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Sémantique et pragmatique du futur synthétique en portugais et en

italien*

1. Introduction

Un des faits les plus évidents en ce qui concerne les marqueurs du futur est leur tendance à une
frappante multifonctionnalité. Les futurs synthétiques du portugais et de l’italien, qui sont l’objet de
cette étude, ne sont pas des exceptions quant à cette tendance translinguistique, qui a suscité de
nombreux débats, portant principalement sur la catégorisation grammaticale des formes du futur dans
les systèmes verbaux des langues respectives:

A central issue in the controversy about the theoretical status of future grams concerns the
distribution of labor between temporal, modal, and aspectual elements in their meaning and
whether to subsume them under the traditional categories of tense, mood/modality or aspect. (Dahl
2000: 313)

Par rapport à ce problème, on doit d’abord remarquer qu’en analysant la sémantique des futurs
verbaux on ne peut pas attribuer à l’aspect le même statut qu’aux catégories de temps et de modalité.
À moins qu’une distinction aspectuelle ne soit explicitement marquée par des moyens morpho-
syntaxiques (comme dans les langues slaves), ce n’est pas l’emploi d’un marqueur de futur qui
détermine le profil aspectuel de l’état-de-choses décrit dans l’énoncé, à la différence de ce qui se
vérifie avec sa localisation temporelle et sa caractérisation modale en termes de (ir)réalité,
(im)probabilité, etc. En d’autres termes, les usages d’une forme de futur simple ne peuvent pas être
considérés comme «aspectuels» ou «non-aspectuels» dans le même sens dans lequel on peut les définir
comme «temporels» ou «non temporels» et «modaux» ou «non modaux».
En outre, à côté des valeurs sémantiques de temps et modalité, les futurs verbaux ont fréquemment
des emplois «pragmatiques», servant à exprimer des valeurs illocutoires ou relatives à l’attitude
discursive du locuteur. Il faut toutefois être très prudent en utilisant le terme pragmatique en référence
à ce type d’usages des tiroirs verbaux, d’autant plus que des processus pragmatiques «au sens strict» –
c’est-à-dire des mécanismes communicatifs de nature inférentielle – seront souvent invoqués dans cet
article pour expliquer les interprétations que les futurs synthétiques du portugais et de l’italien
reçoivent dans des contextes différents. Afin d’éviter toute ambiguïté, on parlera d’usages
interpersonnels du futur, en réservant le terme pragmatique pour se référer à toutes ces stratégies
communicatives qui portent sur la faculté inférentielle des êtres humains.
Il faut enfin introduire un présupposé théorique fondamental, que l’on retrouve bien synthétisé dans
les mots de Comrie:

[…] tenses have meanings definable independently of particular contexts; it is possible for a given
tense to have more than one meaning, in which case some of the meanings may be more basic than
others; it is also possible that a tense will receive particular interpretations in particular contexts,
but these are always explainable in terms of the interaction of context independent meaning and
context. (Comrie 1985: 26)

Conformément à cette distinction, on regardera tout signifié d’une forme verbale qui ne dépend pas
d’un contexte particulier comme une valeur pleinement grammaticale de cette forme, et on appellera
les usages de la forme qui servent à exprimer une valeur de ce type usages grammaticaux (ou, du point
de vue du destinataire, interprétations grammaticales). Quant aux valeurs qui résultent de l’interaction

*
L'auteur tient à remercier Laura Baranzini et un reviseur anonyme pour leur précieux conseils et commentaires.
entre un signifié grammatical sous-jacent et un contexte linguistique et/ou énonciatif spécifique, on
appellera les usages qui véhiculent ces valeurs usages dérivés (ou interprétations dérivées),
exactement parce que, d’un point de vue synchronique, ils sont dérivés via un processus inférentiel à
partir d’un signifié grammatical, se présentant comme des fonctions de celui-ci et de facteurs
contextuels ou cotextuels précis. Du point de vue méthodologique, cela entraîne qu’on ne cherchera
pas à individualiser un «dénominateur commun» sémantique qui sous-tende tous les
usages/interprétations possibles d’un tiroir verbal, mais on essayera plutôt d’identifier, pour chaque
usage, les facteurs linguistiques et contextuels qui permettent d’utiliser et interpréter la forme avec la
valeur spécifique qui caractérise l’usage/interprétation en question. Seulement si l’on n’arrive pas à
identifier de restrictions précises sur un certain signifié, celui-ci sera considéré comme une valeur à
tous égards grammaticale du morphème.
Une importante implication de ce principe est que les tiroirs verbaux peuvent être non simplement
multifonctionnels, mais aussi authentiquement polysémiques, c’est-à-dire qu’ils peuvent avoir plus
qu’un seul signifié grammatical. D’ailleurs, si l’on accepte que le changement sémantique est un
phénomène réellement existant dans les langues naturelles, on ne voit pas comment il pourrait en être
autrement: si un morphème peut changer de signifié grammatical au cours de son histoire, et si cela se
produit toujours de façon graduelle, on est forcé d’admettre que, dans certaines phases synchroniques,
un tiroir verbal peut bien être effectivement polysémique, ayant deux (ou plus) signifiés grammaticaux
alternatifs – dont l’un sera nécessairement plus ancien que l’autre (et à son origine).
Comme on l’a dit plus haut, les marqueurs du futur ont été l’objet de considérables discussions à
cause de sa tendance à remplir plusieurs fonctions sémantiques et interpersonnelles. Malheureusement,
la plupart des ouvrages dédiés aux futurs synthétiques du portugais et de l’italien s’intéressent à des
emplois spécifiques (et en particulier aux emplois dits épistémiques), alors qu’assez rares sont les
études qui offrent une synopsis des nombreux usages de ces morphèmes. Et même quand cela est le
cas, il s’agit généralement de simples énumérations des usages possibles, plus que de classifications
raisonnées. Or, s’il est toujours possible de diviser les valeurs d’un tiroir verbal entre grammaticales et
dérivées, et si ces dernières présupposent nécessairement une interprétation de base en termes d’une
valeur grammaticale sous-jacente, cette distinction représente un critère simple et linguistiquement
pertinent pour atteindre une classification raisonnée et organisée hiérarchiquement des diverses
fonctions des formes considérées.
Dans ce qui suit, on cherchera donc à développer une classification de ce type, afin de proposer une
catégorisation théoriquement et empiriquement justifiée du futur synthétique en portugais et en italien,
contribuant ainsi au débat autour du statut grammatical des marqueurs du futur. On commencera par
présenter les usages du futur qui ont été identifiés dans la littérature sur les deux langues (section 2).
Dans la section 3 on verra comment ces usages peuvent être répartis par rapport aux valeurs
temporelles et modales qu’ils expriment, et la section 4 sera dédiée aux usages interpersonnels.
Finalement, dans la section 5, on identifiera les restrictions linguistiques et contextuelles qui
déterminent l’émergence des diverses interprétations, ce qui nous permettra de distinguer les usages
grammaticaux des usages dérivés, de façon à définir une classification hiérarchique de ces usages. Les
conclusions de l’étude sont présentées dans la section 6. Au cours de la discussion, on utilisera
principalement des exemples authentiques, tirés du corpus multi-langues Intercorp1(Čermák & Rosen
2012) ou d’internet, mais on présentera aussi des exemples issus de la littérature spécialisée. On n’aura
recours à des exemples inventés que quand cela servira à mieux illustrer des propriétés particulières
d’un certain usage. En ce qui concerne spécifiquement le portugais, les exemples proviennent de la
variété européenne autant que de la brésilienne, dans la mesure où il n y a pas de différences
significatives quant à l’interprétation des formes du futur dans les contextes donnés. La seule
exception à cet égard est constituée par l’usage dit «de l’information rapporteé», qui selon Oliveira
(2013: 66) ne serait pas attesté dans le portugais du Brésil.

2. Usages du futur synthétique en portugais et en italien

1
http://www.korpus.cz/intercorp
La gamme des valeurs que le futur simple peut exprimer en portugais et en italien est
remarquablement large et variée. En général, les deux tiroirs verbaux exhibent une grande
ressemblance, partageant dix des onze usages identifiés dans l’ensemble des études que l’on a pu
consulter, tandis qu’un seul usage existe exclusivement en portugais et un exclusivement en italien.
Voyons donc quels sont ces usages et quelles valeurs temporelles ils expriment, en commençant par
ceux qui sont le plus fréquemment reconnus dans la littérature. Pour chaque usage, on propose un
exemple portugais et un exemple italien, en alternant des états de choses téliques et atéliques, de façon
à montrer que tous les usages peuvent apparaître avec n’importe quelle classe aspectuelle.

i. Futur temporel «pur»

C’est l’usage «stéréotypique» du futur simple, ayant la fonction purement temporelle de localiser l’état
de choses à un moment postérieur à celui de l’énonciation, sans véhiculer aucune nuance modale ou
interpersonnelle. Pour cette raison, on trouve parfois des dénominations telles que futur purement
temporel (Mattoso Câmara 1956: 33) ou futur déictique non-modal (Bertinetto 1986: 484).

