Sunteți pe pagina 1din 32

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34.

© Presses Universitaires de France


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

DES MARGES DE MANŒUVRE À LA DIVERSITÉ ET À LA


VARIABILITÉ MOTRICE DANS LA PRÉVENTION DES TMS
Yannick Lémonie

Presses Universitaires de France | « Le travail humain »

2019/1 Vol. 82 | pages 67 à 97


ISSN 0041-1868
ISBN 9782130821489
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2019-1-page-67.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France.


© Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
THÉORIES ET MÉTHODOLOGIES
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

THEORIES AND METHODOLOGIES

DES MARGES DE MANŒUVRE À LA DIVERSITÉ


ET À LA VARIABILITÉ MOTRICE
DANS LA PRÉVENTION DES TMS

FROM OPERATIONAL LEEWAY


TO MOTOR VARIABILITY
AND DIVERSITY IN MSDS PREVENTION
Par YANNICK LÉMONIE 1

RÉSUMÉ

Les troubles musculosquelettiques (TMS) restent un sujet d’actualité tant


pour les ergonomes que pour les acteurs de la prévention au sein des entreprises.
L’ergonomie de l’activité en s’appuyant sur le concept central d’activité a
élaboré et mobilisé un ensemble conceptuel pour caractériser les situations de
travail fragilisant la santé des opérateurs. Dans le cadre de cet article, nous
abordons de manière critique la notion de marge de manœuvre dont les assises
théoriques et conceptuelles apparaissent problématiques. Nous argumentons que
la notion de marge de manœuvre s’appuie sur une conception cognitiviste du
contrôle du mouvement qui le rend impropre à rendre compte de la variabilité
motrice, c’est-à-dire la variabilité intrinsèque au mouvement. En nous
appuyant au plan théorique sur les approches des systèmes dynamiques non
linéaires, nous montrons à travers une revue de littérature internationale que la
variabilité motrice joue un rôle fonctionnel important tant dans la production
de la performance motrice que dans la préservation des TMS. En revenant sur
les productions en ergonomie de l’activité, nous montrons que celles-ci s’appuient
davantage sur le concept de diversité motrice. Variabilité motrice et diversité
motrice sont néanmoins des concepts susceptibles d’être articulées au sein d’un
même cadre conceptuel. Dans ce sens, nous concluons que les concepts de varia-
bilité motrice et de diversité motrice sont conceptuellement plus fondés que la
notion de marge de manœuvre et sont susceptibles de guider de manière plus
opérationnelle les interventions en étant quantifiables et objectivables.
Mots-clés : Variabilité motrice, Diversité Motrice, Marge de Manœuvre,
TMS, Systèmes dynamiques non-linéaires, Ergonomie.

1. Yannick Lémonie, Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD,


E.A. 4132), Conservatoire national des arts et métiers, 41 rue Gay Lussac 75005 Paris,
yannick.lemonie@lecnam.net
Le Travail humain, tome 82, no 1/2019, 67-98
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
68 Yannick Lémonie

SUMMARY
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

Musculoskeletal disorders (MSDs) remain a topical issue for both ergono-


mists and prevention actors. French-language ergonomics based on the central
concept of activity has developed and mobilized a conceptual set to characterize
work situations that weaken the health of operators. In the context of this article,
we critically address the concept of operational leeway whose theoretical and
conceptual basis seems unclear. We argue that the concept of operational leeway
is based on a cognitivist conception of motor control that makes it unfit to
account for motor variability, that is, the intrinsic variability of movement.
Based on a theoretical framework of nonlinear dynamical systems, we show
through an international literature review that motor variability plays an impor-
tant functional role both in the production of motor performance and in the
preservation of MSDs. Returning to the ergonomic of activity, we show that
they are based more on the concept of motor diversity. Motor variability and
motor diversity are nevertheless concepts that can be articulated within the same
conceptual framework. In this sense, we conclude that the concepts of motor
variability and motor diversity are conceptually more established than the
concept of operational leeway and are likely to guide interventions in a more
operational way by being quantifiable or objectivable.
Keywords : Operational leeway, Motor Variability, Motor Diversity,
MSDs, Ergonomics, Non-Linear Dynamical Systems.

INTRODUCTION

Les troubles musculosquelettiques (TMS) restent un sujet d’actualité


tant pour les ergonomes que pour les acteurs de la prévention au sein
des entreprises (e.g., Ha & Roquelaure, 2010). Au-delà des études qui
apportent des connaissances au plan épidémiologique (Ha et al., 2009)
ou étiologique, l’ergonomie de l’activité (Daniellou & Rabardel, 2005),
en s’appuyant sur le concept central d’activité, a élaboré et mobilisé un
ensemble conceptuel pour caractériser les situations de travail fragilisant
la santé des opérateurs. De manière concomitante se sont élaborés des
modèles d’intervention ayant pour finalité la prévention durable de ces
maladies professionnelles (Caroly, Coutarel, Vézina, Roquelaure et
Schweitzer, 2008).
Cette élaboration conceptuelle s’est appuyée initialement sur une
remise en question de la pertinence et de l’efficacité des interventions à
propos des TMS centrées sur des dimensions strictement biomécaniques.
Il est notamment critiqué la dimension réductrice de telles interventions,
sous-tendues par des principes causalistes qui assimilent la survenue de
TMS aux effets exercés par des contraintes de répétitivité, de posture, de
durée ou encore d’intensité des forces à développer dans la réalisation de
la tâche. Ainsi, Coutarel et Petit (2013) notent que les modalités d’inter-
vention centrées sur les seuls déterminants biomécaniques se sont révélées
insuffisantes pour assurer à elles seules les démarches de prévention
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 69

solides, dans la mesure où elles ont, d’une part, limité la transformation


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

des situations de travail à l’adaptation des postes de travail et d’autre part,


sous-estimé la dimension multifactorielle des TMS.
Dans cette perspective, le concept de marge de manœuvre a pu appa-
raître comme un concept porteur d’une autre vision du travail où l’opéra-
teur n’est plus seulement « agi » par un réseau de contraintes, mais
possède une part relativement active dans l’élaboration de son geste au
travail. La marge de manœuvre peut, en première approche, être définie
comme « la latitude dont on dispose entre certaines limites, les possibilités
d’actions laissées par certaines contraintes, internes et externes. Ces pos-
sibilités peuvent découler d’une atténuation des contraintes elles-mêmes
et d’une meilleure utilisation des marges de liberté qu’elles laissent »
(Marquié, 1995, p. 212).
Si la notion de marge de manœuvre a pu apparaître dans le champ de
la prévention des TMS comme un concept davantage compatible avec
l’épistémologie sous-jacente à l’ergonomie de l’activité, il n’en demeure
pas moins que son usage a cependant détourné l’argumentaire, tout
autant que le regard des ergonomes, de la question du geste et du mouve-
ment au travail. Ainsi, aucun modèle de la production du mouvement
volontaire finalisé (c’est-à-dire du mouvement inscrit dans une action
dirigée vers un but conscient) n’est-il mobilisé par les auteurs du numéro
spécial que la revue Le Travail humain consacrait à la notion en 2015.
Plus encore, les termes de geste et de mouvement ne sont que très faible-
ment évoqués : le terme mouvement ne se réfère pour la plupart du temps
qu’à la « biomécanique du mouvement » ; le terme geste, considéré comme
plus holistique, est davantage associé à la notion de marge de manœuvre,
bien qu’étant également très faiblement cité, en moyenne une fois par
article, dans ce numéro thématique.
En définitive, le concept de marge de manœuvre marque une rupture
dans l’observation du travail par l’ergonome : les TMS ne sont plus consi-
dérés comme des « pathologies du geste », mais des « pathologies de
l’organisation du travail » (Caroly, 2006). Pour formuler le problème
autrement, si le concept de marge de manœuvre invite à comprendre « les
formes et principes de l’organisation du travail qui peuvent être à l’origine
de sollicitations biomécaniques excessives, comme de tensions psycholo-
giques » (Caroly, Simonet, & Vezina, 2015, p. 2), alors il est nécessaire,
non pas de se détourner des modèles de la production du mouvement,
mais au contraire de les interroger dans leur capacité à rendre compte des
effets de l’organisation du travail sur la survenance des pathologies.
L’objet de cet article est double. Il vise, d’une part, à élaborer une
discussion critique sur la notion de marge de manœuvre en la confrontant
aux modèles de la production du mouvement volontaire finalisé. En nous
appuyant sur le modèle des systèmes dynamiques non linéaires, nous
serons amenés à développer les concepts de variabilité motrice et de diver-
sité motrice comme des dimensions importantes et protectrices des TMS,
tant dans les approches d’ergonomie de l’activité que pour les approches
dites des Human Factors. D’autre part, à travers la revue des travaux inter-
nationaux en matière de prévention des TMS, l’objectif de l’article est
d’instituer un dialogue entre les différentes approches de l’ergonomie.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
70 Yannick Lémonie

Nous procéderons de la sorte : après avoir rappelé plus spécifiquement


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

la signification et l’usage de la notion de marge de manœuvre, nous mon-


trerons que les auteurs mobilisant cette notion s’appuient sur une concep-
tualisation du mouvement volontaire ne permettant pas de rendre compte
de la variabilité intrinsèque au mouvement réalisé par les opérateurs
(chapitre I). Cette contradiction nous amènera à présenter le modèle des
systèmes dynamiques non linéaires comme un modèle permettant d’expli-
quer la variabilité motrice intrinsèque au mouvement, ainsi que son lien
avec la diversité motrice (chapitre II). En nous appuyant sur une revue
de littérature internationale dans le champ de la prévention des TMS,
nous montrerons que les études biomécaniques, à l’instar des recherches-
interventions en ergonomie de l’activité tendent à considérer la variabilité
motrice, ainsi que la diversité motrice comme des facteurs non seulement
de protection des TMS, mais aussi de performance (chapitre III). Enfin,
nous conclurons en rappelant les arguments nous permettant d’affirmer
que les concepts de variabilité motrice et de diversité motrice sont suscep-
tibles de guider plus étroitement les interventions ergonomiques que la
notion de marge de manœuvre. In fine, l’intérêt est également de nature
à renouveler le dialogue nécessaire pour la prévention des TMS avec la
biomécanique.

