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LA SCHIZOPHRÉNIE CHEZ L’ENFANT EN 1953 :

LES APPORTS DE ROSINE LEFORT ET JACQUES LACAN

Dans son premier séminaire (1953-1954), où il discute deux cas de psychoses infanti-
les, le cas de Dick, traité par Melanie Klein, ainsi que le cas de Robert, traité par Rosine
Lefort, J. Lacan traite deux questions cruciales pour notre propos : d’une part, la ques-
tion de l’acceptation ou du rejet d’un signifiant primordial constituant pour le sujet
la réalité ultime – il s’agit de la réponse au fameux commentaire de J. Hyppolite sur la
Verneinung de Freud – d’autre part, le lien entre cette élaboration freudienne et l’ac-
tualité du traitement des psychoses infantiles.

Le cas de Dick

L’angoisse est le moteur des identifications


Lorsqu’elle présente le cas de Dick 1, M. Klein note que, chez cet enfant, « la capacité
du symbolisme » ne s’est pas développée de façon satisfaisante, ce qui signifie qu’il n’a
aucune relation affective aux êtres ou aux choses qui l’entourent.
Le symbolisme, sur lequel s’édifie la relation du sujet au monde extérieur, con-
siste, pour M. Klein, dans l’assimilation par l’enfant des objets qui l’entourent à ses
propres organes et à ceux de son père et de sa mère. Cela permet qu’ils soient investis
fantasmatiquement. Mais, pour que cela soit possible, il y faut un moteur : l’angoisse,
laquelle
met en marche le mécanisme de l’identification. Comme l’enfant souhaite détruire
les organes (pénis, vagin, sein), qui représentent les objets, il se met à craindre ceux-ci.
Cette angoisse le pousse à assimiler ces organes à d’autres choses ; à cause d’une telle
équivalence ces choses deviennent à leur tour objets d’angoisse, et l’enfant est ainsi
contraint à établir sans cesse des équations nouvelles qui constituent le fondement
de son intérêt pour les objets nouveaux 2.

Or, Melanie Klein note justement à propos de Dick son absence d’angoisse : il était
« presque totalement dépourvu d’affect, […] indifférent à la présence de sa mère ou

1. Klein 1930, p. 263-278.


2. Ibid., p. 265.

Psychiatries dans l’histoire, J. Arveiller (dir.), Caen, PUC, 2008, p. 355-362


356 Vincent Benoist

de sa nurse » 3. Elle met ce fait sur le compte d’une activité fantasmatique génitale pré-
coce qui a produit « une identification prématurée et exagérée avec l’objet attaqué, et
une défense également prématurée contre le sadisme ». Il en résulta une « incapacité
totale […] de son moi à supporter l’angoisse » 4 et donc un arrêt de l’investissement
symbolique des objets.
La manœuvre de M. Klein vise donc, logiquement, à faire évoluer le moi et la libido,
en analysant les conflits inconscients, c’est-à-dire en levant le refoulement progressi-
vement, de façon à faire accepter au moi peu à peu la libération d’angoisse inhérente
aux conflits refoulés.
Cependant, ce que Lacan va retenir, concrètement, c’est, au tout début du traite-
ment, une intervention majeure faite à partir des quelques rares objets qui intéressent
l’enfant, et qui consiste dans la verbalisation du mythe œdipien.

L’adéquation de l’imaginaire au réel est sous la dépendance du symbolique


Dans son commentaire du cas, Lacan reprend d’abord de façon fidèle, la théorie de
M. Klein :

Le monde de l’enfant, nous dit M. Klein, se produit à partir d’un contenant – ce serait
le corps de la mère – et d’un contenu du corps de cette mère. […]. Dans ce corps mater-
nel, l’enfant s’attend à rencontrer un certain nombre d’objets qui peuvent être dange-
reux pour lui […] pour la même raison que lui peut être dangereux pour eux.

Ces objets seront certes extériorisés et isolés du corps de la mère, pourtant ils lui appa-
raîtront toujours pourvus du même accent maléfique « qui aura marqué ses premiè-
res relations avec eux ».

