Sunteți pe pagina 1din 4

QU'IMPORTE LE LANGAGE ?

Annie Vacelet-Vuitton

ERES | « Chimères »

2013/3 N° 81 | pages 209 à 211


ISSN 0986-6035
ISBN 9782749239552

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Concordia University - - 132.205.7.55 - 15/03/2016 06h39. © ERES
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-chimeres-2013-3-page-209.htm
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Concordia University - - 132.205.7.55 - 15/03/2016 06h39. © ERES

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

!Pour citer cet article :


--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Annie Vacelet-Vuitton, « Qu'importe le langage ? », Chimères 2013/3 (N° 81), p. 209-211.
DOI 10.3917/chime.081.0209
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour ERES.


© ERES. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière
que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


ANNIE VACELET-VUITTON

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Concordia University - - 132.205.7.55 - 15/03/2016 06h39. © ERES
Qu’importe le langage ?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Concordia University - - 132.205.7.55 - 15/03/2016 06h39. © ERES

L ’hôpital psychiatrique est un endroit fermé, jalonné d’interdits


majeurs mais capable de s’ouvrir mystérieusement par une multitude
d’annexes, de soupentes, de décors amovibles.
L’hôpital ne peut pas se passer de la vie, c’est pourquoi il ménage des
voies d’entrée afin de permettre à de jeunes adultes fraîchement diplô-
més – des psychologues, des infirmiers, des médecins – d’effectuer la
tâche exténuante de s’occuper des fous dont personne ne veut.
Il accueille aussi des groupes d’artistes débutants qu’il héberge dans
des pavillons désaffectés qui puent.
Il laisse se développer ici ou là des pratiques non-quantifiables. (La
Sécurité sociale ne parle que d’acte « médical » parce qu’elle a réussi à
le quantifier, mais elle est incapable de dire quoique ce soit du geste,
de l’accompagnement, de l’intersubjectivité.)
Ces jeunes inspirés, forts de leur désirs étourdissants, acceptent ; ils
s’en foutent d’exercer leur art ici ou ailleurs. De toutes façons, ils ne
conçoivent pas d’art séparé de la vie et pour eux la vie est partout.
De plus, certains savent de façon pleine et entière, à la suite des Situa-
tionnistes, que l’art n’est que le retournement de la vie et que, pour
survivre (poétiquement), il leur faudra opérer le retournement de ce
retournement, travailler, se laisser travailler, avec dans l’idée que tout
• Écrivaine
CHIMÈRES 209
Annie Vacelet-Vuitton

travail est un art (celui du dramaturge, celui de l’écrivain, celui du


psychothérapeute).
Avec dans l’idée que créer, c’est s’ouvrir, passer des seuils de perception
et de sensation, produire du réel en devenir, un passage, de la transfor-
mation des uns par les autres.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Concordia University - - 132.205.7.55 - 15/03/2016 06h39. © ERES
L’hôpital a besoin de ces danseurs de l’existence, de leurs lumières,
de leur rêveries, de leur capacité à passer de la médecine à la poé-
sie, de l’audace qui les conduit à enjamber le gouffre de la création
en clamant : « La folie nous concerne, la folie est partout, la folie est
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Concordia University - - 132.205.7.55 - 15/03/2016 06h39. © ERES

en nous. Il n’y a aucune raison de la faire porter entièrement par les


malades. »
L’hôpital accueille ces vibrants élans mais il s’en défend.
Il pense que les malades doivent être protégés du feu de la forge de la
création. Il pense que les malades sont à lui, oui, et que seul le règlement
peut apporter aux psychotiques les repères sociaux dont ils ont besoin.
En réalité, l’hôpital et les psychotiques s’appartiennent, ils sont liés.
L’hôpital fournit quelques repères aux psychotiques pendant que
ceux-ci apportent à l’hôpital et à ses salariés  – des névrosés plus ou
moins normaux – un bain d’inconscient, une plongée dans le plaisir
au bord de la matrice d’où s’originent les jeux de langage.
Bref comme dit l’Autre : « Primo, l’hôpital psychiatrique est une bes-
tiole pataphysique, une sorte de chimère – insecte et mandragore –
aux puissantes mandibules mais avec une faible capacité respiratoire.
Deuzio, la folie n’est pas réductible à la maladie mentale. »
En psychiatrie, l’imaginaire fait peur car il lui arrive de dérailler, de se
désolidariser du symbolique, surtout dans la tête du psychotique qui
ne prend pas le bon couloir, bat la campagne, se met à délirer, invente
des néologismes et dévisse sur la façade nord du langage.
Le délire comme tentative de créer (de transformer le réel) est une
belle et grande idée soutenue par certains thérapeutes, mais peut-on
vraiment parler de création délirante ? Il faut réfléchir avant de ré-
pondre parce que, de son côté, le gars halluciné comprend tout de tra-
viole. Quand le médecin lui dit : « On va vous faire sortir de l’hôpital,
une petite coupure vous fera du bien. », il entend : « Coupez vous un
bon coup, cela ne vous fera pas de mal. » Et vlan, voilà qu’il s’entaille
la cuisse à grands coups de couteau.
210 CHIMÈRES 81
Qu’importe le langage ?

En psychiatrie, le langage, la parole, et même le geste, n’ont rien


d’anodin.
(Faudrait pouvoir se la boucler définitivement mais c’est impossible.)
Alors l’hôpital, pour ne pas sombrer dans l’absence totale de langage,
tolère quelques poches d’air, des vacuoles de liberté qu’il laisse s’instal-

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Concordia University - - 132.205.7.55 - 15/03/2016 06h39. © ERES
ler à la surface de son grand corps de salamandre. Il consent à laisser
s’exprimer les poètes (un peu, pas trop) pour que s’épanouissent la
parole et le geste de l’Homme dans ces pavillons désaffectés prêtés à
des artistes et à des étudiants, des groupes de théâtre, des musiciens,
des peintres, des mordus d’histoire, de mémoire et de vieux grimoires.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Concordia University - - 132.205.7.55 - 15/03/2016 06h39. © ERES

(À l’hôpital on trouve toutes sortes de machins dignes d’être dés-ar-


chivés : des lettres, des bouts de ficelle, de mauvais graffitis datant de
1870, déposés à la plume sur du papier rose par un chiffonnier de
Paris qui a déjanté à cause du soulèvement de la Commune.)
L’hôpital tolère aussi certaines alcôves où s’entretiennent les théra-
peutes et les malades, des tenants-lieu d’objet transitionnel : tant d’es-
paces surgis de l’agencement d’un instant et d’un signe, d’une vision
et d’un entendu, doublures du règlement.

CHIMÈRES 211

S-ar putea să vă placă și