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Fiction & Cie

Livro dngrtahzadc—
Copiadora L&M
KAFKA EN COLÉRE mpwadoraniszgeoªgmau com
99616—81ziº

PASEA
Et si Kafka pratiquaíc la critique sociale la plus radicale? SÉ] s'était (D
attaché à la question du pouvoir, notamment sous sa Forme [& plus £

invisible: le pouvoir symbolique? S'il avait cherché à nous aveugíer

EASANÚVA
=
D

par des narratíons qui soient des sortes de píêges? =


(:D
Lªhypothése ici développée cs: qu'il prit cfabord Cºnscience du ::
.:
sort tragique des ]uifs de langue allemande dans la Prague du début u.—

Kaíka
:D

du XX siêcle; puis, élargissant et comparam díffércntes situations =:

dªhumiliation socialernent autorisécs, il fut amené à réfléchir aussi <:


>
sur la domination masculina et sur Fernpríse des colons blancs dans , D
les colonies européennes. Mais, pour cela, il semble quil travailla ses 2
<:

en culere
récits comme de vérítables leurres. m
<
Telle est Finterprétation des fictions de Kafka qui est proposée ici: u
H.:
l'invention révolutíonnaire d'un « narratcur-menteur» qui renverse ._I
<
tout le procegsus de 1a leeture identificatoire. e.:
Curieuscment, ce nªeSt pas dans la littérature qu'on peut trouver des 2
n.
réponses à ces questions, mais bien plutôt dans lTethnologic alle-
mande, que, en cant que Pragois germanophone, il connaissait bien.
La recherche minutieuse de Pascale Casanova nous fait découvrir
un Kafka inédít et combatíf, cthnologue Ct enquêteur, dénonçant sans
relâche toutes les formes de la domination avec cette sorte de rage
inlassablc et invisible qui 16 caractérise. Elle éclaire les raisons profoncles
de la coíêre dc Kafka.
fm
Pascale Casanova enseigne [& littérature à Duke Universify. Elle esc
llauteur au Seuil de Beckett l'aáxrmcrem: Anatomia clima révalurz'm [ir:
rémíre (1997) et de La Republz'que mandiak des lettreá 1999, ct « Points »
nº P607, édition revue et corrígée). qui a été traduit dans une dou—

1
zaine de langues.

www.smíLCUm
www.ictinnclcicxom
Seuil

(Ícuvcrturc: croquis du Frunv. Kurka. v. Iªm")


© Archiv Klaus Wagunbucfakglinmgcx
9 782021 046731 ISBN 9783.01m45ª53 llmprimé cn France m.]! . Fiction & Cie | Seuil
DU MÉME AUTEUR
Fiction & Cie

Beckett lªabsfracteur
Anatomic d,].me révolurion líttéraire
emai
Semi 1997
La Répubííque mondiale des íettr
es
emai
Seuil: 1999
E! « Paint; », ?é “ P607
Pascale Casanova

KAFKA EN COLÉRE
Essaí

Seuil
25, [m' Ramain-Rollamí, Paris XÍVº'
COLLECTION
« Fiction & Cie »
Fondée par Denis Roche
dirigée par Bernard Comment

Pam" D., parce quiº-

ESBN : 978-2-02-í54673-1

© Éditions du Seuil, Octobre 2611

Le Code de la prºpriéré inteliecmeâic interdi


z
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que cc soit, sans lc consentement d:: uczion integrais ou partielie faire par
l'auteur ou de ses ayants cause, cs! qualque prccédé
contrcfaçon sancxionnée par les article iliicin:
s L. 3392 ct suivants du Code de ía prapri et constitua une
été inteliccmelle.

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www.flctioncccíe.com
«: Et je ne fais pas exception, moi,
íªindigàne du pays du mensonge. »
Franz Kafka,
Les Recherche; d'un Chim.
Introduction

« & comme dans cc jeu oil ias japonaís


s'amusent à tremper dans un bol de por—
ceiainc rempli d'eau, de petits morccaux
de papie: jusquc—là índiscinCts qui, à peine
y sonvils piongés s'étirent, se contournent,
se colorcnt, se différcncient, dcvâennent des
fleurs, des maisons, des pcrsonnages consis—
tants et reconnaissabíes, de même mainte—
nant toutes les fleurs dc none jardin et celães
du parc de M. Swann, et les aymphéas de ia
Vivonne, et íes bonnes gens du viílage et
leurs petits legis et ãªéglisc et tout Combray
et ses environs, tou: cela qu': prend forme et
soíídité, est sorri, ville et jardins, de ma (21556
de chá. »
n.
Marcei ?roust, Du côre' de chez Swan

est lu, com—


Franz Kafka esr Yobjet d'un culte mondial. Il
Procês et Le Cbámzu
menté, Cité dans toutes les langues. Le
plus admirés au
sont parmi les tomam les plus diffusés et les
à une sorte
monde. Et lªon assiste depuis plus de soixante ans
ntifient au scrip-
de fétíchisatíon de ses tcàtes '. les lecteurs síde
tion arrachée à
teur du journal avec passion, ía moindre Cita
íI
KAFKA EN COLÉRE
INTRODUCTEON
son contexte, érigée
“ en étenda
” rd dºnne sa gesse mystér
mais djautant pius pr ieuse son tire, ses détestations esthétiques, bref le caractêre tran-
ofonde-l ,. p rovo que ' unever)lta
- z
ramon . Ce cuite est cncourag' ' ble ' e—'
ven chant de ses goúts et de ses dégoúts qui sªaccorde mal avec sa
par la critique qui y trouve
Ímcamati on la plus parfaite de sainteté supposée.
LA Ííttérature: obscurité
secret, singularíté, autom Kafka & aussi été constitué en prophête. Redécouvert aprês
omle
' apparente. Kafka qu'
,

=.
p 3 ateddcícm -mem
“ e nªa la Seconde Guerre mondiale, il a d'abord été céiébrépour
t. pendant tres Íongtemps
& f , ) '
!

seion les canons ordi- avoir (prétendument) annoncé (lui qui est mort en 1924)
nallres “€ a blographle. Max
Brocí notamment, dans un por
tralt qui & em tres Influent par - lªhorreur du nazisme. Retrouvant au passage lºun des rôles les
ce qu'il prétendait au statut
témoignage, & fait de Em um de plus anciens et les plus archa'íques dévolus au poête, ceiui de
saint et un sage, champi
bonté et de p at:' ence dont la on dc vam ou de devín, il & ainsi atteint un statut quasi divinatoire,
. douceur er lªe ' quamml' te
' ” dªa* me jusqu'à devenir une sorte de génie presque surnaturel prédi—
nªauraíent eu dªéqu lva lent que ! ,.indulgence chs
.
tan te et
« Cªest dans la cat egorxe de cal meª. sant Fhorreur. Cette lecture qui fait fi de toute réalité histo-
1a sainteté, écrit Brod, et non rique, qui fait lªimpasse sur les conditions réeiles de lªécríture
des textes, qui présuppose un sens ínféré par ce qui s'est passé
aprês et ne sªintéresse pas à ce qui se passait pendant lªécríture
s > adossent
' ' . des textcs, & été pendant três Iongtemps lªun des obstacíes
aujourdª hui nombre de por
traits psychologiques majeurs à une véritabie historicisation des textes cie Kafka :
ou soc1olog1ques qui oublient
sa violence polémíque, ses juge- puísquªil était; supposé avoir prédit i'avenir, il n'était pius
ments SCVÉECS SUI"
J K

