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pratiques
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Cet ouvrage contient 24 exercices, suivis de leur corrigé détaillé
et de documents (ou brèves suggestions de lectures) favorisant
Régine Bonhomme
la maîtrise des règles essentielles de cette matière très technique Florence Reille
de droit commercial qu’est le droit des instruments de crédit
et de paiement. Outre la responsabilité du banquier dispensateur
pratiques
et des comptes bancaires.
Ces cas pratiques et commentaires d’arrêts abordent ainsi les
aspects fondamentaux de la matière et illustrent les principales
difficultés susceptibles d’être rencontrées dans le cadre de cette
discipline. L’ouvrage les traite de façon approfondie et pratique, au
soutien d’un raisonnement juridique à forte vocation pédagogique.
Instruments
exercices
de crédit et
Leur étude prépare les étudiants aux exercices qui leur seront
soumis, généralement en travaux dirigés de master de droit privé,
ou de formations équivalentes, puis à l’examen écrit, mais également
aux concours d’accès aux professions juridiques, lorsque cette
branche du droit commercial est au programme.
de paiement
Régine Bonhomme, agrégée de droit privé et sciences criminelles,
est professeur émérite de la faculté de droit et science politique de
Montpellier où elle avait créé le master II Droit bancaire et financier ;
elle fut également pendant huit ans avocat général, en service
extraordinaire, à la Cour de cassation, chambre commerciale.
Florence Reille est maître de conférences de droit privé et sciences
criminelles à la faculté de droit de Toulon et membre de la chaire
R. Bonhomme
PRÉPARATION AUX
F. Reille 10 édition TRAVAUX DIRIGÉS
prévention et traitement des difficultés des entreprises du laboratoire e
d’excellence Entreprendre de l’Université de Montpellier 1. Elle est
spécialiste de droit bancaire et de droit des entreprises en difficulté, ET AUX EXAMENS
matières qu’elle enseigne. Elle assure plusieurs chroniques et
contribue à des ouvrages de droit des entreprises en difficulté.
www.lextenso-editions.fr
ISBN 978-2-275-05613-5 25 e
THÈME 3
Opposabilité des exceptions
SUJET 11
Cas ÉLECTROMOD – Exception de compensation – Avant
notification – Après notification – Créances connexes
118
CORRIGÉ
Le débiteur cédé par bordereau Dailly oppose au cessionnaire l’exception de
compensation pour refuser de payer ses dettes.
Nous devons nous interroger sur le principe même de l’opposabilité de l’exception
avant d’en étudier l’application à l’exception de compensation.
119
B. L’une d’elles a été notifiée au débiteur cédé
La liberté du débiteur cédé est modifiée par la notification qui lui est faite de la
cession. La notification équivaut, en effet, à une interdiction de payer une autre
personne que le cessionnaire. Dès lors, il est admis qu’avant la notification, le paie-
ment fait au cédant libère le débiteur cédé puisqu’il ne lui a pas été interdit ; le cédant
reçoit alors le paiement pour le compte du cessionnaire. Au contraire, à partir de la
notification, le débiteur sait qu’il doit payer le cessionnaire et lui seul. La notification
n’opère cependant pas purge des exceptions qui restent opposables au cessionnaire
(C. mon. fin., art. L. 313-28, implicitement et L. 313-29 a contrario).
Obs : On le voit, les effets de la notification sont importants en ce qu’ils condi-
tionnent le droit du cédé de se libérer valablement entre les mains d’un autre que le
cessionnaire. À ce titre, l’absence de notification est susceptible de nuire aux tiers,
spécialement à la caution solvens, qui, en cas de défaillance du cédant, ne peut
prétendre obtenir paiement du débiteur cédé en exerçant son recours subrogatoire.
Pourtant, la Cour de cassation refuse à cette caution le bénéfice de l’exception de
subrogation de l’article 2314 du Code civil (Com. 2 novembre 2016, n° 15-12.491,
PS-P+B+I, D. 2017, p. 147, n. M.-P. Dumont-Lefrand : AJ contrat 2016, p. 530, obs.
