amentia; » tous les substantifs se rapportent à
tune, lui dit il que cette volonté et cette fermeté réunies vicit.
en toi pour te faire le sauveur de tant d'infortunes. » La conduplieation (id., iv, 28); exemples rdeCicé.
Aut a majoribus ad minora. C'est ainsi que, voulant ron, pro leg. Manilia, cap. 12.: Fuit hoc qnondam, fuit
diminuer la Rloire d'Annibal on dira qu'il savait vaincre, proprium populi romani » 2° de Virgile, JSneid., x, 180.
mais qu'il ne savait pas profiler de la victoire. Sequitur puleberrimus Astur,
V. Reperla. 1° par analogie comme fratridda, 50- Astur equo ildens.
roricida, d'après jmrricldff-i V par imitation, comme La conjonction exemple « Asia tam opima est et for-
tilis, ut et ubcrtatc agrorum, et varietute fruetuum, et ce mot veut dire qui consulte les ml&êls de lapatrie.
« magnitudine pa&flionis, et multitudine earum rerum Or c'est ce que n'a jamais fait Pison; donc il n'a jamais-
« quœ, etc. Prolege
Manilia, cap. 8. « La disjonction; été consul.
exemple
XV. Quce dicuntur sine cmjunetiom. Ainsi Me
Accessi; vos semotm; nos soli incipit (Andrienne.) « patria expulerat, hona diripuerat, domum incenderat,
VII. Dilatetur. ont contrahatur oratio. Ainsi, dans « liberoR conjugemqne vexaverat, sont autant d'incises
cette phrase de Cicéron « Nos deorum immortaliumtem- courtes, détachées, et d'un mouvement rapide.
pla, nos mnros, nos domicilia, sedesque populi romani, XVII. Definitiones conglobatœ. On trouve dans l'orai-
pénales, aras. patriam defendimus, » la phrase son funèbre de Turenne, par Flécliier, un bel exemple de
peut se réduire à cette proposition simple Nos patriam définitions accumulées, commençant ainsi « J'entends
« defendimus. » « par valeur. une hardiesse sage et réglée qui s'anime
Aut in circuitus diriguntur. Par exemple, si au lieu « à la vue des ennemis; qui, etc., qui, etc.
de dire « Irrita1, sunt apud te preces avnicorum nulla te Pugnantium rerum confliclio. Pourquoi, dit Cicé.
« movet necessitudo non te
reddit exorabilem affmitas, « ron, pro Mil,. cap. 37, avez-vous jugé à propos de me
« quid est iftilur 'juck! ipsi sperare possùnus » on réunissait
« rappeler de l'exil? Est-ce pour que je visse chasser ceux
ces trois membres de cette manière » Si neque preces « qui ont contribue à mon rappel? » Voilà un exempledu
« amicarum, neque necessariocum, neque affinium, etc. » conflit des idées incompatibles.
[nvertatur ordo. Ainsi Cicéron, dans son plaidoyer pour Simililudines. Antre exemple des similitudes dans
Cécina, cap. 3 « Quia res indigna sit, iden turprin exi- Cicéron, in Verr. iv, 60: La douleur était si grande,
• slimationcm sequijquiaturpisexistimatiosequatur, ideo « qu'on eût dit que Verres était entré dans Enoa comme
« rem indignam non judicari. » « un autre Pluton, et qu'il avait non pas enlevé Proser
Xfi. Sœpe ex paribus. Par exemple Le vice étant « pine, mais arraché de leurs bras Cérès elle-même. »
contraire à la vertu, je dirai, pour définir celle-ci, qu'elle XXX. Ceperitne pecunias Decius. Il s'agit, dans cet
consiste à fuir le vice; je dirai de l'éloquence que ce qui trois exemples, 1° de Décius Mus, dont Cicéron porte un
la distingue des autres arts, c'est qu'elle n'a point de li- jugement sévère (Brut., cap. 28), et qui accusa en G32,
mites, et que les autres arts en ont jusqu'à un certain comme meurtrier de C. Cracchus, L. Opimius, lequel fnt
point, etc. défendu parle le consul C. Carbon; 2° de Norbanus, tribun
Explicatkivocabuli. On définit par l'explication d'un séditieux, qui accusa en 638 Q. Servilius Cépion, pour
mot la chose même qu'il signifie. Cicéron (in Pison., cap. la perte de son armée; 3' d'Oilimitis, le même dont il eat
10 ), prouveque Pison n'a jamais été consul, parce que parlé dans le premier paragraphe de cette note.
DU MEILLEUR GENRE
D'ÉLOQUENCE.

INTRODUCTION. la simplicité, la finesse, la concision, et en ranger


1

d'autres dans un ordre intermédiaireet pour ainsi


Le morceau suivant, qui servait de préface à la traduc- dire mitoyen, c'est donner quelque idée des ora-
tion des deux plaidoyers de Démostliène et d'Eschine sur de l'art peu de chose. Dans l'art,
la Couronne, parait être de l'an 707 ou 708. 11 fut écrit, teurs et dire
<

ainsi que cette traduction, pour répondre à Cornificius, c'estle beauabsolu qu'on recherche; dans l'homme,
Varron, Bratus, lesquels faisaient consister l'atticisme on juge simplement ce qu'il est. Par exemple, on
dans une sorte de sécheresse, et de nudité. (chap. 3, à est libre d'appeler Ennius le prince de l'épopée;
la fin); taudis que Cicéron prétendait qu'à la précision, Pacuvius, le plus grand des tragiques; etCécilius,
regardée pat eux comme la première qualité du style, il
fallait, pour être parfaitement attique, joindre l'abon- peut-être le premier comique. Mais l'orateur, je
dance la pompe et la fécondité et il le prouvait par la ne le classe point par genre; c'est l'orateur par-
traduction des deux harangues dont nous avons parlé plus fait que je cherche; or la perfection n'est que
haut.
Cicéronavait beaucoup traduit; nous avons encore plu-
d'une sorte; et dans ceux qui s'en éloignent, il
sieurs fragments de sa traduction des Phénomènes d'A- n'y a pas différence de genre comme entre At-
ratus, de l'Économiquede Xénophon du Protagoras et tius et Térence; il y a, dans le même genre, iné-
du Timée de Platon. Mais il ne reste rien de celle des galité. L'orateur parfait est celui qui par la pa-
deux plaidoyers sur la Couronne, quoiqu'elle subsistât
role sait instruire, plaire et toucher. Instruire
encore du temps de saint Jérôme. On jugera par les frag-
ments conservés, comment Cicéron entendait et pratiquait est un devoir, plaire est un accessoire, toucher
la difficile tâclle de traducteur. est une nécessité. Que les uns s'en acquittent
mieux que les autres, je l'accorde; mais la dif-
férence est dans le degré, et non dans le genre.
I. Les orateurs, dit-on, se classent par genres, La perfection est une; vient ensuite ce qui en
comme les poëtes; c'est une erreur ces derniers approche le plus, comme évidemment ce qui
seuls forment plusieurs divisions. La tragédie, s'en écarte davantage est ce qu'il y a de pire.
la comédie, le poëme épique, l'ode même, et le II. En effet, puisque l'éloquence consiste dans
dithyrambe, plus cultivépar lesLatins, ont cha- les mots et dans les pensées, il faut non-seule-
cun leur genre à part. Aussi dans la tragédie, le ment travailler à se faire un style pur et châtié,
comique est déplacé et le tragique, ridicule dans ce qui n'est que respecter la langue mais encore
la comédie; les autres genres aussi ont tous leur s'attacher à l'élégance dans les termes propres
ton particulier et comme un langage familier à ou métaphoriques propres, afin de choisir les
l'oreille des connaisseurs. Mais établir pour les plus convenables; métaphoriques, pour qu'en
orateurs ces mêmes distinctions, donner aux uns cherchant une comparaison, on soit réservé sur
la noblesse, la gravité, l'abondance aux autres, l'usage des emprunts. Les pensées sont de trois

1. Oratorum genera esse dicuntur, tanquam poetarum «. quœro. Unum est antem genus perfecti a quo qui absunt,
id secus est; nam alterum est multiplex. Poematis enim non genere diffei unt ut ab Attio Terentius; sed in eodem
tragici, comici, epici, melici etiam ac dilhyrauibici, quod non sunt pares. Optimus est enim orator, qui dicendo ani-
magis est tractalnin a Latinis suum quodvis est diversum mos audientium et docet, et delectat, et permovet. Do-
a rdiquis. Haqueet in tragœdia comicumvitiosum est, et in cere, debilum est; delectare, honorariuin; perniovere,
cuuunlia turpe tragicum; et in ceterissuusest cuique so- necessarium. Hœc ut alius menus quam alius, couceden-
nus, et quaedam intelligenlibus nota vox. Oratorum autem dum est; verum id fit non genere, sed gradu. Optimum
siquisita numerat pluia genera, ut alios grandes, aut quidem unum est; et proximum, quod ei siniiliimum ex
graves, aut copiosos, alios tenues, aut subtiles, aut bre- quo perspicuum et, quod optirno dissimillinmm sil, id
ves, alius eis interjectos, et tanquam niedios putet de esse deterrimum.
hoininihiis dicet aliquid, de re panmi. In re enim, quod II. Nam quoniam eloqueutia constat ex verbis et senten-
optimum sit, quieriLur;in hominedimtur,quod est. Itaque liis, perficienduin est, ut pure et emendate loquentes,
licet dicere et Jinnium, summum epieum poetam, si cui quod est latine, verbormn pra:terea et propriorum et
ita videtur: et Pacuvium tragicum; et Ca'cilium fortasse trunslutorum elegantiain persequamnr in propriis. ut
coiuicmu. Omtoiem gencre nou divido perfectuiu enim aptissima eligamus; in translatif, ut siinililudiucni secuti
sortes, comme les qualités que je viens d'assigner pensée
1 est blâmable lorsqu'elle est inconvenante,
au discours pour instruire, elles seront vives; disparate,
( dépourvue de délicatesse ou de goût,
pourplaire,piquantes pour toucher, pénétrantes, et s les termes sont vicieux s'ils pèchent par la gros-
Il y a de plus un certain arrangement de mots sièreté,
s la bassesse, l'impropriété, la dureté, l'af-
qui produit deux effets, l'harmonie et la dou- fectation
1 défauts qu'ont évités presque tons eeux
ceur de même il est pour les pensées un ordre qu'on ( met au nombre des orateurs attiques, ou qui
et une combinaisonparticulière propres à la per- professent
1 l'atticisme. Mais si c'est là leur seul
suasion. L'ensemble de tout le discours forme un mérite,
i il faut voir en eux des athlètes sains de
édifice qui a pour fondement la mémoire, et pour corps et bien portants, plus faits toutefois pour
<

lumière, l'action. Ces mérites, portés au plushaut les exercices d'un gymnase que pour disputer la
1

degré, constituent l'orateur parfait; à un degré couronne


( aux jeux olympiques. Quant à ceux qui,
moyen, l'orateur médiocre; au degré le plus bas, exempts de tous défauts, ne se contentent pas de
l'orateur détestable.Tous pourtant seront appelés cette sorte de bonne santé, mais veulent encore
orateurs,comme tous ceux qui peignent, même le de la vigueur, des muscles, du sang et ce coloris
plus mal, sont appelés peintres ils ne différeront qui flatte l'œil imitons-les si nous pouvons, ou
pas de genres, mais de talents. Il n'est point d'o- du moins tâchons d'acquérir la santé inaltérable
rateur qui ne voulût ressembler à Démosthène; qui caractérise les Attiques, plutôt que le vicieux
mais Ménandre n'a jamais voulu ressembler à embonpointdont l'Asie a produit tant d'exemples.
Homère; c'est que son genre était différent. Il Cela fait (si du moins nous arrivons même jusque-
n'en est pas ainsi chez les orateurs; ou s'il arrive là, entreprise déjà bien grande), imitons, autant
que l'un, partisan du haut style, dédaigne la qu'il est en nous, Lysias, et surtout sa simplicité;
simplicité, tandis qu'un autre préfère la finesse à car il a, en maint endroit, de l'élévation; mais
l'éclat, ils pourront être dans un genre suppor- comme il s'est presque toujours borné à des cau-
table, mais non dans le genre parfait, puisqu'il ses particulières,à des plaidoyers écrits pour d'au-
faut la réunion de tous les mérites pour arriver ài très et sur de petits intérêts, on lui trouve uti peu
cette perfection. de sécheresse, parce qu'il a volontairement plié
III. Je me suis moins étendu que la matière ne son talent aux proportions de ces petites causes.
le semblait demander; mais le but où nous ten- IV. Imiter Lysias de façon à ne pouvoir donner
dons n'en exigeait pas davantage. Il n'y a qu'une à son style plus d'abondance quandon le voudrait,
seule éloquence, et nous cherchons en quoi elle ce
i
serait être orateur, mais du second ordre. Un
consiste. C'est celle que vit fleurir Athènes. On grand orateur, dans des causes pareilles à celles
ignore quelfutlegéniede ses orateurs; on ne con- de Lysias, devra souvent parler comme lui;
nait que leur gloire bien des gens ont su voirr ainsi Démosthène pourra sans doute descendre
t
qu'il n'y avait chez eux rien de blâmable un au style le plus simple, et Lysias, peut-être, ne
petit nombre a trouvé beaucoup à louer. Or unee pourra s'élever au sublime. Mais croire qu'au