(1) PT: No quarto ano, os sinais o abandonarão, porque você não quis ouvi-los...
‘La quatrième année, les signes t’abandonneront, parce que tu n’auras pas voulu les entendre.
(Intercorp)

(2) IT: Venerdì prossimo sarà il 13 Agosto, l’onomastico dello zio Olli.
‘Vendredi prochain ce sera le 13 Août, la fête de l’oncle Olli.’ (Bertinetto 1986: 484)

ii. Futur épistémique

C’est probablement l’usage le plus étudié des futurs romans. Les dénominations proposées dans la
littérature reflètent souvent des distinctions relatives à la force de l’évaluation modale exprimée:
Fleischman (1982: 132) parle d’un futur de probabilité ou de supposition, Bertinetto (1986:492) de
futurs d’inférence et de conjecture, Cunha & Cintra (1984: 457) d’un futur d’incertitude (probabilité,
doute, supposition), Paiva Boléo (1973: 13) de futurs dubitatif et approximatif et Mattoso Câmara
(1956: 49) de futur intemporel. Cette dernière définition, quoique incomplète dans la mesure où elle ne
dit rien de l’attitude modale du locuteur, est significative d’une propriété caractéristique des emplois
épistémiques: celle de pouvoir exprimer une hypothèse, conjecture, etc. relative à des événements (3)
présents ou futurs (4) – et même, dans la forme composée, à des événements passés.

(3) PT: ‘E o amo? Onde está ele?’ ‘Andará lá p’rà Ribeira, mais o ti’ Martinho.’
‘Le patron, il est où?’ ‘Il doit être dans les parages de la Ribeira, avec Ti’ Martinho]’ (Paiva
Boléo 1973: 13)

(4) IT: ‘A che ore arriva Giovanni?’ ‘Non lo so, arriverà alle quattro.’
‘A quelle heure arrive Giovanni?’ ‘Je ne sais pas, il va probablement arriver à quatre heures.’

La comparaison entre ces deux exemples montre bien comme l’Aktionsart peut déterminer
l’interprétation du morphème. En (3), avec un état de choses atélique, l’interprétation épistémique se
référant au présent est clairement la plus immédiate, bien qu’on puisse toujours favoriser une
interprétation temporelle «pure» en introduisant un adverbial comme, par exemple, mais tarde («plus
tard»). Un exemple comme (4), avec un état de choses télique, serait assez ambigu entre les deux
lectures en l’absence de la phrase précédente, non lo so («je ne le sais pas»), qui exclut toute
interprétation non épistémique, car l’expression de la pure et simple futurité – c’est-à-dire, d’une
prédiction objective d’un événement futur – contrasterait fortement avec l’attitude que le locuteur
vient d’indiquer avec cette phrase. Dans ce contexte, arriverà alle quattro («il arrivera à quatre
heures») ne peut qu’être interprété comme une conjecture personnelle du locuteur.

iii. Futur impératif

Également dit obligatoire (Mattoso Câmara 1956: 26), intimatif ou d’obligation morale (Paiva Boléo
1973: 14) et jussif (Rocci 2000), le futur impératif (Cunha & Cintra 1984: 458, Bertinetto 1986: 485,
Schneider 2006: 21) sert à imposer au destinataire la réalisation d’une action. Il va sans dire que cette
action est toujours envisagée comme se vérifiant dans le futur.

(5) PT: Honrarás pai e mãe.


‘Honore ton père et ta mère.’ (Cunha & Cintra 1984: 458)

(6) IT: Domani gli andrai a chiedere scusa, siamo intesi?


‘Demain tu iras t’excuser auprès de lui, c’est entendu?’ (Bertinetto 1986: 485)

L’usage que Paiva Boléo appelle de dédain ou ennui – absolument marginal et archaïque en portugais
contemporain et inexistant en italien – peut également être ramené à la catégorie des illocutions
directives (le locuteur vise à influencer le comportement futur du destinataire), mais sa valeur est celle
d’une permission plus que d’un ordre.

(7) PT: ‘Ó sr. José.’ ‘Dirá.’


‘Hein, M. José!’ ‘Allez-y, parlez [lit. Vous direz].’ (Paiva Boléo 1973: 13)

iv. Futur volitif

Présentant des exemples français, Fleischman (1982: 129) et Rocci (2000: 242) considèrent comme
«volitifs» des usages du futur qu’on voudrait plutôt ramener au groupe des usages directifs (p.ex. Un
seul Dieu tu adoreras, Rocci 2000: 242). Le terme volitif est aussi utilisé par Bertinetto (1986: 485) et
par Mattoso Câmara (1956: 26). Cunha & Cintra (1984: 456) parlent d’un futur de désir et Schneider
(2006: 19-20) distingue entre intentionnalité (8) et volition (9), où la dernière notion équivaut à celle
de «désir» de Cunha & Cintra, se référant à des événements qui ne sont pas contrôlés par le locuteur.
La référence temporelle est en tout cas déictique.

(8) PT: Gostaríamos de ver o Sol – redarguiu Frodo –, mas também ficaremos aqui.
‘Nous serions heureux de voir le Soleil, dit Frodon, mais nous resterons ici.’ (Intercorp)

(9) IT: Domani vincerò un terno al lotto.


‘Demain je gagnerai au loto.’ (Schneider 2006: 20)

v. Futur concessif

L’usage concessif représente une caractéristique très particulière des futurs synthétiques romans. Les
exemples proposés dans la littérature désignent généralement des états de choses présents, mais,
comme le montre Bertinetto, cet usage peut aussi avoir une référence future. En (11), l’interprétation
temporelle est en effet ambiguë entre le futur et le présent générique.

(10) PT: ‘Estás desvairada.’ ‘Sim, estarei. Mas que me deixem.’


‘Tu t’es égarée.’ ‘Oui, peut-être [lit. Oui, je (le) serai]. Mais qu’on me laisse en paix.’
(Paiva Boléo 1973: 12)

(11) IT: Tu riuscirai anche a batterlo, non lo nego; ma lui gioca decisamente meglio.
‘Tu peux peut-être le battre, je ne le nie pas, mais lui, il joue décidément mieux que toi.]’
(Bertinetto 1986: 485)

vi. Futur atténuatif

Les notions d’atténuation et politesse sont fréquemment invoquées pour caractériser ce groupe
d’usages. La définition futur atténuatif est due à Bertinetto (1986: 487), et Rocci (2000: 242) parle
d’un futur d’atténuation polie; dans la linguistique portugaise, on retrouve des termes pareils chez
Paiva Boléo (1973: 14: futur de modestie ou politesse) et Cunha & Cintra (1984: 457, selon lesquels le
futur peut fonctionner comme une forme polie du présent). Malgré cette uniformité terminologique,
les divers auteurs présentent des exemples parfois très différents, dont nous ne pouvons pas rendre
compte ici pour des raisons d’espace. Ici, nous regarderons comme de véritables atténuatifs seulement
des futurs comme ceux que l’on observe en (12), à référence temporelle présente, et en (13), qui
désigne un événement futur et est beaucoup plus commun en portugais qu’en italien. Dans les deux
cas, l’énoncé est effectivement «atténué», sonnant d’une certaine façon comme plus «poli» qu’avec
l’indicatif présent ou l’impératif.

(12) IT: Fatta questa premessa, non vi nasconderò che ci aspetta ancora un cammino irto di
numerosi ostacoli...
‘Ceci dit, je ne vous cacherai pas que la route sera semée d’embûches pour plusieurs raisons.’
(Intercorp)

(13) PT: E que vou eu fazer para Angola, não me dirá?


‘Et qu’est-ce que j’irais faire en Angola, vous ne me le direz pas?’ (Cunha & Cintra 1984:
457)

vii. Futur gnomique

Il sert à présenter une proposition comme une «vérité générale» (Ultan 1978: 102, Rocci 2000: 242)
ou «éternelle» (Fleischman 1982: 132, Schneider 2006: 21), se distinguant ainsi des usages de «temps
générique» (qui sont typiques des formes du présent), même en exprimant le même type de référence
temporelle. Le gnomique a parfois été considéré comme une catégorie aspectuelle (p. ex. Ultan 1978:
102), mais à mon avis il s’agirait plutôt d’une notion évidentielle, une fois que ces usages des formes
verbales semblent rapporter la vérité de la proposition à un corps de connaissances existant au sein
d’une certaine communauté (Hengeveld & Mackenzie 2008: 156). Selon le contexte, ces
connaissances peuvent être entendues comme relatives à un champ spécifique du savoir, aux lois de la
logique, ou même au simple bon sens.

