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Bill Gates
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TABLE DES MATIERES
BIBLIOGRAPHIE
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Un article dans la presse, un accident technique, le rappel d’un produit
défectueux etc. peut suffire aux medias pour lancer ou relancer un sujet sensible :
une crise. C’est à ce moment précis que les entreprises ont recours à la
communication de crise pour gérer au mieux le problème.
Une des dernières crises françaises en date concerne l’affaire Kerviel ou
l’affaire de la banque Société Générale. La perte par la Société Générale de 4,9
milliards d’euros constitue à ce jour la plus grande perte qu’une banque ait dû subir.
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1. APPROCHE GENERALE DE LA COMMUNICATION DE CRISE
Tentatives de définitions
Qu’est-ce qu’une crise ? C’est une question pour laquelle il semble compliqué
de donner une seule et unique définition dans la mesure où les crises peuvent revêtir
différentes formes et affecter n’importe quel domaine.
Revenons à l’étymologie du terme « crise ». La notion de crise trouve son
origine dans l’Antiquité. Du Grec « krisis » (décision, jugement), l’étymologie renvoie
à l’idée d’un moment clé. Pour Aristote, la crise se développe fondamentalement
dans une temporalité qui règle les décisions prises par un sujet. Elle possède un
avant et un après, des causes et des conséquences. Elle constitue le moment
critique où il faut faire des choix, prendre des décisions avec discernement. Le terme
désigne indifféremment le phénomène et ses résultats, la nécessité de la décision et
les conséquences de cette décision, le moment critique comme acmé, et la période
qui l’entoure. Le mot latin « crisis » renvoyait à une phase décisive d’une maladie.
Plus récemment, Otter Lerbinger1 définit la crise comme un évènement
inattendu mettant en péril la réputation et le fonctionnement d’une organisation. On
peut retenir l’effet de surprise provoqué par la crise et la mise en danger de la
réputation, de l’image. Aujourd’hui, les crises sont souvent anticipées et on peut
compter sur les retours d’expérience. Le côté imprévisible est donc à relativiser.
Il convient de souligner qu’une crise ne représente pas systématiquement un
danger. C’est un évènement normal, une accélération de restructuration. Une bonne
gestion de la crise peut s’avérer être une réelle opportunité2. « Ici, s’éclaire le double
visage de la crise : risque et chance, risque de régression, chance de progression.
C’est que la crise met en œuvre, et nécessairement l’une par l’autre, désorganisation
et réorganisation ; toute désorganisation accrue porte effectivement en elle le risque
de mort, mais aussi la chance d’une nouvelle réorganisation, d’une création, d’un
dépassement. » (d’après le sociologue Edgar Morin, 1984).
1
Otter Lerbinger, Managing Corporate Crisis, Barrington Press, Boston, 1986.
2
Propos de Thierry Libaert, enseignant en science de l’information et de la communication à l’IEP Paris et au
Celsa, 2003.
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Caractéristiques
La phase préliminaire :
Elle correspond aux premiers signaux d’alertes qui peuvent apparaître. Il peut
s’agir de consommateurs qui se plaignent, de statistiques alarmantes, d’une situation
inquiétante intervenue chez un concurrent pour laquelle l’entreprise peut trouver des
points de similitudes, d’une information quelconque que les medias véhiculent et qui
peut se transformer en crise…
La phase aiguë :
C’est le moment où survient l’évènement et que la crise est déclenchée.
L’intensité hausse de façon très rapide mais elle peut être aussi plus lente lorsque le
cumul des effets augmente les conséquences de la crise.
La phase chronique :
A ce moment là, la crise a atteint le sommet le plus haut et petit à petit les
medias s’en détachent. Un sujet perd en attraction si l’information qui circule à son
propos semble être totale.
La phase de cicatrisation :
Il s’agit de la phase ultime où la crise disparaît et n’est plus médiatisée.
