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fini de jouer ! 03
Jean-Luc Fessard (Bon Pour le Climat)
Que faire ? 06
1
le poids de l’agriculture ou la double peine 08
La viande : haro sur le bœuf !
Des adaptations possibles
Gare à l’eau !
2
Océans, pêche et aquaculture :
le grand chambardement 14
Une mer sans poissons ! (Philippe Cury)
L’avenir de l’aquaculture devra être durable
La pêche française chamboulée par le climat
Choisir un poisson bon pour le climat
3
Nos assiettes débordent de CO2 23
Courts circuits bénéfiques
Mieux conserver pour mieux s’alimenter
Adapter les modes de cuisson
Moins jeter, moins gaspiller : les poubelles au régime !
Que va devenir le vin ?
Et si on se passait des sacs ‘plastique’?
Faites le Bilan carbone® de votre restaurant :
L’exemple instructif de Léon de Bruxelles…
À quoi sert le calculateur Bon pour le climat ?
Pour une alimentation équilibrée : le scénario 2030 de l’Ademe…
Cette brochure est le fruit d’un partenariat entre Bon pour le climat
(www.bonpourleclimat.org) et l’AJEC21, l’Association des Journalistes
Energie Climat (www.ajec21.fr). Les recherches et les textes sont
d’Yves Leers, en collaboration avec SeaWeb Europe, Jean-Luc Fessard
et Petra Sajn. Dessins de Christophe Besse.
Fini de jouer ! Tous les ans depuis 1995, les conférences internationales sur le changement
climatique se succèdent mais n’abordent qu’à la marge l’impact de l’alimentation
sur le climat, alors que LA question de demain sera la capacité ou non
de l’Humanité à se nourrir.
Les conséquences prévisibles du réchauffement sur la production agricole, la pêche et
l’élevage sont telles que nous ne pouvions rester inactifs. Avec plusieurs chefs, l’AJEC 21
(l’Association des journalistes énergie climat) et l’Ademe, nous avons lancé une action
intitulée « Bon pour le Climat ». Cette démarche de sensibilisation aux impacts directs
des changements climatiques sur l’alimentation vise les restaurateurs, les traiteurs,
les hôteliers, mais aussi tous les consommateurs.
“Il faut changer D’ores et déjà, les rendements de céréales et de certaines grandes cultures stagnent.
nos habitudes Avec un écart de température de 2 ou 3 degrés, sans parler des sécheresses ou des
inondations, de l’accroissement de la violence des phénomènes climatiques, c’est tout le
alimentaires sans système alimentaire qui sera remis en question. (Une agriculture qui, elle-même, n’est pas
attendre que cela innocente !) L’accroissement de la température des océans conjugué à une acidification
croissante, menace nombre d’espèces commerciales et de biotopes nécessaires à leur
s’impose à nous.” reproduction.
Et le poisson, doit-il obligatoirement venir de nos côtes, alors même que 60% de notre
consommation de poisson est déjà d’origine extra-communautaire ? D’autres approches
intégrant l’état de la ressource, les techniques de pêche et la taille minimale sont-elles
préférables ? Quels sont les modes de production des légumes et des fruits les plus
pertinents pour que local soit synonyme de bon pour la planète et bon pour la santé ?
Dans quels cas la consommation de produits d’origine lointaine est-elle compatible
avec le local ?
Enfin, question souvent oubliée, le bien-être animal est-il compatible avec un bon bilan
carbone ?
… et de saison
Si on considère l’ensemble du cycle de vie de ce qui atterrit dans une assiette,
est-il possible de ne consommer que des produits de saison ? Quel est l’impact relatif
des différents modes de transport, de conservation et de cuisson ?
Tentons de répondre à toutes ces questions pour contribuer à un changement
d’alimentation éclairé des consommateurs responsables que nous voudrions être et pour
favoriser une approche plus pertinente du contenu des assiettes qui nous sont servies
dans les restaurants que nous fréquentons ou que nous préparons chez nous.
Jean-Luc Fessard
(Bon Pour le Climat)
(*) Avant la révolution industrielle, ce seuil était de 260 ppm et de 200 avant les dernières grandes glaciations.
