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PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION
ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT :
L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT
Louis-Philippe Sirois, Sophie Marmousez et Dan A. Simunic
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Association Francophone de Comptabilité | « Comptabilité - Contrôle - Audit »

2016/3 Tome 22 | pages 111 à 144


ISSN 1262-2788
ISBN 9791093449081
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2016-3-page-111.htm
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Louis-Philippe Sirois, Sophie Marmousez et Dan A. Simunic
PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 111
reçu en novembre 2014 / accepté en juin 2016 par Charles Piot/Vedran Capkun

Proposition d’une nouvelle

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approche de la relation
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entre la taille de l’auditeur


et la qualité de l’audit :
l’importance de la
technologie d’audit
Auditor size and audit quality
revisited: The importance
of audit technology
Louis-Philippe SIROIS*, Sophie MARMOUSEZ** et Dan A. SIMUNIC***

Résumé Abstract
Dans cet article, nous utilisons le modèle In this paper, we use Sutton’s (1991) endog-
des coûts fixes endogènes de Sutton (1991) enous fixed cost model to revisit the notion of
pour proposer un cadre d’analyse nouveau audit quality and investigate how audit quality
pour envisager la relation entre la taille de is related to auditor size and the structure of the
l’auditeur et la qualité de l’audit et expliquer la auditing industry. We propose a new framework

*  Professeur adjoint, Université Laval


**  Professeur agrégée, HEC Montréal
***  Professeur titulaire, University of British Columbia

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 22 – Volume 3 – Décembre 2016 (p. 111 à 144)
Louis-Philippe Sirois, Sophie Marmousez et Dan A. Simunic
PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
112 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

structure duale et concentrée actuelle du mar- to explain the well documented ‘Big 4/non-Big 4
ché de l’audit, opposant Big 4 et non-Big 4. dichotomy’ and the current dual and overall con-

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Un des éléments-clés du modèle proposé est centrated structure of the audit market. In our
le rôle central que joue la technologie d’audit model, audit technology (investments to improve
(investissements qui améliorent la qualité et/ quality and/or production efficiency) plays a cen-
ou le processus de production) dans la déter- tral role in determining the level of audit quality
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mination de la qualité (réelle et/ou perçue) et (real and/or perceived) and fees. We argue that
des honoraires d’audit. Nous suggérons que Big 4 and non-Big 4 auditors fundamentally
Big 4 et non-Big 4 diffèrent fondamentale- differ with respect to their investment strate-
ment par leurs stratégies d’investissement en gies in technology. Big 4 auditors engage in an
technologie. Les Big 4 s’engagent dans une ‘investment race’ which leads to a natural oligop-
« course aux investissements » qui mène à un oly, while a large number of lower quality and
oligopole naturel, alors qu’un grand nombre smaller non-Big 4 auditors remain because they
de non-Big 4, offrant des services de qua- meet the demands of clients who cannot afford or
lité moindre, subsistent en répondant à la do not value Big 4 audits.
demande des clients ne pouvant ou ne voulant
recourir aux Big 4.
Mots-clés : qualité de l’audit  –  Keywords: audit quality – audit
marché de l’audit – Big 4 – technolo- industry – Big 4 – audit technology
gie d’audit

Correspondance : Louis-Philippe Sirois Sophie Marmousez Dan A. Simunic


Université Laval HEC Montréal University of British
2325, rue de la Terrasse 3000, chemin de la Columbia
Québec (QC) Côte-Ste-Catherine 2053 Main Mall, Vancouver
G1V 0A6, CANADA Montréal (QC) (CB)
louis-philippe.sirois@fsa.ulaval.ca H3T 2A7, CANADA V6T 1Z2, CANADA
sophie.marmousez@hec.ca dan.simunic@sauder.ubc.ca
Remerciements : Les auteurs remercient Charles Piot, rédacteur en chef de CCA, ainsi que le réviseur anonyme
pour leurs commentaires constructifs qui ont permis d’améliorer ce papier. Ils remercient
également Mukesh Eswaran, Gilbert Laporte, Kin Lo, Michael Maier, Suzanne Rivard, Bin
Srinidhi, Tom Ross et Dan Weiss et les participants à la conférence 2010 de l’Association
canadienne des professeurs de comptabilité (Vancouver, CB), la réunion 2010 de l’American
Accounting Association (San Francisco, CA), le 3e atelier sur la qualité de l’audit organisé par
la European Institute for Advanced Studies in Management et l’Università Commerciale Luigi
Bocconi. Louis-Philippe Sirois et Sophie Marmousez reconnaissent le soutien financier du
Fonds de recherche du Québec – Société et culture. Louis-Philippe Sirois reconnaît le soutien
financier de la Fondation des comptables agréés du Québec. Sophie Marmousez reconnaît le
soutien financier de HEC Montréal. Dan A. Simunic reconnaît le soutien financier du Conseil
canadien de recherches en sciences humaines et du KPMG Research Bureau in Financial
Reporting à l’University of British Columbia.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 22 – Volume 3 – Décembre 2016 (p. 111 à 144)
Louis-Philippe Sirois, Sophie Marmousez et Dan A. Simunic
PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 113

Introduction
La concentration du marché de l’audit et ses implications en termes de qualité et d’honoraires ne

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constituent pas, pour les régulateurs, des préoccupations nouvelles, mais ont reçu une attention accrue
ces dernières années (par exemple, European Commission 2010, GAO 2003, 2008). Le modèle pré-
sentement dominant dans la littérature en audit peine à apporter des réponses à ces préoccupations,
notamment parce qu’il adopte une vue statique du secteur de l’audit. Il ne fournit aucune explication
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au fait que le marché de l’audit ait évolué vers une structure duale dans laquelle quelques grands cabi-
nets réputés dominent le marché, sans que pour autant ne disparaissent une multitude de plus petits
cabinets dont les services sont généralement considérés comme de qualité moindre. Ce modèle domi-
nant repose sur l’idée que les Big 41 délivrent des services de meilleure qualité parce qu’ils ont plus à
perdre en cas de dysfonctionnement de l’audit (audit failure) (notamment, DeAngelo 1981). Cette
idée, communément désignée par « hypothèse de deep-pocket et/ou de réputation » présente, selon
nous, au moins une faiblesse majeure : la taille de l’auditeur2 – et donc sa richesse et son capital répu-
tationnel – est considérée comme exogène (DeAngelo 1981 ; Dopuch et Simunic 1982 ; Simunic et
Stein 1987 ; O’Keefe et al. 1994).
Dans cet article, nous présentons un modèle qui permet de considérer sous un angle nouveau la
relation entre la taille de l’auditeur et la qualité de l’audit, en plus d’expliquer la structure duale et
concentrée actuelle du marché de l’audit, opposant Big 4 et non-Big 4. Plus précisément, nous uti-
lisons le modèle des coûts fixes endogènes (modèle CFE) de Sutton (1991) – largement employé en
économie industrielle – pour proposer un cadre d’analyse dans lequel la qualité de l’audit et la taille
de l’auditeur sont endogènes. Un des éléments-clés du modèle proposé est le rôle central que jouent
les coûts fixes, que nous appelons « technologie d’audit », dans la détermination du niveau de qualité
de l’audit, réelle et perçue, et des honoraires d’audit.
Dans le modèle que nous proposons, la production des services d’audit à un niveau de qualité donné
n’implique pas que des intrants variables – en particulier, l’effort déployé par les auditeurs – comme
il est commun de le considérer (par exemple, O’Keefe et al. 1994). En effet, la production de tels ser-
vices intègre aussi des intrants fixes, à savoir la technologie d’audit. La technologie d’audit représente,
de manière large, les investissements qui améliorent la qualité, réelle ou perçue, et/ou l’efficience de la
production de l’audit (par exemple, publicité, activités de formation ou programmes d’audit standar-
disés). Nous montrons qu’incorporer dans l’analyse des intrants fixes a des implications importantes
en termes de compréhension de la production de la qualité de l’audit, du comportement des cabinets
d’audit et de l’évolution du marché de l’audit en général.
Nous suggérons, en fait, qu’il existe une différence fondamentale entre les Big 4 et les non-Big 4 en
ce qui concerne leurs stratégies d’investissement en technologie d’audit. Nous faisons l’hypothèse que
les Big 4 se font concurrence sur la valeur de l’audit, définie comme le ratio qualité sur prix de l’audit,
en faisant des investissements fixes en technologie. Notre modèle nous permet de décrire comment
et pourquoi le marché de l’audit évolue naturellement vers un oligopole dans lequel quelques grands
auditeurs, à savoir les Big 4, délivrant des services de qualité supérieure, dominent le marché. De plus,
le niveau des investissements en technologie d’audit augmente avec la taille du marché et d’autres
caractéristiques, telles que l’importance de la protection des investisseurs, ce qui permet d’expliquer
comment le marché de l’audit évolue dans le temps et à travers le monde.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 22 – Volume 3 – Décembre 2016 (p. 111 à 144)
Louis-Philippe Sirois, Sophie Marmousez et Dan A. Simunic
PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
114 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

Finalement, plutôt que d’offrir une réponse à la question : « pourquoi la qualité des services offerts
par les Big 4 est-elle supérieure ? », nous proposons une réponse à une question qui nous semble encore
plus fondamentale : « pourquoi les Big 4 sont-ils… les Big 4 ? ». Le modèle que nous présentons se veut

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un outil pour guider les réflexions au sujet de l’évolution du marché de l’audit, de l’état de la concur-
rence entre les auditeurs et de l’impact sur la qualité et les honoraires d’audit. Il nous permet d’offrir
une approche en cohérence avec notre compréhension actuelle du secteur de l’audit et de lire à travers
un prisme nouveau une partie de la littérature en audit, en réconciliant notamment des résultats empi-
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riques qui pouvaient paraître contradictoires (par exemple, Choi et al. 2008 et Francis et Wang 2008).
Nous contribuons à la recherche en audit grâce à ce modèle qui représente, en quelque sorte, une
extension de la littérature puisqu’il ne repose pas sur l’hypothèse de deep-pocket et/ou de réputation,
mais se fonde plutôt sur les hypothèses raisonnables et moins contraignantes que les clients valorisent
une qualité de l’audit plus importante et que la production de cette qualité requiert non seulement
des intrants variables, mais aussi des intrants fixes. Nous présentons également les implications empi-
riques du modèle, ce qui permet d’orienter de futures recherches empiriques dans le domaine, en plus
d’alimenter les débats actuels concernant le secteur de l’audit.
Dans la section suivante, nous présentons le modèle dominant de qualité de l’audit pour mieux
introduire le modèle CFE qui permet une nouvelle approche pour expliquer la qualité de l’audit.
Nous présentons le modèle CFE général, appliqué au secteur de l’audit, dans la Section 2. Dans la
Section 3, nous raffinons le modèle pour expliquer la dichotomie Big 4/non-Big 4 et la structure
duale du secteur de l’audit. Dans la Section 4, nous discutons des implications empiriquement tes-
tables de notre analyse, avant de conclure.