L. Bougerol, RTD com. 2017, p. 187, n. A. Martin-Serf : Dict. perm. entr. en diff.
novembre 2016, n° 386, p. 6, obs. F. Reille ; LEDB dec. 2016, p. 7, obs. N. Mathey.
Aup., v. Cass. 1re civ., 30 septembre 1997, n° 95-18545 ; Cass. com. 25 février 2004,
n° 01-13077), la notification n’étant qu’une faculté pour cessionnaire, et non une
obligation (com. 27 septembre 2016, n° 14-18282, inédit, RTD com. 2017, p. 187,
n. A. Martin-Serf, LEDB nov. 2016, p. 4, obs. J. Lasserre Capdeville. Aup, v. Cass.
com. 11 décembre 2001, n° 98-18580).
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ne peut, toutefois, avoir lieu au préjudice des droits acquis par des tiers sur l’une
des créances, s’ils en sont devenus titulaires alors que toutes les conditions de la
compensation n’étaient pas encore réunies (C. civ., art. 1347-7).
On parle de compensation judiciaire lorsqu’un juge prononce la compensation alors
que toutes les conditions ne sont pas remplies. Ainsi, le juge peut-il fixer le montant
de l’une des créances afin de la rendre liquide, ou en examiner l’existence même
afin que soit remplie la condition de certitude (ex. : action tendant à la condamnation
à des dommages-intérêts).
Dans notre cas, il existe bien des obligations réciproques entre les sociétés BOULLE
et ÉLECTROMOD. La société BOULLE est créancière de deux obligations de paie-
ment du prix relatives à deux livraisons de composants. La société ÉLECTROMOD
est créancière, d’une part, des pénalités de retard, soit 30 % du montant de l’une
des livraisons et, d’autre part, d’une avance faite en payant un tiers-loueur pour le
compte de la société BOULLE. Ces créances sont toutes fongibles puisqu’elles
portent sur une somme d’argent.
2. À quel moment peut se produire cette compensation
et quelles circonstances entouraient la cession ?
La réponse à la question posée par le consultant peut, en effet, varier selon que la
compensation s’est produite avant la cession, après la cession mais avant la notifi-
cation, ou enfin après notification de la cession au débiteur.
a) La première compensation
Une première compensation pourrait se produire entre la créance du prix de la
marchandise livrée en mai et la dette de remboursement de l’avance de loyer faite
par ÉLECTROMOD pour éviter l’arrêt des fabrications de la société BOULLE.
À quel moment les conditions de la compensation légale sont-elles remplies ? Ces
deux créances réciproques sont liquides car toutes deux déterminées dans leur
montant (le prix des composants fixé à la commande) ; le remboursement des loyers
avancés est immédiatement exigible et le prix des composants arrive à échéance
au 31 juillet ; c’est donc à cette dernière date que la première compensation légale
peut s’opérer si la cession, par ailleurs, n’y fait pas obstacle.
Quelles sont les circonstances de la cession ? La cession Dailly porte sur la créance
du prix des composants livrés le 14 mai ; elle est réalisée par la société BOULLE dès
la livraison, soit aux alentours du 15 mai, et la banque PROSPER en est bénéficiaire.
La cession a été notifiée par la banque cessionnaire au débiteur cédé, dans les
48 heures (17 mai).
Donc, les conditions de la compensation, réunies seulement le 31 juillet, l’ont été
après la notification de la cession de l’une des créances réciproques par la banque
cessionnaire.
b) La deuxième compensation
À quel moment les conditions de la compensation légale sont-elles remplies ? La
compensation de la créance du prix des composants livrés le 30 juin, avec la dette
de pénalité, a réuni toutes les conditions le 31 août. En effet, la dette de pénalité est
Sujet 11 • Le bordereau de cession de créances professionnelles (Daily)
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devenue liquide le jour de la livraison, soit le 30 juin (son montant résulte de l’appli-
cation d’un pourcentage déterminé au prix des marchandises lui-même déterminé,
sur une période de 15 jours). Elle est, en outre, immédiatement exigible. Quant à la
créance de prix des composants livrés en juin, déterminée dans son montant dès la
commande, elle devient exigible le 31 août, date d’échéance. C’est donc à cette date
du 31 août que les conditions sont réunies et que la compensation légale s’opère si
la cession ne l’empêche pas.