C’est pourquoi il les ré-introjectera et portera son intérêt vers d’autres objets moins
dangereux. […] Différents objets du monde extérieur, plus neutralisés, seront posés
comme les équivalents du premier et leur seront liés par une équation imaginaire.

La question se pose alors de ce qui venait empêcher, chez cet enfant, d’investir libidi-
nalement ces objets. Mais Lacan ne met pas du tout ça sur le compte d’une faiblesse
« constitutionnelle » du moi dans sa capacité à supporter l’angoisse. C’est à partir de
là qu’il se sépare de la théorie kleinienne, qui a le défaut, selon lui, de confondre ce qui
relève de l’imaginaire, à savoir la projection, le moi, le registre duel, et ce qui relève du
symbolique, à savoir l’introjection, la parole de l’autre et l’Idéal du moi.
Lacan fait alors appel au schéma optique qu’il est en train de développer : il s’agit
d’un montage dans lequel le vase, symbolisant le « réservoir des pulsions » est situé à
l’intérieur d’une boîte inaccessible à la vue de l’observateur. Sur la boîte est posé un
bouquet de fleurs, symbolisant les objets libidinaux. Grâce à la combinaison de deux

3. Klein 1930, p. 266.


4. Ibid., p. 268.
La schizophrénie chez l’enfant en 1953… 357

miroirs (un miroir concave, symbolisant le cortex, un miroir plan, symbolisant l’Autre),
l’observateur, seulement s’il est situé en un endroit précis devant les fleurs, pourra voir
une image virtuelle : les fleurs placées dans le vase. Cet observateur représente le sujet.
C’est donc si et seulement si le sujet se trouve situé en une place déterminée par l’Idéal
du moi que ce phénomène, imageant l’appareillage des pulsions et de leurs objets,
c’est-à-dire la possibilité d’articuler une demande, et la fabrication d’une image du
corps, se produit. Par ailleurs, selon l’hypothèse de J. Lacan, un sujet psychotique ne
peut se situer à cette place par défaut d’un signifiant fondamental qui l’y insère.
Or s’il y a chez Dick une ébauche de symbolisation, puisqu’il joue déjà avec le con-
tenant et le contenu et met en rapport, par exemple, le train et un certain nombre de
personnes avec le tunnel, qui semble lié à l’intérieur du corps de la mère, où il se réfu-
gie, J. Lacan signale néanmoins qu’on ne trouve pas chez lui l’équivalent de la mise en
rapport entre les fleurs et le vase dans le schéma optique. C’est-à-dire que « quand il
va se réfugier à l’intérieur vide et noir du corps maternel, les objets n’y sont pas » 5.
Il s’agit en fait pour Dick d’une « symbolisation figée », « d’une seule et unique
identification primaire qui a des noms – le vide, le noir ». Il s’agit, dit encore J. Lacan,
d’une « béance », qui est le seul type d’objet avec lequel il ait un contact 6.

Le défaut du symbolique
Puis il reprend une remarque extrêmement précieuse de M. Klein : « cet enfant n’émet
aucun appel ». Cela ne veut pas dire qu’il ne parle pas, il est même jusqu’à un certain
niveau maître du langage puisque M. Klein précise qu’il est capable de se comporter
de manière négativiste 7, c’est-à-dire de faire exactement le contraire de ce qu’on lui
demande, en déformant parfois complètement des mots qu’il est capable de répéter de
façon adéquate à d’autres moments ; mais il n’a pas le désir de se faire comprendre, ne
cherche pas à communiquer, « ses seules activités plus ou moins ludiques sont d’émettre
des sons et de se complaire dans des sons sans signification, dans des bruits ».
Lacan différencie ainsi nettement le plan de la parole et le plan du langage en fai-
sant référence aux travaux de Karl Bühler, qui distingue trois niveaux de langage : la
Darstellung, l’Ausdrück et l’Appell. Il semble que J. Lacan traduise dans ce séminaire
Ausdrück par énoncé, Darstellung par communication ou référence, et maintient la
traduction évidente d’appel pour traduire l’allemand Appell. Il dit :