verecunde utamur alienis. Sententiarum autem totidemi runt vrtiosi nihil apud eos; alterum pauci, laudabilia esse
genera sont, quot diximus esse laudum surit enim do- multa. Est euim vitiosum in sententia, si quid absm dum
cendi, acutœ; delectandi, quasi argutae; commovendi, aut alienum, aut non acutum, aut suhinsnlsuni est; in
graves. Sed et verborum est structura quœdam, duas ress verbis, si inquinatum, si abjectum si non aptum si du*
efficiens, nuinernm et lenitatem et sententiœ suam cem-i- rum, si longe petitum. Hsec vilaverunt fere omnes, qui
posilionem habent, et ad probandam rem accommodatum o aut Attici numerantur, aut dicunt attice. Sed quatenus
ordinem sed earum omnium rermu ut aedificiorum me- valuerunt, sani duntaxat et sicci liabeantur, sed ita, ut
moria est quasi fundamentum, lumen actio. Ea igitur om->- paltestricespatiari m xysto iis liceat, non ab Olympiis co-
nia in quo summa, erit orator peritissimus in quo media, ronam petant. Qui quum careant omni vitio, non sunt con-
inediocris; in quo ininima, deterrimus. Et appellabunturr tenti quasi bona valitudine sed vires, lacertos, sangninem
omnes oratores, ut pictores appellantur etiam mali; necc quserunt, quamdam etiam suaritateui coloris eos imite-
generibus inter sese, sed facultatibus dillereiit. Itaquee mur, si possumus; sin miuus, illos potins qui incorrupla
nemo est orator, qui se Demosthenis similem esse nolit sanitate sunt (quod est proprium Atticorum), quam eos,
atMenander, Homeri noluit; genus enim erat aliud. Id non |
n quorum vitiosa abundantia est, quales Asia multos tulit.
Quod
est in oratoribus aut si est, ut alius gravitatem sequens, quum faeiemus (si modo id ipsum assequenmr; est
subtilitatem fugiat; contra, alius acutiorem se, quam or-r- enim permagnum), imitemur, si poterimus, Lysiam, et
n ejur quidem tcuuitatem potissimum est enim uiultis in
natiorem, velit etiamsi est in genere tolerabili certe non
est in optimo; siquidem, quod omnes laudes habet, id d locis grandior sed quia et privatas ille le plerasque et cas
est optimum. ipsas aliis, et parvarum rerum causulas scripsit, videtur
111. Hiec dixi brevius equidem, quam res petebat, sedd esse jejunior, quoniam se ipse consulte ad minutarum ge-
ad id, quod agimus, non fuit dicendum pluribus. Unum m nera causarum limaverit.
enim quum sit genus, id quale sit, quaerimus. Est autem m IV. Quod qui ita faciet, ut, si cupiat nberior esse, non
tale,qualc floruit Athenis ex quo Atticorum oratorum m possit, habeatur sane orator, sed de minorihus magno
e- autem oratori etiain illo modo saepe dicendum est in tali
ipsa vis ignota est; nota gloria. Nam alterum mulli vide-
milieu d'une armée qui occupait le forum et tous sans contredit Démosthène, celui qui le repro-
les temples environnants je devais plaider pour duirait atteindrait à la fois l'atticisme et la per-
Milon comme s'il se fût agi d'une cause ordinaire, fection, puisque, les orateurs attiques étant nos
devant un seul juge, ce serait mesurer l'élo- modèles, bien parler, c'est parler comme eux.
quence à son propre talent plutôt qu'à la na- V. Mais comme on est dans une grande erreur
ture des faits. Beaucoup de gens vont répétant touchant le caractère de cette éloquence, j'ai cru
partout, les uns qu'ils possèdent l'atticisme, devoir entreprendre un travail utile à ceux qui
d'autres, qu'aucun Romain ne le possède: laissons aiment ces études, mais qui, pour moi, ne m'était
de côté les premiers, suffisamment réfutés par pas nécessaire. J'ai traduit de la langue attique
le fait même, puisqu'on ne les emploie jamais, ou les deux plus célèbres harangues des deux plus
que, s'ils parlent, c'est pour faire rire d'eux- grands orateurs luttant l'un contre l'autre, celle
mêmes s'ils faisaient rire des autres, ils ressem- d'Eschine et de Démosthène; et je les ai traduites,
bleraient aux Attiques. Ceux qui nous refusent non en interprète, mais en orateur, conservant
l'atticisme, et qui ne se piquent pas non plus d'ê- les pensées et les formes des pensées qui en sont
tre orateurs, s'ils ont l'oreille délicate et le goût comme la physionomie, dans des expressions
exercé, prenons-les pour juges, comme sur le conformes au génie de notre langue. Je n'ai pas
mérite d'un tableau on consulte même ceux qui, jugé qu'il y eût nécessité de rendre mot pour
sans savoir peindre, ont assez de tact pour l'ap- mot c'est la valeur de tous les termes et leur
précier. Si ces Attiques font consister leur goût force que j'ai reproduites. Ilm'asembléquejede-
dans le dédain de nous entendre, si rien de grand vais au lecteur non pas lui compter les mots, mais
ni d'élevé ne les charme, libre à eux de dire les peser, pour ainsi dire. Ce travail aura l'avan-
qu'ils aiment une diction simple et polie, et font tage de faire connaître à nos Romains ce qu'ils
peu de cas de la pompe et de l'élégance; mais doivent exiger de ceux qui se piquent d'atticisme,
qu'ils ne disent plus que la simplicité seule fait et le type d'éloquence auquel il faut les rappeler.
l'atticisme, car l'atticisme ne erait alors qu'une Mais on va m'opposer le grand nom de Thu-
sorte de sécheresse et de netteté tandis qu'il con- cydide car il est des gens qui admirent son élo-
siste, outre cette même netteté, dans la grandeur, quence. On a raison de l'admirer, mais Thucy-
dans la pompe et dans la fécondité. Quoi dou- dide n'a aucun rapport avec l'orateur que nous
terons-nous si nous devons rendre nos discours cherchons. Autre chose est de développer des
supportablesseulement, ou bien dignes d'admi- faits qu'on raconte, autre chose de presser un
ration ? Car s'agit de définirnon pas fatticisme, accusé par des raisonnements ou de réfuter une
mais en quoi consiste la perfection de l'art. Or il accusation; autre chose est d'intéresser le lecteur
est clair que siles plus grands orateurs de laGrèce jpar un récit ou de remuer un auditoire. Mais
ont été des Athéniens, et qu'à leur tête marche Thucydide a un si beau style! L'a-t-il plus beau

genere causarum. Ita fit, ut Demosthenes certe possit sum- princeps facile Demosthenes hune si quis imitetur, eum
misse dicere; elate Lysias fortasse non possit. Sed si eodem et attice dicturum, et optime ut, quoniam Attici nobis
modo putant, exercita in foro et in omnibus templis, quse propositi sunt ad imitandum, bene dicere, id sit altice di-
circum forum sunt, collocato, dici pro Milone decuisse, cere.
ut si de re privata ad unum judicem diceremus; vim elo- V. Sed quum in en magnus error esset, quale esset id
quentiae sua facullate, nonrei natura, meliunlur. Quare dicendigenus putavi mihi suscipiendnm labnrem, utilem
quoniam nonnullorum sermo jam increbruit, partim se ip* studiosis, mihi quidem ipsi non necessarium. Converti
sos attice dicere, partim nemineirinostrumdicere alteros enim ex Atticis duorum eloquentissimorum nobilissimas
negligamusjsatisenimhisresipsarespondel,
quum aut non
orationes inter se contrarias, /tscliinis Demostheoisque
adhibeantur ad causas, aut adhibiti derideantur esset id
nec converti, ut interpres, sed ut orator, sententiis iisdem,
ipsum Atticorum. Sed qui dici anobisnamsi arriderentur, et earum formis, tanquam fignris, verbis ad nostram con-
attico more nolunl, ipsi autem, se non oratores esse, pro- suetudinemaptis in quibus non verbum pro verbo necesse
fitentur si teretes aines babent intelligensque judicium, habui reddere, sed genus omnium verborum vimque ser-
tanquara ad picturam probandam, adhibentur ctiam in- vavi. Non enim ea me annumerare lectori putavi oportere,
scii facieDdi, cum aliqua solertia judicandi sin autem sed tanquam appendere. Hic labor meus hoc assequetur,
intelligentiampoaunl in audiendi fastidio, neque eosquid- ut nostri homines, quid ab illis exigant, qui se atticos vo-
quam excelsum magnîficumque delectat; dicant, se sub- lunt, et ad quam eos quasi formulam dicendi revocent, in-
tile quiddam et politum vclle,grave ornatumque contem- telligant.
nere id vero desinant dicere, qui subtiliter dicant, eos
solos attice dicere, id est, quasi sicce et integre. At ample, Sed exorietur Thucydides ejus enim quidam eloquen ·
et ornate, et copiose, cum eadem integrilate, Atticorum tiam admirantur. Id quidem recte; sed niliil ad eum ora-
est. Quid? dubium est, iitriim orationem nostram toléra* torem, quem qn.T rimus. Aliud est enim explicare res Re-
bilem tantum, an etiam admirabilem esse cupiamus? Non stas narrando,aliud argumentando criuinari, crimenve
e.nim jam quaerimus, quid sit attice, sed quid sit optime dissolvere; alind narratione tenere auditorem, aliud con-
dicere. Ex quo intelligitur, quoniam Greecorum oratorum citare. At loquitur pulchre. Num melius, quamPlato? Ne,
rastantissimi sunt ii, qui fnpnmi Athenis; eorum autem cesse tamen est ornltiri quem qunerimns controversias
>|ue Platon? toujours est-il que l'orateur que nous Qu'ils
Ç rejettent donc aussi Andromaque, An-
cherchons doit savoir parler devant des juges et t
tiope, les Épigones, écrits en latin. Mais s'ils
à la tribune de manière à instruire, à plaire et à préfèrent
p la lecture d'Ennius, de Pacuvius et
toucher. d'Accius à celle d'Euripide et de Sophocle, quel
i
VI. Celui donc qui se vantede pouvoiremployer dédain leur prend-il des orateurs traduits du
quand rien ne les choque dans la version
au forum le style de Thucydide, est fort
loin grec,
f
même de se douter du genre d'éloquence qui des t poëtes?
convient à la tribune et au barreau; s'il se borne VII. Mais entrons en matière, et commençons
à louer Thucydide, il peutjoindre notre suffrage par 1 exposer la cause qui fut plaidée par ces deux
au sien. Isocrate lui-même, dont le divin Pla- adversaires.
t Une loi d'Athènes défendait de por-
ton, qui fut presque son contemporain, fait un si ter1 devant le peuple la proposition de voter uno
magnifique éloge dans son Phèdre, par la bou- couronne( à un magistrat qui n'aurait pas encore
che de Socrate, et que tous les savants tiennentrendu ses comptes; une autre loi portait qu'on
pour très-grand orateur, ne mérite pas selondécernerait en assemblée publique les couronnes
moi, d'être compté pour tel. Il ne se jette point accordées par le peuple, et, dans le sénat, celles
dans la mêlée le fer à la main, sa parole n'est
que le sénat aurait votées. Démosthène avait été
en quelque sorte qu'un fleuret pour parer les chargé de la réparation des murs d'Athènes, et
coups. Mais moi, s'il m'est permis de comparer les avait réparés à ses frais. Là-dessus Ctésiphon
les petites choses aux grandes, je vais mettre en proposa un décret qui, sans que Démosthène eût
iscène les deux gladiateurs les plus célèbres. Es- rendu aucun compte, gratifiait cet orateur d'une
chine, pareil à l'Éserninus de Lucile, couronne d'or, et cela au théâtre, devant le peu-
Athlète non vulgaire, adroit, intrépide, est ple convoqué; assemblée qui, à cause du lieu,
aux prises avec Pacidéianus, qui laisse bien n'était pas légale. Le héraut devait proclamer que
loin derrière lui tous ceux qui ont vécu jusqu'à cette couronne était le prix de la vertu de Démo-
ce jour sthène et de son dévouement au peuple athénien.
conséquence, appelle en justice ce
car je ne puis rien imaginer de plus divin que le Eschine, en
rival d'Eschine. Ctésiphon pour avoir voulu, en violation des lois,
On va me faire sur ce travail deux sortes d'ob- faire décerner une couronne à un magistrat qui
jections la première, que ces discours valent n'a pas rendu ses comptes, et la faire décerner au
mieux en grec. A mon tour, je demanderai si leurs théâtre et pour avoir en outre vanté faussement
auteurs pourraient mieux faire en latin. En se- la vertu et le dévouement de Démosthène qui
cond lieu, pourquoi, dira-t-on, lirais-je plutôt n'était ni honnête citoyen, ni bien méritant de la
la traduction que le grec même ? Ces mêmes cen- patrie. Cette cause, tout à fait en dehors du cercle
des nôtres, n'en est pas moins grande;
seurs lisent VAndrienne et les Syne.phèbcs, et habituel
Térence et Cécilius aussi bien que Ménandre. car elle offre de part et d'autre une interprétation

explicare forenses dicendi genere apto ad docendum, ad ant Epigonos latinos recipiant. Sed tamen Enninm et Pa-
'delectandum ad permovendum. cuvium et Atlium potins, quam Euripidem et Soplioclom
VI. Quare si quis erit, qui Thucydidio genere causas in legunt. Qnod igitur est eorum in orationibus e gra'co con-
foro dicturnm se esse profiteatur, is ahhorreat etiam a su- versis foslidiutn nullum quum sit in versibus?
spicione ejus, quae versatur recivilietforensi: quiThucy- VII. Sed aggrediamur jam, quod suscepimus, si prius
didem laudavit, suae nostram adscribat sententiam. Quiu exposuerimus, quae cansa in judicium deducta sit. Quum
'ipsum Isocratem, quem divinusauctor Plato, suum fere esset lex Athenis « neqnis populi scitum faceret, ut quis-
'aequalem, admirabiliter in Phœdro laudari fecit a Socrate, quam corona donaretur in magistratu prius, qnam ratio-
quemque omnes docti summum oratorem esse dixerunt, nes retulisset; » et altera lex, « eos qui a populo dona-
tamen hune in numéro non repono. Non enim in acie ver- rentur, in concione donari debere; qni a senatu, in senatu: >.
satur, et ferro; quasi rndibns ejus eludit oratio. A me au- Demosthenes curator muris reficiendis fuit, eosque refecit
tcin (ut cum maximis minima conferam) gladiatorum par pecunia sua; de hoc igitur Ctésiphon scitum fecit, nullis
Dobilissimuni inducitur. ~schines, tanquam .9aerninus, ab ipso rationibus relatis, ut corona aurea donaretur, ea-
ut ait Lucilius, que donatio fieret in theatro, populo convocato (qui locus
non est coucionis légitima!) atque ita prœdicarelur, Eux
TSon spurcus homo, sed doclus et acer, DONARI VIRTUTIS ERGO BEMVOLE!NTIjEO.UE QUAM ERGA PO-
Cum Pacideiano hic componitur, optimu' longe
Post homines natos. rouni ATnEKHWSEM haderet. Hune igitur Clesiphonlem
in judicium adduxit /Escliines quod contra leges scripsis-
nihil enim illo oratore arbitror cogitari posse divinius. set, ut et rationibus non relatis corona donaretur, fl ut
Hnic labori nostro duo gênera reprehensorum oppouun- in theatro, et quod de virtute ejus et beoivolenlia falsa
tur. Unum hoc Yerum melius Graeci. A quo quaoratur, seripsisset; quoniam Demosthenes nec vir bonus esset,
ecquid possint ipsi melius latine? Alterum Quid istas nec bene meritus de civitate. Causa ipsa abborret illa qui-
potius legara quam grœcas? !idem Andriam et Synephe. dem a formula consuetudinis nostrae; sed est magua. Ha-
hos liée minus Terentium et Cœcilium, quam Menan- bet enim et legum interpretationem satis acutam in ntran»
dmni legnnt. Nec Andromacham igitur, aut Antiopain, que partem, et meritorum in rempublicam contenliooem
nssez subtile des termes de la loi, et une lutte plusbeau que cette lutte des deux plus grands
brillante dans la discussion des services rendus orateurs déployant, dans une cause aussi im-
a l'État. Eschine, à qui Démosthène avait au- portante, toutes les ressources du génie et toute
trefois intenté un procès capital pour prévarica- la chaleur de leur haine?
tion dans son ambassade, voulait se venger, et, Si j'ai réussi, commeje l'espère, à reproduire
à l'occasion de Ctésiphon, flétrir devant les tri- leurs discours en conservant toutes les beautés,
bunaux les actes et la réputation de son ennemi c'est-à-dire, les pensées et la forme des pensées,
aussi pari a-t-il beaucoup moins des comptes non la disposition du raisonnement et l'ordre des
rendus que des éloges donnés à la vertu de celui mots tant qu'il n'a pas été contraire au génie de
qu'il qualifiait de mauvais citoyen. la langue latine (les mots grecs n'ont pas été
Ce procès fut intenté par Eschine à Ctésiphon comptés dans la traduction, j'ai seulement tâché
quatre ans avant la mort de Philippe de Macé- d'en rendre la valeur ) cet ouvrage pourra servir
doine mais il ne fut jugé que quelques années de règle et de modèle aux discours de ceux qui
après, et lorsque Alexandreétait déjà maitre de aspirent à l'atticisme. Mais c'est assez parler de
l'Asie. Toute la Grèce, dit-on, accourut à ce ju- nous-même. Écoutons enfin à son tour Eschine,
gement; car que pouvait-on voir ou entendre de qui va s'exprimer en notre langue.

sane gravem. Itaque causa .Eschini quoniam ipse a Do- morum oratorum in gravissima causa, accurata et inimi.
mosthene esset capitis accusatus quod legalionem emen- citiis incensa contentio?
titus esset,ut ulciscendi inimici causa, nomineCtesiphontis, Quorum ego orationes si, ut spero, ita expressero, vir-
judicium fieret de fadis famaque Demosthenis. Non enim tuttbus utens illorum omnibus id est, seutentiis, et ea-
tam multa dixit de rationibus non relatis, quam de eo, rum figuris, et rerum ordine, verba persequens eatenus,
quod civis improbus, ut optimus, laudatus esset. ut ea non abhorreant a more nostro generis si e graecis sint
Hanc rniiltam jEschines a Ctesiphonte petiit quadrienni» nia conversa non erunt, tamen ut gencris ejusdem sint
ante Philippi Macedonis mortem; sed judicium factum est elaboravimus) erit regula, ad quant eorum dirigantur
aliquot aiuiis post, Alexandro jam Asiam tenente ad quod orationes, qui attice volunt dicere. Sed de nohis satis
judicium concursus dicitur e tota Gracia factus esse. Quidaliquando enim v£schinem ipsum latine dicentem audia-
enim aut tam vlsendum aut audiendum fuit, quam sum- mus.