Souvent, les entreprises prennent mal en compte cette dernière phase en
repoussant l’idée de crise et des difficultés rencontrées. Cependant, une crise ne
s’efface jamais en totalité car :
- les effets matériels peuvent encore être visibles
- les moteurs de recherche sur la toile conservent les informations, elles sont
référencées
- les medias reviennent parfois sur les crises pour les comparer à des crises
actuelles ou bien pour faire le bilan des entreprises X temps après la crise
- sur un plan juridique, les affaires prennent beaucoup de temps
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- les consommateurs n’oublient pas les crises et le bouche à oreille est intense !
Intensité
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12. Gestion de la crise
Pour minimiser les dégâts d’une crise, il est primordial de bien l’anticiper.
Cette anticipation des risques et de la gestion s’articule sur plusieurs fronts : avant,
pendant, et après la crise.
D’après une étude réalisée en 2001, il n’y aurait que 30% à 35% d’entreprises
préparées à une crise. Le reste des entreprises affirment maîtriser parfaitement leur
organisation. « Les crises de demain, c’est souvent le refus des questions
d’aujourd’hui » (Patrick Lagadec). Il semblerait que les entreprises ne prennent des
mesures préventives que si elles ont déjà dû faire face à des problèmes dans le
passé. Certaines situations ne doivent plus se reproduire. L’objectif est d’éviter une
crise. Quand ce n’est pas possible, on s’y prépare.
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l’entreprise aura des comptes à rendre. Parmi ces interlocuteurs, on peut citer les
pouvoirs publics, les élus locaux, les medias, les associations (comme l’association
de consommateurs UFC Que Choisir, etc.).
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Stratégies de communication
Quand l’entreprise aura fait le point sur ces préalables, elle pourra faire le
choix d’une orientation stratégique. On distingue trois grandes stratégies : les
stratégies de reconnaissance, du projet latéral, et du refus. *
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Thierry Libaert, La communication de crise, Editions Dunod, 2001.
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des coupables, ou encore en dissociant l’entreprise de ses salariés (le problème est
rangé dans la vie privée des salariés ; le problème est extérieur). En bref, la stratégie
de reconnaissance ou d’acceptation apparaît être celle qui fonctionne le mieux mais
c’est aussi la plus rare.
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- le chaînon manquant : l’entreprise affirme qu’elle n’avait pas assez
d’information, qu’elle connaissait mal les enjeux. L’ignorance doit être prouvée
car il y a quelques années est apparue la notion de principe de précaution qui
sert à protéger contre des risques potentiels.
Les medias sont un des acteurs qui jouent un rôle prépondérant dans les
crises et qui plus est, ils peuvent même être la naissance de la crise. Les crises sont
perçues de manière différente selon les intérêts de chacun. Ainsi, pour les medias,
c’est une véritable opportunité de faire augmenter l’audience et d’améliorer son
image. En situation de crise, les entreprises et les medias sont bien souvent des
adversaires. Toutefois, les journalistes ne sont ni des ennemis, ni des alliés mais ils
sont incontournables.
Les medias ont pour objectif de travailler sur des évènements, d’informer le
public et transmettre l’actualité. 5 éléments caractérisent le traitement médiatique de
la crise :
- la rapidité de réaction
- la personnalisation : on attribut le problème à une personne, un peu comme
un bouc émissaire. C’est notamment le cas de la Société Générale avec
Jérôme Kerviel.
- l’alarmisme : les propos peuvent être déformés pour être plus amplifiés.
- la simplification : l’enjeu pour les medias est de traduire de façon simple les
informations concernant la crise qui touche l’entreprise pour qu’elles soient
compréhensibles par tous. Le public souhaite simplement savoir qui est
responsable, pourquoi, comment…
- l’internationalisation : elle est accentuée par la diffusion de l’évènement sur
des nouveaux moyens de communication comme Internet.
Tout ce que dira l’entreprise aux journalistes est susceptible d’être diffusé d’où
la nécessité de bien mesurer ses propos.
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Nouveaux enjeux (internet, rumeur)
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Thierry Libaert, La communication de crise, Editions Dunod, 2001.