1. Du modèle dominant à une nouvelle approche


de la qualité de l’audit

1.1. Le modèle dominant dans la littérature pour expliquer


la qualité de l’audit
La qualité de l’audit est communément définie comme l’appréciation par le marché de la probabilité
conjointe qu’un auditeur donné (a) découvre une anomalie significative dans les états financiers et
(b) la révèle (DeAngelo 1981). Par conséquent, la qualité de l’audit peut être considérée comme une
fonction de (a) la compétence de l’auditeur et de (b) son indépendance. La compétence, ou la capacité
de l’auditeur à découvrir des erreurs, est directement liée au processus de production de l’audit, par
lequel l’auditeur détermine de manière optimale les intrants (notamment, l’effort et la technologie)
qu’il va utiliser pour fournir ses services. L’indépendance, quant à elle, ne relève pas d’une quantité
d’intrants, mais peut être considérée comme un état d’esprit que l’auditeur doit atteindre (indépen-
dance réelle) et démontrer (indépendance perçue). Elle dépend largement des pressions auquel l’audi-
teur doit faire face. Un auditeur indépendant, parce que moins exposé aux pressions économiques,
sociales et personnelles en provenance de ses clients, communiquera a priori son opinion de manière
plus sincère.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 22 – Volume 3 – Décembre 2016 (p. 111 à 144)
Louis-Philippe Sirois, Sophie Marmousez et Dan A. Simunic
PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 115

En se fondant sur la définition présentée précédemment, la littérature sur la qualité de l’audit exa-
mine comment les niveaux, réels ou perçus, de compétence et d’indépendance de l’auditeur varient
d’un marché ou d’un contexte institutionnel à l’autre ou encore entre les catégories d’auditeurs. En

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particulier, plusieurs auteurs montrent que, comparativement aux non-Big 4, les Big 4 délivrent des
services d’audit de meilleure qualité parce que ces derniers ont plus à perdre en cas de dysfonction-
nement de l’audit (audit failure) (voir, par exemple, Francis 2004 ; Watkins et al. 2004 ; Knechel
et al. 2013). Les Big 4 sont supposés avoir plus de richesses financières et réputationnelles en jeu et
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peuvent donc avoir à assumer des coûts de litiges et de perte de réputation proportionnellement plus
importants que les non-Big 4. L’argument – communément désigné par « hypothèse de deep-pocket
et/ou de réputation » – est que les Big 4 vont ainsi fournir des services de meilleure qualité pour
limiter les coûts associés à un éventuel dysfonctionnement.
Bien que l’hypothèse de deep-pocket et/ou de réputation soit à l’origine d’une part signifi-
cative de la littérature en audit, elle présente au moins une faiblesse majeure : la taille de l’audi-
teur – donc sa richesse et son capital réputationnel – est considérée comme exogène. En d’autres
termes, l’hypothèse ne permet pas de répondre à une question fondamentale : pourquoi les Big 4
sont-ils plus grands que les autres ? Elle adopte une vue statique du secteur de l’audit et n’apporte
aucune explication au fait que le marché de l’audit ait évolué vers une structure duale dans laquelle
quelques grands cabinets réputés dominent le marché, sans que pour autant ne disparaissent une
multitude de plus petits cabinets dont les services sont généralement considérés comme de qualité
moindre. Finalement, comment la qualité de l’audit et la structure du marché évoluent au cours
du temps et d’un marché à l’autre et comment la taille des cabinets d’audit et la concentration du
marché sont liées à la qualité de l’audit et aux honoraires d’audit (et vice versa) restent des ques-
tions sans réponse. Cette dernière question paraît particulièrement importante au vu des récentes
préoccupations exprimées par les gouvernements et les organismes de règlementation, les associa-
tions professionnelles, comptables ou non, et les groupes d’intérêt privés dans l’Union Européenne,
aux Etats-Unis et dans d’autres pays quant au niveau élevé de concentration du marché et à son
impact potentiellement négatif sur la qualité de l’audit et sur les honoraires (par exemple, pour
l’Union européenne : European Commission 2008, 2010 ; London Economics 2006 ; Oxera
Consulting 2007).
En traitant la taille de l’auditeur comme exogène, la littérature existante considère en fait impli-
citement que la technologie d’audit est constante et ne lui laisse qu’un rôle marginal pour expliquer,
d’une part, la valeur de l’audit et, d’autre part, les différences entre les Big 4 et les non-Big 4. Les
Big 4 sont supposés fournir des prestations de meilleure qualité que les non-Big 4 parce qu’ils sont
a priori plus indépendants et qu’ils font donc état de leurs conclusions de manière plus transparente
(DeAngelo 1981) et/ou parce qu’ils déploient plus d’efforts dans les missions d’audit (Pae et Yoo
2001). En suivant cette approche, la plupart des études interprètent la prime facturée par les Big 4
comme une indication de la qualité de l’audit supérieure délivrée par les Big 4 (Hay et al. 2006), alors
que plusieurs auteurs suggèrent que cette prime refléterait au moins partiellement les coûts de pro-
duction plus élevés résultant d’un effort d’audit plus important (Choi et al. 2008). Nous pensons que
pour comprendre la différence entre les Big 4 et non-Big 4 et ainsi l’état actuel du marché de l’audit,
il est également important de considérer explicitement comment les structures de coûts des cabinets
d’audit – fortement influencées par les stratégies d’investissement en technologie d’audit – peuvent

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116 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

différer. Le modèle CFE de Sutton (1991), que nous présentons dans la section suivante, nous permet
de développer cette idée.

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1.2. Proposition d’une nouvelle approche pour expliquer
la qualité de l’audit : présentation générale du modèle CFE
Le modèle CFE de Sutton (1991) est un modèle de concurrence relativement simple qui permet de
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comprendre notamment pourquoi, dans certains secteurs, la concentration reste forte alors même
que la taille du marché augmente et, plus important encore, pourquoi le marché reste concurrentiel
alors même que la concentration est élevée. Les conclusions du modèle vont ainsi à l’encontre des pré-
dictions des théories « classiques » de l’économie industrielle, en particulier du paradigme structure-
comportement-performance développé par Bain, qui a été, et est encore, à la source de nombreuses
critiques quant à la domination du marché de l’audit par les Big 4 (par exemple, Subcommittee on
Reports 1977 ou House of Lords 2011). Le modèle est fondé sur l’idée que, dans ces secteurs, les
firmes peuvent améliorer leur marge bénéficiaire (calculée comme le prix moins le coût marginal)
grâce à des investissements fixes en capital. Par exemple, les firmes peuvent accroître le « consen-
tement à payer » des clients, et donc leurs prix, en améliorant le niveau de qualité perçue de leurs
produits ou services grâce à des investissements en publicité. Elles peuvent également augmenter le
niveau de qualité réelle de leurs produits ou services par des activités de recherche et développement
(i.e., innovations sur les produits ou services). Les firmes peuvent aussi investir dans la technologie
de production, l’équipement et/ou la recherche et développement pour améliorer leurs processus
de production et d’organisation dans l’objectif de réduire leur coût marginal (i.e., innovations sur
les processus). Ces investissements doivent être considérés comme endogènes puisqu’ils résultent de
la stratégie individuelle des firmes. Plus une firme décide d’investir, plus l’impact sera positif sur sa
marge, bien qu’à un rythme potentiellement décroissant. Quand le coût de tels investissements est
fixe et ne dépend pas du niveau de production, le bénéfice des investissements fixes augmente avec
le niveau de production (i.e., économies d’échelle croissantes). Les firmes ont, par conséquent, plus
d’incitations à entreprendre ces investissements lorsque la taille du marché augmente et justifie de tels
investissements.
Sutton (1991) démontre effectivement que pour les secteurs dans lesquels les investissements stra-
tégiques fixes ont un potentiel plus important d’améliorer la marge des entreprises, le niveau de tels
investissements augmente avec la taille du marché. En fait, lorsque la taille du marché augmente,
les firmes s’engagent dans une sorte de « course aux investissements » en allouant de plus en plus de
moyens à la publicité, à la recherche et développement ou à d’autres investissements en capital dans le
but d’augmenter la valeur relative (ratio qualité/prix) de leurs produits ou services par rapport à leurs
concurrents. Cela augmente inévitablement le niveau d’investissements requis pour entrer et opérer
de manière efficace sur un marché donné. Lorsque le niveau d’investissements augmente, l’entrée sur
le marché devient donc plus difficile et certaines firmes peuvent être amenées à fusionner pour sur-
vivre au rythme d’innovation, alors que d’autres sont tout simplement forcées de quitter le marché.
Ce comportement mène éventuellement à un oligopole naturel (stable) avec seulement un nombre
limité de grandes firmes évoluant sur le marché, nonobstant la taille qu’il atteint. Les investissements
fixes pour améliorer la qualité réelle et/ou perçue des produits ou services et/ou des processus créent

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ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 117

une barrière à l’entrée endogène, dite stratégique. Il est à noter que le modèle CFE décrit l’équilibre
à long terme du marché. Il souligne l’importance des économies d’échelle, suggère qu’elles peuvent
évoluer de manière endogène et relie la structure du marché et le niveau d’innovation sur les produits

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ou services et les processus à la taille du marché.
Ce modèle simple a été appliqué dans des études sur de nombreux secteurs, incluant, par exemple,
le secteur alimentaire de détail (Ellickson 2006, 2007, 2013), le secteur bancaire (Dick 2007) ou
le secteur de l’édition de journaux (Berry et Waldfogel 2010). Le nombre de références au modèle
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CFE pour le secteur de l’audit est, à notre connaissance, très limité. Penno et Walther (1996) com-
parent les structures de marchés locaux aux Etats-Unis pour les secteurs des services d’audit, de droit
et de publicité. Leurs résultats montrent que, comparativement aux marchés des services de droit
et de publicité, le marché des services d’audit est, en général, plus concentré, et l’est d’autant plus
dans les marchés locaux les plus importants. Ils montrent, en fait, une corrélation positive entre la
taille du marché local et la concentration du marché de l’audit. En construisant sur la logique de
Sutton (1991), ils suggèrent que cela est cohérent avec des dépenses discrétionnaires plus impor-
tantes dans le secteur des services d’audit, comparativement aux deux autres secteurs étudiés. Dans
notre papier, ces dépenses discrétionnaires correspondent en fait aux investissements endogènes
en technologie d’audit. Penno et Walther (1996) s’intéressent exclusivement à la concentration du
secteur de l’audit, sans chercher à expliquer la structure duale du secteur ni le lien avec la qualité
de l’audit.
Boone et al. (2000) construisent sur la théorie de la répartition des ressources pour expliquer
l’évolution de la structure du marché de l’audit aux Pays-Bas de 1896 à 1992. Bien que les auteurs
ne fassent pas explicitement référence à la théorie de Sutton (1991), la logique et les implications
de la théorie qu’ils mobilisent sont très similaires. Boone et al. (2000) expliquent l’émergence de
la structure duale du secteur de l’audit néerlandais par le fait que les grands cabinets ont crû, pour
exploiter des économies d’échelle, en se positionnant comme des auditeurs généralistes, alors que les
plus petits cabinets ont réussi à prospérer en opérant comme des auditeurs spécialistes. Dans leur
contexte, la qualité de l’audit ne joue pas un rôle central et les auteurs ne discutent que brièvement et
indirectement le différentiel de qualité entre les Big 4 et les non-Big 4. Contrairement à ces auteurs,
nous pensons que la structure duale du marché de l’audit reflète en fait les différences en termes de
qualité entre les Big 4 et les non-Big 4 et que le modèle CFE peut être utilisé pour relier formellement
la taille de l’auditeur et la qualité de l’audit.
Plus récemment, certains auteurs ont étudié empiriquement la relation possible entre la structure
du marché de l’audit et la qualité ou les honoraires d’audit (Boone et al. 2012 ; Numan et Willekens
2012 ; Newton et al. 2013). A notre connaissance, seuls Francis et al. (2013) font explicitement réfé-
rence à Sutton (1991) dans leur analyse. Cependant, ces auteurs ne présentent aucun cadre théorique
formel et ne font référence à Sutton et à d’autres auteurs en organisation industrielle que de manière
très sommaire (Francis et al. 2013, note 8). Nous croyons qu’afin de mieux comprendre l’évolution
générale de la structure du marché de l’audit, et plus particulièrement d’éclairer le débat sur le lien
possible entre la concentration du marché et, non seulement, la qualité, mais aussi les honoraires, il
est nécessaire de bien établir les bases théoriques. À cet effet, nous présentons, dans la section sui-
vante, le modèle CFE de Sutton (1991), que nous adaptons aux particularités du secteur de l’audit
externe.