I. LA NOTION DE MARGE DE MANŒUVRE S’APPUIE


SUR UNE CONCEPTION CENTRALISÉE
ET COMPUTATIONNELLE DE LA PRODUCTION
DU MOUVEMENT VOLONTAIRE

I.1. LA DIFFICILE OBJECTIVATION DES MARGES DE MANŒUVRE

Le concept de marge de manœuvre apparaît être devenu central dans


l’explication de la survenue des TMS. Ainsi, pour Coutarel (2004, p. 23),
« les TMS sont le reflet d’un déficit de marges du salarié dans son travail,
ce déficit étant lui-même lié à un déficit de marges de manœuvre de nom-
breux acteurs de l’entreprise ». En tant que notion, la marge de manœuvre
semble être une métaphore spatiale, difficile à quantifier. Thibault et al.
(2012) se sont cependant risqués à « mesurer » ces marges de manœuvre
en termes d’espace et de temps dans le cadre de la conception organisa-
tionnelle. Leurs propos sont illustrés par l’exemple d’un poste de mise en
carton, où l’un des opérateurs doit s’absenter pendant 3 minutes pour
réaliser une autre tâche. « À son retour, il reprend le poste et malgré deux
absences courtes, le retard est comblé en 4 minutes sans accélération
gestuelle. » Cet exemple valide une hypothèse organisationnelle illustrant
« les marges de manœuvre nécessaires à la stratégie motrice sans dégrader
la performance » (p. 6). L’exemple est toutefois problématique, en ce qu’il
ne rend pas compte de manière descriptive « des stratégies motrices »,
c’est-à-dire de la dimension motrice de l’activité effectivement mise en
œuvre par les opérateurs. Comment les opérateurs s’y prennent-ils pour
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 71

réellement effectuer la mise en carton ? Y a-t-il plusieurs « stratégies


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

motrices » ? L’absence de trois minutes limite-t-elle la variété des straté-


gies motrices ? Il semble donc que la réduction de la signification des
marges de manœuvre aux seules contraintes d’espace et de temps réduit
considérablement la portée de la notion. Autrement dit, le concept de
marge de manœuvre ne permet pas de rendre compte des stratégies
motrices effectivement mises en œuvre, réduisant celles-ci au temps
nécessaire à l’exécution d’une tâche.
Coutarel, Caroly, Vezina et Daniellou (2015, p. 13) notent qu’un
certain flou s’est installé autour de la notion de marge de manœuvre.
Ainsi, elle « apparaît si évidente aux ergonomes qu’ils n’éprouvent pas le
besoin d’en préciser le sens ». En cherchant à en caractériser davantage le
sens, les auteurs ont dans un premier temps distingué les marges de
manœuvre internes et les marges de manœuvre externes (Coutarel &
Petit, 2013). Puis, critiquant et renonçant en partie à cette première dis-
tinction, les auteurs ont avancé la notion de « marge de manœuvre situa-
tionnelle » comme un concept susceptible de préciser la notion. Celle-ci
peut être définie ainsi comme « la possibilité pour l’opérateur, dans une
situation précise, d’élaborer un mode opératoire efficient (c’est-à-dire
efficace pour la performance et compatible avec la préservation de soi,
voire le développement de soi par le travail) » (Coutarel et al., 2015,
p. 15). L’attribut « situationnelle », tel que nous le comprenons, renvoie
au caractère nécessairement indexical de la marge de manœuvre : il
renvoie aux possibilités effectives, ou du moins interprétées comme telles
« pour l’opérateur » en fonction de « sa situation vécue » (Quéré, 1997).
Relativement au problème de la quantification des marges de
manœuvre, il est possible de noter que c’est davantage lorsque la marge
de manœuvre situationnelle est faible, voire nulle, que le mouvement est
piloté par les situations. Ainsi, « si la marge de manœuvre situationnelle
est faible, l’éventail des modes opératoires possibles est très restreint, ce
qui conduit à une hyper sollicitation de certaines fonctions (articulaires,
musculaires, cognitives…) » (Coutarel et al., 2015, p. 13). Nous pouvons
repérer que pour les auteurs, c’est bien lorsque la marge de manœuvre se
restreint qu’elle empêche le déploiement d’une pluralité ou d’une diver-
sité de solutions motrices pour l’opérateur potentiellement délétère en ce
qu’elle conduit à un processus d’hypersollicitation. Dans ce cadre, c’est
la situation de travail qui « pilote » la production du mouvement, sans
possibilité pour l’opérateur de faire varier ce mouvement. Pourtant, le
concept de marge de manœuvre situationnelle n’intègre pourtant pas clai-
rement ni explicitement, un modèle de production du mouvement volon-
taire formulé dans les termes du cadre théorique de l’action située.
Paradoxalement, le concept de marge de manœuvre s’inscrit davantage,
implicitement, dans un paradigme cognitiviste du traitement de l’infor-
mation, comme nous souhaitons le démontrer.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
72 Yannick Lémonie

I.2. LE CONCEPT DE MARGE DE MANŒUVRE POSTULE


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

UNE CONCEPTION COGNITIVISTE DU CONTRÔLE


DU MOUVEMENT

Précisant le concept de marge de manœuvre situationnelle, Coutarel


et al. (2015) s’appuient sur la définition suivante : la marge de manœuvre
« désigne la zone d’initiative et la tolérance, dont dispose l’opérateur pour
assurer la régulation du fonctionnement d’un système » (Weill-Fassina &
Valot, 1997, p. 184). Les auteurs notent également que l’élaboration du
concept de marge de manœuvre s’est très fortement appuyée sur l’idée de
régulation en ergonomie. Celle-ci peut être définie en référence à l’idée
de système asservi, dont le fonctionnement est régi par les écarts de son
fonctionnement effectif ou instantané à celui de son comportement
assigné. En ce sens, Leplat (2006, p. 9) note que parmi toutes les boucles
de régulation possible d’un système, « un type de régulation prend sa
source dans l’information que le sujet reçoit de sa propre activité : cette
information peut être prélevée par l’opérateur lui-même ou par un
procédé extérieur ».
En s’appuyant sur l’idée de régulation au sein d’un système asservi, la
production du mouvement volontaire ne peut être conçue par Coutarel
et al. (2015) que dans la perspective d’un fonctionnalisme cognitiviste :
le mouvement volontaire est le produit d’un système de traitement de
l’information, c’est-à-dire un système à entrée et sortie qui fait un arbi-
trage sur la base « d’informations d’entrée » constituées par « les objectifs
à atteindre, résultats obtenus, ressources disponibles, et l’état interne du
sujet » (p. 11). La sortie du système étant de nature comportementale, le
mouvement volontaire est naturellement le produit du système de régula-
tion. Ce système de régulation fonctionne ainsi comme un système de
programmation du comportement moteur : c’est un système prescriptif
tel que mobilisé dans les approches computationnelles du contrôle
moteur (Schmidt, 2005). Ainsi, le modèle implicite de production du
mouvement volontaire sous-jacent au concept de marge de manœuvre
postule qu’une instance centrale de nature cognitive est en charge de la
commande motrice, l’ensemble musculaire étant placé en situation
d’effecteur (voir figure 1).

I.3. LA CONCEPTION COGNITIVISTE DE LA PRODUCTION


DU MOUVEMENT VOLONTAIRE EST LARGEMENT PARTAGÉE
AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ DES ERGONOMES

Gaudez et Aptel (2008, p. 387), qui s’appuient explicitement sur cette


conception cognitiviste du contrôle du mouvement, notent :
Le mouvement volontaire résulte de l’interaction entre le niveau sensori-
moteur et le niveau cognitif du système nerveux. Il répond à l’intention de réaliser
une tâche déterminée et est déclenché consécutivement à la représentation
mentale de l’action à effectuer. Ainsi, à l’exécution du mouvement au plan sensori-
moteur précèdent l’intention, la planification et la programmation du mouvement au
plan cognitif (souligné par nous).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 73
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

Figure 1. Représentation schématique du contrôle du mouvement


par une instance de pilotage, d’après Halverson (1992).
Schematic representation of movement control by a steering authority, from Halverson (1992).

Cette position théorique est par ailleurs partagée au sein de la commu-


nauté des ergonomes. Il est possible d’en retrouver des traces chez les
auteurs qui défendent la nécessité de comprendre la construction et le
contrôle du mouvement volontaire dans l’optique de développer des stra-
tégies d’intervention en prévention des TMS. Ainsi, Aptel et Vezina
(2011, p. 9) notent :
[…] qu’il est apparu nécessaire de replacer le muscle dans sa situation d’effecteur
d’un système complexe et intégré de nature psycho-cognitivo-sensori-motrice
[…]. Le mouvement volontaire automatisé sous-tend la plupart de nos gestes de
la vie quotidienne et notamment professionnelle. C’est dans ce cadre qu’il
convient de comprendre la construction des gestes au travail.
Une telle conception est encore partagée par Aubert-Blanc (2009)
dans le cadre de la définition de contenu de formation au perçage dans
une entreprise du secteur de l’aéronautique (figure 2). Le modèle utilisé
pour « argumenter la complexité du geste », illustré par des exemples issus
du sport, attribue là encore un rôle central à la commande motrice en
tant qu’instance prescriptive du mouvement volontaire.

I.4. INTÉGRER LES ACQUIS DU CHAMP DU CONTRÔLE MOTEUR


ET DE LA PSYCHOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT

Bien que partagée par un certain nombre de publications en ergono-


mie, de manière plus ou moins explicite, la position théorique qui postule
un contrôle centralisé du mouvement nous paraît problématique. Elle
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
74 Yannick Lémonie
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

Figure 2. Modèle du contrôle du mouvement pour Aubert-Blanc (2009).


Model of motor control from Aubert-Blanc (2009).

n’intègre pas, par exemple, les avancées théoriques et empiriques des


travaux poursuivis depuis plusieurs décennies dans le champ du contrôle
moteur (Latash, Levin, Scholz, & Schöner, 2010). Ces travaux ont,
depuis maintenant presque trente ans, fait état des limites inhérentes à
cette conception théorique qui voit dans le système nerveux central
l’instance de pilotage d’un système musculosquelettique réduit à sa
simple dimension d’exécution (Delalandre & Carreras, 2011 ; Temprado,
2005 ; Temprado & Montagne, 2001). Dans ce champ disciplinaire,
l’intégration des cadres conceptuels de la complexité au sein des
approches des systèmes dynamiques non linéaires a contribué à un chan-
gement paradigmatique sur la question. La critique principale a porté sur
l’incapacité du système nerveux central à programmer et à contrôler le
mouvement complexe coordonné. Un des initiateurs de cette approche,
Kelso (1995, p. 57) évoque ainsi l’origine de son travail : « I have to admit
that one of the main motivations behind these experiments was to counter the
then dominant notion of programs. »
Par ailleurs, le cadre explicatif métaphorique mobilisant l’analogie au
système de traitement de l’information (ou au régulateur) a pu être remis
en question sur sa capacité même à s’appliquer au domaine du vivant :
Computers and servomechanisms are not natural systems but artefacts whose
characteristics are not especially relevant to understand living things. Supplanting
artefactual machine views of mind and action with the language of dynamical
systems and the concept of self-organization may be easier say than done, but
that is the journey we embark on here (Kelso, 1995, p. 34).
Dans un autre domaine, celui de la psychologie du développement,
Thelen et Smith (1996, p. 19) reprennent également cette argumentation
pour élaborer une théorie du développement sensori-moteur :
Our commitment to a biologically consistent theory means that we categori-
cally reject machine analogies of cognition and development. For several decades,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 75

the preeminent metaphor for understanding human cognition has been the digital
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

computer. The brain may well share certain operations with a digital computer,
but it is different from a machine on the most fundamental thermodynamic level
[…]. A developmental theory must be appropriate to the organism it serves ; thus,
we deliberately eschew the machine vocabulary of processing devices, programs,
storage units, schemata, modules, or wiring diagrams. We substitute, instead, a
vocabulary suited to a fluid, organic system, with certain thermodynamic
properties.
On peut regretter que les auteurs en ergonomie de l’activité ne fassent
pas davantage référence aux travaux de champs disciplinaires connexes.
Mais surtout, on notera que le modèle computationnel classique de pro-
duction du mouvement implicitement mobilisé dans la production scien-
tifique en ergonomie de l’activité ne permet pas de rendre compte des
observations menées par les ergonomes eux-mêmes.

