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Le sulfure de carbone rend la cellulose soluble dans la soude, les médias empressés et les

pouvoirs publics attentifs. Son pouvoir d’accélérer le règlement des conflits sociaux qui n’est
pas sans lien avec sa nature hautement explosive, est une découverte récente. Depuis dix ans
que le fabricant de rayonne Cellatex de Givet dans les Ardennes connaît des hauts et surtout
des bas, les cent cinquante trois derniers salariés ont eu le temps de le vérifier: la fermeture
de leur usine, la perte de leur emploi et ce qu’ils allaient devenir n’avait pas la moindre
chance d’attirer l’attention. Pas plus celle des médias que celle des pouvoirs publics.
Le cinq juillet dernier vers dix huit heures après 14 mois de redressement judiciaire, le
tribunal de commerce a prononce la liquidation de Cellatex. Dans la demi heure, l’entreprise
était occupée. « Si vous nous foutez dehors comme des malpropres, vous allez vous souvenir
de Cellatex ». Et la France sidérée apprend qu’une poignée de grévistes menacent de faire
exploser 46 tonnes de sulfure de carbone, quantité largement suffisante pour tout rayer dans
un cercle de huit cent mètres de diamètre. Une première dans les conflits sociaux, un
fâcheux précédent, un chantage qui suscite déjà des craintes de contagion, sinon des émules
(voir encadré). Comment des salariés peuvent ils en arriver à ces extrémités ? Avec une
certitude : Si le sulfure de carbonne avait les propriétés explosives du lait écrémé leur avenir
étaient tout tracé : la fermeture de Cellatex aurait fait moins de bruit que le suicide d’un
papillon de nuit sur un pare brise et il ne leur restait plus qu’à se procurer l’adresse de
l’Anpe, information qui dans une ville qui compte déjà 22% de chômeurs doit se trouver
sans trop de difficulté. « C’est déjà une région désertique et pauvre. Il n’y a rien. A Lyon ou
ailleurs, rien ne se serait passé, on aurait trouvé du boulot » commente un gréviste. Remo
Pesa responsable de la sécurité et de l’environnement de l’usine, porte parole des grévistes
pendant le conflit résumait la situation sans fioritures «La prime va nous permettre de nous
retourner avant d’arriver au rmi ». Ils voulaient 150 000 fs ils en ont obtenu 80 000 et la
garanti de maintien de leur salaire pendant 24 mois.
Aussi explosif que le sulfure, les ressentiments accumulés, le sentiment de trahison,
d’abandon et puis la désespérance qui s’installe avec l’idée que l’on a plus rien à attendre,
plus rien à perdre. Comment peut on laisser s’installer une situation qui aurait pu tourner à la
catastrophe ? A croire que 25 ans de restructuration des industries lourdes, sidérurgie,
métallurgie, textiles, mines, chantiers navals qui ont vu des milliers de sites industriels et des
centaines de milliers d’emplois être rayés de la carte n’ont servi à rien. Comme si personne
parmi les pouvoirs publics ne se souvenaient des coups de feu tirés en 1982 contre les forces
de l’ordre à Vireux –Molhain, à quelques kilomètres de Givet pendant le conflit des usines de
la Chiers. Des bouffées de violence du désespoir des sidérurgistes à Pompey ou dans le
bassin de Longwy.