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118 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

2. Le rôle de la technologie d’audit : un modèle

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2.1. Définition de la technologie d’audit
Avant de présenter le modèle, il est essentiel de définir ce qui en est l’un des paramètres essentiels,
à savoir la technologie d’audit. Celle-ci peut prendre de multiples formes et renvoie, en général, au
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savoir-faire et à la compétence du cabinet d’audit. Dans notre article, la technologie d’audit est, à
court terme, un intrant fixe dans le processus de production de l’audit, alors que l’effort est un intrant
variable. Nous considérons que la technologie d’audit constitue un coût fixe endogène car elle est
le résultat de décisions d’investissement prises par les cabinets, à l’opposé de coûts fixes qui pour-
raient être imposés de manière exogène, comme les coûts associés à de nouvelles réglementations (par
exemple, la loi Sarbanes-Oxley aux Etats-Unis). De manière large, la technologie d’audit représente
des investissements qui améliorent la qualité (réelle ou perçue) et/ou l’efficience de la production
de l’audit.
Un exemple de technologie améliorant la qualité réelle de l’audit est l’investissement dans le capi-
tal humain d’un cabinet. Les cabinets d’audit investissent un montant significatif de ressources dans
le recrutement et la formation. Cela est particulièrement vrai pour les Big 43. Les cabinets d’audit
peuvent également améliorer l’efficacité et l’efficience de leurs prestations en investissant dans des
équipements TI, des logiciels, des bases de données, des systèmes de travail électroniques et d’autres
outils électroniques d’aide à la décision, qui ont le potentiel d’augmenter le contrôle de la qualité, la
gestion du risque, la qualité de la décision et la qualité globale de l’audit (Bedard et al. 2008). Encore
une fois, c’est dans les plus grands cabinets que ces technologies vont être le plus utilisées, compte
tenu notamment de l’investissement important en capital et en temps associé. Finalement, l’existence
de départements de consultation interne peut permettre de mieux contrôler la qualité et le risque lié
aux mandats et d’assister les équipes d’audit dans le traitement de problématiques complexes. Ces
départements ou « groupes techniques » sont coûteux à créer et à maintenir et sont plus fréquemment
utilisés et mieux formés dans les grands cabinets (Bedard et al. 2008).
Dans l’interprétation initiale du modèle CFE, la technologie correspond à de la publicité (Sutton
1991). Dans la mesure où la qualité de l’audit est difficile à observer, la perception de cette qualité
est importante pour les clients et les investissements réalisés par les cabinets d’audit pour améliorer
la qualité perçue de leurs services ont, par conséquent, potentiellement de la valeur. Pour améliorer
la qualité perçue de l’audit, les cabinets d’audit peuvent faire de la publicité directement (lorsque
cela est permis) ou indirectement (sponsoring, implication dans la communauté, etc.) pour sti-
muler la reconnaissance de leur marque. Promouvoir la valeur de la marque en interne peut éga-
lement se révéler bénéfique pour les cabinets car cela peut améliorer la satisfaction des salariés et
le recrutement des employés et des clients (par exemple, Korney 2007). Certains efforts des cabi-
nets en termes de reconnaissance de leur marque peuvent avoir une valeur informative et aider
les clients à choisir l’auditeur le plus approprié. Cela est valorisé par les clients puisque cela dimi-
nue les coûts de transaction au moment du choix d’un auditeur. Globalement, les Big 4 semblent

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ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 119

avoir plus recours à la publicité et aux autres activités promotionnelles ou, au moins, semblent
tirer plus de bénéfices de telles stratégies d’investissement. L’étude de Hay et Knechel (2010)
sur la dérèglementation de la publicité dans le secteur de l’audit en Nouvelle-Zélande soutient

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cette idée.
Finalement, les investissements technologiques peuvent également impliquer des innovations sur
les processus et dans l’efficience de la production, qui permettent a priori de fournir des audits de
qualité égale à celle des concurrents, mais à un coût marginal moindre. Les gains liés à ces innovations
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sont susceptibles d’être générés de plusieurs façons. En fait, la plupart des investissements dans de la
technologie améliorant la qualité réelle de l’audit sont susceptibles de produire également des services
plus efficients. C’est le cas notamment d’investissements en formation du personnel, en logiciels et
équipements TI, en programmes d’audit standardisés, qui permettent de réduire les coûts récurrents,
ou encore d’investissements dans le réseau national et international d’un cabinet, qui sont susceptibles
de réduire les coûts de coordination et d’exécution du travail lors de missions impliquant plusieurs
localités géographiques.
À titre d’exemple, en s’intéressant aux tendances à long terme en ce qui concerne les honoraires
des Big 4, Menon et Williams (2001) notent que la magnitude des coefficients sur les variables mesu-
rant le volume de créances clients et de stocks dans les modèles d’honoraires d’audit diminue sur
leur période d’étude (1980-1997). Ils concluent que l’utilisation croissante de techniques d’audit
informatisées et d’autres innovations, telles que les procédures analytiques, ont permis aux Big 4 de
graduellement engager moins d’effort pour vérifier les comptes de créances clients et de stocks. De la
même façon, Chang et al. (2011) trouvent que les Big 4 à Taiwan présentent une productivité plus
importante que les non-Big 4 sur la période 1993-2003, principalement du fait de progrès techniques
et, en particulier, de l’accumulation de capital TI.

2.2. Développement du modèle de base


Notre objectif dans cette section est de présenter globalement le modèle d’oligopole de Cournot4, tel
que développé par Sutton (1991), pour illustrer les éléments-clés et les implications du modèle CFE
pour le secteur de l’audit. Nous proposons une interprétation spécifique à ce secteur, qui reflète les
caractéristiques-clés des services et des processus de production de l’audit.
Nous commençons avec le cas le plus simple dans lequel les investissements fixes endogènes – autre-
ment dit, la technologie d’audit – font référence aux investissements destinés à améliorer la qualité
réelle des prestations d’audit. Nous étendons ensuite la notion d’investissements endogènes pour
inclure ceux, comme la publicité, destinés à améliorer la valeur perçue de l’audit, ainsi que ceux qui
améliorent l’efficience de l’audit en réduisant le coût marginal, comme la formation des employés.
Dans la Section 3, nous modifions encore le modèle pour permettre l’émergence de deux types d’audi-
teurs : Big 4 et non-Big 4. Afin de faciliter la compréhension du modèle développé ci-après et des
arguments sur lesquels il repose, nous proposons le tableau 1 qui regroupe tous les paramètres utilisés
par la suite. Ces paramètres, qui apparaissent dans le modèle original de Sutton (1991), sont ici pré-
sentés dans leur application au marché de l’audit.

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120
Tableau 1
Liste des paramètres utilisés dans le modèle

Paramètre Définition Déterminants Référence


p Valeur de marché de la firme cliente Fonction croissante de AEi et y Eq. (1)
en fonction des activités de contrôle
AEi « Quantité » ou « niveau » d’audit externe Choix optimal déterminé par la firme cliente Eq. (1)
acheté à un auditeur i
y « Quantité » ou « niveau » des autres Choix optimal déterminé par la firme cliente Eq. (1)
mécanismes de gouvernance interne Voir aussi Eqs.
(par exemple, audit interne) (2) et (3)
di xi Qualité de l’audit achetée à, et livrée par, Fonction croissante de la technologie d’audit d utilisée et Eq. (2)
un auditeur i (c’est-à-dire, capacité de de l’effort d’audit x fournie par un auditeur i
l’auditeur i à découvrir une ou des anomalies
significatives dans les états financiers,
en excluant les problématiques liées à
l’indépendance)
di Technologie d’audit employée par l’auditeur i, Endogène : voir Eq. (7) pour le niveau de technologie d Eq. (2)
où d ≥ 1. On entend par « technologie » tout à l’équilibre. Voir Section 2.1.
investissement fixe à court terme qui a pour La technologie d’audit est fixe au moment de réaliser pour une
effet d’accroître la qualité réelle et/ou perçue l’audit, mais le niveau optimal est déterminé à une discussion
des services d’un auditeur i. Plus les étape précédente par l’auditeur i en fonction des
investissements sont importants, plus ce caractéristiques du marché, dont notamment la taille
paramètre est élevé. Dans un contexte plus du marché pour des audits de qualité élevée.
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général, les investissements en technologie


d’audit peuvent également accroître
l’efficience du processus d’audit.
xi Effort d’audit (i.e., heures) fourni par Choix optimal déterminé par la firme cliente Eq. (2)
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l’auditeur i (en ce sens qu’il s’agit de la quantité optimale demandée
par la firme cliente)
pixi Honoraires totaux d’audit Fonction de pi et xi Eq. (3)
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Paramètre Définition Déterminants Référence


pi Taux horaire moyen pondéré de l’auditeur i Endogène : voir Eq. (6) pour le taux horaire moyen p Eq. (3)
à l’équilibre.
py Prix moyen des autres mécanismes de Exogène au modèle Eq. (3)
gouvernance interne
B Budget optimal de contrôle de la firme : Choix optimal déterminé par la firme cliente Eq. (3)
B = pixi + pyy
a Proportion du budget B alloué à l’audit Choix optimal déterminé par la firme cliente Eq. (2)
externe Voir
Section 3.2.1.
pour une
discussion.
s Coût d’entrée sur un marché d’audit, Exogène au modèle, selon les caractéristiques Voir
c’est-à-dire les coûts que doit engager du marché de l’audit Section 2.2.2.
tout auditeur pour opérer et offrir sur un
marché donné des audits d’une qualité
standard (première étape). Ceci comprend,
par exemple, le coût de l’assurance
professionnelle de base.
A(di) Investissement en technologie d’audit Fonction croissante de d, a et de g Eq. (4)
(coût fixe) engagé par un auditeur i
après être entré sur un marché, mais avant
d’offrir et réaliser ses audits
(deuxième étape).
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a Coût (standardisé) d’une unité de Exogène au modèle, selon les caractéristiques Eq. (4)
technologie. du marché de l’audit Voir aussi Eq. (7)
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Paramètre Définition Déterminants Référence
g Vitesse à laquelle les coûts fixes augmentent Exogène au modèle, selon les caractéristiques du marché Eq. (4)
avec la technologie. Plus ce paramètre de l’audit Voir aussi Eq. (7)
est élevé, moindres sont les retours sur
les investissements en technologie. La
technologie s’apparente alors davantage à
des coûts variables et la stratégie d’investir en
technologie joue un rôle moins significatif.
F(di) Coûts fixes totaux engagés par l’auditeur i Fonction croissante de Voir
après la deuxième étape s + A(di) = F(di) Section 2.2.2.
c Coût marginal de production moyen Dans la première version du modèle, ce paramètre est Voir Sections
pondéré d’une heure d’effort x d’audit. Ceci constant selon la technologie d et l’effort x. Il dépend 2.2.2. et 3.2.1.
correspond principalement aux coûts de la alors des caractéristiques du marché des intrants et de Voir aussi Eq. (6)
main-d’œuvre associée à l’effort, pondérés celui de l’audit et est donc exogène au modèle.
en fonction de la composition de l’équipe Dans la version finale du modèle, ce paramètre peut être
d’audit. décroissant en d, selon la nature des investissements en
technologie.
S Taille du marché (c’est-à-dire les honoraires Exogène au modèle, S est une fonction croissante de B, a Eq. (5)
n
d’audit totaux du marché) et du nombre de firmes clientes j : ∑ j =1a j B j Voir aussi Eq. (7)
N Nombre de cabinets d’audit entrant sur le Paramètre endogène : le nombre d’entrants est une Eq. (5)
marché fonction de la taille du marché S et des coûts fixes totaux Voir aussi Eqs.
engagés A(di). Lorsque la taille du marché augmente à (6) et (7)
l’infini cependant, les coûts s et a ont un impact minime
sur la structure des coûts totaux et seul le paramètre g
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détermine alors le nombre de cabinets entrants à N∞ ≥ 2.


q Proportion des clients sur le marché valorisant Exogène au modèle : ce paramètre est fonction de Voir Section 3.
davantage les services d’audit fournis par les facteurs macroéconomiques et institutionnels (par
Big 4 et/ou qui allouent un budget suffisant exemple, le régime de protection des investisseurs) et
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Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 22 – Volume 3 – Décembre 2016 (p. 111 à 144)
(aB) pour se procurer les services d’un Big 4 microéconomiques (par exemple la taille et les structures
potentiellement plus coûteux. de propriété des entreprises), qui affectent la demande
pour des audits de qualité élevée.
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2.2.1. DEMANDE DE SERVICES D’AUDIT

Les clients déterminent un niveau optimal de services d’audit externe

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Modéliser les stratégies d’investissement d’un auditeur revient à décrire les moyens par lesquels les
auditeurs répondent à la demande de services des clients. C’est pourquoi, nous caractérisons, en pre-
mier lieu, la demande de services d’audit.
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Les clients maximisent la valeur de leur firme en décidant notamment quel est le volume optimal
de services d’audit externe et quel est le volume optimal des autres mécanismes de gouvernance, acti-
vités complémentaires ou alternatives de contrôle, compte tenu de certaines contraintes de budget.
Selon nous, il est pertinent de considérer que l’audit externe a un impact sur la valeur de la firme
du fait de trois éléments : (1) l’assurance (i.e., fonction de contrôle de l’audit qui limite les biais des
dirigeants, améliore la qualité de l’information financière et apporte de la crédibilité aux états finan-
ciers), (2) la garantie financière (i.e., couverture financière implicite par l’auditeur des dommages
aux parties prenantes, dans le cas où l’auditeur n’aurait pas détecté et/ou révélé des anomalies subsé-
quemment découvertes) et (3) la valeur du service d’audit lui-même (par exemple, les conseils formels
et informels fournis par l’auditeur dans le cadre de son audit). Seule la composante « assurance »
est envisagée ici dans la mesure où nous nous concentrons sur la qualité de l’audit, telle que définie
précédemment. La dimension indépendance de l’auditeur étant exclue de notre analyse (puisqu’elle
ne dépend pas, comme nous l’avons dit, d’une quantité d’intrants), la valeur « assurance » d’un audit
externe est ici simplement liée à la compétence de l’auditeur et peut donc être modélisée par une
fonction de la capacité de l’auditeur externe à détecter des erreurs matérielles grâce à l’effort et à la
technologie d’audit.
Pour simplifier l’analyse, nous envisageons un contexte très simple dans lequel toutes les firmes
clientes sont identiques et nous excluons du modèle les autres déterminants de leur valeur de marché.
Nous avons donc pour tous les clients :
p = f ( AEi , y ) (1)
où p correspond à la valeur de marché de la firme cliente en fonction des activités de contrôle (audit
externe acheté à un auditeur i et autres mécanismes de gouvernance mis en place, notés respectivement
AEi et y). Conformément à la littérature sur l’audit et la gouvernance, nous faisons l’hypothèse que la
valeur de la firme augmente avec le volume des activités de contrôle, bien qu’à un taux décroissant.
Comme nous l’avons expliqué précédemment, nous considérons que la valeur de l’audit externe
pour la firme cliente peut être modélisée par une fonction de la capacité de l’auditeur externe à détec-
ter des erreurs matérielles grâce à l’effort et à la technologie d’audit. Pour illustrer, nous modélisons la
valeur de la firme cliente obtenue en tenant compte de toutes les activités de contrôle en utilisant une
simple fonction de Cobb-Douglas :
p = a ln(d i xi ) + (1 − a )ln( y ) (2)