I.5. LA DIFFICULTÉ DU MODÈLE CLASSIQUE DE CONTRÔLE DU


MOUVEMENT VIS-À-VIS DES OBSERVATIONS EN ANALYSE DU
TRAVAIL

Béguin et Clot (2004, p. 43) soulignent que « l’analyse du travail nous


a familiarisés avec le poids du déjà décidé, du donné, du “cristallisé” dans
des structures. Mais elle nous a aussi appris que l’activité ne saurait être
réduite à des procédures d’exécution mises en œuvre plus ou moins passi-
vement. Elle nous a également appris que le même geste le plus répétitif du
travailleur à la chaîne est toujours unique » (souligné par nous). L’approche
du contrôle moteur en termes de régulation ne peut rendre compte du
caractère unique du geste et de sa variabilité intrinsèque. Pour le formuler
autrement : si le niveau cognitif, conçu comme un système de traitement
de l’information, prescrit le niveau sensori-moteur, comment expliquer la
variation du mouvement si ce n’est à définir celle-ci comme une erreur
de programmation ?
Comme le soulignent Delignières et Torre (2009, p. 41) « si l’on
s’accorde généralement pour reconnaître la complexité du système
moteur, les modèles élaborés pour rendre compte de son fonctionnement
restent simples et linéaires ». Or, le geste de l’opérateur n’est pas identique
à lui-même et ne peut l’être même dans des conditions très standardisées :
il varie en permanence. Donnons un exemple : mettons un opérateur sur
un tapis roulant. L’opérateur dans cette tâche de locomotion est en
quelque sorte agi par la vitesse de défilement du tapis. Il est par ailleurs
contraint par l’espace du tapis en largeur et en longueur. Nous pourrions
supposer combien dans ce cadre les marges de manœuvre sont faibles.
Pourtant, même dans ce cadre, son mouvement va varier en permanence.
Cet exemple a été étudié par Haussdorf et al. (1996), qui ont montré que,
bien que la durée du pas soit relativement stable (entre 1,1 et 1,4 s), elle
fluctue considérablement autour de sa moyenne d’une manière apparem-
ment imprévisible (figure 3).
Cet exemple nous apprend qu’une des caractéristiques essentielles du
mouvement est sa variabilité. Cependant, l’approche classique du
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
76 Yannick Lémonie
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

Figure 3. Variation de la foulée dans le cadre d’une tâche de marche à allure libre
et constante (adapté de Haussforff et al., 1996).
Variation of the stride in the context of a walking task at a free
and constant pace (adapted from Haussforff et al., 1996).

contrôle moteur ne peut rendre compte de cette variabilité autrement


qu’en termes d’erreur aléatoire dans la programmation du mouvement.
Il nous semble que le concept de marge de manœuvre ne permet pas de
rendre compte d’une telle observation : il y a de la variabilité, même
lorsque l’opérateur semble agi par la situation. Ainsi, cet exemple
démontre qu’il n’y a jamais de marge de manœuvre nulle (ou absence de
marge de manœuvre). Dans ce cadre, la notion perd sa valeur heuristique
et scientifique. Il y a toujours plus ou moins de marge de manœuvre, mais
celle-ci n’est pas quantifiable et difficilement objectivable. Au contraire,
les concepts de variabilité et de diversité motrice, quant à eux quanti-
fiables ou au moins objectivables, constituent certainement des indica-
teurs pertinents pour l’ergonomie dans le cadre de la prévention des
TMS. Nous démontrerons à ce propos que les recherches actuelles au
niveau international semblent s’accorder sur ce point (Srinivasan &
Mathiassen, 2012a).
En s’appuyant sur une approche classique de la production du mouve-
ment volontaire, le recours à la notion de marge de manœuvre empêche,
semble-t-il, d’incorporer l’idée que la variabilité motrice joue un rôle
fonctionnel et potentiellement protecteur dans la prévention des TMS.
Une définition de la marge de manœuvre basée sur le concept de régula-
tion ne permet sans doute pas de prendre en compte le caractère fonction-
nel de la variabilité motrice. Elle ne peut, de ce point de vue, rendre
compte d’une dimension fondamentale pour comprendre l’apprentissage
du mouvement et de l’acquisition d’une diversité motrice permettant de
prévenir les TMS (Herzfled & Shadmehr, 2014 ; Lémonie & Chassaing,
2003 ; Wu, Miyamoto, Gonzales Castro, Ölveczky, & Smith, 2014).
Ainsi, dans l’état actuel de la recherche, nous ne pouvons que souligner
le caractère hypothétique d’une position qui postule que les concepts de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 77

régulation et de marge de manœuvre puissent améliorer les outils


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

d’analyse d’évaluation du risque de TMS (Norval, Zare, Brunet, Couta-


rel, & Roquelaure, 2018).

II. LE COMPORTEMENT MOTEUR COMME ÉMERGENT


D’UN SYSTÈME DE CONTRAINTES :
L’APPROCHE DYNAMIQUE

Dans les développements qui suivent, nous présentons l’approche des


systèmes dynamiques non linéaires, ainsi que l’intérêt que celle-ci porte
à la notion de variabilité motrice. Comme nous avons pu le décrire, le
concept de marge de manœuvre s’appuie implicitement sur une théorie
cognitiviste de la production du mouvement volontaire. Ainsi, le concept
de marge de manœuvre porte implicitement une conception de la variabi-
lité motrice comme une forme « d’erreur » du système de traitement de
l’information. Il s’agit là d’une contradiction importante, dans la mesure
où elle ne permet pas de rendre compte des observations des ergonomes
eux-mêmes ou des psychologues du travail. Cette contradiction pourrait
cependant être résolue via la référence à d’autres modèles de contrôle
et de production de mouvement volontaire finalisé. En effet, l’approche
traditionnelle et centraliste du contrôle du mouvement considère la varia-
bilité comme une forme d’erreur (Komar, Seifert, & Touvarecq, 2015 ;
Stergiou & Decker, 2011), reflétant une incapacité à prévoir les para-
mètres nécessaires pour utiliser le programme moteur sous-jacent
(Schmidt, 2003). À l’inverse, les modèles dynamiques des systèmes non
linéaires en font une signature des systèmes complexes et lui donnent un
rôle fonctionnel important dans la production du mouvement.

II.1. LES PROPRIÉTÉS D’AUTO-ORGANISATION


DU SYSTÈME NEURO-MUSCULOSQUELETTIQUE :
L’APPROCHE DES SYSTÈMES COMPLEXES

Les approches du contrôle du mouvement se sont profondément


renouvelées depuis maintenant 30 ans, du fait de l’irruption de théories
incorporant le vocabulaire et les hypothèses des sciences de la complexité
(Temprado, 2005). Dans ce cadre, le mouvement n’est pas conçu comme
le produit d’un système hiérarchisé et prescriptif (Gaudez & Aptel, 2008),
mais comme une propriété émergente de l’interaction entre un système
de contraintes (Kelso, 1995 ; Kugler, Kelso, & Turvey, 1980, 1982 ;
Kugler & Turvey, 1987).
Une hypothèse centrale de cette approche du contrôle du mouvement
volontaire est que le corps peut être considéré comme un système com-
plexe, c’est-à-dire composé de multiples composants et niveaux en inter-
action mutuelle. « L’intelligence » permettant de coordonner l’ensemble
pour la production d’un mouvement complexe n’est pas située dans une
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
78 Yannick Lémonie

partie, mais émerge des interactions réciproques entre les différents com-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

posants. En d’autres termes, le corps humain est un système biologique


complexe doté de propriété d’auto-organisation (Smith & Thelen, 2003).
Bernstein est considéré comme l’un des précurseurs des approches
dynamiques (Thelen & Smith, 1996). En décrivant le corps humain
comme un système mécanique, Bernstein (1967) notait que la production
du mouvement impliquait le contrôle d’un grand nombre de degrés de
liberté (une articulation représente plusieurs degrés de liberté). En ce
sens, produire le mouvement implique de contrôler les degrés de liberté
redondants d’un système d’action et leur incorporation au sein d’une
unité facilement contrôlable (Gaudez, Gilles, & Savin, 2016). Pour les
approches dynamiques, la réduction des degrés de liberté d’un système
résulte de phénomènes de couplage entre les différents composants sous
l’effet de contraintes. En d’autres termes, produire un mouvement revient
à exploiter les propriétés d’auto-organisation du système neuro-musculos-
quelettique. Le comportement moteur peut en ce sens être considéré
comme non linéaire, au sens où les changements qui se produisent au
niveau du mouvement ne sont pas proportionnels aux changements dans
les contraintes (Sève & Guespin-Michel, 2005).

II.2. NI INTERNE NI EXTERNE : UN SYSTÈME NON-LINÉAIRE


DE CONTRAINTES EN INTERACTION DYNAMIQUE

La notion de contrainte telle qu’elle est mise en avant par les


approches dynamiques, a des implications profondes pour comprendre la
production et le contrôle du mouvement (Davids, Glazier, Araujo, &
Bartlett, 2003). En effet, les contraintes peuvent être définies comme des
frontières ou des fonctionnalités qui limitent la recherche de solution opti-
male d’organisation des systèmes complexes biologiques. En ce sens, à
l’inverse des approches en termes de marge de manœuvre, une contrainte
joue une fonctionnalité positive dans la production du mouvement. Dans
le cadre des marges de manœuvre, c’est essentiellement la dimension
négative des contraintes qui est mise en avant comme réduisant les
marges de manœuvre.
Newell (1986) identifie et caractérise le système de contraintes duquel
émerge le comportement moteur (figure 4).
Trois grandes catégories de contraintes peuvent être repérées : les
contraintes liées à la tâche à accomplir, les contraintes liées à l’environ-
nement, les contraintes liées au sujet. Les contraintes liées au sujet
peuvent être de nature fonctionnelle (par ex., niveau d’éveil, fatigue),
structurelle (par ex., morphologie, déficit moteur) ou historique (niveau
d’habileté acquise). Les contraintes liées à la tâche comprennent les
buts de la tâche, les règles spécifiant et contraignant le comportement
moteur du sujet et le matériel utilisé. Enfin, les contraintes liées à
l’environnement concernent les contraintes qui ne sont pas spécifiques
à la tâche en elle-même. Ces deux derniers types de contraintes ne
sont pas exclusives l’une de l’autre : ce qui est une contrainte environ-
nementale pour une tâche peut devenir une contrainte de la tâche pour
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 79
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

Figure 4. Système de contraintes sous-jacent à l’émergence du comportement moteur,


d’après Newell, 1986.
Constraint system underlying the emergence of motor behaviour,
according to Newell, 1986.

une autre tâche. Par exemple, l’ambiance thermique est une contrainte
environnementale pour un ensemble de tâches ; elle peut par contre
devenir une caractéristique essentielle de la tâche, par exemple lors du
travail spécifique des opérateurs en Antarctique (notamment Ville-
main & Lémonie, 2015).
Quatre idées nous semblent importantes à retenir de cette théorisa-
tion sous forme de système de contraintes :
– Le comportement moteur émerge de ce réseau de contraintes. Dans le
langage de la non-linéarité (Sève & Guespin-Michel, 2005), une petite
variation dans le réseau de contraintes peut produire une variation
importante dans le comportement moteur. Celle-ci reflète en défini-
tive les interactions locales entre les différentes contraintes. Par
exemple, une faible variation de vitesse d’une ligne de production peut
impacter fortement les mouvements réalisés par les opérateurs.
– Cette théorisation des contraintes qui pèsent sur la production du
mouvement a été construite dans le cadre de l’élaboration d’une
théorie de l’action. La mobilisation qui a été faite de cette théorisation
dans le cadre des travaux de laboratoire a consisté à faire varier expéri-
mentalement la nature et les différents niveaux de contraintes. Au
contraire, les approches de terrain pourront s’appuyer utilement sur
l’orientation méthodologique développée par Newell lui-même
(Newell, Van Emmerink, & McDonald, 1989, p. 94) : « Constraints to
action have to be viewed from the perspective of the performer rather than
from reliance on the external physical description of the constraints. Indeed,
understanding what the performer construes the constraints to afford for
action should provide some insight into the dimension(s) to be examined
for perceptual-motor control. » Dans ce cadre méthodologique, Saury,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
80 Yannick Lémonie

Nordez et Sève (2010) suggèrent – à partir d’une étude sur les coordi-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

nations interindividuelles en aviron articulant analyse de l’activité et


données biomécaniques – la nécessité d’indexer l’analyse mécanique
à l’analyse du cours d’expérience des rameurs, selon le principe
méthodologique propre au cadre théorique du cours d’action (Theu-
reau, 2004).
– Le système de contraintes à partir duquel le comportement moteur
émerge n’est pas statique : il varie au cours du temps, soit du fait des
aléas des situations de travail (contraintes de la tâche et contraintes
de l’environnement), soit du fait du sujet lui-même. Ainsi, pour Beer
(2009), le système nerveux, comme le corps et l’organisme sont des
systèmes dynamiques qui interagissent continuellement entre eux.
Pour donner un exemple simple, pour un opérateur travaillant en
ambiance thermique chaude, la contrainte thermique va influer sur
la contrainte de fatigue, objectivable via la fréquence cardiaque : le
comportement moteur va nécessairement évoluer au fur et à mesure
du temps, du fait de l’interaction entre ces contraintes.
– Dans cette théorisation, il n’y a pas à définir un ensemble de
contraintes extérieures ou intérieures, du point de vue du système. Le
contrôle moteur comme le comportement moteur émerge de l’interac-
tion au sein d’un système de contrainte. Cette modélisation doit per-
mettre de dépasser le débat entre internalisme et externalisme (par ex.
Brassac, 2006) qui est implicitement présent dans la définition de la
notion de marge de manœuvre situationnelle, dont les composantes
sont les marges de manœuvre internes et les marges de manœuvre
externe (Vézina, Durand, Richard, & Calvet, 2016).