Notons que la compensation ne sera que partielle car elle se produit toujours à
concurrence de la plus faible des deux sommes, c’est-à‑dire de 30 % du prix, le
montant des pénalités dues par la société BOULLE. Le solde, 70 %, reste dû par la
société ÉLECTROMOD malgré cette possible compensation.
Quelles sont les circonstances de la cession ? La cession Dailly porte sur la créance
du prix des composants livrés le 30 juin, au bénéfice de la banque PROSPER. La
société BOULLE l’a consentie dès la livraison, soit début juillet, mais la cession n’a
pas été notifiée par le cessionnaire au débiteur cédé. Ce dernier peut donc toujours
valablement payer son ancien créancier qui, lui-même, est présumé avoir reçu, de
la part du cessionnaire, un mandat de recouvrement à propos de cette créance
(v. C. mon. fin., art. L. 313-28 a contrario ; v. Sujet 12).
La compensation s’opère donc après la cession mais avant la notification de celle-ci
(qui n’aura jamais lieu) au débiteur cédé.
Tirons les conséquences de ces circonstances sur l’opposabilité de la compensation,
par le débiteur cédé, au cessionnaire.
Pour des raisons pédagogiques, nous allons, dans un premier temps, exposer les
solutions de droit positif, puis nous les appliquerons à notre espèce.
1. Solutions du droit positif
La cession Dailly de l’une des créances réciproques influe différemment sur le droit
de compenser du débiteur cédé, selon le moment où les conditions de la compensa-
tion sont réunies : soit avant la cession, soit après la cession mais avant la notification,
soit enfin, après notification de la cession au débiteur cédé.
a) Si la compensation se produit avant la cession de l’une des créances réciproques,
c’est-à‑dire avant la date portée sur le bordereau, le débiteur est libéré à l’égard du
cessionnaire, ce dernier ayant acquis dans cette hypothèse une créance déjà éteinte.
Il reste au cessionnaire le recours en garantie contre le cédant. Le droit commun le
lui permet, l’article L. 313-24 alinéa 2 du Code monétaire et financier l’exprime formel-
lement « Sauf convention contraire, le signataire de l’acte de cession… est garant
solidaire du paiement des créances cédées » (dans ce sens, Civ. 3e, 30 mars 1989,
Bull. n° 77 ; RTD com. 1990. 77, obs. Cabrillac et Teyssié et Com. 18 juill. 1989,
Bull. n° 227, RTD com., ibid. ; jurisprudence constante). La Cour de cassation a
même eu l’occasion de préciser que la garantie porte, d’abord, sur l’existence de la
créance (Com. 1er févr. 2011, no 09-73.000, Bull. no 11, au visa de l’article L. 313-24 ;
RLDC avr. 2011. 37, n. Ansault ; RLDA mars 2011. 23, n. Mauries ; D. 2012.1913,
Instruments de crédit et de paiement
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obs. Martin ; RTD com. 2011. 394, obs. Legeais ; RDBF mai 2011. 57, obs. Cerles et
juill. 2011. 31, obs. Crédot et Samin ; Gaz. Pal. 24 juin 2011, obs. Houin-Bressand.
b) Si les conditions de la compensation sont réunies après la cession mais avant
notification, le problème est plus délicat et deux analyses peuvent être proposées.
– Selon une première opinion, la compensation est devenue impossible, car la créance
est sortie du patrimoine du cédant à la date du bordereau. Par combinaison des
articles L. 313-24 et L. 313-27 du Code monétaire et financier la cession de créance
transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée ; elle prend effet entre les
parties et à l’égard des tiers à la date portée sur le bordereau et à compter de cette
date le cédant ne peut plus modifier l’étendue des droits attachés à cette créance.