NOTES
SUR LE MEILLEUR GENRE D'ÉLOQUENCE.

V. d'serninus. Pacideianus Ces deux gladiateurs VII. Quod civis intprobus laudatus esset C'est la ré-
sont encore cités par Cicéron, Ep. ad Q. /rat., m, 4 et futation de cette partie du discours d'Escliine que Cicéroo
dans les Tusculanes iv, 21 on trouve six vers que Luci- admirait le plus dans Démosthène, Oral., cap. 28. Voyez,
lius fait prononcer à Paridéianus irrité. il est probable sur la retraited'Eschine dans l'Ile de Rhodes après sa dé-
que Cicérou n'achève pas la citation. De là tant de conjec- faite, de Orat., ni 56 Pline le jeune, Epist. « 3 Va-
tures parmi les savants. 1ère Maxime, vin, 10, 1, etc.
LES PARADOXES
DE M. T. CICÉRON,

ADRESSÉS A M. BRUTUS.

INTRODUCTION. même, c'est être en démence. Il y a au début quelques


beaux traits; mais Cicéron avait dès le premier mot pris
Nous avons cru devoir terminer par les Paradoxes le re- Clodius à partie, et toute la suite est une chaleureuse et
cueil des ouvrages de rhétorique de Cicéron, cet opuscule, tardive invective contre le tribun qui avait envoyé en exil
l'énergique consul et le défenseur de Milon.
comme le remarque judicieusement M.V. Leclerc, étant
plutôt une étude oratoire qu'un traité de philosophie. Ci. Les deux derniers établissent, non sans raison, que la
céron lui-mime le donne comme un jeu d'esprit, un déve- sagesse donne la liberté et la richesse. Le développement
loppement de lieux communs. Les maximes stoïciennes du cinquième est la meilleure partie de tout cet exercice.
qu'il s'évertue à y exagérer ne convenaient pas à l'esprit Cicéron s'y attaque encore à M. Antoine; mais il emprunte
souple, facile et sceptique de notre auteur, et la crudité à la philosophie morale de la Grèce de grandes pensées,
de ces paradoxes jure avec le doux géuie et les opinions dont il est le digne interprète. Le sixième est solidement
défendu, et notre auteur y peut parler de lui avec plus de
humaines de celui qui, dans le proMurena, avaitridieulisé
bienséance. Mais, comme si le principal effet de ces Pa-
ce qu'il défend ici. radoxes eût été de remuer sa bile il sent encore le besoin
Le nom de Paradoxesétait donné par les stoïciens eux.
de philosopher sur le ton de la satire, et Crassus est traité
mêmes à ces maximes étranges dont ils reconnaissaient
les premiers le désaccord avec les opinions vulgaires, et dius. avec non plus de ménagementque les Antoine et les Clo-
où ils se plaisaienttoutefois, pour cette originalitébizarre,
Cicéron, comme il le témoigne lui-même à la fin de sa
qui, au milieu de toutes leurs belles qualités était leur courte introduction, n'attachait pas grande importance à
manie.
amplilications,qui sentent un peu leur rhéteur. Il a
Cicéron en soutient six, dont la plus étrange et la plus ces enrichi d'assez beaux ouvrages les lettres et la philoso-
insoutenable (3e paradoxe) est que toutes les bonnes ac-
phie, pour que nous laissions les paradoxes au rang très-
-linns ont le même mérite, et qu'il n'y a non plus aucune
secondaire où l'intention et l'estime de leur auteur les ont
différence entre les mauvaises. placés.
Les cinq autres ont un certain fond de vérité qui aurait Il résulte du préambule même des Paradoxes, que ces
pu fournir de belles inspirations et de beaux développe- petites pièces venaient d'être précédées d'un plus grand ou.
'ments mais Cicéron parait n'en avoir fait que des textes
•<le déclamations, où son naturel ne se montre que par d'a-
vrage composé pendant l'hiver, et qui parut sous le nom
de Brutus in tuo nomineapparuit.S'ils'agitduSrw^Mj,
mères diatribes contre ses ennemis et des éloges trop pom-
ou Dialogue des orateurs illustres écrit à la fin de 706
peux de lui-même. au commencement de 707, les Paradoxes auraient
Les deux premiers paradoxes se ressemblentbeaucoup ou été composés au printemps de 707 s'il s'agit, au contraire,
et n'en sont véritablement qu'un. Le premier établit, que d'un des quatre grands traités adressés à Brutus, l'Ora.
le seul bien, c'est l'honnête et le second, que rien ne man-
teur, le livre de Fini6us, les Tusculanes et la Nature
que à l'homme vertueux pour le bonheur. Le premier est des Dieux, il parait impossible de fixer la date des Para-
traité avec gravité, et reçoit un certainlustre des exemples doxes.
des vieux Romains. Cicéron glisse sur le second, invective
en passant contre Marc Antoine, et prend en lui-même
l'exemple de l'homme vertueux.
Le troisième est cette incroyable maxime, que toutes les J'ai souvent remarqué, Brutus, que Caton,
bonnes actions aussi bien que les mauvaises, sont égales. votre oncle, lorsqu'il prenait la parole dans le
Cicéron la croit ou feintde la croire salutaire aux mœurs, sénat, traitait de
quoique certainement entre le rôle de Solon et celui de
graves sujets de philosophie,
Dracon, il eût choisi le premier. Il est triste de le voir se
fort étranges pour les oreilles romaines, et par-
débattre contre cette terrible objection, qu'il a le courage venait cependant par ses discours à donner à
d'aborder c'est donc le même crime, de tuer son esclave ses thèses la couleur de la vraisemblance. Et
eu son père? pour lui, c'est une plus grande affaire que pour
Le quatrième paradoxe est la formule superbe du mé-
pris du stoïcien pour le commun des hommes. Ne pas vous ou pour nous; car nous faisons, nous, plui
avoir l'esprit du sage ou du stoïcien, ce qui revient an d'usage de cette philosophie, qui ouvre à la

I. Animadverti, Brute, saepe Catonem, avunculum blico; sed dicendo consequi tamen ut illa etlam populo
luum quum in senatu sententiam diceret, locos graves ex probabilia viderentur. Quod eo majusest illi, quamant
philosophia tractare, abhorrentes ab hoc usu foi ci. et pu- tibi ant noliis ynia nos ea philosopliia plus utimur, que
parole un champ large, et où ont cours des sen- guère porté des fruits que j'ai fait paraître sou»
timents assez rapprochés de l'opinion vulgaire. votre invocation. Vous goûterez ce genre d'exer-
Pour Caton, c'est, à notre avis, un parfait stoï- cices que je pratique souvent, et par lequel j'ac-
cien, dont les idées ne peuvent avoir grand cré- commode à mon style oratoire les thèses des
dit près de la foule, appartenant d'ailleurs à une écoles. Je ne veux pas cependant que vous teniez
secte qui proscrit tout agrément du discours et cet ouvrage pour un grand présent; il n'est pas
le veut le plus sec possible, et qui procède tou- de ceux que l'on expose au milieu d'une citadelle,
jours par de petites et incisives interrogations. comme la Minerve de Phidias mais vous y
Mais il n'est rien de si incroyable que la parole reconnaîtrez, j'espère, la plume que vous avez
ne sache rendre probable; rien de si affreux et quelquefois inspirée. ·
de si inculte que l'éloquence ne fasse briller et
ne cultive en quelque façon. Tout plein de cette PREMIER PARADOXE.
pensée j'ai été plus audacieux que Caton lui- Que le seul bien, c'est l'honnête.
même. Car il ne parle d'ordinaire que de la gran-
deur d'âme, de la continence, de la mort, des I. Je crains fort que ce discours ne paraisse
beautés de la vertu, des dieux immortels, de l'a- à quelqu'un des vôtres un écho des discussions
mour de la patrie; et il donne à ses idées stoï- stoïciennes, plutôt que l'expression de mes pro-
ciennes la parure de l'éloquence. Mais moi, j'ai pres sentiments;je n'en dirai pas moins ce que
réduit en lieux communs, tout en me jouant, je pense, et je le dirai plusbrièvement que nepour-
ces principes même que les stoïciens enseignent rait le comporter un si grand sujet. Je puis pren-
à peine dans leurs écoles et leurs spéculations. dre le ciel à témoin que jamais richesses, palais
Ce sont ces opinions qu'eux-mêmes, en raison fortune ou puissance, et tous ces plaisirs qui en-
de leur étrangeté, et parce qu'elles blessent les chaînent la foule, ne m'ont paru mériter qu'on les
sentiments vulgaires, nomment des paradoxes comptât parmi les biens et qu'on en fit l'objet de
(irapocSoSi); et j'ai voulu essayer s'il était possi- ses désirs; car je voyais ceux à qui ils étaient
ble de les rendre accessibles à tous en leur don- le plus libéralement échus aspirer ardemment à
nant du jour et de la vraisemblance, ou si la ce dont ils étaient comblés. On ne satisfait et on
philosophie parlait décidément une autre langue n'étanche jamais la soif de la cupidité; et les
que le commun des hommes; et j'ai tenté l'entre- possesseurs de ces objets enviés ne sont pas dé-
prise d'autant plus volontiers, que ces fameux vorés seulement par la fureur de les accroître,
paradoxes, comme on les nomme, me semblent mais encore par la crainte de les perdre. A ce
tout à fait socratiques, et parfaitement confor- propos, je me remets souvent en mémoire la sa-
mes à la vérité. gesse de ces hommes de parfait désintéresse-
Vous recevrez donc ce petit livre, œuvre de ment, nos ancêtres, qui donnaient, il est vrai, aux
mes nuits d'été, car mes longues veilles ont na- fragiles et périssables fureurs de la fortune le

peperit dicendi copiam, et in qua dicunlur ea, qiif non giliarum munus in tuo nomine apparuit. Et degnstabis ge-
inulluin discrepant ab opinione populari. Catoaulem per- nus hoc exercitationumfar uni quibusuti consuevi,quum
fectus (mea sententia ) stoicus, et ea sentit, quae non sane ca, quœ dicuntur in scholis 6etix4 ad uostruni hoc ora-
probantur in vulgus; et in ea est heeresi quae nullum se- torium transfero dicendi genus. Hoc tamen opus iu acce-
quitur florero orationis neque dilatat argumentum minti- plum ut releras, nihil postulo. Non est enim, ut in arce
tis interrogatiunculis quasi punctis, qnod proposuit, elli- ponipossit,quasi illaMinervaPhidiœ; sed taniéu ut ex
rit. Sed nihil est tam incredibile quod non dicendo liat eadem ollicina exisse appareat.
probabile; nibil tam horridum, tam incuHum quod non
splendescat oratione, ettanquamexoolatur.Quod quum PARADOXON I.
ita putarem, feei etiam audacius, qnam ille ipse, de quo "On jj-ovov àYaOôv, Ta xaXôv.
loqnor. Cato enim duntaxat de magniludine animi, de Quod houestum sil, id solum bonum eue.
contînenlia, de morte de omni lande virtutis, de diis im<
I. Vereor, ne cui vestrum ex stoicorum hominum di-
riiorlalibus, de carilate pulrise( sloice solet, oratoriis or-
sputationibus, non ex meo sensu depronita bœc tideatur
tianieiilis ailliibitis, dicere. Ego vero îUa ipsa, quae vix in
oratio dicam tamen, quod senlio, et dicam brevius,qnam
Cyuiii'isiis et in otio stoici probant, ludensconjeciin com-
munes locos. Qtiœ quia sunt admirabilia, contraque opi- res tanta dici possit. Nunquam mehercule ego neque pe-
nionem omnium, ab ipsis etiam rczpâSoÇa appellantur, cunias istorum neque tecta magnifica, neque opes, ne-
lentare volui, possentne proferri in lncem id est in fo- qtieimperia, neque eas, quibus maxime adstrictisunt,
rum, et ita dici, ut probarentur; an alia qua?dam esset voluptates in bonis rebus, ant expetendis esse duxi
erudita, alia popnlaris oralio eoque scripsi libentius, quippe quum viderem, rebus bis circumfluenlibus, ea
qnod mihi ista irapiS&Ça quae appcllanl, maxime videiitur tamen desiderare maxime,quibns abundarent. Nequcenim
use Socratica, longeque verissima. expletur unifiai» nec satiatur cupiditatis silis neque so-
Jtccipiu igitur lioc parvum opusculum lucuhralum his lum, ea qui babent libidine augendi cmdautur, sed etiam
j:i:tl contraclioribiw noctibus; quoniam illnd majorum vi amiltondi metu. ln que equidem couUnentissimoruiu
nom de biens, mais par le fait et dans la pra- tous les rois. Voulez-vous commencerà Romulus?
tique, en jugeaient tout autrement. Est-ce que on bien avec la république et par ceux-mémes qui
le bien peut appartenir à un méchant homme? mirent l'État en liberté? Par quels degrés Romu-
Est-il possible que, dans l'abondance des biens, lus est-il monté au ciel? est-ce par ces prétendus
on nesoit pas homme de bien? Or, ne voyons-nous biens, ou par ses hauts faits et ses vertus? Et Nu-
pas tous ces prétendus biens se répandre sur les ma Pompilius? pensez-vous que ses urnes et ses
méchants et nuire aux honnêtes gens? Que l'on vases d'argile aient été moins agréables aux dieux
me plaisante tant que l'on voudra, la saine rai- que les coupes ciselées de tant d'autres? Je ne
son aura plus de crédit auprès de moi que l'opi- dirai rien des autres rois; ils sont tous égaux
nion du vulgaire. Je ne dirai jamais qu'en perdant entre eux, à l'exceptiondu Superbe. Demandez à
un troupeau ou des meubles on perd des biens, Brutus ce qu'il a fait pour affranchir son pays;
et je citerai souvent avec éloge l'un des sept sa- demandez à tous les compagnons de sa grande
ges, Bias, à ce que je crois, dont Priène, la pa- entreprise ce qu'ils ambitionnaient et ce qu'ils
trie, venait de tomber aux mains des ennemis. poursuivaient: en trouverez-vous un seul qui
Tous ses concitoyens fuyaient, emportant avec eût en vue les plaisirs et les richesses, et qui se
eux leplusqu'ils pouvaient; on l'engage à suivre soit proposé autre chose que de remplir la tâche
leur exemple C'est ce que je fais, repart- d'un homme de cœur et d'un grand citoyen?
« il, car je porte tous mes
biens avec moi. » Il Qui arma contre Porsenna le bras de Mucius,
regardait comme des jouets de la fortune qui ne sans aucun espoir de salut? Quelle force secrète
lui appartenaient, à lui, d'aucune façon, tous ces maintint, au milieud'unpont, Coclès seul contre
biensselon notre langage. Qu'est-ce donc, deman- toutes les forces ennemies? Quelle puissance ins-
dera-t-on que le bien ? On dit très-justementque pira les vœux des deux Décius, et les poussa au
ce qui est fait avec droiture, honnêteté et vertu, travers des bataillons armés? Quel mobile avait
est bien fait; et ce qui est droit, honnête et ver- le désintéressement de Fabricius, et la sobriété
tueux, est, selon moi, le seul bien. de M. Curius? Et ces deux boulevards de Rome
Il. Mais ces réflexions, un peu abstraites, peu- dans la guerre Punique, Cn. et P. Scipion, qui
vent sembler obscures. Il faut leur donner, pour voulurent lui faire un rempart de leurs corps
commentaire, la vie et les actions des grands hom- contre le débordement des Carthaginois? et les
mes les paroles seules semblenttrop subtiles pour deux Africains? et Caton qui vécut entre les
un tel sujet. Je vous le demande, est-ce que les deux? et tant d'autres qu'on ne pourrait nom-
fondateurs de cette belle république vous parais- brer (car, chez nous les exemples domestiques
sent avoir songé aux charmes des richesses, à abondent), que pensons-nous qu'ils aient estimé
l'agrément des plaisants séjours, aux délices du digne de leur ambition, si ce n'est ce qui leur
luxe, aux. voluptés des festins? Passez en revue`e paraissait louable et beau?

