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UN PEU DE DROIT
Parmi les moyens de récolte des preuves figurent les écoutes qui ont toujours fait débat
s’agissant d’une intrusion dans la vie privée qui apparaît pour certains contestable voir même
abusive eu égard au but recherché.
Cela s’applique aux infiltrations mais également aux écoutes qui sont plus répandues et
utilisées.
Apportons ici un éclairage sur la légalité des écoutes téléphoniques et sonorisations sous le
prisme de deux affaires de justice qui ont fait grand bruit récemment dans la presse…
Il y a quelques mois de cela, deux affaires ont défrayé la chronique, l’une dans le milieu du
football français, l’autre dans le milieu de la presse française à l’international.
L’affaire du chantage à la Sextape dont aurait été victime Mathieu VALBUENA et dans
laquelle Karim BENZEMA a été mis en cause,
Ces deux affaires ont déjà donné lieu à des décisions de justice que je vous livre ici
puisqu’elles intéressent non seulement les principes fondamentaux du procès pénal mais
également les circonstances de deux enquêtes qui ont intéressé la France entière.
Et je suis bien loin ici de débattre sur la culpabilité ou l’innocence des différents mis en
examen, bien trop respectueuse du principe de la présomption d’innocence dont je suis la
garante.
Dans ces deux affaires, parmi les preuves soumises aux juges d’instruction en charge de ces
enquêtes respectives, figuraient des enregistrements.
Au stade de la plainte, il convient de vous préciser que les policiers sont sous l’autorité du
Procureur de la République lequel peut décider d’ouvrir une enquête et donne dans ce cadre
des pouvoirs et des instructions précises au policier affectés à l’enquête.
A l’issue de cette enquête, le Procureur est juge de l’opportunité des poursuites, c’est-à-dire
qu’il peut :
considérer qu’il n’existe pas d’élément établissant la commission d’une infraction et classer
sans suite
considérer qu’il existe des indices graves, précis et concordants et convoquer les mis en cause
à une audience correctionnelle où ils seront jugés sur les faits qui leur sont reprochés par le
Parquet
considérer que l’affaire est suffisamment complexe pour nécessiter un temps supplémentaire à
l’enquête et dans ce cas saisir un juge d’instruction qui va prendre le relais et instruira à
charge et à décharge.
C’est dans ces circonstances que le Procureur de la République a autorisé la police judiciaire à
représenter la star du ballon rond dans la négociation.
Un commissaire de Police s’est ainsi présenté sous un pseudo comme représentant les intérêts
du footballeur et a participé du 20 juin au 12 octobre 2015 à plusieurs conversations
téléphoniques avec une personne se présentant comme l’intermédiaire des détenteurs de la
« sextape ».
Certains d’entre eux ont été mis en examen le 5 novembre 2015 et sans violer le secret de
l’instruction laquelle a été excessivement médiatisée, K.BENZEMA était l’un de ces mis en
examen.
Le 4 mai 2016, plusieurs confrères parmi lesquels celui de K.BENZEMA ont sollicité
l’annulation de cette procédure.
Cette violation peut en revanche ouvrir droit, pour celui qui s’en prétend victime, au recours
prévu par l’article 9-1 du code civil relatif au respect de la présomption d’innocence qui
semblerait avoir été bafoué directement ou indirectement s’agissant d’une personnalité très en
vue et désormais controversée.
Il était également demandé l’annulation des écoutes téléphonique dès lors que le Commissaire
de police qui disait représenter VALBUENA aurait, sous couvert d’un pseudonyme, provoqué
les malfaiteurs à commettre l’infraction de tentative de chantage.
Elle estime qu’en prenant contact avec différentes personnes en vue de les « inciter à », le
Commissaire a manifestement provoqué la commission de nouvelles infractions du même
type.
Parmi les éléments qui viennent confirmer la thèse de l’incitation, le fait qu’après plusieurs
semaines de silence des maîtres chanteurs, c’est l’officier de Police sous son pseudo qui a pris
l’initiative de les rappeler, de diriger la conversation, d’aborder la question financière.
Une enquête préliminaire était immédiatement ouverte par le Procureur de la République sur
ces faits (voir UN PEU DE DROIT).
Le 21 août suivant, une nouvelle conversation se tenait en un lieu placé sous la surveillance
des enquêteurs, et faisait ainsi l’objet d’une retranscription sur procès-verbal par ces derniers
sur la base de l’enregistrement effectué par le représentant de l’Etat.
Un juge d’instruction était alors saisi de cette enquête qui prenait de l’ampleur…
Un nouveau rendez-vous se tenait le 27 août 2015 avec les deux journalistes auteurs de
l’ouvrage précité, dans un lieu également placé sous surveillance policière et où la
conversation, toujours enregistrée par le représentant de l’Etat marocain, était retranscrite par
la police sur procès-verbal.
A cette occasion, des sommes d’argent étaient remises par le représentant du Royaume du
Maroc aux deux journalistes, qui étaient ensuite interpellés en possession des 80 000 euros et
d’exemplaires de l’engagement de renonciation à publication.
Les deux journalistes étaient mis en examen pour chantage et extorsion de fonds les 28 et 29
août 2015.
Selon les avocats de ces journalistes, les enquêteurs ne pouvant pas juridiquement procéder à
la sonorisation de l’endroit où avaient lieu les rencontres, y ont procédé indirectement et
illégalement, par l’intermédiaire du représentant du plaignant, détournant ainsi la loi
restreignant les écoutes.
Ces arguments ont été rejetés et les enregistrements considérés comme des preuves loyales car
il apparaissait légitime, de la part d’une victime ayant déposé plainte pour chantage et
extorsion de fonds, d’informer les enquêteurs de l’avancement des démarches de ceux qu’elle
accuse.
Pour la Cour de Cassation, les services de police et les magistrats, saisis d’une telle plainte, se
devaient d’intervenir pour organiser les surveillances de nature à confirmer ou infirmer les
dires du plaignant et, si nécessaire, interpeller les auteurs.
3° Voici donc deux affaires où les preuves sont apportées au moyen d’enregistrements
mis en place et organisés de manière totalement différente dans chacune des deux
affaires.
Dans la première par les autorités de police qui en sont d’ailleurs des acteurs sous
pseudonyme, dans la seconde par le plaignant qui livre en temps quasiment réel les
enregistrements aux autorités en leur demandant de surveiller les abords des lieux des rendez-
vous enregistrés.
Retenez donc que la finalité ne permet pas tout ; qu’en droit français, les principes
fondamentaux de loyauté, de présomption d’innocence et d’égalité des armes prévalent
encore.
Tant qu’elle n’incite pas une personne à commettre une infraction qu’autrement elle n’aurait
pas commise.
Tant que l’intervention de l’agent n’a en rien déterminé les agissements délictueux du
prévenu.
La question se posera toujours de ce qui se serait passé dans l’affaire de la Sextape sans
la relance de ce commissaire de Police…
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