Nous sommes avec Dick au niveau de l’appel. L’appel prend sa valeur à l’intérieur du
système déjà acquis du langage. Or, ce dont il s’agit, c’est que cet enfant n’émet aucun
appel. Le système par où le sujet vient à se situer dans le langage est interrompu, au
niveau de la parole. Ce n’est pas pareil, le langage et la parole – cet enfant est, jusqu’à

5. Lacan 1975, p. 97.


6. Ibid., p. 83.
7. Lacan rappelle à ce sujet à la suite de J. Hyppolite dans son commentaire de la Verneinung, comment le
négativisme est radicalement différent de la dénégation.
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un certain niveau, maître du langage, mais il ne parle pas. C’est un sujet qui est là et
qui, littéralement, ne répond pas 8.

Lacan détaille ce que ceci, à son sens, implique :


Demandez-vous ce que représente l’appel dans le champ de la parole. Eh bien, c’est
la possibilité du refus. Je dis la possibilité. L’appel n’implique pas le refus, il n’impli-
que aucune dichotomie, aucune bipartition. Mais vous pouvez constater que c’est au
moment où se produit l’appel que s’établissent chez le sujet des relations de dépen-
dance. Il accueillera dès lors sa nurse à bras ouverts, et en allant se cacher derrière la
porte, à dessein, il manifestera tout d’un coup vis-à-vis de Melanie Klein le besoin
d’avoir un compagnon dans ce coin réduit qu’il a été occuper un moment. La dépen-
dance viendra ensuite 9.

L’appel est donc rendu possible par le décollement du sujet par rapport au signi-
fiant ; cette négativation, cette « possibilité du refus », ce décollement minimal, qui ne
sera décrit systématiquement que bien plus tard, est ce qui selon Lacan permet à la
fois ce qu’il appelle la « dépendance », c’est-à-dire la recherche de contact, mais aussi
la parole, en tant que le sujet s’en fait le garant à titre personnel. Selon la théorie déve-
loppée par J. Lacan, les troubles psychotiques de la parole sont donc dépendants d’une
impossibilité d’articuler un appel, par manque de cette « possibilité du refus » 10. Ceci
explique qu’il ne parle pas, même si ses compétences, sa compréhension du langage
est incontestable ; et ce défaut de l’appel est ce qui retentit sur les défauts notables aux
deux autres niveaux : la représentation (Darstellung) d’objets, « extrêmement courte »,
et la limitation de l’expression (Ausdrück), limitation provoquée par le fait que « pour
lui, le réel et l’imaginaire, c’est équivalent ».
Lacan distingue ainsi au sujet de Dick ce qui est symbolisation en général, et ce qui
est assomption d’une certaine symbolisation – la Bejahung – qui différencie névrose
et psychose et qui permet, en l’occurrence à l’appel à l’Autre d’être soutenu.
Lacan considère donc que c’est l’interprétation proposée par Melanie Klein à cet
enfant dès la première séance qui déclenche le processus thérapeutique : elle lui déclare
« Dick petit train, Papa grand train », et l’enfant se met à jouer avec le train et profère
le mot « station » – moment crucial, dit Lacan, « où s’ébauche l’accolement du langage
à l’imaginaire du sujet ». M. Klein poursuit alors : « La gare c’est Maman. Dick entrer
dans Maman ».
Cette manœuvre est comprise par J. Lacan comme l’introduction d’une verbalisa-
tion, c’est-à-dire la symbolisation d’une « relation effective, celle d’un être nommé avec
un autre ». Plus loin il en parlera comme d’une véritable greffe « des premières sym-
bolisations de la situation œdipienne » 11, qui va autoriser un premier appel : l’enfant

8. Lacan 1975, p. 99.


9. Ibid., p. 102.
10. Il est à noter que cette potentialité, sous le nom de séparation, deviendra chez Lacan en 1963, dans sa réé-
criture finale de Position de l’inconscient, la fonction essentielle de la métaphore du Nom-du-Père.
11. Lacan 1975, p. 100.
La schizophrénie chez l’enfant en 1953… 359

appelle alors sa nurse. À partir de là vont se développer des relations de dépendance,


et Melanie Klein décrit tout un développement tant de ses activités ludiques que de
son usage du langage, qui permet, dit-elle, de faire un pronostic favorable.