hominum major n ni nostroru m sœpe requiro prudentiam, prœclare fundatam nobis reliquerunt, aut ami et argenti
qui hsec imbecilla et commutât ilia pecuniae membra, verbo ad avaritiam, aut amœnitalum ad delectationem aut su-
uosa pntaverunt appellanda, quum re ac factis longe ali-
pellectilis ad delicias, autepularumad voluptates? Ponite
ter udicavissent. Potestnebonum cuiquam malo esse? aut ante oculos unumquemqueregum. Vultis aRomuIo? vul>
potest qnisquam in abundantia bonornm ipse esse non tis post liberam civitatem, ab ils ipsis, qui libcraverunt
bonus ? Atqui ista omnia, talia ridemns, ut etiam improbi eam? Quibus tandem gradibus Romulus adscendit in cœ-
habeant, et obsint probis. Quamobrem licet irrideat, si lum iisne, quae isti bona appellant?an rébus gestis, atqne
quis Viilt plus apud me tamen vera ratio \alebit quam Tirtutibus? Quid? a Numa Pompilio? minusne gratas diis
vulgi opiiiio. Nèque ego unquam bona perdidisse dicam, immortalibus cupedines ac fictiles urnulas fuisse, quam
si qui pecus, aut supellectilem amiserit; neque non saepe filicatas aliorum pateras arbitramur? Omitto reliquos sunt
laudabo sapientem illam, Biantem, ut opinor, qui nu- enim omnes pares inter se, praeter Superbum. Dnitum si
moratur in septem cujus quum patriam Prienen cepissel quis roget, quid egerit in patria liberanda; si quis item
hostis, ceterique ita fugerent, ut multa de suis rébus se- reliquos ejusdem consilii socios, quid spectaverint, quid
cum asportarent; quum esset admonitus a qnodam, ut secutisint numquis exsistet, cui voluptas, cui diritise,
idem ipse faceret Ego vero, inquit facio; nam'om- cui denique praeter officium fortis et roagni viri quidquam
« nia mea porto mecum. » Ille liœc ludibria fortunœ, ne
aliud propositum fuisse rideatur? Quœ res ad necem
sua quidem pulavit quai nos appellamus etiam bona. Quid Porsenaî C. Muciura imptilit, sine ulla spe salutis suas?
est igitur, quœret aliquis, bonnm? Si quid recte fit, et Quœ Tis Coelitem contra omnes hostium copias tenuit in
honeste, et cum virtnte, id bene fieri, vere dicitnr, et, ponte solurn? QuaepatremDecium, quae filiuin devotavit,
quod rectum, et honestum, et cum virtute est, id solum atque immisit in armatas hostium copias? Quid continen-
opinor honum. tia C. Fabricii, qnid tenuitas victus M'. Curii sequebatur?P
II. Sed haec videri possunt obscuriora, quum lentius Quid duo proptignacula belli Pnnici, Cn. et P. Scipiones,
disputantur. Vita atque factis illustianda sont suminorum qui Carthaginicnsiumadventum cnrporibns suis interclu-
virorum hœc, quas verbis subtilius, quam satis est, dis- dendum putaverunt? quid Africanus major, quid minor?
putari videntur. Quœro enim a vobis, nom iillam cogita- quid inter horum œtates interjectus Cato? quid innume.
Uonem hauuiise yideantur ii, qui liane rempublicani tara rabiles a!ii? nam domesticis esemplis abundamns cogj-
TIT. Qu'ilsviennent maintenant, les railleurs de et de son siège naturel: il est certain que, bien et
ce sentiment et de ce discours, et qu'ils décla- heureusement vivre, n'est rien autre que vivre
rent eux-mêmes à qui ils aimeraient mieux res- honnêtement et droitement.
sembler, de ces riches logés dans des palais de II« PARADOXE.
marbre, resplendissants d'or et d'ivoire, au mi-
lieu des statues, des tableaux, de l'or et de l'ar- Qu'à l'homme vertueux rien ne manque po^r
gent ciselé, ou des merveilles corinthiennes; de le bonheur.
C. Fabricius, qui de ces prétendus biens n'eut
et ne voulut rien avoir? Ils accordent facilement, Je n'ai jamais pensé que M. Régulus eût été
il est vrai, que tous ces objets brillants, dont la infortuné, misérable, digne de pitié. Ce que les
possession est si mobile, ne méritent pas le nom Carthaginois torturaient en lui, ce n'était ni sa
de biens; mais ils maintiennent opiniâtrément, grandeur d'âme,ni sa noblesse,ni sa bonne foi,
et soutiennent avec chaleur, que la volupté est le ni sa fermeté, ni aucune de ses vertus, ni enfin
souverain bien. C'est là, à mon sens, un langage son âme elle-même qui, défendue par ce grand
de brutes, et non d'hommes. Comment! vous, à cortége de vertus, n'était certes pas tombée avec
qui un dieu ou la nature, cette mère universelle, son corps au pouvoirdes ennemis. J'ai vu C. Ma-
a donné une âme, qui est tout ce qu'il y a au rius qui, dans ses prospérités, me parut l'un des
monde de plus excellent et de plus divin, vous plus fortunés, et, dans ses revers, l'un des plus
vous avilissez et vous ravalez au point de penser grands hommes; et c'est le sort le plus beau pour
qu'il n'est aucune différence entre vous et le pre- un mortel.
mier venu des animaux? Est-ce qu'il peut y avoir Tu ne sais pas, insensé, tu ne sais pas quelle
un bien qui ne rende pas meilleur celui qui le est la puissance de la vertu tu en prononces bien
possède? Celui à qui le bien est le plus libérale- le nom; mais tu ignores ce qu'elle vaut. Celui qui
ment échu est en même temps le plus estimable ne relève que de lui-même et met en lui tous ses
des hommes et il n'est aucun bien dont le maître biens, doit nécessairement être le plus heureux
ne puisse honnêtement se vanter. Voyez-vous des hommes. Pour celui de qui les espérances,
aucun de ces caractères dans la volupté? Rend- les pensées et la conduite dépendent des jeux de
elle l'homme meilleur ou plus estimable? est-il la fortune, il ne peut y avoir rien d'assuré, rien
quelqu'un qui se glorifie de ses plaisirs, et en dont il soit certain de jouir tout un jour. Ef-
tire vanité? Or si la volupté, malgré les nom- fraye un tel homme, si tu le rencontres, de tes
breux avocats qui en défendent lacause, ne peut menaces de mort et d'exil. Pour moi, quoi qu'il
être comptée parmi les biens; si, plus elle aug- puisse m'arriver dans cette ingrate cité, je ne
mente, plus elle entraîne l'âme loin de son rang m'en affligerai point, et j'y suis prêt. A quoi donc

tasse quidquam putamus invita sibi expetendum,nisi quod fer Innihil est aliud bene et beate vivere, nisi honeste et
laudabile esse, et prscclarum viderelur ? recte vivere.
III. Ventant igitur isti irrisores liujus orationis, ac sen.
PARADOXON II.
tentia*; etjam vel ipsi judicent, utrum se horum alicujus,
qui marntoreis leclis, ebore et auru fulgentibus, qui signis, "Oh aÛTapXïj; àpe-r^ irpôç £Ù5ai|iovtav.
qui tabulis, qui cajlato auro et argento, qui Corinthiis ope-
In quo virtus sit, el nihil déesse ad beate vlvendum.
ribusabundant, anC. Fahricii, qui nihil eorum habuit, nihil
habere voluit, similesessemalint?Atquehœcquidem, qiiaj Nec vero ego M. Regulum, œrnmnosum,necinfelicem,
modo hue, modo illuc transferuntiir, facile adduci solent, nec miserum,nnquam putavi. Non enim magnitudo animi
ut in rebus bonis esse negent illud tamen arcte tenent, ejus excruciabatur a Pœnis non gravitas, non (ides non
accurateque defendunt,voluptalemesse summum bonum. constantia, non ullavirtus, non denique animus ipse; qui
Quae quidem mihi vox pecudum videtur esse, non homi- tôt virtuturri prasidio, tantoque comitatu, quum corpus
num. Tu, quum tibi sive deus, sive mater (nt ita dicam) ejus caperetur, capi certe ipse non potuit. C. vero Marium
rerum omnium, natura, dederit animum, quo nihil est vidimus, qui mihi secundis in rebus unus ex fortunatis
praestantius, neque divinius, sic te ipse abjicies atque hom'inibus, in adversis unus ex summis viris videbatur;
prosternes, ut nihil inter te, atque inter quadrupedem quo beatius esse mortali nihil potest. Nescis insane, ne-
aliquam putes interesse? Quidquam bonum est, quod non scis, quantas vires virtus habeat nomen tantum virtutis
eum, qui idpossidet, meliorem facit? Utenim quisque est usurpas; quid ipsa valeat, ignoras. Nemo potest non bea.
maxime boni particeps, ita et laudabilis maxime; neque tissimus esse, qui est totus aptus ex sese, quique in se uno
est ullum bonum, de quo non is, qui id habeat honesle sua ponit omnia. Cui spes omnis, et ratio, et cogitatio
possit gloriari. Quid autem est horum in voluptalePMelio- pendet ex fortuna, huic nihil potest esse certi; nihil quod
remne efficit, aut laudabiliorem vinim? an quisquara in explorât™ habeat, permansurum sibi unum diein. Eum
potiundisvoluptalibus gloriando sese, et pradicatione ef- tu hominem terreto, si quem eris nactns, islis mortis,
fert ? Atqui si voluptas, quae plurimorum palrociniis de- autexsilii minis. Milii vero quidquid acciderit in tara in-
ti'nditur, in rebns bonis habenda non est; caque, quo est grata civitate ne reraiunli quidem evenerit, non modo-
major, eo magismpnleni e sna sede et statu demovet pro- nnn repugnanti. Quid enini ojo lilboravi, autquidegi,
ai-je travaillé, qu'ai-je fait, et à quoi ont abouti HÊ PARADOXE.
mes réflexions et mes efforts, si je n'ai su réus- Que les fautes et les mérites sont tous égaux.
ï ir à me mettre en tel état que je ne pusse donner
prise ni à l'aveugle jeu de la fortune, ni à l'ini- I. C'est peu de chose, dites-vous. Mais la
quité de mes ennemis? Est-ce In mort, dont tu faute est grande. Il ne faut pas juger les mau-
me menaces pour me retrancher de la société des vaises actions par leur résultat, mais par le vice
hommes, ou l'exil pour m'ôter de celle des mé- qu'elles supposent. La matière de la faute peut
chants ? La mort est effroyable pour ceux qui être plus ou moins considérable, mais la faute en
perdent tout avec la vie, non pour ceux dont la elle-même, de quelque manière que vous l'expli-
gloire estimmortelle; et l'exil, pour ceux dont la quiez, ne comporte ni le plus ni le moins. Qu'un
demeure est comme circonscrite dans un étroit pilote perde un vaisseau chargé d'or ou de paille;
canton, non pour ceux qui regardent l'univers il y aura quelque légère différence dans la valeur
entier comme une seule cité. Tu es rongé d'in- perdue, aucunedans l'impéritie. du pilote. On viole
firmités et de misères, toi qui te crois heureux et une femme du peuple: l'affront en rejaillit moins
florissant; les passions te dévorent; les jours et loin que si c'eût été une vierge de grande famille
les nuits sont une torture continuellepour toi, qui et d'un noble sang; mais la faute n'en est pas
ne te peux assouvir de ce que tu as, et trembles moindre, si toutefois il en est de faire le mal
encore de le perdre à chaque moment; le remords comme de sortir des bornes une fois en dehors.
de tes crimes te déchire, la terreur de la justice la faute est faite; aussi loin que vous allez au
et des lois te glace le sang; de quel côté que tu delà de la barrière, vous n'ajouterez rien au tort
te tournes, tes iniquités t'apparaissent comme de l'avoir franchie. Il n'est certes permis à per-
autant de furies, et ne te laissent point respirer. sonne de faire le mal. Ce que l'on défend n'est
Ainsi, tout comme le méchant, l'insensé et le lâ- interdit qu'à ce titre seul que l'on montre qu'il est
che ne peut goûter le bonheur; de même, l'homme illicite. Et comme ce titre n'admet ni le plus, ni
de bien, le courageux et le sage ne peut être mi- le moins ( la faute consistant en ce qu'on trans-
sérable. Celui qui a un grand cœur et un beau gresse une juste prohibition,qui est toujours, sans
caractère, doit avoir une belle vie une belle variation, pleine et entière ), il s'ensuit que toutes
vie doit être enviée; mais on ne l'envierait pas les actions qui le méconnaissent sont également
si elle était misérable. C'est pourquoi l'on doit mauvaises. Que si les vertus sont égales entre
tenir que tout ce qui est digne d'estime est digne elles, il est nécessaire que les vices aussi soient
d'envie, et que l'homme vertueux est en même égaux. Or, on peut très-facilement concevoir que
temps heureux et florissant. toutes les vertus sont égales, et qu'il ne peut se
trouver un homme meilleur que l'homme de bien,

aut in quo evigilaveruntcurae et cogitationes meae, si qui- PARADOXON III.


dem nihil peperi taie nihil conseculus sum ut eo statu
essem, quem neque fortunae temeritas, neque inimicorum "Ou ïaa ta âtiap-c^fiata xai Ta xatTop8tî>p.sTa.
labefactaret injuria ? Mortemne mihi minitaris, ut omnino .Equau'a esse peccata, et recte facta.
• ab hoiuinibus an exsilium, ut ab improbis demigrandum
sit ? Mors terribilis est iis quorum cum vita omnia exstin- Parva, inquis, res est. At magna culpa. Nec enim
guuntur non ils, quorum laus emori non potest exsi- peccata, reram eventu, sed vitiis hominum metienda
lium autem illis, quibus quasi circumscriptus est habi- sunt.In quo peccatur, id potest aliud alio majus esse, aut
tandi locus non iis, qui omnem orbem terrarum, uuam minus: ipsum quidem illud peccare, quoquo verteris,
urbemesse ducunt. Temiseriaa,teaeriimniBpremunt,qui unum est. Auri navem evertat gubernator, an paiera; in
te beatum, qui florentem putas; tu» libidines te torquent; re aliquantulum in gubernatoris inscientia nihil interest.
tu dies noctesque cruciaris; nec sat est, quod est, et id Lapsaest libido in muliere ignota dolor ad pauciores per-
ipsuin, ne non sit diuturnum, limes te conscientiœ stimu- tinet, quam si petulans fuisset in aliqua generosa ac no-
lant mâlenciorum tuorum; te metus exanimant judiciorum hili virgine; peccavit vero nihilo minus, si quidem est
atque legunv, quocumque adspexisti, ut furias, sic tuae peccare, tanquam trausilire lineas quod quum feceris,
tibioccurruntinjurise, quin te respirare non sinunt. Quam- culpa commissa est; quam longe progrediare,quam semel
obrem ut improbo, et stulto, et inerti nemini bene esse transieris, ad augendam transeundi cujpani nihil pertinet.