(14) PT: Na economia real, se for possível tributar um consumidor, este será sempre tributado.
‘Dans l’économie réelle, s’il est possible de taxer un consommateur, il le sera toujours.’
(Intercorp)

(15) IT: Si può dividere il Gran Casino Generale in qualunque modo si voglia, e si otterrà sempre
qualcosa che qualcuno chiamerà casa.
‘Vous pouvez tailler dans l’Ensemble Du Micmac Général comme bon vous semble, vous
trouverez toujours quelqu’un pour s’y trouver chez soi.’ (Intercorp)

viii. Futur historique


Comme le suggère la dénomination futur des historiens (Imbs 1961: 46, Rocci 2000: 242), c’est un
usage typique de l’historiographie, bien qu’on le rencontre aussi, parfois, dans d’autres genres. Il
décrit un événement passé depuis la perspective d’un moment temporel encore précédent, par rapport
auquel il s’agit naturellement d’un événement «futur».

(16) PT: Posteriormente, uma segunda experiência de Tesla permitiu o estabelecimento de uma
transmissão de energia eléctrica (…) Anos mais tarde, ele será o mentor da histórica Torre
Wardenclyffe (…).
‘Postérieurement, une seconde expérience de Tesla permit d’établir une transmission
d’électricité. Des années plus tard, il sera mentor de l’historien Tessa Wardenclyffe.’
(www.wikienergia.pt/~edp/index.php?title=Transmiss%C3%A3o_de_electricidade_sem_fios)

(17) IT: Il ragazzo partì all’improvviso. Tornerà solo dopo tre anni.
‘Le garçon partit soudainement. Il ne reviendra que trois ans plus tard.’ (Bertinetto 1991:117)

ix. Futur hypothétique

En italien le futur apparaît dans des subordonnées conditionnelles, désignant un événement postérieur
au moment de l’énonciation.

(18) Se verrai, ci farai piacere.


‘Si tu viens, nous en serons heureux.’ (Bertinetto 1986:487)

(19) Ma se i documenti del Sangreal rimarranno nascosti, la storia di Maria Maddalena sarà
perduta per sempre (…).
‘Mais si les documents de Sangreal demeurent cachés, l’histoire de Mary Magdalene sera
perdue pour toujours (…).’ (Intercorp)

Le portugais n’admet pas l’emploi de l’indicatif futur dans des subordonnées conditionnelles ou
temporelles, disposant dans ces contextes d’une forme spécialisée (le «futur du subjonctif»).

x. Futur de l’information rapportée

L’usage «de l’information rapportée» du futur en portugais européen (Squartini 2001, 2004)
représente un cas rare dans les langues du monde et absolument unique dans le panorama roman.
Comme l’épistémique et le concessif, il peut avoir une référence présente – interprétation favorisée
avec les états de choses atéliques – ou future – auquel cas il y a toujours quelque ambiguïté avec une
interprétation purement temporelle.

(20) Ensino público do Português estarà ameaçado no Canadá (a partir do próximo ano).
‘L’enseignement publique du portugais au Canada serait en danger/sera en danger (à partir de
l’année prochaine).’ (adapté de Squartini 2004: 83)

(21) Segundo fontes da polícia, o fugitivo desembarcará (neste momento) num porto estrangeiro.
‘Selon des sources policières, le fugitif débarquera/débarquerait en ce moment dans un port
étranger.’

xi. Futur déontique


Parmi les futurs déictiques, Bertinetto distingue l’usage impératif du déontique, en observant qu’avec
ce dernier la contrainte sur le destinataire est imposée par une autorité reconnue, éventuellement, mais
pas nécessairement, coïncidant avec le locuteur (cf. Schneider 2006: 21):

(22) IT: D’ora innanzi, i trasgressori pagheranno il doppio della penale fissata in precedenza.
‘Dorénavant, les contrevenants payeront le double de l’amende précédemment établie.’
(Bertinetto 1986:486)

À notre avis, ce qui distingue le futur déontique de l’impératif est précisément l’origine de l’autorité
qui impose l’action (indépendamment de l’identité du sujet avec le destinataire). En fait, si c’est le
locuteur qui détient l’autorité, (22) peut avoir la valeur d’une déclaration – au sens de Searle 1969 –
ou d’un jussif – c’est-à-dire, d’un «impératif de troisième personne» (Dobrushina 2012). Ces
interprétations se rapprochent de l’usage impératif, avec lequel elles peuvent être groupées dans une
catégorie plus vaste, qu’on appellera des futurs directifs. On aurait donc un véritable futur déontique
seulement quand la source de l’autorité est distincte du locuteur, auquel cas une interprétation directive
n’est pas accessible (comme, par exemple, dans un article journalistique).

(23) PT: Acusado de tentativa de violação, sequestro e furto de veículo, o arguido ficará em prisão
preventiva durante o inquérito.
‘Soupçonné de tentative de viol, enlèvement et vol de voiture, l’accusé restera en détention
préventive pendant l’enquête.’
(Correio da Manhã en ligne, www.cmjornal.xl.pt/detalhe/noticias/nacional/portugal/violador-
volta-a-atacar)

3. Analyse sémantique

3.1. Valeurs temporelles des usages du futur

Par rapport à la localisation relative de l’événement et du moment de l’énonciation, on obtient la


classification suivante (où S=énonciation et E=événement).

Tableau 1

Mais la relation «ontologique» entre E et S n’est pas le seul critère que l’on peut adopter en étudiant le
temps en tant que catégorie grammaticale, et, probablement, ce n’est pas le critère le plus significatif
pour comprendre les relations qui existent entre les différents usages du futur simple portugais et
italien.
De nombreux linguistes ont épousé l’idée que les locuteurs peuvent utiliser les marqueurs
temporels de manière plus «subjective» que pour représenter l’effective relation temporelle entre deux
moments/événements du monde réel. Il suffira de rappeler ici les applications au temps verbal des
notions d’usage interprétatif de la Théorie de la Pertinence (p. ex. Mœschler 1998, Sthioul 1998) et de
décrochage entre Locuteur et Énonciateur, dans la Théorie des Operations Énonciatives de Culioli (p.
ex. Celle 1997). Dans cette perspective, ce qui importe ce n’est pas la relation objective entre E et S,
mais la représentation mentale de cette relation que le locuteur choisit de verbaliser, en la considérant
la plus appropriée pour poursuivre son intention communicative: comme le remarquent Saussure &
Morency (2012: 218), «la représentation humaine n’est pas limitée par la réalité ontologique». En
d’autres termes, dans les langues naturelles le temps (ainsi que n’importe quelle autre catégorie) est
parfois plus pertinent en tant que dimension cognitive qu’en tant que réalité ontologique.
Or, parmi les usages du futur simple, il y en a quelques-uns qu’il nous semble intéressant
d’analyser à partir de cette conception cognitive du temps. Ce sont les usages historique, atténuatif à
référence présente et gnomique, qui, pensons-nous, trouvent une explication unifiée à l’aide d’un
mécanisme de déplacement «fictif» du moment de l’énonciation (ce que Sthioul 1998 appelle
récupération d’un moment de conscience S’), que l’on peut formaliser comme S→S’.

i. Futur historique

Plusieurs auteurs ont eu recours au mécanisme de déplacement de S – ou à des notions presque


équivalentes 2 – pour expliquer le futur historique. Comme le montre Bertinetto (1986: 488, 1991:
117), le futur historique a pour point d’ancrage un moment du passé fourni par le contexte, par rapport
auquel l’événement décrit est conceptualisé comme futur. Par conséquent, l’usage historique n’est pas
compatible avec des adverbiaux déictiques: le moment de l’énonciation «originaire» est pour ainsi dire
«effacé» de la structure temporelle codifiée par l’énoncé, et ne peut donc servir comme point
d’ancrage pour un adverbial.