Elles étaient déjà de 315 en 1960 et de 350 en 1988.
Pluies hivernales
(inondations) Niveaux de la mer et des lacs
Niveaux de la mer Orages, inondations
Étés plus chauds et plus secs Étés plus chauds et plus secs
Rendements des cultures, Saisons de végétation
diversité des plantes Rendements agricoles
cultivées
Insectes nuisibles
Fonte du pergélisol
Pluies hivernales
(inondations)
Pluies estivales
Températures
Risque de sècheresse
Précipitations
Risque d’érosion des sols
annuelles, disponibilité
en eau Durée des saisons
de végétation
Risque de sècheresse,
stress thermique Rendements des cultures,
diversité des plantes
Rendements des
cultivées
cultures
Zones favorables
à l’agriculture
Que faire ? Pas besoin de vous dire que le climat change ! Nous le voyons et nous le sentons,
spécialement en cette année 2015, celle de la fameuse COP 21 pendant laquelle
les chefs d’Etat tenteront d’éviter l’inévitable, les 2 degrés de plus. Les émissions
de gaz à effet de serre ne marquent pas la pause, dans l’atmosphère comme
dans les océans. Alors laissons les diplomates négocier et agissons nous-mêmes,
au quotidien.
Bien sûr, réduire les émissions d’un menu dans un restaurant impose de suivre quelques
règles simples – proximité et saisonnalité au service de la qualité – mais l’important pour
nous est aussi qu’un repas sobre en carbone doit rester un moment de plaisir. Et puis
nous sommes conscients qu’il n’y a pas que le climat dans la vie, il y a aussi la vraie vie
avec ses problèmes quotidiens, ses joies, le boulot, le logement …
Pourtant le changement climatique est devenu un facteur incontournable du XXIème
siècle, qu’on le veuille ou non. Nous avons trop joué avec les énergies fossiles. Alors plutôt
que de se cacher et d’attendre les bras croisés une réalité dont on perçoit bien aujourd’hui
les contours, autant s’y mettre tout de suite car il s’agit aussi d’une belle opportunité
d’inventer un monde nouveau. C’est aussi une occasion d’imaginer une autre cuisine,
créative et dynamique, qui s’invente et réinvente au gré des saisons et de la disponibilité
des produits. Autant se préparer aujourd’hui à l’inévitable de demain. Nous allons voir
que ce n’est pas si compliqué que ça.
1
le poids de l’agriculture
ou la double peine
Le problème est à double tranchant : le changement climatique a un impact sur
l’agriculture et l’agriculture a un impact sur le climat. Tributaire des aléas du
temps, l’agriculture est en effet très exposée au changement climatique, tandis
qu’elle-même contribue aux émissions de gaz à effet de serre dans des proportions
considérables. Dans les prochaines années, elle sera de plus en plus affectée par la
baisse de la pluviométrie, tandis qu’elle devra faire face à des vagues de chaleur et
des sécheresses, mais aussi à des tempêtes, des inondations, et à la multiplication
des maladies contre lesquelles les traitements chimiques dont elle est friande
seront impuissants.
Selon toutes les études et les prévisions du GIEC, ces impacts réciproques seront
croissants : modifications des caractéristiques de certaines cultures et même de
composés, migration géographique (vigne, fruitiers…). Certaines céréales seront moins
nutritives (moins de zinc, moins de fer, moins de protéines), d’où une diminution des
qualités nutritionnelles. Une étude internationale récente (Etats-Unis, Australie, Israël
et Japon) a confirmé la baisse des qualités nutritionnelles de certaines céréales et
légumineuses. Mais toutes les plantes ne réagissent pas de la même façon et certaines
supporteront mieux que d’autres le changement surtout si des stratégies d’adaptation sont
mises en œuvre sans attendre.