II.3. LA VARIABILITÉ MOTRICE ET LA DIVERSITÉ MOTRICE


DANS LES APPROCHES DYNAMIQUES ET LEURS RELATIONS

II.3.1. La variabilité motrice joue un rôle fonctionnel


dans la production du mouvement volontaire finalisé

Jusqu’à très récemment, les chercheurs en biomécaniques analysaient


la variabilité motrice comme un « bruit », une forme d’erreur, et non
comme un objet important d’étude, susceptible d’être mesuré et quantifié
(Bartlett, Wheat, & Robins, 2007). Une des raisons pouvant expliquer
ce désintérêt renvoie précisément à l’affirmation que le mouvement est
invariant, eu égard à une conception centralisée de la production du mou-
vement (Stergiou, Harbourne, & Cavanaugh, 2006). En effet, les
approches computationnelles précédemment décrites (sur lesquelles
s’appuie une théorisation de la notion de marge de manœuvre en termes
de régulation) considèrent la variabilité motrice comme le résultat d’une
erreur dans l’habileté à programmer les paramètres des programmes
moteurs sous-jacents (Schmidt, 2003, 2005).
Au contraire de ces approches computationnelles, les approches dyna-
miques considèrent que la variabilité motrice joue un rôle fonctionnel,
tant dans le développement moteur que dans l’acquisition de nouvelles
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 81

habiletés motrices (Bartlett et al., 2007). En effet, l’acquisition d’une


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

habileté motrice n’est pas, dans ces approches, la simple acquisition d’un
patron moteur efficace. C’est également l’acquisition d’une variabilité
motrice optimale qui permet d’explorer de nouvelles solutions au regard
de l’évolution et des changements dans le réseau de contraintes qui pèsent
sur le système : c’est-à-dire les contraintes liées à la tâche, à l’environne-
ment ou au sujet (Dingwell, Cusumano, Cavanagh, & Sternard, 2001 ;
Riley & Turvey, 2002).
Cette variabilité motrice peut se définir comme située entre deux
limites : lorsqu’elle est trop importante, le système est trop instable et
sensible aux perturbations ; lorsqu’elle est trop faible, le système apparaît
trop stéréotypé, incapable d’adaptation aux perturbations, mais égale-
ment incapable d’explorer de nouvelles solutions motrices (Stergiou et al.,
2006). Ces théorisations suggèrent ainsi que l’acquisition d’une diversité
motrice s’appuie sur la variabilité motrice comme élément essentiel.
Il est ici possible de faire un lien entre variabilité motrice et automa-
tisme. La variabilité motrice représente le caractère adaptatif et fonction-
nel de l’automatisme. En ce sens, il est nécessaire de souligner que le
concept de variabilité motrice permet de réhabiliter la notion d’automa-
tisme en ergonomie, comme avait pu le faire précédemment et dans une
autre optique (Leplat, 2005). En effet, la variabilité motrice joue un rôle
dans la production de la performance, même pour des gestes qui appa-
raissent devoir être très stéréotypés pour produire un niveau de perfor-
mance important. Ainsi, Arutyunyan, Gurfinkel et Mirskii (1968) ont
montré que les hauts niveaux de variabilité des mouvements du coude et
de l’épaule étaient impliqués dans la réalisation d’une tâche de tir au
pistolet, ceci permettant, par compensation mutuelle, de maintenir le
poignet et le pistolet dans une position stable. La variabilité motrice
semble donc jouer un rôle important dans la production de la perfor-
mance, et cela bien plus que la capacité à reproduire un mouvement idéal
et fixe. Plus important encore, cette variabilité dans le cadre d’un mouve-
ment inscrit dans une action (ici l’action de tir de précision) est impliquée
dans la préservation de la fonction de l’action : la précision requise pour
l’exécution performante de la tâche de tir au pistolet. De manière plus
générale, la variabilité motrice est intrinsèquement présente même
lorsque le sujet tente de répéter à l’identique un mouvement (Newell &
Corcos, 1993).

II.3.2. Attracteurs de coordination, efficience énergétique et diversité motrice

Dans le cadre des approches dynamiques, nous avons souligné que les
contraintes sont considérées comme des paramètres de contrôle n’ayant
en eux-mêmes pas de valeur prescriptive du comportement moteur.
Toutefois, le comportement d’un système dynamique montre naturelle-
ment des tendances ou des préférences (Austin, 2001). En d’autres
termes, un système moteur tend à adopter sous l’effet des contraintes qui
pèsent sur lui ou qui le constituent, certains types de comportements
spontanés ou préférentiels, appelés attracteurs. Ces attracteurs renvoient
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
82 Yannick Lémonie

à une modalité efficiente d’exploitation des contraintes par le système


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

neuro-musculosquelettique. Pour donner une illustration simple, il est


possible de se déplacer en marchant à une vitesse de 9 ou 10 km/h, mais
ce type de comportement s’avère moins efficient pour ce régime de
contrainte que la course. Ceci explique pourquoi spontanément on
adopte ce type de coordination motrice pour ces régimes de contraintes.
Cette notion d’efficience des comportements moteurs au regard d’un
régime de contraintes s’avère particulièrement importante pour les ergo-
nomes en matière de prévention. Par exemple, Denis, Lortie, Plamondon,
Saint Vincent, Gonella et le Grm Irsst (2013) notent que les techniques
habituellement prescrites dans la formation à la manutention manuelle et
susceptibles de protéger les opérateurs des phénomènes de surcharge sont
contradictoires avec les techniques utilisées par les opérateurs, bien plus
économiques en termes de coût énergétique. Les mouvements des manu-
tentionnaires peuvent dans ce cadre être considérés comme des attrac-
teurs représentants les réponses adéquates en termes de prévention de la
fatigue, au contraire des techniques dites « sécuritaires » habituellement
prescrites, qui ont pour effet de ralentir le travail et d’augmenter la
fatigue.
Lors de la réalisation d’une tâche et pour un régime de contraintes
donné, un système biologique complexe possède plusieurs attracteurs
possibles : il s’agit d’une forme de multi-stabilité des comportements
moteurs dans la réalisation de la tâche. Nous nous référerons à la notion
de diversité motrice pour évoquer cette multi-stabilité pour un régime de
contraintes donné. Les ergonomes utilisent pour évoquer cette diversité
motrice la notion de diversité des modes opératoires (e.g., Chassaing,
2004).

II.3.3. Les liens entre diversité et variabilité motrice

Nous l’avons souligné, si le concept de variabilité motrice est intrin-


sèque au mouvement et permet une forme d’adaptabilité de l’automa-
tisme, celui de diversité motrice renvoie davantage à la variété des modes
opératoires disponibles dans la réalisation d’une tâche. Les deux concepts
s’appuient sur un principe de vicariance des processus en jeu dans la
production du mouvement (Berthoz, 2013) : la variabilité motrice renvoie
à la variabilité inhérente à la production du mouvement ; la diversité
motrice renvoie quant à elle à l’ensemble des modes opératoires dispo-
nibles dans la réalisation de la tâche.
S’il est nécessaire de distinguer ces deux concepts, il existe néanmoins
un lien fonctionnel entre eux. Nous avons vu que l’acquisition d’une
diversité motrice s’appuie sur la notion de variabilité motrice (Stergiou et
al., 2006). D’autres recherches ont documenté une augmentation de la
variabilité motrice postérieurement à l’acquisition d’un nouveau mouve-
ment, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte (Harbourne & Stergiou,
2009 ; Woollacott & Shumway-Cook, 1990). Il est ainsi possible de faire
l’hypothèse que les stratégies d’augmentation de la diversité motrice sont
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 83

susceptibles de permettre une augmentation de la variabilité motrice d’un


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

mouvement préalablement acquis.


Dans la littérature internationale, les deux concepts semblent impli-
qués de manière différente dans la prévention des TMS. Alors que les
approches « facteurs humains » valorisent davantage la notion de variabi-
lité motrice, les approches de l’ergonomie de l’activité mettent davantage
en avant la notion de diversité motrice. Néanmoins, dans la littérature
internationale en ergonomie, tant la variabilité motrice que la diversité
motrice sont envisagées comme deux mécanismes dans les stratégies de
prévention des TMS.

III. LA VARIABILITÉ ET LA DIVERSITÉ MOTRICES


COMME ÉLÉMENTS DE PRÉSERVATION DES TMS

III.1. LA PRÉVENTION DES TMS SEMBLE IMPLIQUER


UN DÉVELOPPEMENT DE LA VARIABILITÉ
ET DE LA DIVERSITÉ MOTRICES

Les effets protecteurs de la variabilité motrice ou de la diversité


motrice vis-à-vis des TMS ont été évoqués de longue date dans le champ
de l’ergonomie (Dempsey, Mathiassen, Jackson, & O’Brien, 2010 ;
Madeleine, 2010 ; Madeleine, Lundager, Voigt & Arendt-Nielsen, 2003 ;
Madeleine & Madsen, 2009 ; Madeleine, Mathiassen, & Arendt-Nielsen,
2008 ; Mathiassen, 2006 ; Srinivasan & Mathiassen, 2012a). Les études
ont à ce titre montré combien la variabilité motrice pouvait être considé-
rable, autant dans le cadre de tâche répétitive et hautement contrôlée en
laboratoire (par ex., Granata, Marras, & Davis, 1999 ; Madeleine,
Voigt, & Mathiassen, 2008) que dans le cadre de situation écologique de
travail (par ex., Christensen, Sogaard, Pilegaard, & Enginer, 2000 ;
Fethke, Anton, Cavanaugh, Gerr, & Cook, 2007).
Il est à noter que les études s’intéressant à la diversité motrice
s’inscrivent davantage dans le cadre d’étude en situation de travail. À
l’inverse, les études sur la variabilité s’inscrivent principalement dans le
cadre d’études expérimentales.
En ce qui concerne la diversité motrice, une étude prospective menée
dans le secteur de l’électronique (Kilbom & Persson, 1987) avait pour
objectif de mettre en relation des manifestations de troubles cervico-sca-
pulaires avec les changements individuels dans la technique de travail.
Les résultats de cette étude ont montré que le risque le plus important
était associé avec la faible diversité des postures et des mouvements au
travail chez les opératrices.
Les travaux plus récents s’intéressent plus en avant à investiguer les
liens potentiels entre TMS et variabilité motrice. Ainsi, plusieurs études
ont cherché à montrer quelles sont les contraintes (au sens de Newell,
1986) susceptibles d’influencer la variabilité motrice. Ces contraintes ne
sont pas simplement limitées aux dimensions spatiales des postes de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
84 Yannick Lémonie

travail, comme le suggèrent les critiques francophones, mais intègrent des


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

contraintes liées au sujet, à la tâche et à l’environnement.