Le cas de Robert
Lacan propose à la suite d’étudier le cas de Robert, dont la présentation est d’autant
plus intéressante qu’il assurait sa supervision auprès de sa thérapeute, R. Lefort.

Description du cas
Robert est un enfant dont la mère est internée comme paranoïaque et qui a été aban-
donné légalement à l’âge d’un an. Dans la description qu’en fait R. Lefort, l’insistance
est mise de façon caractéristique sur cet abandon : sa mère l’a négligé « au point de souf-
frir de la faim. Il a dû être hospitalisé à l’âge de cinq mois dans un grand état d’hypotro-
phie et de dénutrition » 12. Il est à nouveau confié à sa mère à l’âge de neuf mois, après
avoir subi une double mastoïdectomie justifiée par une otite bilatérale. Il est à nouveau
hospitalisé en état de dénutrition marqué, puis abandonné par sa mère de façon défi-
nitive. Il passe alors d’institutions d’enfants à des séjours hospitaliers justifiés par diver-
ses maladies infantiles et un état para-psychotique « non franchement défini », pour
lequel est proposé un « internement définitif ».
Son comportement est alors hyperactif, avec une démarche pendulaire, une incoor-
dination motrice ; il profère des « cris gutturaux et discordants » et n’utilise que deux
mots, qu’il crie à longueur de journée : « Madame ! » et « Le loup ! ». L’activité de pré-
hension est très particulière, il projette son bras vers l’objet, et s’il ne l’atteint pas
immédiatement, ne peut corriger sa trajectoire et doit recommencer l’ensemble du
mouvement. Il présente des troubles du sommeil massifs. Il a des crises d’agitation
convulsives chaque fois que s’ouvre un vide : porte ouverte, ou encore déshabillage,
habillage, vidage du pot, prise de nourriture. À d’autres moments il apparaît prostré.
Il n’a pas de contact avec les autres enfants, sauf lorsque ceux-ci crient, il entre alors
dans une sorte de crise convulsive et cherche à les étrangler.
Rosine Lefort décrit de la façon suivante le début du traitement :
1) Au cours d’une phase préliminaire, Robert se montre hyperactif, courant dans
tous les sens, ouvrant et fermant les portes, allumant et éteignant la lumière, entassant
les objets sur sa thérapeute. Pendant ces premières séances, la seule chose notable est
qu’il n’ose pas s’approcher du biberon de lait, ou qu’il s’en approche à peine, en souf-
flant dessus. La cuvette, pleine d’eau, semble déclencher une véritable crise de panique.
À la fin de cette phase préliminaire, lors d’une séance, après avoir tout entassé sur
Rosine Lefort, dans un état de grande agitation, il file, s’arrête en haut de l’escalier qu’il
ne peut descendre seul et prononce d’un ton pathétique, avec une tonalité très basse

12. Ibid., p. 107.


360 Vincent Benoist

« Maman! », face au vide. Une fois ce premier appel articulé, on le retrouve le même
soir, essayant de se couper le pénis avec des ciseaux en celluloïd.
2) Dans un deuxième temps, il « expose ce qu’était pour lui le loup », se met à
étrangler une petite fille ; placé dans une autre pièce, il se montre extrêmement agité,
doit être remis dans sa pièce habituelle, et identifiera par la suite cette pièce où il a été
enfermé avec « le loup ».

