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préhistoire, histoire,
monuments / par M. Emile
Galtier
PRÉHISTOIRE -
HISTOIRE - MONUMENTS
Par M. Ktriile GALTIBH
IIP. MAURICEGOURHAND
67, av. de la République
SAINT - MAUR
1929
HISTOIRE DE CRÉTEIL
PRÉHISTOIRE
-
comte de Paris, Grimoard, qui était pro- et autres bètes. portant somme de
priétaire de Créteil. Le 24 avril de l'an toutes manières de victuail'es qu'ils por-
900 le roi Charles le Simple confirme la tent vendre en quelque lieu que ce soit,
donation que fit ce vicomte à l'église de fournir et bailler aucuns chevaux,
St-Christophe de 15 manses « avec des pionniers, gens de voiture pour mener
serfs de l'un et de Vautre sexe, terres cul- notre artillerie en nos camps et armées
tivées et incultes, prés, vignes, forêts et et quelque autre part que ce soit. de lo-
serfs, eaux et décours d'eau et tout ce ger aucuns gens de guerre tant de che-
qui en dépend justement et légalement ». val que de pied, de quelque nation qu'ils
Par la suite c'est le Chapitre de Notre- soient, ni de leur fournir et contribuer i
Dame de Paris qui en devint propriétaire aucuns vivres, biens et choses quelcon- "-
et seigneur et qui le resta jusqu'au sei- ques sinon de leur gré et consentement.
zième siècle. Outre lesdits habitants, sont exempts et
affranchis des fournissements et dépens
La charte de Grimoard spécifiait que qui se fournissent par les villages à no-
ces terres seraient exemptes de tous cens tre gendarmerie etant aux garnisons.
et redevances. Faut-il voir là, l'origine Ensemble du taillon, mis sur le plat
des privilèges dont jouissaient les cha- pays de notre royaume pour l'augmen-
noines et les habitants d'être exempts de tation de notre dite gendarmerie et com-
toutes fournitures lorsque le roi séjour- mutation de vivre d'icelle.
nait à Créteil ? Mais ces exemptions leur coûtaient
Or un jour, Louis Vil, surpris, par "a cependant cher.
à
nuit, coucha Créteil et exigea des ha-
bitants le droit de gîte, c'est-à-dire le Le 29 novembre 1616, sur la pétition
couchage et la nourriture pour lui et sa des habitants des villages de Créteil et
suite. Apprenant cette atteinte portée à de Maisons, qu'attendu que les feus rovs
leurs privilèges, les chanoines décidè- leur ont donné plusieurs privilèges avec
rent de témoigner de leur indignation en exemption de toutes sortes de levées de
interrompant le service de l'église métro- deniers tant ordinaires qu'extraordinai-
politaine dont ils fermèrent les portes. res en considération des pailles qu'ils
Le roi dut faire amende honorable. fournissent pour la grande écurie du roi
comme ils ont fait de tout temps et font
*
* # encore à présent et que néanmoins ils
ne jouissent de leurs privilèges, ains
Par la suite, Jean le Bon. en 1351. sont taxés aux tailles, crues ordinaires
Charges VI. en 1381 et presque tous les et extraordinaires et autres levées de
rois à leur suite signèrent des lettres deniers sansavoir ésard auxdites four-
royales par lesquelles les habitants de nitures de pailles qui leur coûtent deux
Créteil étaient dispensés de servir aux fois plus que lesdites levées de deniers
officiers du roi autre chose que la paille ne montent; il plut au roi leur continuer
pour ses chevaux lorsqu'il se trouvait à lesdits privilèges. ou les décharger à
Vincennes, ou aux Carrières. l'avenir des fournitures pour les grands
chevaux de sa majesté et pour emplir sy, Sucv. Bonneui". Chennevières et cam-
les paillasses des pages et palefreniers pèrent dans les Marais de Créteil et les
de la grande écurie revenant bien par fermes.
chaque an à 1.056 livres. le roi les Les habitants fuyaient devant les Lor-
exempte et affranchit de toutes levées de rains qu'une réputation de cruauté pré-
deniers fors et excepté pour la tail'e or- cédait. Laissons ici la parole au curé de
dinaire, taillon et crue du prévost des Créteil qui a fait mention de ces faits
maréchaux. sur les registres de paroisse.
y restèrent cinq mois pendant
Les habitants durent souvent s'adres-
ser au roi pour faire respecter leurs pri-
vilèges et se faire dégrever des imposi-
tions abusives aux tailles.