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2. LA CRISE DE LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
Repères historiques
Création 4 mai 1864, date du décret d'autorisation
signé par Napoléon III
Date clé 29 juillet 1987, privatisation
Identité
Nationalité Française
Forme juridique Société Anonyme
Siège social 29, boulevard Haussmann
75008 Paris
Activités Banque, assurance, finance, conseil
Valeurs Professionnalisme, esprit d'équipe,
innovation
Effectif 151 000 collaborateurs dans 82 pays
Nombre de clients 27 millions de particuliers dans le monde
Nombre d’agences 2997 en France, 2795 à l’international
PDG Daniel Bouton
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22. La crise de Janvier 2008
Dès lors, les dirigeants de la banque travaillent sur l’image et la réputation. Ils
mettent rapidement en place une communication de crise. Tout d’abord, il convient
de détecter la crise. Pour certains, la fraude aurait été détectée vendredi 18 janvier.
Le président directeur général quant à lui, affirme qu’il s’agit du dimanche 20 janvier.
Dès cette étape franchie, la banque a mis en place une cellule de crise avec son
agence de communication : Harrisson & Wolf. L’enjeu est de contrôler l’information et
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de maîtriser la communication. Pour cela, la Société Générale décide de dévoiler
l’affaire le jeudi. Il est préférable que se soit-elle qui lance la communication plutôt
que les journalistes qui découvrent eux-mêmes le scandale et l’amplifient. Elle
commence par envoyer une lettre à ses clients et aux actionnaires. Sur le site web
de la Société Générale, n’importe qui pourra trouver une « note explicative
concernant la fraude exceptionnelle5 » (27 janvier 2008). Sur cette note, la Société
Générale décrit les activités d’arbitrage, le mode opératoire de la fraude, les
conditions dans lesquelles la fraude a été découverte, le débouclage de la position
frauduleuse et les actions immédiates engagées. Le PDG Daniel Bouton organise
également une conférence de presse. La première réaction de la Société Générale a
été de se poser en victime bien que les vraies victimes soient les clients et les
collaborateurs.
En décidant de dévoiler elle-même la fraude, la banque n’a jouer la
transparence qu’à moitié dans la mesure où au début ni l’Elysée, ni Matignon n’avait
été mis au courant. Les concurrents de la banque ne se sont pas gênés pour
accuser ce manque de transparence de faute professionnelle grave. Ce n’est que le
mercredi 23 janvier que le gouvernement ainsi que le ministère de l’économie et des
finances sont contactés.
Peu à peu, la compassion laisse place à la suspicion, c’est ce qu’on entend
sur certaines radios économiques. Il semblerait que la communication de crise de la
Société Générale s’essouffle. L’année avait mal commencé ; il y a non seulement la
perte due à la crise des subprimes, celle due à la fraude du trader et en février
Daniel Bouton comparaissait pour blanchiment aggravé dans le procès du « Sentier
II6 ».
Les medias ne sont pas oubliés par la banque, et il est temps de faire taire les
rumeurs qui circulent à propos de Jérôme Kerviel : aurait-il agi seul ? Est-ce que
cette affaire en cache une beaucoup plus grave ? Certains ont affirmé que cette
fraude avait été montée de toute pièce par le PDG Daniel Bouton pour dissimuler les
pertes dues à la crise immobilière des subprimes… On pense qu’il n’y a pas eu de
complicités mais des accords implicites dans la validation des risques.
5
Annexe I
6
L'affaire du Sentier II est le nom donné à un circuit de blanchiment d'argent centré sur la France et permettant à
des personnes ou à des commerçants de dissimuler un délit initial comme par exemple une fraude fiscale en
échangeant, moyennant une rétribution, des chèques contre de l'argent liquide. Les sommes en jeu atteignent
plusieurs milliards d'euros. La Société Générale est renvoyée en correctionnel.
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Le 11 février 2008, la Société Générale lance une recapitalisation de 5,5
milliards d’euros pour faire face à la perte de 4,9 milliards d’euros et ainsi revaloriser
le capital.