Une des contraintes les plus étudiées concerne la fatigue musculaire.
Celle-ci est considérée comme une forme de précurseur de TMS
(Rempel, Harrison, & Bamhart, 1992). D’après les études, la nature des
relations entre fatigue et variabilité motrice est de nature bidirectionnelle
(Srinivasan & Mathiassen, 2012a) : une grande variabilité motrice est
susceptible d’impliquer un développement moins rapide de la fatigue
musculaire ou, au contraire, la recherche par l’opérateur de stratégies
motrices susceptibles de préserver les tissus musculaires fatigués. En ce
sens, plusieurs études ont argumenté que l’augmentation de la variabilité
motrice avait des effets positifs dans la diminution de la fatigue des
membres supérieurs (Madeleine & Farina, 2008), tout en préservant la
performance (Gates & Dingwell, 2008 ; Selen, Beek, & Van Dieën,
2007).
Une autre contrainte analysée dans la littérature ergonomique est liée
à la fréquence imposée, notamment lors d’une tâche répétitive de préci-
sion. Srinivasan, Samani, Mathiassen et Madeleine (2015) montrent ainsi
dans une tâche expérimentale de mise en pipette que, lorsque la cadence
augmente, aussi bien la taille que la structure de la variabilité motrice a
tendance à décroître. Autrement dit, les résultats suggèrent que l’aug-
mentation de la cadence de travail induit une diminution de la variabilité
motrice susceptible de conduire à terme à des effets indésirables, comme
une fatigue musculaire prononcée ou une sursollicitation des tissus. En
ce sens, une idée émergente dans le champ de la prévention des TMS
consiste à augmenter la variabilité motrice sans nécessairement modifier
l’organisation de la production (Srinivasan et Mathiassen, 2012a). Pour
le dire comme Clot et Fernandez (2005), en appuient sur les travaux de
Luria (1995), il s’agit d’organiser les conditions « d’une répétition sans
répétition ».
Le développement de l’expertise et de l’expérience est également
associé à une plus grande variabilité motrice. Par exemple, Madeleine,
Voigt et Mathiassen (2008) montrent dans une étude sur les effets de
l’expérience sur la variabilité motrice chez des bouchers, que celle-ci aug-
mente dans les six premiers mois d’emploi. La variabilité cinématique
s’avère également plus grande dans un groupe de bouchers expérimentés
qui ne déclarent pas de douleurs, que dans un groupe de bouchers expéri-
mentés déclarant des douleurs. De manière dialectique, les douleurs chro-
niques sont associées à une diminution de la variabilité motrice.
Dans une étude sur le port de charge répétée, Granata et al. (1999)
ont montré que les manutentionnaires expérimentés présentaient une
variabilité plus grande de la charge vertébrale (il est possible de faire varier
la charge vertébrale juste en modifiant la distance entre l’opérateur et
l’objet à manutentionner). Cette observation, contraire à l’hypothèse ini-
tiale des chercheurs et aux modèles biomécaniques classiques, suggère
que la variabilité est sans doute plus protectrice que la simple quantifica-
tion de la charge dorsale. En effet, même si la moyenne de la charge
dorsale était inférieure aux recommandations NIOSH, 20 % des essais
dépassaient ces recommandations.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 85

Les études montrent également qu’il est possible par des procédures
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

spécifiques de former les opérateurs à redistribuer l’activité musculaire


lors de la tâche d’abduction du membre supérieur (Palmerud et al.,
1995) : en proposant des feed-back basés sur l’amplitude de l’activité
musculaire (EMG) du muscle trapézoïde, les sujets ont été capables de
faire décroître l’EMG d’une valeur comprise entre 22 % et 47 %. La
posture demandée était maintenue par la redistribution de l’activité mus-
culaire sur les muscles rhomboïde et transverse. Toutefois, Srinivasan et
Mathiassen (2012a) notent qu’à leur connaissance, aucune recherche n’a
cherché à modifier directement la variabilité motrice. Comme nous
l’avons souligné, une hypothèse possible consiste peut-être à augmenter
la diversité motrice.

III.2. QUELQUES LIMITES ET PERSPECTIVES D’ARTICULATION


ENTRE BIOMÉCANIQUE, CONTRÔLE MOTEUR
ET ERGONOMIE DE L’ACTIVITÉ

Les recherches menées sur la variabilité motrice comme sur la diversité


motrice ne donnent actuellement pas de preuves certaines d’un effet
positif de la variabilité motrice ou de la diversité motrice sur la prévention
des TMS. Il s’agit là des limites inhérentes aux recherches transversales.
À ce jour, à notre connaissance, aucune étude épidémiologique ne fournit
d’indications permettant de prouver le rôle bénéfique joué, tant par la
diversité que par la variabilité motrice, en matière de préservation des
TMS. Il s’agit donc là d’une « hypothèse de travail » fonctionnellement
similaire à celle mobilisée par les ergonomes lorsqu’ils font état d’un lien
entre marge de manœuvre, diversité motrice et préservation des TMS. La
production de ce type de connaissances explicatives sur les liens entre
diversité, variabilité et préservation des TMS implique inévitablement des
études pluridisciplinaires qui, loin d’évacuer la dimension biomécanique,
l’intègrent à l’étude du travail dans la même orientation que celle défen-
due en ergotoxicologie (Garrigou, Baldi, & Dubuc, 2008). Pour para-
phraser Mohammed-Brahim et Garrigou (2009), la contribution d’une
telle ergonomie serait de montrer comment l’ergonomie de l’acti-
vité (Daniellou, 1996), plus qu’elle ne les utilise, s’approprie les connais-
sances issues de la biomécanique et du contrôle moteur, les interroge là
où la pratique les révèle lacunaires et fonde un modèle opérant au sens de
Wisner (1972).
Une limite inhérente à la mise en place de telles recherches consiste
en l’adaptation des méthodologies d’investigation de la variabilité motrice
(notamment) dans des approches in situ sur le lieu de travail. Ainsi, Srini-
vasan et Mathiassen (2012b, p. 2533) notent que « bridging this disconnect
between research methods available in the motor control literature and methods
currently applied in occupational research can help in the development of simple,
operational methods to quantify motor variability, applicable in field studies ».
Une seconde limite à la mise en place de telles recherches se situe dans
les différentes méthodes de mesure et de caractérisation de la variabilité
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
86 Yannick Lémonie

motrice : à l’aide de la cinématique, de la cinétique ou encore de l’électro-


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

myographie. Ainsi, la variabilité mesurée peut différer en fonction des


techniques utilisées. Par exemple, Bosch, Mathiassen, Visser, De Looze,
et Van Dieën (2011) ont montré que l’accélération de la cadence aug-
mentait la variabilité de la cinématique du poignet, mais n’avait pas
d’influence sur l’activité musculaire. Ainsi, il n’y a pas de consensus à ce
jour sur la forme de variabilité la plus propice à la préservation des TMS.
Quoiqu’encore largement spéculatives, de telles démarches de
recherche peuvent s’appuyer sur les démarches d’action mises en œuvre
en ergonomie de l’activité qui mettent en avant plus largement la notion
de diversité motrice. C’est ce que nous proposons de montrer dans les
développements suivants.

III.3. LES APPROCHES FRANCOPHONES :


FAVORISER LA DIVERSITÉ GESTUELLE DES OPÉRATEURS
DANS LES DÉMARCHES D’INTERVENTION

S’intéressant aux gestuelles au travail, Chassaing (2010, p. 187) note


que pour « devenir préventif pour les douleurs musculaires [il faut] que
l’opérateur ait le choix de réaliser la même tâche avec différents gestes.
Pour cela, il faut que dans la répétition, il puisse élargir sa gamme
d’action ». Notons ici que la diversité évoquée par Chassaing (2010) ne
se décrète pas : elle implique que l’opérateur puisse avoir acquis en forma-
tion ou par l’expérience au poste de travail, la capacité à faire varier son
geste au regard de l’évolution de la production ou de l’évolution de son
propre état. Ceci justifie pleinement les démarches mobilisant des forma-
tions alimentées par des analyses de la diversité motrice au poste de
travail. Ainsi, la vicariance des gestes, c’est-à-dire la diversité motrice en
situation de travail est une préoccupation constante de la part des ergo-
nomes de l’activité au niveau de la préservation des TMS. Un exemple
d’une telle stratégie est présenté ci-dessous, sans que celle-ci soit bien
entendu exclusive des modalités d’intervention mises en œuvre par les
ergonomes dans leurs interventions.
Dans la recherche-intervention qu’elle propose, Ouellet (2013) ali-
mente une formation à la découpe de viande pour des tâches de désossage
et de dégraissage dans le but de prévenir les TMS. La méthode mobilisée
visait à faire verbaliser des opérateurs experts par le biais d’auto-confron-
tation dans le but de leur faire expliciter les diverses stratégies mobilisées
pour, à la fois, se protéger et tenir la qualité du produit. Au-delà de la
verbalisation, une description des modes opératoires a pu être effectuée
sur la base d’observation et d’analyse du geste de travail (organisation
temporelle, fréquence de certaines actions, position de la viande par
rapport au travailleur, type de prise sur le couteau, pourcentage de temps
à l’intérieur du cycle de découpe, direction, amplitude articulaire, etc.).
L’intervention a produit un outil de formation permettant d’identifier les
stratégies à construire par les opérateurs : chaque geste est détaillé en
termes d’avantages et de désavantages. En ce sens, la formation vise non
pas à prescrire le « geste idéal » de découpe, mais à augmenter la diversité
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 87

motrice en mobilisant les savoir-faire construits par les opérateurs expéri-


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

mentés. Cette diversité motrice est considérée comme une ressource du


collectif pour la préservation des TMS. Comme le note Daniellou
(2003) : « Enseigner une palette de modes opératoires possibles, plutôt
qu’un seul, va sans doute dans le sens de favoriser la construction, par
chacun, d’un style propre et d’une meilleure capacité d’adaptation à la
variabilité des conditions du travail. »

III.3.1. Favoriser la rotation des postes pour permettre la diversité motrice

Une autre stratégie concrète pour faciliter la mise en œuvre d’une


diversité motrice, souvent rapportée au concept de marge de manœuvre
consiste à travailler sur l’organisation du travail, plus particulièrement sur
la rotation des postes de travail. Cette rotation des postes implique la
mise en place d’une forme de polyvalence. Cependant, la rotation de
poste ne se décrète pas. Elle n’est d’ailleurs pas toujours possible et vient
s’opposer aux compétences déjà développées par les opérateurs, ou
s’oppose au souhait des opérateurs (Saint-Vincent, Vézina, Dufour,
Saint-Jacques, & Cloutier, 2003). Elle peut par ailleurs être antinomique
des stratégies de rotation déjà mises en œuvre par les opérateurs pour
soutenir la production : Rocha, Daniellou et Nascimento (2012)
montrent qu’à côté de la rotation prescrite par une entreprise de boisson,
la rotation réelle mise en œuvre par les opérateurs représente une solution
pour parvenir à se maintenir à leur poste, à gérer la douleur et à assurer
un haut niveau de production.
Comme le soulignent Coutarel, Daniellou et Dugué (2003b), la
construction de la polyvalence des opérateurs nécessite du temps. Il
convient d’organiser le temps à plusieurs niveaux :
– Le premier niveau concerne le temps disponible, qui doit permettre à
l’opérateur de construire son geste de travail. L’auteur évoque une
intervention ayant abouti dans le cadre d’un atelier de découpe de
canard à l’organisation de deux vitesses dans deux chaînes de découpe
permettant aux nouveaux opérateurs d’apprendre à construire le
geste, ou plus précisément de construire les conditions d’une diversité
de modes opératoires, d’une diversité de gestuelles (Coutarel, 2004).
– Le second niveau concerne les dimensions productives de l’activité
qui sont, dans ce cadre, toujours en contradiction au regard de la
nécessité de construire la diversité motrice. Coutarel, Daniellou et
Dugué (2003a) montrent ainsi la plus-value apportée par la création
d’une fonction de « coordinateur découpe » où l’opérateur, présent en
permanence, est en charge d’opérer les régulations nécessaires sur la
production (organisation des équipes, gestion des absences par
exemple), d’aider les opérateurs en difficulté et de parfaire leur
formation.
Nous ne reviendrons pas sur les dimensions stratégiques et les dimen-
sions sociales de l’intervention qui doivent amener à une reconnaissance
de la diversité motrice et des compétences acquises par les opérateurs.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
88 Yannick Lémonie

Nous pourrions simplement souligner combien toutes ces stratégies visent


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

à permettre de favoriser les conditions organisationnelles propices à la


mise en place et à l’acquisition d’une diversité motrice. Il n’y a guère
besoin d’évoquer les marges de manœuvre ici, sauf à mobiliser une notion
qui peut stratégiquement être mobilisée par l’ergonome pour conduire
l’intervention à l’aide d’un vocabulaire aisément compréhensible par les
demandeurs ou les opérateurs. En ce sens, la notion de marge de
manœuvre recouvre, pour nous, davantage une forme de langage opératif
qu’un concept scientifique permettant de guider l’intervention et d’élabo-
rer des critères permettant d’évaluer l’impact de l’intervention (Coutarel
et al., 2009), dimension particulièrement importante dans le cadre de la
prévention des TMS.
Coutarel, Daniellou et Dugué (2003b) notent par ailleurs qu’une
mauvaise répartition entre des tâches à accomplir et un temps imparti
pour leur réalisation ne peut être compensée par une diminution du
temps disponible sur les postes les plus difficiles. Au regard de ce que
nous avons souligné sur les travaux s’intéressant à la variabilité motrice,
nous ne pouvons que souscrire à cette affirmation. Formulés à la lumière
des concepts de variabilité et de diversité motrice, nous pourrions avancer
que la diversité motrice, favorisée par la rotation de poste, ne peut venir
compenser la diminution de la variabilité gestuelle liée à une vitesse de la
ligne de production trop importante.