nombre de SES conte


mporains, son ironia, besoin de se préoccuper de son histoire. Kafka & été, en qualque
sorte, englouti deux fois: une fois par iªirruptíon de la guerre,
1. Dans ce livre on & utlhse
dzcs français (« ») pour les cisatíondeux sortes de guíliemets : les guillemecs
qui & fait disparaítre clans le sang le monde matériel, physíque
Ícs
s et Ícs guillernets dits angiais
(“ 13) Pºur
et politique des ]uífs de Prague, et une autre par lªapplication
mises à distance.
2. Le spectacle Kafka-Fmgnmr
e, musique de Gyõrgy Kurtág, mis
dªune grille de Iacture de ses textes issue des catégories de pen-
scene crAntoine Gindt, «
sur des cextes de Franz Kafka e en séc produítes aprêr la guerra, qui empêchc de comprendre ce
respondance) », présemé (jo urnal ct cor
»
au théâtze de Gennevillâe qui se passait avant que celíe-ci ne survienne.
2010, est un exempie frappanc rs en janvier—février
de cette sorte de fátichisme que
produit Il est aussi l'un des écrivains les pius commentés au monde.
tout Contextc, les
Du fait de leur double caractêre universal et énígmatique, ses
textes sont devenus un vasce champ de bataílíe. Parallêlement
[ .
:oncuonncnt &x píe. m rendem à ia dexa! prophétíque, et sans contradiction avec elle puisque
ent.
3. Sur certe pretendue sain
teté dc Kafka, voir Milan les diversas interprétations sembient sºaccumuler et non pas
Terramenrs mz/azs, París, Kundera Le;
Çaílimard, 3993, p. 53-56. ,
sºannuler, la critique nºa cessé de se déchírer à propos du seus
4. Max Brod, Um we comô
arízve, trad. A. Kohn, Parí
2964, p. 74. s, GaHímard, de ses récits. On peut consídérer que Iªabsence dºnne Véritable
histoire de lºentrepríse Iittéraife de Kafka & permis (et permet
I2
13
[NTRUQUCTIGN
KAFKA EN COLÉRE

& :: a'íen, des chercheurs


Itªtiªiª) Ztªaque corporation” inteliectueíle de s'approprier sable bibliographíe du commentaire kafk
es, le plus souvent
. , ' Broposer, sans aucune sanction historique une: exténués proposent de nouvelles hypothês
es. Chaque année la
ítífíªªtªn .chfztéedparhla seule logíque des débats intêrnes en contradiction les unes avec les autr
un livre novateur qui
, . , ongme cc aque interprêtc : philosophi ue l' — flêvre kafkaíenne produit au moins
pragois ct qui redéfí—
etjlÍLÍÍ-mthSIÉP—wí
ter ' psychanalytique,
' religieux, socioªgique,
, “ énonce une nouvelle vérité sur lªécrívaín
erches légitimes qui serem
mterpretatlons de Kafka nous éclairent davanta nit, pour un temps, le type de rech
interprêtes de ɪénígme
Ãur lc; lecteur que sur iªauteur », glisse ironiqucment Hanní discutées dans le petit monde des
mc, bien entenda, un
forlªestju lmcíment dc critiquer les ínterprétations « pro— Kafka. Ce champ de bataílle est íui-mê
livram: príncipalemem
qul c1rculent autour de l'oeuvrcª. Martha Robert unívcrs international. Les bataiíles se
, et le français. Cºast
. . ,an-t la recept
résum ' lon
' cnthu
' ' e de Kafka en Franc ' en trois langues: i'anglaís, ͪallemand
ui la na'ívcté, cªest—
ams; ecrire en 1984 : pourquoí lc moindre écrit sur Kafka excl
ºª Pºªvªªt à interpréter Kafka,
à—dire Fillusion de la solitude : se risquer
inédita, suppose une
c'est—â-díre proposer une ínterprétatíon
petit champ international
familiaríté (même partielle) avec le
options qui sªy ren—
li a de finterprétation de Kaíka et les différentcs
entrar. Depuis que je tra—
contrent au moment oil Fon veut y
,

ouvrages importants sont


: ge

vaille sur ce iivre, au moins cinq


donner des préc'k
dolu: SCUICS ÍBS ChOSCS abSEIRIECS venus modifícr les certítudcs critiques ou
de domaines tou-
PCLH'CIIE bCD-CÍICÍCI- Ce dEOIt

sions historiques índispensabies à propos


restés jusque-íà três
chant la vie et la trajectoire de lªécrívain
mal connus.
Michael Lõwyª,
Aujourd'huí, comme Fa fort bien résumé
pragois en six grands
on peut classer les travaux sur Fécrivaín
istes qui ignorem
courants : ]) les lecture's littéraircs internal
aujºurdªhui
Cªest lºu ne des tres ' rares oeuvres mondiales qui suscitent
urcs biographiques,
Cha ue elencorc, une passmn
, ínterprétative ininterrompue,. délibérément le “contexte”; 2) les ícct
lecrures métaphy—
q annee, au terme- d une course de fond dans íªinépuí psychologiques ou psychanalytiques ; 3) les
matem: en avant son
síques ou religieuses ; 4)'Ies Iectures qui
et socio-poíitíques ;
1. Hanna
& Courti ne-[)e
h Arendt
namy, Fariª,
L Tmdzrwn
" ' [.e ]mf comme paria, trad.
mcâee. identité juive; 5) les ícccures historiques
lesquelles le sens des écrits
Kafka », P- 102403. Chrisúan Bourgoís, 1987, chap. VH : « Franz 6) les ícctures pOSt—modernes (pour
2. Marche Robert, « Kafka cn Pr ct ií _P'
Morel (éd.), L e S'“ “ªncª
Centrê Yasha David
», in Geºrgªi pºmpiâí lgg? imaumis, Paris, Stock, 2004,
P— 16. rede de Kafka, Paus, 1. Michaei Lõwy, Franz- Kafka, rêveur
p. 10.

Iªl- 15
KAFKA EN COLÉRE
INTRODUCTEON
de Kafka est Índécidable). Quoiquc cha
que voie se développe têre Huície, changcant, incomplet, parfois même incohérent de
de façon presque indépendante et produise
clone ses propres iºécríture. Ils proposent done un texte en fac—similé qui donne
avancées, on peut dire quªon assiste depu
is quelques années à à Íire à ia fois lªécriture et la réécriture: suppressions, équí—
un retour en force de lªhístoire. Les réccntes
éditions critiques voques, recorrections incompiêtes se trouvent ízínsí avoir u-n
des textes de Kafka cn allemand'ont con
sidérablement changé droit égal à la sígnificationª. De ce fait, Íes problemas du chan?
le rapport avec le texte Iui-même. Nous
dísposons mainte— des variantes qui donncnt lieu à d'innombrables disputes parm1
nant de deux éditions critiqucs (et conc
urrentes) en allemand : les spéciaiistes deviennent obsolêtes.
íªédítion Fischer, de Jiírgen Bom, Gerhard Neu
mann, Malcoím Ce retour à Ea matéríalité et 51 Iªhistoricité du texte a indé—
Pasley et Jost Schillemeit, qui & commcncé
à paraítre cn 1982ª, niabiement permis une prise cie Cºnscience renouvelée parmi
et Í'édition Reuss et Staengle (en cours),
chez Stroemfeld— les chercheurs du caractêre bien « terrestre », pour reprendre le
Roter Stern, qui & débuté em 19952. Dans
l'éditíon Fischer, terms de Marthe Robert, de la vie de Kafka et de ia dimension
chaque type de textcs — récits publiés, rom
ans, fictions narra- matéríelle de sa trajectoire. Parmi les lecteurs francophones, ces
tivas non publíées, journaux intirhes — est
présenté en deux nouvelles éditions ont aussi contribué à dénaturaliser ia traduc-
parties: un volume avec le texte 'seul
, dépourvu de toute tion française. Elles ont rappelé que le texte original nªétaít ni
annotation éditoriale, et un volume contenant
lc matériau cri— dªAlexanàre Vialatte ni de Marthc Robert, et que les présylp-
tique. La pratique de la composition de Kaf
ka en carnets posés sur Iesquels est construite Fédition des oeuvref completes
oil Ie journal intima, les aphorismes et les
fictions narrativas de Kafka en français — parmi iesqueis Finvention d un volume
sont intimement mêlés est ainsi rest
áurée, donnant une vision de « fragments narratifs » formé dc textes préDÍaI'és Ade façon
beaucoup plus juste de son travailª. Rol
and Reuss et Peter arbitraire dans le journal et qui ne fait pas la distmcuon enire
Staengic ont adopté des choix éditoriaux tout
à fait différents. les esquisses inéditas et ies textcs pubiiés du Vivant de Kafka —
En tenant compte du caractêre inachevé dc
nombrcux écrits, procédaient dªune idée [: priori des rapports entre la vae et
ils remettent en cause ͪidée d'un; texte définiti
f. Du même lªoeuvre cfun écrivain qui était pius que contestable. Eíí-es ont
coup, contraircment à lªédítion Fischer, ils affi
rment Ie carac- aussi permis lªédition dºnne nouvelle traductlon frangazise deºs
récits et des romans beaucoup pius fidêle aux textes ongmaux .
1. Franz Kafka, Kritísc/Ére Ausgzzàe. Gemm
melte Wer/ee in der Fassung
der Handçc/yrzfi in 12 Bãndm, éd. Jârg
en Born, Gerhard Neumann, Mal-
colm Pasley et jest Schilíemeit, Francfort, Fisch 1. Leur édition présente un fac-similé de chªque pªge dãglanuãfzrlt
er. scanné augmenté dªune transcriptãon typographique, .é un & 1 et ug
2. id., Hístorz'xb-Krz'tz'sc/ae Amgaáe sãmrlicfaer
mid Yj/pwkrzpre, avec CD, éd. Roíand Reus
Handsrbnjíªen, Dmcke cahier díntroductiºn comprenant divers áocuments aldant a a compre
s et Peter Stacngle, Bâíc— ' ' & cies dífférents écrits. , ,
Francfort, Stroemfeld—Roter Stern.
3. La nouvelle version des Carnet; in—acmw henãã.0%râzíaKafkagene,sRéci£s, romam, jaumaux (désqrrlnais RH]), éd. ?refaccÉ,
notamment, dans la nou-
velle édicion Fischer,se démarque radicaleme composée et annotée par Gérard Rudent et Brlgltfe Vergne—Cam, .tr'a .
tant dans Ia chronoíogíe que dans Ia strucrure nt de la version de Brod, Francois Matchieu, Axel Nesme, Martha Robert, Gerard Rudent, B&gétte
et le contenu. Vergªle-Cain, París, Lc Livre de pecha, coli. « La Pochotheque », 2 .