On voit mal, par conséquent, comment une compensation pourrait s’opérer entre
la dette qu’a le débiteur-cédé dorénavant à l’égard du banquier cessionnaire et la
créance qu’il détient contre le cédant. En effet, la dette et la créance ne sont plus
réciproques puisqu’elles n’existent pas entre les mêmes parties. Cette circonstance
devrait empêcher la compensation (dans ce sens F.-J. Crédot et Y. Gérard, RDBF
1994. 80 : « (…) après la subrogation ou la cession de la créance, le débiteur ne
doit plus pouvoir exciper de la compensation légale en raison d’une créance qu’il
viendrait à détenir sur le créancier initial, faute de réciprocité des créances en cause,
le débiteur créancier du subrogeant ou du cédant n’étant plus débiteur de celui-ci
mais du subrogé ou cessionnaire » ; dans le même sens, Larroumet, D. 1993, 496 ;
v. Com. 21 nov. 1989, RDBF 1990. 73, obs. Crédot et Gérard ; RTD com. 1990. 236,
obs. Cabrillac et Teyssié ; v. aussi M. Vasseur, obs. D. 1990, Somm. 232 ; D. Ammar,
Lect. cit. infra).
– Pourtant, un autre raisonnement peut aussi être suivi. La compensation légale est
assimilée à un véritable paiement, à un double paiement.
Or, tant que la notification n’est pas faite, le cédé a le droit de payer son ancien créan-
cier, le cédant, qui est supposé avoir reçu mandat d’encaisser la créance pour le
compte du cessionnaire. Peu importe le mode de paiement utilisé (espèces, chèque,
compensation). Si un paiement peut encore intervenir entre eux, la compensation
peut en être l’un des modes. Le débiteur serait alors libéré aussi bien à l’égard du
cédant que du cessionnaire conformément à l’article L. 313-28, a contrario (Ce
dernier, cependant, pourra se retourner contre le cédant pour lui demander le paie-
ment qu’il n’a pu obtenir du cédé : art. L. 313-24, al. 2).
La chambre commerciale de la Cour de cassation a consacré le deuxième raison-
nement à travers un arrêt très clair (Com. 14 déc. 1993, Doc. 1). La Cour distingue
selon que les créances sont ou non connexes :
– dans l’hypothèse où elles ne sont pas connexes, s’applique le principe selon lequel
le paiement à un autre que le cessionnaire ne devient impossible que si la cession
est notifiée au débiteur cédé : les conditions de la compensation doivent donc être
réunies avant la notification si le débiteur veut pouvoir l’invoquer à son profit ;
– dans le cas où les créances sont connexes, une atténuation à ce principe est
admise : peu importe le moment où les conditions de la compensation sont remplies,
elle sera toujours opposable (v. infra).
c) Si les conditions de la compensation sont réunies après la notification, le problème
est encore plus épineux. En effet, par la notification, le débiteur reçoit l’interdiction
Sujet 11 • Le bordereau de cession de créances professionnelles (Daily)
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de payer son ancien créancier (C. mon. fin., art. L. 313-28). Certes, les exceptions
sont toujours opposables car il n’y a pas acceptation de la cession (art. L. 313-29)
et la Cour de cassation a jugé clairement que la notification n’empêche pas le débi-
teur cédé d’invoquer à l’encontre du cessionnaire l’exception d’inexécution (v. Com.
9 févr. 1993, Bull. n° 51 ; RTD com. 1993. 347, obs. Cabrillac et Teyssié). Mais pour-
quoi la compensation, qui équivaut à un paiement, pourrait-elle s’opérer ? En effet, si
l’on admet, à la suite de la Cour de cassation, qu’elle est autorisée malgré la cession
tant que le cédant a mandat pour encaisser la créance au nom et pour le compte du
cessionnaire, a contrario, doit-on décider qu’elle ne peut plus se réaliser si le mandat
est supprimé par l’interdiction faite au débiteur de payer le cédant.