« Ils
;
lesquels personne n'osait paraître à Cré-
teil à peine d'être volé et maltraité les
lieux demeurèrent déserts et inhabités
pendant 4 mois 1/2 et les villages pro-
Charles VI, dont nous avons cité le ches, de même; et durant ce temps mou-
nom, avait une certaine prédilection rurent, tant de mauvais traitements que
pour Créteil. C'est lui qui avait fait de maladie d'infection 250 personnes de
construire e château du Buisson pour Créteil, tant des principaux habitants
sa jeune maîtresse, Odette de Champdi- qu'autres du lieu, hommes, femmes, pau-
vers. vres, ricues, petits et grands, garçons et
fiEes, serviteurs, servantes, tant à Cré-
Les Anglais et les Armagnacs, les Hu- teil, à Paris et à Saint-Maur et autres
guenots qui ravagèrent ensuite les envi- lieux où ils s'étaient réfugiés. Et toutes
rons de Paris ne durent pas épargner ces armées ne décampèrent qu'à la mi-
Créteil; mais il faut en arriver au xvI" octobre où les troupes de Wittemberg
siècle pour trouver un fait historique vinrent en leur décampement à Créteil,
concernant le village. Le 3 février 1547 où ils campèrent trois jours, tant dans
Jean du Bellay, évêque de Paris, doyen l'église qu'au presbytère et en toutes les
du chapitre de St-^laur-des-Fossés- fit maisons, où ils firent de grands désor-
échange avec le chapitre de Paris de sa dres et ravages épouvantables.
terre de Wissons contre celle de Créteil « Et l'église de la paroisse et la cha-
avec collation à la cure. Les évêques pelle N.-Dame-des-Mèches fut réconciliée
conservèrent par la suite, 'a jouissance et rebénite le 25e jour d'octobre 1652,
de la seigneurie et possédèrent, dans la
rue des Mèches une résidence.
par moi prêtre. licencié es saints décrets,
conseiller et aumônier du roy, curé de
Cette seigneurie comportait le château Créteil, suivant le pouvoir à moi donné
ou grande maison seigneuriale (face à par Monseigneur l'Archevêque de Paris.
l'avenue du Château) et deux fermes « Dieu nous délivre par sa sainte mi-
importantes à droite et à gauche de la séricorde pour jamais, nous et toute la
rue des Mèches dont il reste, comme France de semblables accidents. Amen.
vestige, un vieux pigeonnier du XIve siè- Signé: E. PEILLOT.
cle digne d'être classé parmi les monu-
ments historiques. *
* *
la bienfaisance publique apporta linge, « Cedit jour (11 janvier 1649) sur la
vêtements, couvertures, choses nécessai- proposition faite à la-Compagnie par Jean
res au culte. de Bièvre (?) (Vienne) demeurant à la
ferme de l'Hôtel-Dieu sise à Créteil. que
« La piété de Mme de Bretonvi'liers. ayant fait venir en cette ville quantité
nous a donné sa maison pour magasin, de cent cinq moutons dudit Créteil, pour
qui est à la pointe de l'Ile et la plus com- les échapper de l'invasion des gens de
mode de Paris, pour nos envois et pour
la charge des bateaux. » (Ile Saint-Louis) guerre, lesquels moutons il a offert lais- 4
La misère de ce temps suscita la voca-
ser audict Hostel-Dieu pour la somme
de huit cents livres, ce que la compa-
tion d* St-Vincent-de-Paul. gnie a accepté. »
Ces faits douloureux sont confirmés Le curé dont nous venons de parler,
par les registres mortuaires de Saint- Etienne Peillot de La Garde était à Cré-
Maur et par le chapitre que j'ai consa- teil depuis 1642, il y fut inhumé le 9 jan-
cré àce sujet dans mon Histoire des Pa- vier 1667. Il est l'auteur des poésies que
roisses de Saint-Maur. j'ai publiées dans le Bulletin du Vieux
« C'est au Port de Créteil — ai-je Saint-Maur d'avril 1928. Il eut pour suc-
écrit — dans les cinq ou six maisons qui cesseur. un parent, neveu sans doute.
s'y trouvaient que la majeure partie des Messire Louis Peillot de La Garde, qui
habitants de Créteil s'était réfugiée et mourut le 21 septembre 1693.