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Une parodie du spot publicitaire a même été créée. Voici le scénario : « Vous
vous demandez certainement où la Société Générale cache l’argent que vous lui
avez confié. Et bien un homme s’en est chargé (piquer l’oseille). Et maintenant cet
homme fait une sacré teuf parce qu’il suffit parfois d’un petit coup de pouce pour
ramasser un maximum de blé (se remplir les fouilles) et partir au soleil. La Société
Générale a mis à votre disposition 5 milliards d’euros (se casser très vite) à utiliser
comme bon vous semble. Société Générale, la générosité c’est notre métier. »
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Sur Facebook (site web de réseau social rassemblant principalement des
étudiants dans le monde entier ; le site compte 67 millions d’inscrits), les membres
ont l’habitude de créer ou de se joindre à des groupes pour soutenir des causes. On
recense à ce jour 189 groupes en lien avec la fraude du trader à la Société Générale.
On peut citer comme groupe :
- les étudiants de Lyon 2, fiers de leur ancien camarade Jérôme Kerviel,
- pour que Jérôme Kerviel devienne PDG de la Société Générale,
- pour que Jérôme Kerviel soit homologué par le Guiness des Records,
- if 5 billion persons join this group and give 1€, we will save Jérôme Kerviel
Career,
- etc.
Les groupes créés à propos de l’affaire Kerviel sont d’un ton humoristique et
moqueur.
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3. ANALYSE DE LA COMMUNICATION DE CRISE DE LA SOCIÉTÉ
GÉNÉRALE
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l’entreprise. Elle a su exposer les faits en faisant preuve de transparence. C’est ainsi
que la banque adopte la stratégie du bouc émissaire : elle dénonce le trader Jérôme
Kerviel que Daniel Bouton qualifie de timide, plutôt terne, sans génie, trader de base,
terroriste, être fragile.
La Société Générale n’a pas nié sa responsabilité. Ainsi, Daniel Bouton écrit
dans la lettre aux actionnaires : « Je comprends parfaitement votre déception, voire
votre colère. Cette situation est parfaitement inacceptable. Je n’ignore pas ce que
représente pour vous la chute du cours de l’action. Je vous prie d’accepter mes
excuses et mes profonds regrets ». Le PDG a même proposé sa démission qui lui a
été refusée. Il a également décidé de ne pas recevoir de salaire pendant 6 mois.
Néanmoins, les responsables du trader sont invités à quitter l’entreprise.
Grâce à cet intense impact médiatique, la Société Générale en a profité pour
montrer que la crise était gérée, qu’elle n’a pas cédé à la panique, qu’elle a évité le
pire. Et en pour couronner le tout, la banque annonce des résultats bénéficiaires.
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CONCLUSION
L’affaire Kerviel montre que même si les banques ont comme priorité le
contrôle bancaire, les meilleurs systèmes informatiques sont faillibles. Plusieurs
raisons expliquent cela. Ce n’est pas parce qu’on sait qu’on agit, souvent il y a un
décalage entre la perception et la réaction. Aussi, le fait d’être la troisième banque
française et une des meilleures banques mondiale confère à la Société Générale de
la confiance, du prestige, et de la croissance. Hors, toutes ces qualités font que la
banque n’est pas attentive à certaines choses comme il a été le cas pour les
systèmes de contrôle dans cette affaire. Et c’est peut-être également parce que la
banque a confiance en ces systèmes qu’elle a oublié qu’ils pouvaient dysfonctionner.
La communication de crise n’est pas une tâche facile et nécessite prudence.
Jusqu’à aujourd’hui, il semblerait que la communication de la Société Générale ait
été trop parfaite pour que le public y croie. Quoi qu’il en soit, c’est dans les prochains
mois que l’on verra la phase finale de l’enquête et le réel impact de cette
communication de crise. Pour l’instant, d’après les sondages, l’image de la banque
aurait perdu quelques points.
Affaire à suivre…
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BIBLIOGRAPHIE
Sites web
Société Générale
www.societegenerale.fr
Le Nouvel Observateur
- La Société Générale n'a pas vu venir le scénario noir.
http://tempsreel.nouvelobs.com/
Le Monde
- L'électrochoc de la Société générale. 26/01/08
- Daniel Bouton : "A chaque crise, la Société générale en est ressortie plus
forte" 12/02/08
www.lemonde.fr
Les Echos
- Société Générale : ignorance et déséquilibres. Christophe Roux-Dufort,
21/02/08
- Comment la Société Générale gère sa crise. Véronique Richebois, 31/01/08
www.lesechos.fr
Livres
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