Le premier terme de l’équation (2) capture le bénéfice lié à l’audit externe acheté à un auditeur donné
i et est une fonction de l’effort total d’audit xi (i.e., nombre d’heures d’audit) et de la technologie
d’audit di utilisée par l’auditeur, compte tenu de la proportion a ∈ (0,1) de leur budget optimal de

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124 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

contrôle B (introduit ci-après) que les clients ont choisi d’allouer à l’audit externe. La technologie di est
normalisée pour être supérieure ou égale à 1, avec di = 1 correspondant au minimum de technologie
d’audit nécessaire pour fournir un audit de qualité « standard » (c’est-à-dire un audit qui ne fait que

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répondre aux exigences obligatoires ou minimales en termes d’audit). Conformément à la définition
de la qualité de l’audit présentée avant, le produit dixi correspond à la qualité de l’audit et augmente
strictement avec l’effort et la technologie.
Il convient de souligner que les intrants – effort et technologie – ne sont jamais de parfaits subs-
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tituts, ni de parfaits compléments et qu’un niveau minimum d’effort (i.e., main d’œuvre) et de tech-
nologie est requis pour livrer un audit de qualité standard. Quand un client embauche un auditeur
externe à un moment donné, la technologie d’audit di est considérée comme fixée. Autrement dit, à
court terme, la technologie est un intrant fixe dans le processus de production de l’audit, contraire-
ment à l’effort qui constitue un intrant variable.
Les clients choisissent leur auditeur
Comme nous l’avons expliqué plus haut, les clients déterminent un volume optimal de services d’au-
dit externe, compte tenu de certaines contraintes budgétaires. Les clients achètent des services d’audit
externe à un auditeur i5 à un coût total pour le client de pixi. En d’autres termes, les honoraires totaux
d’audit sont égaux au taux horaire moyen pondéré de l’auditeur i, pi, multiplié par le nombre total
d’heures, xi. Les autres activités de contrôle peuvent être achetées à un prix horaire moyen de py. La
contrainte budgétaire est reflétée dans l’équation suivante :
pi xi + p y y = B (3)
où B > 0 est un budget optimal de contrôle.
B est déterminé comme toute autre décision d’investissement à laquelle les clients sont confrontés
et est fixé à une étape antérieure à celle de notre analyse. Ce processus de décision n’est pas explicite-
ment modélisé ici et, par souci de simplicité, B est simplement considéré comme donné. Les clients
dépensent une portion a ∈ (0,1) et (1 – a) de leur budget optimal de contrôle B pour l’audit externe
et les autres activités de contrôle respectivement. Les caractéristiques du client, telles que la taille ou
la structure de l’actionnariat, ont une influence sur B et a. Les clients plus grands, par exemple, dis-
posent d’un budget total B plus important. Ceux confrontés à des conflits d’agence plus marqués ont
tendance a priori à allouer une plus grande part a de leur budget à l’audit externe (Simunic et Stein
1996 ; Piot 2001). Certains facteurs externes, tels que l’environnement réglementaire et légal, peuvent
également affecter B et a. Cela dit, notre intérêt se portant ici sur la qualité de l’audit, B et a sont
considérés comme exogènes au modèle et supposés en quantité suffisante pour satisfaire les exigences
obligatoires en termes d’audit. Nous examinons dans la Section 3.2 ce que peuvent impliquer les
variations de B et de a pour le modèle.
Notons que les clients vont, au moment de l’achat, considérer comme donnés les vecteurs de carac-

téristiques des auditeurs d et p . Par conséquent, le choix optimal d’auditeur pour les clients est tel
que le ratio technologie/prix (moyen horaire), di/pi, soit maximisé6. Autrement dit, parmi un ensemble
d’auditeurs disponibles, les clients choisissent seulement le sous-ensemble des auditeurs pour lesquels
di/pi est maximisé puisque, pour un taux moyen de facturation donné p, les clients préfèrent stric-
tement les auditeurs les mieux équipés en technologie. Cette préférence permet, en effet, d’obtenir

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la qualité de l’audit la plus élevée7 en considérant la contrainte budgétaire B. Ainsi, à l’équilibre, les
auditeurs jouissant de ventes positives doivent avoir fixé un prix proportionnel à leurs capacités tech-
nologiques : di/pi = dj/pj, ∀ i, j. Puisque le niveau de technologie di détermine ultimement la qualité de

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l’audit, nous appelons ainsi « valeur de l’audit » le ratio technologie/prix.

2.2.2. CONCURRENCE DANS LE SECTEUR DE L’AUDIT :


CONCURRENCE SUR LA QUALITÉ DE L’AUDIT
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Modélisation de la concurrence dans le secteur de l’audit


Ce que nous avons présenté précédemment, nous permet d’arriver à une modélisation de la concur-
rence entre les auditeurs. Cette concurrence est modélisée comme un jeu à trois étapes :
–– À la première étape, les auditeurs qui décident d’entrer sur un marché d’audit donné font face à un
coût d’entrée s > 0, déterminé de manière exogène et constitué, par exemple, du coût de l’assurance
professionnelle de base.
–– À la deuxième étape, chaque auditeur choisit de manière optimale le niveau de technologie qu’il
va utiliser pour répondre à la demande d’audit. A cette étape, l’auditeur doit supporter un coût fixe
additionnel :
a
A(d i ) = (d ig −1) (4)
g

où d ≥ 1 est l’indice de technologie avec d = 1 (A(d=1) = 0) correspondant à la technologie minimale8,
a > 0 est le coût d’une unité de technologie améliorant la qualité de l’audit et g > 1 détermine à quelle
vitesse les coûts fixes augmentent avec la technologie d. Des valeurs plus élevées de g correspondent à
des retours sur investissements en technologie diminuant plus rapidement.
–– La troisième étape correspond à la production et à la livraison des services d’audit. Les coûts totaux
encourus jusqu’à cette étape sont fixes et égaux à F(di) = s + A(di). Nous considérons par la suite que
le coût d’une unité d’effort est constant et indépendant de la technologie, ce qui implique que le coût
marginal de production d’un audit est constant9 : ci(di,xi) = c > 0, ∀ i (nous relâchons quelque peu
cette hypothèse par la suite, voir plus bas ainsi que Section 3.2.1).
Par souci de simplicité, la concurrence est modélisée comme dans un modèle de Cournot. Avec
un niveau fixe de technologie et en faisant l’hypothèse que tous les cabinets d’audit possèdent une
technologie équivalente, d , un cabinet se démarquant en utilisant un niveau de technologie di > d va
accumuler un profit à la dernière étape du jeu égal à10 :
2
 
 1 
P (d i | d − i = d ) = S 1 −  (5)
1 d
 + i 
 N −1 d 

où S est égal à la taille du marché (c’est-à-dire les honoraires d’audit totaux du marché, déterminés
par la part du budget dédié aux activités de contrôle que chaque client a décidé d’affecter aux services
d’audit externe, soit déterminés par B et a) et N est le nombre de cabinets d’audit entrant à la première

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126 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

étape. Dans la mesure où les paramètres B et a sont considérés comme donnés, la taille du marché S
est elle-même exogène. Notons que le profit dégagé à la dernière étape s’accroit avec S et di (en main-
tenant d constant) et décroît avec N. Dans la situation simple où tous les auditeurs choisissent di = d ,

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alors P = S/N2, ce qui revient à dire que les profits sont indépendants de la technologie car il n’y a pas
de différenciation verticale entre les services proposés par les auditeurs.
À l’équilibre, tous les entrants doivent avoir reçu un paiement final (net) non négatif. En ce qui
concerne les investissements en technologie déterminés à la deuxième étape, les entrants sont confron-
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tés à une des deux situations suivantes :


–– La première possibilité se produit lorsque le gain marginal de profit P pour un auditeur ayant
choisi de fixer di légèrement au-dessus de d =1 est insuffisant pour couvrir l’investissement additionnel
A( d  + e > 1) > 0. Dans cette situation, tous les entrants vont simplement offrir des services d’audit
avec un niveau minimal de technologie d =1 et encourir des coûts fixes F(d =1) = s.
–– La deuxième possibilité se produit lorsqu’il devient rentable d’investir en technologie d’audit au-
delà du minimum. Dans ce cas, tous les entrants entreprennent d’investir en technologie d’audit
(donc d  > 1), jusqu’au point où le profit marginal obtenu de l’investissement est annulé par son coût
A(d).
Un mouvement de la première situation à la deuxième permet d’identifier les points-clés aux-
quels l’investissement en technologie d’audit au-delà du minimum devient un élément essentiel de la
concurrence entre les cabinets d’audit. Ces points dépendent de la taille du marché S et des paramètres
de coûts fixes s, a et g. À partir du moment où il devient profitable d’investir en technologie d’audit,
les cabinets d’audit vont se concurrencer en investissant de manière croissante dans cette technologie
d’audit afin d’offrir une qualité d’audit plus élevée. La résolution du jeu à rebours, issue de Sutton
(1991), donne à l’équilibre le prix :
 N 
p=  c (6)
 N − 1
et la technologie :
1
 2S ( N − 1)2  g
d = 3  (7)
 N a 

Implications en termes de qualité de l’audit


Cela mène à la première observation :
∂d
Observation 1. Ceteris paribus, la qualité de l’audit augmente avec la taille du marché : > 0.
∂S
La preuve de l’Observation 1 provient directement de l’équation (7) et de la définition de la qua-
lité de l’audit envisagée ici, à savoir dixi. Les investissements en technologie d’audit d augmentent
avec la taille du marché S puisque que ces coûts fixes sont mieux supportés dans les plus grands
marchés (i.e., économies d’échelle croissantes). Garder constants le coût de l’effort d’audit, ainsi que
le nombre d’entrants, implique, de plus, que le volume des heures d’audit achetées par les clients, xi,
reste inchangé. Par conséquent, le niveau de qualité de l’audit augmente si l’utilisation de technologie
d’audit s’accroit.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 22 – Volume 3 – Décembre 2016 (p. 111 à 144)
Louis-Philippe Sirois, Sophie Marmousez et Dan A. Simunic
PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 127

L’Observation 1 permet de mettre en lumière que la qualité de l’audit est aussi déterminée par la
technologie d’audit, plutôt que seulement par l’effort d’audit (et/ou l’indépendance de l’auditeur),
comme il est implicitement considéré dans la littérature sur la qualité de l’audit. Il apparaît même

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clairement qu’offrir une qualité d’audit plus élevée uniquement par un effort d’audit x plus important
n’est pas la stratégie optimale pour les auditeurs. Pour arriver à cette affirmation, il faut comprendre
que lorsqu’un client achète un service d’audit externe, il achète essentiellement une prestation globale.
Le nombre total d’heures achetées dépend non seulement des caractéristiques du client, mais aussi de
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la technologie de l’auditeur choisi.