_y.
potest sic bonus vir, et foi lis, et sapiens, miser esse non Peccare certe licetnemini. Quod autem non licet, id hoc
potest. Nec vero, cujus virtus, moresque laudandi sunt, une tenelur, si arguitur non licere. Id si nec majus, neo
ejus non laudanda vita est neque porro fugienda vila, minus unquam fieri potest (quoniam in «o est peccatum,
quœ landauda est esset autem fugienda, si esset misera. sinon ticuit; quod semper unum, et idem est), qugeex
Quamobrem quidquid est laudabile, idem et beatnm, et eo peccata nascuntnr, >equalia sint oportet. Quod si vir-
florens, et expeteudum videri debet. tutes pares sunt inter se, paria esse eu'am vitia necesse est.
Atqui pares esse virtutes, nec bono viro meliorem, nec tem-
perante temperantiorem nec forti fortiorem, nec sapiente
sapientioremposse neri faeiUime poteat perspici. An vjriiui
bouum dices,quidepositumnullo teste, quum lucrari im-
plus tempéraut que le tempérant, plus courageux conviction qu'il n'y a aucune différence entre les
que l'homme de cœur, plus sage que le sage. Ap- fautes? qu'il y a autant de crime à mettre la main
pellerez^ ous honnête homme celui qui, pouvant sur un simple citoyen que sur un magistrat?
retenir impunément dix livres d'or qu'on lui a que porter le déshonneurdans la plus humble des
eoniiées sans témoins, les rendra et en retiendra familles, c'est se couvrir du dernier opprobre?
dix mille une autre fois? Appellerez-voustempé- Quoi dira-t-on, tuer son père ou son esclave c'est
rant celui qui réprime une passion, et lâche la le même crime? Si vous présentez la question
bride à une autre? 11 n'est qu'une vertu, l'obéis- dans ces termes généraux, nous ne pourrons en-
sance àlaraison, inébranlable et perpétuelle. On bien juger. Si ôter la vie à son père est en soi uu
ne peut rien y ajouter qui l'accroisse rien en re- crime, les Sagontins, qui aimèrent mieux pour
trancher sans la détruire. Si les bonnes actions leurs pères la mort dans la liberté, que la vie dans
sont morales, et si rien n'est plus moral qu'une la servitude, furent des parricides. Ainsi donc on
action morale, on doit déclarer aussi que rien peut quelquefois sans crime ôter ta vie à son père,
n'est meilleur que le bien. Il en résulte donc que et souvent on ne le peut à son esclave. C'est dans
les vices aussi sonttous égaux, s'il est juste d'ap- le motif de l'acte et non dans l'acte même qu'il
peler vices les difformités de l'âme. Or, puisque faut chercher des distinctions le motif fait pen-
les vertus sont égales entre elles, les bonnes ac- cher la balance du côté où il se porte; lorsqu'il
tions, qui viennent des vertus, doivent être éga- se trouve également des deux côtés, il les rend
les et les mauvaises, qui viennent des vices, ne nécessairement égaux. Mais voici, en tout cas, la
doivent pas l'être moins. différence lorsque vous mettez injustementvotre
Il. Ce sont là, dites-vous, des maximes em- esclave à mort, vous ne commettez qu'un crime;
pruntées aux philosophes.-Vous n'y reconnais- lorsque vous tuez votre père, vous en commettez
sez pas celles des mauvais lieux? J'aurais pu le plusieurs. Vous tuez celui qui vous a engendré,
craindre. C'est ainsi que raisonnait Socrate. celui qui vous a nourri, celui qui vous a élevé,
J'en suis charmé, car il a la réputation d'un celuiqui vous adonné un état, une famille, un rang
homme fort docte et très-sage. Mais, je vous le dans la république. Dans ce seul crime il y en a
demande, car enfin ce ne sont pas les poings qui donc une fouie; c'est pourquoi il mérite un plus
doivent jouer dans notre querelle, est-ce des sen- terrible châtiment. Mais dans notre conduite, ce
timents des portefaix et des manœuvresque nous que nous devons considérer, ce n'est pas quelle
devons nous mettre en peine, ou bien de ceux peine mérite chaque faute, mais quelles actions
des sages? quand nous observons surtout que noussontpermises: toutce qu'il ne fautpoint faire
cette opinion est non-seulement la plus vraie du estunefautejtoutcequelaloidéfendestuncrime
monde, mais encore la plus salutairedans la pra- telles doivent être nos maximes. Quoi! dans les
tique de la vie. Quelle puissance arrêtera plus vi- plus petites choses?- Vraiment oui car disposer
vement les hommes sur le seuil du mal que cette du cours des événements, nous ne le pouvons;

pune posset auri pondo decem, reddiderit, siidem in decem se, si pnvatis, ac si magistratibus manus afferant' quam.
minibus pondo non idem fecerit? aut temperantem eum, cumque in domnm stuprum intulerint, eamdem esse la-
qui se in aliqua libidine continuent, in aliqua effnderit? bein libidinis? Kihil ne igitur interest ( nam hoc dicet ali-
Una viiluàest, consentienscumratione, et perpetua con- quis), patrem quis enecet, an servum ? Nuda ista si ponasr
starjtia.Nihilbuicaddipotest, quo magis virtussit;nihil judicari, qualia sint, non facile possunt. Patrem vita
demi, ut virtutis nomen relinquutur. Eteiiim si beuefaota privare si per se scelus est, Saguntini, qui parentes suos
recte facta sunt, et nihil recto rectins certe ne bono quidem liberos emori, quam servos vivere malueiunt, parricidœ
melius quidquam inveniri potest. Seqnitur igitur, ut etiam fucrunt. Ergo etparenti noimunquam adimivita sine sce-
viliasiut patia: si quidem pravitales animi recte vitia di- lere potest; et servo saepe sine injuria non potest. Causa
cuntur. Atqui quoniam pares virtutes sunt, recte facta, igitur base non natura distinguit quae quando utro ac-
quando a virtulibus proficiscuntur, paria esse debent; cessit, id tit propensius; si utroque adjuncta sit, paria
ilemque peccata,quoniam ex vitiis manant, sint iequalia fiant, necesse est. Illud tamen interest, quod in servo
uecesse est. necando, si adsit injuria, semel peccatur, in patris vita
El. A philosophas, inquis, ista sumis. Metuebam, ne a violanda, mullapeccantur. Violatur is, qui procreavit, is,
lenonibus diceres. Socrates disputubat isto modo. Beuc qui in sede ac domo, atque in republica collocavit. Mul-'
hercle narras; nam istnm doctum et sapientem \irum titudine peccatorum praestat, eoque pa-na majore dignus
fuisse, memoriae traditum est. Sed tamen quaero ex te est. Sed nos in vita, non quae cuique peccato pœna sit,

utrum nobis est quid


(quando verbis inter nos oontendûnus non pngnis),
bajuli atque operarii,
an quid homines doctissimi senserint? preesertim quum
sed quantum cuique liceat, spectare debemus quidquid
non oportet, scelus esse; quidquid non licet, neras putare
dehemus. Etiamne in minimis rebus? Etiam si quidem
hac sententia non modo verior, sed ne utilior quidem ho- rerum modum fingere non possumus, animnrum modum
minum vitra reperiri ulla possit. Quœ vis euim est, quae tenere possumus. Histrio si paullum se movit extra nume-
magis arceat homines ab iniprobitute onini, quam si sen- rum, aut si versus pronuntiatus est syllaba una brevior,
uriut, nullum in delicUs esse discrimen? seque peccare aut longior, exsibilatur et exploditur in vita tu, qui omni
maintenir notre âme sous le frein, cela dépend de iqque la justice y était muette, les usages antiques,
nous. Lorsque dans son jeu un acteur excède la abolis,
a et que le fer, après avoir dispersé les ma-
mesure, lorsqu'il fait un vers trop long ou trop gistrats,
i laissait vide la place du sénat au mi-
1lieu de la république. Ce ramas de bandits,
court d'une syllabe, il est sifflé et chassé; et vous, ce
acteur dans la vie, qui devez y porter plus de con- brigandage
1 constitué sous tes enseignes en plein
venancc que n'en demande le théâtre, plus de me- forum,
i ces débris de la conjuration de Catilina,
passant de ses débordements impies a tes abo-
sure que n'en réclame le vers, direz-vous que vos 1

fautes ne sont que des syllahes de plus ou de minables


i fureurs, tout cela n'était point Rome. Je
moins? Je n'excusepoint un poëte qui s'esttrompé n'ai
i donc pas été banni d'une cité qui n'existait
dans des bagatelles, et j'excuserais dans le monde |pas; mais Rome m'appela lorsqu'il y eut un con-
nn citoyen qui mesurera ses fautes sur ses doigts sul dans la république, qui n'en avait plus à
Trouvez-les brèves si vous voulez, mais vous ne cette funeste époque; lorsqu'il y eut un sénat,1
pourrez les trouver légères; car toute faute, qui alors avait péri; lorsque le peuple libre put
quelle qu'elle soit, est une perturbation de la rai- se faire entendre; lorsque reparurent l'équité et
son et de l'ordre; et dès qu'une fois la raison et les lois, qui sont les liens de la cité.
l'ordre sont troublés, il ne se peut rien ajouter Vois un peu combien j'ai méprisé les coups de
qui augmente la faute. ton ignoble fureur; j'ai toujours pensé, il est
vrai, qu'elle se déchaînait contre moi et me pour-
IVe PARADOXE. suivait de ses traits; mais je n'ai jamais estimé
qu'ils m'eussent atteint, à moins peut-être que
Que, point, de sagesse, c'est démence.
Ce n'est plus de ta fréquente sottise, ni de
perpétuelle scélératesse que je veux te convain-
ta tu n'aies cru, alors que tu portais dans ma mai-
son des torches incendiaires et en renversais les
murailles, livrer aux flammes et ruiner quelque
cre mais je te prouverai sans réplique que tu es chose qui fût à moi. Rien de ce qui m'appartient,
un insensé et un homme en démence. rien de ce qui appartient à un homme, ne peut
L'âme du sage fortifiée par une exquise s'enlever, s'arracher, ou se perdre. Si tu m'avais
prudence, une inébranlable fermeté, le mépris enlevé ma fermeté éprouvée, mes soins, mes veil-
de la fortune, par toutes les vertus en un mot, les, mes conseils, qui ont relevé et maintiennent
sera-t-elle jamais forcée et prise d'assaut dans la république, à ta grande douleur; si tu avais
des tels retranchements, quand on ne peut pas détruit le souvenir impérissable de cet éternel
même la jeter dans l'exil? Qu'est-ce en effet que bienfait; bien plus encore, si tu m'avais ravi cet
la vraie cité? Est-ce toute réunion, même de bê- esprit d'où sont sortis tous ces conseils; alors
tes féroces? est-ce toute multitude, même de fu- j'avouerais que j'ai éprouvé un vrai dommage.
gitifs et de brigands, rassemblés en un même Mais si tu ne m'as fait ni pu faire tout ce mal,
lieu? Certainement non. Il n'y avait donc pas ce n'est pas un exil misérable que ton iniquité
de cité, alors que les lois y étaient sans autorité, m'a infligé mais un retour glorieux qu'elle m'a

gestu moderatior, omni versu aptior esse debes ut in syl. Praidonum ille concursus, et te duce latrocinium in foro
laba te peccare dices? Poetam non audio in nugis in vitœ constitutum,et reliquiae conjurationis a Catilinae furiis ad
societate audiam civem, digitis peccata dimeticntcm sua? tuum scelus furoremque conversae non civitas erat. tta-
Quae si visa sunt breviora, leviora qui possint videri?1' que pulsus ego civilaLe non sum, quae nulla crat; arces.
quum quidquid peccatur, perturbatione peccetur rationis silus in civitatem sum, quum esset in republica consul
atque ordinis pcrturbata autem semel ratione et ordine, qui tumnullusfuerat; esset senatus, qui tum occiderat;
nihil possit addi, quo magis peccari posse videatur. esset consensus populi liberi esset juris et aequitatis ( quoi
vincula sunt civitatis) repetita memoria. Ac vide, quam
PARADOXONIV. ista tui latrocinii lela contemserim. Jactam et immissam
"Ozi Tïoeç âypwv {j:a''v£?oc(. a te nefariam in me injuriam semper duxi, pervenisse ad
Omnem stultum insanire. me nunquam putavi nisi forte, quum parietes dislurba-
bas, aut quum tectis seçleratas faces inferebas, meonira
Ego vero te non stultum, ut saepe non improbum, ut aliquid ruere aut deikgrare ai-bitrabare. Niliil neque
semper; sed dementem et insanum, rébus vincam neces- meum est, neque cujusquam, quod auferri, quod eripi
sariis. Sapientis animus magniLudine consilii tolerantia quod amitti potest. Si mihi eripuissesdiuturnam animi mei
rernm humanarum contemtione fortunœ virtutibus de- constantiam meas curas, vigilias consilia quibus respu.
nique omnibus, ut mœnibus, septus, vincelur et expu- blica te invilissimo stat; si hujus aeterni benelicii immor-
gnabitur, qui ne civilatequiclempellipotest? Quae est enim talcm memoriam delevisses; multo etiam magis si illam
civitas? Omnisne conventusetiam ferormn etimmanium? meutem unde hœc consilia manarunt mihi eripuisses
omnisne ctiam fugitivorum ac latronum congregata unum tum ego accepisse me confiterer injuriam. Sed si lixc nec
in locum mullitudo? Ceite negabis. Non igitur erat illa fecisti, nec faeere potuisti reditum mihi gloriosuminjuria
tum civilas, qnum leges in ea nihil valebant; quum judi- tua dedit, non exitum calamitosum.Ergo ego semper civis,
cia jarebant; quum mos patrius occiderat quum, ferro et Inin maxime, quum meam salutem senatus exteris ra-
I>ulsis magistratibus, senatus nomen in republica non erat. tionilms, nt civis optimi, connnendabat; tu, ne mine.
préparé. Je n'ai donc jamais cesse d'être ci- à àTon meilleur ami a fait rendre contre
l'exil?
toyen et moins que jamais, alors que le sénat t toi une loi spéciale pour t'exiler si tu pénétrais
confiait mes jours, comme ceux d'un grand ci- dans le sanctuaire de la Bonne Déesse. Mais tu te
j
toyen, à la garde des nations étrangères tandis vantes toi-même d'y avoir pénétré. Comment
que toi, tu ne l'es pas même aujourd'hui; àt donc expulsé par
tant de lois, ne trembles-tu pas
i
moins cependant que l'on ne puisse être à la fois au seul nom d'exil? Je suis à Rome, dis-tu. Tu
citoyen et ennemi. Est-ce la nature et l'origine, as bien été dans le sanctuaire. Il ne suffit pas
et non pas plutôt l'esprit et les actes qui distin- d'être dans un lieu pour en avoir les priviléges,
guent, selon toi, un citoyen d'un ennemi? Tu aslorsque l'on en est exclu par les lois.
couvert de sang le forum; tu as fait occuperri Ve PARADOXE.
les temples par des brigands armés; les maisons
privées, les édifices sacrés ont été par toi li- Que le sage seul est libre, et que hors de la
vrés aux flammes. Pourquoi nommer Spartacusi sagesse il n'y a qu'esclavage.
un ennemi, si tu es un citoyen? Comment serais-
tu un citoyen, toi qui pour un temps as anéantii I.yue l'on vante ce général, qu'on lui prodigue
la cité? Et tu m'appellerasexilé, moi dont l'ab- ce titre, et qu'on l'en croie digne; mais de quelle
sence a paru à tous l'exil même de la république! façon? A quel homme libre commandera celui
0 le plus insensé des hommes! tu ne jetteras qui ne peut commander à ses passions? Qu'il les
donc jamais les yeux sur toi? Tu ne songerass réprime d'abord, qu'il méprise les voluptés, re-
donc jamais ni à ce que tu fais, ni à ce que tutienne sa colère, mette un frein à son avarice,
dis? Tu ne sais donc pas que l'exil est le châti- ferme les autres plaies de son âme, et qu'il com-
ment des crimes, et que mes belles actions seu- mence à commander aux autres, alors que lui-
les m'ont poussé hors de Rome ? Tous les bri- môme aura cessé d'obéir à ces abominables maî-
gands et les sacriléges dont tu te vantes d'être lee tres, la turpitude et l'opprobre. Tant qu'il leur
chef, et que les lois condamnentà l'exil sont au- obéira, non-seulement ce ne sera pas un général,
tant d'exilés, lors même qu'ils n'ont point changé3 mais on ne devra même pas le tenir pour un homme
de lieu; et toi, qu'exilent toutes les lois, tu ne se- libre. C'est là une fort belle doctrine des philoso-
ras point un exilé? N'appelle-t-on point ennemii phes dont je n'invoqueraispas l'autorité si je par-
celui que l'on surprend en armes? on a surpriss lais à des ignorants mais comme je ne m'adresse
i
ton poignard à la porte du sénat. Celui qui a ici qu'à des esprits parfaitement cultivés, et à qui
commis un meurtre? tu en as commis un grand1 ces spéculations ne sont pas étrangères, pourquoi
nombre. L'auteur d'un incendie? c'est ta main i feindrais-je d'avoir perdu toutes les peines que j'ai
i
qui a mis le feu au temple des Nymphes. Celui consacrées à ce genre d'études? De très-habiles
qui envahit de force un lieu consacré? tu ass gens ont donc déclaré, qu'à l'exception du sage,
campé dans le forum. Mais à quoi bon énumé- personne n'est libre en ce monde. Qu'est-ce en
rer les lois ordinaires qui te condamnent toutess effet que la liberté? Le pouvoir de vivre comme