Comme si la chronique d’une mort annoncée en 1991 avec le départ de Rhône
Poulenc relevait de la fatalité. Ah Rhône Poulenc, ils n’en démordent pas les cellatex et
continuent d’en parler comme un rescapé évoquant avec nostalgie sa croisière sur le
Titanic :« Rhône Poulenc quand il est parti, il a donné de l’argent pour les ouvriers en cas de
malheur ». Ils ont des naïvetés sentimentales. « les gens d’ici marchent à l’affectif et à la
confiance » constate Christian Larose le secrétaire général de la fédération textile CGT. Un
siècle de rayonne, ça laisse des traces. Une grande traînée de peinture rouge sur le mur de
l’usine cache à moitié un panneau indiquant « attention cité ouvrière » Dans le contexte,
l’avertissement fait sourire. Des maisons autour de l’usine, les cités Rhône Poulenc, avec ces
noms de rues infantilisants sortie de l’imagination du paternalisme d’avant guerre, les
hirondelles, les geais, les tourterelles, le petit bonheur des oiseaux en trois huit : deux jours
six heures quatorze heures, deux jours quatorze heures vingt deux heures; deux jours vingt
deux heures six heures. Quatre jours de repos et on recommence dans l’odeur du sulfure
pour les hommes, la chaleur et le bruit pour les femmes. Du travail dur, mais du travail. Après
Rhône Poulenc rien ne va plus. Dix ans de débine. Une première reprise par des cadres. Jean
Charles Naouri l’ancien directeur de cabinet de Bérégovoy devenu financier qui participait au
tour de table s’en va un an plus tard. Rien de très solide ni de très sûr. De l’anesthésie avant
l’amputation. « Jusqu’en 1998 j’ai continué à négocier avec Rhône Poulenc, jamais avec
Ausseil ( un des repreneurs) » constate Christian Larose. Suppression du treizième mois, des
primes, pour garder leur emploi les salariés ont tout accepté. En 1995 après les inondations -
il y avait plus d’un mètre d’eau dans les bâtiments- ils ont remis l’usine en état. Une
première fois, la fermeture a été envisagée. Entre les assurances et les aides de l’état « ils ont
vu qu’il y avait encore du fric à gagner » grogne un gréviste. Les salariés ont le sentiment
d’être les seuls a avoir consenti des sacrifices quand d’autres se remplissaient les poches :
« Pour tout les achats Cellatex était obligé de passer par Detex et Mogal des entreprises que
ceux qui ont racheté à RhônePoulenc contrôlaient » affirment ce coloriste en pré retaite après
37 ans de maison. En 1997 après un premier dépôt de bilan Cellatex est repris par le groupe
textile autrichien Glanzstoff. L ’ex coloriste montre un fût (une bobine) de fil gris. La fierté
encore et l’incompréhension: « Pasquali, le gros autrichien, quand il est arrivé il est passé à
côté d’une table de triage, il a touché du fil en disant « très bon produit, très bon produit ».
Mais il en est convaincu, l’usine ne les intéressait pas: « quand il sont partis ils avaient tout
ce qu’ils voulaient, les carnets de commandes avec les clients et les procédés ». La suite ne
lui donne pas tout à fait tort. Le 4 mai 1999 Glanzstoff met la clé sous la porte sans que pour
l’instant cela ne lui ait coûté le moindre centime. Ni à lui ni à son actionnaire le groupe CAG
Tubex propriétaire de Glanzstoff et d’une trentaine de sites en Europe et en Amérique du
Nord et qui réalise plus de 3,5 milliards de francs de Chiffres d’affaires. Mise en liquidation
judiciaire, Cellatex n’appartient plus à personne. Le district qui a racheté les murs pour 8
millions est aujourd’hui propriétaire d’un site dont la dépollution est évaluée à plus de
cinquante millions de francs sans que l’on sache qui va payer. Presque dix ans plus tard, de
reprise douteuse en fausse solution, le constat est brutal et amer : «On a fait tout ça pour se
retrouver à la rue sans rien de prévu, sans accompagnement ». Les dindons de la farce.
Alors ont fait avec les moyens de l’époque. Menace d’explosion, vraie déclaration
d’une pollution plus ou moins avérée, on attire les mouches médiatiques. Depuis « au vin
sans eau » hôtel bar restaurant avec vue imprenable sur la barricade et l’entrée de l’usine, la
presse peut surveiller les événements, se nourrir, se désaltérer, dormir à un prix tout à fait
raisonnable, chambre un lit 90 frs, deux lits 150, trois lits 220, et même se procurer le
dernier compact de Michel Pruvot avec les incontournables « à quatre pattes » et « tata
yoyo ». De temps en temps un Cellatex jette dans le feu un gant de plastique gonflé contenant
un mélange d’eau et d’acétylène que l’envoyée spéciale d’un quotidien du soir en mal de
référence historique qualifie de « cocktails molotov ». Séquence explosion : les grévistes ont
fait croire aux journalistes que les gants contenaient du sulfure de carbone. Facile. « il y a des
journalistes qui croyaient qu’on était en Belgique » raconte un gréviste sans trop savoir s’il
doit en rire ou en pleurer. Un hélicoptère civil tournent au dessus de l’usine. En bas les
photographes ont vite repéré l’un des leurs : « il va se bourrer » commente l’envoyé d’une
agence. Comprendre s’en mettre plein les poches. Avec le soir et la fraîcheur humide qui
monte de la Meuse toute proche, un pneu, ou deux rejoignent le foyer. Flammes, fumées,
mille fois vues et revues, les caméras tournent, on dirait une équipe d’Hélène et les garçons
en train d’adapter Germinal en version sitcom d’époque. Après le versement de l’acide dans
un canal qui traverse l’usine, un journaliste américain s’indigne que l’on touche au « water
supply » ignorant manifestement qu’en temps normal Cellatex pollue bien plus qu’en temps
de grève. Mais pour un américain, peut on faire pire que de s’attaquer à la nature ? fumer
peut être. Allemands, Belges, prix du plus gros car régie, hollandais, anglais, américains,
espagnols, luxembourgeois, ont précédés la chaîne publique suédoise et bonne dernière une
chaîne danoise qui repart avec un interview du secrétaire de la fédération cgt du textile.