Pourtant la chambre commerciale a autorisé une telle compensation, fondant cette
solution exceptionnelle sur la connexité des créances réciproques (Com. 15 juin 1993,
D. 1993. 495, n. Larroumet ; RTD com. 1993. 696, obs. Cabrillac et Teyssié ; Banque
1994. n° 552.94, obs. Guillot ; dans le même sens, Com. 4 déc. 1993, Doc. 1 ;
8 févr. 1994, Bull. n° 55 ; JCP G 1995.II.22455, n. Ammar). Elle décide que « la
notification ne met pas obstacle à l’exercice ultérieur par le débiteur des exceptions
fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, en particulier sur la compen-
sation entre créances connexes dont ils seraient réciproquement titulaires… ».
On peut en déduire que la sortie de la créance du patrimoine du cédant ne porte
pas toujours atteinte à la réciprocité des créances (ce qui vide de leur sens les art.
L. 313-24 et L. 313-27, C. mon. fin. On notera que la réforme du droit des obligations
de février 2016 consacre la compensation de créances connexes comme un cas
particulier de compensation que le juge ne peut que constater. L’assouplissement
des conditions de cette compensation par rapport à une compensation classique
ressort de l’article 1348-1 du Code civil. De cette disposition, il ressort, comme le
décidait déjà la jurisprudence, que les créances connexes sont compensables en
dépit de l’absence de liquidité ou d’exigibilité. Si rien n’est dit de la réciprocité, ce
silence du texte ne permet pas pour autant de remettre en cause la jurisprudence
précitée) et que la compensation dont les conditions se réunissent seulement après
notification (par ex., en cas d’exigibilité postérieure) peut s’opérer malgré la cession
et être invoquée par le débiteur poursuivi, si sa créance est connexe à sa dette.
C’est d’ailleurs ce que la Cour de cassation a affirmé récemment, déclarant que la
cession ne fait pas perdre leur réciprocité aux créances connexes (Com. 5 nov. 2013,
n° 12-15012, Doc. 3 ; on pouvait s’éviter cette négation de l’évidence en se fondant
exclusivement sur la connexité, v. notre commentaire, cité infra).
La connexité suppose que la créance invoquée se rattache à la dette poursuivie
(issue du même rapport d’obligation, plus largement, née du même contrat, voire
de la même opération économique comme jugé par Com. 27 juin 1995, RTD com.
1995. 824, obs. Cabrillac ; il n’existe pas de réponse unique, le lien de connexité
relevant de l’appréciation des juges du fond ; v. les éléments de réponse dans Com.
6 mai 1997, RTD com. 1997. 490, obs. Cabrillac). Chaque dette est liée dès son
origine à la dette réciproque au moins éventuelle (elles se servent mutuellement de
garantie) et ce lien ne peut disparaître en cas de cession de l’une des créances
car il est inhérent à chacune, donc demeurera toujours opposable par le débiteur.
L’exception affecte la créance dès la naissance de celle-ci, même si son apparition
est postérieure. Le cessionnaire, qui n’acquiert pas plus de droits que n’en avait le
Instruments de crédit et de paiement
124
cédant, a donc acquis une créance « infectée » de l’éventuelle compensation. « Dès
lors que la créance du cédé prend sa source dans la même relation contractuelle
que sa dette, la vocation de cette créance à s’imputer sur la dette est acquise avant
la cession et, a fortiori, avant la notification » (obs. Cabrillac, préc. ; dans le même
sens Larroumet : « le droit d’opposer la compensation naît au moment de la naissance
de chaque dette réciproque et avant qu’elle soit liquide et exigible », JCP E 1993.
II.428). D’ailleurs, dans l’arrêt du 8 février 1994 (préc.) la Cour de cassation met sur
le même plan l’exception d’inexécution et la compensation de créances connexes et
en affirme l’opposabilité au cessionnaire même si ces circonstances sont apparues
après la notification.