III.4. VARIABILITÉ ET DIVERSITÉ :


DEUX CONCEPTS POUR UN DIALOGUE NÉCESSAIRE

Nous venons de le constater, les interventions ergonomiques de l’acti-


vité s’appuient largement sur l’idée de permettre à l’organisation de
prendre en compte et de favoriser le développement d’une diversité
motrice par les opérateurs, que ce soit en travaillant sur l’organisation ou
en favorisant des formations qui placent la question de la vicariance
comme une dimension centrale.
Au contraire, les approches anglo-saxonnes s’intéressent davantage à
la notion de variabilité motrice comme une possibilité de prévenir la
fatigue, les douleurs et les TMS lorsqu’il n’est pas possible de mettre en
place la rotation de poste et la polyvalence au sein de l’entreprise.
En définitive, c’est la relation entre variabilité motrice et diversité
motrice qu’il est nécessaire d’investiguer plus en avant. C’est en ce sens
que la collaboration entre ergonomes et biomécaniciens devient essen-
tielle, comme le souligne Vézina (2001). Toutefois, une telle collabora-
tion ne peut devenir effective qu’à partir du moment où un langage
commun et une élaboration conceptuelle commune permettent ce dia-
logue. Nous pensons que les concepts de variabilité motrice, comme celui
de diversité motrice, permettent de faire un pas en avant dans cette direc-
tion. Plus qu’un langage commun, il nous semble nécessaire de répondre
à certaines critiques récurrentes qui peuvent être faites des approches
Human Factors dans la littérature francophone. En effet, dans ce cadre,
les critiques sont de nature à la fois épistémologiques et méthodologiques.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 89

Au plan épistémologique, les approches Human Factors évoquées dans


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

cette revue de littérature sont principalement expérimentales. Dans la cri-


tique traditionnelle de telles approches, il est courant de souligner leur
dimension réductrice et d’opposer la complexité des situations de travail.
Il nous semble, pour répondre à une telle critique, que la plupart de ces
recherches s’appuient sur des formes de simulation de situation de travail
permettant d’analyser le mouvement dans des tâches très proches des
situations de travail réelles dont la standardisation accentuée comme ses
conséquences dans l’émergence des TMS n’est plus à démontrer. Par
ailleurs, les recherches expérimentales sont critiquées par le fait qu’elles
mobilisent une activité dont le sens est souvent éloigné pour les opéra-
teurs de celui d’une situation de travail. Or, nous l’avons vu, les opéra-
teurs dans ces situations expérimentales de simulations font face, comme
dans le cadre du travail, à des conflits de buts entre la préservation de la
performance ou la préservation de soi.
Au plan méthodologique, la notion de marge de manœuvre a été
mobilisée pour intégrer des dimensions organisationnelles et permet aux
auteurs qui la mobilisent d’intégrer des dimensions qui ne se limitent pas
à la configuration du poste de travail. Or, comme il est possible de le
constater, des dimensions organisationnelles sont bien présentes dans de
telles expérimentations : elles intègrent autant les contraintes liées aux
prescriptions que des contraintes de production comme la fréquence
imposée par la vitesse de la chaîne de production. Les notions de variabi-
lité et de diversité motrice permettent donc d’investiguer plus en avant la
question du rôle joué par l’organisation du travail sur la production et le
contrôle du mouvement par l’opérateur. En ce sens, ces concepts per-
mettent d’effectuer une autre lecture des résultats produits par les
recherches francophones mobilisant le concept de marge de manœuvre.
Si l’on admet généralement que les approches Human Factors auraient
à gagner à connaître les travaux en ergonomie de l’activité, l’inverse nous
semble également vrai et évident concernant la prévention des TMS. Ceci
souligne la nécessité d’un débat tant conceptuel que méthodologique.

CONCLUSION

Le concept de marge de manœuvre constitue un concept important


permettant de guider les interventions ergonomiques orientées vers la pré-
vention des troubles musculosquelettiques. Toutefois, quatre critiques
principales peuvent être faites à propos du concept au regard des dévelop-
pements précédents :
– Critique 1. Nous avons démontré que les difficultés de conceptualisa-
tion de la marge de manœuvre relèvent de fondations théoriques et
empiriques ancrées dans un paradigme cognitiviste. Cette orientation
suppose que la motricité est pilotée par une instance de « traitement
de l’information », qui en prenant appui sur un dualisme implicite
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
90 Yannick Lémonie

entre la cognition et la motricité, apparaît peu compatible avec la pro-


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

duction et le contrôle de mouvement complexe dans le cadre de situa-


tions de travail.
– Critique 2. Par ailleurs, le concept de marge de manœuvre est une
construction hypothétique et non falsifiable. Les marges de manœuvre
sont toujours présentes. Argumenter son absence reviendrait à nier la
variabilité intrinsèque au mouvement. En ce sens, la marge de
manœuvre apparaît davantage une notion relevant d’un langage opéra-
tif que d’un concept scientifique. Toutefois, même au plan opératif,
la notion s’avère problématique : la marge de manœuvre n’est pas
mesurable en tant que telle, pas plus qu’objectivable.
– Critique 3. Le concept de marge de manœuvre apparaît par ailleurs
comme un concept trop statique en ce qu’il ne rend pas compte des
dynamiques sous-jacentes. Si, comme le notent Coutarel et al. (2015),
les marges de manœuvre sont bien individuelles, elles ont vraisembla-
blement une dynamique liée à l’interaction entre un individu et un
contexte de travail dont les conditions sont en perpétuel mouvement.
Pour donner un exemple simple, la marge de manœuvre d’un opéra-
teur à la chaîne n’est pas la même en début de journée et en fin de
journée. Le concept de marge de manœuvre (mobilisé très souvent au
singulier par les auteurs) achoppe à rendre compte d’une telle
dynamique.
– Critique 4. En s’inscrivant de fait dans une perspective organisation-
nelle, les marges de manœuvre ont délaissé les acquis de la bioméca-
nique, sans doute en s’appuyant sur une vision appauvrie de celle-ci,
réduite à ses dimensions de répétitivité, force, et posture, sans prendre
en compte les récents acquis sur la diversité et la variabilité motrice.
De ce fait, les ergonomes se sont détournés des questions de motricité,
de contrôle de la motricité, de gestes de travail, de mouvement, de
postures pourtant centrales dans la compréhension des situations sus-
ceptible d’engendrer des TMS. Pour le dire de manière plus affirmée,
si les approches en termes de marge de manœuvre impliquent de
prendre en compte la singularité de l’opérateur, elles promeuvent
cependant une conception d’un individu sans organisme.
On l’aura compris, à nos yeux, la notion de marge de manœuvre ne
nous paraît pas créer les conditions d’un dialogue avec les autres disci-
plines s’intéressant à la motricité. Elle ne permet pas plus de comprendre
réellement (et non de manière hypothétique) les conditions potentielles
de survenue des TMS.
Les concepts de variabilité motrice et de diversité motrice mobilisés
dans le champ du contrôle moteur nous semblent davantage porteur pour
plusieurs raisons que nous souhaitons résumer ici :
– Des concepts offrant un cadre conceptuel pour un dialogue interdisciplinaire.
Ces concepts s’appuient sur un cadre conceptuel interdisciplinaire qui
est celui des théories dynamiques des systèmes non linéaires. En ce
sens, ils sont susceptibles de fournir un instrument de dialogue entre
l’ergonomie de l’activité, l’approche Human Factors, la biomécanique
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 91

et plus largement l’ensemble des sciences du mouvement. Ce sont en


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

ce sens des concepts « frontières », plus que des concepts nomades


(Stengers, 1987) permettant tant la discussion que la controverse
scientifique interdisciplinaire dans le cadre des travaux s’intéressant à
la prévention des TMS dont le caractère multifactoriel n’est plus à
démontrer.
– Des concepts renouant le dialogue entre sciences humaines et sociales et
sciences naturelles. S’appuyant sur les travaux initiaux d’un physiolo-
giste de l’activité (Bernstein, 1967), les concepts de variabilité motrice
et de diversité motrice sont susceptibles de permettre de renouveler le
dialogue entre deux approches antagonistes s’intéressant aux gestes
techniques (Bril & Goasdoué, 2009) : celle des sciences humaines et
sociales et celle des sciences naturelles.
– Des concepts quantifiables et objectivables. Le concept de variabilité
motrice comme celui de diversité motrice sont quantifiables et objecti-
vables. Ils sont susceptibles de fournir des pistes pour l’intervention
en permettant de suivre sa dimension aux regards de la variabilité des
éléments de la tâche, de l’environnement ou de l’opérateur.
– Des concepts explicatifs des TMS. Le concept de variabilité motrice
comme celui de diversité motrice sont actuellement mobilisés comme
des dimensions de l’activité susceptible d’expliquer le caractère pro-
tecteur vis-à-vis de la survenue de TMS.
Au regard d’une question aussi complexe que cruciale comme celle
des TMS, il nous paraît important que l’édifice conceptuel que nous
portons en tant qu’ergonomes puisse réunir les conditions d’un dialogue
entre recherche explicatives et nomologique, recherche compréhensive,
recherche-intervention (Clot, 2017) et intervention ergonomique. C’est
bien dans cette perspective que nous pensons que le concept de marge
de manœuvre, sans doute trop large, est sans doute impropre à jouer le
rôle que les auteurs la mobilisant entendent lui donner. En lieu et place, le
lecteur aura compris que les concepts de variabilité motrice et de diversité
motrice nous apparaissent davantage porteurs d’une telle potentialité, ceci
d’autant plus qu’il nous semble que l’ergonomie de l’activité a produit
des résultats ancrés dans une telle perspective.
Ces deux concepts s’inscrivent par ailleurs dans les récentes évolutions
de l’ergonomie qui place la question du développement comme central
dans l’intervention ergonomique (Falzon, 2013). C’est bien en dévelop-
pant les gestes de travail, c’est-à-dire en augmentant tant leur variabilité
que leur diversité que le développement peut devenir une source de pré-
servation des TMS. C’est ici un point de rapprochement important entre
les approches d’ergonomie de l’activité et les approches Human Factors
qu’il convient non pas de systématiquement opposer, mais de faire
dialoguer.
Manuscrit reçu : mars 2018.
Accepté après révision par F. Darses : décembre 2018.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
92 Yannick Lémonie