Christian Larose star à Copenhague ? L’envoyé spécial du nouvel Observateur recueille
précieusement l’avis d’un retraité propriétaire d’une cité (maison) « un ouvrier qui habite à
côté, il me dit, Roger si ca pète il n’y a plus de cité, c’est pire qu’une bombe atomique ». Une
délégation de syndicaliste d’Alsthom ABB power venu apporter son soutien interpelle les
journalistes : « Il y en a un parmi vous qui sait qu’Alsthom va licencier 2000 personnes ? »
Mercredi dernier les vraies fausses négociations s’engagent à la préfecture de
Charleville. Tout a déjà été cadré, décidé, mais le préfet a reçu l’ordre de prendre son temps.
Quelques heures de plus ou de moins ? quelle importance. La tension du début de semaine est
retombée. Depuis quatorze mois le dossier pourri tranquillement entre solution industrielle
espérée et traitement social. « Dans Les Ardennes nous sommes les péquenots de Paris, et à
Givet nous sommes en plus les péquenots des carolomacériens. » déplore Laurent Baumel,
membre du cabinet de Pierre Moscovici ministre délégué aux affaires européennes et possible
futur candidat socialiste à la mairie de Givet. « Depuis 14 mois j’ai rencontré à plusieurs
reprises Christian Pierret le secrétaire d’état à l’industrie pour lui dire que la situation
devenait explosive mais il ne me croyait pas il disait vous bluffez » raconte Christian Larose.
Et pourtant la situation a bien failli échapper à tout contrôle. Les délégués locaux ne
maîtrisaient plus l’exaspération d’une base qui ne voyaient rien venir. Une première fois
début juillet l’ancien préfet appelle Christian Larose « Il faut presser les ministères qui ne
voie pas le drame qui se prépare». De son côté Philippe Vuilque député socialiste de la
deuxième circonscription tire les sonnettes du cabinet de Martine Aubry. « Jusqu’au 17
juillet, le dossier étaient géré par les conseillers techniques des cabinets, il a fallu la pseudo
pollution de la Meuse pour qu’Aubry s’en charge ». A partir de là, l’affaire devient une sorte
de tête à tête entre Christian Larose et Martine Aubry. « Sa venue a permis de recrédibiliser
la démarche et de recadrer des revendications qui partaient un peu dans tout les sens »
estime Philippe Vuilque. Et Christian Larose ne quitte plus l’usine que pour la préfecture. Il
est partout au four au moulin, aux micros et au téléphone marchand entre les rails de la voie
ferrée qui longe l’usine. Il est élégant, sait laisser la journée qui passe froisser sa veste,
montrer qu’il a mouillé le maillot. Le lendemain il revient dans une tenue fraîche, repassée,
impeccable. Il connaît Rhône Poulenc comme sa poche « tous les accords sociaux chez
Rhône Poulenc c’est moi qui les aie négociés avec Le Floch et Sirven » s’amuse-t-il. Il a vu
le film et plus d’une fois. Il en sait plus que les énarques poupins, les préfets fraîchement
débarqués, les journalistes pressés. C’est une sorte de salle de contrôle du conflit à lui tout
seul. Il navigue entre des espèces qui ne se connaissent pas, s’ignorent. Il introduit un peu de
mécanique des fluides dans la conjuration des rigidités. Il ne reste plus qu’à fermer l’usine.

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