(24) IT: Il ragazzo partì all’improvviso. Tornerà solo dopotre anni/*fra tre anni/*tre anni fa.
‘Le garçon partit soudainement. Il ne reviendra que trois ans plus tard/dans trois ans/il y a trois
ans.’ (adapté de Bertinetto 1991: 117)

ii. Futur atténuatif

Le même mécanisme expressif semble sous-tendre à l’usage atténuatif à référence présente, qui
apparaît avec des verbes de dire (voir (12) dans la section précédente). Ici notre analyse diverge
radicalement de celle de Bertinetto (1986: 487), selon lequel l’événement décrit – qui du point de vue
ontologique coïncide avec l’acte énonciatif lui-même – serait idéalement déplacé dans le futur, comme
en voulant entreposer une distance psychologique entre S et E. Il nous semble plutôt que c’est S qui
est déplacé vers un moment qui précède immédiatement l’énonciation, correspondant au moment où
l’on a pris la décision de dire/avouer/ne pas cacher (etc.) le contenu propositionnel du complément du
verbe. On peut alors faire l’hypothèse que la valeur d’atténuation que l’on perçoit avec cet usage
découle d’un certain sens, pour ainsi dire, «d’intimité», résultant du fait que le locuteur, au lieu
d’asserter simplement la proposition, se présente comme s’il était en train de «révéler» ses intentions
communicatives.

(25) IT: Ma per fortuna, Messere, non sono sposato, e le dirò francamente che sono felice di non
esserlo.
‘Mais heureusement, messire, je ne suis pas marié, et je vous dirai franchement que je suis
heureux de ne pas l’être.’ (Intercorp)
2
Voir le concept de transport fictif du locuteur chez Clédat (1928: 141).
Il s’agit évidemment d’un usage métarerprésentationnel (interprétatif) du futur, par lequel le locuteur
exprime une intention qu’il a formulée dans un moment distinct – ne serait-ce que par une fraction de
seconde – du moment de l’énonciation.

iii. Futur gnomique

La fonction du futur gnomique est de présenter la proposition comme étant une vérité «absolue». Dans
une logique de mondes possibles, cela veut dire que la proposition est caractérisée comme vraie dans
un ensemble infini de couples monde/temps. Si c’est le cas, on peut supposer qu’avec le futur
gnomique il ne s’agirait pas de déplacer S sur la ligne du temps qui relève du monde réel, mais plutôt
de le transposer de ce couple monde/temps vers tous les mondes et temps possibles.
Voyons comment ce mécanisme se déroule. Selon Rocci (2000: 268) le futur gnomique, «ayant des
sujets génériques, [présente] une structure conditionnelle cachée»: par exemple, l’énoncé français Une
jolie femme sera toujours plus jolie nue que vêtue de pourpre pourrait être décomposé en Si une
femme est jolie, elle sera toujours plus jolie nue que vêtue de pourpre. Cette analyse est assez
satisfaisante du point de vue de l’intuition, d’autant plus que le futur gnomique se trouve souvent dans
la portée d’une conditionnelle explicite ou implicite (cf. (14)-(15)).3 Cependant, l’usage gnomique
apparaît aussi dans des contextes qui ne contiennent ni une conditionnelle, ni un restricteur du sujet
qui, comme jolie dans l’exemple ci-dessus, permette une déconstruction du type proposé par Rocci:

(26) PT: De facto, o euro e o dólar formam um duopólio. Mas um duopólio serà sempre instável.
‘En fait, le dollar et l’euro forment un duopole. Un duopole restera toujours instable.’
(Intercorp)

Dans ce cas, il semble quelque peu forcé de supposer l’existence d’une structure conditionnelle
cachée, que l’on devrait vraisemblablement formuler comme Si X est un duopole, X sera toujours
instable. Il s’ensuit que l’ensemble des mondes non-factuels pris en considération par le locuteur doit
être projeté par d’autres facteurs qu’une conditionnelle inexprimée. Or, ce qui est vraiment constant
avec le futur gnomique proprement dit,4 c’est la présence d’un référent générique ou non-identifiable5
et/ou d’un quantifieur universel comme sempre («toujours») ou nunca/mai («jamais») – qui, dans ce
contexte, est facilement interprété comme un quantifieur de mondes possibles, plutôt que
d’événements. Ce sont ces éléments qui construisent une situation non factuelle, en projetant un
ensemble infini de couples monde/temps dans lesquels E est présenté comme futur par rapport à un
moment S’. Ainsi, les deux opérations de projection de mondes (par la non-identifiabilité du référent
et/ou par le quantifieur) et de transposition de S permettent d’interpréter la relation de postériorité
comme l’expression d’une vérité absolue, plutôt que comme une prédiction que l’événement va se
vérifier dans le monde réel après le moment effectif de l’énonciation.

Revoyons donc la classification proposée plus haut, à la lumière de l’approche cognitive du temps
linguistique appliquée ci-dessus. On peut maintenant ranger les usages du futur sur la base d’un critère
plus spécifique (et plus complexe) que la relation ontologique entre E et S, à savoir, la postériorité de
E par rapport à S ou à S’, lorsque ce dernier est pertinent.

3
Par «conditionnelle implicite» nous entendons une proposition coordonnée ou subordonnée qui fonctionne logiquement
comme une conditionnelle mais n’a pas la même forme syntaxique.
4
Sur un type légèrement différent d’usage gnomique, voir 5.2.
5
On appelle référent non identifiable une entité qui n’est identifiable ni pour le destinataire, ni pour le locuteur lui-même,
comme c’est le cas des exemples présentés ici, où l’on pourrait bien substituer Un duopole par N’importe quel duopole,
etc. (cf. Un ami m’a dit que…, où le sujet est aussi indéterminé mais le locuteur sait parfaitement de qui il parle – voir
Hengeveld & Mackenzie 2008: 122-123).
Comme le montre le Tableau nº 2, on obtient ainsi une classification en deux groupes, les usages
que l’on a expliqués en termes de déplacement S→S’ étant ramenés dans le groupe des usages qui
expriment toujours un certain type de postériorité.
Avant de passer aux valeurs modales du futur simple, il faut ajouter quelques mots sur l’usage
épistémique. Plusieurs auteurs expliquent le futur épistémique en recourant – explicitement ou
implicitement – au même concept de projection d’un sujet de conscience que l’on a caractérisé comme
S→S’ (voir par exemple Damourette & Pichon 1911-1936, Wilmet 1976, Martin 1987 et Sthioul
1998). Plus spécifiquement, il s’agirait d’un sujet allocentrique futur qui connaît la situation (Saussure
& Morency 2012: 217), c’est-à-dire d’un déplacement de S dans le futur tel que S’ représenterait un
moment de conscience auquel, comme le dit Boland (2006: 176), la proposition se révélera vraie.
Pour des raisons que l’on illustrera en 5.1– et qui portent sur la présupposition théorique issue de
Comrie (1985) introduite en 1 – nous ne croyons pas qu’une analyse de ce type soit nécessaire pour le
futur épistémique. De toute façon, même si on voulait appliquer ce raisonnement, la valeur à attribuer
au futur épistémique dans notre classification serait également différente de celle du premier groupe,
car une proposition ne peut se révéler vraie qu’après – ou, à la limite, pendant – la réalisation de l’état
de choses concerné. La relation entre E et S’ pourrait donc être E<S’ ou E=S’, mais jamais S’<E. De
ce fait, que l’on considère le temps en tant que catégorie ontologique ou cognitive, le futur
épistémique ne peut d’aucune manière être reconduit à la même sémantique de base qui sous-tend aux
usages exprimant la postériorité.

Tableau 2

3.2. Valeurs modales des usages du futur

Ayant décrit les propriétés temporelles du futur synthétique et ayant vu qu’aucun de ses usages ne se
caractérise par une valeur aspectuelle spécifique, il reste à classifier ces usages relativement aux
valeurs modales qu’ils véhiculent. Ceci constitue le deuxième critère fondamental de notre analyse
sémantique.
Le modèle des modalités qu’on suivra ici est celui de Hengeveld (2004), où les expressions
modales sont classifiées au moyen de deux paramètres: le domaine et la portée de l’évaluation. En ce
qui concerne le premier, Hengeveld reconnaît cinq classes, à savoir les domaines facultatif (ce qui est
physiquement possible/nécessaire), déontique, volitif, épistémique et évidentiel. Quant à la portée de
l’évaluation modale, trois valeurs sont possibles: les marqueurs modaux peuvent avoir une portée sur
(par ordre croissant) le participant, l’événement ou la proposition. Toutes les combinaisons
logiquement possibles en croisant les deux critères ne sont pas marquées grammaticalement dans les
langues naturelles:
Tableau 3

3.2.1. Modalité orientée vers le participant


Les modalités orientées vers (i.e. ayant une portée sur) le participant portent sur la partie relationnelle
d’un énoncé, concernant la relation entre (des propriétés d’) un participant dans un événement et la
réalisation potentielle de cet événement (Hengeveld 2004: 1193). C’est le cas de ces usages volitifs du
futur qui servent à exprimer les intentions d’un référent – qui peut, mais ne doit pas nécessairement,
coïncider avec le locuteur:

(27) PT: os cruzados Não auxiliarão os portugueses a conquistar Lisboa (…).