Pour illustrer, considérons un marché avec deux auditeurs : l’auditeur i avec la technologie di = 1
(niveau minimum de technologie) et l’auditeur j avec la technologie dj > 1. Dans ce contexte, l’audi-
teur i peut « compenser » le fait qu’il dispose de moins de technologie en fournissant plus d’effort afin
que la qualité globale des services fournis par les auditeurs i et j soit équivalente (dixi = djxj, avec xi > xj).
Cependant, étant donné que le coût moyen marginal est le même pour les deux auditeurs, ci = cj = c,
leur taux de facturation moyen est égal aussi, pi = pj = p. Les clients de l’auditeur i supportent donc le
coût de l’effort additionnel (pxi > pxj). Même si les deux auditeurs délivrent une qualité équivalente,
les clients vont choisir les services de l’auditeur j car les honoraires d’audit qu’il leur facture sont moins
élevés. En d’autres termes, bien que fournir plus d’effort augmente la qualité de l’audit, cela n’améliore
pas la valeur de l’audit. Finalement, l’auditeur j est strictement préféré et est en mesure de couvrir son
investissement additionnel en technologie d’audit grâce au gain de parts de marché au détriment de
l’auditeur i.
Implications en termes de valeur de l’audit : extension de l’interprétation du « delta » (d)
Jusqu’à présent, nous avons limité la technologie d’audit à des investissements qui améliorent la qua-
lité réelle des services d’audit. Toutefois, les résultats du modèle CFE tiennent dans un contexte plus
général où la technologie peut correspondre à des investissements qui augmentent la qualité perçue
des produits ou services, comme la publicité, ou qui diminuent le coût marginal des produits ou
services, comme les innovations sur les processus (Sutton 1991, 1998). Quelle que soit la nature de
ces investissements, ce qui est important est que (1) le niveau de tels investissements soit une décision
stratégique spécifique de l’auditeur (c’est-à-dire endogène), que (2) ces investissements constituent des
intrants de production coûteux qui sont fixes au moment de la production et de la livraison de l’audit
et que (3) ces investissements soient valorisés par les clients et/ou permettent aux auditeurs de dimi-
nuer le coût marginal de l’effort (autrement dit, se traduisent par une augmentation du ratio di/pi).
Lorsqu’ils entrent en concurrence, les cabinets d’audit s’engagent vraisemblablement dans le déve-
loppement d’une combinaison d’innovations visant à améliorer la qualité – réelle et/ou perçue – de
leurs services et/ou l’efficience du processus de production de l’audit. Même si les résultats généraux
du modèle CFE restent inchangés, envisager de manière explicite la possibilité d’innovations sur les
processus nécessite quelques précisions. Dans le modèle de base, les investissements qui améliorent
la qualité de l’audit – réelle et/ou perçue – sont explicitement inclus dans le modèle à travers le para-
mètre d. Cela signifie que les auditeurs améliorent la valeur de leurs services (ratio di/pi) en investissant
pour augmenter di alors que le coût marginal de l’effort c, et donc le prix pi, reste quasi constant.
Cependant, comme le montre Sutton (1998), il est également possible d’être concurrentiel et d’amé-
liorer la valeur relative d’un produit ou service en diminuant le coût moyen marginal de production

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PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
128 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

(dans le cas de l’audit, coût de l’effort) grâce à des innovations sur le processus de production. Dans
ce cas, le ratio di/pi est amélioré par la diminution de pi.
En conséquence, pour interpréter les résultats du modèle, il est plus exact de se concentrer sur la

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valeur relative, di/pi, des services d’un auditeur plutôt que juste sur le niveau de qualité de l’audit résul-
tant de di. Par conséquent, il est difficile de prédire laquelle de la qualité de l’audit ou de l’efficience de
la production s’améliore avec la taille du marché. Cela se complique davantage par le fait que certains
investissements peuvent à la fois améliorer qualité et efficience de l’audit. Toutefois, nous pouvons
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reformuler l’Observation 1 pour tenir compte de la possibilité qu’il y ait des gains liés aux innovations
sur les processus et à l’efficience de la production. Cela est formalisé par l’Observation 1’ :
Observation 1’. Ceteris paribus, la valeur de l’audit, ou la qualité relative de l’audit,
d
∂ 
∂A  p
augmente avec la taille du marché : ⇒ >0.
∂S ∂S
Cela signifie que les investissements en technologie d’audit (représentés ici comme des coûts
fixes A) augmentent avec la taille du marché, certains de ces investissements améliorant la qualité de
l’audit – réelle et/ou perçue –, soit d, alors que d’autres peuvent diminuer le coût marginal de produc-
tion de l’audit, soit les coûts de l’effort c, et donc le prix p de l’audit.
Implications en termes d’honoraires d’audit
Il est intéressant de noter que l’équation (6) indique que les cabinets d’audit fixent le prix de leurs
services comme des acteurs en situation d’oligopole en tenant compte du coût moyen marginal (en
particulier, le coût moyen pondéré du travail) et du nombre d’entrants, N. Cela a des implications
importantes pour la spécification des modèles d’honoraires d’audit utilisés dans la littérature empi-
rique. Les coûts fixes additionnels, A(d > 1) > 0, encourus par les auditeurs qui investissent dans la
technologie d’audit sont, pour la plupart, non répercutés sur les clients. Les auditeurs qui choisissent,
à la deuxième étape, d’investir au-delà du minimum en technologie peuvent espérer couvrir ces inves-
tissements à la troisième étape principalement en obtenant des parts de marché plus importantes. La
concurrence pour ces parts de marché incite les auditeurs entrant sur un marché à offrir une qualité
d’audit plus élevée en investissant dans la technologie d’audit, tout en fixant un prix plus concurren-
tiel pour leurs services (le taux de facturation p sera près du coût moyen marginal c). La condition de
l’équilibre garantit que les auditeurs vont couvrir leurs investissements totaux F(d) compte tenu du
nombre d’entrants à la première étape du jeu.
Implications en termes de structure du secteur de l’audit
Le résultat principal du modèle CFE est que les cabinets d’audit sont en concurrence sur la tech-
nologie d’audit comme moyen d’offrir des services de plus grande valeur (meilleur ratio qualité, ou
technologie, sur prix). Cela a un impact significatif sur la structure du secteur de l’audit. En général,
la structure concentrée du secteur de l’audit, ainsi que la domination des Big 4, sont considérées
comme étant le résultat de barrières à l’entrée significatives (par exemple, GAO 2003, 2008 ; Rose
et Hinings 1999 ; The Economist 2004). Ces barrières résultent, par exemple, d’exigences régle-
mentaires, du coût élevé de la responsabilité légale ou de la complexité des mandats et des règles

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ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 129

comptables et sont communément considérées comme évoluant de manière exogène. La littérature


actuelle échoue ainsi, en général, à prendre en compte la dynamique du secteur et ignore le rôle
que la concurrence entre les cabinets d’audit joue dans l’augmentation des coûts fixes et dans les

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restrictions à l’entrée dans le secteur. Le modèle CFE, au contraire, prend explicitement en compte
l’interaction entre les cabinets d’audit et permet aux coûts fixes d’évoluer de manière endogène en
conséquence de la concurrence.
Tant que la taille du marché continue à augmenter, les cabinets d’audit vont se concurrencer sur
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la valeur respective de leurs services en investissant de manière plus agressive en technologie d’audit
afin d’accroître la qualité et conséquemment la valeur de leurs prestations. Etant donné que les cabi-
nets essaient de gagner des parts de marché au détriment des autres en investissant en technologie, il
existe un point auquel le nombre de cabinets sur le marché n’augmente plus avec la taille du marché
car d’autres entrées généreraient des profits en-deçà des coûts fixes totaux engagés par les cabinets.
Finalement, cette « course à la qualité » mène à un oligopole naturel dans lequel seulement un nombre
limité de grands cabinets, disposant de beaucoup de technologie et fournissant des services de qualité
élevée, sont présents sur le marché, quelle que soit sa taille. À cette étape, la structure du marché est
indépendante des coûts d’établissement, tandis que les investissements en technologie créent une
barrière à l’entrée endogène et stratégique. De manière formelle :
Observation 2. Le secteur de l’audit est caractérisé comme un oligopole naturel et le niveau
minimum de concentration, mesuré par la part de marché du cabinet d’audit dominant (C1),
ne converge pas vers 0 quand la taille du marché tend vers l’infini: 1/N = C1 > 0.11
Il convient de souligner ici que l’Observation 2 permet d’expliquer le contexte concurrentiel qui
mène à l’émergence d’un groupe de grands cabinets, les Big 4, sans justifier la présence des non-Big 4.
Dans la section suivante, nous adaptons le modèle dans l’objectif de le rendre plus explicatif de la
réalité du marché de l’audit, dans lequel coexistent Big 4 et non-Big 4.

3. La structure duale du marché :


la dichotomie Big 4/non-Big 4
Pour l’instant, nous avons développé un modèle simple qui explique notamment que le secteur de
l’audit peut être caractérisé comme un oligopole naturel. L’objectif de cette partie est de raffiner le
modèle, en faisant la conjecture – réaliste – que grands et petits cabinets d’audit adoptent des straté-
gies différentes en termes d’investissement en technologie. Cela nous permet de comprendre pour-
quoi Big 4 et non-Big 4 coexistent. Nous expliquons ensuite comment la structure duale évolue, en
fonction notamment des facteurs qui peuvent affecter la proportion de clients qui préfèrent les Big 4.

3.1. Justification de la coexistence des Big 4 et des non-Big 4


Jusqu’à présent, nous avons construit à partir du modèle CFE pour expliquer l’émergence d’un oli-
gopole naturel dans lequel seulement un nombre limité de grands cabinets, ayant investi de manière
significative en technologie et fournissant des services de grande qualité, est présent sur le marché de

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PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
130 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

l’audit (Observation 2). Bien qu’elle puisse être considérée comme une approximation raisonnable
du marché de l’audit, cette représentation ne tient pas compte de la présence d’un grand nombre de
petits cabinets, fournissant a priori des prestations de moins bonne qualité. Le modèle peut, en fait,

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être aisément adapté afin de prédire ce phénomène et d’expliquer la dichotomie bien connue entre les
Big 4 et les non-Big 4. Pour y parvenir, nous formulons simplement la conjecture que les Big 4 et les
non-Big 4 diffèrent fondamentalement dans leurs stratégies respectives d’investissement en technolo-
gie d’audit. Formellement :
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d NB 4 dB4
Conjecture 1. (a) 1 = d NB 4 < d B 4 avec < ;
pNB 4 pB 4

 d NB 4  d 
 ∂  B4  ∂
 pNB 4   pB 4 
(b)  =0< .
∂S ∂S

La Conjecture 1 est conforme à la littérature académique et à la littérature professionnelle et établit


essentiellement que les Big 4 investissent dans la technologie d’audit afin d’accroître la valeur de leurs
services (voir Section 2.1). Autrement dit, la technologie d’audit joue un rôle fondamental dans la
stratégie d’affaires et de différentiation des Big 4, alors qu’elle ne joue pas un rôle significatif dans la
stratégie des non-Big 4. Par conséquent, les Big 4 investissent plus que les non-Big 4 dans la techno-
logie et, comme le suggère le modèle CFE, ceux-là investissent également davantage en technologie
lorsque la taille du marché augmente (Observation 1’).
Il est important de souligner, cependant, que nous n’affirmons pas que les Big 4 et les non-Big 4
adoptent des stratégies d’investissement différentes du simple fait de leur différence en termes de
taille12. Pour motiver notre conjecture, nous considérons plutôt les différences reconnues entre les
Big 4 et les non-Big 4 comme une indication que ces cabinets sont susceptibles d’avoir adopté et
adoptent encore des stratégies d’investissement différentes. Compte tenu des implications du modèle
CFE, si les Big 4 et les non-Big 4 adoptent des stratégies d’investissement différentes, nous pouvons
fournir une explication raisonnable et cohérente à la dichotomie Big 4/non-Big 4 et à la structure
duale du marché de l’audit. Notons également que la Conjecture 1 entraîne aussi directement l’obser-
vation suivante :
Observation 3. Ceteris paribus, la différence entre la valeur de l’audit, ou la qualité de l’audit
 d B 4 d NB 4 

∂
 pB 4 pNB 4 
relative, des Big 4 et des non-Big 4 augmente avec la taille du marché : > 0.
∂S

L’Observation 3 établit que la valeur des services fournis par les Big 4 augmente avec la taille du
marché, comparativement à celle des services fournis par les non-Big 4. Cela peut s’expliquer soit
parce que la qualité de l’audit des Big 4 augmente plus rapidement que la prime facturée par les
Big 4, soit parce que cette prime diminue avec la taille du marché (à qualité de l’audit constante ou
augmentant légèrement).