quidem nisi forte idem esse hostis,


et civis potest. Ann igitur, tôt legibus in exsilium ejectus, nomen exsulis non
tu civem ab hoste natura ac loco, non animo factisquee pcrhorrescisPRomae sum, inquis. Et quidem in operto
distinguis? Cœdein in foro fecisti; armatis latronibus tem-i- ïuisli. Non igitur ubi quisque erit, ejus loci jus tenebil
pla tenuisti; privatorum domos, aedes sacras incendisti. si ibi eum legibus esse non oportebit.
Cur hostis Spartacus, si tu civis? Potes autem esse tu ci-i·
vis, propter quem aliquando civitas non fuit? Et me tuoo PARADOXON V.
nomine appellas quum omnes meo discessu cxsulasee e "On [iôvoî 6 ooçAs IXîÉBepo;, xai nos ijfifflv 6oû)io;.
rempublicam putent? Nunquamne, homo ameutissime,
Solum sapientemesse liberum, et omnem stultum servum.
te'cireumspicies ? nunquam, uec quid facias, consitlerabis
nec quid loquare? Nescis, exsilium scelerum esse pœnam I. Laudetur vero hic imperator, aut etiam appelletur,
meum illud iter ob prœclarisshnas res a me gestas essee ant hoc nomine dignus putetur quo modo? aut cui tau.
susceptum? Omncs scelerati atque impii, quorum tu tee dem hic lihern imperabit, qui non potestcupiditatibussuis
ducem esse profiteris, quos leges exsilio affici volunt ex-> imperarePRefrenet primimi libidines, spernat voluptates,
Sttles sunt, etiam si solum non mutarunt an, quum om-l- iracundiam teneat, coerceat avaritiam ceteras animi Iabcs
nes leges te exsulem esse jubeant, non eris tu exsul? Numn repellat tum incipiat aliis imperare, quum ipse improbis-
appellatur inimicus, qui cum telo fuerit? ante senatumn simis dominis, dedecori ac turpitudini parere desierit.
tua sica deprehensa est. Qui hominem occiderit? tu plu-i- Dum quidem his obediet, non modo imperator, sed liber
rimos orcidisti. Qui incendium fecerit'œdes Nympharum o habendus omnino non erit. PrœcJare enim est hoc usur-
manu tua deflagravit. Qui templa occupaverit? in foro o patuni a doctissimis, quorum auctoritate non uterer, si
castra posuisti. Sed quid ego communes leges profero, inihi apud aliquos agrestes hsec habenda esset oratio; quum
i-
(jiiilnis omnibus es exsul ? familiarissimus tuus de te pri- vero apud prudentissimos loquar, quibus hœc inaudita non
vilegium tulit, ut, si in opertum Bonae de» accessisses, sunt, cur ego simulem, me, si quid in his studiis opéra
exuilares. At te id fecisso, etiam gioriaii soles. Quomodo o posuerim, perdidisse? Dirtuni est igitur ab erudilitsimis
PARADOXES.

on veut. Mais quel homme peut conformer sa commandements, et n'ose résister à aucun de
vie à ses volontés, si ce n'est celui qui suit le droit ses
caprices? Elle demande ? il faut donner; elle
t appelle? il faut venir; elle remue? il faut s'éloi-
chemin, se complait dans son devoir, et n'agit
qu'avec maturité et prudence; celui qui n'obéit gner;
elle menace? il faut trembler. Pour moi,
pas aux lois par crainte, mais s'y attache et les un
tel homme n'est passeulement un esclave,
respecte, parce que de tels sentiments lui parais- mais le plus vil de tous les esclaves, eût-il le plus
sent les plus salutaires de tous; qui ne dit rien illustre sang dans ses veines. Et de même que,
ne fait rien, ne pense rien, si ce n'est volontiers dans
une grande famille, il est certains esclaves,
i
et librement; dont tous les desseins et les actions comme les intendants et les jardiniers, qui s'es-
ne viennent que de lui et tendent à la même fin;timent fort au-dessus des autres, et n'en sont pas
près de qui rien n'a autant de crédit que sa pro- moins esclaves; ainsi, et non moins fous, sont
i
pre volonté et son jugement à qui le cède enfin ceux qui mettent toutes leurs délices dans les sta-
la fortune elle-même dont on dit que le pouvoir tues, les tableaux, les ouvrages ciselés, les bron-
est souverain. Ainsi l'exprime une sage maxime> zes corinthiens, et les bâtiments magnifiques.
du poëte. Chacun se fait une fortune àsa guise. » Mais nous sommes, disent-ils, les chefs de l'État.
Le sage a donc seul le privilége de ne faire rien Vous n'êtes pas même les chefs de vos compa-
malgré lui, rien à regret, rien par contrainte. Ett gnons d'esclavage. Et de même que dans une
quoiqu'il faille pour le prouver un plus long dis- maison ceux à qui le soin de ces objets est con-
cours, on doit cependant convenir en deux mots> fié, qui essuient, parfument, nettoient, arrosent,
que celui-là seul est libre dont l'âme est ainsi ne tiennent pas le premier rang parmi les escla-
disposée. Tous les méchants sont donc des esclà- ves ainsi, dans la société, ceux qui se livrent
ves. Et ce qu'il y a ici d'étrange et de paradoxal ce sans partage à des goûts de cette espèce, sont
n'est pas tant la chose que le mot. Car on ne pré- descendus presque au dernier degré de l'escla-
tend pas qu'ils soient esclaves comme ceux qu'un vage. J'ai fait de grandes guerres, me diras-
maître achète, ou possède à quelque autre titre; tu j'ai eu de grandes charges et de beaux com-
mais si la servitude est, comme elle l'est en effet, i mandements. Gouverne donc honorablement
l'obéissance d'une âme énervée et abjecte et qui i ton âme. Te voilà sottement en extase devant
ne jouit pas de son libre arbitre, qui pourrait un tableau d'Échion, ou une statue de Polyclète.
nier que tous les hommes légers, tous ceux que
conduisent leurs passions, tous les méchants en
Je
te ne veux pas rechercher de quelles sources ils
viennent, ni où tu les as enlevés. Lorsque je
un mot soient des esclaves? te vois ébahi, ravi d'admiration,jetant les hauts
Il. Est-ce un homme libre, celui à qui com- cris, je te tiens pour l'esclave de toutes ces baga-
mande une femme? à qui elle dicte des lois, telles. Est-ce que ce ne sont pas là des objets
impose ses volontés, ordonne, défend ce qu'il charmants?- D'accord; nous aussi n'avons pas
lui plaît? qui ne peut désobéir à aucun de sesi l'œil d'un barbare. Mais, au nom du ciel, que

vins, nisi sapientent, liberum esse neminem. Quid estt perantinegare potest, nihil recusare audet? Poscit ? dandum
cninilibertas? Potestas vivendi, ut velis. Quis igitur vivit est:vocat? veniendutn ejicit? abeundum minatur?
ut vult, nisi qui recta sequitur, qui gaudet officio, cui vi- extimescendum. Ego vero istum non modo servnm sed
vendi via considerata atque provisa est? qui legibusqui- nequissimum servum etiam si in amplissimafamilia natus
dem non propter metum paret, sed eas sequitur atques sit appellandum puto. Atque ut in magna familia sunt alii
colit, quia id salutare maxime esse judicat qui nihil dicit, lautiores (ut sibi videntur) servi, sed tamen servi, atrien
niliil facit, nihil cogitât denique, nisi libenter ac libere ses ac topiarii pari stultitiasont, quos signa, quos labulœ,
cujus omnia consilia, resque mîmes, quas gerit, ab ipso quos caelatum argentum quos Corinthia opera, quos aedi-
proficiscnntur, eodemque feruntur nec est ulla res, quaee ficia magnifica nimio opère délectant. Atsumus, inquiunt,
plus apudeumpolleat, quam ipsius voluntas atque judi-i- civitatis principes. Vos vero ne conservorum quidem ve-
< iuro cui quideœ etiam (qiiœvim habere maximal» di- • strorum principes estis. Sed utin familia, qui tractantista,
citur) fortuna ipsa redit; sicut sapiens poeta dixit « Suiss qui tergunt, qui nnguat, qui verrunt, qui spargtmt, non
« ea cuique fingitur moribus. t honestissimum locum servitntis tenent sic in civitate,
» Soli igitur hoc contingit
sapienti, ut nihil faciat invitas, nihildolens niliil coactus. qui se istarum rerum cupiditatibus dediderunt, ipsius ser-
Quod etsi ita esse, pluribus verbis disscrendnui est illud \itutis locum pâme innmum obtinent. Magna inquis, bella
tamen et breve, et confiteudum est, nisi qui ils sit affec. gessi; magnis imperiis, etprovinciis prœfui. Gere igitur
tus, esse liberum neiuinein. Igitur omnes improbi, servi. aniinum laude dignum. Echionis tabula te stupidnin deti-
Nec hoc tam reest, quam dictu iiiopinatum atque mira- net aut signum aliquod Polycleti. Mitto unde sustuleris,t
bile. Non euim ita dieunt eos esse servos, ut mancipia, et quomodo habeas. Intuentemte admirantem clamores
quaa sunt dominorum facta nexu aut aliquo jure civili tollentem quum video servum te esse ineptiarum omnium
sed, si servitus sit, sicut est, obedientia fracti animi et:t judico. Nonne igitur sunt ista festiva? Sint nam nos quoque
abjecti, et arbitrio carentis suo, quis neget, omnes levés ocnlos eruditos babemus. Sed, obsecrote, ita venusta ha-
omnes culridos, omnes denique improbos, esse servos? beantur ista, non.utvinculavirorum sint, sed ut oblecta-
Il. An ille mihi liber, cui millier nnperat? cui leges im- menta puerorum. Quid enitn censés ? si L. Muiiimius ali-
rouit, prœscribit, jubet, vetat, quod videtur ? qui nihil im- quem istorum viderct, inatellionein Coriuthiuni cupidissùne
l'État elle les contraint à lui envoyer
ce charme n'aille pas jusqu'à forger des chaînes dérables de
aux hommes, et que toutes ces beautés demeu- des présents, à le venir trouver de nuit, à l'im-
rent des jouets d'enfants. A ton avis, que dirait plorer, à le supplier enfin. Qu'est-ce donc que
L. Mummius, s'il voyait l'un de ces délicats l'esclavage, si c'est là de la liberté? Et lorsque
manier avec amour quelque vase de nuit fait la tyrannie des passions a cessé, et que de la
d'airain de Corinthe, lui qui a méprisé Corintheconscience des fautes commises est né un autre
entière? le prendrait-il pour un des princes de maître, la terreur, quelle misérable et dure servi-
l'État, ou pour un intendant soigneux? Et si tude c'est là Il faut se faire l'esclave de tous les
la lumière était rendue à M. Curius, ou à quel- jeunes gens qui aiment à causer, il faut craindre
qu'un de ces anciens qui n'avaient dans leurs comme des maîtres tous ceux qui font les infor-
maisons de ville et de campagne d'autre orne- més. Et alors quel maître n'est-ce pas qu'un juge?
ment, d'autre décoration qu'eux-mêmes; s'il combien les coupables ne tremblent-ils pas de-
voyait un homme comblé des bienfaits du peuple, vant lui? Et la crainte, n'est-ce pas l'esclavage?
appeler ses mulets au bord d'un vivier, et les Que voulait donc dire l'éloquent Crassus dans ce
ilatter de sa main, et se vanter du nombre de ses discours plus abondant que sage?«Arrachez-nous
murènes, ne le regarderait-il pas comme telle- « à la servitude. Qu'est-ce donc que la servitude
ment esclave qu'il ne voudrait pas même lui d'un homme aussi noble et aussi illustre? La ser-
confier un service important dans sa maison? vitude, c'est la faiblesse d'une âme abattue, éner-
Peut-on douter de l'esclavage de ceux qui, par vée et rampante. Ne souffrez pas que noussoyons
la passion d'augmenter leur pécule, acceptent « les esclaves de personne. » 11 demande donc
toutes les conditions du plus dur esclavage? d'être rendu à la liberté? Non pas; mais il ajoute
Quelles lourdes chaînes n'impose pas l'espoir « Si ce n'est de vous tous. C'est un changement
d'un héritage 1 comme on s'empresse de satisfaire de maître, et non la liberté qu'il veut. De vous
les moindres caprices d'un vieillard riche et sans tous, que nous pouvons et devons servir. Pour
enfants! On dit ce qu'il veut, on fait tout ce nous, nous avons l'âme trop grande et trop haut
qu'il commande, on lui tient fidèle compagnie, placée par la vertu, pour le devoir et le pouvoir.
effet:
on lui prodigue ses soins, on l'accable de petits Dis que tu le peux, puisque tu le peux en
cadeaux. Qui pourrait reconnaître là un homme mais ne dis pas que tu le dois; car l'homme n'a
libre, et non pas un esclave fainéant? d'autre devoir que de s'affranchir de la honte.
III. Et cette passion, plus noble en appa- Mais en voilà assez sur ce sujet. Qu'il voie ce-
rence, des honneurs et du pouvoir, quelle dure, pendant comment on peut dire qu'il commande
impérieuse, et emportée maîtresse n'est-elle pas! aux autres, cet homme que la raison et la vérité
elle rend esclaves de Céthégus d'un homme convainquent de ne pas même être libre.
qui ne jouit pas d'une bien grande estime, ceux
mêmes qui se regardent comme les plus consi-