Si certaines régions du nord de l’Europe pourraient tirer bénéfice du changement
climatique, les effets seront dans l’ensemble négatifs. C’est dans les régions du sud et du
“C’est dans sud-est que l’agriculture sera la plus touchée.
les régions du sud D’un autre côté, l’activité agricole et en particulier l’élevage bovin et caprin émet deux
et du sud-est gaz qui contribuent fortement à l’effet de serre : le méthane – qui résulte des processus de
digestion du bétail et du stockage du fumier – et le protoxyde d’azote, qui se dégage des
que l’agriculture engrais azotés d’origine organique et minérale et des pesticides de synthèse, produits par
sera la plus des énergies fossiles (gaz et pétrole), les pesticides de synthèse engendrant donc (entre
autres) des émissions de CO2. À l’exception bien sûr des surfaces cultivées en agriculture
touchée.” biologique.
À lui seul, l’élevage de ruminants à travers le monde contribue en effet pour 10% (dont
9,3% pour les bovins et 0,7% pour les petits ruminants) de l’ensemble des émissions de
GES, tous secteurs d’activité confondus et de 4,5% pour les élevages de monogastriques
(FAO).
1 kilo
de viande de poulet
(industriel)
représente une
émission de gaz
à effet de serre
de 3,2 kg de CO2, En France, selon l’Institut de l’élevage, le potentiel de réduction est évalué à 20%.
« L’évolution positive des pratiques d’élevage (réduction des apports de fertilisants,
1 kilo de viande de augmentation de la productivité animale, optimisation de l’alimentation,…) a permis
porc : 5,1 kg, et 1 kilo une baisse de l’empreinte carbone de 15 à 25% entre 1990 et 2010, tout en maintenant
globalement les volumes de production. D’autre part, le stockage de carbone par les
de viande de bœuf, prairies permanentes et/ou prairies temporaires associées aux cultures, joue un rôle
35,2 kg de CO2. positif sur l’impact de l’élevage sur le changement climatique. »
Mais le bœuf, le veau et l’agneau ne sont pas les seuls à nous nourrir. Nous savons déjà
tout le bien qu’il faut penser des fruits et des légumes, surtout s’ils sont « bien élevés »,
c’est-à-dire sans recours massif à la chimie dont les effets sont néfastes aussi bien pour le
climat que la santé. Côté animal, la palme revient aux volailles et au porc, qui se gardent
de ruminer de mauvaises pensées climatiques même s’ils ne sont pas aussi innocents
qu’il y parait. Mais la production de 1 000 calories de volaille nécessite tout de même
1 500 calories de ressources végétales.
Il y a 6,9 fois plus de CO2 dans 1 kg de bœuf que dans 1 kg de porc (et oui, les porcs ne
“Et le poisson ? ruminent pas et leur nourriture demande moins d’eau pour la produire que celle des
bovins). Si vous remplacez la moitié de votre consommation de bœuf par de la viande de
C’est une autre porc, vous économisez 200 kg de CO2 par an et par personne. Et 400 kg de CO2 si vous
histoire dont dites à toute viande de bœuf d’aller se faire cuire un oeuf ! Si vous remplacez la moitié de
votre consommation de porc par de la volaille, vous économisez 40 kg de CO2 par an.
nous parlons dans Et 80 kg si vous dites intégralement non au cochon ! En extrapolant, si vous décidiez de
le chapitre : 2
ne plus manger que de la volaille, vous économiseriez 600 kg de CO2. Ouf !
Océans, pêche et Ajoutons-y une bonne pincée de dioxyde de carbone lié à l’énergie, aux transports, aux
importations, à la conservation, sans même compter les effets de l’eau virtuelle et des
aquaculture”. émissions de l’autre bout du monde pour notre propre consommation.
Emissions mondiales de GES selon les productions : bovin viande, bovin lait, porc, buffle,
poulet de chair, ovin/caprin, autres volailles. (©Fao)
3 000
2 495
2 500
2 128
Million tonnes CO 2 éq
2 000
1 500
1 000 668
618 612
500 474
72
0
bovin bovin poulet ovin/ autres
viande lait porc buffle de chair caprin volailles
Source : GLEAM.