Le Village
Jetons unregard particulier sur l'ag-
glomération que constituait le village.
Les maisons s'étaientalignées le long de
-
Jeandieu, note sur les registres d'état ci-
vil qu'en 1807 on récolta dans les an-
ciens marais du blé plus beau que par-
la route de Champagne-en s'éleignant de tout ailleurs.
plus en plus du carrefour de l'église, la L'évêque de. Paris seigneur de la plus
partie la plus ancienne de Créteil. grande partie de Créteil avait la haute
Sous l'ancien régime, les rues avaient moyenne et basse justice. Il avait son
des noms, les maisons n'avaient pas de carcan sur la p:ace de l'église.
:
numéro. On les différenciait par des en-
seignes. On trouvait ainsi à Créteil Mais d'autres seigneurs se partageaient
le territoire.'C'est ainsi que-les moines
La maison du carrefour de l'église où et. plus tard les chanoines de St-Maur
pend la Herse, la maison du Dauphin, avaient une ferme et des terres à Mesly.
Grande-rue de Créteil, une maison près L'Hôtel Dieu avait deux fermes (grande
l'église, servant,d'hostellerie et ayant ferme à gauche, petite ferme à droite),
pour enseigne Saint-Christophe. dans la rue des Mèches et les terrains qui
appartiennent encore aujourd'hui à l'As-
Dans unacte de donation du 11 dé- sistance publique. Ces possessions lui ve-
cembre 1-545,nous trouvons une « mai- naient de donations et d'acquisitions suc-
son à Créteil au carrefour dudit lieu de- cessives.
.vant le carquant où soufoit pendre
pour Enseigne « LaTeste de Bœuf ». Je vais les passer rapidement en re-
vue.Malheureusement l'incendie des Ar-
Le village, sous l'ancien régime, n'a chives de l'archevêché de Paris et de
jamais eu plus de 500 habitants en y cel'es de l'Assistance publique, en 1871,
comprenant même ceux de l'écart de a fait disparaître des documents pré-
Mesly et des fermes. En 1709, on y cieux pour l'histoire des paroisses et en
comptait 120 feux, en 1745, 111; en 1726 particulier, de Créteil.
on' évaluait la population à 498 habi-
tants. A la fin du 14e siècle,Miles BaiCet,
conseiller et maître des comptes du roi
Voici comme terme de comparaison le
dénombrement des paroisses voisines
Ormesson, 38 feux; iBoissy-St-Léger. 43;
: possédait les deux fermes se faisant face
dans la rue des Mèches.
Bonneuil, 27-; Champigny, 154 ; Chen- Le 8 janvier 1404. il les vend moyen-
nevières. 78 ; Sucy, 149 ; St-Maur, 93 ; nant 7.000 livres tournois à Marie La
La Varenne, 17. Guérine, femme d'Etienne Laisné, ser-
La paroisse était un pays de culture.
La vigne couvrait les pentes, :e reste
:
gent d'armes, écuyer. Ces fermes sont
ainsi décrites
était en terre labourée. Vers la Seine Un hôtel avec colombier et ses dépen-
-s'étendaient de grands marais qui ont dances et -3 quartiers de vignes et jar-
été en grande partie asséchés au com- dins; un autre grand hôte' situé en fare
mencement du xixe siècle. Le maire du premier avec colombier, pressoir,
granges, bergeries et jardins, contenant pour un clos fermé de murailles d'une
environ 6 arpents aboutissant par der- contenance de 3 arpents et d'un fief
appelé le fief de Longueil, contenant
6 arpents ci-dessus désigné;
rière au chemin qui va au Mesche, un
hôtel et un jardin contigus au clos de
20 arpents
de Saussaie en la rivière de Marne; .en-
4 arpents de terre pour 5.500 livres.