BIBLIOGRAPHIE
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

Aptel, M., & Vézina, N. (2011). Quels modèles pour comprendre et prévenir les TMS ?
Pour une approche holistique et dynamique. Communication présentée au Col-
loque IRSST 2011, Montréal. http://www.irsst.qc.ca/media/documents/
PubIRSST/Plen-Aptel-Vezina-11h20.pdf
Arutyunyan, G. H., Gulfinkel, V. S., & Mirskii, M. L. (1968). Investigating of
aiming at a target. Biophysics, 14, 1162-1167.
Aubert-Blanc, S. (2009). Apport de l’ergonomie à la définition du contenu des
savoir-faire de métier et à l’organisation de leur transmission. « C’est pas com-
pliqué de percer un trou ! » Séminaire « Transmission des savoirs et mutualisa-
tion des pratiques en situation de travail » (pp. 33-41). Rapport de recherche
du CEE, Marne-La-Vallée, France.
Austin, G. P. (2001). Motor control of human gait: A dynamic systems perspec-
tive. Orthopaedic Physical Therapy Clinics of North America, 10(1), 17-34.
Bartlett, R., Wheat, J., & Robins, M. (2007). Is movement variability important
for sport biomecanists? Sports Biomecanics, 6(2), 224-243. doi: 10.1080/
14763140701322994
Beer, R. D. (2009). Beyond control: The dynamics of brain-body-environment
interaction in motor control. In D. Sternad (Ed.), Progress in Motor Control: A
Multidisciplinary Pespective (pp. 7-24). New York, New York : Springer-Verlag.
Béguin, P., & Clot, Y. (2004). L’action située dans le développement de l’activité.
Activités, 1(2), 35-49. 10.4000/activites.1237
Bernstein, N. (1967). The Co-ordination and Regulation of Movements. Oxford,
Royaume-Uni : Pergamon Press.
Berthoz, A. (2013). La Vicariance. Le cerveau créateur de mondes. Paris, France :
Odile Jacob.
Bosch, T., Mathiassen, S. E., Visser, B., De Looze, M. P., & Van Dieën, J. H.
(2011). The effect of work pace on workload, motor variability and fatigue
during simulated light assembly work. Ergonomics, 54(2), 154-168. doi:
10.1080/00140139.2010.538723
Brassac, C. (2006). Avant-Propos : Énaction, externalisme et internalisme, les
modalités d’un débat. Intellectica, 43(1), 7-9.
Bril, B., & Goasdoué, R. (2009). Du mouvement sans sens et du sens sans mou-
vement : rôle des finalités et des contextes dans l’étude de comportements
moteurs. Intellectica, 51, 273-293.
Caroly, S. (2006). La prévention des troubles musculosquelettiques en concep-
tion : quelles marges de manœuvre pour le déploiement de l’activité ? De
Coutarel. PISTES, 8(1).
Caroly, S., Coutarel, F., Vézina, N., Roquelaure, Y., & Schweitzer, J.-M. (2008).
La Prévention durable des TMS : Quels freins ? Quels leviers d’action ? Rapport
de Recherche PACTE, ANACT, LEEST. https://halshs.archives-ouvertes.fr/
halshs-00373778/document
Caroly, S., Simonet, P., & Vézina, N. (2015). Marge de manœuvre et pouvoir
d’agir dans la prévention des TMS et des RPS. Le Travail humain, 78(1), 1-
8. doi: 10.3917/h.81.0001
Chassaing, K. (2004). Vers une compréhension de la construction des gestuelles
avec l’expérience : le cas des « tôliers » d’une entreprise automobile. PISTES,
6(1). doi: 10.4000/pistes.3280
Chassaing, K. (2010). Les « gestuelles » à l’épreuve de l’organisation du travail :
du contexte de l’industrie automobile à celui du génie civil. Le Travail humain,
73(2), 163-192. doi: 10.3917/th.732.0163
Christensen, H., Sogaard, K., Pilegaard, M., & Enginer, H. B. O. (2000). The
importance of the work/rest pattern as a risk factor in repetitive monotonous
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 93

work. International Journal of Industrial Ergonomics, 25, 367-373. doi: 10.1016/


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

S0169-8141 (99)00025-6
Clot, Y. (2017). L’intervention : entre terrain et laboratoire. In A.-L. Ulmann,
A. Weill-Fassina, & T.-H. Benchekroun (Eds.), Intervenir. Histoires, recherches,
pratiques (pp. 185-190). Toulouse, France : Octares.
Clot, Y., & Fernandez, G. (2005). Analyse psychologique du mouvement : apport
à la compréhension des TMS. Activités, 2(2), 68-78. doi: 10.4000/
activites.1818
Coutarel, F. (2004). La Prévention des troubles musculosquelettiques en conception :
quelles marges de manœuvre pour le déploiement de l’activité ? Thèse de doctorat
non publiée en ergonomie, université Bordeaux II – Victor Segalen, Bordeaux.
Coutarel, F. (2005). Développer les marges de manœuvre et évaluer nos interventions
pour faire face aux TMS : quelles conditions à une prévention durable ? Communi-
cation présentée au 40e congrès de la SELF. https://hal.archives-ouvertes.fr/
hal-00832794/document
Coutarel, F., Caroly, S., Vézina, N., & Daniellou, F. (2015). Marge de manœuvre
situationnelle et pouvoir d’agir : des concepts à l’intervention ergonomique.
Le Travail humain, 78(1), 9-29. doi: 10.3917/th.781.0009
Coutarel, F., Daniellou, F., & Dugué, B. (2003a). Concevoir le système pour
prévenir les troubles musculosquelettiques. L’exemple d’une salle de découpe
de canards gras. Archives des maladies professionnelles et de médecine du travail,
64(2), 89-99.
Coutarel, F., Daniellou, F., & Dugué, B. (2003b). Interroger l’organisation du
travail au regard des marges de manœuvre en conception et en fonctionne-
ment. La rotation est-elle une solution aux TMS ? PISTES, 5(2). doi:
10.4000/pistes.3328
Coutarel, F., & Petit, J. (2013). Prévention des TMS et développement du
pouvoir d’agir. In P. Falzon (Ed.), Ergonomie constructive (pp. 175-190). Paris,
France : Puf.
Coutarel, F., Vézina, N., Berthelette, A., Aublet-Cuvelier, A., Descatha, A.,
Chassaing, K., & Ha, C. (2009). Orientations pour l’évaluation des interven-
tions visant la prévention des troubles musculosquelettiques liés au
travail PISTES, 11(2). doi: 10.4000/pistes.2349
Daniellou, F. (1996). Questions épistémologiques autour de l’ergonomie. In F.
Daniellou (Ed.), L’Ergonomie en quête de ses principes, débats épistémologiques
(pp. 1-17). Toulouse, France : Octares.
Daniellou, F. (2003). De la rotation sur les postes à la santé au travail. Perspec-
tives Interdisciplinaires sur le travail et la santé. PISTES, 5(2). doi: 10.4000/
pistes.3319
Daniellou, F., & Rabardel, P. (2005). The “French-Speaking Ergonomists”
approach to work activity: Cross influences of field intervention and concep-
tual models. Theoretical Issues in Ergonomics Science, 6(5), 409-428. doi:
10.1080/14639220500078252
Davids, K., Glazier, P., Araujo, D., & Bartlett, R. (2003). Movement systems as
dynamical systems: The functional role of variability and its implication for
sport medicine. Sport Medecine, 33(4), 245-260. doi: 10.2165/00007256-
200333040-00001
Delalandre, M., & Carreras, K. (2011). La transposition d’une controverse scien-
tifique sur l’apprentissage moteur au sein des sciences et techniques des activi-
tés sportives. Movement & Sport Sciences, 73(2), 23-32. doi: 10.3917/
sm.073.0023
Delignières, D., & Torre, K. (2009). Vers une nécessaire prise en compte de la
complexité : variabilité et fractalité dans la motricité rythmique. Intellectica,
52, 41-54.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
94 Yannick Lémonie

Dempsey, P. G., Mathiassen, S. E., Jackson, J. A., & O’Brien, N. V. (2010).


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

Influence of three principles of pacing on the temporal organization of work


during cyclic assembly and disassembly tasks. Ergonomics, 53(11), 1347-1358.
doi: 10.1080/00140139.2010.520745
Denis, D., Lortie, M., Plamondon, A., Saint-Vincent, M., Gonella, M., & Irsst,
G. (2013). Proposition d’une définition de la compétence en manutention et
impacts sur la formation. Le Travail humain, 76(2), 129-153. doi: 10.3917/
th.762.0129
Dingwell, J. B., Cusumano, J. P., Cavanagh, P. R., & Sternard, D. (2001). Local
dynamic stability versus kinematic variability of continuous overground and
treadmill walking. Journal of Biomechanical Engineering, 123(1), 27-32. doi:
10.1115/1.1336798
Falzon, P. (2013). Ergonomie constructive. Paris, France : Puf.
Fethke, N. B., Anton, D., Cavanaugh, J. E., Gerr, F., & Cook, T. M. (2007).
Bootstrap exploration of the duration of surface electromyography sampling in
relation to the precision of exposure estimation. [http://www.jstor.org/stable/
40967666]. Scandinavian Journal of Work Environment and Health, 33(5),
358-367.
Garrigou, A., Baldi, I., & Dubuc, P. (2008). Apports de l’ergotoxicologie à l’éva-
luation de l’efficacité réelle des EPI : de l’analyse de la contamination au
processus collectif d’alerte. PISTES, 10(1). doi: 10.4000/pistes.2137
Gates, D. H., & Dingwell, J. B. (2008). The effects of neuromuscular fatigue
on task performance during repetitive goal-directed movements. Experimental
Brain Research, 187(4), 573-585. doi: 10.1007 %2Fs00221-008-1326-8
Gaudez, C., & Aptel, M. (2008). Les mécanismes neurophysiologiques du mou-
vement, base pour la compréhension du geste. Le Travail humain, 71(4), 385-
404. doi: 10.3917/th.714.0385
Gaudez, C., Gilles, M. A., & Savin, J. (2016). Intrinsic movement variability at
work. How long is path from motor control to design engineering? Applied
Ergonomics, 53(1), 71-78. doi: 10.1016/j.apergo.2015.08.014
Granata, K. P., Marras, W. S., & Davis, K. G. (1999). Variation in spinal load
and trunk dynamics during repeated lifting exertions. Clinical Biomechanics,
14(6), 367-375. doi: 10.1016/S0268-0033(98)90090-0
Ha, C., & Roquelaure, Y. (2010). Troubles musculosquelettiques d’origine pro-
fessionnelle en France. Où en est-on aujourd’hui ? BEH, 5-6, 35-37.
Ha, C., Roquelaure, Y., Leclerc, A., Touranchet, A., Goldberg, M., & Imbernon,
E. (2009). The French musculoskeletal disorders surveillance program : Pays
de la Loire Network. Occupational and Environmental Medicine, 66, 471-479.
doi: 10.1136/oem.2008.042812
Halverson, C. A. (1992). Analysing a Cognitively Distributed System : A Terminal
Radar Approach Control. Master Thesis. UCSD. San Diego.
Harbourne, R. T., & Stergiou, N. (2009). Movement variability and the use of
nonlinear tools: Principles to guide physical therapist practice. Physical Thera-
pist, 89(3), 267-282. doi: 10.2522/ptj.20080130
Hausdorff, J. M., Purdon, P. L., Peng, C. K., Ladin, Z., Wei, J. Y., & Goldberger,
A. R. (1996). Fractal dynamics of human gait: stability of long-range correla-
tions in stride interval fluctuation. Journal of Applied Physiology, 80,
1448–1457. doi: 10.1152/jappl.1996.80.5.1448
Herzfled, D. J., & Shadmehr, R. (2014). Motor variability is not a noise, but
grist for the learning mill. Nature Neuroscience, 17(2), 149-150. doi: 10.1038/
nn.3633
Kelso, J. A. S. (1995). Dynamic Patterns: The Self-Organization of Brain and Beha-
vior. Cambridge, Massachusetts : MIT Press.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 95