Iractantem qnum ipse totam Corinthnm contemsisset: 1est serviendum omnes, qni aliquid scire videntur, tan-
utrum illtim civem excellenlem an atriensem diligentem quam domini, timentur. Judex vero quantum habet do-
putaret? Reviviscat M'. Curius, aut eorum aliquis, quo- minatum ? quo timore nocentes afGcit? An non est omnis
rum in villa ac domo nihil splendidum, nihil ornatum fuit, metus, servitus? Quid valet igitur illa eloquentissimi viri,
prater ipsos et videat aliquem, suminis populi Leucticiis L. Crassi, copiosa magis, quam sapiens oratio ? Ëripite
usum, barbatulos mullos exceptantem de piscina, et per- nos ex servitute. » Quae est ista servilus tain daro ho.
traclantein,et murœnarum copia gloriantem nonne hune mini tainque nobili ? Omnis animi debilitati, et bumilis,
hominem ita servum jndicet, ut ne in familia quidem di- et fracti tiiniditas, servilus est. ft Kolitc sinere nos cuiquani
gnum majore aliquo negotio putet? An eorum servitus du- servirc. In libertatem vindicari vult? -Minime quid enim
liia est qui cupiditatepeculii nullam conditionem récusent adjungit? « Kisi vobis universis. » Dominum mutarc, non
durissimae servitutis? Hcreditatis spes quid iniquitatis in liber esse vnlt. « Quibus et possumus, et debemus. » Nos
serviendo non suscipit? quem nntum locuplctis orbi senis vero, si quidem animo excelso, etalto, et virtutibus exag-
non observat?Loquitur ad voluntatem; i|uidquid
dennn- geratosumus, nec debemus, nec possumus. Tu posse te
tiatum sit, facit assectatur,assidet muneratur. Quid ho- dicito, quoniam quidem potes debere ne dixeris; quo-
rum est liberi? quid denique non servi inertis? niam nihil quisquam debet, nisi quod est turpo non red
III. Quid? jam illa cupidilas (quae videtur esse lihera- dere. Sed tiœc liacte4itis. 111e videat, quomodo imperator
lior) honoris, imperii, provinciarum, quam dura est do- esse possit: quuiii eum ne liherum quidem esse ratio, el
mina quam imperiosa qnam veliemens Cethego, hnraini vorilas ipsa convincal.
non probatissiino servire coegit eos, qui
sibi esse amplis-
simi videbaulur; mimera mittere, noctu venire domiim
ad eum, precari, dcuiqne supplicare. Qum servitus est,
si lise libertas cxistimaii pfilest? Quid? quum cupidita-
tum dominatus excessit, et alius est dominus exortus ex
«mscientia peccatorum, timnr quam est illa misera,
qnam dura servitus! Adolcscwtibus paullo loquacioribus,
VI' PARADOXE. deux? il en faut davantage. Plusieurs? davan-
tage encore. Et si, comme Danaüs, on en compte
Que le sage seul est riche. jusqu'à cinquante, voilà tout autant de belles
I. Pourquoi vanter ta fortune avec cette inso- dots à fournir. Il faut donc, comme j'ai dit, me-
lente ostentation? Es-tu seul riche? Au nom du surer la fortune à l'étendue des besoins de cha-
ciel, est-ce que mes connaissances et mes études cun. Ainsi, celui qui a non pas plusieurs filles
n'ont rien dont je puisse être fier? Tu te crois le mais des passions innombrables qui peuvent en
seul riche? Mais, si tu n'étais pas même riche! peu de temps épuiser les plus grands trésors, ne
Mais si tu étais réellement pauvre Comment en- doit en aucune manière être appelé riche, surtout
tendons-nous la richesse, et à qui l'attribuons- quand lui-méme se sent dans le besoin. Ou t'a
nous? à celui, je pense, qui a assez de biens pour souvent ouï dire qu'il n'y a de riche que celui qui
les trouver sans peine suffisants à une vie libé- peut entretenir une armée à ses frais; ce que tous
rale qui ne demande,ne désire, n'ambitionne rien nos grands revenus permettent à peine depuis
au delà. C'est ton jugement qui doit te déclarer quelque temps au peuple romain.
riche, et non l'opinion publique et la grandeur Donc, à ce compte, tu ne seras riche, que le
de tes biens; il faut qu'il trouve que rien ne te jour où tes épargnes te mettront à même de dé-
manque, et qu'il ne se mette en recherche d'au- frayer six légions et toutes les troupes auxiliaires
cun bien nouveau. A ton sens, regorges-tu d'ar- de fantassins et cavaliers. Mais c'est avouer que
gent, ou même en as-tu ton content? S'il en est tu n'es pas riche, toi dont la fortune est si loin
ainsi, je l'accorde, tu es riche. Mais si dans ton de pouvoir suffire à ce beau rêve. Ainsi, tu n'as
avidité d'amasser, tu ne réputes honteux aucun jamais fait un secret de ta pauvreté, ou plutôt de
gain tandis qu'aucun ne peut être honnête pour ton indigence et de ton extrême misère.
l'ordre dont tu es membre; si tous les jours tu Il. De même que ceux qui cherchent des gains
fraudes, tu trompes, tu demandes, tu fais des honnêtes dans le commerce, le travail des mains,
marchés, tu enlèves, tu prends; si tu dépouil- et la collecte des impôts, nous font entendre que
les les alliés et pilles le trésor public si tu es dans le besoin les meut; ainsi, quand on voit ta mai-
l'attente des testamentsde tes amis, ou même, sans son remplie d'une troupe confuse d'accusateurs et
les attendre, si tu en produis de faux, sont-ce là de juges; et en même temps, des accusés cou-
des signes d'abondance ou de misère? C'est l'es- pables et riches, travaillant sous tes auspices à
prit de l'homme que l'on appelle riche, et non corrompre leurs juges; quand on voit par quels
ses coffres. Les tiens ont beau être combles, tant marchés tu vends ton patronage, les cautions
que je te trouverai vide, je ne te croirai pas riche. que tu fournis aux brigues des candidats, les
On mesure les richesses à la suffisance des biens. affranchis que tu envoies pour rançonner et pil-
A-t-on une fille? il faut de l'argent. En a-t-on ler les provinces; tes voisins dépossédés, tes bri-

PARADOXON VI. Filiam quis habet? pecunia est opus. Duas? majore. Plu-
res ? majore ctiam. Et si,utaiunt Danao, quinquagintu
"Oti u.ovo; ô itoso; TcXoijaio;. sintfiliœ; toi dotes magnamquaeruntpecuniam. Quantum
Solum sapientem esse divitem. enim cuique opus est, ad id accoramotlatur, ut ante dixî,
divitiarom modus. Qui igitur non filias plures sed innu-
I. Quae est ista in commemoranda pecunia tua tam in- merabiles cupiditates habet, quœ brevi tempore maximas
solensoslentalio? Solusne tu dives? Proh dii immortales! copias cxlwurire possint; hune qno modo ego appellabo
egone meaudivissealiquid ,et didicisse, non gaudeam?So- divitem, quum ipse etiam egere se sentiat? Multi ex te
lusne dives? quid.si ne dives quidem ? quid, si pauperetiam ? audieruint, quum dicet-es, neminem esse divitem, nisi qui
Quem enim ititelligimiis Uivitem? aut hoc verbum in qno exercitumalere posset suis fructibus quod populus roma-
homine ponimus? Opinor in eo, cui tanta possessio est, nus tantis vectigalibus jam pridem vix potest. Ergo boo
ut ad liberaliter vivendum facile contentus sit; qui nihil proposito, nunquam eris dives ante quam tibi ex tnis
quœrat nihil appetat, nihil optet amplius. Animus oportet possessionibus tantum reficiatur, ut eo tueri sex legioues,
tuus te judicet divitem, uon hominum sermo, neque pos- et magna equitum ac peditum auxilia possis. Jam (ateris
sessiones tuae nihil sihi déesse putet, nihil curet amplius. igitur, non esse te divitem, cui tantum desit, ut expleas
satiatus est, aut contentus etiam pecunia? concedo, dives id, quod exoptas. Itaque istam pauperlatem, vel potius
es. Sin autem propter aviditatem pecuniae nullum quœ- egestatem ac mendicitatemtuam nunquam obscure tulisti.
stum turpern putas, quum isti ordini ne honestus quidem 11. Nam ut iis, qui honeste rem quaerunt mercaturis fa-
possit esse ullus; si quotidie fraudas decipis, poscis, pa- ciendis, operisdandis, publicis sumendis, intelligimus
L'isceris,aufers,eripis; socios spolias, serarium expilas; opus esse qua^ito sic, qui videt domi tuae pariter accu-
si testamenta amicorum exspectas, aut ne exspectas qui- satorum atque judieum consociatos greges; qui nncentes
dem, atque ipse supponis lisec utrum abuudantis, an et pecuniosos reos eodem te auctore, corruptelam judi-
egentis signa sunt? Animus hominis dives, non arca ap- cii molientes; qui tuas mercedum pactiones in patrociniis,
pcllari solet. Quamvis illa sit plena, dum te inauem vi- intercessiones pecuniarmn in coitionibus candidatorurn,
<Iebo, divitem non putabo. Eteuitn ex co, quantum cui- dimissiones libertarum ad fœneraudas diripiendasque pro-
satis est, metiuntur hommes divitiaruir» modum. vipeias; quiexpuisiones vicinorum,<(ui latrocinia in agris,
gandages dans les champs, les sociétés que tu aucune
i fortune, aucune montagne d'or ou d'ar-
formes avec des esclaves, des affranchis et des gent dont le prix se puisse comparer à celui de
g

clients; toutes ces propriétés sans maîtres, ces la vertu.


proscriptions des riches, ces massacres dans nus
cités, et toute cette moisson du temps de Sylla; III. 0 dieux immortels! Les hommes ne veu-
quand on songe à ces testaments supposés à tant lentpas comprendre quel beau revenu c'est quela
d'hommes enlevés quand on découvre enfin que modération
i des goûts car j'en viens aux somp-
tu as mis tout à prix d'argent, l'enrôlement des tueux, et laisse là ceux que dévore la passion du
milices, tes sentences, ton suffrage et celui d'au- lucre. Vous prenez dans votre avoir six cents ses-
trui, ton langage et ton silence, et transformé terces, et moi cent dans le mien mais vous, qui
en comptoirs ta maison et le forum commentvoulez dans vos maisons de campagne des pla-
ne pas penser que, de ton propre aveu, c'est le fonds brillant d'or et des parquets en marbre,
besoin qui te pousse? et comment croire qu'un qui entassez sans fin statues, tableaux, meubles
homme, mû par le besoin, soit véritablement ri- et vêtements précieux, vous ne trouvez pas
che? Le propre de la richesse est de nous combler dans cette levée de fonds, je ne dis pas de quoi
de ressources; et on ne la reconnaîtqu'à l'aise et à solder vos dépenses, mais de quoi même en piyer
l'abondance où l'on se trouve: et comme tu n'y l'intérêt; ma petite somme, à moi que ne grè-
atteindras jamais, jamais tu ne deviendrasriche. vent point des goûts ruineux, me fournira en-
Puisque tu méprises ma fortune, et avec raison; core du superflu. Lequel donc est le plus riche
car au jugement commun elle est médiocre; au de celui à qui l'argent manque, ou de celui qut
tien, nulle; au mien, modique je ne dirai rien en a de reste? d'un homme qui est dans le be-
de moi, et je poursuivrai mon sujet. S'il s'agit de
soin, ou d'un autre qui est dans l'abondance?La-
fixer notre opinion et notre estime, dis-moi si quelle est la plus belle, d'une fortune qui, plus
nous devons estimer davantage l'argent que Pyr- elle grandit, plus elle est insuffisante à se main-
rhus offrait à Fabricius, ou le désintéressement tenir, ou d'une autre qui s'entretient par ses pro-
de Fabricius qui refusa cet argent? l'or des Sam- pres forces? Mais pourquoi parler de moi qui,
nites, ou la réponse de M. Curius? l'héritage de
atteint peut-être de la contagion universelle,
Paul Emile, ou la générosité de l'Africain qui ne puis tout à fait secouer les préjugés de mon
abandonna à Q. Maximus son frère la part de temps? M. Manilius ( pour ne pas toujours par-
cet héritage? Bien certainement, ces traits qui ler des Curius et des Fabricius) était, au dire de
partent des plus nobles vertus, ont plus de prix nos pères, un citoyen pauvre; il avait une petite
que ces richesses dédaignées. Comment donc, s'il maison aux Carènes, et quelques arpents près de
est vrai que la richesse doit se mesurer au prix Labicum. Sommes-nous donc plus riches, nous
des biens que l'on possède, comment douter qui avons davantage? Plût au ciel Mais ce n'est
qu'elle ne se trouve dans la vertu? Puisqu'il n'est pas à l'inscription du cens, c'est au train et à

qui cuin servis, cum libertis, cum clientibus societates, sint? quoniam nulla possessio, nulla vis auri et argenti
qui f.nsscssionesvacuas, qui proscriptiones loeupletium pluris, quam virtus, œstimanda est.
qui œdes municipiorum, qui illam Sullani temporis mes. III- 0 dii immortales non intelligent hommes, quam
sem recordetur, qui testaments subjecla, qui sublatos tot magnum vectigal sit parcimonia venio enim jam ad sum-
homines; qui denique omnia venalia, delectum decretum, tuosos relinquo istum quœstuosum. Capit ille ex suis
alienam, snam sententiam, forum, domum, voceia, si- praediis sexcenta sestertia; ego centeua ex nicis illi au rata
lentium quis buoc non putet confiteri, sibi quaesito opus tecla in villis, et sola marmorea facieuti, et signa, tabu-
esse? cui autem quaesito opus sit, quis unquam hune vere las, supellectilem, et vestem infinité concupiscenti non
disait divilem? Est enim divitiarum fructus in copia; modo ad fructum itle est sumtus, sed etiam ad foenus,
copiam autem declaratsatietas rerum, atqueabundantia: exiguas; ex meo tenui vectigali, detractis sumtibus cupi-
quam tu quoniam nunquamassequere, nunquam omoino
ditatis, aliquid etiam redundabit. Uter igitur est ditior, cui
es futurus dives. Meam autem quoniam pecuniam oontem-
deest, an cui superat? qui eget, an qui abundat? cujus
nis, et recte (est enim ad vulgi opinionem mediocris; ad possessio quo est major, eu plus requiritad se tuendam
tuam, nulla; ad meam modica), de me silebo de re lo- an quae suis se viiibus sustinet? Sed quid ego de me lo-
quar. Si censenda nobis atque œstimanda tes sit, ulrum quor, qui morum ac temporum vitio aliquantum etiam
tandem pluris œstiraemus pecuniam Pyrrhi, quaui Fabri- ipse fortasse in hujus seeculi errore verser? M'. Manilius,
cio dabat, an continentiam Fabricii, qui illam pecuniam patrum nostrorummemoria (ne semper Curios et Luscùios l
repudiabat? utrum aurura Samnitum, an responsnm M'. loquamur), pauper tandem fuit habuit enim œdiculas in
Curii ? hereditatem L. Paulli, an liberalitatem Afiicani Carinis, etfundum in Labicano. Nos igitur ditiores, qui
qui ejus hereuitatis Q. Maximo fratri partem suam conces- plura habemus? Utinam quidem! sed non aestimatione
sit? Hœcprofecto, quse suntsummanim virtutum, pluris census, verum victu atque cultu terminatur pecuniae
wstimanda sunt, quam illa, quœ sunt pecuniae. Quis modus. Non esse cupidum, pecunia est; non esse emacenit
tgitur (si quidem, ut quisque, quod plurimi sit, possideat, vectigal est; contentum vero suis rébus esse, maximae
Ha ditissimus habendus ait) dubitet, quin in virtute divitise sunt, certissimaeque divitiœ. Etenim si isti ealiidi rerum
l'aise de la vie qu'il faut mesurer la fortune. Ne car seuls ils ont des biens à la fois productifs et
pas avoir de passions, c'est de l'argent comptant; impérissables; et seuls (ce qui est le propre des
ne pas aimer la dépense, est un beau revenu; richesses) ils sont satisfaits de ce qu'ils ont; ils
être content de ce que l'on a, c'est la plus grande estiment que ce leur est un avoir suffisant. Ifs [O