16
E7
KAFKA EN COLÉRE ENTRODUCTIGN
e
Par ailícurs, et sºappuyant souvent sur les avancécs permises politiques dans la Plrague du tox'lrnggt de? XZZÍOÃÍ
raircs ct
par les éditions crítiqucs des textes, de nouvelles recherches & rme aª. &
XXªsiêcíes; de Michael Lõwy (2004), qfn
historiques ont fait progresscr à grands pas la connaíssance de €? 18 ?a! isª;-
mité de Kafka avec la «mouvance 2anarchlste
qq; engI 1c Cannª
lªunivcrs intellectual, politique et esthétique de Kafka. Aprês libertaire de Bohêmc; dºíris Emº? (2007),
Klaus Wagenbach], Martha Robertº, Ritchie Robartson3 et Begld Hfaªrªásm
nisme pragois et ses spéciHcit/es; de
duKaãZ Lts OHCCÚÍE
Hartmut Binderá, dont les travaux ont- été pionniers en (2007), qui, revendíquant les n'nªzthcfdes
matiêre dºhistoricisation, le livre de Mark Anderson Íszka's de . e (: Oliver
conclut à la Cºnviction assimilanoçmste
.]ang et 'e de
Clarke? (1992), centré sur ia description de l'esthétisme “fin édité sous 1a direction de Bettina, von
leigtreprls ées
de siêcle” dans 1'Ernpire des Habsbourg, & marqué une date : ]ahrausª, Kafka Handbuch (2008), Creactuadlse
toutes esliíwaníion
11 a fait un portrait inattendu du jeune Kafka en dandy pragois Harmut Binder (1979) et fait Ie gomt sur
Cªfe lscus
et & donné ainsi ia preuve que iºexpíoration historique de historiques, biographiques, théonques, etc.
lªunivers esthétique et politique de Kafka pouvait s”avérer ' ” en qualque sorte un reexamen his—
internan' onalc “autonse
três féconde et permettre l'apparition de regards inédits sur torique des écrits de Kafka.
l'oeuvre. Puis sont venus, pour n'en citer que queiques—uns, les
i? 1mo: ;PSCSÉOÍÍ
ouvrages de Sander Gilmanõ (1995), pour qui Kafka restitueraít Cjest à ce point du débat que je vais tente
1gre des; Ze ma
dans ses textes (consciemmcm ou non) ía plupart des clichés mc glisser dans cc jeu et de proposer,.ma
Bia efe rêdse
antisérnites qui prennent forme à lªépoque ; de Scott Spector que je viens de faire et les obstades que je merªs£
a . . cªes de
(2000)7, qui reconstitue ia complexité des discussions Íitté— propre hypothêse dc décryptagc. des tcxtes de
certamslt “ca,
que je me suis bomée au déchlffrexment de
âopg & expª ussâ
1. Kiaus Wagenbach, Franz Kaâa. Les anne'es dejeunesse (1883—1912) fíccion (sur lesquels je ne prétends & aucun rfmr
cu? e fã Cªí ar—
(1958), trad. Elisabeth Gaspar, Paris, Mercure de France, 1967. tíí) en faisant ie pari que, même pºl%r Em?
2. Voir surtout Seul comme Franz [Q:]?ea, Paris, Calmann—Lévy, 1979 ; fssgirc & cªis)
voir aussi Íúzâ'a, Paris, Gallímard, 1960. articuhêre, 11 était possible, mieux, .11 etalt nfzcc
alre. praºlles_
3. Ritchie Robertson, [aªa ]udaism, Politics, and Literature, Oxford, tir du plus lointain (le champ politique €)". htter
auves &
Clazcndon Press, 1985. pºur retrouver lªextrême singularité des ficuons narr
4. Hartmut Binder (ed.), [%%%&-Handbuch z'n zwei Bãna'en, Stuttgar
t, mêmes.
Mfred Krõner, 1979.
5. Mark Anderson, szjkzºf Clothes. Omammr ami Aesthetz'cism
in the : .-
Habsburg Fin de Sz'êcle, New York, Clarcndon Press—Oxford Univers , Franz Kafka, revezar Émoumzs, ag. cz .
ity ' 1 1.5
s m Palestme, Mad:
2. ªgªsªíce, wKZjÍea and Cultural Ziamsm. Date
Press, 1992.
6. Sander L. Gilman, Franz &szz. The ]ewz's/J Patient, New York— ' ' es, 2007. _
' '
Londrcs, Routledge, 1995. Apcrim der zflssimiiaêzfizn. Eme
Sºn=3T%íjíãwªfãzsíXÉ—Zªªmàka.
7. Scott Spector, Prague Tenitorz'es. National Conªir? and ch, ?Wliheím Pªk, Égw'b Leben-
Cultur
1727103450): in Franz Kaflêcz? Fin de Sz'êrle, Berkeley—Los Angele al Rekansmktian seines Ramanwerks, Muni .
00%”
University of California Press, 2000.
s—Londres, 4. Bettina von ]agow et Oíiver jahraus (ed.), quka .
Vand erho cck & Rupre cht, 2
Wfrà-erung, Gõttingcn,