‘Non, les Croisés n'aideront pas les Portugais à conquérir Lisbonne.’ (José Saramago,
Histoire du siège de Lisbonne, traduit par Geneviève Leibrich)

On retrouve la même valeur modale dans l’usage atténuatif. Comme on l’a vu en 3.1, l’atténuatif à
référence présente semble «raconter» la décision du locuteur de dire ce qui se trouve dans la
subordonnée: or, un processus décisionnel est de par sa nature un acte de volition, et spécifiquement
d’intention. L’atténuatif à référence future, qui sert à demander poliment que l’interlocuteur réalise
l’action désignée, se réfère aussi à des intentions, mais dans ce cas il s’agit des intentions de
l’interlocuteur:

(28) PT: Você fará isso por mim? Por favor?


‘Ferez-vous ça pour moi? S’il vous plait…’
(http://herycleslivros.blogspot.be/2010/07/amanhecer-stephenie-meyer.html)

On peut donc regarder le futur atténuatif (dans ses deux variantes) comme un sous-type du volitif.
Une autre modalité orientée vers le participant que l’on peut détecter avec le futur synthétique est la
modalité déontique. On a ce type de modalité quand l’obligation à réaliser l’action retombe sur un
participant spécifique:

(29) PT: Acusado de tentativa de violação, sequestro e furto de veículo, o arguidoficará em prisão
preventiva durante o inquérito.
‘Soupçonné de tentative de viol, enlèvement et vol de voiture, l’accusé restera en détention
préventive pendant l’enquête.’

3.2.2. Modalité orientée vers l’événement


Ces modalités portent sur la description d’un événement contenue dans l’énoncé, c’est-à-dire, sur la
partie descriptive d’un énoncé (Hengeveld 2004: 1193). Le seul usage du futur qui implique ce type
d’évaluation est le déontique. Pour Hengeveld (2004: 1195), la modalité déontique orientée vers
l’événement caractérise les événements en termes de ce qui est obligatoire ou permis dans un certain
système de conventions morales ou légales, se référant à des règles de conduite générales. Cette valeur
émerge dans des exemples comme

(30) IT: È infine importante sottolineare che, per motivi di sicurezza, chiunque richieda un
visto di tipo D sarà soggetto a indagini (…).
‘Enfin, il est important d'insister sur le fait que, pour des raisons de sécurité, chaque personne
qui présente sa candidature pour un visa D devra faire l'objet d'une enquête (…).’ (Intercorp)

Comme en (29), il ne s’agit pas ici d’une déclaration légale ou d’un règlement, mais d’un débat sur
une loi existante, de sorte que toute interprétation directive est exclue.

3.2.3. Modalité orientée vers la proposition et évidentialité


Selon la définition de Hengeveld (2004: 1196),

Proposition-oriented modalities specify the subjective attitude of the speaker towards the proposition he is presenting.
The speaker may characterize the proposition as his personal wish (volitive modality), express several degrees of
commitment with respect to the proposition (epistemic modality), or specify the source of the proposition (evidential
modality).

Une valeur volitive à portée propositionnelle est véhiculée par le futur de «désir» ou «volition» (voir
2), où le locuteur n’a pas de contrôle sur la réalisation de l’événement.

(31) PT: Deus vai abençoa-los e correrá tudo bem.


‘Dieux les bénira et tout ira bien.’
(http://br.answers.yahoo.com/question/index?qid=20130803141811AARDTU7)

La modalité épistémique est exprimée par les futurs épistémique et concessif. Avec ce dernier, le
locuteur concède subjectivement la vérité d’une proposition présupposée.

(32) IT: Kohler sarà un bastardo, ma non è un assassino.


‘Kohler est peut-être un salaud mais il n’est pas un assassin.’ (Intercorp, notre traduction)

L’évidentialité est généralement considérée comme une catégorie grammaticale à part, et Hengeveld
lui-même reviendra sur sa classification dans des travaux plus récents (voir Hengeveld & Mackenzie
2008). De toute façon, ce qui importe pour notre analyse n’est pas si l’évidentialité représente un sous-
type de modalité ou une catégorie indépendante, mais la portée sémantique des valeurs évidentielles
véhiculées par le futur synthétique, qui est toujours propositionnelle: le futur de l’information
rapportée du portugais européen sert à attribuer une proposition à une source génériquement distincte
du locuteur, tandis que le futur gnomique invoque un «corps de connaissances» plus ou moins
spécifique comme garantie de la vérité de la proposition.

Les valeurs modales du futur simple sont résumées dans le tableau 4.


Tableau 4
Quant aux autres emplois, aucun d’entre eux ne semble exprimer des valeurs modales ou évidentielles.
Même le futur «hypothétique» de l’italien (voir 2) n’est pas, à mon avis, une expression de la modalité
hypothétique, qui pour Hengeveld (2004: 1197) constitue une valeur épistémique indiquant l’absence
de tout type d’engagement relativement à la vérité de la proposition. Dans une construction
conditionnelle c’est la conjonction (en italien, se, «si») qui marque cette modalité, en projetant un
monde possible dans lequel l’état de choses peut être caractérisé comme réel ou irréel par la forme
verbale: dans ce contexte, le futur simple présente l’état de choses comme futur et réel et n’a donc
aucune valeur modale, s’opposant à l’imparfait et au plus-que-parfait du subjonctif, 6 qui marquent
l’état de choses comme irréel, exprimant une modalité épistémique orientée vers l’événement. Dans ce
qui suit, on cessera donc de faire référence à l’usage hypothétique du futur, en considérant que les
subordonnées conditionnelles ne représentent qu’un des contextes syntaxiques où l’italien peut
employer un futur à valeur purement temporelle.

4. Valeurs interpersonnelles des usages du futur

Les usages directifs, eux non plus, n’ont pas de valeur modale, n’ayant pas la fonction sémantique de
décrire l’existence d’une obligation mais la fonction illocutoire d’imposer la réalisation de
l’événement au destinataire (futur impératif, voir (5) et (6), en 2) ou à quelqu’un d’autre (futur jussif
ou «de déclaration», voir (22)). Ce qui définit la catégorie des futurs directifs est donc que l’énoncé
sert à changer le monde, c’est-à-dire, la direction de l’ajustement (Searle 1977, Grœnendijk & Stokhof
1997) est toujours monde-mots, alors qu’avec tout autre usage7 ce sont les mots du locuteur qui
s’ajustent au monde – soit qu’il s’agisse du monde «objectif» ou du monde tel que conçu,
subjectivement, par le locuteur.
Le futur atténuatif a aussi une fonction interpersonnelle relative à l’illocution, notamment, celle
d’atténuer l’impact – la force illocutoire – d’une assertion ou d’une requête (voir (12)-(13), (25) et
(28)).
Enfin, le futur concessif, qui exprime la modalité épistémique, a une valeur discursive particulière.
Comme le disent Bybee et al. (1994: 277),

[…] the concessive use expresses reservations about unconditionally accepting the ordinary consequences of the
proposition. In other words, the epistemicity applies to the connection between the two propositions.

Avec le futur concessif, le locuteur montre qu’il assume que la proposition au futur, avec ses
«conséquences ordinaires», est tenue pour vraie dans l’arrière-fond conversationnel. Selon les
contextes, il peut s’agir d’un concept précédemment exprimé par le destinataire ou par une tierce
personne, d’un savoir commun ou d’une information rapportée: en tout cas, le futur concessif sert à
négocier la vérité d’une présupposition. On peut donc définir cette fonction comme étant
interpersonnelle, dans la mesure où le locuteur ne vise pas simplement à accroître l’ensemble des
connaissances de l’interlocuteur, mais se propose évidemment de l’amener à reconsidérer ses
connaissances précédentes.

5. Pour une classification hiérarchique des usages du futur

6
Et, dans l’italien informel, de l’indicatif.
7
À l’exception de l’atténuatif à référence future.
En croisant les deux critères sémantiques appliqués dans la section 3 (temps et modalité), on obtient
une classification en trois groupes, chacun desquels comprend un des usages qu’on a caractérisés
comme intrinsèquement interpersonnels:

Tableau 5

Le premier groupe comprend des usages que l’on peut définir comme temporels «au sens large»
(puisqu’ils expriment toujours un certain type de postériorité) et non-modaux. Le deuxième est formé
par des usages temporels qui véhiculent une évaluation modale variable soit par domaine, soit par
portée. Le troisième inclut des usages modaux à portée invariablement propositionnelle et non- (ou
«non intrinsèquement») temporels.
Nous avons maintenant une caractérisation sémantique complète des futurs simples du portugais et
de l’italien, mais nous n’avons pas encore introduit un critère d’organisation hiérarchique de leurs
usages qui nous permette de catégoriser ces tiroirs verbaux comme des formes essentiellement
temporelles, essentiellement modales ou à tous égards polysémiques. Comme on l’a expliqué dans la
section 1, ce critère sera le degré de (in)dépendance de chaque usage relativement aux contextes
linguistiques et situationnels dans lesquels il apparaît: si un certain usage n’est pas sujet à des
contraintes précises 8, celui-ci sera un usage grammatical du futur, autrement il s’agira d’un usage
dérivé, qui présuppose toujours une valeur grammaticale de base et résulte de son interaction avec un
contexte spécifique.