Lait Viande
0,9% 0,5%
6,1% 3,6%
17% 18,1%
2,2% 1,4%
5,4%
7,4%
3,8%
7,4%
10,9%
10%
42,6%
0,7%
0,7%
46,5% 14,8%
Épandage et dépôt de fumier, N2 O Changement d’affectation des sols : Consommation d’énergie directe
Engrais et résidus de culture, N2 O extension des pâturages, CO 2 et indirecte, CO 2
Le méthane entérique CH4 arrive en tête, suivi des émissions de N2 0 par les déjections,
du CO2 lié à l’alimentation.
Et l’eau virtuelle ? Pas si virtuelle que ça ! Il s’agit de l’eau qui a été nécessaire pour
produire un aliment, chez nous ou à l’autre bout du monde. En consommant cette eau
lointaine, nous en privons un pays pour ses propres besoins. Un régime-type occidental
“consomme” ainsi 4 000 litres d’eau virtuelle par jour contre 1 000 litres pour un régime-
type chinois ou indien. Environ 80% des flux d’eau virtuelle sont liés au commerce des
produits agricoles et 20% au commerce des produits industriels, selon l’UNESCO.
« Une partie des pressions actuelles exercées sur les ressources en eau provient de la
demande croissante nécessaire pour le fourrage, donc pour la production de viande »,
déplore l’UNESCO. Un pays a le choix entre plusieurs solutions pour épargner ses
ressources en eau. Il peut, par exemple, choisir de réduire ses activités agricoles sans
réduire sa consommation. Il va alors importer de « l’eau virtuelle » sous forme de biens
alimentaires ou industriels. Une eau qui, du même coup, va priver les paysans de leurs
moyens d’existence... Mais certains pays encouragent les économies d’eau. Le cas du
Pendjab, en Inde, est à cet égard significatif. Le gouvernement a offert aux paysans une
prime de 12 500 roupies (220 euros) par hectare pour remplacer la culture du blé et du
riz par d’autres plantes comme les légumes secs et les graines oléagineuses. D’où une
économie de 15 milliards de mètres cube d’eau chaque année. La Tunisie, grâce à l’huile
d’olive, est aujourd’hui un exportateur d’eau virtuelle.
2
Océans, pêche et aquaculture :
le grand chambardement
Les océans représentent 71% de la surface du globe (soit 361 millions de km2 ) et
constituent la presque totalité de la ressource en eau : 97% contre 3% pour l’eau dite
douce. Et comme ils assurent 1 200 fois la capacité calorifique de l’atmosphère, on
comprend mieux le rôle que jouent les océans dans la régulation du climat. En revanche,
la biomasse animale et végétale marine est 200 fois moins importante que la biomasse
terrestre, ce qui n’empêche pas l’exploitation de la ressource qui se situe le plus souvent
près des côtes et à moins de 200 mètres de profondeur.
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO, 2009),
environ 110 millions de tonnes de poisson ont été pêchées ou « cultivées » en 2006, dont
92 millions de tonnes de pêche de capture pour une valeur marchande de 91 milliards de
dollars. 82 Mt provenaient des eaux marines et 10 Mt des eaux intérieures. Jamais un tel
chiffre n’avait été atteint. Conclusion de la FAO : « le potentiel maximal de prélèvement sur
les stocks naturels des océans a été probablement atteint ». Mais c’était en 2006, dernières
statistiques connues à ce niveau.
Et le changement climatique dans cette histoire ? Ses principales conséquences sur
le milieu marin sont de deux ordres : l’augmentation de la température de l’eau et
l’acidification du milieu. En 30 ans (1970-2000), le réchauffement du golfe de Gascogne a
été de 1,5°C entre 0 et 50 mètres de fond, selon l’ouvrage (1) que Jean-François Soussana
(Inra) a coordonné. D’une part, la surexploitation des écosystèmes marins accroît leur
instabilité et d’autre part les changements climatiques contribuent à aggraver l’instabilité
de ces mêmes écosystèmes, avec un risque d’appauvrissement du phytoplancton.