IS 19
KAFKA EN COLERE
ENTRODUCTION

La bíographie demeure encore aujourd'hui lªune


des seuíes cette vie est considérée comme 13 seule source possible pour
formes d'histoire autorisées en-littératurel.
Elle est conçue comprendre ou déchiffrer une oeuvre.
comme Ía narration d1une singularité upsychologíq
ue, réduite le Or, ii me paraít quªií est possible de travailler à Iºélabora—
p1us souvent aux seuÍs événements de lºintirnit
é familiale, sen— tion dªune autre sorte d'histoire, en utilisant Iªinstrument du
timentale ou sexuelie. Et cette. p'sychologie est
immédiatement champ ou de lªespace littéraíre: une histoire qui reconscitue
appíiquée aux textes: on veut reconnaítre dans
ͪceuvre les lªensernble des composantes d'un univers de pensée, des prises
característíques psychologíques. qu'on & dégagées
dans la vie. de position, des productions littéraíres et politiques ; une his—
Lºceuvre littéraire est alors considér'ée comme l'évi
dent produit toire des reíations que les oeuvres coexistantes et contempo—
dºnne intériorité singuliere qui s'exprimerait, s'épa
ncherait, se raines entretiennent entre elies au sein dªun espace donné, une
dirait sous une forme ou une autre de façon “authent
ique” et archéologie cies engagements, des ruptures, cães amítíés, des
serait transposée immédiatement dans les texte
s ; elle serait une
sorte de déversoir des malheu'rs et des dífficulté goúts et des dégoúts ; une reconstitution qui s écrit non pas “&
s psycholo— partir d'un indivídu (comme le veut lªhistoire liztéraíre teach—
giques dªune vie. La nécessaire adéquation entre
“une vie et tionnelle), mais dªun coíiectif, auquei Fécrivain apparment,
une oeuvre” ferait de fume Ia mise en forme de ͪaut
re, conçue qu”il le veuilíe ou non, qu711 en aít Cºnscience ou mm. 11 sªagít
dês lors comme confession ou,- míeux, depuis Favê
nernent de de renouve1er et dªélargír la motion de “biographie” en res—
la psychanaiyse, comme réceptacle de désírs inconsci
ents et/ou tituant le monde intelíectud auquei appartient Íe créateur
de fantasmes ínformulés. De 13 vie de Kafka on sait
à peu prés étudíe'. Cette sorte d'histoire permet, au bout du compte, de
tout aujourdºhui (quoique, on y reviendra, certains
chapitres sítuer un écrivain dans ce coílectif et de comprendre une
demeurent controversés, et notamment son rapport
avec la entreprise íittéraire dans son príncipe même: lªioeuvre síngw
politique). Le probiême reside précisérnent Íà: dans
le fait Iíêre est alors considérée en tant quªelle est Tune des compo—
qnfon pense souvent en avoir fini avec la vie dºun
écrivain santes dªun ensemble sans lequel elle nºexiste pas.
lorsqubn & épuisé (sí tant est que cela soit possible)
121 Série
des événements qui la constituem dans leur succe
ssion, puis
débusqué et interprete Ia série des questions,
probíêmes,
dilemmes intérieurs, ainsi que les traits névrotiques et une « théorie de la création Eitcéraire » sur ce _quÉl apgfelle une « bzo-
qui per—
mettent de déiivrer une “psychoíogíe” de fauteurº. De graphic sociologique » cie Kafka, recoílcluu en. faft les pfesupPºseã,de la
plus, critique biographique selon íaqueHe 1 eeuvre 11€teraire n est nen lautre
. qubne transpesítíon simple, par le 131315 de dlverses metaph'ores p us ou
1. Les deux dcrniêres biographíes de Kafka publié moins éiaborées littérairement, de ses dífficultes psyclhlologlques, de ses
es, monumentales, relations avec son pára, de son sentiment de culpabúllte, de ses E&PRÚIFS
sont celÍes de Reiner Stach, Kafka. Die ]a/yre der
Enrsc/aeidungm, Franc-
fort, Fischer, 2002, et de Peter—André Alt, Franz avec les femmes, etc. 11 s,agit en vérité cie lªune des atarlantes cie 1a theqne
Kajlm. Der ewz'ge Salm.
Eine Biograp/aie, Munich, C. H: Beck, 2008. de fart littéraire comme “rcflet” de 13 réalité (B. Lahsre, Franz Kafka. Ele—
' , , .
2. Bernard Lahire, qui affirme fender une
sociologíe de la líttérature
ment; pom- zme záéorz'e de [a création litrémz're, Paris, La Decouverte,
2010).

2.0
ZI
KAFKA EN CGLERE [NTRODUCTÉON

oppose les
Par parenthêse, je voudrais réaffirmer ici rna volonté de tra- éloignés dans la structure mondiale, ía division. (11:11
ature'auto—
vailler en tant que critique littéraire. 11 me paraít en effet que, espaces anciens et puissants, produisant une htter
recen'ts,
à Fintersection de Fhistoire, de 13 sociologic (telle qu'eíle & été nome (reflexiva, préoccupée d'esthétique), aux espaees
lnofl natio—
éIaborée par Pierre Bourdieu) et de la critique textueiie, 1a cri- démunis en capital, qui s'unifient autouyr dºnne défínz
1a dechlren-aent
tique littéraire devrait tendre à devenir une science sociale à nahe (poíítíque) de leur spécificité. Et (: ese dans
antegcmstes
part entiêre qui ne dépendrait dyaucune autre discipiíne. La consécutif à ces deux défmitions ordinairement
c, qu11
condition sine qua non de 13 réussíte de ce projet me paraít de 501, dans ce elívage et cette instabilíté conseítgtw
l're et com».
être 1a réaffirmation d'une spéciHcité et dªune autonomie de faut comprendre 13 pulsion inse'parablement httera
po0r 0101
1a critique. En fait, je ne me suis autorísé cette incursíon dans bative de Kafka. Ife'tude de son ceuvre est done auss1
uher,
ce domaine hyper-spécialise', tres dispute, situé dans un espace lªoccasion de faire fonetionner, à propos d'un cas parne
u—
(apparemment) restreint et à propos dºun individu três singu— 1a nation despace littéraíre mondial conçue comme un instr
1ier, que pour poursuivre, paradoxalernent, mon enquete sur ment critique.
les fonctionnements de la littéramre mondialel. Je voulajs
l dísparu
savoir, en commençant, 5,11 était possible de montrer, à propos Enfim, 1a reconstitution de cet univers intellec'tue
eous
dªun cas (tres) singulier, les avantages dªune observation des suppose une réHexion sur les categories Sie peneee que
histo-
phénomênes líttéraires à partir du promontoire international. mettons en oeuvre dans ce type d'entrepnse critique et
s
11 me semble d'abord que, pour déchiff'rer Ia position para- rique. Le biais majcur qui guette chaque. lecteur de texte
naux lnum es,
doxale de Kafka dans cet espace international, 11 nyest pas pos— 1ittéraires et en particul—i'er ie lecteur de jour
ert
sib1e de sªen tenir à ce qui se passe dans lªunivers littéraire cªe5t 1'i11usíon de 1a comprehension immédiate. CequeRob
le
pragoís au tournant du siec1e. 11 faut prendre en compte dif— Damton appeile 1e « faux sentiment de fa:r_n1hz'1r1te avec
pour-
férents espaces de circulation des textes et des ide'es (notam— passeil ». Lºhistorien lecteur croit souvent qu11 ímls1..1ff1t,
ee qul
rnent lªensemble de Fespace habsbourgeois, Ia configuration comprendre un teme éloígné dans 1e tenªps, d exphcater
5111:—
de faire cu1ture11e alíemande, lªespaee transnationá cies dis- sªy énonce. En réahté, les “faits so1ides apparents, man's
cussions politiques et nationalistes juives, etc.). 11 faut aussi tout 1es catégories de pensée mises en oeiwre pour les decezre,
CÚOÉS
faire appei à Ea structure de lªespace littéraire mondiai. On sont 1e pius souvcnt des “pensées—écríns ,. des ÍÉÉOPSHU
(1 ewde nee, e
verra en effet que Kafka incame, à lui seul, ie grand cíívage
a posteriori qui contribuem par 111111310?
structure1 de 1a république mondiahª. des lettres. 11 resume, transparence, de communauté de pensee, % occul
ter 1e sens
e
par sa position de dominé dans un espace littéraire puíssant, réel dªun texte auque1 1e lecteur croit pouvoxr cn toute bonn
par son appartenance símuíta'née à deux espaces littéraires três
. 'mdes et crayances
1. Robert Darnton, Le Grand Massacre des criadas Am
1. Cf. Pascale Casanova, La République mondiale des [extras, Paris, MI—"A. Revenat, Paris, Robert Laffont, 1985,
dam llfincimne France, trad.
Seuil, coli. « Points », 2008. p. 17.