5.1. Usages grammaticaux

Quand on regarde de plus près les contextes dans lesquels apparaissent les divers usages du futur, on
constate qu’il y a seulement deux usages qui n’obéissent à aucune restriction linguistique ou
situationnelle: ce sont l’usage temporel «pur» et l’usage épistémique. Comme le montrent les énoncés
suivants (tous tirés d’Intercorp), on retrouve ces usages dans des situations communicatives formelles
et colloquiales, dans des énoncés déclaratifs et interrogatifs et dans des propositions principales ou
subordonnées, et encore, avec n’importe quelle personne grammaticale et type de sujet (déterminé ou
indéterminé, spécifique ou générique).

Futur temporel «pur»

(33) IT: Vorrei esprimere il mio sostegno a questa iniziativa, giacché porterà questa
tematica delicata (…) all’attenzione dei cittadini europei.
‘J’aimerais féliciter cette initiative qui portera cette question (…) à l’attention des citoyens
européens (…).’

8
Ce que dans les études sur la grammaticalisation on appelle généralisation contextuelle (voir Heine & Kuteva 2002: 2).
(34) IT: Dentro c’è solo l’otto per cento di umidità, quindi preparati: ti sentirai la bocca un po’
asciutta.
‘L’humidité est réglée à huit pour cent – ne vous étonnez pas si vous avez la bouche
sèche.’ [Lit. prépare-toi: tu sentiras la bouche un peu sèche]

(35) PT: «(…) mas quererei uma recompensa.» – «E de que constará a recompensa?»
‘(…) mais il me faudra une récompense.’ ‘Et quelle sera-t-elle, je vous prie?’

(36) IT: Ma è certo (…) che alcuni Stati membri daranno l’esempio facendo buon uso di questo
lungo periodo di transizione.
‘(…) mais il est certain que (…) certains États membres feront figure d’innovateurs en faisant
un bon usage de la longue période transitoire.’

Futur épistémique

(37) PT: Mas ela não está, quem sabe se não estará sentada numa mesa do botequim do Coló, ‘A
Flor da Onda’?
‘Mais elle n’est pas là. Qui sait, peut-être est-elle assise à une table dans la taverne de Coló, A
Flor da Onda.’ (notre traduction)

(38) IT: L' annuncio dell’abolizione delle quote latte ha causato di per sé, come saprà bene la
signora Commissario, una situazione di incertezza (…).
‘L’annonce de la future disparition des quotas laitiers a créé d’elle-même une situation
d’incertitude parmi les producteurs, comme le commissaire le sait (…).’

(39) PT: Ou estarei enganado?


‘Me tromperais-je (notre traduction)

(40) PT: Senhoras e Senhores Deputados, alguns dos senhores não saberão, porventura, que o
primeiro transplante de um órgão no mundo foi realizado em Viena (…).
‘Mesdames et Messieurs, tout le monde ne sait peut-être pas que la première transplantation
d’organes au monde a eu lieu à Vienne en 1902 (…).’

Comme nous le disions dans la section 2, il existe une association «par défaut» entre l’interprétation
temporelle et les états de choses téliques, et, d’autre part, entre l’interprétation épistémique et les états
de choses atéliques (et notamment statifs). Mais ce paradigme distributionnel ne représente pas une
véritable restriction. En fait, s’il est vrai qu’un énoncé isolé reçoit plus facilement l’une ou l’autre
interprétation selon l’Aktionsart de l’événement, il est tout aussi vrai que l’on retrouve aussi des futurs
temporels avec des états de choses atéliques et des futurs épistémiques avec des états de choses
téliques (et même ponctuels).
(35) est un exemple du premier type. Dans les énoncés interrogatifs, la fonction du futur
épistémique est de demander à l’interlocuteur une évaluation subjective de la probabilité d’une
proposition: cette interprétation n’a pas de sens en (35), car c’est l’interlocuteur lui-même qui vient
juste de déclarer qu’il exige une récompense. Le locuteur est donc en train de solliciter une assertion
objective autour d’un événement futur, en utilisant une forme de nature strictement temporelle.
Parallèlement, le futur épistémique peut bien se combiner avec des événements téliques, comme
c’est le cas de (4), dans la section 2, où arriverà alle quattro reçoit une interprétation épistémique à
valeur temporelle de futur. On observe la même valeur modale en (41), où la référence temporelle est
nécessairement présente par effet de l’adverbial in questo momento.

(41) IT: Fuori, in questo momento, comincerà a piovere (…).


‘Dehors, en ce moment, il doit commencer à pleuvoir.’ (Bertinetto 1986:494)

En poursuivant une classification hiérarchique des usages du futur, notre hypothèse fondamentale sera
donc que les usages temporel et épistémique correspondent aux deux seules valeurs grammaticales de
la forme, tant en italien qu’en portugais. C’est justement parce que nous regardons le signifié
épistémique comme une fonction pleinement grammaticale que nous ne croyons pas nécessaire de
l’expliquer par un mécanisme de déplacement de S (voir 3.1). En fait, si l’on suppose que ce signifié
est intrinsèquement exprimé par le morphème, représentant une fonction grammaticale alternative à la
temporelle, il n’y a aucune raison de le voir comme le résultat de l’interaction entre un sémantisme de
base temporel et un contexte spécifique. En d’autres termes, si des concepts comme ceux de
«vérification future» et de «projection d’un sujet de conscience allocentrique» suggèrent une
explication très raisonnable de l’origine diachronique des usages épistémiques du futur, il nous semble
toutefois qu’une analyse unifiée des valeurs temporelles et épistémiques en termes de tels concepts ne
rend pas justice à la situation de véritable polysémie que l’on observe dans l’italien et le portugais
contemporains.
Dans la prochaine section, on verra que toute autre interprétation du futur est calculée de manière
inférentielle à partir d’un de ces deux signifiés de base en présence de certains facteurs linguistiques
et/ou contextuels. Mais avant de commencer l’analyse de ces facteurs, il faut se demander de quelle
des deux valeurs fondamentales dérive chaque usage non-grammatical. Le tableau 5 donne des
indications claires à cet égard, car deux des trois groupes que l’on a pu identifier grâce à l’analyse
sémantique sont entièrement homogènes, autant pour la valeur temporelle que pour la valeur modale:
ce sont les groupes 1 et 3, auxquels appartiennent respectivement le futur temporel et le futur
épistémique. On peut donc faire l’hypothèse que les usages restants de ces groupes dérivent de l’usage
grammatical que chaque groupe comprend. Donc, les usages directif et historique dériveraient du
temporel et l’usage concessif et celui de l’information rapportée de l’épistémique.
Le groupe 2 semble se trouver à mi-chemin entre les deux autres, étant identique au premier quant
au critère temporel et au troisième quant au critère modal. Mais, en regardant de plus près, la
ressemblance est plus importante avec le groupe 1 qu’avec le groupe 3 car la valeur temporelle est
exactement identique dans les groupes 1 et 2, tandis que les valeurs modales du groupe 2 diffèrent de
celles du groupe 3 soit par domaine d’évaluation 9 soit par la variabilité de la portée (qui se maintient
constante dans le troisième groupe). Il semble donc bien plus probable que les usages volitif (y
compris l’atténuatif), déontique et gnomique présupposent une interprétation de base temporelle,
plutôt qu’épistémique. On peut alors proposer la classification suivante:

Tableau 6

9
La seule exception est représentée par les deux usages évidentiels – le gnomique et celui de l’information rapportée.
Mais, même en ce cas, la ressemblance est tout à fait partielle, s’agissant de deux types d’évidentialité extrêmement
différents (voir 3.2.3).
5.2. Usages dérivés