Dialectique contenant / contenu


Dans ce cas, comme dans le cas de Dick, on a la description, au cours du travail de la
cure, d’une élaboration dialectique constructive entre contenant et contenu. Cepen-
dant, s’il y avait, dans le cas de Dick, un désinvestissement libidinal de la réalité, pour
Robert, au contraire, la réalité est vécue sur un mode persécutif 13. En effet, on a, dans ce
cas, la manifestation hallucinatoire récurrente de ce que Lacan identifie comme étant
le surmoi, à savoir « le loup » 14. Il s’agit cependant d’un surmoi particulier puisqu’il
est directement rapporté à la figure de la mère, et relié à cet objet très spécial qu’est le
biberon pour Robert. En effet, lors d’une opération pratiquée sans anesthésie lors-
qu’il avait cinq mois et qu’il venait juste d’être séparé de sa mère, on lui avait main-
tenu de force dans la bouche un biberon d’eau sucrée. Rosine Lefort estime que cet
« épisode traumatique » éclaire « l’image que Robert avait construite d’une mère affa-
mante, paranoïaque, dangereuse, qui certainement l’attaquait ». Ce signifiant – « le
loup » – qui désigne l’enfant de façon hallucinatoire, est donc en même temps pour
lui « le résumé d’une loi » 15 insensée, puisqu’elle ne lui permet pas l’intégration du
contenant (le vase) et les contenus (les fleurs).
Il s’agit donc ici de domestiquer le caractère menaçant du contenant vide, et de le
faire progressivement admettre comme une potentialité symbolique positive, à laquelle
pourraient s’articuler divers contenus, qui, sans cela, sont vécus comme agressifs ou
persécuteurs. Or on verra que tant que la jaculation hallucinatoire joue à plein, l’intégra-
tion contenant / contenu est impossible, tandis que, au contraire, à partir du moment
où cet impératif délirant ne se fait plus entendre, (cf. la scène où il enferme R. Lefort
dans les cabinets), Robert peut passer à « la construction de son corps ».

Direction de la cure
Dans les deux cas, on a une carence de ce signifiant fondamental qui permet la cons-
truction de la réalité pour le sujet. Cependant, au contraire de la greffe symbolique de
M. Klein, il ne s’agit pas, pour Rosine Lefort, de trouver une solution substitutive à ce
manque d’un signifiant. Plutôt faut-il tenter de faire la démonstration qu’il existe des

13. Lacan 1975, p. 116.


14. J. Lacan fait référence au texte de Freud sur l’Introduction au narcissisme, pour rappeler que Freud établit
une équivalence entre les hallucinations du syndrome d’influence et le surmoi.
15. Lacan 1975, p. 119.
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contenants qui ne soient pas nécessairement persécuteurs et puissent trouver leur


répondant dans des contenus acceptables.
Ainsi, dans une scène où Robert essaie d’« exorciser » le biberon, il tend celui-ci à
quelqu’un d’imaginaire, puis arrache la tétine, la fait émettre, avale des gorgées de lait,
renverse du lait sur lui et sur sa thérapeute, avant de fuir, paniqué. Rosine Lefort estime
alors « qu’il a avalé la destruction et que la porte et le lait étaient liés ».
Une scène du même genre a lieu avec le pot, Robert ne supportant pas l’idée de
donner ses excréments, tout en allant sur le pot à chaque séance, craignant une inter-
vention de l’extérieur, exigeant une protection de tous les instants pour la défécation.
Lors d’une scène mémorable, Robert rassemble tous ses objets dans le pot (y compris
du sable, de l’eau, un poupon et le biberon), confie le tout à R. Lefort, puis, ayant ouvert
la porte, il est convulsé de peur et essaie alors de briser le biberon en petites miettes,
qu’il intègre dans le pot. Il a une débâcle intestinale le soir même, qu’il étend avec ses
mains sur le lit et les murs.
Selon R. Lefort, le pot est donc, comme dans le schéma optique, un instrument
grâce auquel il essaie d’intégrer ce qui entre et sort de lui, puis une image humaine.
Mais ces éléments, qui tous le représentent, ne sont pas unis par autre chose qu’un
« sentiment de destruction permanente de son corps, qui, par opposition à ces con-
tenus, représente le contenant, et qu’il a symbolisé par le biberon cassé, dont les mor-
ceaux furent enfouis dans ces contenus destructeurs ».
Si le biberon représente le corps du sujet, qui ne peut comme tel pas être intégré,
du fait des contenus envahissants ; le pot constitue une tentative de solution « par le
bas », dans lequel est affirmée la domination des contenus sur le contenant, l’ensem-
ble étant par ailleurs si l’on peut dire, sous l’empire du signifiant « le loup ! ».
Dans la série de séances suivante, le pot, qui est toujours l’enjeu des échanges, va
finalement pouvoir être donné vide, en même temps que Robert arrivera progressi-
vement à être déshabillé sans drame – jusqu’alors, « ses vêtements étaient pour lui son
contenant et lorsqu’il en était dépouillé, c’était la mort certaine. Les scènes de désha-
billage étaient pour lui l’occasion de véritables crises […] on le décrivait comme un
possédé » 16 – puis il arrive à boire un peu de lait, tout en frappant son image en hurlant
« le loup ! ». Parallèlement, le déshabillage, le soir pour aller dormir, devient facile, mais
il est lié à une grande dépression, lors de laquelle il se fait consoler par la surveillante.
Puis on assiste à une sorte de retournement, où Rosine Lefort doit jouer le rôle de
la mère affamante, à qui il fait avaler de l’eau sale. Elle incarne alors « le loup », dont
il essaie de se séparer en enfermant Rosine Lefort dans les cabinets pour, enfin, se faire
consoler. À partir de ce moment, ayant, là encore, « exorcisé » le loup, il n’en a plus
parlé, et il a pu passer à la phase suivante.
Puis, selon Rosine Lefort, il passe à la construction de son corps, dans une régres-
sion intra-utérine. Il lui fallait alors, selon R. Lefort, « être mon contenu », mais il devait
« s’assurer de ma possession, c’est-à-dire de son futur contenant », selon des modalités