2.2. 23
KAFKA EN COLÉRE
INTRODUCTION
foi s'identíâer. A travers lesjou
maux qui donnent une impres-
sion de três grande transparence, nou de Vienne. Ces quelques mots à premiere vue ne disegt rien :
s nous identifíons rien qu'on ne sache, rien qujon puisse repérezz, rien dlglteres:
ímmédíatement au scripteur.-C
e1ui—cí nous paraít proche,
accessible, Iumineux, conformé'aà sam, sinon que Kafka assista à quelques confereneee lei 011.13],
nos attentes et à nos pré- mais que son intérêt portai't bien plutôtlsur ce qui etalt tratei:
supposés de iecteurs français diu
'début du XXIº síêcle, et sur—
tout en accord avec nos propres categorie que1ques lignes plus haut: 1a théosophle du docteur Ruelol
s de com
prehension Steiner, assorti dªune quinzaine de 1ignes de commentalres.
et cie connaissance du monde.
Or, 1ºhistoíre líttéraire (ou Pourtant, si em veut bien y prêtcr attention, si ou veut temer
artí stique, ou culturelle, ou phãosophi
que) ne sºécrit pas (ou cie 101 restituer tout ce quºeíle suppose, ce qufelle seus-entend,
pas seuÍement) avec ce qui est éno
ncé, avec 1es traces objec- cette phrase renferme la quasí-totaíité du monde (lnteíiectuel,
tives qui sont conservées des créate
urs que nous étudions, elle líttéraire, esthétique, politique, linguistíque) auquel Kafka agapar—
sªécrit aussi, paradoxalement, à trav
ers les siIences, ies non- tient. Cette ligne factueile enferme à elle seu1e, dans sa seche»
dits, les blancs, en bref ce qui, précis
ément, me se dit pas, ne resse même, iªensemble de Funivers intelÍectuel dans 1€q111€1
peut pas se dire et rfest donc lªob
jet d73ucune formulation Vit Kafka. 13116 dit, dans son Iaconisme même, le caractere
expiícite. Et ce parce que Funive
rs dans 1eque1 les écrivains transnational de la vie cultureiíe et inteiiectuene de 1ªemp1re
évoluent est justement ce qui dest
pas commenté, ce qui Ifest dªAutriche—Hongrie dans 1es années qui précédeflt le guerre ;
jamais" dit, ce qui va de 501 au point
quªií nªen est jamais ques— et aussi ce quªest le journal, ce qui sªy dit et me 3 y (1112 pas, du
tion. Or, de nombreuses analyses
de lºoeuvre de lªécrivain pra- simple fait que cela appartient à 1ªévidenee. On peut temer
goís se fonden t exclusivement sur ce qu'il & “dit
sous silence tout ce qu'il rfa “pas. dit” ” et passem de faire surgir de ces queiques mots, qu; ressembªlrent & s.y
. ' ' méprencire au papier japonais de Progst avant qu11 ne seat
Prenons pour exemple cette formu1
e aussi Íapídaíre que plongé dans l'eau, ie véritab1e unívers qm y est enferme, comme
décevante qui apparaít dans le jou
rna1 de Kafka au début de desséché ou lyophilísé.
Fannée 1911 : « Frii/aer Vortrag Lao
s und Kraus [Amparavant Charles Taylor développe lºidée se10n laquelle, pAour com.—
conference de Loos et Kraus]E ». Elle
nªest assertie d'aucun com— prendre une action — et 1es textes littéraíres peuvent etre cons;-
mentaire, dyaucune analyse critique, dªaucun élé
_, ciation. Mais ou ne peut certainem
rnent d'appré- dérés comme une certaine sorte d'action visible ee dechlffrefble
ent pas en déduire, comme seulement dans un espace spécifique —, il faut faire appel & 1a
1e voudrait íºhistorien positiviste ou
le biographe demandam motion de background knowledge, arriere—fogdeommun et infog—
des faíts et des preuves tangibles et
mesurab1es, 1e désintérêt mulé, comprenant des significations imphcuee. « La CO???—
ou même 1ªíntérêt mitigé de Kafka pou
r lªinte11ectue1 critique hensíon sbpêre toujours par rapport à un amere—Ifond, autb e
ce que Iªon tient pour acquís [...]. On peuÉ teupurf tem 61:
1. Franz Kafka, ]aumaux, 26 mars 1911 sur queÍquªun qui nºa pas cet arriêre-fond, ecnt Tay or, alusm
mais OC), éd. Claude David,
, in Gíuvres camplêtex (desor—
P1éiac1e », 1976—1989, 4 vol.,
Paris, Gallímard, coH. « Bibliorh
éque de 1a les choses les p1us simples peuvent-elles etre 11131 con1pr15es,
t. 111, p. 30.
surtout si nous laissons errer notre imaginanon et 51 nous

24
?«5

:, , _
KAFKA EN COLERE INTRODUCTIGN

ement
inflaginons des gens n'ayant même jamais entendu parler de ports de forces politiques et esthétiques — est immediat
flechesl. » Le philosophe prend 1ªexemp1e dªun étranger qui ne compréhensible.
eante, e11e
eornprendrait pas « ce quªest pour nous une directíve parfaite- Cette « connaissance incorporée » est tres chang
internes et
meet. Claire et simp1e » : le fait de suivre des fleches pour suivre dépend à chaque moment des rapports de forces
dyune hístoíre
un itineraire. « Imaginons un scénario, poursuit Taylor ' il nª externes au champ 1ittéraire, e11e est 1e produit
moment et e11e
& pas de Heches dans la culture de cet étrancer », il ne corr1 renª spéciEque qui doit être reconstituée à chaque
nt de 1a iec—
done pas qu?! « faut suivre 1a Hêche zªlana" ie sens ãe la ese composée dºé1éments qui. ont disparu au mome
pas restituer de
pointe »2. 81 nous cherchions à aider cet étranger à se dírí er ture et que par conséquent Fhistorien ne peut
nd informulé,
la seule façon de lever iªimplíeite inscrit dans la définitzcigoá façon spontanée. Tayior oppose à cet arríere—fo
à 1ªaccord tacite
même de 1'« arriere—fond Cºmmun » qui suppose de nªêtre "anais et donnant, en queique sorte, un fondement
des « repre—
formule pour agir sur un collectif, dest justement de Ijénon— sur 1eque1 sªétablit 1e monde social, 1e domaine
formulées expíici—
cer. « Quand la méprise provient d,:me difference d'arriêre- sentations » qui, elies, sont_c0nseientes et
ier de ía
fond, 11.faut, précise Taylor, pour la faire disparaítre formuler tement. Mais, ínsiste-t-íl, « loin dªêtre 1e 1íeu prem
Hots dans
delmamêre expresse un élément cie l'arriêre—fond de le; personne comprehension, 1es representations ne sem que des
mandeE ».
qm donne une explication, Íequei n'avait peut—être 'amai ' ' lªocéan de Yappréhensíon. pratique et informulée du
ait nom-
formu1e' auparavantª'. » J S ºtª Ce que Tay1or appeile l'íntelleetuaíisme, et qu'onpourr
1e choix
, Le critique iittéraire est tres souvent dans 1a position de cet mer aussi ía philosophie de la Cºnscience, ne nous íaísse
ou pas de
etrenger : 11 me sait pas vraíment se diriger dans lªunívers éloi— qu'entre « une comprehension des representations
une compre—
gne (et dªautant plus é1oigné quªil s'en croit proche) de lªéeri— comprehension du tout2 », autrement dit entre
des repre—
vam .qu'il étudie. 11 me parait done quªune grande art (1 hension des choses formulées et expiicitées, produit
te à elÍe-même,
travail interpre'tatif en littérature est précisément de cetperdreLT sentations claires d”une Cºnscience transparen
ajoute
formuIer, pour le comprendre et 1e faire comprendre, le back; et 1ªírnpossíbílité de comprendxe quoi que ce soit. Mais,
ít 1a tro'k
ªround knowledge caracte'ristíque du monde social de 1'écrivain Tay10r, « la comçréhension inéorporée nous foum
algªtdªnlgªerríílseéªãâprendre 1es actions, dest—ã—dire 1es textes, sieme so1ution ».
-
. . ques et surtout afin de faire cesser1ªiilu— Dans ce travail j'ai, pour une grande part, cherché à explí
res du
silon qee cet arnêre—fond Cºmmun —— qui est le produit d'un citer et à formuie: 1e backgrºund knowledge des memb
et 1890
etat dlsparu du champ 1íttéraire, d'un état antérieur des rap- groupe des íntellectuels juífs de Prague nés entre 1875
eux et
— groupe auquel appartient Kafka. La distance entre
s de penser,
- , C nous est devenue si grande, 1es évidences, les façon
- - ães Tªylºr ª «
1' Chal Suívre une fê ; »,
* _ ge tra
d C Cha
UVlre ct . Four“
2. [M., p. 554-555. ªº“ Sªpºªmbfª 1995) p- 556—557.
nªªr, Crztzque, nºs 579-580,
'