Le poisson n’avait pas besoin de ça. Subissant déjà fortement les effets catastrophiques
de la surpêche et de la pêche en eaux profondes (moins 30%), voilà que le changement
climatique en rajoute une couche. Il est en effet de plus en plus clair que le réchauffement
“+ 1°C des océans affecte l’habitat de nombreuses espèces de poisson. L’élévation de la
dans la mer température des eaux est souvent supérieure à ce qui se passe sur terre : + 1°C dans la
mer du Nord en une trentaine d’années seulement. Or les impacts d’une eau plus chaude
du Nord en une peuvent être dramatiques sur la ressource halieutique. Ce n’est pas tout. Les scientifiques
trentaine d’années ont découvert que le changement climatique affectait aussi les périodes de migration des
poissons. Pour certaines espèces, le décalage a atteint deux mois, ce qui a un impact
seulement” négatif sur la survie des jeunes.
(1) S’adapter au changement climatique : agricultures, écosystèmes et territoires (éditions Quae, 2013).
© vpardi
un processus de Enfin, certaines espèces réagissent à la température en changeant de sexe (les embryons
deviennent presque tous mâles) ce qui met en cause leur survie. D’autres disparaissent
méditerranéisation.” carrément.
(+1,5°C en France Paris, 5 avril 2014 (AFP) – Face au réchauffement climatique, déjà perceptible sur les
côtes françaises, certaines pêcheries aujourd’hui gagnantes risquent de perdre demain en
en un siècle) variétés et en disponibilité, selon les experts.
les océans Au large de la Normandie ou dans le Golfe de Gascogne, les patrons pêcheurs ont
suivent.” déjà noté les changements, la présence de nouveaux venus comme le rouget barbet en
Manche depuis une dizaine d’années, d’autres plus ponctuels comme les hippocampes à
Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).
Des constats qui illustrent les conclusions du Groupe intergouvernemental d’experts
sur l’évolution du climat (GIEC) : dans son dernier rapport, il prévient que les effets du
réchauffement devraient aller crescendo dans les prochaines décennies, affectant en
priorité les eaux tropicales et polaires sans épargner les plus tempérées.
© pict rider
Même chose pour le bar qui, remonté le long du Golfe de Gascogne, “va maintenant
au-delà de Cherbourg”, poursuit-il. Quant au cabillaud, poisson d’eau froide chouchou
des consommateurs français, on remarque “une remontée très nette vers la Norvège”. Vu
ainsi, comme l’arrivée du maigre, un poisson “à forte valeur marchande” pêché auparavant
au large de l’Afrique, ces déplacements constituent une bonne nouvelle, estime M. Carré.
Comme la prolifération de crabes et de homards, en “augmentation de 20% depuis 4 à 5
ans”.
Selon le Giec, les pays tempérés verraient dans un premier temps les rendements des
pêcheries augmenter de 30 à 70% d’ici à 2055 quand celles des pays tropicaux chuteraient
de 40%. “Pour le moment on ne voit pas encore vraiment de perdants et on a même des
gagnants”, reprend Sandrine Vaz. “En revanche si on extrapole sur ces tendances, va se
poser la question des limites des déplacements notamment au sud”. Pour le moment, on
voit davantage de poissons au nord et des stocks qui se dégradent progressivement plus
au sud. Ainsi le centre de gravité de la morue ou du hareng se déplace vers le nord: “mais
jusqu’où où vont-ils pouvoir monter ?”, se demande la chercheuse.
Et ceux du pôle ? Où iront-ils ? “L’inquiétude est maximale pour les zones polaires”,
rappelle-t-elle, celles où le réchauffement sera le plus marqué.
“Le risque principal du réchauffement pour les pêcheries est la fragilisation
de la plupart d’entre elles du fait de la surexploitation des ressources”, juge Mme Vaz.
“Des changements environnementaux auraient pu être encaissés sur des populations
(de poissons, NDLR) en bon état, mais quand on additionne, on a des situations de grande
fragilité”.