Kilbom, A., & Persson, J. (1987). Work technique and its consequences for mus-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

culoskeletal disorders. Ergonomics, 30, 273-279. doi: 10.1080/


00140138708969706
Komar, J., Seifert, L., & Touvarecq, R. (2015). What variability tells us about
motor expertise: Measurements and perspectives from a complex system
approach. Movement & Sport Sciences, 89(89), 65-77. doi: 10.1051/sm/
2015020
Kugler, P. N., Kelkso, J. A. S., & Turvey, M. T. (1980). On the concept of
coordinative structures as dissipative structures: Theoretical lines of conver-
gence. In G. E. Stelmach & J. Requi (Eds.), Tutorial in Motor Behavior (pp. 3-
47). Amsterdam, Netherlands : North-Holland.
Kugler, P. N., Kelso, J. A. S., & Turvey, M. T. (1982). On the control and
coordination of naturally developing systems. In J. A. S. Kelkso & J. E. Clark
(Eds.), The Development of Movement Control and Coordination (pp. 5-78). New
York, New York : Wiley.
Kugler, P. N., & Turvey, M. T. (1987). Information, Natural Law and the Self-
Assembly of Rhythmic Movement. Hillsdale, New-Jersey : Erlbaum.
Latash, M. L., Levin, M. F., Scholz, J. P., & Schöner, G. (2010). Motor control
theories and their applications. Medicina, 46(6), 382-392.
Lémonie, Y., & Chassaing, K. (2013). De l’adaptation du mouvement au déve-
loppement du geste. In P. Falzon (Ed.), Ergonomie constructive (pp. 61-74).
Paris, France : Puf.
Leplat, J. (2005). Les automatismes dans l’activité : pour une réhabilitation et un
bon usage. Activités, 2(2), 43-68. doi: 10.4000/activites.1797
Leplat, J. (2006). La notion de régulation dans l’analyse de l’activité. PISTES,
8(1). doi: 10.4000/pistes.3101
Luria, A. (1995). L’Homme dont le monde volait en éclats. Paris, France : Le Seuil.
Madeleine, P. (2010). On functional motor adaptations: From the quantification
of motor strategies to the prevention of musculoskeletal disorders in the neck-
shoulder region. Acta Physiologica, 199, 1-46. doi: 10.1111/j.1748-
1716.2010.02145.x
Madeleine, P., & Farina, D. (2008). Time to task failure in shoulder elevation is
associated to increase in amplitude and to spatial heterogeneity of upper tra-
pezius mechanomyographic signals. European Journal of Applied Physiology,
102(3), 325-333. doi: 10.1007/s00421-007-0589-2
Madeleine, P., & Madsen, T. M. T. (2009). Changes in the amount and structure
of motor variability during a deboning process are associated with work expe-
rience and neck-shoulder discomfort. Applied Ergonomics, 40(5), 887-894. doi:
10.1016/j.apergo.2008.12.006
Madeleine, P., Lundager, B., Voigt, M., & Arendt-Nielsen, L. (2003). Standardi-
zed low-load repetitive work: evidence of different motor control strategies
between experienced workers and a reference group. Applied Ergonomics, 34,
533-542. doi: 10.1016/S0003-6870(03)00083-8
Madeleine, P., Mathiassen, S. E., & Arendt-Nielsen, L. (2008). Changes in the
degree of motor variability associated with experimental and chronic neck-
shoulder pain during a standardized repetitive arm movement. Experimental
Brain Research, 185(4), 689-698. doi: 10.1007/s00221-007-1199-2
Madeleine, P., Voigt, M., & Mathiassen, S. E. (2008). The size of cycle-to-cycle
variability in biomechanical exposure among butchers performing a standardi-
zed cutting task. Ergonomics, 51(7), 1078-1095. doi: 10.1080/
00140130801958659
Marquié, J.-C. (1995). Changements cognitifs, contraintes de travail, et expé-
rience : les marges de manœuvre du travailleur vieillissant. In J.-C. Marquié,
D. Paumès, & S. Volkoff (Eds.), Le Travail au fil de l’âge (pp. 211-244). Tou-
louse, France : Octares.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
96 Yannick Lémonie

Mathiassen, S.E. (2006). Diversity and variation in biomechanical exposure :


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

what is it, and why would we like to know? Applied Ergonomics, 37(4), 419-
427. doi: 10.1016/j.apergo.2006.04.006
Mohammed-Brahim, M., & Garrigou, A. (2009). Une approche critique du
modèle dominant de prévention du risque chimique. Activités, 6(1), 49-67.
doi: 10.4000/activites.2086
Newell, K. M. (1986). Constraints on the development of coordination. In M. G.
Wade & H. T. A. Whiting (Eds.), Motor development in children: Aspects of
coordination and control (pp. 341-360). Boston, Massachusetts : Martinus
Nijhoff.
Newell, K. M., & Corcos, D. M. (1993). Variability and Motor Control. Cham-
paign, Illinois : Human Kinetics.
Newell, K. M., Van Emmerink, R. E. A., & McDonald, P. V. (1989). Biomecha-
nical constrainsts and action theory. Reaction to G. J. Van Ingen Schenau
(1989). Human Movement Science, 8(4), 403-409. doi: 10.1016/0167-9457
(89)90045-6
Norval, M., Zare, M., Brunet, M., Coutarel, F., & Roquelaure, Y. (2018). Opera-
tional leeway in the work situations: Do ergonomic risk assessment tools
consider operational leeway for job analysis? International Journal of Occupatio-
nal Safety and Ergonomics, 1-14. doi: 10.1080/10803548.2017.1387392
Ouellet, S. (2013). Contribution de l’ergonomie à la conception d’un outil de
formation. Activités, 10(2), 3-19. doi: 10.4000/activites.690
Palmerud, G., Kadefors, R., Sporrong, H., Jarholm, U., Herberts, P., Hogfors,
C., & Peterson, B. (1995). Voluntary redistribution of muscle-activity in
human shoulder muscles. Ergonomics, 38(4), 806-815. doi: 10.1080/
00140139508925151
Quéré, L. (1997). La situation toujours négligée ? Réseaux, 85, 163-192.
Rempel, D. M., Harrison, R. J., & Bamhart, S. (1992). Work-related cumulative
trauma disorders of the upper extremity. JAMA, 267(6), 838-842.
Riley, M. A., & Turvey, M. T. (2002). Variability and determinism in motor
behavior. Journal of Motor Behavior, 34(2), 99-125. doi: 10.1080/
00222890209601934
Rocha, R., Daniellou, F., & Nascimento, A. (2012). La rotation et les stratégies
collectives de préservation de la santé développées par des opérateurs d’une
usine de boissons. Activités, 9(2), 1-21. doi: 10.4000/activites.304
Saint-Vincent, M., Vézina, N., Dufour, B., Saint-Jacques, Y., & Cloutier, E.
(2003). La rotation des postes : ce qu’en pensent des travailleurs d’une usine
d’assemblage automobile. PISTES, 5(2). doi: 10.4000/pistes.3320
Saury, J., Nordez, A., & Sève, C. (2010). Coordination interindividuelle et perfor-
mance en aviron. Apports d’une analyse conjointe du cours d’expérience des
rameurs et de paramètres mécaniques. Activités, 7(1), 2-27.
Schmidt, R. A. (2003). Motor schema theory after 27 years: Reflections and
implications for a new theory. Research Quaterly for Exercice and Sport, 74(4),
366-375. doi: 10.1080/02701367.2003.10609106
Schmidt, R. A. (2005). Motor Control and Learning: A Behavioral Emphasis (4th
ed.). Champaign, Illinois : Human Kinetics.
Selen, L. P. J., Beek, P. J., & Van Dieën, J. H. (2007). Fatigue-induced changes
of impedance and performance in target tracking. Experimental Brain Research,
181(1), 99-108. doi: 10.1007%2Fs00221-007-0909-0
Sève, L., & Guespin-Michel, J. (2005). Émergence, complexité et dialectique : sur les
systèmes dynamiques non-linéaires. Paris, France : Odile Jacob.
Smith, L. B., & Thelen, E. (2003). Development as a dynamic system. Trends in
Cognitive Sciences, 7(8), 343-348. doi: 10.1016/S1364-6613(03)00156-6
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France
Des marges de manoeuvre à la diversité et à la variabilité motrice 97

Srinivasan, D., & Mathiassen, S. E. (2012a). Motor variability in occupational


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.115.125 - 15/03/2019 11h34. © Presses Universitaires de France

health and performance. Clinical Biomechanics, 27(10), 977-993. doi: 10.1016/


j.clinbiomech.2012.08.007
Srinivasan, D., & Mathiassen, S.E. (2012b). Motor variability. An important issue
in occupational life. Work, 41(suppl. 1), 2527-2534. doi: 10.3233/WOR-
2012-0493-2527
Srinivasan, D., Samani, A., Mathiassen, S. E., & Madeleine, P. (2015). The size
and structure of arm movement variability decreased with work pace in a
standardized repetitive precision task. Ergonomics, 58(1), 128-139. doi:
10.1080/00140139.2014.957736
Stengers, I. (1987). D’une science à l’autre. Des concepts nomades. Paris, France :
Seuil.
Stergiou, N., & Decker, L. M. (2011). Human movement variability, nonlinear
dynamics, and pathology : Is there a connection. Human Movement Science,
30, 869-888. doi: 10.1016/j.humov.2011.06.002
Stergiou, N., Harbourne, R. T., & Cavanaugh, J. (2006). Optimal movement
variability: A new theoretical perspective for neurologic physical therapy.
Journal of Neurologic Physical Therapy, 30(3), 120-129.
Temprado, J. J. (2005). Le système neuro-musculosquelettique considéré comme
un système dynamique complexe. Bulletin de psychologie, 475(1), 21-28. doi:
10.3917/bupsy.475.0021
Temprado, J. J., & Montagne, G. (2001). Les Coordinations perceptivo-motrice.
Introduction aux approches écologiques et dynamiques du couplage perception-action.
Paris, France : Armand-Colin.
Thelen, E., & Smith, L. B. (1996). A Dynamical System Approach to the Develop-
ment of Cognition and Action. Cambridge : Cambridge University Press.
Theureau, J. (2004). Le Cours d’action : Méthode élémentaire. Toulouse, France :
Octares.
Thibault, J.-F., Merlin, X., Nahon, P., Fortineau, E., Marillier, C., & Pagnac,
L. (2012). Mesurer les marges de manœuvre : une innovation ? Communication
présentée au 47e congrès de la SELF, Lyon, France.
Vézina, N. 2001. La pratique de l’ergonomie face aux TMS : ouverture à l’inter-
disciplinarité. In SELF & Association Canadienne d’ergonomie (Eds.), Actes
du 36e Congrès de la Société d’ergonomie de langue française et du 32e Congrès de
l’Association canadienne d’ergonomie, « Les transformations du travail, enjeux pour
l’ergonomie » (pp. 44-60). Montréal, Canada.
Vézina, N., Durand, M. J., Richard, M.-C., & Calvet, B. (2016). Comprendre la
marge de manœuvre situationnelle : une question de retour durable au travail.
Archives des maladies professionnelles et de médecine du travail, 77(3), 362-363.
doi: 10.1016/j.admp.2016.03.019
Villemain, A., & Lémonie, Y. (2015). Environnement capacitant et engagement
des opérateurs : une mise en débat à partir de l’activité des opérateurs de la
base polaire Dumont d’Urville. Activités, 11(2), 26-43. doi: 10.4000/
activites.1063
Weill-Fassina, A., & Valot, C. (1997). Le métier, ça va, mais le problème c’est
ce qu’il y a autour. In SELF (Ed.), Recherche, pratique, formation en ergonomie.
Actes du 32e Congrès de la SELF (pp. 183-195), Lyon, France : SELF.
Wisner, A. (1995). Réflexions sur l’ergonomie. Toulouse, France : Octares.
Woollacott, M., & Shumway-Cook, A. (1990). Changes in posture control across
the life span : A systems approach. Physical Therapist, 70(2), 799-807. doi:
10.1.1.865.9759
Wu, H. G., Miyamoto, Y. R., Gonzales Castro, L. N., Ölveczky, B. P., & Smith,
M. A. (2014). Temporal structure of motor variability is dynamically regula-
ted and predicts motor learning ability. Nature Neuroscience, 17(2), 312-321.
doi: 10.1038/nn.3616

S-ar putea să vă placă și