LA RÉVOLUTION
* *
Un événement mémorable va faire re-
a
La derniere épreuve commune à toute
la France été la grande guerre de 1914
à 1918. au cours de laquelle Créteil
bondir l'histoire uniforme et terne du a vu tomber bon nombre de ses enfants.
Depuislongtemps le calme champêtre Robert, aux.mêmes heures. Avec ses
qu'on ygoûte, les bords ombragés de la 1.136 hectares de terrains propres à
Marne avaient attiré les amants de la bâtir, elle est promise au plus grand
nature. Au temps des romantiques, une avenir si des autorités intelligentes et
colonie de poètes, parmi lesquels Victor actives veulent bien seconsacrer à se-
Hugo qui a chanté les lavandières de conder son essor. La majeure partie de
Créteil, d'écrivains comme Alphonse son territoire est encore aux mains de
Karr et de peintres, se donnaient ren-
dez-vous autour du bassin du Port de
Créteil et surtout au Petit Cochon de
cultivateurs qui semblent avoir pris
pour devise celle des armes de la ville
Labore fideqiûe « Par le Travail et la
:
lait où ils ont laissé des traces de leur Confiance ».
passage. Le peintre Stella y a peint une C'est de la terre que vient la richesse la
truie avec ses petits. plus noble et la plus utile au genre hu-
Victor Hugo. dans ses Chansons des- main, ce sont les agriculteurs qui prati- -
Rues et des Bois, consacre un chapitre quent le mieux ces traditions de vertu
aux Choses écrites à Créteil dans lequel familiale et de labeur qui ont fait le
il conte son idylle avec une jeunelavan- fonds de la solide race française et la
dière. Il nous donne suffisamment de richesse du pays!
détails pour nous permettre de conjec-
turer qu'il habitait, fort probablement *
au Petit Cochon de Lait. * *
Sachez qu'hier de ma lucarne,
J'ai vu, j'ai couvert de clins d'yeux, Créteil n'est plus aujourd'hui le vil-
Une fille qui dans la Marne lage suburbain du dix-neuvième siècle.
Lavait des torchons radieux C'est une ville coquette, bien dessinée,
Près d'un vieuxpont, dans les saulées, qui se développe de jour en jour selon
Elle lavait, allait, venait, les lois de l'hygiène et de l'urbanisme 'W
L'aube et la brise étaient mêlées les plus modernes.
, A la grâce de son bonnet.
Je quittai ma chambre d'auberge Lorsque le plus grand Paris étendra
En souriant comme un bandit, ses bras tentaculaires vers la banlieue
Et je "descendis sur. la berge
Qu'une herbe glissante verdit.
Une colonie de jeunes artistes y fonda
-
il songera sans doute aux vastes espaces
libres qui l'entourenL-. Alors, Créteil
deviendra une ville nouvelle aux voies
vers 1907, une sorte de Créteilphalanstère dé- larges et bien comprises aux maisons
nommé « L'Abbaye de saines et aérées. Mais alors, fini le calme
», situé champêtre qu'on y goûte, les champs
71, rue du Moulin.
sans bornes qu'on y cultive et les lar-
ges horizons qu'on y admire;c'est la loi
* * inéluctable, c'est le progrès, c'est l'ave-
'Créteil n'a pas suivi le développement nir. Déjà le peiit village rural déborde
rapide des contrées voisines parce que de son cadre primitif, s'étend sur des
les communications faciles avec la capi- lotissements tout récents, son ascension
tale lui ont toujours fait défaut. Jusqu'à a commencé.
une date peu reculée dont les anciens En attendant que disparaissent les té-
se souviennent peut-être encore, on ve- moins de la vie de nos pères, ces masu-
nait à Créteil par la voiture diligence res vieillotes.où ils ont vécu, aimé et
partant de Paris, MarchéSt-J ean, n" 16 peiné pendant des siècles de servitude,
et desservant Brie-Comte-Robert. En puis de liberté relative, goûtons, le char-
1829, il en coûtait 1 fr. pour venir ici, me. exquis des vieilles pierres et le par-
avec départs de Paris à 7 heures du ma- fum des lointains souvenirs, secret lan-
tin et 4 heures du soir, et de Brie-Comte- gage des choses mortes. -