et la plus solide richesse. Car si les habiles experts ne désirent rien n'ont besoin de rien, ne se sen-
donnent un grand prix aux prés et aux champs, tent manquer de rien, ne recherchent rien. Les
parce que ces sortes de propriétés sont celles qui méchants au contraire et les avares, n'ayant que
souffrent le moins d'atteinte; quelle estime ne des biens incertains et qui donnent prise à la for-
doit-on pas faire de la vertu, qui jamais ne peut tune, les veulent toujours accroître; il ne s'en
nous être enlevée ni dérobée; que l'on ne perdni est pas encore trouvé un seul qui pût se contenter
dans un naufrage, ni dansun incendie, etquen'al- de ce qu'il avait; aussi doit-on les regarder non
tèrent ni la violence des tempêtesni les ravages du comme des gens riches et dans l'abondance, mais
temps? Ceux qui la possèdent, seuls sont riches; comme des pauvres et des indigents.

iestimatores prata et areas quasdam magno aestimant, quod divitianun) contenu sunt rébus suis. Salis esse pillant
ri generi possessionumminime quasi noceri potest; quanti quod est; nihil appetunt, nulla re egent, nihil sibi déesse
ost œstimanda virtus quae neceripi, nec surripi potest sentiunt, uihil requirunt. Tmprobi autem et avari, quo-
niam incertasatque in casn positas habent, et plussem-
tinquam neque naufragio neqne incendio amittitur neo
tempestatum, nec temporum perturbatione mutatur? qua per appetnnt; nec eorum qnisquam adhuc inventus est,
praditi qui sunt, soli sont divites soli enim possident res cui quod haberet, esset satis; non modo non copiosi ac
it fructuosas, et sempiternas; solique (quod eet proprium di vites ,sed eliam inopes ac pau peres existimandi sun!. j

NOTES SUR LES PARADOXES.

Piioœmiisi. Anhnadixrti Brute. M. J'iiiiiu Bru- de la course antique. II y avait deux lignes tracées dans
tas, le meurtrier de César. Servilia, sa mère, était sœur la carrière, l'une au point de départ, l'autre à l'extrémité.
de Caton d'Utiqne. Franchir la première avant le signal était manquer à lA
Ea philosophia plus uthnur. Cicéron se rattachait de règle. Grévius pense que c'est à celle-ci que Ciceron fait
préfêrence à la nouvelle académie, et avait d'ailleurs plus allusion, quoiqu'on puisse aussi bien l'entendre de l'autre
de goût pour la doctrine des péripatéticiensque pour celle qu'il ne fallait pas dépasser, et que le reste de la phrase
des stoïciens. nous fasse incliner pour cette seconde interprétation.
Illud majorum vigiliarum munus. Les Tusculanes Transilire lineas s'emploie fréquemment dans le sens d«
le traité de Finibtes et celui de la Nature des dieux qui faire une faute.
araient aussi été dédiés à Brutus. Il. Ne a lenonibus. Sarcasme qui s'adresse à peu près
nia Minerva. La Minerve de Phidias était placée dans indistinctement à tous les partisans de la volupté.
l'Acropolis d'Athènes. Sagunlini. Lors du siège de Sagonte par Annibal. Tite-
Paradoxon i. I. Patriam Prtenem. Priène, ville Live,xxt,24.
<l'lonie. L'ennemi dont il est ici question était Alyatte, père
de Crésus. Hérodote i 26 Diogène Laerce, ViedeBias;
Extra numeros. La mesure dont il est question ici
et Valère Maxime, xii, 2. est celle du geste, comme l'indiquent clairement les ex-
pressions gestu maderatïor que l'on trouve un peu après.
II. Cupedines acficliles urnas. Vases dont on se ser- Dans l'antiquité, tout ce qui se disait et se faisait sur la
vait dans les sacrifices. On trouve, dans le de Natara neo- scène était réglé et mesuré per numeros.
rum, m, c. 17 Cupedunculœ Numœ.
Jnterjeclui Caio. Caton l'Ancien, qui mourut à quatre- Digitis peccata dimelientem. L'auteur fait allusion à
vingt-cinq ans, cinq ans avant la ruine de Carthage par le
la coutume des poètes de compter sur leurs doigte les pieds
second Africain.
de leurs vers.
Ureviora. Suite de la comparaison des actions avec les
lit. Corinlhiis operitnts. Ouvrages d'art faits d'airain
de Corinthe. vers.
Paradoko.* Il. C. ifarium vidimus. Marins était mort Pahadoxon iv. – Omnem stultum insanire. L'expres-

l'an de Rome 667. Cicéron a toujours professé pour Ma- sion iftiWum,traducl ion imparfaite du mot grec &pp«>v, n'aa
rius une grande admiration; il avait fait un poëme en son point d'équivalent dans notre langue. Être stulbis c'est,
honneur. philosophiquement, ne pas cire sapiens; et les stoïciens
Nescis, insane. Cet insensé est Marc Antoine; quelques entendaient volontiers par là celui qui n'avait pas leur 8*-
éditions ajoutent 0 Marée- Antoni! gesse, c'est-à-dire, qui n'était pas de leur secte et ne s« re-
– parva, inquis- L'auteur se met ici glait pas en stoïcien.

a.
Pakadoxon m.
en plein dialogue et va répondre à une sorte d'objection. Ego vero te. Toute cette diatribe est à l'adresse de Clo-
rrgle» dins, le promoteur de l'exil «le Cicéron, et qui n'appelait
Transilire
mnuwuclineeu. wmparaiavu empruntée aux
auwua. Comparaison
cirjiwm. -TOME 1.
cu.r.w ..o. _n 3i!
à'nrùaaireltyiredelapalrie,retenu triouiphantàRome, pas par excès de gofit qu'il serait tombé dans le travers
que l'exilé. que blâme Cicéron. On sait qu'il avait déclaré, à ceux qui
Illa tian civitas. Lors du tribunat de Clodius, sous le étaient charges du transport des chef-d'œuvre des arts de
consulat de L. Pison et A. Gahinins, l'an de Rome 695, j Corinthe à Rome qu'ils seraient tenus s'ils les égaraient
Si mihi eripuisses diuturnam. Les principaux ma- d'en rendre de semblables.
nuscrits s'accordent à donner divinam au lieu de diu- II. MuUosexceptantem.Ces mulets étaient privés et ve-e-
turnam. Quelle qne fût l'autorité de cette leçon, nous naient s'offrir aux caresses. Dans une lettre à Atticus n
n'avons pas hésité à suivre l'exemple d'un grand nombre I où Hortensius et Lucullus sont désignés, Cicéron s'ex-
d'éditions qui ont adopté diuturnam. La pudeur ne per- prime plus axplicitement « Noslri principes digito se c«&-
met pas de penser que la vanité d'un grand esprit ait été luin putant attingere, si mulli barbati in piscinis sint, qui
jusqu'à cet excès. ad manum accédant. »
Ob prœclarissimas res. Cicéron avait été exilé, sur la III. Celhega. servire. Ce Céthégus fut préteur l'an
motion de Clodius, pour avoir fait mettre à mort, sans ju- de G79. 11 n'est, à ce qu'il parait, sorte de bassesses
gement, les complices de Catilina, malgré les injonctions | queRome
Lucullus ne fit pour en obtenir un commandement.
formelles de la loi Sempronia. L. Crassi copiosa. oratio. C'est le discours de Crassus
Ante senatum tua sica. Clodius avait embusqué, dans
pour la loi Servilia. Cicéron le lui reproche aussi dans le
le vestibuledu sénat un esclave armé d'un poignard pour premier livre du de Oratore, où il cite, entre autres, les
assassiner Pompée. phrasesrapportées ici.
Famillarissimus tmis. A. Papius Pison avait fait por» PARADOXON VI. I. Quœ est ista. C'est à Crassus en
ter uneloi spéciale contre Clodius, qu'on accusait de s'être parliculier que Cicéron s'attaque dans le développement
introduit, sous desvétementsdefemme, dans uu sanctuaire de ce paradoxe.
dont l'entrée était interdite aux hommes. Il est vrai que
lui Itti ordini ne Jtonvslus. Tout trafic était réputé bon-
ce même Pison lit abroger dont il avait eu l'initiative.
teux pour un sénateur.
LeUresà AUicus, i, 13. jErarium expilas. Ce que nous savons certainement,
Opertum lionce deœ. Les sacritices en l'honneur de c'est que Crassus enleva au Capitole deux mille livres d'or
cette déesse avaient lieu dans la maison du souverain pon- qne Camille avait déposées dans l'intérieurdu trône de Ju-
tife. Jules César était alors revêtu de cette dignité. piter. Pline, xxxui, t.
Paradoxon v. I. Ilic imper ator. On croit générate.
Il. l'actiones in pali'ociniis. La loi Cincia défendait
'nent que c'est M. Antoine que Cicéron désigne ici quoi- à un sénateur fie faire marché de son patronage.
que une foule de traits de cette amère critique convienne Intercessiones. C'est ce que Facciolati explique ainsi
très-bien à Lucullus.
n Sponsiones, iuterposita fide sua, se soluturum pro îis
Sapiens poéta. Appius ou Plaute. Le preti)iei-, cité par candidatis, ni ipsi solvetent, quam promiltebant pecu-
Salluste, avait dit « Vabrum esse quemque fortuuœ. Et te niam. »
second, dans le Trimtmmui,n, 1 « Sapiens ipse fingit SuHani temporis messem. Sylla avait vendu, com-
fortunam sibi. » me siens les biens d'un grand nombre de citoyens, et
il. Cui mulier imperat. Si l'on veut ici voir une allu- Crassus les avait achetés à vil prix. Sylla avait livré aux
«on c'est la célèbre Fulvie que probablement l'auteur flammes une partie de la ville, et Crassus avait acquis à
avait en vue. On sait quel empire elle exerça sur Antoine. Irèii-bon compte les terrains sur lesquels ensuite il avait
édifié. Toutes ces spéculations lui rapportèrent des sommes
Atrienses. topiarii. Les esclaves atrienses avaient énormes.
la garde de tous les objets d'art et de luxe. Les topiarii
doutaient aux arbres, par la taille et l'agencement, des III. M\ Manilius. Probablement celui qui fut con-
rormes agréables; leur art, fort en vogue à l'époque de Ci- sul l'an de Rome 604 et dont il est question dans le dia-
céron, s'appelait topiaria. logue de Âmicilia cap. 3 et le Songe de Scipion 1. i.
Echionis. Pline parle de ce peintre dans sou livre
xxxv, 10.
Carinis. Région de la ville éloignée du forum. – Labi-
cuno. Bourg voisin de Rome, qui avait donné son nom à la
L- Mummius. C'est le destructeurde Corinthe. Ce n'est tanipagna des nuirons. Voyez. Pline. ni, 5.

FIN »U PHEMIEB VOLL'IIS.


TABLE DES MATIÈRES
DU PREMIER VOLUME.

Avaut-propos.
Cicéron.
Vie de
a
J
Bbutus, OU dialogue sua lus oraïïubs
ILLUSTRES. Traduction nouvelle par
Vie de Cicéron, par Plutarque, traduction
d'Amyot
M.
accompagnée de notespar
T. Baudement :», xlix Notes sur le
France.
M. Burnouf, professeur d'éloquence latine

Brutus.
au Collége de 34»
415
Tableau synchronique des événements qui se L'ORATEUR, à Brutus. Traduction nouvelle,
Cicéron.
rattachent à la vie de
Tableau etanalyme des lois citées dans Cicéron.
Calendrier romain, suivi d'une comparaison
xcv
cvij cour des
Notes sur
comptes.
par M. Savalette, conseiller maître à la

l'orateur 4S0
480
entre ce calendrier et celui de César. cxv LES TOPIQUES, à C. Trébatius. Traduction
Suite des consuls depuis l'an de rome 690jus- Hinard.
Caton.
qu'en l'a 91tselon la chronologie de Var-
ron et celle de cxLij
Notes sur les
DIALOGUE sub
Topiques.
nouvelle par M. Damas 489
507

le même
LES PARTITIONS ORATOIRES,
RHETORIQUE, à C. Hérennius. Traduction traduction nouvelle, par 509
nouvelle, par M. Thibaut, ancien élève de Notes sur les Partitions oratoires
)'Ëco!enbrmate.
premier.
484

second.
1 Du MEILLEURGENRE D'ÉLOQUENCE.Tradue-
Livre
Livre
troisième. 13
3
fesseur de rhétorique•
tion nouvelle, par M. Baillard, ancien pro-
536
Livre
Livre quatrième. Hérennius.
32
47
Notes sur le meilleur genre d'éloquence.
LES paradoxes, à Brutus. Traduction nou-
540

Notes sur la Rhétorique à 84


philosophie
versité.
velle, par M. Lorquet, professeur agrégé
DE L'INVENTION ORATOIRE. Traduction de 541
nouvelle par 31. Liez, professeur de l'uni- 88 Paradoxe I. Que le seul bien, c'est l'honnête. 54î
premier.bid.j
second.
Livre
Livre
Paradoxe II. Qu'à l'homme vertueux rien ne
manque pour le bonheur. 544

oratoire. 126
Paradoxe III. Que les fautes et les mérites
sont tous égaux '4S
mence.
Notes sur l'Invention 169
LES TROIS DIALOGUES DE L'OIiATEUR, (7Ut n-
Paradoxe IV. Que point de sagesse c'est dé-
tus. Traduction nouvelle par A. Th. Gail-

Dialogue premier.
lard, inspecteur général de l'Université.. )73

second. 174 Paradoxe V. Que le sagrl seul est libre, et que


547

Dialogue
Dialogue troisième. ~2~
2S9
I<ft)tessur)e!!Troisdia)o2uest)e)'orateur.. 33â.i Notes sur
hors de la sagesse il n'y a qu'esclavage.. S4S
Paradoxe VI. Que le sage seul est
les paradoxes.
riche. 551
S63

7IN DE LA TAFLE DES MATIrSES.

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