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PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 131

Cependant, une question fondamentale découle de cette observation : si les Big 4 offrent des ser-
vices de plus grande valeur, comment se fait-il que les non-Big 4 détiennent encore des parts de mar-
ché ? Pour que les non-Big 4 ne soient pas exclus du marché, il est simplement nécessaire que certains

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clients sur le marché de l’audit – dans une proportion potentiellement faible – ne puissent pas s’offrir
les services d’un Big 4 et/ou ne tirent pas d’avantage de la technologie d’audit supérieure utilisée par
les Big 4 (ou au moins, qu’ils ne valorisent pas autant que les autres clients les services fournis par les
Big 4). Si et seulement si au moins une de ces conditions tient, alors il est possible pour des non-Big 4
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ayant moins recours à de la technologie d’audit de continuer à opérer, tout en adoptant une stratégie
d’investissement différente de celle des Big 4 qui dominent le marché.
Nous désignons par q, avec 0 < q < 1, la proportion de clients sur le marché de l’audit valori-
sant davantage les services d’audit fournis par les Big 4 mieux équipés en technologie. Le marché
de l’audit se décompose en fait en deux sous-marchés indépendants de taille qS pour le segment des
Big 4 et de taille (1 – q)S pour le segment des non-Big 4. Le segment des Big 4 se concentre naturel-
lement, quelque soit S, puisque ces cabinets d’audit investissent de manière stratégique un volume de
ressources significatif en technologie d’audit (Observation 2). D’un autre côté, étant donné que les
non-Big 4 n’encourent pas de coûts fixes additionnels, l’augmentation de la taille du marché S a pour
conséquence l’entrée de nouveaux acteurs sur ce segment. Les coûts d’entrée sur ce sous-marché sont
limités à des coûts exogènes s (pas d’investissement stratégique en technologie d’audit). Cela se traduit
par une structure de marché duale avec un nombre limité de grand cabinets, ayant fortement recours à
la technologie et fournissant des services de grande qualité, à savoir les Big 4, et un nombre important
de petits cabinets, utilisant peu la technologie d’audit et fournissant donc des services de qualité stan-
dard, à savoir les non-Big 4. Contrairement au segment des Big 4, celui des non-Big 4 est fortement
fragmenté avec potentiellement une absence de différenciation entre les services offerts par les audi-
teurs présents sur ce segment. En d’autres termes, les non-Big 4 opèrent dans un segment de marché
sur lequel la concurrence est presque parfaite et facturent leurs services au coût moyen marginal :
pNB 4 = c NB 4 (8)
Toutefois, pour comprendre comment cette structure duale évolue, il est plus important de se concen-
trer sur les facteurs qui peuvent affecter la proportion de clients valorisant davantage les services
d’audit fournis par les Big 4 (q). En d’autres termes, il est important de comprendre ce qui peut
contraindre le choix de l’auditeur et/ou ce qui détermine la demande de qualité de l’audit. De plus,
nous nous interrogeons sur l’impact que peuvent avoir les variations de q en termes de structure du
marché, de qualité de l’audit et d’honoraires.

3.2. Les facteurs affectant « thêta » (θ)

3.2.1. CONTRAINTES BUDGÉTAIRES DES CLIENTS

Les Big 4 sont trop chers pour certains clients


L’argument le plus simple pour expliquer la présence des non-Big 4 est lié à l’existence de contraintes
budgétaires auxquelles sont confrontés les clients et qui peuvent limiter leur capacité à avoir recours

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132 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

aux services des Big 4. Même si un Big 4 peut tenter de diminuer ses honoraires en réduisant l’effort
d’audit et en recourant à une technologie d’audit supérieure, une mission d’audit requiert toujours au
moins un minimum de main d’œuvre (c’est-à-dire d’effort). Donc, même s’il est possible que tous les

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d NB 4 d
clients préfèrent strictement un audit réalisé par un Big 4 (c’est-à-dire < B 4 ), la « quantité »
pNB 4 pB 4
(minimum) d’effort d’audit achetée xB4 peut être telle que le coût total d’un audit réalisé par un Big 4
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dépasse le budget optimal alloué aux activités d’audit externe de certains clients13. Dans les contextes
dans lesquels le recours à un auditeur est obligatoire, ces clients préfèrent alors d’autres auditeurs
offrant certes une qualité d’audit moindre, mais à un coût total plus abordable. Bien sûr, cela sup-
pose que le taux de facturation des Big 4 est suffisamment plus élevé que celui des non-Big 4, soit
pB 4 > pNB 4 . Il y a deux explications cohérentes avec le modèle CFE qui vont dans ce sens.
Tout d’abord, puisque qu’ils améliorent la valeur de leurs services grâce à une série d’investisse-
ments en capital, les Big 4 parviennent à différencier leurs services de ceux des non-Big 4 de manière
verticale. Par conséquent, les Big 4 peuvent extraire des rentes de monopole proportionnelles au
nombre de Big 4 entrant sur le marché (voir équation (6)), tout en fournissant encore des services de
d NB 4 dB4
plus grande valeur, ≤ , avec pB 4 > pNB 4 . En fait, les Big 4 vont facturer plus que les non-
pNB 4 pB 4
Big 4 pour leurs services ( pB 4 > pNB 4 ), même quand les coûts moyens marginaux sont les mêmes

pour les deux types d’auditeurs, soit cB4 = cNB4 (voir équations (6) et (8)). Les Big 4 excluent alors de
manière optimale certains clients de leur bassin de clients en augmentant leur marge sur les autres
clients. Nous parlons ici de prime de qualité, ce qui est d’ailleurs cohérent avec la notion de Big 4
premium documentée dans la littérature sur les honoraires d’audit (Hay et al. 2006).
Ensuite, il se peut que le coût moyen marginal soit plus important pour les Big 4 que pour les non-
Big 4, soit c B 4 > c NB 4 ⇒ pB 4 > pNB 4 . Par exemple, des enquêtes suggèrent que les employés sont mieux
payés dans les cabinets Big 4 que dans les cabinets non-Big 4 (par exemple, Robert Half International
Inc. 2006 ; Public Accounting Report 2007 ; Hays Specialist Recruitment 2008). Cependant, le coût
moyen marginal des Big 4, cB4, ne doit pas être élevé, comparativement à cNB4, au point d’éliminer
l’avantage compétitif des Big 4. En d’autres termes, la technologie d’audit supérieure des Big 4 com-
pense pour des prix plus élevés de telle manière que leurs services soient encore de plus grande valeur.
Les différences dans le coût du travail des Big 4 et des non-Big 4 indiquent des différences dans
leur processus de production, ainsi que dans les aptitudes techniques (ou la qualité) de leurs employés
respectifs. En fait, il est logique que les processus de production des services offerts par les Big 4 et les
non-Big 4 soient différents dès lors que ces deux types de cabinets utilisent des technologies d’audit
différentes. Par conséquent, nous pouvons nous attendre à ce que, sur les mandats, ces cabinets aient
recours dans des proportions différentes aux efforts d’auditeurs peu expérimentés, de chefs de mission
et d’associés. L’étude de Blokdijk et al. (2006) soutient cette idée puisque les auteurs montrent que les
Big 4 et les non-Big 4 déploient le même volume d’effort d’audit (correspondant ici au total d’heures
passées) pour des clients similaires mais avec une répartition différentes des heures d’audit. De façon
cohérente avec le modèle CFE, Blokdijk et al. (2006) concluent que le fait que les Big 4 fournissent
des services de qualité plus élevée que les non-Big 4 s’explique par des différences dans leur processus

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ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 133

de production. Les Big 4 consacrent plus d’effort aux tâches de planification et d’évaluation du risque,
généralement réalisées par des auditeurs plus qualifiés et plus expérimentés, et moins d’effort aux tests
substantifs et à la finalisation de la mission. Logiquement, le coût marginal moyen pondéré du travail

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des Big 4 devrait être plus élevé que celui des non-Big 4.
Une autre raison pour laquelle le coût moyen marginal peut être plus élevé pour les Big 4 que pour
les non-Big 4 est que la majorité des investissements destinés à améliorer la qualité réelle de l’audit se
fait a priori en capital humain (formation des employés). Par conséquent, les Big 4 paient des salaires
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plus élevés pour recruter des candidats de grande qualité dans lesquels il sera profitable d’« investir ».
Le capital humain développé par les Big 4 a de la valeur non seulement pour les cabinets mais aussi
pour leurs employés. En effet, la propriété du capital humain ne peut se réduire qu’aux cabinets. Les
aptitudes et l’expérience acquises en travaillant pour un Big 4 améliorent les perspectives de carrière
des individus (à l’intérieur et à l’extérieur des cabinets) et, consécutivement, le salaire minimum qu’ils
sont prêts à accepter (reservation wage). Dès lors que les Big 4 investissent plus dans le capital humain,
ils doivent aussi augmenter les salaires payés à leurs employés, ce qui a pour conséquence d’augmen-
ter cB4.
Il est important de souligner que cela ne modifie pas les résultats du modèle CFE. En fait, Sutton
(1991) montre que, dans un contexte plus général, les résultats du modèle CFE restent inchangés
même si le coût moyen marginal c(d) augmente avec la technologie, tant que l’augmentation reste
faible. L’argument ici est que les coûts variables additionnels sont plus que compensés par la qualité
de l’audit supérieure (valeur de l’audit plus grande) obtenue par les investissements en capital humain.
De plus, ajoutons que les investissements en capital humain permettent des gains en efficience qui
atténuent, compensent, voire même, dans les plus grands marchés, surpassent l’effet de la (petite)
hausse du coût moyen marginal.
Déterminants du budget optimal à allouer à l’audit externe
Les déterminants du budget optimal à allouer à l’audit externe pour un client, aB, sont presque entiè-
rement spécifiques au client. Dans le modèle de base développé précédemment, nous avons considéré
que tous les clients étaient identiques. Cependant, dans un contexte plus réaliste, les clients présentent
tous des spécificités. Par exemple, les clients plus petits disposent d’un budget moins important pour
les activités de contrôle, ce qui peut limiter la capacité de certaines sociétés d’avoir recours aux services
(potentiellement) plus coûteux des Big 4. Les sociétés non cotées peuvent trouver optimal d’allouer
une proportion plus importante (1 – a) de leur budget à des activités de contrôle qui améliorent les
systèmes financiers et l’audit interne. En effet, ces sociétés ont tendance à utiliser l’information finan-
cière principalement pour la prise de décision interne, plutôt que pour l’obtention de financement
externe. Globalement, il est logique que q soit plus petit dans le segment des petits et moyens clients
(et dans le segment des sociétés non cotées), ce qui est cohérent avec le fait que la présence des non-
Big 4 se réduit presque exclusivement à ce segment de marché (voir, par exemple, GAO 2003, 2008 ;
Oxera Consulting 2006).

3.2.2. DEMANDE DE QUALITÉ DE L’AUDIT PAR LES CLIENTS


Une autre explication de la nature dichotomique du marché de l’audit peut être liée aux différences
dans la valeur attribuée à la qualité de l’audit d’un client à l’autre. La contribution à la valeur de la

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134 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

firme cliente obtenue par la technologie d’audit supérieure déployée par les Big 4 peut varier entre les
clients. Dans le modèle de base, il est supposé que tous les clients accordent de la valeur à (c’est-à-dire
demandent) une qualité de l’audit supérieure obtenue par des investissements en technologie d’audit.

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Cependant, tous les clients ne sont pas identiques et certains peuvent ne tirer qu’une valeur limitée
de l’audit externe. Plus spécifiquement, la contribution marginale à la valeur de la firme cliente tirée
d’une prestation technologiquement supérieure fournie par un Big 4 comparativement à celle réalisée
par un non-Big 4 peut, pour certains clients, être nulle ou si faible qu’elle ne justifierait pas d’acheter
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les services des Big 4 facturés à des taux (potentiellement) plus élevés.
Formellement, cela peut être modélisé en faisant l’hypothèse qu’une proportion (1 – q) des clients
ont la fonction de bénéfice suivante (Sutton 1991) :
p −q = a ln( xi ) + (1 − a )ln( y ) (9)

L’équation (9) est similaire à l’équation (2) mais exclut le paramètre d de technologie d’audit de la


fonction de bénéfice des clients. Cela signifie ainsi qu’une proportion (1 – q) des clients n’accordent
pas plus de valeur aux services technologiquement supérieurs et de meilleure qualité (ceux des Big 4)
qu’aux services de qualité standard (ceux des non-Big 4). En utilisant l’approche de Sutton (1991)
pour illustrer les différences dans les « goûts » des clients, une structure de marché duale similaire à
celle existant dans le secteur de l’audit a été expliquée dans d’autres secteurs (par exemple, Ellickson
2006, 2007, 2013 ; Dick 2007 ; Berry et Waldfogel 2010).
Le fait que certains clients n’accordent pas de valeur à, et donc ne demandent pas, une qualité
d’audit supérieure s’explique par des effets de complémentarité et de substitution complexes à ana-
lyser en relation avec des facteurs institutionnels (macro) et des facteurs propres aux firmes (micro).
D’un point de vue macro, par exemple, le contexte institutionnel – avec en particulier le régime
de protection des investisseurs – et le recours à un Big 4 apparaissent comme deux mécanismes de
gouvernance complémentaires. Dans les pays où la protection des investisseurs est plus faible, les
marchés financiers sont généralement moins développés, l’actionnariat plus concentré et les struc-
tures de gouvernance souvent dominées par les parties internes (Shleifer et Vishny 1997 ; La Porta
et al. 1999 ; Shleifer et Wolfenzon 2002), conférant ainsi un moindre rôle à l’information comptable
et financière et entrainant donc généralement une demande agrégée moindre de qualité de l’audit14.
Ainsi est-il logique d’observer que, ceteris paribus, la demande agrégée pour les audits fournis par les
Big 4 est plus élevée dans les pays où la protection des investisseurs est plus importante (Francis et al.
(2003), par exemple). En d’autres termes, q augmente avec l’intensité de la protection des investis-
seurs.