]. Ibiá, p. 560.
3. 1112, p_ 557. 2. 1112, p. 564-565.
26 2-7
KAFKA EN COLÉRE
1NTRODUCT10N
de dasser, les couples dªopposi-eion cherehant à décrír
e, à appre-
hender et à comprendre le monde nous sont devenus si opaqu — ce qui signifle de ce que meus savons qu'í1 sait en sacharit
es que meus excluons par force ce que nous ne savons pas qu 11
et si lointains que nous sommes presque, face à eux, dans
la sait —, mais aussi de ce quªil 'ne sait pas quªíl sait, autrement
situation cie Fétranger de Taylor n'ayant jamais vu de flech
e dit de ce que nous savons quºií ne sait pas quºi1 sait. .
et incapab1e de ce fait de se diriger. Presque chaque nocio
n Ce savoir méconnu en tant que tel peut ressortir à plus1eurs
“Cºmmune” (dans tous les sens) qui avait cours dans la Pragu
e cíu domaines : ii peut sªagir soit du monde qui lªenteure (tem
début du XXª siede demande aujourdªhui à être décryptée
et formuiée précisément afin dªéviter des contresens sur poÍitique quªesthétique), qui, étant fair même qu 11 respxre,
des nªest jamais énoncé ou pris comme objet (cela reievane, aetre—
notions que nous croyons connaítre et qui sont souve
nt fort ment dit, de ce qu'il sait quªil sait mais ne songe pas & due) ;
éloignées de notre “sens eommun”. Lªurie des tâches princ
í- soit de la structure, de 1a forme de Yespace national et mondiel
paíes de ce travail a été de reconstituer par exempíe les conn
o— lui-même, qui, étant une seconde evidence, un second _savoÍr
tations et le sens 1e p1us banal, “dans la Prague fin de siêcle, de
tacíte et insu, nªest presque jamais décrit, ni pfesque lemas
couples de mots ordinaires te1s quª“orientalª'fººoccidentd” qui,
formule (ceci pouvant être defini comme ce qu il ne salt _pae
malgre' 1eur familiarité apparente, désignent une geographic
quªil sait). Une part du travaii d'enquête sur Kafka & eonsmte
mais'aussi des seissions 50613165, des préjugés, des utopi
es polí— à tente; de comprendre et dºénoncer une ínfime pertleªde ee
tíques, une representation du monde qui ont aujourdªhu savoir incorpore et informulé que nous avons besouríd e>1p11—
i
complàtement dísparu. Or, bien souvent, 1a simple évocation eiter pour comprendre ce quªií fait à partir de ce qu 11 sÉut-et
de ce qui re1êve de FinformuIé au sein du champ littéraire que nous avons oublié. 11 me faudra done temer de deeher
ou inteliectueí ouvre des possíb1es dont lªhístoríen doit (dans 1es limites de ce que nous savons) ce qtie Kafke sait et
tenir compte sªil veut comprendre tout ce qui depend de cet ce qu'i1 ne dit pas parce qujíl ne sait pas qu 11.1e szín et (10
informulé. même coup ce dont nous avons du mai à SRVOEI' qu 11 le salt
Cªest pourquoi je veux souligner ?: 1ª0re'e cie ce 1ívre que, puisquªi1 ne Ee dit pas.
pour me donner une chance d'apercevoir, cjest—à—dire de zes—
títuer, 1e point de vue de Kafka et par conséquent de saisir Enfim, jºai vou1u mªé1oigner, à la fois en, théorie et 3? Pr?-
pourquoi et comment il écrit ce 'quÉl écrit, j'ai voulu proceder tique, de lªiílusion qui consiste à eroire qu on aura acess. & a
“& ce que Pierre Bourdieu appelle une double historicisationª, vie secràte et íntíme de Kafka en ía :echerchant dans son jour-
c'est—à-díre dºabord Iªétude de 13 position précise de Kafka nal ou sa correspondance. Les écrits “intimes” sont des, ieu'rres
dans son univers ; ensuite, autant quºil rrfa été possible, bien qui ne livrent quªune surface trompeuse. Kaíka n y hvre
sâr, la prise en compte et la reconstitution de ce quºil sait aucune “vérité”, en tout cas aucune “profondeur qm donner
fait accês aux fictions, aueune dé permettant dºentrer dans le
I. Pierre Bourdieu, Les Régis: de [Em“, Paris, Seuií, secret de i'muvre. L'oeuvre nªest pas un secret : elle est 1a trace
1992, p. 426-430.
des seu1es formes de prises de position Sur tous 1es sujeas qui
28
7-9
KAFKA EN COLÉRE

lui tenaient à coeur. Autrernent dit, cºest dans íes textes de fic—
tion qu'il faut chercher 1a réponse aux questions que nous
PRÉAMBULE
nous posons sur les convictions rée11es de Kafka. Ces textes
vom nous permettre de saisir »— d'une maniêre déniée, voi1ée,
légerement déformée, distordue, ironique — oil, en quel point La gumle de 1a panthêre
de la discussion, c'est—à-dire en queHe position du champ lit—
téraire, Kafka se situe vérítablement. Les tornam, les nouvelles
et les fragments narratifs sont en quelque sorte des messages
cryptés à 1'intention de quelques-uns. Mais si bien cryptés
que, échappant à leurs destinataims inítiaux, ils se sont uni—
udre a10rs
versahses, (: est—à-dlre perdus, au moment de 1a consécration
' ! 7 '
La co1ere de Kafka est partout. Comment se réso
eHes les p1us
mondiale de Iºoeuvre. à répéter, encore et encore que Func de ses nouv
mme toute
célebres, Un artista du jeúne, est une allégoríe (so
51 íªoubii ? Le mora—
Le livre est fermé de deux parties assez distinctes. La pre— assez banale) de Yartiste voué à 1ªéc11ec et
vérités sur 1e
miere (1es chapitres 1 et 2) propose une historicisation de la lisme fede adosse' à d,.étemelles mais pâiottes
re — à une
position de Kafka à Prague et dans les mouvements politiques destin de l'artiste et — ce qui nªest pas contradíetoi
des convic—
juífs ; 1a seconde (les chapitres 3 et 4) est consacrée à 1a 1ecture co'nfession biographiqueª me paraít au p1us loira
conte cruel
rapproc11ée et 51 l'interprétation de récits et de romans de tions et des conceptions esthétiques de Kafka. Ce
doxes et 1es
Kafka. ]) ai Cºnscience, cela va de soi, que 1e déchiffrement des énonee bien p1utôt, me semble-t—il, íes infmís para
11e sa' colêre
textes (1 un écrivain mondial ne peut se présenter que comme perversités subtiles de la domination contre 1aque
rs de toute
une hypothese devam se confronter à toutes ce11es qui ont déjà s'est in1assab1ement exercée, quand e11e agit en deho
été proposées. Voici done thpothêse que j'avance. violence apparente. ' .
dé par
Qui est done 1e champion de jeúne ? Un homme obsé
ormi té à ce
la vo1onté de prouver au reste du monde sa conf
des condi—
qu'il pretend être et faire, son respect scrupuieux
même pour par—
tions les p1us drasúques (1021 _sªimpose à 1uí-
nªexiste, pour
venir au titre de champión. .Lªàrtisw du jeúne
performance
1ui—même et pour 1es autres, quªà travers cette

aussi cruel », aífírme


1. « Kafka a :arement dessiné un autoportraãt Kafka, OC,
jêzz'm, in Franz
Ciaude David (« Notice » &Un-artisrf de [&
t. 11, p. 1196). “