Au plan commercial, la valeur des nouvelles espèces reste difficile à évaluer, souligne
aussi Jean-François Soussana. D’autant qu’on assiste simultanément à une “réduction
de la taille des poissons” liée au réchauffement autant qu’à la surpêche. Et les pêcheurs
français sauront-ils, pour les plus artisanaux, s’adapter aux nouvelles espèces ? “Si des
gambas arrivaient, les bateaux ne seraient pas forcément équipés”, juge José Jouneau,
président du Comité des pêches des Pays de Loire. Enfin, le pêcheur note que déjà
“le comportement de l’océan change. Il y a des houles qu’on ne voyait pas avant, plus
importantes”, ou des phénomènes à répétition comme les tempêtes cet hiver.
l’aquaculture La moitié des produits aquacoles dans le monde vient déjà de l’élevage. Aujourd’hui – et
encore plus dans les années à venir – l’aquaculture pourrait permettre de répondre à une
devrait représenter demande croissante que la pêche ne pourra couvrir. La progression actuelle est de l’ordre
62% des produits de 8% par an. En 2030, l’aquaculture devrait représenter 62% des produits de la mer contre
38% pour la pêche de capture, selon la FAO.
de la mer contre En 2050, la production aquacole aura doublé, toujours selon la FAO, ce qui implique une
38% pour la pêche croissance parallèle des approvisionnements en matière première… qui justement vient
de capture, de la mer. L’aquaculture dépend en effet largement d’une source de protéines clé, la farine
de poisson qui provient de la pêche et dont la production va continuer à baisser.
selon la FAO”. D’où une forte pression sur les petits poissons pélagiques comme l’anchois et la sardine
tandis que la recherche d’alternatives se développe sur les micro-algues et les huiles
végétales, entre autres. Les recherches ont déjà permis de réduire les matières premières
d’origine marine mais cela reste très insuffisant.
Question climat, les élevages ne seront pas épargnés mais les effets négatifs et positifs
pourraient s’équilibrer. Une eau plus chaude et une élévation de l’acidité fragilisent les
espèces fragiles comme les huîtres. Mais elle peut aussi favoriser un meilleur taux de
croissance des poissons et la création de nouvelles zones de pisciculture. En revanche,
les évènements extrêmes liés au réchauffement peuvent constituer un handicap
supplémentaire car les impacts seront plus forts sur les côtes, où sont concentrées les
fermes d’élevage.
Mais un effort considérable reste à faire – spécialement en Asie où est concentrée
l’essentiel de l’aquaculture – pour réduire l’impact environnemental et climatique des
méthodes intensives utilisées comme des « traitements » à base d’antibiotiques et
d’antidépresseurs, qui polluent et détruisent le milieu, spécialement les mangroves.
C’est vrai aussi des immenses élevages de saumon en Norvège. L’aquaculture mondiale
a du chemin à faire vers la durabilité sous peine de voir son avenir hypothéqué et les
consommateurs s’en détourner.
C’est choisir …
… un poisson dont la production a un impact carbone minimisé mais qui a également
été pêché ou élevé dans des conditions respectueuses de la biodiversité et de
l’environnement.
À noter : la démarche « Bon pour le climat » dépend du produit dont on parle.
Les démarches seront différentes pour fruits et légumes, produits carnés, poissons…
Les poissons et produits de la mer en général font l’objet d’une démarche plus spécifique
en termes d’impact sur le climat.
Coquillages et crustacés
Langouste (Australie, Mediterranée,
Araignée de mer
Afrique du Sud)
Bulot/Buccin Langouste (Atlantique)
Coque Langoustine (casier)
Coquille Saint-Jacques (sauvage) Langoustine (chalut de fond)
Crabe Royal Moule (élevage)
Crevette grise et bouquet Moule (sauvage)
Crevette tropicale/Gambas (élevage) Palourde grise
Crevettes tropicales/Gambas (sauvage) Pétoncle blanc/Vanneau
Ecrevisse (élevage) Pétoncle noir
Ecrevisse européennes (sauvage) Poulpe
Encornet/Calamar Praire
Homard américain (Canada) Seiche
Homard américain (Etats-Unis) Tourteau (France)
Homard bleu européen Tourteau (Irlande, Royaume-Uni)
Huître
3
Nos assiettes
débordent de CO2
Voilà. Les animaux, les légumes, les céréales, les fruits, les graines, etc.
quittent les espaces agricoles mais le chemin peut être encore très long et très
lourd en carbone jusqu’à ce qu’ils atterrissent dans nos assiettes. Nous avons
divisé ce chapitre en quatre points : le transport-distribution, la conservation,
la cuisson et l’aval, c’est-à-dire le gaspillage et les déchets.