5.2.1. Usages dérivés du futur temporel


i. Futur directif

Comme on l’a dit dans la section 2, on a un usage directif quand le locuteur détient une autorité qui lui
permet d’imposer l’action désignée au référent du sujet – ou, au moins, se trouve dans la position de
pouvoir agir de cette façon. Cette condition contextuelle est indispensable pour qu’on puisse utiliser le
futur au sens directif. En (23), la forme ficará dans o arguido ficará em prisão preventiva («l’accusé
restera en détention préventive») ne peut pas être interprétée comme un futur directif parce que
l’énoncé apparaît dans un article journalistique; cependant une interprétation directive –
spécifiquement, celle de «déclaration» – serait obligée s’il était prononcé par un juge dans l’audience
préliminaire. Cet exemple montre aussi que l’interprétation de déclaration (ou «jussive») émerge avec
des sujets de troisième personne, tandis qu’avec la deuxième personne l’usage est impératif (voir (5)-
(6) et (22), en 2).
En plus de la personne grammaticale du sujet, il y a encore une restriction linguistique sur
l’interprétation directive du futur: l’énoncé doit être formellement assertif, et non, par exemple,
interrogatif ou exclamatif.

ii. Futur volitif

Bien évidemment, une valeur d’intention ne peut émerger qu’avec un agent animé et une action
contrôlée par cet agent. Il faut ajouter que, bien qu’il ne s’agisse pas de conditions strictement
nécessaires, cette valeur modale est particulièrement évidente dans des énoncés assertifs avec un sujet
de première personne ou dans des énoncés interrogatifs avec un sujet de deuxième personne.
La situation est très différente avec le futur de «désir», qui, comme on l’a dit plus haut, présuppose
que le locuteur n’a pas de contrôle sur l’état de choses. 10 Il s’ensuit que le sujet doit être de deuxième
ou troisième personne (voir (31) en 3.2.3), ou, si le sujet est de première personne, le prédicat doit être
spécifié dans le lexique avec le trait [-contrôle] (voir Dik 1978: 33), comme en (9). En outre, l’usage
de désir requiert qu’il y ait la présupposition que l’état de choses décrit soit désirable pour le locuteur.
Selon les cas, cette attente peut découler du lexique (comme en correrá tudo bem, en (31)) ou des
connaissances encyclopédiques des interlocuteurs (comme en (9)), ou encore avoir une portée plus
restreinte, présupposant une certaine quantité d’information contextuelle relative à une situation
particulière.

iii. Futur atténuatif

Les deux restrictions lexicales sur l’usage volitif d’intention – [+animé] et [+contrôle] – valent aussi
pour l’atténuatif, qui apparaît exclusivement dans des assertions à la première personne (atténuatif à
référence présente) ou des questions à la deuxième personne atténuatif à référence future). Cela
confirme notre proposition de considérer que l’atténuatif représente un sous-type du futur volitif.
Mais l’émergence de la valeur interpersonnelle spécifique des usages atténuatifs présuppose aussi
des conditions supplémentaires. Une restriction lexicale inéluctable sur l’atténuatif à référence
présente est l’association exclusive avec des prédicats déclaratifs (voir 3.2.1). Quant à l’atténuatif à
référence future, celui-ci se retrouve seulement dans des requêtes, ce qui implique que l’événement
décrit doive être caractérisé comme désirable pour le locuteur, par le lexique ou dans l’arrière-fond
conversationnel. Une seconde restriction limite l’occurrence de ce dernier usage à un registre
linguistique assez haut (formel ou même archaïque).

10
On a des intentions en relation avec des événements qu’on peut contrôler, mais on ne peut avoir que d’éventuels désirs
quand l’événement ne dépend pas de notre volonté.
iv. Futur déontique

Comme on l’a vu plus haut, cet usage se distingue du directif par le fait que l’autorité imposant
l’action ne coïncide pas avec le locuteur. L’existence d’une source d’autorité externe – qui peut être
indiquée lexicalement ou récupérée dans le contexte – constitue la seule restriction sur l’usage
déontique qui, pour le reste, peut apparaître dans n’importe quelle configuration sémantique et
morpho-syntaxique.

v. Futur historique

Sur cet usage, il semble exister une restriction contextuelle relative au genre de discours: on ne
retrouve pas d’emplois historiques du futur dans un registre colloquial, mais seulement dans le
discours historiographique, narratif ou biographique (ou, plus rarement, journalistique), où le locuteur
peut assumer la perspective d’un «narrateur omniscient». Cela ne veut pas dire qu’il est impossible, en
principe, d’utiliser un futur historique dans des contextes plus quotidiens; simplement, ce n’est pas ce
qui arrive normalement dans la langue de tous les jours.
En outre, l’usage historique est sujet à une contrainte cotextuelle inviolable: il est toujours
nécessaire qu’on puisse récupérer un intervalle temporel passé permettant le déplacement en arrière
S→S’ (voir 3.1).

vi. Futur gnomique

En 3.1 on a vu que le futur gnomique requiert un référent non-identifiable ou générique et/ou un


quantifieur universel comme sempre ou mai/nunca. Ces deux variables sémantiques sont normalement
présentes en même temps (voir (14)-(15) et (26)), mais il est aussi possible – quoique assez rare – que
l’énoncé en contienne une seule.

(42) IT: Erebor era persa, perché un drago sorverglierà il suo bottino fin quando avrà vita.
‘Erebor était perdue car un dragon veille sur son butin aussi longtemps qu’il vit.’ (Film Le
Hobbit, par Peter Jackson)

(43) PT: Se vir Boobie na rua, Boobie levará sempre Nike nos pés.
‘Si tu croises Boobie dans la rue, il aura toujours des Nike à ses pieds.’ (Intercorp, notre
traduction)

Il y a cependant un type particulier d’usage gnomique qui échappe à ces deux conditions, et qu’on
pourrait appeler «futur de vérité scientifique». Ceci apparaît exclusivement dans le discours
académique ou de vulgarisation, ce qui représente la seule condition nécessaire pour son émergence:

(44) IT: La soluzione corretta consisterà nel sottrarre dal totale la quota destinata ad altro uso.
‘La solution correcte consistera en la soustraction du montant destiné à un usage différent.’
(Bertinetto 1986: 493)11

(45) PT: O futuro «de verdade científica» é sujeito a uma restrição contextual precisa. Tratar-se-á,
portanto, de um uso derivado do futuro.

11
Bertinetto présente cet énoncé comme exemple d’un usage épistémique – notamment, «inférentiel» – typique des
définitions, instructions, etc. Mais cette interprétation ne semble pas avoir beaucoup de sens dans ces contextes, où le
locuteur vise à présenter la proposition comme une vérité indubitable, et non, évidemment, comme une inférence
subjective.
‘Le futur «de vérité scientifique» est sujet à une restriction contextuelle précise. Il s’agira
donc d’un usage dérivé du futur.’

On ressent ici le même sens de vérité «absolue» qui caractérise les usages gnomiques en général, mais
l’ensemble de connaissances qui assure la vérité de la proposition est extrêmement spécifique et facile
à identifier, et correspond souvent aux prémisses faites dans le discours précédent – ou aux références
qui y sont contenues.

5.2.2. Usages dérivés du futur épistémique


i. Futur concessif

On a déjà observé que le futur concessif sert à négocier la vérité d’une présupposition contenue dans
l’arrière-plan conversationnel. L’existence de cette présupposition représente donc une restriction
contextuelle sur l’usage concessif. De plus, comme le montrent les exemples (10)-(11) et (32), la
forme doit apparaître dans un contexte syntaxique précis: une proposition principale suivie par une
coordonnée adversative. On pourrait ajouter que le futur concessif est souvent accompagné par des
adverbes comme até («jusqu’à», «même») en portugais et anche ou pure («aussi») en italien, mais
cela n’est pas strictement nécessaire (voir Berretta 1997: 20).

ii. Futur de l’information rapportée

En portugais européen, l’usage de l’information rapportée du futur est extrêmement commun dans le
discours journalistique, n’ayant pas besoin d’être appuyé par des indications lexicales de la source de
l’information (Squartini 2004: 84). C’est ce que montre l’exemple (20), répété ci-dessous.

(46) Ensino público do Português estará ameaçado no Canadá.


‘L’enseignement public du portugais au Canada serait en danger.’

Cette phrase constitue le titre d’un article journalistique (Diário de Notícias du 25/02/1999): il n’y a
donc aucun discours précédent qui puisse indiquer la source de l’information. Cependant,
l’interprétation de l’information rapportée à référence présente est presque obligatoire dans ce
contexte. Le genre journalistique représente donc une condition suffisante pour l’usage de
l’information rapportée.
Dans d’autres contextes, il est toujours possible d’utiliser ce type de futur, mais seulement quand le
cotexte (ou le discours précédent) indique clairement que la source de l’information est externe au
locuteur – comme dans l’exemple suivant, issu d’une séance du Parlement Européen.

