Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
"
Entretien
« Baudelaire a su comprendre l
misère de l’homme moderne »
À l'occasion des 150 ans de la mort du poète romantique, Robert Kopp, spécialiste d
du XIXe siècle, rappelle en quoi l'œuvre de Baudelaire résonne encore avec notre épo
R
Le mot-clé de la semaine : l’actualité éclairée par les archives de
evue des Deux Mondes – « La profonde originalité de Charles
! la Revue des Deux Mondes, dans votre boîte mail.
Baudelaire, c’est, à mon sens, de représenter puissamment et
" essentiellement l’homme moderne », écrivait Paul Verlaine en 1865. La
Votre adresse email
position de Baudelaire à l’égard du moderne est ambiguë, oscille entre
#
fascination et dégoût. Quel est le rapport de Baudelaire à la modernité ?
JE M'INSCRIS
Robert Kopp – En effet, Baudelaire est partagé entre la fascination et
l’horreur. Pour la très grande majorité des écrivains de son temps,
« modernité » signifie « progrès » : progrès scientifique, technique,
politique. L’humanité, après des siècles de vie dans l’obscurité, allait enfin
accéder à la lumière, connaître le bonheur promis par les principes de
1789, s’épanouir dans la démocratie.
Revue des Deux Mondes – Alors qu’au XIXe et XXe siècle, la littérature
faisait l’épopée de la modernité, notre époque réhabilite les auteurs dits
anti-modernes : Chateaubriand triomphe de Lamartine, Charles
Baudelaire de Victor Hugo, Gustave Flaubert d’Émile Zola,
etc. L’anti-moderne semble, paradoxalement, terriblement contemporain.
Qu’est-ce qui fait de Baudelaire un personnage très actuel ?
Revue des Deux Mondes – Quelles sont les œuvres de Baudelaire qui
entrent en résonance avec notre époque ? On pense particulièrement
aux Fleurs du Mal qui jettent l’anathème sur l’auteur, Baudelaire étant,
entre autres, accusé par Ferdinand Brunetière (qui sera plus tard le
directeur de la Revue des Deux Mondes) « d’ériger en exemple la débauche
et l’immoralité ».
S’il fallait citer une oeuvre qui entre dans une résonance particulière avec
le monde d’aujourd’hui, je citerai Le Spleen de Paris, ce recueil de poèmes
en prose dont Baudelaire aurait voulu faire le pendant des Fleurs du Mal et
qui est resté inachevé. Baudelaire y cultive une poésie du quotidien, on
pourrait presque dire de la banalité. De la moindre rencontre du hasard
peut jaillir une étincelle. En même temps, ce sont des poèmes d’une grande
ironie et parfois d’une grande amertume. Dans Perte d’auréole, le poète ne
se donne plus la peine de ramasser ses insignes qui sont tombées dans la
boue parce qu’il a dû éviter une voiture. Il peut désormais se promener
anonymement et se livrer aux mêmes turpitudes que tous ses semblables,
alors qu’un drôle ramassera peut-être son auréole pour s’en glorifier. Mais
on trouve aussi des poèmes où Baudelaire rêve d’évasion, d’ivresse, d’oubli.
Tout cela sur le mode mineur qui correspond à cette époque qui, aux yeux
de Baudelaire, a perdu tout sens de la poésie.
Robert Kopp – Sur le plan littéraire, l’héritage de Baudelaire est assumé par
les surréalistes, par Pierre Jean Jouve, par Yves Bonnefoy, c’est-à-dire par
tous ces poètes pour qui la poésie était une chose éminemment sérieuse,
tenant lieu de philosophie et de religion à la fois. Et pour nous, Baudelaire
reste un aiguillon puissant qui nous empêche d’oublier que « c’est le Diable
qui tient les fils qui nous remuent », de nous abandonner « sur l’oreiller du
mal », de nous méfier de « l’humanité bavarde, ivre de son génie ».
CHARLES BAUDELAIRE L I T T É R AT U R E
Laisser un commentaire
Commentaire
Nom*
Email*
URL
VALIDER
Dans l’actu
# Recevez gratuitement la
newsletter de la Revue
légales Contact
DESIGN BY #COSAVOSTRA