Le transport des denrées alimentaires représente à lui seul 20% du seul trafic routier
“Les denrées auquel il faut ajouter celui lié à l’importation et le transport à domicile. Résultat carbone :
+ ou - 30 MtéqCO2 /an. Des solutions sont possibles : le dernier kilomètre avec des
alimentaires véhicules adaptés les moins polluants, des stockages de proximité ou de mini-marchés
= 20% du transport de gros en centre-ville qui éviteraient aux restaurateurs d’aller plusieurs fois par semaine
à un marché de gros. Ou bien s’approvisionner près de chez soi directement auprès de
routier.” producteurs ou sur les marchés.
“le regime
mediterraneen
traditionnel est
plus « économe »
puisqu’il permet déjà
de descendre sous
la barre des 3 kg
éq.CO2/jour.”
Moins jeter, moins gaspiller : les poubelles au régime !
Commençons par ce qu’on peut éviter, c’est-à-dire le gaspillage. Le gaspillage alimentaire
émet chaque année dans le monde l’équivalent de 3,3 milliards d’équivalent CO2, soit
plus de 24 fois les émissions liées aux transports en France (FNE). Dans le monde, près de
860 millions de personnes sont victimes de la malnutrition. Sur les 4 milliards de tonnes
d’aliments produits tous les ans, de 30 à 50% finissent aux ordures. Plus les pays sont
riches, plus ils jettent de la nourriture, la palme revenant aux États-Unis.
Le bilan carbone du gaspillage alimentaire est impressionnant : 1,6 milliard de tonnes par
an toutes productions confondues. Cela correspond à 3,3 milliards de tonnes d’équivalents
de dioxyde de carbone (ONU, 2013). Les céréales (25% du gaspillage) sont responsables de
34% de ces émissions. La filière viande, elle, en émet 21,5%, alors qu’elle ne représente que
4% du gaspillage.
En France, le total des émissions de carbone liées à la production et au traitement des
déchets s’élève à environ 40 Mtéq CO2 /an soit 8% de toutes les émissions françaises.
Le potentiel d’économie pourrait atteindre 50% si on adopte les bons gestes à tous
les niveaux. Dans tous les cas ou presque il s’agit de modifier nos habitudes de
consommation.
Le traitement des déchets alimentaires ou biodéchets (30% de notre poubelle) n’est pas
encore entré dans les mœurs en France avec un niveau de compostage très insuffisant,
sauf dans les régions où il est encouragé. Pourtant des solutions existent : un test de
collecte des biodéchets a été mené à l’automne 2014 auprès de 80 restaurants parisiens
à l’initiative de Moulinot Compost et Biogaz pour le Synhorcat. Tous les jours, un
camion GNV collectait les biodéchets et les acheminait à Etampes où ils étaient traités
par méthanisation en biogaz ou digestat. En six mois, 560 tonnes de déchets ont été
collectées alors que les prévisions étaient de 200 tonnes.
A partir de 2016, tout établissement qui produira plus de 10 tonnes de biodéchets par an
devra se préoccuper de leur traitement et valorisation sous peine d’amende.
Quant aux déchets d’emballage, ils représentent un tiers de nos déchets ménagers en
France. Pour les restaurants, il est difficile de se passer des emballages carton mais les
marchés de gros mettent souvent en place des systèmes de récupération. Quant aux
bouteilles plastique, la solution passe par la carafe d’eau micro-filtrée : moins de transport
de bouteilles vides ou pleines, moins de manipulation, moins de déchets, moins de
bouteilles à trier pour un recyclage coûteux, incomplet et inefficace. De 6 à 8 milliards
de bouteilles plastique sont achetées tous les ans en France, le taux de recyclage étant
inférieur à 50%, le reste partant à l’incinération.
“Depuis
une trentaine
d’années, le vin
a « pris » un degré
d’alcool tous
les dix ans .”