3.2.3. VARIATIONS DE « THÊTA » (θ) ET IMPACT SUR LA VALEUR


DE L’AUDIT ET LA STRUCTURE DE MARCHÉ
De la discussion présentée précédemment, il découle que la mesure pertinente de la taille du (sous-)
marché sur lequel les Big 4 uniquement opèrent est qS, une fonction de la taille du marché global, S,
et de la proportion de clients qui valorisent les services de grande qualité fournis par les Big 4, q. Il
est alors relativement simple de montrer que tout changement dans la proportion q a le même impact
sur la valeur de l’audit des Big 4 qu’une variation dans la taille totale du marché S. Formellement :

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ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 135

Observation 4. Ceteris paribus, la différence entre la valeur de l’audit des Big 4 et des
d d 
∂  B 4 − NB 4 

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 pB 4 pNB 4 
non-Big 4, ou de la qualité de l’audit relative, augmente avec q : > 0.
∂q

L’Observation 4 est une simple extension de l’Observation 3. Intuitivement, elle établit que les
Big 4 investissent plus en technologie d’audit quand une plus grande proportion du marché demande
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des services fortement technologiques et de qualité élevée. Par conséquent, la valeur des services des
Big 4, comparativement à ceux des non-Big 4, augmente avec la demande pour de tels services. De
récentes recherches suggèrent d’ailleurs qu’un régime institutionnel de forte protection des droits des
investisseurs contribue à accroitre le différentiel, en termes de qualité, entre les audits réalisés par les
Big 4 et ceux réalisés par les non-Big 4 (par exemple, El Ghoul et al. 2016).
Il est intéressant de noter que l’Observation 4 permet de réconcilier les résultats qui peuvent être
considérés comme contradictoires de Choi et al. (2008) et Francis et Wang (2008) et répond en partie
à un appel à de futures recherches formulé par les auteurs de ces deux études15. Choi et al. (2008)
suggèrent que, quand le régime légal devient plus strict, les honoraires d’audit – qu’ils associent à la
qualité de l’audit – facturés par les non-Big 4 augmentent proportionnellement plus que ceux facturés
par les Big 4. Francis et Wang (2008), quant à eux, observent que la qualité du résultat augmente avec
la force du régime de protection des investisseurs, mais uniquement pour les firmes auditées par des
Big 4. Autrement dit, Choi et al. (2008) observent que, comparativement aux non-Big 4, la qualité de
l’audit des Big 4 diminue avec le renforcement de l’environnement légal16, alors que Francis et Wang
(2008) documentent que l’écart entre la qualité de l’audit des Big 4 et des non-Big 4 augmente avec
ce renforcement.
Ainsi, le cadre d’analyse que nous proposons aide à expliquer conjointement les résultats de ces
deux études qui, à la lumière des théories avancées par leurs auteurs, semblent incohérents. Le modèle
CFE nous permet d’affirmer que les résultats de Francis et Wang (2008) capturent l’effet du durcis-
sement de l’environnement légal sur la qualité effective de l’audit liée aux investissements croissants
en technologie des Big 4, alors que les résultats de Choi et al. (2008) sont compatibles avec une
augmentation de la productivité des Big 4, par rapport aux non-Big 4, liée à ces investissements.
L’Observation 4 montre bien l’importance de considérer la valeur de l’audit (c’est-à-dire le ratio qua-
lité-prix de l’audit) en tant que concept plus général lorsque sont comparés les attributs des Big 4 et
des non-Big 4.
La proportion q a évidemment un impact sur la structure du secteur de l’audit et plus spécifique-
ment sur les parts de marché totales des Big 4 (CB4). Cela est reflété dans l’Observation 5 :
Observation 5. Ceteris paribus, les parts de marché combinées des Big 4, CB4, augmentent
∂C B 4
avec q : >0.
∂q
De la même façon que pour l’Observation 4 et en gardant la taille du marché constante, les inves-
tissements en technologie d’audit des Big 4 sont au moins égaux et potentiellement plus importants
lorsque q augmente. En conséquence, les audits des Big 4 prennent relativement plus de valeur que

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ceux des non-Big 4 lorsque q tend vers 1, les Big 4 gagnant alors des parts de marché au détriment des
non-Big 4 (c’est-à-dire q → 1 ⇒ C B 4 → 1 ). Un corollaire de l’Observation 5 est que, dans la situation
où les Big 4 sont déjà dominants sur le marché local, une augmentation de q a pour effet de faire

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croître la concentration du marché.
Des observations empiriques supportent l’Observation 5. Comme discuté précédemment, la
demande relative pour des services de grande qualité est corrélée positivement à des caractéristiques
des sociétés clientes telles que la taille ou l’importance du financement externe. Donc, si les marchés
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de l’audit sont segmentés en fonction de ces caractéristiques comme c’est souvent le cas (c’est-à-dire
grandes contre petites et moyennes sociétés, ou, sociétés cotées contre non cotées), il est tout à fait
cohérent avec l’Observation 5 d’observer que les Big 4 dominent les segments des grandes sociétés
cotées (voir, par exemple, GAO 2003, 2008 ; Oxera Consulting 2006 ; Piot 2008). Il est également
cohérent avec l’Observation 5 que Francis et al. (2003) et Choi et Wong (2007) documentent une
relation positive entre le niveau de protection des investisseurs et les parts de marché cumulatives des
Big 4.

4. Résumé des implications empiriques


Une caractéristique de base du modèle CFE appliqué au secteur de l’audit est qu’une production effi-
cace et efficiente de l’audit requiert à la fois un effort d’audit variable et des investissements fixes en
technologie d’audit et que l’augmentation d’un ou de ces deux intrants accroît la qualité.
Tel que souligné par l’Observation 1, quand la taille du marché croît, les investissements en tech-
nologie d’audit et, par conséquent, la qualité de l’audit augmentent. Conformément à l’hypothèse
que les Big 4 sont en concurrence directe sur la qualité de leurs services et exploitent cette stratégie
de différentiation grâce à de tels investissements discrétionnaires, cela mène à la prédiction suivante :
Prédiction 1. La qualité de l’audit des Big 4 augmente avec la taille du marché.
De plus, du fait de la concurrence, les Big 4 vont facturer leurs services proche du coût marginal de
l’effort17. Les coûts d’investissements fixes en technologie doivent donc principalement être couverts
par l’augmentation des parts de marché des sociétés qui investissent (à savoir les Big 4) et, à l’équilibre,
ces cabinets Big 4 vont constituer un oligopole naturel. La relation précise entre la part de marché des
Big 4 et la taille du marché est complexe. Cependant, à partir de l’Observation 2, nous obtenons la
prédiction suivante :
Prédiction 2. La part de marché du cabinet le plus important sur un marché ne tend pas
vers 0 quand la taille du marché augmente.
Il faut noter que la Prédiction 2 peut être testée soit par une étude longitudinale de l’évolution
des parts de marché des cabinets d’audit lorsque la taille du marché augmente, soit par une étude en
coupe instantanée par une comparaison des parts de marché des cabinets dans des marchés de taille
différente.
Nous définissons la valeur de l’audit comme le ratio de l’investissement en technologie d’un cabi-
net sur le prix qu’il facture et nous montrons que le choix optimal d’auditeur pour les clients est celui

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qui maximise ce ratio di/pi. A des niveaux donnés de coûts marginaux de ressources auxquels sont
confrontés les Big 4 et les non-Big 4 et conformément à l’Observation 3, nous obtenons la prédiction
suivante :

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Prédiction 3. La valeur des services des Big 4, comparativement à ceux des non-Big 4,
augmente avec la taille du marché. Cela peut se produire soit parce que la qualité de l’audit
des Big 4 augmente plus rapidement que la prime qu’ils facturent, soit parce que la prime
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diminue avec la taille du marché.


La Prédiction 3 illustre l’importance d’envisager conjointement les attributs de qualité et de prix du
service d’audit dans les travaux empiriques (ou au moins de contrôler pour l’un de ces deux attributs).
Il est important de souligner, comme évoqué dans la section précédente, que des facteurs exogènes
augmentant la demande pour des prestations de grande qualité fournies par les Big 4, tels que notam-
ment le niveau de protection des investisseurs, ont le même impact qu’une simple augmentation de la
taille du marché. Par conséquent, les prédictions présentées précédemment devraient s’appliquer non
seulement si la taille du marché augmente mais aussi si le niveau de protection des investisseurs ou
tout autre déterminant de la demande de qualité de l’audit croît.
Finalement, il faut comprendre que nous avons choisi de présenter une version générale du modèle
CFE appliqué au secteur de l’audit pour qu’il puisse être utile au plus grand nombre. Le modèle et
les prédictions empiriques présentés précédemment doivent ainsi être appliqués et motivés par les
chercheurs en fonction notamment du contexte spécifique dans lequel ils effectuent leur étude. A titre
d’illustrations, il nous semble que le modèle présenté peut être tout à fait adapté pour comprendre cer-
taines caractéristiques actuelles notables du marché de l’audit, à savoir la coexistence souvent observée
de trois catégories d’auditeurs sur ce marché et les stratégies de spécialisation sectorielles de certains
auditeurs.
Par exemple, il est de plus en plus commun de considérer que le marché de l’audit ne présente pas
une répartition duale, Big 4 contre non-Big 4, mais tripartite, reconnaissant l’existence d’un groupe
de cabinets intermédiaires ou « Mid-tier », distincts à la fois des Big 4 et des non-Big 4. Dans le
modèle CFE que nous présentons, l’existence de ces cabinets intermédiaires peut s’expliquer de deux
manières. Elle peut, en premier lieu, tout à fait s’expliquer par le fait que les cabinets intermédiaires
adoptent une stratégie intermédiaire en termes d’investissement en technologie d’audit, auquel cas, la
présence de ces cabinets intermédiaires pourrait être considérée comme étant temporaire. En effet, il
est possible d’envisager, conformément aux prédictions du modèle, que, si ces cabinets choisissaient
une stratégie d’investissement massif en technologie afin de concurrencer directement les Big 4, une
vague de consolidation en découlerait probablement18 (avec comme conséquence directe une stabilité
ou même peut-être une légère augmentation du niveau de concentration du marché).
En deuxième lieu, il est certainement encore plus pertinent de reconnaître que le marché de l’audit
ne doit pas être envisagé comme un unique marché, mais comme un ensemble regroupant de mul-
tiples segments entre lesquels les besoins en matière d’audit externe diffèrent (segment des grandes
sociétés cotées, segment des petites sociétés cotées, etc.). Il nous semble pertinent de considérer que,
sur chacun des secteurs, certains auditeurs ne peuvent ou ne veulent pas servir les firmes clientes. Par
exemple, sur le segment des grandes sociétés cotées, les auditeurs locaux (non-Big 4) ne représentent
pas une option réaliste pour les firmes clientes. Sur le segment des petites et jeunes sociétés cotées, les

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138 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

firmes clientes souhaitent a priori avoir recours à un auditeur ayant une certaine envergure, cependant
une proportion significative de ces firmes font face à d’importantes contraintes budgétaires et sont
susceptibles, voire forcées, de retenir un auditeur offrant un prix moindre, (pMid < pB4), mais consé-

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quemment avec un niveau de technologie également moindre (1 ≤ dMid < dB4) (voir Section 3.2). Sur
chacun des segments, les firmes clientes n’auraient finalement le choix qu’entre deux types d’audi-
teurs : ceux qui investissent massivement en technologie (Big 4 par rapport aux Mid-Tier ou Mid-
Tier par rapport aux non-Big 4 locaux) et ceux qui investissent moins (Mid-Tier par rapport aux
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Big 4 ou non-Big 4 locaux par rapport aux Mid-Tier).