2. Application à ELECTROMOD
Dans notre cas, d’après la chronologie que nous avons retracée (supra II. A), la
compensation n’a pu s’opérer qu’après la cession. Cependant, pour la première,
les conditions en ont été réunies seulement après notification, alors que pour la
deuxième, les conditions sont réunies avant notification. Envisageons séparément
ces deux hypothèses.
a) La première compensation, entre le remboursement des loyers avancés et la
créance du prix des marchandises livrées en mai, a rempli les conditions légales le
31 juillet, ainsi que nous l’avons expliqué, soit seulement après la notification de la
cession au débiteur.
La compensation n’est alors autorisée, par exception à l’interdiction de payer le cédant
après notification (art. L. 313-28) que si les créances réciproques sont connexes.
Admettre la connexité, pour permettre au débiteur d’invoquer la compensation,
suppose l’adoption d’une conception large du lien de connexité. La créance acquise
par ÉLECTROMOD, débiteur cédé, n’est pas issue du même rapport d’obligation,
ni du même contrat ou ensemble contractuel que sa dette du prix des composants
livrés. En effet, il s’agit du remboursement d’une avance de paiement de loyers faite
au loueur pour le compte de BOULLE (un prêt). Certes, ce service a été rendu aux
fins de permettre la continuation de l’exploitation donc de l’exécution du contrat
de vente de composants dont est issue la créance de prix. Elle ne nous paraît pas
pour autant connexe car elle est étrangère au contrat. Les juges l’ont pourtant admis
dans une affaire proche de la nôtre où le maître de l’ouvrage a opposé avec succès
la compensation de sa dette du prix des travaux à l’égard de l’entrepreneur avec
sa créance qui résultait du paiement auquel il avait procédé directement au profit
d’un fournisseur de béton pour permettre l’exécution du marché ; la créance n’était
ni liquide, ni exigible avant notification et les juges ont admis la compensation en
se fondant sur la connexité (Civ. 3e, 30 mars 1989, Bull. n° 77 ; RTD com. 1990. 77,
obs. Cabrillac et Teyssié ; dans le même sens, Com. 27 juin 1995, préc.). Il serait
bon d’adopter une conception plus restrictive de la notion de connexité sous peine
de porter atteinte aux droits acquis par l’établissement de crédit et de fragiliser
excessivement la cession Dailly ; mais les juges apprécieront.
Si la connexité n’est pas admise dans notre cas, nous devrons appliquer le principe
selon lequel, à partir de la notification, le débiteur ne peut plus éteindre sa dette par
compensation.
Sujet 11 • Le bordereau de cession de créances professionnelles (Daily)
125
b) La deuxième compensation, entre la créance du prix des composants livrés le
30 juin et la dette de pénalité de retard, a réuni toutes les conditions le 31 août ; or
le banquier cessionnaire n’avait toujours pas notifié la cession : il s’agit donc d’une
compensation qui s’est opérée avant notification. La solution est plus simple : comme
nous l’avons expliqué, les juges acceptent la compensation comme un paiement
fait au cédant et autorisé au débiteur cédé dès lors qu’il n’a pas reçu notification,
c’est-à‑dire interdiction de payer tout autre que le cessionnaire (conformément à
l’article L. 313-28). ÉLECTROMOD pourra donc invoquer l’extinction de sa dette par
compensation, à concurrence de la plus faible des deux sommes en présence, soit
30 % du prix des composants correspondant au montant des pénalités contractuelles.
Remarque : Si la première compensation n’est pas admise parce que les juges refusent la
connexité, nous pouvons suggérer à
ÉLECTROMOD, d’invoquer une compensation partielle sur les 70 % encore dus après la
compensation opérée le 31 août : la notification de la deuxième cession ayant été omise, la
compensation sera admise avec l’obligation de remboursement des loyers avancés, alors
même qu’il n’y a pas connexité.
Suggestions de lecture
D. Ammar, « Cession Dailly et compensation », Banque et Dr. 1996. 3.
A. Bac et B. Mathieu, « La compensation pour dettes connexes », Banque et Dr.,
juin 1988. 5.
C. Gavalda, « Sécurités et précarités de la cession de créances par voie Dailly »,
JCP E 1989. II. 15374.