3I
KAFKA EN COLÉRE
LA GUEULE DF. LA PANTE-IÉRE

absurde qui 1e tient aux lisíêres de la mort. 11 pourraít trícher, faib1esse devíennent des armes redoutables dans sa 1utte pour
boite et manger de temps en temps comme 1ªy incitem certains la reconnaissanee. 11 exhibe done sa fragilité comme si elle était
gardiens. Mais ii met un pointdfhonneur à exhiber son respecr sa seu1e force ou plutôt comme pour contraindre ceux qui
31350111 des rêgles du jeúne le plus radical : 11 montre moins le regardent, malgré leur dégoút, maigré leurs préjugés, à 1e
son corps souffrant que 1'ín-utiÍité et l'injustice des soupçons reconnaitre pour ce qu'i1 est, à lui accorder pÍeinement ce quºil
qui pourraient peser sur 1111. Cependant il demeure dans demande : la reeonnaíssance de sa force hors de toute mesure.
l'impossibilité de prouver à tous que le jeúne esr bien respecté Puissance de 1a faiblesse, force de 1a fragilité. Mais Fusage de
et — malgré son succês, maígré sen respect absolu de la rêgle —— 11 ces armes inversées & un prix: Panisre devíent lui-rríême et le
est accablé par 1e sentiment de lºéchec. Comme josef K.,
cet 1ieu et 1”enjeu du combat. Cette forme d,art de la mort fait de
artiste & si bien compris Ie poids de 1a suspicion, ou pour1e dire
lui un « pítoyab1e martyr ». Mais pourquoi Fartiste de la fajm,
autrement, 11 a si bien incorpore Ie fait quªil est domine, quªil contraírement à tous 1es aurres, faít—il usage de ces armes dan—
va passer sa Vie à temer de prouver (en vain), 211015 que personne
gereuses ? 11 semble que Kafka disseque dans ce conte les formes
ne lui demande de se justifier, (111,11 est bien ce quºil pretend les phls raHinées, Ies pIus ínaperçues, les plus paradoxaies des
être. Ou plus encore, qu'il est le-plus grand dans Porcina de souffrances que sªimpose un être domine qui devient Iuí—même
Fefiºãcement de Iui-même. Rongé « sans trêve » par lºínsatis- le lieu des violences qui 11.11 sont inBigées par le monde sociaí.
factioú de ne pas être reconnu 51 se juste mesure, 11 símpose à Méconnaíssant la Violence que 1111 fait subir ce monde, lºartiste
1ui—même cies souffrances que 11111 nªexige de 1111 et cherche retoume contre Iui—même cette vioience dont 11 croit être 1a
encore à reculer les limites de ce qui est ordinairement rolé- cause. En dªautres termes, cette 1eçon d'anatomie est une dis-
rab1e : montrer encore et encore ses os, ses Côtes saíHantes, ses section des formes les p1us intériorisées de 1a violence &ouce
bras décharnés, obliger 1e public à reconnaítre sans réticence qui s,exeree sur tous les dominés.
lºirréprochabÍe qualité de son jeúne, forcer lºassístance à admetcre Cepenáant, 11111 ne 1111 accordera vraiment 1a reconnaíssanee
le caractere exceptionneÍ de son action. LªertÍSte du jeúne est si qmªil demande. Bien mieux : 11 est lui-même persuadé (111,11 n,)f
dependent de Fopinion d”autrui'q'11'11 se détruit Ienternent pour accédera pas dans la mesure 011 11 & intériorisé la violence invi-
échapper à cette sorte de défiance constitutive et surtout pour sible dont 11 est lºobjet ; 11 incorpore du même eoup [”impos—
être considere comme un être hors du Cºmmun. 11 sªinflige à sibiiité d”atteindre à la plenitude de son art et à sa totale
1ui—même une sorte de chantage à sa propre mort pour pou— reconnaissance. La description du dégoút des femmes venues
voir être reconnu comme « Ie plus grand artiste du jeúne cie chercher 1ªartiste dans sa cage au moment de la fm de son jeúne
tous 1es temps] ». Autrement dit, pour arriver à ses fins, lªartíste (elle « commençaít par tendre ie cou 1e p1us possíbEe pour évi-
de 1a faim adopte une strategic paradoxale: sa modestie et sa ter, au moins sur son Visage, Ie contact de Fartíste du jeúnel »)

1. Id., Un artista du jeúne, RR], p. 1484.


1. Ibiá, p. 1485.

32
33
w
.. ,,,M_.—awmqr

LA GUEULE DE LA PANTHÉRE
KAFKA EN COLERE
dee contrainte invisible.
duít d'une vo10nte' mais le résultat
marque à 1a fois le pathétique de cette grandeur inversée et le monde.
comme tout
8,11 avait pu, bien 3111, 11 aurait mangá
iºéchec constitutíf de cet acre qui ne sera jamais considere tout me pouvait pas faire autrement.
Mais '11 ne le pouvait pas, 11
?: fait —— ni par ie public ni par l'artiste iui-même —— pour ce qu'il uet dºcs déconsidéré est dans
Tout 1e mépris pour ce petit paq
est. 11 est done condamné à repousser toujours les Iimites du ant à íibérer 1a cage le plus
lªexpression du surveí11ant cherch
jeúne. 11 agit presque comme ]osef K. dans Le Pracês, qui, étant tiste: « Débarrassez—moi un
Vite possible aprês 1a mort de Par
lªobjet dªune suspicion quªil ne peut ni surmonter ni faire taíre, Ordnung 1]1 »
peu tout ça! [Nun macht aber
devance, facilite sa condamnation à mort. 11 transforme son inattendue de cette fable
' La conclusion comp1êtement
propre corps en champ de bataille. c ie reSte du récit, est une
Logiquement, rien nºarrête done iªmiste dans sa descente
insoutenabie, en totale rupture ave
rare) à entendre 1e point de
vers 1ª'1nvisibilité et la mort. Engagé par un Cirque, 11 devíent invitation presque exp1ícite (três à sa nouve11e,
brusquement
une attraction secondaíre pour 1e public qui Vient voir les ani- vue de Kafka. Coupant court
11iatíons infhgées au corps
' abrégeant ie récit des dernieres hum
maux de la ménageríe. dans le dernier paragraphe
oublié au fond de l'artíSEe, '11 ínstalle une panthere
Puis un jour, alors qu,í1 est compÍêtement nd três Vite que cette « bête
de sa cage « remphe de paílíe pourrie1 », on 1e retrouve mou—
et dans la cage. EE 1,011 compre
du champion de jeúne. E11e
rant, poursuivant toujours son jeúne et son rêve de reconnaís—
sauvage » est 1'antithese absolue n—ª
de 301, Fafârmatíon tra
sance. C'est alors qu'il cherche à expliquer les paradoxes de sa incame 1a vie même, 1a eertitude et sans cu1pa-
ce sans questions, sans remords
qu'111e de sa for
conduite. 11 affírrne contre toute attente que, malgré le désir sédait en 1ui—même, presque
quyil em a, 11 ne faut pas 1ªadmírer pour son jeúne. Pourquoí ? bi1ité. « Cenobie corps qui pos
t nécessaire semblaít trans—
« Parce que je suis obligé de jeâner, je ne peux pas faire autre— jusqu'à l'excês, tour. ce qui 1111 étai
Mais la definition tres inha—
ment, dit 1ªartiste du jeúneº. » En dªautres termes, une force porter aussi sa liberte avec luiz. »
tota1e índépendance (qui se
le contraígnait à sªinHiger cette épreuve. Ou, pour le dire bítue1le que Kafka donne de cette
mit un índice assez trans—
autrement, Femprise du monde social, Iªimportance accordée Enoque. xúême de la cage) nous fou tenue
[Sa Iiberté] semblait con
à la rumeur publique ont un effet si dévesrateur, si puissant parth de son point de vue : « re 1311115-
ture et la joie de viv
sur 1111 (1111 me pouvaít pas y échapper. 11 ajoute : « ]e nªzi pas peut—être, précise—t—H, dans sa den
rte de 1a panthere nªest pas
pu Houver l'aliment qui soit à mon goút. Si je l'avaís trouvé, saít de sa gueule avec feu3 . » Le. libe
t tout entíere dans ses dents
je n&urais pas fait tant dªhistoires, crois—moi, et je me serais un état, cªest un combat, et elle den
ka sberme peut—être dans
rempii 1a pause comme toi et tous íes autresª. » 11 affirme done aíguisées. La liberte de I'écrivaín Kaf
que son jeúne était une imposture puísquªií n'était pas ie pro- fee zu
Ein Landarzt und andem Dmc
1. id., Ein Hungerkúmtler, 111
p. 273.
]. Ibiaí, p. 1490. Lebzeitm, Franefort, Fischer, 2008,
Url arti ste du jeúne, RR], p. 1491.
2. Id.,
2. Ibiaí.
3. Ibiaí
3. Ibiaí, p. 1491.