La spécialisation sectorielle de plus en plus fréquemment identifiée chez les Big 4 s’explique, elle
aussi, très bien grâce au modèle que nous présentons. Il nous apparaît que la structure actuelle du
marché de l’audit, incluant l’organisation, réelle ou perçue, du travail des Big 4 par secteur, résulte
principalement d’une course à l’investissement en technologie entre les grands cabinets – comme le
propose notre modèle – et non de stratégies de différenciation horizontale19. La spécialisation secto-
rielle des Big 4 peut être comprise comme le résultat d’investissements en technologie, permettant
de développer et d’accroître une expertise spécifique (par exemple, programmes d’audit adaptés aux
secteurs, formations spécifiques, organisation en groupes de travail spécialisés). Selon nous, les Big 4
choisissent d’entrer en concurrence directe les uns contre les autres sur les divers segments de marché,
plutôt que de développer des monopoles locaux (contrairement à certains non-Big 4 qui semblent
s’isoler stratégiquement dans certains secteurs en limitant leurs investissements). Il faut d’ailleurs sou-
ligner que les Big 4 s’annoncent « experts » (par exemple, sur leurs sites Internet), dans presque tous
les secteurs. Dans les segments de marché suffisamment importants, il est également rare de trouver
un Big 4 en situation de monopole (par exemple, GAO 2003, Table 12 ; Dunn et al. 2011).

Conclusion
Dans cet article, nous proposons un modèle de concurrence des cabinets d’audit fondé sur le modèle
CFE développé par Sutton (1991) qui s’appuie sur les caractéristiques fondamentales de la demande
pour des services d’audit et dans lequel la qualité de l’audit ainsi que la taille des cabinets sont endo-
gènes. Nous mettons en lumière le rôle central que la technologie d’audit joue dans la détermination
du niveau de qualité de l’audit (réelle et perçue) et des honoraires d’audit et nous soutenons que les
Big 4 se concurrencent sur la valeur de l’audit (c’est-à-dire à la fois sur la qualité et le prix) grâce à des
investissements fixes en technologie d’audit. Consécutivement, le modèle CFE permet d’expliquer
la fameuse dichotomie Big 4/non-Big 4 et la structure de marché duale caractéristique du secteur de
l’audit. Nous examinons aussi pourquoi la taille du marché et certains facteurs, comme le régime de
protection des investisseurs, peuvent affecter la structure du secteur de l’audit et les différences entre la
qualité et les honoraires d’audit des Big 4 et des non-Big 4. Nous formulons finalement un ensemble
de prédictions testables en tenant compte de ces caractéristiques observables de marché.
Le modèle CFE suggère que malgré le niveau élevé de concentration du marché dans le secteur de
l’audit, le marché reste globalement concurrentiel et innovant (par exemple, Piot 2008 ; Francis et al.
2013). En effet, la position dominante de marché des Big 4 est, au moins en partie, le résultat attendu
d’innovations technologiques sur les services et les processus. Cette façon de voir remet directement

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ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 139

en cause le paradigme classique structure-comportement-performance qui a guidé les premières cri-


tiques sur la concentration du marché de l’audit (par exemple, Subcommittee on Reports 1977). Dans
cette optique, notre papier a des implications en termes de réglementation dans la mesure où il fournit

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des idées essentielles sur le secteur de l’audit, sur la façon dont les cabinets se concurrencent et sur la
façon dont le secteur évolue. A notre connaissance, notre étude est la seule à explorer théoriquement
le lien entre la structure du secteur de l’audit, la qualité de l’audit et les honoraires.
Finalement, notre recherche contribue à la littérature sur la qualité de l’audit d’au moins deux
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façons. Tout d’abord, elle souligne l’importance de la compétence dans la définition de la qualité de
l’audit, dimension trop souvent négligée dans la littérature (Humphrey et al. (2006) et Hottegindre
et Lesage (2009) sont des exceptions notables). Ensuite, elle propose une explication plus riche, plus
complète de la relation entre la taille de l’auditeur et la qualité de l’audit. Toutefois, il est important
de noter que le modèle CFE complète plutôt que ne remet directement en cause ou ne contredit les
théories existantes sur la qualité de l’audit. Par exemple, lorsque les investissements fixes en techno-
logie d’audit sont, au moins en partie, non récupérables, ces investissements créent une motivation
supplémentaire pour l’auditeur à délivrer un niveau donné de qualité de l’audit. Le modèle CFE est
ainsi compatible avec les arguments présentés par DeAngelo (1981) et Dopuch et Simunic (1982)
et accentue – ou renforce – la logique expliquant la dichotomie Big 4/non-Big 4. De plus, comme
nous l’avons montré, le modèle CFE est utile pour réconcilier des résultats empiriques, qui selon les
théories actuelles, semblent contradictoires (par exemple, Choi et al. 2008 et Francis et Wang 2008).
Finalement, le modèle CFE appliqué au secteur de l’audit présente un ensemble intéressant d’implica-
tions empiriques qui pourraient être testées. Ces potentielles études empiriques constituent des pistes
de recherche futures.

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140 ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT

Notes 7. Bien entendu, cela repose sur l’hypothèse que les


intérêts des agents chargés en pratique de choisir
1. Nous utilisons les expressions « Big 4 » et « non- les auditeurs (dirigeants et comités d’audit prin-

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Big 4 », communément utilisées dans la littérature cipalement) sont alignés avec ceux des action-
en audit, pour désigner respectivement les grands naires. Nous revenons sur cette hypothèse à la
cabinets d’audit dont la marque est internationale- section 3.2.2.
ment reconnue et tous les autres cabinets implan- 8. Les coûts fixes pour atteindre une technologie
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tés, en général, seulement au niveau national ou d’audit minimale sont essentiellement considérés
même local. Dans tout l’article, la désignation comme un coût d’entrée et sont inclus dans s.
« Big 4 » fait référence également aux anciens 9. Plus spécifiquement, c est le coût marginal moyen
« Big 5 », « Big 6 » ou « Big 8 » apparaissant, pondéré par heure d’audit. Cela correspond prin-
en fonction de la période d’étude, dans la littéra- cipalement aux coûts horaires du travail, pondérés
ture. par le « mixte » correspondant à la composition
2. Le terme « auditeur » désigne généralement dans de l’équipe d’audit (associés, directeurs de mission
notre article le cabinet d’audit (audit firm) pris et autres membres de l’équipe facturés à des taux
dans son ensemble. Les termes « auditeur » et horaires différents). Soulignons également que,
« cabinet d’audit » sont employés, la plupart du dans l’objectif nécessaire de simplifier pour modé-
temps ici, comme des équivalents. liser, nous excluons l’aspect du « risque légal » ou
3. L’exemple de Deloitte qui a investi 300 millions encore du « risque réputationnel » de notre analyse.
de dollars pour créer, au Texas, la « Deloitte En d’autres termes, les coûts associés à ces risques
University » dédiée à la formation est particulière- ne constituent pas des paramètres de la fonction
ment marquant (WebCPA, 2008). de coût de l’auditeur dans le modèle CFE, afin de
4. Sutton (1991) démontre que les conclusions géné- nous permettre de nous concentrer sur certains
rales du modèle CFE sont robustes à une large attributs de la demande pour la qualité de l’audit
et sur l’impact de ceux-ci sur les investissements
gamme de spécifications de modélisation, dont
stratégiques des auditeurs en technologie.
notamment l’illustration du modèle selon une
concurrence à la Bertrand (concurrence sur les 10. Adapté de Sutton (1991, p. 50) et Sutton (1998,
prix). Le principal avantage du modèle de Cournot Annexe 15.1). 
(concurrence sur la quantité) repose dans sa sim- 11. Voir Sutton (1991, Section 3.5) pour la preuve
plicité et l’aboutissement à un équilibre symé- formelle.
trique où il n’y a pas de différence notable entre les 12. Cela serait, bien entendu, équivalent à ce qui est
auditeurs d’un groupe donné (par exemple, entre développé dans la littérature actuelle selon laquelle
les Big 4). Ce résultat « symétrique » est en effet la taille du cabinet d’audit est exogène et est utili-
plus proche de la structure observée de l’industrie. sée pour expliquer la différence de qualité de l’au-
5. Par souci de simplicité, nous poursuivons en consi- dit entre les Big 4 et les non-Big 4. Bien que nous
dérant pour l’instant les cabinets d’audit comme reconnaissions que la taille du cabinet puisse avoir
un effet sur la stratégie d’investissement menée par
étant identiques.
ce cabinet (par exemple, incitatifs, contraintes en
6. Notons que d’après l’équation (2), le choix d’audi-
capital, etc.), notre objectif est d’illustrer un méca-
teur répond à l’optimisation sous contrainte sui- nisme par lequel la taille du cabinet et la qualité de
vante : l’audit évoluent toutes les deux de manière endo-
   a B = pi xi ⇒ MAX i a B
d
MAX d i xi gène.
d ,x
d,p pi
13. Empiriquement, Hogan (1997) montre, par

Par conséquent, il est clair que le choix optimal exemple, que dans la situation d’une entrée
d’audit est tel que le ratio di/pi est maximisé. en bourse, le type d’auditeur choisi (Big 4 ou

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PROPOSITION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION ENTRE LA TAILLE DE L’AUDITEUR
ET LA QUALITÉ DE L’AUDIT : L’IMPORTANCE DE LA TECHNOLOGIE D’AUDIT 141

non-Big 4) est celui qui permet de minimiser la une représentation directe de la qualité de l’audit
somme de la sous-évaluation et du coût de l’audit. constitue une limite importante dans l’interpré-
Il n’est tout simplement pas optimal pour tous les tation de leurs résultats. Bien qu’il existe un lien

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clients d’allouer le volume de ressources aB néces- direct indéniable entre les honoraires et la qualité
saires pour se procurer les services d’un Big 4. de l’audit, il faut reconnaître que la détermination
14. Il importe de souligner que nous nous focalisons ici des honoraires repose sur d’autres considérations,
sur la vision macro puisque nous étudions l’impact notamment sur la fonction de production de la
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de la taille du marché de l’audit en général, et de la firme d’audit (Causholli et al. 2010), influencée
demande agrégée pour les services d’audit des Big 4 notamment par le coût des facteurs de production
en particulier, sur les décisions d’investissement et la technologie d’audit utilisée. Notre analyse
des Big 4. Cette vision s’inscrit davantage dans démontre que cette technologie varie à travers les
une logique de complémentarité entre la force du différents marchés d’audit. 
régime de protection des investisseurs et le recours 17. Selon le degré de concurrence sur le marché local,
aux audits des Big 4. Cependant, nous sommes un légère prime proportionnelle au nombre de
conscients du fait que la demande agrégée pour les Big 4 s’ajoute (équation (6)). Lors de la réalisa-
services d’audit des Big 4 correspond à la somme tion de travaux empiriques, les chercheurs doivent
des demandes des firmes constituant le marché et tenter de contrôler pour les conditions locales qui
que, à ce niveau micro, certaines études empiriques peuvent influer sur le niveau de cette prime.
suggèrent plutôt un effet de substitution entre la 18. Les rapprochements de KPMG et Salustro Reydel
force du régime de protection des investisseurs et en 2005 ou de Deloitte et BDO Marque &
la demande pour les audits des Big 4. Plus préci- Gendrot en 2006 sur le marché français pourraient
sément, ces études montrent que la demande pour en être des illustrations.
les services d’audit des Big 4 croit, en réponse à 19. L’observation que le marché de l’audit est un oligo-
certains problèmes d’agence, dans les pays où le pole naturel dominé par les Big 4 pourrait s’expli-
niveau de protection des investisseurs est faible. Il quer grâce à un modèle de concurrence horizontale
convient néanmoins de nuancer cette idée puisque avec entrée séquentielle des joueurs (Ellickson
les problèmes d’agence considérés dans ces études (2006) pour une discussion). Si une telle stratégie
sont globalement moins fréquents dans les pays où de différenciation horizontale « pure » dominait
le niveau de protection des investisseurs est moins chez les Big 4, ceux-ci parviendraient à main-
élevé, alors que des mécanismes de gouvernance tenir leur domination du marché (ou plutôt de
alternatifs dominent. segments respectifs) sans investissements signi-
15. Même si les deux études n’utilisent pas les mêmes ficatifs en technologie (contrairement à ce que
construits de qualité (qualité du résultat pour décrit notre modèle). En d’autres termes, les Big 4
Francis et Wang (2008) et honoraires pour Choi s’isoleraient dans leurs segments respectifs et ne se
et al. (2008)), ni les mêmes mesures de la force concurrenceraient pas directement. Dans ce cas, il
de l’environnement légal dans lequel évoluent les n’y aurait ni « escalade » dans les investissements ni
firmes (indice de protection des investisseurs pour évolution de la technologie d’audit.
Francis et Wang (2008) et indice de risque légal de
l’auditeur pour Choi et al. (2008), deux mesures
très fortement corrélées), il nous semble important
de les confronter dans la mesure où les auteurs Bibliographie
eux-mêmes le font et appellent consécutivement à Bedard, J. C., Deis, D. R., Curtis, M. B., Jenkins, J. G.
de futures recherches. (2008). Risk monitoring and control in audit
16. Il convient de souligner que le fait que Choi et al. firms: A research synthesis. Auditing: A Journal of
(2008) traitent les honoraires d’audit comme Practice & Theory 27 (1): 187-218.

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