P. Neveu, « Compensation judiciaire et loi Dailly, le bordereau malade ? », Banque et
Dr. 1989. 139.
Documents
Doc. 1. Com. 14 décembre 1993, n° 91-22033, Bull. n° 469 ; RDBF 1994. 80, obs. F.-J. Crédot
et Y. Gérard ; D. 1994. 269, n. C. Larroumet ; RTD com. 1994. 332, obs. M. Cabrillac et
B. Teyssié ; JCP E 1994. 355, obs. C. Gavalda et J. Stoufflet.
Doc. 2. Com. 28 janvier 2003, n° 01-15699, inédit.
Doc. 3. Com. 5 novembre 2013, n° 12-15012, inédit ; BJE janv. 2014. 34 et Gaz. Pal. 12 janv. 2014.
34, n. R. Bonhomme ; Gaz. Pal. 16 mars 2014. 16, n. P. Moreil.
Doc. 4. Com. 11 juillet 2006, n° 04-15335, inédit.
Instruments de crédit et de paiement
126
Doc. 1. Com. 14 décembre 1993, n° 91-22033, Bull. n° 469
LA COUR : pas avec les créances de la SEGFA sur la société
Sur le moyen unique : cédante, ce dont il résulte que sa décision manque
Attendu, selon l’arrêt attaqué (CA Riom, 3e ch. de base légale au regard de l’art. 6 de la loi du
civ. et com., 23 oct. 1991), que la Banque française 2 janv. 1981 ;
de l’agriculture et de crédit mutuel (la banque) a Mais attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt
assigné en paiement la Société d’exploitation des ni des conclusions de la SEGFA que celle-ci ait
grains fins de l’Allier (la SEGFA), en invoquant soutenu que les créances dont elle invoquait la
une cession de créance sur le fondement de la loi compensation fussent connexes avec ses dettes
n° 81-1 du 2 janv. 1981, qu’elle lui avait notifiée ; litigieuses, ou, sinon, que ses créances fussent,
que la SEGFA lui a opposé la compensation avec antérieurement à la notification de la cession,
d’autres créances qu’elle prétendait avoir sur la devenues certaines, liquides et exigibles, ces
société cédante ; dernières conditions étant nécessaires pour qu’il
Attendu que la SEGFA fait grief à l’arrêt y ait compensation légale ; que, dès lors, la cour
d’avoir rejeté son exception de compensation, d’appel n’avait pas à faire la recherche prétendu-
alors, selon le pourvoi, que la cour d’appel n’a ment omise ; que le moyen n’est donc pas fondé.
pas recherché, comme elle y était sollicitée, si, Par ces motifs, rejette.
faute d’acceptation, la créance ne se compensait
127
qu’en statuant comme elle a fait nonobstant l’ou- avec la créance indemnitaire connexe résultant
verture de la procédure collective de la société de l’inexécution ou de la mauvaise exécution des
SICMA, la cour d’appel a violé les articles 33 de travaux commandés, peu important que cette
la loi du 25 janvier 1985 et 1289 du Code civil ; créance n’ait pas été certaine à la date de la noti-
3°/ qu’en ne répondant même pas à ses fication de la cession ;
conclusions qui faisait valoir que la prétendue Attendu, en second lieu, que, s’agissant d’une
créance de malfaçons est postérieure à la liquida- obligation de faire qui ne peut se résoudre qu’en
tion judiciaire de la société SICMA et ne peut par dommages-intérêts en cas d’ouverture d’une
conséquent se compenser avec la créance cédée, procédure de liquidation judiciaire, le débiteur
la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau cédé peut opposer la compensation après avoir
Code de procédure civile ; fait constater sa créance indemnitaire ayant son
Mais attendu, en premier lieu, qu’en cas de origine antérieurement à l’ouverture de la procé-
cession de créance, selon les modalités de la loi du dure collective et l’avoir déclarée au passif de
2 janvier 1981, codifiée sous les articles L. 313-23 celle-ci ; que dès lors, après avoir relevé que l’ex-
et suivants du Code monétaire et financier, non ception d’inexécution était d’ores et déjà réalisée
acceptée par le débiteur, celui-ci peut invoquer lors de la notification de la cession de créance,
contre le cessionnaire l’exception d’inexécution ce dont il ressortait que la créance indemnitaire
des obligations du cédant ou la compensation de avait son origine antérieurement à l’ouverture
sa créance avec la créance connexe cédée, même de la procédure collective, et que la créance
si l’exception ou la compensation sont apparues avait été déclarée, la cour d’appel, répondant
postérieurement à la notification de la cession ; aux conclusions invoquées, a exactement retenu
qu’ainsi, la cour d’appel a décidé à bon droit que le débiteur cédé était fondé à opposer la
que la société Barriquand Steriflow était fondée compensation ;
à opposer à la caisse cessionnaire de la créance D’où il suit que le moyen n’est fondé en
de la société SICMA la compensation de sa dette aucune de ses branches ;
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créances de la société SBIP, cédées à la caisse, CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce
envers la société Nextis, n’étaient pas unies par qu’il a débouté la société Nextis de ses préten-
un lien de connexité, la cour d’appel a privé sa tions relatives à la demande de compensation
décision de base légale ; (…).