16. Ibid., p. 112.


362 Vincent Benoist

que la thérapeute décrit comme un « baptême », dans lequel il fait couler le lait sur sa
poitrine, exhibant son pénis. En même temps, il absorbe le lait, qui devient alors à la
fois contenu et contenant.
La phase suivante, selon Rosine Lefort, sera celle d’une « symbiose avec une mère
féminine », symbiose dans laquelle se pose la question phallique « du fait de son âge
réel ».
On arrive de la sorte au résultat suivant : « le contenu de son corps n’est plus des-
tructeur, mauvais, Robert est capable d’exprimer son agressivité en faisant pipi debout,
et sans que l’existence de l’intégrité du contenant, c’est-à-dire du corps, soient mises
en cause ». Il arrive à avoir des contacts avec les autres enfants, et devient protecteur
des plus petits, il peut être intégré dans les activités de groupe. Il semble mieux dor-
mir, rêver même et appelle sa mère la nuit. Néanmoins, « il ne fait jamais de phrases,
n’emploie que les mots essentiels » 17.

Conclusion
1) Ce cas « montre la pertinence du modèle [du schéma optique] construit sur le rap-
port entre les fleurs-contenus et le vase contenant ». Le problème pour l’enfant va être
de « se construire avec la fonction plus ou moins mythique du contenant, et seulement
à la fin pouvoir le supporter vide, comme l’a noté Mme Lefort » 18. Cette vacuité rendue
supportable est ce qui, selon Lacan, en fait un objet « proprement humain », c’est-à-
dire un instrument « détaché de sa fonction », en tant que chose indépendante.
2) On retrouve ici l’impossibilité de formuler un appel. C’est parce que le traite-
ment s’est engagé que Robert a pu retrouver, lors de la deuxième séance, cet appel :
« Maman », qu’il lance face au vide de l’escalier avec une angoisse évidente. R. Lefort
note que, contrairement à Dick, Robert se trouve dans la situation d’un sujet dont
« tous les fantasmes oraux-sadiques s’étaient réalisés » de façon précoce, avec comme
conséquence, du fait de l’absence d’un signifiant fondamental qui vienne empêcher
la persécution surmoïque, l’impossibilité de renouveler cet appel à l’Autre.

Vincent Benoist 19

Références bibliographiques
Klein M. (1930), Essais de psychanalyse (1921-1945) [1950], Paris, Payot.
Lacan J. (1975), Le Séminaire. 1, Les écrits techniques de Freud [1953-1954], Paris, Seuil.

17. Lacan 1975, p. 116.


18. Ibid., p. 120.
19. Docteur en psychologie et psychanalyste ; vincent.benoist@club-internet.fr.

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