35
34
KAFKA EN COLÉRE

sa littérature eonçue comme une denture aíguisée et comme


une arme dans sa Iutte inlassábI-e contre le monde, parce
qtfeHe est Fun des moyensde-rdire 1a vérité, même par les
voíes détournées de la fiction. La littérature est « une hache »,
une arme tranchante qui devra aider 1es lecteurs à se frayer Prague : divisions po1itiques
un chemin vers lºémancipation'. Et 1,011 peut comprendre son et déchírements intimes
oeuvre comme 1ºin1assab1e,de'noncíation des formes les plus
lnaperçues de 1 autonte, de Fobelssance et des cruautés infinies
. ) l ] [.

de 13 domination.

« J'ai remarqué un true tout bête, cªes: que


ies mºts n1exís1zent pas, abso1ument pas, cªest
des... ça... ça veut vraimenc rien dire, um
mea tout seul, [...] 11 lui faut des copâins,
des voísins, un petit groupe, 11 faut même
plus quªun petit groupe, il fani, aussi, un
petit contexte, 11 faut, il faut, beaucoup
dªétoffe tout aureus du petit mot, done 1111,
à 1ui tout seul ii naarrive à rien, et, à un petit
groupe, un petit ensemble, 115 arrivent à
donner un sens. »
Christophe Tarkos (1963—2004),
Páre-Mar, discwsian.

Lªespace pragois quºon va décrire ici est dªune grande com—


plexíté. Au moment 011 nous nous y arrêtons, entre 1890 et
1920, il était 1e lieu de profondes transformations politiques
et sociales et les rapports de forces -— politiques, économíques,
iinguístiques —— étaient lºobjet de grandes mutations, progres—
sives mais irréversibles. Chacun des camps en presence, cha—
cune cies positions était en evolution constante. Et, plutôt que
de les f1ger à un moment donné, je propose de 1es décrire dans

37
POLITIQUES ET DÉCHIREMENTS INTEMES
KAFKA EN COLÉRE PRAGUE: DIVíSIONS

. . . ,.
les termes dªune dynamique. le groupe social auquel appartenait spécialisation des savoirs et des d1scap11nes qu 11 me semble
et
Kafka et qui va être au centre de cet ouvrage était celui des possible de restituer une 1ogique des pensées, des problemes
)uifs pragois. des questions qui se posaient dans cet umvers.
Par aiileurs je ne pense pas 01131 faiHe sºen tenir à une (1133-
cripcion de 1a situation et des rapports de forces politiques qui
se jouaient seuiement à Prague. Ils sont essentieis, certes, mais Prague, ville autrichienne
1eur ana1yse exclusive perpétue févidence dyune clôture et
d)une autosuffisance nationale 011 régionale des phénomênes Au cours de ia longue histoire de Finterprétation de31)0eu«re
en fama
littéraíres et politiques. Prague était en réalité à Fintersection de Kafka, 1a seuie façon d'historiciser lyécrivain fut d
e en
de píusieurs espaces qui se recoupaient partiellement, qui sªimbri— de maniere exclusive un Pragois et de transformar Pragu
-
quaient et qui ne dépendaient pas des découpages nationaux une ile -— ce qui permettait de rester conforme aux Eepíesenta
de
ni même des aires linguistiques 011 eu1ture11es. Chaque inteL tions ordinaires de 1a grandeur littéraíre, assoeiée a 11dee
1es
lectuel juif pragoís était situé dans plusieurs espaces distincts SO11tL1C1€ et dªisolement. Proposée par Pavel Eisner dans
et pourtant reIiés les uns aux autres : 1'espace transnacional du anne'es 1930l et développée à partir de 19501, cette 115330—
est
sionisme naíssant (en Europe occidentale surtout), lªaire intei- these de lecture et dªinterprétatíon dice des “trois ghettos
x Par—
1€ctueí1e de langue al1emandel— dont la capitale était Berlin —, devenue pendant longtemps 1ºune des évidences lee m1eu
ecrf—
Fespace transnacional du bundisrne et du socíaíisme juif (en tagées des études kafkaíennes. Selon cette hypot11ese, les
Europe orientale), etc. 131111 des paradoxes majeurs de cet mes dans 11015
vains allemands de Prague auraient été enfer
dans
ghettos qui se seraient en quelque sorte emb0it0s les uns
univers, comme on 113 voit, et qui tenaít pour une part à 1a
les autres: un ghetto allemand puisquªi1s v1va10n/t dans une
spécificité du monde juif, c'est que, poiarise' presque exciusi-
vement sur 13 question nationa1e, 11 était pourtant fortement s
ví1le 011 les Tcheques étaient majoritaires, tout en etant eouge
de 1ªAutríche et de 11A11emagne; un ghetto social pmqu 115
incernationalisé.
je ne précends évidemment pas décrire ici dans Ie detail
appartenaient tous à 1a grande 011 moyenne bourgeoisie et que
tous ces univers — une vie nªy suffirait pas. ]e voudrais sim— ,
le prolétariat aílemand était pratique1ne11t'abse11tlde Praglue
p1ement suggérer quºils formaient, eu se superposant partie1le—
un ghetto national, enfin, parce qu 113 ete1elnt julfs”da0s . eªr
ment, en s'imbriquant, en s'opposant, Fespace inteilectuel et el,
grande majorité. La focalisation sur ces 11015 ghettos faisaut
po1itique réel dans lequel év01uaient ces éerivaíns, iºaír culturei cultu re
quªiis respiraient, 16 territoire Veritab1e des 1uttes qu>i15 livraíent, Prague íe seul “contacte” historique, sorte (11501211:
souvent sans même 1e savoir.']'ai Cºnscience que je me condamne
à décevoir ou à irriter 1es spécialistes des différents domaines 1. Pavei. A." ' che. Symbg'ose », Praga Presse, 23 5131151930,
Eisner,' « Erosus
cite in Bernar d Michel , Pragu eBelk Epoque, Paus, Aub1er, 2008213. 26.
que je vais évoquer. Mais cªest précisément par le rappro—
2. Pavel Eisner, Franz quka and Prague, New York, 1950, 17: Ber—
chement dºéléments et de domaines souvent séparés par 1a nard Michel, Prague Belle Époque, op. cit., p. 26.

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