Depuis une trentaine d’années, le vin a « pris » un degré d’alcool tous les dix ans et il faut
s’attendre à une redistribution planétaire. En Europe, le vin n’a jamais été aussi bon et
c’est bien ça le problème ! On se trouve aujourd’hui à un optimum mais la limite risque
d’être atteinte si le réchauffement s’accélère. Deux degrés de plus et l’adaptation reste
possible. Au-delà, on ne sait pas. Que faire ? Changer les cépages, irriguer, nanofiltrer
pour faire baisser le degré ou encore planter plus en altitude là où c’est possible
(lire : « Menace sur le vin, les défis du changement climatique », chez Buchet-Chastel).
12 000
Produits agro-
alimentaires
10 000
43%
8 000
8 861
Fret et
6 000 Déplacements
emballages Énergie
Immos clients et déchets
+ déplacements 14%
salariés
13% Produits non 15%
4 000 agro-
10% alimentaires
2 894 2 891
2 000 2 758 5%
2 010
0 1 041
Construire Faire Produire Produire Approvisionner Gérer
le restaurent venir les clients ce qu’il y a ce qu’il y a les restaurants la nourriture
et le faire dans l’assiette autour du restaurant :
fonctionner de l’assiette refroidir -
chauffer - jeter
Au vu des résultats, il apparait que l’essentiel des émissions de CO2 provient des activités
externes aux restaurants : par exemple, la production agroalimentaire (43%) et les
déplacements des clients (13%) et 20% pour l’activité du restaurant.
9% Fret
Déplacements des clients
Fabrication
Déplacements des salariés
5% des produits entrants
2% = 48% du bilan
Émissions liées 5%
au fonctionnement 13%
des restaurants
= 20% du bilan
Les produits phares des restaurants Léon de Bruxelles : les moules, les frites et la bière,
ont un impact réduit ; 18% des émissions totales (incluant la fabrication, le transport
et les emballages).
12%
4%
Émissions hors
2% Moules-Frites-Bières
Moules
Frites
Bières
82%
Dans les restaurants, les huiles usagées sont recueillies pour être recyclées, mais surtout il
a été réalisé un vaste programme de relamping et d’équipement de mousseurs réducteurs
de débit sur l’ensemble des points d’eau. Les consommations d’énergie sont mesurées,
pour 80% d’entre elles, toutes les semaines pour analyser les évolutions et les réduire. Pour
les sets de table, une réduction de 20% du papier consommé a d’ores et déjà été réalisée,
ils sont par ailleurs imprimés avec le label Imprim’vert®.
“Une « taxe Afin d’encourager les initiatives, une taxe carbone de 0,1% du chiffre
d’affaires a été créée en interne depuis 2010. Les sommes ainsi
carbone » interne générées sont mutualisées pour financer les investissements permettant
pour financer de mener à bien les actions de développement durable décidées par
chaque restaurant. Ainsi les nouveaux restaurants du groupe ont
les initiatives été systématiquement équipés de chauffe-eau solaire avec isolation
locales des renforcée du bâtiment. Un de ces restaurants a été équipé d’une
balleuse à cartons.
restaurants !”
Agir sur les approvisionnements
Plus délicat est d’agir sur les émissions indirectes. Dès 2004, un plan d’action avait divisé
le nombre de livraisons par 3. Depuis les efforts ont surtout porté sur la sélection des
fournisseurs, aujourd’hui tous impliqués dans des démarches de développement durable.
Le plus emblématique d’entre eux est la société Médithau. Cette société fournit environ
le quart des 3000 tonnes de moules consommées annuellement par Léon de Bruxelles.
Cette PME s’est investie dans la réduction de l’impact environnemental de l’entreprise et
pour la préservation de la biodiversité dans l’étang de Thau, sa zone de production grâce
à un système très performant de traitement et d’assainissement de l’eau (300 m³ d’eau par
heure). http://www.leon-de-bruxelles.fr/
“À suivre… en 2016 Merci a tous ceux qui soutiennent l’action Bon pour le climat :
avec un premier
bilan de notre action
et de nouvelles
initiatives.”
Bon pour le climat
Association loi 1901
23 rue Henri Barbusse
94110 Arcueil
Tél : 07 86 03 47 35
www.bonpourleclimat.org