PAR CES MOTIFS :
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et le montant sont, par suite, susceptibles d’être financier, la cour d’appel a exactement décidé
affectés par des causes existantes bien que suscep- qu’elle était fondée à se prévaloir, fut-ce par voie
tibles de se manifester ultérieurement ; d’action et pour obtenir restitution des sommes
(…) versées, de la disparition de la créance consé-
Qu’ayant relevé que la société RCTS, même si cutive à la résolution de la vente ayant donné
elle avait réglé l’acompte au cessionnaire, n’avait naissance à cette créance ;
signé aucun acte d’acceptation de la cession au D’où il suit que le moyen n’est fondé en
sens de l’article L. 313-29 du Code monétaire et aucune de ses branches.
exercices
pratiques
exercices
exercices
pratiques
pratiques
Cet ouvrage contient 24 exercices, suivis de leur corrigé détaillé
et de documents (ou brèves suggestions de lectures) favorisant
Régine Bonhomme
la maîtrise des règles essentielles de cette matière très technique Florence Reille
de droit commercial qu’est le droit des instruments de crédit
et de paiement. Outre la responsabilité du banquier dispensateur
pratiques
et des comptes bancaires.
Ces cas pratiques et commentaires d’arrêts abordent ainsi les
aspects fondamentaux de la matière et illustrent les principales
difficultés susceptibles d’être rencontrées dans le cadre de cette
discipline. L’ouvrage les traite de façon approfondie et pratique, au
soutien d’un raisonnement juridique à forte vocation pédagogique.
Instruments
exercices
de crédit et
Leur étude prépare les étudiants aux exercices qui leur seront
soumis, généralement en travaux dirigés de master de droit privé,
ou de formations équivalentes, puis à l’examen écrit, mais également
aux concours d’accès aux professions juridiques, lorsque cette
branche du droit commercial est au programme.
de paiement
Régine Bonhomme, agrégée de droit privé et sciences criminelles,
est professeur émérite de la faculté de droit et science politique de
Montpellier où elle avait créé le master II Droit bancaire et financier ;
elle fut également pendant huit ans avocat général, en service
extraordinaire, à la Cour de cassation, chambre commerciale.
Florence Reille est maître de conférences de droit privé et sciences
criminelles à la faculté de droit de Toulon et membre de la chaire
R. Bonhomme
PRÉPARATION AUX
F. Reille 10 édition TRAVAUX DIRIGÉS
prévention et traitement des difficultés des entreprises du laboratoire e
d’excellence Entreprendre de l’Université de Montpellier 1. Elle est
spécialiste de droit bancaire et de droit des entreprises en difficulté, ET AUX EXAMENS
matières qu’elle enseigne. Elle assure plusieurs chroniques et
contribue à des ouvrages de droit des entreprises en difficulté.
www.lextenso-editions.fr
ISBN 978-2-275-05613-5 25 e