(47) (…) segundo notícias dos meios de comunicação social provenientes da Faixa de Gaza, os
escritórios da ONU que foram bombardeados hoje pelas forças israelitas estão completamente
em chamas (…). Quero deixar registado que partilho a opinião do Secretário-Geral da ONU,
Ban Ki-Moon, actualmente em Israel, que estará absolutamente indignado (…).
‘(…) selon les informations fournies par les médias présents à Gaza, les bureaux des Nations
unies ont été bombardés par les forces armées israéliennes (…). Les bâtiments ont été
soufflés. (…) Je partage pleinement le point de vue du Secrétaire général des Nations unies,
M. Ban Ki-moon, actuellement en Israël, qui s’est dit totalement scandalisé (…).’ (Intercorp)
5.3. Test

Seuls le temps futur et la modalité épistémique seraient donc proprement exprimés par le futur
synthétique en tant que marqueur grammatical, toute autre interprétation du morphème résultant d’une
de ces deux fonctions fondamentales plus des éléments spécifiques du contexte. Sur la base de
l’analyse sémantique développée dans la section 3, on a fait l’hypothèse que la fonction temporelle
sous-tend les usages directif, historique, volitif, atténuatif, déontique et gnomique, alors que le
concessif et celui de l’information rapportée présupposeraient une interprétation épistémique. Mais
quelles preuves empiriques a-t-on en faveur de ce regroupement? Un test très significatif consiste à
voir si les différentes valeurs sémantiques et interpersonnelles du futur sont attestées aussi avec
d’autres marqueurs de la catégorie grammaticale correspondant à ce que l’on suppose être la valeur
sous-jacente de chaque usage. Concrètement, si le signifié caractéristique d’un certain usage émerge
aussi avec un marqueur du futur qui n’a pas de signifiés épistémiques, on conclura que cet usage
présuppose une valeur de base temporelle; si, au contraire, le futur peut être remplacé par un verbe
épistémique approprié, l’usage en question dérivera de l’usage épistémique.
Ce test peut facilement être appliqué au portugais, qui possède un futur périphrastique (ir («aller»)
+ infinitif) dépourvu de toute valeur clairement épistémique, alors que l’italien n’a pas un tiroir verbal
pareil. Néanmoins, étant donné la grande ressemblance sémantique et pragmatique des futurs
synthétiques des deux langues, il semble tout à fait raisonnable de supposer que les mêmes relations
hiérarchiques que ce test dévoile pour le portugais valent aussi pour l’italien. Les exemples
authentiques qui suivent montrent que chacun des usages dérivés du futur temporel se retrouve aussi
avec le futur périphrastique portugais, pourvu que le contexte satisfasse aux conditions nécessaires
pour son émergence.

Futur directif

(48) Não faças focinho! Vais comer a sopa toda!


‘Ne boude pas! Tu vas manger toute ta soupe!’
(http://amoreoutrascoisasestranhas.blogspot.pt/2013/06/madeira-terra-linda.html)

Futur historique

(49) Esta, acredita-se, é a origem primeira desta raça. No entanto, só vários séculos mais tarde é
que vai surgir o Yorkshire Terrier como é hoje conhecido.
‘Celle-ci serait, à ce que l’on croit, l’origine première de la race. Cependant, le Yorkshire
Terrier comme on le connaît aujourd’hui n’apparaîtra que des siècles plus tard’
(www.yorkshireterrier.pt/artigos/yorkshire-terrier-as-suas-origens/)

Futur volitif d’intention

(50) Vou descer pelo alçapão esta noite e nada do que vocês possam dizer me fará mudar de ideias.
‘Cette nuit, je passerai par cette trappe et vous ne pourrez pas m’en empêcher!’ (Intercorp)

Futur volitif de désir

(51) Deus vai abençoa-los e correrá tudo bem.


‘Dieux les bénira et tout ira bien.’
Futur atténuatif

(52) Vou confessar que tenho medo da vossa reacção, que comecem a gozar comigo, ou a fazer
comentários infelizes (…).
‘J’avoue que j’ai peur de votre réaction, peur que vous commenciez à vous moquer de moi ou
à faire de commentaires inappropriés.’ (www.rea.pt/forum/index.php?topic=16227.45)

(53) Não vais fazer um lanche para mim?


‘Tu ne me ferais pas quelque chose à manger?’
(http://fanfiction.com.br/historia/255331/Meu_Anjo)

Futur gnomique

(54) Além disso quem paga os ordenados da justiça é o estado, ora a justiça nunca vai morder na
mão que lhe dá de comer.
‘De plus, c’est l’état qui paye les salaires de la justice. Or, la justice ne va jamais mordre la
main qui la nourrit.’
(http://pplware.sapo.pt/informacao/site-freeport-pt-foi-atacado-entre-outros/)

Futur déontique

(55) Sabes o que vais fazer agora, David? Sabes qual é a única coisa que te resta fazer?
‘Tu sais ce que tu vas faire maintenant, David? Tu sais quelle est la seule chose qui te reste à
faire?’ (Intercorp, notre traduction)

Quant aux usages dérivés du futur épistémique, le concessif peut toujours être substitué par le présent
de poder/potere («pouvoir»), qui a aussi des fonctions épistémiques mais n’exprime jamais la futurité
pure.

(56) PT: O tempo até pode ser [= até será] relativo, mas a verdade não.
‘Le temps peut être relatif, mais la vérité ne l’est pas.’
(http://duvida-metodica.blogspot.be/2009/10/o-tempo-ate-pode-ser-relativo-mas.html)

(57) IT: La riforma può anche essere [= sarà anche] buona ma il punto sui licenziamenti era ed è
disastroso.
‘La réforme est peut-être bonne, mais le point sur les licenciements était, et reste, désastreux.’
(www.ivrealive.net/licenziamenti-per-motivi-economici-in-vodafone)

Le seul usage pour lequel notre test ne donne pas le résultat attendu est l’usage de l’information
rapportée du portugais européen. En fait, si l’on substitue le futur par un modal à valeur épistémique,
on n’obtient jamais la même interprétation.

(58) Ensino público do Português pode/deve estar [≠ estará] ameaçado no Canadá.


[Il se peut/Il est probable que l’enseignement publique du portugais au Canada soit en
danger.]

On devrait donc conclure que l’usage de l’information rapportée ne dérive pas d’une valeur
grammaticale épistémique. Il y a cependant plusieurs arguments pour rejeter cette conclusion. En
premier lieu, cet usage est sujet à des restrictions contextuelles et/ou cotextuelles inviolables (voir
5.2), ce qui, dans notre approche, signifie que cette fonction du futur ne peut pas être complètement
grammaticalisée. De plus, l’usage épistémique et l’usage de l’information rapportée exhibent
exactement le même comportement relativement à l’Aktionsart de l’événement, à savoir, une
association par défaut avec les états de choses atéliques et une certaine ambiguïté avec l’interprétation
temporelle avec les téliques (cf. (20)-(21), en 2). Et finalement, la connexion diachronique entre
modalité épistémique et évidentialité d’information rapportée est bien documentée
translinguistiquement (Aikhenvald 2004: 284-285), alors que je ne suis au courant d’aucun cas
d’évolution directe du type futur > information rapportée. Les indices en faveur de l’idée que l’usage
de l’information rapportée dérive diachroniquement de l’épistémique sont donc assez forts, mais, en
même temps, le résultat négatif du test de substitution indique qu’en portugais contemporain
l’interprétation en termes d’information rapportée n’est pas calculée par inférence à partir d’un signifié
de base épistémique. Mis ensemble, ces faits suggèrent que le processus de création d’une nouvelle
valeur grammaticale est plus avancé avec l’usage de l’information rapportée qu’avec tout autre usage
dérivé du futur synthétique; cette fonction se configure ainsi comme un signifié «proto-grammatical»,
synchroniquement indépendant du signifié épistémique qui se trouve à son origine, mais pas encore
libéré des restrictions contextuelles qui permettent son émergence.

Conclusions

La principale conclusion de ce travail est que le futur synthétique est une forme authentiquement
polysémique dans les deux langues considérées.
En italien, le morphème a deux fonctions grammaticales distinctes et alternatives: il peut marquer
la référence temporelle future, s’inscrivant dans le paradigme de l’indicatif, ou exprimer la modalité
épistémique subjective, sans spécification quant à la force modale (probabilité, conjecture, doute etc.),
qui est déterminée par le contexte. Chacun de ces deux signifiés fondamentaux peut donner lieu à des
interprétations dérivées lorsque la forme est utilisée dans des contextes linguistiques et/ou énonciatifs
spécifiques.
Le portugais présente exactement la même situation, mais dans la variété européenne on retrouve
aussi un usage de l’information rapportée, inconnu aux autres langues romanes, qui dérive à l’origine
de l’épistémique et semble être en train d’évoluer vers un troisième signifié grammatical, n’ayant
toutefois pas encore complété ce processus de grammaticalisation.

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